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Full text of "Dictionnaire encyclopedique des sciences medicales v.54"

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DICTIONNAIRE  ENCYCLOPÉDIQUE 


SCIENCES   MÉDICALES 


TAnlS.    —      r5!PP,!MEnlE     DE    E.   MARTINET,     RUE    M  T  0  N  0  N  , 


DICTIONNAIRE  ENCYCLOPÉDIQUE 


MO 


DES 


SCIENCES  MÉDICALES 


COLLABORATEURS    :    MM.    LES    DOCTEURS 

ARCHAMBAULT,  AXENFELD,  BAILLARGER,  BAILLON,  BALBL\NI,  BALL,  BARTH,  BAZIN,   BEAUGRAND,   BÉCLARD, 

UÉHIER,  VAN  BENEDEN,  BERGER,  BEBNEIM,BERTILLON,  BERTIN,  ERNEST  BESNIER,  BLACHE,  BLACHEZ,  BOINET,  BOISSEAU, 

BORDIER,  BOUCHACOURT,  CH.  BOUCHARD,  BOUISSON,  BOULAND,  BOULEY  (H.),  BOUVIER,  BOYER,  BRASSAC,  BROCA, 

DROCHIN,  BROUARDEL,  BROWN-SÉQUARD,  CALMEIL,  CAJIPANA,  CARLET  (G.),  CERISE,  CHARCOT,  CHASSAICNAC, 

CHAUVEAU,  CHÉREAU,  COLIN  (L.),  CORNU,,  COULIER,  COURTY,  DALLY,   DAMASCHINO,  DA VAINE,  DECHAMBRE  (A.),  DELENS, 

DELIOUX  DE  SAVIGNAC,  DELPECH,  DENONVILLIERS,  DEPAUL,  DIDAY,  DOLBEAU,    DUGUET,  DUPLAY  (S.),  DUTROULAU, 

ÉLY,  FALRET    (j.),  FARABEUF,  FERRAND,  FOLLIN,    FONSSAGRIVES, 

OAITIER-BOISSIÈRE,  GARIEL,  GAVARRET,   GERVAIS   (P.),   GILLETTE,   GIRAUD-TELLON,   GOBLEY,  GODELIER,  GREENHILI. 

GRISOLLE,  GUBLER,  GUÉNIOT,   GUÉRARD,  GUILLARD,  GUILLAUME,   GHILLEMIN,  GUYON  (f.), 

HAMELIN,  HAYEM,  HECHT,  HENOCQUE,  ISAMBERT,  JACQUEMIER,  KRISHABER,  LABBÉ  (LÉON),  LABBÉE,  LABORDE, 

LABOULBÈNE,   LAGNEAU  (G.),  LANCEREAUX,  LARCHER  (O.),  LAVERAN,    LECLERC  (L.),LEFORT  (lÉON), 

LEGOUEST,  LRGROS,  LEGROUX,  LEREBOULET,  le  ROY  DE  MÉRICOURT,  LÉtOURNEaU,  LEVEN,  LÉVY  (MICHEL), 

LIÉGEOIS,    LIÉTARD,    LINAS,  LI0UVILLE,  LITTRÉ,  LUTZ,  MAGITÛT  (E.),  MAGNAN,  MALAOUTI,  MARCHAND,  MAREV,  MARTINS 

MICHEL  (de  NANCY),  MILLARD,  DANIEL  MOLLIÈRE,  MONOD,  MONTANIER,  MORACHE,  JIOREL   (B.-A.),  NICAISE 

OLLIER,   ONIMUS,   ORFILA  (l.),  PAJOT,   PARCHAPPE,   PARROT,   PASTEUR,   PAULET,  PERRIN   (MAURICE),  PETER  (M.), 

PLANCHON,  POLAILLON,  POTAIN,  POZZI,  KEG.NARD,   REGNAULT,  REYNAL,  ROBIN  (CH.),  DE  ROCHAS,  ROGER  (H.). 

IlOLLET,  ROTUREAU,  ROUGET,  SAINTE-CLAIRE  DEVILLE  (H.),  SCHUTZENBERGER  (CH.),  aCHIITZENBERGER  (P.),  SÉDILLOT 

SÉE  (marc),  SERVIER,  DE  SEYNES,  SOUBEIRAN  (L.),  E.  SPILLMANN,  TARTIVEL,   TERRIER,  TESTELIN, 

TILLAUX  (p.),  TOl'RDES,  TRELAT  (U.),   TRIPIER   (LÉON),   VALLIN,   VELPEAU,  VERNEUIL,  VIDAL    (ÉM.),  VILLEMIN. 

VDILLEMIER,  VULPIAN,  WARLOMONT,  WORMS  (j.),  WURTZ. 

DIRECTEUR  :  A.   DECHAMBRE 


DEUXIEME    SERIE 


TOME    DEUXIÈME  "^  BIBUOTHIQUES  * 


LAR  — LOC 


PARIS 


G.   MASSON 


P.  ASSELIN 


LIBRAIRE    DE    I.  ACADEMIE    DE   MEDECINE  LIBRAIRE    DE   LA    FACULTÉ    DE    MÉDECINE 

PLACE   DE  l'école-de-médecine 


MLCGCLXXVI 


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DICTIONNAIRE 


ENCYCLOPÉDIQUE 


DES 


SCIENCES  MÉDICALES 


L1.RYX  OU  LiRix.     {Voy.  Mélèze.) 

LA  SAL'LCE  (E\n  MLNÊRALE  de),  atheriuale  ou  prolothermale,  cldonirée  sa- 
dique moyenne,  non  gazeuse.  Dans  le  département  des  Hautes-Alpes,  dans  l'ar- 
roudissement  de  Gap  et  à  i  7  kilomètres  de  la  ville  de  ce  nom,  émergent  d'un  terrain 
métamorphique  les  deux  griffons  peu  abondants  de  la  source  de  La  Saulce.  Leur 
eau  est  claire  et  limpide,  sans  odeur,  son  goût  est  salé;  la  températm'e  d'un  des 
filets  est  de  15°,1  centigrade,  celle  de  l'autre  est  de  !22°,8  centigrade.  M.  Niepce 
a  trouvé  dans  1000  grammes  de  cette  eau  les  principes  suivants  : 

Chlorure  de  sodium 2,135 

—  calcium 0,072 

—  magnésium 0,035 

Bromure  alcalin traces. 

Carbonate  de  cliaux 0,2ô7 

—  magnésie 0,008 

Oxyde  de  fer 0,010 

Silice 0,019 

Matière  organique traces. 

Total  des  matières  fixes 2,516 

Les  eaux  chlorurées,  bromurées  et  ferrugineuses  de  La  Saulce  sont  exclusive- 
ment employées  en  boisson  par  les  habitants  du  voisinage  qui  les  font  prendi'e  à 
leurs  enfants  lymphatiques,  scrofuleux,  anémiques  ou  chlorotiques.  C'est  dans  les 
accidents  scrofuleux,  caractérisés  principalement  par  un  engorgement  ou  une 
ulcération  des  ganglions  ou  de  la  peau  qui  les  recouvre,  que  ces  eaux  sont  em- 
ployées le  plus  fréquemment  et  le  plus  heureusement.  Elles  donnent  de  bons 
résultats  aussi  dans  les  dyspepsies  des  sujets  affaiblis  auxquels  convient  un  trai- 
tement tonique  et  reconstituant.  Les  eaux  chlorurées  moyennes  de  La  Saulce 
sont  utilement  prescrites  à  l'intérieur,  et,  à  faible  dose,  a  ix  malades  qui  souf- 
frent depuis  longtemps  d'une  diarrhée  reconnaissant  pour  cause  une  inflamma- 
tion chronique  quelquefois  accompagnée  d'ulcérations  du  gros  intestin.     A.  R. 

DICT.    ENC     2=  S     11.  1 


2  LA   SAXE   (eaux  minérales   oë). 

liA  SAXE  (Eaux  BiixNÉnALEs  de),  athermales,  fermgineitses  faibles  ou  sul- 
pireiises.  Eu  Italie,  à  l'extrémité  de  la  vallée  d'Aoste  ouverte  au  midi  seule- 
ment, au  pied  du  raontBlaTic  de  l'autre  côté  duquel  se  trouvent  un  peu  à  gauche 
l'établissement  et  les  sources  de  Saijst-Gervais  [doî/.  Gervais  (Saint)],  à  300  mè- 
tres du  bourg  de  Courmayeur  dont  nous  indiquerons  les  sources  ferrugineuses 
{voy.  Codbmayeur),  à  200  mètres  du  village  de  La  Saxe  qui  n'a  pas  plus  de 
cinquante  habitants  et  qui  est  bâti  au  bas  du  rocher  qui  lui  a  donné  son  nom,  en 
face  des  aiguilles  du  Géant,  émergent  les  deux  sources  de  La  Saxe,  dans  l'inté- 
rieur même  de  l'établissement  thermal.  La  première  de  ces  sources  se  nomme  la 
source  Ferrugineuse,  et  la  seconde,  la  source  Sulfureuse. 

