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DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE
SCIENCES MÉDICALES
TAnlS. — r5!PP,!MEnlE DE E. MARTINET, RUE M T 0 N 0 N ,
DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE
MO
DES
SCIENCES MÉDICALES
COLLABORATEURS : MM. LES DOCTEURS
ARCHAMBAULT, AXENFELD, BAILLARGER, BAILLON, BALBL\NI, BALL, BARTH, BAZIN, BEAUGRAND, BÉCLARD,
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BORDIER, BOUCHACOURT, CH. BOUCHARD, BOUISSON, BOULAND, BOULEY (H.), BOUVIER, BOYER, BRASSAC, BROCA,
DROCHIN, BROUARDEL, BROWN-SÉQUARD, CALMEIL, CAJIPANA, CARLET (G.), CERISE, CHARCOT, CHASSAICNAC,
CHAUVEAU, CHÉREAU, COLIN (L.), CORNU,, COULIER, COURTY, DALLY, DAMASCHINO, DA VAINE, DECHAMBRE (A.), DELENS,
DELIOUX DE SAVIGNAC, DELPECH, DENONVILLIERS, DEPAUL, DIDAY, DOLBEAU, DUGUET, DUPLAY (S.), DUTROULAU,
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LABOULBÈNE, LAGNEAU (G.), LANCEREAUX, LARCHER (O.), LAVERAN, LECLERC (L.),LEFORT (lÉON),
LEGOUEST, LRGROS, LEGROUX, LEREBOULET, le ROY DE MÉRICOURT, LÉtOURNEaU, LEVEN, LÉVY (MICHEL),
LIÉGEOIS, LIÉTARD, LINAS, LI0UVILLE, LITTRÉ, LUTZ, MAGITÛT (E.), MAGNAN, MALAOUTI, MARCHAND, MAREV, MARTINS
MICHEL (de NANCY), MILLARD, DANIEL MOLLIÈRE, MONOD, MONTANIER, MORACHE, JIOREL (B.-A.), NICAISE
OLLIER, ONIMUS, ORFILA (l.), PAJOT, PARCHAPPE, PARROT, PASTEUR, PAULET, PERRIN (MAURICE), PETER (M.),
PLANCHON, POLAILLON, POTAIN, POZZI, KEG.NARD, REGNAULT, REYNAL, ROBIN (CH.), DE ROCHAS, ROGER (H.).
IlOLLET, ROTUREAU, ROUGET, SAINTE-CLAIRE DEVILLE (H.), SCHUTZENBERGER (CH.), aCHIITZENBERGER (P.), SÉDILLOT
SÉE (marc), SERVIER, DE SEYNES, SOUBEIRAN (L.), E. SPILLMANN, TARTIVEL, TERRIER, TESTELIN,
TILLAUX (p.), TOl'RDES, TRELAT (U.), TRIPIER (LÉON), VALLIN, VELPEAU, VERNEUIL, VIDAL (ÉM.), VILLEMIN.
VDILLEMIER, VULPIAN, WARLOMONT, WORMS (j.), WURTZ.
DIRECTEUR : A. DECHAMBRE
DEUXIEME SERIE
TOME DEUXIÈME "^ BIBUOTHIQUES *
LAR — LOC
PARIS
G. MASSON
P. ASSELIN
LIBRAIRE DE I. ACADEMIE DE MEDECINE LIBRAIRE DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE
PLACE DE l'école-de-médecine
MLCGCLXXVI
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DICTIONNAIRE
ENCYCLOPÉDIQUE
DES
SCIENCES MÉDICALES
L1.RYX OU LiRix. {Voy. Mélèze.)
LA SAL'LCE (E\n MLNÊRALE de), atheriuale ou prolothermale, cldonirée sa-
dique moyenne, non gazeuse. Dans le département des Hautes-Alpes, dans l'ar-
roudissement de Gap et à i 7 kilomètres de la ville de ce nom, émergent d'un terrain
métamorphique les deux griffons peu abondants de la source de La Saulce. Leur
eau est claire et limpide, sans odeur, son goût est salé; la températm'e d'un des
filets est de 15°,1 centigrade, celle de l'autre est de !22°,8 centigrade. M. Niepce
a trouvé dans 1000 grammes de cette eau les principes suivants :
Chlorure de sodium 2,135
— calcium 0,072
— magnésium 0,035
Bromure alcalin traces.
Carbonate de cliaux 0,2ô7
— magnésie 0,008
Oxyde de fer 0,010
Silice 0,019
Matière organique traces.
Total des matières fixes 2,516
Les eaux chlorurées, bromurées et ferrugineuses de La Saulce sont exclusive-
ment employées en boisson par les habitants du voisinage qui les font prendi'e à
leurs enfants lymphatiques, scrofuleux, anémiques ou chlorotiques. C'est dans les
accidents scrofuleux, caractérisés principalement par un engorgement ou une
ulcération des ganglions ou de la peau qui les recouvre, que ces eaux sont em-
ployées le plus fréquemment et le plus heureusement. Elles donnent de bons
résultats aussi dans les dyspepsies des sujets affaiblis auxquels convient un trai-
tement tonique et reconstituant. Les eaux chlorurées moyennes de La Saulce
sont utilement prescrites à l'intérieur, et, à faible dose, a ix malades qui souf-
frent depuis longtemps d'une diarrhée reconnaissant pour cause une inflamma-
tion chronique quelquefois accompagnée d'ulcérations du gros intestin. A. R.
DICT. ENC 2= S 11. 1
2 LA SAXE (eaux minérales oë).
liA SAXE (Eaux BiixNÉnALEs de), athermales, fermgineitses faibles ou sul-
pireiises. Eu Italie, à l'extrémité de la vallée d'Aoste ouverte au midi seule-
ment, au pied du raontBlaTic de l'autre côté duquel se trouvent un peu à gauche
l'établissement et les sources de Saijst-Gervais [doî/. Gervais (Saint)], à 300 mè-
tres du bourg de Courmayeur dont nous indiquerons les sources ferrugineuses
{voy. Codbmayeur), à 200 mètres du village de La Saxe qui n'a pas plus de
cinquante habitants et qui est bâti au bas du rocher qui lui a donné son nom, en
face des aiguilles du Géant, émergent les deux sources de La Saxe, dans l'inté-
rieur même de l'établissement thermal. La première de ces sources se nomme la
source Ferrugineuse, et la seconde, la source Sulfureuse.
L'eau de la source Ferrugineuse, employée exclusivement en boisson, serait
claire et limpide si elle ne contenait quelques flocons ; elle n'a aucune odeur; sa
saveur est extrêmement ferrugineuse, styptique, désagréable; c'est une des plus
martiales au goût que l'on puisse rencontrer ; elle est traversée par des bulles de
gaz qui viennent de temps eu temps s'épanouir à sa surface ; sa réaction est
légèrement acide ; sa température est de 15", 4 centigrade, celle de l'air étant de
14°,8 centigrade. L'eau de la source Ferrugineuse de La Saxe n'a point été ana-
lysée et l'on ne connaît pas sa densité.
La source Sulfureuse est la plus intéressante des deux sources de La Saxe. Elle
sort du granit par un jet unique de 6 à 7 centimètres de diamètre, et est reçue
dans un canal découvert formé de troncs de mélèzes qui l'apportent à la buvette.
Cette eau est très-claire et ne forme aucun dépôt au moment où elle sort de la
pierre, mais elle ne tarde pas à laisser précipiter une sorte de poudre d'un gris
jaunâtre, composée de soufre et debarégine ; ce mélange onctueux donne au tou-
cher l'impression du savon mouillé. Sa réaction est franchement acide ; la tem-
pérature delà galerie étant de 17" centigrade, celle de l'eau sulfureuse, au grif-
fon, est de 18°, 4 centigrade. Son odeur est sensiblement hépatique, mais moins
que son goîit ne le ferait supposer. Aucune bulle gazeuse ne s'en échappe, et ce-
pendant son eau, reçue dans un verre, est traversée par quelques perles trop fines
pour être de l'air atmosphéi'ique. On ne connaît pas exactement la densité ni
l'analyse chimique de l'eau de la source Sulfureuse de La Saxe.
La saison commence à La Saxe le 15 juillet et finit le 1" septembre. Cette sta-
tion est à 1216 mètres au-dessus du niveau de la mer ; la température moyenne
des mois de juillet et d'aoïit est de 10", 5 centigrade; aussi les baigneurs et les
touristes doivent-ils y apporter des vêtements épais et chauds pour se garantir du
froid des matinées et des soirées.
L'établissement minéral de La Saxe est à 110 mètres de la rive droite de la
Dora Aurea; il se compose d'un bâtiment flanqué de deux pavillons. Celui de
gauche est construit sur les sources ; les moyens balnéaires se trouvent dans les
autres parties de la maison. Le canal découvert qui apporte et qui emporte l'eau
sulfureuse de La Saxe permet à ses principes volatils et gazeux de se mêler à l'atmo-
sphère de la salle de la buvette, qui sert aussi de salle de respiration. Le pavillon
de droite et le corps prmcipal de l'établissement renlerment une belle pièce
carrée, à coupole, et vingt cabinets de bains non précédés de vestiaires, mais
grands, bien éclairés et bien ventilés. Ces cabinets ont vingt-quatre baignoires
de bois ; un d'eux a quatre baignoires ; un autre, deux séparées par une cloi-
son ; les dix-huit derniers ont une baignoire simple. Chacune d'elles est ali-
mentée par deux robinets de cuivre, dont l'un verse l'eau sulfureuse chauffée
dans une chaudière hermétiquement fermée ; l'autre, l'eau à la température de la
KS DE
source. L'établissement de La Saxe est complètement dépourvu d'ajutages de
douches.
Emploi théuapeutique. L'eau de h source Ferrugineuse ne sert qu'en boisson;
celle de la source Sulfureuse sert en boisson, en bains, en gargarismes, en appli-
cations topiques, et en inhalations gazeuses. L'eau de la source Ferrugineuse se
donne le matin à jeun, à la dose de trois à huit et même dix verres pris à un quart
d'heure d'intervalle. La plupart du temps les malades en font usage pendant
leurs repas, soit pures, soit mêlées au vin. L'eau de la source Sulfureuse se pres-
crit depuis un demi-verre jusqu'à quatre et même six verres. Elle est en géné-
ral bien acceptée par l'estomac, et il est assez rare que l'on soit obligé de l'é-
tendre avec du lait ondes infusions aromatiques, émollientes ou béchiques. Les
bains de La Saxe sont le plus souvent d'une demi-heure à une heure de durée.
La longueur du séjour dans la salle d'inhalation peut être aussi longue que les
malades le désirent.
L'étude de l'action physiologique des eaux ferrugineuses ou hépatiques de La
Saxe, ne présente rien de remarquable. La source martiale est tonique et recon-
stituante. La source Sulfureuse donne de l'appétit, mais elle constipe souvent
assez pour nécessiter l'emploi des purgatifs ; si la constipation n'occasionne pas
d'accidents trop prononcés, il ne faut pas s'en inquiéter, car elle disparaît presque
toujours seule après les quatre ou cinq premiers jours. Il est bon de noter que
les eaux sulfureuses de La Saxe tendent à accroître l'embonpoint ; elles accélèrent
les pulsations artérielles, mais elles n'augmentent sensiblement ni les fonctions
des organes urinaires, ni celles de la peau. Elles occasionnent de la toux dans les
maladies chroniques des voies aériennes et rendent plus abondantes les sécrétions
de la membrane muqueuse du larynx, de la trachée et des bronches ; ces effets
ne se produisent qu'au début de la cure.
Les bains sulfureux de La Saxe n'ont guère plus d'effets physiologiques que
ceux d'eau ordinaire ; il est bien rare qu'ils produisent la fièvre thermale ou
la poussée; mais ils élèvent presque toujours la caloricitédu tégument externe en
le rendant moins sensible aux transitions de la température.
Un séjour assez prolongé dans la salle de la buvette fournit un moyen de dié-
tétique respiratoire que l'on trouve seulement dans les stations minérales possé-
dant des salles d'inhalation gazeuse. Les résultats obtenus à La Saxe sont dus à
l'abaissement de la proportion normale de l'oxygène dans l'air de la buvette et à
ce qu'il est chargé d'un certain volume de gaz acide sulfhydrique, de soufre en
cristaux d'une ténuité extrême et de quelques sels contenus dans l'eau minérale.
Les malades éprouvent d'abord dans cette salle une lourdeur de tête et souvent
une céphalalgie intense, une sensation de chaleur dans la gorge, un goiit à la fois
sucré et amer, et un chatouillement laryngien provoquaut la toux. Après quel- >
ques jours, l'expectoration devient plus facile et les crachats plus visqueux ; la |
toux disparaît progressivement, et les mouvements respiratoires sont plus amples '
et moins précipités. Les battements du cœur et les pulsations artérielles dimi- ■
nuent d'uue manière notable. ' '
L'eau de la source Ferrugineuse de La Saxo est utile dans les anémies, la chlo-
rose, les diarrhées atoniques, la spermatorrhée ; il rend des services, enfin,
dans les paralysies qui reconnaissent pour cause une hystérie ou une chorée, et
dans les cachexies survenant après des pyrexies graves et longues, après des fiè-
vres intermittentes prolongées, ou une lactation excessive ayant altéré l'économie ;
après des empoisonnements virulents ou métalliques.
LA SAXE (Eifï^?i
L'action curative de l'eau sulfureuse de la Saxe s'exerce priacipalement
sur les maladies des voies respiratoires, sur les laryngites, les tracliciles et les
bronchites chroniques, si fréquentes avec le climat froid et variable du voisinage
du mont Blanc. Son emploi est très-profitable encore contre les pharyngites
et les angines granuleuses. Elle est vantée aussi contre l'asthme dont elle
éloigne les accès, qu'elle parvient même à empêcher tout ù fait. Qu'il nous
soit permis de faire deux observations à cet égard : nous accordons que dans
l'asthme spasmodique, dans la névrose des bronches connue sous le nom d'asthme
essentiel , les eaux hépatiques de La Saxe , en boisson surtout, agissent sur
l'mnervation d'une manière assez profonde pour que des accès de contractions
bronchiques soient modifiés heureusement, entravés complètement même ; nous
accordons encore qu'elles améliorent cette maladie, lorsqu'elle est sous la dé-
pendance d'un catarrhe des bronches antérieur ; mais nous ne pouvons admettre
qu'eiles méritent la réputation qu'on leur a faite de s'opposer aux accès de dys-
pnée reconnaissant pour cause un état anatomique du poumon, comme dans
la rupture et la dilatation des bronches. L'altitude de La Saxe, l'air pur et
vif qu'y respirent les emphysémateux, expliquent suffisamment les cures mer-
veilleuses que l'on a publiées à une époque où les services que la percussion et
l'auscultation ont rendus à la médecine n'étaient pas ou étaient mal connus. Les
asthmatiques retirent souvent, même pendant leur accès, un grand bénéfice des
douches en jet reçues entre les deux épaules et sur les parois thoraciques ; ces
résultats favorables font regretter plus vivement encore qu'on n'ait pas cru de-
voir installer, à La Saxe, les ajutages nécessaires à l'administration de ce moyen
balnéothérapique.
On emploie également l'eau de la source Sulfureuse dans les dyspepsies, les
gastro-entéralgies, les douleurs rhumatismales, les maladies de l'utérus d'ori-
gine herpétique, et dans plusieurs maladies de la peau caractérisées par des vési-
cules, des pustules ou des papules. Comme toutes les eaux sulfureuses, elle
est utile dans les empoisonnements saturnins, arsenicaux et mercuriels. Enfin,
peu d'eaux sulfureuses sont mieux indiquées qu'elle dans les affections des voies
urinaires se traduisant à l'extérieur par l'excrétion d' urines avec dépôt de pus,
de muco-pus ou de mucus. Les malades doivent se baigner, mais ils doivent sur-
tout prendre l'eau en boisson et à dose progressivement croissante ; s'ils vont
trop vite, ils déterminent un état aigu dont le moindre inconvénient est de for-
cer de suspendre la cure. Pour que le traitement hydrosulfureux de La Saxe
donne les meilleurs résultats, il faut que l'amélioration augmente de jour en
jour, sans que l'économie éprouve une violente secousse. De temps immémorial,
ainsi qu'on peut s'en assurer dans le curieux Traité de Mollo, les eaux sulfu-
reuses de La Saxe ont donné des résultats favorables, en applications topiques,
sur les plaies anciennes , les vieux ulcères et les affections chroniques des
paupières.
L'eau ferrugineuse et sulfureuse de La Saxe est tonique, reconstituante et ex-
citante ; ces effets indiquent qu'il faut craindre de la prescrire dans les circon-
stances où il est dangereux de donner au sang trop de plasticité et à la circula-
tion une trop grande activité. Ces eaux sont donc contre-indiqiiées chez les plé-
thoriques, chez tous ceux qui sont doués d'une constitution faisant redouter
des congestions ou des hémorrhagies cérébrales ou pulmonaires, chez les malades
enfin qui portent des altérations du cœur ou des gros vaisseaux.
Durée (le la cicre:Ae quinze à vingt-cinq jours.
LASERPITIUM. 5
On n'exporte pas les eaux des deux sources de La Saxe. A. Rotureau.
Bibliographie. — Mollo. Traité des eaux minérales de Courmayeur. Genève, 1728, in-12.
La Saxe, pages 52 et 115.— Behiin!. Idrologia mincrale degli Statisardi. Torino, 18i3, in-8°.
— Garelu (Giovanni). Délie acque minerali dltalia e délie loro appliLazioni terapeutiche,
Torino, 1X64, in-8. A. R.
LASER, nom appliqué par les anciens médecins à un ou peut-être à deux
médicaments dont l'un était probablement VAsa fœtida. {Voy. ce mot.) L'autre
était certainement leur Sitccus cijrenaicus. ])'a])rès Geoffroy (TmcL de Mater-
medic, II, 609), la plupart des auteurs qui l'ont précédé ont considéré ces deux
substances comme identiques. Mais on a retrouvé la plante que les Grecs appe-
laient ffO^ffitov, et les Romains Laserpitium, et qui produit le Suc cyrénaïque.
C'est le Thapsia Silphion de Viviani, plante du groupe des Ombellifères, comme
hFerida {Narthex) Asa fœtida. On suppose, dit Pereira(Elem. Mat. med., éd. 4,
If, p. II, 174), que le Succits cyrenaicus étant devenu rare dans le commerce,
les anciens lui substituaient une substance de propriétés analogues, quoique infé-
rieures, et qu'ils appliquaient aux deux objets le nom commun de Laser. Pline
{Hist. nat., livr. 19, cb. 15, éd. Valp.) dit que le Laser ou Silphion ne se trou-
vait plus depuis longtemps en Cyrénaïque, parce que les publicains qui affer-
maient les pâturages de ce pays trouvaient avantage à détruire la plante pour la
nourriture de leur bétail. Un seul pied put être recueilli pour être envoyé à
Néron. On savait alors quand les bestiaux en avaient rencontré et brouté les
jeunes pousses, parce que les moutons en éprouvaient, dit-on, des éternuments.
Le seul Laser introduit depuis longtemps à Rome était récolté en abondance en
Perse, en Médie et eu Arménie, mais il était fort inférieur à celui de la Cyrénaïque.
(( Il n'est pas du tout improbable, ajoute Pereira, que le Laser de Perse ait été
notre Asa fœtida. Le mot Assa fœtida, dit Murray [Appar. medic, I, 561),
parait avoir été introduit par les moines de l'école de Salerne. Mais il semble
aussi être d'origine orientale et pourrait bien être dérivé, comme on l'a soup-
çonné, du mot Laser. Nicolaus Myrepsus (An^jrfotar., ch. xxvii, p. 565, cité
par Alston, Mat. med., Ll,438),ledeirnier à peu près des médecins grecs, lequel
vivait, d'après Sprengel {Hist. de la médec., IV, 368), vers 1227, parle del'Ao-a
yotTfîa. 11 y a, dit Avicenne (lib. Il, tr. 2, cap. 53), deux sortes à' Asa (i. e.
Laser lat.), l'un fétide et l'autre odoriférant. » Ce dernier serait seul le Laser,
employé autrefois, non-seulement comme médicament, mais encore comme con-
diment; ce qui s'appliquerait d'une façon moins vraisemblable à l'/iso /te^V/a,
{Voy. sur ce point le mot âsa.,) il. Rr,-.
LASERPBTIUM L. Genre de plantes, de la famille des Ombellifères, qui a
donné son nom à une tribu des Laserpiliées. Ses fleurs sont disposées en ombelles
composées, avec involucrect involucelles. Leurs sépales sont nuls ou très-courts.
Leur disque hypogyne est conique ou déprimé, et leur fruit oblong est })resque
de la même largeur dans tous les sens sur une coupe transversale, un peu rétréci
vers la commissure. Il y a quatre ailes à chaque carpelle ; elles sont formées par
les côtes secondaires et se présentent sous forme de lames verticales, entières ou
ondulées. Les bandelettes sont solitaires sous les ailes. La columelle se partage
en deux baguettes. La graine est comprimée suivant le dos, et sa face verticale
est plane ou légèrement concave. Les Laserpitiiim sont des plantes herbacées,
vivaccs, européennes et asiatiques, ou originaires de l'Afrique boréale. Leurs
6 LASSAIGNE.
feuilles sont pennées, ou subternées et décomposées. Leurs fleurs sont blanches
ou d'un jaune verdàtre. Le nom de ce genre \ient de ce qu'on a cru autrefois
que le Laser provenait d'une de ses espèces; on a attribué cette substance
aux L. S'der L., gummiferum Desf. et latifolium L. Le L. Siler est une
plante française; c'est le Siler mnntamim C^î^ti {Ligusticum garganiciim Ten.);
on le trouve dans le Daupliiné, la Lozère, les Pyrénées. Il a une souche amère qui
a été employée comme vulnéraire, et ses iruits sont estimés comme stoma-
chiques, emménagogues, diurétiques. M. Fée atttribue la production du Faux-
Turbith ou T. des vwntagnes, au L. glabrum Grantz [FI. austr., t. 146), ou
i. latifolium Jacq. {FI. austr., t. iA(j). Le L. Chironium L. est le Séseli d'Ètliic-
pie, et la Panacée d'Hercule des anciens, au dire de Paulet. La racine, qui a
l'odeur de l'encens, était employée comme excitante, échauffante, carminative,
antihystérique. On la prescrivait souvent sous le nom de Gentiana alba. Olivier
et Bruguière ont, dans leur voyage en Orient, trouvé aux environs de Constanti-
nople une espèce de ce genre que Ventenat nomme L. triquetrum, et dont la
tige incisée donne un suc laiteux et visqueux qui se coagule en une gomme-résine
Irès-odorante.
Le L. Chironium est un Opoi'anax {voy. ce mot). H. Bn.
L., Gen., n. 344. — Desf., Flor. allant., t. 75. — DC, Prodrom , IV, 204. — Lamk,
Dirt., III, 42'2. — Paulet, in Joiirn de médec, LII, 422 — Venten., Jard. Cels, V, 97. —
ÎIÉR. et Del., Dict., IV, 45. — Endl , Gcn., n. 4i92. — Guib., Drog. simpl., éd. 4, III, 229,
— 1 ixDL , FI. med., 53. — Fée, Cours, II, 209. — Gren. et Godh., FI. de Fr., I, G79. —
RosEXTu., Syn. pi. diaph., 551. — Bentii. et IIook., Gen. jilcint., I, 929, n. 149.
liASSAIGl^E (J. L.), un des élèves distingués de l'école de Vauquelin, naquit,
le 22 septembre 1800, au Muséum d'histoire naturelle de Paris, oii son père
exerçait la profession de mécanicien ; c'est là que le jeune Lassaigne étudia la
chimie sous les auspices du célèbre professeur que nous venons de nommer. A
peine âgé de dix-sept ans il publiait avec M. A. Chevalier, son condisciple et long-
temps son ami, des recherches sur le Chenepodiiim olidmn et sur le Char a viil-
garis ; en 1821 et 1822 il vit quelques-uns de ses travaux couronnés par la
Société de médecine du département de la Seine. En 1825, l'Institut mentionnait
honorablement un mémoire très-remarquable sur la digestion, qu'il avait composé
en collaboration avec Leuret. Bientôt après il était nommé professeur de chimie à
l'École de commerce de Paris, et l'illustre Dulong, professeur de physique et de
chimie à l'École vétérinaire d'Alfort, le plaçait à la tête de sou laboratoire et lui
laissait sa chaire lorsqu'il eut été appelé sur un théâtre plus digne de lui.
C'est dans cette position que Lassaigne composa une foule de travaux dans lesquels
la chimie organique eut une large part. On lui doit la découverte de différentes
substances, telles que la delphine, l'acide pyrocitrique, les acides maliques pyro-
génés. Il a introduit le chromate de plomb dans la fabrication des toiles peintes.
On lui doit encore un certain nombre de rajjports sur des questions de médecine
légale. Enfin, il a composé un abrégé élémentaire de chimie demeuré longtemps
classique. Lassaigne succomba le 18 mars 1859 aux progrès d'une maladie qui,
depuis près d'une année, le tenait éloigné de l'enseignement ; il était depuis
longtemps déjà membre de l'Académie de médecine et d'un Irès-grand nombre de
sociétés savantes.
11 a fait paraître les ouvrages suivants :
I. liechcrches plnjsiologiques et chimiques , pour servir à l'histoire de la digestion (avec
Leuret). (Ouvr. ment. lion, par l'Acad. des se.) Paris,1825, in-8°.— 11. Abrégé éicmentaire de
LASblb. 7
chimie considérée comme science accessoire, etc. Paris, 1829, 2 vol. in-8% fig., col,, 2* édit.,
ibid., 1859 ; 5", 1842; 5», 1846, 2 vol. in-8, fig. — III. Dictionnaire des réactifs chimiques
employés dans toutes les expériences. Paris, 1859, in-8°, lig. — IV. Hist. naturelle et
médicale des médicaments employés pour les animaux domestiques (avec Delaf'ond). Paris,
1841, in-8°. 2' éd. sous ce titre : Traité de mat. méd. et de pharmacie vétérinaires. Paris, 1855.
jn_8'. — Voir un grand nombre de mémoires dans les Annales de chimie et de physique,
dans le Journal de chimie médicale, dans les Annales d'hygiène, Rapports à l'Académie de
médecine, etc. E. Bgd.
liASSERRE (Eau minérale h'e) , athermale ^ amétallite , carbonique faible . Dans
le département du Lot-et-Garonne, dans l'arrondissement de Nérac, à 2 kilo-
mètres environ du village de Francescas, émerge d'un terrain calcaire la source
de Lasserre. Son eau limpide, claire et transparente, n'a ni odeur ni saveur carac-
téristiques, elle est sans action sur les préparations de tournesol ; sa température
est de 12%5 centigrade. Sa densité n'est pas connue; Dulong a fait en 1825 son
analyse chimique, il a trouvé que 1000 grammes de cette eau contiennent les
principes suivants :
Carbonate de chaux 0,2o4
— magnésie 0,005
Sulfate de magnésie ciistallisé O.loa
— soude cristallisé 0,060
Chlorure de sodium 0,048
— magnésium cristallisé 0,Oil
Sulfate de chaux O.OÛS
Silice 0,005
Total des matières fixes 0,612
ç ( Air atmosphérique 48,191 cent, cubes.
I Acide carbonique 47,000 —
Total des gaz 95,191 cent, cubes.
L'eau de Lasserre est exclusivement employée en boisson par les habitants des
pays voisins qui viennent chercher auprès de cette source une panacée à toutes
leurs affections dans lesquelles l'appétit a diminué, les digestions sont laborieuses
et les garde-robes diiTiciles. Pour arriver à une guérison rapide, ils croient devoir
ingérer une quantité énorme d'eau minérale tous les matins à jeun. Ils obtiennent
alors un effet laxatif, purgatif même, dont la composition élémentaire de l'eau
de Lasserre ne peut donner la clef et qu'une indigestion seule peut expliquer
d'une manière satisfaisante. A. R.
LASSEiaOi'^. {Voy. L.aisseron.)
LASSîS. Né à ChîililIon-sur-Loire, le 21 octobre 1772 ; reçu docteur en 1805,
il servit d'abord dans les armées, puis étant revenu dans sa ville natale, il y rem-
plit les fonctions de médecin en chef de l'hôpital. Lassis s'est surtout fait connaître
lors des grandes luttes sur la transmissibilité des maladies épidémiques qui occupa
si vivement les observateurs de 1815 à 1850. Dans son ouvrage publié en 1819
sur les causes du typhus, il combattit énergiquement sous le drapeau des non-
contagionistes, fit voir le danger des croyances contraires, insistant partitu-
lièrenient sur les effets déplorables qui en résultent, terreur, affaissement intellec-
tuel, délaissement des malades. Il a, dans ces recherches, déployé un vrai talent
de discussion et une érudition sérieuse. .Après la grande épidémie de Barcelone qui
donna lieu à des débats si passionnés, il fit le voyage d'Espagne, pour recueillir des
documents; mais dès cette époque e.xagérant ses idées sur les effets de la crainte
qu'inspire la contagion, il en vint à rapporter en quelque sorte à cette seule
8 LASSONE.
cause toutes les maladies pestilentielles, qu'il regarde comme des maladies ordi-
naires exaspérées par la terreur qu'elles occasionnent; il en vint, enfin, à nier l'in-
feclion à laquelle il les rapportait autrefois, quand il disait que « ces maladies (les
typhus) se développent dans tous les lieux oîi s'élèvent des émanations méphiti-
ques et, surtout, dans ceux où les hommes sont en trop grand nombre. » C'est
alors qu'il eut le malheur de s'attaquer à Cher\in dont il contestait les idées sur
l'infection, et dont il semblait déprécier les immenses recherches. Chervin lui
adressa une de ces répliques dont il avait le secret, le raillant sur ses tergiver-
sations et sa manière d'emprunter ses idées aux autres observateurs anciens ou
modernes. Au total, les derniers opuscules de Lassis, mis de côté, son ouvrage
sur le typhus doit prendre un rang distingué parmi les pièces qui figurent
dans le grand procès relatif aux causes et au mode de propagation des maladies
épidémiqvies.
Lassis, après avoir volontairement bravé la terrible épidémie du typhus à
Mayence en 1813, et notre épidémie cholérique de 1852, alla mourir à Marseille,
en 1855; victime de son dévouement, en soignant les habitants de cette ville
décimés par le choléra.
Voici l'indication de ses principaux travaux :
ï. Dissertation &U7- les avantages de la paracentèse pratiquée dès le commencement de
l'hijdropisie abdominale. Ih. de Paris, an XI, n° 521 (aUribuée à Cliaussier). — II. iîe-
cherclics sur les véritables causes des maladies appielées typilius ou de la non-contagion des
ma.adies /î/^j/ioWes. Paris, 1819, in-S°. — III, Causes des maladies épidémiques, moijen de
l es pirévemr, d'y remédier; avec quelques réflexions sur la maladie d'Espagne. faris, 1822,
in-S" (c'est l'ouvi'age précédent avec un autre titre et une introduction). — IV. Etat de la
science relativement aux maladies épidémiques, ou nouvelles recherches, etc. Paris, 1851,
in-S". — V. Description d'un -nouveau bandage propre à maintenir réduite la luxation de
l'extrémité scapulaire de là clavicule. In Bullet. des se. méd., t. VU, p. 242. — VI. Ap-
jwreil jjour les fractures avec contusion, in Arcliiv. gén. de méd., t. XXIV, p. 146; 1830.
E. Bgd.
ïiASSOXE (JosEPH-MAUiE-FriAKçois de). Naquit à Carpentras le o juillet 1717.
Son père, qui renqilissait les fonctions de médecin ordinaire du roi, le plaça sous
le célèbre chirurgien Morand à l'hôpital de la Charité, oii il fit de solides études,
si bien qu'à l'âge de 21 ans il partagea avec le célèbre et éternel lauréat, Lecat,
de Rouen, le prix proposé par l'Acadéiiiie de chirurgie sur le cancer des mamelles.
Après avoir, pour des raisons de famille, refusé d'occuper à Padoue une chaire de
médecine, il se fit agréger à la Faculté de médecine de Paris, et, malgré sa jeu-
nesse, il n'avait alors que vingt-cinq ans, il fut admis à l'Académie des sciences;
d'autres honneurs l'attendaient encore : en 1751, il devenait médecin delà reine»
puis de Marie -Antoinette et de Louis XVL C'est alors que voulant alléger le
poids des attributions dont le premier médecin du roi était alors investi,
celles que l'examen des remèdes secrets, la surveillance des eaux minérales, la
police sanitaire, l'étude des épidémies, etc., sentant bien que tant de questions et
de si importantes ne pouvaient être examinées et jugées par un seul homme, il
provoqua la formation d'une société qui devait s'en occuper avec l'ensemble et la
maturité convenables. Telle fut l'origine de cette Société royale de médecine quj
]oua dans la science un si beau rôle à la fin du siècle dernier, donna tant de
lahlature à la vieille et jalouse Faculté de médecine de Paris, et attira tant
d injures au pauvre Lassone. Cet honorable et savant médecin mourut le 8 dé-
cembre 1788.
11 a publié un très-grand nombre de mémoires parmi ceux de l'Académie des
LASSUS. 9
sciences, de l'Académie de chirurgie et de la Société royale de médecine. Nous
ne citons que ceux qui sont relatifs à la médecine, et nous laissons de côté tous ses
travaux qui ont la chimie seule pour objet.
I. Description anatomique d'un veau monstrueux (avec 5Iorand).In Mém. de l'Acad. des
sciences, 1745. — il. Observ. anatomiques pour l'histoire d'un fœtus. Ibid., 1749. — III
Deux mém. sur l'organisation des os. ILid., 175J-1752. — IV. Observ. physiques sur les
eaux thermales de Vichy. ILid., '17.o5. — V. Mém. sur la question pivposée par l'Acad.
royale de chirurgie sur le cancer des mamelles (mém. cour.). lu Prix de l'Acad. de chir.,
t. I, 1753. — VI. Histoire anatomique de la rate (l^'mém.). In Mém. de l'Académie des se.,
1754 — VII. Recherches sur la structure des artères. Ibid., 175G. — VllI. llapp. sur les
inoculations faites dans la famille royale au château de Marhj . Ibid., 1771. — IX. His-
toire de divers accidents graves occasionnés par les miasmes d' animaux en pjdré faction et
de la nouvelle méthode de traitement qui a été employée avec succès dans cette circon-
stance. In Mém. de la Soc. de méd.; 1776-77. — X. Méthode éprouvée pour le traitement â"^
tarage. Paris, 1776, in-8°. — XI. Notice d'une suite d'expériences nouvelles qui font c^.i-
naitre la nature et les propriétés de jilusieurs espèces d'airs ou émanations aériformes,
extraits, etc. In Mém. de l'Acad. des sciences, 1778. — XII. Mém. sur quelques moyens
aussi efficaces que p)rompts et faciles de remédier à des accidents graves qui surviennent
assez fréquemment dans les petites véroles et les rougeoles de mauvais caractère. In Mém.
de la Soc. de méd., 1779. — XIII. Observât, sur quelques propriétés tnédicales du camphre.
Ibid. , 1782-85. — XIV. Mém. sur les altérations que l'air éprouve par les différentes sub-
stances que l'on emploie en fumigation dans les hôpitaux et dans les chambres de malades
[avec Corneite], In Mém. de la Soc. de 7nédecine, \18Q. E. Bgd.
LASSUS (Pierre). Laborieux chirurgien de la fin du dernier siècle, né
en 1741, mort le 7 mars 1807; fait plutôt pour les études du cabinet
et pour le professorat que pour la pratique ; dissertant plus souvent sur
les faits recueillis par d'autres, et n'établissant guère de principes d'après
ses propres observations. 11 n'a eu ni le génie fécond et original de Desault,
ni l'expérience de Sabatier, mais il posséda plus que ces derniers la science
et l'érudition; aimait les arts et apportait dans l'enseignement une grande
méthode et beaucoup de clarté. Aussi, ses succès furent-ils rapides, et suc-
cessivement, il devint : démonstrateur à l'Académie de chirurgie, chirurgien
de Mesdames filles de Louis XV (1770), lieutenant du premier chirurgien du
roi (1779), inspecteur des écoles de chirurgie, premier chirurgien de madame
Victoire, professeur d'histoire de la médecine aux écoles de santé, membre de
l'Institut, professeur de pathologie externe, enfin, chirurgien consultant de Na-
poléon. On a de lui les ouvrages suivants :
I. Nouvelles méthodes de traiter les fractures par Pott, avec une de.<icription des attelles
de Sharp pour le traitement des fractures de la jambe; trad. de l'anglais. Paris, 17/1,
in-1'2. — II. Dissertation sur la lymphe, Paris, 1774, in-8°. — lll. Diss. sur les maladies
vénériennes par Turner; trad. de l'anglais. Pans, 1777, in-12. — IV. E-'isai ou discours
historique et critique sur les découve) tes faites en anatomie p)ar les anciens et les mo-
dernes. Paris, 1785, in-8°. — V. Manuel pratique des amputations des membres, par
Alanson; trad. de l'anglais. Paris, 1784, in-12. — VI. Mémoire sur le prolongement de la
langue hors de la bouche. In Mém. de l'Institut royal de France, an VI, t. I, p. 1. —
VII. Traité élémentaire de médecine opératoire. Paris, 1795, in-8<'. — VIII. Traité de pa-
thologie chirurgicale. Paris, 1805-1806, in-8°. — IX. Ix charlatan, dit le docteur Sacroton,
comédie parade en un acte et en prose. La Haye, 1780, in- 8°. A. G.
liATAî^lEK {Lalania Comi.). Genre de plantes, de la famille des Palmiers,
à feuilles en éventail, à étamines plus nombreuses que les divisions du périantlie
(on en compte de quinze à trente et quelquefois plus), et à ovaire triloculaire, de-
venant une drupe à trois noyaux monospermes. Les fleurs sont dioïques et dispo-
sées en espèces de chatons. Les Latania sont originaires de l'Inde. On les cultive
10 LA TERRASSE (eau minérale de).
dans la plupart des pays tropicaux. Le L. borbonica sert, aux îles Mascareignes,
à un grand nombre d'usages domestiques. Son fruit a une chair rougeàtre à l'ex-
térieur, astringenle. Les graines ont un albumen fort amer, purgatif; il sert à
préparer des émulsions, administrées contre les affections scorbutiques. On en
obtient par incisions une sève qui jouit des mêmes propriétés thérapeutiques.
Aigrie, elle s'emploie comme vinaigre. Le L. rubra a des fruits succulents.
C'est cette plante, originaire de l'ile Maurice, que Gaertner a nommée Cleophora
lontaroides. M. deMartius a adopté le nom spécifique de Linné, c'est-à-dire celui de
Latania Commersonii. Quant au L. borbonica de Lamarck, il en a fait une espèce
du genre Livistona sous le nom deL. chinensis, et il considère comme probable
l'identité de cette espèce avec le Rhoon-lin du Pentsao, dont les fruits sont amers
et stomachiques avant leur maturité complète. H. Bn.
Gommées., ex Juss., Gen., 39. — L., Syst., éd. XIII, 1035. — Gj;utner, Fruct., II, 185,
120. — Martius, Palm., 223, t. 148, fig. 4 ; t. 154, t. 161, fig. 2, t. W; 240, t. 146. — Mér.
et Del., I)ict.,\S, 46. — Endl., Gen., n. 1747.
LA TEaiKASSE (Eau MINÉRALE iiE),protothermale,chlûrurée sodique moyenne,
carbonique et sulfureuse faible. Dans le département de l'Isère, dans l'arrondis-
sement de Grenoble, à 16 kilomètres de la ville de ce nom, sur la route de
Chanibéry, émerge la source de La Teri'asse qui sort du calcaire jurassique avec
une certaine abondance, puisque son débit, en vingt-quatre heures, est de
4,500 htres. Son eau est limpide et transparente; elle a une odeur légèrement
sulfureuse et un goût manifestement salé. Sa température est de 190,3 centi-
grade. M. Niepce, qui en a fait l'analyse, a trouvé dans 1,000 grammes d'eau les
substances suivantes :
Chlorure de sodium 1,203
— calcium 0,007
Carbonate de chaux 0,1^8
— magnésie 0,02S
— fer 0,008
Sulfate de chaux 0,0o9
— soude 0,029
— magnésie 0.083
— alumine 0,005
Phosphate de chaux 0,01"2
Iode, silice, glairine traces.
Total des jiatièhes fixes -1,581
i Acide carbonique 0,08300 litre.
Gaz. ( Azote 0,01127 —
I Acide sulfhydrique 0,01703 —
Total des gaz 0,11150 litre.
Les eaux de La Terrasse s'administrent en boisson seulement. Les habitants de
la contrée les prennent avec utilité lorsqu'ils ont un tempérament lymphatique,
scrofuleux ou des manifestations herpétiques. Dans ce dernier cas, ils associent
les lotions sur les parties malades à l'usage interne de l'eau. Ce sont les dartres
humides, et particulièrement l'eczéma, qui se trouvent le mieux d'une cure à La
Terrasse. Ces eaux, en boisson et en applications locales, donnent surtout de
bons résultats dans les engorgements ganglionnaires et les ulcérations de nature
sU'umeuse. Leur action tonique et reconstituante est souvent mise à profit dans
les affections oti l'anémie et la chloro.'^e sont les symptômes prédominants.
A. ROTL'HEAU.
LATEX. H
LA TESÏE (Station marine), à 50 kilomètres de Bordeaux, dans le bossiu
d'Arcachoii. C'est cette dernière localité qui attire aujourd'hiii les baigneurs,
{Voij. Arcachon.) ,
liATEX, LATICIFÉRE§. Liquide spécial qui s'observe dans un grand
nombre de végétaux, et qui s'appelle encore Suc propre ou, plus rarement,
Suc vital. Les vaisseaux laticifères sont souvent, dans les végétaux pbanérogamcs,
les réservoirs qui contiennent ce suc, et c'est de là qu'ils ont tiré leui' nom. Mais
le latex peut aussi se trouver dans d'autres cavités, telles que celles qui font
partie du tissu cellulaire, et c'est là seulement, ou dans le tissu prosencbyma-
teux, qu'il peut se rencontrer dans les plantes dépourvues de tissu vasculaire.
Lorsqu'on produit une solution de continuité sur divers organes d'un grand
nombre de plantes, on voit sortir des blessures ce latex qui a souvent l'apparence
blanchâtre et opaque du lait animal, et qui, pour cette raison, dans certaines espè-
ces, a reçu le nom de Lait végétal. {Voy. ce mot.) Plus rarement le latex est presque
incolore, comme dans plusieurs Fumariées, Asclépiadées, ou légèrement ver-
dàtre, comme dans quelques Apocynées du genre Vinca, ou jaune oraugé, comme
dans les Artichauts, les Clusiacées, les Chélidoines, les Bocconia, etc., ou enfin
rouge, comme dans la Sanguinaire du Canada qui a tiré son nom de cette parti«
cularité. Mais la couleur blanche opaque est de beaucoup la plus ordinaire dans
les plantes de notre pays, telles que les Pavots, les Euphorbes, les Figuiers, les
Laitues, etc.
Le latex n'est pas un liquide homogène ; mais, de même que le sang, il est
formé de divers matériaux liquides et solides. On y distingue généralement un
liquide aqueux transparent et, en suspension, de petits globules solides, desquels
dépend la coloration de l'ensemble. Ces corpuscules sont de nature très-diverse et
il en résulte, pour les divers latex, des propriétés différentes dont on tire sou-
vent parti dans l'économie domestique, les arts, l'industrie, la médecine, etc.
Beaucoup de latex.soni riches en caoutchouc, et il n'est pas étonnant qu'on
les recueille et qu'on les dessèche pour la préparation de cette substance. Plusieurs
Euphorbiacées américaines fournissent par incision le caoutchouc qui vient de
l'Amérique équatoriale, notamment de la Guyane et du Brésil septentrional. Ce
sont des Hevea ou Siphonia. {Voy. ces mots). Le caoutchouc est encore fourni
par des genres du groupe des Artocarpées, ïUrceola elastica, les Casiilloa, etc.
Celui de l'Inde provient surtout des Figuiers, tels que les Ficus elastica, reli'
giosa, etc. On a recueilli dans ces dernières années une certaine quantité de la
même substance, dans l'Afrique tropicale occidentale, oij les plantes qui la four-
nissent sont des lianes appartenant aux familles des Apocynées ou des Asclépia-
dées. On a toujours remarqué comme un fait très-singulier que certaines plantes
de ces derniers groupes, ou de la famille des Artocarpées elle-même, ne donnent
qu'un latex bienfaisant, limpide, doux, légèrement sucré, comme le lait de
nos bestiaux. Tel sont le Hya-hyà des Galibis, qui est le Ttihernœmontana utilis,
et le Palo de Vaca de l'Amérique équinoxiale, ou Galactodendron utile, plus
connu sous le nom vulgaire à^ Arbre à la vache. C'est cependant au même groupe
naturel qu'appartiennent le finneux poison de Java, YlJpas-Antiar, suc de VAn-
tiaris toxicaria {voy. ce mot), et les sucs, bien moins acres, il est vrai, mais
parfois employés comme irritants, de certains Figuiers et des Arbres-à-pain ou
Artocarpus. La Gutta-percha, dont les applications à l'industrie el à la médecine
sont aujourd'hui nombreuses, est encore un latex qui s'extrait en Malaisie de
U LATEX.
Vlsonandra Giitta, arbre de la famille des Sapotacées, et qui découle aussi, par
incisions, des liges d'un assez grand nombre d'autres arbres de la même famille,
originaires de l'Inde ou de TAmérique tropicale. Dans ces plantes, la coloration
du lalex est blancbe, ou légèrement jaune ; tandis que la matière colorante jau-
nâtre devient abondante dans les Clusiacées ou Guttifères, notamment dans celles
qui fournissent les Gommes-guttes du commerce, les Garcinia, Hehradendron,
Stalagmitis {Xanthochijmusj. Quant aux latex qui sont doués de vertus méde-
cinales énergiques ou qui constituent des poisons dangereux, ils doivent ordinai-
rement ces propriétés à des alcaloïdes particuliers ; tel est celui des Strychnées,
des Papavéracées, notamment du Pavot somnifère, puisque l'on sait que l'opium
n'est que le latex concrète et d'abord lactilorme, qui s'écoule de cette plante, lors-
qu'on soumet ii des incisions les capsules avant leur maturité.
Dans les plantes qui n'ont pas de vaisseaux, le latex ne peut, bien entendu, être
renfermé dans des vaisseaux particuliers, mais il se trouve dans l'intérieur des
fibres, des cellules ou dans les intervalles qui les séparent. Là seulement peut être
le siège du suc laiteux dans les Champignons qui en renferment.
On a beaucoup discuté sur le rôle physiologique du latex. G. H. Schultz lui a
^onné, il y a plus de trente ans, le nom de Suc vital (Lebenssaft) , ce qui suppose
tjue ce liquide a une grande importance dans la nutrition de la plante. L'opinion
de A. P. De Candolle et d'un grand nombre de physiologistes de son temps est
encore une exagération de cette première manière de voir, puisque le latex a été
un grand nombre de fois confondu avec la sève élaborée ou descendante. Dans une
seconde période, le rôle attribué au latex est totalement différent. Comme, d'une
part, il ne se rencontre que dans un nombre limité de végétaux, et comme,
d'autre part, il est souvent renfermé dans des réservoirs spéciaux, on admit que,
loin d'être une substance utile à la nutrition des plantes, il n'en est qu'un
bquide sécrété, résidu de la nutrition, ne pouvant par conséquent y concourir; et
on a été même jusqu'à le considérer comme pouvant être dangereux pour la santé
du végétal, s'il se mêlait aux autres liquides de la circulation, notamment à la
sève dont l'ensemble de la plante est gorgée. Les propriétés très-actives, et sou-
vent acres, dangereuses, du suc laiteux des végétaux ont sans doute fait beaucoup
pour inspirer aux physiologistes cette opinion : qu'il était nécessaire que le latex,
une fois séparé des liquides de la plante, fût renfermé dans des cavités dont il ne
pouvaitsansinconvénient franchir les limites. Aujourd'hui, gràcesurtout aux beaux
et nombreux travaux de M. A. Trécul, travaux insérés depuis cinq ans dans les
Comptes rendus de l'Académie des sciences, la question du rôle physiologique du
latex entre dans une troisième phase, ou plutôt elle revient à la première période,
et le latex est de nouveau considéré comme un fluide nourricier analogue au sang.
Grâce à des communications plus ou moins fréquentes, des réservoirs du latex
avec les vaisseaux dits lymphatiques et les autres éléments histologiques des plantes,
ou grâce seulement à la i'aculté qu'a le latex de traverser les parois de ces diffé-
rents réservoirs, ce bquide pourrait, pense M. Trécul, aller s'oxygéner dans leur
cavité, comme le sang veineux va s'oxygéner, chez les animaux, dans certains
organes desquels il sort à l'état de sang artériel. II, Bn.
LATMR/EA. Yoij. ClakdESTJKE.
LATUÏRIS. VoiJ. ÉpuRGE, EuPllOREE.
ILATHIRUS. Foj/. Gesse.
uAïuun^LESj. iJ
LiLTITUBtE. On appelle latitude d'un lieu l'arc de méridien compris eutre ce
lieu et l'équateur. Les latitudes se comptent de ^éro degré, 0°, à quatre-vingt-
dix degrés, 90°, à partir de l'équateur; ou les dit boréales ou australes, suivant
que le lieu considéré est dans l'hémisplière boréal et dans l'héraisplière austral. ,
La latitude est en réaliié la mesure de l'angle que la verticale du lieu fait avec
l'équateur; elle est doue égale à la hauteur du pôle au-dessus de l'horizon du
lieu. Pour un lieu quelconque à la surface de la terre, l'angle compris entre la
verticale et l'équateur est égal à l'inclinaison de l'axe de la ten'e sur l'horizon.
L'influence de la latitude sur les divers éléments des climats a été ou sera étu-
diée aux articles Atmosphère, Climats, Isothermes. G.
LA.TOiJR (Les). Plusieurs médechis ont porté ce nom, et leur histoire a été
singulièrement mêlée par les biographes. Un examen attentif des litres de cha-
cun d'eux, les observations consignées sur eux-mêmes dans les préfaces de leurs
ouvrages, m'ont permis de rétablir les choses à leur place et de restituer à
chacun d'eux la part qui lui revient. Nous les partagerons en deux branches,
les Latour de Toulouse et les Latour d'Orléans.
A Toulouse nous trouvons deux médecins de ce nom.
Ijatour (Pierre), grand-père paternel de M. Amédée Latour, auquel je dois les
renseignements qui suivent : P. Latour, quoique médecin, professait la chirurgie,
suivant l'usage du temps et avec un grand succès, à Toulouse, au miheu du siècle
dernier. La notoriété dont il jouissait lui valut d'être appelé comme médecin
expert dans la déplorable affaire Calas. C'est lui qui, le premier, examina le corps
du jeune Calas, immédiatement après la mort, et reconnut l'absence complète
de lésions autres que celles le la strangulation, fait de la jTus haute importance,
dont Voltaire s'est victorier.sement servi pour démontrer l'innocence du malheu-
reux vieillard. Pierre Latour n'a rien pubhé.
Liatous* (?). Après avoir servi dans les armées de la république, il se fixa à
Toulouse vers le commencement du siècle et s'acquit une grande réputation. On
lui doit d'avoir propagé la vaccine avec beaucoup d'ardeur. Il a public les opus-
cules suivants :
I. Rapport au cit. Brun, préfet du département de V Ariégc, sur un grand nombre de
vaccinations pratiquées dans l'arrondissement de Saint-Girons, etc. Toulouse, 1804, in-8°.
— II. Notice historique sur quelques maladies dont la gucrison a été opérée par les fumiga-
tions sulfureuses, louloase, 1818, in-8°. — III. Réfutation de quelques préjugés qui se
sontrépandus contre la vaccine, etc. Toulouse, 1822, in-8°; 2" édit., ibid., 1823, in-8°.
Viennent mahitenant les Lalour d'Orléans.
Latour (Domimque), naquit à Ancizan (Hautes-Pyrénées), en 1749, il était
déjà pourvu du titre de docteur quand il vint à Paris où il se lia avec ses illustres
coiTi patriotes, Bordeu, Roussel, etc. Disciple du célèbre Ant. Petit, c'est par les
conseds de celui-ci qu'il alla pratiquer la médecine d'abord à Neuville près d'Or-
léans, puis dans cette dernière ville, et, sur ce théâtre plus digne de lui, il se fit
bientôt une grande réputation. Pendant le règne de la Terreur, son humanité qui
ne savait pas distinguer les partis lui suscita quelques persécutions, qui l'obligè-
rent à se réfugier à Paris où il demeura quelque temps. Après le 9 thermidor il
retourna à Orléans, et là il fut bientôt nommé médecin en chef de l'Ilôtel-Dieu,
position qu'il dut quitter pour céder aux instances de Louis Bonaparte, roi de
Hollande, qui l'emmena avec lui dans ses États ; après une absence de huit ans,
44 LA TREMBLADE.
Latour reparut à Orléans où il termina sa vie en 1 820, encore accablé de la perte
cruelle qu'il avait faite de son fils quelques années auparavant, comme nous allons
le dire en parlant de celui-ci.
Latour fut un médecin instruit et très-laborieux ; des divers ouvrages qu'il a
composés, il en est un qui sauve son nom de Toubli, c'est son Traité des hémor-
rhagies, non pas tant assurément pour la valeur des idées que renferme ce livre,
que pour la multitude d'observations qu'il a rassemblées et qui forment un recueil
précieux, encore journellement consulté.
Voici la liste de ses principales publications, soigneusement distinguées de
celles de son fils et de son homonyme de Toulouse, avec lesquels il a été si singu-
lièrement confondu par Dezeimeris, Quérard, etc.
I. Sur 1111 tétanos. In Journ. géti. de mécL, t. XLVÎII, p. 213; 1777. — II. Sur une ca-
talepsie. Ibid., t. LIT, p. 549, 1779. — III. Mém. sur la jmrnhjsic des extrémités in-
férieures qu'on supposait dépendante de la courbure de l'épine du dos, avec des observations
qui prouvent que cette maladie avec ou sans vice vertébral dérive de la lésion de la moelle
épinière, etc. In Mém-. de la Soc. méd. d'émulat., t, VI, p. Q'I ;I806. — IV. Histoire .philoso-
phique et médicale des causes essentielles immédiates ou prochaines des hémorrhagies.
Orléans, 1815, 2 vol. in-8°; réimpr. en 1828, ibid., 2 vol. in-8°. — V. Quelques articles dans
les journaux scientifiques d'Orléans. Sur l'influence de l'imagination dans les maladies;
sur l'influence du corps dans les opérations de l'âme, etc.
liSitour (.1eak-Fr.\nçois-Louis-Dominique), fils du précédent, né à Neuville, près
d'Orléans, le 23 décembre 1785. Ses humanités terminées d'une manière bril-
lante à Orléans, son père l'envoya à Paris où il suivit les leçons des hommes
éminents alors chargés de l'enseignement, et notamment celles d'Ant. Dubois
à qui il s'attacha d'une manière particulière. Sa dissertation inaugurale soutenue
le 25 germinal an XI (1805), intitulée : Essai sur le rhumatisme, est une mono-
graphie de 280 pages in-S", qui atteste des recherches historiques et des connais-
sances bien remavfpiablcs chez un jeune homme de vingt ans. Après cet acte
probatoire qui lui iit le plus grand honneur, Latour retourna à Orléans et là, sous
les auspices de son père, secondé par son mérite personnel, il sut bientôt con-
quérir l'estime et la confiance de ses compatriotes. En 1808, il était médecin de
l'Hôtel-Dieu et du Lycée d'Orléans, chargé du traitement des maladies épidémi-
ques dans l'arrondissement de cette ville, etc. Son zèle, dont il devait donner
bientôt une preuve éclatante et si funeste pour lui, ses travaux incessants jus-
tifiaient et au delà ces positions honorables.
Enl8l4, pendant l'invasion, les troupes françaises refoulées vers laLoire avaient
encombre de malades et de blessés les hôpitaux d'Orléans, et introduit ce ter-
rible typhus qui fit tant de victimes dans ces temps désastreux. Latour fut une de
ces victimes; il succomba à une violente attaque du fléau, le 24 février 1814,
laissant les ouvrages suivants :
I. Essai sur le rlaimatisme. Thèse de Paris, an XI, in-8°. — II. Manuel sur le croup.
Orléans, 1805, in-I2. — III. Nosographic synoptique. Orléans, 1810, in-fol. (le premier
fascicule contenant les lièvres a seul paru) . — IV. Obs. d'une lèpre des Hébreux, leuce ou
aljihos des Grecs, vitiligo des Latins. In Métn. de la Soc. méd. d'émulat., t. VI, p. 512;
1806. — y. Eloges académ., prononcés à la Société des se. phys. méd. et d'agric. d'Or-
léans, pendant l'année 1810. Orléans, 1811, in-8°. E. Bgd.
LA TREBSBliADE (Station Marine). Dans le département de la Charente-
inférieure, dans l'arrondissement de Marennes, est un chef-heu de canton, peuplé
de 2,758 habitants. Le petit port de La Tremblade se trouve près de l'embou-
LATRODECTES. Î5
chure de la Seuidre, à 7 kilomètres sud-sud-ouest de Marennes, à 5 kilomètres
du rivage, au milieu de parcs aux huîtres vertes et de marais salants.
Les bains de mer de La Tremblade sont déjà fréquentés par un assez grand
nombre de baigneurs venus des départements voisins ; mais un établissement
plus important que les deux chalets-restaurants qui en tiennent lieu aujourd'hui,
attirerait, à n'en pas douter, sur cette plage sablonneuse et unie les personnes
qui cherchent une température agréable et les aises de la vie. A. R.
LiiTRlNES. (Voy. FossEs d'aisance.)
LATRODECTES (de )vaTpîî, captif, et de ^flx.Tïîç, qui mord). Genre d'Arachni-
des, de la division des Aranéides, créé par Walckenaer, avec un démembrement
des Theridion. Ce genre est composé d'espèces de couleurs sombres, ayant sou-
vent sur le corps des taches d'un rouge de sang, et regardées comme très-
venimeuses.
Les Latrodectes sont caractérisés par huit yeux, presque égaux entre eux, pla-
cés sur deux lignes écartées et légèrement divergentes ; les latéraux plus écartés
que les intermédiaires, et portés sur des éminences de la tête. Lèvre triangulaire,
grande et dilatée à la base. Mâchoires inclinées sur la lèvre, allongées, cylindri-
ques, arrondies extérieurement, terminées en pointe, le côté interne coupé en
ligne droite. Pattes allongées, inégales : la première paire plus longue que la
quatrième, qui est elle-même plus longue que les intermédiaires, la troisième
paire la plus courte de toutes.
Ces arachnides, de moyenne tadle, filent dans les sillons, les ornières et sous
les pierres, dans les endroits arides, des fds très-forts, disposés en fdets, où les
gros insectes sont arrêtés. Leur cocon est sphéroïde, avec l'un des deux bouts
pointu.
LeLalrodecte Blahnignatte, Âranea tredecim-guttata Rossi, Latrodedus Mal-
viignatns Walck., est l'espèce typique du genre; elle atteint 6 lignes de longueur,
et elle est d'un noir sombre, avec treize à quinze taches couleur de sang sur un
abdomen gros, renflé, comme globuleux, et très-pointu vers l'anus. Cette espèce
est fort commune en Corse, en Sardaigne, en Italie, en Espagne, en Algérie, etc.,
et extrêmement redoutée. Roccone, Keisler, Rossi et plusieurs autres auteurs
ont avancé qu'elle causait par sa morsure des fièvres, de vives douleurs et
de la léthargie. Luidgi Rotti, ancien médecin de l'hôpital de la Madeleine, à
Volterra, en Italie, a confirmé les mauvais effets de sa morsure. Abbot dit que
les espèces américaines sont très-redoutées et venimeuses. Cauro, Graells, Lam-
botte, ont cité des faits d'hommes et d'animaux rendus malades par la piqûre
des Latrodectes. J'ai demandé leur opinion à des naturalistes très-conscien-
cieux, et je puis dire que pas un d'entre eux ne partage ces croyances sur
l'activité nocive pour l'homme, ou les grands animaux, du venin de la Malmi-
gnatte. Léon Dufour n'y croyait point ; Hippolyte Lucas, qui a très-fréquemment
observé cette espèce en Algérie et qui en a été mordu plusieurs fois, n'en a
éprouvé aucun inconvénient. Eugène Simon l'a trouvée fréquemment en Espagne;
il n'a constaté aucun mauvais etfet produit par sa piqûre ; mais il a vu tous les
paysans très-effraycs à l'aspect de cette arachnide tandis qu'une espèce voisine
{Theridiuin lugubre Léon \)i\io\xr, Latrodectes erehus Savigny-Walck.) ne leur
causait aucune crainte. Vinson a remarqué pareillement la peur excessive que
les habitants de Madagascar éprouvent en rencontrant sous leurs pieds le Latro-
16 LA TROLLIÈRE (eau minérale de).
dectus MenavocU, qui est noir et rouge connue la Malniignatte, avec quelques
points blancs, tandis qu'une espèce rapprochée, mais noire et sans tache, leur est
indifférente.
Il me paraît résulter de ces documents que la Malmignatte et les espèces voi-
sines sont redoutées partout, aussi bien dans le midi de l'Europe, le nord de
l'Afrique, qu'à Madagascar et dans l'Amérique du Nord, à cause de leur couleur
noire avec des taclies ou des lignes d'un rouge de sang, qui tranchent sur leur
abdomen et qui leur donnent un aspect féroce ou dangereux. Si réellement ces
animaux étaient aussi à craindre qu'on l'a dit, les espèces unicolores et noires, ou
brunâtres, dépourvues de taches, seraient non moins à redouter; or, ceux-là même
qui tremblent ou s'éloignent à la vue de la Malmignatte, prennent avec les doigts
les Latrodectes sans taches rouges, et ne font aucune difficulté à admettre que
jamais celles-ci n'ont causé de mal.
La Malmignatte est timide; enfermée avec d'autres insectes, elle ne les attaque
pas; mais elle se jette avec fureur sur les animaux de sa propre espèce. Le com-
bat est toujoui-s à mort, et la victime est mangée par le vainqueur. Le cocon a
6 lignes de diamètre; il est roussâtre clair, d'un tissu fort résistant, que le canif
a de la peine à entamer. 11 renferme cent à deux cents œufs d'un jaune pâle,
suivant Walckenaer. Les longs fds tendus sous les pierres par la Malmignatte
prennent les plus gros insectes, même les Cicindèles, les Cigales et les Criquets;
l'araignée les saisit aussitôt, et les suce après les avoir engourdis avec son
venin.
Les noms donnés aux animaux de ce genre, qui renferme une douzaine d'es-
pèces, sont tous plus ou moins effrayants; tels sont les Latrodectes belliqueux,
chasseur, érèbe, lugubre, redoutable, perfide, assassin, meurtrier, etc. On con-
çoit combien ces dénominations, jointes à la robe si souvent noire et sanglante de
l'araignée, doivent impressionner les personnes craintives quand elles se trouvent
en présence des Malmignattes et des autres Latrodectes. J'ai la conviction que des
observations bien faites confirmeront ce que j'avance sur le peu de danger du venin
de ces aranéides, par rapport à l'homme : ce venin ne peut faire périr que les
insectes dont l'araignée fait sa proie. A. LaboulbIiINe.
Bibliographie. — Boccone. Museo di fisica, p. -107 et 280, in-i", 1697. — Keijler. Neuester
Eeiseii, l" Th., p. 762 ; 1751. — Rossi. Faiina etrusca, t. II, p. 136, n° 9S2, pi. 9, fi)»-. 10;
1790. — Cauro (A.). Exposition des moyens curalifsde la morsure de la Tkeridion Malmi-
gnatte. Thèse de Paris, 111-4°, 1853. — WALCKENAEn. Tableau des Aranéides, p. 81, pi. 9,
lig. 85 et 84, et Insectes aptères (Suites à Buffon), t. I, p. 645 ; 1837. — Grills, fsotice sur
divers faits qui confirment ta propriété venimeuse du Lafrodectus mahn ignatus. In Ann . de la
Société eutomologique de France, 1842, p. 205, pi. 10, fig. 1 et 2, n° II, et même ouvrage,
1843, Bulletin, p. vni. — Yinson(A.). Aranéides des îles de la Réunion, Maurice et Mada-
gascar, in-8, p. 122 et suivantes, pi. 8, lig. 5 (espèce appelée Vancoho dans la partie sud
de Madagascar, et Ménavodi dans l'est et à l'intérieur chez les Ilovas.) 1865.
LA TROLLIÈRE (Eau MINÉRALE de), athermale, amétalUte, crénatée ferru-
gineuse faible, carbonique forte. Dans le département de l'Allier, dans l'arron-
clissement de Moulins, à 1 kilomètre et demi du bourg de Theneuille et de
la source de Pap.doux (Saint-) (vo?/. ce mot), à 17 kilomètres de Bourbon-l'Ar-
chambault, émerge des marnes irisées d'une prairie la source de La Trollière.
Son bassin circulaire est recouvert d'un pavillon à toiture de zinc et à
pilastres à jour; son eau est limpide, claire et transparente, l'analyse chimique
n'y démontre l'existence d'aucun principe sulfuré ; mais l'odorat perçoit aux en-
virons de la source une sensation de gaz acide sulfhydri({ue appréciable surtout
LAUDANUM (pharmacologie). 17
pendant les cliangeinents de temps et les jours d'orage. Le goût de l'eau de La
TroUière n'est pas hépatique ; il est très-piquant et un peu amer. Le papier et la
teinture de tournesol sont instantanément rougis par cette eau minérale, ou
plutôt par la grande quantité des gaz qui la traversent, viennent s'épanouir en
grosses bulles et avec bruit à sa surface, ou se fixent en perles nombreuses,
brillantes et volumineuses sur les parois intérieures des vases qui la con-
tiennent. Sa température est de 15", 5 centigrade; son analyse, faite par
M. 0. Henry, a démontré dans 1,000 grammes d'eau l'existence des principes qui
suivent :
Bicarbonate de chaux j „ q.q„
— magnésie i ' ,
— soude 0,02i0
Sulfates de soude et de chaux 0,0180
Chlorures de sodium et de magnésium O.OiOO
Silicates de chaux et d'alumine 0,0600
Oxyde de fer associé à l'acide créuiquo 0,0200
■ t
Total des matièiies fixes 0,1920
Gaz acide carbonique libre 1 volume l/ô
Cette source appartient à l'État, et elle est soumise à la régie de l'établisse-
ment de Bourbon-l'Archambault ; son débit est de 4,800 litres en vingt-quatre
heures.
Elle est employée exclusivement en boisson par un petit nombre d'habitants
de la contrée et par quelques baigneurs de Bourbon-l'Archambault qui viennent en
excursion à La TroUière ; elle est surtout consommée à la station de Bourbon, où
elle est apportée chaque matin dans des bouteilles hermétiquement bouchées. C'est
surtout après ce transport qu'elle prend une odeur sulfureuse. Le docteur Regnault,
ancien inspecteur de Bourbon-l'Archambault, assure avoir souvent prescrit avec
succès l'eau de La TroUière en boisson, à la dose de trois à six verres par jour,
un verre de quart d'heure en quart d'heure, dans la bronchite chronique, la
bronchorrhée, l'irritation des voies urinaires depuis longtemps entretenue par la
présence de graviers ou de petits calculs dans les reins de personnes irritables et
nerveuses. Il ajoute qu'il s'est souvent bien trouvé de l'usage journalier de deux
à quatre verres de cette eau dans certaines diarrhées chroniques et dans quelques
maladies de la peau. A. Rot u beau.
BiBLioGr.APiiiE. — Regxadlt (E.). Précis descriptif e( pratique sur les eaux mlnéro-thcr-
malcs de Boiirhon-V ArcIiamhauU . Paris, 1842, in-S". — Gkeuois. Etudes sur les eaux mi-
nérales de Bourbon-V ArckambauU faites pendant l'été de 1858. Paris. 111-8°, b7 pages.
A. R.
LAUDAl^UM. § I. Pharmacologie. 11 paraît certain que le mot persan
lâdan, oii l'on a voulu trouver l'étymologie de laudanum, est l'origine du mot
ladatium ou lahdanum. {Voy. Ladamtm). Suivant Castelli, laudanum vient de
laudare, louer, en témoignage de l'extrême faveur qui s'est attachée aux prépa-
rations opiacées. Le nom de laudanum a d'abord été donné à l'opium ramolli
dans l'eau, passé avec expression et évaporé en consistance d'extrait; et, quel-
quefois aussi, il a été appliqué à l'extrait d'opium préparé avec le vin. Aujourd'hui,
le nom de laudanum est réservé à deux préparations dans lesquelles l'opium se
trouve associé à divers ingrédients : 1" laudanum de Sydenham; 2° laudanum
de Rousseau.
1° Laudanum de Stjdenham ou Vin d'opium composé. Sydeiilinm, qui en a
DICT. E>X. 2' s. U. 2
)
18 LâUDAlNUM (pharmacologie).
donné la formule, ne le considérait pas autrement que comme un moyen com-
mode de doser l'opium. Voici comment le Codex de 1866 prescrit de le préparer :
opium de Smyrne, 200 grammes; safran incisé, 100 grammes ; camielle con-
cassée, 15 grammes; girofles concassés, 15 grammes; vin de Malaga, 1,600
grannnes. On coupe l'opium en petits morceaux, on le met avec les autres sub-
stances dans un matras ; on fait macérer le tout pendant quinze jours, en agitant
de temps en temps. On passe, on exprime fortement et on fdtre.
4 grammes de laudanum de Sydenbam contiennent 0°%50 d'opium ou O^^SS
d'extrait d'opium.
L'opium cède au vin les méconates de morphine et de codéine, de la narcotîne,
de la résine, de l'huile acide, l'arôme, beaucoup de matière colorante. Ces sub-
stances se trouvent unies à la matière colorante et aux huiles volatiles de la ca-
nelle, du safran et du girofle.
On a conseillé différentes modifications à la formule du Codex ; il en sera ques-
tion au chapitre de l'E^nploi médical.
Quelques pharmacopées étrangères ajoutent une certaine quantité d'alcool au
vin, d'autres le substituent niènie complètement à ce dernier, par ce motif que
la force dissolvante du vin est variable. La pharmacopée de Londres supprime le
safran. Tous ces laudanums renferment des proportions différentes d'opium.
Le laudanum de Sydenham de la pharmacopée française a une couleur d'un
brun jaune en masse, teignant la paroi des vases d'un jaune d'or qui persiste assez
longtemps, une odeur vireuse où domine l'arôme du safran. Sa densité est
de 1,075; sa richesse alcoométrique, 17 à 18 pour 100, et il doit laisser 20
pour 100 d'extrait. 1 partie de laudanum de Sydenham, étendue de
50,000 parties d'eau, donne une liqueur dont la teinte jaune est encore très-
apjiréciable.
Le laudanum de Sydenham laisse déposer, au bout de quelque temps, une
poudre jaune qui est formée par de matière colorante du safran et de narcotine.
2° Laudanum de Rousseau ou Vin d'opium par fermentation. La formule de
ce laudanum a été donnée par l'abbé Rousseau, médecin de Louis XIV. Voici
comment le Codex indique d'opérer : on prend 200 grammes d'opium de Smyrne
que l'on divise et que l'on fait dissoudre dans 5,000 grammes d'eau chaude; on
ajoute 600 grammes de miel blanc et 40 grammes de levure de bière fraîche. On
met le tout dans un matras que l'on expose à une température constante de 25
à 50", jusqu'à ce que la fermentation soit complètement terminée; on fdtre la
liqueur, on l'évaporc au bain-marie jusqu'à ce qu'elle soit rédviite à 600 gram-
mes; on laisse refroidir, on y ajoute les 200 grammes d'alcool et, après vingt-
quatre heures, on fdtre de nouveau.
4 grammes de laudanum de Rousseau correspondent à 1 gramme d'opium ou
à Os^SO d'extrait d'opium. Ce laudanum renferme donc le double d'opium que
le laudanum de Sydenham, et d ne doit jamais lui être substitué, à moins ce-
pendant qu'on ne tienne compte de la différence dans la proportion du principe
actif. «
Ce médicament est d'une couleur brune très-foncée, très-différente de celle du
laudanum de Sydenham, qui est d'un brun jaune en masse, comme nous l'avons
dit ; il est entièrement privé d'odeur vireuse, et la forte dose d'opium qu'il ren-
ferme le rend très-actif et très-calmant.
L'abbé Rousseau conseillait de distiller le liquide fermenté et de retirer une
Certaine quantité de liqueur spiritueuse qu'il ajoutait au produit de l'évaporation;
LAUDANUM (emploi médical). 19
mais cet alcool d'odeur vireuse et de propriété presque nulle a été remplacé,
avec juste raison, sur le conseil de Baume, par de l'alcool ordinaire. Autrefois,
on laissait la fermentation se prolonger pendant un mois ; il est bien préférable,
comme cela se pratique aujourd'hui, d'arrêter l'opération aussitôt que le miel est
détruit.
Le laudanum de Rousseau ne doit pas être confondu avec le médicament connu
sous le nom de gouttes noires, lesquelles sont très-employées en Angleterre et
commencent aussi à l'être en France. La formule du Codex est la suivante :
opium de Smyrne, 100 grammes; safran, 8 grammes; muscades, 25 grammes;
sucre, 50 grammes. Cette préparation est quatre fois plus active que le laudanum
de Sydenham.
Le nom de laudanum avait encore été donné autrefois aux trois préparations
suivantes qui ne sont plus employées aujourd'hui. Le laudanum de Lalouette
ou vin d'opium de Lalouette, se préparait avec extrait d'opium acétique,
24 grammes; vin d'Espagne, 500 grammes, et eau-de-vie, 60 grammes. Le lau-
danum opiatum ou opium purifié, s'obtenait en coupant de l'opium par rouelles,
le mettant au bain-marie avec une petite quantité d'eau, le délayant exactement,
passant avec expression, laissant déposer, décantant la liqueur claire, et la faisant
évaporer ensuite au bain-marie pour l'amener en consistance pilulaire. Le lauda-
num tutissimum était une teinture préparée ^vec de l'alcool et de la thériaquc.
{Voy. Opidm.) t. Goblev.
§ II. Emploi médical. Nous ne voulons pas revenir sur l'exposé pharma-
cologique qui précède. On nous permettra seulement, à ce même point de
vue, quelques remarques susceptibles d'intéresser le praticien. Nous ne saurions
anticiper ici sur ce que nous aurons à dire plus tard de l'opium [voy. ce mot), et
nous devons nous borner à indiquer les propriétés spéciales des laudanums, leur
mode de préparation, la relation de leurs doses avec celles de l'opium lui-même,
et enfui les indications particulières qui leur ont été attribuées en tant que lau-
danums.
Je décrirai ici : i° le laudanum de Sydenham; 2° le laudanum de Rousseau;
5" les solutions acétiques d'opium, et en particulier les gouttes noires.
I. Laudanum de Sydenham. C'est dans sa description mémorable des épidé-^
mies de dysenterie d'une partie de l'année 1669 et des années 1670, 71, 72
{Op. omnia, t. I, sectio IV, caput m, p. 115) que Sydenham a, pour la
première fois, parlé de cette préparation, dont l'usage, devenu universel, de-
vait singulièrement populariser son nom. 11 le fait en cinq lignes avec une convic-
tion très-nette des avantages de sa formule, mais sans avoir l'air de se douter de
la fortune qui l'attendait. On me permettra de reproduire ce texte, d'autant plus
qu'il contient l'indication du procédé suivant lequel il préparait son laudanum.
« Laiulanum liquidmn, quod in quotidiano, ut dictum, usu mihierat hauc ad
normam simpliciorem prseparavi : tb '^C ViniHispanici ^j. Opii 3 ij Crocij. Pidv.
cinnamonii et cariophyllorum. an. oj. infundantur siniul in B. M.per daos vel
très dies donec liquor dehitam consistentiam acquirat ; colalura serveiur pro
usu. Hanc nostram prîBparationem laudano officinarum solido antelerenilam vir-
tutibus quidem non censeo, sed obformam saltem commodioremet majorem dosis
certitudinem, cideni antepono. »
Il n'employait pas, du reste, cette formule à l'exclusion de toutes les autres;
c'est ainsi que, dans la variole, il préférait souveut le sirop d'opium [Syrupus de
20 LAUDAjNUM (emi'Lûi mêuic.vl).
Meconio), et ne recourait au laudanum que lorsque le premier de ces deux
médicaments provoquait des nausées. Il considérait quinze gouttes de laudanum
comme équivalant à 3 j de sirop d'opium. {Op. med., t. I, p. 248.)
Sydenliam ne pensait pas de son laudan'um tout le bien qu'on en pense aujour-
d'hui ; il est certain cependant qu'il y a dans cette formule autre chose qu'un
avantage d'administration facile, et que, dans un certain nombre de maladies, en
particulier dans les flux diarrhéiques, le laudanum l'emporte, à dose égale, sur les
autres préparations d'opium.
La préparation du laudanum de Sydenham a été l'objetde recherches nombreu-
ses, et dont il serait difficile de contester l'intérêt si l'on songe qu'il s'agit du plus
usuel des médicaments et de l'un des plus actifs. Il importerait donc qu'il fût tou-
jours identique à lui-même ; par malheur, il n'en est rien, et, pour ne citer que la
formule du dernier Codex, on comprend que la nature du malaga employé, influant
sur l'épuisement plus ou moins complet de l'opium, il eût sans doute été utile de
déterminer la richesse alcoométrique du vhi dont on se sert, et on peut regretter
que le vœu de M. Stanislas Martin [Bull, de thér., LXVIII, p. 554), de voir dé-
terminer le titre morphique de l'opium employé, n'ait pas été écouté. Cette réserve
faite, il faut évidemment se ralHer à cette dernière formule, afm d'éviter une
anarchie pharmacologique des plus regrettables.
La proposition faite par M. Dublanc, pharmacien de Troyes {Bullet. de ihérap.,
1858, t. XIV, p. 172) de traiter l'opium d'abord par la moitié du vin, puis le
marc de cette première opération par la moitié du vin restant, puis le second
marc par le reste du vin, n'a pas été adoptée par le Codex, non plus que celle de
Henri et Guibourt, qui voulaient qu'on fit agir d'abord le vin sur le safran, la can-
nelle et le girofle, pendant quinze jours, puis qu'on mît ce menstrue au contact
de l'opium pendant le même temps.
Les pharmacopées anglaises emploient le xérès ( sherij-wine ) comme
menstrue ; la fornmle du collège de Dublin a supprimé les substances aroma-
tiques.
En 1857, Pauliet, pharmacien de Bordeaux, a proposé de faire disparaître
la différence de préparation qui sépare le laudanum de Sydenham et celui de
Rousseau, de les préparer tous deux par fermentation, et de combiner les pro-
portions réciproques du véhicule et de l'opium de façon à avoir un laudanum
titré au dixième; il supprime la cannelle et le girofle pour éviter que le tannin con-
tenu dans ces substances ne précipite une certaine quantité de morphine. {Bullet.
de thé)'., t. LUI, 1857, p. 416.)
En supposant que la formule du Codex ne satisfît pas complètement, il n'en est
pas moins vrai qu'il faudrait encore s'y rallier pour avoir partout un médicament
à action uniforme sous les mêmes doses.
Le laudanum est souvent falsifié. La fraude la plus employée consiste dans la
substitution au malaga d'un vin de qualité inférieure, de vin blanc sucré, d'un
mélange d'eau, d'alcool et de sucre. M. Stan. Martin a proposé le moyen suivant
pour reconnaître a fraude : on fait évaporer le laudanum suspect en consistance
de sirop épais ; on l'abandonne plusieurs jours à lui-même ; si le laudanum a été
préparé avec un des mélanges sucrés indiqués plus haut, il se forme de gros
cristaux de sucre candi ; le résidu du laudanum au malaga conserve la forme d'un
magma souvent grumelé. Mais la fraude la plus coupable et la plus importante
est celle qui prépare le laudanum avec des opiums épuisés de morphine. L'essai
par ramraoïiiaque permet de la reconnaître quand elle atteint des limites très-
LAUDANUM (emploi médical). 21
reculées. On sait, en effet, que cette base sépare la morphine du laudanum sous
forme d'un nuage épais qui en trouble la transparence.
Le laudanum s'altère en vieillissant, ou du moins il change de propriétés physi-
ques; il tend à se décolorer et à devenir plus ténu. Ces modifications tiennent à
l'oxydation des matières colorantes qu'il renferme, en particuher celles du safran
et du vin, et puis aussi à la disparition de l'état sirupeux de celui-ci par une
transformation alcoolique plus complète. Le laudanum n'a perdu aucune de ses
propriétés actives, mais la conservation de ses caractères habituels est une condi-
tion à rechercher, puisqu'elle rassure les malades, et évite au pharmacien des
reproches de mauvaise préparation. On conserverait presque indéfiniment le lau-
danum en le renfermant dans des fioles en verre noir ou bleu foncé.
Si la décoloration du laudanum de Sydenham ne préjudicie pas à ses qualités
réelles, il ne faut pas oublier que, quand on le laisse exposé à l'air dans une bou-
teille débouchée, il se produit par évaporation une concentration de ses principes
narcotiques, de sorte que, dans ces conditions, une dose égale de laudanum a
plus d'activité. Il faut connaître ce fait surtout pour la médecine des enfants, qui
sont, comme on le sait, d'une extrême impressionnabdité au laudanum, et chez
lesquels, par conséquent, on ne l'emploie qu'à des doses très-mniimes.
Des expériences intéressantes de Guibourt lui ont montré que le poids des
gouttes de laudanum de Sydenham varie suivant la contenance du flacon et sui-
vant que ces ilacons sont pleins ou à peu près vides. Elles l'ont porté à évaluera
02%048 le poids moyen d'une goutte de laudanum. Dans les dosages habituels,
on considère 20 gouttes de laudanum de Sydenham comme correspondant à
1 gr.irame, ce qui est exagéré. Réveil, recherchant, à l'aide du compte-gouttes Sal-
leron, le poids des gouttes de différents liquides, areconnu qu'un grammedelau-
danum de Sydenham contenait 34 gouttes de ce liquide, et que chaque vingt
gouttes pesaient exactement O^'^bS. Chaque gramme de laudanum de Sydenham
du Codex, contenant Os^Oô^ d'extrait d'opium, on comprend que vingt gouttes
n'en renferment que la moitié environ ou 0s'',0o4. 11 ne faut donc pas croire,
comme on le fait journellement, qu'on donne cinq centigrammes d'extrait d'opium
quand on prescrit vingt gouttes de laudanum de Sydenham : on reste de beau-
coup au-dessous de cette dose. Ces détaUs de posologie ont leur intérêt quand il
s'agit d'un médicament aussi usuel.
Cela dit, passons anx usages thérapeutiques.
Le laudanum de Sydenham est sans contredit la plu^ employée des préparations
de l'opium, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Tous les médecins le considèrent
comme préférable aux autres opiacés dans les ilux diarrhéiques récents ou anciens,
qui, par leur nature, mdiquent, du reste, l'emploi de l'opium. 11 doit peut-être
cette supériorité à ce qu'il offre les principes actifs de cette substance sous une
forme solnble, facilement absorbable, et puis aussi parce qu'il est associé à des
substances stiumlantes canniuatives qui combattent les flatuosités dont s'accom-
pagnent d'habitude les troubles digestifs. Aussi convient-il, dans ce cas, de le faire
prendre dans des boissons théiformes aromatiques d'anis, de menthe. 11 agit
plus rapidement que l'extrait thébaïque en pilules, surtout quand celles-ci,
préparées depuis quelque temps, ont pris une dureté qui leur permet quelquefois
de traverser inaltérées toute la filière digestive. Les lavements laudanisés sont un
des moyens usuels du traitement domestique des diarrhées, et, il faut le dire, on
en abuse singulièrement. Ils valent mieux cependant et sont plus inoffensifs que
les lavements de pavot, qui ont déterminé souvent, même chez des adultes, des
22 LAUDANUM (emploi médical).
accidents assez graves. On s'en rend compte par la différence de volume, de poids
et d'activité que peuvent présenter les capsules de pavot, récoltées tantôt au mo-
ment favorable, tantôt avant maturité. Le laudanum est d'un usage plus sur et
plus iuolfensif.
Les lavements laudanisés ne sont pas employés seulement dans les diarrhées :
ils combattent avec efficacité le ténesme, quelle qu'en soit la cause ; le ténesrae
héniorrhoïdal, le ténesme rectal, dû à une affection organique ou à l'irritation pro-
duite par la répétition des selles dysentériques. Les lavements laudanisés sont
aussi employés contre diverses affections douloureuses des organes du bassin, les
névralgies vésicales, ovariques, utérines ; ils agissent à la fois par voisinage et par
absorption générale. Les douleurs de la fissure anale trouvent aussi dans l'usage
répété de ces lavements un moyen de soulagement au moins momentané.
On sait toute l'efficacité des lavements laudanisés comme moyen d'arrêter un
avortement imminent. Cette pratique, vantée par Yan Swieten, a été remise en
honneur par Paul Dubois, généralisée par lui, et adoptée par la plupart des accou-
cheurs qui ont été à même d'éprouver son utilité. Elle a été formulée ici même et
dans tous ses détails par Jacquemier. [Dict. encijcl. des se. méd.,t. III, 1866,
art. Avortement, p. 568.) Yelpeau, Stoltz, Chailly, — Honoré, ont rapporté
des cas oii les lavements laudanisés ont très-positivement arrêté des avortements
qui se seraient produits sans eux. Crouzet, cité par ce dernier auteur {Traite' pra-
tique de l'art des accouchements, Paris, 1853, 5^ éd., p. 294), a vu ces lave-
ments arrêter un avortement qui était assez avancé pour que la poche fît une
saillie prononcée à travers l'orifice du col. Il n'est guère de médecins qui n'aient
dû à cette méthode un nombre considérable de succès. P. Dubois associe les
saignées aux lavements de laudanum, mais c'est une affaire d'indication. La sai-
gnée peut très-souvent être omise, et les lavements laudanisés n'en atteignent
pas moins le but. La première période de l'avortement est évidemment la plus
favorable pour leur emploi, mais il ne faudrait pas y renoncer pour les autres ; on
a vu, en effet, le travail s'arrêter sous leur influence après dès hémorrhagies assez
fortes, et même dans des cas où il y avait eu écoulement des eaux. On peut dire
que cette méthode est une des conquêtes thérapeutiques les plus importantes de
notre époque.
Le laudanum entre, comme moyen adjuvant, dans une foule de formules desti-
nées tant à l'intérieur qu'à l'usage externe.
A l'intérieur, il fait tolérer certains médicaments en engourdissant la sensibiHté
des réservoirs organiques, estomac ou rectum, dans lesquels on le dépose. D'au-
tres fois il joue un rôle plus personnel dans ces associations. Je citerai par exemple
l'usage du laudanum combiné avec le vin scillitique dans le traitement de l'hy-
dropisie et de l'anasarque. Cette formule proposée en 1847 par Teissier (de Lyon)
consiste dans une macération pendant douze heures de 4 à 8 grammes de poudre
' de scille dans un demi-litre de vin blanc; on l'additionrte de 40 à 60 gouttes de
I laudanum de Sydenham. On commence par deux cuillerées à bouche de ce vin,
une le matin, l'autre le soir, et on arrive progressivement à quatre cuillerées. Ce
n'est qu'une formule diurétique, ce praticien distingué le fait remarquer lui-
même, mais elle est active et bien tolérée. {Bullet. detliérap., 1847, t. XXXIII.)
Je l'ai employée plusieurs fois, et elle m'a paru réellement avantageuse.
Les usages externes du laudanum sont assez nombreux, et ils offrent un in-
térêt pratique réel. Je ne décrirai que ceux qui ont le plus d'importance.
Aran a préconisé dans les maladies utérines douloureuses ce qu'il appelle des
LAUDANUM (emploi médical). 25
pansements Jaudauisés. Pour les pratiquer on introduit ua spéculum, et, le col
saisi, on laisse couler à sa surface de 50 à 50 gouttes de laudanum de Sy-
denbam ; ou jette ensuite dans le fond de l'instrument quelques grammes d'amidon
en poudre, des bourdonnets de coton ou de charpie maintiennent le contact. Ou
pratique des lavages à grande eau avant chaque pansement pour enlever le résidu
du pansement précédent. On revient à cette pratique tous les jours ou tous les
deux jours. L'hyperesthésie du col cède sous l'inflnence de ce moyen qui ne pro-
duit qu'un peu de somnolence, et auquel Aran atlribuait l'avantage de laisser in-
tactes les fonctions digestives, ce que l'opium pris par la bouche ne fait pas tou-
jours. {Biillet. de thérap., 1857, t. LUI, p. 481.) Le badigeonnage du col avec
un pinceau imbibé de laudanum est recommandé dans ces cas par Courty [Traité
pratique des maladies de l'utérus et de ses annexes, Paris, 1866, p. 242), et
il attribue, avec raison, à ce moyen une action cicatrisante. C'est là en effet
une autre application utile de ce médicament qui, mis en contact avec des ulcé-
rations douloureuses et rebelles, les modifie en même temps qu'il en émousse la
sensibilité.
Ici se place naturellement l'emploi des lotions laudanisées contre le panaris.
On sait que cette pratique a été employée avec succès aux Invalides par Pasquier
fils qui l'étendit même au phlegmon grave et à la phlébite. 2 onces de lau-
danum dans unhtre de décoction de pavot servaient pour ces fomentations et ces
irrigations en quelque sorte continues. Il ne serait pas prudent d'employer sur
de larges surfaces ces lotions laudanisées qui sont d'ailleurs iaoffensives, et de
plus, il ne faudrait ni dans l'un ni dans l'autre cas, omettre le bistouri qui est,
comme on l'a dit, le meilleur anesthésique, et dont les rigueurs sont, du reste,
singulièrement atténuées par la possibilité de recourir au chloroforme.
Voillemier a recommandé un moyen analogue pour diminuer les douleurs très-
vives de l'orchite aiguë ; une compresse imbibée de laudanum est appliquée sui le
testicule, et on la recouvre d'un morceau de taffetas gommé ; au bout de quelques
heures, les douleurs s'amendent notablement. {B. de thérap., 1848, t. XXXV,
p. 88.)
Je rappellerai enfin l'usage du laudanum à hautes doses préconisé contre l'en-
torse par Lebert (de Nogent-le-Rotrou). Il consomme de 50 à 60 grammes de lau-
danum en frictions dans l'espace de deux jours ; après chaque friction, on ap-
plique un cataplasme émolhent et froid. On termine par un bandage inamovible
permettant au malade de marcher et il est maintenu quinze jours en place.
(Abeille médicale, 1866.)
Le laudanum joue un rôle important dans la thérapeutique oculaire. Il est bien
peu de collyres dans lesquels il ne figure lorsque l'élément de douleur existe dans
les maladies pour lesquelles ces collyres sont prescrits. On a signalé, il y a quel-
ques années, l'incompatibilité du laudanum et des sels astringents ou caustiques
qui sont journellement introduits dans les collyres; acétate de plomb, sulfate de
zinc, nitrate d'argent; il se formerait des méconates insolubles susceptibles d'in-
cruster la cornée de la tatouer d'une manière indélébile. Je ne saurais dire s'il s'agit
d'un à priori chimique ou d'un fait bien observé, mais la Hmpidité des collyres
étant une qualité à rechercher, il vaut mieux éviter ces formules compliquées.
On n'emploie pas seulement le laudanum pour combattre la douleur et la photo-
phobie, son influence la plus utile réside dans l'action qu'il exerce sur les ulcéra-
tions cornéales, qu'il déterge, dont il modiOe la surface, et qu'il excite par suite
à se cicatriser. On commence par étendre le laudanum de cinq ou six fois soii
21 LAUDANUM (emploi médical),
poids d'eau, et on arrive progressivement à employer du laudanum pur en instil-
lations. On a prétendu {Journal de médecine de Bordeaux, 1866) que le lau-
danum instillé n'agissait pas comme opium, mais comme vin, et qu'il pourrait
par suite être remplacé par un autre collyre vineux ou alcoolique, mais l'hypo-
thèse ne me paraît nullement justifiée. Deval [Traité théorique et pratique des
mal. des yeux, Paris, 1862, p. 158) a recommandé un collyre laudanisé et bella-
done composé de 6 grammes d'eau distillée, 1 ou 2 grammes de laudanum de
Sydenham, et 0«'',50 à 1 gramme d'extrait de belladone. Il l'a employé avec
succès dans des slapliylomes de l'iris, des ulcérations atoniqucs de la cornée
sans synéchie, et il n'accorde d'ailleurs que peu d'importance pratique à l'an-
tagonisme d'action pupillaire de la belladone et de l'opium dans cettô formule
complexe.
Je signalerai enfin les idées du professeur Nasca (de Naples), sur l'utilité du
laudanum en applications topiques pour relever la vue des personnes âgées, chez
lesquelles la presbytie fait des progrès rapides. En un mois, l'amélioration serait
accusée. {Gaz. méd. de Lyon, novembre 1852.) C'est vague et demande confir-
mation.
II. Laudanum de Rousseau. Béral avait indiqué un extrait de laudanum de
Rousseau huit fois plus actif que le laudanum, dont on a vu plus haut la for-
mule; un saccharure six fois moins actif, et des tablettes contenant chacune une
goutte de ce laudanum {Bullet. de thérap., I8o8, t. XIY, p. 558), mais ces for-
mules ne sont pas restées dans la pratique.
Réveil, dans le travail de posologie indiqué plus haut, a déterminé le nombre
de gouttes que renferme 1 gramme de laudanum de Rousseau, et le poids moyen
de vingt gouttes de ce narcotique ; il a trouvé 34 pour le premier chiffre et Ûs'',58
pour le second. Les deux laudanum sont donc dans le même cas sous ce double
rapport.
En ce qui concerne la relation d'activité des deux laudanum, le Codex consi-
dère 4 grammes de laudanum de Rousseau comme correspondant à I gramme
d'opium ou 0,50 d'extrait. Le laudanum de Rousseau est donc deux fois plus actif
que l'autre. C'est une erreur typographique qui a fait dire à Gubler {Com-
mentaires thérapeutiques du Codex medicamentarius, Paris, 1868, p. 255)
que 20 gouttes de laudanum de Rousseau équivalent à 12 centigrammes d'extrait
gommeux. Pour que cette équivalence fût réelle, il faudrait que 20 gouttes de
ce laudanum eussent le poids d'un gramme. Or, il n'en est rien, comme nous
l'avons vu tout à l'heure.
Le laudanum de Rousseau n'a qu'un avantage sur l'autre, c'est de ne pas avoir
cette saveur de safran qui répugne à bon nombre de personnes, et qui constitue
quelquefois, principalement chez les enfants, un obstacle sérieux à son adminis-
tration. Sa supériorité, sous ce rapport, a moins de prix d'ailleurs depuis que
l'habitude de recourir aux laudanum anglais ou teintures acétiques d'opium s'est
introduite chez nous. Examinons avec quelques détails cette troisième sorte de
laudanum.
III. Laudanum anglais ou gouttes noires {Black drops, Lancaster drops,
Quakers black drops, etc.). Cette préparation fort usitée en Angleterre ne
l'était guère chez nous, lorsque Monneretlui consacra, en janvier 1851, un excel-
lent mémoire {De l'emploi des goidtes noires anglaises, m Bull, dethér., t. XL,
p. 49). J'ai essayé, d'après ses indications, les black drops, et je suis arrivé aux
mêmes résultats que lui. Par malheur il est difficile d'avoir des préparations
LAUREL. 25
identiques, de sorte que les doses doivent en être déterminées par tâtonnement
et en commençant par des quantités minimes. Les essais cliniques devront porter
dorénavant sur la formule du nouveau Codex.
Dans la préparation des black drops véritables, on fait intervenir le verjus au
lieu du vinaigre. La solution d'opium dans l'acide citrique du docteur Porter n'est
jiimais entrée dans les habitudes, même en Angleterre. (Pcreira, the Eléments of
Maieria medica and therapeutics , vol. II, part. II, p. 2159.) J'ai l'ait venir de
Londres, et pour mon usage personnel, des black drops ayant une forte odeur
d'amande amère ; cette liqueur était assez agréable au goût, et il m'a paru
qu'elle agissait trois ou quatre fois plus que le laudanum de Sydenham.
M. Moniieret a constaté que ce médicament était très-efficace dans les affections
douloureuses du tube digestif, en particulier dans la gastralgie des cblorotiques,
des gens nerveux adonnés aux travaux de l'esprit, dans les névroses de l'estomac
liées à l'hystérie, l'ulcère chronique de l'estomac, l'entéralgie hystérique, etc. Je
l'ai employé avec avautage dans les cas de diarrhée auxquels sont sujets les
gastralgiques dont l'estomac, pris d'une sorte d'intolérance pour les aliments, les
chasse rapidement dans l'intestin; imparfaitement élaborés, ils irritent sa mu-
queuse et produisent de la diarrhée. Trousseau a décrit avec beaucoup de sagacité
cette forme de troubles digestifs qui se l'encontrent assez souvent dans les conva-
lescences. Deux ou trois gouttes noires prises dans un peu d'eau et de vin au com-
mencement des repas, engourdissent la sensibihlé et la motilité de l'estomac, et
le ramènent à sa fonctionnalité normale. J'ai pu observer maintes fois ces effets
sur moi-même, et ne saurais par suite eu douter : c'est aussi de cette façon que
Monneret prescrivait les gouttes noires; il les donnait à la dose initiale de deux
gouttes à chaque repas, et il les élevait graduellement à 8, 12 et même 16 gouttes
par jour ; il a dépassé cette dose, mais il est prudent de n'y arriver qu'avec len-
teur, en tàtant la susceptibiHté des malades, et de diminuer les doses quand on
entame un nouveau flacon, dans le cas où on a recours à des black drops de pro-
venance anglaise et non pas à celles du Codex.
La teinture ammoniacale d'opium employée en Angleterre comme stimulant
diffusible dans la coqueluche ; Vélixir parégorique composé d'opium, d'acide
benzoïqne, d'essence d'anis, de camphre et d'alcool, et employé à la dose de 2 à
8 grammes, le laudanum de Lalouette, etc. , ne sont par le fait que des sortes par-
ticulières de laudanum ; mais il en sera parlé à propos de la posologie de l'opiimi.
[Voy. Opium.) Fokssagrives.
LAUBAIKO. {Voy. Laurier.)
LAUREL, LAURÉLIE. Arbre du Chili, qui doit ces noms à la ressemblance
de son feuillage et de ses propriétés aromatiques avec les Lauriers proprement
dits, mais qui appartient à la famille des Stonimiacées. Son nom scientifique est
Laurelia sempervirens Tul. (L. aromatica Poir. — • Pavonia sempervirens Pi. et
Pav.). Il a tous les caractères des Atherosperma {voy. ce mot) et ne s'en distingue
guère que par le modèle déhiscence en valves longitudinales, du sac réceptacu-
laire qui entoure ses fruits plumeux. Aussi l'avons-nous appelé Atherosperma
sempervirens. Les feuilles sont très-aromatiques ; on en prépare des infusions
excitantes, stomachiques, sudoriliques, qui sont fort utiles dans un grand nombre
de maladies. H. Bn.
Juss., in Ann. Mus., XIV, 151 — Poin., Bict., Siippl., III, 513. — Endl., Gcn., n. 2021.
— Rl'i' rt Pav,, Prodr. fl. pcr. et chil, 127, t. 28. — Tl'l., Mon. Moniin., 40. — k. DC ,
26 LAURENT (SAINT-) (eaux minérales de).
Pvodr., XVI, s, post,, 674. — îlÉa. et Del., Dict,, IV, 49. — Rose.nth., Stjn. pi. diaphor.,
3 28. —H. Bx,, Bist. des plantes, 1,321, 536.
lAUKEîVT (J.-L.-Maurice). Un des bons anatomistes de ce siècle, né à Toulon
en 1784. Il était entré, dès l'âge de quinze ans, dans la chirurgie de marine et se
distingua dans différentes expéditions. Reçu docteur à vingt-cinq ans dans l'uni-
versité de Pise, alors française, il fut obligé de prendre de nouveau ce même
grade à Paris en 1825. Deux ans plus tard, il était nommé, par concours, profes-
seur d'anatomie à l'École de. médecine navale de Toulon, et, en 1850, chirurgien
en chef du port de Chei'bourg. Mais il ne tarda pas (1852) à sacrifier ces positions
péniblement conquises, pour venir à Paris se consacrer exclusivement à l'étude et
à l'enseignement de l'anatomie et de la physiologie comparées. En 1856, il
concourut, non sans honneur, pour la chaire d'anatomie à la faculté de mé-
decine de Paris, et, en 1857, il se faisait recevoir docteur es sciences natu-
relles; c'est alors qu'il fut distingué par l'illustre de Blainville qui se fit plusieurs
fois suppléer par lui dans la chaire d'anatomie et de zoologie à la Faculté des
sciences. Laurent est mort le 50 janvier 1854.
C'est surtout l'anatomie générale, l'étude approfondie de la texture des organes
qui, depuis Bichat, est regardée comme la base des connaissances physiologiqifes
positives, que Laurent cultivait avec le plus d'ardeur. Il poursuivait cette étude à
l'aide de tous les moyens que la science moderne met à la disposition des obser-
vateurs ; examen minutieux direct ou à l'aide du microscope, analyse des éléments
primordiaux par la chimie, etc.. On peut adresser à Laurent un reproche qui a
été fait à la plupart de ceux qui se li\rent à ces recherches d'anatomie philoso-
phique, une tendance trop marquée à la spéculation, et à prendre les vues de
l'esprit pour l'expression réelle des laits. C'est ce qui lui arriva dans ses aperçus,
ingénieux, d'ailleurs, sur les tissus animaux naturellement durs ou tendant à la
dureté, les tissus fibreux, cartilagineux et osseux qu'il réunissait sous la dénomi-
nation générique de scléreux.
Yoici, au total, l'indication des principaux écrits de ce laborieux observateur;
plusieurs, malheureusement, n'ont pas été achevés.
T. Propositions générales de physiologie, de pathologie et de tliérapeutique. Thèse de
Paris, 1823, n° 12. — II. Atlas d'anatomie physiologique, ou tableaux synoptiques d'ana-
tomie, etc. Paris, 1826, iii-fol. et Méni. explicatif. Ibid., 1826, in-S°. — III. Essai sur les
tissus élastiques contractiles. In Ann, de la méd. physiol., t. XI. 1827. — IV. Lettre
à M. de Blainville sur des sujets d'anatomie comparée. In Bullet. des se. méd.,
t. XI, p. 108; 1827. — V. Essai sur la théorie du squelette des vertébrés, précédé, etc.
In Journ. du progrès, t. XIV, p. 154, et t. XV, p. 118; 1S29, pi. 1. — VI. De la texture et
du développement de l'appareil urinaire. Thèse de conc. (ch. d'anatomie). Paris, 1836(
in-4°. — VII. Prodromes d'anatomie et de physiol. comparées. Paris, 1837, in-S". — VIII.
Propositions générales relatives à la doctrine philosophique des sciences, etc. Paris, 1837.
— IX. Recherc/œs sur l'hydre et l'éponge d'eau douce pour servir, etc. (méni. cour, par
l'Acad. des se). Paris, gr. in-8°, atl. gravé, pl. col. — X. Zoophytologie (fait partie du
Voy. aut. du monde, exécuté en 1830-57, sur la corvette la Bonde) . Paris, lc>44, in-S". —
XI. Annales françaises et étrangères d'cmatomie et de physiologie, fondées et rédigées
avec Bazin, de Bassencville, Ilollard, etc. Paris, 1857-39, 3 \ol. in-8\ — XII. Un certain
nombre d'articles dans le Dict. de la conversation et dans l'Encyclopédie moderne.
E. Bgd.
LAURENT- (SAISIT-) LES-BAII\S (Eaux MINÉRALES de) , hijper thermales,
amétallitss , non gazeuses. Dans le département de l'Ardèche, dans l'ar-
rondissement de l'Argentières (chemin de fer de Paris à Montéiimart; de
Montélimart à Saint-Laurent-lcs-Bains , route de poste), est un village de
LAURENT (SAINT-) (eaux minérales de). 27
789 babitants, à 882 mètres au-dessus du niveau de la mer, bâti dans une gorge
étroite, ouverte au midi seulement sur un des versants de l'Espérelouze. Le cli-
mat de Saint-Laurent, chaud pendant le jour, est frais et humide le matin et le
soir. Deux sources, découvertes en l'année 1400, de composition et de chaleur
identiques, émergent du terrain primitif au centre du village, et débitent en
vingt-quatre heures 51,000 litres d'une eau limpide, transparente, inodore, sans
goût particulier, sans réaction sensible sur les préparations de tournesol. Cette
eau n'est traversée par aucune bulle gazeuse; sa température est de 53", 5
centigrade. M. le professeur Bérard(de Montpellier) a trouvé que 1,000 grammes
de l'eau des sources de Saint-Laurent-les-Bains contiennent les principes sui-
vants ;
Carljonate de soude 0,S03
Sulfate de soude 0,040
Chlorure de sodium .,.,,, 0,085
Acide silicique et alumine 0,032
Total des matières fixes 0,682
Les deux sources de Saint-Laurent-les-Bains se rendent par des canaux souter-
rains à trois petits établissements thermaux appartenant à des particuliers et
recevant chaque année huit cents ou mille malades. Un des établissements est
exclusivemicnt fréquenté par les hommes, et l'autre par les femmes ; le troi-
sième admet les baigneurs des deux sexes. Chacune des maisons de bains a une
buvette, une piscine, des baignoires isolées, un ou des cabinets de douches et une
salle où se trouvent les bains de vapeur.
Emploi thép.apeutique. L'eau hyperthermale , amétallite et non gazeuse do
Saiut-Laurent'les-Bains a une chaleur et une composition élémentaire qui la
rapprochent singuhèrement de l'eau de Wildbad-Gastein dans les Alpes du Tyrol,
{Voij, ce mot.) Son action physiologique principale est de déterminer une séda-
tion consécutive à une excitation modérée. Ces eaux, prises en boisson, en bains,
en douches ou en étuves, sont sensiblement toniques, diaphorétiques et diuréti-
ques. Elles ont aussi pour propriété à peu près constante de réveiller les dou-
leurs rhumatismales que les malades avaient quelquefois oubliées depuis long-
temps ; souvent même ces douleurs se montrent avec une telle intensité que les
baigneurs regrettent, malgré l'assurance donnée par le médecin que c'est une
preuve à peu près certaine de l'heureuse issue de la cure, de s'être soumis à l'u-
sage des eaux de Saint-Laurent-les-Bains.
Les affections rhumatismales sont celles que l'on traite le plus souvent à Saint-
Laurent, Ce sont les douches et les bains de vapeur qui constituent la base de la
médication thermale. Ces mêmes moyens conviennent au traitement des névral-
gies qui reconnaissent pour cause l'exposition prolongée au froid ou à l'humi-
dité. Les bains généraux ne doivent pas être prescrits alors ; ils augmentent les
douleurs sans arriver, même à ce prix, à procurer des guérisons durables. C'est
le contraire à Wildbad-Gastein.
Les eaux de Saint-Laurent-les-Bains, en boisson et en bains, donnent de bons
résultats dans les affections de la peau caiactérisées par des furoncles, de l'ec-
thyma, de l'eczéma, du prurigo et de l'herpès. On les emploie contre les para-
lysies, et les ouvriers mineurs qui ont éprouvé de grands traumatismes recou-
vrent quelquefois, à Saint-Laurent, l'intégrité du mouvement et de la sensibilité
de leurs membres perclus. On a vanté aussi l'efficacité des eaux de Saint-Lau-
rent à l'intérieur et à l'extérieur dans la cachexie scrofuleuse; cette indication
28 LAURIER (botanique).
nous paraît très-secondaire, et les eaux chlorurées sodiques fortes et quelquefois
les sulfurées fixes nous semblent devoir toujours occuper le premier rang dans
la thérapeutique thermale du lymphatisme exagéré et des accidents strumeux.
L'effet diurétique des eaux de Saint-Laurent les a fait administrer avec profit
contre les maladies des voies urinaires dans lesquelles une production patholo-
gique de mucus ou de pus est le symptôme prédominant. Les eaux de Saint-
Laurent ont été quelquefois appliquées, en boisson et en bains d'étuves, dans la
goutte et dans la gravelle ; mais les résultats obtenus n'ont pas encore complè-
tement fixé les médecins sur leur valeur réelle en semblable circonstance. Enfin,
ces eaux thermo-minérales, en boisson, en bains et en douches d'eau, ont trop
souvent guéri des anémiques et des chlorotiques pour qu'il soit possible de douter
de leur vertu tonique et reconstituante ; mais l'altitude élevée de cette station
doit avoir une large part dans le succès des eaux hyperthermales, amétallites, de
Saint-Laurent-les-Bains dans l'anémie et la chlorose.
La f/((re'e (/e Za CMre est de vingt jours à un mois.
Onn exporte ^As les eaux de Saint-Laurent-les-Bains. ■ A. Rotureau.
LJiURËOLE. {Voy. D.iPHiNÉ.)
IiA.VRlEB {Launis T.}. § 1. Botanique. Genre de plantes qui a donné son
nom à la famille des Laurinées. Dans le principe, toutes les plantes de cette famille
étaient confondues sous le nom de Laurus. Plus tard, ce genre a été démembré
en un grand nombre d'autres, et il ne reste plus actuellement, pour constituer
le genre Laurier proprement dit, que deux espèces linnéennes, le L. noble ou
d'Apollon et le L. des Canaries. Le premier est seul employé en médecine. Ainsi
réduit, le genre Laurus a les caractères suivants. Ses fleurs, hermaphrodites ou
dioïques, régulières, sont construites sur le type binaire. Dans les fleurs herma-
phrodites, on observe, sur un réceptacle concave, deux sépales extérieurs, et deux
folioles plus intérieures, considérées par quelques auteurs comme des pétales
alternes avec les sépales. Plus intérieurement se trouvent six verticiiles de deux
étamines chaque, savoir deux étamines opposées aux sépales, deux alternes, et
ainsi de suite. Leurs filets sont accompagnés de deux glandes latérales, et leur in-
sertion est légèrement périgynique. Leurs anthères sont biloculaires, déhiscentes
par deux panneaux, et introrses. Le gynécée est libre et inséré au centre du récep-
tacle. 11 se compose d'un ovaire uniloculaire, surmonté d'un style à extrémité
stigmatifère renflée. Dans l'ovaire se trouve un seul ovule, anatrope et suspendu,
avec le micropyle dirigé en haut et du côté du placenta. Dans les fleurs mâles,
l'ovaire est peu volumineux et stérile. Dans les fleurs femelles, le nombre des
étamines est réduit; il n'y en a souvent que quatre, et elles sont stériles. Le
fruit est une baie monosperme, garnie à sa base du calice persistant. La graine
renferme sous ses téguments un embryon épais et charnu, à gros cotylédons plans-
convexes, sans albumen. Les Laurus sont des arbres de l'Asie Mineure et des
Canaries. Leurs feuilles sont alternes, simples, coriaces, persistantes, d'un beau
vert. Leurs fleurs sont réunies sur de petits axes communs, insérés dans l'aisselle
des feuilles. De grandes bractées imbriquées enveloppent l'inflorescence qui est
formée de plusieurs glomérules réunis autour d'un bourgeon centraL
Le Laurier dApoUoii {Laurus nobllis L. — L. vulgaris C. Bauh.) est encore
appelé L. commun, L. sauce, L. franc, L. à jambons. C'est un bel arbre à feuil-
lage glabre, touffu, haut de dix à (rente pieds. Ses feuilles sont oblongues-lan-
LAURIER (botanique).
29
céolées, atténuées à la base, aiguës au sommet, lisses, brillantes en dessus. Ses
fleurs mâles sont réunies dans un involucre de bractées, glabres ou légèrement
soyeuses dans le milieu, et elles sont rapprochées autour du petit bourgeon central
de l'inflorescence, en trois à six glomérules, tandis que les fleurs femelles ou her-
maphrodites forment un, deux ou trois, en général enfin un nombre moindre de
petits glomérules. La partie qu'on emploie le plus en médecine est le fruit. C'est
ime baie ovoïde, supportée par un pédoncule grêle ; lisse à la surface, odorante,
aromatique comme tout le reste de la plante. Elle atteint jusqu'à tout près d'un
demi-pouce de longueur. Sa graine a des enveloppes membraneuses, et un gros
embryon ovoïde, charnu, aromatique. Ses cotylédons sont presque hémisphé-
riques et se touchent par une large surface plane. Vers leur base, ils se prolon-
gent au-dessous de leur point d'insertion, de manière à former par leur rappro-
chement un étui complet à la radicule; ils descendent ainsi au delà de son sommet.
Le L. nohilis paraît originaire de l'Asie Mineure ; il est abondant à l'état spontané
sur les côtes de la Méditerranée, et il est cultivé dans la plupart des jardins; c'est
à peine s'il supporte les rigueurs des hivers de Paris.
Les principales plantes médicinales autrefois rapportées au genre Laurus sont
les suivantes.
Le Laurus Benzoln L. est un Benzoin ou Lindera.
Le L. Camphpra L. est le type du genre Camphrier.
Le L. Cassia L. est un Litsœa, et la plante à laquelle
Burmanu a donné le même nom est un Cannellier.
Le L. Cinnamomum est le type du genre Cannellier.
Le L. Cidilaivan est un Cannellier.
Le L. Ciibeba Looa. est un Tetranthera.
Lei. cupidaris L.uni est un Mespilodaphne. \ Voy. tous ces mots.
Le L. glauca Thg est un Litsœa.
Le L. involucrata Vaiil est un Litsœa.
Le L. Malabathriun est un Cannellier.
Le L. Persea L. est le type du genre Avocatier.
Le L. Pichurim est un Aydendron.
Le L.porrecta Roxb. est un Cannellier.
Le L. Sassafras L. est un Sassafras.
Beaucoup d'arbres employés en médecine, et qui ont plus ou moins le feuillage
des Lauriers, en ont aussi reçu le nom; ils appartiennent, à d'autres genres, ou
même à des tarailles tout à fait distinctes.
Le Laurier rouge de Bourbon est un Nectandra, ainsi
que celui de la Martinique; c est VAsakana des Caraïbes.
On donne encore ce nom aux Fra7igipaniers.
Le L. Alexandrin est un Fragon.
Le L. Cerise ou L. Amande, L. Amandier, L. impé-
rial, L. de Tre'bizonde, est un Prunier. {Voy. ce mot.)
Le L. des Iroquois est un Sassafras.
Le L. Putiet et le L. de Portugal sont des Pruniers.
Le L. Piose est un Nerimn.
Le L. de Saint-Antoine est un Epilobe.
Le L. sauvage, un Cirier.
Le L. Tin, un Viorne.
Le L. Tulipier, un Magnolia. H. Bn.
Voy. tous ces mots,
50 LA.URIER (umploi médical).
TocRN., Inst. rei herb., 597, t. 367. — L.. Hort. CUffort., 55. — Bauhi\ (C), Pinax,
460. — G;Er,TN., Fmct., U, 68, t. 92.— Nées d'Esenceck, Sijst. Laurin., 502, 579.—
Sciiituim, Hanclb., t. 110. — Nées '^Fr.), Gen. fl. german., fasc. 7, icon.— Sibth., FI. grœc,
t. 565. — DuiiAsi., Ârhr., I, 550, t. 134, 155. — Webb, Phytogr. canar., III, 229, t. 20i. —
Blackw., Hcrb., t. 175. — Esdl., Gen., n. 2061. — Meissn., Gen., 527 (259), et ap. DC.
Prod., X., sect. 1, 235. — Mér. et Del., Dict., IV, 61. — Ducu.. Répert., 57. — Rich. (A.),
in Dict. de méd. (en 30 vol.), XVII, 594 ; Elém., éd. 4, I, 287. — Guib., Drog. simpL, éd. 4,
II, 563. — MoQ., Bot. mcd., 234. — Pereira, Elem. Ma<. med., éd. I, II, p. 4, 463, —
Li.NDL., Fl. med., 540. — Rosenth., Syn. pi. diapli-, 236. H. En.
§11. Emploi médical. Ainsi qu'on vient de le voir, la botanique ne retient
plus aujourd'hui, dans le genre laurier, qu'une seule espèce médicinale. Mais
d'autres espèces distraites de ce genre ayant conservé en matière médicale le nom
àe lauriers, nous sommes forcés de nous en occuper ici. Nous ne parlerons que
de ceux de ces lauriers qui offrent un intérêt véritable au point de vue de la ma-
tière médicale.
I. Laurier commcn (Laurus nobilis en grec, §àu,Tn). On connaît la gracieuse
fiction mythologique qui lui a valu ce nom, et le culte en quelque sorte supersti-
tieux que les anciens professaient pour cet arbre. Il serait en dehors de notre
sujet de nous en occuper, si quelques-unes de ces idées n'accusaient une notion
de certaines propriétés hygiéniques ou médicamenteuses attribuées à ce végétal.
On lui accordait une action purificatrice ; les temples d'Apollon en étaient en-
tourés ; on» représentait Esculape le front ceint d'une couronne de laurier; on se
servait de sa fumée pour assainir les étables ; on le considérait comme un alexi-
tère puissant, comme un préservatif assuré contre les morsures virulentes ou ve-
nimeuses et contre les maladies contagieuses. L'article que Loiseleur-Deslong-
champs et Marquis ont consacré au laurier, article tout imprégné de cette élé-
gante érudition classique que nous avons trop désapprise, a réuni sur les idées
que les anciens professaient pour cet arbre des détails d'un grand intérêt, et nous
ne pouvons que renvoyer le lecteur au volume du Bict. des sciences médicales
qui les renferme. [Bict. des se. méd., 1818, t. XXVII, p. 315.)
Les feuilles et les baies de laurier sont les parties de cette plante qui sont em-
ployées en médecine. Les feuilles ont une saveur amère, piquante et une odeur
aromatique qu'elles doivent à l'existence d'une huile essentielle qui se retrouve
également dans les baies. Celles-ci ont une odeur plus fragrante que les feuilles.
Elles contiennent deux huiles ; l'une grasse, l'autre volatile, et de plus du laurin
ou camphre de laurier. Bonastre, analysant ces baies en 1824, y a trouvé les prin-
cipes suivants : huile essentielle, 0,8; laurin, 1 ; huile grasse, 12,8 ; cire, 7,1 ;
résine, 1,6; sucre incristallisable, 0,4; extractif, 17,2 ; bassorine, 6,4; amidon,
25,2 ; ligneux, 18,8 ; albumine, traces ; principe acide, 0,1 ; eau, 6,4 ; sels, 1,5.
Les cendres pesant 1,2 consistent en carbonate de potasse et en carbonate et
phosphates de chaux. (Pereira, vol. II, p. I, p. 464.)
L'huile volatile de laurier est très-soluble dans l'alcool et dails Téther ; elle A
pour formule C'^^IP^O. Le camphre ou laurin s'obtient des baies en les traitant
par l'alcool rectifié. L'huile fixe s'obtient par l'expression des baies sèches oU
traîches {op. cit.).
Ce dernier produit est lé seul qui intéresse la matière médicale. On a suivi divers
procédés pour préparer l'huile de laurier. Celui de Duhamel consiste à broyer les
baies dans un mortier et à les faire bouillir ; l'huile surnage. Si les baies sont
sèches, on les pulvérise, on les soumet à la vapeur d'eau pour les ramollir, et ou
les exprime entre des', plaques métalliques chauffées. Soubeiran, qui a décrit ce
LAURIER (emploi médical). 3]
procédé et qui l'a appliqué, a retiré 100 grammes d'huiles, pour 1 kilogramme
de baies, c'est-à-dire le 10" eu poids et non le 5S comme l'établit Pereira. Le pro-
cédé décrit par Maingault {Biillet. de th., t. XIV, 1855, p. 525) ne lui a fourni
qu'un 15^ d'huile.
Cette huile de laurier, qui nous vient de Trieste enfermée dans des barils, est
verte, odorante, limpide, d'un goût amer, soluble dans l'alcool qui lui ôte sa
couleur, saponiflable. Elle est siccative, elle s'épaissit progressivement jusqu'à
prendre une consistance de graisse; elle a alors une couleur jaune paille.
Peveira {op. cit., p. 465) décrit sous le nom d'0/ei<?7i lauri œtliereum nativum
ou huile naturelle éthérée de laurier, un médicament huileux qui vient deDémé-
rari, et que l'on obtient en incisant l'écorce d'une sorte de laurier appelé par les
Espagnols /Ixeîte de Sassafras (obvier de sassafras). Il n'est pas très-certain
qu'elle ait cette origine botanique; c'est une huile transparente, à odeur de té-
rébenthine mélangée du] parfum du citron ; elle a des propriétés excitantes diu-
rétiques et diaphorétiques ; on l'emploie dans les paralysies, les rhumatismes,
les engorgements articulaires, etc.
Les baies et les feuilles de laurier ont une action stimulante et apéritive. La
] ropriété que leur attribuaient les anciens de permettre aux buveurs d'éviter
l'ivresse parait parfaitement apocryphe; elles ne la justifient pas mieux que le re-
proche d'ctre abortive qui luiaété aussi adressé. Dioscoride cité par Oribase (AfecL
colled., lib. XI, D) attribue aux feuilles vertes une action astringente, et tes con-
sidère comme vomitives : « Pota stomachum subvertunt et vomitum cient. » Plus loin
il parle de la poudre de l'écorce employée dans du vin contre les calculs hépati-
ques (lib. II, Ad Eunapium). Nicolas Myrepsus recommandait les baies de laurier
contre la toux (De antidot., sect. prima, cap. ccci.xv), affirmation vague, mais
dont on se rend compte en rapprochant sous ce rapport le laurier de certaines Labiées
amères avec lesquelles il doit avoir en effet une grande ressemblance thérapeu-
tique. Enfin Actuarius a résumé aphoristiquement les propriétés qu'il attribuait
au laurier dans la phrase suivante : « Medicamentum e baccis lauri ad stomachicos,
aqua intercute, laborantes, ischiadicos, lienosos. » (De Meth. nied., lib. YI ; De em-
plastris vudagmatis et Unimentis .) L'avant-dernière de ces indications est à peu
près la seule qu'on lui reconnaisse aujourd'hui.
L'action carminative du laurier peut être admise par analogie; c'est un con-
diment acre et aromatique dont ou fait un usage habituel dans nos cuisines, et qui
peut en effet stimuler utilement l'estomac et combattre l'atonie de cet organe et la
flatulence qui en est la suite. Les propriétés emménagogues du laurier ont été
admises, mais elle sont à démontrer.
Les préparations de laurier s'emploient surtout à l'extérieur pour stimuler la
peau, résoudre les engorgements indolents, réveiller la sensibilité des parties
frappées de paralysie, et aussi pour détruire \espediculi capitis.
Les baies de laurier entrent dans la composition du baume de Fioravcnti em-
ployé, comme on sait^ contre le rhumatisme, les paralysies, les engelures, etc. Enfin
ou se sert quelquefois des feuilles pour la préparation d'un bain aromatique parti-
culier.
IL Laurieb Sass.4.fr.\s. {yoij. Sassafras.)
III. Lauëus Persea. [Voy. Avocatier.)
IV. Laurier Cannelle. {Voy. Cannellier.)
V. Laurier Camphrier. [Voy. Camphre.)
VL Laurier Casse {Laurus Cassia, Cinnamomum Cassla.) Cet arnre, origi-
35>' LAURIER (emploi médical),
iiaire de la Chine et cultivé à Java, fournit à la matière médicale : ïécorce de
cassia et les fleurs ou clous de cassia.
1" L'écorce nous vient de la Chine, de la côte de Malabar, de Manille ou de
Maurice. Analysée par Bucliolz, elle a donné : huile essentielle, 0,8; résine, 4,0;
gomme, principe astringent et extractif, 14,6 ; ligneux et bassorine, 64,5 ; eau
et perte, 16,5.
Quand on traite une décoction d'écorce de laurier casse par le sesquichlorure de
fer, la liqueur noircit par suite de la formation d'un tannate de fer; avec la géla-
tine il se produit aussi un précipité ; la teinture d'iode la bleuit, ce qui la dis-
tingue d'une décoction d'écorce de cannelle.
2" Les clous ou boutons de laurier casse proviennent très-vraisemblablement
du même arbre que l'écorce. Ils nous viennent de Canton. Ils renferment une
essence et du tannin.
Le laurier casse, très-anciennement connu comme bois de parfum chez les Hé-
breux, a été employé à titre de médicament, par Hippocrate, Dioscoride, etc. Au-
jourd'hui son usage est très-borné en Angleterre, et il est nul chez nous. Les
médecins anglais se servent de l'huile essentielle de casse à la dose de 1 à
4 gouttes; de l'eau de casse obtenue en distillant de l'eau alcooUsée sur l'écorce
et qu'ils emploient comme véhicule de potions stimulantes, et enfin de la teinture
de casse. Celle-ci se donne à la dose de 1 à 2 gros dans des boissons toniques.
Le malabathrum est rapporté par quelques auteurs, à tort, paraît-il, au
laurier casse. {Voy. la Botanique du mot Malabathrum). Quoi qu'il en soit, cette
substance si recherchée des anciens à cause de son parfum, et qui était employée
chez eux à titre de médicament, est complètement tombée en désuétude.
VIL Lacrier cuulawan ou Beeberu {Laurus Culilawan de L.). C'est Varhreà
cœur vert des Anglais {green heart treé) ou Bibiru ou Beeberu, car l'orthographe
de ce mot n'est pas encore fixée. C'est un arbre de la Guyane anglaise. Son bois
très-dur et très-lourd s'enfonce dans l'eau et est susceptible de prendre un beau
poli ; il paraît à peu près incorruptible. Les tourneurs anglais lui ont donné le nom
de bois au cœur vert {green heart wood) . Pereira, qui a consacré à ce médicament
un article très-étendu a décrit ainsi l'écorce de cet arbre : « L'écorce de bibiru ou
beeberu {cortex bibiru) se tire du tronc. Elle se présente sous l'aspect de mor-
ceaux considérables, très-lourds et plats, ayant 1 à 2 pieds anglais de long, 2 à
6 pouces de large, et 5 à 4 hgnes d'épaisseur. Elle est recouverte extérieurement
d'un épidémie caduc, gris brunàti-e ; elle a en dedans la couleur de cannelle
brune; sa cassure est fibreuse, sa saveur est amère, très-forte et persistante,
avec astringence marquée ; elle n'est ni aromatique, ni acre, ni piquante (Pe-
reira, vol. II, part. I, 467).
Signalées en 1769 par Bancroft, les propriétés thérapeutiques du beeberu ont
été principalement étudiées par le docteur Roder ou Rodie, chirurgien de la ma-
rine anglaise, qui, en 1854, signala l'analogie médicamenteuse de la beeberiiie et
de la quinine. Le nom de nectandra Rodei donné au beeberu par quelques bota-
nistes a consacré le souvenir des recherches de ce médecin.
L'écorce et les graines de cet arbre ont été analysées par Maclagan qui y a si-
gnalé l'existence de deux alcaloïdes, la beeberine et la sipirine; mais un examen
plus attentif permit de reconnaître que le second n'était qu'un produit de l'oxy-
dation du premier. Cet alcaloïde y est associé à une résine, du tannin, de l'a-
midon, du ligneux, etc. Il existe dans les proportions de 2,50 environ p. 100.
La beeberine est une substance incristallisable, jaune, amorphe, d'aspect réii-
LaDPiIER (emploi médical). 53
neux, mais elle devient blanche quand elle est réduite en poudre; elle est très-
soluble dans l'alcool, moins dans l'éthev et très-peu dans l'eau. Sa dissolution
alcoolique a une réaction alcaline. Elle se dissout dans les acides, et forme avec
eux des sels jaunes amorphes. On avait prétendu que la beeberine avait la même
formule que la morphine, dont elle n'était qu'une modification isomérique. L'a-
nalyse de Planta lui assigne la composition suivante : C^^H'^Az^O®. On la retire du
sons-sulfate de beeberine obtenu lui-même par un procédé analogue à celui à
l'aide duquel on prépare le sulfate de quinine. La beeberine forme avec l'acida
sulfurique deux sels : le sulfate neutre (Bi SO^) et le sous-sulfate (2Bi SO^). Ce
dernier est le seul employé; il est très-amer, soluble dans l'alcool, légèrement
soluble dans l'eau froide ; sa solubilité dans ce liquide est favorisée par l'addition
d'acide sulfurique. {Voy. Pereira, loc. cit., pasfiim.)
Le travail du docteur Douglas Maclagan lu devant la Société royale d'Edimbourg,
en ISiô, c'est-à-dire neuf ans après les recherches de Roder, fixa d'une manière
particulière l'attention des médecins sur cette substance intéressante, et en 1850,
un autre médecin anglais, le docteur Stratton, consigna dans VEdinhurgh Médical
Journal le résumé des résultats qu'il avait obtenus de la beeberine employée comme
fébrifuge dans le cours d'un voyage d'émigration. Dès lors, on conçut l'espoir
d'avoir trouvé un succédané du sulfate de quinine aussi efficace que ce médica-
ment et beaucoup moins dispendieux. Des faits empruntés à Anderson, Ewatt,
Bennet, Simpson, etc., vinrent confirmer ces espérances; ce médicament devint
d'un usage assez répandu en Ecosse, et, en 1851 , Becquerel fit connaître au pu-
blic médical français dans le Bulletin général de thérapeutique {Note sur l'em-
ploi du sulfate de beeberine dans le traitement des fièvres intermittentes ; m
Bullet. de th., t. XLI, p. 295, 1851) les résultats auxquels l'avaient conduit ses
essais sur ce nouveau fébrifuge. Sept cas de fièvre intermittente ont été traités
par le sulfate de beeberine, et ont cédé après une administration de Os^SO à
2 grammes du sel, répétée pejidant un nombre de jours qui a varié de 1 à 4.
L'auteur conclut à la idéalité de l'action fébrifuge du sulfate de beeberine, et fait
ressortir la modicité du prix de ce médicament qui ne coûte environ que le quart
du sull'ate de quinine. Ce serait là une condition fort avantageuse, si la beeberine
avait les mômes vertus que la quinine. Or, il faut remarquer qu'on est placé sur
un mauvais terrain à Paris pour expérimenter un fébrifuge. Les fièvres intermit-
tentes y sont peu tenaces, et elles tendent d'elles-mêmes à la guérison. Il aurait
fallu reprendre ces essais, et sur une large échelle, dans des localités maréca-
geuses. Or je ne sache pas que ce médicament ait été essayé, ni dans les colonies,
uidans les provinces, telles que la Bresse, la Saintonge, etc., où règne le palu-
disme. On a si souvent annoncé la fin du règne de la quinine, et son remplacement
par un autre alcaloïde que l'annonce d'un nouveau succédané est accueillie avec
un certain scepticisme. Il est plus prudent de compter sur la fiibrication arlifi-
cielle de la quinine, progrès dont la chimie n'est pas ti'ès-loin, et qu'elle réalisera
un jour, il est permis de l'espérer.
Les doses du sulfate busique de beeberine sont les mêmes que les doses fébri-
fuges de la quinine de 0s'',6 à 1 gramme. On l'emploie en pilules ou en solution
aqueuse obtenue à l'aide de quelques gouttes d'acide sulfurique et avec addition
de sirop d'écorces d'oranges amères.
La poudre de l'écorce serait probablement susceptible de toutes les préparations
auxquelles on soumet l'écorce de quinquina, mais on no s'est occupé jusqu'ici que
di; sulfate de beeberine.
mcT. EKc. 2' s. II. 7)
'ai LAlJFiIER (emi'Loi médical).
En résumé, s'il n'est pas possible de nier la valeur de la beeberine comme fé-
brifuge, elle n'est assez active, ni assez sûre pour qu'on la substitue à la quinine
dans les cas d'accès qui s'éloignent des cal'actères d'une simplicité absolue. {Bullet.
deth, t. LXVIU, p. 69.)
Un médecin aiigkis, H. LIewellyn Williams, a proposé de substituer le sul-
fate de beeberine au sulfate de quinine dans le traitement de l'ophthalmie scro-
fuleuse. J'ai cherché à démontrer, dans un travail publié il y a quelques années,
Du caractère névralgique de la photophobie qui complique certaines ophthalmies,
notamment l'ophtalmie phlyctémdaire et de son traitement par le sulfate de
quinine [Bidl. de the'r., t. LXVIH, 1865, Phlyctémdaire), l'action très-remar-
quable que ce dernier médicament exerce contre la photophobie liée à l'oph-
thalmie phlycténuiaire des enfants scrofuleux, action du reste admise par
Lawrence, Mackensie, Quadri, Deval. Le sulfate de beeberine a-t-il la même
efficacité? C'est possible, mais il faut le démontrer par des observations bien
faites.
Je signalerai enfin l'emploi du sulfate de beeberine contre la diarrhée. Le docteur
Clarence Matthews, qui a publié à ce sujet une note dans le journal the Lancet
(septembre 1854), n'émet que des assertions assez vagues et dont la sévérité clinique
s'accommode mal. Qu'on s'en tienne à l'action fébrifuge, c'est assez pour le
moment. Au reste, la beeberine n'a guère pris en France, car je ne sache pas que
depuis 1851, c'est-à-dire depuis le mémoire de Becquerel, rien ait été publié chez
nous relativement à cet alcaloïde. Trop d'enthousiasme d'abord, trop d'indifférence
ensuite, c'est l'histoire invariable de toutes les nouveautés thérapeutiques.
VIII. Laueier pichof.im (Ocotea/)ic/m>'im Humboldt et Bonpland). C'est le &oJs
d'anis. Cet arbre, qui croît sur les bords de l'Orénoque, donne une écorce décrite
jadis par Murray sous le nom à' écorce de Pichurim et des semences appelées fèves
pichurim ou noix de sassafras.
La lève de pichurim se présente sous deux états ; i'une est la fève pichurim
vraie, l'autre est la fève pichurim bâtarde. Son odeur est intermédiaire entre
celle de la muscade et du sassafras. Substance aromatique, susceptible de servir
comme parfum, mais ayant été peu étudiée au point de vue médical,
IX. Laurier raveksaiîa ou 7ioix de girofle.
X. Laurier cerise. {Prunus lauro-cerasus), prunier laurier-cerise, laurier'
amande, laurier au lait, etc. La première de ces désignations lui vient de la
ressemblance de ses feuilles avec celles du laurier, la seconde de l'odeur d'amandes
amères qu'exhalent presque toutes ses partiel, notamment ses fleurs ; la troisième
de l'usage vulgaire que l'on fait de ses feuilles pour communiquer au lait un
orome agréable.
Le laurier-cerise constitue un médicament fort important dans le groupe des
CvANiQUES. (Voy. ce mot.) Il est en effet le plus maniable et, si on savait toujours
s'en servir convenablement, il pourrait remplacer toutes les autres formules à base
de cyanogène ; de plus, l'école pliarmacologiquc italienne lui a attaché une impor-
tance toute particulière en en faisant en quelque sorte le type de ses hyposthér.i-
sants cardiaco-vasculaires ; sa posologie est extrêmement délicate et exige une
•xttention très-grande, enfin son histoire toxicologique offre un intérêt réel; toutes
ces considérations justifieront, je l'espère, rimportance que je vais donner à son
étude.
a. Pharmacologie. Les feuilles du laurier-cerise ont été analysées, il y a une
trentaine d'années, par Winkler, qui y a constaté de l'acide prussique, une huile
LAURIER (emploi médical). 35'
essentielle, de la chlorophylle et un principe protéique particulier analogue à
l'amygdaline et qui, mis au contact de l'émulsine des amandes douces, de l'eau
et d'une température convenable, dégage l'odeur d'amandes amères. Si on traite
ces feuilles par l'alcool absolu, on leur enlève cette sorte d'amygdaline et le résidu
du traitement agit à la manière de l'émulsine sur l'amygdaline des amandes
amères; d'où la conclusion que l'huile essentielle de laurier-cerise se produit de
la même façon que l'huile essentielle d'amandes amères. Toutefois si on s'en rap-
porte aux recherches de Lepage (de Gisors), l'acide prussique et l'huile essentielle
de laurier-cerise existent tout formés dans les feuilles fraîches du végétal. Sou-
beiran a fait remarquer {Bullet. de th., t. VII, 1854, p. oo4) que l'huile essen-
tielle de laurier-cerise est rarement un corps identique dans sa composition, que
c'est un mélange en proportions variables, d'essence, d'acide prussique et peut-être
aussi d'un autre principe cyanique particuHer. Sa formule est C-''H^''. Elle est
blanchâtre, concrète, acre, presque toujours mélangée d'une certaine quantité
d'acide cyanhydrique.
L'eau distillée de laurier-cerise est la plus usitée des formes de ce médicament.
Son mode de préparation et sa composition ont été l'objet de travaux très-nom-
breux, ce qui se conçoit quand on songe à l'instabilité d'action de ce médicament,
dont l'activité peut varier dans les proportions de 1 à 5, si ce n'est plus, quand il
est mal préparé.
On connaît deux sortes d'eau distillée : l'eau distillée ordinaire et l'eau cohobée ;
celle-ci, obtenue en recommençant plusieurs fois la distUlation de l'eau distillée
sur de nouvelles feuilles fraîches, est extrêmement active parce qu'elle con-
tient en suspension une quantité notable d'essence qui lui donne quelquefois un
œil laiteux. L'eau distillée ordinaire doit seule être employée pour les usages médi-
caux, et encore a-t-elle une composition assez variable qui paraît dépendre de la
localité dans laquelle les feuilles ont été recueillies et de la saison ; c'est ainsi que
touteschoses égales d'ailleurs, l'eau distiUée de laurier-cerise préparée en Italie est
plus active que celle i-ecueillie en France ; celle faite en juillet et août qu'à une autre
époque de l'année. On prétend même que la différence d'activité de deux eaux
distillées préparées l'une en avril, l'autre en juillet peut aller jusqu'au double,
Garod a fait à ce sujet des essais qui montrent au moins le soin méticuleux qu'il
faut apporter dans la préparation de l'eau distillée de laurier-cerise.
Le nouveau Codex est entré sur ce point dans des détails qui ne sembleront pas
superflus et les pharmaciens ne devront plus s'écarter du procédé qu'il conseille.
11 consiste à distdler 4000 grammes d'eau sur 1000 grammes de feuihes de
laurier-cerise recueillies de mai à septembre. Le produit de la distillation doit être
de 1500 grammes ; la liltration à travers du papier mouillé sépare l'huile essen-
tielle suspendue et ne laisse que celle qui est en dissolution dans l'eau. On titre
la quantité d'acide cyanhydrique contenue dans cette eau distillée, et on l'amène
au chiffre de 50 mihigrammes par 100 grammes ou d'un demi-milligramme par
gramme en y ajoutant une quantité convenable d'eau. « On détermine facilement
le titre de l'eau de laurier-cerise, c'est-à-dire la proportion d'acide cyanhydrique
qu'elle contient au moyen d'une dissolution titrée de sulfate de cuivre contenant
2os'',09 de ce sel cristallisé sur 1000 centimètres cubes et en opérant de la manière
suivante. On prend un petit ballon de verre à fond plat, on le pose sur une feuille
de papier blanc; on y verse 100 centimètres cubes d'eau de laurier- cerise et
10 centimètres cubes d'ammoniaque; puis, au moyen d'une burette divisée en
di.\ièmc? de ceatirnctre cube, on ajoute graduellement, et en agitant convenable-
36 LAURIER (emploi MÉnicu,)
meut la dissolution titrée de sulfate de cuivre jusqu'à ce qu'elle cesse de se déco-
lorer entièromeut. On lit alors sur la burette le uombre des divisions de cette liqueur
que l'on a employées. Ce uoinbre exprime très-exactement eu milligrammes la pro-
portion d'acide cyanliydrique contenue dans les -100 grammes de l'eau de laurier-
cerise soumise à l'expérience. Si donc, pour 100 grammes de cette eau, ou a em-
ployé 60 divisions de liqueur titrée, on peut en conclure qu'elle contenait sur
100 grammes 60 milligrammes d'acide cyanbydrique et qu'elle doit être étendue
d'une proportion d'eau suffisante pour la ramener au titre normal de 50 milli-
grammes par 100 grammes.
« Pour connaître la proportion d'eau qu'il faut ajouter, il suffit de multiplier
par 60 le poids de l'eau de laurier-cerise recueillie, soit 1000 grammes par
exemple et de diviser le produit par 50; le quotient l^OO représente la quantité
totale d'eau de laurier-cerise au titre normal que l'on doit obtenir après l'addition
de l'eau distillée. On ajoute en conséquence 200 grammes d'eau distillée aux
1000 grammes du produit et l'on a ainsi 1200 grammes d'eau de laurier-cerise
normale à 50 milligrammes d'acide cyanbydrique pour 1000 grammes. « {Codex
medicamentarms, 1866, p. 413.)
Deschamps (d'Avallon) a proposé d'ajouter une très-petite quantité d'acide sul-
farique dans un flacon d'eau de laurier-cerise pour maintenir la stabilité de sa
composition. La filtration de celte eau et le titrage de l'acide cyanbydrique rendent
cette précaution inutile. Il est bon de ne pas niaintenir débouchés les flacons qui
contiennent cette eau distillée, parce qu'elle perd son arôme et son activité.
L'eau distillée doit être parfaitement transparente. Le nitrate d'argent ou bien,
après addition préalable de potasse, l'action du sulfate fcrroso-ferrique et d'une
goutte d'acide sullurique, y révèlent la présence de l'acide prussique. Celle de
l'huile volatile y est décelée par l'agitation avec un sixième en volume d'ammo-
niaque ; il s'y forme un trouble laiteux , (Dieu, Traité de mat. méd. et de the'ra-
veutique, Paris, 1855, t. IV, p. 755.)
Les feuilles sèches de laurier-cerise perdent leur arôme par le fait du dégage-
ment de l'acide prussique et de l'huile essentielle, mais leur poudre contient les
éléments de la formation d'une nouvelle quantité de ces principes quand on la
place dans certaines conditions.
b. Action physiologique et toxique. Nous réunissons intentionnellement ces
deux études parce que la seconde éclaire dans une certaine mesure la première.
L'action toxique du laurier-cerise varie suivant qu'on l'étudié dans les feuilles en-
tières, dans les principes qu'on en retire ou dans sa préparation la plus usuelle,
l'eau distillée.
L'usage des feuilles de laurier-cerise pour aromatiser le lait a quelquefois pro-
duit des empoisonnements, surtout chez les enfants très-jeunes. Ingenhouz avait
vu des accidents graves se manifester par l'effet de la décoction de deux de ces
feuilles dans du lait. Vater cité par Loiseleur-Deslongcbamps et Marquis [Dict. des se.
méd., 1818, t. XXVll, p. 527, art. Laurier-cerise), a\u des accidents très-graves
se produire chez une personne qui avait pris du lait dans lequel on avait laissé
infuser trois ou quatre feuilles ; une autre personne moins impressionnable en
fut quitte pour des vertiges. Il faut donc y regarder de près et ne pas prescrire,
chez l'adulte, plus d'une feuille pour aromatiser un hquide.
L'huile essentielle est d'une elfroyablo toxicité, qu'elle ne doit pas seulement h
l'acide cyanbydrique auquel elle est mêlée ; elle est très-vénéneuse par elle-même
au même titre et au môme degré que l'essence d'amandes amères. Cette essence
LAUr.IKR (emploi médical). 37
est vendue en Italie sons ce dernier nom ; elle est, utilisée dans la parrumorie et
aussi dans la pâtisserie à titre de condiment, et ces usages économiques et indus-
triels ont été la cause d'accidents si graves que le débit a dia à une certaine époque
en être interdit en Toscane. Les expériences de NichoUs et de Fontana ont dé-
montré la lenible énergie de celte essence. Le dernier de ces observateurs a
déterminé la mort chez un chien en en déposant une goulte cà la surface d'une
plaie. Les accidents très-rapides développées par ce poison se conlondent du reste
coniplétemeut par leur physionomie avec ceux de l'empoisonnement par l'acide
cyanhydrique. {Voij. ce mot.)
Les cas les plus nombreux d'empoisonnement par le laurier-cerise se sont pro-
duits sous l'influence de l'eau distillée et surtout de l'eau cohobée qui est beaucoup
plusactive et d'une composition beaucoup plus variable, comme nous l'asonsdéjà
ûil.Giacomim{Thér. et Mat. médicAnEjîcjjclopédie des sciencesmé(L;lri\d.^lojon,
Paris, 1859, p. 128) a réuni, dans un intérêt doctrinal, un assez grand nombre
de laits d'empoisonnement par l'eau distillée de laurier-cerise, entre autres celui
observé cà DubUn en 1728 et dont deux femmes furent les victimes; l'une d'elles
avait pris 50 grammes environ de cette eau ; le fait cité par Madden qui but par
erreur une certaine quantité d'eau de laurier-cerise et qui succomba ; l'observa-
tion recueillie par Fodéré de deux personnes qui, à Turin, durent la mort à une
erreur de même nature ; celle d'une jeune fille à laquelle un pharmacien anglais
fit prendre par méprise 30 grammes environ d'eau de laurier-cerise, et qui suc-
comba rapidement. Le crime n'a pas manqué de se servir de celte arme et l'An-
glettrre a dii à ce poison un de ses drames judiciaires les plus émouvants.
Les symptômes observés dans quelques-uns de ces accidents et ceux recueillis
dans des expériences faites intentionnellement sur les animaux par Nichols, Madden,
Vater, Fontana, Rasori, Orfila, etc., ont permis de constater, sauf l'intensité,
l'analogie des accidents toxiques produits par le laurier-cerise et l'acide cyanhy-
drique. Troubles cérébraux, vertiges, titubation, perte de connaissance, accès
couvulsifs suivis de symptômes de paralysie musculaire, quelquefois vomissement,
respiration enchaînée, état d'hyperesthcsie générale, refroidissement, etc., tels sont
les symptômes diversement groupés que développe cet empoisonnement quand il
ne revêt pas une forme trop sidérante. Le traitement varie suivant les idées doc-
trinales en vigueur à propos de l'action interne de cette substance. Les Italiens,
voyant dans ses effets tous les signes de l'hyposthénisation la plus énergique, em-
ploient des stimulants : vin, alcool, alcool de cannelle, éther, etc. On peut dire qu'il
n'y a pas de formule absolue. Un empoisonnement est une maladie et,quand on a
déféré ii l'indication d'expulser le poison, ou quand on a reconnu que cette expul-
sion n'est plus possible, on est en présence d'une maladie et les moyens à mettre
en œuvre sont dans la tète du médecin et non dans un formulaire. Les affusions
froides recommandées par Ilerbset, constituent le moyen dans lequel on peut avoir
le plus de confiance. J'y ajouterai la stimulation faradique de la''peau et la respi-
ration artificielle. Les accidents les plus pressants, une fois conjurés, les indications
les plus diverses peuvent surgir et il n'y a pas de ligne de conduite i\ tracer. Les
stimulants et les antipblogistiques peuvent avoir tour à tour leur utihté. Cette
conception de la thérapeutique des empoisonnements est la seule qui soit vraiment
clinique.
Si des faits toxiques, qui, il faut bien l'avouer, n'apprennent pas grand'chose
sur l'action intime des agents médicamenteux, nous passons aux faits cliniques,
nous notons au nombre des symptômes qui ont pu être attiibués à des doses me-
.'a LAURIER (emploi médical).
dicamejîieuses de laurier-cerise, de la pesanteur de tête, des vertiges, un état de
torpeur des facultés intellectuelles, de la tendance au sommeil (Roux de Brignol-
les, Bullet de thch'ap., t. 111, 1852, p. 197), de la faiblesse musculaire. Ce degré
est-il dépassé, il sufl-vient des troubles digestifs qui paraissent liés à l'impression
subie' par les centres nerveux, puis tout se dissipe au bout de peu de temps, et il
ne se produit d'elïets consécutifs que quand la dose a été considérable. Les Italiens,
se fondant sur la nature présumée hyposthénique de ces symptômes, sur l'action
antidotique des médicaments stimulants, et sur la nature inflammatoire des niala-
diers auxquelles on oppose avec succès l'eau de laurier-cerise, concluent à l'action
contro-stimulante de celle-ci et en font un hyposthén'isanl cardiaco-vasculaire.
Les pharmacologistes français la classent dans le groupe des antispasmodiques.
Nous avons dit, à propos de ces médicaments {voij. ce mot), que les cyaniques ou
médicaments à base de cyanogène se rattachent à la médication stupéfiante dif-
fusible, dont ils constituent un groupe très-natm^el et très-important. Nous n'a-
vons pas à revenir sur les raisons que nous avons alléguées pour justitier cette
opmion. {Voy. Antispasmodiques et Cyaniques.)
c. Thérapeutique. 1" L'eau de laurier-cerise est employée à cause de sou
arôme agréable, comme adjuvant, dans certaines potions nauséeuses ; elle y joue le
rôle de condiment et les fait tolérer par l'estomac. C'est à ce titre qu'elle intervient
dans les formules des potions stibiées. Cependant, il est bon de remarquer que les
malades se lassent assez promptement de cette odeur, et qu'il faut remplacer l'eau
de laurier-cerise par une autre eau distillée aromatique, sous peine de produire les
elfets nauséeux qu'on voulait éviter.
2° Le laurier-cerise est un médicament antispasmodique, c'est-à-dire qu'il par-
tage avec un grand nombre de substances volatiles et odorantes la propriété d'in-
fluencer vivement, mais passagèrement, le système nerveux dans le sens de la dis-
parition de ces troubles fonctionnels expressifs, mais habituellement peu pro-
fonds, que l'on désigne sous le nom de spasmes. Les antispasmodiques, reconnais-
sant, comme tous les médicaments qui s'adressent à la i'onctionnalité nerveuse,
l'influence très-marquée des idiosyncrasies et des habitudes, on ne saurait avoir
une gamme trop variée de ces agents, et le laurier-cerise y joue un rôle réelle-
ment utile. Nous n'avons pas à parcourir ici la liste fastidieuse des troubles spas-
modiques auxquels le laurier-cerise peut être opposé avec plus ou moins de suc-
cès. Le lecteur trouvera d'ailleurs cette énumération à l'article Antispasmodiques.
{Voy. ce mot).
5" Mais les antispasmodiques deviennent en même temps des anesthésiques ou
des stupéfiants diffusibles quand leur action dépasse luie certaine limite. Les huiles
essentielles, les éthers, les alcools, les cyaniques, un certain nombre de substaiif.es
pyrogénées volatiles, jouissent de cette propriété conamune quand elles sont inlialées
ou mises en contact avec des nerfs douloureux, d'engoui'dir la sensibilité, ou même
de l'éteindre, si l'action est poussée suffisamment loin. L'empoisonnement par
l'acide prussique et la sidération chloroformique offrent une analogie irrécusable.
L'huile essentielle de laurier-cerise ne la rompt en rien. Autour de cette propriété
se rangent certaines applications du laurier-cerise ; telles sont : son emploi contre
les crampes douloureuses de la gastralgie, la photophobie, son application sur les
caries ou sur certains ulcères pour éteindre des douleurs vives, etc.
4° L'eau de laurier-cerise dissipe aussi ou calme les spasmes musculaires, d'où
son utilité contre les diverses névroses convulsives, les vomissements incoercibles,
les loux nerveuses spasmodiques, mais surtout les palpitations du cœur. Fodéré a
LAURIER (emploi médical). 50
surtout insisté sur cette iadicatioa. L'article Laurier-cerise du Dicl. des se.
med. {lûc. cit.) contient le fait intéressant d'un soldat qui, atteint de fortes pal-
pitations de cœur, et obligé par cet état à un repos absolu, guérit sous l'influence
de l'eau de laurier-cerise prise pendant un mois, et put reprendre son service. Cette
action sédative cardiaque du médicament est, du reste, connue des gens dumondc
et utilisée par eux. On a recommandé l'eau de laurier-cerise dans la cardite;
mais, outre que le diagnostic de cette maladie n'est pas aisé à établir, il faut au
préalable établir l'opportunité, et elle n'existe pas toujours, d'une sédatiou des
mouvements du cœur.
5" L'école pliarmacologique italienne a beaucoup insisté sur l'action hypostbé-
nisante de l'eau de laurier-cerise, et l'a opposée à ce titre à toutes les maladies in-
flammatoires ou prcsinnées inflammatoires. Lecadrenosologiqueya, bien entendu,
passé tout entier. Borda, Brera et Tommasini ont surtout employé ce médicament
à titre à'hyposthénisant, c esi-h-àire d'antiphlogistiqiie indirect, et il a eu le singu-
lier bonneur d'inaugurer la révolution pbarmacologique italienne. On sait l'Iiis-
ton-edu fermier de Borda. Une pneumonie guérie solennellement par l'eau de lau-
rier-cerise, en présence d'une clinique nombreuse, était un événement au com-
niencepient de ce siècle ; il offrirait moins d'intérêt et de signification aujourd'bui
que l'on connaît les tendances spontanées vers une terminaison favorable qu'af-
fecte la pneumonie simple et franche, chez des sujets jeunes et surpris par cette
maladie dans de bonnes conditions de santé. De la pneumonie. Borda passa au
rhmnatisme, à la pleurésie, à la bronchite, à la phthisie (qui n'est, bien entendu,
dans sa doctrine, qu'une pneumonie chronique). Que le laurier-cerise ait une action
sédatrice sur la circulation, et, par suite, sur la fonction calorigénique, c'est ce
qu'on ne saurait mettre en doute ; mais que ce médicament anodin puisse et
doive remplacer les antipblogistiques réels, quand ceux-ci sont par ailleurs indi-
qués, c'est ce qu'il est difhcile de croire et dangereux d'admettre.
6° L'eau de laurier-cerise combat utilement le symptôme toux, quelle qu'en
soit la nature ; non-seulement la toux nerveuse, sans support matériel, cela va
sans dire-, mais aussi la toux se rattachant à une lésion, bronchite, phthisie, etc.
quand elle prend iin caractère un peu spasmodique. Un médicament qui calme
la toux est destiné à être considéré comme un spécifique de la phthisie. L'eau
de laurier-cerise n'a pas échappé à cette loi, et Linné nous a appris que, de son
tâmps, les feuilles de laurier-cerise étaient employées en Belgique contrôla phthi-
sie. Cette illusion s'expUque.
1° Quant aux éloges qui lui ont été prodigués comme moyen curatif de l'épi-
lepsie, de l'hydrophobie, du tétanos, c'est un leurre véritable. Ces trois névroses
sont guéries infailliblement par tous les agents de la matière médicale, il faudrait
que cela fût bien convenu : on s'épargnerait des redites fastidieuses.
8° Je signalerai comme plus sérieux l'emploi de ce médicament contre l'éré-
thisme nerveux et l'insomnie qui s'y rattache. 11 n'y a là rien que de plausible ;
mais, selilement, il faut pousser les doses assez loin pour arriver à un résultat
utile.
9° Je ne dois pas omettre de parler de l'emploi ophthalmologique de l'eau
de laurier-cerise, de son usage en applications topiques contre le prurigo piidendi,
contre l'engorgement laiteux des seins (Caron Du Villard. Note sur les bons effets
de l'emploi extérieur de l'eau distillée de laurier-cerise dans quelques maladies
In BuUet. de th., t. YI, 1834, p, 77), et enfin comme moyen topique dans les
brûlures. Un médecin italien, le docteur Frauchini Eugenio, a pivconisé cette
4o LAURIER (emploi médical).
mélliocle en 186 J. Elle consiste ù nettoyer la surface avec soin, à vider les plilyc-
tènes et à recouvrir la partie d'une compresse trempée dans un mélange de 8
parties d'eau de laurier-cerise et de 100 parties de sirop de gomme ; on interpose
un linge cératé et percé de trous. Des brûlures peu étendues peuvent sans incon-
vénient être traitées par ce moyen. Le sirop de gomme n'agit sans doute qu'en
recouvrant la partie brûlée d'un enduit isolant, d'une sorte de collodion.
JO" Enfin il n'est pas inutile de signaler la propriété qu'ont certains médica-
ments cyaniques, et que le lanrier-cerise partage avec eux, de désodorer les vases
imprégnés de musc. Cette propriété est utilisable dans les pliarmacies pour purger
de cette odeur les fioles ou les mortiers; on se sert de Icuilles fraîches pilées ou
d'eau distillée de lanrier-cerise. Cette propriété curieuse a été signalée, il y
a plus de vingt ans, par Soubeiran et Fauré. [Biillet. de thér., 1847, t. XXIX,
p. 282.)
IV. Modes d'administration et doses. i° Eau distillée de laurier cerise du Co-
dex. De 4 à 15 grammes dans une potion appropriée ou sous forme de tisane.
Le sirop de laurier -cerise du Codex est préparé avec 500 grammes d'eau distillée
et 950 grammes de sucre ; il contient donc à peu près la moitié de son poids d'eau
de laurier-cerise; il s'emploie par cuillerée à bouche.
2° Huile essentielle. Médicament très-actif, peu maniable; étendu convena-
blement dans de l'huile d'amandes douces, il s'enqtloie ;i la dose de 5 milli-
grammes par jour.
5" Poudre des feuilles. Mauvaise préparation; peu active; dose de 08'',20 à
08% 40.
A"^ Feuilles fraîches. Servent à la préparation du lait amande. Une feuille pour
les adultes, une demi-feuille pour les enfants. On peut faire infuser une feuille
dans un bol d'eau chaude convenablement édulcorée.
XI. Lauiuer-rose. Le laurier-rose, suspect au point de vue toxicologique, est
encore en dehors des ressources régulières de la thérapeutique : toutefois, des
essais récents, dus à Latour, Lukowski, Landerer, Pelikan, mais surtout h de
Girard, ont fourni déjà des connaissances plus précises sur la composition des
principes actifs de cette substance, sur leur nature et leur préparation, et sur la
façon dont ils impressionnent l'économie. L'admission du laurier-rose au nombre
des médicaments utiles est probablement au bout de ces recherches.
Nous devons au dernier de ces observateurs la communication de recherches
inédites d'un intérêt véritable et que nous allons utiliser.
Loiseleur-Deslongchamps et Marquis ont rapporté dans l'article relativement
considérable qu'ils ont consacré, en 1818, au laurier-rose {Dict des se. méd.,
t. XXVIl, p. 546) une analyse empruntée au t. VI du Buïlet. depharm., et de
laquelle semblait résulter la conclusion que le principe actif du laurier-rose rési-
dait dans une matière volatile. Les travaux qui ont été faits depuis sur le laurier-
rose n'ont pas confirmé cette manière de voir. Latour {Gaz. méd. de VAlçiérie,
année 1856, p. 124) rapporte l'activité de celte plante à une résine qu'il obtient
en traitant l'extrait alcoolique par l'acide chlorhydrique. De Girard, qui a essayé
ce mode de préparation. Je considère comme supérieur aux autres : le produit
qu'il fournit contient l'acide oléandrique eiVoléayidrin, les deux produits actifs
que renferme, selon lui, le laurier-rose. En 1861, Lukowski a retiré des feuilles
et del'écorce de cette plante deux principes qu'il considère comme des alcaloïdes
et qu'd désigne sous les noms d'oléandrine et de pseudo-curarin. {Répert. de
chim. appl.,X. lll, 1861, p. 7.)
LAURIER (emploi miïdicai.). 41
J'emprunte à une note de l'auteur cité plus haut les détails pliarniacologiques
suivants : « Il y a, dit-il, dans le laurier-rose, au moins deux substances actives :
« 1° L'une est un acide; je l'appellerai acide oléandrique ;
« 2" L'autre nie parait être un corps neutre ; je le désignerai sous le nom
d'oléandrine.
«Pour les préparer, on reprend par l'eau l'extrait alcoolique d'écorce. La solution
est liltrée, pour séparer une petite quantité de résine verte insoluble, et précipitée
par l'acétate neutre de plomb; le précipité obtenu est bien lavé, et déconiposéau
sein de l'eau par l'hydrogène sulfuré. Lo dépôt de sulfure de plomb ainsi formé est
lavé à l'eau distillée, desséché vers 50° à l'étuve à air, et traité à chaud par l'alcool
à 90°; la solution alcooliciuè évaporée abandonne une substance d'un jaune brun;
cette substance, traitée par une dissolution très-étendue de carbonate de soude,
donne une liqueur colorée et une partie reste sur le filtre. Cette portion inso-
luble, c'esiVoléandrine. La dissolution donne, par l'acide nitrique pur, un pré-
cipité floconneux jaune, se rassemblant bientôt au fond du vase, c'est l'acide oléan-
drique. Cet acide est soluble dans l'alcool absolu, insoluble dans l'éther, tiès-fai-
blement solublc dans l'eau. La solution aqueuse est très-amère ; elle précipite eu
jaune par l'acétate de plomb. » (Communication de l'auteur.)
Les recherches de de Girard tendraient à démontrer que l'oléandrin est à peu
près aussi actif que l'acide oléandrique ; mais il. a surtout expérimenté le second
de ces principes, et ses expériences déjà nombreuses sur les lapins et les grenouilles
peuvent, dit-il, se résumer ainsi :
« i" Ce n'est pas un poison du cœur; cet organe, en opposition avec les assertions
de VeWkan {Comptes rendus de l'Ac. des se, 1866, 29 janvier, t. LXU), continue
à battre très-longtemps.
(( 2° Les phénomènes observés sur les grenouilles peuvent se diviser en trois pé-
riodes : a. l'animal est immobile, dans une sorte de stupeur, mais il saute cpu\nd
on le pique; b. convulsions tétaniques très-intenses succédant à la moindre exci-
tation ; c. la sensibilité est épuisée ; il n'y a plus de mouvements ; le cœur con-
tinue néanmoins à battre pendant plusieurs heures.
« Si l'on étudie la marche de la paralysie, on voit qu'elle s'étend delà périphérie
au contre. Le pouvoir excito-moteur de la moelle est d'abord augmenté, puis
éteint ; les nerfs sensitifs ne transmettent bientôt plus les impressions ; les nerfs
moteurs résistent plus longtemps à l'action du poison ; les muscles, enfui, sont
paralysés en dernier lieu. » (Note de M. de Girard.)
Les principes actifs du laurier-rose paraissent résider principalemtnt dans les
feuilles et dans l'écorce ; les climats chaudï, au dire de ([uelques auteurs, aug-
menteraient l'énergie toxique de cette plante. Loiseleur-Deslongchamps et Mar-
quis expliquent de cette façon la dissemblance qui s'est rencontrée entre les résul-
tats qu'ds ont obtenus avec de l'écorce de laurier-rose de Provence, et ceux aux-
quels est arrivé Orlda, qui se servait d'écorce récoltée à Paris. Il a fallu, en eflet, à
cet expérimentateur just[u'à 4 ou 5 grammes d'extrait ou de poudre introduits par
(îiverses voies pour déterminer la mort chez des chiens, avec une certaine rapidité,
il c;t vrai.
En somme, il y aurait lieu, tout en poursuivant la recherche d'un principe ac-
tif, de s.i servir, pour de nouvelles expériences physiologiques, d'un extrait alcoo-
liqi:c [.réparé suivant un mode uniforme, et avec l'écorce ou les feuilles du laurier-
rose du .Midi. Celte substance est assez active pour qu'elle puisse être employée i^i
lielites doses, et VoléandrinoaYacide oléandrique n'olfriront sans doute d'int'n-èt,
I& LAURIER (emploi médical).
au point de vue pratique, que par l'emploi en injections sous-cutanées.
II est difficile de se faire, dès à présent, une idée de l'action véritable du laurier-
rose et d'assigner à ce poison une place en toxicologie. Oriila le range, bien en-
tendu, dans son groupe confus des narcotico-àcres, qui contient les substances les
plus discordantes; on ne simplifie rien et on embrouille tout avec des généralisa-
tions de cette nature. L'action primitive du laurier-rose paraît se passer tout en-
tière du côté des centres nerveux ; c'est là tout ce qu'on en sait et tout ce qu'on
en peut dire. Il est à espérer que les reebercbes que de Girard poursuit avec une
persévérance digne d'éloges le conduiront à quelque chose de plus précis.
Loiseleur-Deslongchamps a fait sur lui-même une expérience qui offre de
l'intérêt. Il s'est servi d'une dissolution de 50 grammes d'extrait de feuilles de
laui'ier-rose, dans 120 grammes de vin. « Le 13 avril 1811, nous portant parfai-
tement bien, nous commençâmes, dit cet auteur, à prendre quatre fois par jour
trois gouttes de cette teinture, et tous les jours, jusqu'au 25, nous augmentions
la dose d'une goutte chaque fois, de sorte que nous en prenions à cette époque
48 gouttes entre six heures du matin et neuf heures du soir. Nous commençâmes
alors à sentir notre appétit diminuer, à éprouver dans la journée des lassitudes
spontanées. Incertain si c'était au laurier-rose que nous devions en attribuer la
cause, et pour nous en assurer, nous en continuâmes l'usage encore pendant trois
jours en portant à 15 gouttes chacune des doses que nous prenions quatre fois
par jour. Mais le 28 avril, nous dûmes avouer que nous n'eimies pas lecouraoe
d'aller plus loin ; ce jour-là nous ne pûmes presque pas manger, nous éprouvions
une inappétence de tous les aliments, accompagnée de douleur, comme de cour-
bature dans les bras, les jambes, enfin d'une débilité musculaire très-prononcée
et d'un malaise universel ; la cessation absolue de l'usage du laurier-rose suffit
pour nous rendre notre bonne santé habituelle, dans l'espace de deux ou trois
jours. Voulant cependant nous assurer d'une manière positive si les symptômes
que nous avions éprouvés étaient bien réellement produits par l'extrait de lau-
rier-rose, un mois après l'avoir cessé, étant dans le meilleur état de santé, nous
en recommençâmes l'usage de même que la première fois, c'est-à-dire que, le
1" juin, nous prîmes 12 gouttes de cette même teinture, et que le 15 du même
mois nous en prenions 60 gouttes. Ce jour-là, et dès la veille, nous avions com-
mencé à voir notre appétit diminuer, puis à ressentir de la courbature, de la fai-
blesse dans les jambes. Ayant poussé la dose le 14 jusqu'à 64 gouttes dans l'es-
pace de cette journée, tous les symptômes que nous avions éprouvés depuis deux
jours augmentèrent assez sensiblement pour nous forcer de nouveau à ne pas
porter nos essais plus loin. Il nous fut assez clairement démontré que l'extrait des
feuilles de laurier-rose contenait un principe vénéneux destructif de l'irritabi-
lité. )) [hoc. cit., p. 541.)
Cette conclusion n'est peut-être pas aussi évidente que le pensaient les auteurs
précités, mais ce fait est doublement intéressant, et par les garanties de bonne
observation qu'il offre et surtout parce qu'il constitue pour l'expérimeiitatioii sui'
l'homme un point de départ posologique.
Les cas d'empoisonnements parle laurier-rose sont très-nombreux ; sans parler
de ce fait d'intoxication par l'odeur de Heurs de laurier-rose enfermées dans une
chambre à coucher, fait qui n'offre peut-être pas toute l'authenticité désirable,
on arapporté un grand nombre d'accidents produitspar le laurier-rose. Un des plus
curieux est celui relaté par Loiseleur-Deslongchamps et Marquis, d'après Gaspard
Piobert, jardinier en chef de la marine à Toulon, et qui a trait à l'emnoisonne-
LAURIER (emploi médical). 43
ment de soldats français en Corse, par l'usage de broches en bois de laurier-rose
dont ils avaient traversé les viandes qu'ils faisaient rôtir. Les mêmes auteurs ont
vu un malade auquel ils avaient prescj'it 5 doses d'un grain cliacune par jour, et
qui, par excès de zèle, en prit 10 à 12 grains en une fois, présenter des accidents
très-graves, des vomissements accompagnés d'éblouissements, de défaillances,
de sueurs froides, etc. L'éther dissipa ces symptômes.
Le laurier-rose est donc un poison actif; il parait être un poison assez général,
puisque tous les animaux, sauf peut-être la chenille du Sphynx nérion, évitent
ses feuilles, suivant la l'emarque faite par Loiseleur-Deslongchamps.
Je n'ai rien à dire du traitement de cet empoisonnement, il ne repose encore
que sur des bases inceiiaines. Faire A'omir le poison s'il en est temps encore, et
instituer le traitement des indications, ce sont les deux seules règles qu'il com-
porte. L'observation relatée plus haut semblerait indiquer l'utilité de l'éther et
probablement aussi des autres stimulants diffusibles.
Le laurier-rose deviendra sans doute un médicament puisqu'il est un poison,
mais c'est à l'avenir à déterminer son action et à lui assigner son utilité.
Le laurier-rose a été essayé dans le midi de la France contre les maladies
cutanées et syphilitiques. i.oiseleur-Deslongchamps a rapporté deux observations
dont les résultats ont été à peu près négatifs. Au dire de cet auteur on se servirait
aux environs de Nice, du bois de laurier-rose râpé comme mort-aux-rats. Mérat
a guéri plusieurs galeux par des frictions faites avec une dissolution d'extrait de
laurier-rose. Il y a tant de moyens efficaces et inoffensifs de guérir cette maladie
parasitaire que celui-ci qui n'est pas sans danger peut être laissé de côté. J'en dirai
autant de l'usage de la poudre de feuilles ou d'écorce de laurier-rose comme
moyen antipédiculaire, de son emploi (assez dangereux) comme sternutatoire.
Un médecin russe, Lukowski, dont j'ai rappelé plus haut les recherches rela-
tives au prineipe actif du laurier-rose, et qui a retiré de l'écorce et des leudles
de cette plante deux principes qu'il a appelés pseudo-curay^ine et oléandrine,
a essayé cette dernière substance chez une jeune fille de 11 à 12 ans présentant des
accès épilepti formes dont la cause provocatrice avait été une frayeur. Ces accès
se répétaient deux fois par jour ; des ascarides lonbricoïdes et des oxyures avaient
été évacués sous l'influence du semen-contra, et il avait été dès lors permis de
rattacher les convulsions à ces parasites. Le retour des attaques engagea II. Lu-
kowski a administrer \ oléandrine . U prépara une solution de 1 centigramme de
ce principe dans 400 gouttes d'alcool, et débuta par une goutte ; ce jour-là l'ac-
cès manqua; le lendemain 4 gouttes furent données en deux doses ; on continua
ainsi pendant quelques jours, puis les accès cédant, on revint à une goutte tous
les jours, puis à une goutte par semaine. Les accidents furent complètement
enrayés. L'auteur en conclut que Voléandrbie est un vermicide puissant, mais
celte opinion est peu justifiable, puisqu'il n'est pas indiqué que l'enfant ait
expulse de vei's à partir du moment où elle prit de l'oléandrine. M. Lukowski
avertit lui-même d'aller avec une extrême prudence dans le dosage d'une sub-
stance qui est aussi active, si ce n'est plus active que la strycîiniae. {Gaz. des
hôpit., septembre 1865, etBuUet. de thérap., t. LXV, 1865, p. 425.)
On voit en résumé qu'il est légitime de prévoir dans le laurier-rose un médi-
cament indigène d'une extrême activité, et dont l'utilité peut être soupçonnée
dès à présent ; seulement il faut qu'il soit étudié à nouveau, principalement au
point de vue physiologique et thérapeutique. Faire pressentir l'importance future
de ce médicament, indiquer les travaux accomphs ou en voie d'exécution qui s'y
44 LAUKES,
rappoiteut, et signaler les lacunes nombreuses qui existent encore dans son his-
toire, c'était là tout ce que nous pouvions faire dans l'état actuel de nos connais-
sances sur le laurier-rose. Fonssagrives.
LAUBIIVE. Substance neutre contenu dans les baies de laurier, se présente
sous forme de prismes incolores. Elle est insipide, insoluble dans l'eau, très-so-
lublc au contraire dans l'alcool et l'éther.
I.AUR1]%É£S ou a^AURACÉES. Famille de plantes dicotylédones, placée par
A. L. de Jussieu dans l'Apétalie-nionogynie, et qui est caractérisée principalement
par trois traits d'organisation de la plus grande valeur. Leur réceptacle floral est
concave, ce qui rend leur insertion périgynique. Leur gynécée est formé d'un seul
carpelle, dont l'ovaire uniloculairc contient un ovule anatrope, suspendu, avec le
micropyle supère, interposé au placenta et au point d'attache ou hile. Leurs éta-
mines sont à panneaux, ou valvicides ; c'est-à-dire qu'à droite et à gauche de la
ligue médiane de leur anthère, qui se continue directement avec le sommet du fdet
et n'en est qu'une dilatation, on voit se dessiner de chaque côté une ou deux petites
logettes contenant le pollen, et que la paroi de ceslogettes se détache défmitivenient
dans presque tout son pourtour, sauf en un point supérieur, suivant lequel le petit
panneau se relève lors de l'émission du pollen . Ce dernier caractère n'est pas
constant, il est vrai , si l'on range parmi les Laurinées quelques types exception-
nels, comme ceux des Ilhgérées et Gyrocarpées; mais il est très-général et très-
commode dans la pratique pour reconnaître une Laurinée. Les fleurs sont petites,
hermaphrodites ou uiiisexuées, ordinairement très-nombreuses et disposées en
grappes simples ou ramiliées de cymes ou de glomérules. Elles sont construites
sur le type 3 ou 2, et ont un double périanthe. Les étamines sont en nombre
double, triple ou quadruple de celui des sépales ; leurs anthères sont introrses ou
extrorses, et ce caractère peut varier dans la même fleur. Elles sont souvent gar-
nies à leur base de deux glandes latérales, sessiles ou stipitées. Le 'fruit des Lau-
rinées est ordinairement une baie monosperme, plus rarement une drupe ou un
achaine. Le calice et le réceptacle accrescents accompagnent la base du fruit, ou lui
forment une enveloppe plus ou moins complète. La graine est dépourvue d'albu-
men. Les Laurinées forment une famille très-nombreuse et très-naturelle. Presque
toujours ce sont des arbres ou des arbustes. Les Cassytha seuls sont de petites
herbes aphylles et parasites, à la façon de nos Cuscutes. Les Laurinées arbor-s-
centes ont des feuilles alternes ou opposées, sans stipules. Un grand nombre
d'entre elles sont des plantes des pays chauds, essentiellement aromatiques, ce
qu'elles doivent à la présence de réservoirs d'huile volatile, dans la plupart de
leurs organes, principalement les feuilles, les fruits et l'écorce. Le péricarde de
plusieurs espèces renferme une huile abondante. Plusieurs autres plantes de cette
famille produisent du camphre, comme le Camphrier proprement dit. Toutes les
Laurinées sont excitantes, chaudes, parfois acres, piquantes, irritantes. Ces pro-
priétés seront étudiées à propos des principaux genres employés en médecine,
c'est-à-dire les Benzoin, les Camphora, les Clnnamomum, V Avocatier, \ePichu-
riin, le CiiUlawan, le Sassafras et les Lauriers proprement dits. ^I. Bn.
.Iirss ,Gen., 80. — Ventexat, Taùl. du Rècjii. vcg., H, 245. — DC, Tluior. élém., éd. 2,
2i7. — LixDL., Vfg. Kingd.. 555. — Endl., Gen., 515. — Ricii. (A.), Elém., éd. 4, I, 28ti-
500; Dict. de mcd. (en 50 vol.), XVII, 599. — Meiïsn., m DG, Prodr., XV, scct. 1, 1.
LAURUS. Voy. LuTvlER.
LAUTII (les). 45
lAUTARET (Eau MissÉUALE de). Dans le département des Hautes-Alpes, dans
l'arrondissement de Briançon, à 120 mètres de l'iiospicc de la Madeleine, à
1,900 mètres au-dessus de la vallée, émerge d'un rocher de granit la source
Sulfureuse de Lautaret, dont le griffon est, la plus grande partie de l'année, re-
couvert parles neiges qui fondent rarement dans cette partie des x\lpes. L'ana-
lyse chimique exacte de l'eau de cette source n'est pas complète ; on sait seule-
ment par un travail sommaire de M. le docteur Niepce, que 1 ,000 grammes
renferment une petite quantité de carbonates, quelques sulfates, 0,00084 de
saz acide sulflivdrique, et qu'elle a une température de 54° centigrade.
A. R.
lAUTERBERG (ÉTABLISSEMENT HYDROTHERAriQUE). Daus le Hanovrc, sur la
Lauter, est une ville de 5,500 habitants, dans laquelle on a créé, en 1839, un
Institut liydrothérapique. L'air pur et salubre, les eaux vives et fraîches, les pro-
menades variées qui entourent la ville, le site ravissant où l'on a placé l'établis-
sement dominé par le Hansberg, expliquent aisément la grande affluence des
baicncurs qui viennent chercher la santé à Lauterbergen y suivant un traitement
par l'eau froide. A. R.
LAUTH (Les), le père et les deux fils.
Lauth (Thomas), une des gloires de la Faculté de Strasbourg. Il naquit dans
cette ville, le '29 août 1759, et, après d'excellentes études, dirigées siu'tout
vers les sciences exactes, Lauth s'adonna à la médecine et prit le bonnet de doc-
teur en septembre 1781. Désireux de compléter ses connaissances, il entreprit
divers voyages. Desault attirait alors à Paris, par son enseignement, la jeu-
nesse de tous les pays, Lauth vint étudier sous lui l'anatomie et la physiologie ;
de là il passa en Angleterre ou Iluuter brillait de tout son éclat, puis en Alle-
magne dont il visita les principales universités, et rentra à Strasbourg à la fin de
1782. Peu après son retour, il fut nommé adjoint de Rœderer et Ostertag, profes-
seurs d'accouchement ; puis, après la mort de Lobstein le père (1784), il obtint
là place de démonstrateur d'anatomie, et enfin, l'année suivante, celle de pro-
fesseur ordinaire d'anatomie et de chirurgie. Lors de la réorganisation des B'acul-
tés, Lauth, qui avait noblement refusé une chaire à l'université de Tùbingen, fut
naturellement compris dans le nouveau personnel enseignant ; il était alors, en
même temps, médecin en chef du grand hôpital de Strasbourg. La grande réputa-
tion qu'il s'était acquise, et par son enseignement et par ses travaux, le fit in-
scrire au nombre des associés résidants lors de la création de l'Académie de
médecine. Sa santé s'étant trouvée fortement ébranlée en 1826, Lauth, pour se
rétablir, avait fait un voyage en Allemagne, au retour duquel il mourut presque
subitement.
Le plus beau titre de Lautl) à la reconnaissance de la postérité est, sans con-
tredit, sou Histoire de Vanatomie, ouvrage conçu dans un excellent esprit, rem-
pli d'une solide et saine érudition, et qui malheureusement est resté inachevé.
Le premier volume, le seul qui ait paru, comprend l'examen de tous les travaux,
de toutes les découvertes dont cette science s'est enrichie depuis l'antiquité jus-
qu'à Harvey. 11 est bien à regretter que la suite, qui, dit-on, est restée manu-
scrite, n'ait pas été publiée par les soins de son fils, le professeur Alex. Lauth, u'
qu'on ait ainsi laissé incomplet un des plus beaux monuments de l'érudition mo-
derne.
4G LAUVERGNE.
Laulh a iaissé les ouvrages suivants :
I. Dlss. de anahjsi uriiiœ et acido phosplioreo. Arg-ent., 1781, in-S". — îï. Diss. bolanica
de acere. Ibid. , 1 7 SI , iu-S". — III. Scriptorum laUnorum de ancvnjsmatibus coUectio (Lancisiys,
Guatani, Mattaiii, Verbrugg-e, etc ). Ibid., i78.j, in-i", fig. — IV. Nosologia chirurgica,
accedit notitia auctorum recentiorum Platero. Ibid., 1788, in-S". — V. Vom Witterungszu-
stand, dem ScharJachfieber und dem bôsen Hais. Ibid., 1800, iti-8°. — VI. Vita Johannis
Hermann. Ibid., 1802, in-8°. — VU. Histoire de l'anatomie. Ibid., 1815, t. I (seul paru),
î/aiiila (Gustave), fils aîné du précédent, naquit à Strasbourg, le 9 mars 1795,
et mourut dans celte ville à peine âgé de vingt-quatre ans ; il était professeur
d'anatomie et de chirurgie, adjoint à l'hôpital civil de cette ville. On lui doit les
ouvrages suivants, qui annonçaient un homme instruit et laborieux ;
I. Précis d'un voyage botanique fait en Suisse. Strasbourg, 1812, in-S°. — II, Spicile-
giwndevsna cava superiore. Thèse de Strasbourg, 1815, in-4°.
EasïtHî (Ernest-Alexandre), autre fds de Thomas Lauth et frère du précédent,
naquit à Strasbourg, le 14 mars 1803. Après de solides études littéraires, dirigé
par les conseils et l'exemple de son illustre père, il commença ses études médi-
cales, s' adonnant de préférence à l'anatomie et à la physiologie, sous le profes-
seur Ehrmann, auquel il dédia sa thèse. Après avoir, à l'exemple de son père,
voyagé pendant quelque temps, en France, en Angleterre et en Allemagne, il re-
vint à Strasbourg, et, riche de la succession paternelle, il laissa de côté la pra-
tique médicale pour se li rer sans réserve à ses sciences de prédilection, l'anato-
mie et la physiologie. Successivement professeur et agrégé à la Faculté de méde-
cine de sa ville natale, il conquit après deux concours la place de professeur de
physiologie (1836). Mais à peine avait-il commencé son enseignement, qu'une
aphonie, symptôme d'une phthisie tuberculeuse, vint l'esilevcr à la chaire qu'il
avait si victorieusement conquise, et il ne tarda pas à succomber aux progrès
incessants de cette affreuse maladie, en 1837.
Parmi les travaux qui assurent à Alex. Lauth un rang distingué parmi les
anatomlstes de ce siècle, nous citerons d'abord sa dissertation inaugurale sur le
système lymphatique; sou beau travail sur l'anatomie du testicule, qui fut jugé
digne de la médaille d'or pour le prix de physiologie expérimentale à l'Institut ;
des recherches sur le larynx, qu'il regarde comme un instrument à anche; et
enfin un excellent manuel d'anatomie.
Voici l'indication de ses principales publications :
ï. Essai sur les vaisseaux lymphatiques. Thèse de Strasbourg, 1824, in-4.». —ll.Mém.
mr les vaisseaux lymphatiques des oiseaux. In Ann. des se. naturelles, t. III. Paris, 1824
pi. 5. — ÎII. Description des matrices biloculaires et bicornes conservées, etc. In Répert.
d'anat., etc.. de Breschet, t. V, p. 178, pi. .5. Paris, 1828.— lY. Manuel de Vanatomiste
Strasbourg. 1829, in-S»; 2" édit., ibid., 1S35, pi. 7. — V. Mém. sur divers poùits d'ana-
tomie. In Èicm. de la Soc. d'histoire naturelle de Strasbourg, t. I, 1830, pi. 7. \'I pe
cherches d'anatomie. In Vorrentrapp Observationes anatomicce de parte cephalica nervi
sijmpathici. Franco!, a. M., 1831. — YII. Mém. sur le testicule humain (mém. cour.
l'Institut). In Mém. de la Soc. d'histoire naturelle de Strasbourg, t. I, part. 2; 1852 pi 5
— VIII. Anomalies dans la distribution des artères de l'homme. Ibid. , 1852 pi. 1 ' l\
Variétés dans la distribution des muscles chez l'homme. Ibid., 1853. X. Du mécanisme
par lequel les matières alimentaires parcourent leur trajet de la bouche à l'anus. Thèse
de Strasbourg, 1835, in~4°. — XI. Remarques sur la structure du larynx et de la trachée
artère. Strasbourg, 1 835, pi. —XII. Exposition et appréciation des sources des connais-
sances physiologiques. Thèse de conc. (ch. de physiol.). Strasbourg, 1856, in-4». Plus un
certain nombre d'articles dans divers recueils. E. Ben
L.tWVERGRJE (i!ui)EnT\ médecin très-distingué de la marine, et auteur d'é-
LAVAL (eau MlNÉfiALE De). ^^
crits estimés, naquit le 20 janvier 1796, à Toulon. 11 entra au service en 1819,
en qualité d'officier de santé de troisième classe, fit plusieurs campagnes dans le
Levant et l'Amérique du Sud, et franchit successivement les autres grades. Reçu
docteur en 1829, il assista, en qualité de chirurgien-major du Colosse, à la pris^
d'Alger en 1830. Bientôt après, poussé par son mérite, il quitta le service actif et
fut nommé professeur de matière médicale à Toulon (1852), après avoir succes-
sivement rempli des fonctions élevées à Cherbourg et à Brest, il revint à Toulou,
comme directeur du service de santé en 1858, et c'est là qu'il mourut le 22 dé-
cembre 1859.
Parmi les nombreux écrits publiés par Lauvergne, il en est un qui mérite une
mention spéciale, c'est celui c{ui est relatif aux forçats, dont il a donné une his-
toire très-curieuse, et que ne pourront se dispenser de consulter tous ceux qui
s'occuperont de cette intéressante question.
Voici la liste des principales publications de Lauvergne :
f. Souvenirs de la Grèce pendant la campagne de 1825, ou Mém. historique, etc. Paris,
1826, in-i", et 1827. — II. Géographie botanique du port de Toulon et des îles d'Hijcrcs.
Th. de Montp. 18^9, n° 60. — III. Histoire de l'expédition d'Afrique en 1830. ou Mém.
historiques, etc. Toulon, 1851, in 8°. — IV. Le choléra-morbus en Provence, suivi de la
biographie du docteur Fleurij. Toulon, 1836, in-8°. — V. Histoire de la Révolution dans le
département du Var , depuis 1789 jusqu'en 1794. Ibid., 1858-39, in-S". — VI. IjC s forçats
considérés sous le raj^port physiologique , moral, intellectuel, observés, etc. Paris, 1841,
in-8°, trad. ail. — VII. De l'agonie et de la mort dans toutes les classes de la société sous
le rapport, etc. Ibid., 2 vol. in-8°. — YIII. Divers mém. sur les fond, du cerveau; les
causes et les symptômes de la tuberculisation, etc. Toulon, 1846, in-8°. E. Bgd.
L.^fJ'î'EISJ.^'f' (Théodop.e-Etienne), accoucheur, qui se fit un nom dans la
seconde moitié du siècle dernier. Il est surtout connu aujourd'hui pour la part
qu'il prit à la grande querelle relative à la symphyséotoraie et à l'opération césa-
rienne. L'analyse raisonnée qu'il donna d'une opération de ce genre, qui avait
été publiée par Sigault, l'inventeur et l'ardent propagateur de la section du pu-
bis, contribua beaucoup à faire revenir les médecins de l'enthousiasme qu'avait
inspiré le premier succès obtenu par cette opération. Lauverjat, qui avait été
reçu maître en chirurgie en 1774, mourut à Paris en 1800.
Voici l'indication de ses publications ; elles témoignent des préoccupations de
l'auteur.
I. An utilia in graviditate, partuetpost partum balnea? Th. du coll. de chir. Paris, 1774.
in-4°. — II. Examen d'une brochure qui a pour titre : Procès-verbaux et réflexions à l'oc^
casion de la section de la symphyse, etc. Amsterdam, 1779, in-8°. — III. Nouvelle mé-
thode de pratiquer l'opération césarienne, et parallèle de cette opération et de la section
des os pubis. Paris, 1788, in-8°. E. Bgd.
LSlVat, (Ekv mmBAi^ m) i protothermale, sulfatée magnésienne et sodiqtie
moyenne, carbonique et sulfureuse faible. Dans le département de l'Isère, dans
l'arrondissement de Grenoble, au nord-est du village, jaillit, par plusieurs grif-
fons, la source de Laval dont l'eau traverse des couches d'anthracite et de houille^
Le débit de ces filets réunis est de 800,000 litres en vingt-quatre heures. Cette
eau est claire et limpide, son odeur est manifestement sulfureuse, son goût est
amer ; elle est traversée pai' quelques bulles gazeuses d'un assez gros volume ;
sa température est de 21", 7 centigrade. Sa densité n'est pas connue ; M. le doc^
leur Niepce a trouvé que 1 ,000 grammes de cette eau contiennent les principes
suivants :
A9 LAVANDE (botanique).
Sulfate do magnésie J,127 _ i
— soude 1,048
Carbonate de chaux 0,028
— manganèse 0,009
Clilorure de sodium 0,3S1
— calcium 0,030
— magnésium 0,007
Silice 0,015
Iode, matière organique et glaii ine traces.
Total des MATiiinEs fixes 2,615
( Acide carbonique 0,02270 litre.
Gaz. < — sulfliydriquo 0,0&8ôl —
' Azote traces.
Total des gaz 0,05101 litre.
Les eaux de la source de Laval sont exclusivement employées en boisson et en
lotions par quelques personnes des environs qui ne peuvent se rendre aux autres
sources de l'arrondissement de Grenoble, si fertile en eaux minérales et parti-
culièrement en eaux chlorurées et sulfureuses. L'eau de Laval est purgative,
même à la dose de trois ou de quatre verres, pris le matin à jeun et à un inter-
valle d'un quart d'heure. Cette propriété vient-elle des sulfates de magnésie et
de soude qu'elle tient en dissolution ou de la ditficulté qu'ont les buveurs à la di-
gérer? Cela est incertain, mais ce qui paraît très-probable, c'est que sa sulfura-
tion provient de la réduction des sulfates en présence des matières végétales que
cette eau rencontre avant d'arriver à la surface du sol. Quoi qu'il en soit, les af-
fections du tube digestif, dont les symptômes principaux sont une dyspepsie ou
une atonie de l'intestin avec constipation, sont celles qui se trouvent le mieux
de l'usage interne de l'eau de Laval. Cette eau, en boisson et en lotions, donne
aussi d'assez bons résultats dans quelques maladies de la peau, et en particulier
dans les dartres sécrétantes, pour que plusieurs personnes viennent cbaque an-
née tenter une cure auprès de la source sulfureuse accidentelle de Laval, du dé-
partement de l'Isère.
La durée de la cure est aussi illimitée que l'emploi de cette eau est peu mé-
thodique.
On n'exporte pas l'eau de Laval. A, R.
LiiVAlVDE {Lavandidal .) . § I. Botanique. Genre de plantes de la famille des
Labiées, tribu des Ocymoïdées, auquel se rapportent les Stœchas de Tournefort et les '
Fabricia d'Adanson. Leurs fleurs ont les caractères généraux de celles des Labiées,
avec les particularités suivantes. Le calice est tubuleux, d'une seule pièce à la
base. Ea haut, il est partagé en trois portions. Les deux antérieures sont très-
profondément séparées des autres, et représentent deux sépales. Les trois posté-
rieures, ou sont unies en une seule pièce à peu près entière, ou ne sont séparées
les unes des autres que par deux échancrures peu profondes, le sépale posté-
rieur demeurant, dans ce dernier cas, isolé par son sommet qui est coupé presque
droit ou qui est surmonté d'une sorte d'appendice ou de cuillerou plus ou
moins saillant. La corolle est bilabiée, avec une lèvre supérieure plus développée
que l'inférieure, qu'elle enveloppe, dans la prédoraison, de ses doux lobes arron-
dis. 11 y a quatre étamiues didynames, les supérieures étant de beaucoup les plus,
courtes. Les anthères sont réniformes, à deux loges qui deviennent confluentes
après s'être ouvertes suivant leur longueur. Le gynécée est formé de quatre
demi-loges ovariennes, entourées d'un disque qui lorme en dehors de chaque
demi-loge un lobe saillant et arqué. Le style gynobasique se dilate à son som-
LAVANDE (eoTANiQUB). iO
met en une tête stigmatifère à deux lobes aplatis et obtus. Le fruit est un
tétrachaine entouré du calice persistant. Les Lavandes sont des herbes méditer-
ranéennes, à tige vivace, souvent ligneuse à la base. Leurs feuilles sont oppo-
sées, étroites, entières, ou plus ou moins découpées. Leurs inflorescences sont
supportées par un axe long et grêle, dressé, nu . Vers son sommet, il porte un
certain nombre de bractées disposées en séries verticales, à l'aisselle desquelles
sont les fleurs ferliles. Parfois ces bractées deviennent stériles vers le sommet de
l'inflorescence totale. Elles prennent alors un grand développement, et surmon-
tent les fleurs d'une sorte de couronne verdàtre ou colorée. Plusieurs espèces de
Lavandes sont médicinales.
a. Sect. Spica. Lavandes à bractées florales pluriflores, les supérieures fertiles,
peu développées, plus courtes que les fleurs qui occupent leur aisselle.
' I. Lavande vraie , femelle , ou officinale [Lavandula vera DC, FI. Fr., suppl.,
V, 598. — L. viilgaris Lamk, FI. Fr., II, 405. — L. officinalis Chaix, in Vill. Dauph.,
II, 355, 363). Cetle plante, que Linné ne considérait que comme une variété, à
feuilles florales ovales-losangiques, du L. Spica, est encore appelée Lavande mâle,
Garde-Robe, et Nard d'Italie ou Nard faux. C'est une plante à tige suffrutes-
cente, haute d'un tiers ou d'un demi-mètre, dont la tige est à sa base assez
épaisse, brunâtre, et se divise bientôt en branches nombreuses, grêles, allongées,
couvertes d'un fin duvet blanchâtre, cotonneux, quadrangulaires, chargées d'un
grand nombre de feudles opposées et rapprochées. Puis ces axes deviennent nus
dans une grande étendue, et ce n'est qu'au voisinage de leur sommet qu'ils por-
tent un assez grand nombre de fleurs réunies en une sorte de faux épi terminal.
Les feudles sont sessiles, étroites, linéaires, lancéolées, chargées d'un duvet blan-
châtre, d'autant plus abondant qu'elles sont plus jeunes. Les fleurs sont situées
dans l'aisselle de bractées ou feuifles florales, supei'posées en séries rectihgnes.Ges
feuilles florales seules caractérisent, par leur forme dont nous avons parlé tout à
l'heure, cette espèce qui n'a pas grande valeur. L'aisselle de chaque bractée est
occupée par un petit glomérule de fleurs, à corolle bleuâtre, violacée. Le calice est
tubuleux, strié longitudinalement, velu. Son bord est surmonté en dedans d'un
petit appendice arrondi, rétréci à sa base, s'élevant entre l'axe et le dos de la co-
rolle, dont le tube est droit, plus long que le calice. La corolle est pubescente
en dehors. Son lobe postérieur est dressé, obcordé, avec une petite échancrure au
sommet et des lobes arrondis. Son lobe antérieur est ti^ilohé et descend presque
verticalement. Le style est à peu près de la longueur du calice. Il se dilate subi-
tement à son sommet, en deux lames qui ressemblent à de petits cuillerons obtus,
plus larges que hauts, se regardant par leur concavité. Le fruit est entouré du
calice persistant ; il est formé de petits achaines hsses, oblongs,de couleur brune.
Le L. vera est originaire de la région méditerranéenne ; il croit spontanémeiiî,
en France, aux environs de Toulon, Marseille, Montpellier, Narbonne, dans les
Pyrénées-Orientales et en Corse, en Suisse, en Italie et en Espagne ; il est fré-
quemment cultivé dans les jardins, pour les usages médical et industriel.
II. L. Spica ou mâle (L. Spica DC ,Fl.Fr., II, 403. — L. latifoliayiii., Dauph.,
II, 565). Cette plaute appartenait, pour Linné, à la môme espèce que la précé-
dente, et il ne considérait le L. vera de De Caiulolle que comme une variété du
L. Spica. Cetle opinion est probablement la seule vraie, car on trouve des inter-
médiaires entre les L. vera et Spica, quant à la forme et à la taille des feuilles
florales. Qu'on considère donc le L. Spica comme une espèce distincte, ou comme
une variété, on reconnaîtra toujours le Spica à ce que ses feuilles florales sont
DICT. ENC. 2* s. II. 4
50 LAVANDE (pharmacologie).
pins étroites, linéaires, lancéolées ou subniées, et fort atténuées au sommet. Le
vulgaire en fait souvent, de lui-même, un type tout spécial, qu'on désigne dans
nos provinces du Midi sous les noms de Badase, Espic ou Aspic, Espidot ou
Spicanard covimun. C'est une plante de taille plus humble que leL. vera, à
feuillage plus blanchâtre, à fe\iilles plus rapprochées les unes des autres vers la
base des rameaux, à inflorescences plus courtes et plus serrées. Elle est, comme la
précédente, très-aromatique dans toutes ses parties, et ses propriétés sont les
mêmes ; elle croît dans les mêmes régions à peu près de la France, et à Gap, à
Lyon et dans la Lozère. On la trouve aussi en Espagne, aux Baléares, à Naples,
en Sicile, en Gî'èce, en Algérie et en Tunisie.
b. Sect. Stœchas. Lavandes à inflorescence surmontée d'une couronne de brac-
tées stériles développées, souvent colorées.
III. L. Stœchas ou Stœchas arabique [L. Stœchas L., Spec, 800. — StŒ'
chas officinarum Miih., Dict., n. 1. — S. purpureal., Instit., 201, t. 95). Cette
espèce, suffrutescente, haute d'un demi-mètre à un mètre, très-ramifiée, dressée,
a des rameaux adultes à peu près cylindriques, et de jeunes rameaux blanchâtres*
tomenteux, à feuillage très-touffu» Les feuilles sont sessiles, oblongues-linéaires,
très-entières, veinées en dessous, à bords réfléchis on révolutés, tomenteuses,
blanchâtres. Leur inflorescence est portée par un axe peu allongé; elle simule un
épi long d'un pouce à un pouce et demi ; les feuilles florales sont étroitement im-
briquées, losangiques-cordiformes, acuminées, opposées ou disposées par faux-
verticilles de quatre. Chacune d'elles a dans son aisselle un petit glomérule 3-5-flore;
elle est tomenteuse, blanchâtre. Mais vers la partie supérieure de l'inflorescence,
ces bractées deviennent stériles, et elles s'allongent beaucoup, de manière à for-
mer une sorte de couronne ou de panache, et à représenter des lames dilatées,
oblongues, cunéiformes à la base, d'une couleur plus ou moins violacée ou pour-
prée. Les fleurs ont une corolle à tube assez court, d'un beau pourpre noirâtre,
Le calice est ovoïde, tubuleux, tomenteux, à quatre dents antérieures presque
égales, la supérieure étant surmontée d'un appendice obcordé. Les achaines sont
ovales-triangulaires. Cette plante croît en France, dans la région méditerranéenne,
et en Corse, en Espagne, en Portugal, en Italie, en Sicile et en Grèce, àConstan-
tinople, en Algérie et en Tunisie, aux îles Canaries, àTénériffe.
On emploie, dit-on, encore le L. viridis Put. {Hort. kew., If, 288), qui est
un Stœchas à bractées stériles verdàtres, et le L. pedunculata Cav. {Prœlect.,
'/Oj, qui est un Stœchas à longs pédoncules et à tube de la corolle égal au calice
La Lavande femelle de Paris est le L. latifolia Desf. {Cat. h. par., éd. 5, 98),
espèce douteuse, à larges feuilles ovales très-entières. H. Bn.
L., Gen., n. 711. — Adans., Fani. des pi., II, 188 [Fabricia). — Ginoins de Lassahaz,
Hist. nat. des Lavandes. Genève, 1826. — Endl., Gen., n. 5585. — Mer. et Del., Dict., IV,
71 . — Ducii., Râyei-t., 81. — Guib., Drog. simpl., éd. 4, II, 422. — Ricii. (A.), in Dict. de
iHL'd. [en 50 vol.), XYII, 600; Elém. éd. 4, II, 486. — Benth., Labiatarum gen. et spec,
1852-1856, 146; ethiDC. Prodr., XII, 145. — Rév., in Bot. méd. du dix-neuvième siècle,
II, 220. — Peueira, Élem. Mnt. med., éd. 5, II, p. 1, 507. — Lindl., FI. med., 485. —
BloQ., Bot. méd., 379. — Rosenth., Syn. plant, diaphor., 597, 1127. — Gren. et Godr., FI.
de France, II, 646.
§ II. Pharmacologie. Trois espèces du genre Lavandula intéressent la ma*
tière médicale :
1" La lavande officinale (Cc(dex)j Lavandula vera; lorsque l'on emploie le
seul mot de lavande, c'est cette espèce que l'on sous-entend.
L.WAJN'DE (pharmacologie). 5l
2" La lavande commune (Codex), Lavcmdula Spica, spic, aspic (de spica, épis,
par suite de la disposition de ses fleurs) ; faux nard, grande lavande, lavande
mâle.
5° La lavande stsechas, Lavanclida Stœchas, plus connue sous le seul nom de
stsechas (de arà/juç, épi, ou de ce qu'elle croit en abondance sur les iles Staechades
ou îles d'Hyères en Provence) ; lavande dentelée ; stœchas d'Arabie, parce qu'elle
y est aussi très-commune.
Mérat et Delens disent que le suc frais du Lavcmdula carnosa, plante de l'Inde,
est employé, d'après Ainslie, mélangé avec le sucre candi, contre l'esquinancie ;
associé à celui d'autres plantes ou à l'huile de sésame, il entre dans la composi-
tion de liniments pour la tête.
Les lavandes ont une odeur aromatique sui generis, très-agréable, que conser-
vent les fleurs desséchées. Leur saveur est chaude, amère, et plaît moins que
leur odeur.
L'analyse n'en a été qu'incomplètement faite ; on peut dire qu'elle s'est ar-
rêtée à l'extraction de l'huile essentielle, laquelle donne aujourd'hui à ces plantes
leur importance commerciale. La lavande contient cependant en outre, comme
principes intéressants au point de vue médical, une résine, une matière amère
et un peu de tannin. De la présence de celui-ci résulte l'incompatibihté de la
lavande, dans les manipulations pharmaceutiques, avec toutes les substances dé-
composables par le tannin.
Plusieurs auteurs indiquent, comme parties usitées, les sommités fleuries ; il
est mieux de n'employer que les fleurs mondées, et ce sont celles-ci en effet qui
servent exclusivement aux bonnes préparations.
Les fleurs de lavande s'emploient en nature, pour des infusions destinées à
des lotions, à des bains aromatiques. C'est même de cette destination spéciale
chez les Romains que dérive le nom de la plante : Lavandula a lavando, qiiod
ea parantur halnea. On peut s'étonner que le Codex n'ait pas fait entrer les
fleurs de lavande dans les espèces aromatiques, d'autant plus qu'on les trouve dans
les diverses formules de ces espèces, données par la plupart des autres pharma-
copées.
On en prépare une poudre, qui s'administre à l'intérieur, et que l'on fait aussi
servir à la préparation : des poudres aromatiques composées, pour l'usage ex-
terne ; des poudres sternutatoires ; des sachets aromatiques.
On en retire un hydrolat et un alcoolat. On en a fait aussi une teinture al-
coolique.
Le Codex inscrit les fleurs de lavande parmi les éléments du vinaigre aroma-
tique des hôpitaux, du vinaigre antiseptique ou des Quatre Voleurs, et du
baume tranquille. Elle entrait anciennement dans VEau vulnéraire, le Baume
nerval, et plusieurs autres compositions polypharmaceutiques.
Huile essentielle de lavande. Elle s'obtient par distillation, avec Tintermède
de l'eau, des fleurs de lavande. Elle a ordinairement une couleur verte plus ou
moins prononcée, selon son degré de pureté ; mais parfaitement i^ectifiée, eUe est
incolore. Elle a une odeur forte, aromatique, une saveur brûlante et amère. —
Densitéjà -1-12°, 0,886 ; pouvoir rotatoire — 21, 20 : indice de réfraction, 1,467.
(Buignet.) Formule : n'est pas encore rigoureusement déterminée ; on sait du
moins que, en outre du carbone et de l'hydrogène, elle contient de l'oxygène;
elle est en conséquence classée dans les essences oxygénées. Elle se dissout dans
l'alcool et dans l'acide acétique concentré. Proust y a découvert du camphre, ce
h5 LAVANDE (TiiiijiAf eutiqub).
qui a été vérifié par M. Dumas. La |Droportion de camphre contenue dans l'essence
dekwande s'élève (Pclouze et Fremy) juscpi'au quart et quelquefois même jusqu'à
la moitié de son poids.
L'huile essentielle que l'on retire de la la\ande spic, et désignée vulgairement
dans le commerce sous le nom à'huile d'aspic, a des propriétés et une compo-
sition analogue, une odeur moins agréable, et est moins estimée. L'une et l'autre
sont souvent falsifiées par l'essence de térébenthine, qu'un odorat e:xercé peut y
reconnaître ; une solubilité moindre dans l'alcool et la vérification des chiffres
donnés ci-dessus peuvent encore mieux démontrer la fi'aude.
Le parfum de l'huile essentielle de lavande est en rapport avec les soins ap-
portés à sa préparation, avec la bonne qualité de la plante, avec le terroir qui a
fourni celle-ci. Les Anglais prétendent que le climat de l'Angleterre est plus favo-
rable à la culture de la lavande, et que par suite leurs essences de Mitcham, dans
le comté de Surrey, et d'Hitchim, dans le comté d'Hertford, sont supérieures à
celles de nos fabriques du Midi. Mais nous croyons, après avoir comparé leurs pro-
duits, très-remarquables d'ailleurs, avec ceux des Alpes maritimes, que la supé-
riorité est surtout acquise à leurs prix, et que nos qualités d'essences de lavande
sont susceptibles de valoir les leurs.
L'essence de lavande intéresse plus la parfumerie que la thérapeutique ; elle
entre dans la composition d'un grand nombre de cosmétiques, et surtout dans
ceux vulgarisés sous le nom à' Eaux de toilette. Sa dissolution, en proportion varia-
ble, dans l'alcool (50 à 40 pour 1000 donnent un produit satisfaisant), forme ce
qu'on appelle ['esprit, l'alcool, ou Veau-de-vie de lavande ; on ajoute parfois
d'autres essences, et particulièrement celle de bergamote, afin d'améhorer la
qualité de la préparation. L'alcool de lavande ainsi obtenu a plus de parfum que
l'alcoolat et remplace avantageusement celui-ci pour les usages pharmaceutiques.
Dans la parfumerie, pour obtenir les plus belles qualités à'esprit de lavande,
on ne s'arrête pas au simple mélanga d'essence et d'alcool ; on distille ce mé-
lange, et l'on recueille un produit incolore, plus parfumé et d'une meilleure con-
servation que la simple dissolution de l'essence dans l'alcool, qui se colore et se
résinifie avec le temps.
Les fleurs de spic peuvent être employées aux mêmes usages et dans les mêmes
circonstances que celles de la lavande officinale.
Les parties usitées de la lavande stœchas sont également les fleurs, qui peuvent
donner lieu aux mêmes préparations que celles des deux espèces précédentes.
Elles ont servi en outre à la confection de sirops qui ont joui autrefois d'une cer-
taine vogue, et qui valaient peut-être bien beaucoup de ceux pour lesquels on les
a délaissés. L'un était le sii^op de stœchas simple ; l'autre, le sii-op de stœchas com-
posé, dont les formules variaient, basées sur l'association d'un plus ou moins
grand nombre de substances aromatiques (V. Jourdan, Pharmacopée univer-
selle).
§ m. Thérapeutique. Si l'on tient compte de la présence, dans la lavande,
d'une matière amère, du tannin, d'une huile essentielle qui elle-même contient une
notable proportion de camphre, on comprendra que cette plante, se rapprochant
des labiées qui ont une composition analogue, telles que la menthe, le romarin,
le thym, puisse posséder des propriétés à la fois stimulantes, toniques et anti-
spasmodicp^ies. 11 paraît même, d'après Kraus,que, prise à l'intérieur à trop fortes
doses, elle est susceptible de produire quelques accidents toxiques. Mais si la la-
vande plait à l'odorat, elle déplaît au goût ; et sa saveur en effet n'a pas peu con-
LAVAiNDE (tiikhapeutique). 5d
tribiié à la laisser tonibei' en désuétude comme médicament interne. Cependant,
sons ce dernier rapport, elle n'a pas été sans quelque réputation. On la considé-
rait autrelbis comme excitant le système nerveux en général, et le cerveau en
particulier ; ce qui fit vanter son tau distillée contre la syncope, l'asphyxie, h
début de l'apoplexie, les affections sopore\!ses. La croyance à ce pouvoir d'exci-
tation nerveuse était telle, que la lavande était l'un des remèdes les plus employés
contre les paralysies, et particulièrement contre les paralysies de la langue. Ainsi
en pareil cas, on prescrivait fréc{uemment la teinture alcoolique de lavande, éten-
due d'eau, en gargarisme, et le même moyen s'appliquait aussi au traitement du
bégayement. Il ne serait peut-être pas sans intérêt de vérifier le degré d'utilité de
ce mode de traitement contre les lésions musculaires et nerveuses de la
langue.
L'amanrosenous offre unaulre cas de paralysie sensoriale où les préparations de
lavande auraient manifesté quelque efficacité. De nos jours encore, M. Desmarres
prescrit contre les affoiblissements de la vue des frictions sur la région sourci-
lièreavec un mélange de : ammoniaque, i partie; eau-de-vie de lavande, 40 p.; et
il en obtient souvent de forts bons résultats.
Les propriétés nervines et particulièrement céphaliques possédées par d'aulres
labiées, telles que la menthe et la mélisse, ont été également reconnues à la la-
vande que l'on a en conséquence recommandée conire divers états nerveux dé-
pendant du trouble de l'innervation cérébrale, et entre autres la céphalalgie et le
vertige.
Comme antispasmodique, on l'a jugée utile contre plusieurs névroses, et surtout
contre l'hystérie, estimant même qu'elle avait une action spéciale sur l'utérus,
qu'elle favorisait l'éruption des menstrues et le travail de l'accoucliemcnt ; ce qui
ne peut être accepté que sous toutes réserves, de même que des influences particu-
lières sur les reins et sur la peau dont on a aussi prétendu qu'elle activait les
fonctions sécrétoires.
Ses propriétés digestives et carminalives paraissent être plus réelles ; et l'on en
a tiré parti contre certaines dyspepsies avec llatulences gastro-intestinales.
Enfin, comme léger tonique amer, et aussi par suite de propriétés inhérentes à
son huile essentielle, la la^-lînde a pu et pourrait encore être utilisée contre les
hypercrinies chroniques, muqueuses ou purilbrmes, telles que leucorrhée, gonor-
rhée, bronchorrhée. Dans cette dernière, c'est surtout le stœchas, dont nous al-
lons dire quelques mots, qui a été employé.
On a reconnu aux fleurs de stsechas (qui pourraient être, du reste, ainsi que
celles de la lavande spic, substituées, pour les usages médicaux, à la lavande of-
ficinale à défaut de celle-ci) une utilité particulière contre les affections chroni-
ques des organes respiratoires, asthme humide, catarrhe muqueux, engorgements
pulmonaires, et dyspnées résultant de ces affections. Bodard dit avoir trouvé le
stœchas très-efficace en pareils cas ; et nous ajouterons que l'on aurait tort de le
laisser dans un oubli complet. Les infusions des labiées, mais surtout de celle
qui nous occupe ici, d'hysope et de sauge (nous associons souvent ces trois sub-
stances dans la môme infusion), sont infiniment préférables, dans le traitement
des catarrhes bronchiques, aussi bien aigus que chroniques, aux tisanes émol-
lientes ou soi-disant pectorales communément usitées.
En outre de ses propriétés béchiqnes, Alibert dit avoir trouvé dans le stfechas
des propriétés antispasmodiques, qu'il a particulièrement utilisées contre certains
états névropathiques de l'estomac, tels que les vomissements nerveux.
5i LAVARDENS (eau minép.ale ue).
Lc3 iavaiides tt leurs préparations ne sont guère employées aujourd'hui que
pour l'usage externe. Seules ou associées à d'autres substances analogues, elles
servent à la préparation de lotions, de frictions, de bains aromatiques. Leurs
fleurs, mélangées avec celles d'autres labiées ou avec d'autres plantes odorantes,
entrent d*ins la composition de sachets, de litières aromatiques. (Voir ces mots,
ainsi que les articles Aromatiques et Baiks.)
L'alcoo'at, l'alcool, ou l'eau-de-vie de lavande, par leurs propriétés encore plus
stimulantes que les autres préparations de cette plante, conviennent pour ranimer
les fonctions de la peau ou des parties sous-jacentes, dissiper les engorgements
indolents, œdémateux, combattre les asthénies nerveuses et musculaii^es ; et l'ef-
ficacité qu'on leur attribuait autrefois contre les paralysies pourrait, au moins
dans une certaine mesure, se manifester encore. Ces dissolutions alcooliques
d'essence de lavande servent avec avantage à composer des bains aromatiques
stimulants, très-propres à réveiller, en diverses circonstances, la vitaUté de certains
appareils organiques ou de tout l'organisme lui-même ; bains plus actifs encore
que ceux préparés avec la seule infusion des plantes aromatiques. Enfin, on fait en-
trer l'alcoolat ou l'eau-de-vie de lavande, comme élément, dans des mixtures ou li-
niments pi^escrits pour l'usage externe, soit pour ajouter à leur action stimulante,
soit pour couvrir l'odeur désagréable d'autres ingrédients, telle que l'ammoniaque
par exemple, dont l'essence de lavande corrige ou masque assez bien les effluves
repoussants. C'est ce dernier motif qui fait admettre l'essence de lavande dans
l'aromatisation du carbonate ammoniacal qui fait la base des sels anglais, sels de
Preston, smelling salts, dont les effluves, à la fois excitants et antispasmodiques,
ne sont pas sans utiUté dans les états nerveux, contre la migraine, les défaillances,
la syncope, etc.
La poudre de lavande s'administre à l'intérieur à la dose de 1 à 4 grammes ;
les fleurs, depuis 10 jusqu'à 20 grammes pour unhtre d'eau, en infusion théi-
forme ; pour un grand bain, 500 à 1000 grammes. Nous n'engagerons pas,
comme certains formulaires, à donner sur un morceau de sucre quelques gouttes
d'huile essentielle, qui, acre et brûlante, produit ainsi une impression des plus
désagréables sur l'organe du goût ; nous pensons, d'ailleurs que, jusqu'à plus
ample informé de son utilité à l'intérieur, elle doit être réservée pour l'usage
externe. L'alcoolat de lavande pourrait être mêlé à une potion à la dose de 8 à 10
grammes, l'eau distillée à celle de 30 à 60 grammes. Les sirops de staechas se
prescriraient à la dose de 30 à 60 grammes ; pour les fleurs de stsechas, mêmes
doses que celles de lavande officinale. D. de Sayignac,
LAVAmauLii ST.ECHAS. {Voy. Lavande.)
LAVAR®e:\"S (Eau minérale de), proiothermale , ame'talUte, carbonique fai-
ble. Dans le département du Gers et dans l'arrondissement d'Auch, à l kilomètre
du village de Lavardens, émerge une source d'eau limpide, sans odeur ni saveur
prononcées, à peine traversée par quelques bulles gazeuses, sans réaction sur les
préparations de tournesol, et d'une température de 19", 4 centigrade. Sa densité est
la même que celle de l'eau ordinaire ; l'analyse chimique ne lui domic guère plus
de droits à avoir une place distincte dans le cadre hydrologiquc ; le travail de
MM. Lidangc et Boulan indique, en effet, dans 1,000 grammes de cette eau, les
proportions minimes des principes suivants;
LAVATER (les).
Carbonate de chaux 0,160
— magnésie 0,04S
— fer 0,006
Sulfate de chaux 0,008
— magnésie 0,076
— soude 0,034
Chlorure de sodium 0,0i4
— magnésium O.OIS
Silice et débris végétaux 0,026
Résine 0,003
Chlorhydrate d'ammoniaque traces.
TOIAI, CES MATIÊBES FIXES 0,467
Gaz acide carbonique 0,028 litre.
L'eau de cette source, que les gens du pays nomment la Fontaine Chaude, est
seulement employée en boisson. Son usage n'est soumis à aucune règle métho-
dique, et quelques habitants de Lavardens et des contrées voisines croient cette
eau capable de guérir les maladies chroniques les plus sérieuses et les plus va-
riées. Sans accorder que la physique et la chimie renseignent complètement sur
l'efficacité thérapeutique d'une eau minérale, nous doutons que la thermahté et
la constitution élémentaire de l'eau de Lavardens lui assignent jamais une place
importante parmi les eaux minérales, A. R.
tAVATEK (Les).
Plusieurs médecins de ce nom, tous de Zurich, et dont quelques-uns unis par
les liens de la plus étroite parenté, se sont fait une réputation dans la science.
Lavater (Heinrigh) naquit à Zurich, en 1559 ; après avoir fait et complété ses
études dans plusieurs universités d'Allemagne et d'Italie, il revint dans sa ville
natale, où il remplit les fonctions de professeur de mathématiques et de physique,
et mourut en 1623, laissant les ouvrages suivants :
I. Defensio medicorum galenicorum advcrsus calumnias Angeli Sala. Hanov, 1610, in-i",
— Il, Epifome philosophiœ nafuralis. Ibid., 1621, in-4°.
Lavater (Joh.-Hecnrich), fils du précédent, né à Zurich, en 1611, occupa la
même chaire que son père et se distingua par divers travaux. On lui doit notam-
ment une curieuse observation de hernie scrotale du volume du poing, déter-
minée par la chute du côlon. 11 s'occupa aussi de l'analyse des eaux minérales et
de règlements sur la peste. Voici la note de ses ouvrages ;
l. De arthritide. Basilese, 1047, in-4°. — II. 'E-jTîpo7t?ptço).r,, seu intestinorum compres-
sione. Ibid., 1G72, m-¥.
Lavaier (Joh.-Caspar.-Christ.), probablement de la famille des précédents,
naquit à Zurich, le 15 novembre 1741, et mourut dans cette ville, le 12 janvier
1801, des suites d'une blessure qu'il avait reçue à la prise de cette ville par les
Français. Il était ministre protestant, et se fit une grande réputation par son
zèle évangélique, sa charité et son mysticisme. Outre ses écrits religieux, Lava-
ter a laissé des ouvrages très-originaux et qui ont obtenu un grand succès de
curiosité ; je veux parler de ses recherches sur la physiognomonie, dans lesquelles
il s'efforce de découvrir toutes les nuances du caractère d'après les traits du vi-
sage. Cette prétention lui attira quelques mystifications, particulièrement de la
part du célèbre Zimmermann, qui lui fit prendre un affreux bandit pour un
homme doué de toutes les vertus. Voici l'indication de cet ouvrage :
I. Physlonomische Fragmente zur Befôrderung der Menschenkenntniss tmd Menschenlichc.
Leipzig- und Wintortliur, 1775-78, 4 vol. pot. in-fol, ; trad, Ir. soas ce titre : Ei.mi sur la
•
56 LAVEMENTS (pharmacologie).
jihysionomie ou l'arl de connaître les hommes, etc. 1782, 4 vol. in-i", fig. — Autre édit.
L'art de connaître les hommes, pai' Moreau de la Sarthe. Paris, 1806-35, 10 vol. in-8°. —
II. Physiognomonie, elc. Paris, 1845, gr. in-8°, pi.
liavater (Joh.-Heinrich), fils du physiogiiomoniste, né i Zurich, le 21 mai
17G8; étudia la médecine à l'Université de Gœttingue, où il prit le bonnet de
docteur en 1789. Il revint ensuite à Zurich ex^ercer la médecine avec beaucou})
de distinction. 11 se fit surtout remarquer pai' le zèle qu'il déploya pour propager
ia vaccine parmi ses compatriotes. Il mourut le 20 mai 1819. On a de lui :
I. Observ. de statu hodierno artis medicœ. Gœltingre, 1789, in-4°. — II. Anleitung ziir
nnatomischen Kenntniss des menscklichen liorpers fur Zeichner iind Bildhauer . Zurich, 1790,
in-S" ; trad. fr. par Gauthier de la Peyronie, et enrichi dénotes. Paris, 1797, in-8», iig. —
III. Abltandhing iiber die Milchblattern oder die sogenannten Ktihpocken, cinen, etc. Zu-
rich, 1800, in-8°; ibid, 1801, in-8».
Il y eut encore ik Zurich :
Lavater (Dirthelm), né à Zurich, en 1777, mort en 1826, qui a laissé un
ouvrage intéressant sur les bains, intitulé :
Abhandlung iiber den Niitzen und den Gefahren des Badens der Jugend an freien Orten.
Zurich, 1804, in-8''. E. Bgd.
LA'VA.TÈRE [Lavciterci L.). Genre de plantes, de la famille des Malvacées,
dont les caractères sont ceux des Guimauves, à deux près : le calicule est formé
de trois à six folioles unies à leur base, et les carpelles ont leur portion ovarienne
recouverte par une sorte d'auvent circulaire que forme au-dessus d'eux le sommet
dilaté de l'axe floral qui leur sert de support. Les Lavatères sont des plantes mu
cilagineuses , dont les propriétés sont tout à fait celles des Mauves et des Gui-
mauves, et c'est aux mêmes usages qu'elles qu'on les emploie dans certains pays,
et, par exemple, le L. thuringiaca L., en Allemagne ; le L. arborea L., dans le
midi de la Francs ; h L. triloha L., en Espagne. H. Bn.
L., Gen., n. 842. — DG,, Prodr., I, 458. — Mer. et Del., Bict., IV, 73. — Duch., Répert.,
213. — RosENTH., Sijn. pi. diaphor . , 1Q5. — Endl., Gen., n. 5269. — Benth. et Hook.,
Gen., 200, n. 5.
LiWAVJeiOOIV ([>e), médecin qui vivait dans la seconde moitié du dix-septième
•siècle et qui, selon l'usage absurde de cette époque, enseignait la chirurgie dans
les écoles. Dezeinieris a démontré que le traité de médecine opératoire qu'd a fait
paraître est, de même que celui de Lacharrière, rédigé d'après les leçons célèbres
que DJonis donna au Jardin du Roi de 1670 à 1682, et qui parurent seulement
en 1707. Haller l'avait aussi noté comme un compilateur de ses contemporains,
particulièrement de Mauriceau et de Fabrice de Hilden :
Voici le titre de l'ouvrage de Lavauguion :
Traité complet des opérations de chirurgie, contenant leurs définitions, leurs causes
expliquées sur la structure de la partie, etc. Paris, 1696, in-S"; ibid, 1697, in-8°; trad.
angl., Lond., 1707, in-8°, etc. E. Iîgd.
LAVEMENTS. § I. Pliarniacoiogie. Les lavements ou injections intestinales
sont des préparations qui ont presque toujours pour véhicule l'eau, à laquelle on
f^ite souvent une ou plusieurs substances médicamenteuses. La manière de les
obtenir varie selon la nature des matières qui en font partie. Lorsque la substance
médicamenteuse est soluble, leur préparation est fort simple puisqu'il suffit d'en
opérer la solution, tels sont les lavements à l'azotate d'argent, au sulfate de
suude, etc. Quand une plante ou une partie de plante entre dans leur compo-
LAVEMENTS (pharmacologie). 67
gition, il faut avoir recours, selou la densité de la matière, soit à rinfusiou, soit à
la décoction . Pour le séné, la mousse de Corse, la camomille on se sert de l'infusion ;
pour la racine de guimauve, la graine de lin, on emploie la décoction. Le lavement
à l'amidon se prépare par un procédé tout particulier : on délaye l'amidon en
poudre dans l'eau froide, et on verse le tout dans le restant de l'eau rpii a été
portée à l'éljulliiioii. Lorsqu'on veut introduire dans ces médicaments une résine
ou une gomme-résine, ou bien une huile très-épaisse, on a ie plus souvent recours
au jaune d'oeuf, c'est ce qui a lieu pour les lavements à l'asa fœtida, au baume de
copahu, à la térébenthine, à l'huile de ricin, etc. Cependant lorsque l'huile est
très-fluide, comme l'huile d'amandes douces, on se contente de la mélanger avec
le véhicule.
Pour les lavements à l'amidon, à l'aloès, à l'asa fœtida, à l'armoise, au borax,
au cachou, au camphre, au chloroforme, au baume de copahu, au cubèbe, à la
céruse, à la digitale, à l'émétique, à l'azotate d'argent, à la mousse de Corse,
à l'iode, au musc, au tannin, au tabac, à la térébenthine, au quinquina, au sul-
fate de quinine, au sulfate de soude, au savon, à l'huile de ricin, etc., etc.
{Voy. ces substances.) Nous ne mentionnerons ici que les formules de quelques
lavements qui ne trouveraient pas leur place ailleurs. On trouvera, du reste, dans
la partie de l'article consacrée à la thérapeutique, tontes les indications relatives
aux modifications amenées dans les diverses formules de lavement par les nécessi
tés de la pratique.
Lavement anodin ou laudanise'. Décoction de guimauve, 250 grammes; lauda-
num de Sydenham, 50 centigrammes. En ajoutant amidon, 15 grammes, on a le
lavement d'amidon laudanise.
Lavement anodin des peintres. Huile de noix, 200 grammes; vin rouge,
400 grammes.
Lavement antidiarrhéicjue. (Trousseau.) Eau de chaux, 200 grammes; eau de
riz, 500 grammes ; laudanum de Sydenham, 1 gramme.
Lavement astringent. Roses roses, racine de historié, de chacun, 10 grammes.
On fait infuser dans 500 grammes d'eau bouillante ; on passe et on ajoute 5 goutte
de laudanum de Sydenham. Contre les diarrhées chroniques.
Lavement émollient. Espèces émollientes, 50 grammes ; eau bouillante, q. s.
Lavement gélatineux. Gélatine, 15 grammes; eau tiède, 500 grammes. On
fait dissoudre.
Lavement huileux. Huile d'olives ou d'amandes douces, 60 grammes ; décoc-
tion de guimauve ou de graine de lin, 500 grammes.
Lavement laxatif. Melhte de mercuriale, 100 grammes; eau tiède, 400 gram-
mes. Mêlez. {Codex.)
Lavement purgatif . Feuilles de séné et sulfate de soude, de chacun, 15 gram-
mes; eau bouillante, 500 grammes. Après un quart d'heure d'infusion, on passe.
{Codex.)
Lavement purgatif des peintres. Séné, 8 grammes; eau bouillante, 500 gram-
mes. On fait infuser, on passe et on ajoute jalap en poudre, 4 grammes; diaphœ-
nix, 50 grammes; sirop de nerprun, 50 grammes.
Lavement vermifuge. Tanaisie, rue, absinthe, de chaque, 10 grammes ; on
fait infuser dans eau bouillante, 500 grammes ; on passe et on njoute huile de
ricin, 20 grammes.
Lavement analeptique. Jaune d oeuf n" 1 ; salep, 2 grammes ; bouillon de viande
sans sel, i!2b grammes.
58 LAVEMENT (kmploi médical).
Lavement nourrissant. Huile de foie de morue, 20 grammes; thé de bœuf,
200 grammes ; vin de Bourgogne, 200 grammes ; jaune d'œuf n° 1 . Contre les
dyspepsies chroniques, les vomissements incoercibles des femmes enceintes.
Le tlié de bœuf se prépare de la manière suivante: Bœuf entièrement maigre
ec sans mélange d'os, 500 grammes : on hache menu, puis on ajoute son poids
d'eau froide, on chauffe jusqu'à l'ébullition. Quand le liquide a bouilli pendant
une minute, on passe avec expression. Ce thé de bœuf est employé également
pour les convalescents. T. Gobley.
§ IL Emploi médical. Le lavement (de lavare, laver, baigner; dystère, chj-
sma, -/lixTrôp, de /.^O'dw, je lave; enema de svt/jjiAt, jeter dedans, injecter) est l'in-
jection d'un liquide simple ou composé, faite dans le rectum à l'aide d'un appareil
spécial, seringue, clysopompe, clysoir, dans un but hygiénique ou thérapeutique.
L'usage du lavement remonte à la plus haute antiquité médicale. Nous
nous abstiendrons de reproduire ici la fable répétée partout de la cigogne ou ibis
égyptien, qui nous en aurait donné l'exemple. Qu'il nous suffise de remonter à
la source pure et authentique de l'hisLoire.
Le lavement est souvent mentionné dans les œuvres d'Hippocrate, qui le re-
commande dans diverses affections, notamment dans la pleurésie et la pneumonie,
au début de la fièvre, après la saignée, dans les fièvres avec accidents cérébraux,
dans le choléra sec, où il prescrit les lavements gras ; dans la dysenterie, dans les
plaies du ventre, il conseille les lavements salés et ténus pour les personnes
grasses et humides, plus gras et plus épais pour les personnes sèches et grêles ;
ils conviennent surtout, d'après lui, pendant les six mois de chaleur. On trouve
enfin dans Hippocrate diverses formules de lavements purgatifs, détersifs, émol-
lients, astringents, diversement composés.
Après Hippocrate, Gelse, Galien, Oribase recommandent également l'usage du
lavement, non-seulement comme agent thérapeutique, mais encore comme moyen
nutritif.
Asclépiade recommandait les lavements comme un moyen auxiliaire très -utile
du traitement des fièvres et des affections vermineuses; il ordonnait des lavements
irritants pour combattre les maladies chroniques invétérées.
Les anciens, dit Gelse, sollicitaient le relâchement du ventre dans presque
toutes les maladies par des lavements et différents purgatifs. La plupart du
temps, il est préférable, suivant cet auteur, de recourir aux lavements. Cette
pratique adoptée par Asclépiade avec réserve, ajoute-t-il, était à peu près mise en
oubli de son temps; et cependant l'usage modéré de ces remèdes, lui paraît
offrir les plus grands avantages. Celse eu conseille l'usage dans les circon
stances où il y a pesanteur de tête, obscurcissement de la vue, affection du gros
intestin, douleurs dans le bas-ventre ou dans les hanches, amas de bile, de
pituite ou d'une humeur aqueuse dans l'estomac, difficulté d'expulser les gaz,
constipation, séjour trop prolongé des matières fécales dans le rectum ; ou
bien encore si le malade, sans pouvoir aller à la selle, rend des gaz d'une odeur
stercorale, si les matières alvines sont corrompues, si la diète observée d'abord
n'a point enlevé la fièvre, si l'on ne peut faire une saignée nécessaire, parce
que les forces du sujet s'y refusejit, ou qu'on n'a pas saisi le moment convenable;
si l'on a bu avec excès avant de tomber malade, ou enfin si la constipation suc-
cède brusquement à un relâchement du ventre, habituel ou accidentel. H expose
longuement les préceptes à suivre à cet égard, et les précautions à prendre,
LAVEMENT (eiitloi wédicai). f)»
relativement à l'état de la digestion ou au degré d'épuisement des malades ; il
spécifie les circonstances oîi il convient de s'en abstenir ; il décrit les moyens
convenables pour se préparer à cette médication, et pour en assurer les meilleurs
effets possibles, et donne la meilleure composition des diverses sortes de lave-
ments adoucissants, astringents, excitants, stimulants, en indique la tempé-
rature, etc.
Oribase traite avec détails de l'emploi des lavements, et il en préconise particu-
lièrement l'usage dans les maladies de la vessie.
Galien formule plusieurs applications importantes de ce genre de médication
et parle des lavements nutritifs.
Les médecins arabes, héritiers des traditions de l'époque gréco-romaine,
ont conservé et étendu encore l'usage des lavements, malgré les sci'upules et les
répugnances que ce moyen paraissait inspirer aux premiers sectateurs de Maho-
met*, On trouve des détails curieux à cet égard dans une thèse très-originale
et très-bien faite, soutenue en 1867 à la Faculté de médecine de Paris, par
M. Edouard Colson. a L'iraan Ahmed, y est-il dit, a établi des textes qui désap-
prouvent comme chose répréhensible le lavement que n'exige pas une circon-
stance indispensable ; tandis que d'autres autorités respectées, telles que Djarab,
Mondjahed, Hacan, Taôus, Amir, et nombre d'autres déclarent que le clystère
n'est point répréhensible. D'après Khallal, le second kalife Omar considérait
le clystère comme chose à tolérer. « J'ai questionné, dit Djaber, Mohammed, fils
d'Ali, au sujet du lavement. — Il n'y a rien de mal, me répondit-il, à en
prendre, c'est un médicament comme un autre. » Enfin Abou-Bekr-el-Mouroïgi,
parlant au père d'Abd-Allali des avantages des clystères, lui posa cette ques-
tion : « Prendre un lavement, est-ce rompre le jeune ou non? » A ce sujet,
ajoute Bî. Colson, les casuistes diffèrent encore.
Sans attendre leur décision, revenons à la pratique des médecins arabes.
Avicenne parle fréquemment de l'emploi des lavements, il en décrit les avan-
tages et les inconvénients , et en pose très-nettement les indications. Dans
Sermo de tiualitate chjsteriorum et instnimento eorum, il a laissé la description
de l'instrument dont il se servait. Il en sera parlé plus loin. On y trouve aussi
des conseils sur le choix des positions à prendre pour le patient et pour l'opé-
rateur, etc.
Les médecins du moyen âge et de la Renaissance ont eu garde de laisser
tomber l'usage du lavement. Guy de Chauliac, qui, par parenthèse, ne sortait
•amais sans porter avec lui une bourse de clystère, le qualifie de notable
remède pour rejeter les superûuités qui sont aux boyaux. « 11 est bon, ajoute-t-il,
aux passions des boyaux et des rognons et des membres supérieurs. » 11 en dis-
tingue trois espèces, savoir : le rémollitif, le mondicatif et le restrinctif.
Ardern, chirurgien anglais de la seconde moitié du quatorzième siècle, qui a
donné des détails curieux et intéressants sur l'usige des clystères, nous apprend
que les femmes anglaises de son temps, moins dédaigneuses alors qu'aujourd'lmi,
sans doute, pour cette pratique hygiénique, en faisaient un très-fréquent usage.
* Cet éloignenient pour le lavement subsiste encore aujourd'hui parmi les observaleurs
les plus scrupuleux de la loi du Prophète. L'émir Abd-el-Kader, pendant sa détention
au château d'Amboise, étant tombé malade, le médecin appelé à lui donner des soins lui
prescrivit l'usage de lavements. L'état était grave, il s'agissait peut-être de la vie. On ne le
lui laissait pas ignorer. «Que la volonté de Dieu soit failc, répondit l'émir en s' enveloppant
fièrement dans son burnous. » Les lavements ne lurent point administrés, et... i'cmir vit
encore,
00 LAVEMENT (emploi médical).
C'est au quinzième siècle qu'on trouve la première description de la seringue
classique sous le nom d'instrument à clystère, faite par Marcus Gatenaria, qui en
a donné la figure.
Dans le grand siècle, avec le raffinement des mœurs, la vie plus mondaine, et
peut-être l'exubérance du régime alimentaire, l'usage du lavement devient de
plus en plus fréquent, et passe dans les habitudes hygiéniques journalières.
Louis XIV en donne lui-même l'exemple; ce qu'il prend de lavements d'après les
conseils de ses médecins Vallot d'Aquin et Fagon, est inimagincible, ainsi qu'en
témoigne d'ailleurs le Journal de la santé du roi^. Il n'en fallait pas davantage
pour le mettre à la mode. On se ferait difficilement une idée de l'abus que l'on
en fit à cette époque et du sans-façon avec lequel on s'en entretenait et on y
procédait même parfois. Rien ne peut atteindre, à cet égard, au rapport du duc
de Saint-Simon, jusqu'au sans-gène de Madame la daupbine se faisant glisser
subrepticement un clystère par-dessous ses jupes par sa femme de chambre, en
présence du roi.
Toutefois cette grande faveur devait avoir ses revers. Mais, tant l'entraînement
de la mode et l'imitation servile ont de force, il ne fallut pas moins de deux
véritables puissances pour mettre un terme à cet engouement. Ces deux puis-
sances furent madame de Mainteuon et Molière. La pruderie de madame de Main-
tenon fit réformer sinon la chose, du moins le nom, en lui substituant l'expres-
sion plus euphémique de remède, qui est restée depuis dans le langage commun.
Molière en déversant à pleines mains le ridicule sur le rôle grotesque auquel
étaient descendus des hommes respectables d'ailleurs, en se faisant les minisires
complaisants et officieux d'une cérémonie qui ne demande que le silence et le se-
cret, n'a pas peu contribué à l'éformer sur ce point les moeurs de son temps, et à
ramener la pratique d'une chose saine et utile aux conditions de discrétion qui
lui conviennent, et dont elle n'aurait jamais dû sortir.
La scène n'a pas été la seule révélatrice de ces écarts du bon sens; l'auguste
enceinte des trdjunaux a plus d'une fois retenti de débats qui ne le lui cédaient
en rien, en fait de bouffonnerie. Témoin la fameuse plaidoirie de l'avocat Grosley,
en, faveur d'Etiennette Boyau, garde-malade, contre maître François Bourgeois,
chanoine de Troyes, à l'effet d'obtenir de ce dernier le payement de 2,190 lave-
ments à lui administrés dans l'espace de deux ans, par la dite Etienuette. (Thèse
de M. Col son.)
Mais il est temps de revenir au côté sérieux du sujet. Comme toutes les pra-
tiques bonnes et utiles, l'usage des lavements a résisté ta la double épreuve de
l'engouement et de ses réactions habituelles, et il a bravé jusqu'au ridicule même.
Nous le voyons, après comme avant cotte phase d'épreuve, préconisé avec raison
par tous les grands praticiens. Sydenham recommande les lavements anodins,
et particubèrement le lavement de petit-lait dans la dysentrie, dans le choléra-
morbus, dans la diarrhée, dans la fièvre aiguë avec pissement de sang; les lave-
ments astringents dans la diarrhée des fièvres continues, le lavement avec la téré-
benthine et les lavements narcotiques dans le calcul produit par la goutte in-
vétérée, etc. Hoffmann écrit un chapitre de clijsteriorum usu medico. 11 faudrait
ciler ici plus de trente auteurs, parmi lesquels figurent des noms justement esti-
més, qui n'ont pas dédaigné de traiter d'une manière spéciale et avec de sérieux
détails, de l'usage et des indications des lavements. On en trouvera l'énumération
à la bibliographie.
* Voir Journal de la saule du P,nij Louis XIV. por M . Leroy ; Paris, 1862. In-S".
LAVKMENÎ (emploi médical). 61
• Jusqu'ici il n'a été question que du lavement considéré d'une manière géné-
rale, sans aucune spéëification de sa composition, de son action locale ou géné-
rale. Bien que dès l'origine de la médecine, on ait déjà commencé à distinguer les
lavements simples des lavements médicamenteux et des lavements nutritifs, c'est
surtout à partir du commencement du dix-huitième siècle, qu'on s'occupa sérieu-
sement de la question du lavement comme moyen d'introduction dans l'éco-
nomie de substances médicamenteuses actives. Helvétius écrit un livre ayant pour
titre : Méthode pour guérir toutes sortes de fièvres sans rien faire prendre par
la bouche. Cette méthode consistait tout simplement à administrer le quinquina
par la voie intestinale Depuis cette époque, les applications de ce mode de médi-
cation se sont de plus en plus multipliées. Avant de rappeler les principaux essais
de ce genre, il nous faut exposer le point de physiologie sur lequel ils reposent.
Bien que l'expérience clinique ait devancé en ceci comme pour bien d'autres
questions l'expérimentation physiologique, il convient de rétablir ici l'ordre de
succession logique et de subordination des faits.
I. Physiologie. Quelle est l'action des lavements sur les surfaces avec les-
quelles ils sont mis en contact? Quels sont les phénomènes généraux ou spéciaux
qui suivent leur absorption? En d'autres termes, quels sont leurs eflets locaux
et leurs effets généraux, suivant leur état simple ou leurs divers états de com-
position? Tels sont les points de physiologie sur lesquels il importe d'être fixé,
si l'on veut se rendre suffisamment compte des résultats hygiéniques ou théra-
peutiques que l'on désire obtenir par l'usage des lavements.
1" Effets locaux ou action sur les surfaces de contact. Le premier effet d'un
lavement simple, d'un lavement d'eau tiède, est de déterminer immédiate-
ment, par sa seule action de contact sur la muqueuse intestinale, une contrac-
tion qui en sollicite immédiatement l'expulsion, si l'on ne fait effort pour le
garder. La quantité de hquide, sa température, modifient plus ou moins cet
effet, soit en l'atténuant, soit en l'activant. Une quantité minime d'eau, soit
100 grammes ou au-dessous, injectée dans le rectum, peut n'y produire au-
cune impression, être gardée sans effort, et y resler en quelque sorte comme un
corps étranger, inerte, et indifférent à l'économie, jusqu'à ce qu'elle soit en par-
tie absorbée, en partie expulsée avec la première selle. Si la quantité d'eau
est élevée à 500, 400 ou 500 grammes, elle produit à peu près inévitablement la
contraction de l'intestin. A une dose plus élevée, s'il s'agit surtout de jeunes en-
fants dont les intestins sont facilement extensibles, il peut arriver que la dilata-
tion de l'intestin, soit portée au point de lui faire perdre momentanémen
son ressort et toute puissance de réaction sur la masse d'eau qu'it contient.
La température de l'eau a également une grande part dans l'effet immédiat
du lavement. A la température du corps, l'effet est nul et l'eau n'impressionne
l'intestin que par sa masse et son action de simple contact. Au-dessus ou
au-dessous il détermine la réaction de l'intestin par l'impression de chaleur ou de
froid, plus énergiquement par le froid que par le chaud. Les lavements chauds,
souvent répétés, amènent même à la longue un effet inverse, c'est-à-dire qu'ils
émoussent la sensibilité et la conlractdité de l'mtestin, qui en vient peu à peu à se
laisser distendre sans réagir.
A la double action de l'eau sur l'intestin par contact et par distension, il faut
ajouter son action diluante sur les matières intestinales qui, le concours actif de
la contraction intestinale aidant, facilite l'évacuation.
Tel est en effet le mode d'action du lavement simple administré dans les
02 LAVEMENT (eju'Loi jiédical).
conditions ordinaires, c'est-à-dire à température moyenne et en quantité suffi-
sante pour distendre le gros intestin dans une plus ou œoias grande étendue.
Telles sont les conditions qui répondent à l'indication la plus commune de l'ad-
miiïistration du lavement, l'indication de provoquer ou de faciliter l'évacuation
alvine.
Jusque-là le lavement est plutôt un agent hygiénique qu'un agent médicamen-
teux, à proprement parler. Nous entrons sur le terrain de la thérapeutique du mo-
ment où le lavement est composé, c'est-à-dire qu'il tient en suspension ou en dis-
solution une substance plus ou moins active, ou bien lorsque à l'état simple il
est administré dans le but d'êlre livré à l'absorption, ou dans des quantités et des
proportions insolites et qui dépassent l'indication d'une simple évacuation.
Biais avant d'aborder l'étude du lavement considéré cojurae agent thérapeu-
tique, il importe que nous examinions deux autres questions majeures de physio-
logie, dont la solution nous aidera à comprendre et à régler les différents effets
indicateurs; savoir : jusqu'à quel point de l'intestin pénètrent les lavements?
Que devient le lavement abandonné à l'intestin?
C'est une question bien vieille et bien controversée que celle de savoir à quelle
hauteur du tube intestinal peuvent pénétrer les liquides injectés par l'anus. Galien
(livre m, de Causis sympt.) parle de clystères ayant pénétré si haut, qu'ils ont
été rejetés par le vomissement. Les médecins du seizième siècle se sont occupés
de cette question et ont cherché à se rendre compte des singularités signalées
depuis longtemps déjà, par d'autres que par Galien, de clystères rendus par le
vomissemeirt. Au rapport de M. Colson, Kerkringuy se serait prononcé positive-
ment, assurant avoir expérimenté plusieurs fois que la valvule peut être franchie.
Nombre d'ob?ervatioiis sur ce sujet sont consignées dans les Éphéniérides des
curieux de lanature et autres recueils. L'opinion la plus répandue est que les
lavements peuvent monter jusqu'à la valvule de Bauhin, sans jamais la dépasser;
suivant quelques auteurs, ils ne traverseraient jamais l'S iliaque. De là des diver-
gences sur le mode d'emploi des lavements et sur la quantité de liquide qu'ils
doivent contenir.
Cette question a beaucoup occupé les médecins anglais surtout. Le docteur
Christison dans son Dispensatory ,àïi({\\e « si l'on se propose de vider l'intestin,
le lavement ne doit pas être de moins de 16 onces ou 1 pinte. » Le docteur
Burns, dans la huitième édition de son Traité d'accouchement, sans déterminer
précisément la quantité de liquide à injecter en cas de constipation, distingue
cependant entre les matières accumulées dans le rectum et celles qui sont encore
contenues dans le côlon. Contre ces dernières, il conseille de les amener d'abord
dans le rectum au moyen de laxatifs administrés par la bouche, puis de les chas-
ser au dehors par des lavements ; ce qui donnerait à supposer que dans son opi-
nion ces derniers ne pénétreraient que peu ou point dans le côlon.
Suivant le docteur Anthony Thomson {Éléments de matière médicale et de
thérapeutique, 2*^ édition), le volume d'eau à injecter suivant les différents âges
est de 1 pinte pour un adulte, et de 3 onces seulement pour un enfant. Pour
lui l'inefficacité des lavements tient surtout à ce qu'ils n'atteignent pas la partie
obstruée de l'intestin.
Le docteur Denman {Traité d' accouchement, ¥ édition) insiste également siii*
l'inutilité des lavements dans certains cas d'endurcissement des matières fécales^
et n'en conseille l'emploi qu'après avoir divisé ces matières par des moyens méca-
niques et pour en entraîner les fragments.
LAVEMENT (emploi médical). 65
A. ces auteurs partisans des lavements à petites closes, on peut en opposer d'au-
tres qui conseillent, au contraire, d'abondantes injections ; tels sont notamment
Graves (de Dublin) et Marshall-Hall. « Si l'on veut laverie côlon, dit ce dernier,
iî convient d'employer la seringue de Read ; 5 pintes d'eau chaude seront suf-
fisantes. L'injection doit être faite aussi lentement que possible. De cette manière
l'intestin ne se distend qu'après avoir été rempli ; son action péristaltique est
excitée à la longue par la distension même, et, se contractant énergiquement dans
toute sa longueur, il chasse d'un seul coup les matières accumulées. »
Voulant savoir à quoi s'en tenir sur cette question de physiologie et de théra-
peutique, le docteur Hall entreprit une série d'expériences propres à déterminer
la hauteur à laquelle peuvent parvenir dans le tube digestif les injections prati-
quées par l'anus, et spécialement, la quantité de liquide que peuvent contenir les
gros intestins.
Dans une première expérience faite sur le cadavre, on put injecter facilement,
au moyeu de la seringue de Read, 5 ou 6 pintes d'eau mucilagineuse, qui rem-
plirent complètement le gros intestin, Le liquide avait même franchi la valvule
iléo-csecale.
Dans une deuxième expérience sur le cadavre, la paroi abdominale ayant été
préalablement ouverte, on put suivre de l'œil le cours du liquide injecté. Quand
3 pintes eurent pénétré, le gros intestin se trouva remph et distendu. Puis le
liquide s'étant épanché lentement dans la cavité péritonéale, on découvrit dans le
caecum et l'iléon plusieurs ulcérations avec perforation .
Dans une troisième expérience sur le cadavre, S pintes d'eau furent injectées
sans difficultés : le liquide parcourut toute la longueur des intestins et remplit
même une portion de l'estomac (?), une incision cruciale des parois abdominales
avait parmis de suivre rigoureusement, à travers les parois intestinales la marche
du liquide.
M. Hall ne s'en est pas tenu là, il a fait des expériences sur le vivant.
Chez un homme affecté d'un rétrécissement du rectum, un tube élastique ayant
été porté jusqu'au-dessus de ce rétrécissement, on pratiqua, après avoir toutefois
eu soin de constater par la percussion la vacuité des côlons transverse et descen-
dant, une injection de 5 pintes d'un liquide h.uileux. La percussion de nouveau
pratiquée donna un son mat sur toute l'étendue des côlons.
Une autre expérience fut faite sur un jeune garçon. Le ventre ayant été préala-
blement percuté, et le caecum, aussi bien que les trois portions du côlon, ayant
donné un son clair, le sujet fut placé horizontalement sur le côté gauche, et
5 pintes de liquide furent injectées. A ce moment, on éprouva de la résistance, et
l'injection ne put être portée plus loin. La percussion fit reconnaître que ce liquide
avait pénétré jusqu'à l'union des côlons transverse et descendant. Le sujet fut
placé sur le côté droit, dans le but de s'assurer si le liquide ne se porterait pas du
côté du côlon ascendant et du cœcum; et, en effet, une nouvelle percussion donna
un son obscur dans les régions correspondantes où l'on remarquait une disten-
sion manifeste, tandis que la région du côlon descendant donnait maintenant un
son clair. 5 nouvelles pintes de liquide furent injectées, et après que le sujet eut
uriné deux fois, le son devint clair sur toute l'étendue du caecum et des côlons
jusqu'à l'S ihaque.
Que peut-on inférer de ces expériences ? que les liquides injectés en certaine
quantité par l'anus peuvent i-emplir la totalité du gros intestin ; mais rien de
plus, car rien dans ces expériences, ni dans quelf[ues autres analogues que rapporte
fi4 LAVEMENT (emploi miJdical)-
l'auteur, n'autorise à conclure que la valvule iléo-cœcale ait été franchie et que le
liquide injecté ait pénétré dans l'iléon.
Il est d'ailleurs une expérience qui se fait tous les jours dans les amphithéâtres
d'anatomie et qui résout la question d'une manière péremptoire. Lorsque dans le
but de dessécher un gros intestin pour le conserver, on l'insuffle d'air à grand
renfort de pression, toute l'étendue du gros intestin depuis l'ampoule rectale
jusqu'à la grande ampoule cœcale inclusivement, se laisse distendre par l'air, sans
que jamais une bulle d'air s'échappe à travers la valvule iléo-cœcale dans l'iléon.
La disposition bieu connue de cette valvule s'oppose absolument et hermétique-
ment au passage soit de gaz, soit de liquides dans l'intestin grêle. Nous parlons, '
bien entendu, des coiîditions norn)ales. Que si la valvule venait à être détruite
par une ulcération ou par toute autre lésion ou à être empêchée dans son mode
normal de fonctionnement, comnic il arriverait par exemple par l'interposition
d'un corps étranger ou d'une portion de matière fécale durcie qui, sans oblitérer
complètement l'orifice, empêcherait les bords valvulaires de s'appliquer exactement
l'un sur l'autre, il est clair que dans l'une ou l'autre de ces circonstances un hquide
poussé avec force pourrait franchir le passage et pénétrer dans l'intestin grêle.
C'est probablement dans des conditions exceptionnelles de ce genre qu'ont eu lieu
les faits de pénétration rapportés par quelques auteurs dignes de foi. Mais à part
ces conditions exceptionnelles, il est évident que la valvule iléo-csecale oppose une
barrière infranchissable au cours rétrograde ou ascendant des liquides, et que c'est
à juste titre qu'elle a été qualifiée de barrière ou de colonnes d'Hercule des
apothicaires.
Au reste, le point qui intéresse surfont la pratique est moins de savoir si le
lavement franchit quelquefois la valvule que de connaître la hauteur à laquelle
il peut pénétrer dans les côlons. Or on vient de voir qu'il est assez difficile de
pousser le liquide jusque dans le côlon ascendant. Mais on ne doit pas oubher
qu'il est possible, à l'aide de canules ou de sondes introduites par le rectum, de
porter très-haut un lavement sans être pour cela obligé d'employer une grande
quantité de liquide. M. Dechambre nous a fait connaître un cas de sa pratique,
dans lequel, le cours des matières étant interrompu depuis huit jours par une
tumeur siégeant dans le flanc droit, sur le trajet du côlon ascendant, une sonde,
dont il était facile de sentir le bec à mesure qu'elle cheminait, put pénétrer jus-
qu'au delà de la tumeur et donner passage à un litre d'eau qui ne tarda pas à
amener une garde-robe copieuse.
2° Effets généraux ou d'absorption. Que deviennent les liquides une fois
injectés dans le gros intestin?
On sait que l'absorption se fait à des degrés divers sur toute l'étendue du tube
digestif. Moins active sans doute dans le gros intestin que dans l'intestin grêle
où elle est à son summum, elle l'est assez encore pour que cette voie puisse être
souvent utiHsée pour l'introduction de certains agents thérapeutiques dans l'éco-
nomie. Des faits démontrent que chez beaucoup d'animaux l'absorption est plus
active dans le gros intestin que dans l'estomac. Les expériences faites avec le
curare, par exemple, ont montré que cet agent introduit dans l'estomac de quel-
ques animaux y est absorbé si lentement que les portions qui se trouvent à un
moment donné dans le sang de l'animal ne suffisent pas pour déterminer des
accidents d'empoisonnement; tandis que introduit directement dans le rectum,
il a déterminé chez les mômes animaux des accidents promptenient mortels. On
sait que la belladone et l'opium administz'és en lavement chez l'homme agissent
Lavement (emploi médical). 65
à la fois plus rapidement et avec une plus grande intensité que lorsc(u ils sont
ingérés dans l'estomac.
Dans le but de déterminer la rapidité relative de l'absorption par l'estomac et
par le rectum, le docteur W. Savoi^ a fait des expériences comparatives sur divers
animaux avec la strychnine, le cyanure de potassium, l'acide cyanhydrique et la
nicotine. Les résultats de ces expériences ont été variables suivant les substances
toxiques employées.
La strychnine (en solution) a produit des effets toxiques beaucoup plus rapide-
ment, administrée en lavement qu'ingérée dans l'estomac ; pour le cyanure de
potassium et l'acide cyanhydrique, la différence a été bien moins marquée, et pour
la nicotine, c'est le contraire qui a été observé.
Se demandant, en présence de cette différence, si elle ne tiendrait pas à ce que
la strychnine pouvait être modifiée par le suc gastrique de manière à perdre une
partie de ses propriétés toxiques, M. Savory a fait des mélanges artificiels d'une
solution de strychnine et de suc gastrique, et il les a injectés dans le rectum. Il
a observé alors des effets toxiques au moins aussi rapides et aussi énergiques
qu'en employant une solution de strychnine non mélangée de suc gastrique. La
réponse était donc négative à cet égard.
Une autre série d'expériences a démontré que la présence d'aliments dans l'es-
tomac n'exerce aucune inlluence sensible sur la rapidité et l'énergie des effets
toxiques d'une solution de strychnine.
Lorsque, au lieu d'administrer la strychnine en solution, on la donne en pou-
dre, elle est absorbée beaucoup plus lentement. Dans ces conditions, l'absorpLiou
a lieu plus rapidement dans l'estomac que dans le rectum, ce qui tient à l'ac-
tion dissolvante plus énergique du suc gastrique. {The Lancet et Ga%. méd. de
Paris, 1864, mars.)
M. Demarquay a institué aussi une série d'expériences pour arriver à déterminer
le degré d'activité absorbante du rectum. 11 a fait administrer à des individus bien
portants sous certains rapports, et qui devaient être soumis à un traitement par
l'iodure de potassium, un lavement de la contenance de 200 grammes d'eau, avec
1 gramme d'iodure de potassium en dissolution. Dans quelques circonstances, il
avait fait vider l'intestin rectum, mais le plus souvent, le lavement était admi-
nistré sans prendre cette précaution ; l'expérience a été répétée plus de dix fois,
et toujours elle a donné le même résultat, toujours l'absorption a été plus
prompte par le gi'os intestin que pai" l'estomac.
Voici quel a été ce résultat chiffi-é dans cinq expériences :
Première expérience : élimination en 7 minutes.
Deuxième expérience : — 5 —
Troisième expérience: — ........ 6 —
Quatrième expérience : — 6 —
Cinquième expérience : — 2 —
Ces faits tendent, comme on le voit, à établir que Ton peut faire pénétrer les
substances solubles dans le torrent circulatoire plus promptement par le rectum
que par l'estomac, et que, chez les individus qui ont une grande répugnance
pour l'iodure de potassium, on peut le faire absorber par la voie rectale.
Dans un mémoire communiqué à l'Académie de médecine en 1856 sur l'absorp-
tion des substances médicamenteuses introduites dans le gros intestin sous la
foi'me de lavements, M. Briquet s'est proposé de déterminer les limites que ceux-ci
atteignent, de rechercher si les substances introduites dans le gros intestin
DICT. ENC. 2° S. II. 5
66 LAVEMENT (emploi médical).
éi^rouvent quelques modifications chimiques avant d'être absorbées, dans quelle
proportion se fait cette absorption, avec quel degré de promptitude elle se fait, etc.
Il a résumé les résultats principaux de ses recherches dans les conclusions sui-
vantes :
1" Le liquide qui constitue les lavements peut assez facilement aller jusque
dans le caecum, et par conséquent être en contact avec une surface absorbante
fort étendue.
2" La membrane muqueuse du gros intestin et les hquides qui baignent sa
surface n'ont aucune action chimique sur les substances introduites dans le gros
intestin, ori il n'y a d'absorbé que ce qui était primitivement en dissolution.
5" Quand on administre en lavement des sels solubles de quinine à des doses
au-dessous de I gramme, un peu plus du tiers de la quantité administrée est
éhminé, et par conséquent a été absorbé.
4" Quand on administre des doses supérieures à 1 gramme, celles-ci sont mal
tolérées, et il n'y a qu'un cinquième ou un sixième de la quantité administrée
qui soit absorbé...
5° On n'aperçoit de traces d'élimination, et par conséquent d'absorption, qu'une
heure après l'administration d'un lavement, et à ce moment l'élimination est peu
considérable.
6° La durée de l'élimination est en général assez courte, et ordinairement de
2 à 5 jours au plus.
7° La dilution plus ou moins grande, mais pourtant limitée à un certain degré,
la nature plus ou moins visqueuse du liquide, et enfin l'addition des sels de mor-
phine aux alcaloïdes du quinquina ne modifient pas sensiblement l'absorption.
8" Les jeunes gens absorbent mieux que les adultes; les vieillards de l'un et
l'autre sexe absorbent très-mal.
9° Les alcaloïdes du quinquina administrés en lavement à des doses au-dessous
de 1 gramme, peuvent rendre par cette voie tous les services qu'on peut attendre
de ces alcaloïdes donnés à faible dose par la bouche, et peuvent très-bien les
remplacer.
10° 11 n'en est pas de même pour les cas où il faut des doses élevées; celles-ci
ne sont jamais absoi'bées en assez grande quantité pour produire des «îffets stu-
])éfiants énergiques.
il" On ne peut faire généralement tolérer au gros intestin plus de 2 grammes
de sulfate de quinine à la fois.
Ces conclusions peuvent s'appliquer plus ou moins exactement aux diverses
substances employées en lavement. [Bulletin de l'Acad. de méd., t. Xll, p. 237.)
Dans un deuxième mémoire faisant suite au précédent, M. Briquet s'est proposé
d'étudier les variations que subit l'absorption des médicaments, suivant la nature
des maladies, suivant l'âge et suivant le sexe des malades. Voici les résultats
auxquels il est arrivé :
L'état pyrétique est notablement plus favorable à l'absorption des médicaments
que l'état apyrétique.
L'état typhoïde favorise cette absorption moins que les autres états phlegma-
siques ; cependant elle y est, dans le tube digestif, plus énergique qu'on ne l'avait
supposé jusqu'à présent, puisqu'elle n'est que d'un dixième à peu près inférieure
à celle qui se produit dans l'état pyrétique en général.
Dans le diabète, l'absorption des médicaments dans l'intestin paraît être très-
faible.
LAVEMENT (emploi médical). 6^
On peut constater si, dans certaines maladies, les états de tolérance ou d'into-
lérance pour les médicaments tiennent à une susceptibilité particulière ou à des
variations dans l'absorption; ainsi, dans l'état hystérique, la tolérance pour
l'opium ne tient nullement à un défaut d'absorption : elle est le résultat d'une
susceptibilité spéciale.
L'absorption des médicaments analogues aux alcaloïdes du quinquina est plus
active chez les jeunes gens que chez les adultes, dans une proportion considérable ;
chez les vieillards, elle est encore notablement moins active que chez les adultes ;
elle est moins active chez la fenmie que chez l'homme, dans la proportion de
1 sixième à 1 huitième, etc. [Bull, de l'Acad. de méd., t. XXII, p. 1275.)
Ces données physiologiques étabhes, étudions maintenant les diverses sortes
de lavements, leurs indications et leurs effets thérapeutiques.
II, Thérapeutique. Nous distinguerons les lavements en simples, médicamen-
teux et composés ; les lavements médicamenteux et les composés devront être
distingués à leur tour, suivant l'objet qu'on se propose, en lavements à action
locale ou à action générale; nous ferons, enfin, une dernière catégorie des lave-
ments nutritifs.
1« Lavements simples. Le lavement simple ou à l'eau pure, le plus habituel-
lement mis en usage, a pour objet principal de combattre la constipation, de
faciliter les selles naturelles et de rafraîchir, suivant l'expression vulgaire, qui ne
manque pas ici de justesse. Nous ne nous y arrêterons pas plus longtemps, ce que
nous en avons dit plus haut étant suffisant pour ce point.
Mais le lavement simple devient un agent thérapeutique sérieux et constitue
parfois une médication d'une certaine énergie, soit par la répétition fréquente,
soit par la quantité d'eau injectée chaque fois, soit par sa température insolite,
au-dessus ou au-dessous de la température normale du corps. C'est ainsi, par
exemple, que les grands lavements d'eau chaude ont été élevés à la hauteur
d'une méthode spéciale de traitement de quelques inflammations abdominales.
Un traitement de ce genre a été institué par M. le docteur Eisenmann, après des
expériences faites sur lui-même.
Voici en quels termes ce médecin rapporte les effets qu'il a obtenus sur lui-
même de l'administration de grands lavements chauds pour combattre une inflam-
mation rhumatismale :
« En 1 837, dit-il, je fus pris d'une inflammation rhumatismale peu intense de
l'enveloppe séreuse du foie, dont la guérison ne présenta pas de difficulté. Quatre
semaines plus tard, la périhépatite reparut à la suite d'un refroidissement, et
cette fois avec une intensité effrayante : l'hypochondre droit, un peu ballonné,
était le siège d'une douleur tellement forte que tout mon corps était agité de mou-
vements convulsif?. Cette douleur s'irradiait jusque vers l'omoplate; j'avais des
vomituritions et des vomissements, et de la répugnance contre toute espèce d'ali-
ments; l'urine était extrêmement rouge; pouls très-fréquent, tendu et petit. Une
application de sangsues, des fomentations chaudes avec une application de sublimé
corrosif et des bains n'amenèrent aucune amélioration de l'affection locale. En
raison de ma constitution détériorée, je ne voulus pas avoir recours à ime saignée.
Vers deux heures de l'après-midi, la douleur étant devenue intolérable, je me
remis au bain et j'eus alors l'idée de m'injecter de l'eau chaude dans l'intestin.
Exécutant aussitôt mon dessein, je m'injectai successivement sept seringues d'eau
à 37" centigrade environ (à peu près 3 litres), jusqu'à ce que l'abdomen commen-
çai à se tendre. Peu de temps après, l'injection fut expulsée, en donnant lieu à
os LA.VEMEM (emploi médical).
une évacuation alvine très-abondante. Je fis inimédiatement une nouvelle injection
de cinq à six seringues ; elle ne fut plus évacuée, et la douleur, qui jusque-là
avait été excessive, disparut, à mon grand étonnement, d'une manière complète,
seulement l'Iiypochondre droit était encore un peu ballonné et sensible à la pres-
sion. Je pris alors une première dose 4e vin de colchique opiacé; et une deuxième
dose, le soir même, vint clore le traitement de cet accès.
« Dans la suite, j'ai encore eu douze accès au moins de périhépatite rhumatis-
male, mais je ne laissai plus à l'affection le temps de se développer ; je parvenais
toujours à en enrayer la marche dès le début par les injections d'eau chaude et le
vin de colchique opiacé.
« Peu de temps après, ajoute M. Eisenmann, une femme fut prise d'une péri-
tonite intense. Je lui fis injecter autant d'eau chaude que la malade put en sup-
porter sans être trop incommodée; cette injection ayant été évacuée avec une
grande quantité de matières fécales, j'en fis faire une deuxième toute aussi abon-
dante, que la malade garda ; la douleur disparut comme par enchantement et ne
reparut plus. »
En 1838, M. Eisenmann fut pris d'un accès de néphrite. Le résultat des injec-
tions d'eau chaude fut le même : en moins d'une demi-heure, il était guéri.
En 1859, un homme de 61 ans, atteint d'une affection fébrile de la muqueuse
intestinale, obtint le même résultat.
Plus tard, M. Eisenmann a guéri par l'emploi du même moyen un homme qui
présentait tous les symptômes d'un typhus abdominal commençant.
M. Guttiërt rapporte {Gaz. niéd. de Russie) qu'ayant souvent employé les in-
jections d'eau chaude, il pouvait confirmer tout ce que M. Eisenmann avait avancé.
M. Hare a trouvé ces grands lavements très-utiles dans le traitement de la
dysenterie des Inde^ orientales, lorsqu'elle ne provient pas toutefois d'affection
paludéenne. Lorsqu'un malade atteint de dysenterie arrivait à l'hôpital, on
commençait par lui injecter, avec la seringue de Read, de 2 à 5 litres d'eau chaude,
jusqu'à produii'e une certaine tension de l'abdomen. On avait la précaution d'a-
dapter à cette seringue une canule élastique assez longue pour dépasser l'S iliaque,
des injections aussi abondantes ne pouvant être faites avec une seringue à canule
ordinaire, à cause de l'irritabilité du rectum, qui est telle dans cette maladie que
le liquide est expulsé dès que quelques onces ont pénétré dans l'intestin. Cette
première injection ne tardait pas à être évacuée, et sa sortie était toujours suivie
d'un soulagement très-notable. Lorsque le malade était pléthorique ou qu'il avait
une forte fièvre, ou encore lorsque l'abdomen était douloureux à la pression,
M. Hare faisait pratiquer une saignée abondante et donnait ensuite une dose
d'opium. A leur réveil, on leur administrait de nouveau un grand lavement d'eau
chaude et l'on appliquait au besoin des sangsues et des fomentations. Dans la nuit,
troisième injection d'eau chaude et deuxième dose d'opium, et alors les malades
entraient ordinairement en convalescence. Le lendemain, s'ils accusaient la
moindre cohque ou une sensation anoriuale de l'abdomen, on revenait aux
injections.
M. Hare croit devoir attribuer les heureux résultats qu'il a obtenus de l'emploi
de ces grands lavements à la circonstance qu'ils évacuaient les matières irritantes
contenues dans l'intestin, opinion erronée. C'est incontestablement un de leurs
effets utiles, mais ce n'est pas le seul. M. Eisenmann pense que M, Hare n'a pas
retiré de celte médication tous les avantages qu'il eût pu en obtenir, parce qu'il a
négligé de répéter l'injection dès que la première avait été expulsée avec les ma-
LAVEMENT (emploi médical). 69
tières fécales. Il attache, pour sa part, une grande importance à cette seconde
injection, qui est ordinairement résorbée, tandis que la première ne séjourne que
peu de temps dans l'intestin. Le premier lavement produit déjà une amélioration,
mais ce n'est qu'à la suite du deuxième que la douleur disparaît d'une manière
complète. {Voij. Dysenterie.)
M. Eisenmann a appelé également l'attention sur l'opportunité de l'essai des
injections copieuses d'eau chaude dans le traitement du choléra. Il a essayé de
donner une théorie de la manière d'agir de ces grands lavements répétés. 11
admet, dans l'état actuel de nos connaissances, que la chaleur humide exerce une
action calmante sur les nerfs sensitifs de la vie animale et végétative, notamment
aussi sur les nerfs sensitifs des vaisseaux capillaires, et qu'elle les empêche de
réagir contre l'irritation produite par la maladie ou d'exciter à cette réaction les
nerfs vasculaires moteurs. En tout cas, l'effet de ces lavements doit se porter aussi
sur les nerfs sensitifs pris dans un sens plus restreint, car la stase qui existe déjà
ne saurait disparaître complètement dans un intervalle de 7 à 10 minutes, ce
temps sufiîsant à peine pour en préparer la résolution. Et cependant on voit dis-
paraître complètement, pendant ces quelques minutes, la douleur spontanée pro^
duite par la stase.
Quoi qu'il en soit de ces vues théoriques , le fait de l'utilité de cette pratique
reste acquis. {Voy. Choléra.)
M. Piorry a appliqué aussi les grandes irrigations intestinales au traitement de
la fièvre typhoïde. Toutes les fois que dans les fièvres graves il constate par la
plessimétrie la présence dans l'intestin de matières demi-solides et liquides, ou
de liquides et de gaz , dont l'odeur est très-fétide, il a recours à des irrigations
abondantes et réitérées coup sur coup, et cela pendant quelques minutes , et il
continue ainsi jusqu'à ce que l'eau qui s'échappe de l'intestin pendant et après
l'irrigation, soit claire et que les gaz aient beaucoup moins de fétidité. Ces irri-
gations ont été renouvelées dans les cas graves jusqu'à quatre et cinq fois par
jour. M. Piorry attribue à cette méthode la guérison et la brièveté de la conva-
lescence. [Voy. TïPHOÏDE (fièvre).]
On a eu recours aussi en chirurgie aux lavements simples abondants ou forcés
pour les invaginations intestinales. Un médecin de Saint-Dié, M. Lhommée, dans
un cas d'invagination parfaitement caractérisée, a obtenu le plus heureux résultat
en injectant par le rectum une aussi grande quantité de liquide que le malade a
pu en supporter.
2° Lavements médicamenteux. Les lavements médicamenteux ont pour objet
soit d'agir directement ou topiquement sur la surface intestinale elle-même, soit
d'être livrés à l'absorption pour introduire un agent plus ou moins actif dans
l'économie.
Au premier rang des lavements médicamenteux, en procédant des moins actifs
aux plus actifs, nous placerons les lavements émollients, qui ne diffèrent des lave-
ments simples que par l'addition d'une substance mucilagineuse ou huileuse, et
les lavements évacuants laxatifs, qui n'en diffèrent que par l'addition d'une sub-
stance qui ajoute son action légèrement excitante sur l'intestin à celle de l'eau
pure. Tels sont en particulier le lavement au gros miel ou au miel de mercuriale,
le lavement à l'huile de ricin, au séné ou au sulfate de soude, ou bien à l'aloès,
toutes substances qui, en excitant la muqueuse intestinale, y déterminent un état
lluxionnaire et une augmentation de sécrétion, qui facihte l'effet évacuant.
Lavements purgatifs. Les plus actives des substances dont il s'agit, telles que
70 LAVEMENT (emploi médical).
le séné, l'aloès, vont même jusqu'à prodiih'e quelquefois un certain degré d'irrita-
tion intestinale, qui, s'ajoutant à l'action évacuante, produit des effets dérivatifs
souvent utilisés dans la pratique. Ce sont alûrs de véritables lavements purgatifs.
D'après M. Bouchardat, les lavements salins agiraient en déterminant sur la
muqueuse intestinale un courant exosmotique beaucoup plus considérable que
îe courant endosmotique, et cette voie d'élimination étant frayée, l'économie se
débarrasserait ainsi des parties liquides qui ne peuvent plus servir à la nutrition et
qui y amènent des perturbations.
On combine quelquefois l'action de la quantité avec celle de la qualité , en
administrant de grands lavements purgatifs pour combattre la constipation.
On doit au docteur Ax'an une application utile des lavements purgatifs au traite-
ment du catarrhe utérin. Ce médecin a été conduit à cette pratique par une cir-
constance fortuite assez curieuse. Ayant prescrit à une jeune fdle aménorrhéique
l'usage de petits lavements purgatifs, composés de ÎO grammes d'aloès pour
50 grammes de mucilage, mode de traitement institué par le professeur Schœu-
lein (de Berlin), Aran apprit par cette jeune fille que ces lavements n'avaient point
rappelé ses règles , mais qu'ils avaient fait cesser un écoulement blanc très-
abondant, dont elle était affectée depuis plusieurs années. Éclairé par ce fait,
Aran se livra à partir de ce moment à une série d'essais dont le succès lui a fait
nstitaer, à titre de méthode de traitement du catarrhe utérin, l'emploi des lave-
ments purgatifs à l'aloès, méthode qui consistait à faire prendre, tantôt tous les
jours, tantôt tous les deux jours, suivant l'effet produit par le médicament, et
toujours le soir en se couchant, d'abord un lavement simple d'eau tiède, pour
débarrasser l'intestin, puis un lavement comme suit :
Aloès , )
Savon médicinal ^^ chaque : H ou 10 grammes.
Eau bouillante 100 grammes.
Tout en conservant le même mode d'administration, il a successivement rem-
placé l'aloès par la coloquinte, par la gomme-gutte, la décoction de rhubarbe,
les résines de jalap ou de scammonée, etc. De cette comparaison, il est résulté
pour lui que les lavements d'aloès étaient les seuls qui pussent être continués
plusieurs jours de suite , sans provoquer des douleurs trop vives vers l'anus.
A la suite de ces lavements, l'écoulement utérin diminuait de jour en jour. Chez
quelques malades, en vingt-quatre heures il avait déjà diminué de moitié, et chez
d'autres en quatre ou six joui\^, toute trace avait disparu. Toutefois le succès n'a
pa;i «;te. constant, et il a follu dans quelques cas renoncer à ce mode de traitement.
Lavements astringents. Les substances astringentes et les divers an-ents mo-
dificateurs de la vitalité des membranes muqueuses, sont très-souvent administrés
sous cette forme, lorsqu'il s'agit surtout de modifier directement un état morbide
de la muqueuse du gros intestin.
Les principales substances astringentes employées en lavement sont le tannin,
la ratanhia, le kino, le cachou, le sous-acétate et le sous-carbonate de plomb. Les
modificateurs plus actifs des muqueuses sont l'iode, le nitrate d'argent, etc.
Les lavements de tannin (de 1 à 2 grammes pour 500 grammes d'eau) ont été
administrés dans les diarrhées et les dysenteries chroniques, dans les écoulements
muqueux de l'anus (proctorrhée).
Les lavements de ratanhia (de 4 à 20 grammes d'extrait et 4 grammes de tein-
ture pour 150 grammes d eau) ont été particulièrement préconisés par Breton-
LAVEMENT (emploi médfcal). 71
neau et Trousseau dans le traitement de la fissure de l'anus, et appliquées depuis
avec succès par un grand nombre de praticiens. Voici de quelle manière Trousseau
en a formulé l'emploi: après un lavement d'eau de guimauve, on administre le
quart de lavement de ratanhia, qui n'est gardé que quelques instants. On en
prend deux dans les vingt-quatre heures, un matin et soir.
La monesia a été également employée de la même manière et dans les mômes
circonstances. Mais les effets n'en ont paru ni aussi efficaces ni aussi constants
que ceux de la ratanhia.
L'étroite sympathie qui lie les affections du rectum à celles de la vessie, et
réciproquement , a inspiré au docteur Miquel (d'Amboise) l'idée de l'ecourir à
l'usage des lavements de ratanhia associée au laudanum pour combattre l'engor-
gement inflammatoire de la prostate. — Il a administré des quarts de lavement
contenant 4 gramme d'extrait de ratanhia et 8 gouttes de laudanum de Syden-
ham pour un verre d'eau, alternés avec des lavements entiers émoUients et hui-
leux, et il en a obtenu de bons résultats.
Lavements aux sels de -plomb. Le sous-acétate de plomb , sous forme d'eau
blanche ou d'eau de Goulard, a été employé en injection rectale dans les cas de
proctorrhée, de flux purulent hémorrhoïdal et dans la diarrhée chronique qui
suit les dysenteries. Le docteur Fr. Barthez, à l'époque où il était médecin en chef
de l'hôpital militaire de Saint-Denis, a appliqué avec succès cette médication au
traitement de la dysenterie aiguë. Voyant le peu de succès des moyens usités
jusque-là, il tenta l'emploi de l'acétate de plomb à des doses d'abord minimes,
qu'il a élevées ensuite graduellement jusqu'à 100 gouttes d'extrait de saturne,
soit 5 grammes pour 500 grammes d'eau tiède. A cette dose , la dysenterie s'ar-
rêtait presque subitement , sans qu'il ait eu à constater aucun accident. Depuis
cette époque le docteur Barthez, poursuivant ses essais, est arrivé, dans le traite-
ment des dysenteries aiguës, jusqu'aux doses énormes de 50, 40 et 100 grammes
dans un lavement, sans donner lieu à des accidents toxiques. Boudin a été à
même, quand il était médecin en chef de l'hôpital militaire du Roule, de confir-
mer par ses propres expériences celles de Barthez ; il a employé le sous-acétate
de plomb en lavement sur plus de 600 malades atteints de diarrhée, de dysenterie
ou de choléra épidémique. Le médicament, dissous dans 100 grammes deau dis-
tillée, a été donné depuis 10 jusqu'à 60 grammes dans les vingt-quatre heures, en
plusieurs quarts de lavement. Non-seulement l'innocuité du sous-acétate de plomb
aiu<i administré a été complète, mais encore les résultats thérapeutiques se sont
montrés les plus satisfaisants.
M. Devergie a employé le lavement de carbonate de plomb contre la diarrhée
des phthisiques. Voici de quelle manière il le prescrit : acétate de plomlj,
1 gramme; carbonate de plomb, 5 centigrammes; dissous séparément dans nue
très-petite quantité d'eau ; la dissolution est versée dans 250 grammes de décoc-
tion de lin, et on ajoute quatre gouttes de laudanum de Rousseau.
Lavements iodés. Les lavements iodés ont été prescrits dans la diarrhée et la
dysenterie chronique, par M. Eimer (iode de0s'',25 à Os^SO, iodure de potassium
q. s. dissous dans 30 à 90 grammes d'eau distillée), pour un lavement que l'on
renouvelle deux fois dans les vingt-quatre heures, et plus rarement trois ou quatre
fois. S'il y a du ténesme et si le malade a de la peine à garder so)i lavement, on
l'additionne de 10 à 15 grammes de teinture d'opium, et on remplace l'eau par
un véhicule mucilagineux.
M. le docteur Delioux de Savignac dit en avoir obtenu dans les mêmes circon-
72 LAVEMENT (emploi médical).
stances des succès remarquables. Il donne ces lavements à la dose de 10 à 30
grammes de teinture d'iode, maintenue soluble par 1 à 2 grammes d'iodure de
potassium pour 200 à 250 grammes d'eau. Sur douze cas consignés dans son
mémoire {lJnio7i médicale, 1855), l'affection intestinale a été notablement amen-
dée ou guérie dix fois ; dans les deux cas d'insuccès, il n'y a eu du moins aucune
aggravation. M. Delioux affirme qu'en général ces lavements ne produisent que
de légères coliques, très-facilement calmées par un lavement laudanisé. Il ajoute,
enfin, qu'en raison de la facilité d'absorption les lavements pourraient servir de
moyen d'introduction de l'iode dans l'organisme, dans les cas qui peuvent en
réclamer l'usage.
D'après M. le docteur Boinet, on pourrait joindre avec beaucoup d'avantage
à la formule de M. Delioux 1 ou 2 grammes d'extrait de ratanhia, ou bien, au lieu
d'eau ordinaire, faire usage d'une décoction de ratanhia ou de monesia, ou de
toute autre substance renfermant de l'acide tannique. M. Boinet affirme que les
lavements ainsi composés lui ont été très-utiles pour arrêter le dévoiement dans
le choléra. [lodotherapie, 2^ édit., 1865.)
M. le docteur Bossu (de Lyon) a obtenu, à l'aide de cette médication, des résul-
tats qui ont dépassé toute attente. Sur trois malades qui y ont été soumis, deux
ont guéri après l'emploi de deux lavements seulement ; quant au troisième, dont
la maladie remontait à plusieurs années, il guérit aussi, mais six lavements furent
nécessaires pour venir à bout d'une maladie aussi invétérée. Or, chez ces trois
malades, bien que la dose de la teinture d'iode ait été de 15, 20, 25 et jusqu'à
30 gouttes pour un quart de lavement de 150 grammes d'eau, cette dose a été
parfaitement supportée, et à part le premier lavement qui a causé un peu de
pesanteur et de chaleur rectale, les malades n'ont éprouvé aucun malaise et ont
pu le garder depuis un quart d'heure jusqu'à deux et même trois heures. (Thèse
de Paris, 1856.) {Voy. Diarrhée, Dysenterie.)
Les lavements iodés ont été utilement mis en usage aussi dans un cas d'hépa-
tite aiguë, par M. le docteur Inhauser. (Journal de médecine de Bruxelles.)
Nous ajouterons ici les diverses formules de lavements iodés que donne M. Boinet
dans le Formulaire de l lodotherapie :
LAVEMENT IODÉ.
Teinture d'iode 15 à 2S grammes.
lodure de potassium ) - „
Tannin h=^ 0,2à -
Eau de riz ou eau distillée 125 à 150
Laudanum 19 gouttes.
LAVEMENT D'iODORE DE P0TAS3IDM.
lodure potassique 1 gramme.
Eau distillée . , 250 grammes.
Lavements au nitrate d'argent. C'est encore dans les diarrhées et les dysen-
teries que les lavements au nitrate d'argent ont été préconisés. Trousseau en a
fait un très-fréquent usage, à titre d'agent substitutif, dans le traitement des ma-
ladies de l'appareil digestif. Dans la dysenterie aiguë, en même temps qu'il
prescrivait de demi-heure en demi-heure une pilule avec un mélange de 5 centi-
grammes d'amidon ou de mie de pain, 2 centigrammes 1/2 de nitrate d'argent et
2 centigrammes 1/2 de sel de nitrc, il faisait prendre deux fois par jour un lave-
ment avec 500 grammes d'eau distillée dans laquelle on avait fait dissoudre de
15 à 50 centigrammes de nitrate d'argent.
C'est surtout chez les enfants à la mamelle, lorsque la diarrhée persistait lon-r.
LAVEMENT (emploi médical). 73
temps, malgré la diète, le régime et l'usage de la magnésie, du bismutli ou de
la poudre d'yeux d'écrevisse, qu'il avait recours au nitrate d'argent. Voici les règles
([u'il formule à cet égard : » Si la diarrhée est tormineuse, accompagnée de sécré-
tions glaireuses ou de glaires ensanglantées, et en même temps de ténesme, nous
prescrivons, dit-il, soir et matin, un clystère composé de 250 grammes d'eau dis-
tillée, de 5 à 10 centigrammes de nitrate d'argent, suivant l'âge de l'enfant; quel-
quefois, après l'expulsion du liquide injecté, nous donnons un nouveau lavement
d'eau tiède, auquel nous ajoutons mie demi-goutte ou même une goutte de lau-
danum de Sydenham. «Il est rare, ajoute-t-il, que cette médication si simple ne
guérisse pas avec rapidité une diarrhée qui semble liée à un état phlegmasique de
la membrane muqueuse du côlon.
Le lavement au nitrate d'argent, dans la proportion de 0,50 de ce sel pour 100
grammes d'eau, a été utilement employé par Aran dans un cas de flux hémor-
rhoïdal incoercible chez un homme de 61 ans. Ce lavement fut renouvelé pendant
quatre jours, et le malade le gardait pendant deux heures, malgré la cuisson qu'il
lui causait.
Les lavements au nitrate ou azotate d'argent ont été, de la part de M. le docteur
Delioux de Savignac, l'objet d'une étude spéciale dont les résultats intéressent
assez la pratique pour que nous croyions devoir les rappeler ici. Dans un mé-
moire relatif à l'inQuence que joue l'albumine sur l'absorption et l'assimilation
des composés minéraux, communiqué en 1850 à l'Académie des sciences, M. De-
lioux a démontré, par des expériences en conformité avec des travaux antérieurs
de Lassaigiie, que, si l'azotate d'argent précipite au premier abord l'albumine de
ses dissolutions, un grand excès de dissolution albumineuse redissout ce préci-
pité; que, d'un autre côté, si les chlorures alcalins précipitent l'azotate d'argent
dans l'eau pure, à l'état de chlorure d'argent insoluble, ils ne le précipitent plus
dans l'eau albumineuse ; qu'enfin, dans ces deux circonstances, il se forme une
combinaison d'albumine et d'azotate d'argent, soluble et conséquemment facile-
ment absorbable.
Ces faits acquis, M. Delioux s'est demandé s'il ne serait pas avantageux d'asso-
cier l'albumine et l'azotate d'argent lorsque l'on veut administrer ce dernier sel
à l'intéi'ieur, soit par la bouche, soit par l'extrémité rectale. Il ne s'agit ici que
de ce second mode d'administration.
Le sel d'argent, employé par injection rectale, déterminant parfois, même à
très-petites doses, des coliques assez vives, M. Delioux a pensé qu'on obvierait à
cet inconvénient, en même temps qu'on feraitbénéficierle malade des propriétés
de l'albumine et de celles de l'azotate d'argent, en administrant ce sel en disso-
'lution, ou dans l'eau albumineuse pure, ou dans l'eau albumineuse légèrement
salée par le chlorure de sodium pour les doses élevées. 11 a, en conséquence, adopté
comme règle générale de prescrire des quantités égales d'azotate d'argent et de
chlorure de sodium pour une quantité donnée de solution albumineuse. Ainsi,
pour préparer un quart de lavement d'après cette formule, on pi-end :
Blanc d'œuf n' 1
On dissout dans :
Eau distillée , , , 250 grammes.
On filtre à travers un linge.
On prend d'un autre côté :
Azotate d'argent cristallisé 10, 20, 50 centigrammes.
Chlorure de sodium 10, 20, 50 —
74 LAVEMENT (kmpi.oi médical).
On fait dissoudre séparément les deux sels dans une très-petite quantité d'eau
distillée : on verse dans la solution albumineuse d'abord la solution d'azotate d'ar-
gent; — il se fait un précipité blanc floconneux; — on ajoute aussitôt la solution
de chlorure de sodium, et l'on agite vivement la liqueur avec une baguette de
verre ; alors le précipité disparait, la liqueur reprend su transparence, ou conserve,
si l'on a employé des doses plus fortes que ci-dessus d'azotate d'argent, une légèrq
teinte opaline ; mais il ne se dépose plus aucun précipité. Il s'est formé une com-
binaison soluble d'azotate d'argent et d'albumine, à laquelle le chlorure de sodium
ne prend aucune part, mais dont il favorise seulement et maintient la solubilité.
Cette solution d'azoto-albuminate d'argent, ou d'azotate double d'albumine et
d'argent, ne doit être préparée qu'au moment d'être administrée.
M. Delioux affirme, après une longue expérience, que les lavements à l'azotate
d'argent, ainsi préparés, ne détei^minent presque jamais de coliques, et jamais de
douleurs vives. 11 serait donc rationnel, dans toutes les circonstances oii l'emploi
des lavements d'azotate d'argent est indiqué, de substituer cette formule à la dis-
solution dans l'eau distillée.
Le lavement au nitrate d'argent a été employé aussi avec avantage par M. Gué-
rard, dans un cas d'entérite pseudo-membraneuse chez une malade de son service
de l'Hôtel-Dieu ; mais, comme il s'était convaincu, dans un cas analogue qu'il
avait eu l'occasion d'observer en ville, de l'insuffisance des petits lavements, la
lésion diphthéritique existant dans les parties supérieures du gros intestin, il ne
réussit dans ce dernier cas qu'en portant la quantité du liquide jusqu'à 4 litres,
de manière que l'intestin se trouvât rempli jusqu'à la valvule iléo-cœcale. Le lave-
ment avait été préparé de la manière suivante : la seringue était remplie presque
jusqu'en haut avec une forte décoction de guimauve ; une solution de 50 centi-
grammes de nitrate d'argent dans 50 grammes d'eau distillée fut mise dans l'es-
pace laissé vide ; on mit en place la canule et l'on administra promptement le
lavement. La solution caustique, poussée la première, modifia la surface intesti-
nale, qui fut ensuite lavée par la décoction de guimauve. {Voy. Diarrhée, Dysen-
terie, Entérite.)
Lavement arsenical. La médication arsenicale, tirée par les travaux de Bou-
din, de l'oubli ou du discrédit où elle était tombée en France, instituée par cet ha-
bile praticien sur une grande échelle pour le traitement des fièvres intermittente.",
et étendue depuis au traitement d'un grand nombre d'autres aiïeclions, devait
naturellement rappeler l'attention sur la méthode d'administration des prépara-
tions arsenicales par la voie rectale, déjà mise en usage très-anciennement. Boudin
a eu recours aux lavements d'arsenic, lorsque les malades soumis au traitement
arsenical étaient arrivés à la limite de la tolérance de ce médicament par l'estomac.
Il l'a formulé ainsi : solution arsenicale, 50 grammes (soit 5 centigrammes d'acide
arsénieux, la solution étant au 1,000"). Il a pu, dans un grand nombre de cas,
porter la solution à 20 centigrammes d'acide arsénieux, sans provoquer aucun
accident, ni même aucun phénomène d'intolérance, alors que les malades ne pou-
vaient plus supporter 1 centigramme d'acide arsénieux par la voie gastrique.
Nous venons de dire que la méthode d'administration de l'arsenic par la voie
rectale avait été très-anciennement mise en usage. En eftet, les lavements arse-
nicaux ont été conseillés par Cœlius Aurelianus pour détruire les vers intestinaux.
Mais, comme le font très-justement remarquer les auteurs du Traité de thérapeu-
tique et de matière médicale, il suffit de savoir qu'elles sont les parties de l'in-
testin habitées par les vers pour comprendre que ces hivements ne peuvent Cdvc,
LAVEMENT (emploi médical). "^^
utiles que pour la destruction des ascarides vermiculaires. Leur efficacité, dans
ce cas, est incontestable. « A l'époque, dit Trousseau, où nous avions un service
dans un hôpital d'enfants, nous avons eu souvent l'occasion de les employer.
Pour un lavement de 200 grammes d'eau, on fait dissoudre 1 à 5 centigrammes
d'arséniate de soude ou d'arsénite de potasse. Cette dose, qui serait énorme si elle
était conservée, provoque une irritation assez vive, et par conséquent est rapide-
ment rejetée; mais le contact, quelque rapide qu'il soit, delà solution arsenicale
avec les vers suffit pour les tuer. Un seul lavement suffit ordinairement pour
détruire ceux qui existent ; mais il y faut revenir deux ou trois jours de suite, et
ensuite deux ou trois fois encore, en laissant quatre jours d'intervalle, pour dé-
truire les œufs d'ascarides et faire cesser toute chance de récidive. »
Lavements mercuriels. Le mercure à l'état de calomel a été employé en lave-
ment au même titre que l'arsenic et pour remphr la même indication à l'égard
des oxyures vermiculaires. Il suffit d'injecter dans le rectum une petite quantité
de mucilage de gomme contenant en suspension 5 à 20 centigrammes de calomel.
Ce moyen est peut-être moins fidèle que le précédent. Mais, si le calomel manque
quelquefois son effet, il n'en est pas de même des préparations mercurielles solu-
b!es. Pour les adultes, il suffit de faire prendre, deux ou trois jours de suite, un
quart de lavement, auquel on ajoute 5 centigrammes de bi-iodure de mercure
dissous au moyen de 1/10^ d'iodare de potassium, ou bien la même dose de bi-
chlorure de mercure. La dose doit être quatre ou cinq fois moindre pour les en-
fants. Cette médication manque rarement son effet.
Lavements opiacés. On a déjcà vu, dans ce qui précède, que l'opium est joint
quelquefois à d'autres substances destinées à être administrées en lavement, dans
le but de faciliter la tolérance de l'intestin pour ces substances. L'indication des
lavements purement opiacés se présente souvent dans la pratique, soit que l'on
se propose une action stupéfiante directe sur l'intestin ou sur quelque organe
connexe ou voisin, soit que, dans le but d'obtenir une sédation générale, on ait des
motifs pour s'adresser de préférence à ce mode d'introduction des narcotiques
dans l'économie. Toutes les coliques généralement, de quelque nature qu'elles
soient et quelles qu'en soient les causes, sont calmées par l'emploi des lavements
opiacés. Les diarrhées avec ou sans coliques, la dysenterie en réclament aussi très-
souvent l'emploi. Ils sont souvent mis en usage aussi, pour combattre les coli-
ques néphrétiques et les coliques hépatiques. On y a eu recours quelquefois dans
les cas de hernie étranglée, mais les lavements avec les solanées leur sont préfé-
rables. L'une des applications les plus utiles des lavements opiacés est celle que
l'on en fait assez fréquemment pour modérer ou calmer les contractions utérines
excessives dans le travail d'accouchement, ou les contractions inopportunes comme
celles qui surviennent pendant la durée de la grossesse, et qui rendent une fausse
couche imminente ; de même que pour combattre les tranchées utérines après
l'accouchement. Les névralgies et les douleurs provoquées par la phlegmasie
utérine sont également combattues avec avantage par les lavements opiacés.
Enfin on a recours à ce moyen d'introduction de l'opium dans l'économie dans les
circonstances où cet agent doit être administré à des doses très-considérables,
comme dans le tétanos, par exemple, dans certains traumatismes graves ou à la
suite de grandes opérations où il est nécessaire de plonger les malades dans le
narcotisme pour prévenir l'explosion d'accidents consécutifs redoutables.
Les lavements opiacés ont été conseillés encore et employés, paraît-il, avec
succès, par le docteur H. Bennet, contre le mal de mer. {Yoy. Mal de mer.)
70 LAVEMENT (emploi médical).
11 prescrit le laudanum ou la solution de biméconate de morphine (solution de
squirrhe) à la dose de 50 gouttes, dans 120 grammes d'eau chaude. {The Lan-
cet, 1857.)
On n'administre guère généralement sous cette forme que le laudanum de Sy-
denham, le laudanum de Rousseau ou la décoction de pavot. Les doses moyennes
sont de 10 à 20 gouttes environ de laudanum de Sydenham, de 5 à 10 gouttes de
laudanum de Rousseau par lavement. Mais on conçoit que ces doses puissent
varier infiniment selon les indications qu'on se propose de remplir et suivant l'ha-
bitude et le degré de tolérance connu des malades. En règle générale, sachant
que l'absorption de l'opium introduit dans le rectum est plus active et plus l'apide
que lorsqu'il est administré par l'estomac, les doses de l'opium donné en lave-
ment doivent être toujours un peu inférieures à celles que l'on ferait prendre par
la bouche.
Quant au pavot, mode essentiellement infidèle et dangereux à la fois par la
difficulté de le doser, la prudence veut qu'on ne mette pas plus d'une tète pour
un lavement de 500 grammes. Mieux encore serait de s'en abstenir, si l'on n'était
pas quelquefois réduit à ce seul moyen.
Lavements à la belladone. L'extrême activité de cette substance, sa facilité
d'absorption par le gros intestin et les dangers si graves qu'entraîne l'administra-
tion de doses un peu élevées, doivent rendre très-circonspect sur son emploi en
lavement. Les recueils périodiques de médecine renferment plusieurs exemples
d'accidents très-graves d'empoisonnement produits par l'ingestion de doses d'ex-
trait ou de décoction de belladone, qui pouvaient cependant ne pas paraître au
premier abord très-exagérées (50 centigrammes d'extrait, par exemple). Aussi
depuis que ces funestes exemples sont connus, l'usage de ces lavements est-il
restreint à un très-petit nombre d'indications.
La belladone est donnée en lavement à la dose de 2 à 5 centigrammes d'extrait,
comme adjuvant de l'administration de cette même substance par la bouche et en
onction sur les parois abdominales, dans le traitement de la colique de plomb,
d'après la méthode instituée par M. le docteur Malherbe (de Nantes).
On la prescrit, à la dose de 10 à 20 gouttes de teinture dans une petite quantité
d'eau, pour combattre les douleurs utérines, la dysménorrhée, la rétention du
flux menstruel, ou le spasme et la constriclion de l'orifice utérin, dans certains
accouchements laborieux.
Le docteur Holbrovek a prescrit des lavements avec l'infusion de feuilles de
belladone contre la constriction spasmodique de l'urèthre. Mais il n'est pas dit
avec quel résultat.
Les chirurgiens ont quelquefois utilisé avec avantage les lavements belladones
pour obtenir le relâchement des parties qui produisent la constriction de l'in-
testin dans l'iléus et la hernie étranglée. Considérant son action sur la contractilité
des tissus, le docteur R. Hanius a eu l'idée d'employer les lavements de bella-
done dans les cas d'iléus, en 1855, et il l'a fait avec succès. [Journal der prac-
iischen Heilkunde de Hufeland et Osann.) On trouve, notamment, dans un jour-
nal américain de 1837, traduit ^diV h Gazette médicale (1858), quatre exemples
très-remarquables de hernies étranglées, réduites avec le secours des lavements
de belladone. Mais la dose administrée dans ces circonstances a été telle (1 gros
(4 grammes) de racine de belladone infusés dans 12 onces d'eau et divisés en 3
parties), que nous n'oserions conseiller d'imiter cet exemple.
Le dalura pourrait au même titre que la belladone et dans des conditions ana-
LAVEMENT (emploi médical). 77
logues êlre administré en lavement. Nous ne sachons pas qu'il ait été employé de
cette manière. Il ne faudrait pas oublier, en tout cas, si l'on jugeait h propos d'y
avoir recours, que, comme tous les agents toxiques livrés à cette voie d'absorption,
le datura injecté par le rectum détermine des effets beaucoup plus rapides que
lorsqu'il est porté dans l'estomac.
Lavements de tabac. C'est particulièrement dans le traitement de l'iléus ou
du volvulus et de la hernie étranglée que les lavements de fumée ou d'infusion de
tabac ont été conseillés. Us sont très-usités en Angleterre où ils ont été préco-
nisés déjà par Sydenham, et depuis par Mertens, Abercrombie, Schœfler, Bott et
d'autres. Schœffer à l'exemple de Sydenham presci'ivait les lavements de fumée de
tabac. Pott, au lieu de fumée, donnait le tabac en infusion, à la dose de 4 gram-
mes de feuilles de tabac pour 500 grammes d'eau. En France, l'application de ce
moyen a été beaucoup plus restreinte, quoiqu'il ait été très-préconisé par Lisfranc.
On lit de loin en loin seulement dans les journaux de médecine quelques relations
de cas d'iléus ou de hernie étranglée qui ont été traités par ce moyen. Les Annales
de la chirurgie française et e'^j-an^fère de 1845 rapportent deux cas de volvulus qui
auraient été traités avec succès par M. Berruyer à l'aide de lavements de tabac. La
Gazette des hôpitaux, de 1858, signale un fait dans lequel le lavement de tabac
a été associé à l'usage de la belladone, ce qui en diminue la valeur comme témoi-
gnage de l'etficacité du tabac. Le Bulletin de la Société de médecine de Poitiers
(1864) rapporte une observation très-intéressante de guérison d'un étranglement
interne récidivé à l'aide des lavements de tabac, communiquée à cette Société par
les docteurs Gaillard et Albert. Mais voici venir le revers de la médaille. On
trouve dans le Bidletin général de thérapeutique (1843) ime relation de M. le
docteur Ch. Japiot, qui fait connaître un cas d'accidents toxiques terminés par la
mort, à la suite de l'administration du tabac en lavement dans un cas de hernie
étranglée. La dose de tabac administrée dans cette circonstance était de 15 gram-
mes en décoction dans la quantité d'eau nécessaire pour un lavement entier, dose
élevée, sans doute, mais encore inférieure à celle qui est indiquée dans quelques
formulaires. On trouve dans le journal de Vandermonde un cas de hernie étran-
glée, guérie par un lavement fait avec la décoction de 1 once (30 grammes) de
tabac dans 2 livres (1 kilogr.). Personne aujourd'hui n'oserait prescrire cette dose.
Les lavements de tabac sont avantageusement remplacés, d'ailleur^, dans ces
circonstances, par les lavements de belladone ou de datura. {Voy. Iléus.)
La colique de plomb a été traitée aussi par les lavements de tabac. On les a
longtemps employés comme purgatifs, mais ils sont à la fois inefiicaces et dange-
reux. On les a appliqués avec plus de raison comme anthelminthiques.
Enfin c'est surtout comme moyen de combattre l'asphyxie, et en particulier
l'asphyxie par submersion, que les lavements de fumée de tabac ont eu le plus de
vogue. On y a à peu près généralement renoncé aujourd'hui.
La valériane, dont les indications sont bien connues, trouve assez souvent son
emploi en lavements. On l'administre à la dose de 8 à 16 grammes en décoction.
L'asa fœtida, à raison de la qualité qu'exprime si bien son adjectif, n'est
guère administré que sous cette forme. On le prescrit à la dose de 4 à 8 grammes
délayé dans un peu d'huile ou dans un jaune d'œuf pour 100 grammes d'eau
environ. C'est un des médicaments les plus sûrs et les plus fidèles que nous con-
naissions contre certains phénomènes hystériques. Nous en avons plusieurs fois
obtenu de très-bons résultats.
Le musc, si utile dans quelques épiphénomènes nerveux des phlegmasies pulmo-
78 LAVEMEîST (emploi îiédical),
naires ou de fièvres graves, peut être donne parla voie rectale, mais on n'a que
très-rarement roccasion d'y recourir sous cette forme.
Le castoréimi est plus souvent administré ainsi, sous forme de teinture, uni
aux teintures d'aloès et d'asa fœtida, et à la dose de 4 grammes. Cette prépara-
tion est surtout employée dans l'aménorrhée dépendant d'une sorte de ténesme
utérin et qui s'accompagne du gonflement douloureux du ventre, et dans cer-
taines coliques nerveuses.
Le camphre est administré sous cette même forme à peu près dans les mômes
conditions que le musc et le castoréum, à la dose moyenne de 4 grammes, délayé
dans un jaune d'œuf pour 500 grammes de décoction de graine de lin ou de gui-
mauve. Ses propriétés sédatives et anaphrodisiaques l'ont fait prescrire souvent
dans les dysuries et les maladies des voies urinaires.
\Jéther, dans quelques circonstances exceptionnelles oii il était impossible de
le faire accepter par l'estomac, a pu être donné avec succès en injection dans le
gros intestin.
M. le docteur Laffont de Sainte-Hélène (Gironde) a fait cesser à plusieurs re-
prises un accès de manie furieuse chez une femme à l'aide d'un lavement d'éther
(4 grammes d'éther suUurique dans 125 grammes d'eau fraîche).
Le quinquina et son principe actif, le sulfate de quinine, quand ils sont impé-
rieusement indiqués et que l'état de l'estomac n'eu permet point l'administration
par la voie ordinaire, peuvent être confiés à la voie rectale. Voici les deux princi-
pales formules pour ce mode d'administration.
Lavement de quinqdina.
Quinquina jaune royal . 20 grammes.
Faire bouillir pendant une demi-heure dans :
Eau commune, q. s. pour colature 250
Passez et ajoutez :
Laudanum de Sydenhara 12 gouttes,
LAVEME>T de SrLFATE BE OtlINIUE.
Sulfate de quinine \ gramme.
Décoction de pavot , 150 grammes.
Acide sulfurique alcoolisé, quelques gouttes pour dissoudre le sulfate.
Lavements vineux et alcooliques. La difficulté qu'on éprouve à faire pénétrer
par l'estomac une certaine quantité de toniques, et surtout de vin, sans apporter
un trouble marqué à l'accomplissement des fonctions digestives , et d'un autre
côté les avantages qu'il y a, dans certains cas, à porter dans le torrent circula-
toire, et par suite dans tous les organes, une assez grande quantité d'un liquide
aussi vivifiant, ont engagé plusieurs praticiens à recourir à la voie d'introduction
rectale. Hoffmann avait eu déjà cette idée, et l'avait môme mise eu pralique, mais
elle avait été presque entièrement perdue pour ses successeurs. 11 faut arriver jus-
qu'à notre époque pour voir remettre cette pratique en honneur.
Dans un cas de métrorrhagie par inertie de la matrice après la délivrance,
qui avait résisté à tous les moyens employés, et ne put être arrêtée que par la
compression de l'aorte, la malade étant épuisée et dans l'état le plus alarniant,
absence du pouls, refroidissement des extrémités, sueur froide, jactitation, relâ-
chement des sphincters, etc., indiquant l'imminence d'une terminaison fatale, et
en présence de l'impossibilité d'administrer des stimulants par la bouche, un mé-
decin anglais, le docteur Llewellyn Williams a eu reconrs aux lavements froids
LAVEMENT (emploi médical). 79
de vin d'Oporto, d'abord à la dose de 4 onces avec vingt gouttes de teinture
d'opium. Deux minutes après le premier lavement, le pouls radial reparaissait
d'abord faible, puis augmentant de force pendant cinq minutes, il faiblit ensuite
de nouveau. Deuxième lavement : vingt minutes après, amélioralion marquée.
— La malade reprend connaissance. — Demi-heure après, troisième lavement. —
Aprèsdix heures, la malade est hors de danger. — Employé un peu plus d'une
bouteille ordinaire de vin. {British Médical Journal.)
M. Herpain cite le fait d'un soldat, qui à la suite d'une variole fut pris
d'une gastro-entérite, puis d'une péritonite, qui acquirent des proportions mena-
çantes. Son état général était des plus alarmants, lorsque M. Herpain prescrivit les
lavements de vin (vin vieux de Bordeaux), renouvelés trois fois par jour. Les deux
premiers jours ils furent mal supportés, M. Herpain ayant ajouté 60 grammes de
sirop simple aux 100 grammes devin, ceux-ci furent bien supportés, et la diarrhée
ne tarda pas à s'arrêter. Le mieux se manifesta et alla croissant à partir
de là.
Cazin, dans son Traité des plantes médicinales indigènes, recommande contre
la diarrhée chronique un traitement qui consiste dans l'emploi des lavements de
vin et dans l'administration des œufs crus pour nourriture exclusive.
Telles étaient à peu près les seules indications qui existaient dans la science sur
l'emploi de ce moyen, lorsque en 1854 Aran eut dans le service dont il était
chargé alors à l'Hôtel-Dieu, une femme affectée depuis treize semaines d'un
dévoiement que l'ien ne pou\ait arrêter, et qui présentait avec un état anémique
des plus prononcés, un œdème des jambes, sans affection du cœur ni urines albu-
mineuses. Trois lavements de vin furent administrés tous les jours h cette ma-
lade, et sans être immédiat ni complet, le résultat de ce traitement fut des plus
remarquables ; le nombre des selles diminua, mais surtout les forces revinrent,
l'œdème disparut, la face prit une coloration plus naturelle et la malade put
être occupée dans la salle comme infirmière.
Frappé surtout de l'influence exercée sur l'état général de cette malade
par les lavements de via, Aran se demanda si dans la convalescence des maladies
graves, alors que les fonctions digestives sont encore languissantes, on ne pourrait
pas abréger la convalescence par ce moyen ; si même dans les cas où l'estomac ne
poun'ait pas tolérer des aliments, et encore moins des toniques, il ne serait pas
possible de soutenir momentanément et de relever les forces des malades à l'aide
de ces lavements. L'occasion s'étant présentée de vérifier cette prévision, l'événe-
ment est venu montrer à Arau qu'il ne s'était pas trompe. Il a eu recours depuis
aux lavements de vin dans la convalescence de toutes les maladies graves, lorsque
eette convalescence marchait avec lenteur , et surtout lorsque les fonctions digestives
conservaient une susceptibilité morbide qui mettait obstacle à la nutrition. Il y a
EU recours avec le même succès dans des cas où une diarrhée persistante compro-
mettait gravement la nutrition pendant la convalescence. Dans la hèvre typhoïde,
en particulier, il a vu, à la fin de la maladie, les lavements de vin continués
pendant plusieurs jours triompher définitivement de la diarrhée et ramener très-
rapidement à une convalescence parfaite des malades dont la vie semblait compro-
mise. Mais une des maladies dans lesquelles Aran a dit avoir observé les effets les
plus inattendus, c'est la phthisie pulmonaire. En employant ces lavements chez
les phthisiques, il avait seulement en vue de faire cesser la diarrhée. 11 fut assez
heureux pour obtenir ce rér.ultat; mais en même temps que la diarrhée se sus-
pendait, il remarqua que les malades éprouvaient une amélioration inespérée dans
80 LAVEMENT (kmploi médical).
leur état général. Malheureusement leur action s'arrête devant la lésion pulmo-
naire, et cette amélioration n'est que temporaire.
Les essais d'Aran ne se sont pas bornés là. 11 a employé les lavements vineux
chez les dyspeptiques, et en particulier dans la forme gastralgique de la dyspepsie
et dans la gastralgie accompagnée de vomissements.
Mais la maladie dans laquelle les effets des lavements de vin ont donné, au dire
d'Aran, les résultats les plus surprenants, est la chlorose. H a vu sous l'influence
de cette médication, les forces reparaître en quelques jours, tandis que l'œdème
et la bouffissure disparaissaient, les palpitations et l'essoufflement ne se monfrer
plus qu'après un exercice violent, l'appétit devenir meilleur, les maux d'esto-
mac et la sensation de défaillance faire place à un sentiment de force et de
bien-être; puis la coloration devenir meilleure, les bruits de souffle vasculaire
cesser d'être continus, et le bruit de souflle intermittent perdre beaucoup de son
intensité. Bref, les chlorotiques, dit Aran, se trouvaient ramenées aux conditions
normales de la santé, et sortaient de l'hôpital dans un état au moins aussi bon
que si elles eussent été soumises à un traitement par les ferrugineux.
Enfin les lavements vineux, d'après ce mciue observateur, lui auraient rendu
encore de grands services dans divers autres états morbides, caractérisés par la
laiblesse, et en particulier dans les cachexies paludéenne, syphihLique, cancé-
reuse, dans certains cas d'anasarque, en un mot dans toutes les circonstances
qui réclament l'intervenlion des stimulants.
L'utdité de cette médication a été constatée, depuis lors, dans diverses condi-
tions d'asthénie par plusieurs praticiens, notamment par M. Blache, qui a rappelé
à la vie à l'aide de ce moyen, des enfants dont l'état lui paraissait tout à fait déses-
péré; par M. le docteur Giraud (deDraguignan), qui les a administrés avec succès
chez un enfant de 2 ans et demi, atteint de rachitisme très-prononcé, avec engor-
gement des tissus blancs de toutes les articulations, et qui avait été soumis
jusque-là sans avantage aux préparations ferrugineuses iodurées, et aux toniques
sous toutes les formes ; et chez un enfant de 6 ans affaibli par une longue mala-
die, et qui a vu revenir promptement ses forces sous l'influence de ce trai-
tement.
Les lavements vineux ont encore rendu de très-grands services dans les cas de
syncope hémorrhagique. Dans une circonstance de ce genre oii la transfusion
semblait devoir être l'unique ressource, l'ancien rédacteur en chef du i?M//dm
général de thérapeutique, le docteur Debout, à l'exemple du docteur Williams,
a été assez heureux pour sauver une femme presque expirante, par le concours de
l'application du marteau de Mayor et des lavements de vin. Cette pratique a été
heureusement imitée, depuis, par M. le docteur Charrier dans un cas analogue,
avec cette seule différence qu'd a associé l'opium au vin dans le lavement.
Aran, qui a étudié avec beaucoup de soin cette médication, décrit ainsi les phé-
nomènes qu'il a observés.
Les lavements de vin déterminent, dans les premiers jours de leur emploi,
lorsque la personne qui y est soumise n'y est pas encore habituée, des phéno-
mènes particuhers, qui varient suivant la dose de vin qui a été injectée et suivant
la susceptibilité individuelle. Ces phénomènes sont ceux de l'ivresse, mais d'une
ivresse dont les suites sont bien différentes de celles produites par l'ingestion des
alcooliques dans l'estomac. Huit ou dix minutes après le lavement, lourdeur de
tête, besoin de dormir, face animée, yeux brillants, pupilles dilatées, peau moite,
accélération des battements artériels, et quelquefois un peu d'excitation ou môme
LAVEMENT. 81
de délire gai ; mais ces derniers phénomènes ne se montrent que chez les malades
qui sont restés debout et qui ont continué à causer. Les malades qui se couchent
après l'injection s'endorment en général profondément et se réveillent le lende-
main matin frais et dispos, sans aucune trace d'ivresse et sans aucun trouble des
fonctions digestives.
Ce qui a frappé particulièrement l'attention d'Aran, dans les effets des lavements
de vin, c'est l'impression plus grande produite sur le système nerveux par une
dose de vin qui resterait presque sans effet général si elle était ingérée dans
l'estomac.
Relativement aux quantités de vin à injecter dans le rectum, voici quelques-uns
des préceptes qu'il a formulés. Cette quantité varie naturellement suivant la somme
d'effets que l'on veut obtenir. Un quart de lavement de vin, soit 150 grammes,
suffit souvent pour amener une stimulation convenable dans les cas légers et
chez les personnes impressionnables. II faut aller jusqu'à 250 et 550 grammes
en une seule fois dans les cas graves et rebelles. La dose peut être moindre si, au
lieu d'un seul lavement, on en fait prendre deux. Cette stimulation, répétée deux
fois dans les vingt-quatre heures, a paru avoir une influence très-heureuse, sur-
tout chez les chlorotiques, et accélérer beaucoup la guérison. En général, cepen-
dant, un lavement dont la dose varie de 150 à 250 grammes de vin rouge de
bonne qualité paraît suffire. Il est nécessaire, chez les personnes susceptibles et
peu habituées à la stimulation alcoohque, d'accoutumer peu à peu l'économie à en
tolérer l'action, en leur administrant pendant quelques jours des quarts ou des
demi-lavements d'eau vineuse. Il va de soi que les effets des lavements vineux
varient beaucoup suivant les conditions de sexe, d'âge, de constitution et d'habi-
tude, et qu'on en devra régler les doses d'après ces diverses convenances. Debout,
qui a expérimenté ces lavements dans une contrée de la Picardie, où l'usage du
vin est tout à fait inconnu, a remarqué que les effets de ce traitement se mon-
traient bien autrement puissants chez ces campagnards que parmi les malades de
Paris auxquels il avait eu occasion de le prescrire. C'est là une condition dont il y
a évidemment lieu de tenir compte dans la pratique.
Les lavements vineux ont en outre, à côté de leurs avantages, leurs inconvé-
nients. Borellus rapporte qu'une femme fut enivrée par un lavement de vin. On
trouve dans les Transactions philosophiques divers faits analogues d'hommes
plongés momentanément dans un état de délire ébvieux à la suite de lavements
alcooliques. C'est au médecin de régler l'emploi de ce moyen suivant les condi-
tions organiques et les habitudes hygiéniques des malades et d'en surveiller les
effets. Ces inconvénients, qui peuvent d'ailleurs être évités, ne sauraient en neu-
traliser les effets véritablement avantageux.
Les substances balsamiques, telles que le ciihèhe, le copahii, la térébenthine,
les baumes de Tolu, du Pérou, de la Mecque, le benjoin, le styrax peuvent être
lacileraent administrées par la méthode intestinale ou par la voie gastrique, à peu
près indifféremment dans toutes les circonstances où elles sont indiquées, mais
avec plus d'avantage par l'intestin, pour quelques-unes d'entre elles que le dégoût
qu'elles inspirent ou la répugnance de l'estomac lui-même ne permettent que
difficilement d'introduire par la bouche. Le cubèbc a été expérimenté sous cette
forme dans la blennorrhagic par le professeur Velpeau, qui le prescrivait de
préférence au copahu. Le lavement de cubèbc se coiïqiose de 8 grammes de cette
substance en poudre dans 160 à 192 grammes d'un liquide oléagineux. Ce mode
d'administration a réussi entre les mains d'autres médecins.
DICT. ENC. 2° s. II. 6
82 LAVEMENT.
Le copahu a été administré par Yelpeau de la même manière. Dans un mé-
moire publié en 1827 dans les Archives générales de médecine, et dans lequel
il a réuni ses expériences sur ces deux agents du traitement de la blennoiThagie,
Je cubèbe et le copahu donnes en lavements, il est question de 30 cas relatifs à
cette dernière substance. Voici ce qu'on peut en conclure :
Le baume de copahu donné par l'anus diminue à peu près constamment les
écoulements blcnnorrhagiques, soit chez l'homme, soit chez la femme. Dans
beaucoup de cas, il les supprime- complètement au bout de quatre, cinq, six, sept
ou huit jours ; plus souvent il les réduit au tiers ou à la moitié de leur abondance,
et, règle générale, après le huitième ou dixième lavement, son action devient nulle
s'il n'a pas complètement réussi. Il fout en augmenter graduellement la dose, en
commençant par 8 grammes et l'élevant progressivement jusqu'à 32 grammes. On
le suspend dans le jaune d'œuf ou dans un mucilage quelconque, la gomme, la
guimauve, le lin. Si le rectum est très-irritable, on ajoute 5 centigrammes d'ex-
trait aqueux d'opium, et dans le cas de douleurs excessives de l'urèthre, d'érec-
tions pénibles, etc., on y mêle quelques centigrammes de camphre. L'état le plus
aigu de la chaude-pisse ne contre-indique pas le copahu, Velpeau affirmant ne
l'avoir jamais vu produire d'accidents. Le lavement doit être pris sous le plus petit
volume possible et gardé longtemps. On aura soin, en pratiquant l'injection, de
ne pas humecter les sphincters avec le contenu de la seringue, le contact de ce
liquide sur l'extrémité du rectum pouvant causer des épreintes cuisantes suscep-
tibles de provoquer l'expulsion du remède.
Le copahu en lavement a guéri entre les mains de Velpeau plusieurs blennor-
rhagies chez des femmes, chez qui elles sont ordinairement si rebelles.
Bretonneau a employé avec succès les lavements de copahu dans le traitement
du catarrhe chronique de la vessie, ainsi que dans le catarrhe pulmonaire chro-
nique, lia dû à cette médication la guériscn d'un catarrhe pulmonaire chronique
qui avait longtemps passé pour une véritable phthisie avec fonte tuberculeuse.
La térébenthine a été administrée en lavement par Van Swieten dans les dévoie-
ments colhquatifs dus à la résorption du pus chez les phthisiques arrivés au der-
nier degré de la fonte tuberculeuse des poumons. Rien, dit-il, ne lui paraît plus
propre à calmer cette diarrhée et à prolonger les jours du malade, abrégés si sou-
vent par cet accident, que les lavements préparés avec ï gros (4 grammes) de téré-
benthine bien purifiée, triturée avec un jaune d'œuf, en y ajoutant une demi-once
(15 grammes) de thériaque et 4 onces (120 grammes) de lait. Ce lavement doit
être gardé le plus longtemps possible. [Voy. Phthisie.)
Le lavement de térébenthine trouve aussi son emploi dans les diverses circon-
slances où ce médicament est indiqué, savoir : dans les catarrhes chroniques de
lu vessie, dans les névralgies, et principalement les sciatiques, dans les coliques
liépatiques.
Le docteur Elhotson (de Londres) a employé avec succès le lavement térében-
thine contre l'aménorrhée rebelle, chez des jeunes filles de 16 à 18 ans.
Les lavements de térébenthine font partie du système de traitement institué
pour la fièvre typhoïde par M. le docteur Worms. Nous nous en sommes servi
plusieurs fois avec avantage.
Les lavements de borate de soude ont été préconisés par M. Bouchut dans les
diarrhées idiopathiques, nerveuses ou catarrhales des enfants, capables d'entraîner
la mort et qui ne laissent ajjrès elles aucune Irace matérielle appréciable. Ce mé-
decin a été guidé dans le choix de cet agent et dans son administration sous cette
LAVEMENT. 85
forme par les succès que donne le borate de soude dans les maladies de la mu-
queuse buccale. D'après l'expérience répelée qu'il en a faite à l'hôpital Sainte-
Eugénie, sur des enfants atteints de diarrhée, l'action topique du borate de soude
sur la membrane muqueuse du gros intestin serait très-efficace dans cette circon-
stance. Il pense que ce sel agit à la fois comme astrmgent faible et comme sub-
stance alcaline destinée à neutraliser l'acescence des liquides du gros intestin.
Quoi qu'il en soit de ce mode d'action, le borate de soude aurait sur quelques-uns
des autres lavements usités en pareil cas, tels que le lavement au nitrate d'argent,
par exemple, l'avantage de n'être point trop irritant et de ne point altérer le métai
des instruments destinés à leur administration.
La formule de ce lavement est la suivante :
Eau 125 grammes.
Borale de soude 10 à 15 et 20 —
Si l'on augmentait la quantité de borate de soude, il faudrait également aug-
menter la quantité d'eau, le borax n'étant pas très-soluble. {Voy. Diarrhée.)
Lavements composés. Nous venons d'indiquer les principaux lavements mé-
dicamenteux, ceux en particulier qui doivent leur action à la présence d'un médi-
cament spécial, plus ou moins actif. Il nous resterait à citer quelques exemples
de lavements composés, c'est-à-dire contenant une réunion de substances destinées
là concourir à une action commune. Tels sont, entre autres, le lavement dit ano-
din des peintres, composé d'huile de noix, 200 grammes, et de vin rouge, 400
grammes; le lavement purgatif des peintres : séné 8 grammes, eau bouillante
500 grammes, jalap en poudi^e 4 grammes, diaphonix 30 grammes, sirop de ner-
prun 30 grammes; le lavement authelminthique : mousse de Corse 12 grammes,
eau 375 grammes, huile de ricin 50 grammes; le lavement antiseptique : cam-
phre 5 grammes, quinquina jaune et serpentaire de Virginie, de chacun 15 gram-
mes pour 500 grammes d'eau ; le lavement d'Hoffmann contre l'entérite et la
dysenterie chroniques, avec le baume de Locatelli, composé d'huile de fleurs
d'hypericum, de vin d'Espagne, de santal rouge, de térébenthine de Venise et de
baume du Pérou, etc.
Nous citerons encore, entre autres formules particulières, celle de M. Richart
contre l'invagination et l'étranglement intestinal : décoction de fleurs de mauve,
de mélilot et de camomille ; faites infuser rue réceute et pilée, ajoutez 5 grammes
de sel ammoniac, 60 grammes d'huile de noix et 60 grammes de miel de mercu-
riale, pour deux lavements à prendre à deux heures de distance ; — la formule de
Nevvbold : sous-acétate de plomb 40 centigrammes, eau distillée tiède 500 gram-
mes, acide acétique étendu de 4/5 d'eau, 8 grammes; — et le lavement de Valérius
d'Arlon contre la dysenterie : alun cru 8 à 12 grammes, extrait de valériane
4 grammes, laudanum 1 gramme, amidon 50 grammes, décoction de guimauve
500 grammes, pour deux lavements à prendre en vingt-quatre heures.
Lavements nutritifs. L'application des lavements à l'alimentation est presque
aussi ancienne que l'usage du lavement lui-même.
Les lavements ahmentaires ont été prescrits par Hippocrate, par Celse, Oribase,
Aveusoar. Mais c'est surtout à dater de la lin du seizième siècle que les médecins
retirent cette utile pratique de l'oubli oîi elle paraissait tombée. Parmi ses plus
ardents défenseurs on citeBarlholin, Mercuriah, Tulpius, Peyer. M. Colson (thèse)
cite, d'après Hiidanus, l'exemple d'une femme grosse qui avait un dégoiVt invin-
cible pour toutes sortes d'aliments, et qui se tira d'affaire avec son entant par le
84 L4VElMENT.
moyen des clyslères nourrissants ; et, d'après Tiengius, celui d'une femme qui
fat nourrie avec des lavements de lait et de jaunes d'œuf. Les médecins espagnols
et italiens donnaient ces sortes de lavements non-seulement aux malades qu'on
ne pouvait nourrir autrement, mais encore aux femmes hystériques.
Généralement on prescrit les lavements alimentaires dans toutes les circon-
stances où les aliments ne peuvent être introduits dans l'estomac, comme dans
les maladies organiques du pharynx et de l'œsophage, dans le cancer de l'estomac,
dans les cas de vomissements incoercibles, quelle qu'en soit la cause, et danstou5
les cas où le malade tombe dans un état de défaillance par défaut et impossibilité
d'alimentation par les voies naturelles. Ces lavements nutritifs sont ordinaire-
ment composés de bouillon de viande mélangé ou non avec du vin; de solutions
gélatineuses, de décoctions de pain, de lait, etc.
Quand ou administre des lavements nutritifs, il ne faut point perdre de vue
que le gros intestin n'est point un organe de digestion, et que les liquides, pour
être convertis en sang, ont, de même que les aliments solides, besoin d'être sou-
mis au travail de la chylification. Il Se trouve bien de la bile dans le gros intestin,
mais il n'y existe aucun des fluides salins c(ui servent à la digestion. Pour y sup-
pléer, le docteur Nasse fait ajouter aux bouillons une quantité suffisante d'acide
hydrochlorique pour leur donner une saveur aigre; déplus, il laisse macérer préa-
lablemant dans l'estomac d'un bœuf encore frais les substances végétales qui
doivent entrer dans la composition de ces sortes de lavements. {Korns, Nasse' s
wid Wagner s Archiv.,\d'ùA.) Les lavements nutritifs ou alimentaires doivent,
enfin, être donnés au degré ordinaire de la température du corps, afin d'être plus
sûrement co.iservés;et absorbes.
histrmnentation. L'instrument dont se servaient les anciens pour administrer
les clystères consistait en une vessie préparée et dont l'ouverture était fortement
fixée parmi lien à un roseau, une brandie de sureau ou toute autre tige creuse,
La vessie remplie de liquide, il sufiisaii de presser dessus des deux mains pour
iaire sortir le liquide par l'orifice de la tige. On trouve dans Hippocrate [Traité
des maladies des femmes) la description d'un appareil un peu plus compliqué,
destiné aux injections vaginales. La tige conductrice, fixée à la vessie formant
réservoir, était mince et lisse du bout et percée de plusieurs petits trous sur ses
parois, indépendamment de son ouverture terminale. « Clysteris quidam summa
pars laîvis esto, velut specilli argentea, supra quam interjecto parvo spatio fora-
men perforctur. Sint autern etalia foramina bine et inde singula sequalitcr intcr
se distantia, ex obliqua clysteris parte œqualia singula, non magna sed angusta,
etc. )) Cet appareil à injection n'était évidemment qu'une modification de l'appa-
reil destiné aux clystères.
Un instrument analogue est décrit dans Avicenne, qui lui a déjà fait subir quel-
ques modifications importantes, au point d'en faire même un instrument nouveau.
La description en est assez obscure et très-compliquée. Ce qui en ressort de
plus clair, c'est c[uc c'est un appareil à double courant, pourvu de deux canules,
l'une servant ta diriger l'eau du réservoir dans le rectum, l'autre destinée à livrer
passage aux gaz contenus dans l'intestin.
Aujourd'hui, encore, dans nos campagnes et dans quelques contrées européennes
notamment en Hollande, on se sert de l'appareil primitif des anciens, d'une vessie
de porc emmanchée d'une tige creuse de sureau ou de roseau. D'après Malgaignc,
les paysans de la Lorraine se servent journellement d'une vessie ou d'une outre
fixée à une canule pour administrer les clystères aux bestiaux. Les Arabes et les
LAVEMENT. ^5
paysans de quelques-unes de nos contrées se servent d'un mslrument beaucoup
plus simple encore et plus primitif, et qui a dii être inventé par les premiers
pasteurs, c'est une corne de bœuf dont la pointe a été perforée. Cette pointe forme
une canule naturelle et la pression seule de l'eau contenue dans la cavité de la
corne suffit pour la faire pénétrer dans le rectum.
Lassringue, de o-o^r/?, sijrinx, fistule, ilùte, composée de trois parties distinctes,
d'un réservoir ou récipient en forme de cylindre creux en métal, le plus habituel-
lement en étain, d'une cauule ou siphon adaptée à l'extrémité antériaure du cy-
lindre et d'un piston muni d'une tige et glissant à frottement dans ce cylindre,
pour chasser devant lui le liquide qui y est contenu, la seringue classique, en un
mol, est d'invention relativement moderne; elle ne paraît pas remonter au delà du
quinzième siècle; on l'attribue généralement à Marcus Gatinaria ou Gatenaria, qui
mourut en 1496. « Ce qui doit assurer à Gatenaria, dit Malgaigne (Introduction
a h Chirurgie d' A.. Paré), une juste et inépuisable reconnaissance, c'est qu'il
est l'inventeur de cet instrument si simple à la fois et si ingénieux, si bien appré-
cié, qu'il est devenu chez toutes les nations, d'un usage vulgaire, et que par là
même les médecins ont cru de leur dignité de ne plus en souiller leurs mains : la
seringue, en un mot, qui, modifiée sous toutes les formes, appropriée à une foule
d'opérations, est encore de nos jours un des instruments auxquels le chirurgien a
le plus souvent recours. Gatenaria décrit la seringue sous le nom d'instrument à
clystère, et il juge môme nécessaire d'en donner la figure ; mais, comme la plupart
des inventeurs de cette époque, il n'ose pas de sa propre autorité introduire une
si grande innovation dans la pratique; il se réfugie derrière Avicenne, qui en a
donné la description, dit-il, mais qui a été mal comprise par plusieurs. Cette
déclaration du modeste auteur, ajoute Malgaigne, nous oblige cependant de décla-
rer qu'il n'y a absolument rien de semblable dans Avicenne. » M. Colson, dans la
thèse citée, fait une querelle au savant commentateur d'Amb. Paré, qui se serait
trompé, dit-il, sur la date et sur l'auteur de l'invention de l'instrument en ques-
tion ; il lui reproche surtout la décision tranchante qui termine le passage que
nous venons de rapporter. Sans doute, Malgaigne est dans l'erreur quant d dit
qu'il n'y a absolument rien de semblable dans Avicenne. Mais il suffit de mettre
en regard la description de l'instrument d'Avicenne et celle de la seringue mo-
derne, pour se convaincre qu'il n'y a entre ces deux instruments qu'une analogie
très-éloignée, et que si Gatenaria, qui a eu d'ailleurs l'extrême bonne foi d'en
convenir, s'est inspiré de cette description d'Avicenne, pour imaginer sa seringue,
il a évidemment poussé trop loin la modestie en reportant sur l'auteur arabe tout
le mérite de sa propre invention. C'est donc avec raison que Malgaigne attri-
bue à Gatenaria l'honneur d'avoir inventé la seringue en usage de nos temps.
Garengeot, qui la décrit dans son Histoire des instruments de clLirurgie, indique
quelques-unes des modifications qu'on peut faire subir aux canules selon diverses
circonstances, il décrit en particulier une canule à extrémité mousse, en olive,
pour les personnes affectées d'hémorrhoïdes.
La seringue classique, qui compte à son avoir de si nombreux services, avait un
inconvénient. Elle réclamait l'intervention d'un agent officieux. C'était une sujé-
tion quelquefois nécessaire, il est vrai, mais à laquelle n'eût pas été fâché de se
soustraire tout individu libre de ses mouvements et ayant l'usage de ses deux
mains. 11 fallait trouver un moyen de supprimer cet agent. L'invention de la
canule recourbée ou coudée a réalisé ce progrès. Ce fut d'abord une simple cauule
courbe substituée à la canule droite que l'on adapta à la seringue ordinaire. En
.%• LAVEMENT.
appliquant ]e pommeau du piston contre le mur ou un meuble, on s'administrait
ainsi assez aisément un lavement soi-même. Plus tard ou perfectionna cette mo-
dification en imaginant la canule coudée à angle droit reposant sur une lame mé-
tallique plane ; c'est la seringue dite à bidet, qui était généralement en usage
durant les vingt ou vingt-cinq premières années de ce siècle. Nous ne savons au
juste à quelle époque il faut en faire remonter l'invention. Nous en avons trouvé
le premier dessin très-complet et très-bien fait dans un atlas chirurgical de
Brambilla, publié en 1780.
Des modifications diverses, mais dont il serait trop long d'indiquer ici les dé-
tails, ont été introduites soit dans la forme et dans le mode de propulsion du
piston, soit dans l'agencement et la disposition des canules.
Nous rappelerons, en particulier, le piston dit à double parachute , imaginé
par M. Charrière pour donner la plus grande précision possible au jeu de l'instru-
ment et prévenir soit l'introduction des bulles d'air que laissaient passer les pis-
tons ordinaires, soit le retour rétrograde du liquide, ainsi que la graduation
régulière des différents calibres des corps de seringue, correspondant à des me-
sures exactes de capacité et celle des canules. (Thillage, Rapp. à l'Acad. de méd.,
28 sept. 1841). Il nous faut citer, en outre, ici, la seringue à double canule et à
deux soupapes de Read, reproduite avec quelques variantes en France, la seringue
à double effet de Robert et Mathieu.
En 1852, un pharmacien de Paris, M. Petit importait en France, en la perfec-
tionnant, la seringue à pompe employée en Angleterre. Cette seringue de six
pouces et demi de longueur, sur huit lignes de diamètre, était en tout semblable,
pour le mécanisme, aux pompes foulantes et aspirantes ordinaires, et particuliè-
rement aux pompes portatives dont on se sert, en été, pour arroser le devant des
maisons ; elle en différait seulement en ce qu'au lieu de clapet elle renfermait
un système de soupapes beaucoup plus simple et moins sujet à dérangement. Ce
sont deux petites boules métalliques destinées, l'une (inférieure) à s'opposer au
refoulement du liquide dans le vase, par l'orifice qui lui a donné entrée, l'autre
(latérale) à empêcher la rentrée du liquide dans le corps de pompe, une fois que
le piston, en s'abaissant, l'aura poussé dans le cylindre latéral qui doit le trans-
mettre au dehors. L'extrémité de ce cyHndrc est destinée à recevoir le petit bout
d'un tuyau flexible, dont l'autre extrémité reçoit à son tour la canule.
Ces différentes pièces étant adaptées, voici comment on devait faire usage de
l'insti'ument : on plaçait devant soi, sur une table ou sur une chaise, selon qu'on
voulait prendre le lavement debout ou assis, le vase contenant le liquide qu'on
se proposait d'injecter ; on y plongeait l'extrémité inférieure de la seringue ; d'une
main on la Ibrcait et de l'autre on donnait un coup de piston pour chasser l'air
contenu dans l'appareil et le remplacer par le liquide ; puis on introduisait la
canule, que la contraction du sphincter maintenait en place. Cela fait on procédait
à l'injection, en élevant et en abaissant alternativement le j)iston. Avec cet instru-
ment l'injection se faisait à la vérité plus lentement et par saccades, mais il per-
mettait d'augmenter ou de diminuer à volonté-la force de projection et de ne
faire pénétrer à la lois, si on le désirait, qu'une petite quantité de liquide. On
pouvait également, à volonté et sans qu'on fut obligé de se déranger, injecter une
masse considérable de liquide. C'était là, avec les petites dimensions de l'instru-
ment qui permettaient de le renfermer dans une petite boîte facilement portative,
un des avantages jirjncipaux de cet appareil.
Depuis lors, le génie inventif de nos fabricants d'appareils et d'instruments de
LAVEMENT. 87
chirurgie s'est exercé à qui mieux mieux à perfectionner ces utiles ustensiles.
Les médecins et les chirurgiens eux-mêmes n'ont pas dédaigne d'y concourir.
C'est à peu près vers cette même époque, en eftlt, que Leroy d'Etiolles imagina
de remplacer les anciennes seringues par le clysoir, espèce de tube ou de tuyau,
d'environ un mètre de long, fait avec un tissu imperméable, terminé d'un bout
par une canule et évasé à l'autre extrémité en entonnoir. L'eau versée par la
partie évasée s'écoule par la canule par son propre poids, et en comprimant peu
à peu la partie supérieure du conduit. Plus tard, en annexant ce clysoir à une
petite pompe agissant à jet continu, on a fait le clyso-pompe, diversement modifié
à son tour, tels l'hydro-clyso sans piston, de Naudinat, dans lequel c'est le liquide
lui-même qui joue le rôle de piston. — Puis est venu l'invention vraiment origi-
nale du docteur Eguisier, l'irrigateur à ressort fonctionnant seul et se montant
comme une pendule; et, enfin, plus récemment les irrigateurs à poires de caou-
tchouc aspirantes, à jet continu et indéfini, plus particulièrement appropriés par
leur petit volume à l'usage des voyageurs. Il est bien entendu que nous ne parlons
ici que des appareils exclusivement à destination de lavements. 11 sera question
ailleurs, et à leur place, des diverses seringues à usage chirurgical et anato-
niiques ainsi que des appareils à douches et à injections vaginales ou à autres
usages. Bkochin.
Bibliographie. — Hippocrate. Dans: Epidémies; Affections internes; Maladies des
femmes, etc. — Plutauque. Lib. iilr. anim. plur. rat. hab. — Pline. Liv. 8, ch. 27. —
Galien. Deven. secl. in prœf. introd. et de causis sympt. — Avicexne. Sermo de qualitate
chjsterioriim et insirumento eorum [canon medicinœ). Patavii. 1476, in-fol. — Gdï he Chau-
LiAc. Chirurgiœ tractatus septem , etc., de 1490 à 1519, et Annotations de Joiibert. —
Gatenaria. De curis œgritudininn partictilarium in nonum Almansoris pvacilca uberrima .
Lyon, 1552. — Prosper Alpi.v. De medicuia lEgijptiorum. Venetiis, 1591 , 111-4" — Mossex.
Dissertatio de animcdibus p)seudo-medicis, hipj)opotamo, eXz. Ibid. — M^euius (G.). Biss. de
natura et usu clijsterum scduberrimo, liesp. Crauel. leu*, 1649, in-i». — Major (J. D.),
De chjsteribus veterum ac novis. Kiloniœ, 1670, 111-4°. — Brasavola (.T.). Problema: An
chjsteres nutriant? Affirm. Romse, 1682, in-l". — Graaf (PiEgmeu de). Tract, de chjsteribus,
etc. La Haye, 1688, in-12. — Camerarius (E. R.). De chjsmatibui. Resp. Brigel. Tubinpœ,
1688, 111-4°. — Helvetius (J. Ad.). Méthode pour guérir toutes sortes de fièvres sans rien
prendrepar la bouche. Paris, 1694, 1746, iri-12. En latin. Amstelod. et Lipsiœ, 1694, in-8°.
— Laszom (J.). De chjsteribus . Ferrarii, 1691, in-i»; Lausanne, 1758. — Albrecht (J. G.).
De enematum emcuantium, alterantium et nutrientium usu. Lugdiini-Batavorum, 1698, in-4°.
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Schwarz (J. G). Vom Chjstieren, etc. Hambourg-, 1725, iii-8°. — Hoffmann (Fréd). Medicina
rationalis systematica (De clysterum usu medico]. Halas, 1750-40. — Detuarding (G. G.).
De 60 quod justum est circa enemata. Rostocliii, 1757, in-4°. — Ludolf (J.). De clysterum
nutrientium insigni iitilitate et noxa. Erfordiœ, 1748, in-4°. — Triller (D. G.). De clyste-
rum mitnentiitm antiquitate et usu. Wittembergse , 1750, in-4°. — QuEi.ufAi.z (S. F.]. De
chjsmatibus frigidis, etc. Lipsioe, 1751, in-4°. — Diaper (,T.]. Dechjslcre. Edinbai'gi, 1754,
in-8°. — SIG^YART (G. F.), liovœ observationes de infarctibus venarum, etc , ;jer enemata,
etc. Resp. (J. F.) Alvert. Tubingse, 1754, in-4°. — Langguth (G. A.). De chjstere febrium
exanthematicorum remédia non minus tuto quam efficaci. Wittemberg-œ, 1756, in-i°. —
Lu MÊME. De chjstere sicco, etc. VVitlembergœ, 1756, in-4°. — D'Onglke (F. L. T.). An sanis
no'ceat quotidianus Ivéuarov simplicium usas? Affirm. Prœscs (L. M.) Pousse. Parisiis,
1757, ii)-'f°. — BcciiN'ER (A. E.). De circumspecto clysterum in morbis exanthematicis usu,
Halae, 1757, in-4°. — Kreuger (J. G.). De usu enematum in febribiis acutis. Helmstadli, 1757,
in-i°. — Girard' (J. J.). De oiematibus intestinal is. Argentorat., 1762, in-4°. — Pfaff (J. E.).
Historia clysterum jmthologico-therapeutica. lenœ, 1780, in-4°. — Saphrani (J. M.). De
chjsteribus eorumque effcctibus. Hala.', 1782, in-4°. — LoDDEWLïciix (H). De chjsteribus
eorumque in morbis usu. Prœs. M. Vanderbelen. Lovanii, 1782,111-10. — Nicolaï (S. A.). De
virtute et usu clysterum ex aceto. lenœ, 1785. — Meyer (.[. C.). De chjsmatibus. Gasltinfa;,
1786, in-i°. — Schiffer (J. T.). De noxa et abusu clysmatum. Witteniberg-ie, 1788, in-4°.
Bœhmer (G. R.). De noxa et abusu clysmatum. Wittembergœ , 1788, ln-4°. — Gallois
(P. T). De enematibus. Augustœ Taurinorum, 1809, in-4", — Hes.sler. Diss, inang. De
clysviatibus in anxietaie febrili.
S8 LÂ.VEY (eaux minérales de).
Éphémérides des Curieux de la nature [miscellanea curiosa sive Ephemeridiim medico'
physicarum f/srmanicantm academiœ, etc.], de 1670 à 1722. Ony trouve l'indication des mé-
moires suivants : Clysfer ridiculiis, sed non onmino irrklendus ad alvnm referendam per
hijectionem ex syringa Uquoris qui constabal ex solutione globulorum moschatelinorum in
aqua calida. — Acris in doloribus ventris scorbuticis convuhionum violentarum causa. —
Frigidus mortem inferens. — Iliacum extinguens. — In dysenteria prœatans. — Ex succo .
cancrorum fluviatilium. — Ex succo hyosciami et opii dysentcricis noxius. — Ncduralis non '
est biîis. — Ex sapa nigra confectus nigroris urinœ causa. — Calculum comminuens in
vesicani urinariam injlciendus. — Per errorem haustus in obstructione alvi feliccm exfe- '
rcns effcctum. — Clysteris ad simplicis usum notabiliis alvi evacuatio consecuta. — In
obstructione urinœ prœstantis descripiio. — Clystcri faîso morsimputata. — Clysterem sibi
ipsi applicandi modus facilis. — Per forteni empyema ex jAeuritide neglecta curatum.
Clysteris frigidi an vilius sint usus. — In morbis chronicis non sunt admodum utiles. —
Orc et vomitu innoxic rejecti. — Anlipyreiici, seu febrifugi, insignis sunl usus. — Fcbri-
fugi ex corlice Peruviano p)ropric non dantur.
Clysterum inventor num sit avis Aigyptiaca, ibis dicta . — Vtilitas in fcbre qnartana. —
Usus sinqularis in dentium dolore et obstructione lochioruni. — In morbis infanium usus
prcL'stantissinius. — Usus in pathematibus hypochondriacis. — Clysterum in affectibus
gravidarum spasmodicis usus innoxius. — Usus in hydrope egregius. — In niola effectus
salutaris. — U.sus securus in alvis obstructione. — Mitiorum in excretionihus cutaneis variis
cum febre acuta et motibus convulsivis , alvique obstructione junctis, in variolis aliisque
exanthcmaticis febribus, jrrorsus innocuus.
CoLsoN (Edouard). De la méthode intestinale. In-4°, 1867. Br\.
IiA.¥ER-BREA». Pain fabriqué avec des algues. [Yoy. Algues, t. II, p. 785.)
l.A.'VEY (Eau.v. îiisérales de) hyperthermcdes ou athermales, sulfatées stron-
tianiques moyennes, chlorurées sodiques faibles.^ azotées moyennes. En Suisse,
dans le canton du Valais (chemin de fer de Paris à Genève ou à Lausanne ; une
route de fer conduit des deux dernières villes à Saint-Maurice, station de la ligne
d'Italie qui n'est qu'à 4 kilomètres de l'établissement de Lavey). La jolie route
qui va de Saint-Maurice à Lavey occupe le milieu de la vallée et suit la
rive droite du Rhône, dont les eaux rapides et bruyantes quittent trop souvent
leur lit. La largeur de la vallée varie de 250 à 500 mètres ; les vents de l'ouest
et de l'est y ont surtout accès; elle est perpendiculaire au cours du fleuve. Le sol
au point où a été construit l'établissement est constitué par des éboiilements pé-
riodiques, dont le sable est la base; ce sable, très-perméable à l'eau, préserve
Lavey de l'humidité si fréquente dans presque toutes les parties de la Suisse. L'at-
niosphère de Lavey et de ses environs est assez excitante, puisque les personnes
nerveuses outre mesure éprouvent une suractivité qui est due à la position topo-
graphique de l'étaWissement, situé à 375 mètres au-dessus du niveau de la mer,
et expose au siroco. La température moyenne des mois de la saison thermale qui
commence le premier juin et Unit le 50 septembre, est de 18°, 5 centigrade; ce
qu'il faut noter surtout, c'est qu'à Lavey les transitions subites de la température
ne sont jamais aussi fréquentes et aussi brusques que dans presque toutes les
stations tiiermo-minérales .
L'établissement et les sources de Lavey appartiennent au canton qui les a don-
nées à bail pour une période de cmquante années. Par une des clauses du cahier
des charges, le concessionnaire est obhgé à rebâtir l'établissement, à compléler le
captage des sources, à augmenter et à perfectionner les moyens balnéo-thérapiques.
Lavey n'a qu'une source chaude; son débit de 100,800 litres par vingt-quatre
heures suffit grandement aux besoins du service. Une seconde source froide, avant
la même minéralisation que la source chaude, se rend à la maison de bains, où elle
sert à abaisser la température de la source hyperthermale. Les deux sources
émergent à 20 mètres de profoi:dciir d'un b;uic de gneiss; jusqu'à ces derniers
LAVEY (eaux MiNÉR.uEs de). 89
temps le captage de l'eau de chacune d'elles n'avait jamais été exécuté de façon
à empêcher complètement leur mélange; mais l'habileté etl'expérience de M. Jules
François sont parvenues à vaincre une partie des difficullés, et les deux sources
sont maintenant encliamhrées distinctement.
La salle de la buvette est une pièce dallée de ciment et de planclics. Un robinet
verse sans cesse l'eau de la source thermale, qui alimente un cabinet de bains et
de douches. Cette division contient un récipient, élevé de 2 mètres, rcmph d'eau
tlierniale qui se distribue à la buvette, à la baignoire de fonte émaillée et au
tuvau de caoutchouc servant à l'administration des douches.
L'eau de la source hyperthermale est claire , limpide et transparente, sans
odeur, d'une saveur un peu fade et sensiblement ferrugineuse. Les bulles gazeuses
assez grosses qui la traversent, mettent quinze secondes à arriver à sa surface; les
plus petites, sont très-nombreuses, s'élèvent lentement et ne s'attachent pas aux
parois des verres. Ces dernières montent en cent vingt-cinq secondes à la couche
supérieure du liquide. Les premièi^es se comportent comme le gaz acide car-
bonique, et les secondes comme l'azûte, La réaction de l'eau est très-légèrement
acide ; sa température est de 50" centigrade au fond du puits ; elle n'est plus que
de 56°, 2 centigi'ade sous le jet du robinet de la buvette, l'air ambiant étant à
15", 0 centigrade. La température de l'eau atherm.î.le, prise dans le ruisseau, qui la
conduit au Rhône, est de 20", 5 centigrade ; mais il ne faut tenir qu'un faible
compte de cette thermométrie, car elle a été faite avant le captage définitif des
sources de Lavey. L'analyse chimique de l'eau hyperthermale, faite en 1855 par
M. Samuel Baup, a donné sur 1000 grammes d'eau, les résultats que voici •
Sulfate de strontiane 1,0025
— soude anhydre 0,7033
— chaux 0,0907
— magnésie 0,0068
Chlorure de sodium 0,3635
— lithium 0,0056
— magnésium 0,U045
— potassium 0,0054
— calcium 0,0013
Carbonate de chaux 0,0730
— magnésie 0,0018
Silice 0,0306
Bromure, iodure, fluorure de calcium, phosphate dechaux.l traces ou quantités
oxyde de fer, de magnésium, matière extractive. . . .) indéterminées.
Total des matières fixes 2,5128
I Azote 27,80 ceatimètres cubes.
Gaz ( Acide suUhydrique 5,51 —
j — carbonique 4,34 —
Total des gaz 53,65 centimètres cubes.
En attendant que les bâtiments de la station de Lavey soient construits, en
nltendant même que leur emplacement définitif soit arrêté, nous émettons le
vœu que le gouvernement du Valais, d'accord avec le concessionnaire, choisisse
pour ériger l'établissement thermal le point le plus rapproché de l'émergence des
sources. L'expérience a toujours démontré, en effet, que l'efficacité des eaux mi-
nérales est d'autant plus grande que les sources sont moins éloignées des moyens
balnéaires. Le bâtiment des thermes actuels se compose de deux corps de logis; le
bâtiment neuf destiné aux douches fait suite au pavillon dit de la chaudière. On
y trouve quatre cabinets pareillement installés, divisés chacun en deux parties,
dont l'une sert de vstiaire, et dont l'autre, en contre-bas de 10 centimèircs du
90 LA.VEY (eaux minéhales de).
sol de la première, est le prétoire réservé au douclieur et au douché. Un lit à
spirale de fer et à dossier à crémaillère, permet aux malades d'être étendus pen-
dant qu'on leur administre les douches dont l'eau tomba de 5 mètres de hauteur.
Les deux buvettes de l'établissement sont formées par deux robinets, dont l'un
verse l'eau suréchauffée, et l'autre l'eau à 30°, 8 centigrade. Le second corps de
bâtiment est occupé par la division des vieux bains servant aujourd'hui au loge-
ment des baigneurs.
Mode d'administration et doses. Les eaux de Lavey se boivent pures ou mé-
langées d'une certaine quantité d'eau mère, 15 grammes par jour le plus sou-
vent, pris dans les deux premiers verres du matin. L'eau mère est apportée de
Bex {voy. ce mot), elle provient, comme nous l'avons dit, des sources deBex, qui
renferment 27 grammes de chlorure de sodium par litre d'eau que l'on évapore
en chauffant artificiellement, jusqu'à ce que le sel commun se cristallise. Les eaux
de la source hyperthermale de Lavey, lorsqu'elles ne sont pas additionnées, s'or-
donnent à la dose de quatre à six verres de 125 grammes chacun de quart d'heure
en quart d'heure ; le dernier doit être pris au moins une heure avant de man-
ger. Dans certains cas, le médecin double la dose, mais plusieurs buveurs, n'o-
béissant qu'à leur caprice, ont ingéré jusqu'à trente et quarante verres dans la
même jo.urnée ; des accidents sérieux ne tardent pas à survenir alors, ils les in-
struisent trop tard de leur imprudence. La durée et la température des bains et
des douches varient suivant les circonstances; ainsi les bains sont souvent de quatre
heures par jour, en deux séances, et à une chaleur de 32° à 33° centigrade dans
les affections des os et des ganglions : dans les cas ordinaires, le séjour au bain
dépasse rarement une heure ou une heure et demie. Le temps pendant lequel les
malades sont soumis à la douche se prolonge de dix à trente minutes en général,
L'emmaillottement ou le massage sont appliqués ensuite suivant les indications.
Nous avons dit que la quantité des eaux-mères à l'intérieur était de 15 gram-
mes par jour en deux fois, et mêlées à l'eau hyperthermale de Lavey. On avait
aussi l'habitude d'ajouter à l'eau des bains de 3 à 18 litres d'eau-mère des sa-
lines de Bex ; mais depuis le dernier captage des sources de Lavey, l'eau étant
beaucoup plus active, il est souvent inutile d'avoir recours à l'eau-mère que l'on
n'emploie plus d'ailleurs qu'à la dose maximum de 8 à 10 litres par bain.
Emploi thérapeutique. Les effets physiologiques qui se produisent le plus
fréquemment après l'ingestion de six verres d'eau hyperthermale de Lavey sont
une diurèse marquée, une augmentation de l'appétit, une légère constipation au
début de la cure. A dose double, les phénomènes de diurèse et d'augmentation
d'appétit sont plus prononcés, il est important de surveiller très-attentivement les
buveurs, dont l'affection reprend aisément alors la forme aiguë. Aussitôt que ces
accidents apparaissent, il faut diminuer la quantité d'eau minérale, et quelquefois
suspendre tout à fait le traitement. Ceux qui ingèrent vingt -cinq ou trente verres
dans une même séance, boivent les eaux d'une façon non médicale, et il n'y aurait
pas à s'en occuper, si le médecin n'était pas assez souvent appelé à remédier aux
accidents fébriles, au catarrhe de la vessie, ou à la cystite inilammatoire résultant
de cet abus. Lorsque l'eau de Lavey est prise en proportion convenable, elle ne
fait éprouver qu'une légère sensation de plénitude épigastrique, quelques nausées
fugaces, et une tendance à la transpiration. Les vertiges, la céphalalgie, l'accé-
lération de la circulation, l'excitation nerveuse, n'arrivent que si la dose est trop
forte. Lorsqu'on additionne d'eau-mère l'eau de Lavey en boisson, il faut s'arrêter
à un effet laxatif et non provoquer une purgation complète. Les enfimts tolèrent
LA.VEY (eaux minérales de). 91
parfaitement, même pendant des mois entiers, l'eau-mère de Bex dans l'eau do
Lavey ; ils la supportent mal, si on la mêle à l'eau ordinaire froide ou préalable-
ment chauffée.
Les bains de courte durée n'ont pas d'effets physiologiques différant sensible-
ment de ceux d'eau ordinaire chauffée au même degré ; mais les bains prolongés,
de quatre heures par jour en deux fois, déterminent souvent la poussée et une
fièvre thermale plus ou moins développée. M. le docteur Cossy, médecin inspec-
teur de Lavey, voit dans la poussée elle-même une compHcation, et voici comment
il la combat. Lorsqu'elle a l'aspect rubéolique, il la traite par des fomentations
d'eau de Lavey simple ; lorsqu'elle se montre sous la forme d'impétigo ou de
boutons qui présentent exactement l'aspect de ceux produits par de véritable
vaccin, il prescrit par des aspersions d'eau hyperthermale additionnée d'eau-mère.
Dans les plaies fistuleuses avec ou sans séquestres, dans les engorgements gan-
glionnaires, on doit surveiller attentivement l'administration des bains prolongés,
qui amène quelquefois une fièvre accompagnée de l'inflammation des plaies, de
la suppuration des glandes, etc., phénomènes qu'il ne faut jamais produire si
l'on veut aiTiver à une heureuse issue.
Les eaux de Lavey pures et additionnées d'eau-mère à l'intérieur et à l'exté-
rieur doivent être vantées en première ligne dans le lymphatisme exagéré, dans
la scrofule et dans ses complications. Le rachitisme est de tous les acci-
dents strumeux celui qui cède le plus sûrement à l'emploi des eaux de Lavey et
de la Mutter Laûcje de Bex. L'action fondante des eaux de Lavey est incontestable
et incontestée, et il n'est pas de saison où l'on ne puisse constater leur puissance
sur les tumeurs bénignes occupant tous les points de l'économie et sur les en-
gorgements chroniques des viscères. Les résultats les plus favorables de la pra-
tique de M. le docteur Cossy ont été obtenus, assure-t-il, sur des tumeurs so-
hdcs ou liquides des ovaires, par l'administration méthodique des eaux de Lavey,
à l'intérieur ou à l'extérieur, pures on mêlées à l'eau-mère. On envoie à Lavey
les malades de l'hôpital de Lausanne qui souffrent de catarrhes graves de la
vessie, simples ou purulents. M. Cossy a suivi jour par jour ces malades, et il est
convaincu que le traitement hydro-thermo-minéral, consistant surtout dans l'eau
en boisson et quelquefois en bains, donne des succès plus constants que tous les
autres moyens de la matière médicale.
Les dyspepsies et surtout les diverses formes de gastralgies, les diarrhées chro-
niques et incoercibles, sont très-favorablement traitées par l'usage interne et à
doses fractionnées des eaux hyperthermales de Lavey.
Telles sont les indications principales des eaux de Lavey, qui sont avantageu-
sement conseillées dans les anémies des sujets lymphatiques, ne pouvant s'expli-
quer par un état pathologique marqué de l'un ou l'autre de leurs organes. M. Cossy
vante une méthode particulière et prescrit l'emploi de bains frais, ou de bains
ticdes terminés par un lavage à l'eau froide au moyen de quatre éponges, avec
lesquelles toute la surface du corps est immédiatement mouillée. Les malades ne
doivent pas faire leur réaction au lit ; ils se couvrent de vêtements fort légers,
font de l'exercice au grand air, et toute sensation de froid a bientôt disparu. Les
affections nerveuses ou utérines sont souvent adressées à Lavey ; elles y sont
traitées avec avantage. Les malaches non organiques du foie, les hémorrhoïdes
non fiuentes, qui déterminent des accidents congestifs vers la partie supérieure
du corps, se trouvent très-bien d'une saison à Lavey, oià elles sont soignées par
l'usage interne et externe des eaux, et surtout par l'administration iatérieiire de
92 L.WmOTTE.
l'eau-mère, à la dose de 20 à 50 grammes par jour, de manière à ce que l'on
obtienne des effets franchement purgatifs.
Les eaux de Lavey pures ou additionnées d'eau-mère de Bex, sont contre-
indiquées chez les pléthoriques ; chez ceux qui sont facilement congestionnés,
ou qui sont prédisposés à une apoplexie ; chez les personnes qui souffrent de
nv^ladies organiques du cœur et des gros troncs vasculaires ; chez celles enfin
qui sont depuis trop peu de temps convalescentes d'affections aiguës, lon-
gues et graves, qu'il faut avant tout se garder de ramener à un état inflara-
matoii'e.
La durée de la cure est, en général, de trente jours.
On n'exporte pas les eaux de Lavey. A. Rotureau.
BiCLioGniPiiiE. — Lebep.t (Hermann). Monographie de Veau minérale de Lavetj. — Dd même
Comptes rendus des saisons thermales de 1840, 1841 et 1842. — Cossy (M. J.). Bulletin cli-
mque de l'hôpital des bains de Lavetj (saison de 1847), précédé d'une nolice abrégée sur
ces eaux thermales. Lausanne, 1848, in-8°, 71 pages. — Die Bâder imd Kiirorte der Schiveiz
Zuricli, 1857, in-8°. A. R.
LA. YETRAISSE (Eai) MINÉRALE de) atherniale, bicarhonate'e sadique et cal-
ciqiie moyenne, carbonique moyenne, émerge dans le département de l'Hérault.
L'eau de cette source, claire, hmpide, inodore, incolore, d'un goût un peu fade
sans être désagréable, est traversée par des bulles gazeuses assez grosses et assez
rares, elle a une température de 15'' centigrade. Son analyse chimique, faite
par M. Ossian Henry, apprend que 1000 grammes de cette eau contiennent les
principes suivants :
Bicarljonatc de souJe 0,562
— chaux 0,525
— potasse ■ 0,186
— magnésie 0,174
_ fer 0,008
— strouliane- indices.
Sulfates alcalins et terreux ) „ ,„,
Chlorures alcalins et terreux J '
lodure et bromure traces.
Acide silicique, alumine j „ „„„
Matière organique, principe arsenical dans !e dépôt. . . . j '
Total bes MATiiir.ES fixes 1,647
Gaz acide carbonique libre . ..;... 1/3" du volume de l'eau.
L'eau de La Veyrasse est exclusivement employée en boisson par les personnes
du pays. Son action pliysiologique principale est une diurèse marquée. Son appli-
cation la plus commune a lieu dans les affections des voies urinaires dans les-
quelles il convient de stimuler ou de modifier les fonctions l'énales. Cette eau
bicarbonatée est employée aussi dans les troubles de la digestion causés surtout
par une congestion ou un état pathologique du foie altérant les quaUtés et la
quantité de la bile qu'il importe de rendre plus hquide et plus abondante.
A. Rotureau.
LA-VBROTTE (Louis-Anke), lié à Nolay(Côte-d'Or) le 15 juillet 1725, mort à
Paris le 5 mars 1759, et enterré à Saint-Rocb. Ce médecin vécut trop peu pour
donner tout ce qu'on pouvait attendre de lui. C'est à Paris qu'il fit ses études;
c'est là qu'il fut reçu licencié le 1 0 juillet 1 752, et docteur le 22 août suivant. La
Faculté de médecine l'a toujours compté coamieun de ses plus fervents soutiens,
et les charmes de son caractère, aimable et doux, ne lui ont fait que des amis dans
Livoms. 93
la compagnie de la rue de la Bùclicrie. Lavirotte fut de plus un grand travailleur.
Outre sa collaboration au Journal des savants, il a laisse les observations et les
traductions suivantes :
I. An duodénum pluriummorborum sedes haud mfrequens? Th. de Paris 1751 (soutenue sous
la présidence de De Lépine) . — II. An legitbnœ vidnerum suppiirationl proinovcndœ Cortex
Periivianus? Th. de Paris 1752 (soutenue sous la présidence de C. Falconet).— III. An
expérimenta circa vim eorporum electricam perficlant mcdicince theoriam et praxini.
(18 aoûti75"2 ; thèse pour la licenceV — IV. An morbis ciitaneis liydrargyrus et scammoniuin?
(22 août 1752; thèse pour le doctorat). — V. Observations nouvelles sur les prédictions des
crises par le pouls, trad. de l'aufrlais de ISibell. Paris, 1748, in-12. — YI. Dissertation sur
la transpiration et autres excrétions du corps humain. Pai'is, in-12. — YII. Exposition des
découvertes philosophiques de Newton, trad. de l'anglais, de Maclaurin. Paris, 1749, in-4<',
— \l\l. Nouvelle méthode pour pomper le mauvais air des vaisseaux, trad. de l'anglais.
de Needham. Paris, 1750, in-S". — IX. Nouvelles observations microscopiques, traduites du
même auteur. Paris, 1750, in-8°. — \, Dissertation sur la chaleur, avec des observations
sur les thermomètres. Paris, 1751, in-12. — XI. Observation sur une hydrophobie spontanée,
suivie de la rage. Paris, 1757, in-12. A. C.
LAVOIRS. Hygiène publique. On appelle ainsi des établissements publics,
convenablement aménagés, dans lesquels les femmes de la classe pauvre et les
blancliisseuses de profession viennent laver le linge à bas prix. On peut y rattacher
les buanderies, les blanchisseries particulières, et les bateaux sur rivière.
Cette institution est de date assez récente et elle nous a été importée d'Angle-
terre. Autrefois les femmes pauvres étaient obligées de laver leur linge à domi-
cile, car toutes ne pouvaient profiter, pour une foule de raisons, dont la princi-
pale était l'éloiguement, d'une ordonnance de police qui accordait aux indigents
un certain nombre de places gratuites sur les bateaux à lessive.
Déjà cependant, en 1819, un membre très-distingué du conseil d'hygiène de la
Seine, Cadet de Gassicourt, avait formé le projet de créer dans Paris plusieurs
grandes buanderies oiî auraient été exécutés les procédés de blanchissage à la
vapeur, et dans lesquels tout aurait été réglé d'après l'expérience. 11 va sans dire
que cette conception fut écartée par l'autorité, pour défaut d'opportunité! ....
(Moléon, Rapp. gén. du conseil de salubrité, Rapp. de 1819, t. 1, p. 143, 197,
Paris, 1828, in-S".)
Les choses en étaient là lorsque, en 1842, fut ctaMi à Liverpool, à l'aide
de souscriptions particulières, le premier lavoir public avec bains à prix ré-
duits. Le succès le plus complet ayant couronné cette entreprise éminemment
humanitaire, une foule de villes, en Angletert^e et en Ecosse, s'empressèrent de
suivre cet exemple. Sous l'influence de l'initiative privée, si puissante chez nos
voisins, des établissements analogues furent fondés à grands frais, quelques-uns
môme avec un luxe peu en rapport avec leur destination. Les paroisses en-
trèrent dans la même voie, et quatre ans s'étaient à peine écoulés, que le gou-
vernement anglais, comprenant toute l'importance de cette question, faisait
adopter par le parlement (26 août 1846 et 2 juillet 1847) deux lois ayant pour
objet d'autoriser les paroisses à emprunter, à défaut de fonds suffisants, les
sommes nécessaires à la fondation de ces sortes d'établissements et à céder, dans
ce but, les terrains qu'elles possédaient. Cette nouvelle impulsion détermina la
construction de nouveaux lavoirs-bains à Londres et dans les provinces.
La France ne pouvait rester en arrière, et à la fin de 1849, une commission
composée d'architectes , d'ingénieurs et d'administrateurs , fut nommée par
le ministère de l'agriculture et du commerce pour ouvrir une enquête minu-
tieuse et complète sur cette question. Des rapports savamment étudiés furent
94 LAVOIRS.
rédigés, et il en sortit un projet de loi adopté, ^ar l'Assemblée nationale en 1850,
qui mettait à la disposition des municipLilités de Paris et des principales villes de
l''rance une somme de 600,000 francs, destinée à servir d'aide pour créer des
établissements modèles, à l'instar de ceux d'Angleterre ; mais, comme nous l'a-
vons l'ait observer en parlant des bains publics {voy. Bains publics, p. 209), on
a peu profité des avantages offerts par le gouvernement.
A Rouen, cependant, en 1849, un habile ingénieur, auquel nous devons un
très-reraai'quable rapport sur les lavoirs de l'Angleterre, M. de Saint-Léger, sou-
tenu seulement par quelques souscriptions qui s'élevaient à la modeste somme
de 6,402 francs, et après avoir obtenu d'une grande fabrique la concession gra-
tuite des eaux de condensation, avait pu fonder un petit lavoir avec bains. Dans
une maison louée à bon compte, il avait installé 5 baignoires, dont 3 de l"^" classe
à 25 centimes, et 2 de 2^ classe à 10 centimes; 2 bassins de lavoir, l'un de
1" classe et de 8 places à 5 centimes par heure, l'autre de 10 places absolument
gratuites.
Au total, chez nous, à Paris du moins, les lavoirs ont conservé le caractère
d'entreprises particulières, et très-peu y joignent les bains; ce n'est guère qu'en
province que ces établissements sont l'œuvre des municipalités.
Le savant hygiéniste Pappenheim nous apprend qu'après quelques hésitations,
des sociétés fondées par l'initiative de l'autorité, ont ouvert à Berlin, en 1856,
des bains-lavoirs avec un immense succès. L'affluence a été telle, que, pour satis-
faire aux besoins de la population, il a fallu prolonger les séances de six heures du
matin à neuf heures du soir, à la lueur du gaz, et même, le samedi, jusqu'à onze
heures. {Handb. der Sanitàts-PoUz., 1. 1, p. 178-187, art. Armuth, Berlin, 1858,
in-8°.)
C'est à peu près exclusivement des lavoirs que nous aurons à parler ici ; mais,
d'abord, sans entrer dans le détad circonstancié des opérations qui conslituent le
blanchissage , nous devons faire connaître très-succinctement en quoi elles con-
sistent, afin que nous puissions apprécier les améliorations effectuées par les la-
voirs dans l'intérêt de l'hygiène.
Ces opérations sont les suivantes :
1° Essangeage ou échangeage. Les linges salis sont d'abord plongés dans l'eau
pure et lavés rapidement ou seulement agités. On a pour but d'enlever les im-
puretés les plus grossières qui peuvent se dissoudre dans l'eau et se détacher
facilement. On évite ainsi que, pendant le lessivage, elles ne pénètrent plus pro-
fondément dans les tissus, de manière à former des taches qu'il serait beau-
coup plus difficile de faire disparaître.
2» Lessivage. On se propose ici de dissoudre une foule de matières grasses
particulières qui imprègnent le linge. On y parvient à l'aide d'une dissolution al'
câline, de cendres ou de carbonate de soude ou de potasse. Une température de
100 à 110° est nécessaire pour cette opération. A une température beaucoup plus
élevée, les alcalis, même en dissolution Irès-affaiblie, exerceraient sur les tissus
une action destructive ; de même, la solution trop forte à 6 ou 7" du pèse-lessive
attaquerait la fibre hgneuse.
Pour opérer le lessivage, à la manière ancienne, le linge est entassé dans un grand
cuvier, le plus fm en dessus, le plus gros et le plus sale en dessous; le tout est re-
couvert d'une grosse tode (charrier), puis d'une couche de cendrés de bois dont l'é-
paisseur varie suivant la quantité de linge, et d'un second charrier. On verse alors
sur celui-ci de pleines cha^ulionnées d'eau bouillante qui traverse le ht de cendres,
LAVOIRS 95
se charge des principes alcalins qu'elles renferment, humecte le linge et ressort par
un robinet placé à la parlie inférieure du cuvier. Ce liquide est recueilh, porté de
nouveau à l'ébullition, versé sur le linge, et ainsi de suite pendant dix à douze
heures. On a beaucoup simplifié ce procédé, en versant simplement sur le linge non
recouvert d'un lit de cendres, une solution de carbonate de soude bouillante, re-
cueillie et portée de nouveau à l'ébullilion, comme dans le cas précédent. Mais
ce procédé exigeait la même durée. Un simple ouvrier a imaginé un appareil
adopté dans quelques établissements et dans lequel, sous l'mfluence de la va-
peur, la solution alcaline passe d'abord froide à travers le linge, s'échauffe peu
à peu jusqu'à rébulhlion. L'opération ne dure que deux heures à deux heures
et demie, et n'exige qu'une solution pesante à ù° 1/2. Outre la durée moins
grande, on évite encore l'inconvénient que présente l'action trop brusque du li-
quide bouillant de crisper la fibre du linge et de fixer certaines taches. Assez
généralement aujourd'hui on met en usage un système très-simple ; toujours
sous l'influence de la vapeur, la lessive chaude passe d'une chaudière placée
au-dessous du cuvier par un tube de fonte qui monte verlicalement au milieu
de celui-ci, se déverse sur le linge au moyen d'un champignon qui couronne
ce tuyau , ressort par-dessous, retourne à la chaudière , d'où elle remonte
encore, etc.
û*" Savonnage. On complète l'action de la lessive par le frottement du hnge à
la main, le battage, la brosse de chiendent, etc., dans un baquet plein d'une eau
savonneuse chaude.
4° Rinçage. 11 se fait dans de l'eau pure, et a pour but de débarrasser entiè-
rement le linge du savon qu'il renferme après l'opération précédente ; il exige gé-
néralement beaucoup d'eau ; mais ici l'eau de puits est préférée comme chassant
mieux le savon. Le rinçage comprend encore le passage à l'eau de Javelle ou à la
solution de chlorure de chaux., quand le hnge doit être livré très-blanc, et le
passage au bleu, pour lequel l'eau de puits convient également mieux que l'eau
de rivière.
Machines à laver. Un Anglais, M. Jearrad, a imaginé une machine à laver qui
est usitée dans quelques lavoirs de Londres et dont on se loue beaucoup. Cet ap-
pareil se compose d'un châssis en bois à claires-voies en forme de gril ou de râte-
lier placé de champ dans une cuve en forme de coffre ou d'auge. Ce châssis est
^nimé d'un mouvement de va-et-vient à l'aide d'une manivelle qui lui fait décrire
un arc de cercle autour de son bord supérieur comme axe ; du linge est placé au
fond de la cuve, de chaque côté de l'oscillateur; le couvercle est fermé, et un tuyau
amené de l'eau chaude ou froide, pure ou renfermant de l'eau de savon, luie so-
lution chlorurée, etc., à volonté. Alors l'oscillateur mis en mouvement, comprime
et relâche alternativement les deux paquets de hnge contre les parois de l'auge.
Quand l'eau qui imbibe les tissus est sahe, elle s'écoule par un tuyau ménagé à
la partie inférieure, et que l'on ouvre et ferme à volonté, et remplacée par un nou-
veau liquide.
A côté de la machine de M. Jearrad, nous devons placer un appareil plus compli-^
que et dû à un chef de lavoir de Paris, M. Lejeune. Imaginez un arbre auquel se
rattachent six branches également inclinées, à l'extrémité desquelles est suspen-
due une espèce de caisse à claire- voie ou tambour que l'inventeur ap[)elle la-
veuse. Ces six caisses ou laveuses plongeant dans autant de cuves en bois, à
moitié pleines de liquide, y reçoivent un mouvement de rotation tantôt dans un
sens, tantôt dans un autre, uu moyen d'un système d'engrenage fixé à l'arbre.
96 LAVOIRS.
C'est jiar l'agitation que produit le mouvement de rotation que s'accomplit le
blanchissage, sans que la main de l'homme intervienne. A l'aide d'un mécanisme
parlicuher, on peut changer les laveuses de cuves, et les faire successivement
passer par les six, qui contenant chacune un liquide différent, eau pour l'essan-
geage, solution alcahae bouillante pour le lessivage, eau de savon pour le savon-
nage, etc., font ainsi subir au linge la série complète des opérations du blanchis-
sage dans le même tambour. Ce procédé épargne évidemment le hnge, qui n'est
plus soumis à ces frottements qui en amènent si promptement l'usure et la dé-
chirure, et ménage la santé des blanchisseuses, qui n'ont plus qu'une surveillance
sans fatigue, et sans refroidissement à exercer. (Trébuchet, Happort sur les travaux
du conseil de salubrité, Paris, 1861, in-4'', p. 471.)
5° Essorage. C'est le premier des moyens employés pour purger le linge de
l'eau qui l'imbibe largement après le rinçage. Il se fait ordinairement à la main.
C'est le tordage qui distend, désagrège les fibres et hâte singulièrement l'u-
sure du linge; il peut se faire entre deux cylindres qui, par leur pression, font
sortir l'eau, ce qui fatigue encore la trame des tissus. Aussi, à ces procédés, doit-on
préférer l'emploi des essoreuses, sortes de récipients à claires-voies, et animées
d'un mouvement très-rapide de rotation qui chasse l'eau par l'effet de la force
centrifuge. Au bout de quelques minutes, la dessiccation est telle que le doigt
n'est pas mouillé au contact du linge. Celui-ci, | cependant, est encore humide,
c'est-à-dire qu'il retient environ son poids d'eau, et qu'il exige une autre opéra-
lion, qui est la suivante.
Ô° Séchage, flans la belle saison et dans les pays chauds il se fait très-bien et
assez promptement à l'air hbre et au soleil ; mais dans les climats froids et dans
les temps humides, il faut avoir recours à la chaleur artificielle des étuves ou à
une ventilation forcée qui détermine une rapide évaporation du liquide par le
renouvellement incessamment répété des couches d'air.
Cette question du séchage ayant été surtout étudiée en Angleterre , ainsi
que celle de l'essorage, nous y reviendrons à propos des lavoirs proprement
dits.
A côté du séchage se range une opération qui consiste à faire glisser sur le
linge encore un peu humide et bien tendu une plaque de fer chauffée et tenue
par un manche, c'est le repassage; il a pour but de lisser les tissus et de leur
donner une certaine fermeté, surtout quand on les a humectés avec une solution
d'amidon ou empois.
Les différentes opérations que nous venons de passer en revue s'exécutent
soit chez des particuliers qui ont leur étabhssemcnt, leurs ouvrières, et leur clien-
tèle spéciaux, soit dans des établissements publics créés et entretenus par les
communes ou par des industriels, et dans lesquels les ménagères peuvent appor-
ter leur linge pour lui faire subir les mêmes opérations ; celles-ci ayant lieu en coni-
nnin, pourront se faire à bas prix. C'est là l'innovation qui constitue les lavoirs
publics qui doivent actuellement nous occuper.
Des lavoirs proprement dits. Nous avons à examiner successivement leur
construction, les coirditions de leur aménagement intérieur pour le chauffage, la
ventilation, l'origine et la répartition de l'eau, la disposition des localités pour le
lavage, l'essorage, le séchage, etc., et, enfin, les avantages et les conditions éco-
nomiques de leur installation.
1" Constructions. Autant que possible, comme le recommande M. Wool-
Cott, secrétaire de la commission pour développer l'institution des bains et la-
LAVOIRS. l'T
voirs, l'emplacement choisi doit être dans un quartier très-populeux, et ouvrir,
autant que possible, sur deux rues. Suivant lui, le bâtiment ne doit pas être trop
vaste au nommencement ; mais il sera disposé de manière à pouvoir être agrandi.
Dans un quartier de 80,000 à 100,000 habitants, il vaudra mieux ouvrir deux
étabhssements que de concentrer tout le travail des ménagères dans an seul, hi
bâtiment, les machines et appareils doivent être construits avec le plus grand soin
et avec des matériaux de choix, dépourvus d'ornements, mais d'une grande soli-
dité. Tout, enfin, sei'a approprié aux classes qui doivent en faire usage, et réunir
les conditions nécessaires pour obtenir une bonne ventilation, un beau jour et
l'ordre dans le service.
Dans les constructions on préférera surtout la brique et le fer à tous les autres
matériaux. Le sol sera couvert de dalles jointes exactement au ciment, ou d'une
couche de bitume, avec une pente convenable pour l'écoulement des eaux lequel aura
lieu par des caniveaux; les murs seront recouverts d'un enduit imperméable. En
Angleterre, on emploie avec beaucoup d'avantage pour le dallage, les cloisons des
stalles, et les refends des cabinets de bains, un schiste ardoisier très-commun dans
le pays, et susceptible d'un beau poli. Ces cloisons sont très-solides, très-propres,
et, on peut le dire, inaltérables.
Les établissements dont nous parlons sont habituellement au rez-de-chaussée,
et éclairés par une toiture en vitrage. Getie situation, outre le genre de travail auquel
on s'y livre, tend à y entretenir une grande humidité , aussi a-t-on adopté dans
quelques lavoirs, en Angleterre, une disposition qui, au point de vue de la salu-
brité, offre de grands avantages. Le dallage repose sur de petits murs en briques
qui rélèvent à la partie supérieure du socle, il en résulte un soubassement de
i mètre environ de profondeur entre ce dallage et le niveau naturel du terrain,
dans lequel passent les tuyaux pour les eaux chaudes, froides, propres ou sales,
et où l'air pénétrant par de nombreuses ouvertures dont le socle est percé autour
du bâtiment, circule en toute hberté. Ceci nous conduit à parler de la venti-
lation.
2* Ventilation. Dans quelques établissements elle a lieu seulement par des
fenêtres en tabatières percées dans la toiture de la buanderie. Dans ceux dont nous
venons de parler, l'air admis dans le soubassement passe dans le rez-de-chaussée
où sont les lavoirs et les bains, puis il se rend dans une cheminée d'aspiration
qui enveloppe celle des chaudières et des foyers et se perd dans l'atmosphère. Cette
cheminée a 22 mètres de hauteur; elle est divisée à sa base en compartiments,
avec registres qui permettent de porter à volonté son action, soit sur les bains,
soit sur les buanderies. Cette action est, au besoin, secondée par de puissants jets
de vapeur disposés de manière à favoriser le mouvement d'ascension dans la che-
minée à air. Mais, fait observer M. de Saint-Léger, comme pendant l'été la diffé-
rence de température entre l'air extérieur et l'air intérieur n'est pas assez consi-
dérable pour favoriser le tirage, l'ascension de l'air échauffé n'a pas lieu d'une
manière suffisante. Aussi, pour les buanderies particuhèrement, en est-on revenu,
au moins pendant la belle saison, à la ventilation directe à l'aide d'ouvertures pra-
tiquées dans le vitrage qui forme toiture, ou dans les murs même du lavoir.
3" Disposition intérieure pour les opérations du blanchissage. Il y a plusieurs
pièces destinées aux différentes pratiques dont nous avons parlé. Nous noterons
seulement quelques différences dans les établissements français et anglais.
En Angleterre, les places des laveuses occupent habituellement chacun des
côtés d'une longue pièce formée par deux murailles parallèles. Les laveuses se
DICT. ENC. «• s. II. 7
98 LAVOIRS.
tiennent dans des compartiments ou stalles de l^.SO de profondeur sur {"^,{0 de
largeur, formés par des montants en bois on des plaques d'ardoise de 2 mètres
environ de hauteur, ce qui fait que chaque femme est entièrement isolée de sa
voisine (les Anglaises, paraît-il, tiennent beaucoup à ne pas être vues pendant
qu'elles lavent leur hnge) ; devant elles passe une auge en bois qui règne dans
toute l'étendue de chaque muraille, et olfrant 0"',54 de largeur sur 0"', 28 de pro-
fondeur. Cette auge est divisée, au niveau de chaque stalle, en deux compartiments
inégaux, l'un de 0'",27, l'autre de 0'",62 de longueur. Le premier, muni d'un
couvercle, sert à faire bouillir le linge dans une dissolution de sous-carbonate de
soude. Deux robinets y donnent accès, l'un à de l'eau dans laquelle la femme
forme elle-même la dissolution alcaline; l'autre à de la vapeur qui détermine l'é-
bulhtion. Une soupape sert à faire écouler l'eau à volonté, c'est la lessive. Le
grand compartiment est destiné à l'essangeage, au savonnage, etc. ; il est égale-
ment muni de deux robinets : l'un amène de l'eau froide, l'autre amène de l'eau
chaude ; une soupape permet l'écoulement de l'eau qui a servi. Ailleurs, l'auge
à compartiments est remplacée par deux baquets inégaux destiïiés aux mêmes
usages. Ailleurs enfin, les compartiments ne sont pas le long des parois latérales,
mais appuyés à des murs transversaux, avec la précaution de laisser un passage
libre au milieu ou sur l'un des côtés.
Chez nous il n'en est pas ainsi : le lessivage, qui se paye à part, comme nous
le verrons, a lieu dans une pièce spéciale, et en commun, dans de grands cuviers
{voy. plus bas, la partie économique); dans le lavoir ont heu les autres opéra-
tions. Nos ménagères, moins ridiculement réservées que les Anglaises, sont pla-
cées dans de petites stalles mobiles en bois formées d'une petite planche carrée
servant de base avec trois montants, un antérieur et deux latéraux qui ne s'élèvent
qu'à la hauteur de la ceinture, protègent une partie du corps contre les écla-
boussures, et laissent les bras parfaitement libres. Elles ont devant elles un ba-
quet dans lequel elles procèdent successivement au savonnage avec de l'eau
chaude, et au rinçage avec de l'eau froide.
Soit dans la même pièce, soit dans un local particulier, sont les essoreuses
(hydro-extracteurs) ; c'est en général une corbeille en fil de fer galvanisé, ou une
sorte de bassine à parois criblées, offrant {}"\Q0 environ de diamètre sur 0'",15 de
profondeur, que l'on rempht de linge mouillé, et qu'une manivelle ou une cour-
roie mue par la machine à vapeur fait tourner rapidement sur son axe ; l'eau, en
vertu de la force centrifuge est chassée violemment vers la circonférence, s'échappe
par les mailles du treillage ou les trous de la bassine, et se trouve lancée contre la
surface intérieure d'une enveloppe de fonte d'où elle s'écoule par un conduit situé
au bas. Cet appareil, comme construction, est à peu près le même partout, il n'y
a de différence que dans les conditions de son emploi.
Le séchage a donné lieu à une foule de procédés de la part des in"-énieurs an-
glais ; il serait bien désirable de les voir adopter dans les établissements de Paris
afin d'éviter le séchage à domicile. Nous devons entrer ici dans quelques
détails.
A Euston-Square, le séchoir fait suite à la buanderie ; c'est une sorte de lono-
cabinet noir constitué par un refend vertical parallèle à l'axe du bâtiment, lono-
étroit, et éloigné de l'",60 de l'un des murs longitudinaux. Cet espace est divisé,
par des refends transversaux en maçonnerie, en seize compartiments ou cabinets
égaux dans lesquels on entre par une porte en bois de l'",80 de hauteur; le tout
est couvert, à la hauteur de 2 mètres, par un plafond percé, au niveau de
LAVOIRS. 99
chaque cabinet, d'une ouverture fermée par un registre mobile à volonté. Le
sol est formé de plaques de tôle criblées de trous, et au-dessous desquelles se
développe un système de tuyaux en fonte, contenant de l'air échauffé par un foyer
dans lequel passent ces tuyaux, en se contournant de manière à former une sorte
de grille. L'air, élevé à une très-haute température, circule sous les plaques,
revient au foyer, où il reprend de la chaleur pour recommencer le même par-
cours. Voici comment on met en usage ces compartiments : le linge est étendu,
simple ou plié en plusieurs doubles, sur les barres d'un chevalet en bois de
4°", 70 de hauteur et de l'",40 de longueur, 0'",40de large, puis celui-ci est placé
dans un des compartiments, dont chacun peut contenir deux chevalets; l'air n'y
pénètre que par les fissures de la porte ; on ouvre le registre peu de temps après
le commencement du séchage, pour laisser sortir la vapeur, on le ierme ensuite
pour le rouvrir encore à la fin de l'opération, qui dure une demi-heure environ.
M. de Saint-Léger, l'habile ingénieur de Rouen qui a donné ces détails, croit
un tel système dangereux, parce que l'on ne peut calculer la température, et par
conséquent la tension de l'air échauffé qui, paraît-il, peut s'élever jusqu'à
cinquante atmosphères !
A Goulston-Square, qui s'intitule l'établissement modèle, la disposition du
séchoir est à peu près la même, seulement ses compartiments sont plus grands
et peuvent recevoir chacun sept chevalets juxtaposés et montés sur roulettes. Ces
chevalets sont terminés en avant et en arrière par des plaques en toute qui ferment
le cabinet quand ils sont entièrement entrés ou entièrement sortis, ce qui permet
de les mettre et de les retirer isolément sans refroidir l'intérieur. Le séchoir est
cliauffé par un calorifère à air chaud avec deux foyers, de sorte que la chaleur
est à peu près égale partout ; la ilamme et la fumée de chaque foyer circulent
dans un tuyau horizontal en tôle galvanisée ; il y a une cheminée d'appel pour
chaque foyer; elle est placée à l'extrémité du tuyau correspondant. Les deux
tuyaux sont posés dans une espèce d'auge en maçonnerie, recouverts par un
treillage en lil de fer galvanisé et situé horizontalement sous les chevalets, à
quelques centimètres au-dessus des tuyaux, pour empêcher le linge qui tombe-
rait d'être briilé au contact de ceux-ci. L'humidité du linge, vaporisée parla cha-
leur, s'échappe, comme à Euston-Square, par les ouvertures garnies de registres
qui existent dans la petite voûte en briques qui recouvre les compartiments.
Une disposition toute différente et assez compliquée est employée à Saint-
Martin-des-Champs : le séchoir forme la partie supérieure de la case dévolue à
chaque laveuse; ouvert par le bas, il reçoit le chevalet tout chargé, que l'on
fait monter à l'aide de cordes enroulées sur poulies et munies de contre-poids. La
base du chevalet porte une planche horizontale qui ferme l'ouverture inférieure
du compartiment. Là, il est placé entre des tuyaux à circulation continue du
système Perkins. Quand la vapeur commence à sortir par les intervalles mal joints
de la planche de iermeture, on lève, au moyen d'une ficelle, un clapet qui couvrait
une ouverture percée à la partie supérieure du compartiment, et on la main-
tient ainsi jusqu'à la fin de l'opération, en fixant inférieurement la ficelle à un clou.
Le chauffage a lieu par des tuyaux dans lesquels l'eau circule à une température
de 150° à 170" centigrades, avec une pression de quatre à huit atmosphères. Ces
tuyaux forment, au moyen de plusieurs circonvolutions horizontales, les parois de
ces différentes cases que dessert un foyer auquel ils reviennent s'échauffer de nou-
veau. Chaque ligne de tuyaux est munie, à son point le plus élevé, d'un petit réser-
voir ayant la capacité de quelques litres, et qui est plein d'air quand l'appareil est
100 LAVOIRS.
froid ; il sert à permettre la dilatation de l'eau par la chaleur. Son emploi est in-
dispensable pour empêcher la rupture des tuyaux. Le séchage dure de quinze à
trente minutes.
Enfin à Hull on fait sécher directement le linge sur des tuyaux enveloppés d'un
manchon en fil de fer treillage.
De ces différents systèmes, l'expérience a proclamé la supériorité de celui de
Goulston-square. Suivant M. de Saint-Léger, le secret de la conduite économique
du séchage est dans la proportion du courant d'air. 11 faut qu'il y en ait assez
pour emporter la vapeur au dehors, et cependant assez peu pour que la tempé-
rature de toutes les parties de l'appareil, soit autant que possible, maintenue au-
dessus de 100° centigrades. C'est dans ces conditions que la dessiccation est le
plus prompte et le moins coûteuse. Une température très-élevée de 100° à '110°
a, dit-on, le double avantage de donner beaucoup de blancheur au linge et de
faire disparaître les mauvaises odeurs. On sait, en effet, qu'une température au-
dessus de 100° est un excellent désinfectant, qui détruit en même temps les
germes fermentescibles.
Le repassage a lieu dans une salle à part, oii se trouvent des fourneaux dis-
posés à cet effet.
4° Chauffage. C'est là un des points les plus importants de la question écono-
• mique des lavoirs. 11 a lieu ordinairement par plusieurs foyers répondant à chacun
des principaux services, quoiqu'il soit d'une économie bien entendue d'utiliser un
même foyer pour plusieurs services, les bains et l'eau destinée aux savonnages,
par exemple. Comme le fait observer M. Woolcott, la dépense en combustible
dépend en grande partie de la perfection des appareils. Dans les premiers établis-
sements construits, cette dépense, en employant du charbon de terre à 15 francs
le tonneau, s'est élevée à 93 fr. 75 pour 1,000 bains chauds, tandis qu'à l'éta-
blissement modèle, en se servant de menu charbon à 12 fr. 50 le tonneau, on a
chauffé le même nombre de bains pour 17 fr. 50. En général, malgré le bas
prix du coke, on préfère la houille, qui donne bien plus de chaleur.
Les fourneaux pour les fers à repasser doivent aussi fixer l'attention. AEuston-
Square c'est une sorte de poêle en briques, dont le dessus, recouvrant immédia-
tement le foyer, est formé de plaques de fonte posées horizontalement et sur les-
quelles on fait chauffer les fers. Le tout est recouvert d'un couvercle en tôle
qui se meut très-facilement à l'aide d'une chaîne en fer et de contre-poids ; on
le soulève chaque fois qu'il faut placer ou ôter un fer. C'est l'appareil géné-
ralement préféré et substitué pi'esque partout à d'autres procédés moins
avantageux.
5° Fourniture de l'eau. Autre question de la plus grande importance. Le vo-
lume de l'eau doit être calculé de telle sorte qu'il réponde cà la plus grande con-
sommation pendant l'époque des plus grands travaux. En Angleterre, l'eau est
fournie en abondance par des Compagnies qui, dans ce pays d'initiative privée,
se chargent de ce service. La plupart d'entre elles l'ont même livrée gratuitement
dans les premiers temps, afin de favoriser l'installation d'établissements aussi
utiles à la classe pauvre. Généralement elles la foiirnissent à prix réduits; seule-
ment, dans quelques localités, l'eau n'arrivant pas à un niveau suffisant pour ali-
menter toutes les parties de l'établissement, il faut alors l'élever avec une ma-
chine, ce qui augmente les frais.
En France, et particulièrement à Paris, les lavoirs sont alimentés par des con-
cessions de la ville pour l'eau de rivière destinée à la lessive et aux savonnages.
LAVOIRS. 101
elparde l'eau de puits pour le rinçage. D'après le rapport de M. Darcy, le prix
d'ubomieiuents s'élève à environ 10 francs par place.
Mais, il faut bien le dire, à Paris, l'administration semble avoir entièrement
perdu de vue les intentions qui ont inspiré la loi de 1852, et que paralysent les
tarifs actuels. En 1851, les 20 mètres cubes d'eau de l'Ourcq coûtaient 500 francs
pour toute la ville et, chose bien juste, le prix était le même pour les autres eaux
sur les points où il n'en existait que d'une seule nature. Aujourd'hui, d'après le tarif
de 1861, l'eau de l'Ourcq coiàte950 francs les 20 mètres cubes, et l'eau de Seine
1900 francs, avec cette clause rigoureuse que « l'abonné ne pourra réclamer l'eau
d'une origine autre que celle existant dans les conduites placées sous le sol de la
voie publique où se trouve la propriété pour laquelle il contracte abonnement, et
l'imppssibilité par la compagnie de fournir l'eau d'une nature déterminée, ne pourra
donner lieu à la modification des prix fixés ci-dessus. » Or, ainsi que me le faisait
observer un maître de lavoir que ces prix élevés ont empêché de joindre des bains à
son établissement, comme l'eau de l'Ourcq ne dessert que la partie basse de la
ville, et que les lavoirs se construisent surtout dans les quartiers populeux, qui se
trouvent dans la partie haute, il s'ensuit que c'est de l'eau de Seine, c'est-à-dire la
plus coûteuse, qu'ils sont obligés de prendre.
Ainsi que nous l'avons fait observer à l'article Bains, on n'a utilisé que dans
très-peu de localités, l'eau de condensation des machines à vapeur qui va se perdre
à l'égout sans profit pour personne.
6° Economie des lavoirs. Avantages. On ne saurait le nier, la création des la-
voirs a été un véritable bienfait pour le peuple des villes. On peut s'en assurer fa-
cilement en comparant, comme l'a fait M. Darcy, le prix de revient des objets blan-
chis par les blanchisseuses avec le prix des mêmes objets blanchis au lavoir par une
ménagère. Ainsi le blanchissage d'un ouvrier, tout en se renfermant dans les con-
ditions de la plus stricte économie, coûte par mois environ 3 fr. 25; au lavoir les
déboursés s'élèveront seulement à 85 centimes, et en estimant à 1 franc le temps
employé à cet ouvrage, cela fait à peu près 1 fr. 85. Remarquons, d'ailleurs, que
les femmes qui ont beaucoup d'enfants à soigner ne peuvent exercer une profes-
sion régulière et lucrative. Ces conditions économiques expliquent les succès
obtenus par les établissements qui nous occupent.