L'eau  de  la  source  Ferrugineuse,  employée  exclusivement  en  boisson,  serait 
claire  et  limpide  si  elle  ne  contenait  quelques  flocons  ;  elle  n'a  aucune  odeur;  sa 
saveur  est  extrêmement  ferrugineuse,  styptique,  désagréable;  c'est  une  des  plus 
martiales  au  goût  que  l'on  puisse  rencontrer  ;  elle  est  traversée  par  des  bulles  de 
gaz  qui  viennent  de  temps  eu  temps  s'épanouir  à  sa  surface  ;  sa  réaction  est 
légèrement  acide  ;  sa  température  est  de  15", 4  centigrade,  celle  de  l'air  étant  de 
14°,8  centigrade.  L'eau  de  la  source  Ferrugineuse  de  La  Saxe  n'a  point  été  ana- 
lysée et  l'on  ne  connaît  pas  sa  densité. 

La  source  Sulfureuse  est  la  plus  intéressante  des  deux  sources  de  La  Saxe.  Elle 
sort  du  granit  par  un  jet  unique  de  6  à  7  centimètres  de  diamètre,  et  est  reçue 
dans  un  canal  découvert  formé  de  troncs  de  mélèzes  qui  l'apportent  à  la  buvette. 
Cette  eau  est  très-claire  et  ne  forme  aucun  dépôt  au  moment  où  elle  sort  de  la 
pierre,  mais  elle  ne  tarde  pas  à  laisser  précipiter  une  sorte  de  poudre  d'un  gris 
jaunâtre,  composée  de  soufre  et  debarégine  ;  ce  mélange  onctueux  donne  au  tou- 
cher l'impression  du  savon  mouillé.  Sa  réaction  est  franchement  acide  ;  la  tem- 
pérature delà  galerie  étant  de  17"  centigrade,  celle  de  l'eau  sulfureuse,  au  grif- 
fon, est  de  18°, 4  centigrade.  Son  odeur  est  sensiblement  hépatique,  mais  moins 
que  son  goîit  ne  le  ferait  supposer.  Aucune  bulle  gazeuse  ne  s'en  échappe,  et  ce- 
pendant son  eau,  reçue  dans  un  verre,  est  traversée  par  quelques  perles  trop  fines 
pour  être  de  l'air  atmosphéi'ique.  On  ne  connaît  pas  exactement  la  densité  ni 
l'analyse  chimique  de  l'eau  de  la  source  Sulfureuse  de  La  Saxe. 

La  saison  commence  à  La  Saxe  le  15  juillet  et  finit  le  1"  septembre.  Cette  sta- 
tion est  à  1216  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer  ;  la  température  moyenne 
des  mois  de  juillet  et  d'aoïit  est  de  10", 5  centigrade;  aussi  les  baigneurs  et  les 
touristes  doivent-ils  y  apporter  des  vêtements  épais  et  chauds  pour  se  garantir  du 
froid  des  matinées  et  des  soirées. 

L'établissement  minéral  de  La  Saxe  est  à  110  mètres  de  la  rive  droite  de  la 
Dora  Aurea;  il  se  compose  d'un  bâtiment  flanqué  de  deux  pavillons.  Celui  de 
gauche  est  construit  sur  les  sources  ;  les  moyens  balnéaires  se  trouvent  dans  les 
autres  parties  de  la  maison.  Le  canal  découvert  qui  apporte  et  qui  emporte  l'eau 
sulfureuse  de  La  Saxe  permet  à  ses  principes  volatils  et  gazeux  de  se  mêler  à  l'atmo- 
sphère de  la  salle  de  la  buvette,  qui  sert  aussi  de  salle  de  respiration.  Le  pavillon 
de  droite  et  le  corps  prmcipal  de  l'établissement  renlerment  une  belle  pièce 
carrée,  à  coupole,  et  vingt  cabinets  de  bains  non  précédés  de  vestiaires,  mais 
grands,  bien  éclairés  et  bien  ventilés.  Ces  cabinets  ont  vingt-quatre  baignoires 
de  bois  ;  un  d'eux  a  quatre  baignoires  ;  un  autre,  deux  séparées  par  une  cloi- 
son ;  les  dix-huit  derniers  ont  une  baignoire  simple.  Chacune  d'elles  est  ali- 
mentée par  deux  robinets  de  cuivre,  dont  l'un  verse  l'eau  sulfureuse  chauffée 
dans  une  chaudière  hermétiquement  fermée  ;  l'autre,  l'eau  à  la  température  de  la 


KS   DE 


source.  L'établissement  de  La  Saxe  est  complètement   dépourvu  d'ajutages  de 
douches. 

Emploi  théuapeutique.  L'eau  de  h  source  Ferrugineuse  ne  sert  qu'en  boisson; 
celle  de  la  source  Sulfureuse  sert  en  boisson,  en  bains,  en  gargarismes,  en  appli- 
cations topiques,  et  en  inhalations  gazeuses.  L'eau  de  la  source  Ferrugineuse  se 
donne  le  matin  à  jeun,  à  la  dose  de  trois  à  huit  et  même  dix  verres  pris  à  un  quart 
d'heure  d'intervalle.  La  plupart  du  temps  les  malades  en  font  usage  pendant 
leurs  repas,  soit  pures,  soit  mêlées  au  vin.  L'eau  de  la  source  Sulfureuse  se  pres- 
crit depuis  un  demi-verre  jusqu'à  quatre  et  même  six  verres.  Elle  est  en  géné- 
ral bien  acceptée  par  l'estomac,  et  il  est  assez  rare  que  l'on  soit  obligé  de  l'é- 
tendre avec  du  lait  ondes  infusions  aromatiques,  émollientes  ou  béchiques.  Les 
bains  de  La  Saxe  sont  le  plus  souvent  d'une  demi-heure  à  une  heure  de  durée. 
La  longueur  du  séjour  dans  la  salle  d'inhalation  peut  être  aussi  longue  que  les 
malades  le  désirent. 

L'étude  de  l'action  physiologique  des  eaux  ferrugineuses  ou  hépatiques  de  La 
Saxe,  ne  présente  rien  de  remarquable.  La  source  martiale  est  tonique  et  recon- 
stituante. La  source  Sulfureuse  donne  de  l'appétit,  mais  elle  constipe  souvent 
assez  pour  nécessiter  l'emploi  des  purgatifs  ;  si  la  constipation  n'occasionne  pas 
d'accidents  trop  prononcés,  il  ne  faut  pas  s'en  inquiéter,  car  elle  disparaît  presque 
toujours  seule  après  les  quatre  ou  cinq  premiers  jours.  Il  est  bon  de  noter  que 
les  eaux  sulfureuses  de  La  Saxe  tendent  à  accroître  l'embonpoint  ;  elles  accélèrent 
les  pulsations  artérielles,  mais  elles  n'augmentent  sensiblement  ni  les  fonctions 
des  organes  urinaires,  ni  celles  de  la  peau.  Elles  occasionnent  de  la  toux  dans  les 
maladies  chroniques  des  voies  aériennes  et  rendent  plus  abondantes  les  sécrétions 
de  la  membrane  muqueuse  du  larynx,  de  la  trachée  et  des  bronches  ;  ces  effets 
ne  se  produisent  qu'au  début  de  la  cure. 

Les  bains  sulfureux  de  La  Saxe  n'ont  guère  plus  d'effets  physiologiques  que 
ceux  d'eau  ordinaire  ;  il  est  bien  rare  qu'ils  produisent  la  fièvre  thermale  ou 
la  poussée;  mais  ils  élèvent  presque  toujours  la  caloricitédu  tégument  externe  en 
le  rendant  moins  sensible  aux  transitions  de  la  température. 