Quels sont les prix exigés dans les lavoirs publics pour les différentes opérations
qui s'y pratiquent ? 11 y a à cet égard d'assez grandes différences entre les habi-
tudes de la France et celles de l'Angleterre.
Dans ce dernier pays, comme nous l'avons fait observer, le lessivage est accom-
pli par la femme dans un petit baquet à l'aide d'une solution alcaline qu'elle fait
bouillir. Voici les prix exigés : 10 centimes pour une heure; plus, comme four-
niture : 5 centimes de sous-carbonate de soude ; 6 centimes pour le savon ;
bleu, 2 centimes; total environ, 25 centimes. En général, le prix dans les
lavoirs anglais est de 10 centimes pour la première heure, avec usage de l'esso-
reuse, du séchoir et des ustensiles de repassage : on exige 20 centimes pour la
deuxième heure, et iO centimes en plus par chaque demi-heure suisaiite. Cet
accroissement de prix, pour inie longue durée de travail, a pour objet d'em-
pêcher les blanchisseuses de profession, qui exercent un état lucratif, de profiler
d'avantages destinés à la classe ouvrière.
A Paris, le prix de l'heure est de 5 centimes, la demi-journée de 20 cen-
times et, pour la journée, de 40 centimes; on voit la différence qu'amènent,
dans les prix des lavoirs, les différences qui existent dans le mode de création
102 LAVOIRS.
de ces établissements. Là-bas, ce sont des institutions humanitaires fondées
par des souscriptions particulières ou des sommes votées par les paroisses; ici,
ce sont des entreprises particulières ; à la tète du lavoir est, non pas un gérant
soldé, mais un entrepreneur qui organise et gère à ses risques et périls ; c'est, en
un mot, une industrie privée. Nous pensons que les Anglais ont beaucoup mieux
compris la question et l'ont posée sur son véritable terrain. Les blanchisseuses
qui exercent un état lucratif payent, comme on le voit, assez cher chez nos voisin»
le droit de travailler toute une journée, et, chez eux, aux iO centimes par
heure se joint le droit d'essorage et de séchage. Ici l'eau froide seule est donnée
gratuitement, l'eau chaude se paye à part 5 centimes le seau de J2 litres;
l'essorage est de 20 à 50 centimes. Mais les dimensions de l'essoreuse permet-
tent à deux ou trois femmes de se cotiser pour assécher leur linge à frais com-
mun, et, par conséquent à très-bon compte. Et, cependant, plusieurs reculant en-
core devant cet accroissement de frais, essorent par le ioi'dage qui use et brise si
promptement les fibres du tissu. Elles emportent sur leur dos leur linge encore
tout imprégné d'eau qui mouille leurs vêtements et les refroidit, et elles l'appor-
tent à sécher dans la chambre du ménage qui se remplit d'humidité.
Chez nous, par exemple, le lessivage se fait en commun et en grand ; chaque
femme apporte son paquet de hnge qui est aussitôt muni d'un numéro en zinc,
attaché avec une ficelle, et elle reçoit un numéro correspondant; le paquet est rais
dans le cuvier avec les autres et, la lessive coulée, la femme le reprend pour aller
se livrer, à sa place, au savonnage, etc., des pièces qu'il contient. Le tarif est fixé
d'après le volume des objets : pour un paquet renfermant trois ou quatre chemises,
on prend 10 centimes, et ainsi de suite en proportion. Les différentes fournitures,
savon, eau de Javelle, etc., sont au frais de chaque laveuse qui apporte ou achète
à très-bon compte, dans l'établissement même, ces différents objets.
A Londres, il est un établissement, celui de Glass-House-Yard, fondé par une
société pour développer la propreté parmi les pauvres, où tout est gratuit jus-
qu'aux fournitures. De pauvres femmes viennent laver là le linge qu'elles ont
sur le corps, et pendant cette opération on leur prête des vêtements. A cela ne se
borne pas la sollicitude de cette société ; elle donne aussi de l'eau et des chlo-
rures pour laver les logements des pauvres du voisinage et les assainir ; on leur
prête des brosses, des seaux, et, enfin, on leur donne du charbon pour que le loge-
ment puisse être séché immédiatement. L'établissement de Euston-Square loue
dans le même but des seaux et des brosses, souvent même il les prête pour rien.
C'est ainsi que, dans l'espace d'une seule année, 1493 localités (428 chambres,
226 escaliers, 375 cabinets, etc.) ont été nettoyées et assainies. Il se passera du
temps avant que Ion voie pareille chose chez nous : non que le zèle manque aux
personnes charitables pour le faire, mais en profiterait-on?... Un maître de lavoir
me disait qu'il avait fallu plusieurs années pour faire comjjrendre aux femmes
du peuple les immenses avantage de l'essorage à l'aide de la machine !
KéuiMON des bains et des lavoirs. Comme nous l'avons dit à propos des Bains
PUBLICS (t. VIII, p. 209 et suiv.), on a, en Angleterre, très-habilement et très-éco-
nomiquement combiné les bains publics avec les lavoirs, de manière à livrer les
uns et les autres à des prix réduits en fliveur de la classe pauvre. Nous avons
donné là le mode d'aménagement de ces bains ; nous n'avons donc à en parler ici
qu'au point de vue économique.
Le chauffage a lieu par le même foyer pour le bain et pour la buanderie, là est
la source des avantages que l'on relire de cette association. Suivant toutes les
LAVOIRS. 103
personnes qui ont étudié la question, les bains doivent faire les bénéfices de Teu-
treprise. Aussi, suivant M. Woolcott, le nombre des baignoires doit-il être égal,
sinon supérieur, au nombres des places de laveuses ; il admet que, d'après les
prix fixés en Angleterre, la totalité des recettes doit se répartir de la manière
suivante : 7 pour 100 fournis par les baignoires pour hommes ; 6 pour 100 par
les baignoires pour les femmes; 7 pour 100 par les bassins de natation; et
16 pour 100 seulement par les laveuses.
Comment expliquer que ces avantages n'aient pas été sentis chez nous, et que
si peu de lavoirs, à Paris, possèdent des bains. D'abord à ce fait que ce sont, comme
nous l'avons dit, des entreprises particulières, et que tous les chefs de lavoir
n'ont pas des ressources suffisantes pour monter et organiser une aussi vaste entre-
prise qui exige un grand emplacement et de grands frais d'installation. Ajoutons
encore le prix de l'eau dans les quartiers qui sont obligés de s'approvisionner
d'eau de Seine. Nous avons fait remarquer plus haut que la société concession-
naire des eaux de Paris se montre peu généreuse à l'endroit de ces établissements.
Nous donnons ci-joint le plan d'un projet de lavoir publié par MM. Trélat et
Gilbert dans le rapport de la commission d'enquête sur cette question, publié
en 1850.
Police médicale. Réglementation. Laissant de côté ce qui est relatif à la
santé des ouvriers et ouvrières employés dans les établissements qui nous occu-
pent, et dont il est traité au mot Blanchisseuses, nous avons à examiner quelles
sont, au point de vue de l'hygiène publique, les inconvénients des lavoirs et quelles
sont les précautions à prendre.
Les lavoirs publics, de même que les buanderies ordinaires, ont des inconvé-
nients nombreux lorsqu'ils ne sont pas établis dans de bonnes conditions, et
quand, surtout, ils ne sont pas suffisamment éloignés des maisons voisines ;
aussi les a-t-on ranges dans la troisième classe des établissements incommodes et
insalubres.
Il existe à l'intérieur de ces établissements une buée continuelle qui pénètre
et s'infiltre dans toutes les constructions adjacentes, les dégrade et y entretient
une humidité qui rend certains logements inhabitables. Aussi, par suite de
plaintes des voisins et de poursuites judiciaires, plusieurs propriétaires d'éta-
blissement de ce genre ont-ils été forcés de les fermer, quelques-uns ont même
été condamnés à des dommages-intérêts.
11 convient donc d'exiger qu'il y ait un isolement complet entre les lavoirs,
buanderies, coulerics et les maisons voisines, au moyen d'une cloison qui sépare
le lavoir du mur mitoyen par un espace de 15 à 50 centimètres. Cette cloison doit
régner sur toute la hauteur du mur mitoyen. On doit prendre extérieurement
l'air qui doit circuler entre cette cloison et les maisons voisines. Le contre-mur ^
sera construit en briques et chaux hydraulique. Dans le cas où cette opération ne
peut être faite le long d'un gros mur de séparation, on construira à la hauteur >
de 1 mètre une cloison en briques de Bourgogne de 0"',11, hourdées en ciment
romain. Enfin, dans certains cas, il suffira d'enduire de ciment romain à la hau-
teur de 1 mètre, le pourtour du lavoir.
Les autres conditions générales prescrites sont les suivantes :
1" Élever la cheminée de la machine à vapeur de 2 à 3 mètres au-dessus des
maisons voisines, dans un rayon de 50 mètres, de manière que ces maisons ne
soient pas incommodées par la fumée.
104 LAVOIRS.
2° Didier et bitumer le sol avec une pente convenable pour l'écoulement des
eaux.
5" Diriger les eaux par un conduit souterrain jusqu'à l'égout le plus rappro-
ché. L'enlèvement des eaux savonneuses résultant de» lavoirs, dans les localités
où il n'existe ni égouts ni cours d'eau pour les recevoir, constitue une des causes
les plus ordinaires et les plus graves d'insalubrité. Il faut alors, ou traiter ces eaux
par la chaux, ou les répandre en irrigation sur les terres, ou les vendre pour l'ex-
iraction des matières grasses. Mais on ne devra jamais en permettre le séjour sur
la voie publique ni la perte dans les puisards. Quelquefois, et par exception, on a
permis que les eaux fussent recueillies dans une citerne étanche, à la condition
qu'elles seraient traitées par la chaux et transportées pendant la nuit à la bouche
de l'égout le plus voisin. On ne doit jamais en permettre l'écoulement dans les
cours d'eau, elles causeraient la mort du poisson.
4" Établir les châssis mobiles destinés à la ventilation sur les côtés opposés aux
maisons voisines.
6" Couvrir les cuviers d'un large couvercle en tôle, et les surmonter d'une
hotte communiquant à la cheminée, afin de donner issue à la buée.
6" Prendre toutes les précautions nécessaire contre l'incendie.
7" Détei^miner les places en laissant entre chaque laveuse l'intervalle de 1
mètre.
8" Pendant les gelées, les glaces seront soigneusement cassées et l'on sèmera
de la cendre ou des scories dans les endroits où elles tendent à se former.
9" On établira des lieux d'aisances convenablement ventilés à l'usage des
laveuses.
Si ces conditions ne peuvent être remplies, si, par exemple, les bâtiments sont
trop exigus et ne permettent pas de garantir les maisons voisines des inconvé-
nients de la buée et autres vapeurs ; si les eaux ne peuvent avoir un écoulement
convenable soit par l'absence d'égout, soit par le mauvais état du sol de la voie
publique où elles entretiendraient une insalubrité et une malpropreté perma-
nentes, l'autorisation doit être refusée. (Trébuchet, Rapp. gén. sur les trav.
ducons. clliyg. Paris, 1861, in-4", p. 475; et Vernois, Traité prat. dliyg. indust.
etadm. Paris, 1860, in-8°, t. II, p. 144.)
Bateaux-lwoirs. Il est bien évident que les premiers lavoirs publics ont été les
bords des rivières etdes ruisseaux, et sans remonter à l'exemple classique de la prin-
cesse Nausicaa, ce que l'on voit tous les jours, dans les petits villages, le démontre
suffisamment. Le blanchissage s'exécutait autrefois à même la rivière ; de Là, des
ordonnances de police pour régulariser cette industrie. Ainsi nous trouvons une or-
donnance en date du 1 0 juin 1666 qui prescrit aux lavandières de ne pas laver leur
linge dans le canal de la rivière qui coule le long de la place Maubert, rue de la
liùcherie, des ponts de l'Hôtel-Dieu, Petit-Pont, pont Saint-Michel et pont Neuf, de-
puis Pâques jusqu'à la Saint-Martin, à cause de l'infection et de l'impureté des
eaux qui y croupissent et sont capables de causer de graves maladies, à peine du
fouet contre les lavandières ; mais seulement dans le courant où les eaux sont pures
et salutaires, etc. (Delamarre, Traité de la police, t. II, p. 490, 3^ édit, Paris,
17:27, in-fol.) Au commencement du dix-huitième siècle ces mêmes ordonnances
reparaissent, seulement la peine barbare du fouet est remplacée par l'amende et la
prison.
Le système des lavoirs sur bateaux fut réorganisé par une ordonnance de police,
en date du 9 mai 1805, qui, entre autres prescriptions telles que l'autorisation
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Fis. 2.
Légende. — Fig, i, Coupe transversale d'un établissement de bains et lavoirs (104 laveuses
et 100 baignoires).
FJg. 2. a, (i. Lavoir pour 104 laveuses. — b. Essoreuses. — c. Cabinets d'aisance ventiléj.
— d. Buanderie. — e. Essangerie. — f. Salles de repassage et bécboirs. — g. Fourneaux
pour les fers à repasser. — h. Séchoirs à air ch^ud.— l. réservoirs d'eau froide. — j. chau-
dières. — k. Cheminée. — /. Descentes aux foyers des chaudières et séchoirs. — m. Bains
pour '60 hommes. — n. Bains pour 50 femmes. — o. gntrée des bains de 1" classe. — p. En-
trée des bains de 2* classe.
106 LA VOIS 1ER.
préaluble, stipule, article 4 : que les |)ermissions de tenir bateaux à lessive ne
seront accordées qu'à la condition qu'il y sera réservé des places où les indigents
pourront laver leur linge sans payer aucune rétribution, le préfet se réservant de
lixer le nombre de ces places en proportion de la grandeur et du produit présumé
des bateaux. Article 5 : Il est défendu d'étendi-e du linge sur les berges, etc. En
1840 (25 octobre) on ajoute à ces prescriptions l'obligation d'établir des cbemins
solides, garnis de garde-fous à liauteur d'appui, pour faciliter l'accès de ces ba-
teaux. Exiger encore que les bateaux soient solidement amarres et munis de
cordes, crocs, perches, etc., pour porter secours en cas de besoin. Dans le même
but un bacbot, muni de ses agrès, devra toujours être attaché à chacun de ces
établissements, et les propriétaires sont, en outre, tenus d'avoir constamment à
bord de leurs établissements un gardien, bon nageur, et une boîte de secours en
bon état.
Aujourd'hui, les bateaux sont organisés à l'instar des lavoirs ; lessivage en
commun à la vapeur, eau chaude à 5 centimes le seau ; prix des places, tout est
semblable, seulement le rinçage se fait à même l'eau courante. La plupart de
c:s bateaux appartiennent à des compagnies qui les font tenir par des gérants.
E. Beauguand.
BiBLioGRAniiF:. — Bnth and Washhoiises for tke JMbouring Classes, etc. In Lond. Med.
Journ., t. XXYIi, p. 1063 ; 1846: — Bains et lavoirs publics. Rapp. de la commiss. instituée
par ordre de M. le Président de la Republique. Rapp. de MJI. Pinède, E. Trélat et Gileem,
I).\ncY, VVooLcoTT, De SAnT-LKCM. Paris, 1850, in-i", pi. U. — Aran {F. A.). Les bains et
les lavoirs jmbhcs In Union méd., 1850, p. 607. — Thompeo. Cenni .sui hagni et lavatoj
pubblici. Torino, 1850. — Loi relative à la création d'établissements modèles des bains et
lavoirs publics (5 févr. 1851).— Bai.y (P. P.). A Statement of Ihc Proceeding of thc Co-
miltee appoinled to promotc tlie Establishments of Ballis and Washhouses, etc. Lond.,
18 >2. — Quelles sont les règles à suivre pour rétablissement des bains et lavoirs publics
dans les principaux centres de populalioti (Compte rendu du congr. d'hyg. de Bruxelles).
In Ann. dlujg., 1" sér., t. XLYIU, p. 453; 1852. — Tardieu. Art. Lavoirs. In Did.
dlï'jg. publique. Paris, 1852. cl 2° édit., ibid., 1864.— Beiirend (F. J.). Die ôffent-
liche Bade und Waschanstalten, ikr Nutzen und Ertrag. Berlin, 1854, in-8. — Bourgeois
d'Orya.vxe (A.). Bains et lavoirs publics à prix réduits. Paris, 1854, in-8°. — Liyois. Bcs
ctablissetnents de lavoirs et de bains publics, au point de vue de l'hygiène, ttc. Boulogne-
sur-Mtr, 1857 g. Bgd.
LAV®lSîEra (jEAN-Fr.AAçois), médecin fort instruit du siècle dernier qui,
après avoir été chirurgien des hôpitaux des armées du roi, se retira dans la ville
d'Eu, oii il pratiqua la chirurgie. On lui doit un excellent Dictionnaire Icxicogra-
phique des sciences médicales, avec un vocabulaire des termes de médecine
grecs et latins, ouvrage qui a servi de modèle à ceux qui sont venus après.
Voici le titre de cet ouvrage :
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Dictionnaire des termes français et latins de médecine, d'anatonnc, de chirurgie, de
pharmacie, de chimie, d'histoire ncdnrelle, de bolanique et de physique. Paris, 176i, in-i2 •
'^° èd\\.., m\.\i\x\<iG: Dictionnaire portatif de médecine, d'anatomic, ctc Paris 1771 '> vol*
iii-I2; 5<= édit., Paris, 1795, in-8». j;'_ ^^^[ " "
E^^'WBSIEK (Aktoiine-Laurekt), un des plus grands génies que la France ait
produits; c'est le créateur de la chimie moderne, dont il peut, à juste titre être
regardé comme le Newton. Lavoisier naquit à Paris le IG août 1745, d'une famille
de riches négociants. Après de brillantes études au collège Mazarin, laissé libre sur
sa vocation, il se livra avec ardeur à l'étude des sciences; les mathématiques, la
botanique, la géologie l'occupèrent tour à tour, enthi la cbimie devint le principal
objet de ses études. Dès les premiers pas, il mesure la porti'e du Lut qu'il s'est
LAVOISIER. 107
donné, et il dispose sa vie en conséquence. Il lui fallait une grande po.>ition de for-
tune; à peine îigé de ving-huit ans, déjà membre depuis trois ans de l'Acadérnie des
sciences, il sollicite et obtient une place de fermier général, et épouse la lille d'un
de ses nouveaux confrères. Ses travaux de finances l'occuperont tout le jour, les
matinées, les soirées et les dimanches seront exclusivement consacrés à la chimie.
Bientôt les recherches, les découvertes se succèdent sans interruption. De même
qu'il a arrangé sa vie pour ses occupations diverses, il cherche et choisit un pro-
cédé tout nouveau qui va lui servir de guide infailhble dans ses études. « Rien ne
se perd, rien ne se crée, a-t-il dit; la matière reste toujours la même; il peut y
avoir des transformations dans sa forme, mais d n'y a jamais d'altération dans son
poids. » Tel est son point de départ; quel sera son critérinm? La balance, dont,
par un ensemble de précautions minutieuses, il rend l'emploi d'une rigueur ma-
thématique. t( Pour lui, dans toute réaction chimique désormais, les produits for-
més doivent peser autant, et pas plus, que les produits employés. Si cette condi-
tion d'égalité ne se manifeste pas, c'est que la chimie n'a pas tout su recuedlir, ou
bien qu'elle a méconnu l'intervention de quelque corps occulte. La balance vous
apprend donc à l'instant qu'il faut retrouver le produit perdu ou reconnaître lu
nature des causes qui viennent compliquer l'expérience. Son application à l'étude
des phénomènes naturels devait donc révolutionner la chimie et pouvait seule la
révolutionner. » (Dumas, Leçomsur la philosophie chimique, p. 120, Paris, 1827,
in-8».)
Nous n'avons pas à examiner ici en détail la série des belles découvertes deLavoi-
sier, l'ordre merveilleux qui les rattache l'une à l'autre, l'invincible ténacité avec
laquelle il les poursuit jusqu'à démonstration complète, évidente, incontestable;
comment, laissant de côté, sans la discuter, la théorie de Stahl, qui tenait encore
sous son joug les chimistes français et étrangers, il ne s'en occupe à la fui que
pour la montrer renversée, anéantie à tout jamais. Tout cela a été exposé avec une
précision, une éloquence à la hauteur du sujet, par le juge si autorisé auquel
j'empruntais tout à l'heure quelques lignes, notre illustre Dumas. Du reste, cet
ensemble merveilleux de faits, la doctrine qui les relie, les rapports de celle-ci
avec les doctrines antérieures, les modihcations qu'elle a éprouvées, etc., seront
mieux à leur place dans l'article consacré à l'histoire de la chimie. [Yoy. Chimie,
Histoire.) Nous allons seulement donner ici le résumé des idées de Lavoisier, tel
qu'd l'a lui-même formulé, dans ce style aphoristique dont, seuls, les hommes de
génie possèdent le secret. « Le phlogistique n'existe pas; l'air du feu, l'air dé-
phlogistiqué est un corps simple ; c'est lui qui se combhie avec les métaux que
vous calcinez ; c'est lui qui transforme le soufre, le phosphore, le charbon en
acides; c'est lui qui, dans la respiration des animaux, change le sang veineux en
sang artériel, en même temps qu'il développe la chaleur qui leur est propre;
il forme partie essentielle de la croûte du globe tout entière, de l'eau, des
plantes et des animaux ; présent dans tous les phénomènes naturels, sans cesse
en mouvement, il revêt mille formes, mais je ne le perds jamais de vue et puis
toujours le faire reparaître à mon gré, quelque caché qu'il soit. Dans cet être éter-
nel, impérissable, qui peut changer de place mais qui ne peut rien gagner ni rien
perdre, que ma balance poursuit et retrouve toujours le même, il faut voir l'image
de la matière en général ; car toutes les espèces de matière partagent avec lui ces
propriétés fondamentales et sont, comme lui, éternelles, impérissables; elles peu-
vent, comme lui, changer de placg, mais non de poids, et la balance les suit sans
peine à travers toutes leurs modifications les plus surprenantes. » Ainsi Lavoisier
1(J8 LAWRENCE.
n'avait pas seulement tiouvé les faits, mais ii avait encore trouve la méthode et
jusqu'à ce jour on n'a pu que marcher dans la même voie.
Outre cette suite de recherches sur les théories chimiques, Lavoisier a publié
quelques autres travaux où il a laissé l'empreinte de son génie sévère et mé-
thodiiiue. Ainsi, dès 1765, il avait obtenu une médaille d'or pour ses recherches
sur l'éclairage. Son traité sur les salpêtres a longtemps servi de guide profes-
sionnel; on connaît son beau travail avec Laplace sur la chaleur latente. Sou ou-
vrage d'économie politique sur la production et la consommation, en regard
avec la population; un autre sur la richesse territoriale, attestent la variété de ses
connaissances et ses prodigieuses aptitudes.
Pourquoi faut-il que le fanatisme politique, non moins cruel, non moins stu-
pide que le fanatisme religieux, ait tranché le cours d'une si belle existence. Com-
pris dans l'accusation portée contre les fermiers généraux, Lavoisier, malgré les
services réels qu'il avait rendus au peuple dans l'exercice de ses fonctions, fut
condamné à mort et exécuté le 8 mai 1794, sans que Ion voulût faire droit au
sursis qu'il avait demandé pour mettre en ordre ses papiers et terminer quelques
expériences.
A part la série de mémoires, au nombre de plus de quarante, qui ont été pu-
bhés presque tous ])armi ceux de l'Académie des sciences, Lavoisier avait fait pa-
raître les ouvrages suivants :
I. Opuscules physiques et chimiques. Paris, 1774, 2 vol. in-S». — II Instruction sur les
nitrières et sur la fabrication du salpêtre. Paris, 1777, in-8° et ibid., 1794, in-8°. — III.
Traite élcmcntnirc de chiniic. Paris, 1789, '2 vol. in-S"; 2= édit., Paris, 1793, 2 vol.
in-S", etc. — IV. Delà richesse territoriale. Paris, 1791, iii-8°. — V. Mém. de chimie
publiés par madame Lavoisier. Paris, 1805, 2 vol. in-S". — Une édition des Œuvres com-
plètes de Lavoisier est en voie de publication. E. Bgd.
LA1VREMCE (WiLLiAJi), un des plus illustres chirurgiens anglais contempo-
rains, était né le 1(5 juillet 1785, à.Cirensester, dans le Gloucestersliire, oii son
père exerçait la chirurgie. Après d'excellentes études classiques, William Lawrence
fut mis à Londres sous la direction d'Abernethy, qui sachant apprécier le mérite
et les talents précoces de son disci[)le, le fit entrer comme démonstrateur d'anatomie
à l'hôpital Saint-Barthélemi au bout de trois années d'études, place qu'il conserva
douze ans, à la grande satisfaction et au grand profit des élèves. Reçu membre du
Collège de chirurgie le 6 septembre 1805, il fut nommé, en 1813, chirurgien-
adjoint de ce même hôpital Saint-Ëarthélemi et, la môme année, il était élu
membre de la Société royale. Dès lors, nous le voyons s'élever rapidement : en 1814,
il est à l'intirmerie ophthalmologique et, en 1815, il obtient la position lucra-
tive de chirurgien de l'hôpital de Bridewel et Bethlem; il faisait en même
temps des cours d'anatomie et de physiologie qui attiraient un grand concour:^
d'élèves.
Ici se place un épisode qui n'est pas sans analogie avec certaine circonstance de
la vie de Lalleniand que nous avons racontée. {Voy. L.«lllemand,p. 184 ) Lawrence
avait fait paraître, en 1819, ses leçons de physiologie, dans lesquelles il déclarait
(( que, de même que la digestion est une fonction de l'appareil digestif, que le mou-
vement est une fonction des muscles, de même les facultés intellectuelles sont des
fonctions animales de l'appareil organique approprié, l'organe central du système
nerveux. » il n'en fallait pas davantage pour exciter le zèle intolérant des dévots
ou prétendus tels. Lawrence fut accusé de matérialisme, de professer des doctrines
subversives, etc., etc. Vainement, dans ses réponses à son ancien maître Aber-
LAYARD. 109
nethy, qui avait cru devoir se joindre à ce concert, Lawrence déclara qu'il n'avait
examiné les choses qu'au point de vue exclusivement physiologique, réservant la
question du principe immatériel. Trop de mauvaises passions se trouvaient cacliées
sous le masque de la rehgion et de la morale pour que l'on voulût seiendro.
Menacé de perdre sa position de chirurgien à l'hôpital de Bridewell, Lawrence,
sans y être cependant forcé par la même nécessité, fit comme Galilée, il céda...
Dans une lettre devenue publique, il reconnaît que certains passages de ses leçons
sont inconvenants {improper), et il promet de retirer son livre de la circulation.
On a dit qu'il avait envoyé en Amérique ce qui restait de l'édition, mais son lils a
tout récemment démontré qu'il y avait eu là une spéculation à laquelle AVilliam
Lawrence était resté étranger. Une autre circonstance a permis d'apprécier le peu
de fermeté du caractère de ce grand chirurgien. Après avoir attaqué avec violence
le (lonseil royal de chirurgie et la pérennité des fonctions du corps des examina-
teurs, il s'y fit agréger quelque temps après et conserva ces fonctions presque jus-
qu'à sa mort. C'était, a-t-on fait observer, pour y introduire d'utiles améliorations !
Malgré son grand et incontestable mérite, Lawrence ne paraît pas avoir joui,
auprès de ses compatriotes, d'un crédit à la hauteur de sa réputation à l'étranger,
et Benj. Brodie l'emportait sur lui dans la confiance publique.
Lawrence appartenait à un grand nombre de sociétés savantes nationales et
étrangères, et il par\int aux plus grandes dignités auxquelles puisse aspirer un
chirurgien. 11 fut deux fois, en 1846 et en 1855, président du collège de chirurgie,
premier chirurgien [sergeant Surgeon) de la reine, et peu de temps avant sa
mort il avait été créé baronnet. Lawrence fut enlevé par une seconde attaque d'apo-
plexie, le 5 juillet 1867, à l'âge de 84 ans.
Voici la note de ses principaux ouvrages :
I. Treatise on Hernia ; being an Essmj, etc. (ouvr. cour, par le Collège de chir. en
1806). Lond., 1807, in-8»; 2= édit., iLid , 1810, m-8<>; 5-= édit., ibid., 1810 in-8», etc. frad.
allem., ital ; trad. en français par Béclard et Jules Cloquet. Paris, 1818, in-8°. — II. Intro-
duction to Comparative Anatomy. Lond., 1816, in-8°. — III. Lectures on Plujsioloijy, Zoo-
logij and Natural Eistory of Man. Loiid., 1819, in-8° (devenu excessivement rare. Il y a eu
depuis plusieurs édition^, mais expurgées).— IV. A Treatise on Venereal Diseases of the Eye.
Lond., 1830, in-8° trad. allem. — V. Treatise on the Diseases of the Eye. Lond., 1853, in-8.;
2«é.,it.,ibid., 18il, in-8°. — VI. Hunterian Oration. Lond., 1854 et 1846, i'n-8°. — VII.'
lectures onSurgenj. Lond., 1803, in-8\ — VIII Un très-grand nombre d'articles publiés
dans les diflérents recueils anglais et notamment dans le Journal d'Edimbourg, dans les
Transactions de Londres, mais surtout dans la Lancet où ses leçons étaient fréquemment
reproduites. C'est là qu'il lit paraître d'abord ses le.Oiis sur les maladies des yeux, traduites
en français par Billard sous le titre : Traité pratique des maladies des yeux. Paris, 1850
in-8°. — IX. On lui doit aussi une traduction de Tanatomie comparée de Blumenbach.'
Lond., 1807, in-8°. E. Bgd.
LAWSOKIA. (Voy. Henné.)
LAXitTiFS. Ce sont comme le mot l'indique, des relâchants, tels que le
miel, la mauve, la cassonnade, plutôt que des substances purgatives. Les considé-
rations générales auxquelles peuvent donner lieu les médicaments susceptibles de
rendre les garde-robes plus fréquentes et plus liquides seront placées au mot
Purgatifs.
LJtTABD (Daniel-Peter), médecin anglais, né à Greenwich, reçu docteur à
Oxford et mort le 5 février 1802 ; se fit une belle réputation à Londres dans la
seconde moitié du siècle dernier. Il occupait les éminentes positions de médecin de
HO LEAMIINGTON (eaux minérales pe).
la princesse douairière de Galles, de vice-président de la maison d'accouchements
de Greeiiwicli, directeur de l'hôpital français, etc.
On lui doit les opuscules suivants :
I. Ofa Fracture of tlic Os Ilium and Us Cure. In Phil. Transact., 1745, et Abridg.,
t IX,p. lis. — W.OfaWomen who liad an Extraordinary Impostume formed in lier
Stomach. Ibid., 1750. Abr., t. X, p. 29. — III. AnEssa^j on thc Nature Causes and Cure
of tke Contacjious Distemper among the Horncd Catlle, etc. Lond , 1757, in-8°. — IV. Oh
the Uscfulness of Inoculation of the horncd Cnltle to prevcnt, etc. Ibid., 1758, et Alir.,
t XI, p. 206. — V. An Extraordincmj Case of diseascd Eije. Ibid., p. 274. — VI. Essmj
on the Bile of Mad Dog. Lond., 1762, in-8°. — VU. Pharmacopœia imman gravidanm,
j)uerperarum, etc. Lond., 177G, in-8°. " E. Bon
LAZARETS. [Voy . SANITAIRES (Mesures).]
LEAKE (John), né à Ainstable, près de Kirkoswald, dans le Cumberland, vers
1720. U se destinait d'abord à l'état militaire, mais craignant de ne pas y trouver
un avancement assez rapide, il se livra à l'étude de la médecine, se fit admettre
à Londres, dans la corporation des chirurgiens, et se distingua surtout dans l'art
obstétrical; c'est à lui que l'on doit la création de la maison d'accouchements de
Westminster. Un forceps à trois branches, de son invention, et dont il vantait
les avantages, n'a pu prévaloir contre celui de Levret. Il a donné après Hulme
une des premières et des meilleures descriptions de la fièvre puerpérale. Reje-
tant formellement les hypothèses de la résorption du lait corrompu dans les
mamelles, de la sujjpression des lochies, et de l'inflammation de l'utérus, il re-
garde cette maladie comme une affection tout à fait spéciale (Diseuse of a peculiar
nature, and dist met o fait others). Leake mourut à Londres le 1" août 1792.
Il a j)ublié les ouvrages suivants :
I. Dissert, on the Properties and Efftcacy of the Lisbon Dietdriiik. Lond., 1757, in-8°,
et ibid., 1790, in-8°. — II. Praciical Observations on thc Childbed Fever : also on the Nature,
Treatment, etc. Lond., 1772, in-8°. — III. A Lecture Introductory to the Theory and Prac-
lice of Midwifery, etc. Ibid., 1774, in-4'', etc. — IV. Practical Observations on the Acule
Diseases incident to Woincn, ibid., 1774, in-4°.- V. Introduct. to the Theory and Praclice,
etc., to which is added a Description of the Autliofs New Forceps, etc. Lond., 1777, in-S»,
iig. ; plus, autres édit. — VI- Médical Instruction iou'ards the Prévention, and Cure of
Chronic and other Diseases peculiar to Wo7nen. Ibid., 1777, et plus. édit. Trad. ail., Leipzig-,
1793, in-8°. — Vil. Spécimen artis obstetricarice ; being a Syllabus, or General Ilcad, etc.
Ibid., 1787, in-S». — VIII. A practical Essay on the Diseases ofthe Viscera, particularly, elc,
Ibid., 1792, in-8°. E. Bgd.
LEAMiRiGTOi^ (Eaux MINÉRALES de) protothermales ou lujpothermales, jw-
hpnétaUites fortes, carboniques ou sulfureuses faibles, en Angleterre, dans le
Warwicksliire, sur la Lcam ; cette ville compte aujourd'hui 20,000 habitants,
quand, en 1811, elle en avait 500 à peine; elle est à 65 mètres au-dessus du ni-
veau de la mer. La température la plus élevée de toute l'année est de 25° centi-
grade, la moyenne de 8°, 8 centigrade et la plus basse de 5° centigrade au-dessous
de zéro. (Le chemin de fer de Great-Western conduit en trois heures de Londr(S
à Lcamington.) La ville est nouvelle et bien bâtie; ses rues sont plantées et lar-
ges comme des boulevards. Les arbres sont magnifiques; les ormes surtout sont
d'une énorme grosseur. Les jardins publics et prives sont remarquablement tenus
et très-grands : celui qui est derrière l'hôtel des bains de lord Aylesford est entouré
d'une belle grille. Ses gazons et ses arbustes ont une verdure qui réjouit la vue;
un orchestre y fait tous les jours de la musique. Le docteur Jefferson ayant gagné
une immense fortune, a fait don à sa ville natale du jardin qui est en face de celui
LEAMINIITON (eaux minérales de). 111
de lord Âylesford : il est plus spacieux; encore et la haie vive qui l'entoure a plus
de 500 mètres de lon"iieur. La saison dure toute Tannée à Leaminaton : mais ce
poste minéral est surtout fréquenté pendant la cliasse aux renards, commençant
au mois de novembre et finissant au mois d'avril.
Cinq sources alimentent les diverses parties de l'établissement; elles se nom-
ment : 1" Lord Aylesford' s Spring (source de lord Aylesford); 2" Pump Boom
(Chambre de la pompe); 5" Wood's Spring (source de Woodj; 4:°Hudsûns Spring
(source d'Hudson); 5° Alexandra Spring (source Âlexandra).
1" Aylesford' s Spring est la plus anciennement connue ; elle émerge difns un
puits du sous-sol de la maison des bains. Elle est claire, limpide, transparente,
sans odeur, d'une saveur amère assez désagréable, rappelant très-bien celle d'une
solution pharmaceutique faite avec parties égales de sulfate de soude et de chlo-
riu'e de sodium. Sa réaction est franchement alcaline, sa température est de
23", 4 centigrade, celle de l'air étant de 25° centigrade. Elle ne contient aucune
bulle gazeuse et elle ternit assez promptement les verres. L'analyse chimique de
1000 grannnes d'eau, faite en 1862 par M. le docteur Patrick Brown a donné les
résultats qui suivent :
Sulfate de soude • 5,9929
Chlorure de sodium 5,i"245
— calcium 2,8o98
— magnésium 1,2335
Silice, peroxyde de fer.
lodure et bromure de sodium '
Total des matij^res fixes 11,5123
Sur une pinte anglaise égalant 0''',5679; l'eau minérale de Leamington ren-
ferme :
I Acide carljoni(iue. 3 pouces cubes anglais = 49,1610 cent, cubes.
Gaz < Azote ) . -, ,
( Oxygène ] f^"'^'° quanUto.
L'eau de la Saline Spring de l'établissement de lord Aylesford alimente la bu-
vette intérieure, la buvette extérieure, les bains particuliers, la piscine, les étuves
et les bains turcs. La pièce d'entrée et ses deux galeries supérieures, une à chaque
bout, servent à la fois de buvette et de salle de bal et de concert. L'un des robi-
nets de la buvette verse l'eau à la température de la source , l'autre, cette même
eau chauffée au bain-marie et élevée à 51" centigrade. Elle se trouble aloi^s, elle
devient rouillée et elle incruste beaucoup plus l'intérieur des conduits et des
vases. La buvette extérieure ou buvette des pauvres est dans Victoria Terrace.
Lss cabinets des bains isolés se trouvent au rez-de-chaussée ; ils sont tous pré-
cédés d'un beau vestiaire, éclairés et ventilés par leur partie supérieure. Leurs
dimensions sont très-convenables et chacun d'eux a une baignoire un pou enfoncée
dans le sol, d3 façon à ne faille saillie que de 55 centimètres au-dessus de l'aire
des cabinets; les parois intérieures des baignoires sont émaillées. Trois robinets
versent l'eau chaude ou froide par le fond de la baignoii\\ On a indiqué la
djslination de chacun des robinets sur une plaque de porcelaine blanche, on a
écrit sur celle de gauche : wasle (tuyau d'écoulement pour vider la baignoire),
sur celle du milieu hot (chaud), et sur celle de droite coW {froid). Un corridor
sépare l:s cabin- ts de bains d'eau de la pièce de la piscine. Trois jets d'eau
minérale, d'un centimètre de diamètre chacun , jaillissent au-dessus d'une
vasque s^mi-lunaire à huit écbancrures et entretiennent l'eau courante à la tem-
p 'rai lire de la sou'ce et toujours à la mèm" hauteur. Trois ouvertures é^ale
.s
112 LEAMINGTON (eaux minérales le).
ont été pratiquées au côté oppose de la piscine pour l'écoulement du trop-plein.
Le bain commun d'Aylesford's Bath a 20 mètres de longueur, 8 mètres 25 cen-
timètres de largeur et de 1 à 2 mètres de profondeur. Ses parois latérales sont
de faïence émaillée; son fond est enduit d'asphalte. Des trottoirs également
d'asphalte, de briques et d'ardoises, conduisent aux quatorze vestiaires établis
tout autour, à 1 estrade d'où s'élancent les plongeurs, et aux trois escaliers
qui descendent à la piscine. L'eau de cette piscine a 7i¥ centigrade, elle est jau-
nâtre et n'a plus la même limpidité qu'à la source, ce qui tient à la rouille qui se
préci[jjte et altère sa transparence.
Chacun des trois cabinets d'étuves se compose de trois compartiments ainsi
disposés : une pièce d'entrée dont la température est de 'h¥ centigrade, avec
table de marbre pour ceux qui veulent être massés; une pièce du miHeu où
le thermomètre monte à 51 "centigrade et oi!i un filet d'eau minérale à la tempé-
rature de la source jaillit d'un rocher artificiel pour que les baigneurs puissent se
l'afraîchir la figure et la tète, s'ils se sentent un peu congestionnés. Des cadres de
bois et des bancs de marbre blanc sont à la disposition de ceux qui veulent s'as-
seoir ou se coucher. Enfin, un troisième cabinet est garni d'ajutages de douches
froides, de sièges mobiles et de lits de repos. La température de cette dernière
salle est de 38° centigrade. Les étuves d'Aylesford sont éclairées par leur partie
supérieure, chacun de leurs cabinets est à peu près carré et a 4 mètres de côté.
Les bains turcs se donnent dans un très-belle et très-vaste salle de 6 mètres
carrés, éclairée à la fois par les côtés et par la partie supérieure de son dôme de
20 mètres de hauteur. L'architecture de cette salle, les mosaïques de son pavé,
ses verres de couleur, ses divans, ses lits, son ameublement enfin, sont en har-
monie avec la destination et les coutumes du pays auquel on a emprunté ces usa-
ges balnéaires.
2" Pump Room. Son puits est à 10 mètres au sud de l'établissement d'Ayles-
ford, dans la partie voisine de la Leam, dont l'eau n'est pas à plus de 6 mètres de
distance. Une autre source légèrement sulfureuse se mêle à Feau de Pump Room
et l'on a donné à ces deux filets un captage distinct. L'eau du puits de Pump Room
a les mêmes caractères physiques et chimiques que ceux de la source Aylesford,
seulement son goût est presque nul; sa température est de dO^jS centigrade,
celle de l'air étant de 25°, 4 centigrade. Cette eau n'a point encore été analysée.
3" Wood's Spring. La source de Wood est à 50 mètres de la buvette d'Ayles-
ford. Son eau a un goût beaucoup plus désagréable que celui de toutes les autres
sources de Leamington ; elle semble plus sulfatée et moins chlorurée. Sa tempé-
rature est de 21", 2 centigrade : sa densité n'est pas connue et son analyse chimi-
que n'a pas été faite. L'eau de Wood's Spring alimente : la buvette où deux
robinets distribuent l'eau à la température de la source ou chauffée au bain-
marie à la volonté du public ; cinq cabinets de bains dont les baignoii^es dou-
blées de carreaux de faïence sont en contre-bas du sol. Un bassin percé de trous
et placé au-dessus de chaque baignoire sert à l'administration des douches en
pluie et alimente les ajutages des douches en lames, en jet, etc., etc. Un appareil
de bain de vapeur par encaissement se trouve aussi dans chacun des cabinets.
4° Hudsons Spring. L'établissement nouveau alimenté par ces sources est sous
le pont du chemin de fer qui passe au-dessus de la rue de la fontaine Alexandra.
Ces deux sources dont l'une se nomme : source Saline et l'autre so2<rce Sulfureuse,
ont leurs points d'émergence au bout de l'allée qui conduit à l'intérieur de la
maison. La source Saline a son griffon dans un puits de 20 mètres de profondeur-
Gaz
LEAMINGTO.N (b.u's minér.vles pe). U5
son eau claire, lim}>icle et transparente, est incolore et inodore; son goût est salé ;
sa réaction est alcaline et sa température de 18" centigrade. Son analyse chimique
n'a point été faite. La source Sulfureuse sort de la terre de bas en haut à un
mètre plus loin, et sou eau a les mêmes caractères que ceux de la source Saline,
à rexceptiou de son odeur d'œufs pourris et de sa saveur hépatique très-désagréa-
ble. Sa température est de 16°,1 centigrade. L'analyse chimique de l'eau de la
source Sulfureuse d'Hudson, faite par Patrick Brown, a donné par 1000 grammes
d'eau les principes suivants :
Sulfate (le soude 5,1967
Chlorure de sodium 2,85"23
— calcium 1,7112
— magnésium 1,0245
Total des matièfies fixes 8,7847
Le protoxyde de fer, les iodure et bromure de sodium s'y trouvent en propor-
tion très-minime.
L'eau de la source Sulfureuse d'Hudson renferme encore dans une pinte anglaise
égalant 0'",5679 :
Hydrogène sulfuré . . . 1,144 pouces cubes = 18,7467cc.
Acide carljonique . . . . 3,136 — = 51,71 65cc.
Oxygène 0,023 — = 0,40!*6cc.
Azote 0,423 — = 0,9644cc.
Total des gaz. . . . 4,750 pouces cubes = 71,8370cc.
L'établissement des bains d'Hudson se compose d'une buvette et d'un seul ca-
binet de bains d eau minérale. La buvette a deux i^obinets ; l'un verse l'eau de
la source Saline, l'autre celle de la source Sulfureuse. La salle contenant une
seule baignoire sans douche et sans appareil à bain de vapeur, compose toute
l'installation balnéaire de l'établissement d'Hudson. Cette pièce, précédée d'un
très-grand vestiaire, a une baignoire en conire-bas du sol; elle est doublée de
carreaux de faïence. Deux robinets, dont l'un apporte l'eau saline préalablement
chauffée, et l'autre l'eau sulfureuse à la températui'e de la source, sont fixés au-
dessus de la baignoire.
5" Alexandra Spi'ing. L'eau de la source Alexandra est exclusivement em-
ployée en boisson. Elle alimente une fontaine publique dont la construction date
de 1865. Son eau n'a pas été analysée.
Mode D'ADJihMSTPwUiOiX et doses. Le mode de l'administration et les doses des
diverses sources de Leaniingtou n'ont rien de spécial. Deux verres de 200 grammes
chacun sont ordinairement ingérés le matin à jeun et à un intervalle de vingt
minutes ou d'une demi-heure. La durée des bains et des douches avec l'eau
chauffée n'a rien de particulier, mais le temps que l'on doit rester dans l'eau cou-
rante de la piscine d'Aylesford, dont l'eau n'a que 21 '',5 centigrade, ne doit pas
dépasser le moment où les premiers frissons viennent à se produire. Cette recom-
mandation n'est pas assez observée à Leamington. Nous avons constaté plusieurs
ibis, en elfet, que l'immersion était trop prolongée pour arriver à l'effet tonique
reconstituant d'une cure hydrothérapique méthodiquement administrée.
Emploi thérapeutique. L'action physiologique des eaux sulfatées, chlorure'es
sodiques, magnésiennes et calciques de Leamington, dont la plupart sont en
même temps ferrugineuses, est très-complexe, et son étude présente des difficul-
tés presque insurmontables. Toutefois le premier effet de ces eaux est de produire
des coliques, des épreintes, des ténesmes et une ou plusieurs selles diarrhéiques.
DICT. EKC. 2" S. IL , 8
114 LEAMINGTON (eaux minérales de).
Ces phénomènes apparaissent successivement, une heure en général, après l'iu-
"estion du dernier verre. Les eaux de Leaniington déhihteut assez pour qu'on s'en
aperçoive du huitième au quinzième jour et pour que souvent on soit obligé d'en
suspendre l'usage. 11 semble, au premier abord, que la composition chimique de
ces eaux chlorurées ferrugineuses doit les rendre assez analeptiques pour qu'où
n'ait pas trop à redouter leur action déprimante occasionnée par la présence
d'un sulfate neutre. 11 n'en est rien pourtant, et il serait dangereux d'en continuer
l'emploi avec ces idées préconçues. On pourrait croire aussi que ces eaux qui sont
assez énergiquement purgatives, doivent dériver sur le tube digestif et ne pas
a"-ir en activant la circulation cérébrale. La pratique ne confirme pas ces données
élémentaires en thérapeutique, et il serait très-imprudent d'administrer ces eaux
sans surveiller avec soin la circulation générale, celle de la partie supérieure du
corps et spécialement celle de la cavité du crâne. Les eaux de ces sources excitent
aussi l'innervation à un point tel, chez quelques personnes au moins, qu'il est de
toute impossibilité d'en continuer l'emploi. Enfin, elles sont diurétiques.
En bains et en douches tièdes et chaudes, elles ne donnent lieu à aucun phéno-
mène qui ne s'observe aux autres stations minérales ; mais en bains dans la pis-
cine de natation et à l'eau courante, elles sont toniques, reconstituantes, à la
condition expresse que les baigneurs observent les précautions indiquées ci-dessus,
qu'ilsne prolongent pas trop la durée de leur séjour dans une eau qui n'a pas plus
de 25° centigrade, et la plupart du temps de 21" à 21'',5 centigrade. Un phéno-
mène qui manque bien rarement d'arriver auprès des sources sulfureuses de Lea-
niington, est la surexcitation de la circulation et de l'innervation, ce qui rend leur
application extrêmement délicate et exige une surveillance continuelle et très-
attentive.
Les eaux chlorarées et sulfatées de Leamington sont très-utilement conseillées
en boisson aux dyspeptiques et aux gastralgiques, chez lesquels on ne doit pas
craindre d'activer trop la circulation générale, et aux personnes qui soufl'rent de
congestions hépatiques. Ces eaux en boisson rendent de très-grands services
dans les accidents si fréquents chez les Anglais qui ont habité les Indes, qui sur-
viennent du côté du tube digestif ou de ses annexes. Les eaux sulfatées et chloru-
rées sodiques de Leamington doivent être conseillées à la fois en boisson, en bains
et en douches dans le lymphatisme exagéré et dans la scrofule. Sous leur influence
combinée, les malades reprennent bientôt une carnation meilleure, leurs engorge-
ments ganglionnaires diminuent ou disparaissent et leurs ulcères se détergent,
prennent un bon aspect et finissent par se cicatriser. Les engorgements périarti-
culaires, les tumeurs blanches, même d'origine strumeuse, sont très-avantageuse-
ment modifiées par les eaux chlorurées et sulfatées de Leamington en boisson en
bains, et surtout en douches en jet appliquées sur le siège du mal.
Les eaux sulfureuses de cette station minérale doivent être administrées en bois-
son et en bains contre des affections de la peau caractérisées par des sécrétions
plus ou moins abondantes (dartres humides), contre certaines manifestations
syphilitiques ; elles font supporter plus facilement enfin un traitement hydrar-
gyrique indispensable dans les accidents primitifs. 11 n'y a pas d'années où elles
ne prouvent leur efficacité dans les empoisonnements mercuriels ou saturnins,
communs dans une contrée où un grand nombre d'ouvriers travaillent les mé-
taux. L'anémie et la chlorose, les laryngites et les bronchites chroniques, les
engorgements du mésentère, la pléthore abdominale, les catarrhes vésicaux, la
goutte et la gravelle, le rhumatisme chronique et la polysarcie trouvent encore à
LE BAS. 115
Leamington un traitement parles eaux chlorurées, sulfatées et sulfureuses, qui,
plusieurs fois, a été très-utile.
Toutes les eaux des sources polymétallites fortes de Leamington sont contre-
indiquées lorsqu'on redoute de déterminer une congestion cérébrale ou de surex-
citer le système nerveux.
La durée de la cure est de quinze jours, mais certains habitants de la ville on
l'habitude de venir tous les matins boire un verre d'eau minérale de l'une des
sources de Leamington.
On n'exporte pas les eaux de cette station thermale. A. Rothreau. '
Bibliographie. — Kerr (docteur). Water of Leamington. 1784. — Johnston (docteurj .
Springs of Leamington. Birmingham 1790. — Lambe (docteur). Account of the ivafers
appared in the « Manchester Philosophical Transactions. » 1794. — Jepiison (docteur).
The water of Leamington. — Lee (Edwin). The central watering Places. — Leamingtoîi, —
p. 57-45. Londoii, 1861, in-12. A. R.
lE BAS (Jean), maître en chirurgie (1756), natif d'Orléans. 11 ne faut souvent
qu'une circonstance pour tirer un homme de l'oubli, lorsque cet homme est aidé
par de l'intelligence, du savoir et le désir de faire parler de lui. Jean Le Bas a
prouvé encore la vérité de cette maxime. Il n'était connu à Paris que comme un
bon praticien, auteur de deux ouvrages assez médiocres* Ergo cataractœ tutior
exiractio forcificum ope, Paris, 1754, in-4''; De fractura femoris thèses ana-
tomicce et chirurgicœ,Vwcis, 1764, in-4°, lorsqu'un procès mémorable le mit tout
à coup aux prises avec les médecins et chirurgiens les plus célèbres de l'époque.
Un marquis Charles de '**, épouse à 72 ans une demoiselle Pienée de *** qui
n'avait pas dépassé la Ircntième année; les époux passent quatre ans de mai'iage
sans avoir d'enfants, et au bout de ces quatre ans, le susdit bonhomme tombe
malade dans la nuit du 7 au 8 octobre 1762, d'une gangrène des membres infé-
rieurs, et meurt le 17 novembre, âgé de 76 ans. Rien d'extraordinaire jusqu'à
présent . Mais voilà que le 5 octobre 1765 — c'est-à-dire un an moins quatre
jours après la mise au ht du vieux marquis pour la maladie qui devait le
tuer, sa femme, dame Renée de *** met au monde un gros poupon, bien portant,
né à terme, et qui vécut. . . On demande si l'enfant de la marquise, né 319 jours
ou plus de dix mois et demi après là mort du marquis, peut être réputé l'enfant
légitime du bonhomme... ? Ce n'est pas dire trop que d'assurer que le procès dans
lequel cette question fut posée à la science émut davantage le faubour-^ Saint-
Germain et le quartier de l'Université que les grandes questions politiques du
jour. Ceux-ci prirent le parti des héritiers du marquis, ceux-là proclamèrent l'in-
nocence et la vertu conjugale de la marquise ; et les médecins... ne manquèrent
pas non plus de se diviser en deux camps... ! La Faculté de médecine, toujours
fidèle à Hippocrate qui fixe la grossesse la plus longue à neuf mois dix jours, dé-
clara par la voie de Bouvart, Baron jeune, Verdelhan, Poissonnier, Bellot, Borie,
Mac-Mahon, Macquart et Soher, que la grossesse légitime de la marquise était
impossible, et que par conséquent son poupon était bâtard. C'est contre cet avis
de la Faculté, c'est contre des mémoires publiés, à cette occasion, par Bouvart
(voy. ce nom) que Le Bas tailla sa plume, soutenant avec aigreur, avec empor^
tement, mais avec un talent réel de discussion, de critique et d'exposition, qu'il
était impossible de déterminer une époque invariable pour l'accouchement. La
ciuestion des naissances tardives sera traitée dans ce Dictionnaire ; mais le con-
frère qui se chargera de l'article devra nécessairement consulter et méditer les
opuscules suivants du chirurgiou Jca;i r;C Bas :
ilfl LE BOULOU (e.il'X m^néiwIles de).
I. Question importante. Peut-on déterminer un terme préfixe pour l'accouchement? Vavh,
1764, in-8, lU p. — II. Lettre cVun naturaliste de la baie de Quiberon, qui croit à la vertu
des femmes, in le supplément, etc. Paris, l'/t)5, iii-8°. — IH. Nouvelles observations sur
les naissances tardives... suivies d'une consultation de cclcbrcs médecins et chirurgiens
de Paris. Paris, 1755, in-8». — IV. Beclierchcs sur la durée de la grossesse. Paris, 1766,
in-S". — V. Lettre à M. Bouvart, docteur en médecine de la Faculté de Patns, au sujet de
sa dernière consultation sur une naissance prétendue tardive, pour servir de réponse... T. I,
Amsterdam, 17C5, in-8", etc. A. C.
LEBER (FERDmAND), lié à Vienne, en Autriche, en 1727, reçu maître en chi-
rurgie le 31 mars 1750, acquit une grande réputation dans sa ville natale ; il
était chargé de pratiquer les grandes opérations chirurgicales à la célèbre clinique
de deHaen, et, en 1761, il remplaça Jaus dans la chaire d'anatomie et de chirurgie.
Leber était premier chirurgien de l'empire d'Autriche, quand il mourut le 14 oc-
tobre 1808, laissant, entre autres ouvrages, des leçons sur les dissections, qui ont
eu longtemps en Allemagne beaucoup de succès, bien que tirées en grande parti©
des ouvrages de Winslow et de Haller.
1. Ahhandlung von der Nulzharkeit des Schierlings in der Wundarzneikunst. y\'ien, 1762,
jn-4°. — II. Vorlesungen iibcr die Zergliederungskunst . Ibicl., 1776-78, in-8°. Trad. lat.,
1778, in-8°. — III. Briefc ilber verschiedene Gegenstànde der Arzneikunst, Langensalza, 1776,
in-S». E. Bgd.
I.EBLANC (Louis), né à Pontoise, mort à Orléans à la fin du dix-huitième
siècle, a été un chirurgien distingué, et s'est surtout signalé dans l'opération des
hernies. Professeur royal de chirurgie à Orléans, chirurgien de l'Hôtel-Dieu de
celte ville, il a laissé les ouvrages suivants, sans compter plusieurs observations
insérées dans les Mémoires de l'Académie de chirurgie et dans le Journal de
médecine :
I. Discours sur l'utilité de Vanatomie. Paris, 1764, in-8». — II . Nouvelle ihéthode d'opérer
les hernies. Orléans, 1766, in-8°. — III. Piéfutation de quelciucs réflexions sur l'opération de
la hernie. ]n Mém. de VAcad. de chirurgie, 4" \'ol. — lY. Précis d'opérations de chirur-
gic. Paris, 1775, in-8% 2 vol. — V. OEuvres chirurgicales contenant imprécis d'opérations
et une méthode de traiter les hernies. Paris, 1779, in-8°, 2 vol.
La « Nouvelle méthode d'opérer les hernies » de Louis Leblanc, consistait à faire
rentrer l'intestin, après l'ouverture du sac, par simple dilatation de l'anneau in-
guinal, et sans incision de cet anneau. A. C.
liE BOULOl! (Eaux MINÉRALES de), athermales ou protothermales , bicarbo-
natées sodiques moyennes ou ferrugineuses faibles, carboniques moyennes ou
faibles. Dans le département des Pyrénées-Orientales, dans l'arrondissement de
Géret, à 8 kilomètres de la ville de ce nom, à 5 kilomètres de la frontière d'Es-
pagne, à une petite distance du village du Boulou, sur un des versants de la mon-
tagne des Alberès, émergent les quatre sources que l'on désigne par les noms de :
1" sou7xe du Boidou, 2" soiirce de Saint-Martin de Fenouilla, o" source Sor'ede,
4" source Laroque. L'eau des quatre sources du Boulou a à peu près les mêmes
caractères physiques et chimiques ; elle ne diffère que par la quantité plus ou
moins considérable de rouille qu'elle laisse déposer dans ses bassins de cap-
tage ou dans ses ruisseaux d'écoulement, et par sa température. Cette eau
est claire et transparente, sans odeur, d'un goût sensiblement ferrugineux ; elle
laisse dégager un certain nombre/le bulles qui viennent s'épanouir à sa surface.
La température de la source du Boulou est de 17", 5 cenligrade, celle de la source
de Saint-Wartin de Fenouilla de 16",25 centigrade, celle de la source Sorède de
20°, 8 centigrade et celle de la source Laroque de IS^jC centigrade. La source de
Saint-Martin de Fenouilla est celle dont le débit est le plus considérable ; la source
LE BOULOU (eaux minérales de). iH
àa Boulou, dont le point d'émergence est à 200 mètres de la source de Saint-
Martin de Fenouilla, a ensuite le rendement le plus important. La source Sorède
a son griffon dans le lit même de la petite rivière dont elle porte le nom ; les filets
de la source Laroque suintent par les interstices du rocher, le plus gros sort par
un point que l'on appelle le font d'Aram.
Anglada a fait l'analyse chimique de l'eau des quatre sources du Boulou. Cet
auteur a trouvé dans 1,000 gramm.es de chacune de ces eaux les principes sui-
vants :
SOURCE
soi'P.CE sai.nt-jiautin source source
BU BOULOU. DE SOfiÈDE. LA KO QUE.
FENOUILLA,
Carbonate de soude 2,«1. . . . 2,787. . . . 0,053. . . . 0,008
_ chaux 0,7.il. . . . 0,4i8. . . . 0,607. . . . 0,156
— magnésie. . . . 0,215. . . . 0,159. . . . 0,059. . . . 0,057
— fer 0,032. . . . 0,030. . . , 0,050. . . . 0,030
— manganèse ... » . . . . » . . . . traces. ... »
Sulfate de soude traces. . . . 0,019. . . . 0,026. . . . 0,051
Sel de potasse » . . . . traces. ... » . . . . »
Chlorure de sodium 0,852. . . . 0,324. , . . 0,022. . . . 0,020
Silice 0,134. . . . 0,106. . . . 0,101. . . . 0,066
Alumine » . . . . » . . . . 0,003. ... »
Matière organique indéterminé. 0,022. . . . 0,021. . . . 0,003
Perte » . . . . 0,104. . . . 0,025. . . . 0,012
Total des matières fixes. 4,405. . . . 4,019. . . . 0,967. . . . 0,505
Gaz acide carbonique libre. . 0"',611 . . . 0"',7oO. . quant, indét. quant, indét.
Emploi thérapeutique. Les eaux des quatre sources du Boulou sont employées
en boisson seulement et fréquentées par un nombre de malades assez grand pour
qu'il soit étonnant de ne pas trouver au Boulou un établissement pourvu de
moyens balnéothérapiques complets. La composition élémentaire des deux sources
du Boulou et de Saint-Martin de Fenouilla qui contiennent de 2 à 5 grammes de
bicarbonate de soude et de 3 à 5 centigrammes de bicarbonate de fer par litre
d'eau, et celle des sources Sorède dont la minéralisation active est exclusivement
le fer, appelle l'attention sur elles d'une manière toute spéciale, et nous croyons
qu'un jour Le Boulou deviendra une station minérale importante. Sa position
géographique dans un pays très-riche en eaux thermales sulfurées, mais relative-
ment pauvre eu eaux alcahnes_ pures, expliquera les dépenses que l'on fera pro-
bablement pour l'installation et l'aménagement régulier des sources du Boulou.
Les eaux des sources du Boulou sont prises le matin à jeun, de quart d'heure
en quart d'heure, et à la dose de quatre à huit et dix verres. Leur action physio-
logique la plus marquée est la diurèse et l'augmentation de l'appétit et des forces.
Les personnes qui souffrent de maladies anciennes de l'estomac, du foie ou des
reins, doivent visiter les sources du Boulou et de Saint-Martin de Fenouilla ; celles
qui n'attendent des eaux qu'un effet tonique, reconstituant et analeptique, comme
les convalescents, les anémiques et leschloroliques, font mieux d'aller boire aux
sources de Sorède ou de Laroque, et préférablement à la première qui tient en
dissolution 57 milhgrammes de bicarbonate de fer. Ces deux dernières sources
sont assurément précieuses, mais les deux premières sont celles qui méritent
surtout une mention spéciale. L'eau des sources du Boulou et de Saint-Martin do
Fenouilla est assez chargée de bicarbonates basiques pour être très -efficace, et
elle contient assez de fer pour corriger, au besoin, l'efiet débilitant et fluidifiant
du sel alcalin sur l'économie et sur le sang de sujets fortement épuisés déjà.
Dicrée de la cure, de 25 à 30 jours.
On n'exporte pas les eaux du Boulou. A. I\oTunF.\u.
118 LE CAIRE.
L,EBRETOi^ (Jacques-Alexar'dre-Exupère), naquit en 1784 à Paris, où son
père s'était lait, connue accoucheur, une très-brillante position. Se destinant à la
même spécialité, Lebreton dirigea très-sérieusement ses études de ce côté, et en
fit le sujet de sa dissertation inaugurale. Les succès de sa pratique, l'instruction
dont il avait fait preuve dans quelques publications, lui avaient ouvert les portes
de l'Académie de médecine. Lebreton est mort subitement le 18 avril 1849, à
deux heures du matin, au moment où il rentrait chezlui, après avoir terminé un
accouchement.
On a de lui :
I. Observ. et réflex. sur l'emploi du forceps. Th. de Paris, 1810, n° 53. — II. Oh&. sur
une iJrétendue phthisie laryngée et recherches anatomiques, etc. In Joiirn. univ. des se.
méd., t. XII, p. 241 ; 1818. — III. Recherches sur les causes et le traitement de plusieui^s
maladies des nouveau-nés. Paris, 1819, in-8°. Ti'aduct. allem., Leipzig-, 1820,111-8°. —
IV. Tableaux optomatigues des accouchements. Pains, 1821, in-fol., pi. 5. E. Bgd.
LE CAIRE (Station hivernale), en arabe Misr-el-Gâhirah, qui veut dire le
Yictorieux, est la capitale de l'Egypte, située dans la basse Egypte, sur la rive
droite du Nil, au pied du mont Mokattam. C'est une ville d'environ 560,000 ha-
bitants, remarquable par ses belles places, sa forte citadelle, ses palais, ses mos-
quées, ses bains, ses aqueducs, ses canaux, ses citernes, ses bazars, ses caravan-
sérails, ses jardins et ses cimetières. On cite parmi ses curiosités le puits de Joseph
qui a 90 mètres de profondeur, dont la rampe en spirale permet aux bêtes de
somme de descendre jusqu'à son fond. Le Caire a deux parties distinctes : le nou-
veau Caire dont nous venons de parler et le vieux Caire [Fostatt des Arabes), à
2 kilomètres sud-ouest de la ville actuelle, qui fut d'abord la capitale de l'Egypte
et qui n'est plus aujourd'hui qu'un des faubourgs (chemin de fer de Paris à
Marseille, bateau à vapeur de Marseille à Alexandrie, chemin de Ter d'Alexandrie
au Caire) .
Le Caire est abrité des vents de l'ouest et de l'est par le Mokattam sur la pente
occidentale duquel est bâtie la ville, distante de 1 ,800 mètres seulement des eaux
du Nil. Ce terrain est occupé par des massifs de beaux palmiers et par de vastes
avenues plantées d'acacias et de sycomores. Les plaines sablonneuses et incultes
qui séparent le nouveau Caire de l'ancien se trouvent au sud-ouest de la ville
nouvelle. Les prairies qui unissent Le Caire aux campagnes fertiles du Delta bornent
le Caire au nord.
Le climat du Caire serait intéressant à étudier aux diverses époques de l'année;
nous devons nous contenter d'indiquer, pour être fidèle à notre titre, ses particu-
larités pendant les mois de la saison hivernale. L'automne dure au Caire jusqu'au
milieu de décembre et le printemps commence dès le miheu du mois de février.
C'est ordinairement pendant la première quinzaine de janvier que l'on passe les
plus mauvais jours de l'année et pourtant le thermomètre descend rarement à
-f-2" ou 5"^ centigrade. La température moyenne est de 5° centigrade à huit heures
du matin et de 14° centigrade à midi, et de 4°,5 centigrade à six heures du soir.
Les nuits sont ordinairement très-fraîches et surtout très-humides. Les malades
européens ne peuvent trop s-e garantir contre l'abaissement de la température du
matin et du soir, ou mieux ne sortir qu'entre dix heures du inatin et deux heures
de l'après-midi pendant la saison hivernale. Le vent d'est est presque exclusif au
Caire pendant les mois de janvier et de février, il dure de dix heures du matin au
coucher du soleil, et c'est contre sa fraîcheur, quelquefois assez piquante, que les
promeneurs doivent surtout se prémunir. Lorsque le vent d'est est violent, il rend
LÉCâNORE. '119
les sorties impossibles à cause des nuages de poussière qu'il soulève et qu'il fait
pénétrer dans les appartements les mieux clos. Sa durée à ce degré d'intensité est
heureusement très-courte au Caire, elle ne dépasse pas six à huit jours par an, en
général. Les vents du nord-est, du nord et de l'ouest soufflent quelquefois, mais
n'existent jamais assez longtemps pour être dangereux. Le kamsin (cinquante), ou
vent du midi, ne se fait sentir au Caire qu'après la mi-février, c'est-à-dire, après le
retour du printemps ; aussi n'est-il redoutable que pour ceux qui sont obligés de
séjourner au Caire après l'époque où les hivernants se sont habituellement retirés.
Le kamsin devance cependant quelquefois son époque, et alors les malades doi-
vent éviter avec le plus erand soin son influence fâcheuse. Pendant sa durée, qui
est en moyenne de onze jours par an, un peu avant et un peu après Pâques, le ciel
devient obscur, le soleil se voile, et l'on ne distingue sa lumière qu'à travers une
couche épaisse d'une poussière fine et noirâtre oppressant la poitrine et latigant
même les babitants du pays. La rosée est très-abondante au Caire en toute saison
et quel que soit le vent qui souffie. Le rayonnement de la terre commence dès que
le soleil approche de l'horizon. La condensation de la vapeur occasionne souvent
des brouillards qui ne se dissipent qu'entre neuf heures et dix heures du matin,
lorsque le soleil est déjà assez cbaud pour réduire les vésicules aqueuses en va-
peurs invisibles.
Les phthisiquesqui n'ont pas un système nerveux très-irritable, les lympha-
tiques, les scrofuleux mêmes, les anémiques et les chlorotiques, les catarrheux,
les rhumatisants et les asthmatiques, sont les malades qui se trouvent le mieux
d'un séjour d'biver au Caire. Mais il finit se garder d'y envoyer les Européens cbez
lesquels l'excitabilité et trop grande et l'innervation trop accentuée.. Ceux qui
souffrent de l'un des points des voies aériennes ne doivent pas quitter leur appar-
tement avant que le soleil n'ait réchauffé et purifié l'atmosphère, et garder la
chambre, et même le ht, pendant les quelques jours que soufflent les vents et
que tourbillonne la poussière. Il ne doit pas en être de même des enfants lympha-
tiques, scrofuleux, anémiques ou chlorotiques auxquels convient un air agité, sec,
et, par conséquent, tonique. Les rhumatisants ont à éviter, comme les poitrinaires,
les catarrheux et les asthmatiques, les promenades du matin et du soir pendant
les jours où la température varie de J5 à 20° centigrade en quelques heures, oii
les plantes sont couvertes de rosée, et o\i le brouillard obscurcit un ciel ordinai-
rement sans nuages. A. Rotureau.
Bibliographie. — Malte-Brun. Précis de géographie universelle, t. IV, p. 488. — Cortem-
BERT. Géographie universelle, t. \'III, p. 52i. — Destolxhes. Observations mctcorologiques
mr le climat du Caire en 1855, 1836, 1837, 1838, 1839. — Vv^vt^-ev.. Topographie médicale
du Caire. W\mc\\e\-\, 1847, p. 28. — Reyer (A.). De V influence du climat d'Egypte sur les
tubercules jjulmonaires. In Gazette hebdoni. de médecine et chir., 14 novembre 1850. —
JoAXNE et IsAjiBERT. Itinéraire en Egypte, p. 907. — Lauhe (J.). L'eau d'Allevard et les sta-
tions d'hiver au jwint de vue des maladies des poumons. Paris, 1869, in-8°, p. 108-109. —
GiGOT-SuAiiD (L.). Bes climats sous le rapport hygiénique et médical, etc. Paris, 1862, in-12,
p. 421-159. — Lambron (Ernest) . Les Pyrénées et les eaux thermales sulfurées de Bagnères-
de-Lucho7i... indications générales pour le choix d'une station d'hiver. Paris, 1804, in-12,
t. II, p. 1036-1041. A. R.
LE CAIXET. {Voij. Cannes).
.. LE€Al!VORJl (Foy. Lecanore.)
LÉCii.NORE. Genre de Lichen appartenant à la tribu des Lécanorés, lapins
nombreuse en genres et en espèces dans la classification de M. Nylander. Le nom
420 LÉCANORE.
de Lecanora a été appliqué par Acharius à un certain nombre de Lichens à thalle
crustacé {voy . Lichens) rangés plus tard, par Sprengel {Syst. vegetabiL), dans le
genre Parmelia {voy. Parmélie) et, par de CandoUe, dans le genre Patellaire
{FI. franc., t. II). Les Lécanores ont un thalle crustacé de couleur variée, tantôt
déterminé et marginé d'une teinte plus foncée, tantôt diffus. Les apothécies sont
sessdes à teinte pâle, jaunâtre, brunes ou noirâtres à bord épais formé par le
tlialle. Les thèques renferment de4 à 8 spores et même plus, moyennes, ovoïdes
ou ovales et ovales allongées quelquefois cloisonnées. Les spermogonies sont en-
foncées dans le thalle, leur ouverture est à peine visible dans le L. Parella Ach.
Chez d'autres espèces, les spermogonies sont soulevées et émergent sous forme de
petits tubercules noirs. Les spermaties ont la forme d'aiguilles droites ou courbes.
On trouye les Lécanores sur les écorces lisses ou rugueuses d'un grand nombre
d'arbres, sur le bois, la terre, les rochers, les schistes. C'est un des genres de Li-
chen les plus répandus, et quelques espèces (L. subfusca Ach., L. atra Ach )
se rencontrent presque partout sur des points du globe les plus éloignés entre
eux.
Les Lécanores fournissent des espèces comestibles et des produits tinctoriaux,
entre autres le tournesol si employé comme réactif des acides et des alcalis.
ija Parelle d'Auvergne qui sert à fabriquer le tournesol se compose en partie
de l'espèce appelée L. Parella Ach. et de diverses espèces appartenant aux
genres Isidium, Endocarpon, Ujnbilicaria, Variolaria en particulier, du Vario-
laria orcina, espèces qui, pour la plupart, ne paraissent pas être des Lichens
autonomes, mais des individus qui, par suite d'une anamorphose bien connue
chez les Lichens, se sont désagrégés et appartiennent à d'autres espèces connues.
{Voy. Lichen.) Je renvoie donc à l'article Parelle la description des espèces qui
concourent à former le produit vendu sous le nom de Parelle ou Orseille de terre.
Parmi les espèces tinctoriales on connaît encore le Lecanora tartarea Ach.;
il présente l'aspect d'une croûte irrégulière grenue, verruqueuse, blanchâtre,
fendillée, s'effleurissant en une poussière blanche. Les apothécies sont éparses,
sessiles, irréguUères à disque plan, roux foncé, abords épais blancs et calleux.
Les Suédois retirent une couleur brune {Boeltelet) de cette espèce très-abondante
sur les rochers de leur pays et qui se trouve aussi en France dans les montagnes
des Vosges et des Pyrénées. Le L. tinctoria Fée présente un thalle diffus,
granuleux, rouge, rugueux ; les apothécies éparses sont inégales, à marge an-
nuUaire peu renflée, à disque concave brunâtre. Cette espèce abonde sur
l'écorce des ai^bros au Brésil, elle est remarquable par sa couleur de cinabre,
on en retire une laque violette magnifique. M. Fée suppose que c'est la plante
analysée sous le nom de cochenille végétale par Vauquelin. {Ann. du Muséum,
t. VI, p. 145.)
Les Lécanores comestibles, qui ont fait l'objet d'un très-grand nombre d'écrits,
sont connus depuis les voyages de Pallas, qui décrivit, sous le nom de Lichen
esculentus, des petits corps de la grosseur d'une noisette, trouvés à terre mais
sans adhérence avec le sol dans les steppes de la Russie méridionale. Ces petits
corps présentaient les caractères d'un thalle de Lichen roulé sur lui-même, crus-
tacé, épais, coriace, blanc à l'intérieur, rugueux et de couleur gris cendré à
l'extérieur. De rares apothécies concaves étaient enfouies dans l'intérieur ou
émergeaient comme de petites verrues. Le professeur Eversmann reconnut
trois espèces et des variétés de coideur gris verdàtre ou ferrugineuse; il donna
à ces espèces les noms de Lecanora escvlentn, L. afftnis et L. fruticulosa.
LE CAT, 121
Cette dernière diffère surtout des autres par son thalle à ramifications intri-
quées. Les travaux 'subséquents ont confirmé les olDservations d'Eversmann et
ont conservé au Lichen de Pallas sa place parmi les Lécanores. Ces Lécanores se
répandent à certains moments sur le sol, où on les trouve mêlées au Nos toc
commun. {Voy. Nostoc.) Le voyageur Parrot rapporte qu'au commencement
■ de 1828 une véritable pluie de L. esculenta Evers. couvrit la terre dans
plusieurs localités de la Perse d'une couche de 15 à 20 centimètres. Les
]iabilant5 en nourrissaient leurs bestiaux et en consommaient eux-mêmes. En
1845, on a eu connaissance d'une plaie semblable tombée dans le district de
Jenischehir, qui joncha le sol d'une couche de 10 à 15 centimètres. Un peuplas
tard on reconnut des Lécanores comestibles en grande quantité dans les environs
d'Alger, oii on les utilisait. D'après les observations recueiUies on a pu ainsi con-
stater que, dans plusieurs des contrées qui s'étendent depuis Alger jusqu'en Tar-
tarie, les Lécanores comestibles sont consommés soit par les animaux, soit par
hommes qni en font une sorte de pain ou le mélangent à d'autres farines. C'est à
la fécule contenue dans son thalle que ce Lichen doit ses propriétés ahmentaires,
mais au dire de Lindley les moutons qui en sont nourris ne prospèrent pas. On
attribue ce résultat à la grande quantité d'oxalate de chaux que contiennent ces
Lécanores, quantité qui s'élèverait après de 66 pour 100 d'après les analyses de
M. Gobel. L'origine des Lécanores comestibles a vivement piqué la curiosité des
naturalistes. M. Léveillé a supposé qu'avant de retomber à l'état de manne les
thalles avaient été arrachés de la roche sur laquelle ils se développent, par les
vents, qui les répandent ensuite dans diverses localités. Cette opinion, générale-
ment admise, est confirmée par les dernières observations de M. de Krempelhu-
ber, qui a vu des échantillons adhérents à des fragments calcaires provenant du
Taurus, il a donné aux Lécanores comestibles le nom spécifique de L. desertoruni.
J. DE Seynes.
BiBLioGHAriiiE. — Voyages de Pallas en différentes provinces de l'empire de Patssie, tra-
duits par G. de la Peyronie, t. V, p. 510, pi. "21 . Paris, 1793. — Eduardi EvEnsjiANXi in Lichenem
esculenlum Pallasii adverKaria, 1825. — Mkrat et Df.lens. Supplément du dlctionn. iinivers.
de mat. médic., p. 428. Paris, 18iG. — Wright. On Lichen esculcntus. In American journal
of Science, p. 267; 18 i7. — Reisseck. Ueher die Isalur des kiirzUch in Klcin-Asicn vom
lliininel gefatlenen Manna. InBericlit. Mittheil. von Frcunden der Naturioiss., vol. I, p.195-
201. Vienne, 1847. — Hampe. Uebcr Lichen esculentus Pall. Bot. Zeitung, p. 889; 1848. —
Behkei-ey. On Lichen esculentus, gardeners chronicle, p. Gll ; 1849. — Walpers. Notiz iiher
Lichen esculentus Pall. Bot. Zeitung, p. 317; 1851. — Iinoley. On JÂchen esculentus. \n
Ycrjetahle kingdom, p. 50; 1853. — Léveillé. In Bot. voyage de Demidoff dans la Russie
mcridionale, p. 159; 1802. — IIai.xdinger. Ueber einen Maunaregen bei Karpid in lilein-
Asien im Mon l80i. Kaiserl. Ahad. dcr Wissensch. Matkem. natiirw. Ktasse, 1 vol. 18ôi.
— YisiAM. Ptelazioni di %tna nuova specie di manna cadutta in Mesopotamia nel Marzo
passato. Atti del imp. reg. Institut. Venelo, t. X, 3" sér. Venise, 1804-03. — Krempelhuder.
LieJicn esculentus Pall. urspriinglich eine steinbcwoJmende Fléchie Verhandl. der k. zool.
bot.Gesellschafl inWien, p. 599. Vienne, 1887. J. i>e S.
LE CAT (Gr-A'JDE-N icoLAs) . L'une des personnalités chirurgicales les plus sin-
g.dières et les plus remarquables du dix-huilième siècle : vif, entreprenant, osé,
d'une activité prodigieuse, ayant cultivé tous les genres de littérature et de philo-
sophie, inventeur d'instruments, s'étant occupé d'architecture militaire, ayant
touché à toutes les sciences d'une manière plus ou moins heureuse, mais, après
tout, médiocre dans ce qu'il entreprenait, remplissant les journaux de ses faits et
gestes, cherchant le bruit, la réclame, et ne parvenant pas, de son temps, à ac-
quérir la vraie célébrité .. Voilà, en quelques mots, Le Cat, auquel les biographes
^22 LECHEGUANA.
accordent une certaine place, parce qu'il a beaucoup écrit et qu'il a frappé à
toutes les portes.
Le Cat naquit à Blérancourt (Oise), le 6 septembre 1700, et mourut à Rouen,
le 10 août 1768. Nous ne le suivrons pas dans sa carrière agitée et presque vaga-
bonde ; nous dirons seulement que docteur en médecine de Reims (1752), il de-
vint successivement chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu de Rouen, lithotomiste pen-
sionné de la même ville, professeur d'anatomie et de chirurgie, correspondant de
l'Académie des sciences, membre des Académies de Londres, Madrid, Porto, Ber-
lin, chirurgien de M. de Tressan, archevêque de Rouen, organisateur et secré-
taire de l'Académie royale des sciences de Rouen, membre de l'Académie de chi-
rurgie fondée par La Peyronie, etc. Telle était l'ardeur de ce chirurgien à
emboucher à son profit la trompette de la renommée, qu'il ne craignait pas de
courir les villes de France, et de s'y faire annoncer à l'avance. J'ai vu une afliche
datée du 16 mai 1755, et par laquelle les baillis des quatre seigneurs haut-jusli-
ciers représentant la chritellenie de Lille, apprenaient à tous les habitants de
cette ville «que M. Le Cat, chirurgien en chef de l'hôpital de Rouen, doit arriver
à Lille dans les premiers jours de juin, pour y faire des opérations à quelques
personnes, y opérer la cataracte, le bec-de-lièvre, l'extirpation du cancer, et toutes
autres opérations de chirurgie, à l'exception de la taille, aux personnes pauvres
et aisées. » Les susceptibilités chirurgicales de l'époque furent vivement éveillées
par cette affiche ; la Société royale de chirurgie s'en émut, et Le Cat fut obligé de
donner des explications qui ne convainquirent personne.
Au reste, malgré ses excentricités, on ne peut refuser à ce chirui'gien une grande
habileté opérative, d'ingénieuses ressources dans les cas graves et un esprit in-
ventif. Ce fut lui qui eu 1755 proposa l'emploi de trois instruments pour extraire
les calculs de la vessie : Vuréthrotome, le cijstitome et le gorgeret-cystitome.
L opération de la fistule lacrymale lui doit l'incision du sac eu dedans de la pau-
pière inférieure. Tous les prix proposés par l'Académie de chirurgie, de 1752 à
1758, furent gagnés par lui. Ce fut au poimt que le secrétaire de cette compagnie
savante demanda que Le Cat tût dorénavant exclu du concours, et qu'un can-
didat aussi formidable se reposât sur ses lauriers. On a de Le Cat :
I. Dissertation jihysique sur le balancement ci un arc-bontant de l'église de Saint-Nicaise
de Reims. Reims, 1724, in-12. — II. Éloge du P. J.-B. Ilercastol, de l'Oratoire, professeur
de mathématiques . {Mercure de France, now. il7)i.] — III. Dissertation sur le dissolvant
de la pierre, et en particulier sur celui de M"^ Stephens. Rouen, 1759, in-12. — IV. Traité
des sens. Rouen, 1740, in-8°. — V. Remarques sur les mémoires de l'Académie de chirtcrgie.
Amsterd., 1745, in-12. — VI. Lettres concernant l'opération de la taille piratiquce sur les
deux sexes. Rouen, 1749, in-12. —VII. Recueil des pièces sur l'opération de la taille
Rouen, 1749-53, in-8\ — VIII. Lettre sur laprétendue cité de Limnies. {BIcm. de Trévoux,
avril ilh2.) —11. Éloge de Fontenellc. ÏXonen, 1759, in-8°. — X. Traité de V existence de
la nature du fluide des nerfs, et son action dans le inouvement musculaire. Berlin, 1765,
in-8°. — XI. Traité de la couleur de la peau humaine en génércd, et de celle des nègres
en particulier. Amsterd. (Rouen), 1765, in-8. — XII. Lettre sur l'ambi d'Hippocrate
perfectionné {Journ. des savants, déc. 1705 et mars 1767). — XIII. Nouveau système sur la
cause de l'cvacuatio7i périodique du sexe. Amsterd. (Rouen), 1700, in-8°. — XIV. Lettre sur
les avantages de la réunion des titres de docteur en médecine avec celui de maître en
chirurgie. Amsterd., 17C6, iii-8°. — XV. Trente des sensations et des passions en général,
et des sens en particulier, Paris, 1766, in-8°.— XVI. Parcdlèlc de la taille latérale.
Amsterd., 1766, in-^'. — im. Cours abrégé d'osléologie. Rouen, 1768, in-8°.
A. G.
LECHEGVAIVA. On connaît sous ce nom au Brésil une espèce de guêpe,
vivant en société, et dont le miel a causé quelquefois des accidents graves. Cet
LECIIEGUANA. 125
insecte hyméiioptère, placé d'abord dans le genre Polistes par Auguste de Saint-
Hilaire etLatreille, puis dans le genre Chartergus par E. Blanchard, appartient
défiiùtivement au genre Nectarinia de Schuckard dans lequel H. de Saussure 1 a
décrit et figuré sous le nom de Nectarinia Lecheguana {Monographie des guêpes
sociales, p, 252, pi. xxxiv, tig. 5).
LaiV. Lecheguana a 8 à 10 millimètres de longueur et 19 millimètres d'en-
vergure. Le corps est noir, la tète, le thorax et les pattes sont entièrement de
cetto couleur, sans taches ; les anneaux de rahdon)en sont tous bordés de jaune,
l'anus est jaune; les ailes d'une teinte ferrugineuse, enfumée à l'extrémité. Tout
l'insecte est couvert d'un duvet gris, soyeux. Corselet fortement ponctué ; méta-
thorax bidenté ; abdomen finement ponctué. Cette description faite par H. de
Saussure sur les individus rapportés du Brésil par A. de Saint-Hilaire (Muséum
de Paris), concerne les ouvrières des nids ; la femelle est plus robuste et un peu
plus grande. H. de Saussure a remarqué, du reste, que A. de Saint-Hilaire avait
trouvé au Brésil les Nectarinia analis, Lecheguana et Augusti, et que Latreille
paraissait avoir confondu ces espèces, dont les mœurs doivent être analogues.
Yoici le très-intéressant récit qu'Auguste de Saint-Hilaire nous a laissé de
l'accident dont il faillit être victime, ainsi que deux hommes qui l'accompagnaient
dans l'intérieur du Brésil. Après avoir parcouru les bords du Rio de la Plata, il
avait côtoyé l'Uruguay et se trouvait campé auprès du ruisseau de Santa-Anna.
Un jour, accompagné de deux de ses gens, il parcourut le pays , et au bout de
quelques heures, ramenés tous trois par la faim au lieu de halte, ils se rassa-
sièrent avec leurs aliments ordinaires; mais les deux domestiques allèrent détruire
un guêpier suspendu à environ 1 pied de terre à l'une des branches d'un petit
arbrisseau ; il avait une forme à peu près ovale, la grosseur de la tête, une cou-
leur grise et une consistance cartacée comme les guêpiers d'Europe. Ils détrui-
sirent ce guêpier pour en sucer le miel.
« Nous en goûtâmes tous les trois, dit A. de Saint-Hilaire. Je fus celui qui en
eu mangeai le plus, et je ne puis guère évaluer ce que j'en ai pris qu'à deux
cuillerées. Je trouvai ce miel d'une douceur agréable et absolument exempt de ce
goût pharmaceutique qu'a si souvent celui de nos abeilles. Cependant après en
avoir mangé, j'éprouvai mie forte douleur d'estomac, plus incommode que vive;
je me couchai sur ma charrette et je m'endormis. Pendant mon sommeil, les ob-
jets qui me sont les plus cliers se présentèrent à mon imagination et je m'éveillai
profondément attendri. Je me levai , mais me sentis d'une telle faiblesse, qu'il
me fut impossible de faire plus de cinquante ^as ; je retournai sous ma charrette ;
je m'étendis sur le gazon et me sentis presque aussitôt le visage baigné de larmes,
que j'attribuai à un attendrissement causé par le songe que je venais d'avoir.
Rougissant de ma faiblesse, je me mis à sourire ; mais, malgré moi, ce rire se
prolongea et devint convulsif; cependant, j'eus encore la force de donner quel-
ques ordres, et dans l'intervalle, arriva mon chasseur, l'un des deux Brésiliens
qui avaient partagé avec moi le miel dont je commençais à sentir les funestes
effets.
« José Mariano, c'est ainsi qu'il s'appelait, s'approcha de moi et me dit d'un air
gai et pourtant un peu égaré, que depuis une heure il errait dans la campagne
sans savoir où il allait. Il s'assit sous ma charrette et il m'engagea à prendre place
à côté de lui. J'eus beaucoup de peine à me traîner jusque-là, et me sentant
d'une faiblesse extrême, j'appuyai ma tête sur son épaule.
« Ce fut alors que commença pour moi l'agonie la plus cruelle. Un nuage épais
124 LECIIEGUANA.
obscurcit mes yeux et je ne distinguai plus que les traits de mes gens et l'azur
du cieltraversé par quelques vapeui's légères. Je ne ressentis point de grandes
douleurs, mais j'étais tombé dans le dernier affaiblissement. Le vinaigre concen-
tré que mes gens me faisaient respirer et dont ils me frottaient le visage et les
tempes me saisissait à peine, et j'éprouvais toutes les angoisses de la mort. Ce-
pendant j'ai parfaitement conservé la mémoire de tout ce que j'ai dit et entendu
dans ces tnoments douloureux, et le récit qie m'en a fait depuis un jeune Fran-
çais qui m'accompagnait alors s'est trouvé parfaitement d'accord avec mes sou-
venirs.
« J'éprouvais un désir ardent de parler dans ma langue au Français qui me pro-
diguait ses soins , mais il m'était impossible de retrouver dans ma mémoire un
seul mot qui ne fût pas portugais, et je ne saurais rendre l'espèce de honte et de
contrariété que me causait ce défaut de mémoire.
(( Lorsque je commençai à tomber dans cet état singulier, j'essayai de prendre
de l'eau et du vinaigre ; mais n'en ayant obtenu aucun soulagement, je demandai
de Leau tiède. Je m'aperçus que toutes les fois que j'en avalais, le nuage qui me
couvrait les yeux s'élevait pour quelques instants , et je me mis à boire de l'eau
tiède à longs traits, et presque sans interruption. Sans cesse je demandais un
vomitif au jeune Français, mais comme il était troublé par tout ce qui se passait
autour de lui, il lui fut impossible d'en trouver un. Il cberchait dans la char-
rette, j'étais assis dessous et par conséquent je ne pouvais l'apercevoir; cepen-
dant il me semblait qu'il était sous mes yeux et je lui reprochais sa lenteur.
C'est la seule erreur dans laquelle je sois tombé pendant cette cruelle agonie.
« Sur ces entrefaites le chasseur se leva sans que je m'en aperçusse, mais bientôt
mes oreilles furent frappées des cris affreux qu'il poussait. Dans cet instant je
me trouvais un peu mieux, et aucun des mouvements de cet homme ne m'é-
chappa. Il déchira ses vêtements avec fureur, les jeta loin de lui, prit un fusil et
le fit partir. On lui arracha son arme des mains, et alors il se mit à courir dans la
campagne appelant la Vierge à son secours et criant avec force que tout était eti
feu autour de lui, qu'on nous abandonnait tous les deux, et qu'on allait laisser
brfder nos malles et la charrette. Un pion guarani, qui faisait partie de ma suite,
ayant essayé inutilement de retenir cet homme , fut saisi de frayeur et prit la
fuite.
« Jusqu'alors je n'avais cessé de recevoir les soins du soldat qui avait partagé
avec moi et mon chasseur le miel qui nous avait été si funeste ; mais lui-même
avait commencé par être fort malade : cependant comme il avait vomi très-
promplement et qu'il était d'un tempérament robuste, il avait bientôt repris des
forces ; il s'en fallait pourtant qu'il fût entièrement rétabli. J'ai su depuis que
pendant qu'il me soignait, sa figure était effrayante et d'une pâleur extrême. Je
vais, dit-il, tout à coup donner avis de ce qui se passe à la garde du Guaray. I
monte à cheval et se met à galoper dans la campagne, mais bientôt le jeune Fran-
çais le vie tomber : il se releva , galopa une seconde fois , tomba encore, et quel-
ques heures après mes gens le trouvèrent profondément endormi dans l'endroit
où il s'était laissé tomber.
« Cependant l'eau chaude dont j'avais bu une quantité pr-odigieuse finit par
produire l'effet que j'avais espéré, et je vomis avec beaucoup de liquide une
partie des aliments et du miel que j'avais pris le matin. Je commençai alors à me
sentir soulagé ; un engourdissement assez pénible que j'éprouvai dans les doigts
ut de courte durée. Je distinguai ma charrette, les pâturages et les arbres voi-
LECIIEGUANA. 125
sius ; le nuage qui avait auparavant cache ces objets à mes yeux ne m'en dérobait
plus que la partie supérieure ; et si quelquefois il s'abaissait encore, ce n'était que
pour quelques instants. Quoi qu'il en soit, l'état de José Mariano continuait à
me donner de vives inquiétudes et j'étais également tourmenté par la crainte de
ne jamais recouvrer moi-même l'entier usage de mes forces et de mes focultés
intellectuelles ; un second vomissement commença à dissiper mes craintes et me
procura un nouveau soulagement ; j'eus moins de peine encore à distinguer les
objets dont j'étais entouré ; je commençai à parler à mon gré le portugais et ma
langue maternelle ; mes idées devinrent plus suivies et j'indiquai clairement au
jeune Français oîi il pourrait trouver un vomitif. Quand il me l'eut apporté, je le
divisai en trois portions, et je vomis avec des torrents d'eau le reste des aliments
que j'avais pris le matin. Jusqu'au moment où je rendis la troisième portion du
vomitif, j'avais trouvé une sorte de plaisir à avaler de l'eau chaude à longs traits ;
alors elle commença à me causer de la répugnance et je cessai d'en boire ; le nuage
disparut entièrement, je pris quelques tasses de thé ; je fis une courte promenade,
et, aux forces près, je me trouvai dans mon état naturel.
« A peu près dans le même moment , la raison revint tout à coup à José Ma-
riano, sans qu'il eût éprouvé aucun vomissement.
« Il pouvait être dix heures du matin, lorsque nous goûtâmes tous les trois
le miel qui nous avait fait tant de mal, et le soleil se couchait lorsque nous nous
trouvâmes parfaitement rétablis. Le soldat en avait présenté au pion guarani ;
mais celui-ci, qui en connaissait la qualité délétère, avait refusé d'en prendre.
Le Brésilien avait ri de sa crainte, il n'avait pas même cru devoir m'en faire
part. »
Le lendemain un Indien botocude qui accompagnait A. de Saint-Hilaire et deux
hommes de sa suite, mangèrent du miel d'un autre guêpier de Lecheguana sans
en éprouver la moindre incommodité. Les Portugais, les Guaranis et les Espao-nols
que le célèbre voyageur interrogea quelques jours après dans la province des
Missions lui dirent que l'on distinguait dans ce pays deux espèces de Lecheguana:
l'une qui donne du miel blanc, et l'autre qui donne du miel rougeàtre. Ilsajou-
èrent que le miel de la première ne faisait jamais de mal ; que celui de la se-
conde n'en faisait pas toujours, mais que quand il en faisait, il occasionnait une
sorte d'ivresse ou de délire, dont on ne se déhvrait que par des vomissements, et
qui allait quelquefois jusqu'à donner la mort. On lui dit aussi que l'on connais-
sait parfaitement la plante sur laquelle la guêpe Lecheguana va récolter son miel
empoisonné, mais comme on ne la lui montra pas , il se trouva réduit cà former
de simples conjectures.
De nouvelles recherches ont conduit Auguste de Saint-Hilaire à penser que
cette plante est le Vaullinia australis.
Le miel de la N. Lecheguana du nouveau monde n'est pas le seul qui ait
causé des accidents, j'en rapporterai d'autres exemples au mot Goêpe, pour les
espèces de l'ancien monde. Un a pu voir d'ailleurs que le mot de Lecheguana
ou de Chiguana, dont se sert d'Azara, pour indiquer les guêpes melliières, a un
sens étendu et se rapporte à diverses espèces. Le fait important de A de Saint-
Hdaire établit la nocivité possible du miel que produit l'espèce rigoureusement
déterminée que j'ai décrite dans cet article.
A. LABODLBÎiNE.
BiBLiocRArniE. — D'Azaha (F.). Voyage dans l' Amérique méridionale. Paris, 1809. —
Auguste DE SAiNT-lIiLAinE. Plantes remarquables du Paraguay, t. I (Polistes Lecheguana),
126 LECLERG (les).
1825. — DuNAL. Considérations sur les organes floraux, p. 50, 1829 (Palistes Lecheguana).
— Lateeille. Notice sur un Diploptcrc (Lecheguana) recollant du miel., etc. In Ann. des se.
nat., 1'" sér., t. lY, p. 535 ; 1823. Voy. ausi p. 540 et suiv — I]LA^■cIIARu. Hist. des insectes,
1. 1, p. 69 (Chartergus Brasiliensis. Le même auteur n'en parle plus daiis ses Métamorphoses
des insectes, in-4'', 1868). — H. de Saussure. Monographie des guêpes sociales ou de la tribu
des Vespiens. Introduction CL, et p. 232, pi. XXXIV, fig. 5; 1858.
LÉCITHIXE (de léy.tOoi, jaune d'œuf). Graisse phosplion'e neutre, qui,
par sa décomposition, donne de l'acide phospho-glycérique, de l'acide oléique et de
l'acide margarique. On la trouve dans la bile, dans le sang (spécialement
dans la fibrine, d'après Chevreul) dans le tissu nerveux, dans le jaune d'œuf.
[Voy. Bile, Fibrine, Nerveux (Tissu), Œuf et Sang].
LECLERC (Les) s
Leclcrc (D.^jniel), un des érudîts les plus éminenls dont puisse s'honorer
la médecine; c'est véritablement le père de l'histoire de notre art. Appartenant
lui-même à une famille de savants et de littérateurs, originaire du Beauvoisis, et
réfugiée à Genève, àT époque des persécutions contre les protestants, il naquit le
4 février 1652 à Genève, où son père exerçait la médecine, et professait la langue
grecque. Après avoir étudié successivement à Montpellier et à Paris, il se fit rece-
voir docteur à Valence, et vint se fixer dans sa ville natale, où il mourut le
17 juin 1728.
Les exigences d'une pratique médicale fort étendue, qu'il abandonna seulement
en 1704 pour des fonctions publiques, n'empêchèrent pas Leclerc de continuer
ses études de littérature médicale, vers lesquelles l'entraînait une vocation irré-
sistible. Lié d'amitié et de goûts avec son savant compatriote Manget, ils travail-
lèrent en commun à une compilation d'un grand intérêt et d'une haute utilité, la
Bibliothèque anatoniique, vaste recueil en 2 volumes in-folio, qui contient les
travaux les plus importants publiés sur l'anatomie depuis la fin du seizième siècle.
Mais Leclerc s'adonna surtout à l'iiistoire des sciences médicales, et un premier
essai qu'il avait fait paraître en 1696, pour pressentir le goût du public, ayant
obtenu les suffrages du corps médical, il mit au jour (1702) son Histoire de la
médecine, qui prend la science depuis ses origines jusqu'à la fin du second
sièclede l'ère chrétienne, c'est-à-dire après Galien. Cet ouvrage, rédigé d'après les
sources, est surtout remarquable par l'exactitude des analyses et la précision des
détails. Avec une forme naïve et une bonhomie qui ne sont pas sans charme, Leclerc
montre souvent un esprit de critique très-délicat, et une grande solidité de juge-
ment. Il est ainsi apprécié par un juge bien conijiétent, Freind, que l'on a accusé
d'acrimonie à son égard : « Il a rassemblé ses mémoires, non-seulement avec un
travail infatigable, mais aussi avec un discernement exquis. La philosophie, la
théorie et la pratique de tous les anciens médecins est développée avec tant de
netteté et d'étendue, qu'à peine est-il une notion, une maladie, un remède, ou
même un nom d'auteur, dans un espace de temps aussi considérable, dont il n'ait
parlé exactement. » [Hist. de la meW., trad. fr., Paris, 1728, in4», p. 1.)
L'Essai d'un plan pour servir à l'histoire de la continuation de la médecine,
qu'il fit paraître à la suite de son histoire dans l'édition de 1725, est tout à fait
indigne de la première partie. On y trouve des anachronismes et des erreurs que
Freind a relevés avec beaucoup de justesse et de modération, quoi qu'on en
ait dit.
Yoici la liste des pubhcations de Leclerc, nous en avons soigneusement retiré
LE CONQUEST (station siAraNE). 127
celles de Leclerc (Gabriel) que plusieurs bibliographes ont confondues avec celles
du médecin de Genève.
Z. Histoire de la médecine où l'on voit l'origine et les progrès de cet art, de siècle en
siècle, depuis le commencement du monde. Genève, 1690, in-12. 2"= édit., beaucoup plus
dé-veloppée, Amsterdam, 1702, in-i% fig.; 5'= édit. augmentée d'un plan pour servir, etc.
Amsterdam, 1725, in4% et la Haye, 1729, in-i'. Cette dernière n'est que la précédente
avec im nouveau titre. — II. Historia naturalis et mcclica latorum lumbicorum intra homi-
ncm et animalia nascentium, etc. Genève, 1713, in-4°, pi. — III. Réponse à ce cpCa écrit
M. Freind, concernant diverses fautes qu'il prétend avoir trouvées dans un petit ouvrage
de M. Leclerc, intitulé: Essai d'un plan, etc. In Bibliothèque anc. et mod., t. XXYII,
p. 38S;1727.
leclerc (Charles-Gabriel), médecin français contemporain du précédent,
était de Montpellier, suivant Haller. Il prend, dans ses ouvrages, le titre de
médecin ordinaire du roi. Nous n'avons rien trouvé sur la vie de ce médecin.
Voici au total la liste de ses principales publications, celles du moins que nous
avons pu contrôler :
I. ha chirurgie complète par demandes et par réponses, etc. Paris, 1691, in-12, plusieurs
éditions. Le tome II est constitué par VOstcologie exacte et complète (anat. et palhoL),
ouvrage dont l'auteur se reconnaît en partie redevable aux leçons de Duverney, Glisson,
Maréchal, Arnaud, etc. Paris, 1700, in-12. — IL Im médecine aisée où l'on donne à con-
naître les causes des maladies internes, etc., avec une petite 2)harmaeie commode, etc.
Paris, 1696, in-12, plus. édit. — On lui atti'ibue encore: III. VÉcole du cliirurgien ou les
principes de la chirurgie française. Paris, 1684, in-12. — IV. La médecine des riches et
des pauvres. Paris, 1696, in-12. — Y. AjJpareil commode en faveur des jeunes chirurgiens.
Paris, 1700. — VI. Catalogue des drogues. Paris, 1701, in-12, etc. (Haller, Bibl. chir. et
Bibl. tnéd. franc. — Eloy, Dict.)
Beaucoup d'autres médecins ou chirurgiens ont porté le nom de Leclerc, mais
ils n'ontpubliéquedes dissertations académiques ou inaugurales. E. Bgd.
îiE€CEOâ (JtfLEs), professeur à l'École de médecine de Caen, chirurgien des
hôpitaux, secrétaire du conseil central d'hygiène du Calvados, médecin des épidé-
mies, etc. Né à Caen, le 26 septembre 1808, il commença dans cette ville ses
études médicales, qu'il vint achever à Paris où il prit les grades de docteur en
médecine et en chirurgie (}85o-'185i). Étant retourné dans son pays natal,
il fut peu de temps après nommé professeur de matière médicale, puis de patho-
logie externe. Une pratique étendue, les différentes fonctions énumérées plus
haut, ne l'empêchaient pas de se livrer à des travaux de cabinet dont nous allons
donner la liste abrégée. On lui doit une des meilleures publications sur les bains
de mer, d'intéressantes recherches sur la rage, le traitement des plaies par les
alcooliques , etc. Lecœur mourut à Caen, d'une affection organique du centre
circulatoire, le 25 février 1866.
I. Précis sommaire sur le choléra-morbus épidêmique. Paris, 1832, in-8°. — ' II, Essai
sur l'éclampsie. Th. de Paris, 1855, n° 340. — III. Proposit'ions de chirurgie jjratif/ue.
Thèse de Paris, 1854, n- 20. — IV. Des bains de mer. Guide médical et hygiénique du
baigneur. Caen, 1846, 2 vol. in-^S". — V. Secours aux noyés, et considérations sur les accù"
dents déterminés par la submersion. Ibid., 1856, in-18. — VI. Etudes sur la rage. Ibid...
1857, in-8°. — VII. Dudanger des eaux malsaines. Ibid., 1860, in-8°. — VIII. Étude sut
l'intoxication alcoolique. Ibid , 1860, in-8'. — IX. Des pansements à l'aide de l'alcool et des
teintures alcooliques, etc. Caen, 186 i, in-8°. E. Bqd.
LE coi^QUEST (Station marinb), dans le département du Finistère, dans
l'arrondissement et à 28 kilomètres de Brest, est une station encore peu fréquentée
des bords de l'Océan. Sa belle plage, la beauté du pays, la facilité de la vie dans
cette partie de la Bretagne réservent au Conquest une place distinguée parmi les
stations marines dans un avenir qui ne peut être éloigné. A. R.
128 LE CROISIG.
LECOQ (Les deux).
Lecoq (Antoine), en latin Gallus, était de Paris, appartenait à notre Facuitè",
et mourut le 28 mars 1550. Élu deux fois doyen ('2 novembre 1558 et G no-
vembre 1539), il eut la douleur au milieu de son décanat de voir les licences sus-
pendues par un acte arbitraire du chancelier de l'Université. Il y a un arrêt forcé
dans les nobles exercices de la rue de la Bùcberie ! Les registres-commentaires
ont une feuille blanche, et sur cette feuille, Lecoq écrit de sa main cet adieu :
Valete
Gallus his ephemeribus finem imponebat anno 1540.
Jésus finis optimiis .
Interturbatœ Licenciée hoc anno.
Vivite, lœti
Doctores.
Gallus pensuifi suum absolvit lœtus.
Gallus posthac nunquam Decanus iterum futurus,
Gratias Domino agit.
Charta liœc vacat, propterea quod hoc anno non fuerunt Licentiœ.
Vale, vale, inquit lôla.
Antoine Lecoq, jouit de son vivant d'une grande réputation, et fut a])pc]é au-
près de François I", que la maladie vénérienne clouait dans son lit. Il soutint
avec chaleur, contre l'avis de Fernel, qu'il fallait soumettre Sa Majesté aux fric-
tions mercurielles : « C'est un vilain, dit-il, qui a gagné la vérole... Frottetur,
comme un autre et comme le dernier de son royaume , puisqu'il s'est gâté de la
même manière. »
On ne connaît que deux ouvrages d'Antoine Lecoq :
I. De l'tgno sanclo non fermiscendo . Paris, 1540, in-8°. — II. Consilia de arthiitklc. Fr?n-
cof., 1592, in.8°.
Lecoq (Pascal), qui signe aussi habituellement Gallus, naquit dans le Poitou,
en 1567, fut reçu docteur à Poitiers, en 1597, et mourut dans cette ville, le
18 août 1651. Il a laissé un catalogue alphabétique des médecins, avec des notes
sur leurs écrits et les principaux traits de leur vie, le tout tiré principalement de
la Bibliothèque de Gesner. Ce catalogue porte ce litige :
BlbUotheca medica, sive catalogus illorwn qui ex ^irofesso artem medicam in hune usqtie
annum scrtptis illuslrarunt. Basil., 1590, in-8'. A. G.
LE ceoiSIC (Baiks DE mek; HYDR0THKiiAPiE5iAEiî?E). Dans le département delà
Loire-Inférieure, dans l'arrondissement de Savenay, est un chef-lieu de canton
peuplé de 2,471 habitants, dont la belle et longue jetée, le phare dit la Tour du
Four, l'école d'hydrographie, sont les particularités remarquables. Son principal
commerce consiste dans la pêche et la conservation des sardmes, et dans la pro-
duction du sel de cuisine que les paludiers extraient des œillets salants du voisi-
nage. La température de la petite ville du Croisic, bâtie à l'extrémité de la pres-
qu'île de ce nom, est plus élevée que celle de l'intérieur des terres, et que celle
de Paris ; les matinées et les soirées y sont cependant assez fraîches pour exiger
des vêtements d hiver .
L'établissement des bains de mer et d'hydrothérapie marine a été construit à
l'extrémité de la ville et au bord même de l'Océan dont les vagues battent aux
LE CRÛL. 129
fortes marées ou par le grand vent les murs de sou jaiJiu. Il se compose de trois
cents chambres destinées aux baigneurs, toutes ayant vue sur la mer, et d'un
immense salon destiné aux concerts et aux bals, qui se donnent plusieurs fois par
semaine pendant la saison des bains. La jetée n'est pas à plus de 20 mètres de
l'établissement, c'est la promenade habituelle des personnes qui craignent des
excursions lointaines. Comme elle a d'ailleurs plus de 1 kilomètre de longueur,
elle suffit parfaitement à l'exercice de ceux auxquels une course trop fatigante
est interdite ou impossible. La plage du Croisic est formée d'un sable très-fin,
son inclinaison est à peine sensible, et elle n'a aucun galet.
Les salles d'hydrothérapie sont dans le sous-sol de l'établissement. Au moment
de la haute marée, on ouvre une écluse qui permet à l'eau de mer d'arriver dans
une vaste piscine bordée d'un trottoir de marbre et entourée de dix-huit cabinets.
Deux beaux escaliers descendent à la piscine au-dessus de laquelle sont fixés deux
appareils de douches en pluie. A marée basse, la piscine est complètement vidée.
L'eau destinée aux bains isolés et aux douches est montée par une machine à
vapeur dans des bassins étabhs à 9 mètres au-dessus des salles d'hydrothérapie.
Les ajutages des douches sont aussi complets que possible. L'étabhssement du
Croisic reçoit aussi les eaux-mères des marais salants que le médecin peut em-
ployer en boisson, en application locale, en mélange avec l'eau douce ou de mer
pour bains généraux, suivant les exigences du traitement et le caractère de la ma-
ladie [voy. Eau-mère).
Les affections qui sont le plus favorablement traitées avec les ressources de
l'hydrothérapie marine du Croisic sont : les lymphatisme et la scrofule, surtout
avec manitestations ganglionnaires, et alors ja base du traitement doit être l'ap-
plication topique de l'eau-mère sur les parties engorgées ; les névropathies dont
les accidents aussi variés que tenaces résistent souvent aux traitements les plus
rationnels ; les rhumatismes chroniques affectant les articulations, les muscles ou
les viscères. Les bains de piscine par affusion et les douches générales, doivent
être rais en usage contre les névropathies et les rhumatismes chroniques généra-
lisés; les douches locales, au contraire, constituent la médication spéciale des
douleurs rhumatismales limitées à une partie distincte du corps. Les maladies
utérines, l'anémie et la chlorose rentrent enfin dans la sphère d'action des bains
de mer dans la piscine, des douches générales révulsives et des douches vagi-
nales de l'établissement du Croisic. La guérison de la chloro-anémie peut, la plu-
part du temps, être obtenue par l'effet tonique et reconstituant seul des bains
"en pleine mer et par la respiration de l"air salin du Croisic et de ses environs.
A. RoTur.EAU.
BiBLioGUAViiiE. — Caille (jeune). Noies sur le Croisic. In-8», 1842. — Notice médicale sur
les bains de mer du Croisic et sur leffct thérapeutique des eaux-mères, de l'hydrothéi-apic
marine et des bains de sables administrés à l'établissement du Croisic. Paris, 1855, in-S»,
47 pages. — LEr.oï-Dui'RÉ. Établissement de bains de mer et d'hydrothérapie marine du
Crisic [près Nantes]; des maladies qui y sont traitées avec le plus de succès. In Union mé-
dicale, n" du 8 et 10 janvier, et brochui~c, in-8°, Paris, 1861, onze pages. A. I\.
LE CROL (Eau mikérale de), athermale, sulfatée ferrugineuse faible, carbo-
nique faible. Dans le département de l'Aveyron, à une petite distance de Ckansag
[voy. ce mot), et de la petite ville d'Aubin, émerge la source du Crol dont l'eau
est limpide, claire et transparente : elle laisse déposer cependant, sur les parois
de son bassin, une couche notable de rouille. Elle n'a aucune odeur; sa saveur
est Icrrugineuse ; sa température est de 12°, 8 ccnligradc. M. Poumarède a fait
mcT. ENC. 2° s. II. 9
130 LEGYTIllS.
son analyse chimique ; il a trouvé dans 1000 grammes d'eau les principes
suivants :
Sulfate ferreux 0,840
— feriique 0,283
— manganeux 0,530
— de magnésie 0,300
— chaux 0,070
— alumine traces.
Matière organique azotée 0,010
Total des matières fixes l,55o
Gaz acide carbonique libre quantité indéterminée.
Les qualités physiques, chimiques et thérapeutiques des eaux du Crol ont une
grande analagie avec celles de Cransac ; elles émergent dans la même vallée et
au pied de la même colline. Nous z'en voyons à ce que nous avons dit des eaux
de Cransac, pour tout ce qui se rapporte à l'action physiologique et curative des
eaux du Crol. A. Rotureau.
LF CROTOY (Station marine). Dans le département de la Somme, près de
l'embouchure de la rivière de ce nom, dans l'arrondissement et à 25 kilométrée
nord-ouest d'Abbeville (chemin de fer du Nord, station de Rue, Le Crotoy en est
à 10 kilomètres), est une petite Aille de 1200 habitants, célèbre par la captivité
de Jeanne d'Arc qui, en 1431, fut enfermée dans le château fort, dont on visite
les ruines aujourd'hui. La plage du Crotoy est très-unie et composée d'un sable
fin ; un assez grand nombre de personnes la fréquentent depuis que l'on a créé
tm étabhssement et un casino. La chasse aux lapins, si nombreux dans les fa-
laises voisines du Crotoy, est la distraction principale des baigneurs qui se ren-
dent à ce poste du littoral de la Manche. A. R.
LECTTHIS ou QUATELÉ. Genre de plantes, de la famille des Myrtacées,
qui a donné son nom à une tribu des Lécythidées, et qui est remarquable par
ses feuilles alternes et ses belles ileurs en grappes simples ou ramifiées. Les éta-
mmes tombent avec la corolle et sont autour du gynécée, d'un côté de la fleur,
tandis que de l'autre côté elles sont insérées sur une grande languette formant
capuchon ; celles qui se trouvent en haut et en bas sont stériles. A l'ovaire in-
fère, pluriloculaire, pluriovulé, succède un fruit bien connu par ses parois
épaisses et par la façon dont il s'ouvre en haut comme par un couvercle circu-'
laire. De làle nom de Marmites de singe, donné par les Européens à ces fruits. Ils
contiennent de nombreuses graines qui, sous leurs téguments, renferment
un gros embryon charnu, huileux. C'est là, en général, la partie utile des
Lecythis. Ses propriétés sont les mêmes que celles de l'amande du Bertholletia.
Elles se retrouvent aussi bien dans les graines du L. Zahucago Aubl., qui croît
à la Guyane, que dans le L. ollariaL., ou Sapiicaju, arbre de Venezuela et du Bré-
sil, lel. grandiflora Aobl., leL. Pisojiis Camb. (L. oZ/aria Vell.) onZabucajo,
espèces de la Guyane, et le L. lanceolata Poir., ou Sapucoja branca des Brési-
liens, qui est cultivé aux îles Mascareignes et à Madagascar. Le liber de plusieurs
espèces sert à fabriquer des tissus, mauvais conducteurs du calorique, des nattes,
des cordages, et une partie, dit-on, de ces liens à mailles fines qui servent parfois
à attacher les paquets de cigares. Les graines sont souvent amères, toniques,
fébrifuges; telles sont celles des L. amara Aubl., Idatimon kvBL.,parviftora,
Aubl., originaires de la Guyane. Celles du L. grandiflora servent, au Brésil, à
LEDESMA (eaux minérales de). 151
préparer une émulsion administrée dans les cas d'affections catarrhales des
bronches. H. Bs.
L., Gcn., n. C64. — Lœfling, Itin. , 189. — AcBt. , Giiian., t. 283-289. — Poiteau , ia
Méin. duMiis., XIII, 143, t. 2, 3, 7. — Cambess., in A.S.H. FI. bras, mer., II, 377, t. 158.
— Endl., Gen., n. 6352. — Mer. et Del., Did., IV, 81. — Guib., Droq. sbnpl., éd. 4, III,
248. — DC, Prodr., III, 290. — Berg (O.j, mlinnœa, XXVII, 448; XXIX, 258. — BENTii.
et HooK., Gen., I, 725, n. 69. — Rose.mh., Synops. plant, diaphor., 940.
LEDERMVELLER (MARTiN-FROBENias). Un des médecins qui, au siècle der-
nier, fit le plus avancer les observations microscopiques, naquit à Nuremberg, le
20 août 4719, et mourut dans cette ville, le 16 mai 1769. Sa vie fut assez agitée,
si l'on en croit ses biographies, car on le voit successivement clerc de notaire à
Nuremberg, élève en droit à léna, fourrier dans un régiment , secrétaire d'un
baron de Kaiserling, dessinateur de plans chez le major général de Bruehl, no-
taire à Nuremberg, secrétaire de l'ambassadeur de Suède à la diète de Francouie,
secrétaire du prince Fiodolphe Cantacuzène ; puis... atteint de surdité, obligé de
quitter une place qui le faisait vivre honorablement ; enfin, guéri de son infirmité
de l'ouïe, et chargé en 1760 d'établir à Bayreuth un cabinet d'histoire naturelle.
C'est là qu'il continua des études microscopiques qu'il n'avait pas cessé de chérir,
malgré les péripéties de son existence, et qui ont illustré son nom.
Ledermùller a beaucoup écrit. On peut voir la liste complète de ses ouvrages
dans le grand Dictionnaire de médecine en 60 volumes (partie bibliographique).
Nous nous contenterons d'indiquer et de traduire en français les titres des quatre
principaux :
I. Observations physiques des animalcules spermatiques, au moyen des meilleurs micro-*
scopes. Nuremb., 1756, in-4°. 8 planclies. —II. Défense des animalcules sjjermaliques.
Nuremb., 1658, in-S, 6 planclies. — Itl. Études microscopiqites. Nuremb., 1759, in-8°. —
IV Amusements viicroscopiques, tant pour l'esprit que pour les yeux. Nuremb., 1760-1764,
in-4°, trois volumes. ' A. G.
LEDESMA (Eaux minérales de), hjperthermaïes, ou mé&othermales , sulfatées
calciques, sulfureuses et carboniques moyennes, en Espagne, dans la province
de Salamanca, à 31 kilomètres de la ville de ce nom, à 11 kilomètres au sud-est
de la petite ville de Ledesma, peuplée de 1570 habitants, à 60 mètres de la rive
gauche de la Tormes, au pied d'une colhne couverte de pierres et de terre in-
culte. (Chemin de fer de Paris à Bayonne, San-Sebastiano, Burgos, Valladolid et
Salamanca; de cette dernière ville, route de poste.) La vie matérielle n'est pas
toujours facile aux étabhssements thermaux de l'Espagne, et les baigneurs doivent
apporter avec eux presque tout ce dont ils ont besoin, et se contenter souvent
d'une nourriture très-frugale et surtout peu variée ; à Ledesma, on se procure
aisément, et à bon marché, tous les objets de première nécessité et toutes les
provisions indispensables à la cuisine. Cette station est la plus fréquentée de
l'ouest de l'Espagne, et, de deux à trois mille personnes y viennent chaque année
des provinces voisines de la péninsule Ibérique ou du Portugal. Les excursions
sont nombreuses et intéressantes ; mais les chemins des environs de ce poste
thermal sont très-mal entretenus. Un des points visités avec le plus de plaisir^
est l'ancienne ville de Ledesma entourée de murs de pierre, construits au temps
de l'occupation romaine. La température est chaude de dix heures du matin à
cinq à six heures du soir ; le commencement et la fin des journées est assez froid
et assez humide pour justifier la précaution du manteau dans lequel se dra-
pent les Castillans. La saison ouvre le 15 mai et finit avec le mois de septembre*
152 LEDESMA (eaux minérales de).
Un grand nombre de sources émerge à Ledesma de^^ la craie et du sable ;
mais deux seulement ont un captage régulier ; elles sont désignées par les noms
de fuente de los Baiios (source des Bains), et de fuente de la Bebida (soui'ce delà
Buvette). Le débit de la soure des Bains, déjà employée parles Romains, est de
235,100 litres en vingt-quatre heures. La source de la Buvette a été récemment
découverte par l'ancien directeur, M. le docteur Alegre. Les griffons non captés sont
à 40 mètres à l'ouest de l'établissement ancien, ou dans le lit même de la
Termes. Les ruisseaux d'eau minérale formés par les premiers sont d'eau
moins chaude que ceux des derniers qui ont une température presque égale à
celle de l'eau de la source des Bains.
La source des Bains jaillit dans l'établissement arabe, bâti, dit-on, par un
Maure appelé Cephar, et elle est recueillie dans un grand réservoir voûté, divisé,
depuis 1819, en deux compartiments, où trente personnes de chaque sexe peu-
vent se baigner à la fois, et en quatre cabinets plus petits pour ceux qui veulent
être isolés .
Les caractères de toutes les eaux des sources minérales de Ledesma sont les
mêmes à l'exception de la température et de la quantité de barégine qu'elles
tiennent en suspension. Elles sont limpides et transparentes ; leur odeur et leur
saveur sont très-sensiblement hépatiques; elles sont douces et onctueuses au tou-
cher ; elles charrient une matière blanchâtre, glaireuse, qu'elles kissent déposer
sur les parois de leur bassin de captage et au fond des ruisseaux qui les con-
tiennent ou les laissent couler. Leur densité est presque la même que celle de
l'eau distillée, La température de l'eau de la source des Bains est de 50° centi-
grade, celle de la source de la Buvette, conduite dans un bassin pour tempérer
l'eau de la source des Bains, est de 30" centigrade; celle de l'eau des griffons
inutilisés varie de40''à43°,8 centigrade. Nous ne connaissons pas d'analyse com-
plète des eaux de Ledesma. M. Viliar y Pinto, pharmacien à Salamanque, nous
apprend seulement que 1000 grammes de l'eau de la source des Bains renferment
les principes suivants, dont il n'a pas déterminé les quantités exactes :
Sulfate de chaux >,
— fer „
Chlorure Jo calcium »
Phosphate de chaux traces.
Matière ve'géto-animale très-ai)ondaDte.
Gaz. j ^'^'^'^ ^"Ifhydrique
( — carbonique ) 0'-'""'=
quantité.
Le directeur actuel, le docteur Ignacio José Lopez, a trouvé que 1000 grammes
de ces eaux contiennent au sulfhydromètre :
Soufre 0,014517
Acide sulfliydrique 0,015418
qui équivalent à 8,967297 centimètres cubes de gaz.
Mode d'administration et doses. Les eaux de la source de la Buvette sont em-
ployées en boisson à la dose de deux à six veiTes, le matin à jeun, et à un quart
d'heure d'intervalle. L'eau de la source des Bains se rend aux piscines et aux
baignoires de l'établissement arabe de Ledesma. Le bain en commun et le bain
isolé a une durée de quarante-cinq minutes à une heure, en général. Les bai-
gneurs sont transportés ou se rendent dans des chambres à lits. La sudation fait
une partie intégrante de la cure de Ledesma*.
Emploi thérapeutique. L'eau de Ledesma en boisson et en bains, a pour effet
physiologique principal une excitation marquée des systèmes nerveux et sanguin.
LÉDON. 133
Sou adioii à l'intérieur et à l'extérieur est très-prononcée sur la peau et sur les
membranes muqueuses, dont elle active singulièrement les fonctions. Ainsi, la
sueur est très-abondante et l'expectoration facile.
Les maladies cutanées chrouiques,'qui ont besovn pour être améliorées ou gué-
ries de revenir à un état subaigu ou aigu; les rhumatismes articulaires ou mus-
culaires très- éloignés de leur période inflammatoire; les paralysies, à la condition
expresse qu'elles ne soient pas le résultat d'une congestion ou d'une hémorrhagie
cérébrales, et les troubles de la digestion qui annoncent une manifestation cutanée,
coexistent avec elle, ou suivent sa disparition, sont très-avantageusement traités
par les eaux mésothermales sulfureuses et carboniques de la source de la Bu-
vette, et par les eaux et les vapeurs hyperthermales de la source des Bains de Le-
desma.
La durée de la cure était autrefois de trois à six jours, pendant lesquels les
malades prenaient un bain tous les matins. Le séjour qu'ils font maintenant à
Ledesma est de dix à douze jours, ce qui est un temps au moins de moitié trop
court, pour que des affections ayant profondément détérioré les organes, et al-
téré leurs tissus, puissent y être utilement combattues.
On n'exporte pas les eaux de Ledesma. A. Rotureatj.
Bibliographie , — Rucio (Pedro Maria) Tratado compléta de las fuenles minérales de Es-
pana. Madrid, 1S55, in-8°, p. 109-115. — Joanne (Ad.) et Le Piledr (A ). Les bains d'Europe,
guide descriptif et médical, etc. Paris, 1860, in-12, p. 181-18'2. A. R.
ïiÉDO^ {Ledumh.). Genre déplantes, delà famille des Éricacées, et du
groupe particulier qui, dans cette famille, se distingue par sa corolle polypétale.
Leur calice est peu développé, à cinq divisions, et leur corolle à cinq folioles
alternes, imbriquées on tordues. Les étamines sont liypogynes, insérées sous un
disque peu épais, et il y en a souvent dix, dont cinq superposées aux sépales, et
cinq aux pétales. Mais ces dernières, ou quelques-unes d'entre elles , peuvent
manquer. Toutes les anthères sont biloculaires, introrses et porricides. L'ovaire
est supère, à cinq loges multiovulées, superposées aux pétales. 11 devient une cap-
sule septicide, avec des placentas polyspermes qui demeurent fixés à une colonne
centrale. Les Lédons sont de petits arbustes qui croissent dans les contrées maré-
cageuses de l'hémisphère boréal, dans l'ancien monde et dans le nouveau. Leurs
feuilles sont alternes, simples, épaisses, coriaces, chargées en dessous d'un duvet
ferrugineux ; leurs fleurs sont blanches, rarement he.xamères, disposées en om-
belles terminales. Deux espèces sont employées en médecine.
\. L. des marais, ou Romarin sauvage, R. de Bohême {Ledum palustre L.,
Spec., 591.-— Œd., FL dan., t. 1031. —ScaicaHu, Handô., t. U7. — Duha.m.,
Arbr.,l,t. 67. — Lodd., Bot. Cab., t. 560). Cette espèce habite l'Amérique
septentrionale, l'Asie et l'Europe ; elle se trouvait, dit-on, en France, dans les
Vosges et en Alsace ; mais le fait paraît douteux. C'est un petit arbuste à feuilles
étroites, épaisses, à bords réfléchis, à face inférieure couverte d'un duvet jaunâtre
ou ferrugineux. Ses fleurs sont supportées par des pédicelles grêles. Leur calice
est gamosépale, et l'ovaire se renfle à sa base en un disque circulaire fort peu
prononcé. Les étamines sont au nombre de dix. Les feuilles sont nommées, dans
les pharmacopées allemandes, Folia Ledi, F. Bosmarini sijlvestris [Aiithos Syl-
vestre. Elles ont une odeur forte, résineuse, qui écarte le bétail ; les chèvres
seules s'eïi nourrissent. On les place dans les maisons, les armoires, pour éloigner
les rats, les teignes, les blattes ; distillées avec de l'écorce de bouleau, elles don-
1,-îi LE DRAN (les trois).
nent une huile àiaquelle le cuir de Russie doit, dit-on, son odeur particulière. Ou
en prépare des lotions, qui guérissent la gale, la teigne. C'est également comme
insecticide que les infusions de Lédon des marais agissent dans la dysenterie, au
dire de Bojœrlund qui pensait que cette maladie était produite par des insectes.
Linné rapporte qu'on traite la coqueluche avec cette plante, dans la Westro-
Gothie. D'autres ont prétendu qu'elle guérit les fièvres éruptives, et qu'elle a des
propriétés narcotiques. Oldelius (Mém. de VAcad. de Suède, illi, 267 ; 1779,
218; 1783, 224) la préconise, en décoction, contre la lèpre du Nord. On en a
préparé une eau distillée, administrée contre la céphalalgie ; et les vétérinaires
en ont fait laver le bétail pour le débarrasser de la vermine. Rauchfuss, en
i 796, et plus récemment Meissner ont analysé le Lédon qui contient, d'après
ce dernier {Bull, des se. de Férussac, XII, 179), du tannin, de la résine, une
matière colorante brune, du sucre incristalîisable, de la chlorophylle et une huile
essentielle volatile. On croit que la bière contient quelquefois, en Allemagne, des
i'euilles de Lédon , ce qui lui donnerait des propriétés nuisibles.
11. L. à larges feuilles ou Thé du Labrador, de James {Ledum latifolium Ait.,
Hort. kew., 65. — Jacq.,7co?z. rar.,t. 464. — Lamk, lllustr., t. 365. — L. cana-
denseLoBD, Bot. Cab., t. 1049. L. groenlandicum Retz., Scand., éd. 2, 495).
Cette espèce n'était, pour Michaux {FI. amer. bor.,\, 259), qu'une variété du
L. palustre, qu'il appelait L. palustre latifolium. Aujourd'hui, elle est considérée
comme distincte. C'est un petit arbuste toujours vert, à branches cotonneuses, à
feuilles presque sessdes, longues de deux pouces environ, obtuses au sommet, et à
dnvet épais, couleur de roudle, sur toute la face inférieure. Ses fleurs ont des pé-
dicelles pubescents. Leurs étamines sont au nombre de cinq, superposées aux sé-
pales, ou de six à huit, deux ou trois des étamines superposées aux pétales pou-
vant aussi se développer. Le fruit est légèrement pubescent, et les graines sont
terminées aux deux extrémités par une sailhe membraneuse. Les feuilles ont été
employées à préparer un infusion stimulante qu'on prenait en Amérique au lieu de
thé pendant la guerre de l'indépendance. Leur saveur est cependant quelque peu
amère. Mais l'odeur en est agréable, au dire de Rose, et elles sontapéritives. Toute-
fois, on accuse la bière qui en contient de produire des nausées, de la céphalalgie
et même du délire. En médecine, on emploie l'infusion comme pectorale, tonique»
stomachique; elle a été recommandée contre les fièvres d'accès, la diarrhée, la
dysenterie. On doit à M. Bacon {Journ. de pharm., IX, 558) une analyse de cette
plante, qui renferme du tannin, de l'acide gallique, de la résine, de la cire, une
matière extractive amère et différents sels. Cette espèce est fréquemment cultivée
dans nos jardins botaniques, et elle pourrait être l'objet d'expériences décisives.
II. Bn.
L., Gen., n. 546; Spec, 591 ; Amœn. acad., VIII, 268; Diss. de Ledo palustre, resp.
J C. Westring. Upsal., 1775. — G.ertn., De fruct., II, 145, t. 112. — Hook., FI. londin.,
t. 212. — Don, in Edinb. Phil. .hum., VI, 50. — Exdl., Gen., n. 4344. — Mér. et Del.,
Bict., IV, S'?. — A. DC.PMrfj'., VII, 730. — H. Bx., ap. Payer, Leçon sur les fam. nat.,
'J25; Adansonia, I, 201). — Lindi,., FI. med., 379, — PiOsenth., Sijnops. plant, diaphor., 352.
H. Bx.
LE DRAIV (Les trois). Une partie des papiers de la famille Le Dran étant tom-
bée de la bibliothèque de Desgenettes dans nos mains, nous pouvons donner sur
ces trois hommes distingués des détails jusqu'ici inédits et d'une rigoureuse exac-
titude.
Le DraiB (HfNni) , le premier de tous, était fils de François Le Dran, marchand
LE DRAN (les trois). 135
à Saint-Cloud, et de Denise Feuillet, cette dernière sœur du chanoine Nicolas
Feuillet, qui s'est rendu célèbre par ses prédications à Paris. Il naquit à Saint-
Cloud, le 24 décembre 1656. Ayant embrassé l'étude de la chirurgie, il s'acquit
une telle réputation qu'il parvint bientôt au.x plus grands emplois et aux plus
grands honneurs. Ce fut lui qui remit en vigueur l'extirpation du cancer au sein,
qui était depuis longtemps fort négligée en France, alors qu'Helvétius se vantait
d'avoir pratiqué en Hollande deux mille fois cette opération. A la bataille de Mal-
plaquet (1709), Le Dran accompagnait le maréchal de Villars en quahté de chirur-
gien-major du régiment des gardes françaises, et s'attirait un grand relief parmi
les chirurgiens des troupes royales, en sauvant l'illustre guerrier d'un coup de
feu qu'il avait reçu. De retour à Paris, il tint, comme on dit, le haut du pavé
dans la pratique chirurgicale, et lorsque Louis XIV fut atteint de cette gangrène
sénile qui l'enleva en quelques jours, les chirurgiens et les médecins du grand
soleil en putréfaction voulurent que Le Dran vînt les aider de ses conseils et de son
expérience : ils en avaient besoin, ces malheureux archiàtres, harcelés qu'ils étaient
par une foule de charlatans qui se faufilaient jusqu'au chevet du roi, prétendant le
sauver d'une affection devenue incurable chez un monarque épuisé par sa glou-
tonnerie, les excès, la gravelle, la goutte, les lavements et les médecines quoti-
diennes.
Henri Le Dran mourut à Paris, le 1'^'' février 1720, dans sa maison de la rue
Férou, et fut inhumé à Saint-Sulpice. Il n'était âgé que de soixante-quatre ans, et
dans cette vie, relativement courte, il avait trouvé moyen de se marier deux fois
et de procréer seize enfants, dont voici la liste.
De son mariage avec Catherine Darvoy, il eut :
1" Henriette-Catherine, née le 16 juillet 1682; 2° Denise, née le 9 novem-
bre 1684; S" Henri-François; né en 1685; 4° Nicolas-Louis, né le 24 avril
1687; 5° Pierre, né le 26 avril 1688 ; 6« François-Antoine, né le 5 avril 1690 ;
7° Charles-Pierre, né [le 16 mai 1691 ; 8" Catherine-Marguerite, née le 20 oc-
tobre 1692 ; 9° Gabriel-Jacques, né le 29 juin 1694.
De son second mariage avec Marie-Madeleine Berthe (1705), il eut :
10° Louis-Yictor, né le 4 août 1704; 11° Henri-Joseph, né le 3 septembre
1705 ; 12" Auguste-François, né le 12 octobre 1 707 ; 1 5" Christine-Victoire, née
le 24 novembre 1708; 14" Louis-Gabriel, né le 27 avril 1710; 15° Abraham-
Maur, né le 15 janvier 1712 ; 16° Madeleine-Catherine, née le 28 novembre 1713.
N'oubhons pas de relever une erreur qui est commune à presque tous les bio-
graphes qui se sont occupés des Le Dran. Ils assurent, en effet, que ce fat Henri-
François Le Dran qui le premier pratiqua la désarticulation scapulo-humérale,
tandis que cette priorité appartient k Henri Le Dran. L'erreur vient de ce que
l'observation se trouve rapportée dans un ouvrage de Henri-François Le Dran
{Observât, de chirurg., 1. 1, p. 315) ; mais le fils prend cette observation dans
les notes de son père, et il a soin de le dire tout d'abord.
Le Dran (Henri-François), fils aîné du précédent et de Catherine Darvoy,
naquit à Paris, en 1685, et fut baptisé dans l'église de Saint-Barthélomi. La
pratique de cet homme, justement célèbre ; ses livres nombreux et excellents;
les réformes heureuses qu'il a apportées à différents procédés opératoires ; ses
profondes connaissances en anatomie, le recommandent vivement à la postérité.
L'on ne peut oublier qu'd donna le premier les signes caractéristiques de l'em-
pyème ; qu'il s'éleva avec énergie contre cette prétendue impossibilité d'enlaver
456 LKEA.
le leslicule lorsque le cordon est très-eiigorgé ; qu'il donna pour le traitement du
cancer des préceptes judicieux, voulant qu'on tente la guérison lorsqu'il n'y a pas
d'ulcération, recommandant dans le cas contraire l'amputation ; qu'il émit des
idées fort judicieuses sur les accidents qui surviennent à la suite des plaies du
crâne; que son manuel opératoire du bec-de-lièvre n'a guère subi depuis lui de
modilications : qu'il apporta à l'opération de la taille par l'appareil latéral d'heu-
reuses améliorations.
I Henri-François Le Dran mourut, chirurgien en chef de l'hôpital de la Charité, chi-
rurgien consultant des armées et membre de l'Académie de chirurgie, le 17 oc-
tobre 4770, laissant, de sa femme Françoise de Saint-Remy, une seule fille, qui
a épousé Lalouelte, médecin de la Faculté de Paris.
Voici les titres de ses ouvrages :
I. Parallèle des différentes manières de tirer lapierre hors de la vessie. Paris, 4750, in-S»,
2 vol. traduits en allemand (1737); en anglais (1758); et Journal des savants, année 1751,
t. I, p. 548. — II. Observations de chirurgie auxquelles on a joint plusieurs réflexions en
faveur des étudiants. Paris, 1751, in-8°, 2 vol. Un grand nombre de ces observations
n'appartiennent pas en propre à l'auteur, mais il les pi^end à peu près partout. — III.
Traité ou réflexions tirées de la pratique sur les plaies d'armes à feu. Paris, 1757, in-12.
Trad. en allemand (1740); al Journal des savants, année 1758, t. II, p. 489. — IV. Traité
des opérations de ddrurgie. Paris, 1742, in-8». Traduit en anglais par Gatacker, avec des
notes de Clieselden (1749). — V. Supplément au parallèle des différentes manières de tirer
les pierres hors de la vessie. Paris, 175t), in-8°. — VI. Consultations sur la plupart des
maladies qui sont du ressort delà cliirurgie. Paris, 1763, in-8°. — VII. Traité économique
de Vanatomie du corps humain. Paris, 17ti8, in-12.
Le Bran (Frakçois-Antoine), un des seize enfants de Henri Le Dran, et frère,
par conséquent, du précédent, nacpiit à Paris, le 5 avril \ 690, et devint docteiu'
en médecine de la Faculté de Paris (11 octobre 1714). Nommé médecin du roi à
la Martinique (1716), il se rendit à son poste, et revint en France en 1721. Mais
s'étant embarqué de nouveau pour le Pérou, il mourut en route, à Cadix, le 7 fé-
vrier 1724. On ne lui connaît que ses deux thèses soutenues à la Faculté de mé-
decine de la rue de la Bîi chérie.
I. 16 novembre 1715, sous la présidence do Armand-Joseph Collot : An renum et vesicœ
morhis diuretica calida? — II. 22 février 1714, sous la présidence de Louis Poirier, premier
médecin du Dauphin : An ad tuendam senum, qiiam jitvenum sanitatem potiores vence sectio
atque jmrgatio ? A. Cuéreau.
liEGii L. Genre de plantes que Linné a encore nommé Aquilicla et que Gaert.
ner appelait Ottilis. On en a fait d'abord le type d'une petite famille des Leeacées;
après quoi l'on a reconnu qu'elles devaient être placées dans la même famille que
les Vignes, dont elles ne diffèrent essentiellement que par deux caractères : les
loges ovariennes sont uniovulées, et les étamines au lieu d'être libres, sont unies
en un tube qui se partage supérieurement en languettes alternipétales, interposées
aux anthères. D'ailleurs la fleur est pentamère et régulière. Le calice est gamosé-
pale, quiuquédenté. La corolle est gamopétale, à cinq divisions valvaires. Les éta-
mines sont oppositipétales, et leurs anthères, extrorses quand leur filet est déployé,
i"egardent d'abord en dedans parce que leur filet est replié sur lui-même. Le gy-
nécée se compose d'un ovaire à cinq loges oppositipétales (plus rarement à 3-6
loges), surmonté d'un style à autant de lobes stigmatifères qu'il y a de loges.
L'ovule est ascendant, anatrope, avec le micropyle inférieur et extérieur. Le fruit
est une baie polysperme. La graine contient un albumen cartilagineux. Les Leea
sont des arbustes à feuilles alternes, composées-pennées, rarement simples, à pé-
tiole dilalé en gaine, à fleurs disposées en cymes composées, oppositifoliées. Ils
LEFËBUUE DE SAINT-ILDEFONT. l."^?
Iiabitent les régions chaudes de l'ancien monde. Plusieurs espèces sont employées.
, 1. L. sambucina (W., Spec. plant., I, H77. — Aquiliciasambucina L. Mcm-
tiss, 2H . — Staphiilea indien Burm., F/, nîf?., t. 24, lige 2). Cette espèce est le
Bois de source àe l'île Bourbon. Ses tiges sont glabres, anguleuses, cannelées. Ses
feuilles sont composées-pennées et ses Heurs très nombreuses. On la trouve aussi
dans riude, où les habitants lui accordent d'importantes propriétés thérapeutiques.
Ses feuilles jeunes fournissent par expression un suc qui s'administre pour faciliter
les digestions. On broie les feuilles, on les torréfie, et on applique cette préparation
sur la tête, dans les cas de « faiblesse de cerveau, de vertiges, » etc. Contre les
douleurs d'origine goutteuse, on prescrit une décoction dont la vapeur est dirigée
sur les points aifectés. On dit qu'en Guinée cette décoction sert à dissiper les nau-
sées, et que les femmes enceintes dont le ventre est douloureux en font usage.
Le bois sert à préparer une infusion qui chasse la soif. L'écorce s'emploie en
frictions contre les enflures; les racmes, en décoction contre les douleurs d'esto-
mac. Les baies renferment un suc violet caustique.
2. L. rubra Bl. Ses fruits sont employés à Java, dans le traitement des dysen-
teries.
3. Les L. hirta Hor?;em. (L. scahra Boxb.) et speciosa Jacq. ont des propriétés
analogues. Plusieurs espèces ont, dit-on, des fruits comestibles, acidulés ou
astringents. H. Bn.
L., Manfiss., 124, 21t. — Roxr., FI. încl, II, 407. — Blume. Bijdrag., 193. — D. C,
Proclrom., I, 035.— G.ïrtx., Fruct., I, 275, t. 57. — Mée. et Del., Dict., \, 574 ; Suppl., 52.
— En'dl., Gen., n. 4569. — Rosenth., Sijn. plant, diaphor., 569, 1140. — Bextii. et Hook.,
Gen., I, 588,11. ô, — B.uuon (11.), in Payo, Fam. nat., 543.
LGFEBIJRE (Guill.\UME-BenÉ) ©E SAI!\'T-IL»EFOr\IT OU IL»EPffl©^'T.
Successivement militaire, médecin, littérateur politique , auteur dramatique,
Lefébure de Saint-lldefont, entraîné par les événements au miheu desquels il vi-
vait, mena une existence assez agitée, que couronna dignement, d'ailleurs, une
mort honorable. Il était né à Sainte-Croix-sur-Orne, le 25 septembre 1744. Ses
études terminées, il entra, en 1769, dans les chevau-légers ; mais, cédant à soîi
penchant pour les sciences, il abandonna bientôt l'état miUtaire pour la médecine.
En 1775, nous le voyous à Versailles professeur de maladies vénériennes et en
l'art des accouchements ; peu après il est médecin de Monsieur (depuis LouisXYIll).
Cette position l'obligea de s'e.xpatrier pendant la Révolution, et il alla successive-
ment pratiquer la médecine en Hollande, en Allemagne et en Italie. 11 crut pou-
voir revenir en France , en 1801 ; mais ses opiaions indépendantes et philoso-
phiques ne pouvaient s'accommoder du pouvoir intolérant et despotique de cette
époque. Il se vit de nouveau forcé de se retirer en Allemagne. 11 était à Âugsbourg
lorsque les événements de la guerre y conduisirent l'armée française. Les san-
glantes batailles de Batisbonne et d'Essling avaient encombré les hôpitaux de
blessés français, décimés en outre par le typhus, cet autre fléavi; c'est alors que
nommé médecin en chef des hôpitaux d'Augsbourg, il se dévoua avec un zèle
sans égal à secourir ses malheureux compatriotes ; mais bientôt atteint par la con-
tagion, il y succomba le 27 juillet 1809. Libre penseur jusqu'à ses derniers mo-
ments, il sut résister aux obsessions de quelques prêtres d'Augsbourg qui s'étaient
mis eu tète de le couvertir, et, pour couper court à tout scandale sur sa tombe,
il voulut être enterré dans le cimetière protestant.
Lefébure a beaucoup éerit ; il avait plus d'esprit que de savoir, bien que son
esprit lie fut pas toujours du meilleur goi^it. Ses recherches sur les maladies véné-
138 L;E gallois (i.e pèbe et i,e fils).
Tiennes n'ont rien ajouté à l'histoire de cette maladie, mais il a donné là une
biblio^ranhie destinée à servir de complément à la savante bibliographie d'Âstruc,
et qui, sans être bien complète ni bien exacte, 'donne cependant de précieuses
indications sur une foule de brochures de ce temps, presque complètement ou-
bliées ou perdues aujourd'hui.
Laissant de côté ses écrits politiqnes et littéraires, nous citerons les ouvrages
suivants de Lefébure de Saint-Ildefont :
I. Méthode familière pour guérir les mahulies vénériennes, avec les recettes qui y sont
propres, etc. Amsterdam, 4773, in-1 2. — II. Le médecin de soi-même, ou méthode simple
et aisée de guérir les maladies vénériennes, avec la recette d'un chocolat aussi îttile qu'a-
gréable. Paris, 1775 , 1 vol. en 9 parties. — III. Lettre au sujet d'un ronge à l'usage des
dames, tiré du règne végétal . Paris, 1775, in-8". — IV. Remède éprouvé pour guérir radi-
calement le cancer occulte ou manifeste et ulcéré. Paris, 1775, in-8°. — Y. État de la
médecine , chirurgie et pharmacie en Europe , et principalement en France, pour l'année
un (en société avec L. A. César). Paris, 1777, in-12. — VI. Le inanuel des femmes
enceintes, de celles gui sont en couches, et de celles qui veulent nourrir. Paris, 1777, in-12;
ibid., 1782, in-12; ibid., 1797, in-8°. — VII. Mém. clin, sur les maladies vénériennes.
Utrecht, 1781, in-12. — VIII. Ohs. pratiques, rares et curieuses sur divers accidents véné-
riens. Ibid., 1783, in-8°. — IX. Sichere geschwinde und leichte Art sich selbst ohne Hiilfe
eines Arztcs von der Gonorrhœa oder dem Tripper zu lieilen. lena, 1787, in-S». — X,
République fondée sur la nature phijsique et morale de l'homme. Nuremberg, 1797, in-8<". —
XI . Z,e guide des personnes de Vun et de l'autre sexe, qui sont affligées de hernies ou des-
centes, oa Instruction, etc. Francfort-sur-Ie-Mein, 1798, in-8°; ibid., 180O, in-8°. —XII.
Becherches et découvertes sur la nature du fluide nerveux ou de l'esprit vital, principe de
la vie, etc. Ibid., 1799, in-8°. — XIII. Traité sur la paralysie du nerf optique vulgaire-
ment nommé goutte-sereine, au traitement de laquelle on applique le gaz hydrogène. Paiis,
1801, in-S". — XIV. Histoire anatomique, physiologique et optique de l'œil, pour sennr
d'introduction, etc. Francfort, Strasbourg et Paris, 1805, in-8°. E. Bgd.
IiEF£B¥RE DE YILLEBRIME ( Jea.n-Baptiste) . Philologue né à Senlis en
1732, se tit recevoir docteur en médecine; mais, entraîné par une véritable passion,
il se voua exclusivement à l'étude des langues mortes et vivantes. Lefebvre profita
de ses connaissances spéciales en médecine pour traduire de l'anglais, de l'alle-
mand et de l'italien divers ouvrages relatifs à cette science — immense service
rendu aux médecins aloi's peu versés dans la connaissance des idiomes étrangers.
Après avoir professé à Paris l'hébreu et le syriaque, il se retira à Angoulême où
il occupa successivement une chaire d'histoire naturelle, puis une chaire d'huma-
nités, et mourut dans cette ville le 9 octobre 1809. Ou doit à sa plume infatigable
une traduction des aphoTismes d'Hippocrate; des traductions des traités des mala-
dies des enfants, de Rosen et d'Undervvood ; des traités de la dysentf^rie et de l'ex-
périence de Zimmermann ; des recherches sur les fièvres de Grant ; du traité des
ulcères des jambes d'Underwood ; de la manière d'allaiter les entants de Baldiiii ;
du traité des maladies périodiques de Casimir Medicus, etc. E. Bgd.
LEGALIiOIS (le père et le fils).
Legaiiôis (Jclien-Jean-César) fut un des premiers médecins français qui lan-
cèrent décidément la physiologie dans la voie féconde de l'expérimentation. 11 était
néle 1" février 1770, à Gherneix, près de Dol, en Bretagne. Après avoir fait avec les
plus brillants succès ses humanités dans cette dernière ville, il étudiait la méde-
cine à l'École de Gaen, en 1795, quand il fut obligé d'en partir, après avoir pris,
les armes à la main, le parti des fédéralistes. Il se réfugia alors à Paris et se perdit
dans la fode des étudiants ; mais, menacé de nouveau, il se fit, après un examen,
donner une coiumission parle comité des poudres et salpêtres, qui l'envoya dans
LE GALLOIS (ie pèp.e et le fils). -I3t)
son département, d'où il revint comme élève de l'École de santé. Sa réception au
doctorat fat signalée parla publication d'une thèse des plus remarquables, et qui
indiquait ses études et ses tendances en physiologie expérimentale. Nommé, en
1812, à l'hôpital de Bicètre, il s'y rendait chaque jour, à pied, de Paris. C'est
dans une de ces courses, pendant le froid de l'hiver, qu'il fut pris d'une pneu-
monie à laquelle il succomba en février 1814. Isid. Bourdon prétend qu'il attenta
lui-même à ses jours, en s'ouvrant l'artère crurale, pour se soustraire à de cuisants
chagrins.
Doué d'une iraagmation moins brillante que celle de Bichat, Legallois se mon-
tre aussi plus positif, plus réservé. Un fait le frappe, et c'est par l'expérimentation
qu'il cherche les conditions du phénomène qu'il veut étudier; les résultats aux-
quels il arrive sont donc presque toujours la déduction d'observations faites rigou'
reusement et a posteriori.
Ses recherches ont spécialement porté sur la moelle épinière, et il a surtout
cherché les rapports de cet organe, non-seulement avec les mouvements, mais
encore avec la respiration, la circulation, la chaleur animale, 11 a démontré que
chaque partie emprunte le principe de ses mouvements à la portion de la moelle
d'où lui viennent ses nerfs. Il a fait voir, le premier, que le principe de la vie
semble résider dans un point particulier de la moelle allongée, au^niveau du trou
occipital, dans l'origine des nerfs pneumogastriques, et, enfin, que la destruction
du cordon médullaire en ce point détermine une mort en quelque sorte foU'
droyante.
Voici la notice de ses publications :
I. Le sang est-il identique dans tous les vaisseaux qu'il parcourt? Th. de Paris, an XIII,
n" 131, in-8°. — II. Recherches chronologiques sur Hippocraie. Paris, 1804 , in-8°. — III.
Recherches sur la contagion de la fièvre jaune. Paris, 1805, in-8''. — IV. Expériences sur
le principe de la vie, notamment sur celui des mouvements du cœur, et sur le siège de ce
principe, suivie, etc. Paris, 1812, in-8°. — V, Un grand nombre d'articles publiés dans divers
recueils; l'art. Cœur (anat. et pliysiol.) dans le Dict. clessc.méd. Ses divers ouvrages ont été
réunis sous ce titre: OEuvres de Ces. J. Julien Legallois, avec des notes de M. Pariset,prén
cédées d'une notice, etc. Paris, 1828, 2 vol, in-8°. (A la fin, dans les éditions complètes,
il doit se trouver un opuscule de \') pages, intitulé: De la possibilité d'opérer une résur"
rection.)
I.eg:alIois (Eugène), fils du précédent, naquit à Paris en 1804, et, voulant
suivre les traces de son père, commença l'étude de la médecine sous les auspices
du grand Laennec qui se plut à diriger ses premiers pas ; il passa ensuite dans le
service d'Esquirol à la maison de Charenton, où il se livra à son goût héréditaire
pour la physiologie expérimentale, et fit de curieuses études sur les altérations du
sang des animaux dans les maladies. Reçu docteur en 18"i8 il avait été nommé
médecin de l'hôpital de Saint-Mandé, quand il partit pour la Pologne avec
M, Brierre de Boismont en 1831 . Atteint du typhus des camps, il en guérit et il
revenait en France, quand il succomba, avant d'avoir revu sa patrie, aux progrès
d'une phfhisie aiguë dont il avait déjà présenté plusieurs symptômes.
Il a laissé les quelques mémoires suivants qui montrent ce dont il eut été
capable si la mort ne l'eût si prématurément enlevé à la science,
I. Plusieurs perforations du canal intestinal et spécialement du gros intestin à la suite
d'une affection tuberculeuse. In Arch. gén. de niéd., i'" sér., t. VI, p. 08 ; 1824 — II.
Mém. sur la vaccine, lu à l'Acad. de méd. Ibid. , t. IX, p. 441; 1825. — III. Aperçu sur
quelques maladies qui paraissent consécutives à une affection du nerf trisplanchnique.
In R»v. med. 1S26, t. II, p, 418. — IV. Réponse expérimentale à cette question: La vaccine
perd-elle son efficacité préservative après vingt ans d'insertion. Th. de Paris, 1828, n''lj.
V. Des maladies occasionnées j'ar la résorption du pus. la Journ. hebd., t, 111, p. 166, 321 ;
140 LEGRAND.
•1829. — YI. Oiis. sur tint; forme iimdicuse de la fièvre piisrpêmle. Iii Bcv. méd., 1830,
t. IV, p. 550. — YII. Observât, du cancer de la verge et de inaticre squirreuse dans it
cœur. Ibid., p. 425. E. Cgd,.
LEGEMBSKE (FnANçois-LAURFKT), né à Paris en 181^2. Ses premiers pas dans la
carrière médicale furent dirigés par Biett dont il était le fillevd. L'élève devait faire
honneur au maître. Reçu interne en 1857, il gagna, en 1841, les médailles d'or
des hôpitaux et de la Faculté, et, à la fin de la môme année, il se fit recevoir docteur.
Sa thèse sur les syphilides est très-remarquable et mérite d'être consultée. 11 avait
déjà publié d'importants travaux de pathologie relatifs à l'enfance quand il fut
nommé médecin des hôpitaux (1847). Chargé d'un service quelques années après
il continuait avec ardeur ses recherches et ses publications, quand il fut eidevé
par une pneumonie ataxiquc, le 9 janvier 1858, après quelques jours seulement
de maladie. Legendre était un observateur patient et laborieux, recueillant les
faits, les comparant et n'en tirant les conséquences qu'après les avoir rigoureu-
sement analysés. 11 a décrit avec soin la pneumonie chez l'enfant et distingué la
forme catarrhale de la forme franchement inflammatoire ; il a constaté que l'ana-
sarque scarlatineuse est due à une hyperémie des reins. Tout le monde connaît
ses études sur la méningite tuberculeuse et les hemorrhagies dans la cavité de
l'arachnoïde comparées suivant les différents âges.
Au total, voici l'indication des principales pubUcations de Legendre :
I. Nouvelles recherches sur les syphilides. Tli. de Paris, 18 il, n° 290. — II. Becherches
anatomo-pathologiques et -Juiiques sur quelques maladies de l'enfance. Paris, 1846, in-8°.
(Legendre a réuni là pusieurs travaux déjà publiés dans diiyeV5vecm\\&: Sur les deux formes de
la niéningo-eneéphalite tuberculeuse ; sur les liémorrhagies dans la cavité de l'arachnoïde;
sur quelques maladies du poumon; sur quelques complications de la scarlatine; e\., déplus,
sur la diarrhée des enfants ; sur le développement shnidtané de la vaccine et de la variole,
et sur l'influence de la variole sur quelques maladies chroniques de la p)eau.) — III. Obser-
vations propres à éclaircir les .'symptômes nerveux que détermine le ténia. In Arch. gén.
de méd., 4= sér., t. XXIII, p. 180 ; 1850. — IV. Mém. sur l'herpès delà vulve. Ibid., 5= sér.,
t. II, p. m ; 1855. — V. Note à jjropos de plusieurs cas de vers solitaires observés pendant
l'enfance. Ibid., t. IV, p. 041 ; 1854. — VI. Mém. sur les nsevi materni traités par l'inocula-
tion vaccinale. Ibid., t. VII, 1856. E. Bgd.
LEGOUAS (FP.ANÇ0IS-M.4.URICE- Victor), né en 1782, à Boyne, près de Pithiviers
(Loiret); se fit recevoir docteur en 1808. Il remplit avec Marjolin et Breschet les
fonctions de professeur au Collège des études médicales, fondé en 1805 et sup-
primé en 1811. 11 avait été lauréat de l'École de médecine et des hôpitaux, mais
il abandonna l'exercice de la médecine en 1814 et se créa une brillante fortune
dans une autre direction. Legouas mourut au commencement de l'année 1862,
à l'âge de quatre-vingts ans. II a laissé un ouvrage qui a joui pendant longtemps
d'un grand succès. Ce livre a rendu de grands services aux étudiants, qu'il
initiait en peu de temps au premiers éléments de l'art de guérir de manière à
leur permettre de suivre avec fruit, dès le début, les cours et les visites hospita-
hères. Six éditions successivement épuisées en ont démonhé l'utilité.
I. Essai sur les hemorrhagies. Tb. de Paris, 1808, n» 87. — II. Nouveaux jinncipcs de
cMrurgie rédiges suivant le plan de, "ouvrage de G. de la Paye et d'après, etc. Paris, 1812
in-S". G= édit., Paris, 1856, in-8°. E. Cgd.
LEGRA1\D (A.-L.), né à Amiens, se fit recevoir docteur en 1827, et sa thèse,
sur l'emploi des préparations d'or substituées au mercure dans le traitement des
maladies vénériennes, indiquait la pensée qu'il a suivie et développée pendant
toute sa vie. Legrand était un praticien très-laborieux. Son travail sur les analo-
LEGROIjX. 1-41
gies et les dilférences entre les tubercules et les scrofules fut mentionné honora-
blement par VÂcadémie de médecine ; mais la fortune ne vnit pas récompenser
ses efforts, et il mourut, le 31 décembre 1862, à l'âge de soixante-trois ans, dans
un état voisin de la pauvreté, après avoir rempli pendant de longues années les
fonctions de médecin de l'assislance publique dans le faubourg Saint-Germain.
Voici la notice de ses principales publications :
I. De l'or dans le traitement des maladies vénériennes primitives et invétérées. Th. de
Paris, 1827, n° 247. — II. De l'or et de son emploi dans le traitement de la syphilis récente
et invétérée, dans celui des dartres syphilitiques ; dn mercure , de son inefficacité, des
dangers de l'administrer, etc. (Développement de la thèse précédente.) Paris, 1828, in-S";
ibid., 1832, in-8». — 111. De l'hydrothérapie, Exposition, etc.. Taris, 1845, iii-S°. —IV. Des
analogies et des différences entre les tubercules et les scrofules. [Mém. mentionné hono-
rablement par l'Acad. de méd.) Paris, 1849, in-S". — Y. De l'action des préparations d'or
sur notre économie et spécialement sur les organes de la digestion et de la nutrition.
Paris, 1849, in-8°. — YI. De l'or dans le traitement des maladies scrofulcuses des os. In Rev.
me'd., 1850, t. II. — \'II. De l'ablation curative des loupes, lipomes et tumeurs analogues
sans opération sanglante. 1' éûit., Paris, ibid., 1857, in-8°. E. Bgd,
LEGROS (Félix), né à Douai en 1799. Se distingua pendant son internat dans
les hôpitaux de Paris, et fut admis, au concours, comme chef de clinique de
Dupuytren qui lui accorda une affection dont il n'était pas prodigue. Le dévoue-
ment dont il fit preuve pendant les luttes sanglantes qui signalèrent la Révolution
de 1850, et pendant la terrible épidémie cholérique de 1832, lui méritèrent des
récompenses honorifiques de la part de l'administration. Legros aurait assurément
pu demander aux concours une place à la Faculté, mais il préféra se livrer à la
clientèle privée, et mourut à Paris le 20 juin 1850.
11 a publié un certain nombre de mémoires qui dénotent un esprit droit et
éclairé, il s'était surtout occupé des anomalies et des maladies de l'appareil génital
de la femme. On lui doit un procédé d'amputation pour les membres à un seul os,
qui participe des avantages de la méthode circulaire et de la méthode à lambeaux,
pernîet de couvrir l'extrémité de l'os d'une masse musculaire s'opposant à la
saillie de l'os et facihtant l'application de la jambe de bois.
Voici, au total, l'indication de ses principaux écrits :
I. Propositions sur divers points de l'art de guérir. Th. de Paris, 1830, n° 236. — II. Bu
coït comme cause de maladie ( ?). — III, Nouvelle méthode d'amputation, particulièrement
applicable aux membres à un seul os. In Journ. des conn. niéd.-chir., t. I, p. 174; 1834.
— IV. De l'atrésie des organes sexuels de la femme. Ibid., t. III, p. 273; 1855-36.
E. Bgd.
LECiROL'X (J.-C), né à Marégines (départ, du Nord), fit ses études médi-
cales à Paris, dans les conditions pénibles que lui créait le défaut de fortune de
ses parents; mais, soutenu par une volonté qui ne l'abandonna jamais, il devait à
la fin triompher de tous les obstacles. Interne des hôpitaux, il passa en 1827 sa
thèse sur les concrélions sanguines développées pendant la TJie, question qui devait
depuis prendre tant d'importance dans l'école de Virchow, et qui eut toujours
le privilège d'attirer l'attention et les recherches de Legroux. Ses concours pour
le bureau central des hôpitaux, et l'agrégation furent couronnés de succès. Il se
présenta non sans honneur dans la lutte ouverte pour la chaire de pathologie in-
terne (1840), et se fit remarquer là comme praticien éclairé. Legroux, enlevé à la
science en septembre 1861, était en. effet, avant tout et par-dessus tout, praticien
et observateur attentif, les yeux toujours fixés vers le but, c'est-à-dire vers la
thérapeutique.
On a de lui :
142 LËGUMINE (chimie).
I. Sur les concrétions sanguines dites polypi formes développées jjendant la vie. Tb. de
Paris, 1827, n" 215. — II. Quelles sont les règles à suivre dans les applications de la statis-
tique aux faits pathologiques . Th. de conc. (agr. méd.). Paris, 1835, in-4°. — III. Divers
articles dans le Dict. des Études médicales : Apoplexie, t. I, 1858; Cerveau [maladies du),
t. II, 1859; Cœur {maladies du), t. IV, 1839. — IV. De la spécificité dans les maladies. Th.
de conc. (path. int.]. Paris, 18i0, in-i". — V. Quelques mots sur l'emploi de la clialeur et
du froid dans le choléra. In Actes de la Soc. de méd. des hôpit. \" fasc, p. 61 ; 1850. —
VI. Sur différents points de la pathologie et de la thérap. de Vaffecl. saturnine. In Arch.
gén. de méd., i^sér., t. XII, p. 570 ; 1846. — VIT. De la compression des nerfs laryngés et
pneumogastriques . Ibid , t. XXI, p. 491 ; 1849. — VIII. Sur les concrétions du eœur et sur
les oblitérations vasculaires par des caillots détachés du cœur. In Gaz. hebd., 1856. — IX.
Des jiolypes veineux ou de la coagulation du sang dans les veines. Ibid., 1860. — X. Com-
munications à la Soc. de méd. des hôpii. sur la guérison du sclérome des nouveau-nés
par le massage. In Bullet., t. III, p. 55, 89; 1856. — XI. Faits cliniques relatifs au rhu-
matimne encéphalique, sur l'érythème et l'urticaire dans le rhumatisme. Ibid., t. IV,p. 403;
1859. E. Bgd.
m: guÉ-SAIWT-BRIECC (Station marine), dans le département des Côtes-
du-Nord, dans l'arrondissement et dans le canton de Saint-Brieuc, à 2 kilomè-
tres de la ville de ce nom (chemin de fer de l'ouest de Paris à Rennes et Saint-
Brieuc). La plage du Gué-Saint-Brieuc est large et unie ; et cependant, cette
station mai^ine est encore peu suivie ; elle n'est fréquentée que par les baigneurs
de la ville et des environs. A. R.
LÉGUMES. On appelle légumes, en bromatologie, des plantes ou parties de
plantes diverses, dont bon nombre ne sont pas tirées de la famille des Légumi-
neuses. On embrasse sous ce nom de légumes toutes les plantes dites potagères,
auxquelles on emprunte ou les feuilles (épinards), ou la fleur (chou-ileur), ou
le fruit vert (péricarpe du haricot), ou le fruit mûr (graine de haricots, tomates),
ou la racine (céleri) .
On les distingue généralement en deux grandes classes : les légumes herbacés
et les légumes féculents. Les premiers sont, pour la plupart, de digestion facile ;
par exemple, la cliicorée, les épinards, la laitue, les cardons ; mais d'autres,
parmi eux, sont lourds à l'estomac et exposent aux flatuosités ; notamment le
chou et le chou-fleur. Les seconds jouissent d'une plus grande propriété nutri-
tive que les précédents, mais exigent un travail assez actif de digestion; néan-
moins, on doit établir, sous ce rapport, une distinction entre les racines fécu-
lentes, comme la pomme de terre, et les graines féculentes, comme la lentille, les
pois, les haricots. Beaucoup de personnes digèrent parfaitement la pomme de terre
cuite à l'eau, qui ne peuvent supporter les légumes en grains ; et ceux-ci sont
d'ordinaire moins mal tolérés quand ils ont été réduits en farine et préparés sous
forme de purée.
On a déjà indiqué à l'article Aliment la valeur nutritive des principaux légumes.
Leurs usages culinaires ou leurs vertus médicamenteuses ont été ou seront indi-
qués au nom de chaque plante. A. D.
LÉGUAIIJVE ou caséine Dégétale. Chimie. L«légumine est une matière albu-
minoide ayant la plus grande analogie, sinon une identité complète sous le rap-
port de la composition et des propriétés, avec la caséine retirée du lait des ani-
maux. La légumine est contenue dans la graine des légumineuses et surtout
dans les pois, les haricots et les lentilles. On a signalé la présence d'une matière
semblable [amandine) dans les amandes douces et dans les amandes amères.
Suivant MM. Dumas et Cahours, \ei pois ccTnviennent le mieux à l'extraction
LÉGUMINEUSES. 145
de la légumine ; les haricots présentent moins d'avantage ; car, nidépendemment
de la fécule, ils contiennent une matière gommeuse qui rend la filtration des
liquides extrêmement difficile. On écrase les pois et on les met en digestion dans
l'eau tiède pendant deux ou trois heures, la légumine se dissout en grande partie.
Pour extraire ce qui reste dans la pulpe, on écrase celle-ci dans un mortier et on
y ajoute environ son poids d'eau froide. Au bout d'une heure de macération, on
jette le tout sur une toile et on exprime. Au bout de quelque temps de repos, on
liltre le liquide, et l'on y verse peu à peu de l'acide acétique étendu d'environ
huit ou dix fois son poids d'eau en ayant soin de n'y pas mettre une trop grande
quantité, car le précipité qui s'est formé d'abord ne tarderait pas à disparaître, la
légumine étant soluble dans un excès de cet acide. Il se forme ainsi un précipité
floconneux et très-blanc. Ce précipité, lavé, et épuisé d'abord par l'eau et ensuite
par l'alcool, est séché et pulvérisé; un traitement par l'éther le débarrasse de
toute matière grasse, on le dessèche ensuite de nouveau jusqu'à 140" dans le
vide.
La légumine ainsi obtenue ressemble à l'empois d'amidon quand elle vient
d'être précipitée par l'acide acétique ; desséchée, elle forme une masse bril-
lante et diaphane. Elle est insoluble dans l'alcool et dans l'éther, l'eau bouil-
lante et l'alcool faible et bouillant ne la dissolvent pas. L'eau froide, au
contraire, en dissovit de grandes quantités ; quand on porte la liqueur à une tem-
pérature voisine du point d'ébullition, elle se coagule (Dumas et Cahours) et
laisse précipiter des flocons cohérents ressemblant à de l'albumine coagulée. La
solution aqueuse est précipitée immédiatement par de l'acide acétique faible, un
excès d'acide redissout le précipité. En saturant l'excès d'acide par de l'ammo-
niaque, on fait reparaître la légumine, qui se précipite de nouveau. Un excès d'am-
moniaque ou d'un autre alcali le redissout à son tour. Des dissolutions faibles
d'acides sulfurique, chlorhydrique, azotique, phosphorique tribasique agissent
comme l'acide acétique.
La baryte et la chaux forment avec la légumine des combinaisons insolubles
dans l'eau. Cependant une solution aqueuse de légumine froide ne précipite ni les
sels de chaux ni les sels de magnésie ; mais il suffit d'une légère élévation de
température pour produire immédiatement la décomposition de ces sels et la coa-
gulation du mélange. C'est à cette formation d'une combinaison insoluble de chaux
et de légumine qu'est dû le durcissement qu'éprouvent les légumes quand on les
fait bouilhr dans une eau séléniteuse.
Une solution de légumine, telle qu'on l'extrait des légumineuses (avant la pré-
cipitation par l'acide acétique) ne se coagule pas par l'ébuUition, mais par l'éva-
poration, elle se couvre, comme le lait, d'une pellicule qui se renouvelle chaque
fois qu'on l'enlève; la raison de cette différence est que, dans l'extrait des légu-
mineuses, la légumine se trouve combinée à un aloali, et que cette conrbinaison ne
se coagule pas par la chaleur.
Une macération de graines de légumineuses, abandonnée à elle-même à la
température de 15 à 20" pendant vingt-quatre heures, se coagule comme le lait
caillé. C'est que la liqueur a subi la fermentation lactique, et l'acide lactique
formé a précipité la légumine. LuiZi
LÉGUMIIVEIISES. Famille de plantes dicotylédones polypétales périgynesj
dont les fleurs sont régulières ou plus souvent irrégulières. Elles sont construites or-
dinairement-sur le type 5, et plus rarement sur le type 4, 3 ou 6. Le réceptacle est
14i LEGUMINEUSES.
frcquemmeat concave, portant sur ses bords le péiiantbe et l'audrocée, tandis que
le gynécée s'insère au fond ou plus rarement sur les côtés de la cavité réceptacu-
laire. Les sépales sont unis ou libres, égaux ou inégaux, valvaires ou imbriqués
dans le bouton. Les pétales sont libres ou exceptionnellement unis. Ils sont, ou
en même nombre que les sépales, ou en nombre moindre, ou quelquefois tout à
fait absents. Leur ensemble forme une corolle régulière ou irrégulière. Dans le
premier cas, la prélloraison est valvaire ou imbriquée. Dans le second, elle est
indjriquée et parfois résupinée. Souvent l'imbrication est vexillaire, correspon-
dant à la forme de corolle polypétale dite papilionacée. Cette dernière est formée
de cinq pétales. L'un deux, postérieur, appelé l'étendard, recouvre dans le bou-
ton les deux pétales latéraux nommés ailes. Les ailes recouvrent à leur tour les deux
pétales antérieurs qui, libres, ou unis par leur bord inférieur, côns'tituent la
carène. Les étamines, périgynes ou plus rarement hypogynes, sont au nombre de
dix, superposées, cinq aux sépales, et cinq aux pétales, ou en même nombre que
ces derniers, ou plus rarement en nombre indéfini. Leurs filets sont libres ou mo-
nadelphes, ou diadelphes ; et la diadelpliie est rarement égale, mais le plus
ordinairement, avec la forme papilionacée de la corolle, inégale (9 et 1). Les an-
thères sont biloculaires, à déhiscence longitudinale, rarement porricide. Le gy-
nécée est ordinairement unicarpellé, composé d'un ovaire uniloculaire, surmonté
d'un style à sommet atténué ou dilaté, à tissu stigmatique terminal ou latéral.
L'ovaire est uniloculaire, et sur le côté de sa paroi qui regarde l'étendard, on
observe un placenta pariétal, chargé d'ovules en nombre variable, dirigés trans-
versalement ou obliquement, anatropes ou plus souvent campylotropes . Le fruit
est généralement une gousse [legumen], c'est-à-dire un fruit sec, polysperme, et
déhiscent en deux panneaux ; mais quelquefois un achaine, une drupe ou une
baie. La cavité de l'endocarpe renferme des graines en nombre variable, nues
ou entourées d'une pulpe formée par l'hypertrophie du tissu de l'endocarpe ; la
cavité de ce dernier est continue ou partagée en logettes plus ou moins complètes,
monospermes, par de fausses cloisons, suivant lesquelles la gousse peut se séparer
transversalement en un nombre d'articles égal à celui des graines (lomentiim).
Les graines sont anatropes ou campylotropes, assez souvent arillées, renfermant
sous leurs téguments un embryon charnu, parfois entouré d'albumen (charnu
ou cartilagineux). Les cotylédons sont plans, foliacés ou épais. La radicule est ven-
trale, supère ou infère, droite, oblique ou infléchie et accombante aux cotylédons.
L'immense famille des Légumineuses habite toutes les régions du globe, sauf
les îles glacées voisines du pôle antarctique. On en compte environ 6500 espèces,
réparties dans 400 genres à peu près. On a subdivisé l'ensemble en trois sous-
familles dont les caractères principaux sont les suivants :
L Mimosées. Fleurs presque toujours de petite taille, régulières. CaHce à folioles
libres ou unies dans une étendue variable, imbriquées ou plus souvent valvaires
dans la préfloraison. Pétales valvaires, libres ou connés dans une certaine éten-
due. Étamines en nombre défini ou indéfini, libres ou monadelphes.
lï. CœsaJpiniées. Fleurs irrégulières et plus rarement régulières. Sépales hbres
jusqu'à la base, ou unis dans une étendue variable. Corolle imbriquée, le pétale
supérieur ou vexillaire tout à fait enveloppé. Étamines ordinairement libres,
plus rarement unies, quelquefois hypogynes. Embryon à radicule droite ou très-
rarement légèrement oblique.
IIl. Papilionacées. Fleurs presque toujours irrégulières. Réceptacle plus ou
moins prolongé en tube ou en coupe au-dessus du bord supérieur du disque,
LEIGHiNER. 145
et au-dessous de la base du cahce. Corolle dite papilionacée, le pétale supé-
rieur enveloppant les latéraux. Embryon à radicule infléchie, accombante, ou
plus rarement droite et très-courte.
Les plantes de la famille des Légumineuses ont quelques caractères communs
dans les organes de la végétation. Ce sont des arbres, des arbrisseaux ou des
herbes à feuilles alternes, rarement opposées, composées-pennées, ou digitées, ou
décomposées, quelquefois réduites à une ou deux folioles, plus rarement trans-
formées en phyllodes. Elles sont accompagnées de stipules, et les Tolioles elles-
mêmes peuvent être munies de stipules. Les fleurs sont disposées en inflorescence
uni ou nmltiflore, axillaire ou terminale, grappes, épis ou cymes, simples ou
composés. Les pédicelles floraux sont placés à l'aisselle d'une bractée qui manque
rarement, solitaires, géminés ou fascicules.
Les propriétés des Légumineuses sont trop nombreuses et trop variables pour
pouvoir être indiquées ici d'une manière générale. Elles devront être étudiées à
propos de chacune des sous-flmiillcs ou des genres qui contiennent des plantes
employées en médecine. H. Bn.
Juss., Gen. plant., 545. — DC, Mém. Légiim., Paris, 1825 , in-4°; Prodr. , II, 95. —
E>DL., Gcn., •1255, Cl. LSIl. — Li.ndl., Veg . Kiiigd., 5U. — Benth. etllooi;., Goi., I, 45i,
— Uicii. (A.), Dict. de médec. (en 50 vol.), XYllI, 1 ; Élcm., éd. 4, II, 277.
LE DAVRE-DE-GRACE (Station mariîse), dans le département delà Seine-
Inférieure, est un chel lieu d'arrondissement, situé sur la rive droite de la Seine,
à son embouchure dans la Manche. Le Havre est une place forte, un sous-arron-
dissement maritime et une école d'hydrographie. La ville est peuplée de 80,000
habitants ; elle est bien bâtie, bien percée et remarquable par la beauté de sa
jetée, de ses quais, de son avant-port et de ses six bassins, qui peuvent contenir
500 navires à la fois. Elle offre un aspect pittoresque, vue de la côté d'Ligou-
ville, ou des dunes qui conduisent au phare de la Ilève, visité par tous les étran-
gers qui séjournent au Havre. La plage du Havre est formée de sable tin dans
certains endroits, et de ga'cts dans certains autres ; elle n'est pas faite, par
conséquent, pour attirer les baigneurs qui peuvent choisir le lieu de leur saison
marine. Elle est très-suffisante cependant pour ceux qui demeurent dans la ville,
ou qui ont quelques motifs d'y séjourner pendant les mois d'été. Les cabinets du
sous-sol de l'hôtel Frascati sont munis de baignoires alimentées par l'eau de mer
chauflée à la température du bain et de la douche. Si la plage du Havre laisse à
désirer, an point de vue des bains de mer froids, l'installation des bains de mer
chauds de Fi'ascati est plus complète que celle des autres stations mannes de
la France.
La côte de Sainte- Adresse, couverte de villas, et qui domine la ville et la
mer, attire beaucoup de baigneurs. A. R.
LEICHAIER (Eccard), professeur de médecine à l'université d'Erfurt, né à
Saltzungen, dans la Thuringe, le 15 janvier 1612, mort le 29 août 1690. Ce fut
un très-savant homme, un travailleur infatigable, mais d'un caractère aigre, ami
du paradoxe, combattant tour à tour Descartes, van Helmont et la circulation du
sang. Jourdan, dans le grand Dictionnaire de médecine en 60 volumes (biographie,
t. V, p. 567), a donné une compendieuse liste des ouvrages de Leichner. Nous en
détachons les suivants.
I. De motu sanguinis exercitatio anliharveiana . Arnstadt, 1645, in-12. — II. De alomo-
DicT. ENC. 2° s. II. 10
146 LEMBERT.
rum subcœlestium stjiidiacrasi exercitationes. Erfurt, 1645, in-4°. — III. De gencratione
seu propagativa animalhim, i^lantarum, et mtnerallum muUiplicatione in génère, excita-
tiones plnjsicœ antiperipatetkœ XX. Erfurt, 1649, in-4°. — IV. De indivisibili et totali
cujusque animœ in toto suo corpore et slngulis cjus partibus existeniia, dissertatio tripar-
tita. Erfurt, 1C50, in-12. — V. Isagogicmn de jMlosophica, seu apodictica scholarum
emendatione. Erfurt, 1652, in-4». — VI. Hypomemnata vu de cordis et sanguinis inotu,
lenae, 1655, in-12. A. C.
LGIDEMPROST (Joh.-Gottlob), Médecin instruit et très-laborieux, né à
Ortenberg, comté de Stollberg-Rossla, le 24 novembre 1716. Il étudia d'abord à
Giessenpuis àLeipzig et prit défmitivement ses degrés à l'université de Halle ; après
plusieurs voyages pour compléter son instruction, il pratiqua pendant quelque
temps à Berlin, et accepta du service dans l'armée prussienne lors delà guerre de
Silésie. En 1755, il occupa avec beaucoup de distinction une chaire de médecine
à Duisbourg où il mourut le 2 décembre 1794, âgé de près de quatre-vingts ans.
Leidenfrost a publié une foule d'opuscules sur différents points de physiologie, de
pathologie et de matière médicale qui ont été réunis après sa mort sous le titre
suivant : Opuscula physico-chemica et medica antehac seorsim édita, nunc post
ejus obitum collecta, Lemgo, 1797-98, 4 vol. in-4°. Beaucoup de dissertations,
dictées par lui, ont été soutenues sous sa présidence par ses élèves ; enfin il a fait
paraître également beaucoup d'articles dans le journal de Duisbourg.
E Bgd-
LÉiomiOME. Voy. LioMioMÉ.
LÉIOTRIQIJE.| Voy. LiOTRIQUE.
tiÉIPOPSTCHlE. Voy. Adïnamie et Asthénie.
LEMAîTKE OU IW4GISTRI (Les). Il y a deux médecins de ce nom, qui
n'appartiennent pas à la même famille :
Lemaitre (Claude), fils de Geoffroy Lemaître, prévôt de Montlhéry, et de Ca-
therhie Lefèvre, appartient à l'école de Paris, mourut le 8 décembi'e 1544 et fut
ienterré à Saint-André des Arts. Il était chanoine de Meaux et du Mans, prieur de
Saint-Denis en France et de Chaumont. Je ne lui connnais pas d'ouvrages.
tiemaitre (Piodolphe) était de Tonnerre, médecin de Gaston d'Orléans, frère
de Louis XIII, qu'il accompagna dans son voyage en Lorraine, et mourut en 1632,
laissant :
I. De temponbus humant partus. Nîmes, 1591, in-8°. — II. Doctrina Hippocratis. Apho^
rismi nova interpretatione ac mcthodo exornati. Paris, 1615, in-12. — III. Préservatif
des fièvres malignes de ce ternies. Paris, 1619, in-8°. — IV. Conseils préservatifs et curalifs
contre la peste^ plus contre les piqûres venimeuses. Épinal, 165:i, in-16. A. C.
LËIUBËRT (ANTomE). Ancien interne des hôpitaux de Paris, lauréat de
l'Académie des sciences pour des recherches sur la méthode endermique, médecin
des épidémies pour le département de la Seine, né à Nancy le 19 avril 1802,
mort d'un cancer de l'estomac en 1851, Lambert a attaché son nom à un procédé
opératoire pour la suture intestinale qu'il publia peu après Jobert de Lamballe,
et à la méthode iatraleptique, sur laquelle il a publié un très-bon travail.
Voici la liste de ses publications :
I. Exposé sommaire d'une médecine nouvelle par la voie de la peau privée de son épi-
LÉMERY (les deux). 147
demie (avec Lesieur), lu à l'Acad. des se. lu Arch. gêii. de mccL. 1" sér., t. V, p. 158 ; 1824.
— l\. Propositions sur le système nerveux. Th. de Pai'is, 1828 ; n" 56. — \ll. Essai sur la
méthode endermique. Paris, 1828, in-8''. — IV. Nouveau procédé d'entéroraphie. In Ecpert.
danat., etc. , t. L, II, p. 100 ; 1826. — V. Du principe du mouvement dans les corps orga-
niques. In Arch. cjén. de méd., i"' sér., t. XXII, p. 27G, 430; 1850. — VI. Du délire sous le
rapport du diagnostic. Th. deconc. (af^régat. méd.). Paris, 1852, in-4°. — VII. Dansqucl
cas la doctrine de la dérivation et de la révulsion est-elle applicable? Th. de conc. (id.j.
Paris, 1855, in-4°. E. Bgd.
ïiÉMERY (Lesdeïîx).
Lémery (Nicolas), l'un des chimistes les plus érainents du dix-septième siècle,
né à Rouen le 17 novembre 1645, mort à Paris, le 19 juin 1715. A une époque
où la chimie était à peu près nulle comme science, et où l'alchimie régnait encore
en souveraine, ce savant et judicieux homme sut y introduire de la clarté, y em-
ployer un langage précis, intelligible, substituer aux anciennes explications pure-
ment hypothétiques , des théories fondées sur l'observation attentive et exacte
des phénomènes. Il fonda, en un mot, cette science, que Lavoisier devait trans-
former et que les recherches modernes ont portée si haut. Mais Léniery était calvi-
niste : c'est assez dire les persécutions qu'il endura, dans ce siècle d'intolérance ;
on ne se contenta pas de lui retirer son brevet de pharmacien ; on le força à se
réfugier en Angleterre (1683) ; l'infâme révocation de l'édit de Nantes, signé par
un roi fou de bigoterie et mené par une dame de Maintenon, ne fit qu'augmenter
les malheurs de notre chimiste, lequel, privé de son état, dépouillé de sa fortune
obligé de se cacher, se trouva placé entre ces deux alternatives: s'expatrier ou
renoncer à ses croyances religieuses. La vérité oblige à dire que Lémery opta pour
ce dernier parti, et qu'il abjura en 1686. 11 mourut le 19 juin 171 5, laissant les
ouvrages suivants, qui ont fait sa gloire :
l. Traité de l'antimoine. Paris, 1707, in-12. Traduit en allemand par Jean-André
Mahlern (1709), et Journ. des savants, année 1707, t. III, p. 290. — II. Coias de chimie
contenant la manière de faire les opérations gui sont en usage dans la médecine, par une
méthode facile, avec des raisonnements sur chaque opération , pour l'instruction de ceux
qid veulent s'appliquer à cette science. Paris, 1675, in-S" ; plus un nombre énorme
d'éditions et traductions dans presque toutes les langues de l'Europe. — III. Pharmacopée
universelle. Paris, 1697, in-4°, etc., etc. — IV. Dictionnaire universel des drogues simples
contenant leurs noms, origine, choix, principes, vertus, étymologie, et ce qu'il n a de partie
culier dans les animaux, dans les végétaux et dans les minéraux. Paris, 1698 in-4° etc
I^émery (Louis), fils du précédent, fut en tous points digne de son père, et
s'adonna pareillement, d'une manière spéciale, à la culture des sciences chimiques
et physiques. Né à Paris, le 25 janvier 1677, licencié à la Faculté de médecine de
cette ville, le 17 août 1698, il mourut d'une leuco-phlegmasie, le 9 juin 1745, et
fut enterré à Saint-Sulpice. Il avait été médecin du roi, membre de l'Académie
des sciences, professeur de chimie au Jardin royal, médecin de l'Hôtel-Dieu (1710U
Il a laissé :
* I. Traité des aliments, oh Von trouve : la différence et le choix qu'on en doit faire ; les
bons et les mauvais effets qu'ils peuvent produire, leurs principes, les circonstances oii ils
conviennent,, Paris, 1702, in-12, etc.; revu, corrigé et augmenté par Jacques-Jean Bruliier
1755, in-12, 2 vol. — II. Dissertation sur la nourriture des os. Paris, 1704, in-12 etc ~
Plus divers mémoires insérés dans les Mém. de l'Acad. des sciences, et dont voici las
principaux : — III. De l'urine de vache, de ses effets en médecine, et de sou anali/s
chimique ; année llQl , p. 53. — IV. Observation historique et médicinale sur une préparae
tion d'antimoine, appelée Poudre des Chartreux ou kermès minéral ; année 1720, p. 417
V. ^uv un fœtus monstrueux; année 1724, p. 44. — VI. Sur le trou ovale; année 1759
p. 31 et 97. — VII. Remarque sur un nouveau monstre, dont M, Winslow a donné depuis
l>eu la description ; znnée il ^'d, ]}.'ù'è'\. ^ ^
11^ LEMNISOllE.
LEiMMEXS, Cil latin LEmiViL'S (Les deux). Deux médecins zéloiiilais (jiiiout
joui dans leur temps d'une grande réputation , dont l'un a beaucoup écrit, mais
dont les ouvrages restent aujourd'hui ensevelis sous la poussière des biblio-
thèques.
Lemmens (Loiiis), OU le père, né à Ziricnée, le 20 mai 1505, mort chanoine
je ne sais pas de quelle confrérie, lel^judlet 1568, a laissé les ouvrages suivants :
I. De aslvolofficc liber tiniis , in quo ohiter indicatur qtiid illa veri, quid ficti fahiquc
Jiahcal, ctc , e!c. Anvers, lo5i, in-S°, — ]I. De occuUis nnliirœ miracnlis Ubri duo. Anvers,
1550, in-1-2, etc. Trad. en français par Ant. Dupinet et Jean Gaborry (1567). — III. J)e
habita et constitiitionc corporis, quam triviales complexioncm vacant, Ubri duo. Anvers
loOl, in-12. — IV. Similitudinum cl paraholarum giiœ in Bibliis et herbis atqiie arboribus
desinmtnlur , dilucida expUcatio. Anvers, 1509, in-S", etc. Trad. en français (1577).
Lemmens (Guillaume), ou le fds, né pareillement à Ziricnée, vers l'an 1530,
s'acquit assez de réputation pour que Eric IV, roi de Suède, l'eût appelé à sa cour,
et l'eût comblé de bontés. Tant de faveur devint fatale au médecin, qui fut jeté en
prison et étranglé en 1568, lorsque son prolecteur lui-mcme fut précipité du
trône par Jean III. On n'a de lui qu'un opuscule tendant à prouver que l'éduca-
tion a plus d'influence que le climat sur le développement des facultés intellec-
tuelles. Cet opuscule porte ce titre:
Epislola qiiâ obiter docetur educationcin plus cfficeve in animis homimcm, quam acris
anibicntis mit loci qiialitatcm. Anvers, 1554, iii-8°. A. C.
LEMIVA, Lenticule ou Lentille d'eau. Genre deMonocotylédonées, établi par
Linné, et donnant son nom à la famille des Lemuacées. Les plantes qui le compo-
sent flottent à la surface des eaux tranquilles sous forme de petits disques lenti-
culaires, de couleur verte, réunis deux ou plusieurs ensemble, et émettant par
leur partie inférieure une ou plusieurs radicelles. Les fleurs sont unisexuées, et
réunies d'ordmaire par trois, deux mâles et une femelle, dans une petite spathe
commune. Elles sont extrêmement simples, les fleurs mâles se réduisant ;i une
seule étamiue, les femelles à un seul pistil. Le fruit est indéhiscent, uniloculairc
et contient une ou plusieurs graines à testa coriace, entourant un embryon mono-
cotyiédoné, droit, place dans un albumen très-peu abondant, nul d'après quel-
ques auteurs.
Les diverses espèces de Lemna, fraîchement retirées de l'eau, étaient jadis ap-
pliquées comme réfrigérantes sur les organes enflammés. De nos jours, elles n'ont
plus d'usage médical. C'est une nourriture très-recherchée par certains oiseaux
aquatiques.
Lk^é. Gcncr. Plant. 900. — Endlicheii. Gen. Plant. — J. Bauhix. Hist. Plant. III, 78G.
G. Planciion.
LEMîXISfJL'E ()>vîpt(7v.oî , bandelette, ruban). Les chirurgiens grecs don-
naient ce nom à des tentes ou mèches introduites dans une plaie, pour obtenir une
cicatrisation isolée des bords de cette plaie, pour dilater une cavité étroite, ou
pour faciliter l'écoulement d'un liquide après l'ouverture d'une collection. Ainsi,
Celse qui, le premier, se sert de ce mot, conseille d'introduire un Jemnisque
enduit de vinaigre après l'opération qui consiste iî ouvrir un conduit artificiel
dans un vagin oblitéré par une masse .charnue (1. Vil, ch. xxviii). Âetius fait ob-
server qu'après la ponction d'une hydrocéphale aqueuse, il ne convient point d'in-
troduire un lemnisque dans l'incision, comme on a coutume de le faire pour les
abcès. (Tctrab. 2, 1. II, c. i.) Et, en effet, Paul d'iilgine remarque que quand l'abcès
LE MONKSTIEU DE BP.IANÇON ieaox minkrai.es de). 119
que l'on ouvre est petit, on ne fait qu'une ouverture, et on n'y place qu'un icm-
nisque (l. VI, cli. xxxiv). C'est le plus ancien procédé de drainage chiiurpical.
E. Bgd.
LEMOî^-GRASS . On donne ce nom, en Angleterre, à plusieurs espèces qui
ont été indiquées au mot AxDr.opoGo.N. Les feuilles de V Androjwgon Schœnanthum
sont employées comme stimulantes et digestives. L' Andropogon citratum passe
pour abortif.
LE MOXESTîEB DE BRIAIVÇOIV (Eaux MINÉRALES de), mésothermales
on hyperthermales, bicarbonatées ou sulfatées calciques moyennes, carboniques
moyennes. Dans le département des Hautes-Alpes, dans l'arrondissement de Brian-
çon et à 15 kilomètres au nord-ouest de la ville de ce nom, près de la Guisane,
est un chef-lieu de canton peuplé do 1250 habitants, remarquable par ses mines
de graphite ou plombagine, de houille et de cuivre. Des vestiges de constructions
romaines ont été découverts dans plusieurs endroits des environs.
Deux sources émergent au Monestier de Briançon, l'une au nord et l'autre au
midi de l'établissement ; on nomme la première source du Nord ou source de la
Rotonde, la seconde source du Midi. Le captage de ces souixes est très-défec-
tueux ; aussi leur température varie-t-elle considérablement lorsque l'atmosphère
change et que l'eau de pluie se mêle à l'eau minérale. Ainsi l'eau de la source du
iS'ord a quelquefois 50" centigrade, et quelquefois 22" centigrade seulement. La
température de la source du Midi est un peu plus fixe ; elle oscille d'habitude entre
39" et 45" centigrade. L'eau des deux sources est claire, limpide et transparente,
sans odeur, d'une saveifr alcaline peu marquée; elle ramène au bleu les prépara-
tions de tournesol rougies par un acide lorsqu'on la laisse exposée à t'air pendant
un cerlain temps et que ses gaz se sont évaporés. Des bulles, les unes petites, les
autres d'un plus gros volume, la traversent et viennent s'épanouir à sa surface;
lorsqu'elle est reçue dans un verre, les plus grosses s'attachent en partie à ses
parois, les plus petites se mêlent à l'air après avoir promptement gagné la couche
supérieure du liquide. La densité de cette eau minérale n'a pas été cherchée;
M. Tripier a fait son analyse chimique et il a trouvé, dans 1000 grammes de l'eau
de chacune des deux sources du Monestier de Briançon les principes suivants :
SOURCE DO NORP
OD DE LA ROTONDE. *"'"■' '^ ''^ "™-
Carbonate de chaux 1,1974 0 4033
— fer 0,0048 ', '•
— magnésie 0,0018 0,0871
— ammoniaque traces traces.
Sulfate de cliaux 0,4627 1,5657
— soude 0,1628 '. '. 0,3593
— magnésie 0,0075 0,0430
Phosphate de chaux 0,0071 0,0369
Chlorure de sodium 0,1430 0,5106
— potassium 0,0031 »
— calcium 0,0315 0,0261
— magnésium 0,0503 0,0718
Oxyde de manganèse traces , »
Acide silicique 0,0306 »
Matière organique 0,0300 0,0300
Total des matières fixes. . . 2,1584 3,1560
Acide carbonique 0,066 litre. . . . 0,051 litre.
Gaz. { Azote 0,014 — . . . 0,004 —
0.xygène 0,002 — . . . y, —
Total des GAZ .... 0,082 litre. . . . 0,035 ht re.
150 LE MONESTIER DE CLERMONT (eau minérale de).
Les eaux de la source du Nord ou de la Rotonde sont exclusivement employées
en boisson, celles de la source du Midi alimentent les baignoires d'un petit établis-
sement thermal dont l'installation est très-peu confortable.
Emploi thérapeutique. La dose de l'eau de la source de la Rotonde en boisson
est de trois h huit verres, qui sont bus le matin à jeun et à un quart d'heure
d'intervalle. La durée des bains est d'une heure en général. Les eaux de la source
du Nord prises à l'intérieur sont faciles à digérer ; leur action physiologique prin-
cipale est la diurèse et l'augmentation de l'appétit et des forces. Ces deux pro-
ipriétés ont conduit à leur emploi thérapeutique contre les affections des voies uri-
' uaires dans lesquelles il est utile d'augmenter la quantité de la sécrétion rénale et
de débarrasser les graveleux de sables ou de calculs assez peu volumineux pour
suivre la filière uro-poiétique ; et dans les troubles de l'estomac ou de l'intestin dont
la dyspepsie et l'anémie sont les symptômes les plus notables. Les bains avec l'eau
de la source du Midi sont fréquentés surtout par les rhumatisants, si nombreux
à Briançon et aux environs en raison des changements et de la rigueur de la tem-
pérature de cette ville, dont l'altitude au-dessus du niveau de la mer n'est pas
moindre de 1306 mètres. Les tumeurs blanches, si elles ne sont pas accompagnées
de caries ou de nécroses, rentrent dans la sphère d'action de ces eaux minérales,
ainsi que la gêne des mouvements consécutive aux engorgements de tissus prove-
nant de fractures, de luxations, d'entorses anciennes ou de blessures produites
par des armes de guerre. L'eau thermale sulfatée calcique moyenne de la source
du Midi a enfin la réputation d'améliorer ou de guérir les affections cutanées que
la médication sulfureuse naturelle ou artificielle a été impuissante à détruire.
Les eaux des sources du Monestier de Briançon ont une efficacité incontestable,
malgré le mauvais état de leur captage, et quoique les moyens balnéothérapiques
de l'étabhssement soient tout à fait insuffisants. Aussi leur vertu attire-t-elle tous
les ans les malades des contrées voisines ; l'organisation par trop primitive de la
maison des bains exphque facilement pourquoi les personnes étrangères au pays
préfèrent suivre ailleurs leur traitement thermal.
La durée de la cure est de 25 à 30 jours.
On n'exporte pas les eaux du Monestier de Briançon. A. Rotureau.
LE MOMESTIER SîE CLEiR5i«>MT (Eau MiNBRAtE de), ùthermole, bicarbo-
natée calcique, sodique et magnésienne înojjenne, carbonique forte, dans le dé-
partement de l'Isère, dans l'arrondissement de Grenoble et à 35 kilomètres delà
ville, est un chef-lieu de canton n'ayant que 600 habitants. Le château des barons
et plus tard des comtes du Monestier était autrefois le plus important du pays; il
ne présente rien de remarquable aujourd'hui.
La source du Monestier de Clermont émerge par plusieurs griffons dans une
prairie qui occupe la partie inférieure d'un coteau que traverse la route de Gre-
noble à Marseille par la Croix-Haute. L'eau de cette source est claire, limpide et
transparente, sans odeur marquée ; sa saveur est aigrelette et piquante ; elle rougit
instantanément la teinture et le papier de tournesol ; elle est traversée par une si
grande quantité de bulles gazeuses, preque toutes constituées par de l'acide car-
bonique, qu'il n'est pas rare, dit M. le docteur Dorgeval-Dubouchot, de trouver, sur
les bords de la fontaine du ruisseau, des oiseaux qui, en venant s'y désaltérer,
ont péri d'asphyxie. Sa température est de i'i",ô centigrade. Son analyse chimique
a été faite par M. le docteur Leroy, professeur de la Faculté des sciences de Gre-
noble, qui a trouvé, dans 1000 grammes les principes suivants :
s.
LE MONNIER. 151
,.\ Bicarbonate de chaux anhydre 0,886
_ soude 0,794
— magnésie 0,547
fgr traces.
Silicate d'alumine 0,0û3
Chlorure de sodium ^'?^?
Sulfate de soude 0,535
— chaux 0,015
— magnésie 0,016
Total des matières fixes 2,674
Î Acide carbonique libre et demi-combiné ..... 992
— tout â fait libre -592
Azote ^
Total des gaz 1,508
L'eau du Moiiestier de Clermont est usitée en boisson seulement, soit à la
source, soit en mangeant, pure ou mêlée au vin. Son action physiologique est
apéritive et diurétique ; on l'emploie dans les affections où il est utile de stimuler
l'appétit, de faciliter la digestion et de faire sortir le sable ou les petits graviers
produits dans les reins.
Durée de la cure, un mois en général.
On exporte dans les environs l'eau du Moneslier de Clermont. La quantité coii-
idérable de gaz acide carbonique qu'elle contient permettrait aisément une expé-
dition beaucoup plus importante. Elle pourrait rivaliser avec les eaux de table et
en particulier avec celles de Saint-Galmier, au voisinage desquelles elle doit trou-
ver sa place dans le cadre hydrologique. A. Rotureau.
Bibliographie. — Dorgeval-Dubouchet. Guide du baigneur aux eaux thermales de La MoUe-
les-Bains. Paris et Lyon, 1849, in-8% p. 157-158. A. R.
LE RI0i:vN3ER (Locis-CtUILI,aume). Cet homme de cœur, ce botaniste distin-
gué, ce médecin fidèle, courageux et dévoue de Louis XVI, naquit à Paris, le
26 juin 1717, et fut baptisé le lendemain dans l'égUse de Saint-Cosme et Saint-
Damien. Le 2 septembre 1737, il était maître es arts ; docteur en médecine de la
Faculté de Paris, le 17 octobre 1740. Ami de Cassini et de La Caille, avec lequel il
alla, en 1759, dans le midi de la France, pour y prolonger la méridienne de l'Ob-
servatoire ; ami de Jean-Jacques Rousseau, avec lequel il a plus d'une fois herbo-
risé; introducteur dans notre France de cette belle plante que les poètes appellent
belle-de-nuit, et les savants, mirabilis longiflora, et de l'acacia à fleurs couleur
de rose [robinia hispida), n'obtint pas de suite la confiance de Louis XVI. Il lui
fallut suivre la hiérarchie ordinaire, tàter le pouls d'abord à la belle-sœur de ce
roi, puis à Monsieur, comte de Provence (Louis XVIII), et attendre la mort de
de Lassone. Il suffit d'écrire cette année 1788, pour dire combien court fut son
règne in curiâ Palatini. Rien n'a transpiré des relations entre le roi et le méde-
cin, dans ces premières, grandes et immortelles années de la Révolution française,
depuis la prise de la Bastille, depuis le fatal voyage de Varennes, depuis le 25 juin
1791 , où. toutes les fonctions législatives de l'imprudent monarque furent suspen-
dues, jusqu'à la sanglante journée du 10 août. Mais ce jour-là on retrouve Le
Monnier ; on constate qu'il est à son poste, aux Tuileries, dans une chambre con-
sacrée au service de sauté, tout prêt à voler au secours du maître... qui n'est
plus là et qui entend, dans une mauvaise petite tribune de logographe de l'Assem-
blée constituante, le renversement du trône de saint Louis. Le Monnier est en-
touré d'une foule avide de sang et de massacres ; déjà il se prépare à une mort
ir»'2 LE M os.
sinon glorieuse, au moins passiYC... Tout à coup, un inconnu, sans armes, lui
crie d'une voix dure et irapérative :
— Suivez-moi... !
— Mais le combat dure encore, répond le médecin.
— Ce n'est pas le moment de craindre les balles, riposte l'inconnu.
Et sans désemparer , il l' entraîne , le fait sauter par-dessus les cadavres des
suisses, parvient à le faire sortir sain et sauf de cette boucherie, et le conduit
jusqu'à son logement, au Luxembourg...
On retrouve encore Le Monnier le 22 novembre 1792. Celte fois, c'est dans la
grande tour du Temple. Que l'on se figure sa douleur en revoyant Louis XVI,
séparé de sa famille depuis deux mois, réduit au strict nécessaire, relégué au
deuxième étage de la tour. Dans une ti-iste chambre, dont tout l'ameublement
consiste en une table à dessus de maroquin vert, une commode en bois d'acajou,
un secrétaire plaqué en bois de rose, une bergère à coussins en damas vert, deux
fauteuils, deux petits tabourets en paille, deux lits, l'un pour l'ex-roi , l'autre, de
sangle) pour son jeune fils... ! Il n'avait pas été facile d'obtenir l'entrée delà pri-
son, quoique Louis fût atteint d'un rhume et d'une fluxion qui réclamaient des
soins. La Commune de Paris avait des raisons pour craindre un enlèvement.
Aussi, toutes les fois que Le Monnier venait à la tour (deux fois par jour), on le
fouillait avant sa visite. On ne lui permettait de parler qu'à haute voix ; le res-
pect qu'il montrait devant le maître tombé de si haut le faisait traiter de courti-
san et d'aristocrate ; ses ordonnances mêmes étaient contresignées des commissaires
et des municipaux.
Louis-Guillaume Le Monnier mourut àMontreuil, petit village entre Yiroflay et
Versailles, sur la hsière du joli bois de Ville-d'Avray, le 7 septembre 1799, âgé de
quatre-vingt-deux ans . Les dernières années de sa vie furent dignes de sa grande àme.
Ce n'est pas sans émotion qu'on lit dans les mémoires du temps que le noble vieil-
lard, presque sans fortune, se mil bravement à ouvrir à Monlreuil une boutique
d'herboriste, et à y vendre, moyennant un modique salaire, les plantes qu'il allait
récolter lui-même dans la campagne, et qu'il vendait mortes et desséchées, après
les avoir cueilhes fraîches et pimpantes. A. C.
liEMOS (Lmz be), médecin et commentateur du seizième siècle, dont la vie
nous est peu connue. Il était de Frontelra en Portugal. Après avoir étudié la
philosophie et la médecine à l'université de Salamanque où il occupa pendant
quelque temps la chaire de philosophie, il alla ensuite pratiquer à Llerena avec
le titre de médecin juré. Plus tard, il obtint le grade de médecin de la chambre
du roi de Portugal, qu'il conserva jusqu'à sa mort.
Lemos est le premier parmi les modernes qui se soit occupé de la critique des
œuvres d'Hlppocrate. Son ouvrage est assez rare pour que Sprengel n'ait pu se le
procurer. M. Littré qui l'a lu, en fait peu de cas. « Louis Lemos, dit-il, s'appuie
uniquement sur les dires de Galien, et il n'a pas d'autre avis que celui du méde-
cin de Pergame; c'est là la seule base de sa critique » (OEuvr. fVHipp., introd.,
t. I, p. 169. Paris, 1859, in-8'\) Lemos a, en outre, écrit sur la séméiotique et
quelques commentaires sur divers ouvrages d'Âristote et de Galien. En voici
l'indication.
I. Paradoxorum dialecticorum, llbri II. SalamanlicEe, 1358, in-S". — II. In lihrum
Aristotelis Perihermenias rommentaria. Ibid., 1558, in-i". — III. Commentaria in Gale-
nnm de facitUatibus gcneralibiis. Ibid., 1850, in-4° ; ibid., 1594, in-4°. — IV. In libros XII
LENOIB. ^'^?
ck morbis mcdeudis conimcutarii. Jbid., 458], in-lol. —Y. De oplhiia ^Jrm/iVrnJv ralwne,
libii \I. Item. Judicii miigni Hippocmtis, liber unus. Ibid., 15S5, iii-4\ D'après riiislonen
Morejon donl nous avons suivi les indications, il aurait laissé aussi ua manuscrit intitulé :
Comrneniaria in Hbros posteriorum analyticoriim Aristolelis. E. Bgd.
I.EXGSFEL» (Joseph), médecin de Vienne, né en 1765, mort le 5 décembre
1798 ; s'est livré particulièrement à l'étude des entozoaires, si peu comuis alors,
et sur lesquels il a publié les deux ouvrages suivants :
I. Beschreibnng dcr Bandwiirmer tind deren Heilmittel. Vienne, 1794, in-8°. — II. Uebcr
die Kr.'inhhciten von Wilrmern und deren Kennzcichcn. Vienne, 1795, in-8% deux planches.
A. C.
LENICEPS. Voy. For.cEPS.
EÉXITIF (Électuaire). C'est une de ces vieilles formules complexes que
l'on conserve par respect pour la tradition, qui réunissent une foule de substaïues
et dans l'élaboration desquelles nos devanciers se complaisaient tant. Cet élec-
tuaire, appelé aussi Conserve de séné, Electuarium de Ssnnia composi-
tiim, a été mainteiuie dans la nouvelle édition du Codex. 11 ne renferme pas
monis de quinze substances, que l'on peut classer ainsi : 1" substances féculentes
ou berbacées (orge mondée, racine de polypode de cbêne); 2" substances sacrées
(réglisse, raiisins secs, jujube, sucre); 3" substances aromatiques (fenouil, anis);
A" substances purgatives (feuilles de mercuriale et de séné, poudre de follicule
de séné, pulpe de tamarin, de casse et de pruneaux). Les proportions du séné
(tant feuilles que follicules) sont d'un dixième. Il s'administre à la dose de 30 à 45
grammes, contenant 5 à 4 grammes de séné. Si on le donne en lavement, oujiorte
la dose à 60 grammes. Cette sorte de tbériaque purgative est tombée eu désué-
tude. FOKSSAGRIVES.
LÉRIITIFS (Médicaments). Le mot lénitif est tiré du latin lenire, adoucir. On
l'employait autrefois comme synonyme d'adoucissants, d'humectants, de relâ-
chants, vieilles désignations qui n'ont plus de sens et que la médociiic a définiti-
vement abandonnées à la comédie. Le sens le plus général de ce mot est celui de
laxatif, connnc le montre le nom de l'électuaire de séné dont nous venons de
donner la formule. C'est la signification que lui donne Argant dans la ilroJatirjue
discussion de la note de Fleurant l'apothicaire ; c'est celle qu'on peut lui conserver,
quelque peu scientifique que soit l'autorité sur laquelle s'appuie cette proposition.
La vieille terminologie dont ce mot fait partie n'offre, du reste, qu'un intérêt his-
torique ; elle consacre maintes fois des erreurs, devient souvent une source de
confusion et pourra disparaître sans laisser de regrets. FoxssAcnivEs.
LE!VOIR (Adolphe), un des chirurgiens distingués de notre temps, naquit à
Meaux en 1802, et commença ses études médicales dans cette ville, sous la direc-
tion de Ilouzelot, chirurgien en chef de l'hôpital. Lcuoir vint ensuite à Paris où il
conquit successivement au concours les grades d'élève des hôpitaux, puis d'aidj
d'auatomie(1831), de prosecteiu"i83o,et, enfin, il parvint à l'agrégation eu 1835.
Ses cours d'anatomie et de médecine opératoire à l'École pratique attiraient une
très-grande allluence d'élèves; en qualité d'agrégé, il suppléa à plusieurs reprises,
et avec le succès le plus éclatant, Sanson et M.-.l. Cloquct, chirurgiens des
hôpitaux ; enfin il était regardé comme uu de ceux qui pouvaient le plus légi-
timement prétendre au professorat, ce bâton de maréchal de notre profession.
Mais le sort en avait décidé autrement. Miné depuis longtemps déjà par une niala-
(ib4 LENS (de).
die chrouique des organes hépatiques et rénaux, qui ne l'avait pas empêché de
continuer ses travaux, il succomba le 17 juin 1860.
1 Gomme l'a dit sur sa tombe, M. H. Larrey, « Lenoir ne fut pas seulement un
chirurgien habile, il fut encore et surtout un chirurgien honnête, moins préoc-
cupé de faire valoir la nouveauté d'une opération ou d'en vaincre les difficultés,
que d'en reconnaître les indications ou d'en éviter les dangers. Peu soucieux de
rechercher la clientèle ou la renommée, quoiqu'il fût l'un des premiers opérateurs
des hôpitaux, il montrait de l'éloignement pour la chirurgie d'aventure. Son juge-
ment di'oit et sévère blâmait ouvertement et en face, mais jamais dans l'ombre ou
à l'écart, certaines doctrines ou opérations hasardeuses de ses confrères, fussent-iis
ses amis. »
La notice suivante fait connaître les principales publications de Lenoir :
I. Sur quelques points d'anatomîe, de jjhysiologic et de ]}athoIogie. Th. de Pains, 1833,
n° 315. — II. Quels sont les lieux et quels sont les cas où il convient d'amputer la
jambe? Th. de conc. (agrég. chir.). Paris, 1835, in-i°. — III. Lettre sur la lithotritie. Paris,
1837, in-S°. — l^'. Note sur une modification de la méthode circulaire appliquée à l'ampu-
tation de la jambe au-dessus des malléoles. In Arck. gcn. de méd , 3'= sér., t. VIII, 18î0.
— Y. De la bronchotomie. Th. de conc. (ch. de méd. opérât,], 18il, in-4°. — VI. Mém. sur
deux cas d'anévrysmes qui ont j)résentc quelque chose d'insolite dans leur trcdtement. In
Arch. gén. de méd., 4° sér., t. I, 1845. — VII. Des opérations qui se pratiquent sur les
muscles de l'œil. Th. de conc. (ch. d'opéi'at. et d'appareils). Paris, 1850, ia-4''. — VIII.
Fausse articulation du fémur traitée avec succès par l'acupuncture , etc. \\\ Mém. delà
Soc. de c/iir., t. II, 1851 . — IX. Atlas complémentaire de tous les traites d'accouchements,
Paris, 1800-1805, gr. in-8°. — X.Un grand nombre d'articles dans divers journaux ; sur la
désarticulation de la cuisse. In Journ. hcbd. , t. XIII ; sur les bourses synoviales de laplanle
du pied. In Presse méd. — Un Manuel des préparcd'ions tcncdomiques, à la suite de
l'anatomie descnptive de Bichat. In Édit. de l'Encyclopédie, 1834 ; — divers articles dans le
Dict. des études médicales, 1858-59 ; — sur différents vices de conformât, du bassin. In
Arch. de méd., 4« sér., t. XXYI, 1851; t. XVIII. 1852; addition aux Nouv. élém. de
pathologie médico-chir . de Roche et Sanson (5 vol. in-8°, 1844); communications à la
Société de chirurgie, dont il fui un des loudatcurs. E. Bgd.
JLE^'S. Foy. Lentille.
LEMS (Adrien-J.\cques de) FORITEI^OIS. Médecin-naturaliste distingué, né à
Paris, le 25 avril 1786, d'une famille qui comptait plusieurs illustrations dans ce
qu'on appelait alors la robe. D'abord élève de l'École polytechnique, il fut distin-
gué par Fourcroy qui le lança dans l'étude des sciences naturelles et de la méde-
cine. Sa thèse inaugurale sur l'application de la chimie aux diverses branches de
la médecine, depuis l'anatomie jusqu'à la thérapeutique, montre les connaissances
étendues qu'il possédait déjà et ses vues nettes, précises sur le rôle que la chimie
est appelée à jouer dans les sciences médicales. Ses publications dans le Journal
général de médecine et dans la Bibliothèque médicale, les nombreux articles
qu'il donna au grand Dictionnaire des sciences médicales, mais surtout sa part
active de collaboration au Dictionnaire universel de matière médicale et de thé-
rapeutique lui assurèrent une place, au premier rang, parmi les médecins natura-
listes. Aussi avait-il été compris, en 1820, dès la création, parmi les membres
titulaires de l'Académie de médecine. Enfin, son caractère si droit, si honnête et
lout à fait à la hauteur de ses précieuses facuKés le désigna-t-il au choix de l'Ad-
ujinistratiou pour succéder à Royer-Collard, dans les fonctions d'inspecteur des
Facultés de médecine; position élevée qu'il perdit en 1850, ce dont l'étude et les
travaux de sa profession surent bientôt le consoler. DeLens, d'une santé délicate,
s'affaiblissait de jour en jour, et il succomba en février 1846, à peine âgé de
soixante ans.
LENTILLE, 155
Noos ne donnons ici que ses plus importantes publications :
I. Considérations générales sjtr l'application de la clilmie aux diverses branches de la
médecine. Th. de Pans, 1811, n" 51, in-4°. — II. Dictionnaire universel de matière médicale
et de thérapeutique générale (avecMérat) . Paris, 1829-34, (j vol. in-8° (le 7'= vol. ou Supplé-
ment, paru en 1846, est de Mérat seul). — III. Une cinquantaine d'articles de chimie orga-
ni(iue et appliquée dans le Dictionnaire des sciences médicales. — Divers rapports et com-
munications à l'académie de médecine, etc. E. Bgd,
liEWTittO, Voy. Éphélides.
EiEMTiOljS (RosiNus), connu encore sous le nom de Linsenbahrt. Médecin
allemand du dix-septième siècle, dont on ne lit plus depuis longtemps les livres,
propagateur de la secte iatro-chimique, ennemi déclaré des émissions sanguines,
méprisant l'anatomie comme inutile au disciple d'Esculape, regardant le manie-
ment des drogues comme la principale partie de l'art de guérir, faisant un usage,
Dieu merci inconnu de nos jours, des absorbants, des aromates, des sudorifiques,
recommandant le vin dans les fièvres malignes et conseillant l'arsenic dans les
fièvres intermittentes. Ce dernier point est peut-être le seul qui recommande ce
pharmacophile à notre souvenir. Né le 5 février d657, à Waldenbourg, Lentilius
mourut le 12 février 1 753, laissant, sous le nom d'Oribase, de nombreuses disser-
tations dans ie Piecueil de l'Académie des Curieux de la nature; plus, les ou-
vrages dont voici les titres :
I. De fehre tertianâ intermittente epidemlcâ prœterito vere septentrionem subque eo
Curlandiam infestante. Altdorf, 1680, in-12. — II. T£/v>7^.a rcpay.xiy.à-j. Tabula consuUatoria
medica, exhibens cjuœstiones per qiiaruni responsiones in morbi geniuni penetrare indican-
tium et contraindicantiuni momenta invcnire et in medendi methodo tutius procedere liceat
Ulra, 1696, in-8°. — III. Miscellanea niedico-practica tripartita. Ulm, 1698, in-4°. — IV.
Bedenken ilber die im Frïihling und Herbstzeiten unzeitig angestellte Prœscrviraderlœsse.
Ulm, 1692, in-S". — V. De hijdrophobiœ causa et cura epistola. Ulm, 1700, in-8°. — VI.
Eteodromus medico-practicus anni 1709. Stuttgart , 1711 , in-4°. — YII. latromnemata
theoretico-practica bipartita, quibus observationes , responsa , consilia , casus , epistolœ,
disquisitiones , medicationes, selectiora oninia continentur. Stuitgart, 1712, in-S". — 'VIII.
Consultatio medica de qucestionibus œgrotis proponendis. Kordlingen, 1718, in-S".
A. G.
LEi^'ffîijlLE {Lens T.). § I. Sotanique. Genre de Légumineuses Papiliona-
cécs, de la tribu des Viciées. Autrefois la Lentille commune faisait partie du
genre Ervum, sous le nom à'E. Lens L. {Spec, 1059). Aujourd'hui, les auteurs
qui ont le mieux étudié les Légumineuses, M. Bentbam, par exemple, font rentrer
les Ervum àv^ns le genre Vesce (Vicia), sauf la Lentdle commune, qui devient le
type d'un genre distinct, comme le voulait Tournefort, sous le nom de Lens es-
culenta MœiNch. Ce genre est caractérisé par un calice à sépales étroits, allon-
gés, presque égaux, une corolle papilionacée à large étendard arrondi, atténué à
sa base, à ailes obliquement obovées, plus longues que la carène et adhérentes à
sa partie moyenne, à étamines didynames (9 et î), formant une gaîne à ouverture
oblique. L'ovaire, presque sessile, ne renferme que deux ovules, et est surmonté
d'un style infléchi, légèrement aplati en haut sur sa portion dorsale, et chargé sur
sa face intérieure de petits poils. La gousse renferme une ou deux graines qui
sont les Lentilles, et dont la forme biconvexe est bien connue. Les Lens sont des
herbes grêles, dressées ou grimpantes, à feuilles alternes pennées, à stipules sa-
gittées. Elles sont originaires de la région méditerranéenne et de l'Asie occiden-
tale. Le Lens esculenta {Cicer Lens W.) est une petite plante, de 5 à 50 centi-
mètres de haut, cultivée dans notre pays et s'y rencontrant parfois à l'état sub-
&
liiG LENTILLI'S.
spontané. Ses feuilles ont de cinq à sept paires de folioles obovées ou oblongues-
linéaires, et se terminent en vrille simple ou bifnrquée. Ses fleurs sont petites,
blanches, veinées de violet, et ses gousses sont de couleur fauve. On en a distin-
gué deux variétés : 1° celle à graines jaunâtres, carénées sur lesboixls; 2° hLen-
tillon {L. esculenta suhsphœrosperma Gren. et Godr. Erviim dispermum
RoxB.), à graines bien plus petites, brunes et marbrées, arrondies sur les bords.
H. Bn.
Tour.N., Instil. rci hcrb., 590, t. 210. — Mœnt.h, Meth., 131. — W., Spec, III, 1114;
Enum., 7GG. — Mér. et Del., Dict., III, IM. — Guib., Drog. fsimpl., éd. 4, III, 335. —
Gren. et Godr . , FI. de Fr., I, 476. — Rosextii., Synops. pi. dlapli., 1005. — Alef., in
Bonplandia (1861), 128. — Be.nth. et IIook., Gen., I, 525, n. 185.
§ II. Broniatoloi^ie. La lentille est une graine alimentaire fournie par VEr-
vum lens (du mot celtique Erw, terre meuble), de la famille des légumineuses.
Les lentilles ne réussissent que dans les terivains secs. On emploie pour les semis
dO à 15 décalitres à l'hectare, et on récolte 10 à 21 hectolitres. Celui-ci pèse en-
viron 85 kilogrammes.
Les lentilles desséchées contiennent pour 100 parties, 4,4 d'azote, ce qui cor-
respond à 28,6 pour 100 de matières azotées. Voici quelle est, d'après Paycn,
leur composition :
COMPOSITION TES LENTILLES.
.Amiilon, ilextrine et matière sucrée 56,0
Légumine et autres matières .Tzotées 25,2
Matières grasses et traces de substances aromatiques. ... 2,6
Cellulose 2,4
Sels minéraux 2,5
Eau (variable) en moyenne -11,3
Total 100,0
Les lentdles ont été introduites de France eu Angleterre, vei^s 1548. D'après
leur composition, il est facile de voir qu'elles constituent un excellent aliment,
tant par la proportion considérable des matières azotées, que par l'arôme parti-
culier qu'elles renferment. Cet arôme réside dans l'épisperme, car la farine de
lentilles décortiquées eu est complètement dépourvue.
Il existe deux variétés de lentilles, qui sont cultivées en grand : 1° la grande
lentille, la plus commune et la plus productive, à graines grosses, blondes et
farineuses, etc. ; 2° la petite lentille, dont les graines sont plus petites, plus
renflées, et d'une nuance roux foncé. Cette dernière est la plus estimée en raison
de sa saveur plus agréable.
Les lentilles peuvent être altérées, par les insectes, par les moisissures,
ou par suite d'une fermentation spontanée. Dans le premier cas, on les vanne
pour séparer les grains légers. On peut également, au moment de s'en servir, les
plonger dans l'eau, et rejeter tous les grains qui surnagent, parce qu'ils sont
piqués. Les moisissures et la fermentation ne se développent que lorsque ces
graines sont ti^op humides. Quand elles sont peu hydratées, elles peuvent se con-
server indéfiniment. Il est probable que, si l'on voulait les conserver en grand,
on réussirait à tuer les insectes qui s'en nourrissent, à l'aide du sulfure de car-
bone, employé comme il a été dit pour le blé.
Dans ces derniers temps, les lentilles sont devenues la base de préparations ali-
mentaires, désignéespar les noms de Revalenta, Bevalesciére, Ervalenta et autres.
Il est mutile de dire que les propriétés thérapeutiques qu'on leur prête sont ima-
gmaires. On rencontre pourtant, dans la pratique, nombre de personnes qui assu-
LEiSZlTES. l''7
rcut retirer de leur eini)loi journalier une tlimiiuitiou notable de la constipation.
L'es expertises judiciaires cl des analyses faites par les sonis de quelcpies sociétés
savînites n'y cnt décelé aucune trace de substance médicamenteuse, purgative ou
iivdiw C'est à cause de cette circonstance que la vente de ces produits, autrefois
]:oursuivie, est maintenant permise en l'rance. h'Ervalenta Warton est de la
lariiie de Icnlillcs décortiquées : son nom est grossièrement dérivé du latiu Erviim
lois, qui sert à désigner la lentille. La Uevalenta arabica du docteur Barry, qui
est aussi nue importation anglaise, ne peut plus, par décision judiciaire, être
vendue sous ce nom, qui avait été formé avec le mot Ervalenta, par interversion
de ses deux premières lettres, ce qui constituait une concurrence illicite. EUj
s'appelle aujourd'hui Revalescière. La Commission sanitaire de Londres, d'accord
avec M. Payen, y atrouvé, avec la farine de lentille, des farines de pois, de maïs, de
sorgho, d'avoine et d'orge, ainsi que du sel de cuisine. La Revalescière ne diffère de
l'Ervalenta que par son prix, qui est double ; et cette circonstance est la seule
qui puisse justilier l'épithète de concentrée ou doublement raffinée, qu'on lui
cloune sur le prospectus. P. Coulieu.
LEIVTILLF. (Physique) voij. Dioptrique, Optiqoe.
LEXTII.L01V. Nom donné à une variété commerciale de la lentille.
LEXTlîVîJS Fr. Genre de la famille des AGAmciNÉEs, de la section B des Aga-
riciuées à tissu tenace, réviviscent, à lames flexibles. Genre très-naturel, caracté-
risé par son tissu entièrement flexible, jnais tenace, par ses lames bien formées,
minces, à bords aigus, mais le plus souvent dentelés en scie, incisés ou déchi-
quetés ; ces lames sont inégales, mais simples, et les spores sont blanches; le
chapeau a ses bords infléchis, le plus souvent d'abord convexe, puis à disque plus
ou moins déprimé ou concave, quelquefois lobé ou dimidié; sa surface est le plus
sou\eut squamulée; le stipe plus coriace évasé en haut est quelquefois tubiforme,
surtout chez les individus qui, s'étant développés dans les antres creux et obscurs,
se sont allongés vers la lumière. Espèces presque constamment éjnxiles sur le
bois pourri, dans l'intérieur des vieux troncs, etc. Ces Agaricinées sont déjà trop
coriaces pour servir d'ahment : aussi ignore-t-on leur propriété. L'espèce la plus
commune est L. Lepideds, cpie caractérise son chapeau, relativement assez charnu
et compacte, les fibrilles squameuses qui jaspent de taches plus obscures le fond
jaune ocracé du chapeau ; enfin, les lames assez lai'ges, et que divisent transversale-
ment de nombreuses scissures, sont décurrentes sur un stipe squameux, tomen-
teux. L'odeur est notable et plutôt agréable, et sa chair sert de nourriture à
plusieurs insectes; sa taille très- variable s'élève, à en juger d'après les seuls
échantillons que j'ai rencontrés de 10 à 50 centimètres.
Deux autres espèces sont figurées par BuUiard, L. tigrinus, pi. 70, et L. Du-
nalilFr., pi. 56. Bertillon.
LEiVTiSdjUE. Vorj. Pistachier.
LE\ZITES. Un des derniers genres de la famille desÂgaricinées, division des
tenaces réviviscents à lames coriaces; leur tissu général est subéreux et coriace;
leur chapeau dimidié et sessile, les lames rayonnantes, fermes, tantôt simples
et inégales, tantôt rameuses et anastomosées, et même alvéolées par derrière,
c'est-à-dire près du stipe (et non vers la marge, comme dans les D.edalées et les
itjS LÈOA'IDÈS.
CïCLOMïcÈTEs); leurs bords sont entiers, tantôt obtus, tantôt aigus; ces champi-
gnons, sans odeur notable, sont toujours épiphytes. Les espèces des tropiques sont
ligneuses, celles d'Europe seulement subéreuses. Les wnes croissent sur les arbres
munis de feuilles, comme L. betulina, L. flaccida, Bull, pi. 59-4 et L. variegata
Bull., pi. 557, fig. I, K, L; les autres sur les Conifères, comme L. Abietina,
Bidl.,])\. 442, etc. 11 est évident que le tissu tubéreux des Leïszites ne leur perraei
pas de servir d'aliment, c'est pourquoi leurs propriétés sont inconnues. Ces cham-
pignons sont sans usage. Beutillon.
LEO\lîÂK»l (.IoHANN-GoTTFEiED),né le 18 3uin4746 à Leipzig, oiiii commeiiu
ses études médicales sous le célèbre Chr. Gttl. Ludwig. Promu au doctorat en
1771, Leonbardi se fit bientôt connaître par des cours particuliers sur les diffé-
rentes branches de la médecine, il était alors attaché à la rédaction des Corn-
vientaria Lipsienûa; nommé professeur extraordinaire en 1781, il quitta celte
position l'année suivante, pour occuper à "Wittemberg une chaire d'anatomie
et de physiologie qu'il échangea bientôt pour une chaire de pathologie. Appelé dix
ans après à Dresde par l'électeur Frédéric Guillaume pour remplir les fonctions de
médecin de la famille royale, Leonbardi resta dans cette brillante position jusqu'à
l'époque de sa mort, arrivée le H janvier 1824.
Ce médecin éminent a publié un très-grand nombi'c de dissertations et de pro-
grammes académiques. Nous citerons seulement les suivants :
L Progr. de resorptiona cutanea. Lipsiaj, 1768, in-8°. — II. Dissert, de frigoris atino'
sphccrici effectlbus in corpus humanum. Ibid., 1771, in-^". — III. Dissert de resorptionis in
corporc liumano prœter naturam impeditœ causis atquc noxis . Ibid-, 1771, iii-4°. — IV.
Animadversioiies chimico-therapeuticœ de ferro. Wilteb., 1785, in-4''. — V. Progr. de
latice pulmonum spumoso liominis vivi suhmersi signo ambiguë. Ibid., 1786, )n-4°. — VI.
Pliijsiologia muci primanim viarum. Ibid., 1789, in-4°. — VII. Pharmacopœa Saxonia jussu
régie et auctoritate publica édita. Dresde, 1820, in-S", E. Bgd.
LEOî^'ïCERI® (Nicola) ou Nicolas de Lonigo, partage avec quelques autres
médecins italiens l'honneur d'avoir, cà l'époque de la renaissance contribué à vul-
gariser les classiques grecs de notre art, et d'avoir réveillé l'esprit de critique et
de libre examen endormi depuis tant de siècles. Né à Lonigo, près de Vicence, en
1428, il se fit recevoir docteur à Padoue, el après avoir professé pendant quel-
que temps dans cette ville, il obtint à l'université de Ferrare une chaire de ma-
thématiques et de morale qu'il occupa jusqu'à sa mort, en 1524; il avait alors
quatre-vingt-seize ans. Leoniceno a donné des traductions de plusieurs hvres
d'Hippocrate et de Galien. Dans un traité spécial sur le mal français il admet que
cette maladie n'a point été décrite ni dénommée d'une manière précise par les an-
ciens, et il la regarde comme une épidémie particulière due à des inondations. Il
a osé, courage bien rare à cette époque, signaler et relever des erreurs dans Pline
l'Ancien, et surtout dans les Arabes copistes et commentateurs du naturaliste
latin.
Laissant de côté les traductions, on doit à Leoniceno les ouvrages suivants :
I. PUnii et aliorum plurium auctorum qui de simplicibiis medicaminibus scripserunt
errorcs notatœ, Ferraraj, 1492, in-4, et Epistolœ ad Hcrm. Barbarum; ad Fr. Titum; ad
H. MeiiocMum. (Défense de son ouvrage.) Ibid., 1509, in-4; Basileœ, 1529, in-4 ; ibid., 1552,
in-fol. — II. Lib. de epidemia quain viilgo morbum gallicum vocant. Venetiis, 1497, in-4;
Médiol., 1497, in-4; Papiœ, 1506, in-fol.; et in Coll. Luisini. — III. De dipsadc et plurihus
aliis serpentibus . Basil., 1529, in-4. — IV. Opuscula. Ibid., 1532, in-fol. E.Bgd.
LÊONTICE. 153
LÊONIDÈS (AîmiSr,;). Ou sait par Galien [Introd. seu med., 4) qu'il était
d'Alexandrie, et par Soranus (Cœlius Aurel. , Morb. acut. ,11, 1 , p. 75) , qu'il appar-
tenait à la secte des Episynthetici {voij. BIédecixe, histoire). Soranus llorissaitsous
Trajan et Adi'ien, c'est-à-dire de l'an 98 à l'an Jo8 environ, et puisqu'il cite Léoni-
dès, il faut bien admettre que ce dernier était plus ancien que lui ou du moins son
contemporain; de sorte qu'il n'est guère possible de croire que Léonidès ait vécu
après Galien, né l'an loi , et encore moins au troisième siècle, comme on le pense
généralement. Mais on dit : Léonidès, qui est cité par Soranus, cite à son tour
Galien, et pour justifier cette assertion on renvoie à Aétius, livre XIV, ch. ii, lequel
chapitre a pour titre : De fistulis ani, Leonidœ, et dans lequel on trouve, eu effet,
un renvoi à VEinpIastrum fulvum et sine cera Galeni. Comme en général on
ignore les procédés dont Aétius a usé pour composer ses chapitres, on n'a
pas remarqué que le texte de Léonidès finit avant cette mention de Galien, et
qu' Aétius a pris la parole pour son propre compte, en renvoyant à Galien et à un
autre chapitre du même livre XIV où il est parlé plus au long, d'après Galien, du
traitement des fistules. Ainsi tout s'explique et les impossibilités disparaissent.
Voilà comment l'étude critique des textes, quoi qu'en disent certaines personnes
intéressées, peut sei'vir à l'étude de l'histoire et de la chronologie. Aétius et Paul
d'Égine ont fait à Léonidès, soit directement, soit plutôt encore par l'inter-
médiaire d'Oribase, de fréquents emprunts, pour la description et le traitement
de plusieurs affections chirurgicales : hydrocéphale, maladies de l'anus et des
organesgénitaux, tumeurs, fistules, hernies. Ces extraits prouvent que Léonidès
s'était appliqué à la chirurgie et qu'il excellait dans son art. Gh. Daeemberg.
LEOlMTîCE L. Genre de plantes de la famille des Berbéridées, dont les fleurs
sont construites sur le même plan général que celles des Épines-vinettes : trois
sépales pétaloïdes, trois autres sépales, alternes, semblables, et six pétales dispo-
sés sur deux verticilles et superposés chacun à un sépale. Les pétales sont courts,
en forme de nectaire écailleux, étroit, allongé, concave en dedans et glanduleux à
la base. Les étamines sont aussi au nombre de six, libres, à anthère introrse, bilo-
culaire, dont la demi-loge dorsale prend seule tout son développement de chaque
côté et se relève en forme de panneau pour laisser échapper le pollen. L'ovaire,
libre, uniloculaire, surmonté d'un style court, dilaté, stigmatifère, renferme un
placenta central basilaire, court, supportant quelques ovules anatropes à funicule
dressé. Le fruit est une vésicule sèche, indéhiscente ou inégalement déchirée en
haut et contenant une ou plusieurs graines albuminées. Les Leontice sont des
herbes \ivaces de l'Asie moyenne. Leur souche tubériforme porte des feuilles
pennées, bi ou triséquées, alternes. Celles des rameaux sont plus simples. Les
ileurs sont disposées en grappes simples ou ramifiées, terminales. On a employé
de toute antiquité, dans l'Oiient, le L. Leontopetalum L. {Spec, 448), espèce qui
se trouve en Orient, en Crète et en Itahe, et qui a des feuilles biternées, à sog^
ments obovés subpétiolulés, avec des fleurs jaunes, vernales, et des bractées bien
plus courtes que les pédicelles. On s'en sert aujourd'hui pour guérir la gale. On
la croyait autrefois efficace contre la morsure des serpents, la sciatique, les dou-
leurs en général. {Dioscoride, liv» 111, ch. 94;) La souche est savonneuse. Olivier
l'indique comme servant j en Perse, au dégraissage des laines et des cachemires.
Les propriétés de ce tubercule semblent analogues à celles de la Saponaire. C'est
le Moiadé des Orieutaux. La souche s'appelle encore Ischar ou Saponaire dii
Levant. H. Bn
160 LiOTIACEliS.
ToiT.NEF., CoroIL, 484. — L., Gen., n. i'23. — Endl., Gcn., n. 4810. — Miin. et BiiDict.,
IV, 87. — Centh. et HooK., Gen., I, 43, n. 10. — I'vOsenth., Synops. pi. diaphor., GlO.
LÉOIVTODOIV, Liondent. Genre de plantes de la famille des Synanthérées,
de la tribu des Chicoracées. Ce genre, tel qu'il avait été établi par Linné, contenait
les plantes dont le Pissenlit est le type. Mais lialler, suivi par Jussieu et les bota-
nistes modernes, fit rentrer ces dernières dans un nouveau genre : Taraxacum,
On en a distrait également quelques autres plantes pour les rapporter aux Thrhi-
cia, Phrenanlhes, Picris, etc. Ainsi limité, le genre Léontodon ne contient que
huit à dix espèces, participant des propriétés générales des Chicoracées, mais n'étant
pas spécialement employées en médeciue. Ce sont des herbes vivaces caractérisées
par leur péricliiie à folioles imbriquées sur plusieurs rangs, leur réceptacle nu,
leurs acbaines striés, insensiblement atténués en bec, leurs aigrettes toutes sem-
blables, persistantes, sessiles, à poils les uns denticulés, les autres plumeux.
Halleii. Helv. n" 25. — Jdssieu. Gen. Plant. 169. — De Candolle. Prodr. VU, lOJ.
G. Plaschox.
LÉOMTODOI^I. Voy. Pissenlit.
LÉOî^TOPÉTALOîV, Voij. Léontice. Le Corydalis bulbosa ou Fumaria bul-
bosa, porte aussi quelquefois ce nom dans les anciens ouvrages de Matière médi-
cale. H. Bi\.
ILÉO^'IIRUS. Voy. Agripaume.
LKOPfflAî^ES (Acwyâ-jyj;), médecin grec, ou plutôt simplement phymlocjue,
ne nous est connu que par deux auteurs, Aristote et son disciple Théopliraste.
Aristote {Gêner, anini., IV, i, 22), copié par l'auteur inconnu des Placita philo-
sophorum, nous apprend que, suivant Léopbanes, il faut lier le testicule gauche
au moment de la copulation, si on veut avoir un enfant mâle, et vice versa. Un
texte tout semblable se trouve dans le traité hippocratique Delà super fétaiion;
M. Littré, qui n'a pas manqué de faire ce curieux rapprochement (t. I, p. 580-
7)81 ; voy. aussi Epid., YI, iv, 21), en conclut ou que le traité liippocratique est
peut-être de Léopbanes, ou que, du moins (ce qui me semble le plus vraisem-
blable), l'auteur de ce traité De la super fétaiion a extrait et inséré dans son ouvrage
un passage de quelque ouvrage de Léopbanes. ïhéophraste [Caus. plant., II, iv,
12) cite Léopbanes à propos des qualités que doit avoir le sol. ùi. Dauesiderg.
LÉOTIACÉES Corda, et Leotia Pers. Famille et genre de Champignons,
charnu, claviforme, stipité, et dont l'extrémité supérieure capitée est revêtue
d'un hyménium recouvert de thèques ou asces (petit sac) renfermant les spores
comme dans les Pezizcs ; en vertu de cette organisation, les Léotiacées appar-
tiennent à l'ordre de HyiIIÉinoiiicètes ascophorées de Corda, ou encore à celui des
DiscomycLtes de Fries et de Bonorden, et aux Thécasporées, section des Géo-
GLOSSÉS de Lé veillé.
La famille des Léotiacées de Corda comprend cinq 'genres, renfermant des
champignons slipités, de petite taille, mais ayant ordinairement plusieurs centi-
mètres de hauteur; le stipe, souvent creux, est surmonté d'une lête charnue,
diversement teintée, portant sur la face supérieure (L. cucullaria excepté) un
hyménium hsse vaguement ondulé ou plissé; cet hyménium, composé d 'asces (ou
thèques) nombreux, pressés, allongés et remplis de spores simples (non com-
posés) mêlés à des paraphyses. {Voy. Champignon, § Hyménium.)
LEPECQ DE LA CLOTUUE. 161
i . Le genre des Cccullariés (Cord.), que caractérise leur stipe, qui s'évase en
une tête étalée, comme le chapeau d'une cantarelle et un hyménium lisse et infé-
rieur.
2. Les ViBRissÉES Fr., ont aussi une tète hémisphérique à marge infléchie ou
enroulée; mais c'est la face supérieure veloutée qui porte l'hyménium.
0. Le genre des Léotiés Pers. (Géoglossés de quelques auteurs), à tête globu-
leuse, charnue ou gélatineuse, plus ou moins sillonnée, plissée, ondulée ou
lobulée, revêtue partout d'un hyménium d'abord lisse, coloré, gélatineux, puis
diffluent ; à asces tubuleux, octospores, mêlés à des paraphyses rameuses et ca-
pitées à leur extrémité libre. La Leotia lubrica est des plus communes.
<4. Le genre des Spatules Pers., à tête en massue, spatulée, ondulée, irrégu-
lièrement décurreute et adnée sur le stipe et revêtue d'un hyménium charnu,
ceracé, coloré, portant des asces tubuleux et claviformes mêlés de paraphyses
simples, ondulées et contenant des spores très-longs en faisceaux parallèles sim-
ples et un peu courbés.
5. Le genre des Mitrclés, à tète claviforme, ovoïde, charnue, lisse, revêtue
de toutes parts de l'hyménium et embrassant étroitement le stipe grêle; asces
allongés (sans paraphyses?). {Bull., pi. 465, fig. 5.)
Diagnose. Cette famille peut être rapprochée des Géoglossées Cord., et des
Helvellacées Fr., que plusieurs auteurs réunissent en une seule famille; mais
les spores sont simples chez les Léotiacées et chez les IIelvellacées, tandis qu'ils
sont composés de plusieurs articles chez les Géoglossées. La tête, hyménophore,
est charnue, épaisse, lisse, capitée ou spatiforrae, le stipe lisse, chez les Léoru-
CÉES et les Géoglossées, tandis que chez les Helvellacées le stipe est plus oum.oins
profondément sillonné ou réticulé ou alvéole, et la tête est plutôt mince, sèche
membraniforme, que cet hyménophore soit campanule (H. verpa) ou diversement
contourné, a\ec un stipe costé profondément alvéolé (H. Helvklle), ou que le
chapeau, encore campanule, ou adné par sa face profonde (Morille), soit lui-
même plus ou moins alvéolé. Bertillon,
liE PALAIS (Station marine), dans le département du Morbihan, dans l'arron-
dissement et à 68 kilomètres de Lorient, est une ville de 5,000 habitants. Sur la
côte de Fenmer, au nord de Belle-Ile-en-Mer, dont elle est le chef-lieu. Cette station
de l'océan Atlantique a une belle plage qui n'est encore fréquentée que par les
habitants de l'île, elle n'a, en effet, aucune installation que y attire les étrangers.
A. R,
LE PAL'LMIER. Yoy. Paulmier.
LEPECQ DE LA CLOTURE (Louis), né en 1736, à Caen, où il fit ses études
médicales et où il prit le bonnet de docteur. Après avoir passé quelque temps à
Paris, il retourna dans sa ville natale, professer la chirurgie pendant cinq ou six
ans; mais, désireux de déployer ses talents sur un plus vaste théâtre, il vint à
Rouen; il fut bientôt attaché à l'Hôtel-Dieu de cette ville, et nommé médecin des
épidémies pour la généralité de Normandie; là il put donner cours à son goût pour
l'observation des constitutions médicales et à son amour sincère de l'humanité.
C'est alors que, cédant à une vaine gloriole indigne de son mérite, il sollicita,
dit-on, des lettres de noblesse, qui lui furent accordées en 1781 et lui attirèrent,
de la part de ses envieux, des tracasseries et des désagréments assez amers pour
l'obliger à quitter la pratique médicale. Il alla chercher le repos dans une pro-
priété qu'il possédait à Saint-Pierre-des-Assis, et il y mourut en 1804.
DICT. ENC 2' S. il. M
162 LÉPIDOPTÈRES.
Lepecq de la Clôture est venu trop tard dans la science. Son livre des épidé-
mies, rédigé d'après les principes formulés par Hippocrate, lui eûL fait une
immense renommée dans le dix-septième siècle, mais ses opinions sur la marche
des maladies, sur les crises, la coction, n'étaient déjà plus de mise à l'époque où
il vivait; un autre ouvrage, publié peu de temps après, contient une exceileulj
topographie de la Normandie, qui mérite d'être encore consultée aujourd'hui cl
dont M. Max Simon a donné une analyse très-complète dans un mémoire cou-
lonné par l'Académie de Roiien.
I. Observ. sur les maladies épidémiqiies [année MIQ), ouvrage rédigé d'après la tableau
des épidémiques d'Hijjpocrnte, etc., publié 2)ar ordre du gouvernement. Paris, 1776, in-i°.
— II. Collection d'observations sur les maladies et constitutions épidémiques, ouvrage qui
expose une suite de quinze années d'observations et dans lequel les épidémies, les consti-
tutions régnantes, etc. Rouen et Paris, 1778, in-4<', 2 tomes en 1 vol. E. Bgd.
LEPîaîïJM. Voy. Passerage.
LÉPil*®I»TÈïlES (dè^sfft'ç, IzniSoç, écaille, Trrspov, aile; aile écailleuse). Ordre
d'insectes créé par Linné et l'un des plus naturels et des plus remarquables de la
classe des animaux articulés. Les Lépidoptères présentent les caractères suivants:
Quatre ailes, formées d'une double membrane incolore, recouvertes de petites
écailles microscopiques, facdes à détacher et ressemblant alors à une fine pous-
sière; trompe roulée en spirale (spiritrompe), placée entre deux palpes labiaux,
composés ordinairement de trois articles velus ; antennes de forme variable et
composées d'un très-grand nombre d'articles ; une pièce appelée ptérygode ou
épaulette, placée en-dessus, à la base des ailes supérieures ; abdomen sans tarière;
presque toujours deux sortes d'individus de sexe différent pour chaque espèce, le
mâle et la femelle.
Les Lépidoptères, si connus sous les noms vulgaires de papillons de jour ou de
nuit, doivent compter parmi les insectes les plus remarquables par la beauté de
leurs coideurs et la grandeur de leurs ailes. Ils oltrent des métamorphoses com-
plètes, mais au point de vue biologique leur organisation est presque uniforme
et leurs habitudes fort semblables. Leurs larves, qui portent le nom spécial de
Chenilles, faciles à trouver et à élever, ont frappé les plus anciens observateurs,
aussi l'ordre des Lépidoptères est-il celui dont les premiers états sont le mieux
connus. Nous allons successivement passer en revue l'insecte parlait, sa larve ou
Chenille, et sa nymphe ou Chrysalide.
Le Lépidoptère à l'état de développement complet présente à considérer : 1» la
tète, 2" le thorax, et 3° l'abdomen.
1" La tête, ordinairement grande, surtout chez les insectes diurnes, est
élargie et transversale, un peu plus étroite que le thorax. Les yeux sont grands
et à facettes multiples, ou à réseau ; les stemmates, ocehes ou yeux lisses,
sont placés sur le vertex et cachés par des écailles. Les antennes varient beau-
coup pour la forme : chez les insectes diurnes elles sont d'abord fdiformes, puis
renflées en massue ou en bouton à l'extrémité, d'où le nom de Rhopalocères
donné par Duméril et Boisduval [porcrAo-j massue, y.épocç corne, antenne) ; chez les
Lépidoptères crépusculaires ou nocturnes les antennes sont très-diversifiées, tantôt
prismatiques ou en corne de bélier, tantôt pectinées ou plumeuses, ou filiformes,
etc. , d'oij le nom d'Hétérocères donné à ces insectes par Bois&uval {sTipoloç, variable
■Aépocç antenne). Les palpes sont au nombre de quatre : ilcux sont maxillaires et
deux autres labiaux. Les palpes maxillaires sont très-petits, difficiles à apercevoir
LÉPIDOPTÈRES. 1G3
situés à la base de la spiritrorape; les palpes labiaux sont au contraire fort déve-
loppés, très-saillants, très-grands, redressés et velus. La trompe ou spiritrompe, de
longueur variable, parfois atrophiée, parfois trois ou quatre fois plus longue que
le corps (Sphingides), est constituée par les mâchoires, qui sont allongées, flexi-
bles, rapprochées et creusées en demi-canal à leur partie interne, formant amsi
une langue ou trompe caractéristique. La conformation spéciale de la langue des
Lépidoptères leur avait fait donner par Fabricius le nom de Gloi^sates {yl^frao.
langue). Les mandibules de ces insectes sont tout à fait rudimentaires, ainsi que
l'a démontré Savigny dans ses mémoires sur les animaux articulés; le labre, ou
lèvre supérieure, est de même très-peu développé, très-difficile à apercevoir.
2" Le thorax (ou corselet des Lépidoptères) situé entre la tête et l'abdomen, donne
attache aux ailes et aux pattes ; il est formé de trois segments, dont le premier
représente une mince bande antérieure en forme de collier, c'est le protliorax ; le
segment moyen est le mésothorax, qui donne attache aux ailes supérieures; puis
vient le métathorax, intimement uni ou soudé au précédent et donnant attache
aux ailes inférieures. Le thorax est moins gros chez les papillons diurnes que chez
les crépusculaires et les nocturnes. En dessus, le thorax donne attache aux ailes,
et en dessous les trois segments thoraciques portent les trois paires de pattes.
Les ailes sont toujours au nombre de quatre ; elles sont très-rarement rudi-
mentaires et alors elles sont l'emplacées par des moignons chez quelques femelles
àes gemesOrgya, Psyché, Hibernaria, etc. Les ailes sont formées par deux lames
membraneuses, incolores, soudées par leur face interne, divisées par des nervures
cornées ou chitineuses. Ces écailles qui recouvrent les ailes sent attachées au
moyen d'un pédicule mince à la face externe des membranes alaires et placées
comme les tuiles d'un toit. Les écailles, qui sont des poils élargis ou contournés en
forme de cornet, ont une forme variable et des stries longitudinales, et plus rare-
ment transversales. Leur coloration est très-remarquable et tout autre à la
lumière pénétrante qu'à la lumière réfléchie. Cette dernière donne aux ailes des
Apatura ilia et iris mâles des reflets changeants, parce que l'écaillé est teinte de
deux couleurs à la manière de ces dessins disposés en relief et représentant des
objets différents, suivant le point latéral examiné.
Les écailles sont quelquefois très-clair-semées sur les ailes (Parnassius, Macro-
glossa, Sesia), mais j'ai vérifié plusieurs fois que dans ces derniers genres l'in-
secte venant d'éclore a ses ailes couvertes d'écaillés, celles-ci sont extrême-
ment fugaces et se détachent dès les premiers battements ; les ailes paraissent
alors comme vitreuses. Lyonet [Œuvres posthumes, in Me'm. du Muséum,
t. XX, p. 44, pi. VI à XII), Bernard Deschamps (Annales des sciences naturelles,
S'' série, t. III, p. dlî, pi. 5 et 4, 1855), et tout récemment Émde Blanchard
{Métamorphoses, mœurs et instincts des insectes, p. 157, 158, 1868) ont publié
d'intéressantes recherches et des figures sur la forme des écailles des ailes chez
les Lépidoptères. Les entomologistes classificateurs ont étudié avec soin les ner-
vures alaires pour établir les genres au milieu d'espèces nombreuses et très-diffi- '
elles à séparer.
Les ailes supérieures sont constamment plus grandes que les inférieures;
celles-ci ont souvent, chez les diurnes, une excavation interne comme moulée et
embrassant l'abdomen. Pendant le repos les Papillons de jour relèvent ordinaire-
ment leurs ailes, tandis, que les nocturnes les tiennent horizontales ou repliées.
Une disposition très-remarquable des ailes chez les crépusculaires et les nocturnes
consiste en un frein ou anneau placé sur les premières ailes et recevant une soie,
164 LEPIDOPTERES.
ou crin rigide, situé à la partie marginale supérieure des secondes ailes. Emile
Hiancbard a tiré parti de ce caractère organique pour former deux grandes divi-
sions des Lépidoptères correspondant aux Rhopalocères et aux llétérocères, il a
nommé Achalinoptères (à;^(/).tvoç, dépourvu de frein, et 7TTsp6v,aile) les diurnes qui
n'ont pas la soie roide aux ailes inférieures, et Ctialinoptères les autres Lépido-
ptères crépusculaires et nocturnes qui ont cette soie spéciale engagée dans un
frein des ailes supérieures (/â)Livoç, frein, et izrzpôv, aile). (E. Blanchard, loc. cit.,
p. 170.)
Les ailes des Lépidoptères peuvent refléter les teintes les plus brillantes, celle
des Morpho de l'Amérique méridionale sont d'un bleu métallique cbez les mâles ;
d'autres espèces, même de nos climats {Polyommatus vivgaureœ, chryseis,
phlœas), offrent en dessus une couleur de cuivre rouge fort éclatante. Les Lépi-
doptères les plus richement colorés se trouvent dans les parties les plus chaudes et
les plus humides du globe. Du reste, la coloration des ailes offre une certaine uni-
formité suivant les genres et souvent les contrées d'où ils proviennent. Beaucoup
de Papilio sont jaunes et noirs, d'autres d'un noir de velours sablé de bleu ou de
vert métallique; les Piérides sont blanches, les Coliades jaunes, les Danaïdes ont
la tête et la poitrine ponctuées de blanc, les Mélitées sont fauves et noires, les
Lycœna mâles le plus souvent bleus, les Zy gènes verdàtres à tacbes rouges, les
Catocala ont ordinairement les ailes inférieures rouges, ou jaunes à bandes
noires, ou bien d'un noir de velours, etc., etc.
Les pattes offrent, comme chez les insectes des autres ordres, la hanche, le
trocbanter, la cuisse, la jambe et le tarse. Ces pattes sont longues, assez grêles,
comparées à la masse du corps, et en effet les Lépidoptères marchent peu et ne
se servent guère de leurs pattes que pour s'accrocher à l'état de repos. Dans cer-
tains groupes de Diurnes, les pattes antérieures sont atrophiées (Nympbalides,
Satyrus, Vmiessa), elles sont alors plus petites que les autres; le tarse est d'un
seul article, sans crochets, et ces pattes, très-velues et vestigiaires, sont appliquées
contre le sternum. On a dit que les Lépidoptères à pattes antérieures réduites
ou à pattes palatines étaient tétrapodes, n'ayant que les quatre pattes ambu-
latoires ; il y a là une exagération évidente, car ces insectes sont réellement
hexapodes. Les pattes, toujours couvertes de poils ou d'écaillés, offrent des pointes
ou éperons qui ont rarement une valeur spécifique ou générique. Les tarses sont
pourvus de crochets à l'extrémité; les crochets, presque uniformes chez les Hété-
roo^res, varient beaucoup dans les Rhopalocères, et ces organes n'offrent point
de valeur générique, car dans le même genre les espèces voisines ont les unes les
crochets simples, les autres les crochets bifides ; chaque espèce a les crochets
conformés pour se poser sur les plantes, fleurs ou feuilles, tronc d'arbre ou ro-
cher, et adaptés à une condition biologique particulière.
L'abdomen est ovale et parfois presque cylindrique ou conique. Il est formé de
huit anneaux ou segments. Lacaze-Duthiers en a étudié la composition en elle-
même et comparativement aux autres ordres d'insectes. (Recherches sur l'armure
génitale femelle des insectes, thèse in-8°, p. 228.)
Les derniers segments présentent l'orifice des organes digestifs et ceux de la
génération très-rapprochés. Le conduit des œufs est distinct de l'orifice par où
s'introduit l'organe mâle; cette particularité anatomique était connue de Mal pi-
ghi et je la signalerai bientôt avec soin. 11 n'existe jamais de tarière comparable à
celle des Hyménoptères, mais dans quelques espèces qui pondent leurs œufs dans
le bois les derniers segments abdominaux s'allongent en un oviducte pointu. On
LÉPIDOPTÈRES. ^65
voit difficilement les organes mâles à l'extrémité de l'abdomen ; il faut, par la pres-
sion, écarter les valves cornées au milieu desquelles se trouve le pénis entouré
parfois d'un forceps à deux petites branches. L'appendice extérieur le plus remar-
quable des organes génitaux femelles des Lépidoptères est la poche cornée des
Parnassius ApoUo et Mnemosxjne, profondément creusée en gouttière et carénée à
l'extérieur.
Les organes internes des Lépidoptères sont presque uniformément disposés
dans tous les insectes de cet ordre. Cette similitude a frappé les anatomistes et,
dans un travail couronné par l'Académie des sciences et encore inédit, Léon
Dufour a décrit et représenté la splanchnologie des Lépidoptères. Le tube digestif,
commençant par la spiritrompe, se continue en un œsophage grêle sur le côté
duquel se trouve une poche (estomac de succion, jabot modifié), puis un ventri-
cule ch;)lifique. Les vaisseaux de Malpighi sont au nombre de quatre. L'intestin
grêle est assez court, un peu allongé, le caecum ordinairement très-ample, et le
rectum de médiocre longueur,
Les stigmates sont thoraciques et abdominaux, un très-grand au thorax et
cinq ou six à l'abdomen ; il y a deux gros troncs latéraux trachéens sur les
côtés desquels s'abouchent les conduits qui viennent des stigmates; ces troncs
latéraux fournissent les branches qui se distribuent dans les diverses parties du
corps de l'insecte.
L'appareil génital mâle consiste en deux testicules formés par une paire de
glandes ovales ou arrondies, parfois réunies sous une seule enveloppe. Ces testicules
sont fréquemment rouges, rosés, violets, et la coloration est due à une couche
pigmentaire. Les canaux déférents s'unissent à deux glandes accessoires très-
longues et il existe ensuite un conduit éjaculateur très-long et très-enroulé. Les
organes femelles internes consistent toujours en quatre tubes ovariques très-longs,
enroulés en spirale, pourvus d'un grand nombre d'œufs. Le receptaculum se-
minis est disposé en massue ou pyriforme, et son conduit est souvent allongé ou
.spiroïde. Une glande simple ou bifide s'insère souvent sur le fond du réceptacle
séminal. Auprès du réceptacle il y a toujours une glande sébifique volumineuse,
formée par deux longs ctecums qui se dilatent avant de se réunir en un conduit
commun assez court et inséré sur le vagin. Quelques Lépidoptères seulement ont
deux glandes ramifiées plus petites, près de l'orifice du vagin. Enfin la poche co-
pulatrice est très-remarquable dans toutes les femelles de Lépidoptères ; cette poche
consiste en un réservoir volumineux pourvu d'un canal destiné à recevoir le pénis
du mâle, canal qui s'ouvre au dehors par un orifice particulier situé au-dessous
de la vulve. Pendant son trajet, il envoie un conduit latéral grêle qui aboutit au
vagin, vis-à-vis de l'embouchure du receptaculum seminis, et établit ainsi une
communication entre ce dernier et la poche copulatrice. Malpighi {De Bombyce,
p. 81, pi. XII, 1669) avait très-bien distingué, chez le Bombyx du Ver à soie, la
poche copulatrice, avec un conduit spécial de communication vaginale.
Le système nerveux des Lépidoptères à l'état parfait consiste en un cerveau
occupant le segment céphalique, cerveau composé de 2 ganglions sus-œsophagiens
et sous- œsophagiens réunis par deux commissures latérales. La moelle abdominale,
faisant suite aux ganglions sous-œsophagiens, se compose de sept ganglions, les
premiers appartiennent au thorax et sont très-volumineux, les doubles commis-
sures qui les relient sont très-apparentes. Celles des ganglions abdominaux sont
fréquemment réunies ou accolées. Les ganglions de la chenille sont séparés et
très-visibles. (E. Blanchard, loc. cit., p. 89.) Au nombre de neuf dans la chry-
166 LEPIDOPTERES.
salide, ces ganglions commencent à devenir coltérents et par se confondre.
Des nerfs sympathiques existent chez les Lépidoptères, au-dessus de la moelle
ganglionnaire. [Voy. Blanchard, loc. cit., p. 94 et suiv.)
Le système musculaire est très-développé au thorax, les muscles sont à fibres
striées ; les organes des sens sont comme chez k plupart des insectes, la vision a
lieu au moyen d'yeux à réseau et de stemmates ; le système circulatoire rodimen-
taire est plus appréciable chez la chenille que che'z l'insecte parfait. Les organes
de sécrétion diffèrent considérablement chez les chenilles et les Lépidoptères ;
les premières ont des glandes stricifcres, les deuxièmes des glandes odorifiques
destinées à faciliter la recherche des femelles par les mâles ; ceux-ci ont parfois
une odeur musquée {Charaxes Jasius, Sphinx convolvuli). Certaines chenilles
ont des tentacules situées entre la tête et le pro thorax, qu'elles font saillir au
dehors quand on les inquiète {Papilio, ApoUo), celles des IJarpîja hncent un
liquide sécrété dans une poche placée entre ia tête et le premier anneau du
corps.
Les organes spéciaux, pour la production des sons ou de bruits particuliers sont
rares chez les Lépidoptères. Le cri produit par le Sphinx airopos n'est pas encore
suffisamment expliqué dans son mécanisme, j'ai cherché la cause du bruit produit
par la Chelonia pudica et la Setina aurita. {Ann. ent. de France, p. 689, pi. X,
fig. 4 et 5, 1864.)
Le mâle des Lépidoptères est en général plus petit et plus agile que la fe-
melle ; sa coloration est souvent beaucoup plus brillante [Morpho, Apatura, Ly-
cœna) ou plus accentuée [Saturnia, etc.). La forme des ailes varie parfois suivant
le sexe; les mâles ont des prolongements aux ailes inférieures chez plusieurs
Nymphalides et ces mêmes ailes sont arrondies chez les femelles. Mais souvent, prin-
cipalement chez les diurnes ainsi que chez les moyennes et petites espèces de
nocturnes, la forme et surtout la grosseur de l'abdomen distinguent à première
vue les sexes, car l'abdomen est constamment plus gros, à cause des œufs qui
le remplissent chez toutes les femelles des Lépidoptères. Il y a parfois des dissem-
blances extrêmes entre les sexes et de très-grandes différences dans leur dé-
veloppement. On connaît, ainsi que je l'ai déjà dit, des femelles privées d'ailes et
ayant l'aspect de larves.
Les Lépidoptères vivent en général peu de temps sous leur dernière forme d'in-
secte parfait : le mâle meurt après l'accouplement, et la femelle se hâte de
pondre, en choisissant pour placer ses œufs l'endroit le plus favorable pour les
jeunes larves ou chenilles qui sortiront de ces œufs. Parfois, chez les lépidoptères
nocturnes, elle recouvre sa ponte avec les poils et le duvet qui revêtent son corps, et
toujours les œufs sont enduits d'une substance glutineuse, ou d'une matière gom-
raeuse qui les colle sur les objets oii ils sont déposés. On a souvent l'occasion, au
printemps, de voir voler dès les premiers beaux jours, des insectes qui ont passé
l'hiver, ce sont toujours des femelles n'ayant pas encore pondu et qui ont été
fécondées pendant l'automne. On voit aussi des femeUes de nocturnes pondre
sans accouplement et alors ou bien les œufs sont inféconds, et c'est le fait le
plus ordinaire, ou bien ils donnent naissance à des larves ou chenilles. Dans ces
derniers temps, de Siebold et Leuckart ont expliqué cette ponte, féconde sans
accouplement préalable, par la parthénogenèse. Balbiani pense qu'en pareil cas il
y a plutôt réunion des spermatozoïdes et des ovules chez les mêmes individus
et il croit que les éléments anatomiques caractérisant les sexes se trouvent actifs
dans le même abdomen.
LÉPIDOPTÈRES. 107
Les mâles des Lépidoptères ne s'accouplent ordinairement qu'avec une seule
femelle, et une seule fois. Cependant on a vu, en captivité, des mâles de Bombyx
féconder plusieurs femelles. Du reste, les Bombyx mâles qui volent en plein jour
sont extrêmement ardents à la recherche de l'autre sexe; ils arrivent jusque dans
les appartements des villes où une femelle est éclose. Souvent plusieurs mâles se
posent sur une boîte où une femelle est enfermée et qu'ils ne peuvent voir, il
est très-digue de l'emarque que tous ces mâles ont des antennes extrêmement
développées et plumeuses; ces organes, dans lesquels réside le sens de l'odorat,
leur servent à percevoir quelque odeur spéciale inappréciable pour nous et qui
les attire.
La nourriture des Lépidoptères consiste en matières sucrées et miellées qu'ils
récoltent sur les fleurs, au moyen de leur trompe. Rien n'est plus facile que de
voir aspirer par un papillon diurne au repos le suc renfermé dans une corolle ;
j'ai nourri pendant assez longtemps, à Paris, avec du sucre humecté un Apollo
rapporté des Alpes. Quelques Lépidoptères nocturnes et diurnes sucent le suc
séveux qui s'écoule des plaies des arbres ; d'autres se posent sur les matières
excrémeutitielles, où ils trouvent des sucs azotés {Nymphalis, Apatura, Limenitis).
Le vol des Lépidoptères est connu de tout le monde; le mécanisme de ce vol
facile, déjà étudié par Chabrier, Straus-Durckbeim, Girard, etc., excite en ce mo-
ment les investigations de Marey. Les Papilio peuvent planer; parmi les Sphingides
à vol très-rapide et qui restent comme suspendus, ou stationnaires, devant la fleur
sur laquelle ils butinent, le Moro-Spbinx {M. stellatarum) contre-balance, par la
vibration contiime des ailes, l'action de la pesanteur, pendant que la trompe, al-
longée, pénètrejusqu'au fond de la corolle. Beaucoup de Lépidoptères ne prennent
aucune nourriture à l'état parfait.
OEuf. Les œufs des Lépidoptères ont généralement une forme sphéroïdale ou
allongée en ellipsoïde, très -fréquemment ils sont cannelés ou striés. J'ai déjà dit
qu'ils sont enduits au passage dans l'oviducte par une matière insoluble dans l'eau
et qui les protège contre les intempéries. Du reste la température n'a qu'une
action faible sur ces œufs, car chauffés avec soin à 80° Réaumur et refroidis len-
tement, ils éclosent ensuite, et un froid de 40° ne les empêche pas de se déve-
lopper après avoir été réchauffés. Parfois les œufs sont placés sous une couche de
poils préparée par la mère [Liparis dispar); dans d'autres circonstances la fe-
melle larviforme les dépose dans la coque où elle est rentrée après l'accouplement
[Eeterogynis penella). Les petites chenilles de cette dernière espèce mangent après
l'éclosion l'humeur visqueuse qui fixe les œufs et même le corps desséché de la fe-
melle; ce n'est qu'à la première mue qu'elles se répandent sur les tiges du Genêt.
(De Graslin.)
Chenille. Li larve qui sort de l'œuf prend le nom spécial de Chenille ; elle pré-
sente une tête arrondie et un corps toujours allongé, formé de segments distincts,
qui sont au nombre de trois pour le thorax et ordinairement au nombre de
neuf pour l'abdomen. La tète de la chenille est caractéristique en Ce qu'elle est
partagée en deux parties médianes dans sa portion supérieure et parce que la
bouche offre, outre un labre, des mandibules et des mâchoires, une filière portée
par la lèvi'e inférieure. La présence de la filière, sur une larve mineuse des feuilles
du bouleau, m'a permis d'affirmer qu'elle n'appartenait point à un Coléoptère,
mais qu'elle devait produire un Lépidoptère de petite taille. Les observations ul-
térieures ont démontré la justesse de mon observation. [Annales de la Société
entomologique de France, 1865, p. 405, pi. 2, fig. 5.)
iCS LEPIDOPTERES
Les antennes sont toujours petites, et les stenimates ou yeux lisses placés de
chaque côté de la tète.
Le corps de la chenille toujours allongé, formé d'anneaux à peu près sembla-
bles, offre, au bord postérieur du premier segment ou prothoracique, un stigmate
volumineux; les autres stigmates sont placées sur le quatrième segment repré-
sentant le premier anneau de l'abdomen et sur les autres segments jusqu'à l'avant-
clernier inclusivement.
Les pattes sont toujours attachées au tliorax et au nombre de six, trois de
chaque côté . Ces pattes qu'on a souvent indiquées sous le nom de pattes écailleuses se
retrouvent chez le Papillon. On a désigné sous le nom de fausses pattes ou de pattes
membraneuses des organes placés sous l'abdomen, n'appartenant pas au thorax,
et qui dispai'aissent chez l'insecte parfaitement développé. Les fausses pattes sont
des organes de préhension très-remarquables par leur diversité, variant de quatre
à dix suivant les familles des Lépidoptères, modifiées parfois par les mues (Goos-
sens) , et qui ont fait donner à certaines chenilles les noms de fausses arpenteuses,
ilemi-arpenteuses et arpenteuses . [Voy. Chenilles.)
Les chenilles sont pourvues d'appendices variés, de poils parfois caduques, de
spinules, dépiquants, d'autres sont couvertes de mamelons, il en est d'entièrement
lisses ou glalirt;3. Les détails de cette vestiture du corps et leurs modifications
diverses seront plas spécialement étudiés au mot Chenille. La couleur peut va-
rier extrêmement. Du reste, elle est quelquefois peu constante même chez les
chenilles de la même espèce, elle se modifie avec l'âge ; généralement le dessin,
raies ou taches du corps, diffère beaucoup moins que la coloration de ce même
dessin.
La mue des chenilles consiste dans le changement de peau qu'elles éprouvent
en grossissant et avant de se transformer en chrysalide ; les mues sont au nombre
de trois à sept. La cheniUe qui est sur le point de muer cesse de manger, reste
quelque temps immobile, puis gonfle la partie antérieure du corps, l'ancienne peau
se fend sur le dos du thorax et la chenille quitte sa dépouille ancienne en déga-
geant d'abord la tête, puis successivement les anneaux du corps. Les diverses
pa.aesdes téguments, poils, revêtement des pattes, etc., restent sur la dépouille,
et celle-ci est parfois dévorée par la chenille dès qu'elle vient de s'en débarrasser,
ainsi que je l'ai constaté avec Jules Fallou pour le Sphinx euphorbiœ.
Le développement des chenilles est ordinairement rapide, elles vivent tantôt
solitaires, tantôt en société, presque toujours aux dépens des végétaux. Rarement
elles attaquent les matières grasses {voy. Aglosse), les pelleteries, les étoffes.
{Voy. Teignes.) Plusieurs espèces sont très-nuisibles, celles des Bombyx, surtout
du Ver à soie produisent une matière employée par l'industrie. {Voy. Chenilles
et Ver a soie.)
Chrysalide. A la chenille succède, dans la métamorphose du lépidoptère, la
Nymphe qui porte le nom spécial de Chrysahde chez les Lépidoptères. La chrysa-
lide est nue ou enveloppée d'une coque soyeuse, ou cocon. La forme en varie beau-
coup et sert à caractériser quelques groupes des Lépidoptères. Les chrysalides des
papdlons de jour sont ordinairement nues, attachées par le dernier segment du
corps et suspendues tantôt verticalement {Vaiiessa), tantôt soutenues par un fil
transversal {Papilio, Pieris).
La couleur de quelques chrysalides seulement est très-brillante à cause des
taches dorées ou argentées du tégument, d'oii leur nom {xf>^<^oi;, or) ; telles
sont, dans notre climat, les chrysalides des Vanessa.
LÉPIDOPTÈRES, ' 169
Les chrysalides des Hétérocères, enfouies dans la terre ou cachées dans des
coques, sont généralement brunes ou de couleur terne, et leur nombre est de
beaucoup le plus considérable. La couleur brillante des chrysalides est l'exception.
La forme des chrysalides est variable pour les Rhopalocères surtout; elles of-
frent souvent dans cette division des saillies, et des pointes imitant grossièrement
un masque ou des mufles d'animaux. Les chrysalides des Hétérocères ont toutes
une forme stéréotypée, celle de la chrysalide du Ver à soie connue de tout le
monde, offrant, emmaillottées, les différentes parties du papillon avec des moi-
gnons d'ailes enroulés autour du corps.
La manière dont le Lépidoptère sort de la chrysalide varie suivant que celle-ci
est nue ou enveloppée d'une coque. Le papillon se dégage parune fente médiane
thoracique.
D'abord très-faible, il se fixe sur un corps solide et agite doucement ses moi-
gnons d'ailes ; celles-ci s'étendent à vue d'œil et prennent le développement pro-
pre à l'espèce. L'abdomen se dégonfle par plusieurs évacuations d'un hquide accu-
mulé dans le cœcumet très-riche en sels uriques, d'une couleur rougeàtre. Quand
l'insecte est bien séché et entièrement développé il essaye ses ailes, prend son vol et
recherclie l'autre sexe pour s'accoupler et reproduire des individus semblables à
lui, mais variables de taille ou de coloration si la chenille ou la chrysalide ont eu
des conditions spéciales de développement.
Je ne dois point omettre de citer ici les pluies de sang qui ont à plusieurs
reprises effrayé les populations crédules et dont les Lépidoptères sont les auteurs
inoffensifs. Réaumur, dans ses admirables Mémoires sur les insectes, en a fait jus-
tice. Voici comment les faits se produisent. Les papillons venant d'éclore répan-
dent par l'anus un liquide rougeàtre ou jaunâtre, dont l'accumulation s'est faite
pendant la nymphose. Chez les Vanesses, papillons de jour très-communs, et dont
l'éclosion a lieu le long des murs rustiques, cette déjection est d'un rouge vif et
carminé, imitant assez bien la couleur du sang.
Vers le mois de juillet de l'année 1608, les murailles d'un cimetière voisin de la
ville d'Aix et celles des villages des environs parurent tachées de larges gouttes de
sang. Le peuple et même, ajoute Réaumur, certains théologiens n'hésitèrent pas à y
voirl'œuvredes sorciersou du diable lui-même. Mais un homme instruit et peu cré-
dule, nommé de Peiresc, alors dans la ville, observa qu'une multitude de
Lépidoptères volaient dans ces endroits maudits. 11 rassembla des chrysalides dans
une boîte, il les fit éclore et montra aux curieux inciuiels la diabolique pluie de sang
sur les parois et le fond de la boite renfermant les insectes. Il les mena dans la
campagne après leur avoir fait remarquer l'absence des gouttes miraculeuses au
contre de la ville, sur les toits ; il leur prouva qu'elles se trouvaient dans des eu-
droits creux, sous les chaperons et les saillies des murs et non à la surface des
pierres tournées vers le ciel, enfin qu'il n'en existait pas à de plus grandes hau-
teurs que celles où volent ordinairement ces Lépidoptères. De Peiresc n'hésita pas
à attribuer à la même cause certaines des pluies de sang dont on rapporte l'histoire ;
par exemple, la pluie de sang tombée sous le règne de Childobert dans diilérents
endroits de Paris et près de Senlis ; une autre sous le roi Robert et arrivée à la
fin de juin. Réaumur ajoute que c'est l'espèce ravageant les Ormes dans certains
cantons, ki Grande tortue [Vanessa /Jo///c/i/oros), à chrysalide dorée, qui lui parait
la plus capable de répandre ces alarmes. Elle apparaît quelquefois en très-grande
quantité, quitte les arbres au moment de se mettre en chrysalide et se disperse alors
contre les mmv, sons les cintres desporl s et mémo dans les maisons.
170 LÉPIDOPTÈRES.
Lépidoptères utiles et nuisibles. Tout le monde sait que la soie est uue pro-
duction due à une chenille de Lépidoptère et que d'autres chenilles voisines [ooy.
Bombyx) filent des coques dont l'industrie cherche à profiter pour la fabrication des
étoffes. Maisàpart ces insectes utiles, la plupart des chenilles, extrêmement voraces,
nous sont fort nuisibles ; elles causent des dégâts souvent irrémédiables ; elles dé-
vorent les feuilles dans les forêts {Bombyx processionea, pitjjocampa, dispar,
etc.), dans les vergers {Bombyx neustria, Ypomoneuta), les jardins {Pieris);
elles creusent les arbres {Cossus, Sesia, etc.), attaquent les fruits {Carpocapsa) ,
les grains {Al'ucita, Tinea), la. vigne {Pyralis piller tana, etc.), les betteraves
{Agrotis) ; enfin les étoftës, les fourrures {Tinea sarcitella, pezella, pellio-
nella), etc., etc. Ce sont des ennemis continuels avec lesquels l'homme a chaque
année à lutter, dont l'échenillage ne fait qu'imparfaitement justice et qui pullu-
leraient à l'infini sans leurs ennemis nombreux (oiseaux, mamm.ifères, reptiles et
surtout insectes hyménoptères et diptères entomobies) .
A l'état de chenille, les Lépidoptères ne sont point-venimeux comme on le croit
souvent, mais bien à tort. Les tentacules rétractiles de quelques espèces, les appen-
dices de quelques autres ne sont que des moyens employés par elles pour effrayer
leurs ennemis tels que les Ichneumons. 11 est très-vrai qu'il faut manier avec la
plus grande précaution les nids des chenilles processionnaires du chêne et du pin
et des autres chenilles analogues. Les poils, surtout au moment des mues et de Ja
transformation en nymphes, sont très-caduques, ils se détachent et se trouvent en
grande quanSité dans les nids. Ces poils, emportés par le vent, se répandent de
toutes parts dans les forêts ou les bois, et pénétrant dans la peau, surtout au vi-
sage et aux mains, y causent des douleurs très-vives et des cuissons brûlantes. On
a plusieurs fois empêché l'accès des allées du bois de Boulogne où se trouvaient
une grande quantité de chenilles processionnaires du chêne.
J'ai déjà noté que quelques grosses chenilles {voy. Larves) servent à l'alimen-
tation des peuplades sauvages ; la chenille énorme de YHeplalus grandis, qui ^it
à la Nouvelle-Hollande dans les troncs des Camarinas, est recherchée par les na-
turels qui s'en régalent avec avidité en humant l'intérieur comme s'il s'agissait
d'un fruit pulpeux.
Les chrysalides servent aussi comme aliment. On les manse frites ou bouillies.
Le docteur Vinson m'a dit, et a rapporté, qu'à l'époque du couronnement de Ra-
dama, roi de Madagascar, le fils du roi, enfant de 10 ans, présent à la réception
de l'ambassade française, mangeait des chrysalides de Bombyx avec un grand
plaisir. En Chine, les chrysalides du Ver à soie sont employées dans l'ali-
mentation.
Pendant ces dernières années, lamode a fait rechercher comme ornement ungrand
nombre de Lépidoptères. Les ailes fragiles des Morpho, à couleur d'un bleu mé-
tallique, et d'autres espèces resplendissantes, ont été appliquées sur des gazes ou
pkcées sous des lames transparentes et minces. Elles ont sei'vi de la sorte pour
parures de bals et de soirées.
Les Lépidoptères, surtout à l'état de domesticité, sont sujets à des maladies qui en
font périr un grand nombre. ( Foy. Ver a soie. ) A l'état libre, beaucoup de chenilles,
par suite de circonstances spéciales, sont atteintes par des cryptogames {muscar-
t/iree, etc.), oubien elles s'étiolent, cessent de manger et meurent tantôt desséchées,
tantôt au contraire bouffies et infiltrées. Les variations atmosphériques, l'électri-
cite de l'air, un excès d'humidité, ou la trop grande sécheresse, une nourriture
avariée en rendent parfois l'éducation impossible entre les mains des observateurs
LÉPIDOPTÈRES ^71
les plus habiles, des eulomologistes les plus zélés. Quand ces chenilles sont pas-
sées à l'état de chvysahde, une sécheresse très-forte delà terre où elles sont en-
fermées, ou bien un degré trop grand d'humidité, une chaleur solaire brûlante et
prolongée, etc., en détruisent d'innombrables quantités; ces cuxonslaiïces empc-
chent souvent une destruction complète des arbres des lorèis attaqués par les
chenilles. (Ratzeburg, Perris.)
Je ne signalerai point les stations des Lépidoptères sur le globe, cette question
se rattache à celle des insectes en général {voij. Insectes), ni les monstruosités
qui seront étudiées en cet endroit. Cependant comme il est peu de collections de
Lépidoptères qui ne possèdent des individus ayant un côté du corps plus petit
que l'autre, atteint de nanisme par rapport à celui du côté opposé, ou bien des
individus mâles d'un côté et femelle de l'autre ; je vais dire quelques mots sur
cette dernière disposition.
On connaît un assez grand nombrede ces Lépidoptères anormaux ou monstrueux. 11
s'agit nettement d'individus ayant à la fois les formes et la coloration des deux sexes,
par moitié parfaitement égale ou avec prédominance de l'un des deux. Th. Lacordaire
désigne cet état sous le nom de Gynandromorphisme, pour le séparer de l'her-
maphrodisme vrai et qui est naturel ou normal chez quelques articulés : il y a ainsi
des gynandromorphes i° mixtes, 2" masculins, 5° féminins. Malheureusement les
observations anatomiques sur ces Lépidoptères monstrueux sont très-rares, elles
font défaut et je regrette pour ma part que tous les Lépidoptères, à la fois mâles d'un
côté et femelles de l'autre, soient dans les collections à titre d'objets curieux, au
lieu d'être étudiés à l'état frais, pour établir la splanchnologie de ces êtres anor-
maux, si remanjuables.
Classification. La classification des Lépidopb^.res présente de grandes diffi-
cultés à cause de la conformation uniforme de cej articulés. On peut réduire sous
trois chefs principaux les essais tentés à cet égard : i° tantôt les caractères ont
été tirés exclusivement de l'insecte parfait; 2" tantôt les caractères ont été pris
exclusivement sur les chenilles ; o" enfin les caractères sont fournis par l'insecte
parfait, mais à ceux-ci ont été adjoints ceux que présentent les chenilles et les
chrysalides. A mon avis, cette dernière est la plus méthodique et celle qui devra
rester dans la science. {Voy. Iksectes.)
Linné divisait les Lépidoptères en trois grands genres : les Papillons, les Sphinx
et les Phalènes. Les auteurs qui vinrent après lui subdivisèrent ces grandes coupes
primordiales etLatreille établit les familles des Diurnes, Crépusculaires et Noctur-
nes correspondant aux genres Linnéens. En France, Godart et Duponchel suivi-
rent en la modifiant la classification de Latreille, basée sur l'insecte parfait. A
l'étranger Denis et Schiffermiïller, Ochsenheimer, ïreitschke, Stephens, Cur-
tis, etc., s'occupèrent plutôt pour leur arrangement du premier état ou des che-
nilles. Enfin Boisduval modifia profondément la méthode de Latreille, prit en
grande considération les caractères fournis par la chenille et partagea les Lépido-
ptères en deux grandes divisions, dont nous avons déjà parlé, les Rhopalocères
(Diurnes) et les llétérocères (Crépusculaires et Nocturnes). E. Blanchard les
divisa particulièrement en Achalinoptèrcs et Chalinoptères. De nos jours une
division assez commode, mais peu naturelle, a fait surtout en Allemagne parta-
ger les amateurs en ceux qui s'occupent des premières familles de grande taille et
ceux qui n'étudient ni ne récoltent que celles d'une taille exiguë; d'oîi les ma-
crolépidoptères et les microlépidoptères : il est bon de remarquer que certains
Crambides placés parmi ces derniers sont de forte taille. Voici un aj)erçu de la
172 LÉPIDOPTÈRES.
division des Lépidoptères, d'après Boisduva!, Duponchel, Blanchard et les der-
niers ouvrages publiés eu Allemagne.
1" division. Hétérocères. Boisduval {diurnes. Latreille). Antennes en forme
de massue, corps peu velu et petit relativement aux ailes, rétréci entre le tliorax
et l'abdomen. Quatre ailes d'égale consistance, libres, nnn retenues par un frein
se relevant perpendiculairement l'une contre l'autre pendant le repos. Vol diurne.
Cbenilles à 16 pattes, se métamorphosant à l'air libre sans se renfermer dans.
une coque (excepté les Parnassius, Zegris et Hesperia). — Familles Dandides,
Argyyinides, Vanessides, Lyhithéides, N ijmphalides , Saty rides, Vapillonides,
Parnassides , Piérides, Pihodocérides, Lycénides, Erycinides, Hespe'rides.
'"2" division. Hétérocères. Boisduval.
Groupe l". Crépusculaires. Latreille. Antennes tantôt renflées au milieu ou
prismatiques, tantôt pectinées ou dentées. Corps très-gros relativement aux ailes,
sans étranglement entre le thorax et l'abdomen. Ailes étroites, en toit horizontal
ou inclinées dans le repos, les supérieures recouvrant alors les inlérieures qui
sont très-courtes et retenues aux premières par un frein, dans les mâles seule-
ment. Vol crépusculaire exceptionnellement diurne. Chenilles à 16 pattes,
glabres ou demi- velues, se métamorphosant dans la terre ou à sa surface, ou dans
une coque. Chrysalides non anguleuses, comco-cyUndriques. — Familles Sphin-
gides, Sésiides, Zygénides.
Groupe 2^ Nocturnes. Latreille. Antennes sétacées, à tige diminuant de gros-
seur de la base au sonuuet, abstraction faite des cils, barbes, ou poils, dont elle
peut être garnie. Corps tantôt grand, tantôt petit relativement aux ailes, sans
étranglement entre le thorax et l'abdomen. Ailes d'égale consistance quand les
supérieures ne couvrent pas les inférieures, les unes et les autres retenues en-
semble par un frein dans les mâles, ne se relevant jamais perpendiculairement
dans le repos, mais horizontales ou en toit ou en fourreau enveloppant le corps.
Chenilles ayant de 10 à 16 pattes, glL.bres ou velues, mais jamais épineuses, se
métamorphosant soit dans la terre ou dans l'intérieur des végétaux dans des
coques de soie pure ou avec d'autres matières. Chrysalides cyHudro-coniques,
glabres ou parfois un peu velues. — Familles Liihosides, Chélonides, Psychides,
Liparides, Lasiocampides, Bombycides, Attacides, Endromides, Hépialides,
Endagrides, Limacodides, Platyp ter ides, Dicranurides, JSotodontides, Pygc-
rides, Bombycoïdes, Noctiio-bombycites, Orthosides, Gortynides, Nonagrides,
Leucanides, Caradrinides, Apamides, Hadénides, Noctuélides, Amphipy rides,
Xylinides, HeliotJiides, Calpides, Plusides, CatocaUdes, OpJdusides, Anthophi-
lides, Agropitilides, Anomalides, Phalénoïdes, Goniatides, Acontides., Noctuo-
phalénides, Pyralides, Phaknides, Platyomides, Schénobides, Crambides,
Yponomeutides, Tinéides, PtéropJwrides.
Emile Blanchard a divisé les Lépidoptères en deux grandes sections : i° Acha-
Unoptères (Diurnes des auteurs, Rhopalocères Boisduval). Ailes dépourvues de
Irein pour les maintenir. Antennes toujours renflées en massues vers l'extrémité.
— Familles PapiUonides, Nymphalides, Erycinides, Cydimonides.
2'' section. Chalinoptères (Crépusculaires et nocturnes, Hétérocères Boisduval) .
Ailes presque toujours munies d'un frein pour les retenir ensemble. Antennes
renflées en massue, fusiformes ou sétacées, souvent pectinées dans les mâles. —
Familles Sésiides, Zygénides, Sphingides, Bombycides, Noctuélides, Phaléni-
des, Pyralides.
On s'accorde assez généralement, en Allemagne, à diviser les Lépidoptères en
LÉPIDOI^TÈRES. 173
deux grandes sections, Macrolepidoptera et Microlepidoptera. Voici un aperçu
de la classification donnée, d'après Lederer {Verhandlungen des zoologisch-
botanische Vereinsin Wien) par Staundiger et Wocke.
Cette classification ne diffère pas beaucoup, pour les Macrolépidoptères, de celle
adoptée par Ochsenheimer, Treitschke et Herrich-Schœffer ; pour les Microlépi-
doptères, elle est empruntée surtout à Herrich-Schœffer, Zeller et Stainton.
(Yoy. Caialog der Lepidopteren Europas, Bearbeitet von 0, Staudinger und
M. Wocke, Dresden, 1861.)
Macrolepidoptera. 1. Rhopalocera. Papilionidœ, Pieridœ, Lycœnidœ, Eri-
cynidœ., Libytheidœ, Apaturidce, Nymphalidœ, Danaïdce, Satyridœ, Hespe'
ridœ.
2.Heterocera. — A. Sphinges. Sphingidce, Sesiidœ, Thyrididœ, Heterogynidœ,
Zygenidœ, Syntomidœ. — B. Bombyces, Nycteloïdœ, Lithosidœ, Euprepiœ,
Epialidœ, Cossidœ, Cocliopodœ, Psychidœ, Liparidœ, Bo7nbycidœ, Satiirnidce,
Drepamdidœ, Notodontidce, Cijmatophoridœ. — C. Noctuse. — D. Geometrse.
Microlepidoptera. E. Pyralidina. — F. Crambinse. — G. Tortricina. — H. Ti-
neina. Tineidce, Hyponoineutidce , Plutellidœ, Gelechidœ, Glyphypterygidœ,
Argyresthidœ, Gracilaridœ, Coleophoridœ, Elachistidœ, LithocoUetidce, Lymie-
tidœ, Nepticulidce. — I. Pterophorina. — K. Alucitina (Orneodes).
A. Laboulbène.
BiBLiocnAriiiE . — Cette bibliographie ne comprendra pas les indications des traités géné-
raux sur les insectes où il est parlé des Lépidoptères, tels que les Mémoires de Réaumuk,
de DE Géer, et les œuvres de Linné, de Fabricius, d'OuviEn, de Latbeille, etc., etc. Les An-
nales et les Recueils où il n'est pas exclusivement question des Lépidoptères ne peuvent
fic^urer ici ; les auteurs cités sont ceux qu'on désigne ordinairement sous le nom de lépi-
doptéristcs. A l'article Insectes, on trouvera les ouvrages qui n'ont pas pu avoir en cet
endroit spécial leur place naturelle .
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Malpighi. Dissertatio epistolica de Bonibijce, etc. Londini, 1669. — Swammeudam . Bijhel der
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tÉPiDOSAïtcOME, OU tumeur écaillante de la bouche (squamiformis tumor
hiiccce interioris) . Marc-Aurèle Séverin a décrit sous ce nom une tumeur qui
l'étonua siogulièremeut par les caractères qu'elle présentait. Il n'est pas possible
de rattacher avec quelque certitude l'expression de lépidosarcome à aucun groupe
bien défini de timieurs. L'observation de Séverin reste à cet égard insuffisante.
Observée sur un adulte, la tumeur existait depuis plusieurs années, siégeant
à la face interne de la joue; du volume d'une grosse fève, elle rappelait par sa
structure l'aspect du tbyrse, des fleurs de chou, il s'agissait peut-être d'un épithé-
lioraa, ou d'une tameur fibroplas tique, ou d'un papillome, d'une structure coju-
plcxe. Le mot lépidosarcome ne mérite d'être reproduit qu'à titre de curiosité
historique. Il pourrait servir d'exemple à prouver combien sont restées stériles
les dénominations de tumeurs, basées sur un caractère purement extérieur, ou
sur une comparaison grossière. A. Hékocque.
Bibliographie. — Blarci Aurelii Siverini De recondita abcessum natura. Libri VIII, 1724,
(Gap. xviii, p. 261.) Dictionnaire de Nysten, édit. Littré et Robin. A. H.
t'ÉPllVAY (Eau mdérale de), protothermale, ame'tallite, hicarhonatée ferru-
gineuse faible, carbonique faible. Dans le département de îa Seine-hiférieure, dans
l'arrondissement du Hayre-de-Gràce, dans le canton et à 5 kilomètres de Fécamp,
émerge la source de l'Épinay, dont leau claire et hmpide laisse déposer une
couche rouillée sur les parois inférieures de son bassin de captage. Elle n'a aucune
odeur; son goût est très-sensiblement ferrugineux. Sa température est de 15°, 5
centigrade; son analyse chimique a été faite par Germain, qui a trouvé, dans
1000 grammes d'eau, les principes suivants :
Carbonate de fer 0,064
— chaux 0,'636
— magnésie 0,042
Chlorure de potassium 0,021
— calcium 0,042
Acide silicique 0,042
Total des matièbes fixes 0,547
Nous ne donnons cette analyse que comme un renseignement tout à lait insuffi-
sant, car elle ne mentionne ni les sulfates ni les autres sels de soude, qui sont en
général contenus dans les eaux minérales.
ne LÉPIOTE.
L'eau de L'Épinuy est exclusivement employée eu boisson par les populations
voisines, qui viennent y chercher la guérison de leurs maladies oii les martiaux
conviennent. A. R.
LÉPIOTE (IcTTiç, écaille, ou ïsttm peler). Ce petit groupe des AGARICIXÉES
LEUCOSPORES est si distinct que le temps me paraît venu de le séparer du genre
AGARicus qui comprend trop d'espèces; d'ailleurs, il mérite aussi bien cet honneur
que le groupe des amanites dont il est fort voisin, et dont il se rapproche par son
port élégant, par ses formes sveltes, symétriques, par la présence des deux voiles :
du voile universel qui enveloppe tout le champignon dans sa jeunesse; et du
vélum constituant ordinairement la plus grande partie du collier plus ou moins
persistant, quelquefois même très-fugace et discernable seulement au moment de
l'épanouissement ; cependant ce qui rapproche surtout ces deux groupes, c'est
que l'hyménophore (c'est-à-dire cette couche de substance spéciale, souvent
céracée, tapissant la face inférieure du chapeau et sur laquelle les lames se dé-
veloppent et s'attachent) ne se prolonge pas sur le stipe, mais souvent, et chez
toutes les vraies Lépiotes, s'arrêtant tout à coup, forme autour delà tète du stipe
un petit bourrelet spécial très-remarquable appelé collarium et qui occupe le
sillon circulaire {rainure) séparant les lames du stipe ; par suite de cette confor-
mation, les lames ne sont jamais ni adnées, ni sinuées, mais libres et le plus
souvent, leurs terminaisons internes sont éloignées du stipe.
Cette indépendance de l'hyménophore et du stipe qui rapproche les Lépiotes
des Amanites, est ce qui les sépare des armillaria, petite section des tricholoma,
ayant un collier encore distinct {voy. Agaric), aussi la quatrième section des
Lépiotes chez laquelle ce caractère est défaillant, est-elle une section de passade
entre ces deux groupes. Enfin, l'indépendance du stipe et de l'hyménophpre parle
collarium semble s'étendre chez quelques espèces types du genre, au chapeau en
entier ; caria substance céracée du collarium paraît, surtout dans le jeune âge,
passer sur la tête du stipe et le séparer de la chair du chapeau qui ne semble
guère se continuer qu'avec les fibrilles aranéeuses du canal médullaire. Il y a
sans doute d'autres connexions poui' la nutrition, mais elles sont très-faibles et
facilement rompues, de sorte que la tète du stipe paraît avoir déprimé le
tissu charnu et s'être logée dans un enfoncement central capuliforme de la l'ace
inférieure du chapeau [acetabulum de Prie), c'est pourquoi il peut en être facile-
ment détaché, nous dirons aloi's que la tête du stipe est adnexe'e et énucleable,
mais elle sera dite adnée quand on la détache plus difficilement et avec quelques
déchirures manifestes, enlin connée quand la connexion est si intime qu'il y a
rupture et aucune trace de décollement.
D'autre part, ce qui sépare radicalement les amanites des léi^otes, c'est l'ori-
gine et la fabrication entièrement différentes de leur enveloppe générale ou voile
universel; car on peut dire que chez les lépiotes ce voile n'est plus un organe
spécial et indépendant, mais un faux voile, une simple émanation du tégument
du chapeau dont les fibres, plus ou moins toisonnées, se prolongent, se conti-
nuent sur le stipe pendant cette époque de la vie oii, ce qui sera la face supé-
rieure du chapeau, plus ou luoins enroulé, est encore en rapport imméiliat avec la
surlace du stipe; or, au fur et à mesure du déroulement, puis de l'épanouisse,
ment, ces fibres de connexion se trouvent tiraillées, puis rompues, et suivant leur
consistance, leur résistance, leur allongement, la fomuc etle lieu de leur rupture,
les teintes dont l'air ou la lumière les colorent ; elles dét'rmiiicnt sur le chapeau
LÉPIOTE. i77
etswle stipe des éraillures, des squames, dds peluchures, des clniuires nom-
breuses et caractéristiques d'espèces ; mais si ces fibres unissantes restent blan-
ches, si, très-peu résistantes, elles se rompent très-facilement sans allongement
ui déchirures, la surface du chapeau comme celle du stipe, restera simplement
finement villeuse (lep. naucixa).
Les formes si diverses que le collîep présente dans ce groupe résultent aussi
des détails du développement ; en effet ce collier doit toujours être considéri
comme la continuation des fibres du tégument, car quand le chapeau était encore
fermé et connivent par son bord autour du stipe, son tégument fibrilleux ou
squameux se prolongeait, se continuait sur ce stipe ; alors les fibres, en passant
du bord du chapeau sur le stipe, l'embrassent étroitement, puis se divisent en
deux parts souvent inégales : les unes descendantes se dirigent vers le pied,
c'est le i;oi7e (voile universel de Frie), les autres ascendantes, vers la rainure,
c'est le vélum : quand le revêtement du stipe qui en résulte est beaucoup plus
marqué au-dessous du collier, nous disons que ce collier est descendant (pre-
mière et quatrième section). Quand il est plus mai-qué au-dessus du collier, nous
disons qu'il est ascendant (troisième section). Quand il paraît se continuer à peu
près également au-dessus et au-dessous, nous le disons collier mixte comme
dans les clipeolarii ; nous ajoutons mixte ascendant, si la portion ascendante
est plus considérable, et mixte descendant, si c'est la division descendante qui
l'emporte.
Ces généralités posées, résumons les caractères des Lépiotes : les Lépiotes
constituent un groupe fort naturel des Agaricinées, ayant pour caractère : un
hyménophore qui ne se prolonge pas sur le stipe, mais s'arrête souvent tout d'un
coup pour former le collarium plus ou moins visible au fond de la rainure ; par
suite, les extrémités externes des lames toujours libres sont souvent éloignées
du stipe, et dans une seule section de passage (la quatrième), elles sont arrondies,
presque atteignantes, et plus rarement encore faiblement adnexées, mais jamais
sinuées ; un voile universel conné avec tégument du chapeau et celui du stipe ;
de là, lors de l'épanouissement, des ruptures, des éraillures, laissant sur le cha-
peau des squames ou au moins des villosités tomenteuses plus ou moins mani-
festes et sur le stipe, des squames, des chinures, ou au moins un revêtement
fibrilleux ou squameux ; la surface du chapeau n'est donc jamais délimitée
comme chez les Amanites par une pellicule, mais par un cutis, un tégument
tomenteux, villeux bu moins drapé. La chair du chapeau plutôt mince, molle,
légère, cotonneuse, hétérogène avec celle du stipe fibreuse, souvent plus coriace
et tenace que charnue; le stipe est presque toujours fistuleux ou fistulo-médulleux,
souvent bulbeux ou sous-bulbeux. La forme générale du champignon est bien
symétrique, le port svelte et élégant ; les teintes sont généralement ou blanches ou
teintées de fulgineux ou d'oranger ocracé ; la plupart sont odorantes ; beaucoup
d'espèces sont comestibles; deux ou trois passent pour vénéneuses et ont une
odeur forte et désagréable; spores blanches, ou très-faiblement teintées d'ocracé,
et, sur les quelques espèces où on les a observées, ovoïdes et fisses. Toutes ter-
restres.
Nous diviserons les Lépiotes en 4 sections : le collarium très-développé dans
la première, moindre dans la seconde, inégalement distinct dans la troisième,
manque dans la quatrième. Le collier est mobile et fortement constitué seu-
lement dans la première, plus ou moins fibrilleux, faible et fugace dans la
seconde; mais mixte et plutôt descendant àans les deux premières sections, il est
DICT. EWC. 2' s. II. 12
178 LÉPIOTE.
francliement membraneux et ascendant dans la troisième, et seulement descen-
dant, squaniuleux et caduc dans la quatrième. La surface du chapeau fortement
squameuse et même éraillée dans la première section, plus finement squa-
meuse ou au moins fibnlleusedans la seconde, est lisse et seulement drapée dans
la troisième ; elle est encore unie ou finement squamulo-granulée ou unie dans
la quatrième ; mais dans toutes ces sections la surface est sèche ; or, Prie
en Suède, et Secrétan, en Suisse, ont trouvé des Lépiotes à chapeaux dont le
tégument est visqueux ; ces espèces rares constituent une eînfjsBîème section,
mais elles n'ont jamais été signalées en France, et nous ne les décrirons pas.
P'^SECTIOjV. pkoceri. Lépiote muni d'un anneau mobile, épais, solide et per-
sistant ; chapeau décidément squameux, plus ou moins profondément éraillé; le
stipe n'est pas guêtre de fibrilles comme dans la 11" section, ni de granulations
caduques comme dans la IV' ; mais il est souvent orné, au-dessous du collier, de
chiuures squamuleuses. Le coUier, d'abord nettement descendant, devient mo-
bile parce que, d'abord en coimexion intime avec le pourtour du chapeau fermé,
il est entraîné par ce chapeau lui-même vigoureusement poussé en haut par le dé-
veloppement rapide du stipe, et il rompt les attaches inférieures, et dès lors,
libre de toute attache, il remonte facilement sur le stipe atténué en haut. Le
sommet du stipe est entouré d'un cotlarium large, manifeste, par suite, les la-
mes libres et éloignées. La tète elle-même, facilement énucléable, car le tissu
charnu-fibreux très-ferme du stipe est brusquement interrompu à son contact
avec le tissu mou, léger du chapeau : de là une séparation nette et facile entre
les deux organes.
1. Lép. rRocEEA Bull, et Prie, chnpeaa charnu, d'abord ovoïde, puis étendu en parasol,
mais encore timboné ; sa surface, gTossièrcment et di\crsemenl éraillée, écaillcuse ou enfin
presque plane, semée d'écaillcshrw\es, plutôt opprimées, fugaces, ocracées, plus ou moins fon-
cées; chair bien blanche, /i.re (ternie avec le lemps), très-molle (diam. i5à20 c.;épaiss.dela
chair environ lOmm). stipe très-long [h. 20 à 30 c.,et diam. 18 à 20 mm.), atténué etblanchâtre
en haut, où il se terndne en tête arrondie, plongée et très-faiblement adnexée dans Vaceta-
bithim et par suite très-facilement énucléable; son pied, charnu et très-bulbeux, est assez
profondément hypogé; au-dessous du collier, il est élégamment chiné de squames fibreuses,
plates, brunes, concentriques ou en spirales; à l'intérieur, longuement et largement fistu-
leux; il est d'une consistance subcartilagineuse, sa chair fibreuse, d'un blanc teinté de roux
vers la surface, est d'abord ruptile et enfin fissile. Le coiiier dans le principe descendant,
puis libre, mobile, à corps bien modelé, chantourné, charnu, ferme, subcartilagineux . liâmes
aussi ou plus larges que la chair (1. 10 à 12 mm.), très-atténuées en dedans et éloignées du
stipe par un collarium Urge, modelé, céracé; lames convexes, minces, simples, blanches à
la fin, se maculant de roux sur la iranche; odeur agréable, saveur douce; ce. dans les bois,
clairières, prairies montueuses et boisées. Excellent aliment.
ISoiA. Viviani figure, sous le nom de Lép. prominea, un type très-voisin de Lép. peocera,
qui paraît s'en distinguer seulement par les écailles du chapeau plus fines, ocracées, et un
disque plus fortement ombonê.
2. Lép. RACHODEs Vitt. ciiopean plus charnu, fZ'aZ)ord$'/o6î</eîw, puis enfin étalé et à disque,
à la fin méplat; tégument d'abord épais, ferme, puis concentriquement fissuré, réticulé en
squames épaisses, polygonales, persistantes, élégamment fixées par des fibres rayonnantes
blanches, tomenteuses, que forme la chair fissurée du chapeau; le disque reste intact, lisse,
très-glabre, bai-brun (d. 15 c, ép. ch. 18 mm.), stipe robuste, fistuleux, encore atténué en
haut (h. 1.^ à 20 c; d. 20 à 25 mm.) adnexé et énucléable, terminé en b;is en un bulbe très-
développé (d. 5 à 6 c), surface du stipe blanche, lisse, enfin soyeuse, mais sans squames
ni même fibrilles (ce qui me paraît paradoxal avec un collier descendant), portant un collier
descendant (?) et longtemps adhérent à la marge, enfin mobile; à pourtour layonnant, squa-
muié en dessus. Lames plutôt moins larges que la chair, éloignées du stipe par un collarium
proéminent, simples, nombreuses, blanches, quelquefois rougissantes, chair blanche; mais
rompue, elle se teinte aussitôt de rose ou de rouge brique, puis redevient blanche; odeur et
saveur ingrates; à peine comestible, mais non vénéneux. RR. Avec les plâtras humides et
ombragés, les thermes et aussi bois et clairièi'es (V. Lép. saxosa, n" 12).
LÉPIOTE. 119
3. Lép. excoriata Schaf. Cbapena mou, cliamii, ovo-gloljuleux, puis étendu; un peu g'ib-
Leux sur le disque, blanchâtre, plus ou moins enfumé ; tégument mince, tantôt restant lisse et
soyeux, tantôt fissuré en petites squames [à. 10 à 12 c.; ép. cli. 8 à 10 mm.), stipe égal et
seulement un peu bulbeux, et retenant la terre; fistulo-racduUeux, élastique, sub-charnu,
encore bien énucléable, suriace lisse, glabre, sans squames ni taches, portant un anneau plus
mince, plus tenace, moins mobile (descendant?), souvent enfin tombé et disparu (h. 10 à 11 c;
d. 13 mm., et 25 au bulbe. Lames aussi larges que la chair, libres, mais peu éloignées,
blanches, chair molle, blanc fixe. Édule. Dans les champs, parmi les gramens isolés, U.
Nota. Il y a encore de nombreuses formes de ces proceru, surtout plus grêles et plus pe-
tites, à lames plus larges que la chair, etc. : l'une élevée (15 à 18 c), à stipe grêle, ondu-
leux, subbulbeux, mais à bulbe arrondi en dessous; tégument du chapeau mince, finement
fissuré en squames larges, plates, persistantes, par suite le chapeau blanchâtre, riolé de
brunâtre : c'est 4. Lép. gracilenta de Krombh. et de Frie. — Une autre forme moins grande,
campanulée, umbonée comme un dôme byzantin, à bulbe fusiforme aux deux exlréntités;
tégument du chapeau couvert de fines squames granuleuses et persistantes : c'est 5. Lép.
MASTOiDEA de Frie; tous deux, aliment médiocre quoique non vénéneux.
Nous avons trouvé encore d'autres formes qui sont ou des espèces ou des variétés; nous
croirions hâtif d'en décider.
11"^ SECTION. ctypEoi.A«n. Lépiotes munies d'un collier mixte QïAhihxs fixe
plus souvent fihrilleux ; le stipe, de bonne heure distinct, est vêtu (guêtre) de
ces fibrilles plus ou moins fugaces de la portion inférieure du voile universel
rompu, tandis que la portion supérieure reste appliquée sur le chapeau. Il n'y a
plus d'acetabidum recevant la tète du stipe; mais un collarium encore mani-
feste quoique souvent réduit à un' mince cordon céracé entourant la tête du stipe
(plutôt adné avec le chapeau); par suite, les lames en sont plus rapprochées.
Chair moDe et odeur désagréable le plus souvent de rave, de moisi.
* Lépiotes dont le chapeau est tout couvert et hérissé de nombreuses verrues ^
de squames tomenteuses ou fibrilleuses.
6. Lép. Fbiesu chapeau convcxe, charnu, tigré d'un rouge brun par les verrues pyrami-
dales à sommet mucroné, à base rayonnante par l'épanouissement de nombreuses fibrilles
rouge hrun; elles sont très-serrées et très-brunes sur le disque, pluE espacées sur la marge
où elles se détachent d'un lond clair (d. C c; ép. de la chair, 5 à 4 mm.), supo droit, égal
solide, ûhro-charnu , ruptile, cartonné, assez finement fistulo-aranéeux; la tête est presque
connée avec le chapeau, le pied bulbeux, bien aiTondi à sa base, en connexion avec les ra-
dicules d'un mycélium blanc. 11 porte aux deux tiers supérieurs un coiuer membrano-ara-
néeux, flasque, débile, mais nettement mixte-ascendant, blanchâtre par sa face supérieure,
brun sur sa face inférieure, portant une rangée de verrues du chapeau; caduques, brunes
les mêmes verrues recouvrent de plusieurs rangs le haut du bulbe; au-dessous de ce collier
le slipe est revêtu de longues peluches fibrilleuses brunes, reste du voile; au-dessus, par les
fibres plus claires du vélum (h. 7 à 8 c; d. 8 mm,., et le bulbe 17 mm.). Lames larges (plus
larges que la chair), nombreuses, minces, libres, mais approchées, arrondies, lamelles tout
à coup arrondies ou cannées; de là les lames bifurguées, blanches, à la fin roussâtres. odeur
désagréable de clipeolarii ; épigée. Pi R. Je n'ai rencontré qu'une fois cette jolie et élégante
Lépiote, en septembre, dans les bois de chêne de Vascœuil (Seine-Inférieure).
7. Lép. ACUTESQUA3I0SA ^Yeinm. chapeau convexe, d'abord couvert d'un tégument tomen-
teux, ocre ferrugineux rouge brique clair; bientôt hérissé de squames floconneuses, dresséei.
mucronées qui, tombant, laissent des aréoles plus pâles; marge fibrilleuse (d. 10 c; ép.;
ch. 8 à 10 mm ) . stipe solide, épais, cave et rempli d'une moelle lâche (h. 7 à 8 c; d. 15 à
30 mm.), élastique, presque égale; blanc, fibro-soyeux, mais vers le pied subbuleux, teinté
de ferrugineux par les restes de voile ou fibrilleux ou squames aréoles et disposés en spi-
rales; il porte un aoneauample, mou, fibrilleux, tomenteux, d'abord blanc ocracé, ferrugineux
mixte. Lames libres, mais rapprochées du stipe, dont les sépare seulement un collarium
étroit, embrassant la tête du stipe, plutôt larges, simples, nombreuses et blanches, chair
blanche, ferme, épaisse. R. Dans les jardins herbeux, gazon, etc.
8. Lép. hispida, voisin du précédent, mais plus petit, plus grêle, et à chapeau umboné, en-
fumé, voile plus maigre, sec, dans les bois épais; il fait la transition avec les suivants Pi.R.
'* Chapeau plutôt fibrilleux ou à squames apprimées.
9. Lép. cupéolaria Bull, chapeau sub-charnu, mou, campanule, puis étendu et umboné,
couvert d'un tégument teinté d'orangé ocracé plus foncé sur le disque, fibrilleux, tomenteux,
sec, très-finement floconneux, squameux par Ici éraillures de l'encroûtement coloré, qui
180 LEPIOTE.
(ait d'abord continu et s'écaille par le développement en diamètre du chapeau (d. 5à 8 c;
ép. ch. 3 à 5 mm.). supe fibreux cartonné, avec centre médullaire; puis listuleux aranéeux
(h. 6 à 8 c; d. 6 mm.), égal, seulement un peu renflé au pied; la tête adiiée au chapeau,
perlant un coiuer fibrilleux peu prononcé, mou, bientôt effacé ; collier mixte et surtout
descendant ; de là, un stipe guêtre d'un revêtement fibrilleux qui au-dessous du collier, est
]nqueté de squamules ocracées. i-amcs nombreuses, minces, simples, blanches, plus larges
que la chair, arrondies, approchées, mais libres; car on retrouve, non sans attention, un
reste du coUarium. odenr faible, plutôt pénible; insipide. C.C. Dans les bois humides, toute
l'année.
10. Lép. ciustata Frie, Espèce extrêmement voisine, à peine distÎKcte par ses foi^mes. Se
rencontre plutôt en automne, dans les bois, les jardins humides, et est surtout, et d'abord,
caractérisée par son odeur trcs-pcnctrante, très-pénible. Cette espèce est généralement plus
grêle; le chopean encore moins cliarnu, les squamules granuleuses, plus nombreuses, mais
sèches et glabres, plutôt que tomenteuses ou floconneuses; les lames atténuées en dedans,
enfin éloignées d'un stipe encore fibrilleux, mais non squamulé, plus sec, plus grêle, mais
peut-être pied plus bulbeux. C.C. Son odeur désagréable, typique de la section, Je fait re-
garder comme vénéneux.
11. Lép. erminea Fr. Les auteurs distinguent encore une forme voisine à chapean p'us
umboné, gibbeux, lisse, glabre, seuleinenl fibrilleux-soyeux sur la marge (d. 5 c). stipo
égal, fragile, fistuleux, à peine fibrilleux avec un collier membraneux, débile et fugace.
(h. 7 c; d. 5 à 6 mm.). Lames libres, mais arrondies, atteignantes, plus larges que la chair,
blanches; sans odeur, mais d'une »a»eur de rave.
IIP SECTION. ANNutosii. Lépiotes ayant un collier ou mieux une collerette
membraneuse, mince, tombante, fixe et nettement ascendante. Le coilarinm,
inégalement développé, manque le plus souvent. On voit que dans cette section
nous retrouvons le vélum et la fabrication du collier propres aux Amanites;
mais ce qui doit séparer ce groupe des Amanites, c'est que le voile universel est
ici conné avec le tégument du chapeau ; que sur ce chapeau on ne retrouve pas,
conmie dans toutes les Lépiotes, cette pellicule distincte, séparative du voile et
de Jai/èubstance du chapeau, qui caractérise le genre Amanite.
Cependant si ce caractère anatomique est toujours facile à discerner sur les
champignons frais, il n'en est pas de même sur des figures, sur échantillons des-
séchés dans l'herbier : aussi y a-t-il quelques incertitudes sur deux espèces que
nous avons cru, malgré l'autorité de Frie, devoir placer avec les Amanites.
{Voy. art. Amanite: Am. échiwo-céphala et Aw. Yittadini, n"^ 21 et 22.)
12. Lép. saxosa (traduction latine de rachodes, V. n» 2). Bertillon. (J'ai recueilli aux en-
virons de Montmorency plusieurs grandes Lépiotes qui, par le portet la forme de quelques-
unes de leurs parties, se rapprochent singulièrement de Lep. proceba et surtout de Lep. ba-
cH0DEs;mais, comme elles s'en distinguent aussi par des traits d'une importance primor-
diale : la fabrication du collier, le moindre volume du bulbe, des spores plus petites, etc.,
il n'est pas douteux que ce ne soit une espèce absolument diCféi-ente.)
Le cbapeau de Lép. saxosa est d'abord hémisphérique puis étalé, avec disque méplat, tout
couvert de larges écailles à sommet plus large et aplati sur le disque, et mucronc sur Ja
marge, à base large, tomenteuse et rayonnante, par les déchirures de la chair blanche du
chapeau, le sommet des écailles enfumées, leur base rayonnante d'un blanc satiné. La
Chair épaisse et blanche du chapeau devient d'abord ?-osc oa vineuse étant rompue et four-
nit, par expression, un suc qui se teinte de même. (D. 20 c; ep. ch. 20 à 25 mm.), supe
solide, fibro-charnu, un peu atténué en haut, mais à pewe subbulbeux à la base, sa tête est
plongée dans l'acetabulum, et parfaitement énueléabie; il est longuement fistulo-médulleux
jusque dans le bulbe; sa surface, au-dessous du collier, est nue lisse, un peu brune; le
Collier membraneux, étendu descend d'abord un peu en bas, puis, se repliant sur lui-même,
remonte vers la rainure; il est donc ascendant et engainant le haut du stijpe; il est fixe, sa
Chair est grisâtre incarnat ; (h. 14 à 15 cent.; d. 22 mm.). i.ames et lamelles blanches, nom-
bi-euses, simples, également atténuées aux deux extrémités, se terminant en s'insérant en de-
dans au collarium céracé, tr'es-développé souvent creusé de petites vacuoles qui sont
comme les racines des lames, odeur et saveur agréables. Excellent comestible. Automne, le
long d'un mur ombragé, aux environs de Montmorency. R.
15. Ltp. c£P£STiP£s Sow. Fr. et Bertillon. cnapeau d'abord ovoïde, puis campanule en c/o-
LÉPIOTE. 181
ckelie, à peine charnu, hlanc, à peine telnlé d'un point roussâtre sur le centre du disque ou
sur les écailles contuscs ; marge d'abord un peu infléchie et substriée ou sliiée ; suitace
semée d'écaillcs fines, blanches, fibrilleuses, plaies, réguUèvenient concentriques, nom-
breuses, presque imbriquées ; chair blanche, molle (rayon du chapeau égale le diamètre de
la clochette 3c; épaiss. de la ch. à peine 2 mm.). Stipe blanc, long-, tortueux, finement
fistuleux, atténué en haut ou il se termine par une lête arrondie, seulement adnexée au
chapeau et facilement énucléable ; son pied d'abord tuméfié, souvent adné ou adnexé aux
pieds voisins et à un mycélium abondant; il porte en haut un petit collier blanc, étendu
ascendant, mais dont le manchon, entier chez les jeunes, se perd bientôt chez l'adulte, sur
le stipe dont la surface est bien blanche, unie, onctueuse, finement tomenteuse au-dessous
du collier long. 8 à 10 c; d. moy. 6 à 7 mm.), lames et lamelles blanches, nombreuses, sim-
ples, larges en dehors, atténuées en dedans où elles se terminent assez loin du stipe, sur un
hijménophore, non céracées, et par suite sans collarium discernable, mais laissant pourtant
une large rainure. Odeur et saveur très-faibles.
J'ai trouvé en septembre, cette jolie espèce qui a le port et la fabrication des coprins, en
troupe et en touffe sur un vieux monceau de tan à Caudebec (Seine-Infér.), et cest d'après
ces échantillons que je l'ai décrite.
14. Lép. cretaceaBuU., pi. 374. Frie le cite comme répondant à son Lep. cepestipes que nous
croyons identique à l'espèce décrite ci-dessus ; mais la figure de Bull, ne répond en aucune
manière ni à la description de Frie, ni à l'espèce ci-dessus décrite sur l'échantillon que nous
avons récoltée sur la tannée (à Caudebec), qui, comme celle de Frie a lechnpeou compa-
nulé et jamais étalé comme Lep. cretacea ; sans collarium appréciable (Bull, en iigure
un), toujours parfaitement blanc dans sa jeunesse (Bull, figure et dit le sien d'abord giis-
sale ocracé), et le chapeau régulièrement concentriquement squamuié et non uniformé-
ment tomenteux comme Cretacea; le stipe du nôtre est toi-tueux, celui de Bull, droit; enfin,
le nôtre était presque inodore et non comme celui de Bull. « Très-agréable au goût et à
l'odorat. » Nous croyons donc que ce sont deux espèces diflerentes, et qu'il y a lieu de laisser
à cette place l'espèce de Bull, en attendant qu'on la retrouve et qu'on la décrive plus com-
plètement.
15. Lép. densifolia Bertillon. Sur le même monceau de tan, à Caudebec, j'ai récolté la
très-remarquable et nouvelle Lépiote suivante : cbapean, d'abord hémisphérique, est dans
le principe recouvert d'un pruiné blanchâtre bientôt effacé; il s'étale, et le disque, de
bonne heure méplat, est enfin déprimé ; entièrement étendu; sa marge s'est profondément
fendue, de sorte que le chapeau est souvent découpé et rayonné en 3 « 5 lobes, sa surface
est unie, lisse, tannée (à la fin fendillée et rugueuse) ou semblable ci du cuir tanné très-
souple à l'aspect et au toucher. (Une coupe suivant l'axe montre ce corion dense et brun,
enveloppant tout le champignon, les deux faces du chapeau et le stipe , à 1 intérieur, on
trouve une abondante chair blanche médulleuse) (D. 8 c.; ép. ch. médulleuse 3 à 4mm.).
siipe, d'abord fusiforme, ventru au milieu, pointu et radicant en bas, et terminé en haut
par une lête arrondie, d'abord seulement adnexée au chapeau, et chez les jeunes, facile-
ment énucléable ; mais ensuite adnée et ne se séparant plus qu'avec quelques ruptures. Le
stipe est alors long, cylindrique, tordu, égal ou un peu atténué en haut, tanné, jwesque
lisse, mais marqué de quelques rangées dechinures squameuses, onduleuses, plus distinctes
chez les plus jeunes ; en haut, coiiier membraneux, débile, nettement ascendant. Son
pied atténué est en connexion avec un mycélium blanc abondant (12 à 14 c.; d. 12 à
15 mm.). Le centre charnu, méduleux, est très-large (7 mm.). Les Lames présentent le
trait le plus caractéristique du champignon ; elles sont épaisses et si nonbreuscs que, chez
l'adulte, elles sont pressées les unes contre les autres comme les feuillets d'un livre, et
trop longues, elle sont souvent ondulées selon leur face; leur extrémité interne atténuée,
entièrement libre, laisse une large rainure, tandis que leur bord libre est lisse et convexe;
leur hauteur supérieure à l'épaisseur de la chair est de 5 à 6 mm., odeur très-faible, sa-
veur nulle. En automne sur le vieux tan en touffe à pieds adnexés.
16. Lép. nadcina Fr. chapeau blanc, d'abord hémisphérique, puis convexe, couvert d'un
cutis blanc ou blanchâtre teinté de jaune, drapé ou finement tomenteux (D. 0 ;\ 8 c; ép. ch.
6 à 7 mm.), supe égal, lisse, se gonfle peu à peu en massue vers le pied (au lieu du bulbe
marginé ou tout au moins squamulé des Amanites). La tête du stipe arrondie est annexée,
facilement énucléable; le corps solide, fibro-charnu, fistulo-médulleux; la surface blanche,
nacrée-fibreuse; en haut, un petit coiiier blanc plus épais sur ses bords, débile, bientôt
flottant et fugace, mais nettement ascendant. Lames blanches, larges en dehors et dépassées
par le cutis œdémateux, en dedans libres, mais approchées, arrondies et insérées par leur
pointe terminale au fin liseret du collarium. odeur très-faible, rappelant quelque peu celle
des Clipeolaru, tandis que la saveur m'a rappelé celle d'Ac. campestris. En automne, sur les
pelouses inclinées. R. Comestible.
DiAGMosE. Cette jolie Lépiote ressemble extrêmement par le port, la couleur et par la
■I8'i LÉPIOTE.
construction à la Ac. cAHrEStnis, qui est une Lépiote à spores noires, mais elle s'en distingue
par ses lames toujours blanches. Ce qui est plus grave, elle pourrait encore être confondue
par un novice avec Asi. phalloïde, variété blanche, erreur qui peut coûter la vie; mais la
terrible Amanile se distingue par son gros bulbe à bord marglné et portant les clébns de sa
volve, par un slipe dont la tête adnée au chapeau ne peut être ènucléiie, et enûn par son
odeur vireuse.
47. Lép. holosekice.4 Fr. chapea» charnu, mou, convexe, planuscule, obtus, suh-fihrillcux
soijeuT, lisse, fragile, blancliàtre ou teinté d'ocracé; le disque mcjilat et concolore, marge
intléchie chez les jeunes (D. 7 à 8 c). st-.pe plein, bulbeux et muni de racines, mou et
fragile, soyeux-iibrilleux, blanchâtre, muni d'un anneau ascendant, membraneux, ample,
flottant (h. 6 à 10 c; d. 12 mm.). Lames libres, larges, convexes, nombreuses, d'un blanc
jaunâtre, chair blanche et molle. Dans les bois humides. R. Inodore et, selon Frie, édule.
W SECTION. Lépiotes dont l'anneau fugace, squamuleux et concolore, est sem-
blable au tégument du cbapeau et descendant, et par suite stipe guêtre; tête
du stipe connée avec le cbapeau et dès lors jamais énucléable. CoUarium nul et
par suite lames approcbées, quelquefois atteignantes et même adfixées, mais ja-
mais sinuées ni décidément adnées, car ce serait une Ac. armillaria.
Dans cette section, on n'a guère décrit jusqu'à ce jour que des espèces très-
petites, ocracées, feiTugineuses, etc., qui par leur petite taille écbappent aux ap-
plications de l'hygiène. Aussi nous les citerons très-succinctement.
18. Lêp. fdbnaceus Lett. C'est sans doute la place d'une Agaricinée représentée (pi. 655),
mais non décrite, par le docteur Letellier. Ce serait la plus grande Lépiote de cette section.
19. Lép. graxulos^. Petit groupe réunissant des formes assez nombreuses, mais dont la
taille dépasse rarement quelques centimètres (5 à 5); leur nuance varie • rouge-brique,
canelle, oci~acé, etc. Le chapeau et surtout son pourtour sont semés de granulations squa-
meuses, concolores, caduques, qui, concrétées autour du slipe, forment son collier et son
revêtement inférieur.
20. Lép. parvulenta Lasch. chapeaa plutôt pruiné et à collier persistant, floconneux,
fibrilleux.
21. Lép. MEsoMORPHA Bull., pi. 506, fig. 1, cbapeaa aiusi que le collier persistants, dressés,
glabres, lisses.
Le mycologue trouvera certainement d'autres espèces qui n'ont été ni décrites
ni nommées par les auteurs : nous en avons plusieurs dans notre herbier ; mais
pour ces êtres si polymorphes, il ne faut pas se bâter d'admettre comme espèces
des formes nouvelles. Nous en avons hasardé deux (n°^ 12et 15) qui, par leurtaille
et leur type, nous ont paru ne pas permettre le doute. D'ailleurs, nous espérons
que l'on trouvera facilement la place des espèces nouvelles qui se présenteront.
En résumé, les Lépiotes fournissent par leurs grandes espèces (Lép. procera;
— excoriata; — saxosa; — naucina) d'excellents aliments, et Lép. procera,
par sa qualité très-supérieure, comme par son abondance se place au premier
rang paririi les champignons alimentaires. D'un autre côté, si quelques espèces,
par leur odeur forte, pénétrante et désagréable inspirent des doutes légitimes
sur leurs quahtés alimentaires, aucune preuve expérimentale ni aucune observa-
tion ne sont encore venues les confirmer. Bertilloîj.
LE PLAl^l (Eau mlnérale de), athermale, bicarbonatée ferrugineuse faible,
carbonique moyenne. Dans le département de la Haute-Garonne, dans l'arrondis-
sement et à 42 kilomètres de Muret, émerge la source du Plan. Son eau est lim-
pide et transparente, mais elle laisse déposer une couche épaisse de rouille ; elle
n'a aucune odeur; sa saveur est franchement ferrugineuse; sa température est
de 12",! centigrade; sa densité n'est pas connue. M. le professeur Filhol
(de Toulouse) a fait connaître, en 1858, son analyse. Ce chimiste a trouvé, dans
1000 grammes d'eau, les matières suivantes ;
o
LE POULINGUEN. 18
Bicarbonate de chaux O.SSS
— magnésie 0,013
Chlorure de sodium ■. • • 0,033
— potassium traces.
Silice 0,008
Osyde de fer 0,012
— manganèse 0,003
Acide crénique 0,020
Arsenic et iode traces.
Total des matières fixes 0,433
! Acide carbonique libre 61 centimètres cubes.
Azote 23 —
Oxygène 2 —
Total DES gaz 86 centimètres cubes.
Le Plan n'a poinl encore d'établissement, mais sa source, découverte seulement
en 1852, est assez fréquentée déjà pour qu'on puisse prédire un avenir meilleur
à ce poste minéral. M. Filhol a constaté que l'eau du Plan était dans d'excellentes
conditions pour supporter le transport; il a vu, en effet, qu'elle ne laissait pas
déposer, dans les flacons qui la contiennent depuis longtemps, le fer qui la miné-
ralisé; aussi ce savant assure-t-il que cette eau est dans les conditions de fixité
les plus favorables pour être utilement exportée. A. Rotureau.
liE P05S ou PIS© (Les). Famille distinguée de Nancy, et qui a donné trois
médecins à la profession.
Le Pois (Nicolas), naquit en 1527, étudia à Paris, sans cependant y prendre
de grades, et alla mourir dans sa ville natale en 1590, après avoir été premier
médecin de Charles HI de Lorraine, et après avoir publié un ouvrage hippo-
cralique sous ce titre :
De cognoscendis et curandis prœcipue internis humani corpons morbis libri très, ex cla-
rissimorum medicorum, tum veteriim, tiim recentiorum, 7nomimcntis , non ita pridetn
collecte. Francof., 1581), in-fol.
Le Pois (Antoine), frère du précédent, né à Nancy en 1525, mort en 1580,
fut aussi médecin du même duc Charles de Lorraine; mais sa passion pour la nu-
mismatique lui fit quitter cette charge pour mener à bonne fin un ouvrage qu'il
publia sous ce litige :
Discours sur les médalles et graveures antiques. 1579, in-4''.
Le Pois (Charles), fils de Nicolas, né à Nancy en 1563, mort à Pont-à-Mousson
en 1655, docteur de la Faculté de Paris (14 mai 1598) ; fondateur de l'école de
médecine de Pont-à-5îousson, dont il fut le premier professeur; médecin consultant
du duc de Lorraine; fort érudit, également habile dans les langues anciennes et
modernes, iiistmit en mathématiques, profondément versé dans la doctrine des
anciens médecins de la Grèce. On a de lui :
I. Caroli III macarisnios, seu felicitatis et virtutum egregio Principe dignarum coronœ.
Nancy, 1609, in-4''. — II. Sclectiorum observationum et consiliorum de prœtcritis liactenus
morbis, etc. Pojit-à-Mousson , 1608, in-4°. — III. Physicum cometœ spéculum. Pont-ù-
Mousson, 1619, in-S». — iV. Discours de la nature, causes et remèdes... des maladies
populaires., . Pont-ii-Mousson, 1623, in-12. A. C.
LE POïJLîî^CitiEM (Station narine) , dans le département de la Loire-Inférieure,
dans l'arrondisjement de Savenay et à o5 Idiomètres de la ville de ce nom (chemin
de fer de Paris à Nantes), est une station marine fréquentée surtout par les bai-
184 LÈPRE.
giieurs des environs. Sa plage, large et unie, se prêterait facilement à une instal-
lation complète et permettrait aux bains de mer de Le Poulinguen d'acquérir promp ■
tement une importance qu'ils n'ont pas aujourd'hui. A. R.
liËPRE. Nous n'avons point à faire ici l'histoire de la maladie qui a été vul-
gairement désignée sous le nom de Lèpre depuis le moyen âge, cette question sera
traitée à propos des Eléphaistiasis. Nous avons seulement à examiner les acceptions
diverses que ce mot a reçues aux différentes époques. Disons d'abord que la plu-
part des grammairiens, à partir de Julius Pollux {Onomast., IV, 25. Amstel.
1706, t. I, p. 466, in-fol.), s'accordent pour faire venir le mot lèpre de Xercîç,
écaille. Nous verrons plus bas, en effet, que malgré des dissidences dans les des-
criptions, tous les auteurs, jusqu'au moyen âge, mentionnent la production
d'écaillés parmi les symptômes de la lèpre.
Il est question de la lèpre {liirp-n) ou des lèpres [lénpxi) au pluriel, comme si,
suivant la remarque de Lorry, l'auteur voulait parler d'un genre de maladies
plutôt que d'une maladie en particulier, dans les œuvres hippocratiques. Ainsi,
dans les Aphorismes, il est dit que les lèpres se montrent au printemps (Sect. III,
a, 20); qu'elles peuvent faire dépôt ainsi que les desquammations, les alphos, etc.
(Epid. II, 7.) L'auteur du livre V des Épidémies parle d'un individu dont la
peau était épaisse au point de ne pouvoir être pincée, et prurigineuse comme
dans la lèpre (V, 9). Dans le Traité des affections on lit : La lèpre, le prurit, la
psore, le lichen, l'alphos, l'alopécie, proviennent du phlegme; ce sont plutôt des
difformités que des maladies. {De affect. 35.) Dans les Prorrhétiques, c'est
autre chose ; d'abord, l'auteur fait de la lèpre une maladie du genre atrabilaire :
« Les lichens, les lèpres, les leucé, dit-il, chez ceux à qui quelqu'une de ces
affections est venue dans la jeunesse ou dans l'enfance, ou sur qui, apparaissant,
elle s'accroît peu à peu en beaucoup de temps, il faut regarder cet exanthème non
comme une apostase, mais comme une maladie; ce serait, au contraire une
apostase dans le cas où quelqu'une de ces maladies se produirait en quantité et
soudainement. » {Prorrli. II, 45, trad. de Littré.) Enfin il est question dans les
Épidémies d'un homme affecté de lèpre a la vessie. {Epid. voy. n° il.) Tout
cela, on le voit, est très-vague, contradictoire, et ne semble nullement se rap-
porter à la terrible maladie que nous connaissons sous ce nom.
Si maintenant nous passons du père delà médecine au père de l'histoire, à Hé-
rodote, plus âgé qu'Hippocrate d'environ 25 ans, nous verrons que, dans le langage
usuel, le mot lèpre était déjà employé, comme il l'a été au moyen âge pour dési-
gner une maladie cutanée des plus graves, réputée contagieuse et qui exige
l'isolement de ceux qui en sont affectés. En Perse, dit-il, « si quelque citoyen vient
à être affecté de lèpre ou de leucé, il ne lui est pas permis de rester dans la ville,
ni d'avoir de relation avec les autres Perses. » (I, 158.) Il me paraît évident que
Hérodote, qui avait voyagé en Asie, avait rencontré l'affection endémique dans ces
contrées, mentionnée par Moïse sous le nom de Tsarâth, si bien décrite par
Ârétée sous le nom d'Èléphantiasis, et qu'il y avait appliqué le nom de Lèpre.
[Voy. Élp>phai\tiasis.)
Il est donc certain que, dès l'antiquité, le mot qui nous occupe était très-usité
et servait aux médecins grecs à désigner une maladie squameuse ; ajoutons
que, suivant la remarque de R. Etienne, plusieurs villes en Grèce portaient le
nom de Leprseon (Achaïe et Arcadie, Pline IV, 5, 6), parce que, suppose-t-il, ces
ocalités possédaient des eaux minérales favorables au traitement de la lèpre.
LÈPRE. 185
Arrivant à l'ère chrétienne, nous remarquerons d'abord que Celse ne mentionne
pas ce nom, quoiqu'il décrive manifestement la maladie parmi les variétés de l'im-
pétigo (lib. V, c. 28, n" 17); ce sont toujours les Grecs qui vont nous fournir des
documents sans éclairer beaucoup la question.
Ârchigènes, cité par Aétius, procédant par voie de différence, essayede nous dire
ce que c'est que la lèpre, en la mettant enpnrallèle avec quelques autres affections
de la peau. La lèpre diffère de l'alphos et de la leucé eu ce qu'elle est rude au
toucher et prurigineuse ; en etfet, dit-il, dans cette maladie la peau seule est
affectée, et si elle vient à s'excorier les parties sous-jaceiites apparaissent saines;
dans la leucé, au contraire, les tissus sous-cutanés sont transformés et blancs, la
surface est lisse, et, frottée, elle rougit surtout si la maladie doit guérir. L'alphos
adhère à la surface de la peau et s'y applique comme une écaille. La lèpre dif-
fère de la i)sore en ce que, dans celle-ci, la peau est couverte de furfures et
que dans la première ce sont des écailles semblables à celles des grands pois-
sons. Enfin la psore diffère du lichen sauvage [agrius], parce que le lichen
s'étend par cercles vers les parties voisines, ce que ne fait pas la lèpre. (Aétius
Tetr., IV, Semo. I, c. 133.)
Galien, suivant sa trop fréquente habitude, s'occupe surtout de la théorie de
la lèpre qu'il va fixer pour des siècles. Galien déclare que la lèpre est causée par
l'atrabile, et désormais quelle que soit la maladie que l'on décrive sous le nom de
lèpre, il est entendu qu'elle est de nature atrabilaire. Quant à ce que Gahen
désigne par le mot lèpre, c'est une affection avec rugosités, écailles et prurit qui
modifie la constitution normale de la peau. Si nous joignons à ces auteurs Paul
d'Egine, nous verrons qu'il n'ajoute pas grand'chose à ces vagues notions qu'il
rend au contraire plus incertaines encore quand il dit, contrairement à Archigènes,
que la lèpre ronge plus profondément la peau que la psore et s'étend par cercles
en rejettant de grandes écailles.
Est-il possible au milieu de ce chaos, de saisir quelque chose de net et de
précis? Willan et ses adeptes ont voulu voir dans les descriptions données par les
Grecs, la variété particuhère du psoriasis qui forme des anneaux squameux, et
qu'ils ont appelée Lepra vulgaris. Le fait est qu'en raison de la diversité et sur-
tout de la brièveté de ces descriptions, il est impossible d'assigner une place pré-
cise à la lèpre dans la nosologie dermatologique, surtout en considérant que ce
n'est pas seulement dans le psoriasis, mais encore dans l'eczéma, dans le pemphigus
chronique, etc., que l'on observe des écailles et de grandes écailles.
Nous voici arrives au moyen âge. Ici l'acception du mot change entièrement;
il prend le sens que lui donnait Hérodote, et tous les auteurs vont désigner ainsi l'Élé^
phantiasis, maladie avec laquelle les médecins de l'antiquité n'avaient pas semblé
croire qu'on put confondre la lèpre, puisqu'ils comparent seulement celle-ci à la
leucé, mais surtout à la psore et aux lichens, qui sont très-manifestement des
dartres. Les traducteurs des Arabes rendent par le mot Lepra ce que leurs auteurs
disent de l'Éléphantiasis, et Constantin, l'Africain, tout le premier, emploie le
même mot comme générique et décrit, sous cette rubrique, les différentes variétés
admises par les Grecs entre les différentes formes de la maladie tyrienne. (De
Morh. cognit., VU, 17.) Les auteurs les plus célèbres de cette période, Jean Pla-
iesLiius [Practicabrevis, de œgrlt. cutis, c. 2), Gilbert l'Anglais {Compend. liv.
VU), Bernard de Gordon (partie I, c. 22), Guy de Chauliac (tr. Vï, doctr. I,
c. 2), etc., etc., suivent les mêmes errements. Nous devons cependant faire une
exception pour Jean, dit Actuarius, un Grec du Bas-Empire, il est vrai, qui tient
186 LÈPRE KABYLE,
pour les anciennes appellations et adopte les définitions de ses ancêtres scienti-
fiques. (Meth. nied., fl, 11.) Il établit une sorte de hiérarchie solidaire entre les
différentes maladies de la peau. Ainsi, pour lui, la lèpre est moins grave que l'élé-
phantiasisja psore moins grave que la lèpre et le lichen moins que la psore ; mais
le lichen néghgé peut se transformer en psore, puis en lèpre; il ne va pas au
delà; l'éléphantiasis reste à part.
Pour terminer, disons que ce mot lèpre a été appliqué pour désigner certaines
maladies graves de la peau, tel que le mal de la rose ( Voy. Pellagre) ; l'éléphan-
tiasis des Arabes, etc. Enfin, pour quelques auteurs du seizième siècle, la syphilis
n'était qu'une dégénérescence, une modification de la lèpre. {Voy. Syphilis.)
Tout ce qui regarde l'historique de la lèpre ou ladrerie, les règlements, les
fondations diverses auxquelles cette maladie a donné lieu, la bibliographie, etc.
tout cela doit être renvoyé au mot Éléphantiasis. E. Bgd,
LÈPRE KABYLE. Dénomination adoptée par M. le docteur Arnould {Re-
cueil des mémoires de méd., de chir. et de pharm, milii., année 1862, p. 538),
pour exprimer la fréquence et la gravité d'une syphilide ulcéreuse mahgne, parti-
culière aux populations berbères du Djurdjura et des oasis, et les analogies qui la
rapprochent des épidémies de syphihs du moyen âge, confondues, avant Frescator
et Fallope, avec la lèpre tuberculeuse des Grecs.
Loin d'étabhr l'existence de la lèpre en Algérie, le travail de M. Je docteur Ar-
nould permet d'attribuer les quelques cas qui en ont été indiqués antérieurement
par M. Deleau et M. E. Berlherand soit à la syphilis, soit au Mycosis fungoïde d'Ali-
bert, et d'affirmer que l'affection suffisamment déterminée par les travaux de Boech
et Danielsen n'existe pas en l'Algérie. En effet, la lèpre kabyle a tous les caractères
des syphihdes : généralité de l'éruption, absence de prurit et de douleur, teinte
spéciale, cicatrices indélébiles, coïncidence d'accidents secondaires, efficacité du
traitement spécifique. Si elle débute comme la lèpre par des lésions anatoniiques
communes aux différentes manifestations des maladies cutanées, son processus
aboutit toujours à des ulcérations serpigineuses, et jamais aux lésions spéciales
de la lèpre : les macules, les tubercules, les tumeurs et les plaques fongoïdes
constituées par une matière spéciale. La lèpre kabyle ne présente jamais les modi-
fications de sensibilité tantôt exagérée, tantôt aboUe, particuhères à la lèpre
tuberculeuse.
M. Arnould rapporte la description de la maladie aux deux formes sui-
vantes :
« Première forme. L'affection, au début, se présente avec un type assez net
et qu'on peut en général rattacher à une classe et même à un genre de la nomen-
clature dite anatomique. Il apparaît un groupe de petites élevures ou papules ayant,
en moyenne, le volume d'une tète d'épingle, iî sommet arrondi plutôt qu'acuminé,
à bases tellement rapprochées qu'elles donnent à l'aspect du tégument qu'elles
occupent un relief total de 1 à 2 millimètres, à surface très-légèrement mame-
lonnée ou framboisée. Ces saillies paraissent pleines et sont d'un rouge paie qui,
avec le temps, prend successivement des teintes plus foncées. Quelques-unes, plus
claires en couleur, ont une transparence analogue à celle de l'ambre et le sommet
acurainé; on dirait presque de l'herpès.
« Le groupe forme toujours une tache circulaire qui, à l'origine, peut ne pas
avoir un diamètre plus grand que celui d'une pièce de 20 centimes. La tache est
complètement occupée par des élevures; ou bien, et dans ce cas elle est plus
LÈPRE KABYLE, 187
grande que je ne viens de le dire, les élevures forment une petite couronne au-
tour d'un espace sain, très-restreint, qui se retrouvera encore tel, chose bizarre,
après que les parties environnantes auront subi les plus affreux ravages.
(( Dans d'autres cas, le soulèvement morbide initial de l'épiderme a des pro-
portions plus considérables ; il arrive aux dimensions de l'impétigo : on voit de
vraies pustules à contenu liquide encore, ou plus souvent déjà concret, reposant
sur une base qui forme une masse sobde, légèrement élevée au-dessus du niveau
tégumentaire. Mais alors les élevures perdent en nombre ce qu'elles ont acquis en
volume. On peut très-bien compter les pustules formant les taches isolées; elles
ne sont pas, quelquefois, plus de huit ou dix, tandis que les saillies papuleuses
ou vésiculeuses sont innombrables, même dans une très-petite plaque de lèpre.
« Enfin nous avons eu des malades chez lesquels on ne pouvait saisir la forme
initiale qu'à l'état de taches plus ou moins grandes, à saillie partaitement uniforme
et très-légère, à coloration rouge brun, et recouvertes d'une fine desquamation
qui leur donnait de la ressemblance avec certains psoriasis.
« La forme du début est extrêmement variable ; mais, ce qu'elle a de spécial,
c'est la disposition en cercle des efflorescences, disposition que révèlent les pre-
mières manifestations morbides les plus limitées et que l'on retrouve encore
lorsque le mal accompht les plus vastes dégâts...
« Une particularité non moins constante, c'est la coloration rouge violet ou
rouge brun,,.
« 11 est des malades chez qui l'altération tégumentaire ne va pas plus loin en
profondeur; elle est entièrement constituée par des taches de toutes dimensions
jusqu'à celles de deux ou trois fois la largeur de la main, situées presque exclusi-
vement à la face postérieure du tronc et externe des membres. La couleur rouge
y est très-prononcée ; à la surface on reconnaît des squames très-fmes au centre,
très-larges à la périphérie.
« Deuxième forme. La forme ulcéreuse n'apparaît jamais primitivement; elle
ne fait que succéder à la première d'une façon plus ou moins brusque...
« Tantôt l'ulcération apparaît dans un point d'une de ces taches rouges à mince
épidémie. Dans d'autres cas, l'ulcération succède à l'apparition de pustules ana-
logues à celles de l'ecthyma...
« L'aspect habituel le plus fréquent de la lèpre kabyle est celui de la syphilide
tuberculeuse crustacée. Détachées violemment, les croûtes laissent à nu une sur^»
face saignante...
« L'ulcère est rarement profond : il est rosé, bourgeonnant...
« Les cicatrices sont tantôt en creux, anfractueuses, ou en relief de 4 ou 5 mil^
limètrès, à surface ondulée.
« C'est principalement à la partie postérieure du tronc, à la face externe des
membres que siège la maladie. Le coude, l'épaule, les hanches en sont les lieux
d'élection.
« Sa durée est longue et indéterminée. Sans douleur ni prurit, elle s'accom-
pagne presque toujours, quand elle est confirmée, d'un état général fâcheux,
d'embarras des voies digestives, d'amaigrissement, de pâleur ou de ces teintes de
cachexie qu'on retrouve dans des maladies en apparence plus graves.
« La fréquence de la lèpre kabyle, très-commune dans les oasis du Sud, a été
surtout déterminée par les chiffres fournis par l'hôpital de Delly. Sur 425 ma-
lades indigènes, M. le docteur Vincent {Exposé clinique des maladies des Ka-
byles, Paris, 1862) a compté 188 cas de syphilis et % de sypliiiides malignes »
188 LE PRESE (eau MiNÉRAiE de).
Rare chez les gens aisés, le mal pèse surtout sur le pauvre fellah, couvert d'un
burnous immonde de malpropreté et de vétusté, et placé dans les plus tristes con-
ditions d'habitation et d'alimentation. Tous les âges en sont également tribu-
taires, excepté les six premiers mois de la vie, pendant lesquels appai^aît géné-
ralement la syphilis héréditaire. Il est donc logique d'exclure l'hérédité comme
point de départ, et d'attribuer le développement du mal, tantôt à une infection
par des accidents primitifs dont les traces sont manifestes, tantôt et le plus sou-
vent à la transmission d'accidents secondaires au milieu de populations vivant
dans une promiscuité misérable, la dépravation et l'ignorance {s'i^philis in\
sontium).
C'est en effet dans ce milieu de conditions favorables à sa perpétuité que la
syphihs constitue en Algérie un foyer endémo-épidémique semblable à ceux qui
ont été signalés en Illyrie, sur les côtes de 1 Adriatique, dans les provinces occi-
dentales de l'Ecosse, dans les pays Scandinaves, les côtes occidentales d'Afrique,
aux Antilles et dans l'Amérique du Sud. Si le nom de lèpre kabyle doit aller se
perdre dans l'histoire de la syphilis, comme ceux de Scherhevo, de Falcadine, de
Sibbens, de Radesyge, il pourra figurer à côté du yaws des Antilles et du bouton
d'Amboine dans l'étude des modifications que le climat peut imprimer aux formes
de la maladie; s'il est destiné à disparaître, le nom de lèpre kabyle suggère pour
le moment un rapprochement naturel : les Berbères, commerçants, industriels,
horticulteurs, agglomérés dans des villes et des villages, habitant des maisons
basses, insalubres, mal aérées, reproduisent par leur vie sociale, leur malpro-
preté, leurs maladies, les mœurs du moyen âge. Mais, tandis qu'en Europe, le
christianisme et le génie patient des peuples du Nord refoulaient dans le passé
les grandes épidémies des maladies de la peau, en multiphant à l'infini les
léproseries, en introduisant l'usage du linge de corps et le luxe de la propreté;
l'invasion arabe immobilisait en Algérie la civilisation berbère, et aggravait le
mal en substituant à l'idée chrétienne le dogme de la fatalité et la tolérance
pour la dépravation des mœurs. Laveran.
LÉPROSERIES». Yoy. Éléphantusis.
liE PRESE (Eau minérale et cure de petit-lait de) , athermale, amétal-
lite, carbonique et sulfureuse faible, en Suisse, dans le canton des Grisons, à
3 kilomètres de Poschiavo sur la rive septentrionale du joU lac de ce nom, ali-
menté par le ruisseau le Poschiavino et par les cascades qui tombent des glaciers
voisins, est au fond d'une vallée circonscrite par une diaîne de montagnes, qui
s'étend de la ville de Poschiavo à Le Prese. (Chemin de fer de Paris à Chur (Coire)
d'où la nouvelle route de Samaden et de la Bernina conduit à Le Prese. On peut
aller aussi par le chemin de fer de Paris à Turin d'où une voiture conduit en
vingt-quatre heures à Le Prese.) Le Prese est à 962 mètres au-dessus du niveau
de la mer ; la chaleur, quoique assez variable, y est cependant beaucoup plus égale
et beaucoup plus douce qu'aux autres stations minérales du voisinage {voy.
Saist-Moriz, BoRMio et Tarasp) ; le thermomètre indique, eu effet, 17° centi-
grade, comme température moyenne des mois de la saison, qui commence
le 20 juin et finit le 15 septembre. La proximité du lac, des pics recouverts de
neige, au lieu de produire de la pluie et des brouillards, comme on aurait pu
le craindre, entretient la pureté de l'air qui est rarement humide. Le climat
doux et relativement assez chaud fait cfue l'établissement de Le Prese est fré-
LE PRESE (eau minérale de). 189
quenté non-sèuiêmcnt par des buveurs et des baigneurs, mais par presque tous
les touristes qui visitent l'Engadine et la Valteline.
La station de Le Prese n'a qu'une source, qui se nomme la sorgente Caddea
(la source Caddea), son origine est à 50 mètres du bâtiment principal qui
sert à l'administration des bains et au logement des malades, et à 10 mètres du
mur qui limite au nord le lac de Poschiavo. Son bassin de captage, en granit,
est carré. Un conduit de bois vient aboutir au-dessous du niveau de l'eau, et
emporte au grand établissement l'eau nécessaire pour l'alimentation des baignoires
et des appareils de doucbes. L'ouverture d'un deuxième tuyau, incomplètement
fermée, ne laisse passer que la quantité d'eau convenable pour l'alimentation des
deux buvettes.
L'eau minérale, vue en masse, est assez claire et assez limpide pour permettre
de distinguer aisément la couleur du sable du fond de son puits, et des corpus-
cules nombreux, semblables à des mucosités blanchâtres, qui sont suspendues ou
surnagent dans le bassin. Ces corps étrangers ont tout à fait l'aspect de la baré-
gine, dont ils n'ont pourtant ni la douceur ni l'onctuosité. Lorsqu'on entre dans
le pavillon, l'odorat ne renseigne 'aucunement sur la quabté de la source, même
lorsqu'on a eu la précaution de fermer la porte et de découvrir le puits, afin de
mettre l'eau en contact plus direct et plus facile avec l'air atmosphérique. Cette
eau, dont la surface n'est qu'à 10 centimètres du bord du bassin, puisée dans un
verre est claire, hmpide et transparente, elle laisse distinguer cependant les frag-
ments très-petits, qu'elle tient en suspension ; des bulles de gaz peu volumineuses
la traversent et mettent dix secondes à gagner sa surface ; elle n'a nulle odeur
hépatique, mais sa saveur l'est très-manifestement ; elle est plus prononcée que
celle de la plupart des sources sulfureuses et sulfurées. Sa réaction est neutre;
sa température est de 8°, 2 centigrade, celle de l'atmosphère du pavillon étant de
14°, 2 centigrade; sa densité est de 1,0003. L'analyse chimique de l'eau de la
source Caddea a été faite en 1855, par M. le docteur Witlstein (de Monaco), qui a
trouvé sur 1000 grammes les prmcipes suivants :
Sulfate de potasse 0,0758
— souile 0,0230
— ammoniaque 0,0090
— chaux 0,0650
Chlorure de calcium 0,0045
Phosphate de chaux 0,0038
Sous-sulfate de chaux 0,0084
— magnésie 0,0568
Bicarbonate de magnésie 0,0093
— oxyde de fer . . 0,0065
Acide silicique 0,0260
Matière organique 0,0290
Total des matières fixes 0,5173
Gaz. { **=!^'
Acide carbonique libre 0,0140 gramme.
sulfhydrique 0,0070 —
Total des gaz 0,0210 gramme.
Les moyens balnéothérapiques de la station de Le Prese se composent de deux
buvettes et d'une maison de bains.
L'eau de la buvette des payants a les mêmes caractères qu'au griffon, sauf
qu'elle contient une moins grande quantité de flocons gris-blanchàtres ; l'eau de
la seconde buvette a une odeur désagréable, à peiue supportable même, qui a
a beaucoup d'analogie avec celle des fèces humaines, ce qui prouve certainement
190 LE PRESE (eau minérale de).
la décomposition au contact de l'air du sulfate d'ammoniaque qu'elle tient en
dissolution.
L'établissement de Le Prese, de construction récente et parfaitement approprié
à sa destination, a onze cabinets de bains non précédés de vestiaires. Les salles
éclairées par une fenêtre renferment quinze baignoires de marbre. La pièce qui
porte le n" 1 a une baignoire surmontée d'un appareil complet de douches,
dont l'eau vient d'un bassin de bois doublé de zinc, fixé à 3 mètres de hauteur.
Les pièces n^^ 2, 4, 8 et 10, ont des baignoires doubles. Les canaux de bois qui
apportent l'eau sulfureuse du griffon sont remplacés, à leur entrée dans les
cabinets, par des tuyaux de plomb de 3 centimètres de diamètre ; ds se terminent
par un robinet de cuivre, placé au fond des baignoires. Un canal rempli de va-
peur, auquel aboutissent deux tuyaux de cuivre qui la descendent au fond de la
baignoire, et qui la conduisent autour de ses parois internes, sert au besoin à
élever la température des bains, suivant les prescriptions médicales ou le désir
des baigneurs.
Mode d'adjiiinistratioîj et doses. L'eau de la source de Le Prese, se prend
à la dose de quatre à six verres de 150 grammes chacun, le matin à jeun
et de quart d'heure en quart d'heure. La durée des bains est ordinairement
de vingt minutes à une demi-heure, celle des douches est de cinq à quinze mi-
nutes .
11 faut avoir soin, au début de la cure par l'eau de Le Prese en boisson, de ne
pas donner de trop fortes doses, car elle est très-excitante, et déterminerait un
mouvement fébrile et une exaltation générale, qui pourraient forcer d'interrom-
pre le traitement. Les sujets à tempérament irritable font donc bien de n'en
boire qu'un demi-verre ou un verre pendant les premiers jours, afin de s'habi-
tuer progressivement à l'effet des eaux de la source Caddea ; il est bon même
quelquefois de ne pas prendre cette eau pure, et de la couper avec une certaine
quantité de lait, d'une infusion émoUiente, et de l'édulcorer avec un sirop bé-
chique.
Emploi thérapeutique. L'eau de Le Prese est aisément supportée, lorsque son
emploi interne et exteriie est sagement dirigé ; voici quels sont les effets physio-
logiques qu'elle produit le jjIus habituellement. La constipation manque le moins
souvent, ce dont les buveurs doivent être prévenus ; on doit les avertir aussi
que cet état ne continue pas, et qu'api^ès les cinq ou six premiers jours, les selles
redeviennent régulières. L'appétit augmente alors et les digestions se font mieux
et plus promptement. L'usage interne des eaux de la source Caddea rend plus
fréquents les battements du cœur et du pouls, il active la sécrétion urinaire et il
augmente la transpiration cutanée. Les personnes qui sont atteintes d'un catarrhe
laryngien ou bronchique expectorent avec beaucoup plus de facdité, et leurs
crachats changent de couleur ; de jaunes, ils deviennent verdâtres ; de compactes,
ils deviennent opahns ou tout à fait muqueux.
L'administration des bains et des douches n'a pas un résultat très-marqué sur
l'homme sain, ainsi que nous l'avons constaté en nous mettant pendant urio
demi-heure dans l'eau de Le Prese chauffée à 53° centigrade. Nous avions vingt-
trois mouvements respiratoires par minute, et soixante-trois pulsations artérielles;
les urines étaient acides et la suhve alcaline. Au bout de dix minutes d'immersion,
le pouls battait soixante-seize fois, et la respiration était à vingt-quatre par mi-
nute ; après un quart d'heure, le pouls était le même, et la respiration était à
vingt-deux. Après vingt minutes, le pouls monta à quatre-vingt-huit pulsations,
LE PRESE (EAU MiNÉaALE de). 191
les mouvements respiratoires ne s'étaient pas modifiés. Au bout d'une demi-
heure, \ingt-deux respirations et quatre-vingt-huit pulsations. I/urine était
beaucoup moins acide et la salive était neutre ; la peau était douce et onctueuse
au toucher.
Les bains avec l'eau de la source Caddea n'ont presque aucune influence sur la
respiration, sur la qualité de l'urine et de la salive; mais ils activent sensiblement
la circulation sanguiue. Ils n'occasionnent presque jamais la poussée; ils agitent
presque toujours assez, dans les premiers jours au moins, pour causer de l'in-
somnie et des rêves pénibles. Après sept à huit jours, il est bien rare que les
malades ne jouissent pas, au contraire, d'un bien-être et d'un calme qui ne leur
sont pas habituels. Les douches ont les mêmes résultats que les bains ; seule-
ment elles activent plus encore la circulation sanguine.
Les eaux de Le Prese sont employées avec succès en boisson, en bains et en
douches dans la diathèse scrofuleuse; les eaux sulfureuses et sulfatées ammoni-
cales de Caddea ont, sous ce rapport, une action spéciale plus énergique que les
sources sulfurées et sulfureuses qui renferment même une notable proportion
de chlorure de sodium, d'iodures et de bromures. Ces eaux, en boisson princi
paiement, sont indiquées dans les catarrhes chroniques des membranes mu-
queuses, et surtout dans ceux qui siègent dans le larynx ou les bronches; mais
elles n'ont jamais donné de résultats favorables dans la phthisie tuberculeuse des
voies respiratoires.
Les affections humides de la peau sont plus favorablement traitées par l'uaage
des eaux de Le Prese en boisson, et surtout par les bains et par les douches;
l'herpès, l'eczéma et l'ecthyma sont les maladies cutanées qui cèdent le plus
promptement et le plus sûrement. Le psoriasis résiste d'avantage, mais non
toujours.
L'anémie et la chlorose cèdent souvent à l'effet excitant et tonique de ces
eaux minérales ; la situation topographique de l'établissemeni de la vallée de
Poschiavo, l'air pur qu'on y respire, les excursions intéressantes, nombreuses
et variées qui sont l'occasion de promenades journalières, favorisent singuhère-
ment l'action du traitement hydrosulfureux, dont l'efficacité n'est cependant mise
en doute par personne. Les remarques qui précèdent nous exemptent d'insister
d'avantage sur les vertus de ces eaux dans la menstruation irrégulière, difficile
ou douloureuse, la leucorrhée, l'aménorrhée, etc., déjeunes fdles affectées de
chlorose. L'eau de la source de Caddea réussit parfaitement encore dans les en-
poisonnements métalliques arsenicaux, mercuriels ou saturnins.
Les eaux très-excitantes de Le Prese sont contre-indiquées chez les personnes
irritables dont le système nerveux a besoin de calme, ou à celles dont la circu-
lation sanguine ne peut être accélérée sans danger.
On peut suivre encore à Le Prese un traitement par le petit-lait de chèvres,
d'ànesses ou de vaches. On peut y prendre aussi des bains de décoction de bour-
geons de sapin.
La durée de la cure est de vingt et un jours.
On exporte peu les eaux de Le Prese, A. RoTunEAU.
Bibliographie. — Kjllias (docteur) . Brevl cenni sopra le acque solforosc di Poschiavo.
Poschiavo. 1858. A. R.
LEPTOCARCiA. Noui que donne Dioscoride (II, 444), d'après Mérat et De-
lens ifiict.^ IV, 90), au Corylus Avellana. (Voy. Noisetier.) H. Bn.
192 LEPTOMITE.
IjEPTOMITE {Leptomitus Ag.). Genre d'Algues, créé par Agardh, qui l'a
rapporté au groupe de ses Confervoïdées ; ce genre a donné son nom à la tribu des
Leptomiteœ du même auteur {Syst., XXII, part.). Les caractères généraux des
Leptomitées sont, d'après lui, les suivants. Ce sont des végétaux représentés par
des fdaments grêles, presque hyalins, à articulations peu visibles, qui se fixent
sur les corps organiques plongés dans les liquides. Ces plantes ont été considérées
comme intermédiaires aux Algues proprement dites, auxHypnacées et aux Fungi-
nées. Le genre Leptomite est caractérisé, dans cette tribu, par des filaments
articulés, atténués au sommet, rameux, à articles creux, vaginiformes. Leurs
spermaties ou sporidies sont latérales, rarement placées dans les interstices, et
entourées d'une enveloppe (epispermium) transparente. Endlicher {Gen., 4,
n. 38 ) a rapporté à ce genre les suivants , dont plusieurs sont conservés par
beaucoup d'auteurs comme distincts: 1" Saprolegnia Nées, 2° Achlya Nées,
"ù" Pythium Nées, 4" Hydronema Car., 5" Sphœrotilus Kdetz. Il y a six espèces
de Leptomitus dont l'étude intéresse la médecine ; mais plusieurs d'entre elles
sont considérées comme douteuse, ou sont très-incomplétement connues.
1 . Leptoinite de Hcmnover [Leptomitus ? Hannoveri Ch. Rob., Des végét. qui
croissent, etc., 847, 42; Vég. paras., 362, t. II, fig. 11, 12, a, b). Cette espèce
est formée de filaments droits, déliés , tantôt transparents, tantôt remplis d'un
contenu muqueux ou grenu. Ces filaments, très-ramifiés d'un côté ou des deux
côtés, ont des branches de même calibre, ou à peu près, que le tronc. Les extré-
mités sont obtuses, ou un peu atténuées, quelquefois, mais rarement un peu
renflées. C'est Ad. Hannover qui a découvert en 1842 cette plante, dans une
masse en bouillie qui tapissait l'œsophage, lequel présentait des excoriations
n'ayant causé aucun symptôme. La même espèce a été retrouvée , dans des cas
de typhus, par Hannover, qui l'avait considéré comme constituant une même
forme végétale que les filaments du mycélium de YAchorion SchcefileiniiKui.,
et qui a décrit et représenté les filaments du Leptomitus, entremêlés de spores,
comme un mélange « de la forme végétale filamenteuse et de la celluleuse. » Le
Leptomite fut dès lors regardé par lui comme se multipliant par division, puis-
qu'il ne possédait point de spores.
2. L. urophile [L. urophilus Montagne, in Ann. se. nat., sér. 2, XII, 285).
Cette espèce forme de petites touffes, hautes de 2 ou 3 millimètres , hémisphé-
riques, gélatineuses. Les troncs ou filaments principaux semblent naître d'un
point central duquel ils s'irradient dans tous les sens ; ils sont hyalins, très-rami-
fiées dès leur base, et ils ont à peine 0™™,0075 d'épaisseur. Leurs branches sont
étalées; les rameaux de troisième ordre sont ternes ou quaternés, obtus. Plus ils se
divisent, et plus leurs ramifications sont ténues. Les articles sont d'une longueur
variable, les uns aussi longs que larges, les autres une fois et demie plus longs
qu'épais. On n'y a distingué aucune goiiidie ; mais Montagne a aperçu au centre
un espace orbiculaire transparent qui est peut-être une gouttelette huileuse (?)
C'est Rayer qui a trouvé cette végé*ation, dans une urine morbide, rendue avec
des poils. Peut-être n'est-elle qu'un état imparfait, déformé par le milieu dans
lequel elle a été observée, de quelque autre plante plus compliqua et susceptible
de fructifier dans un milieu approprié.
3. L. de l'œil [L. ? oculi Kiicn.). C'est une plante qui, à un grossissement de
250 diamètres, apparut comme ramifiée, déchirée en quatre parties dont les por-
tions consistaient « en cylindres confervoïdes et en séries de spores disposées en
chapelet. » Helmbrecht, qui l'a fait connaître, rapporte qu'elle a été découverte
LEPTOMITE. . 105
cliez un prédicateur âgé de 42 ans, et qui, quelques années avant, avait eu une
inflammation rhumatismale des deux yeux, accompagnée d'cpipliora. Il lui sur-
vint subitement, dans l'œil gauche, la sensation d'un objet trouble, en forme de
fleur, avec stries rayonnées ; symptômes qui disparurent sous l'influence d'une
niédication particulière, mais qui reparurent ultérieurement, sous forme d'images
constantes, se mouvant dans différentes directions, le malade pouvant indiquer
nettement ces déplacements, suivant les directions diverses qu'il donnait à l'axe
visuel. L'œil droit présentait en même temps des images de mouches volantes.
Helmbrecht et Klenke pensèrent qu'il s'agissait d'un corps situé au-devant du
cristaUin et baignant dans l'humeur aqueuse. Les mouvements de cette produc-
tion singulière devinrent plus libres, après une chute de voiture que fit le malade;
il semblait alors à celui-ci que l'image flottante, autrefois fixée par un point d'at-
tache au côté interne du champ visuel, était devenue totalement hbre, et qu'elle
s'était déchirée en deux portions, nageant, l'une à droite et l'autre à gauche. La
secousse avait sans doute arrraché le végétal de son point d'implantation. Helm-
brecht eut alors l'idée de ponctionner la cornée et de faire écouler au dehors
l'humeur aqueuse, qui entraîna au dehors la production végétale dont nous
avons reproduit plus haut les caractères. Le malade fut, dit-on, dès lors guéri.
Neuber remarqua alors que ce fait confirme ce qu'il avait dit de la cause des
taches et des mouches volantes, savoir qu'elles sont dues à une végétation para-
site, analogue aux Algues, aux Conferves, et dont on pourrait débarrasser les ma-
lades en pratiquant la paracenthèse de la chambre oculaire antérieure.
4. L. ? de Vépiderme Ch. Rob., op. cit., 564, t. VI, fig. 1 (L. ? epidermidis
KiiCH.). On a donné ce nom à des fdaments byssoïdes « analogues à ceux du
muguet,» que M. Gubler observa sur des boutons déchirés, semblables à des vési-
cules d'eczéma, qui s'étaient produits sur une plaie de la main par arme à feu,
et soumise à l'irrigation continue. Ces filaments, très-longs, plusieurs fois divisés,
étaient moins distinctement articulés et moins diaphanes que ceux du muguet. II
y avait toutefois des cloisons, beaucoup plus rapprochées même dans les branches
secondaires et sur les extrémités terminales des filaments primitifs. « Les rameaux,
ajoute l'auteur, naissent souvent d'un seul côté, et se détachent à angles plus ou
moins aigus, en s'incurvant du côté de l'axe qui leur donne naissance. J'ai vu
l'un d'eux terminé par un renflement cellulaire qui n'est probablement qu'une
fructification naissante. Mais je n'ai pas rencontré de spores arrivées à leur entier
développement qui fussent encore fixées sur les filaments byssoïdes. Toutes les
sporidies nageaient librement dans l'eau que j'avais ajoutée pour l'examen. Ces
sporidies, ellipsoïdes, droites ou légèrement courbes, sont coupées transversale-
ment par une cloison qui les partage ainsi en deux cellules ou cavités. » Entre les
éléments épidermiques, il se trouvait encore une matière finement granuleuse et
paraissant servir d'humus à la plante.
5. L.? du mucus utérin Cn. Rob., op. cit., 567 (L, ? uteri Moq. — L. muci
uterini Kiicu. — Lorum uteri Wilk.). M. Mouliuié a donné, dans l'ouvrage du
professeur Robin, la traduction d'un travail de Wilkinson, où sont décrits des
filaments dénature végétale, mêlés de corpuscules ovoïdes et sphériques avec ou
sans noyaux, qui furent observés dans un écoulement, sans globules de pus,
mais d'aspect purulent, provenant de l'utérus d'une femme de 70 ans. Ces fila-
ments, au dire de l'auteur, étaient primaires et secondaires. Le diamètre de ces
derniers variait de ^-/ôo ^ fïïôô ^^ POuce ; leurs bords étaient pîdes ; leur Ion
gueur, variable. Ces filaments étaient tous un peu recourbés , jamais enroulés ni
DICT. EKC, 2' s. II, 15
194 LEPTOMITE.
onduleux ; l'actioJi de l'acide acétique rendait leur structure plus évidente, et
montrait qu'ils étaient formés de cellules allongées, placées à la suite les unes
des autres, comme dans certaines Algues d'eau douce. Dans beaucoup de ces
filaments, toute trace de structure cellulaire avait disparu, par suite des progrès
du développement; d'où leur apparence défibres simples. Ces filaments secon-
daires paraissaient, pour la plupart, provenir des filaments primaires par rupture ;
cependant, dans quelques-uns d'entre eux, l'apparition, vers leurs extrémités, de
nouvelles cellules en voie de développemeni , fait supposer à l'auteur qu'ils pour-
raient bien avoir une existence distincte des suivants. Les filaments primaires
ont un diamètre qui est de deux à six fois celui des filaments secondaires. Les
plus larges étaient très-courts, tronqués vers une de leurs extrémités, terminés à
l'autre par un faisceau de six ou sept longs filaments secondaires. Les plus étroits
offraient une plus grande longueur, et de deux à quatre filaments dans leur
faisceau tei^minal. Vers l'extrémité tronquée des filaments primaires, quelquefois
sur un point de leur longueur , on pouvait remarquer des renflements que l'au-
teur regarde comme destinés à renfermer des spores. Les sporules étaient géné-
ralement ovoïdes, quelques-uns sphériques; ceux-ci paraissaient plus petits.
L'action de l'acide acétique y faisait souvent apparaître un noyau.
6. L. ? utéricole [L. utericola Moq. — L. ? uteri KiicH., nec Moq.). Cette espèce,
d'ailleurs douteuse, pourrait être avec avantage appelée L. ? Lebertianus, pour
éviter des confusions ; car, si elle est le Leptomitus ? de iutérus du professeur
Robin, elle n'est pas le L. utérin de Moquin, qui répond ^w Leptomitus'! du
mucus utérin Rob. C'est M. Lebert qui, en 1850, a observé cette plante dans les
circonstances qu'il a indiquées en ces termes : « J'allais fréquemment à l'hôpital
de Lourcine où M. Gueneau de Mussy, alors médecin d'une des divisions , enleva
sur le col utérin, en ma présence, les altérations dont je désirais examiner la
nature intime. Un jour, il enleva quelques granulations du col, et quel ne fut pas
mon étonnement, lorsque, en faisant l'examen microscopique, j'y trouvai une
algue accolée à la surface de la muqueuse. Je l'avais mise dans un tube propre
qui ne pouvait en coutenir. Il est très-possible que les spores aient été introduites
avec une injection vaginale; en tous cas, le végétal était accolé à la surface du
col utérin. » Cette algue, représentée dans l'ouvrage du professeur Ch. Robin
(t. V, fig. a-h), se composait de tubes pâles, plus étroits, de tubes plus larges,
et de spores. Les tubes pâles étaient ramifiés, sans cloisons ni granulations. Les
tubes larges étaient articulés, quelquefois ramifiés, et se terminaient par des
spores. Celles-ci consistaient en une cellule ovoïde, allongée, granuleuse, ou en
une cellule ovoïde ou sphérique, terminée par un prolongement étroit, quelque-
fois cloisonné, qui d'abord communique avec la cavité de la spore, mais qui sou-
vent ensuite en est séparé par une cloison.
Par les descriptions qui précèdent, on voit que les Leptomites observés chez
l'homme sont pour la plupart fort incomplètement connus , et qu'en l'absence
totale de leurs organes reproducteurs, on ne peut les rapporter qu'avec doute à
ce genre. Probablement, comme nous l'avons déjà indiqué, plusieurs de ces êtres
ne sont que des états transitoires d'espèces végétales plus parfaites et mieux
connues à leur état complet de développement, et qui, dans un milieu peu appro-
prié, n'ont pu suivre toutes les phases de leur évolution. La plupart viennent du
dehors à l'état de germes, soit par l'air, soit avec des liquides introduits dans
les cavités naturelles. Ces germes ne prennent aucun accroissement ou ne se déve-
loppent qu'incomplètement, le sol et les conditions du milieu ambiant n'étant pas
LEPTOTIIRIX. 195
favorables à leur évolution normale. Ce n'est pas le végétal parasite, suivant
l'opinion de Wilkinson, qui alors détermine une maladie ; mais c'est l'organe
malade qui présente des conditions spéciales, favorables au développement delà
plante. L'existence de celle-ci peut masquer les accidents dus à la maladie elle-
même, elle peut l'aggraver en agissant comme corps étranger; elle n'en constitue
qu'une complication. Souvent encore on ne peut attribuer à la présence du Lep-
tomitus lui-même aucun des accidents qui s'observent chez les individus dont le
corps leur sert 'de support. H. Bn.
Agardh, Syst. Algarum. Lund., 1824, XXIII. — Biasoletti, Alg- Jnicroscopic, t. 15-18. —
Endl., Gen., 4, n. 58 (ex parte). — Hannover (Ad.), Ueber Entophyten aiif der Schleimhaut
des todleii und lebend. menschlich. liœrp., in Arch. f. Anat. und Physiol. v. Millier, XV
(18'i2), 280, et in Repert. f. Anat. und Physiol. v. Yalentin (1845), 84. — Helmbbecht, Fall
ein. conservenart. Afterprod. in der Augenkammer des linken Auges, etc., in Wochen. f. ■
gesammt. Heilk., v. Casper (1842), 593. — Neuber, Conservenart. Afterprod. , etc., in Rec.
cit., n. 55. — Robin (Ch.), Des légét. qui croiss. sur les anim. viv., thèse (1847), réimpr .
sous le titre de : Des vcgét. qui croiss. sur l'homme et les anim. viv., avec addit de 3 pi.
grav. (1847). — Moxtac\e, in Mém. de la Soc. de biolog.,1 (1849), 29; Ann. se. nat.,
sér. 2, XII, 285. — Gibleb, Proc. verb. de la Soc. de biolog., 24 janv. 1852. — Wilkinson,
Some rem. upon Lhc developm. of epiphyt., ivith the descr. of a new veget. for m found in
conn. with.tlie hum. uter., in the Lancet, Lond. (1849), 448. — Robin (Ch.). Hist. des
végét. paras., qui croissent sur l'homme et les anim. viv. (1855), 360, t. II, IV, V, VI.
LEPTOPCS, LEPTUS. Voy . LePTUS.
LEPTOSPERiME, Leptospermiiin (Forster). Arbrisseau.x; de la famille des
Myrtacées, voisins des Melalenca, dont ils diffèrent par leurs étamiues non soudées
en faisceaux. Leurs caractères principaux sont les suivants. Calice à 5 lobes trian-
gulaires, valvaires ; 5 pétales et de nombreuses étamines libres insérés sur le
calice; un ovaire infère ou semi-infère; un style fdiforme terminépar un stigmate
capité : un fruit capsulaire à 3, 4, 5 loges. Les feuilles sont simples, entières et
ponctuées.
Les espèces de ce genre croissent dans la Nouvelle-Hollande, la Nouvelle-Zélande,
elles îles de la même région. Elles contiennent une huile essentielle, qui les rend
odorantes et donne à leur infusion des propriétés stimulantes. Ces infusions tliéi-
Ibrmes des jeunes feuilles et des sommités fleuries, un peu amères et très-aroma-
tiques ont été parfois utiles aux navigateurs pour rétablir les forces de leur équi-
page, affaibh par le scorbut.
C'est ainsi que Cook a employé avec succès les Leptospermum scoparium Forst.
de la Nouvelle-Zélande.
FoRSTEH. — Gen. 56. — D. C. Prod- III, 226.
LEPTOTHRIX (de )>2Trfôî, grêle, mince, et 6pCÊ„ cheveu, filament). Genre
de plantes parasites, microscopiques, de la classe des Algues, de la sous-classe des
Malacophycées et constituant le type de la famille des Leptothricées. Les caractères
des Leptothrix sont les suivants ; filaments tubuleux, déliés, continus, sans arti-
culations, privés de mouvement, ces filaments ne sont ni rameux, ni engainés, ni
cohérents, les cellules propagatrices ne sont pas connues.
En observant les cellules épilliéliales et le détritus organique qui se trouve sur
la surface de la langue, surtout en arrière, on trouve constamment une grande
quantité de petits filaments d'une espèce particulière d'Algue que Charles Robin
a nommée Leptothrix buccalis. (Ch. Robin, Des végétaux qui croissent sur les
animaux vivants, grand m-8", page 42, pi. i, fig. 4 et 2, 1847.)
19G LLl'lUS.
Cette algue niicrosco|jique se trouve eucore dans la malière accumulée dans
l'interstice des dents, ou bien dans la cavité des dents cariées; elle a été ren-
contrée aussi dans des liquides vomis et dans des déjections diarrliéiques. L. Cor-
visart l'a vue dans l'estomac d'une femme morte d'ictère grave.
Le Lepiothrix biiccalis est formé de filaments roides, droits ou coudés brusque-
ment sous un angle obtus, à bords nets, non moniliformes ou disposés en chapelet,
avec les extrémités brusquement arrondies et non effilées. Ces filaments sont
larges de 5 dix-millièmes de millimètre, la longueur ordinaire varie de 20 mil-
lièmes à 1 centième de millimètre. Ils sont incolores, élastiques, réunis par la
base à une gangue amorphe et granuleuse, formant ainsi des touffes ou des es-
pèces de houppes. On voit de ces filaments lisses, mais alors ils ont été détachés
de leur support. {Voy. Ch. Robin, Hist. nat. des végétaux parasites, etc., in-8%
p. 345 et suiv., pi. I, fig. 1 et 2, 1853.) Leurs spores ou corps reproducteurs
sont inconnus.
Pour bien observer cette algue, il faut un grossissement considérable; on la trouve
facilement au milieu des cellules épithéhales de la langue, dans le mucus buccal
avec des vibrions {Bacterium termo, Vibrio lineola et hacillus, etc.) . Les personnes
d'une bonne santé en offrent tout aussi bien que les malades. Ce végétal se re-
produit avec une extrême facilité et du jour au lendemain sur des points où il
n'existait pas la veille, par exemple sur les dents brossées et nettoyées avec soin.
Les filaments du Leptothrix huccalis atteignent une longueur assez considérable
et jusqu'à 2 centièmes de millimètre et plus, chez les personnes qui ont laissé
accumuler une substance blanche et pulpeuse entre les dents. On voit alors des
filaments qui traversent le champ du microscope sous forme de faisiieau, ou isolés
et qui s'insinuent et passent à travers de petits amas d'épithélium buccal.
11 est probalÀc que ces végétaux nés dans la cavité buccale se détachent et sont
entraînés ensuite -dans le tube digestif. Les liquides de l'estomac et de l'intestin
ne semblent pas favorables au développement du Lepto^/îria:, cardans ces milieux
les tubes sont généralement courts, isolés, très-rarement implantés sur un sup-
port. Les filaments ne paraissent pas se développer d'une manière directe sur les
tissus bien vivants, mais plutôt sur un humus formé par des détritus épithéliaux
ou alimentaires. Je les ai vus très-abondants sur la couche pultacéedes amygdales
et du pharynx chez une femme atteinte de scai'latine. {Recherches sur les affec-
tions pseudo-memhraneiLses, p. 466, pi. 5, fig. 2, 1861.)
La manière dont se reproduit le Leptothrix huccalis n'est pas connue. On voit
parfois dans l'intérieur des filaments de petits corps ronds qui sont peut-être des
corpuscules reproducteurs, mais rien n'est encore démontré à cet égard.
On connaît d'autres espèces de Leptothrix vivant dans le tube digestif de divers
insectes et de l'écrevisse commune. Ces végétaux paraissent sans action nuisible
pour l'homme ou pour les animaux où on les trouve.
Leeuwenhoek avait découvert les filaments de Leptothrix et il les avait décrits
en les distinguant des Vibrio. Depuis cette époque ils ont été signalés par un
grand nombre d'observateurs , Biîhlmann, Henle, Bouditsch, Lebert, Vogel,
Kcelliker, Wirchow, etc. {Voij. Ch. Robin, loc. cit) A. Laboulbène.
ILEPTUS. Le Leptus aiutomnal dont on avait fait un genre, qui ne peut être
maintenu, n'est qu'une larve de Thromhidimn {voy. Acariens, Abachnides). U
est très-petit et de couleur rouge et connu, dans les campagnes, sous le nom de
Bêle d'août, ]\ouget ,Puceronroufje. Vivant sur les plantes basses, il s'attaque aux
LEREBOULLET. *97
jambes des personnes qui se couchent ou se promènent sur l'herbe, pénètre dans
la peau et y détermine de vives démangeaisons. On calme ces démangeaisons par
des lotions d'eau vinaigrée ou légèrement anmioniacale. A. Laboulbène.
LEREBOULLET (Dominique-Auguste). Ce savant anatomiste, auquel nous'
devons le remarquable article, Anatomie physiologique, qui figure dans le tome IV
de notre Dictionnaire, le dernier écrit, je crois, qui soit sorti de sa plume, étaii
né à Épinal, le 19 septembre 1804. Après avoir terminé ses humanités à Colmar,
il alla commencer ses éludes médicales à Strasbourg, oii il se faisait recevoir doc-
teur, le 29 août 1852, et présentait une très-bonne dissertation sur le choléra-
niorbus qu'il était venu observer à Paris. Tout en exerçant la pratique médicale,
LerebouUet consacrait à peu près exclusivement le reste de sou temps à des recher-
ches d'anatomie comparée, où le confinèrent plus tard les échecs successifs qu'il
éprouva dans ses concours pour l'agrégation. Le célèbre naturaliste Duvernoy, son
maître et son collaborateur, ayant été appelé à Paris, LerebouUet, dont les rares
connaissances étaient universellement reconnues, se trouva naturellement désigné
pour remplir la chaire de zoologie et d'anatomie comparée à la faculté des sciences
de Strasbourg. L'un des premiers, il comprit l'importance de l'examen approfondi
de cette texture intime des organes, si ardemment cultivée aujourd'hui sous le
nom d'histologie. Ses occupations professorales ne fempèchaient pas de continuer
ses travaux, et, en 1845, l'Académie des sciences couronnait son mémoire sur
l'anatomie comparée des organes génitaux chez les vertébrés ; six ans après (1851),
il obtenait la même récompense h. l'Académie de médecine pour son travail sur la
question relative à la structure intime du foie et aux altérations pathologiques
connues sous le nom de foie gras.
On doit encore à notre auteur d'importantes études d'embryologie comparée,
dont il s'occupait assidûment depuis 1849, et qui lui valurent une nouvelle cou-
ronne, décernée par l'Académie des sciences en 1865. De ses recherches embryo-
logiques résultaient des vues nouvelles sur la grande question des monstruosités,
particulièrement chez les poissons.
Doué de cette activité infatigable qui est l'apanage des hommes d'élite, Lere-
bouUet avait trouvé le moyen de mener de front ses travaux scientifiques, son
enseignement, l'administration de l'Académie des sciences dont il était le doyen et
la pratique médicale. C'est sans doute à cette multiplicité d'occupations qu'il
faut attribuer l'attaque d'apoplexie, ce genre de mort si commun chez les savants,
qui l'emporta en quelques heures, le 5 octobre 1865.
Voici l'indication de ses principales publications qui portent généralement
l'empreinte de son génie investigateur.
I. Considérations pratiques sur le choléra-morhus observé à Paris et clans le départe-
ment de la Meuse pendant l'année 1852. Th. de Strasb., 1832 , n" 1001. — 11. Obs. de
jylilébite générale et réflexions, etc. In Arch. méd. de Strasb., t. III, p. 161 ; 183G. —
III. Mélanges de méd. pratique. Ibid., t. IV, p. 305; 1836. — IV. Entretiens sur la zoo-
logie (mammifères), dans la coll. Maître Pierre. 1838, in-18, pi. 2. — V. Tableaux des
ordres, des familles et des genres des mammifères , d'après M. Duvernoy. In Mém. du
muséum d'hist. nat. de Strasb., t. Il, 1855. — VI. Anatomie comparée de l'appareil respi-
ratoire dans les animaux vertébrés. (Th. pour le doctorat es sciences.) Strasb., 1838, iii-i°
pi. 1. — YIl. Essai d'une monographie des organes de la respiration de l'ordre des crus-
tacés isopodes (avec DuTernoy). In Compt. rend, de l'Acad. des se, t. XI, p. 581 ; 1840.
VIII. Inflammation du péritoine observée chez un caïman à lunettes, mort à la suite d'une
perforation intestinale. Ibid , t. XX, p. 350; 1845. — IX, Mé)n. sur les crustacés de la
famille des cloportides qui habitent les environs de Strasbourg. Ibid., t. XX, p. 345; 1845.
— X. Mém, sur la ttructure intime du foie et sur la nature de l'altération connue sous le nom
198 LEROUX DES TILLETS.
de foie gras (Prix de l'Acad, de méd.)- In Mém. de l'Accid. de méd., t. XVII, p. 587 ; 18b3.
— XI. Recherches d'embryologie comparée sur le développement de la Imite. In Ann. des
sc.nat., 4" sér., t. XYI, p. 115; 18G1. — XII. Becherches sur les monstruosités du brochet
observées dans l'œuf. Ibid., p. 569, et t. XX, p. 177; 1865 , 5<^ sér., t. I, p. 115 ; 1864. —
XIII. Embnjolorjie du lézard. Ibid., t. XVII, p. 89; 1862. — XIV. Embryologie comjmrée
du Lymnée des étangs. Ibid., t. XVIII, p. 87 ; 1862. — XV. Détermination des •ressemblances
et des différences cjuc présentent dans leur développement les animaux vertébrés et les
animaux invertébrés. Ibid., t. XIX, p. 5, et t. XX, p. 5 ; 1865. — XVI. Recherches sur la
formation des premières cellules embryonnaires. Ibid., 5" sér., t. II, p. 5; 1864, etc. —
XVII. Art. Anatomie p>hysiologique . In Dict. encyclop. des se. méd., t. IV; 1865. —
XVIII. Un très-grand nombre d'articles de revues, d'analyses de journaux allemands, in
VExpérience îiiédicale et la Gazette médicale de Paris. E, Bgd.
T.ERÎVII1VIER (Théodoric-Nklamont), né à Saint-Valery-sur-Somme en 1770,
mort à Paris le 8 juin 1856. Lerminier étudia la médecine à Paris et suivit les
leçons de Corvisart qui se l'attacha, et comme disciple et comme ami. Après avoir
rempli, en 1806, une mission en Bourgogne où régnait une fièvre épidémique
causée par un encombrement de prisonniers austro-russes, il revint à Paris et
fut nommé médecin de l'Hôtel-Dieu ; en 1808, il était médecin par quartier de la
maison de l'empereur, qu'il suivit en 'Espagite et en Russie. Enfin, en 1815, il
passa à la Charité, et il y resta jusqu'à sa mort ; il avait été compris parmi les
membres de l'Académie de médecine dès la création de celle-ci. Lerminier n'a
rien écrit, il jouissait d'une grande réputation comme praticien, et si son nom a
survécu au souvenir de ses contemporains, il le doit à la célèbre Clinique de
M. Andral son élève, et qui avait recueilli dans le service du médecin de la
Charité les observations qui servent de base à son ouvrage. E. Bgd.
liEROUX (?) naquit à Dijon, en 1750. Disciple distingué de Levret, il se livra
surtout à la pratique des accouchements dans laquelle il se fit une grande répu-
tation. Il était chirurgien-major de l'hôpital de Dijon, membre correspondant de
la Société royale de médecine de Paris. Leroux mourut empoisonné le 25 octobre
1792, pour avoir pris une trop forte dose d'opium destinée à calmer les douleurs
que lui causait la gravelle. Ce chirurgien a beaucoup vanté l'utilité du tampon
contre les métrorrhagies, il avait aussi reconnu la gravité de celles-ci quand elles
sont déterminées par l'implantation du placenta au col de l'utérus.
Voici la liste de ses ouvrages :
I. Obs. sur les pertes de sang des femmes en couches , et sur les moyens de les guérir.
Dijon, 1776, in-S", et Dijon et Paris, 1810, in-8°. — II. Obs. sur la rage, suivies de réflexions
sur les spécifiques, etc. (cour, par l'Acad. de Dijon). Dijon, 1780, in-4°. — III. Dissert, sur
la rage [cour, par la Soc. de méd. de Paris). In Mém. de la Soc. de méd. de Paris, 1783,
— IV. Traitement local de la rage et de la morsure de la vipère. Edimbourg et Paris,
1785, in-12. E. Bgd.
LEROLiX DES TILEETS (Jean-Jacques), né à Sèvres, le 17 avril 1749, il se
fit recevoir docteur régent en 1778; d'abord attaché à la rédaction du Journal
de médecine, il composa avec un soin extrême et beaucoup de méthode la table
des 05 premiers volumes de cet important recueil. Leroux, en 1789, s'était
d'abord jeté dans le grand mouvement politique de cette époque; mais effrayé
des excès auxquels s'étaient laissé entraîner les partis extrêmes, il rentra dans la
vie privée. A la o'éation des écoles de santé, il fut nommé professeur de clinique
médicale, et en 1810, il succéda à Thouret comme doyen de la Faculté de méde-
cine, place qu'il conserva jusqu'au coup d'État de 1825 qui le rejeta dans la caté-
gorie des professeurs honoraires. Réintégré dans les fonctions de professeur en
LEROY (les). ^9!)
dSùO, il voulut, malgré ses quatre-vingts ans, reprendre ses leçons. Mais les forces
trahirent promptement son courage, il fut forcé de se faire suppléer, et deux ans
après il succomba à une attaque de choléra pendant la terrible épidémie de 1 8o2.
Leroux profitait volontiers des loisirs que lui laissaient ses occupations pour
s'adonner à ses goûts littéraires. Ses ouvrages médicaux, bien vieilhs aujourd'hui,
prouvent cependant un savoir médical soHde et un bon jugement.
Nous ne donnons ici que les écrits purement scientifiques de Leroux.
I. Rapport fait à l'École de médecine de Paris, sur la clinique d'inoculation (avec Pinel).
Paris, 1800, in-8°. — II. Instruction sur le typhus, fièvre des camps, fièvre des hôpitaux.
Paris, 1814. — III. Réflexions sur l'établissement d'une Société royale de médecine et de
chirurgie. Paris, 1815, in-4°. — lY. Mém. et plan d'organisation pour la médecine et la
chirurgie. Paris, 1816, in-4°. — V. Rapport sur le cimetière de la ville de la Ferté-sous-
Jouarre (avec Desgenettes). Paris, 1820, in-8°. — VI. Cours sur les généralités de la 7néde-
cine pratique et sur la philosophie de la médecine (ouvr. non terminé) . Paris, 1825-26,
8 vol. in-8°. — VII. Des Discours prononcés aux funérailles de Leclerc, de Caudelocque, de
Thouret, de Corvisart, de Halle. — Divers Rapports sur des questions d'administration.
Leroux a été longtemps un des rédacteurs du Journal de médecine et de chirurgie avec
Corvisarl et Boyer. E. Bgd.
LEROT (Les). Plusieurs médecins et chirurgiens de ce nom ont joui d'une
réputation qui justifie la place que nous leur donnons ici.
Leroy (Charles), professeur delà Faculté de médecine de Montpelher, membre
de la Société royale des sciences de cette ville, de la Société royale de Londres, etc. ,
né à Paris, le 12 janvier 1726, appartenait à une famille de mécaniciens et de
mathématiciens distingués : il était fils du célèbre horloger Julien Leroy. Charles
avait commencé ses études médicales à Paris, mais la délicatesse de sa santé
l'obligea de chercher un climat plus doux, et il alla les terminer à Montpellier oii
il se fit recevoir docteur. Après un concours brillant, mais dans lequel il avait
échoué devant Venel, la première chaire vacante lui fut accordée. Leroy s'était
fait à Montpellier une belle position à laquelle, cédant aux vœux de sa famille, il
s'arracha en 1777 pour venir à Paris oîi il mourut, deux ans après, d'un cancer
de l'estomac, dans tout l'éclat de sa réputation et de son talent. C'est surtout
comme physicien et comme chimiste que Leroy s'était fait remarquer. Sa théorie
de la solubilité de l'eau dans l'air pour expliquer la formation des vapeurs a été
longtemps admise dans les écoles. On lui doit de bonnes études sur les eaux de
Balaruc, sur l'accommodation de l'œil aux distances, dans laquelle il faisait jouer
un grand rôle à la dilatabilité de la pupille. II s'est aussi occupé des fièvres et
du pronostic des maladies aiguës.
Ses idées se trouvent exposées dans les ouvrages suivants :
I. De aquarum mineralium natura et iisu. Montpell., 1758, in 8°. — II. Questiones chemicce
diwdecini pro cathedra vacante. Ibid., 1759, in-4°. — III. Diss. de purgantihus. Ibid., 17 59,
in-4°. — IV. Mém. etohs. de niéd. i'^ part, contenant deux Mém. sur les fièvres aiguës et
sur le pronostic dans lesmaladies aiguës. Ibid., 17C6-76, in-8". — IV. Mélanges de physique,
de chimie et de médecine [Mém. sur la rosée, sur les eaux de Balaruc, sur l'accommodation
de l'œil aux distances, sur les fièvres aiguës, sur le scorbut, etc.) . Paris, 1771, in-8°.
Leroy (Alphonse-Louis-Vincejnt). Accoucheur qui a joui parmi ses contempo-
rains d'une réputation que la postérité n'a point sanctionnée. Né à Rouen le
23 août 1742, il commença ses études sous le célèbre Lecat, et vint les terminer
à Paris où il se fit recevoir docteur régent en 1 778. Une grande facilité d'élocutiou,
une imagination vive, une imperturbable confiance on soi qui sentaient plutôt b
Gascon que le Normand, lui attirèrent ])iontôt une brillante position. C'est là que
200 LEROY (les).
se placent ks discussions qu'il eut à soutenir contre quelques hommes qui lui
étaient de beaucoup supérieurs, Baudelocque et Lauverjat entre autres, au sujet
de la symphyséotomie imaginée par Sigault et dont il lit en quelque sorte sa pro-
priété par l'ardeur aveclaquelle il s'empara de cette découverte. [Voy. Lauverjat,
SiGABLT.) Leroy avait si bien su communiquer aux autres la haute opinion qu'il
avait de son mérite que, lors de la réorganisation de la Faculté, il fut nommé pro-
fesseur d'accouchements. A part ses exagérations. Alph. Leroy, homme au
total très-laborieux, n'était cependant pas dépourvu de valeur, mais il lui man-
quait le jugement et la mesure. 11 périt de mort tragique, assassiné dans la nuit
du 14 au 15 janvier 1816, parmi domestique qu'd avait congédié quelques jours
auparavant.
Voici la longue hste de ses ouvrages dans lesquels, au milieu d'idées paradoxales
exprimées avec une singulière exaltation de langage, on trouvera quelques pré-
ceptes utiles, quelques vues ingénieuses :
1. Itech. sur les habillements des femmes el des enfants, ou Examen, (:Xc. Paris, 1772, m-12.
— II. Lettre sur la manière dont il faut terminer l'accouchement dans lequel le bras de l'en-
fant est sorti de la matrice, et examen de l'opinion du docteur Levret à ce sujet. Paris, 1774,
{11-12. —III. La j)ratique des accouchements, i" partie contenant l'Histoire critique de la
doctrine et de la pratique des principaux accoucheurs qui ont paru depuis Hippocrate, pour
servir d'introduction, etc. Paris, 1776, in-8°. — V^.Alph. Leroy, prof, enméd. à son cri-
tique (Réponse à des attaques de Piet, publiées sous le voile de l'anonysrae, contre l'ou-
vrage précédent) . Paris, 1776, in-S". — V. Recherches historiques et praticjues sur la sec-
tion de la sympliyse du piubis. Paris, 1778, in-8°. — VI. Consultation médico-légale sur la
question : JJapproche de certaines femmes nuit-elle à la fermentation des liqueurs ? Paris,
1780, in-12. — \'II. Essai sur l'histoire naturelle de la grossesse et de l'accouchement,
Genève et Paiùs, 1787, in-8°. — \'III. Réponse de M. Alph. Leroy à une imputation d'impé-
ritie. Paris, 1787, in-8». — IX. Motifs et jolan d'établissement dans l'Iiôpital de la Salpê-
trière d'un séminaire de médecine pour l'enseignement des maladies des femmes , des
accouchements et de la conservation des enfants, présentés, etc. Paris, n89,'iin-4°. — X.
L'enfant qui naît à cinq mois peut-il conserver la vie ? Questioti médico-légale clans laquelle,
etc. Paris, 1790, in-4°. — XI. De la nutrition et de son influence sur la forme et la fécon-
dité des animaux sauvages et domestiques , avec un mémoire de l'influence de la lumière
sur l'économie animale. Paris, 1798, in-S"". — XII. Leçons sur les pertes de sang pendant
la grossesse, lors et à la suite des accouchements, etc., publ. par J. F. D. Lobstein. Paris,
1801, in-8°, etibid., 1803, in-8°. — XIII. Manuel des goutteux et des rhumatisants, recueil
des principaux remèdes rationnels, etc. Paris, 1803, in-8"'; 2° édit. augmentée de la trad.
de l'ouvr. du docteur Tavarès, etc. Paris, 1805, in-8°. — XIV. La médecine maternelle ou
l'art d'élever et de conserver les enfants. Paris, 1803, in-8». — XV. Manuel delà saignée,
utilité de celle dujiied, danger de celle du bras. Paris, 1807, in-S°. — XVI. De la conser-
vation des femmes. ï^avïs, 1811, in-8°. — XVII. De la contagion régnant sur l'homme, les
vaches, les bœufs, etc. Paris, 1814, in-8°. — XVIII. Un grand nombi^e d'articles dans divers
recueils scientifiques.
licroy (Jean-Jacques-Joseph), dit d'ÉriOLLES, du nom d'un village près de
Corbeil, dans lequel sa famille a longtemps résidé ; il est célèbre surtout pour la
part qu'il prit à l'invention de la lithotritie et par l'ardente polémique qu'il soutint
à l'occasion de cette découverte. Il était né à Paris le 5 avril 1798 et fut reçu docteur
en 1824. Étant encore étudiant, en 1822, il avait soumis au jugement de l'Acadé-
mie des sciences des instruments propres à broyer la pierre dans la vessie en passant
par l'urèthre, ce qu'on avait vainement tenté jusqu'alors. Diverses récompenses,
décernées par l'Institut, furent le résultat de cette heureuse invention, dont l'his-
toire sera d'ailleurs doimée au mot Lithotritie. Leroy d'Étiolles a consacré une
partie de son existence au perfectionnement des instruments et des procédés
propres au traitement des maladies de l'appareil génito-urinaire, mais sans aban-
donner pour cela les autres branches de la médecine et de la chirurgie. Et, en
L'ESCLUSE. 201
etlet, Leroy n'était nullement un spécialiste dans le sens étroit t^e ce mot; \ui ra-
pide coup d'œd jelé sur ses travaux suffit pour le démontrer. Dans un remar-
quable mémoire sur l'asphyxie, il a fait voir que l'insufflation pulmonaire peut
amener des accidents graves et même la mort, par rupture des cellules pulmo-
' naires, et il a proposé le galvanisme pour rétablir les mouvements respiratoires ;
le galvanisme a été également conseillé et employé par lui, avec succès, dans les
hernies étranglées et les invaginations intestinales. Il a fait de curieuses expé-
riences pour prouver la régénération du cnslallin. Toujours préoccupé de l'idée
d'appliquer la mécanique à la chirurgie et, comme il me le disait un jour, d'allon-
ger les doigts des chirurgiens, il a imaginé divers instruments pour aller porter
des fils au fond de la bouche dans l'opération de la staphyloraphie; dans la fistule
vésico-vaginale, il a tenté la cautérisation et l'accoUement par larges surfaces à
l'aide d'instruments nouveaux; il a décrit un tonsilotome muni d'un crochet qui
attire forcément l'amygdale dans l'anneau sécateur. Il a fait diverses expériences
pour démontrer que la compression exercée sur une certaine étendue d'une artère,
unie à l'acupuncture, peut amener la guérison des anévrysmes Nous n'en
finirions pas si nous voulions passer en revue toutes les inventions de Leroy
d'Étiolles, y compris les bourrelets en réseau élastique pour les petits enfants, un
clysoir, les canons se chargeant par la culasse, les bombes éclatant par le
choc, etc., etc.
De même que Beaumarchais, Leroy a pu dire : « Ma vie est un combat. » En
lutte permanente avec ceux de ses confrères qui s'adonnaient à la spécialité des
maladies de l'appareil génilo-urinaire, il prit encore à partie les chirurgiens qu'il
appelait encyclopédistes et dont quelques-uns semblaient méconnaître, fort injus-
tement d'ailleurs, ses connaissances et ses aptitudes générales. Mais, il faut
bien le dire, Leroy se prêtait sans trop de répugnance à ces incessantes polémiques,
dans lesquelles se déployaient à l'aise sa verve intarissable et son esprit éminem-
ment sarcastique.
Leroy mourut, à peine âgé de soixante-deux ans, dans le mois d'août 1860,
laissant une multitude de traités, de brochures, de mémoires, d'articles de jour-
naux, etc. Nous donnerons seulement les plus importants et ceux dans lesquels
il a rassemblé des recherches antérieures.
Ï.Delarétent. d'urine dans la vessie par suite du rétrécissement, etc. Th. de Paris, 4822, n° 5.
— II. Exposé des divers pirocédés employés jusqu'à ce jour pour guérir de la piei-re sans
avoir recours à l'opération de la taille. Paris, 1825, in-S", pi. 6. — III. De hydroccle tunicœ
vaqinalis. Ih.. Ae conc. (agrég. cliir.). Paris, 1828, in-4'> IV. Tableau historique de la
i(7/îofri7ie. Paris, 18Ô0, 1 f. in-fol. — Y. Mém. sur la cystolomie épipubienne. Paris, 1857,
in-8°. — VI. Histoire de la lithotritie, augmentée d'une lettre, elc. Paris, 1839, 111-8°. —
Vil. Recueil de lettres et de mémoires adressés àVAcadémiedes sciences, etc. (collcct. de tra-
vaux antérieurs publiés dans divers recueils). Paris, t84i, in-8", lig. — VIII. Urologie. Traité
des angustics ou rétrécissements de l'urcthre, leur traitement rationnel. Paris, 1845, in-8%
fjg. — IX. Sur les avantages des bougies tortillées et crochues , etc. Paris, 1852, in-S». —
I \. De la cautérisation d'avant en arrière, de l'électricité et du cautère électrique dans la
traitement des rétrécissements de l'urèthre. Paris, 1852, in-8°. — XI. De l'extraction des
corps étrangers solides autres que les jncrrcs ou leurs débris. Bruxelles, 185i, in-S". — XII.
Tiaduct. d'une part, du Dict. de chir. de S. Cooper ; une foule de notes et mémoires dans
les divers journaux, comptes rendus académiques, etc. E. Bgd.
LES AIMDELYS» (eaU MIiNÉUALE De). Voxj. AnDELYS.
I/ESCLUSE (Charles de). L'un des botanistes les plus célèbres du seizième
siècle, né à Ai ras le 19 février 1526, mort à Leyde le 4 avril 1609. Il faut que le
202 LES GUIBERTS (eaux minérales de).
charme de l'étude des plaintes soit bien puissant sur certaines natures, puisque de
1 Escluse, malgré la volonté de son père, Michel de l'Escluse, seigneur de Watènes,
et celle de sa mère, Guillelmine Quineaut, ne put rester sur les bancs de l'école
de droit de Louvain et troqua les Pandectes contre la Flore. Sa vie, du reste, fut
assez aventureuse. Dès l'ùge de vingt ans, il était à Witlemberg, pour entendre
le célèbre Mélanchthon ; l'année suivante, on le retrouve ta Strasbourg, puis à
Montpellier, où il obtint le grade de licencié. En l'année 1560 il est à Arras,
poussé là par la guerre entre la France et l'Espagne. En 1562, il visite Paris; en
1564, il est en Allemagne; il visite aussi l'Espagne, le Portugal; dans l'espace
compris entre les années 1565 et 1571, il vit tranquille à Arras ; mais il fait alors
un nouveau voyage à Paris et en Angleterre. De 1575 àl587, on le voit appelé par
l'empereur Maximilien II à remplir la place de directeur du jardin botanique de
Vienne. Enfin, las des intrigues de la cour, il quitte l'Autriche, se retire à Franc-
lort-sur-le-Mein, s'y casse le fémur dans une excursion botanique aux environs, se
fait porter à Leyde pour y tenir une chaire de botanique et y meurt, comme nous
venons de le dire. Son corps fut inhumé dans l'église de Notre-Dame de cette ville.
F]vrard Vorstius a prononcé son éloge funèbre (1611 , m-i°); les poètes ont pleuré
sa mort dans des vers touchants. Je ne sais rien de plus joli que cette épitaphe :
Qui videt hos flores tumiili de vertice nasci,
Hœc cineri tellus ultima dona dédit.
0 hene, quod tumulo claudatur Clusius isto!
Qui coluit flores, florihus ille jacet.
Voici la listedes ouvrages de Charles de l'Escluse, dont le nom latinisé, est Clusius:
I. Histoire des i^lantes, en laquelle est contenue la description entière des herbes, leurs
espèces, formes, noms, tempéraments, vertus et opérations. Anvers, 1557 , in-fol. — II.
Antldotarium Florentinum, sive de exactâ medicamentorum ratione libri très, ex Grcecorum,
Arabium, et recentiorum medicorum scriptis, a medicis Florentinis collecti. Anvers , 1561,
in-8°. — III. Les vies de Hannibal et de Scipion i Africain, avec les vies des hommes
illustres de Plutarque, traduites par Amyot. Pai'is, 1565, in-fol. — IV. Aromatum et simpli-
cium aliquot medicamentorum apud Indos nascentium historia . Anvers, 1567, in-8°, etc. —
V. Simplicium medicamentorum ex novo orbe delatorum, quorum in medicinâ usus est,
Anvers, 1574, in-8°, etc. — VI. Bariorum aliquot stirpium per Hispaniam observatorum
historia, libris duobus expressa. Anvers, 1570, in-S", avec 229 figures. — VII. Aliquot notœ
in Greeciœ aromatum historiam, descriptiones nonnullorum stirpium , et aliarum exoti-
caruni rerum qua a generoso viro Francisco Drake, équité anglo, et his observatœ sunt
qui eum in longa illa navigatione, qua proximis annis universiim orbem circumivit, comi-
tati sunt, et quarundani peregrinorum fructuiim, quos Londini ab amicis accepit. Anvers,
1582, in-8°. — VIII. Libri très, magna medicinœ sécréta et varia expérimenta continentes,
Leyde, 1601, in-8°. — IX. Rariorum aliquot stirpium et plantarum p)er Pannoniam,
Austriam, et vicinas quasdam provincias observatorum, historia, quatuor libris expressa.
Anvei's, 1583, in-8% avec 358 planches. — \. Plurimariim, singularium et memorabilium
rerum in Grcecia, Asia, /Egypto, Judcea, Arabia, aliisque exteris jwovinciis ab ipso conspec-
tariim, observationes, tribus libris expressœ. Anvers, 1589, in-S". (Trad. d'un ouvrage
français de Pierre Belon.) — XI. Rariarum plantarum historia. Anvers, 1601, in-fol. —
XII. Exotiquorum libri decem, quihus animalium plantarum, aromatum, aliorumquc pere-
qrinorumfructuum,historiœ dcscribuntur. Anvers, IGOl ; in-fol. — XIII. Curœ posteriores,
seu plurintarum non ante cognitarum aut descriptarum stirpium, peregrinorumque aliquot
animalium novce descriptiones, etc. Leyde, 1609, in-8°. A. C.
LES GUIBERTS (Eau MINÉRALE de), athermale, bicarbonatée calcique
moijenne, carbonique et sulfureuse faible. Dans le département des Hautes-
Alpes, dans l'arrondissement de Ëriançon, sur le bord de la petite rivière de la
Guisanne, émerge la source de Les Guiberts, dont le débit est de 50,000 litres en
vingt-quatre heures. Son eau est claire, ti\ansparentc et limpide, mais elle htisse
LES ROCHES (eau minérale de). 205
déposer sur les parois de son bassin des filaments blanchâtres qui ressemblent
à de la barégine et à de la snlfuraire; son odeur et sa saveur sont manifestement
hépatiques ; sa température est de \¥,'h centigrade. M. Niepce a trouvé dans
1 ,000 grammes de l'eau de la source de Les Guiberts les principes qui suivent :
Carbonate de chaux 0,7i6
— magnésie 0,038
Sulfate de soude 0,001
— chaux 0,029
— magnésie 0,210
Chlorure de sodium 0,314
— calcium 0,021
— magnésium 0,097
Matières organiques, glairine traces.
Total des matières fixes l.-ise
f Acide carbonique 0 litre 08928
Gaz { Sulfhydrique 0 — 01332
( Azote 0 — 00730
Total des gaz 0 litre 11190
L'eau de Les Guiberts n'est employée qu'en boisson et d'une façon peu métho-
dique par les malades des environs qui ont besoin ou croient avoir besoin des
sulfureux. A, R.
liES ROCHES (Eau minérale de), athermale, chlorurée sadique moyenne et
Mcarhonatée ferrugineuse faible, carhonique forte. Dans le département du Puy-
de-Dôme, dans rarrondissement de Clermont-Ferrand, à 1 kilomètre à peine de
la ville, dans la commune de Chamalières, sur le territoire des Roches, près du
moulin de Beaurepaire, sur la rive droite de la petite rivière de Tiretaine, émerge
du terrain tertiaire la source des Roches, connue aussi sous le nom de source de
Beaurepaire. Elle fait partie du régime de Royat [voy. ce mot) et la plupart des
auteurs la décrivent en parlant de cette station thermale. Nous consacrons un
article particulier à cette source, parce que les indications thérapeutiques de son
eau, son mode d'administration, ses doses, et l'emploi que l'on fait de son gaz, ne
sont pas du tout les mêiues que ceux de la source de Royat.
La source des Roches est réguhèrenient captée, depuis l'année 1845, dans un
puits au sortir duquel elle est reçue dans un réservoir recouvert d'une plaque de
métal qui s'oppose au dégagement dans l'air de l'acide carbonique. Ce gaz est
conduit par des tuyaux qui le mettent en communication avec des bouteilles
remplies de limonades ou d'eau de Seltz artificielles. Son débit est de 50,000 litres
en vingt-quatre heures. Cette eau est limpide et incolore, elle n'a d'autre odeur
que celle de l'acide carbonique. Sa saveur est à la fois salée, ferrugineuse et pi-
quante. Sa température est de 19°, 5 centigrade ; sa densité est de 1,0019. Son
analyse chimique a été faite en 1857, par M. J. Lefort, cpi a trouvé dans
1,000 grammes d'eau les principes suivants:
Chlorure de sodium 1,163
Bicarbonate de cliaux 0,822
— magnésie 0,514
— souJe 0,428
— potasse 0,312
— 1er 0,042
— manganèsL) traces.
Sulfate de soude 0.123
A reporter. , . . 3,406
204' LES SABLES D'OLONNE.
Hepport, . . . 3,406
Phosphate de soude 0,003
Arséniate de soude traces.
lodure et bromure de sodium indices.
Silice 0,089
Alumine traces.
Matière organique indices.
Total des maiières fixes 3,500
Gaz acide carbonique libre 0 litre 83]
L'eau de cette source est employée à l'intérieur seulement. On a l'ait con-
struire un élégant pavillon pour abriter les buveurs de la pluie ou du soleil.
Quatre robinets, fixés à la partie inférieure de la façade principale, versent à volonté
l'eau des Roclies, ordinairement prescrite à la dose de quatre à six verres par
jour. Cette eau est excitante, tonique et légèrement diurétique. Elle est employée
principalement dans les dyspepsies occasionnées par une atonie de l'estomac et
de l'intestin ; dans l'anémie ; dans la chlorose et dans les affections de la vessie
et des reins où il convient d'augmenter la quantité des urines. C'est assurément
'l'acide carbonique et le chlorui^e de sodium qui sont les éléments minéralisaleurs
capables d'expliquer l'efficacité de l'eau des Roches dans les difficultés de digérer
venant d'un défaut de conti^actilité de l'estomac ou de l'intestin ; le chlorure de
sodium et surtout le fer reconstituent le sang des sujets lymphatiques, des conva-
lescents et des chloro-anémiques, tandis que c'est probablement l'acide carbonique
et les bicarbonates alcalins qui donnent la clef de la vertu de ces eaux lorsqu'il
s'agit de catarrhes, de sables ou de petits graviers des voies uro-poiétiques.
Durée de la cure, de vingt à trente jours.
On exporte beaucoup l'eau des Roches à Clermont-Ferrand et aux environs où
elle est consommée comme eau médicamenteuse et surtout comme eau d'agré-
ment. A. Rotup.eau.
BiBLiOGRAPiiiE. — Banc (Jean). La mémoire renouvellée des merveilles des eaux naturelles
en faveur de nos nymphes françaises. Parii5, 1605. — Ciiomel (J. F.). Traité des eaux miné-
rales de Vichy..., de Beaurepaire, etc. Clermont-Ferrand, 173k — Nivet (Y.). Diction-
naire des eaux minérales du département du Puy-de-Dôme, Clermont-Ferrand. 1846, in-S
p. 222-224. — Hexhy (Ossian fils) et Gonot. Etude sur Veau minérale des Roches. Paris,
1856, 8 pages. — IIency (Ossian). Rapport sur Veau minérale des Roches près Clermont-
Ferrand (Puy-de-Dôme). In Bulletin de V Académie impériale de médecine, t. XXII, p. 1075.
— Lefort (J.). Etudes chimiques sur les eaux minérales et thermales de Royat et de Cha-
malières (Puy-de-Dôme). ïn Annales de la Société d'hydrologie 7nécHcale de Paris, i8bQ-
1857, t. III, p. 130-152. — Basset (P. L,), Etudes sur les eaux thermales de Royat (Puy-
de-Dôme). Paris, 1866, in-12, p. 7-8. A. R.
LES SABLES »'OLOl\i\[E (STATION warine) . Dans le département de la Vendée,
est un che.f-lieu d'arrondissement peuplé de 6,996 habitants, à 5 kilomètres à
l'ouest d'Olonne et à 57 kilomèlres au sud-ouest de Napoléon- Vendée. La ville est
bâtie sur une langue de sable qui s'avance dans la mer (un des embranchements
du chemin de fer de l'Ouest conduit aux sables d'Olonne) . Le principal conunerce
de ce petit port de mer consiste dans la vente des sardines que l'on pêche aux en-
virons, et dans l'affrètement de bateaux qui, chaque année, se rendent au banc de
Terre-Neuve d'où ils rapportent de la morue fraîchement salée. La plage des Sables
d'Olonne a plus de 8 kilomètres de longueur; elle est constituée par un sable fin
et doux, qui a fait donner son nom à la ville. Cette plage, la plus vaste et la plus
belle de France, et probablement d'Europe, la vie à bon marché dans cette partie
de la Vendée, ont depuis longtemps attiré les baigneurs des contrées voisines et
LÉSION. 205
fail des Sables une des stations marines le [ilus justement renommées, si elle n'est
la plus suivie. Les baigneurs et les baigneuses n'y perdent jamais pied à la marée
montante, à moins qu'ils ne s'éloignent beaucoup, et qu'ils ne veuillent gagner
la pleine mer. La déclivité insensible de la plage est un grand avantage pour les
cnl'ants et pour ceux qui ne savent pas nager. Les accidents, en effet, sont impos-
sibles pour ainsi dire, et la surveillance d'autant plus facile que la plage est plus
largement découverte.
Nous ne pouvons conseiller avec trop d'insistance le séjour aux Sables d'Olonne
aux baigneurs qui cberchent une belle plage et une vie calme et tranquille sans
être monotone. A. R.
LÉis>lOi\, lœsio. Lœdere, blesser. Cbangement matériel quelconque, apprécia-
ble aux sens, survenu pendant la vie dans une ou plusieurs des conditions pbysi-
ques, anatomiques ou chimiques normales des parties constituantes du corps.
L'étude des lésions constitue l'objet spécial de l'anatomie pathologique.
La lésion ne doit être confondue ni avec l'affection ni avec la maladie, elle en est
souvent mséparablc, en est tantôt la cause, tantôt l'effet, les précède ou leur sur-
vit, mais n'en constitue jamais que la partie matérielle, visible et tangible. (Voy-
Maladies) .
La lésion doit être soigneusement distinguée : 1" des altérations survenant après
la mort locale ou générale des organes ; 2" des variétés anatomiques; o''des chan-
gements temporaires ou définitifs, souvent très-notables qui résultent du dévelop-
pement t)u du fonctionnement des organes. Le sang, la lymphe varient à chaque
instant dans leur composition chimique, l'acte de la sécrétion modifie singubère-
ment les parenchymes glandulaires; la replétion ou la vacuité des vaisseaux et
des réservoirs, l'érection, la descente du testicule, la disparition du thymus,
l'accroissement des mamelles et de l'utérus, la métamorphose du cartilage tem-
poraire en os, etc., ne sont pas des lésions.
Cette séparation enti'e les lésions vraies d'une part, et d'autre part l'évolution
des organes, les oscillations fonctionnelles et les altérations cadavériques est de la
plus haute importance, mais elle est parfois très-difficile; il faut la tracer nette-
ment pour éviter ou rectifier une loule d'erreurs de fait ou de doctrine.
Une confusion trop commune et tout aussi fâcheuse naît de l'emploi du terme
lésions vitalesi)vis dans le sens de troubles fonctionnels. C'est ainsi qu'on dit à tout
propos: lésion de nutrition, de circulation, d'innervation, etc., c'est confondre à
plaisir la matière et ses propriétés, l'organisme et ses actes, la statique et la dyna-
mique, enfin l'anatomie avec la physiologie pathologique; à cette dernière seule
incombe la tâche d'étudier les prétendues lésions vitales. Admettre qu'une pro-
priété, attribut immatériel d'un corps, est lésée matériellement, est un non-sens
qu'il faut bannir aussi bien du langage que de l'esprit.
Les lésions varient à l'infini par leur siège, leurs causes, leur nature intime,
leur effet, etc. ; aussi leur a-t-on adjoint une foule de qualificatifs pour les caracté-
riser et les classer. Elles sont dites : matérielles, morbides, anatomiques, organi-
(jues, vitales, aiguës, chroniques, simples ou composéees, circonscrites ou totius
snhtwitiœ, locales ou générales, communes ou spéciales, spontanées ou acciden-
telles, congénitales ou acquises, idiopalhiques ou symptomatiques, primitives ou
secondaires, physiques, chimiques, mécaniques, traumatiques, chirurgicales, su-
perficielles ou profondes, vi-ibles ou occultes, externes ou internes parle siège ou
lu cause, élémentaires, histologiques, inflammatoires, capcéreuses, tuberculeuses;
206 LÉSION.
on dit encore lésions de tissu ou d'organe, de forme, de structure, de texture,
de rapport, de continuité ou contiguïté, de coideur, de densité, etc.
On rcti'ouve dans co chaos: des pléonasmes (lésions matérielles, morbides, orga-
niques) ; — des licences grammaticales (lésions inflammatoires, cancéreuses, etc.;
pour lésion de l'inflammation du cancer). — ■ La confusion déjà signalée entre la
lésion et la maladie — des termes ambigus, mal définis, et qui ont au moins deux
acceptions; ex. /lésions mécaniques, réputées telles par les uns, parce qu'elles suc-
cèdent à une cause mécanique (contusion, fractures) et par les autres, parce
qu'elles entravent mécaniquement l'exercice des fonctions — des termes vicieux :
lésions chirurgicales et médicales, qui tendent à consacrer, entre la médecine et la
chirurgie, une séparation qui n'existe pas ; lésions idiopathiques spontanées, qui
pourraient faire croire que la matière s'altère d'elle-même et sans causes, etc.
Cette regrettable richesse s'explique par le défaut d'unité introduit dans l'étude
de la science médicale pai- les spécialistes : médecins ou chirurgiens, anatonio-
pathologistes purs et praticiens exclusifs, et surtout par les points de départ très-
différents que les auteurs ont adoptés dans leurs classifications. Enjetant les yeux
sur ces dernières, on voit que les unes sont basées sur la physiologie ou sur la patho-
logie, les autres sur l'anatomie générale ou sur l'étiologie, souvent même sur toutes
ces branches à la fois. En revanche quelques auteurs ont voulu faire, de l'anato-
mie pathologique, une science à part, indépendante, ayant en propre une méthode
d'étude spéciale. Malgré tout le respect que doit inspirer l'autorité des Laennec,
des Mcnckel, des Andral, des Cruveilhier, desVogel, etc., il est impossible d'accep-
ter eu entier les classificalions qu'ils ont proposées, tant elles prêtent à la critique
et s'éloieuent de la méthode naturelle.
Il en résulte pour les modernes soucieux de la clarté, de la précision et delà
méthode, un grand embarras et l'alternative de critiquer les maîtros ou de s'en-
gager à leur suite dans une mauvaise voie.
11 faut prendre résolument le premier parti, mais comme il serait trop long et
d'ailleurs iuopiiortun ici d'argumenter une à une et terme cà terme les classifica-
tions antérieures, je me contenterai d'indiquer comment, à mon sens, on doit
coordonner les désordres nombreux dont l'organisme est le siège.
Au préalable, disons de suite que l'antique division des lésions en physiques,
organiques et vitales, qu'on retrouve encore dans plusieurs traités récents, doit
être définitivement abandonnée. J'ai déjà rejeté le terme de lésions vitales comme
inexact et équivoque. En 1818, le Dictionnaire en 60 volumes (t. 27, 485) ne le
conservait qu'avec restriction, en revanche il fusionnait déjà les lésions physiques
et organiques. « Elles ne forment qu'une seule classe... Toutes sont physiques
puisqu'elles s'annoncent par des caractères évidents que l'œil aperçoit et que la
main touche... Toutes sont organiques puisqu'elles sont une altération de la ma-
nière d'être d'un organe. » MM. Littré et Robin parlent dans le môme sens. (Dic-
tionn. deNysten, 1865.) Partant de ce principe qu'on doit nécessairement rattacher
la lésion d'une partie à l'état normal de cette partie et qu'un organe lésé ne dif-
fère d'un organe sain que par un changement dans les conditions matérielles, on
est conduit à adopter pour l'anatomie pathologique la méthode qui sert en anato-
mie normale. Or celle-ci reconnaît aux parties constituantes des corps une série
de caractères d'ordre mathématique, physique, chimique et anatoraique, savoir :
nombre, figure, forme, dimension, densité, consistance, couleur, saveur, odeur,
situation, rapports, constitution élémentaire ou structure, arrangement particu-
lier des éléments ou texture^ composition chimique, etc. Donc l'anatorao-
LESION. 207
pathologiste doit tout d'abord classer les lésions eu celles da nombre, de la
forme, du volume, de la consistance, des rapports, de la structure, de la compo-
sition chimique, etc.; admettre en un mot autant de lésions primordiales que la
matière organisée compte de caractères fondamentaux.
Plusieurs de ces lésions primordiales, qu'on pourrait avec Cruveilbier appeler
espèces analomiques morbides, ont déjà reçu des noms particuliers : difformités,
iléplacemeuts ou ectopies, hétérotopies, induration, ramollissement, hypertrophie,
ou atrophie, etc. On peut laisser aux grammairiens médicaux la tâche utile de
compléter le vocabulaire de ces espèces, mais il appartient aux anatorao-patholo-
gistesdc les décrire avec assez de précision et declartépour qu'on les puisse recon-
naîti'e en tous lieux, à tous les degrés, aussi bien à l'état d'isolement qu'à l'état
de combinaison. Cette maiiière de procéder est tout à fait naturelle. Remarquons
bien que volontairement ou non l'esprit ne suit pas d'autre marche ; à l'amphi-
théâtre comme au lit du malade, on s'enquiert avant tout du mode de change-
ment survenu dans l'organe affecté. Est-il plus dur ou plus mou, plus gros ou
plus petit, hypérémié ou anémié, occupe-t-il sa place habituelle, contient-il les
mêmes éléments anatomiques qu'à l'état normal et dans les mêmes proportions?
Comme s'il s'agissait d'anatomie descriptive, on emploie à acquérir ces notions,
les sens seuls ou aidés d'instruments de précision. Le toucher apprécie la consis-
tance, l'œil juge de la coloration, du nombre, du volume, des rapports. On appelle
à son aide le scalpel, la balance, le microscope, les réactifs chimiques, etc.
.l'ajoute que cette marche n'est pas nouvelle. Bichat et ses continuateurs ont
étudié et décrit la plupart des lésions primordiales dans les organes, les tissus,
les systèmes, à la vérité sans les imposer résolument comme les seules bases de
classification pour l'anatomie pathologique. Ils ont donc pris la bonne route ; on
peut seulement leur reprocher de n'avoir pas attaqué la série par sa base, en
d'autres termes d'avoir pris pour point de départ les lésions de tissus qui sont
déjà très-complexes.
Les modernes n'ont pas changé de voie; plus logiques seulement, ils remontent
jus(ju'aux vraies origines et, à l'exemple des chimistes qui étudient les corps sim-
ples avant leurs composés, ils recherchent les lésions dans les éléments anatomi-
ques et les principes immédiats qui senties corps simples, les parties irréductibles
de l'anatomie.
Ils adoptent d'abord comme suffisamment démontrées les propositions
suivantes :
1° Les organes constituants du corps ont une composition plus ou moins com-
plexe; la plus simple de nos humeurs renferme plusieurs principes immédiats;
le plus simple de nos tissus, plusieurs éléments anatomiques de même espèce
ou d'espèces différentes, mais toujours agencés d'une façon particulière et
spéciale.
2" Chaque principe immédiat, chaque élément anatomique présente des carac*
tères que déterminent la chimie et l'anatomie. Les principes immédiats ont un
siège et une proportion définis, l'albumine ne se trouve point dans la salive, elle
existe dans le sang en quantité qui varie, mais dont nous avons la moyenne ; de
même les éléments anatomiques ont un siège, une distribution, des dimensions,
des rapports précis et constants. Chacun d'eux, tube, fibre, cellule, en dépit de
son petit volume, est un organe aussi distinct, aussi intéressant que le rein ou le
cœur et doit être étudié avec autant de soin et parles mêmes procédés.
3° Tout changement intervenu dans la répartition, la position, la quantité ou
208 ^ LESION.
la qualité d'un principe immédiat ou d'un élément anatomique constitue une lésion
plus ou moins évidente, mais absolumeut incontestable.
4" Étant reconnue ou soupçonnée une lésion dans un organe quelconc[ue,
liunieur ou solide, il faut chercher quel principe immédiat, quel élément anato-
mique, est altéré et quel mode d'altération il a subi.
5» Que la lésion soit circonscrite ou étendue, qu'elle porte sur un système, un
appareil, une région, un organe, un tissu, elle doit toujours eu définitive être
réduite par l'analyse à l'altération d'un ou de plusieurs des principes immédiats
ou des éléments anatomiques constituant les parties affectées.
6" Conclusion indiscutable : la vraie base de l'anatomie pathologique réside
dans l'étude et la description des lésions élémentaires et des altérations chimiques
ou autres des principes immédiats.
7° Cette recherche des infiniment petits anatomiques et chimiques que nos
prédécesseurs négligeaient, dédaignaient ou méprisaient, est la gloire de notre
époque, sans doute elle n'est pas achevée, présente et présentera longtemps en-
core des lacunes et des obscurités, mais les résultats qui lui sont dus sont im-
menses déjà. D'ailleurs, comme elle repose sur des assises inébranlables et part
de prémices indéniables, elle conduira avec le temps à la vérité tout entière. Aussi
peut-on sans exagération, mais non sans un légitime orgueil considérer comme
un grand siècle pour la science médicale celui qui commence par Bicliat et finit
par l'Ecole histologique moderne.
La connaissance des lésions élémentaires une fois acquise, rien de plus facile
que de constituer l'anatomie pathologique spéciale et générale. Ainsi s'élèvera-
t-on sans peine de la lésion élémentaire à la lésion de tissu, de celle-ci à la lésion
d'organe et successivement de système ou d'appareil et enfin jusqu'à ces altéra-
tions totius suhstantlœ qui constituent le substratum matériel des diathèses et
des maladies générales et constitutionnelles. On procède ainsi à pas lents, du
simple au compliqué, du connu à l'inconnu et, pour ma part, je n'entrevois aucun
désordre, si complexe et si multiple qu'il paraisse qui puisse se soustraire à cette
méthode rigoureuse et certaine.
Ceux-là donc sont injustes ou ignorants qui accusent les anatomo-pathologistes
modernes de se confiner dans les faits de détail et les défient de s'élever jusqu'aux
sommets élevés de la synthèse. A la vérité, nous nous préoccupons surtout de
combler la lacune laissée par nos prédécesseurs, mais l'avenir montrera bientôt
combien le reproche d'exclusivisme est peu fondé.
Tout en adoptant sans arrière-pensée pour les lésions une classification calquée
sur celle qui prévaut en anatomie normale, je ne conteste point l'utilité pratique
ni même l'attrait d'un autre mode de groupement ayant pour base la notion étio-
iogique.
La lésion constatée, il est naturel et bon d'en chercher l'origine, puis, celle-ci
trouvée, on est tenté de s'en servir pour composer des espèces, des genres et dcs>
Classes. C'est en suivant cet ordre d'idées que nombre d'auteurs ont admis des
lésio'ns de cause interne ou de cause externe, des lésions physiques, chimiques,
traumatiques, vitales, spontanées, primaires ou idiopathiques, secondaires et symp-
tômatiques,etc. Je ferai seulement remarquer qu'en poursuivant la recherche des
causes on sort du terrain de l'anatomie pathologique pure pour entrer sur celui
de la pathologie. La connexion entre la cause et la production d'une lésion est
étroite et évidente, mais la connaissance de ce rapport constitue la pathogénie
branche tout à fait distincte de la science médicale et qui suppose connues les lé-
LÉSION. 209
sions matéiielles d'une part, et de l'autre l'étiologie propremeut dite. La produc-
tion de la lésion une fois élucidée, étudiez-eu les elfets et les conséquences, c'est-
à-dire les symptômes et l'évolution, et vous avez la pathologie toute entière. A
coup sur il faut bien arriver à rallier les éléments divers de cette dernière,
niais il ne iaut pas pour cela les confondre, car s'il est indispensable de réunir
les anneaux de la chaîne, il convient tout autant de les forger et de les limer
isolément.
Au reste, pour montrer comme je comprends la formation de ces groupes si
commodes pour l'application, et à ce titre si chers aux praticiens, je prendrai
comme spécimen une classe des plus naturelles et des plus universellement ad-
mises; je veuxparler des lésions traumatiques. Je me contenterai d'en donner la
définition et les caractères, laissant à d'autres le soin d'en fournir une descrip-
tion complète. {Voy. BLESsur.ES, Plaies, Traumatisme, etc.)
Lésions traumaiiques (de rpaûp-a, blessure) . Ce terme de date assez récente
tend à remplacer dans la nomenclature moderne les mots blessures, violences ex-
térieures, lésions physiques, mécaniques, chirurgicales, et désigne comme eux les
désordres accidentellement produits par des agents vulnérants étrangers à l'éco-
nomie ou par un acte physiologique exagéré. Cette substitution est légitimée par
rinsuflîsance des dénominations anciennes dont le sens est trop z^estreint ou
trop étendu.
En adoptant ce néologisme on a négligé d'en donner une défuiition claire et
précise, je vais m'efforcer de réparer cet oubli et cela semble d'autant plus utile
que les lésions traumatiques forment une classe très-nombreuse et très-naturelle..
Très-nombreuse parce que toutes les parties du corps en peuvent être atteintes
et de mille manières dilïërentes; très-naturelles parce que, malgré l'infinie variété
qu'elles présentent et les combinaisons multiples qu'elles affectent avec d'autres
états pathologiques elles se distinguent nettement des lésions dites physiques,
mécaniques ou organiques par une série de caractères constants, faciles à déter-
miner et tirés de la cause, de la nature de la lésion, des troubles fonctionnels
qui en résultent, et de la marche ultérieure de l'accident.
Ces caractères sont au nombre de cinq ;
Caractère étiologique. La cause vulnérante agit à l'improviste, pendant un
temps habituellement fort court et sans prédisposition nécessaire.
Caractère anatomique . La lésion consiste essentiellement en une diérèse, une
séparation violente et instantanée de parties normalement réunies, uue solution
de continuité ou de contiguïté.
Caractère physiologique . La lésiontraumatiquea pour conséquence des change-
ments immédiats dans la forme, les rapports, les propriétés, les usages et
fonctions delà partie lésée; ces changements temporaires ou définitifs peuvent être
calculés à l'avance, car ils dépendent rigoureusement de la nature des organes,
tissus ou éléments blessés.
Caractère 'pathologique, ^ouio, lésion traumatique suscite inévitablement et
presque soudainement une irritation locale, qui provoque à son tour une série
de processus réparateurs ou destructeurs ; cette irritation et ses suites peuvent
rester circonscrites au point blessé ou s'étendre au voisinage et môme à l'orga-
nisme tout entier. Dans ce dernier cas la lésion traumatique la plus insignifiante
au début peut devenir grave jusqu'à la mort inclusivement.
Caractère pronostique. Les lésions traumatiques ont une tendance naturelle â
la guérison spontanée : lorsqu'elles portent sur des tissus normaux, atteignent
DicT. Ë^G. a°s. II. 14
210 LESION.
un organisme sain, ns lèsent jias un organe trop essentiel à la vie et n'occasion-
nent pas de trop grands désordres primitifs ; lorsqu'entin le blessé se trouve dans
un milieu salubre. Les conditions opposées neutralisent celle tendance heureuse
et engendrent des accidents locaux ou généraux dont la nature et l'art ne triom-
phent pas toujours.
Ce n'est pas le seul désir d'être méthodique qui me fait énumérer complai-
samment sous ces caractères, leur admission a plusieurs avantages, elle nous
permet de tracer le cadre complet des lésions traumatiques, d'en éhminer des lé-
sions très-voisines à la vérité, mais dans lesquelles un ou plusieurs de ces carac-
tères manquent, de discuter le synonymie classique, de justifier enfin l'intro-
duction d'un terme générique, sinon nouveau du moins mal défini jusqu'à ce jour.
Dans le cadre des lésions traumatiques se rangent :
1° Toutes les solutions de continuité produites par un agent extérieur mis en
conflit avec nos organes : fractures, luxations, contusions, plaies, etc., lésions
types sur la classification desquelles tout le monde est d'accord.
2*^ Les solutions de continuité dans lesquelles on ne trouve comme cause
ni agent vulnérant, ni violence extérieure, mais une action mécanique vio-
lente et instantanée résultant du jeu même de nos organes. Exemple : les rup-
tures ou déchirures qui surviennent aux muscles, aux tendons, aux aponévroses,
aux vaisseaux, aux canaux et réservoirs sous l'influence d'une contraction mus-
culaire volontaire ou non, ou d'une distension soudaine et exagéré, en un mot
d'un effort actif ou passif. 11 n'est possible ni en nosographie ni en pratique de
séparer la fracture succédant à un choc de celle qu'engendre un violent effort mus-
culaire; dans les deux cas nous constatons l'instantanéité de la cause, la diérèse
brusque, l'abolition subite des fondions, l'irritation primitive et la réparation
consécutive, la tendance naturelle à la guérison; il y a donc identité. C'est pour
ces motifs qu'il convient de modifier la définition actuelle qui n'admet pour cau-
ses des lésions traumatiques que les violences extérieures. Ces solutions de con-
tinuité de cause interne sont beaucoup plus fréquentes qu'on ne le dit; à la vé-
rité, elles passent souvent inaperçues en raison de leur étendue minime, de leur
siège dans l'intimité de nos tissus et des troubles médiocres qu'elles suscitent.
Mais elles jouent certainement un rôle essentiel dans les déplacements progressifs :
hernies, prolapsus prétendus spontanés et qui supposent cependant une destruc-
tion des moyens de fixité; dans les dilatations pathologiques, les insuffisances
valvulaires veineuses, les hémorrhagies capillaires, les apoplexies, etc., et aussi
dans une foule d'affections duressort delà pathologie interne auxquelles les anato'
rao-pathologistes doivent restituer leur véritable origine.
Ces remarques prouvent amplement que les mots violences extérieures , bles-
sure, que les auteurs du Compendiumde chirurgie définissent « solution de conti^
nuité apparente ou cachée, occasionnée par une violence extérieure (t. 1, 505) » , ne
peuvent désigner l'ensemble des lésit)ns traumatiques. Lésions externes, lésions
chirurgicales sont également insuffisants ; ce dernier, surtout, est impropre, car
il doit être réservé aux seules lésions pratiquées par le chirurgien, c'est-à-dire aux
opérations; d'oii il suit que toute lésion chirurgicale est traumatiquc, mais que la
réciproque n'est pas vraie.
Si les termes précédents sont trop restreints, en revanche ceux de lésions
physiques, lésions mécaniques adoptés par divers auteurs, Richerand, Vidal, les
auteurs du Compendium, sont beaucoup trop étendus et englobent, dans leur
acception, des lésions essentiellement différentes des lésions traumatiques. J'ac-
LES TERNES (eau minérale de). 211
corde que ces dernières sont produites pardes agents physiques ou mécaniques, agis-
sant physiquement ou mécaniquement. Je veux bien que toute lésion traumatique
soit de l'ordre des lésions physiques ou mécaniques, mais je rejette le réciproque.
Sien effet on faisait la confusion que je combats, il fliudrait ranger à côté des plaies,
des ruptures, des luxations, etc., les simples pressions, la compression et toutes
ses conséquences y compris, la mortilîcation des tissus qui y sont soumis, l'inter-
ruption du cours du sang dans un vaisseau, de l'influx nerveux dans un nerf et
tous les effets primitifs ou éloignés que produisent sur l'organisme le froid, le
chaud, la lumière, l'électricité ; puis comme plusieurs de ces agents dits physi-
ques agissent chimiquement sur nos tissus (lumière, électricité), il faudrait, pour
être logique, ranger dans les lésions traumatiques toutes celles qui résultent de
l'application des caustiques, enfin si lasimple circonstance de cause physique suffi-
sait, ne faudrait-il pas annexer encore toutes les inflammations ou affections orga-
niques consécutives à l'action directe du froid, depuis l'adénite du cou jusqu'au
rhumatisme articulaire et à la périostite suppurée. Notre deuxième caractère nous
permet de sortir facilement d'embarras; quels que soient sa cause, sa nature et son
mode d'action, la lésion ne sera traumatique qu'en cas de production immédiate
d'une solution de continuité. Or c'est ce qui manque dans la compression, dans
l'action superficielle des agents dits impondérables et dans la réaction chimique
que diverses substances exercent sur nos tissus. La diérèse plus ou moins tardive
produite par l'action énergique de ces agents physiques, mécaniques ou chimi-
ques, appartient alors à la catégorie des lésions organiques et nécessite Tinter*
vention du processus inflammatoire ulcératif, atrophique, etc.
Je conclus de tout ce débat que le terme de traumatique est nécessaire pour dé=
signer tout un ordre de lésions et j'en propose la définition suivante : La lésion
traumatique est une lésion externe ou interne, apparente ou cachée, accident
telle, locale, issue sans prédisposition nécessaire d'une violence extérieure ou
d'une action physiologique exagérée, caractérisée par T instantanéité delà cause ^
la production immédiate d'une solution de continuité dans nos tissus, V appari-
tion subite de modifications morphologiques ou fonctionnelles, le développement
très-prochain d'une irritation au point lésé et la tendance naturelle à la répa-
ration spontanée.
En procédant de la même manière, c'est-à-dire en précisant les caractères spé-
ciaux étiologiques, anatomiques, physiologiques, etc., on arriverait à définir rigou-
reusement les lésions mécaniques, chimiques, organiques, celles-ci résultant du
jeu même des organes augmenté, diminué ou perverti.
Le défaut d'( space m'interdit les développements dans lesquels il faudrait en-
trer pour établir et limiter ces groupes; le même motif m'empêche de discuter
ici plusieurs questions importantes : comment se produisent les lésions anatomi-
ques — comment, une fois produites, se révèlent-:lles et donnent-elles naissance à
des symptômes — toute lésion se traduit-elle par des signes et engendre-t-elle
des troubles fonctionnels latents ou patents — existe-t-il des troubles fonctionnels
sans lésion et des affections sans désordre matériel temporaire ou permanent —
comment se réparent les lésions et quel est, dans cette réparation, le rôle respec-
tif de la nature et de l'art, etc.; pour être différée, la solution de ces grands pro-
blèmes n'en sera pas moins tentée, sinon toujours donnée, dans la suite de ce
recueil [voy. Étiologie, Maladie, Pathogénie, etc.). Verkeuil.
LES TËRIVIES (Eau jiikérale de)j font aujourd'hui partie du xvii"' arrondisse-
212 LÉTHARGIE.
ment de Paris. Le point d'émergence de la source des Ternes se trouve à gauche
et tout]U'ès du chemin de fer de Parisà Auteuil, dans une pièce d'eau sur laquelle
on se promène en barque, au bas du parc de madame Haincque-Demours qui liabite
l'hôtel portant le n" 21 de la rue Pemours. Nous n'avons pas distingué le bouillon-
nement indiquant la place du griffon de la source qui alimente la pièce d'eau ;
mais nous pouvons affirmer que l'on ne peuc apprécier, ni par l'odorat ni par le
goût, la qualité sulfureuse de son eau. La pièce d'eau est recouverte de la couche
irisée particulière à l'eau qui stagne depuis un certain temps. Si nous n'avions pas
connu les rudiments d'analyse chimique, r{ue nous croyons inulile de rapporter
ici, publiés par M. Ossian Henry sur l'eau sw^/affie calcique sulfureuse des Ternes,
nous ne nous serions jamais douté que nous étions en présence d'une mare d'eau
minérale. Comme cette eau n'a pas, et n'a jamais eu d'appHcations thérapeutiques,
nous ne croyons pas devoir nous y arrêter plus longtemps ; nous proposons même
de rayer du cadre hydrologique la source des Ternes, dont les auteurs ont parlé,
parce qu'ils ]ie l'ont pas visitée. A. R.
LÉTn4R€iIE ();ï36«p')/îa ; l-hQocpyoç, de Vflôij, oubli, et àoyôr,, oisif, inactif, ou
àpyia, oisiveté; veternus owveternum des auteurs latins). Ce terme, après avoir
joué un rôle considérable dans le langage médical de l'antiquité, est tombé dans
le domaine public, oii il est encore d'un usage fréquent; mais ses applications
scientifiques sont très-restreintes, et l'on peut dire qu'à notre époque, il n'a plus
qu'un intérêt historique.
Piien n'est plus divers et confus que ce qui a été écrit là-dessus, depuis Hippo-
crate, par les médecins le? plus autorisés, et ce désordre s'est perpétué jusqu'au
siècle dernier. Ce serait, à notre avis, un travail bien stérile que de pénétrer dans
un pareil dédale; l'idée moderne n'ayant que des rapports très-éloignés avec celle
des anciens . Voici d'ailleurs un aperçu sommaire de la doctrine que, sur le lethar-
gus, professaient les plus classiques.
C'est, disent-ils, une propension excessive au sommeil, avec perte de la mé-
moire , altération de l'imagination et du raisonnement, fièvre lente et sub-
continue.
Les individus atteints de ce mal, qui tient le milieu entre le corna vigilet h
cariis, irrésistiblement enclins à dormir, oublient tou!e chose et délirent. Si, à
l'aide d'excitations, on parvient à les réveiller et à leur arracher une réponse, ils
retombent tout aussitôt dans l'état de somnolence, d'où on les a momentanément
tirés. Il y a une fièvre lente, continue, avec des redoublements vespcrins, et
pourtant la chaleur n'est ni acre ni mordicante. Le pouls est intermittent, la res-
piration faible et ralentie, la faculté motrice languissante. On observe parfois de
la toux ; Je plus souvent les excrétions alvines sont liquides et les urines jumen-
teuses. Les yeux sont saillants, la face pâle et tuméfiée, la langue est blanche, la
sueur copieuse, surtout aux extrémités, qui sont froides. Fréquemment, il y a du
hoquet et du tremblement des extrémités.
Le léthargus est une maladie aiguë, presque toujours mortelle, et qui tue en
général dans le premier septénaire. Galien estime qu'elle a une gravité plus grande
que celle de la péripneumonie. Il peut arriver qu'elle produise l'hémiplégie par le
sphacèle d'une partie du cerveau, lorsque le sang pituiteuY, menant à se tuméfier,
engendre un abcès.
Elle se distnigue du carus, dans lequel la fièvre, si elle e.viste, est primitive;
la catalepsie, parce que les malades y ont les yeux ouverts et restent dans la
LÉTilARG E.
po?itiou où on les met; de l'apoplexie, qui se produit brusquement et dans
laquelle les mouvements, la raison et les autres facultés, non-seulement sont
affaiblis, mais complètement abolis; du coma, qui se manifeste durant un accès
de fièvre et finit avec lui ; de la typhomanie, ou coma vigil, parce que le malade,
bien que porté à dormir, ne dort pas en réalité ou s'éveille facilement ; de l'byslé-
rie, celle-ci étant caractérisée par des convidsions avec absence de fièvre.
La nature de la léthargie avait beaucoup préoccupé les anciens ; ils en trouvaient
la cause prochaine, dans une pituite visqueuse qui affluait au cerveau et s'y corrom-
pait. D'ailleurs, les avis étaient partagés sur le siège de cette humeur et son mode
d'action. Suivant l'opinion la plus commune, elle envahit non-seulement les an-
fractuosités, mais la substance cérébrale elle-même, qui se gonfle à la manière
d'une éponge. Aussi quelques auteurs rangent-ils le léthargus parmi les tumeurs
cérébrales, et Avicenne, par exemple, appelle léthargus un aposthème phiegma-
sique engendré dans les méats de la substance cérébrale. L'opinion de Galien sur
ce point d'étiologie mérite, par sa bizarrerie, d'être rapportée : « Le délire, dit-il,
guérit le léthargus par la coction de la matière morbide, et, par contre, le délire
devient léthargus par l'extinclion delà chaleur naturelle du cerveau. »
On imaginerait malaisément un tissu d'erreurs plus inextricable que celui-là.
Après avoir pris connaissance de ce thème, le lecteur, j'ose l'espérer, me par-
donnera de n'avoir pas donné plus de développement à l'analyse de ce que les
médecins de l'antiquité ont écrit sur la léthargie. Pour eux, la fièvre et le coma ou
la somnolence se manifestant ensemble, voilà ce qui la constitue. Cela suffit à dé-
montrer combien ce terme était compréhensif ; car l'état qu'il représente est un do
ceux qui se manifestent le plus souvent, dans l'évolution de certaines pyrexies et
des toxémies.
■ Aujourd'hui, nous sommes bien loin de lui attribuer une signification aussi
étendue : voici comment la définit M. Littré : « Un sommeil profond et continuel,
dans lequel le malade parle quand on le réveille, mais ne sait ce qu'il dit, oublie
ce qu'il a dit et retombe promptement dans son premier état. » Elle est essen-
tiellement apyrétique; et ce qui en fait un état morbide à part, c'est la durée
excessive du sommeil, unie à l'absence de tout souvenir. D'ailleurs, on ne constate
aucun trouble notable dans la respiration et dans les phénomènes circulatoires, si
ce n'est parfois une diminution de fréquence et de force dan? les mouvements du
thorax et dans les battements du cœur. La peau est fraîche, les membres sont
imnaobiles et dans la résolution. Au réveil, il y a le plus souvent du trouble dans
les idées et de la lourdeur de tète.
Certains sommeils léthargiques tiennent en quelque sorte le milieu entre la
maladie et l'état pliysiologique ; car on les observe ]jresque toujours à la suite d'un
travail excessif et longtemps continué. Tels sont, par exemple, le cas rapporté par
Félix Plater, d'un homme qui, excédé de fatigue, dormit trois jours et trois nuits,
et le fait cité par Salmuth d'une jeune fille qui, ayant danse pendant deux jours,
dormit quatre jours et quatre nuits.
Les émotions morales brusques et violentes ont parfois provoqué la léthargie.
Dans la monographie qu'il lui a consacrée, Pfeudier en rapporte des exemples cu-
rieux. Ou l'a observée chez des individus atteints d'aliénation mentale; mais de
toutes les maladies qui peuvent la provoquer, la plus fréquente sans contredit est
l'hystérie, et les histoires que l'on trouve reproduites par tous les auteurs qui se
sont occupés du sujet, ont trait à des femmes hystériques. Aussi renvoyons-nous à
'article consacré à cette névrose. {Vioy. Hïstéiuî.)
214 LE TREIPORT.
Il est une confusion contre laquelle nous ne saunons trop nous élever, la ren-
contrant à chaque instant, clans des écrits d'ailleurs très-recommandables. C'est
celle qui consiste à identifier la léthargie avec la vwrt apparente. Les considéra-
tions qu'entraîne ce point de nosologie, trouveront naturellement leur place dans
l'article qui sera consacré à ce dernier ternie, mais il nous est impossible de ne pas
dire ici brièvement en quoi diffèrent ces deux états. Dans le premier, les mouve-
ments respiratoires et ceux du cœur peuvent être affaiblis et ils le sont habituelle-
ment; mais ils existent et sont toujours perceptibles. Dans le second, au contraire,
la vue la plus perçante, le toucher le plus délicat, l'ouïe la plus fine, ne font décou-
vrir aucune manifestation active du côté du cœur et des poumons, {Voy. Mort
APPARENTE.)
Il est un autre état qu il faut bien se garder de confondre avec la léthargie, c'est
celui dans lequel tombent les animaux hibernants, quand la température exté-
rieure s'abaisse à zéro ou au-dessous. Sous l'influence du froid on les voit s'agiter,
leur température s'élève par une suractivité respiratoire, et ils se réveillent; mais,
la cause prolongeant son action, ils ne tardent pas à s'épuiser ; leur respiration se
ralentit, ils se refroidissent et tombent dans une torpeur profonde : c'est la léthar-
gie par le froid, qui est caractérisée par une suspension totale des fonctions. Plus
de sensibilité, môme sous l'influence des excitants les plus énergiques ; plus de
circulation; le sang stagne dans les vaisseaux abdominaux et le cœur, qui ne bat
plus ; les parois thoraciques sont complètement immobiles. On peut alors impu-
nément plonger les animaux pendant plusieurs heures dans l'eau, dans l'acide
carbonique ou des vapeurs arsenicales ; ils n'éprouvent dans ces milieux aucun
dommage ; il s'agit, dans ces cas, d'un état très-caractérisé de mort apparente et
nullement de léthargie.
Le causus et la phrénitis formaient autrefois, avec le léthargus, un groupe
spécial de fièvres pseudo-continues. (Foy. Causus et Phrénitis.) J, Parrot,
LÉTHARGUS. Voy, Léthargie.
LE TRÉPORT (Station marine), daus le département de la Seine-Inférieure,
dans l'arrondissement de Dieppe, est un chef-lieu de canton ayant une population
agglomérée de o,6981iabitants. Le Tréport, Ullerior portus, est un petit port sur
la Manche, à rembouchure de la Bresle, à 28 kilomètres au nord-est de Dieppe et
à 4 kilomètres de la ville d'Eu ; son industrie principale consiste dans la fabri-
cation de la dentelle, dans plusieurs entrepôts de sel, et surtout dans la pêche du
hareng. (On s'y rend par les deux lignes de fer du Nord et de l'Ouest, station de
Saint-Valery-sur-Somme.)
Les bains de mer du Tréport sont très-rapprochés de Paris, aussi sont-ils très-
fréquentés, depuis quelques années surtout, par les personnes qui veulent les
commodités de la vie et qui craignent les plaisirs bruyants et fastueux de quelques
stations marines environnantes. On a construit l'établissement de bains à l'entrée
du port, au centre d'une pelouse de gazon mouillée par les vagues lorsque la
mer est haute. Une promenade où l'on a installé des appareils de gymnasiique et
des jeux champêtres est au voisinage de l'hôtel des bains composé d'une belle
salle, d'une grande et vaste galerie et de plusieurs salons pour les bals et les
concerts qui se donnent pendant la saison des bains de mer.
Les bains de mer se prennent au Tréport, soit en commun, soit en particulier,
sur une partie de la plage exclusivement réservée ù l'un ou à l'autre .sexe. La
LETTRES (gens de). • 2J5
plage du Tréport est constituée par un sable plus doux et plus uni que dans beau-
coup d'autves points du littoral de la Manche. Â. R.
liETTSiES (Gens de). Hygiène. On appelle généralement gens de lettres
tous ceux dont les travaux produits de l'intelligence s'adressent avant tout à l'intel •
ligence. On peut en faire deux classes : 1" les Utlérateurs proprement dits :
poètes, romanciers, auteurs dramatiques, etc , chez lesquels Ximacjinalionczi,
je ne dirai pas la folle, mais la maîtresse du logis. Il convient d'y rattacher les
musiciens (compositeurs), les peintres, les sculpteurs ; 2» les hommes adonnés
aux différentes sciences (mathématiques, physiques, etc.), les historiens, les ju-
ristes, les érudits chez lesquels le raisonnement est la faculté en exercice. Quant
aux commis, aux copistes dont la main est plus occupée que l'esprit, il en sera
question au mot ÉcniVAiiX ; ils n'ont de commun avec les gens de lettres que la
vie sédentaire. — D'un autre côté, il existe un certain nombre de professions ou
de positions sociales, dans lesquelles la méditation, la tension des facultés intel-
lectuelles jouent un très-grand rôle, c'est ce que l'on voit chez les spéculateurs,
les négociants qui passent leur vie à calculer les chances bonnes ou mauvaises de
leurs entreprises, chez les hommes d'État. On pourra donc appliquer à une foule
de cas particuhers ce que nous avons à dire du fonctionnement exagéré du cer-
veau chez les gens de lettres.
Les conditions qui peuvent altérer la santé des personnes livrées aux travaux
de l'esprit sont les suivantes :
i° Excitation cérébrale. Si elle est passagère, les* effets le sont également ; ainsi,
après une méditation profonde et continuée pendant plusieurs heures, on obser-
vera de la céphalalgiç, ou de la pesanteur à la tète avec chaleur, étourdissements,
vertiges, palpitations. L'ébranlement peut même avoir été porté au point d'occasion-
ner des troubles dans les idées, et des conceptions délirantes de peu de durée. 11 y
a quelquefois, à la suite, un état de faiblesse quipersiste pendant un certain temps.
Lorsque cette action se reproduit d'une manière habituelle, les effets prennent
alors une forme en quelque sorte chronique et retentissent sur toute l'économie ;
le cerveau devient un centre d'activité aux dépens des autres appareils. Il en
résulte, comme le dit Réveillé-Parise, un état permanent ^.'intempérie nerveuse
ou de diathèse d'irritabilité qui amène un affaiblissement dans la puissance de
réaction ; et, en effet, suivant la remarque judicieuse de Tissot, la méditation
épuise, comme le feraient des évacuations excessives. On observe alors une ex-
trême irapressionnabilité, qui agit particulièrement sur le caractère, devenu
ombrageux et jaloux {gemis irritabile vatiim), une sorte d'abattement avec tris-
tesse maladive, qui porte facilement les gens de lettres et les savants à la mélan-
colie et à l'hypocliondrie, la privation du sommeil, etc., etc. Cette fatigue du
cantre nerveux explique la fréquence des affections cérébrales chez les personnes
dont nous parlons. Les méningites, les congestions au cerveau sont ici très-
communes; mais c'est surtout l'apoplexie qui, de l'aveu de tous les observateurs,
est en quelque sorte la maladie spéciale des penseurs ; on sait que Pétrarque,
Copernic, Malpigbi, Richardson, Linné, Marmontel, Rousseau, Daubenton, Spal-
lanzani, Monge, Cabanis, Corvisart, Walter Scott, etc, etc., ont succombé à des
hémorrhagies cérébrales.
Dans la statistique donnée parEsquirol, de la maison de Charenton, relative-
ment à la fréquence de l'aliénation mentale, suivant les professions, on voit
que sur l,26i admissions, pendant les huit années 1826-35, les professions dites
216 LETTRES (gexs de].
libérales, figurent pour 161, c'est-à-dire 42,6 p. 100. Mais l'influence qui nous
occupe ressort bien mieux encore du tableau suivant, tiré de la statistique sur
l'aliénation mentale publiée, par notre regretté collaborateur Parcbappe, dans ce
Dictionnaire (t. III, p. 40). On voit là, que les bommes livrés aux travaux de
l'esprit occupent le premier rang bien en avant des autres professions, et four-
nissent 5,10 pour 1000 de la population correspondante donnée par les recense-
ments ; tandis que la classe qui donne le plus d'aliénés, après celle dont nous
parlons, celle des marins et des militaires, ne présente que le rapport de 1,99
pour 1000, et la plus favorisée, celle des commerçants 0,42.
Cette catégorie des professions libérales, décomposée, nous offre les relations
suivantes en regard du nombre correspondant de personnes qui exercent ces pro-
fessions : artistes, 9,60 pour 1000; juristes, 8,41 ; ecclésiastiques, 4,15; mé-
decins et pharmaciens, 5,85; professeurs et hommes de lettres, 5,56; fonction-
naires publics et employés, 1,57. En Belgique, mêmes résultats, 4,81 aliénés
pour 1000 dans les professions du domaine de l'intelligence; et seulement, 0,92
pour les professions agricoles.
Les forces, que le cerveau semble accaparer au profit de la pensée, laissent les
autres appareils dans une sorte de langueur, mais c'est particulièrement le sys-
tème digestif qui souffre de ces conditions toutes particulières. La remarque en a
été faite depuis longtemps : Familiaris admodum studiosis stomachi vnbecil-
litas est, quce ipsos plerumque insequitiir, ut timbra corpus (Amatus. Lusit.
Curât, méd. cent. \l,obs. 12) ; et Tissot : « L'homme qui pense le plus est celui
qui digère le plus mal. »
2" A cette cause première de maladies qui rentre dans les causes directes ou
intrinsèques, il s'en joint d'autres résultant du genre de vie des savants (causes
extrinsèques) ; en tète nous devons placer la vie sédentaire et, sans empiéter sur
ce qui sera dit ailleurs à cet égard {voy. Professions) , nous ferons observer que le
défaut d'exercice, le séjour dans un air confiné [voy. Habitations), la station assise,
déterminent des troubles dans la circulation abdominale qui portent particulière-
ment leur action sur le foie, sur la sécrétion biliaire, et contribuent à augmenter les
accidents du côté de la digestion ; il se produit aussi une stase du sang dans les
dernières ramifications de la veine porte, d'où la pi'oduction d'hémorrlioïdes en-
core aggravées par la constipation, celle-ci est très-commune chez les gens de
lettres, et ils la provoquent souvent en résistant au besoin d'aller à la selle, afin
de ne pas interrompre un travail commencé. Ces différentes causes de stagnation
du sang vers les parties déclives de l'abdomen, la rétention trop souvent volontaire
des urines, etc., amènent très-fréquemment des affections graves de l'appareil
génito-urinaire, les catarrhes de vessie, l'incontinence d'urine, la gravelle, mais
surtout la pierre. Civiale a donné une longue hste de savants illustres dont les
dernières années ont été empoisonnées par cette cruelle maladie. [De Vaffect.
cale, p. 649; Paris, 1858, in-8«.)
5" Les veilles prolongées, jointes à l'excitation cérébrale, ont très-souvent pour
effet un sommeil agité, interrompu, tourmenté de rêves se rapportant d'ordinaire
à l'objet des travaux habituels, mais spécialement des insomnies répétées qui
fatiguent beaucoup la constitution en même temps qu'elles augmentent la sus-
ceptibilité nerveuse.
4° Dans certaines professions (avocats, professeurs, prédicateurs, etc.), V exer-
cice forcé de la voix peut déterminer des phénomènes spéciaux dont nous n'avons
pas à nous occuper ici. [Voy. Voix (Hygiène de la).]
LETTRES (gens de). 217
5" Un travail trop assidu, mais surtout ù une lunnère artificielle trop faible ou
trop forte; la lecture de caractères trop fins ou mal conformés, comme il arrive
pour les manuscrits, les recherches micrograpliiques, etc., etc., fatiguent exces-
sivement Vorgane visuel et déterminent soit une sensibilité très-grande de l'œil,
qui l'expose aux ophtbalmics chroniques, soit même un affaiblissement de la vue
qui peut aller jusqu'à la perte totale de cétie importante fonction.
Ces conditions fâcheuses se réunissent, se corroborent en quelque sorte les
unes les autres, de manière à produire djns la santé générale des désordres dont
M. L. Fleury, si bien placé pour les observer, a tracé le résumé suivant : « La
contractillté subit des moditications profondes, tandis que les muscles animés
par le système cérébro-spinal sont souvqnt très-excitables, agités de mouvements
violents, irréguliers, désordonnés, convulsifs; ceux qu'anime le système gan-
glionnaire, sont frappés d'atonie, d'inertie; de là des troubles variés dans les dif-
férentes fonctions et spécialement de la digestion et de la circulation. Vous savez
combien la gastralgie, la dyspepsie, la constipation sont communes parmi les
hommes studieux et sédentaires ; le cœur se contracte moins énergiquement, la
circulation capillaire languit, le sang abandonne la circonférence pour se con-
centrer dans les organes profonds ou déclives ; la face est pâle, la peau sèche,
les extrémités sont froides ; un cercle vicieux s'établit entre la constipation et la
congestion hémorrboïdale, entre la dyspepsie et la congestion hépatique, entre ces
affections et l'anémie, l'asthénie générale. La congestion chronique du foie, que
nous avons étudiée et signalée à l'attention des observateurs, se montre très-lré-
qnemment chez les gens de lettres, les artistes; elle est souvent accompagnée de
mélancolie, de nosomanie, de nécrophobie. Des palpitations nerveuses, anémi-
ques ; des battements de cœur irréguliers, intermittents; une respiration impar-
faite, gênée; une calorification acre, raordicante, complètent le tableau. » {Cours
d'hyg., t. III, p. 155.)
Quelques circonstances particulières doivent encore attirer notre attention.
Ainsi, pour l'âge, on a remarqué certains enfants doués d'une précocité exception-
nelle et qui donnent au développement de l'intelligence le temps consacré par la
nature au dévelo|)pement du corps. On sait ce que. àex'mnnent ce^spetits pt'odiges ;
usés avant le temps, ils ne tardent pas à perdre ces facultés qui avaient excité
l'étonnemenl, ou bien ils succombent, à peine entrés dans la jeunesse, ii des ma-
ladies d'épuisement et de langueur. En général, il ne faut pas trop exiger des
jeunes enfants et les astreindre dès l'âge de huit ou dix ans à des études qu'une
sorte d'instinct fait repousser. {Voy. Éducation, Intelligence.) D'un autre côté,
il y a de graves inconvénients à se livrer à des travaux intellectuels nouveaux
ou inaccoutumés à un âge déjà avancé ; il faut des efforts trop violents de la part
du cerveau, et il en résulte des désordres qui peuvent aller jusqu'à la perte de
la raison. Tissot a très-judicieusement insisté sur ces considérations.
Si l'on compare les ouvriers de la pensée avec ceux de la main {Handwerker,
comme disent les Allemands), on verra qu'au point de vue de la santé, l'avantage
est fout à fait du côté de ces derniers. Le manouvrier, avec ses dix ou douze heui'cs
de fatiguecorporelle, conserve ses forces, ses facultés digestives, son insouciance;
tandis que l'autre n'a, pour ainsi dire, jamais de repos, il s'épuise, demeure tou-
jours souffrant, liypochondriaque. Comme l'a fait observer le docteur Newuliam,
cette différence ne tient pas seulement à ce que l'un mène une vie active, l'autre
une vie sédentaire, mais à la différence dans l'emploi de l'intlux nerveux. .Ahisi,
tandis que chez le savant les fonctions organiques languissent, chez l'ouvrier
218 LETTRl'S (gens de),
proprement dît elles prennent de l'accroissement; aussi les maladies de celul'ci
sont-elles plutôt de nature sthénique, tandis que chez celui-là c'est la taiblesse
qui domine.
I Et cependant si l'on s'en l'apporte aux statistiques, la durée de la vie attein-
drait un cliifire assez élevé chez les gens de lettres. Benoiston de Chàteanneuf a
fait le relevé de la durée de la vie chez les membres des trois académies depuis
leur fondation, et il a obtenu des documents certains sur 758 membres dont
la vie moyenne a été de 68 ans 10 mois, et, en particulier pour l'Académie fravi-
çaise, 69 ans 3 mois ; pour l'Académie des inscriptions et belles-lettres 69 ans
7 mois; pour l'Académie des sciences 67 ans 11 mois. Sur ces 758 académiciens,
595, c'est-à-dire plus de la moitié, ont dépassé la moyenne et parmi eux 145 l'ont
dépassée de beaucoup (124 de 80 à 90 ans, et 21 de 90 à 100). On voit qu'ici il
s'agit de têtes choisies, car, d'une part, les académiciens n'ont été admis dans les
sociétés savantes qu'à un âge déjà assez avancé, de 40 à 50 ans, et, pour la plupart,
dans une certaine position d'aisance. Aussi, B. de Chàteauneuf a-t-il cru devoir
comparer ces résultats avec ceux donnés par l'examen de 1000 savants, pris au
liasard dans la biographie universelle, et appartenant aux différents pays de l'Eu-
rope, il a obtenu ainsi une moyenne de 65 ans 10 mois, c'cst-à dire peu au-des-
sous du chiffre fourni par les académiciens.
Gasper, de son côté, dans ses études sur la durée de la vie chez les médecins,
a noté que, sur 100 personnes, exerçant les professions suivantes, ont atteint l'âge
de 70 ans et au delà : — théologiens, 42 ; — cultivateiu's, 40 ; — employés su-
périeurs, 35; — marchands, artisans, 55; — militaires, 55; — employés subal-
ternes, 32 ; — avocats, 29 ; — artistes, 28 ; — professeurs, 27 ; — médecins, 24.
Enfin Madden {Tlie Infii^mities of Genius, etc., Lond., 1833) a donné le
tableau suivant de la longévité dans les professions libérales : — naturalistes,
75 ans; — philosophes, 70; — peintres et sculpteurs, 70; — -légistes, 69; —
médecins, 68; — théologiens, 67; — philologues, 66; — musiciens, 64; —
romanciers, 62,5; — auteurs dramatiques et auteurs divers, 62; ^ poètes, 57,
(Œsterlen, Hanclb. der med. Statistik, p. 210. Tûbingen, 1865-68.)
Ainsi, malgré leurs infirmités, les gens de lettres fournissent une assez longue
carrière: ce qu'ils doivent certainement àleur sobriété, et à l'aisance, au moins re-
lative, dont ils jouissent.[Ce qui confirme ce que nous avons dit ailleurs {voy. Bou-
chers) qu'une grande vigueur corporelle n'est nullement un brevet de longévité.
Que convient-il de faire pour neutraliser cet ensemble de causes morhifiques?
Le premier soin est d'empêcher la prédominance trop marquée des fondions
intellectuelles sur les autres fonctions de l'économie, et d'étabhr un équilibre
dont la rupture présente de si fâcheuses conséquences : « Parquoy Phton nous
admonestoit sagement, dit Plutarque, de ne remuer et n'exercer point le corps
sans l'àme, n'y l'àme aussi sans le corps, ains les conduire également tous deux,
comme une couple de chevaux attelez à un mesme timon ensemble ; attendu que
le corps besongne et travaille quant et l'àme, au moyen de quoy il en faut avoir
un grand seing et lui rendre le traictement qui luy appartient afin de lui entre-
tenir la belle, bonne et désirable santé, » (Plutarque, les Règles et pre'ceptes de
santé, trad. d'Amyot, in OEuvres.) Ici, le plus difficile n'est pas de tracer les
règles que doivent sui\re les gens de lettres pour conserver leur santé, mais bien
de les leur faire accepter. Les uns par insouciance, les autres par présomption
croyant savoir mieux que les médecins ce qui leur convient, repoussent les
précautions qu'on leur recommande, quitte à les exagérer ensuite et à tomber
LETTRES (GENS de). 210
dans ces ridicules minuties, ces craintes puériles qui caractérisent la nosoniauie.
\° De toutes les précaiitions à prendre, la plus nécessaire et peut-être la plus
difficile à obtenir, c'est la modération dans l'exercice de la pensée. On ne doit pas
prolonger au delà de la puissance individuelle, fort variable d'ailleurs, le travail
intellectuel. Comme toutes les autres fonctions, celles du cerveau sont intermit-
tentes, il faut donc s'arrêter quand la pesanteur ou la douleur de tête avec sensa-
tion de cbaleur viennent vous avertir que l'organe est fatigué et demande du
repos.
2° Le meilleur moyen de lui accorder ce repos, c'est la promenade au grand
air, ou du moins un changement d'occupation. On sait combien sont avantageux
pour les savants et les gens de lettres, les divers exercices corporels, l'escrime, la
gymnastique, le jardinage, l'équitation si appréciée par Boerliaave, certains jeux
actifs tels que le billard, les boules, etc., etc. Ces exer^^ices ne devront pas non
plus être portés jusqu'à la fatigue, et il convient de se reposer quelques instants,
avant de reprendre son travail.
5" On comprend de quelle importance doit être le régime chez des personnes
dont l'estomac est si fréquemment atteint de dyspepsie. Disons d'abord qu'il faut
consacrer au repas un temps suffisant, de manière à se livrer à une mastication
rigoureuse, condition indispensable de toute bonne digestion. Quant au mode
d'alimentation, il doit nécessairement différer suivant les individus, les saisons,
les climats et, sans entrer dans des détails oiseux, disons seulement qu'il doit être
mixte et réparateur; viandes grillées, poissons légers, légumes verts bien cuits,
peu de farineux, éviter les ragoûts épicés, les pâtisseries, les charcuteries, etc.;
les boissons aqueuses, c'est-à-dire, suivant la tolérance de l'estomac, vin coupé
de préférence à la bière et surtout au cidre, seront mises en usage; ceux
dont le système est très-aftlùbli pourront prendre un peu de vin pur, bordeaux ou
vins du Midi. Le café, le thé dont Tissot a blâmé l'abus extravagant qu'on en fai-
sait de son temps, sont réellement très-utiles, mais à la condition d'en user mo-
dérément; une petite tasse de café ou une ou deux au plus de thé noir après le
repas facilitent la digestion et laissent au cerveau toute sa liberté d'action. Il faut
aussi éviter de se livrer à un travail intellectuel actif immédiatement après le prin-
cipal repas; c'est alors que le repos avec causerie familière, une promenade sans
fatigue, préparent très-bien à la méditation qui pourra ensuite avoir lieu sans en-
traver la digestion,
4" Il n'est pas toujours possible aux littérateurs, aux savants, de résider dans
un endroit plutôt que dans un autre. Cependant ils devront, autant qu'ils le pour-
ront, habiter sinon la campagne, du moins un quartier sain, dans une rue large,
occuper un étage élevé et bien exposé, plus spécialement au soleil levant. Pour le
chaulfage on préférera la cheminée au poêle, et pour l'éclairage la bougie ou une
bonne lampe, au gaz. Une très-bonne précaution, quand on travaille aune lumière
arliticielle ou à un jour très-vif, c'est de porter des lunettes teintées.
5" Les personnes dont le cerveau est très-occupé sont habituellement frileuses,
il leur faut donc des vêtements chauds. Chacun suivra à cet égard ses impressions
particulières. Mais ce qu'il faut surtout éviter, c'est le froid aux pieds qui favorise
les congestions du côté du cerveau, et c'est particulièrement au moment du cou-
cher qu'il convient d'y porter remède.
6° La propreté la plus- rigoureuse doit être observée. Tissot a judicieuse-
ment signalé ici la grande utilité des bains froids, surtout suivis d'une franche
réaction : on peut aujourd'hui conseiller les pratiques les plus simples de l'hydro-
220 LETTRES (gens de).
thérapie. Tissol a aussi vanté avec juste raison l'importance des frictions sèches.
7° Enfin on sait combien les veilles sont nuisibles à la santé, un sommeil répa-
rateur de six à sept heures est indispensable, nulle transaction ne peut être
acceptée à cet égard.
Quant aux maladies proprement dites, tous les auteurs sont d'accord pour
rejeter les moyens débilitants trop énergiques et surtout trop longtemps soute-
nus; les adoucissants, les toniques doux doi\ent jouer ici un grand rôle, mais
particulièrement dans la convalescence qui est ordinairement longue et exige un
régime analeptique, l'air pur de la campagne, les eaux gazeuses, ferrugi-
neuses, etc., etc. E. Beaugrand.
Bibliographie. — On comprend que les médecins se soient occupé depuis longtemps delà
santé des hommes qui se consaci^ent aux travaux de l'intelligence ; de là une multitude de
dissertations dont la bibliographie suivante ne peut donner qu'un spécimen incomplet.
Ficixo iMarsili). De sludiosorum sanitale luenda. In De Vita (lib. I), 1489, pet. in-fol. Bonon.,
1501, in-4°, etc. Trad. fr. par Beaufils. Paris, 15il, iu-8°, etc. — Giutaiiolcs (G.). De
litteratorum et eorum qui magislralibus fiinguntur conservanda prœservandaquevaletudine.
Easileae, 1555, in-S". — Horst (Gr.). De tuenda sandale sludiosorum et lilteralorum.
Giessen, 1615, in-8». — Eberfeld. De morhis eruditorum. Duisbergi, lii93, in-4'' — Hoff-
mann (Fr.). De prœcipuo sludiosorum morho ejusgue genuinis causis. Halse , 1699, in-4° et
mDiœl. germ., t. IX. Halœ, 1728, in-8°. — Schrœder. De eruditorum valeladine. llelm-
stadii, liOl, in-8°. — Vesti. De atrophia Ulleratorum. Erlordiœ, 1714, in-4°. — Sciiaciier.
De eruditorum morhis Lipsiœ, 1719, iu-i". — Aïei, (H. C). Lcibmedicus der Studenteii.
Leipzig, 1720, in-S". — Alberti. De antochiria litteratorum. Halœ, 1727, in-4°. — Stahl (G,
Ern). De principalioribus Ulleratorum affeclibiis. Erfordiœ, 1730, in-l". — Cartheuser (J.
Fr.). Progr. déprima ac vera morbi litleralorum origine. Francof. , 1740, in-4''. — Jcch. De
constilutione lileratorum vel cacochymia jjHuUosa cachectica. Lipsiîe, 1740, in-4°. —
Sai.ciiow. De lilteralorum et honoratoriim sanitale luenda. llake, 1746, in-4". — Stock (J. C).
De tuenda sanitale in meditationum laboribus. lenaî, 1751, in-4''. — Pujati (G. A.). Délia
preservazione délia salute de littcrati. Yenezia, 1752, in-S". — Tissot [S. A. D.). De vnlctu-
dine litteratorum. Lausanne, 1766, in-S". Trad. fr. sous le titre : Avis aux gens de lettres
sur leur santé. Paris, 1768, in-12. Traduct. désavouée par Tissot, qui en a donné une lui-
même sous le litre suivant : De la santé des gens de lettres. In OEuvres par Halle, t. IIL
Paris, 18U9, in-S» et Paris, 1826, in-12 (édil. de Boisseau). C'est encore aujourd'hui, au point
de viiepraliquo, le meilleur ouvrage qui ait été écrit sur cette question. — Bienville. Der
Familienarzlimd der ArztderGelelirten. Leipzig, 1776, in-8°. — Ackerîiann (J. Chr. GUI.).
Veber die Krankheiten der Gelehrten. Kùrnberg, 1777, in-8'>. — Von einigen Krankheiten
der Gelehrten und deren Kiiren. Kœln, 1785; in-S». — Verhagen [H.) . De morbis ex nimia lit-
teralura sequi solilis . Lugd. Batav., 1788, in-4°. — IIeerkens (G. Nie). De vahtudine Ullerato-
rum Poema. Groningœ, 1792, in-S». — Liddeiidale. De morbis litteratorum. Mmb. 1800,
in-i°. — BRUNAUD.Z)e l'hygiène des gens de lettres, ou Essai médico-philosophique sur les
moyens, etc. Paris, 1819, in-S". — Aulagnier. Essai sur les principales maladies des gens
de lettres, et sur l'emploi, etc. Th. de Strasb., 1827, n° 828. — Bégin ;E. A). De l'influence
des travaux intellectuels sur le système ptnjsique de l'homme. Ibid , 1828, n" 854. —
ilAXiDEs. The Infirmities 0} Genius, etc., Londou, 1853, in-S». — Réveillé-Parise. Physiologie
des hommes livrés aux travaux de l'esprit. Paris, 1834, 2 -vol. in-S". — Lemonmer. Influence
du travail et des impressions littéraires sur le développement des névroses. Th. de Paris,
1855, n° 286. — Newnham (W.). Essay on the Diseases, incident to Litlerary Men. Lond.,
1836, in-S". — Benoiston de Chateauneof. De la durée de la vie chez les savants et les
gens de lettres. In Ann. d'hyg., l" sér., t. XXV, p. 241; 1841, E. Bgd.
LETTSO:^! (John-Coackley), naquit en ilU, dans 'ile de Little-van-Dicke,
près de Tortola, dans les Indes occidentales, de parents appartenant à la secte des
quakers. Il vint très-jeune en Angleterre et fut confié aux soins du savant Fo-
thergill. Ses humanités terminées, il se préparait à l'étude de la médecine par le
stage obligé dans une pharmacie, quand la mort de son père le rappela aux colo-
nies pour recueillir sa succession. Là, il doiuia la liberté à ses esclaves et revint
en Angleterre ache^'er ses études ; il voyagea ensuite sur le continent, se fit rece-
voir docteur -i Leyde et retourna à Londres exercer la médecine avec un grand
LEIJCE. 221
succès. Quand il mourut, eu 1815, il était membre de la Société royale de Lon-
dres ducollége des médecins, médecin extraordinaire de l'hôpital de Londres.
Lettsoai s'était beaucoup occupé d'histoire naturelle et a écrit un très-grand
nombre d'ouvrages dont nous indiquerons seulement les principaux.
l.Obs. ad kistoriam fheœ pertinentes . Leyde, 1769, in-i°. — II. The Natural Historij of
tlie Tea-Tree ; wttliObserv. on the Médical Qualifies, etc. Lond., 1772, in 4°. Ibid., 1799,
in-4''. Trad. franc., Paris, 1775, in-12. — HI. Reflexions on tlie General Treatment and Cure
ofFevers. Lond., 1772, in-S". — IV. Med. Minutes of the General Dispensarij in London,
elc. Lond., 1774, in-8°. Trad. fr., Paris, 1787, in-8°. — V. Iniproveuient of Medicine in
London, on the Basis ofthe Public Good. Ibid., 1775, in-8°. — VI. Histanj of theOrigin of
Medicine. Ibid,, 1778, in-i°. — VII. Lettcr to Sir G. Baker... respecting General Inoculation.
Ibid., 1778, in-4°. — VIII. Considérations ou the Proprietij of a Plan for inoculation the
Poor of London at their ozvn Houses. Ibid,, 1779, in-8°. — IX. History of some of the
Effects of Eard-Brinhing . Ibid. , 1 789, in-4'. — X, Eints respecting the Distrcss of the Poor .
Ibid., 1794, iji-8°. — XI. Hints respecting the Chlorosis of boardings Schools. Jbid., 1795,
in-8°. — XII. Obs. on the Cow-Pox. Ibid., 1801, in-S". — XIII. An Apologij for diffcring
fromtlie Authors of the Monthly and Critical Review, etc. Lond,, 1803, in-8°. — XIV. Un
grand nombre de mémoires dans divers recueils, ec notamment dans les Memoirs of Médical
Society (les t. I-VI). E, Bgd.
LEUCAiSTHÈME {Leucmithemum. T.). Ce nom qui était, pour les anciens,
celui de la Camomille romaine, a été donné à quelques plantes détachées du grand
genre Chrysanthème de Linné, et qui en diffèrent notamment en ce que tous les
achaines produits par une inflorescence y sont d'une seule sorte et non de deux,
et tous coniques, tronqués au sommet, munis de côtes tout autour. Les Leucan-
tlièmes sont des herbes vivaces des pays tempérés, à feuilles altenies et à capi-
tules terminaux. L'espèce type du genre est la Grande marguerite de nos champs
{Leucantliemum vulgare Lajik, FI. fr., Il, 157. — Chrysanthemum Leucanthe-
mimi L., Spec, 1251. — C. montanum^^., Spec, III, 2143. — C. sylvestre W.,
Enum., 60. — MatricariaLeucantJiemumdEsvK, cxLasik, Dict.,111, 2143). Cette
plante bien connue sert de légume dans l'Archipel. On mange ses jeunes pousses
crues, d'après Belon {Singid., 60). Eu Sibérie, suivant Rehmann {Noiiv. Journ.
méd., V, 208), on l'emploie contre la leucorrhée. Lobel l'appelait Consolida média
vulnerarium, en raisort de ses vertus. On la regardait comme apéritique, dépurative,
diiirétique. Ray admettait même qu'elle guérissait l'asthme, la phthisie. En Bos-
nie, elle sert d'insecticide. Cazin suppose qu'elle pourrait être emplovée aux
mêmes usages que la Pâquerette; elle est un peu acre et amère. Les anciens la
recherchaient comme « chaude et sèche et bonne à résoudre les strumes ; » elle
n'est guère usitée de nos jours. H. Bn.
TouBN., Instit., t. 492. — DC. Prodr.,yi, 45. — Ekdl., Gen., n. 2667. — Mer. et Del,,
Dict., II, 271. — Gren. etGoDR., FI. de Fr., Il, 139. — Cazin, Trait, prat. des pi. médic\
éd. 5, 735
lEUCATHOIV. Nom que Dioscoride, suivant Mérat et Delens {hict., IV, 94)
donneà l'Œnanthe safranéc. H. Bn.
LEVCÉ. Comme nous l'avons dit ailleurs [voij. âlphos), les Grecs dési-
gnaient sous le nom de Leucé une lésion de la peau caractérisée par des taches
blanches qui affectaient à la fois l'épiderme et les parties sous-jaceates. A cet
égard, il règne une parfaite conformité entre les autours. Nous n'avons pas à y
revenir. L'auteur du Prorrheïiqiie (II, 43) déclare que la leucé appartient aux
affections les plus graves, comme aussi la maladie dite phénicienne {foivu-nU).
Qu'est-ce donc t^ue cette maladie phénicienne? Galieu n'hésite pas à y reconnaître
222 LEUCINE.
l'éléphautiasis, maladie très-commune, dit-il, dans l'Ànatolie, c'est-à-dire dans
le Levant. (Gloss. p. 597. Lipsise, 1780, in-fol.) Ce premier rapprochement est
très-remarquable, ajoutons-y ce que dit un écrivain un peu antérieur à Hippo-
crate, Hérodote, qui nous apprend qu'en Perse tout citoyen atteint de la lèpre ou
dela/ewce est renvoyé de la ville et privé du commerce de ses semblables {Hist. î,
138); nous en avons parlé au mot Lèpre. {Voy. p. 184.) Aristote mentionne
aussi la leucé qu'il déclare plus fréquente chez les hommes que chez les femmes
et les enfants. {Probl., sect. X, n°' 4, 5.) La pathogenèse de la leucé est fixée
comme il suit par Galien. L'afflux d'un sang pituiteux et glutineux prolongé dans
une partie en rend la chair semblable à celle des crabes et des huîtres. {DeSympt.
causis, Yih.lW.) Désomiais il n'y a plus qu'à copier cette théorie, y joindreles signes
diagnostiques donnés par Celse (piquer avec une aiguille pour voir s'il sort du
sang) et l'histoire de la leucé est stéréotypée pour des siècles ; seulement les
Arabes et quelques arabistes l'appelleront Al-baras. La leucé est-elle une maladie
à part, n'est-elle pas plutôt la première période de l'éléphautiasis des Grecs, telle
que la fait connaître Moïse? {Lévitiq., XIII, XIV.) Cette question sera discutée à
propos de I'Éléphantiasis. E. Bgd.
LEUCÉMIE. Voy. Ledcocythémie,
LEUCINE (oxyde caséeux, aposépédine) . Formule €^H^^AzO^ La leucine est un
produit azoté, cristallisé et défini qui se forme d'une manière constante pendant
la putréfaction des matières albuminoïdes et des tissus à gélatine. Elle prend
encore naissance par la décomposition qu'éprouvent ces corps sous l'inlluence des
alcalis caustiques bouillants ou de l'acide sulfurique. On la rencontre normale-
ment dans le parenchyme de beaucoup d'organes (pancréas, rate, thymus, glan-
des thyroïde et salivaires, foie, reins, capsules surrénales, cerveau et glandes
lymphatiques). Limpricht est arrivé à la produire synthétiquement par une réac-
tion nette.
Le valérylure d'ammonium chauffé avec de l'acide cyanhydrique et de l'acide
chlorhydrique se convertit en leucine. (Limpricht, Ann. (1er Chem. u.Pharm.,
XCIV, p. 243.) Cette réaction prévue par Gerhardt se formule ainsi :
Hydrure de valérjle. Acide cyanhydrique. Leucine.
Propriéte's. La leucine cristaUise dans l'alcool sous forme de paillettes nacrées,
douces au toucher, plus légères que l'eau. L'eau froide la dissout peu (1 part,
pour 27 p. d'eau). Elle est plus soluble dans l'eau chaude. Elle est soluble dans
1040 p. d'alcool froid et 800 p. d'alcool chaud, insoluble dans l'éther. Impure,
telle qu'on la retire des liquides animaux, elle cristallise en boules et semble être
plus soluble dans l'eau et l'alcool. Chauffée avec précaution, elle fond à 170° et
se sublime à une température plus élevée ; chauffée brusquement, elle se décom*
pose, en donnant de l'acide carbonique, de l'ammoniaque et de l'amylamine. Dis-
tillée avec un mélange d'acide sulfurique étendu et de peroxyde de manganèse,
elle fournit de l'eau, de l'acide carbonique et du cyanure detétrylei
G° W' AzO^ H- 0^ = €ê^ H- 11*0^ + C^H^Az .
Ces deux réactions jointes à la synthèse de Limpricht fixent nettement la consti-
tution de ce corps que l'on peut considérer comme de l'acide amylcarbonique.
Lorsqu'on fait passer du bioxyde d'azote dans une dissolution de leucine dans
LEUCINE. ?25
l'acide azotique, il se dégage de l'azote et l'on obtient un acide sirupeux, trcs-
soluble dans l'éther : acide leucique C^^H-*0^ homologue de l'acide lactique. Lp.
même acide se produit lorsqu'on fait passer du chlore dans une solution de leucine
dans la soude diluée.
Si le chlore est en excès, il se produit du chlorure de cyanogène et du cyanure
de tétryle.
La leucine forme indifféremment des combinaisons avec les acides et avec les
bases. C'est ainsi que l'on peut former directement :
Le chlorhydrate de leucine. . HCL^^H'^AzO^ cristaux très-solubles.
Le nitrate — — . Azô^H,€^H'^ÀzO^ aiguilles incolores.
Les nitrates doubles de leucine et de chaux, de leucine et de magnésie.
Le sulfate de leucine qui cristallise lorsqu'on ajoute de l'alcool absolu à la solu-
tion de la leucine dans l'acide sulfurique étendu, et qu'on évapore à consistance
de sirop. On connaît des combinaisons cristaUines de leucine et d'oxydes de cuivre,
de mercure, de plomb, que l'on forme directement en chauffant les oxydes fraî-
chement précipités dans une solution aqueuse de leucine et en concentrant.
Parmi les solutions métalliques le sous-acétate de plomb est le seul qui précipite
la leucine.
La leucine est facilement soluHe dans les alcalis et l'ammoniaque, ainsi que
dans les acides étendus. Les acides sulfurique et chlorhydrique concentrés la dis-
solvent sans altération.
Préparation. Le procédé synthétique de Limpricht fournit le plus facilement
la leucine pure. On fait bouillir, à cet effet, un mélange d'aldéhyde valérique,
d'acide prussique et d'acide chlorhydrique dans une cornue, jusqu'à ce que la
couche huileuse ait disparu. On évapore à sec. Le résidu est bouilli avec de l'eau
et de l'hydrate de plomb, on fdtre et on précipite le plomb par l'hydrogène sulfuré,
on évapore et on reprend par l'alcool faible bouillant qui laisse déposer le produit
sous forme de paillettes.
On peut aussi faire bouUhr pendant vingt-quatre heures 2 parties de copeaux de
corne avec 5 parties d'acide sulfurique étendu de 13 parties d'eau, en renouvelant
l'eau évaporée. On filtre, on neutralise par la craie. Le liquide filtré est concentré
à moitié, l'excès de cJiaux est précipité par l'acide oxahque et le hquide filtré est
concentré jusqu'à cristalhsation.
Veut-on extraire la leucme des organes animaux où elle se trouve normalement
ou pathologiquement : on épuise avec de l'eau froide l'orgaiie haché, en laissant
égoutteret en exprimant. Le fiquide acidulé légèrement par l'acide acétique est coa-
gulé par la chaleur, pour éhminer l'albumine; on précipite par l'acélate de plomb,
on filtre et on enlève l'excès de plomb par l'hydrogène sulfuré; on évapore à sec
et l'on épuise par l'alcool bouillant, on filtre^et on évapoi^e à consistance siru-
peuse. Dans le cas de la présence de la leucine, on verra se former au bout de
quelques jours des cristaux, ayant la forme de boules ou de rognons, plus rare^
ment de feuihets nacrés. Les premiers cristaux déposés sont redissous dans l'am-
moniaque faible. Le Uquide est précipité par l'acétate de plomb. Le dépôt lavé avec
peu d'eau est décomposé par Ihydrogène sulfuré et la solution fdtrée est con-
centrée au bain-niarie. Cette marche pourra être suivie comme moyen d'analyse et
de recherche de la leucine dans un organe.
Les réactions suivantes appliquées aux cristaux obtenus par le procédé précé-
dent permettent de mieux caractériser la leucine. 1"> Ghaufiée sur une lame de
224 ' LEUCOCYTE.
platine avec de l'acide nitrique, elle laisse un résidu incolore qui prend une teinte
jaune ou jaune brun, lorsqu'on ajoute quelques gouttes de soude; ce résidu
chauffé avec de la soude se réunit sous forme d'un globule huileux non adhérent.
2" Chauffée dans un tube d'essai, elle fond et donne à la distillation un liquide hui-
leux et une odeur d'anijlamine. 5" Laleucine impure dissoute à chaud dans l'acé-
tate de plomb, fournit après relroidissement et addition d'ammoniaque des feuil-
lets cristallins nacrés de la combinaison plombique.
Etat naturel. Nous avons déjà vu que la leucine se rencontre normalement dans
l'organisme.
Liebig l'a rencontrée dans le l'oie de bœuf et Gorup dans le foie de veau. D'après
Stsedeler et Frerichs, on ne l'observe qu'à 1 état pathologique dans le foie humain,
particulièrement dans l'atrophie jaune, le typhus, le tubercule, le rhumatisme aigu
et la variole.
Scherer a démontré sa présence dans la rate, surtout pendant certaines affec-
tions, la Icuchémie entre autres. Le pus, le cerveau pendant l'atrophie du foie ;
l'urine dans les cas de typhus, d'atrophie jaune du foie; le sang des leuchémiques
est riche en leucine.
D'après les recherches de Neukomra, la leucine ne doit pas être considérée
comme un principe spécial à tel ou tel organe; elle n'apparaît que là où l'on
observe une régénération abondante et une fusion rapide des parties élémentaires
et particulièrement des cellules. P. Schutzekcerger.
LEUCOCÏTE. Nom donné à une espèce d'éléments anatomiques ayant forme
de cellule, dont les individus de la variété la plus répandue se distmguent par
leur figure sphérique, la production à l'état frais d'expansions sarcodiques qui les
déforment, mais surtout par les actions coagulantes et dissolvantes spéciales de
l'eau, de l'acide acétique, etc., qui les pâlissent et y font apparaître généralement
de 1 à 4 petits amas en forme de noyaux, lorsque leur état fiuemeut granuleux
n'a pas été remplacé par le dépôt de granulations graisseuses dont ils sont souvent
le siège (pi. 1, Il et II!); les moins nombreux de ces éléments, beaucoup plus
petits {globulins), prennent à l'état cadavérique ou au contact de l'eau, etc.,
l'aspect d'un noyau sphérique, sans nucléole, légèrement recourbé et contracté
par l'acide acétique, et entouré d'un corps ou masse de cellules à peine plus gros
que le noyau.
Les leucocytes, ainsi nommés en raison de leur état incolore, ainsi que de la
teinte d'un blanc grisâtre ou jaunâtre qu'ils donnent aux tumeurs qui en con-
tiemient beaucoup (de lvr/.6v, hhnc; -/.v-oç, masse, corps, cellule), ont été appelés :
Covpusculi rotmidi pUiiUce. (Gorn. Ad. Christ., De pituita dissertatio inaugu-
ralls. Leipzig, 1718, in-i", p. 8.) Globules du pus, globules blancs du pus, (Senac,
Traité du cœur, 1749, t. II, p. 659.) Globules arrondis plus petits que les globules
rouges du sang des poissons. (Muys, Musculorum artifxciosa fabrica, observa-
tionihus et iconibus illastrata. Lugduni Batavoruni, in-S", 1 751 , p. 500, en note.)
Globules de la lymphe. (Hewson, Opéra omnia, 1771-1795, IIP part., p. 81.)
Globules ronds du sang. (Spallanzani, Dei fenomeni délia circolazione osservata
nel giro iiniversale deivasi; etc. Bisser lazioni quattro. Modena, 1777, in-8".
Beaucoup de catalogues disent à tort 1775. Trad. franc, par Tourdes. Paris, an Vill
(1800), in-8^ p. 175 et 287.) Corps globuleux et globules blancs du pus. (Hun-
ter, Leçons sur les principes de la chirurgie, 1786-1787. Œuvres. Trad. franc.
Palis, 1815, 1. 1, p. 471 , et Traite du sang, de l'inflammation, etc., 1 791, 2- par-
LEUCOCVTTE. 225
lie, ch. V : Do Pus. Trad. franc., ibicL, t. III, p. 500.) Vésicules du sang plus
grosses que les globules rouges qui naissent dans leur intérieur. (Gruithuisen,
Beitràcje zur Phijsiognosle iind Eaiitogiiosie . Miinchen, 1812, in-8% § 89 ,
p. 162.) Granules ou cor])Uscuhs de ]a.]\mçhe. (h M\\\ler, Hcmdbuchder Phy-
siologie. Koblentz, i85o, in-8°, p. 149, et Archiv fiir Anatomie und Physiolo-
çjie. Berlin, in-8", 1855, p. 214.) Granules ou globales du cbyle. (R. Wagner,
Neue ivissenschaftiiche Annalen, 1854, t. XXVIII, p. 155.) Globules de pus.
(Donné, Recherches physiologiques et chimico-microscopiques sur les globules
du sang, du pus, du mucus, et sur ceux des humeurs de l'œil. Paris, ïbèse, 1 851 ,
in-4'', p. 12, 15 et 16.) Globules de mucus. (Donné, ibid.) Globules de chyle
dans le sang. (Mandl, Sur les globules du sc(/i^,injoui'nal Vlnstitut. Paris, 1857,
111-4", p. 52.) Globules fibrineux du sang, du pus, du mucus, de la salive, de
l'urine. (Mandl, Mémoire sur le pus, les mucus et les différents produits des
épanchements , in Gaz. médicale. Paris, 1857, in-4'', p. 654.) Globules blancs du
sang. Globulins du sang venant de la lympbe et du cbyle. (Donné, Sur la consti-
tution microscopique du sang, in Comptes rendus des séances de l'Acad . des scien-
ces de Paris, 1858, in^", t. VI, p. 17.) Globules muqueux. (Mandl, Mémoire sur
les rapports qui existent entre le sang, le mucus et F épidémie, in Gazette médi-
cale. Paris, 1840, in-4", p. 417.) Cellules de la lympbe. (Scliwanii, Untersuchun-
gen, 1858, in-8", p. 75-77.) Cellules du pus et du mucus. (Scb\Yann, ibid ,
p. 77-78.) Globules d'inflammation ou d'exsudation. (Gluge, Mikroskopische
anatomische Untersuchungen zur allgemeinen und speciellen Pathologie. Miu-
den, 1858, in-8°, Heft., t. I, p. 12-15.) Corpuscula granulosa seu granulata,
corpuscules granuleux ou corpuscules d'agrégation, corpuscules de pus très-gra-
nuleux. (Gerber, Allgemeine Anatomie 1840, p. 9.) Cellules granuleuses ou
granulées. (Vogel, article Esstzvnbvng {Eandworterhuch der Physiologie, von
R. Wagner. Braunscbweig, 1842, p. 548.) Globules granuleux de l'exsudation ou
de l'inflammation. (Lebert, Physiologie pathologique. Paris, 1845, iii-S", t. I,
p. 29.) Globules pyoïdes. (Lebert, ibid. Paris, 1845, t. J, p. 46.) Corpuscules
incolores du sang. (Henle, Traité d'anatomie générale. Paris, traduit par Jour-
dan, 1845, in-8», t. I, p. 476-477.) Globules lympatbiques. (Mandl, Manuel
d'anatomie générale. Paris, 1845, in-8^ p. 252, pi. II, fig. 18, h.) Vésicules
incolores du sang. (Boecker, Veber die verschiedenen Arten und die Bedeutimq
der geuielkten Blutkôrperchen, in Archiv fur physiologische Heilkunde. 1851,
p. 165.) Corpuscules cytoïdes. (Henle, Handbuch der rationellen Pathologie.
Braunscbweig, 1850, in-8. Zweiter Band, p. 685, tab. 1.) Cellules à noyau,
cellules élémentaires et cellules primaires claires et granuleuses. (Henle, ibid.,
p. 694, tab. 2, lig. 25, et p. 695, 696, tig. 27.) Conglomérats ou amas granu-
leux. (Henle, ibid., p. 698.) Cellules incolores du sang. (Lebmann, Einige ver-
gleichende Analysen des Blutes der Pfortader und der Lebervenen, in Berichte
liber die Verhandlungen der K. Sàchsischen Akademie der Wissenschaften,
1850, t. III, p. 151.) Pyocytes. (Ch. Robin, Mémoire sur l épithélioma du rein
et sur les minces filaments granuleux des tubes urinipares expulsés avec les
urines. Paris, 1855, iu-S", p. 22, et Gazette des hôpitaux de Paris, 1855, in-
folio, p. 186-194 et 202 ; et Robin et Desmarres, Remarques sur les affections
des milieux non-vasculaires de l'œil, in Comptes rendus etMém. de la Soc. de
biologie. Paris, 1855, in-S", p. 32.) Leucocytes. (Littré et Robin, Dict. de méde-
cine dit de Nysten, 10'' édition. Paris, 1865, in-8°, p. 734.)
De la distribution des leucocytes dans l'économie. Cette espèce d'éli'mont^
DlCT. £»C. '2' S, 11. \o
226 LEUCOCYTE.
anatomiques est une de celles qu'on trouve dans le plus grand nombre des parties
du corps. Son étude est des plus complexes et des plus curieuses en raison du
nombre de la facilité avec laquelle ces cellules naissent dans l'organisme et y
présentent des modifications de structure selon les nombreuses conditions dans
lesquelles elles sont habituellement placées.
Les leucocytes offrent eu effet cette particularité, qu'ils ne montrent jamais
d'arrangement réciproque déterminé et constant, parce que c'est dans les humeurs
de l'économie qu'ils siègent ordinairement; et lorsqu'ils se rencontrent dans
l'épaisseur d'un tissu, c'est accidentellement et interposés sans ordre aux éléments
fondamentaux de ce dernier.
On trouve à l'état normal ces cellules dans toutes les parties où existent les
globules rouges du sang, ainsi que dans la lymphe. Dans les capillaires, dans ceux
de deuxième et de troisième ordre surtout, ainsi que dans les petites artères et
petites veines, elles sont appliquées contre la face interne du conduit, plutôt qu'en
suspension dans le sérum du sang. Cette disposition s'observe, soit pendant la vie,
soit pendant la mort de l'animal, tant que le plasma sanguin n'a pas transsudé
hors des vaisseaux. Ce n'est que par moment qu'on voit les globules blancs flotter
dans le sérum avec les hématies.
Dans le sang coagulé après la mort soit dans une artère liée, soit dans un épan-
chement apoplectique ou autre, soit dans le caillot de la saignée, les leucocytes
se rencontrent surtout vers la jonction de la portion de fibrine qui est incolore
avec la masse de celle qui est colorée par interposition des globules rouges. Dans
les caillots polypiformes du cœur, dans ceux des veines et des artères, lorsque du
liquide rougeàtre ou blanc crémeux, puriforme, se trouve au centre du caillot,
presque toujours on y observe une quantité plus ou moins grande de leucocytes.
{Voy. Robin et Verdeil, Chimie anatomique , Paris 1853, t. III, p. 263. )
Dans les veines spléniques, sus-hépatique, porte, rénale, et quelquefois dans
les veines pulmonaires, les globules blancs se rencontrent assez souvent au nombre
de 1 à 8 ou 10, dans des amas de matière amorphe finement granuleuse. Ce
fait a lieu sur l'embryon comme chez l'adulte, et ces amas sont peut-être plus
nombreux encore dans le premier que chez le second.
Dans les vaisseaux lymphatiques du cou, du testicule et du pli de l'aine, etc.,
de l'homme et des animaux, les leucocytes sont très-souvent réunis en amas assez
considérables pour être aperçus à l'œil nu, lors de l'écoulement du liquide, sous
forme de très-petits grumeaux. Ce fait s'observe particulièrement lorsque, après
avoir pratiqué deux ligatures sur des vaisseaux pleins de lymphe dans un fais-
ceau de ces conduits, afin de les enlever du cadavre encore chaud, on fait écouler
celte humeur après son refroidissement. On les trouve aussi bien dans les réseaux
d'origine des lymphatiques avant les ganglions qu'au delà de ces glandes.
C'est dans ces diverses conditions que ces éléments ont reçu les noms de glo-
hules de la lymphe, du chyle, et de globules blancs du sang.
Ces éléments se rencontrent en outre dans toutes les autres humeurs de l'éco-
nomie, soit normales, soit accidentelles, dans lesquelles on les a pris longtemps
pour des espèces différentes des précédents sous les noms de glohides du mucus,
du pus, du colostrum, etc.
On peut en eifet les observer dans le hquide des vésicules séminales, dans le
hquide prostatique, dans le sperme éjaculé, dans le premier lait sécrété ou co-
lostrum, dans le lait de la mamelle enflammée ou abcédée.
On les Irouve encore dans les liquides allantoïdiens et amniotiques, daiisl'/m-
LEUCOCYTE. 2'27
meur vitrée ou hyaloïde, au moins pendant la vie intra-utérine et dans les pre-
miers mois qui suivent la naissance (pi. III, fig 9); dans le liquide encéphalo-ra-
chidien, la synovie et toutes les autres sérosités ; là ils sont fort peu nombreux à
l'état normal, mais ils s'y multiplient facilement lorsque survient quelque intlam-
mation des membranes correspondantes.
Les divers mucus produits dans des conditions tout à fait normales, n'en
renferment qu'un très-petit nombre ; mais le plus léger trouble de la circulation
des muqueuses suffit pour déterminer à leur surface la production des leucocytes.
Aussi les voit-on dans les mucus, y compris celui de la vessie, dans des conditions
sinon tout à fait normales, au moins devenues habituelles chez un grand nombre
de personnes.
Enfin ils constituent l'élément principal en suspension dans le sérum du pus et
dans la sérosité des vésicatoires.
C'est aux leucocytes réunis en quantité plus ou moins considérable que le pus
doit sa couleur plus ou moins jaunidre et en partie sa consistance plus ou moins
crémeuse. C'est à leur production dans le mucus, remplissant lui-même alors le
rôle de sérum, que ces produits des muqueuses enflammées doi\ent la teinte
jaunâtre, semblable à celle du pus, qu'ils prennent alors, tout en conservant
leur nature spéciale, ainsi que la consistance et la viscosité muqueuses qu'ils
avaient lorsqu'ils ne tenaient en suspension que quelques cellules épithéliales
ou un trop petit nombre de leucocytes pour que leur transparence normale
fût troublée.
Il n'est pas très-rare de trouver encore des leucocytes au sein de parties solides .
de réconomie, dans la trame de certains tissus, mais dans des conditions acci-
dentelles surtout. C'est ainsi, par exemple, que le tissu morbide qui forme le
tubercule anatomiqueen renferme une assez grande quantité éparse dans sa trame;
les tumeurs de la cornée offrent également la même particularité. Diverses va-
riétés de tumeurs d'aspect colloïde ou gélatiniforme du sein et d'autres régions
en présentent encore des exemples, ainsi que les épithéliomas de la verge, de la
plupart des muqueuses et quelquefois de la peau, qui montrent çà et là des leu-
cocytes interposés aux cellules épithéliales. Enfin dans les excavations ou vacuoles
dont se creusent les cellules épithéliales de ces mêmes tumeurs, on trouve des
leucocytes offrant là les caractères de forme, de réactions, de structure, qui leur
sont habituels (pi. I, fig 9).
De la quantité des leucocytes dans les diverses humeurs. Dans le sang, le
nombre des leucocytes est beaucoup moindre que celui des hématies. D'une ma-
nière générale on peut dire qu'il y a environ 1 globule blanc pour 300 globules
rouges.
Mais pour apprécier un peu plus exactement ce rapport numérique, il importe
de se rappeler que sur le vivant une partie des leucocytes adhèrent, bien que
faiblement, à la face interne des parois des capillaires, et qu'une partie seulement
d'entre eux se trouvent en suspension dans le plasma. Il faut se souvenir égale-
ment que ces globules mêlés aux hématies et entraînés avec elles par le plasma
ont été adhérents aux parois des capillaires et se sont détachés plus ou moins
facilement selon les régions et l'espèce de vaisseau rompu.
En outre, le nombre des leucocytes adhérents aux parois des capillaires diffère
beaucoup d'une région du corps à l'autre. Ainsi, par exemple, ces éléments sont
bien plus nombreux dans les capillaires de la rate, du foie, de la muqueuse in-
testinale, du poumon, du rein, de la pie-mère cérébrale et de la plupart des
2-28 LEUCOCYTE.
glamles que dans ceux de la peau, des muscles, du tissu lanilneus, etc. Dans
plusieurs des premiers organes que je viens de citer, ils forment par place une
couche continue qui laisse çà et là des espaces libres plus ou moins étendus ;
tandis que, dans les derniers, ils sont épars et écartés les uns des autres.
Lorsqu'on examine, sur une lame de verre divisée eu carrés par des lignes
écartées de 1 dixième de millimètre, combien il y a de leucocytes comparativement
aux hématies dans le sang de la saignée ou qui s'écoule d'un piqûre faite à la
peau, on arrive aux résultats suivants. On observe des différences considérables
dans le rapport entr,e les globules blancs et les globules rouges d'un individu à
l'autre et sans qu'il soit possible d'établir à cet égard aucune loi. C'est ainsi que sur
des hommes adultes, également bien portants, de même âge à deux ou cinq ans
près, on trouve que les leucocytes sont aux hématies comme i : 350 chez les uns,
1 : 500 ou environ chez les autres, et même comme 1 : 1000 ou 1200 chez
d'autres. Généralement cette proportion est augmentée par tout ce qui active la
circulation. Peut-être cela est-il dû à ce que les globules adhérents à la face
interne des capillaires se trouvent détachés et entraînés alors en plus grand
nombre.
En outre, une simple diarrhée, l'administration d'un purgatif tel que l'eau de
Sedhtz, etc., suffiseaît pour amener une augmentation appréciable dans le nombre
des leucocytes qu'on trouve mêlés aux disques rouges.
A partir de l'âge adulte jusqu'à la vieillesse avancée, c'est entre 1 : 300 et 400,
qu'oscille le rapport des leucocytes aux hématies. Chez les femmes, les globules
' blancs semblent un peu plus nombreux, car le rapport varie entre 1 : 250 et 300.
Chez les embryons humains jusqu'au deuxième mois environ, les leucocytes
sont plus abondants qu'ils ne le seront plus tard. Ainsi dans le sang des vaisseaux
placentaires le rapport est comme 1 : 80 ou 1 00. Il en est de même chez les car-
nivoi'es et le porc aux époques correspondantes. Chez les ruminants et les ron-
geurs le rapport n'est guère que 1 :* 170 ou 180. Plus tard ce rapport diminue,
et chez le nouveau-né humain on trouve généralement que les globules rouges
sont aux globules blancs comme 1 : 100 ou 130 ; au bout d'un au ou deux ce
rapport devient 1 : 200 ou environ, et se conserve à peu près tel jusqu'à l'âge de
puberté. D'autre part, il est des fœtus abortifs de 4, 5 ou 6 mois dans le sang des-
quels les globules blancs sont plus nombreux de près du double que ne l'indi-'
quent les rapports signalés plus haut, et cela sans que rien puisse en faire soup-
çonner la cause.
Il est des conditions morbides nombreuses dans lesquelles on voit les leucocytes
augmenter très-notablement de quantité : telles sont les dysenteries, les fièvres
puerpérales, les infections purulentes, la diphthérite, etc. 11 est commun dans ces
circonstances de voir le rapport devenir 1 : 100 ou environ.
11 est d'autres circonstances, morbides également, oîi le nombre des leucocytes
devient le vingtième, le dixième, le cinquième et môme le tiers ou le quart de
celui des hématies. Le sang reçoit de la présence de ce grand nombre de globules
une teinte violacée grisâtre, ou rouge brique tirant au blanc grisâtre, qui l'a fait
comparer à du sang qu'on aurait mêlé de pus. C'est là ce qui caractérise l'état
anatomique du sang aççeU lei(cocijthemie{lîv/.6v, blanc; zutoç, cellule; «tj^ta,
sang. Bennett). Cet état, connue on sait, accompagne un certain nombre d'af-
fections générales dans lesquelles la rate, le foie et les ganglions lymphatiques
sont hypertrophiés.
Dans nu cas de ce genre observé chez un enl'ant par ML Blachc, Isanibert et
LEUCOCYTE, 229
moi, le nombre des leucocytes était à celui des hématies comme 2 : 1. Ces élé-
ments offraient cela de remarquable, que les globulins on petits leucocytes l'em-
portaient de beaucoup en quantité sur les leucocytes complètement développés.
Ces derniers n'étaient réellement pas plus nombreux qu'à l'état normal. Ils pré-
sentaient leur diamètre habituel de 0'"'",008 à 0'"™,010. Leurs autres caractères
étaient également normaux. Les noyaux libres étaient, au contraire, aux leuco-
cytes de la variété cellule comme 80 : 1 . Du reste, ces globulins avaient les ca-
ractères qu'ils manifestent dans le sang normal. Leur bord pourtant paraissait
un peu plus pâle.
On en trouvait beaucoup qui avaient 0'"'",006 et quelques-uns 0'""',007 : c'est
à la quantité considérable de ces éléments qu'était dû sous le microscope l'aspect
tout à fait inusité qu'a présenté le sang de ce malade. Au lieu d'être, comme à
l'ordinaire, obligé de chercher les globules blancs et les globulins au milieu des
globules rouges, c'était réellement les globules rouges et les leucocytes de la
variété cellule qu'on était obligé de chercher au milieu des globulins.
Le sang des veines sus-hépatiques est de toutes les parties du corps celui
qui renferme le plus de leucocytes. Chez l'homme, le chien et le chat, j'en ai
trouvé par rapport aux globules rouges, tantôt comme 1:150, tantôt comme
1 : iOO ou 120 environ, jusqu'à 1 : 20, sans que rien à l'extérieur eût pu faire
prévoir ces différences. L'oreillette droite, la veine splénique, la veine mésenté-
rique supérieure, l'oreillette gauche, telles sont les parties dans le sang des-
quelles on trouve ensuite le plus de leucocytes, mais en progression dé-
croissante.
Dans la lymphe, ils sont plus nombreux en général sur les herbivores que sur
les carnivores, et plus nombreux dans les lymphatiques du cordon testiculaire,
du cou, etc., que dans le liquide des chylifères.
Les petits leucocytes dits globulins sont plus nombreux dans la lymphe que dans
une même quantité de chyle. Le nombre de ces éléments que renferme le sang
est fort peu considérable à l'état normal, car on n'en voit guère habituellement
que 1 pour 10 ou 20 cellules. Cette proportion reste à peu près la même
sur l'embryon. Ils m'ont semblé plus nombreux chez les herbivores que chez les
carnivores.
11 y en a, mais en fort petite quantité, dans le liquide qui s'échappe des
fistules lymphatiques chez l'homme. Ils offrent les mêmes caractères' que les pré-
cédents, mais sont généralement un peu plus petits.
Dans le pus, les leucocytes sont l'élément anatomique principal de cette hu-
meur, et sont en suspension dans son sérum. Il est plus ou moins séreux, plus ou
moins épais et crémeux, selon leur rareté ou leur abondance. Cette humeur leur
doit aussi sa coloration habituelle : c'est, eu effet, à la quantité variable de
ces cellules qu'est due la teinte plus ou moins foncée du liquide, car sa cou-
leur n'est que la résultante des rayons de lumière réfléchis par les parties solides
en suspension.
Du reste, il ne faudrait pas se faire des idées exagérées sur la quantité des leu-
cocytes existant dans le pus. Il résulte de recherches faites par M. Delore (Delore,
Quelques recherches s U7' le pus. Paris, 1854, in-4°. Thèse pour le doctorat en
médecine, n° 310), que, malgré leur densité plus grande que celle du sérum, les
leucocytes n'existent dans le pus que dans la proportion de 25 p. 100 en poids
à peu près. Le maximum trouvé a été 38 p. 100 ; mais, en général, ces cellules
représentent le quart ou le cinquième du pus dit bien lié. Dans le pus séreux
230 LEUCOCYTE.
cur quantité descend à 8 ou 10 p. 100 au plus, et elle n'atteint pas 5 p. 100
dans le pus très-séreux de certains abcès froids ou ossilluents, etc.
Les leucocytes du sang ont à l'état normal, chez les mammifères adultes, un
diamètre qui dépasse de 1 à 2 millièmes de millimètre celui des hématies. Ainsi
la plupart sont un peu plus gros que ces dernières. Toutefois il y en a, mais en
petit nombre, qui ne sont pas plus gros que les globules rouges de volume moyen.
J'ai observé cette relation chez tous les mammifères domestiques, et le rat, la
ouris, le blaireau, la chauve-souris, le hérisson, la taupe, etc. ; chez les ovi-
[lares, ils ont le diamètre de la largeur des globules rouges ou un diamètre un
peu moindre. Ainsi chez l'homme ils ont généralement de 8 à 9 millièmes de
millimètre de diamètre, quelques-uns ont 7 milhèmes (pi. I, fig. 1). Ce sont là
es dimensions observées sur des individus bien portants.
Chez les fœtus, et surtout chez les embryons de moins de quatre mois, on en
trouve beaucoup qui ont les dimensions qui viennent d'être indiquées ; mais il
en existe davantage encore qui ont de 10 à 15 millièmes de millimètre, et d'autres
enfin, peu nombreux, atteignent 0'"''\019. Nous verrons plus loin qu'avec ces
dimensions considérables se rencontrent quelques particularités de structure qui
font de ces leucocytes une variété de forme fœtale et parfois aussi morbide chez
l'adulte (pi, I, fig. 2, de a en g).
Dans la lymphe du cheval, de l'homme, du bœuf, etc., la plupart atteignent
Qmm^QIO à 0'"'",015 (pi. I, fig. 6). Nous verrons plus tard que ces éléments varient
un peu de diamètre selon qu'ils sont en suspension dans le sérum de telle ou
telle humeur, soit normale, soit morbide, tel que celui du sang, de la lymphe,
d'un kyste, etc.
Dans les cas dits de leucocythémie, on en voit beaucoup qui offrent les dimen-
sions normales; mais en outre il y en a qui atteignent jusqu'à 12, 13, 15 et
18 millièmes de millimètre, c'est-à-dire qui sont un peu plus de deux fois aussi
larges que les globules rouges.
Dans le pus, la plupart des leucocytes offrent un diamètre de 10 millièmes de
millimètre (pi. II, fig. 5, aa, mm, nn) ; mais on en trouve qui ont 8 millièmes et
d'autres qui atteignent 11 à 12 millièmes. Lors de leur genèse, ils n'ont encore à
peine que la moitié de ces dimensions (fig. 6), et lorsqu'ils ont séjourné longtemps
dans une cavité sans être en mouvement, il en est plus ou moins qui atteignent le
triple de ces dimensions et même plus (fig. 4 et 5, s, l, u, v).
Dans le pus très-fluide provenant des parties malades entourant les os cariés, de
certains ulcères, etc., la plupart des leucocytes offrent quelquefois 12, 14 et 16
millièmes de millimètre de diamètre (pi. III, fig. 4). Dans le mucus frais, dans la
salive fraîche non altérée par le contact de l'air, dans l'urine non altérée par l'air
ou un trop long séjour dans la vessie, les leucocytes sont plus petits que dans les
conditions opposées et que dans les liquides signalés précédemment (pi II, fig. 2,
de a en i; fig. 3, de a en f; pi. III, fig. o, a, h).
Ainsi qu'on le voit, ce ne sont pas les dimensions de ces éléments envisagées
seules qui pourraient servir à les distinguer des autres espèces d'éléments ; aussi
les caractères qu'il nous reste à étudier importent plus que ceux-ci.
Caractères physiques des leucocytes. La forme habituelle des leucocytes chez
tous les vertébrés, lorsqu'ils sont plongés dans le liquide où ils flottent, est la
forme sphérique (pi. I, II et III). Cependant on peut en rencontrer quelques-uns
qui sont naturellement ovoïdes (pi. I, fig. 2, e) ou même un peu aplatis {y, g,j).
Quelques minutes après la mort de l'animal ou après l'extraction du liquide
LEUCOCYTE. 231
frais qui les coatient, ou encore dans le sang ou la lymphe qui stagnent dans les
vaisseaux dont on étudie la circulation, les leucocytes peuvent offrir une forme
irrégulière. Elle peut être ovoïde, presque polyédrique ou dentelée; ou encore ils
sont comme hérissés çà et là de petits prolongements (pi. II, tîg. 1, 2 et o, et
pi. I, fig. 6) ou expansions. Cette déformation est la conséquence d'une des pro-
priétés de ces éléments qui sera étudiée plus tard. Elle n'est que passagère, car
au bout de douze à vingt-quatre heures environ les globules ont repris leur forme
sphérique. Dans les préparations placées sous le microscope, la déformation une
fois produite peut persister plusieurs heures soit qu'elle reste stationnaire, soit
qu'elle augmente ou diminue un peu. Aussi plusieurs auteurs ont-ils figuré ces
éléments à l'état de déformation, Hewson par exemple.
Parmi les plus gros leucocytes des embryons et quelquefois dans ceux du sang
leucocythémique on en trouve qui ont après la mort une forme légèrement po-
lyédrique, ou ovale soit régulière soit irrégulière (pi. , fig. 2, 'g, e, f). Quelques-
ims de ces derniers sont aplatis au point d'être moitié plus minces que longs.
Dans le sang, comme dans le pus, dans le colostrum, etc., on en voit aussi de
forme allongée persistante (pi. I, fig. 2, f, et pi. II, fig. 5, v, x)\ mais toutes ces
variétés de figure sont rares à coté du grand nombre de ces éléments qui sont
parfaitement sphériques.
Quels que soient du reste leur volume et leur forme, dès que celle-ci est de-
venue permanente et que le phénomène qui les rend dentelés momentanément,
ou irréguUèrement contournés (pi. 11, fig. 2, a, /", et fig. 3, a, c, d) a cessé, il
offrent tous un bord net et une surface unie. Par là et par l'observation directe
lorsque ces éléments roulent dans le liquide de la préparation, il est facile de voir
qu'ils ont une surface lisse et régulière et non mamelonnée, rugueuse ou fram-
boisée.
La consistance des leucocytes n'est pas très-considérable ; leur facile déforma-
tion dans les circonstances que je viens de rappeler et les suivantes le prouve.
On peut les aplatir en comprimant les lames de verre entre lesquelles ils se
trouvent, et lorsqu'ils s'accumulent ils deviennent polyédriques par pression ré-
ciproque (pi. II, fig, 2, n, et fig, 5, g, g).
Cette particularité est la même pour toutes les parties du corps dans lesquelles
existent ces éléments.
Les leucocytes examinés dans le sang offrent un peu plus de consistance que
les hématies. Pourtant ils peuvent être aplatis par la pression des lames de
verre, ou devenir polyédriques par pression réciproque. Ils s'allongent aussi pour
pénétrer dans des capillaires dont l'orilice a un diamètre plus petit que le leur,
mais ils résistent un peu plus que les globules rouges ; parfois, chez les mam-
mitères, ils bouchent pour assez longtemps un capillaire à l'orifice duquel
ils s'arrêtent et le sang ne pénètre dans celui-ci qu'après que le leucocyte a été
entraîné.
Dans le pus ils sont plus denses que le sérum et se déposent au fond du vase,
tandis que le liquide surnage ; dans le mucus ils restent englobés et retenus
par le liquide visqueux. Us ont une densité moindre que celle des hématies et
plus grande que celle du sérum sanguin. Dans le sang défibriné on les voit en
effet se rassembler, à la surface des globules rouges qui occupent le fond de l'é-
prouvette.
Cette couche est grisâtre, demi-transparente, moins blanche, moins crémeuse
qu'une couche d'égale épaisseur formée par du pus qui se dépose dans une séro-
232 LEUCOCYTE.
site incolore. Ce fait est du à des particularités secondaires de structure telles que
la présence d'un nombre un peu plus grand de granulations dans les globules;
il en sera question plus loin.
Vus à la lumière réfractée sous le microscope, les leucocytes non déformés du
sang et de la lymphe offrent un contour net (pi. I, fig. ] , et fig. 6, b, c, d) mé-
diocrement foncé, une surface lisse, incolore, brillante, ayant dans le sérum du
sang frais quelque chose de l'argent mat si l'on peut ainsi dire. Cet aspect est
très-prononcé lorsqu'on les observe à l'aide de la lumière oblique.
11 est très-remarquable aussi sur les leucocytes examinés par transparence lor.s-
qu'ds sont plongés dans l'urine fraîche. En même temps, leur partie centrale
est brillante, tandis que leur périphérie est nette de teinte foncée avec un léger
l'eflet ou cercle plus clair en dehors et ils paraissent alors nettement arrondis.
Dans toutes ces circonstances ils sont un peu plus petits, plus resserrés que dans
l'urine commençant à s'altérer ou que dans un sérum peu concentré. Si l'on
ajoute un peu d'eau à ces Hquides, les leucocytes se gonflent et changent Jiota-
blement d'aspect parce qu'ils deviennent clairs, transparents. Si au contraire on
ajoute un peu de solution concentrée de phosphate de soude à un liquide dans
lequel ils sont très-transparents et un peu gonflés, comme dans la salive, ils se
resserrent sous les yeux de l'observateur et prennent l'aspect que je viens de si-
gnaler.
Ainsi vus à la lumière transmise, ces éléments sont de petits corps arrondis
grisâtres, plus ou moins foncés ou plus ou moins transparents selon la quantité
de granulations qu'ils renferment, et selon qu'ils sont plus ou moins gonflés ou
plus ou moins resserrés par le liquide qui les tient en suspension. Dans certaines
conditions les granulations qui les rendent foncés sous le microscope peuvent de-
venir assez abondantes pour les rendre d'un noir jaunâtre ou presque complète-
ment opaques (pi. II, fig. 5, s, u, y, et fig. 4, t; pi. 111-, fig. -] , 7 et 8). Lorsqu'au
contraire ces éléments sont accumulés en quantité assez considérable pour former
une masse visible à l'œil nu ou lorsqu'ils sont examinés à la lumière réfléchie,
ils sont grisâtres ou jaunâtres selon la quantité de granulations qu'ik renferment ;
la teinte est d'autant -plus jaune qu'ds contiennent davantage de granulations
graisseuses qui les rendent plus opaques. C'est à leur couleur propre, dans ces
conditions, qu'est due la teinte grisâtre ou jaunâtre des liquides qui les tiennent
en suspension, qui par eux-mêmes sont incolores comme tous les sérumsettous
les mucus, ou seulement doués d'une légère teinte citrine.
Les leucocytes de toutes les parties du corps peuvent offrir des particularités
analogues aux précédentes. Mais partout,* à côté de leucocytes qui ont cette dis-
position, il en est quelques-uns qui, dépourvus de granulations, sont très-pâles,
presque incolores (pi. II, fig. 6, e, e, et fig. 4, q, q; et pi. III, fig. 4, h, i,j, h,
fig. 7, r, z, et fig. 8, b, e, f). Parfois même ceux qui sont dans ce cas l'empor-
Jant sur ceux qui sont plus foncés, il en résulte une teinte plus claire pour le
pus qui les contient, que cela n'est habituel (pus des synoviales, de la pie-mère
quelquefois, des os cariés chez les scrofuleux, etc.).
Les leucocytes du sang et de la lymphe offrent une viscosité de leur surface
qu'on ne rencontre pas sur les autres espèces d'éléments du sang. C'est là sans
doute une des causes de leur adhérence à la face niterne des parois des capillaires.
Elle se manifeste aussi par l'adliérence réciproque de ces globules lorsqu'ils vien-
nent à se toucher dans les vaisseaux, contre leurs parois ; ils présentent alors une
certaine résistnnce aux actions qui pourraient les séparer les uns des autres et
LEUCOCYTE. 255
quel([uefois plusieurs partent d'un seul bloc réunis ensemble. Dans les veines où
ils sont abondants (veine spléiiique, veine porte, veines sns-hépaliqucs, etc.), on
en trouve quelquefois d'agglomérés de la sorte. Le plus souvent ils sont réunis
non pas seulement ensemble, mais encore à des hématies à l'aide d'une matière
amorphe finement granuleuse plus ou moins abondante.
C'est encore cette viscosité de leur surface, plus que leur volume, qui fait qu'ils
restent adhérents aux lames de verre sous le miscroscope, pendant que les hématies
roulent autour d'eux ; car des corps plus volumineux, qui montrent que sans cette
adhérence ils pourraient se mouvoir, se rencontrent souvent dans leur voisiuage
au sein de la préparation.
Caractères d ordre chimique des leucocytes. — L'hygrométricité des leuco-
cytes est très-prononcée, son étude conduit du reste directement à celle de l'in-
lluence des agents chimiques sur eux et ne peut eu être séparée.
L'eau gonfle ces éléments ; elle en augmente rapidement le volume d'un quart
ou d'un tiers environ. En même temps elle les rend plus transparents et fait que
leurs granulations intérieures se distinguent mieux les unes des autres, paraissent
plus nettes (comparez pi. II, fig. 1, j, j à a, b, c, d, lîg. 3, s, s à a, h, c, d, e
fig. 5, a, cf, m, m h g, b, n). Presque toujours ces particularités sont plus mani
festes au centre qu'à la périphérie des cellules ; sur un certain nombre de ces
dernières l'eau se borne à produire les changements précédents, mais sur la plu-
part elle détermine une sorte de coagulation du contenu ou de cohérence des gra-
nulations, sous forme de un, quelquefois deux et plus rarement trois petits
amas granuleux, d'abord assez peu nettement limités (pi. I, fig. 4-, e, /", ^r, //).
Bientôt ces amas deviennent de petits globules sphéroïdaux ou ovoïdes (fig. I ,
0, 0, p,p, fig. 5, e, f, g, h, i; et pi. H, fig. 2, g, r, et fig. 5, s, t, w, v, x, y),
larges de 2 à 4 millièmes de millimètre, à contour bien limité, peu foncé, sembla-
bles à des noyaux, de la production desquels l'observateur peut suivre les phases.
Ce phénomène est important à signaler, et il l'est également de savoir que l'acide
acétique, en causant un changement analogue, détermine la formation de trois
ou quatre petits corpuscules ou noyaux habituellement, au lieu d'un ou deux
seulement dont l'influence de l'eau amène la production.
C'est là un phénomène remarquable, dont les autres espèces de cellules n'offrent
pas d'exemple et qui mérite d'être pris en considération d'une manière toute spé-
ciale, car il diffère de tous les modes de naissance des noyaux que nous avons pu
étudier jusqu'à présent.
L'action prolongée de la salive mixte, celle de l'urine surtout lorsqu'elle commence
à répandre une odeur ammoniacale, ressemblent à celle de l'eau (pi. I, fig. 5, e,
f, g, h et fig. 4), même lorsqu'on examine les leucocytes dans ces liquides au
moment de leur sortie de la bouche ou de la vessie. Le séjour prolongé des leuco-
cytes dans le sérum du sang sur le cadavre (pi. I, fig. 1 , k, l, m, n, et fig. 2, de
a à g, et de l à o) ou dans celui du pus, produit un effet analogue à l'action de
l'eau, ce qui fait que l'on trouve ces cellules avec un aspect un peu différent
dans ces conditions de celui qu'elles ont sur le vivant. Sur le cadavre elles sont
un peu plus grosses à granulations plus distinctes, et offrent de prime abord les
corpuscules ou noyaux (pi. II, fig. 5, m, m). Toutefois il reste toujours, dans ces
circonstances, un certain nombre de leucocytes qui ne changent pas au contact du
sérum (pi. I, fin. 2, a, /, /, m, m).
Daus le liquide blanchâtre qu'on voit parfois au centre des concrétions fibrineuses
poly[)iformes du cœur ou au centre du caillot des veines oblitérées, ils n'offrent
o^
54 LEUCOCYTE.
pas non plus d'amas en forme de noyau ; dans quelques cas, cependant, il en est
qui en présentent un seul. Mais tous sont devenus plus transparents, à. bords pâles,
et leurs granulations sont plus visibles qu'à l'état normal. Les leucocytes du sang
qui a séjourné dans les veines dilatées des tumeurs érectiles, dans les dilatations
des veines variqueuses et liémorrboïdales ont leur contour net et fonce et Tinté-
lieur de leur masse plus granuleux, ce qui pourrait faire croire d'abord que leur
surface est rugueuse bien qu'il n'en soit rien.
En même temps que les hîucocytes se gonflent dans l'eau ou dans la salive, on
voit les fines granulations moléculaires qu'ils renferment se prendre d'un mouve-
ment brownien extrêmement vif, auquel participent quelquefois les noyaux de
l'élément lorsqu'ils préexistaient cadavériquement à l'addition d'eau, ou après
qu'ils se sont produits sous l'influence de cet agent. Que les leucocytes aient été
pris dans le pus, dans un mucus ou dans le sang, le phénomène se produit de la
même manière. Toutefois il est toujours un certain nombre de leucocytes dans
lesquels il ne s'observe pas. Ceux du sang et de la lymphe olfrent une plus
grande quantité d'entre eux qui sont dans ce cas, et cela particulièrement lors-
qu'on les prend dans le sang fixais ; car si on les examine dans le liquide tiré des
vaisseaux d"un cadavre dont on fait l'autopsie, il y en a plus qui manifestent ce
mouvement brownien que dans les circonstances précédentes.
Enfin, après que le mouvement a duré un certain temps, l'observateur peut voir
quelques-uns des leucocytes éclater brusquement par excès de la distension due à
l'eau qui pénètre par endosmose. Leur contenu liquide s'échappe, estlancé avec force
au dehors avec les granulations moléculaires (pi. II, fig. 3, œ) qui continuent à
présenter le mouvement brownien avec au moins autant de vivacité que dans l'in-
térieur de la cellule. Quant à la paroi de celle-ci elle revient sur elle-même, se
ratatine, se plisse, devient irrégulière et d'une très-grande transparence, en rete-
nant dans son intérieur quelques granulations dont l'agitation continue.
L'action de l'acide acétique est importante à étudier. 11 détermine aussi l'appa-
rition de plusieurs corpuscules nucléiformes, mais de nombre et de volume autres
que ne le fait l'eau. Les phénomènes suivants s'opèrent dans l'espace de quatre à
dix minutes au plus, selon le degré de concentration de l'acide et selon qu'il a agi
plus ou moins directement sur les leucocytes. Je veux dire par là, selon que, pour
arriver à eux entre les deux lames de verre, l'acide a rencontré plus ou moins
d'hématies, de sérum ou de fibrine qui ont modifié la quantité ou la concentration
de celui qui parvient aux éléments qu'on étudie.
Le premier effet de l'acide acétique est de resserrer et rendre plus petits et plus
foncés les leucocytes lorsqu'on les examine dans le sang (pi. I, fig. 4, a, h, c). Cet
effet dure peu, presque aussitôt l'élément anatomique se gonfle d'un quart ou
d'un tiers, pendant qu'on voit son centre devenir plus granuleux qu'à l'état
normal, à granulations plus grosses et plus foncées {d, e, f, g, h, i,j, k); elles
forment un seul amas, plus ou moins large, à granulations plus ou moins serrées,
placé au centre du globule dont le reste est extrêmement transparent, à contour
bientôt tellement pâle qu'il faut beaucoup d'attention pour le voir. Peu à peu les
granulations deviennent plus cohérentes et tendent à produire une masse homo-
gène ou à peu près. En même temps cette masse se dispose en demi-cercle ou
en fer à cheval (pi. I, fig. 2, r, r), soit formé d'une seule pièce, soit constitué
de deux, trois ou même quatre petits fragments de 2 à 5 millièmes de millimètre
de diamètre chacun. Quelquefois c'est un cercle complet que forme ce petit amas
ou bien deux demi-cercles dont les ouvertures se regardent. En général cette
LEUCOCYTE. 255
masse centrale forme un, deux, trois ou quatre corpuscules ayant l'aspect de pe-
tits noyaux sphériques ou polyédriques, larges de 3 à 4 millièmes de millimètre,
soit superposés les uns aux autres, soit placés sur le même plan à côté les uns
des autres (tig. 4, /, m, n, o, p, q, r, s).
Lorsque l'acide acétique ugit sur les leucocytes du sang qui ont d'^à subi le
contact de l'eau ou l'action prolongée du sérum du cadavre, ordinairement il ne
lait que rendre très-transparente la masse de la cellule en dissolvant toutes les
granulations et il met en évidence le noyau ou les noyaux déjà apparus sous l'in-
lluence de l'eau (pi. I, fig. i,o, o,p). En même temps il rend les contours de ces
noyaux plus nets et plus foncés (fig. 2, p, p), sur d'autres de ces éléments il fait
courber en fer à cheval les noyaux (fig. 2, s, s). Du reste ceux des leucocytes
"qui n'avaient éprouvé encore aucune modification de la part du sérum (fig. 2,
a, c, l, m) sont modifiés par l'acide {q, q) comme le sont les leucocytes pris dans
le sang frais.
L'action de l'acide acétique sur les leucocytes pris dans le pus, dans les mu-
queuses, est la même que celle que je viens de décrire précédemment. Les parti-
cularités qu'elle peut offrir sont tellement secondaires qu'il est presque inutile de
les signaler. Elles ne portent guère que sur le volume généralement un peu plus
grand des noyaux dont le réactif détermine l'apparition dans les leucocytes du pus
et des muqueuses. Mais du reste on voit que les phases de l'action de l'acide acéti-
que sont les mêmes que lorsqu'on peut les suivre sur des leucocytes frais (pi. II,
fig. 2, àQglit, fig. 5, de g à r, fig. 4, de h à m, fig. 5, de h-àl, et fig. 6, h,i,k),
c'est-à-dire avant que l'influence de l'eau ou le séjour dans un sérum un peu
altéré et fétide aient fait apparaître un ou deux noyaux seulement, qu'alors
l'acide ne fait que rendre plus évidents (comparez fig. 3, s, u, x, ij h. t, t, v, z).
L'acide acétique {acide acétique du verdet et acide pyroUgneux) employé en
grande quantité ou très-concentré détermine l'appaiition de noyaux qui sont plus
petits et plus irréguliers que lorsqu'on emploie ce réactif un peu étendu ou en
petite quantité.
Selon les conditions dans lesquelles se sont produits les noyaux apparus sous
l'influence de l'acide acétique, les leucocytes peuvent être incolores, ou légèrement
teintés de couleur lie de vin ou au contraii'e en jaune orange, comme on le voit
souvent dans les leucocytes des sérosités, de la synovie, etc, (pi. III, fig, 2, de
Ias). Dans, le sang, les petits noyaux qu'on voit se former de la sorte offrent
constamment une teinte d'un brun rougeàtre ou vineux, bien différente, du reste,
de la teinte jaune rosé que présentent au microscope les hématies.
L'importance de la série des faits précédents ne saurait échapper un instant, car
ils montrent que les noyaux depuis si longtemps décrits dans les leucocytes ne
préexistent pas à l'influence des altérations cadavérique et chimique proprement
dites, qu'ils sont un des résultats de ces actions ; cela est mis particulièrement eu
relief par ce fait que l'eau ne fait apparaître que un ou deux noyaux sphériques,
réguliers, à centre clair, dans les globules où l'acide acétique amène la formation de
2 à 4 corpuscules nucléiformes, plus petits, plus irréguliers, etc. Ils prouvent que
ces corps n'appartiennent pas en propre aux leucocytes encore vivants ; et de fait
on ne les voit pas pendant la durée de la production des expansions sarcodiques
qui les déforment ; en sorte que leur formation marque leur passage à l'état cada-
vérique, l'époque de leur mort et jusque-là leur contenu n'était qu'une masse
homogène visqueuse parsemée de fines granulations grisâtres. Enfin ces faits mon-
trent que les hypothèses d'après lesquelles on a voulu voir dans la multiplicité des
256 LEUCOCYTE.
noyaux des leucocytes la preuve que ce sont des cellules aptes à une reproduction
rapide et en voie de prolification, sont des vues sans aucun fondement.
A mesure que se prolonge l'action de l'acide acétique la masse de la cellule
devient de plus en plus pâle, plus transparente, jusqu'à ce que, réduite à être invi-
sible, elle laisse les deux, trois ou quatre uoyauv isolés dans le champ du micro-
scope, sans enveloppe apercevable autour d'eux. Ils restent pourtant encore jux-
taposés et légèrement adhérents les uns aux autres, mais on peut alors les séparer
assez facilement par des mouvements des lames de verre.
11 est des circonstances rares dans lesquelles cette action généralement si con-
stante de l'acide acétique peut manquer pourtant. C'est ce que l'on observe quel-
quefois sur le pus qui a séjourné longtemps dans l'économie, comme au sein de
quelque tumeur, d'un ganglion lymphatique, de la moelle des os, des abcès du-
foie, dans les kystes et abcès du testicule surtout, soit chez l'homme, soit chez le
cheval, dans la plèvre, dans l'œil, etc. Bien que crémeux, verdàtre ou non, ce
pus renferme des leucocytes, sur lesquels l'eau ne fait que causer un peu plus de
transparence et de gonflement. L'acide acétique les pâlit beaucoup, dissout la
plupart de leurs granulations, mais on ne voit apparaître aucune trace de noyaux
sous l'influence de ce réactif; un très-petit nombre seulement d'entre eux eiioDreiit
un, rarement deux, produits comme il a été dit plus haut, mais de dimensions
moindres qu'à l'ordinaire. Tous les autres éléments restent uniformément pâles,
transparents, avec quelques granulations moléculaires fort petites et plus rarement
avec quelques granulations graisseuses.
L'acide nitrique gonfle d'abord les leucocytes et les rend plus gros d'un quart
environ. En même temps il les rend pâles, transparents ou à peine granuleux et
détermine assez souvent la production dans leur intérieurde une à trois excava-
tions, pâles, sphériques, tellement claires qu'elles sont difficiles à voir. Peu à peu
il dissout les leucocytes, plus rapidement que les hématies. ^L'acide sulfurique les
gonfle et les dissout plus vite encore que l'acide nitrique.
L'acide chlorhydrique concentré rend les leucocytes d'abord un peu grenus et
irréguhers, dentelés ou garnis de très-petites saillies pointues, en môme temps il
les gonfle légèrement. Il détermine ensuite dans leur masse la formation de deux
à quatre vacuoles claires sphériques, et enfin il les dissout.
L'ammoniaque produit dans les leucocytes des vacuoles autour desquelles sont
rangées de fines granulations moléculaires. Les vacuoles vont en grandissant assez
rapidement, et bientôt le globule disparaît presque subitement après avoir à peu
près doublé de volume par accroissement rapide des vacuoles.
Le phosphate de soude rapetisse les globules blancs, il les rend quelquefois plus
petits que les globules rouges, toute leur surface prend un aspect grenu, leur con-
tour devient net, foncé et un peu jaunâtre en dedans. Le centre au contraire
devient blanc, brillant, homogène, ou s'il paraît un peu granuleux, cela tient
aux rugosités de la surface. Il agit de môme sur les leucocytes que leur séjour dans
la salive mixte ou un sérum trop fluide a gonflés et rendus transparents.
Le carbonate de potasse produit à peu près le mcmeteffet, toutelois il produit
des vacuoles au centre de quelques-uns. La potasse à 40 degrés n'agit guère autre-
ment, mais si on lui ajoute de l'eau elle les gonfle, les rend d'abord un peu granu-
leux et plus transparents, puis ensuite on voit se manifester la môme action
qu'après l'emploi de l'ammoniaque.
L'alcool rend les leucocytes un peu plus gros, jjIus granuleux d'abord, jiuis
amène comme après addition d'eau la formation de un, deux ou quelquefois trois
Principes
LEUCOCYTE. 257
amas ou noyaux, clairs, très-ronds à bords nels, réunis vers le centre du globule
dont le reste est transparaît. La teinture d'iode colore les leucocytes en brun rou-
geâtre, les rend plus petits, un peu plus granuleux et moins transparents qu'à
l'état normal.
La glycérine pure mise en présence des leucocytes les resserre d'abord, en di-
minue le diamètre de moitié environ et rend ainsi leur contour plus foncé, leur
centre plus brillant, d'aspect moins granuleux. En même temps leur surface de-
vient moins régulière et présente de petits prolongements qui la hérissent. Peu à
pgu elle les pâlit beaucoup, et sans les dissoudre entièrement les réduit à l'état
d'une petite masse pâle et délicate.
Plusieurs des humeurs de l'économie agissent sur ces éléments. Déjà nous avons
vu plus haut qu'elle est l'action du sérum du sang après la mort (p. !23o).
L'urine iraîche agit sur les globules blancs comme le phospate de soude, mais
d'une manière un peu moins tranchée (p. 252-255).
COMPOSITIOS IBMÉDIATE DES LEUCOCYTES HOMIDES mis DANS LE PL'S.
1 Eau pour 100 parties de cellules . 790,00
Principes ) Sels environ 43,o0
de la 1" classe. 1 Fer faisant partie d'un principe
' encore indéterminé des traces.
Sels à acides d'origine organique
(lactales, etc.) quantité indéterminée.
/ Pyoline (Glénard),
séroline du pus
de quelques au-
teurs ..... 5,45
Choleslérine. . . 5,50
Lécythine. . . . 7,20
îraisse rouge
unie à un peu
depliospliatede
chaux 6,00
Oléine quantité indéterminée.
Margarine. ... id.
, Stéarine id.
Substance organique demi- solide
Principes I formant principalement la masse
de la 111" classe, j de chaque cellule environ . . . liO.OO
Albumine - des traces,
Structure des leucocytes. La structure des leucocytes chez l'adulte à l'état
normal est fort simple, ils se distinguent même par là de la plupart des autres
espèces de cellules. Mais ce sont surtout^ leurs réactions, décrites plus haut, qui
empêchent de les confondre avec d'autres éléments.
Ils sont composés d'une masse sphérique de substance organisée incolore, un
peu plus dense à la surface qu'à son intérieur, bien qu'ils n'offrent pas d'enveloppe
nettement distincte et séparable du contenu avant d'avoir séjourné dans le sérum
du sang du cadavre, dans la salive, ou subi le contact de l'eau, etc. Cette masse est
uniformément parsemée de granulations ; leur sphéricité seule fait paraître ces
firanules plus abondants au centre qu'à la péiipliérie. Ces granulations sont très-
fines, grisâtres, quelquefois un peu plus grosses et alors à centre brillant et jau-
nâtre (pi. I, fig. 1, a à i, fig. 5, a à e, lig. 5, 6 et 7, a, h; et pi. II, fig. 4, a, h,
c, d, fig. 5, a, a, fig. 6, a, h, c). Nous avons vu comment, par suite d'altéra-
tion du sérum ou de l'action des agents chimiques, elles deviennent cohé-
rentes et forment des amas qui pourraient être piis pour des noyaux proprement
dits, eri'cur encore souvent commise par les observateurs qui n'ont pas constaté
Corps gras
et
de la 11" classe. , leurs analogues
au moins
26,50
savoir :
Lé
Gr
2o8 LEUCOCYTE.
leur production artificielle ou accidentelle, dont il est pourtant facile de suivre les
diverses phases (p. 373).
Des variétés de structure des leucocytes. Tel est le degré de simplicité dans
la structure que présentent généralement les leucocytes à l'état frais ; mais ces
éléments vont nous offrir, selon les différentes conditions dans lesquelles ils peuvent
se trouver, des modifications en nombre tel qu'il est peu d'autres cellules qui
puissent leur être comparées à cet égard.
Dans le sang, surtout celui du foetus, après la mort, ,dans la lymphe, et plus
rarement dans le pus de la vessie et diverses autres parties du corps (pi. 111,
fig. 8, a, b, c, d, e), on trouve des leucocytes qui offrent les particularités sui-
vantes de structure. Ils sont constitués d'une masse extrêmement claire et trans-
parente, tout à fait homogène, sans granulations, qui renferme un et très-rare-
ment deux noyaux, semblables aux leucocytes de la variété noyau libre. Ce noyau
est placé souvent près du contour de la masse claire sphérique, plus rarement à
son centre. Lorsqu'il y en a deux, ils occupent tout le diamètre du corps de la
cellule. L'acide acétique dissout le corps transparent de ces cellules. Il agit sur
leur noyau comme sur les leucocytes de la variété noyau libre décrits plus loin.
Cette disposition des parties constituantes de ces leucocytes est le résultat de l'ac-
tion sur eux du sérum altéré cadavériquement, qui les modifie à peu près comme
le fait l'eau. Ce dernier liquide détermine en effet des changements semblables
sur les leucocytes les plus petits ou globuUns qui sont granuleux et dont il
gonfle beaucoup la masse ou corps de la cellule en laissant vers le centre les
granulations sur lesquelles cette masse ou corps accumulé était en quelque sorte
appliquée.
Dans ces conditions de gonflement, la dissolution concentrée de phosphate de
soude contracte rapidement le corps de la cellule et l'applique sur cet amas ou
noyau central, de manière que la cellule diminue de volume de près de moitié, et
prend le volume d'une hématie ou même devient plus petite ; ce noyau cesse alors
de se distinguer facilement du corps de la cellule. Cette solution contracte et
l'esserre aussi les hématies de l'embryon, les rend plus foncées, plus rougeâtres, et
alors la teinte de ces éléments tranche sur celle des leucocytes resserrés qui sont
grisâtres. Cette particularité doit être notée, parce qu'elle montre que ces leuco-
cytes paies, sans granulations, ne sauraient être considérés sans erreur comme des
hématies embryonnaires à noyau. En outre les premiers sont sphériques, tandis
que ces dernières sont aplaties.
L'eau rend cette masse seulement un peu plus pâle mais sans la dissoudre,
même après une demi-heure d'action et lorsque tous les globules rouges qui sont
autour ont été dissous. Le voisinage des disques rouges donne un reflet rosé très-
pâle à la masse transparente. Les leucocytes de cette variété adhèrent aux lames
de verre comme les autres, et restent immobiles sans s'aplatir, lors même qu'on
presse la lamelle supérieure de la préparation et qu'on fait courir avec violence les
globules rouges autour d'eux. Après l'action du phosphate de soude, si on étend
la préparation de beaucoup d'eau, ces leucocytes se gonflent et leur masse incolore
réapparaît de nouveau. L'action de cet agent est très-importante à constater dans
l'étude de cette variété d'éléments, étude qui est souvent une des plus délicates
en raison de leur petit nombre.
Prodiictio7i de vacuoles. Si au lieu de prendre les leucocytes dans les condi-
tions précédentes, on les examine dans le sérum du sang ou de la lymphe qui
viennent de sortir des vaisseaux (pi. I, fig. 3, de l à p, fig. 6, de d à h, fig. 7, e,
LEUCOCYTE. 25!)
d, et fig. 8, e, e), dans le sérum encore chaud d'un abcès à peine fluctuant
(pi. lli, tig. 10,71, n), dans un mucus purulent aussitôt qu'il est retiré de la mu-
queuse et sans addition d'eau ou d'autres réactifs (pi. II, fig. 1 ; fig. 2, de akh,
et fig. 3, de a à f), leur constitution parait d'abord toute différente. On est d'a-
bord frappé des nombreuses variétés de forme et de volume d'un individu à l'autre,
qui sont dues aux expansions sarcodiques et que nous avons déjà signalées; leur
transparence est moindre et les portions de leur périphérie qui n'envoient pas
d'expansions sarcodiques ainsi que toute leur masse sont plus foncées. Mais sur-
tout, leurs granulations semblent beaucoup plus rapprochées, presque cohé-
rentes, beaucoup moins distinctes les imes des autres et plus fines que dans
toutes les autres conditions. Au bout d'un certain temps d'examen de la prépa-
ration, on voit aussi se produire dans un certain nombre de leucocytes de une à
trois et même quatre petites vacuoles transparentes, incolores ou légèrement
teintées en rose pâle (pi. Il, fig. 0, a, b, c, d, f). Leur contour est net, assez
foncé, et on pourrait les prendre pour des corps solides tels que des noyaux, s
on ne les voyait peu à peu changer de nombre, de forme, de volume et de situa-
tion dans l'épaisseur de l'élément anatomique. On n'y observe pourtant pas de
noyau, ni pendant la durée des déformations causées par les mouvements des
expansions sarcodiques, ni lorsqu'ils ont repris la forme sphérique après la ces-
sation de ces phénomènes (pi. 11, fig. 2, c, d, e). Cependant l'eau les gonfle, les
rend sphériques, pâles, et y fait apparaître un ou plusieurs noyaux (tîg. 2,j, k,
n, o,p, a, r). L'acide acétique agit également sur eux comme sur les leuco-
cytes pris dans toutes les autres conditions. [Voy. p. 254 et 235).
Si maintenant au lieu de prendre les leucocytes à l'état Irais le plus rapproché
de l'état vivant, on les considère dans l'état cadavérique qui n'est pas encore à
proprement parler l'état de destruction spontanée, ils montrent un grand nombre
de particularités qui ne sont pas absolument les mêmes d'une région du corps à
l'autre, ou dans la même partie selon les conditions dans lesquelles l'élément s'est
produit. Ce sont ces faits qu'il s'agit d'examiner ici.
Dans le sérum du sang, ils ont repris la forme sphérique d'une manière perma-
nente et régulière. On y trouve vers le centre généralement ou à la périphérie le
plus souvent un, mais quelquefois de deux à quatre noyaux arrondis ou un peu
polyédriques qui se sont formés comme nous l'avons dit plus haut (p. 233). Autour
d'eux les granulations sont devenues plus apparentes, plus distinctes, et semblent
plus grosses que dans les leucocytes frais ; parfois elles manifestent un mouvement
brownien plus ou moins vif qui indique la présence d'une paroi distincte de la
cavité.
Etats fœtal et leiiCocythémique. Chez les fœtus, jusqu'au cinquième mois et
même jusqu'au septième, ainsi que dans beaucoup de cas où le sang offre l'état
leucocythémiqiie, beaucoup de leucocytes présentent un diamètre qui dépasse
8 miUièmes de millimètre et qui s'élève jusqu'à 15 et 18 millièmes. Dans tous,
l'état cadavérique amène la production d'un noyau de volume proportionné au
leur (pL I, fig. 2^ de a à ^ et n, o). Quelquefois il s'en produit deux [d, d) et
même trois. Le noyau est généralement au centre de la cellule, parfois un j^eu
sur le coté {b,o). Il est ordinairement sphériqtle, plus rarement un peu irréguliet
(g) ou en forme de biscuit. Ces noyaux sont tous finement granuleuXj larges de
5à 7 mifiièmes de millimètre, mais quelquefois ils atteignent jusqu'à JO millièmes
de milhmètre {f, g, n). Néanmoins ils manquent de nucléole; entre le noyau et
la périphérie de ces leucocytes se renconlrent de fines granulations moléculaires
240 LEUCOCYTE.
comme à l'élat normal. Quelques-uns pourtant en offrent d'assez nombreuses
et assez foncées pour donner une teinte noirâtre et un aspect grenu à tout le glo-
bule. Ces leucocytes que rendent foncés leurs granulations nombreuses et assez
grosses, existent en petit nombre d'une manière constante à côté des autres dans
le sang et dans la lymphe de tous les vertèbres. Us y ont été décrits depuis long-
temps par divers auteurs (Warthon-Jones, etc.).
L'acide acétique rend rougeàtre le noyau central des globules qui en sont pour-
vus. Mais ici comme à l'état normal cette teinte rougeàtre est un rouge brun ou
vineux qui n'est pas analogue à la teinte propre aux globules rouges. Ces noyaux
prennent en même temps sous cette influence un contour plus net, des granu-
lations plus foncées et quelquefois une forme un peu allongée, droite ou légère-
ment recourbée en demi-cercle (pi. I, fig. 2, r, r). Quant à ceux qui n'offrent pas
de noyaux, ils se comportent comme les globules du sang frais et normal.
Leucocytes sans noyaux. Dans le liquide jaunâtre, limpide, des séreuses, dans
les kystes de l'ovaire et autres à liquide séreux, les leucocytes sont pâles, trans-
parents, pourvus la plupart de fiues granulations seulement, quelquefois plus
nombreuses à la phériphérie que vers le centre (pi. 111, fig. 2, b, c, d, e). Plus
qu'ailleurs peut-être on en voit de volumineux (fig. 2, a, k, s, et fig. 6, g, h) à
côté d'autres de volume ordinaire ou très-petits (e, c). Dans ces conditions cada-
vériques et après l'action de l'eau, après celle de l'acide acétique môme, la plu-
part de ces leucocytes manquent de noyau (pi. II, fig. 5, a, a, c, g ; et pi. III,
fig. 2, b, c, d, e, f, h, /<.-, fig. 6, b,d, e, f, g, h, m, n, o) ou n'en présentent qu'un
seul (pi. II, fig. 5, h; et pi. III, fig. 2, g, i,j, fig. 6, a) ; ce noyau est souvent
très-pâle, régulier, assez large (pl. III, fig. 2, a, a), mais ne dépasse pas 5 à
6 millièmes de millimètre. L'acide acétique détermine toutefois sur un petit
nombre, la production de uu, plus rarement deux ou ti-ois noyaux dans des
cellules où ni les modifications cadavériques du sérum, ni l'eau n'avaient pu en
faire apparaître (pl. III, fig. 2, /, m, n, o, p, q, r, s). Ce sont ces leucocytes sans
noyaux ou à un seul noyau, ceux surtout qui sont pâles, qui ont reçu de Le-
bert le nom de globules pyoïdes. (Voy. la Synonymie, p. 225.)
Dans le pus des séreuses et des synoviales, dans la sérosité produite par des
séreuses entlannnées et tenant en suspension des leucocytes qui la rendent plus
ou moins trouble, plus ou moins purulente, ces cellules offrent pour la plupart
comme ci-dessus les caractères de pâleur, de finesse et de distribution des granu-
lations uniformément ou vers la périphérie, puis enfin l'absence de tout noyau qui
viennent d'être décrits (pl. III, fig. 2 et 6, etpl. II, fig. 0, a, a, b, g). Pourtant on
eu trouve plus que dans les sérosités limpides qui ont un ou deux et même trois
noyaux (fig. 5, m, m), visibles surtout après l'action de l'eau ou de l'acide acé-
tique {h, i, /i-, l) qui souvent en déterminant leur production leur donne une
teinte jaunàtro. Il est de ces leucocytes qui sont un peu plus foncés parce qu'ils
renferment j.lus de granulations moléculaires (fig. 5, b,b, n, n, g). Bientôt aussi
nous verrons que dans ces conditions-là beaucoup de leucocytes deviennent très-
granuleux.
Leucocytes sur les muqueuses. La structure des leucocytes pris à l'état cada-
vérique, mais non encore en voie de putréfaction, sur les muqueuses, varie assez
notablement d'une de ces parties du corps à l'autre.
Ils sont assez généralement sphériques, finement et uniformément granu-
leux, grisâtres (pl. 111, fig. 3, de a à h), souvent pâles, comme gonflés,
turgescents , dans la salive, et alors leurs granulations manifestent un
LEUCOCYTE. 241
mouvement brownien très-vif avant toute addition de liquide. Avant comme après
l'action de l'eau les leucocytes pris dans la salive n'offrent qu'un seul noyau sphé-
rique, à contour net ou quelquefois deux noyaux (/), très-rarement trois. Il en
est toujours un certain nombre qui restent dans ces conditions sans présenter
de noyau {b, d, g), et n'en montrent qu'après l'action de l'acide acétique. {Yoij.
page 255.)
Dans le mucus vésical à l'état normal, ils sont (fig. 5, e, e) au contraire petits,
resserrés, à contour net, à surface brillante et ne montrent de noyau qu'après
l'action de l'eau ou après celle de l'acide acétique, ce dernier en fait apparaître
trois à quatre, sans gonfler d'une manière notable le corps de la cellule (^, /;, i).
Lorsqu'ils y naissent abondamment dans des conditions d'inflammation, ils offrent
les caractères de ceux du pus en général ; c'est-à-dire qu'ils sont plus gros, plus
granuleux que les précédents (pi. III, fig. 10, de i à s), et il s'y forme deux ou
trois noyaux (p à s) après le contact de l'eau, etc. II est pourtant des conditions
dans lesquelles ils présentent dans la vessie un volume considérable (0°"",012
à 0""",015) ; c'est ce qu'on voit lorsque les urines deviennent ammoniacales, alors
ils sont comme turgescents, gonflés, finement granuleux. Dans la plupart aussi,
il ne se produit qu'un seul noyau spUérique (pi. III, fig. 4, b, e, /", (J) ou plié en
demi-cercle (a) et volumineux (0""",005 à 0'"'",007).
L'état cadavérique, sans putréfaction, des leucocytes des muqueuses nasales,
trachéales et de la conjonctive n'offre pas de différences essentielles à signaler qui
les distinguent notablement de ceux de la cavité buccale (pi. H, fig. 4, de Z à n,
et pi. III, fig. 5). Ceux qui naissent dans les conditions inflammatoires sont plus
granuleux, plus foncés et présentent en plus grand nombre trois noyaux. Toutefois
dans ceux de la conjonctive, ces noyaux sont plus longs à apparaître avant l'action
de l'eau ou de l'acide acétique que sur ceux des autres muqueuses. Cela tient à la
viscosité naturelle du mucus conjonctival produit en même temps, car le même
phénomène s'observe dans les leucocytes des crachats visqueux du catarrhe bron-
chique.
Les leucocytes qui pendant la pneumonie se produisent dans les canalicules
respirateurs et ceux qui naissent dans l'épaisseur de la trame du poumon
offrent des caractères semblables. Souvent ils sont de volume assez variable, un
peu irréguliers ou nettement sphériques selon les cas (pi. III, fig. 7). Ils sont géné-
ralement assez foncés, à cause du nombre de leurs granulations qui en même
temps sont fréquemment moins fines et moins arrondies que dans d'autres condi-
tions (fig. 7, p, 0, q). Chez certains sujets, ils n'ont que un ou deux noyaux
pour la plupart {t, s, p, n, b, q), chez d'autres presque tous en ont trois
{k, l, m, t).
Dans l'humeur vitrée on trouve toujours un petit nombre de leucocytes, surtout
pendant la vie intra-utérine et pendant les premiers temps de la vie extra-utérine.
Or dans ces conditions ils sont assez gros, pâles, sphériques, pourvus ou non
d'expansions sarcodiques (pi. III, fig. 10, g, h). Ils offrent de un à trois noyaux
sphériques ou ovales recourbés (c, d) et de fines granulations moléculaires seule-
ment. Or il est remarquable de voir que dans les conditions d'inflammation telles
que celles dues à l'iritis, la choroïdite, on à la présence de certaines tumeurs, les
leucocytes qui se produisent sont plus petits qu'à l'état normal, tous ou presque
tous sans noyaux dans l'état cadavérique (pi. II, fig. 4, g, b, c, d, et pi. I(J,
fig. 6, m, 71, o), et beaucoup n'en montrent pas après l'action de l'eau ni même
après celle de l'acide acétique, ou il ne s'en forme que un ou deux. Ces leu-
DICT. ESC. 2* s. 11. 16
242 LEUCOCYTE.
cocytes sont quelquefois peu réguliers, à bords pâles, et leurs granulations sont
très-faies.
Leucocytes des abcès. Les éléments anatomiques appelés globules du pus ne
sont que les leucocytes qui naissent dans l'épaisseur des tissus, dans les inter-
stices de leurs éléments, quelles que soient du reste les conditions dans lesquelles
se passe le phénomène ; ou bien ce sont encore ceux qui naissent à la surface d'un
tissu prolond mis à nu, à la surface d'une plaie en un mot, ou enfin ceux dont
nous venons de nous occuper qui apparaissent à la surface de la peau, d'une mu-
queuse ou d'une séreuse, mais dans les conditions dites d'inflammation et en
quantité assez considérable pour troubler les mucus ou les sérosités.
Déjà nous avons vu que dans le pus encore chaud, ils offrent des expansions
sarcodiques et des contractions qui les déforment plus ou moins, comme des leu-
cocytes de toutes les autres parties du corps. Lorsqu'ils ont cessé de présenter
ces déformations ils deviennent sphériques, finement granuleux et sans corpus-
cules en forme de noyaux (pi. III, fig. 10, i, j, k, l, m). Bientôt se produisent
comme premier effet cadavérique un, deux, trois ou quatre de ces corpuscules dans
leur intérieur. Mais ce n'est que de vingt-quatre à quarante-huit heures, au plutôt,
après leur sortie d'un abcès ou après la mort que ce fait est entièrement accompli,
que ces noyaux sont visibles sur la plupart des cellules (fig. 10, p, q, r, s). C'est
ainsi que se passent les choses sur les leucocytes des abcès chauds ou des plaies
des tissus mous.
Mais sous ce rapport on observe de notables différences entre les leucocytes
produits dans un tissu et ceux qui naissent dans un autre, ou entre ceux qui ap-
paraissent dans un même tissu, mais sous l'influence de conditions différentes.
A la surface delà peau, par exemple, dans les pustules delà variole, du vaccin,
dans le pus d'un vésicatoire, on trouve toujours un assez grand nombre de leu-
cocytes dans lesquels ne se forme aucun noyau à côté d'autres qui en possèdent
de un à trois. Les premiers sont pour la plupart plus petits et plus pâles que les
autres (pi. Il, fig. 4, a, h, c, d).
Dans le pus des abcès ossifluents, dans celui des abcès froids, dans le pus très-
séreux dont la production est déterminée par la carie ou la nécrose des os, les
leucocytes sont en général pâles, transparents, peu granuleux (pi. III, fig. i,j, k);
quelquefois même ils sont tellement dépourvus de granulations qu'ils se présentent
sous le microscope, sous forme de globules extrêmement pâles, à contour net, à
centre incolore et n'offrant de granulations qu'à leur périphérie ({, l) ou dans un
seul i^oint de leur étendue [h). On en trouve parfois de semblables dans le pus des
synoviales produit pendant la durée d'une affection chronique des articulations.
Dans ces circonstances ils ont généralement un assez grand volume (0°""jOiO
à 0™™,015), et pas de noyau.
Pourtant les leucocytes du pus des abcès ossifluents et des abcès froids sont fré-
([uemment transparents, uniformément granuleux, à contour très-pâle (pi. III,
fig. 4, k, k) , peu régulier quelquefois et ne montrant pas de noyau dans l'intérieur,
ni après l'action de l'eau, ni après celle de l'acide acétique. Parmi ceux-ci s'en
trouvent plus ou moins qui, un peu plus gros que les autres, sont parsemés de
quelques granulations graisseuses jaunâtres, éparses {l, m, n, o, p), qui leur
donnent au premier abord un aspect assez différent des autres.
Les leucocytes qui se produisent dans les kystes de diverses tumeurs du testi-
cule, ou lorsque des tumeurs ou le tissu même de l'organe suppurent, sont géné-
ralement petits, à contour assez foncé; leur masse est peu transparente, parce
LEUCOCYTE. 243
qu'ils sont remplis de fines granulations moléculaires (pi. lll, fig. 2 f, g, h, i,j).
Il est rare qu'un ou deux noyaux s'y forment, même après l'action de l'eau et de
l'acide acétique.
Les leucocytes qu'on trouve dans le tissu cérébral atteint de ramollissement,
dans le co/osfrwm, dans le lait lorsque la mamelle est enflammée, dans les divers
kystes de l'ovaire et autres, offrent encore plusieurs particularités de structure
curieuses; mais leur description se rattache d'une manière si intime à celle des
phases d'évolution et des altérations des leucocytes en général, que j'en parlerai
seulement plus tard.
Ainsi on voit d'après ce qui précède que les leucocytes comme toutes les autres
espèces d'éléments anatomiques offrent d'une région du corps à l'autre et selon
les conditions dans lesquelles ils sont nés de légères différences de volume et de
structure. Ces dernières portent particulièrement sur le nombre et le volume des
granulations qui se produisent dans leur épaisseur, ainsi que sur le nombre et le
volume des noyaux qui se forment vers leur centre dans certaines conditions. Ces
différences ne s'étendent jamais assez loin pour faire méconnaître la nature de ces
éléments, pour en faire disparaître les caractères spécifiques, pour qui du moins
connaît les phases de leur développement. Mais elles sont suffisantes pour per-
mettre que l'observateur qui les a étudiés dans tous les tissus ou les organes où
on peut les trouver, puisse déterminer d'après ï'examen de leur aspect et de leur
structure quelles sont les régions dans lesquelles ils sont nés. [Voij. Ch. Robin
dans Hervé. De la cautérisation de la vessie clans les hématuries vésicales,
Thèse. Paris, 1849, in-4°, p. 21.)
Altérations cadavériques delà structure des leucocytes du pus. Les modifications
dont il a été question dans les pages précédentes ne tiennent qu'à un léger chan-
gement de la constitution du sérum où se trouvent les leucocytes, sérum qui agit
alors sur ceux-ci, leur fait perdre quelques-uns des caractères qu'ils avaient étant
vivants, mais sans qu'ils soient encore altérés à proprement parler. Or un séjoui*
plus prolongé des leucocytes dans ce sérum, une altération un peu plus avancée
de celui-ci sans qu'il y ait encore décomposition putride pourtant, modifie bientôt
certains d'entre eux d'une manière particuhère ; sans qu'on ait ajouté de l'eau ou
quelquefois seulement après cette addition, on voit se produire sur un côté du
leucocyte un gonflement vésicuHforme de sa paroi propre, très-mince, incolore,
transparent, tout à fait homogène. Tantôt il reste presque apphqué sur le corps
de la cellule (pi. II, fig. 2, o), tantôt il s'en écarte au point de doubler presque
son diamètre (pi. II, fig. 5, e, f, et pi. III, fig. 6, m, n, o, fig. 12, e, /", ry, A). Ce
gonflement vésiculiforme de la paroi propre du leucocyte peut offrir plusieurs dis-
positions particuhères par rapport à la masse de l'élément. Quelquefois elle est sim^
plement appliquée sur une petite portion de sa surface et fait une légère saillie, à
la manière d'un verre de montre (pi. III, fig. 12, d, e, g, h), de telle sorte que
le contour de la dilatation s'écarte à peine de celui de la masse granuleuse de
l'élément. Plus rarement elle se détache de la moitié environ de la circonférence
de ce dernier et se dilate au point d'être plus large que lui (fig. G, m, n). D'autres
fois l'enveloppe transparente entoure presque entièrement le reste du leucocyte qui
n'adhère à la première que par une petite portion de sa surface (pi. II, fig. 5, e, f^
et pi, lll, fig» 12 e, f, cj). Le plus ordinairement le corps granuleux des éléments
conserve parfaitement la forme sphérique et la netteté de ses contours (pi. II,
fig. 5, e, f, et pi. m, fig. 6, m, n, o, fig. 11, d, e, fig. 12, e) ; mais parfois au
contraire il est peu réguhcr, mal limité; le contenu ressemble à un amas de
244 LEIjCOCVTE.
granulations appliquées contre la face interne de la dilatation vésiculiforme trans-
parente (pi. Il, lig. 5, e,,et pi. lll, fig. 12, /', g). Enfin dans la vésicule même,
remplie d'un liquide tout à fait limpide, il n'est pas rare de voir flotter quelques
granulations douées d'un mouvement brownien très-vif. Ces granulations se sont
manifestement détachées de la surface du contenu granuleux et s'observent même
dans les cas où ce contenu est parfaitement limité (pi. 1, fig. 5, e, f).
Les altérations cadavériques des leucocytes peuvent être portées jusqu'à la des-
truction plus ou moins complète de ces éléments dans le pus qui a séjourné long-
temps dans des cavités des os altérés sans pouvoir s'échapper, soit que le pus ait
perdu son sérum pour devenir concret, soit qu'il conserve sa fluidité. Des altéra-
tions analogues s'observent aussi dans les leucocytes du pus de certaines pneu-
monies chroniques, dans les cavernes ou dans le détritus de la gangrène pulmo-
naire, dans les abcès où le pus entre en putréfaction, dans les leucocytes du sang
des caillots apoplectiques ou dans ceux de diverses régions du corps dont la fibrine
est en voie de résorption ou de putréfaction, etc. Dans les premières de ces condi-
tions les leucocytes sont presque tous devenus irrégulièrement polyédriques,
comme flétris, ou bien leur surface est partie sphérique, partie irrégulière; leur
contour est comme dentelé, peu foncé, leur masse est pâle, tantôt peu granu-
leuse, ou d'autres fois renferme quelques granulations éparses. L'eau les gonfle
légèrement, mais ne rend qu'à un petit nombre leur régularité et ne fait pas ap.
paraître de noyau dans leur masse, car la plupart en manquent. L'acide acétique
lui-même, qui les pâlit considérablement, ne met en évidence que un ou deux
noyaux, rarement trois, petits, irréguliers, ordinairement un peu écartés les uns
des autres, et même beaucoup de leucocytes ne montrent plus de noyaux dans ces
conditions au contact de cet agent.
Dans les abcès en putréfaction, dans le pus des gangrènes pulmonaires, etc.,
on voit généralement de un à trois noyaux sur la plupart des leucocytes, mais ils
sont irréguliers, bien qu'à contour assez foncé. La masse de la cellule est peu
foncée, à contour le plus souvent très-pâle aussi, et comme dentelé; la cellule
est en un mot, à sa surface rugueuse, irrégulièrement polyédrique. Quelques
granulations foncées sont éparses dans la masse de la cellule ou adhérentes à sa
surface. Ces éléments prennent ainsi des caractères qui les éloignent notablement
de leur régularité habituelle, mais qui ne les rapproche d'aucune autre es-
pèce d'élément anatomique. L'observation de cas de ce genre peut seule
donner une idée précise des variétés d'aspects et d'irrégularités qu'ils présentent
alors et qu'une description ne peut que signaler. L'eau et l'acide acétique sont
nécessaires souvent pour fixer l'esprit sur la nature des corps qu'on a sous les
yeux.
Leucocyte du pus de divers animaux. Chez les animaux herbivores ruminants,
solipèdes ou rongeurs, etc., les leucocytes du sang et de la lymphe ne diffèrent
de ceux de l'homme que par un volume un peu moindre (pi. I, fig. 3, a), tant
qu'ils sont dans le sérum du sang et de la lymphe. Ces derniers se déforment et
se gonflent plus rapidement et d'une manière plus prononcée que les autres.
Chez les carnassiers ils sont également un peu plus petits, mais la diflérence est
moins sensible et quelquefois à peine notable.
Les leucocytes du pus des abcès et des plaies du cheval sont remarquablement
petits (0""%006 à 0"™,009), pâles, uniformément granuleux (pi. III, fig. o, a, h, c),
quelquefois à contour un peu irrégulier. Ces mômes particularités s'observent
sur le Chien, Chez ce dcj'nier, ils sont seulement souvent un peu plus gros et
LEUCOCYTE. 245
presque toujours un peu plus foncés, un peu plus granuleux (fig. 12, a, b, c) sur
les uns et sur les autres. Sur le cbeval et le chien, ils sont dans le pus à peu près
de iJême diamètre que dans le sérum du sang frais, mais ils sont un peu plus
petits que dans la lymphe.
L'état cadavérique amène la production de un ou deux, rarement trois noyaux
dans les leucocytes du Cheval, plus tard et sur un moindre nombre de cellules
que chez le chien ; chez ce dernier, en outre, sur beaucoup d'entre eux, il se pro-
duit trois noyaux. Chez ces deux animaux, chez le Lapin, etc., l'état cadavérique
détermine de très-bonne heure et sur un très-grand nombre de leucocytes le gon-
flement de la paroi propre de ces éléments sous forme d'une goutte claire (fig. 1 1 ,
d, e, /', g, h, i, et tlg. 12, e, f, 9), transparente, vésiculeuse, rendant ainsi pres-
que double le diamètre de l'élément. Ce phénomène se produit chez ces animaux
bien plus rapidement et sur un bien plus grand nombre de cellules que chez
l'homme, ce qui, joint à leur transparence et à leur volume plus petit que chez
ce dernier, donne aux préparations qui les renferment un aspect très-différent.
Du reste, l'action de l'eau et celle de l'acide acétique est la même que chez
l'homme. Leur structure ne diffère pas essentiellement non plus de ce qu'elle est
dans ce dernier. Ils sont aussi le siège de tous les phénomènes et des altérations
morbides dont nous parlerons bientôt.
Leucocytes des vertébrés ovipares. Dans le sang des oiseaux les leucocytes
sont peu nombreux. Leur volume et leur forme sont à peu près les mêmes que chez
l'homme (pi. I, fig. 5). Ils eu offrent aussi tous les caractères physico-chimiques,
ils sont toutefois un peu moins transparents. L'eau les gonfle et y fait apparaître
un ou deux noyaux sphériques, ou bien les rend seulement plus granuleux (pi. I,
fig. 5, c, d). L'acide acétique agit sur eux comme chez l'homme ; seulement pres-
que toujours les granulations sont réunies au centre eu un seul amas large ou en
demi-cercle mince ; rarement elles se disposent sous forme de deux ou trors
noyaux polyédriques teintés de jaune rougeàtre et accompagnés de quelques
granulations.
Ils sont formés d'une masse homogène parsemée de granuLltions dont quel-
ques-unes allongées, brillantes, siègent ordinairement à la périphérie du globule.
Les leucocytes du pus des oiseaux ne diffèrent de ceux de leur sang que par un
peu plus ou un peu moins de granulations selon les circonstances dans lesquelles
ils se sont produits.
Dans le sang et dans la lymphe des reptiles les leucocytes sont plus nombreux
que chez les animaux dont il a été question jusqu'à présent. Ils sont sphériques,
mais ils se déforment et deviennent polyédriques (pi. 1, fig. 6, deçà k, et fig. 7, b,
c, d, h, g), etc., par production d'expansions analogues à celles dont il sera ques-
tion plus loin et dont nous avons déjà parlé. Ces expansions sont les unes irrégu-
lières, très-granuleuses et pouvant se séparer de la masse principale de l'élément,
de manière à réduire celui-ci en deux ou trois fragments ; phénomène qui peut se
manifester encore plusieurs heures après la mort de l'animal. D'autres expansions
sont claires, de teinte faiblement rosée, arrondies à leur extrémité et offrent
quelquefois une petite excavation ou vacuole sphérique au centre.
Leur diamètre est de 0""",010 chez les plus petits, de 0™'",015 pour les plus
gros avec des intermédiaires nombreux. Tous présentent une certaine mollesse,
ils se déforment par pression réciproque, se courbent et s'allongent contre les
obstacles.
Beaucoup de ces globules ont une teinte foncée, ce qui est dû an grand nombre
24G LEUCOCYTE.
de granulations qu'ils renferment ; d'autres moins abondants, sont très-pàles, et
transparents (fig. 6, a, b, c, et fig. 7, a, b, e, f, g, h). L'eau gonfle tous ces
éléments et en augmente le diamètre d'un quart, elle rend les granulations plus
nettes, plus isolées; souvent elle détermine l'accumulation de toutes les granula-
tions d'un seul côté du leucocyte dont le reste de la masse devient en quelque
sorte limpide (fig. 1,1); sur d'autres elle fait apparaître vers leur milieu ou leur
bord un noyau spbérique très-pàle {i, k, l). Quant à ceux qui sont naturellement
très-clairs et transparents, elle en augmente beaucoup la pâleur et les dissout
tout à fait si la quantité d'eau est abondante, mais lentement. L'acide acétique
rend spliériques, pîdes et transparents tous ces globules et il les gonfle un peu.
Il réduit le contenu à un ou deux noyaux sphériques, finement granuleux,
latéraux ou centraux, larges de 4 à 6 millièmes de millimètre, toujours accompa-
gnés d'un nuage de petites granulations. Quelquefois on trouve au contraire qu'il
s'est formé trois ou quatre noyaux rangés en demi-cercle ou entassés. Ainsi tous
ces globules sont formés d'une masse homogène parsemée de granulations jau-
nâtres, brillantes au centre à contours foncés dans les uns , grisâtres peu abon-
dantes dans les autres qui offrent alors une bien plus grande transparence que
les premiers. Ces cellules pâles ont parfois un noyau central spbérique large de
5 millièmes de millimètre environ ; quelques-unes renferment une ou deux gra-
nulations moléculaires, brillantes. 11 existe donc deux variétés de leucocytes chez
ces animaux, les uns granuleux foncés, et les auti"es pâles transparents peu gra-
nuleux. Sur les batraciens on trouve ces deux variétés de globules comme chez
les reptiles ; ils sont seulement plus petits, sauf peut-être les globules pâles.
Les leucocytes du pus et des muqueuses de ces animaux ne diffèrent des pré-
cédents que par un bord plus foncé, un corps un peu plus pâle dans lequel les
granulations moléculaires sont un peu plus grosses, moins cohérentes et plus
faciles à distinguer.
Chez les poissons osseux les leucocytes sont assez nombreux, autant ou plus
que chez les reptiles. Ils ont généralement 10 millièmes de millimètre de
large, mais il en est qui ont 1 ou 2 millièmes en plus ou en moins. Ils sont par-
faitement sphériques, mais ils se déforment rapidement et envoient des expan-
sions souvent très-longues. La plupart sont pâles et finement granuleux ; il en
est peu d'aussi foncés que ceux qu'on trouve chez les reptiles (pi. I, fig. 8,
a, b, c, d, e). L'eau agit sur eux comme sur ceux de ces derniers, et réunit les
granulations sous forme de noyau spbérique, même dans les globules les plus
pâles. Il reste aussi des granulations fibres élégamment groupées autour ou sur
un des côtés de ce noyau. Sur ceux qui sont très-pâles on ne voit pas ces granu-
lations, le noyau existe seul. L'acide acétique les gonfle moins que ne fait l'eau,
elle coagule le contenu qui forme de un à trois noyaux généralement situés sur le
côté du globule, et disposés soit en demi-cercles, soit sans ordre particulier
(pi. I, fig, 8, f, g, h). La structure de ces globules ne diffère pas de celle des élé-
ments correspondants chez les reptiles.
Chez les cyclostomes, les animocètes en particulier, les leucocytes sont plus
nombreux que dans les poissons osseux ; ils ont pourtant le même volume, qui
oscille entre 9 et 11 milhèmes de milh mètres. L'eau les gonfle et ne fait rassem-
bler les granulations en forme de noyau que sur la moitié environ ; mais sur la
plupart celles-ci sont douées de mouvement brownien dans le globule, ce qui in-
dique la fluidification de la substance centrale de l'élément à la suite de l'action
de l'eau. L'acide acétitjue y fait apparaîti^, dans tous ou presque tous, deux et
b
LEUCOCYTE. 247
quelquefois trois petits noyaux sphériques à bords nets, généralement séparés les
uns des autres, rarement disposés en demi-cercle ou en groupe.
Classification, spécificité et nomenclature des leucocytes. L'analogie et sou-
vent l'identité d'aspect extérieur des leucocytes contenus dans la lymphe, le sang,
le pus, etc., l'identité surtout de l'action de l'acide acétique sur eux et sur les
globules blancs pris dans le sang, montrent de la manière la plus évidente que
ce sont des éléments anatomiques de même espèce. La comparaison directe des
uns aux autres ne saurait laisser à cet égard le moindre doute.
L'expression de globules de pus est inexacte et devra disparaître, en tant que
dénomination spécifique, puisque le même élément anatomique se rencontre dans
des régions de l'économie où il n'y a manifestement pas de pus, ni les conditions
de sa production ; et ce que l'on a attribué aux leucocytes (dits globules du pus),
comme caractérisant le pus, doit être rapporté au sérum lui-même, de même que
c'est à ce liquide et non aux éléments solides qu'il faut attribuer ses propriétés
nuisibles.
Les caractères qui font que ces éléments anatomiques représentent une seule
et même espèce de cellule, quel que soit le lieu dans lequel ils naissent, sont
d'autre part en corrélation avec leurs propriétés, et ici la physiologie confirme eu
tous points les données de l'anatomie.
On distingue anatomiquement dans les leucocytes deux variétés principales
d'après le volume de ces éléments, les uns représentant les globules ou cellules
proprement dits, les autres plus petits sont appelés glohuUns. La première à son
tour se subdivise parfois en deux autres variétés, selon que l'état cadavérique et
l'action de l'eau, etc., y amènent ou non la production d'un ou de plusieurs
noyaux, ces derniers étant alors distingués, mais accessoirement, sous le nom de
globules pijoides.
On a ainsi pour ces éléments trois variétés : la variété cellules à 7wyaux, la
variété cellule sans noyaux et la variété dite des globulins.
On observe en outre dans les deux premières variétés que les phénomènes du
développement peuvent y déterminer des modifications assez nombreuses de' vo-
lume ou de structure, mais elles sont en corrélation avec les conditions spéciales
dans lesquelles ces éléments se trouvent durant leur séjour dans l'économie ; de
telle sorte qu'avec telle condition donnée, comme l'inflammation, par exemple,
on peut s'attendre à rencontrer telle modification déterminée. Par conséquent en
tenant compte de ces conditions, comme on doit le faire dans l'examen de tous
les éléments anatomiques, on ne sera point conduit à considérer ces modifications
secondaires comme représentant des variétés ou même des espèces diverses; bien
que leurs différences soient assez tranchées, pour qu'avec un peu d'habitude on
puisse d'après l'examen de chacune d'elles, déterminer le lieu où est né le leuco-
cyte quilcs présente. C'est ainsi que nous avons vu ci-dessus (p. 258, etc. que selon
les régions où se trouvent les leucocytes, que selon les conditions, par conséquent,
dans lesquelles ils sont nés, ils offrent des différences qui permettent d'en déter-
miner la provenance. Mais nous verrons aussi que lorsqu'à la surface de muqueu-
ses différentes l'inflammation apporte des conditions semblables, les leucocytes
cessent d'être aussi différents qu'ils l'étaient et prennent les principaux caractères
de ceux qui sont nés dans un loyer purulent. Les leucocytes en un mot partagent
avec tous les autres éléments la propriété de varier entre certaines bmites selon
les régions qu'ils occupent, selon les conditions au sein desquelles ils sont nés
et se sont développés , mais sans cesser d'être eux-mêmes, sans jamais surtout
2^8 LEUCOCYTE.
tendre à prendre les caraclères de quelque autre espèce d'élément analomique
que ce soit, ni s'éloigner d'un type abstrait qu'on se représente facilement pour
chaque espèce après un certain nombre d'observations.
Description des leucocytes de petit volume dits globnlins. Sur les embryons
et lorsque le sang devient leucocythémique, les glolndins sont plus nombreux
que chez l'adulte à l'état normal, mais ils sont loin de lêlre dans la même pro-
portion que les cellules. Cette petite proportion fait qu'ils passent inaperçus dans
ijeaucoup d'observations, ou que souvent on ne peut les retrouver dans les cail-
lots et dans les régions, où le sang est épanché, bien que pourtant les autres va-
riétés s'y rencontrent.
Ces dernières particularités tiennent aussi à leur petit volume ; celui-ci est tou-
jours moindre que celui des globules rouges de un quart ou même de moitié
suivant les espèces. Ils ont en général, tant chez l'homme que chez les mammi-
fères domestiques, 4 millièmes de millimètre. Beaucoup n'ont que 3 millièmes;
quelques-uns en atteignent 5 ; chez les herbivores et sur le fœtus humain ds ont
presque tous ce dernier diamètre, que fort peu dépassent de un demi-millième
au. plus. Dans le sang leucocythémique, il en est aussi un certain nombre qui
atteignent 5 et 6 millièmes de millimètre.
Les globulins sont tout à fait sphériques, rarement un peu polyédi^iques. Leur
contour et par suite leur surface sont nets, non dentelés, ni rugueux, ce qu'on
peut constater lorsqu'ils roulent lentement dans le champ du miscroscope.
Un phénomène physique, particulier à beaucoup de granulations ' incluses, a
fait dire qu'ils sont hérissés à leur surface, etc. Ils sont grisâtres, très-transpa-
rents, à bords nets et pâles ; mais les granulations qu'ils renferment, bien que
petites, sont foncées et apparaissent comme en relief- d'oi!i la teinte générale
grisâtre du globule et l'aspect rugueux de la surface, aspect d'autant plus pro-
noncé que le grossissement employé est plus faible. Alors en effet la substance
pâle homogène interposée aux granulations cesse d'être visible, en quelque sorte,
à côté d'elles.
Les globulins sont visqueux à leur surface, en sorte qu'ils adhèrent au verre,
bien que d'une manière moins tranchée que les gros globules blancs. Outre ceux qui
existent dans les amas de matière amorphe, il en est qui adhèrent ensemble au
nombre de dix à trente ou environ et constituent ainsi des amas particuliers, qui
reconnaissent pour première cause la viscosité des globules. Ces amas sont rares
du reste et se rencontrent plus souvent sur les fœtus d'herbivores, que chez d'au-
tres animaux.
C'est sans doute à leur viscosité ou peut-être à leur petit volume qu'est dû ce
fait que chez les animaux sur lesquels on étudie la circulation, ces petits éléments
adhèrent aussi à la face interne des parois du capillaire çà et là entre les leucocytes
de la variété cellule dont on voit quelquefois une certaine quantité avant de ren-
contrer un ou deux noyaux, qui s'en distinguent facilement par leur petit volume.
L'acide acétique, en agissant sur les globulins, tantôt les resserre seulement un
peu, rend leurs bords plus foncés, tantôt il détermine en eux une modification,
qui les amène à ressembler beaucoup aux noyaux qu'il produit dans les leucocytes
de la variété cellule (pi. I, fig. 2, q, r, s). Sous l'influence de cet agent on les voit
en effet se rétrécir un peu, prendre des bords plus foncés, et devenir comme un
peu rougeâtres vers la partie centrale. En même temps quelques-uns d'entre eux
offrent une sorte d'incisure vers leur partie médiane, qui les divise incomplètement
en deux, ou bien qui les fait paraître comme recourbés en un fer à cheval à
LEUCOCYTE. 249
brandies rapprocliées. 11 en est sur lesquels cette incisure peut aller jusqu'à les
diviser eu deux ou en trois parties distinctes, lesquelles toutefois restent aggluti-
nées ensemble, comme les noyaux des leucocytes proprement dits, mais avec un
volume moindre toutefois. Dans tous les cas, un examen attentif à l'aide d'un
grossissement suffisant permet de reconnaître la substance du corps de la cellule,
devenue très-pàle, restée très-petite et comme appliquée sur le noyau ou sur les
noyaux précédents, dont elle est bien moins écartée c^ue lorsqu'il s'agit des leuco-
cytes ayant tout leur volume.
Ainsi en général, c'est après l'action de l'acide acétique seulement, que l'on
peut constater que certains de ces éléments, qu'on aurait pu prendre d'après leur
volume pour des noyaux libres, étaient de petites cellules daus lesquelles l'acide
détermine l'apparition d'un ou deux noyaux semblables à ceux des autres leuco-
cytes, et entourés d'un corps de cellule très-petit presque appliqué sur le noyau ou
amas central de granulations, tandis que l'eau gonfle au contraire le corps de la
cellule.
C'est à cette variété des leucocytes que ressemblent les éléments qui existent en
quantité variable d'un vaisseau à l'autre sur un même sujet, dans la cavité de la
gahie perivascnlaire des capillaires cérebro-rachidiens (Ch. Robin, Journal de la
physiologie, 1859). Toutefois ces éléments qui sont plus petits c{ue les épithé-
liums nucléaires des ganglions lympatbiques ne sont pas attaqués par l'eau et. par
l'acide acétique comme les globulins. Quoiqu'd en soit, ds se rencontrent aussi
abondamment dans ces gaines sur les suppliciés et chez les animaux domestiques
bien portants et tués rapidement que sur l'homme mort de maladie ; ce fait suffit
pour démontrer que ces éléments ne sont pas le produit d'une altération vascu-
laire comme l'ont prétendu quelques auteurs d'après des observations faites sur
l'homme mort de maladie seulement. [Voy. Hayem. Thèse 1868, p. 24.)
Chez les oiseaux, ces petits leucocytes ressemblent beaucoup à ceux de l'homme.
Ils ont de 4 à 5 millièmes de millimètre de large. Ils sont peut-être un peu plus
uniformément granuleux. Cliez eux, chez les pigeons entre autres , on en trouve
beaucoup dans la veine porte qui sont réunis en amas, englobant un ou plusieurs
de ces éléments de la variété cellule et même des hématies. Le sang de la veine
porte renferme ici plus de globulins que celui des autres parties du corps. L'acide
acétique agit comme chez l'homme et met en évidence les fines granulations du
globule.
Chez les reptiles et les batraciens , ces leucocytes sont un peu plus gros et un
peu plus granuleux que dans les oiseaux. Ils ont de 0""",005 à O^^jOO?. On peut
constater sur l'animal vivant, à un grossissement de 300 diamètres réels, que les
globulins interposés aux globules blancs à la ûice interne des capillaires ont bien
les mêmes caractères que ceux qui sont dans les lymphatiques accompagnant ces
vaisseaux sanguins.
Les globulins sont un peu plus nombreux dans le sang des lézards que dans
celui des couleuvres.
Cliez les poissons , les leucocytes de cette variété ont 4 à 5 millièmes de milli-
mètre. Ils atteignent rarement 6 millièmes. Us sont par conséquent plus petits que
dans les reptiles. A part cela, ils olfrent les mômes particularités de réaction et
de structure que chez les animaux dont il a été question précédemment. Sur les
cyclostonies , les aminocètes particulièrement, ils offrent les mêmes caractères;
leurs granulations un peu plus nombreuses sont très-nettes et ils sont plus nom-
breux que sur les autres poissons.
250 LEUCOCYTE.
Les petits leucocytes ou globulins sont peu nombreux chez les invertébrés; toute-
fois on en rencontre sur les arachnides, les crustacés, les mollusques et les an-
uclides. On sait en effet que les globules du sang de ces animaux et des insectes
sont uniquement des leucocytes tant sphériques que lenticulaires. Us sont analo-
gues à ceux du sang et de la lymphe des vertébrés au point de vue de leur
aspect, de leurs modifications cadavériques, réactions chimiques, de leur struc-
ture, de leurs déformations par production d'expansions sarcodiques, ainsi que
l'ont depuis longtemps fait connaître et représenté divers auteurs et particulière-
ment Warthon-Jones (The Blood-corpuscle in the animal séries. Philosophical
Transactions. London, 1846, in-4^ part. 2, p. 65 et suiv., pi. 1 et 2).
Bes diverses espèces d'éléments qui ont été confondues avec les leucocytes. Il
est plusieurs espèces d'éléments anatomiques qui ont été considérés comme
semblables aux leucocytes et qu'à l'époque actuelle même divers auteurs regardent
comme semblables à eux, ne pouvant en être distinguées et formant une seule et
même espèce d'éléments, anatomiquement et pbysiologiquement, devant par con-
séquent recevoir le même nom.
1° hes celhdes embryonnaires ou de la tache embryonnaire, c'est-à-dire for-
mant par leur réunion les feuillets de la tache embryonnaire du blastoderme sont
les premières dont nous ayons à nous occuper ici. Elles ont au premier coup d'œil
quelque analogie avec les leucocytes quant à leur aspect extérieur et leur vohune.
On peut parfois les trouver réunies dans une même préparation des tissus des
très-petits embryons, lorsque les leucocytes du sang épanché sont mêlés à des
cellules embryonnaires dissociées.
Les caractères qui permettent de distinguer ces deux espèces de cellules sont les
suivants :
Les cellules embryonnaires sont un peu plus grosses que les leucocytes. Elles
sont polyédriques sur les pièces fraîches et ne donnent jamais des expansions sar-
codiques ou auribiformes. Isolées elles deviennent un peu sphéroïdales, mais avec
des angles mousses et non régulièrement sphériques ; leur contour est plus foncé
que celui des leucocytes. Qu'elles soient tout à fait fraîches ou non, elles offrent un
et rarement deux noyaux avant l'action de tout réactif, noyaux moins transpa-
rents, plus larges et moins réguliers que celui ou que ceux dont l'état cadavérique
amène la formation dans les leucocytes.
Les granulations interposées entre le noyau et le contour des cellules embryon-
naires sont plus volumineuses et plus foncées que dans ces derniers. Le contact de
l'eau ne détermine pas de mouvemeut brownien de ces granules comme sur ceux
des leucocytes, bien qu'il gonfle un peu tes premières et les rende assez régulière-
ment sphériques.
Cet ensemble de caractères établit déjà entre ces deux sortes d'éléments des dif-
férences qu'il est facile de constater avec un peu d'habitude de cet ordre d'exa-
men. Enfin, l'action de l'acide acétique établit une différence tranchée entre eux.
Il ne fait que pâlir le corps des cellules embryonnaires, sans le dissoudre ni le ren-
dre aussi pâle et aussi peu perceptible que sur les leucocytes ; il ne fait que l'cs-
serrer un peu et rendre plus foncé le noyau des cellules embryonnaires qui, après
Comme avant l'emploi de cet agent, reste unique dans chaque cellule, ou double
s'il y en avait deux. Or, on sait que dans les leucocytes, l'acide acétique resserre,
fait se recourber en fer à cheval, ou fait paraître comme incisés les amas nucléi-
formes qui se sont formés sous l'influence de l'eau ou de l'altération cadavé-
rique, et en fait apparaître de deux à quatre bien plus petits et plus irréguliers
LEUCOCYTE, 251
qufi ceux des cellules précédentes, quand les leucocytes n'ont pas encore été ainsi
modifiés.
Il n'est pas mutile de bien spécifier qu'il s'agit ici de la distinction de deux es-
pèces d'éléments analomiques ayant forme de cellules, dont l'un porte le nom de
cellules embryonnaires, en raison de sa prédominance dans l'organe blastoder-
raique appelé f«c/ie embryonnaire, mais qu'il ne s'agit pas encore de l'hypothèse
dont les fauteurs donnent le nom de cellules embryonnaires aux leucocytes, en
raison de ce que, suivant eux, les leucocytes du pus comme ceux du sang et de la
lymphe pourraient se transformer en toutes sortes d'éléments anatomiques, même
en ceux des os, et seraient par conséquent des cellules représentant l'état em-
bryonnaire de ces aufres éléments. Cette spécification est importante à faire, non-
seulement parce que rien dans les faits ne justifie la supposition précédente, mais
parce que ceux qui l'ont émise n'ont jamais comparé entre eux les leucocytes et
les cellules formant les feuillets de la tache embryonnaire.
2° Les leucocytes offrent, au premier coup d'œil, de véritables analogns de
forme, de volume, et de teinte grisâtre avec les niédulloceUes . H est des auteurs
qui s'en tiennent à ces seuls caractères pour déterminer la nature des éléments
anatomiques sans recourir à l'examen de ceux qui, bien plus importants, concer-
nent leur structure propre et leur composition immédiate, que révèlent en partis
leurs réactions chimiques. Aussi, ces auteurs ont-ils été amenés à considérer les
deux espèces précédentes d'éléments comme n'en constituant qu'une seule, c'est-
à-dire les méduUocelles et les leucocytes comme identiques, ou en d'autres termes
les éléments qu'on trouve dans la moelle des os comme étant des cellules de la na-
ture des corpuscules du pus, (Virchow, 1858.)
Les différences pourtant sont frappantes entre ces deux espèces d'éléments, et
d'abord en ce que, à l'état frais, les méduUocelles ne donnent pas d'expansions
sarcodiques comme les leucocytes. De plus, tandis que dans ces mêmes conditions
les méduUocelles montrent un ou deux noyaux a^ec la même netteté que plus
tard, les leucocytes n'en possèdent pas, et il ne s'en produit en eux que sous l'iu'
fluence de l'eau ou des modifications cadavéï'iques qu'ils subissent.
De plus, beaucoup de méduUocelles ont une forme un peu polyédrique, que l'eau
ne fait pas disparaître. Bien que ce liquide les rende un peu plus transparentes, il
ne les gonfle pas et ne détermine pas l'apparition du mouvement brownien de leurs
granulations, comme il le fait pour les leucocytes, et cela que les uns ou les autres
de ces éléments soient à l'état frais ou non. Enfin, l'acide acétique, dans les unes
ou les autres de ces conditions, ne fait jamais apparaître de deux à quatre petits
noyaux au sein des méduUocelles; aussi son action permet-elle de distinguer les
uns des autres ces éléments lorsqu'ils sont mélangés. Ce réactif pâlit en effet le
corps de la cellule bien plus lentement qu'il ne pàht sur les leucocytes, en laissant
intact son noyau, ou ses noyaux quand il y en a deux ; il les resserre toutefois un
peu, et rend leur contour plus net, mais il ne leur donne pas une teinte rougeàtre,
et il ne détermine pas sur eux une sorte d'étranglement en forme d'incisure,
comme il le fait sur les amas nucléiformes des leucocytes, dont la production a été
amenée antérieurement par l'eau ou par l'altération cadavérique.
Notons enfin que dans les tumeurs ayant pour point de départ la moelle des os,
qui renferment des méduUocelles et dans celles particulièrement qui ont pris l'as-
pect encéphaloïde, on peut constater l'existence de méduUocelles à toutes les
phases d'une hypertrophie souvent considérable, avec ou sans production de nu-
cléoles dans les noyaux hypertrophiés, faits dont nul élément, offrant les carao-
252 LEUCOCYTE.
lèrcs dos leucocytes, n'offre d'exemple en aucune région de l'économie tant à l'état
normal qu'à l'état pathologique;
3° Les épithéliums nucléaires des ganglions lymphatiques, ceux de la rate, du
thymus et de la thyréoïde ont quelques analogies avec les leucocytes, sous le rap-
port de l'aspect extérieur résultant de leur forme, de leur volume, de leur couleur,
et de leur état finement et uniformément grenu. Un certain nombre aussi de ces
épithéliums présente, après qu'on les a isolés, un corps ou masse de cellule très-
petit, qui est comme appliqué sur le noyau, et qui s'en écarte un peu en se gon-
flant par altération cadavérique ou après l'action de l'eau.
Aussi ces éléments ont-ils été considérés comme n'étant pas des épithéliums,
mais bien des cellules de même nature que les leucocytes de la lymphe, du sang,
du pus, etc., comme étant de même espèce qu'eux et les glandes lymphatiques, etc.,
ont été regardées comnje étant les organes formateurs ou sécréteurs de ces élé-
ments; au fur et à mesure qu'a lieu leur production ceux-ci tomberaient dans
les lyftphatiques ou dans les veines.
Il est pourtant difficile de comprendre qu'une pareille confusion ait pu être faite
en présence des différences si tranchées et si iaciles à constater qui séparent ces
deux espèces d'éléments. Indépendamment de ce que ces épithéliums ont un vo-
lume assez uniformément le même et plus petit de 2 à 4 millièmes de millimètre
que celui des leucocytes, ils se distinguent aisément de ces derniers à l'état frais,
en ce qu'ils ne présentent jamais de déformations ni d'expansions sarcodiqaes.
L'état cadavérique et l'eau ne les modifient pas. Us ne font que gonfler un peu le
corps de cellule très-pâle appliqué sur quelques-uns de ces noyaux, quand toute-
fois le fait existe, car il n'est pas très-commun dans les ganglions sains; mais il
ne tait jamais apparaître le mouvement brownien de granulations moléculaires
incluses dans l'élément anatomique.
Les faits précédents et les suivants sont d'autant plus importants à signaler,
que les rapports des capillaires lymphatiques avec les épithéliums nucléaires réunis
en groupes ou amas dans la trame réticulée de la portion centrale des ganglions
sont tels, qu'il n'est pas impossible que, dans certaines conditions morbides, la
mince pai^i vasculaire se rompant, il ne tombe de ces noyaux d'épithélium dans
la lymphe. Entraînés dès lors avec ce liquide, ils peuvent, si ce fait a lieu, être
retrouvés dans le sang et circuler avec ses autres éléments. Mais avant que ce fait
fût admis comme fréquent, sinon comme habituel, il serait nécessaire de voir si
ces noyaux se trouvent mêlés aux leucocytes dans le réservoir de Pecquet ou dans
le canal thoracique, et cela en particulier sur les individus morts leucocythémi-
ques avec hypertrophie ganglionnaire ou non ; ordre de recherches qui n'a pas en-
core été fait.
L'acide acétique resserre un peu ces noyaux, rend leurs contours plus nets, plus
foncés, moins réguliers, quelquefois comme un peu incisés sur un ou deux points,
et il rend leur centre un peu plus clair qu'il n'était. Jamais il ne rend la masse de
l'élément pâle et plus grosse qu'elle n'était, pas plus qu'il n'y fait apparaître de
deux à quatre noyaux ou amas nucléiformes.
Ces diverses actions permettent aussi de distinguer sans grande peine les leu-
cocytes de ces épithéliums nucléaires lorsqu'ils sont mélangés dans les cas d'adé-
nites, etc. Ces actions montrent en toutes circonstances qu'ils ont les caractères
de difficile altérabilité, et antres, propres aux noyaux en général, aux épithéliums
nucléaires en particulier, et aucun des caractères que possèdent les leucocytes,
lors même qu'il s'agit des leucocytes très-petits, comme ceux de la vessie ou de
LEUCOCYTE. 253
ceux qui, en voie de se iormer sur une plaie récente, etc , n'ont pas encjre leurs
dimensions habituelles. Enfin, sur aucun de ces noyaux, ces réactifs ne font
apparaître des modifications telles qu'il soit possible de les considérer comme
présentant certains caractères des épithéliums, unis à certains de ceux des leu-
cocytes, comme étant des noyaux d'épithéliums surpris au milieu de quelqu'une
des phases de leur passage à l'état de leucocytes.
Les faits qui précèdent s'appliquent du reste en tous points aux cas dans les-
quels des noyaux uniques ou multiples hypertrophiées ou non dans des cellules
plus ou moins modifiées de l'épithéhum des muqueuses ou des séreuses eullani-
mées, ont été considérés comme des leucocytes du pus en yoie de formation
endogène par scission continue et métamorphose du noyaux de ces cellules.
Pour achever d'exposer les difiérences qui existent entre les leucocytes et les
épithéliums nucléaires, différences qui infirment formellement l'hypothèse de
l'identité ou même des analogie? de ces deux espèces d'éléments, il importe de
noter encore les faits qui suivent. D'une part, on voit, dans un grand nombi^e de
lésions, des glandes lymphatiques [adénies, etc, , voy. Lymphatiques (Maladies)]
thyréoïde et splénique, leurs épithéhums nucléaires dépasser graduellement par
hypertrophie leur volume normal (0"'™,006), pour arriver à des dimensions
doubles et triples, en même temps qu'ils deviennent moins grenus, et qu'un ou
plusieurs nucléoles brillants, plus ou moins gros, se produisent en eux. Et ces
modifications qui sont les mêmes que celles qu'on voit survenir aussi sur les épi-
théliums, nucléaires ou non, de diverses autres glandes ne sont jamais présentées
par les leucocytes dans quelque condition que ce soit.
D'autre part enfin, comme bien d'autres épithéliums nucléaires, ceux des
glandes lymphatiques passent souvent dans des conditions accidentelles à l'état
d'épithéliums cellulaires polyédriques, par production entre eux de matière
amorphe et segmentation de celle-ci autour de ces noyaux comme centre, avec ou
sans hypertrophie de ces derniers. Or les leucocytes ne montrent jamais quoi
que ce soit de semblable.
Les données qui précèdent montrent nettement l'importance qu'il est nécessaire
d'attacher à la comparaison des faits accidentels ou morbides aux faits normaux,
toutes les fois qu'il s'agit de déterminer la nature réelle des éléments anatomi-
ques et de juger les questions de relations de similitude onde succession que cer-
tains peuvent offrir eu égard aux autres.
Le mode d'individualisation des cellules épithéliales, les phases de leur évolu-
tion, les caractères physiques et chimiques du noyau ou des noyaux de chacune
d'elles à l'état normal ou dans les cas d'inflammation, ceux du corps de la cel-
lule qui entoure celui-ci, montrent de la manière la plus nette combien sont
grandes les différences qui séparent les épithéliums des leucocytes, à quelque
période de leur développement que ce soit. Ils montrent par suite que ces derniers,
à la surface des muqueuses, etc., {corpuscules muqueux, globules de jnis, etc.),
ne sont nullement une provenance des noyaux, et qu'ils ne sont pas non plus de
jeunes cellules épithéliales détachées des couclies profondes, contrairement à une
opinion erronnée encore fort répandue parmi ceux qui jugent de la nature des
éléments anatomiques et qui les nomment d'après des idées pi'éconçues et non
d'après la connaissance de leur origine et de leur constitution.
Prépeiration des leucocytes. Pour observer ces éléments dans le sang et dans
la lymphe, il suffit de placer une goutte de ces liquides entre deux lames de verre ;
sans addition d'eau si l'on vent en constater les caractères réels. Peu nombreux
254 LEUCOCYTE.
dans l'un et l'autre de ces liquides, il faut souvent les chercher dans telle partie
de la préparation plutôt que dans telle autre. Ce que nous avons appris de l'ac-
tion de l'eau sur les leucocytes et des modifications que leur fait subir l'état ca-
davérique suffit pour faire sentir dans quelles conditions il faut se placer pour
étudier ces éléments, non-seulement dans les humeurs précédentes, mais encore
dans les mucus, dans les sérosités purulentes ou non, dans le pus, etc. Autrement
on les voit déjà modifiés par l'influence des sérums, quelque peu altérés que
soient ceux-ci. (Comparez les fig. 1, 2 et 3 de la pi. II aux fig. 4 et 5.)
Les leucocytes des tissus se préparent comme les éléments de ces tissus
eux-mêmes, ou mieux c'est en cherchant à isoler ces derniers et à les observer
qu'on sépare les leucocytes et qu'on en constate l'existence. 11 faut souvent alors,
pour les distinguer, donner une grande attention à l'examen de la préparation,
parce que leur petit nombre fait qu'ils sont en quelque sorte perdus au milieu des
éléments fondamentaux du tissu. Comme les préparations de ces tissus se font
dans l'eau, c'est toujours tels qu'ils sont après l'action de ce liquide qu'on y voit
les leucocytes.
Dans le pus concret il faut dissocier les leucocytes agglomérés en délayant la
substance dans l'eau. Comme ils sont déformés par pression réciproque, etc.,
le léger gonflement que leur fait éprouver ce liquide tend à les rendre plus
facilement reconnaissables.
Une fois placés entre les deux lames de verre et suffisamment observés, il suffit,
pour étudier l'action des réactifs sur eux, de faire ghsser entre les deux lamelles
l'eau, l'acide acétique, la glycérine, etc., dont on a placé une goutte près des
bords de la lame mince.
Physiologie des leucocytes. De la naissance des leucocytes. Les leucocytes
naissent dans toutes les régions de l'économie oii nous avons vu qu'on les ren-
contre normalement, savoir : dans les capillaires, dans le corps vitré, à la surface
de toutes les membranes muqueuses et cutanées, de toutes les séreuses, dans
les conduits excréteurs de diverses glandes, etc. Ils apparaissent aussi dans un
grand nombre de circonstances morbides, comme par exemple dans toutes les
cavités accidentelles, telles que les kystes et dans l'épaisseur de tous les tissus
mous, surtout vasculaires ; mais il en naît aussi dans ceux qui ne le sont pas,
tels que l'épaisseur de la cornée sans qu'elle soit devenue vasculaire, les culs-de-
sac glandulaires tels que ceux de la mamelle, etc.
On voit que les conditions générales de la naissance de cette espèce de cellules
sont, non pas très-nombreuses, mais se rencontrent à un degré plus ou moins
prononcé dans des régions très-variées et de dispositions anatomiques très-diffé-
rentes, que ces éléments naissent et se développent rapidement.
Il n'est point nécessaire qu'il y ait inflammation pour que naissent ces élé-
ments. Il est vrai que, dans le cas où le phénomène a heu, ils apparaissent en
quantité considérable et rapidement ; qu'alors par conséquent les conditions
nécessaires à la production du blastème qui fournit les matériaux de leur pro-
duction sont plus favorables que toute autre circonstance ; mais le fait est que
l'inflammation n'est pas la condition indispensable de la naissance des leucocytes
du pus. {Voy. Blastème.) La seule énumération des régions de l'économie oii se
rencontre cette espèce d'éléments anatomiques suffit pour démontrer le fait précé-
dent, puisque dans la plupart de celles oîi on en voit nul phénomène inilamma-
toire n'existe, puisqu'on les trouve normalement dans le sang, etc. ; puisque ceux
qu'on rencontre à la surface des muqueuses normales sont semblables à ceux qui
LEUCOCYTE. 2c5
existent dans le pus de ces mêmes membranes, sauf des différences insignifiantes.
Si donc les phénomènes de l'inflammation sont une des conditions les plus favo-
i"ables à la naissance de ces éléments anatomiques, ils n'en sont point la seule ;
les leucocytes ne doivent par conséquent pas être considérés en eux-mêmes comme
MU produit de V inflammation.
On ignore encore quelle est la substance organique du sang, de la lymphe ou
des blastèmes qui, par catalyse isomérique passe à l'état de substance organique
fondamentale des leucocytes.
L'existence des leucocytes dans le sang de l'embryon à une époque oii les lym-
phatiques manquent encore, leur présence dans le sang des invertébrés dépourvus
de système lymphatique montre qu'il en naît dans les vaisseaux sanguins, et que
chez l'embryon les articulés et les mollusques, du moins, ceux du sang ne, pro-
viennent pas nécessairement de la lymphe.
Leur présence dans le canal thoracique à tous les âges montre qu'il en naît
pendant toute la vie dans les lymphatiques, puisque ceux de ces derniers arrivent
dans le sang avec la lymphe. Comme on trouve des leucocytes dans les réseaux
et les conduits lymphatiques, du pied, du testicule (Ch. Robin dans Atlee. Lectu-
res on the Bloocl Philaclelphia, 1854, in-12, p. 174 et 176, Kœlliker, 1855), etc.,
avant leur arrivée aux ganglions correspondants, il est manifeste aussi que ce ne
sont pas ces derniers organes qui seraient spécialement chargés de les former, et
qu'ils naissent dans le liquide même qui les charrie, dans toutes les parties du
système lymphatique probablement. C'est du reste d'après une hypothèse contre-
dite par les faits les plus élémentaires que celle qui a pu faire admettre que
produire cette espèce d'élément anatomique était l'usage, le rôle que tel ou tel
organe pourrait être appelé à remplir.
Leur naissance dans des conditions qu'on peut dire normales et incessamment
renouvelées dans la cavité des vaisseaux comme à la surface des muqueuses, leur
présence dans le corps vitré, au moins des jeunes sujets, leur production acci-
dentelle à la surface des séreuses, de la peau dénudée, dans les interstices des
fibres ou des cellules des tissus, sont autant de faits qui, avec les précédents
prouvent que ces éléments anatomiques naissent d'après le mode dit de genèse ■
qu'ils peuvent naître au même titre que les éléments anatomiques des tissus, et
qu'ils ne sont pas produits et fabriqués en quelque sorte par tel ou tel oro-ane
spécial, comme les glandes lymphatiques par exemple.
Dans les régions où naissent naturellement les leucocytes peuvent se trouver
parfois des conditions qui en amènent l'hypergenèse. De même que pour les élé-
ments des tissus on voit souvent dans des parties du corps où n'existent pas
normalement ces cellules se montrer les conditions de leur génération, de même
cette aberration dans la genèse des leucocytes est fréquente dans la profondeur
de tous les tissus, et ce sont les leucocytes nés dans ces conditions anormales qui ■
ont reçu le nom de globules de pus.
Ainsi cette espèce de cellules ne fait pas exception aux faits généraux d*hypet'-
genèse et d'erreur de lieu dans de phénomènes de naissance; {Voy. Éléments ana-
tomiques.)
Dans le sailg et dans la lymphe les conditions spéciales de l'hypergenèse des
leucocytes sont mal déterminées. Le résultat de celle-ci est la multiplication de
ces derniers qui peut aller jusqu'à détermmer l'état dit leucoojthémiqiie du sang.
C'est ce que l'on observe dans plusieurs maladies diathésiques, dans divers états de
cachexie tels que ceux causés par les fièvres intermittentes ou autres, ordinaire-
256 LEUCOCYTE.
ment avec hypertrophie de la rate ou des ganghons lympliatiques, mais pouvaiit
exister sans cela. L'hypergenèse des leucocytes s'observe aussi dans les fièvres
typhoïdes, les dysenteries, dans les cas dits d'infection purulente, de fièvre puer-
pérale et autres affections analogues, mais atteint rarement assez d'intensité poiï
arriver jusqu'à produire la leucocythémie.
A la surface des muqueuses et des séreuses les conditions indirectes de l'hyper-
genèse des leucocytes sont la congestion ou l'inflammation de ces membranes ; les
conditions directes sont la production d'un blastème dont la nature intime est
encore inconnue. Le résultat de ce phénomène est la multiplication des leuco-
cytes, pouvant ou non aller jusqu'à colorer le mucus ou la sérosité produite par
ces membranes ou par leurs glandes.
A la surface de la peau et dans l'épaisseur des tissus les conditions indirectes
de la genèse des leucocytes sont souvent, mais non toujours, ce trouble de la
circulation des capillaires appelé inflammation, et les conditions directes sont la
production d'un blastème dont le sérum du pus représente en quelque sorte
l'excédant. Le résultat est la naissance de leucocytes en quantité parfois assez
considérable pour produire des tumeurs liquides, au même titre que l'aberration
dans la genèse des autres espèces d'éléments amène la formation de tumeurs
solides .
Ainsi les leucocytes comme les autres espèces d'éléments anatomiques peuvenî
naître en des points de l'économie où ils manquent normalement, tels que l'épais-
seur des solides et cela dans des conditions qui se produisent facilement. Ce fait
est l'origine de la production des tumeurs liquides connues sous le nom d'abcès
comme l'hypergenèse et la genèse avec erreur de lieu des éléments propres aux
tissus de l'économie sont le point de départ des tumeurs solides. Ces éléments
partagent aussi avec tous les autres les propriétés de ronger et â! envahir les
tissus voisins, c'est-à-dire que loKsqu'ils se multiplient considérablement en un
point de l'économie où ils n'existaient pas dans l'épaisseur d'un organe, ils en
écartent, en distendent, puis en compriment les fibres, etc., déterminent l'atro-
phie de celles-ci et en prennent peu à peu la place. C'est ainsi que s'opèrent la
formation du foyer de l'abcès, sa migration parfois et peu à peu son ouverture
dans une cavité naturelle ou au dehors. Cet envahissement par le pus des tissus
qui l'avoisinent ne diffère pas essentiellement du phénomène analogue offert par
les tumeurs sohdes; il s'opère d'après les mêmes lois, seulement il s'accomplit
plus rapidement, comme aussi la genèse, et le développement des leucocytes sont
plus rapides que ceux des espèces d'éléments qui entrent dans la constitution de
ces tumeurs.
Les conditions nécessaires à la genèse des leucocytes se rencontrent encore dans
l'épaisseur de certains solides, avec cette particularité qu'ils naissent sans qu'il y
ait en même temps production d'une grande quantité du fluide appelé sérum du
pus, qui entre communément pour 75 p. 100 dans la composition du liquide des
abcès. Ils sont alors interposés directement aux éléments des tissus dont il s'a^^it
(voy. p. 227) ou, selon les cas, plongés dans la matière amorphe qui fait
partie de ces tumeurs. C'est ce dont offrent des exemples certaines tumeurs demi-
transparentes delà coxmç.,\Q's, tubercules auaiojîifçî^es, quelques tumeurs, molles,
rougeàtres, vasculaires, qui se produisent à l'extrémité de la racine des dents
cariées, beaucoup d'épithéliomas, etc.
En outre on peut voir au sein des épithéliomàs des mâchoires, de la peau,
du rectum, du gland, du col de l'utérus, etc., les leucocytes naître dans le li-
LEUCOCYTE. 257
qnide qui remplit les cavités des cellules épithéliiilcs qui se sont creusées d'ex-
cavations ou vaciToles {voij. pi. 1, fig. 9) au mcrae litre qu'il en naît dans
les interstices même des éléments de quelque tissu que ce soit, les conditions
étant là ni plus ni moins favorables dans les cavités de ces cellules qu'au dehors.
Ces leucocytes restent généralement un peu plus peLits que ceux qui sont libres
dans les mêmes tumeurs et un peu moins réguliers, surtout lorsqu'ils sont culas-
ses les uns sur les autres (/, m); mais ils réagissent de la même manière au con-
tact de l'acide acétique (e, f); ils peuvent naître en quantité assez considérabh
pour combler la cavité qui s'est produite dans le corps des cellules épithéliales
(/, m, o), comme aussi ils peuvent ne la remplir qu'en partie {a, h, c, d
eih, i,j, k). C'est généralement dans les plus grandes cellules que le fait s'ob-
serve non-seulement chez l'homme, mais fncore sur le bœuf, le chien, etc.
On en constate aussi la présence dans quelques cellules épithéliales devenues
deux à trois fois plus grandes que les autres, sphéroïdales, vésiculeuses, soit dans
les pustules vaccinales et varioliques, soit dans les séreuses enflammées, etc.
C'est dans des circonstances de ce genre qu'on a considéré les leucocytes comme
provenant du noyau de ces cellules épithéliales par division prolifiante de ce der-
nier, et transformation de ces noyaux en cellules du pus. Mais ici, on constate
souvent la présence d'un noyau, hypertrophié ou non, dans la substance de cel-
lules dont une ou plusieurs vacuoles sont pleines de leucocytes dont l'acide acé-
tique permet de déterminer nettement la nature; car il n'est pas rare de voir sur
des muqueuses et des séreuses enflammées et dans la muqueuse utérine de la
femme, des lapines ou autres rongeurs, pendant la grossesse, des cellules épithé-
liales qui, au lieu de leucocytes, contiennent deux noyaux ou un plus "rand
nondjre de noyaux, sphériques ou non, que leurs réactions montrent bien ne
pas être des leucocytes malgré qu'ils en aient quelquefois la forme et le volume.
D'autre part enfui, comme dans tous les cas où l'on a admis la formation des
leucocytes attaquables par l'eau et par l'acide acétique aux dépens de novaux inat-
taquables par ces agents plusieurs données manquent pour qu'on puisse admettre
cette hypothèse. Il reste encore à démontrer: 1" le fait même de la division du
noyau en plusieurs corpuscules successivement, ou de ceux-ci en leurs semblables
dans la cellule épithéliale ; 2° il reste réellement à donner la preuve, par la
description d'essais faits dans ce but sur ces cellules épithéliales, de la produc-
tion gemmipare ou tissipare de eellules que l'eau et l'acide acétique attaquei'aient
à l'aide et aux dépens d'un noyau que ces agents ne modifient pas; car jusqu'à
présent, ces expériences n'ont pas été faites, tandis que toutes les observations
connues et faciles à répéter mettent en évidence les différences existant entre
ces éléments dès leur apparition. Quant à la transformation directe (soit lente,
soit aussi rapide qu'elle devrait être ici) des noyaux épithéliaux inattaquables
par l'acide acétique, etc., en cellules solubles dans ce réactif, aucun fait expéri-
mental connu ne la prouve, et tous la contredisent.
Les seules régions de l'économie dans lesquelles on ait pu suivre les phéno-
mènes de la naissance des leucocytes sont la surface dénudée de la peau et la sur-
face des plaies.
Ces phénomènes sont les suivants. Lorsqu'à la surface du derme dénudé ou
d'une plaie récente ou observe successivement les petites gouttes transparentes
ou à peine troublées par des hématies venant d'un peu de sang épanché, on aper-
çoit d'abord seulement un liquide ou blastème hyalin parsemé de fines granula-
tions éparses ([1. Il, lig. 0, e, e). Une heure au | lus, mais souvent une denii-
DICT. ESC. 2' S. 11. 17
258 LEUCOCYTE.
heure ou urt quart uiicuie suffisent pour qu'où y aperçoive des globules pâles
transparents, larges de 3 à 4 millièmes de millimètre, tantôt sans granulations
ou à peine granuleux, d'autres fois un peu plus ioncés, parce qu'ils renferment
quelques granulations très-fines [a] .
Dès l'instant de leur apparition ils offrent une grande facilité à se déformer par
production d'expansions sarcodiques et par pression réciproque ou contre les lames
de verre ; ils sont mous, coamie giutineux, ils adhèrent les uns aux autres ou aux
corps cjui les touchent. Dès ce moment aussi l'eau les gonfle un peu, les rend plus
pâles, mais n'y fait pas apparaître de noyau. Pourtant l'acide acétique qui l'end le
corps de chaque cellule très-pâle et le gonfle y fait apparaître dès l'origine de un
à deux noyaux, et quelquefois trois. Du reste ces amas ou noyaux sont petits,
larges de 1 à 2 millièmes de millimètre, proportionnés en un mot au diamètre des
cellules naissantes. Il ne reste aucunes granulations entre eux et le contour de la
cellule après l'action de l'acide acétique.
Ainsi, c'est par le mode dit de genèseque naissent les leucocytes, et leur mul-
tiphcation, quand il en existe en un point déterminé de l'économie, résulte de la
répétition de ce même phénomène. Leur reproduction, leur multiplication par
segmentation ou scission n'a en fait pas encore été observée.
Aujourd'hui, on sait en outre, d'après ce qu'ont montré les expériences souvent
répétées par M. Onimus, qu'en introduisant sous la peau d'un lapin des petits sacs
remplis par de la sérosité de \ésicatoires convenablement filtrée en baudruche,
on trouve, au bout de douze heures, la sérosité encore transparente, quoiqu'elle
ait perdu sa couleur citrine primitive. On y remarque déjà quelques leucocytes
et des granulations. Les granulations sont assez rares, et les leucocytes sont en
général assez petits, à contours nets et présentant les expansions et les déforma-
tions sarcodiques.
Au bout de vingt-quatre heures, la sérosité est trouble et renferme un grand
nombre de leucocytes et de granulations.
Au bout de trente-six heures, la sérosité est blanche, laiteuse en raison du
grand nombre de leucocytes et de granulations qu'elle contient.
• Lorsqu'on examine imméchatement ces leucocytes, après avoir retiré la bau-
druche de l'animal où elle était maintenue, ils présentent les expansions et les
déformations sarcodiques qu'on' voit sur les leucocytes du sang et de la conjonctive
enflammée. De plus, ils ont également les autres caractères des leucocytes qui se
forment dans l'organisme : action gonflante de Teau, mouvement brownien des
granules, rupture, puis phssement de la paroi, etc. L'amm.oniaque les gonfle d'a-
bord et les dissout ensuite. L'acide acétic[ue ne détermine pas la formation de
noyaux sur tous ces éléments, ce qui démontre qu'il en est qui sont de la variété
pyoïde, fait qui s'observe aussi dans le pus des vésicatoires. Mais il en est un cer-
tain nombre qui présentent de deux à quatre noyaux sous l'inflwence de cet agent,
et un ou deux seulement au contact de l'eau, comme s'il s'agissait du pus d'un
abcès.
Ces expériences ont de plus montré que cette genèse des éléments anatomis
ques du pus, dans un blastème représenté par une sérosité filtrée, homogène, en-
tièrement dépourvue de granules et d'éléments en suspension, a pour condition
indispensable d'accomplissement les phénomènes d'endosmose et d'exosmose. Les
leucocytes naissent d'autant plus vite dans ce blastème hyalin, homogène, que les
phénomènes d'endosmose et d'exosmose sont plus rapides. La chaleur et la com-
position des solides et des liquides environnants ont une influence marquée sur
LEUCOCYTE. - 239
la genèse des leucocytes, car il ne se forme ni leucocytes ni aucune espèce d'élé-
ments anatomiques dans une sérosité dont la fibrine a été coagulée. En outre,
fait important, la présence de leucocytes ajoutés artificiellement à la sérosité ne
détermine pas le passage à l'état purulent de ce liquide quand sa fibrine a été
coagulée. (Onimus, Expériences sur la genèse des leucocytes. In Journal de l' a-
natomie et de la physiologie. Paris, 1867, in-S", p. 50 et suivantes.)
Développement régulier et anormal des leucocytes. Les phénomènes de déve-
loppement consécutifs à leur naissance sont très-simples dans les conditions habi-
tuelles ; ils sont au contraire très-variés dans un grand nombre de circonstances
accidentelles.
Ces phénomènes consistent d'abord en une simple augmentation de volume,
avec production de très-fines granulations moléculaires (pi. II, fig. 6, b, c, c,g,g).
Lorsqu'ils ont atteint 6 à 7 millièmes de millimètre, l'eau les gonfle un peu et y
fait apparaître un à deux noyaux [d, d). L'acide acétique agit sur eux comme à
l'ordinaire et détermine la formation de un à quatre noyaux comme à la période
de développement complet, mais déjà quelquefois il reste autour des noyaux
quelques granulations jaunâtres, graisseuses ou grisâtres insolubles dans l'acide
(i, k). Les noyaux qui se produisent restent encore pâles et petits (fig. 5, d). 11 est
des régions, comme la surface des plaies profondes, où de très-bonne heure les
leucocytes deviennent plus granuleux (fig. 4, a, è, c, (/) qu'à la surface des sé-
reuses, de la peau, et que dans le sang ou les lymphatiques. Mais ces granula-
tions sont fines et uniformément distribuées dans l'élément anatomique.
Bientôt enfin ces éléments acquièrent le volume et les autres caractères qui
leur sont habituels et que nous connaissons déjà.
Hypertrophie des leucocytes . Sans changer notablement de structure ou en
conservant entièrement celle qui leur est propre, les leucocytes peuvent s'hyper-
trophier plus ou moins. On ne voit généralement qu'un petit nombre de ces cel-
lules qui soient dans ce cas-là. Cette hypertrophie va jusqu'à leur faire prendre
le double de leur volume ou un peu au delà, mais ne dépasse que fort rarement
ces limites (pi. IL fig. 4, q, r, s, v, x, n; fig. 5, </, q, r, r, t,t, x; et pi. III,
fig. 1, i, n, n, et fig. 6, h).
C'est particulièrement dans les parties du corps où ils séjournent long-
temps que les leucocytes deviennent le siège de ces modifications. Nous verrons
bientôt qu'indépendamment de cette hypertrophie simple, ces éléments offrent
souvent une augmentation de volume plus considérable encore, mais qui n'est
que la conséquence d'autres altérations plus importantes.
Il est remarquable de voir que la plupart des leucocytes qui se trouvent dans
des conditions telles qu'ils séjournent longtemps immobiles en un même endroit
ttu lieu d'être soumis à un mouvement fréquent, sinon continu, comme dans les
plasmas de la lymphe et du sang à l'état normal, augmentent beaucoup de volume
et deviennent le plus souvent très-granuleux. C'est ce qu'on voit sur les leucocytes
de la lymphe et du sangdorsqu'ils viennent à rester stationnaires dans quelque di-
latation variqueuse des lymphatiques, des veines du scrotum, d'une tumeur érec-
tile, etc., où du sang séjourne (pi. I, fig. 2, h,j,k). Les leucocytes du colostrum
dans les conduits excréteurs de la mamelle, les mucus qui séjournent dans une
cavité normale ou accidentelle, en offrent de fréquents exemples (pi. III, fig. 1).
11 eu est de même des leucocytes des séreuses enflammées ou non (pi. II, fig. 5)
et de quelques-uns de ceux du pus des abcès lorsque la fluctuation y est devenue
manifeste.
260 LEUCOCYTE.
Mais les conditions dans lesquelles on voit le plus de leucocytes devenir granu-
leux et atteindre Je degré d'hypertrophie le plus considérable sont les suivantes.
Lorsqu'ils se sont produits dans les interstices des fibres ou des tubes d'un tissu,
de telle façon qu'ils ne soient pas en suspension dans un liquide naturel ou acci-
dentel, il n'est pas rare de les trouver presque tous granuleux. C'est ce dont o!"-
frent des exemples les leucocytes interposés aux tubes nerveux, brisés ou non,
dans le lissu encéphalo-rachidien affecté de ramollissement (pi. IIl, fig. Set 9);
ceux qui naissent dans beaucoup de tumeurs épithéliales ou d'origine glandu-
laire des fosses nasales et buccales, des ganglions lymphatiques, du gland, de
l'anus, etc. ; ceux qui se rencontrent dans le parenchyme même du poumon affecté
de pneumonie suppurée (pi. II, fig. 4, de o à s), etc.
C'est dans ces conditions-là qu'on voit marcher de front l'hypertrophie, quel-
quefois la déformation et toujours des modifications de structure de ces éléments,
comme conséquence des phénomènes de développement dont ils sont le siège.
C'est dans ces conditions-là qu'il faut s'attendre à trouver à côté des leucocyte?
offrant les caractères de structure et autres décrits plus haut, ceux qui présen-
tent l'état dit granuleux qui en cliange notablement l'aspect extérieur. Ces chan-
gements sont tels que si on ne s'en tenait qu'à l'examen des caractères d'ordre
physique et mathématique, on prendrait les cellules arrivées au plus haut degré
de ces modifications pour des éléments d'espèce particulière. [Voy. la synonymie
page 225.)
Mais si au lieu de cela on se préoccupe davantage de suivre toutes les phases
d'évolution normale et morbide de ces éléments comme de tous les autres, on
observe bientôt des leucocytes encore manifestement reconnaissables par tous les
caractères que nous avons étudiés jusqu'ici, mais contenant déjà des granulations
graisseuses ; puis à côté d'eux on en voit nombre d'autres offi'ant toutes ks
phases d'altération qui séparent l'état normal de ces cellules du degré de lésion
le plus avancé.
Passage des leucocytes à Vétat granuleux. Dans les dilatations veineuses oh
séjourne du sang, dans les kystes sanguins et synoviaux, etc., le dépôt de granu-
lations est tantôt unil'orme, tantôt plus abondant sur un des côtés de la cellule
que sur les autres (pi. I, fig. 2,j,_;, /;, K). Généralement les leucocytes devenu.;
granuleux ont doublé de volume (j, j, k, k) ou à peu près. Le noyau ou les
noyaux, lorsqu'ils se sont produits durant les phases de la lésion ou lorsqu'étaut.
formés ils ne sont pas masqués par de trop nombreuses granulations, sont deve-
nus plus volumineux du tiers au double environ. Dans les caillots et dans les
kystes veineux, il est commun de voir les granulations des leucocytes rougeàtres
au lieu d'être jaunes comme celles qu'on voit dans les autres éléments {h,j, k).
Dans le pus des abcès ou des fistules ossifluentes, dans les hquides non puru-
lents des hydropisies, dans certains kystes, on peut rencontrer la plupart ou u;i
grand nombre des leucocytes seulement, parsemés de quelques granulations grais-
seuses jaunâtres, qui ne changent pas notablement le volume ni les autres carac-
tères de chacun d'eux (pi. III, fig. 4, /, m, n, o, p, g, et fig. 6, b, c, d, e, f).
L'aspect général delà préparation est seul modifié par ces particularités de struc-
ture lorsqu'elle renferme beaucoup de ces leucocytes.
Dans toutes les espèces de pus, dans le tissu du poumon enflammé, dans les tu-
meurs, etc., on trouve des leucocytes en plus ou moins grand nombre arrivés à
ce premier degré de modification (pi. II, fig. 5, b, b, g, n, n, n), et les granula.
tioiis y sont tantôt uniformément dislribuécs, tantôt plus nombreuses d'un col;;
LEUCOCYTE. 261
tle l'élément que de l'autre. Mais en même temps on en rencontre qui, devenus plus
gros du quart, de la moitié ou du double qu'à l'état normal, renterment un plus
grand nombre de granulations soit éparse^ (fig. 5, n, t, q, et fig. 4, v, r, r), soit
aussi plus abondantes d'un côté de la cellule que de l'autre (lig, 4, s, s).
Enfin ceux de ces éléments qui frappent le plus et qui parfois sont plus nom-
breux que les leucocytes n'ayant encore parcouru que les pbases précédentes,
sont ceux qui sont devenus entièrement granuleux. Ces leucocytes sont sphéri-
ques, quelquefois o\oïdes (fig. 5, v, «), larges en général de 2 millièmes de mil-
Imiètre, mais peuvent atteindre près du double, et plus rarement un diamètre
plus grand encore. Us sont de teinte foncée, jaunâtres, peu transparents, d'aspect
granuleux ; c'est particulièrement le centre de chaque granulation qui est jau-
nâtre, qui réfracte fortement la lumière, tandis que le contour de celle-ci est
foncé noirâtre. Le contour delà cellule reste généralement régulier, mais il n'est
pas rare de voir les granulations qui la remplissent faire saillie à sa surface,
et par suite rendre cette dernière comme rugueuse ou mamelonnée (fig. 5, g) et,
alors la périphérie paraît un peu irrégulière.
L'eau les gonfle légèrement, mais bien moins que les cellules non granuleuses ;
son action ou le séjour prolongé dans le sérum du pus déterminent sur quelques-
uns de ces éléments la distension et le gonflement vésiculilbrme de leur paroi
(pi. 11, fig. S,/', f) comme sur ceux qui ont conservé l'état noi^mal, mais plus rare-
ment.
L'acide acétique les gonfle plus que l'eau, ramollit leur substance, et si après
son action l'on fait glisser les lames de verre l'une sur l'autre en les comprimant
on peut écraser les leucocytes granuleux et en dissocier les granulations dans le
champ du microscope. Arrivés à cette phase de leur altération granuleuse, ils se
montrent comme composés de granulations accumulées les unes contre les autres
et maintenues agglutinées par une substance homogène interposée à celles-ci, tan-
tôt facilement apercevable [x, x), tantôt ne pouvant être reconnue qu'après l'ac-
tion des réactifs ou même difficile à voir, tellement les granulations sont conti-
guès et pressées les unes contre les autres [s, s). Dans ce dernier cas, qui est
commun, il ne se forme point d'amas en forme de noyaux dans ces leucocytes, ni
avant ni après l'action des réactifs, soit pai'ce qu'il ne s'en produit pas, soit parce
(ju'ils sont entourés et masqués par les granulations. Il n'est pourtant pas i-are
de trouver des leucocytes devenus plus ou moins granuleux et hypertrophiés,
dans lesquels se sont produits de 1 à 3 de ces noyaux (fig. 4, s, r, z, y, et fig. 5,
q, r, t, z). Ces derniers peuvent être deux et même trois lois plus gros que dans
les autres leucocytes. Tantôt ils sont rapprochés les uns des autres au centre
des leucocytes comme à l'ordinaire (fig. 4, r, s, v. y, et fig. 5, q, r), d'autres
lois ils sont diversement disposés plus ou moins près de leur surface (fig. 3, t,
t,z, r). Dans quelques leucocytes on voit un, deux, ou la totalité de ces noyaux
qui sont ovoïdes au lieu d'être sphériques (fig. 4, r, s, y, et fig. 5, q, t, z).
On peut trouver, bien qu'en petit nombre et assez l'aremenf, dans divers pus,
tels que celui de séreuses et des ganghons lymphatiques, des leucocytes granuleux
qui renferment 4, 5 et jusqu'à 10 noyaux tantôt bien visibles, larges de 3 à 5
millièmes de millimètre (fig. 5, p), tantôt en partie masqués par les granulations;
ils sont alors difficiles à bien délimiter, mais paraissent plus larges qu'ils ne sont
réellement [v, v), surtout lorsqu'ils sont placés au centre de la cellule.
Parmi les autres particularités de structure que peuvent offrir le; leucocytes
granuleux du pus, il faut signaler la production, assez rare du reste, d'une ou
2G2 LEUCOCYTE.
de plusieurs gouttes d'huile dans leur épaisseur (pL II, fig. 5, ii). La coloration
de ces gouttes peut être plus ou moins foncée, et lorsqu'il y eu a plusieurs leur
présence change notablement l'aspect des leucocytes.
Le volume des granulations produites dans les leucocytes peut ne pas être le
même, soit d'un leucocyte devenu granuleux à l'autre dans une même région,
soit d'une parlie du corps à l'autre. lien est, comme parfois dans le pus des
ganglions lymphatiques, etc., où les granulations sont volumhieuses (fig. b,j,
y, z) et donnent aux leucocytes un aspect très-différent de celui que présentent
ceux de ces éléments qui ne renferment que des granulations très-fines (s, f, u,
etc.). Cet aspect varie en outre selon que ces granulations sont écartées les unes
des autres ou nombreuses et rapprochées. (Comparez les figures y, z.)
Il est une autre particularité de structure importante à signaler, bien que plus
rare que les précédentes. Elle s'observe tantôt dans le pus concret ou demi-cou-
cret du parenchyme môme des poumons (fig. A, u, r, y), tantôt dans les leucocytes
de quelques tumeurs, et plus rarement dans ceux du pus liquide. Elle consiste
en ce que les granulations sont accumulées et rapprochées seulement vers le
centre de la cellule où elles forment un amas foncé qui se trouve entouré d'une
zone incolore ne contenant que les fines granulations propres à tous les leuco-
cytes ; la transparence de cette zone qui tranche à côté de la teinte foncée
granuleuse est due à cette disposition, qui donne à ces leucocytes un aspect
difféi'ent des autres.
Il est quelques régions de l'économie où les leucocytes deviennent granuleux
d'une manière tellement constante que ceux qui se sont ainsi modifiés sont plus
nombreux que les autres et doivent être mentionnés spécialement en raison de
particularités de structure qui s'y rencontrent presque constamment.
Les leucocytes qui naissent dans l'épaisseur du tissu cérébral enflammé sont
ordinairement petits, tantôt pâles, le plus souvent assez granuleux et foncés
(pi. III, fig. S, g, h,i), généralement sans noyaux, quelquefois en possédant un
{n, n). Il n'est pas rare de les voir rendus moins transparents par les granula-
tions qui se produisent dans leur épaisseur. Ces granulations sont quelquefois
épai'ses dans le corps de l'élément, qu'il soit ou non hypertrophié (fig. 9, de n-àz);
mais dans ces conditions plus fréquemment que dans toute autre on voit des
leucocytes restés très-petits, non hypertrophiés, devenus opaques et tout à fait
granuleux, offrant tous les caractères de Vetat granuleux décrit plus haut sauf
le volume qui est demeuré ce qu'il est normalement (pi. III, fig. 9, a, a, h, cl).
La plupart pourtant ont subi un certain degré d'hypertrophie (de e à m) et
il n'est pas rare d'en trouver en même temps un certain nombre qui sont dé-
fonnés {y, m, y); plus souvent aussi que* dans d'autres régions les granulations
sont très-rapprochées les unes des autres, peu volumineuses et rendent ces élé-
ments très-opaques (fig. 9, de / à jn, et fig. 8, i, m).
Certains des leucocytes qui naissent et se développent dans l'épaisseur du tissu
des tumeurs, entre leurs fibres et leurs cellules et qui concourent accessoire-
ment à former leur tissu deviennent aussi granuleux et deux à trois fois plus
larges qu'à l'ordinaire. Dans les tumeurs d'origine glandulaire de la pituitaire,
etc. , ils sont parfois assez nombreux pour donner à quelques parties du tissu
une coloration jaunâtre. Cette couleur tient à la fois à leurs granulations grais-
seuses qui réfléchissent la lumière en lui communiquant cette teinte et à leur
accumulation en quantité assez considérable pour former des amas apercevablcs '
à l'œil nu.
LEUCOCYTE. 265
Dans le colostnim normal et dans le lait, lorque la mamelle est endammée,
les leucocytes devenus granuleux et liypertrophiés, déformés ou non (pi. 111,
fig. 1), sont toujours plus nombreux que ceux qui ont conservé leurs caractères
habituels (tig. 1 , de a à fc). Si pour obtenir le liquide ou a comprimé la glande,
ou peut trouver là comme dans toute autre partie du corps des leucocytes aux
diverses phases de leur altération, c'est-à-dire granuleuse, depuis le degré où
ils ne renferment encore que quelques granulations {i,j,k,l, ?/), jusqu'à celui
OLi ils offrent l'état granuleux qui les rend opaques, jaunâtres, d'aspect grenu,
etc. (de oàî)).
Les granulations des leucocytes arrivés à ce degré d'altération sont générale-
ment petites, très-rapprochées les unes des autres, comprimées réciproquement
en quelque sorte et comme un peu allongées plutôt qu'arrondies; elles rendent
les leucocytes presque tout à fait opaques, parce qu'eu raison de leur petit vo-
lume et de leur superposition, leur centre brillant ne se voit plus étant masqué
par le contour des autres granules (o, o). Cependaut, chez certains sujets, ou
voit un grand nombre de leucocytes dont presque toutes les granulations sont
grosses, c'est-à-dire larges de 2 à 4 mdlicmes de millimètre [ii) et montrent leur
centre brillant, ce qui fait paraître moins foncés les éléments qui les renferment.
Ces granulations sont généralement un peu irrégulières, polyédriques. Qu'elles
soient petites ou volumineuses, de volume égal ou non, elles sont habituellement
distribuées d'une manière uniforme dans toute la masse de la cellule (/, /, n, o) ;
mais on trouve un petit nombre de celles-ci dans lesquelles les granules sont accu-
nmlés d'vui seul côté du leucocyte, taudis que le reste de son étendue n'est pas
plus granuleux qu'à l'état normal {m, y).
Lorsque les leucocytes naissent dans les conduits mammaires, il en est qui en-
globent dans leur substance des gouttes butyreuses du lait [a, b, c, cl, e, f,
g, k, x). Or ces leucocytes peuvent devenir granuleux comme les précédents. Ils
offrent alors un et quelquefois plusieurs globules de lait dans leur épaisseur.
Ceux-ci tranchent parleur volume, leur centre large, brdlant, d'aspect homogène»
et par leui' teinte plus claire, sur les petites dimensions et sur la teinte jaunâtre
foncée des granulations habituelles des leucocytes. Tantôt ces globules de lait
sont placés vers le milieu même du leucocyte, granuleux ou non (/, s, x), tantôt
ils sont contigus à leur surface (/, ii, v, v) ; d'autres fois ils sont manifestement
en partie saillants hors de la cellule, en partie enclavés dans son épaisseur (r).
Lorsque des leucocytes englobent plusieurs corpuscules du lait (pi. III, fig. 1, d,
f, g), des granulations graisseuses viennent à se produire {k,l), si ces dernières
sont toutes ou en partie d'un volume assez considérable {p,p, q, r), il n'est pas
toujours possible de les distinguer avec certitude des globules de lait qu'elles
entourent. Les plus grosses de ces granulations (?/) ont en efl'et le volimie des
plus petits globules de lait {p.,p, q, r), pourtant on remai'que avec un peu d'ha-
bitude que ceux-ci sont plus pfdes, à centre plus large et plus clair, à contour
plus net etmoins foncé que les granulations graisseuses de production accidentelle.
Déformation et autres altérations des leucocytes. Il n'est pas rare de trou-
ver des leucocytes déformés d'une manière permanente. Ce sont surtout ceux qui
sont à la fois hypertrophiés et devenus granuleux qui offrent cette altération.
Tantôt ils sont devenus ovoïdes (pi. III, fig. 1 , m, f, y), tantôt ds tendent à prendre
une forme irrégulière ou sont resserrés vers le milieu [v, v) ; d'autres présentent
une sorte de prolongement ou d'expansion latérale conique ou d'une autre forme,
gramdeuse ou non (pi. 111, fig. 9, y, et pi. If, fig. 5, o,p, q). Ces déformations
2Gi LEUCOCYTE,
permanentes peuvent du reste être observées sur des leucocytes qui ne sont pas
granuleux (pi. III, fig. 6, q, et pi. II, fig, 4, x, x) ou qui ne le sont que dans
une petite partie de leur étendue (5, s).
On remarque enfin une autre altération des leucocytes qui bien que fort rare
méi'ite d être signalée. Elle consiste en une production de vacuoles ou excavations
pleines d'un liquide clair et limpide, le plus souvent sans granulations moléculaires
(pi. III, fig. 6, i,j,k, l,s, t). C'est surtout dans le liquide non purulent de kystes
ovariens, ou dans la sérosité du péritoine produite depuis longtemps que s'observe
cette lésion. Elle n'est pas rare dans les leucocytes du corps vitré cbez les adultes
tant à l'état normal que dans le glaucome. Les éléments qui la présentent n'of-
frent habituellement pas de noyau et restent finement granuleux. D'autres ne
montrent qu'une excavation ou vacuole centrale, qui selon qu'elle est plus ou
moins grande détermine une augmentation de volume du leucocyte pouvant aller
'lu quart au quadruple de ses dimensions ordinaires (/, i, k). Dans ces der-
nières circonstances la substance du leucocyte est réduite à une mince enveloppe
finement granuleuse ou non, épaisse de 1 à 3 millièmes de millimètre (pi. III,
fig. 6, k, et pi. 11, fig. 4, q, q). On trouve d'autres leucocytes creusés de 2 à 5
vacuoles arrondies, séparées par une mince épaisseur de la substance de l'élé-
ment anatomique (pi. lll, fig. 6, j, s, t), et quelquefois un peu déformées par
oression réciproque (t). Ces vacuoles transparentes déterminent un changement
tel dans le volume et dans l'aspect extérieur des leucocytes, qu'il serait impos-
sible de les reconnaître sans l'emploi de l'acide acétique et si on ne trouvait
tous les degrés intermédiaires entre l'état normal et les phases les plus avan-
cées de l'altération {p, q, r, l,s,j, i, k). Il est remarquable aussi de voir que très-
souvent ces éléments adhèrent les uns aux autres tant qu'on les examine dans
liquide où ils se sont développés, dans l'humeur vitrée par exemple ; mais
une fois placés dans l'eau ils se séparent, comme le fout habituellement ces
éléments.
De la fin des leucocytes. Une fois nés, les leucocytes présentent une existence
dont la durée varie d'une région ù l'autre de l'économie. Ceux de la lymphe en
disparaissent par leur passage dans le sang. On ne sait encore ce que deviennent
■eux qui existent dans le sang. La firéquence et la facilité avec laquelle se mon-
trent les conditions nécessaires à leur hypergenèse portent à soupçonner qu'ils
sont susceptibles de s'atrophier jusqu'à disparition complète avec aussi peu de
difficulté ; car le retour de ces éléments à leur nombre normal est aussi prompt
dans certaines circonstances que leur multiplication. On ne sauvait nier cette
atrophie jusqu'à disparition complète dans les cas, par exemple, ou le sang après
en avoir présenté plus qu'à l'état sain, comme on le voit manifestement dans les
cas de fièvre puerpérale, etc., revient à l'état normal. Seulement les phases de
ce phénomène sont complètement inconnues.
Les leucocytes ont été considérés comme disparaissant par métamorphose en
hématies. Mais le fait n'est aucunement prouvé; ni les phases de l'évolution de
l'une et de l'autre espèce de ces éléments, ni le mode de naissance des hématies
ne sont eu faveur de cette hypothèse. Les hématies, bien qu'à peu près incolores
à l'époque de leur apparition première chez l'embryon, ne ressemblent en rien
aux leucocytes ; d'abord elles naissent avant ces derniers dans le plasma des
vaisseaux de l'embryon, et de plus lors de leur naissance elles n'offrent ni leurs
granulations, ni leurs expansions. Enfin leur noyau ne présente rien de semblable
à ce que nous ont montré les amas nucléiformes des leucocytes (page 25 i). Cette
LELiCOCVTIv 2fi5
supposition n'est du reste qu'une manière illusoire de reculer une difficulté, car
il faudrait toujours déterminer le mode et les conditions de la naissance des leu-
cocytes. Or les conditions de la naissante des hématies dans le sérum du sang
conservent des analogies avec les conditions de la naissance des leucocytes dans
les réseaux lymphatiques ; ou en d'autres termes, il n'y a rien de plus étonnant
sous le rapport des conditions de la geni!?sc des éléments anatomiques, de voir
naitre des hématies dans le plasma sanguin, que devoir apparaître les leucocytes
dans le plasma de la lymphe, ou encore les éléments divers qui naissent succes-
sivement de toutes pièces dans les tissus de l'embryon, dans ceux de l'adulte lors
d'une cicatrisation, de la production d'une tumeur, etc.
Il est manifeste que cette hypothèse et nombre d'autres de ce genre n'ont été
suscitées que par limpossibilité de se rendre compte des phénomènes de la
genèse des leucocytes, faute de connaître l'ensemble des faits relatifs à la nais-
sance des éléments anatomiques en général. (Foy. Élément.) Il est probable aussi
qu'elle n'eût pas été émise si les leucocjtes avaient préalablement été étudiés sous
les trois points de vue de leurs états embryonnaire, adulte et pathologique ; si la
similitude spécifique des leucocytes du sang, des séreuses, des muqueuses et du
pus eût été connue ou appréciée à sa véritable valeur.
Les faits relatifs à l'atrophie jusqu'à disparition complète des leucocytes sont
malheureusement encore trop peu connus pour qu'on puisse rien dire de précis
sur la durée et sur le mode de fin de ces éléments dans les cavités séreuses, dans
l'épaisseur des tissus solides, tels que le tissu cérébral, certaines tumeurs, etc.
Rien n'en prouve l'impossibilité, seulement les conditions de cette atrophie
semblent se rencontrer rarement, et être plus difficiles à obtenir que celles de
leur multiplication.
Les leucocytes des muqueuses et des conduits des parenchymes glandulaires et
autres séjournent peu de temps dans l'économie après leur naissance et sont ex-
pulsés avec les mucus, etc. Ceux du pus et des liquides purulents disparaissent
de l'économie lorsque ces liquides sont évacués naturellement ou chirurgicale-
ment pour se détruire au dehors par putréfaction. Mais il est des observations
pathologiques qui prouvent que du pus peut disparaître complètement, que des
collections purulentes peuvent être résorbées plus ou moins rapidement. Il est
certain que dans ces conditions les leucocytes s'atrophient peu à peu jusqu'à
disparition complète, seulement les phases du phénomène sont inconnues. Toute-
fois les faits que nous avons signalés plus haut (page 244) touchant les
leucocytes du pus concret des os marquent peut-être certaines de ces pé-
riodes.
Les phénomènes particuliers de la nutrition des leucocytes sont peu connus.
Quels sont les principes qui pénètrent dans leur substance, quels sont ceux qui se
forment pas assimilation ou désassimilation, et quels sont ceux de ces derniers
qui en sortent pendant leur rénovation moléculaire nutritive ? On ne saurait le
dire à l'époque actuelle d'une manière un peu exacte, faute de connaissances assez
précises sur leur composition immédiate.
De leur étude ressort pourtant à cet égard un fait important et qui le deviendra
beaucoup plus encore s'il est reconnu comme s'appliquant à tous les éléments
anatomiques, ce que tout porte à croire. C'est que, lorsqu'ils deviennent granu-
leux, les corpuscules graisseux qui modifient leur structure se produisent bien
dans leur épaisseur, à l'aide des principes qu'ils empruntent aux blastèmes par
endosmose assiniilalrice, et ne résultent point d'un passage à l'état graisseux
266 LEUCOCYTE.
par changement d'état s} cciilque des principes mêmes albumiuoïdes ou autres
qui composent leur substance à l'état normal.
Nous avons tu eu effet, qu'à mesure que les granulations augmentent de
nombre dans les leucocytes, ceux-ci augmentent de volume, sont en quelque sorte
distendus par les granulations qui se forment dans leur épaisseur, et cela au
point que souvent les granulations soulèvent la surface de la cellule, la ren-
dent mamelonnée, framboisée, en faisant saillie au dehors (pi. 11, tig. 5, g). Du
reste on observe l'hypertrophie sans production de granulations graisseuses (pi. H,
fig, 5, r, r, et fig. 4, x, v) , et la produclion de granulations graisseuses sans hyper-
trophie (pl.lll,fig. 4,j, et fig, 6, a, (^,p, 5,1), w) ; mais celle-ci est plus fréquente
que celle-là ; eu outre l'état granuleux se complique si habituellement d'hyper-
trophie qu'on ne saurait s'empêcher de voir dans cette dernière une conséquence
habituelle aussi de l'altération granuleuse, plutôt que de regarder l'état granu-
leux comme une complication de l'hypertrophie par passage à l'état graisseux de
la matière de l'élément hypertrophié.
La [irésence constante des leucocytes contre la face interne des vaisseaux ca-
pillaires, oi!i ils forment souvent des couches d'une certaine étendue, porte à
croire qu'ils jouent uu rôle j^elatif soit à quelque modification des principes qui
arrivent au plasma et qui les traversent lorsqu'ils sont appliqués contre les pa-
rois, soit à quelque changement dans la nature de ceux qui sortent du plasma
pour être assimilés ou pour servir aux sécrétions. Mais on ne peut encore à cet
égard que faire des hypothèses.
Hypothèses sur l'origine des leucocytes. Il est peu d'éléments à l'histoire
desquels se rattache l'examen d'un plus grand nombre de questions d'anatoinie
et de physiologie cru'à celle des leucocytes. 11 en est ainsi du reste, comme on
le comprend facilement, de tous les éléments anatomiques remplissant un rôle
spécial qui demeure encore mal déterminé. Ils deviennent alors le point d'appui
de toutes les hypothèses de ceux encore si nombreux qui, dans les sciences, con-
fondant les explications basées sur des vues subjectives avec les démonstrations
objectives et inductives, ne se lassent jamais de multipher les premières. En
lisant l'énoncé de toutes les hypothèses qui ont été émises concernant l'origine
des leucocytes d'une part et ce qu'ils deviennent ensuite d'autre part, il sera
facile en effet de voir que l'admission de chacune de ces suppositions explique
bien chacune des difficultés pour la solution de laquelle elle a été faite, mais ne
démontre rien.
1° La plus ancienne des vues émises sur l'origine et la fin des leucocytes est
celle de J{. Donné {Comptes rendus de VAc. des sciences, 1842, t. XIV, p. 366,
et Cours de microscopie, Paris, \Wl, in-8°, p. 87), déjà ébauchée du reste par
Nasse et par Schultze en 1836, qui, sans se préoccuper du mode de production
des globulins, consiste à les considérer comme les premiers rudiments des glo-
bules blancs, ceux-ci comme intermédiaires aux globulins et aux globules rouges,
en lesquels se transformeraient normalement les globules blancs, sous l'inOuence
élaboratrice de la rate; glande dont les capillaires contiennent plus de globules
blancs à tous les degrés de formation et de développement que toutes les autres
parties, et qui est Vorgane véritable de cette importante fonction, le labora-
toire oii s'opère cette transmutation (Donné, p. 98 et 100); d'où la surabon-
dance des globules blancs dans le sang des individus cachectiques comme résul-
tat naturel d'un arrêt de développement dans ces particules transitoires, (Donné,
p. 156.)
LEUCOCYTE, 267
Dans l'hypothèse précédente, la question du mode de génération des globulins
destinés à se transformer en globules blancs complets n'est pas résolue, et à cet
égard la difficulté n'est que reculée. Quant à l'hypothèse de la transmutation de
ces derniers en globules rouges opérée par la rate, elle est en contradiction tor-
melle avec les données de l'observation anatomique et de la physiologie normale
et pathologique.
D'une part les hématies naissent dans l'aire vasculaire de l'embryon des verté-
brés avant les leucocytes, et en naissant ces éléments offrent dès l'origine un on
deux noyaux visibles avant l'action de l'eau et de l'acide acétique, et ne pouvant
être confondus avec ceux que l'eau et l'acide acétique font apparaître dans les
leucocytes. A cet égard, on ne peut trouver ni dans l'aire vasculaire, ni dans la
rate, des transitions entre les leucocytes et les hématies embryonnaires à un ou
deux noj'aux qui se rencontrent chez tous les mammifères pendant le premier
tiers de la vie intra-utérine. D'autre part les leucocytes, aussi bien que les liématies,
existent abondamment dans le sang des embryons pendant une période relative-
ment assez longue de l'évolution, avant qu'ait lieu la première apparition de l'or-
gane s{ lénique. Enfin les cyclostomes, poissons dont le sang est le plus riche en
globules rouges, qui môme sont circulaires et biconcaves comme chez l'homme, etc.,
restent dépourvus de rate pendant toute leur vie sans que leurs leucocytes soient
sensiblement ni plus ni moins nombreux que dans les autres poissons. 11 n'est
pas inutile d'ajouter que chez l'homme et les chiens auxquels on a enlevé la rate
les globules rouges et les globules blancs continuent à exister dans les mêmes
proportions qu'avant cette opération, ainsi que je m'en suis assuré par un exa-
men direct sur un chien.
Ce qui précède montre nettement qu'on ne saurait à aucun titre considérer les
leucocytes comme disparaissant dans la rate par transmutation en hématies, puis-
que ces éléments apparaissent l'un et l'autre et continuent à exister dans les
mêmes proportions, quelle qne soit celle des conditions normales ou accidentelles
dans lesquelles on voit des animaux vivre sans cet organe.
2" Il est aisé de voir que ces données anatomiques et physiologiques infirment
avec tout autant de rigueur l'hypothèse d'après laquelle la rate aurait pour fonction
■physiologique non plus la transmutation des globules blancs en globules rouges,
mais de donner naissance aux globules blancs. (KoUiker, Histologie, Paris, 1856,
p. 505.) Ici j'ajoute encore cette particulaiité que les mollusques et les articulés
qui n'ont pour éléments anatomiques en suspension dans leur sang que des leu-
cocytes sont dépourvus de rate comme les poissons cyclostomes.
5" A côté des hypothèses précédentes vient se placer celle de Virchow, Briicke,
Doaders, Bennet, Kœllikeret autres auteurs, qui admettent que h principale fonc-
tion des glandes lijinphaticjues consiste à former la grande majorité des corpus-
cules du chyle et de la lymphe. (Kolhker, loc. cit.,^. 635.) Ici encore il faut no-
ter que les leucocytes existent dans le sang des embryons avant que des ganglions
lymphatiques soient formés, indépendamment de ce qu'on en trouve tant dans
la lymphe que dans le s:mg des oiseaux, des reptiles, des batraciens et des pois-
sons, qui pourtant sont dépourvus de tout ganglion lymphatique. Ce fait doit être
rapproché de cet autre que des leucocytes de dimensions diverses, mais présentant
tous des expansions sarcodiqucs, etc., existent déjà aussi abondamment dans la
lymphe des conduits qui n'ont pas encore atteint les ganglions que dans les vais-
seaux efférents de ces derniers. C'est ce dont il est facile de s'assurer eu com-
parant le liquide recueilli dans les lym]ihatiques du cordon testiculaire des che-
268 LEUCOCYTE.
vaux qui viennent d'être tués à celui des lymphatiques du bassin. On peut le
constater nettement aussi dans les cas de fistule lymphatique du pied, de la
jambe et de la cuisse, ainsi que j'ai eu occasion de le faire à plusieurs
reprises.
I Quelques auteurs admettent implicitement ou explicitement que les leucocytes
que l'on dit tomber tout formés de la trame de la glande dans les conduits lym-
phatiques, ne sont autres que les épithéliums de cette trame, ou si l'on veut que
les globules de cette trame, qui cependant ont tous les caractères des épithéliums,
ne seraient autres que des leucocytes. Mais nous savons déjà que les réactions chi-
miques et Ils manières de se modifier normalement ou accidentellement jiropres
à ces divers éléments ne permettent pas de prendre les épithéliums nucléaires du
parenchyme ganglionnaire ni du parenchyme splénique pour des leucocytes,
malgré quelques analogies dans l'aspect extérieur. Or, comme indépendamment
de ces faits les fauteurs de ces hypothèses ne s'exphquent pas sur la manière dont
les glandes lymphatiques ou la rate forment ces épithéliums nucléaires, ces sup-
positions ne sont manifestement qu'un moyen de reculer la difficulté d'une ma-
nière illusoire, c'est-à-dire sans la résoudre.
4° Les leucocytes du mucus et du pus ont aussi été considérés par quelques
auteurs comme des cellules épithéliales à un état anormal partiaiUer de déve-
loppement (Henle et autres anatomistes), 'comme des cellules épithéliales d'un
âge différent de celui des autres cellules (Virchow, 1847-1858, etc.), et par
plusieurs médecins comme une provenance du noyau des cellules épithéliales ve-
nant à proliférer par scission continue.
Il est inutile de revenir ici sur les faits mentionnés plus haut (p. 252) qui
infirment de la manière la plus formelle cette hypothèse quant à la transformation
des noyaux d'épithélium (et aussi des cellules) en leucocytes. Mais il ne le sera pas
de rappeler les différences qui, à la surface des muqueuses, des séreuses et de la
peau séparent les modes de naissance des cellules épithéliales et des leucocytes.
Lors de la naissance des cellules épithéliales, le noyau apparaît le premier, large
de 4 à 5 millièmes de millimètre, pâle, homogène, à peine gi^enu à l'état frais et
devenant finement granuleux dans l'état cadavérique. C'est ensuite, lorsque s'est
produite entre ces noyaux une certaine quantité de substance amorphe homogène,
finement grenue, que celle-ci se divise entre les noyaux par formation de plans
de scission qui se rencontrent sous des angles divers ; elle se trouve ainsi par-
tagée en autant de cellules ayant un noyau central qu'il y a de noyaux, sauf le
cas oîi la segmentation embrasse plusieurs noyaux comme centre dans une seule
cellule. Chacune de ces cellules étant ainsi individualisée, le noyau qu'elle ren-
lerme grandit ensuite, soit en conservant la forme cellulaire polyédrique origi-
nelle, soit en prenant les formes lamellaires ou prismatiques. Lors de la généra-
tion des leucocytes, au contraire, à la surface de la peau, des muqueuses, des
séreuses, comme dans l'épaisseur des tissus, le corps de la cellule lui-même est,
au moment de son apparition, plus petit que le noyau naissant des cellules épi-
théliales. Large de 3 à 4 millièmes de millimètre, il est dès cette époque atta-
quable par l'acide acétique comme plus tard, alors que les noyaux d'épithélium
ne le sont pas, ni au moment où ils apparaissent ni plus tard. Comme pour
les leucocytes, de q\ielque provenance et de quelque degré de développement que
ce soit, étudiés avant leurs modifications cadavériques, le noyau ou les noyaux
qu'ils présentent ne sont que le résultat de l'action des réactifs, et leur nombre
varie selon qu'on emploie l'eau ou l'acide acétique. (Voyez ci-dessus p. 255 et
LEUCOCYTE. 2C0
Ch. l{ijhm,Surranatomieet la physiologie des leucocytes. Iii Journal de la phy-
siologie, Paris, ISaDjin-S", p. 56.)
6° L'examen direct des phénomènes de la genèse des leucocytes, de leurs réac-
tions, du mode de formation de leurs noyaux, ne permet pas non plus d'admettre
que dans l'épaisseur des tissus enflammés les globules du pus puissent naître par
une division prolifiante des noyaux embryo-plastiques (dits corpuscules du tissu
conjouctif ou cellulaire), amenant la production de cellules rondes, d'abord à un
seul noyau, puis à plusieurs noyaux (Vircliow, 1855), de môme que de ces mêmes
noyaux du tissu cellulaire proviendraient dans d'autres conditions d'irritation
formatrice, soit les noyaux des tubercules, soit des épithéliums des tumeurs.
Déjà nous avons vu, du reste {voy. Lamineux [tissai], p. 257), que dans les
cas où la scission des noyaux de cette espèce a réellement lieu, ce sont toujours
des noyaux de même espèce et bientôt semblables à leurs antécédents, qui ré-
sultent de ce phénomène. Là on rencontre des noyaux qui ont été surpris en
quelque sorte à telle ou telle des phases de leur division et qui en montrent
ainsi toutes les périodes. Or, indépendamment des différences de forme, de teinte
et d'état granuleux qui permettent déjà de distinguer les leucocytes des noyaux
embryo-plastiques de même volume récemment nés, on peut coustaler aisé-
ment que jamais ces derniers noyaux, attenant encore ù leurs antécédents ou en
étant déjà séparés, ne présentent au contact de l'eau et de l'acide acétique l'une
quelconque des modifications que ces agents font subir aux leucocytes, quelque
petits qu'ils soient. Us ne cessent au contraire d'offrir la résistance à leur ac-
tion, qui est un de leurs caractères essentiels à toutes les périodes de leur exi-
stence; en sorte qu'il est impossible de saisir une période de transition métamor-
phique quelconque des noyaux embryo-plastiques naissant ou déjà individuahsés
passant à l'état de cellules sphériques, douées de mouvements sarcodiques, gon-
flées et rendues transparentes par l'acide acétique avec production de noyaux,
différents selon que l'on use de tel ou tel de ces deux réactifs.
Ces données infirment aussi nécessairement l'hypothèse d'après laquelle les
globules du pus dans l'épaisseur des tissus seraient formés par suite d'une mul
tiplication des noyaux de la tunique adventice ou lamineuse des capillaires dans
les cas d'inflammation ; par suite d'une scission avec métamorphose du noyau des
cellules épithéliales des séreuses ou des muqueuses enflammées, etc.
1° A la suite des hypothèses précédentes qui sont, ou contradictoires les unes
par rapport aux autres, ou qui, si on les admet toutes partiellement, attribuent à
un seul élément une paternité tellement multiple qu'elle n'offre plus rien de lé-
gitime, il faut encore ranger les suivantes :
On sait que Home, MM. Gendrin, Andral et autres savants avaient admis que,
dans l'inflammation, les globules rouges du sang sortant des vaisseaux, soit par
des pores, soit par rupture, se transformaient en globules du pus. A côté de ces
vues c|ue contredit l'observation, il faut ranger celles de Conheim ; placé à un autre
point de vue que celui qui nous occupe, et par suite, en dehors de toutes consi-
dérations sur le mode de formation première des globules blancs du sang, il con-
sidère ceux du pus comme n'étant autres que ces derniers, sortis des vaisseaux et
s'accumulant graduellement. Il est en effet parfaitement vrai que, ainsi que l'a vu
cet observateur et d'autres après lui, on peut, dans certaines conditions expéri-
mentales voir soit des globules blancs, soit des globules rouges du sang (Stricker,
Prussac) sortir de la cavité dès capillaires les plus petits des grenouilles, eu
traversant leur paroi, sans qu'il y ait rupture de celle-ci sur toute sa circon-
270 LEUCOCYTE.
férence, ni sur une grande longueur. Mais rien n'autorise à conclure de là que
c'est directement du sang que viennent delà sorte les leucocytes du pus des abcès,
des sérosités purulentes, des pustules varioliques ou autres, etc.
En effet, quoi qu'en aient dit quelques auteurs tels que Conbeira, Keber et au-
tres, les capillaires ne sont nullement percés de ces pores ou ostioles qui laisse-
raient ainsi sortir les leucocytes plus gros que les globules rouges, à l'exclusion
de ceux-ci, et cela dans certaines conditions seulement, telles que l'inflammation
ainsi qu'on le suppose, et quelques conditions expérimentales. Il est parfaitement
vrai qu'au niveau des angles de réunion des cellules, dans certains endroits éloi-
gnés les uns des autres, sur la couche épitliéUale des séreuses, de l'endocarde,
des gros vaisseaux, etc., on voit ces cellules écartées par suite de la forme arrondie
de ces glandes, de manière à limiter un espace ou orifice stomatique. Mais indé-
pendamment de ce que ce fait ne s'observe pas sur les plus petits capillaires, il
importe de faire remarquer qu'il ne se voit jamais sur les lambeaux d'épithélium
frais, des séreuses, de l'endocarde, etc., tandis qu'il apparaît, sur ces mêmes
lambeaux après qu'ils ont séjourné dans la solution étendre d'azotate d'argent.
Du reste, il est facile de voir que ces dispositions sont trop peu répandues sur les
couches épithéliales examinées, quelles qu'elles soient, pour que, dans le cas
même où elles ne seraient pas le résultat de l'influence des réactifs, il fût possible
de les considérer comme pouvant remplir le rôle qu'on leur fait jouer, de manière
à rendre compte des phénomènes qu'on cherche à exphquer à leur aide.
A ces faits dont l'importance ne saurait être niée, il faut ajouter qu'il est mani-
fesle que ce n'est pas d'une issue de ce genre que proviennent les leucocytes des
abcès de la cornée, non plus que ceux du pus des pustules varioliques, vaccinales
et autres qui, logés dans un dédoublement épidermique, restent sépai'ées du derme
par une couche relativement épaisse d'épiderme. Enfin, il est évident que si telle
était rorigine des leucocytes du pus en général, c'est-à-dire que s'ils provenaient
de ceux du sang qui sortiraient tout formés par des orifices préexistants, et cela
dans les points enflammés seulement, bien que ces orifices soient regardés comme
existant partout, il est évident, dis-jc, que ces éléments seraient tous, ou du
moins presque tous, d'égales dimensions ; ou du moins les leucocytes de petit
volume ne sez\aient pas plus nombreux que les globulins du sang. Or il est aisé
de constater qu'il n'en est pas ainsi, et que le pus qui commence à se former dans
la profondeur des tissus, à la surface de la peau ou d'une autre plaie, contient
beaucoup plus de leucocytes encore très-petits que quelques heures ou quelques
jours plus tard, époque à laquelle on observe l'inverse.
Hypothèses sur le rôle rempli par les leucocytes. Nous savons que chacune
des espèces des éléments anatomiques qui ne sont pas doués de propriétés de la
vie animale, remplit pourtant aussi un rôle spécial dans l'économie par suite d'un
certain degré de développement, en excès par rapport aux autres espèces d'élé*
ments anatomiques, de quelqu'une de leurs propriétés ; et cela soit de leurs
• propriétés physiques comme la ténacité (libres tendineuses, os, cartilages, etc.),
ou l'élasticité (libres élastiques), soit de leurs propriétés d'ordre organique
végétatives, comme par exeinple un excès dans la propriété d'assimiler, ou au
contraire de désassimiler tel principe immédiat à l'exclusion de certains autres;
c'est de cette manière qu'elles sont appelées à jouer im rôle dans les actes
d'absorption ou de sécrétion, dans la nutrition ou l'évolution générale de l'éco-
nomie organique, etc. Or, ce rôle particulier qui est déterminé pour quelques es-
pèces d'éléments anatomiques ayant forme de cellules, tels que les épithéliums, les
LEUCOCYTE. 271
globules rouges du sang, etc., ne l'est pas encore nettement pour les leucocytes.
Aussi, voit-on ce fait, commun en pareille circonstance, que les hypothèses émises
sur la nature du rôle physiologique rempli par les leucocytes, pour être niouis
nombreuses que celles qui concernent leur origine, ne sont pas moins singuUères.
Nous n'avons pas à revenir sur la plus ancienne de ces hypothèses, dans la-
quelle les leucocytes étaient considérés comme des globules rouges du sang eu
\oie de développement, ou du moins susceptibles de se transformer en éléments
de cette dernière espèce, dans les vertébrés seulement, et encore dans le système
circulatoire sanguin seul, avec ou sans l'intermédiaire de la rate, mais non dans
le pus, les mucus, les sérosités, etc. Il suffit de rappeler cette hypothèse, qui au-
jourd'hui n'est plus admise, pour faire comprendre d'avance quelle peut être la
valeur de celles qu'on lui a substituées.
Dans ces nouvelles hypothèses, en effet, le rôle des leucocytes au sein des hu-
meurs précédentes ou même dans le sang, ne se trouve pas indiqué pour ce qui
touche les conditions habituelles de leur existence, ou ils sont regardés comme
des cellules destinées à un développement ultérieur, mais restant indifférentes
jusqu'à ce qu'ait lieu ce développement; et ce dernier offre cela de singuher, qiril
n'a lieu qu'eu cas d'accident, bien que les éléments existent normalement d'une
manière permanente.
Le passage suivant de Billroth résume du reste très-bien la nature des vues ad-
mises en Allemagne, concurremment ou non avec celles qui ont été exposées dans
ce qui précède.
« Il n'en est pas moins avéré, dit-il, que les cellules blanches viennent du sys-
tème lymphatique, et que là, elles naissent en partie des gangUons, et en partie
du tissu conjonctif; ce sont des cellules dont la plupart dérivent assez directement
des cellules de tissu conjonctif. La preuve qu'elles portent en elles le germe d'un
développement ultérieur, c'est que leurs noyaux se partagerit pendant, que les
cellules sont entraînées dans le torrent de la circulation, car il n'est pas rare de
trouver des ce Wu/es incolores à deux, à trois et à quatre noyaux. Cette scission
des noyaux peut bien, dans des conditions physiologiques, préparer la désagréga-
tion de la cellule ; mais si le sang vient à s'ai'rèter avec ces cellules, et si le caillot
se trouve dans des conditions favorables à la nutrition, les corpuscules incolores
du sang subissent une transformation ultérieure, dans le cas présent en cellules
fusiformes, et la fibrine devient de la substance conjonctive fibreuse. » (Billroth.
Éicments de pathologie chirurgicale générale, ^dîh, 1868, in-S'^, trad. française,
p. 154-155.)
Or, déjà nous avons vu que nul des éléments anatomiques qui commencent par
l'état de cellules et offrent des phénomènes réguliers de développement ulté-
rieur, comme les libres élastiques, les fibres kmineuses, les vésicules adipeuses,
etc., ne commencent à avoir des caractères qui permettent de les laisser prendre
pour des leucocytes. Nous savons aussi que la présence de deux à quatre noyaux
dans les leucocytes est ou le fait d'une altération cadavérique ou le résultat de
l'inlluence de divers réactifs, et que, par conséquent, elle n'indique ni la désagré-
gation physiologique de ces éléments, ni leur prohfication active comme le suppo-
sent au contraire quelques auteurs. Mais le mode de génération des fibres lami-
neuscs tant sur l'embryon que dans la régénération de divers tissus, leur passage
par l'état de corps libro-plastiques, fusiformes ou étoiles, précédant l'apparition
des libres ou filaments représentant l'élément anatomique complètement déve-
loppé, sont autant de faits qui ne permettent jamais d'admettre que précisément
272 LEUCOCYTE
dans le cas de coagulation du sang, ce sont des éléments de celui-ci, les leuco-
cytes, qui se transformeraient ainsi en éléments qui normalement naissent et se
développent d'une manière tout autre.
Rien déplus aisé à constater que, ni durant la formation des cicatrices pas plus
que pendant la production du tissu lamineux normal, les corps fibro-piastiqi.es
fusiformes ne ressemblent aux leucocytes en quoi que ce soit et à quel moment do
leur évolution que ce soit, tant au point de vue de leurs caractères extérieurs que
sous celui de leurs réactions. Il eu est de même aussi des leucocytes par rapport
aux corps fibro-plastiques. Il en est, à plus forte raison, ainsi en ce qui concerne
sous ce rapport les transitions métamorphiques qu'on a supposées se proJuirt;
dans ces mêmes caillots, de ces mêmes leucocytes qui se métamorphoseraient non
plus en corps fusiformes, mais en vaisseaux capillaires et passeraient ainsi de l'état
de contenu à celui de contenant. ]\ est \raiment difficile de comjirendre quel ordre
de données objectives a pu conduire à dételles suppositions. {Voy. Lamineux. )
La continuité des fibres du tissu lamineux {substance conjonctive fibreuse
de divers auteurs) avec les corps fibro-plastiques est du reste tellement manifeste
dans quelque condition que ce soit de la génération et du développement du tissu
lamineux, qu'il n'y a pas lieu de discuter l'hypothèse qui, dans cette prétendue or-
ganisation des caillots, donne à ces fibres une origine indépendante de celle des
corps fibro-plastiques pour les faire provenir directement de la fibrine.
Enfin, en présence des faits qui viennent d'être' exposés et en rapprochant ce
qu'offrent d'hétérogène et de contradictoire l'une par rapport à l'autre toutes ces
hypothèses, soit sur la fin, soit sur l'origine des leucocytes, leur multiplicité même
montre leur peu de valeur à côté des faits, quelque peu nombreux qu'ds semblent
être, cjui montrent que ces éléments apparaissent par genèse et subissent une
succession de phases évolutives tant normales que morbides qui ne les conduisent
aucunement à se changer en élément de quelque autre espèce.
De la contraclililé dans les leucocytes. Lorsqu'on examine une goutte de sang
fraîchement tirée du doigt, du pus récemment formé, encore dense, mêlé de sang,
dans un foyer encore petit, ou du mucus purulent non refroidi, les leucocytes
manifestent de la manière suivante la propriété de contractilité dont ils jouissent
et à laquelle est due la déformation qu'ds présentent lorsqu'ils sont arrêtés entre
les deux lames de verres de la préparation.
D'un point de la circonférence des globules s'avance une expansion plus trans-
parente que le reste de l'élément anatomique. Celui-ci devient ainsi ovoïde, pris-
matique à angles arrondis, ou irrégulier, suivant la forme de l'expansion qui em-
porte ou non avec elle un ou plusieurs granules de l'intérieur de l'élément.
Quelquefois les choses en restent là et un globule peut demeurer déformé pen-
dant plusieurs heures. Mais en général bientôt après il se montre sur un autre
point une nouvelle expansion qui détermine une nouvelle forme de globule, soit
que l'expansion première rentre dans la masse de celui-ci, soit qu'elle reste étalée
au dehors. D'autres expansions continuant i!i se produire en même temps que
des retraits s'opèrent sur divers points de la circonférence du globule, donnent
incessamment à ce corpuscule un aspect nouveau et différent des précédents. Ces
expansions et ces retraits se produisent avec une grande lenteur ; il faut beaucoup
d'attention pour en suivre les diverses phases et souvent on ne prend garde à elles
qu'alors qu'elles sont produites et ont changé la forme de l'élément étudié. Ces
expansions et les clinngomcuts qui en résultent sont plus rapidement formés et
plus considérables dans les lymphatiques que dans le sérum du sang; dans la
LEUCOCYTE. 2
10
lymphe fraîche des fistules lymphatiques de l'iiomnie ils le sont peut être plus
encore que dans toute autre condition.
Pendant que s'opèrent ces expansions et rétractions de la suhstance du leucocyte,
on voit apparaître dans Tintérieur une ou deux petites vacuoles se présentant sous
forme de points sphériques, clairs à bords nets, pâles, quelquefois légèrement rosés .
Ces vacuoles persistent autant que dure le phénomène des expansions et rétrac-
tions, mais elles peuvent grandir, changer de place et passer du centre à la péri-
phérie du globule. Chaque expansion ne reste sadlante au dehors du globule ]Vh:
quelques secondes ou deux ou trois minutes et se contracte aussitôt après, .l'ai par-
faitement vérifié l'exactitude de l'assertion de M. Davaine qui a bien décrit ces
phénomènes, lorsqu'il dit qu'en une demi-heure on observe une vingtaine de
changements de forme (Davaine, Recherches .mr les globules blancs du sang, in
Comptes rendus et Mémoires de la Société de biologie, Paris. 1830, in-8°,
p. 102-105. Voy. aussi Lebert et Ch. Rohm, Kurze l\otiz ûber allgoneine ver-
qleichenden Ânatomie niederer Thiere, m Archiv fiir Anaiomie und Physio-
logie, vonJ. MiUler, 1846, p. 121-122), et que toutes les fois qu'une forme a
persisté plus de cinq minutes sans se rétracter, le leucocyte n'en montre plus
d'autre. Une fois le dernier changement de forme opéré, il peut persister un temps
qui n'a pas encore été déterminé ; mais on sait que sur le sang des cadavres les
globules ont repris leur forme sphérique. Pourtant chez les reptiles et les batra-
ciens morts depuis plusieurs heures ces éléments restent souvent irréguliers,
polyédriques à angles arrondis, mais ce ne sont pas des expansions qui leur don-
nent cette figure.
L'addition d'un peu d'eau dans, le sérum fait cesser les expansions et leurs
retraits. Elles disparaissent brusquement sur les globules qui en offraient, et
ceux-ci reprennent leur forme sphérique.
Ces expansions se présentent avec une grande longueur et déterminent de nom-
breux et très-variés changements de forme sur les leucocytes pris dans la lymphe;
elles peuvent même être observées vingt-quatre heures après la mort de l'animal,
lorqu'on a eu soin de conserver la lymphe entre deux ligatures dans les vaisseaux
eux-mêmes. Elles précèdent la modification causée par le sérum qui amène une
apparition de deux ou trois noyaux au centre du leucocyte et parfois coexistent
avec cette apparition graduelle.
La production de ces expansions est très-énergique, et celles-ci acquièrent une
très-grande longueur dans les leucocytes des muqueuses enflammées ou non et
ilu pus frais. (Voy. Ch. Robin, Sur l'anatomie et la physiologie des leucocytes, ni
Journal de la physiologie, Paris, 1859, in-8', p. 43, 46; et Littré et Robin,
Dictionn. de médecine, Paris, in-8", 10^ édition, 1855. art. Pus, p. 1041 et art.
Leucocïte H^édit. suiv.-).
Les mouvements de ces expansions et les déformations qui en résultent pour
les leucocytes se retrouvent chez tous les animaux vertébrés et invertébrés qui en
^possèdent; c'est ce qu'a très-bien figuré et décrit Warthon Jones [loc. cit., 1846)
pour les divers degrés des changements de forme que présentent en se contractant
et en poussant au dehors çà et là des prolongements les globules blancs de
l'homme et d'autres mammifères, des grenouilles, des insectes, des arachnides, des
crustacés, des insectes, des annélides et des mollusques.
Cliez ces divers invertébrés le globule devient quelquefois un peu irrégulier à sa
circonférence, puis ensuite, ou immédiatement, d'un point de celle-ci une expansion
plus claire que le reste des globules s'avance lentement, à la manière d'un lif|ui(Jc
DicT. ENC. 2" s. U. iS
274 LEUCOCYTE.
qui coule. Tantôt l'expansion est aussi large à sa base qu'à son extrémité, tantôt
elle se termine en pouite très-e!filée ; quelquefois, vers sa base, elle est entourée
par une ligne irrégulière très-fme ; ce fait, qu'on observe aussi chez les vertébrés,
indique une rupture de la partie superficielle, plus dense, du globule, pour laisser
sor tir l'expansion formée par la parlie centrale de sa substance qui est plus molle.
Le plus souvent, bien qu'il n'en soit pas toujours ainsi, il y a expansion directe
de la parlie superficielle même du globule. Cette expansion rentre et ressort plu-
sieurs fois, toujours très-lentement, ou reste plus ou moins longtemps immobile.
Avant ou pendant son retrait s'en montrent une ou plusieurs autres dont les sorties
et retraits successifs doiment au globule un aspect un peu différent pendant vingt à
quarante minutes que dure le phénomène. Les mêmes faits s'observent sur les
leucocytes des vertébrés, même de l'homme, et parfois un globule entier peut
être déplacé par une expansion qui, fixée à quelques corps étranger, attire
l'élément à elle, empêchée qu'elle est de rentrer dans sa masse. Si quelque ob-
stacle s'oppose trop énergiquement à la fois au retrait de l'expansion ou au mou-
vement en sens inverse du leucocyte, l'expansion se brise quelquefois et sa sub-
stance forme un petit globule indépendant, byahn.
Ces expansions et leurs mouvements ont été observés et décrits par un grand
nondjre d'auteurs dans diverses conditions de température et de composition du
liquide au sein duquel ils plongent. Souvent ils amènent une véritable reptation
de l'élément à la surface de la lame de verre et entre les autres éléments qui les
accompagnent, tels que les hématies, etc. Parfois il y a comme un étalement de lu
substance du globule sous forme de plaque plus ou moins irrégulièrement trian-
gulaire ou éloilée, qui change trop souvent de grandeur et de largeur pour qu'on
puisse en décrire et en figurer les dispositions. Ces globules étalés se séparent
dans certains cas en deux plaques distinctes qui, en revenant sur elles-mêmes
spontanément ou après addition d'eau forment deux globules distincts. Cependant
quelles que soient ces déformations pendant la durée desquelles on voit souvent se
former un noyau dans la substance de l'élément, ce dernier reprend toujours ra-
pidement sa forme sphérique et devient immobile au contact de l'eau ea même
temps qu'il se gonfle, qu'il s'y forme un ou deux noyaux ; puis bientôt ses granu-
lations moléculaires montrent le mouvement brownien qu'elles ne manifestaient
pas jusque-là.
L'acide acétique agit aussi sur ces éléments comme sur ceux qui ont déjà re-
pris la régularité de leurs formes. Toutefois comme son action est plus énergique
et plus rapide que celle de l'eau, il surprend en quelque sorte un certain nombre
des globules ainsi délormés, les pâlit et fait apparaître en eux de deux à quatre
petits noyaux avant qu'ils aient recou\ré la régularité habituelle de leur forme
sphérique, et ils retient dans cet état. Des faits de ce genre s'observent aussi bien
sur les invertébrés que sur les mammifères, etc.
Différentes circonstances importantes à rappeler font cesser ces mouve-
ments. Cette cessation qui a pour conséquence le retour de ces éléments àl'élat
sphérique, au moins lorsqu'ils ont subi un léger gonflement, est la conséquence
du conctact de l'eau et des autres réactifs, ainsi que celle du séjour des leucocytes
dans le sérum non circulant du pus et dans celui du sang après le dédoublement
de la plasmine et la coagulation cadavérique de la fibrine. Ce retour à l'état glo-
buleux et cette immobilité des leucocytes caractérisent en quelque sorte leur
ropre état cadavérique . On constate en outre que les leucocytes qui sont arrivés
à l'état dit de globules granuleux dans le pus réuni en foyer ou infiltré ne pré-
LEUCOCYTE. 275
sentent plus d'exjjansions sarcodiques ou amibiformes ; mais il n'en est pas ainsi
des globules normaux rendus un peu plus granuleux que les autres par des gra-
nules à contour foncé et à centre brillant qu'on trouve dans les leucocytes du
sang vivant et qui ont été bien étudiés par Warthon Jones.
On peut constater parfois l'existence de ces mouvements sur les leucocytes du
sang arrêté contre la face interne des capillaires des batraciens pendant la durée
de la circulai ion du liquide, ainsi que M. Davaine l'a signalé le premier. Mais on
ne saurait conclare de ce fait dont il n'est pas difficile de vérifier l'exactitude que
ces expansions se produisent naturellement d'une manière incessante dans les
liquides réellement normaux et que leur production joue un rôle important dans
l'existence de ces éléments ou dans les modifications accidentelles dont ils sont
le siège. 11 est certain en effet qu'on ne les observe que sur un très-petit nombre
des leucocytes, soit du sang, soit de la lympbe en voie de circulation. Il est cer-
tain aussi que dans les vaisseaux des membranes disposées pour y étudier la cir-
culation les globules immobiles ne se trouvent pas dans des conditions naturelles
au ]ioint de vue de la rénovation moléculaire régulière des principes nutritifs,
tant en ce qui toucbe le plasma lui-même h. cet égard, qu'en ce qui regarde l'élé-
ment anatomique. Il en est à plus forte raison de même lorsqu ils sont bors des
vaisseaux dans un mucus, dans le sérum du sang ou autre, qu'il soit ou non
maintenu sous le microscope à une température convenable. Or l'énergie et les
variétés que montre la production de ces expansions bors des vaisseaux, compara-
tivement à ce qu'on voit quand on la rencontre dans les capillaires mêmes, prou-
vent qu'on ne saurait regarder ce phénomène comme autre cbose qu'un excès
dans la manifestation d'une propriété normale de ces éléments, excès déterminé
par l'état normal dans lequel ils se trouvent.
Ce phénomène est donc la manifestation d'une propriété que possède la sub-
stance des éléments anatomiques de beaucoup de vers, d'acalèpbes et surtout
d'infusoires, lors même qu'elle s'est réunie en globules après avoir été séparée
du corps de l'animal où elle s'est formée, et dont elle faisait partie. Ces lobules,
de formes et de volume variés, se creusent de vacuoles, et présentent des mou-
vements dus à des resserrements et expansions de leur substance ; substance que
M. Dujardin a appelée sarcode ; d'où les expressions de mouvements et expansions
sarcodiques employées ci-dessus. Il est des circonstances dans lesquelles les
expansions sarcodiques qu'à décrites M. Dujardin {Recherches sur les organismes
inférieurs et sur une substance appelée sarcode, in Annales des se. nat., Paris
1855, t. IV, p. 364) finissent par se séparer complètement de l'animal sous
forme de globules, dont les resserrements et les dilatations continuent encore
(juelque temps après leur sépartion ; elles ne se montrent que lorsque l'animal se
trouve dans un milieu devenu peu à peu défavorable aux actes de l'animal, actes
de respiration ou autres. On peut, sur les planaires ou les gros infusoires, eu
hâter l'apparition par addition d'un peu d'ammoniaque ou autre alcali en faible
quantité. Elles se montrent lorsque le milieu est évidemment modifié; elles sont,
dans l'animal, le signe indiquant anatomiqueinent des modifications correspon-
dantes dans la substance de ses éléments anatomiques, par suite de l'échaufre
continu qui a lieu entre toute partie de la substance organisée, et le milieu
dans lequel elle se trouve. 11 faut du reste bien spécifier ici que la description de
ujardin comprend deux ordres de faits distincts, qu'il importe de ne pas confon-
dre. Ce sont d'une part la production des expansions sarcodiques ou amibiformes
telles que celles dont les leucocytes sont le siège, et de l'autre celle des exsuda-
276 LEUCOCYTE.
tions de gouttes hyalines susceptibles de se déformer et de se creuser de vacuoles,
se produisant ordinairement lorsque déjà se ralentissent les formations des expan-
sions et se continuant encore lorsqu'elle a tout à fait cessé. Telles sont les exsu-
dalious dont sont le siège au début de leur altération cadavérique, certaines
cellules épitliéliales, les corps ou cellules fibro-plastiques iusiformes {voy. Lami-
XEVx), les cellules delà corde dorsale {voy. Notocorde) et autres.
Les expansions des leucocytes des vertébrés et des invertébrés ont tant de res-
semblance avec les expansions sarcodiques proprement dites, soit quant à la
nature du mouvement, soit quant à l'aspect des prolongements de substance
organisée, sauf le volume, qu'on ne saurait mettre en doute leur analogie de
nature dans l'un et l'autre cas. Comme il est bien évident que le sérum placé
sous le microscope dans lequel sont les globules blancs du sang n'est pas dans
des conditions normales ; comme les expansions n'apparaissent pas immédiate-
ment après que le sang est tiré, mais quelque temps après, lorsque le sérum a
pris une température différente de celle qu'il avait, ou lorsqu'il a perdu un peu
d'eau : il reste donc bien évident, pour quiconque a étudié le phénomène, que
les expansions ne se montrent qu'autant que le milieu est modifié, soit quant à
sa température, soit quant à la proportion d'eau, etc. Les expansions sont, je le
répète, dans l'élément auatomique, un signe indiquant des modifications dans la
substance organisée, correspondantes à celles qu'a éprouvées le milieu, par suite
de l'échange continu qui a lieu entre toute partie de la substance organisée, et le
milieu dans lequel il se trouve.
Pieste maintenant à déterminer la question de savoir si cette propriété de lu
substance organisée de certains éléments anafomiques, tels que les leucocytes,
etc., de divers infusoires ou des fragments qui en proviennent, doit être rappro-
chée de la propriété de contractilité et en particulier de la contractilité des fibres
musculaires de la vie végétative ; ou si au contraire elle ne se rapproche pas des
actes d'ordre organique observés sur les filaments muqueux des champignons
myxomycètes, sur le contenu des algues appelées psôrospermies, de la même ma-
nière que sur les amibes et autres infusoires, sur le vitellus de l'ovule de beaucoup
d'animaux, etc.; phénomènes qui eux-mêmes ont leurs analogues dans les actes
et les mouvements de la segmentation et de la gemmation du vilellus. {Voy. Cli.
J\ohm, Anatomie et physiologie comparée des éléments anatomiques, Paris, \ 868,
in-8", p. 90.)
Quoi qu'il en soit de ces questions, dont la solution ne saurait être poursuivie
ici en raison des empi'unts à toute l'anatomie comparée qu'elle exige pour qu'il
soit possible de la donner, il demeure évident que ce n'est pas dans les mani-
festa'iions de la propriété précédente que doit être recherché quel est le rôle spé-
cial rempli par cette espèce d'élément auatomique.
Leur distribution dans les capillaires sanguins et lymphatiques des vertébrés,
leur présence en quantité relativement considérable à l'exclusion de toute autre
espèce d'éléments dans le sang des invertébrés qui sont pourvus d'un appareil
circulatoire, leur multiplication en excès dans presque toutes les affections nu-
tritives profondes de l'économie, portent à penser que leur rôle se rattache parti-
culièrement à quel([ue acte d'assimilation oudedésassimilation.
On sait en effet que pour la plupart des espèces d'éléments qui ne possèdent
d'autres propriétés d'ordre vital que les propriétés végétatives, le rôle spécial que
remplit chacune d'eUes tient à ce que l'une ou l'autre de leurs qualités élémen-
taires s'y manifeste sous quebiue rapport remarquable, soit d'une manière ab-
LEIJCCCYTR. -"
solue, soil coniparativemeiil aux autivs espèces d'élémoats qui l'aiiuoiiipaguciit
dans un tissu ou dans une humeur. Plusieurs espèces, par exemple, remplisseiit un
rôle spécial par suite des particularités qu'elles préseni eut relativement à la nutri-
tion, soit parce que, par suite de leur compositiou propre, elles assimilent certauis
principes immédiats à l'exclusion des autres, ou, au contraire, parce que une fois
formés dans l'épaisseur de ces éléments, certains principes, sont désassimilés
aussitôt, ou du moins en proportion considérable comparativement à ce qui a heu
dans les autres espèces d'éléments. 11 en résulte que, indépendamment de leur nu-
trition propre, ces éléments remplissent un rôle particulier qui a cette dernière
pour condition d'existence et qui se rapporte à la nutrition générale du tissu ou
de l'humeur dont ils font partie.
Bien que quelques autres éléments anatomiques, tels que le vitellus dans l'ovule,
les cellules des cartilages incluses dans les chondroplastes et les fibres lamineuses
encore à l'état de corps fibro-piastiques offrent des déformations lentes sous les
yeux de l'observateur par suite de resserrement et d'expansions alternatifs eu des
points divers de leur superficie, ces mouvements sont loin d'être aussi prononcés
que ceux des leucocytes et de les faire ressembler à ces éléments, quoiqu'ils
soient dus certainement à des propriétés analogues de la matière organisée.
Aussi les particularités dont il vient d'être c[uestiou, relatives aux mouvements
sarcodiques ou amibiformes et aux réactions propres aux leucocytes, constituent
pour les éléments de cette' espèce un ensemble d'attributs caractéristiques des
plus nettement tranchés, quelles que soient les régions de l'économie dans les-
quelles on les observe et les conditions dans lesquelles sont nés ces éléments.
Lorsque les expansions amibiformes des leucocytes viennent à adhérer à quel-
que corpuscule mobile, elles les font rentrer avec elles eu se rétractant dans la
masse de l'élément, ainsi que Virchow l'a indiqué le premier et que le fait est facile
à vérifier. La manière dont ils attirent et englobent ainsi parfois sous les yeux de
l'observateur des gouttelettes graisseuses des granules colorés ou autres ajoutés
au liquide sanguin de la préparation portent à penser que c'est ainsi que ces
éléments englobent dans le colostrum les globules de lait que renferment sou-
vent quelques-uns des leucocytes de cette humeur.
Des faits précédents quelques auteurs ont conclu que c'est par ce même mé-
canisme déjà observé souvent sur les amibes et autres infusoires que se produit le
passage des globules à l'état granuleux dans les abcès et dans les infiltrations pu-
rulentes. On sait de plus que dans les épanchements sanguins des poumons, delà
rate, du foie, des muscles, etc. , beaucoup de leucocytes sont rendus plus ou moins
granuleux, par des grains d'hématosine, fait qui s'observe dans les leucocytes du
sang même, pendant la durée de certaines maladies avec altération du sang (??ie-
lanémie, etc.). Des leucocytes du mucus, du larynx et de la trachée sont égale-
ment rendus granuleux par des granules de noir de fumée qui les colorent alors
en noir et non en rouge brun foncé comme dans les cas précédents. Mais comme
dans ces circonstances les cellules épithélialcs isolées ou en plaques qui se rencon-
trent avec les leucocytes, et les corps fibro-plastiques fusiformes et étoiles, s'il
s'agit de l'épaisseur des tissus, sont au moins aussi remplis de granules que les
leucocytes ; on ne saurait considérer le passage à l'état granuleux de ceux-ci
comme dû exclusivement et régulièrement à l'introduction successive de ces di-
vers granules par les expansions sarcodiques. Il se ])asse là certainement des
phénomènes de pénétration directe des leucocytes comme des autres cellules et
des fibres par ces granules, comme le fait s'observe toutes les fois que des élé-
278 LEUCOCYTE.
ments auatomiques se trouvent au contact de quelque particule plus dure que
ne l'est leur propre substance. {Voy. Ch. Robin, Comptes rendus et Mémoires de
la Société de biologie, Paris, 1852, p. 181, et Hist. naturelle des végétaux pa-
rasites, Paris, 1853, in-8", p. 285).
Quant aux leucocytes passés à l'état dit de globules granuleux : 1» l'unifor-
mité de l'aspect deleurs granules graisseux, quelles que soient les conditions dans
lesquelles on les observe; 2" leur présence dans les liquides où ne se trouvent pas
des granidations graisseuses semblables, montrent que c'est à des actes molécu-
laires intimes qu'est due lenr formation dans les leucocytes ; formation amenant
par sa continuation l'hypertropbie souvent considérable de ceux-ci ; au contraire
l'absence de toute expansion dans les leucocytes, même encore peu hypertropbiés
qui .sont à cet état granuleux accidentel si distinct des autres, ne permet pas d'ad-
mettre que ce soit par une intussusception mécanique de grains formés hors des
leucocytes que se produit ce passage à l'état granuleux. Ch. Piobin.
Bibliographie. — Voyez les auteurs cités dans la synonymie au commencement de cet ar-
ticle, ceux qui ont été cités dans le corps de l'article et les suivants. — Bôcker. Ueher die
verschiedenen Arten und Bedeutung der gewoUen Blutkôrperchen. In Archiv . filrphysiol.
Heilkunde, 1851, p. 565. — Moleschott. Ueberdas Verhàltniss der farbigen Kôrperclien zu
denuiifarbigcji. In Wiener Wochenschrift, 185i. — Kôllikeii. Ueberdas Vorkommen'von
Jjjmphliôrperchen in den Anfangen der Lyniphgefâsse. In Zeits. fiir Wiss. Zool., 1855,
vol. 7, p. 182. — Sur le même sujet -voyez aussi Ch. Robin dans Atlee. On thc blood.
Pliiladelphîa, 1854, in-12, p. 176. — Huit. De copia relativa corpusculoriim sanguinis
alborum. Leipzig, 1855. — Loranglr. Quomodo ratio ccllularum sanguinis albarum et
rubrorum mutelur ciborum advectione, etc. Regiomont. 1856. — Markfels. Ueher das Ver
hàltniss der farhloscn Blutkôrperchen . In MolescliotVs Untersueliungen, 1857, t, I, p. 61.
IIasimond. Sur les globules blancs du sang. In American Journal, 1859, p. 548. — Beale.
Thc colourless corpuscles of the blood quaterly summary of the improv. an discover,
in the niedic. sciences. London, 1804, p. 504. — Davaine. Recherches sur les globules
blancs du sang. In Comptes rendus et méni. de la Société de biologie.' Paris, 1850,
p. 103, et 1855, p. 56. — Recklingsuausen . Ueber Eiter, etc. In Virchow's Archiv, 18G3,
t. XXVIII. — Vmciiow. Ueber bewcgliche ihicrische Zellen. Ibid. — Preyeb. Ueber amœ-
hoide Blutkôrperchen. Ibid., 1864, t. XXX. — Hayeh et Henocque. Sur les mouvements
dits amiboides observés particulièrement dans le sang. In Archives génér. de médecine.
Pai'is, 1866, in-8°, t. VII, p. 64, et t. VIK, p. 61. — Ch. Bernard. Rapport sur les progrès
de la physiologie, Paris, 1867, in-8, p. 62 et 105. Cii. Rorm.
Explication des piancfaes . Planclio I. LEUCOCYTES DU SANG. Fig. 1. a kj. Divcrs 3spect et
forme des leucocytes chez l'adulte dans le sang fraîchement extrait de la veine.
/>:à;). Aspect que présentent les mêmes éléments dans le caillot sur le cadavre, ou dans
les préparations faites avec du sang' frais, après que les expansions sarcodiques ont cessé,
au bout d'un certain nonibi^e de minutes ou d'heures, selon le soin avec lequel la prépa-
ration a été faite ou conservée.
mtip. Globules dans lesquels les granulations se sont réunies, en prenant l'aspect de
noyaux, sous les yeux de l'observateur quelquefois.
00. Les mêmes leucocytes traités par l'eau, devenus pâles et montrant les granulations
rassemblées, cohérentes sous forme de noyau. Quelquefois l'eau fait apparaître deux masses
nucléiformes au lieu d'une, ou des amas grenus moins nettement limités.
Fig 2. a à g. Leucocytes d'un embryon de six mois. On a ligure surtout ceux dans les-
quels l'état cadavérique avait déjà amené la formation de noyaux.
abc. Leucocytes offrant l'aspect qu'ils ont chez l'adulte, quelques-uns {b et c) sont assez
foncés et granuleux.
ddd. Leucocytes à deux noyaux.
ee, ff. Leucocytes singuliers par leur forme et leur volume ou ceux de leur noyau,
g, g. Quelques-uns des leucocytes sont aplatis, quels que soient du reste leur forme ou leur
volume; g représente un même leucocyte vu de face et de côté.
Fig. 2. Ih. s. Leucocytes pris dans le sang d'un individu adulte atteint de leucocythémie.
Um. Leucocytes ayant conservé les caractères qu'ils offrent chez l'adulte à l'état normal.
Dict.Encvcl, des Scméd.a^ ST. II. P. 278,
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Dict. Encycl. des Sc.méd. 2? S. T. II. P. 278.
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LEUCOCYTE, 27'J
no. Leucocytes ayant pris les caractères qu'ils offrent chez l'embryon et le fœtus; ceux
offrant deux novaux étaient fort rares dans ce cas.
l>,q,r. Etat de" ces leucocytes après l'action de l'acide acétique. Chez tous le noyau, tmc-
ment granuleux, sans nucléole, a pris une teinte lég-èremeiit vineuse.
p,p. Globules à un seul noyau.
qq. Leucocyte sans noyaux dans lequel l'acide acétique a rassemblé le contenu en doux,
trois ou quatre petites masses de même teinte que les noyaux véritables .
r,r. Leucocytes dont le noyau offrait une courbure qui n'est pas rare avant l'action de
l'acide, mais que celle-ci exagère ou même peut faire ajjparaitre lorsqu'elle n'existe pas.
s. ÎSoyaux devenus libres par dis-olution complète de la masse périphérique par sui(e
d'action prolongée de l'acide.
U. Cristaux losangiques aplatis, assez nombreux après la mort dans le sang de ce malade.
Fig. 2. hhk. Leucocytes pris dans des dilatations veineuses, kystiformcs d'une tumeur
érectilc du scrotum. Ils sont devenus plus gros et plus granuleux. U s'est formé de là trois
noyaux dans leur intérieur. Les granulations qui entourent les noyaux sont toutes rou-
geàtres, tantôt nombreuses, accumulées, tantôt éparses.
h/i. Leucocytes devenus granuleux offrant un ou deux noyaux.
h'k. Leucocytes granuleux et volumineux contenant trois noyaux.
jj. Leucocytes à un seul noyau, à granulations plus épaisses d'un côté que de l'autre et
un peu aplatis.
Fig. 5. Leucocytes du veau et du clieval.
a. Leucocytes pris dans le sang d'un veau d'un mois.
bcd. Leucocytes pris dans les lymphatiques de la région du cou chez le cheval. Le sang
en contenait de pareils.
ef. Globules pris dans les mêmes vaisseaux plusieurs lieures après le refroidissement
du corps de l'animal,
qg. Leucocytes des mômes vaisseaux traites par l'eau.
hliij. Leucocytes traités par l'acide acétique; les amas du centre prennent aussi une teinte
vineuse.
k,l,m,nop. Diverses formes et phases des expansions sarcodiques offertes par les leuco-
cytes retirés nouvellement des vaisseaux lymphatiques, même plusieurs heures après
la mort .
0. Forme irréguliére qu'ils conservent souvent lorsque les expansions sarcodiques cessent
de se montrer.
Fig. 4. Elle montre les diverses phases de l'action de l'acide acétique, rendant d'abord
les leucocytes plus foncés, plus granuleux (a), les déformant quelquefois un peu (^); faisant
l'éunir les granulations en un seul amas granuleux, foncé, placé au centre de l'élément
dont la périphérie devient transparente cdcf, tandis que peu à peu l'amas central prend
une teinte vineuse (k) et se partage en petits corpuscules au nombre de deux à quatre (/),
disposés en demi-cercle [m] ou en cercle {cl], ou séparés {k), ou groupés plus ou moins
régulièrement [rs).
Fig. 5. Leucocytes du pigeon.
aa. Aspect le plus ordinaire; ils sont semblables à peu près à ceux de l'homme (fig. 1).
b. Autres leucocytes mêlés aux précédenls offrant à leur surface des granulations allon-
gées, brillantes ; cet état est très-commun.
c(/. Modilieations apportées par l'actioji de l'eau ; celle de l'acide acétique est la même
que chez l'homme,
Fig. 0. Leucocytes du Caitiiaii ou Alligator à museau de Brochet [Alligator lucius,
Merrem.).
ah. Leucocytes tels qu'ils se présentent pendant quelques secondes dans le sang tout à
fait frais.
c. Commencement de déformation.
dcfg. Diverses formes d'expansions sarcodiques déformant ces éléments.
hijk. Autres modes de déformations et d'expansions sarcodiques.
lin. Leucocytes de la variété, noyau libre. L'eau et les réactifs agissent sur eux comme
sur ceux des serpents (fig. 7).
Fig. 7. Leucocytes de la Couleuvre à collier [Colubcr natrix L.).
abc. Leucocytes de la variété granuleuse foncée.
dcf. Leucocytes de la variété pâle dont un renferme un noyau (/"), connue on le voit
quelquefois.
g. Leucocytes granuleux foncés de la Couleuvre.
h. Leucocytes clairs peu granuleux du même animal.
ikl. Leucocytes foncés traités par l'eau qui fait apparaître un noyau foncé avec des gra-
nulations en quantité plus ou moins grande dans la masse.
280 LKIICOCYTE.
Fig. 8. Leucocytes de la Carpe [Cypriniis ccirpio L.). L'eau agit sur eux co!nii;e cliez l&i
reptiles.
abc. Leucocytes de la variole foncée granuleuse.
dd. Idem, de la variété claire, peu foncée.
ce. Idem, avec expansions sarcodiques.
f. Idem, traités par l'acide acétique avec production d'un seul noyau.
g. Idem, avec production de deux noyaux ou d'une masse à demi-cercle.
h. Leucocytes très-pâles, offrant un petit noyau finement jjranuleux, qu'on trouve en
petite quantité au milieu des cellules rouges et des leucocyies cliez les poissons.
i,k. Cellules de même variélé présentant chacune de une à deux gouttes d'huile; rou-
geâtres, sphériques, ordinairement placées pré,-; de la circonférence qu'elles touchent.
Fig. 9. Cellules épithéliales prises dans des tumeurs de la joue, du rectum et du col de
l'utérus, offrant chacune une cavité pleine ou à peu près pleine de leucocytes qui sont nés
dans la cavité ou excavation qui se produit dans le corps de quelques cellules de beaucoup
de ces tumeurs. (V. Journal de la pinjsiologie, 1859, p. 54.)
a à g. Cellule prise dans une tumeur du col de l'utérus.
ahcci. La cellule sans addition de réactifs; on voit douze leucocytes dans sa cavité qui
n'est pas entièrement remplie par eux.
efg. Leucocytes dans la cavité de la même cellule, modifiés par l'acide acétique qui a
fait apparaître dans chacune d'eux un à trois noyaux, à contour foncé et un peu iiTéguliers.
11 laisse dans le corps de la cellule quelques granulations moléculaires autour des noyaux.
De h à k. Cellule allongée prise dans une tumeur du rectum et dont la cavité est presque
pleine de leucocytes On voit en j et dans le voisinage la cavité accidentelle imparfaitement
remplie par les leucocytes, mais contenant un liquide i)arsemé d'un grand nombre de fines
granulations moléculaires.
De Z à 0. Celule épitliéliale prise dans une tumeur de la mâchoire et dont la cavité est
presque pleine de leucocytes. Elle offre un noyau volumineux [n] à peine apercevable près
de l'extrémité de la cellule. Ces leucocytes sont un peu plus petits que ceux des cellules
précédentes, mais ils sont plus granuleux, ce qui est fréquent dans les tas de ce genre. La
cavité qui les renferme est mal limitée, n'offre pas un bord distinct indiquant aussi nette-
ment que dans les cellules voisines la face interne de la cavité.
Dans ces tumeurs on voyait un grand nombre de leucocytes, larges de 8 à 12 millimètres,
analogues à ceux contenus dans les cellules, qui étaient interposés aux cellules épithéliales.
Planche II. Leucocytes dd pus. Fig. I. Leucocytes pris dans du pus s'échappant de l'extré-
mité du méat urinaire dans un cas de blennorrhagie très-intense.
abcd. Leucocytes déformés spontanément et offrant des expairsions sarcodiques de forme
et dimensions diverses. Dans tous se sont produites un, deux ou trois petites vacuoles trans-
parentes, pleines d'un liquide clair légèrement rosé.
De e à m. Autres leucocytes, un peu déformés, offrant des expansions sarcodiques sur un
ou deux ï^cints de leur surface ou sur toute leur périphérie (gkl).
Fig. 2, Leucocytes pris dans le pus frais d'une conjonctive dans un cas de conjonctivite
simple.
a,a. Leucocytes devenus ovoïdes allongés par déformation spontanée.
bc. Leucocytes restés sphériques, mais ayant laissé échapper sur un (a) ou plusieurs
points (b) de leur périphérie une expansion sarcodique extrêmement pâle et cylindrique.
def. Leucocytes déformés ou non, présentant de courtes expansions sarcodiques sur plu-
sieurs points de leur périphérie.
g/d. Leucocytes sphériques hérissés sur toute leur surface de courtes expansions sarco-
diques.
khnn. Leucocytes de la même préparation, mais faite depuis plusieurs heures ; ils sont
devenus sphériques ou légèrement polyédriques par pression réciproque [n). Us renferment
tous une, deux ou plus grand nombre de granulations graisseuses que leur fort pouvoir
réfringent et leur coloration jaune distinguent facilement des noyaux produits dans les
leucocytes par l'action de l'eau ou par celle de l'acide acétique.
jj. Leucocyte rie la même préparation gonflés par l'eau qui n'a pas fait apparaître de noyau.
o. Leucocyte dans lequel l'eau a fait apparaître un noyau central, et une expansion sar-
codique pâle, vésiculeuse, recouvrant une des moitiés de l'élément.
ji. Leucocyte pourvu d'expansions sarcodiques, comme b, c, traités par l'eau, qui les a
rendues très-pâles, mais régulières et renflées en massue.
qr. Leucocytes de la même préparation dans lesquels l'eau a fait appai'aître un, deux ou
trois noyaux sphériques réguliers, très- finement granuleux.
st. Leucocytes traités par l'acide acétique montrant sur les côtés des noyaux que cet
agent y a fait apparaître les mêmes granulations graisseuses dont il a été question plus
LEIlCOCïTE, 281
haut [voy. klmn], non attaquées par l'acide. Ces leucocytes montrent deux ou trois noyaux
[t) plus petits mais à contours plus foncés qu'après l'action de l'eau, ou un seul recoiu'bé en
fer à cheval (s) .
xy. Leucocytes de la même préparaiion traités par l'acide acétique après avoir été traités
par l'eau. Ils ilevieniieni alors plus pâles que dans le cas précédent et à noyaux plus petits
Fig. 5. Leucocytes pris dans du pus frais s'écoulant du nez après un aiTachement de
polype.
acd. Leucocytes allongés et déformés spontanément sans expansions sarcodiques.
bef. Leucocytes présentant des expansions sarcodiques sur un ou plusieurs points de leur
périphérie.
(jhikimnopqr. Formes et dispositions diverses des noyaux ou amas granuleux que fait
apparuitre l'acide acétique dans ces leucocytes.
sss. Leucocytes de la salive sans noyaux ou n'en présentant qu'un seul petit latéral, au
lieu de deux qu'on y voit habituellement.
tuvy. Les mêmes, après l'action de l'eau qui les gonfle, les pâlit, fait apparaître un ou
deux noyaux et détermine un mouvement brownien très-vif de tous les granulations.
X. Leucocytes ayaiit éclaté sous l'influence de l'eau qui les gonfle par endosmose et lais-
sant échapper leur contenu granuleux.
z: Leucocytes traités par l'acide acétique, qui les a rendus beaucoup plus pâles et a dis-
sout leurs granulations moléculaires.
Fig. 4. Leucocytes pris dans diverses sortes de pus.
De a à n. Leucocytes pris dans du pus d'un vésicatoire du bras.
ahcd. Leucocytes pris dans la sérosité de ce vésicatoire au moment de son issue lors de
la rupture de la vésicule épidermique. Us s^nt tous finement grainileux sans noyau.
ee ff gg. Leucocytes pris à la suiface de la plaie exposée à l'air depuis une heure environ.
11 s'est produit un ou deux noyaux dans filusieurs d'entre eux, même des plus petits.
jj. Leucocytes de la préparation dessinée en ah, mais traités par l'eau qui a fait apparaître
de là trois petits noyaux.
hiklm. Leucocytes pris à la surface du vésicatoire deux heures environ après l'ablation de
l'épiderme soulevé, mais traités par l'acide acétique, qui y a fait apparaître de un à quatre
noyaux ou amas en forme de noyaux arrondis ou en fer à cheval [k,m) isolés [i] ou entassés
[h, l).
nn. Leucocytes de la même préparation que l'acide n'a fait que rendre transparents sans
y produire d'amas en forme de noyau.
De 0 à 3. Leucocytes pris dans l'épaisseur du parenchyme pulmonaire chez un sujet mort
de pneumonie suppurée.
op. Leucocytes pâles, finement granuleux, dans lesquels se sont produits un ou deux
noyaux.
qq,r. Leucocytes très-pâles, sans granulations, à bords nets, tels qu'on en trouve en
petite quantité dans le pus du poumon et de quelques autres organes.
rr. Leucocytes un peu plus gros que les autres, plus granuleux, ainsi qu'ils le sont pour
la plupart et dans lesquels se sont produits un ou deux noyaux.
XX. Leucocytes offrant l'aspect général habituel, mais plus gros et un peu plus irrégu-
liers, pourvus de un ou deux noyaux ovoïdes.
su. Leucocytes, un peu plus gros qu'à l'ordinaire et parfois un peu plus granuleux, mon-
trant un ou deux noyaux ovoïdes ou arx'ondis.
yiji. Leucocytes, beaucoup plus gros qu'à l'ordinaire, devenus granuleux à leur partie
centrale seulement, mais dans lesquels se sont encore produits un ou deux noyaux qui restent
visibles. *
tt. Leucocytes, entièrement granuleux et hypertrophiés, dans lesquels on ne voit pas de
noyau.
ti. Leucocyte hypertrophié sans noyau; granuleux au centre seulement.
V. Leucocyte hypertropliié sans granulations graisseuses, mais présentant deux noyaux
sphériques et un troisième recourbé en fer à cheval.
Fig. 5. Leucocytes pris d:uis le pus d'une pleurésie suppurée, après la mort.
fiaa. Leucocytes pâles finement granuleux, tels que sont ceux qui prédominent dans le
pus des séreuses. Dans quciqucs-uns il s'est produit un noyau.
bb. Autres leucocytes, mêlés aux premici's, un peu plus granuleux, tels qu'ils sont souvent.
qg. Leucocytes semblabks aux précédents, devenus un peu polyédriques pur pression
réciproque.
c. Leucocytes mêlés aux précédents, mais beaucoup plus petits et plus pâles, moins gra-
nuleux,
c/. Les mêmes, traités par l'acide acétique.
iiijin.m. Leucocytes de même volume (|ue la plupart des précédents, peu granuleux dans
282 LEUCOCYTE.
hsqiiels se sont produils de un à trois noyaux spliériques ou contournés en for à cheva],
II;) sont peu nombreux dans le pus des séreuses et beaucoup plus dans celui des abcès.
n,ii. Leucocytes de volume ordinaire peu ou pas hypertrophiés mais déjà devenus notable-
ment granuleux, mêlés ea petit nombre au.x précédents et montrant ou ne montrant pas de
floyaux.
q,q.r,r,t,t. Leucocytes peu ou pas granuleux, mais très-hypei^tropldés et montrant de un
à ti'ois noyaux.
s,s. Leucocytes hypertrophiés devenus entièrement granuleux et opaques.
u. Leucocyte hypertropliié, plus volumineux, encore très-granuleux, contenant une goutte
d'huile au milieu des granulations,
f. Leucocyte hypertrophié, peu granuleux, dans lequel se sont produits des noyaux nom-
breux.
vv. Autres leucocytes, hypertrophiés, granuleux, montrant plusieurs noyaux volumineux,
en partie recouverts par les granulations qui masquent leur contour et les font ainsi
paraître sous le microscope plus larges qu'ils ne sont réellement.
0. Leucocyte hypertrophié granuleux, pourvu d'une expansion latérale transparente sans
granulations.
X. Autre leucocyte hypertrophié et de forme irrégulière.
7/3. Leucocytes hypertrophiés renfermant ou non des noyaux pourvu de granulations
rapprochées ou éparses, mais volumineuses.
ec.c. Leucocytes de la préparation précédente traitée par l'eau. Ce liquide a gonflé leur
paroi sous forme de vésicule transparente et l'a écartée de la masse de la cellule qui reste
adhérente à un point de l'élément. Quelques granulations douées du mouvement brow-
nien flottent dans la vésicule gonflée.
ff. Leucocytes hypertrophiés et granuleux sur lesquels l'eau a produit le même effet que
sur les précédents.
hik. Leucocytes traités par l'acide acétique qui y a fait apparaître de un à trois noyaux.
//. Leucocytes traités par l'acide acétique après avoir été traités par l'eau.
Fig. 6. Leucocytes en voie d'évolution pris à la surface d'une plaie récente du derme;
représentés à un grossissement de 550 diamètres.
a. Leucocytes tels qu'ils sont au moment où ils viennent d'apparaître.
b,c,c,c. Leucocytes un peu plus avancés dans leur développement, mais encore très-
pàles, peu granuleux.
dd^g. Les mêmes leucocytes traités par l'eau qui les a un peu gonflés et qui a fait
apparaître un ou deux noyaux dans leur épaisseur.
hijk. Leucocytes d'une autre préparation faite en même temps que la première et traités
par l'acide acétique; il fait apparaître à cette première période de leur développement de
un à quatre noyaux dans leur épaisseur comme dans les leucocytes complètement développés.
Planche III. Leucocytbj de diverses nÉctoNs vu convs. Fig. i. Leucocytes pris dans le co-
lostnim d'une femme âgée de vingt ans morte en couches.
De a à gf. Leucocytes contenant un ou deux globules de lait [bcp] à côté des noyaux (e,e),
propres ii la plupart des leucocytes pris sur le cadavre.
hh. Leucocytes granuleux comme à l'ordinaire et montrant deux noyaux.
ik. Leucocytes déjà un peu hypertrophiés à peine un peu plus granuleux qu'à l'ordinaire.
j. Leucocyte de volume ordinaire, mais devenu opaque par suite de dépôt granuleux
dans son intérieur.
Umnop. Leucocytes à divers degrés d'hyper(rophie devenus opaques en partie [m] ou en
totahté par suite du dépôt de granulations graisseuses dans leur épaisseur. Quelques-uns
[ip] laissent voir des globules de lait au milieu des granulations.
q. Leucocyte très-hypertrophié devenu ovoïde, très-granuleux, avec plusieurs globules de
lait dans son épaisseur.
r. Leucocyte granuleux montrant un globule de lait à moitié inclus dans la niasse du leu-
cocyte et à moitié libre.
s,t,H,vv. Leucocytes granuleux hypertrophiés et diversement déformés.
X. Leucocyte un peu hypertrophié, non granuleux, montrant un globule de lait dans son
épaisseur.
Fig. 2. Leucocytes pris dans le léger dépôt floconneux de la sérosité limpide obtenue par
ponction d'une ascite.
aa. Leucocytes de volume ordinaire dans lesquels s'est produit un noyau sphérique, pâle,
sans granulations.
bcde. Leucocytes sans noyaux plus granuleux à la périphérie qu'au centre.
fg. Leucocytes très-petits, moyennement granuleux, se comportant comme les autres au
contact de l'acide acétique (/).
LEUCOGVTE. 2S3
/(/(. Leucocytes un peu plus granuleux sans noyau
ij. Leucocytes semblables dans lesquels s'est produit un noyau.
k. Leucocyte hypertrophié non granuleux.
l,m,n,o,p,q,r,s. Modihcations apportées par l'acide acétique à la structure de ces leucocytes;
dans tous, le noyau produit par l'action de l'acide offre une teinte d'un jaune orangé
pâle.
Fig-. 5. Leucocytes pris dans l'épaisseur du tissu d'une tumeur de la cornée.
ahcdefgh. Leucocytes finement granuleux de différentes dimensions avec ou sans noyau.
ijklmno. Leucocytes pâles, transparents, sans granulations, dans chacun desquels s'é-
tait produit un noyau également homogène sans granulations. Ils étaient beaucoup moins
nombreux que les précédents.
Fig. 4 De a à g. Leucocytes pris dans le mucus purulent d'une urine, d'odeur ammo-
niacale. Tous sont volumineux, gontlés, et offrent un ou deux noyaux volumineux, sphériques,
ovoïdes, ou recourbés en fer à cheval [a].
h,i.jJc,i,m,n,o,j),q. Leucocytes pris dans le pus d'une synoviale dans un cas de rhuma-
tisme suppuré.
Ii,i,j,k. Leucocytes à peine granuleux, tels que sont la plupart d'entre eux.
mnopq. Leucocytes un peu plus petits que les précédents et un peu plus granuleux, tels
qu'on en trouve de mêlés à eux et tels qu'ils sont tous quelquefois.
Fig. 5. Leucocytes très-pelits, tels qu'on les trouve fréquemment dans l'urine normale.
a. Leucocytes finement granuleux tels que sont la plupart.
b. Leucocytes entourés d'une expansion vésiculaire pâle, transparente, très-délicate,
oflrant quelquefois un reflet légèrement rosé sous le microscope, et devenus légèrement
polyédriques par pression réciproque. " .
cde. Autres leucocytes, isolés, entourés complètement ou sur une partie seulement de
leur étendue par une expansion vésiculaire pâle transparente.
fg. Les mêmes, traités par l'acide acétique qui a lait apparaître dans leur épaisseur trois
petits noyaux, sans détruire l'expansion vésiculaire.
h,i. Leucocytes sans expansion vésiculaire, dans lesquels l'acide acétique a fait apparaître
deux à trois petits noyaux un peu irréguliers.
Fig. 6. abcdefgh. Leucocytes pâles, peu granuleux, renfermant quelques i^ares granula-
tions graisseuses, éparses, pris dans un abcès froid ossifluent.
rnno. Leucocytes pris dans le pus d'un hypopyon, tous pourvus d'une expansion vésicu-
liforme pâle transparente et tous finement granuleux sans noyau.
ijkt. Quatre leucocytes pris dans le liquide séreux retiré par ponction d'un kyste de
l'ovaii'e qui contenait en môme temps un certain nombre d'autres leucocytes semblables à
ceux de la figure 2. Ces leucocytes sont devenus très-volumineux par suite de la production
dans leur centre de une à cinq grandes excavations vésiculiformes claires, pleines d'un
liquide limpide sans granulations. L'action de l'acide acétique a montré que c'étaient des
leucocytes et nun des cellules épithéliales.
l,s. Deux leucocytes semblables aux précédents, pris dans le corps vitré d'un enfant,
lissent pourvus de une (/) à quatre (s) excavations vésiculiformes pleines d'un liquide lim-
pide, L'uh d'eux [s] offrait en un point de sa circonférence trois expansions sarcodiques
claires (pq!-), arrondies et pyrKormes, telles qu'en présentent souvent les leucocytes habituels
de l'humeur vitrée (lig. 10 gh).
Fig. 7. Leucocytes un peu irréguliers et assez granuleux, tels qu'ils sont habituellement
dans le tissu du poumon enflammé et dont ils proviennent.
ah. Leucocytes moyennement granuleux, à deux noyaux.
c. Leucocyte de petit volume sans noyau.
e. Leucocyte sans noyau granuleux dans uue partie de son étendue seulement.
r. Leucocyte sans noyau granuleux à sa périphérie seulement. Les autres leucocytes ren-
ferment de un à quatre noyaux et sont tous plus ou moins granuleux surtout autour des
noyaux.
Fig. 8. Leucocytes pris dans un ramollissement des lobes optiques dont le tissu était d'un
jauue rosé et comme infiltré de sérosité citrine.
abcdc. Leucocytes, les uns moyennement granuleux, les autres presque sans granulations
[h] sphériques, tous pourvus d'un seul noyau, tels qu'on les voyait en assez grand nombre
dans le tissu ramolli et surtout dans la sérosité qu'on en exprimait.
f. Leucocytes sans noyaux, à peine granuleux.
ghijkn. Leucocytes très-petits, foncés, granuleux, avec ou sans noyaux assez abondants.
l,m. Leucocytes très-granuleux, opaques, sans noyau visible, tels qu'ils sont le plus sou-
vent dans le ramollissement du cerveau et de la moelle.
Fig. 9. Leucocytes pris dans un ramollissement blanc des circonvolutions eérébrales chez
\in homme de vingt an§,
284 LEUCOCVÎUÉMIE.
a. Leucocytes petils, sans noyau, déjà très-granuleux, opaques, par suite de l'accumu-
latiou des g-ianulations graisseuses.
bc. Leucocytes un peu plus gros, assfz granuleux, mais montrant un ou deux noyaux.
d,e,fghi. Leucocytes de volume ordinaire ou hypertrophiés, tous Irès-graauleux, opacjues,
comme ils sont; ordinairement.
j. Leucocyte déformé, Irès-granuieux et très-opaque.
lit. Leucocytes granuleux dans une partie seulement de leur étendue.
m. Leucocyte ovoïde très-granuleux.
De n à s. Leucocytes pris dans un ramollissement de la moelle où ils étaient accompagnés
d'un a.ssez grand nombre d'autres, granuleux et opaques comme les précédents. La plupart
sont peu granuleux; quelques-uns offrent un noyau [o,r), d'autres sont ovoïdes plutôt que
spliéni|ues (î/,m). Il en est d'à peine granuleux (s).
Fig. 10. De « à /*. Leucocytes pris dans l'humeur vitrée de l'œil d'un nouveau-né.
ab. Leucocytes pâles, peu granuleux, à un ou deux noyaux sphériques.
cd. Leucocytes à un ou deux noyaux recouibés en 1er à cheval.
ef. Leucocytes à deux ou trois noyaux sphériques.
gh. Leucocytes présentant une ou deux expani-ions sarcodiques pâles transparentes.
De i à s. Leucocytes pris dans un abcès phlcgnioneux de la peau après son ouverture.
ijhlm. Leucocytes linen eut granuleux dans lesquels ne sont pas encore produits des
noyaux, ni des expansions sarcodiques.
nn. Leucocytes autour desquels se produisent de pâles e.\pansions sarcodiques.
0. Leucocyte un peu déformé spontanément.
p,q,r,s. Leucocytes de la même préparation dessinés quelques heures plus tard et dans
lesquels sont apparus de un à trois noyaux sphériques encore pâles.
Fig. 11. Leucocytes du pus produits parla plaie d'un séton chez le cheval.
abc. Leucocytes réguliers, unilormément granuleux et sans noyaux.
dcfglii. Leucocytes dont la paroi propre s'est séparée sous forme d'expansion vésiculi-
forme transparente entourant le reste de l'élément,
jkl. Leucocytes peu nombreux pourvus de un à trois noyaux et mêlés aux précédents.
■mno. Leucocytes de celte préparation traités par l'eau qui les gonfle, fait apparaître de
un à trois noyaux et détermine l'apparition du mouvement brownien sur les granulations
qu'ils renferment.
j^qr. Leucocytes de la même origine traités par l'acide acétique qui les rend trés-pàles
et y fait apparaître de trois à cinq noyaux.
Fig. 12. Leucocytes d'une plaie chez le chien.
abcd. Leucocytes finement granuleux, réguliers, dans quelques-uns desquels [cd] se sont
produits deux ou trois noyaux.
efg. Leucocytes généralement très-nombreux dans le pus des chiens, remarquables en
ce que la paroi propre est gonflée et détachée du contenu sous forme d'expansion vésiculi-
fornie transparente. Le contenu, mal limité, avec ou sans noyaux est appliciué sur un des
côtés de la paroi distendue.
luj. Leucocytes de la même préparation traités par l'eau qui les a gonflés et a déterminé
un vif mouvement bi'ovvnien des granulations.
klmnopqr. Leucocytes de même origine que les précédents, traités par l'acide acétique,
qui les a rendus ti'ès- pâles, transparents, et y a fait ajiparaître de un à quatre noyaux, partoib
plus gros que ceux qui se forment seuls.
ï.ElîCOC'ïTnÉMïE ou liEUCÉMBE. Définitions, synonymie, divisions. Sons
le nom de Leucocytht'inic, nous désignons un état morbide caractérisé par une
altération du sang, consistant dans le développement anormal des leucocytes,
ou corpuscules blancs du sang, dont l'effet est de cliangrr considérablement la
];roportion relative de ces éléments et des globules rouges ou bcmaties, au point
de l'aire que le nombre des premiers peut l'emporter sur celui des seconds. Cette
altération du sang coïncide ordinairement avec une bypertropbie notable de la
rate, du foie, ou des glandes lymphatiques, et constitue alors \n\e cachexie spé-
ciale et progressive dont la terminaison paraît presque constamment fatale, ou
avec un certam nombre de maladies générales d'un caractère plus ou moins
grave.
Le nom de leucocylhémie (de liv/.6i, blanc; v.Otto;, cavité, cellule, et a.lij.a, sang)
proposé par Benuett, a été adopté, en général, en France, de préférence à celui de
LEUCOCYTHÉMIE. 285
leucémie, ou leukœmie (de Irj/oç, blanc, et «îy-a, sang), qui a été donné par Vir-
cliow au même état morbide. Ce dernier nom prête en effet à i'équivoque : on
[ioiirvait confondre la leukéniie avec les observations de sang blanc laiteux ou
chijleux qui ont été depuis longtemps rapportées par bien des auteurs et qui se
rapportent à un état pbysiologique du sang ^ chargé teraporan^ment d'un excès
de matières grasses. Laleucocythémie au contraire doit toujours être considérée
comme un état pathologique^. Malgré la présence des leucocytes, le sang, tant
qu'il est fluide, conserve sa couleur ronge plus ou moins altérés, mais la couleur
blanche ne s'observe que sur des caillots ou sur des concrétions sanguines, qui
manquent d'ailleurs dins bon nombre d'observations et ne peuvent par conséquent
servir à caractériser la maladie.
Virchow repousse au contraire cette dénomination avec une certaine vivacité,
qu'explique d'ailleurs l'ardeur assez légitime, selon nous, qu'il apporte dans sa
revendication de priorité contre Benuett (voy. plus bas l'HrsroiuQrjE), et maintient
le nom de leukémie par des raisons que nous reproduirons rapidement. Selon lui,
l'expression de leucocythémie représenterait mal l'état morbitle qui nous occupe,
car le sang contient toujours à l'état normal un certain nombre de corpuscules inco-
lores , dont le nombre augmente dans les états physiologiques, tels que la diges-
tion, ou la grossesse, et dans la plupart des maladies inflammatoires et typhiques.
De telles variations ne peuvent être désignées par le mot de leucocythémie, il fau-
drait au moins dire Poly leucocythémie, et l'on pourrait rapprocher cet état du
sang de l'hypérinose, qui n'est pas non plus par elle-même une maladie ; toutes
deux peuvent coïncider avec la conservation de la santé et ne sont que des états
* Haller [Elemcnta phijs'wlog., t. II, p. 15 et p. G3) avait liieii étudié ces faits déjà sig'iu-
lés par Lower, Itiomas Sclnveiilce, J. Bolin, J. G. de Berger, Walœus et Olaus Borricliius,
et reconnu dans ses vivisections que le sérum du sang devenait laiteux ou chijlcux, c'est-à-
dire trouble, opaque, blancliàtre, pendant le travail de la digestion et qu'il se couvre alors
d'une couche blanche tout à fait analogue à la crème. Cuclianan [London med. gaz.,
t. XXXY, p. M, et Gaz. méd., 1845, p. 442) a démontré le même fait par deux expériences
directes sur riiomine, et M. J. Béclard l'a constaté plusieurs fois sur des animaux [Rech.
expcr. sur les fondions de la rate, p. 52, Paris, '1«48). Enfin i\I. Cl. Bernard {Leçons de
physiol. expérimentale, t. I, p. 157 et suivantes, Paris, 1855) a montré que cette matière
chyleuse se produit chez les animaux même nourris exclusivement de matières féculentes et
sucrées, quand on les saigne pendant le cours de la digestion. Voyez aussi sur cette question
Piobin et \ erdeil [Traité des principes immédiats, Paris, 1^55, t. III, p. 12), et P. Bérard
[Coui's de pliysLologie, Paris, 1851, tome III, p. 119 à 125).
- Il est a-sez diflicile cependant de ne pas considérer comme pathologiques les cas bien
authentiques où le sang est sorti de la veine blanc comme du lait. Telles sont, sans parler
des cas anciens rapportés par Haller [El. phijs., t. II, p. 15), l'observation du docteur Fion
[Arch, génér. de médec., 2" série, t. Vïll, p. 218, et Journ. de pkarmacie, 1855; l'analvse
du sang a été faite par M. Lecanu, qui y a trouvé 117 millièmes de malières grasses) ; l'ob-
servation de G. L.lâcç,d.ve\\i[Annaliuniversalidi medicina, t. XX.IV, p. 14i, 1835, et Arch.
génér. de médec., 2= série, t. YIIl, p. 218), où le sang présenta le môme caractère pendant
quatre saignées consécuiives; celle du docteur J. Mareska [Soc. de méd. deGand, et Gaz.
méd. de Paris, 1855, p. 510), où l'on trouva ii millièmes de malières grasses; l'observation
de iJDl Ch. Chatin et Sandras [Gaz. des liôp., 1849, n° 72, p. 289), qui ont aussi constaté
l'accumulatiou des matières grasses. Ces malades avaient présenté en général des troubles
respiratoires plus ou moins considérables, et se rétablirent assez promptement. Le cas de
M. Caventou [Arcli. génér. de méd., t. XVIII, p 6n5, et Ami. de chimie et de physique
t. XXXIX, p. "288) paraîtrait se rapprocher davantage de notre leucocythémie, l'auteur ayant
noté la diminution des globules rouges, et expliqué la coloration blanche par la présence
d'une matière albuininoide spéciale. M. Uaspail [^vuv. sijst. de chim. org , 2' éd., t. III, p. 187)
l'a expliquée par la précipitation de l'albumine, et M. Mareska a recueilli sur un filtre de
linge des grumeaux qui ont présenté tous les cai-actères chimiques de l'albumine. Ke s'a-
gissait-il pas plutôt dans ce cas de cette librine grumeleuse reucoatrée plus tard par Isam-
];u'l et l'ioliin? ;Voyoz ci-après.)
286 LEUCOCYTIIÉMIE.
purement transitoires du sang, aussi différcnls d'un véritalile état pathologique
que l'élévation de température qui suit la digestion l'est de la chaleur Jéhrile.
L'augmentation, môme pathologique, des leucocytes ne suflirait pas à caractériser
un groupe de maladies. Ce qu'il a appelé leukémie, est entièrement différent de la
polyleucocytiiémie inflammatoire, typhique ou scptique, comme le chlorose diffère
de l'anémie des sujets cancéreux ou épuisés par des hémorrhagies. La leukémie
n'est pas seulement une notion anatomique, c'est réellement aussi une entité patho-
logique caractérisée, non-seulement par le simple fait de l'augmentation des cor-
puscules incolores du sang, mais en même temps par le manque des corpuscules
rouges, ou hien par le changement dans la formation et la constitution du sang,
sous la dépendance de certains organes. « Leukémie doit signifier, dit-il enfin,
qu'à la place des parties du sang, qui normalement doivent être colorés, il s'en
présente d'incolores, qui, au stade le plus élevé de cette altération, rendent le
sang plus ou moins blanc, et non pas que, dans un sang constitué par ses parties
normales, il s'est mêlé des parties étrangères blanches, comme dans la dyscrasie
graisseuse. 11 s'agit d'une décoloration du sang, d'une leiicopathie, d'un alhi-
nisme du sang : au lieu de cellules colorées, pigmentées, il arrive des parties in-
colores, mais bien constitutives dans le torrent de la circulation. » {Gesammelte
Abliandlungen zur wissenschaftlichen Medicin , Francfort-siir-Mein, 1856,
p. 192.)
Nous avons tenu à laisser la parole au père de la leukémie, définissant lui
même le mot qu'il avait créé. Nos lecteurs apprécieront, si le nom de leucocy-
thémie n'exprime pas tout ce que l'auteur vient d'indiquer au moins aussi bien
que celui de leukémie ; si ce dernier nom, et surtout ceux de leucopathie et d'al-
binisme du sang, ne prêteraient pas davantage à la confusion que nous avons
signalée au début, et contre laquelle Virchow lui-même a soin de nous mettre en
garde en séparant bien la maladie qu'il a décrite, des états transitoires, physiolo-
giques, et notamment de la dyscrasie graisseuse (lipsemie). Le nom de leucocy-
thémie nous paraît au contraire mieux exprimer la réalité des choses, puisqu'il
nous indique quel est l'élément du sang qui arrive à prédominer sur les globules
rouges, à les remplacer, si l'on veut, mais pas autant que l'indique Virchow, puis-
que, sur le vivant du moins, le sang, quoi qu'il en dise, ne devient jamais plus ou
vioins blanc, et cj[ue cette apparence blanche appartient au contraire à la dyscrasie
graisseuse.
Au reste, en fait de dénominations nouvelles, il suffit que l'on s'entende sur la
valeur de celle que l'on adopte ; que l'on dise leukémie, ou leucocythéniie, on
ne ris([ue plus, croyons-nous, après ces explications, de tomber dans la confusion
que nous avons signalée.
Nous attacherions, pour nous, une plus grande valeur au mot de leucocytose,
que Virchow a créé plus tard, pour désigner ces états temporaires du sang, soit
physiologicpics, soit pathologiques, où la proportion des leucocytes se trouve aug-
mentée dans une proportion variable ; outre les circonstances physiologiques
indiquées, il s'agit ici des causes pathologiques les plus diverses, et non plus de
cette dyscrasie permanente, qui, par une marche progressive et régulière, conduit
presque toujours le malade à la mort. A des faits différents, il faut en effet appli-
quer des noms dillérents. Virchow a insisté avec raison sur cette distinction
[Pathologie cellulaire, trad. Picard, Paris 1861, p. 159 et suiv. et p. 156-161),
et montrait que la leucocytose se produisait dans tous les cas d'irritation ganglion-
hairCj auxquels il rattache, à côté de certains états physiologiques, les maladies
LEIjCOCYTHÊMIE (anatomie pathologique). 287
des ganglions proprement dits, des glandes intestinales, de la rate, certaines formes
de pneumonie et des états généraux, tels que la pyohémie, la fièvre typhoïde, la
fièvre puerpérale, le choléra.
Celte distinction devait aussi nous occuper dès à présent, au point de vue des
divisions que nous devions apporter à cet article. Toutefois, au lieu d'étabhr tout
d'abord des divisions dogmatiques dans un sujet encore si récemment introduit
dans la science, nous préférons les ajourner, et les faire ressortir de l'étude même
des matériaux que nous présentons à nos lecteurs. Nous agiterons plus loin la
question de savoir s'il existe une lencocythémie aiguë et une leucocythémie chro-
nique, ou mieux une leucocythémie essentielle et une leucocythémie sijmptoma-
tique, répondant à la leukémie et à la leucocytose de Virchow. Nous aurons même
à discuter, si la leucocythémie doit être considérée comme une entité morbide par-
ticidière, ou si elle n'est qu'une cachexie consécutive à des affections de nature
très-dilférente.
Nous ajournerons également les divisions qu'on a voulu établir entre les for-
mes chniques de cet état pathologique et certaines variétés des lésions anatomi-
ques qu'on y rencontre pour décrire tout d'abord le fait le plus général, à savoir,
l'altération caractéristique du sang et les lésions viscérales qui s'y rattaclient le
plus souvent.
Nous commencerons donc par exposer les notions que nous fournit l'anatomie
pathologique, puis la symptomatologie, la marche, la durée, la terminaison de la
maladie, puis ses variétés, sou étiologie, son diagnostic, son pronostic, son traite-
ment ; nous terminerons par la physiologie pathologique et les théories qu'on a
données de la leucocythémie, pour arriver à déterminer, s'il se peut, la nature delà
maladie, et le rang qu'il convient de lui attribuer. Nous terminerons par l'histo-
torique et la bibliographie.
I. Anatomie pathologique. 1'^ Étude DO SAJN'G LEUC0CYTHÉ5IIQUE. Les ca-
ractères du sang doivent être étudiés dans doux circonstances différentes : d'abord
sur le sang extrait du malade encore vivant, ensuite sur le sang trouvé à l'au-
topsie dans les cavités cardiaques et dans les gros vaisseaux. Les premiers faits
n'ont été observés que dans cette dernière circonstance : depuis qu'on sait dia-
gnostiquer la leucocythémie pendant la vie, on devra toujours constater l'état
du sang. 11 importe toutefois, dans l'intérêt du malade, de ne pratiquer qne de
très-petites saignées, soit par la phlébotomie, soit par l'application d'une ven-
touse, car nous verrons que la leucocythémie prédispose essentiellement aux hé-
morrhagies.
1" Caractères physiques. Au début, lorsque les symptômes, sur lesquels nous
aurons à revenir, font soupçonner la leucocythémie, lorsque le microscope pour-
rait déjà accuser la dyscrasie caractéristi({ue du sang, les propriétés physiques du
fluide nutritif ne présentent pas encore, pendant un temps assez long, de chan-
gement bien manifeste. A mesure que la maladie fait des progrès, que la cachexie
se prononce davantage, à mesure surtout que les hémorrhagies multiples se pro-
duisent, le sang présente des altérations considérables, déjà fort appréciables sans
l'usage du microscope.
La coloration du sang est un des [iremiers caractères qui attirera notre atten^
tion. Le sang perd sa coloration normale; le rouge rutUant du sang artériel, la
rutilance que l'on observe, même sur le sang tiré de la veine aussitôt qu'il subit
l'influence de l'air, se perd de plus en plus pour faire place à des nuances violettes.
puis violettes foncées analogues à la couleur de la lie de vin, h celle de la boue
288 LEUCOCYTHÉMIE (anatomie pathologique).
splénique ; dans d'autres cas, c'est une coloration chocolat clair, ou une colora-
tion rouge brique ou brune de plus en plus foncée, à mesure que l'on s'approcbe
de la terminaison funeste. En même temps, à ces couleui's sombres, salies,
comme on dirait en termes de peinture, s'ajoutent des teintes grisâtres, opalines
plus ou moins prononcées, et appréciables, surtout lorsque Ton regarde oblique-
ment la surface du sang, étendu en couche mince, et qui couvre les plaques de
verre d'une sorte de voile opaque, un peu irisé. Dans quelques cas (observ. de
Robertson; observ. Blaclie, Isambert et Robin), le sang reprend assez vite à l'air
une couleur rutilante, mais alors nuancée d'une teinte violette, due au mélange
du rouge et de la nuance opaline. C'est à cette nuance, à ce reflet opalin, eu cou-
che mince que nous parait se borner l'apparence blanchâtre du sang dans lu
leucocythémie, tant que le sang est fluide, bien que Vircfiow déclara (PaihoL
celluL, trad. Picard, p. 140), que, même pendant la vie, on voit le sang qui
s'échappe de la veine présenter des stries blanchâtres. C'est, en tous cas, après la
coagnlation que ce phénomène devient surtout apparent.
La densife du sang sur laquelle nous manquons de renseignements bien cir-
constanciés, et d'observations suffisamment nombreuses, doit être dès lors mani-
festement changée ; voici quelques chiffres que nous relevons çà et là dans les
anteurs ; 10n6,, 1041.5, 10-45.5, lOU.O, 1049.5 (tableau relevé par H. Ben-
nett, Onkucocythemia). En admettant que le chiffre normal est pour l'homme
de 1060 et pour la femme de 1057.5 (selon Becquerel et Rodier), ou seulement
de 1052 (Lecanu). On voit que la densité du sang subit dans la leiicocytliémie
une diminution assez considérable. La densité du sérum reste à peu près la mém'i
qu'à l'état normal; en prenant pour tei-me de comparaison, le chiffre de 1029,9,
nous trouvons dans le même document de Bennett sur cinq observations, les
chiffres de 1 029,1029, 1027, 1026.5, et 1023. Toutefois ce sujet mériterait en-
core des recherches nouvelles.
La viscosité du sang a été notée par un grand nombre d'observateurs : ce liquide
donne aux mains qu'il imprègne, aux viscères que l'on manie, une sensation de
substance poisseuse. La plupart des auteurs sont d'accord pour attribuer cette
propriété nouvelle aux globules blancs eux-mêmes auxquels elle appartient en
effet, [(Nasse, Virchow, Robin). [Voy. l'article Leucocyte).] On a même édifié
sur cette propriété une expfication du ralentissement du cours des globules blancs,
et de leur agglomération pour former les concrétions blanches que nous allons
mentionner tout à l'heure. On peut toutefois penser que la viscosité du sang est
souvent due en partie à l'augmentation des globules graisseux qui a été reconnue
dans plusieurs cas.
La coagulation du sang nous offre enfin des changements extrêmement impor-
tants. Dans un certain nombre de cas, le sang tiré de la veine se coagule comme à
l'état normal (observ. deYogel). Il est probable qu'il en est ainsi dans les premiers
temps, lorsque l'altération du sang n'a pas atteint son maximum. Plus tard, le
sang présente en se coagulant un caillot couvert d'une couenne molle analogue
à celle que l'on observe chez les sujets anémiques, et un examen attentif permet
quelquefois de reconnaître trois couches : à la superficie, une couche fibrineuse,
blanc pâle, et peu consistante; au-dessous do celle-ci, une seconde couche, encore
blanchâtre, ou blanc rosée, ou rose, d'un aspect caséeux présentant des amas de
grumeaux, inégaux, mammelonnés ou noueux, d'une couleur opaline,^ grise ou
gris rouge, et n'ayant entre eux aucune cohérence ; le microscope nous apprendra
(pic c'est la couclie des glohul 's blancs, souvent cntreniêléc dans les vacuole^' ue
LEUCOCYTIIÉMIE (anatohie rATiioLuciQUE). 289
la couche tibriiieuse. Enfin, au-dessous, vient le cruoF, d'une couleur rouge plus
ou moins foncé, et plus ou moins consistant.
Lorsqu'on agite le sang avec des baguettes, ou lorstpi'ou le filtre pour eu sépa-
rer la fibrine, il ne tarde pas à se séparer également eu trois coucbes : la plus in-
férieure formée par les globules rouges entraînés les premiers par leur pesanleur
spécifique, la seconde, formée parles globules blancs, plus ou moins régulière-
ment stratifiés au-dessus de la couche rouge ; enfin à la superficie, le sérum,
([ui paraît trouble, légèrement opahn, surmonté quelquefois d'une très-légère
couche crémeuse, que nous verrons être due à l'accumulation des matières grasses,
lesquelles flottent à la surface, pendant que les globules se précipitent au fond
du vase. (Yirchow, Patli. cellul., trad. par Picard, p. 140. — Gesainmelte Abhand-
lungen, etc. p., 184.)
La hauteur relative de chaque couche mesurée dans une éprouvelte graduée
indique approximativement les quantités relatives des globules. Cette méthode
de séparation des globules par le repos, après défibrination du sang, indiquée par
M. Donné [Cours de microsc. complém. des études méd., p. 84) dès 1844, donne
déjà des résultats approximatifs assez satisfaisants et comparables entre eux. Elle
a été suivie depuis par le docteur \oge\{Virchoiv's Arch., t. TII, p. 570), par Ro-
bertson (cité par Bennclt, Monthly Journ. 1851), par MM. Vidal et Luys [Soc. ana-
tom. 1857, p. 338). Yirchow a vu le sang extrait par une ventouse se séparer
spontanément en trois couches comme dans les cas où on l'a défibriné,et présenter
d'une part le sérum, presque entièrement privé de globules blancs; d'autre part
enfin, les globules rouges ayant une grande tendance à former des colonnettes.
Wûrzburg's Yerhandlungen, t. VII, obs. IP de Bamberger, anal, du sang, par
Yirchow.)
A une période plus avancée, ou dans certains cas plus graves, le sang perd en-
tièrement sa coagulabilité ; au lieu de caillots véritables, on n'a plus qu'une sorte
de masse diffluente analogue càde la gelée de groseille, (observ. d'Andral), qui à une
époque plus rapprochée de la mort devient de plus en plus lie de vin, semblable à
la boue splénique, ou à une sanie de mauvaise nature. Nous verrons plus loin que
dans ces cas la fibrine a presque entièrement disparu, ou qu'elle a subi une alté-
ration particulière.
Sur le cadavre , on trouvera , dans les cavités du cœur , dans les gros
vaisseaux, le sang en masses difiluentes, très-analogues par leur couleur, leur
consistance, leur viscosité, à ce que nous venons de décrire sur le sang extrait
pendant la vie.
Dans un grand nombre de cas, on a constaté, de plus, des concrétions blan-
ches, ou blanchâtres, ou jaunâtres, formant tantôt des caillots de consistance va-
riable, ordinairement ternes, granuleux, friables, tantôt des concrétions molles,
dilfluentes, parfois même presque liquides, puriformes, puisque dans un cas de
Yirchow, un assistant put s'écrier au moment de l'ouverture du ventricule
droit : «Ah ! c'est un abcès.» Les premières observations, celle de Craigie, celle
de Bennett, celle de Yirchow, qui ont amené la découverte de la leucocythémie,
ont porté exclusivement sur des cas de ce genre, et les premières discussions ont
été de savoir si l'on avait eu ou non affaire à du pus. Mais, les observations se mul-
tipliant, ou a vu que ces concrétions blanches étaient loin de se produire dans
tous les cas oCi l'on observe le développement normal des leucocytes dans le sang ;
que, dans bon nombre de cas, les concrétions blanchâtres se bornent à
des grumeaux blanchâtres, gris rosé, ou violets d'un volume assez variable, dep^iii
mci. ENC. 2° j, H. 10
290 LEUCÔCYTHÉMIE (anatohie pathologique).
celui d'un gfDs pois, jusqu'à celui d'un grain de semoule ; enfin, bien souvent, i!
n'y a plus que des corpuscules presque imperceptibles, cl les verres grossi ss:;r.ls
sont nécessaires pour les distinguer.
Ces concrétions blanchâtres se trouvent ordinairement dans les cavités dïo'.i s
du cœur, dans l'aorte, dans les gros troncs veineux. Nous verrons en pari 'nt
des lésions viscérales, qu'on les a retrouvées dans des vaisseaux de trcs-pclilc di-
mension.
2° Examen microscopique dti sang. Cet examen permet de rccounaUrc la
leucocythémie du vivant du malade, bien avant que les caractères physiques si
tranchés, que nous venons de décrire, soient encore appréciables. Car le microscope
permet de reconnaître les globules blancs, d'en évaluer le nombre, et d'observer
le changement de proportion qui s'opère dans leur nombre comparé à celui des
globules rouges. Cette recherche peut être répétée fréquemment dans le courant
de la maladie, puisqu'il suffit d'une piqûre d'aiguille , pour se procurer la quan-
tité suffisante pour un examen microscopique, sans avoir à craindre d'affaiblir le
sujet.
M. le professeur Robin a singuUèrement allégé notre tâche, en traçant avec
Une grande autorité dans l'article qui précède {voy. Leucocytes) les caractères
distinctifs des leucocytes, leur aspect sous le champ du microscope, la manière
dont ils se comportent avec les réactifs, leur nombre à l'état normal, leurs dimen-
sions et leur§ variétés principales, à savoir les globules blancs, ou cellules, et les
gtobulins, ou noyaux libres. Nous n'avons pas à revenir sur un sujet traité aussi
complètement, et nous nous bornerons à rappeler les modifications qui
constituent un état pathologique à savoir : 1° l'augmentation du chilfre
proportionnel des globules blancs, 2° l'altération de ces globules eux-mêmes.
Le chiffre normal des globules blancs [voy. à l'article indiqué les variations phy-
siologiques ou individuelles) étant en moyenne à celui des globules rouges comme
1 : 500, nous voyons dans la leucocythémie ce chiffre s'élever à la proportion de
1 : 20, puis 1 ; 10, puis en 1 : 5, 1 : 4 ,1 : 5, ou même 2 : 5 ; enfin dans les cas les
plus graves on trouve les rapports 1 : 1, ou même, mais rarement, une prédo-
minance des éléments blancs sur les éléments rouges. C'est là la condition con-
stitutive de l'état morbide qui nous occupe : sans celte augmentation de proportion,
il n'y a plus de leucocythémie. Nous verrons cependant plus loin, que dans un
grand nombre de cas, où la leucocythémie apparaît comme un symptôme acces-
soire de maladies très-diverses (leucocythémie symptomatique, temporaire, leuco-
cytose de Virchow), la proportion des globules blancs ne s'élève pas autant, elle
est en moyenne 1 ; 100, c'est-à-dire trois à quatre fois plus considérable qu'à l'état
normal. Dails quelques auteurs, on trouve ces chiffres exprimés d'une autre ma-
nière ; il est dit que le nombre des globules blancs, par exemple, est de 25, de
SO à 100 globules rouges. Il est facile de ramener par le calcul ces chiffres à
Une évaluation commune.
Les globules présentent de plus une altération coilsistant surtout dans une
augmentation de volume (déjà signalée par Bennett, 1845, parCliarcot et Robin,
1853) et quelquefois dans leur configuration. {Voy. l'article Leucocytes oii ces
variations sont décrites par M. Robin.) On a noté aussi leur passage à l'état gras
par l'infiltration de granulations, à bords réfringents, ne se dissolvafit pds dans
l'acide acétique. {Voy. Observations de Charcot et Vulpian, Gaz. hehdom. 1860,
p. 756.)
Les globulins ou noyaux libres prennent souvent un développement considc-
LEUCOCYTHÉMIE (akatomie pathologique^. 291
rable et constituent une des variétés de la leucocythémic. Ce sont bien ceux que
Virchow décrit en parlant de a globules blancs beaucoup plus petits ouïes noyaux
simples sont en comparaison volumineux, généralement à contours nets, foncés
et un peu granuleux, dont la membrane est si rapprochée du noyau qu'on peut à
peine distinguer un espace intermédiaire. » {Patliol. celL, trad. Picard, p. i42.)
Il les fait provenir particulièrement des glandes lymphatiques, et les rattache à
une forme clinique de la maladie, la leukémie lymphatique, où le sang serait moins
riche en cellules développées, mais oiî l'on-trouve des corpuscules partie cellules,
partie noyaux, qui ne diffèrent en rien des éléments trouvés dans les glandes lym-
phatiques. Virchow insiste beaucoup sur cette distinction dès l'année 1847 (Vir-
chow, Archiv.,t.l, p. 567 — t. V. p. 58 — Wiirzburg's VerhanclL, t. II, p. 325,
ei Gesammelte Abhandlungen, p. 197.)
L'augmentation des globulins est également notée par MM. Charcot et Robin
(Soc. de biologie, 1855, p. 48) : « Ils existent en bien plus grande quantité qu'à
l'état normal, on en rencontre de 10 à 25 dans le champ du microscope, tandis
qu'à l'état normal, on en rencontre tout au plus 1 ou 2. Us ont d'ailleurs tous les
caractères qu'ils présentent dans le sang normal. »
Nous avons nous-même observé, en 1855, avec MM. Blache et Robin {Bidletin
de l'Académie de médecine, 29 janvier 1856, et Comptes rendus de la Société
de biologie, 8 décembre 1855) un cas oii ce développement des globulins semble
porté au maximum. Ici il n'y avait pas (( partie cellules, partie noyaux, » comme
dit Virchow, il y avait prédominance énorme des globulins, tandis que les globules
proprement dits n'élaient réellement pas plus nombreux qu'à l'état normal. « Les
globulins étaient, aux globules blancs complets comme 80: 1. Au lieu d'être
comme à l'ordinaire, obligé de chercher les globules blancs et les globulins au mi-
lieu des globules rouges, c'étaient réellement les globules rouges et les globules
blancs qu'on était obligé de chercher au miheu des globulins. » Dans ce cas, comme
dans les autres observations, les globulins semblaient d'ailleurs conserver leurs
caractères ordinaires.
Les recherches microscopiques faites sur le sang recueilli sur le cadavre, don-
nent les mêmes résultats si l'autopsie est faite dans le laps de temps convenable.
C'est dans ces cas que l'on a étudié les concréiioiis Manches dont nous avons
déjà décrit les caractères physiques, et qui se forment spontanément dans les der-
niers temps de la vie. L'examen microscopique montre que ces concrétions sont
principalement composées de globules blancs, absolument comme la couche blan-
châtre subjacente à la couche fibrineuse de la saignée, ou à la couche blanchâtre
intermédiaire au sérum et au cruor dans le sang défibriné. Les auteurs qui ont
étudié les caillots blancs de la leucocythémie, apportent à ce sujet un témoignage
trop concordant pour qu'on puisse se refuser à y voir le fait général. Il y a cepen-
dant des variations assez grandes dans la composition de ces concrétions blanches
pour qu'il n'y ait pas quelques réserves à faire. En effet, la consistance de ces
caillots est, nous l'avons dit, des plus variables : quelquefois ce sont des caillots
figurés, moulés sur les cavités du cœur ou des gros vaisseaux, offrant encore une
Certaine cohésion : il est difficile d'admettre qu'il puisse en être ainsi sans que les
corpuscules blancs et arrondis soient reliés entre eux par l'agent uécessaire de la
coagulation, c'est-à-dire par la fibrine. C'est du reste cequeBennett indique dans
sa première observation (1845). Mais ces mêmes caillots sont friables, ils laissent
par la pression échapper une bouillie crémeuse ; souvent enfin il n'y a plus de
caillots formés, mais seulement des masses dilïïuentes et presque liquides : c'est
292 LEUCOCYTHÉMIE (anatomie rATiioLociQUE).
dans ces cas qu'on trouvera presque exclusivement des globules blancs; il est évi.
dent pour nous que ces variations proviennent de la quantité plus ou moins
grande de la fibrine dans ces concrétions blanches, et sans doute aussi d'un élé-
ment dont on ne s'est pas encore assez préoccupé, la proportion des substances
graisseuses dans le sang leucocythémique. ( Voy. Bull, et mém . de la Soc.médic. des
hôpitaux de Paris, 1867,2'' sér. : tome IV, p. 2.75 — Observ. de M. Bourdon,
et la discussion qui s'en est suivie, p. 278-280.) Nous reviendrons tout à l'iieure
sur la question de la fibrine et sur une altération particulière qu'elle nous a pré-
sentée.
Globules rouges. La plupart des auteurs se sont bornés à dire que les globules
rouges étaient dans une proportion moindre que les globules blancs, mais ils n'ont
pas recherchés si les premiers présentaient quelque modification particulière.
MM. Cliarcot et Vulpian {Gaz. hebdomad, 18G0, p. 756) ont trouvé dans une
observation les globules rouges, non-seulement diminués de nombre, mais de di-
mensions manifestement au-dessous des dimensions normales. « La réduction de
volume de ces globules était d'autant plus manifeste que les dimensions des glo-
bules blancs étaient généralement accrues, et ce fait concorde peu avec l'hypothèse
qui voudrait faire provenir les premiers des seconds. C'est encore un sujet de re-
cherche à signaler pour l'avenir. »
0° Composition clninique du san^. Nous ne possédons pas un nombre assez grand
d'analyses chimiques du sang leucocythémique, et c'est là une lacune regret-
tajjle : on se contente, le plus ordinairement, de constater au microscope l'aug-
mentation proportionnelle des globules blancs, et l'on ne se préoccupe pas assez
des antres éléments. Nous allons montrer qu'il y aurait à cet égard encore bien des
desiderata à satisfaire.
Les résultats de neuf analyses complètes, d'après J. Vogel, Parkes, Rot)ertson,
Drummond, ont été résumés parBennett dans le tableau suivant {Monthly journ.
ofmed. sciences, 1851, t. XII et t. XIII) :
NUMÉRO
DE l'oDSERVAIION
-
II (Drummond). . . .
III
XXXII
IX .. .
YIII
Vill (analyse ultérieure) .
XXX (Yogel et Strecker).
XXXVI
X.XXVII(Robertson). . . .
XIX
roiDs
spétlCqne
du sang
1041, B
1056,0
1049,3
1045, 5
1044,0
1049,5
Poids
spéciQque
du sérum
1026,5
1U23,0
1029,0
1027,0
1029,0
FIBRINE
JIATE-
niAUx
solides
du
sérum
6,0
2,5
2,45
&,0
7,08
4,75
4,4C
5,2
4,2
5,00
72,0
67,0
93,20
93,0
7S,22
77,52
82,35
80,7
95
GLOBULES
TOTAL
des
solides
67,5
49,7
100,7;
80,0 I
101,63 !
I
97 !
I
97,39 '
82,3
80
145,5
119,0
186,47
180,0
183,93
180,2
184,2
60,2
180
854,5
881,0
8ai,ô2
8iO,0
810,07
819,8
815,8
833,8
820
Dans l'observation m, il s'agissait d'une forme liémorrhagique, et d'après cela
le chiffre 2.3 U<j la librine serait plutôt élevé.
LEUCUCYTIlfJHE (anatomie p\tiioi.ociqce\ 21)3
Dans l'observation XXXIl, on n'a analysé que le sang d'un cadavre : l'analyse
est nécessairement imparfaite.
Dans l'observation Vllf, l'élévation du chiffre de la fibrine tient sans doute à ce
que celle-ci n'a pu être séparée entièrement des leucocytes (voy. plus hinFibrine),
le chiffre 75.22 des matériau.x solides du sérum se décomposait ainsi : matière or^
ganique coagulable 65.03 — matière organique incoagulable 5.08 — sels solubles
8.63 — sels insolubles 0.48.
Dans l'observation XXXVII, Roberston croit avoir parfaitement recueilli la fibrine;
on voit qu'elle est un peu au-dessus du chiffre normal. Le sang s'est ensuite sé-
paré en trois couches, dont le cruor rouge représentait les 4/7% la couche blanche
2/7^ et le sérum, rougeàtre, presque transparent ] [V . La couche moyenne, agitée
avec l'éther sulfurique, a donné à l'analyse une proportion considérable de ma-
tières grasses.
Prenant pour base la composition du sang normal donnée par M. Lecanu, et
comparant les chiffres de cet observateur avec les cliiffres moyens fournis par le
tableau précédent, M. Robertson établit, pour la leucocythémie, les relations sui^
vantes :
POUR 1000 PARTIES DE SANG :
EN SANTÉ
DANS
LA LEUCOCYTUÉMIE
Densité du sang
1052
10-'' 9
«43
1026,4
:: 1 : 4,9
Id. du sérum
Total des solides, est à l'eau
^1:3, 762
Id. des matériaux solides du sérum, est à l'eau
:: 1 : 9,675
:: 1 : -10,53
Id. des matériaux solides du sérum, est au total des solides.
:: 1 : 2,623
::, 1 : 2,11
Globules, sont au total de l'eau
::, 1 : 6,220
- 9,81
Id. sont au total des solides
:,: 1 : l,6b3
- 2,0
Id. sont aui solides du sérum
::: 1 :: 0,630
- 0,940
Fibrine est à l'eau
:;: i :, 263,00
- 189,6
Id. est au total des solides
:-■ 1 :i 70,00
:::;1 : 26,66
- 58,7
- 18,35
Id. est aui solides du sérum
Id. est aux globules, ,,,,,,,,,,,,,,,,»
:: 1 : 42,53
— 19,36
Nous avons nous-mêmes trouvé, en 1855 (observ. Blache, Tsambcrt et Robin)
les chiffres suivants :
Eau 838,99
Fibrine 1,40
Matériaux solides du sérum 70,41
Globules 69,22
et dans une seconde analyse ; . i
Eau 823,351
Matériaux solides desséchés (fibrine, albumine, globules
et sels) 169,420
Matières grasses 7,229
i.ooivooo'
294 LEUCOCYTHÊMIE (anatomie pathologique).
Becquerel {Soc. méd. des hop. 1856, p. 52), donne le tableau suivant:
Densité du sang défibriné 1018,50
Globules 70,5
Fibrine 2,9
et sur 4,000 parties de sérum :
Alljumine 40,S0
Matières extractives, matières grasses et sels -là, 50
Densité du sérum 1018,50
l>ans une aulre observation {ibidem, p. 495), il donne le tableau suivant :
Eau 839,o9
Total des parties solides 160,68
^ : Globules rouges et blancs 70,84
Fibrine 4,05
Parties solides du sérum 85,70
1000,00
pour 400 grammes de sérum :
Quantité d'eau 909,76
Somme des parties solides 92,24
Albumine 75,83
Mat. extraclives, salines et grasses 16,39
1000,00
La méthode de M. Donné (séparation par le repos du sang défibriné), avait
donné :
Hauteur du sérum 6/12
— des globules blancs 1/12
— des globules rouges 5/12
Enfin, M. Regnault a trouvé dans une observation de M. Vidal {Soc. analom.y
1852, p. 340) les chiffres suivants :
Eau et principes volatils 832,35
Globules 90,58
Albumine et principes fixes du sérum 74,59
* Fibrine 2,66
1000,00
La méthode de séparation de M. Donné donnait dans ce cas à la couche des
globules blancs, une hauteur deux fois moindre que celle des globules rouges.
Le résultat général des analyses du sang leucocythémique donne en résumé le
résultat suivant :
Diminution considérable des globules, qui peut aller jusqu'à près de moitié.
Diminution de l'albumine (partie principale des matériaux solides du sérum)
pouvant être de près de moitié.
Augmentation de l'eau, constante.
Augmentation ou diminution de la fibrine.
Diminution du fer, constatée par Strecker et Drummond (observ. XXX et obs. Il
du tableau précédent).
Augmentation des matières grasses. (Robertson, Tsambert et Robin.)
C'est donc une sorte de cachexie séreuse, avec changement de proportion con-
sidérable de certains éléments.
Nous demanderons la permission d'insister encore sur quelques-uns des points
principaux de celte question.
fibrine. On a vu par les cbiffres précédemment cités que les auteurs sont
LEUCOCYTHÊMIE (anatomie pathologique). 2?5
loin d'être d'accord sur h proportion de la fibrine. Vircbow déclare que, dans les
premiers cas de leucémie qu'il lui fut donné d'observer, un fait le frappa : « C'est
que la quantité de fibrine contenue dans le sang n'avait pas sensiblement varié. »
Depuis, on a vu la fibrine être augmentée, ou diminuée, enfin rester en proportion
normale {PaiJiol. cell. p. 139).Bennett (tableau ci-dessus) trouve l'augmentation
de la fibrine dans 7 analyses sur 9. Les deux cas de diminution étaient : 1° un cas
de purpura (leucocytbémie liémorrbagique) ; 2° un cas oi\ le sang avait été recueilli
après la mort. La note ajoutée à l'observation Mil du tableau prouve que le
cbiifre élevé de la fibrine lui inspire des doutes : elle a pu être confondue avec une
'certaine quantité de globules blancs. Il conclut du reste qu'il n'y a aucune relation
entre l'excès de la fibrine et la diminution des globules, car, dans l'observation 111,
oià la fibrine est au minimum 2.5, les globules tombent à 49.7, et dans l'obser-
vation VIII où elle est au maximum 7.08, les globules ne montent qu'à \^)ÏX^'5.
11 fiut, pour se rendre compte de ces variations, se préoccuper d'une considé-
ration dont les auteurs que nous avons cités ont fait un peu trop abstraction, je
veux dire des circonstances cliniques et des symptômes que le malade a présentés
au moment de l'analyse du sang. Dans les premières observations de Bennett,
nous voyons en effet mentionner plusieurs fois l'état fébrile du malade, soit qu'il
s'agisse de la fièvre qui s'allume in extremis, soit de quelque complication inter-
currente. 11 est certain que, dans ce cas, la quantité de fibrine pourra varier : elle
ne sera probablement jias la même non plus dans les cas où le malade succombe
à une cacliexie progressive, et dans ceux oîi il meurt épuisé par des hémorrha-
gies multiples, ou sidéré par des hémorrhagies internes. Bennett a déjà remarqué
que la fibrine présentait son minimum dans un cas liémorrbagique. M. Huss,
note aussi la diminution de la Fibrine. [Arch. gén. cleméd. 1858, t. II, p. 515.)
Nous avons nous-même, dans un cas bémorrhagique des plus remarquables
(observ. citée, 1855), trouvé un cbiffre encore plus bas que le sien, dans une
première analyse (1,40 sur 1000 de sang).
Mais ce n'est pas seulement l'abaissement du chiffre de la fibrine que nous
avons rencontré dans cette observation, c'est une altération moléculaire complète
de cette substance, dont nous rendions compte dans les termes suivants: « L'agi-
tation n'a pu réunir la fibrine en masse filamenteuse comme dans les cas ordi-
naires. En filtrant ce sang à travers un Imge fin, la filtration était extrêmement
lente, et on n'obtenait sur le linge que quelques grumeaux fîbrineux, gras au
toucher, qu'il a été impossible de recueillir assez exactement pour les peser. » —
Nous avons cherché aies réunir par une autre méthode : « Ordinairement, quand
on malaxe un caillot sous un courant d'eau dans un nouet de linge, on obtient
rapidement une diminution notable de ce caillot, et le lavage ne laisse bientôt plus
que de la fibrine blanche, filamenteuse, bien agrégée. Ici, au contraire, après avoir
malaxé longtemps, le volume du caillot paraissait à peine diminué; lorsqu'on pres-
sait plus fort, ou déterminait dans le linge des éraillures, qui laissaient passer à la
fois les globules et de la fibrine en grumeaux très-fins. L'examen microscopique
a montré la structure fibrillaire de la fibrine, toutefois la séparation de celle-ci en
filaments était beaucoup moins manifeste qu'à l'état normal; en outre, on observait
dans l'épaisseur des magmas fibrillaires qu'elle constil;uait une grande quantité
de fines granulations graisseuses, semblables à celles que nous avons décrites dans
le sérum. La fibrine avait également englobé une assez grande quantité de glo-
bnlins. — Cette expérience recommencée deux ou trois jours après sur une masse
d'environ 200 grammes de caillots recueillis sur le cadavre a donné les mêmes
296 LEUCÛCYTIIÉMIE (anatomie pathologique).
résultats et n'a fourni qu'une très-faible quantité de fibrine en grumeaux. {Soc.
d'ebiologie, 1855; Gaz. médic, 1856.)
Nous faisions remarquer, dans ce même cas, les modifications profondes qu'une
telle altération de la fibrine devait apporter à la coagulabililé de ce fluide, et sur-
tout les incertitudes qu'elle apportait à l'analyse quantitative du sang. En effet,
on ne pouvait déterminer exactement le chiffre de la fibrine, puisqu'il était im-
possible de la réunir en masse, et surtout de la séparer des globules rouges et
iDlancs. La détermination du chiffre de ceux-ci devenait également incertaine,
puisque l'espèce de filtration (nous dirions presque de collage), par lequel la
fibrine emprisonne habituellement les globules pour les séparer du sérum ne
pouvait plus se faire, et que celui-ci restait trouble et rempli de globules. Nous
insistons sur cette difficulté, parce qu'elle a Au. certainement se présenter à d'au-
tres observateurs, et parce qu'elle explique la grande divergence des chiffres mis
en avant, tant pour la fibrine que pour les autres éléments du sang.
Cette altération spéciale, cette précipitation de la fibrine grumeleuse n'a pas
été vue que dans ce cas (1855). En 1858, nous la constations de nouveau sur un
autre sujet : environ 500 grammes de sang coagulé furent recueillis sur le ca-
davre et malaxés dans un nouet de linge sous un courant d'eau : cette quantité
ne laissa pas de fibrine à longs filaments élastiques, mais seulement de très-petits
grumeaux blancs, gras au toucher, dans lesquels cependant le microscope faisait
reconnaître la structure fibrillaire de la fibrine. « Il serait intéressant, ajoutions-
nous, de rechercher si cette altération de la fibrine est un fait fréquent dans les
cas de leucocythémic, et à quelle époque elle survient dans le cours de cette ma-
ladie ; si ce n'est pas un fait général, il est singulier qu'il se soit rencontré deux
fois de suite entre les mains du même observateur. » {Sur un nouveau cas de
leucocytlieniie , compte rendit de la Soc. de biologie, 1858.) Dans la première
observation de Bennett {Edinburgh Med. and Snrg. Journ., oct. 1845, p. 418),
on trouve en elfet la mention d'un état analogue de la fibrine. « Là où le caillot
jaune était plus mou que d'habitude, les corpuscules de pus (leucocytes) étaient
plus nombreux, et la fibrine était désagrégée [braken doivn) en une masse dif-
fluente, en partie moléculaire et granuleuse, et en partie de débris et filaments
brisés en morceaux de longueurs différentes. » Nous n'avons pas trouvé de men-
tion plus expHcite sur l'altération qui nous occupe, dans les observations qui ont
précédé les nôtres; M. Robin trouva à la même époque un aspect analogue de la
tihriue chez le malade (obs. II) de M. Vigla. {Yoij. Vidal, ouvr. cité, p. 25.) Enfin,
Becquerel {Soc. méd. des hop. 1856, p. 196) mentionne aussi la fibrine granu-
leuse que le battage ne peut réunir. Nous ne voyons pas que d'autres auteurs
l'aient signalée depuis dans la leucocytémie.
Glohdes. Les globules ont été très-bien étudiés au microscope, mais au point
de vue chimique, nous devons insister sur l'incertitude que présente la détermi-
nation quantitative de ces éléments dans les cas où le sang présente cette disso-
lution, qui permet à peine la formation d'un caillot, et rend la séparation com-
plète des globules et du sérum à peu près impossible. Il est assez probable que
le chiffre en a été trouvé plus faible qu'il n'était en réahté, par suite de cette perte,
bien que la diminution considérable du total des globules soit un fait incon-
testable.
Albumine. L'incertitude est au moins aussi grande au sujet du chiffre de
l'albumine, qui se dose habituellement d'une manière indirecte, par différence;
il est probable qu'ici l'erreur est en sens inverse, le chiffre des matériaux solides
LEUCOCYTIIÉMIE (anatomie rATiiOLOciQUE). 297
du sérum (qui fournit celui.de l'albumine après qu'on en a déduit celui des sels et
des matières grasses) se trouvant légèrement augmenté par la présence des glo-
bnles blancs qu'il est si difficile d'en séparer, puisque dans la majorité des cas
le sérum est resté trouble et laiteux. Dans les analyses ci-dessus, Becquerel
donne les cbiiïres de 75,85 et de 40,50 pour l'albmniue. M. Ducom a trouvé
seulement 57 sur 1,000. (Obs. II deM. Vigla. Voyez Vidal, ouvr. cité, p. 24.)
Corps gras. 11 est bien entendu, après les longues explications dans lesquelles
nous sommes entrés au début de cet article, que nous ne confondons pas laleuco-
cylbémie avec les cas de sang chyleux, laiteux (lipœmie) où la prédominance des
corps gras est si considérable. Nous trouvons dans la leucocythémie véritable la
mention d'une augmentai ion numérique des corps gras dans l'observation de
Robertson. [Voy. n" XXXVH du tableau de Bennelt, ci-dessus reproduit.) Nous
l'avons nous-même constatée et mesurée dans notre observation de 1855, puisque
nous avons trouvé le cbiffre de 7,229 sur 1000 de sang. Le sang fdtré laissait
former par le repos une coucbe d'un blanc laiteux très-opaque qui venait sur-
nager les globules rouges. Cette couche s'attachait aux parois du vase. Elle était
composée presque entièrement de granulations graisseuses. Il est probable que le
passage d'un certain nombre de globules blancs à l'état graisseux était pour quel-
que chose dans cette augmentation des matières grasses.
Becquerel ISoc. méd. des hôp. 1856 p. 196) trouve 5,014 de matières grasses
pour 1 ,000. MM. R. Mattei et Cappezuoli de Florence ont trouvé 5,7 de matière
grasse sur 100 de caillot desséché dans leur observation. {La Sperimeniale,
mars 1858.)
Nous sommes étonné qu'un nombre plus grand d'observateurs ne se soit pas
occupé de cette question. A peine voyons-nous qu'on se soit enquis de la détermi-
nation quantitative des matières grasses. Quant à l'analyse qualitative et à
la détermination des différentes substances grasses, dont l'ensemble constitue un
chiffre aussi considérable, nous sommes dans l'ignorance la plus complète, et
nous manquons entièrement de renseignements.
Sels. Nous ne voyons pas non plus que l'on se soit occupé delà détermination
des sels du sérum et des variations qu'ils auraient pu subir dans leur quantité.
Nous sommes toutefois autorisés à croire que ces variations ne doivent pas être
importantes, puisque la densité du sérum varie très-peu d=ans cet état patholo-
gique. Mais il faudrait faire à ce sujet des expériences directes.
Fer. Le fer a été dosé quantitativement par Strecker (observation de Vogel),
qui a trouvé 3,42, et par Drummond (obs. II du tableau de Bennett), qui a trouvé
2,06 pour 100 parties de cendres après calcination des solides du sang. C'est
une diminution de la quantité normale.
Substances organiques diverses. Scherer a trouvé dans deux cas de sang de
leucémique que lui avait fournis Virchow, l'hypoxanthine, la Icucine, les acides
urique, lactique, acétique et formique. {Wûrzb. Verhandl., t. II, p. 521, et t. Vif,
p. 120.) Un foie, que Virchow avait abandonné quelque temps, se recouvrit spon-
tanément de grains de tyrosine ; dans une autre observation, le contenu de l'in-
testin fournit des cristaux très-abondants de leucine et de tyrosine. Bref, tout
démontre une augmentation dans l'activité de la rate qui contient ces substances.
{Palh. celL, p. 142 et 145.) Toutes ces substances ont été retrouvées par M. Fol-
vvarczny dans une observation du professeur Oppolzer. {Wiener Allgem. med.
Zeiiung, 1858, n» 29-52 ci Arch. gén. de méd., 1856, t. I, p. 614.) Virchow
regi'ette avec raison que ces recherches n'aient pas ét(; poursuivies. 11 importe-
298 LRUCOCYTUÉMIE (anatomif. pathologique).
rait en effet de bien déterminer les circonstances où se produisent ces substances.
On avait cru un instant que l'analyse chimique des produits de sécrétion et du
sang pourrait, en accusant l'augmentation de ces substances et particulièrement
de rhypoxantjiine, caractériser la leucocytbémie splénique et la différencier de la
variété dite lymphatique, M. F. Mosler a montré récemment (Virch. Arch., 1866,
t. XXXVII) qu'on ne peut pas compter sur ce caractère.
MM. Charcot et Vulpian ont décrit avec beaucoup de soin [GazeMe hebdom.,
1860, p. 755) des cristaux qu'ils ont trouvés en grand nombre dans le sang d'un
sujet leucémique, et qui, peu apparents le premier jour, ont augmenté à mesure
que le temps s'écoulait, et étaient devenus très-nombreux dans le sang conservé
le vingt-cinquième jour après l'autopsie. Ces cristaux ont été trouvés aussi dans le
foie surtout et dans la rate. Les auteurs ont dessiné les formes géométriques de
ces cristaux qui sont des octaèdres diversement groupés entre eux, et indiqué
les principales réactions chimiques qui les caractérisent, sans pouvoir les identi-
fier, tant sous ce rapport que sous celui des formes cristallines, avec les divers
cristaux organiques que l'on connaît. La circonstance de leur formation tardive,
et plusieurs de leurs caractères chimiques les rapprochent de la tyrosine, men-
tionuée ci-dessus par Scherer : comme elle, ils sont peu solubles dans l'eau (à
60° ou 70° centigrades seulement), complètement insolubles dans l'alcool, dans
l'éther, solubles dans les alcalis et dans les acides en général ; mais ils en dif-
fèrent en ce que celle-ci n'étant pas soluble dans l'acide acétique, eux au con-
traire le sont très-bien, mais sont en revanche très-réfractaires à l'action des
acides chromique et azotique qui, loin de les attaquer, leur ôtent définitivement
la faculté qui leur appartenait auparavant de se dissoudre dans l'acide acétique et
les alcaHs. Les auteurs croient ces cristaux identiques avec ceux que l'un d'eux
avait constatés antérieurement dans une observation prise avec M. Robin. (Comjjtes
rendus de la Soc. de biologie, 1853. — Obs. de leucocythémie, par Charcot et
Robin.) Tout récemment, dans une observation de M. Desnos {Bull, et mém. de
la Soc. méd. des hôpitaux, 1867, t. lY), des cristaux analogues ont été retrouvés
par M. Hayem.
On voit que le champ est encore largement ouvert aux investigations nouvelles
sur la composition du sang des leucocylliémiques.
2° Lésioxs viscérales. Une altération aussi complète du iïuide nourricier
doit répondre, on s'y attend bien, à des lésions viscérales très-nombreuses et très-
diverses. Il n'est pas à vrai dire d'organe qui paraisse y être soustrait d'une
manière absolue. Nous distinguerons cependant les lésions qui se trouvent répan-
dues dans toute l'économie, d'une manière plus ou moins régulière, la plupart
accidentelles : ce sont surtout des hémorrhagies interstitielles, des infarctus dis-
séminés çà et là; et d'autres lésions, qui, par leur fréquence, leur constance
même, sont en connexion évidente avec la dyscrasie sanguine, telles sont les
hypertrophies de la rate, du foie, de la plupart des organes glanduleux. C'est ù
vrai dire la démonstration de ce rapport entre ces lésions viscérales, et les alté-
rations du sang, déjà plusieurs fois entrevues, qui a constitué la découverte de la
leucocythémie. L'étude de ces lésions forme donc le second élément constitutif
de l'état pathologique, et nous lui devons à ce titre toute notre attention. Nous
aurons plutôt à écarter, qu'à relever en passant, les lésions viscérales diverses
qui n'apparaissent qu'à l'état de complications dans la leucémie. Commençons
donc notre revue par celles de ces lésions que l'on a rencontrées le plus constam-
ment dans les autopsies. Nous nous servirons pour les données numériques qui
LEUCOCYTHÊMIE (anatomie pathologique). 299
VGul suivre, du relevé de M, Vidal {De la leiicocijthémie splé)iique,fms, 1850,
p.57)portaiit sur 52 cas observés do 1845à'1850, et d'un relevé que nous avons
fait récemment de 41 cas nouveaux postérieurs à ceux qu'a analysé M, Vidal, eu
tout 75 cas bien observés.
Rate. « La lésion splénique domine tout le tableau pathologique, » dit avec
raison Virchow. {Path. celhtl. trad. Picard, p, 141.) Toutes les statistiques sont
d'accord pour le démontrer. On la trouve 19 lois sur 20 (Bennett, Soc. de biolo-
gie, 1851) ou dans 25 cas sur 52 (relevé de M. Vital). Dans un relevé de 41
observations nouvelles, nous la notons 56 fois, en tout 61 fois sur 75 cas. Cette hy-
pertrophie atteint souvent des limites énormes ; à l'ouverture de l'abdomen, la
rate occupe quelquefois la plus grande partie de la moitié gauche de la cavité
abdominale ; elle s'étend depuis le niveau de la sixième côte, jusqu'à l'ombilic,
ou même jusqu'au pubis (observ. de M. Barth). Elle mesure alors 52 centimètres
de longueur, 19 centimètres de large, et 8 centimètres d'épaisseur, Son poids
est d'environ 5 kilogrammes. (Craigie, Bennett donnent à peu de chose près
les mêmes chiffres.) Le volume le plus considéi^able noté dans le relevé de
M. Vidal [De la leucocythémie splénique, Paris, 1856, p. 57), portant sur
trente-deux observations, est de 41 centimètres de hauteur sur 20 centimètres
de largeur et 7 d'épaisseur. Le volume le plus fréquent varie entre 50 et
32 centimètres de hauteur, sur 16 à 18 de largeur. Le poids le plus
considérable est de 5'''',5, le moins considérable de 1 kil. C'est douze ou
quinze fois le poids normal. M. Becquerel a même trouvé le poids de 4'''',400,
{Soc. méd. des hop, 1 856, p. 1 95.) Du reste, cette hypertrophie énorme peut ne pas
altérer la forme primitive de la rate ; la concavité du bile paraît un peu exagérée
par l'amplification des lobes qui le limitent : quelquefois on observe le long de
son bord interne deux échancrures produites par l'exagération des deux scissures
qui, à l'état normal, indiquent les trois lobescorrespondant aux divisions de l'artère
splénique, Dans onze cas, sur trente-deux observations relevées par M. Vidal, la
rate adhérait au diaphragme et au péritoine pariétal, ou à l'épiploon par des ex-
sudations plastiques plus ou moins étendues. La capsule présente parfois des
plaques laiteuses à la surface, ou des cicatrices demi-cartilagineuses. Cette meni'
brane, souvent encore assez fine malgré l'énormité de l'hypertrophie, est ordinai-
rement plus épaisse et plus opaque que sur une rate saine.