Un  séjour  assez  prolongé  dans  la  salle  de  la  buvette  fournit  un  moyen  de  dié- 
tétique respiratoire  que  l'on  trouve  seulement  dans  les  stations  minérales  possé- 
dant des  salles  d'inhalation  gazeuse.  Les  résultats  obtenus  à  La  Saxe  sont  dus  à 
l'abaissement  de  la  proportion  normale  de  l'oxygène  dans  l'air  de  la  buvette  et  à 
ce  qu'il  est  chargé  d'un  certain  volume  de  gaz  acide  sulfhydrique,  de  soufre  en 
cristaux  d'une  ténuité  extrême  et  de  quelques  sels  contenus  dans  l'eau  minérale. 
Les  malades  éprouvent  d'abord  dans  cette  salle  une  lourdeur  de  tête  et  souvent 
une  céphalalgie  intense,  une  sensation  de  chaleur  dans  la  gorge,  un  goiit  à  la  fois 
sucré  et  amer,  et  un  chatouillement  laryngien  provoquaut  la  toux.  Après  quel-  > 
ques  jours,  l'expectoration  devient  plus  facile  et  les  crachats  plus  visqueux  ;  la  | 
toux  disparaît  progressivement,  et  les  mouvements  respiratoires  sont  plus  amples  ' 
et  moins  précipités.  Les  battements  du  cœur  et  les  pulsations  artérielles  dimi-  ■ 
nuent  d'uue  manière  notable.  '  ' 

L'eau  de  la  source  Ferrugineuse  de  La  Saxo  est  utile  dans  les  anémies,  la  chlo- 
rose, les  diarrhées  atoniques,  la  spermatorrhée  ;  il  rend  des  services,  enfin, 
dans  les  paralysies  qui  reconnaissent  pour  cause  une  hystérie  ou  une  chorée,  et 
dans  les  cachexies  survenant  après  des  pyrexies  graves  et  longues,  après  des  fiè- 
vres intermittentes  prolongées,  ou  une  lactation  excessive  ayant  altéré  l'économie  ; 
après  des  empoisonnements  virulents  ou  métalliques. 


LA  SAXE  (Eifï^?i 


L'action  curative  de  l'eau  sulfureuse  de  la  Saxe  s'exerce  priacipalement 
sur  les  maladies  des  voies  respiratoires,  sur  les  laryngites,  les  tracliciles  et  les 
bronchites  chroniques,  si  fréquentes  avec  le  climat  froid  et  variable  du  voisinage 
du  mont  Blanc.  Son  emploi  est  très-profitable  encore  contre  les  pharyngites 
et  les  angines  granuleuses.  Elle  est  vantée  aussi  contre  l'asthme  dont  elle 
éloigne  les  accès,  qu'elle  parvient  même  à  empêcher  tout  ù  fait.  Qu'il  nous 
soit  permis  de  faire  deux  observations  à  cet  égard  :  nous  accordons  que  dans 
l'asthme  spasmodique,  dans  la  névrose  des  bronches  connue  sous  le  nom  d'asthme 
essentiel ,  les  eaux  hépatiques  de  La  Saxe ,  en  boisson  surtout,  agissent  sur 
l'mnervation  d'une  manière  assez  profonde  pour  que  des  accès  de  contractions 
bronchiques  soient  modifiés  heureusement,  entravés  complètement  même  ;  nous 
accordons  encore  qu'elles  améliorent  cette  maladie,  lorsqu'elle  est  sous  la  dé- 
pendance d'un  catarrhe  des  bronches  antérieur  ;  mais  nous  ne  pouvons  admettre 
qu'eiles  méritent  la  réputation  qu'on  leur  a  faite  de  s'opposer  aux  accès  de  dys- 
pnée reconnaissant  pour  cause  un  état  anatomique  du  poumon,  comme  dans 
la  rupture  et  la  dilatation  des  bronches.  L'altitude  de  La  Saxe,  l'air  pur  et 
vif  qu'y  respirent  les  emphysémateux,  expliquent  suffisamment  les  cures  mer- 
veilleuses que  l'on  a  publiées  à  une  époque  où  les  services  que  la  percussion  et 
l'auscultation  ont  rendus  à  la  médecine  n'étaient  pas  ou  étaient  mal  connus.  Les 
asthmatiques  retirent  souvent,  même  pendant  leur  accès,  un  grand  bénéfice  des 
douches  en  jet  reçues  entre  les  deux  épaules  et  sur  les  parois  thoraciques  ;  ces 
résultats  favorables  font  regretter  plus  vivement  encore  qu'on  n'ait  pas  cru  de- 
voir installer,  à  La  Saxe,  les  ajutages  nécessaires  à  l'administration  de  ce  moyen 
balnéothérapique. 

On  emploie  également  l'eau  de  la  source  Sulfureuse  dans  les  dyspepsies,  les 
gastro-entéralgies,  les  douleurs  rhumatismales,  les  maladies  de  l'utérus  d'ori- 
gine herpétique,  et  dans  plusieurs  maladies  de  la  peau  caractérisées  par  des  vési- 
cules, des  pustules  ou  des  papules.  Comme  toutes  les  eaux  sulfureuses,  elle 
est  utile  dans  les  empoisonnements  saturnins,  arsenicaux  et  mercuriels.  Enfin, 
peu  d'eaux  sulfureuses  sont  mieux  indiquées  qu'elle  dans  les  affections  des  voies 
urinaires  se  traduisant  à  l'extérieur  par  l'excrétion  d' urines  avec  dépôt  de  pus, 
de  muco-pus  ou  de  mucus.  Les  malades  doivent  se  baigner,  mais  ils  doivent  sur- 
tout prendre  l'eau  en  boisson  et  à  dose  progressivement  croissante  ;  s'ils  vont 
trop  vite,  ils  déterminent  un  état  aigu  dont  le  moindre  inconvénient  est  de  for- 
cer de  suspendre  la  cure.  Pour  que  le  traitement  hydrosulfureux  de  La  Saxe 
donne  les  meilleurs  résultats,  il  faut  que  l'amélioration  augmente  de  jour  en 
jour,  sans  que  l'économie  éprouve  une  violente  secousse.  De  temps  immémorial, 
ainsi  qu'on  peut  s'en  assurer  dans  le  curieux  Traité  de  Mollo,  les  eaux  sulfu- 
reuses de  La  Saxe  ont  donné  des  résultats  favorables,  en  applications  topiques, 
sur  les  plaies  anciennes ,  les  vieux  ulcères  et  les  affections  chroniques  des 
paupières. 

L'eau  ferrugineuse  et  sulfureuse  de  La  Saxe  est  tonique,  reconstituante  et  ex- 
citante ;  ces  effets  indiquent  qu'il  faut  craindre  de  la  prescrire  dans  les  circon- 
stances où  il  est  dangereux  de  donner  au  sang  trop  de  plasticité  et  à  la  circula- 
tion une  trop  grande  activité.  Ces  eaux  sont  donc  contre-indiqiiées  chez  les  plé- 
thoriques, chez  tous  ceux  qui  sont  doués  d'une  constitution  faisant  redouter 
des  congestions  ou  des  hémorrhagies  cérébrales  ou  pulmonaires,  chez  les  malades 
enfin  qui  portent  des  altérations  du  cœur  ou  des  gros  vaisseaux. 

Durée  (le  la  cicre:Ae  quinze  à  vingt-cinq  jours. 


LASERPITIUM.  5 

On  n'exporte  pas  les  eaux  des  deux  sources  de  La  Saxe.  A.  Rotureau. 

Bibliographie. —  Mollo.  Traité  des  eaux  minérales  de  Courmayeur.  Genève,  1728,  in-12. 
La  Saxe,  pages  52  et  115.— Behiin!.  Idrologia  mincrale  degli  Statisardi.  Torino,  18i3,  in-8°. 
—  Garelu  (Giovanni).  Délie  acque  minerali  dltalia  e  délie  loro  appliLazioni  terapeutiche, 
Torino,  1X64,  in-8.  A.  R. 