La couleur de la rate est d'un rouge violacé à l'extérieur, présentant souvent
des reflets opalins, légèrement irisés comme ceux que nous avons notés à la sur-
face du sang pris en couche mince. Ce reflet se retrouve aussi sur la coupe du
parenchyme, qui offre l'aspect d'une surface lisse, nette, luisante, relative-
ment sèche, dont la couleur ordinairement un peu plus claire qu'à l'état normal,
varie depuis le rose violet ou le rose jaunâtre jusqu'au rouge brun; quelques-uns
la comparent à l'acajou ou au jambon. Nous l'avons vue présenter une couleur
rose pâle, devenant plus vive au contact de l'air (obs. citée, 1855; obs. de Bour-
don, 1867), Sa consistance est ferme, dense, et offre l'apparence d'un tissu
comme carnifié , au milieu duquel les trabécules fibro-celluleux de la capsule
apparaissent en tractus blancs manifestement hypertrophiés. Toutefois ce tissu est
plus ou moins résistant, souvent il est cassant et friable. Les gros vaisseaux, la
plupart élargis, présentent seuls des ouvertures béantes. Les follicules sont ordi-
nairement ])etits, mal limités, et doivent être cherchés avec une certaine atten-
tion. On les distingue à leur couleur blanche, qui se détache sur la pulpe rouge.
Virchow insiste sur l'importance de ces pomts blancs, qui ne sont autres que les
300 LEUCOCYTHÉMIE (anatomie pathologique).
corps blancs de Malpighi, « une des parties coiistiluantes de la rate, qui chez
les divers sujets se trouvent répandus dans le parenchyme de la rate en quantité
tout aussi variable que les follicules solitaires et les plaques de Peyer dans l'in-
testin. La structure de ces foUicules ressemble exactement à celle des loUicules
des gangUons lymphatiques.» {Pathol. celluL, p. 160.) L'auteur en conclut, con-
formément à sa théorie anatomo-pliysiologique de la leucémie, que ce sont juste-
ment ces corps blancs dont la tuméfaction contribue surtout à accumuler les glo-
bules blancs dans le sang. Mais le changement se borne rarement à cela ;
ordinairement on trouve des masses plus serrées, d'un rouge plus intense, péné-
trant en forme de coin dans l'intérieur de la glande, et re.ssemblant de plus eu
plus à des infarctus hémorrhagiques. Plus tard, ces taches deviennent plus
claires, blanchâtres, semblables à des produits caséeux ou tuberculeux (Virchow,
Gesamm. Abhandl., p. 206).
Au microscope, le tissu de la rate présente tout d'abord les caractères d'une
hypertrophie simple, beaucoup plus analogue à l'hypertrophie de la fièvre inter-
mittente qu'à l'infiltration inflammatoire qu'on observe dans les affections
typhoïdes : cette dernière se voit quelquefois à la période terminale, mais au
début on constate seulement une hyperplasie avec induration des éléments nor-
maux de la rate, et qui porte sur la trame fibreuse et les gloinérules de Blalpiglii.
M. Luys a aussi insisté (Soc. anat. 1858, p. 551, etSoc. de è/o/.,1859, p. 159),
sur le développement anormal de ces glomèrules. C'est l'hypertrophie de ceux-ci
qui donne à la coupe l'aspect marbré que l'on observe quelquefois, avec des
îlots jaunes blanchâtres, variant du volume d'une lentille à celui d'un œuf de
pigeon. Ces glomèrules hypertrophiés ou fondus ensemble sont constitués par
un tissu adénoïde, qui ne présente en aucune façon les réactions de la matière
amyloïde. (Ollivier et Ranvier, observ. nouvelles, Arch. de phijs. et de paih. de
Brown-Séquard, etc., Paris, 1869, p. 412, 419.) La dégénérescence amyloïde est
au contraire signalée par M. Bœttchers. (Virchow, Archiv, t. XIV, et Arch. gén.
de méd., iSGO, t. II, p. 767.)
Après durcissement dans l'acide chromique sur des coupes minces, on con-
state que des corpuscules lymphatiques s'échappent avec facilité et laissent à
découvert un stfoma réticulé très-manifeste. (Ollivier et Ranvier, Soc. de biol.
1866, p. 252.)
D'autres fois, on constate de véritables infarctus blanchâtres dus presque entiè-
rement à des amas de globules blancs (obs. Bourdon, Soc. méd. des hôp. 1867).
Autour, les éléments normaux de la rate sont ratatinés et en voie de régression.
Les capillaires sont dilatés et contiennent une grande quantité de globules blancs.
Cette distension des vaisseaux sanguins par du sang leucocythémique s'observe
en effet particulièrement dans la veine spléniqueoii l'on a trouvé souvent des cail-
lots tout à fait blancs et décolorés (notamment, observ. Charcot et Vulpian, Gaz.
hebdom. 1860, p. 756). M. Robin a constaté aussi dans le sang de la veine splé-
nique la présence de corps fusiformes, recourbés sur eux-mêmes, à noyau laté-
ral, telles que sont indiquées les fibres musculaires de la vie organique dans le
tissu de la rate. On reirouve du reste ces éléments même dans des préparations
faites sur la rate normale (obs. citée. Soc. de biol., 1855).
Rappelons enfin que l'on a constaté dans le sang de la rate des cristaux bril-
lants, les uns qui paraissent avoir été de la cholestérine (obs. Goupil, Soc. méd.
des hôp., novembre 1858), et les autres, ces cristaux signalés par MM. Charcot et
Vulpian (obs. citée, 1860), dont nous avons parlé plus haut.
LEUCOCYTIIËMIE (anaiomie patholocique). 301
Foie. Après la rate, le foie est l'organe qui a présenté les lésions les plus
constantes. Son hypertrophie est notée douze fois sur vingt (Bennett, Soc. de
hiol., 1852), quatorze sur vingt autopsies (relevé de M. Yidal) et enfin trente-deux
ibis sur quarante-une (relevé personnel). Dans onze cas sur douze, cette hyper-
trophie coïncidait avec celle de la rate, et une fois sur douze seulement avec
des engorgements lymphatiques. (Bennett, Soc. debiol. 1852.) Dans quelques
cas, cette hypertrophie atteignait le triple du volume normal, le poids s'éle-
vant à 12 ou io livres. Nous l'avons trouvé de 8kilog.; son diamètre antéro-pos-
térieur était de 52 centimètres pour le lobe droit, de 20 centimètres pour le
lobe gauche ; son diamètre transversal de 58 centimètres; sou épaisseur ou sa
hauteur, prise en arrière, était de 11 centimètres. 11 descendait depuis l'Iiypo-
chondre gauche jusqu'à la région hypogastrique; son lobe gauche énormément
hypertrophié cachait l'estomac (obs. citée, Soc. de bioJog. 1858). MM. Ollivier et
Ranvier (obs. citée, 1866) trouvent 44 de diamètre transversal, 27 de hauteur
(diamètre antéro-postérieur), 8 d'épaisseur; poids 3250; et, une autre ibis
(nouv. observ., Arcli. de Brown-Séquard, etc., 1869, p. 419): diamètre trans-
versal, 50; diamètre antéro-postérieur, lobe droit, 26; id. lobe gauche, 21;
diamètre vertical, 9.
Dans plusieurs de ces observations, on note des adhérences du foie avec la l'ace
inférieure du diaphragme, les parois abdominales, ouïe péritoine intestinal.
La coloration du foie reste souvent normale ; quelquefois il présente une colo-
ration rouge sale, tirant sur le gris (obs. Ollivier et Ranvier, 1866), ou un aspect
un peu cirrliotique (obs. Bourdon, 1867), ou une teinte violacée, analogue à celle
de la rate, mais plus brune (obs. Isambert, 1858) ou une couleur chocolat (obs.
Charcot et Vulpian, 1860).
Le tissu hépatique, tel qu'on le voit sur une coupe fraîche, est le plus souvent
plus ferme, plus résistant qu'à l'état normal, et ne présente aucune altération
apparente : c'est de l'hypertrophie simple. D'autres fois il est plus friable, nous
l'avons vu (obs. Isambert et Robin, 1 855), plus mou, et se laissant réduire facile-
ment soit par l'écrasement, soit par le raclage, en une sorte de pulpe analogue à
labouespléiiique. « 11 était facile de voir que ces caractères tenaient à une dis-
tension vraiment énorme des capillaires par des globulins, distension portée à un
degré tel que la masse des globulins contenus dans ces capillaires distendus était
réellement plus considérable que la masse représentée par les cellules hépatiques.»
Cette disposition des capillaires a été retrouvée depuis par plusieurs observateurs
(cas de Bourdon, 1867). Elle donne naissance à des infarctus blancluitres, qui ont
ététi'ouvés par Virchow [Gesamm. Abhandl., p. 207) gros comme des grains de
millet, ou comme des grains glanduleux du foie, quelquefois gros conmie des
pois, et qui laissaient échapper à la coupe un liquide blanchâtre, dans lequel le
microscope faisait reconnaître des noyaux semblables à ceux des glandes san-
guines ou lymphatiques. Ces petits corpuscules se laissaient facilement énucléer
du parenchyme, et présentaient au microscope le même aspect que les ibllicules
de la rate : une enveloppe presque amorphe et une masse serrée de petits noyaux
glanduleux. (Virchow, Archiv, 1. 1, p. 569). Dans un autre cas, le foie présentait
un aspect marbré, de trois substances difiérentes, un parenchyme jaune grisâtre,
avec des taches d'un jaune intense, et enfin de grandes places gris rouge, légère-
ment transparentes. La première était composée des cellules du foie rempfies
d'un peu de graisse, les taches jaunes d'une infiltration de la matière colorante,
et enfin les taches gris rouge transparentes étaient formées de cellules et de
302 LEUCOCYTIIEMIE (ax/ltomie pathologique).
noyaux à enveloppe membraneuse très-mince, semblables à ceux qu'on trouvait
dans le sang du cœur. Cette infiltration de noyaux paraissait partit- de la veine
porte et de ses divisions ; on en trouvait aussi dans les conduits biliaires. Ces élé-
ments étaient réunis par monceaux, ou par groupe de noyaux, qui étaient en-
tourés extérieurement d'une membrane amorphe. (Virchow, Archiv, t. \, p. 58.)
Ces infarctus ont été récemment étudiés à nouveau par MM. Ollivier et Ranvier
(obs. 1866), qui exposent les résultats de leur examen dans les termes suivants :
« Les lobules du foie paraissent partout délimités par des îlots irréguliers,
obscurs à un grossissement de 50 diamètres. Ces îlots, dans quelques points ont
2 ou 5 dixièmes de millimètres d'étendue ; ils avancent du coté du centre du
lobule en donnant des figures dentelées. A des grossissements de 250 à 500
diamètres, on voit que ces îlots sont formés par une accumulation de globules
blancs, et qu'ils s'abouchent à plein canal avec les capillaires dilatés qui sont
remplis eux-mêmes de globules blancs, et qui sillonnent le parenchyme hépatique
suivant la disposition vasculaire habituelle de l'organe. Dans certains points on peut
même voir des capillaires tangents à ces accumulations de globules blancs, et au
niveau de la jonction, on ne distingue aucune ligne de démarcation, et par consé-
quent, aucune membrane de capillaire tandis que celle-ci peut se reconnaître
assez distinctement en deçà et au delà. » Les auteurs concluent de leur descrip-
tion que les amas de globules sont dus à une rupture vasculaire, à une véritable
hémorrhagie capillaire, et non à une hyperplasie du tissu conjonctif interstitiel du
parenchyme hépatique comme le veulent Yircbow, Waldeyer et Bœttcher.
M. Damaschino {Soc. anatom. de Paris, janvier 1868) se rallie àcette manière de
voir. Cette disposition s'est montrée encore plus marquée dans deux observations
récentes de MM. Ollivier et Ranvier (nouv. ohs., Arch.de phy s. et clepath. deBrown-
Sequard, etc., 1869, p. 411 et p. 419). Entre les cellules hépatiques, contenant
un grand nombre de granulations graisseuses fines, on trouvait des mailles capil-
laires vides, d'un diamètre supérieur à celui des cellules hépatiques, et dans
quelques points les capillaires dilatés formaient un véritable système caverneux
rempli de globules blancs, et enfin des îlots d'un dixième de millimètre exclu-
sivement formés de globules blancs. La dilatation des capillaires, et la diffusion
des leucocytes avaient amené l'atrophie des cellules hépatiques correspondantes.
M. Bœttcher (obs. citée) a trouvé dans le foie la dégénérescence amyloïde.
Il est à peine nécessaire d'ajouter que la vehie porte est un des gros troncs vei-
neux oij l'on a trouvé le plus manifestement le sang boueux, lie de vin, ou d'un
brun grisâtre.
C'est enfin dans le foie que MM. Charcot et Vulpian ont trouvé le plus grand
nombre de ces cristaux octaédriques solubles dans l'acide acétique qu'ils ont
décrits (obs. citée, Gax-. hebdom. 1860), et sur le foie que Virchow a vuseformer
tant de cristaux de tyrosine. {Path. celluL, p. 142^)
Reins. Les reins sont beaucoup moins souvent hypertrophiés que la rate et le
foie. Onn'en trouve qu'un cas mentionné dans lespremières observations de Virchow
et dans le relevé de M. VidaL « Les deux reins étaient très^augmentés de volume,
et pesaient ensemble 1 livre et demie. Ils étaient très-flasques, tnès-humides, et
marbrés. A côté de grandes surfaces de substance médullaire blanche, on en
Voyait déjà à la surface d'autres places d'un gris rouge, et enfin d'autres gris jau-
nâtre, comme celles de l'état normal. A la coupe, on trouvait la même disposition
qu'à la surface, notamment une infiltration médullaire particulaire répondant
aux places médullaires. Le microscope montra Vi aussi des noyaux si serrés, qu'à
LEUCOCÏTHÊMIE (anatomie pathologique). 303
certains endroits on ne pouvait plus toir. autre chose. (VJrchow, Ardiiv,
t. V, p, 58, et Gesamni. Ahhandl. p. 207.)
Nous avons trouvé chez un enfant de 15 ans, les dimensions suivantes:
REIN DROIT. REIN GAUCHE.
Diamètre vertical 6,142 0,140
Diamètre transversal 0,084 0,084
Épaisseur 0,024 0,027
Poids absolu 188 grammes.. 197 grammes.
Pour des reins d'enfant, c'était une hypertrophie considérable (obs. citée, 1855).
Dans les dernières observations de MM. OUivier et Ranvier {Arch. de Brown-
Séquard, 1869, p. 414) nous trouvons pour des reins d'adultes les dimensions de
15 centimètres seulement de hauteur sur 7 de largeur pour le rein droit, et de
11 et de 8 centimètres pour le rein gauche, et sur un autre sujet, 14 centimètres
de haut, 8 de large, 4,5 d'épaisseur pour le rein droit, et 12 centimètres de
haut, 7 de large et 3,5 d'épaisseur pour le rein gauche.
Au reste, si les reins n'ont pas paru souvent avoir de dimensions très-considé-
rables, les premiers observateurs y avaient noté cependant des lésions particu-
lières. Dans l'observation qui est la première en date pour la leucocythémie bien
constatée, celle de Craigie, il n'y a pas d'hypertrophie, mais on note de petites
taches grisâtres de forme circulaire à la surface, lesquelles ne pénètrent pas pro-
fondément dans le rein. C'est l'analogue de ce que Virchow a décrit quelques
années plus tard. Dans notre relevé personnel nous trouvons 17 fois sur 41 cas
l'indication d'une lésion des reins.
Dans notre première observation (1855) nous trouvions, avec l'hypertrophie
considérable que l'on a vue, les reins entourés d'un tissu cellulaire fortement ec-
chymose ; de larges ecchymoses dans la substance corticale, et des épanchements
sanguins assez considérables sous la muqueuse du calice et des bassinets (entre la
muqueuse et le parenchyme rénal) ; la muqueuse de la vessie présentait ces mêmes
marbrures ecchymotiques, surjme large surface, en aiTière, et surtout près du
col, où elle présentait une coloration lie de vin presque uniforme; le sujet était
mort d'hémorrhagies multiples.
Bl. Bœttcher (obs. citée 1858) a vu dans les reins des dépôts grisâtres dans la
substance corticale et à la base des pyramides ; les dépôts présentaient à la coupe
l'aspect de la cire, et donnaient une coloration violette par l'iode et l'acide sulfu-
rique : c'était donc de la dégénérescence amyloïde.
MM. OUivier et Ranvier ont étudié avec beaucoup de soin les altérations du pa-
renchyme rénal. Dans leur première observation [Soc. de biologie, 1866), ils ont vu,
sur des coupes à l'état frais, que les glomérules de Malpighi étaient plus sombres
que le reste du parenchyme normal, contrairement à ce qui existe ordinairement,
ce qui tenait à ce que les vaisseaux qui entrent dans leur composition étaient
remplis de globules blancs ; sur des coupes, après durcissement dans l'acide chro-»
nique, ils ont constaté des infarctus, formés d'une agglomération de globules
blancs, provenant de petites hémorrhagies capillaires analogues à celles qu'ils ont
décrites dans le foie [voy. ci-dessus), les tubuli étaient en outre séparés les uns
des autres par des capillaires gorgés de globules blancs. Il leur paraît impossible
de voir là une hyperplasie du tissu connectif. Dans leurs nouvelles observations
[Arch. de Brown-Séquard, 1869, p. 415 et p. 420), ils constatent des ecchymo-
ses miliaires à la surface des reins et dans leur épaisseur, principalement au-
tour des calices, et des pyramides de Blalpighi. Les glomérules sont plus opaques
50i LEUCOCYTHEMIE (akatomie pathologique).
qu'à l'état iiomial, et cette opacité est due à l'accumulatiou de globules blancs
dans les anses capillaires, on n'y constate cependant pas de ruptures de vaisseaux
et d'épanchements insterstitiels. Les tubuli contournés de la substance corticale,
sont écartés les uns des autres et semblent plongés dans un tissu interstitiel
formé entièrement par des globules blancs. L'épitliélmm des tnbuli a subi la dé-
générescence grahulo-graisseuse, et dans quelques-uns on observe des cylindres
colloïdes. En quelques points autour des foyers blancbàtres, les tubuli sont atro-
phiés, et détruits. Dans un cas, ces auteurs notent aussi des ecchymoses dans la
muqueuse vésicale. En somme, nous trouvons 16 fois sur 41 cas (relevé personnel)
mention d'une lésion des reins.
Dans 1 cas sur 52 (relevé de M. Vidal) les capsules surrénales avaient subi une
dégénérescence graisseuse. Leur hypertrophie a été signalée aussi par le D"" Bar-
clay. [TheLancet, 1865, p. 117.)
Ganglions hjmphaiiques, tumeurs lymphatiques. Ces lésions ont été signa-
lées par Bennett (première observation 1845) et par Vircbow {Archiv, 1. 1, p. 567 ;
t. V, p. 55), et depuis eux, par un grand nombre d'observateurs. Les glan-
des que l'on a le plus souvent trouvées hypertrophiées dans la leucocythéniie
sont : les ganglions mésentériques (10 fois sur 52, relevé de M. Vidal), les gan-
ghons bronchiques (1 fois), les ganglions lymphatiques du cou (5 fois sur 52), de
l'aisselle et du pli de l'aine (5 sur 52). Nous trouvons pour notre part 24 fois
sur 41 cas (relevé personnel) des hypertrophies ganglionnaires. En tout, 52 fois
sur 75 cas.
Ces ganglions sont augmentés de volume, parfois un peu ramollis, parfois ils
offrent une sorte de fluctuation ; leur surface est glissante, souvent un peu bril-
lante, et d'une coloration paie, blanchâtre, jaunâtre ou grisâtre. A la coupe, ils
laissent échapper un sucblanchàtre, parfois un peu rosé, dans lequel le microscope
retrouve une grande quantité de globules blancs et de globulins. Ici, comme
pour kl rate, dit Vircbow, il s'agit d'une hypertrophie numérique, d'une lujper-
plasie de leurs parties constituantes, et notamment des cellules glanduleuses
(noyaux glanduleux, noyaux enchymeux). Plus tard, on peut rencontrer un déve-
loppement hypertrophique du tissu conjonctif, et comme dans la rate, des infarctus
héniorrhagiques, qui, dans leurs transformations ultérieures, peuvent produire des
coins et des cicatrices colorés. Dans ce cas, on peut attribuer au processus un ca-
ractère inflammatoire, et l'observation clinique le démontre, tandis qu'habituel-
lement, on ne trouve absolument aucune raison d admettre une inflammation véri-
table. » [Gesamm. Abhandl. p. 202.)
Quant à la structure de la glande, on reconnaît sur une coupe que l'enveloppe
glanduleuse propre est très-épaissie, et en même temps que le tissu conjonctif du
hile est plus élargi et caverneux. Dans l'enveloppe on reconnaît à peine la division
normale des follicules isolés ; elle parait plus homogène, grise ou gris rouge, pres-
que médullaire (c'est-à-dire d'aspect cncéphaloïde), très-tendre, très-fragile, et
laisse écouler à la pression un hquide aqueux, trouble; le grattage peut en extraire
une masse plus caséeuse dans laquelle on trouve des cellules, des noyaux, des nu-
cléoles, semblables à ceux des glandes normales, mais un peu plus grands. En
somme, il y a une grande analogie avec l'infiltration médullaire de la fièvre ty-
phoïde, et, comme dans celle-ci, le changement, loin de se limiter à la glande, s'é-
tend si loin qu'on trouve du parenchyme glanduleux, là où sans cela on ne trouve
absolument aucune glande. C'est ainsi que Vircbow a vu tout le petit bassin ma-
tc'assé de substance glandulaire, et le canal thoraciquc, depuis son entrée dans
LEUCOCYTHÉMIE (anatomie patiiologiol'e). 505
la poitrine, jusqu'à son embouchure, tellement empaqueté dans ce parencliyme
glandulaire, qu'on ne pouvait plus le limiter, ni le diviser en tumeurs isolées.
(Virchow, A/'c/iù', t. V.p. 57 et Gesamm. Ahhand., p. 204.) C'est ce queVirchow
désigne sous le nom à'Hétérotopie des tissus normaux. 11 est très-rare au con-
traire que les ganglions arrivent à suppurer et à s'ouvrir au dehors.
Dans les ganglions bronchiques, on obssrve souvent une coloration noirâtre
constituée par un dépôt pigmentaire. (Bennett,!''^ observation.)
Les observations qui ont suivi semblent avoir peu ajouté aux descriptions ci-
dessus extraites de Virchow. Dans quelques cas, ou y a signalé des infarctus hémor--
rliagiques, des vaisseaux remplis de globules rougeàtres (observ. de M. Bour-
don, 1867). Voici, en quels termes s'exphquent les auteurs de la publication la
plus récente, très-versés dans les méthodes mises aujourd'hui en usage dans
l'examen du tissu lymphatique : « On trouve dans ces ganglions des folHcules delà
substance corticale très-hypertrophiés, un réticulum avec des nœuds fertdes gon-
flés et contenant un noyau, enfin des cellules lymphatiques qui, sur les pièces
fraîches, présentent dans tous les ganglions les signes d'une multiplication très-
active. Ces cellules diffèrent un peu suivant qu'on les étudie dans les ganglions
qui ont l'aspect splénique et dans ceux qui sontpuriformes. Dans le premier cas,
elles sont sphériques, et contiennent presque toutes du pigment sanguin sous
forme de granulations ; dans le second, elles sont un peu plus volumineuses et
leur contour est irrégulier. » (Ollivier et Ranvier, nouvelles observ. Archives
de Brown-Séquard, etc., 1869, p. 416.)
Appareil digestif, glandes intestinales. La coexistence de lésions des glandes
intestinales a été signalée de bonne heure, puisqu'on la trouve mentionnée dans
l'obs. de Craigie, la première en date. Virchow y est revenu dans ses mémoires
subséquents eu partant de la leucémie lymphatique (1 847), et, plus tard, cette lé-
sion a été mise complètement en lumière par la belle observation de Schreiber. (De
Leukœmia, thèse inaug., Kœnigsberg 1854, citée par Virchow, Gesan<. ^W««f/.
p. 200.) Elle démontrait que les follicules intestinaux, et en particulier les "lan-
des de Peyer, présentaient dans la leucocythémie le même changement que celui
qu'on avait observé sur les ganglions lymphatiques extérieurs. Des observations
antérieures l'avaient démontré avec certitude pour les glandes épigastriques et
mésentériques. Les caractères anatomiques de ces hypertrophies glandulaires, soit
qu'elles portent sur les follicules clos, soit sur les plaques de Peyer, sont complè-
tement analogues aux descriptions qui ont été données ci-dessus des ganglions
lymphatiques en général.
Dans ces derniers temps, MM. Ollivier et Ranvier ont décrit des tumeurs intesti-
nales qui semblent constituées par un autre élément de la muqueuse, par les
glandes en tube.
« Ces tumeurs sont au nombre de dix ou douze, dans l'intestin grêle. Leur consis-
tance est très-variable, ainsi que leur volume, qui peut atteindre celui d'un pois.
Ces petites tumeurs sont aplaties, elles présentent à leur centre une portion dé-
primée en ombilic ; sur des sections perpendiculaires à leur surface, on voit
' iju'elles résultent d'un épaississement de la muqueuse qui est devenue blanchâtre
et semble comme infiltrée d'un suc qu'on peut extraire par le racla^Te. Exa-
miné au microscope, ce suc parait constitué en grande partie par des cellules ar-
rondies sans membranes, de 8 à 12 millièmes de millimètre de diamètre. Traité
par l'iode et l'acide sulfnri(pu\ le tissu qui constitue ces petites tumeurs ne donne
pas la réaction caractéristique de la matière amyloïde. Après durcissement daiisi'a-
DICT. £NC. 2' s. 11. 20
506 LEUCOCYTHÉMIE (anatomie pathologique).
cide cliromique ou l'alcool, et sur des coiipes traitées au pinceau, on retrouve les
glandes tubuleusos remplies d'un détritus granuleux; c'est à peine si l'on peut en-
core distinguer dans leur intérieur quelques cellules déformées. Entre ces glandes
et au-dessous d'elles, on remarque un tissu conaectif réticulé à mailles larges et
irrégulières contenant encore quelques cellules lymphatiques. Les fibrilles du
slroma réticulé sont épaissies; elles mesurent de 1 à 3 millièmes de millimètre;
leurs points de jonction sont généralement dépourvus de noyaux. On peut cepen-
dant eu distinguer quelques-uns, surtout après avoir fait usage de la coloration
pa)' le carmin. »
« Il existe aussi dans le gros intestin et à unceutimètre de la valvule iléo-cœcale
une tumeur semblable aux précédentes, mais beaucoup plus étendue. Ici le point
central déprimé, que nous avions remarqué sur les petites tumeurs de l'intestin
grêle correspond à une surface irrégulière, excavée, légèrement villeuse, limitée
par un bord sinueux, mamelonné, rappelant par sa forme les circonvolutions cé-
rébrales. La structure de cette tumeur est semblable à celle que nous avons déjà
décrite : transformation granuleuse des glandes en tubes, qui restent comprises
dans la masse morbide, transformation du stroma, de la muqueuse en tissu con-
nectif réticulé à larges mailles, remplies de corpuscules de lymphe. Au niveau de
la dépression centrale, et sur des coupes pratiquées après durcissement, on ne
retrouve plus la structure glandulaire, mais une sorte de substance caséuse dans
laquelle il est difficile de reconnaître des éléments bien définis. Les différents
vaisseaux sanguins qui sillonnent le tissu connectif réticulé de ces productions
lymphatiques de l'intestin sont dilatés par place et remplis de globules blancs. A
(Ollivier et Ranvier, observ. de 1866, Soc. de Biologie.)
M. le professeur Béhier dans une observation très-remarquable, encore inédite,
bien que communiquée verbalement en 1868 au congrès médical de Norwich
a enfin décrit la muqueuse intestinale dans les termes suivants : « Toute la surface
est d'une couleur grise, d'une apparence granuleuse, laquelle, après inspection
résulte d'un dépôt de pigment au sonmiet des villosités. Les plaques de Peyer sont
plus proéminentes qu'à l'état normal, et semblent non-seulement plus épaisses
mais plus larges qu'à l'ordinaire ; leur surface ne présente aucune ulcéra-
tion. Elle fait un rehef d'environ 5 millimètres au-dessus de la muqueuse, qui est
gonflée et offre une apparence réticulée. Les plaques de Peyer présentent déplus,
lorsqu'on regarde l'intestin par transparence, une opacité qui tranche avec la
translucidité du reste de l'intestin, lequel est anémié et semble aminci. Les clandes
solitaires sont proéminentes à la fois dans l'intestin grêle, et dans le gros intestin.
Elles sont d'une couleur blanc sale, et du volume d'un grain de millet , également
opaques quand on regarde l'intestin par transparence. L'examen histologi^pie
après durcissement dans l'alcool, a montré que les tuniques séreuses et muscu-
laires, étaient saines. La tunique cellulaire est im peu épaissie, elle est doublée
d'une couche blanchâtre, opaque, de près de 3 niiUiraètres d'épaisseur, après
laquelle vient la muqueuse, dont les villosités sont normales à la surface mu-
queuse, tandis que celles qui correspondent à la couche opaque ci-dessus, sont
considérablement altérées. Examinées à un grossissement de 20 diamètres, ces
parties malades, présentent 1" des villosités hypertrophiées, beaucoup plus
longues et moins transparentes qu'à l'état normal ; 2" au-dessous de ces villosités,
on observe une série de lacunes circulaires, à circonférence irrégulière, disposées
en hgnes qui courent parallèlement à la surface. Ces lacunes sont produites "ar
le manque de glandes intestinales, qui sont sorties de leur place au moment de la
LEUCOCYTHÉMIE (anatomie pathologique). 507
préparation de la pièce, maison en trouve un certain nombre qui sont restées dans
le tissu intestinal. Eu traitant les plaques de Peyer au pinceau, par le carmin
dissous dans l'ammoniaque, et touchant ensuite avec l'acide acétique, on trouve
que leur partie épaissie est formée par un dépôt lympjiatique de lymplwma. Eu
réalité, il existe un réticulum formé de fibres déliées, qui s'anastomosent entre
elles, et présentent de petites nodosités aux points de jonctions, et les trabécnles
adhèrent aux parois d'une quantité de vaisseaux capillaires. Les maUles du réticu-
lum sont remplies d'un grand nombre de petites cellules rondes, contenant un
noyau qui occupe presque toute leur cavité. Au milieu de ce dépôt lymphatique
sont situées les glandes vésiculaires, dont la réunion forme la plaque de Peyer. Les
lacunes déjà mentionnées, montrent, au point où ce follicule s'est échappé, le ré-
ticulum, ainsi que les vaisseaux capillaires brisés, preuve de la connexion étroite
qui existait entre ce follicule et le dépôt lymphatique qui l'entourait. La glande
elle-même présentait une opacité plus grande de sa membrane; mais le tissu lui-
même n'a pas subi de dégénérescence graisseuse, ni toute autre altération morbide.
Ses éléments sont seulement augmentés de nombre, et leur multiplication a seule
causé l'accroissement du follicule. Le dépôt lymphatique semble avoir en-
vahi toute la largeur de la muqueuse, qui ne présente plus de vestige des glan-
des tubulaires. Les villosilés contiennent beaucoup d'éléments cellulaires, mais
les granulations et les vésicules graisseuses, qui remplissent le tissu lui-même ne
permettent pas d'altîrmcr que l'hypertrophie des villosités est due aussi au dépôt
lymphatique, bien que ce soit très-probable. Les follicules isolés présentaient des
altérations entièrement semblables.
' Cette description rappelle la description donnée par M. Potain dans un cas
d'adénie. {Soc. anat., 1860.) Elle rappelle surtout ce que nous avons rapporté
ci-dessus d'après Yircbow du revêtement complet du bassin et du canal thora-
cique parle parenchyme glandulaire. Mais ce cas de M. Béhier est d'autant plus
remarquable que la lésion intestinale ne coïncidait avec aucune hypertrophie, soit
des glandes lymphatiques, soit de la rate ou du foie. Nous verrons plus loin que,
selon M. Béhier, on pourrait en faire une lorme particulière de la maladie au
point de vue clinique.
Les autres lésions de l'intestin qui ont été signalées peuvent être considérées
comme purement accidentelles, ce sont des ulcérations légères des arborisations
vasculaires, plus souvent même de pelites ecchymoses qu'on retrouve, soit à la
face interne de l'intestin, soit à sa surface péritonéale, dans les cas où la maladie
se termine par des hémorrhagies multiples.
On peut en dire autant du petit nombre de lésions qui ont été signalées dans
l'estomac (7 fois sur 41 , relevé personnel) .
L'estomac offre en effet une muqueuse tantôt anémiée, tantôt parsem.ée d'ec-
chymoses, de petites hémorrhagies interstitielles, faisant cjuelquefois une légère
saillie, tantôt épaissie, avec de nombreuses arborisations vasculaires. En outre,
la membrane est quekfuefois irrégulièrement bosselée, sans qu'on puisse cepen-
dant y rencontrer de véritables productions lymphatiques. (OUivier et Ranvier,
Nouv. observ., 1869, p. 419.) M. Friedreicb y a décrit de petites tumeurs blan-
châtres composées d'éléments incolores, noyaux et cellules de nouvelle formation
et d'amas dégraisse (Virch., Arch., i, XX, p. 5B.)
Le péritoine, outre l'ascite qui remplit souvent sa cavité, présente sous ses
feuillets pariétal et viscéral, et dans ses différents replis, le mésentère entre autres
des hémorrhagies sous-séreuses quelquefois abondantes (observ. Blaclie, Isambert
508 LEUCOCYTHÉMIE (anatomie rATiioLOGiQUE).
et Robin, 1855). Dans un cas de M. Yidal {Soc. anat. 1857, p. 345), il existait
dans le tissu cellulaire sous-péntonéal entre les lombes, la vessie et le pubis, un
vaste épanchement de plus d'un litre de sang qui remplissait le bassin, et fusait
vers la grande lèvre gauche, et vers la région f'essière. D'autres fois, on y a con-
staté une ascite plus ou moins considérable, des dépots pseudo-membraneux,
des adhérences soUdes, ou même de fines granulations tuberculeuses mihaires
(obs. Ollivier et Ranvier, 1869). Ce ne sont là évidemment que des complications,
qui n'ont pas de lien direct avec la leucocythémie elle-même.
Pour en finir avec l'appareil digestif et ses annexes, ajoutons que le pancréas
nous a présenté une hypertrophie très-remarquable (observ. citée 1858) ; sa lon-
gueur était de 22 centimètres, et" sa largeur en proportion. La plupart des obser-
vateurs ne mentionnent pas cette glande, une ou deux fois seulement il est dit
qu'elle a été trouvée saine (obs. Barth., obs. Vidal, 1857). M. Lancereaux (obs.
1869) l'a cependant trouvée pigmentée. Si cependant l'hypertrophie du pancréas
était démontrée, elle prouverait qu'un nouvel ordre de glandes, dont il n'a pas
été fait mention parmi les glandes hématopoiétiques, c'est-à-dire les glandes en
grappe, peuvent également jouer un rôle dans la leucocythémie.
Les amygdales ont été trouvées hypertrophiées 2 fois sur 41 (relevé personnel).
Les follicules clos de la base de la langue, en arrière du V, ont été trouvés,
par MM. Ollivier et Ranvier (nouv. observ. Arch. de Brown-Séquard, etc., 1869,
p. 410), gros comme des graines de mais et constitués par une simple hyper-
plasie du tissu adénoïde, dont les fibrilles étaient épaissies et dont les nœuds
fertiles contenaient des noyaux bien accusés.
Les gencives ont offert dans la même observation une hypertrophie considé-
rable : elles formaient un bouiTelet saillant en avant des dents, bourrelet qui
n'était nullement saignant, ni fongueux : le raclage en faisait sortir un suc lac-
tescent qui contenait un certain nombre de globules blancs. Après durcissement
dans l'alcool, on n'y a trouvé que des vaisseaux dilatés et remplis de globules
blancs.
Organes tJioraciques. Les plèvres sont peu atteintes dans la leucocythémie:
dans quelques cas (2 sur 52, relevé de M. Vidal et 8 fois sur 41, relevé
personnel), on y a trouvé un épanchement séreux ou séro-sanguinolent ; dans
7 cas sur 32 (M. Yidal) et dans 5 cas sur 41 (relevé personnel), il y avait des
adhérences pseudo-membraneuses ; sous la plèvre pulmonaire , on a noté des
ecchymoses. Enfin nous avons vu (observ. citée 1855) le tissu cellulaire du
médiastin antérieur présenter une infiltration sanguine assez cons'dérable.
Tous ces faits doivent être considérés, soit comme des lésions accessoires pro-
venant des hémorrhagies multiples, qui accompagnent si souvent la maladie, soit
comme une trace d'accidents indammatoires survenus in extremis, soit enfin
comme de véritables complications, de date plus ou moins ancienne, mais cer-
tainement étrangères à la leucocythémie.
Les poumons pourront nous inspirer les mêmes réflexions. On y a trouvé la
congestiori pulmonaire, principalement aux: parties déclives, phénomène ultime
d'une maladie qui se termine si souvent par l'adynamie, et même par l'asphyxie;
on y a trouvé des infarctus hémorrhagiques, et des ecchymoses, comme on en a
trouvés dans tous les viscères ; on y a trouvé des tubercules à différents degrés
de leur évolution, et quelquefois des innllrations de tubercules miliaires (obs.
Bourdon, 1867), ou de véritables pneumonies (Bennett — 5 fois sur 25 et 3 fois
siir41,rel. pers.). Ce sont là des complications ou des phénomènes ultimes.
LEUCOCVTKÉMII:; (anatùmie pathologique). 509
Nous y avons constaté avec M. Robin (observ. citée 1853) une lésion en rap-
port plus direct avec la leucocythémie. « Les capillaires du poumon étaient dis-
tendus par une énorme quantité de globulins analogues à ceux du sang des
saignées. Ces globulins se trouvaient accumulés dans les petits vaisseaux et serrés
les uns contre les auti'es à un point très-remarquable. Cette lésion des plus frap-
pantes et des plus singulières sous le microscope donnait au tissu pulmonaire
une grande résistance à la déchirure, et une coloration rose, violacée, opaline,
analogue à celle de la rate. »
MM. OUivier et Ranvier (nouv. observ., 1809) ont aussi trouvé dans un cas
les travées qui séparent les alvéoles pulmonaires occupées par des vaisseaux dila-
tés, gorgés de globules blancs, et qui, par suite, faisaient dans l'intérieur des
alvéoles une saillie bien plus prononcée qu'à l'ordinaire. Le même sujet présen-
tait dans le poumon des infarctus hémorrhagiques assez nombreux, et de petites
ecchymoses sous-pleurales d'un rouge vif.
La muqueuse des bronches et de la trachée présente aussi des taches ecchymo-
tiques et quelques saillies rougeàtres, que l'on a trouvées aussi à la face posté-
rieure de l'épigiotte. (OUivier et Ranvier.)
Les ganglions bronchiques ont été signalés plus haut, au nombre des glandes
lymphatiques, qui sont le plus souvent liypertrophiées dans la leucocythémie.
Leur lésion est particulièrement grave en ce qu'elle détermine la dyspnée, par
compression des bronches, ou des rameaux du nerf pneumogastrique.
Le thymus est aussi hypertrophié, dans quelques cas, malgré l'âge des sujets,
et l'on y remarque une congestion ou une infiltration sanguine plus au moins
forte. Nous l'avons trouvé nous-mêrae (observ. citée 1855), développé comme si
la glande était revenue à l'état fœtal.
Le corps thyroïde est hypertrophié dans l'observation de Boettcher (Yirchow,
Arch.,t. XIY) et dans celle de M. Lancereaux {Atlas d'anatomie pathologique,
Paris, 1869].
Le cœur et les gros vaisseaux présentent dans la plupart des cas une distension
notable, et dans leur cavité des caillots considérables que nous avons décrits trop
longuement pour avoir besoin d'y revenir. Le cœur lui-même a présenté à MM. 01-
livier et Ranvier un nombre considérable de petites taches ecchymotiques de dimen-
sions variables et tout à fait semblables aux taches de purpuranotées sur le tégument
externe. Il y avait de plus un peu de surcharge graisseuse du muscle cardiaque
(observ., 1866). Dans un autre cas, les ecchymoses étaient accompagnées de
petites saillies blanchâtres, domiant au doigt une légère sensation de relief, et
constituant par leur réunion des ilôts qu'au microscope on a reconnu comme ré-
sultant d'une dilatation du réseau capillaire et d'une hémorrhagie diffuse déjà
ancienne, dans laquelle les globules rouges avaient subi une destruction plus ou
moins complète. Dans le voisinage, les fibres nmsculaires du cœur avaient éjirouvc
déjà la dégénérescence graisseuse (observ. nouvelles, 1869, p. 414). M. Huss
avait déjà signalé cette dégénérescence. {Arch. gen. de viéd., 1857, p. olO.) Les
valvules sont le plus souvent saines, ainsi que les orifices. Mais l'hypertrophie
simple a été notée 7 fois sur 41 cas, et la dilatation avec amincissement une fois.
Des caillots blancs y ont été trouvés 10 fois sur 41 cas (relevé personnel).
Le péricarde a quelquefois présenté un léger épanchement séreux ou séro-
sanguinolent (5 fois sur 41 cas, obs. Blache, obs. Béhier, etc.) ; M. Huss y a trouvé
des exsudats pseudo-membraneux [loco citato) .
Parmi les gros vaisseaux qne l'on trouve distendus par des caillots blancs ou
^10 LEUCOCYTJIÉMIE (anatomie paiiiologique).
];ar du sang lie do vin caractéristique, il faut citer l'artère pulmonaire et l'aorte,
avec les deux veines caves, les troncs veineux bracchio-céjilialiques, et ceux que
nous avons déjà mentionnés dans l'abdomen.
Cavité crânienne et racliidienne. Les méninges ne présentent que rare-
ment (obs. Page et Ogle) des produits inflammatoires, ou exsudais fibriueux,
mais les veines et les sinus de la dure-mère ont présenté (7 fois sur 52, dans le
l'élevé de M. Vidal) des concrétions sanguines, semi-coagulées, de couleur tantôt
chocolat, tantôt lie de vin, tantôt blanchâtre, moulées sur le cahbre des vaisseaux,
mais n'adhérant pas aux parois restées saines. Dans quelques cas, il y a eu des
épanchements séreux, ou séro-sanguinolents dans le tissu sous-arachnoïdien, ou
dans les ventricules. Dans un cas (relevé de M.Vidal) une hémon^hagie cérébrale
véritable, une large déchirure d'un hémisphère. L'apoplexie cérébrale à grand
foyer est aussi notée 2 fois sur 41 (relevé personnel).
Nous avons nous-mème (observ. citée 1855) trouvé des épanchements sangui-
nolents fort abondants dans les espaces sous-arachnoïdiens et dans les ventricules
cérébraux ; la pie-mère cérébrale présentait une forte infiltration sanguine, et de
légers caillots rouges sur les espaces perforés antérieurs et poslérieurs. La coupe
des lobes cérébraux ne présentait rien à noter que la teinte rose légèrement opa-
line qu'elle devait à la sérosité du sang. La lésion la plus remarquable était con-
stituée par la présence de caillots allongés dans les deux ventricules latéraux,
caillots mous, diffluents, offrant tous les caractères du sang déjà décrit, et se
prolongeant en avant dans le ventricule médian par les trous de Monro U'ès-dila-
tés, et en arrière, dans l'étage inférieur et sur l'ergot de Morand. Par l'aqueduc
de Sylvius, les caillots se prolongeaient dans le quatrième ventricule jusqu'à la
pointe du calamus scriptorius.
La pulpe cérébrale elle-même offrait aussi une infiltration assez notable autour
des ventricules, et deux foyers d'apoplexie capdlaire, dans le corps strié à gauche
et dans la paroi droite du ventricule médian ; le reste était sain.
Ou trouvait enfin dans la cavité racliidienne, depuis la troisième vertèbre dor-
sale jusqu'au sacrum, une hémorrhagie méningée et des caillots siégeant entre
la dure-mère et les arcs vertébraux. La moelle elle-même était saine.
MM Ollivier et Ranvier (obs. 1866) ont noté plusieurs foyers hémorrhagiques
de diveises grandeurs dans l'encéphale d'un même sujet, les uns dans les hémi-
sphères, les autres dans le cervelet. Le sang était de couleur chocolat et rempli de
globules blancs.
11 ne faut voir dans des lésions aussi multipliées que des phénomènes ultimes
d'une diathèse hémorrhagique des plus prononcées et où les caractères physiques
et histologiques du sang avaient seuls une physionomie particulière. Mais diffé'
rents auteurs ont cité des lésions plus anciennes et plus en rapport avec ce que
nous avons trouvé dans d'autres viscères. Craigie a vu les veines cérébrales rem«
plies de concrétions blanchâtres, qui, en quelques endroits, ressemblaient à du
pus. Les veines de Galien étaient pleines d'une lymphe grise et ferme, Bennett
note aussi des caillots jaunâtres à la base du crâne. [On leucocythemia, obs. de
Craigie et de Bennett, n" 1 et 2.)
M. Lancereaux a vu à la surface du cerveau une admirable injection de tous
les vaisseaux veineux de la pie-mère. On aurait dit une injection mercurielle, ou
mieux une injection purulente. Ces amas de matière blanche qui formaient l'in-
jection capillaire étaient composés presque entièrement de globules blancs. {Atlas
d'An.path, 1869— et Trousseau, Clin, de rU.-D., 2« éd., t. III, p. 549.)
LEUCOCVTllÉMIE (symptomatolocie). ôli
Enfin m\. Ollivier et [ianvier (nouv. obs., 1869, p. 410) signalent dans les
méninges ]a présence de néo-membraues assez épaisses, se détachant avec facilite;
les vaisseaux capillaires qu'elles contenaient étaient remplis de globules blancs.
On trouvait un caillot blanchâtre, formé de fibrine et de globules blancs avec
quelques globules rouges dans le sinus longitudinal supérieur.
Pour les organes des sens, nous trouvons une lésion oculaire mentionnée dans
une observation de Grisolle et de M. Ilemey [Gaz. des hop., Paris, 186-4, p. iQ2).
« Les rétines étaient toutes deux altérées, à droite les vaisseaux gorgés de sang
se voyaient fort bien émanant de la pupille et sur leur trajet, le phis souvent, se
trouvent àe petites taches rouges ecchymotiques. A gauche, il existait une teinte
opaline et laiteuse qui ne laissait voir les vaisseaux, surtout au niveau de la pa-
pille qu'à travers d'une couche nuageuse; les petites taches rouges s'y rencon-
traient également. »
Nous ne connaissons aucune recherche anatomique faite sur l'oreille interne,
bien que la surdité ait été notée assez souvent chez les sujets leucocythéniiques.
En résumé, lésions constantes ou presque constantes de la rate, du foie, des
glandes lymphatiques et intestinales, des reins ; produits pathologiques acciden-
tels ou consécutifs, hémorrhagies disséminées dans les autres organes, tel est
l'ensemble des lésions viscérales que l'on rencontre dans la lencocythémie.
II. Sympiomaiologîc. L'histoire clinique de la lencocythémie est loin de
nous donner des renseignements aussi précis et aussi circonstanciés que ceux qui
nous sont fournis par l'anatoraie pathologique. La faute en est-elle aux observa-
teurs, qui se sont principalement occupés des recherches histologiques, chimiques,
ou des théories physiologiques et pathologiques de la maladie, et ont moins insisté
sur la recherche des causes et des variétés nosologiques?N'en est-elle pas surtout
à la date récente de ces recherches, au petit nombre relatif des observations que
nous possédons, à l'histoire assez uniforme et monotone d'une cachexie progressive
que rien n'a pu arrêter jusqu'à présent, et qui ne présente pas de ces faits tran-
chés d'où l'on peut déduire des vues pathologiques larges, générales et à la fois
suffisamment précises? Nous inclinons plutôt vers cette dernière manière de voir,
et, loin d'incriminer personne, nous rendons justice aux efforts qui ont été faits
par tous les observateurs qui ont étudié cet état morbide, encore assez rare à
rencontrer dans la praticjue.
Tableau général. Nous tracerons d'abord à grands traits le tableau général
de la maladie, en prenant pour type la lencocythémie splénique de Yirchow et de
Bennett, celle que nous nommerons volontiers la leucocijthémie idiopathiqne, ou
progressive.
Chez un sujet ordinairement bien portant, ou présentant les antécédents patho-
logiques très-divers, et en général assez éloignés, apparaît progressivement, sans
cause connue, sans que le malade puisse préciser l'époque du début, un affaibhs-
sement particulier, avec perte de forces, découragement, aspect cachectique inex-
pliqué, quelquefois douleurs spontanées dans certaines régions, sous l'hypochondre
gauche, aux aines, dans les aisselles, et le malade reste souvent longtemps sans
s'en plaindre, de même que le médecin peut longtemps en méconnaître la nature.
Les premiers signes positifs sont fournis par le développement d'hypertrophies
viscérales, ou par l'apparition des tumeurs ganglionnaires périphériques. L'hyper-
trophie de la rate est ordinairement celle que l'on constate la première, dès que
la présence d'une tumeur volumineuse dans l'hypochondre gauche est signalée par
tles douleurs locales, le gonflement du ventre, et surtout par les phénomènes d'an-
312 LEUCOGYTHÉMIE (symi^tomatologie).
hélatiou qu'elle détermine. A cette époque, tout médecin instruit devra déjà soup-
çonner la leucocythémieet s'enquérir de l'état du sang. S'il constate la lésion caracté-
ristique, il n'a plus qu'à suivre le développement de la maladie, avec son aggra-
vation progressive; s'il ne trouve pas tout d'abord l'altération du sang, mais si
l'hypertrophie de la rate, du foie, ou celle des ganglions lymphatiques persiste et
se développe davantage, en s'accompagnant d'une cachexie de plus en plus pro-
noncée, il ne devra pas négliger de revenir de temps à autre à cet examen qui,
un jour ou l'autre, permettra de constater la dyscrasie caractéristique du
sang.
A mesure que la maladie se développe, l'hypertrophie de la rate, du foie, ou des
ganglions périphériques augmente ; la cachexie se prononce davantage, la faiblesse
est plus grande, le malade doit bientôt renoncer à tout travail et prendre le lit.
On note divers accidents du côté des voies digestives, un peu d'ascite, de la diar-
rhée chronique, assez rarement des nausées et des vomissements; pourtant l'ap-
pétit persiste ordinairement jusqu'à une période très-avancée. Puis on observe
de la dyspnée, des menaces d'étouffement, et enfin, vers la fin, de la fièvre hecti-
que. Le malade succombe, épuisé par les progrès de la cachexie. Très-souvent la
terminaison fatale est hâtée par l'apparition d'épistaxis incoercibles, d'hémorrha-
gies multiples, soit sous le tégument externe, soit à l'intérieur des principaux
viscères.
Reprenons ces divers symptômes pour préciser les conditions de leur dévelop-
pement et leur signification.
Les données numériques que nous mentionnerons seront tirées, comme précé-
demment, du relevé de M. Yidal, portant sur 52 observations antérieures à 1856,
et sur notre relevé personnel de 41 observations recueillies et publiées depuis cette
époque.
Aspect cachectique. Perte des forces. L'aspect cachectique, la perte des forces
sont ordinairement des phénomènes du début, si l'on peut employer le mot de
début dans un état morbide toujours consécutif, qui ne se traduit par aucun phé.
nomène d'invasion propre à attirer l'attention du malade. Quand celui-ci s'adresse
au médecin, il l'entretient, dans la grande majorité des cas, des troubles divers
remontant au moins à plusieurs mois : c'est un atfaiblissement lentement pro-
gressif, du découragement, l'impossibilité de se livrer aux travaux habituels;
puis, la pâleur de la face, l'amaigrissement, qui ont été remarqués par le malade
lui-même ou par ses proches. Souvent, à ce moment, l'altération du sang ne
serait pas encore appréciable, si l'on cherchait à la constater, ce qu'on ne fait pas
ordinairement à cette époque.
L'aspect cachectique des sujets leucocythémiques n'a rien de caractéristique, et
c'est plutôt par des caractères négatifs que par des traits positifs qu'on peut le
décrire. Le malade est pâle, anémique, et cette pâleur ne présente ordinairement
ni la teinte jaune paille du cancer, ni la teinte terreuse des cachexies palustres,
ni la teinte blanc mat des albuminuries. La flice n'est pas boulfie, si ce n'est vers
la fin, ni les paupières infiltrées, comme dans cette denier e maladie, elle n'est pas
amaigrie comme chez les phlhisiqucs et ne présente pas le faciès hippocratique: tout
reste dans des termes moyens, pâleur anémique delà peau et des muqueuses sans
teinte spéciale, sans amaigrissement exagéré. On a cependant noté dans quelques
cas une teinte grise, ou jaune de la peau. 11 est bien entendu que ces caractères
de coloration spéciale, d'amaigrissement, de bouffissure pourront se rencontrer à
certains moments, et surtout à l'approche de la terminaison fatale, si le malade
LEUCOCÏTHÉMIE (symptomatologie). 313
préseute à liti'e de complication quelques-unes des maladies que nous venons de
mentionner, cancer, tubercules, anasaïque, etc.
h' amaigrissement n'est pas excessif au débul, et l'appellerait par exemple cehu
des malades atteints de cirrhose, en ce que, se montrant notamment aux parties
supérieures du Ironc et aux membres, il contraste, le plus souvent, avec la tu-
méfaction de la région abdominale, puisque les tumeurs de la rate et du foie
coexistent dans la majorité des cas. Quand le malade doit périr par les progrès de
la cachexie et de la diarrhée, cet amaigrissement devient très-considérable, peut-
être autant que dans les autres cachexies. La rapidité avec laquelle il se produit
est une circonstance éminemment défavorable pour le pronostic. (Voy. Vigla,
obs. n° III. Soc. méd. des hop., 1856, p. 38.)
Douleurs, phénomènes nerveux divers. Certaines douleurs locales se font éga-
lement sentir au début. Dans l'observation de Craigie, le malade se plaint d'une
douleur intense au côté gauche, douleur intermittente, comparable à une crampe
et qui s'est montrée quelques semaines avant l'arrivée du malade à l'hôpital. Cette
douleur coïncidait probablement avec le développement de la r-ate. Dans la première
observation de Bennett, dans la première de Virchow, on note aussi des douleurs
dans le ventre, mais apparaissant un peu plus tard, quand la tuméfaction du
ventre est déjà reconnue. Ces douleurs paraissent tenir en effet à des exacerba-
lions aiguës dans les viscères abdominaux; et particuhèrement, comme. le dit
Magnus Huss, dans les cas où il se fait des adhérences entre ces viscères et la pa-
roi abdominale. On retrouve aussi ces douleurs avec x;e caractère d'acuité dans les
tumeurs ganglionnaires périphériques, lorsque celles-ci s'accroissent brusquement
et comme par poussées successives (obs. de Rinecker, de Mohr, de Vogel;
voy. Virchow, Ges. Abhand., p. 205). A une époque plus avancée, les douleurs
sont ordinairement moins aiguës, ce sont surtout des phénomènes de compression,
de gène locale.
D'autres douleurs, mais plus générales, plus vagues, dans les membres, dans
le tronc, dans la face. Ce sont des pliénomènes de névropathie liés à l'anémie.
Les malades accusent souvent des bourdonnements d'oredlcs, des étourdisse-
ments, de la céphalalgie, continue ou intermittente ; un malade a éprouvé des
accès de névralgie sus-orbitaire (obs. Woillez et Hervey de Chégoin, recueiUie par
Bonfds, Gaz. des hop. , décembre 1855, et Bull, de la Soc. méd. des hop., 1855).
Magims Huss note une névralgie persistante de la jambe droite, mais elle parait
due à la compression des nerfs par les tumeurs ganglionnaires.
Hypertrophie de la rate. Nous arrivons à un phénomène plus positif que les
précédents, et qui ne peut manquer d'attirer tôt ou tard l'attention du malade
et du médecin. Il est difficile de savoir à quelle époque la rate a commencé à
s'accroître, mais comme Virchow lui-même le reconnaît, cette lésion précède
toujours d'assez longtemps la dyscrasie caractéristique du sang, à moins qu'il ne
s'agisse d'une leucocythémie lymphatique. (Voy. ci-dessous, formes de la maladie.)
Dans la grande majorité des cas, la rate présente une hypertrophie considérable,
qui se traduit pour le malade, par une pesanteur dans l'hypochondre droit, par
une gêne considérable, surtout après les repas, par de la dyspnée, par la nécessité
d'élargir les vêtements, et pour le médecin, par les signes physiques les plus
évidents. L' inspection seule fait reconnaitre un élargissement notable, un sou-
lèvement de l'hypochondre gauche, et quelquefois une saillie visible jusque vers
l'ombilic ; La /x(//J«<Jo?i confirme immédiatement cette première notion ; la main
appliquée sur le ventre, plus ou moins distendu, constate facilement une tumeur
514 iEL"COCVTllÉ.M[E {svmi'TOîiatologie).
énorme, qui commence à l'iiypochondre gauche, atteint et dépasse la ligue
blanche pour s'étendre à droite, ou descend vers la fosse iliaque gauche et vers
le pubis. Cette énorme tumeur est ordinairement peu mobile; l'on peut cepen-
dant lui imprimer quelques petits déplacements, en refoulant les téguments
pour la soulever. L'extrémité et le bord droit sont mousses, arrondis, i'aciles à
circonscrire; le bord gauche et l'extrémité supérieure ne peuvent être bien limités
que par la percussion, qui donnera, sur toute l'étendue de la tumeur, une matité
absolue. Chez quelques malades, la palpation et la percussion provoquent des
douleurs. La matité splénique se réunit souvent à droite avec la matité hépatique,
quand le foie est également hypertrophié. Ajoutons que cette hypertrophie de la
rate n'est en rien modifiée par le quinquina et la quinine à haute dose, qui font
diminuer ordinairement les hypertrophies d'oi^igine palustre. On a vu dans quelques
cas le Yulume de la rate diminuer rapidement à la période ultime, sous l'influence
de quelque complication, notamment d'hémorrhagies considérables. Ainsi, dans
une observation de M. Vidal (1858) la rate diminue in extremis et l'on trouve
uu éuorme foyer hémorrhagique dans le péritoine. D'autres fois, au contraire, la
rate augmente rapidement dans les derniers jours. Dans une observation de
Vogel (Yirchow, Ai^chiv, t. III, p. 571), le développement de larate semble alterner
avec celui des tumeurs ganglionnaires périphériques.
Hypertrophie du foie. Elle marche la plupart du temps avec celle de larate,
bien qu'elle soit un peu plus tardive et moins constante que la première (21 fois
sur 52, relevé de M. Vidal ; 52 fois sur 41, relevé personnel). Nous avons donné,
à l'anatomie pathologique, des chiffres qui expriment l'augmentation de volume
et de poids que le foie est susceptible de présenter. D'assez bonne heure, on
pourra constater par la percussion et par la palpation que le foie déborde les
fausses côtes, qu'il remonte en haut vers le mamelon, qu'il s'étend à gauche vers
la rate. Plus tard, Yinspection fait reconnaître l'élargissement de l'hypochondre
droit, qui, s'ajoutant à celui de l'hypochondre gauche par la rate, donne à la
base de la poitrine une forme évasée très-remarquable. En même temps, le bord
inférieur descend de plus en plus vers la fosse iliaque, et le lobe gauche se réunit
à la rate.
C'est quelquefois seulement, à la fin de la maladie, que le foie prend rapide-
ment, eu quelques jours, un développement aussi considérable. (Obs. de Uhle,
Yirchow, Archiv, t. V, p. 585, et Ges. Abhcmdl., p. 208; obs. Blache, Isam-
bert et Robin, Bull, de VAc. de méd., 29 janvier 1856, et Arch. cjén. de médec,
1856, t. I, p. 505.)
Les douleurs spontanées du foie paraissent plus rares que celles de la rate.
L'ictère n'est noté que 5 fois sur 52 (relevé de M. Vidal) et 2 fois sur 41 dans
notre relevé personnel ; chez l'un des malades, il y avait des calculs dans la vési-
cule. Dans d'autres cas (1 fois M. Vidal et 1 fois rel. pers.), le foie était cirrhose.
Hypertrophies glandulaires diverses. Les diverses hypertrophies ganglion-
ïiàïres que nous avons signalées, en étudiant l'auatomie pathologique, ne sont
pas toutes appréciables extérieurement : celles des ganglions mésentériques, des
glandes intestinales, ne se constatent que sur le cadavre. Celles des ganglions
bronchiques pourraient toutefois être soupçonnées par l'apparition de phéno-
mènes de dyspnée très-intenses, très-menaçants. Les hypertrophies des ganglions
périphériques sont au contraire appréciables de bonne heure, aux ganglions lym-
phatiques du cou, de l'aine, ou de l'aisselle. Elles peuvent apparaître dans deux
circonstances différentes, tantôt primitivement, avant l'hypertrophie splénique,
LEUCOCYTHÉMIE (sy.mmo.matologie). 515
c'est alors la leucémie lymphatique de Yirchow, sur laquelle nous reviendrons
un peu plus loin, tantôt elles viennent plus tardivement après l'iiypertropliie de
la rate, du foie, ce sont les cas mixtes. Les glandes longtemps indolentes j rc-
sentent jarfois dès le début des douleurs vives, quelquefois des exacerbalions
aiguës, avec rougeur, chaleur, à la suite desquelles leur volume augmente oul-
nairement, mais qui aboutissent rarement à la suppuration.
Hydropisies, anasarque, œdème partiel. On ne doit jias s'étonner de ren-
contrer des hydi-opisies locales ou généralisées dans une maladie qui affecte
d'une manière aussi profonde la constitution du fluide nourricier et qui s'accom-
pagne de tumeurs énormes capables d'entraver la circulation veineuse. Ainsi
l'ascite est mentionnée 9 fois sur 52 (relevé de M. Yidal) et la fois sur4i (relevé
personnel), et l'œdème des membres inférieurs 14 fois sur 52. Dans deux de ces
cas, il était limité au membre inférieur gauche. (Vidal.) Nous l'avons noté 7 fois
sur 41 (relevé pers.). L'anasarque s'est montrée 4 fois sur 52 (M. Yidaljet lofois
sur 41 (rel. pers.) ; l'œdème pulmonaire, 2 lois sur 52 et 1 fois sur 41 ; l'épan-
chement dans la plèvre, 2 fois sur 52 (Vidal) et 8 fois sur 41 (relevé personnel).
L'ascite n'est pas en général aussi considérable que l'on pourrait le croire.
Ces diverses hydropisies se manifestent à des époques assez variables : M. Vigla
constate l'ascite au début (observ. II, Soc. méd. des hop., 1856, p. 58), mais il
est assez difficile de dire le moment qui peut être considéré comme le début de
cette maladie. Plus ordinairement, les hydropisies survieiment à une époque
avancée de la maladie, elles peuvent apparaître et chsparaître plusieurs fois jusqu'à
ce qu'elles deviennent définitives. Nous avons vu mie ascite considérable (avec
sensation de flot liquide) disparaître, au contraire, les derniers jours et être rem-
placée par de la tympanite (observ. citée, 1858). Nous avons vu de même l'ana-
sarque apparaître subitement et se dissiper rapidement dans les jours qui ont
précédé la mort d'uu autre malade (oh;-;. Blache, Isambert et Robin, 1855). L'œ-
dème pulmonaire et l'épanchement pleural ont semblé ne pai^aître qu'à titre de
complication ultime.
Sécrétion iirinaire. Les urines restent ordinairement normales dans les pre-
miers temps.
V albuminurie, avec maladie de Bright, a été notée 5 fois sur 52 (relevé de
M. Yidal) et 4 fois sur 41 (relevé personnel). Nous l'avons vu apparaître, à la
dernière période, et disparaître quelques jours avant la mort (obs. Blache, etc.,
1855), Il y aurait à rechercher si cette complication joue un rôle constant dans
la diminution de l'albumine du sang (obs. citée, 1855) ou si cette diminution se
produit par l'effet de la leucocythémie sans albuminurie. Dans une analyse de Bec-
querel (obs. 1856, Soc. méd. des hôp., p. 195), l'albumine du sang est presque
au chiffre normal, 75 millièmes, au lieu de 80, et l'urine contient une faible
quantité d'albumine.
MM. Ollivier et Ramier (obs. nouv., Arch. de Br. séq., 1869, p. 409] ont
constaté qu'une urine, bien que légèrement albumineuse, ne contenait pas de
moules de tubes urinifères.
L'iu'ine peut se montrer quelquefois sanguinolente, dans les cas d'hémorrha-
gies multiples à la fin de la maladie. 11 ne faut pas confondre ces cas, avec l'albu-
miuui'ie véritable. Nous notons de véritables hématuries 2 fois sur 41 (relevé
personnel) .
Parmi les autres altérations possibles de la sécrétion urinaire, nous voyons citer
l'augmentation de l'acide uriqueet des urates (obs. Uhlo, citée par Yirchow, Ges,
516 LEUCOCYTIJEMIE (svmptomatologie).
Abhand., p. 205). M. Vigla (obs. 111% Soc. viéd. des hôp. 1856, p. 58) men-
tionne des urines acides, jumenteuses, sans albumine, ni sucre. Le malade avait
présenté une fièvre assez intense. M. Huss (obs. 1857) signale aussi une augmen-
tation con^iclérable de l'acide urique, tandis que l'acide pliosphorique, sulfurique,
et le cblore de l'urine normale, le dernier surtout, sonttrès-amolndris. L'excrétion
de l'acide urique et des urates, encore peu étudiée dans l'état morbide qui nous
occupe, paraît cependant peu importante, et semble tenir le plus souvent aux
complications aiguës.
La glycosurie n'a jamais été observée.
Enfin MM. Thierfelder et Uble ont trouvé dans un cas (obs. 1858) une aug-
mentation considérable de la quantité d'urine excrétée.
Troubles digestifs. En général l'appétit est conservé jusqu'à la fin ; troublé
quelquelbis cependant par des nausées et des vomissements bilieux. (Ollivier et
Pianvier, les 2 obs.)
Soif. La soif est mentionnée par presque tous les observateurs, elle est générale-
ment très-marquée surtout vers les derniers temps, ce symptôme augmentant
naturellement avec la diarrbée, et les bémorrhagies terminales. « Dans 9 cas
sur 32, les malades se montrèrent très- altérés et le besoin de boire se répé-
tait fréquemment, même en l'absence de tout mouvement fébrile » (relevé de
M. Vidal).
La langue reste normale; dans la plupart de ces observations, son état n'est
pas noté; cependant on l'a trouvée recouverte tantôt d'un enduit saburral, tantôt
d'un enduit grisâtre La sécberessese produit surtout dans les cas de fièvre intense,
ou dans ceux où il y a stomatorrbagie. (Ollivier et Pianvier, nouvelles obs. I et II,
1869.) La langue ost alors couverte d'un enduit grisâtre et de fuligosités
sanguines.
Les gencives ont été trouvées fongueuses et saignanles dans 3 observations sur
32, et ulcérées dans un cas (relevé de M. Vidal). Nous notons 5 fois sur 41 cas
(relevé personnel) des bémorrbagies gingivales. Dans une observation de
MM. Ollivier et Ranvier (nouv. observ. Arch. de Brown-Séquard, etc. 1869,
p. /i09),les gencives ont présenté une byperlrophie singulière. Blanchâtres,
résistantes au toucher, non douloureuses, elles formaient un bourrelet de 5 mil-
limètres d'épaisseur, sur leur bord libre dont les festons ressortaient d'une façon
remarquable; en aucun point, elles n'étaient ni fongueuses, ni saignantes, »Nous
avons donné ci-dessus (Anat. pathol.) le résultat de l'examen microscopique de
cette lésion.
Les nausées et les vomissements apparaissent à des époques variables. Chez
3 malades sur 52 (M. Vidal), ils sont notés à la période de début. Chez un qua-
trième, ces accidents n'ont paru qu'au bout de quelques mois (relevé de M. Vi-
dal). Quelques jours avant la mort, ils deviennent continuels , et le malade vomit
;\ peu près tout ce qu'on lui donne, dans une observation de MM. Ollivier et
Ranvier (obs. citée, 1869). Des vomissements in extremis, avec état comateux,
peuvent être le signe d'une hémorrhagio dans les méninges, ou dans les ventri-
cules du cerveau (obs. Blacbe, 1855), nous les trouvons eu tout 9 fois sur 41
(rel. pers.). Enfin la dyspepsie, l'inappétence sans vomissements sont notées
dans quelques cas (obs. Huss, obs. Béhier).
La diarrhée est notée par tous les observateurs comme un des accidents les plus
constants (12 cas sur 25, relevé de M. Yigla; 17 sur41, relevé personnel). Toutefois
l'époque de son app.irition varie beaucoup. Pendant les premiers mois, on observe
LEUCÛCYTIIÉMIE (symptomatologie). oI7
des alternatives de constipation et de diarrhée : cliez 10 malades sur o2, une
constipation opiniâtre, chez 7, diarrhée plus ou moins fréquente (relevé \idal).
Comme accident des dernières semaines, et comme symptôme ultime, la diarrhée
est notée 1 6 t'ois sur 22 cas suivis de mort.
Vhémovrhagie intestinale se montre aussi vers la fm soit liée à la diarrhée
terminale, soit concomitante avec des hémorrhagies multiples (8 fois sur 52,
relevé de M. Yidal ; 8 fois sur 41 , relevé personnel).
La constipation avec tyynpanite a été notée à la période ultime (obs. Isambcrt,
1858). En tout 4 fois sur 41, relevé personnel.
Aphonie. La voix était faible et rauque dans 4 cas sur 52 (obs. Vigla, I, II
et 111, et obs. Leudet) et 5 fois sur 54 (rel. pers,). Elle peut tenir soit à l'épuise-
ment du sujet à la période terminale, soit à la compression des bronches et de
la trachée par des masses ganglionnaires hypertrophiées.
Dyspnée. C'est un des symptômes les plus constants ("21 fois sur 52 cas,
relevé de M. Yidal, et 19 sur 41, relevé personnel). Elle peut se montrer dès le
début de la maladie, et présenter des degrés fort divers d'intensité. Chez les uns,
ce n'est qu'un sentiment de gêne, s'augmentant par la marche et par le mouve-
ment, ou par l'ingestion des aliments, surtout après le repas du soir; d'autres
fois, il y a une anxiété extrême, et de véritables accès de suffocalion (observ.
Bourdon; obs. Chaillou, 1865; obs. Nicaise, 1866; obs. Isambert, 1869). 11
est probable dans ce second cas que la dyspnée est due à la compression directe
des bronches par les ganglions thoraciques ; dans le premier cas au contraire,
elle tient le plus souvent à la gène qu'apporte au mécanisme de l'inspiration la
présencedes tumeurs volumineuses de la rate et du foie, ou l'ascite plus ou moins
développée; elle peut être alors portée jusqu'à l'orlhopnée; d'autres fois encore
elle est due à de véritables complications pulmonaires, ou pleurales : épanche-
ments dans la plèvre, bronchites, congestion ou œdème des vésicules pulmo-
naires, ou inliltration tuberculeuse du poumon. 11 importe donc d'ausculter et
de percuter la poitrine, pour reconnaître si la dyspnée est due à quelques-unes de
ces complications intercurrentes qui manquent rarement de se produire à une
époque plus ou moins avancée de la maladie.
« Dans 15 cas sur 52, la dyspnée s'est accompagnée de toux, généralement
peu fréquente, courte et sèche. 8 fois seulement on a noté l'expectoration ; mu-
queuse, filante et peu abondante dans 4 cas, elle a été purulente dans 2 cas, et
sanguinolente dans 2 autres. » (Yidal, onvr. cité, p. 48.)
Appareil vasculaire. Les troubles de l'appareil vasculaire n'ont pas été exa-
minés avec beaucoup de soin par les premiers observateurs. On signale bien l'état
anémique, maison ne parle guère de l'auscultation du cœur et des gros vaisseaux.
Sur 8 observations recueillies en France, on constata dans 4 des bruits de souffle
anémique au coeur et dans les carotides, bi'uits dont l'mtensité et l'étendue offraient
des variations en rapport avec les progrès de l'anémie. (Yidal, ouvr. cité, p. 49.)
Nous notons aussi ce souffle 5 fois sur 41 (relevé personnel).
Des lésions dans les orifices du cœur peuvent bien se montrer à titre de com-
plication, mais elles ne paraissent avoir aucune relation directe avec la leucocy-
thémie. Cependant un état aussi considérable d'anémie ne peut exister sans des
palpitations, et des troubles dynamiques assez graves du côté du cœur, tels que
la lipothymie. Nous croyons que cet organe doit avoir sa part dans la dyspnée
qui survient si souvent : en tous cas, il est pour beaucoup dans les phénomènes
terminaux, alors que des hémorrhagies répétées disposent le malade à la syn-
518 LEUCOCYTIIEMIE (symptomatologie).
cope, ou lorsque des caillots semblables à ceux que l'évèle l'auatomje pathologique
se forn:ent in extremis.
Le pouls, ordinairement faible et dépressible, n'augmente pas de fréquence
dans les premiers temps, sauf apparition d'une complication aiguë.
La fièvre, de iorme pseudo-intermittente, ou plutôt la fièvre hectique propre-
ment dite, ne s'allume ordinairement que dans les derniers temps de la maladie.
Nous la notons 19 fois sur 41 cas (relevé personnel). '
Les accès intermittents apparaissent sans périodicité régulière, et, bien qu'ils
puissent débuter par un frisson et s'accompagner de sueurs , c'est évidemment
forcer les analogies que de vouloir les rattacher uniquement à la cause palustre.
Les différentes poussées inflammatoires, ou simplement congeslives vers la rate,
vers le foie, vers les poumons, exacerbations qui se multiplient dans les derniers
temps en rendent suffisammenf compte ; et à la fin, la fièvre peut devenir conti-
nue, ou rémittente avec exacerbation le soir, absolument comme dans la fièvre
hectique des phthisiques. La quinine n'a pas d'action sur cette fièvre. Le pouls
ne s'élève pas du reste au-dessus de H 0 à 120 pulsations ; la chaleur fébrile n'est pas
non plus bien considérable, mais nous manquons de données numériques à cet
égard. Les sueurs sont surtout abondantes la nuit. Des sueurs profuses, obligeant
le malade à changer de Hnge, sont notées 8 (bis sur 32 (relevé de M. Vidal).
Appareil nerveux. Les fonctions cérébrales, l'intelligence restent ordinaire-
ment intactes jusqu'à la fin. Mais le caractère change, comme dans tous les cas
d'anémie, ou de maladie chronique, dans lesquels les malades conservent une
juste appréciation de leur triste situation. Ils deviennent impressionnables, tristes
et moroses. Le malade de M. Charcot a présenté une lypémanie avec hallucina-
tions et a fini par un suicide, Vogel cite un cas semblable (1847). Le délire est
rare, sauf à la période ultime.
Le sommeil se conserve ordinairement jusqu'à une époque avancée ; à moins
que la dyspnée ne le rende impossible ; l'insomnie et les rêvasseries se montrent
dans les derniers jours par suite de l'affaiblissement général.
Les troubles des sens sont généralement liés à l'anémie, bourdonnements
d'oredles, obnubdations de la vue, etc.
Des troubles sérieux de la vue sont assez rarement notés dans les observations
cliniques (2 obs. Bamberger; 1 obs. d'Oppolzer; 1 de Grisolle et Hemey; en tout :
4 fois sur 41 cas (relevé personnel). Cependant M. Liebreich décrit une rétinite leu-
cémique qui est caractérisée à l'ophtlialmoscope par la ddatation des veines avec
coloration rose pâle ; les artères contractées sont d'une teinte orange brillante ;
les vaisseaux de la choroïde sont d'un jaune pâle. Les épanchements de sang pré-
sentent la même couleur rose pâle. {Med. Times, avril 1862 et Gaz. liehdomad.,
1862, p. 319.)
Dans 3 faits sur 52 (relevé de M. Vidal) , on a constaté la dureté de l'ou'ie, et même
de la surdité à une époque plus ou moins avancée. Nous l'avons également vue notée
dans 4 cas sur 41 (relevé personnel; obs. Blache, 1855; Bamberger, 1856, Mul'
der, 1860). Nous ignorons si cette surdité tient à quelque lésion anatomiquespé'
ciale ou seulement à la faiblesse générale.
6 malades sur 32 ont accusé de la céphalalgie, presque continue chez les uris,
revenant à intervalles irréguliers chez les autres; chez 4, elle s'est montrée
comme un des symptômes du début (i^elevé de M. Vidal). Nous trouvons aussi la
céphalalgie 2 fois sur 41 (relevé personnel). Dans plusieurs cas (2 fois sur 41)
l'intelligonce est lente, le malade répond lentement aux questions qu'on lui
lEUCOCVTHÉMIE (sympîomatologie). U9
adresse. D'autres fois ii est en proie à une somnolence assez prononcée (1 ibis sur
■41). Quelquefois par contre ('i fois sur il), le sommeil est perdu, mais dans la
grande majorité des cas, le sommeil reste bon jusqu'à l'époque la plus avancée.
Enfin, à la période ultime, survient un délire tranquille, tenant probablement
à l'intensité de la dyscrasie sanguine (3 fois sur 52, relevé de M. Vidal, et l fois
sur 41, relevé personnel). Enfin, en cas' d'bémorrhagie cérébrale (obs. Bennett,
1 cas sur f7, 5 cas sur 41, relevé personnel), coma, résolution des membres;
nous avons noté dans un cas d'bémorrbagie intraventriculaire et méningée un
coma profond accompagné de vomissements bilieux (obs. citée, 1855).
Les fonctions généaiqiies sont naturellement influencées dans une pareille ca-
cbexie. La perte de l'appétit vénérien cbez les hommes est mentionuée par
M.M. Ollivier et Rauvier et par M. Béliier. Nous manquons de renseignements
pour les fonctions menstruelles chez la femme.
Des hémorrhagies se montrent fréquemment à la période ultime de la maladie
(19 fois sur 52, relevé de M. Vidal, et 24 fois sur 41, relevé personnel; eu tout
45 fois sur 75 cas). Ces accidents bâtent le terme fatal soit par l'épuisement
général dans lequel ils plongent le malade, soit par l'importance de l'organe
qu'ils frappent, comme quand il s'agit des centres nerveux. L'hémorrhagie peut
être unique, et c'est l'épistaxis qui se montre le plus souvent ; mais souvent
aussi (7 fois sur 19, relevé de M. Vidal, et 11 fois sur 41, relevé personnel), il
s'agit d'béraorrbagies multiples se produisant à peu près sur tous les points
du corps. Quant à la fréquence relative deces diverses hémorrhagies, nous pouvons
en dresser le tableau suivant :
Épistaxis . i
Uémorrhagie cérébrale
Ilémonhagie méningée spinale . . . .
llémorrhagie gingivale on dentaire. . .
Hématémèse
llémoply.-ie
llémorrhagie intestinale. .......
Hématurie
Mélrorrliagio
Taches de purpura hemorrhagica. . . .
llémorrluigies sous-cutanées (ïhrorabus]
llémorrhagie sous-péritonéale
lîEf.F.VE
!
ELEVE
lie M. Vidal
PEI\
s 0 :« >■ E I
sur 5-2 cas
sur -41 cas
10 fois
16 fois
1 —
O —
»
1 -
8 -
5 —
1 —
2 -
1 —
1 —
8 -
8 —
))
2
1 —
»
»
9 —
2 -
2 -
j>
1 -
Les taches de purpura hemorrhagica sont donc bien plus fréquentes que le
relevé de M. Vidal ne l'aurait fait penser. Ou les trouve déjà mentionnées dans
l'observation 111 de Bennett, et dans l'observation II de M. Vigla, où rbémorrbagie
sous-cutanée et même sous-musculaire donna naissance à une tumeur sanguine
considérable de la région axillaire, qui se reproduisit à plusieurs reprises.
M.M. Cbarcot et Vulpian (1860) ont trouvé des foyers hémorrhagiques autour de
520 LEUCOCYT IIEiMIE (symmomatolocie).
répaule et près d'un sein. Dans l'observation de MM. Bouillaud et Durozier (1858),
une tumeur sanguine de l'aisselle était due à une tlirombose veineuse, mais sans
rupture du vaisseau. Nous avons vu (obs. Blache, Isanibert et Robin, 1855), avec
des taches de purpura sur tout le corps, des ecchymoses considérables se faire à
plusieurs reprises dans les paupières et prendre une teinte bleu-noir qui défigu-
rait entièrement le malade, comme s'il avait reçu de violentes contusions dans
cette région. La conjonctive était également le siège d'ecchymoses d'un rouge vif.
MM. Ûllivier et Ranvier (1866) ont aussi vu des ecchymoses de la conjonctive. Les
taches purpurines se sont accompagnées aussi de bulles, de phlyctènes remplies
de sérosité sanguinolente (obs. deMagnus Huss, 1857).
Pour 6 malades sur 52, il est fait mention d'hémorrhoïdes soit avant, soit
depuis l'hypertrophie de la rate (relevé de M. Vidal), mais les hémorrhoïdes ne pa-
raissent jouer aucun rôle dans la maladie.
Du côté du tégument externe, on a noté, en dehors des taches purpurines, et,
comme phénomènes ultimes rares, du prurigo (obs. Nicaise), des éruptions furon-
culeuses (dans 2 cas sur 52, M. Yidal) accompagnées, dans un cas, de formation
d'eschares au sacrum développées sur le siège des furoncles (M. Vigla, obs. III),
et dans l'autre, d'éruptions pemphigoïdes delà main suivies de phlegmon et d'ab-
cès (obs. P'^de Virchow). Magnus Huss a noté une éruption huileuse contenant un
liquide d'abord séro-sanguinolent, puis séro-purulent, faisant place à des ulcéra-
tions ou à des croûtes comme le pemphigus. MM. Olhvier et P»anvier (observ.
nouv., etc., n° 1) ont noté des pustules d'ecchyma et de petits abcès sous-
cutanés.
Enfin, une parotide s'est développée trente-six heures avant la mort dans un cas
deM. Vigla. (Obs. II. Bull, de la soc. me'd. des hôp., 1856, p. 38.)
Complications. Les principales complications notées dans la leucocythémie
ont été soit des accidents aigus survenant dans le cours de la maladie, tels que
des épanchements pleurétiques (2 fois sur 32, Vidal ; — 8 fois sur 41, relevé per-
sonnel), des œdèmes ou des congestions pulmonaires (5 lois sur 52, Vidal; — ■
10 fois sur 41, relevé personnel), ou même de véritables broncho-pneumonies
(5 fois sur 41, relevé personnel), soit des maladies chi'oniques qui pouvaient être
le résultat de la cachexie générale, mais qui pouvaient être aussi le résultat d'une
diathèse antérieure; telles sont surtout Y infiltration tuberculeuse des poumons,
notée 3 fois sur 32 par M. Vidal, et 5 fois sur 41 (relevé personnel), l'nifiltration
tuberculeuse disséminée du péritoine (obs. Oilivier et Ranvier, 1869). Ehrlich
aurait noté la tuberculose 12 fois sur 98 cas (thèse citée par Bœttcher.).
Le cancer s'est aussi montré assez fréquemment, 3 fois sur 17 dans les obser-
vations de Bennet. M. Becquerel a trouvé aussi le cancer de l'estomac (obs. Il,
1856, Soc. méd. des hôp., p. 196). Dans la même observation, on trouve de la
pneumonie chi'onique.
La cirrhose du foie est mentionnée par M. Leudet. [Soc. de bioL, 1858.)
La maladie de Bright est notée 3 fois sur 32 (M. Vidal), et o fois sur 41 (relevé
personnel; — obs. Bambergcr, Bourdon et Gublcr) ; mais on peut se demander,
dans le dernier cas surtout, si la leucocythémie n'est pas ici, comme dans le can-
cer, la complication de la maladie chronique, plutôt que celle-ci n'est la compli-
cation de la leucocythémie.
Becquerel note (obs. 1856) un calcul vésical, M. Cliaillou un kyste urineux,
et M. Vidal (1 fois sur 32) des calculs biliaires ; ce sont de pures coïncidences.
Enfin nous trouvons, 5 fois sur 41, l'érysipèle, dont un de la face, et un érysi-
LliUCOCYT[lÉMIE (marche, durée). 32Î
pèle phlegmoneux des membres. Becquerel a observé dans un cas une dysenterie
aiguë à la lin (obs. II, 1856) n'était-ce pas plutôt une diarrhée avec bémorrliagie
intestinale ?
m. Marche. «Inrée. terminaison et formes de la lencoeythémîe. Kous
avons vu plus liaut, en traçant le tableau général des symptômes de la leûcocytbé-
mie, l'ordre dans lerpiel ils apparaissent d'une manière générale. Les reprenant
ensuite un à un, nous avons indiqué les particularités que ces divers phéno-
mènes présentent selon les époques où on les rencontre : de toute cette étude
est ressortie l'image d'une cachexie à marche plus ou moins lente, mais progres-
sive et fatale, dans laquelle il nous semble impossible de reconnaître des périodes
tranchées. M. Yigla [Soc. viéd. des hop., 1856, p. 79) et M. Vidal {oiivr. cité,
p. 52) ont cependant tenté d'établir nue division en trois périodes : la première
serait marquée par le commencement du gonflement de la rate, l'affaiblissement,
l'amaigrissement, les douleurs vagues, des désordres peu graves dans la digestion,
et des mouvements fébriles irréguliers; la deuxième verrait l'augmentation
des hypertropliies glandulaires, de la dyscrasie sanguine, de la dyspnée, de la
diarrhée, des sueurs, des hémorrhagies, la fièvre y serait exceptionnelle; la troi-
sième période serait constituée par les mêmes symptômes portés au suprême
degré, par la fièvre hectique, par la constance de la diarrhée, les hémorriiagies
multiples, les sueurs profnses, l'ortliopnée, etc. Le professeur Magnus Huss, de
Stockliolm (mém. cit., p. 315), a déjà fait une critique très-judicieuse de cette di-
vision. « Il faudrait, pour qu'elle fût générale, que les symptômes sur lesquels
elle se fonde fussent constants. 11 faudrait que l'on pût suivre le développement
successif de la rate parallèlement avec l'altération du sang et tenir conq^te de la
succession des autres signes les plus constants, tels que l'amaigrissement, l'épui-
sement des forces, le gonflement du foie et des ganglions lymphatiques, l'aspect
cachectique, l'anémie, la fièvre hectique, les hémorrhagies, la sueur et la diar-
rhée. » On peut y opposer les cas où l'hypertroiihie de la rate (obs. XXXVI de
Bennett), ou celle des ganglions lymphatiques {voy. ci-dessous) ont précédé de
beaucoup la dyscrasie sanguine.
Nous partageons entièrement cette manière de voir, et la division en trois pé-
riodes nous semble aussi purement artificielle. 11 y a, suivant les cas, des époques
où la maladie s'accélère. Nous avons déjà noté des exaceibations aiguës pour les
hypertrophies viscérales ou glandulaires; on observe aussi, dans quelques cas des
oscillations brusques dans la dyscrasie sanguine (obs. deThierfelderetUhle, 1858).
Pans d'autres moments, la maladie semble stationnaire, mais c'est là le caractère
de toutes les maladies chroniques, et pour établir des périodes véritables, il fau-
drait deux éléments qui font ici défaut, c'est-à-dire : 1" des périodes de temps
comprenant des époques à peu près fixes ou des retours réguliers, 2" des phéno-
mènes symptomatiques bien tranchés, des changements de tableau comme on en
voit dans les fièvres éruptives, par exemple, et qui fussent constants; or, il n'en
est pas ainsi, même de la fièvre hectique et des hémorrhagies nmltiples. Il n'y a de
réel que l'approche de l'agonie, et encore celle-ci n'existe souvent pas : le malade
s'éteint doucement par les progrès de l'épuisement. La leucocythémie idiopatliiqne
est donc une affection esseutiellementp/'Ot/ress/De, et nous emploierons volontiers
ce terme pour la désigner, et surtout pour la différencier de la leucocythémie tem-
poraire ou symptomatique.
La durée d'une telle maladie est fort difficile à déterminer, parce qu'il est à
peu près impossible d'en préciser le début. Le plus souvent, les malades ne se
DICT. EKC. -1' s. II. 21
322 LEUCOCYTHËMIE (marche, durée).
présentent au médecin que lorsque la cachexie est avancée, et il faut alors s'en
rapporter à leurs souvenirs pour calculer l'époque probable à laquelle la dyscrasie
sanguine a commencé de se produire. D'autres l'ois, le malade s'est aperçu de l'ap-
parition des tumeurs lymphatiques, ou de l'hypertrophie de la rate, mais le méde-
cin ne songe pas à véritier au microscope l'état du sang, ou bien l'examen le plus
attentif de ce fluide ne montre pas encore la prédominance des leucocytes, comme
dans les cas de leucocytbémiere'ardée. Dans deux observations de M. Gubler (1858),
la dyscrasie sanguine ne se produit même que les derniers jours de la vie, presque
d'une manière aiguë. On voit combien de difficultés s'opposent à la détermination
exacte du début; la dernière circonstance surtout est celle qui oppose l'obstacle
le plus invincible, puisque, après tout, il n'y a leucocythémie que quand le sang
présente une quantité anormale de leucocytes, et que les autres symptômes ne
suffisent pas à en établir l'existence. 11 faudrait donc ne compter la durée de la
leucocythémie qu'à partir de l'époque où la dyscrasie sanguine a été reconnue, et
c'est ce qu'on ne fait pas en général ; les cas sont rares où le médecin a pu, comme
dans l'observation XXXVI de Bennett, saisir à peu près l'instant où le sang s'est
modifié, alors qu'on suivait déjà depuis longtemps les progrès d'une cachexie
accompagnée d'hypertrophie splénique ou ganglionnaire. On se borne ordinaire-
ment à évaluer approximativement, d'après les renseignements fournis par le ma-
lade, l'époque où sa santé a présenté une altération qui paraît avoir persisté jus-
qu'au moment où l'on commence à l'observer régulièrement. C'est seulement dans
cette limite qu'il fout accepter les chiffres qui ont été donnés par les différents
auteurs.
Sur 17 observations où l'on a pu calculer la durée de la maladie, depuis l'ap-
parition de la tumeur splénique jusqu'à la mort, M. Vidal trouve :
Durée de 3 mois à 6 mois 3 fois.
— de 6 mois à 1 an 5 fois.
— de 1 an à 1 an 1/2 5 fois.
— de 2 ans 2 fois.
— de 2 ans 1/2 1 fois.
— de 4 ans 1 fois.
Lamoyenne aurait d'après cela été de 13 à 14 mois, le minimum de 5 mois, et
le maximum de 4 ans. Les chiffres publiés depuis cette époque ne s'écartent pas
beaucoup de ces données. Cependant nous avons trouvé une telle incertitude
dans l'évaluation de la durée des observations nouvelles que nous avons ana-
lysées, que nous avons renoncé à établir une moyenne. Dans notre relevé, de 41
observations, nous pouvons à peine dans 25 cas évaluer la durée de la maladie et
cette durée est de 6 semaines à 6 mois dans 13 cas; de 10 mois à 2 ans dans 7
cas ; les autres chiffres donnent trois ans de durée, 3 fois, et deux chiffres incer-
tains de 4 à 5 et même 8 ans.
Terminaison. Dans toutes les observations de leucocythémie idiopathique,
soit splénique, soit lymphatique, la mort a été la terminaison constante de la
dyscrasie sanguine. Si quelques malades (et Virchow n'en cite qu'un, M. le
docteur Farre en cite un autre) ont paru échapper à cette cachexie fatale, il est
probable que c'est qu'ils ont été perdus de vue pendant quelque temps, et que le
dénoûment fatal se sera produit loin des premiers observateurs ou bien
qu'il s'agirait seulement d'une leucocythémie symptomalique. Nous ne vou-
lons pas dire que la guérison soit impossible, la nature a des ressources infinies,
LKUCOCYÏHÉMIE (étiologie)- .'^25
mais nous nous bornons à énoncer un fait, c'est qu'elle n'a pas encore été ob-
servée d'une manière authentique, c'est qu'on ne cite pas de sujets actuellement
vivants et bien portants, après avoir été atteints d'une leucocythémie progressive
bien constatée. Il est fort à craindre, du reste, qu'il n'en soit bien longtemps
ainsi, quand on se reporte aux troubles profonds que cette maladie apporte aux
forces vives de l'économie.
La mort survient donc, plus ou moins vite, plus ou moins tard, et les circon-
stances dans lesquelles elle se produit n'offrent pas une grande variété. Le ma-
lade perd ses forces de plus en plus, l'amaigrissement est extrême, la dyspnée
augmente, des sueurs profuses ou une diarrhée colliquative achèvent d'épuiser le
malade. La fièvre hectique et quelquefois un délire tranquille marquent ses der-
niers instants. Quelquefois même, il s'éteint paisiblement sans présenter des
symptômes aussi accusés. Dans deux cas cependant il y a eu délire lypémaniaque
et suicide. La syncope doit cire dans le plus grand nombre des cas la cause pro-
chaine de la mort. Aussi a-t-on observé plusieurs fois la mort subite (I fois sur
52, M. Vidal; 2 fois sur 41, relevé personnel; obs. Bouillaud, 1858; OUivier et
Ranvier, 1869, obs. nouv., n^S). C'est là ce qu'on peut appeler la forme cachec-
tique progressive. Une autre forme bien tranchée au point de vue de la termi-
naison, c'est la forme hémorrhagicjue. A un moment donné, quelquefois avant
que la cachexie soit très-prononcée, surviennent les hémorrhagies que nous
avons décrites, épistaxis, hémorrhagie intestinale, très-souvent hémorrhagies
multiples, internes ou externes. La terminaison est alors accélérée; soit parce
que les pertes de sang répétées achèvent en quelques jours d'épuiser le ma-
lade, soit parce qu'une hémorrhagie interne a l'rappé les organes essentiels,
comme dans les cas d'hémorrhagie cérébrale.
La mort par suffocation rapide s'est également produite i fois sur 41 (relevé
personnel) . 2 fois sur 41 , des vomissements intenses, incoercibles ont paru accé-
lérer le dénoûiuent. Des accidents convulsifs sont aussi notés 2 fois sur 41 dans
cette période extrême.
Enfin, comme dans toutes les maladies chroniques, le malade peut être em-
porté par quelque complication aiguë. Nous en avons plus haut cité quelques-
unes, auxquelles nous pouvons ajouter un cas de rétention d'urine avec fièvre
intense (obs. Boettcheij.
Toutefois, l'on peut dire qu'au point de vue de la terminaison, la leucocythé-
mie confirmée ne reconnaît que deux formes, la forme cachectique pro^-ressive
et la forme hémorrhagique. Nous ne confondons pas les formes, c'est-à-dire les
ensembles symptomatiques qui conduisent à la terminaison, avec les variétés ou
les espèces qui répondent à un point de vue plus générai, et qui comportent des
différences dans la nature même de la maladie. Avant d'étabhr ces variétés ou ces
espèces, il nous reste à invoquer un autre ordre de considérations indispensable
à la solution du problème, nous voulons parler des causes de l'état morbide qui
nous occupe.
IV. Étîologîe. Plusieurs causes physiologiques produisent l'augmentation
relative des leucocytes, la digestion, la grossesse ; M. Robin a, dans l'article pré-
cédent, indiqué les différences individuelles, et les causes fortuites qui amènent la
leucocythémie temporaire, telles que la diarrhée, un purgatif, etc. Un certain nom-
bre de causes morbides plus graves déterminent des leucocythémies temporaires
plus ou moins prononcées ; ce sont surtout les maladies infectieuses, la lièvre
typhoïde, la dysenterie, le choléra, la diphthérie, la fièvre puerpérale, l'infection
524
LEUCOCYTIIÉMIE (iîtjoi,ocie)
purulente. Nous reviendrons plus loin sur ce groupe important de leucocylhémies.
Pour le moment bornons-nous à reclierclier les causes de la leucocythémie per-
manente, chronique, de la leucocythémie confirmée ou progressive, celle de Vir-
chow et de Bennett, que nous avons jusqu'à présent prise pour type de nos
descriptions. Cette étiologie est, il faut le reconnaître, assez obscure et nous al-
lons passer en revue les diverses causes individuelles, banales ou palliologiqucs
que l'on a tour à tour invoquées.
Sexe. Les hommes paraissent prédisposés plus que les femmes à la leucocy-
thémie. Sur 25 faits de Bennett, on compte 16 hommes et 9 fcnmies. Sur 52 faits
relevés par M. Vidal, 22 hommes et 10 femmes. Sur 59 cas nouveaux (relevé per-
sonnel) nous trouvons seulement H femmes et 28 hommes. En tout, sur 71 cas,
46 hommes et 19 femmes. La différence serait donc de plus du double.
Age. La leucocythémie est surtout une maladie ^de l'âge adulte. Voici les
chiffres que nous relevons sur 71 cas :
RELEVÉ DE M. ViDAL
sur, 32 CAS
KECEVÉ PEKSOXKEL
Sun 59 CAS NOUVEAl'X
Au-de^sous de 2 ans
»
(13 1/2)
2 (17 ans)
S
8
9 (dont S à 45 ans)
3
1
(15 mois)
1 (15 ans)
4
8
13
2
7
»
3 (dont 2 à 73 ans)
Au-dHssous de 15 ans
Do 13 à 20
De 20 à 30
De 30 à 40
Ce 40 à 50
De 50 i 60
De 60 à 70
De 70 à 80
Il faut doue prendre pour limite 73 ans (obs. Potain, 1861 ; obs, Desnos, 1867)
et du côté de l'enlance, 15 ans (obs. Blacbe et obs. Goupil), et môme 1 entant de
15 mois (obs. de Trousseau). Lœschner (1859) et Golitzinski (1861) ont cité
plusieurs cas observés chez les enfants. Si l'on parlait de leucocythémies aiguës,
les chiflres augmenteraient encore.
La profession ne nous donne que des renseignements de peu de valeur.
M. Vidal cite 5 laboureurs, 5 marchands de vin, 2 marins, 2 blanchisseurs ; les
autres professions ne donnent qu'un chiffre unique. Nous voyons mentionner,
d'autre part, dans notre relevé de M cas, sur 51 où la profession est indiquée :
6 cordonniers, 2 menuisiers, 3 servantes, 1 soldat, 1 cocher, 5 journaliers ou
terrassiers, 1 meunier, 1 paysanne, 1 nourrisseur, 1 ancien colon de l'Al-
gérie, etc.
Ce qui paraît le plus clair, c'est que les professions qui exposent le plus à l'hu-
midité, à la vie sédentaire et confinée, à la misère, aux fatigues excessives sont
celles qui ont fourni la plupart des observations. Mais tous- ces fiils ont été re-
cueiUis dans les hôpitaux, et il est peu de sujets, parmi cette clientèle malheu-
reuse de l'assistance publique, pour lesquels on n'en puisse dire autant.
La grossesse paraît avoir été dans 4 cas sur 10 (M. Vidal) le point de départ de la
maladie. Ce que nous savons de l'influence physiologique de la grossesse sur le
LEUCOCVTHÉMIE (étiologie). 325
cliiffredes leucocytes explique eu effet qu'il puisse y avoir ici prédispositiou parti-
culière. Sur 11 femmes (relevé persouuel) uous ne trouvons cepeudant pas uu
seul fait où la maladie soit liée d'une manière évidente avec les fonctions géné-
siques de la femme.
Parmi les conditions liygiéniques, et en dehors de tout ce qui concerne les
habitudes débilitantes, des excès alcooliques antérieurs ont été mentionnés 3 fois
sur 52 dans le relevé de M. Yidal. Cette cause n'est signalée que 3 fois sur 41
(relevé personnel), en tout 6 fois sur 73 cas. On sait toutefois combien il est
difficile d'obtenir des aveux à cet égard, quand le malade n'est pas sous le coup
d'accidents provenant directement de l'alcoolisme. La faiblesse même du chiffre
fait présumer qu'il n'est pas exact.
D'autres ont invoqué des fatigues excessives, de grands efforts musculaires
(obs. Béhier), d'autres des refroidissements; la plupart, des privations, quelque-
fois, de violents chagrins. Tout cela ne sort pas des causes banales.
L'influence possible de Vinfection palustre et les antécédents de fièvre inter-
mittente ont dû naturellement préoccuper les premiers observateurs d'une cachexie
liée dans la grande majorité des cas à une hypertrophie de la rate. Pourtant les
premières séries d'observation ont semblé exonérer cette cause. On insistait beau-
coup sur cette circonstance pour prouver l'essentialité de la leucémie. Sur 20 ob-
servations, Bennett ne retrouvait que 3 cas où l'on eût noté des antécédents de
fièvre intermittente, et il y opposait 3 observations d'hypertrophie de la rate d'o-
rigine palustre, oij la leucocythénhe n'existait pas. {Soc. de Biologie, ]85\,
p. 45.) Cependant, on cita bientôt des observations très-complètes, où les auté-
cécfents palustres étaient indubitables (obs. Goupil, obs. Woillez). Dans son relevé
de 52 cas, antéi^ieur à J856, M. Vidal trouve 5 observations où des antécédents
de fièvre intermittente ont été retrouvés. « Un malade les avait eus sous le type
tierce, dix-sept ans avant le début des accidents de leucocytliémie ; un autre,
huit avant, et également avec le type tierce. Chez un autre, après avoir duré
pendant six ans, elles disparurent trois ans avant le début de la nouvelle maladie
(obs. Woillez). Chez le quatrième, il y eut c[uelques accès de fièvre quotidienne
douteuse quatre mois avant le début. Dans le cinquième (obs. Goupil), nous
voyons la maladie succéder sans transition à des accès fébriles intermittents bien
caractérisés. De ces cinq malades, trois habitaient des pays où la fièvre inter-
mittente règne endémiquement. Un autre malade habitait un pays marécageux,
mais n'avait jamais eu de fièvre inlei'mittente. » Dans notre relevé de 41 cas nou-
veaux, nous trouvons 11 fois des antécédents palustres, lesquels sont plus ou
moins rapprochés, dans 6 cas (obs. Blache, Huss, Bœttcher, Nicaise, Gnbler, Op-
polzer); des antécédents palustres certains, mais éloignés de 20 à 25 ans dans
2 cas (Becquerel, observ. Il, 1856, et Vidal, obs. 1858), et enfin des antécédents
douteux dans 5 cas. En tout, il est fait mention, plus ou moins certaine, de l'in-
fluence palustre dans 16 cas sur 73, sur lesquels dans 2 cas seulement (observ.
Goupil, observ. Gubler) la leucocythémie a succédé immédiatement à la fièvro
palustre.
On peut donc conclure de ce qui précède, et du grand nombre d'observations
que l'on pourrait citer, où l'hypertrophie splénique d'origine palustre ne s'accom-
pagne pas de leucocythémie, que le miasme des marais n'est certainement pas la
cause directe de la leucocythémie, mais qu'on aurait tort de nier l'inflaence qu'il
peut avoir comme cause prédisposante. On sait qu'un grand nombre de sujets
ont habité des pays marécageux, et n'ont souffert en apparence aucun accès de
526 LEUCOCYTllÉMIE (divisjoks).
fièvre intermittente, chez lesquels plus lard, à l'occasion d'une maladie quel-
conque, on peut reconnaître l'influence délétère que l'intoxication palustre avait
exercée sur eux en réalité. Dans beaucoup de cas de leucocythémie, il peut en
avoir été ainsi, bien que ce soit tomber dans une erreur évidente que d'attribuer
uniquement au paludisme (comme le voulaient F. Barthez, Cahen, etc., Soc.méd.
deshôp., 1864, p. 42, 57, 59, etc.) l'état morbide qui nous occupe. Mais quand
ce ne sei'ait que comme antécédent patliologique essentiellement débilitant,
l'influence palustre joue un rôle dans la leucocythémie.
Du reste, c'est encore une lacune regrettable dans l'histoire clinique de la
leucocythémie, que le manque de renseignements précis sur les antécédents
pathologiques des malades : il serait très-important, en présence d'une étiologie
aussi incomplète, de rechercher toujours, et de noter avec soin toutes les mala-
dies antérieures, toutes les conditions héréditaires et diathésiques, qui ont pu
les prédisposer à cette cachexie. Or, en fait de maladies antérieures, notre bagage
est fort léger.
M. Vidal signale, sur 32 cas, 2 malades atteints de rhumatisme aigu peu de
temps avant les premiers accidents ; un autre avait éprouvé des douleurs rhu-
matismales. La fièvre typhoïde est mentionuée 1 fois (obs. de Goupil, rel. de
M. Vidal, 1858) et 5 fois sur 41 cas (relevé personnel).
La syphilis est signalée 2 fois sur 41 (relevé personnel) ; la scrofule, 5 fois ; la
blennorrhagie, 2 fois; le scorbut, 1 fois; le choléra, 1 fois; l'albuminurie aiguë,
i fois; la maladie de Bright, I fois ; l'intoxication mercurjelle, 1 fois; la pneu-
monie, 1 fois ; l'emphysème avec maladie du cœur, 1 fois ; les bronchites, 2 fois ;
la phthisie héréditaire, 2 fois ; des hémorrhagies antérieures, 4 fois; l'érysipèle,
1 fois; les abcès multiples, 1 fois ; le goitre, 1 fois. Cette recherche mérite, selon
nous, de fixer l'attention des observateurs à venir.
V. Divi.sions, espèces, variétés. Nous possédons maintenant les éléments
nécessaires pour établir dans les cas de leucocythémie des divisions, qui ne re-
posent pas sur une idée théorique préconçue, mais sur l'examen des faits, La
division que nous adopterons ici est toute pratique, toute clinique, telle qu'on
peut la concevoir pour un état morbide dont la connaissance est encore récente,
et qui ne prêterait pas sans danger à des divisions dogmatiques. Sans rien pré-
juger sur l'essentialité, sur la nature môme de cet état morbide, nous distingue-
rons d'abord deux grands groupes, dont la notion, indiquée dès le début de cet
article, résulte de l'examen des faits auquel nous nous sommes livré. D'une
part, il existe une leucocijthémie ^^termanente, frogressive, idiopathiqiie, si l'on
veut nous permettre ce mot ; c'est la cachexie spéciale qui nous a servi de type
jusqu'à présent. D'autre part, il existe des leucocythemies passagères, variables,
syviptomatiques d'affections diverses, qui pourraient peut-être constituer plu-
sieurs espèces. Ces deux groupes sont aussi différents, par exemple, que l'albu-
minurie, symptôme transitoire, l'est de la maladie de Bright, ou que l'épilepsie
essentielle, morbiis sacer, l'est des attaques épileptiques qu'on rencontre dans
l'alcoolisme, dans l'intoxication saturnine, dans la syphilis, etc. Cette distinction
et la comparaison que nous venons de faire ne nous appartiennent pa^ d'ailleurs ;
elle a déjà été faite presque à l'origine, notamment par Virchow (voy. DéfuiUion,
au début de cet article), par la Société médicale des hôpitaux de Paris {Bull, de
la Soc. méd. des hop., 1856, p. 61, p. 80), par la plupart des cliniciens qui se
sont préoccupés du rang nosologique qu'il fallait attribuer à cet état morbide.
Elle ft été accentuée davantage par Virchow, quand il a créé le nom de leucocijtose
LEUCOCYTHÉMIE (divisions). 3-27
pour désigner la leucocytbémie temporaire. Enfin M. Gubler [Exposé des titres
scientif., Paris, 1868) proposait d'appliquer le nom de leiicocythémie (comme
celui d'albuminurie) à l'altération du sang en général, quelle que fût sa cause, et
le nom de leucémie pour la cachexie progressive et fatale de Virchow et Bennett.
Nous n'adopterons pas cette dénomination, parce que pour nous, comme pour la
majorité des médecins français, les noms de leucocythénne et de leucémie sont
devenus entièrement synonymes, et que des épithètes caractérisent bien mieux-
que des substantifs les divisions d'un fait général dont on ne veut pas rompre
l'unité. Nous dirons un peu plus loin pourquoi nous repoussons aussi le nom de
leucocytose.
Reprenons donc, pour les mieux caractériser, les grandes divisions que nous
venons d'établir, et examinons pour chacune d'elles les espèces ou variétés qu'il
peut avoir lieu d'y établir.
1° Leucocythémie iDioPATHiQUE OU PROGRESSIVE. Nous avous pBU de chose à
ajouter sur ce premier groupe. C'est lui qui a servi de type à la description que
nous avons donnée précédemment des altérations du sang, des lésions viscérales,
et des symptômes. Virchow l'a depuis longtemps divisé en deux variétés, plutôt
peut-être au point de vue des lésions anatomiques que des symptômes, ce sont
la leucocythémie spléniqtie et la leucocythémie lymphatique.
1° Leucocythémie splénique. C'est la plus fi'équemraent observée, puisqu'elle
figure pour 64 fois sur 73 observations. C'est elle qui affecte de la manière la
plus nette la marche progressive sur laquelle nous avons insisté, c'est elle qui
sera toujours considérée comme le type le plus parfait de la leucocythémie idio-
pathique, de la leucocythémie essentielle, si cet état morbide est admis à prendre
place dans les entités morbides spéciales. Elle est caractérisée anatomiquemeiit selon
Virchow parle développement considérable des leucocytes variété globule, tandis que
les globubns restent à peu près à l'état normal, etparl'hypertrophiedelarate, du
foie, desreins, sans développement relatif des ganglions périphériques. On y trouve
d'ailleurs, au point de vue de la marche et de la terminaison, les deux lormes
symptomatiques que nous avons admises ci-dessus, c'est-à-dire, la forme cachec-
tique progressive, et la form,e hémorrhagique dans laquelle le dénoûment est
un peu accéléré.
2" Leucocythémie lymphatique ou adénoïde. C'est en 1847 que Virchow ren-
contra pour la première fois (Virchow, Archiv, t.I,p. 567) un cas de leucocythémie
avec tumeurs des glandes lymphatiques, dans lequel le sang était chargé « d'élé-
ments blancs, partie noyaux, partie cellules et qui différaient des éléments trou-
vés dans les glandes lymphatiques, seulement, en ce que sur un nombre donné
on trouvait plus de cellules réelles. » Plus tard (Virch., Archiv, t. V. p. 58, et
Gesam. Abhandl. p. 197), un second cas semblable présenta un nombre iufini
« de noyaux ronds, granuleux, habituellement munis d'un nucléole, et de la gros-
seur des noyaux des glandes lymphatiques, avec quelques cellules çà et là qui
contenaient un noyau semblable, enveloppé d'une membrane relativement
étroite. » Bennett avait déjà yu quelque chose de semblable, mais dans une obser-
vation moins nette puisqu'il s'agissait d'un cancer. L'esprit ingénieux et générali-
sateur de Virchow entrevit là une loi, qu'il formula immédiatement {]^'urzbiirg's
Verh., t. U, p. 525) dans ces termes : il existe deux formes de leukémie, l'une
splénique ou liénale, l'autre lympJiatique, la première apportant dans le sang
des éléments (globules blancs) semblables aux parties constituantes de la pulpe
de la rate ; la seconde, des éléments semblables aux noyaux du parenchyme des
528 LEUCOCVTIIÉMIE (divisions).
glandes lymphatiques (globiilins). Plus la maladie des glandes lymphatiques est
étendue, plus nombreux sont dans le sang les éléments lymphatiques, et la coïnci-
dence d'une ma'adie de la rate ne suflit pas pour effacer ce caractère propre
qu'acquiert le mélange du sang provenant des glandes lymphatiques. Récipro-
quement, avec des maladies très-prononcées de la rate, nous voyons coïncider
des hypertrophies ganglionnaires, portant surtout sur les ganglions voisins, mais
ici encore c'est le caractère liénal (splénique) qui domme, car, jusqu'à présent
du moins, on n'a pas trouvé, dans ces cas, d'éléments lymphatiques. (Virchow,
Arch., t. V, p. 84 et Gesamm. Ahhandl., p. 298.)
Certes voilà une loi nettement exprimée, et qui répond, nous n'en doutons pas,
à la majorité des faits, puisque la plupart des observateurs qui ont rencontré des
cas de leucocythémie lymphatique ont noté l'altération correspondante du sang.
Nous pouvons cependant prémunir nos lecteurs contre ce qu'elle a de trop ab-
solu par un exemple bien frappant. Dans une observation remai'quable que nous
avons déjà citée plus d'une fois (obs. Blache, Isambert et Robin, 1855), nous
avons rencontré l'altération du sang par des globulins, poussée aussi loin, si ce
n'est plus loin que dans aucune autre observation ; « les globulins étaient aux
globules blancs comme 80 : 1. Au lieu d'être comme à l'ordinaire obligé de cher-
cher les globules blancs et les globulins au milieu des globules rouges, c'étaient
réellement les globules rouges et les globules blancs qu'on était obligé de cher-
cher au milieu des globulins. m Eh bien, avec cette altération du sang si spé-
ciale, nous trouvions, de par les symptôines cliniques, et de par les autres lésions
anatomiques, la forme splénique la mieux caractérisée, hypertrophie énorme de
la rate, du foie, des reins, et rien du côté des ganglions lymphatiques de l'aine,
de l'aisselle, du cou, ni même des ganglions bronchiques ou mésentériques : A
peine aurait-on pu invoquer un léger développement des glandes de Peyer, tel
qu'on le rencontre dans quelques formes de fièvres typhoïdes bénignes, quand le
malade a succombé autrement que par l'intestin ou chez les enfants tuberculeux :
le thymus avait été trouvé assez développé, mais ces deux lésions, plaque de Peyer
et tbymus, suffisent-elles pour faire inscrire notre observation parmi les cas de
leucocythémie lymphatique en présence de l'hypertrophie énorme de la rate et du
foie? Nous ne pensons pas qu'on soit autorisé à classer ce fait parmi ceux dont
parle Virchow, où la coïncidence d'une maladie de la rate ne suffit pas pour effa-
cer ce caractère propre qu'acquiert le mélange du sang provenant des glandes
lymphatiques {voy. ci-dessus), puisqu'ici les glandes lymphatiques ne sont pas ma-
lades, et qu'il s'agit bien d'une leucocythémie splénique, et non d'un cas mixte.
Ain>i, la production des globulins ne dépend pas exclusivement de la forme adé-
noïde, et la division de Virchow n'a rien d'absolu.
Si d'ailleurs, on analyse en détad les diverses observations de leucocythémie
lymphatique qui ont été rapportées, il faut reconnaître que parmi celles-ci, les
cas mixtes sont de beaucoup les plus nombreux. Dans notre relevé de k\ cas
nouveaux, nous trouvons, sur 20 cas où les lymphatiques ont été hypertrophiés,
8 cas seulement où ces glandes ont réellement la prédominance (relevé personnel) ;
parmi ceux-ci, d n'en est que deux (obs. Mulder, 1860; obs, Yigier, 1864) dans
lesquels la rate n'ait pas élé en même temps plus ou moins malade. Cette inté-
grité de la rate . se trouve d'ailleurs dans des cas où les ganglions lymphatiques
n'étaient pas hypertrophiés (obs. Bennett, ob. Bélner, obs.Gubler, 1859). Virchow
lui même, quelques années plus iwcà{Path. celluL, p. iH), ne dit plus que
la rate n'est pas malade, mais qu'elle est peu malade. En môme temps, les
LELCOCïTUÉMli' (divisions). 329
descriptions des micrographes, en ce qui touche l'altération du sang, sont de
plus en plus vagues : au lieu de dire nettement globules blancs ou globulins,
cellules ou noyaux libres, on dit : jeunes cellules, cellules à enveloppes peu
marquées, cellules se rapprochant de la variété lymphatique, etc. 11 en résulte
à nos yeux que la division théorique de Yirchow sur les deux variétés de dyscrasie
sanguine tend à s'aftaiblir et que les faits démontreront, quand on les précisera
davantage, qu'elle ne présente rien d'absolu, rien de fixe, et indique seidement
une coïncidence observée dans la majorité des cas. L'auteur, Ini-méme, ne re-
nonce-t-il pas implicitement à cette distinction, lorsque généralisant sa théorie,
il arrive à distinguer l'élément de la rate qui est malade, c'est-à-dire le glomé-
rule de Malpighi, et à rechercher dans tous les organes malades l'hyperplasie
du tissu lymphatique lui-même? .\vec cette tendance, il arrivera forcément ù
ne plus reconnaître qu'une leucémie, la leucémie lymphatique.
Quoi qu'il en soit d'ailleurs de ce point de vue théorique, delà réalité d'une
différence essentielle dans les deux variétés de dyscrasie sanguine, dont nous ne
connaissons sans doute pas suffisamment la cause prochaine, nous devons étudier
la \ariété lymphatique au point de vue clinique, et nous laisserons encore la
parole à Virchow :
« L'hypertrophie des glandes lymphatiques se produit ordinairement lentement,
mais par saccades, sans qu'on puisse remarquer un désordre particulier dans les
parties dont elles reçoivent leurs vaisseaux lymphatiques. Tantôt de bonne heure,
tantôt plus tard viennent des attaques aiguës, sous l'influence desquelles la
tumeur augmente rapidement. » (Virchow, Gesamm. Ahhandl., p. 202.) Dans
l'observation de Schreiber, citée par Virchow (ibid.), on voit, chez une jeune fille
chlorotique, souffrant de dysménorrhée avec accidents multiples, des tumeurs
ganglionnaires se développer au cou, puis aux aisselles, aux aines, puis la rate
se prendre, et la malade mourir rapidement avec la fièvre, des pétéchiés, et une
grande prostration. Dans le cas de Rinecker (Virchow, Archiv, t. V, p. 4), on
voit aussi des tumeurs ganglionnaires présenter deux périodes brusques de dé-
veloppement. Dans l'observation de Mohr [ibid., p. 51) les tumeurs ganglionnaires
éclatent brusquement dans un voyage, et s'accompagnent de vives douleurs
locales. Dans celui de Vogel (Virchow, Arch., t. III, p. 57d), une tumeur du cou
apparaît et disparait, semblant alterner avec le développement du ventre.
D'autres fois, le développement des tumeurs est lent et continu (2 observations
de Virchow, Arch., t. I, p. 567, et Arch., t. V, p. 56). 11 dure plusieurs aimées
et progresse sans interruption, comme sans douleurs prononcées ; et ce n'est que
tardivement que se produisent l'affaissement général et des accidents aigus. 11 y
a une grande analogie entre ces faits, et ceux qui ont été décrits en France sous
le nom d'adénie par Trousseau, et en Angleterre sous le nom d'anémie lym-
phatique par J. Wilks. {Gui/ s Hospital Reports, 3'^ série, t. II, p. 856, analysé
parM.Cornil, dans Arch. gén. de méd., 1865, t. II, p. 2(J8.) Les symptômes
sont les mêmes, hypertrophies ganglionnaires considérables, surtout marquées
aux ganglions sous-maxdlaires ou cervicaux , anémie progressive , dyspnée,
diarrhée, etc. ; le microscope seul montre qu'il n'y a pas de globules blancs dans
le sang. Dans ces cas, d'ailL'urs, comme dans la leucocythémie splénique, on
trouve très-souvent des cas mixtes dans lesquels la rate et le foie sont hypertro-
jiliiés en même temps. M. J. Wilks admet alors qu'il y a coïncidence de deux
maladies, l'anémie lymphatique et la leucocythémie splénique, la dyscrasie san-
guine étant due à l'engorgement de la rate. {The Lancet, 1861, vol. II, p. 9.)
330 LEUCOGYTIIÉMIE (divisions).
Cette dernière assertion est fort difficile îi justifier, puisque nous voyons dans
quelques cas, rares, il est vrai, l'hypertrophie glandulaire seide donner naissance
à l'altération caractéristique du sang.
Nous reviendrons sur cette question, à propos du diagnostic. Qu'il nous suffise
pour le moment de reconnaître, au point de vue clinique, une variété de cachexie
spéciale, avec leucocythémie prononcée et avec développement souvent considé-
rable des glandes lymphatiques de l'aine, de Faisselle, du cou, coïncidant ou non
avec l'hypertrophie de la rate. et du foie et des ganglions bronchiques, mésenté-
riques et des glandes intestinales. Les cas où l'on observe ces coïncidences, les
cas mixtes, sont de beaucoup les plus nombreux, et ceux où l'on a trouvé la rate
normale concurremment avec des hypertrophies ganglionnaires, sont beaucoup
plus rares.
C'est également à ces hypertrophies ganglionnaires qu'il faut rapporter les cas
assez rares d'hypertrophie du thymus (obs. Blache, Isambert et Robin, 1855.)
et d'hyperti'ophie du corps thyroïde (obs. l]œltcher, 1858; obs. Lancereaux, 1869)
oïl l'on a trouvé en même temps la leucocythémie. Pour le corps thyroïde, la
coïncidence paraît fort peu fréquente, car le goître, si répandu dans quelques
pays, ne paraît pas avoir fourni d'observations de leucocythémie. Selon Goliutzinski,
la variété ganglionnaii^e serait prédominante chez les enfants (31 fois sur 35).
Nous trouvons dans la leucocythémie lymphatique le même cortège de symp-
tômes que dans la leucocythémie splénique : la marche de la maladie est peut-
être moins régulièrement progressive ; elle prend plus souvent, suivant la remarque
de Virchow, une marche paroxystique. Cependant, la terminaison lente, par
cachexie, n'y est pas rare. Elle paraît aussi prêter moins aux hémorrhagies ter-
minales que la forme splénique. Sur 8 cas où la forme lymphatique est réellement
prédominante, nous notons les hémorrhagies 2 fois seulement (relevé personnel) ;
elles manquent absolument dans les 2 cas où la rate n'est pas malade. Dans les
cas mixtes, les hémorrhagies se retrouvent. En revanche, la terminaison par suf-
focation brusque ou par asphyxie paraît plus fréquente (4 cas sur 9) que dans la
forme splénique, ce qui s'explique sans doute par la compression que les gan-
glions cervicaux ou bronchiques exercent sur les voies aériennes.
3° Sous le nom de leucocythémie intestinale, M. le professeur Béhier voudrait
enfin établir une troisième variété dans laquelle il n'y aurait ni hypertrophie de
la rate, ni du foie, ni hypertrophie des glandes lymphatiques périphériques, de
l'aine, de l'aisselle, du cou, ni même des ganglions mésentériques, mais seule-
ment cette lésion curieuse des glandes intestinales, glandes de Peyer et glandes
isolées, que nous avons décrite plus haut d'après l'observation qu'il en a rapportée.
Avec cette prolifération extraordinaire du tissu lymphoïde limité aux seules
glandes de l'intestin, on trouvait une dyscrasie sanguine très-considérable, consis-
tant dans une diminution considérable des globules rouges, avec développement
en nombre au moins égal à celui des globules rouges, de cellules blanches de
petites dimensions, appartenant évidemment à la variété lymphatique de la ma-
ladie. Cette variété pourrait être rapprochée de la leucocythémie temporaire c^ue
l'on observe dans la fièvre typhoïde, s'il ne s'agissait pas d'une leucocythémie
permanente et d'une maladie tout à fait chronique. Les symptômes de cette mala-
die ont été, dans l'observation de M. Béhier (obs. inédite en France, imprimée en
anglais et distribuée aux membres du Congrès médical de Norwich, 1868), pour
la plupart négatifs : perte des forces, pâleur, cachexie progressive, perte d'appétit,
perte des fonctions génésiques, mais ni hémorrhagies, ni diarrhée, ni vomisse-
LEUGOCYTIIÉMIE (divisions). 531
nients, ni complications thoraciques, ni albuminurie, ni fièvre; le malade suc-
comba, au boul de 3 ou 4 mois, aux progrès d'un affaiblissement dont rien ne don-
nai t l'explication en dehors de l'analyse du sang ; la fin parut accélérée par des sueurs
excessives, provoquées par les chaleurs intenses de l'été. Une certaine analogie
existe entre cette observation et celle de M. Laveran [Gaz. hebd. de mcd., 1857,
p. 621, et Arch. gén. de méd., 1857, t. 11, p. 470, hémophilie avec leucocythé-
mie, etc.) dans laquelle on trouve l'indication d'une lésion intestinale assez sem-
blable, aspect blanc lavé de la muqueuse, avec peu de saillie des glandes intesti-
nales, mais oii l'examen microscopique fait défaut, et dans laquelle la rate étant à
peine plus développée qu'à l'état normal, les autres glandes sont indemnes. Les
symptômes ont ici consisté principalement dans des épistaxis répétées, qui ont
épuisé le malade et déterminé la mort. 11 y a là d'ailleurs, avec le cas de M. Bé-
hier, des différences notables qui empêchent de les assimiler complètement. Nous
avons d'autre part, à la partie anatomo-pathologique, montré l'analogie de la lésion
décrite par M. Béhier, avec quelques faits décrits par Virchow, mais sur lesquels
nous manquons de renseignements cliniques.
Il y a également une grande analogie entre la lésion de M. Béhier et celle qu'a
décrite M. Potain [Bull, de la Soc. anat., 1861, p. 217) dans un cas d'adértie
qui peut être une leucocythémie lymphatique, mais dans ce cas, il y avait aussi
hypertrophie de la rate et des ganglions périphériques.
En résumé, le fait de M. Béhier est très-intéressant et appelle de nouvelles
recherches, mais une observation unique ne suffit pas encore pour établir une
variété nouvelle de leucocythémie. Yircliow admettrait même qu'elle rentre entiè-
rement dans sa leucémie lymphatique, d'abord à cause de la nature deladyscrasie
sanguine (prédominance des globulins), puis, par cette considération à laquelle
incline visiblement cet auteur, que ce n'est pas l'hypertrophie de telle ou telle
glande qu'il faut envisager, mais la prolifération du tissu lymphoïde, dans une
i;égion quelconque, qu'il faut envisager. 11 est vrai cjue la leucémie splénique
elle-même cesserait en ce cas d'être une variété réelle, puisque c'est surtout aux
corpuscules de Malpighique Virchow attinbue la leucémie.
II. Leucocythémie svmptomatique, leucocythémie temporaire, leucocythémie
■ aiguë, leucocytose de Virchow.
Nous allons maintenant passer en revue les différentes circonstances où l'on
peut, en dehors de la cachexie spéciale que nous avons décrite jusqu'à présent,
rencontrer l'altération du sang par le changement de proportion des globules
blancs.
Nous avons vu, au commencement de cet article, la distinction que Virchow a
cherché à établir entre la leukœmie, maladie spéciale, progressive, fatale, et la
leucocytose, qui n'est qu'une polyleucocythémie temporaire, souvent même phy-
siologique. Une plus grande quantité de leucocytes s'ajouterait seulement à un
sang, qui présenterait d'ailleurs tous ses éléments normaux. On peut admettre
cette vue de l'esprit pour les cas physiologiques qu'il met en avant, le travail de
la digestion, l'état de grossesse qui ne changent pas, en réahté, la constitution
normale du sang. Peut-on dire qu'il en soit de même dans les cas pathologiques
qu'il énumère à la suite, et que le sang soit encore normal, sauf addition de par-
tics blanches étrangères? C'est ce qu"il serait au moins fort difficile de démontrer
puisque les maladies où nous allons recontrer l'augmentation des globules blancs
présentent, pour la plujiart, des différences notables dans la composition du
sa ni
'0'
332 LEUCOCYTIIÉMIE (division).
Entraîné par des considérations théoriques, M. Vircliow doit d'abord pouvoir
poser cette loi : « Toutes les fois que V augmentation de la fibrine est sensible,
on remarque simultanément l'augmentation des globules blancs... toute irrita-
tion locale d un organe riche en lympathiques et lié à de nombreux ganglions
provoque l'apport d'une plus grande quantité de globules blaiics (corpuscules lym-
phatiques) dans le sang. » (Pathol. celL, tr. Picard, p. 158.) Ce sont donc sur-
tout les maladies qui portent sur des organes riches en lympathiques qui produi-
sent un résultat semblable, » « Comparez, continue Virchow, l'action d'une inflam-
mation érysipélateuse, ou d'un phlegmon diffus avec celle qu'exerce sur le sang
une inflammation superficielle de !a peau, comme on le voit dans le cours de
fièvres exanthématiques ordinaires aiguës, ou après des actions chimiques ou mé-
caniques, et vous verrez combien les différences sont tranchées. L'inflammation
érysipélateuse et le phlegmon diffus simple de la peau ont la propriété d'affecter,
dès le début, les vaisseaux lympathiques et de provoquer la tuméfaction des
ganglions lymphatiques. Dans ces cas, soyez assurés que les globules blancs du sang
sont augmentés. De plus, certains processus pathologiques augmentent simulla-
nément la fibrine et les globules blancs, d'aulres, au contraire, ne provoquent
que l'augmentation de ces derniers. Dans cette catégorie je rangerai les éruptions
cutanées simples, parce qu'il se forme très-peu de fibrine dans les points affectés.
Comptons aussi dans cette classe, cette série de processus que l'on a nommés
hypinotiqucs, eu égard à la quantité de tibrine : c'est la série des affections
typhoïdes, entraînant divers modes de tuméfactions ganglionnaires notables, mais
ne provoquant jamais l'exsudation fibrineuse locale. La fièvre n'exerce pas seule-
ment son action sur la rate, mais sur les ganglions mésentériques. » Ainsi après
avoir posé une loi, l'auteur est obligé de reconnaître immédiatement qu'elle ne
représente pas la généralité des faits : s'il est vrai que l'Iiypérinose amène toujours
la leucocytose (loi très-contestable, car nous n'avons vu nulle part signaler l'aug-
mentation des globules blancs dans le rhumatisme articulaire aigu, où l'hypérinose
est si considérable), il faut avouer tout de suite que la réciproque n'est pas vraie
et que dans les maladies où il y a hypinose (diminution de la fibrine), on trouve
fréquemment l'augmentation des globules blancs. Il serait plus exact de dire que
ces maladies sont de beaucoup les plus nombreuses, puisque avec les fièvres exan-
thématiques, avec les fièvres typhoïdes, on cite encore la diphthérie, la lièvre
puerpérale, la pyémie, le choléra, dans lesquels on a constaté cette augmentation.
Que devient aussi un des caractères par lesquels Virchow {ibid., p. 159) cherche
à différencier, la leucocytose delà leukœmie, à savoir que dans celle-ci la quantité de
fibrine n'avait pas sensiblement varié; nous avons vu déjà {voy. plus haut, Anato-
mie pathologique) combien on était peu d'accord sur la proportion de la fibrine
dans le sang leucocythémique, mais en ce moment l'auteur lui-même nous fournit
la preuve que, même pour la leucocytose, il n'est pas de relation fixe entre le
développement normal de la fibrine et celui des leucocytes. Il n'est sans doute pas
plus exact de dire que la leucocytose soit en relation constante avec des maladies
frappant particulièrement sur le système lymphatique, bien que Virchow cherche
à sauver son système, en mettant en avant la fièvre typhoïde, ou l'on trouve en
effet une tuméfaction de la rate et des glandes intestinales et mésentériques.
Pour nous, qui n'avons à défendre ici aucune idée théorique préconçue, nous
devons nous borner à passer en revue les différentes maladies ou l'on a signalé
l'augmentation des leucocytes dans le sang.
La jjyohe'mie a été, dès le début, rapprochée de la leucocythémie; les premiers
LEICOCYÏIIÉMIE (division). 355
observateurs qui ont décrit ce dernier état morbide (Beuiiett, Craigie) avaient cru
rencontrer du pus. « Cette cenclusion, dit Yirchow (Pfl</io/. ce//.,lrad. Picard,
p. 157), n'était certainement pas originale. Elle se basait sur Vhœmitis de Piarry,
qui croyait à une inilanimalion propre du sang, lequel suppurait; c'est là ce que
l'école de Vienne a nommé la pyémie spontanée. » Nous savons aujourd'hui que
dans les cas d'infection purulente les mieux constatés, dans ceux même que l'on
produit artificiellement chez les animaux par des injections de pus dans les veines,
on ne peut démontrer la présence du pus dans le sang, mais on y signale nu
nombre de leucocytes plus considérable qu'à l'état normal. Cette différence de pro-
portion varie dans les chiffies de deux à trois fois la quantité ordinaire de leuco-
cytes. {Voy. ci-dessus article Leucocytes.) Il est bien naturel que ces leucocytes
aient été primitivement pris pour des corpuscules de pus. Mais nous savons au-
jourd'hui que le pus ne consiste pas seulement dans ses corpuscules figurés, que
ceux-ci sont impossibles à distinguer des leucocytes, et que notamment les pro-
priétés toxiques du pus paraissent résider dans son sérum.
La fièvre puerpérale, qui présente d'assez nombreuses connexions avec la pyo-
hémie, est une des maladies où l'on a signalé l'augmentation des globules blancs,
et quelques médecins ont vu dans ce fait la preuve qu'il y avait infection purulente
dans la lièvre puerpérale. « La démonstration, dit Virchow (ibidem, p. 156), semi-
ble aussi convaincante que possible. On part de l'idée que le pus a pénétré dans le
sang ; on examine le sang, on y trouve des éléments resseml>!ant réellement à des
corpuscules de pus, et ces éléments sont en quantité considérable. Ceux-là mêmes
dont l'opinion es!; que les corpuscules purulents ressemblent aux globules blancs
(et le cas est arrivé souvent dans l'histoire de la pyohémie), ceux-là mêmes sont
tentés de se laisser séduire par l'idée que ce sont des globules purulents, parce que
leur nombre est trop considérable pour qu'il soit possible de les considérer comme
des globules blancs du sang. 11 y a plusieurs années, Bouchut prit des observa-
tions analogues, relativesà une épidémie de fièvre puerpérale, pour une pyohémie;
récemment, il attribuait les mêmes lésions à une leucémie aiguë. » Après cette cri-
tique acerbe, et cette pointe d'ironie appliquée à une expression {leucémie aiguë)
qui ne mérite pas autant de dédain, il va sans dire que M. Virchow n'est nullement
embarrassé de tout expliquer par sa théorie des glandes lymphatiques. L'irritation
ganglionnaire a pour effet d'augmenter les globules blancs du sang [ibidem, p. 156
à 158), or les granules graisseux du chyle sont un irritant physiologique pour
les ganglions mésentériques ; ces granules s'y arrêtent un certain temps, comme
les grains de cinabre vont se loger dans les ganglions lympathiques des gens qui se
soumettent au tatouage. Dans la grossesse, les lympathiques de l'utérus se dilatent,
la nutrition utérine augmente avec le développement du fœtus, les ganglions in-
guinaux et lombaires augmentent de volume au point d'être pris, en temps ordi-
naire, pour des ganglions enflammés (?). Aussi, au moment de l'accouchement,
vous trouverez toujours une leucocytose ; de sorte qu'on aurait le droit de dire que
la femme est pyohémique avant même que tout symptôme pyohémique se soit mani-
festé, mais ce n'est qu'une leucocytose physiologique. Certes, nous admirons au-
tant que qui que ce soit les éminentes qualités de M. Virchow, et la découverte de
la leucocythémie est, à nos yeux, un de ses titres de gloire les plus légitimes
(voy. Historique), mais nous sommes médiocrement séduits par toute cette iatro-
mécanique oîi il se laisse entraîner par son désir de tout expliquer. Les accoucheurs
les plus autorisés admettront-ils, par exemple, que, chez les iémmes, bien portan-
tes d'ailleurs, exemptes de scrofule ou de syphilis, les ganglions inguinaux aug-
354 LEUCOCYTHEMIE (division).
mentent ordinairement de volume pendant la gestation au point d'être pris pour
des tumeurs enflammées? En dehors de l'action hypothétique des glandes lym-
phatiques, il faut reconnaître que la grossesse détermine une expansion générale
des fonctions nutritives d'où résulte l'augmentation des leucocytes: certes ce n'est
pas là la pyohémie, c'est un fait pliysiologique, mais qui constitue après l'accou-
chement, suivant une heureuse expression de Monneret, une immineyice morUde,
une prédisposition particulière, un développement des accidents les plus graves.
Vienne la fièvre puerpérale, et l'on observera une augmentation notable des globu-
les blancs, une véritable leucocythémie symptomatique.
M. Bouchut avait, dès 1844, avant les premières recherches de Virchow et de
Bemiett {Gaz. médic, 1844, p. 85. Étude sur la fièvre puerpérale), signalé la
décoloration Qu sang, sa liquéfaction, et le petit nombre des caillots. (lèid., p. 90.)
Il notait plus loin la présence d'un grand nombre de globules blancs volumineux,
qu'il prit pour du pus, à cause de leur nombre considérable, tout en rappelant
l'opinion de Haen, de Home, de Gendrin, selon lequel le pus n est qu'un globule
de sang transformé. Plusieurs années après, le même auteur, éclairé par les tra-
vaux modernes, reconnaissait qu'il y avait là seulement une leucocythémie
aiguë, expression dont Virchow s'est raillé, mais qui vaut bien, après tout, celle
de leiicocytose*. Quoi qu'il en soit, la fièvre puerpérale est en effet une des mala-
dies où l'on observe le plus souvent la leucocythémie symptomatique. La propor-
tion des globules blancs aux globules rouges est, en moyenne ::1:100, c'est au
moins trois fois la proportion normale.
La syphilis fournira à Virchow un exemple de plus en faveur de sa théorie. 11
signale en effet (Virchow, Archiv, t. XV, p. 519 et Pathol. des tumeurs, trad.
par Aronssohn, Paris, 1869, t. Il, p. 413) la syphilis constitutionnelle comme
produisant la leucocytose, tant que dure le stade de prolifération ou d'hyperplasie
lymphatique. Mais si les éléments s'accumulent , s'ils rétrécissent par
leur pression les vaisseaux qui les parcourent, si la glande présente un aspect
plus sec, plus dense, et si les métamorphoses graisseuses fmissent par en être la
conséquence, l'afflux du sang diminue, et il se développe alors cette espèce d'oli-
ghémie qu'on a désignée sous le nom de chlorose syphilitique. L'auteur néglige de
rapporter les observations cliniques sur lesquels il base cette assertion.
La scrofide avec son cortège d'hypertrophies ganglionnaires est embarrassante
pour la théorie, car on n'y observe pas ordinairement la leucocythémie. Mais l'es-
prit ingénieux de notre auteur sait en trouver l'explication : « Les ganglions peu-
vent, si la maladie est grave, être détruits, soit par ulcération, soit par épaissis-
sement caséeux, transformation crayeuse, etc., il ne peut y avoir augmentation
des éléments du sang qu'autant que le gangUon irrité est encore susceptible
* Nous résistons pour notre partà cette tendance exagérée qui entraîne l'école allemande
à créer à tout moment des néologismes. Sans parlei' de l'euphonie trop souvent outragée,
ce qui est bien quelque chose poui'tant, les expressions qui clierchent à s'imposer tous les
'ours sont-elles conformes à une bonne linguistique, et surtout à une nomenclature scien-
cifique régulière? Ici, par exemple, pourquoi ce nom de leucocytose? La terminaison ose
est ordinairement employée à désigner des états pathologiques, chroniques* souvent avec
destruction des tissus, chlorose, exostose, nécrose, tuberculose ; ici on la voit appliquée à un
état le plus souvent physiologique, ou rencontré temporairement dans des maladies aiguës.
Et puis, pourquoi deux mots diflërents pour exprimer deux variétés si rapprochées d'un
même fait? Ne vaudrait-il pas mieux, comme les botanistes, comme nos nosographes, em-
ployer ici des épithètes, et dire, par exemple, leucocytliémie pliysiologique, symptomatique,
idiopathique, manière très-rationelle d'indiquer les variétés d'une espècci tout en conservant
l'idée générale qui la constitue.
LEUCOGYTUÉMIE (division). S35
d'exercer sa. fonction, et qu'il existe ; dès que le ganglion est détruit, dès qu'il
n'existe plus, la formation des cellules lymphatiques s'arrête, et avec elle la
leucocytose. » [Patliol. celL, p. 159.) Mais, si la maladie n'est pas grave, si '
les glandes ne sont pas détruites, si elles restent longtemps hypertroplnées
et indolentes, comme on le voit si souvent, comment expliquera-t-on, dans ces
cas, l'absence de leucocythémie? On pourra toujours demander, comme pour ;
l'iiypotherphie de la rate sans leucocythémie, pourquoi l'altération d'un même
organe amène-t-elle, dans un cas la dyscrasie sanguine ? pourquoi ne l'amène-
t-elle pas dans d'autres? c'est ce que l'histologie n'a pas encore pu nous apprendre.
La fièvre typhoïde, ou plutôt les affections typhoïdes en général, sont, d'un
commun accord, une des affections où l'on rencontre la leucocythémie; Alex.
Thompson (d'Edimbourg) l'a constaté sur une douzaine de malades {voy. Cor-
mack, Natural Hisiory of the Epidémie Fever. Londres, 1845, p. 113, cité par
Virchow) ; on peut sans doute rattacher à cette maladie l'observation de Fried-
reich (Virchow, Archiv, t. XII, p. 38, 1857), bien que les détails clini-
ques nous manquent su.r cette observation, et que son auteur l'ait considérée
comme un cas de leucocylhémie aiguë. Ici la théorie triomphe, car elle peut in-
voquer, non-seulement la tuméfaction de la rate, mais celle des follicules de
l'intestin, des plaques de Peyer (qui ne sont autre chose que des ganglions lym-
phatiques, étalés), des ganglions mésentériques et même les tonsilles et les folU-
cules de la base de la langue.
Le choléra, à cause de son éruption spéciale, permet aussi d'invoquer l'influence
des glandes intestinales, pour expliquer comment il présente, dès le début, une
notable augmentation des globules blancs.
La dysenterie, qui présente aussi la leucocythémie symptomatique, n'échappera
pas davantage à la théorie.
Les fièvres exanthématiqiies, l'érysipèle malin, permettront d'invoquer les "lan-
dulesdela peau, où le réseau lymphatique, car dans quel organe, hors le cerveau,
ne frouvera-t-on pas des glandules disséminées où des vaisseaux lymphatiques ?
On a signalé la leucocythémie temporaire dans quelques pneumonies. Selon
Virchow, ils sont augmentés dans les pneumonies s'accompagnant du gonflement
desganglions bronchiques, tan(hs que les leucocytes ne varientpasdans les pneumo-
nies, sans lésions ganglionnaires. Nous voudrions voir ces assertions justifiées par
des observations cliniques bien prises; aous demandons aussi comment on peut, au,
trement que par l'autopsie, distinguer lespneumonies qui s'accompagnent d'hyper,
plasie ganglionnaire, et celles qui n'en sont pas accompagnées, à moins qu'il ne
s'agisse de la pneumonie dite caséeuse, c'est-à-dire de la phthisie, et particulière-
ment de la phthisie bronchique?
La diphthérie a été signalée par M. Bouchut {Traité des maladies des nouveau-
nés. S** édition, 1868, p. 892) comme une cause de leucocythémie aiguë. Le même
auteur a cité récemment deux observations nouvelles {Comptes rendus de la so-
ciété de biologie, 7 juin 1868, et Gaz. médicale, 1868, p. 357) de croup compli-
qué de broncho-pneumonie et d'albuminurie, où la leucocythémie a été constatée
du vivant des malades, et sur le sang des cadavres. La leucocythémie indiquerait
toujours un état grave dans le croup, mais compliquée d'albuminurie, elle indi-
querait un cas désespéré. L'auteur explique le développement de la leucocythé-
mie aiguë par la résorption diphthérique analogue à la résorption purulente et
à la lièvre puerpérale.
Virchow note aussi la leucocytose chez les cancéreux « lorsque l'irritation des
536 LEUCOCYTHÉMIE (oivision).
ganglions se manifeste» c'est-à-dire lorsque le cancer se généralise. Les cas de
cancer généralisé ont dû être plus d'une fois confondus avec les cas de leucocy-
Ihéniie lymphatique et d'adénie.
! Enfin nous avons nous-mème trouvé récemment une augraenlation notable
des globules blancs dans un cas de cirrhose du foie avec ascite, sans hypertrophie
glandulaire appréciable.
En résumé, la leucocythémie symptomatique, la leucocythémie aiguë, la leuco-
cytose de Yirchow se montrent, dans des cas pathologiques très-divers, indi(|uant
ordinairement une atteinte profonde de l'économie, tantôt des cachexies profondes
qui épuisent le sujet, tantôt dans des maladies infectieuses à marche rapide, à
terminaison souvent fatale, et accompagnées de déterminations morbides multi-
ples et très-variées. Vouloir chercher dans tous ces faits les glandes lympatliiques,
nous paraît un point de vue systématique et étroit. Notre ignorance au sujet de
l'évolution des grandes pyrcNies est trop grande encore pour que nous puissions
incriminer tel élément aux dépens de tel autre d'une manière absolue : ce serait
com[;romettre une vue de res[;rit, juste en elle-même d'une manière générale,
que de lui attribuer une influence exclusive. 11 faut, en pareille matière, se garder
des conclusions prématurées. Bornons-nous donc à reconnaitre que la leucocythé-
mie symptomatique, ou temporaire, se rencontre dans un grand nombre d'alfec-
tions, qui ont pour caractère commun d'apporter un trouble considérable à la nu-
trition générale, et que la nutrition comprend un ensemble trop complexe pour
admettre, quant à présent, des interprétations théoriques aussi précises.
VI. Diagnostic. Le diagnostic de la leucocythémie repose avant tout sur
l'examen microscopique du sang. Quelle que soit en effet la manière dont on en-
visage cet état pathologique, soit que l'on veuille y voir une maladie toujours
idiopathique et primitive, soit une maladie secondaire, soit seulement une altéra-
tion du sang, commune à plusieurs affections, quelle que soit en un mot l'idée
théorique que l'on ait adoptée à ce sujet, il est indispensable, pour étabh'r qu'on a
bien affaire à un cas de leucocythémie, de constater tout d'abord le fait matériel
de l'augmentation proportionnelle des leucocytes dans le sang, tout comme il est
nnpossiblede parler d'albuminurie sans avoir constaté la présence de l'albumine
dans l'urine : or ce fait matériel ne peut être constaté que par le microscope.
Ainsi l'hypertrophie de la rate ou du foie, la présence de tumeurs lymphatiques,
les hémorrhagies sous-cutanées, les hydropisies, l'état cachectique ou tout autre
symptôme sont insuffisants pour établir le diagnostic, puisque ces symptômes se
rencontrent dans beaucoup d'états morbides où le sang ne présente pas l'altéra-
tion spéciale qui nous occupe. L'examen superficiel du sang lui-même est encore
insuffisant, la coloration livide, la diftluence, l'aspect laiteux du sérum, la pré-
sence de caillots décolorés , tout cela, comme les symptômes cliniques que
nous venons de rappeler, ne constitue pas autre chose qu'une présomption qu'il
peut y avoir leucocythémie, mais on ne pourra prononcer ce mot avec certitude
que lorsque le microscope aura démonti'é que les leucocytes (globules blancs ou ;
globulins) ont augmenté de proportion d'une manière notable ; il faut donc tout ■
d'abord nous reporter à ce que nous avons dit précédemment des cai'actères du
sang, de la quantité proportionnelle des éléments blancs et des globules rouges,
et des modincations de volume que peuvent présenter ces globules. Ajoutons que
dans l'état actuel de la science, il n'est plus permis d'attendre la mort du malade
pour constater l'altération du sang dans une nécropsie, mais que le médecin devra
toujours, dès qu'il aura des présomptions de leucocythémie, examiner ou faire
LEUCOCYTHÉMIE (diagnostic). 557
examiner directement le sang du malade, puisqu'il suffit d'une gouUelette do
sang obtenue par une piqûre d'aiguille pour obtenir un renseignement suffisant
sur l'état du fluide nourricier. C'est d'ailleurs un esamen facile, et que tout mé-
decin doit èlre en état de pratiquer, tout comme d sait procéder à celui d'une
urine qu'il suppose cbargée d'albumine ou de glycose.
Parmi les diverses espèces de leucocythémie que nous avons énumérées, il en
est d'abord un groupe tout entier, oii la présence des globules blancs en excès
sera le seul fait à constater, par exemple dans les cas de fièvre puerpérale, d'in-
fection purulente, de diphthérie, de fièvre typhoïde, en un mot dans les cas de
leucocythémie symptomatique, ou passagère (leucocytose) oîi l'altération du sang
n'est qu'un épiphénomène, après tout assez secondaire, au milieu d'un ensemble
pathologique marqué de traits bien autrement importants. La présence des glo-
bules blancs en excès n'a d'importance qu'au point de vue d'un pronostic assez
éloigné, tandis que d'autres éléments bien plus directs vont décider du salut du
malade.
11 n'en est pas de même dans les cas de cachexie chronique, surtout dans celles
qui s'accompagnent d'hypertrophie de la rate ou du foie, ou de tumeurs lymphati-
ques. Ici il importe au plus haut point de reconnaître si l'on a affaire à un
simple état d'appauvrissement du sang consécutif à une cause quelconque d'é-
puisement, ou à cette altération spéciale, qui va devenir elle-même une cause
d'aggravation dans les symptômes du malade, une cause d'accidents nouveaux
(hémorrhagies multiples, etc.), et déterminer un pronostic jusqu'à présent
fatal.
Il importe donc de rappeler les maladies qui se rapprochent le plus de la leuco-
cythémie idiopathique, et de marquer les différences qui peuvent les distingue!
de celle-ci, en dehors de l'examen microscopique, qui, nous ne saurions trop le
répéter, sera toujours la condition indispensable d'un diagnostic précis.
En première ligne, nous placerons l'hypertrophie de la rate. Les premiers au-
teurs, qui, de nos jours, ont étudié la leucocythémie, se sont attachés à distin-
guer de cet état morbide, les cas d'hypertrophie de la rate bii le sang ne présen-
tait pas l'altération caractéristique: de bonne heure, on a reconnu que la sépara-
tion, qu'on avait cru pouvoir établir entre les hypertrophies spléniques de cause
palustre et la leucocythémie n'avait pas assez de fondement . Les cas sont aujourd'hui
nombreux dans la science, où l'on a constaté avec précision des antécédents pa-
lustres, une rate hypertrophiée et l'état leucocythémique du sang. Le microscope
peut seul résoudre la question, les symptômes cliniques ne le pourraient, car la
science ne peut encore dire pourquoi certaines hypertrophies spléniques amènent
la leucocythémie, et pourquoi d'autres ne l'amènent pas. Il faut ù toutes les épo-
ques de la maladie, rechercher au moyen de cet instrument, s'il n'y a pas accu-
mulation de leucocytes dans le sang, puisqu'on a vu souvent cette accumulation
se produire|tardivement dans des cas, où, dans les premiers temps, le sang avait
présenté sa constitution normale.
h'adénie, décrite par Trousseau {Clinique de V Hôtel-Dieu, 2= édit., t. lil,
p. 578 et suivantes), c'est-à-dire V hypertrophie cjangHoimaire généralisée sans
lencocjjlhémie, ou Vanémie lymphatique des Anglais, présente une telle ressem-
blance avec la leucocythémie lymphatique que les caractères chniquos ne peuvent
suffire ù les séparer nettement sans l'examen microscopique du sang. On peut
dire que l'adénie est caractérisée cliniqucment par le développement d'une tumeur
ganglionnaire, apparaissant le plus ordinairement à la région .sous-maxillaire; que
DICT. EKC. -2" S. IL 22
338 LEICOCYTIIÈMIE (diagnostic).
cette tumeur est souvent (4 fois sur 12, selon Trousseau), consécutive à une
tumeur lacrymale, un coryza chronique et uneotorrhée, siégeant du même côté;
que l'adénie généralisée survient consécutivement dans un délai plus ou moins
rapide sous l'influence d'une diathèse spéciale ; que les tumeurs ganglionnaires du
cou, et celles des ganglions bronchiques sont peut-être plus prononcées que dans
la leucocythémie lymphatique, et, par suite, l'asphyxie par compression des voies
aériennes, plus fréquente. En se reportant aux 'observations que Yirchow a don-
nées de la leucocythémie lymphatique, à ce qu'il dit de sa marche par explosions
successives, on voit combien il y a d'analogie entre les deux maladies. L'examen
microscopique du sang peut seul décider. Si l'on se rappelle l'étiologie fort obscure
des deux maladies, le caractère progressif et fatal qu'elles présentent toutes les
deux, les tumeurs de la rate, les hémorrhagies qui apparaissent dans l'une comme
dans l'autre, l'analogie devient encore plus grande; et, si l'on réfléchit que dans
un grand nombre d'observations d'adénie le sang n'a pas été examiné dans les
derniers temps, on peut se demander s'il y a une différence réelle entre les deux
cachexies, et si l'adénie n'est pas seulement une leucocythémie lymphatique dans
laquelle la lésion du sang tarde à se produire, comme on le voit par exemple
dans l'observation de Yirchow {Arch., t. V, p. 390, et Gesam. AbJiandl.,
p. 199), où les tumeurs ganglionnaires ont existé plusieurs années avant qu'on
eût constaté ladyscrasic sanguine? Nous avons vu récemment à l'hôpital de la
Pitié un malade chez lequel nous avions sans hésiter porté le diagnostic : adénie,
car avec des tumeurs ganglionnaires énormes au cou, aux aisselles, aux aines,
avec une rate qui à la percussion ne paraissait pas hypertrophiée, avec des accès
de dyspnée et des menaces de suffocation, le microscope avait fait voir que le sang
ne contenait pas de leucocytes en Mombre anormal. Pendant quelques semaines,
le diagnostic sembla confirmé ; puis survinrent des hémorrhagies multiples, et
le sang, examiné de nouveau par M. Fiobin, présenta cette fois 5 fois plus de
globules blancs qu'à l'état normal. Le malade mourut queîqLies jours après.
jN'est-il pas clair que, si un accès de suffocation causé par la compression des
bronches l'avait enlevé deux semaines plus tôt, le cas aurait passé pour un des
types les mieux caractérisés de l'adénie, tandis qu'aujourd'hui nous sommes
obligés de l'inscrire au compte de la leucocythémie lymphatiaue? [Soc. méd. des
hôp., juin 1 869 .) Nous croyons donc que dans l'état actuel de la science la lumière
est loin d'être faite sur cette question ; que de nouvelles études cliniques doivent
être poursuivies pour décider si les deux cachexies, leucocythémie et adénie,
doivent être définitivement séparées ou réunies, et qu'en ce moment le diagnostic
différentiel de ces deux états morbides se borne à la constatation d'un fait brut :
l'augmentation des leucocytes, ou leur nombre normal.
11 est à peine nécessaire d'établir le diagnostic entre la leucocythémie lympha-
tique et la scrofule. La première ne présente que des tumeurs ganghonnaires,
ordinairement indolentes, sauf au moment de leur développement par saccades,
et qui n'arrivent pas à suppuration. La scrofule pi'ésente de véritables adénites
suppurantes, donnant lieu à des abcès, à des fistules, sans parler du cortège sans
nombre des manifestations cutanées ou osseuses, qui l'accompagnent et ne se
retrouvent pas dans la leucocythémie. Ajoutons que la scrofule est une diathèse
de l'enfance, qui a ordinairement épuisé son action sur les glandes lymphatiques
à l'époque où apparaît en général la leucocythémie lymphatique. D'ailleurs, l'exa-
men du sang tranchera la question, si elle était douteuse.
Y a-t-il lieu d'établir le diagnostic différentiel entre la leucocythémie et les cas
LEUCOGYIUEMIE (diagnostic). 55'J
de sang blanc des anciens auteurs? En nous reportant à ce que nous avons dit
au commencement de cet article, il est évident tout d'abord qu'iin y a aucune
assimilation possible entre l'état morbide qui nous occupe et les cas oîi le sang
devient laiteux d'une manière physiologique pendant le travail de la digestion :
il ne s'agit là que d'un fait essentiellement transitoire et tout à fait normal. On
ne peut être aussi affirmatif en ce qui concerne les cas où le sang d'une saignée
est sorti blanc de la veine, et où le mtilade présentait différents troubles de la
sauté, et particulièrement de l'appareil respiratoire. {Voij. la note 2, p. 285.) Tout
ce qu'on peut dire, c'est que ces cas paraissent avoir été de très-courte durée,
s'être ordinairement tei^minés par une prompte guérison, et qu'ils n'ont aucune
analogie tout au moins avec la cachexie lymphatique, ou les tumeurs viscérales qui
accompagnent presque constamment la leucocythémie de Virchow et de Bennett.
Il est vrai de dire que ces cas de sang blanc restent encore à l'état de curiosités
scientifiques, sur lesquelles nous manquons de renseignements suffisants. Dans
la plupart d'entre eux, la cause de l'état laiteux du sang a bien paru tenir à la
présence d'une quantité anormale de matières graisseuses dans le sang (lipœmie),
mais nous ne pourrions affirmer qu'il n'y ait pas eu en même temps augmentation
des leucocytes, puisqu'ils n'ont pas été cherchés avecle microscope, et que nous
savons d'autre part que dans des cas de leucocythémie bien constatée, le sérum a
présenté aussi un état blanchâtre, et une proportion considérable de graisse
(obs. Blache, Isambert et Robin, 1855). On peut penser, en effet, que les deux
altérations ont coïncidé plusieurs fois, notamment dans le cas de M. Caventou
que Virchow n'hésite pas à ranger parmi les cas de leucémie, et dans celui de
Mareska qui a recueilli sur un filtre de linge des grumeaux albumineux, lesquels
sont peut-être identiques avec la fibrine granuleuse que nous avons notée nous-
mêmes (obs. d'isambert et Robin, 1855 et 1858).
Quoi qu'il en soit, c'est encore l'examen microscopique et chimique du sang
qui décidera la question. Dans le sang chyleux (lipœmie), le sérum est blanchâtre,
mais c'est par suite du mélange avec une certaine quantité de graisse. « Si l'on
défibrine le sang chyleux, il ne se forme pas un sédiment blanchâtre, mais une
couche crémeuse à la surface. » (Virchow, Pai/i. ceZfe/.,traduct. Picard, p. 440.)
Dans la leucémie, les globules blancs se précipitent et forment une couche blan-
châtre au-dessus de la couche des globules rouges.
Le diagnostic de la leucocythémie ne consiste pas seulement à distinguer cet
état morbide de ceux qui pourraient lui ressembler : il faut aussi, la dyscrasie san-
guine étant constatée, préciser l'espèce ou variété à laquelle on a affaii-e. En se
reportant à ce qui précède, on voit que la question n'est pas ordinairement diffi-
cile à résoudre. La leucocythémie idiopathique est caractérisée par sa marche
chronique et progressive, par l'absence de toute grande pyrexie ou maladie in-
fectieuse pouvant donner naissance à la leucocythémie temporaire; les deux va^
riétés splénique et lymphatique se distinguent suffisamment, comme leur nom
l'indique, d'une part par la prédominance des tumeurs viscérales, de la rate et du
foie; et d'autre part, par celle des tumeurs ganglionnaires externes ; cependant,
comme les cas mixtes sont beaucoup plus nombreux que les cas de leucocythé-
mie lympbatique toute pure, la dénomination de variété lymphatique sera quel-
quefois difficile à établir dans la pratique. La différence de la dyscrasie sanguine,
prédominance des globules blancs dans la première, et des globulins dans la
seconde, aidera jusqu'à un certain point à juger la question; mais nous avons vu
plus haut qu'il n'y avait pas là de caractère différentiel absolu, et nous mainte-
340 LEUCOCVlJibJiiL (diagnostic).
nous les réserves que nous avons posées à cet égard. Quant aux formes symptô-
niatiques, forme cacliectique progressive, ou forme bémorrhagique, elles appar-
tiennent à l'une et à l'autre variété, et la niarcLe seule de la maladie pourra l'in-
diquer; les hémorrhagies pouvant d'ailleurs apparaître à la fin de ce qui semblait
une forme cacbectiqne bien déterminée.
La variété intestinale que M. Béhier veut établir (î)0?/. ci-dessus) serait beaucoup
plus difficile à diagnostiquer, et, même en admettant que la dyscrasie sanguine
soit déjà reconnue du vivant du malade, il serait très-ilifficile en l'absence de tant
de symptômes négatifs, d'affirmer une lésion intestinale de nature lympboïde, et
de la distinguer d'une cachexie liée à quelque lésion profonde, cancéreuse ou tu-
bei'culeuse ou à la cirrhose du foie, puisque ces maladies s'accompagnent quelque-
fois de leucocythémie.
Quant à la leucocythémie symptomatique et temporaire, et aux espèces diffé-
rentes qu'on pourrait être tenté d'établir dans ce groupe, ce n'est pas évidemment
la leucocythémie qu'il faut envisager, mais bien la maladie qui lui donne nais-
sance. C'est la fièvre puerpérale, la pyohémie, la dysenterie, la fièvre typhoïde
qu'il s'agira de reconnaître bien plus que la leucocythémie; il est inutile d'in-
sister davantage sur ce point. Une question beaucoup plus difficile à résoudre
dans quelques cas serait celle de savoir si l'on a réellement affaire à une leucocy-
thémie symptomatique, ou bien à une leucocythémie compliquée d'une autre
maladie. Trois observations de notre relevé nous présentaient cette difficulté et
nous laissent encore dans l'indécision. Dans l'une d'elles (obs. de Bauer, 1859,
Gaz. hebdorn., 1860, p. 171), on voit la leucocythémie survenir après un érysi-
pèle suivi d'une néphrite albumineuse aiguë, et pendant le cours d'une série
d'accidents graves qui se déclarent après celle-ci, tels qu'une arthrite suppurée,
des abcès profonds de la cuisse qui se répètent et mettent le malade dans l'état
le plus grave. Ne s'agit-il pas là d'une leucocythémie symptomatique de l'infec-
tion purulente? on peut le soutenir, et cependant la proportion des globules
blancs dépasse de beaucoup celle que l'on rencontre habituellement dans les leu-
cocythémies symptomatiques : au lieu d'atteindre seulement o ou 4 fois leur
chiffre normal, les globules blancs, et les globules rouges sont dans un rapport
inverse du rapport normal; de plus, l'altération du sang persiste jusqu'à la mort,
sans que les globules blancs cessent de représenter au moins 50 pour 100 des
globules blancs.
Dans une autre observation (obs. II de M. Gubler, Soc. méd. des hop., 1859,
p. 314), ou voit aussi la dyscrasie sanguine survenir à la suite d'une albumi-
nurie, mais cette fois, c'est une maladie de Bright véritable avec complica-
tion de vomissements bilieux, puis d'épistaxis, d'hématéraèses et d'hémoptysies,
et l'altération du sang, cherchée plusieurs fois inutilement, apparaît brus-
quement, en quarante-huit heures, dans la période ultime de la maladie.
Ne s'agit-il pas là d'une leucocythémie symptomatique de la maladie de Bright?
Dans un autre casdu même auteur (obs. 1, Soc. méd. des hôp. 1858, p. 311),
on voit la leucocythémie survenir à la fin d'une cachexie palustre consécutive à
des fièvres intermittentes contractées en Afrique, et qui se reproduisent encore
sans intermission; il y a aussi hypertrophie considérable de la rate. L'altération
du sang se montre comme dans le cas précédent, à la période ultime, et brus-
quement en quelques jours, la proportion des globules atteint un chifl're considé-
rable (5 à 6 fois plus qu'à l'état normal). Nest-ce pas encore là une leucocythé-
mie symptomatique, d'une fièvre palustre? les circonstances de son développement
LEUCOCYTIIÉMIE (rr.oNOSTic). ail
répondraient : oui; mais en considérant le chiffre élevé des globules blancs et ea
se rappelant le nombre assez considérable de cas où la cachexie palustre a pré-
paré de longue date la leucocythémie splénique, on peut aussi répondre non.
On voit qu'il y a des cas, et ce ne sont pas les seuls que nous pourrions citer,
où la question du diagaostic des espèces dans la leucocythémie présente des difti-
cultés très-sérieuses.
Peut-être faudrait-il s'en tenir à la constatation des faits cliniques, et dire que
nous ne savons pas encore bien jusqu'à quel chilfre la proportion des globules
blancs peut être portée dans les leucocythémies symptomatiques, et que celles-ci
peuvent être sujettes à des exacerbations brusques, comme on eu a constaté sou-
vent dans les cas de leucocythémie idiopathique les mieux caractérisés.
Les questions que nous venons d'agiter pourront paraître bien subtiles, et l'on
peut tout d'abord se demander quelle utilité il peut y avoir à les poser? Nous
allons voir cependant qu'elles ne sont pas sans importance au point de vue du
pronostic.
Vil. Pronostic. D'après ce que nous avons dit de la terminaison de la leuco-
cythémie idiopathique ou à forme progressive, le diagnostic de cette maladie en-
traîne un pronostic presque fatal. Nous disom presque, parce que nous ne vou-
lons pas désespérer de l'avenir de la thérapeutique et des ressources infinies delà
nature, mais si l'on s'en tient aux faits observés, la leucocythémie progressive
étant une fois reconnue, qu'elle qu'en soit d'ailleurs la variété ou la forme, il
faut attendre la mort dans un délai plus ou moins prochain. Il en est tout au-
trement des leucocythémies symptomatiques : elles sont temporaires, elles sont
guérissables si la maladie qui les' a occasionnées est elle-même guérissable. L'é-
rysipèle, la fièvre typhoïde, la dysenterie, la diphtliérie, le choléra lui-même
offrent un chiffre considérable de guérisons. Ici c'est avant tout la mortalité de la
maladie principale qu'il faut en'iisagcr. Toutefois l'apparition de la leucocythé-
mie dans le cours d'une maladii; générale, apporte toujours uu pronostic grave.
Nous avons déjà rapporté l'opinion de M. Bouchut relativement à la leucocythémie
qui se montre dans les angines diphtbériques : la dyscrasie sanguine indique la
résorption du poison morbide, et la généralisation de l'affection. Selon M. Bou-
chut, s'il y a leucocythémie sans albuminurie, le pronostic est grave, mais il est
désespéré s'il y a à la fois leucoi-.ythémie et albuminurie.
Nous avions donc tout à l'heure un intérêt très-réel à rechercher s'il s'agis-
sait bien toujours d'une leucocrythémie progressive, splénique ou lymphatique,
qui serait fatale, au lieu d'une leucocythémie symptomatique qui serait suscep-
tible deguérison. Dans l'observation de M. Bauer que nous citions tout à l'heure
par exemple, l'albuminurie aiguë, l'érysipèle étant déjà guéries, n'aurait-on pas
pu, si le traitement chirurgical avait pu tarir cette suppuration prolongée de la
cuisse, espérer qu'on guérirait t.ussi la leucocythémie? Il est vrai que le chiffre
élevé des globules blancs, plu» de 50 pour iOO, était une circonstance très-ag-
gravante. Mais dans le seconde observation deM.Gubler où nous voyonsla leucocy-
thémie siunenir brusquement, à une période avancée d'une cachexie palustre,
qui présentait encore des accès de fièvre, ne pouvait-on espérer la guérison?
C'est sans doute un cas de cette nature, qui est rapporté par le docteur Farre, et
qui fut observé à San Bartliolomeivs Hospiial. {Tlic Lancel, 1861, vol. II, p.
10.) On reconnut une leucocythémie avec une hypertrophie de la rate consécu-
tive à une intoxication palustre, le malade fut traité par le fer et le quinquina,
et l'on vit disparaître complètement sa tumeur et la leucocythémie. Evidemment,
."i2 LEUCOCVTHÉMIE (traitement).
il ne s'agit lu que d'une leucocytliémie symptomatiquc, car on s'accorde à re-
connaître que dans la leucocytbémie splénique on n'obtient pas la diminution
de volume de la rate par le quinquina administré avec la plus grande persévé«
rance.
' Toutefois, comme il y a là un point de diagnostic et de pathogénie toujours dou-
teux, on peut concevoir un pronostic moins désespéré dans les cas de leucocylhé-
mie splénique, où l'on retrouve avec certitude une origine palustre. Le chiffre pro-
portionnel des globules blancs donnera assez bien la mesure du degré d'espérance
que l'on peut conserver, une proportion considérable indiquant une cachexie très-
grave que la thérapeutique sera le plus souvent impuissante à modifier.
Enfin, la leucocytbémie progressive et fatale étant reconnue, il sera toujours
important de prévoir à peu près le temps pendant lequel pourra se prolonger la
vie du malade. C'est ce que l'on pourra apprécier avec le tact ordinaire du médecin
par l'aggravation, et surtout par la continuité des principaux symptômes de la
cachexie, de la diarrhée, des vomissements, de la dyspnée, ou des différentes
complications viscérales qui se produisent. 11 suffit, pour cela, de se reporter à ce
que nous avons dit de la marche, du mode de terminaison et des différentes for-
mes ou variétés de la maladie. La forme bémorrhagique indique un danger plus
immédiat, une terminaison plus rapide que la forme cachectique. Dans la variété
lymphatique, on peut, en dehors de toutes les autres causes de mort, craindre
particulièrement la suffocation par compression des voies respiratoires. Enfin, dans
toutes les formes et dans toutes les variétés, il faut toujours réserver son pronostic
et craindre une terminaison r^apide par l'arrivée d'une de ces exacerbations, dont
nous avons parlé, et même la mort subite par syncope.
YIII. Traînement. Les traitements les plus divers ont été appliqués sans succès
à la leucocytbémie progressive; on n'a pas encore trouvé de traitement curatif de
la leucocytbémie elle-même, on se borne h. faire la médecine des symptômes. Le
champ reste donc ouvert à toutes les tentatives thérapeutiques; toutefois, il y a
une indication qui doit dominer tous les essais que l'on pourra faire à cet égard,
c'est que la médication doit être avant tout tonique et reconstituante.
Les émissions sanguines ont été employées quelquefois au début, les premiers
cas que l'on a rencontrés (obs. de Craigie, J842) ayant présenté un état fébrile
assez marqué. D'autres médecins ont encore employé la saignée locale, espérant
résoudre de cette façon les tumeurs viscérales, celle du foie notamment (observ.
Oppolf er , 1 859 ), ou les tumeurs lymphatiques enflammées et douloureuses . Mais il
a fallu bien vite renoncer à cette médication en présence de l'état cachectique des
malades, et des hémorrhagies multiples qui tendent à se produire. On peut dire
aujourd'hui que cette méthode doit être proscrite avec énergie, et qu'il faut être
véritablement avare du sang de son malade.
Les médicaments alcalins, et surtout l'iodure de potassium, ont été employés
au début, dans l'espérance d'obtenir la résolution des hypertrophies de la rate et
du foie. Cahen a eu raison de critiquer avec une certaine véhémence [Bull, de la
Soc. me'd. deshôp., t. Ill, 1856, p. 71) le traitement antirationnel qui avait été
infligé à un des malades de l'hôpital de la Charité de Berlin (obs. du nommé Hans,
Virch., Arch., t. II, p. 587). Notre confrère des bords de la Sprée avait, en effet,
prodigué sans mesure les applications de sangsues, l'iodure de potassium poussé
jusqu'à produire la saturation alcaline, les onctions avec l'onguent napolitain, les
diurétiques, tous les moyens qui étaient de nature à exagérer la dyscrasie san-
guine, à débiliter le malade et à provociuer les hémorrhagies. Il n'avait vu en effet
LEUCOCYTHÉîlIE (traitement). 3i3
qu'un point à obtenir, la résolution des tumeurs, mais il était difficile d'insli-
tuer uns thérapeutique qui méconnût i\ ce point les indications les plus for-
melles : n'allait-on pasjusqu'à appliquer des sangsues dans les narines pour com-
battre un simple symptôme, la céphalalgie, chez un malade qui avait auparavant
présenté des épistaxis si graves qu'il avait fallu recourir au tamponnement?
Bennett et Craigie s'étaient montrés meilleurs cliniciens dès leurs premières
observations ; s'ils avalent employé l'iode dans l'espérance de résoudre les tumeurs,
c'était au moins l'iodnre de fer qu'ils avaient prescrit. Ce médicament paraît en
effet la seule préparation iodée que l'on puisse se permettre. Encore faut-il y
mettre une grande prudence, et en borner les indications. Ce que nous savons des
lésions de la rate et du foie doit nous laisser peu d'espérance de les modifier par
le traitement ioduré. Les tumeurs lymphatiques sont celles qui paraissent indiquer
lo mieux les préparations d'iode, mais il résulte des faits observés jusqu'à ce jour,
que l'on n'obtient ordinairement aucun résultat favorable, et que si, dans quel-
ques cas, on a vu diminuer les tumeurs lymphatiques, on a vu en même temps,
ou s'aggraver l'état général, ou apparaître des accidents viscéraux (obs. Grisolle
et Hémey; obs. Vigier). Dans un cas récent (obs. 1869) oià nous avions diagnosti-
qué une adénie, et non pas une leucocythémie (l'examen du sang avait été fait),
nous avions cru pouvoir prescrire une petite quantité d'iodure de potassium.
Quelques jours après, des épistaxis avaient lieu, on constatait l'apparition de lu
dyscrasie sangnine, et nous nous liùtions d'abandonner une médication qui pou-
vait être funeste. On voit combien il faut être sobre de la médication iodurée,
même dans les cas où elle paraîtrait indiquée par les tumeurs ganglionnaires, et
comment il ne finit jamais perdre de vue l'état général du malade pour sacrifier
à quelque idée systématique. Le bromure de potassium a été employé une fois
sans succès (relevé de M. Vidal).
Le mercure a été donné à l'iiitérieiir, jusqu'à salivation, à trois malades (même
relevé). On l'aeznployé également en onctions exter-nes, toujours dans l'espérance
de faire fondre les tumeurs. Ce médicament présente des inconvénients analogues
à ceux de liodure de potassium et des alcalins.
Le traitement par le quinc[uiua, et le sulfate de quinine , semblait indiqué
tout naturellement dans la leucocythémie splénique par l'hypertrophie de la rate
et du foie. Ce traitement a été employé avec une grande persévérance par un
grand nombre d'observateurs; 9 fois sur 52 (relevé de M. Vidal) on l'a donné sans
succès, même à haute dose.
M. Vigla notamment (obs. Il, donnée in extenso par M. Vidal, oiivr. cité,
p. 25), a donné le sulfate de quinine à la dose énorme de 2 grammes, 28'', 50
pendant quinze jours, et, ni lui, ni les autres n'ont vu diminuer la rate ou le
Ibie, comme on le voit dans l'intoxication palustre. Ce tiaitement est également
resté sans action sur les autres symptômes et sur la marche de la maladie. Ce
n'est donc pas le sulfate de quinine, ce n'est pas le médicament antipériodique,
antipalustre, c'est le quinquina en nature, le médicament tonique qu'il faut em-
ployer. Le quinquina, sous toutes ses formes, vin, extrait, poudre, présentera
toujours la plus grande utilité. Il soutiendra les forces du malade, maintiendra
les fonctions digestives et, enfin dans le cas où la maladie reconnaîtrait une ori-
gine palustre, il combattra utilement ce qui pourrait rester de l'ancienne intoxi-
cation. Nous avons mentioimé ci-dessus l'observation du docteur Farre, où le trai-
tement a réduit la tumeur splénique et guéri la leucocythémie. Il s'agissait ici
sans doute d'une leucocythémie symptomatiqne, mais on peu* souvent espérer
3i4 LEUCOCYTHÉMIE (traitement).
qu'il en est ainsi, et l'on ne court aucun risque en appliquant à la cachexie leu-
cocythémique le traitement de la cachexie paludéenne.
Le fer est certainement indiqué dans la leucocythémie par ses propriétés
toniques, et par l'action que nous lui voyons exercer sur la crase du sang dans la
chlorose. Un médicament qui semble, comme celui-là, exercer une action réelle
sur la formation des globules rouges, ne saurait être négligé dans une maladie
nù ceux-ci tendent à disparaître. Le fer a donc été donné 0 fois sur 32 (relevé de
M. Vidal), et depuis par plusieurs observateurs. Il n'a pas guéri la maladie, mais
il a paru plusieurs fois produire de bons effets, soutenir les forces du malade,
diminuer l'aspect cachectique (ohs. de Trousseau, etc.). Les préparations de fer
que l'on devra préférer sont celles qui sont d'une assimilation facile, et ne déter-
minent pas de troubles digestifs, comme le citrate, le phosphate de fer, le tartrate
ferrico-potassique. Enfin lepercblorure de fer est indiqué formellement dans les
formes hémorrhagiques, et doit être donné, à l'intéi'ieur, à la dose de 15 à 20
gouttes dans une potion gommeuse, et à l'extérieur eu applications topiques sur
les points où les hémorrhagies se produisent.
h' arsenic a été employé comme tonique. Oppolzer administrait la liqueur de
Fowler. Récemment M. Bourdon donnait l'eau de la Bourboule. Cette médication
a échoué comme les autres.
Grisolle semble s'être loué des bains salés, des bains sulfureux, et des douches
froides : celles-ci notamment ont paru faire diminuer les engorgements ganglion-
naires. On pourrait, dans cet ordre d'idées, et quand la cachexie n'est pas encore
trop grande, conseiller les eaux salines naturelles de Creuznach, de Nauheim, de
Salins (Jura), les eaux salines et sulfureuses d'Uriage, les bains de mer, ou l'hy-
drothérapie méthodique.
Tous les symptômes de la maladie devront être combattus pied à pied à me-
sure qu'ils paraîtront. Les hémorrhagies seront combattues énergiquement par
le perchlorure de fer, le seigle ergoté, les applications froides, le tamponnement.
La diarrhée colliquative par le bismuth, les astringents, le tannin, la ratanhia,
les opiacés.
L'anorexie sera combattue par les amers. Les vomissements par les boissons
glacées, les applications narcotiques sur l'épigastre, ou les vésicatoires volants, au
besoin par l'ipécacuanha, si le malade présentait des signes d'embarras gastrique
ou d'ictère.
La constipation ne devra être combattue qu'avec précaution, et seulement par
des lavements ou des purgatifs très-doux, car on doit toujours craindre de provo-
quer une diarrhée que l'on ne pourrait plus arrêter. Aussi sera-t-on fort embarrassé
parleshydropisies,par l'ascite notamment ou l'œdème des extrémités. On ne peut
guère espérer de voir disparaître, sous l'influence des purgatifs hydragogues, des
épanchements qui sont occasionnés par la compression directe qu'exercent sur les
veines abdominales des tumeurs volumineuses, ainsi que par la gêne de la circu-
lation cardiaque compliquée d'une dyscrasie sanguine, dont l'un des éléments
principaux est la diminution de l'albumine. Les diurétiques, le nitrate de potasse
notamment ont des inconvénients analogues à ceux des alcalins. Les bains de va-
peur, les fumigations sèches auraient là une application utile.
Les accidents thoraciques ne pourront pas être combattus sans ménagements
par le tartre sfibié. La digitale, l'alcool, les vésicatoires volants devront leur être
préférés. Enfin Mosler a pratiqué avec succès la transfusion du sang chez deux
malades épuisés par des hémorrhagies.
LEICOCYTUÉMIE (iMiysioLociE p.niioLOfi ique). 5i5
Eu un mot, il faut traiter tous les symptômes graves, toutes les complicatious
siiivaut les règles ordinaires d'une médecine rationnelle, sans perdre de vue un
instant 1 état général du malade qui exige avant tout les toniques et les recon-
stituants.
L'hygiène, une habitation bien sèche et bien éclairée, des vêtements chauds,
une alimentation substantielle et réparative, des vins généreux ont une impor-
tance au moins égale au traitement pharmaceutique. Ce poiirt est si évident, et les
indications qui en découlent sont si claires, qu'il est inutile d'insister à cet égard.
En somme, faire très-attentivement la médecine des symptômes, insister surtout
sur la médication tonique, sur le fer, sur le quinquina, sur les bains salés, ali-
menter le malade, le soutenir par des vins généreux, du café, le mettre dans les
conditions hygiéniques les meilleures, telle est la méthode générale à employer
dans les cas de leucocythémie idiopathique ou progressive. On ne guérira pas le
malade, mais on le soutiendra et on le consolera.
Quant aux leucocythémies symptoraatiques, c'est avant tout la maladie pi'iiiri-
pale qu'il faut traiter. Mais la leucocythémie., qui s'ajoute aune affection le plus
ordinairement grave, est par elle-même une indication formelle de préférer les
médications toniques iî toute autre méthode.
IX. Théories de la leucocythémie, physiologie pathologique ou patho-
génie. Les premiers médecins qui ont rencontré des faits de leucocythémie n'ont
pas songé à faire de théorie; ils les ont signalés comme des raretés, ils ont tout
au plus cherché une explication applicable au cas particulier qu'ils envisageaient,
mais ils n'ont pas cherché une loi générale. Nous parlons bien entendu des cas de
leucocythémie véritable telle que nous la couHaissous aujourd'hui,' et non pas
des cas de sang blanc, ou chyleux pour lesquels, depuis Haller, on avait au con-
traire cherché une interprétation physiologique. {Voy. la note 2 de la page 285).
Craigie est le premier qui cherche à faire une théorie ; mais pour lui les con-
crétions blanchâtres sont du pus : il combat l'idée de phlébite généralisée, mais
il croit il une infection purulente ultime : c'est la pénétration du pus mêlé de
lynqshe dans le sang qui a déterminé la fièvre et la mort. D'où vient ce pus? à
peine peut-on signaler quelque point enflammé du côté de la veine mésaraïque.
Mais la rate est le siège d'une inflammation chronique, et c'est elle que Craigie
croit pouvoir mettre en cause. Pourtant il n'y avit pas d'abcès de larate; etdans
d'autres cas où il y avait suppuration de cette glande, on n'a pas vu le pus se
mêler au sang. Ici survient une théorie. L'auteur invoque le rôle physiologique de
la rate, c'est un organe érectile, où se produisent des congestions physiologiques
revenant périodiquement ; organe très-riche en réseaux veineux dont les orifices
béants sont aptes à entraîner les produits pathologiques. La suppuration de la rate
est très-rare, peut-être parce que le pus est rapidement emporté après sa forma-
tion, et promptement détruit. Dans le cas présent, il s'est produit tant de pus
qu'il y a eu accumulation dans la veine, et qu'il n'y a pas eu de dépuration.
{Edinb. med. and. surg. joiirn., 1845, t. LXIV, p. 400 et suiv.) 11 y a là un fait
important, c'est la relation établie entre la maladie de la rate et l'altération du
sang, mais on voit combien l'auteur est embarrassé pour expliquer la production,
et surtout l'accumulation de ce qu'il croit être du pus.
Dcnnett, dans la même publication (son observation et celle de Craigie ont
paru en même temps), croit aussi à l'inlcction })urulente, mais il n'est guère
moins embarrassé pour l'expliquer. 11 ne reconnait pas d'inflammation récente,
pas d'abcès locaux, mais il croit que du pus peut se produire dans la masse du
540 LEUCOC\'TIIÉMIE (physiologie pathologique).
sang, qu'il peut se former dans un blastème du Uquor sangidnis. Il cite Bichat,
Ribes, Gendrin, Andral, Bouillaud, Carswell, comme ayant affirmé la présence
possible de matière purulente dans le sang indépendamment de toute inflamma-
tion locale ou de tout abcès. Il est vrai qu'on n'avait pas vérifié la nature réelle
de cette matière purulente. Gulliver a le premier décrit ces concrétions blanches
comme de la fibrine ramollie. D'autre part, les leucocytes du sang ressemblent
étroitement à du pus, d'où quelques auteurs i-écents ont conclu que les corpus-
cules du pus étaient tout simplement un élément normal, et que les collections
intravasculaires trouvées après la mort, de matière en apparence purulente ne
sont que des caillots ramollis et sans couleur. Mais dans son observation, il s'agit
de véritable pus {voy. Historique); il n'a pas, il est vrai, examinéle sang pendantla
vie, mais c'est le passage du pus dans le sang qui a déterminé la fièvre ; il ne peut
dire oii il s'est formé, car il n'y a pas d'inllaramation, d'autre part il ne croit pas
ù l'hémite de M. Piorry, mais il croit à une transformation de blastème dans tout
le système et invoque les théories chimiques qui ont été émises avant lui sm- la
fièvre et les maladies infectieuses. [Edinb. med. and surg. journ. 1845, t. LXIV,
p. 413 et suivantes, remarques sur les observations citées.) Il est difficile de voir
dans toutes ces idées une théorie, l'auteur se débat pour expliquer des faits en
debors de tout ce qui est connu, mais il n'a la conception d'aucune loi précise.
M. Donné, dès l'année 1844, est beaucoup plus près de la vérité et entrevoit
une théorie véritable : l'altération du sang consiste dans une augmentation
des globules blancs normaux , et cette augmentation morbide est la consé-
quence d'un trouble dans la genèse des globules rouges , dans un arrêt de
développement , qui empêche la transformation de ces globules blancs en glo-
bules rouges. 11 ne met pas directement la rate eu cause, mais cette influence
résulte complètement de ses recherches antérieures sur la physiologie de la rate ;
en revanche, il considère l'augmentation des globules blancs d'une manière
jilus générale que Yirchow ne le fera ensuite, il l'attribue à un trouble de toute
réconomie, portant surtout sur la nutrition et l'assimilation, idée plus conforme à
celle qui tend de plus en plus à s'établir, au moins parmi nous. On verra plus
loin [voij. riisTor.iQUE) comment M. Donné serait bien plus fondé que MM. Benuett
et Craigie à revendiquer la priorité de la découverte.
Yirchow, dès son premier travail, met la rate en cause (i>Oî/. Historique) et établit
une liaison directe entre les fonctions physiologiques, hématopoétiques de cet or-
gane et la maladie spéciale dont il entrevoit l'existence. Ses mémoires, qui se suc-
cèdent rapidement, forment bientôt une doctrine, une théorie analomo-physiolo-
gique, qui subsiste encore aujourd'hui et réunit encore le plus grand nombre
d'adhérents, sauf à en retrancher quelques exagérations, et à en élargir le cadre.
II n'a pas de peine à réfuter, et à rejeter dans l'ombre la prétendue pyohémie
qu'ont cru voir Craigie, Benuett et Rokitansky. Rappelant les travaux de Nasse,
de Remak, vie Henle, de M. Donné, il établit que l'augmentation des globules blancs
se produit d'abord dans un grand nombre de circonstances physiologiques (gros-
sesse et abstinence) ou pathologiques (fièvre typhoïde, inflammations, pertes de
sang, fièvre palustre, bydropisies, phthisie pulmonaire), mais que la rate est l'or-
gane qui préside plus particulièrement à l'élaboration des corpuscules du sang ;
cependant son avulsion ne produit pas la leucémie. II combat d'abord l'idée de
Ciesker, que dans la rate ce sont les corpuscules deMalpighi, qui sont plus parti-
culièrement rehés au réseau lymphatique. Yirchow compare la circulation de la
rate à celle du placenta, Dans celui-ci, il existe de^ix systèmes vasculaires, celui
lEUCOGYTHKMIE (physiologie pathologique). 5i7
de la mère et celui du fœtus, sans communication directe, et cependant l'échange
de l'hématose se fait entre eux à travers les membranes perméables. Dans la rate,
les corpuscules de Malpighi, capsules closes, reçoivent de même une partie du
sang par endosmose, et rendent à leur tour au sang des produits nouveaux
(noyaux endogènes et cellules). On peut en dire autant de toutes les glandes
agglomérées, qui paraissent avoir de l'influence sur le développement des glo-
bules blancs et leur changement en globules rouges. Le liquide qui en sort
est-il de quelque importance pour le développement du sang; par exemple,
pour la transformation des corpuscules incolores en globules rouges ? il s'ensui-
vrait que les maladies qui amènent un changement réel dans ces relations de dif-
fusion, doivent être aussi d'une grande importance pour la formation du sang.
(Virciiow, Pr. Ver. medic. Zeitung; Weisshlut und Mihtmnor, \S\Q, repro-
duit dans Gesamm. AbhandL, 2^ mémoire.) Cette idée est encore spéculative, mais
on pourrait invoquer les cas de Bennett, de Rokitansky, et d'Oppolzer où des
altérations des glandes lymphatiques ont coïncidé avec celle de la rate et du foie.
Du reste, dans son troisième mémoire (1847), Virchow va être 'beaucoup plus
affirmatif cà cet éoard.
La distinction des deux formes de leukémie lymphatique et splénique a
fourni à Yircho\Y des arguments pour étendi-e et généraliser sa théorie. Cette
distinction montrait en elfet que la dyscrasie sanguine était sous la dépendance
de la lésion de certains organes déterminés. Elle apportait à la physiologie du
sang, cette notion importante, que le rôle de la rate et des glandes lymphatiques
dans l'hématose, rôle énoncé si souvent d'une manière hypothétique , était
positivement confirmé. (Virchow, Archiv., t. I, p. 571, et Gesamm. Ablumdl.,
p. 198.) Car comment expliquer autrement que par une relation de cause à
effet, ces observations où l'altération du sang, chargé d'éléments tantôt spléni-
ques tantôt lymphatiques, coïncidait dans chaque cas avec des lésions de la rate ou
des glandes lymphatiques. Griesinger était, il est vi^ai, arrivé à la conclusion que
la tumeur de la rate était consécutive à la leucémie, et qu'elle se produisait par
l'accumulation des cellules incolores dans la rate ; mais il n'avait là-dessus à in-
voquer que ses propres observations, qui n'auraient pas dû certainement le con-
duire à une différence d'interprétation aussi importante. La nature consécutive
du changement dyscrasique du sang devait au contraire ressortir indubitablement
de la possibilité de suivre, par une observation directe pendant la vie, les progrès
de la dyscrasie sanguine à partir du début de la lésion viscérale. Eh bien ! cette
preuve a pu être donnée. Déjà Bennett {On Leiicocythemia, p. 128) avait commu-
niqué un fait, dans lequel un hoamie de 20 ans, atteint depuis plus de quatre ans
d'iiyperlrophie de la rate et du foie, ne présentait à son entrée à l'hôpital aucune
altération morphologique du sang, et chez lequel on vit le nombre des corpus-
cules blancs augmenter de plus en plus pendant son séjour à l'hôpital. Vir-
chow a observé de môme pendant longtemps à partir de 1852 un sujet de 51 ans,
alieint de tumeurs énormes des ganghons cervicaux, jugulaires, axillaires et in-
guinaux, tumeurs molles, indolentes, qui se développèrent lentement, progressive-
m:!)t en plusieurs années sans que l'examen du sang révélàtaucune altération de ce
liipiide. Deux ans après, on commença à trouver une augmentation des éléments
blancs, ot surtout des globulins. 11 mourut dans l'été de 1834, sans qu'on put
faire l'autopsie, les glandes s'étant accrues progressivement jusqu'à rendre les
mouvements très-difficiles et à produire la suffocation, (Yirchow, Archiv, t. V,
p. o90et Gesamm. Abhandl, p- 4 95,^
3i8 LEL'COCYTHÊMIE (physiologie pathologique).
Il est donc certain, pour la leucémie splénique aussi bien que pour la forme
lymphatique, que les lésions de la rate et des glandes lymphatiques préexistent,
qu'elles peuvent exister des mois et des amiées avant que l'altération du sang se
produise et la nature de cette dernière dépend de celle des organes affectés.
D'autre part, il ne faut pas contester que l'importance de la lésion organique n'est
pas en rapport constant avec celle de la dyscrasie. Car il y a des tumeurs très-
considérables de la rate et des glandes lymphatiques sans leucémie, et, réciproque-
ment, il y a des leucémies, très-caractérisées dans lesquelles ces lésions locales
sont très-peu développées. C'est ce qu'on peut voir très-manifestement dans une
première observation de Ilescbl. (Virchow, Archiv, t. VllI, p. 553, et Gesamm.
AbhandL, p. 199.)
Dès ce travail, la théorie de Yirchow est définitivement fondée, la rate d'une
part, les glandes lymphatiques d'autre part sont les agents de l'hématopoèse, et
ce sont eux qui déterminent l'augmentation des globules blancs. 11 entre même
dans des considérations de détail sur la stagnation des globules blancs, sur leur
accumulation dans le cœur droit, les gros vaisseaux, et, dès le mémoire précédent,
il a émis l'idée que cette obstruction des vasculaires du cerveau, de l'intestin et
du poumon peut être la cause de plusieurs symptômes de la maladie, mais il
ne le démontre pas. {Gesam. Abhandl. p. 189.)
Le mémoire de Bennett, qui parut en 1851, ne fait que développer la même
tliéorie. L'auteur a raison de i^evendiquer, pour les physiologistes anglais Traili,
Christian et Gulliver, et notamment Goodsir {Phil. Transact., 1848), la part qu'ils
ont prise à la connaissance de la loi de formation des corpuscules sanguins et
l'histoire des glandes dans la vie embryonnaire, mais il est moins heureux quand
il tente de réclamer pour lui-même l'application de ces notions à la détermination
de la maladie nouvelle. Cette application, il l'a faite tardivement [voy. Historique),
et n'a pas eu tout d'abord, comme Yirchow, l'intuition d'une maladie
spéciale.
La théorie de Bennett (1851) invoque du reste l'action de la rate, du thymus,
du corps thyroïde et des glandes mésentériques, qui sont analogues aux premières
par leur structure, pour former les noyaux qui entrent dans le sang par les vais-
seaux lymphatiques. L'hypertrophie de ces divers organes peut amener une plus
grande quantité de ces cellules à noyaux dans le sang, et la formation des glo-
bules colorés peut être entravée en proportion de la plus grande abondance des
globules blancs, lesquels se développent aux dépens du blastème qui, dans d'au-
tres circonstances, aurait formé les globules rouges. On peut aussi supposer que
le développement normal du sang est troublé par une cause inconnue, et que ces
globules blancs ne sont autre chose qu'un état antérieur de développement, un
arrêt de développement des globules rouges.
La théorie de Bennett est donc à peu près celle de Virchow ; l'auteur anglais est
cependant moins affirmatif, moins tranchant que le médecin allemand ; ses idées
ont un caractère plus général, plus vague peut-être, et se rapprochent davantage
de celles de M. Donné.
C'est du reste par erreur qu'on a représenté, dans quelques articles de critique et
d'histoire, la théorie de Benuett et la théorie de Virchow comme deux théories
contradictoires, invoquant, l'une la suractivité des glandes qui forment les globules
blancs, l'autre la suractivité de la rate qui détruirait les globules rouges. En se
reportant au texte de Virchow [Gesamm. Abhcmdl., 3" mémoire), il est facile de
voir qu'il n'a jamais formulé une telle théorie, et encore moins qu'il ait voulu y
LEUCOGYTHÉMIE (riiYsiOLOciE pathologique). 349
attacher son nom. Il admet, il est vrai, une action semblable de la part de la rate,
action que KoUiker et M. Béclard ont cherché à établir. La présence en excès des
corpuscules blancs dans le sang de la veine splénique peut en effet reconnaître cette
cause, « mais il serait vraiment aussi possible qu'une augmentation absolue des
corpuscules incolores eût lieu dans la rate, indépendamment décela» ; plus loin il
ajoute : « aucun fait ne prouve que les globules sanguins puissent se transformer en
corps blancs. Toutes les transformations des globules rouges, quand ils se déco-
lorent, sont de nature régressive, et ordinairement liées avec la formation d'un
pigment... On n'a pas plus de preuves que les globules blancs puissent se l'ormer
par une épigénèse dans le sang stagnant, car on n'a jamais pu saisir des produits
intermédiaires de ce développement, produits de nouvelle formation que l'on
devrait nécessairement trouver. » {Gesamm. Abhandl., p. 194.) Ainsi Virchow ne
paraît pas avoir jamais mis en première ligne l'action destructive exercée par la
rate sur les globules rouges, il cite même un cas de leucémie oii la rate était
atrophiée. En tout cas, cette idée ne reparaît jamais dans ses publications ulté-
rieures. C'est au contraire l'excès d'action des glandes lymphatiques, c'est leur
irritation physiologique, presque mécanique, qui détermine la leucocytose, et qui,
à l'état pathologique, va jusqu'à produire la leukémie. Que cette action soit
entravée, que la glande soit détruite par l'inflammation, et cette leukémie cesse
de se produire. La rate elle-même n'agit que par ses éléments lymphoides, par les
corpuscules de Malpighi. Nous avons été obligés précédemment {voij- Leucocythémie
sïmptomatique) de combattre ce que cette théorie a d'exclusif. Ce qui caractérise
essentiellement l'école de Virchow, c'est la prédominance donnée à l'action des
solides et la négation des altérations primitives des liquides.
Cetteidée est déjà développée longuement dans son quatrième mémoire (Gesam»i.
Abhandl., p. 212j. Là où se forment en général les corpuscules blancs, là doit
aussi être l'origine de ceux qui se iorment en si grande masse dans la leukémie.
Dans la pyohémie et la leukémie, les corpuscules blancs sont les mêmes ; il n'y a
de différent que l'hétérologie de leur formation. Tout consiste à bien établir les
Heux de formation. Trois hypothèses sont en présence : ou bien les globuie.? blancs
prennent naissance dans le sang, ou bien ils y pénètrent avec le chvle et la lym-
phe, ou bien ils se détachent de la paroi des vaisseaux. De ces trois hypothèses,
la seconde n'a jamais fait de doute, car avec le suc du canal thoracique, il est
certain que des masses de cellules, de corpuscules du chyle et de la lymphe doi-
vent pénétrer constamment dans le sang. On n'a donc qu'à se demander si c'est là
l'origine unique, ou s'il en existe d'autres, soit dans le sang lui-même, soit dans
les vaisseaux. La hbre formation de cellules dans le chyle et dans la lymphe ne
pourrait guère avoir qu'un seul mode de formation : la segmentation des corpus-
cules préexistants. Cette segmentation a été vue, et elle commence par les
noyaux avant d'arriver à la segmentation des cellules.
La troisième hypothèse, celle de la formation des globules aux dépens de la
paroi vasculaire, par une sorte de desquammation épithéliale de la paroi, a été dé-
fendue par Tigri, par Schrantz, Wahlgren et Donders. (Virchow, Arch. , t. V, p. 146.)
Virchow la repousse comme fait général, tout en admettant qu'elle peut se pro-
duire dans quelques cas particuliers.
Le chyle et la lymphe doivent donc être considérés comme la source régulière
des corps blancs, et l'auteur insiste surtout sur cette idée fondamentale qu'il faut
considérer bien moins les sucs, les liquides de l'économie, que les organes qui les
élaborent, et parmi ceux-ci, on doit compter non-seulement la rate, mais aussi
350 LEUCOGYTHÉMlt; (i'hïsiologie pathologique).
tout le système lymphatique, et mieux encore, tout le tissu lymphoïde eu quelque
lieu qu'il puisse se produire par hétérotopie. Les formations lymplioïdes patholo-
giques sont en maint endroit déterminées par une hypertrophie rapide des cor-
puscules du tissu conjonctif, et on peut invoquer ce fait comme un nouveau motif
de croire à la liaison de ce tissu avec les lymphatiques. « Les sucs lymphatiques
apportent dans le sang les deux parties consécutives les plus importantes, la
fibrine et les corpuscules. Mais de même qu'il y a un état antérieur de lu fibrine,
de même il y a un état antérieur des corpuscules, comme le prouvent les expé-
riences où l'on voit ces corpuscules, ou les glandes elles-mêmes, rougir au con-
tact de l'air, ou prendre une coloration plus foncée : cette coloration est surtout
visible dans les ganglions bronchiques et dans la pulpe splénique; seulement tous
les corps incolores ne sont pas capables de changer leur couleur et de devenir
des corpuscîdes rouges^ et c'est précisément ce fait que Virchow considère
comme une acquisition réelle due à ses travaux. Il a montré d'abord que les corps
incolores du sang peuvent aussi présenter au milieu du sang la transformation
par laquelle les cellules subissent leur régression régulière, notamment la méta-
morphose graisseuse. {Abhandl.,^. 151, 165, etirc/i., 1. 1, p. 144;t. II, p. 595.)
Une certaine partie se détruit donc dans le cours du sang, et se dissout en parti-
cules graisseuses. Une grande partie commence, presque aussitôt après son entrée
dans le sang, à présenter des segmentations de noyaux, et, chez plusieurs, les
noyaux disparaissent entièrement à mesure qu'ils deviennent de plus en plus
petits, de sorte que les cellules se montrent analogues aux cellules atrophiques
du pus (cellules pyoïdes, corpuscules d'exsudation). Plus tard, vraisemblablement,
celles-ci se dissolvent aussi, de sorte qu'il n'est pas nécessaire d'admettre, connue
Tigri et Griesinger le font pour la rate, une stagnation particuhère des corpu-
scules blancs. Les corpuscules incolores, ajoute-t-il, que l'on trouve circulant
dans le sang so7it des cellules simples, non spécifiques, dont la transformation
en corpuscules rouges n'a pas lieu, et qui montrent ainsi, dans une partie con-
stitutive du soixig, une sorte d'excédant, ou de déchet (Abfall). La transforma-
tion des corpuscules lymphatiques en corpuscules rouges a eu lieu déjà plus ou
moins tôt, et il paraît que si une cellule à l'époque oii elle arrive dans le sang,
est développée au delà d'un certain degré, sa métamorphose spécifique, colorée,
devient impossible. Elle circule alors quelque temps et enfin elle se détruit par
métamorphose régressive. On comprend dès lors facilement que, plus il y a de
corpuscules blancs dans le sang, moins on en trouve de rouges, et le renver-
sement des rapports entre la quantité des corpuscules sanguins et de la fibrine,
s'explique parce qu'avec la fibrine les corpuscules incolores sont également aug-
mentés, et qu'ainsi le sang possède surtout ime nature plus lymphatique. »
Telle est en résumé la théorie que Yirchow a formulé d'une façon définitive
en 1856, et qu'il n'a fait que confirmer depuis dans ses publications ultérieures :
action exagérée des glandes hématopoétiques, production de corpuscules blancs
moins aptes à se transformer en hématies. On a vu dans l'article Leucocytes les
objections qui peuvent être faites à cette théorie au point de vue anatomo-physio-
logique^ Nous avons nous-même montré les difficultés qu'elle soulève au point de
vue chnique {voy. Espèces et variétés), surtout q\iand il s'agit des leucocythémics
symptomatiques.il est juste, toutefois, de reconnaître qu'en ce cfui concerne la
leucocythémie progressive, la théorie de Virchow est celle qui répond le mieux
à la généralité des faits, à la condition de ne pas lui donner un sens trop
absolu.
LEUCOCYTHËMIË (physiologie pathologique). 5.51
A partir des travaux de Vircliow, la question reste à peu près statioiiuaire. Ce
n'est plus seulement la rate et le foie qu'on étudie, c'est surtout l'hyperplasie
des éléments lymphoïdes que ces glandes contiennent, ce sont aussi les hétéroto-
pies de la substance adénoïde, de sorte que la leucocytliémie lymphatique tend
jde plus en plus à dominer la scène. Friedreich et Bœttcher notamment approfon-
dissent les détails relatifs aux tumeurs des poumons et de l'intestin. Bœttcher
insiste sur l'influence que la destruction des poumons par des lymphomes peut
exercer sur la transformation des leucocytes en empêchant leur oxygénation. Si
les lésions de la phthisie n'amènent pas la leucémie, c'est que dans cette maladie
les glandes lymphatiques sont atteintes et produisent déjà moins de leucocytes.
MM. OUivier etRanvier [Arch. de Brown-Séquard, etc., 1869, livr. de juUlet).
se sont beaucoup occupés dans ces derniers temps de la pathogénie des princi-
paux symptômes que présente la leucocythémie. Se ralliant d'une manière géné-
rale à la théorie de Yirchow, en ce qui concerne la liaison existant entre la dys-
crasie sanguine, et les hypertrophies glandulaires, soit des glandes elles-mêmes,
rate, foie, ganglions lymphatiques, ou autres organes lymphoïdes, soit de ces tu-
meurs, désignées sous le nom de lymphomes ou de hjmpha dénomes qui peuvent
se développer au milieu d'organes, ne contenant pas normalement de tissu
adénoïde ; ils s'efforcent cependant de distinguer de ces tumeurs d'autres produc-
tions morbides, qui n'ont plus la structure du tissu lymphoïde, et qui, loin
d'être la cause de l'augmentation des globules blancs, n'en sont que les effets :
tels sont les infarctus, les accumulations de globules blancs dans les Iymj)hati-
ques, que nous avons décrits d'après eux. L'obstruction des vaisseaux, leur rup-
ture par distension forcée, explique , selon ces auteurs, un bon nombre des
phénomènes principaux de la leucémie, que l'on attribuait trop facilement et
sans preuves à la seule diffluence du sang. Ainsi l'obstruction des capillaires
cérébraux déterminerait d'abord les phénomènes d'une anémie relative, céphalal-
gie, bourdonnements d'oreilles, obnubdations, etc., souvent, plus tard, de la
somnolence et un véritable coma. Enfm l'excès de tension amenant la rupture
des vaisseaux serait la cause prochaine des hémorrhagies cérébrales ou ménin-
gées.
La dyspnée trouve peut-être aussi une explication directe dans l'accumulation
des globules blancs dans le système capillaire et dans les hémorrhagies miliaires
{voij. observ. Blache, Isambert et Robin, 1855, etobs. I de Ollivier et Ranvier
1869) plivtôt que par le refoulement du poumon exercé par la rate et le foie
hypertrophié, comme le voulait Trousseau. En effet, à volume égal de la rate la
dyspnée serait, selon nos auteurs, plus considérable dans les cas de leucocythémie
que dans les cas de cachexie palustre. Dans d'autres cas, la dyspnée peut tenir
au développement de lymphadénomes dans le tissu ]Julraonaire : ces lymphadéno-
mes ont été pris souvent pour des tubercules ; il est probable qu'il en est ainsi
sur plusieurs des 12 cas de tubercules (sur 98 observ.) mentionnés par Ehrlich
[Inaug. Dissert., Dorpat, 1862) et que Boettcher (Virchow^ Arch., 1866,
t. XXXVII, p. 165) a considéré comme le résultat d'une prolifération du tissu
conjonctif de la muqueuse. A côté de cette pseudo-tuberculose leucémique, il faut
cependant reconnaître des tubercules véritables. La faiblesse du pouls, selon nos
auteurs, s'explique aussi, non-seulement par la gêne de la circulation capillaire,
conformément aux expériences de M. Marey, mais aussi à l'altération graisseuse
du muscle cardiaque, et aux hémorrhagies interstitielles qu'on y rencontre.
L'obstruction des capillaires explique aussi l'hypertrophie des gencives et des
352 LEUCOCYTIIÉMIE (nail-re).
follicules de la langue que ces auteurs ont décrits (v. ci-dessus) et que Mosler
(1868) a décrit à toit comme une stomatite et une pharyngite leucémique, car il
n'y a là ni inflammation, ni ulcération, ni suppuration.
Le lyraphadénome ulcéré peut être aussi la cause des hématéraèses et des hé-
morrhagies intestinales, à moins que celles-ci ne résultent de la tension des
vaisseaux et de leur rupture.
L'ascite trouve également une cause directe dans l'oblitération des capillaires
du foie; c'est une sorte de cirrhose leucocythémique. Pourquoi l'ascite n'est-elle
pas plus fréquente et en général pas très-intense? C'est, selon nos auteurs, parce
que la gène de la circulation capillaire ne porte pas seulement sur les terminai-
■ sons hépatiques de la veine porte, mais encore sur ses racines gastro-intestinales;
il sa fait alors une sorte de compensation, ou d'équihbre qui n'a pas lieu dans la
cirrhose ordinaire, oii les rameaux du foie sont seuls malades.
Les lésions des reins, que l'on a souvent décrites comme maladie de Bright
dans la leucocythémie, ne sont peut-être bien souvent que des thromboses capil-
laires, et des infarctus blancs, tels que ceux que ces auteurs ont décrits {voy. Anat.
PATHoLOG.); on n'y trouve pas de signes de néphrite ; mais les lésions décrites et
les altérations épithéhales qu'ils ont constatéessuffisent à expliquer l'albuminurie,
et même l'hématurie que l'on observe quelquefois. Peut-être faudrait-il y joindre
la diminution de la sécrétion urinaii-e, signalée par Mosler (1866).
Enfui les hémorrhagies en général, ou les gangrènes, peuvent trouver aussi leur
explication dans ces thromboses capillaires leucémiques.
Tout cela est ingénieux, trop ingénieux peut-être, car il faut nécessairement
de nouvelles recherches pour voir ce qu'il y a de vrai dans ces explications méca-
niques, dont on trouve déjà un exemple dans le travail de Magnus Huss.
Les auteurs nous paraissent tomber dans un excès contraire à celui qu'ils re-
prochent à leurs prédécesseurs ; si ceux-ci donnaient trop aux altérations du
liquide, eux donnent trop sans doute aux lésions du solide. Le temps et des ex-
périences nouvelles indiqueront certainement le juste milieu qu'il convient de
garder.
X. Kature, rang nosologique de la leucocythémie. Il nous reste pour
terminer cette étude à rechercher, en dehors des théories anatomo-physiologiques
que nous venons de passer en revue, quelle est la nature de la leucocythémie au
point de vue de la pathologie générale, et quel rang il convient de lui assigner
dans la nosologie. La leucocythémie est-elle une entité morbide? Y a-t-il, du
moins, à côté des leucocythémies physiologiques que nous avons décrites, une
leucocythémie véritablement essentielle, ou bien cette altération du sang, même
avec ses lésions viscérales les plus caractéristiques, avec son cortège de symptômes
et sa marche progressive, ne doit-elle être considérée en détinitive que comme uu
résultat, comme une cachexie terminale dont la cause doit être cherchée autre
part ? Chose remarquable ! voici une maladie que le microscope nous a fait con-
naître, une altération du sang qui ne pouvait être soupçonnée sans cet instrument;
l'histologie nous explique en détail la nature auatomique de la dyscrasie san-
guine; elle va plus loin, elle pénètre dans les lésions viscérales les plus intimes,
elle nous signale non-seulement l'analogie de tous les organes glanduleux que l'on
rencontre presque constamment en connexion intime avec l'état spécial du sang,
et cependant, elle nous laisse dans l'incertitude au moment de conclure, et c'est
en définitive à la clinique, à la pathologie générale, à la philosophie médicale
qu'appartiendra le dernier mot, ce n'est pas au microscope ! Les physiologistes,
LEUCOCYTHÉMII': (nature).
les micrographes ont admirablement préparé le terrain; le plus Imrdi, le plus
original peut-être entre tous, a dégagé de ces connaissances la notion d'une ma-
ladie spéciale bien caractérisée, il l'a définie, il l'a séparée avec soin de la leuco-
cytose, c'est-à-dire des états physiologiques et pathologiques les plus analogues; il
en a donné une loi patliogénique, qui représente pour la majorité des cas, la
réalité des choses dans la leucocythémie progressive, et cependant la réponse à
noire question préalable, l'essentiahté, l'entité de la leucémie, ne sort pas de ses
travaux. C'est aux cliniciens, c'est aux médecins, préoccupés des questions de
pathologie générale que nous devons la demander.
Nous nous sommes attachés depuis le début de cet article à maintenir au nom
de leucocythémie son acception la plus générale, celui d'une altération particu-
lière du sang caractérisée par le développement insoUte d'un de ses éléments
normaux. Nous nous sommes bornés, au point de vue pratique, et pour ne pas
rompre l'unité de cette conception, à n'en marquer les divisions et les variétés
que par des épithètes, et c'est pour cela que nous avons rejeté le mot de leucocij-
tose, pour reconnaître qu'il existait une leucocythémie physiologique, et des leu-
cocydrémies pathologiques, mais temporaires et symptomatiqucs d'un assez
grand nombre d'affections. Pour toutes celles-là, la question de l'entité morbide
ne saurait exister : la crase sanguine n'en est qu'un épiphénomène. La question
d'entité ne se pose que pour la leucémie de Virchow, pour la leucocythémie chro-
nique, progressive, la seule qui puisse peut-être mériter le nom d'idiopathique.
Il s'agit maintenant de voir jusqu'à quel point elle mérite ce nom.
Une comparaison fort juste, que nous avons déjà mentionnée, a été faite par
MM. Barlh, Vigla, etc., à la société médicale des hôpitaux [Bull, de la soc. rnéd.
des hop., 1856, p. 60). Le nom de leucocythémie est comme celui d'albuminurie :
il indique un trouble fonclionnel, un état morbide, communs à beaucoup de ma-
ladies ; il y a des albuminuries rhumatismales, scarlatineuses, diphthériques,
puerpérales ; mais il y a une albuminurie chronique et progressive, la maladie de
Bright. 11 y a des asthmes, il y a des épdepsies symptomatiqucs, mais il y a un
asthme essentiel, une épilepsie essentielle ; il y a des ataxies diverses du mouve-
ment, mais il y a une ataxie locomotrice progressive ; enfin, pour ne pas sortir
des altérations du sang, il y a des anémies diverses, anémie par pertes de san^,
anémie des mineurs, anémie saturnine, anémie des tuberculeux, mais il y a la
chlorose, sorte d'anémie essentielle.
Qu'est-ce donc que cette leucocythémie, progressive, spéciale ? Est-ce une ma-
ladie générale, est-ce une maladie spécifique, est-ce une maladie primitive, n'est-
ce pas plutôt une maladie consécutive, n'est-ce pas une cachexie terminale, liée
peut-être à quelque diathèse inconnue?
La leucocythémie parait bien être une maladie générale, une maladie totius
suhstantiœ, non-seulement parce que la dyscrasie sanguine une ibis produite, la
plupart des organes subissent les conséquences de l'état du sang, mais aussi parce
qu'il est le plus souvent impossible de limiter à un seul organe l'origine de cette
dyscrasie sanguine. Si, dans quelques cas, la rate seule semble être prise au début,
il est bien peu d'observations, dans lesquelles l'évolution de la maladie, ou tout
au moins la nécropsie, ne nous montrera pas la lésion d'autres organes que leur
peu de dévelopjiement a pu soustraire pendant la vie à nos méthodes de diagnos-
tic, mais à l'origine desquelles- il serait fort difficile d'assigner une époque pré-
cise. Du reste, la connaissance des Icucocytliémies symptomatiqucs et physiolo-
giques nous engage tout d'abord à attribuer à la maladie un caractère de '^éiiéia-
DICT. EHC. 2° s. (I. 25
354 lEUCOCYTUÉMlE (nature).
lité, el à dire qu'elle intéresse dès le début, sinon tous les organes, au moins tout un
système d'organes, le système lymphatique, tel qu'on le comprend aujourd'hui.
La leucocythémie est-elle une maladie spécifîqiie? on peut répondre non, sans
hésiter; elle ne reconnaît aucune cause spécifique connue, aucun poison morbide
auquel on puisse la rattacher ; elle n'est ni contagieuse, ni épidémique, ni endé-
mique ; elle ne paraît pas héréditaire : elle manque en un mot du caractère fonda-
mental des mal idies spécifiques, l'unité de cause. Elle n'a pas d'ailleurs ni incu-
bation, ni période d'invasion, ni période aiguë ; elle ne reconnaît pas davantage de
traitement spécitlque.
Pour les mêmes motifs, nous pouvons déjà penser que la leucocythémie n'est
pas une maladie primitive : elle n'a pas de période aiguë, elle n'a pas même de
début que l'on puisse affirmer d'une manière positive. Elle n'a pas non plus de
cause cosmique, ou hygiénique, à laquelle on puisse se rattacher avec certitude,
comme par exemple le scorbut, avec lequel elle a pourtant plus d'un rapport.
Dans la grande majorité des observations, elle a été précédée d'une maladie plus
ou moins éloignée ; quand on ne reconnaît pas d'antécédents pathologiques,
c'est qu'on manque de renseignements exacts ; enfin quand apparaissent les pre-
mières hypertrophies viscérales, ou ganglionnaires qui la déterminent, la dyscrasie
sanguine n'existe pas encore, on a beaucoup de peine à saisir l'instant oiî elle
apparaîtra, et, dans les cas de leucocythémie retardée, l'altération du sang n'ap-
parait que tout à fait à la fin. Concluons donc que la leucocythémie est toujours
une maladie consécutive. C'est du reste ainsi que Virchow l'envisage. Quelles
sont les maladies auxquelles la leucocythémie peut succéder ? C'est ce qui est en-
core mal déterminé, comme on l'a vu dans notre paragraphe étiologie ; rappelons
seulement qu'on a invoqué les maladies les plus diverses, la fièvre typhoïde, la
puerpéralité, le cancer, la cirrhose, la maladie de Brigth, la syphilis, la scrofule,
les fièvres palustres, et enfin l'alcoolisme, l'hypertrophie splénique et les hypertro-
phies ganghonnaires.
La leucocythémie progressive ne nous apparaît pas seulement comme une ma-
ladie consécutive, mais aussi comme une cachexie fatale, et c'est bien dans le
groupe des cachexies qu'il faut la ranger avec Cahen, avec Legroux, avec M. E*
Barthez. Or, qu'est-ce qu'une cachexie?
C'est une altération profonde de la nutrition, avec teinte pâle, appauvrissement
du sang, langueur de toutes les fonctions, c'est l'épuisement de la constitution,
c'est un résultat d'une affection morbide antérieure ou de lésions qui compromet-
tent la texture des principaux organes. C'est une déchéance de toutes les forces
vitales, une dégénérescence de l'organisme tout entier; mais, si c'est la résultante
de lésions diverses, ce n'est pas une cause pathologique, ce n'est pas une entité
véritable.
C'est bien avec ce caractère général que nous apparaît la leucocythémie pro-
gressive, mais si c'est une cachexie, c'est une cachexie spéciale. Le temps n'est
plus où l'on pourrait tenter encore, comme Cahen et Fr. Barthez [Soc. méd. des
hop., 1856, p. 55-59), de la faire rentrer dans la cachexie palustre. On peut
également répondre, par la négation la plus absolue, à la question que posait
alors M. Woillez, et à laquelle M. Ernest Barthez semblait bien près de se ranger
(Ibid., p. 77); la leucocythémie appartient-elle à toutes les cachexies? On sait
parfaitement aujourd'hui que l'altération spéciale du sang peut survenir à la
suite de plusieurs maladies très-différentes, se terminant par des états cachectiques,
mais que ces cachexies diverses existent dans la grande majorité des cas sans leu-
LEljCULiïTllbMlli (nature). 355
cocythémie. M. Ern. Barthez établit très-bien que « cliacune des cachexies que
nous connaissons est une maladie bien déterminée et bien distincte, conséquence
d'une diatbèse unique ; autrement dit : à une diathèse déterminée correspond une
cachexie aussi bien déterminée. Ainsi la cachexie tuberculeuse est la conséquence
de la diathèse du même nom ; de môme pour la cachexie cancéreuse, ou bien encore
les intoxications paludéenne et saturnine, dont la nature est bien déterminée,
peuvent être suivies de cachexies paludéenne et saturnine tout aussi bien déter-
minées qu'elles. En effet, chacune de ces cachexies a ses caractères qui lui sont
propres, et ne se confondent pas avec ceux des cachexies les plus voisines. A tel
point qu'un praticien un peu habitué reconnaît souvent, au premier coup d'œil,
quelle est la cachexie qu'il a sous les yeux. » (Ibkl., p. 76.) M. Ern. Barthez ne
reconnaissait pas, à cette époque, de caractère spécial à la cachexie leucocythé-
mique. Mais on peut être plus affirmatif aujourd'hui. La leucocythémie n'est pas
seulement un état cachectique, comme le serait la simple dyscrasie sanguine,
c'est une cachexie d'ensemble, avec lésions multiples, lésions viscérales, lésions
ganglionnaires, lésions lymphoïdes généralisées, en relation constante avec la
dyscrasie sanguine, qui devient elle-même le point de départ de lésions nouvelles
(infarctus, hémorrhagies interstitielles, etc.).
Mais, suivant la remarque très-judicieuse du professeur Magnus Huss, de Stock-
holm (Afc/i. gén. de méd., 1857, t. lï, p. 320), s'il y a quelque chose de spécial,
ce n'est pas la crase du sang, c'est la lésion organique qui lui donne naissance :
ce n'est pas au sang que le nom générique devrait appartenir, c'est à la rate et
au système lymphatique ; au lieu de dire leucocythémie splénique ou lympha-
tique, il faudrait dire, splénopathie leucocythémique, ou lympJwpathie leucocy-
thémique.
Maintenant quelle est, en elle-même, cette splénopathie ou cette lymphopathie ?
Y a-t-il là les éléments d'une maladie spéciale?
Faisons encore une comparaison : une lésion mécanique se produit à l'un des
orifices du cœur, à l'orifice mitral si l'on veut. De là découle une série, eh quelque
sorte nécessaire, de symptômes et de lésions : entraves apportées à la circulation
du sang, hypertrophie compensatrice du cœur, puis, congestions viscérales diverses
des poumons, du foie, productions d'hydropisies, altération consécutive du fluide
sanguin lui-même, etc., enfin tout cet ensemble que Beau a décrit sous le nom
à'asystolie, mais qu'à cause de la relation étroite entre une lésion déterminée
et le cortège symptomatique.on est fondé à appeler maladie organique du cœur
insuffisance de l'orifice mitral. De même dans le rein, une lésion spéciale se pro-
duit, la lésion de Bright, et à la suite se montre l'albuminurie permanente les
iiydropisies, etc., ici encore ce n'est pas seulement une cachexie consécutive, nous
avons le droit de dire : maladie de Bright. En est-il de même de la lympliopatliie
leucocythémique?
(( Il ne faut pas oublier, dit Magnus Huss, que le stade qui précède l'augmen-
tation du volume de la rate (ou des glandes lymphatiques), et qui, même
lorsque cet agrandissement s'est opéré, précède encore le moment où le sauf^ va
subir l'altération décisive est encore à connaître. » {Ihid, p. 319.) Et en effet
Yirchow et son école ont beau préciser les lésions et en généraliser l'interprétation
ils ont beau arriver à montrer, non plus l'hypertrophie de la rate ou des gan-
glions, mais l'hyperplasie, et quelquefois l'hélérotopie du tissu lymphoïde, on ne
peut pas dire encore qu'ils aient montré la lésion spéciale qui produit à coup sur
la leucocvthémie.
556 LEUCOCÏÎHÈMIE (hisioiuque).
L'histologie n'a pas encore dit en quoi l'hypertrophie simple de la rate, ou
l'hypertrophie paluslie, lesquelles ne déterminent pas la leucocythéniie, diffèrent
de la splénopalhie qui la détermine ; en quoi les glandes lymphatiques, qui sont
hypertrophiées dans la scrofule, et surtout dans l'adénic, diffèrent de celles dont
l'hyperplasie détermine la leiicocythémie. On a fait quelques hypothèses, on a cru
voir que dans l'hyperfrophie simple le stroma de la glande, son tissu conjonctif
sont surtout développés, tandis que dans la leucocythéniie, ce serait surtout le
tissu adénoïde; mais nous pouvons dire qu'il n'y a pas encore là une démonstra-
tion acquise, ni un fait suffisamment élucidé et accepté de tous.
Voilà ce qui manque, selon nous, pour élever la leucocythémie au rang de ma-
ladie, pour lui faire prendre place à côté de la maladie de Bright, de la cirrhose
du foie; mais, dira-t-on peut-être, il est bien des maladies dont on ignore la lésion
véritable et la cause prochaine : l'épilepsie, la chorée, l'hystérie; sans doute, mais
ce sont alors des maladies primitives, ayant une physionomie propre, un début
iixe. Elles n'ont pas ce caractèi^e de déchéance générale de l'organisme, de résul-
tante ultime et ftitale, qui distingue les cachexies, et la leucocythémie progres-
sive en particulier. En attendant de nouveaux progrès de la science, nous ne di-
rons donc pas : la leucocythémie est une maladie spéciale, nous dirons : c'est une
cachexie spéciale. Maintenant quelle est la cause première de cette cachexie?
Les circonstances étiologiques ne nous apprerment rien. Qu'y trouvons-nous !
des causes banales, des antécédents morbides variés, qui n'ont qu'un seul point
commun, l'influence déprimante ou débilitante. Ici encore il faudra peut-être
admettre une prédisposition particulière, peut èti'e une diathèse spéciale? mais
rien ne nous dit encore ce qu'elle peut être. Il lui manque im des caractères
apj'.arteuant fréquemment aux diathcses, l'hérédité. De plus, les diathèses, avant
leur période ultime, cachectique, se sont signalées par des manifestations primi-
tives, souvent par des produits pathologiques déjà déposés (tidiercule, cancer) ;
ici, nous ne savons rien de semblable; la tumeur lymphoïde, si l'on adopte entiè-
rement la théorie de Vircliow, peut bien précéder la cachexie, mais nous n'avons
aucun moyen de le dire à l'avance, de |)réciser son point de départ. La diathèse
est cependant encore l'idée de pathologie générale à laquelle nous nous rallierions
le plus volontiers.
En résumé, et pour conclure : La leucocythémie, en tant qu'altération du sang,
n'est qu'un symptôme : symptôme transitoire, dans les leucocythémies temporaires
ou symptomatiques, symptôme permanent dans la leucocythémie progressive.
Celle-ci, en tant qu'état morbide caractérisé par des lésions viscérales constantes
et un ensemble de symptômes propres, est une cachexie spéciale, tenant proba-
blement à une diathèse encore inconnue, frappant spécialement sur le système
lymphatique. Mais son existence comme maladie idiopathique, ou comme dia-
thèse, est encore à démontrer.
XI. HîssoB-îtasse. La leucocythémie est une découverte moderne, contempo-
raine même. Elle ne pouvait être connue avant les progrès que la physiologie du
sang et les recherches microscopiques appliquées à l'anatomie pathologique ont
fait faire aux sciences médicales. 11 n'est guère douteux pour nous d'ailleurs que
cet état morbide, comme toutes les cachexies, a dû exister de tout temps et est
aussi ancien que la nature humaine. Virchow rappelait dès son premier travail
qu'Hippocrate avait déjà signalé une relation entre les maladies de la rate et la
jiroductiou des hémorrhagies, et que ces hémorrhagies avaient dû dans bien des
cas être liées à la dyscrasic sanguine que nous éludions. Userait sans doute bien
LEUCOCÏTHKMIE (nisioniQUE). 357
facile, en cherchant dnns les anciens auteurs, de retrouver des observations de
cachexie splénique, ou lymphatique, de diathèse hémorrhagique ou d'altérations
du sang, que l'on pourrait rapporter à la leucocythéraie.
Nous sommes, pour notre part, fort peu séduits par ce genre de recherches dans
le cas qui nous occupe, parce que les observations que l'on pourrait ainsi recueillir
ne seraient jamais que des hypothèses plus ou moins [irobables, et que la leuco-
cythémie ne peut jamais être afQrmée sans l'examen microscopique du sang.
C'est à peine si nous suivrons Bennett et Yirchow dans les recherches rétrospec-
tives qu'ils ont faites à cet égard ; nous avons vérifié la plupart de ces citations :
toutes, elles tombent sous le coup de l'objection préalable que nous leur adressions.
Ces observations peuvent être rangées, comme l'a fait M. Vidal, en deux catégo-
ries différentes : l°les cas d'hypertrophie de la rate, sans fièvres intermittentes
antérieures et compliqués d'hémorrhagies, de diarrhée, d'état cachectique et dé-
terminant la mort. Tels sont les faits tirés d'Hippocrate, de Celse, de Gahen, de
Rhazès, deBartholin, de Blaës, de Blancard, de Schenke, de Morgagai, de Lieu-
taud, deBree, de Mead, de Grottanelh, d'HehvigSchmidt, d'Assolant, d'Audouard,
de Reynaud, de Hodgkin, de Naumann, de Nivet, de Durand (de Lunel) et de
M. Linas. Pour toutes ces citations, empruntées pour la plupart à Bennett, à Vir-
chow, à M. Vidal, à M. Leudel, on trouvera plus loin {voy. Bibmographie) l'indi-
cation de celles que nous avons vérifiées, et dans lesquelles, il faut bien le dire,
nous n'avons trouvé ni un grand intérêt, ni des éléments de certitude bien suffi-
sants. 2'' Une seconde catégorie de faits rétrospectifs, touchant plus directement à
notre sujet, comprend les cas où l'on a mentionné une altération particulière du
sang, analogue, au moins quant aux caractères physiques, à celle que nous avons
décrite, qu'il soit fait ou non mention d'une hypertrophie de la rate, du foie, ou
des glandes lymphatiques. Parmi ces observations on peut citer surtout celles de
Morgagni, de Bichat (1801), de Harless (1816), de Velpeau (1827 et 1828), de
Caventou (1828), de Hodgkin (18Ô2), de Legroux (1853), de M. Duplay (1834),
Nivet (1838), de Livois (1838), de M. Andral (1839), d'Oppolzer et Liehmanu
(1840), de Froriep (J841), d'Allen Thompson (1855), de Bricheteau (1844),
de M. Bouchut (1844), de Bessières (1845), de M. Piorry (1845-46). Nous ren-
voyons aussi à notre bibliographie pour la désignation précise de ces différentes
citations.
Il y aurait une troisième catégorie d'auteurs à établir, ce serait celle des phy-
siologistes et des micrographes, qui par leurs recherches sur les globules blancs
du sang ont préparé la découverte de la leucocythémie, comme Harless, Henle,
Remak, Goodsir, Gulliver, etc.; mais cette indication doit être laissée à notre
collaborateur chargé d'envisager les leucocytes et le sang au point de vue anatomo-
physiologique. Nous nous bornerons à signaler ici ceux de ces auteurs qui ont
entrevu une relation entre Ja proportion des globules blancs du sang et certains
états pathologiques, comme dans les Mis que nous appelons aujourd'hui des leu-
cûcythémies symptomatiques , et nous citerons parmi ceux-ci Giesker (1835),
Nasse (1830), Gulhver (1840), Froriep et Gluge (1841), Remak (1841), Emmert
(1842), Alleu Thompson (1813), Henle (1844), et enfin M. Donné (ijo?/. Biblio-
graphie). 11 nous tardait d'arriver à ce nom, car avec lui commence véritablement
l'histoire de la leucocythémie.
M. Donné a dès 1844 aperçu et décrit le véritable état du sang dans la leucocy-
thémie, avec une précision qui nous autorise à le placer immédiatement avant
Bennett etVirchow parmi les premiers observateurs de la leucocythémie.
358 LEUCOCYTHÉMIE (insioniQUE).
Cherchant à résoudre la question de la présence du pus dans le sang {Cours de
microscopie, page 152), il dit en effet : « Dans certains cas, où l'on présumait
que du pus circulait avec le sang, soit par suite d'une résorption, soit par suite
de l'inflammation des vaisseaux, le sang m'a offert une si grande quantité de
{jlobides blancs, c'est-à-dire de glohules sphériques, granuleux , incolores, se
comportant avec les réactifs comme les glohules purulents, que je croyais avoir
affaire à du vérilable pus, et être en droit d'affirmer que le microscope pouvait
réellement servir à" reconnaître la présence du pus dans le sang; mais en
comparant de nouveau ces nombreu.x globules avec les globules blancs natu-
rellement contenus dans le sang normal, je me retrouve dans de nouvelles incer-
titudes en retrouvant les mêmes caractères physiques et chimiques aux uns
et aux autres ne s'agissait-il donc alors que d'une simple augmentation dans la
quantité des globules blancs naturels par des causes que nous examinerons tout
à l'heure et non d'une altération par le mélange du pus ? C'est ce qui reste dou-
teux pour moi. » Et plus loin {ibid. p. 135, de Valtéraûon des globules blancs),
« Il y a donc des cas dans lesquels les globules blancs paraissent en excès dans le
sang ; j'ai vérifié ce fait un trop grand nombre de fois, il est trop évident chez
certains malades pour que je puisse concevoir le moindre doute à cet égard. »
Chez un malade du service de M. Rayer à l'hôpital de la Charité, lequel était at-
teint d'une artérite qui affectait spécialement les vaisseaux des membres inférieurs
avec ecchymoses, phlyctènes gangreneuses, etc., « le sang présentait une telle
quantité de globules blancs qu'en raison même de la nature de son affection,
j'étais porté à croire que le sang était réellement mêlé de pus ; mais en définitive,
il ne me fut pas possible de constater une différence tranchée entre ces globules
et les globules blancs. Je suis plus porté à croire aujourd'hui que l'excès des glo-
bules blancs tient plutôt au déraut de transformation de ces globules en globules
rouges, à une sorte d'arrêt dans l'évolution du sang, qu'à la présence de globules
d'une nature étrangère comme ceux du pus. C'est en effet chez les malades affec-
tés de lésions profondes, affaiblis, détériorés par un travail morbide prolongé qui
jette le trouble dans toute l'économie, mais surtout dans la nutrition et l'assimi-
lation, que l'on rencontre ces globules blancs en excès. La surabondance des glo-
bules blancs n'aurait rien que de naturel en pareille circonstance ; ce ne serait,
encore une fois, que le résultat d'un arrêt de développement dans ces particules
transitoires. » Un peu plus haut (ibid., p. 99), il avait attribué à la rate la fonc-
tion de transformer les globules blancs en globules rouges.
Virchow a plus tard (Gesamm. abliandl.^ p. 181) rendu justice aux travaux
de Donné. En lisant en effet le passage que nous venons de transcrire, on
peut se demander ce qu'il a manqué à M. Donné pour être proclamé auteur
de la découverte delà leucocythémie? C'est de n'avoir pas signalé la relation de
l'altération sanguine qu'il décrivait avec des lésions viscérales déterminées, c'est
d'avoir laissé de côté le point de vue chnique. Et cependant, dès 1839, il avait
observé avec M. Barth un cas de leucocythémie parfaitement net avec hypertro-
phie de la rate, du foie, et des concrétions sanguines caractéristiques, dans les-
quelles il avait au microscope reconnu les globules blancs en proportion très-
exagérée. Malheureusement M. Barth ne vit là qu'un fliit extraordinaire, et n'eût
pas la conception d'une naaladie nouvelle. Il négligea de publier cette observa-
lion, ainsi que la note que M. Donné lui avait remise, et ce ne fut que beaucoup plus
tard que cette observation parfaitement caractérisée fut citée d'abord par M. Leu-
dct en 1853, puis publiée in extenso. {Soc. méd. des liôp., 1856, p. 39.) C'est
LEUCOCÏTHÊMIE (HisToniQUE), 5^9
ainsi que les deux médecins français laissèrent échapper une découverte qu ils
tenaient entre leurs mains, l'un pour n'avoir pas su la relier avec des observations
cliniques bien déterminées, l'autre pour n'avoir pas attaché assez d'importance
à l'altération humorale, que M. Donné lui signalait dans un fait clinique parftute-
ment observé d'ailleurs. Mais en fait de priorité scientifique la .publication seule
fait foi; M. Donné ne serait fondé à réclamer que la priorité d'une appréciation
exacte de la dyscrasie sanguine, qu'il a décrite en 1844 dans son Cours de micro-
scopie, et du rôle de la rate pour former les globules rouges. {Ibid., p. 99.)
La connaissance de la leucocythémie ne date en réalité que de l'année 1845 et
des travaux de Bennett et de Virchow ; comme une discussion assez vive de priO'
rite a eu lieu pendant plusieurs années entre les deux professeurs, il faut ici pré'
ciser les faits.
A ne considérer que les dates, la priorité serait au médecin anglais. C'est en oc-
tobre 1845 que Bennett publie dans leEdinburgh viedical and surgicalJournal
(vol. LXIV, p. 400) son observation, qui a été recueiUie du 27 février au 15 mars
1845, et celle de David Craigie, qui remonte à février 1841, mais qui n'a pas été
publiée encore. C'est seulement en novembre 1845 que Vircliow insère dans les
Froriep's Notizen (n° 780) sa première observation recueillie du l^"" mars au
51 juillet. Mais en matière de découverte médicale, il ne faut pas considérer seu-
lement la rencontre fortuite d'un fait, ni même la description exacte des lésions,
ou des données cliniques, ilfautsmiout envisager l'inlerprétation qui en a été
donnée, la relation exactement établie entre les lésions anatomiques et les symp-
tômes, et surtout la conception nettement exprimée d'uue maladie nouvelle, diffé'
rant de ce que l'on connaissait auparavant, en un mot la notion d'une entité mor^
bide nouvelle devant prendre son rang dans la nosographie, et nou plus celle d'un
cas rare exceptionnel qui se trouve en dehors des faits connus de la pathologie.
Voyons qui de Bennett ou de Vii^chow a le mieux rempli ces conditions.
Le titre des deux observations est déjà un indice. Bennet intitule son travail ;
Deux cas de maladie et d'hypertrophie de la rate où la mort est survenue par
suite de matière purulente. Virchow intitule le sien : Sang blanc {Weisses Blut).
Bennett et Craigie décrivent exactement l'altération du sang, et donnent les
caractères physiques de ce fluide et des concrétions blanches, et même les carac-
tères microscopiques des corpuscules blancs du sang, ils reconnaissent la relation
de l'altération du sang avec la lésion de la rate, mais pour eux les corpuscules
blancs trouvés dans le sang sont du pus, et ils s'évertuent en vain à en trouver
l'origine. Craigie croit qu'il provient d'une infiannnation chronique de la rate,
Bennett croit qu'il a pu se former dans la masse du sang; mais c'est bien du véri-
table pus. (( On ne peut douter de l'existence du véritable pus {the existence of
true pus), formé dans l'intérieur du système vasculaire, indépendamment de toute
collection purulente locale dont il aurait pu dériver; » et plus loin : « On ne pour-
rait le conlondre qu'avec les corpuscules blancs du sang, mais je ne sais aucun
cas où ceux-ci aient été trouvés en masse pareille ou avec cet aspect. » 11 invoque
aussi la réaction que ces corpuscules donnent avec l'acide acétique, et leurs carac-
tères microscopiques, pour les distinguer des corpuscules blancs du sang, de la
lymphe pyoïde de Lebert (on a vu, article Leucocytes, ce qu'on doit penser de ces
l'éactions), et il conclut que rien, dans le système vasculaire, ne ressemble aux
globules blancs observés, et qu'ils sont par conséquent du pus. Ainsi Craigie et
Bennett ont bien décrit les caractères physiques et microscopiques du sang, ils
ont vu la relation de cette altération avec la maladie de la rate, mais ils ont eixé^
500 LEUCOCVTIIKMII:; (iiistoriquf.)
sur l'inter^îrétation, ils ont cru à du pus, et ils n'ont pas du tout cherché à établir
une entité morbide nouvelle.
Virchow, commentant sa première observation [Froriep's Notiz.,\%io,v.l^{^),
tient un tout autre langage. Comme les deux médecins anglais, il décrit exacte-
ment les caractères physiques et microscopiques du sang, il saisit la relation qui
existe entre l'altération du sang et l'état de la rate, il y rattache les épistaxis qui
ont été signalés depuis Hippocrate dans les cas de tumeurs de la rate. Mais à l'in-
verse de Bennett, il ne prend pas le sang blanc pour du pus. Ce qu'il a vu et décrit,
ce sont bien les corpuscules blancs du sang, ce sont les corpuscules lympliatiques,
et il prononce explicitement leur nom. 11 se préoccupe de la formation insolite de
ces corpuscules, qui lui semble difficile à expliquer par un afflux plus grand de
ceux que pourraient apporter les chylifères; en effet, la maladie a présenté une
diarrhée grave, et l'on ne peut supposer que les chylifères soient, dans cette cir-
constance, plus riches qu'à l'état normal. Mais ce qu'il affirme bien nettement,
c'est qu'il ne s'agit pas de pus. Il discute les résultats d'une autopsie faite, la
même année, par Rokltansky {Zeitsch. der K. K. Gesell. cler Aertzezu Wien,
4845, t. II, p. 488), intitulée pyœmie, et déclare que la présence du pus ne lui
est pas démontrée, bien que l'infiltration purulente de quelques parties semble
parler en ce sens. La complète identité des corpuscules incolores du sang et des
corpuscules purulents rendrait tout jugement direct impossible, à supposer même
qu'il y ait eu examen microscopique ; mais la constitution habituelle du sang dans
la pyœmie est toute autre, et caractérisée, non pas par la présence du pus dans
le sang, mais par la liquéfaction et la destruction de ses parties constitutives (Ver-
flussigung und Zersetzung der Blutbestandtheile) , et par la tendance aux exsu-
dats de nature purulente. Ainsi l'auteur indique très-bien cette doctrine, si bien
mise en lumière depuis, que ce n'est pas la présence des globules blancs, mais
bien un ensemble de lésions et de symptômes qui caractérise l'infection purulente,
et que cet ensemble ne s'est pas rencontré dans le cas qu'il rapporte, ni dans
celui de Rokitansky, où l'on manque d'ailleurs entièrement de x'euseignements
cliniques, bien qu'on y trouve une tumeur splénique et une coloration blanche
du sang. Quant à la relation de la crase sanguine avec la rate, Virchow rappelle
que des observateurs récents, et il cite M. Donné, ont attribué à la rate une influence
particulière sur la transformation des corpuscules incolores en corpuscules colorés.
Mais les pertes de la rate, qu'on a observées même chez l'homme, n'ont pas donné
lieu à l'excès des globules blancs. La rate malade pourrait-elle exercer une
influence de cette nature? Les épistaxis signalées depuis Hippocrate dans les affec-
tions de la rate, devaient-elles leur existence à une semblable crase du sang? Vir-
chow appelle l'alte^ition des observateurs sur ces questions, et « s'estimerait heu-
reux d'avoir contribué à introduire dans la science un fait nouveau, lequel, selon
lui, ne manque pas d'importance. »
Ainsi dès la première observation, Virchow a donné les premières notions delà
leucocythémie, telle que nous l'entendons aujourd'hui ; il a reconnu les globules
lancs du sang, il a repoussé l'idée de l'infection purulente, il a reconnu le rôle
de la rate en rappelant le rôle physiologique qui lui est attribué pour la transfor-
mation des globules blancs en globules rouges, il a mis en avant l'idée qu'un état
pathologique de cette glande pouvait exagérer la quantité des globules blancs
normaux du sang (et non pas, comme Craigie, que la rate enflanmite versait du
pus dans le sang), il a indiqué l'influence que la crase du sang pouvait avoir sur
l'un des symptômes principaux de la maladie, les liémorrliagies ; enfin il signnle
LErCOCYTHÉMir. (insToi'.inur). ?)6t
un état patliologique nouveau, digne de fixer rattenlion des observateurs. Nous
reconnaissons dans cet exposé tous les éléments de priorité que nous réclamions
plus haut et que Benhett et Craigie n'ont pas pu nous fournir. Les extraits que
nous venons de rapporter de leurs observations sont très-explicites à cet égard.
Plus tard, il est vrai, Bennett a pu dire que les globides de pus et les globules
blancs du sang étaient identiques, et que celui qui les avait décrits devait avoir
la priorité ; mais, au moment de sa première publication, il était loin d'être de
cet avis ; bien moins avancé encore que M. Donné l'était déjà en 1844, il affir-
mait que les corpuscules blancs n'étaient pas les globules blancs normaux du
sang, il cberchait à les différencier par des caractères microscopiqaes et cbimi-
ques, il alléguait surtout leur quantité insolite, argument àvyà présenté par
M. Bouchut en 1844, et il concluait à la présence de pus véritable, cherchant en
vain une explication satisfaisante de la formation de celui-ci. Pour nous, la
question est donc jugée en faveur de Virchow, comme elle l'a été très-judiciense-
mcnt en 1851 par M. Leudet (Gaz. hebdomad. de méd. et de cliir. Paris, 1851,
p. 554) ; du reste, la presse anglaise elle-même a fini par reconnaître le bon droit
du médecin allemand . {Médical Times and Gazette, 1861, p. 550).
La suite de cet historique va d'ailleurs nous montrer le développement que
Virchow sut donner à ses idées. En 1845, Bessières avait donné dans le Journal
de Médecine de Toulouse, une observation qui manquait d'analyse microsco-
pique. En 1846, John FuUer rapporte une nouvelle ohserxAiion {The lancet,
1846, t. II, p. 45) ; il note également l'hypertrophie de la rate, et l'altération du
sang qui a été examiné à trois époques différentes.
J. Vogel rapporte dans le Canslalt's Jahresbericht une observation où le
diagnostic a pu être porté pendant la vie.
La même année (août et septembre), Virchow reprend la question dans un ar-
ticlede hPreussen-Verein s Medical-Zeitung (1 846, n°^54et 56, et 1847, janvier,
n"^ 5 et 4), dans un travail intitulé ; Weissblut und Milziumoren (sang blanc et
tumeurs de la rate). Discutant les observations de Craigie, de Bennett, deFuller
et la sienne, il démontre de nouveau qu'il n'y a pas dans ces faits de pus, ni
d'hémite. Puis il signale des faits déjà connus dans la science et qui lui paraissent
être des cas de leucocythémie, ceux de Bichat (1801), de Velpeau (1827), d'Op-
polzer et Liehmann, de Rokitansky (1845), de Caventou (1828), de Wintinch
(d'Erlangen), de Harless, de M. Andral et de Bricheteau. [Yoij. Bibliographie.)
Il développe sa théorie des globules blancs, et, l'appuyant sur les recherches
antérieures de H. Nasse, de Henle et de M. Donné, il indique les diiférentes cir-
constances physiologiques ou pathologiques oiî se produit l'augmentation des
globules blancs (grossesse, diète, pertes de sang, pyrexies, maladies épuisantes).
Dans la dernière partie de son mémoire, il fait ressortir la constance de l'hyper-
trophie splénique, et établit l'influence qu'elle exerce sur la crase du sang.
En 1847, Virchow fonde avec Reinhard le recueil intitulé : Archiv fiir patho-
logische Anatomie, qu'il continuera seul après la mort de son collaborateur.
Dans le premier volume, il consacre à la maladie un nouveau travad, oi\ il lai
donne le nom de leukœmie (t. I, p. 565), et fait pour la première fois la dis-
tinction entre la leukémie splénique et la leukémie lymphatique. Le» Archives de
Virchow vont recevoir désormais presque tou^ les travaux qui jiaraîtront sur la
leukémie. Meckel (II.) publie cependant un fait nouveau dans le Zeifsc/n'i/ï /«r
Psychiatrie. LçsArcltives de Virchovv nous présentent encore, en 1849, un nou-
veau travail de Virchow (t. H, p. 587); en 1849, une observation de Vogel
302 LEUCOCYTIIÉMÎE (historique).
(t. III, p. 570) avec examen microscopique du sang avant et après la mort et
avec analyse chimique; en 1854 (t. V, p. 43), un nouveau mémoire de Yirciiow
où l'auteur formule de plus en plus nettement la théorie de la maladie nouvelle.
Ce môme volume contient les travaux de Uhle (p. 3,76), une observation très-
détaillée avec recherches microscopiques et chimiques, et le tableau de 26 obser-
vations publiées jusqu'alors, ainsi qu'un article de Griesinger (p. 391), intitulé :
Leukémie et pyémie, où l'auteur combat quelques idées théoriques de Yirchow
Cependant la question est reprise en Angleterre en 1848 par une seconde ob-
servation du docteur Fuller, en 1850 par Parkes, qui présente une nouvelle
observation, et critique le nom de leukémie donné par Virchow, comme prêtant
à la conhision. A la fin de la même année, Bennett présente à la Société médico-
chirurgicale d'Edimbourg [Edinh. med. cliir. Society, séance du 18 décembre
1830) un mémoire qui devient l'objet d'une courte diseussion. (Voy. Monthly
Journ., t. XII, p. 19.) Le mémoire de Bennett, intitulé On leucocythemia or blood
containing an unusual niimber of coulourless corpuscles (de la Leucocythémie,
ou du sang contenant un nombre inusité de corpuscules incolores), paraît dès
le commencement de l'année 1851 dans le Monthly Journal of Médical Sciences,
t. Xîl, et se poursuit dans les deux volumes suivants. (Voy. Bibliographie.) L'au-
teur, après avoir, comme Parkes, critiqué le nom de leukémie, et proposé celui
de leucocythémie, réunit toutes les observations publiées jusqu'à ce jour, aux-
quelles il ajoute un certain nombre d'observations nouvelles, qui lui ont été
communiquées par différents auteurs, les docteurs Chambers, Quain, Hislop,
Gairdner, Wallace, Drummond. Il trace un historique où il indique aussi un
grand nombre de cas pathologiques, dus à d'anciens auteurs, lesquels cas sont
très-probablement des faits de leucocythémie, bien que le manque d'examen
microscopique ne pei-mette pas de l'affirmer. 11 oppose à ces observations les
faits où la rate a été trouvée hypertrophiée sans leucocythémie. Enfin, dans un
mémoire consécutif, pubhé dans le tome XIV (1852), il étudie les fonctions de la
rate et des autres glandes lymphatiques en tant qu'organes sécréteurs du sang.
Dans l'exposé de sa théorie nouvelle, il n'est plus question de globules purulents,
ni de suppuration, il a adopté les mêmes idées que Virchow, et l'on ne voit pas
de différence sensible entre les deux théories. {Voy. ci-dessus.) Tous ces travaux
sont réunis en mars 1852 dans une monographie {On leucocythemia) assez
étendue. Dans un voyage à Paris, fait en 1851, le professeur Bennett avait déjà
exposé ses idées dans une communication à la Société de biologie. {Compt. rend,
de la Soc. de biol, 1851, l"'" série, t. III, l''" partie, p. 46.)
Virchow répond à Bennett dans ses Archives, t. VI, et t. VII avec une grande
vivacité au sujet de la question de priorité.
En 1852, l'Amérique fournit à la question l'observation du docteur Addinel
Hewson. {Ajnerican journal, octobi^e 1852.) Le malade aurait guéri par l'usage
des toniques, mais le fait est douteux.
Ce n'est qu'en 1852 que la France apporte enfin son contingent à la maladie nou-
velle, et c'est la Société de biologie de Paris qui va pendant plusieurs années rece-
voir les principaux travaux. Le docteur Leudet, le premier, présente en 1852
à la Société anatomique de Paris {Bull, de la soc. anat., 1852, p. 226) le^
pièces anatomopathologiques d'un sujet mort de leucocythémie, et dès le« pre-
miers jours de l'année 1855, il fait de ce même cas l'objet d'une commuuicalion
impoi^tante à la Société de biologie. {Soc. de biol., 1853, t. V, î" partie, p. 3.)
Son travail comprend une observation recueillie avec beaucoup de soins, et un
LEUCOGYTHÉMIE (historique). 3C5
historique très-bien fait de la question. La même année, MM. Charcot et Robin
présentent à la même société une nouvelle observation, très-circonstanciée, ac-
compagnée aussi d'un relevé des observations antérieures.
L'année 1854 voit paraître en Allemagne les observations de M. de Pury, ds
Hescbl, la thèse maugurale de Schreiber et l'article du professeur Vogel dans
son Handbuch des specieîlen Pathologie und Thérapie.
En 1855, M. Leudet écrit dans la Gazette hebdomadaire un excellent article
de critique sur la leucémie, et MM. Isambert et Robin présentent à la Société de
biologie (8 décembre 1855) les études microscopiques et chimiques du sang d'un
enfant observé dans le service de M. Blache.
Au même moment, la question leucocythémie est portée devant la Société mé-
dicale des hôpitaux de Paris, par M. Vigla (12 décemb. 1855), qui présente trois
observations et l'exposé de ce qu'on sait sur cette maladie nouvelle. Cette commu-
nication devient l'occasion d'une discussion qui va durer six séances et à laquelle
plusieurs membres apportent leur contingent d'observations. M. Barth donne
enfin in extenso cette observation recueilhe en 18o9, dont le sang avait été étudié
avec tant de précision par M. Donné, et qu'il s'était borné à citer dans son cours
d'anatomie pathologique sans la faire imprimer. M. Woillez, Goupil (Ernest),
Becquerel, y apportent des observations nouvelles. Le nouveau livre de Virchow
{Gesammelte Abhandhmgen) , qui vient de paraître à Fi'ancfort et qui donne
le dernier mot des idées de Virchow, éclaire cette discussion.
Toutefois la leucocythémie devant la Société des hôpitaux est envisagée d'un
point de vue assez différent de ceux où l'ont placée jusqu'à ce jour les médecins
allemands et anglais. Les médecins des hôpitaux de Paris s'occupent beaucoup
moins des détails histologiques et des théories physiologiques plus ou moins hypo-
thétiques qui régnent à ce sujet, que de son histoire clinique ; ils cherchent sur-
tout à préciser son étiologie, ses symptômes, sa marche, sa thérapeutique, et
enfui, ils se préoccupent les premiers du rang qu'il convient d'accorder en patho-
logie générale à la nouvelle maladie : est-ce une entité morbide, est-ce une ca-
chexie commune à bien des maladies diverses? on cherche les cas de leucocythémie
sjmptomatique. En un mot, l'idée clinique et philosophique domine. Si quelques
résistances peu justifiées s'y font jour, en revanche les excellentes remarques da
M. Barthez (Ernest), de M. Barth et le résumé de M. Vigla font iaire un pas no-
table à la question.
Pendant que cette discussion se poursuit, M. Blache présente à l'Académie de
médecine (26 janvier 1856) l'observation d'un enfant dont le sang a été étudié
par MM. Isambert et Robin, observation qui devient devant cette assemblée, peu
préparée à la recevoir, l'occasion d'une discussion confuse, qui sera relevée cjuel-
que temps après, en termes assez peu respectueux parBennett. {Edinh. Med.
Journal, 1856, to Ihe editor, etc.) Le cas de M. Blache avait été pris eneflet, par
plusieurs membres appartenant aux sections de chimie et de jiharmacie, pour un
de ces cas de sang laiteux ou chyleux, dont nous avons parlé au début, et cette
confusion n'est redressée que par quelques académiciens, qui sont en même temps
membres de la Société des hôpitaux.
Malgré cet incident, on peut dire que dès l'année 1 856, la leucocythémie a pris
droit de cité en France ; la monographie de M. Vidal, et un article critique de
M. Schnepp {Gaz. médic. de Paris, 1856, p. 199) achèvent d'éclairer notre public
médical, et bientôt les observations se multiplient en France, comme ailleurs
(obs. de Bossu et Tessier de Lyon, 1856, obs. deThierfelder et Uhle, 1856). Signa-
364 LKUCOCYrilfiMIK {r,icr,io,;nAriiiE).
]ons vers la même époque, un bon article inséré dans les actes de la Société de
Wi'irzbourg, et hititu\é Fragmeyits -pour servir à l'histoire de ïaleucémie, lequel
a pour collaborateurs : Bamberger pour la partie clinique, Yircbow pour la partie
microscopique, et Scherer pour la partie chimique, ainsi que le travail du profes-
seur Magnus lîuss (de Stockholm), qui se préoccupe aussi beaucoup du point de
vue clinique. (Arch. de méd., 1857, t. Il, p. 291.)
Le caractère des travaux pubhés à cette époque est surtout de préciser davan-
tage les questions de détail, de chercher à pénétrer de plus en plus dans la pa-
thogénie et la physiologie de la maladie. Tels sont les écrits de Friedreich (1 857),
de Bœttcher (1858), de M. Leudet (observ. 2% Soc. de hiol. , 1 858, p. 79, et études
des lésions viscérales de la leucémie, Gaz. méd., 1858, p. 745), du professeur Op-
polzer (1858) et de MM. Vidal et Luys [But. de la soc. anat., 1857, p. 355) et
notre observation de 1858. (Soc. de Mol.., p. 183.)
L'Italie fournit enfin son contingent par les observations des docteurs de Mar-
tini (1857), et R. Mattei (1858), et l'Amérique une observation du docteur de
Bauer (1859).
En 1859, M. Gubler .signalait des faits cliniques curieux au point de vue de la
place qui doit leur être attribuée en nosologie [voy. ci-dessus, Diagnostic) et au point
de vue de l'apparition rapide de la leucocythéraie, dans des cas où elle parait
symptouiatique.
Cependant, depuis 1856, les travaux de S. Wilk s sur l'anémie lymphatique
avaient montré un côté nouveau de la question, qui est développé plus tard par
Pavy (1859), et qui aboutit enfin aux leçons de Trousseau sur Vadénie. (Clin.
del'Hôt.-Dieu, 1865.) Une nouvelle maladie, en tout semblable à la leucocythémie
lymphatique de Virchow, sauf la présence des globules blancs, va désormais préoc-
cuper les médecins, et on discutera sur la relation plus ou moins étroite qu'elles
peuvent présenter entre elles (obs. de M. Potain (1861), de MM. Hérard et Cornil
(1865), de M. Nicaise (1866), de Wunderlich (1866).
Nous touchons à une époque tout à fait contemporaine, nous ne chercherons
pas à mentionner toutes les observations qui ont pn se produire. En Angleterre,
nous pouvons citer Page et Ogle (1859), Shearer, Addison, Page, Johnson (1860),
Morris (1861), Farre (1861), Barclav (1863) ; en France, MM. Gharcot etVulpian
(1860), M. Ghambard (1861), M. Corlieu (1861), M. Ghaillou (1863), MM. Gri-
solle et Hemey (1864), M. VigieretM. Cornil (1864). En Amérique, le docteur
Damon publie une monographie (1863). En Allemagne, nous avons une thèse
considérable de Ehrlich (1862). Virchow lui-même reprend dans ses publications
successives {Pathologie cellulaire, Syphilis constitutionnelle, Traité des tu-
meurs), les idées qu'il a déjà émises et généralise de plus en plus sa théorie du
tissu lymphoïde. Lœschner (1859) et Golitzinski (1861) étudient la leucocythé-
mie chez les enfants.
Fœrster (1865), Mosler (1866, 1867 et 1868), Bœttcher (1866), Lucke (1866),
étudient des points particuliers et surtout les relations de la leucémie avec
les hypertrophies ou les hétérotopies du tissu glanduleux. MM. Bourdon et Des-
nos (1867) fournissent de nouveaux fliits cliniques; M. Lancereaux (1869) donne
des descriptions anatomo-pathologiques, et enfin MM. OllivieretBanvier complètent
par un important travail, en cours de publication (1869), les notions d'anatomie
et de pathogénie que nous avaient fournies déjà leurs observations de 1866.
BiRLioGRAPiiiE. — Nous avons dans le cours de cet article rapproché autant que possible de
chaque faille nom des auteurs qui l'avaient sit'nalé; auprès du nom de chaque auteur, nous
LEUCOCYTHÉMIE (uibliograpiiie). 365
avons mis le renvoi du livre et de la page, enfin, dans noire liistori(]ue, nous avons, par
ordre de dates, indiqué la part que chacun avait pris à l'étude de la leucocytliémie. Pour
la plus grande commodité de recherches, c'est par ordre alphabétique que nous rangerons
les indications bibliographiques, où toutes les œuvres d'un même auteur se trouveront
ainsi réunies.
AiiDisoN. Ihe Lancet. 1860, t. I, p. 10. Une observation de leucocythcmic splcnique,
soulagement par traitement tonique. — Allen Thompscx, dans Cormak, Natur. History of
the Épidem. Fcver, London, 1845, p. 113, signale les glob. de pus dans la fièvre d'Ediii-
burgh. — ÂNDRAL. Clinique inédicale, 4« édi!., 18Ô9, t. I, p. 93, et 4'=édit., t. I, p. 93,
observ. XVII. Fièvre typh. ataxo-adyn. ; caillot de la saignée, mou, semblable à de la gelée
de groseille, après la mort couleur lie de vin comme sanieuse, rate très-molle. — Archives
qénér. de médecine, 1850, 5= série, t. VII, p. 129-143. De la leucémie, par le docteur R.
Virchow (extrait des Gesamm. Abhandl. zur wissensch. Med., 1856). Ibid., p. 481. Analyse
de la première observ. de Virchow et de la première deBennett. Ibid , p. 505. Reproduction
de l'observ. Blache, Isambert et Robin. — Ibid., t. VIII, p. 235. Anal, de deux observ. de
Samuel Wilks, extraites de Guy's Hospital reports, 1855. — Assolant. Thèse de Paris, an X,
Recherches sur la rate, cité par Craigie. — Aldouard. Des congestions sanguines de la rate,
in-8°. Paris, 1818. — Bambeeger. Verhandliingen der phys.-med. Gesellsch. zu Wilrzburg,
t. VII, p. 110. Deuxo'.Jservations, dans un travail intitulé : Fragments pour servir à l'histoire
de la leucémie, a, partie chnique, par Bambeegeu, analyse, sommaire dans Gaz. med. de
Paris, 1858, p. 69. — BAncLAY. The Laneel, 1865, p. 117. Observ. hypertr. de la raie, du
foie et des capsules surrénales : légère coloration bronzée de la peau, leucocytliémie, épi-
staxis. — Barth (anal, par i\I. Donné). Soc. méd. des hôpit., 1855, p. 59. Observât, datant
de 1859, mais citée seulement en 1853 par M. Leudet, et publiée in extenso en 185G dans le
mém. de M. Vidal (de la leucocythémie splénique] et dans Gaz. Itebdom. de médec., 1850.
— Bauer (D'L.). American Medie. Monthhj, oct. 1859, et Gaz. hebdom., 1860, p. 170.
Observât, de leucémie dans le cours de néphrite albumineuse, avec urémie, abcès articul.,
suppurât, de la cuisse. — Becquerel. Bull, de la Soc. méd. des hôp., 1855, 26 déc, t. III,
p 50. Obs. de leucoc. à la suite d'un cancer de l'estomac; analyse du sang. — Ibid., p. 72.
Bonnes remarques sur la leiicocyth. symptomat. Elle n'existe pas môme avec cachexie splé-
nique prononcée et cancer de l'ovaire. — Ibid., p. 193. Obs. nouvelle (27 avril 1836] ; dis-
cussion sur ce fait, p. 189. — Benxett (Prof. John Hughes]. Edinburgk Med. and Surg.
Journal, vol. LXIV, octobre 1845, p. 400 : Two Cases of Diseuse and Enlargement of the
Spleen, in ivliich Death took Place froni the Présence of Purulent Malter in the Blood,
c'est-à-dii^e : Deux cas de maladie et d'hypertrophie de la rate où la mort est survenue par
suite de matière purulente dans le sang. De ces deux observations publiées simultanément,
la première, celle de David Ci'aigie. remonte à février 1 841 , la deuxième, celle de Bennett,
remonle à mars 1845. Analyse dans Arch. générales de méd., 1856. vol. I, p. 482. — Da
MÊME. Monlhhj journal of med. sciences, 1851, t. XII, p. 17-38 (janvier, p. 312-526). Oi%
Icucocijthemia or blood containing an unusual number of eolourless corpuseles. (De la
leucocythémie, ou du sang contenant un nombre inusité de corpuscules incolores.) Critique
le nom de leukémie. Mémoire divisé en trois parties • 1° cas indubitables où l'examen mi-
croscop. a prouvé la leucocyth. (19 observât.); 2° cas probables de leucocyth. où le sang
n'a pas été soumis à cet examen; 5" cas d'hypertrophie de la rate sans leucocythémie
(5 observ.). Ce mémoire se continue dans le t. XIII, p. 97 et p. 517, et se termine dans
le t. XIV (1852), p. 531.— Ibid., p. 2G0-215, dernière partie : On the Function of the Spleen
and othcr Lymphatic Glands as Secretor of the Blood . Ces travaux ont été réunis par Bennett
dans une monographie : On Lcucocythemia, mars 1852. — Du même. Communication directe
à la Soc. de biol. de Paris (1851). Compte rendu de la Soc. debioL, l"sér., t. III, 1851,
1'= partie, p . 46 : De la leucocythémie ou du sang à globules blancs. — Dans Monthhj Journ.,
t. XII, p. 197. Séance du 18 déc. 1850 de la Edinb. mcdic. cliir. Society : Courte discussion
après la commun, du mémoire de Bennett (I)"' Keiller, Gairdner, Goodsir, Christison). — Du
MÈ.ME. Edinb. med. Journ., 1856. Lettre relative à la discussion de l'obs. Blache devant l'Aca-
démie de médecine. Bennett croit à tort que M. Blache a confondu un cas de sang chyleux
avec la leucocythémie, mais ce n'est pas M. Blache, ce sont les membres de l'académie
(section de chimie) qui ont fait la confusion. — Du iiêjie. Brit. Med. Journ , 1861, févr.
Obs. de leuc. avec peau bronzée. — Bessière. Journ. de med. et de ehir. de Toulouse, oct,
1845, cité dans Canstatt's Jahresbericht , 1845, t. I, p. 26, et par Bennett, On Leucocythemia.
Obs. d'hypertrophie de la rate, du foie et des reins; mort subite, caillots blanchâtres dans
le cœur et les gros vaisseaux ; analyse chimique du sang, mais pas d'anul. microscopique.
BiciuT. Atiat. gén. Paris, 1801, 1. 1, p. LXX (page soixante-dixième des considérations géné-
l'ales). Obs. de caillots blancs avec véritable sanie grisâtre dans la veine splénique, la veine
porte et toutes ses divisions. « Certainement, cette sain'e n'était pas un effet cadavérique,
et le sang avait circulé, sinon aussi altéré, au n oins bien différent de son état naturel, et réel-
506 LliUCOCVTUÊMIE (ciEnoGr.jvnaE).
lement décomposé. — Biermer. Virch. Arch., t. XX, p. 532. Observ. — ^ Biliroth. Beitrâge
%. p. Histologie. Berlin, 1858. p. IGG. Sur les globules blancs, etc. — Blaciie, Isambekt et
Robin. Bull, académie de médecine, 1856, t. XXI, p. 598. Séance du 29 janviei-, et Gaz.
hebdomad., 185(3, p. 76, ou. Arch. génér. demédec, 5= série, t. VJI, p. 565. Observalion de
leucoémie splénique à forme liémorrliagique. Voy. aussi Comptes rend, et mém. de la Soc.
de biologie, iS56, 2= série, t. III, 2= partie, p. 71, et Gaz. mcd. de Paris, 1856, p. G79, pour
l'étude microscopique et chimique du sang de ce malade, par Isambert et Robin. — Bœtt-
cHER. Arch. de Virchow, t. XIV, p. 485, et Arch. de mcd., 1860, décembre, p. 7G5. Observât.
leucoc-yth. lymph. et splénique; cas mixte (globulins et dégénér. amyloide). —Du même.
Virchow's Archiv 1860, t. XXXVII, p. 105. Zur pathol. Anat. der Lungen und des Darms
bel Leukœmie (anat. pathol. des poumons et de l'intestin dans la leukémie ; observation
nouvelle, tumeurs lymphoïdes simulant le tubercule). — Boogaard. Nederland. WeekbL,
1854, p. 555. Observ. — Bossu et Teissier (de Lyon). Gazette méd. de Jjjon et Monileiir des
hôpit., 1856, p, 648. Observation. — Bouchut. Gaz. méd., 1844, n° 6, p. 85. Élude sur la
fièvre lyuerpéralc. A la page 90, il signale les corpuscules blancs dans le sang, mais il
ajoute : « Le nombre considérable de ces globules empêche de croire que ce sont des glo-
bules blancs qui se trouvent isolés dans le corps de Ihomme sain. — Du même. Gaz. des
hôpit., 1856, n» 17, 52 et 53. De la leucoc, etc. — Du même. Traité des maladies des nou-
veau-nés, 5= édit., 1868, p. 892. Leucocylhémie aiguë. — Du même. In Gazette médicale,
1868, et Comptes rendus de la Soc. de biol., 6 juin 1868. Note sur la leucocythéraie aiguë
dans la résorption diphthérique. 2 observations. — Bouillaud et Duroziee. Gaz. des hôpit.,
1858, p. 601. Un cas deleucocyth. splénique. — Bourdon. Bull, de la Soc. méd. des hôpit,,
1850, t. III, p. 67. 4 cas de leucoc)[hé\me symptomatique. — Du même. Bulletins et mém.
de la Société médicale des hôpitaux, 2" série, tome IV, p. 275 et suiv., et Union médicale,
1867, 7 novembre, p. 257 et p. 305, t. IV, 3= série. Observât, de leucocythémie splénique,
Voy. aussi la discussion qui a suivi sur la compos. des caillots, par MM. Peter, Dumont-
Tallier, Paul, Blacliez, Isambert. — Bricheteau. L'Expérience, 1844, n" 364, p. 399, Cité par
Virchow [Gesamm. Abhandl.'^ . Observ. de concret, blanches recueillies sur un cadavi'e; pas
d'altération des organes; le rein gauche seul présentait quelques petits abcès (pièces présen-
tées à l'Académie des sciences le 19 juin 1844). — Castelneau. Mon. des sciences, 1802,
p. 144 et suiv. Remarques de path. générale, etc. — Caventou. Revue médicale, 1828,
t. IV, p. 567, et Acad. des sciences, 15 novembre 1828. Note sur un sang d'une nature
particulière. — Celse. De medicina, liv. II, cap. 7, prœsagia qucedant miscua : « Quibus
scepe naribus finit sanguis, his aut lienis tuniet, aut capitis dolores sunt... aut quibus
magni licncs sunt, his gingivce malœ sunt et os olet, aut sanguis aliquâ parte prorumpii,
etc. » Édition Willigan. Edinburgi, 1851, p. 49. — Ciiaillou et Potain. Bull, de la Société
anatom. de Paris, 1865, p. 506. Obs. de leucocyth. ganglionnaire; peu de choses à la rate
et au foie; ganglions et glandes intestinales, hyperplasie du tissu lymplioïde. — Chasieard.
Gaz. méd. de Lyon, 1863, etGa^. des hôpit., 1863, p. 554. Obs. de leucocyth. splénique;
douteuse, pas d'examen microscopique du sang; rate, foie, pas de gl. lymph., hémorrlia-
gies, épistaxis métroi'rh, — Charcot et Robix. Comptes rendus de la Soc. de biologie, 1853,
1" série, t. V, p. 44 et 49. Observation très- détaillée; lésions du sang (globulins et glob.
blancs) ; cristaux; hypei'tr. splénique; lypémanie, suicide; recherches historiques. — Ciiarcot
etYcLPiAN. Gazette hebdomad., 1860, p. 755. Note sur des cristaux particuliers trouvés dans
le sang et dans certains viscères d'un sujet leucémique, etc. — Ciiristisox. Sur le sang blanc
ouchyleux. Cité par Bennett, Montlihj Journ., 185], t. XII, p. 67-78. — Corlieu. Gaz. des
hôp., 1861 n" 27, p. 106. Observât, de leucocyth. — Cornil. Voy. IIl'rard, voy. Vicier. —
Craigie (David). Edinburgh med. and surg. Journ., 1845, vol. 64, p. 400. Observ. recueillie
en 1841, mais publiée seulement avec celle de Bennett en 1845, inlit. : Cas de maladie de
la rate où la mort est survenue par suite de la présence de matière purulente dans le
sang. — Croskert. Dublin Quart. Journ., 18B7, p. 104. Observ. — Damon. Leucocythcmia.
Mémoire couronné à l'université de Boston, 1863 (Massachusetts). — Damaschi.no.
Bulletin de la Société anatomique de Paris , janvier 1868. Ilémorrhagies multiples
dans la leucocytliémie. — Deiters. Deutsche Klinik, 1861. Observ. — Dksnos. Bulletins et
mém. de la Soc. méd. des hôpitaux, 2= férié, t. IV, p. 292 et suiv,, et Union méd-, 1868,
t. V, 3'= série, p. 279. Obs. de leucocythémie splénique chez un vieillard de 73 ans, cxamou
microscopique par M. Ilayem. — Donné. Cours de mieroscopie complémentaire des études
tnédicales. 1844, Paris, p. 132 , passage très-explicite sur les globules blancs du
sang que l'on pouvait prendre pour du pus; ibid., p. 90 à 100, passage relatif à l'action
de la rate sur la métamorphose des globules blancs en globules rouges. — Duplay.
Arch. génér . de méd., 1854, t. VI, p. 223. llyperlr. splénique, hépatique et mésentérique,
cachexie prise pour une phthisie ; à l'autopsie, masses sanguines d'apparence purulente.
Tessier a étayé sur ce l'ait sa théorie de la fièvre purulente spontanée. — Durand (de Lunel).
liull. de l'Acad, de mcd. de Paris, 1851, 20 mai, et Gaz. méd., iSQl, p, 328. — Eddowes,
LEUCOCYTHÉMIE (ciBLiocp.ArHiE). 367
Brit. Med. Journal, mars 1866, et Canstatl' s Jahr., 18C6, t. II, p. 236. Observ. — Edin-
burgh MecUc. Chir. Society, séance du 18 décembre 1850. Dans Monthhj Journal, t. XII.
Présentation d'un mémoire de Bennett on leucocijthemia, et discussion à la suite (Keiller,
Gairdner. Goodsir, Bennett, Christison"! . — Eckaro. Thèse. Berlin, 1838. Structure des gl. {
lymph. — EiinLicii. Dissertation inaugurale. Dorpat, 1862. Cité par Bœttclier, 1860. — '
Emml'rt. Bcitrâge sur Pat/iol. und Thérapie, 1842, Ileft I, p. 49. Cité par Virck. Abhandl.,-
p. 185. Etudie les glob. blancs, leur densité (qu'il croit moindre que celle des glob. rouges]
et nie leur viscosité, qui est un fait. — FAniiE (D'). The Lancet, 1861, vol. II, p. 10. Une
observation de leucocythémie splénique consécutive à une intoxication palustre ; guérison . '
— Feltz. Gaz. méd. de Strasbourg, 1865. Mém. sur la leuc. — Fœrster. Handbuch der
path. Anatomie, 1865, 1. 1, p. 456. Tumeurs lymphatiques dues à la multiplie, à l'hyper-
plasie des éléments d'un tissu conjonctif. — Du même. Virck. Arch., t. XX, p. 359. Obs.
de leuc. lymphat. — FoLVVAEc2toï. Zeilscjir. der Wiener Aerzte, 1838, n" 52. Recherches chi-
miques.— FRiEnREicu (de Wûrzburg). Virchow's Archiv fiir path. An., t. XII, p. 38. Anal.
in Gaz. méd., 1858, p. 854. Leucémie. — Friedrich. Deutsche Klin., n° 20 et 22. Tumeurs
de la rate chez les entants. — Froriep et Glcge. .^na^.-)?ucrosA;. Untersuchungen, 1841, Heft2
p. 176. Signalent corp. de pus dans les inflammations, pneumonies, f. typhoïdes, et surtout
dans la f. puerpérale. — Fdller (John). The Lancet, 1846, t. Il, p. 45. Analyse in Archives
générales de médecine, série IV, t. XIII, p. 241. Observation communiquée à la Société
roy. de méd. et de chirurgie dans la séance du 25 juin. — Du même . The Lancet, juillet 1848,
1" observ. — 2" observation dans Report ofProceding oftlie Pathological Society of Lonclon,
lY* sér., p. 224-225; 1850. — Giesker. Untersuchungen ûber die MHz, 1855, p. 154. Cité par
Virchow, Ges. Abh., p. 188. Reprend l'idée de Malpighi que les coi'puscules de la rate sont
le commencement de nombreux vaisseaux lymphatiques. — Golitziksry. Jahrb. der Kinder-
hcilk., 1861, t. rV, H. 2. Analyse dnns Canstatt's Jahre.sb., 1861, IV, 38i. Leucoc. lymph.
chez les enfants à la mamelle. — Gordon Jackson. Médical Times and Gazette, 186J. Obs.
de leucoc. splénique. — Goupil (Ernest). Bull. Soc. méd. des hôp., 1855, 26 décembre
t. III, p. 46. Une observation reproduite par M. Vidal dans sa monographie. — Gretzel.
Berlin, klin. Wochenschr., 1866, p. 212. Observ. d'enfant. — Griesinger. Virch. Arch., t. V
p. 591. Leukœmie und Pyœmie. Cité par Virch. Abhcmdl., p. 193. — Grisolle etllÉMEï.
Gaz. des hôpitaux, 186i, p. 168. Obs. de leucocyth. splénique et lymph. montrant bien les
lésions de la rétine. Début par tum. lymphatiques sous-maxill. — Grottanelli. Animad-
versiones ad varias acutce et clironicœ splcnitidis, etc. Florence, 1821. Cité avec éloge par
Craigie. — Guelee. Union médicale, t. III, p. 5 et 15, et Bull, de la Soc. méd. des hôp.,
1859, p. 310. Augmentation subite des globules blancs du sang dans la période ultime des
cachexies. — Gulliver. The Veterinarian, 1859, p. 42. Obs. de corpuscules purulents clans
les maladies chroniques et épuisantes. Cité par Bennet et Virchow. — Hadersthox. Lancet, 1861 ,
t. II, p. 9. Observ. — Hafner. Deutsche Klinik, 1866, p. 585. Obs. — Harless. Heidelberger klin .
Annulen, 1831, t. VII, p. 26. Die Blutentziehung in ihren nothwendigen Schranken. Obs.
remontant à 1816. — Harweï B. Holl. Medic. Times, 1852, p. 369. Obs. — Hayden, Dublin
Quart. Journ., \^Gb. Obs. — Henle. Zeitsch. fiir rationnelle Medizin, 1844, p. 214. Signale
la leuc. à la suite des grandes pertes du sang. — Henoch. Klin. der Unterleibskrankh.
Berlin, 1854. — Herard et Corkil. Union médicale, 1865, n°= 90 et 91, Adénie, observation
et leçon clinique. — Heschl. Yirchow's Arch. fiir path. Anat., t. VIII, p. 553. Observ. de
leucémie lymphatique. Cité par Virchow, Gesamm. Abhandl. — Hewson (Addinel). American
Journal, oct. 1852. Observ. Ce malade aurait guéri par le quinquina, le fer et le mercure ;
l'auteur avoue cependant que l'altération du sang n'avait pas disparu entièrement. Cité
par Leudet, Gaz. hebd., 1855, p. 554. — Hippocrate. Trad. Litlré, t. V, p. 654 et 655 (20
et 21) : « Les hémorrhagies à contre-sens sont mauvaises, par exemple une épistaxis de la
narine droite et un cas de grosse rate.» Même volume : épistaxis gauche avec gi-osse rate,
p. 87, § 6 ; p. 95, § 23 ; p. 147, § 7. — T. IX, p. 67, § 56 : « Les gencives sont mauvaises
et la bouche fétide chez ceux qui ont la rate grosse. Ceux qui ont la rate grosse sans qu'ils
éprouvent des hémorrhagies et sans que la bouche soit fétide, offrent des ulcérations mau-
vaises aux jambes et des cicatrices noires. » —T. Yl, p. 131 ; éruptions rouges chez' les gens
qui ont la rate volumineuse. — Hodgkin. Médico-Chirurg . Transactions, t. XVII, p. 68 et
p. 107. On somc Morbid Appearences of the Absorbent Glands and Spleen. 7 observations.
Cité par Craigie.— Hoogeweg. Pr. Ver.-Ved.-Zeit., 1857, n" 8. Obs. — Htiss (Magnus. le prof,
de Stockholm), in Arch. génér. de médecine, 1857, t. II, p. 291, et Zeitschr. f. klin. Med.,
t. IX, p. 130. Leucocythémîe splénique. Une observation et examen des faits et doctrines
régnantes. — Isambert. Obs. 1835 avec MM. Blache et Robin [voy . Blacue). — Du même. Soc.
debiologie, 1858, p. 183. Sur un nouveau cas de leucocythémie. Fibrine grumeleuse, hypertr.
du pancréas. —Du sième. Soc. méd. des hdpit.,[8Q9, juin. Observ. de leucocythémie adé-
noïde. — Du même. Relevé personnel. Nous désignons souvent sous ce nom, dans le cours
de cet article, un relevé que nous avons fait tout récemment de 41 observ. nouvelles. Il
5G8 LEUCOCYTHÉMIE (lUELiocnAnut;).
imporlc de donner les noms des auleurs de ces observations. Ce sont MM. Blaclie (1855),
Becquerel {18ù5, 1856), lluss (1856), Page et Ogle (1850), Bambergcr (1856), Friedreich
(1837), Laveran (l'^^''). de Martini (1857), Isambert (1858-1869), de Mattei (1858\ Bouillaud
et Durozier (18ôS), Bœttcher (1858), Vidal (1858), Oppolzer (1858), Thierlelder etUlile (185S),
Leudet (1858), Bauer (1859), Gubler (1859, 2 obs.), Pavy (1859), Charcot et Vulpian (18G0),
Shearer (18601, Mulder (1860), Polain (1861), Chaillou (18133), Vigier (18641, Grisolle et
Ilémey (1864), Trousseau (1865), Laiicereaux (1865-1869), Ollivier et Uanvier (1866, et 2 obs.
1869), Nicaise (1860), Bourdon (1867), Desnos (1867), Béliier (1868), Damaschino (1868). —
Jacubasch. Yirch. Archiv, p, a, t. XLIII, p. 196. Analyse de l'urine dans la leukémie. —
JoiiNsos. Tlic Lancct, 18(iO, t. î, p. 10. Deux observations. — Kerstein. Thèse. Berlin, 1863.
— Klob. Wieii. med. Woc/iensch., 1862, 35 et 36. Sur les tumeurs dites leukém. — Kr.vuse.
Jhcsc. Berlin, 1863. — Kribdex. Thèse. Berlin, 1857. — Lamel. Kinderhosp. in Prag, 1861,
et CanstatVs Jahrh., 18G1, lY, p. 214. Croit à l'épigénèse des globules dans les vaisseaux. —
Laxcaster. Lancet, 1853, t. I, p. 119. On ivhite Blood. — Laxcereaux. Atlas d'anatoinic
pathol. Paris, 1869. Obs. de leucémie avec thrombose des vaisseaux cérébraux; splénadome
et tuberculose pulmonaire. Citée déjà par Trousseau, Clinique de l'Hôtel-Bicu, 2° édit ,
t. III, p. 548. Publiée in extenso, dans Atlas d'anatomie pathologique. Paris, 1809. — Do
MÊME. Observ. nouvelle. Leucocythémie avec hypertrophie du corps thyroïde, Atlas d'ana-
lomie palh. — Loeasge. Thèse. Kœnigsberg, 1856. — The Lancet, 1860, vol. I, p. 9. 5 obser-
vations de MM. Page, Addison et Johnson. — Lasègue. Yoy. Arch. gén. de méd. et Soc. med.
des hôp., 1856, t. III, p 62. — Lavebax. Gaz. hebdoin., 1857, p. 621, et Arch. gêner, de
méd. , 1857, t. II, p. 470. Hémophilie avec leucocythémie et altération de la rate. — Legroux.
Soc. méd. des hôpit., 1856, p. 72. Deux cas rétrospectifs : 1° 1853, rate énorme, mort
subite, sang à l'autopsie lie de vin, grumeaux blancs ; 2° cas de Dance (1830), beaucoup plus
douteux, mort suliite. — Leddet. Ballet, de la Soc. anatomiqite, 1852, p. 220, et Co)nptc
rendu de la Soc. de biologie. 1853, 1"= série, t. V, 2'' partie, p. 3. Observ., avec historique
de la question très-complet. — Dn même. Gaz. hebdom. de médecine et de chir., 1855,
p. 552. De la leucémie, etc., article de critique très-bien fait. — Dd mêsie. Mém. de la
Soc. de biol., p. 79. Leucocyth. peu prononcée; globulins; foie cirrhose; veine cave infér. ;
gangl. abdomin. — Du même. Gaz. méd., 1858, p. 745. Étude des lésions viscérales de la
leucémie. — Lieeuetcu. Mcdic. Times and Gaz., 1802, avril, et Gaz. hcbd. de méd., 1862,
p. 519. Rétinite leucémique. — Linas. Bull, de l'Acad. de méd., 1855, 10 octobi'e, et Gaz.
hebdom. de ?Héd,, 1855, p. 867. Obs. d'iiypeitr. de la rate, sans lièvre palustre, avec hémor-
l'hagies mortelles. — Livois. Bull, de la Soc. anatom. de Paris, 1838, t. XIII, p. 289. —
Lœsciixer. Jahrb. fur Kinderkrankheiten, 1859, elCanstatt's Jahresb., 1859, t. II, p. 590.
i obs. de leuk. chez les enfants. — Lucke (de Berne). Virchow's Archiv, t. XXXV, p. 524,
et Arch. gêner, de méd., 1866, t. II, p. 619. Lympho-sareôme des ganglions axillaires;
tumeurs emboliques des poumons; leucémie générale. — Luvs, Soc. de biologie, 1859,
p. 159, et Gaz. méd., 1859, p. 741. Lésions de la rate dans la leucocythémie. Dans obs. de
Vidal, Soc. anatom., 1857, p. 547. Cité aussi par Trousseau, Clin, de l'Hôtel-Dieu, t. III,
p. 548. — Marti>i (D'' de). Il fdiatre sebezio, fasc. 518, juin, 1857, et Gaz. hebdom., 1857,
p. 540. Obs. de leucocythémie. — • Mattei (R., de Florence). La sperimentale, 1858, marzo,
n° 3, Firenze, p. 197, et Gaz. hebdom. de méd., 1858, p. 609. Une observation de leuco-
cythémie. M. Vidal a transcrit deux fois cette observation dans la Gaz. hebdomad., sans
• s'apercevoir que c'était la même; en réalité il n'y a qu'un fait. — Meckel (H.). Zeitschr.
fiir Pstjehiatr., 1847, t. IV. Une obs. de leukémie terminée par la démence. —Médical
Times and Gazette, 1861, p. 550. Polémique entre Bennelt et Virchow, jugée définitive-
ment au profit de ce dernier. — Merbach. Canstcdt's Jalir., 1865, p. 116, Observ. — Jloim
(Prof.). Virchow's Arch., 1852. Obs. de leuc. lymphat. Citée par Virchow, Gesanim. Abhandl.
— MoRCAGsi. De sed. et causis morborum, lettre XXXVI, n°ll. Cas peu détaillé de leuco-
cythémie probable (hypertr. splénique, sang lie de vin et concrétions). — Morris (J.). The
Lancct, 1861, vol. II, p. 591. Obs. de leucocythémie avec antécédents palustres, hyper-
trophie de la rate, diarrhée trè.s-abondante. — Mosler et Kœrxer. Virch. Arch., t. XXV.
Analyse du sang et de l'urine. — Mosler. Berlin, med. Woch., 1854, p. 541. 5 obs. — Du
siÉJiE. Virchow's Arch., t. XXXVII, 1866, p. 43, et Gaz. hebd., 1867, p. 32. Sur le diagnostic
de ta leucémie liénale par l'analyse chimique des produits de sécrélion et de transsudation.
— Du MÊME. Berlin, med. Wochenschr., 1867. Intermitt. et Leucémie. — Du jié:>:e. Tram-
fusion dans la leucémie. Berlin, 1867. — Du même. Virch. Arch., 1868. t. XLIV, p. 444. De
la pharyngite et de la stomatite leucémique. — Mulder. Nederlandsch Tidschrift voor
Gencesknnde, 1850, Zeitschrift fiir klin. Med., t. IX, p. 595, et Gaz. hebdomad., 1860,
p. 171. Cas de leucocythémie lymph. ou d'adénie (?). L'altération du sang n'a été reconnue
qu'après la mort. Glandes sou;-maxillaires surtout, amygdales augmentent rapid. dans les
derniers temps. — Mushet. Med
zur Plujs. vrai Path.
usHET. Med. Times, 1867, p. 273. Obs. — ^A5SE (11.). l'nlersuchungcn
, IcôO, t. II, p. 150. Cité par Virchow, Gcsainm, Abhandl., p. 181.
LEUCOCYTHÉMIE (bicliogi-.apiiie). SHD
A bien étudié les glob. Lianes et 1rs trouve augrmentés chez les feiiimcs enceintes, dans les
hydropisies, etc. ; signale l'influence de la diète et des saignées sur leur quantité. —
Kauman^. Hamlhuch dcj- mcd. Klinik, t. VII. Berlin, 1855. — ^El'JIA^^^, Schullzc's Archiv,
t II, p. 507. Cristaux dans le sang. — ^■lc.usE (Edouard;. Gaz. méd. de Parts, 18(J6. Noie sur
la leucocylliémie, l'adénie et les tumeurs lymphatiques. Obs.; cas mixte, hypertr. splénique,
hépatique et ganglionn. ; considérations théoriques. — Nivet. Arch. rjcn. deméd., 18j8, 1. 1,
p. 7)10. Recherches sur l'engorgement et l'hypertrophie de la rate. Deux observ. d'hypertr.
splén. et hépatique; sang noir avec caillots jaunâtres dans les grosses veines. — Ollivier
et R.*xviER. Comptes rendus des séances et mém. de la Soc. de biologie, 18(30, Paris. Obs.
pour servir à l'histoii'e de la leucocytbémie, etc. Ibid., 1807. Obs. pour servir à l'histoire
ûeVadénie. — Des mêmes. Areh. de physiol. et de patliol. de Brown-Scgiiard, Charcot et
Vulpian. Paris, 1869, p. 407 à 421, mai, juin, juillet et août (suite). Nouvelles observations
pour servir à la leucocythémie. — Oppoizeb. Wiener allgem. mediz Zcitung, 1858, n° 29
et 32, eiArch. génér. de médecine, 1869, t. I, p. 615 (analyse). Foie, rate et tumeurs lynipb.,
glob. et globulins .'^nal. chim. par 51. Fohvarczny, acide iormique, lactique, urique, tyrosine
et leucine. — Oppolzer et Lieiijunx. Obs. citée par Kiwisch de Rotterau, dans Die Kranhheiten
der Wachnerinnen. Prag, 1 840, t. T, p. ï 09. Spontané Phlebilis itnd Li/mp/iangitis. llypertroph.
du foie et de la rate, des glandes lymphatiques, diarrhées, hémnrrhagies, sang avec cail-
lots purulents à l'autopsie. — Page (D'). Brit. Mcd. Journal, 1857, n"> 20. Observation. —
Du MÊME. The Lancet, 1860, vol. I, p. 9. Observation de leuc. splénique. — Page et Ogle.
British médical Journal, 18.59, n" 20, et Ârcinves générales de médecine, 18C0, t. If,
p. 765. — Paiikes. Médical Times and Gazette, 6 juin 1850. Observation de leucocyth.,
citée par Bennett, Montldij Journ., 1851, t. XII, p. 17-52. Parkes critique la dénomination
de leukémie. Femme de 69 ans; leucoc. avec hypertrophie de la rate, diagnostiquée pendant
la vie avec examen microscopique, et deux analyses du sang à deux mois d'intervalle. —
pAVï. The Lancet, 185'.J, t. 11, p. 215. Anémie lymphatique. Hypertr. des gangl. lymphat.
avec cachexie mortelle; excès de globules blancs, pas la moindre quantité de glob. rouges;
rate hyper. — Petehs. Thèse. Berlin, 1862. Obs. — Piorry. Gaz. des hôpitaux, 1845, n° 42,
et 1846, n° 101. Sur l'hémite. — Potain. Bull. Soc. anatom., 1861, p. 217. Altér. des
glandes intestinales et de la rate surtout. Le sang, examiné seulement après la mort, a
montré bcmcoup de globulins . L'auteur n'ose pas dire qu'il s'agit d'une leucocythémie.—
De Pduy. Virchow's Archiv fiir pathol. Anat., t. Vllf, p. 289. Deux observations. — Quaix.
Med. Times, 1852, t. Il, p. 551. Cité par Bennett. — Ranvieb. Voy. Ollivieii. — Recklixg-
«Ai'SEX. Virch. Archiv, t. XXX. Observât. — Rees. iMncet, 1862, t. II, p. 9. Observ. —
Reuak. Med. Zeit. des Ver. fiir Heilkunde in Prag, 1841, n">27. Cité parYirchow, Ges.Abh.,
p. 182. Signale l'accroissement des leucocytes à la suiie des perles du sang. — Reynaud.
Journ. hebdom. de médec., 1829. juillet, t. IV, p. 152. Cité par Bennett.. — Rolix.Vov.
Blache, voy. Charcot. — Rokit.vnskï. Zeitschr. der k. k. Gesellsch. der Aerzte zu Wicu,
18i5, t. II, p. 488. Rapport de Lautner sur les faits observés dans l'établissement anatom. -
pathol. placé sous la direction du prof. Bokitansky à l'hôpit. génér. de Vienne. Pyohéniie
générale. Coagul. jaunes verdàtres dans le cœur et les gros vaisseaux, hypertr. de la rate
et du foie. Critiqué par Virchow et cité par Bennett. — Do même. AUg. pathol. Anatoniie,
3= édit., p. 526 et 527. Traité d'anat. générale. Croit à des accumulations de noyaux puru-
lents et de cellules purulentes formant dans le sang de petits amas tuberculeux, môles avec
les corpuscules du sang. Critiqué par Virchow, Ges. Abhand., p. 18î. — Sarter. Thèse.
Berlin, 1862. — Scherer. Wiirzb. Verh., t. Il, p. 511, et t. VII, p. 125. Anal, du sang, —
ScHMiDT (Hehvig). Thèse. Gœttingue, 1816. De pathol. lienis. Cité par Craigie. — Schxepf
(son véritable nom était Schnepp, il l'a reconnu plus tard). Gaz. médicale de Paris, 1856,
p. 199, 221, 255, 299, 315, 327. Des globules incolores du sang, de leur valeur physio-
logique et pathologique (leucocythémie), du sang blanc (leukémie). Art. de critique "très-
élendu. — SciniEiBER. De leukœmia. Thèse inaugurale. Regiomont. (Kœnigsberg, 1854). Ciié
par \irchow, Ges. Abhandl. — Schrœder. Thèse. Rostock, 1857. 2 obs. — Sciiutzem;erger.
Gaz. méd. de Strasbourg, 1867, n» 18. Observ. — Scuwartz. Thèse inaug. Berlin, 1865.—
Seitz. Deutsche Klin., 1866, p. 155. 5 observ.— Siiearer (D' G.). Edinburgh Med. Journal,
juillet 1860. Anal, dans Arch. gén. de méd., 1860, t. II, p. 765. — Simov. Thèse inaug.
Paris, 1861, De la leucocyth. — Soc. «éd. des hôpitaux. Bulletins, t. III, 18J5-1856, p. 45,
55, 62, 67, 73, 189-195. Discussion importante sur la leucocythémie. — Soxtiieimer. Thèse,
jgtio. Terrier. Revue de thcrapcut., 1856. Art. de critique. — Thierfeldek et Uiile. Arch.
fiir physiol. Heilkunde, de \ierordt, t. VIII, 1856 (obs. très-détaillée), et Gaz. médicale de
Paris, 1858, p. 87 (anal, très-sommaire). Une observation. — Traill. Sur le sang chyleux.
Cité par Bennett, Mvnthhj J., 1851, t. XII, p. 17-52. — Trousse,vu. Clinique de l' Hôtel-Dieu,
2= édit., p, 545. Legon sur leucocythémie (2 obs, sont de lui) ; id. sur adénie, p, 555, et Gaz.
des hôp., 1858, p. 557. — Uhle. Virchow's Archiv fïtr pathol. Anal., t. V, p. 576; '1854.
— Velpeau. Revue médicale, 1827, t. II, p, 218. Sur la résorption du pus et sur l'altération
MCT. ESC. 2' S. IL 24
570 LEUCOIUM.
du sang dans les maladies. Obs. I, liypertr. de la rate, du foie, sang en bouillie épaisse,
couleur lie de -vin et comme mêlé de pus louable (pièces présenvées à l'Acad. de méd.
en mars 1825). Velpeau admet que l'altération est indépendante des lésions des solides,
et même que ces dernières sont consécutives à l'altération du sang. — Verhandlumjen
der phys.-medrJn. Gcselhchaft %u Wunburcj. t. YII, rt Gaz. médicale de Paris, p. tiO ;
1858. Matériaux pour servir à l'histoire de la leucémie, par MM. Bamberger, Virchow et
Scherer. — Valentiner. Deutsche Klin., 1808, ii" 'il. Ubserv. — Ykal. De la Icucocytihémie
splénique, in-8°. Paris, 1850, Victor Massou. Avait paru en détails dans la Gazette
hebdomadaire, 1850, p. 91», 160, 20i, 255, 252 — Le siè.me. Ballet, de la Soc. anatomiquc,
1857, p. 535, et Gaz. hebdomad., p. 588, Observ. de leucocytliémie splénique. — Vicier et
CoRML. Bull, de la Soc. anat. de Paris, 1864, p. 47. Obs. de leucocylhémie lymph. Gangl.
avec corpusc. blancs sembl. aux glom. de Malpigbi de la rate; globulins dans le sang (Cornil).
■■•- ViGLA. Bidl. de la Soc. méd. des hôp., 1855,. 12 décembre, t. lit, p. 57 : 3 observations
originales (reproduites dans la monographie de M. Vidal) ; p. 60, di-cussion ; p. 65, analyse
des travaux de Bennett; p. 78, résumé de la discussion; p. 189, discussion. — Virciiovv.
Frorieps's Notizeii, 1845, novembre, n" 780. Weisses Blut (reproduit textuellement dans
Gesamm. Abhandl.). Première observation [Marie Straide, du 1" mai au 31 juill.). Premier
aperçu bien net des corpuscules blancs du sang constituant une maladie nouvelle. — Du même.
Weissblut und Milztumoren. V Preuss. medizin. Yereins-Zeitung, 18î6, août et septembre,
n" 54-36, et (2= article) 1847, janvier, n" 3 et 4. (Articles reproduits textuellement dans
Schmidt's Jahrbïicher, t. LVII, p. 182, et plus tard dans Gesamm. Abhamllungen zur
wissenschaftlichen Mediziii). 2° Die Leuhœmie. Arch. fur pathol. Anat., 1847, t. I, p. 563
(première mention de la leuc. lymphat.). 5° Puis Arch., 1849, t. II, p. 587. 4° Arch., 1853,
t. V, p. 43, 5» Ibid., 1854, t. VI, p. 427. 6- Ibid., 1854, t. VII, p. 174 [Professor Bennett und
Leukœmia, p. 505). — Du même. Gesamm. Abhandl. zur wisscnsch. Medizin Frankfurt a. M.,
1856. Ueber farblose Blutkôrperchen und Leukœmie. Quatre mémoires consécutifs (les deux
premiers sont la reproduction textuelle de ses premiers travaux). Analyse dans Gaz. hebd.,
1856, p. 95, et dans Arch. gén. de méd., 1856, p. 129, t VII, 5« série. Cité dans Wiirzburger
Verhandlunr/en, t. II, p. 525. — Du même. Wûrzb . Verh., t. VU (fragm. pour servir à l'bist. de
la leuc, b, partie anafom. et physiolog.). — Du même. Cellularpathologie in ihrer Begriindimg
auf pliysiol. und pathol. Gcwebelehre, Berlin, 1859, ou Pathologie cellulaire (Irad. Picard,
Paris, 1861, p. 159); p. 159 et suivante, leucocytose et leucémie; p. 155, pyohémie et
leucocytose. — Du même. Traité des tumeurs, t. i, 20" leçon, p. 413. Leucocytose dans la
syphilis. — Du même. Syphilis constitutionnelle . Traduite par Picard. Paris, 1860, p. 108.
Leucocytose dans la syphilis (mêmes termes que dans l'autre ouvrage). — Vogel (J.). Canstatt's
Jahresbericht fiir 18i6. Un cas reconnu pendant la vie. — Du siéjie. Arch. fiir pathol. Anat.,
t. III, p, 570; 1849. — Dumème. Handbuch der speziellen Pathol. und Thérapie. Erlangen,
1854. Cité aussi parVirchow, Gesamm. Abh , p. 190, 200, etc. — Vulpian. Voy. Charcot. —
Wallace. Glasgow tned. Journ., 1855. — Ward (Ogier) . Med. Times, 1852, p. 2i5. Obs.
VVeide.nbaum . Virch. Arch., t. XVII, p. 494. Observ. — Wilks (S.). Guys Hospital Beports,
1855, p. 361. 2 observ. Anal, dans Arch. gén. demédec, 1863, t. VllI, p. 225. — Guy's
liospital Picports, 3" série, t. II, 1856, p. 117. Obs. 40. Hypertrophie des glandes lympha-
tiques combinée avec une maladie particulière de la rate, l'as de leucémie. Analyse par
Cornil, Archives gén. de méd., 1863, t. II, p. 208. — Du même. Lancet, 1859, t. II,
p. 558. Obs. — Du MÊME. The Lancet, 1861, t. II, p. 9. Observation d'un cas type de leucoc.
splénique. — Du jiême. Lancet, 1862, t. I, p. 516. Anœmia lymphatica. Obs. — Willshire.
Lancet, 1861, t. II, p. 8. Anœmia lymph. — AVi.n'tricii (d'Erlangen). Pr. Vereins mediz.
Zeitung, 1847, 3, et Schmidt's Jahrbiicher, t. LIX, p. 182. Cité aussi par Virchovv, Gesamm.
Abhandl, p. 177. A dû publier son observation ailleurs, dit Virchow. Obs. de tumeurs de
la rate et du foie avec sang blanc examiné par Virchow. — Woillez. Bull, de la Soc. méd.
des hôp., 1855, 20 novembre, t. III, p. 45. Une observ. reproduite par M. Vidal dans sa
monographie. — Wi'>;DERLitn. Archiv der Hcilkuude, 6° Iteft, 1866, p. 531, et Gaz hebd.
de mcd.,iSijl, p. 61. Pseudo-Leukœmie, ou maladie de Hodgkin, ou lympliadénome mul-
tiple sans leucémie, c'est ce qu'en France on appelle Vadénie. 5 obs. L'iodure de potassium
parut faire du bien. Considér. anatom. et pliysiol. — Zenker. Canstcdt's Jalir., 1858, p. 241.
— Zi3LMERSiAN.\. Virch. Arch., i. XVIII, p. 221 {i^GO). Zur Blutkôrperchen frage.
E. Is.VMBERT.
liELCOCiRAPIIlS). Pline appelle ainsi le Chardon-Marie. (Voy. Gnicus.)
ïvEtcoiiM. Voij. NivÉOLE. LeL. luteum des anciennes pharmacopées est la
giroflée jaune [Clieiranthus cheiri L.). II. Bn.
LEUCORRHÉE. 57Î
LEtCOME. Foy. Cornée.
LErcoPATSïlE. Yolj. Albinisme.
LSrCOPMLEGSîASIIE. VoiJ. AnasarqUE.
LEïjCôîIRHÉE. Flux pathologique produit par l'augmentation et l'altération
des sécrétions normales de l'appareil génital de la femme. Sous ce nom qui signi-
fie littéralement écoulement blanc {Izvy.bç blanc, o-ïv couler), d'où les synonymes
de pertes blanches, fliieurs Hanches, iveisse Fluss, le vulgaire désigne généra-
lement l'écoulement de tout liquide autre que le sang par les parties génitales
de la femme. On voit par là que ces pertes, loin d'être toujours blanches, doivent
présenter souvent des couleurs différentes ; qu'elles peuvent tenir à des maladies
de diverse nature; enfin qu'elles proviennent suivant les cas.de tels ou tels or-
ganes. Aussi a-t-il régné dans la science, jusqu'à ces derniers temps, beaucoup
de vague et de dissidences sur la manière dont on doit entendre ce mot. On en a
abusé étrangement, tant qu'on a négligé de remonter à la cause de l'écoule-
ment, et qu'on a regardé comme une maladie spéciale ce symptôme commun
à plusieurs maladies. Il faut avouer que sous ce rapport la pudeur mal entendue
des femmes a longtemps retardé les progrès de la médecine ; car, outre qu'un
grand nombre négligeait d'appeler l'attention du médecin sur ce phénomène, un
grand nombre d'autres supposait qu'il suffisait de lui en faire part, sans se sou-
mettre à un examen direct, pour l'éclairer sur la nature et la cause de leur mala-
die. Or il y a autant de différence entre les diverses sortes de flueurs blanches,
qu'il y en a entre les diverses espèces de crachats, par exemple, ou les divers
écoulements qui peuvent se produire sur une muqueuse quelconque.
D'abord la leucorrhée proprement dite doit être distinguée de la fausse leu-
corrhée. A cet égard, il nous semble qu'on doit entendre sous le nom générique
et trop vague de pertes blanches, les liquides de nature et d'origine très-diverses
qui sortent parles parties génitales de la femme, tandis qu'on doit réserver celui
plus spécial de leucorrhée aux liquides qui sont produits directement par ces
organes, sous l'influence d'un état pathologique bien caractérisé.
I. Fausse leucorrhée. Les pertes dont les femmes se plaignent peuvent venir
d'organes très-différents, elles peuvent être déterminées par la présence de corps
étrangers ou par le développement de lésions organiques plus ou moins graves ,
Dans aucun de ces cas, nous ne les désignerons sous le nom de leucorrhée. Il
n'est pas jusqu'à l'évacuation d'un kyste ovarique par la trompe qui ne puisse
donner naissance à un écoulement qu'on peut confondre sinon avec la leucorrhée,
du moins avec l'hydrorrhée ou l'hydropisie utérine. Des môles hydatiformes ou
chai'uues, des polypes, des tumeurs fibreuses^ produisent des écoulements résul-
tant de l'irritation que leur seule présence détermine sur la muqueuse utérine et
particulièrement sur ses glandes. L'hypertrophie locale et générale, les granula-
tions, les fongosités produisent de pareils écoulements, non plus en agissant
comme les précédentes lésions à la manière de corps étrangers, mais en altérant
le tissu et la vitalité même de l'organe. Ces pertes sont très-variables suivant la
période de la maladie, le volume des tumeurs, le degré de réaction qu'elles exci-
tent dans l'utérus; quelquefois il y a un simple écoulement muqueux, quelque-
fois un écoulement sanguinolent, sanieux, purulent, etc.; la tuméfaction de l'u-
térus, les douleurs contractiles, les hémorrjiagies et plusieurs autres symptômes
facilitent le diagnostic différentiel.
372 LEUCORRHÉE.
Un corps étranger, un possairc, séjournant dans le vagin, et même dans l'uté-
rus, y produit une liypersécrétion, y détermine de la suppuration, et y retient des
liquides purulents, qui en se décomposant exhalent une odeur de fermentation
acide très-pénétrante. L'écoulement qui suit la décomposition des caillots de sang
retenus dans ces cavités, a l'odeur caractéristique que les chirurgiens savent hien
reconnaître pour l'avoir sentie en pansant des plaies compliquées d'hémorrhagie
et de caillots putréfiés par un long séjour au milieu des tissus. L'écoulement dû à
la décomposition du produit de la conception, des membranes fœtales, ou du pla-
centa retenu dans l'utérus, exhale une odeur de putréfaction analogue ; il a en
même temps une couleur et une consistance qui diffèrent autant que son odeur
de celles de l'écoulement leucorrhéique ; il est pâle, sanieux, ou mélangé de
sang, de pus et de débris membraneux.
Les abcès de l'utérus ou les suppurations étendues de toute la surface interne
de l'organe, peuvent déterminer l'issue intermittente ou continue de quantités
de pus quelquefois très-considérables et que l'on voit sortir dans ce cas de la
cavité utérine elle-même. Tels sont les faits rapportés par Ashwell, qui a vu une
demi-pinte de pus sortir de cette cavité chez une malade, et par Salford-Lee, qui a
vu un écoulement purulent abondant produit par la présence d'un polype (cités
par Graily Hewitt, p. 86). Tel est celui de Matthews Duncan {Edinb. med. Journ.,
mars, 4860), qui a vu sortir une quantité considérable de pus, chez une vieille
femme qui avait cessé d'être menstruée. J'ai vu, dans un cas analogue, une
quantité notable de pus sortir de la cavité utérine; dans un autre cas, un abcès
interstitiel ouvert sur la lèvre antérieure du col. Les abcès développés près du
vagin, tels que les abcès pelviens ouverts dans ce canal, se distinguent aussi
de l'écoulement leucorrhéique par la nature purulente et ordinairement homo-
gène du liquide, et par la soudaineté de son apparition.
La tuberculisation utérine qui parait d'ailleurs être très-rare, peut déterminer
aussi un écoulement aqueux, jaune sale, ou brun pâle, durant \m long temps, se
distinguant de la leucorrhée par ces caractères, et de l'ichor cancéreux par l'ab-
sence d'une odeur spéciale.
Le cancer donne lieu à un écoulement séreux ou séro-sanguinolent, compa-
rable à une eau roussàtre, quelquefois assez acre, irritant pour les tissus sous-
jacents, rarement inodore, habituellement fétide. Lorsqu'il est ulcéré, l'écoule-
ment, en continuant à être séreux, est mêlé à des matières plus épaisses, à du pus,
à des détritus de tumeur, il est iclioreux et parliculièrement nauséabond. Cette
odeur, très-dilférente de l'odeur de fermentation des liquides leucorrhéiques, et
même de la putréfaction des caillots, est caractéristique.
II. Leucorrhée proprement dite. La leucorrhée elle-même, comme les pertes
blanches que nous venons d'énumérer, est habituellement symptomatique. Doit-
on la supprimer pour cela du cadre nosologique, et se contenter de lui donner
une place dans la séméiologie? Il faut convenir que la plupart des auteurs con-
temporains qui traitent des maladies des femmes s'abstiennent de lui consacrer
un chapitre particulier, et que plusieurs en omettent môme le nom. On se con-
tente de signaler les écoulements symptomatiques de la vulvite, de la vaginite, de
l'endométrite ou du catarrhe de l'utérus, en décrivant la phlegmasic des mem-
branes muqueuses qui revêtent les divers segments de l'ajjpareil génital. Mais je
pense qu'il convient de conserver le nom et de faire l'histoire pathologique de la
leucorrhée, pour deux raisons principales.
La première c'est l'intérêt même que présente ce symptôme en séméiologie
LEUCORRHÉE. 575
utérine. La perte-blanclie, vraie ou fausse leucorrhée, est d'une importance capi-
tale pour le diagnostic ; elle révèle toujours un état morbide ; il n'y a pas de leu-
corrhée normale ou physiologique, de quelque façon qu'on veuille l'entendre.
Chez quelques femmes, il est vrai, les flueurs blanches ne sont accompagnées
d'aucun autre symptôme, et l'habitude d'observer un pareil écoulement chez
elles et chez quelques autres femmes, porte malheureusement les malades à le né-
gliger ; mais le médecin doit se rappeler que la seule apparition, et surtout la du-
rée d'une pareille perte témoignent d'un véritable état morbide ; il doit savoir que
si récoulemeut devient visqueux et gluant, s'il est accompagné de dyspepsie, de
pâleur, d'amaigrissement, il est symptomatique d'une maladie utérine, etc.
La seconde, c'est l'importance de ce symptôme au point de vue des indications.
Le traitement de la leucorrhée comporte des manières d'agir spéciales, qui res-
semblent à celles que l'on applique aux écoulements des autres muqueuses.
Aussi, indépendamment de tout autre symptôme résultant des diverses altéra-
tions physiologiques ou pathologiques de la matrice, l'apparition et la persistance
d'un écoulement par les voies génitales suffisent poiir commander au praticien
des recherches bien déterminées, et pour nécessiter l'emploi d'un certain nombre
de médications qui sont exclusivement applicables à cet état morbide.
Mais il y a plus, on peut se demander si la leucorrhée ne constitue pas par
elle-même une maladie, et si dans certaines circonstances, relativement rares,
elle n'est pas une vraie maladie au lieu d'être un symptôme. Sans préjuger cette
question sur laquelle nous allons revenir, je ferai observer que, même dans les
cas bien plus nombreux où elle est évidemment symptomatique, elle peut per-
sister comme symptôme ultime de la maladie qui l'a produite, et même api^ès la
guérison de celle-ci. Comme la suppuration, l'ulcération, les granulations, etc.,
la leucorrhée est souvent l'une des terminaisons de l'inflammation; mais, celle-ci
passée, elle persiste et réclame seule un traitement qui ne relève alors en aucune
façon du traitement antiphlogistique proprement dit. Lorsque l'inflanimation ai-
guë des muqueuses génitales est passée, que l'inflammation chronique elle-même
a perdu les caractères qui peuvent la faire ranger dans les phlegmasies, il reste de
la leucorrhée et quelque lien qui rattache la leucorrhée à l'inflammation, ce
n'est plus alors l'inflammation qu'on a à traiter, c'est la leucorrhée. Il en est de la
leucorrhée comme de l'hémorrhagie, de la suppuration, etc., qui sont toujours
les symptômes ou les conséquences éloignées de quelque maladie, mais qui de-
viennent, à leur tour et à elles seules, des sources d'indications, indépendamment
des maladies qui leur ont donné naissance.
111. Leucorrhée idiopathique. La leucorrhée, disons-nous, est souvent sym-
ptomatique d'altérations très-diverses de la muqueuse génitale, et même du
tissu propre de l'utérus et de ses annexes ; elle n'est pas alors une maladie, elle
n'est qu'un symptôme. Mais en est-il toujours ainsi? et après lui avoir donné
une importance exagérée et avoir condensé en elle toute la pathologie utérine,
comme l'avait tait Blatin (J.-B. Blatin, du. Catarrhe utérin, ou des flueurs blan-
ches, Paris, an X, 1801. H. Blatin et V. Nivet, Traité des maladies des femmes
qui déterminent des flueurs blanches, des leucorrhées ou tout autre écoulement
vaginal, Paris, Clermont-Ferrand, 1842), faut-il la rayer, avec la plupart des
modernes, du cadre des maladies de la matrice et ne la citer que comme un
symptôme demétrite interne ou de vaginite? .le crois que la réaction a été exa-
gérée et je pense, sauf les modifications que nos connaissances ultérieures appor-
teront à cette opinion, que l'on doit admettre encore un état pathologique non
X
574 LEUCORRHÉE.
itiflamraatoire, caractérisé par riiypersécrétion des muqueuses génitales. Nul
doute que cette hypersécrélion ne suppose un certain degré d'irritation ou de
congestion de la muqueuse ; mais elle est favorisée par la faiblesse plutôt que
par la force de vitalité de cette membrane, et il est souvent difficile, pour ne
pasdire impossible, de la rattacher à l'inflammation par les causes qui l'engendrent,
pas plus que par les symptômes qui l'accompagnent, ni par le traitement qui
lui convient.
Je vois avec plaisir ces idées partagées par la nouvelle génération médicale.
Il y a des cas, et ils sont nombreux, disent MM. Racle et Lorain (Yalleix, Giiide
du jnédecin praticien, t. y, p. 32, Paris, 1861), où la leucorrhée est toute la
maladie, c'est-à-dire où elle ne se rattache à aucune lésion anatomique permanente.
Une comparaison, ajoutent-ils, fera comprendre notre pensée. Qu'un individu
lymphatique à constitution faible et molle, soit sujet à un flux sudoral excessif et
habituel, dira-t-on que ce flux est le symptôme de la débilité générale de l'écono-
mie? Non, certainement ; il en sera l'effet, le résultat, non le symptôme. La fai-
blesse générale n'est qu'une imperfection relative de l'organisation et des prin-
cipales fonctions, mais ce n'est pas une maladie ; le flux sudoral sera, au con-
traire, la maladie tout entière, et, qui plus est, une maladie essentielle, car il
n'aura pas son point de départ dans une altération anatomique de la peau. C'est
de cette manière que l'on doit, à notre sens, entendre la leucorrhée constitution-
nelle, que nous persistons, avec beaucoup d'auteurs, à considérer comme une
maladie réelle et essentielle.
11 est juste, en effet, de dire que les femmes à tempérament lymphatique, à con-
stitution molle, faible et délicate, sont plus sujettes que les autres à la leucorrhée,
indépendamment de toute altération organique. Il est juste de reconnaître qu'une
perversion de circulation ou d'innervation, une fluxion utérine légère, un peu de
congestion, un éréthisme ou une excitation particulière du tissu peuvent être
nécessaires pour causer la leucorrhée. Mais la leucorrhée doit-elle pour cela être
considérée comme étant nécessairement symptomatique de ces altérations de la
vie locale ou de l'état de débilité générale des malades qui en sont atteintes? Non,
assurément; car cette perversion de nutrition et d'innervation, cette faiblesse
originelle ou acquise de l'organisme auraient pu se traduire par une autre mani-
festation ou donner naissance à un autre état morbide. En disposant la malade
aux flux, en localisant ces flux dans l'utérus, par suite de l'augmentation de sé-
crétion qu'elles ont amenée dans les glandes utérines, elles ont été les causes pré-
disposantes et déterminantes de la leucorrhée; mais celle-ci seule est la maladie el
toute la maladie. L'état de débilité généi'ale et l'altération fonctionnelle locale
qui en ont favorisé le développement ne présentent, ni l'une ni l'autre, comme
la leucorrhée, les caractères d'un état morbide déterminé.
La leucorrhée idiopathique est donc un flux anormal des muqueuses génitales,
plus particulièrement de la membrane interne de l'utérus, flux ranqueux ou
muco-purulent , favorisé par une atonie générale et par une prédisposition
locale, et déterminé enfin par une irritation légère de la memhrane sécrétante
ou par une imperfection fonctionnelle, telle que la chlorose.
Elle constitue un état morbide spécial ou une maladie essentielle, au même
titre que tout autre flux, tel que diarrhée, bronchorrhée, blennorrhée uréthrale,
sialorrliée, sudation exagérée, etc.
Parmi les conditions d'atonie générale qui prédisposent à la leucorrhée, on peut
citer l'âge, le tempérament, la constitution, le climat, l'habitaliou, l'alimentation
LEUCORRHÉE. 375
habituelle, etc. Mais il est difficile d'apprécier à sa juste valeur l'influence de ces
diverses causes, interprétée contradictoirenient par ceux-là même qui ont entre-
pris des recherches propres à l'éclairer.
Ainsi il est admis que les constitutions faibles, les tempéraments lymphatiques
sont sujets à la leucorrhée, et je suis de cet avis, malgré l'assertion contraire de
quelques pathologistes qui ont probablement observé simultanément des blen-
norrhagies, des vaginites et quelques leucorrhées proprement dites chez des filles
publiques, et qui en ont fait la base de leur statistique. L'âge de la première période
des fonctions sexuelles m'a paru disposer à la leucorrhée ; je l'ai observée chez
les jeunes filles avant l'apparition des règles ou pendant les premières aimées de
la menstruation, et chez les jeunes femmes plus souvent que chez les femmes
âgées. — Les climats froids et humides y prédisposent aussi. On a bien dit théori-
quement que les contrées chaudes relâchent les vaisseaux et préparent les flux
comme les hémorrhagies ; mais il est avéré que les contrées humides, telles que
la Belgique, la Hollande et les districts marécageux de l'Angleterre, y disposent
bien plus positivement. (Graily Hewitz, ouv. cit., p. 89.) D'après une statistique
reposant sur des faits observés à Paris par Marc Despine, et à Marseille par M. Gi-
rard, le tiers des femmes seulement seraient exemptes de llueurs blanches à
Paris, tandis que les trois quarts en seraient exemptes à Marseille. (Marc Despine,
Recherches anatomiques sur quelques points de l'histoire de la leucorrhée; dans
les Archives générales de médecine, 2^ série, t. X, p. 165, Paris, 1836.) Le
séjour des villes est universellement regardé comme favorable à la production de
la leucorrhée, et cette opinion est confirmée par les reclierches de M. Brierre de
Boismont {de la Menstruation considérée dans ses rapports physiologiques et
pathologiques, ch. xiii. Des flueurs blanches, p. 259, Paris, 1842). — Enfin le
régime débilitant est une des plus puissantes causes prédisposantes; c'est à ce titre
que l'usage du café au lait a été singulièrement incriminé. A en croire Lagneau
[Dict. deméd. 50 vol., art. Leucorrhée, t. XVlll, p. 25. Paris, 1858), Lisfranc
{Clinique chirurgicale de la Pitié, art. Leucorrhée, t. If, p. 500. Paris, 1842),
et M. Nonat {Traité pratique des maladies de l'utérus, p. 634), 1 influence du
café au lait est si certaine qu'on peut guérir ou ramener à volonté les pertes
blanches, chez les femmes, en suspendant ou reprenant l'usage de cet aliment,
et, chose remarquable ! l'ingestion isolée du lait et du café ne produit pas sur
l'utérus le même effet que le mélange de ces deux liquides ; observation singu-
lière qui inspire à Lisfranc des réflexions sur l'importance de l'association des
médicaments, trop négligée de nos jours, et à M. Nouât, la pensée que le café au
lait pourrait bien exercer sur la muqueuse de l'utérus une action élective sem-
blable à celle de la digitale sur le cœur, de la belladone sur l'iris, etc.. Je n'ajou-
terai qu'une réflexion. C'est que les femmes qui font usage de café au lait à Paris
se nourrissent fort mal, et remplacent par cet ahment, habituellement frelaté et
insuffisant, un bon repas, où elles auraient mangé de la viande et d'autres
aliments plus toniques; j'ai vu et je vois journellement des femmes qui prennent
de bon café au lait, sans omettre pour cela un seul de leurs trois repas, et qui
n'ont jamais de leucorrhée. M. Mascarel {Gaz. viéd. de Paris, 1857, p. 7),
cite l'exemple d'une grande manufacture de l'État, située presqu'au centre de
la France où l'usage du café au lait est, dit-il, passionnément répandu chez les
femmes et leurs enfants, sans que cette ahmentation exerce la plus légère influence
sur la production des maladies du col de l'utérus ni sur la leucorrhée.
On peut rapprocher de ces causes débilitantes générales des causes plus spé-
S7t; LEUCORRHÉE.
claies qui agissent dans le même sens : l'allaitement prolongé chez les nourrices
faibles, les maladies du cœur, les maladies chroniques du ])oumon, l'emphysème,
la disposition à la phthisie, et la phtliisie elle-même, enfin les diverses diathèses
•dont la leucorrhée n'est pas toujours symptomatique, mais qui préparent l'orga-
nisme, par la déhilitatiou dans laquelle ils le jettent, à l'établissement de llux
vagino-utérins, muqueux ou purulents.
Je crois qu'il finit ajouter souvent à cette prédisposition générale, cons'stant
dans l'atonie origmelle ou acquise de l'économie entière, une prédisposition locale
consistant dans l'atonie particulière de l'appareil géuital ou de quelqu'un de ses
organes. J'ai souvent remarqué chez les femmes leucorrhéiques, la pâleur, la
mollesse, l'extensibdité de la muqueuse vulvo-vaginale, les orifices folliculaires ou
glandulaires béants, des symptômes d'hyperémie passive, l'abaissement ou 1 in-
chnaison de l'utérus, le relâchement de ses hgaments, l'excrétion fréquente, invo-
lontaire et fort incommode de l'nrine sous l'influence des efforts, ou des éclats de
rire, quelquefois même l'incontinence d'urine nocturne.
Chez les femmes qui présentent ces prédispositions, la leucorrhée peut être
déterminée par deux causes d'ordre différent, qu'il s'agit de diagnostiquer pour
saisir les indications du traitement.
Tantôt une simple irritation locale légère suffit pour faire éclore l'écoulement,
qui s'entretient ensuite d'autant plus aisément que la malade y était en quelque
sorte mieux préparée. Les excitations des organes génitaux chez les petites filles,
l'abus du coït chez les jeunes époux, la menstruation, la grossesse, l'avortement,
l'accouchement, sont les causes les plus ordinaires. Ces mêmes causes agissant
avec énergie et continuité peuvent produire l'inflammation même de la vulve, du
vagin ou de l'utérus. Mais que de fois leur action plus modérée se borne à détermi-
ner l'apparition de la leucorrhée ! Les approches de l'établissement des règles et la
modification qu'elles apportent à la circulation de l'utérus et de ses annexes, l'ex-
citation légère qui précède et qui suit pendant quelques jours chaque période
menstruelle, sont souvent m::rquées par des flueurs blanches. La grossesse n'en-
traîne pas assurément l'inflammation de l'utérus ; mais sous l'influence de la
fluxion et de la congestion qu'elle entretient sur la muqueuse génitale, elledéve-
lopipe une leucorrhée vaginale. La simple congestion qu'elle laisse dans les or-
ganes, plus difficile à se dissiper chez certaines femmes que chez d'autres, la len-
teur de l'évolution rétrograde de l'utérus, sont souvent le point de départ d'un
llux leucorrhéique, qui n'a rien d'inflammatoire et qui peut se prolonger indéfi-
niment.
Tantôt une imperfection fonctionnelle de l'utérus ou le retententissement que
cet organe peut recevoir du trouble fonctionnel d'un autre organe, préside à l'éta-
blissement de la leucorrhée. Cliez les filles chlorotiques et aménorrhéiques, il
semble que, par suite de l'altération du sang, de F affaiblissement général ou de
l'atonie des vaisseaux sanguins de l'utérus, la fluxion périodique de cet organe
soit insuffis^mte pour arriver jusqu'à l'hémorrhagie ; elle aboutit à un simple flux
muqueux, séro-muqueux, muco-sanguinolent ou muco-purulent, qui lui donne
satisfaction. Ce flux ne paraît qu'à l'époque des règles, ou bien il se répète dans ■
la période intermenstruelle. 11 peut même être continu pendant toute cette pé-
riode, mais en s'augmentant habituellement aux moments qui correspondent aux
époques menstruelles, pour décroître pendant les périodes intercalaires. J'ai ob-
servé maintes fois ces diverses variétés; i'ai observé aussi les différences de l'é-
.coulcmeat à ces divers moments et chez diverses malades. Il est certain que cet
LEUCORRHÉE, 3?"?
écoulement renferme quelquefois des globules de pus, indices d'une irritation
légère de la surface de la muqueuse ou de ses follicules ; qu'il contient d'autres
fois des globules de sang qui semblent signaler une disposition à l'accomplisse-
ment de l'hémorrhagie naturelle ou au retour des conditions normales de la fonc-
tion; qu'il est souvent séro-muqueux, comme si du sérum exsudé dus vaisseaux
se mêlait au mucus hypersécrété sous l'influence de la fluxion dont les follicules
sont l'aboutissant avec tout le reste du système utérin. — Le retentissement (|ue
l'utérus éprouve du trouble fonctionnel d'uii autre organe peut aussi engendrer
une leucorrhée utérine. L'absen:e de l'allaitement, h suppression d'une fonction
physiologique ou palhologique, de la sueur, de l'expectoration, de la diarrhée, des
hémorrhoïdes, d'un exutoire, etc., peuvent lui donner naissance, comme la sup-
pression de la menstruation elle-même. On a caractérisé cette espèce de leucor-
rhée par les noms de métastatique ou de supplémentaire. Mais il est encore plus
difficile dans ces circonstances que dans le cas d'aménoiTliée, de dévoiler la vé-
ritable pathogénie de la leucorrhée, et de décider si elle est véritablement supplé-
mentaire des flux dont la suppression coïnc.'de avec son apparition, ou si elle est,
comme ces flux eux-mêmes, symptomatique d'un état général commun dont ils
relèvent tous les deux.
IV. Leucorrhée symptomatique. Le plus souvent, il faut le reconnaître, la
leucorrhée n'est qu'un symptôme. Les maladies qui lui donnent naissance sont
elles-mêmes de nature diverse, et occupent des sièges différents.
Relativement à leur nature, les maladies qui engendrent la leucorrhée peuvent
être aiguës ou chroniques, générales on locales, diathésiques ou no)i diathésiques.
Parmi les causes générales ou diathésiques de la leucorrhée, il faut signaler les
affections dartreuses, rhumatismales, scrofuleuses ; parmi les causes locales, les
irritations sexuelles, l'inflammation des organes génitaux et surtout de leurs mu-
queuses, le catarrhe particulièrement pour l'utérus, enfin la blennorrhagie, qu
peut atteindre la vulve, le vagin, l'utértis, s'étendre même jusqu'à l'ovaire, et qui
se distingue par son caractère essentiellement contagieux. Quant aux leucorrliées
symptomatiques d'altérations locales du tissu de l'organe, telles que les ulcéra-
tions du col, les granulations, les fongosités, les polypes, etc., il ne doit pas en
être question dans cet article.
Relativement au siège, la leucorrhée peut être Hmitée à la vulve, plus souvent
au vagin ou seulement à l'utérus. Elle peut envahir simultanément les muqueuses
de ces trois organes ; elle peut même s'étendre aux trompes et jusqu'aux ovaires,
dont elle détermine l'inflammation. (Voy. Ovaire.)
Pour ne pas nous laisser entraîner cà des répétitions inutiles, nous exposerons
les caractères de la leucorrhée d'après le siège, et à mesure que nous décrirons la
leucorrhée vulvaire, vaginale et utérine, nous signalerons les maladies de nature
différente qui peuvent déterminer le plus fréquemment l'apparition de la leucor-
rhée sur ces divers points. Nous devons dire seulement, avant d'aborder ces divi-
sions, que certaines maladies ont plus de tendance que d'autres à déterminer
l'apparition de la leucorrhée simultanément ou successivement sur toutes les
muqueuses de l'appareil génital, au lieu de la limiter à l'une d'elles. Ainsi les'
leucorrhées herpétiques ou dartreuses, d'ailleurs assez fréquentes, ont de la ten-
dance à envahir alternativement plusieurs parties, ou à porter successivement leur
intensité sur les divers points de la muqueuse utéro-vulvaire et même des organes
voisins. Tantôt la leucorrhée utérine diminue, la vaginale augmente; tantôt celle-
ci s'améliore, la vulve se prend, les grandes lèvres, la liice interne des cuisses.
378 LEL'CORRHEE.
l'anus se couvrent de vésicules d'eczéma ou d'herpès, de pustules d'impétigo, ou
tout au moins sont envahis par un érythème ou un intertrigo sécrétant ; et réci-
proquement, lorsque ces derniers organes commencent à se dépouiller, les mu-
queuses vaginale ou utérine se prennent de nonveau. J'ai fait des observations
pareilles chez l'homme : j'ai vu des maladies dartreuses envahir successivement
et alternativement le scrotum, le prépuce, le gland, l'urèthre, le col de la vessie,
la vessie, un uretère, un rein; se déplacer tantôt dans un sens, tantôt dans un
autre, pour se porter sur tel ou tel point. Je ne puis douter qu'il n'en soit de
même chez la femme.
Les racmes remarques sont applicables à la leucorrhée blennorrhagiqiie,
virulente ou contagieuse. {Voy. l'article BLEiSivoRRiuGiE génitale chez la
femme.)
V. Leucorrhée vulvaire, La leucorrhée vulvaire est fréquente chez les enfants,
surtout chez les petites filles scrofuleuses ou dartreuses ; elle coexiste ou elle
alterne avec des croûtes à la tète, de l'mipétigo, de l'eczéma, de l'herpès. Elle se
complique quelquefois d'ulcération superficielle , d'engorgement des ganglions
inguinaux, d'inflammation et de suppuration de ces organes. Elle est évidemment
due à un excès de sécrétion, à une éruption dartreuse, à un travail superficiel d'ul-
cération causé et entretenu par le vice scrot'uleux, comme le sont habituellement
à cet âge les maladies suppuratives des autres muqueuses, notamment les mala-
dies des muqueuses qui avoisinent les orifices, et en particulier les orifices des
organes des sens, la muqueuse des lèvres, la membrane de Schneider, la conjonc-
tive, le conduit auditif externe. Elle s'étend rarement au vagin; je l'ai vue pour-
tant aller au delà, et je me rappelle avoir trouvé chez une petite fille de douze
ans, dont je fis l'autopsie, l'utérus et la moitié externe des trompes farcis et dis-
tendus par des débris épilhéliaux formant une masse d'apparence caséeuse. —
Elle est souvent causée par l'irritation due à la dentition chez les jeunes enfants,
par les mauvaises habitudes chez les petites filles, par la grossesse chez les femmes
adultes. Elle est souvent aussi entretenue par la malpropreté ou par l'àcreté d
sécrétions, chez les femmes àpoils noirs ou rouges, fortement pigmentées, notam-
ment par l'àcreté de la sécrétion sébacée et par l'acné vulvaire, avec ou sans
rétention du produit sécrété dans ses propres folhculcs. Lemiélange des deux ma-
ladies et des deux hypersécrétions qui les caractérisent, donne souvent à leur
produit mixte semi-fluide une odeur aigre, caséeuse, rappelant celle du suif rance
ou du lait fermenté, assez caractéristique. La malade se sent mouillée d'une ma-
nière continue. La chaleur, le gonilement des petites et des grandes lèvres, le
prurit vulvaire, la sensibilité exaltée par le frottement sur les parties enflammées
ou dénudées, l'érythème des parties voisines, notamment de la partie supérieure,
de la face interne des cuisses, du périnée, de l'anus, rendent la marche difficile et
douloureuse. Mais, par contre, il n'y a ni douleur, ni chaleur, m sentiment de
gène ou plénitude dans l'iiypogastre ; il n'y a pas non plus de coliques ou de trau-
chées utérines. Le hnge est semé de taches allongées plutôt qu'arrondies, qui lui
conuuuniqnent, par la dessiccation, une certaine l'oideur, mais sans hmitcs très-
précises, et dont la coloration grisâtre est souvent mélangée de jaune, par l'effet
de la présence du pus ; car la leucorrhée vulvaire n'est pas un peu intense sans
être en même temps purulente.
11 faut se rappeler que le mucus vulvaire est sécrété surtout par la glande
vulvo-vaginale, et en partie par les follicules vestibulaires et uréthraux; lesqiiels
sont beaucoup moins nombreux qu'on ne serait porté à le présumer (Martin et
LEUCORRHÉE. 579
Léger, Mémoire sur les organes sécréteurs de la vulve, dans les Archiv. gén.
de médecine, 1842) ; que ce liquide est normalement transparent, filant ou vis-
queux, à odeur et à réaction acides, à épithélium nucléaire, et qu'il renfei^me
habituellement des globules de pus dans les cas de leucorrhée vulvaire. {Voij.
Vulve.)
YI. Leucorrhée vaginale. La leucorrhée vaginale se voit rarement chez les
enfants; elle est très-fréquente chez les femmes, par suite d'excitations génitales,
d'excès vénériens, de blennorrhagies, de vaginite même, ou par l'effet de la gros-
sesse. Ordinairement, il n'y a ni gontlement, ni chaleur à la vulve; mais cela
peut arriver, le liquide en sortant peut irriter la muqueuse des grandes lèvres
au point d'y provoquer l'apparition d'unérythèrae; pour le moins, il y excite uu
prurit incommode et quelquefois douloureux.
La sortie du liquide est à peu près continue, surtout chez les femmes encein-
tes. Lorsque la membrane hymen existe ou que l'anneau vulvaire n'a pas été dilaté
par la fréquence des rapprochements conjugaux, le liquide leuconhéique peut
s'accumuler quelque temps dans le vagin avant d'en sortir, et alors sa sortie peut
paraître intermittente. Souvent il est exclusivement laiteux, et justifie bien sa
dénomination de perte blanche. Quelquefois il est très-iluide, d'autres fois un peu
consistant, à cause des éléments cpilhéliaux qu'il tient en suspension; mais il
n'est jamais visqueux à proprement parler, et surtout ni gluant, ni glutineux.
Lorsqu'il y a vaginite ou blennorrhagie, ou exulcération, due à toute autre
cause, par exemple à une éruption dartreuse, il devient jaune verdàtre par le
mélange du pus; il est alors beaucoup plus irritant pour la vulve. Son excrétion
s'accompagne de tension et d'endolorissement dans le bassin, de douleurs vagi-
nales, retentissant même sur l'utérus et sur les organes voisins, le rectum, la
vessie; enfin de douleurs, de ténesme et souvent d'écoulement uréthral ; de pru-
rit, de douleurs, d'écoulement et même d'excoriations à la vulve. Les taches
faites au linge sont larges, rondes, à peu près incolores, dans le cas de leucor-
rhée simple, modi-rément empesées ; mais elles sont bien plus grandes, allongées,
irrégulières, jaunes ou verdàtres, parfois même sanguinolentes, dans les cas de
leucorrhée purulente, surtout lorsque la vulve et le vagin sont atteints simulta-
nénient. On peut même dire, en général, qu'une leucorrhée abondante doit pro-
venir de la totalité du vagin, ou à la fois de la vulve, du vagin et de l'utérus,
c'est-à-dire d'une surface muqueuse étendue ; une leucorrhée peu abondante, au
contraire, ne provient guère que de la cavité utérine.
Le liquide vaginal, pesque nul à l'état de santé parfaite, est un fluide clair, sé-
reux, n'ayant aucune viscosité, répandant une odeur aigre spéciale, assez forte. Il
est rarement perçu dans cet état d'isolement ; car il semble n'être que l'excipient
ou le véhicule des innombrables et larges corpuscules lamelliformes qui se déta-
chent sans cesse par exfohation et en quantité plus ou moins considérable, dek
surface de la muqueuse, et qui donnent à l'ensemble du produit excrété l'aspect
blanchâtre, opaque, caséeux, qui le distingue. Ces cellules d'épithélium pavimen-
teux ont de 0,04 à 0,05 de miUimètre de diamètre.
Il est étrange qu'on ne soit pas encore d'accord sur l'origine de ce produit, et
que la question de savoir s'il y a ou s'il n'y a pas des glandes dans le vagin di-
vise les anatomistes de notre époque. Nous donnerons un aperçu de ces dissi-
dences sur lesquelles pourra se prononcer le collaborateur chargé de la description
du vagin, mais qu'il est impossible de ne pas mentionner ici. [Vog. Vagin.)
Voici d'abord des anatomistes qui admettent des glandes dans le vagin :
580 LEUCORRHEE.
D'après Huschl<e {SplanchnoL, p. 463. Paris, 1845), le vagin possède un très-
grand nombre de glandes mucipares qui s'ouvrent entre les rugosités, principale-
ment dans la partie supérieure et la plus lisse de sa membrane muqueuse. En
examinant des pièces injectées , dit-il , j'ai trouvé que les ouvertures de ces
glandes avaient sur ce point d/o de millimètre de long sur i/6 de millimètre de
large, et que leur distance était de 1/3 de milllimètre. Cependant quelques-unes
ont 1/4 et 1/3 de ligne. Les glandes sécrètent un mucus acide qui devient surtout
abondant pendant le coït et l'accoucbement.
Tandis que , d'après Huschke, les follicules seraient abondants dans la partie
supérieure du vagin, M. Giraldès {Arch. de mécL, juillet, août 1844) assure
qu'il n'a pu en découvrir dans ce point, et M. Deville cite cette opinion à l'appui
de la difficulté d'interprétation des petites proéminences rouges de la vaginite
granuleuse. Mais dans la partie iniérieure du vagin , d'après M. Paul Dubois
{Accouch., p. 198. Paris, 1849), la présence des folliculesn'est pas plus douteuse
que ne l'est en ce point le produit abondant de leur sécrétion.
Jarjavay (Ajiat. chir., t. I, p. 514. Paris, 1852) admet la présence des fol-
licules dans la muqueuse vaginale. « On comprend, dit-il, qu'ils peuvent devenir
le point de départ de kystes, comme les follicules des autres régions du corps.
J'en ai observé un dans l'épaisseur de la paroi antérieure, en \ 845, à l'hôpital de la
Charité; la matière contenue était visqueuse, épaisse et rougeàtre. Lisiranc a vu
une tumeur analogue occupant la paroi postérieure. A. Bérard a publié, dans la
Gazette médicale, l'histoire d'une tumeur analogue renfermant du mucus, une
substance semblable à une solution de gomme arabique. Ce chirurgien attribue
toutes ces tumeurs à un follicule dont le goulot a été oblitéré. Dans un cas publié
par M. Voilet, le développement de la maladie paraît aussi devoir être attribué à
cette cause : c'était du sang pur que contenait une tumeur de ce genre observée
par Récamier. »
Selon Jamain {Traité élément, d'anat. descript., p. 606. Paris 1855), lu mu-
queuse vaginale, à épithélium très-épais et très-adhérent, est pourvue de papilles
très-développées et d'un grand nombre de Ibllicules muqueux. — D'après .M. Ri-
che t (4?iai^. méd.-chir., p. 710. Paris, 1855), on y trouve des follicules nom-
breux qui peuvent, comme partout ailleurs, devenir le siège des kystes muqueux,
dont les exemples se multiplient depuis que l'attention des chirurgiens a été
appelée sur ce sujet. Becquerel (Maladies de ïuierus, t. I, p. 484. Paris, 1859),
comme il ressort de son Anatomie pathologique de la vaginite granuleuse et de
l'interprétation qu'il donne des granulations rouges dont le vagin est alors par-
semé et qu'il regarde comme une hypertrophie inflammatoire des follicules mu-
queux, ne met pas en doute l'existence de follicules dans l'épaisseur de la mu-
queuse vaginale. Le même auteur en revenant, à l'occasion delà levicorrhée (t. Il,
p. 70) sur l'écoulement opalin, précédemment décrit (t. I, p. 172), le regarde
comme le produit de l'exagération de sécrétion des follicules muqueux du vagin.
La muqueuse vaginale, ditM.Fano, renferme deux ordres de follicules : les uns
superficiels sont contenus dans l'intérieur du derme, ou immédiatement au-
dessous ; ils s'ouvrent à la surface libre de la muqueuse par un simple orifice ou
par un petit conduit : les autres profonds sont contenus dans la tunique cellulo-
musculaire du vagin, et représentent des follicules clos. Les kystes muqueux
peuvent prendre leur point de départ dans l'un ou l'autre de ces deux ordres de
lollicules, d'après les observations d'Huguier {Des kystes de la matrice et du va-
gin, inMém, de la Société de chirurgie, t. I, p. 241, Paris, 1847). Lessupeifi-
LEUCORRHÉE. 581
ciels se rencontrent plus souvent à l'orifice inférieur du vogln ou à 1 centimètre,
1 centimètre et demi au-dessus, sur la paroi antérieure ou latérale. Les protonds
se développeut vers sa partie supérieure, près du col de l'utérus, plus fréquem-
ment sur la paroi autérieure que sur la paroi postérieure, (l'auo, dans la 5^ édition
de la Pathologie externe de Yidal (de Cassis), t. V, p. 340. Paris, 1861.)
La membrane nmqueuse du vagin, disent les auteurs d'un ouvrage récent
très-estimable, contieut dans son épaisseur de nombreux follicules mucipares qui
s'ouvrent à sa surface et qui sécrètent un luucus acide, ne contenant normale-
ment que des cellules d'épithélium jiavimenteu.v , mais souvent des globules de
pus et des animalcules (trichomonas de Donné), auisi que quelques cryptogames
(leptotbrix de Robin). [Nouveau Dictionnaire lexicographique et descriptif des
sciences médicales, par Raige-Delorme, etc., p. -1412. Paris, 1865.)
11 suffit de dire que le vagin est doublé à sa face interne d'une membrane mu-
queuse, dit M. A. Guérin [Maladies des organes génitaux externes de la femme,
p. 276. Paris, 1846), pour que l'on s'attende à y trouver des glanduîes et des
follicules mucipares... Je crois que les glanduîes mucipares sont incontestables.
M. Cruveilhier disait déjà en 1854 : « Les follicules muqueux y sont faciles à dé-
montrer. » S'ils n'existaient pas, cette particularité anatomique serait en désac-
cord avec la loi qui a présidé à l'byslogénie des membranes muqneuses, et nous
aurions peine à comprendre comment se produisent les mucosités si abondantes
de la vaginite et de la leucorrhée vaginale.
Voici maintenant d'autres anatomistes , d'après lesquels le vagin n'a pas de
glandes.
M. Robin [Dictionnaire de Nysten, p. 1317, 10' édition, 1855) dit que la
muqueuse vaginale ne renferme pas de glandes , ni d'orifices folliculaires ou
autres.
M. Tyler-Smith [the Pathologg and Treatment ofLeiicorrhea, p. 6. London,
1855) dit que la muqueuse du vagin se rapproche de la peau : elle est couverte
d'une couche épaisse d'épilhélium paviraenteux et ne renferme dans une grande
étendue de sa surface que peu ou point de follicules muqueux. Aussi appelle-t-il
plasma plutôt que mucus le liquide qui se produit parfois à sa surface.
D'après Scanzoni [Traité pratique des maladies des organes sexuels de la
femme, traduction française, p. 449. Paris, 1858), les travaux de Blandl et de
Kœlliker ont démontré que la muqueuse vaginale ne renferme que peu de folli-
cules; et dans la forme particulière d'inflammation décrite par Deville [Aixh.,
1844) sous le nom de vaginite granuleuse, les petites proéminences rouges
prises à tort pour des follicules tuméfiés ne seraient dues qu'à l'hyperémie et au
gonflement des papilles du derme.
Quelques auteurs, dit M. Sappey (Anatomie descripiii^e , t. III, p. 681. Paris,
1864), et particuhèrement M. Huschke , disent la muqueuse vaginale riche en
glandes mucipares ; malgré de longues et attentives recherches , il ne m'a pas été
donné d'en observer le moindre vestige.
A mon tour, j'ai souvent cherché dans le vagin des organes sécréteurs, glandes
ou follicules, et je n'en ai pas trouvé. J'ai tâché pourtant de me mettre dans les
conditions les plus favorables à leur découverte. Chez des femmes atteintes de
leucorrhée, surtout de leucorrhée purulente avec vaginite, après avoir déployé le
vagin avec le spéculum, essuyé sa muqueuse et cherché les points sur lesquels la
sécrétion paraissait être le plus abondante, ou semblait sourdre d'un orifice appa-
rent, ceux où le volume ou la rougeur des granulations pouvaient faire supposer
582 LEUCORRHÉE.
que quelques-unes de ces éniiuences étaient formées par des follicules, j'ai excisé
dans ces mêmes 'points une petite portion de la muqueuse vaginale, que j'ai portée
aussitôt soit dans l'eau, soit dans un liquide coloré, pouvant pénétrer les canaux
excréteurs qui se trouvaient dans Tépalsseur de ce fragment , que j'ai examiné
ensuite à la loupe et au microscope ; je n'y ai jamais trouvé de traces de follicules
ni de glandes. Après avoir dépassé l'anneau vulvaire ou l'insertion circulaire de
l'hymen, qui est la limite des appareds glandulaires de la vulve, d faut sans doute
arriver jusqu'à la surface vaginale du col utérin pour retrouver dans ses (ollicules
de nouveaux organes sécréteurs.
La muqueuse vaginale ne paraît donc pas avoir de glandes. Elle est sèche dans
l'état normal, ou seulement humectée par les sécrétions vulvaire et utérine.
Mais si elle n'a pas de sécrétion proprement dite, elle est probablement le siège
d'une exhalation liquide ou de la perspiration , entre les cellules de son revête-
ment épithélial, d'un fluide habituellement très-rare, pouvant devenir abondant,
surtout lorsqu'd y a irritation et desquammation partielle de la muqueuse, et don-
nant alors naissance à la leucorrhée vaginale.
Si l'on veut bien comprendre le mode de production de ce liquide et l'exfolia-
tion parfois très-considérable de l'épithélium vaginal , il est bon de ne pas borner
l'observation aux jjrodnits de la leucorrhée, mais de l'étendre aux autres modifi-
cations que peut présenter cette couche superficielle de la muqueuse vaginale.
Du reste, il est fort curieux d'étudier les diverses altérations que subit le revê-
tement épithélial de cette muqueuse et les modifications qui se produisent dans
l'exhalation du plasma propre à son organisation , dans le développement de ses
cellules, dans leur multiplication, dans leur persistance ou leur accumulation,
dans leur exfoliation et leur chute, etc. Probablement sous l'influence d'affeclions
générales diverses, locahsées sur cette muqueuse, de la persistance de ces états
morbides et de la tendance particulière de l'épithélium vaginal à subir, suivant le
cas, des accroissements, des hypertrophies, ou des desquammations considérables,
on observe le même phénomène, la multiplication anormale des éléments épitlié-
liaux donnant naissance, suivant sadireclion, aux résultats les plus différents.
Ainsi sous l'influence d'un état diathésique, de la syphilis notamment, il arrive
de voir se former sur le vagin, et plus particulièrement sur le col de l'utérus , des
épaississements épithcliaux, très-circonscrits , circulaires , nummulaires , offrant
l'aspect d'une gouttelette de cire tombée d'une hougie et figée sur place, et tran-
chant, par leur couleur blanc mat, avec la couleur rose on rouge des parties voi-
sines. Ce sont des espèces de plaques de psoriasis, qui s'entourent quelquefois d'un
cercle ronge, qui s'ulcèrent , qui cèdent à l'aciion des topiques spécifiques , mais
qui peuvent rester longtemps sous la même forme, sans présenter aucun change-
ment.
D'autres fois, ces plaques épidermiques augmentent d'épaisseur et de consis-
tance et produisent, soit des plaques muqueuses , soit de petits corps assez durs,
analogues à des verrues, dont on peut aisément faire l'excision.
Au lieu d'être hmité à un point ou à quelques points, l'épaississement épithé-
lial peut envahir toute l'étendue de la muqueuse vaginale , pai aissant plus consi-
dérable ou du moins étant plus saillant au niveau des papdles et des rides du
vagin, empêchant tout suintement liquide de se produire à la surface de la mem-
brane, et déterminant sur celle-ci une sécheresse telle que, lorsqu'elle n'est hvi-
mectée par aucune sécrétion utérine ni vulvaire, il est difficdede la parcourir avec
l'indicateur dans toute son étendue. On dii'ait que toutes les papilles bont hérissées
LEUCORRHEE. 385
ou enfermées dans un étui de corne, et l'on croirait passer le doigt sur la langue
d'un chat ou sur une peau de chagrin. Les lotions avec une i'aible solution de
sublimé, employées en même temps qu'un traitement général antisyphilitique,
parAiennent habituellement en quelques semaines à modifier cet état anatoniique,
qui m'a paru être le plus souvent un des accidents secondaires de la syplulis.
Cette multiplication épithéliale se concentre-t-elle sur un point, se produit-elle
avec rapidité, en conservant des relations directes avec les éléments anatomiques
sous-jacents et en restant douée dans ses propres éléments, ou dans les cellules
qui la constituent, de mollesse, de tendreté, de perméabdité, de faculté de bour-
geonnement , il en résulte ces excroissances quelquefois considérables , molles,
vasculaires, à base plus ou moins large, connues sous le nom de végétations. En
étudiant leur structure à l'aide de divers grossissements, on reconnaît que ces pro-
ductions sont formées exclusivement de cellules et sont de vrais bourgeonnements
de la couche épiihéliale. Seulement ici les cellules épidermiques, au lieu de s'apla- '
tir, de se tasser, de se dessécher successivement les unes au-dessous des autres, '
et de former des excroissances dures, restent arrondies , humides , imbibées de
sucs, douées d'une grande activité de végétation, et forment un tissu pathologique
nouveau, ayant une grande tendance à augmenter toujours de volume, s'il n'est
arrêté dans son évolution par un traitement particulier. Cette tendance à l'accrois-
sement est quelquefois telle qu'on voit le vagin, comme la vulve, envahi, encombré
par la masse et le nombre de ces végétations. J'ai vu des femmes chez lesquelles
il était presque impossible d'introduire un spéculum du plus petit diamètre.
Les productions épithéliales sont toujours vasculaires , plus ou moins, suivant
leur activité de végétation. On distingue bien, au centre de chaque groupe, une
artériole presque capillaire, prolongement d'une artériole du derme se divisant
comme les branches d'un arbre ou les ramifications d'une grappe. Ces divisions
sont entourées de petits amas de cellules qui n'y sont pas seulement appendues
comme des feuilles aux branches de l'arbre ou des grains de raisin aux ramifica-
tions de la grappe , mais qui leur forment une sorte d'étui de plusieurs rangs de
cellules, dont la nutrition, pour n'être pas en contact immédiat avec les vais-
seaux, ne se fait pas avec moins d'activité, puisque les cellules de la surlace
bourgeonnent toujours. En même temps que les cellules se multiplient, les divi-
sions vasculaires se prolongent d'elles-mêmes au centre de ces masses cellules,
de sorte que ce tissu pathologique s'accroît peu à peu et avec assez de rapidité, à
peu près de la même manière que s'accroissent, au moment du développement,
les premiers organes de l'embryon. Je n'ai pas besoin de dire comment des cauté-
risations répétées, coïncidant avec un traitement général antidiathésiqne, amènent
graduellement la destruction de ces végétations même des plus considérables.
Le caractère commun de toutes ces productions épithéliales, c'est de persister^
de faire corps avec la membrane muqueuse elle-même, et d'en constituer de véri-
tables excroissances, depuis la plus petite, la pins dure et la plus sèche, jusqu'à la
plus grande, la plus molle, la plus vasculaire, la plus végétante.
D'autres fois, les éléments épithéhaux, au Heu de persister, de tenir les uns aux
autres et d'adhérer ensemble à la muqueuse , se détachent de celle-ci à mesure
qu'ils se produisent, et leur multiplication anormale est suivie d'une desquam-
mation anormale.
Cette nultiplication et cette desquammation anormales peuvent s'opérer l'une et
l'autre, à un faible degré, par suite d'une irritation légère de la muqueuse. 11 en
icbuiie une humidité vaginale plus grande que d'habitude et l'apparition à la
584 LEUCORRHÉE.
vulve d'un peu de liquide blanc laiteux. L'examen au spéculum permet de consta-
ter dans tout le vagin la présence de ce liquide, ressemblant à du lait ou à une
éniulsion refoulée, par l'inti'oductiondel'instrument, entre les rides de la muqueuse
vaginale, dans les sillons qui séparent ces rides, ou circulairement au bout du
spéculum, et peu à peu de proche en proche, vers les culs-de-sac vagino-utériiis.
En essuyant la muqueuse avec un tampon de coton, on reconnaît quelquefois
qu'elle est un peu plus rouge que d'iiabitude, mais ce n'est pas constant, et ce
faible degré de leucorrhée peut exister sans une rougeur ni une irritation sensible
de la membrane.
Si l'irritation est plus forte, si la multiplication et la desquammation anormales
de i'épiderme vaginal sont plus considérables, il peut ari^iver que, dans cette sorte
d'excrétion, l'élément solide ou l'élément liquide prédomine :
La prédominance de l'élément solide est généralement l'indice d'un moindre
degré d'irritation de la muqueuse. La multiplication des cellules épiihéliales est
très-considérable, mais ces cellules s'organisent, s'aplatissent, se dessèchent eu
partie, et quoiqu'elles se détachent en aussi grand nombre et avec autant de rapi-
dité qu'elles se produisent, il n'y a que la couche superticielle qui tombe, la couche
profonde reste en place et le derme de la muqueuse n'est guère mis à nu ; s'il
l'est, c'est rarement , sur quelques points seulement, ou d'une manière excep-
tionnelle. Déjà pourtant l'irritation de la muqueuse paraît généralement plus forte
que dans le cas précédent, et l'on voit, par-ci, par-là, surtout après l'avoir essuyée
superficiellement , quelques points rouges correspondant aux papilles hypertro-
phiées, dominer le reste de la surface blanchi par la couche des débris épithéliaux
qui le tapisse, ou trancher par la vivacité de leur couleur sur le rouge moins foncé
de la muqueuse qui les environne, et former un degré inférieur ou, en quelque
sorte, une ébauche de la forme morbide connue sous le nom de vaginite granu-
leuse. Le spéculum refoule encore outre les rides du vagin une matière blauclie ;
mais cette matière, au lieu d'cire liquide comme du lait ou une émulsion, est
mêlée de liquide et de solide, caillebottée, plus ou moins épaisse , comme du fro-
mage, se détachant par petites lames légèrement adhérentes à la surface sous-
jacente, ou par petites masses qui s'accumulent dans les anl'ractuosités du canal.
La prédominance de l'élément hquide est la preuve d'un degré plus grand d'ir-
ritation, et quelquefois d'une véritable inflammation de la muqueuse. Il y a alors
non-seulement surabondance, exagération de la production épilhéiiale, mais alté-
ration de la sécrétion ou de l'exhalation du plasma qui doit servir à cette produc-
tion ; de sorte que, soit par excès , soit par altération du liquide plastique, une
grande partie de celui-ci reste sous la forme fluide , au lieu de s'organiser en
cellules. 11 y a, par suite, suintement d'un liquide par toute la surface de la mu-
queuse, écoulement \aginal plus ou moins opaque , en un mot leucorrliée vagi-
nale proprement dite.
Ce hquide peut être plus ou moins abondant. Il peut être mêlé à une quantité
considérable de débris épithéliaux ou de cellules qui continuent à se mulliplier
avec excès et qui lui donnent un aspect laiteux ou caillebotté. 11 peut èlre plus
clair par la prédominance plus considérable encore de l'élément liquide sur l'élé-
ment solide. Mais il est rare qu'alors l'irritation de la muqueuse n'ait pas pris
un autre caractère, ou que l'inflammation ne se soit pas emparée de cetle mem-
brane, et que la suppuration ne mêle pas ses produits à ceux de l'hypercxhala-
tion, de l'hypersécrétion ou de la desquamation épithéliale. Le liquide est alors
composé do sérum, de cellules et de débris d'épithéhum et de pus. II est nioiiir.
LEICORRHÊE. 5S5
liomogcno, sa couleur blanche est mélangée d'une teinte jaune, puriileule ou ver-
(làtre plus ou moins foncée.
En même temps, la surface sous-jacente offre de la rougeur, une sensibilité
beaucoup plus vive et tons les signes d'un véritable état intlammatoire. Tantôt
les papilles sont rouges, tuméfiées, très-saillantes, douloureuses mèrne, comme
celles de la langue dans les cas d'intlammation de certaines parties de l'appareil
digestif, et cet état peut être aigu ou prendre la forme chronique; c'est cette der-
nière qui a été décrite sous le nom de vaginite granuleuse. Tantôt la muqueuse
elle-même est privée de son épithélium sur certains points et même dans uns
grande étendue, quelquefois dans sa totalité; le derme est mis à nu, par plaques
circonscrites, ou sur de grandes surfaces, ou sur toute l'étendue du vagin, comme
à la suite de l'apphcation d'un a ésicatoire ; le contact de tout corps étranger est
très-douloureux; la douleur spontanée, par le fait même de la maladie, est quel-
quefois excessive ; la sérosité est exhalée en quantité considérable, le pus est
sécrété avec abondance, du sang se mêle quelquefois à la sérosité et au pus. Il y a
alors une véritable inflammation : toute l'épaisseur de la muqueuse, tout le vagin
sont envahis, la vaginite s'accompagne de gonflement, souvent d'engorgement
ganglionnaire, des ganglions inguinaux si la maladie siège sur la paroi vaginale
antérieure, des ganglions pelviens si elle siège surtout sur la paroi postérieure.
On peut observer aisément un état analogue à celui-ci, mais limité à une faible
étendue ; c'est celui qui est produit artificiellement par l'application du vésicatoire
sur le col, surtout lorsque l'imperfection du tamponnement ou l'mdocilité des
malades a permis au vésicatoire de se déplacer et d'atteindre la muqueuse vaginale
proprement dite. On voit alors tous les symptômes d'une vaginite circonscrite
avec leucorrhée purulente et sanieuse.
VII. Leucorrhée utérine. La leucorrhée utérine, très-rare chez les enfants,
est fréquente chez les jeunes filles chlorotiques et chez les femmes soit avant, soit
après la grossesse; chez plusieurs elle est abondante avant et après la menstrua-
tion. Elle peut être provoquée par les excès vénériens, mais le plus souvent elle
est causée et entretenue par une vraie maladie utérine, d'ordinaire par un ca-
tarrhe, quelquefois même par une inflammation ou par une affection rhumatis-
male, dartreuse, blennorrhagique, sy|jhilitique, localisée sur la matrice, ou par
la présence d'un polyjie, de tumeurs fibreuses, de simples granulations, d'un
ulcère, etc. La plupart du temps il n'y a ni chaleur, ni douleur, ni aucun autre symp-
tôme de maladie à la vulve, au vagin ou aux parties voisines . Mais il y a fréquemment
sentiment de pesanteur dans le bassin, des douleurs lombaires et hypogastriques
presque aussi fréquemment, et des douleurs particuhères, des coliques, des tran-
chées utérines, surtout chez les jeunes filles, correspondant aux contractions par
lesquelles l'utérus chasse le flot de liquide qui constitue la perte ; c'est dire que
la sortie du liquide est intermittente au lieu d'être continue. Alors même que
l'orifice utérin est très-large et que le liquide sort sans être chassé par une con-
traction de la matrice accompagnée de douleurs, le mucus ou le muco-pus est
retenu par sa viscosité, et ne se détache de la muqueuse, à laquelle il adhère, que
lorsque la masse en est assez forte pour être entraînée par l'effet de son propre
[loids. Il s'échappe donc de temps en temps de l'utérus, et par suite du vagin, un
flot de liquide que la malsde sent tomber sur la vulve ou en dehors, si elle n'i
déjà senti la douleur expulsive qui a pu en précéder la sortie. Les malades s'ob-
servent assez à cet égard pour que l'on puisse obtenir d'elles-mêmes des rensei-
gnements utiles sur l'aspect et la consistance de la perte; et en demandant si la
DICT. ENC. 2° s. IL 23
5S6 LEUCORRHÉE.
matière expulsée est comparable à de la glaire ou à du blanc d'œuf, aux glaires
stomacales rendues par le vomissement, au mucus nasal épais et jaune mouché
])eudant un coryza, aux crachats filants ou épais, blancs, jaunes ou verdàtres ex-
pectorés à la suite d'un rhume ou d'un catarrhe bronchique, on provoque ordi-
uaii'ement des réponses qui donnent une idée assez juste de l'abondance, de la
viscosité, de la ténacité, de la transparence, de l'opacité ou de la coloration de
l'écoulement. Généralement celui-ci est visqueux, gluant, cà proprement parler
albumineux ou ressemblant à du blanc d'œuf ; il peut être même très-cohérent,
très-tenace. Il est tantôt transparent, limpide, tantôt trouble, tantôt blanchâtre,
et tantôt mélangé de matière jaune ou même verdàtre, suivant qu'il est l'orme
par du mucus pur ou par un mélange de mucus et de pus à proportions variables.
Enfin, il empèse très-fortement le linge et fait des taches phis ou moins rondes,
peu larges, très-nettement circonscrites, qui donnent au linge une roideur et une
épaisseur considérables, en même temps qu'elles peuvent lui laisser son aspect
naturel ou le colorer en jaune ou en vert. Ce dernier cas est assez rare; ce
qui est plus rare encore, mais ce qui arrive quelquefois, c'est que le liquide
perd de plus en plus sa viscosité et que le mucus, mélangé au pus d'une ma-
nière tout à fait intime, constitue une perte homogène, peu persistante, se rap-
prochant légèrement, par ses caractères physiques, de celle de la vulve ou du
vagin. Le docteur Reclam {Neue Zeitung fur MecUcin und Medicinareform,
Nordhausen, novembre 1848; Valleix, ouvr. cit., t. V, p. 4i) a déjà étudié, il y
a quelques années, comparativement, les taches produites sur le linge par le mucus
vaginal et par le mucus utérin, et les résultats de ses recherches, fort justes,
sont conformes aux résultats plus précis que l'exactitude des études laites dans
ces dernières années permet d'obtenir sur ce sujet. Il faut d'ailleurs se rappeler
que ces signes caractéristiques cessent de pouvoir être appréciés avec quelque
exactitude dans le cas où la malade se livre à un exercice considérable, dans celui
où le linge que l'on examine a été porté pendant plus d'un jour ou deux, etc.
Le mucus du col et celui du corps de l'utérus sont tous les deux alcalins et ont
une odeur fade spéciale. Celui du col est gluant, tenace, demi-solide plutôt que
liquide; l'hypei'sécrétion en est fréquente. Pendant la grossesse, il est produit en
quantité considérable, il est glutineux, plus tenace encore que dans l'état de
vacuité, et il oblitère le col de l'utérus. Il ne tient souvent aucun élément anato-
mique en suspension, sauf quelques cellules prismastiques ciliées; il est entière-
ment homogène. Celui du corps est visqueux, filant, moins tenace, il contient de
nombreux globules épithéhaux, nucléaires, ovoïdes, venant des follicules flexueux
de la muqueuse, des cellules épithéliales cylindriques ou prismatiques et vibra-
tiles de la surtace même de cette muqueuse, des corps granuleux, etc. Le nombre
relativement considérable de ces éléments solides, mêlé au liquide sécrété, en
altère quelquefois la transparence et lui donne un aspect grisâtre.
Cette distinction est d'autant plus importante que souvent la leucorrhée utérine
est bornée à la muqueuse cervicale.
La maladie qui donne le plus souvent naissance à la leucorrhée utérine est le
catarrhe de l'utérus. Noils la décrirons donc ici, en la détachant des affections
dont il sera traité à l'article Utérus. {Voy. ce mot.)
Catarrhe de l'iitérus. Confondu ih nos jours avec l'inflammation de la mu-
queuse utérine et décrit sous le nom de métrite interne ou métritc muqueuse, il
s'observe quelquefois à l'état aigu, souvent à l'état chronique ; il peut se compli-
<|uer d'inflammation, d'érosion, d'ulcération même de la muqueuse, comme il
LEUCORRHÉE. 387
arrive [jour les vieux catarrhes broncliiques ou intestinaux. Mais il ne doit pas
être pour cela confondu avec ces divers états morbides ou regardé comme en étant
uniquement le symptôme ; car il a des caractères distinclifs qui permettent d'éta-
blir toujours entre eux et lui un diagnostic différentiel. Ce qui le caractérise,
c'est la particularité de sa manifestation, les causes qui le produisent, son mode
de développement, l'analogie des complications, la spécialité du traitement.
La particularité de sa manifestation, c'est l'écoulement lui-même ou le flux.
Que de fois la muqueuse utérine est enflammée, rouge, douloureuse, même sup-
purante, comme la muqueuse vaginale, sans fournir pour cela un véritable flux !
Que de fois, au contraire, ce llux existe seul, abondant, rarement purulent, mais
souvent muco-purulent ou simplement muqueux, témoignant par son augmenta-
tion de l'hypersécrétion glandulaire, fatiguant les malades par sa quantité et par
sa persistance, finissant par amener, par l'hypertrophie même des follicules, le
gonflement de la muqueuse et l'endolorissement de l'organe ; mais ne s'accom-
pagnant de tuméfl^ction, de douleur et de symptômes réelie.nent inflammatoires
que dans l'état d'acuité survenu par une invasion brusque, ou à la suite d'une
longue durée et par l'eifet des altérations organiques, que l'altération fonctionnelle
prolongée des follicules détermine dans la structure de la muqueuse elle-même !
Les causes extérieures qui le produisent sont les mêmes que celles qui déter-
minent habituellement les affections catarrhaies localisées sur les autres mu-
queuses : le coryza, le catarrhe bronchique, le catarrhe intestinal, etc. J'ai vu
plusieurs fois des leucorrhées suivre un refroidissement brusque des parties géni-
tales et du bas-ventre survenu chez des femmes en pleine transpiration : les unes
s'étant assises dans un lieu frais, sur du gazon, sur une pierre froide ou humide ;
d'autres ayant pris intempestivement un bain de siège frais non accompagné de
réaction; d'autres ayant exposé les parties génitales à l'air libre ou sur un siège
traversé par un courant d'air froid, pour satisfaire un besoin naturel. J'ai vu des
hommes contracter des catarrhes vésicaux et des prostatorrhées par l'action des
mêmes causes.
J'ai connu une jeune fille de 20 ans atteinte depuis deux ans d'une leucorrhée
vaginale et vulvaire qui a résisté à tous les moyens locaux que l'on a l'habitude
d'employer, surtout aux injections astringentes de toute espèce, et qui n'a cédé
qu'à l'association d'un traitement général (changement de climat, eau de gou-
dron, ferrugineux, bains sulfureux, hydrothérapie), avec un traitement local
énergique (badigeonnage quotidien avec une solution forte de nitrate d'argent).
Ce n'est point de la guérison de cette malade que je veux parler, mais de la nature
de sa maladie. Or, je puis affirmer que jamais affection catarrhale chronique, asso-
ciée à un certain degré d'herpélisme, ne fut mieux caractérisée que celle qui
paraissait entretenir la maladie de cette jeune fille : tempérament lymphatique,
délicatesse des nmqueuses, rougeur et injection vasculaire souvent considérables
de ces membranes, par exemple de la muqueuse buccale, de celle des lèvres, qui
se gonflaient facilement et laissaient même fendiller leur revêtement épithélial,
de celle du nez, du pharynx, des bronches, fournissant toujours un peu de mucus,
et développement du système des glandes sébacées de la peau, dont l'aspect ponc-
tué et la facilité à se couvrir de boutons d'acné témoignaient de la disposition
morbide de ces organes à fonctionner ; enfin éruptions érythémateuscs ou herpé-
tiques rares, sur divers points, autour des boutons d'acné, à la commissure des
lèvres, sur les fesses ou à la face interne des cuisses; rougeur des orifices des
glandes vulvaires, leucorrhée muco-purulente abondante, variable en intensité d'un
588 LEUCORRHÉE.
jour à r.iutre, mais surtout, et c'est là un point essentiel, subissant au plus haut
degré l'influence des variations du temps, diminution de récovdement et princi-
palement des douleurs par les temps secs et chauds, augmentation subite de
la douleur, de la chaleur, de la turgescence et de l'écoulement par le passage
du beau temps au froid humide. Vingt fois j'ai observé ces différences; je ne
pouvais d'abord me décider à les admettre aussi tranchées que la malade me
l'avait assuré, et j'ai toujours constaté la réalité de ses assertions. C'est là le cas
le plus accentué que j'aie rencontré ; mais les faits du même genre, quoique
moins déterminés, ne sont pas rares.
L'influence de ces causes est encore plus marquée lorsqu'elle se fait ressentir
à la fois sur un grand nombre de femmes et en quelque sorte d'une manière épi-
démique. A Paris, quand le pont des Arts fut achevé, dit Troussel {Des c'coulements
particuliers aux fenimes, Paris, 1842), il devint de mode d'en faire un lieu de
promenade et de réunion. Les dames vinrent s'y asseoir, conmie dans nos jardins
publics, après le coucher du soleil; aussi furent-elles atteintes par l'air frais et
humide du fleuve, qui occasionna une espèce d'épidémie de leucorrhée. On trouve
des preuves du caractère épidémique que présente parfois le catarrhe utérin, dans
l'ouvrage de M. Blatin et dans l'article Leucorrhée, du Dictionnaire des sciences
médicales, oùV on YOcçT^elie les faits observés par les médecins deBreslau, en 1702,
par Morgagni en Italie, en 1710, par Bassins à Halle de Magdebourg, en 1750,
par Ranllin à Paris en 1765, par Leake, en Angleterre, concuremment avec des
catarrhes, des angines et des diarrhées ; on peut y lire aussi les observations faites
à Berlin en 1712, et en France par Roux en 1769.
Son mode de développement présente ceci de particulier, que souvent l'établis-
sement du tlux utérin dépend de dispositions personnelles, d'une constitution
faible, d'un tempérament lymphatique, d'une susceptibilité avérée des muqueuses,
enfin d'une impressionnabilité constatée à l'action du froid humide et des varia-
tions brusques de la température ou de l'état hygrométrique de l'air, et qu'il est
déterminé par l'action des causes externes dont je viens de parler, c'est-à-dire des
circonstances qui engendrent l'affection catarrhale et qui en produisent la localisa-
tion sur les muqueuses nasale, bronchique, vésicale, intestinale, etc.
L'analogie des complications rend les caractères du flux catarrhal encore plus
évidents chez un certain nombre de malades. Par exemple, il en est qui sont
atteintes avant ou depuis leur maladie utérine de douleurs rhumatismales, de né-
vralgies, de douleurs articulaires; d'autres dont la leucorrhée s'accompagne
d'entérite glaireuse, de catarrhe vésical ou bronchique ; d'autres dont le flux uté-
rin peut diminuer, se supprimer momentanément pour reparaître plus tard, et
semble alterner avec l'augmentation ou la diminution d'un autre flux ou de toute
antre manifestation concomitante d'affection catarrhale ou rhumatismale. J'ai vu
d'assez nombreux exemples de ces coïncidences du catarrhe utérin avec des mala-
dies d'une nature analogue, pour y attacher l'importance qu'elles méritent au
point de vue du diagnostic.
Le traitement ne témoigne pas moins que les caractères précédents, de la spécia-
lité du catarrhe utérin. On peut être obligé de combattre l'inflammation qui le
complique souvent, soit au début, par suite de la soudaineté et de l'intensité
d'action de la cause déterminante, soit à l'état chronique, par suite de l'incurie
des malades et de la durée du mal. Mais on ne guérit pas pour cela le catarrhe
par des autiphlogistiques. J'ai vu maintes fois les antiphlogistiques, appliqués
intempestivement, augmenter le mal au lieu de le diminuer, et jeter les malades
LEUCORP.IIÉE. r,SO
dans un état de faiblesse et de langueur au milieu duquel le flux utérin ne faisait
que s'accroître et s'aggraver. Au contraire, le changement de climat, l'action d'un
air vif, sec et suffisamment chaud, les révulsifs, les toniques, les reconstituants,
les balsamiques, les astringents, enfin les topiques propres à modifier l'état anato-
mique et la vitalité de la surface sécrétante, produisent les résultats les plus
avantageux, font cesser les douleurs en même temps que le flux, et fournissent la
meilleure preuve que l'inflammation n'est pas dans ce cas la cause prochaine de
la leucorrhée.
Le catarrhe utérin aigu peut être compliqué d'un certain degré d'inflamma-
tion. La muqueuse de la matrice, atteinte par l'imijression de la cause qui pro-
duit la maladie, commence par être douloureuse, mais dans le premier moment
la sécrétion semble diminuer au lieu d'augmenter. A mesure que la réaction se
fait, qu'un léger mouvement fébrile s'établit, l'hypersécrétion commence, et elle
prend plus ou moins d'intensité ou se trouve plus ou moins altérée, suivant les
cas.
La douleur est surtout hypogastrique ; elle s'accompagne de chaleur et d'em-
barras pelviens, même de 'douleur pendant la défécation et la miction, et revct
par instants le caractère de tranchées ou de contractions utérines.
Le catarrhe utérin chronique succède au premier ou débute sous cette forme ;
il succède aussi quelquefois à la métrite, qui développe sur les glandes utérines
la tendance à l'hypersécrétiou favorisée ou préparée par une disposition géiiC'
raie.
Les signes subjectifs sont les suivants : En première hgne, l'hypersécrétion,
l'écoulement qui y succède, dont j'ai parlé plus haut ; cet écoulement semble plus
débilitant pour les malades que l'écoulement vaginal, et parfois, lorsqu'il est
abondant, il coïncide avec une irritation, qui de lamuqueuse utérine gagne la
muqueuse vaginale, la vulve, la face interne des cuisses, où elle produit de la
cuisson, une sorte d'érythème et même une desquamation épithéhale légère. Puis
viennent des altérations de menstruation, habituellement de la dysménorrhée,
exceptionnellement de la métrorrhagie ; dans ce dernier cas, il est rare qu'il n'y
ait pas quelque altération de la muqueuse, symptomatique d'un état mor-
bide concomitant, tel qu'ulcération, granulations, fongosités. Il existe des dou-
leurs qui partent du sacrum pour aboutir aux aines et aux pubis, qui s'accom-
pagnent de tranchées utérines précédant l'expulsion du nmco-pus accumulé dans
la cavité utérine, et qui se compliquent après un certain temps d'un sentiment de
gène, de pesanteur, de plénitude pelviennes. Souvent une impression sur un autre
point du corps, une sensation brusque de froid, celle que donne seulement un
marbre sur lequel la malade appuie la main, retentit dans l'utérus, y éveille une
douleur qui semblait sommeiller, et y détermhie une hypersécrétion avec expul-
sion du mucus. Bientôt à ces douleurs s'ajoutent de la gastralgie, une sensation
de fatigue et de tiraillement s'étendant de l'épigastre à la région dorsale entre
les deux épaules, résultant du dérangement des fonctions digestives, de l'affai-
blissement général qui y succède, de la chlorose, de la chloro-anémie, qui en est
la conséquence. Les accidents dyspeptiques se développent; des renvois, des ai-
greurs, des vomissements, le ballonnement du ventre, sont souvent suivis de
constipation ou de catarrhe vers la partie inférieure de l'intestin, de garde-robes
douloureuses, de ténesmc, de glaires rendues avec les fèces ; les urines deviennent
aussi troubles, chargées, muco-puruleates, la miction est douloureuse. L'amai-
grissement, la langueur, la tristesse complètent le tableau.
ÔOO LEUCORRHÉE.
Les signes objectifs sont : de la tension et de la rénitence à l'hypogastre, de la
sensibilité au col de l'utérus; le doigt qui pratique le loucher ramène un mucus
glaireux ou pui'ulent, caractéristique ; il y a souvent de la flaccidité des parois
utérines, quelquefois augmentation de volume du col et du corps ; ce dernier de-
vient globuleux, surtout lorsque par l'occlusion des orifices résultant du gon-
ilement de la muqueuse ou par leur oblitération due à la formation de brides ou
à l'adhérence de surfaces ulcérées, les produits de sécrétion s'accumulent, et
sont retenus dans la cavité utérine. La sonde utérine creuse pénètre avec
quelque difficulté ; mais une fois arrivée, elle est mobile en tous sens, et té-
moigne d'une augmentation de capacité de la cavité de la matrice ; elle laisse
quelquefois couler du mucus très-fluide par son canal.
Des exulcérations fréquentes s'observent sur le museau de tanche, au bord
même de l'orifice et particulièrement sur la lèvre inférieure, phénomène qui peut
tenir à une macération de l'épithéhum par les mucosités, comme M. Gosseliu
l'a fait remarquer (De îa valeur syniptomatique des ulcérations du col utérin,
Arcli. génér. de méd., ¥ série, t. II, p. 129; 1845), mais qui peut aussi
provenir d'une complication, comme cela me paraîf évident pour des altéra-
tions plus sérieuses, telles que les granulations, les fongosités et les kystes
folhculaires.
Je pense avec M. Scanzoni (ouv. cit., p. 155), que la leucorrhée persistante,
comme la congestion utérine qui l'accompagne souvent, peut très-bien, par l'irri-
tation qu'elle entretient dans l'organe et surtout sur sa muqueuse, par l'exa-
gération de circulation qu'elle provoque forcément, amener à la longue, la mé-
trite chronique, les ulcérations, les granulations, le développement 'des fongosités
utérines, les kystes folhculaires, la formation des corps fibreux, etc. Mais de là à
produire directement ces altérations, ou seulement quelques-unes, comme le
veut M. Tyler-Smith, il y a loin. La leucorrhée catarrhale est plus rare au vagin
qu'à l'utérus ; cependant elle peut se manifester sur le premier de ces organes,
elle peut succéder à une vaginite franche; elle peut, surtout à l'état aigu, exister
simultanément sur l'un et sur l'autre.
Il en est de même de la leucorrhée rhumatismale. Cette espèce de leucorrhée
n'a pas d'ailleurs de caractère pathognomonique. On doit la reconnaître ou la
soupçonner par l'état général plutôt que par des symptômes locaux ou des signes
propres.
VIII. Traitement de la leucorrhée aiguë. Cette maladie, surtout la leucorrhée
catarrhale aiguë, peut guérir spontanément comme le catarrhe aigu de tout
autre organe. Il ne faut pas pour cela l'abandonner à sa marche naturelle et né-
j^liger de la traiter ; car elle a souvent de la tendance, et dans tous les cas, une
grande facilité à passer à l'état chronique ; or la leucorrhée chronique est une
des maladies les plus rebelles, comme le catarrhe vésical, comme le catarrhe
bronchique, comme la diarrhée, comme presque tous les autres flux chroniques.
Elle produit peu à peu des troubles digestifs ; l'appauvrissement du sang, l'amai-
grissement, le dépérissement des malades. Ces tristes résultats ne tardent pas à se
manifester par un état de langueur, par la pâleur du visage et par cette altération
des traits et du teint dont l'ensemble est désigné sous le nom de faciès utérin:
Il faut donc que le médecin comprenne et fasse comprendre à la malade
l'urgence d'un traitement persévérant et prolongé. La nécessité de la cure n'est
pas seulement indiquée par la difficulté d'atteindre la guérison, elle l'est encore
par la fréquence des rechutes. La leucorrhée paraît quelquefois céder au traite-
LEtCORRIIÉE. îfll
ment, et l'on peut se flatter d'avoir obtenu un succès ; mais elle ne cesse pen-
dant quelques jours ou quelques semaines que pour reparaître avec une intensité
nouvelle et une ténacité plus grande, soit à l'occasion du retour des règles, soit
à la suite d'une excitation, d'une fatigue quelconque des organes génitaux. J'ai
vu des cas de ce genre, \raiment désespérants, dans lesquels la persistance de la
maladie et la fréquence des retours, comparables à ceux des écoulements uré-
tliraux chez l'homme, semblait défier toutes les ressources de l'art. Cette ténacité
tient habituellement à l'existence d'une affection diathésique et à la négligence
des femmes. Mais quoi qu'il en soit, la maladie puise alors dans sa chronicité
même de nouvelles conditions t\ivorables à sa persistance et à sa durée.
Quand la guérisou est enfm obtenue, il faut s'attacher à prévenir par une
bonne hygiène le retour de la maladie. On ne saurait trop consohder la santé par
le séjour à la campagne, les toniques, les amers, les ferrugineux, les bains de
mer ou de rivière, l'hydrothérapie, la longue continuation des irrigations, des in-
jections astringentes, iine propreté soigneusement entretenue; enfm la privation
des excès vén'riens, et quelquefois même la continence absolue. Pour obtenir sa-
tisfaction sur ce dernier point, il est souvent nécessaire de séparer les époux,
et l'on se trouve bien de prescrire à la malade un voyage, surtout si ce voyage
a un but hygiénique apparent, en même temps que réel, par exemple de
l'envoyer à des eaux minérales ferrugineuses, dans un établissement hydrolhéra-
pique ou aux bains de mer.
Il est des leucorrhées qu'il faut traiter avec plus de rapidité et de ténacité
encore que la leucorrhée catarrhale à laquelle s'appliquent surtout les réflexions
précédentes ; je veux parler de la leucorrhée vulvaire des enfants qu'il faut se
hâter de guérir, pour éviter que les petites malades, en portant instinctivement
les mains aux parties génitales, n'entretiennent ou n'augmentent le mal, et
qu'elles ne contractent la funeste habitude de la masturbation.
Par contre, il est des leucorrhées qu'il ne faut pas traiter, ou ne traiter
que par des soins de propreté nécessaires pour pallier le mal en diminuant la
douleur, les cuissons, le prurit qu'il occasionne ; ce sont les leucorrhées qui
existent cliez les femmes phthisiques, que ces leucorrhées soient symptomatiques
de la phthisie ou d'une tuberculisation utérine, ou qu'elles soient entretenues
sinq^lement par l'atonie et la débihté des malades. Elles jouent le rôle de la fis-
tule à l'anus ou d'un exutoire artificiel. La présence en est souvent utile aux tuber-
culeuses; leur suppression aggrave parfois les accidents pulmonaires, et précipite
la fin des malades. La plupart des praticiens sont d'accord à cet égard. Lagneau,
après les anciens médecins, a insisté sur ce fait, et Lisfranc [Clinique chirnrqi-
cale, t. II, p. 500) y est revenu avec l'énergie de paroles qui peint habituelle-
ment l'énergie de ses convictions : « J'ai observé, dit-il, un grand nombre de
femmes, chez lesquelles les pertes blanches diminuaient ou suspendaient les
progrès de la phthisie pulmonaire, quelquefois même cette affreuse maladie était
amendée ; de là naît, nous ne saurions trop le dire, l'impérieuse, l'indispensable,
l'absolue nécessité de respecter les écoulements blancs, lorsque quelque affection
morbide viscérale existe. »
Le traitement de la leucorrhée aiguë doit presque toujours être à la fois général
et local.
Le traitement général est beaucoup plus important qu'on ne paraît iiorté ii le
croire : il est presque impossible de guérir une leucorrhée sans v recourir, et
dans certains cas à lui seul il est suffisant.
592 LEUCORRHEE.
C'est ce qui a lieu dans les cas de leucorrhée liée à uue altération foiictiouuelle
chez les chlorotiques. On pont se dispenser alors de recourir aux injections, aux
divers topiques, à la cautérisation utérine. 11 suffit de combattre la névrose par les
sédatifs, les antispasmodiques, les toniques, de redonner au sangles éléments qui
lui manquent, d'en refaire la richesse par le rétablissement des fonctions diges-
tives et l'administration méthodique des préparations ferrugineuses, de favoriser
la reconstitution du système par les bains ferrugnieux et l'hydrothérapie, pour
amener la disparition graduelle de la leucorrhée et pour voir le rétablissement de
la menstruation donner la meilleure garantie de la guérison.
Le traitement général suffit même le plus souvent dans la leucorrhée catarrhale
aiguë. On se borne à écarter les causes de la maladie ; à en combattre les compli-
cations, notamment l'inflammation, si elle existe, parle repos et les émollients,
sinon par les antiphlogistiques, par exemple, par les grands bains, les baitis de
siège, les irrigations tièdes et calmantes, les lavements ; à éviter le refroidisse-
ment, et surtout les changements brusques de température, en revêtant le corps
de flanelle, en pratiquant des frictions sèches sur toute la surface de la peau; à
soutenir les forces par une alimentation tonique, mais non excitante.
Ces moyens ne sauraient cependant constituer toujours tout le traitement général,
même dans les cas de simple leucorrhée catarrhale aiguë. 11 faut chercher parfois
•à obtenir une crise, comme dans le traitement du catarrhe bronchique. La peau,
par sa grande étendue et par l'influence qu'elle a pu prendre au développement du
catarrhe, en subissant un refroidissement, paraît l'organe le plus favorable à
l'établissement de cette crise. Dans ce but, on emploie les diaphorétiques, on
cherche à porter les mouvements au dehors, à exciter la transjjiration.
Si la leucorrhée persiste et menace de passer à l'état chronique, on transforme
cette action diaphorétique, cette révulsion par les sueurs, en véritable révulsion
irrital;ive ou séreuse, par l'emploi des frictions sèches ou excitantes sur toute la
surface du corps, des rubéfiants, des épispastiques, des vésicatoires volants, ou
tout au moins des frictions avec l'huile de croton liglium, de manière à obtenir
une éruption miliaire qu'on recouvre d'un papier adhésif, pour épargner à la
malade une trop vive douleur. Si la révulsion cutanée est insuffisante on y joint,
la révulsion intestinale, par les purgatifs administrés à plusieurs reprises, comme
je vais le dire en parlant de leur emploi dans la leucorrhée chronique.
Il faut soutenir la guérison obtenue assez promptement de cette manière, par
les moyens propres à combattre la faiblesse qui succède nécessairement à la
leucorrhée et au traitement, et qui prédispose tant la malade aux rechutes et sur-
tout la maladie à la chronicité ; c'est-à-dire par les préparations ferrugineuses,
les lotions générales à l'eau froide, les bains de siège suivis de frictions sèches, le
séjour à la campagne.
Il faut enfin, pour hâter la guérison et empêcher le passage à l'état chronique,
soutenir l'action des moyens généraux par des topiques astringents : des injections
tièdes, détersives ou légèrement astringentes (feuilles de noyer, tannin, coaltar,
sulfate de zinc ou de cuivre, alun) ; des poudres inertes ou astringentes comme
le sous nitrate de bismuth, l'alun seul ou mélangé avec de l'amidon, portées dans
le vagin directement, par insufflation ou au centre d'un tampon ; le badigeonnage
avec la solution faible de nitrate d'argent ou de teinture d'iode, versée au fond du
spéculum. Mais ces derniers moyens héroïques contre la leucorrhée chronique,
doivent être employés avec une grande réserve et de la manière la plus oppor-
tune daus la leucorrhée aiguë.
LEUCOURHÉE. 593
IX. Tb.AiTEMEM DE LA LEUCORRHÉE CHROMQUE. CcUe maladie succèile quelque-
fois à la leucorrhée aiguë, mais elle est souvent chronique d'emhlée ou primitive-
ment ; elle affecte, dès son apparition, ce caractère, qui la distingue nettement de
la Itucorrhée aiguë au point de vue des indications, qui témoigne presque indu-
bitablement de l'intluence directe exercée sur son existence par un état général,
une affection ou une vraie diathèse, et qui démontre, en quelque sorte, la néces-
sité de l'attaquer par un traitement également général. Ce n'est pas qu'une dia-
thèse lui ait nécessairement donné naissance : le défaut et le dérangement de la
menstruation, une grossesse, un avortement, un accouchement, une excitation
physiologique, des excès, une irritation mécanique, l'invasion brusque d'une
affection catarrhale aiguë, ont souvent été son point de départ ; mais une diathèse
dont l'existence latente était passée jusque-là inaperçue, trouvant dans cet état
morbide une occasion de se localiser, ne tarde pas à se substituer à la cause occa-
sionnelle dont l'action est bientôt épuisée, à imprimer à la leucorrhée son carac-
tère, sinon apparent, du moins intime, à lui donner sa propre nature et à devenir
bientôt, avec l'altération de tissu qui dépend de la durée même du mal, la cause
principale et, pour ainsi dire, unique de sa persistance.
Quel cjue soit le point envahi par un acte pathologique quelconcjue, quelque
resserré que soit l'espace sur lequel son évolution s'accomplit, quelque légers que
soient les symjttômes qui en trahissent la présence, une affection préexistante
profite presque toujours de cette issue pour cesser d'être latente, se manifester
au dehors et former, sinon la nature même de l'état morbide, du moins une de
ses plus graves complications. Ainsi, alors même qu'elle ne serait pasdiathésique
dans le principe, la leucorrhée ne tarde pas à le devenir .
Ce qui se passe chez la femme à propos de la leucorrhée, je ne puis mieux le
comparer qu'à ce qui se passe chez l'homme à propos des écoulements chioniques
de l'urèthre et de la prostate. Rien n'est plus facile et souvent plus prompt à
guérir qu'un écoulement uréthral chez un homme sain, bien constitué et indemne
de toute affection morbide ; rien n'est plus difficile et plus long à guérir qu'un
écoulement uréthral chez un catarrheux, un rhumatisant, un goutteux, un dar-
treux, un scrofuleux. J'ai vu tant d'exemples, dans l'un et l'autre sexe, des diffi-
cultés que présente la guérison des écoulements chez de pareils sujets, de la néces-
sité qu'il y a de recourir aux antidiathésiques, aux reconstituants, de l'insuffisance
des traitements locaux employés seuls, de la réussite de ces mêmes traitements
lorsqu'ils sont précédés ou préparés par des traitements généraux, que je n'hésite
pas à dire que là est le véritable secret du traitement et de la guérison de ces
maladies.
Les affections qui exercent le plus d'influence sur la durée de la leucorrhée
peuvent se ranger, quant à leur frécpience, à peu près dans l'ordre suivant : chlo-
rose, chloro-anémie, catarrhe et rhumatisme, diathèse dartreuse, scrofuleuse,
syphilitique. Chacune d'elles devient la source d'une indication spéciale quelque-
fois spécifique, et c'est ainsi que le fer, les altérants, l'iode, le mercure, l'arse-
nic, etc., peuvent être administrés avec succès, dans le traitement de la leucor-
rhée, suivant la nature de Taffection qui entretient cet état morbide. Je n'ai rien
à dire ici de particulier sur leur mode d'emploi. Je me contenterai de passer en
revue les moyens qui sont le plus habituellement employés, et qui répondent à la
fois aux indications spéciales relevant du siège (muqueuse utéro-vaginale) et du
caractère particulier (lluv, hypersécrétion) de l'état morbide.
A la tête de ces moyens, il faut placer les reconstituants, l'alimentation analep-
594 LEUCORRHÉE.
tique, les toniques, le quiiiquiiia, le fer S les cliangements de genre de vie, le
séjour à la campagne, et surtout le changement de climat. J'ai vu des exemples
irappants de l'influence que ce dernier moyen exerce sur la guérison de la leucor-
rhée ; il n'agit pas seulement comme moyen de distraction ou de tonification, par
l'exercice qu'il entraîne et les réactions qu'il provoque, mais encore comme modi-
iicateur puissant, lorsque la malade passe d'un climat froid et humide, qui pré-
dispose à la leucorrhée et aux catarrhes, dans un climat sec et chaud favorable à
leur traitement. En concourant avec les autres moyens à la guérison de la leucor-
rhée, le changement de climat rend efficaces des médications jusque-là infruc-
tueuses, et j'ai vu un grand nombre de malades, par l'influence seule des mêmes
moyens qui leur avaient été vainement administrés pendant longtemps sous d'au-
tres latitudes, éprouver dans le Midi, en quelques semaines, une amélioration
aussi rapide qu'inespérée, bientôt suivie d'une guérison définitive.
Les balsamiques, la tisane de bourgeons de sapin, les pilules de térébenthine,
l'eau de goudron coupée avec du vin au repas, agissent sur la leucorrhée, comme
sur tous les flux, comme sur toutes les autres maladies catari^iales par le fond ou
par l'affection, par la forme ou l'hypersécrétion muqueuse. J'ai l'habitude de
prescrire surtout l'eau de goudron, et avec succès ; il est aisé de vaincre la répu-
gnance des malades pour cette boisson en ayant soin de la mêler d'abord par très-
petites quantités à de l'eau de Seltz, et d'en augmenter progressivement la dose,
tandis qu'on dimmue graduellement cells de l'eau de Sellz. Il ne faudrait pas
croire qu'ils agissent comme spécifiques, qu'ils aient une action élective sur
la muqueuse utérine, et qu'ils soient efficaces contre la leucorrhée comme ils le
sont contre les écoulements uréthraux chez l'homme. 11 ne faut pas attendre du
baume de copahu, par exemple, la guérison, je ne dis pas de la leucorrhée, mais
de la blennorrhagie vaginale, pas même de la blennorrhagie uréthrale. Le copahu
est entraîné par les urines, et des expériences démonstratives prouvent que c'est
le passage même des urines qui imprime aux follicules de l'urèthre, chez l'homme,
la modification dont l'heureuse influence en suspend l'hypersécrétion. 11 ne peut
en être ainsi chez la femme, car le copahu ne peut être transporté en nature,
ni par aucune sécrétion, sur la muqueuse utéro-vaginale ; il n'agit même guère
sur la muqueuse uréthrale, soit à cause de son peu d'étendue, soit à cause de
la disposition ou delà direction particulière aux canaux excréteurs de-ses glandes.
Pourtant, des médecins dignes de foi assurent avoir vu le copahu, le matico, sans
doute par le même mode d'action que les autres balsamiques, exercer une heu-
reuse influence sur la leucorrhée vagino-utérine.
Le seigle ergoté a une action plus directe sur l'utérus ; il a été employé avec
succès. Bazzoni (Omodei, Anncili di medicina, mai 1851) le recoramailde contre
la leucorrhée chronique, à la dose de 4 grammes en décoction dans 250 grammes
d'eau, en deux doses, la moitié le premier jour, l'autre moitié le second; rare-
ment, dit-il, on est forcé d'en prendre davantage. Il est évident qu'il suffit de le
prendre à la manière commune, en poudre, de six en six heures, à doses plus
1 Parmi le.s préparations de fer, les plus vantées par M. Tyler-Smith sont: te sesquiclilo-
rure, et surtout les sulfates ferrico-potassique et ferrico-ammonique, prébentés à la Société
de pharmacie de Londres, par M. Lindsey Blith, en 1853, et très-employés en Angleterre sons
le nom de Iron alunis, aluns de fer. On prétend qu'ils sont plus astringents que l'alun à base
d'alumine, et qu'ils n'ont pas les propriétés excitantes des autres ferrugineux. M. Tyler-
Smith préfère lalun de fer ammonique à l'alun de fer potassique, parce qu'il est plus so-
lublc. 11 l'administre à la dose de 15 à 50 centigr. dans un véhicule approprié, ou simple-
ment dans de l'eau, trois fois par jour. (Tyler-Smith, On leucorrhea, p. 190.'
LEUCORRHÉE. 395
on moins élevi'cs, Il esl évident aussi qu'il pont, à titre d'adjuvant, rendre de
grands services, dans les cas oii la cavité interne de l'utérus est le siège de la
sétrétion, en excitant la contractilité affaiblie des parois de cette cavité.
Les eaux minérales, souvent conseillées, n'ont pas toujours une grande effica-
cité. Les bains ferrugineux naturels ou artificiels, très-vantés par quelques
médecins, par exemple par Aran, sont utiles dans les cas de leucorrhée chloro-
tique; mais pour peu qu'il se joigne à la chlorose une autre diathèse qui n'éprouve
pas par leur usage une heureuse moditication, ils peuvent être plus nuisibles
qu'utiles. J'ai vu quelques malades, même chlorotiques, à qui ils n'ont assuré-
ment fait aucun bien, tandis que les eaux alcalines, surtout les eaux sulfureuses,
les bains de mer, etc., leur ont été plus tard très-utiles. Il faut donc savoir tâter
le terrain dans ces cas douteux, et ne pas s'obstiner à employer un moyen jus-
tement vanté sans doute, mais dont l'efflcacité a des limites.
L'hydrothérapie est d'une utilité beaucoup plus générale dans le traitement
de la leucorrhée. Dans le catarrhe utérin franchement chronique, l'eau froide
employée sous toutes les formes et les réactions graduées et énergiques que son
application méthodique provoque, produisent des résultats souvent inespérés et
vraiment héroïques. C'est le meilleur révulsif et le meilleur tonique en même
temps; aussi on ne saurait trop varier, multiplier et prolonger l'emploi des
moyens hydrothérapiques contre cette maladie souvent si rebelle. Au besoin on
fait précéder les douches de bains de vapeur, qui déterminent une révulsion sur
une large surface et qui, en provoquant par des sudations abondantes le rétablis-
sement des fonctions de la peau, déplacent, en quelque sorte, l'habitude morbide
et substituent la transpiration cutanée au flux leucorrhéique. Il faut seulement se
garder d'affaiblir les malades par une médication qui serait débilitante, si l'on
n'avait le soin de la faire suivre d'un régime et d'un traitement propres à tonifier
le système et à en relever les forces.
Lorsque les bains de vapeur, les frictions sèches générales, l'hydrothérapie sont
contre-indiqués, on peut avoir recours à la révulsion produite sur le tube digestif
parles purgatifs, ou sur la peau parles épispastiques. .le ne trouve généralement
aucun avantage à employer ce mode de l'évulsion, j'y reconnais des inconvé-
nients assez notables pour ne pas l'adopter en principe. Ainsi, les malades at-
teintes de leucorrhée chronique, étant généralement laibles, dyspeptiques, gas-
tralgiques , etc., ne peuvent éprouver par l'usage des ' purgatifs qu'une
augmentation de faiblesse, une irritation des intestins peu favorables à leur
rétablissement. Les épispastiques cutanés les irritent aussi quelquefois beaucoup,
par la douleur qu'ils causent et le repos qu'ils imposent, surtout lorsqu'on les
met sur le ventre. Je ne parle pas des exutoires, car ils peuvent être le plus sou-
vent remplacés avantageusement par les frictions longtemps continuées, et ils ne
produisent que très-rarement les bons elfets qu'on en espère.
Je n'use donc des purgatifs que dans de rares occasions, à la fin de la leucor-
rhée aiguë, pour en prévenir le passage à l'état chronique ; ou pendant le traite-
ment de celle-ci, à titre de laxatifs, destinés à entretenir la liberté du venlre,
pour augmenter l'appétit languissant et stimuler les digestions paresseuses, plu-
tôt qu'à titre de révulsifs sur un organe qui doit être particulièrement ménagé.
Est-ce par i'aloès ou par les résines qu'elles renfermaient, c'est-à-dire comme
purgatifs ou comme balsamiques, que les fameuses pilules de Stahl {Colle-
giimi casuale magnum, cas. 19. Leipzig, 1755), composées de gomme ammo-
niaque, de myrrhe, d'aloès, de gomme de lierre, etc., agissaient dans le Irai-
39G LEUCORRllÉl^.
tenient de la leucorrhée et avaient mérité la confiance de leur illiisire auteur?
L'aloès a été administré de nouveau dans ces derniers temps, mais d'une autre
iaçon.Sd^œnhemelkrsLn{Bidletin de thérapeutique, t. LIV, p. 193. Maladies
del'idérus, p. 464) ont recommandé des lavements contenant de l'aloès sus-
pendu dans une sorte de mucilage de savon et d'eau. La formule à laquelle je
me suis arrêté, dit Aran, est la suivante :
Aloès S gi-ammes.
Savon médicinal S —
Eau bouillante lOO —
Laissez refroidir. A prendre en une seule fois, le soir en se couchant, après a\oir
débarrassé l'intestin par un grand lavement tiède. Les effets en sont d'autant plus
remarquables que les malades les gardent plus longtemps. On peut en faire pren-
dre un tous les jours ou tous les deux jours, jusqu'à ce qu'il sm'\ieime de l'irrita-
tion au rectum ou à l'anus ; on suspend alors, pour recommencer quelques jours
après, si l'écoulement a été modifié. Ils ne conviennent, pour déraciner le catar-
rhe utérin chronique, que lorsque tous les phénomènes congestifs ou inflamma-
toires sont tombés. Leur action paraît d'autant plus certaine que l'écoulement se
rapproche du caractère aqueux. J'ai essayé ce moyen : il est désagréable pour les
malades, il cause assez souvent de l'irritation au rectum et à l'anus, il ne peut
pas toujours être continué, il donne enfin des résultats incertains et paraît n'être
efficace que dans des cas très-rares.
Les malades acceptent difficilement l'application des vésicatoires sur le
ventre. Si le mode de révulsion qu'ils déterminent paraît indiqué, je leur préfère
les frictions avec l'huile de croton sur l'hypogastre, en ayant soin de couvrir la
partie huilée avec un papier adhésif Mais, si je rejette l'application des vésica-
toires sur la peau de l'abdomen, il n'en est pas de même de leur application sur
le col de l'utérus dans le cas de leucorrhée utérine, et surtout de leucorrhée de
la muqueuse du corps. 11 est bien entendu qu'il n'existe aucun écoulement à la
vulve, ni au vagin, et que le col lui-même est à peu près sain, simplement en-
gorgé, ou du moins qu'il n'estpas le siège principaPde l'écoulement. Le vésica-
toire est appliqué suivant les règles précédemment posées . Un seul vésicatoire ne
suffit pas pour la guérison, il faut presque toujours en mettre un deuxième, sou-
vent un troisième et quelquefois un quatrième, à quinze jours d'intervalle l'un de
l'autre, en prévenant par le repos, les bains et les émoUients, l'inflammation
aiguë qu'ils pourraient développer, et continuant le traitement général commencé,
autant que l'application de ce topique le permet. 11 n'est pas besoin de dire qu'il
faut s'en abstenir à l'époque menstruelle. .le puis assurer avoir obtenu, par ce
mode de traitement, des guérisons inespéi'ées. Ce n'est pas que je ne lui en pré-
fère habituellement bien d'autres ; mais quand diverses circonstances, venant du
sujet ou du dehors, s'opposent à ce que l'on emploie l'hydrothérapie, les eaux
minérales, etc., comme cela m'est arrivé souvent pour mes malades d'hôpital, je
crois qu'on trouve dans ce moyen de grandes ressources pour la guérison des leu-
corrhées rebelles.
Nous sommes arrivés ainsi par degrés et, pour ainsi dire, d'une manière insen-
sible au T/"aiife»îerti /oca/ de la leucorrhée chronique. Ce traitement doit s'asso-
cier souvent au traitement général ; mais sauf les injections émollientes ou déter-
sives, saufles lotions ou les irrigations simples, qu'on se trouve bien de combiner
avec le traitement général, comme moyen d'entretenir simplement la propreté et
d'apaiser l'irritation , l'emploi des topiques doit être géiiéjcaloment renvoyé à
LEUCORRHÉE. 597
l'époque où la constitution est assez heureusement modifiée pour faire espérer
qu'une action locale décisive pourra suspendre l'écoulement.
Ces topiques sont les injections, les poudres, les applications diverses, pour les
leucorrhées vulvaires et vaginales ; les injeciions et surfont la cautérisation intra-
utérine, pour la leucorrhée utérine. Ils ont pour but de modifier directement la
surface de la membrane, la cavité des follicules qui sont le siège des flux mu-
queux, en un mot l'état morbide local, qui semble entretenir à lui seul l'écoule-
ment, comme par une habitude d'hypersécrétion contractée à la longue.
Les injections doivent être habituellement toniques, astringentes, cathércti-
ques, caustiques même. On se trouve bien de les faire quelquefois avec les eaux
mêmes des bains minéraux, pendant la durée du bain, par exemple avec les eaux
ferrugineuses ou sulfureuses. D'autres fois on se sert de liquides préparés ad hoc;
je conseille toujours de les employer sous la forme de lotions, c'est-à-dire de sub-
stituer la lotion proprement dite à l'injection. Après avoir lotioimé le vagin avec
de l'eau pure ou légèrement savonneuse, on le lotionne avec une solution de coal-
tar, une décoction de tannin, ou de noix de galle, ou d'écorce de chêne, ou de
roses de Provins, avec une solution d'alun (15 à 50 grammes dans 1 litre d'eau),
ou de sulfate de zinc (mêmes doses), ou des deux substances à parts égales, ou de
sulfate de cuivre (2 à 5 grammes par litre), etc. On comprend que ces injections
peuvent être variées à l'infini ; je n'ai cité que les plus usitées.
Au heu d'injections, on a proposé de porter les astringents ou les légers caus-
tiques sous la iorme de pommades onde poudres. L'action des pommades est in-
certaine, et la présence des corps gras dans le vagin n'est pas favorable à la gué-
rison de la leucorrhée. Quant aux poudres, c'est autre chose : elles absorbent le
liquide, ou elles sont dissoutes peu à peu et impressionnent d'une manière con-
tinue les tissus avec lesquels cette dissolution les met en contact. Le meilleur
topique de cette espèce est le sous-nitrate de bismuth, et la meiljeure manière de
l'appliquer est de la porter au fond du spéculum et d'en poudrer les surfaces ma-
lades. Quelquefois on a employé des sachets contenant des poudres inertes et
astringentes ; d'autrefois ou a jeté ou insufflé ces poudres dans le fond du spécu-
lum, ou bien on les a portées, à l'aide de cet instrument, au fond du vagin, dans
le cul-de-sac postérieur, en les enfermant dans un tampon de coton ou de ouate.
Ce dernier moyen est un des meilleurs, je le préfère même au tampon imbibé de
solutions astringentes ou caustiques, parce qu'il est à la fois absorbant et modifica-
teur; j'avoue pourtant que j'aime mieux encore ne laisser aucun de ces corps
étrangers à demeure dans le vagin. Ils rentrent dans la catégorie des pessaires
médicamentaux, qui peuvent être utiles dans quelques cas, notamment dans les
enfTorgements, les hypertrophies, etc., mais qui sont habituellement plus nui-
sibles comme corps étrangers qu'utiles comme médicaments. Je fais une excep-
tion pour les tampons imbibés de glycérolé au tannin (2 à 8 grammes de tannin
pour 50 grammes de glycérine). La solubilité du tannin dans la glycérine et
l'absorption de la glycérine par la muqueuse vaginale donnent à ce moyen,
proposé par M. Demarquay, une efficacité réelle. Après une lotion préalable,
introduisez dans le vagin un fort tampon de coton, d'abord mouillé avec de l'eau
chaude et bien exprimé, puis tout imbibé de glycérolé au tannin ; renouvelez-le
tous les deux ou trois jours. Il est mieux encore de verser une ou deux
cuillerées de ce glycérolé au i'ond du vagin, iî l'aide d'un spéculum de glace,
de buis ou de caoutchouc durci, et d'enfoncer après, un tampon de coton
qui l'y retient, en recommandant à la malade d'ôter le tampon le lendemain,
598 LEUCORRHÉE.
et de lotionner le vagin ; le surlendemain on recommence le même pansement.
Hors ce cas, les tampons m'ont paru le plus souvent nuisibles, surtout par
l'irritation que leur contact détermine, lorsque la muqueuse vaginale avec laquelle
ils sont en l'elation immédiate est déjà malade, irritée, exfoliée et disposée à s'ul-
cérer par la continuité du contact d'un corps étranger sur le même point.
Pourquoi, du reste, ces complications, ces injections, ces pessaires médica-
menteux, lorsqu'il est si facile de modifier directement la muqueuse par le badi-
geonnage, et de combiner cette action avec celle des lotions dont je viens de par-
ler? Que ce soit avec une solution de nitrate d'argent au 30% de teinture d'iode
au 20% au 10% au 5% de tannin ou de glycérolé de tannin aux mêmes doses,
de perchlorijre de fer, ou plutôt de peroxychlorure de fer, etc. , le procédé est le
même : lotionnez le vagin, introduisez un spéculum de buis ou de glace, essuyez
avec du coton, en retirant et poussant alternativement le spéculum, toute la sur-
face de la muqueuse vaginale ; puis versez la solution, ou portez-la au fond du
spéculum avec un assez fort pinceau de blaireau à long manche, que vous inclinez
alternativement dans toutes les directions, pour badigeonner la muqueuse dans
tous ses sillons, angles et culs-de-sac, et pour être sûr d'en atteindre toutes
les parties. Cette petite opération peut se faire tous les jours ou trois fois par
semaine. La solution de nitrate d'argent au 50" est le meilleur topique à employer
à cet usage.
La même médication est applicable à la cavité utérine ; seulement , il est plus
difficile de porter le liquide caustique sur cette muqueuse et de le faire pénétrer
dans ses follicules, que de l'étendre à la surface de la muqueuse vaginale. De là,
des modifications dans le procédé, ou la substitution d'un mode particulier de
cautérisation au simple badigeonnage.
Il faut d'abord que le mucus soit expulsé de la cavité utérine. Pour y parvenir,
je comprime le col de l'utérus avec le spéculum, et quelquefois simultanément le
corps de l'organe avec la main appliquée sur l'hypogastre ; ou je dirige au fond
du spéculum une petite douche sur le col de la matrice, soit à l'aide d'un simple
hydroclyse, soit avec une petite pompe à jet continu; ou bien, après avoir fait le
cathétérisme, pour reconnaître la direction du conduit cervico-utérin, j'introduis
dans ce conduit, si c'est possible , des pinces fines chargées de charpie ou un
simple pinceau de blaireau ; ou bien enfin, je fais le cathétérisme utérin avec une
sonde creuse, par laquelle je pousse ensuite doucement une injection d'eau dans
la cavité utérine, et je continue cette injection assez longtemps pour bien laver
cette cavité, si l'orifice cervico-utérin est assez large pour laisser le liquide s'é-
couler dans le vagin. La lotion de la cavité utérine par une sonde à double cou-
rant, proposée récemment, me paraît moins utile: l'instrument est plus volumi-
neux qu'une sonde simple et l'expulsion du mucus utérin est moins certaine.
Après ces préparatifs préliminaires, je porte un pinceau chargé de caustique dans
la cavité de l'organe, et je l'y dirige en divers sens, de manière à en atteindre au-
tant que possible les différents points.
Lorsque la leucorrhée siège surtout dans la partie cei'vicalc et qu'elle est assez
ancienne pour avoir amené l'hypertrophie des glandes du col, il faut faire plus :
non-seulement on ne peut alors essuyer d'une manière complète la surface
anfractueuse, mamelonnée, granuleuse, de la Cavité cervicale , mais encore on ne
peut atteindre sufiisamment, par le caustique, l'intérieur même de ses follicules,
ou de leurs canaux excréteui's . J'ai recours alors à une petite opération prélimi-
naire, que j'emploie souvent dans le traitement des granulations folliculeuses
LEUCORRHÉE. 39^
(oiisillaires, palatines, pliaryiigiemies : je fais, sur toute la surface granuleuse et
dans divers sens , de nombreuses scarifications , soit avec un scarificateur ordi-
naire, un ténotome étroit convexe ou concave, soit avec une lancette ou une petite
lame de forme appropriée, portée au bout des pinces spéciales destinées aux pan-
sements de l'utérus. J'attends que la petite bémorrbagie soit arrêtée; je douche
au besoin le col pour l'arrêter plus tôt ou pour déterger la surface de la cavité
cervicale et, s'd le faut, j'attends quelques heures ou une journée , après quoi je
porte une des solutions caustiques dont je viens de parler, à l'aide d'un pinceau,
dans toutes les anfractuosités de cette cavité. Si ces solutions caustiques sont
insuftisantes, si la leucorrhée est compliquée ou entretenue par des ulcérations,
des granulations ou un engorgement du col, je substitue aux solutions caustiques
le caustique solide, et même le fer rouge , le cautère en bec d'oiseau , don( la
pointe, inclinée en divers sens dans le col, atteint plus ou moins profondément,
dans plusieurs endroits, la muqueuse malade. M. Huguier {Gazette des hôpitaux,
1849) avait déjà donné, depuis quelques années, le conseil de faire précéder la
cautérisation de scarifications, pour assurer l'action du caustique sur la muqueuse
du col, et je puis certifier que c'est un des meilleurs moyens d'obtenir la guérison
de cette membrane.
La difficulté de badigeonner la cavité utérine comme on badigeonne la mu-
queuse vaginale, ou de la cautériser comme on cautérise celle du col , a donné
l'idée d'y pratiquer des injections caustiques. 11 y a bien longtemps déjà que je les
ai essayées, en me servant de sondes en caoutchouc; aujourd'hui l'opération est
facilitée par l'usage connu, sinon répandu, des sondes utérines. On peut, à l'aide
de ces sondes, injecter dans l'utérus, après l'avoir préalablement lavé, une solu-
tion caustique quelconque. Je l'ai fait avec succès, eu me servant spécialement de
perchlorure de fer, étendu d'eau, dans des cas d'écoulement très-abondant , avec
ampliation de la cavité utérine , se rapprochant par les dimensions de l'organe,
parla quantité de liquide que j'ai vu s'écouler (plusieurs cuillerées, un demi-
verre), et par la qualité séreuse ou séro-muqueuse de ce fluide, des accumula-
tions de liquide dans l'utérus connues sous le nom d'hydrométrie. Il faut toujours
s'assurer que la sonde joue librement dans l'orifice cervico-utérin , que le liquide
injecté doucement revient par le col , que ce qui reste sort, après quelques se-
condes de séjour, par le canal de la sonde ; enfin, et surtout, il faut qu'il n'y ait
aucune trace, je ne dis pas de métrite, c'est évident, mais d'intlammation des an-
nexes, de périmétrite, de péritonite pelvienne. Même dans ces cas, et avec toutes
les précautions que je viens d'indiquer, j'ai vu des douleurs si atroces, des phéno-
mènes si graves, une péritonite si dangereuse, suivre, dans un petit nombre de
cas, ces injections, que je conseille de ne pas en user, ou de ne le faire qu'avec
une très-grande réserve et lorsqu'il n'y a absolument aucune contre-indication à
leur emploi.
Plus la sonde utérine sera fine, plus la quantité de liquide injecté sera petite,
ou projetée dans un état de division extrême ou dans une direction qui en assure
le retour vers l'orifice cervical, et plus on aura de chance d'éviter ces accidents.
Ainsi je me trouve bien d'employer, d'après les excellents conseils de M. le pro-
fesseur Pajot {Archives générales de médecine, février 1867), une sonde à orifice
capillaire, pulvérisant les quelques gouttes de hquide poussées dans la cavité
utérine. Ce procédé est préférable à celui de la canule à jet récurrent qui a été
proposée depuis, et que j'ai expérimentée avec moins de succès.
Je préfère souvent à ces injections la cautérisation de la cavité utérine avec lé
400 LEUCORRHÉE.
caustique solide , qui ne m'a donné que de bons insultais, et n'a jamais causé
d'accidents sérieux. On a essayé de cautériser la cavité utérine avec un pinceau,
avec un porte-causiiqne, avec un ciayon retenu à un axe de platine. De tous ces
procédés, je préfère la cautérisation avec le nitrate d'argent fondu, laissé quelques
secondes et promené en divers sens, autant f[u'on le peut, dans la cavité utérine,
ou même lorsqu'elle est nécessaire, la cautérisation avec le nitrate d'argent fondu
laissé complètement iï demeure dans cette cavité. Ces deux sortes de cautérisa-
tions, lorsqu'elles sent bien appliquées, donnent des succès constants. Outre les
granulations et les fongosités, la leucorrhée est la maladie pour le traitement de
laquelle je les ai employées le plus souvent.
Voici les règles à suivre pour la cautérisation à l'aide du crayon de nitrate d'ar-
gent laissé à demeure. L'indication est que la leucorrhée soit abondante , qu'elle
ait déjà résisté à d'autres moyens rationnels, que le traitement général ait été fait,
que les orifices utérins soient larges ou du moins tout à fait libres , qu'il n'y ait
pas une flexion telle du corps sur le col que le mucus ne puisse passer facilement
de l'une dans l'autre, qu'il n'y ait aucune inflammation, ni utérine, ni péri-
utérine, ni même aucune forte congestion de l'organe, que les règles soient pas-
sées depuis sept à huit jours, de manière que la congestion menstruelle soit entiè-
rement dissipée.
Après avoir préalablement cathétérisé l'utérus , pour m'assurer de la direction
de ses cavités, j'introduis avec ménagement le crayon de nitrate d'argent fondu à
l'aide de pinces porte-crayon ou d'un long porte-nitrate ordinaire, et je l'aban-
donne en ouvrant les pinces , ou je le casse sur le porte-nitrate, pour le laisser à
demeure dans la cavité utérine , d'où je retire doucement l'instrument qui m'a
servi à l'y faire pénétrer. Je n'ai pas besoin dédire que le fragment de nitrate
d'argent laissé ainsi dans la cavité utérine est parfois extrêmement petit et que
ses dimensions doivent varier selon l'intensité de la maladie et les conditions plus
ou moins favorables à l'application de ce moyen. 11 est évident que si la leucorrhée
parait bornée au col, il faut se contenter de laisser le crayon caustique dans
la cavité cervicale. Un tampon imbibé d'eau salée est porté dans le cul-de-sac du
vagin , tout contre le col, et la malade reçoit les soins nécessaires pour prévenir
le développement de toute inflammation.
Immédiatement après l'opération, les douleurs sont calmées par les antispas-
modiques généraux et locaux, les lavements laudanisés, les bains de siège, les
bains entiers, les irrigations vaginales prolongées au besoin pendant plusieurs
heures. La principale cause de l'innocuité de la cautérisation utérine par le sé-
jour d'un fragment de nitrate d'argent, c'est que la matrice est loin d'éprouver
rinOuence directe et immédiate de ce caustique. En effet, lorsqu'il y a hypersé-
crétion de ses glandes et que sa membrane interne est tapissée de mucosités
épaisses, le nitrate d'argent ne peut se mettre directement en contact avec elle,
ni y déterminer sur aucun point une cautérisation vraiment profonde. La présence
même du crayon excite une hypersécrétion de mucus qui protège la membrane.
Le nitrate est enveloppé de ce mucus qui se coagule d'abord autour de lui; dès
lors ce n'est plus qu'à travers cette enveloppe que se produit un échange entre
le caustique et les sécrétions de la cavité utérine, et l'action prolongée de cet
agent sur la muqueuse n'est pas comparable à celle que produirait son applica-
tion directe sur le môme organe bien dénudé ou ulcéré. Au bout de quelques
jours le crayon est expulsé, conservant à peu près sa forme, mais étrangement
altéré dans sa structure, décomposé, ramolli, feuilleté par les échanges lent.»
LEUCORRHÉK (ciDLiocnAPiiiE). 401
et continus qui se sont opérés entre les éléments qui le constituent et ceux du
mucus qui l'enveloppe et qu'il a dû traverser pour arriver jusqu'à la surface
de la muqueuse utérine. Je crois devoir ajouter ici que, depuis que j'emploie
ce traitement, concurremment avec les autres moyens qui peuvent être indi-
qués et que j'ai précédemment passés en revue, je ne coimais pas une seule
leucorrhée qui y ait résisté, j'ai montré, par des laits très-nombreux, que les suites
ne présentent jamais rien de fôchcux , que la menstruation se rétablit normale-
ment, que la conception a lieu chez les malades guéries par ce moyen comme
chez les autres femmes, que la grossesse suit son cours normal ; enfin, je n'ai pas
eu d'accidents à combattre pendant raccoucliement. Je présente donc avec con-
fiance un moyen auquel aucun autre n'est comparable pour l'efficacité. Déj^
plusieurs gynécologistcs ont reconnu par leur expérience personnelle l'utiiitc
du ce moyeu et l'innocuité dont son application est accompagnée lorsqu'elle est
faited'après les règles quej'en ai tracées. A Vienne, le proiesseur Braun a imaginé
un petit instrument, composé d'une canule en caoutchouc durci dans laquelle se
meut un piston, destiné à précipiter le nitrate d'argent dans la cavité utérine et
à l'y abandonner d'après la m^ithode que je viens d'indiquer. A. Couktv.
HisToniQUE. Une maladie aussi commune que la leucorrhée et qui se rencontre dans tous les
climats, a dû nécessairement être connue des anciens. On ne sera donc pas surpris de la voir
décrite dès les temps les plus reculés. L'auteur du Traité des mahulies des femmes qui,
dans la collection liippocraliquc, appartient à la famille si distincte des écrits cnidiens, parle
d'abord des émissions de semence, sans volupté, qui s'accompagnent d'épuisement, amènent la
stérilité, etc. (L. I, n° 24); plus loin, il fait connaître différentes formes d'écoulement blanc
(h6o;'J.vj-/-6;) chez les femmes, et, suivant la méthode qui caractérise son école, il les distingue
en plusieurs variétés d'après la couleur, la consistance du liquide et les phénomènes conco-
mitants. Dans la plupart il signale un état chloro-anémiquc, caractérisé par la pâleur, delà
boulfissure, do l'œdème, de l'essoufflement, de la cardialgie, etc. Dans les siècles suivants,
les auteurs admettent ces deux mêmes espèces de leucorrhée : l'une dans laquelle l'écoule-
ment, considéré comme provenant de l'utérus, est ténu, abondant, variant du rougeàli'e
au blanc et au blanc verdàtre suivant l'humeur qui prédomine ; c'est le rhumatisme
(p-uyoc) de l'utérus, ou flnxiis muliebris {poo^ ■/vjxr/.iXoi)- Dans l'autre, la matière rejetéc
provient de tout le corps, elle est plus visqueuse, moins abondante, c'est la gonorrhée ou
écoulement de sperme chez la femme et qui fatigue beaucoup plus l'économie que la forme
précédente. [Voij. Galien, De loc. ajfcct., liv. YI, c. 5; desijmpf. causis, liv. III, c. 11 ; —
Archigène et Soranus in Âetius, tetrab. IV. Serrao IV, c. G5, 72. — Arelée, DiiiL, II, c. 11.
— Pauld'Égine, lib. III, c. Gj. — Théod. Priscien, in Gynec. de Wolff, etc.) Il est évident
que, dans ces deux formes, se trouvaient confondus les écoulements aigus on chroniques
d'origine vénérienne. Il ne faut pas s'attendre à de grandes modifications à ces idées, pen-
dant toute la période du moyen âge, nous les voyons même régner encore après la renais-
.■^ance (Mercuriali, De morh. mut., liv. lY, c. 5). Lorsque la syphilis, après la grande
explosion de la fin du quinzième siècle, eut attiré fortemoU ratteniion sur les écoulements
de l'appareil génUal, le nom de gonorrhée fut particulièrement réservé pour ceux qui
étaient dus à un coït impur, et le nom de flueurs blanches resta pour caractériser le simple
catarrhe utérc-vaginal. Enfin, l'heureuse expression de uLENNCBiiHAciE [voij. ce mot) proposée
par Swediaur, et généralement adoptée, a décidément fixé le langage de la science sur la
question des flux génitaux.
BiELioGBAPiuE. — Nous avous, clans celte bibliographie, éliminé, autant que possible, les
ouvrages qui par leur contexture ou leur titre nous ont pai'u écrits dans un but plutôt in-
dustriel que scientifique. — Nosographie. Conçidêrations générales. — Baillou (Guill. de) prœs.
Carn. GERr.AULT afferens. An ftitoris miiUeris et mciisis morhosi idem jtidicium? (resp.
ne"at.). Th. de Paris, 1579, in-plano. — Charletox (Walter). De causis catameniorum et
iderirheumalismo. Lnndini, IGSo, in-S". — Svlvils. De fluoré muliebri. Lugd. Bat., 1(587,
in-4''. — Caupzovius (C. B.). De sexus sequioris gonorvliœa sea fluoré albo. Vitteb., 17H,
iii_4o. — Reinhahd (Cl). Tob. Éphr.). Carmen de leucorrhœa seu fluoré albo mulierum. Budis-
sin. 1750, in-4°. — Allen (II.). De fluoris albi charactere et nolis (juibus cum goiiori'hœa
convenu veldiffcrt, etc. Lugd. Batav., 1751, in-'i». — Bahlix (J.). Traité des fueurs blanches
avec la méthode de les guérir. Paris, 17G0, 2 vol., in-8'. —Wvsov.w . De fluoré albo. Montp,,
177 4, in-i°. — TuNKA de Kkzowitz. Uistoria Lcucorrhœœ omnis ccvi oOsenrtla medica cuii~
DICT. ENC. 2* s. IL 'iO
402 LEUCORRHÉE («ibliogbaphîe).
finens. Vieiinœ, 1781, gr. in-S". — Zijdiermanx. De fluoré albo. Gottingœ, 1788, in-4». —
AuENTS. Leucorrliœœ Idstoria. Duisb., 1788. — AnDEse». De Leucorrluca. Duisb., 1792.
BœiiMER. Disseit. sistens Leucorrhœa j)alliologiam. Viteb., 1798, in-4°. — Blatix (J. B.). Dit
catarrhe utérin on des flueurs blanches. Th. de Pans, an X, in-S", et publié iipart (travail
resté classique). — IIeinsze (Cari Gtfr.). Kitrzer Unterrkht ûber tien weissen Fluss und, etc.
Leipzig, 180.", in-8°. — Gibson (Benj.). On the Conimon Cause oft/ie Puriform Ophthalmia
of Newborn Childrcn ^une leucorrhée de la mère). In Edinb. Mcd. and Surg. J . t. III
p. 159; 1807. — Becker (Gtfr. ^Yill].). Der weisse Flitss, oder was liât das Mudchen und
das Weib zu thiin, uni sich, etc. Pirna, 1807, 10-8°; 5= édit., 1822, in-8°. — Claiike (G. M.).
Observ. on Diseases of Femalcs atlendcd witli Discliarges. Lond., 1814, in-8°. — BoraviLLiERs
(J. M. E. A.). Essai sur la leucorrhée ou fleurs blanches. Th. de Paris, 1817, n° 157.
PiNEL et Buiciieteau. Art. Leucorrhée m Dict. des se. mcd., t. XXYIII, 1818. — Jani.\(P. L.
Ch.). Dissert, sur la leucorrhée vulgairement appelée flueurs blanches. Th. de Paris, 1819,
u" 129. — SroRER (Geo. Matth.). Catarrhus genitalium pathologice et therapeutice dis-
rjuisitus. Yiennte, 1819, in-8°. — Der weisse Fluss und die Bleichsiicht, oder grimdlicha
Anweisung, die Entstehung dieser lirankheiten zu verhiifen, etc. Gotha, 1827, in-8°. —
Jewel (G.). Practical Obs. on Leucorrhœa Fluor albus or Weakncss. Lond., 1850, in-S».
Churchill (F.) . On Utérine Leucorrhœa. In Edinb. Med. and Surg. J., t. XLII, p. 312; 1834.
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LEURET. 405
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LEUKËRBiiD (Eaux MINÉRALES de). Foî/. Loëciîe.
LEIIRET (François), né à Nancy en 1797. Lenret était venu à Paris com-
mencer ses études médicales, mais son père ne voulant pas continuer à lui
en Iburnif les moyens pendant plus d'un an, lyuret plutôt que de retourner
404 LEURKT.
clans sa famille, prit le parti de s'engager; le hasard ayant amené son rcgl-
raent à Paris, il put suivre les cours d'Esquirol à la Salpètrière, grâce à l'in-
dulgence de SCS cliefs qui finirent même par lui faire obtenir son congé de
reforme. Il obtint à Cbarenton une place d'externe, logé, nourri, etc., et enfin
d'interne auprès de son ancien maîti'e Esquiroi, dont il devint le disciple pi'éférc.
Nommé d'abord médecin expectant à Bicêtre, puis titulaire, une maison par-
ticulière se l'attacha comme médecin avec de brillants avantages. 11 put alors
se consacrer à ses études favorites d'anatomie et de psychologie; c'est alors aussi
que déviant de l'école si éminemment philanthropique de Pinel et d'Esquirol, Leu-
ret qui regardait les aliénés non comme des malades, mais comme des êtres qui se
trompent et persistent à vouloir se tromper, imagina d'employer contre eux un
système d'intimidation pour les forcer d'abandonner leurs idées délirantes. Il se
proposait de leur faire éprouver des souffrances morales plus vives que celles
qu'ils endurent, de les attaquer sans cesse, de les harceler sans repos ni trêve,
pour leur démontrer l'inanité et la fausseté de leurs conceptions. Pour appuyer
ces moyens purement moi'aux, il fut forcé d'avoir recours à la douleur physique, à
l'aide des douches et des affusions froides, qu'il mit parfois en usage avec trop de
pi'odigalité. Mais à part cette fâcheuse exagération, il faut convenir que l'idée de
combattre les hallucinations par le raisonnement et la discussion, était véritable-
ment logique, et qu'il déploya dans l'emploi de ce moyen une persistance, un à
propos, une présence d'esprit vi'aiment admirables.
Ces travaux spéciaux ne l'avaient pas empêché de commencer la publication
d'un travail des plus remarquables sur l'anatomie comparée du système nerveux,
que la mort l'empêcha d'achever, et qui fut terminé par cet autre savant, enlevé
par une mort si prématurée, le regrettable Gratiolet.
Leuret était d'une constitution délicate, que les privations et les chagrins
de sa jeunesse avaient encore détériorée. Atteint d'une double aflection du cœur
et du foie, il voulut rendre le dernier soupir dans sa ville natale. Mourant, il se fit
transporter à Nancy, dans les derniers jours de 1850, et il succomba le 5 jan-
vier 1851 , à l'âge de 55 ans.
Voici l'indication des principaux travaux pubhés par Leuret.
I. Mcm. sui' la structure de la membrane muqueuse de l'estomac et des intestins. In
Aoi/y. bibl. méd., t. VIII, p. 405; 1825. —II. Mém. sur les affections putrides (avec
M. Ilamont). Ibid., 1826, t. IV, p. 309. — III. Rech. physiologiques et chimiques pour
servir à l'histoire de la digestion (gi\ec Lassaignc , mention Jionorable de l'Acad. des se).
Paris, 1825, in-8». — IV. Essai sur l'altération du sang. Th. de l'aris, 182(3, n" 7C. —
V. Mém. sur l'épidémie de choléra-morbus, qui a ravagé l'Inde, etc. In Ann . d'hijg., i'" sér.,
t. VI, p. 514; 1831. — VI. De la fréquence du jjouls chez les aliénés, considérée dans ses
rapports avec les saisons, la température atmosphérique , etc. (avec Mitivié"). Paris, 1852,
in-8°. — VII. Fragments psychologiques sur la folie. Paris, 1854, in-8°. — VIII. Note sur
les indigents de la ville de Paris, suivie d'un rapport, elc. In Ann. d'hijg., l" sér., t. XV,
p. 294; 185G. — IX. Notice sur quelques établissements de bienfaisance du nord de l'Alle-
magne et de Saint-Pétersbourg. Ibid., t. XX, p. 556; 1858. — X. Mém. sur le traitement
moral de la folie. \\\ Mém. de l'Acad. de méd., t. VII, p. 552; 1838. — XI. Méîu. sur
l'emploi des douches et des affusions froides dans le traitement de l'aliénation mentale.
In Arcli. gén. de méd., 5° sér., t. IV, p. 175; 1859. — Xil. Anatomie comparée du syslème
ncrvcu.x dans ses rapports avec l'intelligence , comprenant la description , etc. Paris,
1859-58, 2 vol. in-8°, ait. de 12 pi. in-fol. (le 2'= vol. et les 10 dernières planches ont été
publiées par Gratiolet). — XIII. Obs. médico-légales sur V ivrognerie et la méchanceté consi-
dérées dans leurs rapports avec la folie. In Ann. d'hyg., 1'= sér.. t. XXIV, p. 372; 1840. —
XIV- Du traitement moral delà folie. l'aris, ]8i0, in-8°. — XV. Des indications à suivre
dans le traitement inoral de la folie. Paris, 1840, in-8°. — XVI. Plusieurs rapports de
médecine légale publiés dans les Annales d'hygiène, dont il (ut un des fondateurs.
E. Buu.
LEUWE.MIOEK. ^^^
LEfiTHiVER (Joii.-Ni-p.-Â.NT. vox). Encore un des nombreux exemples de ce
(juc peuvent le travail et l'ardeur de parvenir. 11 était né le 20 novembre 1740 à
Wcrtheim ; enlevé à la charrue, élevé gratuitement, soutenu par quelques per-
sonnes qui avaient deviné son mérite, il se fit recevoir docteur à Ingolstadt
en 1764. Après un séjour de deux années à Strasbourg, aux frais de l'électeur
Maximilien-Josepli, il revint |se fixer à Munich, où il arriva aux plus hautes di-
gnités auxquelles un médecin puisse aspirer. H mourut en 1814. Ses principales
publications sont :
I. De aciâulis Disenhacentibus. Ingolst., 1704, in-i°. — II. Alhandlungen uncl Deobach-
iungen von dcr Ruhr unler dem Volke, etc. Munclicn, -1767, in-S". — III. Urtheil cines
altgldubigen Pliilosophen ûber die neumodtschen Gcdanken ciniger Ueberklugen dcr hcuti-
gen Welt, etc. Âugiburg, iTi5, in-S. — IV. Beobachtungen wie auch General- und Spécial-
Kunncthoden Jiilziger Gallen- und Faulftaber. iSûrabei'g, 17'C, in-S". — V. iTewe j^raktische
Vermche ûbev die besonderen Ileilkràfte des Bergpechôls in Lungengeschwiircn. Augsb.,
1777, in-S. — VI. Praklischc Heilungsversuchc der MHz- und MutterdUnste durch ver-
schiedenen Gebrauch des gemeinen Wassers. Ulm, 1779, 2 part. in-8. — VII. Pliysik.-che-
mische Vntersucliiing des aU-beriihmten Gesumlbriinnens iind rnineralischcn Seifenbads zu
Maria-Brunn, etc. Mùncîicii, 1790, iii-4; — PInjsik.-praIctiscIte Bescltreibung des Gcbrauchs
des Gesund-Brunnens mineralisclien Seifenbades, etc. Ibid., 1790, ia-4°, et EhrenreUung
dcr Mineralquelle und des seifcnartigen Gesundbades zu Maria-Brunn. Mûnclien, 1810,
in-8°. E. Bcii.
LEUWEi^IlOËli, ou LEEt!%VENBB©EK (Antoine). Un des plus célèbres na-
turalistes du dix-septième siècle, né à Delft, le 24 octobre 1652, mort le 26 août
1725. Les observations microscopiques furent surtout le but de ses patientes iiives-
iigations. En 1688, en examinant la queue du têtard et la membrane interdigitale
de la grenouille, il voit clairement passer les globules de sang, un à un, des rami-
fications des artères aux premiers rameaux des veines, et de sceptique relative-
ment à la circulation, il devient un de ses adeptes les plus fervents. 11 décrivit
aussi les globules du sang, de forme ovale et aplatie, remarqua qu'il faut ati moins
six de ces globules réunis pour que le sang paraisse rouge, et crut trouver dans
l'obstacle apporté à leur mouvement l'origine de plusieurs maladies ; le premier,
il fit connaître la structure lamellaire du cristallin; les animalcules spermatiques
furent de sa part l'objet, de nombreuses recherches, et il disputa à Hartsœker et à
lluygens la priorité dans leur découverte. L'animalcule appelé rotifère, et que l'on
rencontre surtout dans la poussière et la mousse des bois, fit apparaître, sous la
lentille de Leuwenboek, sa curieuse organisation. On n'en finirait pas si l'on vou-
lait mentionner toutes les observations que Leuwenhoek a consignées dans ses
nombreuses publications et dans les mémoires qu'il a envoyés à l'Académie des
sciences. Mais il faut dire que ce savant, justement illustre, servi du reste par des
microscopes très-imparfaits, grossissant à peine deux cents fois, a vu bien des
choses qui n'existaient pas réellement, et que là-dessus il a écbafaudé des théories
que les recherches modernes n'ont pas justifiées. Il n'en est pas moins vrai qu'il
tient le premier rang parmi les anciens micrographes et, qu'en lisant ses œuvres,
un profond respect nous saisit, devant ce savant passant sa vie à étudier ce monde
infiniment petit, et cherchant, à dévoiler dans le microcosme les éterngls secrets
de la nature.
Nous ne cataloguerons pas ici la bibliographie de Leuwenhoek ; en y comprenant
toutes les éditions, cela formerait presque un petit volume. Nous nous contente-
rons, après avoir fait remarquer que ses œuvres réunies ont paru en hollandais
(Delft, 1696, in-4°) et en latin (Leyde, 1721, 4 vol. iu-4»), de donner les titres de
ses cinq priacipau.v ouvrages :
406 LE VA CHER.
I. Observations sur les rires invisibles. Leyde, 1684, in-8\ — II. Onllcdiiigcn van onsir/l-
harcn verborgenthedcn. Leyde, 1091, ïw-'i", ligures. — III, Arcana naturœ détecta, sive
epistolœ ad Societ. regiam Angl. scriptœ ab ann . 1680 ad 1695. Deift, 1695, 111-4". — IV.
Anatomia et contemplalio nonmillorum naturœ invisibilium secretorum comprehcnxoruni
cpistolis quibiisdani scriptis ad illiislr. inclitœ Soc. reg. Lond. collegium, Leyde, 1085, —
\. Anatomia sive inleriora reviim; etc. A. C.
LEVACHER (Gii.LEs). Chirurgien de l'hôpital Saint-Jacques de Besançon
(1725); chirurgien consultant des armées (1740); membre de l'Académie de Be-
sançon; correspondant scientifique de Maupertuis, Réaumur, Clairaut, Winslow,
Julhen; praticien laborieux, lithotomiste habile; le premier peut-être qui ait re-
connu que l'ossification du périoste était nécessaire à la consolidation des frac-
tures; tel fut Levacher, une des figures chirurgicales les plus remarquables du
siècle dernier. Né au château de Chaleuses (Bourbonnais), le 29 mars i695, il mou-
rut le 8 octobre 1760, laissant la réputation d'un homme habile, d'un opérateur
consommé et d'un grand sens pratique. On lui connaît les trois ouvrages suivants :
L Observations de chirurgie sur une csjycce d'emjjyème au bas-ventre. Paris, 1757, in-12.
— IL Dissertation sur le cancer des mamelles. Besançon, 1741, in-12. — III, Histoire de frère
Jacques, lithotomiste de la Franche-Comté. Paris, 1751, in-12. A, G.
LEVACHER (François-Guillaume), chirurgien qui vivait vers le milieu du
siècle dei'uier et dont la vie est peu connue. Nous le voyons figurer en 1769
comme membre du Comité perpétuel de l'Académie de chirurgie, et en 1774
comme conseiller vétéran. Levacher de la Feutrie, que l'on a accusé bien à tort
[voij. plus bas) de chercher à se faire passer pour le chirurgien dont nous par-
lons, est à peu près le seul écrivain qui nous fournisse quelques renseignements
sur son compte. Il était maître en chirurgie de Paris et premier chirurgien de
LL. AA. RR. l'infant et l'infairte duc et duchesse de Parme. Enfin on voit, par
ses observations, qu'il a servi dans la chirurgie militaire. On lui doit d'avoir réfuté
dans son mémoire sur les plaies d'armes à feu la vieille erreiir du vent du boulet
et d'avoir démontré qu'il y avait bien réellement contusion par le boulet lui-
même; que, si l'on ne trouve pas de traces extérieures, c'est que la peau, mem-
brane extensible , a cédé à l'action du corps contondant. Son appareil pour le
redressement des déviations de la taille est des plus ingénieux. U a publié les
mémoires suivants :
I. Mém. sur quelques particularités concernant les plates faites par armes à feu- In
Mém. de l'Acad. de chirurgie, t. IV, p, 22. Paris, 1709, in-i°, pi. 1. —II. Nouveau moyen
de prévenir e' le guérir la courbure de l'épine. Ibid., p. 596, pL 1, et à pari, in-12, pi, 2,
LEYACHER DE LA FEUTRIE (A.-F.-TnoMAs), était né à Brcteuil dans
le diocèse d'Évreux, le 12 février 1758; il fit à Caen ses premières études médi-
cales, y prit le bonnet de docteur en 1766 ; il vint ensuite à Paris disputer le prix
fondé par Diest pour l'obtention des degrés en médecine depuis le baccalauréat
jusqu'à la régence inclusivement. Levacher, comme il nous l'apprend lui-même
dans la dédicace de son principal ouvrage, gagna le prix, passa sa thèse en 1768,
et se livra à la pratique, où il obtint beaucoup de succès. Son Trailc du rakilis a
été regardé par Dezeimeris comme un véritable plagiat, Levaclier de la Feutiie,
profitant d'une similitude de nom, se serait attribué l'appareil à redressement
et les observations du chirurgien Levacher. Ce reproche ne me paraît nullement
fondé. En effet, je lis page 526 du traité du raldtis: « En 1764, M. Levacher lut
à la séance publique de l'Académie royale de chirurgie de Paris la dissertation
LEVAiN. ^^"i
citée quelquefois dans cet ouvrage, dam laquelle on trouve la description
et la figure d'une machine propre ù guérir le rakilis, que l'on voit ici appli-
quée sur un enfant (pi. II, lig. 3 et 4). » Et pour compléter en quelque sorte
cette déclaration si explicite, et plusieurs fois renouvelée dans le courant du livre,
ou lit dans la table des auteurs cités (p. 445) la mention suivante : « Levacueu
(François-Guillaume), maître en chirurgie de Paris (suivent les titres, voij. l'article
précédent), a fait le mémoire cité pages 9, 526, 351, 556, 565, 405 et 422. ))
Pleine et entière justice avait donc été rendue par Levacher de la Feutrie à son
homonyme. Le médecin distingué dont nous parlons eut l'honneur de remplir, en
1779, les fonctions de doyen de la Faculté de médecine et plus tard celles de
secrétaire de la Société médicale d'émulation, en 1805 et 1804. Il est mort dans
un âge très-avancé.
Notre savant collahorateur M. Chéreau possède un jeton de décanat de Le-
vacher de la Feutrie. D'un côté sont les armes de ce médecia avec les années
1779-1780. De l'autre côté ou ht ceci : thom. le vacher de la FEuir.iE. ebroi-
KUS. FAC. M. DEC. A. G.
On lui doit les ouvrages suivants :
-'0"
I. An fractis ossibiis in situ jmst conformationem continendis machinœ vinduris
antcponenda. (P.esp. : Macliinœ vincturis antcponenclœ.) Th. de Paris, 1768, in-i°. —
II. Dictionnaire de cliirurcjie contenant, etc. (avec Moysant et de la Macellerie). Taris,
1767, 2 vol. in-12.— III. Traité du Bakitis, ou l'art de redresser les enfants contrefaits.
Paris, 1772, in-8°. — IV. L'Ecole de Salernc, ou l'art de conserver la santé, en vers latins et
français, avec des remarques, etc. Paris, 1782, in-12. ~ V. Éloge de X. Bicliat. In Mém.
delà Soc. d'émulaf., t. Vf; 1803. — VI. Rec/ierches sur la pellagre , affection cutanée endé-
mique dans la lombardic. Ibid., t. VII, p. IGS ; 180G. E. Bgd.
LEVAIIV. On appelle levain la pâte de farine de froment dans laquelle un
commencement de fermentation alcoohque s'est développé sous la double in-
fluence de l'eau et d'une température convenable.
L'élément actif du levain est un champignon analogue, sinon identique à
celui de la bière. Il est formé par de petits corps ovoïdes, très-réfringenls, ordi-
nairement accolés deux à deux j)ar leurs extrémités ; ils sont plus petits et plus
allongés que le torula cerevisiœ. Ils transforment les matières sucrées de la
fariae en acide carbonique et en alcool. Le premier de ces corps boursoufle la
masse du levain qui se gonfle et se crible ainsi de petites cavités. L'alcool reste
mélangé à la pâte, à laquelle il ne communique aucun goût à cause de sa faible
proportion. PoiU' démontrer sa présence, il suffit de distiller 5 à 6 kilos de
pains prêts à être enfournés, et délavés dans l'eau. On recueille les premières
portions du liquide distillé qu'on sature de carbonate de potasse. L'alcool qui est
insoluble dans une semblable solution vient nager à la surface. J'ai pu en opérant
ainsi recueillir quelques centimètres cubes de ce corps et constater qu'il aval
l'odeur, le goût, la densité et le point d'ébullition de l'alcool vinique, avec un
arôme spécial rappelant celui de la farine ^ Une partie de cet alcool s'oxyde pen-
dant la panification et se transforme en acide acétique.
Ges champignons ne naissent pas spontanément dans le levain; leur produc
tion est expliquée par la préparation même du levain, qui consiste à prélever
sur chaque fournée, une partie de la pâte qu'on abandonne cà elle-même taudis
qu'on fabrique du pain avec l'autre. Celte portion de pâte porte le nom de levain
* On a proposé de retirer industriellement l'alcool provenant de la termentation panaira
mais cette idée n'a pas eu de suite
403 LEVAIN.
chef. Ou lui fait subii' ditréi-eules opérations qui ont pour but de rudditionuer
petit à |jetit d'eau et de farine : ces opérations sont les suivantes.
d" Le levain chef, qui pèse ordinairement 8 à 9 kilos en été, et 1 1 à 1 2 en hiver,
est raffermi avec un tiers en poids de farine, et pétri pendant vingt à vingt-cinq
minutes.
2° On l'abandonne à lui même dans une manne pendant cinq à six heures.
3° On le délaye dans 14 litres d'eau et on lui incorpore 25 kilos de l'arine. Le
tout est brassé pendant vingt-cinq minutes. Cette opération porte, eu boulangerie,
le nom de rafraîchissement. Rafraîchir un levain signifie l'additionner d'eau et
de farine. Après ce premier rafraîchissement, le levain change de nom, et s'appelle
levain de première.
A° Après un repos de trois ou quatre heures suivant la saison, le levain subit un
second rafraîchissement à l'aide de 20 litres d'eau et 47 kilos de farine. Le tout est
pétri pendant une demi-heure. 11 forme alors le levain de seconde.
5" Après un repos de deux à trois heures, nouveau rafraîchissement à l'aide de 50
à 52 litres d'eau et 90 à 91 kilos de farine ; le produit qui porte le nom de levaiii
de tout point est directement méhngù à la farine après avoir été délayé dans
l'eau convenable. Le volume de ce dernier levain doit être égal à la moitié ou au
tiers, suivant la saison, de la pâte nécessaire pour la fournée.
Toutes ces opérations sont, comme toutes les fermentations, très-délicates à
conduire. Le moindre accident, de l' eau un peu trop fraîche ou trop chaude, suffisent
pour altérer le pain fabriqué ; c'est pour cette raison que la direction des levains est
toujours confiée au boulanger le plus exercé. Dans les campagnes, oii la fabrica-
tion n'est pas courante, les levains sont quelquefois gardés plusieurs jours, et
passent à l'acide; dans ce cas, le gluten se liquéfie, et le pain est mat, mal levé
et grisâtre : son goût est également altéré.
Un bon levain se reconnaît aux caractères suivants : L'odeur est un peu vineuse,
mais sans aigreur. Il doit être bombé, sa surface est légèrement déchirée. A la
pression de la main, un mauvais levain s'affaisse sans se relever. Lorsque le levain
n'est plus à l'état normal, il importe d'y remédier au plus vite, sous peine de voir
la panification devenir de plus en plus mauvaise à cause des défauts des chefs
levains. On atteint ce but à l'aide de procédés variables suivant les cas, mais que
nous ne pouvons décrire ici. En général il vaut mieux employer des levains peu
avancés et en quantité assez considérable, ou, en termes de boulangerie, de grands
levains jeunes. Parmentier insiste sur ce principe, et proscrit complètement les
vieux levains.
Dans le cas où on ne peut se procurer de chef-levain, on peut en fabriquer un,
en laissant aigrir de la pâte. Cinq ou six rafraîchissements au moins, et un temps
beaucoup plus considérable sont nécessaires pour arriver au levain de tout point.
L'addition d'une petite quantité de levure de bière facilite beaucoup cette opé-
ration.
Indépendamment des cellules de ferment qu'on rencontre dans le levain, on y
trouve également un grand nombre de petits corps allongés, en forme de baguette,
Irès-ivfringents, et que j'ai décrits eu détail. (Voy. Manuel pratique da microsco-
pie, par M. Coulier. Paris, 1859.) Ils présentent les caractères des bactéries. Je
les avais d'abord pris pour un ferment particulier, mais j'ai constaté que dans des
circonstances favorables ils avaient un mouvement propre très-vif. Ces corps sont
dilîiciles à étudier à cause de leur petitesse. Comme ils sont d'autant plus nom-
breux que le levain est plus vieux, ils peuvent servir à déterminer nppro.ximati»
LEYELir^G. -iOa
vement l'âge de celui-ci. Lorsqu'ils sont nombreux, celte circonstance doit faire
supposer que le levain est de mauvaise qualité.
Pendant longtemps on a redouté l'action des ferments contenus dans le levain
sur l'économie; on sait aujourd'hui que la cuisson les tue et les dénature de
manière à les rendre inoffensifs. (Voi/. Vaiis.) P. CoLLiEr..
LEVÉE »E CAD.WRE. Voy. GadAVRE.
LÉ¥EILLÉ (JEAN-BAPTisTE-FnANçois), cst uu de ces ])ommes qui, malgré un
mérite rôel, un grand savoir, des travaux importants, n'obtiennent pas dans le
monde médical la réputation et la notoriété auxquelles parviennent une loule de
médiocrités. Lévedlé naquit le 25 août 1765, à Ouroucr, dans le Nivernais. Son
père lui fit faire de bonnes études et l'envoya en 1790 étudier la médecine à
Paris, où il suivit les leçons de l'illustre Desault. Commissionué en 1799 pour
l'armée d'Italie avec le grade de médecin de première classe, il se rencontra à
Pa\ie avec quelques-ans des plus éminenfs chirurgiens de l'Italie, et se lia d'amitié
avecle célèbre Scarpa. A son retour en France, en 1801, Léveillé s'adonna à la
pratique civile de la médecine et à des travaux de littérature médicale. Il fut
nommé médecin des prisons du département de la Seine, de la maison royale de
santé, et l'Académie de médecine se l'adjoignit dès sa fondation. Il mourut le
15 mars 1829. Ses écrits attestent des connaissances anatorao-pathologiques
sérieuses et une connaissance approfondie de la littérature médicale italienne. Sa
chirurgie mérite encore aujourd'hui d'être consultée.
I. Diss. physiologique sur la nutrition du fœtus des viammifères et des oiseaux, Paris,
1799, in-S". — II. Traité prat. des maladies des yeux de Scarpa, trad. de Vital, avec des
notes. Paris, 1802, 2 vol. in-8°. — III. Mcm. de physiol. et de chirurgie par Ant. Searpa et
J.-B.-F. Léveillé, contenant, etc. Paris, '180i, in-8°. — IV. Traité élémentaire d'anatomie
et de p/tysioL, t. î, ûstéographie et sgndesmologie ; t. Il, Myographic et mouvements de
l'homme (senh paru»). Paris, 1810, "2 vol. iii-S». — V. Nouvelle doctrine chirurgicale, ou
Traité complet de pathologie, de thérapeutique et d' opércdions chirurgicales, etc. Paris,
1812, 4 vol. in-8°. — Yl. Mém. sur l'état actuel de l'enseignement de la médecine et de la
chirurgie, etc. Paris, 1816, 111-4°. — YII. Ilippocrate interprété ])ar lui-même, ou Commen-
taires sur les Aphorismes, d après les écrits vrais ou supposés d' Ilippocrate. Paris, 1818,
in-S". — VIII. Histoire de la folie des ivrognes. In Mcm. de l'Acad. de méd., t. I, 1828, et
Paris, 1831, in-S", précédée d'ano notice nécrologique sur l'auteur. — IX. Plusieurs mé-
moires insérés dans ditlérents recueils [Journ. gén. de méd., Bullet. dé la Soc. de la
Faculté de méd., Méni. de la Soe. méd. d' émulât., cic], et quebiues traductions. Mon.
(postli.) sur la névrcdijie rhumatlsrn. aiguë de la vessie, in Ficv. méd. 18jG, t. lY, p. 5.
E. Bgd.
LEV£Ll!%fi (IlEiNnicH Palmaz von), né à Trêves, le 28 septembre 1742, se fit
recevoir docteur à Strasbourg en 1764. Après avoir rempli les fonctions de con-
seiller auhque de l'électeur palatin de Bavière et de médecin du priuce-évèque de
Fresingue, il fut appelé en 1782 à l'université d'ingolstiult pour y occuper les
chaires d'anatomie, de chirurgie dluslitulions et d'histoire de la médecine. Leve-
ling se Ut là une assez grande réputation comme anatomiste et chirurgien pour
qu'on lui accordât des lettres de noblesse. Il mourut dans cette même ville ]e
9 juillet 1798.
Outre quelques dissertations de physiologie et de médecine, il a laissé les ou-
vrages suivants :
I. Ancdomisehe Erklârung der Originalfiguren von Andr. Vesal, sainmt einer Anwendung
dcr Wiiislowischcu Zergliedcrungslehre, in VU. Diicli Ingolstadt, 1781,in-4°. — II. Observ.
anatomicœ rariores iconibus œri incisis illustratcc Itùd , 1780, in-4''. — III. Historiœ chi-
rurgico-anatomica; facuUatis tnedicce lugolsladiensis ab uniucrsilatc anno 1472 condita
adanniini 1788. Ibi'!., 1788, in-4».
410 tE VEHiVET (eaux mihérai.es de).
Ses deux fils ont pratiqué b médecine avec beaucoup de distinction.
Licveling (Heinr.-M. V.) l'aîné, né à Ingolstadt en 1766, a été professeur dans
l'université de cette ville après la mort de son père ; on lui doit en particulier une
anatomie intitulée : Analomie des Menschen, zitm Leltfaden far Aerzte, etc.
Part, let IL Erlangeu, 1795-97, in-S".
Leveling (P.-ÏH,), frère du précédent, né à Ingolstadt en 1767; s'est égale-
ment fiut un nom dans la littérature médicale. E. Bgd.
LE YERNET (Eaux MINÉRALES ET STATION HIVERNALE de) lujpertliermales ou
mésothermales, sidfurées sadiques, azotées. Deux routes à peu près de longueur
égale conduisent de Paris au Vernet; l'une est la voie ferrée de Lyon, Montpellier,
Narbonne et Perpignan, l'autre le chemin de Bordeaux , Toulouse et Perpignan,
d'où une voiture mel de cinq à six heures pour aller au Vernet, en passant par
Prades et Villefranche. Il n'est pas indifiérent, pour les malades affectés de la poi-
trine surtout, de prendre un chemin ou un autre dans les diverses saisons de
l'aimée. Ceux qui vont l'été au Yeruet peuvent suivre l'une ou l'autre de
ces deux directions ; mais ceux qui vont passer la saison hivernale, doivent choisir
de préférence la route de Bordeaux. Us éviteront ainsi les vents quelquefois impé-
tueux du golfe de Lion, et feront tout leur voyage sur une hgne dont l'exposition
est toujours au midi.
Le Vernet, dans le département des Pyrénées-Orientales, dans l'arrondisse-
ment de Prades, est un village situé au pied du mont Gauigou , dans la vallée
du Tet, connue dans la chaîne des Pyrénées par sa fertilité et la douceur de
son climat. Cette vallée est abritée, en effet, contre tous les vents, excepté
contre ceux du nord-est, par les montagnes élevées qui Lentourent. Elle est ou-
verte au nord-est, et la route venant de Prades suit ses nombreux détours. Le
vent s'engouffre dans cette sorte d'entonnoir et souffle quelquefois, de Prades à
Villefranche, avec une grande énergie. Aussi n'est-ce pas dans ce point que l'on
peut remarquer l'égalité de la température qui règne dans cette contrée. Au
tournant de la route de Villefranche au Vernet, l'intensité du vent se modère peu
à peu pour céder complètement lorsqu'on s'engage dans la vallée. Si l'établisse-
ment du Vernet est garanti des grands vents, les malades qui vont y faire une
saison doivent cependant se munir de vêtements chauds et épais, pour se dé-
fendre de l'humidité produite par les nombreux cours d'eau, la réverbération du
sol et les rosées abondantes qui en sont la conséquence; mais ils ne doivent pas
trop se préoccuper de cette particularité qui ne se fait sentir que le soir, et sur-
tout le matin, car il leur est permis de sortir, de se promener seulement vers le
milieu du jour au printemps, en été et au commencement de l'automne, tandis
que pendant l'hiver leur traitement consiste plus peut-être dans le séjour à la
chambre et aux salles d'inhalation que dans les moyens balnéaires proprement
dits. Cependant les malades qui font une cure d'hiver se rendent ou se font porter
au soleil dans les heures les plus chaudes des belles journées, lorsque le médecin
leur en a donné le conseil.
L'établissement thermal, à 620 mètres au-dessus du niveau de la mer, est à
oOO mètres du bourg du Vernet, peuplé de 875 habitants, et oii se trouvent les
ressources alimentaires, pharmaceutiques et littéraires , dont les hôtes peuvent
avoir besoin. Le thermomètre s'abaisse rarement à — 2'',5 centigrade, et les
plantes supportant diflicilement une basse température , telles que le laurier-
LE VERNET (eal'x MiNiiuALES de). 411
rose, le cactus, l'aloès, le grenadier, l'oranger y so^U cultivées en pleine terre.
L'hiver de 1858 a fait descendre le thermomètre jusqu'à — 2°, 3 centigrade (jan-
vier) ; pendant le jour le plus chaud, il s'est élevé à -+- 26° centigrade. La tempé-
rature la plus basse des journées de l'été delà même année a été de -h 8° centigrade
et la plus haute de -+- 55° centigrade (août).
Le Vernct étant une station d'hiver, le médecin éloigné doit connaître les avan-
tages de ce poste sulfureu.x où la saison thermale dure toute l'année. Il est impor-
tant que les malades ne partent pas au moment des grands froids de leur pays ;
autrement la transition trop brusque de la température peut donner des résultats
opposés à ceux que l'on espère obtenir. Eu général, on doit être arrivé au Veruet
au milieu du mois de novembre. S'il ne faut pas trop brusquement passer des con-
trées septentrionales aux régions du midi, et s'il est prudent de s'acchmater pro-
gressivement , il est plus indispensable encore, pour ceux qui ont fait une cure
heureuse au Vernet, de ne pas s'en retourner au plus vite dans un climat trop
rigoureux. Bien des convalescents n'écoutant pas ces préceptes si simples et si rai-
sonnables ont payé de leur santé, et quelques-uns de leur vie, l'inobservation des
sages avis qu'ils avaient reçus.
Les sources thermo-minérales du Yernet sont au nombre de onze. Elles se
nomment : 1° la source des Anciens-Thermes ou Eaux-Bonnes, 2° la soiirce du
Vaporarium, 5° la source Saint-Sauveur, i° \ù. source Élysa, 5° la Mère-source,
6° la source de la Comtesse, 1" la source Agiaé, 8° h source Ursule, 9" la source
du Torrent ou de la Providence, 10° la source de Castell, et 11° la source de la
Buvette dite encore source de la Santé. Toutes ces sources servent aux usages
balnéothérapiques des deux établissements de la station du Yernet. Les sept pre-
mièi'es appartiennent à Y établissement des Commandants, les quatre autres à
Y établissement Mercader.
ÉTABLissEMEKr DES coMMANDARTs. i" Soiirce dcs Anciens-Thermcs ou Eaux-
Bonnes. Cette source se trouve au nord, derrière l'étabUssement, au pied du
rocher de la Penne. Elle est captée sous une voûte creusée dans le rocher même
et fermée par une porte pleine. Aussitôt que cette porte est ouverte, il sort une
vapeur épaisse qui ne permet de distinguer ni la voûte, ni l'eau, et qui éteint sur-
le-champ la bougie. Cette vapeur, d'une odeur sulfureuse très-prononcée, et d'une
réaction parfaitement neutre, fait monter à 56°, 6 centigrade, l'air extérieur étant
à 2o'',l centigrade, le thermomètre qu'on y plonge à un mètre de profondeur.
L'eau de cette source est claire et transparente, chaude à la bouche, d'une saveur
hépatique, fade, nullement salée, elle a l'odeur d'œufs couvés. Des bulles gazeuses
très-fines viennent, après quelques minutes, se déposer en perles sur les parois du
verre qui la contient. Elle n'a aucune influence sur les préparations de tournesol
ou de curuma. Sa température, prise au tuyau du réservoir, est de 54°, 8 centi-
grade. Elle est employée en boisson, mais elle sert surtout à chauffer toutes les
pièces de l'établissement, au moyen de conduits traversant la salle à manger, le
salon, la chapelle, les chambres à coucher, etc. Elle alimente aussi les bains
chauds et les douches des Anciens-Thermes ; elle fournit d'eau chaude les baignoires
et les douches, après avoir été rassemblée dans un réservoir clos de briques reliées
par du béton. Elle se rend encore dans un refroidissoir situé à côté et en avant
du réservoir d'eau sulfureuse à sa température native. Le même tuyau conduit
aux baignoires et aux douches l'eau chaude ou refroidie, suivant que l'un ou
l'autre des robinets est ouvert ou fermé. L'eau de la source des Anciens-Thermes,
analysée par Anglada, a donné, par 1,000 grammes, les principes suivants :
412 LE VEUKEÏ (i:aux Mi.M^nALEs dic).
UydL'osulfate de soude crislalUsé 0,0593
Carbonate de soucie 0,0371
— chaux 0,0008
— magnésie traces.
Sulfate de soude 0,0291
— chaux 0,0057
Chlorure de sodium 0.0121
Silice 0,0496
Glairine ou barégine • . 0,0090
rerlo 0,0031
Total des MiTiÈr.Es fixes Q,22,o8
Les baignoires sont de marbre blanc , à demi-encaissées dans le sol , en saillie
de oO centimètres au-dessus de l'aire des cabinets. L'eau arrive par le fond des
baignoires , au moyen de robinets en conlre-bas des dalles et à portée des bai-
gneurs, qui ont l'eau cliaude et l'eau froide à leur disposition. Les cabinets de
doucbes sont sous Fancienne voûte des Anciens-Thermes. Ils sont surmontés
d'une grande pièce dans laquelle ont été installés, immédiatement au-dessus do
chacun d'eux, cinq bassins pour la préparation des douches. Trois de faïence ser-
vent à contenir, le premier, l'eau de la douche parabolique, et les deux autres,
l'eau chaude pour la douche jumelle. Le quatrième est carré, fait de briques bé-
tonnées ; il alimente la douche Tivoli. Le cinquième bassin, fait aussi de briques
et de béton , renferme l'eau douce froide servant à la douche ascendante et à
mitiger l'eau des autres douches. Les trois cabinets de douches sont mal éclairés
et mal ventilés parleur porte d'entrée et par une ouverture circulaire de 50 cen-
timètres de diamètre, ménagée sur la grande voûte, aérée seulement elle-même
par deux lucarnes situées à la partie supérieure. Une des salles renferme l'ap-
pareil de douche parabolique, les deux autres, ceux des grandes douches en
lilet, en pluie, Tivoli, etc. Le cabinet du miheu est pourvu d'un système de
douches ascendantes à tuyau fixe. La pression des grandes douches varie de 3 à
5 mètres, et les malades sont douchés assis ou debout. Le massage n'est pra-
tiqué ni pendant ni après l'administration des douches.
2" Source du Vaporarium. 'On a établi sur le grillon de cette source un robinet
placé au-dessus d'une baignoû'e de marbre. La température de l'eau à ce robinet
est de 56", 2 centigrade, l'air de la salle étant à 29^5 centigrade. Sa réaction est
légèrement alcaline. De. tuyaux conduisent cette eau dans un réservoir de
3 mètres de profondeur, toujours alimenlé d'eau courante, et placé sous la pièce
dite du Vaporarium. Elle a les mêmes propriétés physiques et chimiques que
celles delà source précédente. L'analyse de 1,000 grammes de l'eau delà source
du Vaporarium a donné en suUure à M. Fontan, en 1851, le résultat suivant:
Sulfure de sodium . 0,0248
La salle du Vaporarium n'est éclairée que par un œil-de-bœui vitré situé à sa
partie supérieure. Le thermomètre monte à 40", 8 centigrade dans l'inlérieurdt!
cette pièce, entourée de dix cabinets non fermés et dans lesquels la chaleur e:>t
plus concentrée. On peut abaisser la température en ouvrant une soupape prati-
quée dans la lucarne établie au point le plus élevé du dôme.
La salle de respiration, située immédiatement au-dessus de la pièce du Vapo-
rarium, sous la voûte commune aux cabinets de douches, n'est pas assez confor-
tablement installée. Une cage de verre, entourée d'un puits de béton recouvert de
planches formant galerie à hauteur d'appui, s'ouvre par sa partie su[jérieure pour
ûunner passage à la vapeur et aux gaz, suivant les besoins du traitement et l'idio-
LE VERN'ET (eaux minérales de). 415
synorasie des malades. La tenipcraturo de la salle d'aspiration est eiiti'eteii!:c, m
général, à 28°, .0 centigrade.
5" Source Saint-Saiivevr. Cette source est captée sous une voûte de briques
bétonnées, et nnc plaque de marbre ferme son bassin de captage. L'eau a les mêmes
propriétés phr-ques et chimiques que celle des autres sources du Vcrnet, seule-
ment son odeur et son goût sont moins hépatiques ; ils rappellent jusqu'à mi '
certain point ceux de la source de l'établissement de Saixt-Sauveur {voij. ce mot), '
ce qui a fait donner à cette source du Vernet le nom sous lequel elle est connue.
Sa réaction est très-sensiblement alcaline ; sa température esldc 47°,! centigrade.
Quelquefois employée en boisson, cette eau sert surtout à alimenter l'établisse-
ment Saint-Sauveur, une des dépendances de l'établissement des Comman-
dants. Elle se rend par des conduits de maçonnerie , à deux réservoirs placés à
droite et à gauche de la porte d'entrée de la cour de l'établissement Saint-
Sauveur. Chacun de ces réservoirs contient, l'un, l'eau que l'on y laisse refroidir,
et l'autre, l'eau à la température de la source qui arrive directement aux robi-
nets des baignoires par des tuyaux de terre cuite. L'analyse de l'eau de la source
Saint-Sauveur adonné, en 1856, à M. Bouis, sur 1,000 grammes, les proportions
suivantes :
Sulfure (le sodium 0,0-iOO
Sulfate de soude O.O'iTO
— cliaus 0,0010
Carbonate de soude 0,0730
— potasse traces.
'='""\-. î 0,0030
— magnésie )
Clilorure de sodium 0,0120
Silice o.ceoo
Glairine ou barégine 0,0110
Total des matières fixes t),'îH6
L'établissement des bains Saint-Sauveur est à 50 mètres de la source de ce
nom, et se compose de quatorze salles ayant chacune une baignoire de marbre
sans appareil de douches. Les robinets versent l'eau par leur partie supérieure
et sont à la disposition des baigneurs. L'eau delà source Saint-Sauveur, arrivée
aux robinets des baignoires, marque encore 45° centigrade, l'air des cabinets étant
à 24° centigrade.
4° Source Êhjsa. Elle jaillit sous un kàtiment spécial, situé a 25 mètres
des bains Saint -Sauveur et h. 15 mètres seulement de la salle à manger. Son
eau a les mêmes caractères physiques et chimiques que ceux des autres sour-
ces du Vernet ; mais elle est moins désagréable au goût ; sa saveur et son odeur
sont moins sulfureuses et comparables à celles de la Raillière de Cauterets. Des
bulles gazeuses qui s'attachent bientôt aux parois des verres la traversent; sa
réaction est moins sensiblement alcaline que celle de l'eau de la source Saint-
Sauveur. L'air du cabinet étant à 24" centigrade, la température de l'eau de la
source Élysa marque 54°, 8 centigrade. On l'emploie en boisson et en bains. L'ana-
lyse chimique de 1,000 grammes de cette eau, faite en 1851, par M. le docteur
Fontan a donné :
Sulfure de sodium 0,01i92
Le pavillon construit sur le griffon de la source Elysa ne se compose que de
deux cabinets qui contiennent chacun une baignoire de marbre au fond de laquelle
arrive directement et par un jet de iO centimètres de hauteur, l'eau de la
414. LK VERNET (eau.v minérales de).
source venant d'un réservoir séparé seulement par le mur du pavillon. Ces deux
baignoires sont alimentées en outre par l'eau de la source Saint-Sauveur, ap-
portée par des tuyaux souterrains et versée par un robinet placé au-dessus du bord
supérieur des baignoires.
5" Mère-source. Son point d'émergence est à 25 mètres plus bas. que le bâti-
ment de la source Élysa , dans une pièce de terre inculte, et son griffon prin-
cipal se trouve au fond d'une galerie souterraine recouverte de pierres. Elle est
captée sous une cloche de béton, mais plusieurs de ses filets coulent en liberté et
permettent d'apprécier qu'elle ne diffère en rien des autres sources, si ce n'esl
pas son goût fade, son odeur très-sulfureuse, sa réaction neutre et sa température
élevée qui est de S?'', 8 centigrade, l'air de la galerie étant à 51" centigrade. Les
illets non captés de la Mère-source suffisent pour former un petit ruisseau dont
les eaux ne sont pas utibsées. On constate dans ce ruisseau la présence de fila-
ments de barégine et de sulfuraire plus nombreux et plus longs que tous ceux
observés aux sources sulfurées. Plusieurs sont flottants et creux, et mesurent
plus de 1 mètre de longueur et près de l centimètre de diamètre. Cette eau est
employée en boisson, en bains, en douches et en inhalations. 1,000 grammes de
l'eau de la Mère-source ont donné, en 1851", à M. Fontan :
Sulfure de sodium 0,02259
Le bâtiment dans lequel se trouvent la buvette, les bains, les douches et la
salle d'inhalation de la Mère-souvce est à 6 mètres seulement de la rivière qui
coule du Verncti à Conflans, et à 70 mètres de la galerie de la soui'ce. L'eau s'y
rend par des conduits souterrains de pierre contenant des tuyaux de terre ver-
nissée qui la versent dans nn réservoir fermé, situé dans le jardin, derrière la mai-
son; ils occupent toute sa longueur. L'étaUissementest composé de quatre cabinets
de bains, de deux cabinets de douches et d'un vaporarium ; un des cabinets de bains
renferme deux baignoires. Tous sont éclairés et ventilés par une fenêtre donnant
sur le jardin. Les baignoires de marbre sont trop étroites et encaissées dans le sol
de manière à former une saillie de 45 centimètres au-dessus du dallage des cabi-
nets. Au fond du cabinet double, se trouvent deux baignoires séparées par des
carreaux de faïence. L'eau de la Mère-source arrive au robinet de ces baignoires à
la température de 41" centigrade , celle du cabinet étant de 25°, 6 centigrade. De
l'eau refroidie y vient à 54°, 5 centigrade. Les salles de bains occupent le rez-de-
chaussée, tandis que les cabinets de douches et le vaporarium se trouvent dans
le sous-sol. Les deux cabinets de douches, voûtés, sont disposés de façon à ce
qu'on peut y prendre les douches dans une baignoire au-dessus de laquelle
sont fixées à 2"', 25 de hauteur des tuyaux à robinet. Par l'un s'administre la
douche descendante, l'autre conduit l'eau minérale à une ouverture pratiquée
dans l'aire du cabinet, sur laquelle on s'assied pour recevoir les douches ascen-
dantes. La température des salles de douches étant de 25°, 4 centigrade, l'eau
arrive aux robinets des appareils à 47", 5 centigrade. Le vaporarium occupe une
petite salle circulaire bâtie sur le réservoir qui se trouve à côlé des grandes
douches. Celte salle est trop chaude, quoiqu'elle soit presque toujours ou-
verte ; la pièce qui la précède sert de cabinet de respiration. L'installation et
l'organisation de l'établissement de la Mère-source sont peu confortables et
suffisent à peine à leur destination. Toutes les salles sont humides et beau-
coup trop sombres ; aussi cette division n'est-elle guère fréquentée que par les
paysans.
LE VERNET (eaux MnÉRAiEs de). 415
6° et 7" Les eaux des sources de la Comtesse et Aglaé ne sont pas employées.
Étabi.isseîiekt Mercader. 8° Source Ursule. Le griffon de cette source est
au fond d'une ççaleric pratiquée dans le déblai d'un pavillon composé de quatre
salles de grandes douches, d'une salle de douches ascendantes et d'une salle
d'inhalation gazeuse. Ce pavillon reçoit les eaux de la source Ursule, la plus éloi-
gnée de l'établissement Mercader, elle alimente aussi les deux buvettes, les appa-
reils de douches et les tuyaux qui parcourent ti^ois des côtés du plancher de
chaque pièce de cette maison de bains. C'est elle encore qui, en été, se rend au
vaporarium et à la salle de respiration. L'eau de cette source est claire et hm-
pide, d'une saveur et d'une odeur hépatiques prononcées, d'une réaction alcaline
et d'une température de 41", 8 centigrade, celle de la galerie étant de 28°, 5 cen-
tigrade. L'analyse chimique de l'eau de la source Ursule, faite par M. Ossian
Henry, en 1852, a donné les résultats très-incomplets que voici :
Sulfure de sodium 1 r. A.gq
Carbonate de chaux j '
— magnésie
Sel de potasse
Sulfate de soude
Chlorure de sodium '
lodure alcalin ) 0,2371
Silicate de soude
— alumine
Indices de fer
Matière organique (glairinc)
Total des maiiG:res fixes 0,2503
9° Source du Torrent ou de la Providence. La source du Torrent a son
point d'émergence à 3 mètres du griffon de la source Ursule et dans la même
galerie. Ses caractères physiques et chimiques sont les mêmes que ceux de la
source Ursule. Sa température est de 59 ',2 centigrade. Elle alimente d'eau chaude
dix cabinets de bains de l'établisseiTient Mercader, et elle envoie son eau pendant
l'hiver au vaporarium et à la salle d'iniialation. « Toutes les sources de l'établis-
sement Mercader ayant une composition presque identique, dit M. Buran, ingé-
nieur chimiste, je me contente de donner l'analyse que j'ai faite, en 1855, de
1,000 grammes d'eau de la source du Torrent ou de la Providence.
Sulfure de sodium 0,0420
Sullite do sodium 0,0050
ïulfate de sodium 0,0225
— magnésium 0,0035
— calcium 0,0010
Silicate de sodium 0,0628
Carbonate de sodium 0,0910
— potassium 0,0100
— magnésium 0,0020
— calcium 0,0013
Chlorure de sodium 0,0160
Alumine 0,0010
Glairine '. 0,0130
lodure de potassium 0,0001
Total des MAiiÈriEs fixes ... 0,2754
« Plus, des traces de fer, de brome dont on ne pourrait déterminer les propor-
tions qu'en réitérant les expériences et en opérant sur de plus fortes proportions
que celles que j'ai eues à ma disposition. »
10" Source de Caslell. Elle se trouve à 50 mètres de l'établissement Mer-
cader, sur un des côtés du chemin conduisant au village de Castell Cette
410 LE verni:! (eaux MiNtnALEs de).
source qui cmcrge au fond d'une galerie a les mêmes propriétés pîrysiqucs ot
chimiques que les autres. Sa réaction est neutre, et sa température est de 35°, 5 ccu-
tiffrade, celle de la galerie étant de 24° centiiirade. Elle lournit d'eau relroidic les
dix cabinets alimentés d'eau chaude par la source Ursule. Son eau n'a pas été
analysée.
11° Source de la Buvette dite encore Source de la Santé. Son eau est utilisée
en boisson seulement, c'est un filet de la source de la Providence ou du Torrent;
elle n'a par conséquent qu'une importance très-secondaire.
L'établissement des bains Mercader se compose de deux buvettes, de quatorze
cabinets de bains, d'un vaporarium et d'une salle de respiration. L'une des
buvettes se trouve dans la galerie du rez-de-chaussée, contenant quatre salles de
bains alimentées par la source Ursule : c'est la buvette de la Bienfaisante Adélaïde.
Elle consiste dans une table de marbre à laquelle est fixé un petit robinet de
cuivre, sous lequel est une soucoupe, communiquant avec le tidje de zinc qui
emporte l'eau de la source Ursule au fond de la galerie. L'autre buvette est au
premier étage, elle est alimentée par rui filet dépendant de la source du Tor-
rent ou de la Providence : elle est connue sous le nom de Buvette de la Santé,
et son installation est à peu près la même que celle de la buvette Adélaïde. Son
eau tient en suspension une grande quantité de flocons de barégine. Les quatorze
■ salles de bains du rez-de-chaussée reçoivent leur eau de la source Ursule, et les
dix autres, au premier élage, de la source de la Providence comme eau chaude et
de la source de Castell comme eau froide. Les cabinets auxquels la source Ursule
fournit son eau sont réservés pour ceux dont le traitement exige des bains à une
température élevée. A gauche, ils s'ouvrent sur la galerie de droite de l'établisse-
ment, et ne sont éclairés que par une porte vitrée, avec imposte. Leurs baignoires
de marbre ont deux robinets : l'un à clef, donnant l'eau à la température de la
source Ursule, est placé au milieu de la paroi latérale de la baignoire; l'autre,
fixé au-dessus de son bord supérieur, verse l'eau de la même source refroidie.
D.U1X de ces cabinets sont munis d'appareils de douches descendantes, et un d'un
appareil de douche ascendante. Des dix autres cabinets , neuf n'ont qu'une
seule baignoire, un seul en a deux ; aucun n'a d'appareils de douches. L'eau
de la source de la Providence y arrive à ,^6°,5 centigrade. Le charbon seul est
employé pour le chauffage du linge aux deux établissements du Vernet.
Le vaporarium est dans la galerie de la buvette et des salles de bains alimen-
té'js par l'eau de la source Ursule. Il est précédé d'une pièce qui sert à la fois
de vestiaire et de salle de surveillance. La température du vaporarium est de
57° centigrade. La salle de respiration et de humage, située au premier étage,
est suivie d'une galerie vitrée exposée au midi, dans laquelle le soleil brille pen-
dant toute la journée et d'où les malades découvrent les campagnes et les rochers
des environs. C'est dans cette pièce qu'est étabU le réservoir alimentant d'eau
les douches des cabinets du rez-de-chaussée, de vapeur et de gaz la salle de respi-
ration et de humage. On a établi au centre de la salle de respiration un appareil
de zinc, aux côtés duquel ont été pratiquées deux ouvertures où les malades
viennent appliquer leur bouche. Une odeur à peine prononcée qui semble dif-
férer très-peu de celle de la vapeur d'eau ordinaire est perçue en entrant dans
la salle. Cela tient assurément à la construction vicieuse du réservoir; il serait
très-facile avec des appareils semblablps à ceux de Pierrefo.nds , de Saint-
HoNORÉ et d'Ur.iAGE {voy. ces mois) d'obtenir un développement de vapeurs et
gaz beaucoup plus considérable.
LE VERNET (eaux MiNiinALEs de). 417
Les deux établissements rivaux des Commandants et de Mercader sont assez
convenablement installés et répondent à toutes les exigences d'une cure d'iiiver
parles eaux sulfurées. Les malades peuvent boire, prendre leurs bains, leurs
douclics d'eau, leurs bains de vapeur dans les vaporariums du Vernet, et leurs
séances d'inbalation, sans sortir des établissements dont toutes les pièces princi-
pales sont chaul'fées par l'eau thermale des sources. Il n'y a de luxe ni dans l'un
ni dans l'autre, mais l'établissement des Commandants est le plus complet. 11 est
ordinairement préféré parles personnes appartenant aux classes élevées de la so-
ciété. L'établissement Mercader convient mieux, à cause de ';es prix i-elativcment
modiques, aux baigneurs simples ou forcés de limiter leurs dépenses. L'établis-
sement Mercader n'est certes pas brillant ; l'on ne s'y préoccupe que de la santé
des malades.
Mode d'administration et doses. Les eaux du Vernet doivent être prescrites
avec une grande prudence, comme toutes les eaux sulfurées et sulfureuses, du
reste, et n'être permises qu'à très-faibles doses d'abord, une cuillerée ou un
quart de verre, et très-rarement en quantité plus considérable que trois verres.
Elles se donnent seules, coupées de kit ou d'une infusion de Heurs de tilleul
édulcorée avec le sirop de gomme et plus souvent avec le sirop d'érysimum des
montagnes du Vernet. Le médecin qui dirige la cure les prescrit le plus souvent
le matin à jeun, de quart d'beure en quart d'heure, et quelquefois aussi le soir
avant de se mettre au lit. Il arrive, par exception, qu'elles se prennent aux repas,
coupées avec du vin ou mêlées à l'eau ordinaire, il arrive même que certains
malades en font usage à l'exclusion de toute autre boisson. Toutes les sources du
Vernet peuvent s'employer à l'intérieur : les eaux utilisées ainsi le plus souvent,
à rétablissement des Commandants, sont celles de la source Élysa et celles de la
source Saint-Sauveur ou des Anciens-Thermes; et, à l'établissement Mercader,
celles de la buvette de la Sauté, venant, on se le rappelle, de la source du Torrent
ou de la Providence, et celles de la buvette de la Bienfaisante Adélaïde alimentée
par la source Ursule. Les eaux de la buvette Élysa à l'établissement des Comman-
dants, celles de la buvette de la Santé ou de la Providence à l'établissement
Mercader, ont des propriétés moins énergiques, mais aussi elles sont moins exci-
tautes. L'eau des deux autres buvettes, moins facilement tolérée par l'estomac,
stimule plus vivement l'organisme tout entier. Les deux premières buvettes sem-
blent donner les résultats obtenus aux Eaux-Bonnes, les deux dernières ceux de
certaines sources de Bagnères-de-Luchon et de Cauterets.
Emploi thérapeutique. Les quatre sources Élysa, des Anciens-Thermes, de la
Providence et Ursule donnent une idée complète de l'action pbysiologique et
curative de toutes les autres sources du Vernet. Nous allons nous en occuper
exclusivement.
A petites doses et dès les premiers jours les eaux du Vernet ont un effet
tonique marqué sur presque toutes les constitutions. Elles augmentent la
transpiration, les urines deviennent plus abondantes, l'appétit plus vif, les diges-
tions plus faciles et plus promptes. En quantité plus considérable, le pouls et
la cbaleur de la peau s'accroissent. Les sécrétions cutanées et des membranes
muqueuses contiennent, la chimie le constate aisément, de l'acide sulfhydrique
que l'odorat fait mèmercconiiaitre, lorsque ces eaux ont été administrées à doses
un peu élevées. 11 survient de la céphalalgie, des bourdonnements et des tinte-
ments d'oreilles, des éblouissements, des vertiges, de la sécheresse de la bouche,
de l'anorexie, de la soif, etc. , etc., de la saturation minérale enfin. Assez fréquem-
DICT. E«C. 2' S. II. 27
418 1. IJ V I' r, > |] T ( i; m; X m i n é n a L e s de).
meut encore le phénomène de la poussée {voy. ce mot) se caractérise par des furon-
cles, du pcmphigus, de rérylliènic, du licjicn, etc., accidents qui font immédia-
tement suspendre la cure, nécessitent un traitement rafraîchissant, contraignent
à garder la chambre et môme le lil , les malades qui doivent se tenir chanderaeiit
et favoriser autant que possible l'éruption regardée au Vernet comme l'indice à
peu près certain d'une médication hydrosulfuréc commencée sous les meilleurs
auspices. Les eaux du Vernet en bains, en douches d'eau, ont une action com-
plexe, c'est-à-dire, qu'elles doivent leurs effets à leur température plus ou moins
élevée, à la proportion de leurs éléments minéralisateurs, et surtout à la quantité
du sulfure de sodium qu'elles renferment. C'est l'existence de ce composé chi-
mique qui rend plus ou moins actives, plus ou moins stimulantes les eaux sulfu-
rées; leur gl.iirine ou barégine est le correctif de ce principe hépatique, et les
eaux de cette classe sont d'autant moins stimulantes qu'elles en contiennent
davantage. Quoi qu'il en soit, le contact de l'eau du Vernet fait éprouver à la peau
une sensation d'onctuosité qui n'échappe à personne : des bulles de gaz ne tar-
dent pas à venir se fixer en forme de perles distinctes sur les divers points de la
périphérie du corps, mais elles s'en détachent au moindre mouvement. Les phé-
nomènes d'excitation se produisent surtout à la suite des bains très-chauds et des
douches préparées avec les eaux hyperthermales. 11 est à remarquer que si l'eau
en boisson donne quelquefois lieu à la saturation minérale et à la poussée, les
bains et les douches, principalement lorsqu'ils sont administrés chauds et très-
chauds, occasionnent surtout ces effets physiologiques exagérés. Si nous avons
vu les accidents cutanés survenus après une cure d'eau en boisson, spécialement
caractérisés par des furoncles, du pemphigus, du lichen, etc., ceux du traitement
par l'usage extérieur des eaux de cette station se reconnaissent aux éruptions
de la membrane externe, qui apparaissent sous forme de papules lorsque la mani-
festation est bénigne, et sous l'apparence de vésicules si elle est intense au con-
traire. Lorsque les bains et les douches sont à une très-haute température, les
malades éprouvent une sensation de chaleur vive, raordicante, sur foutes les par-
ties mouillées; un spasme, nn malaise général, accompagnés de dyspnée, d'une
respiration anxieuse, accélérée. La bouche devient aride, la soif ardente, la
face vultueuse, les yeux rouges et saillants ; la circulation est augmentée, à
la tète surtout ; des vertiges surviennent ; une sueur profuse couvre le visage
et toutes les parties du corps. Rarement le médecin doit chercher à faire
naître ces phénomènes d'extrême stimulation , et lorsqu'ils sont nécessaires,
il importe de surveiller les baigneurs et de s'opposer à ce que l'effet devienne
funeste, comme cela est arrivé à des malades qui ont succombé dans un bain ou
à la suite d'un bain d'eau du Vernet pris à une température trop élevée. Les bains
et les douches se donnent ordinairement le matin cà jeun. La durée des bains
varie suivant ridiosyncrasie et la force des malades, l'importance et la gravité des
maladies, le degré de chaleur auquel ils sont administrés, l'action plus on moins
stimulante de leurs eaux ; les bains tièdes sont, en général, de quarante-cinq
minutes à une heure, les bains chauds de cinq à quinze minutes, et les bains
très-chauds de trois à cinq minutes au plus. Les douches s'administrent de cinq
à vingt minutes, suivant leur chaleur, leur volume et leur force de projection.
Certaines sources employées à l'intérieur ont une force que n'ont pas les autres
elles stimulent plus ou moins activement le système nerveux. Il en est de même
de leurs eaux administrées à l'extérieur : les unes produisent une surexcitation
inconnue à certaines autres, et il n'est pas indifférent, par exemple, de prescrire
LE VERNET (eaux minérales de). 419
(les bains avec l'eau de la source Élysa ou de la source Saint-Sauveur à l'établis-
sement des Commandants, et avec l'eau de la source de la Providence ou de la
source Ursule à l'établissement Mercader, quand même ces bains' ont une tempé-
rature identique. Est-ce parce que les sources Élysa et de la Providence contien-
nent davantage de barégine que les sources des Anciens-Thermes et Ursule? Cela
est probable, mais n'est pas certain. Les phénomènes physiologiques principaux
produits par les vaporariuras du Vernet sont : une lourdeur de tête, une grande
chaleur de la peau bientôt suivie d'une sueur abondante, une gêne prononcée de
la respiration, une augmentation considérable de la circulation sanguine, une
sécrétion plus abondante et plus facile de la membrane muqueuse tapissant
les voies aériennes, et une congestion du tissu pulmonaire « pouvant aller jusqu'à
l'hémoptysie, la fonte de tubercules existants et la formation de nouveaux tu-
bercules chez les phthisiques. » (H. Silhol, Notice sur les eaux du Vernet, p. 54,
Montpellier, 1852.) Dans les salles de respiration, la température ne s'élève plus
comme dans les vaporariums, à 36° centigrade, mais seulement à 16" centi-
grade et au plus à 18° centigrade. Le malade peut y respirer longuement les va-
peurs et les gaz sans que le pouls augmente de force et de fréquence, sans que la
transpiration s'établisse ; il y éprouve seulement une légère moil'icur, ses sécrétions
laryngiennes et bronchiques se font plus abondamment et plus facilement, et il
s'oi)ère pour ainsi dire, par les vapeurs et le gaz acide sulfhydrique, une sorte de
sédation, d'action stupéfiante même des organes de la respiration et de l'héma-
tose. Enfin, l'action physiologico-pathologique des eaux du Vernet en gargarismes
consiste dans la guérison des inflammations granuleuses, souvent d'origine herpé-
tique, de la membrane muqueuse de i'arrière-bouchc et du pharynx. C'est l'eau
des sources fortes d'Ursule et des Anciens-Thermes qui s'emploient d'habitude
alors. L'action physiologique des eaux du Yernet indique leurs vertus dans les
affections des membranes muqueuses des voies digestives, respiratoires et génito-
urinaires.
Aussi sont-elles employées avec un grand succès dans les affections de l'arrière-
gorge, de l'estomac et des intestins. Lorsqu'une dermatose existant depuis un
certain temps disparaît tout à coup ou même peu à peu, et qu'il survient une
amygdalite, une pharyngite granuleuses, une dyS'pepsie stomacale ou intestinale,
il est infiniment probable que les voies digestives ont été consécutivement
affectées, et que la maladie nouvelle est de semblable nature que l'affection an-
cienne, et qu'il faut appliquer le même traitement. Cette explication donne la clef
du mode d'action de diverses classes d'eaux minérales dans des maladies qui
ont les mêmes symptômes, mais qui sont loin d'avoir la môme cause. Ce sont les
eaux en boisson, les bains généraux, les douches d'eau et les gargarismes qui
conviennent alors.
Ce que nous venons de dire des maladies de la membrane muqueuse des organes
digestifs peut s'appliquer presque littéralement à celle qui tapisse les organes
respiratoires, et les eaux du Vernet en boisson, en bains, en douches, en garga-
rismes et en inhalations, sont utilement employées dans les laryngites et dans les
bronchites chroniques, accompagnées de crachats abondants, épais et purulents,
qui donnent souvent de graves inquiétudes sur la terminaison de ces maladies. On
doit ajouter qu'il en est de même des catarrhes du larynx et des bronches, ou de
l'asthme ayant apparu après la rétrocession d'une affection herpétique. Là ne se
bornent pas les prétentions des sources des deux établissements du Vernet qui
veulent, ainsi que la plupart des eaux sulfurées et sulfarcuscs et plus justement
AW LE VERJNET (eaux 5ll^ÉRALlis de).
que beaucoup d'entre elles, guérir sinon la j)hthisie pulmonaire, au moins les
accidents qui compliquent le jdus souvent la seconde période de cette maladie.
La composition cliimique, la thermalité, l'action physiologique des eaux du
Vernet suffisent pour justifier les résultats annoncés à cette station. En se souve-
nant des détails donnés au commencement de cet article sur la topographie, la
douceur du climat, etc., de ce yoini du Languedoc, on comprendra encore
mieux l'importance de ce poste thermal, qui doit être d'autant mieux connu
qu'il est une des rares stations minérales d'hiver où les malades peuvent aller
passer la mauvaise saison, éviter les transitions brusques de température dans
des appartements chauffés par la haute thermalité des sources sulfurées, et
trouver une atmosphère toujours relativement chaude. Les eaux et le climat du
Vernet ne guérissent-ils que les accidents de la deuxième période de la phthisic
du poumon? N'arrctent-ils pas quelquefois l'évolution de tubercules au premier
degré? N'ont-ils jamais cicatrisé de cavernes après avoir tari leur suppuration?
Toutes ces questions sont assurément très-délicates, et M. le docteur Piglowski
croit qu'il est parvenu à enrayer la marche de la phthisie au premier degré, alors
que les commémoratifs et les signes physiques lui donnaient presque la certitude
de ne pas commettre d'erreur. Mais ce praticien éclairé ne pense pas que la vertu
des thermes sulfurés du Vernet soit efficace dans la phthisie pulmonaire arrivée à
la troisième période, et il déplore l'habitude où sont les médecins éloignés d'en-
voyer des malades trop avancés pour que la guérison soit possible. On doit se
garder de conseiller aux phthisiques, quel que soit le degré de leur affection, des
bains entiers, des douches générales et le séjour dans un vaporariuni. Tous ces
moyens, au lieu d'être utiles, leur sont très-nuisibles et les mènent prompte-
ment vers une issue funeste. 11 faut ne leur prescrire que des demi-bains, des
douches sur le bas des jambes et sur les pieds, et enfin le séjour dans les salles
de respiration, où ils doivent passer, tous les jours, un temps assez long, suivant
les avis du médecin.
Dans les affections des membranes muqueuses des organes génito-uriuaires,
les eaux du Vernet en boisson, en bains et en douches générales et locales réus-
sissent très-bien, surtout lorsque les maladies des reins, de la vessie, de l'utérus
ou du vagi a ont pour expression principale la sécrétion anormale du mucus et
même du pus. L'effet heureux se produit, quelle que soit la cause de l'affection ;
mais il n'est jamais aussi appréciable et aussi marqué que si les reins, les ure-
tères, la vessie, la matrice et le vagin ont souffert d'affections herpétiques. L'ac-
tion stimulante et tonique des eaux du Vernet explique encore leurs vertus
dans la dysménorrhée et l'aménorrhée qui accompagnent ordinairement un état
d'atonie générale. Les eaux eu boisson, en bains généraux, en douches sur les
lombes et dans le vagin, sont les moyens qu'il convient d'opposer à de pareils
états morbides.
Les maladies delà peau sont aussi très-utilement traitées par l'application des
eaux du Vernet, qui agissent différemment, suivant les sources auxquelles les
malades sont adressés. Les sources faibles conviennent mieux aux personnes qui
présentent encore uu état subaigu de leur affection cutanée, et chez lesquelles il
faut éviter de ramener la période inilanunatoire ; tandis que les sources fortes
doivent être choisies, au contraire, pour ceux qui sont depuis longtemps tra-
vaillés par une dermatose indolente dont on ne peut obtenir la guérison qu'en
réveillant la vitalité de la membrane tégumentaire, et en suractivaut sa circula-
tion. Dans l'eczéma qui n'a pas revelu complètement la forme chronique, les
LE VEU>'1:T (eaux Mi.NÉfiALES de). 421
sources Élysa et de la Providence sont employées en boisson et en bains généraux
Irais; tandis que dans le psoriasis les eaux de la source Ursule et des Anciens-
Thermes doivent être prescrites en boisson, en bains chauds et même très-ehauds,
et en vapeurs dans les salles dites vaporariunis. Ces deux exemples suffisent pour
l'aire comprendre le parti que les médecins peuvent tirer de l'application des eaux
sulfurées du Yeract, suivant leur plus ou moins grande quantité de barégine, leur
plus ou moins grande sulfuration, leur plus ou moins grande thermahté, dans les
affections de la peau. Nous ne pouvons passer sous silence, à cet égard, une re-
marque i'aitc en décrivant les sources. On se souvient que la Mère-source est celle
qui contient la plus grande quantité de barégine et de suU'uraire. 11 est bien fâ-
cheux que le refroidissement dépouille l'eau d'une partie de ces matières avant
son arrivée à l'établissement thermal qu'elle aUmente, et qu'on n'ait pu élever
sur son griffon même une maison de bains où les qualités natives de cette
source eussent pu être conservées. S'il est vrai que l'action émoUiente d'une
source hépatique soit en raison de la proportion de barégine et de sulhiraire qui
y sont dissoutes, la Mère-source est assurément une des plus précieuses, et nous
ne pouvons douter que le propriétaire de l'établissement des Commandants, auquel
cette source appartient, ne fasse organiser une buvette convenable et quelques
salles de bains sur le point même de l'émergence de la Mère-source. Les propriétés
curatives des eaux du Vernet sur les alfections de l'enveloppe extérieure ne doi-
vent point être mises en oubli par les médecins, qui savent combien ces maladies
sont tenaces, rebelles aux traitements les plus rationnels et les plus énergiques.
Les dermatoses chroniques surtout ont deux caractères essentiels, celui de dispa-
raître avec mie difficulté extrême, et celui de revenir quelque temps après leur
guérison ; de sorte qu'un malade, qui a suivi pendant de longs Uiois un traitement
avec persévérance, et se croyant guéri à la fin de l'automne, par exemple, voit
revenir son affection au déclin de l'hiver ou au commencement du printemps sui-
vant. Les eaux du Yernet, prises en boisson, en bains, en douches, en bains
de vapeur, pendant un temps qui doit toujours se prolonger après la guérison
complète, ont donné des résultats satisfaisants, et les malades qui persévèrent
longtemps après leur cure n'ont souvent point la rechute habituelle chez ceux
qui s'en tiennent à la saison thermale, telle qu'elle est comprise dans toutes les
stations n'ayant point d'établissement d'hiver. Lorsque les affections de la peau
ont ime origine syphilitique, les eaux du Vernet conviennent encore, en ce sens
qu'elles permettent aux malades de suivre plus facilement une médication hydrar-
gyrique ou iodurée, qui agit comme spécifique ; les eaux s'opposent aux accidents
du traitement, et produisent un effet favorable sur la manifestation cutanée, occa-
sionnée par une affection devenue constitutionnelle. Comme toutes les eaux sul-
furées et sulfureuses, les eaux du Vernet, prises pour une autre lin, ont souvent
rappelé sur l'enveloppe extérieure des traces qui ont instruit sur la signification
de douleurs ou d'accidents dont la cause était mal appréciée jusqu'alors, et ont
éclairé sur le traitement véritable qui doit leur être opposé pour en triompher
à peu près sûrement.
L'hyperthermalité, les effets physiologiques des eaux du Vernet expliquent par-
faitement leur efficacité dans les rhumatismes chroniques, quels que soient leurs
manifestations et leur siège, et il n'est pas besoin d'insister ici pour faire com-
prendre qu'il est certains rhumatisants chez lesquels les eaux sulfurées doivent
être préférées à toutes les autres; nous spécifierons, en traitant des eaux mi-
nérales en général, quelles constitutions et quelles diathèses coexistant avec le
422 LE VERNET (eaux minéhales de).
rhumatisme chronique, précédées ou engendrées par lui, rentrent dans la sphère
d'action des eaux hyperihermales sulfurées et sulfureuses. Que le rhumatisme
se révèle par des douleurs articulaires, musculaires ou viscérales ; qu'il affecte
la sensibilité ou la myotilité d'une plus ou moins grande portion du corps ; qu'il
ait revêtu les formes névralgique, paralytique, atrophique, etc., les eaux du
Vernet, apphquéescn bains et en douches d"eau très-chaude, en vapeurs, suffisent
presque toujours pour débarrasser les malades auxquels les eaux hyperihermales
sulfurées conviennent, et dans un temps en général assez court. L'avantage que
présente aux rhumatisants la station du Vernet, c'est que, pour traiter leur mala-
die, les baigneurs ne sont pas forcés d'attendre la saison où les établissements
s'ouvrent officiellement, le commencement de l'été. Cela est d'autant plus im-
portant à noter, que leurs douleurs sont toujours moins violentes pendant les
chaleurs ; le climat du Vernet et la température élevée des appartements de ses
deux étabhssements permettent aux rhumatisants d'être traités avec succès pen-
dant l'hiver oir les accidents sont plus tranchés et plus rebelles à toutes les mé-
dications. Dans les douleurs, les névralgies, les paralysies et les atrophies rhuma-
tismales, on fait grand usage au Vernet de frictions avec les brosses anglaises,
après les bains, les douches, ou le séjour des malades dans le vaporarium. II
serait à désirer qu'un masseur habile fût attaché à cette station thermale et put
exercer sous la douche dans les affections dont il nous reste à parler. Les eaux
du Vernet, prises en bains et en douches, conviennent, comme toutes les eaux
hyperthermales sulfurées et sulfureuses, dans tous les états pathologiques où il
est utile d'exciter énergiquement, et d'une manière locale, les fonctions de la
peau des parties affectées, comme dans la gêne des mouvements consécutive à
de grands traumatismes, dans les suites de blessures par armes de guerre, de
luxations ou de fractures, etc. ; dans les rétractions musculaires, dans les en-
gorgements des articulations des sujets scrofuieux surtout. Elles sont prescrites
avec avantage, enfin, et sous la même forme, dans les plaies fistuleuses et les
ulcères atoniques.
Les eaux du Vernet sont contre-indiquées, chez les sujets pléthoriques, clsez
cuux qui sont prédisposés à des congestions ou à des hémorrhagies, actives, chez
les hémoptoïques, chez ceux qui ont un système nerveux trop irritable, chez
ceux enfin qui voient survenir facilement une inflammation de l'un des organes
essentiels à la vie.
Durée de la cure. On sait qu'à aucun établissement thermo-minéral la durée
delà cure n'a rien de fixe et dépend de circonstances très-complexes. Au Vernet,
où se traitent des affections essentiellement chroniques, avec lesquelles on ne peut
réussir sans faire preuve d'une grande persévérance, il est plus que partout
impossible de limiter, approximativement même, le temps que les malades doivent
y séjourner.
On n'exporte l'eau d'aucune des sources du Vernet.
A. ROXUREAU.
Bibliographie. — Notice sur le grand établissement thermal de Vernet-les-Bains, près Pradcs
{Pyrcnées-Orientalcs). Paris, 1842, in-8°, 32 pages. — Pigi.owskj. Notice sur l'établissement thei-
vial des anciens thermes de Vernet [Pyrénées-Orientales]. 2° édilioii, Perpignan, 1851, in-8",
40 pages. — Du mè.me. Quelques considérations sur l'emploi des eaux minérales sulfureuses du
Vernet [Pyrénées-Orientales] . Extrait du Moniteur des hôpitaux, 1856ct brochure. Paris, 185G
in-S", 15 pages. — Du sième. Quelques réflexion ssur l'utilité de la médication hydro-miné-
rale en toutes saisons. Paris, 18G0 , 'in-S", 20 pages. — Su.idl (II. 1. Thermes Mercader.
Notice sur les eau.c mlnércdes sulfureuses de Vernet [PyréHées-Q'^ientales], Moulpellier,
LEVICO (kaux Mi.Mir.AtEs de). '125
18r-)2, in-8^ 80 pages. — Hesry (0.). Anahjsc de Veau mincrnle sulfureuse du Verncl. In
Bulletin de V Académie de médecine, 1855. — Filuol (E.). Eaux minéialcs des Pyrénées....
Paris, 18ûô, in-12. A. R.
LETico (Eaux minérales de), athennales, sulfatées ferrugineuses fortes,
carboniques moyennes. Eu Italie, clans le Treatln, au pied du mont Froute, à
1075 mètres au-dessus du niveau de la nier, est un bourg peuplé de 1855 habi-
tants, ton climat est beaucoup plus tempéré que celui des stations minérales
placées dans une vallée étroite, entourée de hautes montagnes de tous les côtés,
excepté au midi. Deux sources émergent de la montagne du nord dans deux
grottes distinctes, formées de micaschiste et de schiste argileux. Des pyrites, con-
tenant du fer, du cuivre, de l'arsenic et des couches ocreuses d'un jaune rou-
geàtre, se trouvent aux environs des grottes qui donnent leur nom aux sources.
L'une est la grotte de l'ocre; l'autre, la grotte du vitriol. La source de VOcre, ou
Supérieure ou de VEstomac, ou Bouée, ou Faible, est exclusivement employée
en boisson, tandis que la source du Vitriol, ou Inférieure ou Forte, fournit seule
aux bains de Levico.
L'eau de la source de l'Ocre ou Douce est claire et hmpide, lorsqu'elle a laissé
déposer une matière ocracée sur les parois de son bassin ; elle est sans odeur pro-
noncée; sa saveur est à la fois ferrugineuse et piquante ; elle est traversée par de
nombreuses bulles gazeuses, qui s'attachent en partie aux parois des verres qui la
contiennent. Sa température est de l2°,o centigrade. L'eau de la source du Vilriol
ou Forte n'est pas limpide, elle contient un précipité qui lui donne l'aspect de bière
foncée ou de cidre sans eau ; son odeur et sa saveur sont très-franchement ferru-
gineuses; son goût est assez styptique pour qu'elle puisse être facilemeiii ingérée.
Elle lie paraît point gazeuse, et pourtant elle renferme jdns d'acide carbonique
que la source de l'Ocre; sa température est de 15", i centigrade. M. le docteur
Louis Manetti, professeur de chimie à l'école municipale de Trente, a fait l'analyse
chimique de l'eau des deux sources de Levico ; il a ti-ouvé dans 1000 grammes de
chacune d'elles les principes suivants :
SOOIiCE DE L'oCBE. SOL'nCE DU VUl.lOU
SulTale de Cuivre » 0,0i70
feneux 0,4008 0,0290
— fenique » 4,5210
— manganèse » traces.
— alumino » 0,8428
— magniibie 0,2630 0,1304
— cliaux 0,1520 1,0320
soude » 0,0120
»- ammouiaf|ue » 0,0105
Oxyde de fur O.OtJTl
— alumine 0,047'2 »
— manganèse traces »
Acide silicique 0,0250 0,0230
— arsénieux 0,0099 0,^008
Matièies organiques 0,0190 »
Total des MAiiiiiiEs fixes. . . 0,9C20 0,4885
Gaz acide cai-boniLiue li';rc 0,1990 gramme. . 0,2720 gramme.
L'établissement minéral de Levico se compose d'une buvette, de salles garnies
de baignoires de marbre et d'une pièce pour l'application topique dn dépôt de la
source du Yitriol.
Emploi tiiép.apeotique. L'eau de la source de l'Ocre ou Faible se boit à la dosa
de quatre àjinit ven'cs, le matin, ît jeun, et de deini -heure en demi-heure ; quel-
424 LEVIER (physique).
ques malades en fonl usage aux repas, pure elle plus souvent coupée de vin. Les
bains se prennent avec l'eau de la source du Vitriol ou Forte, chauffée à 52" centi-
grade ; leur durée varie d'une demi-heure à une heure. Les boues oci^acées de cette
source sont appliquées en cataplasmes, constamment renouvelés dès qu'ils sont secs.
Les eaux de la source Faible de Levico sont seules, à proprement parler, des
eaux minérales, car celles de la source Forte ne sont qu'une lixiviation des pyrites
avec lesquels elles sont en contact: ce sont des eaux factices, pour ainsi dire.
Nous entrerons dans plus de détails aux articles Eaux minékales et Recoauo (Eaux
minérales de) ; nous renvoyons donc à ces mots.
Les eaux de la source Faible de Levico, en boisson, ont une action tonique et
reconstituante marquée. Les bains avec l'eau de la source Forte sont un puissant
adjuvant de la médication interne. Les cataplasmes de boues ont un effet résolutif.
M. le docteur Perugini, qui a publié une monographie sur ces eaux, les vante
dans l'anémie, la chlorose, les convalescences difficiles, la dyspepsie et l'hépato-
splénite; c'est l'eau en boisson qui fait la base du traitement alors ; tandis que ce
sont les bains d'eau et les applications locales de matière ocreuse qui conviennent
dans les paralysies consécutives à une affection cérébrale ou médullaire, dans les
rhumatismes simple et goutteux, dans les affections organiques du cœur et des
gros vaisseaux, dans lesquelles il importe de modérer la cuxulation sanguine, dans
les névralgies, dans les maladies de la peau et même dans la pellagre. M. Perugini
pense que les eaux de Levico, en bains surtout, sont hypers théniques des systè-
mes artériel et veineux, quel que soit le calibre des vaisseaux.
Durée de la cure, de 20 à oO jours.
On n'exporte pas les eaux de Levico. A. Rotureau.
Bibliographie. — Perugini. Notizia siill' ricgua minérale de Levico, 186i. In Ippocradco di
Toriuo, octobre 1807. — Notes sur les eaux de Levico, envoyées à l'Exposition universelle
de Paris, 1867. — In Annales de la Société d'hydrologie médicale de Paris, t. XIU, pan-es
86-193, 198; 1867-18G8. A. R.
LEVIER. § L Physique médicale. On donne, en mécanique, le nom de
levier à une verge rigide, inflexible et inextensible, libre de tourner autour d'un
Fis. 1.
point fixe appelé point d'appui, et soumise à l'action de deux forces qui tendent
à lui imprimer des mouvements de sens contraires.
LEVIER (pin-siQut;). ^"^5
Soient : AB (fig. 1) un levier, G le point d'appui, P, R deux forces agissant la
première en A, la seconde en B, dans le sens des flèches. AC est le bras de levier de
la force P, BC le bras de levier de la force R. Le problème à résoudre est le suivant:
Quel doit être le rapport des iiilensités des forces P, R, pour que le levier ÂR
reste en équilibre entre les deux actions qui le sollicitent en sens contraires.
Prolongeons les directions des forces jusqu'au point D où elles se rencontrent,
et construisons, d'après la règle du parallélogramme des forces, leur résultante S.
Évidemment, pour que le levier reste eu équilibre, il suffit et il faut que cette
résultante S passe par le point d'appui G. Par ce point G, menons les perpendicu-
laires GF, GE sur les directions des forces P, R. Puisque G est un point pris sur
la direction de la résultante S, il résulte des lois de la composition des forces que
les intensités des composantes P, R satisfont à la relation suivante :
P:R::CE:CF
Mais, dans cette proportion, le produit des extrêmes est égal à celui des
moyens, nous pouvons donc mettre cette relation sous la forme suivante :
PXGF=:RXCE.
Eu mécanique, le produit PxCF de la force P par la perpendiculaire menée du
point d'appui G sur sa direction s'appelle le moment de la force P ; de même R X CE
est le moment de la force R.
Pour que la résultante S des deux forces P, R passe par le point d'appui G,
c'est-à-dire pour que ces deux forces P, R appliquées aux extrémités du levier AB
se fassent équilibre, il suffit et il faut que :
« Les intensités des forces P, R soient inversement pvopo7'tiounelles aux lon-
gueurs des perpendiculaires GF, GE menées par le point d'appui G sur leurs
directions ou, en d'autres termes, que les moments de ces forces soient égaux. »
L'intensité de l'action d'une force donnée sur un bras de levier également
donné est donc proportionnelle ^awmoment de cette force, et par suite à la lon-
gueur de la perpendiculaire menée par le point d'appui sur sa direction. 11 eu
résulte que, la force et le
bras de levier restant les mê- /
mes, l'intensité de l'action t/
de la force varie avec la lon-
gueur de cette perpendicu-
laire, ou avec l'inclinaison
de la force sur le bras de -A-r/ "" ' ,^
levier, augmente à mesure
que l'angle de la direction
de la force et du bras de le-
vier se rapproche de Vangle
droit et atteint son maxi-
mum, quand la direction de
la force est perpendiculaire Fig. 2.
à son bras de levier.
Dans le cas oîi (fig. 2) les forces P, R sont parallèles, si GF, CE sont les per-
pendiculaires menées par le point G sur les directions des forces, nous avons
toujours pour condition d'équilibre :
P:R ::GE:CF
426 LEVIER (puyskiue).
Mais dans ce cas, ECF est nécessairement une ligne droite, les deux triangles
CÂF, CBE sont semblables et nous avons :
CE:CF::CB : CA
donc P: Tt ::CB:CA.
Par conséquent, dans le cas de deux forces parallèles P, R appliquées aux extré-
mités d'un levier, l'équilibre existe :
« Lorsque les intensités des deux forces P, R sont inversement proporlion-
nelles à leurs bras de levier CA, CB. »
Le levier étant généralement employé pour exercer une pression, surmonter
une résistance, soulever un poids ou lui faire équilibre, l'une des forces agis-
sautes, la force P, prend la dénomination de puissance, et l'autre, la force R, est
désignée sous le nom de résistance.
La position du point d'appui par rapport aux points d'application de la puis-
sance et de la résistance ne change en rien les conditions d'équilibre du levier,
mais elle exerce une influence considérable sur l'intensité de la pression que l'on
peut exercer, sur le poids que l'on peut équilibrer ou soulever, sur la vitesse
de déplacement que l'on peut communiquer avec une force donnée. De ce point
de vue nous devons distinguer trois genres de levier.
Dans le levier du premier
geni^e (fig. 5), le point d'ap-
pui C est placé entre la puis-
/ sauce P et la résistance R, il
peut se présenter trois cas :
1° Le bras de levier AG
de la puissance P est égal
au bras de levier BC de la
résistance R; alors néces-
sairement l'équilibre existe
lorsque la puissance et la
résistance sont égales. La pression exercée au point B par l'intermédiaire d'un
semblable levier est donc exactement égale à celle que la puissance P pourrait
réaliser si elle était directement appliquée au même point.
2" Le bx'as de levier AC de la puissance P est plus court que le bras de levier BG
de la résistance R; nécessairement la pression supportée en B est plus faible que
celle qu'exercerait la puissance P directement appliquée en B. Si, par exemple,
AC est le dixième de BC, la pression à l'extrémité B du levier n'est que le
dixième de celle cjui serait réalisée par l'application directe de la puissance P au
point B.
5" Lorsque le bras de levier AC de la puissance P est plus long que le bras de
levier BG de la résistance R, la pression réalisée en B est supérieure à celle qu'on
obtiendrait en appliquant directement la puissance P au point B. Avec un bras
de levier AC dix l'ois jûus long que BC, on obtient en B une pression dix fois
plus forte qu'en faisant agir directement la puissance P sur ce point B.
Dans le levier du second genre (fig. 4), le point d'application B de la résis-
tance R est placé entre le point d'appui C et le point d'application A de la puis-
sance P. Nécessairement alors le bras de levier AC de la puissance est plus long
que le bras de levier BG de la résistance, et la pression réalisée en B eut p)bis con-
Fis. 3.
c
LEVIER (physique). 421
sidérabîe que celle que déterminerait la puissance P diredement appliquée au
point B. Dans le cas où le point B est, à partir deC, au dixième de la longueur
de AC, la pression réalisée
en B est dix îok plus forte
que celle qu'on obtiendrait
en faisant agir la puis-
sance P directement sur le
point B.
Enfin, dans le levier du
troisième genre (fig. 5), /
le point d'ap[ lication A de /
la puissance P est situé
entre le point d'appui C et
le point d'application B do
la résistance B. Le bras de
levier A G de la puissance
étant plus court que le bras de levier BC de la résistance, la pression en B est
nécessairement plus faible que si lu puissance P agissait (iirectement sur le
point B, Si, par exemple,
AC est le dixième de BC, /f^
la pression en B n'est que
le dixième de celle que
déterminerait la puissance
P directement appliquée /
au point B. -g ^ .^ / % ^
Tant qu'il ne s'agit que 7 A
Fig. 4.
de réaliser une pression ou
de faire équilibre à un
poids, on peut donc, en
disposant convenablement
la position du point d'ap-
pui de levier, multiplier Pi-, g
ou diminuer à volonté, et
dans des proportions déterminées, l'action des forces. Il n'en est plus de même
quand on veut exécuter un travail; le levier peut faciliter l'emploi de la force
dans telle ou telle circonstance, mais, en aucun cas, le travail produit par l'in-
termédiaire du levier ne peut excéder celui que réaliserait l'application directe
de la force.
Le travail exécuté par une force dans un temps donné est le produit de cette
force par le chemin que fait son point d'application suivant sa direction. Dans une
machine employée à soulever un fardeau, le travail moteur est égal au produit de
la force motrice par le chemin qu'a parcouru sou point d'application; le travail re'sis-
tant, qui représente le travail effectué, est le produit du poids soulevé par la hau-
teur à laquelle il a été transporté. Il est iacile de voir qu'en faisant abstraction des
frottements, quand la machine est animée d'un mouvement uniforme, le travail
moteur et le travail résistant sont nécessairement égaux. Du moment, en effet,
où le mouvement est uniforme, la force motrice et la force résistante (ou poids à
soulever) doivent se iaire équilibre comme si la machine ne se mouvait pas : car
si ces deux iorces ne se neutralisaient pas mutuellement, celle des deux qui l'em-
4-28
LEVIER ( l' u Y s i Q u E )
porterait sur l'autre modifierait évidemment à chaque instant la marc'he du sys-
tème.
Cela posé, soit P (lig. 6) une force motrice employée à soulever le poids R, an
moyen du levier AB. Le système étant animé d'un mouvement uniforme, la force
motrice et la résistance se font équilibre et nous avons
ou
P : R ; : BG : AG
P_BG
R'~AG'
a)
Le levier AB d'abord horizontal tourne d'un mouvement uniforme autour du
point C et, au bout d'un certain temps, a pris la position A'B'. — Le point d'appli-
cation A de la force motrice P s'est déplacé de la quantité AA', et le poids R a été
soulevé en R' de la quantité BB'; mais évidemment les chemins parcourus par les
point d'application de la puissance et de la résistance satisfont à la condition :
AA' : BB'
AA'
"''Bir^
AG
BG
(2)
Si nous nmltiplions membre à membre les équations (1) et (2), nous avons
PXAA' ACxBC
d'où
RxBB' AGxBi
PXAA'= R XBB'.
= 1
(3)
,-:»'
B
Dans l'équation (5) le premier membre représente le travail moteur et le
second membre le travail résistant. Quel que soii le genre de levier employé,
ces deux travaux sont nécessairement égaux, donc le travail effectué par une
force, par l'intermédiaire d'un levier, ne peut jamais excéder le travail que pro-
duirait la force appliquée directement à la résistance.
Dans la figure C, les che-
mins AA', BB', parcourus par
les points d'application de la
force motrice P et de la ré-
sistance R sont directement
proportionyiels aux bras du
levierde ces forces, et, comme
ces chemins sont parcourus
dans le môme temps, il en
résulte que, dans l'emploi du
levier comme moyen de trans-
mission des forces :
« Ce que l'on gagne en force
on le perd en vitesse, et réci-
proquement. ))
Toutes les fois donc que, pouvant disposer de la puissance, on voudra surtout
communiquer à la résistance une grande vitesse de déplacement, on devra recourir
à un levier du troisième genre, ou à un levier du premier genre, dans lequel le
bras de la puissance soit plus court que celui de la résistance.
Lorsqu'au contraire on veut simplement déplacer une résistance coasidérablo
Vu
Hs. 6,
LEVIER (iiiYsjQiE). i'2d
avec une faible vitesse et une force de grandeur limitée, on doit employer un levier
du second genre, ou un levier du premier genre, dans lequel le bras de la puis-
sance soit plus long que celui de la résistance.
Quelle que soit Fautovité de Pline, il nous est impossible d'admettre aveclui que le
levier ait été imaginé en 1 240 par Cyaire, de l'ile de Chypre. Pour faire comprendre
le peu de confiance que mérite une pareille assertion, il nous suffira sans dortc
de rappeler ici que les pyramides d'Egypte ont été b;Uies sous l'ancien empire, dont
la onzième et dernière dynastie est antérieure de quelques années à Abraham. Les
lionmies qui ont exécuté de tels travaux connaissaient certainement le levier, dont
l'usage remonte probablement aux premiers âges de l'humanité. Les conditions
d'équilibre de deux forces agissant sur un levier ont été découvertes par Archi-
niède ; ce grand mathématicien était tellement convaincu de la puissance de cette
machine qu'il aimait à répéter : « Donnez-moi un point d'a]ipui et je soulèverai
la tenc : Da viihi uhi consistam et terram loco dimovebo. » Un mot d'explication
est nécessaire pour bien fixer la valeur réelle de ce mot d'Archimède. Sans doute,
en agissant à l'extrémité d'un bras de levier suffisamment long, un homme, ne
mettant en action que sa force musculaire, tiendrait la terre en équilibra. Mais
(|uel résultat obtiendrait-d s'il voulait mettre la planète en mouvement? Le calcul
indique qu'en quarante millions d'années il la déplacerait tout au plus de l'épais-
seur d'un cheveu.
Chez les animaux, les os jouent le rôle de leviers et sont mis en mouvement
par les muscles, organes actifs de la locomotion. Sans entrer dans les détails qui
trouveront naturellement leur place dans les articles de ce Dictionnaire consacrés
à l'étude des diverses questions de mécanique animale, nous devons dire ici quel-
ques mots des principaux rapports des muscles et de leurs leviers osseux.
En raison du mode d'insertion des tendons, les axes de traction des muscles et
les leviers correspondants se coupent en général à angle aigu. Cette disposition
entraine une perte de force d'autant plus considérable que l'angle compris entre
l'axe de l'os et la direction de la puissance active est plus petit. 11 n'en est pour-
tant pas toujours ainsi; il nous sidTira de rappeler la direction des fdjres des
masséters et îles intercostaux par rapport aux branches horizontales de la mâchoire
intérieure et aux côtes, pour montrer comment, dans bien des circonstances, l'in-
sertion musculaire s'opère sous un angle favorable à la puissance active. Nous
devons encore signaler ici un fait qu'il ne faut pas perdre de vue. Souvent, à me-
sure que l'os est entraîné par l'action du muscle, l'angle, d'abord très-aigu, de l'axe
de Iraclion et du levier, augmente graduellement, de manière à rendre l'eflort de
contraction musculaire de plus en plus efficace.
Le levier le plus répandu dans l'économie est incontestablement celui du troi-
sième genre. Toutefois certains muscles ont avec les os des connexions plus favo-
rables à leur puissance et nous offrent des exemples de leviers du premier et
même du deuxième genre.
La tète peut exécuter sur la colonne vertébrale des mouvements de peu d'éten-
due, mais très-variés, qui sont répartis entre deux articulations. La flexion, l'ex-
tension, l'inclinaison latérale et la circumduction appartiennent à l'articulation
occipito-atloïdienne ; l'articulation atloïdo-axoïdienne ne permet que la rotation.
Dans tous ces mouvements, la tète représente évidemment un levier du premier
ganre. En effet, le poids à mouvoir est concentré au centre de gravité du crâne,
de l'encéphale et de la face; les puissances motrices sont les muscles qui s'insèrent
à la partie postérieure du crànc ; par conséquent les articulations, ou centres de
450 LEVIER (physique).
mouvement, sont placées entre la |juissance et la résistance. — Par l'intermédiaire
des pièces osseuses de la colonne vertébrale, les muscles spinaux postérieurs font
équilibre au poids de tout le tronc; il suffit de se rappeler la disposition du poids
des viscères en avant et le mode d'insertion des muscles aux apopbj ses transverses
et épineuses pour demeurer convaincu que chaque vertèbre joue le rôle d'un
levier du premier genre h mouvements très-peu étendus. Ajoutons d'ailleurs que
les insertions de ces muscles spinaux postérieurs aux apophyses trausverses et
épineuses des vertèbres et à la partie postérieure de l'occipital se font sous des
angles très-rapprochés de l'angle droit et très-favorables à la puissance. — Nous cite-
rons encore comme muscles agissant sur des leviers du premier genre et dans une
direction qui entraîne très-peu de perte de force, les muscles qui, prenant leur
point d'appui sur le membre inférieur, servent à faire basculer le bassin en avant
et en arrière autour de l'articulation coxo-fémoralc. — Les nniscles spinaux posté-
rieurs et les muscles du bassin n'impriment jamais aux pièces osseuses que des
mouvements d'une faible étendue; le plus souvent ils se bornent à maintenir
l'équilibre en prévenant des déplacements, et doivent agir dans tous les cas avec
beaucoup de sûreté. De tous les leviers, ceux du premier genre sont certainemi ut
les mieux disposés pour obtenir des effets de cette nature.
Dans la station verticale, le poids du corps tout entier est transmis aux os du
pied par l'astragale. Dans l'acte du redressement sur la pointe du pied, les méta-
tarsiens et les os du tarse, solidement réunis parleurs hgaments, font l'office d'un
levier dont le point fixe est à l'extrémité antérieure des métatarsiens. Les puis-
sances actives, les jumeaux et le soléaire, s'insèrent à angle droit au calcanéum
par le tendon d'Achille; elles agissent donc sur un levier du deuxième genre et
dans la direction la plus favorable à l'exercice de la force pour soulever le poids
du corps tout entier autour de l'extrémité antérieure du métatarse fortement
appuyé contre le sol.
Parmi les très-nombreux leviers du troisième genre de l'économie, nous nous
contenterons de mentionner les deux exemples suivants. Le grand pectoral s'in-
sère : d'une part, au bord antérieur de la clavicule, à la face antérieure du sternum,
aux cartilages des deuxième, troisième, quatrième, et surtout cinquième et
sixième côtes, à la partie externe de cette dernière et à Papoues rose abdominale;
d'autre part, par un tendon aplati, au bord antérieur de la coulisse bicipitale de
l'humérus, assez près de l'articulation scapulo-humérale. Quand les parois tliora-
ciques sont hxées, ce muscle joue le rôle d'un adducteur du bras; au moyen d'un
bras de levier très-court, il agit sur l'humérus comme sur un levier du troisième
genre dont le centre de mouvement est dans l'articulation scapulo-humérale.
Le biceps brachial s'insère : en haut, au sommet de l'apophyse coracoïde et à la
partie la plus élevée de la cavité glénoïde ; en bas, à la tubérosité bicipitale du
radius par un tendon qui passe en avant de l'articulation du coude. Ce luuscle est
un fléchisseur de l'avant-bras sur le bras et agit évidemment sur le radius comme
sur un levier du troisième genre, par un bras de levier très-court. Au moment
où la flexion de l'avant-bras sur le bras commence, le tendon est presque paral-
lèle au radius et la puissance agit dans une direction très-défavorable. A mesure
que la flexion s'opère, le tendon change de direction [)ar rapport au levier, le
moment de la puissance augmente. Enfin, quand le membre est dans la demi-
flexion, le tendon est perpendiculaire au radius ; cette position est évidemment
la plus favorable à l'action du muscle.
Toutes les fois cjue la puissance musculaire est employée comme moyen de
LEVIER (obîiétuiqce). 451
faire équilibre à un poids déterminé ou à exercer une pression, le levier du troi-
sième genre a l'inconvénient d'entraîner une perte de force. Mais ce levier offre
des avantages quand il s'agit de communiquer à une partie du corps un mou-
vement rapide et d'une grande étendue. Ainsi, sans sortir des deux exemples que
nous avons cités, il est évident que, grâce à leurs insertions très-rapprocliées des
surfaces articulaires, le grand pectoral et le biceps brachial peuvent, même en se
raccourcissant très-peu, soit imprimer à la main une très-grande vitesse, soit lui
faire parcourir un arc d'une amplitude très-considérable. Le levier a donné son
nom à un instrument obstétrical, dont il est question ci-après. J. G.
§ II. Obstétrique. On a désigné par le nom de levier des accoucheurs,
vectis obsteiricius, un instrument destiné par ses inventeurs à agir, à la
manière d'un levier prenant son point d'appui sous l'arcade du pubis, sur la
tète du fœtus pour la forcer à descendre dans le canal du bassin et des organes
génitaux. On lui a donné en outre pour usage accessoire de redresser la tète dans
les présentations déviées ou inclinées, de lui faire exécuter les mouvements de
flexion et de rotation à l'aide desquels elle s'engage naturellement dans le détroit
inférieur, enfin d'exercer des tractions plus ou moins directes, de manière à le
faire désigner parfois sous le titre bien peu mérité de tractor. Il consiste simple-
ment en une tige de fer ou d'acier d'une longueur et d'une largeur variables,
présentant à ses extrémités deux courbures d'une grandeur inégale dirigées dans
le même sens ou une seule, l'autre extrémité se terminant par un manclie diver-
sement configuré. Le levier, considéré comme moyen d'extraction, a])rès avoir
été employé et avoir fait beaucoup de bruit vers le milieu et jusque vers la fin du
dernier siècle, est tombé dans l'oubli, malgré des tentatives réitérées pour le
réhabiliter, et, à tort ou à raisou, il n'a plus, depuis longtemps, qu'un inté-
rêt historique. L'époque pi'écise de sa découverte est restée entourée d'obscurités,
et son origine semble se confondre avec celle du forceps. D'après une version
de Mulder, que de nouveaux documents sont venus appuyer, Hugues Cham-
berlen en serait l'inventeur. Cet accoucheur, qui jouissait d'une grande réputation
à Londres, paraît avoir été en possession, dès avant 1072, d'instruments parmi
lesquels se trouvait le levier, pour extraire l'enfant vivant lorsque quel([uc obsta-
cle s'opposait cà sa sortie. En effet, il annonce dans la préface d'une traduction de
Mauriceau qui porte cette date, que son père, son frère et lui possédaient un se-
cret au moyen duquel ils pouvaient délivrer des femmes sans détruire l'enfant,
quoique le bassin lut petit. Deux ans avant cette publication, il était venu à Paris
dans l'espoir de vendre son secret ; mais le hasard l'ayant mis en présence d'une
femme que Mauriceau déclarait ne pouvoir accoucher à cause de l'étroitesso du
bassin, il se vanta imprudemment de pouvoir la délivrer. Il ne recueilht de sa
tentative que la confusion d'un échec et le discrédit de son secret. H. Cliamberlen
ayant fait, en 1695, un séjour assez prolongé à Amsterdam, on suppose, d'après
la version que j'expose, qu'il vendit alors son secret à Roger Roonhuysen. Ici
surgit une difficulté. Il est certain que les Chauiberlen faisaient usage d'un for-
ceps droit déjà assez perfectionné. Avaient-ils en même temps saisi et mis à
profit les avantages qu'on peut tirer du levier? Cela paraît aujourd'hui peu dou-
teux. Denman regardait même connue probable que l'instrument employé au
dernier siècle par les Chamberlen était le levier. « Mais ceci, ajoute-t-il, n'est
que conjecture ; car malgré toutes mes recherches, je n'ai pu découvrir qu'aucun
d'eux ail laissé une description de l'instrument qu'ils employèrent, » 3Iais plus
4"2 LEVlhn (oDSTKïniQUE).
tard on a retrouvé les instruments qu'ils tenaient si bien caches. Rigby a donné
en 1855 la description d'instruments trouvés avec des pièces de correspondance
dans une vieille armoire d'une maison qui avait appartenu de 1685 à 1715 à la
famille Cbamberlen. On y voit figurer des forceps de diverses formes et un levier
qui est probablement le modèle de celui que II. Cbamberlen céda à Roonbuyseii.
On suppose qu'il ne vendit que la moitié de son Secret, se réservant le forceps.
Il est curieux de voir une famille composée de membres distingués, aveuglée par
l'instinct du lucre, et rendue insoucieuse de sa gloire et de son honneur, au point
d'en dérober les titres, non-seulement à ses contemporains, mais encore à la pos-
térité, qui devait s'efforcer, dans son esprit d'impartiale justice, de les lui resti-
tuer. Si les Roonhuysen n'ont effectivement d'autres titres à revendiquer l'instru-
ment qui porte leurnom que de l'avoir acquis à prixd'argent, ondoit regretter
qu'ils n'aient jas eu, au moins, l'ambition de se donner l'honneur de le faire con-
naître dès qu'ils eurent appris à en faire usage, au lieu de suivre l'exemple hon-
teux des Cbamberlen. Que dire de Ruisch, dont le nom célèbre se trouve mêlé à
cet indigne trafic! Quoi qu'il en soit, R. Roonhuysen acquit la réputation de ter-
miner sans peine, par des moyens tenus secrets, les accouchements les plus dif-
ficiles. Parmi le petit nombre d'initiés à prix d'argent que la possession du secret
de Roonlmysen fit connaître se placent en première ligue : Boom, Titsingb,
surtout Jean de Bruyn, dont le registie menlionnait huit cents accouchements
laborieux terminés heureusement, durant une pratique de quarante-deux ans.
A la mort de ce dernier, deux médecins distingués d'Amsterdam, Jacques de
Vischor et Hugo de Van de Poil, mus par un sentiment honorable, achetèrent do
son gendre pour la somme de 5,000 livres de France, dit-on, le tameux secret
sous la réserve habituelle de ne pas le faire connaître.
Ne se croyant pas tenus de respecter une clause contraire à l'honneur scienti-
fique et à la dignité professionnelle, après avoir mis en ordre les notes laissées
par de Bruyn, ils les publièrent eu langue hollandaise, en 1755, avec une figure
de l'instrument, sous un titre qui signifie : Le secret de Roonhuysen révélé. Cet
opuscule parut l'année suivante, par extrait, en langue française à la suite du
premier volume de la traduction française du Traité de Sniellie avec la figure de
l'instrument. C'est une lame de fer longue de 11 pouces, large de près de 1 pouce,
épaisse de 1 hgne 1/2, présentant à ses extrémités deux courbures peu profondes et
d'une étendue inégale. Cette lame est garnie à ses extrémités et sa partie moyenne
d'une bandelette enduite d'emplâtre diapalme, le tout recouvert d'une peau de
chien pour atténuer les effets de la pression sur la tête de l'enfant et contre l'arcade
des pubis. Les leviers de la période occulte présentent déjà quelques différenccï,
celui de Boom a aussi deux courbures, mais plus profondes et plus longues, celui
de Titsingb a une seule courbure plus profonde et plus étendue et le manche se
termine par un anneau; le premier est revêtu d'une piau de chien, le second
d'un tissu de laine.
Les accoucheurs qui n'étaient pas gagnés d'avance à la cause du levier durent
éprouver quelque déception eu voyant l'instrument merveilleux si ]ongtem[)s tenu
secret, ils durent penser que sa valeur n'était pas eu rapport avec le bruit qu'il
avait fait. Ajoutons qu'il avait le désavantage de rencontrer à son entrée dans la
vie publique un rival redoutable qui avait déjà partout pris pied dans le domaine
de la pratique. Le forceps, qui avait pris dans les mains de Levret et de Sniellie la
forme la mieux appropriée à ses usages, commençait à se vulgariser, grâce aux écrits
ot aux leçons de ces deux célèbres accoucheurs et de leurs nombreux élèves. Tou-
LEVIER (obstétrique). -455
tefois le mouvement qui s'était produit en Hollande en faveur du levier persista et
s'étendit même au dehors, comme le prouvent les nombreuses variétés de formes
qu ou lui avait fait s',;bir avant la fin du siècle, et qu'on trouve figurées dans
l'ouvrage de Mulder. Camper, dans ses Fiemarques sur les accouchements labo-
rieux par l'enclavement de la tête et sur l'usage du levier de Boonhuysen, insé-
rées parmi les Mémoires de l'Académie royale de chirurgie, s'attacha à mieux
faire comwître en France et justifier la pratique hollandaise. 11 doinie aimée par
année, de 1741 à 17C5, la liste des accouchements laborieux terminés par Titsingh
et Berkn;an, les deux accoucheurs jurés de l'époque, gagés par la viile d'^^mster-
dam pour assister les femmes pauvres. Cette liste renferme un nombre considé-
rable de tètes prétendues enclavées ; mais l'omission des résultats obtenus par
l'intervention du levier lui fait perdre une partie de sou intérêt. Une récapitu-
lation comprenant neuf années, de 1757 à 1765, est un peu plus explicite : sur
89 enfants, dont les tètes étaient enclavées, 72 sont nés vivants et 17 morts; plu-
sieurs de ces derniers étaient morts avant l'opération et se présentaient avec une
procidence du cordon. Tous les enfants qui présentaient la tête ont été tirés par-
la spatule ou levier. Camper, qui avait fait, en 1749,1e voyage de Londres pour se
perfectionner dans la médecine pratique, avait vu Smellie opérer et il en fut émer-
veillé, mais il n'eu resta pas moins partisan du levier. Deux chirurgiens versés
dans l'art des accouchements, correspondants de l'Académie royale de chirurgien,
Ricaudeaux à Douai etYarocquier à Lille, ont prétendun'avoirpasattendu la publi-
cation du levier de Roonhuyseu pour en connaître les avantages. Le premier as-
sure avoir terminé par cette méthode plus de quarante accouchements laborieux en
très-peu de temps, dont la difficulté venait de la disproportion du passage et du
volume de la tète de l'enfant. Le second, place sur un plus grand Ihéâtre, aurait
eu des occasions plus nombreuses encore d'employer ce moyen, s'il est vrai,
comme il l'assure, qu'il s'est servi avec un succès constant de son levier sur plus
de mille à douze cents femmes dans des accouchements laborieux. La prétention
de la supériorité du levier sur le forceps a eu dans Herbiniaux, accoucheur expé-
rimenté à Bruxelles, son plus ardent et sou plus compendieux défenseur. En eflet,
il a consacré deux volumes à la défense de cette thèse, en partie remplis de criti-
ques acerbes dirigées principalement contre Levret, et surtout contre Baudeîocque,
qui avaient soutenu et longuement développé la thèse contraire. Se servant ex-
clusivement du levier, Herbiniaux en avait bien compris l'usage et les ressources
tout eu les exagérant. Il avait fait subir au levier une modification à laquelle il
attachait beaucoup d'imj5ortance.
La figure primitive du levier de Roonhuyseu présente une petite corde nouée
sur le manche un peu en arrière de sa grande courbure, sur laquelle la notice de
J. de Vischer et de Van de Poil ne s'exphque pas. Était-ce un point de repère pour
juger de la profondeur de l'introduction ou bien un moyen de combiner la trac-
tion avec l'action du levier? Quoi qu'il en soit, c'est pour remplir cette dernière
indication cjue Herbiniaux fit perforer son levier à la base de sa courbure pour y
fixer une corde. Herbiniaux donne sur ses opérations des détails plus circoiî-
stanciés qu'on ne l'avait fait avant lui, et qui font de quelques-unes de véritables
observations. Il n'est pas douteux qu'il n'ait plusieurs fois entraîné des têtes
retenues par un obstacle sérieux.
L'opposition rationnelle, et, du reste, fondée de Levret, de Baudeîocque et de
toute l'école qui procédait de ces deux grands maîtres, l'évidence surtout de la
supériorité du forceps sur le levier comme méthode générale d'extraction de la
mcT. ENC. 2* s. II. 28
434 LEVIER (obstéteique).
tèfe, ne permirent pas à cedernier d'être jugé expérimentalement autant pent-ètre
qu'i méritait de l'être. 11 fut repoussé avant qu'on eût suffisament examiné s'ij
n'est pas des cas, comme les déformations du bassin où il peut offrir une ressource
plus puissante et devenir d'une application plus facile que le l'orceps. Rejeté
comme moyen d'extraction, le levier fut accepté comme agent de redressement, de
flexion de la. tète dans ses présentations déviées et de rotation dans le sens de ses
mouvements naturels. C'est en vue de ce rôle accessoire qu'on a donné en France
à sa partie recourbée plus d'étendue et plus de profondeur qu'on a élargi et fenêtre
la partie qui forme cuiller. L'indication de redresser la tête sendjlait alors ti-ès-
commune. On avait fait, à tort, de ses déviations autant de présentations consi-
dérées comme des causes d'accoucliement laborieux. Mais une connaissance plus
complète du mécanisme de l'accouchement a fait justice de ces causes de dystocie,
en montrant que lorsqu'elles se rencontrent au début, elles se corrigent générale-
ment sous l'influence des progrès du travail et qu'il est d'une mauvaise pratique
de chercher intempestivement à les corriger. Le levier repoussé comme moyen
d'extraction, et réduit au seul usage de redresser la tête, de corriger les présenta-
tions et les positions dans les rares occasions oîi cela peut devenir nécessaire et où
la main ou une branche du forceps peut généralement le remplacer, n'a plus
ligure, en France, dans les traités classiques, que pour mémoire et comme un
objet d'archéologie.
Le levier, pendant cette môme période, avait fait en Angleterre des conquêtes
plus étendues et plus durables. J'emprunte Fappréciation d'un juge compétent
et bien placé pour en juger : « Tandis que le levier dit Denman était très
en vogue et regardé à Amsterdam comme un progrès inappréciable de la pra-
tique de l'art des accouchements, l'instrument favori était ici le forceps, surtout
d'après les corrections de Smellie, qui était alors le professeur principal de l'art à
Londres ; cependant la pratique en chef dans cette cité fut successivement entre
les mains des docteurs Bamber Middleton, Nesbit, Cole et Griffith, dont quelques-
uns, sinon tous, préfèrent le levier au lorceps. A ces praticiens succéda le doc-
teur John Wathen, homme d'un grand esprit et très-habile ; il réduisit la gran-
deur du levier et opéra avec une habileté qui m'a souvent étonné. En 1757, épo-
<|ue de rétablissement charitable pour accoucher les femmes pauvres à domicile,
le docteur John Ford, le premier médecin désigné pour les soigner, employa le
levier dans toutes les occasions où il fallait des instruments; ses collègues et ses
successeurs, les docteurs Cooper, Cogan, Douglas, Sims, Squire et Croft, ainsi que
plusieurs autres, imitèrent son exemple. La juste réputation de ces praticiens, qui
constamment préférèrent le levier au forceps, a engagé plusieurs gens de l'art a
l'essayer, et l'opinion générale de son utilité est allée en croissant. Mamtenant
tous ceux qui se mêlent de la pratique des accouchements, se croiraient peu in-
struits, s'ils n'étaient pas familiers avec la structure et la manière d'employer le
levier: et quelques-uns qui,' soit par habitude, soit par éducation continuent à se
servir du forceps, conviennent sans difficulté du mérite égal, sinon supérieur du
levier. »
La pratique du levier avait, au contraire, à peine pénétré en Allemagne, et ce
n'est guère que par des recherches d'érudition et des appréciations théoriques que
les accoucheurs allemands ont touché à l'histoire de l'usage de cet instrument.
Les diverses écoles de ce pays, dont quelques-unes ont montré depuis un si remar-
(juable esprit d'initiative, suivaient alors docilement les errements de l'école de
Paris, représentée par Levret et Baudelocque.
LEVIER (obstétrique). 45
Taudis que le levier, comme moyeu d'extraction, était à peu près universelie-
ment tombé dans l'oubli, le souvenir de l'école hollandaise et les enorts opiniâtres
<l'Herbiiiiaux n'étaient pas complètement cftacés dans leurs centres de rayonne-
ment. L'usage de l'instrument s'était conservé par tradition dans quelques-unes
des provinces flamandes, et il a aujourd'hui des partisans très-autorisés dans
MM. Boddaert, Coppée, Fraeys, etc. , à Gand, qui semble avoir pris la place occupée
autrefois par Amsterdam et Bruxelles. Les travaux de ces praticiens distingués et
les observations qu'ils ont apportées à l'appui de leur pratique imposent, dans
une qviestion où des intérêts si graves sont enjeu, aux accoucheurs qui n'ont pas
subi l'empire du parti pris, le devoir d'un examen nouveau. Déjà M. ïarnier, dans
Y Atlas complémentaire de A. Lenoir et dans ses Additions à la 7^ édition du
Traité de Cazeaux, rappelant la pratique des médecins de Gand, fait un appel pres-
sant aux accoucheurs français, en attendant qu'il apporte lui-même son tribut
d'observations.
Il est bien entendu qu'il ne s'agit plus, aujourd'hui, de l'ancienne querelle du
forceps et du levier: la supériorité du premier, comme méthode générale d'extrac-
tion, est un fait définitivement acquis et hors de toute contestation sérieuse. La
•question véritable et actuelle est de savoir, si dans les délormations et les rétré-
cissements du détroit supérieur pouvant encore permettre à la tête de passer, et
■où le forceps laisse beauconp à désirer pour la facilité et la régularité de son ap-
plication et la direction des tractions, le levier n'offre pas une facilité d'application
plus grande, une puissance d'extraction supérieure et un danger moindre pour le
fœtus et peut-être pour la mère? C'est ce que les travaux contemporains sur l'usage
■du levier et ses résultats, comparés à ceux obtenus par le forceps dans les mêmes
conditions, tendent à montrer. Mais avant d'aborder cette question capitale, nous
avons à faire connaître les conditions inhérentes à sou emploi régulier, son mode
d'action comparé à celui du forceps. La formule sacramentelle : Potentia agit in
os occipitis, prononcée par les premiers initiés en livrant leur secret, contient
implicitement la théorie du levier. Elle consiste pour la présentation du crâne,
lorsque l'occiput est dirigé vers un point de la moitié antérieure du bassin
à donner au bras de la puissance un point d'appui sous l'arcade du pubis et à
■celui de la résistance une prise solide sur un point de la région sous-occipito-
mastoïdienne, de sorte qu'en faisant mouvoir l'instrument à la façon d'un levier
du premier genre, on force la tête à se fléchir ou à rester fléchie en s'avancant
à travers les détroits par ses plus petits diamètres. Les positions occipito-anté-
rieures primitives ou consécutives du vertex, formant à une période avancée du
travail la généralité des cas, il en résulte que le champ des applications ré<Tnhères
■du levier est très-étendu. Il est bien clair que ses premiers partisans, qui en taisaient
un fréquent usage, l'appliquaient habituellement à une période avancée du travail
lorsque la tête commençait déjà à presser sur le plancher du bassin, ou même à
s'engager dans le détroit inférieur. En effet, les cas dans lesquels un rétrécissement
du bassin ou une autre cause retient la tête au détroit supérieur, sont relativement
bien peu nombreux, comparés à ceux dans lesquels sa progression est entravée
dans le fond du petit bassin ou au détroit inférieur par des causes très-diverses et
souvent complexes. De là, à une période avancée du travail, cette apparente immo-
bihté de la tête sur divers points de l'excavation du bassin qu'on décorait, si im-
proprement et si abusivement, du nom d'enclavement. Il n'est pas douteux, par
exemple, que dans Vespèce d'enclavement « où la tête, arrivée au détroit inlé-
l'ieur du bassin, le front était si serré contre le sacrum, et l'occiput contre le
436 LEVIER (obstétrique).
pubis, qu'elle ne pouvait pas être poussée dehors par les efforts de la nature»,
il s'agissait, évidemment, d'une tête arrêtée, ayant déjà accompli ou en voie
d'accomplir son mouvement de rotation en avant. C'est justement, au dire de Cam-
per, dans cette espèce d'enclavement que lloonhuysen et ses imitateurs faisaient
habituellement usage du levier. C'est aussi le moment oiî, suivant le précepte, il
s'applique plus exactement sur l'os occipital, et où son mode d'action est le plus
en rapport avec la direction à donner à la tête. En effet, en poussant l'occiput en
bas et en arrière, il force la tête à se fléchir assez pour s'engager dans le détroit
inférieur par son diamètre sous-occipito-bregmatique, tandis qu'elle réagit sur le
plancher du bassin pour le creuser en une gouttière qui continue la paroi sacro-
coccygienne. Les contractions utérines et le levier, qu'on fait agir autant que pos-
sible de concert, dirigent leurs efforts communs sur la partie postérieure du péri-
née, dont la réaction tend à diriger la tète en avant ; désormais, au lieu de descendre
fléchie, elle va s'avancer, en exécutant par degros un mouvement d'extension
qui tend à engager de plus en plus l'occiput sous l'arcade du pubis. Dès que le mou-
vement d'extension delà tête commence, le levier agit à contre-sens, en empêchant
le sommet de se porter en avant ; il forcerait, à un moment donné, le périnée de se
déchirer, si rni^trument continuait à agir jusqu'à la fin. Suivant la remarque de
Camper, cet accident semble avoir été assez commun dans la pratique hollandaise:
« Souvent l'urèthre en est fort endommagée, souvent le périnée se fend plus que
dans l'accouchement naturel; et que lorsqu'on se sert d'un forceps quelconque. »
Le danger que court le périnée est en partie conjuré de la manière suivante : au
moment oîilatète est sur le point de se dégager, le point d'appui de la résistance
et celui de la puissance se confondent, et l'instrument cesse de tenir en place, à
moins de l'enfoncer plus profondément, en le faisant glisser sur le côté du cou
jusque sur l'angle delà mâchoire et même sous le menton, comme l'a proposé
et figuré Canq^er. Placé ainA, l'accoucheur en élevant le bras extérieur de l'in-
strument, au lieu de faire presser le front contre le sacrum et le périnée, fait
exécuter à la tèie un mouvement d'extension, en même temps qu'il lui fait suivre
une ligne courbe assez analogue à celle que représente la direction de l'axe du
bassin. Camper se trompait en interprétant la jiralique des Roonhuysiens par
ce procédé ingénieux de d égagcmeut de la tête à l'aide du levier ; outre que le
procédé n'est peut-être pas facilement applicable, le levier de Roonhuysen ayant
la même largeur dans toute son étendue, s'y prètei'ait peu. Cependant il est per-
mis de croire, d'après les impressions fortes, signalées par Camper, qui allaient
quelquefois vers l'angle de la mâchoire inférieure des enfants déhvrés par la spa-
tule, qu'ils faisaient à leur insu quelque chose d'analogue lorsqu'ils étaient forcés
de dégager la tête avec les seules ressources du levier. Dans un cas où Camper
avait dé ivre lui-même un enfant, dont la tète était enclavée, à l'aide de la spatule
de Boom avec un succès facile, l'impression qui laisse ordinairement une tache
rougeàtre sur les enfants vivants, s'avançait à côté de l'oreille jusque sur la mâ-
chou'e inférieure. Mais on suivait probablement dès lors la pratique recommandée
plus lard par Herbiniaux, de laisser à la nature le soin d'achever le dégagement
delà tète, ce qui était plus rationnel et plus sûr.
La tête enclavée, pour parler la langue du temps, ne s'offre pas toujours, comme
es Roonhuysiens le déterminaient, avec l'occiput vers l'os pubis et le front dans
la cavité de l'os sacrum. Elle se présente plus ou moins oblique; quelquefois elle
occupe transversalement la cavité du bassin, parfois la face est dirigée en avant ;
c'est-à-dire que la tète peut être en position occipito-cotiloïdienne gauche ou droite,
LEVIER (obstétrique). 457
en position occipito-iliaque directe de l'un ou de l'autre coté, eaiin eu position
occipito-postérieurc obliques ou directes. Occupons-nous d'abord des premières.
Ilelativeraent au point sur lequel doit porter l'extrémité de l'in.trument, on
voit que ce point, suivant l'obliquité de la tète, ne peut rester limité à la région
sous-occipitale, qu'il doit s'étendre sur toute la partie postéro-latéral de la base du
crâne y compris la région sous-mastoïdienne, et, en l'ait, il s'étend assez souvent
jusque sur l'angle de la màclioire inférieure. Excepté sur ce 'lernier point, la
pression de l'instrument ne peut guère entraîner d'accidents fàcliaux pour l'en-
fant, bien qu'elle puisse être considérable sur un point donné. En effet, si au mo-
ment où l'on commence à élever le mancbe de l'instrument, la pression s'exerce
d'abord par une portion étendue de sa partie concave, dès que la tète se flécbit,
s'incline ou descend, elle ne s'exerce plus que par l'extrémité de la lame. Portée
sur un point de la voûte, elle pourrait certainement l'eiiloncer, la fracturer, mais
kl base peut certainement résister à une pression considérable : la lésion se borne-
rait à une contusion plus ou moins forte, à une petite plaie contuse ou à des
écorchures plus étendues qui sont le résultat de glissements ou des efforts qu'on
fait pour maintenir l'instrument en plac >. En arrière ces lésions peuvent s'étendre
plus ou moins loin sur la racine du cou, mais n'affectant que des parties dépour-
vues d'organes essentiels, de gros troncs vasculaires et nerveux, elles ne sont
pas Irès-dangereuses pour l'enfant.
Herbiniaux n'avait chercbé à établir que le levier ne devait pas agir sur l'ex-
trémité postérieure du grand diamètre de la tête, mais sur un point central,
c'est-à-dire sur l'apopbyse mastoïde, que parce qu'il avait remarqué que, dans les
applications efficaces, c'était cette partie de la tète qui portait ordinairement les
traces de l'instrument. En effet, excepté dens les cas où elle est déjà engagée dans
le détroit intérieur, la tète reste oblique, et c'est sur un point compris entre
l'occiput et l'apophyse mastoïde que l'application se fait le plus régulièrement
et le plus solidement. Le meilleur moyen de donner à l'instrument une prise
solide, c'est de le placer sinon sous la symphyse, au moins sous le corps du pubis,
sans lui faire subir une déviation trop prononcée pour attendre l'os occipital ou
sans le rapprocher trop de l'ischion, ce qui le fait glisser avec une extrême fa-
cilité. La pression en arrière et en bas, s'exerçant sur la région sous-mastoïdicnne
ne semble guère propre à favoriser les mouvements de flexion et de rotation que la
tète subit en s'engageant dans le détroit inférieur, cette pression semble bien
plutôt disposée de manière à les contrarier. Mais comme le levier ne fixe pas la
tète et qu'on le fait agir concurremment avec la douleur, ces mouvements tendent
à s'exécuter, comme dans l'expulsion naturelle, sous l'influence de la forme du
détroit inférieur et de la réaction de la partie postérieure du plancher du bassin.
Mais quand la tète est amenée au point où commence le mouvement d'exten-
sion qui eu opère le dégagement, le levier appliqué sur la base de l'apophyse mas-
toïde ne contrarie guère moins ce mouvement, et expose autant à la rupture
du périnée que lorsque l'instrument est appliqué sur la base de l'occipital,
à moins qu'on ne laisse le dégagement de la tête s'opérer spontanément,
comme la pratiquait Herbiniaux. Malgré ces conditions défavorables, il n'est
pas moins certain que la tète retenue au détroit inférieur ou dans l'exca-
vation du bassin, en position occipito-antérieure directe ou oblique et même
transversale, a pu, entre des mains exercées, être facilement entraînée au
•dehors sans déterminer de lésions notables. 11 n'est pas moins certain que
les Roonliuysiens les plus habiles, malgré le bruit de leurs succès, échouaient
458 LEVIER (obstétrique).
assez souvent dans des conditions de conformation et de position régulières.
Bien cfue ceb insuccès, de même que les accidents, aient été fort tenus dans
l'ombre, ils n'ont pas moins laissé quelques traces. Camper rapporte qu'en
1752, par conséquent avant la révélation du secr.t, Boom laissa mourir une
femme sans être délivrée de son enfant, qu'on aurait pu délivrer avec le forceps
de Smellie; que Boom lui procura, l'année suivante, l'occasion de disséquer le corps-
d'une femme morte en travail avec son enfant, qui avait la tète de même que le
précédent, transversalement euclavée. Il avait essayé différentes fiiçons pour la
délivrer, mais il l'abandonna à la lin sans se servir d'autres moyens. Camper
introduisit à sa présence le forceps de Smellie et tira assez facilement la tète au
dehors, après avoir tourné la face en arrière, comme l'enseignait Smellie. Cam-
per, dont le témoignage n'est pas suspect, car il avait été séduit par le bruit des
succès de de Bruyn, de Titsingh,de Berkman, etc., ajoute : «Ils travaillaient jus-
qu'à ce que la tète de l'enfanl, à la fin étouffé, fût poussée au dehors; ou que
la mère aussi bien que l'enfant eussent rendu l'àme. « Lui-même, à Leyde, au
début de sa carrière obstétricale, ayant été appelé ]]our délivrer une jeune
femme de son enfant dont la tète était enclavée, il se servit d'un instrument
vanté alors pour être celui de Boonhuysen, mais sans effet, et la femme mourut
un quart d'heure après saiis avoir été délivrée.
On l'esté effrayé à l'idée seule de faire usage du levier dans la position occipito-
postérieure, en pensant aux désordres graves qu'il peut déterminer sur la face.
Cette crainte doit même se présenter à l'esprit toutes les fois qu'on lait usage
du levier, l'expérience montrant qu'on est fort exposé, lorsque la tète est tumé-
fiée, à prendre pour une position occipito-postérieure une occipito-antérieure,
à moins de s'assurer directement de la place occupée par la face. Un des points,
qui se présentent le plus naturellement à l'extrémité du levier dans les posilioiis.
occipito-postérieures directes ou obliques méconnues est justement l'une ou
l'autre arcade orbilaire, de sorte qu'on s'expose non-seulement à contondie la
face, mais encore à conipromettre d'une manière irrémédiable l'intégrité et les-
fonctions de l'œil lui-même. A en juger par quelques exemples d'extraction de-
là tète en position occipito-postérieure, les autres points de la face qui se pré-
sentent naturellement à l'extrémité du levier et lui fournissent une prise solide^
sont la tempe, les régions malaire, parotidienne, le maxillaire inférieur, qui
peuvent snpporter des pressions assez fortes sans subir des lésions graves. L'in-
strument étant fixé sur un point rapproché de l'extrémité antérieure de la tête
et poussant cette extrémité eu arrière et en bas, peut à la vérité favoriser le-
mouvement de rotation qui tend dans ces positions à diriger l'occiput en avant,
mouvement que le forceps peut encore plus sûrement exécuter. Mais si l'occiput
reste invariablement en arrière, le levier tend à contrarier le mouvement de
flexion exagérée par lequel la tête s'engage dans le détroit inférieur et glisse en dis-
tendant le périnée jusque sur la commissure postérieure de la vulve. Dès que la
partie postérieure de la tête n'a plus pour support l'extrémité inférieure du
sacrum, le coce.yx et les ligaments sacro-sciatiques, le levier concourt à augmen-
ter le danger de rupture que court le périnée en continuant à pousser la tète ea
bas et en arrière.
Ainsi, que l'occiput soit dirigé en avant ou en arrière, ou directement de côté,.
le levier peut à la vérité, à certains moments, favoriser les mouvements de flexion,
de rotation et finalement d'extension, à l'aide desquels la tête s'engage et s'avance
à travers le détroit inférieur, en distendant progressivement le périnée et la
LEVIER (obstétrique). 439
vulve. Mais dès que l'effort porte sérieusement sur ces parties, il contrarie ou
exagère ces mouvements et augmente les chances de rupture graves du périnée.
Dans ces mémos conditions, le forceps est aussi heureusement approprié au rôle
qu'il a à remplir, qu'il semble ne rien laisser à désirer. Application facile et régu-
lière des deux branches, prise sohde, pression exercée sur une large surface,
facilité de rendre la flexion de la tête plus prononcée si cela semble nécessaire,
de lui faire exécuter son mouvement de rotation à temps, de diriger les tractions
dans la direction de la ligne courbe qu'elle doit suivre, de diriger, de graduer le
mouvement d'extension à l'aide duquel elle tend à se dégager à l'extérieur ; en
supposant même, ce qui arrive quelquefois, qu'on ait commis la méprise de croire
l'occiput en avant lorsqu'il est en arrière, ou reconnaît reri'cur presque assez à
temps pour opérer le dégagement en conformité avec la position de la tète. On
ne peut pas môme invoquer ici, comme pour le détroit supérieur réduit, la supé-
riorité de la puissance d'extraction du levier sur les tractions directes. En effet,
dans les cas mêmes où les résistances naturelles, provenant du détroit inférieur
et de son plancher charnu, sont le plus considérables, les tractions directes suffi-
sent généralement en ymettapt le temps nécessaire, eu répétant les efforts de trac-
tion et en les faisant coïncider autant que possible avec les contractions utérines.
Préférer le levier au forceps pour l'extraction de la lête, retenue dans l'exca-
vation du bassin ou au détroit inféTieur, est une idée mjustifiabje, aussi con-
traire aux enseignements de l'expérience qu'aux lois du mécanisme de l'ac-
couchement. Il est juste de reconnaître que les partisans modernes du levier les
plus autorisés ne vont pas jusque-là. Ils reconnaissent avec M. Boddaert la supé-
riorité du forceps sur le levier quand la tète est descendue au détroit inférieur et
qu'on doit employer les instruments pour l'extraire; «il vaut mieux alors, dit-d,
employer le forceps que le levier pour l'amener au dehors, que ce dernier pour-
rait faire dévier la tète de sa bonne direction. Il préfère encore se servir du
forceps lorsque la tète se présente diagonalement dans l'excavation pelvienne,
parce que dans ce cas la tête n'a à subir qu'un mouvement de rotation qu'elle
exécute pendant l'application de l'instrument, que dans tous les cas il est facUe
de lui imprimer en l'extrayant.» Sinous rappelons que dans les positions occipito-
postérieures son usage a encore plus d'inconvénients et de dangers, on recon-
naîtra que, de l'aveu des partisans du levier éclairés par une longue expérience
personnelle, cet instrument doit céder le pas au forceps, toutes les fois, que la
tête est descendue dans l'excavation pelvienne, c'est-à-dire sur le point oà, dam
les conditions de bonne conformation et de présentation régulière, elle reucontrt
le plus généralement un obstacle à son ex| ulsiou sj)ontanée.
Ce que nous avons dit jusqu'ici de l'enqjjoi comparatif du levier et du forceps,
comme moyens d'extraction de la tète arrêtée dans l'excavation pelvienne ou au
détroit inférieur, s'applique exclusivement à la présentation du vertex. L'emploi
du levier dans la présentation de la face serait encore moins justifiable. Dans les
positions mento-antérieures directes ou obliques, l'extrémité du levier porterait
en plein sur le devant du cou ou sur ses parties latérales et y déterminerait des
désordres graves. Les mento-latérales directes, qu'on ne parviemlrait à rendre
et à maintenir obliques en plaçant les branches du forceps, rendraient, son
emploi difficile et dangereux, taudis que le levier, appliqué sur l'occipilal ou sur
l'apophyse mastokle, eu poussant ces parlics en arrière et eu bas, ppurrail déter-
miner le mouvement de rotation qui amène le menton dans l'arcade du pubis.
Dans les cas peu communs où la tète est poussée profondément dans l'excavation
440 LEVIER (obstétrique).
pelvienne sans que le menton tende à se porter en avant, si le forceps se montre
impuissant à la faire avancer ou à la faire tourner, on doit encore moins compter
sur le levier. Ce sont des cas rares qui sont le plus souvent au-dessus des res-
sources de ces deux instruments.
La tète retenue au détroit inférieur, après la sortie du tronc, réclame rarement
l'intervention des instruments. Dans des mains exercées on comprend que le
levier puisse devenir une ressource d'un usage plus facile et plus expéditif que le
forceps, par conséquent moins compromettante pour l'enfant.
On ne peut pas dire du détroit supérieur comme de l'inférieur et de l'excavation,
qu'il est en tout point exactement approprié au forceps ; d'ailleurs des difficultés
inhérentes aux déformations et aux rétrécissements de ce détroit rendent l'usage
de cet instrument souvent difficile et incertain. Le levier employé dans les
mêmes conditions, c'est-à-dire lorsque la tête de l'enfant est retenue au détroit
supérieur rctréci ou déformé, mais suffisamment étendu pour lui livrer passage
sans exiger une réduction supérieure à celle qu'elle peut naturellement donner,
semble offrir dans les positions qui se prêtent le mieux à son application des avan-
tages réels, et pouvoir éluder des difficultés qui lui permettent de soutenir avec
avantage la comparaison avec le forceps. D'abord sa supériorité de puissance
d'action est évidente : agissant à la manière d'un levier du premier genre, il
donne à la puissance un avantage considérable sur les tractions directes, avantage
qui peut être le double, le triple, suivant le plus ou moins d'étendue laissée
au bras de la résistance et de la puissance, c'est-à-dire suivant le degré de
profondeur qu'exige l'introduction. La résistance et la puissance étant les
mêmes, au moment où les tractions directes deviennent insuffisantes, le levier
tient encore au service de l'accoucheur une somme importante de lorces dispo-
nibles ; l'effort nécessaire pour faire descendre la tête peut être considérable
d'un coté, tandis qu'il reste modéré de l'autre, sans que les effets de la pression
sur la tête du fœtus et la partie de la mère diffèrent quant à leur intensité, à
moins que la différence des moyens d'extraction n'entraîne une notable diffé-
rence dans la déperdition des forces. Sous ce rapport l'avantage semble en-
core être du côté du levier. La prétention des partisans exclusifs de l'un et de
l'autre de ces deux instruments, de diriger l'effort dans la direction de l'axe du
détroit supérieur, est mal fondée. Le levier tend à pousser la tète en bas et en
arrière contre le promontoire ; s'il ménage la vessie, il peut comi.rimer fortement
son col et l'urèthre. Le forceps, au contraire, malgré l'attention de diriger le
manche en arrière, tend d'autant mieux à fliire arc-bouter la tête contre les pubis,
que souvent le bassin vicié présente une inclinaison en avant exagérée; la vessie
ménagée dans le premier cas peut être fortement comprimée dans le second. La
direction imprimée à la tête dans le premier semble plus favorable à son enga-
gement et présenter moins d'inconvénients que dans le second. Relativement à
la facilité, à la régularité de l'application des instruments, à la réduction du
crâne, le levier offre des avantages réels sur plusieurs points. Cela n'est pas dou-
teux pour l'introduction qui ne rencontre pas de limites, quel que soit le degré
de rétrécissement et de déformation du bassin. En effet, il est toujours possible,
sinon facile, de porter la simple lame étroite et peu recourbée qui la consti-
tue sous l'arcade du pubis, soit qu'on l'y insinue directement, soit qu'introduite
en arrière, on l'y fasse arriver par un mouvement de spirale. Mais l'indication de
fixer l'extrémité de l'instrument sur un point de la région occipito-mastoïdienne
en limite l'emploi pour l'enfant vivant aux positions occipito-antérieures et occi-
LEVIER (obstétrique). -iH
pito-latérales. Ou sait que les positions occipilo-postérieures, au tiétroit supérieur
ne sont pas rares, et qu'elles exposent à des lésions graves de la face, du cou, si
elles sont méconnues ; dans le cas contraire on pourrait fixer la cuiller du le-
vier sur la tempe, sur la région malaire, sur le maxillaire inférieur, sans laire
courir à l'enfant trop de danger. Il est vrai qu'en agissant ainsi, on se priverait
de l'avantage, attribué au levier et refusé au forceps, d'engager la tète en la ilé-
cliissant. Cet avantage très-sensible pour l'engager, la pousser à travers le détroit
inférieur, oii la résistance existe de toutes parts, est le plus souvent nul au dé-
troit supérieur rétréci ou déformé, oti la résistance n'existe qu'entre le promon-
toire et le pubis, ou un point de sa branche horizontale. La tète, poussée p ir les
contractions utérines dans le détroit supérieur rétréci et déformé, tend à s'y en-
gager dans la direction où elle trouve le plus de place ; le levier ne la fixant pas
comme le forceps, et agissant de concei't avec les contractions utérines, favorise
cette disposition au heu de la contrarier. Il n'ojipose, de plus, aucun obstacle à
la propriété de réduction que le crâne tient de la laxité de ses sutures et de la
flexibilité des pariétaux. Mais tous cl^s avantages du levier sur le forceps sont en
grande partie compromis par le peu de sûreté de son point d'appui sur la tête;
c'est évidemment son côté défectueux et le plus grand obstacle à son usage. Il
ne s'agit pas seulement de cas où la tète est mobile au-dessus du détroit supé-
rieur, il est évident qu'à chaque tentative clic se déplace et fuit devant l'extré-
mité de l'instrument. Si en pareil cas le forceps n'est pas absolument impuissant
à saisir la tête, il faut convenir qu'il est au moins d'une application fort difficile
et fort incertaine. Mais cette mobilité ne se rencontre guère dans les cas que
nous supposons. En effet, il faut d'une part que le détroit supérieur offre encore
assez d'étendue pour permettre à la tèle de commencer à s'engager, de l'autre,
que l'expectation ait été assez [lolongée pour rencontrer un commencement
d'engagement et la fixité de la tète. En dehors de ces condilions, il n'y a rien de
bon à attendre du levier ou du forceps. En un mol, il faut qu'il y ait pour l'un
comme pour l'autre, plus encore pour le levier que pour le forceps, à un degré
plus ou moins prononcé, cet état de fixité de la tète, qu'on désigne encore souvent
par habitude sous le nomd' enclavement, fixité qui est le résultat de l'engagement
de la tète et de la rétraction de l'utérus sur le corps de l'enflmt, après la dilatation
du segment inférieur de l'utérus et l'évacuation du liquide amniotique. C'est
ainsi, du reste, que l'entendent les partisans modernes du levier exercés à son
maniement. M. Coppée (de Gand) convient qu3 si la tète est encore mobile au-
dessus du détroit supérieur, ou parvitnt bien à ap[iliquer le levier; mais que
dans ce cas il est sujet à glisser sans entraîner la tète, et que celle-ci change
même de position sous l'action de l'instrument. « 11 faut, ajoute-t-il, pour l'ap-
pliqui r avec succès, que la tète soit au centre du détroit et même un peu enga-
gée. » On doit distinguer entre l'application et le maniement de l'instrument.
Sans doute sa simplicité, son peu de volume permettent de porter facilement dans
les posi lions occipito-antérieures ou latérales son extrémité sur un des points d'é-
lection de la base du crâne ; mais ce n'est là que la partie la plus facile de l'opé-
ration, et si'S partisans, après avoir vanté sa lacilité d'application et sa supério-
rité sur le forceps sous ce rapport, sont conduits par une sorte de contradiction
à conveu]!' dis dilficultés de son maniement. M. Coppée proclame que le levier ne
sera jamais l'instrument que de celui qui a déjà acquis une certaine expérience.
M. Coddaert avoue que le mode opératoire est plus compliqué qu'avec le forceps,
parce que celui-ci ne doit qu'extraire la tc!e, tandis que Ctlui-là doit l'extraire
442 LEVIER (obstétrique).
ot ea outre lui faire subir divers mouvements. Du reste, dans la condilion désa-
vantageuse de la mobilité de la tète coïncidant avec un rétrécissement du bassin,
il n'y a pas lieu d'insister beaucoup sur riulériorité du levier, le l'orceps lui-
niémo est fort exposé à écliouer, et ne doit être essayé que si un accident .grave
vient compliquer le travail, avant que les efforts naturels aient commencé à en-
gager et à fixer la tète. Les autres difficultés inhérentes au forceps ne sont que
trop réelles et ne doivent être ni dissimulées ni môme atténuées. Une des plus-
grandes et des plus communes se rencontre dans la nécessité de placer les bran-
ches sur deux points du bassin suffisamment opposés l'un à l'autre pour que leur
articulation puisse être opérée sans efforts violents. Deux causes peuvent rendre
cette opposiliondesbranches difficile et même quelquefois impossible : IMa lorrae
de ladélormation ; 2" la position de la tète. On comprend sans peine qu'un détroit
supérieur encore suffisamment étendu pour laisser passer la tête, soit déformé
latéralement ou dans la direction sacro-cotylcïdienne, de telle façon qu'il soit
difficile de placer de ce côté, soit latéralement, soit obliquement une des branches
directement en opposition avec l'autre. Mais c'est la direction de la tète, engagée
dans le détroit supérieur, qui est la cause la plus ordinaire de la difficulté de
placer les deux branches dans leurs rapports respectifs. A la vérité, la tête peut
être assez oblique, et le bassin rétréci assez régulier pour permettre de la saisir
par les côtés. Mais ce n'est pas le cas le plus commun; le plus souvent, soit que
la position soit transversale, soit que l'une des branches du forceps ne puisse pas
être portée suffisamment en avant, la tête est saisie directement du front à l'oc-
ciput, ou obhquement de l'apophyse mastoïde à la bosse Irontale opposée. L'ex-
périence a prouvé que les branches du forceps placées ainsi ne glissent pas faci-
lement, et que les tractions bien dirigées entraînent la tête sans accroitre
sensiblement les diflicultés et les dangers pour la mère et l'enfant. Que la tête
soit saisie réguUèrement ou non, on doit reconnaître que les résultats ne sont pas
très-salisfalsants pour ce dernier, qui est souvent extrait mort ou animé d'une vie
précaire, les centres nerveux ayant subi une compression trop grande.
Jusqu'à quel point le parallèle entre le levier et le forceps employés au détroit
supérieur dans les viciations du bassin , théoriquement favorable au premier, est-il
justifié par les faits? Ces faits sont de plusieurs ordres :
1° On trouve souvent dans les écrits des partisans du levier la mention de suc-
cès obtenus par le levier dans des cas où le forceps avait échoué. Ces simples as-
sertions, qui ne font pas même connaître le plus souvent si la tête était au détroit
supérieur ou dans l'excavation, ont au fond peu de valeur et laissent ignorer si
l'on doit rapporter le résultat à la supériorité de la méthode plutôt qu'à une dif-
férence d'habitude ou à ce que l'obstacle a été surmonté pendant le temps écoulé
entre les deux opérations. C'est une victoire que remporte assez souvent sur lui-
même le forceps, dans les mêmes mains ou dans d'autres : tous les jours on voit
une nouvelle application réussir après une première tentative infructueuse.
2° D'autres sont mentionnés avec assez de détails pour montrer que l'obstacle
était réel et constitué par une viciation du détroit supérieur. Il ne faut pas les
chercher dans la période de ferveur du levier, durant laquelle on ne rencontre que
des énumérations de succès. Les difficultés et les insuccès provenant d'obstacles
sérieux ne feraient pas même une ombre au tableau, si Camper n'avait eu le soin
d'en recueillir çà et là quelques exemples. Il faut arriver jusqu'à Herbiniaux pour
rencontrer des faits authentiques d'extraction de la tête retenue au détroit supé-
rieur vicié; mais ils sont peu nombreux et se réduisent à deux ou trois. Désor-
LEVIER (OBSTÉTRIQLI:). 443
meaux, qui sans êtreuiipavlisau du levier, le jugeait avec nue inipai'tialitédont ses
prédécesseurs ne lui a\aicut pas donné l'exeuiplo, éaict l'opinion qu'il peut ren-
dre de Irès-grands services, non-seulement, connne le veut Muldcr, dans les cas
où l'on n'a qu'une légère résistance à surmonter, mais encox-edans quelques-uns
des cas les plus diilicdes. « Pour mon comple, ajoute-l-il, je me rappelle m'en
être servi avec succès duis deux cas oii la lèle, étant dans une situation transver-
sale au-dessus du détroit supérieur, n'aurait pu être saisie avec le l'orceps que
d'une manière défavorable, c'est-à-dire de la face à l'occiput. Une branche du
forceps, portée le long de la face, peut être ramenée en a^ant, sans cependant
arriver jusque derrière la symphyse des pubis, et son extrémité, en raison de sa
courbure, parvint jusque sur la région mastoïdienne, où elle trouva un point
d'appui solide. Au moyen de cette branche de forceps qui faisait l'olilce de levier,
ou, pour mieux dire, de crochet, j'entraînai la tète du fœtus. Dans un des detix
cas, la tète éprouva une telle pression, eu Iravcrsant le détroit supérieur, que le
pariétal gauche présentait une dépression longitudinale |uofonde, produite par la
saillie sacro-lombaire. » Ccst surtout dans les publications de M, Boddaert qu'on
trouve des exemples concluants de 1 efJicacité du levier, on peut difficilement se
défendre de reconnaître sa supériorité, lorsqu'iuie réduction notable de la tète est
nécessaire pour qu'elle puisse franchir le détroit siqjérieur rétréci. On y ren-
contre des observations de tètes extraites, souvent rapidcnicnt, parfois avec con-
servation de la vie de l'enfant, prcs(pic toujours sans accidents pour la n)ère, le
bassin ne mesurant, au dire de l'autour, dans son diamètre rétréci que 5 pouces,
3 pouces un J/4, o pouces et 1/2.
5" Ou peut invoquer des expériences en apparence décisives déniou(ranl la su-
périorité du levier sur Je forceps [loiu' faire franchira la tète le détroit supérieur
réduit. Le professeur Fabbri, de Bologne, auteur d'un inqiortaut Mémoire sur le
levier, a répété en 1865, à Paris, devant phisieurs témoins ces expériences.
M. Tarnier, un des témoins, en rend compte de la manière suivante : « Un rétré-
cissement du bassin ayant été siuudé [lar une plaipie de tôle ajustée sur le jiro-
montoire, et un enfant ayant été placé comme s'il se fut présenté [ :ar le sommet,
j'appliquai le forceps sur cette tète, .l'essayai de toutes mes forces, et il me fut im-
possible de l'entraîner dans l'excavation. Le docteur Fabbii ap[)lit(ua à sontoiu' le
le levier et abaissa aussitôt la tète dans le petit bassin. Je renouvelai l'expérience,
j'appliquai de nouveau le forceps tout aussi mlructueusemeut que la première fois;
après quoi j'eus recours moi-même an levier; je déclare qu'avec cet instrument
je fis descendre la tète dans l'excavation avec une étonnante flicilité. »
Les résultats de ces observations et de ces expériences sont de nature à fixer
sérieusement l'attention. Us se justifient du reste l'acilenient, si l'on veut bien
ne pas oublier que le levier emprunte à son mode d'action mie puissance d'extrac- ,
tion bien supérieure à celle des tractions directes exerci'es par le fore jps. On juge-
rait sans doute tropfavoralilement de la sûreté et de la solidité de la prise du levier
sur la tète, si l'on prenait à la lettre ces manoeuvres à ciel découvert, où le point
d'appui, la position, l'immobilité de la tète sont assurés d'avance, avantages en
grande partie perdus dans les conditions ordinaires. On ne doit pas moins en con-
clure que les rétrécissements du bassin encore susceptibles de laisser passer la
tète, mais qui opposent soit à l'introduction des branches du i'orceps, soit à leur
articulation, soit à la progression de la tète pr les tractions directes, des obsta-
cles qui semblent insurmontables, peuvent encore dans une certaine limite et
dans un certain nombre de cas être justiciables du levier. En conséqueuce, on
444 LEVlliR (orsf i':ti\ique).
n'esl légilimemeut autorisé, après i'insuccès du forceps, d'avoir recours à la crâ-
niotomic ou à l'opération césarienne si l'enfiint est vivant, qu'après avoir essayé
le levier. De même les praticiens exerc.'S au maniement du levier, et qui l'em-
ploient d'emblée lorsque l'impuissance des efforts de la nature est évidente, ne
sont légitimement autorisés à passer outre lorsqu'ils échouent, qu'après avoir
épuisé les ressources du forceps.
Les règles générales et particulières de l'application du levier sont d'une grande
simplicité, mais ne constituent pas moins un procédé opératoire d'une exécution
souvent diflicile, sinon pour introduire l'instrument, au moins pour donner à son
extrémilé une prise suffisamment sûre et solide pour qu'il puisse manœuvrer avec
efficacité. Le manuel opératoire et les modifications qu'il doit subir dérivent pres-
que exclusivement de la présentation et de la position de la lête. Aussi doit-on
indiquer en première ligne, parmi les précautions préliminaires, la nécessité d'un
diagnostic certain; et, toutes les fois que l'examen des sutures, des fontanelles et
des autres points de repère ne donnent pas au diagnostic une certitude absolue, on
ne doit pas hésiter à aller directement à la recherche de la position : il faut à tout
prix éviter de prendre, à notre insu, un point d'appui sur la face lorsqu'on
suppose l'enlant vivant. Un autre soin préliminaire sur lequel les partisans du
levier insistent avec raison, c'est de donner, à la femme placée en travers sur un
lit, plusencore que pour l'application du forceps, une position horizontale, le siège
un peu élevé et dépassant autant que possible le bord du lit. En effet, comme ils
poussent directement sous l'arcade du pubis l'instrument dans la matrice, le man-
che doit être renversé tout contre le périnée. Voici comment ils procèdent : ils
accrochent avec l'index et le médius de la main gauche l'orifice utérin et le ramè-
nent par leur face palmaire contre l'arcade pubienne, ils font ensuite glisser l'ex-
trémité de l'instrument, tenu par sa partie moyenne et fortement renversé en
arrière, le long de leur face dorsale, en lui faisant suivre les contours du crâne ;
on i^econnaît qu'elle a franchi sa circonférence, le point difficile de l'introduc-
TÏon, ià une petite secousse et à un peu plus de liberté de l'instrument dès qu'elle
est parvenue sur la base du cràiie, où, après quelques tâtonnements, elle trouve nu
point d'appui plus ou moins favorable : l'instrument est placé comme il faut, sui-
vant l'expression consacrée. On comprend facilement qu'un levier à courbure trop
étendue et trop profonde rende plus difficile et même impossible l'introduction di-
recte. Ou peut également faire arri\er par une voie indirecte l'instrument sous
l'arcade du pubis, en introduisant son extrémité en arrière et la l'aisant arriver
sous l'arcade du pubis par un mouvement de spirale allongée contournant la tète ;
les praticiens exercés au maniement du forceps useraient de ce procédé plus
volontiers que de l'autre. On dirige et on place autant que possible l'instrument
sous le corps du pubis du côté du bassin oii correspond l'occiput, pluslôtqu'exacte-
ment sous la sympliyse, pour être plus en rapport avec la position de la tète et
pour atténuer les effets de la compression de l'urètlire. Parfois il se porte invinci-
blement sous la symphyse, d'autres lois on peut à peine le faire arriver sous le
corps du pubis ori l'on veut le placer. On voit que la précaution d'envelopper l'in-
strument dans une gaine emplastique pour diminuer les effets de la compression
sur la tète du fœtus et sur les parties de la mère, est parfaitement fondée, et si le
levier n'a plus aujourd'hui ces garnitures incompatibles avec la propreté de l'in-
strument, on peut les remplacer au moment de s'en servir par des bandelettes
de caoutchouc vulcanisé. Lorsqu'on s'est assuré que l'instrument est bien placé, on
attend, pour le faire manœuvrer, l'arrivéed'une douleur. G'estune règle importante
LEVIER (obstétrique). 445
à observer, non-seulement pour le concours que les efforts naturels apportent à
l'expulsion, mais encore comme moyen de fixer la tète et d'cmpèclier l'instru-
ment de glisser. Au moment oiî les contractions utérines commencent, on saisit
de la main gauche le levier près des organes génitaux et ron'presse contre la tcle
de haut en bas pour maintenir le point d'appui et diminuer la pression des
parties molles situées sous la symphyse des pubis, tandis qu'on soulève de la main
droite le manche de l'instrument vers le ventre de la mère, de manière à forcer la
tète à s'écarter du pubis et à descendre dans l'excavation. Il faut avoir soin
de retirer progressivement l'instrument, qui ne pénètre guère, au début, au delà
de 3 pouces dans les parties, à mesure que la tète descend, et de changer dans les
intervalles les points d'appui, de manière à lui permettre de subir son mouve-
ment de rotation en avant, à mesure que l'occiput s'approche de l'arcade du pubis.
La même manœuvre s'applique aux différentes positions du crâne, et ne com-
porte d'autres changements que ceux qui résultent de la direction de la tète,
du côté du bassin auquel l'occiput correspond et de son plus ou moins d'éloi-
gncment du pubis, ce qui fait varier le point d'appui de la résistance de la région
sous-occipitale à la région mastoïdienne. Si Ton voulait tenter de faire usage
du levier dans les positions occipito-postérieures, il fondrait le diriger obliquement
suivant une ligne allant de l'apophyse mastoïde au menton, ce qui augmenterait
encore sa disposition à glisser déjà si grande dans les positions favorables à son
em})loi. Si l'on voulait absolument en faire usage, on aurait plus de chances de
réussir en portant sou extrémité sur la tempe, au-devant du pavillon de l'oreille
ou sur l'angle de la mâchoire inférieure.
II est à peine nécessaire d'indiquer les modifications que la présence de la
face, au détroit supérieur, ferait subir au manuel opératoire. Nous avons déjà
fait remarquer que le levier, comme moyen d'extraction, était d'une application
très-limitée lorsque la face était descendue sur le planciier du bassin, même
inapplicable dans les positions mento-antérieures, à plus forte raison, lorsqu'elle
est retenue au-dessus du détroit supérieur par un vice de conformation du bassin
ou un obstacle quelconque. Si l'on essaye de s'en servir, c'est surtout en le fai-
sant manœuvrer à la seconde manière, c'est-à-dire comme moyen de redresser la
tète, de changer la présentation. Mais, pour cela, on ne peut guère plus compter
sur le levier que sur une branche du forceps et surtout sur la main, qui peut, si
elle ne réussit pas, aller saisir les pieds, le meilleur moyen à prendre en pareil
cas. Cependant, si la tète était immobile, fortement engagée dans le détroit supé-
rieur, ne laissant plus de chances à l'abaissement du ver tex ou à la version, le
levier pourrait agir efficacement dans los positions mento-latérales directes, dans
lesquelles le forceps est inadmissible, parce que l'une de ses branches porterait sur
le devant du cou. Le levier pourrait facilement être introduit sous l'arcade des
pubis et porté sur l'occipital. Les mouvements d'élévation et de traction sur le
manche pourront faire descendre la tête et ramener progressivement le menton
en avant. Dans la position mento-postérieure, le levier peut à la rigueur être in-
troduit sous l'arcade du pubis et suivre le vertex jusque sur l'occiput. Mais la
difficulté de faire descendre la tète, et la profondeur de l'introduction qui retire
au le\ier une partie de sa puissance ne permettent guère décompter sur ce
moyen. Si le forceps est le plus souvent impuissant à entraîner la tête, il peut
au moins réussir à lui fau'e exécuter un mouvement de rotation en avant, mou-
vement qui ferait cesser les difticullés.
Dans l'accouchement par l'extrémité pelvienne ou dans la version, il arrive sou-
446 LEVIER (obstétrique).
veut que la tèle est relcuuc daus sou pas«age à travers le bassin : s'il n'est pas
rétréci, la main est le moyeu le plus sûr et le plus eypîditif de lever la difficulté
et de soustraire l'enfant au danger d'asphyxie qui le menace. Mais s'il ostrétrôci,
la main peut être impuissante, et le cas exiger l'emploi du forceps. Les partisans
(lu levier, surtout M. Goppéc, prétendent qu'il est plus expéditif et plus sûr que le
lorccps, et que le succès a dépassé toutes leurs espérances. La manœuvre con-
siste à tenir le tronc du fœtus abaissé vers le périnée et ramené contre la cuisse
droite ou gauclie, suivant que l'occiput est incliné à droite ou à ganclie, pour que
le manche de l'iustrimient puisse passer à côté du cou de l'enfant. Que l'occiput
regarde en avant ou en arrière, l'cxlrémilé de l'instrument est portée sur mi
point de la voiite du crâne, le vertex, le siuciput, en prenant garde, lorsque
l'occiput est dirigé en arrière, de blesser la face. Pour cela, il suffit de faire glisser
l'extrémité de l'instrument sur la tempe jusqu'au sinciput. Si la lace regardait
directement en avant et qu'elle ne pût être inclinée ni d'un côté ni de l'autre,
on pourrait à la rigueur faire glisser riuslrumont sur la face, en ayant soin de
faire avancer son extrémité au delà de la voussure du front. Il n'est pas nécessaire
d'insister pour montrer que le mouvement d'élévation du manche agit d'une
manière très-favorable pour engager la tête et la pousser à l'extérieur. C'est dans
les cas où l'instrument prend sou point d'appui sur la voûte, comme dans ceux
oià il agit comme moyen de redressement que les leviers à courbure plus éteudue
et jdus prononcée conviennent.
On voit, d'après la manière d'agir du levier, qu'il expose par son extrémité à
comprimer et à blesser la tète de l'enfant, et par son manche à comprimer et à
blesser l'urèthre et le col de la vessie de la mère. Jusqu'à quel point ces com-
pressions peuvent-elles avoir des suites fâcheuses pour l'un ou pour l'autre,
lorsque la résistance à vaincre est considérable ou bien que l'instrument n'est
pas manié avec toute la dextérité et la prudence nécessaires ? Les observations
d'application du levier publiées, jusqu'à présent, ne sont pas assez nombreuses
pour juger complètement la question. Camper, qui était fort au courant de la
pratique des Roonhuysiens de son temps, parle de la déchirure de l'urèthre
comme d'un accident commun. Il note aussi le fait d'un chirurgien célèbre de
Bois-le-Duc, qui, ayant extrait par la spatule une tète transversalement située,
l'occiput vers l'ischion gauche, trouva sur le pariétal situé en avant un grand
■enfoncement produit par la pointe de l'instrument ; l'enfant vécut et l'enfonce-
ment disparut en cinq mois de temps. Marchand (de Charenton) a publié
une observation de délivrance par le levier, la tète étant en position occipito-
antérieure gauche, dans laquelle il est dit que la pression s'était exercée sur les
côtés de la tète oii il y avait une contusion plus marquée à droite qu'à gauche.
Il survint un phlegmon diffus qui occupait les régions parotidienne et mastoï-
dienne; il fut ouvert, et au bout d'un mois la guérison était comidète, sans qu'il
se soit montré aucun signe de contusion du cerveau. Il y avait en outre, au mo-
ment de la naissance, une paralysie de la face à droite. La mère, après l'accouche-
ment, se plaignait de douleurs vives à la partie droite du bassin et de la cuisse ; la
miction était impossible; on fut obligé de la sonder pendant dix jours. Dans une
autre observation d'extraction du fœtus avec le levier, du même auteur, les acci-
dents du côté de la mère furent plus graves : une déchirure des grandes lèvres
donna naissance à un érysipèle traumatique qui gagna la fesse et parcourut
toute la cuisse droite jusqu'au genou ; on fut obligé de sonder la malade pendant
près de deux mois, et il y eut une fistule vésico-vaginale qui guérit seule au bout
LEVR.\T-PERROTON. Ul
•àe huit jours. Nous ue clierclierons pas à concilier l'oxisteuce siniultauce d'une
rétention d'urine et d'une fistule vésico-vaginalc, ni à comprendre la facile et ra-
pide guérison de celle-ci, à moins que la lésion ne portât sur le canal de l'urcthre,
mais alors il serait peut-être plus rationnel de l'attrdjuer au levier, bien qu'il ait
triomphé sans peine de h difficulté, qu'aux tentatives réitérées du forceps. Hyer-
uaux, de Bruxelles, appréciateur indulgent par sentiment national, convient
■cependant que le levier, manié par des mains inhabiles, peut avoir de plus tristes
résultats que le forceps; et il ajoute, comme quelqu'un de bien informé : « Nons
en avons vu malheureusement beaucoup dans les dernières années qui ét;iient de
nature à ébranler notre confiance. » Mais il fait remarquer avec raison qu'on
doit tenir un grand compte des affirmations d'hommes qui, comme Boddaert,
Coppée, Fraeys, assurent que dans le cours de leur pratique ils n'ont jamais eu à
■déplorer, ni sur la mère ni sur l'enfant, des lésions graves. Jacquemier.
BiDLioGBAPHiE. — De Visciier (Jacques) et Yan de Poll (Hugo). Roonhuyseiis gehciin oiil-
■dclct. Amstev dam (en hollandais), 1753; notice sur le levier de Roonliuysen, rédig:rc sur
des documents laissés par de Biuyn. — I.a même notice traduite du liollandnis et insé-
rée à la tin du tome 1" du traité théorique et pratique des accouelienieiils, traduit de
l'anglais par de Preville, 4754. — Levuet. Suite des observations sur les causes et les
■ficcideuts de plusieurs accouchements laborieux; sentiment de l'auteur sur le levier de
Roonliuysen et sur la manière de s'en servir. Paris, 1771. — C.vjiPEn. Remarques sur les
accouchements laborieux par V enclavement de la tète, et sur ïusa<jc du levier de lloon-
huijsen dans ces cas. Dans les Mémoires de l'Académie royale de chirurgie, tome XV,
jii_12. — Supplément aux remarques de Camper. Mémoires de l'Académie royale de chir.,
ïome XV. — Deleuhïe. Traite des accouchements, 1777. — Ciiayhoc. Discours préliminaire à
la traduction des observations nouvelles de Theden. Bouillon, 1777. — Reciideiiger. De vecti
.emendando. Viennse, 1779. — Hoin. Réponse à Chayrou. Journal de médecine, janvier et
mars 1780. — Baudelocque. Traité de l'art des accouchements, 1781. — Geiileh. Programma
-de vectis obstetriculis usu dubio, 1789. — Sutthoff. Vectis Roon/iiiisenis hisluriri et nsu.
Gœtting., 1786. — IIerbin-iaux. Traite sur divers accouchements laborieux. BruNclles, 1791.
— Denhan. Introduction à la i)ratique des accouchements. Trad. de l'anglais par Kluy-kcns,
1802. — Muldeu. Hisloria litleraria et critica foreipum et vectium obstetriciorum. — Fi.amaxt.
Sur le levier des accoucheurs. Journal eoniiilémentaire des sciences médicales, 1831. —
Desormaux. Article Levier du D'ictionnaire de médecine en 50 volumes. — Boddaert. l)e l' usage
rationnel du forceps et du levier ; rapports et discussions sur ce travail. Annales et bulle-
tins de la Société de médecine de Gand, 1842 et 18i9. — Coppée. Du levier en obstétrique .
Bulletins de V Académie roy . de médecine de Belgique, t. YII. — Fraeïs. Du levier après
la sortie du tronc. — Hudert. Notes sur l'équilibre du forceps et du levier et sur le choix à
faire entre ces deux instruments. Mémoires de V Académie royale de Belgique, t. IV, 18G0.
— Fabbri. Uso Bagioncvole délia leva nelV obstetricia. Bologna, 1805. — Tarmer. ^otc
ajoutée à la 7"= éd. du Traité d'accouchements, de Cazeaux. Paris, 1867. — Mahchaxt. Du
forceps et du levier. In Arch. génér. de médecine. Paris, 1808. — Du même. Accouchement
terminé par le levier. In Gaz. des hop., n° 149; 1808. J.
I.EVRAT-PERKOTOX (J. F. B.), était né vers 1790, au Bugey, oîi son père
exerçait la médecine. D'abord chirurgien militaire, il fut fait prisonnier sous les
murs de Berlin, à l'époque de nos désastres, envoyé dans une petite ville de Sibérie,
et revint en France à la paix. Beçu docteur, il s'établit d'abord à Neu\illi'-sur-
Saône, mais ses succès dans la pratique l'engagèrent à se fixer sur un plii.s vaste
théâtre et il vint à Lyon. C'est alors qu'il ajouta à son nom de Levrat celui de son
beau-père Perroton , agent de change à Lyon, afin de se distinguer du docteur
Levrat (F. M. Ph.), qui pratiquait la médecine dans la même ville. Il se fit alors
nne réputation dans la pratique obstétricale et obtint la place de médecin de l'An-
tiquaille. Nous signalerons, entre autres recherches nombreuses , celles qu'il a
faites sur l'action du tartre stibié dans les affections du poumon, sur lemonesia
Marchansia, sur le traitement de l'ongle incarné, et surtout sur l'emploi du seigle
«rgoté dont il a fait une monographie remplie de faits intéressants.
448 LEVRES (anatomie).
Levrat-Perrotoii a succombé le 24 février 1855, à l'âge de soixante-cinq ans,
aux suites d'une afi'ection catanhale dont il était tourmenté depuis plusieurs
années. Voici l'indication des principales publications de ce laborieux médecin.
I. Observ. sur l'emploi du tartratc anthnonié dépotasse (émétique) dans les phlcgmasies
des organes delà respiration. Lyon, 1828, in-8°. — II. Obs. sur l'emploi médical de l'acé-
tate et du sous-acétate de plomb dans quelques névroses du cœur et des organes de la géné-
ration, jorccédées, elc. Marseille, 1829, iii-8«. — III. Observ. et réflexions sur les propriétés
obstétricales du seigle ergoté. Lyon, 1832, m-?,''. — Recherches et observations sur l'emploi
thérapeutique du seigle ergoté. Lyon et Paris, 1837, in-8°; nouv. édit., Lyon el Paris, 1853,
in-8'. — IV. Bulletin médical du service des aliénés à l'hospice de l' Antiquaille de Lyon.
2}endant l'année \M0. Lyon, 1842, in-8°, tabl. —V. Mcm. sur l'emploi de l'alcali volatil
fluor (ammoniaque liquide) dans la coqueluçlie. Lyon, 1849, in-8». E. Bgd.
LÈ^'KES. § I. Anatomie. La bouche est limitée en avant par des prolonge-
ments tt'guraentaires et musculeux, parallèles au rebord alvéolaire des mâchoires,
juxtapo.-és à l'élat de repos, mais pouvant s'écarter en formant uu orifice de
forme .---t de grandeur variables. Ces prolongements constituent les lèvres. Le
même nom est apphqué aux rebords de quelques ouvertures naturelles, telles que
celles du méat urinaire chez l'homme, de la dépression vulvaire chez la femme.
En pathologie, on désigne aussi sous ce nom les bords d'une plaie à réunir. Nous
ne nous occuperons que des voiles antérieurs de la bouche.
Les replis labiaux sont au nombre de deux. Ils sont charnus, mobiles, exten-
sibles et contractiles. Dans leur ensemble ils représentent une région restreinte
de la face, de forme ovalaire, bornée en haut par le nez, en bas par le sillon
mento-labial, et sur les côtés par des sillons obliques qui les séparent des joues.
Leur étendue prédominante est transversale, et dans ce sens elles se divisent en
deux moitiés superposées, circonscrivant l'orifice de la bouche. Les lèvres buccales,
séparées comme les paupières par une fente transversale, sont inégales et exemptes
l'une par rapport à l'antre de la symétrie que présentent les bords des fentes ver-
ticales ou antéro-postérieures. La lèvre supérieure est plus saillante et présente
plus de hauteur que l'inférieure ; elle s'en distingue aussi par des particularités
de forme. Les deux organes se rejoignent en dehors par deux angles appelés
commissures ; en arrière, ils sont attachés par la muqueuse au rebord alvéolaire
de chaque mâchoire, au-devant desquelles un appareil musculaire compliqué leur
permet d'exécuter des mouvements nombreux et d'imprimer à l'orifice buccal les
formes les plus variées.
Lèvre supérieure. Elle a une direction à peu près verticale ou légèrement
inclinée en avant, suivant la saillie des dents et du rebord alvéolaire. Sa face anté-
rieure, un peu convexe entre les sillons naso-labiaux, présente à la partie moyenne
la dépression sous-nasale, sorte de gouttière terminée en bas par un tubercule
qui s'accuse sur le bord libre de la lèvre, avec une saillie variable suivant les sujets.
Elle est limitée sur les côtés par des rebords raphéaux correspondant à la soudure
des bourgeons formateurs de la lèvre, pendant la période primitive de la vie
intra-utérine. Ces rebords sont marqués chez l'adulte par la saillie du bord interne
du nniscle élévateur commun de la lèvre supérieure et de l'aile du nez qui finit
à ce ni\eau. A partir de ces rebords, la surface labiale forme à droite et à gauche
un plan convexe un peu incliné en dehois, jusqu'au point où elle se confond avec
la joue. Lu arrière, la lèvre, de forme concave et limitant le vestibule de la bouche,
est humide et recouverte par la muqueuse, qui l'attache aux os sus-maxillaires et
qui forme sur la ligne médiane un repli triangulaire connu jous le nom de frein
LÈVRES (ANAT mie). 449
de la lèvre supérieure. Le bord adlicrcut tle la lèvre se continue au milieu avec
l'extrémité postérieure de la sous -cloison, sur les côtés avec la ligne de circon-
scription de l'orifice des narines, puis avec l'aile du nez et les parties constiiuanles
de la joue. Le bord libre, d'une épaisseur moyenue de 8 à 10 millimètres chez l'a-
dulte, d'après M. Sa])|iey, est d'une coloration rosée, et fait partie du contour
de l'orifice buccal. Sa direction est à peu près horizontale ; il est toutefois un peu
concave en bas et arrondi d'avant en arrière, de manière à ne s'appliquer sur la
partie correspondante de la lèvre inférieure que par un plan moins étendu cpie
ne le comporte la totalité de la surface. Ce bord est légèrement ondulé, llno saillie
existe à sa partie moyenne, au niveau de la gouttière sous-nasale. Deux l'aihles
dépressions existent à droite et à gauche, et puis une surface inclinée se termine
aux commissures. Ces détails de forme ont quelque importance pour expliquer les
dilïicultés de restituer la forme exacte de la lèvre après l'opération du bec-de-lièvrc,
et les artilices auxquels doit recourir le chirurgien pour approcher le plus possible
de la coiiliguraliou normale.
Lèvre inférieure. Elle n'a pas la disposition verticale précédemment indiquée;
un peu entraînée par son propre poids, surtout chez certains sujets, safaceantéric-
regarde eu bas et se termine au sillon fransverse qui la sépare du menlou. Sa face?
postérieure est revêtue par la inuqueuso qni la fixe à l'os maxillaire inlérieur, en
ne formant qu'un frein médian triangulaire plus court que celui de la lèvre supé-
rieure. Le bord libre de la lô\re que nous décrixons présente dans sou ensemble
une surface convexe, dont la régularité est modifiée par des ondulations suj)crli-
cielles en sens opposé de celles que nous avons signalées à l'autre lè\re. On y
remarque une faible dépression médiane et deux élevures voisines qui s'harmoni-
sent avec les inégalités correspondantes du bord libre supérieur.
Les extrémités des bords labiaux se conroudent au dehors en formant les com-
missures (cum miscere), et achèvent de circonscrire l'oritice buccal par un [oint
d'union dont les côtés, à peu près parallèles quand la bouche est fermée, forment
un angle obtus dont le sinus plus ou moins ouvert, suivant le degré d'élargisse-
ment de l'oritice, regarde la bgiie médian'\ Ainsi disposées, les deux lèvres
dessinent Xorifice buccal qui sert d'entrée aux voies digestives et qui iorme
aussi une des limites de l'appareil respiratoire. Cet orifice, habituellement fermé
par la contraction tonique de certaines parties de l'appareil musculaire des lèvres,
est susceptible de se dilater et de prendre des dimensions et des formes nombreuses,
en rapport a\ec diverses fonctions, soit de nutrition, soit d'expression. 11 varie
d'ailleurs naturellement dans son étendue eu donnant lieu aux différences de con-
formation connues sous le nom débouche grande, petite et moijenne. L'agrandis-
sement de l'orifice buccal est produit non-seulement par l'action des muscles dilata-
teurs, mais par l'écartement des mâchoires, et suivant le f'egré d'entraînement
excentrique des rebords labiaux, il permet le passage de corps volumineux, l'ex-
ploration des parties profondes, et rend possible une action chirurgicale sur les
organes qui appartiennent à la bouche ou qui sont en rapport avec cette cavité.
Structure des lèvres. Ces organes sont constitués par un revêtement cutanéo-
muqueux, formant un repli dont l'intervalle est occupé par une couche muscu-
laire et par des glandules. Les éléments communs des organes, vaisseaux, nerfs
et ti.ssu conjonctif, sont répartis dans ces divers éléments.
Le revêtement cutané se distingue par sa densité qui n'exclut pas une certaine
di'licatesse d'organisation, par l'épaisseur de sa partie dermique, laquelle est très-
îdhércute aux muscles sous-jaccnts et fournit à ces derniers des points d'attache
DICT. ENC. 2° S. IL 29
450 LEVRES (anatomie).
multipliés. Aussi la peau obéit-elle complètement aux contractions isolées des
fibres de l'appareil musculaire complexe des lèvres, circonstance favorable à
'l'expression physionomique. L'adhérence de la peau est plus marquée, d'après
Bichat, au niveau de la gouttière sous-nasale (jue dans tout autre point. La peau
des lèvres est garnie d'un grand nombre de follicules pileux dont chacun reçoit
le conduit excréteur de deux petites glandes sébacées. Le produit de sécrétion
de ces follicules donne lieu chez l'homme adulte à des poils dont la direction est
différente à cliaque lèvre. Ceux de la lèvre supérieure se dirigent généralement
en dehors et en bas, à partir de la ligne médiane, et constituent les mousta-
ches. Ceux de la lèvre inférieure descendent verticalement el font partie de la
harbe. Au niveau du bord libre, la peau se modifie et prend des caractères de
transition qui la rapprochent de la muqueuse. Elle devient transparente et acquiert,
par ce fait, une coloration l'osée diversement nuancée, suivant les sujets. Des
rides légères, à direction antéro-postérieure, s'y font remarquer ; elles résultent
du froncement musculaire, et s'effacent sous l'influence des contractions diduc-
trices, ou simplement par le fait de la turgescence vasculaire dont cette région est
susceptible. La coucbe épithéliale est assez épaisse ; elle est peu adhérente, sujette
à s'exfolier, et se continue avec l'épithéliiim intra-buccal.
La muqueuse labiale est rouge, mince et assez transparente pour laisser aper-
cevoir la couleur blanchâtre des glandules qui la soulèvent; elle est moins
adhérente que la peau et peut être disséquée pour former des lambeaux de revê-
tement dans la chéiloplastic. Sou chorion niuqueux porte des papilles coniques qui
se logent dans les dépressions d'un épithélium pavimenteux. La destruction limitée
de cet épithélium se produit dans les inflammations aphtheuses et se révèle par des
ulcérations superficielles. La putréfaction facilite son détachement par plaques
plus étendues permettant l'examen de sa couche profonde et indiquant les dépres-
sions où sont reçus les sommets des cônes papillaires.
Les muscles des lèvres constituent la charpente de ces organes ; ils en détermi-
nent l'épaisseur et la forme, et y représentent un appareil assez compliqué, des-
tiné au resserrement de l'orifice buccal et à sa dilatation dans tous les sens.
Ces muscles sont au nomore de dix-neuf. Ils appartiennent à l'ordre des peaus-
siers et ont ce caractère commun que leurs fibres sont pâles, plus ou moins infil-
trées de tissu adipeux, et qu'ils sont aplatis dans le sens antéro-postérieur. Lfr
système musculaire de l'orifice buccal permet d'en distinguer les parties consti-
tuantes, parleur antagonisme. L'un de ces muscles, le plus important et le seul
qui appartienne véritablement aux lèvres, est l'orbiculaire ; les autres viennent
des diverses régions de la face et convergent vers l'ouverture buccale, qu'ils sol-
licitent en diflérents sens. Ce sont pour la lèvre supérieure, et de chaque côté de la
ligne médiane, les élévateurs superficiel et profond, les petits zygomatiques dont
l'existence n'est pas constante ; pour les commissures, les muscles grand zygoma-
tique, canin, buccinateur, triangulaire des lèvres et risorius Santorini; pour la
lèvre inférieure, le carré du menton. Ces divers muscles seront plus opportuné-
ment décrits à l'article Face. Ils ont pour la plupart une insertion osseuse à l'un
des points de cette région, et ne font réellement partie de la lèvre que par leur
extrémité buccale qui adhère au muscle orbiculaire et s'insère à la face profonde
de la peau.
L'orbiculaire des lèvres ou muscle propre de la région, représente moins un
sphincter complet de l'orifice buccal, qu'un double demi-orbiculaire dont chaque
moitié peut exercer une action isolée. 11 affecte, comme la région labiale dont il
LÈVRES (anatomie). 451
constitue la charpente, la forme d'une zone ovalaire dont le milieu est occupé par
l'ouverture buccale. Plus épais que les muscles périphériques et sans attache
osseuse, l'orbiculaire des lèvres est comme suspendu au milieu des fibres rayon-
nées qui convergent vers lui. Ses éléments groupés en faisceaux assez épais vers le
bord libre des lèvros, forment deux demi-ellipses opposées par leur concavité.
Les fibres rapprochées du bord libre n'appartiennent pas à la même courbe que
les plus extérieures ; celles-ci sont très-arquées, tandis que les premières se rap-
prochent de la direction horizontale. Elles sont assez serrées et n'admettent pas
autant de tissu adipeux que les muscles rayonnes. La face antérieure de l'orbicu-
laire est recouverte par" la peau qui lui adhère fortement, la face postérieure est
plus lâchement unie à la muqueuse dont elle est séparée par les glandules labiales.
La grande circonférence est en rapport avec l'extrémité buccale des muscles di-
ducteurs dont quelques fibres s'insinuent entre leurs couches superposées, avant
d'aboutir à la peau. La petite circonférence est libre et se termine pour chaque
demi-orbiculaire aux commissures. Dans ce point, les fibres du muscle buccina-
teur et particulièrement celles du plan prolbnd, s'entre-croiscnt de manière à ce
que celles d'en bas passent dans le plan profond du demi-orbiculaire supérieur,
et celles d'eu haut dans la couche correspondante du donii-nii)ieulairc iiilérieiir,
en sorte que buccinateur et orbiculaire ont des éléments comauins et peuvent être
considérés comme un seul et même muscle, opinion soutenue par M. Cruveilhier.
Les lèvres comprennent encore une couche de ^/anr/es en grappe ayant une com-
plète analogie de structure et de fonctions avec les glandes salivaires. Ces glan-
dules de forme sphéroïdale irréguhère constituent une couciie interposée entre
le plan musculeux et la muqueuse, qu'elles soulèvent et où elles aboutissent par
un conduit excréteur que termine un orifice distinct à la loupe et même à l'œil
nu. L'agmination des glandules est telle, qu'il en résulte un plan assez épais et
très-visible dans une section perpendiculaire des lèvres au milieu de l'espace com-
pris entre les commissures et la ligne médiane. L'épaisseur de la couche est très-
faible dans ce dernier point ; il n'existe plus de glandes au niveau des angles.
Éléments complémentaires des lèvres. Ils comprennent le tissu conjonctif,
les vaisseaux et les nerfs. Le tissu conjonctif ou cellulaire des lèvres est très-
serré et peu abondant au-dessous de la peau. Il ne se charge même chez les
sujets très-gras que d'une petite quantité de tissu adipeux. Plus abondant au
niveau de la couche glandulaire et sous-muqueuse, il peut, dans ces points, s'in-
filtrer facilement de liquides séreux comme on l'observe dans plusieurs cas de
tuméfaction des lèvres.
Vaisseaux. La vascularité de la région est très-prononcée. Nées de plusieurs
sources, mais surtout de la faciale, les artères coronaires ou labiales, tantôt pro-
viennent d'un seul tronc qui se bifurque pour donner une branche à chaque lèvre,
tantôt se détachent isolément au nombre d'une ou deux pour chacune. Dubreuil
assure que la dualité est plus fréquente pour la lèvre intérieure que pour la su-
périeure.
Arrivées au niveau des lèvres, ces branches traversent la couche musculaire
et rampent sinueusement au-dessous de celles-ci, au niveau des glandules et plus
près par conséquent de la face muqueuse de la lèvre, circonstance utile à connaître
quand il s'agit d'obtenir, à l'occasion des plaies de cette région, un affrontement
qui soit à la fois unissant et hémostatique. Les coronaires s'anastomosent entre
elles, sur la ligne médiane, et donnent des artérioles qui établissent dans l'épaisseur
des tissus un réseau particuUèrement riche vers les bords libres. Des sources arté-
452 LÈVRi:S (anatomie).
rielles complémentaires alimentent le réseau labial. Elles sont représentéjs, pour
la lèvre supérieure, par des rameaux d'émanation de la sous-orbitaire, de la buc-
cale et de Talvéolaire, branches de la maxillaire interne, de la transversale de la
face, branche de la temporale, et, pour la lèvre inférieure, par des rameaux pro-
venant de la mentonnière et de la sous-mentale. Les veines ne suivent pas com-
plètement la direction des artères ainsi que nous nous en sommes assuré dans des
préparations spéciales que nous avons déposées au musée de la Faculté de Mont-
pellier (Concours pour la place de chef des travaux anatomiques, 1834). Nées d'un
réseau sous-cutané plus prononcé au niveau du bord libre où elles contribuent à
la turgescence semi-érectile de cette partie, ces veines se prêtent au développe-
ment des angiomes ou tumeurs érectiles, si fréquentes sur le contour de l'orifice
buccal des enfants. Elles se rassemblent en troncs irréguliers moins profonds et
plus nombreux que les artères. Celles de la lèvre supérieure se jettent dans la
faciale. Les veines de la lèvre inférieure descendent en nombre et gagnent les
veines sous-mentales. M. Sappey les dit chargées de valvules résistantes. Il est
certain qu'elles admettent difficilement l'injection. Mais les cas pathologiques
développent assez leur réseau initial pour en dessiner la disposition. Les lympha-
tiques de la lèvre commencent aussi par un réseau très-délicat au-dessous des
couches tégumenlaires et nolanmient au niveau du bord libre et de la muqueuse.
Ceux de la lèvre supérieure se dirigent vers les troncs parallèles à l'artère faciale
et gagnent les ganglions sous-maxillaires profonds avec lesquels cette artère, qui
décrit des sinuosités au-dessous de la mâchoire, les met en rapport. Les lymphati-
ques de la lèvre inférieure se rendent aux ganglions médians ou latéraux de la
région sus-hyoïdienne, qui sont moins profondément placés. La direction et la ter-
minaison de ces lymphatiques aident à comprendre les propagations morbides qui
accompagnent le cancer des lèvres et expliquent la plus grande gravité des réci-
dives ganglionnaires attachées au cancer do la lèvre supérieure qu'à celui de l'in-
férieure où celte maladie est d'ailleurs beaucoup plus commune.
ISerfs. Ils sont de deux ordres : les sensitifs sont fournis à la lèvre supérieure
par le plexus nerveux très-riche du sous-orbitaire, dont les fdets descendent ver-
ticalement en formant un plan superficiel pour la peau, et une série profonde qui
passe au-dessous du muscle orbiculaire, pour atteindre les glandules et la mu-
queuse jusqu'au bord libre. Les nerfs du même ordre destinés à la lèvre inférieure
proviennent des fdets rayonnants et ascendants du nerf mentonnier que donne le
dentaire inférieur. Les nerfs moteurs sont des divisions du facial, et arrivent aux
muscles des lèvres dans une direction transversale. On les distingue des précé-
dents non-seulement par cette direction et par leur destination exclusivement
musculaire, mais parce qu'ils sont plus fins et plus nacrés.
Dcveloppement et variétés physiologiques des lèvres. La question du déve-
loppement des lcvr:s a été amplement traitée à l'occasion du BEC-Dt-iiÈvRE, et
pour éclairer la formation de cette anomalie {voy. ce mot et l'artice Bouche), nous
nous contenterons d'indiquer ici les changements que Y âge imprime à ces organes
musculo-membraneux. Los lèvres de l'enfant naissant paraissent proportionnelle-
ment plus longues et plus volumineuses que c^dles de l'adulte. Elles se dirigent
plus en avant, disposition en rapport avec l'acte de succion, et qui s'explique
d'ailleurs par l'absence des dents d'où résulte la diminution de hauteur verticale
des mâchoires. Chez l'adulte, les lèvres prennent une disposition harmonique
avec la courbe et le développement de ces dernières. Elles redeviennent propoition-
nellement plus longues chez le vieillard où l'absence des dents les ramène en
LÈVRES (âNàTOMIB). '^^"^
arrière, eu même temps que la production des rides et l'atrophie nioJiiicut sui-
gulièrement leur forme. A cet âge le réseau vasculairj. se modifie, le bord libre
perd sa couleur roste, et prend ainsi que la muqueuse une nuance violacée ; la
peau s'altère dans sa nutrition et devient apte aux productions épilhéliales de forine
verriiqueuse.
Le sexe imprime aussi aux lèvres un changement particulier. Ackerraann (de
Discrimine sexiium prœter genitalia) lait remarquer que chez l'homme elles sont
plus grandes, plus saillantes, plus charnues que ch-^z la femme, lluschke ajoute
qu'elles sont plus rouges, plus chaudes et plus sèches. On sait que ce n'est que
exceptionnellement, ou qu'après la cessation de la fonction menstruelle, que la
lèvre supérieure de la femme se couvre de poils. DtUis les conditions normales, la
peau des lèvres est plus fine chez le sexe féminin; les bords libres sont moins
épais, l'arête qui les sépare de la face cutanée est moins accusée ; les commis-
sures se cachent souvent au fond d'un pli agréable. La forme générale de ces or-
ganes est plus gracieuse ; l'orifice buccal est plus petit et par ses courbes heu-
reuses aussi bien que par ses rapports harmoniques avec d'autres parties de la
face, il représente un des élémjnts les plus marqués de la beauté.
Les lèvres présentent des variétés individuelles tris-nombreases qui donnent
à la physionomie un caractère particulier, il suffirait de jeter un coup d'œil sur les
remarquables planches de Lavater, dont 1; s ly[;es sont si spirituellement choisis,
pour se faire une idée des variétés de foniic dont rorifici3 buccal est susceptible.
Les seules dilférences de volume des lèvres, abstraction faite de leurs mouve-
ments, indiquent des dispositions physiologiques ou psychologiques assez con-
stantes pour être regardées comme vraies. Des lèvres chiruues et modérément
saillan'psmdiquent une bonne constitution et de la disposition à la sensualité. Le
volume prédominant de la lèvre supérieure avec mollesse de son tissu se lie au
tempérament lym])hatique et révèle une disposition aux scrofules. La lèvre in-
férieui'e renversée, humide, volumineuse et tremblante indique des instincts peu
élevés. Des lèvres fines et d'un dessin ferme et correct cDÏncident avec mu cer-
taine élévation d'intelligence et de d''cision dans le caractère. Les peintres plus
encore que les anatoniistes étudient ces corrélations et Le Brun n'avait pas hésité
à dire que la bouche est la partie qui de tout le visage marque le plus particu-
lièrement les dis}iositions intérieures.
Les l'aces se caractérisent en parae parla disposition physique des lè\res. On
sait que la forme des mâchoires, la direction des dents et le prognathisme iniluent
sur cette direction ; que les sujets de la rac3 caucasique ont les lèvres à peu près
verticales, que les l{thiopien<, au contraire, et les sujets da race malaise, ont, à des
degrés divers, des lèvres obliques en avant et qui doivent leur épaisseur au déve-
loppement des faisceaux charnus du muscle orbiculaire. Dans les races américaines,
on remarque que les Cliiliens ont la lèvre inférieure spécialement développée.
La recherche des différences que présentent les lèvres, suivant les espèces ani-
males, nous conduirait hors du cadre de cet article. Nous nous contenterons de
rappeler que les lèvres proprement dites, considérées comme voiles mobiles ser-
vant à la clôture dé la bouche, ne se rencontrent que chez les mammifères pro-
prement dits, où elles sont des organes de succion, de préhension et de toucher.
Chez certains et spécialement chez quelques carnassiers, de longs poils roides de
la lèvre supérieure transmettent des sensations tactiL^s assez délicates. Chez tous
les mammilères, y compris même les singes anthropomorphes, les lèvres sont
obliques en sens opposé. Cette obliquité approche du parallélisme chez certains
454 LÈVRES (anatomie).
d'entre eux. Parmi les formes intc'ressantes qu'on peut signaler dans les espèces
animales, nous citerons celles des vampires ou pliylloslomes, qui se disposent en
ouverture parlaitement ronde, rappelant la bouche en suçoir des lamproies ; le
développement de la lèvre supérieure de certains pachydermes, où cet organe s'é-
largit et s'épate en formant le groin qui porte les ouvertures nasales ; son déve-
loppement encore plus marqué chez les proboscidiens, où la lèvre supérieure et
le nez confondus ensemble se disposent en un prolongement cylindrique d'une
grande puissance musculaire connu sous le nom de trompe ; la disposition bifide
de la lèvre supérieure qu'on rencontre chez divers mammifères, tels que des
chéiroptères, des rongeurs (lièvres), des ruminants (brebis, chameaux, etc.). Cette
fento, normale chez ces animaux, se présente chez l'homme, comme vice de con-
formation, désignée sous le nom de bec-de-Uèvre. Citons enfin l'absence de lèvres
proprement dites chez l'ornylhorhynque, où l'on ne retrouve qu'une portion tégu-
mentaire indurée ou cornée, marquant la transition au bec des oiseaux qui sont
dépourvus de lèvres, ainsi que los vertébrés inférieurs. — Dans les insectes, la
bouche se compose d'un grand nombre de pièces : l'une d'elles porte le nom de
labre ; on a restitué à une autre pièce le nom de lèvre ; mais l'organisation buc-
cale des articulés, établie d'après un type particulier, cesse de ressembler à celle
où la présence des lèvres peut être véritablement admise.
Usage des lèvres. Les fonctions de ces organes sont complexes et dérivent de
leur organisation musculaire et de leur sensibihté. Les lèvres fonctionnent comme
organes de préhension des aliments, comme agents de divers actes respiratoires ;
elles contribuent à l'exercice de la parole, servent à exprimer les sentiments pas-
sionnés; elles agissent aussi en tant qu'organes du toucher.
La préhension des aliments par le mouvement des lèvres est la seule ressource
dévolue à quelques animaux. Chez l'homme, elle est une des premières fonctions
de la vie extérieure, car l'acte de succion est un de ses modes. Dans cet acte, la
contraction des fibres les plus extérieures de l'orbiculaire des lèvres projette sur
un plan antérieur l'orifice buccal qui entoure le mamelon ; le vide qui s'opère
ensuite dans la bouche par le retrait de la langue favorise l'arrivée du lait. La pré-
hension labiale des aliments s'exerce dans d'autres circonstances par des contrac-
tions partielles, par des mouvements harmoniques ou successifs qui font pénétrer
dans la bouche des aliments solides ou liquides ; après leur introduction, les lèvres
agissent comme organes de rétropulsion pour les porter au delà des arcades den-
taires. Elles servent aussi à retenir les hquides dans l'intérieur de la bouche. La
lèvre inférieure, en particulier, remplit cet office chez l'homme et enqjèche la
perte de l;i salive; son absence ou son renversement paralytique, en supprimant
cette fonction, apportent quelquefois un trouble dans la nutrition. Le rejet des
aliments dans le vomissement s'accompagne aussi d'un mouvement labial qui
agrandit l'orifice de la bouche en renversant en dehors le bord fibre, comme pour
le soustraire au contact des matières expulsées.
Divers actes liés à la respiration exigent le concours des mouvements labiaux.
L'action de souffler, de siffler, de chanter, a pour condition le changement de
l'orifice buccal qui se rétrécit ou s'allonge pour participer à la vibration que le
courant aérien détermine, ou qui s'élargit pour aider à la propagation des sons.
Ou sait, que la paralysie du nerf facial, que Charles Bell considérait comme le nerf
respiratoire de la face, rend impossibles certains actes, notamment. celui de siffler,
qui exige une contraction complète de l'orbiculaire des lèvres.
La participation des lèvres ii l'exercice de la parole est, chez l'homme, une de
LÈVRES (pathologie). -i^S
leurs fonctions imporlantcs. Bien que la dislindion des sons d'une langue parlée,
d'après les organes qui sont censés les produire, soit insuffisante, elle répond
cependant à certains faits d'observation, et les lèvres jouent un rôle notable pour
la voix articulée. Dans la prononciation des voyelles-, le contour de l'orifice buccal
affecte des dimensions différentes. Kempfen lui attribue dos degrés de largeur
représentés par les cbiffres proportionnels suivants : 5 pour la voyelle a, 4 pour e,
3 pour i, 2 pour o, i pour u. Certaines consonnes exigent le concours prédomi-
nant des lèvres et sont dites pour ce motif consonnes labiales; ce sont les lettres
b, p, m, V, f. Les vices de conformation des lèvres en empêchent ou en gênent
la prononciation.
Comme organes du toucher, les lèvres, innervées par les filets émanant de la
cinquième paire, jouissent d'une sensibilité très-délicate ; peu de surfaces ressen-
tent le chatouillement avec autant de vivacité; la sensation tactile s'exalte jusqu'à
la sensation voluptueuse dans le baiser. Chez certains animaux, les lèvres sont le
-siège à peu près exclusif du sens du toucher et donnent des impressions très-fidèles.
Enfin la région labiale, en raison de la multiplicité des cléments musculaires
-qui entrent dans sa composition, se prête à des mouvements très-variés qui con-
courent à l'expression. Ces contractions, qui peuvent se localiser dans des mus-
cles isolés, ainsi que dans des portions de muscle, comme l'ont prouvé ks expé-
riences de M. Duchenne (de Boulogne] sur l'éjeclrisalion localisée, réalisent, par
leur production isolée ou combinée, des expressions très-diverses. Les passions
heureuses, la gaieté, la surprise agréable, l'admiration, se caractérisent par l'action
des muscles dilatateurs, notamment par celle des muscles obliques qui relèvent
les angles labiaux (zygomatique, canin). Le sourire et le rire oral, qui sont pro-
pres à l'espèce humaine, se rattachent à cette catégorie. Les passions tristes, au
•contraire, se r;''vèlent par l'action des muscles qui abaissent les angles (tri.ingu-
îaires des lèvres). Mille nuances dans la forme résultent de contractions partielles
qui s'accusent surtout au niveau des commissures et représentent le dédain, la
fierté, l'ironie. Ces mouvements des lèvres s'associent généralement à la contrac-
tion des muscles faciaux des autres régions et complètent l'expression physiono-
mique. M. Ch. Blanc [Grammaire des arts du dessin) lait remarquer que l'état
■de calme de la physionomie se traduit par l'horizontaUté des hgnes buccale, nasale
«t palpébrale ; les passions gaies, par l'obliquité générale de ces lignes en haut et
en dehors ; et les passions tristes, par une directioii opposée. Lorsque les mouve-
ments des lèvres sont à la fois discordants et exagérés, il en résulte les grimaces
-qui sont la caricature des passions.
§ 11. Pathologie. Nous examinerons successivement les anomalies, les plaies,
les maladies iutïammatoires de l'ouverture buccale, les difformités accidentelles
les tumeurs et les ulcères. Ce qui concerne la séméiologie médicale a été traité
à l'article Bouche.
AisoMALiES. La région labiale est sujette à quelques vices congénitaux de con-
formation qui rentrent dans le domaine de la chirurgie. L'anomalie principale est
lie bec-de-lièvre et a déjà été décrite {voy. ce mot). Les autres peu nombreuses se
irésument dans l'occlusion de la bouche et l'exstrophie des lèvres.
Occlusiou congénitale de la bouche. Ce vice originel de coniormation est extrè-
'mement rare. La science n'en possède qu'un petit nombre d'exemples sujets à dis-
cu'^.sion. C'est donc une assertion émise sans examen approfondi que celle de
A. Eérard qui déclare assez commune une pareille anomalie. D'une manière géné-
.rale, il est reconnu eu tératologie que les imperlorations des ouvertures naturelles
456 LÈVRES (rATuoLooiB).
des parties inférieures du corps sont beaucoup plus communes que celles des par-
ties supérieures. Ainsi, on observe assez fréquemment les imperforalions de l'anus
et du rectum, celles du vagin, celles même du canal de l'urètlire, surtout lors-
qu'il y a des embouchures anomales. Mais les occlusions congénitales sont absolu-
ment rares aux ouvertures naturelles de la région céphajique, et parmi ce genre
d'anomalies on n'a guère noté que les occlusions des ouvertures correspondant
aux organes des sens, telles que celles du coiulnit auditif, l'adhérence congéni-
tale des paupières. On a vu moins souvent les oblitérations des narines qui
servent en même temps à une fonction organique, la respiration. Quant à l'imper-
foratiou de la bouche, elle est essentiellement rare. Il faut du moins distinguer
deux cas, celui où, la bouche ne s'étaut pas formée, il y a plutôt absence des élé-
ments antérieurs de la cavité buccale qu'iuiperforation véritable de l'orifice buccal
organisé, et celui oij les lèvres formées sonl devenues adhérentes pendant la Vie
intra-uti'rine par excès de cloisonnement antérieur de la bouche ou par un acte
pathologique ayant clos, par cicatrisation ou par tout autre mécanisme, une partie
de l'orilice buccal. La première catégorie comprend les cas oià un arrêt de déve-
loppement général a atteint l'extrémité supérieure de l'intestin oral; aussi ne
l'a-t-on observé que dans les cas de monstruosité complexe, incompatible avec la
vie. Les auteurs s'expliquent très-brièvement sur ce point. L Geoffroy Saiiit-Hilaire
ne cite aucune observation qui lui soit personnelle et constate simplement la rareté
de l'anomalie. Cruveilhier se contente de dii e qu'elle coïncide avec la cyclopie. Les
observations de Ilaller, de Verdier, de Schenck se réduisent à de simples asser-
tions. Dans la seconde catégorie où il y a véritablement occlus.on de l'orifice
buccal, la bouche étant d'ailleurs bien constituée, rim|:erforation tient à la pré-
sence accidentelle d'une membrane obturatrice ou à une adhérence des lèvres.
L'existence de cette sorte d'hymen buccal lentre dan.5 le domaine de la chirurgie.
L'une des premières observations authentiques qu'ait recuedlies la science est di;e
à Liltre. [Mémoires de l'Acad. des sciences, 1701.) L'opercule cutané fermait à
la fois l'orifice de la bouche et les narines. Dans les exemples cités par Bùchner
{Acta nat. curios., t. II, p. 210), et par Olaïis Bornchias {Acta Hafniensia, t. IIj,
l'obturation n'atteignait pas les narines, mais il existait concurramment d'autres
anomalies. Dcsgenettes {Gazette salutaire^ 1792) signale le cas d'un enfant ué
au septième mois de la grossesse et qui avait la bouche imperforée sans indiquer
d'autres vices de conformation. Lorsque rocclusion buccale tient à des adhérences
accidenlellement établies entre les lè\res pendant la vie fœtale, on peut su] poser
un état pathologique infl.mniiatoire ou ulcéreux ayant eu pour résultat l'union
cicatricielle des lèvres de l'orifice buccal. Tel était le cas d'un sujet cité par Percy
{Mémoires sur les ciseaux, p. 70), où ce chirurgien pratiqua l'incision de la
cicatrice.
L'absence de la bouche avec occlusion de l'extrémité supérieure du tube diges-
tif ne peut fournir à l'art aucune indication. Les monstres qui la présentent sont
mort-nés. Mais les cas où la bouche est fermée par une membrane accidentelle ou
par des adhérences cicatricielles sont susceptibles de guérison, surtout si les na-
rines sont libres et que les secours chirurgicaux soient prompts. Schenck dit
avoir ainsi rélabli forcément l'ouverture buccale chez plusieurs nouveau-nés,
saiis dire quel moyen il avait employé. Le sujet observé par Biichner avait été,
comme plus tard celui de Percy, heureusement soumis à riutervention de l'art.
Les procédés à metlre en usage en pareille circonstance ayant une complète
analogie avec ceux dont nous devrons nous occuper i!» l'occasion des rétrécisse-
LÈVRES (pathologie). 457
ments accidentels de Ja bouclie, nous aurons l'occasioii d'y levenir plus opportu-
nément dans le cours de cet article.
Exstrophie des lèvres. Nous désignons sous ce nom une disposition anomale
qui consiste en un renversement des lèvres avec saillie ou chute plus ou moins
considérable de la muqueuse; une atrophie partielle des lèvres du côté de
la couche cutanée avec réti'action des fibres les plus extérieures de l'orbicu-
laire peut amener ce renversement que nous avons remarqué spécialement
à la lèvre intérieure. Une hypertrophie congénitale de la muqueuse avec excès
du tissu soiis-muqiieux j eut amener le même résultat et se rencontre plus
souvent à la lèvre supérieure. Cette dernière difi'oruiité assez connnune est connue
sous le nom de bourrelet labial ou lèvre double. Dans ce cas, la muqueuse forme
au niveau du bord libre de la lèvre et en dépassant ce rebord, une saillie transver-
sale parallèle à la lèvre affectée et d'un volume apparent parfois aussi considé-
rable que celui de l'organe normal. Cette plicature désagréable et qui altère l'ex-
pression naturelle de la bouche devient précisément plus saillante dans les cas
où cette expression est mise en jeu, notamment dans le rire. J'ai vu une femme
chez laquelle cette double lèvre existait à un degré tellement prononcé (|ue même
à l'état de repos le bourrelet supplémentaire partant de la lèvre supérieure re-
couvrait l'inférieure. Ce bourrelet est sujet à se gonfler, à s'ulcérer et devient
assez gênant pour que ceux qui présentent cette déformation désirent s'en dé-
barrasser.
Le bourrelet muqueux labial doit être distingué de l'ectropion labial qui ré-
sulte le plus souvent de destructions accidentelles d'une porlion de peau plus ou
moins étendue, suivie de cicatrices qui renversent la lèvre en dehors.
Lorsque le bourrelet s'accroît par l'engorgement du tissu sous-muqueux on
peut se borner à lui opposer des topiques astringents sous forme de lotions ou
de pommades. Mais lors([ue sans cette complication il dépasse désagréablement
le niveau du bord libie des lèvres, le seul traitement rationnel à lui opposer con-
siste dans sa destruction. On pourrait atteindre ce but en employant la cautérisa-
tion à l'aide d'un pinctau chargé d'un hquide caustique, tel que le nilrate acide
hydrargyrique ou le beurre d'antimoine. Mais la position même du repli à l'enlrée
de la bouche, la possibilité de la diffusion de l'action caustique sur les points
voisins, le voisinage des dents sont tout autant de circonstances qui indépendam-
ment de la douleur et de la lenteur de cette action thérapeutique, en contre-indi-
quent l'emploi. Une opération simple, prompte et sûre, l'excision, est infiniment
préférable; le bistouri, et mieux encore les ciseaux agiraient facilement dans ce
but. La profondeur à laquelle il faut porter l'action de l'instrument peut varier.
Si la base du bourrelet était indurée, il serait nécessaire de dépasser les limites
de l'induration après avoir convenablement renversé la lèvre pour agir avec plus
de précision. La cicatrisation du tissu muqueux s'opère d'ordinaire avec une
grande promptitude. Il y aurait avantage à accélérer ce résultat par l'application
de quelques points de suture.
Plaies. Les piqûres simples des lèvres ne présentent rien de particulier dans
cette région. Lorsqu'elles sont compli(|uées de la présence d'un venin (piqûres
d'abeilles), elles donnent lieu à un gontlement rapide et considérable. — Elles s'ac-
compagnent assez fréquemment de la présence d'un corps étranger métallique ou
de toute autre nature, comme on l'observe à la suite des sutures nécessitées
par diverses opérations. Dans ce cas peuvent se produire, quoique rarement, des
accidents inflammatoires.
458 LÈVRES (pathologie).
Les coniasions et les lÂaies contuses de la même région se produisent moins
IVéqnemment que dans d'autres parties, à cause de la mobilité des lèvres. Tonte-
fois le point d'appui que leur offrent en arrière les dents et le rebord alvéolaire
les exposent à des solutions de continuité dans lesquelles le tissu subit une sorte
d'écrasement entre le corps vulnérant extérieur et la surface résistante profonde.
Une circonstance particulière doit être notée. Le tissu de la lèvre cède quelque-
fois avec une certaine régularité, lorsque l'agent contondant exerce une action
directe et assez limitée, et que la saillie verticale d'une alvéole, jouant le l'ôle de
crête ou d'arête, facilite la division du tissu. La contusion est pour ainsi dire
linéaire et la division qui l'accompagne est presque assimilable à celle que pro-
duirait un instrument tranchant. Nous avons vu un cas de ce genre dans lequel
la réunion immédiate put se faire sans aucune difficulté. D'autres fois la plaie est
déchirée, frangée, infiltrée de sang, ses bords peuvent même être mortifiés; dans
ces cas, l'ecchymose est toujours plus étendue vers la face profonde des lè^Tcs
que vers la face cutanée à cause de la laxité du tissu cellulaire sous-muqueux et
de la pi'oximité relative des vaisseaux et de la face profonde des lèvres. Les plaies
contuses des lèvres s'observent quelquefois à la suite de l'action d'armes à feu^
soit qu'une portion plus ou moins étendue de l'organe soit perforée ou emportée
par un projectile, comme Du[iuytren en a cité des exemples, soit que l'action de
!a poudre ayant agi en même temps, ait fait subir aux tissus une distension et un
écrasement qui divise la lèvre en lambeaux irréguhers, déchirés et ne tenant aux
parties respectées que par des pédicules plus ou moins étendus ; des lésions de ce
genre s'observent principalement chez les sujets qui attentent à leurs jours en se
tirant un coup de pistolet dans la bouche. J'ai observé ce genre de lésion sur un
malheureux sourd-muet qui, dégoûté de l'existence, avait voulu s'en débarrasser
par ce moyen. Les lèvres avaient cerné le bout de l'arme et la déflagration de la
poudre avait déchiré et brûlé leur tissu en le divisant en éclats et le souillant des
débris noirâtres de la substance explosive.
Les plaies labiales peuvent être produites par des morsures et des déchirures.
J'ai vu un enfant qui s'étant placé par curiosité à l'entrée d'un terrier oii était un
furet, avait été saisi aux lèvres par l'animal et avait été cruellement déchiré. Une
partie de la lèvre supérieure et l'aile gauche du nez avaient été emportées ; il
fallut une opération autoplastique pour réparer la difformité cicatricielle.
Les plaies par instrument tranchant sont les plus fréquentes et varient par
leur siège leur direction et leur étendue; on les distingue en complètes et incom-
plètes, celles-ci peuvent être avec perte de substance. Les instruments vulnérants
peuvent intéresser l'épaisseur du tissu labial du côté de la peau ou du côté de la
muqueuse ; ces dernières sont moins fréquentes que les plaies cutanées. Quoi qu'il
en soit, dans les divisions incomplètes, la conservation de l'une des couches de la
lèvre re[)résente un obstacle important à l'écartement de ses bords. Les divisions
verticales complètes des lèvres s'élevant à une hauteur variable de l'organe
sont suivies d'un écartement considérable, produit par la contraction du muscle
orbiculaire qui cesse d'être l'antagoniste des diducteurs et qui reçoit le concours
de ces derniers pour accroître l'intervalle qui sépare les bords de la solution de
continuité. On remarque, dans ce cas, les mêmes effets que dans les fissures con-
génitales. La déformation augmente par les cris et par toutes les causes de mou-
vements locaux avec celte différence que la diduction des bords de la plaie labiale
s'accompagne d'une douleur assez vive. Une héniorrbagie quelquefois abondante
accompagne ces plaies ; la perte de sang est d'autant plus grande que la division
LÈVRES (pathologie). 459
est plus rapprochée des coinmissures et par conséquent du point où les coronaires
labiales ont le plus de volume et se trouvent le plus près de leur origine au tronc
de la faciale. Les bouts artériels se montrent saillants à la surface de la division,
par suite de la rétraction, plus forte dans le tissu musculaire que dans le tissu
artériel. Cette rétraction fait paraître les plaies labiales plus grandes qu'elles ne
sont réellement et met à découvert une bonne étendue des arcades dentaires.
Les plaies labiales par inslrument traucbant peuvent s'accompagner de perte de
substance ; c'est une lésion chirurgicale bien commune, ])uisqu'elle est un résultat
de la plupart des opérations qu'on pratique pour enlever les lésions organiques
dont les lèvres sont le siège. Les excisions en V donnent lieu à un écart qui tend
à effacer, pour ainsi dire, la portion restante des lèvres; mais une traction exercée
sur ces restes labiaux leur restitue encore une certaine étendue. Les jdaies trans-
versales faites aux dépens des bords diminuent d'une manière proportionnelle la
hauteur de la lèvre intéressée et modifient par .suite ses usages. Ces plaies exposent
surtout aux-hémorrbagies veineuses; leur examen direct permet d'y distinguer
facilement la présence et la saillie des glandules qu'on est parfois dans l'obligation
d'exciser pour faire plus exactement la réunion de la muqueuse et de la peau.
La division trauniatique des lèvres, intéressant toute leur épaisseur et une
partie plus ou moins considérable de leur hauteur, peut, dans le cas où l'art
n'interviendrait pas ou si la réunion échouait, être suivie de la cicatrisation isolée
de chaque bord et produire la lésion connue sous le nom de bec-de-licvrc acciden-
tel. Il serait difficile de le confondre avec le bec-de-lièvre congénital. Non-seule-
ment il en diffère par sa cause, mais par beaucoup d'autres caractères. Ainsi le
bec-de-lièvre accidentel, au lieu de se produire comme l'anomalie aux points de
jonction des bourgeons formateurs, se montre indilïéremment dans tous les
points et s'observe aussi bien à la lèvre inférieure qu'à la supérieure. 11 aifecte
la direction que lui donne la cause vulnérante, ne s'accompagne ni d'atrophie
des lèvres, ni de l'angle arrondi qui caractérise le bec-de-lièvre congénital; enfin
les bords de la solution de continuité sont cicatriciels et ne présentent rien qui
ressemble au bourrelet muqucux des fissures congénitales.
Le traitement des plaies des lèvres repose en général sur des indications pré-
cises. Les piqûres et les contusions n'exigent que le genre de soins qui convient
en général aux lésions de cette nature. Quant aux plaies par instruments tran-
chants, elles exigent à titre particulier et d'une manière prédominante l'emploi
de la réunion. Ne pouvant éluder l'écartement des bords que l'organisation mus-
culaire compliquée des lèvres rend très-considérable, le chirurgien doit lutter
contre la contraction des muscles et assujettir les parties dans des rapports fixes
pendant tout le temps nécessaire à la réunion. Les emplâtres adhésifs, disposés
en bandelettes, le collodion, peuvent rendre des services suffisants dans les
plaies superficielles qui ne vont guère au delà de la peau. Comme les muscles
faciaux qui convergent vers les lèvres vont s'insérer par bon nombre de leurs
fibres à la face profonde du derme, les agglutinatifs peuvent suffire pour annu-
ler leur contraction. Dans ces cas aussi, le bandage unissant des plaies en
j travers, modifié pour les besoins de la région, peut assurer des rapports
convenables entre les bords de la plaie superficielle. Mais, si celle-ci est pro-
fonde et notamment si elle comprend toute l'épaisseur de la lèvre, la suture
convient et sa nécessité est généralement reconnue. La suture est directement
applicable aux plaies récentes et, régulières, qu'il suffit d'absterger et de disposer
dans leurs rapports naturels par un affrontement très-précis. L'exactitude de ce
400 LEVRES (pathologie).
raijporl est motivée pur la nécessité de conserver la réguluvité du contour de
l'orilice buccal, et d'éviter par conséquent qu'un des bords de la plaie dépasse
l'autre en aucun seiis, au niveau de la marge labiale. Si les bords de la plaie sont
conlus, inégaux, déchirés, désorganisés par la cause vulnéranle, le chirurgien
doit les régulariser par des excisions convenables, afin d'avoir autant que pos-
sible des surfaces nettes et saines à assujettir. Mieux vaut une légère perte de
substance que l'élaslicité du tissu des lèvres dissimulera ultérieurement, qu'une
éventualité de développement intlamniatoire dont le résultat se traduit non-
seulement par l'insuccès de la réunion, mais par des cicatrices difformes auxquelles
il faut quelquefois remédier par des opérations ultérieures compliquées. La con-
dition récente des plaies, leur abstersion régulière, renlèvement de tout corps
étranger, préparent le succès de l'affrontement, et dans ces cas la cicatrisation
par première intention est un résultat presque constant. Si les bords de la pluie
ont déjà subi une atteinte inflammatoire, s'ils sont même suppurants, mais qu'ils
soient d'ailleurs nets et exempts de désorganisation, on peut tenter encore la
réunion. Elle est moins sûre sans doute, mais on peut réussir, et cette chance
doit être recherchée. En cas d'échec, ou aurait toujours la ressource de raviver
ultérieurement les bords cicatrisés de la plaie, et de faire l'opération du bec-de-
lièvre accidentel.
Quant au mode de suture à mettre en usage, il varie suivant le caractère des
plaies : dans celles qui sont incomplètes, la suture entrecoupée peut suffire. On
l'appliquera, suivant les cas, sur la peau ou sur la muqueuse, sans oublier que
les fils placés sur cette dernière surface, incessamment détrempés par les liquides
buccaux, peuvent se relâcher, et exigent que le nœud soit bien assujetti. La suture
entrecoupée doit être secondi'e dans ses effets, au moins lorsqu'on l'applique sur
la peau, par les agglutinatifs et au besoin par le bandage. Quelques chirurgiens
contemporains préconisent aussi la suture entrecoupée pour les divisions com-
plètes des lèvres. Roser, adoptant une opinion éclectique, dit qu'il est assez indif-
férent de choisir la suture entrecoupée ou la suture entortillée. Nous ne saurions
nous ranger à cet avis, et la question nous parait depuis longtemps jugée en faveur
de la suture entortillée, qui dans les plaies des lèvres en particuher donne d'ex-
cellents résultats. Convenablement pratiquée, non-seulement elle maintient dans
toute la hauteur et toute l'épaisseur de la plaie l'affrontement exact et complet
qui est nécessaire à une prompte cicalrisation, n;ais elle annule avec efficacité
les effets de la contraction musculaire, et de plus elle exerce une action hémosta-
tique certaine. Cette hémostasie, essentiellement liée à la réunion, n'est pas moins
fidèle que la ligature directe du vaisseau, et elle donne assurément plus de ga-
rantie que la compression avec une plaque de plomb recourbée, placée au voisi-
nage de la commissure, bien que ce moyen ait réussi à Boyer, qui n'en est pas
moins resté partisan de la suture entortillée.
Le mode d'emploi de cette suture, quoique Irès-vulgarisé, exige des précautions
et des soins. Les règles de son emploi ne pouvant être reproduites à toute occa-
sion, nous renvoyons le lecteur aux articles Bec-de-Lièvre et Suture.
Affectiojns liSFLAMMAToiiiEs DES i.ÈviiES. Bieu quo cttte régiou ne présente pas
d'aptitude morbide spéciale aux invasions inflammatoires, nous ne pourrions
omettre certaines particularités. Les manifestations pathologiques de cette nature
ont lieu sur la peau ou sur féi^aisseur même des lèvres, et se traduisent par des
résultais difiérents.
Les phlegmasies cutanées des lèvres se manifestent fréquemment avec la forme
LÈVRES (pathologie). 401
herpétique, et prennent le caractère aigu ou cliroiiique. A la prcaiière loriiic se
rapporte Ylierpes labialis, si fréquent au rebord même des lèvres et dont l'appa-
rition est souvent sollicitée par une affection catarrliale, un embarras gastrique
dont elle marque la terminaison. De courte durée et absolument exempte
de gravité, cette petite éruption cède à l'emploi d'émollients au début et d'astrin-
gents légers à la fin, sous forme de lotions ou de | onmiades. Les plilegraasies
chroniques des lèvres affectent de prélérence la lèvre inférieure ou la jortion de
la lèvre supérieure qui correspond à la gouttière de la sous-cloison. L'impétigo,
le sycosis sont les variétés les plus fréquentes. Cette dernière forme s'observe sur-
tout cliez l'adulte, et se cantonne dans les follicules pileux et les glandes sébacées
qui leur correspondent. Des produits parasitiques, de nature animale, comme le
demodex folliculorum ou végétale, comme Vachorion Schœnleinii et Yoïdimn
albicans, du côté de la muqueuse, peuvent compliquer et entretenir les derma-
tites dont la région est le siège. Le psoriasis n'épargne point les lèvres. Dans une
de ses formes les plus rebelles et les plus désagréables, il s'accompagne de tis-
sures rayonnées, spécialement fixées aux commissures ou à la partie moyenne de
la lèvre supérieure, fissures qui se déchirent pendant l'action nuisculairc des
diducteurs, ou qni, occasionnant une contraction rétiexe des fibres de l'orbiculaire,
donnent à l'ouverture buccale un aspect froncé particulier. Nous avons connu un
malade chez lequel il existait une véritable contracture du sphincter buccal, per-
mettant d'établir une complète analogie par rapport au\ ulcérations linéaires, à
la douleur névralgique et à la contracture musculaire, avec la fissure à l'anus.
Parmi les intlammations locales atteignant le tissu labial au delà de la couche
cutanée, nous devons spécialement signaler les inflammations phlegnioneuses, les
inflammations furonculeuses et anthracoïdes.
Le phlegmon des lèvres s'observe quelquefois à la suite des plaies contnses de
la région. Il succède parfois aux opérations chirurgicales qu'on y pratique, et
complique notamment l'érysipèle, quoique ce résultat soit biçn moins fréquent
aux lèvres qu'aux paupières. L'évolution inflammatoire s'accomplit au prix d'assez
vives douleurs, à cause de la densité des couches extérieures où n'existe qu'un
tissu cellulaire assez serré. Le gonflement s'opère surtout du côté des couches
profondes. Les lèvres, ne pouvant s'étendre dans ce sens à cause de la présence
du bord alvéolo-dentaire, se portent et se renversent en avant en se déformant
et en donnant à la bouche une expression disgracieuse. Bornée tantôt à la pé-
riode fluxionnaire, comme on l'observe à l'occasion des odontalgies et des ain-
vites concomitantes, l'intlammation des lèvres aboutit dans d'autres cas à la
suppuration. Il est rare que les abcès soient très-volumineux. Leur formation
s'annonce par un accroissement de chaleur avec pulsation locale, exaltation de
la sensibilité, congestion de la face, tuméfaction des ganglions sous-maxillaires
et le cortège plus ou moins accusé des symptômes généraux de l'inflannuation.
Le pus se tbrme d'ordinaire assez rapidement, et, soit qu'on lui donne issue ou
qu'il s'échappe spontanément, son élimination est suivie d'un prompt soulage-
ment. Le traitement de ces sortes d'inflammations ne comporte aucune indication
exceptionnelle. L'emploi desémoUients, et, lorsque la présence du pus est accu-
sée, une ouverture prompte du foyer, constituent les seules indications du traite-
ment. Sides corps étrangers, engagés dans l'épaisseur du tissu (fils, épingles, etc.)^
sont la cause du travail inflammatoire, leur ablation est nécessaire.
Le furoncle et V cmthrax des lèvres sont loin d'être rares. Le furoncle est
surtout très-commun pendant l'adolescence; je l'ai souvent observé sur les
4C2 LEVRES (pathologie).
élèves du lycée de Montpellier. 11 m':i paru plus fréquent au printemps, et dans
certaines années. Les femmes y sont sujettes surtout aux époques menstruelles.
Un prompt débridemcnt abrège la durée de l'inflammation et facilite la sortie du
bourbillon cclluleux infiltré de plasma.
V anthrax est une iallammation du même genre, mais dans de plus fortes pro-
portions, et peut revêtir une forme grave. M. Verneuil a récemment por(é l'at-
tention des praticiens sur Tanthrax des \esves {Gazette hebd., novembre 1868)
et a signalé les conséquences les plus dangereuses comme attachées à cette lésion.
Une énorme tuméfaction, des douleurs brûlantes très-vives, un aspect violacé avec
perforations multiples révélant les divers foyers plasma tiques et les nécroses cellu-
leuses qui y correspondent, une dureté considérable des tissus dont les formes et
les sillons limitants s'effacent; une fièvre violente et finalement des propagations
inflammatoires diffuses vers le reste de la face ou vers la région sus-hyoïdienne, des
accidents de pyohémic, tels sont les caractères sérieux que revêt cette affection et
qui donnent lieu à un fâcheux pronostic. Dans les cas observés par M. Verneuil, la
mort a succédé aux désordres provoqués par l'anthrax. Aussi ce savant chirurgien
a-t-il proposé d'attaquer la maladie par des moyens énergiques tels que la cautéri-
sation au fer rouge. Il est certain du moins que lorsque la lésion atteint les
proportions que nous venons d'indiquer, les antipblogistiques émoUients et réso-
lutifs, les débridements ordinaires seraient absolument msuffisants ; il y a lieu
de faire la part d'une mauvaise disposition de l'organisme et de la pénétration de
principes septiques dans les voies circulatoires qui menacent la vie par un effet
deutéropatbi(iue. Les toniques, l'aconit, le camphre à l'intérieur, l'acide [hénique
et la cautérisation sur les parties affectées sont d'un emploi très-rationnel.
Dans des cas de ce genre l'anthrax n'est pas restreint à ses formes connues
et habituelles. 11 est le début et l'occasion d'une atteinte morbide à forme essen-
tiellement gangreneuse et qui dans d'autres circonstances se montre seule sans
que les foyers anthracoïdes établissent sa période initiale. Cette forme morbide
si grave, que l'on a signalée aussi sous le nom d'œdème malin, de charbon, est
aux lèvres ce que le noma est à la cavité buccale. Elle atteint spécialement la
lèvre inférieure, d'où elle se propage vers la région sus -hyoïdien ne qui s'œdéma-
tie promptement et s'infiltre d'un liquide jaunâtre citrin ou opalin, ayant une
véritable analogie d'aspect avec celui qui infiltre les tissus autour d'une pustule
maligne. A l'inoculation près, c'est la même maladie. Nous l'avons observée deux
fois, et récemment sur une jeune dame qui fut rapidement emportée, malgré le
traitement le plus énergique, ayant consisté en débridements profonds suivis de
cautérisations avec le chlorure d'antimoine. Les lèvres, en raison de leur position
extérieure, sont au reste sujettes à la pustule maligne. Boyer a cité l'histoire
d'un boucher ([ui, dépouillant une bête attemte de charbon, et ayant déposé
entre ses dents'le couteau qui servait à son opération, s'inocula la matière sep-
tique et fut atteint d'une pustule maligne de la région labiale.
Complétons ces considérations sur l'anthrax des lèvres et les affections qui lui
ressemblent en rappelant que l'anthi'ax relève ordinairement d'une mauvaise
disposition générale de l'organisme et qu'il peut se lier au diabète.
Difformités accidentelles de l'orifice buccal. La mobilité des lèvres, la dis-
position de l'orifice qu'elles circonscrivent, leurs rapports avec les parties voi-
sines permettent de se rendre compte des traces que peuvent laisser dans cette
région les lésions traumatiques, les atteintes inflammatoires, les ulcérations et
les pertes locales de substances, quelle que soit leur cause. Les déformations acci-
LEVRES (pathologie). 405
dentelles qui en résultent se traduisent surtout par l'atrcsie, les déviations et les
adhérences anormales. Ces lésions sont tantôt isolées, tantôt combinées; elles
dépendent généralement de cicatrices vicieuses établies au niveau même de l'ori-
fice buccal, à son voisinage, ou dans l'intérieur même de la bouche ; les premières
occasionnent surtout l'atrésie, les secondes les déviations, et les dernières des
adhérences profondes.
Parmi les causes qui peuvent aboutir à de pareils résultats, se distinguent en
premier lieu les lésions traumatiques dont l'action irréguhère produit une forte
contusion ou une perte de substance, et change la disposition normale de l'orifice
buccal. Les plaies par armes à feu surtout occasionnent de pareils désordres, soit
qu'une partie des lèvres cède à leur action, et se détache directement, ainsi
que je l'ai observé sur un blessé de la campagne de Crimée, soit qu'en agis-
sant comme les agents contondants ordinaires, les projectiles produisent un écra-
sement des tissus suivi de mortification plus ou moins étendue. Certaines [ilaies
irrégulières faites par des corps tranchants conduisent au même résultat. Un
enfant à qui j'ai dû pratiquer la chciloplastie, avait fait une chute sur un fond
de bouteille cassée reposant sur le sol. Il en était résulté une blessure semi-cir-
culaire qui détacha la moitié de la lèvre inférieure à la f içon d'un emporte-pièce
et donna lieu à une cicatrisation vicieuse avec adhérence intra-buccale. On ne
saurait énumércr toutes les lésions traumatiques dont l'effet ultime consiste
dans la déformation de l'orifice buccal ; l'observation révèle chaque jour des va-
riétés nouvelles. La chirurgie elle-même, si elle n'aboutit pas dans ses tentatives
réparatrices après des opérations exigeant une perte de substance, peut créer
des déformations de cette nature. Les brûlures sont une des causes les plus ac-
tives des difformités accidentelles des lèvres. Elles surviennent dans un petit
nombre de circonstances. Sans chercher dans l'histoire sacrée ou profane l'exemple
d'isaïe qui brûlait ses lèvres avec un charbon ardent, ou de la Romaiue Porcie
qui cherchait la mort en introduisant dans sa bouche la même substance en igni-
tion, les cliirurgiens trouvent à enregistrer des exemples de brûlures labiales.
J'ai opéré de la chéiloplastie une jeune fille épileptique dont l'orifice buccal
avait été horriblement déformé par une brûlure survenue à l'occasion d'une chute
sur un fragment de bois embrasé, et j'ai dû faire l'agrandissement de l'orifice
buccal sur un jeune enfant cà qui sa mère avait, par mégarde, fait prendre du
bouillon tellement chaud, qu'il en était résulté une brûlure des lèvres et de la
muqueuse du vestibule de la bouche, avec atrésie et adhérences. On sait que les
brûlures du voisinage de la bouche, celles du cou, celles de la face, sont sui\ies
de formations inodulaires dont les extrémités adhérentes d'une part à un point
quelconque de l'ouverture buccale, et de l'autre à un point fixe, attirent par atro-
phie ou par rétraction, la partie mobde des lèvres, et produisent des difformités
complexes. Telle brûlure profonde de la joue peut, après la guérison, entraîner
simultanément vers le noyau de rétraction la paupière, la narine et la commis-
sure labiale. Des inflammations phlegmoneuses suivies de brides inodulaires pro-
duisent des effets semblables. Il en est de même des pertes de substance gangre-
neuses ou autres, des suites de la variole, des ulcérations diverses qui détruisent
les tissus à de grandes profondeurs et sur des surfaces étendues. Les hôpitaux
présentent de tels spécimens aux observateurs; nous en avons souvent constate
des exemples chez des infirmiers, profession qu'adoptent avec une certaine préfé-
rence les sujets ainsi disgraciés. Des ulcérations syphilitiques, scrofuleuses,
lupeuses, après une durée très-chronique et guéries \ grand'peine par des
464 LEVRES (pathologie).
remèdes internes ou après des cautérisations plus ou moins énergiques, se recon-
naissent encore après leur guérison, non-seulement à des cicatrices déformantes
qui détruisent le parallélisme des lèvres, mais à des nuances de coloration révé-
latrices du caractère primitif de la lésion.
Comme conséquence des cicatrices vicieuses déterminées par les causes qui
viennent d'être énumérées, nous noterons diverses déformations.
Atrésie de l'orifice buccal. Parfois il existe entre les lèvres une sorte de
palmure rudimentaire interposée entre les angles; les lèvres jouissent encore
d'une certaine liberté d'action et la palmure commissurale ne fait que restreindre
leur écartenient, sans rcm|iccher. D'autres fois les lèvres sont véritnbleraent
soudées par leur bord libre dans une étendue plus ou moins considérable, et il
en résulte une coarctalion de l'orifice, une atrésie plus ou moins prononcée. J'ai
vu et opéré deux malades chez lesquels il y avait impossibilité d'introduire, dans
la bouche, des ahments solides; le bec de la cuiller ou un étroit biberon pou-
vaient seuls engager dans la bouche les liquides nutritifs. Démarque signale un
cas pareil à la suite d'ulcérations. .1. Ilorst cite l'exemple d'un meunier varioleux
dont les lèvres soudées à la suite d'excoriation n'avaient laissé à la place de l'ori-
fice normal (]u'iin petit trou admettant à peine le bout d'un entonnoir. L'ouver-
ture devint si étroite qu'elle fut insuffisante et que le sujet mourut d'inanition.
Les cicatrices obi urantes sont tantôt souples, tantôt indurées ou calleuses. Elles
n'occasionnent qu'une douleur médiocre, mais la gêne fonctionnelle qu'elles
produisent devient très-considérable. Les sujets ainsi disposés ne peuvent ni se
nourrir convenablement, ni parler avec liberté. L'expression de la physionomie
est altérée, le rire et les actes respiratoires de la bouche se ressentent à des degrés
di\ers de cette fâcheuse disposition.
Déviation. Les cicatrices \icieuses périphériques exercent sur les lèvres et la
bouche une action non moins prononcée et plus variable dans ses apparences.
Suivant le sens des tractions exercées, elles déterminent des changements mor-
phologiques qui portent différents noms. Les pertes de substance de la partie
moyenne, suivies de rétraction verticale, produisent des encoches plus ou moins
profondes depuis le sw/cîts jusqu'au coloboma et au bec-de lièvre accidentel. Dans
d'autres cas, l'action cicatricielle se limitant à la surface cutanée ou à la surface
muqueuse provoque, comme aux paupières, Fectropion ou l'entropion labial. Si
la cicatrice agit comme au voisinage des commissures, elle entraîne la lèvre dans
le sens de sa rétraction, déforme la bouche et la portion correspondante de la
joue, découvre les gencives et les dents, expose la cavité buccale à des causes
incessantes d'irritation et à la perte des liquides salivaires, surtout si la lèvre
inférieure est entamée, détruite ou fortement sollicitée en bas par la bride fibreuse.
Les dispositions anormales les plus variées peuvent être l'effet de ces entraîne-
ments du contour de l'orifice buccal. Nous avons observé un cas dans lequel il
avait subi une ectopie complète et se trouvait comme transporté sur la joue
gauche; un lupus exedens à répétition, suivi de cicatrices partielles multiples et
irrégulières, avait substitué à l'orifice buccal cette ouverture anormale, froncée,
inégale, sans contractions régulières, et oi\ quelques traces phagédéniques attes-
taient encore la cause originelle de la déformation.
Adhérences. Un des résultats les plus compliqués des difformités que nous
passons en revue, s'exprime par la production d'adhérences intra-buccales. Ces
adhérences succèdent à des ulcérations qui se produisent simultanément à la face
interne des lèvres et à la partie correspondante des gencives et de la muqueuse
LEVRES (pathologie). 465
placée au delà. C'est particulièrement à la suite de stomatites gangreneuses, du
noma, d'ulcérations syphilitiques, de la mercurialisation poussée à un haut degré,
que se produisent, pendant le travail de réparation cicatricielle, ces adhérences que
favorisent l'immohilité du rebord alvéolaire et les mouvements toujours limités
auxquels sont condamnés les lèvres entamées par des ulcérations étendues. Ces
adhérences se font tantôt par d'assez larges surfaces, tantôt par des brides limitées
dont le doigt porté dans la cavité buccale, apprécie la position et le relief. Parfois
adhérentes à leurs extrémités, ces brides sont libres à leur partie moyenne, plus
souvent elles tiennent par toute leur étendue aux tissus qu'elles unissent et s'en-
foncent à des profondeurs variables dans ces derniers. Elles les affermissent ainsi
dans des rapports fixes incompatibles avec les fonctions de la cavité vestibulaire de
Ja bouche. Certaines adhérences, plus profondes et plus complètes, s'étendent
d'une mâchoire à l'autre, atteignent par leurs éléments fibreux les arcades alvéo-
laires et les immobilisent non-seulement par rapport aux lèvres qui les recouvrent,
mais de manière à s'opposer à l'écartement des os maxillaires. C'est surtout lors-
qu'un coup de feu a porté le désordre dans une grande étendue de tissu, fracturé
les os, détaché des esquilles et occasionné plus tard de longues suppurations que
des inodules puissants s'organisent et subissent graduellement des métamorphoses
dont l'ossification est le dernier terme. Une sorte d'ankylose s'établit entre les
mâchoires elles-mêmes, dont les dents se rencontrent et se dévient : leur couronne
et leur collet se recouvrent de tartre, les gencives se ramollissent, les liquides
buccaux s'altèrent et ajoutent l'impression d'une certaine fétidité à la position
pénible des malades qui ne peuvent ni recevoir des aliments solides ni parier li-
brement ; une pareille situation réagit sur la nutrition et constitue un cas dont
l'importance sera mieux appréciée dans un article spécial. {Voij. Mâchoires.)
Traitement. Les moyens thérapeutiques applicables aux déformations de l'ou-
verture buccale se divisent naturellement d'après les trois groupes principaux
que nous venons de passer en revue. Nous les examinerons successivement en tant
qu'ils ont pour but prédominant de combattre l'atrésie, de corriger les déviations
ou de détruire les adhérences anormales ; quant à ce qui concerne l'indication
plus spéciale de réparer les pertes de substance, indication qui peut se combiner
avec les précédentes, il en sera question plus opportunément à propos de la
chéiloplastie.
Le traitement de l'atrésie de l'ouverture buccale est tantôt palliatif et tantôt
curatif. Si le rétrécissement de l'orifice ne fait que gêner l'introduction des ali-
ments et que le malade se refuse à toute opération proprement dite, on peut se
contenter de varier les artifices pour l'ingestion des aliments. L'usage du biberon,
de l'entonnoir de J. Horst, d'une cuiller étroite, d'un bol càbec d'aiguière allongé
sera utile pour l'introduction de substances Hquides ou demi-liquides. 11 peut
être utile de dilater le petit orifice buccal préalablement enduit de glycérine bei-
ladonée, avec de l'éponge préparée, avec la tige de la minaire, ou la racine de gen-
tiane. Ces moyens sont généralement peu tolérés ou inefficaces. La dilatation forcée
serait peu rationnelle, surtout dans une région où la nécessité d'éloigner toute
chance de déchirure susceptible d'ajouter à l'irrégularité de la forme, doit être soi-
gneusement écartée ; c'est donc à une opération qu'd faut avoir recours et le cas
qui se présente alors n'est pas sans analogie avec la lésion connue sous le nom de
doigts palmés où l'on voit une membrane plus ou moins épaisse remphr l'intervalle
qui sépare les doigts.
Vincision transversale faite à droite et à gauche de l'orifice rétréci jusqu'au
DICT. ESC. 2° s. IL 30
466 LEVRES (pathologie).
niveau normal où correspondent les commissures, se présente comme le procédé
le plus simple ; il est celui que les malades préfèrent, à cause de sa prompte exé-
cution ; mais l'expérience démontre que, dans ces cas, la simplicité ne donne pas
la garantie du succès. Alors même qu'à l'exemple d'Aumssat on décliire la cica-
trice des commissures au moment oii elle se forme, ou qu'on résiste à ses progrès
par l'interposition d'une lame de plomb, ainsi que le recommande Boyer, le tra-
vail de cicatrisation triomphe de l'obstacle, gagne du terrain au dépens de la lon-
gueur donnée aux lèvres par l'incision transversale, et finit par reproduire la dit-
Ibrmité. 11 importe, pour obvier à ce résultat presque constant, et qui reproduit
aux lèvres les mêmes effets que l'on constate après l'incision simple de la mem-
bi'ane intermédiaire des doigts palmés, de changer les conditions de la cicatri-
sation, et d'obtenir par exemple un trajet préalablement cicatrisé au niveau des
nouvelles commissures, d'oîi l'on ferait partir les incisions labiales pour les duiger
vers l'orifice rétréci, ou de provoquer une rapide cicatrisation cutanéo-muqueuse,
soit vers les rebords labiaux, soit surtout au niveau de l'angle, afin d'empêcher
celui-ci de s'effacer ou de se rapprocher de plus en plus du centre de l'ouverture
buccale; de cette intention sont nés les procédés suivants :
Emploi (ht botoc ou création préalable d'un trajet cicatrisé au niveau des
commissures. On sait que certaines parties du corps peu épaisses et présen-
tant peu d'aptitude inflammatoire, comme le lobule de l'oreille, la sous-cloison
de la saillie nasale, peuvent supporter la présence prolongée de corps étrangers,
tels que des anneaux métalliques, et que les trajets se revêtent autour de
ces corps d'une membrane cicatricielle qui les rend permanents. Les lèvres, sans
offrir la même tolérance que les parties que nous venons d'indiquer n'excluent
pas absolument le séjour des corps étrangers et le trajet que ceux-ci parcourent
dans leur épaisseur est susceptible de cicatrisation isolée. Les récits des voyageurs
ont appris que certaines peuplades de l'Amérique du Sud, les Botocudos, sont
dans l'habitude de loger ainsi dans l'épaisseur de leurs lèvres des anneaux ou
d'autres objets connus sous le nom de botoc et qu'ils attachent à la présence de
ces objets l'idée d'un agrément et d'un accroissement de beauté. La présence du
botoc, dont le volume est souvent considérable, crée des trajets artificiels perma-
nents. Cette pratique, qui cause une juste surprise aux Européens, est cependant
de nature à démontrer que la région labiale n'est pas rebelle à la production d'un
revêtement isolant dans le trajet de ces corps étrangers, et que le botoc peut être
essayé dans les cas oiî on juge utile de provoquer des trajets accidentels de ce
genre. L'opération du rétabhssement de l'orifice buccal, d après ce principe, a été
proposée par Kriiger Hausen, et a son analogue dans le procédé de Rudtorffer
pour remédier aux adhéi'ences des doigts. Elle comprend deux temps; dans le'
premier, on crée le canal artificiel ; dans le second, on incise la partie comprise ;
entre l'orilîce buccal rétréci et le trajet artificiel cicatrisé. L'exécution du premier j
temps se fait en perforant à la hauteur et à la distance oiî doivent se trouver les j
commissures, l'épaisseur des lèvres ou de la joue, en évitant le trajet connu des *
artères qui appartiennent à la région; la perforation se fait avec un bistouri, un
stylet pointu ou un Irois-quarts. Nous préférons une canule à bord tranchant qui
enlève, iî la manière d'un emporte-pièce, un morceau cylindrique des tissus ; on
engage dans le trajet soit un tube de plomb, soit un fragment régulier d'ivoire ou
un séton formé de fils de soie réunis et dans tous les cas on fait choix d'une sub-
stance dont la nature ne soit pas irritante, afin d'atténuer le plus possible le déve-
loppement inflammatoire que le corps étranger ne manque guère de provoquer.
LÈVRES (pathologie). 4<.'7
Le double bouton d'ivoire avec un cylindre intermédiaire, dit bouton de chemise
dont une plaque amovible pourrait se visser à volonté, nous paraîtrait le moyen
le plus commode dans ce but. Il va sans dire qu'un instrument de ce genre de-
vrait rester eu place autant de temps que l'exigerait une cicatrisation solide. Ce
résultat obtenu, en supposant qu'il n'y eût point de scène inflammatoire qui
forçât à renoncer à son emploi, il y aurait lieu de procéder au second temps, qui
consisterait à inciser transversalement, dans la direction, connue des lèvres, l'es-
pace compris entre l'ouverture buccale coarctée et le trajet artificiel établi aux
commissures.
Débridement et suture cutanéo-muqueuse . La clinique de Montpellier a mis
en vogue, depuis Serre, le procédé qui consiste à débrider transversalement la
palmure iulcilabiale et à réunir directement la muqueuse et la peau par des
points de suture. Des fils de soie doivent être employés à cet effet, et leurs points
d'application assez multipliés pour que la réunion se fasse exactement dans toute
l'étendue de l'orifice buccal agrandi. Si on laisse de trop grands inter\ ailes, la
coaptation cutanéo-muqueuse n'est pas exacte ; Fintlammation s'empare des par-
ties laissées à nu entre les nœuds et la non -réunion de la peau et de la nuiqucuse
fait échouer ultérieurement l'adhésion dans les points où elle a d'abord réussi.
Ce procédé très-vanté par son auteur, et qui nous a paru elfectiveraent c.vcel-
lent dans les cas nombreux oij nous l'avons appliqué pour des opéi'atioiis ana-
logues à celle qui nous occupe, prévient la coarctation ultérieure en sujiprimant,
par la réunion immédiate, les surfaces de section ; celles-ci resteraient, sans cette
précaution, à l'état de plaie exposée, et, en se cicatrisant de nouveau par seconde
intention, elles participeraient à l'obturation inodulaire partant de l'angle labial,
et reproduiraient ainsi la difformité primitive.
Ourlet des commissures. Dieffenbacli et avant lui Werneck, cité jiar Rigaud,
ont proposé d'arrêter aux commissures mêmes le travail de cicatrisation qui as-
sujettit obstinément les parties divisées à sa formation et à sa rétraction ulté-
rieure, car ces deux effets se produisent. Dans ce but, Dieffenbacli qui est sur-
tout le propagateur du procédé thérapeutique, s il n'en est pas l'inventeur, a
proposé de sacrifier une partie de l'épaisseur de la lèvre au niveau des extrémités
de l'incision transversale de la bouche aux dépens de la partie cutanée et de la
couche charnue jusqu'à la muqueuse qui doit être entièrement respectée. Cette
muqueuse restée adhérente par son côté externe est ensuite mobihsée par la sec-
tion de SCS bords supérieur et inférieur, et est ensuite renversée de façon à cou-
vrir par sa surface saignante l'angle rentrant des commissures et former dans ce
point une inflexion ou un ourlet véritable qui vient fixer son bord libre à la peau.
On comprend que, lorsque cet ourlet réussit, il forme une barrière au progrès cica-
triciel de la plaie angulaire des lèvres et réalise une condition excellente pour
maintenir l'orifice agrandi. On peut, si la muqueuse manque, faire avec la peau
ancienne une opération analogue, réserver un lambeau de cette dernière mem-
brane et le renverser vers la cavité buccale oii on l'assujettit, quoique avec plus
de difficulté, par des points de suture ; pour plus de sécurité dans le résultat défi-
nitif on doit faire sur les bords labiaux la réunion cutanéo-muqueuse en combi-
nant ainsi les procédés de Serre et de Dieffenbach. Ajoutons qu'il est utile dans
l'agrandissement transversal de la bouche de ne pas se contenter d'inciser la pal-
mure, mais d'inciser dans l'épaisseur de chaque lèvre la portion de tissu cica-
triciel qui s'y trouve et qui en se rétractant atténuerait le bénéfice de l'opération.
C'est ainsi que nous avons procédé dans un cas récent, et nous avons obtenu
468 LEVRES (pathologie).
une restauration complète de l'orifice buccal rétréci à la suite d'un noma.
Le traitement des déviations de l'ouverture buccale ne saurait être assujetti à
des l'ègles fixes, la dé\iatiou pouvant elle-même être très-diversifiée dans son
siège, dans son étendue et dans la cause qui l'entretient. L'ectopie latérale de
l'orifice peut exiger une opération complexe ayant pourbut de débrider d'abord
avec les précautions sus-énoncées pour empêcher la reproduction cicatricielle de
la difformité, et d'opérer ensuite la synthèse des côtés comme dans le bec-de-lièvre
commissural. (Foy. Bec-de-lièvre.) L'attraction des lèvres dans un sens ou dans un
autre rend nécessaires la section, le détachement ou l'ablation complète des brides
inodulaires qui fixent dans une direction déterminée les éléments mobiles de la paroi
antérieure de la bouche. Nous avons ainsi restitué la forme de l'orifice buccal
chez un jeune homme horriblement défiguré par une brûlure de la lace et du
cou, en opérant la section et le détachement de brides multiples et divergentes
étendues depuis la lèvre inférieure jusqu'au cou. L'extrémité cervicale de chaque
bride fut cernée par une incision en V ouvert en haut ; la bride étant détachée
dans son adhérence au point correspondant, les bords cutanés de la plaie furent
réunis au-dessous d'elle et la lèvre se l'eleva en proportion de l'ascension de
chaque colonne inodulaire ainsi détachée. — Le coloboma labial peut être traité
comme le bec-de-lièvre accidentel par la rescision de ses bords et l'emploi de la
suture entortillée. Un jeune homme qui désirait se marier et qui voulut être
préalablement débarrassé d'une difformité de la lèvre inférieure produite par du
tissu cicatriciel organisé sur la ligne médiane et attirant la lèvre en bas, fut traité
comme s'il était atteint d'une lésion hétéroplastique de la lèvre. Je cernai la
masse cicatricielle par une incision en V; j'enlevai la production fibreuse et je
réunis d'un côté à l'autre par la suture entortillée. — L'entropion et l'ectropion
des lèvres exigent des rescisions en sens opposé, pour restituer le parallélisme des
faces cutanée et muqueuse. Les bords des incisions seront réunis par la suture
ou livrés à la suppuration suivant qu'on voudra changer simplement la hau-
teur de la lèvre à corriger, ou créer une force cicatricielle agissant en sens op-
posé de la cause primitive de la déviation. On peut concevoir telle complication
donnant lieu à des indications plus déUcates et exigeant des procédés plus ou
moins analogues à ceux qui ont pour but de remédier à ce genre de difformité
sur la région des paupières. Dans tous les cas où l'on aura à dégager les lèvres
déviées de l'assujettissement oîi la maintiennent des cicatrices vicieuses, il im-
portera avant d'attaquer ces dernières par des incisions, de les modifier par la
malaxation, par des tractions parallèles ou perpendiculaires à leur direction pré-
dominante, enfin, par l'ensemble des procédés qui appartiennent à ce qu'on
nomme la gymnastique suédoise. Le docteur Bourguet (d'Aix) vient de publier
{Montpellier médical, \ 869) quelques faits en faveur de cette manœuvre spécia-
lement appliquée aux cicatrices de la face.
Quant au traitement des adhérences accidentelles qui s'établissent entre la
face profonde des lèvres et la muqueuse du rebord alvéolaire, et qui peuvent
s'étendre jusqu à la face interne des joues; il consiste dans la destruction de ces
adhérences, suivie de l'interposition de corps étrangers destinés à empêcher leur
renouvellement. La libération des parties peut être tentée par le décollement des
adhérences qu'on cherche à obtenir en introduisant dans la bouche le doigt,
une sonde de femme ou tout autre instrument mousse. Ce procédé ne saurait
rendre quelque service que dans les cas simples et récents; mais il est absolument
insuffisant pour la destruction des adhérences un peu étendues ou anciennes.
LËVRES (pathologie). 469
Dans le cas de Vincision, à l'aide d'un bistouri simple ou boutonné convenable-
ment dirigé entre les lèvres et le rebord alvéolaire, cette manœuvre peut être
gênée par le rétrécissement de l'orifice buccal auquel il faut remédier concur-
remment par l'application de l'un des procédés précédemment indiqués. Si les
adhérences sont étendues, épaisses, et comprennent simultanément les joues et
les lèvres, ce qui tend à l'oblitération d'une partie de la bouche et à l'immobili-
sation plus ou moins prononcée des mâchoires, il peut être nécessaire de prati-
quer l'incision des parties dans une étendue plus ou moins considérable. On ren-
contre nécessairement des difficultés lorsqu'on veut respecter à la fois l'inté-
grité de l'orifice buccal, et des couches extérieures des lèvres et des joues. Dans
ces cas, on a proposé et exécuté l'excision des adhérences en attaquant les lèvres
et les joues de dehors en dedans par des brèches plus ou moins considérables,
et dans diverses directions. Les adhérences sont ainsi mises à découvert, le tissu
inoddlaire qui les constitue est emporté comme une tumeur anormale, et l'on
réunit ensuite les bords des incisions à l'aide de la suture entortillée. Mott, Yel-
peau. Serre, ont exécuté des opérations de ce genre, mais avec un succès tempo-
raire. La destruction des adhérences n'est pas effectivement la seule difficulté
contre laquellij le chirurgien ait à lutter dans des cas de ce genre ; une dil'ficulté
plus grande l'attend après l'opération, lorsqu'il s'agit d'empêcher le renouvelle-
ment des adhérences. La muqueuse ayant été détruite, et les surfaces atteintes
étant nécessairement livrées à la suppuration, de nouvelles formations inodu-
laires remplacent les anciennes et reproduisent plus tard la condition qu'on
a voulu détruire. On doit cliei'cher à écarter ce résultat en introduisant entre
la paroi génio-labiale et le rebord alvéolaire des corps étrangers qui puis-
sent être tolérés, tels que : une éponge fine disposée en lame, un linge enduit
d'un corps gras, une plaque de plomb garnie, un morceau de liège aminci et
taillé dans une forme convenable. Mais ces corps étrangers ou sont gênants et
ne tiennent pas la place qu'on voudrait leur assigner, ou n'exercent qu'une action
insuffisante ; la néoformation cicatricielle rétrécit de plus en plus le champ de leur
action, elle les repousse au heu de subir elle-même l'empêchement qu'ils sont
destinés à produire. En désespoir de cause, pour quelques cas graves, on a eu re-
cours à des procédés chéilo ou génio-plastiques. Dieffenbach dit avoir disséqué un
lambeau de muqueuse buccale et l'avoir ramené et fixé à l'intérieur de la bouche
sur la surface mise à nu par la section des adhérences. V. Mott a rapporté de son
côté un cas d'ablation complète d'une masse cicatricielle qui exigea le sacrifice
d'une partie de la joue, oii le vide fut comblé par un lambeau tégumentaire ra-
mené et greffé sur le contour de la perte de substance. Dans les deux cas, le
succès a été annoncé. J'ai renouvelé deux fois l'opération de Mott avec un succès
complet, notamment chez un jeune homme de 26 ans, admis en 1863, à la cli-
nique de Montpellier, pour se faire guérir des suites d'un coup de feu qui avait
fracturé la mâchoire, emporté la commissure labiale gauche, détruit la joue et
créé, après la cicatrisation, une difformité très-étendue, avec adhérence labio-
génienne. La perte de substance fut régularisée, et un lambeau pris sur la région
supérieure et latérale du cou, ayant sa base adhérente au niveau du bord anté-
rieur du masséter, fut ramené sur le vide do la perte de substance et convena-
blement fixé par des points multipliés de suture. La réunion lut très-exacte, les
formes furent convenablement restituées et la mobilité de la mâchoire fut récu-
pérée. Je conserve le dessin photographique de ce résultat opératoire. La méthode
de Mott est dans tous les cas infiniment prélérable par son exactitude et par la
470 LÈVRES (pathologie).
facilité de son exécution à celle de Dieffenbach ; on ne trouve, en effet, dans des
cas de cette nature, qu'une portion insuffisante de muqueuse saine pour la
reporter dans l'intérieur môme de la bouche, sur la surface résultant de la sec-
tion ou de l'extirpation des adhérences, sans compter la difficulté de la greffe,.
de la suture intrabuccale et de la ressource précaire de ce lambeau muqueux
sujet lui-même à s'enflammer et à se détruire dans l'intérieur de la bouche.
I Nous dépasserions les hmites de notre siyet en parlant des adhérences pnv
fondes, qui assujettissent l'une à l'autre les deux mâchoires. Ces sortes d'adhé-
rences n'appartiennent plus à la région labiale proprement dite; l'immobilisation
des lèvres n'y représente plus qu'une circonstance accessoire, et c'est pour ces cas
que la dilatation forcée avec des coins engagés entre les arcades dentaires avec
l'instrument dilatateur de Stromeyer, ou d'autres moyens analogues, peut être
indiquée. Dans les cas graves et rebelles, on peut avoir à pratiquer l'opération
d'Esmaik, dont la description actuelle serait un lioi's-d' œuvre.
Tumeurs et ulcèrï;^ bes lèvres. Les tumeurs sont peu susceptibles de clas-
sification dans la région qui nous occupe. Les lèvres, comme toutes les parties
du corps, participent à la manifestation générale des influences dyscrasiques qui
s'expriment par l'apparition de tumeurs ou d'ulcères, et de plus, présentent une
disposition marquée à la production d-e quelques tumeurs locales. Nous décri-
rons successivement, et en n'insistant que sur les particularités qui les caracté-
risent dans la région labiale,» l'hypertrophie, les tumeurs érectiles, les tumeurs,
propres des glandules labiales (kystes et adénomes), les affections syphilitique*
et le cancer. Pour ne pas nous exposer à des redites, nous examinerons simul-
tanément les ulcères qui peuvent accompagner ces tumeurs î^ux diflérentes pé-
riodes de leur évolution.
Gonflement ; hypertrophie. La lèvre supérieure est spécialement disposée aune
tuméfaction chronique très-fréquente chez les sujets atteints de scrofules. Cet
état est loin cependant de représenter un caractère constant de la dyscrasie ;.
bon nombre de scrofuleux en sont exempts, et l'on observe surtout le gon-
flement de la lèvre supérieure, lorsqu'il existe simultanément des coryzas
chroniques, des éruptions impétigineuses au'.our des narines, des ulcères scro-
fuleux ou lupeux au voisinage de la lèvre ou des ulcérations du sillon
labio-alvéolaire. La tuméfaction est due à une infiltration œdémateuse du
tissu conjonctif, principalement du côté de la couche profonde qui est ra-
mollie, dépressible et qui porte souvent les traces des saillies alvéolo-den-
taires. Cette tuméfaction est à peu près indolente, elle augmente par l'action
du froid ou à l'occasion des recrudescences qui se produisent dans les lésions
cutanéo-muqueuses du voisinage ; elle n'aboutit que très-rarement à la suppura-
tion. Le gonflement est toujours plus marqué à la partie moyenne que sur les^
côtés. La résistance du plan postérieur est cause que la lèvre supérieure repous'
sée en avant surplombe l'inférieure et change l'expression physionomique. Cette
affection ordinairement sans importance se dissipe avec l'influence générale ou lo-
cale qui la détermine ; il est rare qu'elle donne lieu à des abcès dans l'épaisseurde
la lèvre, mais on voit plus souvent l'inflammation subaiguë et chronique aboutir
à une induration rebelle qui peut exiger alors l'intervention du chirurgien. Si les
astringents et les résolutifs ainsi que les remèdes généraux ont été sans efficacité,
on peut, à l'exemple de M. Paillard, qui s'est occupé du traitement de cette af-
fection {Journal des Progrès, l'"' série, t. III), attaquer la partie indurée par une
incision transversale, parallèle au bord libre de la lèvre et s'étendant d'une cQm-
LËVRES (pathologie). 471
rnissure à l'autre, cuiiilércssaut l'organe aune profondeur variable. Ou retranche
ensuite, du côté de la bouche, la portion excédante de la lèvre préalablement ren-
versée, en ménageant le plus possible la muqueuse qu'on peut ramener vers la
portion respectée du bord libre, où on la fixe par quelques points de suture. Si
l'instrument du chirurgien avait intéressé l'artère coronaire, il serait indispensable
. de la lier.
Le gonflement chronique atteint plus rarement la lèvre inférieure ; on l'observe
pourtant chez quelques sujets lymphatiques disposés aux gerçures du bord libre
ou dans les cas de stomatite accompagnés d'une abondante salivation. Cette tumé-
faction permanente est assez fréquente aussi chez les crétins, les idiots, les para-
lytiques dont la lèvre pendante expose la muqueuse et le tissu cellulaire sous-
muqueux à l'action de l'air extéiieur et ne peut retenir la salive. Le gonflement
paralytique peut dépendre d'un défaut d'imiervation locale. Nous l'avons observé
chez nu malade ailecté d'une paralysie double du nerf facial dont la physionomie
avait perdu toute expression.
L'hypertrophie proprement dite s'observe plus rarement, surtout en tant
qu'elle porte sur l'ensemble des éléments composants de la lèvre ; il est plus
commun de constater l'hypergénèse de quelques élénicnls, tels que celle de la
couche dermique et du tissu coujonctif sous-jucent, dansl'éléijhantiasis qui y alfecte
la forme tubéreuse et produit dans cette région des déformations f[uelquefois hor-
ribles. L'hypertrophie générale des lèvres, normale dans quelques races humai-
nes, est assez rare dans nos climats ; lorsqu'elle existe, c'est spécialement à la
lèvre inférieure qu'elle se manifeste. Elle est tantôt spontanée, tantôt liée à des in-
fluences pathologiques; nous l'avons vue coexister avec le prolapsus de la langue.
Quelle que soit sa cause, l'hypertrophie delà lèvre modifie sa position. La lèvre est
renversée, pendante, plus ou moins indurée. Elle laisse souvent échapper la sa-
live, gène aussi la parole, ne sert pas convenablement à la clôture de la bouche
et entraîne secondairement une modification dans la direction des dents. Les inci-
sives se portent en avant et servent peu à la mastication ; leur collet se recouvre
de tartre et elles s'ébranlent prématurément. Les contractions de la lèvre se font
d'une manière imparfaite et ne peuvent redresser l'organe qui est souvent agité
d'un tremblement involontaire surtout pendant les émotions morales. Ces divers
caractères étaient portés à un degré excessif chez un souverain d'Allemagne, Léo-
pold II, qui a laissé son nom à une disposition dont il portait le type le plus accen-
tué {lahium leopoldinum).
L'hypertrophie labiale doit être combattue par les préparations iodnrées. On
peut soumettre la lèvre à une compression plus ou moins soutenue à l'aide d'un
appareil spécial agissant sur ses deux surlaces, ou par un bandage analogue au
cbeveslre qui relève l'organe et l'appuie contre l'arcade alvéolo-deataire. Ce n'est
que lorsque l'hypcrtropliie est très-considérable et qu'elle s'accompagne non-seu-
lement de gène très-prononcée, mais de douleur et d'induration qu'on peut l'assi-
miler aux tumeurs exigeant le sacrifice de l'organe et qu'on doit lui appliquer des
opérations dont l'exposé sera mieux placé lorsqu'il s'agira du cancer labial.
Tumeurs érectiles ; angiomes. Ces tumeurs qui peuvent se retrouver dans
toutes les régions du corps, méritent une mention spéciale en tant que siégeant
aux lèvres. C'est en effet l'une des régions où on les observe le plus fréqui-mment.
Dans un tableau de 151 observations publiées par M. Porta {DeWangectasia. Mi-
lano. 1861) 107 occupaient la région de la tète; parmi celles-ci, 89 étaient situées
à laface, et dans ce dernier groupe, 10 appartenaient aux lèvres. Un relevé fait par
472 LEVRES (pathologie).
M. Lebert donne des résultats analogues; sur 56 tumeurs de ce genre 26 occu-
paient latctc, et parmi ces derniers 7 siégeaient à la région des lèvres. Le sexe
féminin paraît être une cause prédisposante des tumeurs érectiles des lèvres. Je
)iote comme particularité intéressante que sur 10 cas de tumeurs érectiles des lè-
vres que j'ai dû opérer, toutes ont été présentées par des sujets du sexe féminin.
Le jeune âge prédispose particulièrement au développement de ces tumeurs. La
moitié au moins sont congénitales et se présentent à la naissance sous forme de
nœvi. Il serait intéressant de déterminer l'époque de la vie intra-utérine à la-
quelle les naîvi apparaissent. L'examen des collections de fœtus, conservés à divers
titres dans les grands musées, signalerait sous ce rapport des faits inexplorés jus-
qu'à ce jour, et qui probablement établiraient une corrélation entre l'apparition
des tumeurs érectiles et les modifications de la circulation pendant la vie intra-
utérine. Les divers points du contour de l'orifice buccal sont inégalement disposés
à la formation des tumeurs érectiles. Sur les 10 cas de ce genre que j'ai observés,
la lésion avait atteint 6 fois la lèvre inférieure, deux fois la supérieure ; dans un
cas, elle occupait la commissure gauche et dans l'autre le contour entier de l'ori-
fice buccal. .
Les tumeurs érectiles des lèvres se présentent dès le début sous forme de ta-
ches violacées tantôt circonscrites, tantôt diffuses et laissant voir à leur périphérie,
à travers la transparence de l'épithelium, de petits vaisseaux dilatés, susceptibles de
revêtir les formes connues des angiomes. Ces tumeurs consistent dans des capillai-
res de formation nouvelle présentant des dilatations cirsoïdes anipullaires plus ou
moins irrégulières, tantôt étalées dans le réseau sous-cutané ou sous-muqueux,
tantôt pénétrant plus profondément et compris dans un stroma-fibreux aux dé-
pens des tissus de la région. L'âge iuQue sur la prédominance des éléments vas-
culaircs de ces sortes de tumeurs labiales. D'après M. Broca {Traité des tumeurs
t. II, p. 217), la prédominance artérielle serait plus commune chez les enfants.
11 est rare toutefois que, malgré la richesse artérielle de la région, les angiomes
des lèvres présentent des pulsations bien marquées, et les caractères de cette va-
riété de télangiectasie coimue sous le nom d'anévrysme dePott. La prédominance
veineuse s'observe plus souvent, surtout chez les adultes et les vieillards, et cet
état se révèle non-seulement par la coloration bleu d'acier, la mollesse et la dé-
pressibilité de la tumeur avec absence de battements, mais par l'accroissement de
ces caractères sous l'influence des causes qui gênent la circulation veineuse, telles
que les cris, les pleurs, la colère, ou des compressions exercées sur les troncs aux-
quels aboutissent les veines qui émergent des lèvres. Les angiomes labiaux peu-
vent affecter une disposition plus compliquée et mériter le nom de tumeurs ca-
verneuses, c'est-à-dire présentant des espaces extravasculaires où pénètre le
sang, soit que la résorption partielle des parois des vaisseaux dilatés ait abouti
à une perforation qui crée un passage au sang dans un espace latéral par rapport
au vaisseau, soit qu'un autre mécanisme formateur ait organisé ces locules ap-
pendiculaires, oîi se prolonge l'endothélium vasculaire. Billroth a représenté, à un
grossissement de 550 diamètres, un lacis de trabécules provenant d'une tumeur
caverneuse de l'une des lèvres, dont les mailles proportionnellement assez larges
étaient occupées par du sang.
Le volume des tumeurs érectiles des lèvres est variable ; il augmente générale-
ment avec beaucoup de rapidité chez les enfants. Parfois il suffit de quelques mois
pour qu'un najvus ou tache érectile acquière la dimension d'une framboise et s'é-
tende notablement en surface et en profondeur. La marche de ces tumevu's est
LÈVRES (pathologie). 475
beaucoup plus lente chez les adultes et les vieillards. Nous connaissons une dame
qui depuis trente ans porte une tumeur de ce genre aumilieu de la lèvre inférieure,
sans qu'aucun progrès notable se soit accompli. Dans des cas moins heureux, le
lacis vasculaire s'accroît ; il entraîne les capillaires voisins dans le sens d'une mo-
dification morbide analogue, et la tumeur acquiert successivement des dimensions
qui non-seulement gênent les parties affectées en les altérant par leur coloration
et leur forme irrégulière, mais qui peuvent se fendiller et s'ulcérer plus ou moins
profondément. Il en résulte des hémorrhagics qui se renouvellent avec des varia-
tions de fréquence ou d'intensité, et les tissus peuvent subir des modifications in-
times et des envahissements morbides d'une autre nature. Elles sont suscepti-
bles d'être atteintes par l'inflammation qui tantôt aboutit à l'altération avec hc-
morrbagie dont nous venons de parler, et d'autres fois à des productions
plastiques qui s'infiltrent dans les tissus ou y déposent les germes d'une organi-
sation cicatricielle avec oblitération restreinte des vaisseaux. D'autres lois des
végétations, des fongosités, se montrent à leur surface qui devient bosselée et irré-
gulière. Des produits morbides d'un autre genre peuvent aussi se montrer dans
les parois des vaisseaux ou dans les intervalles qui les séparent. Holmes a
signalé de petits kystes séreux. Ils sont rares en pareille circonstance. Il est plus
ordinaire devoir la région labiale envabie par des tumeurs composées, autrefois
désignées sous le nom de fongus-hérnatodès, et dans lesquelles les éléments des
cancers et ceux des tumeurs érectiles, se combinent et se compliquent mutuelle-
ment. Nous avons observé une tumeur de ce genre qui, ayant affecté simultané-
ment la lèvre supérieure et la sous-cloison du nez, exigea le sacrilice complet de
ces parties et une opération réparatrice complémentaire.
Ce n'est que par exception que les tumeurs érectiles des lèvres restent absolu-
ment stationnaires, et c'est par une exception plus grande encore qu'on les voit
rétrograder et guérir spontanément. MM. Velpeau et Gosselin ont observé des
cas dans lest(uels la trame érectile s'était transformée en tissu fibreux. Mais on
s'exposerait à des mécomptes en fondant un heureux pronostic sur cette possi-
bilité. Ces sortes de tumeurs sont essentiellement envahissantes, elles peuvent
gagner du côté de la muqueuse ou de la peau, parfois dans les deux sens à la fois,
en atteignant aussi la substance intermédiaire et en exposant les sujets soit à des
hémorrhagics soit aux dégénérescences compromettantes dont il vient d'èire ques-
tion ; aussi une tumeur érectile des lèvres étant donnée, surtout chez un enfant,
et lorsque la marche envahissante est constatée par une observation attentive,
l'indication d'en arrêter les progrès peut-elle être considérée comme formelle.
Parmi les moyens dont l'art dispose pour combattre ces sortes de tumeurs, quels
sont ceux qui sont le plus avantageusement apphcables aux angiomes de la région
labiale? Le choix de ces moyens doit être fondé sur l'importance de la tumeur,
qui se tire de son siège et de son étendue. Lorsque l'angiomeest superficiel, peu
étendu en largeur et en hauteur, qu'il présente l'aspect d'un réseau érectile étalé
on peut l'attaquer par la cautérisation à l'aide d'un pinceau imbibé d'acide nitri-
que monohydraté surtout s'il est bombé au bord libre ou à la face cutanée. Tout
autre caustique peut être mis eu usage selon les préférences du chirurgien. C'est
pour des cas du même genre que l'inoculation vaccinale, que l'injection de quel-
ques gouttes de perchlorure de fer liquide à l'aide delà seringue à tube capillaire
dePravaz, peuvent aussi aboutir à un résultat favorable. Si la tumeur circonscrite
permet d'agir sur les deux faces de la lèvre, en la soumettant à une compression
graduée, celle-ci en agissant longtemps sur les vaisseaux peut les oblitérer. Boyer
474 LEVRES (pathologie).
signale un cas de guérison par ce moyen. Mais il considère le résultat comme ex-
ceptionnel, et cette ressource lui parait à bon droit infidèle. 11 est du moins
expérimental qu'il ne faut guère accorder de confiance à la catégorie des moyens-
de traitement qui ne combattent les angiomes que par l'action oblitérante. Lessé-
tons multiples, les aiguilles métalliques employées d'après la métbode de Lallc-
niand alors même qu'on les transforme en cautères linéaires en élevant leur tem-
pérature par un courant galvanique (MiddeldorplT) ou par l'action de léther
(Mathieu) ne peuvent donner dos résultats absolument satisfaisants. On peut
toutefois les mettre en usage dans les cas oîi les malades se refusent à l'ablation.
Nous avons nous-même obtenu la guérison d'un angiome de la lèvre inférieure
chez une femme, par les aiguilles multiples servant d'appui à quelques huit de
cliiffred'un fil de chanvre destiné à comprimer les tjssus. Mais ces moyens etceux
qui leur ressemblent et qui ont pour Itut d'oblitérer les vaisseaux en y créant des
cloisons cicatricielles, ou de coaguler le sang dans les voies qu'il parcouit, expo-
sent à laisser quelque partie de la tumeur en dehors de l'action thérapeutique lo-
cale qu'on a l'intention d'exercer. Des i eproductions quelquefois assez promptes
attestent bientôt l'insuffisance de la méthode, aussi vaut-il mieux recourir à une
action plus radicale, qui, en détruisant complètement la lésion, exonère l'organe
de toutes chances de reproduction. Cette méthode destructive trouve dans la ré-
gion la compensation du sacrifice qu'elle impose, par la possibilité de ramener au
contact les bords de la plaie résultant de l'ablation de la tumeur, ou par celle
de réparer par la chéiloplastie les pertes de substances trop étendues ou trop irré-
gulières pour se prêter à la réunion ordinaire. On peut enlever complètement les
tumeurs érectiles des lèvres par des excisions portant au delà de leurs limites sur
des tissus sains. Lorsqu'il est possible de les circonscrire par des excisionsenVsuivies^
de l 'affrontement des bords de la plaie et de la réunion parla suture entortillée,
on prépare les résultats les plus satisfaisants. C'est ainsi que nous avons procédé
dans le plus grand n ombre de cas, en suivant les règles ordinaires et en combattant
ces tumeurs comme les produits morbides hétéroplastiques dont il faut opportu-
nément débarrasser l'organisme. On comprend que suivant l'étendue de la perte
de substance qu'il faut infliger aux tissus, suivant le siège spécial et la forme de
la brèche qui en résulte, le chirurgien modifiera sa méthode et ses procédés d'abla-
tion et qu'il aura recours aux artifices variables de la chéiloplastique, qu'il serait
superflu d'indiquer à l'occasion de chacune des tumeurs labiales d'où peut
naitre l'indication de l'ablation. Le chirurgien ne devra point se laisser surprendre
par l'augnienlation de vascularité de la région. Une compression préventive con-
venable consistant dans l'aplatissement des artères faciales contre le plan résis-
tant de la mâchoire, des compressions temporaires des tissus divisés, exercées
par les doigts des aides et finalement le placement d'un nombre suffisant de liga-
tures en fil de soie, suivi d'un affrontement hémostatique à l'aide delà suture en-
tortillée, apporteront à l'opération toute la sécurité désii'able. Ce n'est pas pour des
opérations de cette nature, faites dans une région superficielle accessible aux
ressources de 1 héinoslasie, qu'on doit ériger en règle la méthode de la ligature
préalable du vaisseau principal. (Artères faciales, carotide externe ou carotide
primitive.) Il faudrait pour justifier une pareille opération que la tumeur dépassât
les limites de la région sur laquelle nous avons à examiner les angiomes, et alors
elle cesserait d'appartenir au sujet qui nous occupe. .
La destruction des tumeurs érecliles des lèvres, par l'ablation directe avec le
bistouri, u'est pas d'ailleurs la seule méthode X laquelle ou puisse recourir. L'em-
LÊVIIËS (pathologie). 475
[.loi (lu feu ou celui des caustiques ont paifois leurs indications. Mais leur action
profonde est génénûement irrégulière ou infidèle, leur résultat immédiat s'oppose
à l'affrontement des parties détruites, les cicatrices consécutives sont inégales et
des opérations chéilopkistiques ultérieures sont souvent rendues nécessaires. La
ligature simple si la tumeur est supportée par un collet, multiple si elle est ses-
sile et à base plus ou moins engagée dans la profondeur des tissus, peut rendre
des services, lorsqu'on veut à tout prix écarter les chances d'une liémorrhagie. Ce
moyen n'est pas à dédaigner chez les jeunes sujets. La suture multiple pratiquée
d'après le procédé de Rigal, permet de décomposer ime tumeur à large
base en un nombre variable de tumeurs pédiciilées et d'étrcindre eKicacemciil la
totalité de la masse morbide, fùt-elle très-étendue. J'ai opéré ainsi u\cc le plus
grand succès une petite fille âgée de 10 mois, et chez laquelle le contour entier
de l'orificebuccal était envahi par une dégénérescence érectile qui faisait de rapi-
des progrès. Étreinte par douze ligatures se faisant suite, la zone érectile qui
bordait l'orifice buccal tomba le sixième jour, en fiùsant place à une ouverture
agrandie mais régulièi'e. La suppuration qui se déclara sui* la surface mise à nu
par la chute du bourrelet érectile circulaire ne lut pas de longue durée ; des
bourgeons cicatriciels ne tardèrent pas à se former, à s'organiser d'après leur
mécanisme physiologique ordinaire, et après environ deux mois, la bouche refor-
mée et rétrécie, présentant h la place des lèvres normales un rebord rosé cica-
triciel, restituait un bon aspect physionomique et se prêtait aux fonctions de la
région. L'opération date actuellement de quatre ans, la coarctation n'a pas atteint
les proportions qu'on aurait pu redouter et aucune opération destinée à l'agran-
dissement de la bouche n'est devenue nécessaire.
Tumeurs des glandules labiales. Ces altérations locales sont propres à I»
région des lèvres et n'ont encore été l'objet que d'un petit nombre d'observations
précises. Oupeuti'econnaitre toutefois qu'elles sont le point de départ de l'oiiua-
tions kystiques et d'hypertrophies circonscrites ou adénomes.
Les kystes des lèvres ont été plusieurs l'ois constatés sans qu'on ait cherché à
se rendre compte de leur origine. Boyer les signale comme fréquents sur la l'ace
postérieure des lèvres, et spécialement sur celle de la lèvre inférieure au-dessous
de la muqueuse. Or c'est précisément le siège normal de la couche glanduleuse.
Ces tumeurs enkystées atteignent rarement un grand volume. Elles se dévelop-
pent en soulevant la muqueuse dont le tissu s'accroît et acquiert de la transpa-
rence. Le contenu de ces tumeurs consiste en une matière visqueuse et filante
qui otïre de la ressemblance avec le liquide de la grenouiUette. Elle s'accumule
graduellement dans la cavité formée aux dépens de l'organe dont l'orifice excré-
teur est rétréci ou oblitéré. Les kystes labiaux ainsi constitués restent quelque-
fois stationnaires. Ils sont indolents, déforment la lèvre en proportion de leur
volume et adhèrent plutôt aux parties profondes qu'à la muqueuse qui les
recouvre. Ces tumeurs que Virchow compare aux grains de mil ou aux comédons
des follicules pileux, ont en général des dimensions supérieures à celles de ces
petites élevures et lious paraissent avoir plus d'analogie avec les kystes qui se
développent dans l'épaisseur de la grande lèvre chez la femme et qui résultent
d'une dilatation des glandes de Bartholin. Leur cavité est souvent inégale et mul-
tiloculaire, ce qui s'exphque pai' la dilatation sacciforme ou ampullaire des culs-
de-sac qui n'ont, à l'état normal , qu'un renflement rudimentaire. Ces kystes
labiaux sont isolés ou multiples suivant qu'une ou plusieurs glandules prennent
part à la dilatation. Leur ouverture spontanée est très-rare. On a toutefois signalé
476 LEVRES (pathologie).
des trajets fistuleux «'ouvrant sur la lèvre et aboutissant par leur extrémité oppo-
sée aux glaudules envahies par la dégénérescence kyslique. CL.'.e disposition a été
notée comme existant à l'état congénilal et comme siégeant particulièrement à
la lèvre inférieure. Nous l'avons signalée à propos du bec-de-lièvre.
D'après le mécanisme que nous venons d'indiquer pour la formation des kystes
labiaux, leur traitement exige qu'on obtienne non-seulement l'évacuation, niais
l'oblitération de leur cavité. La ponction ou l'incision simple, ayant pour but
unique de donner issue au liquide exposeraient à une récidive presque certaine.
Dans un cas de ce genre, nous avons réussi en faisant suivre une large incision
d'un lavage de la cavité kystique et d'un badigeonnage intérieur avec un pinceau
fortement imbibé de teinture d'iode pure. 11 est rare que la tumeur soit assez
considérable pour exiger l'emploi du trois-quarts ordinaire suivi d'une injection
irritante. Un trois-quarts délié introduit avec précaution serait suffisant. Quant à
l'excision entière du kyste, elle entraînerait, à cause de l'adhérence de la partie
profonde de la tumeur, une dissection lente et assez laborieuse. Ce moyen ne
conviendrait que si les parois épaisses et indurées de la tumeur s'opposaient à une
oblitération probable. On peut se contenter dans des cas de cette nature de l'exci-
sion partielle de la paroi du kyste, soit qu'on emporte , soit qu'on respecte la
portion de muqueuse qui le recouvre. On n'a guère à cramdre une difformité de
quelque importance à la suite de cette opération, qui n'exige d'autre traitement
(jue ralli'oatemcnt des parties ou l'application d'une couche de collodion.
Vadénome ou hypertrophie des glandules, genre de tumeurs étabh par les
travaux des anatomo-pathologistes modernes et surtout par ceux de M. Broca, est
moins rare à la région labiale que les kystes proprement dits, et a été souvent con-
fondu avec les variétés de tumeurs cancéreuses qui alfectent les lèvres. Mais,
malgré des ressemblances extérieures avec les tumeurs comprises dans ce groupe,
les adénomes labiaux représentent une lésion spéciale dont on retrouve les analo-
gues dans les hypertrophies circonscrites des glandes. Ils appartiennent à l'espèce
connue sous le nom à' adénome acineux. Leur disposition intime se révèle par
des culs-de-sac solides hypertrophiés et parfois indurés, accolés ensemble et unis
par une faillie quantité de tissu fibreux. Comparables d'une manière générale aux
tumeurs adénoïdes des glandes en grappes, elles ont une analogie plus prochaine,
comme l'ont établi MM. Cornil et Kanvier, avec les hypertrophies circonscrites de la
parotide ou avec celles que M. Lebert a indiquées dans la glande lacrymale. Les élé-
ments glandulaires en s'hypertrophiant acquièrent non-seulement plus de volume,
mais pkis de consistance. Le revêtement épithélial pavimenteux de la surface
interne devient en même temps plus épais et représente, à une certaine période
du développement de ces tumeurs, la partie principale de leur masse; cette proli-
fération exagérée des éléments épithéliaux distend le tissu glandulaire et produit
à la surface de la lèvre une saillie que la pression de la tumeur rend plus marquée,
et par oiî elle fait échapper sous forme de vermisseau des cylindres déliés de
matière grisâtre, comme lorsqu'on presse des tumeurs folliculeuses. Cette dispo-
sitiou était très-marquée dans un polyadénome de la lèvre inférieure que j'ai
récemment observé et enlevé sur un militaire admis à la clinique de l'hôpital
Saint-Éloi. La tumeur, considérée d'abord comme un cancroïde, n'était en réa-
lité qu'un polyadénome dont les orifices excréteurs, ouverts sur la surface muqueuse
de la lèvre, émettaient par la pression la matière molle dont il a été question, et
où l'examen microscopique confié à M. le docteur Gayraud, chef de clinique,
révéla la présence de cellules d'épithélium pavimenteux. L'adénome et le polya-
LÈVRES (pathologie). 477
dénome de la lèvre sont des tumeurs bénignes qui peuvent acquérir sans doute
un développement assez considérable, mais qui restent essentiellement locales,
sans s'infiltrer dans les tissus voisins, ni se propager aux ganglions sous-maxil-
laires Dans l'adénome un peu ancien les cellules qui remplissent la cavité de la
glandule hypertrophiée peuvent s'infiltrer de substance graisseuse. D'autres fois
les culs-de-sac s'indurent et certains peuvent subir la dégénérescence kystique.
Pendant l'accomplissement de ces modifications nutritives, le malade éprouve
dans la région affectée une douleur sourde. La lèvre se gonfle, subit des atteintes
inilammatoires, devient douloureuse, l'éj/ithélium de son bord libre se desquame
ou se détache complètement et laisse la surface plus ou moins ulcérée. Si dans
ces circonstances les bords viennent à s'indurer, l'ensemble de la surface malade
revêt plus ou moins les apparences d'une ulcération syphilitique ou cancéreuse.
Mais l'origine, le mode de déveloj)pement de la tumeur, sa position d'abord
rapprochée de la surface muqueuse , son indolence primitive et qui se maintient
lorsqu'il n'existe pas de complication inflammatoire , et la disposition alvéolaire
de sa surface lorsqu'il s'agit d'un polyadénome, enfin le suintement de matière
épidermique ramollie par les ouvertures des tubes excréteurs lorsqu'on exerce
une pression concourent à éclairer le diagnostic. Si l'on ajoute que dans l'adé-
nome, il n'y a point d'engorgement ganghoiinaire sous-maxillaire même quand la
tumeur est ancienne, on écartera la pensée d'une affection cancéreuse, et si l'on
remarque qu'il n'y a ni antécédents ni signes concomitants de nature syphili-
tique, on aura des motifs encore mieux fondés pour distinguer l'adénome des
tumeurs, ulcérées ou non, qui appartiennent à cette dernière dyscrasie.
Le traitement de l'adénome labial peut admettre l'emploi des divers résolutifs
qu'on oppose d'ordinaire aux engorgements chroniques et aux hypertrophies, tels
que l'iode et ses composés donnés à l'intérieur ou employés comme topiques, la
préparation d'or, etc. Mais ces divers traitements médicamenteux longs et presque
toujours infidèles, le cèdent, à tous les points de vue, à une action chirurgicale.
L'excision en V, et mieux encore l'excision cunéiforme qui permet de conserver à
la lèvre ses couches cutanée et muqueuse établissent d'excellentes conditions de
gucrison; en détachant en effet dans l'épaisseur de la lèvre h couche glanduleuse
qui est le point de départ et le siège de ce genre de tumeurs, on met le malade
à l'abri de récidives. 11 suffit de rapprocher les surfaces entre lesquelles la tranche
prismatique formée par la tumeur et les tissus adhérents était contenue, pour
préparer une prompte guérison sans déformation de la lèvre qui reste seulement
plus mince que dans l'état naturel.
Affections sijphilitlques des lèvres. Les manifestations de ce genre les plus
importantes, dont la région labiale peut être le siège, sont le chancre et la tumeur
syphilitique.
Le chancreàes lèvres est une des plus importantes variétés de la syphilis extra-
génitale. Méconnu ou peu remarqué, bien qu'il eût été signalé depuis longtemps
par Fallope, Brassavole, Rondelet, Amatus Lusitanus et Botal, le chancre primi-
tif des lèvres avait été pour ainsi dire soustrait à l'attention des observateurs
sous l'empire des idées de Hunter qui avait concentré sur les organes géni-
taux et sur les manifestations primitives de la syphilis, l'origine de la conta-
gion. Mais l'Ecole de Montpellier a rappelé l'attention sur la fréquence des chancres
des lèvres. Delpech les a très-bien décrits dans sa Chirurgie clinique et a indiqué
l'engorgement coexistant des ganglions sous-maxillaires. Lallemand a signalé
aussi leur existence, et c'est à lui qu'on doit cette observation remarquable de
478 LbVKES (PATHOLOGIE).
trois amis infectés de chancres indurés des lèvres par la même femme qui recevait
simultanément leur cour pendant qu'elle était atteinte de sypliilis buccale
secondaire. {Clinique médico-chirurgicale, 1 845.) Reprise en 1854 parM.Rodet,
puis par M. Ricord et ses élèves, enfin et surtout par M. Rollet de Lyon, la ques-
tion du chancre céphalique en général et du chancre des lèvres en particulier, a
été examinée avec un soin qui a permis non seulement de constater l'existence
€t les variétés de cette affection , mais les rapports d'origine du chancre labial
chez le sujet contaminé avec les ulcérations syphilitiques à diliérenls sièges ou
parvenues à diverses périodes chez le sujet contammaleur.
Le chancre labial est le plus commun des chancres de la région céphalique;
chez les adultes, il affecte à peu près indifféremment la lèvre supérieure et la
lèvre inférieure et se montre plus rarement aux commissures ainsi que cela
résulte des observations et des statistiques dressées par MM. Fournier et Buzenet.
Ce chancre est plus fréquent chez la femme que chez l'homme. Dans les deux
sexes et à l'âge adulte, on l'observe beaucoup plus rarement que le chancre des
organes génitaux. D'après les relevés faits par M . Carrier à l'hospice de l'Antiquaille,
dans le service de M. Bonnaric de (Lyon), sur 150 femmes affectées de chancres
indurés, on a noté dix cas de chancres labiaux. Les statistiques dressées à Paris
par M. Fournier, chez l'honjme, donnent 12 chancres des lèvres sur 471 siégeant
dans diverses parties du corps ; M. Clerc ne signale aussi, pour l'homme, que
5 chancres labiaux sur 404 observations relatives à la même lésion dans divers
points de l'organisme. On peut en induire la moindre proportion de fréquence
chez l'homme que chez la femme.
L'enfance est l'époque de la vie où, toute proportion gardée, le chancre des
lèvres est le plus fréquent. Ce fait est établi par les observations de M. Rollet et
il s'explique lorsqu'on prend en considération la non-activité des organes génitaux
chez les enfants et les causes particulières qui les exposent à recevoir des caresses
sur la légion labiale, ou à contracter la syphilis pendant l'allaitement.
Les causes des chancres labiaux sont assez variées. Leur source la plus com-
mune consiste en des baisers impurs entre une personne saine et une personne
contaminée. Des aveux de nature à faire penser que les honteuses habitudes de
sodomie buccale se multiplient ont rétabli la réalité de cette cause de chancres
labiaux. Ceux-ci peuvent succéder aux pratiques judaïques de la circonci-
sion, qui consistent non-seulement dans l'excision prépuciale, mais dans le con-
tact entre les organes de l'opéré et la bouche de l'opérateur. L'allaitement est
une source de chancres labiaux admise depuis les premiers observateurs, niée par
l'école de Hunter et constatée de nouveau par les syphiliographes de nos jours. Il
importe toutefois d'en rechercher exactement la cause et de ne pas confondre les
manifestations de la syphilis héréditaire qui, chez les nouveau-nés, s'expriment
très-fréquemment par des ulcérations labiales bucco-gutturales ou nasales, avec
des chancres récents acquis par le contact des lèvres avec le mamelon d'une nour-
rice infectée. L'allaitement maternel est une cause beaucoup plus rare de chancre
labial, pour le nourrisson, que l'allaitement par une nouriice mercenaire. L'ha-
bitude oîi sont les nourrices d'échanger même temporairement les enfants qu'elles
allaitent, soit dans les hôpitaux, soit dans la vie civile, multiplie les occasions
d'infection qu'un choix attentif de la première nourrice tendrait à écarter. Le
nourrisson contracte ainsi ua chancre labial qui peut se communiquer à son tour
à la nourrice saine et créer des obscurités de diagnostic qu'on ne débrouille que
par une enquête d'origine. La question de la syphilis héréditaire, pouvant donner
LEVRES (patiiologik). 479
fieu à des ulcérations non primitives mais coulagicusos du nouveau-né, explifjuo
d'ailleurs, d'après les observations de MM. Colles et Diday, pourquoi la syphilis se
propage plus souvent de l'enfant à la nourrice que de celle-ci au nourrisson.
Les chancres labiaux résultent assez fréquemment de l'usage commun
d'objets usuels. Ainsi le bord souillé d'un verre, d'une cuiller, d'une écuelle dont
s'est servi un syphilitique peut transmettre la syphilis en provoquant l'apparition
d'un chancre sur la lèvre; les pipes, les cigares jouent le même rôle de véhicule;
j'ai vu des communications de ce genre entre des soldats d'une même chambrée
et entre deux frères. Les doigts eux-mêmes peuvent transporter le virus chancreux
J'ai été récemment consulté par un jeune homme qui, après avoir touché les or-
ganesgénitaux d'une femme infectée, avait ainsi transporté sur sa lèvre inlérieure le
principe contagieux et qui présentait un chancre induré. Un bonbon, sucé à tour de
rôle par des enfants, a pu communiquer un chancre syphilitique. (Hardy.) J'ai soi-
gné, d'un chancre labial, une jeune personne qui s'obstinait à n'attribuer d'autre
origine à son mal que d'avoir porté à ses lèvres une rose qui avait reçu les baisers
de son amant.
L'observation moderne a inscrit dans l'étiologie du chancre labial une cause long-
temps méconnue et qui paraît être assez fréquente dans une catégorie d'ouvriers
travaillant en commun. C'est le soufflage du verre. La syphilis des verriers, ainsi
designée à cause des circonstances oii elle se manifeste et de la profession qui
favorise sa propagation, a été l'objet d'intéressantes descriptions que la science
doit à M. RoUel, de Lyon [Tr ailé des maladies vénériennes), et à M. Viennois
{Congr. médico-chirurg. de France, 1865). Cette origine a été longtemps nié-
rnnnue, et ce n est qu'en 1858 que M. lioUet a signalé le premier cas de syphlhs
transmise par le soufflage du verrre. Depuis lors les faits se sont assez multipliés
pour qu'on soit autorisé à considérer les verreries comme de véritables foyers de
syphihs d'autant plus dangereux qu'ils ne sont l'objet d'aucune défiance. Si l'on
remarque avec notre savant confrère de Lyon que les usines consacrées à la fabri-
cation des bouteilles, vitres, gobelets, etc., sont très-nombreuses, non-seuleaient
chez nous, mais dans les pays producteurs de vins comme l'Italie et l'Espagne, ou
industriels comme la Belgique et l'Angleterre ou certaines régions de l'Allema-
gne; qu'en France seulement il se fabrique 60 millions de kilogrammes de verre à
bouteilles et que la gobeletterie seule occupe 20,000 ouvriers, on comprendra la
multiplicité des occasions de propagation syphihtique. La cause effective de cette
propagation entre les ouvriers qui soufflent le verre est l'usage commun de la
canne ou tube à souffler. Ce tube en fer dont l'embouchure peut recevoir la ma-
tière contagieuse passe successivement, et sans retard et sans qu'on prenne le soin
d'essuyer son embouchure, entre les mains de trois ouvriers qui soufflent l'un après
l'autre par cette embouchure quelquefois irrégulière et pouvant, indépendamment
du dépôt du virus, facditer sa pénétration par les excoriations qu'elle occasionne
pendant la coïncidence du soufflage avec une impulsion rotatoire que doit subir
l'instrument.
Signalons enfin comme cause de communication du chancre labial, les morsures
des lèvres d'un sujet sain pai* un sujet contaminé. Lordat a signalé celle cause
{Leçons sur l'odaxisme, Montpellier 1835) que M. Rollet compare, pour la syphilis,
au mode ordinaire de l'inoculation de la rage.
Quel que soit le mode d'origine du chancre labial, celui-ci peut revêtir sur ce
point les caractères connus de ce genre d'ulcération. Le plus souvent solitaire,
mais quelquefois multiple et existant sur Tune et l'autre lèvre aux points corres-
480 LEVRES (pathologie).
pondants, le chancre des lèvres s'indure comme celui de la région génitale ; il
excède rarement l'étendue de 1 centimètre de diamètre, mais peut, accidentelle-
ment, être beaucoup plus large. M. Buzenet cite un exemple oiî une ulcération de
cette nature avait détruit la moitié de la lèvre inférieure et s'était étendue à la moi-
tié de la hauteur de la joue. M. Rollet signale, comme l'une des Formes les plus
fréquentes, le chancre induré bombé, c'est-à-dire à fond plus saillant que les
bords.
Souvent visible du côté de la peau, il est cependant plus fréquent du côté de la
bouche où la ténuité de la couche éjiithéliale rend l'inoculation plus facile. Rendu
douloureux par son exposition habituelle à l'air, au contact des liquides buccaux,
à celui des aliments, des boissons ou des instruments qui servent à leur ingestion,
le chancre bucco-labial est assez douloureux et sujet à s'irriter. Il détermine par-
fois une stomatite vestibuluire ou même plus profonde avec exagération de sécré-
tion salivaire. Sa surface se modifie parfois et ])rend une coloration grisâtre. Il peut
atïecler la forme phagédénique; d'autres fois il subit la transformation sur place
en plaque muqueuse.
L'adénite de voisinage signalée par Delpech est assez fi^équente pour être consi-
dérée comme un de ses caractères; elle peut aboutir à la suppuration. L'engorge-
ment qui accompagne le chancre de la lèvre inférieure se manifeste aux ganglions
sous-maxillaires de la région sous-mentonnière, surtout pour le chancre de la
partie moyenne. Quand la lèvre supérieure est affectée ce sont plus spécialement
les ganglions latéraux et profonds qui subissent la propagation morbide et l'enva-
hissement inflammatoire.
Le diagnostic des chancres labiaux, quoique généralement facile, n'est pas
exempt de quelques obscurités. Les indications d'origine fournies par les malades
tendent souvent à induire le praticien en erreur et certains de ces chancres ne lais-
sent pas que de ressembler aune ulcération épithéliale. La rapidité de leur appa-
rition et de leur évolution, la limitation de l'induration à leur périphérie, le carac-
tère inflammatoire de l'adénopathie concomitlante, les anamnestiques, les
coexistences morbides, les suites infectieuses de la maladie, enfin l'épreuve théra-
peutique, dans les cas douteux, ne tardent pas à dissiper les doutes.
Ces chancres donnent lieu à un pronostic relativement plus fâcheux que ceux
des organes génitaux. La nullité de l'attention, propre à révéler leur début, les
laisse quelquefois longtemps ignorés. Les malades eux-mêmes cherchent à se
faire illusion, et l'ulcération fait quelquefois des progrès inattendus, soit sur
place, soit eu égard aux conséquences générales de l'inoculation syphilitique.
Une autre circonstance ajoute à la gravité du pronostic. L'obscurité même qui
enveloppe l'origine ou l'existence de ces ulcères multiplie les chances de conta-
gion. L'absence de toute défiance du sujet porteur de la lésion, ou l'ignorance
absolue dans laquelle se trouvent à cet égard les jeunes sujets et, à plus forte
raison, les nouveau-nés, établissent de déplorables sources de contagion. La com-
munauté des objets usuels et plus encoi'e les baisers entre membres d'une même
famille ou dans des circonstances qui établissent des habitudes famihères exposent
à de telles chances de communication, que des observateurs ont vu dans la mul-
tiplicité de ces cas une sorte d'endémie circonscrite. La syphilis des vieillards, et
spécialement celle des femmes âgées préposées à la garde des enfants, ne reconnaît
pas ordinairement d'autre origine. Le pronostic en est d'autant plus sérieux que
la maladie n'est souvent reconnue que par les symptômes généraux de la période
secondaire.
LÈVRES (pathologie). 481
Le traitement des chancres syphilitiques labiaux n'a rien de spécial. Les cau-
térisations, les soins de propreté, l'isolement de l'ulcération par son recouvre-
ment avec de la baudruche gommée, le traitement antiplilogistique et résolutif des
adénites concomitantes, et l'administration des mercuriaux lorsque l'induration
est constatée, constituent le traitement le plus rationnel.
La tumeur syphilitique des lèvres est un cas particulier de ces manifestations
tertiaires de la syphilis que j'ai décrites, dès 1846, sous le nom de tumeurs syphi-
htiques des muscles et que les observateurs ont constatées depuis dans presi|ue
toutes les portions musculaires du corps humain. Les faits signalés par MM. Ri-
cord, Nélaton, Vidal, Robert, Virchow, Becquerel, Zambaco, Lagneau fils et plu-
sieurs autres ont aujourd'hui généralisé ce sujet, mais ces auteurs ont passé sous
silence les tumeurs de cette nature développées dans l'épaisseur des lèvres et
pouvant simuler des affections d'un autre caractère. Je les ai toutefois constatées
assez fréquemment sur des malades admis à la clinique de l'hôpital Saint-Eloi de
Montpellier et qui, envoyés dans le but de subir une opération, ont pu être dé-
livrés par un traitement antisyphilitique. Les tumeurs vénériennes affectent de
préférence la lèvre inférieure. J'ai constaté six fois leur présence sur cette partie
de la bouche et une seule fois à la lèvre supérieure. Dans cotte région, comme
dans la plupart des organes musculaires, la tumeur syphilitique se présente tantôt
sous la forme dure et circonscrite appelée nodus et occupe soit la couche cellu-
leuse, soit l'épaisseur même de la lèvre ; tantôt elle revêt, plus manifestement
par sa forme un peu raoms limitée et par sa mollesse, au moins [)endant une cer-
taine période, le caractère des tumeurs gommeuses proprement dites ou syphi-
lomes. Dans la lèvre, leur volume varie depuis celui d'un pois jusqu'à celui d'une
petite noix. Ordinairement arrondie ou ovalaire, participant à la mobilité générale
de la lèvre, mais dépourvue de liberté dans le tissu de celle-ci, la tumeur syphili-
tique est le siège d'une douleur obtuse s'exaspéiant parfois la nuit. Sa consis-
tance, demi-molle dans les premiers temps de sa formation, se modifie pendant
sa marche tantôt dans le sens de la mollesse et peut arriver jusqu'à la réduction
en un liquide d'une grossière ressemblance avec de la gomme ramoUie ou avec du
pus, tantôt dans le sens de l'induration et alors elle ressemble aux productions
cancéreuses de la région dont on la distingue par son mode d'évolution et par
des successions ou des coexistences morbides dont le cancer est exempt, ainsi que
par une marche régressive inconnue dans le processus cancéreux. Cette marche
régressive, dont nous avons été plusieurs fois ti'moin sous l'empire des modifica-
teurs thérapeutiques, conduit les gommes syphilitiques labiales à des substitu-
tions d'éléments intimes ou de tissu et en particulier à l'atrophie graisseuse. Les
observations micrographiques de Virchow montrent le tissu envahi par les gommes
comme un tissu de granulation compacte à petites cellules dans le tissu connectif
intramusculaire. Leur dégénérescence graisseuse est précoce, et, lorsqu'elle se pro-
duit, les cellules disparaissent complètement, de sorte qu'il ne reste qu'une masse
finement granulée riche en graisse et d'apparence amorphe. Appliquée aux tu-
meurs gommeuses des lèvres suivies de guérison, cette remarque de Virchow m'a
paru justifiée par l'examen clinique. Sur un sujet affecté d'une tumeur de la
lèvre que je me refusai à enlever parce qu'elle me parut d'origine syphilitique,
un traitement général par l'iodure de potassium et le proto-iodure hydrargyrique
administrés simultanément fit disparaître la tumeur à tel point que la lèvre di-
minua d'épaisseur, s'amincit graduellement, perdit sa résistance naturelle comme
dans l'atrophie musculaire progressive. Dans cet état l'organe ne pouvait mieux
DicT. ENT,. i° s. IL 51
4S2 LÈVRES (pathologie).
être comparé qu à l'aspect que prennent dans cette dernière maladie les tissus du
premier espace intermétacarpien oîi on voit les muscles de la partie interne de
l'émincnce tlicnar se fondre tellement, que les couches cutanées dorsale et palmaii'e
sont flasques et adossées. Le traitement de la tumeur syphilitique des lèvres est
celui de la période tertiaire de la syphilis : iodure de potassium, chlorure d'or à'
l'intérieur, pilules de sels hydrargyriques sont les moyens internes ordinairement
usités, pendant qu'on emploie sur la lèvre des frictions iodurées ou des topiques
résolutifs. Si la tumeur s'est ramollie, ulcérée et ouverte, les lavages détersifs et
des cautérisations aident à la transformation de la surface morbide et décident ou
accélèrent le travail de cicatrisation. Quant à l'opération proprement dite, elle est
généralement contre-indiquée, sauf les réserves faites par Virchow sur le traite-
ment chirurgical des gommes musculaires, le traitement général étant double-
ment utile, car il achève la guérison ajirès avoir contribué à éclairer le diagnostic.
Cancer des lèvres. La région labiale est l'une des parties du corps humain le
plus exposée à ces tumeurs d'une durée variable qui aboutissent à une destruction
ulcéreuse spontanée et envahissante, hostile à l'ensemble même de l'organisme,
et qui sont connues sous le nom collectif de cancer, bien que leurs apparence»
extérieures et leur structure intime présentent quelques différences. Parmi
ces tumeurs, l'une d'elles est prédominante aux lèvres ; c'est le cancroïde ou
épithéliome. 11 en sera principalement question ici. Les autres productions hétéro-
plastiques appartenant au groupe des maladies cancéreuses, telles que le
squirrhe, l'encéphaloide et autres variétés établies par l'histologie moderne, n'of-
frent pas de caractères assez spéciaux dans la région qui nous occupe pour y insister
longuement. Ils se confondent d'ailleurs avec l'épithéliome par leurs traits
extéiieurs les plus saillants aussi bien que par les indications thérapeutiques
qui s'y rapportent. Les distinctions un moment établies par l'Ecole anatomo-
pathologiquo, dont M. Lebert était le principal représentant, ont vu leur intérêt
s'affaibHr, lorsqu'une observation plus précise a démontre que la bénignité attri-
buée au cancroïde par opposition à la malignité attribuée aux autres formes de
cancer, n'était pas un caractère absolu et que ces diverses aifeclions étaient
susceptibles de se généraliser, de récidiver ailleurs que sur place et finalement de
menacer la vie, quoique à des degrés différents. Nous n'en sommes pas moins
fondé à admettre pour les lèvres les deux variétés suivantes : Cancer commun,
cancer épithélial.
Au premier groupe appartiennent le squirrhe et Yencéphaldide, qui ont
principalement leur point de départ dans l'épaisseur même du tissu labia
et qui forment d'abord des tumeurs interstitielles plus dures dans la pre-
mière variété, plus molles dans la seconde, mais généralement assez résis-
tantes à cause de la densité du tissu où le produit morbide prend naissance.
Ces tumeurs offrent aux lèvres les mêmes caractères physiques et microsco-
piques que dans toutes les régions du corps, elles n'affectent pas une pré-
dominance plus marquée pour les lèvres que pour les autres points de l'orga-
nisme. Elles relèvent plus évidemment d'une cause générale, sont plus étrangères
aux causes excitantes locales auxquelles les lèvres sont exposées, affectent indif-
féremment les deux sexes et se montrent sans siège d'élection dans tous les points
du contour de la bouche. Leur évolution est généralement très-rapide. Les ulcé-
rations auxquelles leur destruction donne Heu sont plus étendues, plus suscep-
tibles d'envahir les tissus voisins et les ganglions lymphatiques qui leur corres-
pondent. Dans l'ensemble de leur formation, de leur marche et de leur terminaisoa
LÈVRES (pathologie). 4S3
elles se comportent comme des lésions graves. On doit noter que ces productions
cancéreuses ne présentent presque jamais aux lèvres la dégénérescence colloïde,
ni l'infiltration mélanotique. Elles s'associent parfois à des formations érectiles
en constituant le fongus hématodcs des lèvres dont il a été déjà question. Elles
peuvent du reste coexister avec l'épithéliome et former une sorte de cancer
mixte comme l'a observé M. Lebert.
Le cancer épitliélial, désigné aussi sous le nom de faux cancer, de cancer
local, par quelques patbologistes, est tellement commun aux lèvres, qu'il a
servi, pour ainsi dire, de type pour caractériser ce genre de tumeur. La dé-
termination de ses rapports avec les formations épitbéliales date des premiers
progrès de l'bistologie contemporaine. M.Ecker (d'Ileidelbcrg) en 1844, M. Mayor
(de Genève) en 1846, ont les premiers signalé cette corrélation aussitôt confirmée
par MM. Kiiss et Sédillot de (Strasbourg), par M. Bennet (d'Edimbourg), et parti-
culièrement mise en lumière par les divers travaux de M. Lebert, le véritable
agitateur de la question du cancer diatbésique et du cancer local. C'est à lui
qu'on doit la désignation de cancroïde appliquée à cette dernière forme. En
1852, M. Hannover donnait à la même affection le nom A' épithéliome AcAvixi de
la nature bistologique du produit morbide, et cette dénomination paraît devoir
rester dans la siencc. {Bas epiûieliorna. Leipzig, 1852.)
Causes. L'épithéliome labial affecte d'une manière très-prédominante la lèvre
inférieure et succède dans le plus grand nombre des cas à une cause excitante
appréciable qui concentre son action sur les mêmes parties.
Le séjour sur la lèvre de matières malpropres et irritantes peut être signalé
comme influence étiologique. On remarque en effet que l'épithclioma est plus
rare chez les gens appartenant à la classe aisée et qui, soigneux de leur personne,
entretiennent une propreté convenable sur la région labiale. Il est au contraire
très-fréquent chez les ouvriers dont la profession engendre la malpropreté, ou
chez les cultivateurs de certaines contrées où l'hygiène est bien retardée. L'un de
nos élèves, M. Burin {Thèse sur le cancer de la lèvre inférieure, Montpellier,
1856), a signalé un fait que nous avons vérifié depuis, établissant la fréquence de
cette affection dans certains départements méridionaux et notamment rA.veyron,
la Lozère et l'Ârdèche où les habitudes de propreté sont à l'état rudimentaire.
La répétition des mêmes causes d'irritation dans les mêmes points expose aux
mêmes résultats. Les sujets atteints d'irritation herpétique aux lèvres et qui,
cédant trop facilement au prurit, excitent les parties avec leurs ongles, sont
disposés à cette affection. Les individus sujets aux desquamations épitbéliales et
qui contractent l'habitude d'en dépouiller le bord des lèvres avec leurs dents,
sont exposés au même mal. Lassus {Path. clin., t. I) cite l'exemple d'un homme
dont la profession consistait à engraisser de la volaille et qui, soufflant des grains
dans le bec de ces animaux, se mordait continuellement au même endroit.
Un ulcère rebelle de la lèvre inférieure fut la suite de cet exercice. M. Comin
{Thèse de Paris, 1822) attribue à Capuron une observation du même genre. Un
cas plus commun est celui des individus qui, ayant des dents gâtées, déchaussées,
déviées et irrégulières sont exposés à ressentir dans un point constamment le
même du contour de l'orifice buccal, une irritation qui produit d'abord un ulcère
simple et plus tard un cancer épithélial. Rigal (de Gaillac) a relevé et fait con-
naître bon nombre de cas de ce genre que tout praticien est à même de vérifier
et que j'ai souvent constatés dans les hôpitaux.
Mais la cause locale la plus active et la moins contestable de l'cpithé-
484. LÈVRES (pathologie).
liome des lèvres, c'est l'habitude de fumer avec excès. Les professeurs Roux, à
rilùtel-Dieii de Paris, et Lallemand, à l'iiôpital Saint-Eloi de Montpellier, rap-
pelaient souvent dans leur enseignement la réalité de cette influence étiolo-
glque. Leroy (d'Étiolles) père, à qui on doit une statistique de l'affection cancé-
reuse, a fait aussi une part importante à l'habitude de fumer, et depuis lors
cette influence étiologique, mentionnée aujourd'hui par la plupart des auteurs
contemporains des traités d'hygiène ou de chirurgie, s'est fortifiée par de nom-
breux témoignages que nous avons reçus soit de la part des chirurgiens d'hôpi-
. taux, ou de médecins militaires, tant en France qu'en Algérie. On peut consulter
à ce sujet les observations de M. Payn, médecin colonial à Hussein-Dey (Gaz. méd.
de V Algérie, 1858). M. Lebert [Traité des affections cancéreuses) e^WAlnv-
. teaux (Dm cancroide en général) ont admis aussi la réalité de cette action pro-
ductrice de l'épithéliome. Nous croyons toutefois avoir appuyé l'admissibilité de
cette cause par des considérations plus variées et par des faits plus nombreux
qu'on ne l'avait fait jusqu'à ce jour [Gaz. méd. de Paris, 1856, et Tribut à la
chirurgie, 1861) et nous avons proposé pour cette affection l'expression Ae can-
cer des fumeurs, qui a causé un certain émoi aux intéressés. Aussi quelques con-
testations se sont élevées sur cette origine de l'épithébome labial. M. Fleury de
Clerniont entre autres a nié toute iniluence de l'habitude de fumer, et M. Turgan,
l'auteur du Traité des grandes usines de France, aurait cru nuire à la cause
du tabac s'il ne l'avait pas mis hors de toute accusation. Mais il s'agit ici
d'un l'ait médical, et les considérations d'un autre ordre ne doivent pas voiler la
vérité.
Le tabac agit chez les fumeurs par les principes qui lui sont propres et par les
circonstances inhérentes à son mode de consommation. Les feuilles de cette plante
sont soumises à une préparation spéciale consistant à les arroser avec de l'eau
salée et de la mélasfe, afin de provoquer une fermentation pendant laquelle se
produit de l'ammoniaque. Cet alcali met en liberté la nicotine ou principe actif
du tabac qui lui doit ses propriétés irritantes, son odeur acre et sternutatoire. La
nicotine varie en proportion suivant les qualités du tabac à fumer livré à la con-
sommation, et si l'on prend en considération l'àcreté de cette substance, on se
refiisera difficilement à reconnaître la possibilité d'un effet nuisible. 11 n'est pas
douteux que le cancer des lèvres et des autres parties de la bouche ne soit devenu
plus réquent depuis que l'habitude de fumer s'est non-seulement répandue
d'une manière très-générale, mais qu'elle s'est aussi accrue chez les individus qui
l'ont contractée. Si l'on compare à cet égard les tableaux de consommation du
tabac en France seulement, depuis le commencement de ce siècle jusqu'à l'époque
actuelle, on se convaincra que c'est surtout depuis la fin du premier empire et
plus spécialement depuis 1830 que l'usage du tabac à fumer s'est générahsé
d'une manière vraiment extraordinaire. Or, il est à remarquer que le nombre
des cancers labiaux est devenu plus considérable à mesure que l'invasion de l'ha-
bitude qui provoquait cette maladie faisait elle-même des progrès. Cette lésion
était assez rare avant l'époque contemporaine. Le cancer des lèvres n'est pas noté
comme prédominant, eu égard au cancer des autres régions dans les traités géné-
raux publiés en France avant l'époque indiquée. On peut s'en convaincre en lisant
les écrits de Sabatier, Léveillé, Boyer, Delpech, Richerand. Les chirurgiens étran-
gers qui ont fait des exposés généraux de la science, tels que Heister, Bell, Ricli-
ter, Monteggia, n'attachent non plus aucune idée de prédominance au cancer
labial, et tous gardent le silence au sujet de sa provocation par l'action da tabac
LÈVRES (pATuoLOGiii). -iSS
à fumer qui de leur temps était relativement peu répandue. Mais si en regard de
ces écrits muets sur la maladie et sur sa cause, on place les cas nombreux qui
se présentent aujourd'hui et l'extension immodérée d'une habitude propre à pro-
voquer la maladie, on conviendra que cette corrélation doit être élevée à la hau-
teur d'une cause.
L'épithélionie des fumeurs attaque principalement la lèvre inférieure. Cette
prédominance est établie par des faits nombreux qui sont du domaine de l'obser-
vation journalière. C'est tantôt à la partie moyenne du bord libre, tantôt, et le
plus souvent, dans un point plus voisin de la commissure que se montrent les
premières traces de l'altération qui doit aboutir au cancer. Le fumeur place habi-
tuellement le tuyau de la pipe ou l'extrémité du cigare sui- le même point qui
finit par s'altérer. Comme preuve de cette habitude on constate ordinairement,
chez les vieux fumeurs de pipe, une dépression circulaire, une véritable usure
sur le bord des dents qui correspondent à l'épithéliomc. Cette usure con-
stitue pour la réception du tuyau de la pipe un point plus commode que tout
autre et que le fumeur finit par adopter invariablement. 11 en résulte que le tuyau
toujours un peu incliné en bas appuie sur le même point de la lèvre et la soumet
à une excitation lente et continue. La lèvre supérieure affranchie d'un contact
aussi constant en obtient une immunité relative.
La maladie labiale étant duc à la cause que nous indiquons, on s'explique sa
rareté chez les enfants et les femmes. Chez eux, le cancer des lèvres revêt aussi
bien les formes graves du squirrhe et delencéphaloïde que celle de l'épithélionie.
Mais cette préservation n'est pas absolue, et on peut présumer qu'elle le deviendra
moins si l'-usage du tabac à fumer, déjà recherché par les enfants et les adolescents
et dans cerf aines classes de femmes, va croissant. La France paraît être surpassée
par l'Angleterre, où, d'après le docteur Seymour, les enfants concourent pour
une part très-importante à la consommation du tabac. L'anticipation de l'habi-
tude qui soumet le contour buccal à une irritation continue peut faire présumer
un accroissement dans la proportion ultérieure de l'épithéliome. Les sujets des
classes inférieures qui fument la pipe à tube court et du tabac de mauvaise qua-
lité présentent des épithéhomes labiaux à un âge moins avancé que les riches et
les raffinés qui fument les cigares délicats, les longues pipes et qui neutralisent
du reste par des soins hygiéniques les effets locaux de la combustion du tabac.
Le mode de consommation de cette substance est loin, en effet, d'être indiffé-
rent aux résultats morbides locaux qui lui sont imputables. L'expérience apporte
un élément à cette question. Ce n'est pas sans raison que l'énergie du langage
populaire a qualifié du nom de brûle-gueule la pipe à tube court. Non-seulement
ce tube s'imprègne de la matière empyreumatique qui brunit le culot des vieilles
pipes, mais il s'échauffe quelquefois à un assez haut degré pour faire subir aux
lèvres une élévation locale de température, une sorte de brûlure chronique propre
à épaissir la couche épilhéliale^ comme le contact des corps échauffés accroît la
sécrétion épidermique des mains chez les sujets qui exercent certaines professions.
Les pipes dont on se sert dans ces conditions ainsi que les cigares que l'on con-
somme jusqu'au bout et que l'on mâchonne à la fin, en guise de chique labiale,
représentent les plus mauvaises conditions. On peut remarquer le contraste des
habitudes entre les Orientaux qui fument le narghilé et celle de nos fumeurs de
pipe dont ie culot touche, pour ainsi dire, la bouche. Dans le mode adopté par les
premiers, la fumée partant du fourneau où brûle leur tabac, arrive refroidie par
un long tuyau qui traverse parfois une couche d'eau parfumée, tandis que dans
480 LÈVRES (pathologie).
le mode dont nous sommes témoins, la fumée arrive dans la bouche à son maxi-
mum de température, entraînant les principes accumulés au fond du culot. Les
analyses de M. Meljens y ont signalé une forte proportion de nicotine. M. Gerhardt
{Chimie organique, t. IV, p. 186) ayant, de son côté, analysé le liquide brunâtre
qui s'accumule au fond des pipes, y a trouvé un liquide brunâtre d'une saveur
très-âcre, d'odeur empyreumatique, très-vénéneux et assez chargé de nicotine
pour que quelques gouttes versées dans le bec d'un oiseau le fi'appent d'une
mort instantanée. Aussi le cancer des fumeurs n'attaque pas exclusivement la
lèvre où repose le tuyau de la pipe, il peut se manifester dans tous les points de
la cavité buccale, et il affecte principalement les parties sur lesquelles se porte
plus directement le premier jet de fumée que l'aspiration fait sortir du tuyau,
c'est-à-dire la langue et les joues. Si l'on associe à cette cause locale très-accen-
tuée, l'irritation que la déviation des dents occasionnée par la pression môme de
la pipe peut ajouter à réchauffement du tuyau, comme l'a indiqué Rigal, et les
excoriations que le placement réitéré de la pipe dans la bouche peut occasionner
sur la lèvre, comme l'a indiqué M. Philippart, on se convaincra que l'action dont
nous venons d'analyser les effets doit être très-influente. Toutefois, il ne suffirait
pas d'établir sa place en étiologie, si l'observation n'indiquait sa réalité dans la
pratique.
11 y a dix ans, nous avons publié un relevé de 72 cas de cancer labial oîi un
examen attentif des circonstances qui avaient pu favoriser la maladie ne laissait
aucun doute sur la réalité de 1 influence de l'habitude de fumer. Le plus grand
nombre de ces faits avait été observé à la clinique de l'hôpital Saint-Eloi. Depuis
lors, notre expérience sur ce point a pu se baser sur des faits bien plus nom-
breux, accumulés, pour ainsi dire, sous nos yeux, par la notoriété des pre-
miers. Le nombre actuel des affections de ce genre que j'ai observées et dont la
plupart ont exigé des opérations chirurgicales s'élève à 225, en sorte qu'il ne
saurait nous rester aucun doute ni sur la fréquence du cancer buccal chez les
fumeurs, ni sur la réalité de la cause qui provoque chez eux une aussi grave
affection.
A cette cause locale, nous n'hésitons pas à associer une disposition générale,
un état dyscrasique qui est aussi une condition de la maladie. Nous avons sou-
vent entendu faire, à titre d'objection, la remarque que beaucoup de fumeurs ne
présentent absolument aucune lésion, malgré l'intensité et la durée de leur habi-
tude, et que, d'ailleurs, le nombre des fumeurs est si grand par rapport au petit
nombre des cas morbides qui se présentent dans la pratique, qu'il n'y avait pas
lieu de tenir compte de l'influence de l'usage du tabac sur la production du
cancer buccal. Nous ferons remarquer qu'il en est ainsi pour une foule de faits
pathologiques attribuables à une cause générale qui, agissant sur un très-grand
nombre de sujets, ne réalise son action que sur très-peu d'entre eux. Eu patho-
logie, les causes étant multiples, si l'on ne tient compte que d'un seul facteur,
on n'a pas le produit. Mais si on tient compte de tous les éléments producteurs,
on rentre dans la vérité et on peut attribuer à chacun la part respective qui lui re-
vient. Dans le cas que nous examinons, il ne s'agit que d'une cause déterminante
qui reste inerte si elle est seule, mais elle devient très-puissante si elle coexiste
avec une cause générale prédisposante qu'elle excite et qu'elle rend active. Tel
sujet chez lequel la disposition morbide au cancer fût restée latente, s'il n'eût pas
soumis un organe à un contact irritant habituel, est après un certain temps
affecté d'un cancer aux lèvres, si ces parties subissent l'excitation qu'y concentre
LÈVRES (pathologie). 487
riiabitude de fumer. L'elfet qui se produit dans ce cas trouve ses analogues dans
beaucoup d'autres circonstances et pour d'autres parties du corps où l'on voit
spécialement l'épithéliome succéder à des irritations locales réitérées. Le cancer
des ramoneurs, très-commun du temps de Pott, qui l'a décrit, et qui était attribué
par ce chirurgien à l'irritation produite [)ar la suie provenant de la combustion
de la houille et accumulée dans les plis du scrotum, représente un cas patholo-
gique du même ordre. La pratique en signale beaucoup d'autres. Les cas cités
par Marjolin, de l'envahissement des cautères anciens par le cancer, rentrent
encore dans la même catégorie, et les exemples de cancroïdes, qui se développent
sur les surfaces eczémateuses souvent irritées parles ongles des malades, viennent
encore à l'apimi de cette interprétation.
Caractères. L'épithéliome labial atteignant dans une proportion très-prédo-
minante la lèvre inférieure, notre description s'y rapportera principalement.
Cette lésion peut se manifester sous plusieurs formes.
1° Il est assez commun d'observer la maladie bornée à un épaississement épi-
thélial qui correspond au point d'appui de la pipe ou du cigare ou à l'action
localisée de toute autre cause efficiente. L'excès de production épithéliale peut
toutefois être réparti sur une grande étendue du rel)ord de la lèvj-e, ((ui perd
alors son aspect naturel et prend une coloration blanchâtre caractéristique. Limité
à ce degré, l'épithéliome n'est que l'exagération de l'état normal et marque,
pour ainsi dire, la transition entre cet état et la production épidermique patho-
logique. Sous cette forme diffuse et superficielle, il reste souvent stationiiaire.
Cette variété est évidemment la plus bénigne et n'aboutit pas nécessairement à
l'ulcération.
2° Une autre forme qui présente aussi une bénignité relative consiste dans
l'épithélioma corné. Il se produit sur le bord labial une véritable excroissance
dure et résistante comme la corne et qui peut acquérir des dimensions variables.
On sait que des productions cornées de cette nature jieuvent se manifester sur
différents points du corps, ce qui a donné lieu à des descriptions singulières
recuedlies par Pagenstescher {de Cornibiis et cornutis) ; mais parmi celles qui
naissent sur des muqueuses ou à leur voisinage, les cornes des lèvres sont les
plus remarquables, j'en ai observé une de forme cylindrique et recourbée en
manière d'ergot sur un sujet âgé de 38 ans. Elle avait un centimètre d'épaisseur
à sa base et une longueur de 5 centimètres. J'en pratiquai l'ablation avec
succès. Les produits cornés labiaux semblent parfois n'être que l'envuloppe des pa-
pilles hypertrophiées analogues à celles qui bordent le pourtour des ulcères
connus sous le nom de mal perforant. Ces lésions, nommées aussi papillomes
cornés et bien décrites par MM. Cornil et Ranvier, qui leur assimilent les cors,
les verrues et d'autres productions du même genre, sont loin d'être rares à la
lèvre. Tantôt elles déterrniuent une ulcération autour du point où elles sont im-
plantées, d'autres fois elles cernent une ulcûration vers laquelle semblent dirigées
■des aiguilles cornées convergentes. L'analyse anatomique réduit ces formations à
une condensation de cellules épithéliales qui s'accroissent par juxtaposition, se
dessèchent et s'indurent tout en conservant une adhérence très-prononcée. Les
produits cornés ne participent pas à la vie commune et existent au même titre
que les ongles et les cheveux. Si on les incise, la surface de section présente l'as-
pect réel de la corne, et si on en fait brûler une partie, comme nous l'avons
expérimenté, elles répandent l'odeur caractéristique de corne brûlée. Contenues
par leur pomt d'implantation avec la couche épidermique naturelle, les mouve-
488 LÈVRES (pathologie).
ments ou les tractions qu'on leur imprime occasionnent de la douleur à la lèvre.
Leurs rapports avec les productions épithéliales ordinaires ne sauraient être mé-
connus. L'état corné représente un détail particulier et pour ainsi dire accidentel
de tassement de la substance épidermiquc. Mais on les voit se former dans les
mêmes circonstances, et à leur début elles ressemblent au\ excroissances ordi-
naires dont elles ne se distinguent que par un peu jilus de densité. Sur l'un de
nos opérés, il existait simultanément mi épitliéliome diffus de la lèvre, des ex-
croissances verruqueuses, dont quelques-unes, passées à l'élat d'ulcération, indi-
quaient le cancroïde, et une tumeur cornée placée près de la commissure com-
plétait l'ensemble de la lésion évidemment produite par la même cause.
5" La forme la plus ordinaire du cancer labial des fumeurs est caractérisée à
son début par une excroissance verruqueuse ou par une fissure dont les bords
sont plus ou moins indurés. Dans le premier cas, une saillie anormale plus ou
moins résistante se manifeste sur un point limité de la lèvre inférieure et spéciale-
ment sur celui qui sert d'appui à la pipe ou au cigare; le fumeur néglige cette
excroissance ou l'attribue à une autre cause et donne cours à ses habitudes avec
d'autant moins de défiance qu'aucune douleur ne l'avertit delà nature du mal qui
fait sa première apparition. Dans le second cas, c'est une gerçure du rebord labial
prise poiir une crevasse épidermiquc ordinaire qui marque le début du cancroide.
Loin de se cicatriser, cette gerçure, entretenue par une cause habituelle d'irri-
tation, s'agrandit ou creuse le tissu de la lè\i"e, et cette apparence est d'autant
plus marquée que ses bords se relèvent et s'Iiypertrophient en revêtant une appa-
rence grisâtre.
Cette période initiale de la maladie fait bientôt place à un état plus caractérisé.
La production morbide dépasse alors sensiblement le niveau de la lèvre. La base
ou la circonférence en est dure et un peu dovUoureuse, la surface est d'un aspect
particulier, elle paraît rugueuse et chagrinée ; des papilles mamelonnées ou co-
niques hérissent la partie saillante de la tumeur et s'y dessinent avec des appa-
rences diverses. L'aspect et le contact des papilles hérissées delà langue peuvent
jusqu'à un certain point en donner l'idée, et cette assimilation est d'autant plus
acce|itable, qu'il s'agit en effet d'une organisation analogue. Les sailhes du corps
papillaire de la muqueuse labiale subissent une hypertrophie qui leur donne iso-
lément du relief. L'examen à la loupe fait encore mieux reconnaître la gaine épithé-
lialequi enveloppe chaque papille et qui en lui communiquant plus de résistance,
lui imprime aussi une forme plus accentuée. Bon nombre de malades offrent les
caractères que nous venons d'énoncer au plus haut degré et avec des variétés par-
ticuhères qui ont pu fixer l'attention des observateurs. M. Eckel a décrit trois
formes de tumeurs épithéliales des lèvres qu'il désigne sous les noms de tumeurs
en treillages, en pavés ou en dards. Mais ce sont là des circonstances de configu-
ration extérieure qui ne peuvent servir de base à une classification utile et qui
d'ailleurs manquent quelquefois complètement, car il est des caocroïdes de la
lèvre sur lesquels la couche papillaire et épithéliale disparaît dès le début et qui
se montrent avec le caractère primitivement ulcéreux.
La surface de ces ulcérations saillantes est tantôt un peu saignante, tantôt
recouverte de croûtes plus ou moins épaisses et irrégulières qui ont [lour éléments
du pus épaissi, de l'épiderme, des matières grasses ou sébacées, du sérum ou du
sang desséchés. M. Lebert, les examinant sur le porte-objet du microscope, dit y
avoir rencontré parfois des infusoires de la tribu des Vibrions. Les croûtes sont
phis ou moins adhérentes, et semblent, dans certams cas, constituer toute la tu-
LÈVRES (pATHOLor.iE). -iSG
meur. Les malades les tiraillent, les sollicitent de diverses façons ou les arrachent
dans le but de diminuer la saillie de la tumeur et de simplifier celle-ci; mais cette
manœuvre n'est ([u'une nouvelle cause d'irritation et n'aboutit qu'à l'accroisse-
ment de répilhéliome qui s'agrandit dans tous les sens et gagne les tissus
voisins.
La tumeur prend alors les caractères vraiment propres au cancroïde, elle
acquiert vui volume et des dimensions très-marqués; la muqueuse labiale d'abord
soulevée s'ulcère et le mal s'étend du côté de la cavité buccale. La face cutanée n'est
pas plus respectée ; l'épiderme se fendille, éclate, laisse le tissu propre du cancroïde
se dessiner au dehors et celui-ci surplomber en avant de la lèvre où il s'étale en
excroissance mùriforme. La lésion gagne ainsi de proche en proche tonte retendue de
la lèvre et la commissure la plus voisine, et peut ainsi menacer le coiiLour buccal ou
se propager plus spécialement dans le sens de l'une des deux joues. 11 n'est pas
rare de voir la face interne de celle-ci ou l'un des côtés de la langue offrir sinnil-
tanément un noyau distinct d'ulcère cancroïde. Pendant cette période de progrès
le mal envahit la lèvre inférieure dans le sens de sa hauteur. Si on palpe cette
partie, on la trouve indurée ; l'induration est tantôt circonscrite, tantôt diffuse.
Elle est uniforme ou lobulée et, suivant son étendue, elle gêne plus ou moins
les fonctions de la partie pour l'exercice de la parole, pour la préhension buccale
des aliments et des boissons et pour retenir la salive. Si la maladie est un peu
avancée, la lèvre ne peut empêcher ce liquide de s'écouler, et comme sa sécrétion
est plus abondante à cause de l'irritation que la muqueuse buccale éprouve et
que le cancer entretient, la salive s'échappe constamment et irrite la surface
cutanée de la région mentonnière. Nous tivons vu des malades que cette dégoû-
tante disposition n'empêchait pas de fumer, et qui accroissaient encore l'excès de
sécrétion et de déperdition salivaires par l'excitation que produit faction locale
du tabac.
Lorsqu'on examine sous le rapport anatomique un épithéliome au moment où
le tissu labial commence à être envahi, et qu'on pratique une incision verticale
destinée à i'aire apprécier les rapports de la production morbide avec les éléments
naturels de la lèvre, on remarque que la base de l'épithéliome s'enfonce inégalement
dans les parties qui sont plus épaisses et plus vascularisées; les glandes sébacées de la
région sont hypertrophiées aussi bien que les glaudules sous-muqueuses. En soumet-
tant la tumeur à la pression et en lui faisant subir une sorte d'écrasement, on obtient
une matière grisâtre qui n'a, avec la matière squirrheuse ou encéphaloïde, qu'une
fausse ressemblance de couleur et qui, par sa consistance, a été comparée au
mastic des vitriers. Elle revêt plus exactement l'apparence de la matière épider-
mique de certaines parties du corps, lorsqu'elle a été ramollie par une longue
immersion dans l'eau, et qu'elle se détache par fragments caséilbrmes faciles à
écraser.
La matière composante de ces tumeurs n'est, en effet, qu'une substance vérita-
blement épidermique ou épithéliale, ainsi que le démontre l'examen microsco-
pique. On reconnaît par cet examen divers éléments parmi lesquels prédominent
les cellules dites épithéliales, volumineuses, atteignant de 1 à o dixièmes de mil-
hmètre avec un ou plusieurs noyaux, tantôt d'une forme assez régulière, d'autres
fois déformées. Ces cellules dont la description détaillée ne saurait actuellement
Jious occuper et qui, d'ailleurs, n'ont rien de caractéristique par rapport à l'épi-
théliome des fumeurs, sont parfois agminées de manière à former des corpuscules
assez volumineux pour être apercevahles sans le secours du microscope et dési-
490 LÈVRES |(pathologie).
gnés sous le nom de globes épidermiqiies. Ce sont des corps splicroïdaux, cylin-
driques ou en polyèdre et dont la partie centrale amorphe ou granuleuse est en-
tourée de cellules pavimenteuses imbriquées cenime les écailles d'un bulbe ou
même soudées ; plusieurs globes épidermiques réunis représentent quelquefois des
granulations blanchâtres très-évidentes.
Les fumeurs atteints de l'épithéliome parvenu à ce degré s'aperçoivent alors du
caractère suspect de la maladie qui les affecte. L'ulcération s'empare de la tumeur
et la détruit inégalement pendant qu'une formation nouvelle la propage dans un
autre sens. La matière épidermique infdlre alors les tissus voisins qu'elle détruit
par substitution. Le tissu musculaire de la lèvre, le tissu muqueux jusqu'au
rebord gingival, la peau dans une étendue plus ou moins grande, sont le siège
principal de ce progrès, mais cet envahissement par substitution connaît peu
d'obstacles si la maladie est abandonnée à elle-même. L'os maxillaire inférieur
n'échappe pas à la destruction et si la maladie atteint la langue, les joues ou le voile
du palais, des ulcérations affreuses et incessamment augmentées, signalent les
progrès du mal.
Le cancroïde de la lèvre inférieure n'atteint pas des proportions aussi mena-
çantes sans mettre en évidence tous ses caractères. Mais lors même qu'il est borné
à la lèvre qui est son siège de prcddection, il est en général facile à diagnostiquer.
Son mode de développement, la considération de la cause qui lui a donné nais-
sance, la forme initiale, les démangeaisons auxquelles il donne lieu d'abord et aux-
quelles succèdent des sensations plus pénibles, celles d'élancements douloureux,
la dureté inégale de la tumeur qu'il représente, l'aspect de l'ulcération siiffisent
pour dévoiler la nature du mal au chirurgien exercé. Toutefois, il est des cas dou-
teux où une observation attentive est d'autant plus nécessaire qu'il en découle une
conséquence thérapeutique heureuse ou préjudiciable pour le malade. Il n'est pas
inutile de rappeler que les ulcères des lèvres ou les tumeurs qui les accompa-
gnent peuvent revêtir la nature cancéreuse, syphilitique, scrofuleuse ou dartreuse.
Le cancer vrai, ou hétéroplastique, sera différencié du cancroïde par son siège
indifféremment établi sur tous les points du contour de l'ouverture buccale, par
îioii développement moins superficiel, par ses progrès plus rapides, ses variétés
d'aspect squirrheux ou encéphaloïde et surtout par l'examen microscopique, dia-
gnostique, consistant à déterminer la forme des éléments constituants du tissu
morbide. Les ulcères syphilitiques et les tumeurs nuisculaires syphilitiques des
lèvres pourraient donner lieu à des méprises regrettables, et conduire mal à pro-'
pos à l'exécution d'opérations inutiles, si on ne prenait en considération les anté-
cédents morbides, les coexistences pathologiques qui manifestent la syphilis,
l'aspect de l'ulcère, les douleurs nocturnes et gravatives des tumeurs labiales por-
tant le caractère syphilitique. Les tumeurs scrofuleuses siègent de préférence à la
lèvre supérieure qui est engorgée et œdémateuse et qui présente, surtout à la face
muqueuse, des ulcères d'uu aspect atonique bien différent de celui du cancroïde.
Enfin, un praticien distinguera toujours aussi la manifestation de la diathèse her-
pétique, comme sous le nom de lupus, à l'aspect de l'ulcération serpiginense, aux
traces d'une ancienne cicatrisation spontanée dans le voisinage de la maladie
actuelle, aux tubercules ulcérés, isolés ou agminés qui forment cette maladie, et aux
plaques crustacées qui revêlent les xdcérations. L'excision exploratrice et la vérifica-
tion microscopique resteront toujours, pour le chirurgien, comme une l'essource,
précieuse, et dans les cas douteux la temporisation et l'épreuve thérapeutique pour-
ront asseoir le diagnostic sur des bases positives. Dans un cas un peu obscur, à
LÈVRES (pathologie). ^91
ses débuts, et considéré comme un cancer labial par plusieurs chirurgiens qui
. avaient examiné l'un de nos malades, nous avons administré, à titre d'essai, des
remèdes autisypliilitiques, qui ont eu le double u\ anlage d'éclairer assez prompte-
ment le diagnostic et de transformer cet essai en traitement rationnel bientôt
suivi de guérison.
L'épitbéliome consécutif à l'iiabitude de fnmer ne doit pas à cette origine locale
une limitation absolue aux parties oîx il se dévtlop[)e. S'il se généralise plus rare-
ment que le vrai cancer, on ne doit pas oublier qu'il relève lui-même d'une cause
diathésique qui a été mise en jeu par une excitation incessamment [lortée sur le
même point, et qu'en conséquence il offre les dangers inhérents au concours
simultané d'une cause interne et d'une cause locale. Ces dangers consistent dans
la diffusion des produits morbides qui constituent la lésion au delà des points
primitivement atteints. Hàtons-nous de dire que d'après notre statistique aussi
bien que d'après l'observation commune, l'épitbéliome se propage facilement aux
ganglions lymphatiques \oisins et renouvelle dans ces foyers des lésions compara-
bles, par leur nature et par leurs résultats, à la lésion primitive. Ici se reproduit
naturellement la question clinique si débattue de nos jours, des différences du can-
croïde et du cancer au point de vue de la locahsation. On avait d'abord pensé que
le cancroide ou épithéliome ulcéré ne s'accroissait que de proche en procbe en
gagnant les tissus voisins et les détruisant par substitution, tandis que le cancer
hétéromorphe (squirrhe ou encéphalo'ide) pouvait se montrer et se montrait en
effet très-souvent sur des points éloignés et sans liaison directe avec le siège pri-
mitif de la maladie. Cette distinction radicale, que la pratique eût été heureuse
d'enregistrer comme preuve de la curabilité du cancroide, a reçu une première
atteinte par la démonstration de la propagation de la matière épitbéliale depuis le
lieu de formation initial jusqu'aux ganglions voisins. De nouveaux faits recueillis
par MM. Virchow, Velpeau, OUier tendent à établir que l'épithéliome peut se repro-
duire ou récidiver sur des points éloignés et sans aucune liaison avec son lieu
primitif d'apparition. Ces vérités étant acquises et permettant de conclure que,
malgré la présence d'un élément homœomorplie, l'épithéliome se comporte comme
les tumeurs cancéreuses à éléments hétéromorphes, reconnaissons que les progrès
de l'épithéliome sont généralement limités au voisinage des tissus primitivement
affectés, et que cette maladie ne dépasse guère le champ lymphatique de la
lésion.
Mais ce dernier mode de terminaison est extrêmement fréquent pour les cancers
épithéhaux des lèvres. Nous l'avons observé pour tous les cas où l'intervention tar-
dive de l'action chirurgicale avait permis à la lésion de s'étendre. Tous les fumeurs
que nous avons vu périr des suites du cancroide labial ou de la même lésion
développée dans les parties intrabuccales étaient affectés d'engorgement des
ganglions lymphatiques sous-maxillaires. Cette participation morbide des ganglions
lymphatiques se produit avec une rapidité variable. Chez certains sujets, la pro-
pagation cancroide marche Irès-promptement, chez d'autres, elle est un résultat
tardif. Le développement de l'affection dans les ganglions est quelquefois insidieux
et il est toujours utile, quand on doit opérer un de ces cancroïdes, d'examiner
très-atlentivement la région sous-maxillaire, soit dans la partie moyenne, soit
surtout sur les côtés, pour découvrir des ganglions quelquefois très-petits qui
sont masqués par les glandes sous-maxillaires ou cachés à la face interne de l'os.
On remarque que les gangUons affectés sont tantôt mobiles et exempts de toute
connexion avec les parties environnantes, tandis que d'autres fois le tissu cellu-
492 LÈVRES (pathologie).
laire qui les entoure a pei'du sa laxité, est comme infiltré de la matière plastique
où doivent se développer les cellules épithéliales et représente des engorge-
ments, diffus, massifs et adhérents, dont on ne peut tracer les limites et qui par
le fait de cette disposition font pressentir une plus haute gravité eu égard à la
mai'che ultérieure des symptômes. L'ulcération ne tarde pas, en effet, à s'emparer
de ces tumeurs sous-maxillaires dures et saillantes, oîi l'analyse microscopique
démontre les mêmes éléments que dans l'épithéliome labial. Leurs progrès tantôt
se dessinent du côté de la bouche et de la muqueuse, gênent la langue et la mâ-
choire dans leiws mouvements, tantôt du côté de la peau qu'elles soulèvent dou-
loureusement après avoir altéré sa consistance et sa couleur. Une abondante
excrétion de matières ichoreuses, et des hémorrhagies qui se renouvellent avec
une fréquence et une intensité variables affaiblissent peu à peu les malades, dont
la lièvre hectique achève de miner la constitution et qui périssent misérablement.
Quelquefois la gène de la déglutition ou de la respiration s'ajoute aux causes de
gravité inhérentes à la marche naturelle de la maladie.
Si le cancer des fumeurs revêt d'une manière prédominante la forme de l'épi-
théliome, il ne s'ensuit point que le cancer hétéromorphe ou vrai cancer ne puisse
être provoqué par la même influence. Une observation attentive nous permet
d'affirmer que le squirrhe ou l'encéphaloïde peuvent aussi être sollicités dans
leur manifestation vers la bouche par l'irritation que le tabac à fumer occasionne.
Si l'on objecte que dans ces cas la maladie pouvant se développer spontanément
et sans cause provocatrice, rien ne démontre que la cause locale incriminée soit
réellement intervenue, nous répondrons par cet axiome de pathologie générale
d'après lequel une dialhèse latente demande, pour se montrer, une cause occa-
sionnelle. Véritable tendance à l'évolution morbide, la prédisposition est une
sorte de germe attendant les conditions de sa vie spécifique. Cette condition, mé-
connue dans beaucoup de cas où, par ignorance delà cause, on admet la spon-
tanéité, se retrouve chez les fumeurs imprégnés du germe cancéreux . La maladie
se déclare parce qu'elle reçoit son principe d'activité dans une région oii l'énergie
nutritive, la richesse vasculaire et d'autres dispositions locales favorisent d'ail-
leurs le développement du cancer. Dans ces cas, la marche de la maladie est plus
rapide et plus grave que dans l'épithéliome, et le danger de l'apparition des
produits morbides de même nature, par coexistence ou par récidive, dans d'autres
points étant plus grand que dans le premier cas, il en résulte un surcroît d'ag-
gravation qui en tait la pire espèce de cancer buccal considéré chez les fumeurs.
Traitement. Les détails dans lesquels nous sommes entrés sur l'étiologie du
cancer labial et spécialement de sa forme épithéliale, permettent de faire une
place à la prophylaxie de cette lésion. 11 est évident que la suppression ou la mo-
dération dans l'habitude de fumer restreindraient notablement le nombre des
lésions carfcéi-euses des lèvres. Mais l'hygiéniste a peu de chances d'être écouté
en-présence d'une mode générale passée à l'état de besoin. La médecine opéra-
toire doit remédier à un mal dont les porteurs méprisent la prophylaxie, et que
les remèdes internes seuls ne peuvent guérir quand il est établi. Ce serait en effet
perdre son temps que d'administrer, à l'adresse d'un cancer constaté, l'iodure
de potassium, les préparations aurifères, hydrargyriques ou autres, dont l'emploi
ne saurait se justifier que si la nature du mal offrait quelques doutes et qu'on
voulût éclairer le diagnostic par une épreuve thérapeutique.
Le cancer des lèvres n'est justiciable que du chirurgien ; on dot le détruire.
La destruction par la cautérisation ou l'instrument tranchant peut convenir sui-
LEVRES (pathologie). -493
vaut les cas; mais le bistouri est infiniment préft'rable aux caustiques. Les can-
croïdes cutanés éloignés des ouvertures naturelles sont facilement et avantageuse-
ment attaqués par la pâte arsenicale ou par celle do chlorure de zinc; mais le
maniement de ces substances caustiques n'est ni aussi facile ni aussi sîir lorsqu'il
s'agit du cancer placé à l'ouverture de la bouche, et à plus forte raison s'il em-
piète dans cette cavité. Les caustiques plus faibles et d'une action plus rapide et
plus superficielle, tels que le nitrate d'argent, le sulfate de cuivre, le nitrate acide
hydrargyrique, sont formellement contre-indiqués, et eutre des mains inexpéri-
mentées, ils ont même l'inconvénient d'ajouter à l'i'pithéliome ulcéré une nou-
velle cause d'irritation qui accélère ses progrès. Quant à Taction du feu, elle est
douloureuse, répugne aux malades et ne produit de destructions complètes qu'à
la condition de donner lieu, après la chute des eschares, à des cicatrices irrégu-
licres qu'il s'agit précisément d'éviter lorsqu'on opère sur l'ouverture buccale.
Le fer rouge ne convient que lorsque le cancer des lèvres, étendu jusque dans
l'intérieur de la bouche, se refuse à une attaque chirurgicale régulière et lors-
qu'il faut exercer pendant l'opération une action hémostatique.
Le cancer des lèvres est attaqué avec beaucoup d'avantage par le bistouri. Avec
cet instrument, on cerne le mal par des incisions régulières convenablement
dirigées au delà de ses hmites, et on peut faire suivre cette ablation par une
réunion exacte, d'oij résultent des cicatrices linéaires laissant à peine des traces
visibles de l'opération. L'excision cunéiforme, l'excision en V, l'excision horizon-
tale du bord labial et l'opération composée et réparatrice connue sous le nom de
chéiloplastie conviennent spécialement pour le traitement des cancers labiaux.
L'excision cunéiforme est utile dans les cas où l'épithéhome, disposé parallè-
lement au bord libre de la lèvre, ne dépasse pas l'épaisseur de ce bord, et respecte
à la fois la peau et la muqueuse, qui appartiennent à ses faces. On cerne la lésion
entre deux incisions horizontales qui détachent dans l'épaisseur de l'organe une
sorte de coin dont la base est à la lésion et l'arètc ojiposée dans l'épaisseur des
tissus. On obtient ensuite une cicatrice linéaire en réunissant la peau et la mu-
queuse par quelques points de suture. Dans ce procédé que nous avons souvent
mis en pratique et cpii nous a donné les meilleurs résultats, la lèvre amincie
d'avant en arrière, mais n'étant ni diminuée en hauteur, ni raccourcie d'une
commissure à l'autre, a conservé chez nos opérés une forme régulière qui dissimu-
lait complètement la difformité et qui, chez certains, a même corrigé la disposition
primitivement disgracieuse de l'ouverture buccale.
L'excision en V est l'opération qui se pratique le plus communément pour
remédier au cancer labial. Elle est applicable lors(jue la lèvre étant envahie par-
tiellement dans le sens de sa hauteur et de son épaisseur, il reste, entre la tumeur
cancéreuse et les commissures labiales, assez de tissu pour que l'organe puisse
être réconstitué. Deux incisions obliques et convergentes sont faites depuis le bord
libre de la lèvre jusqu'à un point plus ou moins rapproché de la partie adhé-
rente, et elles circonscrivent un triangle de parties molles dont la base supporte
le cancer. Immédiatement après l'ablation qui doit empiéter convenablement sur
les parties saines, on réunit par affrontement les deux bords épais de la plaie, et
et on les maintient eftlcacement en contact par la suture entortillée comme dans
l'opération du bec-de-lièvre. Cinq ou six jours suffisent pour que la réunion soit
solide. Ce procédé nous a toujours réussi, et ne nous paraît pas mériter les re-
proches que lui adresse M. Lebert. 11 n'expose pas à la récidive, si on a eu le soin
de dépasser les limites du mal, et le rétrécissement de la bouche ainsi que la
494 LïiVKiiS ^PATHOLOGIE).
saillie de la lèvre saine, devenue proportionnellement trop étendue, ne tarde pas à
disparaître par suite de l'ampliation de la partie restante'de la lèvre opérée, qui se
dilate avec facilité. Ce procédé a pour conditions de succès l'intégrité et la sou-
plesse du tissu labial respecté ; la portion retranchée ne doit pas être non plus
trop considérable; si la perte de substance réclamée par la lésion devait être trop
étendue, l'excision simple ne suffirait pas.
L'ablation horizontale du bord labial était le procédé préféré par Dupuytren
et par les chirurgiens formés à son exemple. Elle convient lorsque le cancer a en-
vahi tout le bord hbre sans détruire la lèvre en hauteur. Mais pour peu que la
lésion exige un sacrifice du tissu dans ce dernier sens, et qu'en conséquence
l'organe soit raccourci dans son ensemble, la rangée dentaire reste à découvert,
la bouche perd sa régularité, l'absence de la partie mobile de la lèvre produit une
gène marquée dans la prononciation des mois, et s'il s'agit de la lèvre intérieure,
comme c'est le cas le plus ordinaire, l'organe ne pouvant plus faire obstacle à
l'écoulement de la salive, il en résulte pour l'opéré une infirmité désagréable et
même une cause de dépérissement.
C'est aux procédés complexes de la chéiloplastie qu'il faut recourir, lorsque le
cancer a produit des ravages considérables autour de l'orifice buccal. Si les lèvres
sont détruites dans une grande étendue, que la lésion se soit propagée aux com-
missures ou qu'elle ait encorde porté plus loin ses effets, les opérations précédentes
ne sauraient suffire. Enlever rigoureusement les parties affectées et diriger les in-
cisions de manière à mobiliser les parties restantes ; agrandir l'ouverture buccale
par la division des commissures ; faire des sections verticales ou obhques dans le
sensdumenton et jusqu'à la région sus-hyoïdienne; disséquer les parties comprises
entre les incisions ; emprunter des lambeaux à la joue, à la partie inférieure de
la face ou même au cou ; affronter régulièrement ces lambeaux mobilisés, de ma-
nière à réparer la lèvre et à restituer avec plus ou moins d'exactitude la forme de
la bouche, telle est la série des artifices qu'il faut employer et dont on assure les
effets par une bonne hémostasie et une suture terminale faite avec soin. Comme
on le comprend, les procédés sont très-divers pour atteindre le l'ésullat ; et depuis
Franco jusqu'à Chopart, depuis Roux jusqu'à Dieffenbach et Sen^e, depuis Syme
jusqu'à Jaesche, B. Lagenbeck et Burow, l'activité et l'esprit inventif des chirur-
giens n'a pas fait défaut aux difficultés du problème. Sans entrer dans l'exposi-
tion actuellement inopportune de tous les procédés préconisés, exposition déjà
faite dans ce dictionnaire, à propos de la chéiloplastie, nous nous bornerons à
dire que, dans les nombreuses opérations de ce genre que nous avons pratiquées,
nous avons obtenu des résultats plus satisfaisants en taillant et mobilisant des
lambeaux géniens qu'en recherchant des lambeaux mentonniers ou sus-hyoïdiens.
La suture cutanéo-muqueuse, comme complément de l'orifice buccal, s'exécute
dans le premier cas avec des ressources bien plus grandes, la réunion s'opère
mieux, et l'on n'a pas à redouter après l'opérafion les déformations résultant de
la difficulté de maintenir les lambeaux mento-hyoïdiens , qui tendent, malgré
toutes les pr:îcautions, à s'abaisser et par conséquent à dénuder l'arcade dentaire
inférieure, sinon l'os maxillaire lui-même.
Au reste, les ressources varient avec les procédés et ceux-ci s'appliquent suivant
les cas à la restauration de la lèvre supérieure, à celle de la lèvre inférieure ou à
celle des commissures. Le cancer n'étant pas la seule lésion qui donne lieu à des
séparations de cette nature et l'opération étant susceptible de considérations géné-
rales qui dépasseraient les proportions de cet article, nous renvoyons le lecteur
LÈVRES (bibliographie). 495
aux articles Adtoplastie et Ghéiloplastie, où ces considérations sont amplement
exposées.
L'épithéliomeet les tumeurs hétéromorphes qui composent le groupe des affec-
tions cancéreuses de la lèvre, peuvent récidiver, si l'on n'enlève pas scrupuleuse--
meut tous les tissus affectés ou même suspects. A cet égard l'attention du chi-
rurgien doit se porter d'une manière toute particulière sur les ganglions lympha-
tiques de la région sous-maxillaire, soit sur la hgne médiane, soit, ce qui est plus
ordinaire, sur les parties latérales, et au voisinage de la glande sous-maxillaire.
C'est par là que le mal repullule avec le plus d'énergie, et c'est aux progrès de la
lésion renouvelée dans ces points que succombent les malades; leur mort est
lente et très-douloureuse. Il faut donc examiner avec le plus grand soin l'état des
ganglions lymphatiques, s'abstenir de toute tentative si leur altération et leur
défaut de mobilité indiquent que la propagation morbide s'est étendue au delà de
la sphère accessible à toute opération prudente, mais les enlever sans merci lors-
que l'opération a pu être entreprise. Bien que ce temps complémentaire ne soit pas
toujours sans difficultés, un chirurgien exercé saura les surmonter, et il n'ou-
bliera pas que l'opération ne peut être fructueuse qu'autant qu'elle est complète.
U devrait se considérer comme n'ayant rien fait dans l'intérêt du malade, s'il lui
restait encore quelque point suspect h enlever, NU actum reputans si quid super-
essetagendum. Bouis.sOxW
Bibliographie. — ^'ous avons, autant que possible, éliminé de cette bibliographie, les nom-
breux mémoires ou observai ions relatifs aux procédés de restauration des lèvres [voij.
CiiÉiLorLASTiE) . Du reste, comme complément, on pourra voir les traités de pathologie externe,
les monographies et mémoires sur les tumeurs de différentes sortes (cancers, cancroîdes,
épithéliomas, tumeurs érectiles, etc.).
WiNCLER (Dan). De excrescentia in lahio superiore. In Ephem. N. C, dec. 1, ann. VI et
VII, obs. 37, p. 70. Francof. , 1677, in-4°. — Rayger (C). De labrosulcio seu Cheilocace.
Altdorfii, 1698, in-4°. — Stacdacher (H. Guill.). Prœs. Baier. De labiorum pustuUs . Alldorlii,
1709, in-4°. — Furstenau. De carcinomatc labii inferioris abscjue sectione pcrsanato. Piiiilel,
1739. — Delius. De Efflorescentia labiorum. Erlangœ, 1764, in-i°. — Bxile. Sur un tilcère
chancreux de la lèvre inférieure. \n Jourti. dcméd., t. XXVI, p. 256; 1767. — Dujaroix (F.).
De labiorum cancre. Th. du coll. de chir. Paris, n( 8. in-4°. — Fels. De Carcinomate
labiorum observationes aliquot. Erfordiœ, 1789. — Loder (Just. Chr.). Progr. cancri labii
inferioris féliciter extirpafi hisloria. lemc, 1794, in-4''. — Gault (J. Ambr.). Essai sur le
cancer des lèvres. Th. de Paris, an XIII, n" 389. — Gr^fe (C. F. vokI. De notione et cura
angiectaseos labiorum, ratione habita communis vasorum morhosœ extensionis spécimen.
Lipsiœ, 1807, in-4°. — Stark (J. Chr.]. Commentalio medico-chirurgica de cancro labiiinfe-
rioris observationibus illustrata. lenœ, 1812, gr. 10-4°, pi. — Monfaicoîj. Art. Lèvres. In
Dict. des se. méd., t. IXVIII, 1818. — Earle (H.). On Diseases oftheLips. In Med. Chir.
Transact., t Xll, p. 271 ; 1822. — Bull (Chr. Aid.). Case of Cancer of Ihe Lip in which the
Opération latehj recommcnded by M. Richerand was performed. In The Lond. Med. Repo-
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lèvre supérieure. In Journ. des progrès, etc., l" sér., t. III, p. 215; 18'27. — Roux (de
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heilen. In Grœfe's und Walther's Journ., t. XII, p. 428; 1828. — Du même. Art. Lijjpen
(Krankh.j. In Enc^jclopâd. Wôrterb., t. XXI. Berlin, 1839.— Travers (Benj,). Cancer of
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krebsigen Unterlippe, nach Lisfranc's Méthode. In OEstcrr. med. Jahrb., t. XXIII, St. l,et
SchmicU's Jahrb., Splt. III, p. 275; 1842. — Eckeb (A.). Ueber den Bau dcr unter dem
4fl6 LEVRET.
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kannte angeborne Fehler der Lippen und des Mandes. In Journ. fur Chir. und Augenheilk.
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Jacobi (J. B.) . Ueber angeborene und erworbene Krankheiten der Lippen bei Kinder n. In
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sur le 2}rétendu cancroide labial. Th. de l'aris, 1861, n" 92, fig. — Wormald and II. Coote,
Primary Sypliildic Sore of the Vpper Lip. Enlarged Gland, etc. \nMed. T. and Gaz., 1801,
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Epithelial Cancer ofLip. In Med. T. and Gaz., 1861, 1. I, p. 61. — Diday (F.). De la conta-
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verre- Ibid., p. 521. — Jones (Sydney). Cy.sticcrus Cellidosœ removed from tite Lower Lip .
In Transact- of the Patliol. Soc, t. XIV, p. 279 ; 1863. — Preterre. Apparatus for the Pur-
pose of Remeding Defects in the Parts about the Mouth. In Juror's Report, etc., et Ranking's
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In Gaz. hebd., 1868, p. 724. — Sigwuko. Die primitive Syphilis aus den Mundlippen. In
Wien. med. Wchnschr., t. XVIH, n» 9. 10; 1868, et Schmidt's Jahrb-, t. CXXXIX, p. 295;
1868. E. Ben.
LEVRET (André), né à Paris en 1705, mort le 22 janvier 1780. Voilà certai-
nement le plus illustre des accoucheurs français du dix-huitième siècle ; praticien
consommé, esprit inventif, ingénieux; ennenri des théories, esclave de l'observa-
tion; bien supérieur selon nous à Mauriceau, à Delamotte et à Astruc, quant à la
sûreté clinique et au but ultime de toute médecine : le salut des malades. Levret
n'était qu'un pauvre chirurgien, et il n'est pas même sijr qu'il eût jamais obtenu
aucun grade du collège de Saint-Cosme. Néanmoins, il devint membre de l'Aca-
démie de chirurgie et accoucheur de la Dauphine, mère de Louis XVI. Ses
inventions en fait de chirurgie et d'obstétrique sont marquées au coin du génie,
et aujourd'hui encore on peut consulter avec fruit les livres qu'il a écrits. Ce
fut lui qui proposa les ciseaux à tranchant concave pour exciser la luette, ciseaux
modifiés plus tard par Percy; ce fut lui qui imagina, pour le traitement des po-
lypes des fosses nasales et de la matrice, des procédés, des instruments restés
presque intacts aujourd'hui. Ce fut lui, enfin, qui modifia assez profondément le
forceps {voy. ce mot), ou tire-tête, pour rendre l'application de cet instrument si
efficace. Levret vivait précisément à l'époque où, pour remplacer le crochet et la
cuiller simples, Palfin (de Gand) offrit ses deux cuillers, mais non susceptil)Ies d'ar-
ticulation ; où le chirurgien Le Doux rattachait ces cuillers, après leur introduc-
tion, tout bonnement par un i^uban ; où l'on imagina plusieurs moyens mécaniques
d'articulation; où Chamberlain fenêtra chaque cuiller... Jlais le tire-tète restait
LEVURE. 497
(Iroil dans le sens de ses bords et déchirait ainsi JafonrcJictlc fort souvent. Levret
modifia considérablement l'instrument : sur les lames qui bornent l'évasement, en
dehors, il fit mettre une espèce de cannelure bordée d'une petite lèvre, pour que
l'application soit plus exacte; sur les branches, en dehors, il fit appliquer une plaque
fort miuce, mohde, pour faciliter la direction droite de l'instrument dans la direc-
tion de son bord : d lui donna une forme courbée qui permettait d'adapter la direction
des cuillers à celle de l'axe de chaque détroit du bassin. La caimelurc, la plaque
mobile du forceps de Levret ne sont pas restées, mais la courbure des cuillers
s'est maintenue; et c'est à bon droit que le forceps Levret est resté dans la pra-
tique. (Voij. ses Observations sur les causes et les accidents de plusieu)"^ accou-
chements laborieux, Paris, 1747, in-S*", p. 71 et seq.) Sans doute, comme dans
l'affaire du spéculum, on a beaucoup spéculé dans ces derniers temps, en fait
d'inventions de nouveaux tire-tête ou forceps ; mais j'imagine que beaucoup
d'accouclieurs de campagne ne possèdent que le forceps Levret et qu'ils ne s'en
trouvent pas plus mal, ni leurs patientes non plus.