LASER,  nom  appliqué  par  les  anciens  médecins  à  un  ou  peut-être  à  deux 
médicaments  dont  l'un  était  probablement  VAsa  fœtida.  {Voy.  ce  mot.)  L'autre 
était  certainement  leur  Sitccus  cijrenaicus.  ])'a])rès  Geoffroy  (TmcL  de  Mater- 
medic,  II,  609),  la  plupart  des  auteurs  qui  l'ont  précédé  ont  considéré  ces  deux 
substances  comme  identiques.  Mais  on  a  retrouvé  la  plante  que  les  Grecs  appe- 
laient ffO^ffitov,  et  les  Romains  Laserpitium,  et  qui  produit  le  Suc  cyrénaïque. 
C'est  le  Thapsia  Silphion  de  Viviani,  plante  du  groupe  des  Ombellifères,  comme 
hFerida  {Narthex)  Asa  fœtida.  On  suppose,  dit  Pereira(Elem.  Mat.  med.,  éd.  4, 
If,  p.  II,  174),  que  le  Succits  cyrenaicus  étant  devenu  rare  dans  le  commerce, 
les  anciens  lui  substituaient  une  substance  de  propriétés  analogues,  quoique  infé- 
rieures, et  qu'ils  appliquaient  aux  deux  objets  le  nom  commun  de  Laser.  Pline 
{Hist.  nat.,  livr.  19,  cb.  15,  éd.  Valp.)  dit  que  le  Laser  ou  Silphion  ne  se  trou- 
vait plus  depuis  longtemps  en  Cyrénaïque,  parce  que  les  publicains  qui  affer- 
maient les  pâturages  de  ce  pays  trouvaient  avantage  à  détruire  la  plante  pour  la 
nourriture  de  leur  bétail.  Un  seul  pied  put  être  recueilli  pour  être  envoyé  à 
Néron.  On  savait  alors  quand  les  bestiaux  en  avaient  rencontré  et  brouté  les 
jeunes  pousses,  parce  que  les  moutons  en  éprouvaient,  dit-on,  des  éternuments. 
Le  seul  Laser  introduit  depuis  longtemps  à  Rome  était  récolté  en  abondance  en 
Perse,  en  Médie  et  eu  Arménie,  mais  il  était  fort  inférieur  à  celui  de  la  Cyrénaïque. 
((  Il  n'est  pas  du  tout  improbable,  ajoute  Pereira,  que  le  Laser  de  Perse  ait  été 
notre  Asa  fœtida.  Le  mot  Assa  fœtida,  dit  Murray  [Appar.  medic,  I,  561), 
parait  avoir  été  introduit  par  les  moines  de  l'école  de  Salerne.  Mais  il  semble 
aussi  être  d'origine  orientale  et  pourrait  bien  être  dérivé,  comme  on  l'a  soup- 
çonné, du  mot  Laser.  Nicolaus  Myrepsus  (An^jrfotar.,  ch.  xxvii,  p.  565,  cité 
par  Alston,  Mat.  med.,  Ll,438),ledeirnier  à  peu  près  des  médecins  grecs,  lequel 
vivait,  d'après  Sprengel  {Hist.  de  la  médec.,  IV,  368),  vers  1227,  parle  del'Ao-a 
yotTfîa.  11  y  a,  dit  Avicenne  (lib.  Il,  tr.  2,  cap.  53),  deux  sortes  à' Asa  (i.  e. 
Laser  lat.),  l'un  fétide  et  l'autre  odoriférant.  »  Ce  dernier  serait  seul  le  Laser, 
employé  autrefois,  non-seulement  comme  médicament,  mais  encore  comme  con- 
diment; ce  qui  s'appliquerait  d'une  façon  moins  vraisemblable  à  l'/iso /te^V/a, 
{Voy.  sur  ce  point  le  mot  âsa.,)  il.  Rr,-. 

LASERPBTIUM  L.  Genre  de  plantes,  de  la  famille  des  Ombellifères,  qui  a 
donné  son  nom  à  une  tribu  des  Laserpiliées.  Ses  fleurs  sont  disposées  en  ombelles 
composées,  avec  involucrect  involucelles.  Leurs  sépales  sont  nuls  ou  très-courts. 
Leur  disque  hypogyne  est  conique  ou  déprimé,  et  leur  fruit  oblong  est  })resque 
de  la  même  largeur  dans  tous  les  sens  sur  une  coupe  transversale,  un  peu  rétréci 
vers  la  commissure.  Il  y  a  quatre  ailes  à  chaque  carpelle  ;  elles  sont  formées  par 
les  côtes  secondaires  et  se  présentent  sous  forme  de  lames  verticales,  entières  ou 
ondulées.  Les  bandelettes  sont  solitaires  sous  les  ailes.  La  columelle  se  partage 
en  deux  baguettes.  La  graine  est  comprimée  suivant  le  dos,  et  sa  face  verticale 
est  plane  ou  légèrement  concave.  Les  Laserpitiiim  sont  des  plantes  herbacées, 
vivaccs,  européennes  et  asiatiques,  ou  originaires  de  l'Afrique  boréale.  Leurs 


6  LASSAIGNE. 

feuilles  sont  pennées,  ou  subternées  et  décomposées.  Leurs  fleurs  sont  blanches 
ou  d'un  jaune  verdàtre.  Le  nom  de  ce  genre  \ient  de  ce  qu'on  a  cru  autrefois 
que  le  Laser  provenait  d'une  de  ses  espèces;  on  a  attribué  cette  substance 
aux  L.  S'der  L.,  gummiferum  Desf.  et  latifolium  L.  Le  L.  Siler  est  une 
plante  française;  c'est  le  Siler  mnntamim  C^î^ti {Ligusticum  garganiciim  Ten.); 
on  le  trouve  dans  le  Daupliiné,  la  Lozère,  les  Pyrénées.  Il  a  une  souche  amère  qui 
a  été  employée  comme  vulnéraire,  et  ses  iruits  sont  estimés  comme  stoma- 
chiques, emménagogues,  diurétiques.  M.  Fée  atttribue  la  production  du  Faux- 
Turbith  ou  T.  des  vwntagnes,  au  L.  glabrum  Grantz  [FI.  austr.,  t.  146),  ou 
i.  latifolium  Jacq.  {FI.  austr.,  t.  iA(j).  Le  L.  Chironium  L.  est  le  Séseli  d'Ètliic- 
pie,  et  la  Panacée  d'Hercule  des  anciens,  au  dire  de  Paulet.  La  racine,  qui  a 
l'odeur  de  l'encens,  était  employée  comme  excitante,  échauffante,  carminative, 
antihystérique.  On  la  prescrivait  souvent  sous  le  nom  de  Gentiana  alba.  Olivier 
et  Bruguière  ont,  dans  leur  voyage  en  Orient,  trouvé  aux  environs  de  Constanti- 
nople  une  espèce  de  ce  genre  que  Ventenat  nomme  L.  triquetrum,  et  dont  la 
tige  incisée  donne  un  suc  laiteux  et  visqueux  qui  se  coagule  en  une  gomme-résine 
Irès-odorante. 

Le  L.  Chironium  est  un  Opoi'anax  {voy.  ce  mot).  H.  Bn. 

L.,  Gen.,  n.  344. —  Desf.,  Flor.  allant.,  t.  75.  —  DC,  Prodrom  ,  IV,  204.  —  Lamk, 
Dirt.,  III,  42'2.  —  Paulet,  in  Joiirn  de  médec,  LII,  422  —  Venten.,  Jard.  Cels,  V,  97.  — 
ÎIÉR.  et  Del.,  Dict.,  IV,  45.  —  Endl  ,  Gcn.,  n.  4i92.  —  Guib.,  Drog.  simpl.,  éd.  4,  III,  229, 
—  1  ixDL  ,  FI.  med.,  53.  —  Fée,  Cours,  II,  209.  —  Gren.  et  Godh.,  FI.  de  Fr.,  I,  G79.  — 
RosEXTu.,  Syn.  pi.  diaph.,  551.  —  Bentii.  et  IIook.,  Gen.  jilcint.,  I,  929,  n.  149. 