Outre plusieurs observations communiquées à l'Académie de chirurgie, je con-
nais de Levret les ouvrages suivants :
I. Observations sur les causes et les accidents de plusieurs accouchements laborieux.
Paris, 4747, in-8°. — II. Observations sur la cure radicale de plusieurs polypes, avec des
remarques sur ce qui a clé proposé ou mis en usage pour les terminer, et de nouveaux
moyens pour y parvenir j)lus aisément. Paris, 1747, in-8°. — III. Explication de jilusieurs
figures sur le mécanisme de la grossesse. Paris, 1752, in-8°. — IV. L'art des accouchements
démontré par les principes de physique et de mécanique. Paris, 1755-1700, in-S", planches.
— V. Essai sur les abus des règles générales et contre les préjugés qui s'opposent aux progrès
de l'art des accouchements. Paris, 1766, in-8°. — VI. Lettre sur l'allaitement des enfants.
Paris, 1771, in-8°. A. C.
l,EV5:iL,®SE. La lévulose se trouve dans la plupart des fruits mûrs, acides
ou verts, tels que le raisin, la cerise, le groseille, la fraise, où elle est associée ù
poids égaux avec la glycose. C'est ce mélange des deux principes qui constitue le
sucre interverti. On peut l'obtenir à l'état de pureté en traitant l'inuline par les
acides. {Voy. Glycose, Inuline.) La lévulose est sirupeuse, incristallisable, très-
soluble dans l'eau, insoluble dans l'alcool absolu. Elle réduit la liqueur de Feh-
ling et dévie à gauche le plan de polaiisation. D'après Berthelot, si l'on traite le
sucre interverti par les alcaUs ou les lèrments, la lévulose se détruit moins vite
que la glycose. A. D.
l,s;TtJRE. La levîire, telle que la fournissent les brasseurs, est luie bouillie
grisâtre, exhalant une odeur spéciale qui raijpelle celle du houblon et de l'alcooL
Elle est ordinairement criblée de petites cavités dues aux gaz qui se forment dans
sa masse. Ce dégagement continue pour peu que la température soit favorable à
la fermentation; de telle sorte qu'une partie de la levure se déverse par-dessus
les bords du vase qui la contient, pourvu que celui-ci ne §oit pas de trop grande
capacité.
L'odeur spéciale que nous avons signalée n'est pas propre à la levure , il est
possible de l'en débarrasser par des lavages qui eutrauient également les (races
de sucre qu'elle peut contenir. Dès lors, le boursouflement cesse, et on peut
obtenir une sorte de pâte semi-solide, plus facile à transporter et à conserver, et
qui a néanmoins toutes les propriétés de la levure des brasseurs. Cette odeur
-j'.t due en grande jiartie au houblon qu'on introduit d<:;iis la bière.
Le caractère le plus saillant de la levure consiste dans ià propriété de dédoii-
DICT, ENC. 2° s. II. 52
498 LEVURE.
hier le sucre en alcool et en acide carbonique. Dès qu'elle est mélangée â de-
l'eau légèrement sucrée, on voit le liquide se troubler, si la température est favo-
rable. (]e phénomène provient de ce que le gaz acide carbonique qui se dégage
de chaque parcelle de ferment y adhère par capillarité. Bientôt, la bulle de gaz
étant assez grosse, le ferment monte à la surface du liquide; puis retombe quand
elle se détache, et ainsi de suite. C'est en petit ce qui se passe quand on vient
à mettre un grain de raisin sec dans un verre de vin de Champagne ou d'eau de-
Seltz ; on voit ce grain incessamment monter, puis retomber au fond du vase.
Dès que la fermentation est terminée, tout le ferment retombe, et le liquide
s'éclaircit.
La décomposition du sucre par le ferment ne paraît pas être un simple dédou-
olement en alcool vinique et acide carbonique. M. Pasteur a montré qu'il se
formait également de l'acide succinique qu'on peut retrouver dans tous les liqui-
des fermentes.
Quand on met en contact un certain poids de levure avec de l'eau sucrée, on
arrive à décomposer une quantité déterminée de sucre, mais on ne peut aller
au delà. La leviire est détruite par cette fermentation, ou du moins elle a perdu
son principal caractère. Cette expérience constitue ce qu'on pourrait appeler la
fermentation telle que la produisent ordinairement les chimistes.
La fermentation des brasseurs se passe tout autrement. Le ferment pendant la
fabrication de la bière est mis en contact, non avec de l'eau sucrée pure, mais
avec le moût ou décoction d'orge germée. Ce hquide contient non-seulement du
sucre, mais encore de la dextrine, des substances albumineuses, et des sels ter-
reux parmi lesquels les phosphates paraissent jouer un grand rôle. Dans ces
circonstances différentes, non-seulement le ferment ne semble pas détruit, mais
on en trouve à la fin de l'opération une quantité plus grande que celle qui existait
au début. C'est une véritable récolte qui permet au brasseur, tout en conservant
la quantité de ferment qui lui est nécessaire, d'en exporter journellement.
Ces faits s'expliquent fticilement. On sait que le ferment est une petite plante
que les botanistes ont applée Toï^ula cerevisiœ; pendant la fermentation on peut
voir au microscope la plante se reproduire par bourgeonnement. Si on lui donne
une nourriture incomplète comme dans l'expérience des chimistes , ses rejetons
sont faibles, étiolés et ne tardent pas à périr. Tel serait le sort de toute autre
plante cultivée dans un sol qui ne lui fournirait qu'un seul des éléments néces-
saires.
Si au contraire on lui donne un aliment complet, comme dans l'expérience des
brasseurs, non-seulement elle peut accomplir toutes les phases de son existence,
mais encore elle laisse après elle des rejetons plus nombreux et viables. La petite
plante se trouve alors dans les conditions où nous mettons tous les végétaux que
nous voulons récolter.
Il existe deux variétés de levîirc qui se distinguent en ce que l'une, plus active,
se recueille à la surface du liquide ; tandis que l'autre ne quitte pas la couche
inférieure. Ces levures ont été décrites avec soin à l'article Bière, auquel nous
renvoyons le lecteur.
La levî!ire peut être employée à la place du levain, pour fabriquer le pain. Les
pâtissiers s'en servent exclusivemeut pour leurs préparations auxquelles le levain
donnerait un goiit désagréable. J'ai souvent fait préparer du pain avec de la farine
et de la leviire sans levain. Ce pain est plus agréable au goiit, et je crois qu'il est
plus blanc. Les pains viennois sont préparés par ce procédé. Il est certain que le
LÉZARD. 499
levain donne au pain un goût sûr, et une odeur peu agréable. La suDstitution
au moins partielle de la levure au levain est un progrès qui s'effectuera dès que
le commerce fournira la première dans de bonnes conditions. C'est pour répondre
à ce besoin qu'on a installé en Allemagne des fabriques de levure dans lesquelles
celle-ci, étant l'objet principal de la fabrication, et non un produit accessoire
comme dans les brasseries, peut acquérir les meilleures qualités.
Cette fabrication s'effectue à Vienne et en Moravie. La levure est préparée au
moyen d'un moût (ou infusion à une température convenable) de malt, de seigle
et de maïs. L'absence du houblon permet d'obtenir des produits non amers et
moins odorants. 11 paraît qu'on peut obtenir en levure jusqu'à 0,1 du poids du
grain employé.
A mesure que la fermentation alcoolique avance, on enlève la levure qui surnage,
on la presse pour faire écouler l'excédant d'humidité, et on l'emballe dans des caisses.
L'opération dure environ soixante-douze heures. La levure viennoise doit ctre
employée aussitôt que possible; elle est plus active que la levure des brasseurs
dans la proportion de 2 à 3. D'après MM. Payen, Champion et Henry Pellct,
elle contient seulement un quart de son poids de substance sèche; cette dernière
renferme 0,077 d'azote et 0,035 de matière grasse. L'incinération fournit 0,081
de cendres dont 1 00 parties contiennent :
Acide phosphorique 46,9
— siliciciue 1,8
Potasse 22,3
Soude 15,9
Magnésie 5,0
Chjus 1,3
Eau (combinée avec les phosphates) i,i
Chlore et acide sulfurique traces.
Oxyde de fer et pertes 2,4
Total 10Ù,0
(Voyez pour la description du champignon de la leviire Cryptococcus.)
P. COULIER.
liEU'IS (WiLtiAM), chimiste anglais, mort le 21 janvier 1781, et qui vivait à
Kingston, dans le comté de Surrey. On a de lui :
I. Expérimental Examinalion. Lond., 1754, in-S". — II, La platine, l'or blanc, ou le
huitième métal. Paris, 1756, in-12. — III. Expérimental History of tlie materia medica.
Lond., 1160-1784, in-4». Traduit en français par Le Bègue de Pi-esle (1771). — IV. Com-
mercium philosophico-technicum, or tlie Philosoplùcal Commerce of Arts. Lond., 1785, in-4''.
— V. Course of Pracfical Chemistry. Lond., 17ùO, in-S", etc. A. C.
liÉZARD {lacerta, de lacertosus, bien musclé). Genre de Reptiles de l'ordre
des Sauriens, formant le type de la famille des Lacertidés. Ces animaux si connus
composent un groupe des plus naturels ; leur corps est très-effilé, leur colonne ver-
tébrale est composée d'un grand nombre de vertèbres à articulations très-mobiles,
permettant des mouvements très-prompts et très-étendus ; leurs pattes articulées
à angle droit sur le corps, sont fines, quoique robustes, mais trop courtes pour
supporter le poids du Lézard, aussi l'abdomen et la queue traînent sur le sol-
la queue est longue et douée d'élasticité.
L'agihté des Lézards est très-grande ; ils se cramponnent aux murs, aux ro-
chers, aux troncs d'arbres au moyen de leurs ongles, et ils se portent rapidement
vers un point ou s'enfuient avec prestcbse au moindre bruit. Quand le soleil est
ardent, lem' course est des plus vives, mais dès que la température baisse leurs
500 LÉZARD.
mouvements se ralentissent, enfin, pendant la saison froide, ils sont en complète
hibernation et privés de mouvement. Leur nourriture consiste en insectes, vers de
terre, petits mollusques, etc.; leur digestion est lente. Ils beivent en lapant à la
façon des chiens.
Ce: animaux ont un naturel doux et n'attaquent point l'homme. Ils ne cher-
chent à mordre que lorsqu'on les a saisis ou qu'on les empêche de s'échapper. Les
grandes espèces ne redoutent ni les chiens ni, dit-on, les serpents.
La morsure des Lézards n'est point venimeuse et produit simplement une forte
pression ; la morsure peut au plus se compliquer d'une légère éraillure de la peau
si l'animal a retiré la tête en serrant de toutes ses forces ses mâchoires garnies
de petites dents disposées en lignes droites.
Les Lézards vivent de proie, ils font la chasse aux petits animaux, insectes,
mollusques, etc.; Dugès prétend qu'ils mangent parfois leurs propres œufs quand
ils sont poussés par la f ami. Les Lézards peuvent supporter de longs jeûnes ;
leur voix se réduit à un faible cri ou à un soufflement plus ou moins violent.
Les attributs des sexes sont peu visibles. Les mâles ont l'origine de la queue
large, aplatie et sillonnée, elle est arrondie chez les femelles ; de plus, la coloration
du corps est moins brillante chez ces dernières, ainsi que chez les jeunes. L'ac-
couplement dure longtemps. La femelle pond de 7 à 9 œufs, placés ordinairement
dans un nid spécial, mais parfois réunis à ceux d'autres femelles, car on trouve
parfois jusqu'à 50 œufs rassemblés. La coque des œufs est poreuse; ils éclosent
par la chaleur atmosphérique. Quelques espèces de lézards sont presque vivipares,
les petits sortant de l'œuf quelques minutes après que ces œufs ont été pondus.
La durée de la vie chez ces animaux est considérable ; elle serait de plus de
vingt ans, suivant Bonaterre. Le renou\eIlement de la queue fragile des Lézards
se fait avec rapidité. On avait observé depuis longtemps qu'un Lézard peut mar-
cher avec assez de vivacité, lïianifester des sensations et vivre pendant quelques
jours après avoir été décapité.
Les principales espèces de Lézards de nos contrées sont :
Le Lézard des souches [Lacerta stirpium Daudiîj), à dos brun, plus ou moins
rougeàtre, ocellé de noirâtre, les côtés du corps verts ocellés de brun, le ventre
blanc, parfois piqueté de noir. La coloration est très-variable du reste suivant les
sexes et les individus. Taille 21 centimètres, y compris la queue, longue elle-même
de 12 centimèlres. — Assez commun, place son terrier sous les touffes d'herbes,
les racines des arbres, agile et peu craintif.
Le Lézard vert [Lacerta viridls Daud.), uniformément vert en dessus dans l'âge
adulte, parfois piqueté de brun dans les variétés nombreuses de l'espèce ; il est plus
ou moins brun et à taches vertes dans le jeune âge ; habite les endroits boisés et
exposés au soleil. — Commun; la chair n'en est pas, dit-on, désagréable.
Le Lézard ocellé [Lacerta ocellata D.vud.), vert, varié, taché ou réticulé de noir
à grandes taches bleues et rondes sur les flancs, le dessous du corps blanc glacé
de vert. Taille atteignant 40 centimètres et plus, la queue ayant 25 centimètres.
— Grande et belle espèce du midi de la France ; on le trouve dans la foret de
Fontainebleau.
Le Lézard des murailles (Lacerta viuraria La.uresti) est le Lézard gris de
Daudin. C'est l'espèce la plus commune et répandue partout, d'un gris cendré,
marqué de traits et de points brunâtres; le ventre et le dessous de la qu'eue d'un
blanc luisant. Il ne dépasse guère 20 centimètres de longueur; la queue y entre
poui 14 centimètres.
LIANE. 501
La cliair est bonne à manger et Laurent! dit qu'on peut la faire cuire ou frire
comme celle des petits poissons.
Les Lézards ont été jadis employés en médecine à cause des propriétés qu'on
leur attribuait contre les maladies cutanées, lymphatiques et cancéreuses, ils ont
été vantés pour le traitement de la syphilis, etc. La chair séc|iée était regardée
comme un succédané de celle du Scinque {voij. ce mot). Elle passait pour sudo-
rifique à un haut degré ; l'usage en est tombé dans un complet oubli.
Des peuplades africaines mangent la chair des Lézards de ces contrées, surtout
celle du groupe du Lézard vert et du Lézard ocellé.
A. Laboulbène.
LIa:\E. Plusieurs des végétaux grimpants, sarmenteux ou volubiles, aux-
quels on donne ce nom dans nos colonies, sont employés en médecine. Ainsi l'on
appelle :
1. Liane amère, plusieurs Ménispermacées, les Cocailiis, les Ahiita, les CiS'
sampelos, notamment le Pareira Brava.
2. L. à barriques, le Rivina huniilis L.
3. L. à blessures, les Vanilles dont le suc est employé topiquemont aux An-
tilles, pour guérir les plaies.
4. L. à bœuf, VEntada scandens Be.nth. [Mimosa scandens W.)
5. Jj. boîte à savonnette, hs Nandhirobes ou. Feuillea.
6. L. à calebasse, les mêmes plantes.
7. L. à caleçons, plusieurs Passiflores vermifuges des Antilles.
8. L de Caripos, uns Dilléniacéc, le Dnvilla brasiliana DG.
9. L. à chat, le Bignonia Vnguis L.
10. L à cœur, le Pareira (n. d).
M. L. contre-poison, les Feuillea (n. 5, 6).
12. L. à corde, le Bignonia œquinoclialis L., au Brésil.
15. L. à couleuvre, les Feuillea (n. T), 6, 11).
14. L. à coureux ou Timac, une plante qui, d'après les Mnnoires delà So-
ciété roycde de médecine ([, 341), s'emploie avec succès aux Antilles, contre les
hydropisies.
15. L. à crabes, le Bignonia œquinoctialis (n. 12).
16. L. à glacer Veau, le Cissanipelos Pareira (n. 1, 10).
17. L. à lance, ou à l'anse, l'Omphalea diandra de la Jamaïque [voij. Oji-
phalier).
18. L. Lardizabale, \e Lardizabala biternata R. et Pav., du Chili.
19. L. à médecine, Vlpomœa catharlica, de Saint-Domingue.
20. L. à Minguet, Vlpomœa macrorhizon, espèce purgative de Saint-
Domingue.
21. L. à paniers, le Bignonia œquinocticdis (n. 12, 15).
22. L. à persil, le Paullinia pinnata L., à cause de la forme de ses feuilles.
25. L. à pomme, le Passiflora alata Ait.
24. L. Popaye, YOmphalea diandra (n. 17).
25. L. purgative, Vlpomœa catharlica (n. 19).
26. L. à raves, le Dioscorea saliva L. [voy. Dioscorée).
27. L. à réglisse, VAbrus precatorius [voy. Abrus).
28. L. roufje, une Dilléniacée, le Tigarea aspera L.
29. L. à savonnette, les Feuillea (n. 5, 6, 11, 15).
509 LIBAVIUS.
30. L. à serpent, YAristolochia angiiicida Jacq. {voy. Aristoloche).
31. L. à serpents, le Cissampelos Pareira (n. 1, lU, 16).
32. L. à sirop, le Columnea scandens L., de l'Amérique australe.
35. L. à vers, le Cereus triangularis L. , dont le suc est vermicide [voy. Cierge).
Quelques lianes utiles ont reçu des noms d'hommes, ainsi le Telfairia pedata,
de l'Afrique australe, a été appelé Liane Le Joliff, et la L. purgative de Saint-
Bomingue (n. 19, 25), L. de Bauduit ou à Bauduit. H. Bn.
OATRBS. Nom générique donné par Schreber et Gaertner à quelques espè-
ces de Composées, retirées des genres Serratida et Vernotiia. Ces plantes présen-
tent les caractères suivants : Involucre à bractées imbriquées; réceptacle nu;
corolle tubuleuse, à lobes allongés ; styles à rameaux cylindriques, longuement
exsertes ; achaines à dix côtes, surmontés d'une aigrette à poils roides ciliés ou
plumeux. Ce sont en général des herbes à feuilles entières ou très-rarement den-
tées, dont les racines, souvent tubéreuses, contiennent de la résine et ont une
odeur de térébenthine assez marquée. Elles habitent le nord de l'Amérique et por-
tent, au Canada, le nom de Pinetta de prairia. Elles sont employées, dans cer-
taines localités, comme diurétiques et même antisyphiiitiques. Les Liatris squa-
rosa W. et L. scariosa W. sont en particulier usités contre la morsure des
serpents.
D.C. Prod. V. 128. — Schreber. Gen. 1791. 2. 1263. — G^utn. Be fnict. Tab. CLVII. Fijr. 1.
Pl.
i.ïisj&i^iis. Voy. Boswellie, Encens.
LlBAniOTlS. Nom appliqué par Théophraste, Dioscoride, Pline, etc., à di-
verses plantes aromatiques de la famille des Ombellifères, qu'il est difficile d'indi-
quer d'une manière positive, mais qu'on doit probablement rapprocher des genres
actuels Cachrys et Athamantha. L'une de ces plantes, le Lihanotis coronaria,
de Dioscoride, paraît être le Romarin. Les auteurs du seizième siècle attribuèrent
ce nom à un plus grand nombre d'espèces se rapportant aux divers genres Laser-
pitium, Ligusticum, Ferula, Cachrys, Seseli, Athamantha, Thapsia, Bosma-
rinus, etc. Plus tard, Gaîrtner et Mœncli établirent, sur les caractères de V Atha-
mantha cretensis un genre Lihanotis qui ne fut point admis par les botanistes.
Enfin De Candolle, après Crantz, a réuni sous ce nom générique huit espèces
d'Ombelhfères ne différant des Seseli que par les dents du cahce longues, subulées,
poilues, presque membraneuses et se détruisant au moins en partie après la flo-
raison. Aucune de ces espèces n'a d'importance médicale.
Bauhis (J.). Hisl. Plant., 111, lib. XXVII, p. 58. — D.C. Collecl. de mém., mém. V, 47,
— Prodr., IV, 149. — Crantz, Austr., 222. Pl.
LIBAVIUS (André), un des plus illustres chimistes allemands de la fin du
seizième siècle, né à Halle, dans la Saxe, vers l'année 1546, mort à Cobourg, eu
1616, après avoir été successivement professeur d'histoire et de poésie à léna
(1588), gymnasiarque et médecin pensionné à Rotenbourg (1591), directeur du
gymnase de Cobourg (1606). Libavius fut un grand homme dans toute l'acception
du mot. En face des erreurs grossières des partisans de Par accise, eu face de la
tyrannie des galénistes, il eut le courage de combattre Amwald, Gramann, Miche-
lius, Scheunemann, Crell, Hartmann, etc., lesquels ne sachant pas appliquer à
LICARI. 503
propos les données fournies par la cliimie, détournaient cette belle science de sa
véritable voie, et commettaient en son nom de déplorables abus. Sans doute Liba-
vius ne sut pas secouer complètement le joug de son temps; sans doute il crut à
la transmutabilité des métaux, à l'or potable et à d'autres billevesées de celte es-
pèce, mais il a le mérite incontestable de s'être al'francbi du langage obscur et
mystique des alchimistes, d'avoir, le )iremier, publié un manuel de chimie géné-
rale, plus clair, plus utile qu'aucun de ceux qui avaient vu le jour jusqu'alors, et
de tenter avec succès l'ajtplication de la ebimie à l'industrie et aux arts. C'est lui
qui a reconnu la propriété qu'a l'oxyde d'or de colorer le verre en rouge; c'est lui
qui a découvert le chlorure d'ctain, connu pendant si longtemps sous le nom de
■ liqueur fumante de Libavius. C'est encore Libavius qui h premier a songé à ia
transfusion du sang comme un moyen de guérison et de rajeunissement. Le pas-
sage d'un de ses livres où cette idée est émise, est trop curieu.x, pour ne pas être
traduit ici : Supposons un homme fort, robuste, sain, plein d'nn sang genrreux,
et un autre homme épuisé, faible, amaigri, ayant à peine le souffle. Que le
maître de l'art se munisse de deux tubes d'argent disposés de manière à pou-
voir se visser l'un à l'autre. Chez l'homme robuste il ouvre une artère dans la-
quelle il insère l'extrémité de l'un des tubes ; puis, chez l'homme malade il ouvre
pareillement une artère, quilmimit aussi de Vautre tube; en réunissant bout à
■bout ces deux tubes, le sang chaud de l'homme sain passera dans le corps de
l'homme affaibli, y fera pénétrer les sources de la vie, et -dissipera la langueur.
Il est impossible d'être plus clair, et nul doute que les partisans malheureux de
la transfusion, Christophe Wren, Timothée Clarke, Robert Boyie, Ilenshaw,
Richard Lower, J.-D. Major, Denis, Enmieretz, etc., ne prirent d;ms les œuvres
du chimiste allemand cette méthode qui provoqua tant d'enthou>iasme et
■qui devait sombrer dans une mer d'orages et de tempêtes. (Voy. le mot Tuans-
FusioN.) André Libavius a écrit énormément. Voici les titres de ses ouvrages qui
sont les plus recherchés, et qui ont le mieux établi sa célébrité :
1. Epistola de examine panaccœ Amwaldinœ, ut quiaque judicare possit qua arle Am-
watdus usus ait. Fraiicof., 1594, in-S». — II. Neo paracelsica, in quibus vêtus medicina
de fendit ur adversus ■z^ç^&ri^^ara. tum G. Amwald, cujus liber de panacea excutitur, tum
J. Gramanni, servatâ verâ verœ chimiœ lande. Fraiicof., 1594, in-8°. — III. Tractatus duo
pliysici, prior de imposturâ vulnerum per unguentuni armarium curatione, posterior de
cruentatione cadaverum injustâ cœde factorum, prœsente qui occidisse creditur. Francof.,
1594, in-S". — IV. Rerum chymicarum cpistoUca forma ad philosophas et medicos scri-
ptarum. Francof., 1' 95-1599, in-8°. — V. Alchymia è dispersis passim optimorum aucto-
rum, veterum et recentiorum, exemplis potisslnium, etc. Francof., 1595, in-(ol. — VI.
Commentationum metallicarum Libri IV, de naturâ mctallorum, mercurio philosophorum,
azotho, et lapide seu tinctorâ physicorum cnnficiendâ, è rerum, naturâ, experientiû, et
autorum prœstantium fide. Francof., 1597, in-4°. — VU. Alchymia recognita, emendata,
et aticta, etc. Francof., 1597, in-4°. — VIII Ejntome metallica, cum variis tractalibus,
nempe, de arte pirobandâ lyiineraliâ, de aquû permanente, de aquis mineraiibus ■ Francof.,
i597, in-4°. — IX. Novus de medicina veterum, tam Hippocraticâ quam hermeticâ Tracta-
tus. Francof., 1599, in-4°. — X. Exameii censurée scholœ Paris'iensis contra alchymiam.
Francof., 1601, in-8°. — XI. Praxis alchymiœ, etc. Francof., 1605, in-8°. — XII. Ap/iendix
necessaria syntagmatis arcanorum chymicorum Francof., 1615, in-fol. (C'e-t dans ce
dernier ouvrage que se trouve le passage sur la transfusion que nous avons rapporté plus
haut.) — XIII. Historia Bombycum, Francof., 1599, in-8°. A. G.
OSERIA. Voy. Guinée.
LIBERTÉ MORALE. Voy. RESPONSABILITÉ MORALE et INTERDICTION.
LICARI. Voy. DiCYPELLIUM.
504 LICHEN.
LICUE (La) (Eau minérale de), protothermale, amélallite, sulfureuse faible.
Dans le département des Hautes-Alpes, dans l'arrondissement de Briançon, sur
les monlagnes de l'AIpe-Martin, au milieu d'une prairie naturelle, à 1927 mètres
au-dessus du niveau de la mer, émerge la source de la Lichc. Sou eau, claire et
limpide, a une odeur manifestement suH'ureuse; son goût est fade et hépatjque;
sa température est de 17°, 2 centigrade. Son poids spécifique n'est pas connu;
l'on sait seulement que 1000 grammes de cette eau renferment 0''', 1)0825 de
gaz acide sulfliydrique. Cette eau est employée en boisson par les bergers qui ont
des affections de la peau ou des catarrhes pulmonaires chroniques des voies
respiratoires. A. R.
LICIIEIV. (Dermatose). Il est de certains mots dans l'histoire de la médecine
que l'on voit avec étonuement se perpétuer d'âge en âge, sans que jamais une
idée nette, un objet bien défini, ne viennent en préciser le sens. Tel paraît avoir
été le sort du mot lichen, Izi^nit, dont l'origine remonte à Hippocrate, que Ion
retrouve sous les acceptions les plus diverses dans les auteurs grecs et latins, et
dont las gnification n'a été défnntivcnicnt et îigoureusement déterminée que vers
la fin du siècle dernier'.
Ou sait qa'im grand nombre de plantes de la famille des Lichénées se pré-
sentent habituellement sous la forme de plaques crustacées étendues sur le
sol, sur l'écorco, des vieux arbres ou sur les rochers. Cette étymologie étant
admise, on comprend toute la conhision qui dut en résulter nécessairement
pour le fait pathologique que le mot lichen se trouvait appelé à représenter.
Rien de plus vague, en effet, et surtout rien de plus contestable qu'un carac-
tère basé exclusivement sur un rapport d'analogie plus ou moins grossier entre
des objets d'ailleurs complètement dissemblables. Aussi la ))lupart des auteurs
anciens, et Hippocrate lui-même, ont-ils appliqué le mot lichen à des formes
morbides très-différentes de siège et de modalité pathogénique, formes sèches et
formes humides, lésions papuleuses, pustuleuses et vésiculeuses, sans qu'il soit
toujours possible de reconnaître au milieu de cette obscurité ce qui a trait plus
spécialement à l'affection qui nous occupe. Et cet état d'incertitude devait se con-
tiimer jusqu'à une époque très-rapprocbée de nous, car les écrits de Sauvages, de
Lorry, et même ceux d'Alibert nous retracent la même confusion dans les termes
et dans les choses.
Il iaut, en effet, arriver jusqu'à WiUan et Bateman pour voir enfin le sens du
mot hchen se dégager avec une certaine netteté. Ces auteurs ont décrit sous C3
nom : « Une éruption étendue de papules, se manifestant chez les adultes, accom-
pagnée d'un trouble des organes intérieurs, se terminant ordinairement par une
légère desquamation, susceptible de se reproduire et ne se transmettant pas par
contagion. »
C'était là un progrès, sans doute, encore bien que cette définition laissât beau-
coup à désirer, même en se plaçant au point de vue restreint du classificateur an-
glais. Il n'est pas exact de dire, par exemple, que le lichen soit une affection
particulière à l'âge adulte, car on l'observe fréquemment dans l'enfance : il est vrai
(]ue Willan le désignait alors par un autre mot, celui de strophulus. Quant aux
* Il résulte de divers passages de Dioscorides (t. IV, c. 53), Pline (1. XXVI, c. 10), Catien
{De simple médicament. Temperam., 1. VII, c. 11, n° 6) que Icnwllich^n a été transporxô
de la paUioIogie ù la botanique, et non de la botaniijue à la palhologie, comme on serait
tenté de le croire. C'est pour celte liaison que nous plaçons ici la dermatose avant la plante.
LICHEN. 51^5
troubles fonctionnels intérieurs dont s'accompagne quelquefois le lichen, ils n'ont
rien de nécessaire, et dans tous les cas ne sauraient être rattachés à l'altération de
la peau par un hen de causalité. Enfin, c'est aller beaucoup trop loin que d'affir-
mer d'une manière absolue la non contagion du lichen, car nous retrouverons
ce caractère au plus haut degré dans les espèces de cause parasitaire.
Quoi qu'il en soit et toute imparfaite qu'elle nous paraisse, la définition de
Willan constituait un progrès très-réel au temps oîi elle fut émise ; elle nous a
mis en possession d'un fait désormais acquis à la science, en établissant l'existence
du lichen comme affection papuleuse sui generis, et en séparant cette affection
d'une manière irrévocable de toutes les autres formes éruptives qui se manifestent
à la peau.
La plupart des dermalolo^istes qui ont suivi Willan ont accepté sa définition
du lichen, en y apportant quelques modifications. Biett fait remarquer que cette
affection n'est pas rare dans l'enfance, et qu'elle peut se montrer indépendam-
ment de troubles fonctionnels du côté des organes internes, mais il ne sort pas du
cadre tracé par le classificateur anglais, et conserve toutes les variétés que celui-ci
avait admises.
Gibert place le lichen dans l'ordre des papules, à côté du prurigo. Il considère
le strophulus comme une espèce intermédiaire entre les exanthèmes et les
papules, mais sans toutefois le séparer complètement du genre lichen, dont il ne
serait qu'une variété plus ou moins distincte.
Telle est aussi l'opinion de M. Cazeuavc, qui n'admet que deux affections papu-
lenses, le prurigo et le lichen.
Rayer et M. Devergie ont conserve îe genre strophulus, et décrit séparément
trois maladies papuleuses, le lichen, le strophulus et le prurigo, ainsi que l'avaient
fait Willan et Baleman.
Cependant tout le monde en France n'avait pas suivi le mouvement suscité par
Willan. Doué d'un sens plus pratique et plus véritablement médical que le patho-
logiste anglais, Alibert n'avait pu consentir à une doctrine fondée exclusivement
sur la forme élémentaire des altérations cutanées, et n'apercevant pas d'ailleurs
tout le parti qu'on pouvait en tirer, il crut devoir la répudier complètement pour
édifier en sa place ce qu'il appela lui-même une méthode naturelle de classification.
Ce n'est pas ici le lieu de juger cette méthode dans l'ensemble des applications
qu'en a faites Alibert; mais nous devons nous demander ce qu'elle a produit rela-
tivement au lichen. Que devient cette affection dans les cadres du célèbre derma-
tologiste? Elle disparaît à peu près complètement pour aller se perdre, avec le
prurigo et la gale, dans le groupe des dermatoses scabieuses, « dont le caractère
général est de provoquer à la suri'ace de la peau un prurit plus ou moins violent,
suivi ou non de desquamation, et qui porte les malades à se gratter sans cesse
pour apaiser ou éteindre la sensation pénible qui les incommode. » Ce groupe
comprend en effet deux genres, la gale et le prurigo, et ce dernier genre se sub-
divise lui-même en quatre espèces, dont l'une, le prurigo lichénoïde ou furfurant,
est ainsi appelée, dit Alibert, « parce que les papules prurigineuses finissent par
produire une furfuration analogue à celle du son ou de la farine, d'où vient que
certains auteurs, Plenck et Wdlan en particulier, le désignèrent sous le Jiom de
lichen, d'autres sous celui d'herpès farinosus. »
C'était nous ramener tout simplement aux plus mauvais jours de l'histoire du
lichen, et nous rejeter sans compensation dans toutes les incertitudes dont le sys-
tème de Willan nous avait à peine délivrés. Quoi de moins naturel, en effet,
LOC LlCnEN.
qu'une famille de dermatoses dont les membres ne présentent d'autre lien entre
eux que la prédominance d'un symptôme qui leur est commun, de l'aveu même
d'Alibcrt, avec presque toutes les affections cutauces?
Joseph Frank a décrit le lichen dans trois chapitres : dans celui du stroplmlus,
dans celui du psydracia et dans celui de l'herpès furfureux.
M. Gintrac (de Bordeaux) a placé le lichen aigu et le stroplmlus ou lichen aigu
de la première enfance dans la classe des fièvres éruptives et des exanthèmes
aigus, et le lichen chronique dans la classe des herpétides, à côté de l'urticaire et
du prurigo.
Enfin, pour n'omettre aucune des vicissitudes qu'a traversées le lichen ,
nous devons dire que M. Hardy a réuni cette affection au genre eczéma, dont elle
formerait « non pas une variété comme l'impétigo, mais une espèce particulière
reliée au genre par des caractères si intimes qu'on ne saurait l'en séparer,
et qu'en thérapeutique plus encore qu'en diagnostic, il importe de les envisager
simultanément. » Dans cette manière de voir, et par un singulier retour des
choses, le lichen perd donc encore son individualité distincte pour n'être plus
qu'uue période ou l'une des phases de transformation d'une autre affection.
Ces préliminaires historiques étant posés, j'aborde sans autre transition l'étude
du lichen considéré comme genre [séméiotique cutanée générale).
La seconde partie de ce travaiLsera consacrée à l'exposition rapide des espèces
et variétés admises par les auteurs.
Dans la troisième enfin, nous aurons à examiner le lichen au point de vue
des modifications que lui impriment les maladies dont il est la traduction sur la
peau [séméiotique cutanée spéciale).
I, Dd lichen considéré comme affection générique. Séméiotique cutanée gé-
nérale.— Définition. Je définis le lichen : une affection cutanée caractérisée dans
sa période d'état par la présence de papules particuUères, agglomérées ou dis-
crètes, envahissant une surface plus ou moins étendue, et s'accompagnent à une
certaine période de leur existence d'une hypertrophie des papilles avec exagéra-
tion des plis naturels de la peau.
Symptomatologie. Le lichen peut affecter une marche aiguë ou une marche
chronique, et les symptômes initiaux diffèrent notablement dans les deux cas.
Lorsqu'il se présente à l'étal aigu, son apparition est habituellement marquée
par quelques phénomènes prodromiques, tels que malaise, courbature, anorexie,
excitation fébrde, etc.; dans ce cas, l'éruption ra[)pelle assez bien par son allure
et son extension rapide le mode d'invasion des pseudo-exanthèmes.
Dans le lichen chronique, c'est à la peau que se manifestent les premiers symp-
tômes, soit que l'éruption s'y développe d'emblée, soit qu'elle ait été précédée
pendant quelques jours par un prurit plus ou moins intense, local ou généralisé.
L'éruption peut se montrer sur toutes les parties du corps, mais les mains,
les avant-bras, le cou, la face constituent pour elle des lieux de préddection. Tan-
tôt partielle à l'origine, elle reste indéfiniment confinée à une région unique;
tantôt elle envahit à la fois ou successivement un certain nombre de surfaces
plus ou moins étendues, ou même la totahté de la membrane tégumentaire.
Sur la peau s'élèvent de petites éminences dures, pleines, solides, c'est-à-dire ne
renfermant aucun liquide, diversement configurées suivant les cas, quel([uefois
éparses, le plus ordinairement réunies de manière à constituer des groupes plus
ou moins nettement limités et séparés les uns des autres par des intervall s de
peau saine. Ces papules dépassent rarement les dimensions d'un grain de millet;
LICHEN. 507
elles sont parfois si petites que la réalité de leur existence pourrait être mise
en doute, si le doigt promené sur 1 éruption ne taisait percevoir une légère
sensation de rudesse et d'aspérité. Leur forme est généralement en rapport avec
leur volume, acuminée ou conique pour les plus petites, aplatie, lenticulaire ou
subhémisphérique, lorsque le diamètre du bouton devient plus considérable.
D'une coloration rouge et animée dans l'état aigu, quelquefois rouge sur certains
points et blanchâtre sur d'autres (stropJmlus candidus), elles ne diffèrent pas
sensiblement dans l'état chronique de la teinte normale des téguments voisins.
Leur surface est parfois lisse, unie, le plus ordinairement sèche, rugueuse, recou-
verte de débris épidermiques ou de véritables squames.
Les sensations morbides que détermine le lichen sont variables de caractère et
d'intensité, suivant la forme de l'alfection, et surtout suivant sa nature. Le lichen
est, après le prurigo, la lésion tégumentaire qui s'accompagne le plus volontiers
de cette hyperesthésie spéciale, que l'on a désignée sous les noms de prurit, dé-
mangeaison. Cette sensation peut d'ailleurs exister à tous les degrés, tantôt très-
faible et facilement supportée par les malades, et tantôt de\enant par sa violence
une véritable torture. Entre ces deux extrêmes se place une foule de nuances
intermédiaires. En général, la tolérance de la peau est d'autant plus grande pour
le lichen que les éléments qui le composent sont plus volumineux, plus hypertro-
phiques, plus isolés les uns des autres. Cette sorte d'antagonisme entre le pruiit
et les dimensions de l'élément primitif apparaît surtout avec cAidence lorsque
l'on comjiare à ce point de vue les grosses papules indolentes de la syphilis aux
papules acuminées et presque invisibles du lichen dartrcux; mais on le retrouve
également dans d'autres espèces, dans le lichen scrofuleux, par exemple, ainsi
que dans cette variété d'arthritide que nous décrirons bientôt sous le nom de
lichen à papules déprimées.
Indépendamment du prurit, le lichen peut en outre imprimer à la sensibilité
de la peau des modifications d'un autre ordre. Certains malades accusent surtout
de la cuisson, ou un sentiment d'ardeur brûlante; pour d'autres, ce sont des
picotements vifs ou des élancements douloureux qui semblent prédominer davan-
tage, soit qu'ils se joignent simplement à la démangeaison, soit qu'ils la rempla-
cent d'une manière plus ou moins complèle. Toutes ces modifications ont une
importance séméiotique, que nous aurons à apprécier au point de vue de la déter-
mination des espèces.
Il est rare que le lichen se prolonge au delà d'un certain temps sans que d'au-
tres phéiTomènes ne s'ajoutent à la production papuleuse qui en forme le trait
essentiel et caractéristique. Nous avons déjà noté la sécheresse des papules et leur
état d'exfoliation ; la membrane cutanée subit en outre des altérations profondes
et tr s-remarquables dans sa texture et ses propriétés physiques. C'est d'abord
un certain degré d'épaississenient, quelquefois à peine marqué, et quis'accroit eu
raison du nombre et de la confluence des éléments papillaires hypertrophiés; en
même temps, la peau a perdu sa souplesse et son élasticité normales ; elle est
dure, sèche, rugueuse, comme cassante, d'oii résulte une exagération toute par-
ticulière de ses rides et plis naturels, et si l'affection occupe des parties très-
mobiles, telles que le creux poplité, l'aisselle, le ph du coude, les espaces inter-
digitaux, etc. , on observe fréquemment des fissures ou des espèces de rhagades,
qui intéressent profondément la substance du derme.
Le lichen est susceptible de revêtir des apparences très-diverses suivant son
siège topographique, son étendue, son intensité, la forme, le volume eô la dispo-
508 LICHEN.
sition de ses papules, leur état de confluence ou de dissémination, et mille autres
circonstances qu'il est plus facile de concevoir que d'énumérer. C'est sur de sem-
blables considéralions que reposent toutes les divisions et sous-divisions dont les,
auteurs ont comme à l'envi hérissé son histoire. Nous retrouverons toutes ces
variétés, avec leurs dénominations particuhères, dans la seconde partie de cette
étude.
11 est pourtant une forme de lichen qui mérite dès à présent une mention spé-
ciale, en raison de l'importance qui lui a été donnée, je veux parler du lichen
agrius. Cette affection ne diffère en réalité de la forme commune que par l'in-
tensité insolite des phénomènes inflammatoires et une certaine tendance à la poly-
morphie; sous l'influence des grattages et autres manœuvres employées par le
malade pour calmer le prurit, les papules irritées et excoriées se recouvrent à
leurs sommets de petites vésicules transparentes, suivies elles-mêmes de croûtes
squameuses, adhérentes dans un seul point, libres dans le reste de leur étendue,
et simulant assez bien l'aspect des lichens que l'on rencontre sur le tronc des
vieux arbres. Les croûtes laissent en se détachant des excoriations superficielles
qui sont le siège, pendant un certain temps, d'un léger suintement séreux. Dans
une autre variété, dont la nature est différente, les papules sont plus grosses et
compliquées de véritables pustules donnant lieu ù des croûtes assez épaisses et de
forme impétigiueusc ; le prurit est faible et hors de toute proportion avec l'inten-
sité des phénomènes éruptifs : c'est le lichen agrius à grosses papules, que nous
avons placé parmi les scrofulides boutonneuses.
En résumé, rien de plus variable que la physionomie du lichen. Quelques-unes
de ses formes semblent même tellement différentes à première vue, qu'il n'est
peut-être pas inutile de faire ressortir le lien qui les rassemble. Là, c'est une érup-
tion largement disséminée sur toutes les parties du corps ; ici, au contraire, tout
se réduit à quelques papules groupées sur un point très-circonscrit. Nui prurit,
aucune sensation morbide chez ce malade, tandis que cet autre est en proie à d'in-
tolérables souffrances. Tantôt la lésion est simple, représentée par un seul élé-
ment, et tantôt compliquée d'érythème, de vésicules, de pustules, d'ulcérations
et de croûtes. Les altérations consécutives de la peau, c'esl-à-dire son mouvement
hypertrophique, l'état granuleux de sa surface, l'exagération de ses phs, etc., que
nous avons considérées comme propres au lichen, n'existent pas à beaucoup près
dans tous les cas. Au milieu de cette symptomatologie mobile et changeante, qre
reste-t-il donc en définitive pour caractériser le genre? Un seul phénomène, mais
constant, pathognomonique, la papule lichénoïde. C'est elle que l'on constate au
début, sous la forme de légères saillies papillaires, a)jpréciables à l'œil nu et au
doigt , elle que l'on retrouve sous des apparences variées dans la période d'état, où
elle atteint son développement parfait, et c'est elle encore qui persiste, comme
partie fondamentale ou essentielle, quelquefois masquée, mais toujours présente
et facilement reconnaissable, jusqu'à la disparition complète de l'éruption cutanée.
Marche. Durée. Terminaisons. Ainsi que nous l'avons remarqué précédem-
ment, le lichen peut exister à l'état aigu ou à l'état chronique, mais il affecte le
plus habituellement cette dernière forme.
Le lichen aigu parcourt rapidement ses périodes, et disparaît en général après
une durée de un à deux ou trois septénaires ; il peut aussi se prohnger davan-
tage par le fait d'éruptions successives. Il est d'ailleurs très-sujet à récidiver, soit
sur les mêmes points, soit sur d'autres régions, et quelquefois avec une sorte de
périodicité.
LICHEN. 509
Le lichen chronique succède rai-ement à la forme aiguë, et revêt d'emblée les
caractères particuliers qui le distinguent. C'est alors une des affections de la peau
les plus tenaces et les plus rebelles. Souvent, il est vrai, on le voit présenter des
améliorations passagères qui donnent l'espoir d'une terminaison prochaine : les
papules s'affaissent, la peau reprend peu à peu sa souiilesse et se dépouille dos
produits d'exfolialion accumulés à sa surface ; sa sensibilité morbide s'éteint de
jour en jour; en un mot, tout semble enfin marcher vers la solution désirée; et
puis, sous l'influence d'une cause insignifiante, d'une impression morale, d'un
écart de régime, d'un changement brusque dans les conditions de l'atmosphère,
une recrudescence survient, de nouvelles poussées papuleuses se produisent, ra-
menant avec elles le prurit et le reste, et la guérison se trouve encore indéfiniment
ajournée.
La marche et la durée du hchen varient d'ailleurs suivant la nature de la cause
qui lui a donné naissance. Lorsqu'il est d'origine artificielle, il suffit de soustraire
le malade à l'influence de l'agent provocateur pour obtenir une guérison rapide
et radicale. Le lichen scrofuleux se termine fréquemment de lui-même, et d'une
manière définitive, vers l'âge de la puberté, après avoir quelquelbis persisté, mal-
gré tous les moyens, pendant une grande partie de l'adolescence. C'est dans l'es-
pèce arthritique que l'on observe plus particulièrement ces retours périodiques
que nous signalerons tout à l'heure; mais un moment arrive où, après des intei'-
missions de plus en plus prolongées, l'action morbifique finit par abandonner la
peau pour rentrer dans le silence ou se porter sur un autre système organique
jusqu'alors épargné. Enfin, lorsqu'il sera question du lichen herpétique, nous
verrons que cette espèce, de toutes sans contredit la plus grave, semble prendre
de nouvelles forces et s'invétérer davantage avec le progrès des années.
Le hchen coexiste souvent avec d'autres altérations de la peau, et notamment
avec l'impétigo, l'ecthyma, le prurigo, l'eczéma, l'urticaire. 11 peut aussi se trans-
l'ormer m sii« en une autre affection, par exemple le lichen agrius en impétigo,
ou la forme squameuse en psoriasis ; ou bien les papules dégénèrent lentement
et se convertissent en tubercules (syphifis). Un phénomène inverse peut égale-
ment se produire, le lichen servant à son tour de mode de terminaison à une lésion
cutanée différente de forme ou de modalité pathogénique ; et, sans parler du pru-
rigo, que l'analogie de ses caractères anatomiques rapproche singulièrement du
lichen, qui n'a vu et pour ainsi dire suivi de jour en join-, dans certains eczémas
anciens, les modifications progressives qui s'accomplissent dans le tissu de la peau,
son augmentation d'épaisseur, l'exagération de ses phs, la sécheresse de pins en
plus marquée de sa surface, et, comme dernier terme, la substitution délinitive
des papules hchénoïdes aux vésicules et aux croûtes? L'eczéma s'est fait lichen,
et c'est avec celui-ci qu'il faut désormais compter pour le choix des moyens théra-
peutiques. Ces sortes de mutations ne portent Ijabituellemeat que sur le genre
des allèctions : la forme change, le fond restant le même : mais elles peuvent
aussi atteindre l'espèce lorsque, par une coïncidence qui n'est pas ti'ès-rare, le
malade se trouve à la lois sous l'influence de plusieurs causes morbifiques dis-
tinctes.
Le hchen ne compromet pas par lui-même la vie des sujets qui en sont atteints.
Cependant, les désordres fonctioiuiels qui sont la conséquence du prurit, dans les
espèces où ce symptôme domine, jettent parfois les malades dans un tel état de
faiblesse et d'émaciation, que l'on conçoit alors. la possibilité d'une terminaison
funeste en l'absence de toute complication.
510 LICHEN.
Diagnostic. Le lichen ne saurait être méconnu de personne, lorsqu'il se pré-
sente sous la forme caractéristique de papules ^roupées sur une surface tégumen-
taire épaissie et sillonnée profondément dans le sens de ses plis naturels ; mais
il est des cas oii ses traits sont mal dessinés, oii les lignes de démarcation s'effa-
cent, par le fait de circonstances accidentelles, et le diagnostic devient alors quel-
quelois d'une grande difficulté.
Parmi les affections qui peuvent simuler le lichen, le prurigo se place en pre-
mière ligne. De part et d'autre, nous rencontrons la papule, mais avec des ca-
ractères de forme, de volume, de disposition qui diffèrent notablement dans les
deux cas. Les papules du prurigo sont généralement plus larges, plus aplaties,
plus volumineuses que celles du lichen; toujours isolées et éparses, elles n'ont
aucune tendance à se réunir en groupes, comme il est presque de règle pour cette
dernière affection ; la peau qui les supporte reste souple et d'ailleurs parfaitement
normale ; enfin, elles déterminent un prurit incomparablement plus intense, toutes
choses égales, et surtout plus acre et plus brûlant que ne fait le l^îhen, et ne tar-
dent guère à se recouvrir de petites croûtes noirâtres, formées par une gouttelette
de sang desséché, ce qui n'a lieu que rarement pour la papule lichénoïde. Assuré-
ment, chacun de ces caractères, pris séparément, n'offre pas toujours toute la netteté
désirable; il est des nuances difficiles à saisir, et plus difficiles encore à analyser;
ou bien ce sont des particularités importantes qui manquent d'un côté ou qui s'a-
joutent de l'autre. Ainsi, la papule du prurigo n'est pas nécessairement et dans
tous les cas plus volumineuse que celle du lichen, et celle-ci à son tour peut
exister pari'ois à l'état d'isolement, et sans autre altération appréciable du tissu
de la peau. Ce n'est donc pas sur tel ou tel caractère que doit être basé le dia-
gnostic, mais sur l'ensemble des phénomènes, sur la physionomie générale de
l'éruption, sa marche, les circonstances qui ont présidé à son développement.
Ajoutons du reste que, par une exception rare, ce point de diagnostic est beau-
conii plus facile à résoudre en pratique qu'à discuter en théorie.
Tous les auteurs se sont préoccupés de la distinction à établir entre le lichen
et la gale. Pour nous, une semblable question n'a pas lieu d'être posée, car elle
implique la confusion entre le genre et l'espèce. Le mot gale entraine avec lui
l'idée de cause et de nature; celui de lichen indique simplement l'existence d'une
éruption papuleuse spéciale, sans rien préciser sur l'origine de cette éruption.
Or, il n'y a rien de commun entre ces deux ordres de faits. On sait de plus que
le lichen fait précisément partie des phénomènes éruptifs provoqués par la pré-
sence de l'acarus scabiei : il s'agit alors d'une affection spéciale, que nous retrou-
verons bientôt dans l'histoire des espèces, le lichen parasitaire.
L'eczéma, à sa première période, se distingue sans difficulté du lichen par le
caractère de son élément primitif, qui est une vésicule remplie de sérosité trans-
parente. Son siège a lieu communément, non au côté externe des membres, mais
au contraire à leur face interne, dans le sens de la flexion, sur les phs articu-
laires, à la partie antérieure du tronc. Il donne lieu à du suintement et à des
croûtes jaunâtres et d'aspect humide. Cependant nous avons vu que le hchen pou-
vait se compliquer pari'ois de la production de vésicules, elles-mêmes suivies
d'excoriations et de croûtes. Mais on remarque alors, avec un peu d'attention, que
les papules constituent la partie essentielle, et, si je puis ainsi dire, le fond de
l'éruption ; qu'elles préexistaient aux vésicules ; que les croûtes sont légères, frag-
mentées, adhérentes, individuelles pour chaque saillie papuleuse, bien différentes
par conséquent des larges concrétions de l'eczéma proprement dit à sa deuxième
LICHEN. 51'1
période. Jamais d'ailleurs, dans l'eczéma, le corps papillaire de la peau ne présente
cette augmentation d'épaisseur et cette sécheresse particulière qui caractérisent
si bien le lichen confirmé.
Le lichen a été confondu avec certaines formes de Viirticaire, sous le nom de
lichen urticatus. C'est là un rapprochement forcé, que rien nejustilie.Le lichen
urticatus n'est pas autre chose, en réalité, qu'une variété du genre urticaire,
dont il offre tous les attributs essentiels.
Le lichen circonscrit pourrait en imposer parfois pour un herpès circiné. Mais
nous ne retrouvons pas dans le liclien, du moins au même degré, la parfaite régu-
larité de forme et surtout la rapidité d'extension des cercles de l'herpès. Le
centre des plaques se dégage beaucoup plus lentement et d'une manière presque
toujours incomplète. Les squames sont plus sèches, plus adhérentes, et reposent
sur des surfaces rugueuses, jamais excoriées si la lésion est simple. Enfin, il est
bien rare qu'un examen attentif ne fasse pas découvrir à la périphérie des pla-
ques ou des cercles quelque élément encore reconnaissable dont la présence vient
aussitôt fixer le diagnostic. Il ne faut pas oublier du reste que le lichen constitue
l'une des formes primitives de la teigne tonsurante, au même titre que l'horpès
dont il reproduit alors exactement la marche et le mode de propaga'ion. Dans ce
cas, la lésion élémentaire importe peu, et toute distinction s'efface devant l'iden-
iité de nature.
Dans ]e psoriasis, comme dans le lichen, il y a épaississement de la peau et
formation de squames. Mais la plaque psoriasique est plus exactement limitée,
plus uniformément saillante que celle du lichen ; elle est en même temps plus
congestive, ainsi que l'atteste sa coloration rouge ; ses squames sont imbriquées,
brillantes, nacrées, très-adhérentes ; les démangeaisons qui l'accompagnent sont
relativement nulles ou tout à fait insignifiantes. L'erreur ne serait ^éritableuleIlt
possible qu'à la période de déclin de l'affection psoriasique, alors que les plaques
semblent se fragmenter à leurs bords en une foule de petits points rouges encore
élevés au-dessus de la peau, et qui simulent assez bien des papules de lichen.
Cependant, un observateur attentif reconnaîtra bientôt que ces points n'ont pas
le caractère papuleux ; qu'ils ne sont pas acuminés ; qu'ils sont inégaux entre
eux, irréguliers de forme et de volume, peu ou point prurigineux, de nature sur-
tout congestive, etc., et si tous ces signes ne lui suffisaient pas, il saurait décou-
vrir sur d'autres points du corps, et notamment aux lieux d'élection, que l'on
doit toujours examiner (coudes et genoux), quelque plaque de psoriasis plus net-
tement caractérisée.
Dans Verythema papulatum du dos des mains et de la face, on trouve des sail-
lies ressemblant jusqu'à un certain point aux papules du lichen, mais qui en dif-
fèrent par leur teinte rouge, le fond érythémateux sur lequel elles reposent, et
l'absence presque complète de démangeaisons.
^ La couperose pourrait être prise pour un lichen de la face ; mais celui-ci oc-
cupe ordinairement le front, tandis que la couperose se place de préférence sur le
aeZjles joues, le menton; le prurit est vif dans la première affection, etse trouve
remplacé plus ou moins complètement dans la deuxième par un sentiment de
chaleur et de fourmillement qui s'accroit après le repas, et en général sous l'in-
îluence de toutes les causes d'excitation. Enfin, la couperose, lésion à la fois érv-
ihémateuse et pustuleuse, s'accompagne de boutons d'acné indurée et pustu-
leuse, de dilatations des vaisseaux capillaires, ce qui n'a jamais lieu dans l'afïec-
lion lichénoïde.
512 LICHEN.
Siège anatomique du lichen. Cette question n'a pas encore été scientifique-
ment résolue. M. Cazenave a placé le lichen dans la papille nerveuse delà peau.
Suivant cette opinion, d'ailleurs toute hypothétique, le lichen serait une affection
nerveuse des papilles tactiles, et la papule, une sorte de papille pathologique.
Cette manièrede voir est passible d'objections sérieuses. M. Hardy a fait remar-
quer :
1" Que le prurit est un phéaomène commun à un grand nombre d'affections
très-différentes de forme et de modalité patliogénique ;
5" Que le lichen existe rarement, pour ne pas dire jamais, à la paume des
mains et à la plante des pieds, c'est-à-dire là oii les papilles cutanées atteignent
leur plus haut degré de développement ;
5" Que les papules ne rappellent en aucune façon la disposition en courbes
réguhères et concentriques si remarquable pour les papilles physiologiques ;
4" Qu'il est enfin d'autres altérations do la peau, sa sécheresse, son épaississe-
ment, l'exagération de ses plis, dont la présence et le mode de formation ne s'ex-
pliquent nullement dans l'hypothèse de M. Cazenave.
La théorie que M. Hardy crut devoir émettre à son tour nous parait encore
plus dillicile à justifier que la précédente. S'appuyant sur la coloration brune qui
survient fréquemment à une certaine période du hchen, il incline à placer le siège
anatomique de cette affection dans les parties profondes de l'épiderme, dans le
corps muqueux de Malpighi. Mais sans parler des contradictions évidentes que
soulève une semblable assertion, comment concevoir que le corps muqueux,
simple produit de sécrétion, puisse donner naissance à une lésion aussi spéciale,
aussi vitale, si je puis ainsi dire, que celle qui constitue le lichen.
Pour nous, le lichen est une affection de mode hypertrophique, localisée vrai-
semblablement à l'origine dans les couches les plus superficielles du derme, là où
s'élabore la sécrétion de l'épiderme. Telle est l'idée nécessairement vngue et in-
complète qu'il nous paraît prudent de ne pas franchir, dans l'état actuel de ia
science.
Pronostic. Le lichen, considéré comme affection générique, tire la plus
grande partie de sa gravité des démangeaisons qui l'accompagnent, et nous pour-
rions ajouter qu'il est, toutes choses égales, d'autant plus tenace et rebelle,
d'autant plus sujet à récidive, que le phénomène prurit tend à prédoraiiier davan-
tage.
La marche et la forme de l'éruption seront prises en sérieuse considération. Il
n'y a évidemment aucune comparaison à établir, au point de vue de la gravité,
entre le lichen simple et aigu, dont la durée est de quelques septénaires au plus,
et le lichen chronique dont la persistance est presque indéfinie.
Le pronostic varie enfin et surtout suivant la nature du lichen. Lorsqu'il est
artificiel, il disparaît de lui-même, et dans un temps fort court, par la soustrac-
tion de la cause. Le lichen scrofuleux cède assez facilement, en général, à un
traitement approprié. Il en est de même du lichen spécifique, dans lequel le pru-
rit fait défaut, et qui n'a d'importance qu'en dévoilant l'existence de la syphilis.
L'espèce arthritique, par sa durée souvent longue et ses récidives fréquentes,
comporte un jugement beaucoup plus sévèro. Enfin, sur le dernier plan et le plus
sombre du tableau se place le lichen herpétique, espèce redoutable et par le prurit
atroce qu'elle détermine, et par la résistance qu'elle oppose auv médications les
plus rationnelles et les mieux dirigées.
LlCIiEN. 513
Traitement du lichen, considéré comme affection générique. Le traitcnieul
diffère sui\ant que le lichen est aigu ou clironique.
Le licheu aigu sera combattu parla médication émollieiite. On piescrira au
malade des boissons rafraîchissantes, acidulces ou mucilagineuses, des bains ad-
ditionnés de son, d'amidon, etc.; s'il s'agit d'un lichen agrius à son début, les
surfaces atteintes seront recouvertes de cuta|ilasmes de fécule ou saupoudrées de
poudres émollientes, suivant l'état de l'énipliou et l'indication du moment.
Dans certains cas, assez rares d'ailleurs, si le sujet est jeune, vigoureux, plétho-
rique, si la réaction est vive, quelques émissions sanguines seront parfois de quel-
que utihté. On se trouve également bien, dans les mêmes circonstances, de
l'administration d'un purgatif, que l'on peut répéter à quelques jours d'inter-
valle.
Dans le lichen chronique, le genre nous fournit deux indications dominantes,
tirées des principaux symptômes, à savoir: J" cahîier le prurit; 2" favoriser la
disparition des lésions de la peau, et le retour de cette membrane à son étal phy-
siologique.
D'autres indication.s secondaires peuvent en outre se présenter par le fail de
complications ou de circonstances accidentelles.
1" Calmer le^rurit. S'il est des cas où le prurit est nul (lichen sypliilitique),
ou peu marqué (hchen scrofuleux), il, en est d'autres oij ce pliénomène prédo-
mine à ce point que toutes les autres indications lui deviennent subordonnées.
Calmer le prurit, c'est là ce que le malade demande sur toute chose et a\ec le
plus d'instance.
Le premier soin du médecin sera d'en rechercher la cause. La démangeaison
tient-elle à la présence de l'acarus, de pédiculi, les insecticides en auront rapide-
ment raison. Est-elle au contraire sous la dépendance d'une maladie constitu-
tionnelle, c'est dans la nature de cette maladie que l'on cherchera surtout les
moyens de la combattre. L'huile de cade, par exemple, qui doime à cet égard de
bons effets dans le lichen scrofuleux, réussit beaucoup moins lorsqu'on l'applique
au hchen herpétii[ue, et ainsi du reste. La tliérapeutitine du genre nous ramène
donc en quelque sorte forcément à la considération des espèces.
Mais il n'est pas toujours facile d'atteindre la cause, ou le résultat se fait long-
temps attendre; et cependant le prurit persiste intense et continu, les insom-
nies se répètent, des troubles fonctionnels se déclarent, etc. Que faire alors?
Deux ordres de moyens se présentent, dans cette difficile situation, les uns in-
ternes et les autres externes.
Le prurit étant un phénomène essentiellementnerveux, on aura recours, à l'inté-
rieur, aux narcotiques et aux antispasmodiques, aux préparations opiacées et bel-
ladonées, à l'atropine, audatura stramonium, à l'aconit.
Les moyens eî.ternes, beaucoup plus efficaces que les précédents, consistent en
bains, lotions et pommades.
Les bains frais produisent un soulagement notable dans un certain nombre de
cas. Ainsi agissent encore les bains additionnés de subhmé, d'alun, de sous-car-
bonate de soude ; les bains sulfureux, les bains de mer, les bains de vapeur con-
viennent rarement en raison de l'excitation trop vive qu'ils déterminent.
Les pommades ne réussissent presque jamais contre le prurit. Je leur préfèie de
beaucoup les lotions avec la glycérine étendue, celles avec l'eau de savon, avec
l'eau vinaigrée, avec une décoction de jusquiaaie, de têtes de pavots, avec l'eau
de goudron, ou même simplement les lotions à l'eau froide, que les malades em-
DicT. ENc. V s. n. 33
5i4 LICHEN. .,
ploient instinctivement pendant la durée desp^KV^ysmes. Les lotions à l'eau blan-
che (1 gramme de sous-acétate de plomb pour 400 à 500 grammes de véhicule),
celles au sublimé (sublimé corrosif, O^^oO; eau, 300 grammes), nous ont paru
jouir d'une efficacité très-réelle.
Toutefois, les pommades peuvent être parfois d'une certaine utihté. Elles agis-
sent alors en changeant la nature du prurit, ou plutôt en lui substituant une
autre forme de douleur, plus intense peut-être, mais plus facile à supporter que
la démangeaison. Ainsi agit la pommade suivante : morphine, 08%05 à (lefJO;
axoiige, 50 grammes. Cette pommade ne calme pas, comme on serait d'abord
tenté de le croire, mais provoque une cuisson, une véritable douleur. C'est au
même titre que peuvent être conseillées les cautérisations avec le nitrate d'argent,
sous forme de solutions plus ou moins concentrées, dans quelques cas de Uchen
oirrnnscrit.
2" Favoriser la disparition des altérations de la peau, et son retour à l'état
normal. Cette deuxième indication réclame rarement une médication spéciale
et distiacte de celle que nous venons d'indiquer. Effets émanés d'une même cause
morbifique, le prurit et les altérations cutanées cèdent aux mêmes moyens thé-
rapeutiques. Cependant, on pourra combattre la sécheresse toute particulière des
surfaces atteintes par des douches et des bains de vapeur qui réveillent en effet
parfois, dans une certaine mesure, l'activité fonctionnelle du tissu de la peau.
Contre l'état hypertroph<que, on aura recours aux frictions résolutives, aux pom-
mades à l'iodure de plouib ou de potassium, à l'extrait de ciguë, aux préparations
alcalines, etc., etc. Biais tous ces moyens, dont il ne faudrait pas s'exagérer la
portée, ne sont que des auxiliaires utiles, mais nullement indispensables, de la
médication spécifique.
11. Espèces et variétés de lichen admises parles auteurs. Ce chapitre nous
a paru servir de transition naturelle entre l'histoire du genre, dont il n'est à
proprement parler que la continuation et le complément, et la description parti-
culière des espèces que nous croyons devoir rattacher à ce genre.
Indépendamment de l'intérêt que présente une semblable étude, elle nous
était en quelque sorte imposée par la nature même de cet ouvrage, où le lecteur
doit trouver, non pas seulement l'affirmation d'une conviction personnelle, mais
encore le tableau aussi complet et fidèle que possible de toutes les opinions qui
se sont produites sur la matière.
Cette revue rétrospective aura de plus l'avantage de faciliter singuhèrement
l'intelligence de nos espèces, considérées dans leurs rapports avec les espèces et
variétés correspondantes admises par les auteurs ; et je saisirai toutes les occasions
de les mettre en regard les unes des autres, afin d'en faire ressortir les analogies
et les différences.
Les dermatologistes qui se sont succédé depuis Willan peuvent être divisés en
deux écoles bien tranchées, les uns ayant adopté presque sans réserve les idées
du pathologiste anglais, et les autres s'étant ralliés de préférence à la méthode
d'Alibert. Tel est l'ordre qui nous guidera dans cette étude.
A. Ecole de Willan. Willan s'était basé sur le nombre et la disposition des
papules, sur leur couleur, sur l'intensité de l'éruption, etc., pour étailbr six
espèces de hchen, désignées sous les noms de lichen simplex, pilaris, circum-
scriptus, agrius., lividus, tropicus, auxquelles il faut ajouter une septième espèce
décrite par Bateman sous le nom de lichen îirticatus.
1° Le lichen simplex consiste dans une éruption de papules rouges, qui se
LICHEN. 515
montrent d'abord sur la face et sur les bras, et qui s'étendent, dans l'espace de
trois ou quatre jours, sur le tronc et les menjbres, principalement dans le sens
de l'extension. Dans quelques cas, l'éruption est partielle et occupe seulement la
face, le cou et les bras. Elle est précédée de phénomènes généraux, et disparaît
après une durée qui varie de un à trois septénaires.
Biett fait observer que le lichen simplex n'a pas toujours, dans sa marche et
dans sa durée, la régularité que lui attribue Willan ; que les phénomènes géné-
raux manquent dans la majorité des cas ; que l'éruption peut se prolonger pen-
dant un temps fort long, par poussées successives, soit sur le même point, soit
sur d'autres régions.
Le lichen simplex nous paraît surtout correspondre, dans sa forme aiguë, au
lichen arlificiel, et dans sa forme chronique et récidivante, à notre lichen de
nature herpétique.
2° Le lichen pilaris est une simple modification de l'espèce précédente, dont elle
ne diffère qu'en ce que les papules se développent sur des points de la peau tra-
versés par des poils. 11 est plus grave et intéresse plus profondément le tissu
cutané. Le bulbe des poils parait atteint. La durée de cette affection est habituel-
lement fort longue.
Le lichen pilaris est pour nous de nature arthritique.
3° Dans le lichen circiimscriptiis, ce sont des faisceaux ou réunions de papules,
de forme plus ou moins régulièrement arrondie. Ces plaques sont limitées par
un bord bien marqué. Elles peuvent rester stationnaires pendant un temps va-
riable, puis disparaître, ou au contraire s'étendre par la production de nouvelles
papules à la circonférence ; dans ce dernier cas, leur centre se dégage par l'affais-
sement progressif des boutons, mais en conservant une teinte rouge et un aspect
furfuracé.
Cette forme fait habituellement partie de notre lichen arthritique. D'autres
fois, c'est une affection d'origine parasitaire.
A" Lichen agrius. C'est la plus grave de toutes les espèces de lichen, d'où
est venu son nom (â^ptoç). Elle est souvent précédée de symptômes fébriles qui
s'apaisent dès que l'éruption se montre. On trouve alors de larges plaques de
papules nombreuses et confluentes, d'une coloration rouge vif, et reposant sur
une surface érythémateuse souvent très-étendue. Ces papules produisent un
prurit très-intense et parfois intolérable. Sous l'influence des grattages et autres
moyens plus ou moins violents que le malade met en œuvre pour calmer la dé-
mangeaison, la rougeur de la peau augmente, et du sommet excorié des papules
suinte un liquide qui ne tarde pas à se transformer en croûtes jaunâtres et
d'aspect humide.
Le hchen agrius peut se terminer en quelques semaines ou persister pendant
des mois et des années. Lorsqu'il a longtemps existé sur un même point la peau
devient sèche, rugueuse, épaisse, sillonnée de rides profondes, surtout au niveau
des parties mobiles.
Nous verrons que le lichen agrius de Willan correspond surtout à deux de nos
espèces : le lichen scrofuleux et le lichen herpétique.
5° Lichen lividus. « Le docteur "Willan, dit Biett, a décrit sous ce nom une
éruption de papules dont la couleur est rouge obscur ou livide. Cette éruption se
manifeste principalement sur les extrémités et n'est point accompagnée de symp-
tômes fébriles. Elle est sujette à se reproduire et se prolonge ainsi pendant plu-
sieurs semaines. Les papules sont mêlées de taches violacées, livides, résistant à
MO LICHEN.
la pression : ce qui indique l'affinitc ([ui existe entre le purpura et le liclien livi-
di-is. » Ces quelques lignes nous donnent le tableau, tracé de main de inaîlre,
do l'une des variétés les plus remarquables de notre liclien artliri tique.
6° Le lichen tropicus, espèce particulière aux pays chauds, n'est, suivant
toute probabilité, qu'un lichen de cause externe, une sorte d'exanthème sudoral
prod uit par la chaleur.
7" Le lichen urlicatus, ainsi appelé par Bateman en raison de l'analogie qu'il
présente avec l'urticaire, n'est en réalité qu'une forme de cette dernière affection.
Biett n'a fait que reproduire les divisions de Willan, bien que, dit-il, le nombre
pourrait en être réduit.
M. Cazenave admet deux formes principales ; le lichen simples et le lichen
agrius.
La première forme peut se présenter à l'état aigu ou à l'état chronique. A l'état
aigu, dit l'auteur, les papules sont rouges, enflammées, accompagnées d'une cha-
leur et d'un prurit incommodes. Au bout de trois ou quatre jours, la rougeur
diminue, il s'établit une légère desquamation furfuracée, et la maladie se termine
avant la fin du second septénaire, à moins d'éruptions successives. Lorsque la
maladie est chronique, ce qui arrive le plus souvent, les papules sont peu ou
point enflammées, le plus ordinairement de la même couleur que la peau. Dans
ce cas, la durée de la maladie est indéterminée. 11 y a épaississement plus ou moins
considérable de la peau et production assez abondante de squames.
M. Cazenave rattache au lichen simplex, à titre de sous-variétés, les formes
pilaris, lividus, circumscriptus, urticatus, que Willan et Bateman avaient placées
sur la même ligne. Il ne décrit pas le lichen tropicus, mais ajoute aux variétés de
l'auteur anglais une forme nouvelle, le lichen gyratus, caractérisé par la disposi-
tion rubannée de ses groupes papideux.
Enfin le strophulus, que Bateman considérait comme un genre à part, constitue
pour M. Cazenave une variété de hchen particulière aux enfants à la mamelle,
existant toujours à l'état aigu, et consistant dans une éruption de papules rouges,
ou blanches, accompagnées de vives démangeaisons. 11 admet d'ailleurs les cinq
variétés de strophulus reconnues par Bateman, à savoir :
Le strophulus intertinctus, dont les papules enflammées, éparses, sont entre-
mêlées de taches érythémateuses;
Le strophulus confertiis , dont les papules sont plus petites et confluentes;
Le strophulus volaiilicus, dont les papules sont disposées par petits groupes
peu nombreux, arrondis et répandus sur diverses régions ;
Le strophulus albidus, dont les papules sont blanches, et quelquefois entou-
rées d'une légère auréole inflammatoire ;
Le strophulus candidus, dont les papules sont plus larges, et dépourvues
d'inflammation à leur base.
J'adopte l'opinion de M. Cazenave pour ce qui concerne le classement anato-
mique du strophulus et sa réunion au genre lichen; mais j'attache fort peu d'im-
portance aux divisions secondaires basées sur des différences d'aspect et de colo-
ration. Le strophulus constitue pour nous, dans l'immense majorité des cas, une
des premières manifestations de la scrofule.
La seconde forme de lichen admise par M. Cazenave est le lichen agrius, qui
peut exister spontanément ou succéder au lichen simplex. La description qu'il
en donne ne diffère pas sensiblement de celle que nous avons relatée plus haut,
d'après Willan et Bictt,
LICHEN. 517
Gibert admet toutes les variétés de Willan et Bateman, mais il rapproche le
strophulus du lichen et décrit une variété nouvelle, qu'il désigne sous le nom de
lichen acarique, et que nous retrouverons plus loin, lorsqu'il sera question du
lichen artificiel ou de cause externe.
Indépendamment des iormes déjà nombreuses décrites par les auteurs anglais,
Rayer a cru devoir établir quatre variétés de siège : le lichen de la face, le lichen
des membres, le lichen des parties génitales et de l'anus, et le lichen du cuir
cheveki.
Quelques mots sur chacune de ces variétés :
Le lichen de la face, dit Rayer, est commun pendant l'été chez les personnes
dont la face est habituellement exposée aux ardeurs du soleil. 11 est caractérisé
par une desquamation furfuracée décrite sous le nom de dartre farineuse ; lors-
qu'il passe à l'état chronique, la peau devient jaunâtre, sèche et furfuracée : enfin,
l'éruption augmente sous l'influence des boissons spiritueuses. Une lelle aifeclion
rappelle assurément beaucoup moins le lichen qu'un pityriasis ou une acné
rosacea.
Le lichen des membres, d'après le môme auteur, serait surtout fréquent sur
les bras et les avant-bras des cuisiniers, que leur profession expose constannnent
à une température très-élevée. 11 s'agit évid-emmcnt dans ces cas d'un lichen
artificiel.
Quant au lichen des parties génitales et de la marge de l'anus, variété rebelle
et souvent difficile à distinguer de l'eczéma, en raison du suintement qui s'y pro-
duit par le fait des grattages , nous pensons qu'il doit être rapporté à l'arthritis
par sa nature, quelle que soit d'ailleurs en réahté sa forme primitive.
Enfin le lichen du cuir chevelu, tel que l'a décrit Rayer, ne nous paraît être
qu'un pityriasis développé sur cette région.
Dans l'article qu'il consacre au lichen dans son Traité pratique des maladies
de la peau, M. Devergie commence par s'élever hautement contre la définition
des auteurs, en vertu de laquelle ils considèrent cette affection comme n'étant
pas de nature contagieuse, et il cite à l'appui de sa manière de voir plusieurs
exemples de transmission évidente, au moyen d'un contact plus ou moins pro-
longé. Nous ne croyons pas que M. Devergie ait rallié beaucoup de personnes à
sa doctrine, du moins dans le sens absolu oii il l'a posée. Sans aucun doute, lors-
que le lichen est symptomatique de la présence de l'acarus ou du tricophyton, on
comprend la possibilité de sa transmission par le transport du parasite qui en est
la cause matérielle et saisissable ; mais affirmer que cette affection est contagieuse
dans tous les cas, que le Uchen constitutionnel, par exemple, peut se propager
par simple contact d'un individu à un autre, c'est se mettre en contradiction
manifeste avec l'expérience de chaque jour et les lois les mieux reconnues de la
pathologie.
M. Devergie reconnaît des formes simples et des formes composées de lichen.
Les formes simples sont nombreuses et se groupent autour de deux variétés prin-
cipales : le lichen simplex et le lichen agrius.
Le lichen simplex se montre sous trois dispositions différentes : diffusas, cir-
cumscriptus, gyratus. Mais quelle que soit sa forme, il peut être discret ou con-
fluent, aigu ou chronique, et lorsqu'il est confluent et chronique, il devient le
Uchen agrius ferox. Il existe enfin, pour M. Devergie, deux autres variétés de
lichen simplex, le lichen J9i7arw et le lichen lividus.
Le lichen agrius pourrait succéder au lichen simplex, comme il vient d'être dit,
518 LICHEN.
ou se manifester d'emblée sous la forme qui lui est propre. Il serait alors carac-
térisé par l'existence de papules volumineuses dont la majeure partie doime lieu,
avec le temps, à une sécrétion purulente à leur sommet, comme les pustules,
par des démangeaisons beaucoup moins intenses que celles qui accompagnent le
lichen simplex conlluent, par une ténacité très-grande, et enfin par son appari-
tion chez des enfants doués d'un tempérament lymphatique.
Ce lichen agrius, qui pour nous constitue une affection scrofuleuse, pourrait
d'ailleurs se présenter sous trois formes différentes : diffusus, cire umscrip tus et
gyratus, c'est-à-dire dans les mêmes conditions que le lichen simplex.
M. Devergie admet enfin trois formes composées de lichen : le lichen urticant,
le lichen eczémateux et le liclien herpétiforme.
Je me suis expliqué sur le lichen urticant, ou urticatus de Bateman, qui doit
être rapporté au genre urticaire.
Le lichen eczémateux se montre à la partie externe des membres, sous forme
de plaques arrondies, disséminées, sécrétantes, surtout au début; puis la sécrétion
s'arrête peu à peu et l'état papuleux se dessine. Cette description répond de point
en point à une variété de notre eczéma arthritique.
Enfin, le lichen herpétiforme, qui consisterait en des plaques nettement arron-
dies, parsemées de papules nombreuses, terminées par un bourrelet à tendance
extensive, n'est autre chose à nos yeux qu'une affection symptomatique de la pré-
sence d'un parasite, le trichophyton tousurant.
B. Ecole d'Alibert. Alibert a placé le lichen dans sa famille des dermatoses
scabieuses (voy. Historique du lichen), où il figure comme variété du genre pru-
rigo sous le nom de prurigo lichénoïde ou furfurant.
M. Gintrac (de Bordeaux) admet un lichen aigu et un lichen chronique. 11 range
la première espèce dans la classe des fièvres éruptives et des exanthèmes aigus, et
la seconde dans la classe des maladies cutanées chroniques. Les variétés de forme
et de siège sont les mêmes que celles des Willanistes.
Le lichen aigu, selon M. Gintrac, se développe en général chez les individus
soumis à l'action d'une forte chaleur, chez les forgerons, les cuisiniers, les fau-
cheurs ou les laboureurs, etc., etc.; nous retrouverons cette espèce dans l'histoire
du lichen artificiel. Quant au strophulus, ou lichen aigu de la première enfance,
qu'il rattache au travail de la dentition, à un dérangement des voies digestives, à
une mauvaise alimentation, nous ne pouvons y voir qu'une manifestation scrofu-
leuse provoquée par une influence occasionnelle.
Enfin nous savons que, pour M. Hardy, le lichen n'a plus d'existence distincte
et qu'il va se confondre avec l'eczéma, l'impétigo, le pityriasis et le psoriasis,
pour former cette sorte de combinaison dartreuse dans laquelle chacune de ces
affections joue un rôle assez difficile à déterminer. Ajoutons cependant que quel-
ques débris du lichen échappent, sous le nom de strophulus, au naufrage général
du genre, pour figurer plus loin dans la classe des maladies cutanées acciden-
telles, entre le zona et le prurigo; mais le strophulus de M. Hardy n'est pas le
strophulus de Bateman, c'est tout simplement im prurigo ou un lichen de cause
externe. Ce qu'il décrit sous le nom de lichenhypertrophique n est que les mycosis
fongoïdes générahsés. (Voir Mycosis.)
Telles sont les espèces et variétés de lichen admises par les auteurs. Je les livre
à l'appréciation du lecteur sans autre commentaire ni réflexion critique que
l'exposé qui va suivre.
m. Du LICHEN CONSIDÉRÉ COMME AFFECTION SPÉCIALE {séméiotique cutanéc spé-
LICHEN. 519
ciale). Il existe pour moi deux grandes classes de lichens, les uns de cause ex-
terne, les autres de cause interne.
Le lichen de cause externe est du, soit à l'action sur la peau de substances irri-
tantes, soit à la présence de parasitas végétaux ou animaux, d'où les deux espèces
suivantes : lichen artificiel, lichen parasitaire.
Le lichen de cause interne peut être symptoiuatique de quatre maladies consti-
tutionnelles : la scrofule, l'arlhritis, la dartre et la syphilis.
Le tableau suivant donne l'énumération de toutes les espèces et variétés com-
prises dans ces deux classes :
LICflr-N DE CAUSE EXTERNE.
1" Artificiel. . . . Agents irritants.
2* Parasitaire . . A '"^''"■"l"c (^'c^''"» ^^al^iei, rouget).
( tnchopliylique.
LIGUES DE CAUSE INTERNE.
l" Scrofulcux . . .J exanlhématique (slrophulus).
* ' ( agcius.
I circonscrit,
pilaris. . . .! par hypertrophie papillçire ;
1 par alleraUon fonctionnelle do la painlle.
llvidui.
3» Herpétique. . .* ''l"'»f • ,. ,
' ^ I généralise.
-4° SvDhililinue S lichen lenticulaire — syphilide populeuse lenticulaire.
'( lichen niiliaiis — 6ypliilidepaj)uleubemiliairc.
Avant de commencer la description particulière de chacune de ces espèces,
je rappellerai que toute affection spéciale présente à considérer deux ordres de
phénomènes parfaitement distincts : 1" des phénomènes communs, génériques,
dont le genre n'est lui-même qu'une sorte de formule générale et abstraite;
2" des phénomènes propres ou exclusifs, qui résultent de sa nature môme, c'est-
à-dire de la maladie dont elle est la traduction sur la peau.
Nous avons étudié plus haut les caractères communs du genre lichen ; 11 nous
reste maintenant à l'envisager au point de vue des modifications que la maladie
lui imprime.
l. Lichen de cause externe. Le lichen est une forme très-commune de
dermatose provoquée. Des causes nombreuses et diverses peuvent lui donner
naissance. On le rencontre particuhèrement chez les individus que leur profession
met en contact incessant avec des substances plus ou moins irritantes ; tels les
épiciers {gale des épiciers), les boulangers, les teinturiers, les maçons, les cri-
iiiers, les fileurs de laine, les ouvriers qui manient les verts arsenicaux, etc. L'ex-
position habituelle à une chaleur intense, produit le même résultat sur la peau
chez les cuisiniers, les forgerons, les verriers, les faucheurs, les laboureurs, etc.
[lichen professionnel). Les mauvaises conditions hygiéniques, le chang ment
d'air, pour les jeunes gens arrivés nouvellement à Paris, l'habitation dans une
chambre p tite, mal aérée, l'absence des soins de propreté, ont une influence
incontestable sur le développement de cette affection. [Strophulus de M. Hardy.)
Les auteurs ont décrit sous le nom de lichen tropicus une éruption qui se
produit, ainsi que son nom l'indique, sous l'inlluence de la température élevée
des contrées tropicales : « Dans ces climats, dit Boatius, lorsque la sueur a été ex-
citée, il se manifeste des papules rouges et rugueuses, qui le plus souvent cou-
vrent tout le corps, et qui sont accompagn'es d'un prurit très-violent. Cette érup-
tion attaque de préférence les personnes étrangères à ces contrées, mais il n'est
520 LICHEN.
aucun de leurs liabitants qui n'en ait été atteint ; les démangeaisons sont intolé-
rables, w Le lichen tropicus trou^^e évidemment sa place parmi les affections de
cause externe.
Le lichen artificiel a pour siège ordinaire les parties découvertes, la face, le
cou, les avant-bras, les mains. Les papules qui le caractérisent sont assez volumi-
neuses, éparses ou confluentes, mais sans affecter de disposition régulière, sou-
vent excoriées, d'une teinte rouge qui existe également dans leurs intervalles. Le
prurit est quelquefois très-vif, le plus habituellement modéré ; il peut être rem-
placé par un sentiment de cuisson ou de chaleur. La lésion cutanée est rarement
simple; à côté des cléments du lichen, on trouve del'érythème, des papules de
Tprurigo {strophulus prurigineux de 51. Hardy), des vésicules, des pustules phly-
zaciées ou psydraciées, etc. Cette affection est toujours bénigne, et sans retentis-
sement sur la santé générale. Sa marche est aiguë ou subaiguë, et sa durée
subordonnée à la persistance des causes qui l'ont provoquée et qui l'entre-
tiennent.
Le lichen doit être compté au nombre des formes éruptives que le médecin peut
développer à son gré, dans un but expérimental ou thérapeutique. J'ai décrit ail-
leurs, d'après des expériences instituées par moi à cet effet, l'action toute spéciale
et véritablement élective exercée sur la peau par l'ipécacuanha employé en fric-
tions sous forme de pommade. Cette action se manifeste d'abord par des rougeurs
diffuses sur lesquelles ne tardent pas à se dessiner, si on continue les frictions, de
petites saillies papuleuses, d'une teinte plus animée. Le nombre de ces papules
n'est jamais très-considérable. Elles sont volumineuses, bien distinctes les unes
des autres, également rouges de la base au sommet, et dépourvues d'auréole cir-
confcrentielle. Elles disparaissent en général sous la pression du doigt, ou même
par de simples tractions exercées sur la peau; mais il en est qui ne font que se dé-
colorer et pâlir légèrement; toutes reprennent instantanément leur apparence,
dès qu'on les abandonne à elles-mêmes. La peau, à l'endroit où elles siègent,
est rude, rugueuse, sèche au toucher, mais sans épaississement notable. Le ma-
lade éprouve au début une cuisson vive qui témoigne de l'action immédiate pro-
duite par la pommade irritante employée en friction, et plus tard, lorsque les
papules sont bien manifestes, un prurit des plus vifs, très-incommode surtout
pendant la nuit. L'éruption ne disparaît qu'avec lenteur ; les papules commencent
par pâlir, puis s'affaissent graduellement; leur teinte devient bleuâtre et violacée.
Les démangeaisons persistent jusqu'à la fin, et il ne faut pas moins de un à deux
septénaires pour que toute trace de la lésion cutanée se soit complètement effacée.
Cette affection reproduit, comme on voit, tous les caractères du genre
lichen, dont elle pourrait être considérée comme un type, au point de vue de la
lésion primitive. S'il y avait lieu d'en établir le diagnostic, dans un cas donné, on
la reconnaîtrait à la coloration vive et animée de ses papules, à leur volume, à la
régularité de leur aspect, à leur marche aiguë, à l'absence d'exfolJation à leur
surface. Ajoutons à ces signes que l'éruption est nécessairement limitée à une
région peu étendue, et que la peau qui la supporte n'a subi aucun épaississe-
mont.
Le lichen peut signaler à son début la germination du trichophyton. Sans
être aussi fréquente que les éruptions érythémateuses, vésiculeuses et pustu-
leuses, cette forme n'est cependant pas très-rare chez les individus atteints
de teigne tonsurante. On l'observe, non au cuir chevelu, mais presque toujours
sur le tronc et les membres, très-souvent au dos de la main et du poignet, quel-
LICHEN. 521
quefois aussi sur la face, et à la partie supérieure du cou, au milieu même des
cercles herpétiques. Dans tous les cas, les papules affectent une disposition spé-
ciale, qui traliit facilement leur origine, soit qu'elles se réunissent en plaques
nettement limitées à leurs bords, soit qu'elles figurent des courbes plus ou moins
étendues, ou même de véritables cercles. C'est probablement sur des faits de ce
genre que M. Devergie s'est basé pour admettre la contagion du lichen ; opinion
vraie dans une certaine mesure, mais qui devient insoutenable dans les termes
absolus où l'a posée son auteur.
Le hchen fait également partie, comme on sait, des éruptions symptomaliques
de la gale, au même titre que le prurigo, l'ecthyma, l'impétigo, etc. Sa présence
n'entraîne, relativement au pronostic et au traitement de la gale, aucune indica-
tion particulière.
Enfin, j'ai dit plus haut, que Gibert avait décrit un lichen acariquc. Voici
comment il s'exprime à ce sujet : « Cette variété se montre surtout chez les cita-
dins qui, vers la fin de l'été, vont séjourner à la campagne, dans des lieux boisés
où se rencontrent, à cette époque de l'année, de petits acarus végétauv qui
s'implantent sur la peau de l'homme, et y meurent promptemcnl, mais après
avoir déterminé pendant plusieui's jours de très-vives démangeaisons, accompa-
gnées de petites papules plus ou moins enflammées au cou, aux aisselles, au pli
du coude, aux jarrets, au bas-ventre. J'ai connu une personne qui n'était parve-
nue à se débarrasser de ces éruptions qu'en brossant soigneusement la peau,
lorsqu'elle se désliabdlait le soir en rentrant de ses excursions champêtres. «
En résumé, quelles que soient d'ailleurs sa forme et son espèce, le lichen
de cause externe se présente à nous avec tous les caractères que nous avons assi-
gnés aux affections de cet ordre : siège de préddection sur les parties décou-
vertes, irrégularités de forme et de disposition, lésions [.rimitives souvent mul-
tiples, cause facile à saisir, marche rapide, durée courte, guérison rapide et radi-
cale.
Le traitement est toujours simple. La première indication consiste à suppri-
mer la cause. S'il s'agit d'un hchen professionnel, on conseillera le repos et
les topiques émollients et résolutifs. La psore sera combattue par la friction géné-
rale avec la pommade d'Heîmerich. Enfin, dans le hchen trichophytique, tous les
efforts du médecin auront pour but la destruction du parasite qui entretient
et propage l'affection de la peau.
II. Lichen de cause ixterne. Il se subdivise en quatre espèces : a. le lichen
scrofuleux; b. le hchen arthritique ; c. le hchen herpétique; d. le hchen syphili-
tique.
A. Lichen scrofuleux. Cette espèce comprend surtout le stropbulus des au-
teurs, et certaines formes de hchen agrius.
L'affection hchénoïde désignée sous le nom de strophulus par la plupart des
dermatologistes, n'est pas autre chose à nos yeux qu'un hchen scrofuleux, surve-
nant dans la première enfance, au moment du travail de la dentition, d'où lui est
venue la dénomination de feux de dents, que le vulgaire a pour habitude de lui
appliquer. L'éruption débute presque toujours par la face et les parties supé-
rieures du corps, rarement par le cuir chevelu, comme il est presque de règle
pour la scrofulide exsudative. Aucune région n'est d'aUleurs, d'une façon absolue,
à l'abri de ses atteintes. Les papules sont volumineuses, tantôt éparses, isolées,
tantôt plus nombreuses, rapprochées, confluentes {strophulus confertus); leur
coloration est rosée ou rouge, d'autres fois blanchâtre avec une surface unie
r.22 LICHEN.
et luisante {strophulus candidus) . Le prurit qui les accompague est en générai
très-modéré.
Le strophulus n'est pas toujours une affection exclusivement papuleuse. Quel-
quefois ses papules sont entreniêlé-es de rougeurs érythémateuses (strophulus in-
tertinctus), ou bien encore surmontées à leur sommet de vésicules demi-trans-
parentes. Toutefois, il est bon d'être averti que la papule peut revêtir un aspect
pseudo-vésiculeux, sans qu'il y ait le moindre soulèvement à sa surface, ce dont
il est fecile de s'assurer en piquant avec une aiguille la partie culminante du
bouton.
La marche du strophulus est toujours aiguë. Il ne détermine habituellement
aucun changement notable dans la santé des enfants. La durée moyenne est de
un à deux septénaires, lorsque tout se borne à une seule éruption; mais le plus
souvent l'affection se prolonge bien au delà de ce terme, par le fait de poussées,
successives.
Le lichen scrofuleux peut également se montrer à une époque plus avancée de
la vie, et cette circonstance suffit pour modifier sensiblement ses caractères, en
laissant toutefois parfoitement reconnaissable le cachet particulier que lui imprime
sa nature. C'est à cette forme de scrofulide que doivent être rapportées un certain
nombre des variétés complexes décrites sous le nom de lichen agrius. On l'ob-
serve principalement à partir de l'âge de douze à quinze ans, chez les enfants
d'un tempérament lymphatique. Ici, comme dans le strophulus, les papules sont
plus grosses, plus hypertropliiques que dans les autres espèces, et ne déterminent
que des démangeaisons relativement faibles, si on les compare au prurit atroce et
permanent du lichen à petites papules. Enfin ce lichen offre ceci de remarquable,
qu'il est susceptible de se transformer, d'affecter une forme composée, ou,
si l'on aime mieux, de se compliquer de productions vésiculeuses et pustu-
leuses. Il se transforme assez souvent en lichen eczémateux ou en eczéma
lichénoïde.
L'éruption que je viens de décrire répond trait pour trait, comme je l'ai dit
plus haut, au lichen agrius de M. Devergie. Elle est généralement beaucoup plus
tenace et rebelle que le strophulus ou lichen scrofuleux de la première enfance,
dont elle n'est parfois qu'une sorte de continuation, sous une forme un peu diffé-
rente; et il n'est pas rare de la voir persister pendant des mois et même des
années, sans aucun intervalle de rémission complète. Lorsqu'elle a longtemps
existé sur un même point, la peau devient sèche, rugueuse, épaisse, sillonnée,
comme dans le lichen invétéré.
Le lichen scroluleux présente habituellement des relations avec des affections-
de même nature. De même que la gourme avec laquelle on le voit coexister ou
alterner sur le même sujet, il ouvre le plus souvent, sous le nom de strophulus, la
marche des accidents de la scrofule. Il peut disparaître plus ou moins complète-
ment pour récidiver plus tard pendant le cours de la première période, ou même
pendant le cours de périodes subséquentes de la maladie constitutionnelle.
La scrofulide boutonneuse sera rareme^it confondue avec une autre affectioiî
cutanée. Le slroiihulus, en raison de sa persistance et de l'apyrexie, ne saurait
être pris pour une rougeole boutonneuse. Le lichen scrofuleux, lorsqu'il se com-
plique d'eczéma ou d'impétigo [forme agrius), est souvent difficile à reconnaître;
mais le diagnostic du genre n'offre plus alors qu'un intérêt très-secondaire, les
deux affections se fondant, si je puis ainsi dire, l'une dans l'autre, pour constituer
une espèce unique. Dans les cas ordinaires le hchen se distinguerait facilement de
LICHEN. 523
l'eczéma en tenant compte des caractères différentiels qne nous avons donnés plus
haut dans riiistoire du genre. {Voy. Diagnostic du lichen.)
Le strophulus ou lichen scrofuleux du premier âge pourrait en imposer pour
une s philis héréditaire. Mais les phénomènes éruptifs sont tout autres dans la
syphihs infantile, où l'on trouve du coryza chronique, des érylhèmes, des
roséoles, des plaques muqueuses, des éruptions papulo-pustuleuses avec ou sans
excoriations, des éruptions huileuses. Le siège n'est pas le même : la scrofulide
boutonneuse débute à la face et sur les parties supérieures du corps, pour de là se
répandre sur d'autres régions de la peau ; la sjpliilide se manil'este d'abord et
surtout aux parties sexuelles et à l'anus, sur la région ombdicale, à la face, aux
lèvres. Le strophulus n'apparaît guère que vers le cinquième ou le sixième mois,
tandis que les manifestations de la syphilis ont heu à l'époque de la naissance ou
peu de temps après, quelquefois même pendant la vie intra-ulérine.
En dehors des caractères propres aux deux éruptions, on trouverait des signes
distinctifs dans l'habitude extérieure et la constitution de l'enfant. Le contraste i st
en général des plus frappants. Dans la scrofule, il y a dcvelopi enient exagéré
des tissus mous, volume énorme des membres, et comme une sorte de boursou-
flement de toutes les parties du corps ; dans la syphilis, au contraire, l'enfant est
petit, émacié, flétri, ridé, à membres grêles, semblable de tout point à un petit
vieillard.
Sans être grave en lui-même, le lichen scrofuleux entraîne un pronostic plus
sérieux, toutes choses égales, que les scrofulides sécrétantes, en raison de sa
durée souvent longue et de l'état de souffrance dans lequel il jette les petits ma-
lades, par le fait du prurit quelquefois assez vif qui l'accompagne.
Le traitement varie nécessairement suivant la forme de l'alfection et l'^ge de
l'enfant. Dans le strophulus ou lichen du premier âge, on se contentera d'entourer
l'enfant de précautions hygiéniques sévères, en surveillant son alimentation, le
lait de la nourrice, les soins de propreté, le renouvellement des hnges, etc. Si les
surfaces malades paraissent irritées et douloureuses, elles seront lecou vertes de
poudres émollientes de riz, de fécule, d'amidon. Quelques bains adoucissants
seront utiles au déchu de l'éruption.
Mais le strophulus peut se prolonger au delà de son terme ordinaire, en affec-
tant une tendance à la chronicité ; il convient alors de sortir de l'expectation
pour recourir aux moyens qu'd nous reste à indiquer.
Ces moyens sont locaux et généraux.
Les moyens généraux consistent dans l'emploi, que l'on gradue suivant l'âge,
des sirops antiscorbutique et de proto-iodure de fer, administrés purs ou dans
une petite tasse de tisane amère de houblon. On peut également prescrire, de
temps en temps, un léger laxatif, sirop de chicoi'ée, manne, huile de ricin, etc.,,
pour stimuler les fonctions digestives et venir en aide à la médication générale.
Parmi les moyens locaux, je donne la préférence à l'huile de cade, que je con-
sidère comme le modificateur par excellence de toutes les dartres scrofuleuses,
et en particulier de la scrofulide boutonneuse. Je l'emploie presque toujours pure,
sous forme d'onctions, ou mieux encore de frictions, lorsque les syuiptômes
iuflannwatoires sont complètement tombés ; ces applications sont répétées tous
les deux ou trois jours, oîi à de plus longs intervalles, suivant les cas et le résultat
obtenu. Les bains sulfureux et alcalins, les bains de sels ou les bains de mer,
constituent également de très-bons moyens à opposer au lichen scrofuleux passé
à l'état chronique.
524 LICHEN.
B. Lichen arthritique. Celte espèce comprend trois variétés principales : le
lichen circonscrit, le lichen pilaris et le lichen hvidus.
1" Lichen circonscrit. Les auteurs ont confondu sous ce titre deux affections
très-différentes, l'une d'origine parasitaire, dont nous avons traité plus haut
(lichen trichophytique), l'autre de nature arthritique, dont il nous reste à tracer
les caractères spéciaux.
Ainsi que son nom l'indique, le lichen circonscrit se caractérise tout d'abord aux
yeux de l'observateur par une sorte de concentration des phénomènes éruptifs
sur des espaces limités de la peau ; les papules qui le constituent sont petites,
nombreuses, tellement agglomérées et conflaentes qu'elks se confondent à leurs
bases les unes dans les autres. De là résultent des plaques granuleuses, diverse-
ment configurées, en général assez réguhèrement arrondies, à bords saillants
et nettement arrêtés. Ces plaques ont ui: diamètre de 3, 4 à 5 centimètres,
rarement plus considérable; d'abord très-restreintes, elles s'accroissent len-
tement par la production de ponssées successives à leur circonférence. D'une
coloration rouge ou même violacée au début, elles ne tardent pas à se recouvrir de
petites squames minces, très-adhérentes, d'une teinte grise eu blanchâtre. Elles
sont le siège de picotements et d'élancements plutôt que de véritables déman-
geaisons. Après une certaine durée, les papules s'affaissent graduellement du centre
à la périphérie, la coloration morbide s'affaibbt et finit par s'éteindre, et un
moment arrive où la plaque ne se distingue plus des téguments voisins que par
un léger épaississement de la peau avec exfoliation à sa surface. Dans cet état, le
lichen circonscrit ressemble beaucoup à l'eczéma sec de même nature, dont nous
l'avons en effet différencié dans l'histoire du genre. Nous pouvons ajouter que
beaucoup de nos eczémas du dos des mains ne sont pour les Willanistes que des
lichens circonscrits : erreur de genre qui importe peu, la nature des deux affec-
tions étant la même.
Le lichen circonscrit a des lieux bien marqués de prédilection ; c'est sur le côté
externe des membres, sur la face dorsale des avant-bras et des mains, au front,
sur les parties génitales que surtout on le rencontre. Les plaques sont plus ou
moins nombreuses, dispersées sur les différents points d'élection, ou réunies sur
une même région ; dans ce dernier cas, elles peuvent se joindre et se déformer
mutuellement par leurs bords contigus.
Celte variété de lichen est des plus tenaces, et persiste souvent pendant des
mois et des années. Elle est très-sujette à récidive, et présente parfois, à cet égard,
une sorte de périodicité en rapport avec les saisons. Cependant, s'd est impossible
de fixer un terme approximatif à sa durée, il faut savoir qu'elle est destinée à
disparaître après un certain temps, et d'une manière définitive, par le fait même
de l'évolution spontanée de la maladie constitutionnelle.
Le diagnostic du lichen circonscrit, considéré comme espèce, n'est pas toujours
facile à établir. L'affection qui s'en rapproche le plus est assurément le lichen
parasitaire; mais l'examen des poils nous fournit ici des renseignements précieux :
on les trouve altérés dans leur structure, cassés et revêtus d'une gaine blanche
particulière, s'il s'agit d'un lichen trichophytique. La présence d'anneaux herpé-
tiques ou de débris de cercles d'herpès sur le visage, le cou, le dos des mains et
sur d'autres régions suffirait pour rendre toute méprise impossible.
Le lichen scrofuleux olfre bien peu d'analogie avec l'espèce qui nous occupe.
Se manifestant surtout dans le jeune âge, il se développe en général sur de
larges surfaces ; ses papules sont volumineuses et recouvertes pour la plupai't
LICHEN. 0-25
de vésicules et de pustules. Très-rarement circonscrit, il se montre alors prcs(jiie
toujours sur les plis du jarret ou du coude, c'est à-dire sur des points ijui éloi-
gnent aussitôt l'idée d'un lichen arthritique. Celui-ci olHv. des caractères tout
opposes de siège, d'aspect, d'exacte circonscription ; ses plaques sont sèches,
formées de petites papules agglomérées, sans mélange d'autres éléments éruptifs;
enfin, les sensations morbides sont plus accusées que dans le hchen scrofuleux,
et de forme différente.
' Il nous resterait à distinguer le hchen circonscrit des espèces dartreuse et syphi-
litique ; mais l'ordre logique des choses nous oblige à réserver pour le moment ce
double point de diagnostic.
2" Lichen pilaris {cutis anserina). Le lichen pilaris est caractérisé par des
papules traversées par un poil, et plus volumineuses que celles du lichen ordi-
naire.
11 peut se développer sur tous les points de la peau que recouvrent des poils,
mais plus particulièrement dans la barbe, sur la région antérieure de la poitrine et
sur la face externe des membres.
J'étabhs deux variétés importantes de lichen pilaris, d'après les diiïérences que
présente la lésion élémentaire : a. un lichen par hypertrophie papillaire ; h. un
lichen par altération fonctionnelle de la papille.
a. Dans la première variété, on trouve de grosses papules traversées ])ar un
poil à leur centre, et constituées évidemment par l'hypertrophie du follicule pileux
et de la papille pihfère. Les parties affectées offrent un aspect rugueux qui rap-
pelle assez bien cet état particulier de la peau désigné communément sous le
nom de chair de poule, d'où la dénomination de cutis anserina donnée à cette
forme de lichen.
Les démangeaisons sont peu vives et habituellement remplacées par des
picotements. La chute des poils ne survient qu'après une longue durée de
l'aifection.
Cette variété se distingue de l'acne pilaris par son siège anatomique et la forme
de sa lésion primitive : par son siège, qui a lieu dans le follicule pileux lui-
même, et non dans les glandes sébacées annexées à cet organe ; par sa forme pri-
mitive, qui est une papule acuminée constituée par le folhcule hypertrophié, et
par conséquent bien différente de la papulo-pustule omLiliqute de l'acne
pilaris .
h. Dans la seconde variété de Uchen pilaris, la papille pilifère présente une
grave altération fonctionnelle. Elle nedonne plus naissance aupoil, mais sécrète eu
sa place une matièi'e glutineuse qui, examinée au microscope, se montre com-
posée de cellules épidermiques molles, de forme polyédrique et pourvues d'un
noyau très-apparent. Ce lichen pilaris offre donc une certaine analogie avec le
pityriasis capilis caractérisé par une hypersécrétion d'épiderme qui se fait aux
dépens des parois du follicule pileux. Il en diffère cependant par le siège
de la sécrétion morbide, qui a lieu dans la papille elle-même, et par la nature du
produit sécrété, dont l'organisation est beaucoup plus rudimentaire que dans le
pityriasis, oii l'on observe de véritables cellules épidermiques aplaties, déformées
et disposées sous la forme de lamelles ou furfures.
Le lichen pilaris par altération fonclionnelle de la papille offre des symptômes
qui lui sont propres. Ses papules sont petites, déprimées à leur partie centrale,
d'une couleur jaunâtre ou brunâtre, ordinairement disposées en plaques plus ou
moins étendues. Ces plaques ont un aspect singulier et tout à fait caractéristique:
»)26 LICHEN.
elles ressemblent, qu'on me passe cette expression, à nne croûte de pain légère-
ment brûlée et râpée siiperficiellenicnt.
Les éléments du poil cessent d'être sécrétés de bonne heure ; aussi les papules
ne sont pas traversées par un poil comme celles du lichen par hypertrophie papil-
laire.
Leliclien pilaris par altération fonctionnelle se sépare du pityriasis capilis par
sa forme prunitive, qui est une papule, et par les caractères particuliers de son
exfoliation.
Dans l'acne pilaris, on trouve une papulo-pustule ombihquée, rouge, indurée,
qui se recouvre d'une croûte jaunâtre et légèrement déprimée à sa partie cen-
trale. La lésion ne [;orte pas sur le follicule pileux, ou ne l'atteint que tardive-
ment, par propagation du travail morbide dévelojjpé dans les glandes annexées à
cet organe. Elle laisse fréquemment à sa suite des cicatrices blanches et indélé-
biles. Il ne faut pis confondre le lichen pilaris aYecl'ichtlujose pilaris, impropre-
ment décrite par MM. Devergie et Hardy sous le nom de pityriasis pilaris.
C. Lichen lividus. J'ai depuis longtemps fait connaître une variété de hchen
non décrite par les auteurs, et que j'ai nommée lichen à papules déprimées.
Cette affection n'est pas très-rare. Elle est caractérisée par des papules plus volu-
mineuses que celles des autres varitHés de lichen, larges, aplaties, tantôt dissé-
minées, tanlôt se réunissant par groupes de deux, trois, quatre et en plus grand
nombre, pour constituer des plaques. Ces papules sont en général distinctes les
unes des autres, souvent luisantes et comme vernissées à leur surface, et termi-
nées par un bord circulaire quelquefois légèrement saillant en forme de mar-
gelle. Les démangeaisons sont nulles ou peu marquées.
Dans quelques circonstances, l'éruption revêt une teinte violacée ; les papules
sont mélangées de taches hémorrhagiques et entourées d'une auréole livide : c'est
à cette variété que les auteurs ont imposé le nom de lichen lividus. Celui-ci n'est
donc qu'un lichen à papules déprimées avec la tendance spéciale aux extravasa-
tions sanguines qu'on rencontre si souvent dans les affections arthritiques.
Le lichen à papules déprimées se développe de préférence sur le front, le men-
ton, le nez, les oreilles et les membres. Il peut également se montrer sur le tronc,
oiî je l'ai fréquemment observé. Sa marche est lente, et sa durée moyenne de
cinq à six septénaires. Il ne détermine aucun trouble notable de la santé lorsqu'il
est simple ; mais la forme lividus coïncide en général avec d'autres phénomènes
de débditation.
Cette affection se distingue de la syphilide papuleuse, avec laquelle on la con-
fond le plus ordinairement, par les caractères bien définis de ses papules, parleur
coloration violacée, et dans certains cas, par la présence de véritables ecchymoses
dans le tissu de la peau. La syphilide coexiste d'ailleurs presque toujours avec
des plaques muqueuses et l'engorgement des ganglions lymphatiques, ce qui n'a
jamais lieu pour le hchen à papules déprimées. Enfin, il est bien rare que celui-
ci soit absolument dépourvu de prurit, comme il est de règle pour le lichen spéci-
fique.
Les éléments du psoriasis guttata sont recouverts de squames blanches et na-
crées, différentes à tous égards de l'épiderme blanc et hsse qui fait corps avec la
papule déprimée du lichen. Le prurit est moins marqué dans le psoriasis. L'exa-
men des coudes et des genoux éclairerait au besoin le diagnostic.
Traitement du lichen arthritique. Les préparations alcaUnes, administrées
intiis et extra, occupent la première place dans le traitement du lichen arthri-
LICHEN. 527
tique, quelle que soit d'ailleurs sa forme ou variété de forme. Ou prescrira l'eau
de Vichy aux repas, le bicarbonate de soude à la dose de 0"%20, fl8%50 et jusqu'à
1 gramme et Isf.SO par jour, sous forme de sirop, dont le malade prendra une,
deux à trois cuillerées à bouche par jour, dans une tasse de tisane amère. On
pourra recourir également, dans certains cas, aux préparations de colchique, aux
antimoniaux.
La médication locale varie suivant la forme du lichen.
Contre le hchen circonscrit, on a conseillé un grand nombre de pommades, les
unes composées de sels mercuriels incorporés à l'axonge en proportions diverses,
pommades au sulfate jaune de mercure, au protochlorure et au proto-iodure du
même métal, etc., et les autres ayant pour bases des substances astringentes,
tannin, oxyde de zinc, sous-nitrate de bisnuitb, etc., parfois associées à des modi-
ficateurs du système nerveux, comme le chloroforme et le camphre. C'est dans le
lichen circonscrit que les cautérisations avec le nitrate d'argent trouvent plus
spécialement leur emploi, 'e préfère de beaucoup à tous ces moyens les applica-
tions d'huile de cade que je fais répéter t®us les deux ou trois jours. On retire
également de grands avantagii'S, dans les mêmes cas, de lotions faites avec une
solution de glycérine ou de saponine et une faible dose de carbonate de soude :
eau de son, 500 grammes; glycérine anglaise, 30 grammes; carbonate de soude,
08%25 à 1 gramme. Le malade prend concurremment des bains alcalins et de va-
peur, ou même des douches sur les régions affectées.
Les moyens qui précèdent conviennent parfaitement au hchen pilaris; seule-
ment, comme cette forme se montre sur des parties velues, il est tout d'abord
nécessaire de couper les poils aussi près que possible des surfaces nialades.
Les cautérisations avec la teinture d'iode m'ont paru modifier avantageusement
le lichen par altération fonctionnelle de la papille.
Enfin, contre le lichen à papules déprimées, j'ai retiré de grands avantages de
l'emploi des bains sulfureux et des douches sulfureuses. S'il y avait une tendance
marquée aux hémorrhagies, chez un indi\idu affaibh ou avancé en âge, il faudrait
en premier lieu fortifier la constitution par un régime et un traitement convenables.
D. Lichen herpétique. Nous retrouvons ici les deux principales variétés de
lichen admises par les auteurs anglais, le lichen simplex et le lichen agrius, cette
dernière expression étant comprise dans toute la rigueur de son sens étymolo-
gique (ccyptoç, ferox).
Le lichen herpétique présente quelquefois une certaine acuité à son début, mais
sa marche est essentiellement chronique. Ses papules sont petites, acuminées, de
la même couleur que la peau, ordinairement réunies en groupes disséminés sur
de larges surfaces. Ces groupes sont très-variables en étendue, de forme irrégulière
et indécise, diffus et mal limités à leurs bords. On les trouve principalement au
cou, à la face interne des meiubres, dans le sens de la flexion. Leur nombre, d'a-
bord peu considérable, se multiplie avec le temps par des poussées qui se succè-
dent tantôt sur un point, tantôt sur un autre point, sans qu'il soit possible d'as-
signer un terme aux progrès de l'éruption.
C'est dans le lichen herpétique que le prurit atteint son plus haut degré d'inten-
sité. Les expressions manquent pour rendre les souffrances que détermine parfois
cette cruelle affection. La membrane cutanée devient le siège des sensations les
plus douloureuses et les plus pénibles. Pour apaiser la démangeaison, le malade
se gratte avec une sorte de fureur, et l'action de ses ongles ne lui suffisant bientôt
plus, il ne recule pas devant l'emploi de corps durs ou acérés, tels que des étrillas,
628 LlGliKN.
des brosses, au moyen desquels on le voit se ratisser sans cesse et se déchirer la
peau. Ce prurit est suiet à des redoublements ou paroxysmes, mais la rémission
n'est jamais complète. Cerlanics circonstances paraissent influer puissamment
sur ses retours et sur son intensité : c'est le soir, la nuit, après les repas, après le
travail ou un exercice quelconque, qu'il se manifeste de préférence. Il suffit par-
lois d'une émotion vive, d'un brusque changement de température pour en pro- ■
voquer l'explosion subite. Pendant ces crises, le malade ne peut goûter un seul
instant de repos. C'est en vain qu il cherche dans le sommeil un calme momen-
tané à ses souffrances : la démangeaison redouble et s'exaspère au delà de toute
mesure, sous l'influence de la chaleur du lit. Il est alors contraint à se lever pour
s'exposer à l'air, pour se frictionner, se faire des lotions froides, s'étendre nu sur
le sol, etc., et c'est ainsi que s'écoule, lentement et péniblement, la meilleure
partie de la nuit.
Lorsque le lichen se propage aux muqueuses extérieures, il y provoque des
troubles spéciaux en rapport avec la sensibih'té des tissus qu'il attaque : c'est
ainsi que dans le lichen des parties génitales il n'est pas rare de voir l'hypercs-
thésie de la peau se propager à ces organes, et devenir une cause d'onanisme et
de nymphonianie.
Parmi les phénomènes communs ou génériques du lichen, nous avons noté
certaines altérations de texture de la peau, son épaississement, l'état de sécheresse
de sa surface, l'exagération de ses plis, etc. : nulle autre espèce ne les présente
au même degré, et d'une manière aussi hâtive que le lichen herpétique. En même
temps, et par le fait du traumatisme qui résulte des manœuvres employées parles
malades pour calmer le prurit, les jiapules irritées se recouvrent de vésicules et
de croiites, ];resque aussitôt déchirées ou arrachées par les ongles ; les surfaces
sont rouges, excoriées, douloureuses, sillonnées de toutes parts de traînées noi-
râtres et sanglantes. C'est le lichen agrius à petites papules, qu'il ne faut pas con-
fondre avec le lichen agrius scrofuleux, précédemment décrit.
Le lichen herpétique est une affection presque toujours chronique. Sa durée
est indéterminée. Il coïncide ou alterne fréquemment avec diverses affections ner-
veuses, telles que gastralgies, migraines, névralgies intercostales, et autres mani-
festations de la dartre. Il présente parfois des améliorations, bientôt suivies de
revirements soudains, sous l'influence des causes les plus légères ; et chaque ré-
cidive semble ajouter encore à sa ténacité et favoriser sa tendance à la généralisa-
tion.
Le lichen herpétique offre des traits trop fortement accusés pour que son dia-
gnostic soit l'objet de sérieuses difficultés. La seule variété arthritique que l'on
puisse à la rigueur lui opposer serait peut-être le lichen circonscrit. Mais que de
différences entre ces deux affections ! D'un côté, c'est une éruption en groupes
disséminés, à forme indécise, irrégulière, situés à la face interne des membres,
s'accompagnant d'un prurit intense et persistant : voilà pour le lichen dartreux;
d'un autre côté, plaques arrondies, bien circonscrites, occupant le dos des mains,
des pieds, des avant-bras, et en général la face externe des membres ; prurit mo-
déré, habituellement remplacé par des picotements, des élancements, de la cuis-
son : voilà pour le lichen arthritique. Il nous a presque suffi de renverser, en
quelque sorte, les caractères de l'une de ces espèces pour obtenir les caiactèi'es
de l'autre.
Le lichen agrius herpétique se distingue également du hchen agrius scrofuleux
par des signes faciles à saisir. Le premier n'appai-aît guère que dans 1 âge adulte
LICHt^i^ Sïl'tiiLUivuE-. 529
et chez des sujets doués d'un tempérament nerveux ; il est remarquable par la
ténuité de ses papules et la violence du prurit qu'elles déterminent ; les vésicules
qui le compliquent sont transparentes et donnent lieu à de légères concrétions.
Le deuxième se montre surtout de douze à quinze ans, chez des enfants lympha-
tiques ; ses papules sont grosses, hypertrophiques, compliquées d'érythèmc, de
vésicules et même de pustules, tous phénomènes dont l'ensemble contraste sin-
gulièrement avec le peu d'intensité des sensations morbides.
Le pronostic du lichen herpétique se déduit des considérations qui précèdent.
C'est de toutes les espèces la plus grave, soit qu'on la juge au point de vue
restreint de ses pliénomènes propres, c'est-à-dire comme simple affection de la
peau, soit que l'on considère plus spécialement l'influence morbifique qu'elle tra-
duit sur cette membrane.
Le traitement du lichen herpétique a pour base l'emploi des préparations arse-
nicales, soit l'acide arsénieux ou l'arséniate d'ammoniaque en solution, soit l'arsé-
niate de fer en pilules. Ces médicaments seront administrés à doses croissantes,
qu'il est souvent nécessaire de porter assez haut, pour obtenir un résultat satisfai-
sant. Leur action doit alors être surveillée avec le plus grand soin, car la tolérance
varie suivant les malades, et les phénomènes d'intoxication se développent quel-
quefois avec une grande rapidité. Il faut aussi tenir compte de l'état des voies
digestives.
Comme l'effet thérapeutique est souvent assez lent à se produire, on s'efforcera,
partons les moyens possibles, de calmer le prurit si violent que détermine cette
affection. {Voy Traitement du genre.)
Enfin, dans les cas rebelles, on pourra envoyer les malades à Plombières, à
la Bourboule, ou leur conseiller une eau sulfureuse légère, telle que celles
d'Uriage, de Saint-Gervais, etc.
D. Lichen syphilitique. J'en admets deux formes distinctes, que j'ai désignées
sous les noms de syphilide papuleuse lenliculaire et de syphilide papuleuse mi-
liaire; mais ce sujet est confié à un autre collaborateur. (Voir ci-après^) Bazin.
McaE\ SYPHILITIQUE {syphilide papuleuse lichénoïde). Cette érup-
tion n'a été bien distinguée des autres syphilides qu'à partir de Carmichaël, le
premier syphiliographe qui ait adopté le nom de papule emprunté à la ciassifi-
cation dermatologique de Willan. Jusque-là toutes les syphihdes étaient des
pustules, et celles que nous appelons maintenant des syphilides papuleuses étaient
des pustules rouges, dures, petites, sèches, merisées, tuberculeuses.
Les syphilides papuleuses sont aujourd'hui bien connues, grâce aux travaux
de Bietl, Cazenave, Ricord, Bassereau, Bazin, Hardy. Elles forment deux variétés
principales : la syphilide à petites papules, arrondies ou coniques, ou syphilide
lichénoïde, et la syphihde à larges papules, sèches ou humides, ou syphilide
papuleuse plate. Il ne doit être question ici que de la première.
La syphilide lichénoïde, ou lichen syphihtique, est une des manifestations les
plus communes et les plus précoces de la sypbiUs secondaire. Elle coïncide quel-
quefois avec la roséole ou avec d'autres formes éruptivos, également superficielles.
Elle est caractérisée par de petites granulations rouges, saillantes, coniques, glo-
buleuses ou légèrement aplaties, du volume d'une lentille ou un peu plus. Ces
granulations présentent à leur début une coloration rouge assez nette, mais (lui
devient graduellement plus foncée, en se rapprochant de la teinte cuivrée, pour
prendre à la fin une teinte plus brune, bronzée. Cette dernière coloration persiste
DICT. ENC. 2' s. II. 34
530 LICHEN SYPHILITIQUE.
longtemps, et on la retrouve encore après l'affaissement de toute la saillie. Au
début la coloration rouge disparaît sous la pression du doigt, mais à la fin la
coloration brune ne s'efface qu'en partie sous cette pression.
Au commencement de l'éruption, les papules du licben syphilitique forment
des saillies dures, pleines et lisses. Bientôt, sur la surface, l'épiderme se ride, se
détache, et une desquammation assez marquée s'opère incessamment. Les squa-
mes sont minces et blanches ; en se détachant d'abord à leur circonférence, elles
forment autour de la papule un petit liséré blanc sur lequel l'école de Biett a
beaucoup insisté.
Dans quelques cas la desquammation est plus prononcée; les squames sont
plus épaisses, légèrement imbriquées les unes sur les autres ; on a alors une érup-
tion qui n'est plus simplement papuleuse, et qu'on a désignée sous le nom de
syph ilide papulo-sqiiameuse .
Dans d'autres cas la papule est recouverte d'une couche épidermique dure, per-
manente, résistante. L'éruption forme alors encore une variété; généralement dis-
crète et localisée, connue sous le nom de syphilide cornée.
Du reste, la forme seule des papules a sufti pour établir des distinctions entre
les éruptions : on a donné le nom de syphilide lenticulaire à celle dont les pa-
pules ont k forme et le volume des lentilles, et de syphilide granideuse à celle
dont les pustules sont rondes, globuleuses; on a aussi rattaché au lieben syphi-
litique la syphilide papuleuse miliaire, qui rentre plutôt dans la classe des syphi-
lides vésiculeuses.
La syphilide papulo-squameuse a pour siège, de prédilection la paume des mains
et la plante des pieds. Il en est de même de la syphilide cornée. Quant à la syphi-
lide lenticulaire, on l'observe surtout à la partie postérieure du cou, sur le front,
sur la poitrine, sur le dos, sur le tronc et sur les membres, principalement aux
cuisses et aux. bras. La syphilide granuleuse se montre surtout dans le sillon
naso-labial, autour des lèvres et au menton. Les saillies qui la constituent sont
généralement groupées, alignées de manière à former une traînée oblongue, ou à
décrire des cercles ou des segments de cercle. Les papules sont quelquefois en-
flammées à leur sommet, et un certain nombre d'entre elles sont le siège d'une
exhalation légère de sérosité purulente qui soulève un peu l'épiderme, et leur
donne l'apparence de vésicules ou de pustules. Celles-ci sont éphémères, se déchi-
rent bientôt, et forment en se desséchant des croûtes superficielles.
Le lichen syphilitique, avec ses différentes variétés, se développe d'une manière
Jantôt brusque, tantôt plus lente. Dans le premier cas, tout le corps peut se trou-
ver couvert par l'éruption dans l'espace de huit à dix jours. Dans le second, les
papules s'élèvent insensiblement, arrivent à leur développement complet, rétro-
cèdent ; puis une nouvelle poussée se fait, et à mesure que les premières papules
s'affaissent, les autres surgissent et s'accroissent. On voit quelquefois des malades
ainsi affectés de poussées papuleuses successives durant plusieurs mois, et même
pendant une année ou deux. Après que l'éruption a disparu, la place occupée par
les papules paraît souvent gaufrée, parsemée d'éraillures ou de cicatrices, bien
qu'il n'y ait eu ni ulcération ni suppuration. C'est que le tissu de la papule écar-
tait les fibres du derme, lesquelles sont restées dissociées après la résorption de
ce tissu, comme dans les vergettures par distension de la peau.
Ces éruptions ne sont pas toujours la suite immédiate du chancre, et souvent
il y a entre ces deux ordres d'accidents, pour intermédiaire, une éruption roséo-
lique; ou bien les papules sont entremêlées et tachées de roséole. D'autres fois
LICHEN D'ISLANDE (pharmacologie). 531
c'est avec des plaques muqueuses, ou des pustules psydraciées ou plilyzaciées que
les papules coexistent. L'alopécie, l'adénopatliie et divers phénomènes générauj
liés à l'état chloro-anéniique, s'observent aussi dans cette éruption. L'iritis n'est
pas rare avec le lichen syphilitique, au point que Carmichaël en a fait, à tort il est
vrai, le symptôme concomitant exclusif de la syphilide papuleuse.
Le lichen syphilitique n'a qu'une ressemblance éloignée avec le lichen simple,
dont les papules sont petites, agminées, réunies en plaques, extrêmement pruri-
gineuses. Il diffère aussi beaucoup du prurigo, dont les papules blanches sont
recouvertes d'une croûte noire, formée par un petit caillot desséché, et dont la
démangeaison est le symptôme prédominant. La gale est polymorphe ; mais si les
papules de cette éruption ont quelque analogie avec celles du lichen syphilitique,
il n'en est pas de même des vésicules et des sillons qui sont le fond de l'éruption
psorique.
D'ailleurs, pour le lichen syphilitique comme pour toutes les syphihdes, il y a
à prendre en considération les sigues commémoi'atifs et les symptômes concomi-
tants, qui sont souvent d'un grand secours quand les caractères objectifs de l'é-
ruption ne sont pas bien marqués, soit qu'ils ne l'aient jamais été, soit qu'ils aient
cessé de l'être.
Le traitement du lichen syphihtique doit être général et local.
Le traitement général ne diffère pas de celui de la sypliilis secondaire ; il est le
même, à peu près, que celui de l'acné et de toutes les syphihdes précoces. {Voij.
Syphiudes.)
Quant au traitement local, il consiste surtout en bains simples et médicamen-
teux. Les bains de subhmé ont une grande efficacité. Il en est de même des pom-
mades mercurielles, et plus particulièrement de la pommade au proto-iodure de
nierciu'e. Cette pommade est surtout nécessaire dans certaines formes de lichen
syphihtique, dans celles notamment dont les papules sont sèches, dures, squa-
meuses. Il arrive même qu'on est obligé de recourir à des moyens locaux plus
énergiques, à des cautérisations avec le nitrate acide de mercure, dans les cas de
papules cornées de la paume de la main, par exemple, éruption toujours rebelle.
J. RoLLET.
LICHEIV D'isiiAiVDE. § I, Botanique. Cette plante est trop connue,
dans la pratique médicale, sous le nom de Lichen {voy. Lichens), pour que son
histoire pharmacologique et thérapeutique ne figure pas ici; mais son étude
botanique doit être renvoyée au mot Cétraire.
3 II. Pharmacologie. Le lichen d'Islande est sec, coriace, sans odeur sen-
sible, d'une saveur amère, désagréable. Mis à tremper dans l'eau froide, il se gonfle,
devient membraneux, et cède au liquide une partie de son principe amer et un peu
de mucilage. Lorsqu'on le soumet à l'ébulHtion dans l'eau, il se dissout en grande
partie, et le liquide, s'il est concentré, se prend en gelée par le refroidissement.
Berzelius a retiré de 100 parties de Hchen d'Islande :
Sucre incristallisable Ô,6
Principe amer ou cétrarin 3,0
Cire et Chlorophylle 1,6
Gomme. 3,7
Matière extractive colorée 7,0
Amidon ou lichénine 44,6
Squelette féculacé , , 56,6
Surtaitrate de potasse )
Tarirate et phosphate de chaux ,.....)'
102,0
652 LICHEN D'ISLANDE (phabmacologie).
Les deux principes essentiels du liclien d'Islande sont l'amidon et la matière
amère. L'amidon du lichen est désigné sous le nom de Uchénine. 11 est insipide;
il se gonfle dans l'eau froide sans se dissoudre d'une manière sensible. Il se dissout
dans l'eau bouillante, et la liqueur se prend en gelée si elle est assez concentrée.
Il perd cette propriété par une longue ébullition. Il est insoluble dans l'alcool et
dans l'éther, et présente la même composition que la fécule ordinaire. Sous l'in-
fluence de l'ébullition prolongée dans l'eau, il se transforme en dextrine. Les
acides étendus le font passer à l'état de glycose; l'acide nitrique le convertit en
acide oxalique. 11 se dissout dans la potasse.
Jonh avait trouvé de l'inuline dans le lichen, et il considérait le principe amy-
lacé de Berzelins comme de l'inuline modifiée. M. Payen a vu plus récemment
qu'en traitant la gelée de lichen par la diastase, cet amidon se change en dextrine
et en sucre, comme le fait l'amidon ordinaire, et qu'il laisse déposer une matière
blanche : or cette matière blnncbe est de l'inuline. La matière gélatineuse du
lichen n'est donc qu'un mélange d'amidon, d'inuline, et de l'amidon spécial du
lichen; en colorant le tissu du lichen par l'iode, on aperçoit au microscope une
multitude de granulations très-ténues, colorées d'une magnifique teinte bleue,
qui sont l'amidon ordinaire.
Quant à la matière amère du lichen, ou cétrarin, elle est, sous la forme d'une
poudre blanche, légère, inodore, et inaltérable à l'air. Elle est neutre et possède
une saveur très-amère. Elle est peu soluble dans l'eau froide; elle se dissout
mieux, mais encore fort mal, dans l'eau bouillante. Le cétrarin est plus soluble
dans l'alcool que dans l'eau, encore ne s'y dissout-il qu'en faible proportion.
L'éllier n'en dissout qu'une petite quantité; les acides le précipitent de ses dissolu-
tions dans l'alcool et dans l'eau; l'acide chlorhydrique le dissout en le transformant
en une matière colorante bleue. Il s'unit aux alcalis et forme avec eux des combi-
naisons tfès-ainères. Il se dissout aussi avec facilité dans les carbonates alcalins.
Pour préparer le cétrarin, d'après Herberger, on fait bouillir pendant une demi-
heure de la poudre grossière de lichen d'Islande avec quatre fois son poids d'al-
cool à SS"^ centésimaux; on laisse le tout en repos jusqu'à cessation des vapeurs
pour éviter la perte d'alcool ; on passe, on exprime, puis on ajoute à la liqueur
de l'acide chlorhydrique étendu ; on mêle alors à tout le liquide quatre fois envi-
ron son volume d'eau, et on abandonne le mélange jiendant douze heures dans un
ballon fermé. Au bout de ce temps, on décante la liqueur qui surnage un dépôt
abondant; on recueille sur une chausse ce dépôt, qui a une couleur plus ou moins
verdàtre; on le partage en petits fragments au sortir de la presse, tandis qu'il est
encore un peu humide; on le lave en cet état avec de l'alcool ou de l'éther; on
le traite alors par deux cents fois son poids d'alcool bouillant, dans lequel la ma-
tière inorganique qui l'a accompagné jusqu'à ce point est à peine soluble. La
majeure partie du cétrarin se précipite peu à peu par le refroidissement de la
liqueur alcoolique; on peut, en chassant l'alcool, obtenir ce qui reste eu dissolution.
L'étude du cétrarin a été reprise par MM. Knopp et Schedermann, qui lui ont
attribué des propriétés acides et l'ont appelé acide cétrarique. Cette matière
amère, d'après ces chimistes, se présente sous k forme d'aiguilles blanches, ténues,
à saveur franchement amère, presque insolubles dans l'eau, tiès-solubles dans l'al-
cool bouillant et formant avec les bases des sels jaunes, solubles et trèi-anier<. Ces
auteurs ont, en outre, indiqué l'existence dans le lichen d'Islande, d'un acide
gras, inodore, d'une saveur acre, fondant à l'20°, et auquel ils ont donné le
nom à.'acide liche7istéariqiie.
LICHEN D'ISLANDE (pharmacologie). 553
L'acide cétrarique doit constituer un bon médicament ; c'est un tonique qui n'est
nullement astringent. Le docteur Mûller l'a employé pour combattre la fièvre in-
termittente, à la dose de 10 centigrammes toutes les deux heures. Cette substance
lui a paru agir avec plus de lenteur que la quinine, mais avoir sur elle l'avantage
de ne point affecter l'estomac.
Le squelette du lichen d'Islande jouit à peu près des mêmes propriétés que le
tissu cellulaire.
Berzelius, en analysant le lichen d'Islande, avait surtout pour but de trouver
un moyen de priver cette substance de son amertume qui, seule, empêche que le
peuple n'en fasse sa nourriture habituelle dans les pays pauvres; car on ne par-
vient que très-imparfaitement à lui ôter cette amertume par la décoction dans
l'eau, et d'ailleurs la décoction dissout également la partie nutritive du lichen.
Le procédé qui a le mieux réussi à Berzelius consiste à faire macérer le lichen
une ou deux fois dans une faible dissolution alcaline (carbonnte de potasse i, eau
500), à l'exprimer, à le laver exactement et à le faire sécher, si l'on n'aime mieux
l'employer humide, pour en préparer toutes sortes de mets.
On a proposé d'appliquer le même procédé aux préparations pharmaceutiques du
lichen, mais indépendamment de ce que la présence d'une petite quantité de prin-
cipe amer peut être utile à l'action médicatrice du lichen, il serait à craindre que le
lavage n'enlevât pas tout le sel alcalin. Uest certainemeut préférable, pour l'usage
de la médecine, de faire chauffer le lichen une ou deux fois avec de l'eau presque
jusqu'à l'ébullition (à 80° environ). Ce procédé suffit pour priver le liclicn delà plus
grande partie de son amertume; ce qui en reste alors n'est nullement désagréable.
Le lichen d'Islande est surtout employé sous la forme de tisane et sous celle de
gelée. Voici du reste les principales formes pharmaceutiques sous lesquelles cette
substance est le plus ordinairement administra?.
Tisane de lichen d'Islande. Lichen d'Islande, 10 grammes; eau commune,
quantité suffisante. On met le lichen et l'eau dans un poêlon, on porte à l'ébulli-
tion. On jette cette première décoction, qui renferme la presque totalité du prin-
cipe amer, et on lave le lichen avec de l'eau froide. On le remet sur le feu avec
une nouvelle quantité d'eau ; on fait bouillir pendant une deuii-lieure de manière
à obtenir un litre de tisane ; on pa^-se. On édulcore cette boisson avec GO grammes
de sucre ou de toute autre manière.
Quand le principe amer du lichen doit être conservé, il faut que le médecin
l'indique d'une manière spéciale. (Codex.)
Gelée de lichen d'Islande. Saccharure de lichen d'Islande, 75 grammes ;
sucre blanc, 75 grammes; eau commune, 150 grammes; eau de fleurs d'oranger,
10 grammes. On mêle les trois premières substances, et on fait bouillir pour réunir
l'écume à la surface. On retire du feu, et lorsque l'écume aura formé une couche
assez résistante on l'enlève, et on coule la gelée dans un pot où on aura pesé
d'avance l'eau de fleurs d'oranger. Ces proportions doivent fournir 250 gianunes
dégelée. [Codex.)
Quelquefois les médecins prescrivent la yelée de lichen amère. Cette gelée se
prépare en faisant bouillir 5 grammes de hchen non lavé dans quantité suffisante
d'eau, pendant cinq minutes, de manière à obtenir 150 grammes de décoction
qui sont substitués dans la formule précédente aux 150 grammes d'eau commune.
(Codex.)
La dose de gelée de lichen est d'une cuillerée à café do temps en temps entre
les repas
534 LICHEN D'ISLANDE (pharmacologie).
Saccharure de lichen ou gele'e sèche de lichen d'Islande. Lichen d'Islande,
1000 grammes ; sucre blanc, 1000 grammes; eau, quaiitilé suffisante. On met le
lichen dans l'eau et on chauffe jusqu'à l'ébnllition. On rejette cette première eau,
on lave le lichen à plusieurs reprises dans l'eau h'oidc; on le fait bouillir ensuite
endant une heure dans une quantité suffisante d'eau, et on passe avec expression
à travers une toile.
On laisse reposer pendant quelque temps ; on décante: on ajoute le sucre et on
évapore au bain-marie, en agitant continuellement jusqu'à ce que la matière soit
en consistance très-ferme. On la distribue alors dans des assiettes, et on achève sa
dessiccation à l'étuve.
On réduit le produit en une poudre fine que l'on conserve dans des flacons bien
bouchés. {Codex.)
Le saccharure de hchen est rarement employé seul ; il sert surtout à préparer
la gelée et les pastilles de lichen. Délayé dans une tasse d'eau bouillante, à la dose
d'une cuillerée à café, il fournit une tisane de lichen très- agréable, surtout si
l'on ajoute une petite quantité de sucre.
Sirop de lichen d'Islande. Lichen d'Islande mondé, 50 grammes; sucre,
1000 grammes ; eau, quantité suffisante. On lave le lichen à l'eau froide ; on le
fait bouillir dans l'eau pendant quelques minutes pour le priver d'une partie de
son amertume, et on rejette cette première décoction. On lave de nouveau le
lichen à l'eau froide, et on le remet sur le feu avec environ un litre d'eau que
l'on maintient ù l'ébullition pendant une demi-heure. On passe sans expression;
on ajoute le sucre, on clarifie avec la pâte de papier, et on passe de nouveau lors-
que le sirop marque, bouillant, 1,27 au densimètre (31° Baume).
Ce sirop ne se conserve pas longtemps en bon état; il s'altère même aussitôt
que la bouteille qui le contient se trouve en vidange ; aussi est-d nécessaire de le
renouveler souvent.
Pâte de Lichen d'Islande. Lichen d'Islande, 500 grammes; gomme arabique,
2500 grammes; sucre, 2000 grammes; extrait d'opium, 1^%50; eau, quantité suf-
fisante. On met le lichen dans l'eau, et on chauffe jusqu'à l'ébulhtion; on rejette
cette première eau, et on lave le lichen à plusieurs reprises. On le fait bouillir
ensuite pendant une heure avec une quantité d'eau suffisante pour obtenir
3000 grammes de décoction, dans laquelle on fera fondre à la chaleur du bain-
marie la gomme arabique concassée et lavée. On passe avec expression à travers
une toile serrée ; on laisse en repos jusqu'à ce que la liqueur soit presque froide.
On décante, on ajoute le sucre d'abord, et, vers la fin de l'opération, l'extrait
d'opium dissous dans une petite quantité d'eau. On fait évaporer, en agitant con-
tinuellement jusqu'à consistance de pâte forme ; on coule celle-ci sur un marbre
légèrement huilé ; quand elle sera relroidie, on l'essuie avec soin pour enlever le
peu d'huile qui y adhèi^e, et on l'enferme dans une boîte. 100 grammes de celte
pâte contiennent environ 5 centigrammes d'extrait d'opium. {Codex.)
Tablettes de lichen. Saccharure de hchen, 500 grammes; sucre blanc, 1000
grammes; gomme arabique pulvérisée, 50 grammes; eau, 150 grammes. On lait
un mucilage avec Teau et la gomme mélangée préalablement avec un peu de
sucre; on ajoute le saccharure, puis le reste du sucre, et lorsque la pâte est ho-
mogène, on la divise en tablettes du poids de 1 gramme. {Codex.)
Chocolat aulichen d'Islande. Chocolat, 1000 grammes; saccharure de lichen,.
400 grammes. On ramolht le chocolat dans un mortier écbaufié ; on incorpore exac-
tement le saccharure de hchen, et on distribue la masse dans des moules. {Codex.)i
LICHEN D'ISLANDE (thérapeutique). 555
On prépare encore vme poudre de lichen d'Islande, mais pour l'olitenir il fau
se servir de lichen non privé de son principe amer. Cette poudre est rarement
prescrite, bien qu'elle soit cependant une bonne manière d'administrer le principe
amer du lichen. On peut, avec de la poudre de lichen et quelques gouttes de
sirop de sucre, préparer un électuaire qui peut être administré chaque jour à la
dose de 4 à 10 grammes. T. Goisley.
§ III. Thérapeutique. Action physiologique. Le lichen dTslande possède
des propriétés complexes dues à l'union de la fécule avec un principe amer ; il
est à la fois un émollient, un analeptique et un tonique; et tant qu'il n'a pas été
débarrassé du cétrarin, c'est le mode d'action des toniques amers tju'il est le plus
disposé à développer. Mais lorsque ce principe en a été éliminé, il devient un
médicament purement émollient, tout en conservant les qualités nutritives qu'il
doit à la forte proportion de fécule qu'il contient.
Action thérapeutique. Il a été particulièrement invoqué comme médicament
pectoral. Signalé, en 1675, par Borrichius, pour ses propriétés médicales; recom-
mandé d'une manière plus précise, en 1685, par lljacrne (Méral et de Lens), il
fut, d'après Sprengel, délinitivement introduit en thérapeutique ])ar Limifcus et
Scopoli. Bergius, Crichton, Cramer, Stoll, Tronisdorif, Blurray, Goalier Saint-
Martin, Regnault, etc., viennent successivement témoigner en sa faveur, chacun
lui attribuant plus ou moins, sur les maladies chronic[ues des organes respira-
toires, une iniluence, tantôt mal appréciée, tantôt évidemment exagérée. De là
les éloges outrés qui lui ont été prodigués dans le traitement de la bronchite chro-
nique, de l'asthme humide, de l'hémoptysie, de la phlhisie surtout; de là enfin
la prescription banale et l'engouement populaire dont il est devenu l'objet en tous
cas d'affection chronique des voies aériennes.
Il est inutile d'insister aujourd'huAiur l'impuissance radicale des préparations
de liihen, quelles qu'elles soient, en présence de tubercules confirmés. Mais il
ne faut pas laisser croire que cette substance ait une efficacité spéciale sur telle
autre lésion des bronches ou des poumons, ou sur tel symptôme de leurs mala-
dies ; sans doute elle ne vaut pas moins, mais elle ne vaut pas mieux que diverses
substances féculentes, mucilagineuses, et à ce titre émollientes, qui peuvent être
indifféremment prescrites pour calmer la toux en atténuant l'action irritante de
l'air à l'origine de la muqueuse aérienne ; car l'action béchique des médicaments
émolhents ne va pas au delà, ainsi que nous l'avons, il y a bien longtemps, dé-
montré {voy. notre mémoire sur la médication émoUiente, in Méni. de lAcad. de
méd., t. XIX, et Un. méd., 1851). Une action plus profonde, une action pecto-
ale, de la part du lichen, est complètement inadmissible.
1 Reste encore, il est vrai, la double influence qu'il peut exercer en apportant
dans l'organisme un élément féculent qui a une certaine valeur nutritive, et un
principe amer dont l'action tonique ne doit pas non plus être contestée. Cette in-
fluence n'est pas sans profit pour les individus affaiblis, atteints de maladies ]on-
gues et graves des bronches ou des poumons. Mais on sait que les préparations do
lichen sont ordinairement administrées dépouillées du principe amer. Le piineipj
ahmentaire agit seul alors, bien inférieur en efficacité à ces agents énergiques uc
reconstitution, huile de foie de morue, viande crue, vins généreux, etc., plus jus-
tement opposés aujourd'hui à la cachexie tuberculeuse. 11 serait donc plus ration-
nel de donner, dans les maladies chroniques de poitrine et particuhèrement aux
sujets débilités, toute la substance du lichen, c'est-à-dire le holien non lavé, non
536 LICHEN D'ISLANDE (bibliographie).
blanchi ; et il nous a paru en effet que, de cette manière, le lichen avait plus d'ef-
ficacité. Telle est aussi l'opinioudeM. Bouchardat. Mais la plupart des malades
ne l'acceptent pas facilement ainsi ; son amertume, comparable à celle de la gen-
tiane, du quassia amara, étant jugée encore plus désagréable.
C'est cependant sans le laver que l'on doit administrer le lichen, dans certaines
circonstances où l'on veut en obtenir des effets analogues à ceux que procurent les
autres toniques amers : dyspepsies atoniques, faiblesse accompagnant les conva-
lescences, épuisement succédant aux hcmorrhagies, marasme, consomption, etc.
Les plus graves parmi les cas de ce genre ne le comporteraient évidemment que
comme adjuvant d'agents réconfortants plus énergiques.
C'est enfin sous le même mode d'administration qu'il a été proposé comme
fébrifuge ; et à ce titre, malgré les assertions de Marie Saint-Ursin et Dufour [Ga-
zette de santé, 1808), il a dû se montrer plus d'une fois insuffisant. Quelques
essais avec le cétrarin auraient, dit-on, été plus avantageux ; M. Mùller, de Kai-
serslautern (Biichner, Répertoire de pharmacie, 1857), dit l'avoir trouvé, à la
dose de 10 centigrammes, un puissant fébrifuge, opérant, il est vrai, plus len-
tement que la quinine, mais ayant l'avantage de ne pas irriter l'estomac. Gazin
engage, ))0ur juger la question, à expérimenter, avec prudence, des doses allant
jusqu'à 20 et 50 centigrammes. [Traité des plantes médicinales indigènes,
5^ édit.) Mouchon préfère la poudre de lichen, 5 à 6 grammes entre deux accès,
ou l'extrait aqueux pulvérulent à dose moitié moindre. {Monographie des princi-
paux fébrifuges indicjènes, Lyon, 185G.)
Nous devons noter qu'on attribue généralement au principe amer du lichen
une certaine faculté purgative ; il faut donc y veiller, et modérer la dose du lichen
non lavé ou le suspendre s'd agit trop vivement sur les intestins. Ajoutons aussi
que ce principe donne, selon plusieurs auteurs, au lichen d'Islande des propriétés
vermifuges, qui seraient encore plus prononcées dans les autres lichens plus
amers dont, il sera fait mention à la fin de cet article.
En dehors du cadre des maladies de poitrine, le lichen a encore été conseillé
partout oîi l'on croyait voir l'indication des remèdes adoucissants, mucilagineux,
émollients. Ainsi il a été recommandé contre les phlegmasies gastro-intestinales,
et particulièrement contre la diarrhée et la dysenterie chroniques. Mais il n'a réel-
lement pas plus d'action spéciale dans ces cas que contre les affections pectorales,
surtout s'il a été réduit à l'état de simple préparation amylacée.
Les propriétés nutritives du lichen sont plus positives que ses propriétés, théra-
peutiques. Ainsi se justifie son usage comme aUment dans les régions septentrio-
nales de l'Europe, oii il remplace en partie les farines des céréales qui y sont rares
et chères. Là on le mange en outre de diverses autres manières. Ailleurs même
on l'utilise comme aliment, et on le fait, par exemple, entrer dans la composition
de certains chocolats. Enfin la parfumerie s'en est emparée, avec l'idée illusoire
d'y trouver des propriétés cosmétiques particulières.
Pour l'emploi médical, le lichen d'Islande se prête à de nombreuses formes,
dont les plus usitées sont la gelée, la pâte et la tisane ; celle-ci est ordinaire-
ment coupée avec du lait. 10 grammes de lichen suffisent pour obtenir \ htre
de tisane, une dose plus fort e la rendant trop mucilagineuse ; si le médecin veut
yconserver le principe amer, il doit l indiquer dans son ordonnance. [Voij. Licueks.)
D. DE Savignac.
Bibliographie. — Reissiî (II. S. E.). Diss. inaug. med. de Lichene Islandico. 1778. —
TnoasDOiiF (G. B.). Progr. de Lichene Islandico. Eivord., 1778. — E. :.ing. Diss. de quassia
LICHENS (botanique). 537
et Lichene Islandico. Glasgow, 1779. — Crameh (G. G. P.). Diss. inaug. med. de Lichene
Islandico. Erlangen, 1780. — Elzner (G. F.). Progr. duo de Lichene Islandico. Kœnigsberg,
1791 . — Recnault. Observ. on Puhnonavy Consumplion, or an Essay on Ihc Lichen Islandicus.
Londres, 1802. — Proust. Mém. sur le Lichen d'Islande. In Journ. de physique, t. LXXIII,
p. 81. — Du MÊME. Usages aVnnentaircs du Lichen Islandicus. In Annales de chimie, l. LVII,
p. 196. — Berzelius. Recherches sur la nature du Lichen Islandicus. \n Annales de chimie,
t. XC, p. 277, et in Bull, de pliarmacie, t. VI, p. 537. — Uouchaudat. Des préparations
dont le lichen d'Islande est la base. In Annuaire de thérapeutique, 18i5. D. de S.
MCHEIV PlJi.]iiO!VAiRE, LicnEiV DES CIIIEXS, etc. ToHs les lichens
employés en médecine seront étudiés aux mots Cladonie, Collema, Everma,
Lecanora, Peltigera, SpH.Er,ococcus , Ramalina, Us.nea, Variolaria, démembre-
ments de l'ancien genre Lichen.
Le L. Pulmonaire est devenu le type d'un genre distinct. {Voy. Loearia, Sticta,
PcLjiONAiRE DE cuêne). Le L. Pyxiclé et le L. Cocciferiis sont des Scypiiophorus;
le L. Vulpin, unEvERNiA ; le L. Pustuleux, un Gyrophora ; le L. des chiens, un
Peltigera; le L. Agaric {Lichen Agaricus), une Sphérie {voy. ce mot).
Les Lichens tinctoriaux, notamment le L. de Grèce, sont en général des
Roccella. {Voy. Orseille).
LIcnÉ]\liVE. Substance de couleur blanche, ayant la même composition que
l'amidon, mais dure et cassante, soluble dans l'eau, insoluble dans l'alcool et
l'éther. On l'extrait ordinairement du Liclicn d'Islande. L'action de l'eau bouillante,
en se prolongeant, la transforme en dexfrine; celle des acides bouillants, en
glycose, et celle de l'acide azotique la convertit à chaud en acide oxalique. {Voy.
Lichens.) A. D.
LI1'UÉ\IQLE (Acide). Se trouve à l'état de sel de chaux dans certains
Lichens. {Voy. Lichens.)
LIcnÉ\u-STÉARlQL'E (Acide). Cet acide se rencontre dans le lichen
d'Islande. Il a la forme de feuillets cristallins. Insoluble dans l'eau, soluble dans
l'alcool, mais surtout dans l'éther et les huiles. {Voy. Licheks.) .
lilCHElvs 0-si/jiv, dartre). § I. Botanique. Les Lichens sont des plantes
cryptogames cellulaires rapprochées par des caractères communs qui en font un
groupe homogène, mais ce groupe est rattaché aux classes voisines. Algues et
Champignons, d'une manière assez intime pour qu'à diverses époques on ait refusé
aux Lichens les caractères d'une division taxonomique d'importance égale à celle
des Algues et des Champignons. Confondus par les anciens avec les Algues dont ils
représentaient des types à vie aérienne, ils ont été dans ces derniers temps classés
parmi les Champignons dont les rapprochent leurs organes reproducteurs. Linné
rangeait les Lichens dans la division des Algues et les plaçait à côté des hépatiques.
.Tussieu leur conserva cette place et, pour rester fidèle aux affinités qui rapprochent
les Lichens de certaines espèces de Champignons, il introduisit ces champignons
Pezizes, Sphéries, dans le groupe des Algues. Acharius, Fries et les auteurs qui
les ont suivis ont donné aux Lichens une place à part et les ont constitués en
une classe étudiée isolément dans la plupart des traités classiques.
Les Lichens végètent et forment des expansions sèches que l'on rencontre à la
surface du sol, des rochers, des écorces et quelquefois des corps les plus polis,
verre, rails de chemin de fer, etc., qui leur permettent d'être en rapport avec
538 LICHENS (botanique).
l'atmosphère; ils ne sont presque jamais submergés et ne croissent pas comme
les Champignons soit dans l'obscurité, soit sur des substances en putréfaction.
Leur tissu csL uniquement formé de cellules, et, comme toutes les plantes cellu-
laires amphigènes, ils n'ont pas une véritable tige, mais un thalle de forme, de
dimension et de couleur variables. Le thalle se présente souvent comme une croûte
mince, adhérente à son support, devenant quelquelois farineuse et pulvérulente.
Ce thalle, appelé crustacé, a une forme irrégulière déterminée par un liséré de
couleur Ibncée, d'autres fois sans limite précise ou même caché sous l'épidcrme
desécorces (thalle hypophléode). La forme du thalle crustacé est la plus répandue.
Une seconde forme est appelée foliacée et présente l'aspect de lames découpées
à bords plus ou moins profondément lobés ou laciniés et n'adhérant à son support
que par certains points de la surface inférieure. Enfin, chez un plus petit nombre
de genres, le thalle semble prendre un développement acrogène, il s'allonge à
partir de son point d'attache en formant des rameaux arrondis ou aplitis qui se
ramifient; ce thalle est appelé frucliculeux, quelquefois ces deux dernières formes
alternent sur le même individu et donnent au Lichen l'apparence d'un axe portant,
des appendices, c'est l'aspect que présente la Cladonie verticillée.
La dimension des Lichens varie entre des limites généralement restreintes, Ie&
uns sont punctiformes et à peine visibles, les autres ont plusieurs centimètres de
diamètre, les grandes espèces de Peltigcra et de Sticta peuvent avoir jusqu'à
50 centimètres, on cite même des Lichens dont le thalle fruticuleux aurait
atteint jusqu'à une dizaine de mètres (Usnées), mais c'est là un fait tout à fait
exceptionnel.
La coloration est vive chez quelques espèces, plus généralement terne, jaune»
brune, gris verdàtre, plus ou moins lavée ; elle n'est jamais d'un vert franc, sauf
sur la tranche d'un thalle fraîchement coupé. La surface est tantôt lisse et ver-
nissée, tantôt mate et pulvérulente ; l'état de la surface et la couleur peuvent du
reste varier chez certames espèces suivant la composition chimique des corps qui
les portent, bien qu'ils vivent surtout aux dépens de l'atmosphère. Les Lichens,
en effet, ne sont jamais parasites, sauf quelques espèces réduites à un simple
organe de reproduction et qui vivent sur d'autres Lichens.
Quels que soient les aspects et les formes particulières du thalle, on y recon-
naît, si on étudie sa structure, deux sortes de cellules très-différentes : les unes
allongées, incolores, régulièrement cylindriques, ramifiées, à cloisons éloignées,
s'allongeant en filaments que les Allemands désignent sous le nom de hyphes»
elles sont tout à fait comparables aux éléments cellulaires qui forment le tissu des
Champignons; les autres sphériques, isolées les unes des autres de 1/55 à 1/100
de niillimètres de diamètre, ]:résentent tous les caractères de certaines .Mgues ■
unicellulaires et se multiplient, comme elles, par formation intracellulaires de cel-
lules nouvelles ou par gemmation. Ces cellules vertes qui tranchent sur la trame
filamenteuse du Lichen ont reçu le nom de Gonidies. Elles ne constituent le prin-
cipal élément que dans un très-petit nombre d'espèces dont le thalle est géla-
tineux, épais, semblable aux Nostocs et qui ont, avec ce genre d'Algues, la plus
grande affinité. Chez tous les autres Lichens la trame principale est formée parles-
cellules allongées. Ces cellules, très-rapprochées à la surface supérieure, y forment
une première couche appelée corticale, dont la portion superficielle, amorphe,
comme la cuticule des phanérogames, est quelquefois colorée. Les Gonidies ap-
paraissent au-dessous et y dominent de manière à former une deuxième couche
«ppcléo couche gonidiah ; dans les Lichens fruticuleux, cette couche, comme la
LICHENS (botanique). 53^^
précédente, est circulaire. Les Gonidies ont une enveloppe épaisse, elles sont rem-
plies d'un endochrome vert ou vert bleuâtre.
Une troisième couche inférieure, appelée médullaire, est formée par les cel-
lules allongées qui s'enchevêtrent et donnent lieu à un tissu lâche dont les mailles
contiennent de l'air; on y rencontre fréquemment des cristaux d'oxalate de chaux.
La présence de ces cristaux a été indiquée à tort comme pouvant établir une
distinction entre les Lichens et les Champignons ; ces mômes crist:aix se retrou-
vent chez les Clavaires, les Exidies, les Myxomycètes, chez quelques Champignons
il yen a non-seulement dans les espaces intercellulaires, mais même d;\ns l'inté-
rieur des cellules, notamment chez VAgaricus conicus L. Les cellules allongées
des Lichens ont une paroi épaisse, leur calibre est très-petit, elles rappellent les
cellules qui entrent dans la structure du réceptacle de certaines espèces fungi-
ques beaucoup plutôt que les cellules à paroi mince du mycélium. La partie
du Lichen considérée comme l'analogue du mycélium des Champignons est la
couche la plus inférieure appelée hypothalle ; cette couche est fugace, elle ap-
paraît la première à la suite de la germination des spores, et il n'en reste sou-
vent de trace que dans la bordure étroite et foncée qui dessine le contour des
thalles crustacés.
On considère aussi comme faisant partie de l'hypothallc, les Rhizines qui iixent
la plante à son support; ce sont des rangées de cellules qui se détachent perpen-
diculairement à la surface inférieure du thalle et plongent dans le sol où végète
le Lichen. Les Lichens dont le thalle présente, distinctes, les couches qui viennent
d'être éaumérées, ont été appelés héléromères. Lorsque les gonidies et les cel-
lules cdlongées sont entremêlées sans distinction découche, on les dit homœomères.
On a supposé que les gonidies naissaient des cellules allongées, M. Bayrofler a
pensé que l'extrémité de courtes branches latérales des cellules filamenteuses ou
hyphes se gonfle en une petite cellule ronde qui se remplit de matière verte et
s'isole bientôt; les figures qu'à données M, de Bary (Morphol. und Plvjsiol. der
Pilze, Flechlen, und Myxomyceten, 1866, p. 258, 264) paraissent confirmer
cette hypothèse; toutefois on constate très-difficilement les diverses phases de ce
développement et ce que l'on vérifie le mieux, c'est l'adhérence que présentent
quelquefois les gonidies et les cellules filamenteuses; il est donc difficile d'arriver
à une entière certitude.
Chez les gonidies vertes la paroi se colore en bleu sous l'influence de
l'iode, elle ne donne pas cette réaction chez celles qui sont vert bleuâtre, la
paroi des cellules filamenteuses ne se colore presque jamais en bleu, elle jaunit
sous l'influence de ce réactif. Ces deux systèmes de cellules fournissent la sub-
stance gélatineuse qui donne aux Lichens des propriétés médicales adoucissantes,
analogues à celles de beaucoup d'Algues et de Cryptogames assoz éloignées, les
Fougères par exemple. Dans les Lichens qui appartiennent aux Collemacés, l'abon-
dance de la substance gélatineuse parait bien due à la prédominance des gonidies,
mais dans le Cetraria islandica Ach., dans le Spluerophoron Coralloïdes Pers.,
la trame filamenteuse de la couche médullaire traitée par l'eau bouillante
donne une gelée abondante; cette gelée se colore en bleu par l'iode, bien que
la cellule, à l'état frais, n'offre pas cette réaction. La gelée obtenue de cotte ma-
nière est formée par un amidon pariiculier, Tamidon de Lichen ou lichénine, dont
le caractère distinctif de l'amidon ordinaire est précisément de former, dans l'eau
bouillante, une solution gluante au lieu d'un véritable empois. L'amidon ordinaire
se rencontre aussi dans les Lichens comme chez les Algues, et sous ces deux formes
540 LICHENS (botanique).
il constitue, avec une substance azotée spéciale, la partie nutritive essentielle des
Lichens, utilisée soit par Tliomme, soit par les animaux. Suivant Thénard, deux
kilos de farine formée par la pulvérisation du Lichen d'Islande équivalent à un
kilo de farine de blé. Un autre principe, très-répandu chez ces plantes, est le ce-
trarin ou acide cétrarique très-amer, cristallisable, très-soluble dans l'eau et sur-
tout dans une solution de potasse. L'amertume que cette substance communique
aux Lichens est très-prononcée; laVariolaire {voy. ce mot) est remarquable sous
ce rapport et a été employée, ainsi que plusieurs espèces exotiques, comme an-
tipcriodique, tonique et anthelminthique. On utilise enfin les principes colorants
contenus chez plusieurs espèces {voy les articles consacrés à ces espèces et entre
autres : Lecanore, Parelle, Parmélie, Rocelle). Presque toutes les espèces à
thalle crnstacé et un grand nombre d'espèces à thalle foliacé fournissent des cou-
leurs analogues à celles que l'on retire des Pacelles ou des Rocelles.
Quelques espèces passent pour provoquer des purgations ou des vomissements,
mais on n'en connaît aucune de vénéneuse. Le Chiodecton, accusé de contenir de
la brucine, parce qu'il croissait sur l'écorce de la fausse Augustine, a été reconnu
n'être qu'une excroissance de cette écorce elle-même. Ce que les Lichens emprun-
tent au support sur lequel ils vivent est du reste assez difficile à déterminer. Les
Lichens se développent sur des corps qui ne peuvent leur fournir les matériaux
de leur organisation, et il est évident qu'ils ne les tirent que de l'atmosphère, sans
parler de ceux qui, comme le Lecanora esculenta Eversm. {voy. Lecanore), se
développent et s'accroissent sans être attachés à leur support. 11 y a cependant
des Licliens dont la couleur change ou devient plus intense suivant le sol sur le-
quel ils se développent, et il y a une relation bien connue entre l'existence des
oxydes de fer ou de manganèse dans une roche et la couleur des Lichens im-
plantés sur cette roche.
L'action produite sur les rochers par la végétation des Lichens ne saurait, du reste,
se produire sans qu'il y ait assimilation de quelques-uns des principes dissous ou
décomposés par suite de cette action, en particulier de l'acide carbonique lorsque
la plante végète sur un support calcaire. L'humidité entretenue au point où végète
le Lichen, l'introduction des rhizines et les décompositions chimiques résultant
de la végétation du thalle amènent une désagrégation graduelle des roches les
plus compactes. Les Lichens remplissent donc un rôle important au point de vue
de la physiologie générale, ils aident à la formation d'un sol plus propre que la
roche à recevoir les semences des végétaux d'une organisation plus élevée et qui
permet leur développement.
On retrouve les Lichens là où nulle autre plante ne peut atteindre, près des
limites des neiges éternelles et au voisinage des pôles ; dans cette dernière sta-
tion ils sont d'une très-grande utilité, soit en fournissant un aliment à l'homme,
soit en servant de fourrage aux rennes dont l'homme tire un si grand parti. .
A partir de ces points extrêmes on retrouve les Lichens dans toutes les régions
de la terre et sous toutes les latitudes. Quelques espèces qui croissent sur les
rochers, dans les régions froides, se retrouvent sur les écorces dans les forêts
ombragées des régions plus chaudes; un très-petit nombre d'espèces sont liées à
un substratum spécial, en particulier à la résine ou aux écorces résineuses.
Dans les pays très-cultivés, les Lichens sont plus rares et d'une manière générale
leur proportion, relativement aux phanérogames s'accroît à mesure qu'on avance
vers le nord, mais ils sont les seuls végétaux qui présentent un aussi grand nombre
d'espèces répandues dans les régions les plus éloignées entre elles et les plus
LICUENS (BOTANIQUE]. 541
diverses. Ce fait s'observe surtout pour les Lichens saxicoles que l'on retrouve à la
fois sous les tropiques et dans les régions polaires.
Une accommodation pareille à des circonstances atmosphériques si diffci'entes
suppose chez ces plantes une très-grande él;isticité des propriétés vitales; les
Lichens supportent la dessiccation avec une grande facilité; dès qu'ils sont humectés,
ils végètent de nouveau, offrant ainsi un phénomène de reviviscence analogue à
celui que montrent un certain nombre de graines et quelques animaux inférieurs.
Toutefois les Lichens se montrent assez difficiles au point de vue de la pureté de
l'atmosphère. On a remarqué qu'ils semblent fuir les villes et d'après M. Nylander
ceux qu'on y rencontre n'y arrivent qu'à un développement incomplet. Le déve-
loppement des LichenjS pourrait ainsi devenir une sorte de mesure de la salubrité
de l'air et ces plantes fourniraient ainsi au médecin un hygiomètre très-sensible.
En étudiant la végétation des Lichens dans les jardins de Paris, M. Nylander arrive
aux conclusions suivantes relativement au jardin du Luxembourg : « Les Mar-
ronniers de l'allée de l'Observatoire y sont surtout remarquables par les nom-
breux Lichens qui couvrent leurs écorces, et ce, en telle abondance, qu'il faut
aller en dehors de la ville pour trouver quelque chose de semblable. Cette circon-
stance autorise certainement à affirmer que la partie du Luxembourg dont nous
parlons est le heu le plus sain de tout Paris. » {Bull, de la Soc. Bot. de France,
t. XIII, 1866, p. 365.) La durée de la vie chez les Lichens paraît très-longue, et
M. Léveillé s'est assuré que non-seulement le thalle est vivace, mais même le récep-
tacle fructifère, caractère cjne l'on ne retrouve ;t aucun degré chez les Champignons.
Les organes de reproduction les plus apparents ont la forme de réceptacles
arrondis, appelés scutelles ou plus généralement apothécie (Apothecium). Us
sont de petite dimension, mais en général assez apparents à cause de leur colo-
ration distincte, franche, ou même tout à fait différente de celle du thalle. Les
Apothécies connues depuis Micheli (1729) sont disséminées sur toute la surface
du thalle ou sur le bord des expansions foliacées et de ses lobes, ou à l'ex-
trémité de petits supports à forme fruticuleuse, d'autres fois elles sont très-
concaves et enfouies dans le tissu même du thalle. Ce réceptacle ou conceptacle,
toujours formé aux dépens des cellules filamenteuses et ne contenant que peu
de gonidies, est tapissé de cellules dressées parallèles dont les unes étroites, mince"?,
portent le nom de paraphyses, les autres de mèmeforme, mais plus larges, portent
le nom de thèque. Ces thèques contiennent les spores en nombre défini, ordinai-
rement 8, plus rarement 2, 4, 6 et môme de vingt à cent et au delà. Les para-
physes et les thècjues forment par leur ensemble un véritable hyme'nium, semblable
à celui des champignons tbécasporés. (Voy. Champignons.)
L'hyménium des Lichens, souvent appelé thalamium, est pénétré d'une
substance mucdagineuse qui bleuit par l'iode ainsi que le sommet des thèques.
Les spores bleuissent aussi quelquefois mais plus rarement, elles sont tantôt uni-
loculaires, tantôt cloisonnées, tantôt incolores, tantôt colorées. Leurs dimensions
varient depuis 0'"™,00i jusqu'à 0'""',5 dans leur plus long diamètre; elles ont une
double paroi et germent comme les spores des Champignons en émettant nu ou
plusieurs filaments cellulaires cylindriques qui s'allongent, se cloisonnent et se
ramifient. M. Itzigsohn et M. Tulasne ont fliit connaître d'autres organes
auquels on a attribué le rôle d'organes mâles : ce sont les sperviocjonies nui
se montrent comme des points noirs ou foncés, groupés ou disséminés à la
surface supérieure du thalle d'un grand nombre de Lichens ; ces spermo'^ories
sont des réceplables tapissés à leur intérieur par des cellules allongées appelées
042 Lil"
k \£ u El la
stérigmntes ; les stérigmatcs donnent naissance à leur extrémité et le long de
leur paroi à de très-petils corps cylindriques allongés, incolores, appelés sperma-
ties ; les spermaties ne germent pas et possèdent un mouvement de trépidation
très-apparent, on a comparé ces petits corps aux anthérozoïdes de beaucoup de
cryptogames, mais ou n'a jamais pu s'assurer directement s'ils servaient réelle-
ment cà la fécondation. On rencontre encore une autre forme de conceptable
appelé pycnide dans lequel prennent naissance des cellules capables de germer
appelées stylospores. Les spermogonies et les pycnides ne sont pas des organes
spéciaux aux Lichens, ils ont été retrouvés chez les Champignons.
Les Lichens ont encox^e un mode de reproduction qui rappelle les moyens de
propagation agame par bulbilles, bourgeons mobiles, que l'on retrouve chez les
végétaux plus élevés en organisation. Des gonidies isolées ou groupées, entourées
ou entremêlées d'éléments cellulaires allongés du thalle, forment une petite masse
arrondie qui s'isole, se fait jour à travers la couche corticale et peut reproduire
un nouveau thalle s'il est placé dans des conditions convenables; ces productions
ont reçu le nom de sorédies. Les gonidies peuvent du reste s'individualiser et
avoir une vie tout à fait isolée. MM. Faminlsiu et Boranetsky ont observé qu'elles
peuvent donner naissance à des zoospores qui se développent dans l'intérieur de
chaque gonidiede môme que dans certaines Algues unicellulaires. {Voy. Algues).
11 résulte de ces recherches qu'il n'y a aucune distinction possible entre les goni-
dies de plusieurs Lichens {Physcia, Parietina, Cladonia, Evernia), et les Algues
des genres Cystococcus, Protococcus, Palmella. Plusieurs espèces de ces genres
pris pour des Algues ne seraient par conséquent que des gonidies de Lichen vivant
libres et isolées; un fait qui vient à l'appui de cette hypothèse, c'est la faculté
que possèdent d'autres parties des Lichens de s'isoler et de s'individuahser par suite
d'une sorte d'évolution appelée anamorphose, et qui apporte dans la vitalité de
telle ou telle partie des modifications ou des altérations assez importantes pour
au'on ait fondé sur ces caractères anormaux de fausses divisions génériques.
L'hypothalle peut s'allonger en un corps floconneux qui prend une grande pré-
pondérance, le thalle devenir pulvérulent, se désagréger et présenter cet aspect
particulier qui a donné lieu à la fondation du genre Lepraria. Les Âpothécies
s'isolent comme les parties du thalle et se développent librement. On a regardé
aussi les gonidies comme de véritables Algues sur ou entre lesquelles se dévelop-
perait la trame d'un champignon; le Lichen ne serait que le résultat nécessaire-
ment fortuit et variable de ce pseudo-parasitisme. Cette théorie est difficile à ac-
corder avec la persistance d'une forme typique quelconque, les relations toujours
les mêmes des gonidies et de la couche médullaire, le développement des Lichens
débutant non pas par la forme gonidique, mais par l'hypothalle filamenteux vé-
gétant dans des conditions et à des expositions oia l'Algue qui devrait servir de
substratum ne se rencontre guère.
Ce n'est pas ici le lieu d'approfondir cette discussion ; mais ilrésulte de l'étude
précédente que si les Lichens ont de grands rapports avec les Champignons, ils
en ont aussi de très-positifs avec les Algues. Celte fusion si remarquable de carac-
tères empruntés à deux groupes bien définis et tranchés dans leurs types les plus
complets, donne une physionomie très -spéciale au groupe des Lichens et de\ient
un caractère d'assez grande importance pour qu'il soit difficile de ranger les
Lichens parmi les Champignons. Les Lichens forment donc une classe, intermé-
diaire aux Algues et aux Champignons ne contenant qu'une seule famille divisée
en trois tribus correspondant aux trois familles de M. Nylander.
Li ItillLjno ^JlAllbu;:. liiûTijTT^^^^ . O i 5
I. Les Collemacés ou Lichens à thalle très-simple, homœomère, gélatineux. Ou
retrouve dans cette tribu des formes de thalle rappelant les thalles fruticideux ou
foliacés de la troisième tribu. Ephebe, Licliinia, Collema, etc.
II. Les Myriangiacés ne comprenant qu'un genre dont l'organisation plus spécia-
lisée que celle des Collemacés est moins complète que celle du groupe qui suit.
Myriangium.
m. Les Lichénacés comprenant la majeure partie des Lichens se divisent en six
séries secondaires fondées à la fois sur la considération du thalle et des apothé-
cies. Les genres principaux : Calicium, Conocijbe, Bœomyces, *C(adonia,
Stereocaulon, *RocceUa^ *Usnea, Alectoria, *Evernia, *Ra?nalma, *Cetraria,
*Peltigera, *Sticta, *Pormelia, *Physcia, *lj'mbilicana, *Lecanora, *Pertusaria,
Variolaria , Lecidea, Graphis, Opegrapha. Verrucaria, etc. Ceux qui sont
plus particulièrement d'un usage médical ou économique sont désignés par un
astérisque.
Les classifications les plus usitées avant celle-ci, proposée en 1858 par M. Nylan-
der, reposaient, la plus ancienne, celle d'Acharius, sur la situation et les rapports
du fruit ou apothécie avec le thalle, et la plus connue et la plus conmiunéiiient
employée, celle de Fries, sur la nature des apothécies; les unes ouvertes et appa-
rentes au dehors servaient de caractéristique à la division des Gymnocarpes, les
autres incluses dans la substance du thalle caractérisaient celle des Angiocarpes.
Cette classification, tout en réalisant un progrès, ne [)Ouvait plus continuer à
être en usage du moment où l'on s'est aperçu que certains Lichens portaient à
la fois des apothécies ouvertes et des apothécies du type des Angiocarpes. {Voy.
Lichens.) J. de Seykjîs.
BiBLiootiAPHiE. — Une énumérafion très-complète de ce qui a été écrit sur les Lichens a été
publiée en un volume in-S" par M. Krempelluibei- sous ce titre : Geschichtc uml Litte-
ratur dcr Lichenologie, Munich, 1867. Nous renvoyons à cet auteur, en nous bornant à ciler
quelques ouvrages classiques et qvielques mémoires saillants.
MicnELi. Nova ])lantarum gênera. Florenliœ, n'iO. — Hoffmann. Plantœ Uchenosœ. Lipsiœ,
1789-1801. — AcHARius. Lichenographia universalis. Gœttingpe, 1810. — 'W'ali.roth. Naturge-
schichte der Flechtcn. Frankfurt , 1825-'27, — Fée. Cours d'histoire naturelle pharmaceu-
tique, Pai'is, 1828. — Fries. Lichenographia Europea reformata. Lond. Goth., 1X51. —
Endlicher. Enchiridion botanicum. Lipsiœ, 1841. — Montagne. Aperçu morpliologique delà
famille des Lichens. Paris, 1846. In art. Lichen in Dictionnaire d'Orbigny. — Massalongo.
Pdcerche sulV antonomia dei fÀcheni crostosi, 1852. — Tulas.ne. Mémoire pour servir à
l'histoire organog. et physiot. des Lichens, 1852; Ann. des se. natur., 5" sér., t. XVII. —
NïLAKDER. Synopsis mcthodica Lichenum. Paris, 1859. — Pereira. Mat. mcd. Lond. (4° éd.).
— De Bary. Morphol. nnd Physiol. der Pilze, Flechten und Myxomicden. In Handbuch der
phijsiol. Botan. von Wilh. Hofmeister. Leipzig, 1866. — Famixtzin et Boraxetzky. Changement
des Gonidies des Lichens en zoospores. In Ann. des se. natur., 5» série, t. Ylll, 1867. —
Roumeguère. Plantes acotylcdones d'Europe, famille des Lichens. Toulouse, 1868.
Vovez en outre les articles: Cétraire, Cétbarin, Cladome, Collemé, evernie , Erythrixe,
Lecanore, Lichénine, Orcine , Orseille , Parelle, Pauméue , Peltigère, Pertosaire , Physcie,
Ramaune, Rocelle, Rocelline, SiicrA, Usnée, Variolaire. J. de S.
g IL Matière médicale. Les lichens, dont le nom vient de Iti/j/j, dartre,
delà forme croûteuse des expansions de ces plantes, sont intéressants, et comme
médicaments et aliments, et comme substances tinctoriales.
Les propriétés médicinales des lichens sont de deux ordres : ils sont toniques et
doivent cette vertu à une matière amère, ou ils sont nourrissants et analeptiques,
parce qu'ils contiennent un principe qui se rapproche de la fécule. Les mêmes
propriétés paraissent se retrouver, plus ou moins développées, dans tous les lichens
loUacés qui sont à peu près les seuls dont on se serve en médecine. L'analogie
5-44 ijUjunnL.
de leui' composition est même telle que l'on pourrait, sans grand inconvénient,
les employer tous au même usage mais le lichen d'Islande est, de toutes les
plantes de cette famille, la seule qui soit encore fréquemment usitée; aussi pré-
sente-t-elle pour nous un grand intérêt, car ce n'est que dans cette espèce que le
principe amer et le principe amylacé ont été bien étudiés. [Voy. Lichen d'Islande.)
On s'est servi autrefois en médecine de quelques autres espèces de lichen;
plusieurs même ont été fort en vogue, mais ils sont aujourd'hui presque tous
tombés dans l'oubli, tels sont : le lichen pulmonaire ou la pulmonaire de chêne,
qui présente une certaine analogie d'aspect avec le poumon coupé; de là proba-
blement aussi l'idée que l'on a eue de l'employer contre les maladies du poumon.
Sa saveur est plus amère que celle du lichen d'Islande, et, suivant Gnielin, dans
le nord de l'Europe, on l'emploie quelquefois comme le houblon dans la prépara-
tion de la bière. Débarrasse de cette saveur amère, il jouit des mêmes propriétés
que le hclien d'Islande. Il faisait partie autrefois du sirop de mou de veau.
On s'en sert aujourd'hui surtout dans la teinture. Le lichen pyxidé qui est
moins gélatineux que celui d'Islande, moins amer et cependant plus désagréable
au goût; il était employé contre la toux. Le lichen des murailles, qui a été
regardé comme fébrifuge; le lichen des rennes; le lichen blanc de neige; le
lichen contre lavage; le lichen aphtpeux. Ces différentes espèces, et plusieurs
autres, ont, comme nous l'avons déjà dit, quelque analogie dans leur mode d'ac-
tion avec le lichen d'Islande, mais elles sont un peu acres et astringentes, et con-
tiennent moins de principes gélatineux. Cependant, en les lavant et en les laissant
macérer dans l'eau bouillante, on pourrait les priver de leurs principes acres et
astringents, et les emjiloyer à défaut du lichen d'Islande.
On employait aussi autrefois une petite plante que l'on nommait ]]snée du crâne
humain qui a été vantée contre l'épilepsie, et que l'on avait, dit-on, la folie de
payer jusqu'à mille francs les 30 grammes, c'est le lichen saxatilis de Linné
{ParmaliaSaxatilis, Ach.). Ce qui rendait ce lichen si rare était la condition impo-
sée de n'employer seulement que celui qui croissait sur les crânes humains expo-
sés à l'air. On lui substituait souvent un autre petit lichen fdamenteux, le lichen
plicatade Linné [Usnea plicata, DG.).'^Tous deux sont entièrement oubliés.
Aucune espèce de Lichen n'est vénéneuse, et dans les pays pauvres du Nord, ils
sont employés comme matière alimentaire.
Plusieurs lichens fournissent des pnncipes colorants dont on fait un très-grand
usage dans les arts, (Voy. Orseille.) T. Gobley.
LlCOTEXSTEm (Georges-Rodolphe). Médecin et chimiste allemand, né à
Brunswick en 1745, mort à Helmstaedt, le 28 mai 1807. Voici la hste de ses ou-
vrages :
I. Dissertatio de dispositione saliimi, imprimis simplicium atque mixlorum. Helmstœdt,
1769, in-4'. — II. Abhandlung m Milchzucker und den verscliiedenen Arien desselben.
Bi'unswick, 1772, in-8°. — 111. Zweifel vnd Bedenklichkeiten bey der wichtigen Fragn von
der freyen Ausfuhr des Getraides. Brunswiclc, 1772, in-S". — lY. Dubia circà chemiœ in
virUUibus medicamenloritm. entendis jirœstantium. HelmstiBdt, 1773, in-i". — V. Entdeckte
Geheimnisse, oder Erklœrung aller Kunstwœrter iind Redensartem Bergwerken und HiUten-
Arbeiten, naclialphabeLischer Ordnung. Helmstsedt, 1778, in-8°. — VI. Anleitung medicini-
scher Krœuterkunde fur Aerzte iind Apotheker. Helmstaedt, 1782-1780, in-S", 5 vol. —
VII. P. F. Fabricii aniniadversationes varii argutnenti medicas, ex scriptis ejus minoribus
collegit, notisque adjectis edidit. Helmstsedt, 1785-1787, in-4». A. C.
LICORIKE. La licorne, telle que les anciens la concevaient, portant une corne
sur le front, n'existe sans doute pas comme type zoologique. Pallas fait remar-
LICUALA, 545
(fiier que, chez les antilopes, certains individus portent plusieurs cornes, d'autres
n'en possèdent qu'une ; et Guvier, que des antilopes peuvent être réduites à une
seule corne, par monstruosité ou par suite de mutilation. On s'accorde assez
généralement aujourd'hui à penser que la licorne des anciens n'était autre que
l'antilope oryx.
Qu'était cette corne, puisque l'animal qui était censé la fournir n'existe pas?
Quelles étaient ses prétendues propriétés?
Ambroise Paré (L. XXI, c. 47-65) qui, dans un long article sur la licorne, a
contribué plus que personne à reléguer parmi les êtres fabuleux cette <( beste
estrange », fait remarquer que la corne elle-même a été décrite de vingt manières
dilférentes ; et, avec d'autres savants de son temps, il attribue à un grand
poisson de mer, le rohart (narwal), les cornes droites dont on montrait alors
des échantillons. Ce sont en réalité des défenses de narwal, que les Norwégiens
et les Danois rapportaient des mers polaires et vendaient à haut prix comme
cornes de licornes. Ces défenses, qui atteignent quelquefois une hauteur de 8 à
10 pieds, tantôt lisses, tantôt sillonnées de rainures en spirales, sont paires;
mais il est rare que toutes deux se dévelopjient simultanément ; le plus souvent,
l'une d'elles reste à l'état rudimentaire, tandis que l'autre (la gauche d'ordinaire)
s'allonge pour se terminer en pointe mousse.
Quoi qu'jl en soit, on attribuait à cette substance des vertus extraordinaires
contre le mal caduc, le spasme, la peste, la fièvre quarte, la morsure des chiens
enragés et des vipères, les piqûres de scorpions et généralement contre toutes les
plaies venimeuses. II suffisait même de tenir la coi'iie à l'opposite du lieu où se
trouvait le venin po'u^ que celui-ci se découvrît. Sur quoi Paré fait une judicieuse
remarque. Ce sont, dit-il, ces promesses impossibles qui « donnent occasion à ceux
qui ont quelque peu d'esprit, de tenir pour faux tout le reste qui en a esté dit et
escrit. » 11 a, du reste, constaté par re.vpérience que tous ces récits sur les vertus
de ce produit animal n'ont aucune espèce de fondement.
La corne de licorne conservait encore sa réputation au siècle dernier, bien
qu'on connût alors sou origine. Voici ce qu'en dit Lemery dans son Dictionnaire
des drogues (Paris, 1760, in-4», p. 522, article Narwal) : « Elle contient beau-
coup de sel volatil et d'huile. Elle est cordiale, sudorifique, propre pour résister
au venin, pour Tépilepsie. La dose est depuis 1 demi-scrupule jusqu'à 2 scrupules.
On en porte aussi une amulette pendue au cou, pour préserver du mauvais air :
mais il ne faut pas attendre d'effet de cette amulette. » A. D.
MCUAïiA. Genre de palmiers, propres aux régions chaudes des Indes orien-
tales. Ce sont des arbres peu élevés, à stipes marqués d'impressions circulaires,
couronnés au sommet de grandes feuilles en éventail, profondément divisées jus-
qu'à la base en segments tronqués et grossièrement dentés à leur extrémité. Entre
ces frondes, se trouvent des spadices articulés de distance en distance, recouverts
sur les entre-nœuds de spathes incomplètes et se divisant en rameaux spiciformes,
recouverts de fleurs hermaphrodites. Le périanthe des fleurs est à six divisions :
les étamines, en même nombre, sont soudées à leur base en une espèce d'urcéole;
des trois ovaires, deux avortent d'ordinaire et se réduisent à deux petites écailles;
le troisième devient, à la maturité, un drape sous-globuleux, jaune-orangé ou
purpurin, qui contient dans la graine un albumen, creusé sur la face centrale
d'une cavité et portant l'embryon sur sa face opposée.
Les feuilles du Licuala et particulièrement du Licuala spinosa de Java, sont.
DICT. ENC. 2' s. IL 55
546 • LIEBENSTEIN (eaux MINÉRALES de).
employées à divers usages à cause de la résistance de leurs fibres. Les naturels s'en
servent en guise de papier pour faire leurs cigarettes. En Europe, nous recevons
enveloppés de ces feuilles, les Sangdragons, désignés sous les noms de Sangdra-
gons en baguettes et en olives.
RuMPHius. Herb. Amb., l, p. 44, tab. 9. — |Blume. Rutnphia, II, p. 37 et suiv., tab. 89 à 93
1
OEBEi^STEiiv (Eaux minérales et cure de petit-lait de), athermales, bicar-
bonatées calciques et ferrugineuses faibles, carboniques fortes, sulfureuses
faibles. Dans la Saxe-Meiningen, est un bourg de 700 habitants, bâti dans la
belle et riche vallée de Lawerra, à 312 mètres au-dessus du niveau de la mer,
au pied du Thuringerswald et de la forêt de Rôn (chemin de fer du Nord,
Mannheim, Francfort et Elsnach). Le climat de Liebenstein est assez doux,
quoique en général les matinées et les soirées y soient assez fraîches. Les
promenades les plus fréquentées sont l'Erdfall, excavation naturelle dominée de
tous côtés par des blocs de rochers qu'ombragent de beaux arbres. L'Erdfall
se compose d'une grotte que l'on illumine les jours de fête et d'une sorte
de cà\e [felsenkeller) où l'on fait rafraîchir les boissons. Le château fie Lieben-
stein est à un peu plus de 1 kilomètre de l'Erdfall, mais des sentiers agréables
et faciles parcourent les bosquets et les jardins qui séparent ces deux prome-
nades. L'excursion la plus rapprochée et la plus suivie est celle de Wilhelmsthal,
résidence d'été du duc, dont le château est entouré d'un beau et grand parc. La
Wattburger, l'Inselberg, à 1 myriamètre de Liebenstein, offrent un panorama
magnilique, que les baigneurs ne manquent pas d'aller voir. La saison s'ouvre le
1" mai et finit le 15 septembre. Deux sources alimentent l'étabhssement : on les
nomme la Vieille source (Altquelle) et la. Nouvelle source (Neuequelle). Cette der-
nière est seule importante à connaître, car la Vieille source, connue dès 1615,.
est aujourd'hui presque entièrement abandonnée. La Nouvelle source émerge des
couches inférieures du carbonate de chaux, dans un terrain où l'on rencontre des
granits, des porphyres, des basaltes, des micaschistes, des grès et de la dolomie;
on l'a trouvée en 1846, après avoir pratiqué un sondage de 35 mètres de profon-
deur. Son eau est Umpide, incolore, d'une odeur légèrement sulfureuse, d'une
saveur agréable, quoiqu'elle soit un peu salée et surtout ferrugineuse. Des bulles
gazeuses, les unes grosses et rares, les autres très-fines et très-nombreuses, tra-
versent cette eau et font que sa surlace semble être toujours en ébulhtion. La
température de l'eau de la Nouvelle source n'est pas constante, elle est de 10"
centigrade en moyenne; sa densité est de 1,0025. La dernière analyse a été
faite par le professeur Reichardt, qui a trouvé, dans 1000 grammes d'eau, les
principes suivants :
Bicarbonale de chaux 0,5910
— magnésie 0,205'
— manganèse 0,0124
— protoxyde de fer ........... . 0,0775
Chlorure de sodium 0,24:71
'.'. — lithium 0,0044
'■ Sulfate de potasse 0,0052
— soude 0,0109'
— magnésie 0,1841
— chaux 0,0295^
Alumine 0,0008
Acide silicique • 0,0275
Total des matières fixes 1,3941
Gaz acide carbonique 10 cent, cubes 1342:
LIEBENZELL (eaux minérales de). 547
L'établissement minéral de Liebenstein appartient au gouvernement, qui l'ad-
ministre; il renferme des salles de conversation, de danse, de jeu, outre la bu-
vette, les cabinets de bains et de douclies. On peut y suivre une cure de pelit-lait
et y prendre des bains composés d'une décoction d'aiguilles de sapin.
Mode d'administration et doses. Les eaux de Liebenstein sont prescrites en
boisson, en bains et en douches d'eau. La dose à Tintérieur est de trois à huit
verres, pris le plus souvent le matin à jeun et à un quart d'heure d'intervalle. Cette
eau est quelquefois employée pendant les repas, seule, et le plus souvent coupée
d'une certaine quantité de vin. La durée des bains est d'une heure en général,
lorsqu'ils sont exclusivement composés d'eau minérale artificiellement chauffée ;
ils sont d'une demi-heure ordinairement, lorsqu'on les additionne d'iuie certaine
quantité d'eau mère fournie par les salines de Salzungen [voij. ce mot), qui sont
voisines de Liebenstein. Les douches sont administrées pendant un quart d'heure
ou vingt minutes.
Emploi thérapectique. Lorsque les personnes dont le système sanguiu est
prédominant font usage pendant un temps, même assez peu prolongé, des eaux
de Liebenstein, elles ne tardent pas à éprouver des phénomènes leur indiquant
qu'il est prudent de ne pas continuer la cure minérale. Ainsi elles ont des maux
de tête, des étourdissemenls, des bourdonnements d'oreilles, des envies de dormir
pendant le jour, de l'agitation et de l'insomnie pendant la nuit, etc., qui sou
un avertissement certain de l'inopportunité de l'administiatioa de la source
Nouvelle. Les sujets, au contraire, faibles ou épuisés par une longue maladie,
par une anémie ou une chlorose, sont promptement reconstitués, par l'usage inté-
rieur surtout de cette eau ferrugineuse. Ces effets physiologiques principaux
suffisent pour renseigner sur les indications et les contre-indications de l'eau de
Liebenstein, dont l'action curative a beaucoup d'analogie avec celle des eaux fer-
rugineuses carboniques de Schwalbach, de Pyrmont, de Driburg et de Spa. ( Voy. ces
mots.) Il est utile d'ajouter cependant que les eaux de Liebenstein, qui sont
légèrement sulfureuses, conviennent mieux que celles que nous venons de nommer
toutes les fois que les chloro-anémiques ont des manifestations cutanées.
Durée de la cure. De 25 à 30 jours.
On exporte peu l'eau de Liebenstein. A. Rotdreah.
Bibliographie. — Schwerdt. Liebenstein Mineralbad. Gotha, 1854. — DyEnxEn. Bas Mineral-
bacl undMolkenanstalt zu Bail Liebenstein , in Thilrinyen. In Balneologische Zcilung, t. I.
— JoANNE et Le Pileur. Bains d'FAirope, guide descriptif et médical. Paris, 1860, in-12
p. 78-80. A. R.
LIËBE\'ZEliL (Eaux minérales et cure de petit-lait de), hijpothermales,
chlorurées sadiques et bicarbonatées ferrugineuses faibles , carboniques moyennes.
Dans le Wurtemberg, dans la forêt Noire, au pied du Schlossberg, que couronnent
les ruines d'un vieux château du moyen âge qui avait été bâti sur les restes d'une
forteresse romaine, à 286 mètres au-dessus du niveau de la mer, se trouve la
petite ville de Liebenzell, peuplée de 1050 habitants et construite sur la rive droite
de la Nagold (chemin de fer de l'Est, Strasbourg, Kelh, Durlach, Pforzheim, Wild-
bad et Liebenzell). Les pics des montagnes qui dominent la vallée ont plus de
600 mètres d'élévation ; le torrent qui descend de ces sommets forme, au milieu
de la ville, une pièce d'eau dont le courant met en mouvement un moulin et une
usine. Le climat est très-doux ; il permet de commencer la saison dès le 15 mai et
de ne la finir que le 15 octobre. Le séjour de Liebenzell est très-agréable, en raison
548 LIEBEINZELL (eaux minérales de).
des promenades et des excursions que les baigneurs peuvent y faire. Le château
est au confluent de la Nagold et du Lagenbacli; la Monakam et sa belle église;
les ruines de l'ancienne abbaye des bénédictins d'Hirsau; le petit centre indus-
triel et commercial de Calw, dont les maisons à pignons pointus et l'ancien cliâ-
teau ont un cachet original; Weil-die-Stadt ; les sept chênes, près de Gninbach,
d'où l'on découvre la vallée du lîhin jusqu'à Spire, les montagnes des Vosges de
rOdenwald et du Taunus; les villes laborieuses de Pforzheim et de Neuenburg,
sont les curiosités les plus fréquemment visitées par les hôtes de Liebenzejl. Trois
sources, connues très-anciennement et probablement dès l'époque de l'occupation
romaine, ainsi que l'indiquent les monnaies, les poteries et les fûts de colonnes
découverts aux environs, émergent du granit et du grès bigarré, comme les eaux
de Baden-Baden et de Wildbad, qui en sont les plus rapprochées. Le débit des trois
sources en vingt-quatre heures est de H 0,000 litres environ. Cette eau est limpide,
sembb peu gazeuse, n'a aucune odeur et presque aucun goût lorsqu'elle est à
sa température native ; mais lorsqu'on la laisse se refroidir, elle a un goût fade et
elle affecte légèrement la membrane pituitaire, à cause du gaz hydrogène sulfuré
qu'elle laisse dégager. La température de l'eau des trois sources de Liebenzell
varie de 21",7 à 25° centigrade. Une série d'observations faites régulièrement
pendant un siècle, de 1 747 à 1848, a démontré les oscillations que nous venons
d'indiquer; la densité de l'eau est de 1,001526. Sigwart a fait, en 1853, l'ana-
lyse de l'eau de Liebenzell; ce chimiste a trouvé, dans 1000 grammes, les prin-
cipes suivants :
Chlorure de sodium avec traces de chlorure de magnésium. 0,6692
Carbonate de soude 0,1041
— chaux 0,1067
— oxyde de fer 0,0130
Sulfate de soude 0,0794
Silice U,0o35
Total des matières fixes 1,0''257
Total des matières fixes
Gaz dégagé par l'eau des sources, sur 100 parties:
Acide carbonique
Acide carbonique 51,58
Azote 24,44
Oxygène 4,25
Total des gaz 100,00
Liebenzell a deux établissements thermaux : l'un se nomme le Bain supérieur,
et l'autre, le Bain inférieur. Une seule source ahmente le premier, les deux
autres se rendent au second, l'une de ces dernières est très-peu abondante et
sert exclusivement en boisson. L'eau du Bain supérieur fait monter la colonne du
thermomètre de 25°, 2 à 25" centigrade, tandis que la température des deux sour-
ces du Bain inférieur ne s'écarte qu'entre 21", 7 et 23" centigrade seulement.
L'eau de Liebenzell est employée en boisson , en bains et en douches ; on peut
suivre encore à cette station des cures de lait et de petit-lait qui n'offrent rien
de spécial et sur lesquelles nous n'avons rien à dire de particuUer.
Emploi thérapeutique. L'eau de Liebenzell, prise en boisson, en bains et en
douches, active très-notablement les fonctions de la peau, mais elle diminue
le nombre et la force des battements du cœur et des artères ; elle calme aussi le
système nerveux ; elle est très-sensiblement diurétique. Le docteur Hartmann as-
sure aussi « qu'elle agit encore en facil.tant, soit dans l'ensemble de l'économie,
soit seulement dans les organes malades^ la nutrition et par suite l'assimilation. »
Cette eau est principalement utile dans les maladies des femmes, aussi désigne-
LIEBWERDA (eaux minérales de). 549
t-oii souvent dans le pays cette station thermale par la dénomination de Frauen-
bad, lorsque ces maladies reconnaissent pour cause un trouble nerveux ou une
affection utérine accompagnée ou non accompagnée de stérilité, d'hystérie et^ de
chlorose. Les eaux de Liebenzell d'ailleurs, dont la température, les propriétés
physiques, chimiques, et les indications, thérapeutiques se rapprochent telleiiient
de celles de Sciilangenbad, que nous renvoyons à ce mot pour les autres détails.
Durée de la cure, un mois, en moyenne.
On n'exporte pas les eaux de Liebenzell. A. Rotureau.
BiBuoGRArniE. — Hartmann. Liehenzell. Stuttgart, 1852. — Bulneologische Zcitung,
t. Il et III. — JoANNE (Ad.) et Le Pileur (A.). Les bains d'Europe, guide descriptif et
médical, etc. Paris, 1860, in-12, p. 80-81. A. R.
LiEBERHUEniv (Joh.-Nathanael), peut être regardé comme un des fondateurs
de l'anatomie niicrographique. 11 était né à Berlin le 5 septembre 1711 , et se livra
d'abord à l'élude de la théologie pour obéir aux desseins de son père, qui le desti-
nait à l'Éghse, mais il avait cédé en même temps à la vocation qui l'entraînait
vers les sciences naturelles , et il suivit avec ardeur les cours de physiijue, de
botanique et d'anatomie que le célèbre Hamherger donnait à léna. Devenu libre
de ses déterminations à la mort de son père, il s'adonna entièrement aux études
de son choix, et avant même' qu'il fût reçu docteur, sa renommée était assez
grande pour qu'on le jugeât 'digne d'être admis à l'Académie des Curieux de la
nature, où il entra sous le nom de Dédale. C'est seulement dans le cours des
voyages qu'il entreprit dans l'intérêt de son instruction qu'il prit le bonnet de
docteur à Leyde, en 1759. Pendant le séjour qu'il fit à Londres, la Société royale
se l'attacha comme membre. Enfin il retourna à Berlin, et il y remplit les fonc-
tions de membre du conseil supérieur de médecine. Une mort prématurée l'enleva
à la science, le 7 octobre 1756.
Lieberkiihn, nous l'avons dit, appliqua avec succès le microscope à l'étude de
l'anatomie; on connaît ses belles recherches sur la muqueuse de l'intestin, ses
observations sur les villosités dont il s'efforça de démêler la structure intime, sur
les glandes tubuleuses qui portent son nom. Pour observer la disposition et la
répartition des vaisseaux dans les organes, il eut recours, le premier, aux injec-
tions avec une substance métallique, puis détruisant le parenchyme à l'aide d'une
liqueur dissolvante, il laissait le réseau vasculaire à nu. L'instrument dont il se
servait avec tant d'habileté, le microscope, lui doit d'heureux perfectionnements.
Il a consigné ses recherches dans les opuscules suivants :
I. De valvula coli et usu processus vermicularis (dissert, inaug.). Lugd. Batav , 1759,
in-S", et in Disputât, anat. de Haller, t. I. — II. De pilis intestinorum. Ibid., 1759, 111-4°. —
III. De fabrica et aclione villorum intestinorum tenuium. Ibid.. 1745, in-i°, pi. 3. — IV.
Description d'un microscope anatomiquc. In Mcni. de VAcad. des se. de Berlin, 17i5. —
V. Sur les moyens propres à découvrir la construction des viscères. Ibid., 1748. — \"I. Les
ouvragées de Lieberkûhn ont été rassemblés par Sheldon sous le titre: Joli. Natli. Lieber-
kiihn anatomici, dum viveret summi et medici ezperientissimi, Dissertationes quatuor.
Oninia nunc primuni in unum collecta, etc. Lond , 1782, in-4''. E. Bod.
1 LI£BW£RDA (EaUX JIIiNÉRALES, BODES ET CURE DE PETIT-LAIT DE) alhsrmaleS,
iamétaUites, ferrugineuses faibles, carboniques fortes. En Autriche, dans la
Bohême, dans la vallée de Riesengebirge, à la base du versant nord de Tafelfichte,
émergent les quatre sources de Liebwerda de terrains primitifs composés de gra-
nit, de micaschiste, de gneiss, de schiste argileux, de calcaire primitif et
de quartz. Ces sources , connues dès le commencement du quinzième siècle,
550 LIERRE (botanique).
ont reçu les noms de Christiansquelle ou Trinkquelle (source de Clirisliau ou
source de la Buvette), de Josefinenquelle (source de Joséphine), de Stahlbriainen
(source Ferrugineuse) et de Wilhelmsbrunnen (source de Guillaume) . Deux de ces
sources sont seules importantes à connaître ; la Trinkquelle et la Stalilbrunneu.
Nous les aurons particulièrement en vue en décrivant leurs propriétés physiques
et chimiques. Leur eau est limpide, très-pétillante, d'une saveur aigrelette très-
agréable; elle rougit instantanément les préparations de tournesol ; sa température
est de 10° centigrade à la Trinkquelle, et de 11°, 2 centigrade à la Stahlbrunnen.
La densité de la Trinkquelle est de \ ,0009, celle de la Stahlbrunnen est de i ,0027.
Le débit des quatre sources est de 1,716,000 litres en vingt-quatre heures. Reuss
a trouvé que 1 ,000 granmaes de l'eau de la Stahlbrunnen contiennent les prin-
cipes suivants :
Carbonate de magnésie 0,2950
— soude 0,0868
— chaux 0 0725
— oxyde do l'cr 0,0954
Sulfate de chaux 0,0752
— soude 0,0130
Chlorure de sodium 0,0057
Sihce 0,0101
Total des matières fixes 0,6555
Gaz acide carbonique 0,696 litre.
L'eau de la Trinkquelle contient une plus grande quantité de gaz , mais moins
de carbonate d'oxyde de fer.
La station de Liebwerda est aussi très-connue par ses cures de petit-lait.
Emploi thérapeutique. Les eaux de Liebwerda sont légèrement excitantes
par le gaz acide carbonique qu'elles contiennent , apéritives, toniques et reconsti-
tuantes à cause du bicarbonate de fer qui est la partie active de leur minéralisa-
tion. Elles sont principalement fréquentées par les convalescents, les anémiques
et les chlorotiques ; les malades auxquels une cure par le petit-lait a été prescrite,
trouvent à Liebwerda une organisation bien entendue et une installation complète-
La durée de la cure est d'un mois, en général.
On exporte les eaux de la Trinkquelle de Liebwerda. A. Rotureau.
Bibliographie. — Osann. Darstellung des bekannten Hetlquellen. Berlin, 1841, in-8°. —
.ToANxE (Ad.) et Le Pileur (A.). Les bains d'Europe, guide descriptif et médical, etc. Paris,
1860, in-12, p. 82-83. A. R.
JLIE\11VE. Corps cristallisable qui se trouve dans la rate. [Voij. Rate.)
LIEIVTERIE (de >eto;, lisse, gHssant, et èv-zpo-j, intestin). Diarrhée dans la-
quelle les aliments sont rendus sans être digérés. {Voy. Diarrhée, Dïsenterie.)
LIER^'E. L'un des noms vulgaires de l'Herbe-aux-Gueux [Clematis Vitalba
L.). Voy. Clématite.
L,IEKRE (ffecZeraL.). §L Botanique. Genre de plantes, de la famille des
Araliacées, dont les fleurs, réguhères et hermaphrodites, présentent les caractères
suivants. Leur réceptacle, concave, en forme de bourse, renferme l'ovaire, tandis
que les bords de cette bourse supportent le périanthe et l'androcée, dits pour cette
raison épigynes. Le calice est peu visible, représenté par cinq petites saillies en forme
de dents. La corolle est formée de cinq pétales, alternes, caducs, valvaires dans le
LIERRE (botanique). 551
Iboiiton. Les élamincssont au nombre de cinq, alternes avec les pétales, formées
chacune d'un filet libre, et d'une anthère biloculaire, introrse, puis oscillante,
déhiscente par deux fentes longitudinales. L'ovaire infère est à cinq loges, super-
posées aux pétales, ou à un nombre moindre de loges (de deux à quatre), avec
un seul ovule descendant, inséré en haut de l'angle interne de la loge, anatrope,
avec le micropyle tourné en haut et en dehors, coiffé d'un obturateur formé par
un épaississement du funicule ovulaire. Le fruit est une drupe à noyaux minces,
qui renferme une ou quelques graines, dont les téguments recouvrent un albumen
charnu abondant, ruminé, et dont le sommet contient un petit embryon à radicule
supère. Les Lierres sont des arbustes, souvent grêles, sarmenteux, se soutenant
€t s'attachant aux objets voisins, à l'aide de crampons ou racines adventives impar-
faites, nées sur les branches. Dans le sol, ces racines deviennent plus développées.
Les feuilles sont alternes, sans stipules. Les fleurs, portées sur des branches
libres, non adhérentes, et dont les feuilles ont une forme spéciale, sont disposées
en ombelles, simples ou composées, dont la base est entourée d'un involucre
formé de plusieurs bractées.
: L'espèce employée en médecine est le Lierre commun ou L. d'Europe,
L. grimpant, L. en arbre {Hedera Hélix L., Spec, 292). C'est un arbuste
sarmenteux, atteignant quelquefois de fortes dimensions en hauteur et en
épaisseur, car son tronc peut devenir aussi gros que le corps d'un homme.
.Ordinaii'ement, ses tiges et branches grêles s'appuient et s'attachent aux rochers,
Wbres, murailles, etc., à l'aide de crampons, c'est-à-dire déracines adventives
incomplètement développées, et qui prennent tout leur accroissement quand
ila plante s'appuie sur un sol humide. Les feuilles sont alternes, pétiolées, per-
îsistantes, luisantes et d'un vert foncé en dessus, plus pâles et plus ternes en
dessous. A la parlie inférieure des tiges, elles sont profondément lobées, avec
3-5 lobes largement triangulaires, plus ou moins profondément laciniés dans cer-
taines variétés. Sur les branches qui deviennent libres, et qui souvent portent
des fleurs, le limbe devient entier ou à peu près, ovale-aigu ou presque rhomboï-
dal, arrondi à la base. Les fleurs sont réunies en ombelles presque globuleuses
à la partie supérieure des rameaux. Leur calice est court, inséré sur un récep-
tacie vert et velu ou pubescent. La corolle est verdàtre, à pétales larges et tron-
4jués à la base, d'abord rapprochés en cône, puis étalés, réfléchis, parcourus sur
leur ligne médiane par une côte saillante. Les étamines ont un filet court et une
anthère médio-dorsifixe, jaune, un peu cordée à la base. Le fruit est presque glo-
ibuleux, de la grosseur d'un pois, couronné d'une cicatrice circulaire, inégale, qui
répond à l'insertion du périanthe. Sa couleur est presque noire, et sa pulpe a une
teinte pourpre noirâtre très-foncée. 11 renferme de une à cinq graines. Le lierre
grimpant fleurit en automne ; il croît de préférence dans les heux sombres, om-
bragés, sur les vieux troncs, sur les édifices en ruine. Toutes ses parties sont
douées d'une odeur caractéristique.
Le Lierre commun a été fort employé en médecine. Les propriétés nombreuses
que lui attribuaient les anciens s'appliquent souvent à d'autres plantes. Ainsi
Pline a, d'après Des vaux, confondu le Lierre avec le Ciste, trompé qu'il fut par la
ressemblance des noms Cistos et Cissos (Kto-o-ôj) ; ce dernier était celui du Lierre.
Le Lierre était la plante consacrée à Bacchus. « (Lyarre a été surnommé Dionysia,
c'est-à-dire Bacchique, prenant ce nom de Bacchus, qui le premier apporta Lyarre
des Indes en Grèce ; ou parce que il luy est voué et dédié. Car tout ainsi que
Bacchus est tousiours ieune, aussi le Lyarre est tousioiirs verdoyant. Et tout ainsi
552 LIERRE (emploi médical).
que le Lyarre lie toutes choses qu'il cmpongue : ainsi Bacchus tieul, enserre et
lie l'esprit des hommes. » [Fuchs (L.), Hist., 294.] On admettait alors plusieurs
espèces de Lierre : « Lyarre droict et royde, se soutenant seul, entre loules au-
tres espèces, ha este nommé Cissos : par le contraire, celuy qui se traîne par
terre ha esté appelé Chamœcissos. » Dioscoride distinguait plusieurs espèces de
j Lierre; « mais en général, ajoute Fuchs, il n'y en ha que trois. L'un est blanc,
I à cause qu'il porte poinct blanc : et celuy est appelé de Pline, Lyarre femelle.
• L'autre est noir, portant ses bayes et fruicts noirs : et selon Phne, c'est le masle.
Cette espèce s'aUie volontiers es murailles. » Ce dernier seul, on le voit, peut être
notre Lierre. Pour les anciens, il était acre, astringent, il guérissait les brûlures,
les céphalalgies, l'odontalgie, les maux d'oreille, les ulcères, les taches au visage,
la punaisie, l'aménorrhée, etc. Ce n'était pas une plante sans action, car elle pou-
vait produire la stérilité, et, à trop forte dose, « engendrer imbécillité et foyblesse
de corps, et troubler l'esprit. » On sait combien l'on est actuellement revenu de
tout cela; mais le Lierre n'est pas complètement abandonné.
On a longtemps employé en médecine une résine extraite du Lierre, la gomme
hédérée ou gomme de Lierre. Elle découle naturellement du tronc des vieux
Lierres, dans les jiays chauds, ou bien l'on favorise son écoulement à l'aide d'in-
cisions, et on la laisse durcir à l'air. On l'emploie souvent en fumigations. C'est,
d'après Guibourt, un mélange de résine et de gomme; il lui conserve néanmoins
le nom de résine de Lierre, parce que c'est la portion résineuse qui seule est
utile. Dans le commerce, cette substance est souvent en morceaux d'un brun
noir, opaque, caractères dus à la croûte qui les recouvre; mais à l'intérieur ils
sont transparents, vitreux, d'un rouge orangé, inodores et d'une saveur mucila-
gineuse. Cette portion intérieure se gonlle dans l'eau et s'y dissout en partie
comme la gomme arabique. Ailleurs la masse est mêlée de fragments d'écorce
rougeàtre et de petits grains rouges brillants de résine. La résine décrite par
de Meuve et Lémery a une cassure vitreuse, une couleur bien rouge, une forte
odeur de résine Tacamaque et de graisse rance. On a proposé de la substituer à
la myrrhe. Ce doit être, dit Guibourt, une substance assez active. Pelletier a donné
une analyse de la résine de Lierre (in Bidl. Pharm., IV, 504). On sup|ose qu'il
a opéré sur celle qui est mélangée de fragments d'écorce, et qui se compose, sui-
vant lui, de :
Gomme 7
Résine 23
Acide malique, cic 0,30
Ligneux très-divisc 69,70
100,00
Guibourt a vu que, sous l'influence de l'acide azotique, cette résine ne se com-
porte ni comme les véritables gommes, ni comme les l'ésines, ni comme le ligneux.
Il suppose donc qu'elle renferme un nouveau principe immédiat que son inaltéra-
bilité pourrait faire rechercher pour la teinture.
Le L. de Saint- Dominique est le Bignonia IJngids L. [Voy. Bignoke).
H. Bn.
L., Gen., n. 238 (part.). — G^btn., DeFruct., I, 130, t. 26. — DC, Prodr., IV, 216 —
Endl , Gen. , n. 4560. — Rien. (A..), Elém., éd. 4, II, 104. — Mér. et Del., Dict., III, 456.
— GiiB., Drog. simpL, éd. 4, 111, 183. — Cazin, Traité prat. et rais, des pi. médic, éd. 5,
583. — Benth. et IIook., Gen., 046, n. 55. — Mo(3.-TA^'D , Bot. médic, 196, 552.
§ II. Emploi médical. Toutes les parties du lierre ont été employées en
médecine.
LIERRE (emploi médical). ' 555
Les parties les plus usitées sont les feuilles, et ensuite les baies; les unes et
les autres s'emploient : en nature, pour infusion, décoction; en poudre.
Le bois sert à fabriquer des pois à cautère.
Vécorce a été prescrite en décoction.
h'hédérine, ou résine de lierre, paraît pouvoir se prêter aux mêmes préparations
que les autres gommes-résines. Elle entre dans Voncjuent d'AUhea et duus le
Baume de Fioravanti.
Action physiologique. L'hédérine possède des propriétés excitantes, analogues
à celles des autres gommes-résines odorantes; d'après Stahl, elle aurait électivité
d'action sur l'utérus et agirait comme emméiiagogue. L'écorce de lierre, selon
qu'elle contient plus ou moins d'hédérine, a des propriétés semblables à celles de
cette gomme-résine, mais toutefois plus faibles. Les feuilles ont une saveur amère
et nauséeuse. Leur action, un peu excitante, semble aussi avoir de l'analogie avec
celle des toniques amers. Les baies ont, à l'état frais, une saveur acidulé qui de-
vient amère et un peu acre après la dessiccation ; elles sont éméto-catbartiques, et
susceptibles, si on en abuse, de produire des accidents.
Action thérapeutique. On ne se sert plus guère des ieuilles de lierre qu'à
l'extérieur. Leur usage est très-répandu pour le pansement des cautères dont elles
excitent un peu la suppuration en même temps qu'elles maintiennent le pois et
protègent les autres pièces du pansement. Leur décoction, aqueuse ou vineuse, a
été conseillée pour tonifier les ulcères indolents, et dissiper diverses aflections
chroniques de la peau. On lui attribue aussi une certaine efficacité contre la gale
et la teigne. Cazin dit l'avoir vue utile contre les brûlures du premier et du
deuxième degré. Les feuilles de lierre, cuites et formant cataplasmes, ont été em-
ployées avec avantage contre les engorgements froids, surtout contre ceux des
mamelles; on a recommandé ces cataplasmes pour arrêter la sécrétion du lait.
L'écorce de lierre était considérée autrefois conmie excitante, altérante et fon-
dante, et on l'administrait contre la sypbilis et les dartres.
Les baies sont souvent emplo;)ées par les paysans, d'après Cazin, au nombre de
dix à douze, comme purgatif; elles agissent sous ce rapport assez violemment et
peuvent, comme nous l'avons dit, devenir dangereuses. Boyle les administrait
cependant, à plus hautes doses, comme sudorifiques, pratique condamnée par
Hoffmann et Simon Pauli; et ce n'en fut pas moins comme telles qu'on les pres-
crivit dans la peste de Londres, pulvérisées et délayées dans du vinaigre. Elles
ont eu aussi quelque emploi, et encore dans les campngnes, contre les fièvres
intermittentes. Somme toute, et malgré une certaine activité, les feuilles et les
baies de lierre ne paraissent pas avoir une grande valeur thérapeutique. Peut-être
n'en serait-il pas de même de l'hédérine; mais il faudrait des observations sé-
rieuses, des apphcations suivies, pour être fixé à son égard. Ses propriétés exci-
tantes, fondantes, emménagogues, par exemple, demanderaient à être étudiées de
nouveau. 11 eu doit être de même des propriétés qu'on lui prête comme épilatoire,
antiparasitaire (particulièrement contre les poux de tête), antiodontalgique, et
curative ou préventive de la carie dentaire. A ces divers titres, elle paraît avoir
beaucoup d'analogie avec la myrrhe. Dans l'industrie, on s'en sert pour fjire des
vernis.
Doses et modes d'administration. A l'intérieur, infusion ou décoction det
.feuilles, 4 à 8 grammes pour 1 litre d'eau ; poudre, 1 à 2 grammes. Poudre des
baies, 30 centigrammes à 1 gramme. A l'extérieur, 10 à 20 et 30 grammes en
décoction, pour lotions, fomentations, cataplasmes.
554 LIERRE TERRESTRE (emploi médical).
LBEÏSBSE TEBÎKBiS'B'ESE. § I. Botaniciue. (Foy. Cataiue, GlÉCHOME, NetETA.)
g 11. EoBipïoî inétlical. Les parties usitées sont les feuilles et les sommités.
Le lierre terrestre a une odeur forte, aromatique, mais peu agréable: sa saveur
est balsamique, chaude, amère, un peu astringente; la dessiccation diminue ses
propriétés ; aussi cotte plante doit-elle être séchée à l'ombre et avec soin. Son
analyse n'a été faite que très-incomplétement ; les deux principes les plus impor-
tants qu'on y a reconnus sont une huile essentielle et une matière résineuse
amère. Elle contient aussi du tannin; son infusion noircit par le sulfate de fer.
La préparation la plus ordinaire est l'infusion ; 10 à 20 grammes de feuilles
pour 1 htrc d'eau.
Viennent ensuite le suc et le sh^op.
Quant aux autres préparations : poudre des feuilles, coiuerve, extrait, tein-
ture alcoolique, eau distillée, elles ne sont plus employées.
Le lierre terrestre entre dans la formule de plusieurs espèces béchiques.
Action physiologique. Le lierre terrestre fait partie du groupe des labiées
amères aromatiques; comme elles, probablement, il contient plus ou moins de
camphre. En conséquence il est à la fois tonique, excitant, antispasmodique. Ces
modes d'action ne se limitent pas aux organes respiratoires, comme pourrait
porter à le penser sa réputation vulgaire dans le traitement des maladies de poi-
trine, mais s'étendent aux organes digestifs, aux organes génito-ur inaires; il peut
donc se comporter comme agent béchique, anticatarrhal, stomachique et diuré-
tique. Il passe en outre pour être un peu astringent, ce qu'il doit au tannin, et
vermifuge, ce qui dépend probablement de son huile essentielle et de sa résine
amère. Mais quelque variées que soient ses propriétés, toutes ne semblent s'exer-
cer qu'à un degré plus ou moins modéré et ne constituent qu'un médicament
auxiliaire dans la thérapeutique des maladies contre lesquelles on l'a préconisé.
Action thérapeutique. Le lierre terrestre partage avec le lichen d'Islande la
vogue populaire dans le traitement des maladies de poitrine. Toute exagération
mise de côté et l'utiHté des deux étant admise, l'emploi du premier se justifie
encore mieux que celui du second. En effet, le lierre terrestre a réellement plus
d'action, non-seulement sur le système broncho-pulmonaire, mais sur l'ensemble
des conditions qui créent la gravité et surtout la chronicité des maladies de cet
appareil. De plus, et se rapprochant en cela de la gomme ammoniaque et de la
myrrhe, il facilite l'expectoration s'il y a heu, mais il combat aussi les sécrétions
morbides qui la provoquent. C'est cette double propriété qui indique son emploi à
la fin des bronchites aiguës et dans tout le cours des bronchites chroniques ; de
même, sur le déclin des pneumonies, en excitant le tissu pulmonaire, il favorise la
résorption des produits phlegmasiques. Mais de là à guérir la phlhisie pulmonaire,
comme on le prétendait autrefois, il y a loin. Ici ce n'est plus qu'une utilité res-
treinte qu'il manifeste, mais réelle encore, puisqu'il peut contribuer à suspendre
momentanément les sécrétions purulentes entretenues par la lésion tuberculeuse.
Ainsi seulement s'expliquent les succès, autrement mal interprétés, qu'auraient
obtenus, de l'emploi du herre terrestre dans le traitement de la phthisJe pulmo-
naire, Ettmùller, Wilhs, Morlon, Murray, Rivière, Sauvage, etc. En d'autres
termes, effets palliatifs s'il s'agissait de la tuberculisation vraie, effets curatifs
admissibles dans ces cas de catarrhes broncho-pulmonaires si facilement comptés
pour des phthisies avant la découverte de l'auscultation.
De même, il ne faut inférer qu'avec une très-grande réserve, des observations
de Murray, l'efficacité spéciale, selon cet auteur, du lierre terrestre dans la phthisie
LIEUTAUD. 555
hémoptoïque ; efficacité relative, sinon même fortuite, soit; mais d'ailleurs est-il
permis d'en déduire un précepte pour des applications nouvelles, en telles circon-
stances , aujoui'd'hui que nous connaissons des agents évidemment meilleurs
contre l'hémoptysie? On ne peut donc concéder qu'à titre d'auxiliaire la plante
en question dans l'imminence ou pendant le cours des hémorrhagics bronchiques
et pulmonaires.
Ces justes restrictions étant apportées à l'influence du lierre terrestre comme
médicament pectoral, nous allons voir qu'il faut encore plus rabattre des éloges qui
lui ont été donnés sous d'autres nipports.
Baglivi recommande la teinture alcoolique de lierre terrestre contre les débilités
d'estomac, la dyspepsie, les flatuosités ; utilité possible, mais pour de pareils cas
d'autres médicaments inspireront à bon droit plus de confiance.
Sennert et Plater affirment qu'il excite les reins et la vessie au point de favoriser
la sortie des petits calculs; cette action, dont Cullon, très-sceptique à l'endroit
des vertus du lierre terrestre, doutait avec liaison, personne depuis n'a songé à la
vérifier.
Lautt a proclamé cette labiée un puissant fébrifuge. Rey y a vu un remède
contre la céphalalgie; Sultif un sédatif direct du cerveau, utile comme tel dans les
maladies mentales.
On le voit, en dehors du cercle des affections pectorales, il n'y a plus que des
indications vagues et contestables pour l'emploi médical, à l'intérieur, du lieiTe
terrestre.
A l'extérieur, il a servi, en infusion ou en décoction, pour exciter et modifier
les ulcères; en cataplasmes, que l'on a considérés comme devenant ainsi toniques
résolutifs et calmants.
Le lierre terrestre se donne aujourd'hui, soit en infusion, à la dose de 10 à
30 grammes, soit le suc, de 50 à 80 grammes.
Des essais, infructueux paraît-il, ont été tentés en Angleterre pour, ;( l'aide de
cette plante, soit clarifier la bière, soit augmenter sa force. En Orient, un autre
usage, qu'on dit mieux réussi, est de manger les galles du lierre terrestre, ou
pommes de terrète, produites par un diplolepis. Mérat et Delens disent que les
maquignons mélangent les feuilles de cotte plante avec l'avoine des chevaux pour
leur faire rendre des vers. Enfin, on a prétendu que ces feuilles peuvent, à défaut
de celles du mûrier, servir à la nourriture des vers à soie. D. de Savignac.
Bibliographie. — Rddbeck fils (0.). Diss. de Hedera. Upsaliœ, 1707. — Hedeu (C. A.). Diss.
de Hedera terrestre. Altorfii, 17313. — Bendeh (C. B.). Diss. de Glechemate hederacea.
Erlangen, 1787.
LIERRE DL" CAIVADA. Yoy. SuMAC.
LIERRE DE CILICIE. Voy. SALSEPAREILLE.
HEL'TAL'» (Joseph). Né à Aix, en Provence, le 21 janvier 1705, enfant de
l'école de Montpellier, neveu de Gariel, botaniste distingué du midi de la France,
ce médecin gravit rapidement l'échelle des honneurs. Louis XV l'appela auprès de
lui ?près la mort de Sénac (1770), et il passa de là aisément à la cour de Louis XVI,
dès l'avénemeut de ce prince au trône, c'est-à-dire le 14 mai 1774.
La renommée aux cent bouches l'y avait déjà précédé.
Lieutaad avait la passion de l'anatomie. Attaché pendant un grand nombre
d'années à l'hôpital royal de Versailles, établi pai' lettres patentes du mois de
556 LIÊVHE.
juin 1720, il trouva là à faire une ample moisson de découvertes, et l'on rap-
porte qu'il y disséqua plus de douze cents cadavres, étudiant, scrutant la nature,
non pas seulement dans son expression naturelle, mais encore dans les désordres
qu'elle laisse après la mort lorsqu'elle a été souffrante durant la vie. f.es ouvrages
({u'il a lai>sés ne sont pas exempts d'inexactitudes, de fautes même ; mais en re-
vanche ou y trouve une foule d'observations lines et délicates, un tableau métho-
dique, simple et clair des articulations, une démonstration fort exacte de l'œil et
du cerveau, une exposition admirablement faite d(^s muscles de la face, du
pharynx et du dos. Il peut être regardé comme le fondateur, en France, de l'ana-
tomie pathologique, et s'il a manqué du génie qui fait tout à coup sortir du néant
une idée heureuse, il n'en a pas moins conçu le premier le plan de réunir dans
un cadre toutes les altérations morbides, et le leur appliquer la symptomato-
logie.
Lieutaud mourut le 6 décembre 1780.
Nous avons vu signés de lui les ouvrages suivants :
I. Eîementa physiologiœ juxta solertiora notissimaque physicorum expermenin et accu-
ratiores anatomtcormn observât iones concinnnta. Amsterdam, 1749, in-8°. — II. Essais
anatoniiques contenant Vhistoire exacte de toutes les 2^(irtîes qui composent le corps de
l'homme, avec la manière de disséquer. Aix, 1742, in-S"; Paris, 1760, in-4; 1772, 2 vol.
in-8»; 1776, 2 vol. in-8°. Trad. en allemand. Leipzig, 1782, in-8. — III. Précis de la méde-
cine pratique. Paris, 1759, in-8°. — lY. Précis de la matière médicale. Paris, 1766, in-8».
— V. Historia analomico-medica, sislens numerosissima cadaverum humanorum exstipia.
Paris, 1767, in-4° ; Gotlia, 1790, iii-8°. — V. Relation d'une maladie rare de l'estomac, avec
quelques observations concernant le mécanisme du vomissement et l'usage de la rate. Mém,
de l'acad. des se, année 1752, p. 223. — VI. Synopsis universœ praxeos medicce in binas
partes divisa; quaruni prior omnium morboriim compectum exhibet ; altéra vero rem
ifiiedicamentariam, perpetuis commentariis illustratam, sistil; cui subjungitiir liter De cibo
et potu. Paris, 1770, in-4°, 2 vol. A. G.
I.IÉ'VUË. Genre de Mammifères rongeurs établi par Linné, ayant pour type
le Lièvre commun. Ces animaux ont des caractères très-nets fournis par les for-
mes du corps, un système dentaire spécial et des habitudes assez analogues;
mais les diverses espèces du genre sont très -voisines entre elles et souvent
difticiles à distinguer.
Les dents incisives sont au nombre de six, il y en a quatre à la mâchoii'e supé-
rieure et elles sont placées parallèlement par paires les unes derrière les autres,
les antérieures convexes, sillonnées à leur face externe, cachant en'ièrement les
postérieures qui servent d'arc -boutant aux deux incisives du maxillaire inférieur.
Les molaires sont au nombre de vingt-deux, ainsi disposées |5| ; elles sont formées
de lames verticales soudées, et ces dents sont ciselées vers leur extrémité libre et
suivant l'axe latéral. Les autres caractères sont une tête grosse, le museau épais,
à poils courts et soyeux ; les yeux grands, saillants, latéraux, avec des membranes
clignotantes; les oreilles longues et molles, poilues en dehors, presque nues en
dedans, la lèvre supérieure fendu9 jusqu'aux narines; l'intérieur de la bouche!
garni de poils. Les pieds antérieurs sont courts, grêles, à cinq doigts; les posté-
rieurs sont fort longs, à quatre doigts ; tous les doigts sont fortement serrés les uns
contre les autres et avec des ongles peu arques ; les plantes et les palmes des
pieds sont velues. La couleur du pelage est roussàtre, variée de blanchâtre et de
noir suivant les espèces ; la queue courte et presque nulle.
Les Lièvres sont des animaux timides que le moindre bruit effraye, très-rapides
la course, vivant de matières végétales. On en connaît une quarantaine d'es| cces
LIGAMENTS. 557
qui se répartissent très-naturellement en deux sections. Les Lièvres (Lepus) et
les Lapins {Cunicidvs).
C'est à la première division que se rapporte le Lièvre commun (Lepus timidvs
Linné, la^wçÉlien, Lepns Pline), trop connu pour qu'il soit besoin de le décrire.
On sait que le Lièvre vit sur la terre et ne creuse pas de terrier. Il est nocturne,
cherche sa nourriture et s'accouple après le coucher et avant le lever du soleil.
Le mâle porte en vénerie le nom spécial de bouquin; le rut a lieu de décembre
à mars, et les mâles, à cette époque, traversent des terrains immenses. La femelle
prend le nom de hase et reste généralement sédentaire. La gestation est de trente
à quarante jours, et la portée de trois à quatre petits mis bas en rase campagne,
sous une touffe d'herbe ou dans un buisson. Les jeunes levrauts sont allaités pen-
dant vingt jours, puis restent isolés, vivant de racines, d'herbes, de feuilles, de
fruits ou de grains, et rongeant aussi l'écorce des arbres.
La chasse du lièvre empêche la multiplication de ces animaux; ell ■ fournit à
l'industrie et à l'alimentation une dépouille et une chair utiles. Les fourreurs pré-
parent la peau du lièvre qui, chez une espèce de Russie (Lepus variabilis), est
blanche l'hiver. Cette fourrure peut, comme beaucoup d'autres, servir contre les
névralgies et les rhumatismes en maintenant une température constante sur les
parties malades du corps humain où on la place. La chair du lièvre est savou-
reuse et excitante; c'est une viande noire. [Voy. Viandes.) Les lièvres qui vivent
dans les plateaux montagneux, sur les coteaux où abondent les plantes aroma-
tiques, ont une chair très-supérieure à celle des lièvres habitant les plaines basses
et marécageuses. La chair du Lièvre était défendue au peuple juif; elle a été aussi
proscrite par Mahomet.
Dans ces derniers temps on a fait de nombreuses expériences pour croiser le Lièvre
et le Lapin, 11 s'est produit sous cette influence des métis qui forment des races d'a-
nimaux plus riches en viande et plus gros que les parents, et qu'on a désignés sous
le nom de Léporides. Paul Broca a publié sur cette question un intéressant travail.
L'ancienne médecine admettait dans sa pharmacopée diveises parties du lièvre,
la graisse [axungia leporis) servait contre les taies des yeux. Le sang était regardé
comme un tonique. Le foie, la bile, les testicules et jusqu'aux excréments avaient
leur emploi, ainsi que l'os astragale, pied de lièvre {leporis tali).
La deuxième division des Lièvres comprend les Lapins, parmi lesquels figure
au premier rang le Lapin commun [Lepus cuniculus), dont il a été question déjà.
{Voy. Lapin.) A. Laboulbèke.
£,IGAME\TS [ligamentum de ligare lier, allem. Band, o-uvôso-pô;). Le
nom de ligament a été donné à des parties très-diverses qui n'ont de commun
que le rôle banal de liens, réunissant entre eus divers organes, ou en assurant
la position.
Gomme le fait remarquer A. Paré, « ligament est usurpé généralement et spé-
cialement.... généralement pour toute partie du corps laquelle conjoint une partie
avec l'autre ; en laquelle acception le cuir peut être dit ligament, pour ce qu'il
contient toutes les parties internes jointes ensemble. » Les efforts de l'école
d'Alexandrie, de Gahen surtout, puis de Vésale, pour établir la nature des liga-
ments, n'ont pas empêché que longtemps on ne confondît sous ce nom les tendons,
les aponévroses , un grai c( nombre d'organes fibreux, et même des nerfs, comme
l'avaient fait Hippocrate et Aristotc. Weitbrecht dans son beau traité De syn-
desmologia, traduit sous le titre de Desmographie, par Tarin, crut nécessaire
558 LilttAlVltiiN 1 6,
de décrire à côté des ligaments qui servent à unir entre eux des os ou des carti-
lages, non-seulement les parties fibreuses et membraneuses qui lient les carti-
lages ou les os, les tendons en leur place, qui, en dehors des ligaments articulaires,
circonscrivent des orifices, des anneaux, ou servant d'insertions musculaires
(lig. sacro-sciatiques , L. de Fallope, L. interosseux, gaines tendineuses); mais
encore, les ligaments des parties molles, c'est-à-dire « toutes les membranes et
les duplicatures des membranes qui unissent des parties molles et les viscères à
d'autres parties voisines, les y suspendent et les retiennent ; » tels que sont les
ligaments des paupières, des lèvres, de la luette, de la langue et des viscères.
L. de la vessie, L. large, L. du foie, L. cutané du coccyx. Enfin comme ledit
Tarin, pour ne pas tout à tait s'éloigner des autres anatoraistes, on se croyait
alors obligé de décrire des ligaments qui ne méritaient ce nom qu'à titre de com-
paraison, tels que la corde de Willis, la corde du tambour, le ligament ciliaire, etc.
L'énumération de (outes les parties désignées sous ce nom serait fastidieuse; il
faudrait en ajouter d'invention moderne, qui ont l'avantage d'attirer l'attention
sur le rôle de diverses lames fibreuses ou aponévrotiques et que l'on retrouvera
dans la description des divers viscères ou des séreuses. {Voy. Péritoike, Péricarde,
Ptiivr.E, PoujiON, Utérus, etc.) Appliquant ici aux ligaments leur dénomination la
plus restreinte, nous nous occuperons seulement des ligaments articulaires ou
ligaments proprement dits, c'est-à-dire les parties fibreuses qui servent à l'union
des os et des cartilages, s'insérant par leurs deux extrémités sur des segments
différents du squelette.
Ainsi circonscrits, les ligaments font partie des organes du système fibreux
(Bicbat, Bérard, Robin). Les bourrelets, disques et ménisques interarticulaires,
appelés aussi fibro-cartilages (voy. ce mot), sont distincts des ligaments articu-
laires par leur position, leur rôle, certaines particularités de structure qui ont
fait consacrer par l'usage leur description isolée.
Béclard, sous le nom de tissu ligamenteux ou desmeux, a réuni toutes ces^
parties qu'il décrit d'ailleurs séparément ; et l'on doit reconnaître qu'au point
de vue de l'anatomie extérieure, aussi bien que de la texture, certains ligaments
se confondent avec les aponévroses d'insertion, des faisceaux fibreux forment au-
tour des articulations des sortes de ligaments, et le ligament rotulien représente
un véritable tendon.
Situation. Forme. Caractères extérieurs. Les L. présentent par rapport aux
articulations des dispositions variées qui les ont fait distinguer d'une part en
L. périphériques s'insérant sur des saillies qui limitent, surmontent ou dépas-
sent les surfaces articulaires et unissant ainsi les os à distance; d'autre part en
L. interosseux qui sont ou intra-articulaires comme le L. rond, ou situés en
dehors de l'article (L. sacro-iliaque, costo-vertébral) . Les L. ont des connexions
importantes avec les parties molles et les os. On peut décrire aux L. périphéri-
ques deux faces, dont l'une est en général tapissée par la synoviale. Les hgaments
interosseux, arrondis et longs, sont entourés par la synoviale de toutes parts
ceux qui plus courts s'épaississent en une masse plus ou moins étendue, peu-
vent n'être en rapport q'iie par l'une des faces avec la synoviale, quelquefois
empêchent la communication de deux synoviales entre elles (au carpe, au tarse),
et peuvent être en dehors de l'article. Les insertions se font ou directement sur
l'os, ou sur le périoste et même le péiichondre avec lequel les L. semblent se con-
tinuer ou sur les bourrelets et fibro-cartilages. Leurs rapports avec les muscles
et les tendons sont intéressants à étudier dans chaque articulation, au point de
LIGAMENTS. 550
vue du mécanisme des mouvements. La plupart des L. périphériques semblent
se continuer avec les tendons et les aponévroses d'insertion, dont les fibres pren-
nent attache sur eux.
Les formes des L. sont très-variables et sont appropriées à des rôles différents.
Les uns représentent des bandelettes aplaties, minces, ou arrondies en cordons
(lig. latéraux du genou) ; d'autres des faisceaux de directions diverses, rayonnes,
à plans entre-croisés. Ailleurs, ils forment des faisceaux grêles irrégulièrement
disposés (lig. antérieurs et postérieurs au coude, au genou). Dans les articula-
tions les plus mobiles, les énarthroses, les faisceaux réunis forment autour de
l'articulation une sorte de manchon ou capsule fibreuse. Enfin des fibres
courtes parallèles peuvent constituer une couche épaisse, unissant étroitement
les surfaces osseuses. La direction des ligaments, si importante à connaître pour
comprendre le jeu des articulations et pour régler les manœuvres opératoires,
sera étudiée dans chaque articulation.
L'épaisseur est loin d'être uniforme pour un même ligament. Tandis que les
ligaments latéraux peuvent à leur base seulement paraître plus épais, les capsules
fibreuses présentent ordinairement des renforcements sur des points déterminés;
'ainsi la capsule fibreuse de la hanche, excessivement mince, et inème faisant
défliut (au niveau du tendon du psoas) présente en haut et en dehors 8 à
'41 millimètres d'épaisseur par adjonction du faisceau supérieur. (Sappcy.)
Dans les ligaments aplatis, du cartilage où un os sésamoïde peut déterminer
l'épaississement (ex.: L. calcanéo-cuboïdien). La distinction naturelle desL. en laté-
raux, capsulaires, intcrrosseux, ne répond pas à des caractères tranchés d'épais-
seur ou de position. Certains ligaments antérieurs et postérieurs représentent des
capsules incomplètes, et des faisceaux de renforcement send^lent des ligaments
particuhers au milieu d'une capsule (lig. de Berlin à l'articulation coxo-fémorale).
D'ailleurs chaque ligament présente des caractères particuliers d'étendue, d'i'pais-
seur, de coloration môme ; ainsi la capsule fibreuse coxo-fémorale est reniar([uahle
par son étendue, les ligaments du genou par leur longueur, les ligaments laté-
raux au coude et au cou-de-pied par leurs plans superposés, leur direction rayon-
née, les ligaments inlerosseux du carpe et du tarse par leurs fibres courtes ; et,
parmi les ligaments aplatis, le calcanéo-cuboïdien et le calcanéo-scaphoïdien infé-
rieur, par leur épaisseur, leur résistance en rapport avec la station verticale. Ces
caractères seraient assez précis'pour permettre une classification des articulations
basée sur la forme et la disposition des ligaments.
La dénomination des L. est tirée de l'un de leurs caractères dominants, sans
règles précises. On les désigne tour ù tour suivant leur situation par rapport à
l'articulation (L. latéraux, antérieur, postérieur, annulaire, transverses, obliques),
la direction de leurs fibres (rayonnes, coniques, trapézoïde, rhomboïdes), leurs
connexions réciproques (L. croisés, cruciformes, L. en Y, en V, en X), enfin leurs
attaches (lig. rotulien, péroné^-astragalien, interclaviculaire), etc. On a même
donné à certain s faisceaux importants dans leur rôle le nom des anatomistes qui
les ont signalés.
Texture. Lorsqu'on examine h. l'œil nu, ou à l'aide d'une loupe les ligaments,
on s'aperçoit facilement qu'ils sont constitués par des faisceaux fibreux plus ou
moins épais qui sont] séparés par de fines lamelles de tissu cellulaire; souvent
entre les faisceaux se retrouve du tissu cellulaire adipeux, on voit quelquefois
même des vaisseaux soit à la surface, soit surtout près des points d'insertion.
Cette apparence qui avait suffi à Bichat pour ranger les ligaments parmi les
560 LIGAMENTS.
organes du tissu libreux est entièrement confirmée par les recherches histologi-
ques modernes qui ont fait connaître bien dos particularités remarquables.
Les ligaments sont constitues par du tissu fibreux, ils renferment comme élé-
ments principaux, des fibres lamineuses, et comme éléments accessoires des
fibres élastiques, des cellules de cartilage, des vaisseaux el des nerfs.
Les fibres lamineuses se présentent réunies sous la forme de longs faisceaux
plus ou moins larges, ondulés, rappelant l'aspect de mèches de cheveux. Elles
sont étroite à sbords nets et, comme l'a fait remarquer M. Robin, elles se rappro-
chent beaucoup des fibres lamineuses des tendons. Ces faisceaux peuvent contenir
10 ou 20, même 40 ou 50 fibres lamineuses. Ils sont séparés par une fine couche
de tissu lamineiix ou cellulaire, qui est désigné par Kœlliker sous le nom de tissu
conjonctif. Ces faisceaux primitil's eu se réunissant forment les faisceaux secon-
daires, puis tertiaires, visibles à l'œil nu. C'est entre ces faisceaux à direction
variable que l'on peut retrouver du tissu lamineux ou cellulaire véritable, qui
varie en aspect et en étendue. Il s'accumule dans les mailles irrJgulières que
laissent entre eux les faisceaux de divers ordres, et renferme de nombreuses vési-
cules adipeuses, ou bien il est à peine représenté dans les faisceaux primitifs par
quelques fibres lamineuses, des corps fusiformes, fibro-plastiques qui par leurs
anastomoses forment un fin réticuium autour des faisceaux fibreux. Çà et là on
ne retrouve que des noyaux emhryo-plastiques et de la substance amorphe.
Les élémeMs élastiques se présentent ordinairement sous forme de fibres élas-
tiques allongées ordinairement, très-minces, d'ailleurs en général peu nombreuses
dans les figaments proprement dits. On les trouve en assez grand nombre à l'étit
fusiforme, à l'état de fibres à noyaux. Elles affectent des directions variables. Dans
les ligaments en bandelettes, elles suivent ordinairement la direction des fais-
ceaux, mais dans les capsules, et les hgaments minces, elles s'entre-croisent en
sens variables.
Les divers éléments élastiques s'observent surtout vers l'insertion des ligaments;
les fibrilles élastiques occupent toute la longueur des hgaments. Les cellules de
cartilages se rencontrent également surtout vers les attaches des ligaments. Elles
sont quelquefois réunies en séries allongées, et il est souvent difficile de les dis-
tinguer des fibres élastiques à noyaux. Ainsi que l'a fait remarquer M. Sappey,
ces cellules sont surtout prononcées dans les ligaments interarticulaires et les
ligaments latéraux du genou. Il nous a paru chez déjeunes animaux que ces élé-
ments étaient développés en plus grand nombre.
Des artères et des veines, existent dans les ligaments. A leur surface déjà, on
peut voir dans l'enveloppe cellulaire des vaisseaux de deux ordres ; ceux-ci pénè-
trent dans les ligaments latéraux surtout vers leur base et généralement par les
interstices que laissent entre eux les faisceaux entre-croisés dans les ligaments
épais et à fibres rayounées ou à direction entre-croisée. Ces vaisseaux sont d'ail-
leurs rares dans l'épaisseur même des ligaments, et dans les capsules fibreuses
la plupart se rendent à la synoviale. On retrouve très-difficilement des vaisseaux
à la partie moyenne des ligaments latéraux à texture dense, au genou par exem-
ple. Les vehies accompagnent les artères dans les interstices des faisceaux, et le
plus souvent une seule veine accompagne l'artère. M. Sappey a pu suivre la trans-
formation des artères en capillaires et des capillaires en veines.
La présence de lymphatiques dans les L. n'a pas encore été démontrée. Teich-
maim, cependant a décrit des lymphatiques qui siégeraient sous l'épithélium des
synoviales et traverseraient les capsules articulaires. Ii.-iuber a d'crit une glande
LIGAMENTS. 561
sympliatique dans la capsule fibreuse d'une articulation métacarpo-phalangienne,
mais l'interprétation du dessin qu'il en donne est très-douteuse, suivant Kœlliker.
Nerfs. L'existence de nerfs dans les ligaments semble définitivement démon-
trée. Riidinger, en 1857, a décrit des nerfs dans les ligaments externes des
symphyses ; plus tard, Pappenbeim, Kœlliker ont suivi des nerfs non-seulement
sous la synoviale, mais dans les ligaments eux-mêmes. Riidinger (1863) a décrit
avec soin l'origine et le trajet des nerfs dans les ligaments longitudinaux anté-
rieur et postérieur de la colonne vertébi'ale, qui reçoivent des nerfs composés de
tubes à moelle et de tubes pâles, c'est-à-dire des fibres nerveuses spinales et
lymphatiques, et dont l'origine est dans les racines postérieures. Raubcr, en 18G5,
a décrit des corpuscules de Pacini terminant les nerfs articulaires et situés non-
seulement sous la synoviale, mais dans les ligaments eux-mêmes. M. Sappey, en
\ 8C6, a étudié avec soin les rapports et la distribution des nerfs dans les ligaments.
Nous avons pu suivre ces nerfs dans les articulations du coclion d'Inde.
C'est dans les capsules articulaires, et surtout dans les divers ligaments du ge-
nou, que les nerfs se voient le plus facilement. Ils accompagnent ordinairement les
vaisseaux, mais dans leur parcours ils peuvent s'en éloigner. Des troncs princi|)aux,
formés d'un pelit nombre de fibres, se détaclient des ramifications dichotomiques
ou latérales qui forment des plans anastomotiqucs placés dans les interstices des
faisceaux fibreux. Dans les capsules, la plupart de ces nerfs vont se rami-
fier sous la synoviale, mais plusieurs de leurs rameaux s'épuisent certainement
dans les faisceaux ligamenteux eux-mêmes. Dans les L. à fibres longitudinales
(L. latéraux), on les trouve surtout vers les points d'insertion, ils se distribuent
en se divisant dans le tissu lamineux, et le tissu adipeux qui sépare les faisceaux
fibreux. Les L. intra-articulaires, tels que L. croisés, L. ronds, possèdent aussi
des nerfs.
La terminaison des nerfs des L. est encore peu connue; Rauber a démontré que
les nerfs articulaires se terminent dans des corpuscules de Pacini, qui sont assez
nombreux, puisque cet anatomiste a pu en compter plus de 800 pour toutes les
articulations. Dans les articulations fémoro-tibiales il en a trouvé 19. Ces corpus-
cules sont plus petits que ceux que l'on trouve dans les autres parties ; leur lon-
gueur varie entre 160 et 800 milhèmes de millimètre, ils ont une structure plus
simple, on ne leur trouve qu'un très-petit nombre de capsules enveloppantes.
Nous avons observé de ces corpuscules de Pacini chez le cochon d'Inde ; ils avaieiU
des dimensions très-variables. Ainsi, deux corpuscules terminant des filets nerveux
issus d'un même rameau, mesuraient l'un 220 millièmes de millimètre de Ions
sur 50 et 90 de large dans les deux diamètres extrêmes, à l'origine ou à la péri-
phérie, l'autre 50 milhèmes de millimètre sur 30 del arge. Il faut reconnaître
que le plus grand nombre de ces corpuscules se trouvent autour de la capsule,
dans les tissus fibreux périarticulaires, et sous la synoviale, mais on en trouve
dans les capsules fibreuses elles-mêmes.
On peut mettre en doute que tous les nerfs se terminent par des corpuscules
de Facini. M. Sappey a vu des tubes se terminer par des extrémités libres, mais
n'a pas cru pouvoir affirmer que tel serait le mode de terminaison. Il nous a paru,
en suivant les fines ramifications nerveuses des ligaments latéraux du genou, chez
le cochon d'Inde, que les tubes réunis au nombre de deux ou trois, vont souvent
se perdre dans des groupes de cellules adipeuses, composés seulement de deux ou
trois de ces cellules ou formant des masses bien plus considérables ; mais nous ne
pouvions suivre leur trajet ultérieur. Dans d'autres points, au contraire, les filets
MCT. e:;c. i' s. II, 56
562 LIGAMENTS.
nerveux semblent réduits à l'état de filaments pâles, dans lesquels on ne peut
plus distinguer de tube à moelle, et qui sont à peine reconnaissables, par les
noyaux latéraux de l'enveloppe des tubes, au milieu des libres lamineuses et
élastiques. Bien que l'on ne puisse suivre plus loin ces filets nerveux, leur distri-
bution montre qu'il y a un autre mode de terminaison que celui des corpuscules
de Pacini. Une seule fois il nous a semblé reconnaître à l'extrémité d'un nerf de
ligament un corpuscule ayant les caractères des corpuscules de Meissner, mais
nous ne sommes pas en droit de conclure d'une observation isolée.
Caractères chimiques. Vesale, le premier, a cherclié à distinguer les liga-
ments et les tendons par les caractères qu'ils présentent à la coction. Tandis que
les tendons se réduisent plus facilement en gélatine glutineuse, les ligaments
résistent plus longtemps et conservent toujours, dit Vesale, leur ténacité fibreuse
(lenacem /îferosi(atem). Blchat a montré que, chez les fœtus et les enfants, les
ligaments se convertissent par la coction en une gélatine plus blanche que celle
que produisent les ligaments de l'adulte : « Les gelées des jeunes animaux sont
plus blanches que celles des animaux avancés en âge. » Du reste, les ligaments
proprement dits n'ont pas, que nous sachions, été l'objet de recherches spéciales,
et on peut leur attribuer les caractères du tissu fibreux. Les recherches microgra-
phiques donnent quelques renseignements plus précis : l'acide acétique, la soude,
la potasse ramollissent et gonflent considérablement les ligaments, et les conver-
tissent en une masse gélatiniforme , comme muqueuse, et l'eau les ramolHt et
permet une dissection plus facile des faisceaux fibreux ; le liquide de l'humeur
Aqueuse, frais, ramolht beaucoup les ligaments sans les gonfler , et facilite leur
étude, l'eau de chaux les ramolht en les blanchissant sans les gonfler notablement,
et permet l'isolement des faisceaux fibreux ; l'alcool, l'acide chromique les ren-
dent plus denses, tout en permettant l'isolement facile des faisceaux secondaires.
Développement et transformations ultérieures. Les ligaments apparaissent
tardivement chez le fœtus. On sait que les articulations se développent lente-
ment ; tant que la cavité articulaire n'est pas constituée , les ligaments sont con-
fondus avec les parties molles qui serviront à la formation du périoste ou du péri-
chondre. En même temps que la cavité articulaire se forme, et avant qu'elle ne
soit complète, les ligaments se constituent à la périphérie, mais les faisceaux ne
sont réellement distincts qu'à une période tardive. Vers le sixième mois on com-
mence à reconnaître les faisceaux blancs qui constituent les ligaments, et ceux-ci
acquièrent peu à peu et lentement l'épaisseur et la résistance qui leur est propre,
circonstance intéressante au point de vue du mécanisme des articulations, et qui
explique l'étendue des mouvements dans le jeune âge. Les ligaments semblent
acquérir une consistance de plus en plus grande suivant l'âge, et chez le vieillard
ils sont denses, épais, de plus en plus inextensibles , de moins en moins flexibles.
Chez le fœtus on remarque une disposition curieuse des hgaments dont les traces
3e retrouvent encore chez les enfants; de véritables faisceaux ligamenteux, unis-
lâent les diverses pièces osseuses qui par leur soudure complètent l'os. Ces liga-
ments constituant des sortes d'articulations transitoires, signalées par MM. Ram-
baud et Renault, ne commencent à se développer que lorsque l'état cartilagineux
de l'os n'est plus prédominant. On peut citer comme exemples les articulations
transitoires iléo-pubienne , ischio-pubienne, iléo-ischiatique , le ligament sous-
pubien représente chez l'adulte ces ligaments transitoires.
Propriétés et fonctions. Les données anatomiques précédentes permettent
de comprendre les fonctions des ligaments. La présence de vaisseaux , de tissu
LIGAMENTS. 5G5
lamineux, fait comprendre une nutrition plus active qu'on ne l'admet gf'nrrale-
ment, en même temps que la rareté relative de ces vaisseaux explique la lenteur
de cette nutrition, et les transformations peu considérables des ligaments aux
divers âges de la vie.
Le problème de la sensibilité des ligaments a donné lieu à des discussions
nombreuses, dont on retrouve des traces dans les anciens auteurs. Mais comme
le plus souvent ceux-ci se sont en même temps préoccupés des tendons, des apo-
névroses, de la dure-mère, la part qui a été faite aux ligaments est restreinte et
difficile à circonscrire. Sous l'impulsion de Halier et de ses élèves, la controverse
prit une allure passionnée, dura vingt ans (1550-1570), et fut réveillée à
diverses reprises, jusqu'à nos jours. Longue serait la seule énumération des tra-
vaux faits à cette époque en Allemagne, en France et en Italie. Tandis qu'un
grand nombre de chirurgiens admettaient la sensibilité des ligaments démontrée
par les douleurs de l'entorse, de la distorsion, de l'inflammation de ces parties,
Halier et ses élèves multipliaient les expériences et montraient que les ligaments
sont insensibles aux piqûres, lacérations, déchirures. L'on comprend la persi-
stance de l'école de Halier, si l'on se rappelle que les nerfs des ligaments sont
restés inconnus jusqu'à une époque toute récente.
Bichat semble avoir établi de la manière la plus complète l'état de la sensibi-
lité dans les ligaments. Tandis que l'irritation chimique ou mécanique ne réveille
pas de sensations douloureuses, la distension amène des manifestations non don--
teuses de douleur, et l'inflammation consécutive à l'irritation des ligaments met
en évidence une sensibilité très-grande aux diverses excitations. Bichat a fait
admirablement ressortir les conséquences de cette sensibilité spixiale si bien en
accord avec le rôle des ligaments et qui semblait nécessaire au jeu régulier des
articulations.
Cependant l'opinion de Bichat n'a pas été admise généralement. Ainsi M. Richet,
dans ses expériences, attribuait la sensibilité spéciale des ligaments aux tiraille-
ments exercés sur l'os et le périoste, et produisant chez les animaux de l'anxiété,
du malaise. Ces sensations sont une preuve de la sensibilité des ligaments, la
présence des nerfs, leur distribution relativement plus riche vers les insertions des
ligaments explique actuellement ces différences, et nous croyons que M. Richet a
modifié son opinion première. Flourens admet la sensibiUté des ligamenls; mais
ses expériences se rapportent seulement au ligament rotulien. La connaissance
des nerfs des hgaments, et surtout l'existence des corpuscules de Pacini , établit
une consécration, qui nous paraît définitive, de l'opinion de Bichat. Les ligaments
doivent aux corpuscules la sensibihté spéciale dévolue à ces organes , c'est-à-dire
les sensations de pression, de tact interne, et, dans ses expériences, Rauber a
montré que de fortes pressions, l'excitation galvanique des corpuscules causent
de la douleur. La section des nerfs qui se rendent aux corpuscules, dans la patte
du chat, est suivie de troubles dans la marche, auxquels les corpuscules articu-
laires concourent pour leur part. Quant à la sensibihté aux torsions, à l'extension
forcée, on peut la .rattacher aux corpuscules ; mais on ne saurait encore affirmer
que les nerfs par eux-mêmes n'ont pas un rôle indépendant et dû à un mode de
terminaison différent, ainsi que nous l'avons vu dans la partie anatomique. Dans
l'inflammation, la congestion vasculaire, le gonflement du tissu lamineux et des
faisceaux fibreux eux-mêmes, expliquent l'hyperesthésie par compression des nerfs
ou de leurs extrémités. Il faut cependant l'avouer, il reste encore bien des points
à éclaircir sur cette question, à laquelle les recherches histologiques récentes ap-
564 LIGAMENTS.
portent des documents précieux, et donnent un nitérèt nouveau. Nous n'insiste-
rons pas sur le rôle physiologique spécial des ligaments que l'on trouve exposé
dans l'article Articulations; il nous suffira de rappeler que les ligaments doivent
à la prcsence du tissu fibreux leurs caractères de résistance à l'extension , de
flexibilité. Un léger degré d'extension et d'élasticité est plus prononcé dans quel-
ques-uns, et en rapport avec la présence de tissu élastique. La disposition des
faisceaux qui les constituent joue un rôle très-important dans la régularisation, la 1
limitation des mouvements articulaires.
Lésions des Ugameyits. Les altérations pathologiques des ligaments ont une
grande importance dans l'histoire des affections articulaires, mais, comme elles
sont décrites dans divers articles [ârticulatioms (Inflammation, Difformités des)],
nous nous bornerons à les rappeler brièvement.
La nutrition n'est pas assez active dans les ligaments pour que l'on y observe
des altérations primitives; mais, en dehors du rhumatisme, il est rare que les liga-
ments périphériques ou intra-articulaires ne participent pas aux troubles des diver
parties des articulations.
Les ligaments peuvent être le siège d'inflammation aiguë, et l'on y observe au
début, comme l'ont montré les expérimentations, de la vascularisation, surtout à
la surface et vers les points d'insertion, là où les vaisseaux existent normalement.
La présence du tissu lamineux cellulau'e interstitiel fait comprendre le dévelop-
pement de l'inflammation là comme dans les autres organes, mais bientôt Tin-
liltration séro-gélatineuse envahit tout le tissu, et porte non-seulement sur le
tissu cellulaire, mais sur les fibres lamineuses des faisceaux fibreux, qui se gon-
flent et perdent leur aspect nacré; tout le ligament semble transformé en vme
masse molle, translucide, lardacée, dans laquelle on reconnaît une prolifération
cellulaire et des leucocytes abondants. 11 est alors difficile de distinguer les fibi-es
lamineuses minces et effilées appartenant aux faisceaux fibreux, qui semblent dis-
sociés. A cette période, la résolution peut se faire, mais s'accompagne de produc-
tion d'un tissu lamineux abondant, qui plus tard peut donner lieu à des rétrac-
tions, dont la conséquence est la roideur articulaire. Si la suppuration s'établit,
les ligaments peuvent être détruits en grande partie.
Dans les inflammations à marche chronique, on observe des phénomènes ana-
logues et la transformation lardacée persiste pendant longtemps ; les ligaments
ainsi modifiés se soudent avec les tissus fibreux périarticulaires, et forment une
masse dans laquelle on ne sépare plus les faisceaux des ligaments. Lorsque l'in-
flammation est de longue durée, la production d'un nouveau tissu lamineux ou
cellulaire dense, ayant des propriétés analogues au tissu cicatriciel, constitue des
obstacles sérieux au rétablissement de l'articulation.
D'autre part, les ligaments peuvent, dans certaines lésions articulaires chroni-
ques, l'hydarlhrose, subir des altérations différentes, soit sous l'influence de la
pression des surfaces articulaires, ou de la résistance moins grande des faisceaux,
lamineux qui les constituent; les ligaments s'allongent, s'atrophient, d'oîi les
déplacements articulaires. Ces lésions s'observent également dans les hgaments
intra-articulaires, et l'on connaît l'importance donnée aux lésions du ligament
rond dans la coxalgie.
Les altérations des ligaments s'observent à la naissance ; leur étude est impor-
tante. Dans les difformités, quelquefois on trouve l'absence d'une des parties liga-
menteuses, telle est l'absence congénitale du ligament rond; et la rétraction,
Tépaississement ou l'atrophie chez le fœtus accompagnent certaines difformités.
LIGATURE. ^05
Signalons enfin les ossifications trouvées dans les ligumcnts, dans l'arthrite
chronique (Broca, Soc. anatom., 1850), et les dépôts uriques sous forme d'ai-
guilles très-fines dans la goutte.
Les lésions traumatiques des L. sont fréquentes et souvent graves par leur
résultat. Les plaies des ligaments, leur contusion, alors que l'articulation n'est
pas ouverte, sont par elles-mêmes dangereuses, car l'inflammation du ligament,
sa destruction peuvent amener consécutivement l'ouverture de l'articulation.
D'ailleurs dans l'entorse, les ligaments peuvent être en partie déchirés, et même
arrachés avec une portion de l'os qui leur donne attache. Au genou la déchirure
incomplète du Hgament postérieur peut être le point de départ de hernie synoviale.
Dans les luxations, Jes ligaments jouent un rùle important dans le mécanisme
de la réduction; il suffit ici de rappeler le rôle des déchirures de la capsule, dans
l'articulation scapulo-humérale, et des ligaments latéraux, dans la luxation de
la phalange du pouce. (Jarjavay.) Dans les luxations anciennes, les ligaments
prennent part à la formation dos adhérences, et des fausses articulations.
Enfin la rupture des ligaments constitue dans certains cas une lésion spé-
ciale, qui, du reste, n'a pas encore été décrite avec détail. En dehors de la rup-
ture du ligament rotulien, qui doit plutôt être considérée comme une rupture
de tendon \yoy. Rotulien (Tendon)], plusieurs auteurs ont signalé la ru[iture
des hgaments du genou, et, en particulier, du ligament latéral interne du ge-
nou, et des ligaments croisés. Stark a cité deux exemples de rupture des liga-
ments croisés qui montrent la gravité de cette lésion, ]iuisque pendant un
an et demi et même deux ans, les malades durent garder le genou immohilisé.
La rupture des ligaments est ordinairement le résultat de distorsions violentes;
cependant Adams a rapporté un cas de rupture du ligament latéral interne du
genou par choc direct.
La rupture ou les solutions de continuité dos ligaments ne semble comporter
d'autre indication que l'immobilisation dans le but d'obtenir la réunion, et l'on
ne peut citer qu'à titre de curiosité historique la proposition fait,' par Kisner et
Valontin, et reproduite par Heistcr, à savoir, la suture des lambeaux des liga-
ments. A. Hénocque.
BiBi.ioGn*PHiE. — Paré (J. A.). (Édit Malgaigne, 1. 1^', p. 34, 127, 2G1. ConstUutlvn cl de fini-
tion des L.). ^Heisteu. Suture des J,. Traduction de Paul, 1770, t. IV, p. 528. — ^YF:lT-
BREicHT. Syndesmologia sive historia Ligamentorum corporis huniani. Petropoli , 1742.
Ouvrage excellent. — Desmographie ou description des ligaments du corps humain. Tra-
duction de l'ouvrage précédent, attribuée à Tarin, 1742. — Cf. Bichat , Birard , Béclaed
et les trnités d'anatomie de Cruveilheb, Sappey. — RicnEr. Annales de chirurgie , t. XI.
(Sensibilité et altérations des ligaments). Nerfs des ligaments. Cz. — Rcdinger. Der gelenk
Nerveti des menschlichen Kôrpers. Erlangen, 1857. — Raurer. Vater'sche liôrperchen des
Bander und Periostnerven, 1865. Dissertation. — Du même. Untersuchungen ûber die
Vorkommen und die Bedeutung der Vater'schen Kôrper. Munchen 1867 ; analysé dans
Zeitschrift f. ration. Medicin, vol. XXXU , 18G8. — Kœlliker. Bandburli der Gewebelchre,
édit. 1865 et 1807. — Du même. Eléments d'histologicAvaducl. par M. Sée, § 40, 88, 91,92.
— Sappey. Acad. des sciences, 1866, 21 mai, et Ancdomic descriptive, t. 1=', 1867. Arthrolo-
gie. — LiNHART Veber Erschlaffung der Atome der se hneigen Gewebe.ln Prager VierteljaJus-
schrift, t. XIV, 1859, et in Schmidt's Jahrbiicher, t. CVII, p. 200. L'auteur traite des alté-
rations des ligaments dans les difformités. — Stark. Deux cas de rupture des ligaments
croisés du genou. In Edinburgh Journal, 1850, octobre. — Adaus. Rupture du ligament
latéral interne de l'articulation du genou. In Gaz. hebdomadaire, 1858, p. 54, et in Mcdic.
Times and Gaz., 1857, t. II, p. 603. — Rambaud et Renault. Traité du développement des os.
Paris, 1864 (appendice sur les articulations transitoires). A. H.
LIGATURE. En laissant à ce mot toute l'acception qu'il comporte, ou devrait
5Ce LIGATURE.
comprendre sous le nom de ligature toutes les opérations et manœuvres chirurgi-
cales qui consistent à entourer d'un lien plus ou moins serré une partie quelconque
du coi'ps.
La ligature circulaire des membres, employée déjà par Celse dans les cas de
plaies empoisonnées, a été conseillée de nos jours pour arrêter dès leur début les
attaques épileptiques, lorsqu'elles sont précédées. de douleurs ou de convulsions
vers la main ou le pied ; pour faire cesser ou pour modérer les accès de névralgies;
et, dans quelques parties de la France, le peuple y a encore recours comme à un
moyen thérapeutique capable d'arrêter ou de guérir la fièvre intermittente.
C'est encore au moyen de ligatures qu'on fixe autour des articulations les liens
qui permettent d'exercer sur un membre des tractions énergiques ou modérées,
temporaires ou permanentes, dans le but de réduire des luxations, de redresser
une ankylose, de maintenir dans un rapport exact les extrémités d'un os fracturé.
C'est par de véritables ligatures qu'on maintient réunies pour obtenir leur
adhésion rapide les lèvres d'une plaie accidentelle ou chirurgicale.
Toutefois, dans le langage chirurgical, l'usage a prévalu de donner au mot
ligature une acception plus restreinte, et l'on ne donne ce nom qu'aux opérations
ayant pour objet d'entourer d'un hen constricteur une masse plus ou moins
considérable de tissus normaux ou pathologiques, soit pour les diviser, soit pour
fîi déterminer la mortification et la chute. La ligature circulaire des membres
ne devra donc pas nous occuper, elle est du domaine de la thérapeutique médicale,
et la valeur de cette méthode sera appréciée en faisant l'histoire de chacune des
maladies pour le traitement de laquelle elle a été conseillée.
L'application des liens contentifs appartient à la déligation chirurgicale. {Voy.
Déligation chirurgicale.)
La réunion au moyen de ligatures de parties accidentellement ou intention-
nellement divisées, prend le nom de suture, et c'est à ce mot {voy. Suture) que
seront traitées les questions importantes en pratique de la nature et de la grosseur
des fils, de la manière de les arrêter et de les fixer.
La ligature des artères demande à être étudiée comme manœuvre opératoire,
soit qu'il s'agisse de lier un vaisseau à la surface ou dans la profondeur d'une
plaie, soit que, par une section méthodique, le chirurgien mette à découvert l'artère
sur laquelle il veut jeter un lien constricteur ; elle doit être aussi étudiée comme
méthode thérapeutique des plaies artérielles et des anévrysmes. Mais, pour ce qui
concerne le manuel de la ligature, il suffit de se reporter à l'article de notre col-
lègue M. Legouest (art. Artères, vol. VI, p. 316) ; et, pour ce qui regarde laliga-
ture des artères envisagée comme méthode thérapeutique, on la trouvera appré-
ciée déjà par nous-mème (art. Anévrysmes en général. Carotide, Axillaire, Bra-
CHio-cÉPHALiQUE, ctc), et elle le sera parla suite, à propos des autres artères en
particulier (Tibiale, Sous-clavière, Poplité, etc.). Nous n'aurons donc à nous
occuper ici que de la ligature envisagée comme méthode de diérèse.
Envisagée comme moyen de diérèse chirurgicale, la ligature appartient à la
classe des sections mousses ; elle tend à diviser les chairs avec une certaine len-
teur, soit en agissant sur les tissus mêmes, qu'elle étreint violemment et qu'elle
mortifie directement par une pression énergique, soit en arrêtant la circulation
dans les parties à la base desquelles elle est apphquée et dont elle détermine la
mortification et la chute d'une façon en quelque sorte indirecte.
Dans le premier cas, lorsqu'on l'emploie pour sectionner une bride, comme par
exemple la portion de tissu comprise entre les deux orifices d'une fistule à l'anus.
LIGATURE. 567
elle reste complètement dans les procédés de diérèse et se rapproche de l'incision ;
dans le second cas, lorsqu'on y a recom's pour déterminer la mortification et la
chute d'une tumeur, elle doit prendre place parmi les procédés d'exérèse et se
rapproche de l'excision.
Au heu d'agir lentement, au lieu de déterminer la mort et ultérieurement la
chute des parties dont elle étreint la base, la ligature peut agir rapidement et
sectionner les tissus en quelques minutes; mais, employée de cette façon, elle
constitue une méthode à part, l'écrasement linéaire {voy. ce mot).
L'expression, très-impropre du reste, de ligature extcmporanée (car ce qu'il y
a de particulièrement extemporané, c'est la chute de la partie lice et non la
ligature) n'a été imaginée par M. Maisonueuve que pour voiler, d'une manière
absolument insuffisante, la contrefaçon de la méthode inventée par M. Chas-
saignac, et la ligature extemporanée doit être décrite comme une modification,
peu heureuse du reste, de l'écrasement linéaire.
La hgature peut être employée dans des régions facilement accessibles, comme
sur le tégument externe ; mais on peut avoir à porter le lien constricteur sur des
tumeurs plus ou moins difficiles à atteindre : au fond de cavités, telles que le
vagin, le pharynx, le larynx; dans ce dernier cas, on est obligé d'avoir recours à
des instruments spéciaux, soit pour placer la ligature, soit pour la serrer au
degré convenable. Occupons-nous d'abord du cas le plus simple, celui oiî la tumeur
est placée à l'extérieur.
Avoir un lien soUde et dont la résistance soit en rapport avec l'énergie des trac-
tions qu'il devra supporter, telle est la première règle dont le chirurgien doit se
préoccuper. Les fils de chanvre, de soie, de métal ont été conseillés et employés,
mais leur emploi n'est pas indifférent. Lés fils métalliques, excellents pour les
sutures, parce qu'à volume beaucoup moindre ils possèdent une résistance plus
grande que les fils de soie ou de chanvre, et parce que leur présence, facilement
supportée parles tissus, n'amène pas aussi vite l'inflammation ulcérative, perdent
déjà ici dvî leur utilité, puisque la ligature doit déterminer la section des tissus
qu'elle embrasse. Les fds métalliques minces, usités pour les sutures, ne suppor-
teraient pas sans se rompre les tractions que comporte l'application d'une ligature ;
s'ils sont plus volumineux, c'est-à-dire d'un diamètre plus considérable; ils sont
alors d'une trop grande rigidité pour qu'on puisse les nouer comme on ferait d'un
fil ordinaire et il devient indispensable, pour opérer une striction suffisante, de se
servir du serre-nœud; aussi, les fils métalliques ne trouvent -ils guère leur emploi
pour les hgatures appliquées sur le tégument externe, mais ils présentent des
avantages et reprennent leur supériorité lorsqu'il s'agit de Hgatures pratiquées
dans les cavités profondes. Les doigts guident plus facilement une anse métallique
quelque peu rigide. De plus, s'il s'agit d'une tumeur à pédicule volumineux,
exigeant quelque temps pour être sectionnée, outre qu'il est presque toujours
nécessaire, dans ces circonstances, de laisser un serre-nœud à demeure, afin de
pcfuvoir resserrer le lien constricteur au fur et à mesure que la section s'opère, il
y aurait à craindre de voir le fil de chanvre ou de soie maintenir plusieurs jours
en place au contact des liquides qui le baignent, se putréfier, perdre de sa soli-
dité et se rompre sous de nouvelles tractions. Aussi, serait-il préférable, dans le
cas où l'on porte la ligature dans des cavités profondes, d'employer les fils métal-
liques, si presque toujours aujourd'hui on ne donnait, dans ces circonstances, à
l'écrasement linéaire la préférence sur la ligature.
Les fils de chanvre, de hn, de soie peuvent être indifféremment employés, mais
568
LIGATURE.
il faut avoir soin, pour en faciliter le glissement lors de la formation du nœud et
•^n même temps pour augmenter leur solidité, de les imbiber d'buile ou de les
recouvrir d'une mince couche de cire.
Rien de particulier à noter ici quant à la manière d'arrêter le fil au degré de
striction qui lui a été donné ; le nœud double ordinaire suffit, à la condition
qu'on prenne la précaution de s'opposer au relâchement rlo la première boucle au
moment oii l'on forme la seconde, en entoulant deux fois le iil sur lui-même en
formant la première anse (fig. 1).
Mayor avait donné pour épigraphe à son mémoire sur la ligature en masse le
vieux proverbe français : Qui trop embrasse, mal élreint. N'embrasser dans la
ligature qu'une masse de tissus d'autant moins grande que leur résistance à la
pression est plus considérable, est une règle dont on ne doit jamais se départir.
Aussi, toutes les fois que la tumeur est un peu volumineuse, il ne faut pas cher-
cher à l'étreindre dans une seule anse de fil, et les procédés de ligature varieront
avec la consistance et le volume des parties sur lesquelles le fd devra exercer son
action.
Supposons d'abord le cas le plus simple : une tumeur petite, supportée par
un pédicule étroit. Une seule ligature, appliquée à la base du pédicule fortement
serrée, et solidement maintenue par un nœud double, constituera toute l'opé-
ration (fig. 1).
Mais la tumeur, tout en étant peu volumineuse, n'a pas de pédicule, elle se
continue avec les parties voisines sans ligne de démarcation bien tranchée, et sa
Fis. 1.
forme hémisphérique ou conoïde fait que le fil appliqué à sa base glisse lors-
qu'on veut le serrer. Rien de plus facile que de surmonter cette petite difficulté ;
il suffit pour cela de saisir la tumeur le plus près possible de sa racine avec des
pinces à érignes au-dessous desquelles on applique le fil ; ou bien encore de
traverser de part en part sa base avec une ou deux aiguilles croisées à angle droit;
les extrémités libres des épingles formeront une barrière solide qui empêchera tout
glissement de la Hgature circulaire placée au-dessus d'elles (fig. 2). On a encore
conseillé, dans ces cas, de traverser la base de la tumeur avec une seule épingle
et d'étieindre ses deux segments latéraux au moyeu de deux fils appliqués comme
dans la suture enchevillée ; ce procédé est infidèle, car la traction énergique
exercée sur les extrémités de l'épingle peut, si l'épingle n'est pas très-résistante
et par conséquent fort grosse, la courber en arc du côté où la traction est le plus
torte, et faire ghsser la ligature qui perd son point d'appui.
Lorsque la base est plus large, une seule ligature circulaire ne suffit pas ; ou
traverse alors la tumeur avec une aiguille entraînant après elle un fil double ; on
dégage l'aiguille, on coupe l'anse de fil et l'on a ainsi deux ligatures qui, étant
serrées, étreignent chacune une moitié delà tumeur.
LIGATURE.
t)[ y
La tumeur est souvent trop volumineuse pour que deux ligatures puissent l'é-
treiudre d'une manière suffisante ; il faut alors les multiplier, et ici plusieurs pro-
cédés ont été imaginés pour faciliter le placement des lils en diminuant le nombre
des piqiàres. S'il suffit de poser trois ligatures, le moyen le plus s mple consiste
à passer une aiguille enfdée d'un long fil au-dessous de la tumeur et au niveau
de son tiers moyen avec son tiers inférieur; lorsque l'aiguille a été retirée, on lui
fait retraverser la tumeur à la jonction du tiers moyen avec le tiers inféricuf, mais
en sens inverse que primitivement, c'est-à-dire qu'on la réintroduit du côté oîi
d'abord on l'avait fait sortir. Ceci fait et le fd étant coupé près de l'aiguille, on a
d'un des côtés deux anses de fd (A et B), et de l'autre côté quatre fils libres, accolés
deux à deux (fig. 3). Dans chacun de ces deux groupes on saisit les deux fds qui
Fie. 3.
Fi". 4.
correspondent à l'anse A, on les noue fortement, et l'on a ainsi étranglé la parlie
moyenne delà tumeur. On sectionne alors au point B l'anse f!, laissée flottante,
et l'on a quatre chefs libres : deux pour chaque extrémité de la tumeur ; il suffit
de lier deux à deux ces fils formant deux anses cachées dans la profondeur des
tissus pour compléter l'étranglement de la totalité de la tumeur (fig. 4).
Lorsqu'il est nécessaire de multiplier les ligatures et de segmenter davantage
la striction pour la rendre plus éner-
gique et plus sûre, on traverse la tu-
meur autant de fois qu'on veut appli-
quer de ligatures avec une aiguille
enfilée d'un fil simple; l'aiguille,
dégagée par la section de l'anse, laisse
dans chacun des trajets qu'elle a sui-
vis deux fils qu'on noue ensuite deux
à deux (fig. 5).
Cette manœuvre la plus générale-
ment suivie n'esi pas sans présenter
quelques inconvénients ; pour former
les anses il faut nouer les deux fils les Fig. 5.
plus voisins et le premier nœud, fait
ainsi sans point d'appui, est très-sujet à céder lorsqu'on noue et qu'on serre
les extrémités opposées ; de plus il est parfois assez difficile de se retrouver au
milieu de ces bouts de fils, et il arrive assez souvent qu'on réunit par inadver-
tance deux chefs qui appartiennent à des anses différentes. Un procédé dû
à Erichsen supprime une partie de ces inconvénients et diminue de moitié
la quantité de nœuds qu'il faut faire lorsqu'on applique le procédé ordinaire.
570
LIGATURE.
Fis. 6.
Voici comment procède Erichsen : « Une longue aiguille est enfilée dans le milieu
d'un fil blanc solide, long de 3 à 4 pieds, et dont une moitié a été colorée en
noir avec de l'encre, l'autre moitié restant avec sa couleur primitive (fig. 6).
A un demi-centimètre de l'extrémité
de la tumeur, on forme (en A) un pli
avec la peau saine et on en traverse la
base avec l'aiguille ; l'aiguille retirée,
mais portant toujours le même fil, est
enfoncée (en B) sous la tumeur et
ressort de l'autre côté (en C) ; lorsque
cette manœuvre a été répétée plusieurs
fois, on a ainsi de chaque côté de la
partie qu'on veut enlever une série
d'anses doubles dont les unes (I) sont
blanches et Jes autres (K) noires. D'un
côté on coupe toutes les anses noires (K), de l'autre toutes les anses blanches (I);
on saisit deux à deux chacun des chefs voisins de même couleur, on les noue
solidement et la tumeur se trouve
ainsi étranglée dans toute sa longueur
par des anses blanches et des nœuds
noirs d'un côté, par des anses noires
et des nœuds blancs de l'autre (fig. 7).
Quelle que soit la hgature à la-
quelle on ait recours, on a presque
toujours à s'adresser une question
préalable : Faut-il appliquer simple-
ment le fil constricteur sur k peau
ou faut-il pratiquer d'abord l'incision des téguments qui recouvrent la tumeur
de manièi'e à ce que le fil n'agisse que sur les tissus morbides? Quoique
variable avec les circonstances, la réponse est en général assez facile. La peau, par
sa consistance et son élasticité, cède peu à la pression linéaire du fil, elle forme
une sorte d'étui protecteur qui empêche cette pression de porter avec toute son
énergie sur les parties sous-jacentes ; de plus elle résiste notablement à la morti-
fication ou à l'inflammation ulcérative qu'amène la section des parties comprimées ;
lors donc que la tumeur est placée au-dessous de la peau et que celle-ci a con-
servé ses caractères normaux, il est, sinon indispensable, du moins très-utile de
l'inciser dans les points sur lesquels portera la ligature. Agir ainsi, c'est assurer
davantage l'efficacité de la striction et accélérer la chute des parties à la base
desquelles la ligature a été appliquée. Au contraire, si la peau est très-mince et
la tumeur petite, cette précaution perd de son opportunité, et elle deviendrait
préjudiciable lorsque les téguments qui recouvrent une tumeur érectile ont acquis
une vascularité anormale, car la section préalable de la peau exposerait à l'ennui
d'une hémorrhagie, sans gravité il est vrai, mais qu'il vaut mieux éviter. .
Le passage des aiguilles peut amener un écoulement de sang quelquefois sérieux ;
pour éviter cet accident, il faut autant que possible, lorsque la tumeur est très-
vasculaire ou lorsqu'elle repose sur des vaisseaux qu'il est important de ménager,
ne pas se servir d'aiguilles très-aiguës et tranchantes comme elles le sont d'ordi-
naires. En se servant d'un artifice très- simple on peut dans ces cas employer des
aiguilles à peu près mousses. La peau étant la seule partie très-résistante, on peut,
Fig. 7.
LIGATURE. 571
une lois la peau traversée, faire cheminer, sans grande difficulté, à travers les
tissus sous-jacents une aiguille assez peu piquante pour qu'une artère fuie devant
sa pointe; il faut donc, dans ce cas, faire avec un bistouri très-aigu une petite
ponction à la peau, à l'endroit ou l'on veut faire pénétrer l'aiguille mousse, et
lorsqu'elle reparaît de l'autre côté de la tumeur sous les téguments qu'elle soulève
mais qu'elle ne peut perforer, une seconde ponction faite sur le point saillant
permet à l'aiguille de sortir à l'endroit voulu. Si cependant, quelle qu'en soit la
cause, le passage de l'aiguille déterminait une hémorrhagie, le mieux est de la
laisser en place et de jeter sur elle un fil comme on le ferait s'il s'agissait d'une
suture enchevillée. Si cette manœuvre ne réussissait pas on pourrait avec le fil
mince que porte l'aiguille entraîner un gros fil ou une petite mèche imbibée de
perchlorure de fer ; et si enfin on avait lieu de croire que le vaisseau lésé se trouve
non dans la partie du trajet qui correspond à la tumeur, mais à celle qui lui est
opposée, il faudrait passer une aiguille plus profondément et enrouler, comme
précédemment, sur elle un fil fortement serré.
On a proposé la ligature sous-cutanée des tumeurs, et Manec a imaginé un
procédé rapporté dans presque tous les traités de médecine opératoire, mais que je
ne crois pas devoir décrire. Cette méthode, loin d'avoir une utilité pralique, ne pré-
sente que des inconvénients et même des dangers. A quoi sert-il de sectionner
la tumeur à sa base, à travers une mince ouverture faite à la peau, puisqu'il laudra
ultérieurement pratiquer une incision pour l'extraire; lorsque, détachée par la
ligature, privée de vie, elle ne constituera plus sous les téguments qu'un corps
étranger en voie de putréfaction, baignant dans le pus dont sa présence détermine
la sécrétion? La ligature sous-cutanée n'e^t bonne, et n'est utile, en tant que
manœuvre opératoire, que dans les cas oii elle doit agir comme procédé d'incision
dans le \aricocèle par exemple, pratiqué suivant la méthode de Ricord ; elle doit
être rejetée toutes les lois qu'elle doit agir comme procédé à' excision.
Nous n'avons eu en vue jusqu'à présent que les ligatures appliquées à la surface
extérieure du corps, ou dans des régions où la partie sur laquelle le fil doit être
apphqué est facilement accessible aux doigts du chirurgien, comme à l'orifice du
vagm, à l'extrémité inférieure du rectum, à la langue, à la face interne des joues. Ces
difficultés deviennent bien autrement grandes quand la ligature doit être portée au
fond d'une cavité comme le pharynx, le larynx, le vagin; il est presque impos-
sible alors de porter directement le fil à la place qu'il doit occuper et l'on a recours
dans ces circonstances à l'usage des porte-ligatures. Ceux-ci peuvent être classés en
deux variétés très-différentes : les uns consistant en un anneau dans l'intérieur
duquel on place la ligature dont le premier nœud préparé d'avance est prêt à
être serré; les autres sont des tiges, des pinces au moyen desquelles on cherche
à contourner le pédicule de la tumeur et à l'entourer d'un fil simple qu'on
noue ultérieurement.
L'anneau employé par Fabrice de Hilden (cent. 2, obs. xxi) reproduit par Heister
(tabL 21, fig. 6); modifié par Dallas en 1764 {Essays phys. and litt., vol. III),
pour lier un polype du pharynx, est à peu près inapplicable. Il faut, pour qu'il
puisse être mis en usage, que la tumeur puisse s'engager dans l'intérieur même
de l'anneau qui porte le fil ; or, très-souvent pour peu que la tumeur ait un cer-
tain volume et qu'elle ait pu se développer assez librement dans la cavité au fond
de laquelle elle est logée, la dimension de l'anneau devra être telle que son intro-
duction sera à peu près impossible. De plus, on se trouve toujours, avec cet instru-
ment, exposé à deux inconvénients de nature toute diftérente ; le fil mal retenu
bVl
LIGATURE.
dans l'anneau qui le supporte, glisse hors de sa place au moindre frottement que
la tumeur ou les parties voisines exercent sur lui : on bien ce fil est bien caché dans
la rainure de l'instrument, suflisamnient protégé contre tout déplacement ; mais
quand on veut lui faire quitter l'anneau, il se refuse à l'abandonner et à se placer
autour du pédicule du la tumeur.
Lorsqu'il s'agit de polyfies assez petits pour pouvoir être engagés au milieu
d'une anse formée d'avance, comme les polypes du larynx, on se sert de préférence
d'un fil métallique qui conserve sa forme sans qu'il soit besoin de le loger dans la
rainure d'un conducteur. Ce fd est supporté par une canule de courbure appropriée
qui fait l'oflice de serre-nœud, lorsqu'on lire sur les extrémités libres de la hga-
ture; et presque toujours alors la striction suffit pour détacher immédiatement
une tumeur ordinairement petite, de sorte qu'on pratique dans ces circonstances
une ligature dite extemporanée, c'est-à-dire un véritable écrasement linéaire.
Une ou plusieurs tiges métalliques dont une extrémité se termine en forme de
petite fourc!)e dans laquelle on engage le fil est le type primitif des autres porte-
ligatures ; mais le fil que rien ne relient d'une manière solide
est très-exposé à glisser hors de cette rainure ; le porte-nœud
de Levret, modifié par Floret, ne présente pas ces inconvénients.
Il consiste en une tige recourbée à son extrémité libre, en forme
de demi-anneau, et creusée en gouttière dans toute sa longueur.
Dans cette rainure s'engage une tige métallique qui en venant
s'appuyer sur l'extrémité du demi-anneau le convertit en un
anneau complet dans lequel on engage le fil. Un premier porte-
ligature amène le lien au niveau du point où il doit être appli-
qué; un second instrument semblable contourne le pédicule et
l'entoure d'une anse de fil (fig. 8) : ceci fait, on engage les deux
chefs dans un serre-nœud, on le pousse jusqu'à ce qu'il soit
arrivé au point voulu, on tire sur les extrémités du fil afin de
le tendre, et il suffit de faire glisser chaque tige dans sa gout-
tière pour que l'anneau métallique, largement ouvert, rende
le fil à la liberté. Nous n'avons pas à nous étendre davantage
sur ce sujet, les instruments et les procédés varient suivant qu'il
s'agit de tumeurs du vagin, de l'utérus, de la cavité naso-pha-
ryngienne, du larynx ; ils sont ou seront décrits avec les mala-
dies pour le traitement desquelles ils sont applicables.
Un fil ])lacé à une certaine profondeur ne peut être noué et serré directement
par les doigts du chirurgien, il faut donc amener la ligature à l'extérieur. C'est
ce que faisait Levret au moyeu de son serre-nœud composé de deux canules acco-
lées dans lesquelles passaient les deux chefs du fil, qu'on nouait à l'extérieur où
ils prenaient point d'appui sur l'arête formée par la paroi intermédiaire aux deux
tubes. Le serre-nœud de Levret avait un inconvénient : sa forme rectihgne et sa
rigidité en rendaient l'application difficile dans certaines régions. Roderic imagina
de faire passer les deux bouts de fil dans des petites boules d'os, d'ivoire, de
corne, de nacre, percées d'un trou à leur centre, et dont on enfilait successive-
ment un nombre plus ou moins considérable, suivant que la ligature avait à par-
courir un trajet plus ou moins long pour arriver à l'extérieur.
La première et la dernière boule étaient percées de deux trous, le premier
pour empêcher les boules de s'échapper et de se perdre après la section de la
tumeur, le dernier pour offrir au nœud le point d'appui indispensable. Mais le
Fig. 8.
LIGATURE. 375
serre-nœml de ÏJoderic a les défauts de ses f(ualités; sa flexibilité est tropgrandej
et quand on exerce une traction un peu forte, il se contourne, se tord eu tou.
sens, s'infléchit et rend toute striction énergique à peu près impossible, aussi a-t-i,,
été peu à peu abandonné.
Ces instruments, improprement appelés serre-nœuds, puisqu'ils ne servent quT
amener au dehors et non à serrer les chefs de la ligature, peuvent, comme le nœut
double fait directement par le chirurgien, suffire lorsqu'il ne s'agit que de tumeur,
peu volumineuses ou d'une consistance molle, qu'on peut étreindre suffisamment
pour y arrêter toute circulation. Mais il est des circonstances où la résistance des
tissus nécessite, pour que la constriclion porte son effet jusque dans le centre du
pédicule, un surcroît de force qu'on ne peut obtenir qu'à l'aide d'instruments;
aussi a-t-on modifié les porte-ligatures de Levret, de Desault et de Uoderic pour
les convertir en de véritables serre-nœuds. Gi-sefe fixa le nœud sur un petit curseur
qu'une vis entraîne en arrière, en augmentant ainsi la tension de l'anse de fil qui
entoure la tumeur ; Mayor a ajouté un treuil mobile au chapelet de Roderic, et
cette modification a rendu ces instruments, surtout le premier, d'un usage jour-
nalier, car ils répondent encore à une dernière indication dont il nous reste à
parler.
Lorsque le pédicule a une certaine épaisseur, la section des couches superfi-
cielles fait que le lien, quoique primitivement très-serré, devient bientôt trop
lâche et cesse de comprimer la partie dont il devait déterminer la section; il fau-
drait donc, dans ces cas, appliquer de nouvelles ligatures au fur et à mesure que
cesse d'agir celle qui avait été primitivement placée.
Levret, qui s'était beaucoup occupé de la ligatui'c des polypes, avait imaginé uu
serre-nœud formé par un arc d'acier à chaque extrémité duquel on attachait les
chefs de la ligature, q^ui se trouvait ainsi constamment tendue. Mais ce serre-
nœud avait un double inconvénient : son poids et son volume ; aussi Levret avait-il
eu en môme temps l'idée d'em[]loyer, au lieu de fil ordinaire, un fil d'argent qu'il
tordait plus ou moins les jours suivants, selon qu'il fallait resserrer la ligature.
Le serre-nœud de Grtefe répond plus simplement et plus elficacenient à cette
indication.
Dans ces dernières années. Trousseau a proposé, pour rendre la pression con-
tinue, d'employer un fil de caoutchouc enroulé plusieurs fois autour du pédicule,
et A. Richard a eu recours à cette suture élastique. Ce moyen ne nous parait pré-
senter aucun avantage. Si la tumeur est petite, un fil ordinaire bien serré suffit
à tout ; si elle est volumineuse, on ne peut, avec un fil de caoutchouc qui ne sau-
rait sans se rompre supporter une forte traction, serrer assez le pédicule pour
arrêter la circulation jusque dans sou centre; aussi ce procédé, que Debout disait
avoir proposé quinze ans auparavant, n'est pas entré dans la pratique.
L'application de la ligature demande quelques précautions. Le fil doit être serré
lentement, en observant son effet sur les tissus, qui quelquefois se laissent facile-
ment couper, ce qui donnerait lieu à l'écoulement de sang qu'on cherche à éviter.
Si, au contraire, la résistance est considérable, il faut user de ménagements et
employer un fil qui ne soit pas susceptible de se briser. Règle générale, il faut
serrer assez pour que toute circulation soit impossible dans la tumeur.
Que faut-il faire s'il survient une inflammation locale ou des symptômes ner-
veux inquiétants? Malgaigne, Sédillot conseillent, dans ces cas, de ne pas accroître
la constriction et de la relâcher jusqu'à cessation des accidents. Nous sommes à
cet égard d'un avis diamétralement opposé. Les accidents nerveux, en cas de ligu-
574 LIGINES ISOTHERMES.
ture, sont dus à l'irritation des nerfs comprimés médiatement par le lien; ils ne
paraissent pas si la striction est portée au point de désorganiser immédiatement
les tissus. Il se passe ici quelque chose d'analogue à ce qui a lieu dans les hernies
étranglées. L'intestin est serré dans un anneau normal ou accidentel ; les accidents
ordinaires existent et leur intensité augmente; mais aussitôt que la mortification
de la partie comprimée est survenue, on voit les accidents dus à la réaction des
nerfs de l'anse intestinale étranglée sur les plexus abdominaux disparaître pres-
que subitement jusqu'au moment où pourront paraître les accidents de la péri-
tonite; de même, des accidents analogues se montrent quelquefois dans la ligature
en masse du cordon spermatique après la castration, à tel point que quelques
chirurgiens repoussent ce procédé ; or, pour notre part, sur sept ou huit cas dans
lesquels nous l'avons pratiqué, nous n'avons observé aucun accident, même le
plus léger, mais nous avions soin de serrer avec toute la force dont nous sommes
capables la ligature formée par la réunion de trois ou quatre fils de soie très-
solides, réunis en un seul faisceau.
Alors qu'ils conseillent de relAcher la hgature s'il survient des accidents légers,
Sédillot et Malgaigne conseillent de la resserrer si ces accidents sont alarmants;
nous croyons que, légers ou très-graves, ces phénomènes, véritables accidents
d'étranglement, exigent une même conduite; serrer assez énergiquement la hga-
ture pour détruire toute vitalité dans les parties qu'elle embrasse, afin de
les désorganiser immédiatement. Ajoutons enfin, qu'aujourd'hui, la ligature
n'est plus guère employée que pour des tumeurs peu volumineuses, car on lui
substitue, dans les conditions opposées, l'écrasement linéaire, qui a presque tous
les avantages de la ligature, et n'a pas comme elle l'inconvénient d'exiger un
temps, quelquefois très-long, avant que ne se détache la tumeur dont on cherclie
à déterminer la chute.
LéOi>' Le Fort.
lilGlVES. Différentes dispositions anatomiques ont reçu le nom de lignes. On
appelle, par exemple, ligne âpre du fémur le bord postérieur de cet os [voy.
Fémdr) ; ligne blanche, la bande verticale résistante que forment les aponévroses
abdominales depuis l'appendice xyphoïde jusqu'au pubis {l'oy. Abdomen). La
ligne semi-lunaire de Spiegel n'est autre chose que la terminaison en demi-
cercle des fibres musculaires du transverse de l'abdomen {voy. Transverse). En-
fin, sous le nom de ligne semi-circulaire de Douglas on a désigné une disposition
du feuillet postérieur de la gaîne du muscle droit [voy. Droit de l'abdomen
(muscle)]. Mais il importe de remarquer que cette même disposition est décrite
par certains auteurs sous le nom de pli de Douglas, tandis que d'autres réservent
cette dernière dénomination aux plis péritonéaux semi-lunaires qui relient la ves-
sie et le rectum chez l'homme, l'utérus et le rectum chez la femme {voy. Péri-
toine) .
LIGlVEfS isOTHERiriES. A. de Humboldt a eu, le premier, l'idée de réunir
par des courbes tous les points de la surface du Globe dont la température
moyenne est la même; ces courbes, dont l'importance est très-considérable en
météorologie, sont désignées sous la dénomination de lignes isothermes. Comme
la température dépend à la fois de la latitude et de l'élévation du lieu d'observa-
tion au-dessus du niveau de la mer, il faut, dans le tracé des figues isothermes,
corriger les températures moyennes observées de l'influence de l'altitude, et rame-
LIGURES. 575
ner la température de chaque lieu particulier à ce qu'elle serait si ce lieu était
situé au niveau de la mer. — Les météorologistes modernes ont voulu donner une
plus grande extension à l'idée primitive et si féconde de A. de Humboldt ; ils étu.
dient avec grand soin le tracé de deux autres ordres de courbes, les lignes isothères
et les lignes isochimènes. Les premières de ces courbes réunissent lous les lieux
dont la température moyenne estivale est la même, les secondes passent par les
lieux à même température moyenne hibernale. (Voy. Climats et Isothermes.) J. G.
LIGIVUM. On employait souvent et l'on emploie encore quelquefois, pour
les bois médicinaux, le nom latin de Lignum. Ainsi :
Les Lignum Aqiiilœ, Aloes, Agallochum sont les Bois d'Aigle, de Calambac,
d'Aloès, etc. [Voij. ces mots.)
Le L. benedictum ou L. sanctum est le Gayac.
LeL. indicum, le Myrtus acris L. Voy. Mîrte.
Le L. moluccanum, le Croton Tiglium L. De même leL.pavaniim.
Le L. papuanum, le Lignidanbas ou Altijigia excelsa Noronh.
Les L. rubrum et Fernambuci, le Bois du Brésil.
On comprend suffisamment la valeur des mots Lignum Sappan, Campechia-
num, Sassafras, Colubrinum et Santali. H. Bn.
lilGUliE [ligula, petit lien). Genre devers cestoïdes vivant pendant le jeune
âge dans les batraciens et les poissons osseux, créé par Bloch, adopté par Zeder,
Rudolphi, etc. Les Ligules sont des vers blancs, mous, aplatis en forme de ban-
delette, sans articulations distinctes, traversés par un sillon correspondant à des
organes génitaux.
Ces vers paraissent et se développent premièrement dans la cavité abdominale
des poissons tluviatiles et surtout dans celle des cyprinidés, par exemple dans le
goujon commun. Les Ligules y atteignent une longueur excédant celle du pois-
son; le corps du ver, enlacé avec l'intestin de sou hôte, est souvent plus gros qne
celui-ci.
Plus tard, on trouve les mêmes vers dans le tube digestif des oiseaux palmi-
pèdes, surtout dans les harles, qui vivent de poissons ; cependant les vers des oi-
seaux ne sont pas plus développés que dans les poissons eux-mêmes, contraire-
ment à ce qu'on observe chez les autres vers qui changent de milieu. Brullé (de
Dijon) a observé la viviparité des Ligules de l'ablette, d'où on est forcé d'admettre
que les Ligules ne sont pas des vers agames.
Quand les Ligules sont arrivées à l'état strobilaire, leur corps ne présente pas
de "segments distincts, les proglottis restent unis sans se détacher à la ma-
nière des cucurbitains des tsenias ; toutefois la multiplicité de l'appareil sexuel
laisse voir la hmite exacte des individus composant le ver cestoïde.
L'espèce la plus connue de Ligule est la Ligida simplicissima. On la trouve
communément dans l'abdomen des poissons d'eau douce, au milieu des viscères.
C'est un ver blanc, aplati, un peu épais, effdé aux deux extrémités, ridé en travers •
du corps, surtout au milieu.
Les Ligules servent, dit-on, à l'alimentation dans quelques parties de l'Italie oii
elles sont très-abondantes. On les fait frire et on les mange comme un mets
délicat. ^- Laboulbène.
LIGURES, peuple de race ibérienne. Ils sembleraient Avoir très-anciennement
576 LILAS (botanique).
occupé une grande partie de l'Europe occidentale. Car, selon Festus Avienus, ils
auraient été refoulés par les Celtes d'une région maritime voisine des îles Œstrym-
niques, actuellement Sorlingues, situées au sud-ouest de l'Angleterre {Orœ mari-
timœ, vers 129 à 136); et, d'a))rès Stéphane de Byzance, les Ligures auraient eu
en Espagne une ville appelée Ligustiae : Atyyo-Twvj, 7r6).iç Aiyûwv, tvj; Svtiv.Tiç 'igvjotaç
È77ÙÇ... (Stéphane de Byz., nîotTrokwv, col. 180 de l'éd. de Guilielmi Xylandri,
1568, Basilœ).
Thucydide nous montre ces mêmes Ligures chassant à leur tour devant eux
les Sicanes des hords du lt/.«vdç, la Sègre, affluent de l'Èbre, îberus (J. Vf, ch. ir,
p. 163, éd. de 1835). Les Ligures paraissent s'être fixés principalement le loii"
du littoral méditerranéen, entre les Pyrénées et la Tyrrhénie (Toscane actuelle),
ainsi que l'indiquent de nombreux auteurs : Scylax {Périple, p. 2, § 3 et 4, éd.
de Vossius, 1639), Scymnos de Chio (Periégès, Fragynents des poèmes géogra-
phiques de Letronne, Paris, 1840, vei-s 200 et note, p. 185), Stéphane de By-
zance (/. c, Aly-opoç), etc., etc. Le nom de Ligurie sert encore actuellement à dési-
gner la côte nord-ouest de l'Italie.
Antérieurement à la fondation de Rome, des Ligures auraient habité plusieurs
régions de l'Italie centrale et méridionale (J. Ampère, riiistoire romaine à Rome,
t. I, ch. IV, p. 91 à 104; 1802).
Selon Philiste de Syracuse, cité par Denys d'Halicarnasse, et suivant SiHus Ita-
liens, quatre-vingts ans avant le siège de Troie, les Ligures de l'Italie méridionale,
poussés ]tar les Ombres et les Pélasges, sous la conduite d'un chef nommé Siculus,
franchirent le détroit pour se fixer dans l'île depuis appelée Sicde (Denys d'Hali-
carnasse, Antiquitésromaines,\. ï, ch. iv, §2, p. 54, trad. de Bellenger, 1723; —
Silius Italicus, les Puniques, t. III, hv. xiv, p. 152-3, trad. de Corpet et Dubois,
1856).
Sénèque le Philosophe nous signale également le passage des Ligures dans l'ile
de Corse [Consolatio ad Helviam, t. IX, ch. viii, p. 256-7, texte et trad. de La
Grange, 1819).
Quant aux caractères anthropologiques des Ligures, la plupart des auteurs,
MM. Nicolucci, Pruner-Bey et Cari Vogt s'accordent cà leur donner une petite sta-
ture, un crâne bracbycéphale et peu volumineux, un front globuleux, une face
assez large, etc. (Nicolucci, la Stirpe ligure in Italia ne' tempori antichi et mo-
derni, Napoli, 1864, in-4°; — Pruner-Bey et Cari Vogt, Bulletins de la Société
d'Anthropologie, ^« série, t. VI, p. 458; 2« série, t. I, p. 88 et 442, etc.). Re-
lativement aux Ligures, voyez les mots Basques pour l'ensemble des peuples
ihériens, et Frakce (Anthropologie), pour les Ligures du sud-est des Gaules.
Gustave Lagneau.
LiCiUSTicu.Yi. Voy. LivÊciiE.
OttUSTRUM. Voy. Troëne.
LILACII^'E. Principe amer extrait du Lilas {voy. Lilas).
I.1LA!S. § I. Botanique. Genre de plantes de la famille des Oléacées, dési-
gné par Tournefort sous le nom botanique de Lilac, et par Linné sous celui de
Syringa. Ses caractères peuvent être résumés de la manière suivante. Arbres ou
arbr.sseaux à rameaux opposés, garnis de feuilles oj^posées, simples et entières.
LILAS (phaumacologie). 577
Rameaux florifères portant à leur extrémité deux cymes opposées, thyi'soïdes,
abondamment fournies de fleurs. Calice gamosépale, à quatre dents. Corolle gamo-
pétale, hypocratériforme, à quatre lobes ovales plus ou moins étalés. Deux éta-
mines, incluses dans le tube de la corolle. Ovaire libre surmonté d'un style inclus
et d'un stigmate bitide. Capsule ovale lancéolée, comprimée, biloculaire, s'ouvrant
en deux valves naviculaires, septifères. Deux graines dans cliaque loge, pendantes,
oblongues, comprimées, bordées d'une aile membraneuse étroite et contenant
l'embryon dans l'axe d'un albumen cliarnu.
I Les plantes de ce genre sont originaires de l'Orient. Deux espèces ont été trans-
' portées de Perse dans nos jardins, dans la seconde moitié du seizième siècle, et au
commencement du dix-septième, et se sont si bien établies dans l'Europe centrale
et méridionale qu'on les regarde en bien des endroits comme naturalisées. Elles
font au printemps l'ornement des jardins par le nombre, la couleur et la suavité
de leurs fleurs. Ces deux espèces, auxquelles se rattachent un grand nombre de
variétés cultivées sont :
1° Le Lilas commun {Syringa vulyaris L.), qui forme un petit arbre pouvant
atteindre 15 à 20 pieds de haut. Ses feuilles sont un peu cordées à la base, larges
à leur partie inférieure, et se prolongent insensiblement en pointe vers le sommet :
elles sont glabres et très-entières. Les lobes de la corolle sont concaves. Cette
espèce donne des variétés à fleurs violettes, pourpres ou blanches.
2° Le Lilas de Perse {Syringa persica L.) qui es^ plus petit dans ses dimen-
.sions et ne dépasse guère 5 à 6 pieds. Les feuilles sont lancéolées, non cordées à
la base; les capsules sont plus étroites et moins pointues que celles du Lilas, et
les lobes de la corolle presque planes. A cette espèce se rapportent quelques va-
riétés remarquables, entre autres : le Lilas à feuilles laciniées, vulgairement
nommé à feuilles de persil, à cause des découpures nombreuses de ses feuilles
supérieures ,. et le Lilas Varin ou Lilas de Houen, dont quelques auteurs ont
fait, sous le nom de Syringa duhia Pers., une espèce caractérisée par ses feuilles
plus grandes, acuminées, aiguës à la base.
On désignait, sous le nom de Lilas du Japon, une espèce rapportée jadis au
genre Syringa, mais qu'on en a séparé depuis pour en faire le type du genre
Forsythia Vahl. C'est le F. suspensa Vahl.
Quant aux noms de Lilas des Antilles, des Indes et de la Chine, ils s'appli-
quent à une espèce d'un tout autre groupe, le Melia Azedarach L.
Toutes les parties du Lilas, mais surtout les feuilles et les fruits, sont douées
d'une forte amertume, ce qui empêche les bestiaux d'y toucher. Cette saveur
est due à la présence d'un principe acre et amer que M. Kromayer a retiré des
feuilles, et auquel il a donné le nom de Syrinpycrine.
TouRNEFORT. Inst., 601, lab. 572. — Lisné. Gêner. Plant., n° 22. — Duhamel. Traité des
Arbres, édit. 1825, II, 205. — Mérat et de Lens. Dict. mat. mcd., YI, (320.— D. G. Prodr.,
VIII, 282. — KRoaAYËR, Archiv der Pharm., CX, p. 18, etJournal de Pharmacie, XLIK, 429
Pl.
g n. Pharmacologie. L'écorce, les feuilles, les fleurs, et particulièrement
les fruits ont été employés en médecine.
L'écorce et les feuilles se traitent pai- décoction.
Les capsules ou fruits du lilas sont employées étant encore vertes, avec les se-
mences imparfaitement miires qu'elles contiennent, leurs propriétés médicales
paraissant être plus actives à cette période de leur développement. On prépare atec
ces capsules une décoction et un extrait mou.
DICT. ENC. 2» S. IL 37
578 LILAS (pharmacologie).
Des extraits préparés avec les feuilles, avec l'écorce, ont été trouvés moins actifs
que celui préparé avec les capsules.
L'analyse des capsules du lilas par Petroz et Robinet, a fourni : 1» une matière
résineuse; 2" une matière sucrée; 5" une matière qui précipite le fer en gris;
4" une matière amère; 5° une matière insoluble ayant l'apparence d'une gelée, se
rapprochant de la bassorine; 6° de l'acide malique; 7° du malate acide de chaux;
8° du nitrate de potasse ; 9" quelques autres sels. {Journal de pharmacie, X,
p. 159.)
MM. Milet, Leroy d'Anvers, Bornays ont isolé une substance, Ulacine ou syrin-
gine, qui cristallise en prismes blancs, brillants, et possède une saveur particuhère,
nauséabonde, plutôt douceâtre et acre qu'amère, insoluble dans l'éther, soluble
dans l'eau et dans l'alcool. Avec l'acide sulfurique concentré, elle donne une belle
dissolution violette. Elle ne paraît pas renfermer d'azote. (Boucliardat, Annuaire
de thérapeutique, 1843, p. 206.)
La syringine est-elle le principe actif du lilas ? Des expériences probantes man-
quent encore sur ce sujet.
§ m. Thérapeutique. Toutes les parties du lilas sont fortement amères, ce qui
faisait lui supposer des propriétés toniques généralement possédées par les végétaux
qui ont cette saveur. Néanmoins, la thérapeutique s'en était assez peu préoccupée,
orsque, en 1822, M. le professeur Cruveilhier, qui alors exerçait à Limoges,
expérimenta avec un succès comp-let, qu'il consigna dans une note de son ouvrage
{Médecine éclairée par Uanatoniie, Paris, 1822), l'extrait des capsules de lilas sur
six malades atteints de fièvres intermittentes. Quelques médecins de Bordeaux
ayant répété ces expériences, déclarèrent le lilas nul comme fébrifuge. [Notice
des travaux de la Société de médecine de Bordeaux, 1822, p. 9.) Il n'en
fut plus question. Mais, plus tard, le docteur Clément (de Vallenois, Cher), reprit
sur une plus large échelle (105 cas) l'application de l'extrait des capsules de hlas
au traitement des fièvres intermittentes, et dit avoir réussi tout aussi bien qu'avec
le sulfate de quinine. Ayant essayé comparativement l'extrait des feuilles, celui de
l'écorce et celui des capsules, il reconnut la supériorité de ce dernier. {Journal de
médecine et de chirurgie pratiques, 1855, t. XXVI, p. 261.) Enfin, Cazin dit
avoir obtenu, par l'emploi de cette préparation, l'extrait, après avoir échoué avec
la décoction, la guérison de trois fièvres tierces et d'une fièvre quotidienne.
Tout cela ne constitue qu'un nombre trop minime de faits pour déterminer la
valeur du lilas comme succédané fébrifuge du quinquina.
Cruveilhier et Cazin ont administré 4 grammes d'extrait de capsules de lilas, soit
en pilules, soit délayé dans du vin, pendant l'apyrexie ; Clément : de 2 à 5 grammes
du même extrait ; Cazin : 30 grammes de capsules en décoction dans 700 d'eau
réduits à 500.
Cazin [Traité des plantes médicinales indigènes) dit que, en Russie, le peuple
traite le rhumatisme articulaire par une huile de lilas préparée à l'aide d'une sorte
d\nfleurage, c'est-à-dire, en faisant macérer une forte proportion de fleurs fraîches
dans de l'huile d'olives exposée pendant quinze jours au soleil. Ici le principe qui
doit agir est l'huile essentielle de lilas, dont nous n'avons pu rien dire parce qu'elle
est très-mal connue. Elle est en effet très-difficile à obtenir par la distillation des
fleurs, et elle n'existe en parfumerie que dissoute dans l'alcool, à l'aide duquel on
"extrait des graisses enfleurées. Le pouvoir analgésique qu'elle pourrait posséder,
SI l'opinion populaire sur le remède ci-dessus est fondée, lui serait commun au
surplus avec beaucoup d'autres huiles essentielles ; et l'on a plus tôt fait, en cas de
LILIUM DE PâRâCELSE. 579
douleurs rhumatismales ou autres, de s'adresser à ceux de ces produits qu'il est
plus facile de se procurer. D. de Swignac.
MUACÉEIS. Famille de plantes qui réalise le mieux le type ordinaire des
mouocotylédones et forme pour ainsi dire le centre de cette grande division des
végétaux. Les traits principaux qui la caractérisent sont tirés de la considération
des fleurs et des fruits. Les fleurs ont un périanthe pétaloïde à six divisions, pla-
cées sur deux rangs; 6 étamines, insérées sur le réceptacle ou à la base du pé-
rianthe; un ovaire libre à trois loges contenant, sur des placentas axiles, un grand
nombre d'ovules anatropes ou semi-anatropes. Le fi'uit est une capsule (rarement
une baie) triloculaire, à déhiscence en général loculicide. Les graines sont nom-
breuses, à testa d'apparence variée : tantôt membraneux ou subéreux de couleur
pâle; tantôt crustacé, fragile et noir. Elles contiennent, dans un albumen charnu,
un embryon droit ou courbé, à radicule rapprochée du bile.
Les plantes de cette famille sont en général herbacées, rarement ligneuses.
Leurs parties souterraines varient suivant les divers genres : ce sont souvent des
bulbes, quelquefois des tubercules, d'autres fois des rhizomes. Les feuilles sont
simples et entières, le plus souvent linéaires et planes, plus rarement canaliculées
ou cylindracées.
Les Liliacées fournissent un grand nombre de plantes ornementales et beaucoup
d'espèces utiles. Les unes peuvent servir d'aliments ou de condiments, tels sont
par exemple les Allium; d'autres renferment des principes amers et purgatifs
qui les mettent au rang des médicaments très-actifs, tels sont la Scille et les
Aloès : enfin l'une d'elles, le Phormium tenax ou lin de la Nouvelle-Zélande,
donne à l'industrie les fibres extrêmement tenaces de ses feuilles.
Enducher. Gêner. Plant. — Lindleî. iViaf. Syst., 351. Pl.
LILIUM. Voy. Lis.
LILILM DE PA.RACELSE. Dans SOU livre des Arc/iirfoajes , Paracelse (îjoî/.
ce nom), le triste héros de la médecine hermétique, parle longuement et empha-
tiquement d'un médicament qu'il désigne soit sous les noms de physicorum
tinctura, soit sous ceux de lili alchimice et medicinœ. {Aur. Ph. Theoph. Pa-
racelsi Bombast ah Hohenheim. . . opéra omnia. Genev., 1 658, in-fol. , t. II, p. 1 1 7.)
Les termes les plus pompeux, les plus extravagants ne sont pas de trop, sous la
T)lume de ce fou étrange, pour porter aux nues la merveilleuse drogue : c'est la
liqueur de longue vie, tant cherchée par les alchimistes, l'arcane par excellence,
la quintessence de l'apothicairerie, « in qua mysteriorum omnimn ac operum
fundamenta latent; » c'est le Léo rubens , une perle fine, un trésor précieux,
qui a fait vivre cent cinquante ans les premiers et les plus anciens médecins de
l'Egypte, et qui guérit, consume, à l'instar d'un feu invisible, toutes les maladies,
la lèpre, la vérole, l'hydropisie, le mal caduc, la cohque, la goutte, le lupus, le
cancer —
Mais Paracelse ne s'attribue pas l'invention de la tinctura physicorum, qu'il fait
remonter à Hermès Trismégiste, et qu'il retrouve même dans les ouvrages d'Albert
le Grand. Seulement il prétend que les formules données par ces deux auteurs
ont été mal comprises, et que ceux qui les ont copiés n'ont écrit que des bévues.
« Tous les philosophes, écrit-il orgueilleusemezit, ont cherché avec passion le lili
alchimice, mais faute d'en bien connaître la préparation, ils ont échoué dans leurs
î)80 LILLE.
tentatives ; ils ont touché presque au but, sans l'atteindre; il était réservé à moi
seul de parcourir toute la carrière... Grâce à mes longues expériences, j'ai corrigé
les spagyristes, j'ai séparé le faux du vrai... »
Et vous croyez que Paracelse va vous donner clairement la manière de préparer
SA prodigieuse panacée... ? Ce serait en vain que l'on cherclierait à débrouiller le
chaos qui règne dans son chapitre : De processu veterum ad tincturam plujsico-
rum, et hreviori per Paracelsiim inventione. Dans ce tourbillon d'invocations à
Dieu, de jours néfastes ou heureux, de conjonctions de planètes, de maisons du
soleil, et de toute la défroque de l'astrologie, on ne démêle qu'une chose, à savoir
que la teinture des philosophes consistait dans un mélange bizarre de divers mé-
taux et d'alcooi. La preuve en est dans ces faits qu'il rapporte comme pour expli-
quer la formation des médicaments : qu'en Hongrie les paysans n'ont qu'à jeter
du fer dans une source appelée Zipserbrunn, pour que ce fer, chauffé et fondu, se
transforme en argent
Quoi qu'il en soit, le llii de Paracelse a passé dans l'ancienne apothicairerie,
mais changeant, non-seulement de nom, mais encore de formule. Dans la Chymia
rationalis, publiée par un anonyme, à Leyde, en 1687, ce n'est plus le lili Para-
celsi ni la tinctura physicorum, mais la tinctura metalloruin et le liliiim. Jean
de Renou, dans son Antidolarium, parle d'un médicament nommé par Avicenne
lUium céleste. On attribue même à ce célèbre médecin arabe un traité de Tinc-
Uira metallorum, qui a été imprimé à Francfort, en 1550, in-4°. Enfin, les
anciens Codex medicamentariiis de Paris donnent ainsi la manière de préparer
cette teinture : Prenez: régules d'antimoine, martial de cuivre, d'étain, de chaque
quatre onces. Après les avoir pulvérisés et mêlés, faites -les fondre ensemble en
une seule masse pour former le régule des métaux. Ce régule pulvérisé, mêlez-y
nitre purifié, tartre en poudre, de chaque 18 onces; projetez à diverses re-
prises ce mélange dans un creuset, faites-le détoner ei liquéfier à un feu fort ;
tirez la matière du creuset, pulvérisez-la grossièrement , et l'introduisez toute
chaude dans un matras ; faites digérer au bain de sable pendant plusieurs jours,
en agitant de temps en temps ; quand la teinture est satui'ée, tirez-la au clair.
Et... buvez-moi ça comme cordial... ! Vous ne boirez guère, en résumé, qu'une
solution alcoolique de potasse, dans laquelle on pourrait tout au plus soupçonner
quelques atomes d'oxydes métalliques.
Consultez pour le liliiim de Paracelse : Nachet, in Dict. des se. méd. en
60 vol., t. XXVllI, p. 257, 1818. — Mérat et Delens, Dict. iiniv. de matière
médicale, etc., t. IV, p. 115 ; 1852, in-S", Dict. de Nysten, art. Lilium, etc.
Il n'est pas inutile de faire remarquer que ce nom de lilium donné à la tein-
ture des métaux, et qui plaçait pour ainsi dire cette dernière sous le patronage de
l'une des plus belles plantes des jardins, était comme un titre d'honneur pour
exprimer ses merveilleux effets cordiaux et réconfortants. Un célèbre médecin de
iViontpellier, Bernard de Gordon {voy. ce nom), nous a laissé aussi sous le nom
de Lilium medicinœ, un traité complet de médecine. On possède une Rosa me-
dicinœ, une Florida corona sanitatis, etc., etc. A. C.
LILLE (Chréties-Éverard de) naquit à la Haye en 1724, et se fit recevon- en
1756 à Leyde, où il avait fait ses cours de philosophie et de médecine. Avant
même l'époque de sa réception, il s'était fait avantageusement connaître par un
traité sur les palpitations de cœur, aussi fut-il immédiatement choisi pour aller
occuper à Groningue la chaire de médecine et de chuurgie que venait de quitter
LIMAGIEN. 581
l'illustre Camper, appelé à Amsterdam. Lille accepta celte lourde succession et
sut mériter les suffrages du public par son zèle et son savoir; il ne craignit
pas, dans un de ses ouvrages, d'attaquer les opinions de Haller, plutôt par des
raisonnements que par des faits, et avec une certaine violence que lui a reprochée
le grand physiologiste.
Il a laissé les ouvrages suivants :
1. De excessu motus circulatorii. Lugd. Batav., 1752, in-4°. — II. Tractatus de palpita-
tione cordis, qunm prœcedit prœcisa cordis historia physiologica, cuique, etc. Zwoll, 1755.
— III. Plnjxlologicarum animadversionum sccunduin ordinein Ilallcri clcmentorum lib. l.
Frank., 1772, in-4°. E. Bgd.
LIM.^CE, LIMACIEIVS. Les Limaces sont des mollusques gastéropodes nus
ou dépourvus de coquille calcaire extérieure, à corps allongé quand l'animal se
meut, formant un ellipsoïde allongé, précédé par des tentacules céplialiqiies. La
surface plane qui porte sur le sol est le pied, la face opposée, convexe, est le dos
du mollusque ; sur le milieu du dos existe une partie saillante en bourrelet et sous
laquelle l'animal peut cacher sa tête lorsqu'il la contracte; cette partie, ordinaire-
ment striée en travers, porte le nom spécial de cuirasse. La tète petite, obtuse,
séparée du pied par un sillon peu marqué offre en avant la bouche formée y.r
une ouverture transversale et surmontée de quatre tentacules. Ces tentacules ré-
tractiles présentent, quand ils sont allongés, la forme d'une petite tige arrondie, ils
sont terminés par un petit rentlement spliérique; les tentacules supérieurs ofirent
un point noir qui correspond aux organes visuels, les deux tentacules inférieurs sont
beaucoup plus courts. Vers la base du grand tentacule droit un mamelon obtus
percé d'une ouverture peu visible, donne passage aux organes génitaux pendauf,
l'accouplement. Le bouclier est percé, sous son bord droit, d'une ouverture largo,
très-contractile, donnant accès à l'air dans une cavité respiratoire. En arrière est
l'orifice anal terminant l'intestin. La coquille très-rudiment aire des Limaciens est
interne, placée sous le manteau, et se développe peu à peu dans les genres Tcs-
tacelie et Vitrine, qui font le passage des Limaciens aux Hélices.
La peau des Limaces est revêtue d'une mucosité gluante qui facihte l'adhésion
clu corps de l'animal sur les surfaces oij il rampe, même les plus lisses, et qui le
protège contre l'excès de la chaleur en empêchant l'évaporation des humeurs. Les
limaces se plaisent dans les endroits frais et humides, elles passent l'hiver sous terre
dans un engourdissement complet et paraissent au printemps et dans l'été après
la pluie et pendant la nuit. Dans les climats chauds les Limaces restent cachées
pendant les chaleurs et ne sortent que pendant l'automne et l'hiver.
La nourriture de ces animaux consiste en matières végétales, aussi les Hmaces
sont-elles très-nuisibles aux jardiniers en dévorant les jeunes pousses ou les feuilles
des végétaux; elles mangent aussi les matières animales décomposées, les lom-
brics morts et, dans les bois humides, les champignons, qu'elles recherchent
'avec avidité.
Les Limaces ont été employées en médecine. Une des grandes espèces du genre
Armi, d'un rouge orangé a reçu le nom à'Arion empiricorum. La chair pilée et
mélangée de sucre servait à préparer un sirop adoucissant. Dans quelques con-
trées de la France, principalement dans le Midi, des malades avalent des Limaces
crues dans l'espoir de se guérir de maladies chroniques de l'appareil pulmonaire.
{Yoy. LiMAÇojJS et Hélix.) A. Laboulbène.
UMACIE:v (Nerf). C'est la branche cochléenne du nerf auditif, qui se dis-
tribue au limaçon.
582 LIMETTIER.
OMACllVE. Substance extraite, par Braconnot, des limaces. Blanclie, opa-
que, soluble dans l'eau chaude, très-peu dans l'eau froide, soluble aussi dans les^
alcalis et dans l'acide chlorhydrique, qui ne la colore pas en bleu. Le tannin,
l'acétate de plomb, le sublimé, le sulfate de fer, l'acétate de cuivre précipitent la
solution aqueuse froide de limacine.
lilMAÇOîK. {Voy. Oreille interne.)
LIMAÇOIVIS. Nom vulgaire sous lequel on désigne diverses espèces du genre
Hélix de nos climats, par opposition aux limaces vraies. Les mollusques gastéro-
podes à coquille calcaire qu'on appelle plus spécialement limaçons, se rapportent
surtout aux Hélix pomatia, adspersa, nemoralis, sylvatica, vermiculata,
algira, etc., qui sont édides. (Voy. Hélix.) A. Laboulbène.
LIMANDE. Poisson à chair comestible, malacoptérygien, de la famille des
pleuronectides et du genre Pleurouecte. {Voy. ce mot.) La Limande (Pleuronec-
tes limanda., Linn.; Bloch., pi. 46, Encyclop., p. 40, f. 158), vulgairement ap-
pelée Plie de mer, tandis que la Plie ordinaire porte les noms de Plie franche ou
Carrelet, est longue de 30 centimètres, rarement plus; les yeux sont placés à
droite de la ligne dorsale déviée ; la couleur est brune en dessus ou brun jau-
nâtre avec des taches obscures. La ligne latérale est très-courbe sur la tête, les
écailles sont dentelées et aspéruleuses ; on trouve des écailles sur les rayons des
nageoires dorsale et anale; la nageoire caudale est noirâtre et tronquée, ou
très-légèrement échancrée. Un piquant existe constamment près de l'orifice anal.
La Limande est commune sur les côtes de la France, elle remonte quelquefois
la Semé jusqu'auprès de Paris, et la Loire jusqu'à Orléans ; mais d'une manière
accidentelle. C'est une espèce marine. La chair en est moins estimée que celle de
la Plie franche. {Voy. Pleuronecte, Poisson.) A. Laboulbène.
LIME. Genre de mollusques acéphales, monomyaires, de la famille des Pec-
tinides, dont la chair est édule. La coquille de ces mollusques est longitudinale,
et parfois oblique, à côtes ou striée, souvent hérissée. Lorsque les valves sont en-
core jointes par le hgament à l'état frais, elles ne ferment pas complètement ; le
côté antérieur forme une canule pour le passage d'un hyssus ou du pied. Quoy et
€aimarà ont décrit l'animal des Limes, et Délie Chiaje l'a également représenté;
il ressemble aux Pecten, mais le manteau est très-ample avec le bord divisé en
deux parties bien distinctes, dont l'une externe déborde la coquille et dont l'autre
interne se développe comme un large voile, derrière lequel l'animal peut se
cacher. Des tentacules flexibles s'attachent sur la première partie du bord. La
bouche est placée sur la face antérieure du muscle adducteur des valves, les
lèvres buccales sont soudées vers leur miheu et ouvertes seulement vers les deux
commissures. De chaque côté, il existe une paire de larges feuillets branchiaux
épais et striés, et entre ces feuillets est placé le pied, qui est coudé au sommet.
Les Limes nagent très-vite et par soubresauts, en frappant ou battant leurs
valves l'une contre l'autre; cette locomotion rappelle le vol de quelques Lépido-
ptères diurnes. On trouve principalement les Limes dans les anfractuosités des
rochers et dans les cavités que laissent les zoophytes.
Les Limes ne fournissent qu'un aliment de médiocre quahté. {Voy. Mollusques. )
A. Laboulbène.
LIMETTIER. Nom donné à un certain nombre de variétés d'une espèce du
LIMONADES (pharmacologie), 583
genre Citrus établie par Risso sous le nom de Citrus Limetta. Cette espèce n'est
pas généralement admise et les divers éléments doivent en être répartis dans les
autres espèces du genre. Le Bergamottier et ses diverses formes {voy. ce mot)
l'ont partie des Limettiers de Risso. Quant aux Liraettiers proprement dits, liisso
leur attribue, dans son ouvrage publié avec Poiteau, en 1818 : le port et les
feuilles du Limonier; des fleurs blanches, petites, d'une odeur douce particulière;
des fruits d'un jaune pâle, ovales, arrondis ou terminés par un mamelon; une
pulpe douceâtre, fade ou légèrement amère. Leurs principales formes sont : le
Limettier ordinaire ou Lime douce de Gallesio, le Limettier de Rome, le Limet-
tier d'Espagne, le Limettier à fruit tubercule, le Limettier des Orfèvres et le Li-
mettier pomme d'Adam.
Ces diverses formes ne sont presque d'aucun usage dans la parfnmene. Leur
pulpe est bien moins agréable que celle des oranges ; on en compose ce])endun
des glaces assez parfumées.
Gallesio. Traité du Citrus, 1811. — Risso et Poiti.au. Histoire naturelle des Orangers.
Paris, 1818. Pi,.
LimXAiKTnEMOI. Nom proposé par Gmelin (mAct. Acad. petropol., 17G9,
XV, 567, t. 17), [)0ur des Gentianacées voisines des Villarsia^ dont elles ne diffé-
reraient que parleur fruit indéhiscent. Ce genre n'est généralement pas adopté; et
les plantes amères, toniques, qu'il renferme, ont été rapportées par beaucoup
d'auteurs aux Villarsies. {Voy. ce mot.) Le L. indicum, espèce comestible et mé-
dicinale, est le F. indica de Ventenat. Le L. nymphœoïdes Lk est le Menyanlhes
nymphceoïdes de Linné, ou Villarsia nymphœoïdes de Ventenat. H. Bn.
njnJVOPDilvE {Limnopliila R. Br.). Genre de plantes, de la famille des
Scrofulariacées, tribu des Gratiolées, que Lamarck a nommé Ambulia. La fleur
y est pentamère, avec une corolle bilabiée, quatre étamines didynames, à loges
séparées, et un ovaire biloculaire, à loges multiovulécs. Le fruit est une capsule
locuhcide. Les Limnopliila sont des herbes des marais de l'Asie et de la Nouvelle-
Hollande. Leurs feuilles sont opposées, et leurs fleurs sont solitaires ou réunies
en grappes. Deux espèces sont recherchées dans la médecine des pays chouds.
I. L. gratissima Bl. {L. Roxburghii Don, Gen. Syst., IV, 543. — Capraria
gratissima Roxb., FI. ind., III, 92). Espèce de l'Inde, de Java, aromatique, to-
nique, recherchée au Malabar dans le traitement des fièvres
II. L. trifida Spv^ekg., Syst., II, 802 {L. gratioloïdes R. Br., Prodr. N. Holl.^
442. — Gratiola trifida W., Spec, I, 104. — G. vircfmiana L., Spec, 25
(part.). — Hoitonia indica L., Spec, 208. ' — Columnea balsamea Roxb., FI.
ind., III, 97. — Eydropityon pedimculatinn Ser., in DC. Prod., I, 44). Celte
espèce, de l'Inde orientale (et non de l'Amérique du Nord), est aromatique, bal-
samique, excitante ; elle s'emploie comme un bon fébrifuge, et dans le traitjment
des maladies de la gorge, de la poitrine. II. Bn.
Brown (R.), Prodr. fl. N. Holl.,U2. — Bemh., Scroful. md., 25. — DC, P-odr., X. 386.
— Lamk, Dict., I, 128. — EsDL., Gei^., n° 3952. — Roseî<ih., Syn. plant, diaphor., 470.
LIJMOIV. Fruit du Limonier, plante du genre Citrus, regardée par quelques
auteurs comme une espèce distincte [Citrus Limonum Risso), par d'autres comme
une simple variété du Citrus medica L. [Voy. Citrokkier.)
LIl!IO]%ii.DEiS. d I, Pharmacologie. Le nom de limonade a été d'abord
58i LIMONADKS (pharmacologie).
donné à une boisson préparée avec le suc de citron étendu d'eau et édulcorée
convenablement. Ce nom lui vient, soit de ce qu'on pouvait employer également
le suc du limon pour obtenir cette boisson, soit plutôt parce que le fruit de l'arbre
que nous appelons citron et citronnier sont appelés par tous les autres peuples
limon et limonier. Aujourd'hui le nom de limonades est appliqné à des boissons
acidulés employées surtout dans les maladies inflammatoires. On les prépare
tantôt avec le citron, l'orange ou d'autres fruits acides, comme les groseilles, les
cerises, etc. ; tantôt avec un acide végétal ou minéral, quelquefois avec un sel
acide comme la crème de tartre, le citrate de magnésie, etc. Ces préparations se
prennent froides. Elles ne doivent pas être renfermées dans des vases de métal
qui puissent être attaqués par l'acide qu'elles contiennent. Les vases en verre
ou en porcelaine sont ceux qu'il faut préférer.
Les limonades les plus employées sont les suivantes :
Limonade commune. La manière la plus ordinaire et la plus simple de faire
cette limonade consiste à mettre un ou deux citrons coupés par tranches dans un
litre d'eau à laquelle on ajoute 50 à 60 grammes de sucre, on laisse macérer pen-
dant une ou deux heures. Quelquefois on enlève le zeste du citron ; dans ce cas,
il faut avoir soin de séparer en même temps le parenchyme blanc qui est sous-
jacent, autrement cette partie communiquerait une saveur amère à la boisson ; les
semences doivent également être séparées. Souvent au lieu de composer la Hmo-
nade à froid, comme il vient d'être indiqué, on se sert de préférence d'eau bouil-
lante que l'on jette sur le citron. Cette limonade, qui est appelée limonade cuite,
est moins acide au goût parce que l'eau a dissous une certaine quantité de mu-
cilage.
La limonade à l'orange ou orangeade se prépare de la même manière, eu rem-
plaçant le citron par l'orange.
Les limonades à la cerise, à la groseille, à la framboise, etc., s'obtiennent en
mêlant à 900 grammes d'eau, 100 grammes de chacun de ces sirops. Ces limonades
sont gazeuses quand on remplace l'eau simple par de l'eau chargée d'acide carbo-
nique. (Codex.)
La. limonade tartrique se prépare en mêlant à 900 grammes d'eau, 100 gram-
mes de sirop d'acide tartrique. Pour la limonade citrique et celle à Y orange, le
sirop d'acide tartrique est remplacé par le sirop d'acide citrique aromatisé au citron
ou à l'orange [Codex); ces limonades sont employées comme antiseptiques, rafraî-
chissantes et diurétiques.
Limonade lactique (Magendie). Acide lactique, 4 à 10 grammes ; eau, 900 gram-
mes ; sirop de sucre, iOO grammes. Dans les cas de dyspepsie ou de simple affai-
blissement des organes digestifs. Peu employée. [(Fo^/. Lactique (Acide).]
Limonade acétique ou Oxycrat. (Velpeau.) Vinaigre blanc, 50 grammes; eau
commune, 900 grammes; sirop de sucre, 70 grammes. Boisson rafraîchissante
employée dans les fièvres, les phlegmasies, etc.
Limonade alcoolique des hôpitaux. Alcool rectifié, 60 grammes ; sirop tar-
trique, 60 grammes; eau, 880. Mêlez.
Limonade vineuse des hôpitaux. Vin rouge, 250 grammes ; sirop tartrique,
60 grammes ; eau, 700 grammes.
Limonade à la crème de tartre. Crème de tartre soluble, 20 grammes; eau
bouillante, 900 grammes ; sirop de sucre, 100 grammes. On fait dissoudre la
crème de tartre dans Peau, et on ajoute le sirop de sucre. {Codex.)
Limomi-de au citrate demagnésie [voy. Magnésie).
LIMONADES (hygiène). 5{<5
Limonade sèche. La limonade sèche est un mélange de poudres qui, mêlées
avec l'eau donnent lieu à une boisson analogue à celle que l'on prépare avec le
citron. Pour l'obtenir, on mélange 8 grammes d'acide citrique pulvérisé avec
125 grammes de sucre en poudre grossière aromatisé avec quelques gouttes
d'oléo-saccharure de citron. On conserve dans un flacon qui ferme bien. La dose
est d'une cuillerée pour un verre d'eau. Ce mélange peut être transformé en limo-
nade gazeuse par l'addition de bicarbonate de soude qui, au moment de la disso-
lution dans l'eau, est décomposé par l'acide citrique avec dégagement d'acide
carbonique. Yoici alors la formule qu'il faut suivre pour l'obtenir : sucre râpé et
aromatisé, 50 grammes; acide citrique, 3 grammes pour un paquet blanc. D'autre
part, bicarbonate de soude, 2 grammes pour un paquet bleu. On fait dissoudre le
contenu du paquet blanc dans un litre d'eau, puis on ajoute ce que renferme le
paquet bleu. V orangeade sèche se prépare de la même manière, mais en em-
ployant l'oléo-saccbarure d'orange. On peut aussi préparer des limonades sèches
avec d'autres acides.
Les limonades minérales sont celles dans lesquelles on fait entrer un acide mi-
néral. La limonade sulfurique s'obtient en mélangeant 2 grammes d'acide sulfu-
rique pur à i ,84 au densimètre, 900 grammes d'eau et 100 grammes de sirop de
sucre. [Codex.) Cette limonade a été préconisée autrelois sous le nom d'eau anti-
putride de Beau fort.
On prépare de la même manière et aux mêmes doses les limonadef! nitrique,
phosphorique et chlor hydrique, la première avec l'acide nitrique pur à \ ,42, la
seconde avec l'acide phosphorique pur à 1 ,45, et la troisième avec l'acide chlor-
hydrique pur à 1,17. Ces doses peuvent être augmentées ou diminuées selon le
besoin. T. Gobley,
§ II. Hygiène. Les limonades envisagées au point de vue de l'hygiène
sont des boissons acidulés gazeuses ou non gazeuses, qui ont pour office d'étan-
cher la soif. On en peut rapprocher de l'eau Seltz, dont on fait actuellement un
usage si immodéré sur nos tables, et les eaux naturelles acidulés gazeuses.
Les limonades sont des boissons rafraîchissantes; elles tempèrent la soif, pro-
duisent une sensation agréable de fraîcheur, calment l'excitation circulatoire et
abaissent sensiblement la chaleur organique. Quelle est la cause de cet effet qui
est de constatation journalière? Les acides végétaux tempéreraient- ils la chaleur
en absorbant l'oxygène à leur passage dans le torrent circulatoire, pour se brûler
■et se trcuisformer en dernière analyse en eau et en acide carbonique? (Délioux
Mém. sur les acides vége'taux, Gaz. méd. de Paris, 1851.) Les médecins qui
ne reculent pas devant les interprétations chimiques, n'hésiteront pas à adopter
celle-ci, que nous nous contentons de rappeler.
Le goût des boissons acidulés est très-général ; elles répondent à un
appétit et à un besoin; mais leur usage doit, sous peme d'inconvénients très-
sérieux, être maintenu Cslxis de justes limites. Autrement elles débilitent l'esto-
mac, produisent de la giistralgie, de l'inappétence, de la diarrhée par indigestion
aqueuse, des flatulences, sans compter cette ivrognerie des acides, qui porte à
acidifier de plus en plus ses boissons, pour satisfaire aux exigences d'un palais
blasé par l'habitude. Ce dernier inconvénient, qui aboutit à des troubles graves
de la nutrition, est surtout à craindre chez les gens nerveux, les femmes surtout,
et principalement les chlorotiques, qui sont singulièrement disposées à celte
appétence des acides. Les effets constatés à la suite de l'abus des boissons
586 LIMONADES (hygiène).
vinaigrées prises pour combattre uu embonpoint disgracieux sont, à la mesure
près, imputables à l'abus des limonades. Pour le dire incidemment, cette incar-
tade hygiénique, arme de suicide plutôt que de coquetterie, ne date pas d'hier,
puisque Guillaume Varignana, professeur à Bologne en 1302, connaissait les
propriétés émacianles du vinaigre, et l'employait dans ce but. {Voy. Sprengel,
Hist. de la mcd., t. Il, p 452.)
Les fruits acidulés paraissent être l'un des besoins de la vie dans les pays
chauds ; aussi la nature les a-t-elle multipliés, avec une véritable libéralité, dans
les régions intertropicales; seulement (et c'est un enseignement dont l'hygiène
doit profiter), le {irincipe acide y est mitigé par des arômes variés, mais presque
toujours fragrants, qui stimulent le goût et l'estomac, et préviennent l'état flatu-
lent que ces boissons, auxquelles les gens du monde attribuent l'inconvénient
d'être froides, sont disposées à produire. D'où aussi l'utilité des limonades, mais à
la condition qu'elles soient prises avec discrétion. Celle, établissant, dans un
ouvrage d'ailleurs très-bien fait, une distinction entre l'hygiène des climats
chauds et humides, et celle des climats chauds et secs, admet que les bois-
sons acidulés, nuisibles dans les premiers et susceptibles d'augmenter la soif
et de diminuer l'appétit, conviennent au contraire dans les seconds. (E. Celle,
Hyg. des pays chauds, p. 216.) On ne saurait souscrire à cette distinction.
La question de Topporl unité de fournir aux équipages des bâtiments qui na-
viguent dans les pays chauds une boisson acidulé propre à étancher leur soif, est
peut-être une des plus graves de l'hygiène navale. Je l'ai longuement discutée
dans un ouvrage spécial {Traité d'hygiène navale ou de l'influence des condi-
tions physiques et morales dans lesquelles l'homme de mer est appelé à vivre, et
des moyens de conserver sa santé. Paris, 1856, p. 546). Que la boisson soit sim-
plement de l'eau acidulée par du vinaigre ; que ce soit la posca ou l'oxycrat des-
soldats romains ; que l'on substitue le jus de citron au vinaigre, quand les circon-
slanccs d'approvisionnement le permettent ; que ce soit de l'eau légèrement alcooli-
sée; il n'en est pas moins vrai que le matelot ayant à disposition \xn charnier
plein de ces breuvages est incité à boire, et qu'il arrive ainsi par l'habitude à une
sorte d'ivrognerie des boissons aqueuses que je considère comme ayant sur la
santé l'influence la plus déplorable. Mieux vaudrait certainement que chaque
homme reçiit par jour, et pour être consommé en dehors de ses repas, i litre
d'une eau très-légèrement vineuse (au quart ou au cinquième, par exemple); on
saurait ainsi ce que chaque matelot consommerait et on n'aurait pas à combattre
à chaque instant ces diarrhées qui frappent quelquefois en même temps une
grande partie d'un équipage, et qui tiennent à l'abus des boissons aqueuses; on
éviterait aussi ces troubles dyspeptiques qui ouvrent la porte à l'anémie et à son
cortège de conséquences si graves.
Ce qui arrive pour les officiers qui abusent des limonades et qui ne savent
pas maîtriser leur soif, est instructif à ce point de vue. Ces boissons acidulés sont
salutaires quand on les prend en petite quantité, mais dès qu'on se départ d'une
modération nécessaire, elles deviennent une cause d'affaiblissement des plus
fâcheuses, par l'abondance des sueurs qu'elles provoquent. Le corps transpirant
sous les tropiques comme une sorte d' al car azas poreux, se laisse traverser avec une
rapidité incroyable par l'eau ou les boissons acidulés qui s'échappent par la peau,
entraînant avec elles les matières organiques qui entrent dans la composition de
la sueur; d'où une déperdition et un affaiblissement iné\itables, d'où aussi l'abon-
dance de cette éruption papuleuse de bourbouilles {lichen tropicus), qui n'est paS'
LIMONADES (hygiène). 587
l'une des moindres souffrances qui attendent l'Européen avant qu'il se soit indigé-
nisé. Dans les pays où les citrons abondent, il est difficile de résister à la tenta-
tion d'en faire un usage excessif; on peut prévenir une partie des inconvénients
attachés à cet abus, en additionnant les limonades d'une faible quantité de vin
ou de quelques gouttes de rhum ou d'eau-de-vie. Dans les contrées chaudes, les
boissons alcooliques très-diluées conviennent infiniment mieux que les boissons aci-
dulés, et surtout que les boissons aqueuses; mais l'eau, additionnée d'une très-
légère quantité de café [voyez ce mot), est encore autrement salubre. Au lieu de
provoquer la sueur, ce breuvage la modère ; au lieu de fatiguer l'estomac, il li!
tonifie. Il est, au reste, un fait d'observation dans les pays chauds, et qui a son im-
portance pratique ; c'est qu'une réï^istance courageuse à l'appétit impérieux qui
porte à boire une grande quantité de liquides entre les repas est récompensée
bientôt par une diminution notable de la soif qui devient très-supportable. Je
suis convaincu que la moitié' del'hygiène des pays chauds réside dans C absten-
tion des boissons dans l'intervalle des repas. J'ai dû à cette règle la conservation
de ma santé pendant cinq ans de station au Sénégal, et j'y attache une importance
capitale, [Hyg. navale, p. 450 et 549.) C'est là, du reste, une opinion partagée
par beaucoup de médecins de la marine.
h'eaîi vineuse est, par le fait, une Umonade, mais dans laquelle l'acidité
est adoucie par les autres principes du vin. C'est la meilleure des boissons desti-
nées aux malades. Elle peut les remplacer toutes, et nulle ne saurait la sup[iléer.
On en gradue facilement la force, et suivant son degré de vinosité, elle est
tout simplement ou tempérante ou tonique, enfin la diversité des vins qui peu-
vent servir à sa préparation, contribue encore à en faire varier la nature aussi bien
que le goût. Le bourgogne, mais surtout le bordeaux sont les deux vins qui
donnent la meilleure eau vineuse. L'addition de sucre et d'essence de citron,
quelquefois d'une petite quantité du suc de ce fruit, ou le mélange a\ec l'eau
de Seltz, concourent à rendre l'eau viueuse en même temps plus agréable et plus
tempérante. Il n'est guère de malades qui ne recherchent avec avidité cette
Doisson, dans laquelle ils trouvent une diversion utile aux tisanes sucrées dont
on les abreuve d'ordinaire.
Les limonades gazeuses (et l'eau de Seltz artificielle mérite ce nom, puisqu'elle
n'est qu'une dissolution d'un acide gazeux dans l'eau) sont devenues depuis quel-
ques années, grâce au perfectionnement des procédés de fabrication, un des besoius
de l'alimentation. L'eau de Seltz, servie sur nos tables dans des cruchons siphoïdes,
(dont le bec doit être en étain pur) , ou préparée exteraporanément dans nos mai-
sons à l'aide des appareils gazogènes de Briet ou de Fèvre, l'eau de Seltz, dis-je,
est consommée de nos jours avec une banalité et une intempérance qui doivent
fixer l'attention de l'hygiéniste. (Fonssagrives, Eyg. alim. des malades, des con-
voi, et des valétud., ou du régime envisagé comme moyen thérapeutique, 2® édit.
Paris, 1867, p. 33. Voyez aussi Al. Aug. Legrand, Sur Veau de Seltz et la
fabricat. des boissons gazeuses. Paris, 1861.) L'inconvénient principal de
l'usage journalier de l'eau de Seltz est d'habituer l'estomac à une stimulation
sans laquelle il finira par ne plus pouvoir digérer, sans préjudice de l'excitation
cérébrale produite par l'eau de Seltz, et qui se traduit par une ivresse très-passa-
gère et très-faible, mais réelle.
Les eaux minérales naturelles de Saint-Galmier, Condillaç, Schwalheim, entrent
aussi dans nos habitudes alimentaires. Elles ont leur utilité sans doute, mais ce
sont des médicaments à indications et à contre-indications nettement définies,..
588 LIMONADES (thérapeutique).
et l'usage banal qu'on en fait, sans avis de médecin, a ses inconvénients.
Les limo7iades gazeuses ne sont que des limonades ordinaires diversement aci-
difiées et aromatisées et qui ont été chargées d'acide carbonique au moyen d'un
appareil gazogène. Leur acidité, accrue par la présence du gaz, doit rendre très-
réservé dans leur emploi. J'ai vu des gastralgiques qui ne pouvaient user de ces
boissons sans en éprouver des crampes très-douloureuses.
Les limonades ne conviennent pas à tous les estomacs ; ceux qui sécrètent une
quantité surabondante de suc gastrique s'en accommodent mal ; ils en éprouvent
des pincements, si ce n'est des crampes douloureuses. Je crois même avoir trouvé
dans la façon dont les acides et le sucre sont supportés par les malades un moyen
de distinguer la dyspepsie acide de la dyspepsie par pénurie de sucs gastriques ou
apepsie, comme l'appellent les Anglais. Le sucre et les acides déterminent du
pyrosis dans le premier cas, ils facilitent la digestion dans le second. Si le sucre
faU digérer, comme on le dit vulgairement, c'est parce qu'il fa\orise la dissolu-
tion des aliments en se transformant en acide lactique, mais il ne fait digérer que
les apeptiques ; les dyspepsies avec acidités s'en trouvent au contraire très -mal.
.l'ai connu un m.alade qui ne digérait qu'à la condition de prendre, après ses repas,
un verre de limonade concentrée ou quelques pelotes de sucre. Il y a là une ques-
tion for! in!éressante et qui, je le reconnais volontiers, appelle de nouvelles ro-
clierches cliniques.
g III. Tlic-riipcutujiae. I. LiMONADEs ACIDULES. Ce sout celles dont nous venons
déparier; elles intéressent exclusivement l'hygiène alimentaire et ne sauraient
être considérées comme des médicaments actits ; elles sont désaltérantes, tempé-
rantes, diurétiques. Leur action, eu tout cas, n'étant qu'un diminutif de celles des
limonades minérales, nous n'en dirons rien ; elles intéressent l'hygiène plus que
la thérapeutique. Lorsque celle-ci veut obtenir un résultat médicamenteux, elle
laisse de côté les limonades à sucs ou à acides végétaux, et s'adresse aux hmo-
nades minérales, qui sont bien autrement actives.
II. Limonades acides mikérales. On pourrait certainement, en exagérant
les proportions des acides végétaux faibles qui servent à la composition des
limonades, les faire rentrer dans la cs^té^orie des limonades acides ; mais celles-
ci peuvent être considérées comme exclusivement préparées avec les acides miné- •
raux. Pelles constituent en effet un groupe de médicaments à action physiologique
et à indications nettement déterminées.
L'acide sulfurique, l'acide azotique, l'acide chlorhydrique, l'acide nitro-muria-
tique, l'acide phos;ihorique, isolés ou associés à d'autres principes médicamen-
teux, servent à la préparation de limonades minérales qui ont sensiblement la
même action, et dont l'histoire thérapeutique peut être confondue dans une des-
cription générale, sauf à indiquer les apphcations spéciales qui ont été faites de
chacune d'elles.
i" Limonades minérales en gênerai. Les limonades minérales déterminent
une sensation agréable de fraîcheur; elles tempèrent la soif, causent à l'estomac
une impression de vacuité qui ne se change en tiraillements que quand l'acidité
dépasse une certaine limite ; dans ce cas, il se produit une sorte d'astricf ion, de
pincements, et, chez les personnes délicates, de véritables spasmes gastralgiques,
L'excitation de l'appétit et des aptitudes digestives, indiquée par quelques auteurs,
Pereira entre autres, est un fait qui peut se rencontrer chez quelques dyspeptiques
ou plutôt apeptiques, dont le suc gastrique manque d'acidité, mais qui est au
moins douteux, dans l'état physiologique de l'estomac; l'accélération des mouve-
LIMONADES (thérapeutique). 58y
meiits intestinaux, avec ou sans diarrhée, est aussi un des effets des limonades
niinérales. Leur action tempérante s'accuse par une diminution notable de la cha-
leur organique, un abaissement dans la force et la fréquence du pouls ; en même
temps, les sécrétions apparentes sont modifiées; les sueurs diminuent; les urines
augmentent et prennent un caractère anormal d'acidité. On avait contesté long-
temps que les limonades minérales pussent produire ce dernier résultat, et on se
fondait sur les affinités persistantes de leurs acides qui ne leur permettaient pas
d'arriver en nature jusqu'aux urines; mais on sait maintenant que les réactions
chimiques accidentelles dont notre organisme est le théâtre ne se passent pas
toujours dans l'appareil circulatoire comme dans un verre, et que la présence des
principes protéiques peut retarder, amoindrir, ou même emj)êcher certaines réac-
tions d'éléments fort disposés par ailleurs à agir les uns sur les autres. L'albu-
mine du sérum peut aussi s'opposer à la combinaison des acides avec les bases,
la soude par exemple, et permettre aux premiers d'arriver jusqu'au rein qui les
élimine; d'où une acidité anormale de l'urine, d'oii aussi une plus grande quan-
tité d'acides organiques, l'acide urique par exemple, que l'acide minéral a dégagés
de leurs combinaisons salines. [Voy. l'article Acides, où cette question a été dis-
cutée.) Cette notion de la présence des acides minéraux en nature dans le sang
rend compte de I action générale très-énergique exercée par les limonades ]iré-
parées avec ces acides, action tempérante et astrictive à la fois, qui se fait sentir
sur tous les organes et tous les tissus de l'économie.
Quand l'usage de ces limonades est accidentel, tout se borne aux effets que nous
venons de signaler; mais se répète-t-il souvent, leur action est plus profonde et
elle se traduit par cet ensemble de symptômes et de lésions que nous avons carac-
térisé par le mot d'ivrognerie des acides, à savoir : un état misérable delà nutri-
tion, de l'amaigrissement poussé quelquefois jusqu'au marasme, une perte plus
ou moins complète de l'appétit, une. sorte de cachexie scorbutique, comme l'a
indiqué Pereira.
Dans quel groupe thérapeutique doivent être rangées les limonades minérales?
Mitscherlich les plaçait parmi les médicaments tempérants [medicamenta tempe-
rantia), dans le cinquième groupe de sa classification; Schuitze eu faisait des
biolytiques (dissolvants), à action s'exerçant sur le sang [hématohjticjues), elen
particulier sur les globules [hematolytica physoda). Pour Giacomini, les acides
dilués sont des hyposthénisants à action cardiaco-vasculaire, principalement
portée sur le système veineux. Pereira les place dans le groupe des hématiqiies
ou médicaments agissant sur le sang, et dans l'ordre des spanémiques ou médi-
caments altérants, dijsplastiqiies. L'École pharmacologique française, s'attachant
surtout à la dépression produite par les acides dilués sur le pouls et la chaleur,
les classe dans le groupe des médicaments tempérants, et c'est là peut-être la
moins défectueuse de ces caractérisations. Je ne dis rien de l'admission des acides
dans le groupe amhigu des médicaments irritants, si ce n'est que l'autorité de
Trousseau et Pidoux est impuissante à défendre un arrangement pareil, qui place
la limonade sulfurique à côté du zinc, du cuivre, de la moutarde, des cantha-
rides, de l'ortie, de la térébenthine, etc. L'ordre alphabétique vaut évidemment
mieux qu'une pareille classification. S'il n'apprend rien, au moins il ne préjuge
rien. Quelle est l'utilité prouvée cliniquement d'un agent thérapeutique contre
une maladie ou un élément de maladie? telle est la question. Si la réponse épar-
pille un même médicament dans trois ou quatre groupes d'indications qu'd est
susceptible de remphr, où est le mal? La bonne philosophie consiste à synthétiser
590 LIMONADES (thérapeutique).
ce qui peut l'être, et la mauvaise philosophie à synthétiser ce qui y répugne. Ainsi
les limonades minérales seront, tour à tour, des tempérants ou antiphlogistiquei:
mineurs, des hémostatiques, des modificateurs de sécrétions , etc., suivant qu'on
se proposera cliniquement d'obtenir l'un ou l'autre de ces résultats, et qu'on
emploiera les doses et la forme les plus convenables pour y arriver. C'est sous ces
chefs principaux que nous allons ranger l'emploi thérapeutique des limonades mi-
nérales.
A. Action tempérante. Cette action leur est commune avec tous les acides
dilués, mais les acides minéraux employés sous forme de limonades la produisent
d'une façon bien plus apparente. J'appellerai tempérants les médicaments qui
diminuent l'activité circulatoire et secondairement la chaleur organique, et qui ra-
lentissant, par suite, les actes organiques interstitiels auxquels aboutit rinflamma-
tion, peuvent être considérés comme des antiphlogistiques à action peu énergique,
peu durable, mais très-réelle. Les limonades minérales rempUssent à merveille
cette indication. L'inflammation est le troisième acte d'une scène morbide dont le
premier est constitué par un véritable orgasme circulatoire général, le second
par une fluxion se locahsant, le troisième par des changements nutritifs s'accom-
plissant dans l'organe ou le tissu fluxionné. Le premier peut manquer ou n'exister
qu'à un degré peu appréciable. C'est le seul sur lequel les tempérants aient prise,
c'est le seul aussi dans lequel il y ait opportunité à les employer.
Mais, en dehors de toute localisation, il peut y avoir intérêt à réfréner le mou-
vement fébrile et à combattre certains de ses symptômes, tels que la chaleur, la
soif, la véhémence du pouls. C'est ce qui se présente dans les fièvres essentielles
graves, dans la fièvre typhoïde surtout. Les limonades minérales sont indiquées
alors, non pas pour combattre la putridité, comme on le disait jadis, mais pour
diminuer l'éréthisme circulatoire, faire tomber la chaleur fébrile et tempérer la
soif. On défère en même temps à une autre indication importante : celle de soutenir
les forces du malade en combinant l'action des amers, du quinquina, par exemple,
ou du Colombo (Pereira) , avec celle des acides, c'est-à-dire en prescrivant des
décoctions de ces plantes acidifiées par l'acide sulfurique.
B. Action hémostatique. Les limonades minérales sont extrêmement utiles
dans les hémorrhagies internes non justiciables des moyens mécaniques oi' chirur-
gicaux. Leur action me paraît être d'une double nature : elles modèrea''. la circu-
lation et, par suite, diminuent la force d'afflux et de choc des colonnes sanguines
sur les capillaires par lesquels se fait l'hémorrhagie, et puis aussi elles agissent
par une action astrictive générale sur la contractiUté des parois vasculaires qui,
se resserrant, diminuent ou effacent la lumière des capdlaires divisés ; peut-être
aussi pourrait-on faire intervenir, dans une certaine mesure, une action des acides
sur le sang lui-même dont les éléments seraient en quelque sorte coercés et qui
deviendrait momentanément plus plastique, moins fluide. Les épistaxis, les mé-
trorrhagies, les hémopysies, tles hématuries indiquent très-habituellement l'em-
ploi de la limonade sulfurique. Dans cette dernière hémorrhagie, il y a évidemment
une action topique dont il faut tenir compte. Les hémorrhagies passives survenant
chez des individus faibles, épuisés, s'accommodent particulièrement de ce moyen,
C. Action modificatrice des sécrétions. Cette action des acides minéraux
dilués explique leur utilité dans le groupe de maladies ou d'éléments morbides
suivants :
a. Uétérocrbiie des muqueuses. Les sécrétions muqueuses exagérées, quel
que soit leur siège (catarrhe pulmonaire, utérin, vaginal, etc.), sont modifiées par
LIMONADES (thérapeutique). 5'Jl
les acides. Les muqueuses qui les fournissent sécrètent moins ; elles deviennent
plus sèches, et quand le but est dépassé, elles peuvent s'échauffer et devenir le
siège d'une irritation subaiguè.
b. Hétérocrinies salivaires. La sialorrhée essentielle ou symptomatique est éga-
lement justiciable de ce moyen, qui n'exclut du reste en rien les autres, employés
sinaultanément ou concurremment.
c. Hétérocrinies gastro-intestinales. Je ne dirai rien ici de cette indication; je
rae réserve d'en parler plus bas à propos de l'emploi de la limonade chlorhydrique
contre certaines formes de dyspepsie.
d. Hétérocrinies sudorales. C'est là l'une des meilleures et des plus utiles
applications des limonades minérales. Les sueurs profuses des convalescents,
des hectisiques, de la suette, indiquent ce moyen.
e. Hétérocrinies urinaires. Toutes les boissons acidulés sont diurétiques; elles
conviennent dès lors quand il faut pousser aux urines. Elles paraissent agir à la fois
sur la quantité de l'élément aqueux de l'urine, constituer des hydragogues rénaux
(Golding Bird), et augmenter en même temps les proportions d'acide urique
éliminé dans un temps donné. J'ai dit plus haut que la décomposition des urates
pouvait expliquer cette particularité. On a recommandé l'adrainistraLion de la
limonade sulfurique dans le cas de diathèse phosphatique. L'observation faite jadis
par Brandes que les acides minéraux pris à l'intérieur sont susceptibles de trans-
former la gravelle blanche ou phosphatique en gravelle urique, est passible de
l'explication donnée plus haut et mérite considération au point de vue pratique.
Toutes les indications des limonades minérales vieiment se ranger sous l'un ou
l'autre de ces chefs différents. Il serait superflu d'insister da\aatage sur ces géné-
ralités. Examinons l'emploi spécial de chacune d'elles envisagée en particulier.
2° Limonades minérales en particulier. Les acides sulfurique, azotique,
nitro-muriatique, chlorhydrique, phosphorique peuvent entrer dans leur compo-
sition. Chacune de ces sortes de hmonade minérale demande à être étudiée sépa-
rément au double point de vue de l'adaptation thérapeutique et de la posologie.
A. Limonade sulfurique. C'est, sans contredit, la plus usitée de toutes, et
il est beaucoup de praticiens qui l'emploient d'une manière exclusive, ce qui, à
mon avis, n'est pas justifié.
Sydenham en faisait un usage très-ordinaire et il considérait l'esprit de
vitriol comme un agent usuel dans le traitement des fièvres et des varioles. La
fièvre continue des années 1675, 74 et 75 lui fournit l'occasion d'expérimenter
les bons effets des boissons acidulées par l'acide sulfurique. Il y avait recours
principalement quand dominait la forme phrénétique, et il dit à ce propos :
(I Rien ne fit si bien dans cette occasion ((ue l'esprit de vitriol mêlé pai- gouttes
dans de la petite bière (on sait que c'était sa tisane favorite), que je donnais
ainsi pour boisson ordinaire après une saignée, et un ou deux lavements. En peu
de jours il procurait du sommeil, dissipait les symptômes et guérissait le malade.
Aucune autre méthode ne me réussissait, à beaucoup près, autant. Un grand
nombre d'expériences me persuadèrent de la bonté de ce remède. » {Méd.
prat. de Sydenham, trad. Jault, Paris, 1774, p. 216). L'esprit de vitriol était
aussi l'un des éléments de cette méthode rafraîchissante que Sydenham inaugura
d'une manière si sagace et si hardie en même temps dans le traitement de la va-
riole. Les petites véroles irrégulières, des années 1674 et 1675 lui fournirent
l'occasion d'expérimenter la hmonade sulfurique, ou plutôt la bière sulfurique^
sur une grande échelle. Il exprime en ces termes sa pensée sur ce moyen : « Je
592 LIMONADES (inÉaAPECTiQCE).
m'avisai enfin de l'esprit de vitiiol et je crus qu'il serait en état de remplir les
deux indications qui consistaient à détruire la putridité et à diminuer la violence
de la chaleur. Je ne faisais rien aux malades jusqu'à ce que les douleurs et les
envies de vomir qui ont coutume de précéder l'éruption eussent cessé et que toutes
les pustules fussent sorties. Le cinquième ou le sixième jour de la maladie, je com-
mençais à faire user de l'esprit de vitriol. On le mêlait dans de la pelite bière jus-
qu'à une agréable acidité. Cette bière, ainsi préparée, était la boisson ordinairedu
malade jusqu'à ce qu'il fût parfaitement guéri, et je l'obligeais d'en boire abondam-
ment, surtout lorsque la suppuration approchait. L'esprit de vitriol était le vrai
spécifique de cette maladie, et il arrêtait merveilleusement tous les symptômes.
Le visage s'enflait de meilleure heure et beaucoup davantage. Les interstices des
grains étaient plus rouges. Les plus petites pustules grossissaient, du moins au-
tant que le permettait cette sorte de petite vérole. Les pustules, qui autrement
auraient été noires, rendaient une matière jaune et couleur de miel... La suppu-
ration et tout le reste se faisait plus tôt... J'ai parlé des bons effets de ce remède.
Quant aux inconvénients, je ne lui en ai jamais trouvé aucun. A la vérité, il
arrête presque la salivation le dixième ou le onzième jour, mais ce défaut est sup-
pléé par quelques selles qui arrivent alors et qui sont moins dangereuses pour le
malade que n'était la salivation. » [Op. cit., p. 224.) J'ai tenu à reproduire ce
passage, parce qu'il a une importance pratique considérable ; ce que Sydenbam a vu
au lit du malade est bien vu, et il y aurait certainement lieu de restaurer l'emploi delà
limonade sullurique dans les varioles graves. La crainte d'une répercussion cutanée
est purement théorique. La petite vérole confluentc, mais non maligne, lui paraissait
également indiquer l'emploi de la limonade à l'esprit de vitriol {loc. cit., p. 574
tt 588).
Dans sa lettre touchant une nouvelle sorte de fièvre qui parut en 1685, Sy«
denham vante aussi l'emploi de l'acide sulfurique très-étendu; les médecins
qui l'ont suivi employaient également les limonades sulfuriques contre les fièvres,
« Les acides, disait Grimaud, comme rafraîchissants et comme antiseptiques, sont
éminemment indiqués dans la lièvre ardente. » (Cours des fièvres, par feu 51. de
Grimaud, 2« éd., Demorcy-Delettre. Montpelher, d815, t. III, p. 287.) Mais il
est vrai que, réagissant timidement contre l'opinion de Massarias, qui redoutait
les acides dans les fièvres à cause de leur qualité astringente, ce grand praticien
s'en tenait aux seules limonades végétales. (Op. cit., p. 288.) La hmonade sulfu-
rique n'en mérite pas moins une place importante dans le traitement complexe des
fièvres graves, comme moyen de réfréner la chaleur fébrile et de faire baisser le
pouls, et elle est encore mieux indiquée quand, ainsi que cela arrive souvent, il
y a tendance aux hémorrhagies passives. Desbois (de Rochefort) la préconisait
contre les fièvres adynamiques. {Cours élém. de mat. médicale, éd. Lullier-Wins-
low, Paris, 1817, 1. 1, p. 204.)
Alibert conseillait la limonade sulfurique dans le traitement des maladies cuta-
nées; elle constituait, de son temps, une des tisanes les plus habituelles de
l'hôpital Saint-Louis. [Nouv. élém. de thérap. et de matière médicale, Paris,
an VIII, t. II, p. 129.) On ne saurait se contenter d'indications aussi vagues.
Pereira a mieux spécifié en considérant la limonade sulfurique comme le meilleur
moyen auquel on puisse recourir pour rafraîchir la peau, et éteindre l'ardeur et
les démangeaisons qui accompagnent le ^lichen, le prurigo et l'urticaire chro-
niques. {The £lem. of Materia Medica and Therapeutics, London, 1854, fourth
édition, vol. I, p. 571.) Encore une bonne indication à remettre en vue.
■ LIMONADES (thérapeutique). 505
Entre les maladies hémorrhagiques il en est une, le purjiura, qui semble
mdiqiier naturellement la limonade sulfurique. L'auteur précité dit l'avoir em-
ployée sans avantage aucun. Tous les praticiens ne souscriront peut-être pas à
cette condamnation sommaire.
Je signalerai enfin, pour être complet, l'emploi de la limonade sulfurique dans
les diarrhées anciennes et dans le choléra. Les essais de Kox, de Kensaltown, de
Fuller et de Millar, dans cette dernière voie, n'ont peut-être pas été suffisamment
poursuivis.
La limonade sulfurique peut être préparée avec l'acide suliurique, ou bien
avec des mélanges divers dans lesquels intervient cet acide. Je citerai au
premier rang Veau de Rabel (acidum sulfuricum alcoolisatum), qui contient
1 partie en poids d'acide sulfurique, pesant 1,84, sur 5 parties d'alcool à 90°,
et qui est colorée en rouge par des pétales de coquelicot; cette eau s'emploie à
k dose de 6 à 8 grammes dans 1 htre de véhicule ; l'élixirvitrioliquede Mynsicht,
qui renferme 1 gramme d'acide sulfurique par kilogramme ; la liqueur acide de
Haller, qui contient parties égales d'alcool et d'acide sulfurique et s'emploie à la
dose de 4 grammes pour la confection de 1 litre de limonade.
L'acide sulfurique aromatique (acidum sulfuricum aromaticum de la phar-
macopée d'Edimbourg) contient de l'acide sulfiu^ique du commerce, de l'alcool rec-
tifié, de la cannelle et du gingembre. Il s'emploie aux mêmes doses que Y acide
mlfurique dilué àes trois pharmacopées de la Grande-Bretagne, lequel est con-
stitué par 1 partie d'acide sulfurique et 15 parties d'eau distillée.
On peut rendre la limonade sulfurique plus agréable en l'édulcorant avec des
sirops de fruits acides, sirops de limons, de groseilles, de framboises, et en y
ajoutant une ou deux gouttes d'huile essentielle de citron. La précaution de main-
tenir cette limonade dans du verre, carafe ou bouteille, est indisjiensable; elle
dissout en eflét énergiquement les métaux et l'émail contenant du plomb.
B. Limonade azotique. Indépendamment des usages généraux des limonades
minérales et auxquels s'applique la limonade nitrique, il en est qui lui sont spé-
ciaux et dont je dois parler ici.
Un médecin anglais, qui exerçait à Bombay à la fin du siècle dernier, le docteur
Scott, a préconisé la limonade azotique dans le traitement des maladies chroniques
du foie. Cette pratique, dont il paraît avoir obtenu les meilleurs résultats, n'a pas
pénétré chez nous. Nos médecins de la marine ont, en fait de ti'aitement de l'hé-
patite chronique, un vaste champ d'expérimentation au Sénégal, aux Antilles,
dans l'Inde, etc., et il n'est peut-être pas inopportun de leur rappeler cette
métliode. C'est également à Scott que l'on doit l'idée d'avoir recours à l'acide
azotique très-étendu comme médicament antiphlogistique. Cruicshank, Rœderer,
Holst (de Christiania), Samuel Cooper et d'autres, ont apporté leur témoignage,
et il est considérable, en faveur de cette méthode. Pereira, qui invoque ces auto-
rités, pense que, quand le mercure, l'iode, l'or, etc., viennent à échouer, il est
loisible de tenter ce moyen, principalemeut chez les scrofuleux, qui sont sou-
vent, c'est un fait d'observation, réfractaires à l'action des morcuriaux. [Op. cit.,
vol. I, p- 430.) Ce même auteur conseille alors d'employer l'acide azotique dans
une décoction de salsepareille. Je rappellerai enfin que la limonade azotique a été
préconisée contre l'albuminurie. Le docteur llausen (de Trêves) paraît avoir eu le
premier l'idée de ce moyen, que la Gazette des hôpitaux signalait en 1846 à l'at-
tention des médecins français ; peu après, Forgot, de si regrettable mémoire, lui
consacrait, dans le Bulletin de thérapeutique, un travail intéressant [duTraite-
DICT. ENC. 2° S. II. 58
594 LIMONADES (thérapeutique).
ment de V albuminurie ou néphrite alhumineuse par l'acide nitrique, 1847,
t. XXXII, p. 5). Il relatait une observation « d'albuminurie avec anasarque, datant
de deux mois, et qui s'amenda à partir du moment où on administra l'acide nitri-
que. )) Le vingt-deuxième jour, les urines ne charriaient plus d'albumine. Forget
expliquait ce résultat par une action topique exercée sur le rein par l'acide nitrique
qu'y apporte le sang. La vérification clinique importe plus qu'une explication, mais
Je ne sache pasqu'elleait prononcé depuis. L'albuminurie n'étant qu'un symptôme
de causes, de durée et de mécanisme très-divers, les problèmes thérapeutiques
qui s'y rapportent sont complexes et exigent une analyse très-attentive. Forget
recommandait l'emploi d'une limonade contenant 2 à 4 grammes d'acide azotique
pour 500 grammes ou 1 kilogramme d'eau convenablement édulcorée. Sa for-
mule vaut mieux que celle de Hausen, qui recommande une potion très-acide et
dont l'estomac doit difficilement s'accommoder.
Si l'on emploie l'acide nitrique alcoolisé (acide nitrique à 1,51, 1 partie en
poids; alcool à 90°, 5 parties), il faut évidemment tripler les doses, c'est-à-
dire employer pour 1 litre d'eau de 6 à 12 grammes de ce mélange.
C. Limonade chlorhydrique. La limonade chlorhydrique a les mêmes usages
que les autres limonades minérales ; elle est du reste moins employée qu'elles et
peut-être à tort; elle a en effet l'avantage d'une homogénéité du principe acidifiant
avec le suc gastrique, condition de tolérance facile ; et d'ailleurs les expériences
de digestion artificielle tentées dans les laboratoires de physiologie ont montré
l'activité de son pouvoir dissolvant. Il y a de plus certaines incompatibilités chi-
miques qui doivent le faire préférer à la Hmonade sulfurique. C'est ainsi que j'ai
vu prescrire simultanément dans des hémorrhagies graves une potion au perchlo-
rure de fer et une hmonade sulfurique, association éminemment incorrecte et qui
n'est peut-être pas sans inconvénients; je prescris dans ce cas la hmonade chlor-
hydrique.
L'emploi de cette limonade a surtout été vanté contre une certaine forme de dys-
pepsie, celle que l'on peut supposer entretenue par un défaut d'acidité du suc
gastrique. Trousseau a surtout insisté sur l'emploi de l'acide chlorhydrique dans
ce cas. On mélange quatre gouttes de cet acide avec un verre d'eau, et les malades
prennent ce breuvage à la fin de leur repas. {Gaz. des hôpit., 1848, p. 143, et
Clinique médicale de l'Hôtel-Dieu, 2^ édit., Paris, 1865, t. III, p. 38.) Le
docteur Wells a indiqué comme signe différentiel de la dyspepsie acide et de la
dyspepsie alcalescente le siège spécial de la douleur dans chacune d'elles. Dans
la première, elle occuperait le cardia; dans la seconde, le pylore. De plus, l'aci-
dité de l'urine serait un indice de l'opportunité des alcalins, tandis que l'abon-
dance des phosphates et oxalates de chaux montrerait qu'il y a lieu de recourir
de préférence aux acides {Bulletin de thérapeutique, 31 juillet 1860, p. 88). Ce
sont là des signes assez vagues, et on peut dire que jusqu'à présent le tâtonnement
peut seul servir à différencier ces deux indications. J'ai dit plus haut que le sucre-
et les Umonades constituaient des pierres de touche à interroger.
D. Limonade nitro-muriatique . On sait que l'acide nitro-muriatique ou eau
régale se prépare en chauffant au bain-marie un mélange de 1 volume d'acide azo-
tique et de 5 volumes d'acide chlorhydrique. La réaction donne naissance à un
liquide très-volatil, qui est l'acide hypochloroazotique AzO^CP. L'eau régale a une
couleur jaune ; elle constitue un poison corrosif des plus violents. On peut la
faire entrer dans la confection d'une hmonade, qui a les propriétés et les usages
des autres limonades minérales : dermatoses avec prurit, maladies syphihtiques
LIMULE. 595
rebelles aux moyens ordinaires, maladies du foie. Je dirai cependant que, dans ce
cas, on emploie moins l'acide nitro-muriatique à rintérieur qu'en bains. Cette pra-
tique, recommandée par le docteur Lendrick, est en usage dans l'Inde. Ces bains
se prt'parent, au dire d'Ainslie, avec I once d'acide pour 1 gallon (environ
5 litres) d'eau. {Voy. Pereira, vol. I, p. 435.) Je ne sache pas que ni la limonade
ni les bains nitro-muriatiques aient été employés chez nous.
E. Limonade phosphorique. Pereira s'exprime de la façon suivante au sujet de
la limonade phosphorique : « Elle est plus douce que la limonade sulfurique, plus
inoffensive pour les fonctions digestives. On lui a attribué divers effets, qui deman-
dent à être vérifiés . C'est ainsi que Ilecker lui concède une action spéciale sur le
système nervcdx, action à la fois sédative et anlispnsmodique ; que Lcuten consi-
dère l'acide phosphorique comme ayant une utilité particuHèrcdans les maladies du
système osseux; que Sandelin en fait un stimulant génital énergique, etc. » {Op.
cit., p. 549.)
On a préconisé la limonade phosphorique contre la lithiase pbosphatique, dans
l'espoir de suracidifier le phosphate de chaux et d'augmenter ainsi sa solubilité;
dans le diabète, contre les troubles de l'hystérie, etc. Tout est à vérifiera propos de
ce médicament ; mais s'il était bien constaté que l'acide phosphorique donne du
ton au système et relève les forces, la limonade phosphorique serait préférable à
la limonade sulfurique dans les fièvres graves avec dépression et adynamie. L'avan-
tage qu'elle a d'être mieux et plus longtemps tolérée par l'estomac mérite aussi
d'être pris en considération. Foxssagrives.
Ll9lO\'lA L. Genre de plantes, de la famille des Aurantiacées, dont les tleurs.
tétra ou peutamères, sont construites comme celles des Orangers, sinon qu'elles
n'ont que huit ou dix étamines et des loges ovariennes uni ou biovulées, au
nombre de quatre ou cinq. Ce sont des arbustes aromatiques des pays chauds, à
feuilles trifiliolées ou imparipennées. Le L. crenulata Roxb. {PI. corom., I, 86),
ou L. acidissima L., est une espccede l'Inde, aromatique, tonique, excitante. Ses
feuilles sentent l'anis; on les emploie contre les coliques, la dyspepsie, l'épilep-
sie. LeL. madagascariensis Laîik {Dict., III, 517) a les mêmes propriétés stimu-
lantes ; on l'appelle vulgairementBois d'Ants. Le L. lanceolata fournit un pai'fum
musqué.
Le L. citrifolia W. est un Glycosmis.
Le L. trifoliata L, est un Triphasia.
LeL. monophylla DC, plante indienne, usitée comme tonique, antirhumatis-
male, est VAtalanta monophylla DC. . H. Bn.
L., Gen., n. 554; — DC, Prodr., I, 536. — Rheede, Hort. malah., IV, t. 14. — Mér. et
Dei.., Dlct., IV, 119. — H. Bx., De la fam. des Aurant. Thèse de Paris (1855), 35, 54. —
RosEMH,, Syn. pi. diaph., 756.
lim©xï:xe. Principe amer renfermé dans les pépins dos oranges et des ci-
trons. La limonine se présente sous forme de petits cristaux plus sofubies dans
l'alcool, l'acide acétique, la potasse, que dans l'eau, l'élher et l'ammoniaque.
L'acide sulfurique, en la dissolvant, prend une teiule rouge; si l'on verse de l'eau
dans la dissolution, elle en précipite la limonine.
OMOXiUM. Voy. Behen.
LOILXE. Yoy. Xyphosures.
ripCt LIN (botanique).
MN {Limim L.). § I. Bo<aBiîque. Gciirc de plantes qui a donné son nom à la
tribu OM famille des Linées ou Linacées, et dont les caractères sont les suivants.
Les ileurs sont régulières et hermaphrodites. Sur leur réceptacle convexe s'insèrent:
un calice de cinq sépales, disposés dans le bouton en préfloraison quinconciale, cinq
pétales alternes, caducs, tordus dans la prétloraisou, et un androcée de dix éta-
niiues mouadelphes à la base. Cinq d'entre elles sont .-uperposées aux sépales, et
fertiles ; leurs filets, devenuslibres, supportent chacun une anthère biloculaire, in-
trorse, déhiscente par deux fenteslongitudinales. Quant aux cinqétamines superpo-
sées aux pétales, elles demeurent stériles et ne sont représentées que par des petites
languettes. Le gynécée est supère, il se compose d'un ovaire, surmonté d'un
style à cinq longues branches dont le sommet est stigmatifère. A la base de l'ovaire
se voit un disque hypogyne de cinq glandes opposilipétales. L'ovaire a primitive-
ment cinq loges superposées aux pétales avec deux ovules collatéraux, insérés
vers le haut de l'angle interne, descendants, le micropyle étant dirigé en haut et
en deiiors et coiffé d'un obturateur. Mais, plus tard, chaque loge se trouve sub-
divisée en deux demi-loges uniovulées par une fausse cloison qui, née de la pé-
riphérie, s'avance dans l'intervalle des deux ovules. Le fruit est une capsule quin-
quilOculaire, à déhiscence septicide, et chaque demi-loge renferme une graine
descendante dont les téguments recouvrent un embryon entouré d'une couche
ordinairement mince d'albumen. Les cotylédons sont charnus et la radicule
supère. Les Lins sont des plantes herbacées ou suffrutescentes, qui croissent dans
toutes les régions tempérées ou chaudes (extra-tropicales) des deux mondes. Leurs
feuilles sont simples, alternes, rarement opposées, sans stipules. Leurs fleurs
sont groupées en cymes, tantôt bipares, tantôt unipares et par suite, simulant
des grappes. Plusieurs espèces sont employées en médecine, surtout la première
de celles que nous allons énumérer.
L Lin cvltivé {Li7îumnsitatissimumL.,Spec.,o91. — DG.,F/. franc., lY, 798.
— Blackw., Herb., t. 180. — Kern., t. 100. — Storm. ,Fasc. 56, t. 12). C'est une
plante annuelle, à racine grêle, surmontée d'une tige grêle, effilée, cylindrique,
glabre, simple ou seulement un peu ramifiée dans sa portion supérieure, dressée.
Les feuilles sont alternes, sessiles, linéaires-lancéolées, planes, aiguës, entières,
à bords lisses, glabres, d'un vert glauque, avec trois nervuros longitudinales peu
visibles sur la face inférieure. Les feuilles supérieures sont souvent très-étroites,
subulées. Les fleurs sont d'un bleu pâle, réunies en cymes corymbiformes au
sommet des branches. Le calice est formé de cinq sépales, ovales-acuminés ou
presque lancéolés, membraneux sur les bords, parcourus par trois nervures longi-
tudinales, persistants. La corolle a de grands pétales, trois fois plus longs que le
calice, atténués inférieurement en onglet, obovés, arrondis, obtus, écbancrés ou
crénelés au sommet, très-caducs. Les étamines sont toutes réunies à la base en un
tube un peu renflé. Celles qui sont fertiles, sont bien plus courtes que la corolle;
leur anthère est sagittée. Celles qui sont stériles sont réduites à de très-petites lan-
guettes blanches, aiguës. L'ovaire est ovoïde, lisse, luisant, glabre, atténué au
sommet et surmonté des cinq branches grêles et obtuses du style. Le fruit est
une capsule globuleuse, acuminée, égalant à peu près le calice, brunâtre fi la
surface, spongieuse et blanchâtre à l'intérieur, et contenant jusqu'à dix graines
descendantes. Celles-ci sont seules employées en médecine; elles sont ovales-
comprimées, à bords aigus, non marginés; brunes, trè.s-lisses et luisantes à la
surface. Elles se composent d'un triple tégument, d'un albumen peu épais et
d'un assez gros embryon, à radicule supère, à cotylédons légèrement charnus et
LIN (botanique). 597
huileux. Ce sont les portions intérieures de la graine, notamment l'embi'yon,
fjui, dans leur parenchyme, renferment la matière huileuse, unie à de l'aleurone.
Quant an tégument siiperficirl de la graine, il est formé de cellules à paroi peu
épaisse, (jui sous l'influence de l'eau ont la propriété de se dilater instantané-
ment. En même temps ces parois, fort écartées les unes des autres, se ramol-
lissent et s'épaississent; et c'est ce tissu cellulaire ainsi modifié qui constitue le
mucilage des graines de Lin. On sait que la plante est surtout utile à l'industrie et
à l'économie domestique, par la substance te.xtile qu'elle fournit ; celle-ci est
formée parles fdires libériennes de l'écorce. Le Linimi usUalissimum est cultivé
en France: il s'y trouve également à l'état subspontaué ; mais il n'est pas j)ro-
bable qu'il soit, comme on l'a dit, une plante réellement indigène. Les Lins
chaud (ou Lin têtard), froid (ou grand Lm), moyen {Linuin médium Desf.) et
humble. (Liniim liumile Mill.) ne sont que des formes ou variétés de cette espèce.
IL Lin vvugxtif {Linum cathartieum h. , S pec. , 401. — DC , FI. franc., l\, SOI.
— Barre I-. , icoîî. , 1165, tig. 1. — Engl. Bot., t. o82. — CathartoUnonpr^atense
Reichb., Icon., VI, t. 525, li;:. 5153) est le type d'une section particulière de ce
genre [Cathartolinum Grisb , Spicil. fl.rum., 115), caractérisée par des feuilles
opposées, sans glandes à leur base. C'est une petite herbe ainmelle, haute d'un
ou quelques décimètres, à tige plus ou moins couchée à sa base, puis redressée,
très-grêle, partagée à partir d'un niveau variable en branches dichotomiipies té-
nues. Les feuilles sont étalées, planes, uninerves, bordées d'aiguillons meiuis,les
inférieures oblongues-obovales ; les supérieures linéaires-lancéolées. Les ileurs
sont petites, blanches, réunies encymes paucitlores, dichotomes, ou plus ou moins
irrégulières. Leur calice est formé de cinq sépales elliptiques-subulcs, bordés de
glandes stipitées, parcourus par une nervure dorsale épaisse. Les pétales sont une
fois plus longs que les sépales, obovales, souvent éraarginés. L'ovaire, globuleux,
est surmonté d'un style à branches capitées. Le fruit est une capsule globuleuse,
égale au calice, renfermant des graines comprimées et non marginées. Cette
petite herbe est commune en France, dans les prés hinuides, les clairières des
bois, des plaines et des montagnes, le bord des chemins herbeux et des marécages;
elle commence à fleurir en mai et en juin.
A côté de ces espèces, il faut en citer quelques-unes qui sont peu eiuployées :
les L. Lewiskii Porsh, de l'Amérique du Nord, perenne L. de Sibérie, austria-
ciim L. (L. aureum DC. — L. corymbulosum Reichb.), d'Europe, qui sont des es-
pèces textiles ; le L. aquilinum Mol. (L. Cliamissoiiis Scuid.) ou Yango du Chili,
usité dans ce pays comme digestif, stomachique, carminatif ; le L. selagliioides
Lamk, employé dans les mômes contrées comme apéritif et amer, digestit.
Le Lin Radiale est devenu le type du genre Radiola, dont les fleurs sont tétra-
mères.
Le Lin bâtard ou sauvage est le Garou {Daphne Gnidium).
Le Lin de la Nouvelle-Zélande est le Phormium tenax Forst.
Le L^?^ des marais est une Linaigrette [Eriophormn) .
Le Lin de lièvre, une Cuscute, le Cuscuta Epitliymum, encore nommée Lin
maudit.
La Linaire vulgaire et l'Achillée Ptarraique portent encore le nom de Lin sau-
vage. H. Bn.
l.,Gen., n. 589 (part.). — Gjert.v., Fruct., If, J 16, t. 112. — L.uik, lllustr., t. 219. -
ExDL., Gen , n. 6056. — Guid., Drog. simpl., éd. 4, JIl, 599. — Mkr. et Del., Dict., IV, 122.
— ï)C.,Piodr., I, i23.— Ricii. (.\.), in Dict. de médec. (en 50 vol.), XVIII, 117; Élém., éd.' 4, II
59S LIN (pharmacologie).
495. — Gren. et Godb , FI. deFr., I, 279. — Pereira, Elem. Mat. med., éd. 5, I, p. "II.
. — LiNDL., FI. med., 129. — Rosentii., Syn. j^l. diaphor., 892. — Rév., in FI. méd.
du XIX" siècle, II, 239. — H. Bx, ap. Payer, Leç. sur les fam. nat., 595.
§ II. Pharmacologie. Dans le lin, les graines seules offrent ici de l'intérêt.
Elles contiennent une très-grande quantité d'huile grasse et de mucilage.
Ce mucilage existe spécialement dans le tégument propre de la graine,
tandis que c'est l'amande qui fournit l'huile. La graine de lin contient : mucus
végétal, extractif, sucre, amidon, cire, l'ésine molle, matière colorante jaune,
gomme, alhumine, huile grasse et différents sels. La graine de lin est le médi-
cament éniollient par excellence ; le mucilage et l'huile contribuent l'un et l'autre
à ses propriétés. Le mucilage en forme la cinquième partie environ, et est com-
posé de moitié gomme soluble dans l'eau froide, analogue à l'arabine, et moitié
gomme non soluble se gonflant dans l'eau bouillante à la manière de la bassorine.
La j)roportion d'huile varie, suivant M. Meurein, de 52 à 58 pour 100.
Yoici les différentes formes pharmaceutiques sous lesquelles la graine de lin est
employée.
Mucilage de Un. Graine de lin, 1 partie; eau, 5 parties. On fait digérer pen-
dant quelques heures et ou passe. {Codex.)
Tisane de Un. Graine de liniO grammes, eau bouillante 1000 grammes. On
laisse infuser pendant une demi-heure, et on passe. {Codex.) Cette boisson peut
être préparée à froid ou par macération ; dans ce cas elle est plus agréable au
goût. Le contact de la graine avec l'eau froide doit alors être prolongé plus long-
temps.
Lotion ou lavement de graine de lin. On fait bouillir 10 grammes de graine
de lin pendant un quart d'heure dans une quantité d'eau suffisante pour obtenir
un demi-litre de produit ; on passe.
Poudre ou farine de graine de lui. Pour la préparer on prend la graine sé-
parée de la poussière à l'aide d'un crible métallique et privée par le triage des
corps étrangers qui laccompagnent quelquefois, et on la sèche à l'étuve. On la
pile ensuite par contusion dans un mortier de fer où on la pulvérise à l'aide d'un
moulin à noix d'acier et à arêtes tranchantes ; on passe la poudre à travers un
tamis en toile métallique. {Codex.) La farine de lin doit contenir toute la graine,
amande et spermoderme ; elle doit être récemment préparée pour éviter la ranci-
dité de l'huile. Elle est douce au toucher et reste en masse quand on l'a pressée
■dans la main; elle forme émulsion avec l'eau, et ne bleuit pas quand on ajoute
au mélange de la teinture d'iode.
Les pharmaciens doivent toujours faire préparer chez eux la farine de lin qui
■doit être employée à la préparation des cataplasmes. Celle du commerce est sou-
vent falsifiée; on la mélange de tourteau de lin, de son, de sciure de bois, etc. La
meilleure de toutes les épreuves consiste à épuiser la larine de lin par l'éther ;
elle doit fournir 55 pour 100 d'huile.
Cataplasme de farine de lin. Farine de lin récente 60 grammes, eau
250 grammes. On délaye la farine avec l'eau dans un poêlon ; on agite sur le feu
jusqu'à ce qu'elle soit cuite et qu'elle ait communiqué à la masse une consistance
de pâte assez épaisse et tenace. Lorsqu'on ajoute à cette masse 10 grammes d'on-
guent basihcum, on obtient le cataplasme maturatif. Pour avoir le cataplasme
calmant, on remplace l'eau ordinaire par une décoction de têtes de pavots et de
feuilles de jusquiame, ou on arrose de laudanum la surface du cataplasme avant
<Je l'appliquer.
LTN (thérapeutique). 890
Les farines émoUientes sont un niclange, à partie égale, de farine de lin, de
farine de seigle et de farine d'orge.
L'huile de lin qu'on retire à froid de la graine est quelquefois employée en
médecine. L'huile de lin ainsi obtenue est douce et bien différente de celle
qu'on fabrique par l'expression à chaud pour les besoins des arts. C'est une huile
siccative qui s'altère proniptement et, qu'on doit renouveler souvent. Elle est lim-
pide, d'un jaune foncé, d'une densité de 0,933; elle est émolliente et légèrement
laxative, on la prescrit en lavement à la dose de 50 à 100 grammes. Elle sert
aussi à la fabrication des bougies. {Voy. Bougies.)
T. GOBLEY.
§ m. Thérapeutique. 1° Lin cultive'. Bien que la graine de lin soit, dit-on,
■employée comme aliment chez certaines peuplades sauvages, on doit la considérer
comme peu convenable pour l'abmentation. L'auteur de ri/isto/'iajjZantarm?i,
J. Bauhin, d'après Cazin, raconte que l'usage d'un pain fait avecles semences de lin,
pendant une famine à Middelbourg, amena des troubles du côté des voies diges-
tives, avec bouffissure de la face. Le tourteau de lin est néanmoins donné en nour-
riture aux bestiaux et aux volailles, et l'on comprend que chez les animaux qui le
digèrent, les parties grasses assimilables dont il est inqjrégné le rendent propres à
'l'engraissement.
En thérapeutique, les graines de lin sont employées à l'intérieur et à l'ex-
térieur.
La tisane de graines de lin est légèrement dmrétique, propriété qu'elle doit
«urtout à la présence de quelques sels de potasse découverts par Vauquelin dans
le mucus. Elle est aussi, et surtout, adoucissante. Sous ces deux rapports, elle
convient principalement dans les affections gastro-intestinales de nature inflam-
matoire, et dans certaines maladies des voies urinaires, telles que la néphrite, la
cystite, la blennoiThagie, etc. Enfin, on peut la considérer comme relâchante ;
mais c'est surtout l'huile de lin qui jouit de cette propriété. Aussi est-il souvent
avantageux, quand l'emploi soutenu de la macération des semences n'amène pas
la liberté du ventre, de recourir à l'ingestion de l'huile soit le matin cà jeun, soit
avant le repas, à la dose de une ou plusieurs cuillerées à bouche. Il est donc naturel
qu'on ait eu recours ta ce moyen, et qu'on s'en soit bien trouvé, contre les vers in-
testinaux et dans certains cas d'hémorrhoïdes, d'obstruction stcrcorale, d'iléus, etc.;
mais il est permis de douter de son efficacité, sinon au titre banal de laxatif et
■d'adoucissant, dans les phlegmasies du poumon et de la plèvre, malgré l'autorité
-de Baglivi et de quelques autres.
La graine de lin, comme relâchante, peut être donnée en nature à la manière
du son. On prend une cuillerée à dessert de semences, soit légèrement écrasées,
soit entières, au commencement du repas ou le matin à jeun.
Les lavements de décoction de graines de lin sont précieux dans les cas de con-
stipation occasionnée principalement parle durcissement des matières. Ils agissent
également comme antiphlogistiques, surtout quand, donnés en petite quantité,
ils peuvent être retenus par l'intestin. Il nous arrive assez fréquemment d'admi-
nistrer en demi-lavement la farine de semences de lin elle-même à l'état de cata-
plasme semi-Hquide. Cette bouillie, indépendamment de ses propriétés adoucis-
santes, a l'avantage de se mêler aux matières, de s'interposer entre leurs parties
duros et de faciliter les garde-robes, mieux que la simple décoction. Elle réussit
.bien dans les cas de bourrel&t hémorrhoïdal. Le lavement d'eau de graine de lin
600 LUNAUKt;
un peu épaisse est aussi un véhicule commode pour l'introduction, dans le rectum,
de substances peu solubles, ou dont le contact trop direct avec la murjuciise pour-
rait avoir des inconvénients.
On connaît l'usage si fréquent de la farine de graine de lin sous forme de cata-
plasmes. Mais il ne sera question de ce mode d'emploi qu'à l'article où les divers
genres de cataplasme seront étudiés et comparés. {Voy. Cataplasme.)
Enfin, on prépare avec la décoction de graine de lin des bains locaux ou géné-
raux. Les derniers sont peu employés, bien qu ils soient de nature à rendre les
mêmes services que l'eau de son ; mais on a recours fréquemment aux premiers
dans les cas d'affections cutanées plus ou moins compliquées d'inflamma-
tion. A cet égard il l'aut savoir que certains eczémas, certaines dartres, peuvent
se trouver assez mal du contact prolongé de l'eau de graine do lin, tandis qu'ils
seront favorablement modifiés par un autre lir|uidc adoucissant, tel que l'eau de
son ou d'amidon. C'est l'expérience individuelle, l'expérience du cas lui-même,
qui devra guider le praticien.
^'^ Lin catharlique. Cette plante, recommandée surtout par Linné conmie
purgative, a été dotée par les auteurs de vertus médicinales très-diverses ; on l'a
notamment regardée comme antiarihritique et comme diurétique. Sa seule pro-
priété incontestable est celle de purger, et les indications de son emploi se tirent
uniquement des états patbologiques auxquels convient la purgation. Qu'elle ait
réussi contre l'hydropisie, contre les vers intestinaux, contre la goutte, on peut
le croire volontiers ; mais il est douteux que le résultat n'eût pas été obtenu avec
d'autres substances purgatives. En un mot, comme l'ont dit Coste, Wilmet, Wan-
ters, Loiseleur-Deslongcbamps, le lin cathartique est un bon succédané du
séné.
Comme il passe, à tort ou à raison, pour déterminer aisément la flatulence, on
l'associe fréquemment aux carminatifs, à la badiane, au cardamome, ce qui a
d'ailleurs l'avantage d'en corriger le goût amer et nauséabond.
On l'emploie en feuilles à la dose de 8, 10, 15 grammes, infusée dans 1 litre
d'eau bouillante, ou, comme en Irlande, dans la bière et le vin. La poudre se
prend à la dose de 1 à 4 grammes. On prépare aussi un extrait aqueux qui peut
être administré à la dose de 25 à 50 centigrammes. A. D.
liirVACRE (Thomas), en latin Lmacer, mérite à plusieurs titres, comme nous
allons le voir, la reconnaissance de la postérité. Né à Cantorbéry, vers 1460 , il
suivit d'abord les cours de l'université d'Oxford, puis se rendit en Italie pour se
perfectionner dans la connaissan::e des langues anciennes. Là, il étudia le latin
sous le célèbre Ange Politien et le grec sous Démétrius Clialcondylas , un des
réfugiés de Constantinople, et devint le plus babile grammairien de son temps
dans ces deux langues. Riche de ce premier fonds, il voulut approfondir la philo-
sophie et la médecine grecques, surtout dans Gahen, dont il devait, plus tard, tra-
duire plusieurs ouvrages importants. De retour en Angleterre, il devint successi-
vement médecin des rois Henri VII, Henri VIII et de la princesse Marie. En même
temps qu'il se faisait, comme praticien, la plus brillante réputation, il s'occupait
ardemment des progrès de la médecine, venant en aide, de ses conseils et de sa
bourse, aux étudiants qui montraient d'heureuses dispositions. Mais ce n'est pas
tout, il enleva au clergé, alors seul en possession de ce privilège, le droit de con-
férer les grades en médecine ; dans ce but, il fonda avec l'aide du fameux cardinal
Wolsey, le collège royal de médecine de Londres, dont la création fut autorisée
LIiNÂlRE. 601
par lettres patentes du roi datées de l'amiée 1518, et sanctionnées parle Parle-
ment. Il fut expressément spécifié que personne ne pourrait exercer la médecine
en Angleterre qu'd n'eût été, auparavant; examiné par le président du collège et
trois des élus, ce dont il de\ait pouvoir présenter les preuves testimoniales.
Étaient exceptés les gradués de Tune des deux universités d'Angleterre, ce qui
leur confi'rait un titre pour pratiquer dans tout le royaume jusqu'aux limites
d'un rayon de 7 milles de Londres. Le collège devait exercer une surveillance
sur l'exercice de la médecine, mais particulièrement sur la vente des remèdes dans
Londres. Premier président de cette Société, Linacre la réunissait dans sa mai-
son, qu'il lui légua après sa mort. Enfin il fit le fonds de trois chaires de médecine,
deux cà Oxford et une à Cambridge, avec mission spéciale d'expliquer Hippocrate
et Galien aux étudiants.
Par ses traductions, par ses tendances, Linacre peut être considéré comme un
des restaurateurs de la doctrine hippocratique à cette belle époque si bien nom-
mée époque de la Renaissance. Cet illustre savant succomba aux progrès d'une
affection calculeuse le 20 octobre 1524, à l'âge de soixante-quatre ans.
Au point de vue de la médecine, Linacre n'a laissé que la traduction de quel-
ques traités de Galien, écrits dans un style qui faisait l'admiration d'un juge sévère
et autorisé, le savant Érasme. Nous ne citons que ces traductions, laissant de côté
ses ouvrages grammaticaux. De sanitate tueiidn. — De melliodo medemVi. —
De inœquali temperie. — De symptomatum differentiis. — De sijmptoinalinn
caiisis. — De naturalihus facultatibus . — De pulsiium usa. — De tempera-
mentis. Ouelques-uns de ces ouvrages ont été imprimés de son vivant, mais le |ilus
grand nombre après sa mort. Ils figurent à leur place dans la plupart des traduc-
tions latines de Galien, à cause de leur élégance et de leur fidélité. E. Bgd.
liSi^'ABiaE (Linaria Tournef.) Genre de Dycotylédones appartenant à la
famille des Scropiiularinées. Etabli par Tournefort, ce genre fut confondu par
Linné avec les AnUrrltinum ; mais il s'en distingue par des caractères assez suil-
lants pour que de Jussieu, deCandolle, et, après eux, les botanistes modernes,
l'en aient séparé d'une manière définitive. La présence d'un éperon à la corolle
et celle de deux ouvertures régulièrement percées au sommet ou sur les côtés
de la capsule soit par la chute de petites valves, soit par celle d'opercules circu-
laires, sont les principaux caractères différentiels des binaires. Elles ont d'ailleurs,
comme les Antlrrhinum : un calice quinque-partite ; une corolle personée, le
plus souvent fermée à la gorge par une sorte de palais ; 4 étamiues didynames ;
une capsule ovoïde ou globuleuse à 2 loges presque égales. Les graines sont ovi-
Ibrmes ou discoïdes, entourées d'une aile membraneuse.
Les Linaires sont des plantes herbacées, rarement sous-frutescentes. Les espèces
en sont nombreuses, mais quelques-unes seulement ont été regardées comme offi-
cinales. Les Linaria triphylla Mii.i.., spurialhu.., Elatine Mjll. et qjinballaria
MiLL, étaient employées comme vulnéraires et résolutives. La plus usitée de toutes
était le Linaria vulgaris Mill., abondamment répandue dans presque toute l'Eu-
rope. Ses propriétés diurétiques lui avaient fait donner le nom d'Vrinaria. Aussi
l'employait-on contre les obstructions des viscères : on en faisait aussi un on-
guent qu'on appliquait sur les hémorrhoïdes. C'est la seule Linaire qui soit restée
encore dans quelques pharmacopées allemandes.
Tqurxlfort, Inslit., 108. — Jcssieu, Gêner. Plant., p. 420. — DC, Flore Franc., III, 582.
— Chavaxnes, Monogr. des Antirrhinccs, p. 91. I'laxchos.
602 LîNTlEN.
lixa (James). Médecin anglais, qui eut, dans la seconde moitié du dernier
siècle, une grande et légitime réputation. Après avoir été reçu docteur à Edim-
bourg en 1748, il navigua longtemps sur les vaisseaux de l'État, devint ensuite
médecin de l'hôpital de Hasler et mourut à Gosport le 15 juillet 1794 dans un
âge assez avancé. Doué d'un remarquable génie d'observation, Lind a su dé-
brouiller le chaos dans lequel était plongée l'histoire du scorbut. Cette maladie,
surtout depuis la dé[)lorable élucubration d'Eugalen, était regardée comme une
sorte de protée patliologique venant insidieusement compliquer la plupart des
maladies. Lind fit voir qu'il s'agissait, au contraire, d'une maladie tout à fait
spéciale, développée dans des conditions déterminées et sous des inQuences ex-
térieures ; il démontra que le froid humide en est la cause principale, que la
mauvaise nourriture, les chagrins, la misère et les conditions hygiéniques fâ-
cheuses qu'elle entraîne à sa suite, en sont les adjuvants ordinauTs ; enfin, il fit
connaitre avec une remarquable précision les symptômes et le traitement de cette
maladie. A part quelques explications humorales, sacrifice indispensable aux
idées du temps, le traité du scorbut est encore aujourd'hui l'une des meilleures
monographies que l'on possède sur ce sujet.
Dans son essai sur les maladies des Européens dans les pays chauds, il insista
beaucoup sur les effets nuisibles de l'air marécageux et montra les dangers de la
saignée dans les fièvres de ces régions. Son traité sur les maladies des gens
de mer a rendu d'immenses services à la marine et peut être mis à côté du
célèbre ouvrage de son compatriote et contemporain John Pringle sur les mala-
dies des armées.
On doit à Lind les ouvrages suivants, dont ceux que nous avons rappelés sont
encore consultés avec fruit.
I. De morbis venereis localibus. Th. d'Edinb., 1748, in-8°. Réimpression dans le Thé-
saurus dispitt. Edinensium de Smellie, t. Ij p. 381. Edinb., 1778, in-8°. — II. A Treatisc
on Scurvy, in Three Parts, containing an Inquiry into the Nature, Causes and Cure of tliat
Discase, etc. Edinburgh, 1753, in-8°; Lond., 1756, in-S» ; ibid., 1772, in-S". Trad. fr. sous
.'^c titre : Traité du scorbut divisé en "b parties, etc. (avec la traduct. du traité du scorbut
par Boerhaave et les comment, de van Swieten). Paris, 1756, 2 vol. in-12; ibid., 1771,
2 vol. in-12. Trad. allem. par J. N. Petzold. Leipzig, 1775, in-8°. — III. An Essay on the
inost Effectuai Means of preserving the Health of Seanien in the Royal Navy. Edinb., 1757,
in-8°; ibid., 1763, in-8'' ; ibid., 1774, ia-8°. Trad. fr. Paris, 1758, in-12. — IV. Two Papers
on Fevers and Infections. Lond., 1763, in 8°. Trad. fr. par Fouquet. Montp., 1781, in-S";
Genève, 1798, in-S". — V. An Essay on Diseuses incidenlal ta Europeans in Hot Climates
with the Method of preventing their Fatal Conseguences, etc. Lond., 1768, in-S"; ibid.,
4771, in-S»; ibid., 1775, in-8° ; ibid., 1808, in-8°, etc. Trad. fr. par Thion de la Chaume
(avec notes). Paris, 1785, 2 vol. in-12. Trad. allem. par J. N. Petzold. Riga, 1773, in-8. —
VI. Treatise on the Putrid and Remetting Fen-Fever whicli raged at Rengal (1762). Lond.,
1772, in-12. — VII. Cinq ou six mémoires sur divers sujets de pathologie et de thérapeutique.
In London Universal Magazine. ' E. Bgb.
LllVDEiV (JoH. -Anton, vander), médecin érudit du dix-septième siècle, naquit
le 15 janvier 1609, à Enckhuysen, oii son père exerçait la médecine et remplis-
sait en même temps les fonctions de directeur du collège. Ses humanités termi-
nées, Linden alla étudier la médecine à Leyde, et se fit recevoir docteur à Franeker
en 1650 ; c'est dans cette ville qu'il fut rappelé neuf ans plus tard, alors qu'il
s'était fait une bonne réputation de praticien à Amsterdam, et il fut chargé d'y
enseigner les différentes branches de la médecine. Enfin, ses succès dans l'ensei-
gnement lui valurent l'honneur d'être choisi, en 1651, pour occuper la chaire de
médecine dans la célèbre université de Leyde, et il rempht ces fonctions jusqu'à
l'époque de sa mort, arrivée le 5 mars 1664.
LINGUALES (anatomie). 605
Lindeu s'occupa beaucoup de bibliographie, et la science lui doit le premier
recueil important de ce genre. Voici le jugement qu'en porte Ilallcr , juge aussi
compéteul qu'impartial. Sou livre, dit-il, ne donne que les titres des ouvrages en
latin, laissant de côté les dissertations académiques. Bien qu'il soit un peu sec,
puisque l'auteur ne dit pas un mot des ouvrages eux-mêmes, de leur contenu,
de leur valeur, il n'en est pas moins très-utile. Lindeu fut puissamment aidé dans ce
vaste travail par quelques amis, Pedro Neurat (de Madrid), Carlo Offredo (de Pa-
doue), Fervaques (de Bruxelles), et quelques médecins allemands. Malgré le nom-
bre des ouvrages qu'il relate, il y a cependant quelques omissions, quelques erreurs
de dates, quelques répétitions; mais, au total, ces fautes sont rares, et Ilaller ajoute
cette phrase remarquable de modestie : « Neque ego unquam haiic Inbliothecam
tolerabilem (la Biblioth. med.-pract.) perfeeissem nisi a Lindenio adjutus fuis-
sem. » On doit encore àvander Linden une édition gréco-latine d'Hippocrate, en
2 vol. in-8", qui eut un grand succès, dû, il faut l'avouer, en grande partie à la
commodité du format et à la beauté de l'impression. Il adonné aussi une édition de
Gelse assez médiocre. A l'exemple de de leBoë, son célèbre compatriote et collègue
à l'université de Leyde, van der Linden, malgré son amour pour l'antiquité, s'était
rattaché à l'école chimiatrique issue de Paracelse et de van Ilelmont. Aussi a-t-il
l'eçu, comme praticien, quelques traits un peu émoussés, il faut le dire, du mordant
Guy-Patin, qui lui portait quelque amitié en faveur, sans doute, de son grec et de
son érudition, et le l'egardait « comme plus honnête homme qu'il n'était éclairé. »
Voici la liste de ses principales publications :
I. Universœ medicinœ compcndium, dccem diapuiationibus propositum, adddn est ccn-
turla, etc. Franeker. 1050, iri-4°. — II. Manuductio ad medicinam. Amstelod. 1057, in-S".
Lovani, 1639, in-l^». (La première édition de ce traité parut en tète de la première édition
de l'ouvrage suivant.) — lll. De scriptis medicis L. II. Amstelod, 1057, in-8, ibid., 1051,
in-8, etc. (A été refondu par Mercklein sous le titre Lindenus rcnovaltis.) — lY. Medidla
medicinœ partibus quatuor coniprehcnsa. Prœmissa suiit. etc. Franeker, 1042, in-8. — V.
Dissert, de lactc. Groningœ. 1055, in-10. —VI. Selccta mcdica. Lugd. BaUiv. 1050, in-4°. —
VU. De hemicrania mcnalrua. Ibid., 1000, in-4". — VIII. Mclctcmata medicinœ Idppo-
craticœ. Ibid., 1600. in-i-, et Francof. I61'2,ïn-i:. — l\. llijijwcralis de circuilu sanguinis.
Ibid., 1061, in-l". — X. Hippocra'is coi opéra omnia. Ibid., 160 , 2 vol. in-8, et Venetiis,
1664, in-4. — XI. Édit. de Celse. Lugd. Batav. 1657, in-12, et ibid., 1005, in-12. — XII. Édit.
de Spigel. Amstelod, 1645, 5 vol. in-fol., etc. E. Bgd.
liliVGUA. De même que plusieurs plantes médicinales portent, d'après la
forme de quelqu'une de leurs parties, le nom vulgaire de Langue [voy. ce mot),
de même on désignait en latin la Scolopendre officinale sous le nom de Lingua
cervina, et le Bolet hépatique sous le nom de Lingua hovina. Le L. avis était
le fruit du Frêne commun {Fraximis excelsior L.). H. Bn.
I.1]\[«UAL I1\FÉRIE1]R; LIXCUAl. SL'PÉRIEUR (MusCLEs). (Foz/. LaH-
cue).
I.IXGIJAL TRAl^SVERSE (MuSCLE). VoiJ- LaNGUE.
LIXGUAL (Nerf). Voy. Maxillaire supériedr (Nerf).
OXGL'Ali DE HIKSCBIFEL» (Nerf). C'est le rameau du nerf facial qui va
aux muscles stylo-glosse et glosso-staphyhn. [Voy, Facial (nerf).]
liWiGLiALES (ARTÈRE ET VEiNEs). § L Anatomie. Il est peu d'orgaues supé-
rieurs à l'organe du goût sous le rapport de la richesse vasculaire : aussi les vais-
604 LINGUALES (anatomie).
seaux artériels et veineux destinés à la langue présentent-ils un calibre relati-
vement considérable.
I. Artère. § I. Anatomie. L'artère UnfjKale naît sur la face antérieure de la
carotide externe, entre la thyroïdienne supérieure et la faciale. On la voit souvent
(7 fois sur 50 d'après Haller) se détacher de la faciale, beaucoup plus rarement de
la thyroïdienne supérieure. Dans la majorité des cas, son origine est située sur le
trajet d'une ligne qui prolongerait en arrière la grande corne de l'os hyoïde ; mais
il existe, à cet égard, d'assez nombreuses variétés. Sur 58 sujets examinés à ce
poin^ de vue, Mirault a trouvé que la linguale naissait 21 fois au niveau de la
grtinde corne, 14 fois de 2 à 16 millimètres au-dessus et 3 fois seulement de 2 à
6 millimètres au-dessous. Quelle que soit, d'ailleurs, sou origine, elle ne tarde
pas à prendre se rapports normaux avec l'os hyoïde et le muscle hyo-glosse.
D'abord légèrement oblique en haut et en avant, l'artère linguale devient ensuite
horizontale et parallèle au bord supérieur de la grande corne de l'os hyoïde, dont
elle est éloignée de 1 à 2 millimètres ; c'est dans celte portion de sou trajet qu'elle
s'engage au-dessous du muscle hyo-glosse. Arrivée \ers la partie moyenne de la
grande corne de l'hyoïde, un peu au delà du bord antérieur de l'hyo-glosse, elle
change de direction, devient sensiblement ascendante, gagne l'épaisseur de la
langue et s'applique sur la face externe du muscle génio-glosse, qu'elle suit en
serpentant, jusqu'à la pointe de la langue, où elle se termine en s 'anastomosant
avec la hnguale du côté opposé. Les nombreuses tlexuosités qu'elle décrit dans
tout son parcours lui permettent de s'accommoder, sans se rompre, aux change-
ments de volume que l'organe du goût subit à chaque instant.
Dans sa première portion, c'est-à-dire depuis son origine jusqu'à la grande corne
de l'os hyoïde, l'artère linguale est recouverte par le digastrique, le stylo-hyoïdien
et le nerf grand hypoglosse. Au-dessus de l'os hyoïde, elle est comprise entre
la face profonde du muscle hyo-glosse et le constricteur moyen du pharynx; on la
voit cependant, quelquefois, s'engager dans l'épaisseur même des fibres de l'hyo-
glosse, mais cette disposition est extrêmement rare et, pour ma part, je ne l'ai
jamais rencontrée dans mes dissections. Dans la langue, où elle prend le nom
d'artère ranine, l'artère linguale se trouve d'abord située entre le constricteur
supérieur du pharynx et le basio-glosse, puis entre le génio-glosse et le hngual
inlérieur qui la recouvre toujours dans une certaine portion de son étendue. Les
deux linguales ne sont [lus alors séparées, jusqu'à leur terminaison, que par
l'épaisseur des deux muscles géuio-glosses, et s'envoient, à travers les faisceaux
de ces muscles, des anastomoses transversales ; leur face inférieure est en rap-
port avec le nerf lingual et la muqueuse.
Trois branches collatérales naissent de l'artère linguale. Ce sont, par ordre
d'origine : 1° le rameau sus-hyoïdien, 2" l'artère dorsale de la langue, 5° l'artère
sublinguale.
Le rameau siis-hijoïdien u'cst qu'une artériole sans importance qui suit le bord
supérieur de l'os hyoïde et va, sur la ligne médiane, s'anastomoser avec celle du
côté opposé, dans l'espace celluleux compris entre les muscles génio-hyoïdien et
génio-glosse.
L'artère dorsale de la langue est rarement d'un volume bien considérable ; par-
fois elle manque complètement. Elle naît au niveau de la grande corne de l'os
hyoïde, se dirige de bas en haut sur les parties latérales de la langue, à la hauteur
du pilier antérieur du voile du palais, auquel elle donne quelques rameaux très-
grèles ; puis elle change de direction, se porte de dehors en dedans et d'arrière
LINGUALES (anatomie). 605
en avant, et se termine sous le V lingual, en s'unissant à sa congénère. Ses prin-
cipaux rameaux sont destinés à la muqiiouse de la langue, à l'amygdale et à
l'épiglotte ; Ces derniers s'anastomosent avec les branches terminales de l'artère
laryngée supérieure.
L artère suhUnguale est la plus volumineuse des trois branches collatérales
& la linguale. D'après Cruveilhier, elle provient aussi souvent de la faciale, par un
a. Muscle masséter. — h. Glande parofiJe. — c. Faisceau longitudinal du stylo-glo^sc. — d. Glande
sublinguale. — ee. Muscle liyo-glosse. — 1. Tionc de la carotide primitive. — -l. Tronc de la cai'olidc
interne. — 3. Tronc de la carotide externe. — 4. Thyroïdienne supérieure. —5. Linguale. — 6. Faciale.
7. Rameau sus-hyoïdien de la linguale. — 8. Artère dorsa'.c de la langue. — 9. Artère sublinguale.
tronc commun avec la sous-mentale, que de la linguale elle-même. Née au-devant
du bord antérieur de l'hyo-glosse, elle se porte horizontalement d'arrière en avant,
entre le mylo-hyoïdien et le génio-glosse, accompagne le canal de Wharton et suit
le bord inférieur de la glaude sublinguale, à laquelle elle fournit quelque rameaux.
Très-flexueuse dans tout son parcours, elle se subdivise, un peu avant d'arriver
au frein de la langue, en deux; branches terminales. La plus volumineuse porte
le nom A' artère du frein; elle s'anastomose par arcade avec celle du côté opposé ;
l'autre se ramifie dans la muqueuse buccale, traverse le ventre antérieur du di-
gastrique et va s'unir à des rameaux de la sous-mentale.
A parties trois branches précédentes, la linguale donn: encore un grand nombre
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de rameaux innominés qui, presque tous, se détachent de sa face supérieure et
montent verticalement au milieu des fibres .musculaires de la langue, jusqu'à la
muqueuse. La distribution de ces rameaux aux différentes papilles de l'organe du
goût a déjà été exposée dans un autre article. {Voy. Langue.)
II. Yeines. En raison de sa très-grande mobilité et de la compression né-
cessairement exercée sur les vaisseaux pendant les contractions musculaires, la
langue est pourvue d'un double réseau veineux destiné à mieux assurer la circu-
lation de retour et à prévenir la stase sanguine. On y distingue donc, comme aux
membres, des veines siqjerficielles et des veines profondes.
Les premières tirent directement leur origine des réseaux soiis-muqueux.
Celles de la face dorsale forment, vers la base de la langue, un riche plexus en
communication avec les veines tonsillaires et épiglottiques. De ce plexus part, de
chaque côté, un gros tronc qui accompagne le nerf lingual et qui, après avoir reçu
des branches venues de la langue et de la glande sublinguale, aboutit à la veine
faciale ou à la pharyngienne, souvent même à la jugulaire externe. Ce tronc s'anasto-
mose largement avec les veines superficielles de la lace inférieure de la langue.
Cefies-ci portent le nom de vemes ranines, et sont au nombre de deux, une pour
chaque moitié de l'organe. Dirigé'es d'arrière eu avant, en dehors du lingual infé-
rieur, elles suivent le trajet du nerf grand hypoglosse, entre les muscles génio-
glosse et hyo-glosse, reçoivent des rameaux de la glande sublinguale et font,
de chaque côté du frein, une saillie bleuâtre. Les veines ranines communiquent
avec un très-riche plexus situé sur les côtés de la langue; elles se jettent dans la
veine faciale ou dans le tronc commim des veines dorsales.
Les veines profondes se résument en deux troncs de très-petit calibre qui accom-
pagnent l'artère linguale et l'enlacent de leurs anastomoses, à la manière des
veines profondes des membres. Ces deux troncs aboutissent à la veine faciale ou
à la jugulaire interne, quelquefois au tronc commun des veines dorsales ou à la
jugulaire antérieure, ainsi que Cruveilbier l'a observé une fois. Sur le tiers des
sujets environ, l'artère linguale n'a qu'une seule veine collatérale.
Toutes les veines de la langue sont munies de valvules.
§ II. Pathologie et médecine opératoire. Malgré leur volume considé-
rable, les vaisseaux de la langue n'ont qu'une importance très-médiocre au point
de vue pathologique. La plupart de leurs lésions ne méritent pas une étude séparée.
Et presque toutes les considérations qui auraient pu, à la rigueur, être insérées
ici, ont déjà été exposées dans un autre article. [Voij. Langue.) 11 est douteux que
l'on connaisse plus d'un cas d'anévrysme vrai de l'artère linguale, il a été cité par
CoUomb. Tous les autres paraissent plutôt se rapporter à des tumeurs érectiles,
genre d'alfectiou dont je n'ai point à m'occuper ici.
A. Artère. Par sa position profonde, l'artère linguale est peu exposée à l'action
des corps vulnérants. Sa situation au milieu d'une masse musculaire peu résistante
lui permet de céder à la pression des pi-ojectiles et d'échapper ainsi aune lésion qui
semblerait a priori inévitable. On connaît un assez grand nombre d'exemples de
balles, de chevrotines ayant traversé la langue ou s'étaut logées dans son épais-
seur; mais dans aucun de ces cas il n'est fait mention d'une hémorrhagie grave
due à la section de la principale artère de l'organe du goût. J'en excepterai pour-
tant l'observation rapportée par Maisonneuve {Clinique chirurgicale, t. II) : une
balle entrée par la région sous-hyoïdienne avait intéressé l'artère ranine du côté
gauche et donné heu à un écoulement sanguin qui nécessita la ligature de la
linguale.
LINGUALES (pathologie). 607
Les plaies par instrument tranchant sont plus fréquentes, mais presque jaznais
accidentelles. Le plus souvent, en effet, elles succèdent à une opération chirur-
gicale et l'ouverture de l'artère est faite de parti pris.
On s'est beaucoup préoccupé d'éviter l'artère ranine en pratiquant la section
du frein de la langue. N'y aurait-il pas eu à cet égard quelque exagération? Sans
doute, la lésion de l'artère principale n'est point impossible à un opérateur mal-
habile ou à la suite d'un faux mouvement. Mais si l'on admet que le tranchant des
ciseaux ne doit porter que sur la muqueuse du fdet, on concevra sans peine que
le seul vaisseau qui coure des risques sérieux soit l'artère du frein ou tout autre
petite branche de l'artère sublinguale. En pareil cas, l'hémorrhagie, bien que peu
abondante, n'en doit pas moins être attentivement surveillée, car, entretenue par
les continuels mouvements de succion de l'enfant, elle pourrait devenir dange-
reuse par sa continuité même. Il est rare, d'ailleurs, qu'elle ne cède pas à une
simple cautérisation au nitrate d'argent.
Toutes les fois qu'on attaque une tumeur de la langue avec l'instrument tran-
chant, on intéresse nécessairement l'une des artères linguales au moins, et l'on
est exposé à un écoulement sanguin d'autant plus grave que l'on agit plus près
de la base de la langue, c'est-à-dire sur un point plus rapproché de l'origine des
vaisseaux. L'emploi des seri'e-nœuds ou de l'écraseur, tout en diminuant les
chances d'hémorrhagie, n'en met cependant pas à l'abri d'une manière certaine.
Porter une ligature sur l'extrémité divisée de l'artère est chose à peu près impos-
sible, à cause de la profondeur delà plaie. D'ailleurs le vaisseau se rétracte constam-
ment et disparaît au milieu des parties molles où l'on ne peut l'atteindre, à moins
qu'on n'ait, au préalable, scié le maxillaire inférieur sur la ligne médiane. Le
cautère actuel est alors le seul hémostatique vraiment utile dans la plupart des
cas ; mais il ne réussit pas toujours, soit que l'hémorrhagie persiste malgré l'appli-
cation du feu, soit qu'après avoir cédé momeiitanément, elle se reproduise à la
chute des cschares. En présence d'un écoulement sanguin incoercible, il n'y a
plus d'autre parti à prendre que d'aller lier l'artère linguale dans les parties
saines, loin du siège de la blessure.
On a prétendu que Collomb, le premier, pratiqua cette ligature. C'est là une
erreur qu'il importe de rectifier. Après avoir ouvert un anévrysme de la linguale,
Collomb fit une ligature médiate dans l'épaisseur même de la langue. C'est à Cé-
clard que revient l'honneur d'avoir le premier songé à porter un 111 sur cette
artère. Blandin décrivit ensuite un procédé qui permet d'arriver au but, par la
région sus-hyoïdienne, mais il n'eut jamais occasion de l'appliquer sur le vivant.
La première ligature de linguale fut pratiquée par Mirault (d'Angers), en 185-4.
Ayant à enlever un volumineux cancer de la langue, et craignant l'hémorrhagie,
Mii"ault voulut lier préalablement les deux artères linguales, mais il ne put attein-
dre le vaisseau du côté gauche. Il fut plus heureux du côté droit et réussit à por-
ter un fil sur l'artère, mais après avoir été obligé de couper, entre deux ligatures,
la veine jugulaire externe et la veine pharyngienne ; l'ablation de la tuineiu- se
fit du reste sans hémorrhagie, bien que l'artère linguale gauche n'eût pas été liée.
Peu après, Flaubert répéta la même opération dans des circonstances analogues,
mais en produisant des délabrements plus considérables encore, car il excisa la
portion inférieure de la glande sous-maxillaire qu'il avait d'abord prise pour un
ganglion tuméfié, il coupa l'anse de l'hypoglosse et sectionna, entre deux hgatures,
la veine jugulaire externe et le confluent des veines linguales et pharyngiennes.
Viennent ensuite d'autres opérateurs parmi lesquels il faut surtout citer Demar-
608 LINGUALES (pathologie).
quay qui, après avoir lié huit fois la linguale avec succès, a consigné le résiiltai
de ses reclierclies dans un intéressant et consciencieux ménioli^e que j'ai mis à
profit pour la rédaction de cet article. J'emprunte à ce mémoire le tableau suivant
comprenant douze cas, dans lesquels la ligature de la linguale a été pratiquée
dans des circonstances diverses.
A ces douze opérations, j'en ajouterai deux autres pratiquées par Malgalgne,
dans le but de prévenir l'hémorrhagie pendant l'ablation de deux tumeurs cancé-
reuses de la langue étendues jusqu'au plancher de la bouche. (Malgaigne, Médecine
opératoire, 1^ édition, 1861, page 497.)
11 suffit d'un coup d'œil jeté sur ces quatorze observations, pour voir que
l'artère linguale a été liée : 1" pour arrêter une hémorrhagie fournie par une
blessure ou une ulcération de la langue ; 2" pour prévenir l'écoulement sanguin
pendant l'ablation d'une tumeqr cancéreuse de l'organe du goût ; 3 ' Pour arrêter
le développement d'un cancer ou d'une tumeur érectile et atrophier la production
pathologique.
Trois fois la ligature a été pratiquée pour arrêter une hémorrhagie. Une pre-
mière fois par Maisonneuve, dans un cas auquel j'ai déjcà fait allusion. La balle
avait traversé de bas en haut la région sus-hyoïdienne et le plancher de la bouche,
prosque sur la ligne médiane. L'écoulement sanguin ne put être maîtrisé par le
tamponnement, et il fallut se décider, au bout de plusieurs jours, à agrandir l'ou-
verture faite à la peau et à lier an fond de la plaie l'extrémité béante de l'aiière
divisée. Malgré la ligature, l'Iiémorrhagie se renouvela et emporta le malade.
Déguise fut plus heureux : appelé près d'un enfant de 2 ans et demi, dont la
langue était le siège d'un naevus ulcéré par la surface duquel le sang s'écoulait en
nappe, il employa d'abord la cautérisation, mais sans résultat. L'hémorrhagie
continuant et l'enfant étant presque exsangue, le chirurgien lia la linguale du côté
droit. Le sang s'arrêta immédiatement, mais il reparut le cinquième jour pendant
quelques moments seulement. Le septième jour, nouvelle hémorrhagie très-abon-
dante, qui cessa spontanément et ne se renouvela plus. L'enfant guérit.
Dans l'observation de Demarquay, le résultat ne laisse rien à désirer. Après
l'ablation d'un cancer de la langue, l'artère s'était rétractée dans les tissus, et le
cautère actuel fut insuffisant pour arrêter l'hémorrhagie. La ligature de la linguale
fut pratiquée, et l'écoulement sanguin cessa immédiatement pour ne plus repa-
raître.
En somme, deux succès sur trois opérations, et encore, avant d'accuser la hga-
ture, faut-il faire la part de toutes les circonstances qui ont précédé la mort du
malade de Maisonneuve. Au reste, quand il s'agit d'une hémorrhagie incoercible,
je ne crois pas que la question d'hidication doive être posée. Lorsque tous les hé-
mostatiques ont été vainement employés, lorsque le malade paraît voué à une
mort certaine, la ligature s'impose au chirurgien ; c'est là une affaire de nécessité
et non de choix.
Comme hémostatique préventif, la ligature préalable d'une ou des deux lin-
guales a été pratiquée six fois avant l'ablation d'un cancer de la Iruigue. Mirault,
Flaubert, Roux, Sédillot, l'ont exécutée chacun une fois; Malgaigne Ta faite deux
fois. Dans tous ces cas, l'interruptioa du cours du sang a permis d'achever l'extir-
pation de la tumeur sans accidents, et presque à sec. On est donc en droit d'en
conclure avec Demarquay, que la ligature préalable de la hngualc est avanta-
geuse, lorsqu'on doit pratiquer une opération grave sur la base de la langue. Ceci
soit dit, sans rien préjuger sur le choix que le chii'urgien est toujours autorisé à
LINGUALES (pathologie)
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LINGUALES (pathologie). 611
faire entre l'instrument tranchant et les agents qui agissent par compres-
sion, et toutes réserves faites sur la question d'opportunité relativement à
l'opération.
L'idée d'atrophier un produit pathologique en liant les vaisseaux nourriciers
de la partie du corps où il siège, remonte à Harvey. Elle a été appliquée à la cure
du sarcocèle par Maunoir et Moulinié; on a même guéri l'éléphaniiasis par la
ligature de l'artère crurale. Il était assez naturel qu'on songeât à user du même
moyen pour guérir ou arrêter dans leur marche certaines tumeurs de la langue.
C'est dons ce but que la linguale a été hée cinq fois : une fois par Liston, une fois
parMoore, et trois l'ois par Demarquay. Le malade de Liston portait une tumeur
érectile ; l'opération était parfaitement indiquée, aussi donna-t-elle les plus
heureux résultats, la tumeur ne tarda pas à disparaître après la ligature des deux
linguales. Dans les quatre autres cas, il s'agissait de cancers plus ou moins
tîtendus, dont l'ablation était impossible. Trois fois la ligature a été avantageuse,
non pas que les malades aient guéri, car les chirurgiens qui ont eu recours à
ce moyen n'ont jamais prétendu enrayer complètement cette fatale affection;
mais une asphyxie imminente a été prévenue, l'écoulement sanieux a dimi-
nué, le développement de la tumeur s'est un peu ralenti. Le troisième malade de
Demarquay ayant succombé à une pneumonie, trois jours après l'opération, ne
doit évidemment pas entrer en ligne de compte.
Sans partager entièrement l'optimisme de Demarquay à ce sujet, j'admettrai
volontiers que dans certains cas spéciaux, et principalement lorsque le patient est
menacé d'asphyxie, il pourra y avoir avantage à tenter la ligature des artères lin-
guales, d'autant plus que l'opération ne présente généralement pas de très-
grandes difficultés, et qu'elle paraît inoffensive par elle-même. Pour en venir
y bout, il importe seulement de connaître, d'une manière bien précise l'anatomie
de la région sur laquelle on opère, car là plus qu'ailleurs, un écart de quelques
millimètres peut avoir des conséquences fâcheuses. La description de la région
sus-hyo'idienne au point de vue topographique sera, faite en son heu. Je me bor-
nerai simplement à mentionner ici quelques données indispensables pour l'intelli-
gence des procédés opératoires.
Sous-jacente à la peau et au peaucier, l'artère est à peu près horizontale depuis
son origine jusqu'au niveau de la petite corne de l'hyo'ide, point où elle change de
■direction pour devenir ascendante et pénétrer dans la langue. Dans ce trajet,
elle n'est d'abord recouverte que par le stylo-hyo'idicn et le ventre postérieur du
digastnque, puis elle s'engage au-dessous de l'hyo-glosse et suit le bord supérieur
de la grande corne de l'hyo'ide. On peut donc l'atteindre dans trois points diffé-
rents : 1 ° entre son origine et le bord postérieur de l'hyo-glosse; 2° sous l'hyo-glosse
au niveau du centre postérieur du digastrique; 3" toujours sous l'hyo-glosse,
mais en avant du centre postérieur du digastrique, c'est-à-dire dans la concavité
de l'arc formé par les deux faisceaux de ce dernier muscle. Je rangerai sous le pre-
mier chef les procédés suivis par Mirault, par Flaubert, et le procédé de Ditterich-
sous le second, ceux de Blandiu et de Malgaigne; sous le troisième enfin celui de
Bell et Wise.
Voici le procédé de Mirault. Le malade a la tète renversée en arrière et le
menton tourné du côté sain ; on cherche d'abord l'os hyo'ide, en embrassant la
région supérieure du cou avec le pouce et l'indicateur de la main gauche ; puis
avec un bistouri de médiocre largeur, on fait une incision qui commence vers la
partie moyenne de la grande corne à 2 centimètres environ de la ligne mé-
612 LINGUALES (pathologie).
diane, et qu'on dirige obliquement en dehors et en haut, jusqu'au hord antérieur
du sterno-mastoidien, en passant sous et près l'angle de l'os maxillaire inférieur.
On intéresse successivement de l'extérieur à l'intérieur la peau, la couche cellulo-
graisseuse, le peaucier dont les libres sont divisées perpendiculairement à leur
direction. La veine jugulaire externe est située ordinairement plus ou moins près
de l'angle postérieur de la plaie. On la lie deux fois et on la coupe entre les liga-
tures. On coupe ensuite le feuillet du fascia cervicalis qui couvre la glande sous-
maxillaire, et l'on ouvre ainsi la loge qui la contient. On détache la glande, et on
la renverse en haut sur le corps de la mâchoire ; alors s'offre à la vue le feuillet
profond de l'aponévrose ; son peu d'épaisseur permet de distinguer au travers les
parties qui couvrent immédiatement la linguale. Ce feuillet étant incisé, on ren-
contre les veines pharyngienne, linguale et labiale; chacune d'elles est coupée
en travers après avoir été liée deux fois. On écarte les bouts en haut et en bas; et
prenant l'iiypoglosse pour point de départ, on cherche l'artère de haut en bas, de-
puis la hauteur de ce nerf jusqu'au bord inférieur du stylo-hyoïdien uni au digas-
trique. On aperçoit bientôt celle-ci qui, après s'être recourbée, descend vers la
grande corne de l'hyoïde, ou se porte transversalement, en formant en quelque
façon la corde de l'arc que représente l'anse de l'hypoglosse. 11 ne s'agit plus, dès
lors, que de porter une ligature sur le vaisseau, à l'aide d'une aiguille courbe à
manche, de petite dimension.
Flaubert suivit un procédé à peu près analogue, en agrandissant toutefois l'in-
cision extérieure, ce qui lui donna plus de jour sans diminuer sensiblement les
difficultés de l'opération, puisqu'il fut obligé de sacrifier plus de parties encore
que Mirault.
Ditterich consedle une incision qui commence à 5 lignes du bord de la mâ-
choire inférieure et suit la même direction que si l'on voulait lier la carotide ex-
terne. Après avoir découvert les muscles digaitrique et stylo-hyoïdien, on les re-
cline et l'on aperçoit Tarière au point où elle se sépare de la carotide externe; la
veine linguale l'accompagne. On écarte la veine en haut, le nerf grand hypoglosse
en bas, et l'on charge l'artère.
Malgré la préférence donnée à ce dernier procédé par Dieffenbach [Die operative
Chirurgie), qui le déclare préférable à tous les autres, je n'hésite pas à le rejeter,
ainsi que ceux de Mirault et de Flaubert, et cela pour deux raisons. La première,
c'est que les anomahes d'origine de la linguale sont assez fréquentes ; or, ces
anomalies ne portent jamais que sur la portion du vaisseau comprise entre sa
naissance et la grande corne de l'hyoïde, de sorte que plus on se rapprochera de
la carotide externe, plus on sera exposé à rencontrer une disposition anormale.
Cette raison ne serait peut-être pas péremptoire, car avec du sang-froid, de l'habi-
leté de main et en ayant soin de faire une grande incision, on pourrait certaine-
ment atteindre la hnguale, alors même qu'elle se détacherait de la faciale. Le
second motif est beaucoup plus sérieux et l'on en comprendra facilement toute la
portée si l'on se rappelle que Mirault et Flaubert ont été contraints de couper, entre
deux ligatures, plusieurs veines volumineuses, et que le premier de ces deux opé-
rateurs dut renoncer à trouver la linguale du côté gauche sur son malade. C est
qu'en effet la carotide externe est entourée, à ce niveau, de gros troncs veineux,
tels que la jugulaire externe, la faciale, la linguale, la pharyngienne, la thyroï-
dienne supérieure, troncs que l'on ne manquera certainement pas de découvrir si
l'on se porte trop en arrière. Sans nul doute, le procédé de Ditterich est facilement
exécutable sur le cadavre, où, la plupart du temps, les vemes sont vides de sang;
LINGUALES (pathologie). 613
mais je ne crains pas d'affirmer qu'employé sur le vivant il serait très-laborieux et
exposerait à des dangers réels.
Pratiquée au-dessus de la grande corne de l'hyoïde et sous le muscle hyo-glosse,
l'opération est de beaucoup préférable. Ainsi que je l'ai dit plus haut, c'est à
Blandin que l'on doit les premières indications relatives à la ligature de l'artère
linguale. Il proposait de découvrir le vaisseau au niveau du ventre postérieur du
digastrique, et après avoir divisé l'hyo-glosse. Comme son procédé a été reproduit
avec diverses variantes, il sera bon, je crois, de mettre le texte même sous les
yeux du lecteur, le voici : « Si l'artère linguale avait été ouverte dans une plaie
de la région sus-hyoïdienne, on pourrait en faire la ligature sous le muscle hyo-
glosse, près de la grande corne de l'os hyoïde ; pour cela, il suffirait d'une petite
incision parallèle à la grande corne hyoïdienne, que l'on sent aisément. Dans cette
opération, on couperait successivement : la peau et le muscle peaucier; on soulè-
verait les muscles digastrique et stylo-glosse'; l'hyo-glosse serait intéressé ; et l'ar-
tère, ainsi mise à iiu, pourrait être facilement saisie à l'aide d'une sonde cannelée.
Dans la circonstance précédente, l'opérateur ne doit pas trop s'éloigner de la corne
hyoïdienne, de peur d'attemdre le nerf grand hypoglosse. » (F. Blandin, Traité
d'anatomie topographique, 2^ édition, 1834, p. 179.)
C4ommeonlevoit, Blandin recommande de se rapprocher de la grande corne, mais
sans dire précisément qu'on doive aller chercher Fartère au-dessus de l'os hyoïde ;
cependant, comme il recommande en même temps de couper la partie postérieure
du muscle hyo-glosse, il en résulte implicitement que c'est bien à ce niveau, ou en
un point très-rapproché, que le vaisseau sera lié. Son procédé, basé sur des don-
nées anatomiques parfaitement exactes, manque pourtant de cette netteté que
nous sommes accoutumés à rencontrer lorsqu'il s'agit de manuel opératoire. En
faisant dispai'aître ce vague, en donnant un procédé d'une précision pour ainsi
dire mathématique, Malgaigne a rendu un véritable service à la chirurgie ; aussi
ne saurait-on lui refaser le mérite d'avoir, non pas créé, comme il le dit lui-même,
mais réglé dans tous ses détails une opération jusqu'alors très-hasardeuse.
Le procédé de Malgaigne, généralement adopté aujourd'hui, permet d'arriver
sur l'artère avec certitude et presque sans aucune dilficulté. « La grande corne de
l'hyoïde, préalablement reconnue, il laut faire, à 4 millimètres au-dessus et pa-
rallèlement à elle, une incision d'environ 3 centimètres, comprenant la peau et
le peaucier ; on tombe ainsi sur le bord inférieur de la glande sous-maxillaire :
premier point de ralliement. Cette glande un peu repoussée en haut, on trouve
au-dessous le tendon du digastrique, remarquable par son brillant nacré :
deuxième point de ralliement. A 1 millimètre au-dessous se présente un cordon
blanchâtre, quelquefois caché par quelques fibres du stylo-hyoïdien; dégagez-le
au besoin avec la pointe du bistouri : c'est le nerf hypo-glosse. Ce troisième point
bien reconnu, à 2 millimètres au-dessous, divisez transversalement le muscle
hyo-glosse, et vous tomberez exactement sur l'artère, qui n'est accompagnée d'au-
cune veine ^ ni d'aucun nerf. La veine taciale est plus superficielle, elle croise
obUquement l'incision de dehors en dedans et de bas en haut ; il faut donc atta-
quer la peau et le peaucier avec précaution, et cette veine, qui est assez considé-
rable, étant mise à découvert, la repousser en dehors. »
* Il y a ici une erreur typographique dans le texte de Blandin ; au lieu de stylo-glosse,
c'est stylo-hyoidien qu'il faut lire.
^ Malgaigne commet une petite eiTeur anatomique ; l'artère linguale est ordinairement
accompagnée par une ou deux veines collatérales.
614 LINGUALES (pathologie).
Il arrive assez souvent, à raniphithéàtre, qu'en voulant lier la linguale par ce
procédé, on fait l'incision de la peau trop en avant. On parvient alors entre les-
deux chefs du digastrique, ce dont on s'aperçoit dès que l'on a découvert et sou-
levé la glande sous-maxillaire. Il est inutile dans ce cas d'abandonner le champ
de l'opération pour se reporter plus en arrière; l'artère occupe toujours la même
position par rapport à la grande corne de l'hyoïde et au muscle hyo-glosse. On se
bornera donc à sectionner transversalement ce dernier muscle dans l'anse formée
par le digastrique, et l'on découvrira le vaisseau comme à l'ordinaire. C'est à cela
que revient, en définitive, le procédé de Bell et VVise, avec cette différence que
leur incision, au lieu d'être horizontale, se porte un peu en haut et en dehors^
dans la direclionde l'aponhyse mastoide.
Chassaignac préfère, à l'incision de Malgaigne, une incision curviligne dont la
convexité, tournée en bas, serait tangente à la grande corne de l'os hyoïde. D'après
lui, celte incision s'adapte mieux à la forme de la glande sous-maxillaire ; elle
donne plas d'espace, permet d'éviter plus facilement la veine jugulaire externe
et fournit un lambeau qui s'applique exactement par son propre poids.
Quel que soit le procédé suivi, il est toujours indispensable de prendre certaines
précautions applicables à tous les cas, et que je vais indiquer en peu de mots. Avant
tout, on doit s'assurer de la position de l'os hyoïde, ce qui n'est pas toujours facile
lorsque les parties sont tuméfiées. Chez certains individus à cou gros et court, chez
quelques femmes, cet os remonte si haut sous la mâchoire inférieure que la
glande sous-maxillaire le recouvre complètement. C'est là une circonstance qui
augmente beaucoup les difficultés de l'opération, mais qui )ie doit pourtant pas la
faire regarder comme impossible, surtout si l'on a le soin de donner à l'incision
extérieure une étendue suffisante. Pour déterminer exactement le trajet de la
veine jugulaire externe, on rendra cette veine apparente en exerçant une compres-
sion à la partie latérale et inférieure du cou. On fera coucher le malade en supi-
nation, la tête inclinée du côté opposé à celui sur lequel on opère et l'on recom-
mandera à un aide de pousser l'os hyoïde vers le chirurgien; sans cette précaution,
il devient très-difficile de percevoir les battements de l'artère. Bien qu'endormis
par le chloroforme, les malades font de continuels mouvements de déglutition qui
gênent beaucoup l'opérateur; à cette occasion, Malgaigne donne le judicieux con-
seil de fixer l'hyoïde avec un ténaculum.
Lorsque le cou du malade est très-long, la glande sous-maxillaire reste au-dessus
du champ de l'opération ; ce serait employer son temps en pure perte que de vou-
loir ouvrir quand même la gaine de cette glande ; on passera outre en négligeant
ce point de ralliement. Le nerf grand hypoglosse présente aussi, dans sa posi-
tion, quelques variétés qu'il est bon de connaître. Sur 31 sujets, Mirault a
trouvé ce nerf 22 fois au niveau de l'os hyoïde, 8 fois de 2 à 6 millimètres
au-dessus et 1 lois à 6 millimètres au-dessous. Pour diviser l'hyo-glosse en tra-
vers, quelques chirurgiens le chargent d'abord sur une sonde cannelée et l'incisent
de dedans en dehors ; d'autres prescrivent de soulever les fibres musculaires avec
1 des pinces et de l'inciser directement avec le bistouri, dans la crainte que la sonde
cannelée ne soulève, en même temps, le muscle et l'artère qui lui est immédiate-
ment sous-jacente. Cette crainte me paraît mal fondée; lorsque la linguale suit
son trajet ordinaire, la sonde glisse sans peine dans l'espace celluleux qui sépare
le vaisseau de l'hyo-glosse. L'accident ne serait donc à redouter que lorsque l'artère
s'engage au milieu des fibres du muscle, ce qui arrive bien rarement. L'artère une
fois mise à nu, on arrive aisément à la charger; cependant, dans le cas de Pioux^
LINGUATULE. 615
elle était tellement mobile qu'on eut beaucoup de peine à la saisir. On ramènera
le fil dans un des angles de la plaie, et l'on réunira par un ou deux points de
suture.
En résumé, la ligature de la linguale au-dessus de la grande corne de l'os liyoïde
n'est pas une opération bien dilficile. Les suites en sont des plus simples ; dans
les huit cas qu'il a observés, Dcmarquay n'a pas noté d'autre symptôme qu'une
légère dysphagie, occasionnée par le contact des fils sur la paroi du pharynx. Quant
aux hémorrhagies consécutives, on peut dire d'une manière générale, et contraire-
ment à l'opinion de Lish'anc, que les anastomoses des deux linguales entre elles
et avec les artères voisines ne sont ni assez larges ni assez multipliées pour rétablir
le cours du sang d'une façon trop rapide.
II. Veines. On pratiquait autrefois assez fréquemment la saignée des ranines,
notamment dans les affections inflammatoires de la bouche et de la gorge. On a
vu à l'article Laingue que ce moyen était souvent mis en usage dans la glossite
aiguë. Il est à peu près délaissé aujourd'hui, malgré les conseils tout spéciaux
de Gonzalès Arejo.
La pratique de cette petite opération est très-simple. On saisit l'extrémité de la
langue avac la main gauche munie d'un linge : la pointe de cet organe étant éle-
vée, on voit apparaître les ranines, qu'on ouvre eu travers avec une lancette, soit
d'un seul, soit des deux cotés. L'ouverture des deux veines peut donner de 20 à
40 grammes de sang. Suivant les cas, on en faciUte l'écoulcmeat an moyen d'un
gargarisme d'eau chaude, ou on l'arrête par l'emploi d'un gargarisme froid et as-
tringent. V. Paulet.
Bibliographie. — En outre des indications données dans le courant de cet article, on pourra
consulter : Miradlt. In Mémoires de l'Académie de médecine, t. IV, et in Gazette médicale,
1834. — VoRANGEB. Du caiiccr dc la langue. Thèse de Paris, 1856. — Letenneur. Observation
d'une fumeur carcinomateuse occupant toute la moitié gauche de la langue. Ligatura
préalable de l'artère linguale. Guérison. \xï Gazette médicale , 1859. — Moque (Ch.). In
Medico-surgical Transactions, vol. LXV, 1802. — Folcheu (0.). Des tumeurs ércctilvs de la
ian^TMe. Thèse de Paris, 1862. — Deuauquay. Mémoire sur la ligature de V artère linguale .
In Archives générales de médecine, n° de lévrier 1868. V. P.
Li:\!GUATULE [Unguatula, languette, petite langue). Les Linguatules sont
des animaux parasites réunis jusque dans ces derniers temps aux Helminthes et
que Van Beneden a placés à la fin des Crustacés. Leur forme est celle de Vers plats,
mais leurs rapports organiques les rapprochent manifestement des Crustacés dont
ils représentent la forme helminthoïde. Ils rappellent ainsid'une manière complète
les Demodex qui sont des Arachnides à forme très-allongée et les Branchiostomes
qui sont les derniers Vertébrés.
Les Linguatules formeront dans l'avenir plusieurs genres composant une petita
famille, celle des LinguatiiUdés. La. grosseur des adultes égale parfois celle d'une
plume d'oie, et la longueur des femelles est de 7 à 8 centimètres. Ces animaux
ressemblent à une langue renversée et allongée, d'où leur nom de Linguatules. Le
corps est souvent articulé, la tête obtuse, l'extrémité postérieure atténuée, le canal
intestinal complet, avec l'orifice anal terminal.
La bouche s'ouvre sur l'extrémité antérieure du corps, elle est munie de deux
paires de crochets arqués et rétractiles ; la circulation rudimentaire a lieu par uu
vaisseau dorsal; le système nerveux se compose d'un collier œsophagien sansgan-
ghons cérébroïdes, mais pourvu d'un ganglion sous-œsophagien considérable et
d'oii partent deux filets principaux allongés. Les sexes sont séparés, l'ouverture
Ô16 LINIMENTS,
génitale du mâle est placée en dessous et en avant ; l'orifice vulvaire est à l'extré-
mité postéiienre près de l'anus.
Les Linguatules sont ovipares ; les individus sortant de l'œuf ont beaucoup
d'analogie avec ceux des Lernées, qui sont des crustacés parasites. Les jeunes
Linguatules vivent d'abord dans le corps des Vertébrés, dans les cavités ultérieures,
les sinus olfactifs, la tracbée-artère, les poumons, le foie, le péritoine, etc. On
les a observées sur les mammifères, les reptiles, les poissons et enfin sur l'homme.
R. Leuckart s'est assuré que les Linguatules sont premièrement agames et vivent
alors enkystées dans le corps d'animaux phytophages, et puis qu'elles passent à
l'état adulte, et deviennent sexuées, dans les carnassiers qui mangent ces der-
niers : Les Linguatules enkystées du péritoine des Lapins apparaissent sexuées et
ténioïdes dans les sinus olfactifs des Chiens.
Beaucoup d'espèces de Linguatules décrites par les auteurs sont nominales,
n'étant que le jeune âge les unes des autres. L'espèce qu'on a trouvée sur l'iiomme
paraît appartenir à la Linguatida serrata de Frœlich. La première observation a
été publiL'e par de Siebold, en 4855, et se rapporte à un Ver observé en Egypte
dans les intestins grêles des nègres et sur le corps d'une girafe ; ce ver fut décrit
dans une note manuscrite de Pruner et puis revu par Bilharz, au Caire. Siebold
appelait cet animal Pentaslomum constrictum. Peu après Zenker observa à Dresde,
sur dix cadavres, des kystes remplis par de véritables Linguatules. Des dix ca-
davres, huit appartenaient à des hommes ; trois manouvriers, un commerçant, un
charpentier, deux ouvriers et un prisonnier; deux appartenaient à des femmes,
une mendiante et une ouvrière. L'âge variait de 21 à 74 ans. Trois de ces per-
sonnes avaient vécu à Dresde, quatre provenaient de diverses parties de la Saxe;
deux étaient de passage à Dresde.
Heschl a confirmé à Vienne les faits observés par Zenker.
Les jeunes Linguatida serrata trouvées sur l'homme et déjà observées chez
plusieurs mammifères tels que la chèvre, le lièvre, le cochon d'Inde, le lapin, le
cheval, le chien, le loup, etc., sont longues de 5 à 7 millimètres, larges de 2, à
corps mou, oblong, renflé en avant, comme spatule, aplati, ridé en travers, à
bords denticulés.
L'action de ces curieux parasites, très-rares chez l'homme, est encore à étudier.
A. Laboulbène.
LllViiii£i\TSt. Les liniments (de linire, oindre, frotter), sont des médica-
ments destinés à l'usage externe, et dont on se sert pour oindre ou frictionner la
peau, soit que l'on veuille agir sur la surface même, soit que l'on désire trans-
mettre l'action à l'intérieur par voie d'absorption. La composition des liniments
est extrêmement variée. On emploie comme tels de l'huile chargée de différents
principes médicamenteux, des mélanges de matières grasses et de liquides spiri-
tueux, des liquides alcooliques, de la glycérine, etc. On y fait entrer le savon,
le camphre, l'opium, l'ammoniaque, le chloroforme, l'éther chlorhydrique
chloré, etc.
La préparation des liniments est plus ou moins compliquée. Le plus souvent
ils consistent en un mélange de différents liquides. Lorsque le Uniment consiste
en une huile (huile d'olive, huile d'amandes douces ou une huile médicinale) et un
liquide insoluble dans l'huile comme le laudanum, la teinture d'opium, etc., on
peut se contenter, il est vrai, de peser les deux substances dans une fiole et de
recommander d'agiter chaque fois qu'on veut faire usage du liniment. Mais il est
LINIMENTS. 617
préférable, comme le recommande le Codex, d'ajouter une petite quantité de cérat
pour faciliter la mixtion des liquides qui servent à préparer le médicament.
2 grammes de cérat suffisent pour 20 grammes d'huile. On met le cérat dans au
mortier, on verse un peu d'huile dessus, on ajoute le Uquide médicamenteux, et
ensuite le restant de l'imile. Les liniments préjiarés de cette manière se conser-
vent plusieurs jours sans avoir besoin d'être agités, et si une partie de l'huile sur-
nage, la plus faible agitation suffit pour rétablir l'équilibre. Lorsqu'un extrait
doit faire partie d'un liniment huileux, il faut dissoudre cet extrait dans une petite
quantité d'eau, de manière à en faire un liquide sirupeux, et ajouter ensuite du
cérat simple pour facihter la suspension du soluté dans l'imile.
Le savon possède comme le cérat la propriété de rendre plus facile la suspen-
sion d'un liquide aqueux ou alcoolique dans un corps gras liquide. S'il entre du
savon dans un liniment, il y a tout avantage à rem[iloyer en poudre plutôt que
mou ; on triture dans un mortier la poudre de savon avec un peu d'huile, on
ajoute ensuite cette dernière, et enfin la teinture ou l'alcoolat. La teinture ou al-
coolé de savon peut très -bien servir aussi à cet usage.
Les liniments sont le plus souvent liquides, mais quelquefois aussi leur consis-
tance est la même que celle des pommades. On en fait l'application, soit à l'aide
de la main nue ou gantée, soit avec un morceau d'étoile qui est le plus souvent
une flanelle.
La plupart des liniments sont pi'escrits extemporanément et préparés de même
sur l'indication des médecins, aussi le nombre des liniments est-il très-considé-
rable. Nous ne donnerons que les formules de ceux qui sont le plus employés.
Pour les hniments à l'aconitine, à l'atropine, au camphre, au chlorotoinic, à la
belladone, au phosphore, à la vératrine, etc., etc. {Voy. ces noms.)
Liniment anlinévralgique . (Debout.) Baume tranquille 15 grammes, extrait
<ie belladonne 0s^50, extrait de jusquiame 0^%50, laudanum de Sydenham
4 grammes, chloroforme 4 grammes. Mêlez et conservez dans un tlacon àl'émeri.
Une ou deux cuillerées à café en onction sur la partie douloureuse que l'on re-
couvre d'une carde de coton.
Liniment calcaire, linvment oléo-calcaire, savon calcaire. Huile d'amandes
■douces 100 grammes, eau de chaux 900 grammes. On introduit les deux liquides
dans un flacon, et on agite fortement ; on verse le tout dans un entonnoir dont on
a fermé la douille ; on laisse en repos pendant une minute ; on fait écouler l'eau
accumulée à la partie inférieure, et on reçoit dans un flacon à large ouverture la
masse crémeuse qui reste en dernier heu et qui seule doit être employée. (Codex.)
Quelquefois on se contente de donner pour liniment calcaire un mélange à partie
égale d'huile et d'eau de chaux. Le liniment calcaire préparé comme l'indique le
€odex, agit sur les brûlures d'une manière beaucoup plus efficace; on en induit
la partie brûlée et on le recouvre avec une couche de coton cardé ou avec du linge.
Lorsqu'on ajoute du laudanum de Sydenham à ce liniment, la proportion doit en
être toujours très-minime, car en raison de l opium qu'il renferme, l'absorption
par la peau pourrait être assez considérable pour produire des accidents.
Liniment camphré ou huile camphrée. (Voy. Camphre.)
Liniment camphré opiacé. [Voy. Camphre.)
Liniment contre les engelures non ulcérées. (Beasley.) Sulfate d'alumine et de
potasse 8 grammes, vinaigre 200 grammes, alcool faible 200 grammes. On fait
dissoudre l'alun dans le vinaigre, et l'on ajoute l'alcool ; on filtre. Cette solution
est appliquée matin et soir sur les mains qui sont le siégo des engelures.
618 LINIMENTS.
Liniment contre les engelures. (Gofin.) Camphre 4 grammes, essence de téré-
benthine 30 grammes. On en frictionne les engelures a\ant la période ulcé-
rât ive.
Liniment contre les engelures (}\Arlo\m.) Baume du Pérou noir 5 grammes,,
alcool 125 grammes, acide chlorliydrique 4 grammes, teinture de benjoin
15 grammes. On fait plusieurs fois par jour des emhrocations sur les parties ma-
lades et non ulcérées.
Liniment contre les engelures non ulcérées. (Richardin.) Camphre 2 grammes,
ammoniaque liquide 2 grammes, alcool 50 grammes, essences de camomille et de
genièvre, de chaque 50 centigrammes.
Liniment excitant du formulaire des hôpitaux de Paris. Alcoolat de Fioravanti
40 grammes, huile d'amandes douces 40 grammes, alcool camphre 15 grammes,
ammoniarjue liquide 5 grammes. On mêle dans un flacon bien bouché. (Codex.)
Liniment fortifiant (Double). Baume de Fioravanti, eau-de-vie camphrée, tein-
ture de quinquina, alcool, de chaque : 1 5 grammes ; alcool de mélisse composé
30 grammes, teinture éthérée de digitale 60 grammes. Mêlez.
Liniment hongrois. Alcool 500 grammes, vinaigre fort 500 grammes, camphre
20 grammes, l'arine de moutarde 20 grammes, poivre en poudre 20 grammes,
cantharides en poudre 5 grammes, ail pilé numéro 2. Après quelques jours de
macération, on passe avec expression et on fdtre Employé en frictions pendant
l'épidémie de choléra comme excitant énergique.
Liniment liydrosulfuré. (Jadelot.) On le prépare en faisant fondre au bain-
niarie 500 grammes de savon ordinaire, on mêle ensuite par trituration 250
grammes huile de pavot ; on évapore entièrement l'humidité et on ajoute : sulfure
de potasse sec en poudre 92 grammes, et huile de pavot 750 grammes. Employé
contre la gale.
Liniment yiarcotique ou Uniment calmant. Baume tranquille 80 grammes,
cérat de Galien 10 grammes, laudanum de Sydenham 10 grammes. On délaye le
cérat dans le baume tranquille, et on ajoute le laudanum. [Codex.) Employé
■comme calmant.
Liniment de Reil. Huile de laurier 15 grammes, huile de muscade 5 grammes,
huile de girofle 2 grammes, baume du Pérou noir 1 0 grammes. En frictions sur
les tempes et sur les paupières dans la blépharoplégie.
Liniment de Rosen. Huile concrète de muscade 5 grammes, huile volatile de
girolle 5 grammes, alcoolat de genièvre 90 grammes. On triture dans un mortier
l'huile de muscade avec l'essence de girofle, et on ajoute ensuite peu à peu l'al-
coolat de genièvre. {Codex.) Employé en frictions, deux ou trois fois par jour,
contre lachorée.
Liniment résolutif. Alcoolats de Fioravanti et de romarin : de chaque
50 grammes, teinture de cantharides 10 grammes. Employé à l'Hôtel-Dieu contre
les affections rhumatismales.
Liniment sédatif. (Ricord.) Huile de jusquiame 200 grammes, camphre, lau-
danum de Rousseau, extrait de belladone, chloroforme, de chaque : 4 grammes.
Employé en frictions, plusieurs fois par jour, toutes les fois que l'élément dou-
leur domine.
Liniment sédati f de r Hôtel-Dieu. Baume de Fioravanti 50 grammes, baume
tranquille 15 grammes, laudanum de Sydenham 4 grammes.
Lininients savo7ineux, liniment savonneux camphré, liniment savonneux -
opiacé. {Voy. Savon.)
LINAÉ. 619
Liniments térébenthines. {Yoij. Esseince de térébenthine.)
Liniment volatil. Uniment volatil camphré. (Votj. Awwoi\iAQUE et Cahiphise.)
T. GOBLEY.
UIVIXE. Substance pulvérulente isolée, par Pagenstaclier, du lin catliartique.
Elle est amère, très-peu sokible dans l'eau, l'éther et les huiles, plus solublc dans
l'alcool.
LIIV'WÉ (Charles). Roshult est un tout | ctit village de la Suède, dans la pro-
vince de Smaland. C'est là que naquit, dans la nuit du 22 au 25 mai 1707,
Charles Linné, le héros des sciences naturelles, le génie le plus étonnant que la
Suède ait produit. Son père, qui se nommait réellement Nils ou Nicolas Bcngs! on,
puisqu'il était fils de Ingemar Bengston, paysan de SU'giiry, dans le Smaland,
avait pris, assure-t-on, le nom de Lin^if;' du mot suédois LiWeîi (tilleul), à cause
d'un magnifique tilleul qiii abritait de ses ombres la porte de la champclre de-
meure de la famille Bengston. La mère de l'immortel naturaliste était Christine
Broderson, fille de Samuel Broderson, pasteur de la paroisse de Steubrohult,
dans le district de Cronoberg, sur la frontière delà Scanie.
Charles Linné, comme cela est arrivé à presque tous les grands hommes, se
trouva dès son jeune âge aux prises avec l'adversité, et en lutte continuelle avec
son père, qui, sans se soucier de la passion invincible de renl'antpour l'étude des
plantes, voulait lui faire apprendre une profession mécanique et en faire un cor-
donnier. Peu s'en fallut que le futin- auteur du système sevuel ne fût réduit à
tirer la manique. Les amis des sciences doivent payer un tribut de rccomiais-
sance au docteur Rothmann, qui sut saisir les lueurs du génie, procurer à sou
protégé le pouvoir de suivre sa vocation, et le ))!acer d'abord chez l'iustitulour
Tolander (1714), puis au gymnase de Wexio, enfin àl' université de Lund (1727),
où il put, sous le professeiu' Stobœus, fortifier son goût pour la botanique, non
sans gagner quelques sous comme copiste.
Tàchoi'.s de suivre maintenant Linné dans la brillante carrière qu'il était des-
tiné à parcourir.
1728. Il se rend à Upsal, où il trouve d'utiles protecteurs dans le théologien
Olaûs Celsius, et dans Rudbeck, professeur de botanique, et un condisciple dé-
voué dans la personne de Pierre Artedi, que l'étude des poissons devait ilhistrer.
1752. L'Académie royale des sciences d'Ui'sal l'envoie en Laponie, dans le but
de mieux l'aire connaitre qu'elles ne l'étaient encore les pi'oductious naturelles de
cette région glacée. Linné, qui avait à peine vingt-cinq ans, part le 15 mai, à pied,
sans suite, n'emportant que son journal, deux chemises, et les habits qu'il avait
sur lui, une demi-toise pour prendre des mesures, et un petit porte-feuille renfer-
mant du papier et des plumes. Le jeuue voyageur visite tour ;\ tour Gefle, le
Gestrikland, le Helsingland, le Medelpat, Noiby, Kuyleii, Hernosand, Umna,
Lycksèle, Olycksmira, Umea, etc., et revient à Upsal en novembre, après avoir
fait ]3édestroraent plus de 1,000 milles.
1754. Reutherbolm, gouverneur de la Dalécarlie, le charge de faire un
voyage dans cette province. C'est dans le cours de ce voyage, oîi il était cette fois
accompagné de plusieurs jeunes savants, qu'il voit, à Falhun, Sara-Élisabeth, fille
du docteur Jean Morœus. Il en devient amoureux. Mais comment, lui si pauvre,
obtenir cette main chérie? Il lui fallut attendre cinq longues années pour voir
ses vœux exaucés.
620 LINNÉ.
1735. Notre amoureux, accompagné de son ami Sholberg, quitte sa chère
terre suédoise, ayant dans sa poche, pour toute ressource, trente-six écus d'or
que hii avait déhcatement ghssés la tendre Sara-ÉHsabeth. Il traverse la mer, se
rend à Lubeck, à Hambourg, atteint la Hollande, et se fait recevoir docteur en
médecine à Hardewyk, le 13 juin 1735, après avoir soutenu une thèse portant ce
titre : Hypothesk nova de febrium intermittentium causa (in-i"). Le nouveau
docteur résiste au désir de revoir sa patrie ; il est retenu plus de deux ans en
Hollande, protégé parBoerhaave, par Burmann, par Georges CUffort, qui lui confie
te soin du riche jardin qu'il entretenait à Hartecamp, si bien que c'est en Hol-
lande que Linné publia ses principaux ouvrages qui établirent de suite sa répu-
tation, le placèrent au premier rang parmi les savants, et le firent nommer ( 5 oc-
tobre 1 756) membre de l'Académie des curieux de la nature, sous le nom de
Dioscorides secundus.
1 756. H passe en Angleterre, non sans une lettre de recommandation adressée
par Boerhaave à Hans-Sloane. On possède cette lettre, dans laquelle on lit ceci :
(( LinniEus, qui tibi has dabit litteras, est unice dignus te videre, unice dignus
a te videri. Qui vos videbitsimul videbit hominumpar cui simile vix dabit orbis. »
Notons que le protégé de Boerhaave avait alors à peine trente ans.
1758. Linné est pris de nostalgie ; son beau pays et sans doute les beaux
yeux de Sara-Élisabeth le rappellent. 11 quitte la Hollande ; mais il veut voir Paris.
Là, il est reçu à bras ouverts par les deux de Jussieu, parIsnard,Suriaii, Laserre,
Réaumur, Aubrict, avec lesquels il herborise dans les bois de Versailles, de
Fontainebleau.
Eufin il revoit la terre natale, et va se fixer à Stockholm, comptant y vivre ho-
norablement avec son diplôme de docteur en médecine.
Sa joie est immense ; il a enfin obtenu la main de sa chère Sara-Élisabeth (26 juin
1759) . Mais on devine bien les sourdes menées de ses confrères, qui ne manquent
pas d'employer sa réputation comme naturaliste pour nuire à ses succès comme
médecin. Heureusement pour la botanique, les envieux réussissent complètement
dans leurs abominables attaques. Linné ne peut se créer une clientèle suffisante
pour vivre honorablement, c'est à peine s'il voit quelques malades par ci parla.
H était évident que son génie était détourné momentanément de sa source. Le
comte deTessin s'en aperçoit à temps, et use si bien de son influence qu'il fait
nommer son illustre protégé botaniste du roi et président de l'Académie de
Stockholm.
1740. Le gouvernement l'envoie dans les îles d'Oeland et de Gottland pour
observer, avec le soin et la sagacité qu'on lui connaissait, l'histoire naturelle et
même les antiquités.
1741. Linné est nommé professeur de botanique à Upsal, directeur du jardin
botanique de cette ville.
10 janvier 1746. H reçoit" le titre de premier médecin du roi.
12 mai 1748. Il a la douleur de perdre son père.
29 avril 1749. Il part pour la Scanie, et en rapporte des notes qui font le
sujet d'un ouvrage important.
1 750. Il est chargé par la reine de Suède de coordonner le cabinet de conchy-
liologie et d'insectes de l'Inde établi à Drottningholm.
1753, Charles Linné est nommé chevalier de l'Étoile-Polaire.
1756. n est anobli par une lettre du roi portant la date du 4 avril, et ne se
fait plus appeler, suivant l'usage du pays, que nohilis von Linné.
LINNÉ. 621
La fortune, longtemps ingrate envers lui, le comble ainsi de ses faveurs ; et,
satisfait des honneurs qu'il reçoit dans sa patrie, il refuse la chaire de botanique
que lui offre le i^oi d'Espagne, avec un traitement de 2,000 piastres. 11 refuse éga-
lement les propositions non moins brillantes de l'impératrice de Russie, du roi
d'Angleterre. De tous côtés on accourt à lui. L'Académie des sciences de Paris
lui envoie, le 15 décembre 1762, le titre de membre étranger. L'Académie de
Droutheim regarde comme un grand honneur de se l'associer, elle qui ne voulait
pas dans son sein de membres étrangers. Gustave llf, roi de Suède, veut voir lui-
même le grand homme, et se rend en persomie à la demeure champêtre de l'il-
lustre naturaliste (1776). Louis XV, roi de France, lui fait remettre un paquet de
150 graines récoltées à Trianon.
1772. Mais Linné s'aperçoit de l'affaiblissement de sa santé, et passe la plus
grande partie de ses dernières années dans la retraite, à sa maison des champs
d'Hanimarby.
1776. 11 n'est plus que l'ombre de lui-même; ses admirables facultés sont
brisées sous les coups de deux attaques d'hémiplégie.
10 janvier 1778. Charles Linné meurt à Upsal, à huit heures du matin, l'année
même que moururent Haller, J.-.T. Rousseau, Pitt, Burmann, Lckain, Voltaire,
Terray, Séguier. Il était âgé de soixante-dix ans sept mois dix-sept jours.
La magnificence des obsèques de Linné, le tombeau que le roi lui fit ériger dans
la cathédrale d'Upsal, la médaille qu'il fit frapper en son honneur, témoignèrent
des justes regrets de la patrie qu'il avait illustrée. Le roi de Suède se rendit à l'Aca-
démie de Stockholm le jour où on y lut l'Éloge de Linné; lui-même, dans le
discours qu'il prononça à l'ouverture des Etats, déplora la perte que venait de
faire la science. Plus tard, en 1822, les étudiants d'Upsal ont voulu lui élever un
monument. Le voyageur ne passe pas à Upsal sans faire un pieux pèlerinage vers
le jardin botaniquede cette ville célèbre, planté là où, dès l'année 1637, il y avait
déjà un jardin des plantes, et où l'auteur de la Philosophie botanique composa
ses immortels ouvrages. En face d'une pyramide formée par un pin sylvestre, vis-
à-vis le château du gouverneur, se voit le temple grec consacré à Linné. Élevé
au-dessus du sol de onze marches rapides, précédé d'un péristyle ouvert, à fronton
supporté par huit colonnes, il abrite une statue en marbre blanc tenant un livre à
la main : c'est l'image de la nature. Il y a une inscription votive; elle est ainsi
conçue : Carolo a Linné, juventus Academiœ Upsaliensis, anno MDCCCXXU.
Le voyageur n'oublie pas non plus de visiter, à 3 milles d'Upsal, Hammarby,
demeure champêtre où Linné passa les dix dernières années de sa vie. Mais, hélas!
le jardin que le savant avait créé près de cette habitation, et qu'il appelait son
hortus sibiricus, ne possède plus que quelques plantes communes ; les arbres et
les fleurs que Linné y avait rassemblés ont disparu. Au bout de ce jardin, sur un
monticule aride, il avait fait bâtir un pavillon destmé à renfermer des collections
de plantes, d'animaux. On en trouverait à peine les traces, le tout ayant été au-
trefois acheté et emporté par un Anglais. Il y a cependant une relique qu'on est
toujours sûr de rencontrer : c'est le Linnœus borealis, qui croît spontanément
sur la colline, et qu'on aime à cueillir avant de quitter ce séjour.
Charles Linné, en mourant, laissa sa femme, sa chère Sara-Élisabeth, qui lui
survécut longtemps, puisqu'elle ne mourut qu'en 1806, âgée de quatre-vingt-qua-
torze ans, et cinq enfants, savoir :
Elisabeth-Christine, qui épousa le capitaine Bergeneranz ;
Sophie, mariée à Duse, d'Upsal ;
622 LINNE (bibliographie).
Louise et Sara-Christine, qui restèrent, célibataires.
Charles Linné, lequel, né à Fahlun, le 20 janvier 1741, devint professeur de
botanique à Upsal (1765), docfeur en médecine (1765), et mourut célibataire le
1" novembre 1785, laissant sur la botanique sept ouvrages très-estimés.
Dire que Linné fut le plus illustre des naturalistes connus, c'est se faire l'écho
de tous les savants, à quelque nation qu'ils appartiennent. Personne encore n'a-
vait embrassé d'un coup d'œil plus élevé et plus harmonieux la cliaîne des créa-
tm^es. On n'avait point déiuii exactement les espèces, ni bien établi leur coordina-
nalion par des caractères d'organisation et de structure. On ignorait l'art méthodi-
que qui rapproche leurs ressemblances naturelles ; on les distribuait arbitrairement,
sans égard à leurs affinités. C'est surtout par sa Pliilosophia botanica que le grand
homme opéra une véritable révolution dans l'étude des sciences naturelles, et ce
fut avec enthousiasme que l'on adopta son système sexuel, basé sur le nombre et
la distribution des étamines et des pistils. On ne songeait pas encore alors à la
profonde et philosophique méthode naturelle, qni ne déchire pas, comme le faisait
le l'iiucdu Kord, plusieurs affinités naturelles... Aucun homme, peut-être, n'offre
un plus heureux assemblage, un plus [larfait accord de l'esprit des grandes vues
et de celui des détails, de l'esprit d'observation qui recueille les faits et de celui
qui en saisit les rapports les plus éloignés. En lui accordant au degré le plus émi-
nent l'esprit d'ordre et de méthode, la nature ne lui refusa pas les dons brillants
de l'imagination. Cette dernière qualité étincelle à chaque instant dans ses écrits,
mais surtout dans ses Sponsalia plantarum, où il représente avec une grâce in-
finie la couche nuptiale voilée par les rideaux pompeux et parfumés des brillantes
corolles...
Les écrits de Linné sont nombreux. Nous en donnons ici le catalogue, suivant
les années de leur publication. Nous le croyons à peu près complet.
Année 1731. I. HoHiis Uplandicus, sive enumeratio plantarum exolicarum Uplandiœ,
quœ in hortis vel agris coluntur, imprimis auiem in horto academico Upsaliensi. Upsal,
4751, in-8°, 100 pages. — Année 1752. II. Flonda Lapponica, quœ continet catalogum
plantarum, quas per provincias I/ipponicas Wcslroùothnienses ob&ervavil C. Linnœus [acta
Litteraria Suecice, 1732-1755). — Année 1735. III. Systema naturœ, sive negna tria naturœ,
systeniatice proposita, per classes, ordines, gênera et specics. Lugd. Bat., 1755, in-folio,
14 pages. Il y a 15 éditions de cet ouvrage. — lY. Hypothesis nova de fehrimn intermitten-
tiiini causa. Harderovici, 1755, in-4°. — Année 1756. V. Fundamenta botanica, quœ majo-
riim op)ermn prodromi instar, theoriam scientiœ botanicœ p>er brèves aphorismos tradunl.
AmsteL, 175(3, in-4° (huit édilions). — YI. Bibliotheca botanica, recensens libros plus mille
de plantis, hue tisque éditas secitndum systema auctorum nalurale, in classes, ordines,
gênera, et species dispositos, additis editionis loco, tempore, forma, lingua. Amstel., 1736,
in-S". — Vil. Musa Cdijfortiana, florens Hartecampi prope Harlemum. Lugd. Bat., 1736,
in-4°, 40 pages. — Année 1757. VIII. Gênera plantarum earuymjue characteres naturales,
secundum numerum, figuram, situm et proportionem omnium fructificationiH partium.
Lugd. Bat., 1757, in-8°, 1584 pp. (onze édit.). — IX. ViridariumCUffortianum. Afflstel., 1737,
in-8°. — X. Corollarium generuni et melhodus sexualis. Lugd. Bat., 1757, in-8°. — XI. Flora
Lapponica, etc. Amstel., 1757, in-8°, 572 pages. 12 planches. — XII. Critica botanica, etc.
Lugd. Bat., 1737, in-8°, 220 pages. — XIII. Hortus Clifforlianus. Amstel., 1757, in-folio,
501 pages, 52 pi. — Année 1738. XIV. Petri Artedi, Sueci medici Icht/iyologia, etc. Lugd.
Batav., 1758, in-8% 556 pages. — XV. Classes Plantarum, seu systema plantarum ; omnia
a fructificatione desumpta, etc. Lugd. Bat., 1758, in-8°, 656 pages. — XVI. Animalia regni
Suecice [Acta Acad. Upsal, 1758). — Année 1759. XVII. Tal cm mârkwârdigheter uti In-
secterne. (Discours sur les merveilles des Insectes.) Holm, 1759, in-8°. — XVIII. CuUura
plantarum naturalis. — Gluten lappo7ium e perça. — Œstris rangiferinus. — Piciis pedibus
tridactylis. — Mures Alpini Lémures. — Passer nivalis. — Piscis aurcus Chinensium. —
Fundamenta œconomiœ [Acta soc. reg. scient. Holm, t. II, 1759). — Année 1740. XIX,
Orchides, iiscjue affines [Act. Acad. Upsal, 1740). — Année 1741. XX. Orbis eruditi judi-
cium dcC. Lintuei scriptis. Upsal, 1741. — XXI. Decem plantarum gênera nova [Act. Acad.
LINNÉ ;(biblioguaphie). 625
Upsal, 1741. — XXII. Formicarum sexus . — Officinales Sueciœ plantœ. — Ceiituria plan-
tarum In Siiecia rnriorum [Act. soc. reg. scient. Holm, 1741). — Année 1742. XXIII.
plantœ tinctoriœ indigence. — Amaryllis formosissima — Gramen Sœlting. — Fœnwn
Suecicwn. — Phaseoli Cliinensis species. — Epilepsiœ vernensis causa (Act. Acad. Ilolm,
t. III, 1742). — XXIV. Oralio de peregrinalionum intra patriam neccssitate. Upsal, 1742,
in-4°. —XXV. pAtporiîta in febribus intevmittentibus [Act. Acad. Upsal, 1742). — Année
1745. XXVI. Pini iisiis œconomicus [Act. Acad. Upsal, 1745). — XXVII. De uva ursi seu
jackas hapuck sinus hudsonici [Act. soc. reg. scient. Holm, t. IV, 1745). — XXVIII. Bctula
nana [Amœnit Acad., t. I, 1745). — Année 1744. XXIX. Abietis iisus œconomicus. — Scxus
plantarum. — Scabiosœ iiovœ species descriptio. — Pent/iorum. [Act. Acad. Upsal, 1744.) —
XXX. Fagopijrum sibiricum. — Peliveria. [Act. Acad reg. Ilolm, t. V, 1744.) — XXXI.
Ficus. — Peloria. [Amœnit. acad., t. I, 1743.) — Année 1745. XXXII. Flora suecica, exhi-
bens j)lantas, pcr regnuni Sueciœ crcscentes, etc. Lugd. Bat., 1745, in-8, 392 pages. 11 y a
1140 plantes. — XXXIII. Animalia Sueciœ. Ilolm, 1745, in-S». — XXXI V. Euporista in
dyscnteria [Act. Acad. Upsal, 1745). — XXX.V. Passer procellarius [Act. Acad. reg. Holm,
1745). — XXXVI. Corallia baltica. — Ampltibia Gijllenborgiana. — Plantœ Martino-Bur-
serianœ. — Hortus Upsaliensis. — Passi/lora. — Anandria. — Acroslicliuin. [Amœnit.
acad., t. I, 1755.) — XXXVII. Oelandska och Gottlândska resa (Voyage dans l'île d'Oeland
et dans l'île de Gotlland). Stockholm, 1745, in-8». — Année J 746. XXXVIII. Fait/ia Siiccice
rcgni,mammalia, aves, amphibia, pisces, insecta, vernies, etc. Holm., 1746, in-8°, 411 pages,
2 planches. — XXXIX. Sexus plantarum usus œconomicus. — Thcœ potus. — Cyprini
jnnnœ ani radiis undecitn pinnis albentibus descriptio [Act. Acad. Ups., 17 -i6. — \L. Limnia.
— Claytonia Sibirica. — De vermibus lucentibus ex China. [Act. Acad. reg. Ilolm, t. VU,
1746.) — XLI. Muséum Adolpho Fridericianmn. — Sponsalia plantarum. [Amœnit. acad.,
t. I, 1740.) — .\nnée 1747 . XLII. Flora zeylanica, sislcns plantas indicas zcyloncc insulœ,
quœ olini 1070-1077, lectœ fuere a Paulo Hernianno. llolin, 1747, in-8°, 254 pages. —
XLIH. Wcsgôtha rcsa pa Riksens standers befallning fôrruttad (Voyage en Westrogolhie,
lait par les ordres des états). Stockholm, 1747, in-8°, 224 pages, 5 pi. — XLIV. Nova j^lan-
larum gênera. — Vires j)lantarum. — Crystallorum gencratio. [Amœnit. acad., t. I, 1747.)
— Année 1748. XLV. llorlus Upsaliensis, etc. Holm, 1748, iii-S°, 500 pages, 5 pi. — XLVI.
Tœnia. — Surinamensia Grilliana . — Flora œconomica. — Curiositas naturali.i, 0. Soder-
berg. [Amœnit. acad., t. II, 1748.) — Année 1749. XLVIl. Matcria mcdica rcgnivcgclabilis.
Holm, 1749, in-S", 252 pages, — XLVIII. Oralio de tclluris habitabilis incrcmenlo. Upsal,
1745, in-4°. — XLIX. Coluber [Chersea] sentis abdominalibus centum quinquaginta squa-
mis sub caudalibus triginta quatuor. — Avis i( sommar guling » appcllata. — Musc frit;
insectum quod grana interius exedit. — Einberiza ciris. [Act. Acad. reg. Holm, t. VIII,
1749.) — L. Amœnilates acadcmicœ, t. I. Lug. Bat., 1749. — LI. OEconomia naturœ. —
Liqnum colubrinum. — Radix senega. — Genimœ arborum. — Pan suecus. [Amœnit. acad.
Upsal, t. II, 1749.) — LU. Hœmorrhagiœ uteri sub statu graviditatis [Amœnit. acarf.,t. IX).
Année 1750. LIII. Materia medica regni animalis. Upsal, 1750. — LIV. Splanchnum. —
Sembla inu.<icorum. — Materia medica e regno animali. — Plantœ Camtschatcences rariores.
[Amœnit. acad., t. II, 1750.) — Année 1751. LV. Amœnitates acadcmicœ, t. II. Holm, 1751.
LVI. Stanska resa fôrrâlted 1749 (Voyage en ^^canie fait en l'année 1749). Stockholm,
1751, in-8°. — LVII. Philosophia botanica, etc. Holm, 1751, in-8», 562 pages. — LVIII.
Sapor medicamentorum. — Nova plantarum gênera. — Planta hybridœ. [Amœnit. acad.,
t. II, 1751, et t. III, 1751.) — Année 1752. LIX. Materia medica regni lapidei. Upsai, 1752.
LX. Uorbi ex Même. — Obslacida medicinœ. — Plantœ csculcntœ palriœ. — Euphorbia.
Materia medica e regno lapideo. — Noctiluca marina. — Odores medicamentorum.
PJiabarbaruni. — Quœstio hist. nal. cui bono? — Hospita insectorum flora. — Nutrix no-
j^grca. — Miracula insectorum. — Noxa insectorum. [Atnœnit. acad., t. III, 1752.) —
AiîNÉE 1755. LXI. Species plantarum, etc. Holm, 1755, in-8», 2° vol., 120 pages. — LXII.
Muséum Tessinianum, opéra comitis C. J. Tcssin, etc., collectum. Holm, 1755, in-folio,
00 pages. — LXIII. Novœ duœ tabaci species [Act. soc. reg. scient. Holm). — LXIV. Ver-
natio arborum. — Incrementa botanices. — Demonstrationes plantarum. — Hcrbationes
upsahenses. — Instruclio musei rcruni naturaliuin. [Amœnit. acad.. t. III, 1755.) — LXV.
Plantœ officinales. — Censura simplicium. — Canis familiaris. [Amœnit. acad., t. IV, 1753.
Année 1754. LXVI. Muséum régis Adolphi Suecorum, etc. Stockh. , 1754, in-fol., 145 p.,
45 planches. Latin et suédois. — LXVII. De plantis quœ Alpium suœcicarian indigenœ fieri
possint. — Simiœ ex cereopitliecorum génère descriptio. [Act. Acad. reg. Holm., t. XV,
1754.) — LXVIII. Stationes plantarum. — Flora anglica. — Herbarium Amboinense.
Methodus invcstigandi vires medicamentorum eliemica. — Consectaria electrico-mcdica .
Cervus Tarandus. — Ovis. — Mus porcellus. — HorticuUura academica. — Chincnsia
lagerstrœmiana. [Amœnit. acad., t. IX, 1754.) — Année 1755. LXIX. Mirabilis longiflorœ
descriptio. — Lepidii descriptio. — Ayeniœ descriptio. — Gaurœ descriptio. — Lœ/lir:gia et
624 LINNÉE.
Mlniiartia. [Trans. 4carf.regr.Holm, t. XVI, 1155.]— IW.Centiina I plantarum. — Fungus
melitensis. — Metamorphosis plantarum. — Sonimis plantaruni. [Amœnit. acad., t, IV,
\1^'^\ Ankée 1756. LXXI. Flora palcstina. — Flora aipina. — Calendarium Florœ. —
Pulsus intermittens. — Ceiituria II plantarum. — Flora monspeliensis . — Fiindamenta
valetiulinis. — Speciflca Canadensium. — Acetaria. — Phalœna Bombyx. [Amœnit. acad.,
t. IV 1750.) — An.\ée 1757. LXXII. Frederici Hasselquist, Itcr Palestinum, ella resa til
heliga landet. Holm, 1757. (Ouvrage l'édigé sur les manuscrits de Hasselquits, mort à
Sm^frne en 1752,] — LXXIII. Migrationes avium. — Morhi expedilionis classicœ. — Febris
upsaliensis. — Flora danica. — Panis diœteticus. — Natura pelagi. — Biixhaumia. —
Exanthemala viva. — Transmutatio frumentorum. — Culina midata. [Amœnit. acad., t. IV
etV.'> Année 1758. LXXlV. Pétri Lœfflingii Iter hispanicum, etc. Stockh., 1758, in-8°. —
LXXV. Cortex periwianus. — Spigelia anthelmia. — Frutetum suecicum. — Medicamenta
gravcolentia . — Pandora insectorum. [Amœnit. Acad., t. IX. — Année 1759. LXXVI. Oralio
legia, coram rege reginaque habita, 1759, in-fol. — LXXVII. Entomolithm paradoxus de-
scriptus. — Gemma, Penna pavonis dicta .— Coccus Uvœ Ursi. [Transact. Acad. reg. Holm.,
t XX 1759.) LXXVllI. Seniiim Salomoneum. — Auctores botanici. — Instructio pere-
qrinatoris. Plantée tinctoriœ. — Animalia composita. — Flora Capensis. — Ambrosiacea.
- Arborctum suecicum. — Generalio ambigena. — Flora Jamaicensis. — Aer habitabilis.
^omenclator plantarum. — Pugillus Jamaicensium plantarum [Amœnit. acad., t. V,
; 4759.) — Année 1760. LXXIX. Disquisitio qucestionis, ab Acad. imper, scient. PetropolitancB
in annum 1759, pro prœmio propositcs : sexum jjlantarum argumentis et e.rperimcntis
novis, prœter adhuc jam cognita vel corroborare vcl inipugnare. etc. Petrop, 1760, in— 4%
40 pages. — LXXX. Amœnitates academicœ, t. IV. Holn, 1760. — LXXXI. Amœnitates aca-
demicœ, t. V. Holm, 1760. — LXXXII. Politia natuiœ. — Plantœ Africanœ rariores. —
Thèses medicœ. — Anthropomorplia. — Flora belgica. — Macellum olitorium. — Prolepsis
plantarum. [Amœnit. acad., t. VF, 1760.) — Année 1761. LXXXIII. Diœta acidularis . —
Potus coffeœ. [Amœnit. acad., t. VI, 1700.) — Année 1762. LXXXIV. Inebriantia. — Morsura
serpentuin. — Termini botanici. — Planta Alstrœmeria. — Nectaria florum, — Funda-
mentum fructificationis. — Reformatio botaniccs. — Meloë vesicatorius. [Amœnit. acad.,
t. VI, 1760.) — Année 1763. LXXXV. Gênera morborum. UpsaJ, 1763, avec une nomencla-
ture suédoise. — LXXXVI. Amœnitates academicœ, t. YI. Holm, 1765. — LXXXVII. Raphania.
— Lignum quassiœ. — Fructus esculenti. — Prolepsis plantarum. — hepra. — Centuria
insectorum. — Molus polijchrestus. [Amœnit. acad., vol. VI et VII. — Année 1764. LXXX VIII.
Muséum regince Louisœ Ulricœ, etc. Holm, 1764, in-8°, 620 pages. — LXXXIX. Observationes
ad cerevisiam pertinentes [Trans. acad. reg. Holm, t. XaIV, 1764). — XC. Diœta œtatum.
— Morbi artificum. — Hortus culinaris. — Spiritus frumenti. — Opobalsamum declaratum.
[Amœnit. acad., t. Vil.) — Année 1765. XCI. Hirudo medicinalis. — Fundamenta ornitho-
logiœ. — Potus chocolatée. — Fcrvida et Gelida. — Potus theœ. [Amœnit. acad., t. Yll.
Année 1766. XCII. Clewls meehca duplex, exterior etinterior. Holm, 1765, in-8°, 29 pages.
— XCIll. Purgantia indigena. — Nécessitas hist. nat. Rossiœ. — Vsus historiœ naturalis .
— Siren lacertina. — Cura generalis. — Vsus mjscorum. [Amœnit. acad., t. VII.)
Année 1767. XCIV. Mantissa j^lantarum, generum editionis sextœ et specierum editionis
secundœ. Holm, 1767, in-8°, 142 pages. — XCV. Mundus invisibilis. — Hœmoplysis. —
Venee resorbentes. — Menthee usas. — Fundamenta entomologiee. — Metamorphosis hu-
mana. — Fundamenta agrostographiœ. — Varietas cïborum. [Amœnit. acael., t. VU.)
Année 1768. XCYI. Rariora Norvegiœ. — Colomœ plantarum. — Medicus sui ipsius.
Morbi nautarum Indiœ. — Iter in Chinam. [Amœnit. acad., t. VIII.) — Année 1769. XCVII.
Amœnitates academicœ, t. VII. Holm, 1769. — XCVIII. Animalis Brasiliensis descriptio.
— Viverree Nariciœ descriptio. — Simia OEdipus. — Gordius medinensis. — Flora Ake-
roensis. [Trans. acad. reg. Holm, t. XXIX, 1769.) —Année 1770. XCIX. Calceolarice pin-
natœ descriptio. — Erica. [Trans. acad. reg. Holm, t. X.tXI, IT'iO.) — Année 1771. C.
Mantissa plantarum altéra. Holm, 1771, in-8°. 558 pages. — Cl. Dulcamara. — Pandora
et Flora Nybiensis, D. H. Soderberg. — Fundamenta teslaceologiee. — Febrium inter-
mittentiiim curalio varia. [Amœnit. acad., t. VIII, — Année 1772. CIT. Delicia naturee /dis-
cours prononcé en 1772). — GUI. Respiratio diœtetica. — Hemorrhagiœ ex plethora.
Fraga vesca. — Observationes in materiam medicam. — Siiturœ vulnerum. — Nitraria
planta obscura exphcata. [Amœnit. acad., t. IX.) — Année 1774. GIY. Planta cimicifuga.
— Esca avium domesticarum. — Marum. — yiola Ipecacuanha. [Amœnit. acad., t. VIII.)
— Année 1775. CY. Plantœ Surinamenses. — Ledum palustre. — Opium. — Medicamenta
purgantia. — Perspiratio insensibilis . — Canones medici. — Scorbutus. — Bigee insecto-
rum. [Amœnit. acad., t. YlII.) — Amnée 1776. CVI. Planta Aphyteia. — Hypericum.
[Amœnit. acad., t. YIII.) A. Chébead.
liiiKiMÉE {Linnœa). Genre de plantes, de la famille des Gaprifoliacées, que
LIOMYOME. 62&
Gronovius a dédié au grand médecin-naturaliste suédois. Le type du genre
est le L. borealis, humble herbe rampante , qui croît dans les deux mondes^
sur les régions montagneuses de l'hémisphère boréal , et dont les feuilles
sont opposées, persistantes, pétiolées, à peu près ovales. Les fleurs sont au
nombre de deux, placées au sommet d un pédoncule commun, et accompagnées
chacune de courtes bractées. Leur organisation générale est celle des fleurs de
certains Chèvrefeuilles ; mais leurs étamines sont seulement au nombre de
qualre, et didynames, quoique le calice et la corolle soient pentamères. Quant à
l'ovaire, il a trois loges , et deux d'entre elles sont pluriovulées, mais stériles;
tandis que la troisième, qui ne renferme qu'un seul ovule, est fertile, et que c'est
cet ovule qui devient, dans la baie du Linnœa, une graine à embryon renversé,
entouré d'un albumen charnu. En Suède, en Laponie, en Norwége, le L. borealis
est employé comme remède, contre la goutte, la sciatique, les rhumatismes. On
le prescrit en infusion, en cataplasmes, en fomentations. Ses propriétés curalives
sont-elles bien réelles? Il est permis d'en douter, quoique la plante soit un peu
amère et astringente. On a employé ses feuilles en infusion, en guise de thé.
H. Bn.
Grosov., in Linn. Gen., n. 774; Spec, 880. — Juss., Gen. plant., 211. — Wahlenb.,
Flor. lappon., 170, t. XI, fig. 3. — Siegesb., Prim., 79 (Obolaria). — Lundmarck, Dissert,
de usu Linneœ medico. Upsal, 1788. — Lamk, IlL, t. 536; FI. de Fr., éd. 3, IV, 269. —
ScHKUHR, Handb.A. 176. — Mér. et Del., Uict., IV, 122. — DC, Prodr., IV, 340. — Endl.
Gen., n. 5352. — H. Bâillon, in Adamonia, il, et in Payer, Fam. nat., 238.
Ll!%fYPHlE.*i. Voy. Araignées.
LIOMYOME ()>EÎoç lisse, ptuoiv muscle). Synonymie Leiomyome, Myome lévi-
cellulaire, Hystérome. Les liomyomes sont des tumeurs constituées par des
fibres musculaires hsses, comme élément fondamental, présentant par leur tex-
ture, une analogie plus ou moins prononcée avec le tissu musculaire hsse et sié-
geant à l'intérieur ou au voisinage des organes renfermant ce tissu.
Pendant longtemps ces tumeurs ont été confondues avec les tumeurs dites
fibreuses, fibroides, desmoïdes et cbondroïdes, et leur nature réelle est restée
indéterminée jusqu'à l'intervention des études histologiques.
Cependant Hunter et Baillie en désignant sous le nom de fleshy tubercJes,
tubercules charnus, certains corps fibreux de consistance peu dense, semblent
avoir pressenti leur analogie avec le tissu utérin. Lors même qu'on eut démontré
la présence de fibres musculaires lisses dans les corps fibreux de l'utérus, on
continua à ranger ces tumeurs dans le groupe des tumeurs fibreuses.
Ainsi, en 1842, Bidder et Waller avaient indiqué les moyens d'isoler les fibres
musculaires lisses dans les corps fibreux ; Vogel, en 1845, avait déjà vu que des
fibres musculaires lisses se retrouvent dans des tumeurs dites fibreuses de l'esto-
mac, de l'intestin et de l'utérus, et Lebert, en France, avait démontré la présence
de ces éléments dans les corps fibreux; néanmoins ces auteurs, se conformant à
un usage qui s'est conservé jusqu'à présent, avaient rapproché les tumeurs à fibres
lisses, des fibromes, en formant une division à part à laquelle Lebert donnait le
titre de fibroïde.
Ce n'est qu'en 1854 que Virchow proposa une expression rappelant l'élément
fondamental de ces tumeurs, et se servit du mot général myome pour les désigner,
Fœrster après avoir adopté cette expression en 1860, accepta, dans la dernière
DICT. EM. 2' s. II. 40
626 LIOMYOME.
édition de son Anatomie pathologique, la dénomination de léiomyome inventée
par Zenker.
Dès lors, les auteurs qui ont rapporté des exemples de ces tumeurs les ont
tour à tour désignées sous l'un des titres précédents. L'expression liomyome
nous semble exprimer avec précision la caractéristique histologique de ces
tumeurs.
M. Broca, en les décrivant sous le nom d'hystéromes, a principalement eu en vue
de montrer l'analogie des éléments qui les constituent avec ceux du tissu propre
de l'utérus. Cette expression qui convient aux liomyomes de l'vitérus ne nous
semble pas assez générale pour désigner des tumeurs observées dans des organes
très-différents, et dont les éléments reproduisent simplement ceux du tissu muscu-
laire viscéral. Bien qu'en dehors des liomyomes de l'utérus et de ses annexes, le
nombre des liomyomes observés soit encore restreint, nous croyons qu'à l'exemple
de Fœrster et de Virchow il n'est pas sans intérêt de leur consacrer un article de
description générale, mais l'importance exceptionnelle des Liomyomes de l'utérus
exigeant une description spéciale, nous passerons rapidement sur les particularités
qui concernent ces tumeurs, renvoyant à l'article Corps fibreux de l'utérus.
Siège. Les liomyomes ont été rencontrés dans la plupart des organes qui
renferment du tissu musculaire viscéral. En dehors de l'utérus qui doit être con-
sidéré comme leur siège de prédilection, on les a signalés dans les annexes de
l'utérus, les trompes, les ligaments larges, dans les ovaires et la paroi vaginale
(Virchow, Ulrich, Demarquay) ; dans la prostate (Thompson), au voisinage de
l'urèthre et adhérant au rectum (Broca) ; dans le foie, sur les conduits hépatiques
(Robin, in Dictionnaire de Nysten) ; dans les diverses parties du tube digestif,
l'œsophage (Albers, Rûnge, Eberth), l'estomac (Vogel, Runge, Virchow) ; l'intestin^
soit dans le duodénum, soit dans l'iléon (Rokilansky, Fœrster, Virchow, etc.);
dans la peau du mamelon (Virchow), du scrotum (Fœrster) ; sur le trajet de la
veine saphène (Âufrecht) ; dans le tissu fibreux à fibres musculaires de l'orbite
(A. Hénocque) ; dans l'intérieur de l'œil, au niveau de la choroïde et du cercle
ciliaire (Ivanhoff) .
A côté de ces observations dans lesquelles la nature de la tumeur a été constatée
au microscope, on pourrait citer bien des cas de tumeurs fibreuses qui étaient
probablement des liomyomes, mais une telle restauration souvent faite par Fœrster
et par Virchow ne peut reposer sur des principes rigoureux.
Caractères généraux. Les liomyomes forment des tumeurs ordinairement
arrondies, ou ovoïdes, ou formées de masses globuleuses superposées, tantôt par-
faitement lisses, s'énucléant facilement des tissus voisins, et paraissant entourées
d'une lamelle de tissu cellulaire, tantôt adhérant aux tissus voisins, soit acciden-
tellement, soit par une union plus intime ; quelquefois ils prennent la forme de
polypes. Leur volume et leur poids peuvent être considérables, dans l'utérus prin-
cipalement, où. ils ont atteint 60 livres (Voigtel) et même 40 kilogrammes (Bi'oca),
mais, en général, ils sont plus petits, ordinairement de la grosseur d'une noix,
d'un œuf, dans le tube digestif ils ne dépassent pas ce volume. Le liomyome
observé par M. Broca, au périnée, avait le volume d'un œuf. Celui que nous avons
observé dans l'orbite avait les dimensions d'une grosse noix, le liomyome intra-
oculaire de M. Ivanhoff occupait le tiers environ du globe oculaire. Lorsque les
liomyomes sont multiples, leur grosseur est en général moindre, on en trouve
souvent du volume d'un pois et même d'un grain de mil.
Ces tumeurs quelquefois isolées ou réunies en une seule masse, peuvent être
y.
LIOMYOME. 627
disséminées, ainsi qu'on l'observe dans l'intestin et surtout dans l'utérus où l'on
■en a compté jusqu'à quarante.
Lu couleur des liomyomes est grisâtre, comme tendineuse, ou rosée, rougeâtre
suivant les variétés de texture et la vascularisation, leur odeur peut varier suivant
le siège; en général elle est aigrelette, et rappelle l'odeur de l'intestin et de
l'utérus.
Lorsque les liomyomes ne sont pas le siège d'altérations notables, ils ont une
densité fibreuse, chondroïde même, et une élasticité prononcée, d'ailleurs leur
consistance peut varier, d'oià lenr distinction en liomyomes mous et en liomyomes
durs ou fibreux.
Résistants à la section, ils crient sous le scalpel à la manière des tissus fibreux.
La coupe en est lisse, légèrement nacrée, simulant l'aspect fibreux ou restant
manifestement charnue, on peut à l'œil nu leur distinguer une texture fibreuse ;
des faisceaux ondulés s'entrecroisant, s'enchevêtraiit en sens divers, forment des
sortes d'anneaux ou de larges bandes séparant des espaces arrondis à stries
concentriques, et formant des tumeurs secondaires. Quelquefois, à l'intestin sur-
tout, leur section montre une série de lamelles concentriques rappelant lu section
d'une bille d'agate.
Lehmann a signalé le premier la réaction acide de ces tumeurs, elles rougissent
le papier de tournesol, tachent l'acier ; M. Hayem a vérifié celte réaction qui
présente une certaine importance.
Caractères microscopiques. L'aspect des coupes d'un liomyome est variable,
suivant le sens dans lequel on les pratique ; examinées à un faible grossissement
elles reproduisent assez nettement l'aspect macroscopique.
On retrouve des faisceaux plus ou moins larges, de direction très-variée, dispo-
sés en sortes de séries concentriques ou en lamelles longues et larges.
A un grossissement plus considérable, on reconnaît la nature des éléments
constitutifs, fibres musculaires lisses, tissu lumineux ou conjonctif, vaisseaux.
Les tlbres musculaires lisses se présentent, réunies sous forme de faisceaux et
reconnaissables à leurs noyaux allongés, en bâtonnet. Les acides faibles (acétique,
tartrique) mettent en relief les noyaux; la coctiou, la soude concentrée isolent les
faisceaux en les gonflant. L'acide nitro-chlorhydrique ddué permet d'isoler les
fibres lisses. Le perchlorure de palladium, signalé par Schultze, est un excellent
réactif pour l'étude des fibres lisses, ainsi que nous avons pu nous en assurer, il
colore à la fois les noyaux et toute la fibre-cellule en brun jaunâtre foncé, en
même temps qu'il permet l'isolement facile des fibres lisses.
Les éléments ont ordinairement leur vol unie normal, mais souvent les éléments
et les faisceaux sont hypertrophiés de façon à rappeler les fibres nouvelles qui se
forment dans l'utérus pendant la grossesse. A côté de ces fibres lisses complète-
ment développées, l'on retrouve des éléments qui représentent toutes les phases de
développement des fibres musculaires lisses, tels sont de gros noyaux ovoïdes,
arrondis même, finement granuleux, entourés d'une substance amorphe granu-
leuse ou protoplasma, se colorant eu jaune par le palladium, en rouge par le
carmin et la teinture de fuchsine, ces éléments se réunissent en groupes de 5 ou
4 ou plus, et quelquefois on les sépare difficdement les unes des autres. Autour
d'eux se voient des éléments analogues dans lesquels le protoplasma devient
ovoïde, et prend enfin un aspect fnsiforme, tandis que le noyau a de plus en plus la
forme de bâtonnet, et les granulations qu'ils renferment sont disposées régulière-
.nicnt de façon à lui donner, dans certains cas, une apparence striée. Ce sont là
628 LIOMYOME.
des fibres lisses en voie de développement. On les retrouve en grande abondance dans
les liomyomes mous, ils sont, en général, accumulés vers le centre des espaces
circonscrits par les fibres lisses concentriques, les éléments les plus jeunes étant
situés au centre. Nous les avons vus dans un liomyome polypeux enlevé par le doc-
teur Nonat, formant des amas assez considérables à teinte foncée, qui à un faible
grossissement rappelaient grossièrement les dépôts bétéradéniques.
Le tissu lamineux ou conjonctif existe en quantité très-variable dans les lio-
myomes, quelquefois à peine développé à la surface, le long des vaisseaux, ou
dans l'interstice des faisceaux; il peut, au contraire, constituer une bonne partie
de la tumeur, à ce point que l'on pourrait considérer l'élément musculaire lisse
comme accessoire.
Les vaisseaux sont ordinairement rares ; cependant on peut, suivant les cas,
les distinguer en périphériques et interstitiels. Ceux-ci seraient de gros capillaires,
ou même artériels suivant Virchow ; les vaisseaux périphériques sont surtout vei-
neux, mais le plus grand nombre d'entre eux serait développé dans les tissus
voisins, comme l'a établi Albers de Bonn.
L'existence de nerfs n'a été signalée que par un seul auteur, le docteur Hertz
qui a décrit dans un liomyome de l'utérus des nerfs et des terminaisons ner-
veuses. CVircliow's Archiv, 19 mars 1869, 46. Bd.)
Les différences de texture que présentent les liomyomes, suivant le développe-
ment plus ou moins prononcé des éléments accessoires, sont assez prononcées
pour que l'on ait cru devoir établir un certain nombre de variétés. C'est ainsi que
l'on admet des liomyomes durs et des liomyomes mous, ou des myofibromes ou
fibromyomes, ou enfin des myomes purs, suivant qu'il y a prédominance de l'élé-
ment musculaire ou de l'élément lamineux. Le développement considérable des
vaisseaux, signalé déjà par Cruveilhier, et qui rapproche les liomyomes des tu-
meurs érectiles, a décidé Virchow à admettre la variété de myomes télangiectodes.
Genèse et pathogenèse. L'origine et le mode de développement des liomyomes
est encore sujet à discussion; il n'en saurait être autrement, puisque l'accord est
loin d'exister sur la genèse de l'élément fondamental. Comme ce n'est pas le lieu,
ici, de nous occuper des discussions doctrinales que soulève l'étude de chaque
tumeur, nous nous contenterons d'exposer ce que l'on sait du siège initial des lio-
myomes et du développement des éléments qui les constituent. Dans tous les cas,
les liomyomes occupent des régions dans lesquelles on trouve immédiatement en
rapport avec eux des fibres musculaires lisses, et l'on sait maintenant que le
ligament large, l'ovaire, la peau, le tissu fibreux qui entoure l'œil, etc., contien-
nent des fibres lisses. Il est donc certain que beaucoup de liomyomes naissent par
hypergenèse. Mais si l'on considère la tumeur une fois qu'elle a acquis un certain
développement, alors qu'elle a envahi les tissus voisins du point de départ, qu'elle
s'est pour ainsi dire complètement isolée, qu'on la retrouve par exemple sous la
muqueuse du tube digestif, à distance du tissu musculaire viscéral, il devient
très-difficile d'affirmer le point de départ, la tumeur est, actuellement au moins,
hétérotopique. La plupart des auteurs, constatant ces deux grands faits en faveur
de chacun desquels on pourrait citer des arguments, ont admis que les liomyo-
mes naissent par hypergenèse et par hétérotopie.
En effet, M. Broca rangeles hystéromes parmi les productions nouvelles homœo-
morphes et homologues, tout en reconnaissant que certains d'entre eux sonthété-
rotopiques. M. Robin admet l'hypergenèse et l'hétérotopie. M. Virchow, sans se
prononcer nettement sur ce point qu'il ne croit pas encore élucidé, donne quel-
LIOMYOME. 629
ques arguments en faveur de l'hétéroplastie, c'est-à-dire qu'il semblerait disposé à
admettre avec Fœrster qu'il y a formation nouvelle de fibres lisses dans le tissu
conjouctif, indépendante des libres lisses, plus ou moins voisines, déjà exis-
tantes.
Examinons, maintenant, si l'étude du développement des fibres lisses dans la
tumeur permet des conclusions plus rigoureuses.
Ici encore nous rencontrons trois opinions contradictoires.
Moleschott et Piso Borme ont rapporté la formation des éléments nouveaux à
une multiplication des éléments déjà existants.
Vogel, Robin admettent la genèse au sein d'un blastènc, et s'appuient sur l'é-
tude des noyaux et de la substance amorpbe ou protoplasnia que l'on trouve dans
les liomyonies les ]j1us purs.
Fœrster, J. Arnold et peut-être Virchow, croient à la transformation des élé-
ments du tisssu conjouctif en libres musculaires lisses.
Nous ne pourrions examiner tous les arguments en laveur de l'une de ces opi-
nions sans étudier la genèse des fibres musculaires lisses, nous nous bornerons à
chercher les conclusions qu'elles eniraînent. Si l'on accepte la première opinion,
les liomyomcs ne seront qu'hypergenèse, ou même hy[ier(roplnc partielle d'un or-
gane. Avec les deux autres opinions, il peut y avoir à la l'ois hypergenèse et liété-
rotopie. Au milieu de ces discussions, il est permis de rester dans la réserve et
d'attendre que la lumière se fasse sur l'histoire anatomique et piiysiologique des
fibres musculaires lisses.
Accroissement. Transformations. Les liomyonies, une fois formés, tendent
à croître, indéfiniment même dans quelques cas, oh ils atteignent des proportions
colossales. L'accroissement paraît se faire surtout du centre à la périphérie ; il
semble que chacune des masses composant la tumeur et renfermant les éléments
en voie de formation repousse le tissu complètement formé de la tumeur, et le
tissu voisin ; quelquefois plusieurs petites tumeurs se réunissent ensemble et
même de nouveaux centres d'accroissement se forment dans une même tumeur.
La tumeur tend le plus souvent à s'isoler, quelle que soit la position primitive
qu'elle occupe, et les déplacements des liomyomes observés dans l'intestin consti-
tuent un des points les plus curieux de l'histoire des cor|js et polypes libre ux.
Pour expliquer la cause de ces déplacements, on invoque l'augmentation de
volume de la tumeur, l'action du tissu musculaire viscéral qui l'entoure ou l'a-
voisine, et, enfin, on est porté à croire que ces éléments ont conservé leurs pro-
priétés spéciales, la contractilité, qui, une fois admise, expliquerait bien des
particularités de leur texture et de leurs transformations. Virchow a montré que
les changements de volume observés dans ces tumeurs peuvent tenir à des dif-
férences dans la vascularisation, une sorte d'érectilité (dans le liomyome télangiec-
tode en particulier), mais seraient peut-être dus à la contractilité piopre de la
tumeur. L'accroissement des liomyomes constitue un caractère de permanence qui
a son importance. On ne saurait cependant fixer la durée de chacune des fibres
lisses en particulier, mais la tumeur est en elle-même permanente.
Dans la plupart des cas, l'accroissement n'est pas indéfini; bien des transfor-
mations peuvent l'arrêter et modifier l'aspect de la tumeur. Nous n'insisterons
pas sur ces faits observés surtout dans les liomyomes de l'utérus. L'arrêt de
développement ou même l'atrophie peut tenir à une atrophie sénile progressive,
analogue à celle qu'on observe dans l'utérus lui-même ; à une tiansformation
fibreuse presque complète, désignée sous le nom d"induration, et la tumeur
630 LIOMYOME.
acquiert une dureté caractéristique, une densité, un aspect cliondroïdcs. La trans-
fornialioii calcaire, considérée autrefois comme très-rai'e, a été souvent démontrée
dans les liomyomes utéi'ins et intestinaux. La calcification se fait ordinairement
par le tissu conjonctif ; on trouve des concrétions crétacées irrégulières en divers
points de la tumeur, en même temps qu'au microscope on retrouve, au voisinage
de ces masses crétacées, un dépôt de grains calcaires assez régulièrement disposés
le long des fibres lisses. Lorsqu'on traite ces parties par l'acide chloi-hydrique,
on peut voir réapparaître les fibres musculaires, et celles-ci ne semblent pas le
siège de calcification. (Virchow.) La production du tissu osseux véritable n'a été
signalée qu'exceptionnellement parWedl et Bidder. Nous ne citons que pour mé-
moire la transibrmation graisseuse suivie de résorption, qui ne serait admissible
que pour de très-petits liomyomes. Nous ne ferons que signaler les altérations
nombreuses dont les liomyomes peuvent être le siège, et qui, jusqu'à présent,
n'ont été décrites que dans les liomyomes de l'utérus ou des ovaires; telles sont
l'infiltralion œdémateuse, l'inflammation péiiphérique pouvant amener la gan-
grène et l'élimination de ces tumeurs , la formation d'épancbements sanguins à
leur intérieur, accompagnée de destruction partielle, avec production de ces
cavités ou géodes si bien décrites par Cruveilbier.
Quelles que soient ces trausJbrmations, il est bien démontré que les liomyomes
ne se généralisent pas. On peut, il est vrai, trouver des liomyomes multiples, mais
jusqu'à présent, on n'a pas trouvé de productions secondaires de ces tumeurs
dans les viscères ni dans les ganglions. Cruveilbier axait insisté sur ce taiten éta-
blissant comme règle que les corps fibreux ne dégénèrent jamais en squirrhes.
Cependant Yircliow a réuni plusieurs faits qui démontrent l'existence des élé-
ments de tumeurs malignes dans les liomyomes ; le sarcome ou tumeur fibro-
plastique en particulier semble pouvoir se développer dans les tumeurs à fibres
musculaires lisses, et il en serait de même du carcinome épithélial. Ces tumeurs
observées surtout dans l'ovaire, formant le groupe des rayosarcomes, myomes
cystiques, myomes mixtes, sont encore fort mal connues, et probablement ne
s'agit-il là, suivant la remarque de Virchow, que d'une hypertrophie analogue à
celle des muscles lisses dans le cancer de l'estomac et de la vessie, ou bien de
l'envahissement de la tumeur par une pi-oduction nouvelle développée dans le
tissu voisin.
Etiologie. 11 faut avouer que l'on ne sait rien de précis sur les causes du
développement des liomyomes. En dehors de l'irritation, cause en quelque sorte
banale du développement des tumeurs, tout ce que l'on peut dire à ce sujet se
rapporte à l'histoire des corps fibreux de l'utérus, l'étude des autres liomyomes-
ne nous apprend rien de précis. On peut toutefois Hmiter l'âge auquel ces tumeurs
atteignent un développement qui les fait reconnaître, on peut dire qu'elles exis-
tent surtout après l'âge de 35 ans, et la plupart d'entre elles ont été trouvées
chez des individus d'un âge avancé.
Il n'est pas nécessaire de faire remarquer la fréquence des Homyomes chez:
la femme, mais le plus grand nombre des homyomes des divers organes a été
observé chez l'homme, abstraction faite des liomyomes de la prostate qui,
sous la forme des liomyomes vrais, sont tellement rares que leur existence
reste un point discutable.
Symptômes. Fai laissant de côté les symptômes importants des liomyomes de
l'utérus, on rencontre peu de notions surles signes des liomyomes, et ce fait s'ex-
phque par cette circonstance que les tumeurs ont presque toujours passé inaper-
LIOMYOME. 631
çues sur le vivant: aussi ne peut-on les établir que par analogie avec les symptô-
mes des corps fibreux. Ces signes se rapportent à la situation, au volume, aux
déplacements de ces tumeurs.
Ainsi, au voisinage des cavités, les liomyomes peuvent produire des troubles ma-
nifestes : au périnée un liomyome peut comprimer l'urètlire et gêner la miction;
dans le foie ou la vésicule biliaire, au voisinage des condnits hépatiques, dans le
duodénum, ils pourraient être causes d'ictère, et de gène dans l'excrétion biliaire; à
l'œsophage, ils ont déterminé des troubles dans la déglutition, et se sont accompa-
gnés d'expuitions fréquentes et abondantes de salive. Dans l'intestin, suivant la
remarque de Rokitansky, les liomyomes pourraient combler en grande partie la
cavité du tube digestif et donner lieu à une invagination. Dans un cas de lio-
myomes multiples de l'intestin, M. Leroy n'a pu retrouver d'antres signes intéres-
sants que l'existence de coliques et de diarrhée ayant persisté depuis plusieurs
années, et qui fut signalée par le malade. A l'orbite, la tumeur causait des dou-
leurs vives, conséquences de l'exoplithalmos qui en quatre ans était devenu con-
sidérable. Dans le fait de myome intra-oculaire, la vision resta longtemps assez
bonne, les miheux de l'œil transpai-ents permirent de reconnaître l'existence
d'une tumeur, mais des douleurs très- viol entes dans la région ciliaire rendirent
l'énucléation nécessaire.
Les hémorrhagies paraissent spéciales aux liomyomes utérins.
On voit qu'il reste à élucider toute cette partie de 1 histoire générale des lio-
myomes, et l'on comprend la difficulté, pour ne pas dire l'impossibilité, jusqu'à
présent presque absolue d'établir le diagnostic de ces tumeurs. Lorsqu'elles seront
accessibles aux divers procédés d'exploration par leur position superficielle ou par
leur saillie dans une cavité, on pourra sans doute reconnaître une tumeur, tout
au plus pourra-t-on en indiquer la consistance fibreuse, et jusqu'à présent ou les
a confondues avec des tumeurs fibreuses, avec l'iiypertropliie de la prostate, le
sarcome de la choroïde, une tumeur maligne de l'orbite.
L'examen histologique seul permettra d'établir la nature de la tumeur. D'ailleurs,
au point de vue pratique, il n'y a pas d'inconvénient à confondre le liomyome avec
une tumeur fibreuse, l'une et l'autre tumeur présentant des indications thérapeuti-
ques analogues, et réclamant la même intervention chirurgicale. Quant aux lio-
myomes de l'utérus ou de ses annexes et du vagin, on consultera à leur égard
les articles spéciaux. Le pronostic des liomyomes n'offre de gra\ité qu'en raison
de leur siège ou de leur développement, ces tumeurs ne récidivant pas après
l'ablation; ainsi à l'orbite, au mamelon, sur la veine saphène, au vagin, la guéri-
son a suivi l'ablation. A. Hénocque.
Bibliographie. — L'histoire générale des liomyomes, faite surtout au point de vue anato-
mo-patholosique, a été faite par Fœrster et Yircliow dans des chapitres que nous avons
largement utilisés. L'étude des liomyomes dans les divers organes est réunie dans un
chapitre unique par Yirchow, et disséminée dans le livre de Fœrster parmi les tumeurs de
chaque organe. — Fœrster. Hanclbiich der pathologischen Anatomie. Édition 1805, t. I.
p. 541 (glatte Muskelpreschwulst, Leiomyome), et Specieller Theil, passim. — Ymciiow. Die
h-ankhaften Geschwïdste. III Band, 1 Hâlfte, leçon 25, p. 90 à 252.
Consultez en outre pour l'anatomie pathologique, le développement: Bidder et W.m.tee.
1842. Ueber fibrôsc Kôrper der Gebarmutter. — Vogel. 1845. Patliol. Anatomie des tncnsch-
lichen Kôvpers. Leipzig, 1845. — Iiuxge. Demuscidorumvegetativoriimhypertroplnnpatho-
logica. Dissert, inaug. Eerolini, 1857. — Leeert. Comptes rendus de la Société de biologie.
1852, t. IV, p. 68. — Du MÊME. Traité d' anatomie path. génér. et spéciale. Paris, 1857. —
Broca. Traité des tumeurs, t. II, Paris, 18G9, chap. vu (Des hystéromcs), p. 252 et suiv.
Hystérome chez l'homme, p. 255. — Iîobi.v. Programme du couis d'histologie, p. 210. —
AusoLD. Ueber die Neubilduug von glalten Muskelfasern in pleuritischen Schmertzen. In
«32 LIOTHE.
Virchow's Archiv, Bd. XXXIX, p. 210, 1867 (Exemple de néoformation de fibres lisses à la
■surlacede la plèvre).
Pour les liorayomes de l'œsophage Ca. — Vogel. Pathol. Anat. des mensch. Kôrpers,
p. 156 et Icônes, Histol. Pathol., p. 30. — Runge. L. cit. — Albers. Atlas der pathol.
Anat., t. II, Tal'. 21, Erlauterung, p. 255. — Ebeeth. Grosse Myom des Œsophagus. In Vir-
dimv's Archiv, t. XLllI, p. 157, 18»8.
L. de l'estomac. — Vogel et Icônes. Hist. path., tab. VII, fig. 2 et 6, p. 30. — Fœrster
(2 cas). Wiener medizinische Wochenschr., 1851, n° 9, p. 131, et Handbuch der path. anat.,
Bd. II, S. 79.
L. de l'intestin. — Rokitansky. Pathol. Anat., vol. III, p. 230, 1861, — Fœhster. In
Virchow's Archiv, Bd. XIII, p. 270 (L. de l'iléon). — H^bing. Wûrtemb. Corresp. blatt,
29, 1857. — ViBCHow. Loc. cit. (Liomy. du duodénum en partie calcifié). — IIénocque et
Lfroy. In Gazette hebdomadaire, 1869.
L. de la prostate. — Thompson. Transactions of the Patholog. Soc. of l.onclon, vol. IX,
p. 298. — Udmême. Diseuses of the Prostate, 5= édit. London, 1868, p. 116 [Relations between
the Tumotirs of the Utérus and Prostate).
L. vaginaux. — Demakquay et Dufouh. Gazette des hôpitaux, 1860, p. 330. — VrRCiiow.
Loc. cit.
L. de la peau. — Fœrster. Handbuch der Path., vol. 2, p. 1042. — Virchow. Loc. cit.
(Myome télangiectode du mamelon).
L. de l'orbite. — Hénocque (A.). Journal de l'anat. et de la pliysiologie, 1868, p. 562.
Liomyome intraoculaire. — Ivanhoff. Congrès dophlhalmologie, 1868. Comptes rendus,
p. 118.
Myome de la veine saphène. — Aufrecht. Virchow's Archiv, Bd. XLIV, 1 Heft, 1868.
A. H.
LIOIV-ISUR-.^IER (Station marine de) , dans le département du Calvados,
dans l'arrondissement et à 15 kilomètres de Caen , a un établissement confor-
table situé sur les bords de la Mauclie. La plage est très-belle à Lion; aussi les
baigneurs de Caen et des environs, qui fréquentent surtout cette station marine,
s'y rendent-ils en assez grand nombre, quoiqu'elle laisse à désirer sous le rapport
des excursions, et même des promenades. Le pays, en effet, n'est pas accidenté,
il offre surtout très-peu d'ombrage. Â. R.
IilOi«DEl«T. Yoy. Pissenlit.
JLIOTHÉ. Genre d'animaux articulés, aptères, épizoaires, vivant sur les
oiseaux et établi par Nitzsch, qui les a séparés des Philoptères et des Tricbodectes.
{Yoy. Nitzsch, in Voigt, Magaz. fur die Naturk.,t. XIII, p. 426, 1806 — et
Thierinsekten, p. 38, 1818.)
Les Liothés ont la tête déprimée, scutiforme, la bouche infère, rapprochée du
bord antérieur du front. Mandibules bidentées, courtes, dures; des mâchoires;
les deux lèvres supérieures et inférieures écliancrées à leur bord libre ; palpes
maxillaires les plus longs, fdiformes, mobiles, 4-articulés ; palpes labiaux très-
courts, biarticulés. Antennes de 4 articles insérées sur le bord latéral de la tête
et cachées dans une fossette; yeux placés derrière les antennes. Thorax bi ou tri-
parti. Abdomen à neuf ou dix anneaux. Tarses droits, disposés pour la course,
biai'ticulés, chaque article pourvu de pelotes; deux ongles à peu près droits, à
pointe courbée, un prolongement placé entre les ongles.
Tous les Liothés connus vivent en parasites dans les plumes des oiseaux en
société avec les Philoptères; ils sont très-agiles, courent sur le corps des oiseaux
et l'abandonnent à la mort de ceux-ci, dès que le refroidissement cadavérique se
produit.
Les chasseurs et les naturalistes sont parfois très-incommodés par ces parasites,
qui passent des oiseaux sur l'homme avec la plus grande facilité et qui se répan-
LIPOME. 653
dent sur les mains et, en se glissant sous les vêtements, sur tout le corps et la tète
où ils font éprouver des démangeaisons.
11 est l'acile de se débarrasser de ces parasites accidentels au moyen de bains et
de lotions alcalines ou légèrement chlorurées. La benzine ou une pommade hydrar-
gyrique n'ont même pas besoin d'être employées, car les Liothés meurent peu
après avoir quitté les oiseaux sur lesquels ils vivent.
A. Laboulbène.
LIOTRBQUES {Izloi, lisse, BpŒ,, cheveu). Dénomination employée par Bory
de Saint-Vincent pour désigner certaines races, ou plutôt certaines espèces hu-
maines. Bory de Saint-Vincent était polygéniste.
Il classait les divers types humains en deux groupes d'espèces, prenant pour
seule caractéristique l'aspect de la chevelui-e, savoir : le groupe des espèces à che-
veux lisses (liotriques), et celui des espèces à cheveux crépus (ulotriques : o'jXo;,
frisé; Qjst?, cheveu).
Chaque espèce se subdivisait en races. Le groupe liotrique comprenait les espèces
japétique, arabique, liinJoue, scythique, siuique, hyperboréenne, neptunienne,
austrasienne, colombique, américains et patagone.
Le groupe ulotrique renfermait les espèces éthiopienne, cafre, mélanésienne,
hottentote.
11 y a quelques anuées, M. Pruner-Bey a repris avec plus de soin l'étude des che-
veux dans les divers types humains. Après avoir minutieusement comparé des cou-
pes transversales de cheveux, il a pu constater que les cheveux droits, lisses, corres-
pondent à la forme cylindrique, et les cheveux crépus à la forme elliptique plus
ou moins régulière.
La section capillaire la plus elliptique serait foinniie par la race papoue, que
Bory de Saint- Vincent avait placée parmi les hotriques. La section cylindrique la
plus parfaite serait donnée par les cheveux des Asiatiques jaunes, Chinois, Cochin-
chinois, et aussi les Américains et les Esquimaux. Les races ariennes seraient
i.itermédiaires. Dans l'étude de l'homme, aucun détail n'est néghgeable, mais
aujourd'hui l'anthropologie est assez avancée pour que personne ne songe plus à
b.ser une classification générale des divers types humains, races ou espèces, sur
un caractère aussi secondaire que l'aspect ou la forme des cheveux.
Letourneau.
lilPAROLÉS. Le nom de Liparolés (de ïlno;, graisse) a été donné par
Henri et Gnibourt, à des médicaments qui résultent du mélange d'une graisse
animale, mais plus particulièrement de celle du porc avec d'autres substances
médicamenteuses. Ces préparations sont plus généralement connues sous le nom
de pommades. [Voy. Pommades.) T. G.
LlPO.'ttATElJSES (Masses). Voy. Lipome.
MPO.'fîE. § I. Anatomie. SïNONYMiE. Le mot de Lipome, de >.t7roç, graisse,
a été employée par Littre (1709) pour désigner les tumeurs graisseuses que, depuis
cet auteur, ou eut soin de distinguer des athéromes ou mélicéris [voy. le mot
Athéiiome) et des stéatoines. Ce dernier groupe de tumeurs, ainsi nommées parce
qu'elles avaient la consistance du lard, renfermait des fibromes, des carcinomes,
des enchondromes, etc.; aussi la dénomination de stéatome est-elle générale
654 LIPOME.
ment abandonnée aujourd'liul. Cruveilhier a proposé le mot adipome comme sy-
nonyme de lipome, mais l'usage a prévalu en faveur de ce dernier.
Défimtion. Un lipome est une tumeur constituée par du tissu adipeux.
Le tissu adipeux (wî/. le mot Adipeux) est la variété du tissu conjonctif dans-
laquelle les cellules plasmatiques sont le siège d'une accumulation de graisse.
Celle-ci s'est déposée sous la membrane de la cellule qu'elle distend en rejetant
à la périphérie le noyau et le protoplasma. Les vésicules adipeuses ainsi consti-
tuées, sont disposées en îlots et séparées les unes des autres par des fibres de tissu
conjonctif et par un réseau de capillaires.
Une production nouvelle de tissu adipeux disposé sous forme de masse cir-
conscrite, et n'ayant aucune tendance à disparaître spontanément, constituera
une tumeur lipomateuse. 11 faut bien se garder de confondre les tumeurs ainsi
délinies de l'engraissement : dans l'âge adulte, et dans des conditions déterminées
de santé et d'alimentation, le tissu cellulo-adipeux sous-cutané, le grand épiploon,
le tissu sous-séreux, intermusculaire, etc., se chargent d'une quantité plus ou
moins considérable de graisse. Il en est de même dans la polysarcie, dans la pre-
mière période de l'alcoohsme et dans l'engraissement artificiel des animaux voués
à la boucherie. Mais dans tous ces cas l'engraissement est général, et, bien que ces
états soient des conditions favorables au développement des lipomes, cependant
il n'y a pas de tumeur circonscrite qu'on puisse appeler ainsi. Par exemple, un
grand épiploon uniformément gras n'est pas un lipome, mais qu'un ou plusieurs
appendices épiploïques du gros intestin se dévelo|)pent outre mesure, on pourra
leur donner le nom de tumeurs lipomateuses. De même, une couche épaisse de
graisse dans les parois abdominales et sous le péritoine est commune chez les
individus gras et n'a rien d'anormal, mais qu'un lobule graisseux s'engage dans
une éraillure de la ligne blanche et proémine à la peau comme une tuméfaction
limitée, et on aura affaire à un lipome.
Ces tumeurs participent à cette propriété générale des tumeurs, en vertu de
laquelle elles tendent à s'accroître et jamais à rétrograder spontanément : elles
ne sont pas soumises aux variations du tissu adipeux sous l'influence des états
pathologiques : elles possèdent une vitalité qui leur est propre. Ainsi, lorsque
l'individu porteur d'un lipome maigrit, quel que soit le degré de l'amaigrissement,
sa tumeur conserve le même volume.
Description anatomique du lipome. Quel que soit le siège de la tumeur, qu'elle
fasse saillie sous la peau ou dans une séreuse, ou qu'elle siège profondément
entre les muscles, elle est habituellement indépendante et très-facile à isoler.
Elle est entourée par une atmosphère celluleuse lâche dont on peut l'énucléer, et
elle n'est, le plus souvent, adhérente aux parties voisines, que par ses vaisseaux
ou son pédicule. Sa forme est très-variable : tantôt le lipome est lobule, ce qui
est le cas le plus commun, tantôt il est étalé en nappe et forme une masse unique.
Il peut proéminer et faire saillie sous forme de polype, et même comme cela a
lieu dans les séreuses, présenter des saillies multiples, arborescentes. La tumeur
est unique ou multiple : on a compté jusqu'à plusieurs milliers de lipomes sur le
même sujet. (Broca, Traité des tumeurs, t. I, p. 304.)
Le volume des hpomes varie depuis celui d'un noyau de cerise jusqu'aux dimen-
sions les plus colossales. J. L. Petit, Pelletan, Dupuytren, etc., ont enlevé des
lipomes dont le poids atteignait 15 et 20 kilogrammes.
La consistance du lipome le plus commun fait qu'il donne à la palpation une
sensation toute spéciale de mollesse et d'élasticité : il est dur lorsque le tissu
LIPOME. 635
fibreux prédomine, et, dans d'autres cas, il est mou et donne une tausse appa-
rence de fluctuation telle, qu'nn observateur inexpérimenté est tout étonné, en
rou\Tant, de n'y trouver ni kystes, ni collection de liquide.
La surface de section d'un lipome est gris jaunâtre ou jaune : on y voit les
tractus fibreux parcourus par des vaisseaux qui limitent les lobules graisseux ;
ces lobules eux-mêmes plus volumineux que ceux du tissu cellulo-adipeux normal,
se laissent d'habitude facilement reconnaître à l'œil nu par leur reflet particulier,
par leur semi-transparence spéciale, tout à fait semblable à ce qui s'observe nor-
malement dans le tissu cellulo-adipeux sous-cutané. En regardant de près la sur-
face de section ou le liquide raclé avec un scalpel, on y voit de petites goutte-
lettes graisseuses qui tachent le papier. L'examen à l'œil nu est, dans ces cas,
suffisant pour asseoir le diagnostic anatomique, et l'on s'en rapporte sur ce
point aux histoires particulières de malades que nous ont transmises nos devan-
ciers. Cependant l'intervention du microscope est nécessaire pour préciser certaines
variétés et modifications nutritives de ces tumeurs.
V examen microscopirjiie lait sur des sections minces de la pièce fraîche ou dur-
cie dans l'acide cbromique, dans l'acide picrique, ou dans l'alcool, montre des
ilôts de vésicules adipeuses entourées par des fibres du tissu conjonctif et des vais-
seaux. Lorsqu'on a coloré au carmin et traité par l'acide acétique ces pré[i.irations,
les vésicules adipeuses se montrent contenues dans une membrane, et dans un
point de la périphérie de celle-ci on reconnaît un noyau ovoïde. La membrane et
le noyau sont les vestiges des cellules plasmatiques que la graisse a envahies. Les
vésicules adipeuses sont deux ou trois fois plus grandes que celles du tissu adi-
peux normal ainsi que l'a constaté Verneud. (Gaz. méd. de Paris, 1854, j). 242.)
Elles renferment parfois, comme cela a lieu à l'état physiologique, des cristaux
de margarine. (Prat, Considérations sur les lipomes, Strasbourg, 1858, in-4".)
Les îlots de vésicules adipeuses sont eux-mêmes beaucoup |)lus volumineux qu'à
l'état normal; de telle sorte que, lorsque le tissu conjonctif de la tumeur est peu
développé, la graisse liquide domine dans sa constilutiou, et il en résulte une
mollesse et une fausse fluctuation caractéristiques de ce genre de tumeurs. La
présence de la margarine en grande quantité dans cette graisse lui donne plus de
consistance: elle n'est jamais riche en stéarine, comme la graisse de mouton ou de
bœuf.
Les variations de la structure du lipome dans les différents cas permettent de
lui reconnaître les espèces suivantes :
Première espèce. Les lipomes purs, que nous avons pris pour types de la
description précédente, possèdent des îlots adipeux volumineux et une faible
quantité de tissu conjonctif. Ce sont les lipomes les plus communs, ceux qui don-
nent à la palpation une sensation de mollesse et de fluctuation.
Deuxième espèce. Le lipome fibreux, dans lequel le tissu conjonctif est devenu
très-abondant. C'est la tumeur adipo-fibreuse de Cruveilhier, qui rentrait dans les
stéatomes des anciens auteurs. Le tissu de la tumeur est dense et ferme : sur une
section, elle présente une couleur grisâtre, avec des îlots irréguliers et petits de
tissu adipeux. Pour détermhier la nature de cette variété, l'examen microsco-
pique est nécessaire, car on pourrait, sans son aide, la confondre avec un fibrome
pur, ou même avec un carcinome, car, ainsi que nous le verrons bientôt, les car-
cinomes fibreux avec tendance à l'atrophie montrent aussi de nombreux îlots
adipeux.
636 LIPOME.
Troisième espèce, he lipome myxomateux est celui dans lequel le tissu con-
jonctif du lipome est remplacé par du tissu muqueux.
Le tissu muqueux qui coustitue le cordon ombilical, et qui persiste chez l'a-
dulte dans le corps vitré, s'observe, chez l'embryon, comme une des premières
phases de développement du tissu fibreux et du tissu adipeux. Le tissu muqueux
se caractérise par des cellules plasmatiques, étoilées et anastomosées entre elles,
situées au milieu d'une substance fondamentale hyaline très-riche en mucine.
[Voy., pour les caractères chimiques de cette substance, l'article Mucine et la
15'' leçon de la Pathologie des tumeurs de Virchow, t. L)
Dans les lipomes myxomateux, les cellules adipeuses et les îlots qu'elles forment
par leur réunion, sont séparés par du tissu muqueux.
La transparence et l'état colloïde du liquide riche en mucine qui entre dans leur
composition donnent à toute la tumeur une apparence gélatiniforme ; elle est
tremblotante, semi-transparente et infdtréede liquide. Le tissu muqueux qui s'y
trouve peut être tellement abondant, relativement aux cellules adipeuses, que le
mot de myxome lipomateux convienne mieux pour spécifier la tumeur. Les vais-
seaux sont quelquefois très-développés et dilatés dans les lipomes de cette espèce
qui peuvent aussi, bien que très-rarement, présenter des kystes pleins de mucus
transparent ou sanguinolent.
Quatrième espèce. Lorsque dans un lipome les vaisseaux sont très-nombreux,
volumineux et distendus, on a affaire au lipome télangiectasique ou érectile. Cet
état s'observe dans les nsevi hpomateux congénitaux et dans certaines tumeurs
polypeuses libres et saillantes sur les muqueuses ou dans les séreuses.
Les transformations nutritives des éléments du lipome qui méritent un examen
spécial et qui permettent d'établir des variétés sont :
a. La transformation graisseuse, mot qui là semble faire un pléonasme: les
vésicules adipeuses se fragmentent, se réduisent en granulations fines, et, au lieu
de grosses vésicules adipeuses distendant une cellule plasmatique, on n'a plus que
des corps granuleux (corpuscules de Gluge). La cellule plasmatique est détruite,
et on a affaire à la mort et à la transformation granulo-graisseuse des éléments.
Dans ce cas le tissu altéré revêt, à l'œil nu, une opacité, une couleur grise et une
consistance caséeuse qui le font ressembler à un sarcome ou à certains carcinomes
en dégénérescence graisseuse.
h. La gangrène est possible dans les lipomes ; par exemple, lorsqu'ils se pédi-
culisent, le pédicule plus ou moins mince peut être étranglé ou même se rompre:
dans ce cas la tumeur peut tomber dans l'intérieur d'une cavité naturelle. C'est ce
qui a lieu en particulier dans le péritoine où les franges épiploïques ont de la ten-
dance à devenir, par leur hypertrophie, de petits polypes graisseux. Lorsque par
une compression exercée sur le pédicule ou par le poids seul de la tumeur, le pédi-
cule devient plus mince et que les vaisseaux s'atrophient, la graisse contenue dans
la tumeur se désagrège et se réunit en une masse centrale presque liquide. Plus
tard la décomposition de la graisse met en liberté de la cholestérine et des acides
gras qui ont de la tendance à former des combinaisons saponiformes, notamment
des sels calcaires à acides gras. Ces petites tumeurs peuvent, à un moment donné,
se détacher et tomber dans le péritoine. Les corps libres de la cavité abdominale,
dit Virchow {Pathologie des tumeurs, t. 1, p. o8i), sont, pour la plupart, des
lipomes étranglés et sclérosés. Ces petites tumeurs sont composées alors par une
enveloppe fibreuse presque toujours infiltrée de sels calcaires, au centre de laquelle
se trouve un savon calcaire caséeux. Yirchow cite un cas de ce genre où la mort
LIPOME. 657
avait été déterminée par une péritonite. Ces lipomes gangrenés et à coque calcifiée
ne sont pas toujours sphériques : ils peuvent être irréguliers, rugueux et verru-
queux, suivant la forme primitive de la tumeur.
c. La calcification ou transformation calcaire générale ou partielle s'observe
quelquefois dans les lipomes. Suivant Virchow, un certain nombre des corps étran-
gers des articulations proviendraient de petits lipomes calcifiés des villosités
synodiales. Broca a présenté à la Société anatomique un lipome du muscle exten-
seur commun des doigts calcifié en partie. 11 s'agit toujours d'une calcification
pure et simple, et non, comme on l'a dit autrefois, d'une ossification vraie.
d. V inflammation et la suppuration. Les cas de suppuration du lipome sont
loin d'être rares : on conçoit facilement que cette complication survienne surtout
dans les tumeurs extérieures exposées aux trauraatismes et aux frottements répétés,
par exemple dans les lipomes qui succcèdent eux-mêmes à ces causes, comme ceux
qui siègent à la nuque chez les porte-faix, et comme un lipome ant'Jrotalien
observé par Broca chez une religieuse. {Société de chirurgie, 1860, t. 1,
p. 229.) L'inflammation peut revêtir là différentes formes : ainsi, dans l'exemple
du lipome antérotulien dû à de nombreuses et longues génuflexions, la peau
était devenue, dans ce point, le siège d'une hypertrophie papillaire en crête de
coq.
D'autres fois on observe une véritable inflammation phlegmoneuse plus ou
moins étendue au centre du lipome. La suppuration a lieu ici comme dans le
tissu cellulo-adipeux, par la prolifération des cellules plasmatiques, et, en parti-
culier, de celles qui sont distendues par la graisse : celle-ci se résorbe peu à peu,
et à sa place se forment de petits nids de cellules embryonnaires qui, mises en
liberté par la résorption de la substance fondamentale solide, constituent autant
de globules de pus.
On trouve dans la science plusieurs faits de lipomes profonds pris pour des
abcès et ouverts comme tels pyr les chirurgiens les plus exercés et les plus habiles,
par Velpeau et Michon. Le pus évacué, la tumeur ne s'affaissant pas, fut opérée
séance tenante et l'on reconnut un lipome au centre duquel s'était formé un abcès.
{Gazette des hôpitaux, 20 janvier 1846.)
Les anciennes observations, l'une entre autres, rapportée par Dupnytren où
l'on relate des lipomes dégénérés en cancer, sont, ainsi que le remarque à juste
raison Broca [Traité des tumeurs, t. il, p. 576), tout à fait dénuées de preuves
sérieuses. Jusqu'à plus ample informé, on peut nier la dégénérescence du lipome
en carcinome.
Mode de développrment histologiqce du lipome. Le développement du lipome
, échappe d'habitude aux recherches histologiques, parce que la tumeur est générale-
ment ancienne lorsqu'elle est enlevée par le chirurgien, et que, le plus souvent,
elle n'est plus en voie de croissance active. Fœrster a pensé que les vésicules adi-
peuses du lipome proviennent de cellules embryonnaires (cellules indilférentes
de b'œrster), cellules qui se laissent peu à peu distendre par de la graisse. Vir-
chow, se fondant surtout sur le développement du tissu adipeux de l'embryon,
pense que les cellules adipeuses procèdent des cellules plasmatiques du tissu
rauqueux, tissu si répandu partout à un moment donné du développement em-
bryonnaire. Entre ces deux conceptions existe une grande parenté : le tissu mu-
queux n'est, en effet, qu'un degré plus avancé de développement du tissu em-
bryonnaire ; il y a, comme nous l'avons \n, des lipomes myxomateux, c'est-à-dire
développés au sein d'un tissu muqueux; et enfin, c'est toujours dans une cellule
658 Lll'OME.
plasmatique jeune ou ciiibryounaire que se dépose la graisse qui transforme celte
cellule en une vésicule adipeuse.
Une fois né, le lipome continue à grandir : Fœrster a donné du développement
continu du lipome une autre théorie : pour lui, les vésicules adipeuses s'allonge-
raient, s'étrangleraient et se diviseraient en deux parties. Ce serait une proliféra-
tion des vésicules adipeuses. Nous croyons qu'il y a là une erreur d'interprétation :
les cellules adipeuses se déforment en effet si facilement par compression réci-
proque qu'elles peuvent bien s'allonger, s'étrangler, sans être pour cela en voie
de division.
Que des cellules embryonnaires ou muqueuses aient marqué le premier pas de
la néoplasie, des cellules plasmatiques se montrent bientôt, et c'est dans leur
intérieur que la graisse se dépose. Tel est le mode de développement le mieux
constaté. Nous ferons remarquer que la naissance des vésicules adipeuses de cel-
lules jeunes concorde avec ce fait étiologique que la tumeur succède souvent à
destraumatismes, à des pressions ou à des i'rottements répétés.
D'après ce mode de développement aux dépens des cellules du tissu embryon-
naire ou muqueux, le lipome serait presque toujours une tumeur hétéroplasique,
c'est-à-dire née d'un autre tissu que le tissu adipeux dont elle est formée. Nous
pouvons faire observer en passant ce fait sur lequel M. Ranvier et moi avons insisté
aiWenvs [Manuel d'histologie pathol.), que riiétéroplasie, c'est-à-dire la naissance
d'un tissu aux dépens d'un autre tissu, est un mode normal de formation de la
plupart des tissus physiologiques, qu'il se reproduit aussi dans la naissance des
tissus pathologiques et qu'il ne saurait entrer en ligne de compte pour permettre
d'affirmer la nature bénigne ou maligne d'une tumeur. L'exemple de l'hétéroplasie
physiologique le plus évident nous est fourni par le développement du tissu osseux.
Lorsqu'il naît du cartilage, les cellules cartilagineuses passent d'abord par l'état
embryonnaire et se transforment en tissu médullaire embryonnaire : c'est aux dé-
pens des éléments de la moelle devenue embryonnaire que les corpuscules osseux
se forment. Ce processus physiologique, aujourd'hui incontestable constitue une
hétéroplasie manifeste : les faits les mieux connus de développement des tumeurs
tendent tous à affirmer cette loi générale, que le tissu-mère de la tumeur retient
à l'état embryonnaire et que les éléments du tissu morbide se développent aux
dépens des éléments embryonnaires quelle que soit, du reste, la nature bonne
ou mauvaise du néoplasme. On trouverait toujours à sa naissance une hétéro-
plasie.
Siège du lipome. Les lipomes siègent presque toujours dans un point de l'or-
ganisme pourvu, àl'état normal, de tissu adipeux. Dans ce cas la tumeur est dite
.homologue. Cependant il existe de nombreuses exceptions à cette règle; lorsque,
par exemple, on trouve des lipomes dans la substance corticale du rein quine con-
tient jamais de graisse à l'état physiologique. Ces lipomes sont dits hétérologues.
Mais ces derniers n'ont pas une malignité plus grande que les autres, exemple
qui nous suffirait à lui seul pour démontrer le peu de fondement des doctrines
qui l'ont l'homologie des tumeurs synonyme de bénignité et l'hétérologie synonyme
de gravité.
Le siège le plus commun du lipome est le tissu cellule-adipeux sous-cutané;
le plus souvent il s'observe dans les points où la peau est lâche et peu tendue j par
exemple aux alentours de l'aisselle, à l'épaule, au cou, à la nuque, au siège, aux
cuisses ; mais on peut le rencontrer dans toutes les parties de la surface cutanée
et même aux doigts, à la paume des mains et à la plante des pieds, oîi du reste,
LIPOME. (J59
ils sont très-rares vu l'état de tension du derme. Les lipomes sous-cutanés
polypeux peuvent se déplacer eu obéissant aux lois delà pesanteur. Ainsi Vircliow
cite les observations de Lloyd et de Lyford, ou la tumeur avait clieminé de l'aine
au périnée dans l'une, de la région ilio-pubienne à la partie antérieure delà
cuisse dans l'autre. Les lipomes sous-cutanés sont en cflet unis lâchement aux
parties voisines : on peut les déplacer en masse et ils s'énucléent facilement.
Ils peuvent venir faire saillie à la peau, bien que leur point de départ soit plus
profond. Tel est le cas des lipomes herniairesqui sont tantôt de véritables hernies
épiploïques, tantôt des appendices graisseux tenant à un sac herniaire oblitéré ou
non, tantôt des lobules graisseux hypertrophiés provenant du tissu sous-périto-
néal et s'engageant dans les trajets inguinal, crural ou ombilical ou dans les érail-
luros de la ligne blanche.
Les mamelles peuvent être le siège de lipomes circonscrits qui ne diffèrent en
rien du lipome commun, mais il peut y avoir aussi une hypertrophie générale de
toute l'enveloppe adipeuse de la glande telle qu'on ait affaire à une tumeur colos-
sale. Ainsi Robert et Amussat amputèrent les deux seins d'une dame de 21 ans
l'un pesant 15", 500, l'autre 10'', 500; le poids total du corps après l'opération
était de 50", 500 ; le poids des tumeurs dépassait la moitié du poids total du
corps. Dans ces cas , tantôt la glande elle-même est normale, tantôt elle
est hypertrophiée : d'autres fois elle a subi une intlanunation chronique ou
mastite chronique interstitielle à la suite de laquelle les seins se sont atrophiés.
Dans ce cas, la glande a diminué de volume et s'est nidurée : la graisse a pris sa
place et le mamelon s'est rétracté. (Virchow, Pathologie destumeurs, 1. 1, p. 373.)
Dans les tumeurs du sein qui contiennent do nombreux lobules adipeux l'examen
doit être très-attentif, car il est très-commun de renconiror des carcinomes, et en
particulier des squirrhes autour desquels l'almosphèrc adipeuse périglandulaire
est très-développée. La conservation de la graisse dans le sein atteint de carci-
nome est la règle, si bien qu'à la simple vue d'une tumeur du sein ne présentant
pas d'ilôts graisseux, on peut exclure le carcinome.
Les lipomes sous-aponévrotiques acquièrent souvent un volume considérable :
tels sont les lipomes développés dans la cuisse qui se prolongent parfois sous l'ar-
cade crurale jusque dans le bassin. Les lipomes profonds de la partie antérieure
du cou peuvent se continuer dans le médiastin.
Les lipomes siègent assez souvent entre les muscles, soit dans les membres
à l'avant-bras, au bras, à la cuisse, dans les muscles fessiers, etc., soit dans la
langue, ainsi que Bastion {Bull, de laSoc. anal., t. XXLX, p. 349, 1854), et plu-
sieurs autres observateurs en ont montré à la Société anatomique.
Les os en sont rarement le siège : cependant Viard [Bidl. Soc. anal., t. XXV,
•1850, p. 142) a présenté à la Société anatomique un lipome formé dans l'épais-
seur du maxillaire supérieur, et nous en avons vu un développé dans le corps du
fémur. Le tissu compacte de l'os était transformé en ce point en tissu spon-
gieux.
Le tissu conjonctif sous-muqueux est rarement le siège de lipomes. Cependant
Marjolin (cité par Cruveilhier, Anat. path. gén.,t. III, p. 512) a signalé un lipome
sous-muqueux sur le plancher de la cavité buccale ; Thomas et moi, nous avons
présenté une observation de lipome des gencives. {Société de biologie, 1865.)
Hokitansky cite un lipome provenant d'un rameau bronchique. Il existe aussi de.'.
lipomes polypeux de l'estomac et de l'intestin dont Virchow donne une fifure
{îoc. cit., p. 579). Dans un cas rapporté par Sangalli, deux lipomes pédicules, de
640 LIPOME.
la grosseurd'un œuf de poule, faisaient saillie dans le côlon descendant et avaient
déterminé une invagination et un prolapsus de l'intestin.
Nous avons déjà mentionné les lipomes pédicules qui font assez souvent saillie
dans les cavités séreuses (péritoine, plèvre, articulations) et qui peuvent se déta-
cher et devenir des corps étrangers libres dans ces cavités. On observe aussi quel-
quefois des lipomes développés dans le tissu conjonctif sous-séreux. G est ainsi
que Broca cite l'observation d'un énorme lipome développé sous le péritoine de la
fosse iliaque, et remplissant presque tout l'abdomen. Moynier a présenté une pièce
analogue à la Société de biologie (1851 , p. 159).
L'atmosphère cellulo-adipeusc qui entoure à l'état normal un certain nombre
d'organes, le rein, les ganglions lymphatiques, le globe de l'œil, etc., peut s'hy-
pertrojihier de façon à pouvoir être dénommée un lipome, lipome capsulaire.
L'Iiypertrophie de la masse adipeuse de l'orbite produit un degré plus ou moins
prononcé iVexorbilis. L'accumulation du tissu adipeux autour d'un organe est
souvent consécutive à la polysarcie : mais elle peut être aussi déterminée par des
causes très-différentes; par exemple, elle coïncide avec une atrophie de l'organe,
et dans ce cas la graisse vient combler le vide laissé par le retrait de l'organe, ou,
au contraire, elle participe à une hypertrophie irritative de l'organe qu'elle entoure.
Dans un cas cité par Godard {Recherches sur la substitution graisseuse du rein,
1859) la formation nouvelle de graisse s'était effectuée sous la muqueuse du bas-
sinet et à la partie inférieure de l'un des reins.
Il existe aussi, dans la science, plusieurs cas de lipomes développés dans le sys-
tème nerveux central. Meckel (Handb. derpath. Anat., 1818, t. Il, p. 126) cite
une tumeur graisseuse de la grosseur d'une noisette développée au-dessous du
chiasma des nerfs optiques ; Rlob {Zeitschr. der Wien. Aerzte, 1859) signale
un lipome situé entre le pont de Yarole et l'hémisphère cérébelleux gauche. Cru-
veilhier {Anat. path. gén., t. III, p. 512), Obré {Trans. of the Lond. Path.
Society, t. III, p. 248 ; 1851-52) ont vu des lipomes des enveloppes de la moelle.
Ces cas se rapportent à des lipomes nés dans la pie-mère et Tarachno'ide, mais il
est un point du tissu nerveux lui-même où l'on observe des productions pathologi-
ques de tissu adipeux : c'est le raphé du corps calleux et de la voûte à trois
piliers; Virchow {loc. cit., p. 384) en a conservé deux pièces dans son musée, et
Rokitansky {Path. anat., t. II, p. 468, 1856) en cite, une analogue. Wallmanu
(Yirchow's Archiv, t. XIV, p. 585) et Hackel ( Virchow's Archiv, t. XVI,
p. 272) en ont vu de semblables dans les plexus choroïdes.
Nous nous bornons à ces considérations générales sur le siège des lipomes,
cette question étant reprise ci-après au point de vue clinique. Cornil.
§ II. Chirurgie. CLINIQUE. Eu présence d'un malade qui accuse un gon-
flement plus ou moins limité d'une partie du corps, sans traces de phénomènes
inflammatoires, on pense naturellement à une tumeur. L'époque relativement
éloignée du début, le développement l'égulièrement progressif et l'absence de
douleur ou d'engorgement ganglionnaire feront songer à une tumeur bénigne,
le siège aux alentours de l'aisselle et de l'épaule, aux fesses et aux cuisses, la
forme aplatie ou saillante et pédiculée, l'aspect lisse ou mamelonné, l'état lobule,
la consistance flasque, mollasse, et la mobilité, tant du côté de la peau que du
côté de l'aponévrose, éveilleront certainement, dans l'esprit du chirurgien, l'idée
d'un lipome superficiel.
Mais, que de causes d'erreur! S'il est fréquent de rencontrer des tumeurs de ce
LIPOME (chirurgie). 641
genre dans les régions abondamment pourvues de tissu graisseux, c'est aussi
dans ces points que siègent habituellement les abcès.
La forme aplatie se voit surtout dans les lipomes mous au début de leur évo-
lution ; toutefois, elle expose encore à les faire prendre pour des abcès. La forme
saillante se rapporte à une période plus avancée. Les lipomes hémisphériques
sont très-communs ; et, pour peu qu'ils offrent une certaine dureté, on pourra
les confondre avec des fibromes. La i'orme pcdiculée n'est qu'une exagération de
la précédente; elle tient au volume et à la position de ces tumeurs et se rencontre
à une période toujours très-éloignée du début; c'est la plus caractéristique de
toutes les trois.
L'aspect lisse appaitient plutôt au lipome de la première forme; nouveau motil
de confusion avec les abcès. l/aspi:ct mamelonné se remarque exclusivement dans
les lipomes de la seconde et de la troisième forme.
L'état lobule serait le plus important de tous le signes s'il était donné de l'ap-
précier exactement dans chaque cas; il est bien différent de l'aspect mamelonné,
car, ce n'est pas seulement la surface, mais toute la tumeur qui paraît composée
d'une multitude de masses glissant plus ou moins les unes sur les auties {tout
lipome est composé de lobules graisseux). A cet effet, on a conseillé : soit de tendre
la peau à la surface de la tumeur, souvent on voit alors se dessiner de polits lo-
bules; soit de saisir celle-ci à pleines mains et de la malaxer, on perçoit ainsi une
crépitation particulière.
La consistance flasque, mollasse, donne parfois une sensation qu'on a désignée
sous le nom de fausse fluctuation ; celle-ci offre toutes les nuances depuis la fluc-
tuation véritable de l'abcès jusqu'à la dureté élastique du fibrome. Toutefois, il ne
faut pas oublier qu'il existe des abcès à jiarois épaissies et des fibromes relative-
ment mous. Au surplus, les lipomes offrent sous ce ra[)port degrandes différences.
Outre le lipome mou qui est le plus commun, il y a le lipome dur ou (ibreuv
qui est déjà moins fréquent, puis viennent le lipome telangiectasique, le lipome
ossifié ou pétrifié, et le lipome myxomateux, qui sont plus rares et sur lesquels
nous reviendrons à propos des modifications et des transformations que peuvent
subir les lipomes. Quant au lipome cyslique, il est congénital et se rapproche du
molluscum.
Les lipomes profonds sont moins fréquents et ne présentent pas des caractères
aussi tranchés que les lipomes superficiels. On peut les diviser, au point de vue
clinique, en plusieurs catégories :
Â. Lipomes sous-aponévrotique et inter-miisculaire. Ceu>: de la cuisse, de
l'avant-bras, de l'épaule et de l'aisselle sont les plus communs. Ils affectent
deux formes distinctes : tantôt ils sont aplatis; mais, comme ils ont pu passer
inaperçus durant la première période de leur évolution, leur volume est parfois
considérable. On croit à une marche rapide ; les signes tirés de la palpation, tou-
jours très-incertains à cette profondeur, et l'âge souvent avancé des malades achè-
vent de faire croire à une tumeur maligne (myxome, sarcome, carcinome). Tantôt
ils sont saillants ; et alors ils olTrent la plupart des caractères des lipomes sous-
cutanés. La mobilité moins grande et l'existence de prolongements entre les mus-
cles feront cependant reconnaître leur origine profonde. Il arrive parfois que les
lipomes ont leur point de départ entre les fibres musculaires, il faudra prendre
«arde alors de les confondre avec des gommes syphilitiques, surtout à la langue,
oîi ils sont du reste très-rares. Nous ne connaissons que les faits de MM. Laugier
et Laroyenne.
DicT. ENC. 2* s. U. 41
642 LIPOME (chirurgie).
Au cou, les lipomes profonds se rencontrent plus spécialement sur les parties
latérales : eu haut, au-dessous de la parotide, en bas, au-dessus de la clavicule.
En admettant qu'on ait diagnostiqué une tumeur bénigne, il faudra compter
encore avec les abcès, les anévrysmes et toute la série des tumeurs de nature éga-
lement bénigne dont les glandes lymphatiques, le corps thyroïde et la parotide
sont si souvent le siège.
Les lipomes sous-aponévrotiques du cuir chevelu et du front sont moins rares
qu'on ne pense. M. Ollier nous a dit qu'il avait opéré deux tumeurs de ce genre.
Dans un cas, il s'agissait d'un enfant de treize ans. Le début était postérieur à la
naissance et le lipome occupait le milieu du front. L'autre cas se rapporte à un
adulte, la tumeur occupait la fosse temporale. Chacune de ces tumeurs ne dépas-
sait pas le volume d'une petite noix; ce qui est en rapport avec la disposition
anatomique des parties. Le diagnostic avec les kystes athéromateux (loupes) sera
parfois très-difficile ; toutefois on rencontrera dans les environs ou dans d'autres
régions (paupières, nez, scrotum, dos) des comédons ou des grains de mil, car
l'état constitutionnel bien différent de l'état dyscrasique ne saurait être mis en
doute dans le cas de kystes athéromateux. La dilatation des follicules pileux à la
surface même de la tumeur n'a pas une grande importance. Il n'est pas rai'e, en
effet, de constater ce signe dans le cas de lipome pour peu qu'il y ait un peu
d'épaississemeut de la peau ; or, on sait combien sont fréquentes, à ce niveau, les
causes d'irritation. L'état lobule se voit également dans certaines variétés de
kystes athéromateux ; il tient à l'agglomération de plusieurs kystes. Reste la mo-
bilité qui est très-variable.
B. Lipomes capsulaires. Les lipomes de l'orbite reconnaissent une origine
congénitale ou acquise. Ils sont très-rares. A mesure qu'elles augmentent, ces
tumeurs se moulent sur le globe oculaire qu'elles coiffent en quelque sorte, et,
dès qu'elles ont atteint un certain volume, elles ne tardent pas à le repousser au
dehors ; on dirait alors qu'elles font corps avec lui. La ponction est presque tou-
jours nécessaire pour établir le diagnostic.
Les lipomes de la mamelle se présentent soit sous la forme circonscrite, soit
sous la forme dilfuse. Dans le premier cas, on pourra prendre le lipome pour un
kyste ou un fibrome de même forme. 11 arrive parfois que ces trois espèces de tu-
meurs existent ensemble ; et alors le diagnostic ne laissera pas que d'être embar-
rassant. Dans le second cas, que la glande soit intacte ou altérée concomitam-
ment (kystes multiples, fibromes diffus), le diagnostic sera toujours extrêmement
difficile, sinon impossible. Au surplus, le chirurgien doit commencer par faire le
diagnostic de la nature bénigne ou maligne de la tumeur; et, s'il parvient à éta-
bhr qu'il ne s'agit pas d'un sarcome ou d'un carcinome coexistant avec un lipome
diffus, le problème clinique le plus important, celui du pronostic, sera résolu. A
ce point de vue, rappelons que les plus volumineuses tumeurs de la mamelle
sont aussi relativement les plus bénignes, en admettant, bien entendu, qu'elles
aient mis longtemps à se développer, qu'il n'existe pas d'adhérences profondes à
l'aponévrose et aux muscles et qu'on ne constate aucun signe d'infection ganglion-
naire. En outre les deux mamelles sont souvent prises en même temps. Les dou-
leurs spontanées se montrent également dans le lipome capsulairc compliqué de
mastite chronique interstitielle et dans le sai'come ou le carcinome avec polysarcie
graisseuse; on ne saurait donc se baser exclusivement sur leur existence pour affir-
mer, comme le soutiennent encore quelques chirurgiens, qu'il s'agit en pareil cas
d'une tumeur cancéreuse.
LIPOME (chirurgie). 645
De même que les lipomes de la mamelle, les lipomes périnéplirétiques sont
circonscrits ou diffus. A l'autopsie, on n'a pas toujours trouvé d'altération du
parenchyme rénal; mais, d'ordinaire, il existe une lésion concomitante (atrophie,
hydronéphrose, calculs), ce qui pourra faire discerner le point de déport de la
production morbide; question capitale, lorsqu 'en présence d'une tumeur abdo-
minale, comme cela arrive si fréquemment chez la femme, on est mis en demeure
de se prononcer sur l'opportunité de l'intervention chirurgicale. Constamment
ces tumeurs ont donné lieu à des eiTCurs de diagnostic pendant la vie.
C. Lipomes sous-séreux. La plupart des tumeurs de la ligne blanche ne
sont que des lipomes sous-péritonéaux qui, sous l'intluence de la toux, des
efforts, etc., sont parvenus au-dessous de la peau en passant au travers des
ouvertures que présentent, à ce niveau, les aponévroses de l'abdomen.
A l'ombilic, sur le trajet du canal inguinal, le long du cordon, dans l'épaisseur des
grandes lèvres chez la femme, au niveau du pli de l'aine, à la partie antérieure et à la
partie postérieure du périnée, sur les côtés de l'abdomen, partout enfin où l'on ren-
contre des hernies intestinales, on peut voir des lipomes qui, primitivement déve-
loppés en dehors du péritoine, se sont, plus tard, déplacés de la mcm.3 manière ;
ce qui les a l'ait appeler, avec beaucoup de raison, hernies lipomateuses . Le siège
insolite de ces tumeurs peut singulièrement induire en erreur. Le chirurgien ne
devra pas oublier qu'elles entraînent parfois le péritoine de sorte que l'intestin
pouri'a se trouver étranglé en arrière. Les conditions seront les mêmes dans le
cas de lipome développé autour d'un vieux sac herniaire. Rappelons, pour mé-
moire, que l'épiploon hernie présente aussi, dans certaines ciiconstances, l'état
lipomateux.
On a dit, sans plus de détails, que certains chirurgiens, en opérant des lipomes
placés soit à la partie antérieure, soit sur les côtés de la poitrine, avaient ouvert
la cavité pleurale. La connaissance de ces faits est de la plus haute importance,
l'examen cadavérique ayant démontré depuis longtemps la fréc|uence des lipomes
du médiastin. D'autre part, M. D. Molhère nous a communiqué l'observation d'une
vieille femme à l'autopsie de laquelle on trouva plusieurs lipomes développés en
dehors de la plèvre pariétale et qui faisaient saillie dans les espaces intercostaux;
on voyait d'autres masses lipomateuses à la face supérieure du diaphragme. De
tout cela il ressort, qu'avant d'opérer un hpome du thorax, on devra toujours
rechercher s'il existe des adhérences prol'ondes.
Eu 1844, Malgaigne a signalé au niveau du genou la présence d'un ou de plusieurs
lobules graisseux qui s'hypertrophient fréquemment dans les cas d'hydarthrose et
donnent lieu à de véritables lipomes du volume d'une amande ou d'une petite
noix, ils siègent plus spécialement en dehors et en dedans du tendon rotuiien.
Leur délimitation plus ou moins exacte, leur consistance tantôt dure, tantôt molle
et leur mobilité réelle ou apparente les ont fait prendre, soit pour des corps étran-
gers, soit pour des fongosités articulaires.
A la partie antérieure de l'articulation tibio-tarsienne et en dedans de la
tête du péroné, on rencontre parfois un lobule graisseux aplati qui peut en
imposer au chirurgien non prévenu et faire croire à un commencement d'hy-
darthrose.
Depuis longtemps M. Ollier nous a fait remarquer l'hypertrophie d'un lobule
"raisseux du poignet qui se trouve en dehors du pisiforme et qu'on peut faire
saillir à l'état normal en pressant transversalement un peu au-dessus de l'inter-
ligne articulaire. A ce sujet, on peut se demander si dans les observations, du reste
644 LIPOME (chirurgie).
Irès-rares, de lipomes de la main, qui ont été publiées, le point de départ n'avait
pas été le tissu cellulo-graisseux qui se trouve eu dehors des gaines tendineuses :
le lipome siégeait, tantôt à la face interne du pouce (Pelletan), tantôt, à la face
palmaire de la main (Robert), tantôt, sur les faces antérieure, externe et posté-
rieure du médius. (Follin.) Pans ce dernier cas, l'adhérence à la gaîne des tendons
fléchisseurs a été spécifiée très-nettement. 11 faudra donc tenir compte de ces
données dans le diagnostic des tumeurs de la main et des doigts.
D. Lipomes sous-muqueux. Marjolin a rencontré un lipome qui s'était déve-
loppé au niveau du plancher buccal. M. Cruveilhier résume ce fait de la façon
suivante : « Un individu se présente à lui avec une tumeur sublinguale qui avait
toutes les apparences de la grenouillette. 11 introduit un bistouri, rien ne sort; il
l'introduit de nouveau pour agrandir l'ouverture, il s'échappe du tissu adipeux.
Il engage le malade à temporiser pour l'opération. Le malade étant allé consulter
un autre praticien, celui-ci commit la môme erreur de diagnostic, bien que le
malade l'eût prévenu de ce qui s'était passé chez M. Marjolin : une ponction est
pratiquée, et au lieu d'un liquide, il s'échappe par l'ouverture une portion de
lipome, lequel fut extirpé immédiatement » Follin a vu un lipome qui avait pris
naissance dans l'épaisseur de la lèvre inférieure et faisait saillie du côté de la cavité
biiccale. M. OUicr a observé une tumeur semblable à la face interne de la joue ; le
début remontait à trois ans; elle avait le volume d une petite noiv et venait tou-
jours se placer entre les dents pendant la mastication. Quand on la prenait entre
les doigts, elle semblait fluctuante. Le malade était âgé de 55 ans. Immédiatement
après l'incision de la muqueuse, la tumeur vint faire saillie à l'ouverture. Elle
était libre d'adhérences, aussi l'énucléatioii fut-elle des plus faciles. A la coupe,
on trouva un tissu graisseux presque gélatiniforme. Il s'agissait, par conséquent,
d'un lipome très-mou qui, comme dans le cas précédent, pouvait faire croire à un
kyste développé dans les glandes salivaires.
11 nous reste à parler des modifications et des transformations du hpome.
Lorsqu'une tumeur de ce genre fait fortement saillie à la surface du cor[)s, elle
est exposée à une foule d'insultes. Le frottement des vêtements et le contact avec
les objets extérieurs ne produisent d'ordinaire qu'une irritation légère; à la longue
on voit pourtant se former une sorte d'épaississement avec induration de la peau,
et s'il s'agit d'un lipome de la fesse, par exemple, on peut rencontrer dans le
point qui supporte le summum des pressions, une bourse séreuse accidentelle.
Quand le malade fait une chute ou reçoit un coup violent sur sa tumeur, la chose
e'.t plus grave, et il est rare qu'on n'observe pas alors des phénomènes d'inflam-
mation. Celle-ci peut être limitée ou diffuse, n'occuper que la peau ou gagner les
couches profondes. Les conséquences seront très-variables : tantôt le lipome
reprendra ses caractères primitits, tantôt il deviendra plus dur et comme osseux.
Ces modifications de consistance ne portent habituellement que sur une partie
de la tumeur qui change aussi plus ou moins de forme ; dans certaines circon-
stances, la totalité du lipome est envahie, il se ratatine, diminue considérable-
ment de volume au point de faire croire, s'il est petit, à une guérison radicale.
D'autres fois il se forme des abcès superficiels ou profonds qui peuvent singulière-
ment induire en erreur. 11 en sera de même du passage à l'état huileux et du ra-
moUissement partiel ou général du lipome. Les ulcérations offrent parfois des ca-
ractères inquiétants, surtout s'il s'agit d'une forme télangiebtasique. La sécrétion
abondante, les hémorrhagies répétées et la putréfaction incessante qui se fait à
la surface ne laissent pas que de mettre parfois en danger la vie du malade.
LIPOME (chirurgie). 645
Enfin, il est des cas où le processus gangreneux a amené la disparition complète
du lipome.
Tels sont les effets les plus habituels de l'irritation ; mais il en est d'autres
plus rares, plu? éloignés qui sont un sujet de contestation pour la plupart des
chirurgiens, et qui pour nous ne sauraient être liiis en doute ; nous voulons parler
de ceux qui amènent la transformation du lipome.
On a prétendu que si les tumeurs de ce genre offraient à une certaine période
de leur évolution des caractères de malignité, c'est que dès le principe il y avait
combinaison du lijome avec un myxome, un sarcome, etc. En demeurant sur le
terrain de la clinique, nous demanderons pourquoi deslipomes restésexceptionnel-
lement bénins pendant dix, quinze, vingt ans et même davantage, présentent tout
à coup, sous l'influence d'un traumatisme ou même sans cause appréciable, des
caractères incontestables de malignité? On objectera que les phénomènes inflam-
matoires peuvent prêter à confusion ; mais, dans les cas où l'autopsie a été faite,
cet argument ne saurait être invoqué ; or le myxome et surtout le sarcome ont
une évolution beaucoup plus rapide et olfrent à une époque bien moins tardive
des caractères de malignité. Comment dès lors ex})liquer qu'on ne constate [)as
plus tôt ces caractères, si dès le princi|!e il y a combinaison du lipome avec un
myxome ou un sarcome ? Il faut, dira-t-on, une cause d'irritation suffisante pour
faire éclore ce qui n'était qu'à l'état de germe, sans doute ; mais de tous les
lipomes qui sont soumis à des irritations continuelles, quelques-uns seulement
finissent par présenter des caractères de malignité et l'on rencontre des tumeurs
du même genre qui sans cause appréciable olfrent également dans leurs dernières
périodes, des signes de dégénérescence. Nous sommes loin de nier riLiflueiice des
causes d'irritation. Toutefois nous croyons qu'elles agissent d'une façon différente,
suivant que le lipome s'est développé dans tel ou tel point de l'économie : ici, on
n'observera que des modifications de nature inflammatoire; là, on pourra en
outre constater une véritable transformation de tissu. Ajoutons que ce sont les
lipomes volumineux et profonds qui ont surtout de la tendance à passer à l'état
myxomateux ou sarcomateux. Au surplus nous avons vu, dans le service de
M. Ollier un certain nombre de cas qui méritent d'être relatés ici au moins en
abrégé. Dans le premier, d s'agissait d'un lipome de la région sous-claviculaire;
toutefois son pédicule remontait par-dessous la clavicule jusqu'à la partie infé-
rieure du cou. Malade âgé de 45 ans environ. Début 10 ans auparavant. Dé-
veloppement progressif. Ce n'est que dans les derniers temps que la tumeur
s'était mise à grossir. A la suite d'un érysipèle elle avait presque doublé de
volume, et depuis cette époque elle était le siège de douleurs profondes. A
sa partie inférieure, ulcération de mauvaise nature qui de loin en loin donnait
lieu à des hémorrhagies plus ou moins abondantes. Extirpation. Poids 5'',500.
A la coupe, on trouva au nnlieu des lobules graisseux, des masses blanchâtres,
gélatineuses, qui jirésentaient au nàcroscope les caractères du tissu muqueux.
Dans le second, le lipome siégeait sur la partie latérale et inférieure du thorax
et adhérait aux muscles. Malade âgé de 48 ans. Début remontant à 24 ans.
Développement régulier. A la suite de cautérisations faites dans les derniers
mois, la tumeur avait acquis un volume énorme. Après l'extirpation, elle pesait
12'', 500. Au centre de quelques lobules graisseux on voyait des points ressem-
blant tout à fait à la chair de l'huître et que le microscope démontra être
myxomateux.
Dans le troisième, le lipome était situé à la partie supérieure et interne de la
6-iC LIPOME (chirurgie).
cuisse. La malade avait 40 ans et faisait remonter le début à 3 ans. Ici encore
développement plus rapide dans les dernières périodes mais sans cause appré-
ciable. Opération très-laborieuse. Prolongement du côté de la brandie iscliio-
pubJenne. Poids de la tumeur S'', 750. A la coupe, on remarqua que plusieurs
lobules graisseux avaient une teinte gris blancbàtre ; le microscope permit de
constater çà et là des points sarcomateux. Ce qui ne laissa pas que de faire
craindre une récidive. Un an plus tard, la malade se présentait en effet avec
une tumeur offrant des caractères identiques à la première. Toutefois elle se
plaignait de troubles de la vue à droite et l'on constatait un peu d'exorbitis du
même côté. La tumeur de la cuisse fut extirpée de nouveau. Poids 4'',500,
mêmes caractères à l'œil nu, et au microscope. A cinq mois de là, la malade reve-
nait encore pour être opérée ; car la tumeur de la cuisse avait reparu et celle de
l'orbite avait en partie chassé le globe oculaire au dehors; perforation de la cornée.
Sur les instances de la famille, on consentit à pratiquer l'extirpation de l'œil.
Quant à la tumeur qui faisait corps avec lui, on ne put en enlever qu'une partie à
cause des prolongements qu'elle offrait du côté du trou optique. Ses caractères
étaient identiques à ceux des tumeurs de la cuisse. La malade est morte quelques
mois après, sans qu'il ait été possible de faire son autopsie. (Pour plus de dé-
tails, voy. Mémoires et comptes rendus de la Soc. des se. méd. de Lyon, t. IV,
et VI, présentations faites par MM. Viennois, Marmuel et Fontan.)
Avant de terminer cet exposé clinique, nous rappellerons qu'on peut rencon-
trer plusieurs lipomes sur le même sujet. Dans certains cas, on les a comptés
par centaines. La multiplicité de ces tumeurs indique une prédisposition évidente;
mais, que celle-ci soit congénitale ou acquise, il est impossible de méconnaître
l'influence des causes déterminantes. Enfin le lipome est héréditaire au mêine
titre que la polysarcie.
Thérapeutique et Médecine opératoire. Le lipome peut-il guérir spontané-
ment? 11 est certain qu'on a vu des tumeurs de ce genre diminuer considérable-
ment de volume, chez les phthisiques en particulier : ce fait d'observations au-
rait même poussé quelques praticiens à recommander la diète forcée et les alté-
rants quand les malades seraient très-gras. Mais, de la diminution de volume à
la disparition complète d'une tumeur semblable, il y a plus d'un pas et nous ne
croyons pas qu'il ait jamais été franchi hors le cas d'inflammation concomitante.
Comme cette complication tient d'ordinaire à une irritation de la tumeur, on
comprend également qu'on ait pu vanter les irritants : tantôt, sous forme d'em-
plâtres ou de pommades ; tantôt sous forme de broiement médiat (malaxation) ou ^
de broiement immédiat (sections sous-cutances) aidés ou non de la compression.
Toutefois, si l'irritation est légère, elle ne provoquera pas d'inflammation et le
lipome ne diminuera pas de volume; si l'irritation est, au contraire, considérable,
elle occasionne une inflammation soit limitée soit diffuse : or, la première sera
nécessairement insuffisante dans le cas de lipome volumineux et la seconde jjourra
dépasser le but et devenir mortelle. Bonnet, auquel on doit le broiement sous-
cutané, procédait en plusieurs temps pour éviter ce double écueil; mais, les
résultats qu'il obtint ne furent pas toujours trcs-brillants, puisqu'il n'employait
plus cette méthode dans les dernières années de sa pratique. Du reste, ce n'est
pas impunément qu'on irrite une tumeur, quelque bénigne qu'elle soit; souvent,
au lieu de diminuer, elle augmente de volume et prend un caractère malin.
Aussi, loin de recommander l'emploi des différents moyens proposés jusqu'ici
pour la cure spontanée du lipome, nous sommes d'avis qu'il faut absolument les
LIPOME (chirurgie). 647
rejeter parce qu'ils sont presque toujours insuffisants et qu'ils peuvent devenir
dangereux.
La cautérisation est une méthode longue et douloureuse. Avec elle, on n'est
pas certain de détruire tout le tissu morbide. La graisse subit des transformations
chimiques qui peuvent devenir de nouvelles causes d'infection. Enfin la cicatrice
ultérieure est constamment plus ou moins irrégulière.
La ligature a toujours joui d'une certaine vogue dans les cas de lipome pédi-
cule. Tout d'abord, on l'appliquait directement sur la peau. Puis, comme les
douleurs étaient très-vives, on conseilla de faire la section préalable des tégu-
ments : Louis se servait du bistouri, Cliopart et Boyer préféraient les caustiques ;
ce qui ne laisse pas que d'être toujours très-douloureux et d'entraîner une perte
plus ou moins considérable des téguments. De nos jours, on n'emploie guère cette
méthode que pour facihter ou compléter l'extirpation. En effet, quand le lipome
n'est pas volumineux, il est rare que le pédicule, pour peu qu'il soit étroit, con-
tienne de gros vaisseaux.
]j' extirpation est la méthode par excellence. S'agit-ii d'un lipome superficiel;
s'il est peu volumineux, on fait une incision droite, courbe, ou deux incisions en
T en -+- pour faciliter la dissection. Arrivé à la base de la tumeur, on cherche à
l'énucléer avec les doigts ; ce qui est toujours facile dans le cas de lipome dit
enkysté. Quand on éprouve quelque résistance, on fait saisir la tumeur avec une
pince de Muzeux, et l'on coupe successivement, en se servant du bistouri ou des
ciseaux, toutes les brides qui la retiennent encore. Il est exceptionnel de ren-
contrer des vaisseaux importants ; on a tout au plus quelques petites arlérioles
à lier.
Si le lipome est considérable, on voit d'ordinaire à sa base de grosses veines
bleuâtres, qui ne laissent pas que de gêner bi?aucoup pour faire l'incision des
téguments. Aussi, pour peu que la tumeur soit pédiculisable, il faut placer une
ligature d'attente dont on confie les chefs à un aide; et, le moment venu, celui-
ci n'a qu'à serrer pour empêcher l'hémorrhagie. M. Ollier emploie, dans le
même but, deux baguettes tout à la fois résistantes et flexibles, qu'il place, l'une
au-dessus, l'autre au-dessous du point le plus rétréci de la tumeur; elles sont
suffisamment longues pour que l'aide qui est chargé de les maintenir à chaque
extrémité puisse à volonté comprimer ou relâcher, en rapprochant ou en éloi-
gnant les mains. Ce procédé nous parait préférable au premier, en ce qu'il per-
met d'agir d'une façon aussi sûre, mais plus rapide. Dans le cas où la tumeur
n'est pas pédiculisable, il faut s'assurer du trajet de ces veines qui, comme nous
l'avons déjà dit, donnent à la peau une coloration bleuâtre et se révèlent aussi
par une sensation particuUère de flot. Ce premier point bien étabh, un aide pla-
cera les doigts de l'une et de l'autre main de manière à ce que chacune des veines
soit comprimée au-dessus et au-dessous de la ligne de section des téguments ;
comme, d'une part, la peau est toujours plus ou moins distendue, et que. d'autre
part, elle peut être adhérente, ulcérée, on fera en sorte que cette ligne circon-
scrive la partie la plus altérée, quitte à la prolonger ensuite dans tel ou tel sens
pour faciliter la dissection. Avant d'aller plus loin, l'opérateur procédera à la
ligature de tous les vaisseaux béants ; et, tout danger d'hémorrhagie une fois
écarté, il se comportera comme dans le cas de lipome peu volumineux, en redou-
'blant toutefois d'attention lorsqu'il arrivera à la base de la tumeur, car il peut
encore ici rencontrer des vaisseaux plus ou moins considérables (vaisseaux de la
prtie centrale du lipome).
'J48 LIPPU.
L'extirpation des lipomes profonds, bien que plus difficile en général, à cause des
connexions que ces tumeui's peuvent présenter avec des organes plus ou moins inî-
portants, est soumise aux mêmes règles. L'opérateur devra se livrer à une dis-
section minutieuse, afin de ne pas léser les vaisseaux et les nerfs principaux de
la région. 11 n'oubliera pas que ceux-ci se trouvent parfois englobés dans la masse
morbide, d'autres fois seulement repoussés dans tel ou tel sens. La tumeur une
fois mise à découvert, il cherchera à la contourner de manière à s'assurer s'il
existe des prolongements latéraux. En supposant qu'il en trouve, il pourra avoir
affaire à des lobes supplémentaires qui seront tantôt non adhérents et faciles à
délimiter, alors rien de plus simple que de les énucléer avec les doigts ; tantôt
adhérents et difficiles à délimiter. Dans ce cas, il se comportera comme s'il s'agis-
sait de prolongements dits profonds. Après avoir isolé, toujours avec les doigts,
tout ce qui est isolable, il se trouvera constamment en présence d'un ou de plu-
sieurs pédicules, qu'il sectionnera soit avec le bistouri, mais entre deux ou plu-
sieurs ligatures, soit et mieux avec l'écraseur de Chassaignac, en se conformant
aux préceptes établis par ce chirurgien.
Dans le cas de liponje superficiel peu volumineux, on fera toujours en sorte
d'obtenir ime rémiion immédiate, sauf à enlever ultérieurement quelques points
de suture ou à faire des contre-ouvertures, suivant les indications. Dans le cas
de lipome superficiel volumineux ou de lipome profond, on n'affrontera qu'une
partie des bords de la plaie, afin de ménager un libre écoulement aux matières.
Dans tous les cas, si la peau avait subi une perte de substance considérable,
il faudrait panser à plat.
Doit-on extirper tous les lipomes? Nous n'hésitons pas à répondre par l'affir-
mative.
11 est certain que la multiplicité de ces tumeurs, le siège à la partie pro-
fonde de l'abdomen, le grand âge des malades et les maladies intercurrentes,
pourront contre-indiquer l'opération : mais, en dehors de ces cas, il faut tou-
jours intervenir. Toute tumeur, fût-elle des plus bénignes, a de la tendance à
s'accroître, et mieux vaut opérer plus tôt que plus tard. Toutefois, comme les
chances de succès diminuent singulièrement à l'hôpital, le chirurgien cherchera
à se placer dans un milieu plus convenable, surtout s'il s'agit d un lipome du
cuir chevelu, du front, du cou, où les moindres plaies s'accompagnent si fré-
quemment d'inflammations secondaires. Léon Tripier.
LIPOPSYCOIE (de Idmiv, manquer, et ij/ux^, âme). (Voy. Adynàmie et
Asthénie.) A. D.
LiPOTiiYmiE (de liLmw, manquer, et 6yp6s, cœur, sens). Synonyme de
défaillance. {Voy. Syncope.) A. D.
lilPPlA (L.). Genre de Verbénacées, autrefois confondu avec les Verveines
?lles-mèmes, dont l'organisation générale est en effet la même. Mais le gynécée et
le fruit sont totalement différents dans les deux types. Tandis ({ue les Verveines,
ayant deux loges biovulées à l'ovaire, possèdent définitivement un fruit à quatre
cavités monospermes, les Lippia ont, dans l'ovaire, une loge qui avorte, deux
demi-loges antérieures uniovulées, et leur fruit ne se compose que de deux cavités
séparables, monospermes. Les Lippia sont des herbes ou des sous-arbrisseaux à
feuilles opposées ou verticillées : ils croissent dans toutes les régions du globe.
Toutes sont aromatiques, et plusieurs sont employées comme excitantes. Le
LIPPIK (eaux minérales de). G49
L. pseudo-thea Schau. est usité en infusions stimulantes au Brésil. Le L. citreo'
dora H. B. K., qu'on cultive dans nos orangeries et qui a des feuilles verticillées
par trois (d'oià son nom de Yertena triphylla Lhér.), est une des Citronnelles
employées quelquefois comme excitantes ; on en prépare une infusion Ihéiforme ;
on s'en sert aussi pour aromatiser des crèmes, etc. C'est VHerba Aloysiœ de la
pharm:.^upee espagnole, ûe L. iiodiflora Vkicn. {Zappanio nodiflora Petas., Blai-
ria nodiflora Gœrtn.) se prescrit en infusion dans les cas d'affections catarihales
et dans les indigestions des enfants. Le L. medica Fensl., dans l'Amérique cen-
trale, et le L. (jraveolens H. B. K., au Mexique, servent aussi à jiréparer des infu-
sions excitantes et digestives. H. Bn.
L., Gen , n. 781. — Endl., Gen., n. 5684. — Guib., Drog. simpl., éd. 4, II, 441. — Méh.
et Del., Dict., VI, 865. — Ddch., Réperl., 79. — Uosenth., Sijn. plant, diajihor., 425.
LIPPIK (Eaux minérales de) , hyper thermales, bicarbonatées sadiques moyen-
nes, iodurées calciques faibles, carboniques fortes, en Hongrie, dans l'Escla-
vonie, à 12 kilomètres de Daruvar, à 1 kilomètre de Pakrocz, et sur le ruisseau
lePakra. Quatre sources émergent à Lippik, elles se nomment : 1" Bischofsquelle
(source de l'Évêque) ; 2° Csardacker quelle (source de Csardack) ; 3" Kleinbad-
quelle (source du Petit-Bain), et \° Allgemeinbadquelle (source du Bain-Commun).
Le débit des quatre sources est de 5,456 litres en vingt-quatre heures. Leur eau,
d'une composition à peu près identique, est claire, limpide et transparente ; elle
est traversée par de nombreuses bulles de gaz ; elle est sans odeur, son goût est
peu prononcé ; elle rougit au premier moment les préparations de tournesol, qui
reprennent leur coloration première après avoir été laissées à l'air pendant un
temps assez court. La température de l'eau de Bischofsquelle est de 46" centi-
grade, celle de Csardackerquelle est de 40" centigrade, celle de Kleinbadquelle
est aussi de 40" centigrade, enfin celle d'Allgemembadquelle est de 43°, 8 centi-
grade. La densité de l'eau des sources de Lippik est de ] ,0026. Daniel Wagner a
fait en 1839 l'analyse des deux sources principales ; ce chimiste a trouvé dans
1,000 grammes de l'eau de chacune d'elles les matières suivantes :
BISCaOFSQUELLE KLEINBADQOELLB
Bicarbonate de soude 1,481 1,370
— chaux 0,162 0,196
— magnésie 0,107 0,100
Sulfate de soude 0,689 0,759 .
Chlorure de sodium 0,67-i 0,693
— calcium 0,115 0,109
lodurede calcium 0,ÙU 0,029
Phosphate de fer et d'alumine 0,003 0,003
Acide silicique 0,119 0,127
Matière organique quant, iiidéter. quant, indélcr.
Total des matières kixes. . . . 3,392 3,386
1,000 parties du gaz qui se dégage de l'eau de ces sources contiennent :
lilSCIIOFSQUELLE KLEINBAïQUELLK
Acide carbonique 285,6 289,3
Azote 714,4 710.7
1000,0 1000,0
Les eaux de Lippik sont remarquables parce qu'elles sont iodurées en même
temps que bicai bonatées et hyper thermales. M. Lengyel de Przemsysl et surtout
M. Seegen disent avec raison que ces eaux sont les seules en Europe à offrir cette
particularité.
Deux établissements de bains ont été bâtis sur les deux bassins des eaux de
CoO LIPPSPRING (eaux minérales de).
Lippik ; on les nomme Bischofsbad, qui a une piscine où vingt personnes peuvent
se baigner ensemble, et Csardackerbad, composé de trois baignoires isolées et
d'une piscine qui peut recevoir vingt-cinq baigneurs à la fois.
Emploi thérapeutique. L'eau de Lippik s'administre en boisson, en bains de
baignoires et de piscines. Elle s'applique principalement dans les affections du ioie
et des reins accompagnées d'expulsion de sables ou de graviers. C'est l'eau en
boisson qui fait la base du traitement alors ; ce sont les bains de piscines qui sont
prescrits aux rhumatisants et aux goutteux dont le dernier accès est déjà éloigné.
Cette eau convient encore en boisson et en bains dans la cachexie syphilitique,
dans les engorgements de l'utérus et de ses annexes. Elle réussit d'autant mieux
que ceux qui en font usage présentent une constitution lymphatique ou scrofu-
leuse. L'eau de Lippik, enfin, donne de bons résultats chez ceux qui ont une
hypertrophie splénique et hépatique, consécutive à l'existence de fièvres intermit-
tentes paludéennes fréquentes dans la contrée.
Durée de la cure, vingt jours en général.
On exporte peu les eaux de Lippik. A. Rotdreao.
BiBLioonAPiiiE. — Lengyel de Przemsïsl. Die Heilquellen und Bâcler Ungarns , etc. Pesth,
1854, m-12, p. 88-90. A. R.
LIPPITUDE. Voy. Blépharite marginale.
LïPPSPRll^G (Eaux minérales et cure de petit-lait de), protothermales
ou athermales, bicarbonatées calciques moyennes ou amétallUes, carboniques
moyennes ou azotées, en Prusse, dans la province de Westphalie, à 10 kilomètres
de Paderborn, au bord de la forêt de Teutoburg, près de la source de la Lippe,
ainsi que son nom l'indique {Spring, origine). (Chemin de fer de Cologne, Hamm
et Paderborn, de Paderborn à Lippspring une heui'e de voiture.) Le climat de cette
station est assez doux ; on y constate rarement en effet des changements brusques
de la température. Les baigneurs n'ont point à se garantir de l'agitation violente
de l'air, mais de l'humidité très-grande occasionnée surtout par le voisinage de la
forêt. Deux sources émergent à Lippspring, car il faut regarder comme apparte-
nant à cette station un filet d'eau minérale sortant de la terre à 1 kilomètre de
Paderborn, et que l'on désigne par le nom de Inselsquelle {source de Ville).
L'emploi que l'on fait à Lippspring de cette eau d'une température de 19°, 1 cen-
tigrade nous engage à en donner l'analyse chimique faite par MM. Brandes et
Witting. On en trouvera le tableau avec celui de la source suivante.
La source principale de Lippspring s'appelle V Arniiniusquelle ; c'est elle qui
alimente la buvette, les baignoires et la salle d'inhalation ; elle émerge à 125 mè-
tres au-dessus du niveau de la mer, d'un banc de craie recouvert d'une couche
de terrain d'alluvion ; son débit est de 265,800 litres en vingt-quatre heures.
Son eau n'est ni claire, ni transparente, ni limpide ; elle a une couleur laiteuse,
blanchâtre ; plus elle est longtemps au contact de l'air, plus elle se trouble ; elle
se couvre d'une pellicule irisée et elle laisse déposer un sédiment jaune brunâtre,
ressemblant à de l'ocre ; elle n'a pas d'odeur marquée ; sa saveur est salée et sur-
tout amère. Des bulles gazeuses la traversent par moments; lorsqu'on la reçoit
dans un verre, on voit se former des perles assez petites dont les unes gagnent
la surface de l'eau, les autres s'attachent aux parois. Sa température est de 21", 2
centigrade. M. Witting en a fait l'analyse en 1855. Ce chimiste a trouvé dans
i ,000 grammes de l'eau de l'Arminiusquelle les principes suivants ;
LIPPSPRING (eaux minérales de). 651
AMIINIOSQUELLi; IXSELSQUELLB
Carbonate de cliaux 0,6S6I 0,205
— magnésie O.O'SI 0,025
— oxyde de fer 0,0182 0,002
Sulfate de soude 0,1)770 0,0ô3
— cliaux 0,5505 0,025
— magnésie 0,1041 0,010
Chlorure de sodium. 0,1119 0,540
— calcium » 0,009
— magnésium 0,1011 0,005
Bicarbonate de soude 0,25Sô »
lodures traces traces.
Total des jiatièiieï fixes . . . 2,5JH 0,036
100 paï"ties du gaz qui s'échappe de ces sources contiennent :
Azote 83,25 97,00
Acide carlionique 10,25 5,00
Oxygène 1,50 "
100,00 100,09
Emploi thérapeutique. L'eau de l'Arniiniusquelle s'administre à la dose de trois
à huit verres, le matin à jeun, à un quart d'heure de distance. L'eau de la source de
riUe est presque toujours conseillée en quantité moindre, il est rare que les malades
dépassent trois verres. Les bains de Lippspring ont une durée d'une denii-hourc et
plus souvent d'une heure. Le séjour dans la salle d'inhalation est en général d'une
demi-heure, mais il est assez fréquent qu'il litillc y rester pendant inie heure.
L'eau de l'ArminiusquelIe en boisson est souvent laxative, en même temps
qu'elle augmente notablement la quantité des urines et de la perspiration cutanée.
Lorsque l'emploi de cette eau est externe et interne, il produit une action sédative
marquée sur la circulation sanguine et sur l'innervation. L'eau tle Lippspring a pour
effet physiologico-pathologique incontestable de diminuer la toux et surtout les
crachats. Lorsqu'on craint de produire des hémoptysics, ou lorsqu'on traite des per-
sonnes qui crachent le sang, il faut se garder de prescrire l'eau île l'ArminiusquelIe,
qui est alors trop excitante, quoiqu'elle diminue d'intensité et de fréquence les
battements cardiaques et artériels. L'inselsquelle convient alors; son eau semble
avoir une action élective sur la circulation pulmonaire, qu'elle calme assez prompte-
ment pour que les hémorrhagies qui se font par les bronches soient calmées au
bout de quelques jours. Notons enfin que les bains de Lippspring déterminent
assez souvent une éruption, à la peau des membres surtout, qui se recouvre de
rougeurs accompagnées d'une démangeaison quelquefois insupportable. C'est ce
qu'on appelle la poussée. La salle d'inhalation est alimentée par les gaz qui se
dégagent de deux bassins à ciel ouvert pratiqués dans le sol de la pièce. Si l'on
veut se reporter à l'analyse des principes gazeux contenus dans l'eau de la source
d'Arminius, on verra que c'est l'azote qui est en proportion dominante. Nous
nous contenterons d'indiquer que, ce gaz n'étant pas respirable, il est nécessaire,
comme à Panticosa {voy. ce mot), d'ouvrir à Lippsiu'iug les fenêtres de la salle,
afin de bien en renouveler l'air après chaque séance d'inhalation gazeuse.
Les affections des voies respiratoires sont plus particulièrement traitées à la
station de Lippspring. Les malades qui souffrent de laryngites et de bronchites
chroniques simples y sont surtout adressés. Les catarrheux et les tuberculeux y
viennent aussi on assez grand nombre ; aussi plus de mille personnes y sont-elles
observées chaque année. L'eau en boisson et surtout en inhalation est la base du
traitement alors ; les bains ne sont ordonnés qu'à ceux qui ont une manifestation
652 LIQUEURS.
-vers l'enveloppe extérieure que l'on ne redoute pas de ramener à un état aigu.
On peut suivre à Lippspring une cure par le petit-lait de vache, de chèvre ou
de brebis. Comme l'application de ce traitement n'offre rien de remarquable dans
cette localité, nous ne croyons pas devoir insister sur ses effets physiologiques et
cura tifs.
Durée de la cure, de vingt jours à un mois.
On exporte peu l'eau de Lippspring. A. Rotureau.
Bibliographie. — Piepeb. Ueber die Wirkungen der Arminiiisquelle in Lippspring. Pader-
born, 1841. — Fischer. Die Heilquelle zu Lippspring. In Dalneologische Zeitung, t. I.
A. R.
LIQUEURS. Sous ce nom on désigne un grand nombre de préparations mé-
dicinales de composition très-diverse. On donne aussi le nom de liqueurs à des
produits qui résultent du mélange de l'alcool avec le sucre et des eaux aroma-
tiques. Peut-être devrait-on réserver ce nom à ces derniers, et désigner les li-
queurs qui sont employées en médecine sous celui de solutions?
Les principales liqueurs employées en médecine sont les suivantes :
Liqueur anodine nitr en se ou Éther nitinque alcoolise'. Mélange à parties égales
d'éther nitreux et d'alcool. {Voy. Éther nitreux.)
Liqueur anti-arthritique. (EUer.) Mélange à parties égales de liqueur de corne
de cerf succinée et d'éther sulfurique. Employée contre la goutte et les rhuma-
tismes invétérés à la dose de 20 à 40 gouttes dans de l'eau sucrée, 2 à 3 fois par
jour. Cette liqueur, qui a joui autrefois d'une très-grande réputation, est peu
employée aujourd'hui. {Voy. Cobnede cerf.)
Liqueur antiscrofuleuse. (Hufeland.) Solution de 2 grammes de chlorure de
baryum dans 50 grammes d'eau distillée. De 5 à 20 gouttes, trois fois par jour
pour les enfants, et 50 à 60 gouttes pour les adultes.
Liqueur ammonicale anisée. Alcool, 96 grammes; essence d'anis, 5 grammes;
ammoniaque pure, 24 grammes. Dose : 10 gouttes, quatre fois par jour, dans un
verre d'eau sucrée.
Liqueur arsenicale de Fowler {voy. Arsénite de potasse) .
Liqueur arsenicale de Pearson {voy. Arséniate de soude).
Liqueur arsenicale de Devergie {voy. Arsé.mte de potasse).
Liqueur de Battley ou Vinaigre d'opium {voy. Opium).
Liqueur de Barreswill dite aussi liqueur de Felhing. Cette liqueur se prépare
delà manière suivante. On prend : 1" 40 grammes de sulfate de cuivre cristal-
lisé et 160 grammes d'eau distillée ; 2'' 140 grammes de potasse caustique et 500
grammes d'eau distillée ; 5° 160 grammes de tartrate de potasse neutre et 100
grammes eau distillée. On dissout chaque sel séparément. Puis la solution de
potasse étant placée dans une capsule, on y ajoute d'abord celle de tartrate
de potasse et ensuite, peu à peu et en agitant, celle de sulfate de cuivre. 11 se
forme un précipité bleuâtre qui disparaît à mesure et en même temps que le li-
quide prend une belle couleur violette. On laisse refroidir. On complète le voknne
de 1,155 centimètres cubes, ou en poids, 1,355 grammes. 20 centimètres
cubes de cette liqueur sont entièrement décolorés par 1 décigramme de glycose.
Pour l'emploi de cette liqueur, voy. Diauète et Glycosurie.
Liqueur fumante de Boyle. Nom donné anciennement au sulfhydrate d'am-
moniaque sulfuré, parce qu'il fume à l'air, et que Boyle est le premier qui l'ail
préparée. {Voy. Ammoniaque.)
LIQUEURS. 655
Liqueur des Cailloux. Dissolution aqueuse de 1 partie de silice fondue avec 3
parties de potasse hydratée.
Liqueur de corne de cerf succinée ou succinate d'ammoniaque impur {voy.
CoENE DE Cerf).
Liqueur de Donavan, ou solution d'iodure de mercure et d'iodure d'arsenic.
Pour l'obtenir, on prend : iodure d'arsenic, 20 centigrammes ; eau distillée, 120
grammes. On dissout dans un matras en verre à l'aide de la chaleur ; on ajoute
biiodure de mercure, 40 centigrammes ; iodure de potassium, 3 ou 4 grammes; on
filtre et on conserve dans un flacon bouché à l'émeri à l'abri de la lumière. La
liqueur ainsi obtenue est limpide et possède une légère teinte paille. 4 grammes
de cette préparation contiennent environ 6 milligrammes d'iodure d'arsenic et
12 milligrammes de biiodure de mercure. De 4 à 100 gouttes dans 90 granmies
d'eau distillée, à prendre en trois fois dans la journée ; on augmente chaque jour
de 1 ou 2 gouttes. Employé contre la lèpre, le lupus, le psoriasis, etc.
Liqueur de Gowland {voy. Amandes amères)
Liqueur de Hoffmann ou Ether sulfurique alcoolisé. Mélange à parties égales
d'alcool et d'éther sulfurique {voy. Éther sulfurique).
Liqueur des Hollandais {voy. Ether chlorhydrique).
Liqueur de Houtton ou Vinaigre d'opium [voy. Opium).
Liqueur iodo-tannique . Iode, 5 parties ; tannin, 10 parties; eau, ,85 parties. On
commence l'opération par trituration; on achève dans un matr.is à une douce '
chaleur. Appliquée en compresses sur les plaies, elle réussit très-bien. Pour li^s ca-
vités séreuses et les vastes collections purulentes, le porclilorure de for est préféré.
Liqueur de Kœchlin. Cdlorure de cuivre, 4 grammes ; cidorliydrate d'ammonia-
que, 15 grammes ; eau distillée, 150 grammes. Cette liqueur est administrée par
gouttes àl'intérieur, contre l'épilepsie et la syphilis. A l'extérieur, elle est employée
au pansement des ulcères vénériens. Cette préparation est très-usitée en Allemagne.
Liqueur de Labarraque {voy. Chlorure de soude).
Liqueur fumante de Libavius ou Deuto-chlorure d'étain. Ainsi appelée parce
qu'elle fume à l'air, et qu'elle a été découverte par Libavius. [Voy. Etain.)
Liqueur de Lampadius {voy. Sulfure de carbone).
Liqueur de Votter {voy. Opium).
Liqueur de Purmann. Sulfate de cuivre, 40 grammes ; sauge, 60 grammes ;
alun, 20 grammes; vinaigre, 500 grammes ; solution de sel ammoniaque, 1000
grammes. On fait bouillir une demi-heure. Cette liqueur est appliquée tiède sur
les articulations tuméfiées.
Liqueur des teigneux. Houblon et petite centaurée, de chaque 32 grammes ;
écorce d'oranges amères, 8 grammes; carbonate de potasse, 1 gramme ; alcool à
32° C. 580 grammes. On laisse en contact pendant huit jours ; on passe et on
filtre. Cette teinture est employée pour le traitement de la teigne, dans les
hôpitaux de Paris, à la dose de 52 grammes dans un véhicule approprié.
Liqueur de Van Swieten {voy . Mercure).
Liqueur de Warner. Rhubarbe, 50 grammes; séné, 15 grammes; raisins de
Corinthe, 500 grammes; satraii, 4 grammes; réghsse, 15 grammes; alcool,
1,500 grammes. Employée à la dose de 50 grammes comme corJial purgatif.
Remède anglais.
Liqueur de Villate. (Notta.) Sulfate de zinc, 6 grammes ; sulfate de cuivre,
6 grammes; sous acétate de plomb liquide, 12 grammes; vinaigre blanc, 80
grammes. Employée contre la carie et les trajets fisluleu.x.
Liqueur vulnéraire. (Schmalz.) Sulfate de cuivre, sulfate de zinc, acétate de
cuivre, de chaque 15 grammes; miel rosat 90 grammes ; eau, 200 grammes.
Employée dans le traitement des fistules. T. Gobley.
I.KJÏJIUAMIÎAR. [Liquidambar L.) Genre de Dicotylédones, formant à lui
seul la famille des Balsamifluées de Blume. Les plantes qui le composent sont
des arbres à exsudation balsamique, à feuilles alternes, stipulées, péliolées, tantôt
lobées comme celles des Platanes ou de certains Erables, tantôt simplement den-
tées sur les bords. Leurs fleurs sont unisexuées et groupées ou en chatons coni-
ques, ou en tètes globuleuses, munies à leur base de quatre bractées membra-
neuses. Ces inflorescences sont les unes mfdes, les autres femelles: mais les deux
sexes se trouvent réunis sur le même pied. Les fleurs mâles n'ont pas de périanthe,
elles sont simplement formées par des étamines réunies en grand nombre entre
les bractées de l'involucre. Les fleurs femelles ont un calice infundibuli forme, ré-
sultant de la soudure d'un certain nombre d'écaillés, et un ovaire semi-adhérent,
biloculaire, contenant plusieurs ovules semi-anatropes, insérés sur deux rangs à
l'angle interne de chaque loge. Le fruit est globuleux ; il est composé par
les calices [lersistants indurés et soudés entre eux de manière à former des es-
pèces d'alvéoles dans lesquelles sont ])lacées des capsules biloculaires plus ou
moins saillantes, et qui s'ouvrent à leur parlie supérieure par déhiscence sep-
ticidc. Les graines avortent pour la plupart : quelquefois il ne s'en développe
qu'une seule. Les graines fertiles sont elliptiques, aplaties, terminées en bords
membraneux à leur partie supérieure ; elles contiennent un embryon à cotylé-
dons planes, entouré d'un albumen extrêmement mince (nul d'après quelques
auteurs) .
11 n'existe qu'un petit nombre d'espèces de Liquidambar. Presque toutes ont
un intérêt pour la matière médicale.
Ces deux baumes, qui ont les propriétés communes aux baumes naturels {voy.
Baumes), ne sont guère employés en Europe. Ce sont :
1» Liquidambar styraciflua L. ou Copalme. C'est un grand et bel arbre, com-
mun dans le Mexique et la partie méridionale des États-Unis, la Louisiane, la Vir-
ginie, le Marjland, la Pensylvanie. Ses feuilles longuement péliolées ont 5 à
9 lobes allongés, aigus, divergents, bordés de dents inégales; elles sont d'un vert
luisant à la face supérieure, d'un vert pâle intérieurement. Le fruit, de la gros-
seur d'une noix, est tout hérissé de tubercules aigus formés par l'extrémité sail-
lante des capsules.
Cette espèce fournit le Baume de Liquidambar {Ambra liquida de certaines phar-
macopées) dont on distingue deux formes : le Liquidambar liquide ou huile de
Liquidambar et le Liquidambar mou ou blanc.
Le premier de ces baumes est la partie liquide du suc obtenu par des inci-
sions faites à l'arbre, reçu immédiatement dans des vases, à l'abri du contact
de l'air, et séparé par décantation d'une partie plus solide qui se dépose au fond.
Il est transparent et a une couleur jaune d'ambre ; son odeur est forte, sa saveur
aromatique et acre à la gorge. Il contient de l'acide benzoïque ou cinnamique en
assez grande quantité.
Le Liquidam.bar mou est la partie épaissie ou concrétée à l'air du suc qui s'est
écoulé des incisions. Il a la consistance d'une poix molle : il est opaque, blan-
châtre ; il a, comme le précédent, une saveur parfumée et acre à la gorge. Il con-
tient également de l'acide benzoïque.
LIS (botanique). 655
2" Liquidamhar orientale L. Cette espèce, qui croît en Orient, se distingue
du Liquidambar sUjracifliia par ses feuilles à 5 lobes obtus, subdivisés en lobes
plus petits, peu profonds, inégaux, finement dentés sur les bords, et parses fruits
plus petits, dont les capsules sont moins saillantes en dehors des alvéoles.
Le Liquidambar oriental fournit une série de produits longtemps attribués à
d'autres plantes et particulièrement à l'Aliboufier {Stijrax officinale L.), de la
famille des Styracinées. L'écorce intérieure de l'arbre, bouillie dans l'eau et
soumise à la presse, laisse découler la substance connue sous le nom de Styrax
LIQUIDE [vo]). ce mot). Le résidu de l'expression est encore aromatique : il est
sous forme de lanières étroites, minces, sèches, rougeàlres : c'est le Storax ronge
ou écorce de Storax : c'était, dans les anciennes officmes, le Tignnme ou Cortex
thymiamatis. Enfin le Styrax liquide, mélangé de débris d'écorces du Liquidam-
bar ou de matières résineuses étrangères, forme les produits décrits en matière
médicale sous les noms de Stohax 7ioir et de Storax en pain [voy. ces mots).
5" Liquidamhar Altingia Blume. Arbres de dimensions gigantesques (150 à
200 pieds de haut) croissant à Java, dans la Nouvelle-Guinée, en Cochiuchiac. Cette
espèce est très-distincte des précédentes. Ses feuilles sont ovales, allongées, acu-
minées, dentées en scie, lisses et brillantes; ses fruits sont recouverts de petites
verrues grisâtres et poilues, résultant des écailles calycinales accrues et épaissies,
entre lesquelles les capsules font à peine saillie. Le nom vulgaire de ces plantes
est Ras-sa-mala , ou liosa-Malla, qui rappelle celui de Bosa mallas donné par
Petiver au Styrax liquide. Cette coïncidence de nom a fait supposer à plusieurs
auteurs que le Styrax bquide était le produit de V Altingia. Cette espèce produit
en effet un suc balsamique, employé dans les pays d'origine comme parfum et
comme stimulant, mais qui est peu abondant et n'arrive pas dans le commerce
européen.
Rujipiiius. Herh. Amb., II, 60-Ct. — Linné. Gêner. Plant., 878. — Blume. Flora Javœ.
— GuiBOCRT. HLst. nat. des drogues simples, 6» édit., 505. — HANBUBv.On Storax. Pliav-
mac. Journal, XVI, 417 et 461 ; 2° série, IV, 456. Pl.
LIQL'IDE CÉPHALO-RACHIDIEN. Voy. CÉPHALO-RACHIDIEN (Liquide).
LiQORïTA. Voy. Réglisse.
LIRI©DE\DR01\. Voy. TcLIPIER.
LIS [Liliinn Tournefort). §1. Rotanique. Genre de Mpnocotylédones qui
donne son nom à la famille des Liliacées. il est caractérisé par un périanthe régu-
lier, campanule, à 6 divisions, ovales-oblongues, rétrécies à leur base, marquées
à leur face interne d'mi sillon glanduleux ; 6 étamines à filaments subulés por-
tant des anlbères versatiles ; un ovaire libre contenant de nombreux ovules bisé-
riés, anatropes; un style cylindrique plus long que les étamines et un stigmate
épiais trigoue. Le fruit est une capsule triloculaire, s'ouvrant en 5 valves septifèras
et laissant échapper de nombreuses graines empilées sur deux rangs dans chaque
looe, aplaties, marginées-ailées, à testa membraneux, fauve ou jaunâtre, conte-
nant l'embryon dans un albumen charnu-cartilagineux.
Les espèces de ce genre sont de belles plantes herbacées, le plus sotivent à bulbe
écailleux, à fleurs brillantes, qui servent à l'ornement des jardins. La plus re-
marquable et la seule qui ait un intérêt médical est :
Le Lis BLAJNc (L. candidum L.). Cette espèce est connue de tout le monde.
656 LISBONNE (eaux minérales de).
Originaire de l'Orieiil, elle s'est répandue depuis longtemps dans nos jardins et
est presque naturalisée en plusieurs points de l'Europe. La tige, droite, s'élève à
la hauteur de 2 à 3 pieds : elle porte des feuilles éparses, sessiles, linéaires, lan-
céolées, ondulées sur les bords, se raccourcissant à mesure qu'elles sont plus supé-
rieures ; elle se termine par une belle grappe de fleurs blanches, campanulées,
à pétales dressés, glabres à l'intérieur.
Ces fleurs ont une odeur douce très-prononcée, et peuvent donner une eau distillée
quia été réputée comme antispasmodique et antiépileptique ; mais, depuis la fin
du siècle dernier, on n'en trouve plus dans les officines. Ou peut en dire autant de
Vhitile de lis, qu'on préparait en faisant digérer les fleurs dans l'huile d'olive et
qui, au dire de Murray [Apparatus medicaminum, p. 90), n'avait pas d'autres
propriétés que celles de l'huile pure. La seule partie qu'on utilise encore est le
bidbe ou oignon de Us. 11 est arrondi et formé d'écaillés imbriquées, épaisses,
charnues, remplies de mucilage, auquel se joint en petite quantité un principe
acre. Cuit sous la cendre et appliqué en cata[)lasme, il est émoliient et maturatif.
TouBNEFOiiT. Instit., 569. — hw^t. Gêner. Plant., Zï^ ; Sjiecies, 435. — Jussieo, Gêner.
Plant., 49. — MunnAv. Aj^parat. medic, V. 88. Pl.
8 II. Emploi médical. On emploie en pharmacie les fleurs et les bulbes de
lis. Les fleurs servent à préj)arer une eau distillée et une huile.
Pour obtenir Y eau distillée de lis, on met dans la cucurbite d'un alambic
1 partie de fleurs de fis récentes et 2 parties d'eau, et l'on distille jusqu'à ce
qu'on ait obtenu un poids d'eau distillée égal à celui delà fleur. La distillation à
la vapeur est |iréférable
L'eau distillée de lis est très-odorante lorsqu'elle vient d'être préparée, et elle
passe pour être antispasmodique ; elle est peu employée aujourd'hui.
L'huile de lis constitue un remède populaire contre les maux d'oreilles, mais
son efficacité parait être due surtout à l'huile. Elle se prépai'e de la manière sui-
vante : pétales récents de lis., d partie; huile d'olive, 4 parties ; on fait macérer
dans une cruche en grès, au soleil, pendant deux jours ; on passe et on exprime;
on remet l'huile dans la cruche avec une nouvelle quantité de fleurs, et on laisse
macérer comme la première fois. On fait une troisième macération; on laisse l'e-
poser le produit exprimé; on sépare l'eau par décantation, et on filtre l'huile au
papier.
Les bulbes de lis sont employés en cataplasmes émollients et maturatifs. On les
fait cuire sous la cendre ou à la vapeur. T. Gobley.
LiSBOiVNE ou HSBOA (Eaux minérales de), hypothermales ou méso-
thermales, chlorurées sodiques fortes, ou sulfatées calciques faibles, .sulfu-
reuses, ou carboniques faibles, capitale du Portugal, chef-heu de l'Estrama-
dure portugaise, est une villede 290,000 habitants, bâtie en amphithéâtre sur la
rive droite du Tage, et près de son embouchure. Les dix sources minérales et les
dix étabhssements de bains construits sur leurs griffons ou près de leur point
d'émergence, ont i^eçu les noms suivants : {"source et établissement de la Misé-
ricorde ou de l'Arsenal de la marine ; 2" source et établissement de Alcnçarias
do Duque; 3° source et établissement de Dona Clara; 4" source et ctablisse-
ment de Chafariz del Reij ; 5° source et établissement de Dentro ; G" Banhos del
Doctor; 1° Chafariz de Praia ; 8° Bica de Capato; 9" Caes de Tojo; 10" Caes
dos soldados o quartel militar.
LISBONNE (eaux minérales de). 657
\° Source et elablisfiement de la Miséricorde ou de F Arsenal de la marine.
L'hôpital des enfants trouvés, dit de la Miséricorde, possède celte source et cet
établissement, mais ce n'est qu'à titre provisoire : l'administration de la marine
du Portugal à laquelle ils appartiennent en définitive, se propose de faire capter
convenablement et d'exploiter elle-même la source sulfureuse et un nouvel éta-
blissement thermal. La source sulfureuse sort de terre à 10 mètres de la rive
droite du Tage et son eau est reçue dans un puits de 4 mètres de profondeur. Un
corps de pompe aspirante et foulante descend au fond de ce puits ; c'est au
moyen de son piston que l'eau arrive à un canal qui la verse dans un verre, lors-
qu'elle doit être employée en boisson, et dans une cuvette de bois, lorsqu'elle est
emportée à l'établissement de bains, au moyen de tuyaux de plomb profondé-
ment altérés et presque complètement détruits par les substances liquides, et sur-
tout gazeuses, que contient cette eau chlorurée sulfureuse. Elle est claire, limpide,
transparente lorsqu'elle n'est pas mélangée; d'une odeur et d'une saveur forte-
ment hépatiques ; elle rougit légèrement la teinture de tournesol ; sa tempé-
rature est de 50° centigrade, celle de l'air étant de 21° centigrade ; sa sulfu-
ration est de 92, et sa densité de 1002,5. Lorsque la marée monte au port de
Lisbonne, dans le lit du Tage, l'eau de la source sulfureuse est immédiatement
mêlée à l'eau de la mer; ses propriétés ])hysiques et chinii(]ucs ne sont plus les
mêmes alors ; elle devient trouble, son odeur est beaucoup moins sullureuse
et sa saveur très-salée ;-elle ne rougit plus la teinture ou le papier de tournesol,
elle a une réaction neutre ; sa température est variable et subit l'influence de
celle de la mer et du fleuve. Le 24 septembre 1862, la température de l'air étant
de 21" centigrade, celle de l'eau de la source sulfureuse à la marée mon-
tante était de 20°, 5 centigrade. Elle ne marquait que 36 au sulfhydromètre,
son poids spécifique était descendu à 1 ,003. M. le docteur Jordao a donné dans
sa thèse inaugurale soutenue à la Faculté de médecine de Paris en 1857, l'ana-
lyse suivante de l'eau de la source de la Miséricorde ou de l'Arsenal de la marine.
Ce confrère a trouvé dans 1000 grammes d'eau les principes suivants :
Chlorure de sodium 15,428
— magnésium 5,281
Carbonate de chaux 0,571
Sulfate de chaux 0,485
— magnésie 0,714
Acide silicique 0,028
Total des matières fixes 20,507
Î hydrogène sulfuré 28,5 cenlim. cubes.
Acide carbonique 74,2 —
Azote 12,2 —
Total des gaz 114,9 centim. cubes.
La saison commence le 1" juin et finit le 15 octobre à l'établissement de la
Miséricorde. Les moyens balnéaires consistent en trente-huit baignoires dont
vingt et une sont destinées aux hommes, et dix-sept aux femmes ; elles sont ali-
mentées par l'eau à la température de la source et par la même eau chauffée
dans une chaudière close. Tous les cabinets de bains de l'établissement de
l'Arsenal sont inconfortables et mal tenus, on n'y trouve même pas une propreté
suffisante. Aussi la plupart des habitants de Lisbonne envoient-ils un tonneau
à la source, et se font-ils apporter chez eux l'eau nécessaire au traitement miné-
•ral qui leur a été prescrit. Ce qui les engage encore à faire venir à domicile l'eau
de la source de la Miséricorde, malgré la déperdition notable de ses principes vola-
DICT. ENC 2' s. IL 42
CSr. LISBONNE (eaux minérales de).
tils et gazeux, c'est le personnel des gens du service des bains. Ainsi, chose à
peine croyable, ce sont les forçats de la prison qu'il faut que les grandes dames
portugaises acceptent comme auxiliaires à leur sortie du bain!
Mode d'administration et doses. L'eau de la source de la Miséricorde est pres-
crite à la dose de deux à trois verres pris le matin à jeun à un quart d'heure d'in-
tervalle, lorsque la mer est basse et que le médecin veut obtenir les effets de la
médication hjdrosulfureuse. Les malades se rendent à la source pendant la marée
montante, lorsqu'ils ont besoin de l'action combinée d'une eau à la fois chargée
de chlorure de sodium et de principes sulfureux. Les bains sont le plus généra-
lement conseillés avec l'eau à son plus haut degré sulfhydroniétrique ; mais,
dans certaines indications déterminées, il est plus avantageux de se baigner dans
une eau minérale à la fois chlorurée et sulfureuse.
Emploi thérapeutique. La com|iosjtion variable de l'eau de l'Arsenal fait pré-
voir ses effets physiologiques et cura tifs ; lorsque l'eau prise en boisson et en
bains est chargée de son hydrogène sulfuré, elle est excitante ; elle rougit la peau
et détermine quelquefois la poussée, elle augmente la sécrétion salivaire, en dimi-
nuant l'expectoration. Les fonctions digestives se font mieux, l'appétit renaît;
cette eau est diurétique, et elle stimule les organes génitaux. Lorsqu'elle est de-
venue chlorurée, elle détermine de la constipation si on la prend à faible dose;
elle purge à dose élevée au contraire. Son usage intérieur et extérieur a une pro-
priété essentiellement reconstituante.
Les effets thérapeutiques de l'eau sulfureuse de l'Arsenal de la marine de Lis-
bonne, en boisson et en bains, sont marqués dans les maladies humides de la
peau et dans les affections catarrhales des membranes muqueuses, et spécialement
dans celles des voies aériennes. Elles sont utiles dans les dyspepsies et dans les
gastralgies provenant d'une altération de la sécrétion du foie ou du pancréas.
Cette eau chlorurée sulfureuse convient dans les accidents produits par un lym-
phatisme exagéré et par la scrofule à tous ses degrés. Elle est indiquée encore
lorsque l'on a à combattre une constipation opiniâtre, aisément vahicue ordinaire-
ment par quelques verres de l'eau de la Miséricorde.
Les contre-indications de cette eau simplement sulfureuse ou sulfureuse chlo-
rurée résultent de ses indications. Il suffit de remarquer qu'elle doit être pres-
crite avec beaucoup de prudence aux personnes irritables et pléthoriques, chez
lesquelles elle pourrait produire des accidents, d'ailleurs faciles à éviter.
Durée de la cure, de 1 5 à 20 jours.
On n'exporte pas l'eau de la Miséricorde.
^"Source et établissement de Alcaçarias do Duque. L'eau de cette source est
aujourd'hui plus chaude qu'elle n'était autrefois; Travers disait en effet, en 1810,
qu'elle marquait 26° centigrade, tandis que nous avons trouvé sa tempéra-
ture en 1862 de32",5 centigrade. Son eau est claire, hmpide et transparente; elle
est inodore, sa saveur est fade; elle rougit légèrement la teinture de tournesol.
L'étabhssement des bains du Duc est fréquenté surtout par les rhumatisants
et par les dartreux qui y suivent un traitement presque exclusivement extérieur.
Les malades qui viennent s'y soigner d'affections du larynx, des bronches ou du
poumon, se contentent de prendre l'eau en boisson.
3° Source et établissement de Dona Clara. Ils sont situés à côté des bains du
Duc, au bas de la montagne oii se trouve le château de Saint-Georges, en face du
terrain de Trigo, à la partie nord de la rue qui va au Fondiçano, à 50 mètres de la
rive du Tage. La maison de bains se compose de neuf cabinets contenant chacun
LISFRANC. 659
une baignoire profonde, spacieuse et en contre-bas du sol. Cet établissement est
ouvert toute l'année ; on y prend des bains seulement ; il est très-convenablement
installé et très-proprement tenu. L'eau de la source de Dona Clara a les mêmes
caractères que l'eau de la source du Duc, seulement elle est moins chaude. Tra-
vers lui avait trouvé en 1809 , oO" centigrade, elle n'a plus aujourd'hui
que 28°, 8 centigrade. Les bains de Dona Clara n'ont point de douches, et pourtant
ils donnent de bons résultats, dans les affections rhumatismales et cutanées. Tra-
vers dit : « Quand on entre dans l'une ou dans l'autre des maisons de bains do
Duque ou de Dona Qara, on sent une légère odeur de gaz hydrogène sulluré. »
Il ajoute que dans les tuyaux qui servent à faire couler la surabondance d'eau des
réservoirs, se rencontre un dépôt ou boue jaunâtre. Ce dépôt brûle avec une
flamme bleue, donnant une odeur suiTocantc particulière au soufre. A l'analyse,
ce dépôt contient, outre les principes sulfureux , du gaz acide carbonique, de l'alu-
mine, des sulfates, des muriates calcaires et magnésiens, un peu de carbonate et
de muriate de soude, mais en proportion si minime, et dans une telle combinai-
son, que tous ces éléments n'altèrent presqa'en rien la saveur des eaux. Leur peu
de calorique naturel fait qu'elles sont beaucoup moins actives probablement
qu'elles ne le seraient si elles avaient une thermalité plus élevée. Elles sont très-
sensiblement résolutives cependant, et très-notablement efficaces en bains, sur-
tout dans les affections rhumatismales si fréquentes en Portugal, à Lisbonne en
particulier ; dans certaines affections de la peau ayant résisté à des traitements va-
riés, à l'emploi même des eaux sulfureuses de l'Arsenal ou d'autres sources hépa-
tiques.
Nous nç croyons pas nécessaire d'entrer dans plus de détails sur les autres éta-
blissements des bains minéraux de Lisbonne. Nous n'aurions à constater que la
différence de la température de l'eau de leurs sources. Cette température varie de
35°, 5 centigrade {Banhos do Duque) à 23° centigrade [Banlios do Doctor).
L'eau des sources de toutes les maisons de bains minéraux de Lisbonne a les
mêmes caractères physiques et chimiques, et à peu près la même composition
élémentaire. Tous ces bains sont conseillés pour la guérison des mêmes états
pathologiques; il servent aussi très-souvent de bains de propreté. A. Rotureao.
Bibliographie. — Travers. Instruccones e cautelas praticas sobre a natureza différentes
especies, virtudes en gênerai et uso legitbno das aguas mineraes, principalmenle de caldas ;
cou a noticia daquellas, que sào conhecidas em cada huma das provincias do reine de Por-
tugal, e 0 methodo de preparar as aguas artificiaes. Coimbia, 1810. — Jordao. Agua d'Âr<
senalda marinha de Lisboa. Thèses de Paris, 1857. A. R.
I,1SEK«>X {Convolvulus) . On donnait autrefois ce nom à presque toutes les
iplantes médicinales de la famille des Convolvulacées, notamment à celles qui four-
nissent les .lalaps, le Turbith végétal, les Scammonées, le Méchoacan, les Patates,
le Bois de rose des Canaries, etc. Aujourd'hui cet ancien genre a été divisé, et les
produits médicinaux dont nous venons de parler devront être étudiés isolément
aux articles Coinvolvulacées, Convolvulus, Exogonium, Ipom^a, etc. H. Bn.
LISFRAI^C (Jacques), célèbre chirurgien contemporain, dont la réputation a
été vivement contestée. Il était né à Samt-Paul (Loire), le 2 avril 1790, et il
étudia la chirurgie d'abord à Lyon, sous Viricel, puis à Paris sous Dupuytren.
Reçu docteur en 1813, il entra immédiatement au service de santé mihtaire, et
fit la dernière campagne d'Allemagne; licencié en 1814, il revmt à Paris et se
livra à l'enseignement de la chirugie, mais surout de la médecine opératoiz^e, qui
660 LISFRÂNC.
lui dut de nombreux perfectionnements. Ses cours eurent beaucoup de succès,
et la publication de divers mémoires sur la désarticulation de l'épaule, sur l'am-
putation partielle du pied, etc., attirèrent fortement l'attention. Nommé en 1818
chirurgien du Bureau central, il entra à l'hôpital de la Pitié, où, quelques années
après (1 826) , il succédait à Béclard . Il était alors, depuis 1 824, agrégé à la Faculté
de médecine de Paris. L'enseignement clinique qu'il inaugura à la Pitié a été
célèbre à divers titres. Animé d'un profond ressentiment contre Dupuytren, qu'il
accusait de l'avoir desservi traîtreusement dans une circonstance importante,
jaloux de la réputation d'émulés qui le valaient bien et qu'il affectait de mépriser,
Lisfranc donnait, dans ses leçons, Hbre carrière à des colères qui se traduisaient
par des saillies, des boutades quelquefois spirituelles, mais le plus souvent tri-
viales et grossières ; sa haute stature, ses traits énergiques, sa voix retentissante
donnaient à ces philippiques un caractère particuher de violence et d'empor-
tement. Aussi, le succès de scandale qu'il obtenait à sa clinique a-t-il amoindri,
pour bieu des gens, le succès très-réel et très-séneux que méritaient les progrès
imprimés par lui à la chirurgie sur beaucoup de questions. Lisfranc était membre
titulaire de l'Académie de médecine depnis la fondation, et il eut l'honneur de
présider ce corps savant en 1855. Malgré la vigueur de sa constitution d'athlète,
Lisfranc, usé tout à la fois par les fatigues de son hôpital, de son immense clien\
tèle, de ses travaux de cabinet, mais surtout par la lutte que toutes les passions
violentes se livraient incessamment dans sou cœur, fléchit avant l'âge ; sa santé
s'était altérée profondément, et, le 13 mai 1847, il succomba aux atteintes d'une
angine couenneusc compliquée de fièvre pernicieuse ; il n'avait que cinquante-
sept ans.
Quoi qu'on en ait pu dire, Lisfranc a marqué sa place parmi les chirurgiens
distingués de notre siècle. Tout en faisant la part de l'exagération qu'il apportait
dans ses opinions, il faut reconnaître qu'il a donné plus de précision et de rigueur
aux procédés opératoires; qu'il a tracé des règles utiles surtout pour la pratique
des ligatures et des amputations ; l'ablation du cancer du rectum reste acquise à
la science. S'il a beaucoup exagéré la fréquence et la gravité des affections du col
de l'utérus, il a contribué à attirer l'attention sur ces maladies trop négligées
avant lui; l'amputation dn col de l'utérus, dont il a certainement fait abus,
est encore une opération qu'il a contribué à faire entrer dans le domaine de la
chirurgie, et dont il a fixé les règles au point de vue des procédés à suivre.
Lisfranc a écrit les ouvragés suivants; nous laissons de côté un certain nombre
de notes et de leçons cUniques, qui ont été d'ailleurs, reproduites pour la plupart,
dans le premier volume de la Clinique de la Pitié:
I. Quelques propositions de palhologie, précédées de recherches, réflexions et observations
sur l'amput. de la mâchoire inférieure, elc. Th. de Paris, 1813 , n» 155. — II. Mém. sur
l'amputation du bras dans l'articulation de l'épaule (avec Cliampesme). Paris, 1815, in-S". —
III. Mém. sur l'amputation du pyied dans son articulation tar so-métatar sienne , etc. Paris,
1815, in-S". — lY. Mém. sur quelques j>oints obscurs de la gonorrhée. In Journ. de t7iéd.
de Leroux, etc., t. XXXIII, p. 42; 1815. — Y. Nouvelle méthode opératoire pour l'amputation
du pied. Paris, 1815, in-S". — YI. Mém. sur de nouvelles applications du stéthoscope du
professeur Laennec, suivi d'un mém. sur une nouvelle 7naniere de pratiquer la taille chez la
femme (pi. in-fol.), etc., et Nouv. procédé pour V amputation dans l'articulation des phalanges.
Paris, 1825, in-S". — VII. Nouvelles considérations sur la saignée du bras. Paris, 1825, in-S".
— YlII. Mém. sur des méthodes et des procédés nouveaux pour i)ratiquer l'amputation dans
l'articulation scapulo-humérale. In Arch. gén. deméd., 1'° sér., t. II, p. 18, pi.; 1825. —
IX. Mém. sur un nouveau procédé opératoire pour pratiquer l'amputation dans l'articula-
tion coxo-féniorale. Ibid., p. 161. — X. An eadem contra varias tirethrœ coarctationis
species medela? Th. de conc. (agrég. chir.). Paris, 1824, in-i»; trad. fr. avec notes par
LISTER. 661
Vésigné et Ricard. Paris, 1824, in-8°, pi. — XI. Mém. sur les règles générales des dcsarti-
culations. In Rev. mcd., 1827, t. I, p. 575. — XII. Mèm. sur la rhiiioplastie ou l'art de
refaire le nez. In Mém. de VAcad. de méd., t. II, ]>. 145; 1855. — XUI. Mèm. sur les can-
cers superficiels qu'on croyait profonds. Ibid., t. III, p. 21 ; d833. — XIV. Mém. sur l'exci-
sion de la partie inférieure du rectum devenu earcinomateux . Ibid., p. 191. — XV. Des
diverses méthodes et des divers jJrocédés pour l'oblitération des artères dans le traitement
des anévrysmes, etc. (avec la polémir]ue sur l'historique). Th. de conc. (cli. de clin. chir.).
Paris, 1834, in-8». — XVI. Clinique chirurgicale de l'hôpital de la Pitié. Pans, 1841-43,
ovol. in-8». — XVII. Précis de méd. opérât., 3 vol. in-8° (le 3" tome est arrêté à la
page 532). Paris, 1846-47, in-8°. E. Bcd.
lilSlAl^lTHUS, genre de Dicotylédones de la famille des Genlianccs. Les
espèces qui le composent habitent l'Amérique tropicale, particulièrement la
Guyane, le Brésil, le Pérou. Ce sont des plantes lierbacées ou de petits arbrisseaux.
Elles ont des feuilles opposées, de belles fleurs, le plus souvent bleues ou rouges,
disposées d'ordinaire en cymes lâches, dichotomes. Leur calice a 5 divisions; la
corolle est infundibuliforme ou hypocratérifornie et porte sur son tube 5 étaniines
à filets souvent inégaux. Le fruit est une capsule biloculaire, résultant de la
soudure de deux carpelles dont les bords, l'ortement repliés en dedans, forment
un double placenta, dans lequel se trouvent enfoncées les graines. Ces carpelles
se séparent à maturité et s'ouvrent chacun parla suture ventrale.
Los espèces de ce genre ont des propriétés amères qui rappellent celle de nos
Gentianées indigènes. La plante entière, pour les espèces annuelles ; les racines,
pour les espèces vivaces, sont employées en décoction dans les pays oiî elles crois-
sent. Aublet cite en particulier, dans ses plantes de la Guyane, le Lisianthua
purpurescens, le L. alatus dont il dit s'être servi a\ec succès contre les obstruc-
tions des viscères; les L. grandiflorus et L. cœrulescens, dont il compare l'amer-
tume à celle de la petite Centaurée. Martius indique, aux mêmes titres, parmi les
espèces du Brésil, les L. pendulus et L. ampUssimus . Enfm, d'après Linné fils,
le L. clielonoïdes passe pour un purgatif énergique.
AiDLET. Plantes de la Guyane française, II, 201-208. — Martius. Blantœ Brasil., 11,92,
tab. 171-178. — GuiSEBACii. Prodr. (B.C.), IX, 72. Pl.
LIISDIAQUE. Voy. Lysdiaque.
LI.^TER (MARTm). Médecin et naturaliste anglais, né à Radcl'ffe, dans le
comté de Buckiugham, vers 1658, mort à Londres le 2 février 1711 , après avoir
été successivement élève à Cambridge, maître es arts (1658), membre d^l collège
de Suint-Jean (1660, praticien à York, membre de la Société royale de Londres
membre du collège des médecins de Londres, (1704), médecin en second de la
reine Anne (1709). Martin Lister s'est occupé un peu de tout, d'histoire naturelle,
de médecine, de littérature. Ses recherches sur les coquilles sont estimées; la re-
lation d'un voyage qu'il fit à Paris en 1698 est fort intéressante jar les détails
minutieux, les anecdotes qu'il donne sur l'état de la médecine et de la chirurgie
en France, à l'époque oi!i il vivait. Au reste, voici la liste de ces ouvrages :
I. Historiœ animalium Angliœ Tractatus très. Lond., 1678, in- 4°. Trad. en allemand par
Gœze, 1778, in-8°. — II. De fontibus mediccdis Angliœ, exercitatio nova et p)rior. Vork,
1685, in-8°. — III. De fontibus medicatis Angliœ. exercitatio altéra. Lond., 1684, in-S". —
IV. .lohanms Gcedartii de Insectis, opus in niethodum redactum, cum nolalis. Lond., 1685,
in-8°. — V. Historia conchyliorum. Lond., l(i85-16'J3, in-fol., 2 vol. — VI. Exercitatio
anatomica, in qua de cochleis maxime terrestribus et limacibus agitur. Lond., 1794 1796,
in-8°. — VII. Scx excrcilationes mcdicinalcs de quibusdam morhis cltronicis. Lond., 1694,
in-8°. — VIII. Exercitatio anatomica altéra de buccinis fluviatilibus et marinis. Accudit
665 LISITANIENS.
exercUatio medicinalis de variolis. Lond., 1795, in-S». — IX. Conchyliorum hivalviurn
utriusqiie aquce exercitatio anatomica tertia. Accedit dissertatio medicinalis de calcula
humano. Lond., 1696, in-4°. — X. A Journey to Paris. Lond., 1699, in-8°. — XI. Sanctorii
de statica medicina aphorismorum sectiones sejHem, cum commenlario. Lond., 1701. in-12.
— XII. Dissertatio de humoribus. Lond , 1701, in-1'2 [vide: Jom-nal des savants, année
1710, t. II, p. 94). — XIll. De scarabeis britannicis appendix. Lond., 1710, in-4">. — XIV.
Letters concerningthe Kindof Insects Kermès, in Philosoph. Transact., 1G71, n° 71, p. 2165-
66; 1671, n" 73, p. 2190-97; 1672, n" 87, p. 5059-80. — XV. Letter concerning a Kind of
Viviparous, mPhilosoph. Transact-, 1671, n» 72, p. 2170-77. — XVI. A Considérable Account
touching Vegetable Excrescensies and Ichneumon. Wors. Philosoph. Trans., 1671, n° 75,
p. 2254-57; n» 76, p. 2281-85; n" 77, p. ùOO-2-Z005. — Vill . Sijstema entomologiœ [h ]3i
suite de l'ouvrage sur les Insectes, de Ray. Lond., 1710, in-4°). A. G.
OSTai^ (Robert), naquit en 1794, d'un ministre protestant de la paroisse
d'Ecclesmachan, dans le comté de Linlithgow; ses humanités termmées à Edim-
bourg, il suivit les cours d'anatomie de John Barclay, dont il devint le prosec-
teur, position qu'il occupa jusqu'en 1815. C'est là qu'il acquit cette connaissance
approfondie de l'anatomie chirurgicale, et cette dextérité qui le mirent au pre-
mier rang des opérateurs. Nommé en 1815 chirurgien résidant de l'Infirmerie
royale, d'abord sous Georges Bell, puis sous le docteur Gillerpie, il se livra avec
ardeur à l'étude de la pathologie chirurgicale ; le service des autopsies, dont il
était chargé , lui fournissait en outre une mine féconde de connaissances en
anatomie pathologique. Après un voyage à Londres en 1816, pendant lequel il
suivit les cours de l'hôpital Saint-Georges, Liston revint à Edimbourg en 1817, et
donna des leçons d'anatomie, en même temps qu'il se livrait à la pratique de la
chirurgie avec beaucoup de succès, et se faisait surtout une brillante réputation
comme llthotomiste. Un peu plus tard, ayant abandonné ses cours d'anatomie,
il se borna à l'enseignement de la pathologie externe. L'Infirmerie royale se l'était
attaché depuis quelques années comme opérateur, quand il fut appelé à Londres,
en 1834, par le collège de l'Université pour professer la chirurgie.
Liston était un véritable chirurgien ; connaissance minutieuse des moindres
détails de l'anatomie, habileté et sûreté de main vraiment admirables , détermi-
nation prompte, et ressources inépuisables dans les accidents imprévus, il réu-
nissait toutes ces rares et heureuses qualités. Il était à l'apogée de sa réputation
quand il succomba le 7 décembre 1847, aux progrès d'un anévrysme de l'aorte.
Liston a beaucoup écrit, voici la liste de ses principales publications :
I. Memoir on the Formation and Connections of the Crural Arch, and other Parts in
Inguinal and Fémoral Hernia. Edinburgh , 1819, in-4°, pi. 5. — II. Eléments ofSurgery.
Edinb., 1831-52, 3 vol. in-8»; 2'=édit., Lond., 1840,in-8°, ûg.—m.Practical Surgery. Lond.,
1837,in-8°; ibid., 1838, in-8''; i-oédit., ibid., 1846,in-8°. Plus un très-grand nombre de notes et
mémoires insérés surtout dans le Journal d'Edimbourg, par exemple : — IS. Cases ofAneurism.
!n Edinb. Med. and Surg. Journ., t. XVI , p. 66 ; 1820, pi. 1. — V. Account of a Case of
Fracture oftheNeck of the Fémur, in which the bony Reunion had taken Place, etc. Ibid.,
p. 212. — VI. Case of Aneurism, in the Axillary Portion of the left Brachial Artery, in
which Ligature of the Subclavian, etc. Ibid., p. 548, pi. 1. — VII. Mode of operating in
Cases ofDiseased Boites. Ibid., t. XVII, p. 155; 1821. — VIII. Two Cases in which Tracheo-
tomes was performed with Success, etc. Ibid., p. 568. — IX. Essay on Cartes and its
Treatment. Ibid., t. XXI, p. 46 ; 1824. — X Beniarks on the Opération of Lithotomy. Ibid.,
t. XXIII, p. -26; 1825. — XI. Surgical Cases [of Aneurysm). Ibid., t. XXVII, p. 1; 1827. —
XII. Case in which a Lost Nose was restoi-ed by the Taliacotian Opération. Ibid., t. XXVIII,
p. 220; 1827. — XIII. Notes of a Case in which the Canal of the Larynx after being
nearly obliterated, was re-established, t. XXIX, p. 118 ; 1828. — XIV. Divers mémoires sur
la litbotritie, la restauration du nez, etc., etc. — XV. On a variety of False Aneurism.
Lond., 1842, in-8°. - E. Bgd.
US13TA1MIE1XS. Voy. Ibériennes (Races).
LIT. 665
LIT. § I. Hygiène. Le lit {lectus, ciibile, -Aa-n) se définit de lui-même; c'est
le meuble fixe ou mobile, de forme et de composition très-diverses, dans lequel
l'homme va goûter le repos après les fatigues de la journée. C'est aussi le théâtre
étroit sur lequel se déroulent, quand il est malade, toutes les péripéties du drame
pathologique dont il est l'objet et de la lutte secourable que l'art engage à son
profit. Triller a consciencieusement énuméré tous les aspects du rôle que le lit joue
dans la vie de l'homme. « C'est Là, dit-il, qu il est engendré et qu'il engendre,
qu'il naît, qu'il s'élève, qu'il dort, qu'il se défatigue, qu'il perd son temps, qu'il fait
la sieste, qu'il médite, qu'il est malade, qu'il guérit : In lectis enim, homines,
plerunique, cjenerant et generantur , nascuntur, adolescent, dormiunt , reficiun-
tur, otiantur, meridiantur, meditantur , œgrotant, revalescunt. » (Danieh Wil-
helrai Trilleri Clinotechnia medica antiquaria sive de diversis œgrotorum
lectis, secundiim y)sa varia morborum gênera convenienter instruendis com-
mentarius medico-criticiis. FrancoCorti et Lipsise, 1774, in-4°, § 1, p- 1 .)
C'est dire le soin avec lequel doivent être étudiées les conditions du couchage.
Nous passons là un grand tiers, si ce n'est plus, de notre vie, il est donc d'un grand
intérêt que nous y trouvions et les conditions d'un repos réparateur et celles d'une
bonne hygiène. S'il était besoin de démontrer qu'il n'y a pas de petites choses en
médecine, nul sujet ne conviendrait mieux au développement de cette proposition;
il n'en est guère, non plus, qui puisse mieux faire ressortir les tendances hygiéni-
ques des médecins des siècles passés, leur instinct pratique sous ce rapport, et par
contraste le sans-façon avec lequel nous simplifions, quand nous ne les suppri-
mons pas, ces petits détails que les plus grands esprits ne jugeaient pas autrefois
indignes d'eux. Je ne veux pas renouveler ici {non est hic lociis) des doléances que
j'ai produites ailleurs sur ce sujet {Hyg. alim. des Malades, des Convalesc. et
des Valétud., ou du Régime envisagé comme moyen thérapeutique. Paris, 1868,
2^ édit. Introd., xviii) ; mais je persiste à les croire fondées et j'envie aux méde-
cins des siècles précédents qui les tenaient eux-mêmes de leurs devanciers de
l'antiquité ce sens si exquis avec lequel ils dirigeaient l'hygiène de leurs malades.
Les médecins de nos jours qui comptent encore la tradition et l'érudition pour
quelque chose, savent tout ce qu'il y a de matériaux immenses sur cette humble
question du couchage dans les auteurs anciens, notamment dans les œuvres d'Hip-
pocrate, de Cselius Aurelianus, de Celse, de Paul d'Égine, etc., et dans les notes
«rudites de leurs commentateurs. Bon aliment pour notre esprit et bonne humi-
liation pour notre orgueil ; il y a donc double profit à faire ces recherches.
L'abondance des emprunts, que je vais être conduit à faire aux médecins anciens
et à ceux des seizième et dix-septième siècles, sera la justification de la thèse inno-
cente et convaincue que je me propose de développer ici. « De minimis nonsatis
curât meàicns. »
J'étudierai successivement le lit au point de vue : 1" de l'hygiène pédagogique;
2° de l'hygiène générale ; 3° de l'hygiène hospitalière ; 4" de l'hygiène thérapeu-
tique ; 5" de l'hygiène maritime et de l'hygiène navale. Les lits chirurgicaux pro-
prement dits et les lits orthopédiques restent ainsi en dehors de mon cadre ; leur
étude est d'ailleurs confiée à des plumes d'une irrécusable compétence, et le lec-
teur n'y perdra pas.
I. Hygiène pédagogique. Le berceau est la première demeure de l'homme.
C'est là qu'il subit cette sorte de seconde incubation qui est une froide continua-
tion de la première, et qu'il s'essaye à la vie individuelle; c'est le complément du
foyer, le symbole de la perpétuité des générations, le pivot de la vie domestique,
C']4 LIT.
le centre des espérances, des joies et des regrets de la raniille. Les poètes l'ont
entouré d'un charme singulier et l'ont clianté sur tous les tons ; les Anciens par-
tageaient entre lui et le lit uii|itial lectus genialis cette sorte de piété respec-
tueuse avec laquelle ils envisageaient tout ce qui touchait à la fécondité humaine.
Ces aspects de la question m'attirent, mais l'utilité technique m'en éloigne, et je
reviens, sans tarder davantage, au terre à terre de mon sujet.
Les Grecs donnaient des noms divers aux berceaux de leurs enfants ; tantôt ils
les appelaient o-xâyvî, à raison de la ressemblance de leur forme avec celle d'un
navire; tantôt Xizvov, parce qu'ils se servaient d'un van{vannus) ou crible, dans la
persuasion que ce berceau improvisé était pour l'enfant un gage assuré de ri-
chesse. C'est aussi un ordre d'idées analogues qui, à Sparte, faisait du bouclier
inoccujc du père un berceau pour l'enfant, contraste gracieux en même temps
qu'espérance virile. Je dois dire incidemment que le cbjpeus servait d'une façon
plus ordinaire au\ ablutions du nouveau-né ; la vingt-quatrième idylle de Théo-
crite ne laisse aucun doute sur ce point. Le bouclier jouait l'office du nurse-batk
des babys anglais. Admirable simplification de la vie adaptant le même objet à
des fins très-diverses! Chez les Romains, les mots ciinœ, cunabula, cribrumex-
primaient le même objet.
La Ibrme de ces berceaux était indiquée par leurs noms mêmes. Elle variait
beaucoup et l'on en retrouverait encore aisément tous les types, si on les recher-
chait dans les ditférentes provinces, notamment à la campagne. Le berceau figuré
parxintony liich d'après Laaibecius (D/cL desantiq. romaines et grecques. Paris,
1861, p. 214) et celui dont le dessin a été emprunté par Jean Alstorplie
{Dissertatio physiologica de Lectis, subjicitur ejusdemde Lecticis veterum dia-
tribe, Amstelodami, 1704, p. 85), est conslitué par un tarré de bois servant de
support monté sur deux Y en bois réunis par des tringles, forme qui rappelle
celle des chaises à bascules (rocking-chairs) des Américains et qui indique la des-
tination de ces berceaux à servir au berçage. Cette forme se retrouve dans quel-
ques pays. En Bretagne, on se sert encore, chez les paysans, d'une sorte de tronc
de pyramide quadrangulaire renversé dans lequel l'enfant est lacé par des lisières
et qui, monté sur deux arcs en bois, est destiné à recevoir des mouvements
d'oscillation latérale. Ces berceaux légers étaient susceptibles d'être portes
d'un endroit à l'autre. Bartholin {de Puerp. Vet., p. 150) en a figuré un et
l'a encadré dans une scène de famille. Au reste, depuis le panier d'osier du .
paysan jusqu'à ces berceaux somptueux pour la confection desquels l'art épuise
toutes ses délicatesses, et le luxe toutes ses recherches, il y a une variété en
quelque sorte infinie de berceaux en présence desquels l'hygiène ne se sent
pas complètement désintéressée.
Les berceaux pleins sont détestables ; ils emprisonnent dans un espace étroit
les miasmes des déjections, et pour peu que les enfants y soient plongés un peu
profondément, ainsi que la sécurité l'exige, ils y vivent dans une atmosphère con-
taminée, alors même qu'on les entoure de la propreté lapins vigilante. Le treillis
d'osier ou les tringles plus ou moins ornées, conviennent mieux; une garniture
d'étoffe susceptible d'être changée concilie le double intérêt du renouvellement
de l'air et de la conservation de la chaleur.
La literie du berceau doit être aussi simple que possible : une paillasse en
balle d'avoine et des coussins de même nature en font tous les frais. La simpli-
cité de ces accessoires en rend le renouvellement facile et la propreté y trouve son
profit. Quant aux draps et aux couvertures, il faut songer, dans leur disposition.
LIT. 6CÏ
à garnnlir le double intérêt d'une légèreté très-grande et d'un défaut de conduc-
tibilité calorifique qui permette au nouveau-né de conserver sa chaleur propre.
La question des rideaux se présentera plus loin à propos de l'hygiène hospita-
lière, mais ici elle peut être tranchée aisément ; il y a tout avantage à en environ-
ner les berceaux ; l'enfant est garanti par eux contre le froid, contre la lumière
qui aura pendant quelque temps sur sa vue une influence agressive, et contre
le bruit; mais ces rideaux doivent être légers, disposés de façon à retomber sur
la tringle qui les supporte et à disparaître ainsi à un moment donné ; quant à
cette habitude chère aux jeunes mères, qui consiste à abriter le berceau du nou-
veau-né sous l'un de leurs rideaux, le sentiment la protège, mais l'hygiène l'in-
crimine : l'enfaut a besoin d'un autre air que celui qui est souillé par les éma-
nations de l'état puerpéral.
Si nous ajoutons que le berceau ne saurait, sans inconvénient, être presque au
ras du sol comme cela se pratique sou\ent, et qu'il fnut sous peine de faire subir
à l'enfant des courants d'air froid ou une humidité malsaine, l'élever par un
support à une hauteur de i mètre environ, qu'il convient de le placer, par rap-
port aux fenêtres ou à une lumière artificielle fixe, de telle façon que l'enfant,
n'ayant pas le jour en face, ne prenne pas des habitudes de strabisme, nous aurons
épuisé ce que nous avons à dire sur ce [loint d'hygiène domestique.
J'ai eu souvent la pensée qu'il serait utile de mélanger à la balle d'avoine qui
constitue la paillasse des berceaux un cinquième ou un sixième d'un mélange de
poudre de tan et de charbon, de façon à absorber les gaz des déjections, ou à
désodorer les liquides et à maintenir ainsi la garniture du berceau dans un état
de propreté irréprochable. Ce moyen serait certainement plus sérieux que celui
très en honneur dans certains pays, qui consiste à faire coucher les jeunes en-
fants débiles ou lymphatiques sur des sommiers d'herbes sèches, odorantes ou sur
du fucus, dans l'espoir de les fortifier ou de les soumettre ainsi à des vapeurs
iodiques.
Quand les nouveau-nés sont dans un état de débilité extrême, et surtout
quand ils sont nés avant terme, il faut continuer pour eux l'incubalion utérine
et leur donner artificiellement une chaleur que l'inertie de leur respiration ne leur
permet pas de développer. Je ne connais pas de pratique plus pernicieuse, je le
répète, que celle qui consiste à placer le berceau sur deux tabourets devant une
cheminée contenant un feu vif. Le tirage qui appelle l'air des portes ou des fenêtres
plonge le berceau dans des courants froids; les enfants sont grillés d'un côté et
gelés de l'autre, et de là un enchaînement plus complet de la respiration et souvent
une mort prompte. J'ai vu deux jumeaux, nés à sept mois et qui, bien constitués
en apparence, ont succombé sous l'influence très-probable de cette pratique rou-
tinière. Le procédé de l'enveloppement dans la ouate vaut infiniment mieux, mais
il ne dispense pas de l'élévation de la température de l'air ambiant. Il faut songer
en effet à la distance énorme qui sépare les 38 degrés de l'incubation utérine, des
10 ou 12 degrés que les nouveau-nés trouvent, pendant certaines saisons, dans la
chambre maternelle. Il ne faut certainement pas la franchir, les besoins de la vie
séparée n'étant pas, malgré l'imperfection de la respiration, ceux de la vie fœtale;
mais il faut cependant isoler l'enfant de la chambre de sa mère qui ne s'accommo-
derait pas d'une chaleur de 20 à 28 degrés et le maintenir jusqu'à ce qu'il res-
pire bien à une température approchant de celle-là.
Le froid est délétère pour les nouveau-nés, tous les physiologistes l'ont senti et
YnnAcs\Àus])vo^oiK\sd\ntveeux,Ed\\driU{Del' influence des agents pliysiques sur
666 LIT.
la vie), a particulièrement, et avec raison, insisté sur ce point. La croisade hygié-
nique entreprise récemment pour faire rapporter l'article 55 du Code civil relatif
à la présentation du nouveau-né à la mairie, était fondée précisément sur le senti-
ment du danger que l'influence de l'air froid fait courir aux enfants naissants.
On a rapporté à cette cause la mortalité effrayante qui pèse sur les nouveau-nés
en Russie. [Voy. Villermé et Milne-Edwards, De l'influence de la température sur
la mortalité des enfants nouveau-nés. Ann. d'iiyg. 1''^ série, t. III, 1830, p. 229.)
Cette influence délétère du froid peut s'expliquer par les maladies que l'abaisse-
ment de température fait surgir (la pneumonie par exemple) , mais elle s'accuse plus
habituellement, comme chez l'adulte, par une asphyxie due à la rigidité contrac-
turale des muscles respirateurs. Quoi qu'il en soit, le danger est grand dans cer-
tains cas et il faut s'ingénier à le conjurer. Denucé (de Bordeaux) a proposé, il y a
quelques années, un berceau incubateur à l'aide duquel on peut, par la circula-
tion d'un courant d'eau chaude dans un double-fond en zinc, maintenir une tem-
pérature déterminée et constante. Cet appareil ingénieux qui devrait être dans
toutes les Maternités est destiné à sauver bien des enfants débiles ou nés avant
terme.
La question du berçage est annexe de celle du berceau. Les étymologistes font
dériver ce dernier mot du latin dégénéré berciolus, provenant lui-même de vertere,
tourner. Si cette étymologie, que je ne garantis pas, bien qu'elle ait pour elle l'au-
toritéde Ménage, est exacte, l'habitude de bercer les enfants ne serait pas nouvelle.
Chez les Romains, bercer était une profession qui se recrutait dans les deux
sexes. Martial cite dans une de ses épi grammes le nom d'un certain Charidème,
auquel il applique l'épithète de « cunarum motor mearum », mais la mission de
bercer était plus habituellement confiée à une esclave qui prenait le nom de cu-
naria. La 311'' inscription de Gruter concerne une certaine Rufine qui exerçait ces
fonctions. Elles étaient placées sous l'invocation d'une déesse particulière, Dea
CiUnina, comme nous l'apprend une autre inscription du même auteur, déesse qui
présidait à tous les soins du berceau et avait de plus pour mission d'éloigner les
maléfices.
Les berceuses ont aujourd'hui disparu et le cérémonial immobile des cours
a seul conservé ce fort inutile rouage ; mais si les berceuses en titre ont été con-
gédiées, les berceuses bénévoles peuplent le monde et soumettent, en ses débuts,
le roi de la création à des oscillations au moins inutiles.
La pratique du berçage, comme moyen de provoquer le sommeil, a été l'objet
de récriminations très-vives qui, comme de raison, l'ont aidée à prospérer. Et, en
saine raison, on ne voit guère l'avantage de cette habitude. Non pas que je consi-
dère l'action de bercer, quand elle est modérée, comme susceptible d'altérer très-
gravement la santé et surtout, ainsi qu'on le croit dans le vulgaire, d'oblitérer
l'intelligence; on a débité bien des exagérations sur ce point ; mais il est positif
cependant que ces oscillations, quand elles atteignent un rhythme et une durée
exagérés, ne sauraient être regardées comme entièrement inoffensives ; d'ailleurs
c'est une habitude, et des plus impérieuses, et cela seul suffit pour la condamner.
J'ai vu quelquefois à la campagne des enfants soumis, dans des berceaux construits
à cet effet, à des balancements qui auraient fait éprouver à un adulte les angoisses
du mal de mer. Est-ce inoffensif, j'en doute. Est-ce agréable? L'enfant seul le
sait, et malheureusement il ne le dit pas. Son apaisement n'est pas une réponse.
Est-il content, est-il dompté ? (Voy. JSnfref. fam. sur l'hygiène. 4« édit. Paris,
1869, p. 110.)
LIT. 067
Brouzct a été un des rares défenseurs du berçage (Essai sur l'éducation médi-
cinale des enfants, Paris, 1754, p. 120). 11 y a vu un de ces procédés de
gyamastique taniiliers aux anciens et un moyen de faciliter la circulation des
fluides. Ce secours est équivoque et il est difficile d'admettre qu'ils en aient
besoin. 11 suffit d'avoir assisté aux scènes violentes d'un enfant qui ne s'endort
que de cette façon pour comprendre que le berçage fait en réalité plus de
mal que de bien. J.-J. Rousseau a dit un mot que je voudrais voir gravé en
lettres d'or sur tous les berceaux : « La seule habitude quon doit laisser
prendre à l'enfant est de nen contracter aucune. » {OEuvres complètes.
Compactes Lefèvre, Paris, 1859, t. 111; Emile, liv. I, p. 43.) 11 est applicable
au berçage. 11 faut donc s'en abstenir. Les violences des nourrices merce-
naires qui engourdissent les enfants chétifs ou exigeants par un rhytbme d'escar-
polette à toute volée, pratique qui, suivant l'opinion peu suspecte de Brouzet
lui-même, peut produire chez certains enfants des ti'oubles digestifs, notamment
des vomissements, ressemblent un peu à cettemachine tournante dans laquelle les
Carthaginois faisaient périr des malheureux au milieu d'accidents cholériques,
et à celle imaginée pour réduire les maniaques frénétiques. J'ai l'habitude de
faire river la tige de fer qui maintient le corps du berceau à son support, pour
éviter toute indocifité de la part des nourrices, et je n'ai jamais vu qu'il parût
manquer quelque chose aux enfants qui sont jirivés de cet exercice. Ce n'est pas
là évidemment un des besoins naturels et primordiaux de l'homme.
Un autre inconvénient est d'assoupir par un sommeil factice des cris dont l'ex-
pansion libre est un avertissement salutaire. « Peut-être que l'enfant crie de faim,
dit à ce sujet Laurent Joubert, comment le voulez-vous endormir?... L'apaiser
ou contenter d'une chanson, c'est une pure moquerie. Je voudrais bien sçavoir
si la nourrice ayant bon appétit, en heu d'une soupe, elle serait contente et bien
satisfaite d'ouïr une chanson ou de danser un bransle de Champagne. Quelle fa-
daise ! » (Laurent Joubert, Ei^xurs populaires au faict de la médecine et régime
de santé, Paris, 1578.) Quant à ces incantations monotones dont les nourrices de
nos jours, comme les cunariœ de Rome, accompagnent le berçage, je n'y vois
d'autre inconvénient que celui d'une habitude despotique, mais c'est déjà beaucoup.
Je ne dirai rien des berceaux placés verticalement, sortes de hottes dans les-
quelles en certains pays, au Canada par exemple, les femmes transportent les
nouveau-nés, ou des berceaux suspendus, comme ceux usités en Finlande et que
la moindre oscillation met en branle ; nous n'avons rien à envier à ces habitudes,
non plus qu'à celles des Indiens. Les admirateurs de l'état de nature invoquent
complaisamment en faveur de ces pratiques, et pour jouer un mauvais tour à l'hy-
giène, la vigueur d'enfants élevés de cette façon et l'heureuse conformation de
leurs membres. J'attends les statistiques qu'ils ont recueiUies sur ce point.
II. Hygiène commune. « Comme on fait son Ut on est couché, et comme on
est couché on dort, » a dit la sagesse des nations ; c'est une invitation à ne pas
dédaigner cette partie de l'hygiène qui importe fort au maintien de la santé. En
cette matière, les influences n'ont pas tant besoin d'être actives pour se faire
sentir que d'être prolongées, et il règne là comme ailleurs beaucoup de routine,
beaucoup d'incurie, beaucoup d'ignorance. La substitution de la recherche du
luxe et du bien-être à celle de la salubrité fait le reste.
Il est toujours intéressant de remonter à l'origine des choses usuelles ; c'est un
délassement de l'esprit, mais il n'est pas purement spéculatif : le présent n'est
pas en effet la quintessence de ce que le passé avait de bon ; il lui a pris un peu
668 LIT.
capricieusement des choses inutiles, lui a laissé des clioses qu'il eût dû lui prendre,
et il est bien rare que la curiosité qui regarde en arrière reste complètement im-
productive.
Je ferai grâce au lecteur de ces couclies trop primitives dont les feuilles
sèches ou les toisons d'animaux faisaient tous les frais. Ces habitudes se retrou-
vent encore parmi les peuples de l'Afrique et de l'Océanie, qui attendent que la
civilisation les tire de leur torp3ur séculaire, les élève en dignité, et accroisse
en même temps la sphère de leurs besoins.
Les lits des Égyptiens nous sont connus par des bas-reliefs, par des peintures
et aussi par des descriptions. Ils paraissent n'avoir été fermés qu'à une des extré-
mités. Le kaffass ou sommier égyptien, formé par des pétioles de palmier entre-
laces, en usage encore aujourd'hui, paraît remonter très-loin, puisque Porphyre
en donne une description exacte.
Les lits des Assyriens et des Hébreux ressemblaient par leur forme à ceux des
Egyptiens, mais le luxe présidait déjà à leur confection, et les bois, les métaux
précieux, les fourrures y étaient prodigués chez les riches.
Cette recherche s'introduisit de bonne heure dans les mœurs des Grecs et des
Romains, et chez ces derniers elle atteignit les dernières limites de l'extravagance.
C'est ainsi queCarin, au dire de Vopiscus {Hist. Âug., Les quatre tyrans, 111), fil
confectionner pour sa femme un lit, fabriqué avec deux dents d'éléphant longues
de 10 pieds, et que Néron dépensa pour le même but 400,000 sesterces {environ
840,000 francs), faste qui, pour le dire en passant, a excité naguère l'émulation
du sultan, dont le lit laisse derrière lui en magnificence ceux de Carinetde Néron.
Une première question, qui offre un intérêt archéologique réel, est celle-ci :
les anciens connaissaient-ils les alcôves? On ne saurait en douter. On en a trouvé
dans la villa Hadriani, à Pompéi. Au dire de Breton {Pompeïa, p. 282), on ren-
contre souvent dans les maisons de cette ville (celle de Castor et Pollux est dans
cj cas) des demi-alcùves ou enfoncements ménagés dans le mur pour loger le
dossier du lit, mais telle ne paraît pas avoir été cependant la disposition géné-
rale. L'alcôve (du mot espagnol, ou plutôt arabe, alcoha, chambre à coucher) a
ai nombreux inconvénients, et il est à désirer que l'habitude s'en perde. Elle
ciiconscril en effet une atmosphère dont l'air se renouvelle difficilement, où la
lumière n'a guère accès et qui est un foyer d'humidité et de miasmes. Une porte,
placée dans le fond peut seule atténuer ces inconvénients, mais encore persistent-J
ils en grande partie. Les alcôves ou ruelle?, dans lesquelles les Mécènes du dix-
septième siècle recevaient les beaux esprits avaient au mohis l'avantage de pro-
portions spacieuses qui sont inconnues aux nôtres. Le lit ne saurait baigner dans
un air trop pur et trop renouvelé.
L'exclamation de Piamazzini à propos des alcôves est celle d'un hygiéniste con-
vaincu (( cjuem gravem odorem exhalent cellulœ liujus viodi noriint medici ciim
pedes immittunt ad œgros mane invisendos ! « Oui certes, les deux vers si connus
du Lutrin résument le lit le plus antihygiénique :
Dans le réduit obscur d'une alcôve enfoncée,
S'élève un lit de plume à grands frais amassée.
[Le Lutrin, chant I.)
Les Romains classaient leurs lits, suivant leur destination, eu : lecti cnhicu-
lares (ce sont les seuls dont nous ayons à nous occuper) ; lecti tricliniares (ce
sont les lits de table) ; lecti funèbres, lecti pensiles (ou lits portatifs), etc.
LIT. 669
Leurs lits étaient élevés ; on y montait par des escabeaux (scamna). Le Virgile
du Vatican contient une figure du lit nuptial [lectus cjenialis) de Didon. On y
montait par un scamnimi de huit marches, placé à l'extrémité du lit opposée au
chevet. Us avaient la forme d'un de nos sofas avec dossier élevé {pluteiis), et un
monlani (anaclinterium) servant de chevet. Quelquefois il y avait aussi un mon-
tant au pied, mais cette disposition était moins hahituelle. La composition des
objets de couchage, ou stragula, très-simple dans le principe puisqu'ils se rédui-
saient à des nattes tressées ou à des cidcita ou matelas de paille et de feuilles,''
comme nous l'apprend Varroa, se compliqua bientôt de matelas de laine teints i.
des plus riches couleurs, quelquefois même de pourpre, comme ceux dont se van- .
tait le fastueux convive de Trimalcion {Salijricon XXXlll, p. 19); des lits on plu-
mes d'oie d'Egypte, des fourrures luxueuses, des ampliitapœ ou étoffes velues
des deux côtés qui servaient en même temps à amollir la couche et à défendre du
froid, montraient que les Romains avaient fait du chemin dans la recherche du
bien-être depuis Cincinnatus et Caton.
« Au moyeu âge, les lits, dit M. Chéruel, étaient d'une grandeur démesurée.
Quand ils n'avaient que 6 pieds en carré, on les appelait couchettes; lorsqu'ils en
avaient 12, on les nommait cowcAes. Us se plaçaient sur une estrade. Des familles
entières y trouvaient place. Il ne faut pas en chercher seulement la raison dans
l'économie. Les chevaliers, accoutumés à partager leur tente, leur lit et leur table
avec leurs frères d'armes pendant leurs campagnes, ne se refusaieiit pas pendant
l'hiver à les recevoir dans leurs châteaux avec la même confiance et la même sim-
pUcité. L'amiral Bouivet couchait souvent dans le même lit que François p', qui
l'appelait son frère d'armes. Coucher ensemble était la plus insigne n)arque d'a-
mitié et de confiance que l'on pût se donner. Après la bataille de Dreux, en 1562,
François de Guise partagea son lit avec son prisonnier, le prince de Coudé. Les
lits devinrent, par les draperies qui les décoraient, un des principaux ameuble-
ments. Les pauvres gens les garnissaient de serge ou de toile ; les riclies, d'étoffes
de soie, de damas et de velours. Il y avait, au dix-septième siècle, des litsà l'ange
et à la duchesse, à la polonaise et à la turque. Les lits à balustrade étaient ime
marque d'honneur réservée aux souverains, aux princesses et aux très-grandes
dames. » (A. Cbéruel, Dictionnaire des institutions, mœurs et coutumes de la
France, Paris, 1855, p. 670.)
De nos jours, les lits sont rentrés dans des proportions plus raisonnables, et
ils ont d'ordinaire 2 mètres de longueur et de l^^oO à {"",85 de largeur. Leur
hauteur est variable suivant la composition de la garniture, mais dans les modèles
modernes elle tend à s'abaisser. La substitution du fer au bois dans la confection
des lits a réalisé un immense progrès au point de vue de la propreté et de la
salubrité. L'hygiène nosocomiale en a plus profité que l'hygiène domestique, mais
celle-ci eu a recueilli néanmoins un profit réel; grâce au fer, l'air a circulé
plus librement, et cette génération immonde de parasites, qui était le fléau des
anciennes chambres à coucher, a trouvé là une entrave que la découverte des
poudres insecticides est venue rendre plus complète. J'ignore l'histoire de cette
substitution si importante au point de vue de l'hygiène, mais je suppose que le
signal a dû en venir de l'Amérique ou de l'Angleterre, pays dans lequel le fer
remplace le bois pour une foule d'usages domestiques.
La paillasse et le ht de plumes sont en train d'aller rejoindre les bois de lit, et
l'hygiène ne leur donnera pas un regret. Sans doute une paillasse dont le contenu,
fait de paille de froment ou de feuilles de maïs, est remué tous les jours et renou-
670 LIT.
vêlé fréquemment, n'a d'autre inconvénient que de remplir la chambre de pous-
sière, mais, dans des conditions opposées (et ce sont les plus communes), elle
devient un réceptacle d'humidité, de mauvaises odeurs et de parasites ; de plus,
la paille se tasse ; le plan de sustentation devient irrégulier et dur, et le sommeil
est difficile dans ces conditions, même pour les gens les moins déhcats.
Le lit de plumes {x-o^onlovij.a.roc) ne vaut pas mieux. Schenkius, Baillou, Fores-
tus, Alexandre de Tralles surtout (lib. IX, cap. iv), ont fait ressortir les inconvé-
nients des lits de plume pour les néphrétiques, les calculeux dont ils échauffent
les reins : « Qiioniam istœ nempe renés valde calefaciunt, » et reconnaissent
que les gens sains eux-mêmes feraient bien de s'en passer. La difficulté de net-
toyer les hts de plume est, après leur mollesse, leur inconvénient principal. Ou
fré : il quand on songe que des générations peuvent se transmettre, sans que le
contenu en ait été changé, des lits de plume, réceptacles impurs de toutes es-
pèces de miasmes. L'aptitude de la plume, comme de la laine, à s'imprégner des
contages, est encore une raison de suspicion de plus. Il y a, du reste, des per-
sonnes qui ne peuvent coucher sur un lit de plume sans éprouver une agitation
insolite, due peut-être au défaut de conductibilité électrique de cette substance.
11 y a une trentaine d'années, les journaux de médecine enregistraient le fait d'un
asthmatique qui était pris invariablement d'un accès quand il couchait dans un
lit garni de plume.
Le sommier élastique, plus propre, plus aéré, conservant avec sa souplesse
primitive l'uniformité de la surface de sustentation, tend à entrer dans les habi-
tudes de toutes les familles aisées. Il en est de trois sortes : d" le sommier à res-
sorts métalliques en spirale ; 2" le sommier Tucker, constitué par des bandes
minces de bois fixées sur une corde rigide par des l'essorts ; 3" les sommiers dans
lesquels l'élasticité est produite par des arcs-boutants en fer munis de bandes de
caoutchouc.
Le premier est le plus employé. Composé de substances inaltérables, n'offrant
nulle prise aux parasites, d'une réparation facile quand après un long usage les
ressorts ont fléchi, ce sommier entre de plus en plus dans les habitudes domes-
tiques. Le sommier Tucker est moins usité, quoiqu'il ait aussi sa valeur. Le som-
mier à ressorts de fer et de caoutchouc est d'une sinjplicité séduisante, et il per-
met, chose importante au point de vue de l'économie, de ne faire intervenir qu'un
seul matelas. J'ai expérimenté, il y a dis ans, à l'hôpital de Cherbourg, un som-
mier de ce genre dont le modèle avait été proposé au ministre de la marine. La
paillasse y était remplacée par un système élastique composé de seize arcs-bou-
tants en fer formés de deux montants garnis à leur partie inférieure d'un men-
tonnet sur lequel s'adaptait une forte bande de caoutchouc. Ces arcs-boutants
étaient disposés quatre par quatre ; ils s'accrocliaient par en haut à un cadre de
feuillard entre-croisé sur lequel portait le matelas, et s'appuyaient en bas, parleur
caoutchouc, sur une tringle de fer ménagée à cet effet. Le poids du corps faisait
fléchir les bandes de caoutchouc, et Lélasticité se produisait par ce mécanisme.
J'ai trouvé ce sommier excellent, et le témoignage des malades quil ont expéri-
menté déposait en sa faveur ; le seul reproche qu'on put lui adresser était d-e
laisser entre le fond du lit et le matelas un espace vide que traversait l'air, et
par conséquent d'exposer les malades à se refroidir pendant l'hiver, mais cet
inconvénient peut être masqué par un supplément de couvertures, et pendant
l'été l'avantage hygiénique de cette circulation d'air serait incontestable. Je n'ai
pas su que ce lit ait été adopté.
LIT. 671
La question des matelas {culcita, stragula, instrata) of^re aussi un certain
intérêt hygiénique. Les lits des anciens ne furent primitivement, comme je l'ai
dit, que des couches d'herbes et de feuilles sur lesquelles ils étendaient quel-
quefois des étoffes diverses et des fourrures. Les stragula comprenaient l'ensem-
ble des garnitures du lit; on leur donnait aussi quelquefois le nom de toralia.
Le matelas était parfois remplacé par des fourrures ou des tapis étages les uns
sur les autres et débordant de chaque côté les extrémités du lit. Un lit étrusque
représenté sur un sarcophage en terre cuite, trouvé dans un tombeau à Cervetri
et placé dans le musée grégorien (voy. Mag. pittoresque, 1865, t. XXXIII, p. 384)
montre ce genre de garniture. Un autre lit, figuré dans une peinture du même
musée, offre à l'hygiène archéologique un intérêt réel en ce sens que le châssis
inférieur du lit sur lequel repose le mateles est formé de bandes de métal entre-
croisées en losange ; c'est sans doute là le premier essai de l'application du fer à
la confection des garnitures intérieures du lit. Une peinture égyptienne figurant
le tombeau de Ramsès II représente un matelas fortement rembourré recouvert
d'une étoffe' violette parsemée d'étoiles brodées ; mais on ne peut faire que des
conjectures sur la matière dont il était rempli. Sénèque parle de matelas assez
durs pour ne pas prendre l'empreinte du corps. S'agissait-il de culcita fortement
garnis ou de matelas élastiques ? En tout cas le matelas se confondait avec la
paillasse. Le stragulum de tous les lits antiques, dont le dessin nous est parvenu,
se compose d'une seule pièce appliquée directement sur le châssis. Une peinture
de Pompéi, rapportée par A. Rich {op. cit., p. 211, art. Culcita), donne une idée
de cette disposition. C'est un lit bas, à deux montants pleins verticaux, tout à
fait semblable à l'un des modèles de nos lits modernes en fer.
Chez les anciens les matelas étaient garnis de diverses manières ; on appelait
tomentum la substance qui les remplissait. C'était tantôt de la paille de froment,
du foin, des feuilles de palmier, des plumes de poules ou d'oies {Alstorphii
dissertatio, p. 57), des aigrettes de roseaux (ex coma arwidinum). Suétone
{Histoire des douze Ce'sars) raconte que Drusus, privé d'aliments vécut, neuf
jours en mangeant le tomentum de son matelas fait de roseau ou de gnaphalium.
[Voy. Marius Grapaldus, De partibus œdium Parmse, 1516, lib. II, p. 98.)
Quelquefois on le garnissait de poil de lièvre, de duvet, de chardon cà foulon, etc.
Le matelas d'Héliogabale était bourré de duvet de perdrix {plumœ perdicum
subalares), et il en changeait fréquemment. D'autres empereurs, au contraire, se
piquaient d'une austérité antique et couchaient, comme Louis-Philippe, sur des lits
bas et durs; mais c'était le petit nombre. Les anciens changeaient, du reste, de
matelas suivant la saison; l'hiver ils préféraient le matelas de plume, l'été celui
de laine et de coton (culcitra gossypio repleta). Je n'ai vu indiqué nulle part les
matelas de crin.
Les matelas et les coussins à air paraissent d'invention toute moderne, il n'en
est rien; c'est encore du vieux neuf. Les Romains se servaient de coussins et
peut-être de matelas de cette nature « Culcitram e corio ventosis foUibus {cha-
lumeau) spiritu tumefactam ad cubitum substernunt. » (Marius Grapaldus, op.
cit. lib. IL Cubiculum, p. 98). » Le mot follis signifiait coussin à air et tirait
son origine de cette pratique. On sait la facétie d'Héliogabale qui invitait des gens
à dîner, les faisait asseoir sur des coussins vides et prenait plaisir à les voir rouler
sous la table quand on distendait brusquement ces coussins avec de l'air.
Le crin, la laine, l'air et des substances végétales diverses sont actuellement
les moyens à l'aide desquels on distend les matelas. Le crin vaut mieux que la
672 LIT.
laine, il est plus propre, se rcsoud moins en poussière et de plus il a l'avantage,
fort apprécié par l'hygiène, de s'imprégner moins facilement des miasmes avec,
lesquels il est en contact; enfin il se tasse moins, d'où une condition de moindre
dureté et de plus grande uniformité du plan de sustentation. Les matelas à air
réuniraient toutes les conditions favorables si l'enveloppe restait toujours imper-
méable et si leur prix était moins élevé. Diverses substances végétales sont égale-
ment utilisées dans le même but. Nous avons parlé plus haut de la balle d'avoine
(réservée pour les sommiers d'enfant), de la paille des céréales. Les feuilles de
maïs déchirées dans le sens de leur longueur et réduites en lanières minces rem-
plissent très-bien cet office, il en est de même de diverses algues et fucus : le crin
végétal n'est autre chose que l'une de ces plantes. Mérat (Dict. en 60 vol., art.
Matelas, t. XXXI, p. 137) indique comme pouvant fournir un coucher sain et
commode : les tiges des Festiica ovina et Glauca L., le Poa cristala, le duvet de
l'apocyn à la ouate [Apocymim syriaciim L.), la soie des Heurs de la linaigrette
(Eriophorum polystachioti), les barbes soyeuses du Stipa pennata. Peut-être les
fibres ligneuses qui enveloppent la noix de coco [Cocos nucifera) constitue-
raient-elles aussi une bonne garniture de matelas.
(( Les matelas, dit judicieusement Mérat, demandent pour la santé un entretien
presque continuel réclamé aussi par l'économie. On devrait chaque matin, avant
de faire le lit, les exposer quelques heures à l'air. Cette simple précaution éviterait
bien des inconvénients qui résultent de son oubli, et dont le moindre est l'odeur
désagréable que le lit et la chambre conservent. Tous les ans il faut faire rebattre
les matelas et lessiver la toile ; mais cette opération mériterait d'être faite avec
plus de soin qu'on n'y en apporte ordinairement. On devrait, après avoir cardé la
laine, la laisser exposée plusieurs jours au grand air pour laisser échapper les
miasmes et les odeurs qu'elle coaitient au lieu de la replacer de suite dans la
toile de manière à resservir dès le même jour. Toutes les laines devraient être
battues à la baguette avant le cardage, ce qu'on ne fait qu'à la très-vieille laine
qui en a, à la vérité, plus besoin que la neuve. Enfin les matelas de trop vieille
laine brisée, pelotonnée, devraient être mis au rebut, parce qu'ils ne font que
des galettes informes et dupes. » [Loc. cit., p. 138.)
A Rome les ouvriers qui fabriquaient les matelas s'appelaient stragnlarii; ils
formaient une corporation et avaient un collège. L'iiygiène professionnelle était
peu avancée chez les anciens, et nous ne savons s'ils étaient exposés aux mêmes
accidents que les ouvriers de lamême catégorie chez nous. [Voy. Matelassiers.)
Les anciens remplaçaient souvent les matelas par des fourrures. Celles du
Quercy étaient particulièrement estimées. (Montfaucon, Antiquité expliquée,
1719, vol. III, P^ part., p. 107.) Ils attribuaient de graves inconvénients à
quelques-unes d'entre elles. C'est ainsi qu'ils croyaient que les peaux de chèvre
pouvaient produire l'épilepsie. (D. W. IrWlen Dissertatio , p. 90.) Hippocrate et
Caelius Aurelianus se sont donné la peine de discuter et de combattre cette opinion
qui ne valait guère de pareils jouteurs.
Les oreillers {culcitra, pulvinaria) complètent le plan de sustentation du lit.
Quelques dessins de lits égyptiens et étrusques montrent que les oreillers étaient
souvent remplacés par une bourrure plus forte de l'extrémité du slrayulum qui
correspondait à la tète. On a trouvé, ta Pompéi, des lits de pierre destinés vrai-
semblablement à des pauvres ou à des esclaves, et présentant un seuil en maçon-
nerie pour la tête. [Voy. Breton, Pompéia, p. 212.) Mais le plus habituellement on
se servait de coussins de forme et d'aspect différents qui s'appuyaient sur le dossier
LIT. 675
ou anacUnterlum. {Voij. A. Rlcli., p. oO.) .l'ai dit plus Iiaul de (inellcs matières
étaient gonflées ces coussins, qui étaient quelquefois des coussins à ait'. L'oreille^'
de ptiimes, très en usage chez nous, est certainement tout ce qu'on peut imaginer
d'autiliygiénique. Les taies éblouissantes de propreté dont on les recouvre cachent
leur sordidité intérieure, et leur mollesse, en même temps que le peu de conduc-
tihilité calorifique de leur contenu entretiennent vers la tête un afflux congeslif
dont les conséquences peuvent être fort graves. Le nombre des apoplexies et des
méningites fomentées par cette cause est plus considérable qu'on ne le croit. Les
oreillers de balle d'avoine, de crin, et les oreillers à air devraient remplacer défi-
nitivement les oreillers de plume.
Les enveloppes immédiates du corps pendant le coucher ;ont les draps, \escou-
vertiires, les edredons et les rideaux.
Les draps de toile étaient inusités chez les anciens, comme l'était le linge de
corps ; ,i'ai trouvé cependant dans l'Odyssée un passage qui montre que les jirinces
au moins se permettaient quelquefois cette mollesse. Au moment oii Ulysse laisse
Alcinoos pour s'en)barquer, « les rameurs, dit le poëte grec, enipoi'teiit des cou-
vertures et des tissus de lin pour que le héros goûte un inaltérable sommeil
Ulysse s'embarque et s'étend en silence sur cette couche moelleuse. » (Homère,
OEuvr.compL, trad. Giguet; Odyssée, chant XIII, p. 492.) Chez nous les draps
de lit sont de toile ou de coton ; les premiers conviennent particulièrement pour
l'été à raison de leur fraîcheur, les seconds doivent èlre réservés pour l'hiver.
Les draps sont au couchage ce que la chemise est au costume, c'est une condi-
tion de préservation pour la literie, de propreté et par conséquent de salubrité.
Chez les Grecs les couvertures étaient, dans le principe, des fourrures de chèvre,
de mouton, ou de bétes fauves. C'est ainsi qu'Homère nous montre Télcmaque
s'enveloppant, pour passer la nuit, « dans une toison moelleuse. » {Odyssée,
chant I", p. 362.) De même aussi les Hébreux se servaient de peaux d'animaux.
Nous lisons au livre des Rois (cap. XIX, v. 13) que Michol voulant tavoriser la
fuite de David, recouvrit joe/Ze pilosa la statue que, par subterfuge, elle avait mise
à sa place. Yarron {De lingua latina, lib. Y) nous apprend qu'à Rome on dési-
gnait les couvertures d'une manière générique par les mois pallia , operculum.
Le sagum, Vamphimallum, le toral étaient des couvertures particulières {ibid).
Les amphitapœ étaient des couvertures velues des deux côtés, comme sont aujour-
d'hui certaines couvertures de voyage et dont on se servait pour rendre les lits plus
moelleux ou pour se garantir du froid.
Le bien-être et l'hygiène sont d'accord en même temps pour réclamer des cou-
vertures légères, sauf à en accroître le nombre. Elles interceptent entre elles une
couche d'air, mauvaise conductrice du calorique, et réchauffent sans accabler par
leur poids. D'ailleurs une literie de ce genre peut être renouvelée plus souvent
d'une manière partielle et la propreté y trouve son profit.
L'édredon est une superfluité dangereuse. C'est une mollesse dont on doit se
passer ; son plus grand inconvénient est de reirdre singulièrement impressionnable
au froid ; la plume d'eider vrai ou faux qui le remplit est d'ailleurs passible des
reproches que l'on peut adresser aux hts de plumes, en y joignant de plus l'en-
combreroent de l'alcôve et la réduction du peu d'air respirable qui s'y trouve
déjà. Les couvertures légères interceptant entre deux doubles une couche mince
de cette soie effilée que le luxe du costume cède à l'utilité, remplit le même office
de préservation contre le froid et avec plus de légèreté.
Les rideaux paraissent n'avoir pas été employés parles anciens. Cette question
SICT. E.NC. T s. II. 43
674 LIT.
délicate des rideaux, qui a soulevé bien des discussions, sera examinée un peu plus
loin à propos du couchage dans les hôpitaux. Les moustiquaires étaient, au con-
traire, usités chez eux. C'étaient, comme encore aujourd'hui, des étoffes légères
qui entouraient le lit et préservaient contre les agressions des moustiques. Les
Hébreux {Rois, XX, 28) se servaient de moustiquaires. Les Grecs les appelaient
conopées (xwvwTrewv) et en avaient rapporté l'usage d'Egypte. Properce et Varron
en parlent en plusieurs endroits comme d'une habitude romaine. Sans anticiper
sur ce que j'aurai à dire plus loin des rideaux, je puis, dès à présent, les incri-
miner dans l'hygiène domestique. Ce n'est pas impunément, en effet, qu'ils créent
duns l'atmosphère déjà trop confinée de la chambre à coucher une atmosphère
circonscrite et stagnante, et qu'ils constituent autant de toiles d'araignées ten-
dues à tous les miasmes et à toutes les émanations. 11 faut donc éviter le double
contour de ces quatre rideaux somptueux dont parle le chanlre du Lutrin. Le
sybaritisme et la santé ont généralement des intérêts divergents.
En hygiène le lit vaut par lui-même, c'est-à-dire par sa simplicité, la propreté
scrupuleuse dans laquelle il est entretenu, le renouvellement fréquent de la literie,
la rigidité sans dureté et l'égalité du plan de sustentation, mais il vaut aussi par
la nature de la chambre dans laquelle il est dressé. Et à ce point de vue l'hygiène
ne peut que déplorer les conditions habituelles des chambres à coucher, même dans
les familles aisées. Ces pièces devraient être les plus spacieuses, les plus aérées, les
plus ensoleillées d'un appartement; ce sont d'ordinaire les plus étroites, les plus
encombrées et les plus obscures. Le salon absorbe tout. Nous imitons en cela les
mœurs des Romains dont les cubicula nocturna étaient extrêmement exigus et
n'avaient souvent d'autre ouverture que celle qui donnait sur l'impluvium ou
piscine du péristyle, ouverture qui donnait en même temps passage à l'air et à la
lumière. 11 est vrai que les poumons des Romains, mis ainsi à la ration congrue
par cet emprisonnement nocturne, trouvaient un ample dédommagement dans la
vie active et au grand air qu'ils menaient pendant le jour. Cette compensation
nous manque dans nos villes, et les médecins savent par expérience ce que sont les
trois quarts des chambres à coucher dans lesquelles leur ministère les conduit.
Un cubage suffisant pour subvenir d'une manière large aux besoins de la respi-
ration; les meubles indispensables et rien de plus; une propreté minutieuse; l'é-
loignement des linges souillés et des eaux de toilette; une cheminée ouverte pour
établir une circulation aérienne; une fermeture pas trop hermétique des joints des
fenêtres et des portes ; un renouvellement assez fréquent des peintures et des
papiers ; une large ouverture des fenêtres et des portes pendant la journée et
toutes les fois que le temps la rend possible, etc.; tel est, dans ce qu'il a d'essentiel,
le programme de l'hygiène d'une chambre à coucher convenablement saine. Il
faut y ajouter aussi une exposition qui permette l'accès du soleil. On sait combien
les chambres à coucher des appartements parisiens sont mal partagées sous ce
rapport. L'idée que le soleil n'a rien à y faire puisqu'on ne les habite que la nuit
est une idée fausse. Un proverbe italien dit : « Là où le soleil n'entre pas, le
médecin entre, » et ce proverbe s'applique aussi bien aux chambres à coucher
qu'aux autres ; il faut que cet infatigable chimiste en visite tous les coins, qu'il y
brûle, qu'il y oxyde, qu'il y détruise tout principe organique et s'oppose à cette
génération immonde des moisissures qui cherchent l'obscurité, y répandent leur
odeur fade et y dressent des embûches sourdes contre la santé. La physiologie et
la pathologie nous enseignent que dans le sommeil, les absorptions des matériaux
extérieurs se font avec plus d'activité; raison de plus pour tâcher de respirer dans
LIT. 675
une atmosphère salubre et renouvelée. Et que sera-ce quand, aux exigences de la
"vie convenue^ viennent s'ajouter celles de la vie gênée, quand l'incurie et la néces-
sité se donnent la tâche que font ailleurs le luxe et la vanité et transforment les
chambres à coucher en étouftoirs malsains ! On pourrait appliquer, sans exagé-
ration, le mot de Pringle à l'air des chambres à coucher : i Plures occidit qua%
gladius. » Et l'on passe le tiers de sa vie dans une pareille atmosphère ! ...
III. Hygiène hospitalière. Le couchage des malades est une des questiont
d'installation intérieure des hôpitaux qui olfre le plus d'intérêt pratique. Le prin-
cipe de la supériorité des petites salles sur les grandes commence fort heureuse-
ment à prévaloir; les questions de chaulTage, d'éclairage, de ventilation des salles
approchent d'une solution pratique; il n'y a donc, au point de vue de la salubrité
du couchage dans les hôpitaux, qu'à étudier le lit nosocomial en lui-même.
L'hygiène peut ici envisager d'un œil pleinement satisfait le progrès qui a été ac-
compli depuis le siècle dernier, et quand on compare le couchage des malades dans
nos hôpitaux actuels, à ce qu'il était au'a-efois, on a la mesure de cet accroissement
progressif du respect pour la souffrance qui est le meilleur indice de l'élévation
croissante du sens moral. Le rapport de la Commission instituée par l'Académie
des sciences en 1786 est singulièrement éloquent en ce qui concerne l'amélioraLion
du couchage... « un malade arrivant placé souvent dans le lit et dans les draps
d'un galeux qui vient de mourir... la gale ainsi perpétuée à l'Hôtel-Dieu... les
femmes enceintes, légitimes ou de mauvaise vie, parquées ensemble, dans la même
salle, et couchant trois ou quatre dans le même lit... la paille des lits rarement
changée et quand elle l'était, cette opération insalubre se faisant au milieu même
de la salle, et y dégageantune odeur méphitique... des lits de paille réservés dans
chaque salle pourles agonisantsetpour les galeux; réunissant quatre ou cinq de ces
malheureux ou servant de dépôt temporaire pourles nouveaux venus trouvant tou-
joursunesalle encombrée, une odeurinfecte, une humidité putride, une puUulation
incroyable de parasites de toute espèce, des nichées de rats élisant domicile dans
les paillasses, etc.; » tels sont, en ce qui concerne les lits, quelques traits de ce ta-
bleau dont l'évocation donne en même temps la nausée du dégoût et le frisson de
la pitié. On comprend à merveille l'inspiration de Milton qui, pour dérouler sous
les yeux d'Adam prévaricateur, la longue chaîne de misères qui attend sa descen-
dance, n'a rien trouvé de mieux que de lui ouvrir les lugubres perspectives d'un
hôpital. « Notre civilisation, ditM.Roubaud,plus en harmonie avec l'humanité, a
fait cesser de pareilles infamies et les hôpitaux d'aujourd'hui consolent par leur
spectacle la pensée attristée par les infirmités sans nombre qu'ils renferment. »
(F. Roubaud. Des hôpitaux au point de vue de leur origine et de leur utilité.
Paris, 1853, p, 80.)
Le couchage dans les hôpitaux s'est progressivement amélioré, mais c'est sur-
tout dans ces derniers temps que l'hygiène nosocomiale, suivant ou précédant les
progrès de l'hygiène commune, a apporté dans cette partie de son installation les
modifications les plus heureuses. Ce n'est pas cependant, comme nous allons le
voir, que tout soit pour le mieux sous ce rapport, et qu'il n'y ait plus rien à
innover.
' La matière, la forme, les dimensions, la hauteur, la composition, le nettoyage,
et les accessoires des lits d'hôpitaux sont les particularités à passer successive-
ment en revue.
L'adoption du fer pour la literie a constitué, je l'ai dit, un inappréciable pro-
grès et il n'y a maintenant (le nombre en diminue tous les jours) que quelques
676 LIT.
hospices de petites villes singulièrement attardées qui en sont encore au couchage
primitif des lits en bois. L'Iiôpifal des Cliniques a été en 1799, le berceau de
cette utile innovation, qui mit, comme toutes les choses utiles, un certain temps
à se généraliser. L'auleur de l'article Hôpital du Dict. des Sciences médicales
(t. III, p. 451), regrettait cette lenteur en 1817, et citait le Grand-Hopital de
Marseille, l'Ilôtel-Dieu de Lyon et plusieurs hôpitaux de Piémont et d'Itahe comme
plus avancés sous ce rapport que ceux de Paris. L'hygiène des hôpitaux a au-
jourd'hui opéré complètement cette réforme et elle peut se dire plus dvancée que
l'hygiène domestique qui ne la réalise que partiellement et d'une manière lente.
La forme du lit est traditionnelle : elle satisfait en mcmc temps le bien-être et
les habitudes. La position verticale ou légèrement inclinée du montant qui répond
à la tête appelle seule l'attention de l'hygiéniste. La première a prévalu pour les
hts d'hôpitaux parce qu'elle se prête mieux à l'installation de la planchette-étagère
dont le lit est muni, mais elle est moins favorable que l'autre à l'établissement
du plan incliné régulier que les oredlers doivent fournir pour soutenir doucement
et sans fatigue la tête du malade.
Les dimensions des hts dans les hôpitaux ne sont pas de nature à satisfaire com-
plètement. Et tout d'abord, il devrait y avoir deux ou trois types au moins, au
point de vue de la longueur, de façon à ne pas perdre de place d'une part et d'une
autre part à ne pas condamner les malades de grande taille « au supphce de Pro-
custe » suivant la très-juste expression de Coste {loc. cit., p. 450). La longueur
de 2 mètres n'est que suffisante, si l'on tient compte de la taille exceptionnelle
de certains malades, de leur disposition dans quelques cas à glisser vers le pied
du lit [pronum fieriet subinde deorsum ad pedes prolabi, maluni. Prœnot. 10;
Coac. 497) et surtout de l'espace perdu à l'extrémité de lits qui n'ont pas de
montant au pied pour draper les garnitures. Cette dernière disposition, pour le
dire incidemment, est mauvaise en ce sens que les malades n'ont pas de point
d'appui pour remonter vers le haut du lit ou pour se retourner. La largeur est
encore plus importante. Coste demandait que les lits d'hôpitaux eussent trois
pieds et demi de large (1", 15). Ce n'est pas trop quand il s'agit de malades,
ayant besoin de se mobiliser, pouvant dans l'état de délire tromper la surveillance
des infirmiers et tomber d'un côté ou de l'autre. Les lits des hôpitaux anglais
sont plus larges que les nôtres, et ils n'en valent que mieux.
Les anciens lits de bois étaient très-bas. Autrefois, à l'Hôteî-Dieu de Paris, ils
s'élevaient à un pied seulement ou à un pied et demi pour les salles du rez-de-
chaussée. On est tombé depuis dans une exagération opposée, et j'ai vu des hôpi-
taux très-bien tenus par ailleurs, où lorsque le sommier de paille était neuf, il
aurait fallu le scamnum des Romains pour les escalader. Les malades ne sont ni
assez ingambes ni assez forts pour pouvoir suffire à une gymnastique pareille.
Dans les hôpitaux anglais (Ch. Sarazin, Essai sur les hôpitaux de Londres, in
Ann. dliyg. 1866, t. XXV, p. 48), les lits sont très-bas, je dirai même qu'ils le
sont trop, si j'en juge par quelques modèles que j'ai vus, car s'il fauttenir compte
du bien-être des malades, il ne faut pas abstraire non plus les facilités de l'obser-
vation clinique. Ici encore rien d'absolu ; il faut pour déterminer utilement la
hauteur des lits tenir compte de leur destination et ne pas se borner, comme
Tison le recommandait déjà, à un type uniforme Un lit de fébricitant, un lit
d'obstétrique, un lit de chirurgie répondant à des besoins divers ne sauraient
être de même modèle.
J'ai dit plus haut ce que je pensais de la paillasse, et j'en voudrais encore moins
LIT. G77
dans les liôpita\ix que dans nos maisons. Le sommier est appelé sans don'e à
remplacer ce couchage primitif qui est cependant encore celui de nos liôpitaux
les mieux tenus. M. Roubaud pense qu'il sera dilTicile d'opérer jamais cette réforme
et il conseille l'introduction de quelques lits à sommiers élastiques ménagés dans
chaque salle pour les malades les plus graves {loc. cil. , p. 144). Espérons que les
sommiers se fabriqueront bientôt dans de telles conditions d'économie que ce
changement s'opérera de lui-même. Au reste, les paillasses ont déjà disparu des
hôpitaux anglais dont les lits, un peu sommaires peut-être ne se composent que
d'une sangle bien tendue, d'un matelas de crin etd'un traversin de plume. (Sar
razin, p. 48.) J'ai indiqué plus haut un sommier à ressort de fer et de caoutchouc
comme se présentant dans de bonnes conditions de simplicité et de bon marché-
Les matelas de crin valent mieux que les matelas de laine, mais il en faut
deux pour que le couchage soit convenal)le et encore convient-il de les faire re-
faire de temps eu temps pour les empêcher de trop durcir par le tassement.
La disposition des traversins et des oreillers importe beaucoup au repos des ma-
lades. Je les ai vus généralement dans nos hôpitaux se plaindre de cette partie delà
literie. Le traversin cylindrique qui la constitue seul, dans quelques hôpitaux est
insuffisant; les hôpitaux de Paris y joignent un oreUler. En .Angleterre, le traversin
est en plume, disposition peu hygiénique et qui est à supprimer anssi bien (pie
l'édredon, qui, par une délicatesse aussi singulière que superiliie, est encore con-
servé dans quelques hôpitaux de Londres. Les couvertures y suppléât aisément,
même dans le cas oiî l'on a à combattre des accidents d'algidité.
Les accessoires du lit uosocomial offrent aussi un certain intérêt : la planchette,
le tourniquet suspenseur et les rideaux les constituent.
La plancliette de fer supportée à angle droit par les montants est destinée à
recevoir les objets d'utilité et de traitement que l'on y dépose ; c'est une mau-
vaise installation. Cette planchette est habituellement sale et en désordre, on y
répand des liquides qui distillent ensuite goutte à goutte sur la tête des malades
comme je l'ai vu souvent, souillent leur literie et les maintiennent moudlés. La
table de nuit adoptée dans beaucoup d'hôpitaux vaut mieux ; les objets qu'elle sup-
porle sont plus à la portée des malades et elle leur apporte une sorte de souvenir
du comfort des habitudes domestiques.
Le tourniquet suspenseur ne date pas d'hier. Hippocrate en a ainsi raconté
l'origine. « Celui qui tressait des sarments, souffrant cruellement dans le décu-
bitus saisit l'extrémité d'une cheville fixée au-dessus de lui et se trouva soulagé. »
(Hipp., VP livre des Epirf., o^ section. Édition Littré, t, V, p. 297.) Cette installa-
tion, réservée d'ordinaire pour les lits chirurgicaux devrait, à un moment donné,
pouvoir s'appliquer à tous. Le carré supérieur qui réunit les quatre montants,
ou un col de cygne, peuvent fournir un appui solide à ce moyen de suspension
©u tout au moins démobilisation. Il n'est guère de malades qui, s'arc-boutant des
pieds contre l'extrémité du lit et se soulevant légèrement en prenant le tourni-
quet entre les mains, ne puisse se déplacer de lui-même et prévenir ainsi, mieux
que ne peuvent le faire les infirmiers, les inconvénients d'un décubitus pro-
longé.
Vient enfin la question des rideaux qui a divisé, divise encore, et divisera tou-
jours les hygiénistes et cela se conçoit. C'est une question hybride, mi-partie
physique, mi-partie morale (tout ce qui touche à l'hygiène a ce cùractcre) et cha-
cun, suivant la complexion de son esprit est disposé à abstraire l'une de ses faces
pour ne voir que l'autre. A l'étranger les lits d'hôpital sont habituellement sans
678 LIT.
rideaux. En France bon nombre de médecins et d'administrateurs sont favo-
rables à cette installation qui est considérée par d'autres comme portant préjudice
à la facile aération des salles. Les discours prononcés à l'Académie de médecine
{voy. t. XXXVIl du Bulletin de cette Compagnie) et à la Société de chirurgie
(voy. Discussions sur l'hygiène et la salubrité' des hôpitaux. Paris, 1865) ont
reflété cette divergence. M. Bonnafont s'est montré partisan, mais sous conditions,
des rideaux de lit. M. Trélat, au contraire, en a été l'adversaire décidé, et en fin
de cause, la Société de chirurgie adoptant une opinion éclectique a demandé que
la suppression des rideaux de lit fût facultative pour les chefs de service(/oc. cit.,
p. 136); à merveille, c'est en effet affaire d'indication. Un jeune médecin de talent,
M. II. Jacquemet, qui a récemment traité les questions principales relatives à l'hy-
giène hospitalière, s'est rallié dans son livre à cette opinion conciliatrice. {Des
hôpitaux et des hospices, des conditions que doivent présenter ces établisse-
ments au point de vue de V hygiène et des intérêts des populations . Mémoire cou-
ronné par la Société impériale de médecine de Bordeaux. Paris, 1866, p. 86.)
Je suis, quant à moi, partisan des rideaux (dans les hôpitaux), mais il y a rideaux et
rideaux, comme il y a salle et salle, saison et saison. Le système de rideaux utilisé
dans les hôpitaux de Paris est certainement le meilleur. En toile et par conséquent,
susceptibles d'être souvent nettoyés, divisés en quatre parties dont chacune glissant
sur sa tringle peut s'appliquer exactement sur le montant de fer qui lui corres-
pond et dont elle augmente à peine le volume, sans ciel de lit, ces rideaux peu-
vent, suivant l'indication, fonctionner ou disparaître; ils individualisent le malade
et ne sauraient être sérieusement considérées comme des obstacles à l'aération de
la salle. Certainement aussi les avantages des rideaux sont mieux marqués dans
certaines salles. Celles destinées aux femmes les réclament plus impérieusement
que les autres, et l'intérêt de ménagei' leur pudeur vaut la peine qu'on en tienne
compte; comme l'a remarqué Tenon qui a jeté sur toutes ces questions la lueur
d'un esprit singulièrement sagace, autres sont les besoins, sous ce rapport, d'un hô-
pital de matelots ou de soldats et d'un hospice civil ; la population du premier est
rompue par la promiscuité de la vie de navire ou de caserne aux incommodités de-
l'existence en commun ; celle du second est d'une impressionnabilité toute autre.
« Les rideaux qui entourent les lits, a dit à ce propos M. Raige-Delorme, sont con-
venables sous le rapport de la décence, surtout pour les femmes ; ils sont favora-^
Mes au repos et au sommeil des malades ; ils les mettent à l'abri de ces courants
d'air auxquels sont exposés surtout les malades dont les lits sont près des portes ;
enfin ils permettent de soustraire à la vue le spectacle horrible de l'agonie on
celui que présentent les attaques de certaines affections convulsives. Ces considé-
■ rations sont d'une telle importance qu'elles prescrivent de conserver les rideaux,
malgré les inconvénients qu'on leur a reprochés avec quelque exagération et que
diverses précautions permettent de laire disparaître presque entièrement. {Dic-
tionn. en 30 vol., art. Hôpital, t. XV, p. 370, 1837.) J'ajouterai que si l'utilité
des rideaux était contestée l'été, elle ne saurait l'être pour l'hiver ; un autre avan-
tage, c'est de permettre, sans péril de refroidissement, cette ouverture des fenêtres
dont les avantages hygiéniques ont été, et sans trop de paradoxe, opposés aux,
systèmes de ventilation. Cette question n'est pas susceptible de la même solution,
dans l'hygiène domestique et dans l'hygiène hospitalière.
La propreté et l'assainissement des lits exigent, cela va de soi, une surveillance-
attentive. M. Husson a signalé dans sa belle Étude sur les hôpitaux, l'avantage que
présente la peinture vert clair des lil&, qui est plus douce pour la vue et plus.
LIT. 679
récréative pour l'esprit. Quoi qu'il en soit de la préférence à lui accorder sur la
peinture noire, il est, au moins, avantageux que les lits soient repeints de temps
en temps, condition d'assainissement et de propreté. A mon avis, le principe du
chômage temporaire des salles après un certain temps de service indiscontinu
devrait être appliqué aux lits qui ne seraient remis en usage qu'après un
nettoyage exact. M. Raige-Delorme demande que les matelas de crin et de laine
soient cardés ou rebattus tous les six mois ; que les couvertures de laine et les
courtes-pointes d'été soient dégraissées et lessivées exactement au bout du même
temps {loc.cit., p. 570). Ce n'est pas trop exiger.» En Angleterre, dit M. Lelbrt
{Aperçu général svr la salubrité des hôpit. anglais. Gaz. hehd. 1862, et Ann.
d'hyg. publique. 2" série, t. XVII, }). 232), on accorde un soin tout particulier
aux objets de literie. Lorsqu'un malade vient à mourir, les matelas sont toujours
enlevés de la salle, la laine en est lavée, cardée, et c'est en quelque sorte, un
matelas nouveau qu'on rapporte dans la salie. » Nous devrions y mettre le même
soin, mais, hélas ! combien de fois n'ai-je pas vu et dans les meilleurs hôpitaux,
un lit que la mort avait vidé le matin admettre le soir un nouvel hôte ; il n'y avait
eu, comme dans une auberge, que les draps de changés. Il faut qu'on y songe ; à
côté des souillures apparentes qui frappent les yeux et offensent l'odorat, il y a le
méphitisme invisible qui franchit sans se révéler la barrière des sens et va droit à la
santé qui s'aperçoit bien vite de sa présence. L'air d'une salle vaut ce que valent
les atmosphères partielles qui entourent chaque lit et une piopreli' hollaudaisc
est de rigueur. Coste demandait en 1817 {loc. cit., ip. 452) que les lits lussent
faits tous les jours ; le système d'un lit de réserve permet toujours de mobiliser le
malade et de lui donner le bien-être d'un lit convenablement fait. Mais, entre
faire un lit, c'est-à-dire l'aérer, le gonfler, l'égaliser, et en remuer les pièces sur
place et par simple formalisme il y a une différence que les infirmiers l'ont volon-
tiers disparaître, mais que le malade le moins nerveux sent à merveille.
IV. Hygiène thérapeutique. J'ai, à l'article Alitement {voy. ce mol), indiqué
les effets physiologiques d'un séjour prolongé au lit, la mesure dans laquelle il
doit être prescrit, les inconvénients de l'abus qu'on en fait, et son emploi comme
moyen thérapeutique. J'ai à compléter ces considérations en indiquant ici les pro-
cédés divers d'installation du lit et les artifices à l'aide desquels on peut rendre
l'alitement inoffensif.
Un mot au préalable sur les lits médicamenteiir. Les ancietis faisaient usage
de ce moyen dans une foule de maladies et lui attribuaient des vertus souvent ima-
ginaires. Le vulgaire, dépositaire habituel des vieilles pratiques médicales, voue
encore à celle-ci un culte tout gratuit. Pline et Dioscoride racontent que dans les
Thesmophories (fêtes de Cérès) les matrones, condamnées à une continence volon-
taire, couchaient sur des lits d'agnus castus. Eustathe et Matthœus Sylvaticus
indiquent aussi cette pratique comme habituelle dans certains couvents d'hommes.
Celse (lib. IV, cap. ii) signale des lits médicamenteux de diverses natures :
« Cubilibus decumbere quœ instruenda sunt foliis vitis, rubi, » etc. Les som-
miers aromatiques et les paillasses remplies de fucus sont encore des moyens
employés dans certains pays, mais leur efficacité est plutôt affaire de tradition
que d'expérience.
On a été plus loin dans cette voie, et, au lieu de faire du lit installé d'une cer-
taine façon un auxiliaire du traitement ou de l'hygiène des malades, on a imaginé
le lit-panacée. Tel était le lit céleste de Graham, qui au dix-huitième siècle faisait
profession de prolonger la vie et rivalisait avec le baquet magique de Mesmer. Il
O'^'O LIT.
cousoliilait les santés cliancelantes, rallumait la vie prête ù s'éteindre et assurait en
même temps et la longévité et la fécondité des piitriarches. Tout Paris y courait
de raison, comme il y courrait encore. Hufeland nous apprend que ce lit « consis-
tait en une réunion d'émanations électriques (?), de stimulations exercées sur les
organes des sens, de vapeurs odoriférantes, des sons de l'Iiarnionica, )> attrait
ajouté à celui de l'absurde ; la location de ce lit coûtait fort cher, et il eût fallu la
fortune d'un nabab pour y dormir en permanence. Graham gagna beaucoup d'ar-
gent dans le principe, mais il en dévora plus encore, et finalement les exempts
vinrent faire main basse sur son mobilier. Le Ut céleste ne put jouir du privilège
stipulé plus tard par l'article 592 du code de procédure civile, et il fut saisi
comme un lit vulgaire.
Les cUnologistes, et Daniel Wilbem Triller en tête, ont singulièrement sub-
tilisé la partie de l'hygiène thérapeutique qui concerne le lit, et, exagérant une
idée d'ilippocrate qui choisissait les lits destinés à ses malades suivant la nature de
leur aifection, ils en ont décrit un pour chaque maladie. Triller a eu raison de se
plaindre de la iaçon expéditive dont les médecins de son temps (qu'eùt-il dit s'd
avait vécu du nôtre?) s'affranchissaient du souci de ces détails, il a eu le défaut
de ne pas savoir se borner, et je fais grâce au lecteur de la description qu'il donne
duht des : phrénétiques, comateux, apoplectiques, pleurétiques, pneumoniques,
des cholériques, des asthmatiques, des tétaniques, des catarrheux, des mania-
ques, des femmes trop menstruées, des varioleux, etc., etc. J'ai relevé, dans cette
singulière débauche d'érudition que Triller s'est permise à plus de 80 ans, soixante-
neuf sortes de lits adaptés par leur forme, leurs dimensions ou la manière dont on
les faisait, au traitement d'autant de maladies. Avec plus de sobriété, d aurait ex-
primé une idée juste, c'est que ce détail, pour minime qu'il soit, mérite d'appeler
la sérieuse attention du médecin. Le mode de couchage influe en effet sur le
sommeil, le repos musculaire, la température du malade, la déclivité des organes
par rapport les uns aux autres ; et qui pourrait nier l'importance pratique de
toutes ces choses qui seniblent aux médecins négligents de pures et vaines mi-
nuties ?
La question du couchage pour les malades est plus complexe qu'on ne se l'ima-
gine au premier abord ; il faut en effet tenir compte des habitudes (c'est souvent
une question de sommeil ou d'insomnie), des exigences particulières que fait
naître l'état spécial du malade, du résultat thérapeutique auquel le lit doit con-
courir, de la chambre dans laquelle il est dressé, etc. Cette dernière considération
a une importance que l'on pressent. Dimensions spacieuses, ordre et propreté,
aération, bonne dispensation de la chaleur et de la lumière, tranquillité, isolement
relatif : tels sont les éléments de la bonne installation d'une chambre de malades.
Je les ai étudiés ailleurs {Le rôle des mères dans les maladies des enfants, P.iris,
4808, p. m, Dixième entretien, la Chainbre d'wi enfant malade), et ce que j'en
ai dit là un pomt de vue spécial est applicable à tous les cas. Au reste, c'est chose
admirable que de voir le sentiment profond de l'importance de ces détails dans
les ouvrages des médecins des siècles passés. Écoutons plutôt Aretée (de Cappa-
doce) sur ce point : « jEgrotum cubare convenit in conclavi mediocris amplitu-
dinis, aeris temperati, hyeme tepidi, a.'state frigidioris, vere autem et autumno,
secundum temporum noturas, conjectura uti decet. » {De Morb. aerat. curât.,
lib. I, Curât, phrenetic, cap. 1, m Principes artis medicœ EaMeri.) » Voilà pour
les conditions générales de la chambre qui convient aux délirants; viennent en-
suite des détails encore plus minutieux : « Parietes levés siut, œquales, neque
LIT. 681
supereminentes, neque festucas aut aliquid exertuni liabentes, ncqiie picturis
exornentur, picUira enim parJetum meiitein lurbat. » {ïbld., p. 52.) teliiis Aurc-
liaiius ae s'est montré ni moins attentil', ai moms exigeant (Morb. chronic,
lib. I, Mania, cap. v). Huxham s'est inspiré de ces modèles pratiques, et, dans
son Essai sur les pleurésies et les pe'ripneumonies (Paris, 1765, p. 277), il s'est
élevé surtout contre ces chambres d'hôpital qua l'on crée dans nos maisons en y
réunissant plusieurs malades (p. 227). Je pourrais multiplier les textes, mais
c'est assez pour montrer combien aous aunoas de chemin à faire pour nous élever
à ce sentiment de l'importance des petits détails qui respire dans les œuvres
pratiques des médecins qui nous ont précédés. Décidément, tout n'est pas à
dédaigner dans ce qu'ils nous ont laissé.
Les lils ou procédés de soulagement méritent une attention particulière; ils
ont pour but de permettre au malade de se soulever lui-même pour varier son
décubitus aussi bien que pour satisfaire à ses besoins, ou tout au moins d'aider
les personnes qui les assistent. Est-il hors d'état de faire des mouvements ou
l'inmiobilité absolue lui est-elf; prescrite, il y a des lits mécaniques et des appa-
reils qui répondent à cette condition particulière. Il faut enfui rapporter ù cette
catégorie les moyens ou les procédés employés pour maintenir propres les gâteux,
qu'ils le soient par le fait de la maladie, d'une infirmité ou de l'aliénation.
Le tourniquet hippocratique dont j'ai parlé plus haut est le plus simple et le
plus eflicacedes moyens de cette nature. Cosie {Dict. en 00 vol., t. XXI, p. 452)
a émis la crainte que ce moyen de suspension ne lit naître dans quelques cas des
idées de suicide et ne pei'mît de les réaliser. Je crois cette appréhension purement
théorique. La hauteur des plafonds rend malheureusement son installation difficile
dans nos maisons. Un cadre rectangulaire en bols fort, à pieds solidement fixés
au plancher, peut passer au-dessus du lit du malade, dont il coupe l'axe perpen-
diculairement, et fournir un point d'appui à une corde. Serait-il d'ailleurs su-
perflu d'avoir dans chaque famille un lit de fer susceptible de recevoir au besoin
un col de cygne? Li maladie frappe-t-elle donc si rarement à notre porte, que
nous n'ayons pas à songer à sa venue probable ?
Les bras des garde-malades et des coussins de formes diverses peuvent varier
plusieurs fois par jour le décubitus et les attitudes, déférant dans une certaine
mesure au besoin qu'ont les malades, surtout les malades amaigris , de changer
souvent le point de sustentation du corps; maison ne préviendrait pas sûrement
dans une foule de cas les plaies de poitrine, les ulcères du siège (s),zw(Σ; ■:■?,<;
sSpr.ç, Hippoc.) ou le sphacèle des parties saillantes, si ou ne recourait à divers
artifices, indépendamment des soins minutieux de propreté, etc.
L'industrie du caoutchouc a été singulièrement profitable à tous les arts, et la
médecine en a profité largement. Les cous?ins de balle d'avoine ou de cuir percés .
au centre et même les coussins à air ne remplissaient qu'incomplètement l'office
de préservation qu'on leur demandait. On a maintenant dans les matelas ou
coussins de caoutchouc gonUés d'eau [water-maftress ou cushion-mattress) des
moyens qui atteignent parfaitement le but et dont on ne saurait trop répandre
l'usage. En Angleterre, cette habitude se généralise de plus en plus, et un indus-
triel de Londres, Hooper, fabrique à des prix abordables des matelas hydrostati-
ques entiers (fidl length icater-viattvess) ou des demis ou des quarts de matelas
{half-size or three quater-size), {\\\i, ajoutés au couchage des malades, et à
demi gonflés par de l'eau à diverses températures, rendeiit les plus grands ser-
vices. Dans beaucoup de villes, les pharmaciens louent des ivater-mattress, de
682 LIT.
sorte que les personnes peu aisées peuvent à un moment donné profiter de ce
bien-être. Le matelas hydrostatique de Galante, présenté à l'Académie de médecine
en 1846, est installé sur le même principe. 11 peut contenir environ 60 litres de
liquide. Le lit hydrostatique d'Arnott de Londres est fondé sur le principe de l'in-
compressibihté de l'eau ; le malade est suspendu dans une enveloppe imperméable
à la surface d'une cuve pleine d'eau. Le lit à eau de Hebra, de Vienne, a une des-
tination thérapeutique spéciale ; c'est de maintenir les malades dans un bain tiède
continu. Il ne se rapproche que par le nom des appareils précédents. M. G. Gaujot
a figuré dans son livre les appareils hydrostatiques de Hooper dont le journal an-
glais, the Lancet, reproduit d'ailleurs les dessins d'une façon en quelque sorte
permanente. {Voy. G. Gaujot, Arsenal de la chirurgie contemporaine, Paris,.
1867, t. I, p. 480.)
Cet auteur a décrit avec le plus grand soin les principales espèces de lits de
soidagement employés dans les cas de fractures ou après des opérations graves.
Il les divise ainsi :
1 " Lits à cadre indépendant avec mécanisme de suspension :
a. Lit de Leydig, dans lequel le malade était soulevé au moyen de sangles
fixées à un cadre superposé au lit ordinaire;
b. Lit de Tober. Le cadre et le support étaient indépendants, les cordes sup-
portant le cadre sur une pièce du support tournant sur elle-même au moyen.
d'une manivelle.
c. Le lit de Daujon. C'était un cadre à sangles, susceptible d'être élevé au-
dessus du lit au moyen d'un système de suspension consistant en poulies et en
quatre cordes fixées aux angles du cadre.
d. Le nossiropbéline ou appareil Filhol.
e. Le lit de Josse, d'Amiens.
f. Le lit de NicoleBertholet.
g. Le nosophore de Rabiot, le lit de Thomas, celui de Poullien, celui de Gros,,
de Dijon.
2" Lits à cadre dépendant avec mécanisme de soulèvement :
a. Lit mécanique de Luke, dans lequel le cadre est soulevé au moyen de
leviers articulés et d'une manivelle.
b. Lit mécanique de Crosby, dans lequel la couchette est mobile et le cadre
à sangles est libre.
c. Le lit à sommier brisé de Kissel, dont le cadre sanglé offre trois brisures et
la couchette deux.
d. Lit mécanique de "W. Hooper, dans lequel le cadre est fixé au lit par des
leviers obliques qui les écartent l'un de l'autre en devenant verticaux. Ce ht est
muni d'un matelas hydrostatique.
J'ajouterai à cette énumération les lits à dossier mobile et susceptible, au moyen
d'une crémaillère, défaire avec le corps du lit des angles qui varient de 10° à 90°,
J'ai vu fonctionner à Brest, dans mon service, un de ces lits, et les malades s'y
trouvaient à merveille. La manœuvre, toujours fatigante, des oreillers est ainsi
évitée.
J'ai dû me borner à une simple indication de ces lits, dont l'invention a singu-
lièrement multiplié les types. Je ne puis que renvoyer le lecteur au livre technique
que je citais tout à l'heure, et dans lequel M. Gaujot a décrit, dans tous leurs dé-
tails, ces lits mécaniques et a comparé leurs avantages et leurs inconvénients res-
pectifs. L'auteur {op. cit., p. 465) semble considérer le Nosophore Rabiot, qui
LIT. 685
appartient à la catégorie des lits à cadre indépendant avec mécanisme de suspen-
sion, comme offrant les meilleures coudUions, tout en reconnaissant cependant
qu'il est un peu encombrant et dispendieux. Gellé, de Paris, a modifié heureuse-
ment le système Rabiot et l'a adapté aux fonctions principales que doivent remplir
ces appareils ; il s'en sert pour clianger le malade de lit, pour renouveler la
literie, pour donner des bains au moyen d'un hamac suspendu, pour panser les
eschares, pour déposer le malade de son lit dans un fauteuil, pour le remonter
dans son lit, etc. On peut affirmer maintenant que, grâce à ces dispositions ingé-
nieuses, les dangers quelquefois terribles de la gangrène du siège et des trochan-
ters peuvent, dans l'immense majorité des cas, être facilement et sûrement
conjurés.
On sait combien les malades ou les aliénés gâteux exigent de soins de propreté
pour atténuer l'infection de l'atmosphère qui les entoure. Dans beaucoup d'éta-
blissements d'aliénés on en est arrivé, à force de vigilance et en soumettant les
fonctions intestinales de ces malheureux à une disciphne attentive, à supprimer
presque complètement les gâteux. C'est le but auquel doivent tendre et ai-river les
directeurs d'asiles d'ahénés. Mais les malades eux-mêmes peuvent, dans certains
états du cerveau ou dans quelques parajilégies, ne pas retenir leurs évacuations,
et il faut parer aux dégoûts ou aux inconvénients qu'amène cet état de choses.
Entre les moyens qui ont été proposés (en dehors des matelas percés, des enduits
imperméables, etc.), il en est un imaginé par Howel et qui se recoznmande par
son extrême simplicité, c'est l'emploi de sacs de charbon pulvérisé sur lesquels
porte le siège du malade. Il cite un cas où l'odeur fétide disparut presque ins-
tantanément, grâce à l'emploi de coussins de cette nature. {Monihly Journal, 1852,
et Bull. gén. dethérap., 1852, t. XLIII, p. 41.)
Le couchage, envisagé au point de vue thérapeutique, n'a pas seulement à s'occu-
per des conditions du lit et de la chambre dans laquelle il est dressé, il doit aussi
songer à l'influence des attitudes que l'on donne aux malades ou qu'ils prennent
d'eux-mêmes. Les anciens ont longuement étudié le décubitus au point de vue de
la séméiologie et du pronostic. Les Prénotions et les Coaques d'Hippocrate sont
remplis d'observations ingénieuses sur ce sujet ; le décubitus de bon augure et
le décubitus de sinistre présage y sont peints de main de maître, et il faut bien
le reconnaître, l'observation moderne n'a ni beaucoup retranché, ni beaucoup
ajouté à ces tableanx dans lesquels étincelle ce génie essentiellement grec de
l'étude des aspects extérieurs qu'Hippocrate a jeté à pleines mains dans son œuvre;
mais on n'y trouve rien sur l'iniluence curative des diverses espèces de décubitus.
Chaque maladie a son décubitus particuher; autre en effet est le décubitus qui
convient à un asthmatique, à un sujet atteint d'une lésion du cœur, d'une hémor-
rhagie, d'une disposition syncopale, d'une toux convulsive, d'une maladie de tel
ou tel côté de la poitrine, etc., etc. On pressent la multiplicité des vues prati-
ques à laquelle conduit cette idée. Je ne puis que la formuler, et je renvoie le lec-
teur au mot Alitement.
V. Hygiène nautique et militaire. Le hamac est le lit nautique par excel-
lence, il devrait aussi, nous le dirons tout à l'heure, devenir le lit militaire. C'est
aussi le lit en usage dans certaines colonies et chez quelques peuplades encore
primitives qui y tiennent, parce qu'il concilie avec l'avantage du bien-être celui
d'une installation et d'un transport faciles.
Ije hamac convient très-bien aux besoins de la vie nautique ; son arrimage fa-
cile, la rapidité de sa mise en place, la possibilité de désencombrer les batteries
CS4 LIT,
ou le faux-pont, en réunissant au même croc les deux extrémités des liamacs
inoccupés, lui assurent sur tous les autres moyens de couchage une véritable supé-
riorité.
Le hamac est constitué essentiellement par une enveloppe rectangulaire de
forte toile ayant à peu près 2™, 10 de longueur et bordée, à ses deux extrémités,
d'œillets dans lesquels se serrent des cordes allant se réunir à un anneau de sus-
pension. Un morceau de bois à écbancrures tern)inales écarte les deux cordes ou
araignées les plus distantes et transforme ainsi le hamac en un véritable berceau,
dont les bords sont relevés. Pans l'intervalle des deux toiles qui constituent le
hamac se glisse un matelas, et une couverture donnée à chaque matelot lui sert
d'abri contre le froid.
Les matelots n'ont pas encore de di'aps. Cette amélioration trouve-t-elle daris
les conditions de la vie nautique des obstacles qui la rendent irrréahsable? .le
n'en crois rien. Les relâches sont actuellement assez fréquentes pour que ces
draps puissent être portés aux aiguades en même temps que le hnge de corps, et
d'ailleurs on dispose maintenant à bord des navires, grâce à la grande quantité
d'eau douce qu'on y fabrique, et à la possibilité d'utiliser pour le lessivage
du linge la vapeur d'eau des chaudières, on dispose, dis-je, de ressources suffi-
santes povu' rendre possible cette inestimable amélioration. Les matelas et les cou-
vertures seraient dans un état convenable de propreté et la santé y trouverait son
profit. Quand nous userons des bains aussi largement que les Romains le fai-
saient, nous aurons le droit de nous passer, comme eux, de draps de ht. Quand
j'ai publié mon Traité dliygiène navale en 1856, je ne parlais de la concession
de draps de hts avix matelots que pour regretter rim};06sib,lité de cette mesure;
mais les choses ont marché de[:uis douze ans, ce qui était impraticable est devenu
possible, et je signale, comme bien désirable, cette amélioration aux hommes qui
administrent la marine et qui ont à cœur le bien-être et la santé du matelot (voy.
Traité d'hygiène navale, Paris, 1856, p. 150). Je ne puis que renouveler ici
les conseils que j'ai donnés pour entretenir le hamac du matelot dans un état
convenable de salubrité, c'est-à-dire de nettoyer fréquemment les couvertures
qu'imprègne la sueur, principalement dans les pays chauds, de les priver de
leur humidité par l'aération, le battage et l'exposition au soleil aussi souvent
qu'on le pourra, et de les laver tous les deux mois au moins. 11 ne faut pas ou-
blier que les tissus de laine, retenant fortement l'air dans leurs porosités, se débar-
rassent avec peine des miasmes qu'ils recueillent, deviennent, au premier chef, des
véhicules de contagion. Le matelis du hamac n'est presque jamais refait, quelle
que soit la longueur de la campagne; aussi l'iuimidité et la sueur lui doimeiit-
elles une odeur désagréable qu'on ne saurait considérer comme inoffeusive. Les
matelots voiliers, alors qu'ils ne sont pas employés aux travaux du bâtiment
(et la vapeur leur fait des loisirs aujourd'hui), ne pourraient-ils pas carder etrC'
faire un matelas de temps en temps de manière à procurer annuellement à chaque
homme l'avantage de cette réparation? Si le hama^ est soumis au nettoyage
mensuel que prescrivent les règletaents, cela tient peut-être un peu, tout esprit
de critique à part, à ce qu'il coutiibue, quand il est placé dans les bastingages,
à cette propreté d'apparat à laquelle on lient tant. Son lavage est moins essen-
tiel cependant que celui de la couverture, qui peut, grâce à sa couleur brune,
dissimuler sa sordidité réelle. La vigilance de l'autorité surveillerait plus efficace-
ment des couvertures blanches et en fin de compte, ses efforts doivent tendre
plutôt à combattre la malpropreté qu'à la cacher à l'œil là oii elle existe. Disons
LIT. 685
qu'il y aurait lieu d'embarquer un double jeu de couvertures, comme ou embar-
que un doul)le jeu de hamacs, autrement il serait sou'.ent impossible de les faire
sécher dans l'intervalle des deux braiile-bas. {Op. cit. ^ p. 151.)
Le couchage des matelots a été singulièrement amélioré, la concession d'un
hamac séparé pour chaque homme les a affranchis des dégoûts et des inconvé-
nients moraux de l'amatelotage ; il faudrait aller jusqu'au bout dans cette voie et
songer qu'il s'agit là d'un intérêt d'hygiène du premier ordre.
Le hamac suspendu par ses deux extrémités dans le sens de l'axe du navire suit
I les mouvements d'oscillation latérale et de tangage du navire ; il atténue pour les
/ marins novices les souffrances du mal de mer et éjiargne aux initiés des se-
cousses dont la violence pourrait quelquefois compromettre leur sommeil. On a
cherché, à plusieurs reprises, à imaginer pour les hamacs un système de suspen-
sion plus parfait que celui qu'on utilise actuellement. Pingeron, en 1780 {Santé
des ynarins, Paris, 1780, p. 106) en a proposé un excessivement ingénieux et
que j'ai reproduit dans mon Traité d'hygiène navale (p. 149) ; mais, comme il
l'avoue lui-même, il pourrait tout au plus être employé pour les cadres des ofli-
ciers et des malades. Il y a là évidemment une amélioration possible; mais la com-
plication du mécanisme la ferait payer trop cher. Les paquebots à passagers pour-
raient utiliser ce système de suspension. Il y a quelques années, on délivrait encore
des crocs suspenseurs à double articulation pour le cadre des officiers supé-
rieurs.
Les hamacs en pitre, en fil d'ananas ou en coton peints de couleurs diverses
sont entrés dans les mœurs coloniales, mais ils servent plutôt à la méridienne
qu'au sommeil nocturne.
Le cadre est une invention anglaise qui réunit au comfort de nos lits ordinaires
les avantages nautiques du hamac ; il rend de grands services aux malades, et les
officiers, soucieu:; de leur bien-être, le substituent très-habituellement à ces cou-
chettes inamovibles qui leur enlèvent une partie de l'air de leur chambi-e.
Les soldats en sont encore pour le couchage aux lits ordinaires avec paillasse.
Je ne cesse de me demander pourquoi l'on ne substitue pas à ce couchage dispen-
dieux et encombrant le hamac qui figure aussi bien dans nos casernes de mate-
lots qu'à bord des navires, et qui permettrait, dix minutes après la diane,
d'avoir des chambres complètement vides et parcourues de bout en bout par un
courant d'air purificateur; économie, propreté, éloignement des poussières que le
remuement des paillasses répand dans l'air, tout se réunit pour demander cette
modification dans le couchage du soldat. Et qu'on ne vienne pas opposer à cette
idée la diversité des mœurs des mihtaires et des marins, qui rendrait étrange
pour les premiers un couchage que les seconds acceptent à merveille. Cet argu-
ment a peu de valeur aujourd'hui que les matelots et les soldats ont vécu si sou-
vent de la même vie ; d'ailleurs ce serait pour ceu.\-ci une initiation à l'existence
nautique qu'ils exercent si souvent pendant les traversées coloniales et les expédi-
tions de guerre. J'appelle la sérieuse attention de mes confrères de l'armée sur
cette idée, qui serait bien vite réalisée s'ils s'appliquaient à la faire prévaloir.
FONSSAGRIVES.
Bibliographie. — Alstorphii (Joannes). Dissertatio philologica de lectis; suhjicUur ejmdcm
de lecticis veterum diatribe. Amstelodami, 1704. — TBiLLi.mi (Danielis Willielmij. Clino-
technia viedica antiquaria sive de diversis œgrotorum lectis serundum ipsa varia morborum
gênera conveidenter instruendis, cmmnentarius mcdico-criticus. FrancofiuHi et Lipsi»,
1774, in-'i^.—Çii^viOT. Arsenal delà cidrurgie contemporaine. Paris, 1807, t._I", cbap. VIII,
p. 452, Lits mécatiiques. F.
C86 LIT ORTHOPÉDIQUE.
§ II. Orthopédie. Les lits orthopédiques ont été appelés aussi lits à exten-
sion, lils mécaniques. Cette dernière dénomination a l'inconvénient de s'appliquer
aussi aux lits d'un tout autre genre, au moyen desquels des malades condamnés
à l'immobilité sont soulevés avec le plan qui les supporte, pour les besoins des
excrétions, pour le pansement des plaies de la partie postérieure du tronc, etc.
Les lits orthopédiques sont à peu près exclusivement consacrés au traitement
des déviations de la colonne vertébrale, et spécialement de la scoliose ou déviation
latérale. Employés d'abord seulement la nuit, ils ne tardèrent pas, au commen-
cement de ce siècle, à être mis également en usage une partie du jour, et même
pendant toute la durée du jour, exagération de leur emploi qui ne pouvait se
soutenir devant la plus simple observation des faits.
Venel et Darwin, à la fin du dernier siècle, ont imaginé les premiers lits de ce
genre ; mais ils ne les conseillaient que pour la nuit, et ils se servaient dans le
jour de machines extensives et compressives analogues à celles de Levacher et de
son parent Levacher de la Feutrie. Darwin, néanmoins, avait bien établi lis
avantages de la position horizontale gardée une partie du jour, pour agir favora-
blement sur la marche des difformités de l'épine, en supprimant momentanément
la pression supportée par la colonne vertébrale. 11 ne s'était pas non plus dissi-
mulé la difficulté de redresser l'épine pendant que les muscles sont en action, et
c'est ce qui l'avait conduit à ])ratiquer l'extension pendant le repos de la nuit.
De ces vues de Darwin à l'emploi des lits extenseurs dans le jour, il n'y avait
qu'un pas.
L'Allemagne d'abord, puis la France, donnèrent l'exemple d'une application
pliis prolongée de l'extension horizontale le jour et la nuit. Le lit suisse de Venel,
le lit anglais de Darwin, furent corrigés, modifiés de cent façons. Les lits ortho-
pédiques devinrent le remède par excellence de la courbure latérale de l'épine.
De grands établissements s'ouvrirent pour administrer le traitement, difficile à
bien suivre dans les familles. Les corsets, les fauteuils orthopédiques, toutes les
machines portatives ne furent plus qu'un accessoire destiné à soutenir le tronc
dans les courts intervalles de l'action des lits.
Mais il y eut bientôt une réaction. On s'aperçut que les lits orthopédiques ne
donnaient pas tout ce qu'on s'en était promis. Les appareils portatifs reprirent
faveur; on alla jusqu'à les mettre au-dessus des appareils à lits, et ceux-ci furent
abandonnés par une partie des médecins qui les avaient le plus favorablement
accueillis.
Si l'on s'en tient à l'observation sévère des faits, on reconnaît que les deux
sortes d'appareils ont leur utilité propre, leurs indications spéciales. Au lieu de
faire de leur emploi deux méthodes rivales, il faut les associer dans la pratique,
soit qu'on leur assigne une part à peu près égale dans la cure, soit que, suivant
les cas, on accorde la prééminence à l'une ou à l'autre. Nous reviendrons sur ce
point important en traitant des courbures de l'épine ; nous n'avons à nous occu-
per pour le moment que des lits orthopédiques.
La caractéristique de ce genre d'appareils, au seul point de vue de l'orthopédie
est la facilité de son effet réel, qui ne rencontre pas, de la part de la pesanteur
et de l'action musculaire, la même résistance que dans la station. Avantageux
sous ce rapport, le décubitus, nécessité par l'usage de ces appareils, peut au cou'-
traire devenir nuisible, au point de vue dynamique, par l'inaction qui l'accom-
pagne, comme par l'iniluence que cette position du corps exerce sur diverses
fonctions. Ajoutons que l'attitude du coucher gêne la plupart des actes habituels
LIT ORTHOPÉDIQUE. 687
<le la vie, ceux qui font partie de l'éducation de la jeunesse, et que, par cela seul,
elle ié[iugne aux enfants et à leurs familles.
Il suit de là : 1" que l'emploi des lits orthopédiques doit être combiné avec des
moyens dynamiques qui remédient à leurs inconvénients ; 2° qu'il convient de
réserver cette méthode pour les cas oii les appareils portatifs ne peuvent conduire
au même résultat, soit que l'insuffisance de ces derniers ait été constatée par un
premier essai, soit qu'on la prévoie d'avance d'après les conditions dans lesquelles
se présente la difformité.
On a dénié, à la vérité, aux lits orthopédiques le pouvoir de modifier favora-
blement les déviations rachidiennes, alors même que certains a[)pareils portatifs
les feraient disparaître en tout ou en partie, et à plus forte raison, dans cette
hypothèse, refuse-t-on à ces hts toute efficacité lorsqu'on ne peut rien obtenir à
l'aide des appareils portatifs. D'autres ont enveloppé dans la même proscription
les deux ordres d'appareils, et ont soutenu qu'une gymnastique spéciale était le
seul moyen à opposer à la courbure latérale de l'épine. Ces opinions, souvent re-
nouvelées depuis quarante ans, seront discutées ailleurs. Nous nous contenterons
d'examiner ici les arguments de Tun de leurs derniers représentants en ce qui
concerne les lits orthopédiques en particulier.
Maîgaigne {Leçom d'orthopédie, 1862) a reproduit la plupart des reproches
adressés aux extensions et aux pressions employées par l'orthopédie rachidienne
dans la position horizontale.
1" « Les extensions, dit-il (p. 595),... se répartissent sur toute l'étendue de
la tige rachidienne, aussi bien sur les parties saines que sur les parties malades.
Ce n'est donc que très-indirectement que l'on peut arriver, par cette mé-
thode, à agir sur les difformités elles-mêmes. »
C'est très-directement, dirons- nous, que l'extension agit sur les courbures
lombaires, au moins du côté du bassin. Elle se transmet même, de là, à la région
dorsale, sans traverser aucune partie saine. L'objection n'a donc de valeur que
pour l'extrémité opposée du rachis. C'est là seulement que la force extensive
n'agit sur la difformité que par l'intermédiaire d'une partie saine, de la totahté ou
d'une portion de la région cervicale. Mais si le thorax est plus ou moins bien fixé par
les pièces de l'appareil, la région du cou est plus ou moins complètement sous-
traite à l' effort de traction, qui s'exerce alors principalement sur la moitié infé-
rieure du rachis. Et de ce que la région cervico-dorsale ne peut être étendue que
par l'intermédiaire des premières vertèbres cervicales, est-on en droit d'en conclure
que l'effort d'extension doit nécessairement se produire dans ces vertèbres, sans
arriver jusqu'au siège du mal? Non sans doute; l'effet produit, dans ce cas, sur la
partie saine et sur la partie malade sera en rapport avec le degré de résistance de
chacune d'elles. Il y a là assurément une difficulté réelle, mais elle n'est pas
absolue ; elle est relative au degré de la déviation, au plus ou moins de mobilité,
de souplesse des parties déviées. Cette difficulté varie même aux différentes périodes
du traitement, parce qu'au début de l'extension, les parties cèdent avec plus ou
moins de facilité, et que, lorsque leur mobilité est épuisée, le raccourcissement ou
la dépression des tissus ligamenteux et osseux à la concavité des courbures crée
un obstacle de plus en plus difficile à surmonter.
2° « Les extensions, dit Maîgaigne {loc. cit., p. 404), en allongeant les liga-
ments du côté concave (des courbures), tendent aussi bien à les distendre du côte
convexe, agissent en somme beaucoup plus sur les ligaments sains que sur ceiix
à qui les progrès du mal ont enlevé leur souplesse, de telle sorte que j'ai vu
G88 LIT Or.TIlOPÉDlOUE.
ainsi obtenir des eJongations extraordinaires presrjue sans aucun bénéfice pour
la dévjutiou »
Ainsi, après avoir presque refusé à l'extension du rachis le pouvoir d'agir sur
la difformité elle-même (p. 595, 596), on l'accuse de J/s/enfZ?'e les ligaments du
côté convexe des courbures aussi bien que ceux du côt([' concave, et d'avoir pro-
duit, en agissant sur les ligaments saitis, des élongations extraordinaires presque
sans redressement.
Il est aisé de Toir, avec un peu de réflexion, qu'une extension parallèle à la
corde d'une courbure de l'épine ne peut pas distendre les fihres ligamenteuses de
la convexité sans allonger bien plus encore celles de la concavité; que, si ces der-
nières cèdent, le redressement de l'arc tend plutôt à relâcher les ligaments du
côlé opposé, cl que, si les tissus fibreux de la concavité résistent, ceux de la con-
vexité ne peuvent être distendus par un effort de ce genre.
Quant aux élongations extraordinaires dont il est ici question, nous verrons
ailleurs ce que l'expérience a appris sur les accroissances du corps en hauteur à
la suite de l'emploi des hts orthopédiques. Disons seulement que V allongement
des ligaments sains ne saurait produire un pareil accroissement, car il en résulterait
bien plutôt un aflaissement du tronc sur lui-même, dans la station, par le relâche-
ment des liens qui unissent les pièces du rachis, par le diastasis et les inchnaisons
des vertèbres qui en seraient l'effet.
5° Les pressions latérales sont, suivant Malgaigne, un bon moyen; « mais par
malheur, ujoute-t-il, la courbure dorsale, entraîne habituellement deux courbures
secondaires sur lesquelles l'opérateur n'a aucune prise pour appliquer les pres-
sions latérales De plus, les muscles restent inactifs (quand on emploie ces
pressions dans la position horizontale). » Or, dit plus loin Malgaigne, il faut
« simultanément et non successivement remplir l'indication dynamique et l'indi-
calion mécanique, c'est-à-dire à la fois soutenir et redresser la colonne vertébrale,
exercer et par conséquent fortifier les muscles qui concourront ainsi à opérer le
redressement et seront aptes ensuite à le maintenir » (p. 405).
La multiplicité des courbures, dirigée en sens inverse, impose, en effet, des
bornes à l'action des pressions latérales ; mais lorsqu'il existe deux courbures
égales, on n'a pas moins de prise sur l'une d'elles que sur l'antre au moyen de
pressions disposées alternativement en sens contraire, et lorsqu'on n'a aifaire qu'à
une seule grande courbure accompagnée de deux petites courbures secondaires,
celles-ci peuvent être néghgées sans inconvénient dans certaines limites et sont
d'ailleurs contenues par l'extension parallèle jointe aux pressions. Cette difficulté
se retrouve évidemment toute entière dans les pressions opérées par des appareils
portatifs, et, lorsqu'on lit dans les Leçons de Malgaigne (p. 406) qu'au moment
où, pour imiter l'action de la ceinture Hossard, on exerce aveclamain « une pres-
sion latérale sur la convexité de la courbure dorsale », le sujet étant debout, les
mêmes muscles qui hiclineni le tronc histinctivement « du côté de la main qui le
presse » redressent les courbures de compensation en même temps que la cour-
bure principale, on ne peut voir dans cette assertion qu'un de ces lapsus linguœ
qui échappent si facilement dans une brillante improvisation, telles que celles dont
Véminent professeur nous a laissé le souvenir.
Les muscles restent inactifs ! Et il est, prétend-on, de toute nécessité de les
faire agir sur le rachis au même moment que les moyens mécaniques, faute de
quoi, si l'on vient à bout de l'edresser l'épine, elle ne pourra se maintenir droite.
Cette conséquence ne nous parait pas rigoureusement déduite; elle est enoppo-
LIT ORTHOPÉDIQUE. 089
sition avec presque tous les faits de l'oilhopédie, où l'on voit sans cesse des redres-
sements des membres effectués sans le concours des muscles se maintenir avec
leur aide, quand la cause du mal n'a pas porté une atteinte irrémédiable à leur
contractilité ou à leur équilibre d'action.
Un seul argument de mon ancien et illustre collègue est, au premier abord,
spécieux. Employer successivement le lit mécanique et des exercices musculaires
qui livrent de nouveau le racbis à l'influence de la pesanteur, c'est jusqu'à un
certain point, dit-il, « mettre en lutte les deux ordres de moyens; c'est l'ouvrage
de Pénélope, où la nuit on défait le travail du jour » (p. 405). Biais Malgaigne n'a
pas tenu compte ici de la nature des exercices adoptés dans cette circonstance.
Le poids du corps y est presque toujours supporté par les membres supérieurs, de
sorte que la force de la pesanteur, au lieu de détruire l'effet des extensions,
continue leur action et concourt avec elle au redressement du rachis. Malgaigne
lui-même indique parfaitement ailleurs (p. 384) cette manière d'agir des exercices
gymnastiques ortbopédiques.
Quand bien même on associerait, par intervalles, à l'emploi des lits des exer-
cices dans l'attitude de la station sur les pieds, n'est-il pas évident que, si l'action
musculaire développée par ces exercices tend à redresser les courbures comme
l'extension sur les lits, il n'y aura aucune incompatibilité entre les deux moyens,
' tendant l'un et l'autre au même but ?
Rappelons, en terminant cette discussion, que, malgré ses préventions en faveur
de l'appareil Hossard, Malgaigne conseille de joindre à l'usage de cet appareil le
décnbitus horizontal une partie du jour, A' attacher même les jeunes malades sur
leur lit pour leur faire garder « une bonne position ». Rappelons que l'éloquent
écrivain déclare, en outre, que dans les « cas prévus, oii l'application de la ceinture
Hossard est inutile ou nuisible », il faut recourir à la position horizontale, et que
« il n'est guère qu'un moyen d'utiliser entièrement les ressources qu'offre le
décubitus, c'est d'y joindre V extension,)) (p. 413). Malgaigne pose ensuite des
préceptes judicieux, auxquels nous nous associons pleinement, sur les moyens
d'éviter les inconvénients qu'il a reprochés aux extensions.
Les Kts orthopédiques offrent à considérer : 1" le lit ; 2" les moyens d'extension ;
3" les agents de pression latérale.
I. Lit. II doit être un peu plus long que les lits ordinaires et assez étroit
pour que l'on manœuvre facilement d'un côté à l'autre. Les matelas sont rempla-
cés par un plan un peu résistant, composé d'un cadre ou châssis solide, rempli
par une espèce de sommier, le plus souvent élastique, assez souple pour qu'on y
soit couché commodément, et assez ferme pour ne pas se déformer par le poids
du corps. On le recouvre d'un tissu de laine épais pour éviter le froid pendant
l'hiver. Ce sommier est plus élevé à la tète qu'aux pieds, et fixé de manière qu'on
puisse faire varier son inclinaison qui est, en moyenne, de \1 à 15 centimètres.
Excepté pour des motifs particuliers, on n'y met ordinairement ni traversin ni
oreiller; seulement la garniture du sommier est plus épaisse et plus bombée du
côté de la tête.
On n'a pas conservé dans la pratique le procédé de Mitchell, qui faisait, chaque
iour tourner ce plan de support autour d'un axe pour obtenir une suspension
momentanée du sujet, ni le procédé de Pravaz, par lequel le malade lui-même
imprimait au plan ce mouvement de balancement.
Nous indiquerons plus loin quelques constructions particulières du lit nécessitées
car le mécanisme de certains appareils.
mcT. ENc. r s. II, 44
690 LIT ORTHOPÉDIQUE.
II. MoïENS d'kxtension. La tête et le bassin sont les deux points désignés par
l'anatomie pour l'application des forces extensive et contre-extensive destinées à
fcXercer des tractions en sens inverse aux deux extrémités du rachis. Mais l'ana-
tomie fait voir aussi combien de parties délicates ou importantes à la vie sont à
ménager dans cette application, et à quel point les lumières du médecin doivent
constamment guider ici les eftorts les plus intelligents du bandagiste ou du fabri-
cant d'appareils, ce qui, il faut le dire, a trop souvent été oublié dans la pratique.
Venel {Mém. de la soc. des se. phys. de Lausanne, 1788) laissait la face libre
et ne saisissait la tête que par le crâne au moyen d'un serre-tête lacé an Iront; il
secondait cette traction par des lacs placés sous les aisselles. A la partie inférieure,
il entourait l'abdomen d'une ceinture munie de longues courroies faisant corps
avec des liens fixés le long des membres inférieurs, afin de répartir l'effort sur un
plus grand nombre de points.
Darwin [Zoonomie, 1793) prenait la tête sous le menton et sous l'occiput; il
n'appliquait aucun bandage aux parties inférieures, dont le poids seul lui parais-
sait suffisant pour produire l'extension du racbis. Pour favoriser le glissement du
corps sur le plan de support, il donnait à ce plan une forte inclinaison, d'environ
^5 à 30 centimètres. C'était une véritable suspension par la tête et par les mem-
bres supérieurs, retenus par des liens axiliaires.
DepuisFciler (Doi/.Scbreger, Versuch,elc., ou jEssai sur un appareil extenseur
de nuit, Erlangen, dSlO), on fixe généralement la tête au moyen d'une sorte de
collier ovale, exactement ajusté à sa circonférence inférieure, depuis le haut de
la nuque jusque sous le menton. On a à peu près renoncé aux liens axiliaires
comme moyens de traction, parce qu'ils donnent aux épaules une hauteur disgra-
cieuse, qu'ils peuvent comprimer outre mesure les vaisseaux et nerfs de l'aisselle,
et qu'enfin ils n'agissent sur le rachis qu'après avoir allongé et distendu à l'excès
les muscles qui s'étendent du thorax à l'omoplate et à l'humérus. On ne se sert
de hens analogues que pour retenir dans une bonne position des enfants délicats
ou très-jeunes qui suppoiieraient mal le collier.
A l'autre extrémité du tronc, on a conservé la ceinture de Venel, mais en sup-
primant toute attache des membres inférieurs, qui restent entièrement libres.
Pour faire agir les courroies extensives qui partent de la tête et du bassin.
Vend les faisait aboutir par un trajet réfléchi à un même treuil fixé sur la cou-
chette, muni de dents et d'un cliquet, de telle sorte qu'en tournant doucement
le treuil à l'aide d'une manivelle, on produisait à la fois l'extension du rachis à
ses deux extrémités et on l'arrêtait au degré convenable au moyen de l'enclique-
lage, qui donnait aussi toute facilité pour diminuer ou supprimer l'extension à
volonté, en soulevant le cliquet et en tournant la manivelle en sens inverse.
Ce mécanisme simple et commode a été presque généralement adopté dans les
appareils postérieurs. Quelques-uns, comme Delpech, ont conservé l'action simul-
tanée du treuil sur la tête et le bassin. Le plus grand nombre préfère fixer les
courroies de la tête au chevet du lit, et ne faire agir la manivelle que sur les
courroies de la ceinture. Cela revient à peu près au même, l'extension et la contre-
extension devenant bientôt égales dans le second cas, une fois que le poids du
corps a cédé à la traction des courroies extensives du bassin.
11 restait néanmoins au lit à extension, ainsi constitué, un inconvénient sérieux :
c'est la fixité, l'invariabilité des points d'attache, qui ne permettent au tronc aucun
mouvement tendant à rapprocher ses deux extrémités, si ce n'est par le glisse-
ment des pièces d'appareil sur le corps du sujet. Il pouvait en résulter, dans les
LIT ORTHOPÉDIQUE. 091
mouvements volontaires ou involontaires, pendant la veille ou pendant le sommeil,
•des tiraillements fort incommodes ou même dangereux. La faculté que [Jumbert
(deMorley) donnait aux malades de régler eux-mêmes l'extension avec un levier,
ne remédie qu'imparfaitement à cet inconvénient.
Il fallait, pour le faire disparaître, douer l'appareil extenseur d'une extensibi-
lité et d'une force de réaction qui le fissent céder aux efforts du malade et revenir
ensuite à son premier état. C'est ce qu'a fait Heine (de Wurzbourg) en interpo-
sant entre les courroies de la tête et le cbevet du lit d'une part, entre les cour-
roies de la ceinture et le treuil ou moulinet d'autre part, des ressorts d'acier ayant
la forme d'un X, dont les branches croisées s'infléchissent par un effort de traction
et se relèvent quand l'effort cesse. Importés à Paris en 1821, par M. deMilly avec
tout l'appareil de Heine, à une époque où l'orthopédie rachidienne était fort peu
connue chez nous, les ressorts de Wurzbourg furent adoptés aussitôt par beau-
<;oup de praticiens. Plus tard, tout en conservant le principe, on leur a substitué
d'autres genres de ressorts qui offraient l'avantage, soit d'être moins cassants ou
moins dispendieux, soit d'occuper moins de place dans l'agencement du lit, soit
enfin d'avoir plus de champ ou de coiirse dans leur développement, ce qui procu-
rait aux malades une plus grande facilité de mouvements. F. Martin, l'un de ceux
qui se sont le plus attachés à perfectionner les moyens d'extension, fit des res-
sorts elliptiques, composés de deux arcs unis à leurs extrémités, qui sont encore
très-usités, et d'autres contournés sur eux-mêmes comme un ressort de montre,
et renfermés dans un petit barillet en cuivre, qui joignent à un petit volume une
grande étendue de développement. Stœss, de Strasbourg, tournait un fil de laiton
eu spirale, comme nos élastiques de bretelles, passait dans le cylindre ainsi
formé une petite tringle de fer arrêtée à une de ses extrémités, enfermait le tout
dans un tube en cuivre, et obtenait de cette façon, à peu de frais, un très-bon
ressort à boudin.
La force de ces ressorts, quels qu'ils soient, est en rapport avec la force des
sujets, déterminée par l'âge, le sexe, la constitution, etc. Elle esl, en moyenne,
de 8 à 10 kilogrammes, c'est-à-dire qu'au delà de cette limite, ils ne résistent
plus que comme des points fixes. On ne les tend, en général, que d'environ la
moitié de leur course totale.
Au lieu de ressorts, on peut employer des poids pour éviter les effets d'une
attache fixe des liens extenseurs, qui, réfléchis au besoin sur des poulies, suspen-
dent ces poids, devenus la puissance extensive. On a seulement craint, non sans
raison, qu'après avoir obéi aux mouvements du sujet et être remonté plus ou
moins haut, le poids ne retombe trop brusquement et ne détermine des secousses
nuisibles. LepZan inc/ine modère cette chute dans le lit extenseur de Maisonabe
qui faisait rouler un petit chariot chargé du poids dans des rails qu'on inclinait à
divers degrés; mais ce mécanisme, un peu compliqué, n'a pas survécu à son inven-
teur. Pravuz avait imaginé de suspendre le poids à un levier qui recevait l'attache
du cordon extenseur; il a lui-même abandonné plus tard ce procédé. F. Martin
avait parfaitement réussi à rendre la descente du poids, après son ascension, aussi
lente et aussi douce que possible, en plaçant sur le trajet du cordon extenseur des
rouages d'horlogerie, que le poids mettait en mouvement tant qu'il n'était pas au*
"bout de sa course; mécanisme toutefois trop compliqué et trop coûteux pour
devenir usuel.
L'usage des poids, suivant la juste remarque de M. Ghassaignac [Appréciation
des appareils orthopédiques, 1841, p. 13), a un autre inconvénient : leur action
692 LIT ORTHOPÉDIQUE.
constante, toujours la môme, devient trop forte, relativement à la résistance des
parties, quand celles-ci ont plus ou moins cédé, et peut causer des tiraillements
pénibles, s'ils ne sont dangereux; elle latigue les malades en pure perte. Les res-
sorts, au contraire, se détendent à mesure que les parties cèdent, et leur action
dimiinie en raison de l'effet obtenu, de manière à se proportionner à la résistance
des organes.
Aujourd'hui que Rigal (de Gaillac), MM. Duchenne (de Boulogne), Anger, nous
ont fait connaître les avantages du caoutchouc et des tissus élastiques pour la
construction des bandages orthopédiques, nous possédons un moyen excellent de
remplacer les poids et les ressorts métalliques des lits à extension : c'est de faire
entrer ces substances dans la composition des liens extenseurs. Ces liens
seraient simplement attachés à des boucles qui se trouveraient à la tête et au pied
du lit. On graduerait la force extensive en les serrant plus ou moins, ainsi qu'en
faisant usage, selon les circonstances, de tissus plus ou moins épais et plus ou
moins résistants.
Le treuil à manivelle et à encliquetage disparaîtrait dans ce système; mais il
n'est réellement nécessaire que dans les fortes extensions, peu employées mainte-
nant, ou quand les liens extenseurs sont inextensibles ; je l'ai supprimé depuis
plusieurs années dans mes appareils à ressorts métalliques, comme Blœmer l'avait
déjà fait longtemps avant moi. {Votj. Ileidenreich, Orthopœdie, t. Il, Berlin, 1831.)
Deux pièces du lit à extension, le collier et la ceinture, réclament une attention
toute spéciale.
a. Collier. Maisonabe et Delpech ouvraient leur colUer ou mentonnière par
derrière; il s'appliquait ainsi exactement autour du menton et se bouclait à la imque.
On a généralement préféré une disposition contraire ; le collier en usage embrasse
par son plein la partie inférieure de l'occiput et s'ouvre sous le menton. Cette
pièce doit être non circulaire, mais allongée suivant la forme de la tète, plus large
en arrière, et finir presque en pointe en avant. Le coussinet ou bourrelet en crin
dont elle est garnie doit se mouler en quelque sorte sur toutes les parties osseuses
delà tète qui débordent le cou, sur la région occipitale inférieure, sur les apophyses
mastoïdes, sur les angles et la base du maxillaire inférieur. Il ne doit pas exercer
sur ces parties de pression capable de léser les téguments, de produire de la dou-
leur sur le trajet des filets nerveux sous-cutanés ou de l'irritation dans le tissu des
ganglions lymphatiques. La pression doit être dirigée de manière à agir avec plus
d'intensité sur la région occipitale, à être moins forte aux apophyses mastoïdes,
et plus faible encore sous la mâchoire, où elle deviendrait plus facilement nuisible
si elle appliquait trop fortement les arcades dentaires l'une contre l'autre. La
garniture de ce collier doit être supportée par un cuir assez épais et peu flexible,
qui l'empêche de se déformer. On taille avec soin cette espèce de support solide
sur la mesure de la tète; trop large, il l'emonterait trop haut et comprimerait les
oreilles qui pourraient en éprouver quelque trouble dans leurs fonctions ; trop
étroit, il déterminerait une pression dangereuse autour du cou. La disposition
du collier doit être telle que la région cervicale antérieure, en particulier, soit à
l'abri de la compression, et que le cours du sang dans les vaisseaux de cette ré-
gion, le passage de l'air dans le conduit aérien, n'en soient nullement gênés.
Le collier a été relié de différentes façons au cordon de la contre-extension.
Delpech adonné la figure d'une pièce qu'il appelle palonnier, à laquelle se fixent
d'un côté les courroies latérales du collier, et de l'autre le cordon contre-extenseur.
J'ai adopté la construction de Heine, un peu modifiée par M. de MUly, telle qu'elle
LIT URTUOI'ÉDIQL'L. 693
€st représentée plus loin. Les courroies du collier, au nombre de trois de chaque
côté, sont ici attachées à des boutons en cuivre que porte une sorte de couronne
surmontée, vers son milieu, d'un arc transversal. Cet arc est mobile d'arrière en
avant et d'avant en arrière sur le cercle auquel il est uni, et, au moyen de deux
petites tiges ou échelles percées de trous pour recevoir une pointe fixée sur l'arc,
on donne à volonté à celui-ci une inclinaison déterminée sur le cercle. Ce méca-
nisme a pour but, en relâchant ou en tendant davantage certaines courroies, de
l'aire porter la traction, suivant le besoin, plus ou moins en avant, ou du côté du
menton, ou en arrière, vers l'occiput, de manière à ne pas trop presser sur les
dents et à ne pas faire trop remonter le collier par derrière, ce qui le ferait ap-
puyer sur la partie antérieure du cou. Le cordon qui aboutit au ressort de la
contre-extension se fixe au milieu de l'arc transversal de cette couronne.
On appelle quelquefois casque la réunion du collier et de la couronne dont je
viens de parler. Certains lits orthopédiques présentent un véritable casque ou
plutôt un large capuchon solide, qui reçoit la tête et lui communique l'action de
la puissance extensive.
Le médecin doit surveiller attentivement les effets du collier, surtout dans les
premiers temps de son application, examiner l'état de la face et du cou, s'enquérir
de toutes les sensations que le malade peut éprouver, et s'attacher à reconnaître
les susceptibihtcs individuelles. La courroie bouclée sous le menton offre un
moyen commode de ménager ces susceptibilités, en la relâchant plus ou moins
suivant les indications.
b. Ceinture. On a quelque peu varié la forme, la matière, le mode de ferme-
ture de la ceinture d'extension. La plus simple est une bande de cuir souple de
7 à 8 centimètres de large, d'une longueur proportionnée à la circonférence du
bassin, nmnie d'une boucle à l'une de ses extrémités, rétrécie et percée de trous
à l'autre extrémité, et doublée d'un coussin mollet en crin, dépassant les bonis
du cuir, plus large surtout au bord inférieur, où il forme une sorte de bourrelet
un peu aplati. Les courroies d'extension sont fixées sur les côtés de cette ceinture
et un peu en arrière. On la place autour du ventre, au-dessus des crêtes ihaques,
en la bouclant par devant et en la serrant fort peu. La force extensive la l'ait glisser
sur la face externe des os iliaques et sur la |)artie supérieure du sacrum, où elle
est bientôt arrêtée par la sailhe des hanches et des fesses. Le bourrelet se moule
sur le haut de ces régions proéminentes, et l'abdomen ne supporte qu'une très-
faible pression. Cependant, quand le bassin est peu développé, le grand trocbanter
peu saillant, comme chez les petites filles et chez les sujets du sexe masculin, et
surtout si l'embonpoint est médiocre, il arrive que la ceinture, peu serrée, est
déplacée parla traction et entraînée le long des membres inférieurs. On est alors
obligé de la serrer davantage, et, afin d'adoucir la pression de l'abdomen en la
rendant plus étendue et plus uniforme, on emploie les ceintures en cloche, c'est-
à-dire en forme de cône tronqué, adoptées par divers praticiens, et fixées par
plusieurs boucles ou au moyen d'un lacet. Si l'on avait quelque sujet de redouter
la compression, même modérée, des viscères abdominaux, on tiendrait la ceinture
écartée de la paroi abdominale par un arc métallique qui entrerait dans sa con-
struction.
Outre l'attention qu'il faut apporter, dans l'emploi de la ceinture, à ce qui peut
se manifester, dans certains cas, du côté des organes digestifs et urinaires, on
doit encore se préoccuper d'un fait déjà signalé par Delpech, de la compression
des filets superficiels du plexus lombaire, à laquelle on peut ajouter celle des filets
-i LIT ORTHOPEDIQUE,
sous-cutanés provenant des branches postérieures des nerfs lombaires. Quand cette-
compression est trop forte, ce qui a lieu plus facilement chez les sujets maigres,
il peut en résulter des douleurs, des engourdissements et même des anesthésies-
partielles, que l'on fait cesser aisément, à leur début en diminuant ou en suspen-
dant l'extension, et dont on prévient le retour en variant le point d'application de-
la ceinture, de manière qu'elle porte tantôt plus haut, tantôt plus bas, et au be-
soin, en pratiquant un vide au-dessous d'elle vis-à-vis du point sensible.
Le mode d'application de l'appareil extenseur est très-simple quand il s'y trouve
un treuil à cliquet, l'extension n'étant mise en jeu que lorsqu'on a attaché le
collier et la ceinture . On pourrait procéder de la même manière avec les hts sans
treuil, en détachant les courroies d'extension pour coucher les malades et en les
rattachant ensuite. Mais, afin d'éviter cette double manœuvre, on place d'abord le
sujet sur la ceinture, qu'on attache un peu haut; puis il remonte en faisant céder
les ressorts ou les poids jusqu'à ce qu'il puisse commodément saisir et appliquer
le collier. L'effort d'extension se produit ensuite de lui-même.
Il convient de donner moins d'intensité à la force d'extension du côté de la tète-
que du (;ôté du bassin, en mettant un poids ou un ressort plus faible dans le
premier sens que dans le second. La construction plus délicate de la région cer-
vicale, le poids ])lus considérable des parties inférieures du corps, motivent suffi-
samment cette différence.
La puissance de traction varie peu avec les [)oids ; mais il n'en est pas de même
avec les ressorts. Quand le corps a ghssé par l'effet de la pente du sommier, le
ressort de la tète, plus tendu, réagit plus fortement que le ressort des pieds, qui
est relâché. Le malade lui-même y remédie en se servant des membres supérieurs
pour se remonter et relâcher de nouveau le ressort de la tête. Il n'y a en général
aucun inconvénient à ces alternatives, si le sommier n'a pas trop de pente ; l'exer-
cice qui les accompagne n'est même pas sans quelque avantage.
Si pourtant il y avait lieu de craindre, surtout pour la nuit, trop de tiraillement
du cou, de pression du colher, si l'on avait quelque motif de faire agir l'exten-
sion presque exclusivement sur la région lombaire, on fixerait le thorax sur le
sommier à une hauteur déterminée au moyen de hens passés autour des épaules et
de larges bandes en peau, ou d'une sorte de corset entourant la poitrine et retenu
par des courroies attachées sur les côtés du lit. Malgré un peu de glissement
qu'on ne pourrait éviter à cause de la réserve que commande la constriction du
thorax, ces lacs fixes opéreraient la contre-extension tout à la fois par rapport à
l'extension exercée sur les lombes et le bas du dos, et à celle qui agit sur le cou
et sur la partie supérieure de la région dorsale. Ces deux extensions seraient ainsi,
iusqu'à un certain point, indépendantes ; on donnerait à peu près à chacune
d'elles isolément autant et aussi peu de force que l'on voudrait; elles seraient,,
comme on a dit, localisées.
C'était pour obtenir un effet semblable que Shaw avait imaginé de mettre le
malade sur trois plateaux roulants, placés l'un au-dessus de l'autre, en attachant
la tête au plateau supérieur et la poitrine au plateau moyen, afin de faire agir sé-
parément sur les régions supérieure et inférieure du rachis des poids qui écar-
taient en sens contraire les plateaux supérieur et inférieur. (J. Shaw, on the Nature
and treatment, etc., ou de la Nature et du traitement des distorsions de V épine,
1823, p. 240.) Cette complication dans la construction du plan de support nous
paraît tout à fait superflue, de même que celle du lit analogue inventé par Pravaz
après le lit à levier que j'ai rappelé plus haut
605
LIT ORTHOPÉDIQUE.
INous plaçons ici, pour rmtelllgence ^^^\^ ff^ !:^^l^ ^^Z
tenseur à ressorts métalliques, avec le dessin sépare et giandi P
pales pièces (fig. 1 et 2).
Fig. 1.
EXPLICATION DE LA FIGDRE 1.
A, Couchette en bois ou en fer.
B, Sommier élastique.
C C Courroies qui suspendent le sommier.
i Lr:tïxr;.;: ":s-:r à': ■; .«. d. . ™,* .. ,...,... .■» .« .. .«--.
' du ressort, et de l'autre les courroies du collier.
F Collier ouvert par devant et boudé sous le menton.
i TZi:tZ::£'!i^Z^ ï:« terminées par des courroies et appliquées
^' 'parÏssus la cèimure. pour les tractions latérales sur le bassin à droite ou a gauche.
I Une des courroies qui descendent de la ceinture au. ressorts d extension.
i K, Barillets ---^n^'^^ri'ïS'ii^'rr^essort spiral d'e.ension. a plaque
£', L'un de ces ,'^^""^, ^ ^ f^^^i'^'/n;; J le ut ; J cylindre creux ou boite renfermant le res-
qui porte le b"'" V^f ^-IJ^^^é 3mour de l'axe mobile du barillet, sur lequel est fixée une
r^' \S é ' ïcoarroîe^ prolongement de cet a.e, fixée sur lui par Vua^
:::ÏÏ:^^ïï'ef:^ par rautre,au moyen d'uneboucle^la^^^^^
de manière à tendre le ressort en se déroulant, quand on tue sur elle ou que
courcit la courroie d'extension.
m Pressions laték..les.. Ou n'a pas songé, dès l'abord, à associer à l'exlen-
sion dans les lits orthopédiques, les pressions, impulsions outract.ons latérales,
dont le principe, appliqué par Levacher, en 1768, dans la position assise, a ee
ÏÏmunt exposé quVe^ ^ P^^ ^«^ homonyme, Levacher de la
France, paraissent avoir fait les premiers cette addition aux lits extenseurs. Del-
696
LIT ORTHOPEDIQUE.
iiecli, et plus tard, Mayor (de Lausanne), en ont particulièrement fait ressortir
l'utilité, en développant, pour la position horizontale, les principes posés par les
deux Levacher pour l'attitude verticale du tronc.
Fig. 2.
EXPLICATION DE LA FIGURE 2
(qui reproduit plus en grand les détails
des pièces servant à la contre-extension).
D, Ressort elliptique de contre-exten-
sion, suspendu au crochet fl, tra-
versé dans son milieu par une tige
graduée b, et uni au casque par une
corde à boyau qui se réfléchit sur la
poulie c.
E, Couronne du casque.
FE', Collier; d, d, courroies qui le fixent
à la couronne; e, petite courroie
pour fermer le collier par devant.
E', La couronne du casque représentée à
part ; on y voit les boutons d'attache
des courroies du collier, et de plus,
en f, l'articulation mobile des deux
parties de la couroune, et en ff, une
petite échelle mobile sur le cercle
intérieur et percée de trous pour
l'accrocher à une goupille du demi-
cercle supérieur et arrêter ainsi ces
deux parties de la couronne sous
un anirle déterminé.
Le but qu'on se propose, dans l'emploi de ces pressions, est d'exercer sur la
courbure du racbis un double effort, transversal, c'est-à-dire perpeiidiculaire àl'axe
delà colonne vertébrale, pour repousser ou attirer en sens inverse le milieu et les
estrcmités de l'arc qu'elle décrit, et pour les éloigner le plus possible de leur
direction vicieuse.
Les moyens d'atteindre ce but rencontrent un obstacle sérieux dans la situation
profonde .des vertèbres, dans le nombre, le volume, l'importance des organes qui
leur sont annexés. Leur pouvoir est donc renfermé dans certaines limites que !a
prudence ne permet pas de dépasser, et leur action n'exige pas moins de surveil-
lance que celle des agents d'extension.
Les côtes, par la solidité de leurs articulations vertébrales, se prêtent assez bien
à l'application de pressions latérales, qu'elles transmettent au racbis. 11 faut en
excepter toutefois les plus inférieures, que ces pressions pourraient déplacer
avant d'agir sur les vertèbres. Appliquées aux côtes plus élevées, les pressions,
en même temps qu'elles servent au redressement de la courbure latérale de
l'épine, sont encore utiles pour modifier directement la forme vicieuse du tborax,
en diminuant ses voussures exagérées dans les points sur lesquels elles portent.
Heine, et après lui Delpecb, ont préféré avec raison une force élastique à une
puissance fixe pour exercer et graduer ces pressions. Les longs ressorts de Heine
sont des barres d'acier trempé, fixées par un bout dans des mortaises ou des
gàcbes sur les côtés du sommier, et munies à l'autre bout d'une boucle qui reçoit
la courroie de traction. La longueur de ces ressorts est destinée à leur donner
plus de course et à rendre, par là, la pression plus douce et plus supportable.
Pour agir tout à la fois sur l'excès de convexité postéro-latérale des côtes qni
constitue la gibbosité et, par l'intermédiaire de ces arcs osseux, sur le point cor-
respondant de la courbure racbidienne, c'est-à-dire sur le milieu de son côté con-
LIT ORTHOl'ÉDIQUE. 61)7
vexe, on place ordinairement sous le malade une plaque métallique garnie d'une
pelote plus ou moins ferme, légèrement recourbée pour s'adapter à la forme
arrondie des côtes, fixée sur le sommier par un de ses bords, et soulevée du
côlé opposé par des courroies qui, passant au-dessus du malade, vont s'attacher
à l'extrémité de doux longs ressorts de Heine.
On comprend qu'il est telle autre disposition qui ne serait pas moins conve-
nable, et, en effet, cet appareil simple ne manque pas de variantes, dans le
détail desquelles il nous paraît inutile d'entrer. Nous mentionnerons seulement
une autre plaque à ressorts assez commode en ce qu'elle dispense de surmonter
le lit des longues barres métalliques de Heiae. Elle se compose de deux lames su-
perposées, articulées en charnière par un de leurs bords. La lame supérieure porte
la pelote, l'inférieure est posée sur le sommier. Entre ces deux lames sont deux
petits ressorts d'acier recourbés, dont l'élasticité les tient écartées l'une de l'autre
en soulevant celle qui soutient la pelote. Le poids du corps fait céder les ressorts,
qui réagissent et le pressent à leur tour. De petits rouleaux de cuivre qui se trou-
vent à l'extrémité des ressorts facilitent le glissement incessant de cette extrémité
sous la lame métallique supérieure. Nous donnons plus loin la figure de cette
plaque, connue sous le nom de plaque à soufflet. Elle convient surtout pour les
pressions très-douces, chez les individus délicats ou fort jeunes. On ne peut guèrt'
reprocher à ce mécanisme qu'un inconvénient : c'est de ne pouvoir être gradué
que par la substitution d autres ressorts à ceux qui entrent dans la construction
des plaques, ou par l'emploi successif d'une série de plaques portant des ressorts
de forces diverses.
Les tractions sur les extrémités de la courbure du rachis, du côté de sa conca-
vité, s'exercent, d'une part, sur le bassin, et de l'autre, sur le haut du thorax
ainsi que sur l'épaule correspondante.
Au bassin, rien de plus facile que d'embrasser l'une ou l'autre hanche avec
ane bande de peau terminée par deux courroies bouclées au bord du lit, et d'at-
tirer ainsi tiansversalement l'extrémité inférieure du tronc et les vertèbres infé-
rieures par une impulsion contraire à celle que la plaque communique aux vertè-
bres moyennes. {Voy. l'explication de la ligure 1, oii ces bandes sont désignées
sous le nom de doubles ceintures . )
La chose n'est pas tout à fait aussi simple vis-à-vis des \ertèbres dorsales supé-
rieures. On peut bien les attirer, comme les lombaires, avec des bandes analogues
à celles des hanches, appliquées soit au moignon de l'épaule, soit sur le haut de
la poitrine, au-dessous de l'aisselle ; mais, dans le premier cas, on gène les mou-
vements du bras, on le comprime plus ou moins fortement contre le tronc, et le
lien est sujet à se déplacer fréquemment ; dans le second cas, on a à craindre la
pression des côtes déjà affaissées par l'effet de la courbure de l'épine, celle du
creux axillaire ou du sein chez les jeunes filles. Je me sers habituellement, pour
éviter ces inconvénients, d'une bande de peau matelassée, eu forme d'anse ou de
croupière, dans laquelle on passe le membre supérieur, et qu'une courroie fixe
à l'extrémité d'un ressort deHeme. {Voy. plus loin les figures.)
Ces tirages latéraux aux deux extrémités du rachis dévié empêchent le corps
d'être jeté de côté par l'obliquité de la plaque de pression; ils l'appuient sur cette
plaque, dont ils augmentent l'action sur la courbure de l'épine comme sur la
déformation du thorax.
On peut agir plus fortement encore sur les déformations de la poitrine, en ajou-
tant à toutes ces pièces une large bande de peau désignée sous le uoni de tablier,
(i98 LIT ORTHOPÉDIQUE.
ayant la lorme d'un triangle très-allongé, dont la base est fixée sur le lit près an
côté rentrant du thorax, réj3ondant à la concavité de la courbure. On passe cett?
bande obliquement au-devant de la poitrine, au-dessous du sein, et on attache Lt
courroie qui la termine à un long ressort de Heine, de manière à la faire presser
sur la gibbosité antéro-latérale du thorax et à accroître en même temps la pression
de la plaque sur la gibbosité opposée. L'emploi de cette bande, qui n'est pas
représentée dans nos figures, exige une certaine réserve à cause de la gène de la
respiration qu'elle pourrait produire ; l'élasticité est ici fort utile en permettant
aux agents compresseurs de céder à la contraction des muscles élévateurs des côtes
à chaque mouvement d'inspiration.
Ce système de pressions à une seule plaque s'applique, non-seulement aux cas
fort rares dans lesquels la colonne vertébrale ne présente qu'une seule courbure
latérale, située dans la région dorsale, mais encore aux cas très-nombreux où la
courbure principale, occupant la même région, est accompagnée d'une ou de deux
courbures accessoires dans les régions lombaire et cervico-dorsale. On néglige alors
celles-ci dans l'emploi des pressions, et on ne leur oppose que l'extension longi-
tudinale.
Il ne peut en être de même lorsqu'il existe deux courbures alternes à peu près
égales, ou quand c'est la courbure dorsale qui est la moins prononcée. On exerce
dans ce cas deux pressions opposées sur la convexité des deux courbures, en ajou-
tant à l'appareil une seconde plaque portant obliquement sur le côté saillant des
lombes et sur les dernières côtes qui constituent la gibbosité lombaire. Cette plaque
lombaire est, en général un peu plus étroite que la dorsale; quand elle n'est pas
à soufflet, elle n'a qu'une longue courroie attachée à un seul ressort de Heine
placée du même côte du lit. Plus peut-être qu'à la région dorsale, il importe de
surveiller les effets de cette pression, qui, trop forte ou mal placée, peut déplacer
les fausses côtes ou léser la paroi latérale molle de l'abdomen et les viscères sub-
jacents.
On conserve, dans l'appareil ainsi modifié, le tirage latéral supérieur, agissant
en sens contraire de la pression dorsale. Le bassin est également soumis à une
traction latérale, mais inverse, devant être opposée à la pression de la plaque lom-
baire pour seconder son action. Les impulsions latérales répondant aux extrémités
continues des deux arcs opposés décrits par le rachis sont produites par l'action
des deux pelotes elles-mêmes.
La troisième courbure ou la courbure cervico-dorsale prend quelquefois assez
de développement pour qu'il convienne aussi d'agir directement sur elle. On
remplit cette indication au moyen d'une bande de peau matelassée, qu'on applique
à la partie inférieure du cou, vis-à-vis de la convexité de la courbure, en même
temps que l'on déplace un peu de côté l'attache du casque contre-extenseur au
chevet du lit, ce qui, en inclinant la tête et le cou, produit une traction inverse à
l'extrémité supérieure delà courbure. Une impulsion analogue sur lextréuiitc
inférieure résulte de la pression de la plaque qui correspond à la convexité de la
courbure dorsale.
On a reproché à cet ensemble de bandes, de courroies, de plaques plus ou
moins mobiles, de ressorts plus ou moins souples, le peu de fixité de ces pièces,
lafacihté avec laquelle elles glissent et se déplacent en divers sens, au détriment de
de la force que l'on veut déployer.
Mais d'abord, il est aisé de donner, au besoin, plus de fixité à ces pièces en les
retenant par de petits liens du côté d'où elles tendraient à s'éloigner.
LIT ORTHOPEDIQUE. 699
En second lieu, leur facile déplacement est, à certains égards, uii avantage
plutôt qu'un inconvénient ; il permet aux jeunes malades de faire varier les points
où porte la pression, de manière à la répartir sur une plus grande surface,
à la rendre plus supportable et à en prévenir plus siirement les dangers. Je ne
saurais, pour mon compte, mettre au-dessus de ce genre d'appareils ces plaques
à vis inflexibles, immobiles, qui rappellent la trop l'ameuse presse à linge de
Ranchin, dont parle Lazare Rivière. Quand il s'agit d'un membre tordu à redres-
ser, les appareils mécaniques ne sauraient être trop fixes, ni trop rigides ; mais
il en est tout autrement au racbis. Ici, il n'est plus question, comme aux mem-
bres, de surmonter, pour ainsi dire, à tout prix la résistance des parties difformes;
la première condition est de ne point léser les organes placés entre les points
comprimés et le siège de la difformité; on ne doit pas aller plus loin que ne le
veut la susceptibilité de ces organes, et il faut se contenter des résultats que l'on
peut obtenir dans cette limite.
De même que pour les tractions longitudinales, on peut substituer des poids
aux ressorts dans les tractions perpendiculaires ou latérales. C'est ce qu'a fait
Mayor, en plaçant aux bords du lit des montants sur le haut desquels se réfléchis-
sent les lacs compresseurs, tendus par des poids qu'ils suspendent de l'autre côté
des montants. (Mathias Mayor, Nouveau système de déligation chirurgicale,
1832, p. 221 et304, fig. U.)
On associe habituellement les pressions latérales à l'extension longitudinale ;
mais ce serait une erreur de les croire, avec Delpech, dépourvues de toute efficacité
sans l'extension. On les applique seules avec avantage, lorsque quelque circon-
stance relative à l'âge, à la constitution, à l'état de sauté des sujets, exclut l'em-
ploi de l'extension. On y ajoute seulement des liens axillaires, disposés de manière
à ne point exercer de traction de bas en haut sous les aisselles, comme dans l'ex-
tension de Venel, et uniquement destinés à fixer le corps sur le dos. La ceinture
d'extension n'a jdus alors de longues courroies ; elle ne sert plus qu'aux tirages
latéraux des hanches, pour lesquels elle porte sur les cotés des courroies trans-
versales ou plus ou moins obliques.
Il est quelquefois indiqué de réduire le bandage des lits orthopédiques à cette
ceinture à traction latérale et au double lien axillaire ou double épaulette, dont je
viens de parler. Ces deux pièces sont représentées plus loin, réunies dans une
même figure, aux principaux moyens de pressions latérales.
Combinées avec l'extension, les pressions latérales modifient quelque peu les
effets de cette dernière ; fixant plus ou moins la partie supérieure du tronc, elles
diminuent l'effort supporté par la région cervicale et augmentent celui qui s'exerce
sur les lombes, comme les bandes thoraciques dont il a été question plus haut, et
qui partagent en deux tractions longitudinales distinctes l'extension générale du
rachis.
Au lieu de fixer sur le lit les différentes pièces des appareils de pression et
3'extension, Valérius a tenté de les réunir toutes dans son corset-lit, sorte d'ar-
mure qui entoure la tète et le tronc, et dont le support en bois se pose sur un
lit quelconque, de sorte que l'appareil est tout à fait indépendant de la cou-
chette.
Ron.net (de Lyon) employait aussi, mais la nuit seulement, un appareil indé-
pendant du lit : c'était simplement une gouttière rembourrée, recevant le. tronc,
sans autre instrument de pression ni d'extension,
M. J. Guérin, au contraire, a fait du lit même l'agent essentiel des pressions
700 LIT ORTHOPÉDIQUE.
et des extensions. Renchérissant sur l'idée de Schaw et de Pravaz, il a décrit, sons
le nom ^'extension sigmoïde, un procédé dans lequel on écarte les plateaux du
sommier brisé par un mouvement d'arc de cercle qui leur fait former un an"le,
dirigé en sens contraire dans les deux séparations du lit. Les plaques de pression
sont placées au sommet de chacun de ces angles, vis-à-vis la convexité de chaque
courbure. Il résulte de ce mécanisme et de la disposition des liens qui assujettis-
sent le tronc des impulsions obliques opposées, tendant à redresser les deux cour-
bures principales durachis, ainsi qu'on le fait avec des moyens plus simples, sans
risquer de produire, comme avec cet appareil, de nouvelles courbures au-dessus
et au-dessous de celle que l'on veut effacer.
Il nous resterait, pour compléter cet article, à retracer les règles qui doivent
présider à l'emploi des lits orthopédiques, les effets immédiats de leur action
ainsi que les résultats qu'on en obtient dans la cure des déviations latérales de
l'épine. Mais, afin d'éviter un double emploi, nous devons renvoyer ces différents
points à l'article où il sera question du traitement des courbures pathologique?
ou déviation de la colonne vertébrale.
Voici les figures des principaux moyens de pression et de traction latérales
décrits plus haut. {Voy., ci-contre, fig. 3.)
Applications diverses, lits orthopédiques. Nous n'avons encore considéré
les lits orthopédiques qu'au point de vue du traitement de la scoliose ou cour-
bure latérale de l'épine; mais on a aussi fait usage de ce genre d'appareils dans
d'autres affections ; nous indiquerons brièvement les principales, en les rangeant
sous quatre chefs.
1" Courbures antéro-yostérieures du rachis. L'extension parallèle a été ap-
pliquée autrefois aux courbures spinales à convexité postérieure [excurvation,
cyphose) cervico-dorsale ou dorso-lombaire , ainsi qu'aux courbures à concavité
exagérée des lombes [lordose lombaire); on y a aujourd'hui bien rarement recours
dans ces circonstances.
11 est quelquefois utile d'agir par pression ou impulsion perpendiculaire, dans
la position horizontale, sur la voussure dorsale ou sur la convexité anormale des
lombes. C'est ce que l'on pratique au moyen d'un sommier un peu bombé au mi-
lieu, d'un coussin ou pelote, placé sous la saillie postérieure des vertèbres, de la
double épaulette, de la ceinture à double tirage latéral, décrites plus haut et, au
besoin en outre, au moyen d'une large pièce en peau ou en toile, d'une sorte de
tablier, qui appuie sur la partie antérieure du tronc, surtout vers les extrémités
de la courbure. On peut aussi remplacer ces liens par un corset peu serré, mais
tendu par des tirages latéraux.
Une disposition inverse est applicable à certain cas de cambrure excessive des
lombes. Un lit mou, faisant le creux vers le milieu de sa longueur, ou formant
deux plans inclinés l'un vers l'autre; une large bande pressant modérément sur
le milieu du tronc vis-à-vis de la convexité lombaire antérieure ; quelques liens
doux, propre à fixer le corps sur le dos : voilà ce qui constitue alors tout l'appa-
reil orthopédique.
La cyphose symptomatique du mal vertébral de Polt a été combattue par la
position horizontale dans différentes attitudes, qui seront appréciées ailleurs. On
lui a aussi opposé des lits orthopédiques analogues à ceux qu'on emploie dans la
voussui'e simple du dos ou des lombes. Tel est l'appareil de F. Martin pour main-
tenir le tronc immobile sur le dos dans le mal de Pott. Tel est celui que M. Gille-
bert (d'Hercourt) a fait connaître plus récemment, et dans lequel un ballon de
LIT ORTHOPEDIQUE.
701
caoutchouc, placé dans une ouverture du coussin postérieur adoucit la pression
exercée sur la gibbosité. Bonnet employait dans un but semblable sa gouttière
du tronc, simplement posée sur le lit.
Fig. 5.
EXPLICATION DE LA FIGURE 3.
A, Sommier.
B, B. Courroies du sommier.
C G, Double épaulelte formanl par les courroies de dessus, bouclées à celles de dessous, deux
anses qui constituent des liens axillaires.
D, Épaulette simple, en forme de croupière, qui reçoit le bras gauche et qui s'attache par une
■ longue courroie à l'extrémité du ressort E.
F, Plaque double, dite à souf/let, qui correspond au côté droit du dos.
G, Plaque simple, qui correspond au côté gauche des lombes, et qui est fixée par une longue
courroie à l'extrémité supérieure du ressort H, retenue par l'autre extrémité dans la
gâche i.
K, Ceinture à courroies latérales obliques, pour agir sur le bassin tout à la lois dans un sens
parallèle à l'axe du corps et perpendiculairement à cet axe.
F' Plaque à soufPet représentée à part; a, première plaque ou plaque de dessous, avec les cour-
roies qui la fixent sur le sommier; b, seconde plaque, à pelote articulée, en charnière avec
la première; c, c, petits ressorts d'acier placés entre les deux plaques et terminés à
leur extrémité libre par une petite roulette en cuivre qui facilite le glissement réci-
proque des deux plaques.
G' Plaque simple lombaire, représentée à part; d, petites courroies croisées qui la fixent sur le
sommier; e, portion de la longue courroie qui s'attache au ressort de Heine. Les plaques
dorsales de la même forme ont deux courroies semblables, fixées à deux longs ressorts
placés au côté opposé du lit.
Nous ne voulons pas proscrire entièrement l'emploi de ces moyens mécaniques
dans le mal vertébral ; mais nous les croyons rarement nécessaires et parfois
dangereux.
2° Difformités rachitiques. Celles qui affectent le rachis et le tronc sont con>
702 LIT ORTHOPÉDIQUE.
prises clans les paragraphes précédents. Les courbures rachitiques des membres,
les déviations i^acbitiques de leurs jointures, sont traitées, pour la plupart, à l'aide
d'appareils portatifs. Cependant, lorsqu'il existe en même temps une courbure de
l'épine pour laquelle on fait usage du lit orthopédique, celui-ci peut également
servir au redressement des courbures des membres. On y ajoute, à cet effet,
vis-à-vis des parties affectées, des plaques, des pelotes, des courroies, etc., qui
exercent les pressions et les tractions nécessaires, et qui trouvent des points d'ap-
pui solides dans la charpente du lit et du sommier. Jalade-Lafond, connu en
orthopédie par sa méthode d'extension dite oscillatoire, a représenté un modèle de
ce genre de lit à double fonction. (Recherches pratiques sur les principales diffor-
mités, 1829, t. II, pi. XX.)
3° Affections et déformations articulaires. C'est encore, le plus ordinaire-
ment, aux appareils portatifs que l'on donne la préférence dans les difformités
produites par les affections articulaires, même lorsqu'on veut agir pendant le
décubitus, parce qu'ils ont l'avantage de permettre au malade de se mouvoir en
tout sens et de ne pas le retenir, comme les appareils de lit, dans une position
fixe. On suit la même pratique pour la plupart des vices de conformation articu-
laires, accidentels ou congénitaux, du cou et des membres.
Néanmoins l'articulation de la hanche fait un peu exception à cette règle, en
raison de la difficulté de trouver ici un point d'appui suffisant pour les appareils
portatifs, et de l'utilité d'une position fixe du corps dans plusieurs affections de
cette jointure.
C'est ainsi que, dans la coxalgie, on pratique souvent une véritable extension
parallèle, au moyen de lacs extenseurs et contre-extenseurs fixés à la tête et aux
pieds du Ht. La grande gouttière de Bonnet, d'un usage si fréquent dans cette
affection, remplit l'office des lits orthopédiques, agissant, comme eux, par pres-
sion et par extension.
C'est surtout dans les luxations congénitales du fémur que l'articulation de la
hanche a été soumise à l'action de lits orthopédiques non moins compHqués, non
moins puissants que ceux qu'on a imaginés pour le redressement des courbures
de l'épine. Malheureusement de tels efforts, on le sait, sont restés vains jusqu'à
ce jour, et malgré les louables et nombreuses tentatives de Humbert, de Pravaz,
de F. Martin et d'autres, la réduction de ces luxations est encore la ])ierre philoso-
phale de l'orthopédie. Nous nous abstenons, par ce motif, d'exposer la construc-
tion de ces appareils réducteurs, qui ne sont point entrés dans la pratique, et dont
la description, dans l'état actuel de nos connaissances, n'appartient qu'à l'histoire
de l'art.
4" Contractures et rétractions musculaires. Dans ces lésions, de même que
dans les précédentes, hors les cas d'autres difformités coexistantes, qui nécessitent
l'emploi du lit orthopédique, on n'a recours aux appareils de lit que si le siège
de la difformité est tel que les appareils portatifs n'ont pas facilement prise sur
elle. On exerce alors des tractions en sens contraire sur les deux extrémités des
muscles raccourcis, on les tend le plus possible en éloignant les parties qu'ils ont
rapprochées, en redressant, en retournant quelquefois en sens inverse celles
qu'ils ont infléchies, à l'aide de lacs extenseurs, de tirages perpendiculaires, de
plaques de pression mues par des vis, ou de toute autre façon. On trouve dans
YOrthomorphie de Delpech (atlas, pi. 71) un exemple de ce genre de lit, con-
struit pour un cas de rétraction des psoas-iliaques ; les indications y sont parfaite-
ment remphes ; seulement le mécanisme pourrait en être simplifié. Bouvier.
LITHIUM (chimie). 703
LITCHI. Voy. Euphorie.
LITHARGE. Voy. Plomb.