liASSAIGl^E  (J.  L.),  un  des  élèves  distingués  de  l'école  de  Vauquelin,  naquit, 
le  22  septembre  1800,  au  Muséum  d'histoire  naturelle  de  Paris,  oii  son  père 
exerçait  la  profession  de  mécanicien  ;  c'est  là  que  le  jeune  Lassaigne  étudia  la 
chimie  sous  les  auspices  du  célèbre  professeur  que  nous  venons  de  nommer.  A 
peine  âgé  de  dix-sept  ans  il  publiait  avec  M.  A.  Chevalier,  son  condisciple  et  long- 
temps son  ami,  des  recherches  sur  le  Chenepodiiim  olidmn  et  sur  le  Char  a  viil- 
garis  ;  en  1821  et  1822  il  vit  quelques-uns  de  ses  travaux  couronnés  par  la 
Société  de  médecine  du  département  de  la  Seine.  En  1825,  l'Institut  mentionnait 
honorablement  un  mémoire  très-remarquable  sur  la  digestion,  qu'il  avait  composé 
en  collaboration  avec  Leuret.  Bientôt  après  il  était  nommé  professeur  de  chimie  à 
l'École  de  commerce  de  Paris,  et  l'illustre  Dulong,  professeur  de  physique  et  de 
chimie  à  l'École  vétérinaire  d'Alfort,  le  plaçait  à  la  tête  de  sou  laboratoire  et  lui 
laissait  sa  chaire  lorsqu'il  eut  été  appelé  sur  un  théâtre  plus  digne  de  lui. 
C'est  dans  cette  position  que  Lassaigne  composa  une  foule  de  travaux  dans  lesquels 
la  chimie  organique  eut  une  large  part.  On  lui  doit  la  découverte  de  différentes 
substances,  telles  que  la  delphine,  l'acide  pyrocitrique,  les  acides  maliques  pyro- 
génés.  Il  a  introduit  le  chromate  de  plomb  dans  la  fabrication  des  toiles  peintes. 
On  lui  doit  encore  un  certain  nombre  de  rajjports  sur  des  questions  de  médecine 
légale.  Enfin,  il  a  composé  un  abrégé  élémentaire  de  chimie  demeuré  longtemps 
classique.  Lassaigne  succomba  le  18  mars  1859  aux  progrès  d'une  maladie  qui, 
depuis  près  d'une  année,  le  tenait  éloigné  de  l'enseignement  ;  il  était  depuis 
longtemps  déjà  membre  de  l'Académie  de  médecine  et  d'un  Irès-grand  nombre  de 
sociétés  savantes. 

11  a  fait  paraître  les  ouvrages  suivants  : 

I.  liechcrches  plnjsiologiques  et  chimiques ,  pour  servir  à  l'histoire  de  la  digestion  (avec 
Leuret).  (Ouvr.  ment.  lion,  par  l'Acad.  des  se.)  Paris,1825,  in-8°.— 11.  Abrégé  éicmentaire  de 


LASblb.  7 

chimie  considérée  comme  science  accessoire,  etc.  Paris,  1829,  2  vol.  in-8%  fig.,  col,,  2*  édit., 
ibid.,  1859  ;  5",  1842;  5»,  1846,  2  vol.  in-8,  fig.  —  III.  Dictionnaire  des  réactifs  chimiques 
employés  dans  toutes  les  expériences.  Paris,  1859,  in-8°,  lig.  —  IV.  Hist.  naturelle  et 
médicale  des  médicaments  employés  pour  les  animaux  domestiques  (avec  Delaf'ond).  Paris, 
1841,  in-8°.  2'  éd.  sous  ce  titre  :  Traité  de  mat.  méd.  et  de  pharmacie  vétérinaires.  Paris,  1855. 
jn_8'.  —  Voir  un  grand  nombre  de  mémoires  dans  les  Annales  de  chimie  et  de  physique, 
dans  le  Journal  de  chimie  médicale,  dans  les  Annales  d'hygiène,  Rapports  à  l'Académie  de 
médecine,  etc.  E.  Bgd. 

liASSERRE  (Eau  minérale  h'e) ,  athermale ^  amétallite ,  carbonique  faible .  Dans 
le  département  du  Lot-et-Garonne,  dans  l'arrondissement  de  Nérac,  à  2  kilo- 
mètres environ  du  village  de  Francescas,  émerge  d'un  terrain  calcaire  la  source 
de  Lasserre.  Son  eau  limpide,  claire  et  transparente,  n'a  ni  odeur  ni  saveur  carac- 
téristiques, elle  est  sans  action  sur  les  préparations  de  tournesol  ;  sa  température 
est  de  12%5  centigrade.  Sa  densité  n'est  pas  connue;  Dulong  a  fait  en  1825 son 
analyse  chimique,  il  a  trouvé  que  1000  grammes  de  cette  eau  contiennent  les 
principes  suivants  : 

Carbonate  de  chaux 0,2o4 

—  magnésie 0,005 

Sulfate  de  magnésie  ciistallisé O.loa 

—  soude  cristallisé 0,060 

Chlorure  de  sodium 0,048 

—  magnésium  cristallisé 0,Oil 

Sulfate  de  chaux O.OÛS 

Silice 0,005 

Total  des  matières  fixes 0,612 

ç       (  Air  atmosphérique 48,191  cent,  cubes. 

I  Acide  carbonique 47,000       — 

Total  des  gaz 95,191  cent,  cubes. 

L'eau  de  Lasserre  est  exclusivement  employée  en  boisson  par  les  habitants  des 
pays  voisins  qui  viennent  chercher  auprès  de  cette  source  une  panacée  à  toutes 
leurs  affections  dans  lesquelles  l'appétit  a  diminué,  les  digestions  sont  laborieuses 
et  les  garde-robes  diiTiciles.  Pour  arriver  à  une  guérison  rapide,  ils  croient  devoir 
ingérer  une  quantité  énorme  d'eau  minérale  tous  les  matins  à  jeun.  Ils  obtiennent 
alors  un  effet  laxatif,  purgatif  même,  dont  la  composition  élémentaire  de  l'eau 
de  Lasserre  ne  peut  donner  la  clef  et  qu'une  indigestion  seule  peut  expliquer 
d'une  manière  satisfaisante.  A.  R. 

LASSEiaOi'^.    {Voy.  L.aisseron.) 

LASSîS.  Né  à  ChîililIon-sur-Loire,  le  21  octobre  1772  ;  reçu  docteur  en  1805, 
il  servit  d'abord  dans  les  armées,  puis  étant  revenu  dans  sa  ville  natale,  il  y  rem- 
plit les  fonctions  de  médecin  en  chef  de  l'hôpital.  Lassis  s'est  surtout  fait  connaître 
lors  des  grandes  luttes  sur  la  transmissibilité  des  maladies  épidémiques  qui  occupa 
si  vivement  les  observateurs  de  1815  à  1850.  Dans  son  ouvrage  publié  en  1819 
sur  les  causes  du  typhus,  il  combattit  énergiquement  sous  le  drapeau  des  non- 
contagionistes,  fit  voir  le  danger  des  croyances  contraires,  insistant  partitu- 
lièrenient  sur  les  effets  déplorables  qui  en  résultent,  terreur,  affaissement  intellec- 
tuel, délaissement  des  malades.  Il  a,  dans  ces  recherches,  déployé  un  vrai  talent 
de  discussion  et  une  érudition  sérieuse.  .Après  la  grande  épidémie  de  Barcelone  qui 
donna  lieu  à  des  débats  si  passionnés,  il  fit  le  voyage  d'Espagne,  pour  recueillir  des 
documents;  mais  dès  cette  époque  e.xagérant  ses  idées  sur  les  effets  de  la  crainte 
qu'inspire  la  contagion,  il  en  vint  à  rapporter  en  quelque  sorte  à  cette  seule 


8  LASSONE. 

cause  toutes  les  maladies  pestilentielles,  qu'il  regarde  comme  des  maladies  ordi- 
naires exaspérées  par  la  terreur  qu'elles  occasionnent;  il  en  vint,  enfin,  à  nier  l'in- 
feclion  à  laquelle  il  les  rapportait  autrefois,  quand  il  disait  que  «  ces  maladies  (les 
typhus)  se  développent  dans  tous  les  lieux  oîi  s'élèvent  des  émanations  méphiti- 
ques et,  surtout,  dans  ceux  où  les  hommes  sont  en  trop  grand  nombre.  »  C'est 
alors  qu'il  eut  le  malheur  de  s'attaquer  à  Cher\in  dont  il  contestait  les  idées  sur 
l'infection,  et  dont  il  semblait  déprécier  les  immenses  recherches.  Chervin  lui 
adressa  une  de  ces  répliques  dont  il  avait  le  secret,  le  raillant  sur  ses  tergiver- 
sations et  sa  manière  d'emprunter  ses  idées  aux  autres  observateurs  anciens  ou 
modernes.  Au  total,  les  derniers  opuscules  de  Lassis,  mis  de  côté,  son  ouvrage 
sur  le  typhus  doit  prendre  un  rang  distingué  parmi  les  pièces  qui  figurent 
dans  le  grand  procès  relatif  aux  causes  et  au  mode  de  propagation  des  maladies 
épidémiqvies. 

Lassis,  après  avoir  volontairement  bravé  la  terrible  épidémie  du  typhus  à 
Mayence  en  1813,  et  notre  épidémie  cholérique  de  1852,  alla  mourir  à  Marseille, 
en  1855;  victime  de  son  dévouement,  en  soignant  les  habitants  de  cette  ville 
décimés  par  le  choléra. 

Voici  l'indication  de  ses  principaux  travaux  : 

ï.  Dissertation  &U7-  les  avantages  de  la  paracentèse  pratiquée  dès  le  commencement  de 

l'hijdropisie   abdominale.   Ih.  de  Paris,   an  XI,    n°  521  (aUribuée  à  Cliaussier).  — II.  iîe- 

cherclics  sur  les  véritables  causes  des  maladies  appielées  typilius  ou  de  la  non-contagion  des 

ma.adies  /î/^j/ioWes.  Paris,  1819,  in-S°. — III,  Causes  des  maladies  épidémiques,  moijen  de 

l  es  pirévemr,  d'y  remédier;  avec  quelques  réflexions  sur  la  maladie  d'Espagne. faris,  1822, 

in-S"  (c'est   l'ouvi'age   précédent  avec  un  autre  titre  et  une  introduction). —  IV.  Etat  de  la 

science  relativement  aux  maladies  épidémiques,  ou  nouvelles  recherches,  etc.  Paris,  1851, 

in-S".  —  V.  Description  d'un  -nouveau  bandage  propre  à  maintenir  réduite  la  luxation  de 

l'extrémité  scapulaire  de  là  clavicule.  In  Bullet.  des  se.  méd.,  t.  VU,  p.  242.  —  VI.  Ap- 

jwreil  jjour  les  fractures  avec  contusion,  in  Arcliiv.  gén.  de  méd.,  t.  XXIV,  p.  146;  1830. 

E.  Bgd. 

ïiASSOXE  (JosEPH-MAUiE-FriAKçois  de).  Naquit  à  Carpentras  le  o  juillet  1717. 
Son  père,  qui  renqilissait  les  fonctions  de  médecin  ordinaire  du  roi,  le  plaça  sous 
le  célèbre  chirurgien  Morand  à  l'hôpital  de  la  Charité,  oii  il  fit  de  solides  études, 
si  bien  qu'à  l'âge  de  21  ans  il  partagea  avec  le  célèbre  et  éternel  lauréat,  Lecat, 
de  Rouen,  le  prix  proposé  par  l'Acadéiiiie  de  chirurgie  sur  le  cancer  des  mamelles. 
Après  avoir,  pour  des  raisons  de  famille,  refusé  d'occuper  à  Padoue  une  chaire  de 
médecine,  il  se  fit  agréger  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris,  et,  malgré  sa  jeu- 
nesse, il  n'avait  alors  que  vingt-cinq  ans,  il  fut  admis  à  l'Académie  des  sciences; 
d'autres  honneurs  l'attendaient  encore  :  en  1751,  il  devenait  médecin  delà  reine» 
puis  de  Marie -Antoinette  et  de  Louis  XVL  C'est  alors  que  voulant  alléger  le 
poids  des  attributions  dont  le  premier  médecin  du  roi  était  alors  investi, 
celles  que  l'examen  des  remèdes  secrets,  la  surveillance  des  eaux  minérales,  la 
police  sanitaire,  l'étude  des  épidémies,  etc.,  sentant  bien  que  tant  de  questions  et 
de  si  importantes  ne  pouvaient  être  examinées  et  jugées  par  un  seul  homme,  il 
provoqua  la  formation  d'une  société  qui  devait  s'en  occuper  avec  l'ensemble  et  la 
maturité  convenables.  Telle  fut  l'origine  de  cette  Société  royale  de  médecine  quj 
]oua  dans  la  science  un  si  beau  rôle  à  la  fin  du  siècle  dernier,  donna  tant  de 
lahlature  à  la  vieille  et  jalouse  Faculté  de  médecine  de  Paris,  et  attira  tant 
d  injures  au  pauvre  Lassone.  Cet  honorable  et  savant  médecin  mourut  le  8  dé- 
cembre 1788. 

11  a  publié  un  très-grand  nombre  de  mémoires  parmi  ceux  de  l'Académie  des 


LASSUS.  9 

sciences,  de  l'Académie  de  chirurgie  et  de  la  Société  royale  de  médecine.  Nous 
ne  citons  que  ceux  qui  sont  relatifs  à  la  médecine,  et  nous  laissons  de  côté  tous  ses 
travaux  qui  ont  la  chimie  seule  pour  objet. 

I.  Description  anatomique  d'un  veau  monstrueux  (avec  5Iorand).In  Mém.  de  l'Acad.  des 
sciences,  1745.  —  il.  Observ.  anatomiques  pour  l'histoire  d'un  fœtus.  Ibid.,  1749.  —  III 
Deux  mém.  sur  l'organisation  des  os.  ILid.,  175J-1752.  —  IV.  Observ.  physiques  sur  les 
eaux  thermales  de  Vichy.  ILid.,  '17.o5. —  V.  Mém.  sur  la  question pivposée  par  l'Acad. 
royale  de  chirurgie  sur  le  cancer  des  mamelles  (mém.  cour.).  lu  Prix  de  l'Acad.  de  chir., 
t.  I,  1753.  —  VI.  Histoire  anatomique  de  la  rate  (l^'mém.).  In  Mém.  de  l'Académie  des  se., 
1754  —  VII.  Recherches  sur  la  structure  des  artères.  Ibid.,  175G.  —  VllI.  llapp.  sur  les 
inoculations  faites  dans  la  famille  royale  au  château  de  Marhj .  Ibid.,  1771.  —  IX.  His- 
toire de  divers  accidents  graves  occasionnés  par  les  miasmes  d' animaux  en  pjdré faction  et 
de  la  nouvelle  méthode  de  traitement  qui  a  été  employée  avec  succès  dans  cette  circon- 
stance. In  Mém.  de  la  Soc.  de  méd.;  1776-77. — X.  Méthode  éprouvée  pour  le  traitement  â"^ 
tarage.  Paris,  1776,  in-8°.  —  XI.  Notice  d'une  suite  d'expériences  nouvelles  qui  font  c^.i- 
naitre  la  nature  et  les  propriétés  de  jilusieurs  espèces  d'airs  ou  émanations  aériformes, 
extraits,  etc.  In  Mém.  de  l'Acad.  des  sciences,  1778.  —  XII.  Mém.  sur  quelques  moyens 
aussi  efficaces  que  p)rompts  et  faciles  de  remédier  à  des  accidents  graves  qui  surviennent 
assez  fréquemment  dans  les  petites  véroles  et  les  rougeoles  de  mauvais  caractère.  In  Mém. 
de  la  Soc.  de  méd.,  1779.  —  XIII.  Observât,  sur  quelques  propriétés  tnédicales  du  camphre. 
Ibid. ,  1782-85.  —  XIV.  Mém.  sur  les  altérations  que  l'air  éprouve  par  les  différentes  sub- 
stances que  l'on  emploie  en  fumigation  dans  les  hôpitaux  et  dans  les  chambres  de  malades 
[avec  Corneite],  In  Mém.  de  la  Soc.  de  7nédecine,  \18Q.  E.   Bgd. 