LITHIASE (de >t9oç, pierre). Formation de calculs dans les voies urinaires.
On a aussi donné ce nom à des concrétions pierreuses formées sous la peau ou à
la surface de la peau (comme on le voit dans la goutte), ou encore dans le tiss'J
des paupières. A. D.
LlTHii%E. Voy. Lithium.
LITHIQUE (Acide). Voy. Ubique (Acide).
LITHIUM ET SES COMPOSÉS. § I. CluîHBîe. Poids atomicjue, 7; symbole Li.
Le lithium est un corps simple appartenant à la classe des métaux alcilins. Il a
été isolé pour la première fois par Brandes; mais on doit principalement à Bunsen
l'étude de ses propriétés physiques. (Poggen., Ann., CXVI, p. 512.) L'oxyde de
lithium ou lithineest connu depuis 1817, grâce aux travaux d'Erfvedsom.
Le lithium a été trouvé dans quelques minéraux provenant de la mine de fer
d'Uto, tels que la péhalite et le spodumen, qui sont des silicates doubles d'alumine
et de lithine, et qui en contiennent le premier 5 pour 100, le second 8 pour JOO.
Le même métal a également été retiré de la tourmaline apyre, l'amblygonite
(11 p. 100), le tryphillin (3 à 4 pour 100), le lépidolithe (espèce de mica), quel-
ques eaux minérales de la Bohême. La source la plus abondante de lithine a été
découverte en 1864 par A. Miller dans une eau minérale de Cornouailles, Elle se
rencontre encore, mais en petites quantités, dans l'eau de la mer, dans les micas
et les feldspaths, dans la cendre de plusievirs variétés de tabacs, dans la météorite
de Juvenas (Bunsen), dans celui du Cap. L'emploi du spectroscope a permis en
effet de retrouver la raie caractéristique de ce métal dans-une foule de minéraux
où il avait passé inaperçu.
Bunsen isole le métal en décomposant le chlorure pur maintenu à l'état de
fusion par un courant électrique de 4 à 6 piles. L'opération se fait dans un creuset
de porcelaine étroit chauffé sur une lampe à gaz. L'électrode pQsitive est en char-
bon de cornue, l'électrode négative en fil de fer de la grosseur d'une aiguille à
tricoter. Le métal mis en liberté adhère au fil de fer et se trouve préservé de
l'oxydation parle chlorure fondu. M. Troost s'est servi du même procédé, mais il
modifie avantageusement l'appareil. Il se sert d'un creuset de fonte de 12 centi-
mètres de haut sur 52 millimètres de diamètre supérieur. Ce creuset est fermé
par un disque de fer ajusté au tour et percé de deux ouvertures. L'une, de 5 milli-
mètres, laisse passer le pôle négatif; l'autre a 31 millimètres, et est garnie d'un
cylindre de tôle qui descend jusqu'à la moitié de la hauteur du creuset. Ce cdindre
est muni intérieurement d'un tube en porcelaine dans lequel plonge le pôle positif
L'appareil peut marcher plusieurs heures. Le lithium ainsi obtenu est solide,
blanc d'argent, plus dur que le potassium et le sodium ; c'est le plus léger de tous
les métaux ; densité 0,5936 ; aussi flotte-t-il sur l'huile de naphte. Il fond à 180".
L'air et l'oxygène secs ne l'altèrent pas, même à la température de fusion. Aune
température plus élevée, il se volatilise et brûle à l'air avec une flamme blanche.
Il décompose l'eau à la température ordinaire sans fondre. Le chlore, le brome,
?;'iode s'y combinent à froid ; le soufre et le phosphore à des températures peu
levées. Il attaque l'or, l'argent et le platine, et s'allie assez facilement au fer.
L'acide azotique fumant agit sur lui avec une grande énergie et détermine son
ignition.
704 LITHIUM (chimie).
Composés du lithium. Chlor m^e. IàC\. On le prépare soit en combinant dû'ec-
toment le métal au chlore sec, soit eu dissolvant la litliiue ou le carbonate de
lithine dans l'acide chlorhydrique. Sa solution aqueuse, évaporée au-dessus de
15°, 5, laisse déposer le sel anhydre sous forme de cubes doués d'une saveur salée
rappelant le sel marin; suivant Troost, le cblorure do hthium cristallise en oc-
taèdres réguhers. 11 est moins volatil que le cblorure de potassium, plus que le
cblorure de sodium. Cbauffé au rouge sombre dans des vases ouverts, il se vola-
tilise lentement et se change partiellement en carbonate. Au-dessous de 10°, les
solutions concentrées de cblorure de litbium abandonnées à elles-mêmes laissent
déposer des cristaux prismatiques rectangulaires, surmontés de quatre facettes
contenant 2 molécules d'eau ClLi-|-2H-0. Ces cristaux sont très-instables et
s'allèrent dès qu'on les touche avec les doigts ; ils deviennent opaques et tombent
en boudlie laileuse ; ils fondent facilement dans leur eau de cristallisation.
D'après M. Troost, on obtient le mieux ce sel en utdisiint les sulfates alcalins
provenant du traitement delà lépidolithe(t'0(/. plus loin). A cet effet, on précipite
par le chlorure de baryum, on iillre, on sépare le manganèse et l'alumine par
l'ammoniaque et le sulfbydrate d'ammoniaque. La magnésie est éliminée par la
chaux; l'excès de chaux est précipité par l'oxalate d'ammoniaque. Enfin, on calcine
et on traite le résidu par un mélange d'alcool absolu et d'éther qui ne dissout
que le cblorure de lithium.
Le bromure, l'iodure et le fluorure de htbium n'offrent pas de propriétés mar-
quantes ; on les prépare par saturation directe de la base ou carbonate par l'acide
correspondant.
Sulfure de lithium. Li^S. Composé jaune, soluble dans l'eau et l'alcool. Se
prépare par union directe ou par la réduction du sulfate par le cbarhon.
Oxyde de lithium ou lithine. Li^O. L'oxyde anhydre se présente sous forme
d'une masse spongieuse jaune; d s'obtient en brûlant le métal dans l'oxygène et
en laissant le produit se refroidir dans un courant de ce gaz ; mais il renferme
toujours une certaine proportion de peroxyde. L'hydrate de lithine LiHO se sépare
de sa solution aqueuse concentrée sous forme de petits grains cristallins. Il a la sa-
veur caustique de la potasse, mais est moins soluble; il fond aisément au-dessous
du rouge et ne se volatilise pas. La lithine fondue attaque assez énergiquement
le platine ; cependant, d'après M. Troost, ce caractère n'appartient pas aux sels
de lithine pure, mais à des mélanges de sels de lithine, de cérésium et de ru-
bidium.
On a proposé un grand nombre de procédés pour séparer la lithine qui l'accom-
pagnait dans ses divers minerais ; nous nous contentons d'indiquer le mode de
préparation de M. Troost au moyeu de la lépidolithe.
Voici la composition de ce minéral :
LÉPIDOLITHE DE ^.O^E^■A. LÉPIDOLITHE DE CORXOCAILLE.
Silice 52,25 50,82
Alumine 28,53 21,55
Rotonyde de manga.nèse . 3,66 »
— fer » 9,08
Pousse 6,90 9,86
Lithine 4,79 4,05
Acide fluorhydrique. . . 5,07 1,81
Eau traces »
Si l'on mélange de la lépidolithe avec du carbonate et du sulfate de baryte en
proportions convenables, la masse chauffée dans un bon fourneau à vent fond et
subit une espèce de liquation qui laisse à la partie inférieure du creuset un verre
LITIHUM (chimie). 705
fondu, mais visqueux, et au-dessus un liquide fluide que l'on peut enlever par
décantation ou séparer de la couche vitreuse après refroidissement. La masse
saline supérieure est une combinaison de sulfate de baryte avec les sulfates de
potasse et de lithine ; traitée par l'eau, elle cède à ce liquide les sulfates alcalins.
Le même traitement s'applique à la pétalite d'Uto. Nous avons vu plus haut
comment on retire le chlorure de lithium pur du mélange des deux sulfates. On
peut aussi obtenir le nitrate en précipitant par le nitrate de baryte le mélange des
deux sulfates. L'azotate de potasse se sépare par cristallisation ; enfin la calcina-
tion du nitrate de lithine dans uti creuset d'argent fournit l'oxyde.
La lithine est une base salifiable énergique. Les caractères distinctifs de ces sels
sont les suivants :
\° Réaction par la voie sèche. Ils sont incolores, plus fusibles que les sels
de potasse et de soude correspondants. Fondus sur une lame de platine avec du
carbonate de soude, ils laissent une tache jaune. Ils colorent en rouge cramoisi la
tlamme du chalumeau et la flamme de l'alcool. Les sels de lithine examinés au
spectroscope se distinguent nettement par une belle raie cramoisie placée enlre
le-s bandes B etC du spectre, et une bande mince jaune située un peu en avant de
la bande P du sodium.
2° Réaction par la voie humide. Tous les sels de lithine sont solubles dans
l'eau. Le carbonate, le phosphate de lithine et le phosphate double de lithine et
de soude sont peu solubles. En solution concen(rce, ils donnent des précipités
peu solubles avec les carbonates et les phosphates alcalins. Le carbonate de
soude ne précipite qu'au bout d'un certain temps. Le phosphate de soude ordi-
naire ne précipite à froid qu'après un long repos, à moins que l'on n'ajoute
de l'ammoniaque. Un mélange de sels de lithine et de phosphate de soude se
trouble par l'ébullition. Le résidu de l'évaporation traité par l'eau laisse du
phosphate double peu soluble.
La lithine se dose sous forme de carbonate, de sulfate ou de chlorure. On la sé-
pare des métaux proprement dits, des métaux terreux et alcalino-terreux au moyen
de l'hydrogène sulfuré, du sulfhydrate et du carbonate d'ammoniaque. Le chlorure
de platine permet d'isoler le potassium. Pour éliminer la soude on convertit les
deux alcalis en chlorures que l'on fait digérer à sec avec un mélange d'alcool et
d'éther. Le chlorure de lithium se dissout seul.
Bunsen fait cependant observer que cette opération ne peut donner des résultats
exacts, les chlorures de potassium et de sodium n'étant pas tout à fait insolubles
dans le mélange d'alcool et d'éther. Il indique comme plus convenable la voie
indirecte qui consiste à épuiser par l'alcool éthéré le mélange sec des chlorures
alcahns. La solution est évaporée à sec, le résidu est dissous dans l'eau. On dose
par le nitrate d'argent la totalité du chlore. Le liquide filtré, débarrassé d'argent
en excès par l'acide chlorhydrique permet de doser directement le chlorure de
potassium au moyen du platme. La différence entre le poids total des chlorures et
le poids trouvé de chlorure de potassium est égale à la somme des chlorures de
lithium et de sodium.
On a A = xty .r = ClLi 3/ == ClNa .
D'un autre côté, si l'on retranche le poids de chlorure d'argent correspondant
à CIK du poids total du chlorure d'argent trouvé, on a une différence B qui per-
met d'écrire une seconde équation entre x et y, et de ces deux équations on tire
a;=l;0823B— 2,6525A.
DICT. EKC. 2° S II. 45
706 LITHIUM (pharmacologie).
Principaux sels de litiiine. Azotate. AzO=40. Sel déliquescent très-soluble
dans l'eau et l'alcool. Se dépose de ses solutions concentrées et refroidies à 15' en
gros cristaux anhydres (rhomboèdres basés). On l'obtient directement en saturant
le carbonate par l'acide azotique.
Carbonate de lithine LiOCo'. Poudre blanche légère, peu soluble dans l'eau.
l litre d'eau dissout 12 grammes de carbonate de lithine et cette solubilité ne
change pas beaucoup avec la température. La présence d'un excès d'acide carbo-
nique augmente la dose de carbonate et peut l'élever à 52ê'',5 par litre.
Le sel fond au rouge et perd une grande partie de son acide.
On prépare le carbonate de lithine en décomposant l'azotate par le cuivre et en
faisant ])asser un courant d'acide carbonique dans la dissolution de lithine obtenue
en traitant par l'eau la masse calcinée.
On peut aussi transformer en azotates (par l'azotate de baryte) les sulfates alca-
lins retirés de la lépidolithe. Évaporer et calciner avec de l'acide oxalique. Le ré-
sidu lavé à l'eau cède le carbonate de potasse et celui de soude, tandis que le sel
de lithine reste. Le carbonate de lithine entre comme principe actif dans la com-
position de certaines eaux minérales naturelles et artificielles.
Sulfate de lithine. SO'LiOHt). Sel très-fusible, saveur salée. Il possède un
maxinuim de solubilité situé au-dessous de zéro. Il cristaUise dans le système du
prisme oblique symétrique et forme avec les sulfates de potasse ou de soude des
sels doubles facilement cristallisables.
On ne connaît pas de sulfate acide de lithine. Schutzejnberger
|II. Pharmacologie. Les sels de lithine sont employés en médecine; le
plus recommandé et le plus employé pour les usages thérapeutiques, est le
protocarbonate. Mais, comme nous Talions voir, par suite du mode ordinaire
d'administration de ce sel, c'est en réalité du bicarbonate que l'on emploie ; et,
en outre, par suite aussi de diverses associations, on emploie concurremment du
phosphate de lithine ou du citrate de lithine ; ce dernier sel, selon quelques-uns,
mériterait même la préférence.
Le protocarbonate de lithine est peu soluble ; \ litre d'eau n'en dissout que
12 gi'ammes. Il se dissout beaucoup mieux dans l'eau chargée d'acide carbo-
nique, en se transformant en bicarbonate. Cette solution constitue Veau de
lithine, qui se prépare dans les proportions suivantes : protocarbonate de lithine,
08'',20; eau gazeuse, 500.
A cette eau de lithine on ajoute parfois du bicarbonate de soude (Stricker) , du
nitrate de potasse, du carbonate de potasse ou du phosphate d'ammoniaque (Gar-
rod) ; en employant ce dernier sel, il se forme un phosphate de lithine qui est
encore moins soluble que le protocarbonate, et qui exige conséquemment l'inter-
vention d'une plus grande quantité d'eau.
On peut, et avec avantage d'après quelques praticiens, remplacer Teau gazeuse
par la limonade citrique pour dissoudre le protocarbonate de lithine, ou plutôt
pour le transformer en citrate plus soluble.
En Angleterre, on emploie la lithine sous forme de granules effervescents ;
chaque dose de 5 grammes, que l'on prend dans un peu d'eau sucrée, renferme
10 centigrammes de carbonate de lithine. On fait aussi des granules renfermant
chacun 1 centigramme de carbonate de lithine. (Réveil.)
Historique. Une expérience de Lipowitz ayant constaté l'action dissolvante
remarquable que le carbonate de lithine exerce sur l'acide urique, A. Ure (de
LITHIUM (pharmacologie). 707
Londres), en IS-iS, appela l'attention sur ce fait, et fit prévoir le parti qu'on en
pourrait tirer pour dissoudre les calculs d'acide uinque. Quelques années après,
Garrod expérimenta sur une plus grande échelle cette action dissolvante, l'étudia
comparativement avec celle des composés de soude et de potasse, et reconnut que
les sels de litliine l'emportent de beaucoup par leur influence sur les concrétions
d'acide urique et d'urate de soude. 11 devint ainsi le principal initiateur des ap-
plications thérapeutiques de la litliine, et l'introduisit dans le traitement de la
gravelle et de la goutte. (Voy. La goutte, sa nature et son traitement, par Garrod,
trad. Ollivier, 1867.)
Action physiologique. Le carbonate de lithine, ingéré à petites doses, 10,
20, 30 et même 50 centigrammes, ne produit d'autre phénomène physiologique
appréciable que la diurèse et la diminution, bientôt même la disparition, des
sables ou graviers uriques charriés par les urines. Si l'on dépasse quelque peu
les doses précitées, ce sel ne paraît pas offrir d'inconvénient sérient. AinsiM.Char-
cot en a donné jusqu'à 2 et 5 grammes en vingt-quatre heures, et, au moins dans
les premiers jours, il n'en a vu résulter aucun accident. Toutefois, lorsque ces
doses élevées ont été soutenues pendant plusieurs jours, il est survenu des sym-
ptômes de dyspepsie cardialgique qui ont obligé à suspendre le médicament. C'est
donc une substance plus active, plus énergique que les composés de soude et
même de potasse, et qui demande une certaine réserve dans son emploi. Au reste,
pour le genre d'applications auxquelles les préparations de lithine ont été desti-
nées jusqu'ici, de petites doses suffisent. En effet, l'équivalent de la lithine étant
faible, elle neutrahse puissamment les acides, et conséquemment sature l'acide
urique en plus fortes proportions que ne le font la potasse et la soude. Enfin
elle alcalinise le sang bien plus que ces deux bases, et en se substituant à la se-
conde dans les produits tophacés de la goutte, elle tend à rendre ceux-ci plus so-
lubles et plus facilement éhminables.
AcTiois THÉRAPEUTIQUE. Les propriétés chiniiqucs des préparations de lithine
justifiaient donc leur application au traitement des maladies liées à l'existence
d'un excès d'acide urique dans l'économie. La goutte, qui se trouve dans cette
condition, a été ainsi très-heureusement traitée par Garrod. Tout en conservant
au colchique un rang plus élevé dans le traitement de cette maladie, il voit, dans
le carbonate de lithine, un moyen très-utile pour atténuer, prévenir les accès, at-
taquer et faire disparaître les conséquences et restes de la maladie. Ainsi, il a pu,
pendant son cours, favoriser l'élimination et diminuer la production de l'acide
urique, et ultérieurement faire disparaître les dépôts tophacés par un long
usao-e des sels de lithine. C'est d'ailleurs dans la goutte chronique que ces
sels se sont montrés le plus avantageux. Ils ont été d'un efiet nul ou très-peu
marqué contre le rhumatisme et même contre le rhumatisme dit goutteux.
Des applications locales de solutions de lithine ont quelquefois calmé les dou-
leurs articulaires des goutteux.
L'action des sels de lithine sur la goutte n'a pu encore être assez étudiée, et
leur emploi n'a pu non plus se généraliser assez pour que l'on soit fixé sur leur
valeur réelle. Peut-être n'attaquent-ils que l'un des éléments de cette maladie ;
mais si du moins ils en triomphent mieux que d'autres médicaments par une dis-
solution et une élimination plus facile des urates alcalins du sang, ils réaliseront
un progrès dans une thérapeutique qui jusqu'ici a laissé beaucoup à désirer.
Il est bon de remarquer, d'ailleurs, que dans toutes les eaux minérales répu-
tées utiles aux goutteux, les analyses ont successivement démontré la présence
108 LlTllOGLASTIb:.
delà lithine ; telles sont les eaux de Carlsbad, Aix-la-Chapelle, Marienbad, Kissiii-
gen, Ems, Tœplitz, Bilin, Kreuznach, Vichy, Bade, etc.
Quant à l'influence de la lithine sur la gravelle urique, elle n'est pas contes-
table, en ce sens du moins que nous possédons, dans les sels de cette base, un
moyen assuré de dissoudre les dépôts d'acide urique entraînés par les urines.
Depuis MM. Ureet Garrod, et grâce à leurs expériences, plusieurs cliniciens ont
été à même de vérifier ce résultat; nous citerons entre autres MM. N. Guéneau
de Mussy et Moutard-Martin, qui ont bien voulu nous communiquer à cet égard
des observations concluantes. Réveil dit avoir également recueilli plusieurs preuves
des bons effets de la lithine dans la diathèse urique. Enfin nous-mème, dans les
cas de cette nature où nous l'avons expérimentée, nous avons pu en constater la
parfaite efficacité,
M. Ure a proposé d'employer le carbonate de lithine en injections dans la ves-
sie, pour tenter la dissolution des calculs urinaires.
Il est présumable que les thérapeutistes trouveront à faire de nouvelles appli-
cations des sels de hthine ; par exemple, si à un haut degré d'alcalinité corres-
pondait un pouvoir fluidifiant analogue, sinon même supérieur à celui des autres
alcahs, ne pourrait-on pas les utihser pour la dissolution et la résorption de cer-
tains produits plastiques de l'inflammation ?
Ce sont, en définitive, des composés qui paraissent intéressants, et qui deman-
dent des études variées et suivies pour éclairer les praticiens sur toutes leurs pro-
priétés, sur toutes leurs applications possibles.
Doses. Le carbonate de lithine se donne à la dose de 5 à 30 centigrammes, ré-
pétée deux ou trois fois par jour (Garrod) ; à la dose de 5 à 10 centigrammes par
jour (Aschenbrenner). Charcot l'a donné jusqu'à 2 et 5 grammes en vingt-quatre
heures. En injections dans la vessie, on l'a prescrit depuis 1^,50 jusqu'à i
grammes. (Ure, Aschenbrenner.) D. de Savigkac.
MTHOBIE (lîOo;, pierre, 8lo;, vie; qui vit sous les pierres). Genre de my-
riapodes, de l'ordre des Cbilopodes créé par Leach, avec des Scolopendra de
Linné, et sur lequel Newport a étabh une famille sous le nom de Litlwbiidœ.
Ces animaux ont pour caractères génériques d'avoir le corps formé de dix-sept
segments non compris la tête, alternativement plus petits et plus grands, imbri-
qués en dessus, presque égaux en dessous ; arceau supérieur distinct pour le
segment forcipulaire. Antennes de vingt à quarante articles décroissants; yeux
nombreux, petits et réunis sur les côtés de la tète ; quinze paires de pieds, les
postérieurs les plus longs, autant d'écussons dorsaux que do pieds.
Ce genre renferme un grand nombre d'espèces, dont plusieurs se trouvent en
France. La plus connue est la Lithobie à tenailles [Scolopendra forcipata, de
Géer), d'un brun foncé et luisant, avec la tête, les antennes et le dessous du
corps roussàtres. Pattes d'un brun clair. Du reste, plusieurs espèces ont été con-
fondues sons cette désignation.
Les Lithobies vivent dans les lieux humides, sous les abris, les pierres, lus
mousses, les feuilles tombées, etc. Elles ont la démarche assez vive et cherchent
par leur morsure à échapper à la main qui les saisit. Cette morsure n'a rien de
redoutable pour l'homme ; elle n'est nuisible que pour les très-petits animaux
que recherche la Lithobie pour en faire sa nourriture. A. Laboulbène.
LITHOCL.llSTlE (de ILdog, pierre, et xlduv, écraser. {Voy. Lithotritie.)
A. D
LITIIOTRITIE. 709
I^ITHOFELLIQUE (Acidc). Il forme la base du bezoard dit oriental, qu'on
trouve dans la caillette de la chèvre sauvage et dont les vertus thérapeutiques
étaient autrefois si célèbres. iVoy. Bezoards.) Cet acide, qu'on obtient des calculs
en les traitant plusieurs fois à chaud par l'alcool, et décolorant par le charbon,
cristalhse en petits prismes hexaédriques, insolubles dans l'eau. A. D.
IiITHOL4BE (de Àiôo?, pierre, et )iau.6âvctv, saisir). Nom donné aux pinces
destinées à saisir un calcul dans la vessie. Il désigne et les tenettes employées
dans la taille eih pince à trois branches des instruments lltbotrileurs. {Voij. Li-
thotritie). a. 1).
LlTDOiVlYLEllRS (de llQoç, pierre, et i^ùln, meule). Nom donné aux instru-
ments destinés à réduire en poudre les calculs de la vessie. A. D.
LITHOniTRIBIOIK. Voy. TURQUETTE.
1.ITH01VTRIPTIQUE (de liOoç, pierre, et rpi^iç, broiement). Se dit des mé-
dicaments auxquels on prête la propriété de dissoudre les calculs, soit pris par
les voies digestives, soit injectés directement. {Voy. Calculs.) A. D.
UTUOPDYTOM. Voy. COBALLINE.
LITHOPRISIE (de liQoi, pierre, et npiatç, sciage). On «vait donné ce nom
à l'opération, non réalisée, qui eût consisté à scier les calculs dans la vessie.
A. D.
ElTnoiSPERjnUKl. Les plantes auxquelles ce nom appartient actuellement
en propre, sont des Borraginées, du genre Grémil {voy. ce mot). Le Lithosper-
mum de Pline et de quelques autres auteurs anciens, est, à ce qu'on suppose,
une Graminée, le Coix Lacryma L.
Le L. tinctorium DC, o\x Anchusa tinctoria L., est devenu le type du genre
AJkanna. {Voy. Orcaînette.) H. B>.
lillUORlXEUR (de )^îôoî, pierre, et ptvâv, limer). Instrument proposé par
Tanchou pour limer la pierre dans la vessie. A. D.
LITDOTOHIE. Mauvaise expression qui signifie section de la pierre (de ')Moz,
pierre, et to^â, section). {Voy. Taille.) A. D.
lilTHOTRlPiSlE (d€ ).î9oç, pierre, et Tptipiî, broiement. {Voy. Lithotritie.)
A. D.
EITHOTRITIE. L'opération qui consiste à briser un calcul dans la vessie
et à en faire sortir les fragments par le canal de l'urèthre a reçu les noms de
lithotripsie, lithoprinie, lithocénose et lithotritie. Aucune de ces expressions n'en
donne une idée exacte; la moins défectueuse, dans l'état actuel de la science, est
celle de lithotripsie, cependant je me servirai du mot de lithotritie parce qu'il
est le plus généralement usité.
La définition que je viens de donner de la lithotritie, la différentie essentielle-
ment d'une manœuvre opératoire très-anciennement connue par laquelle, dans
la taille périnéale, on brisait le calcul quand il était trop volumineux et on le reti-
rait en morceaux par la plaie du périnée.
Je distinguerai trois périodes dans l'étude de la lithotritie : 1* une période his-
torique; 2° une période de transition; Z° une période pratique.
710 LITUOTRITIE.
A. Période historique. Depuis les premiers âges de la chirurgie jusqu'au
commencement de notre siècle, on avait considéré la taille comme le seul moyen
de guérir les calculeux. Aussi n'a-t-on fait mention d'aucune autre opération dans
nos traités d'histoire de la chirurgie. Mais du moment où on s'occupa sérieuse-
ment de la lithotritie, plusieurs savants se mirent à fouiller les vieux livres pour
y découvrir quelques traces de cette opération nouvelle, et aujourd'hui nous possé-
dons des documents assez intéressants sur ce sujet.
Le document le plus ancien remonte au neuvième siècle. Il a été pubhé dans
YAheille médicale d'Athènes par M. Olympios, qui l'a découvert dans le panégy-
rique du moine Théophanès. En voici la traduction telle que l'a donnée M. René
Briau, dans le neuvième numéro de la Gazette hebdomadaire, 1858. « ...Théo-
phanès se rendit auprès de Léon l'Arménien, quoiqu'il fût tourmenté par une
maladie chronique des reins et par une dysurie. En effet des instruments avaient
été introduits dans la vessie par le conduit naturel, et, après avoir broyé les
pierres qui s'y trouvaient les apportaient au dehors et permettaient à l'urine la
libre sortie, autant que possible. »
On a également rapporté un passage curieux d'Alsaharavius (Albucasis), écrivain
du douzième siècle, sur la rétention d'urine. « ...Curalio ejus, quandofuitlapidus
parvus, vel si hahuerit grossitudinem et impulsusest jam ad coUum vesicaeautad
aliquem transitum virgae et impedit urinam, est quod sedeat patiens in aquà de-
coctionis aneti, meliloti, camomillse, radicis altese, fenugrec, seminis lini, et linia-
tur virga cum pinguedine gallinae, vel cum oleo syrag, vel oleo camomillae et
clisterizefur virga cum oleo aneti, vel cum oleo scorpionis quod fortius omnibus
est; et si cum hoc regimine nonexierit studeat implere ipsum cum instrumente
quod nominatur anul apud viam transitus, vel accipiatur instrumentum subtile
quod nominant mashaba rebilia et suaviter intromittatur in virgam et volve lapi-
dem in medio vesicas et si fuerit mollis frangitur et exibit. Si vero non exiverit
cum iis quae diximus, oportet incidi » [Liber theoricœ necnon practicœ, in-4°,
f. XCIV, 1519.)
Au quinzième siècle, Benedetti (Alexandre), médecin de Padoue, publia les
lignes suivantes dans son ouvrage ayant pour titre De singulis corporum morbis :
« Cum vero bis praesidiis (dissolventibus) lapis non comminuitur, nec nullo modo
eximitur, curatio chirurgica adhibeatur, et per fistulam, priusquam humor pro-
fusus dolores levet, aliqui intus sine plagà lapidera conterunt ferreis instrumentis,
quod equidem tutum non invenimus. »
Près d'un siècle plus tard Sanctorius, dans ses Commentaires sur Avicenne,
écrivait sur ce même sujet ce passage remarquable. « Quod si calculus per ure-
tères, ad vesicam dejectus spatio hebdomadis circiter cum urinâ non ejiciatur,
extrahendus est, ne per moram magnus evadet, quod ut fieret. Excogitavimus
syringam quaj in vesicam immittendo est quando lotio est referta (longitudo sy-
ringae in viro est unius spithaminis cum dimidia) eâ immissâ, tune instrumeiUum
quod unit très cuspides (dum est in syringa) aliquanto plus impellitur ut tricus-
pides separentur et dilatentur : deinceps extrabitur instrumentum. Quo peracto,
statim ah urina lapis cum impetu ad sinam syringfe ferri solet : qui inclusus inter
illas cuspidines statim extrahitur per syringam. Si vero accideret quod urinas im-
petus non ferret lapillum adtricipitis sinum : tune cum syphone per vim vacui at-
trahetur. » {Commentaria, fasc. 1, libri canonis Avicennœ.Ti&ime, 1626.
Déjà Leroy (d'Étiolles) père, commentant les derniers textes que je viens de
citer, avait montré combien la signification qu'on a voulu leur donner est forcée,
LITHOTHITIE. 711
que le grand Haller lui-même a-commis une erreur singulière en regardant comme
fln perforateur la tige métallique dont Sanctorius se servait jiour tenir réunies ou
pour écarter les branches de son tricuspides . Je puis en dire autant du document
produit par M. Olympios. Le panégyrique du moine Théophancs a été écrit par
un homme étranger à la chirurgie qui, dans l'opération dont il parle, n'a vu que
des pierres broyées, tirées par le canal et dont l'extraction permit, autant que
possible, la libre sortie des urines. Mais d'où venaient ces pierres? Étaient-elles
dans la vessie ou dans la partie profonde de l'urèthre? Le chirurgien qui a opéré
Théophanès ne s'est-il pas borné à employer le procédé si bien décrit par Albu-
casis pour extraire les pierres du canal? Que les anciens aient eu l'idée de briser
des calculs dans la vessie, cela est très-vraisemblable. Mais, en l'absence de faits
détaillés et de toute descriplion d'instruments, il est im[jossible de prouver que la
litliotritie leur était connue. Plus on examine les textes, plus on y réfléchit et plus
■on demeure convaincu que tout ce qu'ils ont écrit sur le broiement des calculs
se rapporte aux calculs de l'urèthre.
Deux faits appartenant presque à notre époque ont une importance beaucoup
plus grande. C'est d'abord un moine de Cîteaux qui, pour se guérir de la pierre,
s'était imaginé de se servir d'une sonde creuse et flexible qu'il introduisait dans
■sa vessie. Puis il faisait glisser dans cette sonde une longue lime d'acier ronde
ayant le bout taillé en biseau et, lorsqu'il parvenait à rencontrer sa pierre, il la
limait ou en détachait des morceaux en frappant à petits coups secs le talon de
l'instrument avec un marteau d'acier. C'est encore un colonel Martin qui avait
entrepris de se limer une pierre située dans la vessie à l'aide d'une canule flexible
par laquelle passait un long stylet d'acier qui présentait sur sa convexité une lime
bien trempée.
Ces deux malades portaient évidemment des calculs vésicaux. Le premier avait
été examiné par Iloin père, chirurgien de Dijon, qui voulait le tailler, et le second
■avait été vu par le chirurgien Scott. Mais ces fiiits, sur lesquels nous ne possédons
•que des détails Irès-incomplets, étaient passés inaperçus.
B. Période de transition. Le premier qui a conçu nettement la possibilité
■de la litliotritie et imaginé des instruments pour la pratiquer est Gruithuisen, mé-
decin bavarois. Son travail fut publié dans la Gazette médico-chirurgicale deSaltz-
boiirg en 1813; mais, ainsi qu'il le dit lui-même, il s'en occupait depuis cinq ans,
attendant l'occasion de pratiquer sur le vivant l'opération telle qu'il l'avait conçue.
Sans perdre de vue la dissolution de certains calculs, ce qui était l'objet principal
de ses recherches, il avait tenté également de les broyer. Après avoir montré,
dans des expériences publiques, que rien n'était plus facile que d'introduire un
cathéter droit dans la vessie, il avait inventé un appareil com|)osé de pièces
assez compliquées ^out perforer les calculs et les briser. « .. .On introduira, dit-il,
dans une grosse sonde préalablement engagée dans la vessie, une vrille en fer
de lance ou une espèce de petite couronne de trépan dont la tige sera contenue
dans un second tube ; celui-ci, destiné à être passé à travers le tube principal,
rempHra exactement ce dernier. L'intérieur du petit tube sera assez large pour
laisser passer, par les parties latérales de la tige qu'il renferme, les deux
extrémités d'un fd de métal d'un diamètre semblable à celui d'une corde
de piano de grosseur moyenne, lequel sort par deux ouvertures pratiquées en
•de\ant sur les côtés du pitit tube, pour aller former une anse au-devant de Ig
vrille ou de la couronne de trépan... C'est avec cette anse de fd métallique, qui
peut être agrandie à volonté, que l'on doit chercher à saisir la pierre,.. La pierre
712
LITHOTRITIE.
étant engagée dans l'anse, on la tire vers la grosse sonde et on la fixe ainsi contre
la vrille ; puis on se met à faire jouer celle-ci au moyen d'un archet... Le calcul
étant perc éd'un premier trou on retire le perforateur pour l'aire sortir de la vessie,
par une injection, la pierre et les débris de la pierre. Cela fait, on cberche à re-
tourner le calcul à l'aide d'un fil d'archal un peu recourbé en avant, en même
temps qu'on relàcbe un peu l'anse de fil qui le retenait. »
Gruithuisen cherchait ainsi à perforer la pierre dans plusieurs points. « Si,
ajoute-t-il, on réussissait à réduire la pierre en moi'ceaux au moyen de la vrille
et de la couronne de trépan, ce qui n'est nullement une chose impossible, on
essayerait d'en diviser les fragments en parties plus petites au moyen du brise-
pierre introduit danski grosse sonde, m — 11 voulait encore, dans les cas difficiles,
favoriser la désagrégation de la pierre par des injections et l'emploi du galvanisme.
(Heurteloup, De la lithotripsie sans fragments, traduction du mémoire de Grui-
thuisen, 1846.)
11 est facile de voir, par l'inutilité évidente de ces derniers moyens et par l'im-
pei-fection des instruments dont je viens de donner un aperçu que la conception
de Gruithuisen était toute théorique et d'une application très-douteuse. Mais il
lî'en est pas moins vrai que la lithotritie existe dans ce court exposé.
Fig', 1 . — Instiiimeats 'de Gruithuisen.
a Canule double dont les deux tubes s'emboîtent
exactement.
Fil luélallique formant une anse pour saisir le
calcul et le fixer contre l'extrémité de la canule.
Fer de lance pour perforer le calcul.
Cauule double.
e Petite couronne de trépan.
i Talon de l'instrument sur lequel on applique
l'archet.
G Canule d'une pince destinée à écraser les petits
fragments.
II Branches de la pince.
A cette époque, dans le fond d'une pi^ovince de France, un jeune médecin,
Fournier de Lempdes, se proposait le même but que Gruithuisen ; mais il ne
publia alors aucune note qui puisse infii^mer les titres de priorité du médecin Ba-
varois. Cependant, pour être juste, je dois dire que des certificats authentiques des
hommes les plus honorables de Clermont-Ferrand prouvent qu'en l'année 1812
Fournier de Lempdes fit fabriquer par deux ouvriers mécaniciens de cette ville un
instrument pour détruire les pierres dans la vessie, composé : 1" d'un tube très-
mince en acier destiné à renfermer une pince ; 2° d'une pince à cinq branches
élastiques pouvant être rapprochées au moyen d'un fil passant par un trou percé
à l'extrémité de chacune d'elles; 3" d'une tige d'acier terminée par trois branches
triangulaires pouvant être réunies comme celles de la pince au moyen d'un fil et
taillées en râpe pour limer le calcul. — D'autres certificats de Richerand et de
Biett attestent qu'en 1817 Fournier de Lempdes essaya plusieurs lois ses instru-
ments à l'iiôpital Saint-Louis.
Ces essais avaient été publics et, pour tout dire, il est probable qu'ils ser-
LlTHUTaiTlE. 715
virent de point de départ aux recherches d'Amussat, Leroy (d'Étiolles) et Civiale,
qui faisaient alors leurs études médicales. Ce qui tendrait encore à le faire croire,
c'est l'inexpérience avec laquelle ces jennes chirurgiens procédèrent, imaginant
instruments sur instruments sans s'inquiéter de ce qui avait été fait avant eux.
Ainsi Amussat, en 1822, donne et fait accepter comme chose nouvelle la possibilité
de pénétrer dans la vessie avec une tige droite, tandis qu'il lui aurait suffi des
moindres recherches pour voir que le cathétérisme droit était connu depuis long-
Ijuiqs. Jose[ih Rameau avait écrit, en 1729, que la structure de Turèthre se prè-
tnil parfaitement au passage de sondes droites. Trente ans plus tard, Lieutaud
donnait même la préférence aux sondes droites sur les sondes courbes. Thomassin,
Sjntarelli, Lassus, Gruithuisen, non-seulement disaient qu'on pouvait se servir
d'instruments droits, mais encore ils enseignaient, dans ses moindres détads, la
manière de pratiquer ce mode de cathétérisme. — Civiale et Leroy (d'Étiolles)
inventaient à grand'peine des pinces informes et inapplicables sur le vivant pour
saisir les calculs dans la vessie, tandis qu'en ouvrant les ouvrages de Ferri, Franco,
André de la Croix, Thomassin, F. de Hilden, Halles, Hunter, ils eussent trouvé le
modèle de pince qu'on a été obligé d'adopter un peu plus tard.
Cette pince, dite pince à trois branches, sur laquelle on fondait alors tout l'ave-
nir de la lithotritie, a été revendiquée par Civiale et Leroy (d'KtioUes) ; elle a été
l'objet d'une polémique ardente à laquelle plusieurs membres émiiients de l'Insti-
tut ont été mêlés. Aussi suis-je dans la nécessité d'en parler avec quelques détails.
Le premier travail de Civiale sur l'affection calculeuse date de 1823; il a pour
titre : Nouvelles considérations sur la rétention d'urine. L'auteur y donne la
description, avec figures, d'une pince composée de deux cylindres métalliques
creux et s'emboitant. Le plus petit porte à son extrémité vésicale quatre branches
ou plus. Chacune d'elles est fixée au cylindre par une charnière et formée de deux
petites tiges métalliques, articulées entre elles de la même façon. Elles n'ont, dans
toute leur longueur, ni la même forme, ni la même direction. — ^^11 est facile de voir
que ces branches reliées par des charnières manquaient presque entièrement d'élas-
ticité. — Aussi Civiale ajoute-t-il : « Le stylet constitue une partie fort essentielle
dans notre lithotriptique. Il a deux objets principaux à remplir : aider l'élasticité
des branches pour en opérer l'écartement et attaquer le calcul quand on est parvenu
à le saisir... De son mode d'action sur les branches, en le tirant à soi, résulte à
volonté l'écartement qu'on désire. « (Pages 149 et suiv.)
Treize ans plus tard (Parallèle des divers moyens de traiter les calculeux,
1836), Civiale, oubliant la date de son premier ouvrage, écrit qu'en 1820, il ne
donna plus que trois branches à sa pince au lieu de quatre (p. 36); qu'il recourba
l'extrémité des branches en forme de crochet (p. 37). Il omet, ajoute-t-il, quelques
détails sur la forme et la disposition des branches, sur l'appareil extérieur destiné
tant à mouvoir les diverses parties de l'instrument qu'à faire agir le perforateur
et empêcher l'écoulement du liquide pendant l'opération, enfin sur la substitution
lie l'archet à la manivelle à rouage... (p. 41). — Il omet ces détails pour ne
point parler des articulations à charnières dont il avait sans doute compris le
tice, du stylet dont la tète servait à écarter les branches, de l'action de la main
pour enfoncer le stylet dans le calcul, et qu'il avait déclarée meilleure que la
manœuvre avec un archet. {Nouv. considér. sur la rétent. d'urine, p. 159.)
Et cependant il ne craint pas de dire : « Tel était, en 1825, l'appareil instru-
mental à l'exécution duquel près de cinq années avaient été consacrées. — Il
suffit de jeter un coup d'oeil sur les ouvrages que je viens de citer et de comparer
714
LITIIOTRITIE.
les dates pour voir quelle foi ou doit accorder à de telles assertions. Sans contredit
c'est une tâche pénible d'avoir à signaler de pareils faits, mais c'est aussi un
devoir.
Fig. 2. — Pince à trois branches de Civiale.
a. Première canule extérieure.
b. Seconde canule intérieure portant trois bran-
ches à son extrémité vésicale.
c. Charnière articulant les branches sur la canule.
d. Charnière articulant les sections des branches.
e. Stylet en fer de lance.
f. Corps du stylet.
Leroy (d'ÉtioUes) imagina, à la même époque, 1821 et 1822, son lilhoprione,
instrument composé de deux tubes emboîtés et laissant entre eux un intervalle
d'une demi-ligne séparé en quatre coulisses pour le glissement d'autant de res-
sorts de montre qui sont tixés à un bouton mobile formant l'extrémité da second
tube, comme le bouton de la sonde de Bellocq. Quand on chasse en avant le
second tube, les ressorts se développent par leur élasticité naturelle et forment
une cage destinée à renfermer le calcul ; mais l'intervalle qui existe entre eux ne
permettant pas le passage de la pierre, un des ressorts est mobile et peut être plus
développé que les autres pour augmenter cet intervalle.
Fig. 3. — Instruments de Leroy (d'ÉtioUes) père.
a. Canule extérieure ou gaine renfermant une
seconde canule.
t. Ressorts de montre terminant l'extrémité de la
canule intérieure.
c. Bouton sur lequel sont fixés les ressorts.
d. Ressort mobile dont on peut augmenter la
courbure à volonté.
Cet instrument très-imparfait ne valait pas la pince de Civiale. Leroy le
reconnut lui-même, et, dans un mémoire qu'il présenta à l'Académie de chirurgie,
le 15 avril 1823, il s'exprime ainsi : « Des expériences sur le cadavre ont dé-
montré que l'on peut, avec cet appareil, saisir une pierre, la perforer à plusieurs
reprises et la mettre en morceaux... Des craiiUes ont été élevées sur la solidité des
ressorts de montre, et ces craintes n'étaient pas sans fondement. De plus, leur
vacillation pouvait faire appréhender que la couronne de trépan dépassât la pierre
et, ne rencontrant pas le bouton, blessât la vessie. Je reconnus sans difficulté la
justesse de ces reproches et je cherchai dans l'arsenal de la chirurgie si quelque
instrument pourrait me fournir les idées et les moyens de parer à ces inconvé-
nients; je reconnus bientôt que je m'étais donné beaucoup de peine pour trouver
ce que j'avais pour ainsi dire sous la main. En effet, le tire-balle d'Alphonse Ferri
me fournissait un moyen simple et solide de saisir la pierre; et pour faire arriver
jusqu'à elle le perforateur il suffisait de transformer en une canule creuse la tige
qui, dans le tire-balle, porte les branches. C'est ce que j'ai fait, et voici le nou-
veau lithoprione que j'ai obtenu. »
Ce passage, que j'ai cité textuellement, ne peut laisser aucun doute : Leroy,
LITIIOTRITIE.
715
comme il le dit lui-même, n'a pas inventé la pince à trois branches, qui était
connue depuis longtemps ; mais il a eu le mérite, en la modifiant, de la faire
servir à la pratique de la lithotritie. — Civiale fut le premier qui ait appliqué cet
instrument sur le vivant; là doivent se borner ses prétentions*.
Fig. 4- — Instruments de Fabrice de Hildeu pour briser les calculs de l'urèlhre.
a. Pince à trois branches. I e. Instrument complété par un tire-fond avec écrou
b. Canule servant de oaîne à la pince.
destiné à briser le calcul saisi dans la pince.
A dater de ce moment, la lithotritie fut acceptée comme une opération ca-
pable de rendre, dans l'avenir, de véritables services ; mais pour la substituer à
la taille et pour obtenir des résultats heureux et incontestables, il restait beau-
coup à faire. Il ne suffisait pas d'être parvenu à saisir la pierre solidement, il
fallait encore trouver le meilleur moyen de la détruire et de la retirer de la
vessie. C'est sur ce point que se concentrèrent les elforts de tous ceux qui s'oc-
cupaient de ce sujet. Pendant quelques années on imagina une Ibule d'instru-
ments dont la plupart sont tombés dans l'oubli, et beaucoup de procédés que je
réunirai sous trois chefs : 1° \a perforation et l'éclatement; 2" Vévidement ex-
centrique; 3" la destruction concentrique.
1° Perforation. — Eclatement. Je décrirai ce procéilé avec quelques détails,
parce qu'il a été employé pendant plus de dix ans, constituant à lui seul presque
toute la lithotritie.
L'appareil nécessaire pour pratiquer la perforation se compose 1° d'une pince
à trois branches ; 2° d'un perforateur ; o" d'un tour en l'air avec son archet et de
quelques autres instruments accessoires.
a. La pince à trois branches est formée de plusieurs pièces : c'est d'abord une
canule extérieure ou gahie; elle est très-mince, longue de 30 à 35 centimètres,
avec un calibre de 7 à 8 millimètres. A. son extrémité vésicale, elle est garnie d'un
cercle d'acier qui se confond avec ses parois dont elle augmente la solidité. A
son talon existe un renflement carré avec des languettes, qui doit être reçu dans
la lunette du tour, et une boîte à cuir servant à empêcher le liquide contenu dans
la vessie de s'écouler au dehors pendant l'opération. C'est ensuite une seconde
canule en acier, moins grosse que la première, dans laquelle elle doit entrer, et
plus longue de 8 à 9 centimètres. Elle se termine en avant par trois branches très-
* M. Ctiarriére, qui a fabriqué la plupart des instruments imaginés à cette époque, m'a
assuré que Civiale se servit, pour opérer sur le vivant, d'une autre pince que celle repré-
sentée dans son livre ; qu'il incline à croire ses droits mieux fondés que ceux de Leroy
(d'ÉtioUes) ; et enfin que la décision de l'Institut en faveur de ce dernier doit être attribuée
à l'influence de Ifupuytren qui avait eu à se plaindre de Civiale. . .
Je me crois obligé de rapporter ici ce témoignage désintéressé tant je suis désireux de
rendre à chacun ce qui lui appartient. Mais il est facile de comprendre qu'on ne peut farire
l'histoire de l'art que d'après des documents écrits.
1î(j LlTllOTRITIE.
élastiques qui s'écartent fortement les unes des autres quand elles ne sont point
renfermées dans la première canule. Ces branches sont légèrement excavées en
dedans, crochues à leur extrémité pour mieux embrasser le calcul. Comme cette
dernière disposition les aurait empêchées de se rapprocher, on leur a donné une
longueur un peu inégale afin que les crochets chevauchent les uns sur les autres.
Le talon de la canule porte un pas de vis et est reçu dans une rondelle servant
de poignée. 11 est aussi garni d'une boîte à cuir.
h. Leper/bratoi?' est une tige d'acier, ronde, de 5 centimètres; il est plus long que
la seconde canule, dans laquelle il doit entrer aisément. Sa tête est armée de dents
et creusée sur les côtés de rainures destinées à recevoir les branches de la pince qui,
de cette façoji, n'augmentent pas de volume par leur rapprochement. Son talon se
termhie eu pointe. On y adapte, à l'aide d'un tourne-vis ou d'une clef, un cuivrot
ou pouUe brisée destinée à limiter sa course dans la canule, et permettant de lui
imprimer des mouvements de rotation.
c. Tour en l'air. Cette pièce de l'appareil ne présente rien de particulier; c'est
le tour dont se servent les horlogers, avec quelques légères modifications. Il en est
de même de l'archet.
Outre ces instruments principaux, il est important d'en avoir d'autres, tels
qu'une pince de Hunter, plusieurs perforateurs de volume et de forme divers pour
les cas où surviendrait quelque accident pendant la manœuvre.
Manuel opératoire. Le malade est placé sur un lit dans le décubitus dorsal.
Sa tête doit être soutenue par un traversin, son bassin un peu élevé au moyen
d'un coussin enveloppé d'un drap, et ses cuisses légèrement fléchies.
Le chirurgien, placé à la droite du malade, commence par introduire une sonde
dans la vessie et y pratique une injection d'eau tiède simple ou mucilagineuse,
afin de pouvoir manœuvrer facilement dans la cavité de cet organe. Cela fait, il
arme le lithotriteur de la façon suivante : « Pour réunir les différentes pièces, dit
Civiale, après avoir enduit le litholabe d'un corps gras, on le glisse dans la gaîne,
])uis on place sa rondelle; ensuite on introduit le perforateur, sur l'extrémité
pointue duquel on fixe la pouhe, de telle sorte que la tète du foret ne dépasse
point l'extrémité des branches de la pince ; on s'assure que les boîtes à cuir em-
brassent exactement le litholabe et le perforateur sans rendre le jeu de l'instru-
ment difficile ; on fait rentrer la pince dans la gaîne jusqu'à ce que les branches
du litholabe soient logées dans les entailles latérales du perforateur ; enfin avec
un mélange de cire et d'huile on couvre les inégalités qui résultent du rappro-
chement des branches. L'instrument étant ainsi monté, on l'introduit dans la
vessie, on charge la pierre, on l'écrase, ou, si Ion ne peut y parvenir, on adapte
la partie carrée de l'instrument au tour en l'air portant une contre-poupée ou
lunette qui sert de moyen d'union, et une poupée ou pièce mobile à laquelle est
adaptée une boîte à pompe dont le ressort en spirale a pour usage de pousser le
perforateur contre la pierre à mesure qu'il est mis en mouvement par l'archet. »
{Paraît, des divers moyens de traiterles calculeux, p. 57.)
L'introduction de l'instrument dans la vessie est assez facile quand l'urètlire a
été suffisamment dilaté. Le chirurgien saisissant la verge avec la main gauche,
comme dans le cathétérisme ordinaire, la soutient dans une direction perpendi-
culaire au tronc. Avec la main droite il introduit le lithotriteur dans l'urèthre et
le laisse pour ainsi dire descendre de lui-même jusqu'au-de\ant de l'aponévrose
moyenne. Alors, il abaisse doucement l'instrument entre les cuisses, eu même
temps qu'il l'enfonce dans le canal et, par ce double mouvement, qui est d'autant
LITllOTRITIE. 717
plus prononcé que la partie profonde de l'urètlire est plus courbe, il le fait pnic-
itrer dans la vessie.
I La manœuvre nécessaire pour saisir le calcul est très-différente suivant qu'il
est plus ou moins volumineux. S'il est assez gros, l'extrémité de l'instrument le
rencontre facilement et va butter contre lui. Le cbirurgien ne doit pas enfoncer
le lithoLriteur plus profondément. 11 desserre la vis qui réunit les deux canules et
tire la plus extérieure en arrière, en même temps que le perforateur. De cette
façon il dégage les branches de la seconde canule qui s'écartent et forment une
sorte d'entonnoir dans lequel le calcul vient se loger de lui-mcme. On peut en-
core favoriser son entrée dans la pince en poussant celle-ci vers le bas-fond de la
vessie quand ses branches sont suffisamment développées. On achève de saisir
fortement la pierre en chassant la gaine sur la seconde canule, dont les branches
sont ainsi rapprochées ; alors on serre la vis qui, placée sur le talon de l'instru-
ment, réunit fortement les deux canules.
Reste à pratiquer la perforation. Pour cela ou enfonce le foret jusque sur la
pierre; on le fixe au tour en l'air, qu'un aide est chargé de tenir solidement, et,
avec l'archet, on lui imprime un mouvement de rotation qui doit être continué
jusqu'à ce que sa course soit arrêtée par le point d'arrêt marqué d'avance. Puis le
chirurgien lamcne le perforateur en arrière, desserre la vis qui réunit les deux
canules, retire un peu la première pour relâcher les brandies do la seconde. Par
un léger mouvement il clierclie à changer le calcul de place et recommence la
manœuvre que je viens de décrire, pour le perforer sur un autre point. Il arrive
ainsi à le cribler de trous, de manière qu'une pression un peu forte de la pinco
suflit pour le briser en fragments assez nombreux.
L'opération n'est point terminée. La poussière produite par le perforateur et les
petits morceaux sont entraînés en dehors par les urines. Quant aux fragments plus
gros, il faut aller les saisir et les écraser avec la pince s'ils sont peu résistants, ou
les broyer avec le perforateur comme on l'a fait pour le calcul lorsqu'il était entier.
Si le calcul est petit, on le rencontre rarement avec l'extrémité de l'instru-
ment, et il faut quelquefois des recherches prolongées pour le saisir. Dans ce cas,
après avoir développé les branches de la pince, on les promène lentement dans le
bas-fond de la vessie, afin que le calcul s'engage dans leur intervalle, et, lors-
qu'on croit qu'il s'y est engagé, on les resserre doucement. Quand on a réussi à le
prendre, on le perfore comme je viens de le dire.
11 est facile de voir par ce seul exposé que la hthotritie par perforation est une
opération des plus laborieuses; encore n'est-elle pas toujours aussi simple que je
l'ai décrite. Tantôt le calcul plat s'engage dans les intervalles qui séparent les
branches de la pince, et il est très-ditticile de l'en dégager ; tantôt, après l'avoir
attaqué, on ne peut le changer de position, et le perforateur tombe constamment
dans les premiers trous qu'on a pratiqués; d'autres fois le calcul est dur, et sa
perforation exige beaucoup de temps. 11 faut bien le dire, ces manœuvres longues
et répétées ne sont pas sans inconvénients sérieux.
2" Èvidement excentrique. Pour éviter un des principaux inconvénients que
je viens de signaler, l'étroitesse des trous produits par le perforateur, et, comme
conséquence, la multiplicité des séances, on a imaginé l'évidement. On a donné ce
nom à un procédé par lequel on chercha à creuser le calcul et à en faire une
sorte de coque qu'il serait facile de briser par la seule action des branches de la
pince. Pour obtemr ce résultat, Civiale avait donné une légère courbure à la tige
du perforateur, tout près de la tête. Leroy avait fait confectionner plusieurs forets
718 LITHOTRITIE.
connus sous le nom de forets à développement. L'un d'eux était formé de deux
parties réunies par une canule; le calcul perforé, il suffisait de retirer la canule
pour que ces deux parties s'écartassent l'une de l'autre par leur élasticité et élar-
gissent de plus en plus le trou déjà creusé. Dans un autre, les deux moitiés de la
tète du forêt s'écartent par l'introduction entre elles d'une pièce moyenne agis-
sant à la manière d'un coin. Plusieurs forets articulés ont encore été proposés par
Amussat, Heurteloup, Greiling, Charrière, etc. ; mais ils ont tous l'inconvénient
d'avoir une solidité beaucoup moins grande que les forets simples, et sont par
conséquent très-sujets à se briser.
3" Destruction concentrique . Je me bornerai à mentionner ce procédé imaginé
dans le but d'éviter le morcellement de la pierre. Il consiste à attaquer le calcul
par sa surface et à l'user peu à peu, jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'un noyau qu'il
serait possible d'écraser. Les instruments, ingénieux du reste, proposés par
Tanchou, Meyrieux, Récamier, etc. , sont oubliés ; il serait même difficile d'en re-
trouver les modèles.
C. Période pratique. Si la litbotritie n'avait eu à son service que les procé-
dés dont il vient d'être question, elle serait restée une opération exceptionnelle
et utile seulement dans quelques cas simples. Le plus souvent, et surtout dans
les cas compliqués, la taille aurait conservé toute sa supériorité.
Mais, en 1832, Heurteloup commença la publication de plusieurs mémoires,
qui présentèrent la litliotrilie sous une face toute nouvelle : il avait trouvé la
litbotritie par percussion et par écrasement.
Sans doute, quelques tentatives dans ce genre avaient déjà été faites, mais
sans grand succès. Comme je l'ai déjà dit, il arrivait souvent, après la litho-
tritie par perforation, d'achever l'opération, en écrasant avec la pince à trois
brandies les petits fragments restés dans la vessie. Amussat avait imaginé une
forte pince à deux branches, qui, par im mouvement de va-et-vient, pouvait
briser des pierres de petit volume, par une double action d'usure et de pres-
sion. Rigal avait modifié cet instrument, en le faisant agir au moyen d'une vis
de rappel, pour éviter le mouvement de va-et-vient. Colombat, pour le rendre
plus facile à manier, y avait ajouté des volants, et avait fixé une petite chaîne à
l'extrémité de ses mors, afin de les ramener au dehors sans danger, dans les cas
où ils se seraient brisés. Velpeau raconte qu'un habile coutelier, sir Henry, avait
fabriqué une pince à trois branches sans crochets, mais garnie de dents, et
pourvue d'une telle force, qu'elle pouvait briser les pierres les plus dures. Enfin,
Heurteloup lui-même avait donné, sous le nom de hrise-coquè, une pince dont les
mors frottent l'un sur l'autre avec un enchquetage qui permet de les faire ren-
trer dans une gaîne avec une telle force, qu'ils font voler en éclats les calculs les
plus résistants. Tous ces instruments n'étaient guère employés. Le volume qu'on
était obligé de leur donner pour en augmenter la puissance et en prévenir la rup-
ture, rendait difficile leur introduction dans la vessie; leur forme droite était un
obstacle sérieux à la recherche du calcul ; quelques autres défauts secondaires,
tels que la difficulté de garder le calcul entre les mors de la pince et la rup-
ture possible des branches, justifient encore l'oubh complet dans lequel ils
étaient tombés.
Une seule exception doit être faite 'en faveur du brise-pierre articulé de Ja-
cobson, présenté à l'Académie des sciences en 1850. Cet instrument a la forme
et le volume d'une grosse sonde. 11 est composé d'une canule ou gaine en argent
et d'une tige d'acier. Celle-ci est divisée dans toute sa longueur en deux lames
LITIIOTRITIE. 719
qui sont rattachées, à leur extrémité vésicale, par une charnière à goupille. Cette
sorte d'articulation forme le bec de l'instrument. La lame antérieure fixe est
d'une seule pièce, et s'étend jusqu'au talon de la canule, où elle est arrêtée par un
renflement. La postérieure mobile dépasse beaucoup le talon de la canule ;
dans cette partie, elle est cylindrique, creusée d'un pas de vis pouivu d'un écrou
ailé, et présente une échelle graduée ; son extrémité vésicale est brisée en deux
pièces articulées, au moyen de deux fortes charnières. Quand cette lame posté-
Fig. 5. — Pince d'Amussat.
a. Canule. 1 c. Encliquetage destiné à imprimer aux mors un
b. Mors de la pince dentelés et très-solides. I mouvement de va-et-vient.
rieure est appliquée sur l'extérieure, l'instrument est fermé et présente la
forme d'une sonde à petite courbure. C'est dans cet état qu'on l'iutrodiut dans
la vessie, et on l'incline de divers côtés pour rechercher le calcul. Quand on l'a
trouvé, on pousse en avant la lame mobile dont la portion articulée se développe
et forme une anse qu'on abaisse transversalement dans le bas-fond de la vessie,
ou qu'on porte sur les côtés pour embrasser la pierre. On peut s'assurer que le
calcul est pris en faisant rentrer dans la canule la lame mobile, car on éprouve
de suite une résistance, et au moyen de récheile graduée placée sur le talon du
lithotriteur, on voit ajiproximativement quel est le volume du corps étranger.
Si l'instrument n'a saisi la pierre que par un de ses bords et la laisse échapper,
il faut l'ouvrir plus largement et plonger davantage son anse dans le bas-fond de
la vessie, en élevant la main. Lorsque la dépression du bas-fond de la vessie est
considérable, et qu'il faut aller chercher la pierre derrière le col, le mouvement de
rotation de l'anse doit être plus marqué, et ce n'est qu'en lui faisant décrire un
demi-cercle qu'on parvient à saisir le calcul, khvs on commence par faire mar-
cher l'écrou ailé sur le pas de vis pour diminuer l'ouverture de l'anse et embrasser
la pierre solidement. Par un léger mouvement de rotation on ramène celle-ci dans
le milieu de la vessie, et, pour la briser, il suffit de continuer à faire marcher
l'écrou en avant. On reprend les fragments de la même façon, et l'opération est
terminée.
Le brise-pieiTe de Jacobson, quoique préférable aux autres instruments du
même gem^e, présentait de notables inconvénients. L'espèce de chaîne, formée par
les brisures de la branche mobile, pouvait se rompre quand le calcul était trop
résistant, et les deux bouts, plus ou moins faussés, seraient rentrés difficilement
dans la canule. Leroy remédia à ce détaut, en modifiant la charnière de la bran-
che fixe. Quand la pierre brisée, formant un épais mastic, s'accumulait dans
l'ancfle des deux branches, celles-ci ne pouvaient être entièrement rapprochées, et
l'écrou devenait impuissant à les ramener dans la gaine. C'est encore Leroy qui
para à cet inconvénient, en plaçant à la face interne de la branche fixe une espèce
de râteau qui enlève les débris du calcul. Malgré ces perlectionnements, le htho-
trileur de Jacobson était encore assez défectueux, car, s'il permettait facilement
720
LITHOTRITIE.
de prendre une pierre entière, il exigeait des recherches nombreuses pour en
saisir les fragments.
Cependant Heurteloup, sortant inopinément de la fausse vole dans laquelle on
était engagé depuis des années, et renonçant aux tiges droites qui semblaient
indispensables à la plupart des chirurgiens pour pratiquer la lithotritie, imagine
une sorte de pince coudée, à branches très-solides, semblable au podomètre dont
se servaient les cordonniers. Avec cet instrument il saisit la pierre avec la plus
grande facilité, et la réduit en nombreux fragments, à l'aide d'une force appli-
quée directement sur une des branches de la pince. Mais avec le marteau il peut'
imprimer des secousses dangereuses pour la vessie, et il invente un ht à plu-»
sieurs plans mobiles permettant de varier les positions du malade qui est couché%
dessus. Il y fixe un étau qu'il immobilise à volonté; quand il a saisi la pierre,
il fixe, à son tour, le fithotritcur dans l'étau, et il peut alors frapper sur son
talon avec force, sans imprimer aux organes le moindre ébranlement. — De ce
moment, la lithotritie, la véritable lithotritie pratique, était trouvée.
On a dit, depuis, que cet instrument n'était pas nouveau, qu'il avait été vu
entre les mains d'un médecin de Vienne; qu'il se trouvait dessiné dans le cata-
logue d'un fabricant d'instruments de Londres. Je ne sais ce qu'il y a de vrai
dans ces assertions. Mais ce qu'on oublie de dire, c'est l'objet précis pour lequel
l'instrument avait été fabriqué. Leroy s'est montré beaucoup plus juste envers
tieurteloup, et je l'en félicite. Car on éprouve un sentiment pénible à voir con-
Fi^;. C. — Lit rcclaiigle d'Heurleloup. t
a. Oieillei- repo.<iant sur un plan oblique. | d. Support transversal de l'étau.
b. Plan mobile sur lequel le bassin repose. e. Lithotriteur placé dans l'étau.
c. Sandales pour les pieds du malade. | g. Courroies pour fixer le malade.
tester, sans preuve, son invention à un homme qui a rendu à la chirurgie un si
grand service. Voici le procédé auquel Heurteloup a donné pour titre : Lithotritie
par percussion pratiquée avec un percuteur courbe à marteau.
« Le percuteur est extrêmement simple, et ressemblebeaucoup àun cathéter. 11
est en acier, composé de deux pièces, dont l'une, dite branche femelle, est
creusée d'une gouttière en forme de queue d'aronde destinée à recevoir l'autre
LITHOTRITIE. 721
branche, dite branche mâle. Son extrémité vésicale recourbée présente deux mors
garnis de dents. La branche femelle porte vers son talon un renflement carré
destiné à être placé dans un étau ; la branche mâle est garnie à son talon de deux
rondelles.
« Le lit rectangle, ou plutôt l'appareil par lequel il a été remplacé, se compose
de deux plans inclinés : l'un, horizontal, sur lequel on place le bassin du ma-
lade, et l'autre, incliné à 45", sur lequel son dos repose. Les pieds sont sup-
portés par deux sandales qui se rapprochent ou s'éloignent à volonté, suivart
que le malade se trouve avoir les muscles- de l'abdomen, des cuisses et des
jambes dans le relâchement le jihis complet... Ces deux plans peuvent s'élever ou
s'abaisser alternativement, car ils sont mobiles sur deux tourillons placés au point
d'intersection, et qui, fixes, commandent à ces plans un mouvement toujours
uniforme. Le plan sur lequel repose le bassin du malade trouve un point d'appui
fixe quand il arrive à la position horizontale ; celui sur lequel repose le dos
trouve aussi un point d'appui, mais seulement quand il arrive à faire avec la
ligne horizontale un angle égal à celui que fait avec la môme ligne le plan sur
lequel repose le bassin.
« Le point d'appui qui sert à asseoir le plan qui correspond au dos du ma-
lade n'est pas solide comme celui qui correspond au bassin ; au contraire, il est
rendu élastique au moyen de deux ressorts droits, qui permettent de donner à
l'appareil des secousses légères, qui se communiquent aux pierres que contient la
vessie. Ces deux plans sont calculés de manière qu'ils se balancent mutuellement
avec une très-petite force; le malade opéré, lorsqu'il est en position, est aussi
balancé avec la plus grande facilité. » (Ileurteloup, De la lithotritie sans frag-
ments, p. 106. 1846.)
Fig. 7. — Pièces du lit rectangle propres à fixer le lithotriteur
a. Montant de l'étau.
i, \is destinée à fixer le lithotriteur dans l'étau.
e. Coin fixant l'étau sur son support.
d. Le même coin sorti du support de l'étau.
e. Partie supérieure de l'étau avec la vis.
f. Lithotriteur placé dans l'étau.
A, l'extrémité du plan sur lequel repose le bassin, se trouve un étau, qui est
fixé à volonté dans la position qu'on juge convenable, et c'est dans cet étau que
DicT. e;;c. 2' s. II, 46
722 LITUOTRITIE.
le percuteur, enchâssé par son talon carré, se trouve immobilisé. Quand la pierre
a été placée entre les mors du percuteur, il suffit de quelques coups de marteau,
appliqués sur le talon de l'instrument, pour la briser.
Plus tard, Ileurteloup imagina un autre instrument, destiné à extraire les
morceaux de calcul de la vessie, et lui a donné le nom de percuteur à cuillers.
« En place des aspérités, dit-il, dont était armé l'intérieur des branches de mon
percviteur, j'ai fait pratiquer des excavations dans toute la longueur et dans toute
la largeur des plans. Ces excavations donnent aux deux branches la forme de
deux cuillers, dont les cre\ix, marchant l'un vers l'autre, tendent à empri-
sonner une quantité de pierre proportionnelle à leur capacité. Si la pierre ou les
pierres sont très-petites, elles se trouvent emprisonnées sans être brisées; si elles
sont plus volumineuses, une portion est retenue entre les cuillers, et l'autre
portion s'échappe. Si on rapproche ces deux cuillers après avoir saisi un frag-
ment de pierre volumineux, au moyen d'une pression morte, telle que celle que
produit une vis tournant dans un ccrou, elles ne peuvent se fermer, quelle que
soit la force employée. Si la force est trop grande, elles s'écartent, se faussent ou
se brisent; si, au contraire, on les rapproche au moyen d'une force vive ei alter-
native, comme celle que fournit un marteau, on voit les cuillers se rapprocher
avec un mouvement progressif en proportion de rapidité avec la force employée.
Le trop-plein s'évacue par petits jets de poudre si la pierre est sèche, et sous la
forme d'une pâte thic et liquide quand la pierre est humide. Après quelques
moments d'une percussion i'aite à coups pressés, mais puissants, les bords des
cuillers s'affrontent en coupant les fragments qui les dépassent, et l'instrument,
plein de pierre et terme, présente exactement le même volume, la même forme,
le même poli qu'avant de l'avoir mis en usage. » (Heurteloup, De la lithotri-
tie, etc., p. 99.)
Fig. 8. — Litholriteur à cuillers il'Heuiteloup.
A. Litholriteur ouvert. — Branche mâle. 1 C. Extrémité arrondie.
B. Branche femelle en forme de cuiller. D. Litholriteur fermé.
Le brise-pierre d'Heurteloup était primitivement composé de trois pièces.
Modifié ou plutôt perfectionné très-habdement pai M. Charrière, il présentait
des avantages si évidents, qu'il se trouva accepté immédiatement. Il n'en
fut pas de même du ht rectangle, qui était coûteux, embarrassant et d'un
maniement difficile. On tenta de le remplacer par des supports de toute sorte.
Celui d'Amussat, remarquable par sa simphcité, est formé d'une sphère mé-
tallique de la grosseur d'une bille de billard, s'ouvrant en deux parties
pour s'adapter à la portion carrée du lithotriteur, et muni de trois branches
que devaient soutenir des aides. Un autre de Leroy est composé de deux
pièces de fer qui ressemblent à l'outd au moyen duquel les tonneliers écar-
te it les douves d'un tonneau pour en placer le fond. Le brise-pierre est reçu
dans une rainui-e oui règne dans une,portion de la longue branche, laquelle s'en-
LITllOTRITIE.
725
gage sous une planche carrée qu'on place sous le siège du malade. On a imaginé
d'autres supports qui ont été bientôt délaissés. On croyait remplacer avec ces
instruments le lit d'iieurteloup, taudis quo leur mode d'action était entièrement
différent. Ils avaient les inconvénients du point fixe sans en avoir les avantages.
Le seul support dont on se sert encore quelquefois est celui d'Amussat.
Les calculs durs n'étant pas très-communs, et beaucoup de petites pierres pou-
vant être écrasées par la seule action de la main sur l'insirument, on songea bien
vite à remplacer, par nue pression puissante, la percussion dont l'exécution avait
toujours quelque chose d'eflrayaut pour les malades et même pour les chirurgiens.
M. Touzai est le premier qui, en 1852, fit fabriquer par M. Greiling un appa-
reil à pression, qui consistait dans un écroiji s'adaptant par deux prolongements
sur le pavillon de la pièce fixe du brise-pierre à coulisse, et dépassant l'extrémité
de la branche mobile sur laquelle agit, par une pression directe, une vis munie
d'une poignée. IleurteJoup prétend avoir imaginé, en 1851, une compression
semblable, mais il ne l'a publié qu'en 1855. Du reste, l'écrasement de la pierre
par compression était connu ; peu importait l'instrument avec lequel on devait le
pratiquer, à moins que cet instrument n'apportât dans l'exécution de fopération
un véritable avantage. Aussi ne tieiidrai-je aucun compte des divers compresseurs
qui ont été proposés à cette époque, et ne parlerai-je que du brise-pierre à pi-
gnou et de l'écrou brisé, que l'on doit l'un et l'autre à notre habile fabricant
d'instruments, M. Gharrière.
Dans le premier de ces instruments, une crémaillère creusée sur la face supé-
rieure de la branche mobile, un anneau fixé sur l'extrémité de la branche fixe,
A. Talon de la tige femelle avec rondelle fixe.
C. Rondelle mobile complétant la boite oii se trouve
renferme l'écrou brisé.
Fig. 9. — Écrou brisé de M. Charrièrc.
a. Partie annulaire de l'écrou brisé.
h. Les deux moitiés de l'écrou écartées.
interrompu au niveau de la crémaillèi-e et destiné à laisser passer une clef à
pio-non, constituent l'appareil à pression. La branche mâle est indépendante, et
avec la main on peut la faire mouvoir à volonté pour aller à la recherche du
calcul. Quand celui-ci est saisi, on maintient immobiles les brandies avec la main
gauche ; avec la droite, on introduit la clef à pignon dans l'anneau pour l'engrener
.sur la crémaillère ; et, en lui imprimant un mouvement de rotation, on rapproche
avec une grande force les mors du brise-pierre.
La pression qu'on obtient avec le pignon est moins puissante qu'avec une vis
et un écrou. Mais l'écrou avait l'inconvénient d'enlever à la branche màlc la
mobilité nécessaire pour saisir le calcul dès qu'on l'avait rencontré. On a corrigé
ce défaut au moyen de l'écrou brisé, dii à M. Gharrière, qui a rendu, par ce
perfectionnement, un véritable service à la lithotritie. Un écrou est oi'dinaire-
724 LITIIOTRITIE.
mentlormé d'une seule pièce; il l'a sépare en deux moitiés qui, étant supportées
par (Il s lames élastiques, tendent à s'écarter l'une de l'autre. Quand elles sont
libres, elles s'éloignent de la vis de la tige mâle du litliotriteur, et celle-ci peut
alors glisser facilement dans la tige femelle. Mais, à l'aide d'un mécanisme fort
simple, il est facile de rapprocher les deux moitiés de l'écrou, et de les appliquer
sur la vis de la tige mrdc du brise-pierre qui ne peut plus avancer ou reculer
que si on imprime un mouvement de rotation à la vis placée sur son talon.
Ce changement, dans l'éloignement ou le rapprochement des deux parties de
l'écrou, s'opérait en tournant à droite ou à gauche une rondelle mobile qui,
adaptée à une autre rondelle fixe de la tige femelle, formait une sorte de boîte.
MM. Robert et Collin ont substitué à la rondelle mobile une sorte de petit levier
en forme d'anneau, qu'il suffit d'abaisser ou de relever pour réunir ou écarter les
pièces de l'écrou. M. Tompson rend l'écrou mobile au moyen d'un bouton qu'on
pousse ou qu'on retire en arrière à volonté. Mais le principe de l'écrou brisé
reste le même ; ie mécanisme de la manœuvre est seulement un peu plus simple.
Fig. 10. — Écrou brisé, ije JIM. Uobert et Collin.
A. Anneau en forme de levier, pour rapprocher ou 1 B. Vis de la branche mâle du liihoiriteur.
écarter les deux moitiés de l'écrou brisé. I
Les mors du litbotriteur ont également subi de nombreux changements. Leur
volume varie généralement avec celui du corps du litbotriteur. J'ai déjà parlé des
mors deiitelés et des doubles cuillers imaginés par Heurteloup. On a proposé de
remplacer son premier instrument, destiné à broyer les calculs par un brise-
pierre à cisaille. Ici la cuiller est remijlacée par deux lames plates latéralement
et garnies de dents très-fines sur leurs bords du côté de leur concavité. Elles
laissent entre elles une large fenêtre destinée à recevoir l'extrémité de la branche
mâle. Celle-ci est pourvue sur sa convexité de dents taillées en biseau. Quand
l'instrument est fermé, les dents des deux mors sont cachées, et ne peuvent léser
les parois de l'urètbre. Ce bthotriteur jouit d'une grande puissance, et on peut
se servir de l'écrou avec force et même du marteau sans trop risquer de le briser.
Heurteloup l'a vivement critiqué, mais sa critique est exagérée.
Civiale se servait très-souvent d'un brise-pierre dont les mors étaient courts et
larges. 11 voulait que la cuiller fût presque plate avec des rebords très-peu pro-
noncés, et que le mors de la branche mâle fût assez étroit pour laisser un inter-
valle, une sorte de rigole sur son pourtour entre lui et les bords de la cuiller.
Cette disposition avait pour but de chasser, autant que possible en dehors de
l'instrument; les débris écrasés de la pierre.
Le nombre et la grandeur des trous dont quelques chirurgiens ont voulu que
la cuiller du litbotriteur fût percée sont très- variables, des sortes de fenêtres
sont ordinairement longitudinales et quelquefois arrondies ; elles correspondent à
des saillies, le plus souvent taillées en biseau, qui existent sur la partie convexe
du mors de la branche mâle. MM. Robert et Collin ont fabriqué un brise-pierre
dont la cuiller a six ouvertures, assez ingénieusement disposées pour diminuer
LITHOTRITIE. 725
très-peu sa solidité. Le mors de la branche mâle présente autant de dents sail-
lantes taillées en coin, de manière à chasser les morceaux de pierre par les ou-
vertures, et prévenir l'engouement de la cuUler.
Je n'en finirais point s'il fallait décrire toutes les innovations qui ont été pro-
posées, et je me suis borné à citer les plus importantes. J'aurai, du reste, à
revenir sur ce sujet, à propos des accidents de la lithotritie.
La lithotritie est toujours une opération sérieuse; dans certains cas, elle est
même aussi grave que la taille. Si on a vu quelquefois la simple introduction
d'une sonde ou d'une bougie dans l'urèthre déterminer des accidents mortels, à
plus forte raison faut-il se mettre en garde contre ces tristes résultats et ne né-
gliger aucune précaution quand il s'agit d'introduire dans la vessie des instru-
ments volumineux, et d'opérer des manœuvres répétées et souvent longues pour
saisir une pierre, la broyer et l'extraire.
Avant tout, le chirurgien devra rechercher si le malade ne présente pas une
affection organique qui contre-indique l'opération et s'il a une santé (jui lui per-
mette de résister aux accidents qui. peuvent se manifester dans le cours du trai-
tement; dans le cas contraire, il lui donnera tous les soins nécessaires pour
le mettre daiis des conditions meilleures. Eu même temps, il étudiera l'état des
reins, de la vessie, de la prostate et de l'urèthre, car il trouvera, dans cet exa-
men, des notions utiles et presque indispensables. Chacun de ces organes peut
se trouver dans des conditions pathologiques qui constituent des complications
sérieuses sur lesquelles j'aurai à revenir. Mais supposons, pour l'instant, le cas le
plus simple où ils sont à l'état normal, et oiî l'on a alfaire à un calcul de médiocre
volume et peu dur; voici comment la lithotritie doit être pratiquée.
Le lit sur lequel le malade sera couché ne doit, pas être trop bas, parce que le
chirurgien, obligé de se courber, se trouverait dans une position fatigante, et
serait moins libre de ses mouvements ; il sera plat et assez dur pour que le corps
n'y enfonce pas, car alors il est très-difficile de bien se rendre compte de la posi-
tion du malade. Celui-ci est couché sur le dos, les épaules et la tète soutenues
par des oreillers, les cuisses et les jambes à demi fléchies pour relâcher les mus-
cles, ^on bassin doit être élevé au moyen d'un coussin épais et solide. Cette
position est très-importante en ce qu'elle abaisse le bas-fond de la vessie par rap-
port au col, et permet au calcul d'y ghsser comme sur un plan inchné; elle
permet aussi an chirurgien de manœuvrer plus facilement le lithotriteur dont
le talon, qu'on est toujours forcé d'abaisser pour pénétrer dans la vessie, ne
risque plus de toucher le plan formé par le lit.
Le chirurgien, placé à la droite du lit, saisit la verge du malade au-dessous du
gland, entre l'annulaire et le médius de la main droite, tandis qu'avec le pouce
et l'index il écarte les lèvres du méat urinaire ; avec la main gauche il tient le
brise-pierre comme une sonde et l'introduit dans l'urèthre, en suivant les règles
du cathétérisme ordinaire. L'instrument, étant assez lourd, descend, pour ainsi
dire, de lui-même jusque dans le cul-de-sac du bulba. Alors on abaisse les deux
mains entre les cuisses du malade, en même temps qu'on enfonce doucement le
brise-pierre, dont le bec, en se relevant, suit la direction courbe du canal. Ce dernier
temps est assez élégant, mais il faut, pour l'exécuter, une assez grande habitude
du cathétérisme; autrement, il est préférable de changer l'instrument demain.
Lorsqu'on est arrivé dans la vessie, on embrasse tout le talon du brise-pierre
avec les doigts allongés, de manière que son extrémité réponde au creux de la main
726 LITIIOTRITIE.
droite, et on va à la recherche du calcul. Si on le trouve directement en arrière^
on saisit la branche foiiclle sur les côtés avec le pouce et l'index de la main gau-
che, et tandis qu'on l'enfonce doucement, de façon à déprimer le bas-fond delà
vessie, on tire avec la main droite la branche mâle en arrière. Dans beaucoup de
cas, il suffit de cette simple manœuvre pour que le calcul vienne se placer de
lui-même entre les mors du lithotriteur. Alors on le saisit en poussant la branche
mâle avec la paume de la main droite, et avec le pouce et l'indicateur, ou le
médius de la même main, on tourne et on ferme l'écrou. 11 ne reste plus qu'à
faire marcher le pas de vis pour briser la pierre. Ce mouvement doit être exécuté
lentement et avec beaucoup de précautions pour ne pas s'exposer à briser l'in-
strument ou à faire éclater la pierre avec trop de force. Puis on va à la recherche
des fragments qu'on brise de la même façon, en ayant toujours soin de ramener
le bec du lithotriteur dans le centre de la vessie avant d'en serrer la vis, afin
d'éviter de léser les parois vésicales.
Quand le calcul se trouve dans un des côtés de la vessie, on ouvre le brise-
pierre dans la mesure qu'on juge convenable, et, par un léger mouvement de
rotation, on incline son bec à droite ou à gauche, pour engager le corps étranger
entre ses mors. Si celui-ci est placé immédiatement en arrière du col vésical et
dans une sorte de poche, il suffit de pousser plus loin le mouvement de rotation
jusqu'à ce que le bec du lithotriteur soit porté directement eu arrière. Une fois
qu'on a saisi le calcul, on le ramène dans le centre de la vessie, et on l'écrase
comme je viens de le dire.
Cependant la pierre présente quelquelois une dureté telle, qu'il est dangereux
ou impossible de l'écraser, et la percussion devient nécessaire. Le principal in-
convénient de ce procédé consiste dans l'ébranlement qu'on imprime à la vessie
et surtout à la prostate. C'est alors qu'on comprend bien l'utilité du lit imaginé,
par Heiirteloup ; car, avec lui, le lithotriteur est rendu tellement immobile, que
les malades ressentent à peine l'ébranlement produit par le choc du marteau.
Mais il n'est presque aucun chirurgien qui possède ce lit ; et, pourrait-on se le
procurer, il serait assez dangereux de s'en servir, à moins d'avoir une grande
habitude de la manier. J'en dirai autant du lit modifié par Leroy (d'EtioUes) père.
Le plus souvent on se sert d'un élan à main, dans lequel on fixe solidement la
partie carrée que la branche femelle du brise-pierre présente vers son talon. Il
est pourvu de trois fortes branches, dont deux, transversales, sont confiées à un
aide qui les tient immobiles, en ayant soin de prendre un point d'appui solide sur
le lit avec les coudes. Le chirurgien saisit le talon de la branche femelle dans la
paume de la main gauche ; et, comme l'écrou n'est point fermé, il tient entre
le pouce et l'index, de la même main, la branche mâle pour l'empêcher de re-»
culer ; puis, avec la main droite armée d'un marteau, il Irappe de petits coups
secs et répétés sur l'extrémité de l'instrument. Il est bien rare qu'on ne vienne
pas à bout de briser le calcul par ce moyen.
Il y a loin de cet étau au lit d'Heurteloup. Avec quelque soin qu'il soit main-
tenu par les aides, il n'offre pas un grand degré de fixité, et en appuyant sur le
lit sa branche inférieure, non-seulement on n'a pas un point d'appui bien sohde,
mais encore on risque de porter l'extrémité de l'instrument contre les parois de
la vessie. Quand on a la main assez ferme, il est préférable de s'en servir pour
mimobiliser le brise-pierre, parce qu'on a mieux conscience de sa position et des
déplacements de son bec. Mais il faut, comme je l'ai dit, ne Irapper avec le
marteau que des petits coups secs, ne produisant qu'un médiocre ébranlement.
LITIIOTRITIE. - 727
Quand la pierre est brisée, ses fragments ne présentent pas une résistanc3
qui ne soit facilement surmontée par la puissance de la vis.
Je reviendrai maintenant sur les différents temps de la manœuvre opératoire,
et j'examinerai en même temps les circonstances qui peuvent modifier la conduite
à tenir.
A. Etroitesse de Vurèthre. Il n'est pas rare de rencontrer un méat urinaire
assez petit pour empêcher le passage d'une sonde de volume ordinaire. Dans ces
cas, il faut l'ouvrir largement, eu pratiquant une incision dans son angle infé-
rieur avec un bistouri boutonné. Cette petite opération est indispensable, et ne
présente aucun danger. — D'autres fois, il existe un véritable rétrécissement
siégeant sur un point variable du canal, et, avant tout, on doit en avoir raison
pour pratiquer la litholritie avec quelque sécurité. Car il ne suffirait même pas
qu'on pût introduire un brise-pierre dans la vessie, il faut encore que la route
soit largement ouverte pour le manœuvrer avec facilité, soit en procédant à la
recherche du calcul, soit en le retirant lorsque ses mors, écartées par de petits
fragments, présentent un plus gros volume. Quant au traitement du rétrécisse-
ment, il variera avec l'étroitesse et les autres conditions de structure de celui-ci.
Ou emploiera, suivant les cas, la simple dilatation, la divulsion ou l'uréthrotomic.
(Voy. Urèthre et Rétrécissements.) Mais il ne faut pas oublier qu'on aura un
grand avantage à agir rapidement, parce que tout retard tend à aggraver l'état
de la vessie.
B. Irritabilité de Vurèthre. Quelquefois l'urèthre est parfaitement libre,
mais il a acquis une sensibihté telle, que l'introduction d'un corps étranger dan^
sa cavité détermine des contractions douloureuses et violentes, qui deviennent un
obstacle sérieux au passage des instruments. Il est indispensable de faire cesser
ce spasme que l'on combattra à l'aide des moyens que nous connaissons, tels que
les éinollieuts généraux et locaux, les opiacés, des cautérisations légères de la
muqueuse, et l'introduction dans le canal de bougies de plus en plus volumi-
neuses, laissées à demeure pendant quelques instants. Quoique dans beaucoup de
cas le spasme ait pour principale cause la présence d'une pierre dans la vessie, et
que la meilleure manière de le calmer soit l'extraction de ce corps étranger, les
moyens que j'ai indiqués sont loin d'être inutiles, et, en les employant avec dis-
cernement et patience, on vient presque toujours à bout de rendre le canal assez
tolérant pour permettre la lithotritie.
C Hypertrophie de la prostate. Lorsqu'il existe une hyperlrophie de la
prostate, le cliirurgien doit l'avoir reconnue dans les premiers examens qu'il a
faits du malade. Si, portant principalement sur la portion la plus reculée de la
glande, elle n'a eu pour résultat que de courber brusquement la fin du canal, elle
n'apportera pas un grand obstacle au cathétérisme. On n'aura besoin pour fran-
chir le col de la vessie qu'à abaisser assez fortement le talon du brise-pierre. Mais
si l'hypertrophie est considérable, et a compris toute la glande, de façon à aug-
menter notablement la longueur de la portion prostatique de l'urèthre, le cathé-
térisme devient assez difticde, parce que le bec de l'instrument presse foitcment
contre la paroi supérieure du canal. Dans ces cas, il ne faut abaisser le talon de
l'instrument qu'avec lenteur, et à mesure qu'on le sent cheminer ver^ la vessie.
Quelquefois même il vaut mieux se servir d'un lithotriteur, dont rextrémité,
pliée moins brusquement, suit plus ficilenient la courbe allongée du canal.
D. Petitesse de la vessie. Il est de règle de ne commencei' la lithotritie qu'a-
près s'être assuré que la vessie peut contenir assez de liquide pour permettre
7-28 LITHOTRITIE.
la manœuvre facile du brise-pierre. Cette quantité varie de 200 à 500 grammes.
Quand le malade se trouve dans cette condition favorable, il est inutile de recourir
aux injections ; il suffit de lui recommander de boire assez copieusement et de
retenir ses urines pendant les deux ou trois heures qui précèdent le moment de
l'opération.
Quelques praticiens, au lieu d'essayer de ce moyen très-simple, conseillent de
vider la vessie au moment de l'opération et de remplacer l'urine par une quantité
égale d'eau. Cette conduite ne me paraît pas rationnelle. Si on n'injecte qu'une
quantité de liquide égale à celle de l'urine qu'on a retirée, on n'a rien gagné. De
plus, une injection, avec quelque lenteur qu'elle soit pratiquée, produit toujours
un certain ébranlement de la vessie et provoquera ses contractions bien plus rpie
l'urine qui s'est amassée lentement dans sa cavité. Si l'on a des raisons de croire
que la quantité d'urine n'est pas assez considérable, il vaut encore mieux, au lieu
de vider la vessie, y injecter la portion de liquide dont on croit avoir besoin.
Mais chez les calculeux, surtout quand la maladie date de loin, la vessie est
ordinairement petite, à cause des envies fréquentes d'uriner que provoque la pré-
sence d'un corps étranger sur son col. Quelquefois elle n'a plus que la capacité
nécessaire pour contenir le calcul qu'elle coiffe exactement. On comprend combien
il est difficile, alors, de développer les branches du lithotriteur assez largement
pour saisir le calcul. Cette manœuvre devient même impossible quand les parois
vésicales sont, en même temps, hypertrophiées, ce qui n'est pas rare. Le chirur-
. gien devra s'armer de patience, car ce n'est qu'à l'aide de soins assez longs et en
combinant avec un grand tact divers moyens, qu'il finira par rendre à la vessie,
non sa capacité normale, mais une capacité suffisante pour permettre l'opération.
Dans beaucoup de cas, on a un double obstacle à vaincre ; car la vessie n'a pas
seulement perdu l'habitude de se laisser dilater par l'urine, elle a encore acquis
une contractilité pathologique analogue au spasme de l'urèthre. Voici comment
j'ai coutume de combattre ces dispositions fâcheuses. Je recommande au malade
de prendre, le matin, un lavement simple pour vider le rectum, et, immédiate-
ment après, un quart de lavement opiacé qui sera gardé. Une heure après, quand
je suppose que l'action narcotique du laudanum, qui a été donné à la dose de 10 à
d2 gouttes, est complète, j'introduis dans la vessie une sonde qui me sert à y faire
une injection d'eau tiède, car un liquide chaud ou froid serait moins bien supporté.
L'injection doit être poussée très-lenteuient, pendant qu'on cherche à distraire le
malade; mais, dès qu'elle provoque des douleurs, il ne faut pas la continuer, sous
peine d'amener une légère hémorrhagie. J'insiste beaucoup sur ce point, parce
que j'ai vu souvent ces exsudations sanguines de la muqueuse suivies, après vingt-
quatre ou quarante-huit heures, d'urines purulentes. Chaque jour, on augmente
peu à peu la quantité de liquide injecté, mais toujours en prenant pour guide la
tolérance de la vessie.
Quand celle-ci oppose une résistance considérable, j'injecte dans sa cavité un
liquide narcotique composé ordinairement de 100 grammes d'eau et de 1 déci-
gramme d'hydro-chlorate de morphine. L'action stupéfiante de cette solution,
étant plus directe, est aussi plus énergique et donne les meilleurs résultats. Chez
quelques personnes, on peut augmenter sans danger, en la graduant, la dose de
la morphine et la porter, pour la même quantité d'eau, à 2 décigrammes et plus.
En même temps, je recommande au malade de rester couché pendant quelques
heures. Souvent même, je laisse pendant tout ce temps la sonde à demeure pour
tenir, autant que possible, le calcul éloigné du col de la vessie.
LITIIOTRIÏIE. 729
Dans ces cas difficiles, des chirurgiens, au lieu de recourir à ces moyens d'un
eaiploi toujours assez lent, préfèrent opérer à sec. Il m'est arrivé plusieurs fois
de pratiquer la lithotritie de cette façon pour des calculs peu volumineux et assez
faciles à briser, mais ce ne fut qu'après avoir essayé inutilement de dilater la
vessie. Pour être juste, je dois dire que je n'ai pas eu d'accidents. Mais je nie gar-
derais bien d'ériger eu règle ce procédé. Non-seulement on éprouve de grandes
difficultés à bien saisir le calcul, mais encore ou court trop de risques de blesser
la vessie. Il n'est permis d'agir ainsi que dans les cas d'absolue nécessité. Il faut
alors se servir d'un brise-pierre à cuillers très-courtes, car il serait difficile et
dangereux d'employer les instruments ordinaires.
Dans quelques cas exceptionnels et quand les moyens que je viens d'indiquer
ont échoué, ou peut employer le chloroforme qui permet de faire dans la vessie
une injection plus abondante que si le malade était éveillé. Mais il ne faut pas
oublier que cet agent ne diminue que très-peu les contractions vésicalcs. L'injec-
tion sera rcjetée a\ ec force si on ne confie pas à un aide le soin de serrer la verge
sur le brise-pierre. La lithotritie, dans ces conditions défavorables, est assez difti-
cile à pratiquer. On comprend surtout que les séances doivent être très-courtes.
Cependant je ne rejette pas complètement l'emploi du chloroforme, parce que dans
plusieurs circonstances il m"a été très-utile et m'a permis de conduire l'opération
à bonne fin.
E. Durée et nombre des séances. La durée de chaque séance n'a rien de
fixe. Ordinairement de dix à quinze minutes, elle peut être beaucoup plus courte
ou plus longue. Chez certains malades, les moindres manœuvres provoquent
des contractions de la vessie : les urines s'échappent avec violence le long du litho-
triteur qu'il fout se hâter de retirer, quoiqu'on ait eu à peine le tem|)s de briser
quelques fragments du calcul. Chez d'autres, la vessie, Irès-dilatée et peu irri-
table, permet des manœuvres prolongées sans inconvénients. 11 faut profiter de
cette tolérance, car, mieu.x on aura écrasé les fragments du calcul, moins on aura
à craindre les accidents inflammatoires qui résultent souvent des premières tenta-
tives de lithotritie. Il m'est arrivé plusieurs fois de débarrasser un malade d'une
pierre grosse de 10 à 15 centimètres eh une senle séance.
Il en est du nombre des séances comme de leur durée. On ne peut le connaître
à l'avance, parce qu'il varie suivant la tolérance de la vessie, le volume du calcul,
la difficulté que présente la sortie des fragments. En général, il vaut mieux mul-
tiplier les séances que de les faire trop longues. Mais des circonstances nom-
breuses et tout à tait imprévues, que le chirurgien appréciera, peuvent modifier
cette règle de conduite.
Que dirai-je encore de l'ihtervalle de temps qu'il faut laisser entre les séances?
Il est évident qu'il n'y a aucun inconvénient à les rapprocher si le malade sup-
porte parfaitement l'opération, puisqu'il y a un grand avantage à débarrasser la
vessie le plus vite possible. Mais si des accidents se manifestent, il est indispen-
sable de les calmer avant de recommencer les manœuvres.
F. Sortie des fragments. Quand on a brisé un calcul, et même quand on est
parvenu à le réduire en fragments nombreux, on est loin d'avoir tout fut ; il reste
encore à en débarrasser la vessie, et ce n'est pas la partie la moins délicate de l'opé-
ration. J'ai vu plus d'un malade dont la vessie était parfaitement saine, l'urèthre
large et peu irritable, rendre, après chaque séance, des débris abondants et des
morceaux assez volumineux -de calcul, se lever et continuer ses occupations quel-
quefois assez pénibles et guérir sans avoir éprouvé le plus petit accident. Mais ces
750 LITHOTRITIE.
faits sont exceptionnels. Dans les cas qui se présentent comme les plus simples, on
doit encore être en garde, car il n'est pas rare de voir se manifester tout à coup-
et au moment où on s'y attendait le moins, les complications les plus graves. C'est
qu'en effet un malade qui vient d'être soumis à une première séance de lithotritie
se trouve momentanément dans de moins bonnes conditions que celles où il était
d'abord. Avant l'opération il n'avait dans la vessie qu"un calcid, généralement
arrondi, tandis qu'après il a plusieurs calculs présentant des arêtes, des pointes
plus ou moins aiguës et capables de léser sérieusement les parois de la vessie
quand ils sont pressés contre son col, ou de déchirer les parois de l'urèthre quand
ils s'y engagent.
Dans l'espérance de remédier à ces inconvénients, Heurteloup recommandait,
dès l'année 1847, de briser le calcul en fragments aussi nombreux que possible
dans la première séance, de laisser les malades couchés sur le dos afin qu'au
moment de la miction les urines n'entraînassent qu'une poussière fine ou de très-
petits débris, tandis que les gros fragments devaient rester dans le bas-fond de la
vessie. De plus, il cherchait à extraire une grande partie de la pierre avec son
lithotriteur dont les mors encavés, pleins et s'affrontant par leurs bords formaient
une sorte de boîte oblongue capable de renfermer une assez grande quantité de
débris. 11 avait, en agissant ainsi, la prétention de terminer l'opération sans que
des morceaux de calcul un peu gros eussent à traverser l'urèthre. Maisje sais que,
dans beaucoup de cas, il se comportait tout différemment.
A vrai dire, il n'y a pas de règle de conduite absolue ; on peut seulement donner
des conseUs généraux qui varient avec les circonstances.
Quelques chirurgiens, après avoir retiré le brise-pierre, engagent les malades à
uriner pour amener l'expulsion de fragments de calcul. En cela ils commettent
une double faute. D'une part, l'urèthre et le col de la vessie ébranlés par les ma-
nœuvres auxquelles ils viennent d'être soumis se contractent avec force et ne lais-
sent passer que des détritus insignifiants; d'autre part, si la muqueuse du canal
a été légèrement déchirée, comme il aiTive souvent, au moment ori on a retiré le
hthotriteur, le passage de l'urine sur ces déchirures peut produire des accidents.
Ordinairement c'est après un, deux ou trois jours que les organes reposés per-
mettent la sortie de fragments quelquefois assez nombreux et volumineux. C'est
donc cette détente des organes qu'il faut favoriser par tous les moyens ; et on
l'obtiendra en recommandant au malade de rester couché sur le dos et de n'uriner
qu'avec une sonde. Celle-ci doit être assez grosse pour bien remplir le canal et
pourvue d'yeux assez grands pour laisser passer les morceaux de pierre les plus
petits. Placée à demeure pendant plusieurs jours, elle a l'avantage d'écarter du
col de la vessie les fi-agments de calcul ; mais sa présence prolongée dans l'urèthre
peut déterminer des ulcérations graves surtout chez des vieillards dont les forces
sont épuisées. On éviterait ce dernier accident en pratiquant le cathétérisme
toutes les fois que le malade aurait besoin d'uriner ; mais ces envies sont souvent
très-fréquentes et l'introduction répétée d'une sonde a également ses dangers.
En présence de ces inconvénients ou a voulu réduire le calcul tout entier en
une poussière assez ténue pour passer dans l'urèthre sans le blesser ou encore
retirer tous les fragments avec un lithotriteur. — Le premier de ces moyens exi-
gerait, pour peu que le calcul fût gros, des manœuvres prolongées que la vessie
ne pourrait tolérer. — Le second n'est pas d'une exécution plus facile. 11 n'est
pas de praticien qui ne sache combien on a de peine à extraire un calcul par mor-
ceaux sans déchirer l'urèthre, tantôt parce que les détritus amassés entre les mors
LITIIOTRITIE. 731
du litliolrileur les tiennent écartés outre mesure, tantôt parce qu'ils dépassent
les bords des cuillers et présentent des pointes très-aiguës. Heurteloup avait
très-bien compris cette double cause d'accidents, et, pour la prévenir, il avait
imaginé l'instrument dont j'ai parlé plus haut. Au moyen du marteau, il tassait les
détritus entre les deux cuillers, qu'il parvenait à rap[irocher, et comme celles-ci
s'affrontaient par leurs bords, les fragments de calcul se trouvaient coupés et ne
faisaient aucune saillie. Aussi, pouvait-il dire avec raison que son lithotriteur ne
présentait pas, au moment où on le retirait du canal, plus de volume qu'au mo-
ment de son entrée. Mais cette manœuvre, si bien exécutée qu'elle soit, ne laisse
pas d'imprimer à la vessie un ébranlement fâcheux.
Dans un but semblable et surtout pour éviter l'engorgement qui empêche de
rapproclier entièrement les deux mors, M. Guillon a placé dans la cuiller de la tige
femelle de son lithotriteur à levier une lame d'acier qu'on peut soulever au moyen
d'un stylet qui se prolonge jusqu'au talon de l'instrument. On soulève ainsi les
détritus tassés dans la cuiller et on les rejette dans la vessie. — M. Mathieu a sim-
plifié très-heureusement ce brise-pierre en articulant à l'extrémité du mors de la
branche femelle une languette d"acier qui reste couchée dans le fond de la cuiller
au moment où l'on brise le calcul et qui se relevant par sa proiire élasticité,
lorsque l'on tire en arrière la branche mâle, soulève les détritus et les jette de
côté. — J'ai moi-même imaginé de fixer sur la branche màle, à l'endroit où elle
se coude, un petit ressort de montre de 2 à 3 centimètres qui glisse dans le
fond de la cuiller de la branche femelle et la débarrasse très-facilement. — On a
reproché à la plaque d'acier de MM. Mathieu et Guillon de diminuer la |irofondeur
de la cuiller du lithotriteur; on a dit encore qu'elle pouvait être faussée ou brisée
sous la pression énergique exercée par la branche màle. 11 est probable que l'on
ferait ce dernier reproche à la modification que j'ai proposée.
On emploie encore, pour extraire les débris de calcul, des sondes dites cvacua-
trices. L'instrument le plus simple en ce genre est une sonde élastique de gros
calibre, percée de grands yeux. Il suffit d'injecter dans la vessie une certaine
quantité de liquide qui, en s'échappant, entraîne la partie de la pierre réduite en
poudre et quelquefois des fragments d'un petit volume. Leroy (d'ÉtioUes) un des
premiers a fliit construire une sonde en argent assez grosse, présentant au com-
mencement de sa courbure une ouverture oblongue fermée par un clapet. Un
stylet articulé avec ce clapet et mû par un bouton placé sur le talon de l'instru-
ment permet de fermer et d'ouvrir à volonté l'ouverture de la sonde. Les détritus
sortent assez facilement par cette voie ; mais comme des débris dépassant le cali-
bre de la sonde pouvaient se trouver arrêtés dans sa cavité, l'instrument est armé
d'un mandrin à tête fi-aisée pour les briser.
M. Mercier a transformé, pour le même usage, sa sonde à courbure brusque en
une sonde à double courant, portant, au commencement de sa courbure, une
ouverture qui se trouve fermée par l'extrémité d'un mandrin de baleine. Quand
l'instrument est dans la vessie, on retire le mandrin et on injecte par le second
conduit de l'eau, qui, passant par plusieurs petits trous dont le bec de la sonde
est percé, établit un courant destiné à entraîner les détritus calculeux en dehors.
— Cette sonde, moins compliquée que celle de Leroy, vaut aussi beaucoup mieux.
Mais on peut adresser à l'une et à l'autre, le même reproche, c'est que leur
ouverture vésicale, ne dépassant pas le calibre de la sonde, est évidemment trop
petite.
Pour éviter cet inconvénient, j'ai imaginé une sonde toute différente. Elle se
732
LlTllOTIllTIE.
comiiose de deux gouttières qui, eu glissant l'une sur l'autre, se complètent pour
former un instrument cyliiidritjue courbe à son extrémité. La gouttière inférieure,
formée d'une double paroi pour en faire une sonde à double courant, est beaucoup
plus profonde que l'autre; elle porte sur ses bords une rainure, dans laquelle on
fait glisser la gouttière supérieure comme un tiroir. Mais il fallait que celle-ci pût
se plier à la courbure que présente l'autre gouttière. M. Matliieu est parvenu très-
habilement à résoudre cette dilFiculté en formant son extrémité de plusieurs
petites pièces transversales semblables à celles de certains bracelets et mobiles
les unes sur les autres. Quand l'inslrumeat est fermé, il représente une sonde
ordinaire de gros calibre. Après l'avoir introduit dans la vessie on tire à soi la
pièce supérieure qui est garnie d'un anneau sur son talon, et la gouttière infé-
rieure se trouve découverte dans toute sa portion courbe qui est dans la vessie.
Alors, au moyen d'un petit tube disposé pour recevoir l'extrémité d'une seringue,
on injecte, dans le conduit formé par la double paroi de la gouttière inférieure, de
l'eau qui, s'échappant par de petits trous dans la vessie, forme une espèce de
remous qui entraîne les détritus de calcul dans la sonde.
a. Tube servant à injecter de l'eau dans la vessie.
b. Ouvertures par lesquelles l'eau s'échappe dans
le bas-fond de la vessie.
c. Segment supérieur de la sonde, garni d'un an-
neau à son talon et formé de pièces articulées
en avant.
Fig. 11. — Sonde évacualrice de M. Voiliemier.
b'. Gouttière ouverte du segment inférieur de la
sonde.
d. Direction du liquide sortant de la vessie pour
entrer dans la sonde.
Dans ces derniers temps on a fabriqué en Angleterre un instrument avec lequel
on extrait les fragments de calcul par aspiration. Il se compose d'une sonde ordi-
naire dont l'extrémité vésicale courbe dans la longueur de 5 centimètres et
dépourvue de paroi supérieure forme une sorte de gouttière. On remjilace cette
paroi par un mandrin de baleine légèrement aplati au inomeat oîi on pratique
la calhétérisme afin de ne pas blesser le canal. La sonde une fois placée dans la
vessie, on relire la baleine et on adapte à son talon une poche de caoutchouc dont
on a rapproché les parois; celles-ci s'écartent dès qu'on les abandonne à elles-
mêmes et aspirent les liquides chargés de détritus. — MM. Robert et GoUin ont
remplacé la poche de caoutchouc, dont la force d'aspiration ne leur paraissait pas
suffisante, par un gros tube de verre auquel est attaché un corps de pompe dont
on fait marcher le piston au moyen d'une crémaillère et d'une roue. A l'aide de
cet appareil on peut injecter du liquide dans la vessie et l'en retirer à plusieurs
reprises avec une force qu'd est facile de graduer. Chaque aspiration du liquide
LITHOTRITIE.
735
ramène des débris dans le tube de verre où ils se déposent sans pouvoir être re-
pousses dans la vessie, le tube ayant dans son milieu un diamètre plus grand que
celui des ouvertures placées à ses deux bouts.
Toutes CCS sondes évacuatrices sont peu employées. Elles exigent des ma-
nœuvres fréquentes et longues qui ne sont pas exemptes de danger ; de plus, elles
ne donnent ordinairement passage qu'à de la poussière ou à de petits fragments
de pierre qui auraient pu sortir d'eux-mêmes et sans inconvénients pour l'urèthre.
Elles ne sont véritablement utiles que si, par suite d'vme paresse de la vessie ou
d'une liypertropliie de la prostate, les fragments s'accumulent en arrière de cette
glande sans pouvoir sortir.
Dans la grande majorité des cas ouest obligé de combiner, suivant les circonstan-
ces, l'emploi de plusieurs moyens. Lorsqu'on a brisé un calcul et. broyé plusieurs de
ses morceaux on en extrait une partie avec le brise-pierre api'ès avoir eu soin de
dégorger les cuillers en les agitant légèrement au milieu du li(juide de la vessie
et de tasser fortement ce qui reste dans leurs cavités au moyen de l'écrou. Après
un jour ou deux de repos et d'un traitement émollient, si l'on juge que le calme
des organes est assez grand, ou peut permettre au nialido d'nrinor, el san\eii1 il
Fig. 12. — Appareil évacualeur de MM. Roljcit et CoUin.
A. — Appareil aspirateur.
h. Corps df pompe.
c. Tige de fer j,'arnie d'une crémaillère.
d. Roue destinée à mouvoir ceUe lige.
e. Extrémité du corps de pompe pénétrant dans un
rtiarchon de verre.
f. Maiiclion de verre percé à ses deux bouts.
ij. Tulou d'une sonde pénétrant dans le manchon.
II. — Sonde cvacuatrice.
i. Talon de la sonde.
j. Bec de la sonde aplati et formant gouttière.
K. — Mandrin de baleine.
/. Extrémité aplatie remplissant la gouttière de la
sondequandon introduit celle-ci dansla vessie.
se débarrasse d'une notable quantité de fragments. Cette expulsion spontanée
cause rarement des décbirures dans le canal. Ce qui est plutôt à craindre,
c'est qu'un morceau de pierre un peu gros ne s'engage dans l'urèthre sans
pouvoir le traverser. Le chirurgien doit alors intervenir soit pour repousser le
corps étranger dans la vessie avec une sonde ou lUie injection faite directement
dans le canal, soit en le brisant et en le retirant avec les instruments usités en
pareil cas. Cette complication est sans doute fâcheuse, mais sou éventualiié est
larf^ement compensée par les avantages qu'on retire de l'expulsion spoiUauéedes
fra"-ments. {Voij. Urèxhre ; Calculs dans l'urèthre.)
G. Ibiptiire du brise-pierre. J'ai déjà indiqué plusieurs des raisons pour les-
quelles on doit apporter la plus grande prudence dans la manœuvre des instru-
ments. 11 en est encore une qu'il est important de connaître, c'est la possibilité
de la rupture du brise-pierre. Cette accident, heureusement assez rare, est très-
i^rave. C'est presque toujours la branche mâle qui se brise, et la rupture porte
734 LITIIOTRITIE.
sur le point où la portion droite se recourbe. Le fragment n'a donc pas plus de
2 à 3 centimètres de longueur. Si l'on s'aperçoit, en examinant l'instrument,
■que la rupture est due à un défaut dans l'acier, on peut essayer de retirer le
mors brisé de la vessie; si on y parvient on devra continuer l'opération en se ser-
vant d'un brise -pierre plus solide. Au contraire, si l'accident est dû à la résistance
■du calcul, il vaut mieux recourir de suite à la taille qui permet de retirer, du
■même coup, et la pierre et le morceau d'acier.
Quelquefois les mors du brise-pierre, au lieu d'être brisés, se faussent et restent
écartés l'un de l'autre. Avec un peu d'habitude, on s'en aperçoit facilement, car on
sent que la pierre n'a pas été brisée, bien qu'on ait fait avancer la vis de plusieurs
tours. 11 faut s'arrêter immédiatement, puis ramener la vis en arrière pour déga-
ger le calcul, et enfin retirer l'instrument. On sera exposé, en pratiquant cette
manœuvre, à violenter l'urètlire ; pourtant on pourra l'exécuter, sans trop de
danger, dans la plufiart des cas. Mais si l'écartement des mors est très-considé-
rable, il ne restera d'autre ressource que la taille sus-pubienne. Cette opération
permettra de retirer le brise-pierre dont on aura scié tout le talon et dont on
tournera le bec en haut. On procédera ensuite à l'extraction du calcul.
Je n'ai dû insister, dans cet article, que sur les accidents appartenant en pro-
pre à la htliotritie. Mais cette opération peut être accompagnée ou suivie de com-
plications graves dont chacune constitue une véritable maladie exigeant une des-
cription pai'ticuhère. Tantôt on observe des troubles nerveux ou fébriles, tantôt .
une inllammation intense envahit une portion ou la totalité de l'appareil urinaire
et surviennent une uréthrite, des abcès de la prostate, une cystite, une néphrite
dont la gravité est bien souvent au-dessus des ressources de l'art. {Voy. Prostate,
Reins, Urèthre, Vessie, etc., etc.)
Chez la femme, la lithotritie est une opération plus simple que chez l'homme.
La capacité de la vessie, la brièveté du canal, l'absence de prostate, enfui les dis-
positions anatomiqnes entièrement différentes permettent de manœuvrer facile-
ment les instruments, soit pour briser la pierre, soit pour en extraire les fragments.
Chez les enfants de sexe masculin, la possibilité de !a lithotritie dépend beau-
coup de l'âge. Quelques chirurgiens rejettent cette opération en alléguant l'indo-
cdité des petits malades qui sont difficiles à maintenir solidement, la nécessité
d'employer des instruments peu volumineux exposés à se briser, la fréquence des
accidents produits par l'airêt de fragments dans le canal, et, enfin, les résultats,
presque toujours heureux, fournis par la taille. Toutes ces raisons ont une cer-
taine valeur, mais elles ne suffisent pas pour faire rejeter la lithotritie. Sans dé-
terminer d'une ûiçon absolue les cas où cette opération convient, on peut dire
qu'en général elle peut être pratiquée sur des enfants arrivés à l'âge de sept ans,
affectés d'un calcul de consistance médiocre et dont le volume ne dépasse pas
2 centimètres de diamètre. Voillemier.
Bibliographie. — Sous peine de rendre celte bibliographie aussi longue que l'article auquel
elle doit servir de complément, nous avons dû en éliminer une multitude d'observations
particulières dans lesquelles la lithotritie avait été employée avec ou sans succès; nous avons
également négligé les mémoires, thèses et discussions académiques relatifs au parallèle
entre la lithotomie et la lithotritie, ce pai'allèle devant être renvoyé au mot Taille. Enfin
nous avons entièrement laissé de côté l'interminable série des notes et communications con-
cernant les modifications apportées aux divers instruments, ainsi que les revendications de
priorité auxquelles elles ont donné lieu ; on les trouvera dans les journaux du temps, mais
surtout dans les bulletins de l'Académie de médecine et dans les comptes rendus de l'Aca-
démie des sciences (ces dernières restrictions sont particulièrement applical)les aux écrits
polémiques de Civiale, Leroy (d'Étiolles) et Heurteloup) . Nous nous sommes donc presque ex-
LITHOTRITIE. 735
clusivement attaché aux monographies et aux mémoh-cs d'une certaine étendue, ou renfer-
mant des circonstances importantes.
GaniTHuYSEN (Fr. von Paula). Ob man die alte Hoffnimg aufgcbcn solltc, dcn Slein ans
der Blase auf mecanische odcr chcmische Wcise einst nocli wcgschaffcn zu konncn ? In
Sahb.'s Ztg., 1813, t. I, p. 289, 505, 521. — Destruction of thc Stonc in the Bladder (cas
du général Martin]. In Edinb.Med. and Siirg. Journ., t. IX, p. 153; 1815.— Ei.nEuTON (John).
description of an Instrument for destroying Urinari Calculi within thc Bladàer, wilh Be-
marks, etc. In Edinb. Med. and Surg. J., t. XV, p. 261 ; 1819. fig. — Civiale (I.). Nouvelles
considérations sur la rétention d'urine suivies d'un traite sur les calculs urinaires, sur la
manière d'e7i connaître la nature dans l'intérieur de la vessie et la possibilité d'en opérer
la destruction sans l'opération de la taille. Paris, 1825, in-8°, pi. 2. — Du mèmk. De la
lithotritie ou broiement de la pierre dans la vessie. Ibid., 182G, in-8°, pi. 5. — Du même.
Lettres sur la lithotritie ou broiement de la pierre dam la vessie (G lettres). Paris, 1827-48,
in-S", fig. — Du MÊME. Traité pratique et historique de la lithotritie. Paris, 1827, in-8°, pi. 7.
— Du MÊME. Traité pratique et historique de la lithotritie. Paris, 1847, in-S", pi. 7.
Plus, les comptes rendus annuels sur les opérations pratiquées à l'hôpital NecUer. — Pf.rcy
et Chaussier. Bapp. fait à VAcacl. des sciences sur le nouveau moijen du D' Givialc pour
détruire la pierre dans la vessie sans l'opération de la taille. Paris, 1824, in-8°. — Leroï
(d'EtioUes). Exposé des divers procédés employés jusqu'à ce jour pour guérir de la pierre,
sans avoir recours à l'opération de la taille. Paris, 1825, in-S», pi. 6. — Du même. Tableau
historique de la lithotritie. Paris, 1831, 1 f. in-fol. — Du même. De la lithotripsie (divei's
mém.). Paris, 1836, in-8°, fig., tabl. hist. Du même. Histoire de la lithotritie jjrccédée,
etc. Paris, 1859, in-S", fig. 65. — Delattre (Ch ). Quelques mots sur le broiement de la
jnerre dans la vessie par des procédés mécaniques. Paris, 1825, in-8°. — Rittler (A. G.).
Comment, de methodo lithontriptica seu de ratiune cnlculum rcniovendi sine operatione .
Jenœ, 182o gr. \n-¥, pi. — Keun (Vinc. von). Bemerkungcn tibcr die neac vonCivialc und
Jjeroy veriibte Méthode, die Steine in der Harnblase zu zermalmen und ausiuiiehen. Wien,
1820, in-S". — Seifert (PhiL). Ueber die neue franzôsische Méthode, Blasensteine ohne
Steinschnilt zu entfernen. Greifswald, 1826, in-8'', pi. 1. — Meyrieux. Nouveaux instruments
pour le broycment de lapierre dans la vessie. In Arch. de med., 1''° série, t. X, p. 628 ; 1826,
et ibid., t. KIII, p. 459 ; 1827. — IIeurteloup. Examen de l'ouvrage du D' Civiale « De la
lithotritie ou broiement, etc. » (1'= lettre). Appréciation, etc. Paris, 1827, in-8°. — Du même.
Principles of Lithotrity or a Treatise on the Art, etc Lond., 1851, in-S", pi. 5. — Du même.
Mém. sur la lithotripsie par percussion et sur l'instrument, etc. Paris, 1833, in-8°, pi. 1.
— Du MÊME. Trois époques pour servir à l'histoire de la lithotripsie, etc. Paris, 1846, in-S".
— De MÊME. De la lithotripsie sans fragments au moyen des deux procédés de l'extraction
immédiate et de la pulvérisation immédiate, etc. Paris, 1847, in-8», pi. 2. — Medicus (Fr.).
Geschichtliche Darstellung der unblut'igen Steinzerstôrungsmethoden (moy. chim. et lithotr.).
Wiirzburg, 1828, in-8°. — Gerson. Ueber die vom Hrn. Professor L. Jacobson erfundene
Méthode den Stein in der Blase zu zermalmen. In Gerson und Jul. Magaz., t. XX, p. 401 ;
1830 (d'après une note de Jacobson insérée dans l'Oversigt d'Œrsted en 1828 et 1829). —
Foursier de Lempdes. Lithotritie perfectionnée, sondes droites et injections forcées, etc.
Paris, 1829, in-8°. — Bancal. Manuel pratique de la lithotritie, ou Lettres, etc. Paris, 1829
in-8°, pi. 5. — RiGAL, De la destruction mécanique de lap'ierre dans la vessie, ou considé-
rations nouvelles sur la lithotritie. Paris, 1829, in-8°. — Drocineau (P.). Considérations sur
la lithotritie. Th. de Paris, 1829, n° 261. — Durer (Fr. W.). Ueber Blasensleinzertnahnung ,
Kûrnberg, 1829, in-4°, pi. 1. — Wanker (Ludw. von). Ueber die verschiedenen Methodenden
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736 LITHOTRITIE.
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— Santopadre (Ferd.). Sul valore degli accidcnti clœ accompagnano la litotripsia, e sui
mezzi, etc. In Ann. iiniv. d'Omodei, t. CLXXXIII, p. ÔO; 1865.— Alquié. De la combinaison
du broiement de la jnerre et de la taille. In Bull, de thérap., t. LXV, p. 159, 199; 1865.
— Cattenoz (L.). Nouvel appareil pour la lithotritie. Paris, 1805, in-i». — Thompson (Henry) .
Practiral Lithotomy and Lithotrity ; or an Inquirij, etc. Lond., 1865, in-8°. — Dumè.me.'
Lithûtrity without Injection. In The Lancet, 1864, t. I, p. 209, 559, 587. — Du même. The
Proofs that Lithotrity is an eminently successfuU Opération. Ma., 1865, t. I, p. 199, 225,
'254,281, 567.— PoLLOCK. Lithotrity without Injection. Ibid., 1864, t. I,p. 295, etc.— Brtk (A.).
Beitrâge zur Lithotripsie mit Ausziehung der Steiiifragmente und fremder liôrper, etc. In
OEsterr. Ztschr. fiir prakt. Heilk., 1866, et Schmidt's Jcdirbb., t. CXXXII, p. 99; 1866. —
WooD (I.). New Instrument for removing thc Smaller Fragments of Calculus, etc. JnMcd.
Times, 1866, t. II, p. 594.— Porter (I. H.). On Lithotrity and its Aftertrealment. In Dublin
Quart. Journ., t. XLIII, p. 50; 1867, pi. 1. (Voy. Taille.) E. Bgd.
LITHUANIE. Sous le rapport de la Géographie médicale, il sera question de
la Lithuanie au mot Pologne ; mais il n'est pas sans intérêt d'en dire un mot
ici au point de vue de la linguistique.
La langue lithuanienne appartient à la famille arienne, ou indo-européenne;
elleest, par conséquent, comme telle, apparentéeaux langues antiques et modernes
de l'Inde et de la Perse. Elle offre de plus une particularité fort remarquable, et
qui a frappé de bonne heure l'esprit des philologues. Les analogies de forme avec la
langue sanscrite y sont souvent plus frappantes que dans le latin et le grec; c'est
à ce point qu'un philologue a pu dire, avec un peu d'exagération peut-être, que
les Lithuaniens parlent encore aujourd'hui presque le sanscrit. Ce fait méritait
d'autant plus d'attirer l'attention, que les documents écrits en htluianien, par-
venus jusqu'à nous, sont relativement modernes : le plus ancien est un catéchisme
qui date du milieu du seizième siècle.
Le lithuanien appartient à la branche slave des langues indo-européennes.
Max Millier, qui désigne cette classe de langues sous le nom de classe windique,
fait entrer le lithuanien dans le rameau lette, lequel comprend le Jette propre-
ment dit, parlé dans la Courlande et la Livonie, le boriissieri, ou ancien prussien,
•qui a disparu au dix-septième siècle, étouffé par les langues germaniques, et le
lithuanien. Ce dernier est parlé non-seulement dans les provinces russes occiden-
tales de Kowno et de Vilna, où on estime que, sous la forme d'un dialecte
moderne sensiblement différent du catéchisme de 1547, il est encore la langue
habituelle d'environ 11,000,000 d'àmes, mais encore dans certaines parties de la
Prusse ducale (provinces de Kœnigsberg et de Gubinnen, par 200,000 personnes
à peu près. La langue lithuanienne a été étudiée soigneusement par le savant
philologue Schleicher que la science vient de perdre.
G. LiÉTARD.
Bidliogeaphie. — Schleicher (A.). Handbuch der litauischen Sprache. 2 vol. in-S" : — T. I,
Litauische Grammatik. Prague, 1856. — T. Il, Litauisches Lesebuch und Glossar. Prague,
1857. G. L.
LiTMlis. Même mot que Lacmus. {Voy. Orseille et Tournesol.)
LITSEA (J.). Genre de plantes, de la famille des Lauracées, dont les fleurs
dioïques ont six étamines quadriloculaires et introrses, et dont les styles fdiforraes
sont terminés par une dilatation discoïde et stigmatifère. Leur fruit est entouré
ICT. ENC. 2° s. II. 47
738 LITTRE.
à sa base d'une dilatation du réceptable ou du pédoncule. Ce sont des arbres aro-
matiaues de l'Asie et de l'Australie. Le L. cjlauca Nées est le Camphora glauca
Don ; il produit une huile camphrée très-odorante. LeL. Myrrha Nées et le Laurus
Myrrha LouR., ou Arbre à Myrrhe de la Gochinchine, dont le suc résineux s'em-
ploie comme anthelminthique, excitant,- emménagogue. A Java, il y a un Litsea qui
donne une sorte de cire. Blum l'a nommé L, Sebifera. Les L. Thiyyibergi Sieb.
et monopetala Roxb. sont des Tetranthera. {Voy. ce mot.) Le L. Zerjlanica J.
est le Cannellier-Tambour. H. Bn.
îuss., in Dict. des se. nat., XXVIl, 79 (part.). — Nées, Stjst. Launn., 6'21. — Endl., Gen.,
n. 2066. — Meissn., in DC. Prodrom., XV, sect. I, 220. — Guib., Drog. simpl., éd, 4, II,
374. — RosENTU., Synops. plant., diaphor., 236.
tïTTORTOE {Littoralis, qui vit sur le rivage). Genre de mollusques gasté-
ropodes univalves, établi par de Férussac aux dépens des Paludines. Ces mollus-
ques ont une coquille ovale et un peu globuleuse, à spire ne dépassant pas la lon-
gueur du dernier tour; l'ouverture est généralement semi-lunaire. L'animal rampe
au moyen d'un pied ovalaire, arrondi, court, entièrement caché par sa coquille;
en avant est une grosse tête, ridée en travers, fendue dans toute sa longueur par
la bouche; à l'extrémité postérieure du pied, on trouve un opercule corné, avec
une faible spire et pouvant boucher la coquille. La cavité cervicale de l'animal
présente en avant adroite l'anus et les organes génitaux, et, à gauche, un organe
branchial assez développé.
Les Littorines s'éloignent des Trochus et des Turbo et sont voisines des Palu-
dines, des Scalaires et des Turritelles d'après Deshayes. Ces mollusques marins,
communs sur nos côtes, vivent attachés aux rochers près du niveau de la mer et
reçoivent l'eau des marées ainsi que celle des pluies. Les habitants du littoral les
mangent après les avoir fait bouillir dans l'eau salée. {Voy. Mollusques.)
A. Laboulbènê.
lilTTBE (Alexis). Un des anatomistes les plus méritants de la France, né à
Cordes (Tarn-et-Garonne), le 21 juillet 1658, mort à Paris le 4 février 1726, et
enterré à Saint-Merri. Il fut successivement professeur libre d'anatomie pendant
quinze ans à Paris, licencié en médecine (2 août 1690), docteur en médecine de
la faculté de Paris (25 janvier 1691), membre de l'Académie des sciences (1699).
Passionné pour les recherches anatomiques, on le vit, en 1684, disséquer à la
Salpètrière plus de deux cents cadavres, nombre vraiment extraordinaire, à une
époque oii il était si difficile d'obtenir des sujets d'études. On le vit encore, in-
quiété, traqué par les chirurgiens et les médecins, se réfugier dans le Temple, et
là, protégé par \e grand-prieur, se livrer encore à son étude favorite. Alexis
Littre n'a laissé, je crois, aucun ouvrage, mais il a enrichi les recueils de l'Acadé-
mie des sciences d'un grand nombre de mémoires et observations qu'il est bon de
rappeler :
I. Observation sur une espèce de hernie, in Ibid., 1700, p. 300. — II. Description de l'urèthre
de Vhomme. Ibid., p. 311. — III. Observation sur un fœtus humain monstrueux. Ibid.,
1701, p. 90. — IV. Observations sur les ovaires et les trompes d'une femme, et sur un
fœtus trouvé dans l'un de ses ovaires. Ibid., 1701, p. 111. — V. Observations sur le
corps d'une femme grosse de huit mois de son premier enfant, vwrte subitement d'une
chute. Ibid., 1701, p. 294. — VI. Observation sur deux pierres trouvées dans les parois de
la vessie d'un garçon de vingt ans. Ibid., 1702, p. 26. — VII. Observation sur un fœtus
humain trouvé dans la trompe gauche de la matrice. Ibid., 1702, p. 208. — VIII. Histoire
d'un fœtus humain tiré du ventre de samère par le fondement. Ibid., 1702, p. 234. — IX.
Liiviiunii,. 739
Obsei-vation sur une hydropisie particulière. Ibid., 1703, p. 90. — X. Observations sur des
plaies de ventre. Ibid., 1705, p. 32. — XI. Observations sur les reins d'un fœtus de neuf
mois. Ibid., 1705, p. 111. — XII. Observations sur la matrice d'une fille de deux mois.
Ibid., 1705, p. 582. — XIII. Observation sur la glande pituitaire d'un homme. Ibid.,
1707, p. 125. — XIV. Observation sar une hydropisie du péritoine. Ibid., 1707, p. 502. —
XV. Sur un fœtus humain monstrueux. Ibid., 1709, p. 9. — XYI. Observations sur la go-
norrhée. Ibid., 1711, p. 1799. ~ XVII. Observation sur une espèce d'enflure appelée emphij-
sème. Ibid., 1713, p. 5. — XVIII. Sur Vhydropisie appelée tympanite. Ibid., 1715, p. 255.
— XIX. Sur une hernie rare. Ibid., 1714, p. 200. — XX. Sur des vaisseaux jmrticuUers
observés dans les corps morts deperte de sang. Ibid. 1714, p. 327. — XXI. Sur une diffi-
culté d'avaler. Ibid., 1710, p. 185. — XXII. Observation d'un fœtus monstrueux qui n'avait
qu'un œil. Ibid., 1717, p. 285. — XXIII. S'il y a du danger de donner par le nez des bouil-
lons, de la boisson, ou tout autre liquide. Ibid., 1718, p. 298. — XXIV. De la dissolution
des pierres de la vessie dans les eaux communes. Ibid., 1720, p. 450. A. Ch.
lilvÊCHE {Levisticiim Kocn) . Genre de la famille des Ombellifères, établi par
Koch pour une seule espèce, h Levisticum officinale {Ligusticiim levisticum L.),
détachée du genre Licjusûcum de Tournefort et de Linné. Les caractères généri-
ques sont ainsi indiqués par Koch : calice à limbe presque nul ; pétales orbicu-
laires, entiers, portant un lobule infléchi en dedans; fruit coniprimé à section
transversale ovale; méricarpes à 5 côtes membraneuses ailées, les 5 dorsales
égales et rapprochées entre elles, les 2 latérales plus distantes et plus largement
ailées que les autres ; une seule bandelette résineuse dans les valléculcs ; invo-
lucrcs et involucelles polyphyllcs.
L'espèce unique de ce genre, X^Livêche ou Ache des viontaçines, croît dans les
Pyrénées, les Cévennes, les Alpes de Savoie, les Apennins et la Transyh unie. Dans
les régions plus septentrionales, elle est fréquemment cultivée dans les jardins, et se
trouve même quelquefois subspontaaée en Allemagne et en Suisse. Elle se fait
remarquer par sa tige épaisse et iîstuleuse, haute de 4 à 5 pieds, garnie à son
sommet de rameaux opposés ou verticillés. Ces rameaux portent des ombelles
de 6 — 12 rayons, terminés par des ombellules denses, à fleurs brièvement pédi-
cellées, jaunes verdùtres. Les feuilles sont grandes, d'un vert luisant, bi ou tripin-
natiséquées, à segments rhomboïdaux, larges, cunéiformes à la base, incisés, lobés
dans leur moitié supérieure.
La Livêche donne à la matière médicale ses fruits aromatiques et surtout ses
racines vivaces, qu'on récolte quand la plante a 2 ou 3 ans et qui se \ endent en mor-
ceaux généralement coupés en deux dans leur longueur. L'écorce est à l'extérieur
d'un gris brun, profondément marquée de sillons longitudinaux, et çà et là de
cicatrices irrégulières, provenant de la chute des rameaux latéraux. La coupe
transversale montre une partie corticale, dont la largeur égale à peu près la moi-
tié du rayon et qui, par le ramollissement dans l'eau, devient plus épaisse que le
bois. Cette écorce, d'un blanc sale, est parcourue dans la partie intérieure par des
lignes rayonnantes brunes, qui se rapprochent près de la couche génératrice de
manière à former une zone continue de couleur brunâtre : ces lignes contiennent
un nombre considérable de vaisseaux remplis d'une substance oléo ou gommo-
résineuse. Le corps du bois est spongieux, formé d'un grand nombre de faisceaux
ligneux jaunâtres, ayant l'aspect de feuillets distincts, minces, rayonnant vers
l'extérieur, anastomosés entre eux vers la partie médullaire. La racine sèche con-
serve une odeur agréable : elle a une saveur aromatique sucrée et en même temps
un peu acre. Elle contient de la résine, une huile essentielle qui lui donne son odeur
particuhère, du sucre, de la pectine, de l'acide malique (surtout au moiuciit de la
floraison) et de l'acide angélique.
740 LOBB,
La Livêche est entrée dans la thérapeutique couime stimulante, stomachique et
eniménagogue. (Infusion de racine, de semences et de feuilles, 10 à 15 grammes
par kilogramme d'eau; extrait, 2 à 4 grammes; teinture, 2 à 6 grammes.)
KocH. Umbell., 101, fig. 41. — DC. Prodr., IV, 165. — Berg et Smidt. Offizinelîe Ge-
w«cÂse, IV, planche 26 d. Pl.
LIVIDITÉS». Taches de couleur violelte plus ou moins foncée. Sur l'homme
vivant, les lividités se confondent avec les ecchymoses, les extravasations sanguines
(voy. Blessures, Contusion, Ecchïsioses) ; mais on réserve plus spécialement cette
dénomination à des taches qui apparaissent sur le cadavre et qui sont connues en
anatomie pathologique et en médecine légale sous le nom de lividités cadavériques.
[Voy. Cadavres.) A. D.
irLAiviAPAiviii. Voy. MUCUNA.
LLËDoniE. Voy. Micocoulier.
lilO 'E.vux MINÉRALES de), hypotheriiiales, sulfurées sadiques faibles, azotées
faibles.
Dans le département des Pyrénées-Orientales, dans l'arrondissement de Prades,
à 1 kilomètre du village qui leur a donné son nom, émergent du granit les trois
sources de cette station. Leurs eaux ont les mêmes propriétés physiques et chimi-
ques, à l'exception de leur température qui varie de 27", 5 centigrade à 29°, i cen-
tigrade. La source principale, dont le débit est le plus abondant, se nomme ]a.source
deLlo. L'analyse chimique de ces sources n'est pas bien connue; Anglada a indiqué
seulement la richesse quantitative du sulfure de sodium, du sulfate de chaux, du
chlorure de calcium, de la barégine et du gaz azote que ces eaux renferment.
Cet auteur ajoute que les eaux des sources de Llo ont une composition élémen-
taire à peu près pareille aux sources à'Escaldas {voy. ce mot), éloigné pour-
tant d'un peu plus de 16 kilomètres.
L'eau de Llo est employée en boisson ; on l'utilise quelquefois en bains géné-
raux ; les habitants du pays s'en servent aussi pour le blanchissage de leur linge,
auquel elle communique une extrême blancheur. Les maladies de la peau et des
membranes muqueuses sont celles qui sont traitées avec le plus de succès à la
station de Llo, qui n'occupe certainement pas le rang qu'elle mérite et qu'elle
aura le jour oiî une administration éclairée voudra exploiter convenablement ses
eaux minérales. A. R.
LOBAIRE^!» (Artères). Voy. Carotide interne et vertédrale (Artères).
LOBB (Théophile), médecin anglais né en 1678 ; il pratiqua à Londres et
mourut en 1763. Lobb s'est fait connaître par des ouvrages justement estimés,
et qui portent ces titres :
I. A Treatise on Ihe Small-pox, in iwo Paris London, 1731, in-8°. Traduit en fran-
çais sous ce titre : Traité de la petite vérole, jmr Théophile Lobb. Traduit de l'anglais sur la
seconde édition par M. B. P. (Boyer de Prébrandier), docteur en médecine. Paris, 1749, in-12,
2 vol. — II- National Methods of curing Fevers, deduced from the Structure of Human Bodij.
Lond., 1754, in-8°. — III. Practical Treatise of Painful Distempers, with some Effectuai
Methods in curing theni. Lond., 1739, in-8°. — IV. A Treatise on dissolvants ofthe Stone,
and curing the Stone and Goût by Aliments. Lond., 1739, in-S". Trad. franc. Paris, 174i,
)n-12. — V. An Address to the Faculty of Physic relating to miss Stephen's Médecine. Lond.,
1739, in-S". — VI. Letter Relative to the Plague and the Contagions Distempers. Lond.,
1745, in-4*. — VII. Compendium of Practice of Physik. Lond., 1747, in-8°. A. C.
LOBÉLIE (botanique). 741
LOBEL (Matthieu de). Tout Je momie connaît celle charmante plante de
la famille des Campanulacées, appelée lo&e/m. Plumier, en adoptant ce nom,
a voulu rendre hommage aux travaux de Matthieu de Lobel, qui s'est montré en
effet, au seizième siècle, un botaniste distingué, à une époque où cette science
ne reposait guère que sur les livres de Dioscoride et de Matthioli. La vie de Lobel
fut assez agitée. Né à Lille, en 1558, de Jean de Lobel, jurisconsulte distingué,
on le voit se faire recevoir docteur à Montpellier, voyager ensuite en Allemagne,
en Suisse, dans le nord de l'Italie, pratiquer la médecine à Anvers, à DeUt, être
attaché au prince d'Orange, se rendre ensuite en Angleterre, parcourir le pays en
herborisateur, être honoré de l'amitié du roi Jacques, et mourir à Highgate, le
2 mars 1616, âgé de soixante-seize ans. Voici les titres des ouvrages qu'il a lais-
sés et qu'on recherche encore aujourd'hui.
I. Stirpinm adversaria nova. Loncl., 1570, in-fol., etc. — II. Piantarum seu slirpium
hisloria, cui annexum est adversariorum volumen. Anvers, 157G, iu-fol., 14H0 figures. —
m. Icônes stirpium, seu plantariun tam exoticarum quam indlgcnamm, in diias partes
dhjestœ. Anvers, 1581, in-i», 2116 figures. —IV. Balsami, opobalsami, carpohahami, et
xylobalsami citm siio cortice explafiatio. Loncl., 1598, in-4°. — V. Slirpium illustrationes
plurimas élaborantes inatiditas plantas. J. Parkinsonii rapsodiis sparsim gravatœ. I.ond.,
1655, in-4'>. — VI. Nova stirpium adversaria; aucl. Pet. Pena et Matt. de Lobel. 1576,
in-fol. A. C.
LOBÉLIE (Lo&eZiaL.). §1. Botanique. Genre de plantes, à coroUe gamo-
pétale, qui a donné son nom au groupe des LobL'liacées. Les Lobéliacées, consi-
dérées par beaucoup d'auteurs comme formant une famille distincte, sont simple-
ment des Campanulacées à corolle irrégulière et ne doivent pas plus être séparées
des Campanulacées que les Rhododendrées des Éricacées, les Chicoracées des Com-
posées, etc. Les Lobélies ont les fleurs irrégulières, hermaphrodites et résupinées.
Leur réceptacle est concave et porte dans sa concavité un gynécée en partie inière, et,
sur ses bords, un périanthe à verticilles pentamères. Le calice est gamosépale, à
lobes presque égaux. La corolle est gamopétale, ordinairement allongée et tubu-
leuse, irrégulière. Son tube est ordinairement fendu jusqu'à la base du côté anté-
rieur de la fleur. Quant à son limbe, il forme deux lèvres, la postérieure composée
de trois lobes, l'antérieure, de deux ; ces lobes sont valvaires dans la prélioraison,
ou plus ou moins indupliqués. Les étamines sont au nombre de cinq, alternes avec
les divisions de la corolle sur laquelle elles ne s'insèrent pas. Portées ]iar le récep-
tacle, elles se composent chacune d'un blet aplati à sa base et d'une anthère bilo-
culaire, introrse, s'ouvrant par deux fentes longitudinales, plus ou moins barbue.
Les anthères sont très-souvent syngénèses, c'est-à-dire unies entre elles pai' leurs
bords en une sorte de tube qui entoure le style. Le gynécée se compose d'un
ovaire en partie infère, surmonté d'un style dont l'extrémité sligmatique est plus
ou moins bilobée ou déprimée en forme de sac et renferme à l'intérieur les pa-
pilles stigmatiqucs. L'ouverture est entourée d'une couronne plus ou moins
développée de poils. L'ovaire est ordinairement à deux loges, l'une antérieure et
l'autre postérieure; et chaque loge contient, dans son angle interne, un gros pla-
centa chargé d'un nombre indéfini d'ovules auatropes. Le fruit est une capsule
loculicide, dont la déhiscence, souvent incomplète, commence parla partie supé-
rieure et s'étend souvent dans une portion variable de la cloison. Les graines sont
nombreuses et renferment, sous leurs téguments, un embryon charnu dont l'axe
est occupé par un embryon à cotylédons courts. Les Lobélies sont des herbes, an-
nuelles ou %ivaLes, qu'on trouve dans toutes les régions tropicales et sous-tropicales
du globe, surtout dans l'Amérique équinoxiale. Leurs feuilles sont alternes, sira-
742 LOBÉLIE (botanique).
pies, sans stipules. Leurs fleurs sont ordinairement disposées en grappes ou en
épis ; leur pjdiccllc se tord un peu avant l'époque de l'épanouissement, et la lèvre
inférieure de la corolle devient de la sorte supérieure. Presque tous les organes
des Lobélies sont gorgés d'un latex blanc ou jaunâtre auquel ces plantes doivent
leurs propriétés acres et vénéneuses. Plusieurs espèces doivent être étudiées
comme poisons ou comme médicaments.
I. LoBÉLiE BRULANTE {Lobella urcns \j.,Spec., 1521). Cette espèce indigène
est une herbe vivace, haute de 2 à 5 ou 6 décimètres. Sa tige est dressée,
anguleuse, feuillée, pubérulente ou glabrescente, simple ou rameuse. Ses feuilles
sont variables de forme : les radicales sont ovales-oblongues, atténuées inférieu-
rement en pétiole, réunies en rosette lâche; les cauhnaires sont ovales-lancéolées
et sessiles. Toutes sont découpées sur les bords en dents inégales et brièvement
pubérulentes. Les fleurs, d'un bleu clair ou légèrement violacé, sont nom-
breuses, réunies en une longue grappe terminale. Leur pédicelle est plus court
de moitié que leur tube calicinal. Les bractées dont elles occupent l'aisselle sont
linéaires, égales au pédicelle et aucahce. Le tube réceptaculaire est étroit, allongé.
Les sépales sont acuminés, linéaires ; ils n'arrivent pas jusqu'au milieu de la
hauteur de la corolle. Celle-ci a un tube en entonnoir, et cinq lobes lancéolés,
aigus, presque égaux. Elle est pubérulente, ainsi que les anthères. Cette espèce
croît dans les endroits humides, dans les landes des marais ; elle est commune
dans le centre et dans l'ouest de la France, rare dans les environs de Paris; elle
fleurit à la fin de l'été. Sa saveur est extrêmement acre et brûlante; et ce carac-
tère suffirait à la distinguer de la Pelite-Centaurée avec laquelle on dit qu'on l'a
parfois confondue avant la floraison et dont le goût est simplement amer. D'ail-
leurs, elle a des feuilles opposées et non alternes comme celles du Lobelia
urens. ■
II. L. SYPHILITIQUE (L. sypIiUUica L., Spec, 1502). Cette espèce est herbacée,
vivace. Sa tige est haute d'un quart à un demi-mètre, anguleuse, velue, principa-
lement dans sa portion inférieure. Ses feuilles sont alternes, sessiles, rapprochées,
étalées, irrégulièrement lancéolées. Ses bords sont irrégulièrement sinueux et
denticulés. Les fleurs sont d'un bleu plus ou moins violacé, solitaires à l'aisselle
des feuilles ou des bractées qui les remplacent dans les portions supérieures. Elles
ont un court pédoncule, et leur réunion forme au sommet des branches une longue
grappe feuillée. Leur réceptacle a la forme d'une coupe assez profonde dont la
moitié environ de l'ovaire occupe la concavité, l'autre moitié étant libre. Sur les
bords de cette coupe s'insère un calice à cinq sépales lancéolés, très-aigus, folii-
formes, ciliés, se prolongeant au-dessous de leur insertion sur le réceptacle, et
formant, par le rapprochement de leurs bords, de profondes gouttières. La co-
rolle est allongée, gamopétale, tubuleuse, un peu dilatée à la base, arquée dans
sa portion supéi'ieure, irréguhère, bilabiée, une de ses lèvres étant formée de trois
lobes, et l'autre, l'inféi^ieure, de deux lobes ; de plus, elle est fendue inférieure-
ment dans toute sa longueur. Les étamines sont unies, et par leurs anthères, et
par une portion de leur filet ; on les dit symphysandres. Elles viennent faire sail-
lie en haut, au-dessus du limbe de la corolle. Leurs filets sont blanchâtres ou vio-
lacés, libres seulement dans leur portion inférieure, là où ils sont le plus larges et
le plus membraneux. Leurs anthères forment, par leur rapprochement, un tube
court, arqué ; deux d'entre elles, les supérieures, sont un peu plus longues que les
autres; elles sont surmontées d'un petit pinceau de poils. L'ovaire est bilocu-
laire; il s'atténue supérieurement en un style cylindrique, glabre, un peu plus long
LOBÉLIE (botanique). 745
que les étamines, dans le tube desquelles il esl longtemps renfermé. Il se recourbe
et se renfle un peu à son sommet; là il présente un orifice bordé de deux petites
lèvres, l'une supérieure et l'autre inférieure, entouré d'un petit cercle de poils
blanchâtres et soyeux. L'orifice donne accès dans une cavité stigmatifère assez
profonde. Dans cliaque loge de l'ovaire ou observe sur la paroi interne un gros
placenta axile, chargé d'un nombre indéfini de petits ovules anatropes. Le fruit
est une capsule anguleuse, munie à sa base du réceptacle persistant, et, plus
haut, des débris du calice. Elle s'ouvre, dans sa partie supérieure, par deux fentes
verticales qui, non-seulement descendent jusqu'à une certaine distance du sommet
des parois, mais encore partagent supérieurement la cloison en deux portions qu
s'écartent l'une de l'autre en laissant entre elles un large sinus à concavité su-
périeure. La Lobéhe syphilitique est originaire de l'Amérique septentrionale.
Kalni, dit-on, l'y a le premier observée, dans les forêts marécageuses. Elle croît
depuis la CaroUne jusqu'au Canada et aussi dans les environs de la Nouvelle-Or-
léans. Le Rapunlium syphiliticum de Miller {Dict., n. 2) se rapporte à cette es-
pèce. Toutes ses parties sont excessivement acres; elles contiennent un latex abon-
dant, de couleur jaune pâle. On en distingue plusieurs variétés : le Ludoviciana,
dont les feuilles sont glabres et presque entières, et le macidata, dont les feuilles,
tachées de brun, sont finement denticulées.
III. L. CARDINALE (L. cardiiialis L., Spec, 1500). Cette espèce, dont toutes
les parties sont finement pubescentes, a une tige simple dressée, des feuilles
oblongues-lancéolées , atténuées aux deux extrémités, aiguës, irrégulièrement
dentées. Les fleurs sont disposées en grappes allongées. Les bractées, lancéolées,
étroites, sont découpées en dents en scie glanduleuses. Les inférieures sont plus
longues que le pédicelle de la fleur axillaire; les supérieures sont plus courtes. La
fleur a un calice à sépales linéaires-lancéolés, acuminés, plus longs que le récep-
tacle hémisphérique qui les supporte. La corolle, d'un rouge éclatant, est à peine
plus longue que les sépales. Les étamines sont exsertes, et les anthères des infé-
rieures sont barbues. Cette plante est le Rapimtium cardinale de Pursh {Prodr.
Lobel., 26) et le Flos cardinalis Barberini de Hernandez {Mex., t. 880). Elle
se trouve dans les régions méridionales de l'Amérique du Nord, depuis la Caro-
line jusqu'à la Nouvelle-Angleterre.
IV. L. ENFLÉE (L. inflata L., Spec., 1320). La tige de cette espèce se présente
avec des dimensions très-variables, tantôt haute de 2 à 4 décimètres et souvent
alors simple, tantôt haute de près de 1 mètre, et alors ramifiée. Ses racines sont
fibreuses. Sa tige est dressée, angulaire, couverte de poils. Les feuilles sont
également velues, ovales, découpées en dents de scie ; elles n'ont pas la même
forme sur toute l'étendue de la tige. Ainsi, les inférieures sont oblongues, obtuses,
avec un pétiole court, et les moyennes sont ovales-aiguës, sessiles. Les fleurs
sont réunies eu grappes, avec des pédicellesplus courts que les bractées, qui sont
'acuminées. Le réceptacle est glabre, ovoïde. Les sépales sont subulés, linéaires,
presque égaux en longueur à la corolle, qui est d'un bleu teinté de pourpre, et
dont les divisions sont inégales. Les anthères sont purpurines, unies en un tube
pourpré, avec des filets blancs. Le style est filiforme, ai-qué et caché par les an-
thères dans sa portion stigmatique. Le fruit est une capsule biloculaire, turgide,
ovale, comprimée, couronnée par le calice et portant dix angles saillants. Les
graines sont nombreuses, petites, brunes. Toute la plante est gorgée d'un latex
extrêmement acre. C'est le Rapuntiuni inflatiiin de Miller [Dict., n. 5). Elle croît
communément dans les champs et sur les bords des routes, dans l'Amérique du
744 LOBÉLIE (emploi médical).
Nord, depuis le Canada jusqu'à la Caroline et au Missouri. On l'appelle aux États-
Unis Indian Tobacco.
V. Les Lobelia spendens W. {Hort. berol., t. 86), fulgens W. {loc. cit.,
t. 85), espèces mexicaines, voisines du L. cardinalis, servent aux mêmes usages
que lui. Le L. decurrens Cav. (Icon., VI, 13, t. 521), du Chili, est employé dans
son pays natal comme fébrifuge. Au Brésil, on considère comme narcotiques,
vénéneux, le L. coccinea W. ; aux Antilles, les L. cirsiifolia\jtMK, et stricta
Lev. passent pour avoir les mêmes propriétés. LeL. Dortmanna L., espèce voisine
du L. urens et qui croît, comme lui, en Europe, n'en diffère pas non plus par
ses propriétés.
Le L. longiflora L. est un Isotoma.
Le L. Feuillœi L. est un Tupa.
Les L. barbata Cav. et Caoutschoiic H. B. K. sont des Siphocampylus .
H. Bn.
L., FI. lappon., 227; Gen., n. 1006 (part.). — Juss., Gen. platit., 165. — Lame, Dict,
III, 581. — Mer. et Del., Dict., IV, 136. — Guib., Drog. simpl, éd. i, III, 9. — Rich. (A.),
in Dict. de mécl. (en 30 vol.), XVIII, 174 ; Elém, éd. 4, II, 28. — A. DC, Prodr., VU, 357.
— BiGEL., Med. Bot., I, t. 19. — Lindl., FI. med., 403. — Pereiba, Elem. Mat. med., éd. 5»
II, p. II, 8. — RosENTH., S]jn. pi. diaph., 314. — Cazin, PL méd. indig., éd. 5, 599. —
H. Bn, ap. Payer, Fam. nat., 248.
g II. Emploi médical. On emploie principalement la lobélie enflée et la
lobélie syphilitique.
4" Lobélie ENFLÉE. Lobelia inflata; Indian Tobacco des Anglais.; asthma-
weed, herbe à l'asthme ; emetic weed, herbe émétique.
Pharmacologie. Toutes les parties de cette plante possèdent une grande activité,
qui paraît due principalement à un alcaloïde particulier, la lobéline, dont il sera
question plus loin. Les parties les plus actives sont les semences; viennent ensuite
la racine; puis les feuilles. Ce sont ces dernières néanmoins qui sont le plus usitées.
Les feuilles de lobélie enllée sont récoltées en Amérique aux environs de New-
Labanon, au mois d'août, et mises sous forme de carrés longs comparables à
ceux du tabac de Virginie livrés par la Régie, fortement comprimés et du poids
de 250 à 500 grammes. Telles qu'elles arrivent en France, elles sont d'un vert
jaunâtre, mélangées d'une assez forte proportion de pédoncules d'une odeur légè-
rement aromatique, d'un goût un peu acre, rappelant celui du tabac. Fumées
dans une pipe, comme les emploient les sauvages de l'Amérique du Nord, elles ont
encore une saveur et une odeur analogues à celles du tabac, mais plus douces.
Ces feuilles s'emploient : En poudre, rarement prescrite ;
En fumigations : dans une pipe, ou sous forme de cigarettes;
En infusion : 25 à 50 centigrammes, 1 ou 2 grammes pour une quantité
d'eau susceptible de varier, selon que l'on veut en faire une potion ou une tisane ;
En teinture : teinture éthérée, peu usitée; teinture alcoolique, laquelle est le
mode d'administration le plus ordinaire de la lobelia inflata.
La pharmacopée des États-Unis donne pour formule de la teinture de Lobélie :
Lobelia inflata (feuilles), 120 grammes; alcool dilué, 900. — Si nous suivions
les prescriptions du codex français, nous préparerions dans les proportions de
1 partie de feuilles et 5 parties d'alcool à 85". — Mais pour cette teinture comme
pour d'autres analogues à base de feuilles ou de fleurs, la quantité d'alcool est
vraiment insuffisante, et je conseille de préparer, avec les proportions de 1 de
feuille et 10 d'alcool, la teinture de lobélie enflée.
LOBÉLIE {emploi médical). 745
Il y aurait lieu de mettre au nombre des préjjaralious officinales de Lobelia
inflata la teinture alcoolique des semences, et de l'expérimenter comparative-
ment avec la teinture des feuilles.
Analyse chimique; Lobéline. La lobélie enflée contient, d'après Procter:
un principe odorant volatil (huile essentielle?), un alcaloïde spécial, la lobéline,
signalée antérieurement par Reinsch et par Colhoun; un acide spécial (déjà re-
connu par Pereira), l'acide lobélique ; une huile fixe, presque incolore, très-sicca-
tive ; une résine ; de la gomme; de la chlorophylle ; du ligneux ; des sels de chaux
et de potasse et de l'oxyde de fer.
Procter a obtenu la lobéline en traitant les semences avec de l'alcool acidulé
au moyen de l'acide acétique, pour enlever le principe acre ; la teinture fut ensuite
évaporée. L'extrait résultant lut trituré avec de la magnésie et de l'eau, et,
après une agitation répétée pendant (Quelques heures, la liqueur, tenant la lobé-
line en dissolution, fut filtrée ; celle-ci fut ensuite reprise par l'éther, et la nou-
velle solution, après avoir été bien décantée, fut abandonnée à l'évaporation
spontanée. Le résidu, qui était d'une couleur rouge brunâtre et de la consistance
du miel, fut débarrassé de sa matière colorante en le dissolvant dans l'eau et en
y ajoutant un petit excès d'acide sulfurique, faisant bouillir avec du charbon ani-
mal, et saturant avec la magnésie. Après filtration, agitation avec l'éther et éva-
poration de celui-ci, le licfuide restant est la lobéline.
William Bijislick, de Londres, ignorant sans doute le procédé de Procter, a
publié, en décembre 1850, un procédé pour l'obtention de la lobéhne, en faisant
macérer pendant quarante-huit heures 2 livres de la plante dans un gallon
d'alcool auquel on a préalablement ajouté 5 onces d'acide sulfurique ; il traite
ensuite par la cliaux caustique en poudre, et, après différents lavages, par une
solution concentrée de carbonate de potasse. On traite alors par l'éther, et l'on
obtient la lobéhne comme dans le procédé de Procter. (Victor Guibert, Hist. nat.
etméd. des nouveaux médicaments, etc., Bruxelles, 1860.)
La lobéline ressemble, dit-on, par plusieurs de ses propriétés, à l'hyoscyamine.
Elle en diffère, cependant, en ce qu'elle est liquide et incristallisable. Sous ce
rapport, elle se rapproche plutôt de la nicotine, avec laquelle, d'ailleurs, elle a
aussi des analogies d'action pharmacodynamique. La lobéline se présente sous
forme d'une huile visqueuse, un peu jaunâtre, plus légère que l'eau, à réaction
fortement alcaline, d'une odeur aromatique qui rappelle celle de la plante. Elle
est volatile (Procter, Bastick), mais finit par s'altérer en se volatilisant. (Pereira.)
Elle est un peu soluble dans l'eau, et complètement dans l'alcool et dans l'éther,
Les alcalis caustiques la décomposent. Elle forme des sels solublcs et cristalli-
sables avec les acides sulfurique, azotique, chlorhydrique, et un sel double mais
incristallisable avec l'acide acétique. Le tannin précipite la lobéline et ses sels. La
chaleur décompose la lobéline ; mais lorsqu'elle est combinée avec un acide, elle
peut supporter l'ébullitlon sans être altérée.
La lobéline est très-toxique, dès la dose de 1 à 5 centigrammes ; elle hypo-
sthénise profondément les sujets de l'expérience ; elle dilate la pupille. (Procter.)
Historique. La lobéhe enflée jouissait depuis longtemps d'une réputation
populaire aux États-Unis ; mais elle y était surtout connue, et employée par les
indigènes, pour ses propriétés vomitives, lorsque vers 18201e docteur Cutler la
recommanda spécialement contre l'asthme, après en avoir fait l'épreuve avec
succès sur lui-même. Bientôt de nombreux travaux, publiés dans les journaux de
médecme des États-Unis, d'Angleterre et d'Allemagne, confirmèrent les propriétés
746 LOBÉLIE (emploi médical).
anti-asthmatiques de cette plante, et étendirent encore le cliamp de ses applica-
tions. Elle restait presque complètement méconnue en France ; on ne pouvait
guère citer, à son sujet, qu'une notice de Bidault deVilliers {Nouvelle Biblio-
thèque médicale, t. Y, p. 226) ; l'article succinct de Mérat et Delens, dans leur
Dictionnaire de matière médicale (tome IV, 1852), suivi de quelques renseigne-
ments nouveaux dans leur Supplément (1846); une note de Sigmond, sur les
propriétés des Lobelia inflata etsyphilitica, dans le Journal de chimie médicale
(1855, t. IX, p. 587). Enfin, en 1860, le docteur Michéa publia dans le journal
VObservation un fait constatant l'efficacité de la lobelia inflata contre l'asthme ;
et en 1864 parut dans le Bidleti^i général de thérapeutique le mémoire du pro-
fesseur Barrallier, de Toulon, sur les effets physiologiques et l'action thérapeu-
tique de la lobelia inflata, mémoire le plus important quiait été jusqu'ici publié
en France sur cette question, et doublement intéressant par les expériences propres
à l'auteur, et par les renseignements qu'il contient sur les diverses et récentes
applications du médicament dont il s'agit. Aussi est-ce principalement à cette
dernière source que nous puiserons pour la rédaction du présent article.
Action rnysioLOGiQUE. Dans les expériences physiologiques instituées sur
l'homme pur Barrallier, la teinture de lobélie étant administrée depuis 25 centi-
grammes jusqu'à 2 grammes, toujours en une seule dose et le matin à jeun sur
des sujets sains, les phénomènes observés ont été : une sensation de picotement
désagréable dans la bouche, surtout à la pointe et vers la base de la langue ; une
autre sensation d'àpreté, de sécheresse dans la gorge; plus ou moins de constric-
tion dans le pharynx, allant parfois jusqu'à la dysphagie ; une constriction
thoracique et laryngée, avec gène de la respiration ; de l'irrégularité dans les
mouvements du cœur et du pouls, de la diminution dans le nombre des pulsa-
tions ; de l'engourdissement cérébral, de la céphalalgie, de la tendance au som-
meil; la ddatation des pupilles.
Ces phénomènes, s'accusant d'autant plus que la dose de teinture de lobélie
avait été plus élevée, sont considérés par Barrallier comme spéciaux, et notés par
lui comme ayant été à peu près constants dans ses expériences ; en outre, il a
constaté, en les jugeant accessoires, les phénomènes suivants : la fatigue muscu-
laire ; les troubles des fonctions digestives, tels que nausées, inappétence, co-
liques, diarrhée, ces deux derniers symptômes ayant été plus rares que les autres.
Malgré le soin avec lequel ces expériences ont été conduites, elles ne nous
révèlent cependant que d'une manière incomplète l'action du médicament en
question. Ainsi, par exemple, si, au lieu d'une dose administrée d'un seul coup,
on fractionne les doses, on obtient des effets moins perturbateurs que dans les
expériences relatées plus haut. Si, au heu d'introduire la lobélie dans un orga-
nisme sain, on la fait intervenir dans le traitement d'une maladie où elle a paru
être indiquée, on recueille certaines actions modificatrices opposées, en apparence
du moins, à certains résultats de l'expérimentation physiologique. Ainsi, admi-
nistrée, à doses minimes et fractionnées, par les médecins anglais et américains
contre les affections catarrhales de la muqueuse bronchique, loin de produire la
dysphagie et la sécheresse de la gorge, elle excite l'expectoration. Prescrite contre
certains états dyspnéiques, au lieu d'exagérer l'angoisse respiratoire, elle la di-
minue, elle la supprime même, non plus en déterminant une sensation de con-
striction du thorax, mais en amenant une détente dans le spasme qui enraye la
respiration, ou en excitant, non plus une contraction exagérée, mais le jeu nor-
mal des puissances auxihaires de cette fonction.
LOBÉLIE (emploi médical). IH
Le docteur Noacli (de Leipzig) pense que L^ lobélie enflée agit d'une manière
spéciale sur le système nerveux pneumogastrique, et que par suite elle exerce
une influence remarquable sur la membrane muqueuse des bronches. S'il est
wai, comme l'admet le professeur Germain Sée, que le nerf pneumogastrique
soit un nerf modérateur de l'impulsion donnée au cœur par les ganglions car-
diaques, et que tout agent qui excite ce nerf tend à diminuer cette impulsion,
l'irrégularité et le ralentissement circulatoire observés par Barrallier, justifie-
raient jusqu'à un certain point l'opinion de INoach. Mais la seule spécialité d'ac-
tion de la lobélie enflée sur le nerf pneumogastrique ne suffirait pas à expbquer
ses autres effets physiologiques et surtout ses effets thérapeutiques. Ceux-ci pro-
viendraient plutôt, à mon avis, d'une influence exercée sur le nert grand sym-
pathique, du moins lorsque l'on opère avec de minimes doses de lobélie enflée,
ainsi que semble le démontrer la contractilité excitée : dans les tibres lisses des
bronches, pour le cas des accès d'asthme ; dans les couches musculaires de l'in-
testin, ce qui peut expliquer les coliques, le relâchement du ventre, la réduction
d'étranglements herniaires ; dans les plans musculeuxde l'utérus, d'où se déduit
son opportunité comme agent obstétrical ; enfin, dans les muscles vasculaires,
comme le prouve son action mydriatiquc.
A doses élevées, à doses toxiques surtout, la lobélie enflée envahit incontesta-
blement le système nerveux cérébro-spinal ; de là des vomissements, des siiper-
purgations, des convulsions bientôt suivies d'une résolution générale des forces
avec sueurs profuses, parfois avec des symptômes de congestion du cerveau.
Alors aussi on peut voir survenir, au lieu de l'excitation salutaire de la contrac-
tilité des muscles, leur rigidité tétanique avec l'angoisse thoracique qui rappelle
celle pi'oduite par les strychnées.
Et ce ne sont pas encore les seuls phénomènes que cette plante éminemment
active puisse déterminer. Ainsi on la voit encore, d'après Elliotson {The Lancet,
25 février 1833; Gubler, Comment, the'rap. du Codex), provoquer des étour-
dissements, de la céphalalgie, de la toux, un fourmillement général sous la peau,
des douleurs aiguës dans les voies urinaires pendant la miction.
La lobélie enflée offre donc une échelle pharmacodynamique très-développée.
Elle présente, en outre, cette particularité d'avoir de frappantes similitudes
d'action avec d'autres plantes très-éloignées d'elle dans la série physiologique.
Ainsi, elle est vomitive comme l'ipécacuanha. Elle peut être maniée de façon,
néaimioins, à ce que l'on n'obtienne que des effets expectorants; elle est suscep-
tible aussi d'appeler la diaphorèse ; elle a cela de commun, comme le fait remar-
quer le professeur Gubler [loc. cit.), avec toutes les substances émétiques qui
excitent un état nauséeux favorable à la sécrétion des liquides buccaux et bron-
chiques ainsi qu'à celle de la sueur. Elle ralentit les mouvements du cœur,
comme la digitale, comme la vératrine : action qui n'a pas encore été assez re-
marquée, mais dont je crois que l'on pourra tirer quelque parti. Mais c'est sur-
tout avec les solanées vireuses qu'elle offre d'intéressantes ressemblances. Elle
provoque au sommeil comme la jusquiame, et paraît avoir des manières de cal-
mer qui, sous ce rapport, la rapprochent plus de cette solanée que de ses pareilles.
Elle délie la respiration comme le datura stramonium, auquel elle peut disputer la
prééminence dans le traitement des dyspnées. A l'instar de la belladone, elletend
à produire la sécheresse de la gorge, ladysphagie, des hallucinations, la dilatation
pupillaire ; elle excite la contraction des muscles de la vie oi'ganique, favorise la
liberté du ventre, l'émission urinaire, la parturition. Son alcaloïde a les carac-
748 LOBÉLIE (emploi médical),
tères physiques de celui du tabac ; la lobéline a des propriétés toxiques de bien
peu inférieures à celles de la nicotine ; elle donne à la plante qui la recèle la
faculté de remplacer le tabac dans l'usage de fumer, et, ce qui nous importe
plus, de lui servir, pour l'emploi médical, de succédané plus doux, moins dan-
gereux, avec une grande analogie dans l'effet thérapeutique. Enthi, quoique avec
un bien moindre degré d énergie, la lobéhe enflée se montre susceptible d'in-
fluencer la moelle épinière à la manière de la noix vomique, au point de convul.
ser, de tétaniser môme les muscles placés sous la dépendance des nerfs spinaux.
Action thérapeutique. Les indigènes du nord de l'Amérique emploient la
Lobélie enflée comme émétique. En France, Bidault de Villiers la proposa à ce
titre. (Notice sur l'emploi du Lohelki inflata dans l'astlime et comme émétique,
in Nouv. hihlloth. méd., V, "226.) Mais elle n'a aucun avantage sur les autres
substances vomitives, et elle a l'inconvénient de provoquer des vomissements vio-
lents au milieu d'un état nauséeux persistant et très-pénible, suivis quelquefois
de purgation, de sueurs copieuses, de débilitation extrême. II n'y a donc pas lieu
de patronner ce médicament comme agent de la médication vomitive.
C'est dans le traitement de l'asthme, et par extension contre toutes les dyspnées,
quelle qu'en soit la cause, qu'il paraît appelé à rendre le plus de services; non
pas qu'il doive on être considéré comme la panacée, mais il peut réellement, par
son action spéciale sur les puissances nervo-musculaires de la respiration, rendre
à cette fonction son libre exercice, ou diminuer au moins l'angoisse résultant de
tout obstacle qui la compromet. En général, les médecins qui ont fait usage de la
lobélie enflée disent avoir reconnu qu'elle réussit particuhèrement contre l'asthme
nerveux. (Voy. Journ. de chim. et de pharmacie, l, 454, 2^ série.) Toutefois, là
môme on cette névrose n'existe pas dans sa pureté, se complique par exemple de
catarrhe pulmonaire ou de lésion organique du cœur, la lobéhe peut encore être
utile , ne fût-ce qu'en soulageant momentanément. Plusieurs médecins an-
glais l'ont donnée contre d'autres maladies des organes respiratoires, les laryn-
gites, les bronchites aiguës et chroniques, la coqueluche, tant à titre de calmant
qu'à titre d'expectorant. BarrallierTa employée contre lad\spnéedes phthisiques,
contre celle des anémiques et des chloroliques, contre l'oppression qu'éprouvent
les sujets atteints de catarrhe pulmonaire, de maladies du cœur, de pneumonie,
de pleurésie ; et dans ces divers cas il a presque constamment vu les symptômes
dyspnéiques s'amender.
En dehors du cercle tracé par les dyspnées, et qui laisse déjà un champ assez
large aux applications de la lobélie, la thérapeutique n'a pas encore acquis de
preuves suffisantes de son utilité dans d'autres maladies.
Ainsi on l'a proposée contre les maladies convulsives, telles que la chorée, le
tétanos.
Le docteur Eberle a administré une fois, avec succès, une forte décoction de
cette plante, en lavement, dans un cas de hernie étranglée.
Aux Etats-Unis, le docteur Livezey a popularisé l'emploi de l'infusion, en injec-
tions, contre la rigidité du col utérin pendant le travail de l'accouchement; de
nombreux faits en faveur de l'efficacité de cette méthode ont été relatés dans
les journaux américains. Antérieurement, on l'y avait recommandé contre la
leucorrhée.
On a aussi, en Allemagne et en Angleterre, employé l'infusion de lobélie, en
fomentations, dans le traitement des plaies douloureuses.
En somme, il s'agit ici d'un médicament sérieux, trop peu expérimenté dans
LOBELIE (emploi médical). 749
notre pays, et qui demande une étude complète. Je m'en suis servi plusieurs fois
et.i'ai toujours eu à me louer, plus ou moins, de ses propriétés antidyspnéiqucs.
Malheureusement, je n'ai eu à ma disposition que la teinture alcoolique des feuilles
et je crois que, avec celle des semences, on arriverait à des résultats plus éner-
giques et plus constants. Je crois même qu'il faudrait varier davantage les for-
nmles et les expériences, préparer et employer comparativement poudre, infusion,
décoction, extrait, et cela tant à l'extérieur qu'à l'intérieur.
Un jour peut-être, la mode ou quelque spéculation y aidant, la feuille de lobélie
pourrait bien être accueillie par les fumeurs et lutter contre la vogue actuelle du
tabac. Alors surgirait une question d'iiygiène dont la solution n'aurait d'intérêt,
quant à présent, que pour quelques tribus sauvages de l'Amérique du Nord, à
savoir, si l'usage de la lobélie est plus ou moins dommageable pour la santé que
celui de la nicotiane.
Les doses et modes d' administration sont si mal déterminés qu'ils ne doivent
être indiqués ici que sous toutes réserves.
La poudre se donne, comme expectorant, à la dose de 5 à 20 centigrammes ;
comme émétique à la dose de 50 centigrammes à 2 grammes.
\i infusion ou la décoction se feraient sur 2 à 4 grammes de feuilles pour
obtenir des vomissements, à doses moindres si l'on voulait les éviter ; à doses
supérieures pour l'emploi externe.
La teinture alcoolique des feuilles au dixième se donnera progressivement de
50 centigrammes à 2 grammes, terme moyen \ gramme, par doses fractioiniées,
pour vingt-quatre heures; au delà il peut survenir des accidents, en présence
desquels on diminuera la dose, ou bien on la suspendra.
On peut enfin faire fumer les feuilles de lobéhe enflée, dans une pipe ou en
ci-^arettes, comme celles de datura, de belladone, de nicotiane; ce dernier mode
d'emploi ne paraît pas avoir été essayé dans la thérapeutique de l'asthme, et il
mérite de l'être; on peut y recourir, du reste, en même temps qu'à l'administra-
tion interne de la teinture de Lobélie, préparation la plus usitée jusqu'à présent,
2° Lobélie syphilitique ou aintisyphilitique, Lobelia sijphilitica. Pharmaco-
logie. Partie usitée, la racine. Celle-ci est d'une saveur d'abord sucrée, puis càcre
et nauséeuse persistante. Les racines sèches provenant du Nord-Amérique sont
orosses comme le petit doigt, d'un gris cendré, striées longitudinalement; la
cassure en est jaune, comme feuilletée, offrant beaucoup de cavités rayonnantes.
(Mérat et Delens.)
Boissel, qui a analysé cette plante, y a trouvé : une matière grasse, de consis-
tance butyreuse ; une matière sucrée; du mucilage ; du malate acide de chaux et
du malate de potasse; des traces d'une matière amère très-fugace; quelques sels
inertes et du hgneux. {Journal de pharmacie, t. X, p. 623, 1824.)
La racine de Lobelia syphilitica, importée autrefois de l'Amérique septentrio-
nale (on paraît avoir peu utilisé celle de la plante que l'on a acclimatée dans nos
jardins d'Europe : aurait-elle moins de vertus?) s'employait particulièrement en
décoction; on en faisait aussi parfois une teinture alcoolique et un extrait.
Emploi médical. Les indigènes du Canada, dès avant leurs relations avec les
Européens, considéraient et appliquaient cette plante comme un spécifique anti-
vénérien. Selon les uns, Johnson, médecin anglais qui vivait au milieu d'eux,
surprit ou acquit ce secret et le transmit au voyageur suédois Kalin ; selon
d'autres, la révélation en fut faite, par un vieux cl.ef de sauvages, à Kalm. Tou-
jours est-il que c'est ce dernier qui donna la première publicité à ce remède anii-
750 lob:
syplulitique dont il crut pouvoir certifier l'efficacité. {Description d'un spécifique
contre le mal vénérien, in Mém. de J'Acad. de Stockholm, XII, 1750, traduit du
suédois et inséré dans l'ancien Journal de médecine, t. XII, p. 174.) D'autres voya-
geurs vinrent bientôt confirmer ses éloges. La racine canadienne était déclarée
susceptible de guérir aussi bien, sinon mieux que le mercure, et même encore
plus rapidement, tous les symptômes de la syphilis. Le traitement consistait en
une décoction qui se buvait largement, en même temps qu'on l'opposait localement
à toutes les manifestations extérieures du mal.
La racine de Lobelia syphilitica, à faibles doses, agit comme diurétique, à
hautes doses comme éméto-cal har tique ; on lui attribuait aussi des propriétés
sudorifiques. Peut-être la purgatioii qui survenait sous l'iafluence de son emploi,
dans la méthode canadienne, contribuait-elle à une sorte de dépuration dont béné-
ficiait la diathèse syphilitique. Néanmoins, malgi-é l'appui donné à cette nouvelle
médication vers le milieu du dix-huitième siècle, par Kalm et Linné en Suède,
Havermann en Allemagne, Dupau en France [Journal de Paris, 1780), elle ne
put prévaloir contre l'usage des mercuriaux et finit par être complètement mise
de côté. Desbois de Rochefort dit l'avoir vu essayer sans beaucoup de succès. {Mat.
méd., t. II.) Tout au plus serait-il admissible, et quelques anciens praticiens en
avaient ainsi jugé, que la racine de lobélic fût utile à titre d'adjuvant dans les
traitements antisyphditiques, à l'instar de la salsepareille, et susceptible de servir
de succédanée ii celle-ci.
La racine de lobélie sypliilitique se prescrivait depuis 15 jusqu'à 30 grammes
par jour, en décoction, pour 1 ou 2 litres d'eau ; l'extrait de cette racine, à la
dose de 10 à 20 centigrammes par jovu\
0° La Lobélie brûlante, Lobelia iirens, ainsi nommée parce que le suc laiteux,
acre et caustique, commun à toutes les lobéHes, est dans celle-ci plus abondant
et plus actif encore que dans les autres, a été, par suite de cette activité même,
essayée dans la médecine populaire de nos contrées contre les fièvres opi-
niâtres. (Bonté, ancien Journal de médecine, t. XIV, p. 550.) Mais si parfois
les fièvres ont guéri, plus souvent sont survenus de graves accidents gastro-intes-
tinaux.
Bodard {Cours de botanique comparée, Paris, 1810, 1. 11, p. 144) l'a conseillée
comme succédanée du gaïac et de l'espèce précédente, L. syphilitica, dans le
traitement de la syphilis ; peut-être en effet son énergie supérieure la rendrait-elle
plus utile dans cette maladie ; mais, même en la dosant avec plus de réserve,
peut-être aussi courrait-on plutôt le risque d'accidents sans profit, que la chance
d'avantages réels.
C'est le suc laiteux de la lobelia urens que Bodard conseillait en pareil cas,
depuis demi-grain jusqu'à un grain de ce suc, tempéré avec quelque substance
acide ou mucilagineuse, en augmentant peu à peu suivant l'effet.
Quelque oubliées que soient aujourd'hui les deux plantes dont il vient d'être
question {L. syphilitica et L. urens), il pourrait être avantageux de les expéri-
menter, ne fût-ce qu'en désespoir de cause, contre certaines dermatoses invétérées,
notamment les syphilides, qui ont résisté aux pi'éparations de salsepareille, aussi
bien qu'aux autres altérants ou dépuratifs, tant végétaux que minéraux. JVous
dédaignons peut-être trop aujourd'hui, pour des substances minérales très-actives
et fort recommandables sans doute, des plantes non moins actives qu'ont su uti-
liser nos prédécesseurs.
Toxicologie. Les lobélies sont plus ou moins toxiques. Leur suc, acre et
LOBEKA. 751
corrosif, agit localement comme poison irritant; l'absorption de ses principes et
de ceux des autres parties de la plante produit des phénomènes généraux, plus
graves encore, et dont les principaux: caractères ont été indiqués en parlant de
Vaction physiologique {votj. plus haut) de la lobélie enflée.
Si un cas d'intoxication de cette nature se produisait, spécialement par la lobélie
enflée, il faudrait recourir d'abord au tannin ou à une préparation tannifère, afin
de tacher de précipiter et d'amener à l'état de combinaison insoluble la lobéline
dans l'estomac, puis faire vomir.
Si les symptômes de l'intoxication avaient pris leur cours, on leur opposerait
les moyens ordinairement mis en usage contre les accidents déterminés par les
Solanées, en se guidant par ailleurs, et comme dans tout empoisonnement, d'après
la nature des symptômes et l'état du malade. L'analogie d'action de la lobélie avec
le tabac autoriserait à employer le calé, lequel est, dans une certaine mesure, an-
tagoniste du tabac. Mais une analogie d'action non moins marquée avec la bella-
done justifierait l'essai de l'opium, antagoniste si remarquable de la belladone;
il y aurait, en pareil cas, une intéressante expérience à instituer. S'il survenait
enfin des phénomènes convulsifs et tétaniques, nous conseillerions, ainsi que contre
le strychnisme, les inhalations, soit de chloroforme, soit d'éther, et l'éther à hautes
doses en potion.
Dans les expertises médico-légales, il nous semble que l'on pourrait se compor-
ter, pour la recherche de la lobéline, comme pour celle de la nicotine dans les cas
d'empoisonnement par cet alcaloïde ou par le tabac. {Voy. ces mots.)
D. DE Savignac.
liOBÉLl.^E. Extrait de la lohélia inflata; oléagineuse; très-solublc dans
l'eau, l'alcool et l'éther; en partie volatile. [Voy. Lobélie.) â. D.
LOBERii. (Luiz) ou Llobera de âvila. Se trouve mentionné par plusieurs
historiens et bibliographes sous ce nom de Avila, qui est celui d'uue localité de
la Castille vieille, où il vint au monde vers la fin du quinzième siècle. On croit
qu'il fit ses études médicales en France, et, ici, Morejon, l'historien delà médecine
en Espagne, commet une singulière méprise. Au commencement d'un livre sur
i'anatomie, Lobera a placé en note marginale, autour du texte espagnol, pres-
que tout le chapitre écrit en latin sur cette science par Guy de Chauliac, et dans
lequel le chirurgien de Montpellier parle de son maître Bertruccius [voy. Ber-
TRUCCio). Morejon, qui ne s'est pas aperçu de cette addition, la rapporte à
Lobera et se demande sérieusement quel peut être ce Bertruccius?,.. Quoi
qu'il en soit; de retour en Espagne, Lobera se livra pendant quelque temps à la
pratique de son art, à Ariza; mais bientôt, appuyé par le crédit de don Juan de
Palafox, il prit du service dans les armées de Charles-Quint, dont il parvint à cap-
tiver la confiance et dont il devint le premier médecin. 11 suivit ce prince dans ses
campagnes et dans ses voyages en Europe et même en Afrique, et rassembla de
nombreuses observations. Voulant reconnaître l'accueil bien\ cillant que lui avaient
fait les grands personnages qui entouraient l'empereur, il écrivit un Traité des
maladies des gens de cour; il les rapporte à quatre principales qui sont : le ca-
tarrhe, la goutte, la pierre et... la maladie vénérienne, désignée sous le nom de
bubons. Cette dernière partie est fort intéressante; outre les bubons, dont il flùt,
l'un des premiers, un des symptômes de la syphihs, il s'occupe des abcès du
périoste avec carie de l'os ; insiste beaucoup sur l'usage des frictions mercu-
752 LOBSTEIN (les).
rielles à l'intervalle de deux jours, sur l'utilité du gaïac, etc. Lobera a écrit sur
le ré<^ime, sous le titre assez original de Banquet de cavaliers. On ignore l'époque
de sa mort.
Il a laissé les ouvrages suivants :
I. Remédias de cuerpos humanos, ysilvadc esperiencias, y otras cosas idilissimas. Alcala
Je Ilenarès, 1542, in-fol. (C'est dans le livre I, qui traite de l'anatomie, que se trouve l'in-
tercalation du chapitre de Guy de Chauliac.) — II. Vergel de Sanidad, que per otro nombre
se llamava, Banqueté de Cahallcros, etc. Alcala, 1542, in-fol. — III. De pestilencia Libro
del reghniento preservativo y curaUvo, etc. A la suite du précédent, sans lieu ni date (pro-
liablement à Alcala, 1542), in-fol. — IV. Libro de las cuatro infcrmedades cortesanas que
son : Catarro; gota artetica, sciatica ; mal de Picdra; y mal de biibas. Toledo, 1544, in-fol.
Trad. ital. par P. Lauro. Venezia, 1558, in-8°. — V. lAbro de esperiencias de medicina, y
muy agrobado por sus efectos. Toledo, 15i4, in-fol. — VI. Libro de regimiento de la salud,
y de la esterilidad de los hombres y Meyeres. Valladolid, 1551, in-fol. E. Bgd.
liOBES (Edm. Vinc. Guldener von). Naquit à Pilsen (Bohème) en 1765, et
prit le bonnet de docteur à Prague en 1785, Après avoir longtemps pratiqué
à Vienne où il avait le titre de médecin pensionné, il devint ensuite proto-mé-
decin de la Basse-Autriche, et mourut le 3U mars 1827. Lobes était un observa-
teur distingué ; on lui doit un important travail sur la gale, dont il avait recueilli
les éléments à Prague, dans la maison de force de cette ville.
I. Posifioncs medicce. Prag', 1783. — II. Beobachlmigen ûber die Krâtze, gesammelt in
deni Arbciishause zu Prag. Ibid., 1791, in-S", et ibid., 1795, in-8°. — III. Sammhing der
Saniluls-Verordnungcn fur das Herzogthuni Oesterreich, etc., enlhaltend die Vcrordnungen
vovi Jahre 1807 bis Ende d. Jahres 1824. Wien, 1824-1823, in-8°, pi. 1. E. Bgd.
LOB§»TEiiv (Les). Famille de savants qui adonné à Strasbourg deux de ses
plus grandes illustrations.
Lobstein (Jean-Frédéric). Naquit le 30 mars 1736 à Lampertheim, près de
Strasbourg. Après de solides études médicales dans cette dernière ville, et qui
eurent surtout l'anatomie pour objet, il prit le bonnet de docteur en 1760, et fit
quelques voyages scientifiques en France et en Hollande. Étant revenu à Strasbourg,
il commença des cours d'anatomie et avec un succès tel, qu'en 1764 il fut nommé
démonstrateur public; quelques années après il passe professeur extraordinaire
d'anatomie, en même temps que la mort d'Eisemann le mettait en possession de
la chaire de chirurgie. Ces diverses fonctions et la pratique civile occupèrent tous
ses instants jusqu'à sa mort, arrivée en 1784; il n'avait alors que quarante-huii
ans.
Lobstein était réputé pour son habileté comme chirurgien, il avait surtout
conquis une grande renommée pour ces opérations de la taille et de la cataracte,
que les chirurgiens du moyen âge abandonnaient aux opérateurs ambulants.
Malgré la roideur de son caractère, l'estime dont il jouissait était tellement pro-
fonde que, par deux fois, il fut désigné pour les tonctions de recteur de Tuniver-
sité de Strasbourg, et que dix fois il présida les actes de la faculté de médecine
en qualité de doyen.
Absorbé par ses nombreuses occupations, Lobstein a peu écrit par lui-même :
outre les dissertations qui lui servirent d'actes probatoires et que nous allons
mentionner, il avait composé des ouvrages {Anaiomicœ institutiones, et Commen-
tarii physioîogici) qui servaient de base à ses leçons. Ces deux ouvrages n'ont
pas été publiés. Mais ses découvertes, ses idées n'ont pas été perdues pour cela,
elles ont été exposées par ses élèves et se trouvent dans une cinquantaine de
LOBSTEIN (i.Es) 753
thèses soutenues sous sa présidence. Des dissertatious composées par lui la pre-
mière est intitulée : De prohalis'^ima extrahendi calculum methodo. Argen-
torati, 1759, in-/i°; et l'autre, De nervo spinali ad pAr vagum accessorio, ibid.,
1760, in-Zi» ; réimprimée dans le Thésaurus de Sandifort.
i^ohMein (Jean-Frédéiuii-Uaniel). Fils du précédent. Nous devons en parler,
bien qu'il n'ait pas fait beaucoup d'honneur à la famille, parce que ses écrits ont
été confdtidus par quelques bibliographes avec ceux de son illustre cousin, qui va
nous occuper bientôt. Daniel était né à Strasbourg en 1777 et fut privé, bien jeune
encore (en 178Zi) de l'appui et de la direction de son père. Il remplissait déjà
les fonctions de uiédecin et d'accoucheur adjoint à l'iiospice de Strasbourg, quand
il vint à Paris, au commencement ds ce siècle, pour suivre les leçons d Alph. Leroy
et de Baudclocque, et se faire recevoir docteur, dans cette même ville, le 4 ven-
démiaire an XII; il élait alors membre de la Société médicale d'émulation. Pendant
toute la durée de l'cmpive, il suivit les armécis en qualit'i de chirurgien mili-
taire et retourna à Strasbourg vers 1815. Là, malgré un savoir très-réel, une
intelligence incontestable et le nom (ju'il portait, il ne fit que végéter. D'après
une note que je dois à l'obligeance de notre savant collaborateur M. Tourdes,
Daniel Lobstein s'établit bandagiste, mais son d'^faut d'ordre et ses prodigalités le
conduisirent à la ruine ; il fit faillite et so réfugia eu Auicriqtie, à New-York, oii
il traîna péniblement son CNisteiice dans un état voisin de la misère, jusqu'à
l'époque de sa mort, vers 1840.
Il a laissé :
I. Leçons du cit. Alph. Leroy sur les pertes de smtfj pendant la grossesse, lors et à la
suite de l'accouchement. Paris, an IX, in-8°. — II. Dissertation sur la fièvre puerpérale.
Thèse de Paris, anXII, n'ôS. — III. Recherches et observations sur le phosphore. ^Xvash.,
1815, in-S». — IV. Traduction du Traité de Lœbenstein-Lœbel sur l'usage et les effets du
vin. Strasb., 1817, in-8°, et du même auteur, Tableau de la séméiotique de l'œil à l'usage
des médecins. Strasb., 1818, in-S°,
Lobstein (jEAN-GEORGES-CHRÉTiEN-FRÉDÉnic-MARTiî«). Ncvcu de Jean-Frédéric
et cousin du précédent, célèbre chirurgien et anatomo-pathologiste, naquit à
Giessen le 8 mai 1777. Sa famille étant venue vers 1790 habiter Strasbourg, il se
voua, à l'étude de la médecine. Entraîné par les événements de cette grande
époque, il assista, pendant quelques années, comme chirurgien militaire, aux
premières caïupagnes sur le Rhin, puis il revint à Strasbourg oii il se fit rece-
voir docteur en 1802; il était déjà, depuis 1799, professeur à l'École de méde-
cine de cette ville. En 1804, il possédait le titre de médecin accoucheur adjoint
à l'hôpital civil de Strasbourg, titre qu'il échangeait pour le grade de titu-
laire en 1806. Malgré son mérite exceptionnel, il succomba, en 1814, dans la
compétition de la chaire de médecine légale, devant un adversaire que recom-
mandaient surtout des titres antérieurs, devant Fodéré. Cet échec, si c'en esl
un, fut bientôt réparé ; Cuvier, juste appréciateur des rares talents de Lobstein,
fit créer pour lui la chaire de médecine légale oîi il monta en 1819. Deux ans
après, à cette chaire, il joignait celle de pathologie interne, double enseignement
qu'il mena de front avec le même zèle et le même succès. Lobstein succomba le
7 mars 1835, à peine âgé de cinquante-huit ans, aux progrès d'une maladie des
reins compliquée d'accidents diphthériques.
Lobstein a donné une vive impulsion à l'anatomie pathologique qu'il envisa-
geait d'une manière large et tout à fait scientifique. Suivant lui, ce n'est pas l'or-
gane altéré mort que le médecin veut connaître, c'est cet organe vivant, agis-
mCT. EHC. 2' s. II. • " -48
754 LOCALISATION MORBIDE.
sant et exerçant les fonctions qui lui sont propres. 11 fait donc intervenir la
pbysiologie, c'est-à-dire Vhisloire de la vie envisagée dans toutes ses conditions
pour éclairer les questions qui se rattachent à l'origine des maladies organiques.
Il a ainsi réuni l'histoire biologique ou vitale des organes malades à leur histoire
aualomique. La marche qu'il a suivie est celle de Bichat : décomposer l'organe
alléré en ses tissus élémentaires ou primitifs, et, pour en étudier les propriétés vi-
tales, se rappelant celles qui appartiennent à chaque tissu, déterminer si ces
propriétés étaient exaltées ou affaiblies , perverties ou entièrement éteintes.
Mais comme les propriétés vitales, isolées dans les tissus primitifs se trouvent
pour ainsi dire noyées dans les propriétés spéciales d'organes dont la structure
est plus compliquée, les considérations générales sur les propriétés des tissus pri-
mitifs seraient insuffisantes pour la partie raisonnée de l'anatomie pathologique et
incapables d'en hâter les progrès. On n'atteindra ce but, suivant lui, qu'en réunis-
sant les observations cliniques les plus précises aux expériences physiologiques
les mieux constatées.
On a de Lobstein :
I. Recherches et observations anatomico-physiologiques sur la j^osition des testicules dans
le bas-ventre du fœtus et leur descente dans le scrotum. In Arch. des accouchements, de
Scliweighauser, t. I, p. 269; 1801, et Strasbourg, 1801, in-8°. — II. Notice sur une distti-
bution particulière des vaisseaux du cordon ombilical. Ibid., p. 520. — III. Essai sur la
nidriiion du fœtus. Th. de Strasb., an X, n° 11, in-4°, pi. — IV. Rapp. sur les travaux
exécutés à Vaniphitliéâtre d'anatomic de Strasbourg pendant le \" semestre de l'an Xll.
Strasbourg-, 1805, in-4° ; ibid., 1804, in-4''. — V. Nachricht iiber eine Privat-Entbindungs-
Atistnlt. In Siebold, Lucina, t. I, p. 250, 1803. — "Vl. Fragment d'anatomie pathologique
de l'organisation de la matrice dans l'espèce humaine. In Magas. encyclop., an 1805, et
Paris et Strasb., 1803, in-S". — VU. Obs. anatomico-physiologiques sur la circulation dit
sang dans l'enfant qui n'a pas respiré. Ibid., 1804. — VIII. Mém. sur l'ossification des
artères. In Mém. de la Soc. d'agric. et des se. et arts. 1811. — IX. Mém. sur la nature et
Vimportanee de la sueur habituelle des piicds. In Journ.de Corvisart, t. XXXIY, p. 162;
1815. — X. Note sur une espèce particulière d'hémorrliagie qui succède quelquefois à l'ac-
couchement. Ibid, t. XXXV, p. 71 ; 1816. — XI. Mém. sur la première inspiration de l'enfant
nouveau-né. Ibid., p. 298, — XII. Observât, d'accouchements recueillies, etc. Ibid.,
. XXXVI, p. 125, 219 ; 1816. — XIII. Obs. d'anat. comparée sur le phoque à ventre blanc.
Ibid., t. XXXIX, p. 20; 1817. — XIV. Ann. cliniques d'accouchements, de maladies des
femmes, etc. Ibid , t. XL et XLI, 1817. — XV. Sur l'inclinaison vicieuse du bassin de la
femme considérée comme cause d'accouchement laborieux. In Bull, de la fac. de méd.,
t. II, 1817 (rapp. de Dubois et Desormeaux). — XVI. Vues générales sur l'anatomie patho-
lorjique. In Journ. compl. des se. méd., t II, p. 3, 311 ; 1818. — XVII. Discours sur la
prééminence du système nerveux dans l'économie animale. Strasb., 1821, in-8'' — XVIII. De
nervi sympathetici humani fabrica, usuet morbis, commentalio, etc. Paris, 1825, in-4°, pi. 10.
— XIX. Handbuch der Hebammenkunst zum Gebrauche fur seine Vorlcsungen, etc. Stras-
bourg, 1827, in-S». — XX. Traité d'anatomie pathologique. Strasb., 1829-33, 2 vol. in-8''
atlas. — XXI. Divers articles sur quelques points d'anatomie pathologique ou de clinique
dans le Répertoire de Breschet, l'article Trisplanchnique nerf dans le Dictionnaire des se
méd., etc., etc. E. Bgd.
LOCALISATIOI^ MORBIDE. On appelle localisation, en pathologie, la
d;:termination d'accidents en un point particuher de l'organisme, sous l'influence-
d'un état morbide antérieur et plus général ; soit que cet état morbide s'étende à
l'économie toute entière, comme dans la diathèse ; soit qu'il occupe seulement
la totalité ou une grande partie de l'organe au sein duquel se produira consécu-
tivement une lésion circonscrite, comme dans le cas d'une vaste congestion pul-
monaire amenant ou laissant après elle un point d'hépatisation.
Le fait de la localisation a servi de base à une doctrine qui assigne à toute ma -
ladie, quelque générale qu'elle soit, un point de départ dans une altération ana-
LOCHE. 755
tomique locale. C'est, comme on le voit, mie dépendance delà doctrine de l'ana-
tomisme. {Voij. ce mot et Organicisme.) A. D.
LOCATELU (Louis). Né à Bergame dans le Lombard-Vénitien, à la fin du
seizième siècle, célèbre praticien de Milan, ce médecin fut nn partisan enthou-
siaste de la secte chimique; aussi inventa-t-il plusieurs remèdes parmi lesquels il
en est un qui est resté dans nos dispensaires. On prescrit encore quelquefois au-
jourd'hui, pour le pansement de certaines plaies de mauvaise nature, le bamie
deLocatel, composé d'huile d'olive, de cire jaune, de vin de Malaga, de térében-
thine, de santal rouge et de baume du Pérou. Louis Locatelli, qui sauvait si bien
les autres au moyen de son iatroehimie, ne put cependant se préserver de la peste
qui l'enleva à Gènes, en 1657, à la fleur de l'âge. On ne lui connaît que cet ou-
vrage
Theainim Arcanorum ckemicorum, swe de Artc chemico-medicâ, Tractatus exquisitissi-
mus. Francof., 1656, in-8°. A. C.
Î.OCIIE. Nom vulgaire des diverses espèces de Limaces.
LOrnE. Genre de Poissons, à chair comestible, de l'ordre des malacoptéry-
giens abdominaux et de la famille des Cyprinides, établi par Linné, et adopté par
tous les ichthyologistcs. Les Loches ont le corps allongé, couvert d'écaillés très-
petites, et enduit d'une matière gluante; la tête petite, avec les yeux rapprochés;
les lèvres épaisses, entourées d'appendices charnues ou barbillons ; des dents
pharyngiennes nombreuses, disposées sur une seule série de chaque côté ; l'ou-
verture des ouïes, peu fendue, ouverte seulement jusqu'à la nageoire pectorale;
enfin, une seule nageoire dorsale, la nageoire caudale plus ou moins arrondie à
l'extrémité.
Il existe en France trois espèces de ce genre qui habitent exclusivement les
eaux douces. Ces poissons, de petite taille, offrent un fait physiologique très-
remarquable, en ce que la respiration branchiale paraît être chez eux insuffi-
sante, et le canal intestinal remplit la fonction d'un deuxième organe respira-
toire. Les Loches avalant de l'air par la bouche à la surface de l'eau, cet air,
expulsé par l'orifice anal, se trouve converti en acide carbonique. Ce fait, observé
sur la Loche d'étang par Erman (de Berlin), en 1808, a été confirmé par
G. Bischof et par de Siebold.
Les Loches, surtout la Loche d'étang, produisent une sorte de sifflement,
dont la physiologie n'a pas encore rendu compte. Elles montent à la surface des
eaux quand le temps est lourd et orageux.
Loche franche [Cobitis barbatula Linn. E. Blanchard. Les Poissons des
eaux douces de la France, p. 280, fig. 52 et 55, 1866). La plus commune
en France, connue sous les noms vulgaires de Rion, Barbotte, Barbette, Petit-
Barbeau, Franche-Barbotte, Dormille, Montode, Blontelle, Mulette, Moustache.
Corps allongé, arrondi, de 8 à 1 0 centimètres de long ; tète assez massive, le
reste du corps avec des taches et des points bruns irréguliers, sur un fond d'un
brun jaune clair; six barbillons, deux à la lèvre supérieure et quatre à l'infé-
rieure, les deux latéraux plus longs ; — se plaît dans les ruisseaux et près des
rivages où l'eau est peu profonde ; très-craintive, se cache au moindre bruit ;
nourriture consistant en vers, insectes aquatiques, petits mollusques; fraie en
mars et avril.
756 LOGHNEK (les trois).
Loclie de rivière {Cobitis tœnia Linn. E. Blanchard, loc. cit., p. 285, fig. 54),
dont les noms vulgaires sont Lotte, Barbotte, Chatouille, Satouille, Grande-
Montelle. Corps comprimé, de 45 à 18 centimètres de longueur; une épine
bjfurquée et mobile en avant de l'œil de chaque côté, placée dans une petite
fissure de la peau. Couleur jaunâtre, avec quatre séries de taches et de points
noircàlres en dessus, les plus grandes au-dessous de la hgne latérale; six bar-
billons, moins volumineux que chez la Loche franche. La Loche à queue tachetée
de Hollande (C spilura) n'est qu'une variété de cette espèce propre à la Mo-
selle; — vit dans les eaux courantes, bien moins commune que la précédente. ;
Loche d'étang {Cobitis fossilis Linn. E. Blanchard, loc. cit., p. 289, lîg. 55 l
et 56). Vulgairement Misgurne, Loche de marais; en Alsace Miirgrnndel ou
Goujon grondant, Corps un peu comprimé, long de 20 à 25 centimètres, cou-
leur d'un brun verdàtre ou jaunâtre sur le dos et la tête, avec deux larges
bandes noirâtres sur les côtés, une ligne plus étroite et brune au-dessus des
précédentes; dix barbillons, quatre à la lèvre supérieure, un à chaque commis-
sure buccale, et quatre très-petits à la lèvre inférieure ; nageoires peu dévelop-
pées relativement à la grosseur du corps. — Espèce propre aux étangs de la
Lorraine et de l'Alsace, vit dans les endroits vaseux, et fraye pendant les mois
d'avril et de mai.
La chair de la Loche franche est très-estimée, elle est grasse et délicate. Dans
certames contrées on engraisse les Loclies avec du sang caillé, et on les conserve
dans des fossés ou de petites rivières. La Loche de rivière est coriace et difficile à
manger, à cause de ses nombreuses arêtes. {Voy. Poissons.)
A. Labodlbène.
LOCDER (Les). H y a deux médecins de ce nom qui ont laissé quelques ou-
vrages dignes d'être connus.
Locher (M.ixiMiLiEN), médecin d'un des hôpitaux de Vienne, a publié :
I. Observafiones practicœ circà luem veneream, epilepsiam et maniam, et circà ciculœ
usum. Vienne, 1762, in-S". — II. Observationes ■practicœ circà inoculât ionem variolarum in
neonatis instilutam. Yienne, 17C8, in-8°.
Lrocher (Jeak-Georges), né à Zurich en 1759, mort dans cette ville en 1787,
après avoir été membre du grand conseil, a laissé ces deux opuscules :
.1. Dissertatio de secretione glandularum in génère. Leyde, 1761, ia-i». — II. Verzeich-
niss einiger essbaren Pflanzen, die dem Landmann zur Nahrung dienen. Zurich, 1771, in-S"
A. C.
liOCHIES (lo^sta, accouchement; Xo/eîoç, qui a rapport à l'accouchement;
"ko-xjaz, temme en couches). Écoulement sanguinolent qui a lieu après l'accouche-
ment. [Voy. Couches.) A. D.
LOCHi\ER (Les trois) .
Locimer (Michel-Frédéric), le plus célèbre, né à Turlh, près de Nuremberg, le
28 février 1 662, mort le 15 octobre 1720, s'est surtout fait connaître par ses tra-
vaux en botanique; docteur d'Altort (1684), membre du collège des médecins de
Nuremberg (1685), médecin de l'hôpital de cette ville (1712), membre de l'Aca-
démie des curieux de la nature, sous le nom de Périandre, il passa la plus grande
partie de sa vie dans l'étude des plantes, et Scopoh lui dédia, sous le nom de
Lochnera un genre placé aujourd'hui parmi les Apocynées. On connaît de Michel-
Frédéric liOchner les ouvrages suivants :
LOCOMOTION. 757
!.. Disserlalio de nymphomania. Alldorf, 1084, in-8°. — II. Memoria J. Michealis Fehr ,
AltQorl, 1690, in-4°. — lll. Mv7/.ov«7ro:£yvioy, seii papaver ex omni antiquitate erutum.
Nuremb., 1713, in-4°. — IV. Mungos animalculum et raâix. INureinb., 1715, in-4°. — V.
Nerium, seu rhododaphne veterum et rcccnlïorum, quo Ainyci lauriis, saccharum athaschar,
planta hadsamur, et daphne comtantiniana expUeuntiir. Nuremb., 1710, in-i». — VI. De
Ananasû, sive Nuce pineâ, indicâ, vulgo jnnhas. Nuremb., 1710, in-4°. — VII. Dissertatio
de novis et exoticis theœ et coffeœ succedaneis. Nuremb., 1717, in-4". — Vlll. Belilli indi-
cum. Nuremb., 1717, in-4°.
Lochncr (Jean-IIenri), fils du précédent, mort le 2 janvier 1715, avait laisse
un manuscrit que le père a publié sous ce titre :
Rariora Miisœi Besleriani. Nuremb., 1716, in-fol.
Loclmer ( Wolffgang-Jacques) , ne nous est connu que par cette dissertation :
Deprœcipuis sanguinis qualitatibus ad nutritionem corporis humani facientibus. llerolds-
berga-Norico, 1741, in-4'', rlanches. A. C.
LOCOMOTION. Ce terme étant le plus général parmi ceux emjiloyés pour
designer les questions qui ressortissent à la mécanique de l'être vivant dans les
actes de la vie de relation, nous groupons sous ce chef toutes les questions qui
se rapportent à ce vaste sujet, comme celles qui auraient trouve naturellement
leur place aux mots : attitudes physiologiques, station, mouvement, équili-
bre, etc., etc.
I. Statique animale ou étude de L'ÉQuiucnE de repos. 1 . Conditions sta-
tiques du décubitus. Quand un animal, quadrupède ou bipède, est couché, qu'il
repose sur le sol, la masse de son corps, considérée comme un bloc inerte, dont
la forme correspond à une certaine relation de tonicité entre son enveloppe exté-
rieure et le contenu de cette envaioppe, se trouve en contact avec le sol par une
proportion considérable de sa surface, proportion- en rapport elle-même avec la
l'orme de la masse.
Le maintien de ces rapports de contact n'a, comme pour un corps inanimé,
d'autres facteurs que la gravité d'une part, les frottements qu'elle développe sur
la surface d'appui, et de l'autre, la tonicité de tissu des éléments qui froment le
corps animé.
Aucune force active, développée sous l'influence de l'instinct ou de la volonté,
n'intervient dans ce* équilibre, entièrement passif
Tel est le décubitus.
La position que prennent les animaux en se couchant est extrêmement variée ;
les modifications qu'elle présente permettent de distinguer trois espèces princi-
pales de décubitus, savoir : le décubitus sternal, le décubitus sterno-costal et le
décubitus latéral comprenant plusieurs variétés.
Quant au décubitus dorsal, il est presque exclusif à l'homme, à cause de l'apla-
tissement de la poitrine et la largeur du dos et des reins, conditions qui manquent
à la généralité des autres animaux.
L'attitude du décubitus n'est pas également fréquente ni prolongée dans toutes
les espèces. Les carnassiers, les ruminants se couchent très-souvent, surtout
après le repas ; le cheval et les autres sohpèdes, à de rares intervalles ; l'éléphant
peut rester debout pendant des mois entiers. Nous ne parlons pas des animaux
dont l'attitude de repos diffère le plus souvent du décubitus. (Colin.)
2. De la station droite chez les animaux. De cette situation passive, l'ani-
mal veut passer à une attitude active, point de départ de tous les actes de sa vie
de relation. 11 s'élève alors du dccubitus à la station.
758 LOCOMOTION.
Cette station est quadrupède (ou quadrupédale, si l'on aime mieux) , bipède,
dans certains cas même, unipède. A l'instant où l'animal se dispose à réaliser ce
changement dans son attitude, il se trouve en présence d'une force qu'il doit
vaincre, la pesanteur. Comme moyens de lutter contre cette force et de lui faire
équilibre, il a ses membres, c'est-à-dire des leviers (os), diversement disposés, aux-
quels sont appliquées des forces d'une espèce particulière (muscles).
L'objet de ce chapitre est d'exposer les conditions de cette lutte et comment
en résulte la station droite en équihbre.
Voyons d'abord ce qui se passe du côté de la pesanteur ou de la résistance.
5. Du centre de gravité en général. Toutes les molécules égales d'un corps
pesant pouvant être considérées comme solhcitées par de petites forces égales,
parallèles et de même sens, on étend aux forces qui proviennent de la gravité les
lois qui conviennent aux forces parallèles appliquées à un assemblage de points
liés entre eux d'une manière invariable.
La première de ces lois consiste en ceci, que la résultante de toutes les forces
parallèles de la pesanteur leur est parallèle, c'est-à-dire est verticale.
En second lieu, elle est égale à leur somme.
On sait enfin que tout système de forces parallèles a un centre, c'est-à-dire un
point unique, par lequel passent continuellement leurs résultantes successives
lorsque l'on incline successivement tout le groupe de ces forces dans diverses
positions : il s'ensuit qu'il existe toujours, pour un corps pesant, un point unique
par lequel passe continuellement la direction du poids, lorsque l'on tourne suc-
cessivement le corps dans diverses positions à l'égard du plan horizontal.
Ce point unique, par lequel passe toujours la direction du poids, quelle que
soit la position du corps à l'égard du plan horizontal, se nomme le centre de
gravité.
4. De Faire ou base de sustentation. Un corps pesant n'est en équilibre
vis-à-vis de la gravité , autrement dit en repos, qu'autant que la verticale, pas-
sant par son centre de gravité, rencontre sa surface de contact avec le sol ou le
support horizontal — au cas où cette surface est continue, — ou tombe dans l'in-
térieur du polygone-, sans angles rentrants, qui encadre les différents points
d'appui du corps, s'ils sont multiples.
On comprend en effet que, s'il en était autrement, au moment même où le
centre de gravité cesserait d'être soutenu, le corps basculerait autour du dernier
élément rectiligne de son périmètre de contact avec le sol ou le support.
La surface du polygone, sans angles rentrants, qui embrasse tous les points
d'appui du corps sur le sol ou le support horizontal, s'appelle « Vaire ou la base
de sustentation. »
La condition d'équilibre qui permettra la station droite se formulera donc, au
point de vue de la pesanteur, comme il suit :
« La ligne de gravité doit tomber dans l'intérieur de la base de sustentation. »
5. Ce qu'est le vertébré au point de vue mécanique. Considéré au point
de vue des forces qui doivent faire équilibre à l'action de la gravité, le corps du
vei^tébré représente un ensemble de leviers se fournissant mutuellement appui, et
susceptibles de se déplacer les uns sur les autres dans des limites angulaires données.
Ces leviers sont constitués parles os.
Autour de ces leviers se trouvent disposées les forces destinées à les mouvoir.
Appliquées, dans la plupart des cas, en long tout autour d'eux, par suite du plan
même de la construction de l'animal, ces forces sont généralement insérées à l'os
LOCOMOTION. 750
qu'elles doivent mouvoir, sous des angles très-aigus. Cette disposition, très-favo-
■rable sous le rapport de l'étendue du mouvement produit ou de l'arc parcouru
par l'extrémité mobile du levier, est, au contraire, très-peu avantageuse sous le
rapjiort du bras de levier de la puissance ou de l'intensité d'action que doit
déployer la force motrice.
Quoi qu'il en soit, ces leviers et ces forces sont les instruments au moyeu des-
quels l'organisme devra faire équilibre à l'action de la pesanteur, la tenir en écliec,
pour réaliser la condition de statique qui vient d'être formulée, et celles de dyna-
mique que nous aurons à étudier à leur tour.
Ces forces ne sont d'ailleurs que d'une espèce.
On peut les envisager comme on ferait de cordes susceptibles de distension
passive de la nature de l'élasticilé, et de contraction active ou faculté de raccour-
cissement spontané, déterminée par un inlïux nerveux placé sous l'influence de
la volonté, de l'instinct ou des actions réflexes.
Le levier ou os, placé partout entre des forces musculaires disposées en rela-
tion mutuelle d'antagonisme, prend, en toute circonstance, une situation déter-
minée par le degré de la contraction ou du raccourcissement actifs de certains
groupes de muscles et la distension passive ou tonicité des groupes musculaires
opposés.
L'existence d'un certain état, dit « de situation fixe des muscles » et dans
lequel la situation d'équilibre des leviers animés pourrait être produite par une
sorte de répulsion moléculaire se manifestant dans le muscle en sens contraire de
son raccourcissement, et comme par une élongation active, ne repose sur aucun
fait d'observation. C'était là une simple production de l'esprit d'induction sco-
lastique.
Nous allons faire toucber du doigt cette vérité en jetant un coup d'œil sur les
forces motrices reconnues aujourd'hui comme seules aptes à naître et à se mani-
fester dans l'organisme vivant.
6. De la force motrice animale. La biologie ne nous révèle que trois états
qui réalisent le mouvement dans la série animale : le mouvement sarcodique ou
cellulaire, ou brownien ; le mouvement vibratile ou ciliaire ; le mouvement mus-
culaire.
Les deux premiers, du domaine exclusif de la vie de nutrition ou animale, se
passent dans les cellules ou à la surface des épithéliiims, et ne se manifestent
point par des déplacements ou translations de l'animal, ou des modifications dans
l'attitude de son ensemble. Nous ne nous en occuperons donc point dans cet ar-
ticle oii l'unique objet en vue est la locomotion pi'oprenient dite de l'animal.
Celle-ci est sous la dépendance exclusive du système musculaire.
Toute machine est un levier ou une association de leviers. La machine vivante
offre pour leviers les os, son squelette; pour forces motrices, le système musculaire.
Chaque levier ou os, avons-nous dit, se trouve constamment sollicité en diffé-
rents sens par différents groupes de muscles, et la direction qu'il affecte alors est
la résultante de ces actions diverses.
Ces actions sont de deux sortes, suivant que l'animal (ou le levier que l'on
considère) est au repos ou en mouvement.
La propriété du tissu musculaire qui maintient chaque levier dans l'équilibre
de repos consiste en une sorte de tension permane^ite du tissu ; c'est une force
de la nature de l'élasticité, mais d'une élasticité vivante, car elle disparaît par la
mort du sujet ou du muscle sur lequel on l'a constatée. On la met en évidence
760 LOCOMOTION.
par la section du muscle : on voit alors les deux bouts libres de la corde muscu-
aire s'éloigner l'un de l'autre. Elle se manifeste encore spontanément dans les
paralysies à divers degrés, par le mouvement qu'impriment alors au levier, sans
intervention de la volonté, les muscles antagonistes de celui paralysé.
La tonicité, c'est ainsi qu'on l'appelle, consiste donc en une tendance au rac-
courcissement, constante, insensible, involontaire, cessant avec la vie du sujet et
du tissu, en même temps que toutes les propriétés physiologiques de ce tissu.
L'étatd'équilibre de repos fait place à l'équilibre de mouvement ou dynamique,
lors de l'intervention de la seconde propriété, éminemment sensible, de la fibre
musculaire : la contractilité active.
Cette contractilité consiste dans le raccourcissement plus ou moins marqué de
la longueur du muscle, avec augmentation correspondante de son épaisseur ; c'est
une corde qui se raccourcit sous l'influence d'un excitant, comme la volonté,
ou tout centre d'influence nerveuse, comme les actions réflexes sympathiques ou
synergiques. Des excitants physiques sont également de nature à la faire apparaître,
l'excitation électrique, par exemple, la chaleur, de petits coups répétés, etc.
En dehors de ces deux propriétés, actives sous des formes et à des degrés di-
vers, le muscle possède en outre une certaine élasticité physique que montrera
encore le tissu privé de vie.
Voilà les forces dont les os seront les leviers, formule de tout système de
mécanique.
La contraction musculaire, dans son mode élémentaire, est un acte instantané,
une pure secousse. Cette contraction n'acquiert l'apparence et les effets d'un acte
de quelque durée que par la fusion de secousses successives qui disparaissent les
unes dans les autres, lorsqu'il s'en produit plus d'une trentaine par seconde.
(Marey.)
Le type le plus élevé de cet état ne serait autre chose que le tétanos.
Il semble r''sulter de là que la contrdctilité ne serait que la secousse imprimée
à .a lonicité, propriété vitale et permanente, par la cause, volonté ou autre, agis-
sant sur l'irritubilité musculaire.
La tonicité est donc la véritable base de la mécanique animale, contenant à la
lois son régulateur et son principal moteur; sur elle repose l'équilibre perma-
nent, stable. Les effets de la continuité d'action sur cette propriété sont peu ou
point marqués. La fatigue paraît ne suivre directement que la contractilité, c'est-
à-dire les secousses prolongées et répétées. On peut observer la difiérence de ces
deux états dans la façon dont les muscles obéissent à la volonté ou réagissent contre
l'électricité, soit après ou avant un long exercice, soit après une série plus ou
moins longue de secousses tétaniformes provoquées artificiellement.
Ces dernières, outre le sentiment de fatigue et d'accablement qu'elles laissent
après elles, ont en outre rendu le tissu impropre à obéir, avant pinson moins de
temps de repos, à de nouvelles excitations.
L'absence du sentiment de fatigue se reconnaît au contraire dans l'absence de
sensation inhérente à la contraction permanente (tonique) de certains muscles :
les sphincters, par exemple.
Le mouvement, déterminé par la contraction musculaire, se rattache, comme
tous les autres effets de ce même ordre, à la loi générale de l'équivalence des
forces physiques. Les muscles, l'analyse moderne le démontre chaque jour
plus positivement, transforment, au moment de leur contraction, en travail mé-
canique la chaleur produite dans les phénomènes de combustion connus sous le
Fis
LOCOMOTION. 701
nom de respiration musculaire. En un mot, le muscle n'est qu'une machine des-
tmée à convertir l'énergie potentielle (de la chaleur) en travail mécanique. A ce
pomt de vue, la machine animée ne diffère point des autres machines, et a sa
place, comme organe intermédiaire dans les échanges ou transformations de
forces qui composent le système du monde.
1. Équilibre en station des quadrupèdes. Quand nous regardons un qua-
drupède debout, dans l'immobilité, nous observons que l'axe de son tronc est
plus ou moins horizontal,
sa tète suspendue soit re-
dressée, soit pendante, à
l'extrémité et dans le pro-
longement de cet axe, et
que le tout repose sur quatre
membres qui sont tout au-
tre chose que des colonnes
droites (fi g. 1).
Envisagés d'une manière
générale, ces quatre mem-
bres représentent une série
de leviers coudés en zig-
zags , c'est-à-dire faisant
chacun avec le précédent
(et le premier avec le tronc, comme le dernier avec le sol) nu angle très-accusé sur
l'horizontale ou sur la verticale. D'après les principes de la statique, le poids du
corps, partagé suivant une certaine loi entre les quatre sommets de ces supports,
est transmis par chacun d'eux, d'articulation en articulation pour arriver ainsi
intact au sol lui-même. Nous supposons ici, il est sous-entendu, les membres
eux-mêmes sans pesanteur.
Cette loi de partage du poids du corps entre les soumiets des quatre membres
est une loi exclusivement géométrique, et qui règle la part de chacun d'eux, sui-
vant la raison iirverse de sa distance au centre de gravité du troue.
Nous venons de dire tout à l'heure (§ 5) que, dans toute circonstance, un
levier quelconque du corps affectait une position déterminée par l'antagonisme
des groupes musculaires destinés à le mouvoir.
Dans le cas qui nous occupe, le degré de flexion, l'angle d'un des articles de
membre sur le suivant, angle qui demeure constant, pendant tout le temps, sou-
vent fort long, que dure cette attitude de l'animal, cet angle, disons-nous, est
déterminé par la lutte établie entre les forces qui tendraient à l'ouvrir et celles
qui tendent à le fermer. Les forces qui tendent à fermer ces angles ont reçu le
nom de fiéchissantes (muscles fléchisseurs) ; celles qui tendraient au contraire à
les ouvrir, sont dites extensives (muscles extenseurs) .
Aux forces naturelles de la flexion se joint évidemment la pesanteur : il est
visible qu'elle aussi, en se transmettant intacte d'articulation en articulation,
aurait pour effet la fermeture et non rou\erture de ces angles.
Il suit de là que chacun de ces états statiques est la résultante de l'équilibre
entre les forces extensives d'une part, et de l'autre les muscles fléchisseurs unis
à la pesanteur.
En aucun point, si ce n'est à quelques exceptions près, entre les deux articles
successifs constitués par le cubitus et le canon, il n'y a transmission directe, et
762
LOCOMOTION.
suivant la longueur de l'os, du poids supérieur à l'os inférieur. Mais on remar-
quera que de part et d'autre, en deçà et au delà de ces extrémités, le poids est
communiqué à angle ouvert dans le même sens, la pesanteur agissant encore
à ces deux extrémités comme une force fléchissante.
La transmission du poids du tronc au sol a donc, en définitive, lieu par l'inter-
médiaire de cordons élastiques, absolument comme le poids de la caisse d'une
voiture à quatre roues est transmis à ces supports par l'intermédiaire de l'élas-
ticité des ressorts sur lesquels elle est suspendue.
Nous reviendrons ultérieurement sur ce point.
8. Passage de la station sur quatre pieds à la station bipède considérée au
point de vue statique. Dans tous les états d'équilibre en station droite, l'animal
pourra exécuter tous mouvements que lui suggérera l'instinct de sa défense ou
des nécessités diverses qui le presseront, c'est-à-dire donner aux articles succes-
sifs qui forment son squelette toutes les inclinaisons mutuelles compatibles avec
la condition fondamentale de son équilibre, à savoir, le maintien constant de
son centre de gravité sur une verticale tombant dans l'aire de sustentation.
Supposons par exemple que, cédant à un caprice ou une inspiration quel-
conques, le quadrupède éprouve le besoin de se dresser sur ses pieds de derrière.
Il pourra, à cet effet, rapprocher graduellement les quatre extrémités de ses
memlires l'une de l'autre, de façon à mettre les deux sabots antérieurs en con-
tact par leur partie postérieure avec la pointe des sabots postérieurs. 11 réduira
ainsi son aire de sustentation à un rectangle égal à la somme des surfaces des
quatre sabots juxtaposés, et pourra demeurer encore en équilibre, s'il a soin,
dans cette nouvelle attitude, de maintenir sa ligne de gravité dans ce petit rec-
tangle formé par les quatre sabots (cette attitude est celle d'un cheval qui se
sent glisser). Jlaintenant le moindre mouvement, le moindre changement dans
les relations mutuelles des leviers sustentateurs, va lui permettre défaire passer
la ligne de gravité dans la surface moitié moins grande offerte par les deux sa-
bots postérieurs : et s'il sait
s'y maintenir, il pourra faire
abandonner à ses membres
antérieurs leur contact avec le
sol.
Le voilà dressé, le voilà en
état de se cabrer. En cet état,
il pourra même donner à ses
leviers toutes les inclinaisons
mutuelles compatibles avec
leur étendue et celle de leurs
surfaces articulaires, se main-
tenir même droit sur ses deux
pieds de derrière, en prenant
soin d'obéir toujours à cette
seule condition de maintien
de la ligne de gravité dans l'aire réduite de sa sustentation (fig. 2).
Dans cette nouvelle situation, comme dans la première, l'équilibre qui la ré-
sume est toujours l'équivalence d'action entre les puissances extensives d'une part,
et de l'autre, les forces fléchissantes unies à la pesanteur.
Or, plus est grand l'angle de chaque article avec la verticale, plus est grande
LOCOMOTIOî^. 765
ia puissance de la pesanteur agissant à l'extréniité de cet article, plus devra donc
être énergique l'action antagoniste développée par l'extenseur de cet article.
Le minimum d'effort imposé à ces puissances correspondrait donc à la nullité
desdits angles, c'est-à-dire à la transmission du poids eu ligne droite d'un levier
sur l'autre et dans le sens de sa longueur.
Suivant le degré d'ouverture de ces angles successifs, l'animal occupera soit
l'attitude active désignée sous le nom du « cabrer » , soit la station bipède de
l'oiseau, dont les articles demeurent plus ou moins inclinés les uns sur les autres,
soit enfui la station bipède de l'Iioimne, dans laquelle les articles de sustentation
se rapprochent plus ou moins du prolongement rectiligue suivant la verticale.
Dans les deux premiers cas, un plus ou moins grand déploiement de force est
imposé aux extenseurs ; dans le dernier, cette action se rapproche du iiiiiiinium
ou peut l'atteindre, si la transmission, exactement rectiligue suivant les éléments
osseux eux-mêmes est réalisable.
9. Influence de la station sur la forme du pied. Les diverses conditions
de la station doivent se révéler dans celles à remplir par la base de sustentation.
Dans l'aire formée par quatre points d'appui, la solidité de maintien offre tous
les avantages possibles eu égard à la vaste surface offerte à la projection verticale
du centre de gravité. Il importe donc fort peu que l'extrémité de contact de
l'animal soit développée ou, au contraire, étroite. Se réduisît-il à un point, l'élé-
ment de contact déterminerait néanmoins une surface de même étendue. Los
extrémités des membres ou pieds peuvent donc être très-déliés chez les quadru-
pèdes.
Dans l'attitude bipède, au contraire, pour que le maintien puisse avoir stabilité,
la surface de sustentation ne peut plus être indépendante de l'étendue de l'élé-
ment de contact. Les extrémités des membres intérieurs doivent être plutôt no-
tablement développées dans le sens antéro-postérieur, direction générale des
mouvements de locomotion.
L'observation consacre cette remarque : les quadrupèdes ont généralement de
petits sabots quelquefois pointus. Les bipèdes offrent des pieds ou des pattes pré-
sentant de grandes dimensions dans le sens antéro-postérieur.
10. Position du centre de gravité chez l'homme. Le corps humain, étant
traité comme une masse inerte, suivant les conditions expérimentales de la for-
mule du paragraphe 3, c'est-à-dire mis en équilibre sur un appui ferme représentant
un fléau de balance, on trouve que le centre de gravité est situé dans un plan per-
pendiculaire à l'axe du corps et qui diviserait la dernière vertèbre lombaire vers la
moitié de son corps, c'est-à-dire à une hauteur de I centimètre environ au-dessus
du promontoire. (Borelli.)
On a reconnu encore, par des expériences non moins précises, que la distribu-
tion de sa masse en poids égaux relativement à un plan vertical, qui couperait le
orps humain en deux parties, l'une antérieure, l'autre postérieure, se ferait sui-
ant un plan qui passerait par le trou occipital, couperait les quatre premières
vertèbres supérieures, les quatre premières vertèbres lombaires, en passant enfin
aar l'axe de suspension du tronc sur les tètes fémorales. D'autre part, la symétrie
Iroite et gauche du corps lui assigne un plan médian vertical, qui comprend tous
es centres de symétrie ; ce plan contient donc aussi le centre de gravité qui, dès
ors, se trouve au point d'intersection commune de ces trois plans. (D'après
ïV'eber, si l'on sépare du tronc les deux membres inférieurs, le centre de gravité
•emonterait au niveau de l'extrémité inférieure du sternum.)
764
LOCOMOTION.
1 1 . Station droite chez l'homme : conditions de l'équilibre instable et de
V équilibre stable. Cette détermination du centre de gravité du corps humain
répond, avec toute l'exactitude que comporte la côBsidération d'éléments aussi
mobiles que ceux qui composent l'organisme vivant, à une position très-voisine
de celle qu'il occupe en réalité dans la station droite.
Au lieu dont il s'agit, c'est-à-dire à 1 centimètre environ au-dessus de Taxe
commun des têtes fémorales, et dans le plan médian du corps, il semble devoir
être tenu aisément en équilibre, par l'un des procédés suivants :
Ou bien, placé exactement au-dessus de la ligne de suspen-
! sion du tronc sur les têtes fémorales, il serait maintenu dans
cette position oscillante })ar la lutte la plus éveillée, la plus
attentive des extenseurs et des fléchisseurs, chaque groupe se
montrant alerte à le ramener dans sa situation, s'il s'en écarte
(fig- 5).
C'est l'équilibre instable des géomètres ; ou bien, en le
supposant porté habituellement quelque peu en avant de cette
ligne de suspension, la gravité aurait pour antagoniste lacon-
Iraction active des extenseurs du tronc sur les fémurs, agis-
sant sur l'extrémité opposée du levier.
Cela serait un équilibre plus stable, mais évidemment
producteur d'une grande fatigue dans ces muscles continuelle-
ment en jeu.
12. De la station sur la pointe des pieds. La station
sur la pointe des pieds peut être prise pour le type de la station
droite en équilibre instable, fondée sur une lutte, une situa-
tion antagonistique permanente et attentive des fléchisseurs et
des extenseurs.
D'une part, en effet, le corps est dans son maximum d'ex-
tension possible ou de rectitude. La ligne de gravité qui suit
le long du tronc et jusqu'aux cavités cotyloïdes, le chemin
dessiné plus haut (§10), n'est susceptible d'aucune oscillation
qui n'entraîne le corps dans un sens ou dans l'autre.
Quoiqu'il puisse se passer dans les articulations supérieures,
il est, dans cette attitude, au moins une articulation qui té-
moigne manifestement de la contraction active des extenseurs :
c'est l'articulation tibio-tarsienne. Ici, il n'est pas besoin de
discussion ; l'extenseur de l'articulation est dans un état vio-
lemment actif.
,' D'autre part, la base de sustentation, formée de deux petits
pj^_ 5 triangles à sommets antérieurs et à base postérieure (les trian-
gles formés par le gros orteil et les tètes des métatarsiens) ,
est réduite à son minimum. La moindre défaillance des extenseurs va permettre
à la ligne de gravité d'en franchir les limites. Voilà bien, comme nous l'expri-
mions, le type de la station droite en équilibre instable. Nul ne sera tenté d'en
disconvenir.
Un tel état d équilibre, fondé sur une oscillation constamment détruite et re-
nouvelée, est-il en rapport avec ce que nous observons chaque jour ? Un soldat en
^action, au port d'armes, qui conserve une parfaite immobilité pendant bien des
minutes, est-il en réalité en oscillation latente perpétuelle ? Cela nous parait difficile.
LOCOMOTION. 765
D'autre part, la contraction active, permanente, sans relâche, des extenseurs,
supportant, pendant des espaces de temps vraiment prolongés, l'action de la
pesanteur, est-ce une conception plus physiologique ?
Dès que nous prenons une de ces positions dans lesquelles les extenseurs sont
positivement chargés de tout le travail — la position de la garde simple dans Tes-
crime, par exemple, — la pouvons-nous conserver longtemps? Chacun sait ce
qu'il en est. Au bout de quelques minutes, les plus forts abdiquent.
Et cependant, on reste debout quasi indéfiniment et sans autre oscillation que
le temps du transport du poids du corps d'une jambe sur l'autre.
11 y a donc assurément une sorte d'équilibre qui répond à cette absence de
fatigue réelle et qui, par conséquent, ne repose point sur la contraction active
perpétuelle des muscles, non plus que sur les conditions mécaniques de l'équi-
libre instable.
Quand nous considérons l'équilibre de l'oiseau sur la branche, quand nous ob-
servons un quadrupède paisiblement en repos sur ses quatre membres, nous
nous assurons que la nature a en son pouvoir un moyen de procurer une attitude
fixe des membres soutenant le centre de gravité en l'air, sans des fatigues rapide-
ment épuisantes.
Étudions donc la station droite chez l'oiseau.
d3. De la station bipède chez les oiseaux. A première vue, la station droite
des oiseaux se différencie de la nôtre par le caractère général d'une inclinaison
mutuelle beaucoup plus grande des leviers ou articles les uns sur les autres.
Les causes finales ne doivent point figurer dans nos appréciations ; nous ne re-
chercherons donc point pourquoi la station des oiseaux se fonde sur cette succes-
sion en zigzag des articles des membres inférieurs et du tronc lui-même.
Ce qui appert, cependant, à première vue, c'est que cette disposition les rend
tout préparés pour le saut, acte préliminaire du premier temps du vol propre-
ment dit.
Les oiseaux qui ont perdu ou n'ont jamais atteint la qualité d'animaux volants,
— les pingouins, par exemple, ne présentent point cette inclinaison successive des
articles et du tronc lui-même. Celui-ci est droit comme le nôtre et les membres
inférieurs très-courts. Les oiseaux coureurs, les échassiers présentent aussi des ar-
ticles presqu'en ligne droite.
Une conséquence première de cette inclinaison considérable des articles de l'oi-
seau sur la verticale, pendant la station droite, est l'exagération d'énergie que
doivent déployer ou que doivent posséder les extenseurs de ces différents articles
(iiMl).
La nature a-t-elle accepté cette condition désavantageuse, — ou bien y a-t-elle
obvié par quelque artifice ?
L'analyse des conditions de l'équilibre de l'oiseau en station droite, en répondant
à cette question, peut jeter quelque lumière sur les conditions générales de la
.station bipède.
Or un premier fait très-remarquable frappe à cet égard l'observateur : l'oiseau
dort debout ; l'oiseau dort perché. Dans cette dernière condition, les mouvements
les plus inattendus du support (les branches agitées par les vents) ne troublent
ni son équilibre, m son sommeil. L'échassier dort immobile sur une seule jambe.
Combien cet état diffère du nôtre! Dans la station droite, le sommeil vient-il à
nous surprendre, la rectitude successive des articles est interrompue, leur flexion
mutuelle s'accomplit, — le corps s'affaisse. On observe cependant des circon •
7CG LOCOMOTlOiN.
stances f()r(iiiles où le sommeil, surprcDant. un individu debout, mais appuyé contn
un mur, celui-ci a pu demeurer droit.
Quoi qu'il en soit, dans le cas général, le sommeil survenant dans la statior
droite, la tête s'infléchit sur le tronc, et à sa suite le corps lui-même s'affaisse.
Il semblerait que l'on fût en droit de conclure de cette oppositiou que, dans la
station droite de l'homme, la contractilité des extenseurs serait active, tandis que
dans le cas de l'oiseau, elle serait passive. L'influx nerve\ix continu serait néces-
saire dans un cas au maintien de l'attitude droite ; la tonicité du tissu suffirait dans
le second.
Si nous jetons les yeux sur la disposition des muscles des extrémités inférieures
chez l'oiseau, cette vue du sujet acquiert plus de valeur. Nous voyons, par
exemple, que dès qu'on plie la patte (articulation tibio- tarsienne) d'un oiseau peu
de temps après sa mort, les doigts se fléchissent eux-mêmes pendant ce mouve-
ment, et avec assez d'énergie pour s'appliquer avec force et serrer entre eux un
objet rond qu'on leur présenterait.
L'équilibre naturel entre les muscles de la flexion et de l'extension du tarse sur
le tibia, dans cette classe, correspond donc à la flexion des doigts.
Dans la station droite, l'articulation tibio-tarsienue étant fléchie, les doigts repo-
sant ouverts et étendus sur le sol, les muscles fléchisseurs des articles (lesquels
s'insérant à la face postérieure du tibia et même, suivant quelques-uns, envoient
une insertion supérieure jusqu'au-devant du fémur), ces muscles, dis-je, sont
distendus passivement et jouent, étendus sur les convexités de ces articulations
angulaires, le même rôle que des lanières élastiques pourraient remplir sur les
ressorts en G d'une voiture suspendue.
Dans ces circonstances, le maintien de l'attitude droite de l'oiseau, soit sur le
sol, soit perché et enserrant la branche qui le supporte, est réahsé par la lutte
établie, entre la gravité d'une part, agissant à l'extrémité supérieure du tibia, et
d'autre part par la résistance tonique des muscles étendus et distendus passive-
ment sur les convexités des articulations. Nulle intervention active n'y paraît né-
cessaire : la simple action élastique du tissu musculaire y est réclamée. On ne
peut douter, en un tel exemple, de l'absence de toute fatigue de la part des
muscles.
Chez l'oiseau, ou du moins chez l'oiseau apte au vol, le centre de gravité du
tronc se trouve toujours à une certaine distance en avant du point de suspension
du tronc sur les têtes fémorales. Le poids du tronc agit donc, dès le premier seg-
ment articulaire, avec un bras de levier plus ou moins long, dans le sens de La
flexion des articulations. C'est ce que nous avons reconnu également dans le plus
grand nombre des articulations, chez les quadrupèdes en station droite.
d4. De la station chez les quadrupèdes {Complément). Cette manière d'en-
visager le mécanisme de la station droite chez le bipède, trouve dans l'examen
sommaire de la construction du quadrupède des arguments non moins puissants
pour l'étendre à la station droite de ce dernier (fig. 4).
Ainsi l'on remarque d'abord que le tronc, dans sa région antérieure, se trouve,
chez les quadupèdes non clavicules, comme les solipèdes et autres animaux taillés
pour la course et la station droite, suspendu sur les membres thoraciques comme
sur une sangle élastique. Le rôle de cette sangle est rempli par les grands den-
telés, muscles aplatis s'insérant, en haut, au bord supérieur du scapulum, en bas
par leurs digitations inférieures aux côtes, dans la région sternale.
Ces muscles, dans la station, agissent de toute évidence par leur distension
LOCOMOTION.
767
Fisr. i.
passive, leur contractilité de tissu. Cette disposition est commune à tous les ani-
maux quadrupèdes.
Eu desceudaut du sommet du scapulum au sol, d'imporlanles différences s'ob-
servent, en rapport avec les attitudes ordinaires et le genre de mouvements les
plus familiers à l'espèce .
Chez les grands animaux primitifs, exempts des nécessités de la course rapide
ou des sauts répétés,
l'éléphant, par exemple,
les membres, par leur
volume et la disposition
de leurs articulations,
se rapprochent éminem-
ment de la forme des
colonnes les plus mas-
sives : tous les articles
se prolongeant sur une
même droite. Les incli-
naisons mutuelles ne
conunencent que dans
la région digitée, au
pied. Cette masse est en
rapport et avec le poids
de l'animal, et l'absence
chez lui de tous chocs violents, résultant par exemple de la retombée du saut.
On comprend ainsi que ces animaux puissent demeurer, selon les naturalistes,
des mois durant debout !
Chez les solipèdes, chez les ruminants, le membre lui-même, l'antérieur du
moins, considéré dans la station droite, peut être réduit mécaniquement à trois
sections principales : deux extrêmes, une intermédiaire. Cette section intermé-
diaire est composée par l'avant-bras, le carpe, le métacarpe; elle est droite, verti-
cale, et on peut admettre qu'elle transmet le poids du corps suivant sa longueur
et par la résistance osseuse : elle agit à la façon d'une colonne.
Si cette colonne portait dii'ectement ainsi sur le sol, elle éclaterait é\idemment
sous un choc moyen, comme celui de la course rapide. Mais les efforts qu'elle
reçoit ou qu'elle communique ne sont jamais transmis sans décomposition : elle
se relie effectivement à angle avec les deux articles qui la [irolongent, soit en
haut, soit en bas. Cet angle est ouvert en avant, en haut comme en bas, de sorte
que, dans le plan vertical antéro-postérieur qui les comprend toutes trois, elles
représentent un arc à concavité antérieure. De plus, l'articulation complexe qui
l'interrompt dans le milieu de sa lougueur contribue assurément à sa résistance
par le partage des efforts entre les ligaments du carpe.
A cette colonne rectiligne et verticale eu avant, mais eu zigzag sur toute sa
lono^ueur en arrière, le poids du corps est transmis par deux articles fléchis l'un
sur l'autre, le scapulum, l'humérus en avant ; l'os des iles, le fémur en arrière.
Le degré de ces inclinaisons, lors de l'équilibre, repose évidemment sur l'ac-
tion des extenseurs de ces articulations eu conflit avec la pesanteur, laquelle agit
aux exti'émités opposées de chaque article. Cette action des extenseurs est-elle
active ou passive; les extenseurs y sont-ils contractés ou distendus? Nos connais-
sances en anatomie comparée sont trop peu étendues pour nous permettre
768 . LOCOMOTION.
d'avancer à cet égard une proposition formelle ; mais considérant que lors d'une
extrême fatigue, les animaux se mettent dans le décubitus sur le flanc et éten-
dent leurs articles de façon à en faire disparaître les principaux angles, nous sommes
portés à croire que les extenseurs des articulations scapulo-humérale, huméro-
cubitale en avant, et leurs correspondants en arrière, sont lors de la statioa
droite, plutôt dans une situation de distension passive.
Nous soumettons ce desideratum aux anatomistes compétents.
Mais à l'extrémité inférieure apparaît manifestement la réalisation des conditions
dont nous poursuivons ici inductivement les recherches.
Au pied, dit M. CoUn, « les tendons fléchisseurs se trouvent transformés en li-
"■aments de suspension, et peuvent en remplir l'usage, àl'insu, si l'on peut dire,
oui, certes, on peut le dire — de la fibre charnue, sous la dépendance de la-
quelle ils demeurent toutefois comme agents de transmission du mouvement. » ''-
Au pied, dit Ch. Bell, dont le mécanisme réclame à la fois sohdité et élasticité,
les articles présentent une direction oblique, et un fort ligament élastique les revêt
en arrière, venant s'attacher en bas à l'os le plus extrême.
Du solipède ou du ruminant, passons-nous aux carnassiers, chez lesquels l'éla-
sticité paraît, pour l'exécution du bond sur la proie, une condition d'ordre com-
mun, les inclinaisons mutuelles augmentent dans les articles ; mais aussi diminue,
par rapport aux familles précédentes, la durée de la station droite chez ces ani-
maux. Dès qu'ils ne sont plus en chasse, ils se reposent dans le décubitus, ne gar-
dant pas, comme les pachydermes et les ruminants, la station droite pendant do
longues heures.
15. Station droite unipède chez les échassiers. Chez les échassiers, la sta-
tion quelque peu différente dans son mécanisme, n'est pas moins intéressante à
étudier. Si, en ce qui concerne l'extrémité inférieure du membre, son mode d'ap-
pui sur le sol, les choses se présentent comme dans le cas qui précède, il n'en est
point de même en ce qui regarde la directiou générale du membre et son extré-
mité supérieure. Ici le corps de l'animal est supporté comme un bloc parfaitement
en équilibre sur une colonne régulière; et dans cette situation qui semble le type
de l'équilibre instable, l'animal demeure des heures sans nul mouvement, sans
oscillation, endormi, et même sur une seule patte.
Dans ce cas, la distension passive de certains muscles résultant de l'attitude,
semble jouer un rôle moins prononcé que celui rempli par la réciprocité des sur-
faces articulaires et YélasticiLé des ligaments qui maintiennent ces surfaces en
rapport.
Ainsi, dans cet exemple, le condyle du fémur offre une encoche dans laquelle
est reçue l'épine très-développée du tibia ; mais cette disposition n'est pas la
seule à signaler.
Il s'y joint un véritable ressort.
Chez ces animaux dont l'articulation fémoro-tibiale ressemble en profil à la
nôtre, les ligaments latéraux beaucoup plus longs et doués d'une notable élasticité,
au lieu de s'insérer en haut, aux deux tubérosités latérales des condyles, s'atta-
chent plus ou moins au-dessus de ces apophyses. Celles-ci, plus saillantes que
dans notre espèce, présentent une dépression plus ou moins profonde en avant
et en arrière; elles sont arrondies et portent une bourse synoviale. A chaque pas-
sage de l'extension extrême à la flexion, ou inversement, les ligaments latéraux
élastiques se trouvent distendus lors de la rencontre desdites tubérosités et re-
tombent ensuite, grâce à leur élasticité, dans la dépression antérieure ou posté-
LOCOMOTION. 769
rieure, y lonl entendre un brnit soc en revenant à leurs dimensions normales. 11
faut donc pour chacun de ces mouvements un effort spécial et actif de la part de
l'animal, assez grand pour vaincre cette élasticité.
Cette force, morte pendant le repos, est donc chargée de toute la résistance à
laquelle est dû le maintien de l'article en rectitude rigide. (Ch. Bell.)
16. Station droitechez l'homme, mécanisme de Véquilibre stable. Voilà donc
deux mécanismes sensiblement différents et aboutissant au môme elfet final.
Dans l'un, la pesanteur a pour antagoniste l'extrême et passive distension de
certains groupes musculaires ; dans l'autre, la force équilibrante est fournie par
l'élasticité ligamenteuse.
Résistances mortes, dans les deux cas.
L'un de ces deux systèmes trouve-t-il sa place dans le maintien de l'homme
en attitude droite?
L'examen du squelette humain, frais, enveloppé de ses ligaments articulaires,
a permis de penser logiquement que, dans la station droite, l'effort constant de la
gravité venait s'épuiser, après redressement du tronc, sur la résistance finale of-
ferte par l'inextensibilité ligamenteuse.
Cet effet paraissait très-légitime à l'articulation du genou, dont les ligaments
propres, latéraux et croisés, sont considérés en général, parles anatomistes, comme
imposant à l'articulation la limite des mouvements d'extension.
Les mouvements du fémur sur le bassin sont aussi, au dire des anatomistes,
ra|iidement limités, du côté de l'extension, par la tension de la capsule articulaire
et de son faisceau de renforcement antérieur. M. Cruveilhier ajoute cependant, et
nous en prendrons note, que le muscle psoas-iliaque se joint à cette action en
remplissant le rôle d'un simple ligament.
L'angle sacro-vertébral trouve une limite à son ouverture, dans la résistance de
la portion antérieure du dernier disque intervertébral.
Enfin, si l'on jette les yeux sur la colonne vertébrale elle-même, on voit que,
étant posée debout, l'action qu'elle éprouve de la part de la pesanteur tendrait
naturellement à exagérer les trois courbures que sa longueur dessine. La limite
de ce mouvement, ou la résistance à cet accroissement des diverses courbures, se-
rait encore dans les résistances offertes par les ligaments et les muscles qui
s'étendent, disent les auteurs, sur les convexités de ces trois courbures.
Ces propositions sont-elles, au premier aperçu, plausibles, démontrées expéri-
mentalement ! Non.
Sont-elles réalisées dans le sujet vivant? Aon encore; selon toute apparence du
moins, et en voici les raisons.
Premièrement, cette loi générale reçoit un premier démenti dans l'observation
de la statique de l'articulation tibio-tarsienne ; en deçà et au delà de la posi-
tion moyenne reconnue être celle de l'équilibre en station droite, les mou\ements
d'extension et de flexion du pied sur la jambe jouissent encore d'une très-notable
étendue, dans le sens antéro-postérieur.
Cette articulation importante ferait donc une exception considérable dans la
formule de la loi posée.
Secondement, ce qui s'observe ici du premier coup d'œil et sans longue ana-
lyse à l'articulation tibio-tarsienne, MM. Weber frères' ont démontré que c'était
encore la loi pour toutes les autres articulations. Partout, suivant ces observa-
teurs, les muscles fléchisseurs, passivement étendus, arrêtent les mouvements
d'extension bien avant la limite apportée par les ligaments articulaires.
DicT. EKC. 2° s. n. 49
770 LOCOMOTION.
Cette notion admise peut singulièrement éclaircir la question, obscure encore,
de mécanique qui nous occupe.
Admettons pour un instant cette proposition, que les fléchisseurs ont atteint
les limites de leur extensibilité avant le degré extrême de la mobilité permise par
les tissus ligamenteux : la question de l'équilibre stable en station droite devient
des plus simples.
Le centre de gravité du corps humain, lors de la station droite, en équihbre
instable, est situé exactement au-dessus de la ligne de suspension du bassin
sur les têtes fémorales (§§ 10 et 11).
Sans risque d'être entraîné en dehors de l'aire de sustentation, il jouit
d'une certaine latitude dans sa position ; il peut être porté un peu en avant,
ou un peu en arrière, de la droite horizontale de suspension du bassin sur les
cavités cotyloïdes. Dans le premier cas, les extenseurs doivent être en contraction
active plus ou moins intense, chargés de la lutte contre l'action de la gravité. —
Ils ont alors à soutenir l'effort de cette force d'une part, et de la tonicité des flé-
chisseurs de l'autre.
Faisons maintenant, par la pensée, passer le centre de gravité en arrière de
cette ligne horizontale de suspension; voilà la gravité qui agit avec les extenseurs
dans le sens de l'extension. Celle-ci n'aura donc pour limites que la tension des
fléchisseurs, tension passive, force à laquelle la fatigue semble infiniment plus
étrangère, force quasi morte.
Nous ne pouvons point suivre ce mécanisme avec une rigueur absolue dans toute
la série articulaire; partant, notre proposition tient plus de l'induction que de la
démonstration expérimentale. C'est une lacune qu'il appartiendra à nos succes-
seurs de combler.
Cependant cette disposition est si clairement formulée dans l'agencement de
l'articulation du pied et de la jambe, que nous ne pouvons nous empêcher d'y
revenir.
Remarquons d'abord la position qu'affecte le pied sur la jambe pendant le som-
meil, cet angle si fort ouvert antérieurement ! Y a-t-il meilleure démonstration
de la position moyenne du levier, constitué par le pied, entre les fléchisseurs et les
extenseurs? Quand nous voyons cet angle fermé au contraire dans la station droite,
pouvons-nous douter de la distension subie par les jumeaux et soléaires.
Mais examinons ceux-ci et comparons leur mécanisme à celui qui a le même
objet chez les oiseaux.
Chez l'homme, la masse des jumeaux et du soléaire confondue inférieurement
en un seul tendon, a pour effet, comme on sait, d'étendre le pied sur la jambe.
Mais cet effet, le soléaire seul, dont l'insertion supérieure se voit à la face posté-
rieure du tibia suffirait à le produire. Quant aux jumeaux, leurs chefs supérieurs
s'attachent à la face postérieure du fémur : ils sont donc relâchés hors de la
flexion du fémur sur la jambe, dans cette attitude, sans action possible sur l'ex-
tension du pied. Mais étendons la jambe sur le fémur, les jumeaux viennent alors
en aide au soléaire, et les uns et les autres, si une force extensive est appliquée
au sommet du fémur, lutteront contre elle ou seront en distension passive.
Chez les oiseaux, chez qui la station repose sur la flexion des articles, la dispo-
sition, identique en bas, varie en haut, mais de façon à produire le même effet
dans des circonstances contraires.
Les jumeaux extenseurs du tarse ne sont point fléchisseurs du fémur; au Ueu
de s'insérer à la face postérieure de cet article, comme chez nous, contournant
LOCOMOTION.
771
les taces latérales de la jambe et les tètes des deux os, ils vont de bas eu haut
s'insérer au fémur sur sa face antérieure.
La contraction de cette masse musculaire, en même temps qu'elle étend le
pied sur la jambe, é .end donc en même temps le fémur sur elle, fait disparaître
d'un même coup, l'angle tibio-tarsien et l'angle tibio-fémoral.
Chez l'homme, au contraire, en agissant de même manière
sur l'angle tihiotarsien, elle agirait en sens contraire sur l'angle
fémoro-tibial. Mais, dans les deux cas, le muscle, dans son entier,
est distendu passivement dans la station, et cette distension sup-
porte tout l'effort développé (fig. 5) .
En résumé, dès que la ligne de gravité du tronc vient à tom-
ber en arrière de l'axe de suspension inter-cotyloïdion, les mus-
cles, jusque-là contractés activement, les extenseurs, cessent
d'agir. Cette ligne de propension, de tangente qu'elle était,
devient sécante à la concavité lombaire. Dès lors cette courbure
tend à s'exagérer sous l'empire de la gravité maintenant, et non
plus des extenseurs. D'autre part, au contraire, les muscles flé-
chisseurs (psoas-iliaques-pectinés), premièrement relâchés, se
voient distendus.
Descendant au-dessous de la cavité cotyloïde, ladite ligne de
gravité coupe le membre inférieur vers l'articulation du genou,
rencontrant le pied plus ou moins en avant de l'articulation
tibio-astragalien ne .
Si nous ne nous trompons, cette position correspond exacte-
nt à celle réalisée dans l'attitude réglementaire du soldat au
port d'armes, attitude qui doit être le résultat de quelques
siècles d'expérience.
Dans nos habitudes ordinaires, nous suivons instinctivement
la même loi, avec cette modification, que pour diminuer encore
la l'ati«-ue qui suit cette attitude prolongée, nous faisons porter le
poids du corps sur chaque jambe alternativement. Le centre de
oravité est ainsi porté un peu en arrière de l'une des cavités
,cotyloïdes, la jambe de ce même côté étendue (on est hanche
de ce côté) ; l'autre jambe est avancée en relâchement dans une
demi-flexion, de façon à reposer les soléaire, jumeaux et psoas-
ihaque de la distension précédente.
Chacun pourra se convaincre de l'exactitude de cet exposé, en
demeurant dans la station droite immobile aussi longtemps
quece sera possible sans trop de fatigue. Au moment oii on la suspendra pour
cette raison, on pourra reconnaître, d'après le siège de la sensation éprouvée, que
notre théorie est conforme aux faits. Cette sensation sera perçue à l'attache supé-
rieure des jumeaux, des soléaires, un peu dans les aines. Mais on ne sentira ni
les muscles sacro-lombaires, ni les fessiers, ni les triceps.
Que l'on compare ensuite avec la position classique de l'escrime, et on fera la
différence.
En somme, la contractiHté musculaire tonique préside à la statique ou équi-
libre de repos, comme la contractilité active préside à la dynamique animale ou
équilibre du mouvement.
17. Station droite chez l'homme : transmission des chocs à travers le
Fig. 5.
77'2 LUCUMUTION.
bassiii. Ayant essayé de pénétrer les conditions de transmissjon du poids du
tronc au sol, à travers les membres inférieurs, celles de l'équilibre des forces
autour de ces articles, remontons plus haut et suivons le développement du mé-
canisme de la station depuis le bassin jusqu'à la tête.
Dans cette étude, informons-nous en même temps des dispositions au moyen
desquelles la nature aura pu parer aux chocs en retour, aux réactions menaçant
l'intégrité du mécanisme ou des viscères, lors des épuisements brusques du mou-
vement.
En remontant, nous trouvons en première ligne le bassin.
Le poids des parties supérieures du corps est communiqué aux extrémités ab-
dominales par l'intermédiaire d'un levier d'une forme particulière, l'amie au osseux
du bassin.
Cet anneau est suspendu lui-même au-dessus ou entre les tètes fémorales,
comme un treuil sur ses tourillons.
Il reçoit l'effort de la gravité par le sacrum, qui tendrait à faire basculer le
levier eu arrière dans certaines situations, en avant dans d'autres cas, c'est-à-
dire suivant que la ligne de gravité tomberait en arrière ou en avant de l'axe
inter-cotyloïdien.
Dans ces circonstances, les extenseurs ou les fléchisseurs sont alternativement
chargés de faire équilibre au poids du corps.
Les points d'appui de ce levier sont, avons-nous dit, les têtes fémorales roulant
dans les cavités cotyloïdes.
Il y a là un point obscur : la pression est-elle transmise directement et de corps
dur à corps dur, du bassin aux fémurs, ou bien, au contraire, et suivant ce que la
logique indiquerait, l'effort s' épuise-t-il sur les ligaments ronds distendus, comme
le professent MM. Weber.
Gerdy pensait que dans la position inclinée du fémur, de haut en bas et d'ar-
rière en avant qui correspond à l'attitude du corps arrivaat à terre après im saut,
l'efl'ort transmis au tronc par le fémur, au contact des pieds avec le sol, porte
sur les ligaments ronds distendus, et n'est point directement communiqué par la
tète du fémur aux parois de l'acétabulum.
Cette condition est-elle effectivement réalisée? Les anatomistes donneraient à
penser que non, puisqu'ils constatent la grande inconstance d'existence et de
qualité du ligament rond qui, suivant eux, serait souvent absent.
A ce (ait il n'y aurait rien à objecter ; mais sa présence et son rôle de support
(coam;e dans le cas d'une voilure suspendue) seraient, en apparence au moins,
bien satisfaisants pour l'esprit.
Passons à un autre point :
Tous les anciens anatomistes et physiologistes présentent le sacrum comme
pénétrant dans l'espace intercoxal postérieur, à la manière d'un coin, dirigé par
son sommet de haut en bas et d'avant en arrière, qui tendrait à écarter les os
coxaux.
Les rapports mutuels du sacrum et de la cavité dans laquelle il s'encastre sont
bien tels, en effet, quand le bassin est étudié dans la position assise sur une
table.
Dans la station droite, il n'en est plus ainsi ; les frères Weber ont fait voir que,
dans l'attitude droite, la surface supérieure du sacrum faisait avec la verticale un
angle de 52" ouvert en bas, ou de 128" ouvert en haut.
Dans cette situation, les surlaces de contact du sacrum et des os coxaux offrent
LOCUMu^.O.N. 773
un angle dièdre ouvert en bas et en avant, le sacrum étant ainsi suspe^idu an^
énormes ligaments sacro-sciatiques comme un coin a angle supérieur et non plij^
à angle inférieur. Sous l'influence de la pesanteur, ce serait donc un coin qui
tendrait à s'échapper et non pas à s'encastrer.
Dans la retombée du saut, cette situation est plus prononcée et plus nécessaire
encore.
Cette proposition a été établie d'abord par MM. Valerius et Hubert (de Louvain),
par noas-mème ensuite.
Dans la position assise ou dans une chute sur les tubérosités ischiatiques, il
n'en est plus ainsi, et le sacrum se rapproche de la situation indiquée par les
auteurs classiques.
L'anatoniie comparée est en rapport avec cette donnée. Chez la plupart des
quadrupèdes, le sacrum est suspendu eutre les os iliaques : sa l'ace large re-
gardant en bas.
Il n'est pas besoin d'insister sur les avantages d'une pareille disposition lors de
la communication des ébranlements et commotions. Voyez la différence des reten-
tissements ressentis lors d'une chute sur les pieds physiologiquement exécutée,
ou lors d'une chute sur les tubérosités ischiatiques. Dans celle-ci, même modé-
rée comme force vive, la commotion s'étend jusqu'au crâne lui-même.
18. Station droite chez l'homme. Statique de la colonne vertébrale.
Nous avons, dans les développements qui précèdent, considéré la colonne comme
un levier un et régulier. Ghacuu sait que cette unité ou rigidité n'est elle-même
qu'un résultat d'équilibre. Examinons rapidement les conditions de cet équilibre.
Considérons la colonne en un point quelconque de son étendue, étud;ons-la
dans une coupe horizontale. Cette coupe porte sur la vertèbre, élément osseux,
de forme cylindrique, offrant en avant et en arrière des prolongements soit ar-
qués, soit droits, mais, eu somme, représentant pour nous des bras de leviers.
Les bras antérieurs, destinés à servir dappuis à la force de gravité et de la
flexion en avant (les côtes, la face antérieure des corps des vertèbres).
Les bras postérieurs (apophyses épineuses, transverses), étant les éléments
sur lesquels porte l'action des extenseurs de la colonne.
Quant au point d'appui de chacun de ces leviers, pris isolément, on le voit dans
le disque intervertébral, lenticulaire, élastique et fibreux à la fois, qui résiste
aussi bien à la pression qu'au tiraillement, et sur lequel la vertèbre est en équi-
libre comme un fléau de balance sur ses coussinets.
Le volume ou les dimensions de ce levier sont en rapport avec deux condi-
tions mécaniques des plus simples. Plus une vertèbre est inférieurement placée
dans la série, plus elle devra être volumineuse et ses bras de leviers puissants,
puisqu'elle aura à subir l'intégrale des actions supérieures, toutes fonctions de
la gravité.
D'autre part, les bras de leviers postérieurs ou de la puissance, devTont être,
tout étant égal d'ailleurs, d'autant plus développés que les organes de la ré-
sistance (ou antérieurs) seront plus denses ou pesants.
C'est ainsi que les épines dorsales auront moins de longueur horizontale cpie
les épines lombaires ou les épines cervicales, les poumons étant moins denses
que les viscères abdominaux ou que la tète.
La forme de la région considérée n'aura pas moins d'influence sur le volume
et la disposition des corps et des apophyses des vertèbres.
Est-il besoin de démontrer que les leviers devront être les plus volumineux et
774 LOCOMOTION.
les plus étendus, là où la force extensive aura le plus d'action à développer. Or,
où cette action extensive aura-t-elle plus d'efforts à déployer qu'à la région
lombaire, et, comme nous le verrons plus loin, qu'à la région cervicale, toutes
deux concaves en arrière?
Au point de vue de l'ensemble, la forme à courbures opposées que présente la
colonne n'est autre chose que la reproduction de la série d'inflexions que nous
avons constatées dans les membres destinés à soutenir le corps.
La présence des disques intervertébraux et la qualité amortissante de leur
tissu eussent bien pu être insuffisantes à l'épuisement des chocs, s'ils avaient dû
se transmettre directement de l'un à l'autre, et suivant la verticale, les forces
vives acquises par les parties supérieures.
Dans ces alternatives de convexités et de concavités successives, apparaissent,
au contraire, des forces successivement extensives ou fléchissantes, dont les
composantes verticales viennent partager la dissémination de l'effort.
Et quant à la condensation des masses nmsculaires ou des leviers destinés à
procurer et à maintenir la station droite, imaginons ce qu'eût été la forme du
primate, si les leviers lombaires eussent dû prolonger une convexité postérieure !
Cette forme est sans doute celle la plus favorable à l'extinction des forces vives,
car nous retrouvons ces concavités, surtout celle de la région lombaire, partout
où, dans la série animale, se manifeste plus ou moins de disposition momentanée
ou durable à la station en attitude droite.
Nous y trouvons aussi une assez grande abondance de tissu jaune élastique
(les bgaments jaunes), servant de liens entre une vertèbre et une autre, dans la
région même des leviers, c'est-à-dire entre les lames vertébrales.
La présence de ce tissu, si propre à être substitué, au point de vue de la durée
de l'action, dans les régions où cette durée devra être prolongée, à l'action mus-
culaire active, a fait penser à nombre de physiologistes que sur lui reposait
même en entier l'équilibre stable de la colonne.
Un anatomiste distingué, M. Ludovic Hirschfeld, a fait voir que c'était à ce
tissu qu'était spécialement due la forme doublement incurvée de la colonne.
Dans ce fait, on aurait pu trouver la démonstration du rôle absolu des ligaments
jaunes dans l'équilibre de la station, si MM. Weber n'avaient, de leur côté, fait
voir que les muscles, dans leur extrême distension, limitaient les mouvements
dans ces régions comme dans les autres, avant que les ligaments n'atteignissent
leur extrême distension (§16).
19. Station droite chez l'homme. Equilibre de ta tête sur le rachis. L'é-
tude à laquelle nous venons de nous livrer sur les conditions générales de
l'équilibre du tronc en station droite n'a tenu aucun compte de la manière dont
ce même équilibre s'établit entre la tête et le tronc. Nous sommes partis de cette
supposition que l'extrémité supérieure était fixée à son support d'une façon in-
variable, et c'est leur ensemble que nous avons considéré comme un levier
unique dans les développements qui précèdent.
Entrons maintenant dans l'analyse des conditions spéciales à l'équihbre de
cette région considérée isolément.
La tête est mise en rapport avec la colonne vertébrale par un grand nombre de
muscles, qui se relient avec un non moindre nombre de vertèbres (de la région
cervicale), mais plus spécialement avec les deux premières.
En contact direct, elle n'est en rapport qu'avec une seule d'entre elles, la
supérieure, l'atlas. Avec cette vertèbre, son contact s'établit par la réception.
LOCOMOTION. 775
dans deux cavités pratiquées sur l'atlas, et de chaque côté de son axe, de deux
tubérosités arrondies qui se moulent sur ces cavités, et portent le nom de con-
dyles de l'occiput.
Cliez les quadrupèdes, les condyles de rocci[)ital sont situés à l'extrérailé pos-
térieure du crâne. En supposant leur axe optique parallèle à l'horizon, un plan
vertical qui raserait, en arrière, la surface de l'occipital, laissant toute la tète en
avant de lui, raserait également la surface la plus postérieure des condyles.
La tête est donc ainsi suspendue tout entière au cou par sa face postérieure.
11 n'y a d'exception que chez le singe, qui se trouve, par cette particularité,
comme par bien d'autres, tenir une place intermédiaire au quadrupède et à
l'homme.
L'habitude bipède de l'oiseau se révèle, comme elle va le faire également chez
l'homme, par une dérogation complète à ce caractère. La tête, chez les oiseaux,
s'articule horizontalement sur la première cervicale. Mais, contrairement à ce qui
s'observe chez nous, et à l'avantage de la mobilité vraiment exceptionnelle de
l'organe, l'articulation consiste dans un seul pivot osseux sphérique (cnarthi'ose),
roulant dans une cavité demi-sphérique, à circonférence horizontale., Quand on
a vu 1 intérieur de cette articulation, on n'est plus surpris de la facilité raro avec
laquelle l'oiseau tourne sa tête en tous sens, sans mouvoir sensiblement la ré-
gion cervicale.
L'homme participe à la fois des dispositions anatomiques propres aux (juadru-
pèdes et de l'horizontalité de connexion constatée chez l'oiseau. Cependant cette
horizontahté n'est pas absolue. Lorsque la ligne de gravité de la tête tombe dans
sa base de sustentation sur l'atlas, les axes optiques sont dirigés plus ou moins
de bas en haut et d'arrière en avant; circonstance anatomique en rapport avec
le fait d'observation physiologique bien connu, qu'au moment où le sommeil
vous surprend en attitude droite, le menton tombe brusquement sur la poitrine.
L'équilibre de la tête sur le rachis est donc un des plus instables, s'il repose
sur les seules connexions articulaires, ou bien il se fonde sur l'énergie active des
extenseurs de la tête sur le cou.
L'aspect de la région peut faire penser que c'est bien sur ce second genre
d'équilibre que repose, en effet, l'attitude droite de la tête. La région cervi-
cale postérieure, concave ainsi que la région lombaire, donne place à une masse
musculaire considérable, formant une sorte de pyramide de muscles à base
supérieure, laquelle semble rattacher le crâne à la colonne, comme la masse
sacro-lombaire relie celle-ci à ses soutiens sacro-iliaques.
Ce sont deux pyramides qui se regardent par leurs sommets, et qui com-
blent chacune le vide formé par les régions postérieurement concaves de la
colonne.
La pyramide supérieure remplit, chez l'homme, le rôle du ligament cervical
supérieur, qui soutient la tête chez les grands quadrupèdes. Elle remplit ce
rôle, en dérogation à la loi de l'équilibre stable que nous avons cru lire dans
les parties inférieures du système, et qui se fonderait sur le balancement établi
entre la gravité d'une part, et des muscles passivement distendus de l'autre.
Peut-être est-ce à cette nécessité que sont dus le volume, le nombre, la di\ersité
de directions et d'insertions de ces muscles, la nature compensant ici, par la
multiplicité des forces accumulées dans un même objet, la durée imposée à leur
activité.
Malgré cela, la nature nous semblerait avoir laissé là un desideratum méca-
770
LOCOMOTION.
X
T
nique. Une analyse plus attentive va nous montrer cependant un palliatif des
plus délicats, introduit par elle dans ce mécanisme si difficile à réaliser.
Qu'on n'oublie pas, en effet, qu'il s'agit ici de procurer à cette immense ver-
tèbre, qui contient le cerveau, toutes les ressources possibles de mobilité dans
tous les sens, sans compromettre l'intégrité du mécanisme, sans compromettre,
surtout par pression ou par choc, la délicate susceptibilité de la substance encé-
phalique, sans risque de compression pour cet isthme intéressant, la moelle
allongée, le siège du centre vital animal, situé là tout juste au centre du mouve-
ment. Étudions donc avec soin ce curieux problème, le plus étonnant peut-être
de la mécanique animale.
Rapports de contiguïté de la tête avec le rachis. Destruction de la vitesse
acquise dans une chute sur les pieds, au point de contact des condyles occipi-
taux avec les surfaces articulaires de l'atlas. Remontant du bassin à la colonne
vertébrale, nous avons vu par quel mécanisme la portion des forces vives, mise
en évidence dans ces chocs, et non amortie, se transmettait, à son tour, le long
du rachis, de vertèbre en vertèbre, perdant, à chacun de ces passages, une nou-
velle fraction de leur somme, épuisée sur les ligaments interosseux fibreux ou
; lenticulaires. L'effet amortis-
sant de cette élasticité, vingt-
deux fois répété, ne laisse pas
de réduire sensiblement ce qui
peut en parvenir jusqu'à la
région supérieure, plus que
toute autre digne de ménage-
ment.
Or, ici, singuhère anomalie,
dans la région de cette commu-
nication suprême, disparaissent
ces coussins articulaires élasti-
ques ; les condyles occipitaux
sont en rapport direct avec les
cavités supérieures de l'atlas,
les faces inférieures de l'atlas
en rapport direct avec les faces
supérieures de Taxis. Les cous-
sinets articulaires ne se re-
trouvent plus au-dessus de la
deuxième vertèbre cervicale
(fig.6).
L'échange ou la transmis-
sion des forces vives vont-ils se
faire d'os à os, et perpendicu-
lairement, comme il semble devoir, être au premier aspect?
Voici, si nous ne nous trompons, comment les choses se passent et comment la
nature a pu se dérober à une fatalité menaçante.
Le poids de la tête est, dans la station droite, transmis au rachis de la deuxième
à la troisième cervicale, suivant la loi déjà connue, et par l'intermédiaire des cous-
sinets intervertébraux ; mais perpendiculairement et, d'os à os (ou du moins à
travers de minces cartilages d'encroûtement), de l'occipital à la première cervi-
A
\
/
6.
LOCOMOTION. 777
cale et de celle-ci à la seconde. Les forces vives de réaction, déterminées par inie
chute sur les pieds, suivent le même chemin en sens inverse, cela n'a pas besoin
de commentaire ; et si l'on tombait droit sur les talons, ou sur les tubérositcs de
l'ischion, ce choc ne serait pas sans un cruel effet sur les surfaces presque hori-
zontales qui servent de passage de l'axis à l'atlas, de l'atlas à l'occipital.
Mais, lors d'une chute sur les pieds, lors de la retombée du saut, les extrémités
mféneures sont instinctivement pliées cl s'offrent au choc sous forme de ressorts
préparés à la détente ; ainsi en est-il du rachis dont l'axe général est également
inclnie a 1 horizon ; les chocs, par suite de cette disposition, sont partout amortis.
— Reste à considérer la tète.
Celle-ci est fortement redressée en arrière ; la concavité cervicale du rachis est,
de son côté, nettement incurvée en arrière. Dans cette situation des éléments
ultmies du systèzue, la force vive transmise à l'axis se transmet sous une certaine
obliquité aux masses latérales de l'atlas, destinées, à leur tour, à la transmettre
à l'occipital.
Or, si l'atlas et l'axis sont déjà un peu inclinés do haut en bas et d'avant en
arrière, les surfaces cylindriques qu'offrent les condyles de l'occipital sont, elles,
tout à fait inclinées sur l'horizon : l'effort qu'elles reçoivent de la colonne leur
est bien plutôt tangentiel fjîie normal : ce sont donc encore les ligaments et les
muscles qui s'offrent pour l'épuisement de la dernière quantité de la force vive.
L'observation nous apprend effectivement que, dans la chute sur les pieds, le
corps se place instinctivement dans l'inclinaison mutuelle de tous ses articles,
rachis compris, les membres inférieurs plies, les pointes des pieds présentées au
sol, la tète enfoncée dans les épaules, etc.
Telles sont donc, en définitive, les conditions mécaniques de l'échange des
réactions et de l'annulation des forces vives : si la transmission du poids et la
réaction avaient lieu en hgne droite, verticale, la relation anatomique qui unit les
premières vertèbres cervicales, à la tête, devrait fliire redouter, au premier chef, le
mode de communication établi entre ces leuers. Mais il n'en est jioint ainsi : lors
d'une chute, non subite, lors du saut, ces leviers, y compris celui représenté par
l'occipital, sont à l'état d'inclinaison mutuelle : dans ce cas, les condyles occipi-
taux sont à proprement parler dans la verticale. Nul choc n'y est donc à redou-
ter : Il faudrait supposer une surprise des plus rapides pour que cette inclinaison
n'eût point heu.
On peut même observer que dans l'attitude droite, au repos, ou dans la
marche, les condyles sont aussi plus ou moins inclinés, et peut-être devons-nous
reconnaître là l'objet de la projection normale du centre de gravité de la tête en
avant du rachis, et de cette anomalie apparente qui fonde leur équilibre sur
l'énergie active des extenseurs.
20. Mouvements sur place. Force d'où résulte le maintien de l'équilibre
en station droite. Nous avons vu un peu plus haut quelle condition devait ren>
phr un corps grave, animé ou non animé, pour demeurer stable en sa place :
Sa ligne de gravité doit tomber dans l'aire de sustentation, supposée parfaite-
ment horizontale. Si la surface d'appui n'est pas absolument horizontale, le corps
grave demeurera cependant encore en place tant que la tangente de l'inchnaison
de la surface d'appui sur l'horizon est inférieure au coefficient de frottement.
Dans les conditions où s'exerce le domaine de la physiologie, la surface d'appui
se rapproche le plus souvent de l'horizon : mais elle n'est pas toujours exacte-
ment horizontale. Le maintien en place du corps vivant est donc généralement
778 LOCOÎIOTION.
accompli par la puissance du frottement, c'est-à-dire par la résistance que les
aspérités des corps opposent à leur glissement mutuel.
Un corps animé diffère, au point de vue mécanique, du corps inerte, en ce que
ce dernier demeure immobile tant qu'une force extérieure ne vient point le
solliciter.
Le corps vivant, au contraire, possède en lui-même des forces qu'il peut mettre
en évidence et au moyen desquelles il peut modifier les conditions de son propre
équilibre et celles des corps avoisinants.
Mais toute force, pour produire un effet, a besoin d'un point d'appui. L'être
animé trouve le sien dans le sol sur lequel il repose, dans cette adhérence à la
surface d'appui que mesure le poids de son corps multiplié par le coeflicient de
frottement.
Sur cette base, il peut exécuter tous les mouvements que son organisation
lui permettra et que nous allons sommairement passer en revue.
21. Conditions auxquelles le corps doit obéir dans l'exécution des mou-
vements sur place. Dans l'étude qui précède, le centre de gravité de l'homme
a été déterminé en partant de cette condition préalable, que le sujet se trouva*
en attitude parfaitement droite, les bras collés au corps, les deux jambes réunies
en parallélisme. Le centre de gravité de chaque membre est lié, dans cette situa-
tion, avec celui du tronc par une relation fixe qui entre dans la détermination du
centre de gravilé de tout le système. Nous ne pouvons dès lors imaginer le
moindre mouvement isolé de l'un ou l'autre de ces appendices, sans concevoir
qu'd s'ensuive un dérangement plus ou moins notable du centre de gravité de
l'ensemble.
Ainsi, portons un bras en avant ; son centre de gravité sort, dans ce sens, du
plan vertical médian parallèle à la direction des épaules qui contenait celui du
système entier. Alors le poids du bras, appliqué en son propre centre de gravité,
devient une force agissant sur le système total avec un bras de levier qui mesure
la distance du centre de gravité de ce membre au plan de gravité du tronc. Cette
force tend donc à faire basculer le système en avant, dans ce cas-ci.
Un raisonnement semblable nous conduirait à une conclusion analogue pour
toutes les directions que nous pouvons donner à notre bras en l'étendant. Cette
projection tend évidemment à déplacer, dans sa direction, le centre de gravité de
l'ensemble. Dès lors tout mouvement de cette sorte, exécuté dans un but direct,
devra nécessiter, de la part des muscles qui servent au maintien de l'équilibre du
tronc, une action ou un supplément d'action de nature à déplacer en sens inverse
le centre de gravité ainsi sollicité.
Tous nos mouvements de défense ou d'attaque, exercés sur place, reposeront
donc sur des modifications dans l'attitude du tronc, compensatrices des altéra
lions dont ces mouvements partiels menacent la position du centre de gravité
du tronc.
Inversement, si une cause quelconque', un mouvement involontaire ou erroné
des muscles, un relâchement dans leur contractilité, amenaient une tendance
momentanée à la chute, en permettant au centre de gravité de s'écarter de la
verticale, le mouvement d'un membre dans le sens opposé à celui pris par le
centre de gravité, sert à l'instant à reconstituer l'équilibre détruit. C'est là l'office
d\x balancier entre les mains du danseur de corde.
Il en est exactement de même du déplacement volontaire ou involontaire du
centre de gravité de l'un des membres inférieurs. Imaginons le corps porté mo-
LOCOMOTION. 77^
'ii-'iitanéraent sur un seul de ses supports, l'autre devient un balancier, comme
lious venons de le reconnaître pour le bras. Ainsi, lorsque le corps est menacé de
renversement en arrière, la projection de l'un des membres abdominaux en avant,,
déplaçant le centre de gravité, sert à la restitution de l'équilibre.
Toutes ces considérations sont trop simples pour exiger de plus longs dévelop-
pements. On peut, à la lumière de ce principe, se rendre compte d'une multitude
de nuances dans l'exécution d'une foule de mouvements, soit étendus, soit limi-
tés, dans nos diverses attitudes, et se résolvant tous dans cet unique objet : la
restitution de l'équilibre.
Aux mêmes principes répond la solution des questions qui naissent de la con-
sidération de l'addition d'un poids industriel à celui du sujet.
Ainsi :
Un soldat est en faction, le sac au dos ;
Une marchande ambulante stationne avec un eventaire ;
Un homme soutient un poids quelconque à l'une de ses mains.
Chacun de ces éléments pesants ajoutés à l'ensemble, en arrière, en avant, laté-
ralement, porte le centre de gravité du système plus ou moins de ce même côté«
L'équilibre ne pourra donc être maintenu que par une inclinaison compensa-
trice du corps ou de l'une de ses parties.
Dans le premier cas, le soldat avancera la ceinture jusqu'à dépasser la pointe
de ses pieds.
La marchande ambulante cambrera sa région lombaire en arrière, pour main-
tenir le centre de gravité en arrière de la ligne inter-cotyloïdienne.
Le portelaix chargé d'un seau à droite porte son corps vers la gauche et même
étend le bras hbre, l'éloigné plus ou moins du corps, pour ajouter au déplace-
luent du centre de gravité.
L'objet de toutes ces modifications apportées dans la position du centre de
gravité est toujours de le maintenir au-dessus de la base de sustentation.
22. Station assise. Dans la station assise, la base de sustentation est repré-
sentée par la vaste surface qui circonscrit les faces postérieures des cuisses et des
fesses. Il n'y aura donc pas lieu à de grandes attentions de la part du système
musculaire pour conserver la ligne de gravite dans une de ses nombreuses situa-
tions d'équilibre.
Ajoutons à cela que le poids des extrémités abdominales est élimmé de la ques"
tion proprement dite de l'équilibre, puisqu'elles sont directement soutenues par
le sol ou la surface fixe formant appui.
D'autre part, au moment où le sujet s'assoit , le bassin dont le plan de l'an-
neau était antérieurement plus ou moins incliné (plutôt plus que moins) sur le
plan de l'horizon, se redresse pour se porter dans ce plan, se mettant en contact
,avec l'appui par les ischions et presque le coccyx.
Un premier résultat de cette modification dans l'orientation du bassin est le
redressement de la concavité postérieure de la région lombaire qui se change
presque en convexité faisant suite à la convexité dorsale.
Dans cette situation, les extenseurs n'agissent plus que passivement et par leur
distension ; l'action de la gravité paraît tout entière du côté du fléchisseur du
tronc et représente la puissance qui fléchit — la tonicité des extenseurs sert d'an-
tagoniste ; — à l'extrême limite, cet équihbre serait amené à l'état fixe par la résis-
tance des hgaments jaunes.
25. De l'effort. Dans les circonstances où doit être déployée en peu de
780 LOCOMOTION.
temps une grande énergie, soit dans les mouvements sur place, soit dans l'exécu-
tion de certaines fonctions, soil dans la translation rapide du centre de gravité
d'un point à un autre, les muscles chargés de fournir à cette énergie exception-
nelle ont besoni de trouver dans le tronc un point d'appui solide. L'immobilité,
la rigidité temporaire de la cage thoracique, deviennent la condition préalable de
ce point d'appui.
Or, cette portion étendue du squelette est, par destination, vouée à une mo-
bilité périodique offrant exactement les conditions contraires à celles réclamées ici
I ar la dynamique ; une révolution complète doit donc être apportée dans sa ma-
nière de se comporter. Pour fournir un point d'appui fixe à tant de muscles qui,
affectés à des leviers divers, doivent concourir cependant au même objet, l'enveloppe
osseuse qui circonscrit le thorax commence par se dilater largement : l'air inspiré
vient donc en remphr toute la capacité ; la glotte alors se ferme. Tout est dès lors
stable et fixe. L'air répandu dans les cellules et les bronches dilatées fournit aux
côtes et au diaphragme un support élastique tenant en équilibre la réaction mus-
culaire des expirateurs et la pression extérieure. Tant que peut se prolonger la
tolérance de l'économie pour le sang désoxygéné, renfermé dans les veines et
dont la quantité croît avec la durée de l'effort, autant durera cette stabilité, aussi
longtemps pourront s'y fonder les exigences qui provoquent l'effort.
Tel est l'effort dans son expression la plus complète ; mais elle n'est pas tou-
jours réalisée dans son entier. Ainsi, l'occlusion absolue de la glotte n'y est pas
nécessaire, inévitable. D'abord elle ne peut être tolérée longtemps; puis, lorsque
l'énergie musculaire doit se perpétuer dans ses manifestations périodiques, l'oxy-
génation du sang devient un élément non moins important de la production de la
force motrice, et la glotte doit s'ouvrir. Il est visible en effet que la stase du
sang veineux, déterminée par l'acte de l'effort, est incompatible avec sa con-
tinuité.
L'effort, plus ou moins soutenu, sert de base à l'accomplissement de plusieurs
fonctions naturelles : le vomissement, la défécation, le chant, les cris, la toux,
l'accouchement, le saut, la course, etc.
II. Dynamique animale, ou Locomotion proprement dite. 24. De la locomo-
tion chez ranimai. Comment y agit la force motrice. Nous venons d'exposer,
dans le chapitre Station, les conditions statiques auxquelles l'homme obéit à
l'état de repos et celles auxquelles il doit satisfaire quand il veut, sans se déplacer,
exécuter tel ou tel mouvement, exercer telle ou telle action sur les corps à sa
portée .
Nous allons ici nous occuper des recherches analogues pour les cas où l'homme
se transporte d'un point à un autre de l'espace. Ce nouveau chapitre concernera
donc l'homme à l'état de mouvement, ou mieux, aura pour objet la détermina-
tion des conditions dynamiques présidant à ses mouvements.
Et d'abord, par quel principe de dynamique l'homme ou l'animal peuvent-ils se
déplacer, peuvent-ils, plus expressément, transporter leur centre de gravité d'un
point à l'autre de l'espace ? Par la mise en jeu des forces intérieures dont ils dis-
posent, par leur puissance musculaire.
Mais alors que devient ce principe absolu qui préside à la cinématique, et en
vertu duquel « un corps sollicité uniquement par des forces intérieures est im-
puissant à modifier en rien la situation de son centre de gravité? »
Un corps dans lequel une force intérieure peut, en se développant, donner
naissance, par le fait de son contact avec un autre corps, à une force nouvelle,
telle que la force de frottements, n'est plus sollicité « uniquement » par des
forces intérieures. Entre le point du corps voisin et sur lequel s'exerce ladite
force de frottement, et le centre de gravité du premier corps considéré, la foi-ce
intérieure en question agit comme les deux bras d'un homme repoussant à droite
et à gauche deux murailles qui tendraient à l'écraser. Ce corps voisin et le
centre de gravité du premier, reçoivent en sens inverse l'un de l'autre, la même
quantité de mouvements, mv (la masse multipliée par la vitesse).
Dans la question qui nous occupe, celle du mouvement que peut se donner
un corps animé sur le sol, le corps voism, de la phrase précédente, c'est le sol, la
terre ferme, avec lesquels le poids de l'animal établit une connexion, une adhé-
rence de frottement ; le MV qui lui est imprimé , et qui égale le mv im-
pulsion subie par le centre de gravité du corps animé, n'a pas les mêmes symp-
tômes apparents. La masse M delà terre est mliuie par rapport à celle m du corps
de l'animal, la vitesse V imprimée à la terre sera donc nulle par rapport à celle
V reçue par le centre de gravité du corps animé.
En ce sens nous pourrons dire, contrairement àla formule de cinématique rap-
pelée plus haut, que prenant appui sur le sol, par le fait du frottement, la force
musculaire intérieure du sujet déplace, dans le sens qu'il lui jilait de lui imprimer,
son centre de gravité.
Telle est l'origine de tout déplacement spontané du corps animé.
Depuis la reptation jusqu'au vol, le point d'a[qjui (engendrant frottement) sur
le sol ou le milieu ambiant, est celui sur lequel la force intérieure déicloppce
par le sujet, s'exerce en un sens ou se détruit sur une masse équivalente à une
résistance absolue, et agit, dans l'autre sens, sur le centre de gravité du sujet
qu'elle déplace. Le mécanisme est ici le même que celui qui accomplit le mouve-
ment d'une barque s'éloignant de la rive sous la pression de la perche ou galfe du
batelier ; la force motrice est tout entière dans l'action musculaire développée
parle marinier, laquelle se déploie en quantités égales en deux sens opposés, l'une
s'épuisant sur la ré.MStance fixe de la rive, l'autre déplaçant le centre de gra
vite du système; c'est là ce que l'on a désigné c^uelquefois impro[irement sous le
nom d'action réflexe, de réaction du sol et de la rive. Cette expression, qu'on em-
ploie encore souvent, ne devra point donner lieu à malentendu, mais être com-
prise dans le sens du commentaire qui précède, toutes les fois qu'il s'agira
d'un appui fixe.
Cette action réflexe se manifeste, au contraire, et devient une force active,
quand le point d'appui est pris sur les molécules plus ou moins mobiles d'un mi-
lieu fluide. Alors sous toute pression, naît nue réaction égale et contraire à l'ac-
tion, agissant et mesurée perpendiculairement ik la surface de contact mutuel du
milieu et du corps animé. Dans la natation et le vol, tel sera l'appui que nous
aurons à considérer.
25. Du ramper ou delà reptation. Le mécanisme le plus simple que l'on
puisse concevoir pour le mouvement de translation d'un corps animé d'un point
de l'espace à un autre, par des forces individuelles, peut être exprimé par l'an-
tagonisme entre les idées d'attraction et de répulsion. L'attraction, prenant en
un point du sol un appui, condensera en une région de l'individu la masse des
parties [lost.'rieures; l'appui changeant alors de sens et se prenant en arrière de
cette masse condensée, une repulsion qui se manifestera entre ces parties conden-
sées poussera, portera, projettera ces mêmes parties en avant.
Dans ces quelques lignes se trouve résumé le principe de la locomotion la plus
782
LOCOMOTION.
élémentaire. Voici, par exemple (fig. 7, 8 et 9), l'observation du déplacement
d'une chenille :
« Les chenilles se meuvent ainsi pour la plupart : elles commencent par retirer
et recourber un peu leur extrémité postérieure, en formant une petite bosse en
haut, et en serrant les
deux ou trois anneaux
correspondants, en des-
!1^
sous. Par ce moyen, la
dernière paire de jambes
fait un pas et se cram-
ponne; et ce renflement
se coule par un mouve-
ment ondulatoire, c'est-à-
dire par une Suite de mou-
vements semblables, le
long du corps jusqu'à la
tête. En sorte que chaque
paire de jambes soit mem-
braneuses, soit écailleu-
Fig. l.S el9.
ses, lorsque le renflement passe par-dessus, peut s'avancer et se cramponner à
une nouvelle distance. Enfin la tête peut se porter en avant en relâchant à son
tour ses anneaux contigus et serres. « (Wciss. Acta. Ilelvetica.)
A part l'absence de pattes, remplacées chez eux par des écailles, imbriquées
d'avant en arrière, les serpents se portent en avant par un mouvement ondula-
toire calqué en principe sur le précédent .
Dans cette description, il est visible que le mouvement qui fait passer l'onde du
renflement, d'ai'rière en avant, est une force de projection par élasticité. Pour s'en
assurer, on n'a qu'à prendre l'onde arrivée à la première paire de pattes en avant ;
il est clair que celle-ci ne pourra être, avec la tète qui la précède, portée plus
antérieurement que par un fait de répulsion nécessairement du genre de l'élasti-
cité rendue libre.
Les naturalistes, il est vrai, nient l'existence d'un tissu élastique entre les an-
neaux plus ou moins cartilagineux des annelés ou les rondelles osseuses des ophi-
diens. Nous ne pouvons contredire la science d'observation. Cependant comment
expliquer autrement que par une force d'extension élastique, la propriété qu'ont
les sangsues, par exemple, de s'étendre en longueur en s'amincissant d'arrière
en avant, sans autre point d'appui que leur base postérieure!
Nous avons, après Barthez, cherché nous-mêmes à expliquer ce mouvement de
projection parla contraction alternative des fibres longitudinales dorsales ou ven-
trales des annelés. Mais si la contraction ventrale rend aisément compte du rap-:
prochement des pattes correspondant à la bosse dorsale au point ondulant, il
n'en est plus de même quant à l'intelligence du mécanisme inverse. On conçoit
assurément qu'il se forme, par la contraction des fibres dorsales succédant à celles
des fibres opposées, une bosse à convexité inférieure ; mais on ne comprend plus
que celle-ci puisse servir à la progression puisque, si son premier effet est de
pousser en avant, les pattes antérieures à la tête, le second effet est de les
redresser ou de leur enlever la possibihté de prendre appui au sol.
La reptation, contrairement à l'étjmologie, n'est point l'allure des reptiles en
général, mais celle des seuls ophidiens dans cette classe et des annelés en général.
LOCOMOTION. 783
Les reptiles ont en effet pour la plupart de véritables membres, trop courts,
il est vrai, pour empêcher leur abdomen de toucher ou au moins de raser la terre,
mais enfin ce sont des membres et leur allure ressortit sur le sol à un mécanisme
du genre de celui des quadrupèdes. Il en est qui sautent, d'autres qui glissent,
nagent, enfin volent !
Quant aux annelés armés de pattes, ce ne sont point en général de véritables
membres, en ce sens qu'ils ne jouent point le rôle de leviers obéissant à des
forces particulières. Ce sont de simples appendices accrochant aux inégalités et
aspérités du sol, les parties que l'animal doit fixer pour prendre son appui.
26. De la marche chez Vhomme. — A. Définition. — Faits d'observation.
Parmi les différents modes de translation de l'homme d'un point à un autre, le
plus simple, évidemment, le premier qui doive attirer notre attention, c'est la
marche.
L'analyse du mécanisme de la marche chez l'homme, comme cliez les ani-
maux, est un des problèmes physiologiques les plus complexes. L'observation,
seule, des différents temps qui constituent cet acte, et, par suite, sa simple
description, sont elles-mêmes un travail des plus délicats. Avant d'en entrepren-
dre la synthèse, essayons donc tout simplement d'exposer les faits d'observation
physiologique qui ne peuvent offrir matière à doute.
Premièrement, la marche est une allure de translation spontanée du corps,
composée de pas, c'est-à-dire de temps successifs égaux entre eux, pendant cha-
cun desquels une jambe, en contact avec le sol, sert au tronc de support et de
moteur; l'autre, à l'état de suspension ou d'oscillation, étant portée en avant, à
la rencontre du sol pour y servir, à son tour, d'appui et de moteur.
Au moment où a lieu cette rencontre, la jambe, premièrement à l'appui,
quitte alors le sol ; elles ne sont jamais en l'air ensemble, et le temps de leur
appui simultané est inappréciable.
Telle est donc la caractéristique de la marche. Si rapide qu'en puisse être l'al-
lure, le corps n abandonne jamais complètement le sol. Ce caractère, nous le
verrons plus loin, différencie expressément la marche du saut, ou de la course,
laquelle est une combinaison de la marche et du saut.
B. Mouvement du centre de gravité pendant la marche. Suite des observa-
tions. Deuxièmement, pendant le cours de la marche (sur un plan horizontal),
le tronc, ou du moins son centre de gravité, est transporté presque en ligne
droite. Il oscille cependant, suivant la verticale, sur une hauteur de 50 à
32 millimètres environ, entre son point le plus élevé et son point le plus bas.
La situation la plus inférieure du centre de gravité correspond aux environs
du moment où la jambe postérieure va quitter le sol, et oîi l'antérieure va la ren-
contrer.
Que les pas soient longs, qu'ils soient courts, ces oscillations demeurent com-
prises approximativement dans les mêmes limites. Seulement dans les pas longs,
les deux plans horizontaux, distants de 32 millimètres, entre lesquels s'opèrent
les oscillations, sont plus rapprochés du sol que pendant les pas courts, et d'au-
tant plus que le pas est plus long.
A mesure que les pas augmentent de longueur, le tronc s'incline davantage sur
le bassin, et la jambe suspendue affecte une flexion plus grande dans ses arti-
culations.
En même temps qu'il oscille de haut en bas et de bas eu haut, et qu'il se
porte en avant, le centre de gravité est porté du côté de la jambe appuyée, pen-
784 LOCOMOTION.
dant les trois premiers quarts du pas (approximativement), pour passer sur
l'autre au moment où elle arrivera à l'appui.
Pendant cette première phase du mouvement, le côté du bassin auquel est
suspendue la jambe oscillante, est porté en avant, en tournant horizontalement
sur le sommet de la jambe d'appui, et en même temps en haut, autour d'un
centre de rotation que représente la tète du fémur d'appui. Le mouvement in-
verse commence vers le moment où l'autre jambe vient à l'appui.
En résumé, le centre de gravité, qui parcourt durant un pas, et d'avant en
arrière, l'espace que mesure ce pas, est, eu même temps, dès le début de la
période, porté en haut et en dedans, pour revenir à la hauteur initiale, à la fin
de cette période.
On peut reconnaître là une des conditions nécessaires pour que la jambe oscil-
lante ne rencontre point le sol dans son mouvement de projection en avant.
Yodà pour le bassin.
C. Analyse du premier temps ou de la première phase du pas. Propidsion.
On peut conclure de ce qui précède que la marche peut être décomposée par
l'analyse en deux temps ou deux phases mécaniques : le premier (appelé premier
temps) est l'acte par lequel le centre de gravité du corps est poussé en avant ; —
le second, l'acte de préparation à l'alternance d'action des moteurs, c'est-à-dire
la translation du membre inerte, destiné à devenir actif à son tour.
L;\ phase de propulsion, la phase d'oscillation.
Il y a même lieu d'y considérer un troisième temps, ou plutôt un temps
préalable ou de préparation : celui qui fait passer le sujet de la station propre-
ment dite à l'attitude propre à la marche.
1° Période de préparation. Obseivons-nous au moment, où, de l'état de
repos, sur les deux jambes parfaitement droites, nous allons passer à celui de
mouvement dans la marche, nous voyons :
Le corps, l'épaule, s'inclinent sur l'un des côtés (droit, par exemple), élevant
la moitié opposée du bassin (gauche, par conséquent), tant par l'action des mus-
cles spinaux et latéraux du tronc, que par l'impulsion (extension) de la jambe
qui quittera le sol la première (la gauche). Bientôt, en effet, cette jambe devient
mobile, et se porte en avant, eu même temps que le bassin exécute, autour de la
tète fémorale fixe, les mouvements décrits plus haut (B). Pendant ce temps, on
voit que les mouvements d'extension précédem-
mejit observés, ou plutôt ébauchés, dans la pre-
mière jambe, s'accomplissent graduellement dans
celle appuyée, mais d'une manièie plus com-
plète. L'articulation du pied sur la jambe, puis
celle du genou, s'ouvrent et s'étendent succes-
sivement; la jambe postérieure pousse ainsi en
avant le centre de gravité suspendu au-dessus
d'elle, jusqu'au moment où l'autre jambe, arri-
vaut à l'appui, passe du rôle passif à la fonclion
active.
ss5s^:sss^^-..s.^-....s...s.. - ^ j^ g^ ^g ^g premier pas, qui se trouve être
'^' ■ le commencement du pas suivant, la ligne de
propension du centre.de gravité \ient donc porter sur le talcn de la jambe
antérieure, ou même plus en avant (fig. 10). Or, comme, en ce moment
même, la jambe postérieure est étendue et touche encore au sol par l'extrémité
LOCOMOTION. 785
antérieure du pied, on reconnaît qu'au moment très-court où les deux jambes
touchent simultanément le sol, la jambe postérieure forme l'hypoténuse d'un
triangle rectangle, dont les deux autres côtés sont la longueur du pas, et la
hauteur du centre de gravité au-dessus du sol.
deuxième phase. Projection. Pendant que s'accomplissent, dans la jambe
appuyée ou postérieure, les actes successifs d'extension des articulations du
pied, puis du genou, propulseurs du centre de gravité, l'autre jambe abandonne
le sol pour se porter sur ce centre, et rencontre le sol au moment de l'extension
tinale de la jambe motrice, au moment où la pesanteur tend à faire déchner ce
centre des mouvements du corps.
Cette période s'exécute par un mécanisme inverse à celui de l'extension des
articles : la jambe se fléchit aux articulations du bassin, du genou, du pied,
dans une mesure en rapport avec l'espace offert à son passage entre le sol
elle centre de gravité, c'est-à-dire d'autant plus que le centre de gravité oscille
autour d'une ligne plus rapprochée de terre, c'est-à-dire que le pas est plus
grand.
Ce sont donc les fléchisseurs de la cuisse sur le bassin, de la jambe sur la
cuisse, du pied sur la jambe, qui sont préposés à ce mouvement, comme celui
de la jambe motrice est confié à l'action successive et simultanée des extenseurs
de ces mêmes articles.
Quant aux mouvements du bassin et des épaules, on voit qu'ils sont dus aux
actions respectives des muscles disposés et étages autour du tronc et des épaules.
D. Mouvements simultanés qui se passent dans les parties supérieures. Si
l'on considère maintenant l'extrémité supérieure du tronc, on observe que :
La poitrine, les épaules surtout, tournent horizontalement autour d'un axe ver-
tical, qui semble passer par la colonne vertébrale. Dans ce mouvement, l'épaule
droite avance en mênje temps que le côté gauche du bassin, et récipro-
quement.
En même temps encore, chaque bras exécute simultanément avec la jambe du
côté opposé deux demi-oscillations : l'une antérieure, correspondant à la pé-
riode de suspension et de projection de cette dernière; l'autre, postérieure,
isochrone avec sa période d'appui et d'extension.
Gassendi avait cru remarquer que dans ce mouvement oscillatoire du bras,
celui qui vient d'être porté en avant ne rétrograde jamais ; qu'il s'arrête à la
limite de la demi-oscillation antérieure, et comme s'il s'y fixait.- Le tronc, suivant
lui, venait l'y retrouver, puis l'autre bras partait à son tour.
L'observation nous parait inexacte ; le bras exécute bien deux demi-oscilla-
tions. C'est sous l'influence d'une suggestion spéculative que Gassendi avait conçu
ou cru surprendre ce mouvement comme coupe en deux. Il étendait au bras de
l'homme ce qui se passe chez le quadrupède : chez ce dernier, lors de la mar-
che, le bras droit (pied droit antérieur) est suivi de très-près dans son mouve-
ment par le pied postérieur gauche., et pas phis que ce dernier, une fois posé,
enlrétrograde (ce qui est simple, puisqu'il repose à terre, et y devient à son
tour appui et même moteur).
Chez l'homme, les mouvements de projection du bras droit et de la jambe
gauche se suivent de plus près encore ; jusqu'ici il y a grande analogie. Mais ne
rencontrant pas d'appui, de frottements, ni d'obstacles, le bras droit n'est jamais
arrêté, et revieiU dès lors en arrière, complétant son oscillation. L'observation de
Ua.ssendi était donc incomplète. La pathologie, d'ailleurs, en démontre l'inexac-
mcT. B»^. 2» s. II, 50
o
7o6 ij v/ \j v/ iinj 1 lu il .
titude. M. Ducheiine (de Boulogne) a établi que, dans l'atrophie de la moitié
antérieure du deltoïde qui fait disparaître la moitié antérieure de l'oscillation, la
demi-oscillation postérieure continue à s'observer eu arrière, sous l'influence de
la partie saine du muscle, et vice versa.
Les bras sont -ils, au contraire, fixés au corps par la volonté, le mouvement de
projection des épaules n'a point lieu ou change de sens. Dans ce cas, l'épaule
gauche avance avec le côté gauche du bassin, et vice versa. L'allure rappelle
Vamhle des quadrupèdes.
La rapidité de l'allure est alors particulièrement entravée. On l'observe, dans
la course, chez les sujets amputés d'un bras, obligés alors de s'incliner latérale-
ment du côté allégé.
E. De l'assimilation de la jambe mobile à un pendule. An"ètons-nous quel-
ques instants sur cette phase du mouvement ; elle offre quelque intérêt, ayant été
l'objet de théories et de controverses qu'on ne saurait passer sous silence.
Se fondant sur le rôle de centre de rotation que joue dans la cavité cotyloïde la
tête fémorale, des auteurs, plus mathématiciens que physiologistes, ont cru pou-
voir avancer que, dans la marche, le mouvement de projection de la jambe mobile
était un fait tout passif, physique, dépendant de la seule action de la pesanteur
sur la jambe, considérée elle-même comme un simple pendule dérangé de sa posi-
tion d'équilibre.
« La jambe, a-t-on dit, pendant la marche, descend de sa position extrême d'ex-
tension, ou plutôt de l'élévation légère qui suit cette extension, au moment où
elle abandonne le sol, à la position stable de contact avec le sol, absolument
comme un pendule et suivant la même loi. » Les muscles, dans la pensée de ces
auteurs, ne semblent prendre dans ce résultat qu'une part faible ou nulle : « Le
mouvement peut se continuer uniformément, ajoutent-ils, alors même que le mar-
cheur ou le coureur ne dirige pas continuellement son action vers ce but... »
Bien des objections se présentent à cette idée spéculative étrange :
Premièrement, comment fera la jambe oscillante pour passer, sans l'interven-
tion musculaire et celle de la volonté par conséquent, entre le sol et son point de
suspension, elle dont la longueur représente, eu égard à son extension précédente,,
l'hypoténuse du triangle rectangle dont la hauteur de son point de suspension
représente le côté perpendiculaire au sol? (C) N'y a-t-il pas là nécessité absolue d'un
raccourcissement que, seuls, les fléchisseurs de la cuisse sur le bassin, de la jambe
sur la cuisse, du pied sur la jambe, sont en état de produire? Car ce ne sont pas
les propriétés physiques du pendule qui seront aptes à amener ce raccourcis-
sement.
De plus, dès que le pas n'est pas des plus courts, la jambe flottante arrive au
sol, à l'état de flexion marquée ; en tous cas, elle y arrive plus courte qu'au mo-
ment de son passage à l'aplomb de la jambe d'appui. Est-ce encore le pendule
qui la raccourcit, et non pas les muscles fléchisseurs de la cuisse sur le bassin?
La physiologie pathologique ne laisse non plus de doute sur l'intervention
nécessaire dans cet acte de l'action musculaire ; M. Duchenne (de Boulogne) a dé-
montré par de nombreuses observations que :
1° Consécutivement à la paralysie ou à l'affaiblissement des muscles fléchis-
seurs de la cuisse sur le bassin, le mouvement oscillatoire d'avant en arrière du
membre inférieur, pendant la marche, ne se fait plus normalement, m complète-
ment; il faut, pour l'accomplir, que la hanche et l'épaule du même côté soieat
élevées considérablement pour détacher le pied du sol, et qu'un mouvement de
- 7«7
totalité du tronc projette avec plus ou moins de vigueur le membre en avant, en
imprimant au bassin un mouvement de rotation sur le membre fixe. »
« 2° Consécutivement à la paralysie des muscles fléchisseurs de la jambe sur la
cuisse, la flexion du genou, qui a lieu immédiatement avant que le pied se dé-
tache du sol, se fait difficilement et incomplètement; il eu résulte un retard et de
la difficulté dans la production du deuxième temps de la marche. »
5" enfin, l'abolition du mouvement de flexion du pied sur la jambe occasionne
un grand trouble dans ce même temps de la marche. Il s'accuse par la nécessité
où se trouve cette catégorie de malades d'exagérer, dans la marche, le mouve-
ment de flexion de la cuisse sur le bassin, de manière que le membre puisse être
porté en avant sans rencontrer le sol.
L'analyse des modifications introduites dans cette fonction par l'inclinaison du
sol, pendant la montée ou la descente, apportera plus loin des cléments non moins
probants à l'encontre de cette théorie antiphysiologique.
27. De la marche en montant. Dans la marche en montant, en sus des
actions nécessaires pour porter en avant le centre de gravité, le système muscu-
laire a encore à mettre enjeu celles qui doivent, à chaque pas, élever ce centre de
gravité d'une quantité donnée.
Pour avoir une idée de ces dernières, observons-nous le long d'un escalier :
notre jambe antérieure repose sur la niarche supé-
rieure, la jambe post(Tieure appuie sur celle de Çè] --.
dessous et lui est perpendiculaire (fig. 11). Restons j S^
dans cette situation droite. Pour peu que le degré
soit élevé au-dessus de la hauteur que peut atteiu- r
dre l'extrême extension de la jambe postérieure,
nous demeurons cloués. Impossible d'avancer si
nous persistons dans notre attitude droite. Le
poids de notre corps (tronc, membre abdominal
d'appui, moitié supérieure du membre antérieur)
se trouve suspendu tout entier sur le genou comme
point d'appui au bout d'un bras de levier que me- [' |
sure la longueur entière du fémur en situation ^^^«
horizontale. ^
Le bras de levier de l'extenseur (triceps) , destiné ^'S- H-
à équdibrer cette action, n'a pour toute longueur que le rayon des condyles
fémoraux.
Alors, sans nous en rendre compte, nous inclinons le corps en avant, la jambe
postérieure pousse en avant le bassin ; l'articulation du genou, celle du pied de
la jambe antérieure se plient ; la ligne de propension de la gravité s'approche ainsi
du genou, puis de la verticale qui passe par l'appui antérieur. Dans cette situa-
tion, le poids du tronc, agissant par un bras de levier moins étendu, cède à l'action
du triceps et s'élève d'un degré.
Pendant ce second mouvement, celui de l'ascension du centre de gravité, la
jambe postérieure demeure libre et mobile, quitte le sol, et est enlevée tant par le
fait de l'élévation du bassin, que par l'action des muscles propres qui vont eux-
mêmes la fléchir sur le bassin. Cette flexion, d'autant plus prononcée que la hau-
teur des degrés est plus considérable, met, en cette circonstance, en grande
évidence l'action propre et volontaire des muscles qui l'accomplissent. Cai' ce
membre doit aller à la rencontre du degré suivant, à une hauteur déterminée dont
lp5.S-^
r88
j\j\j\jmvr I iKJl^m
le sensoriuin a conscience; et cette hauteur précise elle-même le degré de flexion
nécessaire pour l'atteindre. On ne divA pas que les lois du pendule ont qualité
pour régler ce quantum de mouvement.
On comprend que, dans cet acte complexe, plus est grande l'inclinaison du ter-
rain ou de l'escalier, plus le tronc doit être incliné sur la jambe antérieure, la
possibilité d'élever le centre de gravité se liant directement à cette inclinaison,
i Dans lamarche ascendante, on observe encore que les mouvements alternatifs
du centre de gravité vers la droite et vers la gauche sont plus prononcés que
dans la marche sur sol horizontal. Dans ce dernier cas, ces mouvements peuvent
être presque évités si la marche affecte une certaine rapidité. Mais, dans la pro-
gression de bas en haut, l'obligation d'élever, à chaque pas, plus ou moins haut
le membre suspendu, rend nécessaire le maintien plus longtemps fixe du point
d'appui de tout l'ensemble. Gonséquemment, le mouvement de va-et-vient, à droite
et à gauche, sera d'autant plus marqué que la pente sera plus roide.
Ce mode de mouvement, la progression de bas en haut, est celui dans lequel
l'homme peut déployer le plus d'effet mécanique utile constant pour une dépense
donnée et non destructive de force musculaire. Dans un travail journalier de
8 heures, il peut produire, en moyenne, 280,000 kilogrammètres '.
28. De la marche en descendant. Celle-ci dift'ère de la marche ascendante
par une circonstance qui semblerait devoir lui enlever tout caractère pénible, à
savoir : l'absence du travail consistant à élever le poids du corps à une hauteur
donnée.
Cette circonstance s'accuse en effet par une différence notable dans la fatigue
qui suit l'un ou l'autre exercice.
Cette fatigue, cependant, n'est point nulle, comme on
pourrait être tenté de le croire en considérant que l'on sem-
ble agir dans le même sens que la gravité, au heu d'avoir
cette force pour antagoniste.
Or, sans l'avoir autant contre soi que dans la progression
de bas en haut, la gravité est cependant encore un adversaire
lors delà progression inverse.
Un corps, abandonné à l'action de la pesanteur, prend
sous son influence un mouvement uniformément accéléré,
qui, en conflit avec l'organisme animé — comme d'ailleurs
avec tout organisme — ne serait pas longtemps avant d'en
avoir brisé toutes les connexions, tous les éléments. La
première manifestation que nous en éprouvons est le choc de
l'extrémité qui arrive trop brusquement au contact avec le
sol.
Dans la marche en descendant, nous devons donc contenii
chaque pas dans les conditions du mouvement uniforme,
pendant que la gravité tend à lui imprimer le mouvement
accéléré.
Or la pesanteur aurait bientôt produit cet effet, si nous lui abandonnions sans
réserve notre centre de gravité, c'est-à-dire si nous le projettions inconsidérément
e/2 avant de la base de sustentation. Nous nous en gardons bien, et ce raouve-
fig. 12.
* Le kilogrammètre est l'unité de force et représente 1 kilogramme élevé à 1 mètre de
hauteur.
LOCOMOTION. 789
meut eu avant, qui doit eu défiuitive s'accomplir, nous ne l'accomplissons qu'au
moment où la jambe suspeudue va venir au contact du sol (iig. 12).
Jusque-là, tout le poids du corps est avec soin maintenu sur la base de susten-
tation, c'est-à-dire reposant sur la jambe postérieure, non plus étendue, mais
fléchie, et dont la flexion est graduellement accrue jusqu'au moment où le pied
suspendu touche ou va toucher au degré inférieur.
Pendant ce mouvement, le tronc est maintenu droit en arrière, étendu sur le
bassin. Quant au membre abdominal fléchi, qui soutient et modère la descente
de ce poids, la lutte des forces y est établie entre ce poids à l'une des extrémités
des leviers et l'énergie des extenseurs agissant sur l'autre extrémité : le triceps et
le soléaire supportent ici la plus giande partie du travail.
Ces considérations fout comprendre par quel mécanisme une descente prolongée
sur un terrain en pente, quoique improductive de tout travail, ne laisse point
d'entraîner avec elle une certaine dose de fatigue. Cette fatigue représente la trans-
formation de l'action accélératrice de la gravité en un mouvement à périodes
uniformes.
29. Du saut. Le saut est un déplacement brusque et de totalité du corps,
dans lequel celui-ci, comme un objet rigide, est détaché du sol et lancé dans une
direction donnée.
Ce que l'observation première enseigne à son endroit permet de décomposer en
quatre périodes parfaitement distinctes l'accomplissement de ce mouvement. On
y reconnaît en effet :
1° Une période de préparation, pendant laquelle le tronc se phe sur les fémurs,
les fémurs sur les tibias, les tibias sur les pieds ; inclinaisons mutuelles et succes-
sives d'autant plus grandes que le mouvement proposé doit être plus étendu ;
2° Une période d'extension simultanée et rapide de tous les articles ainsi
fléchis ;
o" Une période de séparation du sol et du corps, pendant laquelle celui-ci, con-
sidéré dans son centre de gravité, parcourt une certaine courbe de la nature des
paraboles, comme un mobile inanimé ;
4° Enfin une période de retombée dans laquelle, au moment d'arriver au sol, le
corps se ré-infiéchit sur toutes les articulations, se pelotonne derecl»ef et d'au-
tant plus qu'il tombe de plus haut ou de plus loin.
S'appuyant sur cette description, les auteurs ont conclu avec une sorte d'una-
nimité que le mouvement ainsi produit était déterminé par le redressement ra-
pide, l'ouverture énergique des articulations précédemment infléchies : la quan-
tité de mouvement produite dans cette rapide extension des articulations, détruite
du côté du sol par sa résistance absolue, ne trouvant en l'autre sens que la résis-
tance offerte par le poids du corps, devait nécessairement l'entraîner.
Proposition très-vraie, mais non moins incomplète et impuissante parla à repré-
senter toutes les circonstances, toutes les qualités du mouvement en question.
Et en etfet, restreinte à cette formule, l'analyse du mouvement « du saut »
nous montre seulement dans cet acte les articulations s étendant successivement
et forcément jusqu'à la limite extrême des ouvertures articulaires. La force vive
du mouvement produit, la vitesse acquise ne pourra effectivement entraîner le
corps qu'au moment ovl elle n'aura plus d'ouverture articulaire à agrandir. Pour
qu'elle puisse agir sur le système entier, il faut qu'il soit devenu rigide ; jusque-là
elle manifestera nécessairement son action sur les résistances moindres, sur celles
développées à chaque centre de rotation articulaire.
790 LOCOMOTION.
Dans cette expression (tronquée comme nous allons le montrer) des phéno-
mènes du saut, le détachement du corps et du sol n'aurait donc heu qu'après
l'ouverture complète de toutes les articulations précédemment fléchies. Le corps
ne pourrait donc être entraîné que dans une seule situation réciproque de toutes
les articulations, et partant que dans une seule direction. A ce moment-là
seulement, la quantité de mouvement acquise serait obligée de se concentrer sur
le centre d'action offert par le système entier. Il y a donc nécessairement un
point important négligé, omis, méconnu dans l'exposé de ce mécanisme.
Si nous l'analysons de plus près, nous reconnaissons que le corps part, se dé-
tache du sol dans toutes les directions que la volonté ou l'instinct vont indiquer,
et qu'il part d'un mouvement brusque, comme ferait la détente d'un ressort.
Ce supplément d'observations montre que le corps peut ainsi devenir rigide
et un suivant toutes les directions possibles, et qu'il devient tel tout d'un coup.
11 n'attend donc point, pour réaliser cette rigidité, que les articulations la lui pro-
curent passivement par le choc de leurs surfaces arrivées successivement à l'ex-
tension de leurs ligaments. Cette tension ne correspondrait jamais qu'à une seule
inclinaison du centre de gravité sur la verticale, et n'offrirait par conséquent
qu'une seule échappée au mouvement commencé. Il est donc de toute nécessité
que le corps se donne à lui-même cette rigidité, qu'il puisse le fiaire dans une
mesure et sous un angle déterminé, et que la détente qui en résulte ait le carac-
tère que l'on observe dans les mêmes circonstances, dans les corps élastiques.
Dans cette addition et dans l'exposé du mécanisme qui le réalise, se trouve le
complément analytique de l'acte physiologique du saut.
Voyons maintenant en quoi consiste ce mécanisme.
Le point essentiel et caractéristique en est le suivant : nous venons de montrer
que, pour qu'il y ait enlèvement du corps, pour qu'il se détache du sol, il faut que
la vitesse acquise, la force motrice future, ne trouve plus de travail plus facile à ac-
complir ; il faut que les articulations ne puissent plus continuer à s'ouvrir devant
elles, que ce corps, ce composé de leviers inclinés les uns sur les autres, soit
devenu rigide. Il le peut aisément, mais il ne le peut que d'une façon : il faut
pour cela que les articulations ne puissent plus s'ouvrir, que le mouvement
d'extension soit entravé ; et il faut que cette entrave soit subitement introduite
dans le mouvement. Or, où est la force capable d'entraver le mouvement d'ex-
tension articulaire? Chacun l'a nommée : c'est l'action antagoniste des exten-
seurs, celltrdes muscles fléchisseurs des mêmes articulations. 11 n'en existe point
d'autre sur le chemin d'une articulation fléchie qui se rouvre.
Et, pour que cette intervention donne à l'effet produit le caractère d'un l'es-
sort, d'une détente, il faut qu'elle ait lieu brusquement.
. Voilà donc ce qui se passe dans ce second temps du saut, ou plutôt ce qui le
termine, et détermine en même temps le « lancement » du corps animé dans une
direction donnée.
Arrivé à un degré d'ouverture angulaire en rapport avec l'objet du saut, le
mouvement d'extension articulaire est subitement et simultanément arrêté par
la contraction active, subite et fixe des fléchisseurs de tous ces articles, lesquels
jusque-là accompagnaient passivement leurs leviers respectifs par une distension
harmonique avec l'action de leurs antagonistes, les extenseurs.
Le mouvement commencé et accélérateur qui agissait de proche en proche,
de l'articulation la plus inférieure jusqu'au tronc lui-même, graduellement éloigné
de terre, change ainsi de nature ; s'appliquant subitement au centre de gravité
LOCOMOTION. 791
d'un système devenu rigide, il prend le caractère d'une communication brusque
•de mouvement propre aux vitesses acquises.
Le corps y obéit comme une masse inerte lancée dans une direction donnée.
La direction de ce mouvement, ou la résultante finale qui emporte le corps, la
tangente, au premier élément de la trajectoire parabolique, est représentée par la
ligne droite qui joint le centre de gravité du système au point d'appui sur le sol,
au moment du départ. Les inclinaisons relatives des leviers, le moment oîi s'in-
troduit dans le mouvement l'arrêt subit de l'extension, déterminent, sous la direc-
tion de l'instinct ou de la volonté, l'inclinaison de cette tangente sur l'iiorizon.
Parla se trouve réglée, en avant ou en arrière de la verticale, et dans un degré
déterminé, la marche de la trajectoire ou la direction du saut .
L'expérience confirme pleinement ces conclusions théoriques.
Nous nous excusons d'arrêter aussi longtemps le lectein- sur un détail mi-
nime en apparence. Notre excuse sera dans l'obscurité dont ce mécanisme, qui
est loin d'être isolé dans l'histoire de la locomotion, a été enveloppé jusqu'à ce
jour.
Parmi les auteurs qui se sont occupés de cette question, Borelli, Willis, Bar-
thez ont seuls très-bien compiis qii'il y avait dans ce mécai-iisiiie autre chose que
des articulations qui se développent ; ils avaient défini leur pensée en disant qu'il
se passait là quelque chose d'analogue à l'effet d'une force élastique. Ils compa-
raient avec raison cet acte dynamique avec la « vis percussionis » qui fait l'es-
sence d'une ruade, d'un coup de poing, d'un coup sec, mais sans en pénétrer le
caractère même, le mode d'accomplissement physiologique. En faisant voir que
cet effet des articles en train de se développer n'est dû qu'à l'immobilisation
brusque, par la contraction subite des fléchisseurs, nous croyons avoir jeté sur ce
point délicat une lumière utile. Ce mécanisme d'ailleurs se répète en beaucoup
d'actes importants de la dynamique animale, et nous le retrouverons dans l'étude
de la course, du vol, de la natation . Il explique de même les mouvements sur
place que nous venons d'indiquer, la ruade, le coup de poing.
Signalons comme un exemple de la remarquable économie des procédés em-
ployés par la nature dans ses actes, ce mouvement des fléchisseurs qui détermine
le choc, et qui se trouve procurer, ipso facto, les deux autres effets importants
que voici :
Fléchi derechef dans toutes ses articulations, le corps présente la moindre sur-
face, et par conséquent développe de la part de l'air la moindre résistance ; se-
condement, il se trouve tout préparé dans cette attitude aux réactions élastiques
qui doivent assurer son arrivée intact au sol, et sans choc brusque, lors de la
retombée.
L'étendue du saut, avons-nous dit, dépend, toutes choses étant égales d'ail-
leurs, du degré de flexion préalable des articles destinés à s'étendre; elle dépend
naturellement aussi de l'énergie des muscles employés au développement des
articulations fléchies.
D'un animal à un autre, elle dépendra encore de k vitesse imprimée au centre
de gravité précédant le temps de l'extension, c'est-à-dire, tout étant égal d'ail-
leurs, de la longueur des leviers articulaires, de la force qui les meut, et du
moindre poids relatif du corps de l'animal. Aussi Borelli remarque-t-il avec rai-
son que les diverses espèces jouissent d'une aptitude à sauter ou à courir avec
bonds directement en rapport avec la longueur de leurs membres postérieurs.
On conçoit encore l'accroissement de l'étendue horizontale du saut apporté par
792 LOCOMOTION.
une vitesse acquise précédemment par le système comme dans le cas de course,
ou bien après un élan. Ces influences sont assez simples pour dispenser de tout
supplément d'explication.
50. De la course. Nous avons dit déjà que le caractère qui peut servir à
différencier la course de la marche rapide, consiste en ceci :
Dans ce dernier mode de progression, la marche, le corps est toujours en con-
tact avec le sol par un des membres inférieurs, et, dans un fort court instant,
par les deux à la fois.
Dans la course, au contraire, les pas se composent d'un moment pendant lequel
ce contact a lieu, et d'un autre moment pendant lequel le corps est flottant dans
l'air.
Il résulte de cette définition, exclusivement tirée des faits, que le pas de course
est à la fois, un pas de marche et un saut ; en d'autres termes, qu'en un certain
moment du pas de marche, avant que la jambe flottante n'arrive à l'appui, une
impulsion brusque détache du sol le système en mouvement.
Comme les deux membres ne touchent jamais le sol à la fois, l'impulsion est
nécessairement le fait de celui qui appuie, et le moment oii elle a lieu ne peut
évidemment appartenir qu'à la dernière phase de son contact.
Le saut a donc lieu, dans la course, par la détente d'une seule jambe, et la
retombée sur l'autre.
Les quatre temps du saut se réduisent ainsi à trois : mouvement d'extension
de la jambe d'appui — détente accomplie chez elle par l'intervention subite des
fléchisseurs — retombée sur l'autre jambe toute préparée à l'état de flexion.
La course s'accomplit donc comme une marche rapide, mais dans laquelle la
jambe postérieure n'arrive pas au maximum de son extension, celle-ci étant in-
terromjiue par le mécanisme ci-dessus décrit de la détente.
Cette détente détermine un mouvement d'impulsion suivant une hgne légère-
ment oblique à la direction du trajet, et qui porte le centre de gravité du système
du côté de la jambe suspendue en même temps qu'en avant. Cette circonstance
doit accroître le mouvement de bascule horizontale du bassin, lequel sera d'au-
tant plus prononcé que ce bassin sera plus large. On peut l'observer chez la femme
qui n'est pas, eu égard à cette circonstance, aussi gracieuse dans la course que
dans bien d'autres attitudes.
A part cette dérive apportée dans son trajet, le centre de gravité parcourt,
comme dans le saut, un petit élément parabolique dont la projection horizontale
s'ajoute à la longueur du pas de marche.
On voit d'après cela, que pour une ouverture angulaire donnée des jambes, le
pas de la course aura toujours une étendue plus considérable que le pas de
marche ; la différence sera la projection horizontale de l'élément parabolique
défini ci-dessus.
La retombée devant s'exécuter ici comme dans le saut, de façon à prévenir les
chocs brusques ou anéantissements subits de la force vive, la jambe d'appui s'offre
au sol, par la pointe du pied étendue et non, comme dans la marche, par le talon.
Ajoutons enfin que, comme dans le saut précédé d'élan, la vitesse acquise par
le système, dans les instants antérieurs de la course, ajoute une certaine vitesse
à l'impulsion de chaque saut partiel et à la corde horizontale de la trajectoire par-
courue.
Dans la course, la nécessité de produire beaucoup de quantité de mouvement
en peu de temps, l'obligation où est le sujet de maintenir le centre de gravité du
LOCOMOTION. 795
corps dans une situation aussi fixe que possible, par rapport au point d'applica-
tion des forces qui déterminent l'enlèvement du système, doivent modifier l'éten-
due des mouvements partiels du tronc qui s'accomplissent dans la marche.
Les oscillations du bassin ne sauraient être évitées : mais celles du tronc lui-
même, plus indépendant des moteurs immédiats, le sont ; la course n'est rapide
et exempte de pertes inutiles de force vive qu'à la condition que la partie supé-
rieure du tronc soit maintenue dans une quasi-immobilité relative. D'où, pour peu
que la course se prolonge, essoufflement, spasmes du diaphragme et autres trou-
bles respiratoires.
« C'est pour cette fin (la fixité de la région thoracique) que l'homme qui court,
dit Barthez, fait de grandes inspirations, qu'il les prolonge beaucoup ; qu'il tient
le diaphragme dans un état de contraction plus ou moins forte, qu'appuie l'air
contenu dans le poumon en quantité plus grande que d'ordinaire.
« Cette fixité de la cage thoracique surtout dans la région diaphragiuatique,
fait que la répétition des mouvements de la respiration diminue de fréquence.
L'aptitude à maintenir cet état est ce qu'on appelle communément force d'ha-
leine.
L'immobilité de la cage thoracique, nécessaire dans la course, comme dans
bien d'autres actes oij doit se dé[)loyer d'une façon continue l'énergie musculaire
qui y prend un appui fixe, est due, en partie au moins, au maintien de l'occlusion
de la glotte, ajirès une inspiration d'une étendue déterminée par la conscience
de la durée probable ou prévue de V effort (§ 23).
31 . Du grimper. Si les appendices plantaires ou les écailles des animaux
rampants (nous ne disons pas des reptiles), avaient une longueur appréciable, la
remarque qui termine notre discussion relative au mécanisme de la reptation et
à la nécessité de l'existence d'un tissu élastique doué de la force de répulsion
chez les annelés, ne nous semblerait pas irréfutable. L'analyse du mécanisme du
grimper nous représenterait, en effet, sur une grande échelle, les mêmes actes
successifs d'attraction d'abord et de répulsion ensuite, qui caractérisent en défi-
nitive l'un et l'autre mode de progression.
Suivons des jeux un jeune drôle qui monte à un màt de cocagne : il est là à
moitié roule, reprenant haleine. Tout à coup, il recommence ses efforts d'ascen-
sion : qu'observons-nous en lui?
Ses bras embrassent et tiennent serré contre sa poitrine le mât auquel il est
accroché ; les jambes, croisées suivant une méthode sur laquelle nous reviendrons,
serrent également la tige verticale inflexible. Au moment où il veut reprendre
son essor, nous remarquons qu'affermissant l'étreinte supérieure formée par ses
bras, il élève le cercle formé par ses articles abdominaux, rapprochant ainsi, le
plus qu'il peut, ce cercle d'adhésion inférieure du cercle d'adhésion supérieure.
En ce moment le dos est arrondi ; le rachis fait bosse, il offre une convexité diri-
gée en dehors. (N'est-ce pas ici l'analogue de la bosse ondulatoire de la che-
nille?)
Deuxième temps. Ce premier résultat acquis, l'étreinte inférieure étant por-
tée aussi loin que possible, le cercle formé par les bras est relâché. La colonne
vertébrale s'étend (sa convexité extérieure fait place à une légère concavité, ou
du moins la convexité relative se dessine du cùlé de la tige d'appui), et les bras
peuvent alors atteindre qnelques décimètres plus haut et y renouveler leur étreinte
circulaire.
Le premier temps se reproduit alors et l'ascension s'effectue par ces rnouve-
•794 LOCOMOTION.
nients alternatifs d'attraction et de répulsion ou plutôt ici de redressement.
Oii ne peut se dissimuler que cette seconde phase du mouvement ne soit fort
assimilable à la seconde phase de la reptation, et que les nmscles fléchisseurs et
redresseurs de la colonne vertébrale ne jouent ici un rôle fort analogue à la con-
traction alternative des fibres gastriques et dorsales, longitudinales des annelés.
Allongez les appendices plantaires ou ventraux de ces derniers, leur permettant
de se fixer en avant, comme font les bras, lors du redressement de la convexité
dorsale, et vous avez identité entre les deux mécanismes.
Nous n'insisterons pas.
Nous croyons pouvoir passer ainsi très-rapidement sur le mécanisme de détail
par lequel est effectué l'étreinte supérieure chez l'homme grimpant. Les actes
préhensifs sont assez familiers à nos extrémités thoraciques pour que nous aban-
donnions ce détail à la sagacité de nos lecteurs.
Mais il n'est pas hors de propos de pénétrer un peu plus avant dans cette étude
en ce qui concerne le mode par lequel l'étreinte est accomplie par les extrémités
abdominales. Comment nos membres inférieurs, affectés à des modes de progres-
sion tout à fait différents, s'adaptent-ils à cet acte tout spécial, comment parvien-
nènt-ils à former ces cercles compresseurs propres à changer en appui fixe contre
l'action de la pesanteur, un cylindre vertical d'un diamètre en rapport avec l'am-
plitude de l'arc que ces membres peuvent embrasser.
C'est là qu'est toute la difficulté de la question : car, en ce qui concerne les
animaux grimpeurs proprement dits, on remarque chez eux tous, ongles acérés,
griffes mobiles et longues, pieds transformés en mains (quadrumanes), queues
prenantes, etc.. toutes dispositions qui rendent l'acte tellement simple qu'il serait
puéril d'y insister. C'est une pure question d'histoire naturelle. Cliez l'homme,
c'est tout différent ; il ne semble point du tout taillé pour grimper, au moins par
les membres abdominaux. Étudions-les donc d'un peu près.
A première vue, les cuisses semblent assez bien disposées pour embrasser un
tronc d'arbre en rapport de grosseur avec elles, quelque peu à la manière des
bras : le plat de la cuisse, l'espace plan triangulaire que présente la face antéro-
interne de la cuisse, se prêtent passablement bien à cette accolade momentanée.
Mais la jambe ! Elle ne se courbe point en dedans : appliquée en hgne droite à
l'arbre, elle forme la tangente, prolongée en dehors, de l'élément de contact
fémoral.
Pour s'appliquer au tronc d'arbre, il est donc nécessaire qu'elle soit fléchie,
qu'elle s'apphque à lui par une seconde portion de cercle inférieur à celui décrit
par l'article fémoral.
Or, une disposition particulière de l'articulation du genou favorise singulière-
ment cette application.
MM. Weber ont fait voir que, si lors de l'extension, la jambe est immobihsée sur
le fémur, faisant corps avec lui et dans l'impuissance de tourner sur leur axe ver-
tical commun, il n'en est pas de même lors de la flexion.
Dans la flexion, les condyles du fémur peuvent tourner sur la face supérieure
du tibia, autour d'un axe perpendiculaire à celui-ci et qui passerait entre eux :
mouvement analogue à celui des deux roues de devant d'une voiture, quand il
s'agit de la faire tourner sur place. Ce mouvement peut décrire jusqu'à 50 degrés.
Le condyle externe est plus mobile que l'interne ; dans ce mouvement, il tourne
un peu autour de ce dernier qui sert alors d'axe de rotation.
La différence des conditions observées pendant l'extension et la flexion de cet
LOCOMOTION. 795
article est d'ailleurs à attribuer aux ligaments latéraux de l'article : distendus
pendant l'extension, ils s'opposent à toute déviation latérale ; mais, dans la
llexion, étant relâchés, ils ne s'opposent point à la rotation que nous venons de
décrire.
Ouant à ce mouvement de rotation, il repose sur les éléments suivants :
Pendant la flexion du genou, le ligament latéral interne ne se relâche pas, à
beaucoup près, autant que l'externe; d'autre part, le ligament croisé postérieur
(qui vient du condyle interne du fémur) se tend, tandis que l'antérieur se re-
lâche. II résulte de là que, les ligaments fixés au condyle interne étant relative-
ment plus fixes et plus tendus que ceux du condyle externe, ce dernier sera plus
mobile que l'autre.
Ces détails anatomiques sont d'un grand intérêt pour la question physiologique
qui nous occupe'.
Privé de ce mouvement de rotation pendant la flexion, comme il en est dépourvu
pendant l'extension du membre, l'Iiomme n'evit pu embrasser le tronc d'arbre
avec ses membres abdominaux qu'à la façon d'une paire de pincettes.
Voyons, au contraire, le parti qu'il tire de la flexion.
La jambe fléchie peut être mise en rapport de contact immédiat avec la surface
convexe de la tige de l'arbre par toute une surface concave que forment : 1" la
concavité plantaire que permet de presser contre l'arbre l'action des fléchisseurs
profonds et dont un des usages les plus saillants se révèle dans cette occasion
(trace peut-être de nos premières habitudes sauvages !) ; 2" par une seconde
concavité que dessine le tibia sur sa face interne et qui se continue avec
la concavité plantaire et la partie interne de la voûte du pied. Quel contraste
avec ce que serait le contact en un point unique formé par la convexité du
mollet !
Par cette double disposition, disions-nous à ce sujet, dans notre traité de méca-
nique animale, est procuré non-seulement un rapport harmonique entre l'objet
mécaniqae à remplir et les moyens d'exécution, convexité d'une part, concavité
de l'autre, circonstance qui augmente le nombre des points de contact ; mais il en
découle un second et immédiat avantage : la presque perpendicularité de direction
de l'effort exercé sur l'appui, au moins dans la région plantaire.
Dans cet acte, nous voyons donc un dçmi-cercle de pression formé supérieure-
ment, dans un plan dirigé quelque peu d'arrière en avant et de haut en bas, par
les cuisses et le genou pressés par les adducteurs, les demi-membraneux, tendi-
neux, couturier, droit interne ; secondement, un autre arc de cercle dirigé toujours
de haut en bas, mais d'avant en arrière, et formé par les faces concaves internes
du tibia et de la voûte métatarsienne, maintenues à l'état de pression par les flé-
chisseurs du pied sur la jambe.
Cette dernière pression joue un grand rôle dans le second temps du grimper ;
car, pendant un moment, le demi-cercle fémoral se relâche quelque peu pour se-
conder, par l'élévation du bassin, l'extension du rachis, et par là l'accession du
cercle des membres thoraciques à une région plus élevée.
52. De la locomotion chez les quadrupèdes. Mouvements sur place. —
A. Du cabrer. A l'article Station des quadrupèdes, nous avons établi les con-
ditions de l'équilibre dans l'attitude active qui sert de point de départ et d'origine
à tous les mouvements sur place et à ceux de translation chez l'animal.
Nous y avons vu que l'animal reposait sur quatre membres représentant en
apparence et en avant seulement des supports rigides, mais constitués, en réahté,
796 LOCOMOTION.
par une série d'articles inclinés les uns sur les autres, et les extrêmes, soit sur
le sol, soit sur le tronc même de l'animal.
Au point de vue du mouvement, considérant que toute la région antérieure est
suspendue presque en équilibre sur les membres antérieurs par la sangle tonique
que forment les grands dentelés et leurs congénères, nous devrons voir dans la
niasse charnue formée par la croupe volumineuse et les membres postérieurs de
l'animal, les principales puissances auxquelles est confiée la locomotion propre-
ment dite. Si nous nous reportons aux éléments qui président à l'accomplissement
du saut {voy. ce mot), nous ne pourrons nous empêcher de remarquer combien
ces mêmes extrémités postérieures semblent bien disposées pour la détente et la
propulsion énergique en avant.
Mais, avant d'entrer dans l'analyse des modes divers de la locomotion propre-
ment dite, nous avons à considérer deux espèces de mouvements sur place, qui
se retrouveront plus tard comme éléments dans quelques allures de l'animal.
Parlons d'abord du cabrer.
Le cabrer a été déjà l'objet de notre attention : nous en avons analysé le prin-
cipe quand, sous une forme philosophique, nous avons essayé de nous représenter
quelles dispositions la nature avait pu mettre en jeu pour doter un quadrupède
de la faculté de se tenir droit sur ses membres postérieurs. Nous avons vu qu'elle
avait creusé d'abord vers sa région postérieure, la colonne vertébrale, placé là
de forts muscles, multiplié les puissances extensives du rachis sur le bassin, etc.
Pour se cabrer aisément, comme l'homme qui, placé à quatre pattes, se relève,
le cheval devrait donc avoir sa région lombaire creusée plus ou moins profondé-
ment en haut, ou, à défaut, muni de forts bras de leviers mis en mouvement par
des puissances considérables.
C'est cette dernière organisation que l'on trouve chez le cheval. La région lom-
baire n'y est que peu creusée ; mais, en revanche, la région sacrée, la région dor-
sale y sont pourvues de longs bras de leviers servant d'attache à de puissants
muscles. Et, malgré cela, l'attitude du cabrer ne peut être que temporaire, et
encore, pour l'exécuter, a-t-elle besoin, dans sa première phase, d'être secondée par
la détente (en saut) des membres antérieurs. Il suffit, à la forge, pour empêcher
un cheval de se cabrer, de le priver de cette dernière ressource en lui relevant
l'un des membres antérieurs. Il faut alors, pour se relever, qu'il y soit incité par
une forte douleur ou un violent caprice.
C'est que le centre de gravité de la masse antérieure est situé plus ou moins
près de la verticale passant par le garrot (septième cervicale) : voyez quel long bras
de levier mis là à la disposition de la pesanteur!
Aussi, pour se cabrer, l'animal va-t-il commencer par diminuer ce bras de
levier; il ramène dans la flexion ses pieds de derrière sous le ventre, de façon à
compenser le poids antérieur par celui de l'arrière-train. Alors seulement il tend
à étendre le tronc sur ces membres, en développant toute l'énergie des sacro-
spinaux, fessiers, ischio-tibiaux, jumeaux.
Tout cela est pourtant encore insuffisant. 11 faut que l'action des muscles des
gouttières vertébrales s'étende jusqu'au garrot, et que les cervicaux postérieurs, y
prenant appui, enlèvent la tête en arrière, portant dans ce sens son centre de gra-
vité et celui de l'encolure.
Et tout cela ne suffit pas encore ; il faut qu'il s'y joigne un mouvement de
détente, de saut, de la part des extrémités antérieures. Mais aussi, autant est
ardu et pénible le premier temps du cabrer, autant est-il malheureusement facile
LOCOMOTION.
797
à l'animal, après s'être ainsi drossé, de poursuivre le mouvement et de se ren-
verser en arrière. C'est que, une fois l'animal redressé, la pesanteur n'a plus
guère de bras de levier à son service, et qu'alors ses antagonistes, les muscles
énumérés plus haut, ont trop de puissance en eux pour que ses effets ne soient
pas aisément outre-passés (voy. n" 8).
B. De la ruade. La ruade est la contre-partie du cabrer. Au lieu de se
redresser sur ses pieds de derrière par un saut exécuté sur les pieds antérieurs,
l'animal renverse ces actes et par une légère détente soulève sa croupe en l'air,
tandis qu'il abaisse au contraire sa tête entre ses jambes de devant étendues et
fixées. La croupe s'est élevée, comme dans l'acte du saut, emportant les jambes
postérieures fléchies articles sur articles. Arrivées à la hauteur déterminée par le
degré de l'impulsion primitive, ces jambes fléchies sont étendues brusquement
avec un coup sec, comme le bras et l'avant-bras, dans le coup de poing.
L'ennemi placé à portée, s'il a la malchance d'y demeurer, sert alors d'objet
sur lequel s'épuise brusquement la vitesse acquise des membres distendus.
Inutile d'en dire davantage et le mécanisme est assez vite compris par qui a pris
connaissance de celui du saut.
35. Du saut (chez le cheval). Cet examen préalable de deux des mouve-
ments sur place du cheval, nous conduit à une vue très-claire d'un mode égale-
Fig. 13. (Empruntée à Ch. Bell.)
ynent important de la locomotion chez cet animal intéressant ; nous voulons pui-
ser du saut proprement dit.
Observons un cheval près d'atteindre un obstacle qu'il se propose de franchir.
L'animal se cabre en position plus ou moins fléchie, suivant la hauteur de
l'obstacle (il se rassemble, fléchissant ses extrémités postérieures dans toutes leur»
798 - - ^--
articulations, les rapprochant du centre de gravité de la masse antérieure) ; ea
même temps il élève par un léger saut partiel des extrémités antérieures, ces
mêmes extrémités fléchies et pelotonnées. — Il saute alors, par la flexion puis
la détente surabondamment exphquée déjà, de ses extrémités postérieures ramas-
sées sous lui.
Une fois en l'air, et quand l'avant-main a dépassé l'obstacle, les membres anté-
rieurs se déploient, s'étendent pour se porter les premiers à la rencontre du sol.
L'arrière-main s'étend en même temps, pour offrir moins de prise à l'obstacle ;
l'animal arrive enfin à rencontrer le sol par ses membres antérieurs étendus en
avant, dans les articles du pied et du genou, mais très-fléchis dans l'articulation
du coude. Le choc se trouve ainsi épuisé sur les extenseurs étendus sur les con-
vexités articulaires des membres antérieurs et non sur la rigidité des os dans leur
longueur, comme la figure 15 montre que cela arriverait chez l'homme tombant
sur les mains.
34. De la marche proprement dite ; — dn pas. L'animal voulant se porter
en avant, exerce d'abord, sans les mouvoir cejiendant, une certaine action extensive
de ses membres postérieurs (de l'un d'eux principalement), léger effort qui porte,
en avant de son point d'appui premier, le centre de gravité du système entier et
particulièrement de la masse antérieure. Cette propulsion détermine instinctive-
ment l'animal à soulever et avancer un de ses pieds antérieurs.
Premier fait, premier temps : soulèvement du pied antérieur droit (par
exemple) .
Avant que ce pied n'ait posé à terre ou fait sa battue, le pied postérieur gau-
che se lève à son tour : il est au miheu de sa course au moment où le pied,
précédemment levé, fait sa battue. C'est le deuxième temps.
Pendant la seconde moitié du premier temps, ou, ce qui revient au même, la
première moitié du second, l'animal a donc un bipède diagonal en l'air (antérieur
droit — postérieur gauche), le bipède diagonal inverse servant d'appui.
Lorsque le pied postérieur gauche est à la moitié ou près de la moitié de
sa course et le pied antérieur droit arrivé à l'appui, le pied antérieur gauche se
lève ; l'animal est donc sur le bipède latéral droit à l'appui : l'autre bipède latéral
est en l'air. Troisième temps.
Enfin le pied postérieur gauche étant lui-même arrivé à l'appui, le pied posté-
rieur droit se lève à son tour, et il s'écoule un temps pendant lequel le corps
repose sur le bipède diagonal qui tout à l'heure était en l'air, c'est le quatrième
temps ; il se termine à la battue du pied antérieur gauche.
L'antérieur droit se lève à sou tour et l'animal est à l'appui sur le bipède latéral
gauche : la série recommence dans le même ordre.
La masse est donc suspendue alternativement sur un bipède latéral et un
bipède diagonal ; mais un peu plus longtemps sur ce dernier, sans doute parce
que le centre de gravité est mieux arrêté sur la diagonale. Nous verrons d'ailleurs
ultérieurement que ce n'est pas là un fait isolé; les repos alternants sur la diago-
nale sont un caractère général et constant de toutes les allures naturelles du
cheval, sans doute pour le motif que nous venons d'indiquer.
On voit que dans cette allure, le mouvement de propulsion en avant est plutôt
sous la dépendance des membres postérieurs. 11 y a lieu de penser cependant que
l'extension, quoique bien moindre, des articles antérieurs contribue aussi à porter
en avant le centre de gravité du corps. Le sens des ouvertures articulaires indique
qu'il doit en être ainsi ; d'ailleurs, si on observe au pas des chevaux de trait pe-
LOCOMOTION. 799
samment chargés, on reconnaît aisément la contraction des extenseurs de l'hu-
mérus sur le scapulum et celles des articulations supérieures de l'avaut-main
qui viennent surplomber en avant des colonnes antérieures.
35. Bu mécanisme de la natation chez les poissons . Le mouvement de pro-
gression des poissons dans l'eaun'a point lieu par les nageoires, simples instruments
d'équilibre et de direction. Très-évidemment, la projection en avant du centre de
gravité se lie à un mouvement plus ou moins énergique, quelquefois très-éner-
gique, de la queue, c'est-à-dire à l'action développée par les muscles longs et
latéraux du corps. Ce mouvement, dès qu'il y a propulsion réelle, que l'animal
ne se borne pas à une espèce de repos, ce mouvement est vif, saccadé, à détente,
analogue par l'apparence au saut, ainsi que par le mécanisme qui y préside.
Quand ou demeure les yeux fixés sur un bassin contenant des poissons se mou-
vant en différents sens, on observe les phénomènes suivants :
Les mouvements rectilignes très-faibles, ceux de recul, ceux qui ont pour objet
de diriger l'animal quand il s'élève ou s'abaisse dans le liquide, ont généralement
lieu au moyen des nageoires latérales et de légères ondulations de l'éventail caudal
particulièrement destinés au maintien de son équilibre dans l'eau. Nous ne nous
occuperons pas de ceux-là : l'œil en fait, à l'instant, apercevoir tout le méca-
nisme.
On remarque ensuite des mouvements un peu brusques, doués déjà d'une cer-
taine intensité et qui ont pour effet de porter le corps de l'animal vers la droite
ou vers la gauche. Ceux-ci sont dignes d'attention. Ils consistent en un choc plus
ou moins marqué de la queue, qui frappe l'eau du côté vers lequel le poisson veut
se diriger.
Le fait d'observation qui doit servir de base de l'analyse est donc celui-ci :
Un choc brusque imprimé à Veau du côté vers lequel le poisson va se porter.
Le premier acte de l'animal est donc de se courber avec rapidité du côté vers
lequel il veut se porter. Il n'y a point de doute sur le mécanisme de cette pre-
mière phase de l'acte. Cette courbure est produite par la contraction vive des
muscles latéraux de ce même côté, le relâchement adéquate des antagonistes.
Tout d'un coup s'observe un arrêt subit, un choc, le mouvement de flexion
est instantanément paralysé.
Nous comprenons aujourd'hui par quel procédé, par quel mode d'action la
nature produit, dans les corps animés, cette lutte équilibrante; c'est par la con-
traction soudaine des muscles antagonistes de ceux dont l'action doit être brus-
quement entravée. Ici, deux sortes d'agents seulement sont en présence, et ce
phénomène se rapproche ainsi davantage de ce qui se passe dans le ressaut de la
baguette élastique : les muscles longs de droite, — les muscles longs de gauche.
Les premiers ont déterminé la vitesse acquise par les différents points du sys-
tème- les seconds la suspendent subitement, et tout l'ensemble devient rigide.
Voilà donc le système en équilibre quant aux forces intrinsèques qui en solli-
citaient les divers points; mais il ne l'est pas relativement à de nouvelles forces
oui ont pris naissance pendant la première phase du mouvement. Ce mouvement
a déterminé des réactions de la part du miheu ambiant. Or on sait que ces ré-
sistances sont, pour toute surface en mouvement, proportionnelles à cette surface
et au carré de la vitesse.
D'autre part, l'examen de la configuration du poisson et de sa flexibilité
d'autant plus grande qu'on se rapproche davantage de sa queue, nous apprend
que, dans ce mouvement, toute la vitesse est, pour ainsi dire, concentrée dans
800
LOCOMOTION.
K -«-B
l'extrémité postérieure. Ce sera donc là surtout que s'exercera la réaction déve-
loppée par le liquide. La résultante de toutes ces réactions partielles, perpendi-
culaire à la surface courbe au centre commun de ces actions, ne pourra donc que
repousser la partie postérieure de l'animal à gauche, si la flexion était à droite, et
la tète, par conséquent, de ce dernier côté. Mais en même temps l'animal est
repoussé en totalité en arrière.
Comment donc s'obtient le mouvement en avant ?
Un double choc à droite et à gauche s'équilibrerait évidemment quant aux ré-
sultantes latérales ; mais il resterait deux composantes dans le sens de la lon-
gueur et qui s'ajouteraient. Or un
seul coup d'oeil jeté sur une figure
dessinée arf hoc (fig. 14) montre que
cette addition aurait pour etïet le recul
et non h progression de l'animal. Il
se passerait là l'inverse de ce qu'on
observe chez de petits annelés aquati-
ques, et qui avancent ainsi par un
double choc alternant, mais exécuté
par la région antérieure. {Voi/. la
fig. 40, p. 317, de notre Traité de
mécanique animale.) L'embarras se-
rait grand, si Borelli n'avait observé
que, pour se porter en avant, l'ani-
mal donne à leau un coup de sa
queue deux fois recourbée (tig. 15).
La résultante dans le sens de la lon-
gueur du poisson s'exerce donc, en
ce cas, en sens inverse de ce que
nous venons de voir, et l'animal est
porté en avant.
11 se passe ici quelque chose de tout à fait analogue à ce qui a été observé
dans le saut. La dernière courbure offerte par la queue, élargie en éventail, du
poisson, met en rapport avec le milieu ambiant une surface relativement large
formant, dans le sens horizontal, une vraie base de sustentation ou plutôt d'ap-
pui. Sur cette base l'animal exerce une détente identique, quant à ses effets, à
celle qui détermine la projection dans le saut. Seulement, ici, c'est la réaction de
l'eau qui repousse en avant le corps de l'animal.
Quant à la détente, avec choc de l'eau, elle est exactement produite de même,
à savoir, par l'antagonisme des muscles de gauche paralysant, par leur contrac-
tion subite, le mouvement de flexion ou d'extension commencé avec énergie par
les muscles latéraux de droite ou réciproquement.
C'est, de part et d'autre, le même mécanisme.
36. De la natation chez l'homme et les quadrupèdes. La progression des
quadrupèdes dans l'eau n'a aucun rapport avec celle des poissons. L'observation
indique, en effet, que le quadrupède nage comme il marche, c'est-à-dire par la
même succession de mouvements. Dans la marche, il est vrai, les membres repo-
sent sur un appui fixe qu'est loin d'offrir l'onde humide. Aussi la rapidité et la
faciUté de la progression y sont-elles singulièrement amoindries. L'eau ne pré-
sente pour appui aux membres mis en mouvement que la différence de résistance
Fig. 15.
LOCOMOTION. 801
oiferte par le milieu au membre qui s'étend, et au même membre quand il s'ef-
face. Or, il est visible que cette différence, proportionnelle à celle des surfaces
offertes par les membres dans la flexion et l'extension, ne saurait être bien nota-
ble. Les quadrupèdes ne trouvent donc pas dans leau un élément bien propre à
développer leurs facultés locomotrices.
Le mode ou les modes de natation em[)loyés par l'homme doivent naturelle-
ment trouver place ici. L'homme nage plus ou moins à la manière des quadru-
pèdes, mais bien moins aisément que la plupart d'entre eux. Les causes de cette
différence ont été souvent discutées ; Borelli semble les avoir, le premier, nette-
ment formulées.
L'homme et les quadrupèdes ont cela de commiui, que leur pesanteur spéci-
fique est très-peu différente de celle de l'eau. Celte quasi-identité est démontrée
par la faculté dont jouissent les nageurs de se maintenir étendus sur le dos
pendant des espaces de temps vraiment considérables, sans faire le moindre
mouvement.
On observe alors que, dans cette attitude, le visage et le sommet de la face
antérieure de la poitrine, souvent même toute la surface pectorale antérieure,
baignés, à chaque inslant, par de très-minces lames de liquide, font, à des in-
tervalles périodiques, saillie au-dessus de la surface de l'eau; ces intervalles
sont ceux des mouvements respiratoires.
Le corps humain, plongé dans l'eau, et à peine inférieur eu poids à celui du
volume d'eau qu'il déplace, devient donc maniléstement plus léger que ce miheu,
lors de chaque inspiration.
Retonrnons maintenant notre nageur sur le ventre, et prions-le de conserver,
toujours sans mouvement, la même situation horizontale.
INous observons alors, et sans surprise, que celte attitude ne peut êti e bieu
longtemps conservée. La raison eu est uisée à trouver. Le sujet a besoin de res-
pirer; pour cela il lève la tète, afin que sa bouche et ses narines arrivent à fleur
d'eau, et absorbent l'élément vital.
Or ce mouvement préalable de la léte la porte tout entière au-dessus Je leau.
Mais alois la tète, partie la plus pesante du corps à volume égal, élevée ainsi au-
dessus de l'eau, change du tout au tout les conditions d'équilibre du système. Le
corps se trouve peser par son poids entier sur l'eau, et celle-ci ne réagit contre
lui que par le poids du volume de fluide déplacé, c'est-à-dire le volume du
corps, moins la tête.
Cette différence suffit pour que le corps soit déprimé, qu'il enfonce, si le
nageur ne fait quelque mouvement approprié contre la tendance nouvelle qiu
l'entraîne.
Telle est la circonstance qui, ainsi que l'a très-judicieusement établi Borelli,
différencie sensiblement les quadrupèdes de notre espèce. Ceux-ci ont, d'abord,
la tête notablement moins pesante que la nôtre, tant à cause des vastes sinus
aériens dont elle est sillonnée, que par la petitesse relative de leur encéphale.
Secondement, leur organisation cervicale, le mode de jonction de la tête au cou,
leur permet manifestement de tenir constamment à la surface de l'eau l'extré-
mité du museau portant les orifices respiratoires. Placés dans l'eau, dans l'atti-
tude qu'ils auraient à terre, ils demeurent donc en équilibre ; les moindres
mouvements de leurs membres peuvent donc produire des eflets locomo-
teurs.
Aussi la plupart des quadrupèdes nagent-ils avec plus ou moins de facilité
DicT. ékc. 2* s. il ^^
802 LOCOMOTION.
tandis que nous ne le pouvons faire qu'avec certaines prL-cautions préparatoires,
des efforts et un apprentissage plus ou moins long.
11 est certain que placés dans l'eau, dans la même altitude que les quadru-
pèdes, nous pouvons nager comme eux, moins bien pourtant, et moins long.
temps. Cela ne doit point surprendre ; ces mouvcraents-là ne sont point ou pli;s
les nôtres ; et d'ailleurs nous pouvons faire mieux.
Le mode qui nous est le plus favorable est l'imitation de quelques animaux
inférieurs de la classe des reptiles, les batraciens, dont les membres sont disposés
un peu comme les nôtres. A la perfection près, nous nageons en principe comme
la grenouille, beaucoup mieux construite que nous pour cet objet.
Le mouvement capital déterminant ce mode de progression est dû au coup sec
des extrémités postérieures préalablement llécbies, absolument comme dans le
saut, au point de vue mécanique, bien entendu; car, physiquement, les jambes
sont écartées au lieu d'être réunies, et portées dans la rotation en dehors (mus-
cles fessiers), de façon à offrir à l'eau la surface de la plante du pied.
Le mécanisme locomoteur est comparable à ce qui se voit dans le nager des
poissons.. L'eau refoulée devient un foyer de résistance qui se développe au mo-
ment du choc, quand le système mobile devient rigide.
En ce moment-là, les bras ont été joints par leurs extrémités en avant de la
tète et de la poitrine, de façon à former un tranchant antérieur, une proue qui
fend l'eau, un taille-mer.
Le corps, sous cet effort, tout comme le poisson, file alors en ligne droite.
Au temps suivant, en réahtc le premier de la période, et qui correspondrait au
temps de préparation pour le saut, les jambes se reploient vers le tronc, toujours
dans l'abduction. Ce mouvement occasionne une grande perte de force vive pour
l'homme, la surface des cuisses développant une assez grande résistance; il est
vrai qu'il s'accomplit plus lentement et sans choc, ce qui amoindrit un peu cette
perte.
Cette perte est heureusement plus que compensée par l'action des membres
antérieurs.
En même temps, exactement, que les jambes se replient, les bras qui étaient
étendus en avant décrivent à droite et à gauche une demi-circonférence dans la-
quelle la paume de la main, verticalement dirigée d'avant en arrière, repousse
symétriquement de chaque côté l'eau dans ce dernier sens. Ces extrémités jouent
donc ici le rôle de deux avirons.
Ce même acte est bien autrement préparé par l'anatomie de la grenouille.
« Les muscles des membres inférieurs, rappelant ceux de l'homme, sont mo-
difiés, chez les batiaciens, en raison de la situation insolite des cuisses qui, chez
eux, regardent tout à fait en dehors; secondement, par suite du type particuher
qu'affecte le tarse, le tendon des forts muscles du mollet ne s'attache point au
talon, mais passe par-de*£':: et va gagner la plante du pied, pour s'unir au court
fléchisseur des orteils, disposition qui favorise non-seulement le saut, mais en-
core la natation, en permettant à l'animal de frapper avec plus de force, au moyen
de ses plantes de pied garnies de membranes natatoires étendues. (Carus, Ana-
tomie comparée.) »
Ajoutons que les muscles des cuisses, des articles, sont aplatis, de sorte que
cette partie du membre, dans le mouvement de flexion, coupe l'eau par son tran-
chant. Cette remarque est intéressante en ce qu'elle démontre l'identité du saut
et de la natation, comme principe physiologico-dynamique. La grenouille saute
LOCOMOTION. 805
■dans l'eau, et sans sortir de ce liquide, comme elle saute à terre. Le mode de
progression est le même dans les deux cas. Les forces en jeu sont donc les mêmes.
Faisons remarquer, en passant, la propriété anatomique caractéristique qui,
en dehors du volume des masses musculaires spéciales, fait de la grenouille un
animal sauteur. C'est l'attitude liabituelle de flexion des membres postérieurs
toujours préparés par là pour le saut, et que nous trouvons chez tous les animaux
■sauteurs.
Les mammifères, les poissons, les reptiles, ne sont pas les seuls animaux qui
se meuvent dans l'eau. Nombre de familles parmi les oiseaux jouissent du même
avantage : c'est l'ordre entier des palmipèdes. Leur histoire, au point de vue qui
nous occupe, ne saurait être longue ; doués, en leur qualité d'oiseaux, d'un poids
spécifique inférieur à celui de l'eau, ils surnagent naturellement. Leurs pattes, plus
ou moins courtes, mais vastes et dont les doigts sont réiaiis par de lai'ges mem-
branes, forment des rames étendues quand elles se déploient, minces et de peu de
surface quand elles reviennent sur elles-mêmes dans le cours de la flexion préa-
lable. Rien de plus simple que ce mécanisme. On peut lire, sur ce chapitre, les
belles pages consacrées par Bufton au cygne. 11 n'y a rien à oser ajouter à ce re-
marquable tableau.
Au point de vue mécanique, le seul point qui mérite notre attention plus spé-
ciale, c'est la différence qu'on observe entre les palmipèdes et les autres oiseaux.
Ils sont tous plus légers que l'eau. Comment .se fait-il donc que ces animaux, hors
les palmipèdes, ne puissent aucunement nager et se noient si facilement.
On sait que c'est à raison de la facile imbibition de leurs plumes : dépourvues
de l'huile qui coMe et réunit les éléments de l'enveloppe extérieure des palmi-
pèdes, les plumes des oiseaux non-nageurs se pénètrent aisément d'eau. Dès lors,
l'animal devient promptement assez pesant pour y plonger plus ou moins e , en
fin de compte, y perdre la vie. Peut-être l'eau pénètre-t-elle même dans l'inté-
rieur des organes en passant des vacuoles des plumes dans les canalicules aériens
intérieurs ! C'est un point que l'on pourrait étudier.
37. Bu vol {chez les oiseaux). « La nalalion et le vol, dit M. Mihiî
Edwards, sont des mouvements analogues à ceux du saut, mais qui ont lieu dans
des fluides dontla résistance remplace, jusqu'à un certain point, celle du sol, dans
ce dernier phénomène. »
Nous venons de démontrer non-seulement qu'il en est ainsi pour la natation
des poissons, mais en outre d'en exposer le mécanisme. La même tâche nous in-
combe actuellement pour le vol. Ces propositions ne pouvaient être que « conçues «
€omme des assimilations vagues, tant que l'objet même servant de comparaison
n'avait point été élucidé au point de vue de son mécanisme propre, tant que la
théorie du saut était elle-même enveloppée d'un nuage.
Dans l'acte du vol, comme dans tous les phénomènes de la locomotion qui se
londent sur la séparation du corps animé et du sol solide, l'antagoniste à vaincre
est l'action de la gravité, s' exprimant par « le poids du corps » à élever et à
soutenir dans l'air.
Le point d'appui initial des iorces locomotrices peut être encore ici, pour la
première phase, le sol; mais, pendant le cours de la translation, ce point d'appui
n'est plus que le fluide ambiant, l'air. La résistance seule de ce fluide pourra
donc servir là de support et d'appui.
La résistance d'un fluide est, d'après les lois de la physique, proportionnell
au carré de la vitesse. Le mouvement qui se basera sur la résistance d'un fluide
804 LOCOMOTION.
aussi ténu que l'air devra donc oflrir une grande vitesse. D'autre part, le poids,
obstacle à vaincre, devra être aussi faible que les conditions de l'organisme animal
le permettront.
La nature a considérablement fait pour amoindrir cette force antagoniste du
mouvement et de l'élévation de l'animal dans les airs. Pour établir cette propo-
sition, nous n'avons qu'à renvoyer le lecteur aux belles préparations déposées
par M. le professeur Sappey dans les galeries du muséum et de la Faculté de mé-
decine. 11 sera trappe d'admiration en suivant dans son cours cette magnitique
canalisation aérienne qui pénètre, pour ainsi dire, toutes les parties qui consti-
tuent l'animal destiné au vol. L'air atmosphérique y a partout des réservoirs,
depuis la trachée et les deux grandes cavités splanchniques jusqu'au milieu des
os; on le suit jusque dans le corps même des plumes, dont la texture, déjà si
poreuse, est encore creusée de canaJicules communiquant avec ceux des os. Au
moment du vol, toutes ces cavités sont ainsi tellement distendues que l'animal,
interron>pu brusquement dans sa course par le plomb meurtiier, tombant à terre,
rebondit sur le sol comme un ballon élastique. Ce qu'il ne fait plus, quelques
heures après, si on le jette à terre avec quelque violence.
Mais, si peu de densité absolue qu'offre l'oiseau, il en offre une toujours grande
relativement à l'air. B lui faudra donc, pour prendre appui sur un corps éminem-
ment fugitif et mobile, des forces propres à produire de grandes vitesses, c'est-à-
dire de longs leviers et des énergies puissantes. La conséquence de cette première
nécessité sera la fixité, la stabihté du corps à mouvoir et des attaches à fournir
à ces puissants muscles moteurs et à ces longs leviers. La nature a été au-devant
de cet objet, en donnant au squelette de l'oiseau la forme d'une boîte osseuse
presque invariable de forme et de dimensions et qui rappelle la carène d'un na-
vire. Les vertèbres dorsales, lombaires, sacrées, sont soudées entre elles ; les côtes,
au lieu d'être unies au sternum par des cartilages plus ou moins longs, lui sont
aussi reliées par des os; en outre, chacune d'elles porte à sa partie moyenne
une apophyse aplatie qui se dirige obliquement en arrière, au-dessus de la côte
suivante, de façon que tous ces os prennent successivement appui les uns sur les
autres. Enfin un vaste sternum, dominé par une énorme crête osseuse (le bré-
chet) complète en avant cet ovoïde osseux de forme inflexible et constante.
Voilà qui suffit pour assurer l'immutabilité de position du centre de gravité
du tronc et la fixité des insertions musculaires du côté de l'animal.
Quant aux insertions mobiles, elles s'appliquent à des leviers successifs dont
les rapports sont ceux du bras chez les quadrupèdes, humérus, cubitus, etc., mo-
difiés suivant les nouvelles nécessités fonctionnelles.
L'humérus se relie au tronc par l'intermédiaire d'un appareil saillant qui rap-
pelle notre épaule. Là, dans une cavité glénoïde regardant en haut, en dehors et
un peu en arrière, est reçue la tête humérale qui s'y meut comme dans toute
énarthrose, en tous sens, mais surtout dans le sens vertical.
Ici se remarque, avec notre épaule, une dissemblance notable : la nôtre est
plus ou moins mobile, ne reposant sur l'appui que lui offre le tronc que par sa
seule clavicule. Chez l'oiseau, se trouvent à cette pyramide deux appuis au lieu
d'un, la clavicule d'une part, soudée fortement avec le sternum et sa congénère,
et, d'autre part, l'os caracoïdien, qui se fixe également au sternum, en haut et laté-
ralement. Deux fortes arêtes, de véritables étais, servent donc, en avant et en
dehors, de support à la tête humérale, rehée moins fixement au tronc, en arrière
seulement, sans doute pour ménageries chocs (fig. 16).
LOCOMOTION.
805
Fig. 16.
ol. Scapulura.
r/i. Humérus,
r. Releveur de l'aile.
Quant aux muscles moteurs de ce bras, deux, éminemment principaux, s'of-
frent en antagonisme : le muscle releveur, le muscle abaisseur ou grand pectoral;
les autres, plus réduits de volume, sont affectés à des usages de rotation sur l'axe.
L'extrémité périphérique du membre jouit
également des mêmes facultés d'extension et de
flexion, et l'avant-bras d'un certain degré de
pronation et de supination.
Cela posé, comment a lieu le maintien de l'oi-
seau en l'air? On le sait : par une succession de
battements de ['aile; c'est-à-dire par une série de
mouvements alternatifs d'élévation et d'abaisse-
ment du bras, mouvements qui ont lieu avec choc
de l'aile contre l'air à la fui de la flexion ; ce sont
là les battements . A la suite de chacun d'eux, l'aile
demeure un instant rigide, et le corps de l'oiseau
est repoussé de bas en haut par la résistance de
l'air.
Il y a donc là encore un coiij) sec; le mou-
vement d'abaissement rapide de l'aile qui re-
foulait l'air avec énergie est subitement entravé, i' B,éciict.
et le système devient rigide. Le premier acte /<■ Clavicule.
, , ,, ..•11, 1 -, ce. Os coracoïdien.
de ce battement est smiple, il est produit par
le relèvement de l'aile et peut-être aussi par un groupe de fibres, le faisceau le
plus supérieur du muscle grand pectoral, jouant le rôle d'une sorte de deltoïde ;
l'aile exécute ce mouvement sans doute avec une rotation sur elle-même propre
à lui faire offrir à l'air , dans le sens du mouvement, la surface la plus
étroite. Arrivées au point culminant de sa courbe, les fibres des portions
moyenne et inférieure de l'immense grand pectoral entrant en contraction, l'aile,
par un léger mouvement de rotation ou pronation, offre à l'air sa surface infé-
rieure la plus étendue, puis elle s'abaisse avec vitesse, refoulant l'air sous le
corps de l'oiseau, et des deux côtés symétriquement. A mesure que la vitesse
augmente, la réaction de l'air croît en proportion carrée. Tout d'un coup le
mouvement de descente de l'aile s'arrête, un choc, un bruit ont lieu. Le système
devient rigide. 11 cède alors à la force de réaction développée par le mouvement
précédent dans l'air sous-jacent, et se voit enlevé suivant la résultante du mouve-
ment réactionnel.
Ce mouvement acquis s'épuise bientôt sur la résistance régulièrement retarda-
trice de la gravité, et s'il veut continuer à se maintenir en l'air, l'oiseau doit re-
commencer la même série d'actes successifs.
Ici une question se présente : où sont les éléments dynamiques dont le subit
antagonisme vient faire échec au mouvement abaisseur du graud pectoral? Le
releveur de l'aile paraît bien mince pour ce rôle nécessairement énergique. Il
est vrai qu'on y peut et doit joindre la portion deltoïdienne du grand pectoral.
Tous deux sont passivement distendus pendant le mouvement d'abaicsement,
leur capacité en sera plus éveillée pour manitester leur antagonisme.
Cependant nous ne trouvons pas dans la masse de ces portions musculaires un
volume suffisant pour tenir en échec le puissant grand pectoral. La présence des
membranes huméro-radiale et cubito-carpienne, membranes élastiques pour la
flexion, mais arrivant à l'inexteusibilité lors du plus grand développement de
80G
LOCOMOTION.
Taile, nous semble indiquer un des éléments de ce mouvement d'arrêt. L'insuffi-
sance des données anatomiques ou expérimentales à notre disposition nous inter-
dit d'èlre formels dans l'énoncé de cetle proposition. Le détail anatomique nous
fait ici défaut; mais nous ne saurions mettre la même réserve dans la formule du
fait principal : pour produire le battement et la fuite du corps de l'oiseau sous ses
effets, pour déterminer un coup sec, tel que celui fourni par l'observation, il faut
nécessairement qu'une entrave énergique soit apportée brusquement à la
continuation du mouvement de descente de l'aile. Nous signalons ce point aux
professeurs d'histoire naturelle. Il y a évidemment des desiderata anatomiques
dans le degré d'extensibilité relative des membranes alaires et des muscles de
l'épaule et du bras.
Le centre de gravité de l'oiseau est naturellement situé un peu en arrière de la
ligne verticale qui passerait par le milieu de son axe de suspension inter-glénoï-
dien. Cette disposition répond parfaitement au sens de la résistance de l'air dont
la réaction, dans le vol horizontal, vient servir de support à ce centre en le repous-
sant en haut et en arrière.
Eu égard à cette même circonstance, le vol de l'oiseau ne peut avoir lieu que
difficilement de bas eu haut, suivant la verticale exacte. Pour que, dans le vol,
Fig, 17.
l'oiseau ne tourne pas autour de son axe de suspension, il taut que la résultante
de la force réactionnelle de l'air passe, à la fois, par son centre de gravité et par le
milieu de l'axe de suspension. La direction des battements des ailes doit donc-
être d'avant en arrière, en même temps que de haut en bas, puisque le mouve-
ment résultant doit être exactement contraire (fig. 17).
La figure ci-jointe montre l'aile développée au moment de l'arrêt subit, sous
l'influence entravante du releveur de la portion deltoïdienne du grand pectoral
et peut-être (?) de l'inextensibilité ultérieure de la membrane alaire (fig. 17).
G C représente l'os coracoïdien ou fulcrum,
G h l'humérus,
r le radius,
m k p \e carpe et les pennes qui le prolongent ; de m à C, se voit la mem-
brane alaire huméro-radiale ; en dessous, de fe à k, la membrane huméro-cubitale.
LOCOMOTION. 807
La flèche indique la direction moyenne de la réaction de l'air, normale à celte
vaste courbe concave qui commence à la région axillaire et finit à l'extrémité des
pennes.
L'oiseau veut-il changer de direction, se porter, par exemple, sur la droite '•
nous le verrous donner alors un coup d'aile plus fort et plus abaissé de ce côté,
l'autre aile demeurant fixe et étendue.
Il en est de même si l'oiseau veut descendre en avant. La résistance réaction-
nelle de l'air lui en donne aussitôt le moyen, s'il lui offre, d'arrière en avant, une
surface plus grande. Il y arrive en infléchissant sa queue développée, et en fai-
sant jouer à ses ailes le l'ôle de parachute.
Ce mouvement de la queue est rendu lacile chez l'oiseau [lar la mobilité des
vertèbres coccygiennes, qui sont le siège d'insertions de muscles appro|jriés à ce
mouvement.
Nous terminons cette description par où nous aurions pu commencer : l'expo-
sition du premier acte du vol, plus exactement de la préparation au vol.
La grande dimension qu'offre le développement des ailes, ne permet guère à
l'oiseau de les ouvrir, et surtout d'exécuter un battement quand il pose encore à
terre. Pour s'envoler, l'oiseau doit donc ou se précipiter d'un point plus ou moins
élevé dans l'air, ou s'y élever aune assez grande hauteur par le jeu de ses extré-
mités postérieures. Il doit, en un mot, sauter en l'air, pour trouver un empla-
cement suffisant à l'envergure de ses ailes. Aussi tous les oiseaux sont-ils expres-
sément sauteurs; les dispositions de leurs leviers d'a[)pui sur le sol sont, comme
nous avons vu, en rapport parfait avec cette fonction.
La position du centre de gravité, en arrière de l'axe de suspension delà masse,
rend très-difficile le vol exactement vertical de l'oiseau. Aussi ne les voit-on
généralement s'élever très-haut que par une série de circonférences et en courant
des bordées, comme le navire qui louvoie au plus près du vent.
L'oiseau planant dans les airs, s'y soutient à peu de frais ; sa gravité l'entraîne
nécessairement encore ; mais peu à peu, et comme une nacelle de ballon sou-
tenue par un parachute. Seulement, de temps à autre, un coup d'aile fait recon-
quérir à l'oiseau la hauteur verticale qu'il a pu perdre depuis la précédente
impulsion, et le ramène au même niveau qu'il parcourt, comme en glissant sur
un plan extrêmement peu incliné à l'horizon.
11 est encore, dans le vol de l'oiseau, un exemple curieux à relever, et dans
lequel se manifestent avec éclat la force réactionnelle de l'air, et l'effet du
coup sec.
« Un oiseau rameur, qui fond avec la plus grande vitesse pour saisir un oiseau
voilier, lorsque celui-ci esquive par un mouvement de côté, a la faculté de s'ar-
rêter, au plus fort de sa descente, et de se reporter, sans faire aucun effort,
aussi haut que le niveau du point oiî il est parti (nous mettrons presque aussi
haut ; CRV aussi haut est mathématiqueiuent impossible). Cette particularité de
vol a reçu le nom de ressource. Huber a observé que, pour produire cet cfïet, il
suffit à l'oiseau rameur de rouvrir tout à coup ses ailes, qu'il tenait serrées contre
lui pendant sa descente. Il a vu que l'oiseau se relève de même en ouvrant ses
ailes, sans autre battement, à la suite d'un saut plongeur de haut en bas. »
(Barthez.)
Le mécanisme de cette action est simple. L'oiseau, animé, grâce à la conden-
sation de son volume, d'une vitesse de chute considérable, arrive, suivant un
mouvement uniformément accéléré, à une certaine distance du sol. Là, il ouvre
808 LOCOMOTION.
ses ailes sous une certaine inclinaison, et les maintient rigides. La grande vitesse
dont il est animé, développe, de la part de l'air, une réaction qui s'accroît tout à
coup en proportion directe de la surface. Tant que cc41e-ci a été relativement
petite, l'oiseau descendait; tout d'un coup elle s accroît notablement, l'oiseau
est arrêté. Mais alors il naît du conflit survenu une composante verticale qui,
rencontrant sous un certain angle la surface des ailes, imprime au système
un mouvement nouveau dirigé en haut et plus ou moins en avant, mouvement
qui a tous les caractères de celui du saut, non de celui exécuté en terre ferme,
mais du saut dans un fluide, mouvement que prend, par exemple, le poisson
sous l'impulsion brusque d'un fouettement de sa queue, en un mot, le résultat
d'une brusque condensation de force vive.
38. Du vol des insectei. Dans des leçons très-intéressantes, M. Marey a
fait dernièrement connaître le résultat de recherches nouvelles entreprises par
lui pour découvrir le mécanisme qui préside au vol des insectes.
Ces animaux s'élèvent, se soutiennent et se dirigent dans l'air au moyen de
petites voiles membraneuses (leurs ailes), auxquelles ils communiquent un cer-
tain mouvement d'une excessive rapidité.
Ainsi, dans une seconde, le nombre de battements (en comptant comme un
battement la montée et la descente d'une aile) serait :
pour la mouche, de 330
pour le bourdon, de 240
pour l'abeille, de 190
pour la guêpe, de HO
macroglosse du caille-lait 72
libellule 28
papillon (piéride du chou) 9
Ces nombres ont été déterminés par la méthode de l'enregistrement graphique
des vibrations, qui a donné déjà tant d'heureux résultats entre les maing de
notre savant et ingénieux ami.
Le mouvement des deux ailes est absolument synergique et synchrone ; il
consiste en un abaissement et une élévation. Aux deux extrémités de la course, la
vitesse est nécessairement nulle. D'après les recherches de Chabrier, confirmées
par M. Marey, l'abaissement seul serait dû aux muscles, le relèvement à la con-
tractilité d'une membrane élastique, inversement placée par rapport aux mus-
cles, et analogue à la membrane alaire des oiseaux.
• D'après les expériences de M. Marey, — et c'est ce qu'elles ont de plus
frappant, — l'aile de l'insecte décrirait, dans l'espace, une courbe tout à
fait analogue à celle des verges vibrantes et en 8 de chiffre. Ce qui indique
que, lors de la montée et de la descente, le plan de l'aile est incliné en sens
contraire.
Dans les termes de l'expérience, M. Marey a conclu avec raison que ce mouve-
ment, tout à fait analogue à celui de l'hélice ou de la rame employée au godiller,
devrait engendrer une force propulsive horizontale sous l'influence de la rési-
stance de l'air. Cela n'est point douteux.
Mais il a vu encore, dans le même mécanisme, naître une composante pour le
mouvement vertical, et cela est moins évident.
Ces composantes ne pourraient naître, dans les conditions d'observation et
d'expérience où s'est placé l'auteur, que lors de l'arrêt complet du mouvement
LOCOMOTION. 809
de descente ou d'abaissement; mais il trouverait une composante opposée à l'ex-
trémité de la demi-oscillation contraire.
Nous soupçonnons donc, tout en enregistrant avec empressement les premiers
résultats expérimentaux acquis par le délicat observateur, qu'il s'est un peu trop
hâté de conclure qu'il n'y avait dans ce mécanisme d'autre action que celle du
plan incliné ou de l'hélice ; nous trouvons de plus quelque peu téméraire d'é-
tendre, sans réserves, cette même et unique explication au vol de l'oiseau et au
nager du poisson. Le mécanisme du godiller et de l'hélice est, assurément,
exécuté par la queue du poisson dans le mouvement lent et régulier, mais il est
manifestement absent de l'espèce de saut que fait le poisson, lorsque, sous une
brusque et violente impulsion de sa queue, « frappant l'eau, » ii file comme un
trait et avec une grande vitesse en ligne droite. Il y a là manifestement lieu à
réserves et à un complément d'études. Giraud-Teclox.
BiBLiocnAPHiE. — BoRELLi. Dc motii ammalium. Leyde, 1685. — Berxouilli (J.). La
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1854. — Giraid-Teclox. Principes de mécanique animale, 1858. — Béclard. Traité élémen-
taire de physiologie, 185i. — Longet. Ibidem, 1868. — Mareï. Revuedes cours scientifiques,
1867-68-69. — Du même. Du mouvement dans les fonctions de la vie, 1868. — Bernard
(Claude) . Leçons de physiologie.
(Empruntée en partie aux ouvrages classiques de physiologie.) G. T.
FIS DU DEUXIÈME VOLDMI,
ARTICLES
CONTENUS DANS LE DEUXIÈME VOLUMB
Labtx (voy. Mélèze).
La Sadlce (Eau minérale de). Rotureau.
La Saxe (Eau minérale de). Id.
Lasee. Bâillon.
Laserpitium. Id.
Lassaigne. Beaugrand.
Lassère (Eau minérale de). Rotureau.
Lasseron (voy. Laisseron).
Lassis. Beaugrand.
Lassone (Jos. m. Fr. de). Id.
Lassus (P.). Chéreau.
Latanier. Bâillon.
La Terrasse (Eau minérale de). Rotureau.
La Teste (Station marine). Id.
Latex. Bâillon.
Lathbœa (voy. Clandestine),
Lathïris (voy. Epurge, Euphorbe).
Lathyeas (voy. Gesse).
Latitude. Gavarret.
Latour (Les). Beaugrand.
La Tremblade (Station marine). Rotureau.
Latrines (voy. Fosses d'aisances).
Latrodectes. Laboulbène.
La Trollière (Eau minérale de). Rotureau.
Laudanum (Pharmacologie). Gobley.
— (^Emploi médic). Fonssagrives.
Laobano (voy. iMurier) .
Laurel. Bâillon.
Laurent (J. L. M.) Beaugrand.
Laubent (Saint) -LES -bains (Eau minérale
de). ■ Rotureau.
Lacréole (voy. Daphné).
Laurier (Botanique). Bâillon.
— (Emploi médical). Fonssagrives.
i
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5
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11
13
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U
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26
26
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30
Laurim:. Dechambre.
Lacrinées. Bâillon.
Lautaret (Eau minérale de). Rotureau.
Lautebberg (Établissement hydrothéra-
pique).
Lauth (Les).
Lacvergne (Hub.)
Lauverjat (Th. -Et.)
Laval (Eau minérale de).
Lavande (Botanique).
— (Pharmacologie) .
Rotureau.
Beaugrand.
Id.
Id.
Rotureau.
Bâillon.
Delioux de
Savignac.
Id.
— (Thérapeutique).
Lavandula Si^chas (voy. Lavande).
Lavardens (Eau minérale de). Rotureau.
Lavateb (Les). Beaugrand.
Lavatère. Bâillon.
Lavadgcion. Beaugrand.
Lavements (Pharmacologie). Gobley.
— (Emploi médical). Brochin.
Later-Bread (voy. Algues).
Laveï (Eaux minérales de). Rotureau.
La Veyrasse (Eau minérale de) . Id.
Lavirotte (L. A.).
Lavoirs.
Lavoisien.
Lavoisier (Ant.-Laur.).
Lawrence (W.).
Lawsonia (voy. Henné) .
Laxatifs.
La YARD (Dan. P.).
Lazarets [voy. Sanitaires
Leake (John).
Beaugrand.
Id.
Id.
Id.
Id.
44
44
45
45
45
46
47
47
50
52
54
55
56
56
56
5S
88
92
92
93
106
106
108
Dechambre. 109
Beaugrand. 109
(Mesures)] .
Beaugrand. 110
Leamisgion (Eaux miner, de). Rotureau, 110
812
ARTICLES DU DEUXIÈME VOLUME.
Lebas, Chércau. 415
Ieber (Ferd.). Beaugrand. H6
Leblanc (L.). Chéreau. H6
LeBouioc (Eaux minérales de) . Rotureau. 116
Lebreton (J.-Al.-Exup.). Beaugrand. 118
Le Caire (Station hivernale). Rotureau. 118
Le Canet (voy. Cannes).
Lecanoba (voy. Lecanore).
Lecanore. De Seynes. 110
LeCat (Gl.-Nic.) Cliéreau. 121
Lecheg0ana. Laboulbène. l'22
Lécithine. Dechambre. 126
Leclebc (Les). Beaugrand. 126
Lecœur (J.). Id. 127
Le Conqcest (Station marine). Rotureau. 127
Lecoq (Les). Chéreau. 128
Le Croisic (Bains de mer; hydrothérapie
marine). Rotureau. 128
Le Crol (Eau minérale de). Id. 129
Le CnoTOY (Station marine). Id. lôO
Lecïthis. Bâillon. 130
Ledebhueller (Mart.-Frob.). Chéreau. 130
Ledpsma (Eaux minérales de). Rotureau. 130
Lédon. Bâillon. 133
Ledr.xn (Les). Chéreau. 154
Leeai Bâillon. 136
Lefécure de Saint-Ildephont. Beaugrand. 137
Lefebvre DE Villebrune. Id. 138
Legallois (Les). Id. 158
Legeîîdre (Fr. L.). Id. 140
Legouas (Fr. M. V.) Id. 140
Legrand (A. L.). Id. 140
Legros (F.). Id. 141
Legroux (J. C). Id. 141
LeGué Saist-Brielc (Stat. mar.) . Rotureau. 142
Legdues. Dechambre. 142
Légumine. Lutz. 142
Légdminecses. Bâillon. 143
Le Havre DE Grâce (Stat. mar.). Rotureau. 145
Leichser (Eccard). Chéreau. 145
Leiuenfuost (Joh.-Gottl.). Beaugrand. 146
Léiomiojie (voy. Lionnjome) .
Léioptrique (voy. Lioptriqué).
Léipopsïchie (voy. Adijnamie et Asthénie).
Lehaitre (Les). Chéreau. 146
Lembert (Ant.). Beaugrand. 146
Lejiery (Les). Chéreau. 147
Lehuens (Les). Id. 148
Lésina. Planchon. 148
Lemnisqce. Beaugrand. 148
Lemox-Grass. Delioux deFavignac. 149
Le Monestier de BmAxçox (Eaux minérales
de). Rotureau. 149
Le Moxestier de Clermont (Eau minérale
de).
Rotureau. 150
Chéreau. 151
Beaugrand. 152
Chéreau. 153
Fonssagrives. 155
Id. 153
Beaugrand. 155
Beaugrand. 154
Chéreau. 155
Bâillon. 155
Coulier. 156
BertiUon. 157
Lemonnier (L. G.).
Lemos (Luiz de).'
Lencsfeld (Jos.).
Lexiceps [voy. Forceps).
Lémtif (Èlectuaire).
Léxitifs (Médicaments).
Lexoir (Ad.).
Lexs (voy. lentille).
Lens (Adr. J. de).
Lentigo (Voy. Éphelides),
Lentilics (Ros.).
Lentille (Botanique).
— (Bromatologie).
Lentilles (Physique) (voy. Dioptrique —
optique) .
Lentillon (voy. Lentille)
Lentinbs.
Lextisqoe (voy. Pistachier).
Lexzites.
Leoxhardi (J.-Gottfr.).
Leoxiceno (Nicola).
Leoxidès.
Léontice.
Léoxiodon.
Léoxtodos (voy. Pissenlit).
Léontopetalos.
Léonurus (voy. Agripaume).
Léophanes.
Leotiacées.
Le Palais (Station marine).
Le Padlhier (voy. Paulmier
Lepei Q DE LA Clôture (L.)
Lepidium (voy. Passerage).
Lépidoptères. Laboulbène. 102
Lépidosarcome. Hénocque. 175
L'Epina\ (Eaux minérales de) . Rotureau. 175
Lépiote. BertiUon. 176
Le Plox (Eau minérale de). Rotureau. 182
Le Pois (Les). Chéreau. 183
Le PoDLisGUES (Station marine). Rotureau. 185
Lèpre. Beaugrand. 184
Lèpre kabyle. Laveran. 186
Léproseries (voy. Élépliantiasis).
Le Prese (Eau minérale et cure de petit-
lait de). Rotureau. 188
Leptocaega. Bâillon. 191
LEPTOMirE. Id. 192
BertiUon. 157
Beaugrand. 158
Id. 158
Daremberg. 159
Bâillon. 159
Planchon. 160
Bâillon. 160
Daremberg. 160
BertiUon. 160
Rotureau. 161
Beaugrand. 161
ARTICLES DU DEUXIÈME VOLUME.
Leptopds (voy. Leptus).
Leptosperme.
Leptoturix.
Lereboullet (D.-Âug.).
Lerminier (Th.-INélam.). Id.
Leroux. Id.
Leroux des Tillets (J. J.). Id.
Id.
Planchon. 195
Laboulbène. 195
Beaugrand. 197
198
198
198
Leroy (Les). Id. 199
Les Andelys (voy. Andelys).
L'EscLusE (Ch. de). Chéreau. 201
LEsGuiBERTs(Eauminéralede).Rotureau. 202
Les Roches (Eau minérale de). Id. 205
LesSablesd'Olonne (Stat. marine). Id. 204
Lésion. Verneuil. 205
Les Ternes (Eau minérale de). Rotureau. 211
Léthargie. Parrot. 212
Lethargus (voy. Létliargie).
Le Tréport (Stat. marinade). Rotureau. 214
Lettres (Hyg. des gens de). Beaugrand. 215
Lettsom(3. G.). Id. 220
Leucantuème. Bâillon. 221
Leucathon. Id. 221
Leocé. Beaugrand. 221
Leucémie (voy. Leucocyt hernie).
Leucine. Schiitzenberger. 222
Leccocïtb. Robin. 224
LEncocïTHÊMiE. Isambert. 284
Leucographis (voy. Cnictts).
Ledcoidm. Bâillon, 570
Ledcome (voy. Cornée).
Ledcopatbie (voy. Albinisme).
Leucopblegmasie (voy. Anasargue) .
Leucorrhée. Courty. 371
Leukerbad (Eau miner, de) (voy. Loëche)
Beaugrand. 403
Id. 405
Chéreau. 405
Id. 406
Beaugrand. 406
Id. 406
Coulier. 407
Leuret (Fr.).
Leothner (.1. N. A. ton).
Ledwenhokk (Ant.).
Levachbr (Gilles).
Levacher (Fr. G.).
Levacher de la Feotrœ.
Levain.
Levée de cadavre (voy. Cadavre).
Leveillé (J. B. Fr.) . Beaugrand. 409
LEVEL1.N-G (H. P. von). Id. 409
Le Vebnet (Eaux minérales et station
hivernale de), Rotureau. 410
Levico (Eaux minérales de). Id. 423
Levier (Physique médicale). Gavarret. 424
_ (Obstétrique). Jacquemier. 451
Levrat-Peeeotoi» (J. F. B.). Beaugrand. 447
Lèvres (Anatomie). Bouisson. 448
Lèvres (Pathologie)
Levret (A.).
Lévulose.
Levure.
Lewis (W,).
Lézard.
Liane.
Liatris.
815
Id. 455
Chéreau. 496
Dechambre. 497
Coulier. 497
Chéreau. 499
Laboulbène. 499
Bâillon. 501
Planchon. 51j2
Libasus (voy. Boswelie, Encens).
Libakotis. Planchon. 502
LiBAvius. Chéreau. 502
Libéria (voy. Guinée).
Liberté morale (voy. Responsabilité mo-
rale et Interdiction).
Licari (voy. Dicypellium).
Liche (La) Eau minérale de). Rotureau. 504
LicuE.N (Dermatose). Bazin. 504
Lichen syphilitique. RoUet. 529
Lichen d'Islande ;Botan.) (voy. Lichens).
-^ (Pharmacol.).DeliouxdeSavignac. 531
Lichen pulmonaire. Id. 557
Lichenine. Dechambre. 531
LicHENiQUE (Acide) (voy. Lichens).
Licheno-stéarique (Acide) (voy. Lichens) .
Lichens (Botanique). De Seynes. 557
— (Matière médicale) . Gobiey. 545
Lichtenstein. Chéreau. 544
Licorne. Dechambre. 544
LicuALA. Planchon. 545
Liebenstein (Eaux minérales et cure de
petit-lait de). Rotureau. 546
Liebenzell (Eaux minérales et cure de
petit-lait de). Rotureau. 547
LiEBERKi'EHN (J. Nath.). Beaugrand. 549
Liebweeda (Eaux minérales et cures de
petit-lait de) . Rotureau. 549
LiENiNE (voy. Hâte).
Lienterie (voy. Diarrhée, Dysenterie).
LiEBNE (voy. Clématite).
LiEBRE (Botanique). Bâillon. 550
— (Empl.méd.).DeliouxdeSav)gnac. 552
Lierre terrestre (Botanique) (voy. Ca-
taire, Glechome, Répéta).
— — (Emploi médical). De-
lioux de Savignac. 554
Lierre du Canada (voy. Sumac).
Lierre de Cilice (voy. Salsepareille).
Lieutadd (Jos.). Chéreau. 555
Lièvre. Laboulbène. 556
LiGAME>-TS. Hénocque. 557
LiGATDRB. Lefort. 565
8U
ARTICLES UU DEUXIEME VOLUME.
Lignes. 514
Lignes isothermes. Gavarret. 574
LiGNUM. Bâillon. 575
Ljsdle. Laboulbéne. 575
Ligures. Lagneau. 575
LiGosTicDM (voy, Livêche).
LiGcsTRUM (voy. Troène).
LiLAciNE (voy. JÂlas) .
LiLAS (Botanique). Planchon. 576
— (Pharmacol.). DeliouxdeSavignac. 578
LaiACÉEs. Planchon. 579
LiLiuM (voy. lis).
LiLiDM DE Paracelsb. Chéreau. 579
Lille (Chr.-Ev. de). Beaugrand. 580
Limace. Laboulbéne. 581
LiBÀciEN (Nerf). ^^1
LiMAciNE. Dechambre. 582
laïAçoN (voy. Oreille interne).
Limaçons. Laboulbéne. 582
Limande. Id. 582
Lime. . W- 582
LiUETTiEB. Planclion. 582
lisfNANTHEUDM Balllon. 58 ô
Limnophile. W. 58 a
LiMos, Dechambre. 585
LiMosABES (Pharmacologie). Gobley. 585
(Hygiène). Fonssagrives. 585
_ (Thérapeutique). Id. 588
LnioNiA. BàiUon. 595
LiMONiNE. Dechambre. 595
liMONioM (voy. Behen).
LiMDLE (voy, Xyphosures).
Lin (Botanique). Bâillon. 596
— (Pharmacologie). Gobley. 598
(Thérapeutique). Dechambre. 599
LiNACRE (Th.) . Beaugrand. 600
LiNAiKEs. Planchon. 601
LiHD. Beaugrand. 602
LiNBEN (J.-Ant. von der). Id. 605
LiNGUA. Bâillon. 604
LiNGDAL INFÉRIEUR, LlNGUAL SUPÉRIEUR (MuS-
cles) (voy. Langue).
LoiGu AL TBAssvERSE (Muscle) (voy. Langue).
Lingual (Nerf) [voy. Maxillaire supérieur
(Nerf)].
Lingual deHirschfeld (Nerf) [so^. Facial
(Nerf)].
Linguales (Artère et veine) (Anatomie).
Paulet. 605
— (Pathologie) . Id. 606
LisecATCLE. LaLoulbène. 615
Gobley. 616
Dechambre. 619
Chéreau. 619
Bâillon. 624
LiNIMENTS.
LlXINE .
Linné (Ch.).
LlXN'ÉE.
LixypHiES (voy. Araignées).
LioMïOME. Hénocque. 625
LioN-scK-MER (Stat. mar. de). Piotureau. 652
LiONnENT (voy. Pissenlit).
LiOTiiÉ. Laboulbéne. 632
LioTRiQUEs. Letourneau. 633
LrPAROLÉs. Gobley. 635
LipOMATEUsEs (Masses) (voy. Lipome).
Lipome (Anatomie). Cornil. 633
— (Chirurgie). Tripier. 640
LipopsïCHiE (voy. Adynamie, Asthénie).
Lipothymie (voy. Syncope).
LippiA. Bâillon. 648
Lu'piK (Eaux minérales de). Rotureau. 649
LirriTUDE (voy. BléptiarUe marginale).
Lippspring (Eaus minérales et cure de
petit-lait de). Rotureau. 650
Liqueurs. Gobley. 652
LiQLiDAMBAR. Plauchon. 654
Liquide céphalo-rachidien (voy. Céphalo-
rachidien).
LiQuiniTA (voy. Réglisse).
Liiuodexdron fvoy. Tulipier).
Lis (Botanique). Planchon. 655
— (Pharmacologie). Gobley. 656
Lisbonne ;Eaux minérales de). Rotureau. 656
Liseron. Bâillon. 659
LisFRANc. Beaugrand. 659
LisiANTHUS. Planchon. 661
LisiMAQUE (voy. Lysimaque).
LisiER (Martin). Chéreau. 661
Liston (Rob.) . Beaugrand. 062
LiscTAsiEss [(voy. Ibénennes (Races)].
Lit (Hygiène). Fonssagrives. 665
— (Orthopédique). Bouvier. 686
Litchi (voy. Euphorbe).
LiTHARGE (voy. Plomb).
Lithiase. Dechambre. 703
LiTBiNE (voy. Lithium) .
LiTHiQUE (.\^cide) [voy. Urique (Acide)] .
Lithium (Chimie). Schûtzenberger. 703
— (Pharmac). DeliouxdeSavignac. 706
LiiBOBiE. Laboulbéne. 708
LiTHOcLASTiE (voy. Lithoti'itie).
Lithofeluque (Acide) . Dechambre. 709
LiTHOLABE (voy. Lilhotritie).
LiiHOMïLECBs. Dechambre. 700
ARTICLES DU DEUXIÈME VOLUME.
slj
LiTiiONTr.iEioN (voy. Ttirquelte).
LiTHOxTRiPTiQiEs. Dechambre. 709
LiTHOPHYTON- (voy. CoraUine).
LiTHOpriisiE. Dechambre. 709
LiTHospERMUM. Bâillon. 709
LiTHORiNECR. Dechambre. 709
LiTHOTOMiE (voy. Taillé).
liTiioTRiPsiE (voy. IJthotritie).
LiTuoTRiTiE. Voillemier. 709
LiTHUAN'iE. Liétard. 737
LiTHDS (voy. Orseille et Tournesol) .
llTSEA.
llTTOBIXE.
LiTTRE.
LlVÈCHE.
Lividités .
Llabapasxi (voy. Miicuna).
Lledose (voy. Micocoulier).
Llo (Eaux minérales de'.
Bâillon. 757
Laboulbène. 758
Chéreau. 758
Planchon. 739
Dechambre. 740
Rotureau. 740
LoBAiREs (Artères) [voy. Carotide interne
et Vertébrales (Artères)].
LoBB (Tiiéoph.).
LoBEi, (Matth. de).
LoBÉLiE (Botanique) .
— (Emploi médical).
lobéline.
Lobera (L.).
Lobes (E. V. G. TOn).
LoBSTEix (Les).
Localisation morbide.
locatelli (l.).
Loche (voy. Limaces).
Loche.
LocHER (Les).
LOCHIDS.
LocHNER (Les).
Locomotion.
Chéreau.
Id.
Bâillon.
Delioux de
Savignac.
Dechambre.
Beaugrand.
Id.
Id.
Dechambre.
Chéreau.
Laboulbène.
Chéreau.
Dechambre.
Cliéreau.
Giraud-Teulon.
740
741
741
744
751
751
752
752
754
755
755
756
756
75o
75 r
PARIS. — IMPRIMERIE DE E. IIARTINET, RDE MIGNON, 2
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