LASSUS  (Pierre).  Laborieux  chirurgien  de  la  fin  du  dernier  siècle,  né 
en  1741,  mort  le  7  mars  1807;  fait  plutôt  pour  les  études  du  cabinet 
et  pour  le  professorat  que  pour  la  pratique  ;  dissertant  plus  souvent  sur 
les  faits  recueillis  par  d'autres,  et  n'établissant  guère  de  principes  d'après 
ses  propres  observations.  11  n'a  eu  ni  le  génie  fécond  et  original  de  Desault, 
ni  l'expérience  de  Sabatier,  mais  il  posséda  plus  que  ces  derniers  la  science 
et  l'érudition;  aimait  les  arts  et  apportait  dans  l'enseignement  une  grande 
méthode  et  beaucoup  de  clarté.  Aussi,  ses  succès  furent-ils  rapides,  et  suc- 
cessivement, il  devint  :  démonstrateur  à  l'Académie  de  chirurgie,  chirurgien 
de  Mesdames  filles  de  Louis  XV  (1770),  lieutenant  du  premier  chirurgien  du 
roi  (1779),  inspecteur  des  écoles  de  chirurgie,  premier  chirurgien  de  madame 
Victoire,  professeur  d'histoire  de  la  médecine  aux  écoles  de  santé,  membre  de 
l'Institut,  professeur  de  pathologie  externe,  enfin,  chirurgien  consultant  de  Na- 
poléon. On  a  de  lui  les  ouvrages  suivants  : 

I.  Nouvelles  méthodes  de  traiter  les  fractures  par  Pott,  avec  une  de.<icription  des  attelles 
de  Sharp  pour  le  traitement  des  fractures  de  la  jambe;  trad.  de  l'anglais.  Paris,  17/1, 
in-1'2.  —  II.  Dissertation  sur  la  lymphe,  Paris,  1774,  in-8°.  —  lll.  Diss.  sur  les  maladies 
vénériennes  par  Turner;  trad.  de  l'anglais.  Pans,  1777,  in-12.  —  IV.  E-'isai  ou  discours 
historique  et  critique  sur  les  découve)  tes  faites  en  anatomie  p)ar  les  anciens  et  les  mo- 
dernes. Paris,  1785,  in-8°.  —  V.  Manuel  pratique  des  amputations  des  membres,  par 
Alanson;  trad.  de  l'anglais.  Paris,  1784,  in-12.  —  VI.  Mémoire  sur  le  prolongement  de  la 
langue  hors  de  la  bouche.  In  Mém.  de  l'Institut  royal  de  France,  an  VI,  t.  I,  p.  1.  — 
VII.  Traité  élémentaire  de  médecine  opératoire.  Paris,  1795,  in-8<'.  —  VIII.  Traité  de  pa- 
thologie chirurgicale.  Paris,  1805-1806,  in-8°.  — IX.  Ix  charlatan,  dit  le  docteur  Sacroton, 
comédie  parade  en  un  acte  et  en  prose.  La  Haye,  1780,  in- 8°.  A.  G. 

liATAî^lEK  {Lalania  Comi.).  Genre  de  plantes,  de  la  famille  des  Palmiers, 
à  feuilles  en  éventail,  à  étamines  plus  nombreuses  que  les  divisions  du  périantlie 
(on  en  compte  de  quinze  à  trente  et  quelquefois  plus),  et  à  ovaire  triloculaire,  de- 
venant une  drupe  à  trois  noyaux  monospermes.  Les  fleurs  sont  dioïques  et  dispo- 
sées en  espèces  de  chatons.  Les  Latania  sont  originaires  de  l'Inde.  On  les  cultive 


10  LA  TERRASSE  (eau  minérale  de). 

dans  la  plupart  des  pays  tropicaux.  Le  L.  borbonica  sert,  aux  îles  Mascareignes, 
à  un  grand  nombre  d'usages  domestiques.  Son  fruit  a  une  chair  rougeàtre  à  l'ex- 
térieur, astringenle.  Les  graines  ont  un  albumen  fort  amer,  purgatif;  il  sert  à 
préparer  des  émulsions,  administrées  contre  les  affections  scorbutiques.  On  en 
obtient  par  incisions  une  sève  qui  jouit  des  mêmes  propriétés  thérapeutiques. 
Aigrie,  elle  s'emploie  comme  vinaigre.  Le  L.  rubra  a  des  fruits  succulents. 
C'est  cette  plante,  originaire  de  l'ile  Maurice,  que  Gaertner  a  nommée  Cleophora 
lontaroides.  M.  deMartius  a  adopté  le  nom  spécifique  de  Linné,  c'est-à-dire  celui  de 
Latania  Commersonii.  Quant  au  L.  borbonica  de  Lamarck,  il  en  a  fait  une  espèce 
du  genre  Livistona  sous  le  nom  deL.  chinensis,  et  il  considère  comme  probable 
l'identité  de  cette  espèce  avec  le  Rhoon-lin  du  Pentsao,  dont  les  fruits  sont  amers 
et  stomachiques  avant  leur  maturité  complète.  H.  Bn. 

Gommées.,  ex  Juss.,  Gen.,  39.  —  L.,  Syst.,  éd.  XIII,  1035.  —  Gj;utner,  Fruct.,  II,  185, 
120.  —  Martius,  Palm.,  223,  t.  148,  fig.  4  ;  t.  154,  t.  161,  fig.  2,  t.  W;  240,  t.  146.  — Mér. 
et  Del.,  I)ict.,\S,  46.  —  Endl.,  Gen.,  n.  1747. 

LA  TEaiKASSE  (Eau  MINÉRALE  iiE),protothermale,chlûrurée sodique moyenne, 
carbonique  et  sulfureuse  faible.  Dans  le  département  de  l'Isère,  dans  l'arrondis- 
sement de  Grenoble,  à  16  kilomètres  de  la  ville  de  ce  nom,  sur  la  route  de 
Chanibéry,  émerge  la  source  de  La  Teri'asse  qui  sort  du  calcaire  jurassique  avec 
une  certaine  abondance,  puisque  son  débit,  en  vingt-quatre  heures,  est  de 
4,500  htres.  Son  eau  est  limpide  et  transparente;  elle  a  une  odeur  légèrement 
sulfureuse  et  un  goût  manifestement  salé.  Sa  température  est  de  190,3  centi- 
grade. M.  Niepce,  qui  en  a  fait  l'analyse,  a  trouvé  dans  1,000  grammes  d'eau  les 
substances  suivantes  : 

Chlorure  de  sodium 1,203 

—  calcium 0,007 

Carbonate  de  chaux 0,1^8 

—  magnésie 0,02S 

—  fer 0,008 

Sulfate  de  chaux 0,0o9 

—  soude 0,029 

—  magnésie 0.083 

—  alumine 0,005 

Phosphate  de  chaux 0,01"2 

Iode,  silice,  glairine traces. 

Total  des  jiatièhes  fixes -1,581 

i  Acide  carbonique 0,08300  litre. 

Gaz.  (  Azote 0,01127    — 

I  Acide  sulfhydrique 0,01703    — 

Total  des  gaz 0,11150  litre. 

Les  eaux  de  La  Terrasse  s'administrent  en  boisson  seulement.  Les  habitants  de 
la  contrée  les  prennent  avec  utilité  lorsqu'ils  ont  un  tempérament  lymphatique, 
scrofuleux  ou  des  manifestations  herpétiques.  Dans  ce  dernier  cas,  ils  associent 
les  lotions  sur  les  parties  malades  à  l'usage  interne  de  l'eau.  Ce  sont  les  dartres 
humides,  et  particulièrement  l'eczéma,  qui  se  trouvent  le  mieux  d'une  cure  à  La 
Terrasse.  Ces  eaux,  en  boisson  et  en  applications  locales,  donnent  surtout  de 
bons  résultats  dans  les  engorgements  ganglionnaires  et  les  ulcérations  de  nature 
sU'umeuse.  Leur  action  tonique  et  reconstituante  est  souvent  mise  à  profit  dans 
les  affections  oti  l'anémie  et  la  chloro.'^e  sont  les  symptômes  prédominants. 

A.   ROTL'HEAU. 


LATEX.  H 

LA  TESÏE  (Station  marine),  à  50  kilomètres  de  Bordeaux,  dans  le  bossiu 
d'Arcachoii.  C'est  cette  dernière  localité  qui  attire  aujourd'hiii  les  baigneurs, 
{Voij.  Arcachon.)  , 

liATEX,  LATICIFÉRE§.  Liquide  spécial  qui  s'observe  dans  un  grand 
nombre  de  végétaux,  et  qui  s'appelle  encore  Suc  propre  ou,  plus  rarement, 
Suc  vital.  Les  vaisseaux  laticifères  sont  souvent,  dans  les  végétaux  pbanérogamcs, 
les  réservoirs  qui  contiennent  ce  suc,  et  c'est  de  là  qu'ils  ont  tiré  leui'  nom.  Mais 
le  latex  peut  aussi  se  trouver  dans  d'autres  cavités,  telles  que  celles  qui  font 
partie  du  tissu  cellulaire,  et  c'est  là  seulement,  ou  dans  le  tissu  prosencbyma- 
teux,  qu'il  peut  se  rencontrer  dans  les  plantes  dépourvues  de  tissu  vasculaire. 

Lorsqu'on  produit  une  solution  de  continuité  sur  divers  organes  d'un  grand 
nombre  de  plantes,  on  voit  sortir  des  blessures  ce  latex  qui  a  souvent  l'apparence 
blanchâtre  et  opaque  du  lait  animal,  et  qui,  pour  cette  raison,  dans  certaines  espè- 
ces, a  reçu  le  nom  de  Lait  végétal.  {Voy.  ce  mot.)  Plus  rarement  le  latex  est  presque 
incolore,  comme  dans  plusieurs  Fumariées,  Asclépiadées,  ou  légèrement  ver- 
dàtre,  comme  dans  quelques  Apocynées  du  genre  Vinca,  ou  jaune  oraugé,  comme 
dans  les  Artichauts,  les  Clusiacées,  les  Chélidoines,  les  Bocconia,  etc.,  ou  enfin 
rouge,  comme  dans  la  Sanguinaire  du  Canada  qui  a  tiré  son  nom  de  cette  parti« 
cularité.  Mais  la  couleur  blanche  opaque  est  de  beaucoup  la  plus  ordinaire  dans 
les  plantes  de  notre  pays,  telles  que  les  Pavots,  les  Euphorbes,  les  Figuiers,  les 
Laitues,  etc. 

Le  latex  n'est  pas  un  liquide  homogène  ;  mais,  de  même  que  le  sang,  il  est 
formé  de  divers  matériaux  liquides  et  solides.  On  y  distingue  généralement  un 
liquide  aqueux  transparent  et,  en  suspension,  de  petits  globules  solides,  desquels 
dépend  la  coloration  de  l'ensemble.  Ces  corpuscules  sont  de  nature  très-diverse  et 
il  en  résulte,  pour  les  divers  latex,  des  propriétés  différentes  dont  on  tire  sou- 
vent parti  dans  l'économie  domestique,  les  arts,  l'industrie,  la  médecine,  etc. 

Beaucoup  de  latex.soni  riches  en  caoutchouc,  et  il  n'est  pas  étonnant  qu'on 
les  recueille  et  qu'on  les  dessèche  pour  la  préparation  de  cette  substance.  Plusieurs 
Euphorbiacées  américaines  fournissent  par  incision  le  caoutchouc  qui  vient  de 
l'Amérique  équatoriale,  notamment  de  la  Guyane  et  du  Brésil  septentrional.  Ce 
sont  des  Hevea  ou  Siphonia.  {Voy.  ces  mots).  Le  caoutchouc  est  encore  fourni 
par  des  genres  du  groupe  des  Artocarpées,  ïUrceola  elastica,  les  Casiilloa,  etc. 
Celui  de  l'Inde  provient  surtout  des  Figuiers,  tels  que  les  Ficus  elastica,  reli' 
giosa,  etc.  On  a  recueilli  dans  ces  dernières  années  une  certaine  quantité  de  la 
même  substance,  dans  l'Afrique  tropicale  occidentale,  oij  les  plantes  qui  la  four- 
nissent sont  des  lianes  appartenant  aux  familles  des  Apocynées  ou  des  Asclépia- 
dées. On  a  toujours  remarqué  comme  un  fait  très-singulier  que  certaines  plantes 
de  ces  derniers  groupes,  ou  de  la  famille  des  Artocarpées  elle-même,  ne  donnent 
qu'un  latex  bienfaisant,  limpide,  doux,  légèrement  sucré,  comme  le  lait  de 
nos  bestiaux.  Tel  sont  le  Hya-hyà  des  Galibis,  qui  est  le  Ttihernœmontana  utilis, 
et  le  Palo  de  Vaca  de  l'Amérique  équinoxiale,  ou  Galactodendron  utile,  plus 
connu  sous  le  nom  vulgaire  à^ Arbre  à  la  vache.  C'est  cependant  au  même  groupe 
naturel  qu'appartiennent  le  finneux  poison  de  Java,  YlJpas-Antiar,  suc  de  VAn- 
tiaris  toxicaria  {voy.  ce  mot),  et  les  sucs,  bien  moins  acres,  il  est  vrai,  mais 
parfois  employés  comme  irritants,  de  certains  Figuiers  et  des  Arbres-à-pain  ou 
Artocarpus.  La  Gutta-percha,  dont  les  applications  à  l'industrie  el  à  la  médecine 
sont  aujourd'hui  nombreuses,  est  encore  un  latex  qui  s'extrait  en  Malaisie  de 


U  LATEX. 

Vlsonandra  Giitta,  arbre  de  la  famille  des  Sapotacées,  et  qui  découle  aussi,  par 
incisions,  des  liges  d'un  assez  grand  nombre  d'autres  arbres  de  la  même  famille, 
originaires  de  l'Inde  ou  de  TAmérique  tropicale.  Dans  ces  plantes,  la  coloration 
du  lalex  est  blancbe,  ou  légèrement  jaune  ;  tandis  que  la  matière  colorante  jau- 
nâtre devient  abondante  dans  les  Clusiacées  ou  Guttifères,  notamment  dans  celles 
qui  fournissent  les  Gommes-guttes  du  commerce,  les  Garcinia,  Hehradendron, 
Stalagmitis  {Xanthochijmusj.  Quant  aux  latex  qui  sont  doués  de  vertus  méde- 
cinales  énergiques  ou  qui  constituent  des  poisons  dangereux,  ils  doivent  ordinai- 
rement ces  propriétés  à  des  alcaloïdes  particuliers  ;  tel  est  celui  des  Strychnées, 
des  Papavéracées,  notamment  du  Pavot  somnifère,  puisque  l'on  sait  que  l'opium 
n'est  que  le  latex  concrète  et  d'abord  lactilorme,  qui  s'écoule  de  cette  plante,  lors- 
qu'on soumet  ii  des  incisions  les  capsules  avant  leur  maturité. 

Dans  les  plantes  qui  n'ont  pas  de  vaisseaux,  le  latex  ne  peut,  bien  entendu,  être 
renfermé  dans  des  vaisseaux  particuliers,  mais  il  se  trouve  dans  l'intérieur  des 
fibres,  des  cellules  ou  dans  les  intervalles  qui  les  séparent.  Là  seulement  peut  être 
le  siège  du  suc  laiteux  dans  les  Champignons  qui  en  renferment. 

On  a  beaucoup  discuté  sur  le  rôle  physiologique  du  latex.  G.  H.  Schultz  lui  a 
^onné,  il  y  a  plus  de  trente  ans,  le  nom  de  Suc  vital  (Lebenssaft) ,  ce  qui  suppose 
tjue  ce  liquide  a  une  grande  importance  dans  la  nutrition  de  la  plante.  L'opinion 
de  A.  P.  De  Candolle  et  d'un  grand  nombre  de  physiologistes  de  son  temps  est 
encore  une  exagération  de  cette  première  manière  de  voir,  puisque  le  latex  a  été 
un  grand  nombre  de  fois  confondu  avec  la  sève  élaborée  ou  descendante.  Dans  une 
seconde  période,  le  rôle  attribué  au  latex  est  totalement  différent.  Comme,  d'une 
part,  il  ne  se  rencontre  que  dans  un  nombre  limité  de  végétaux,  et  comme, 
d'autre  part,  il  est  souvent  renfermé  dans  des  réservoirs  spéciaux,  on  admit  que, 
loin  d'être  une  substance  utile  à  la  nutrition  des  plantes,  il  n'en  est  qu'un 
bquide  sécrété,  résidu  de  la  nutrition,  ne  pouvant  par  conséquent  y  concourir;  et 
on  a  été  même  jusqu'à  le  considérer  comme  pouvant  être  dangereux  pour  la  santé 
du  végétal,  s'il  se  mêlait  aux  autres  liquides  de  la  circulation,  notamment  à  la 
sève  dont  l'ensemble  de  la  plante  est  gorgée.  Les  propriétés  très-actives,  et  sou- 
vent acres,  dangereuses,  du  suc  laiteux  des  végétaux  ont  sans  doute  fait  beaucoup 
pour  inspirer  aux  physiologistes  cette  opinion  :  qu'il  était  nécessaire  que  le  latex, 
une  fois  séparé  des  liquides  de  la  plante,  fût  renfermé  dans  des  cavités  dont  il  ne 
pouvaitsansinconvénient  franchir  les  limites.  Aujourd'hui,  gràcesurtout  aux  beaux 
et  nombreux  travaux  de  M.  A.  Trécul,  travaux  insérés  depuis  cinq  ans  dans  les 
Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  la  question  du  rôle  physiologique  du 
latex  entre  dans  une  troisième  phase,  ou  plutôt  elle  revient  à  la  première  période, 
et  le  latex  est  de  nouveau  considéré  comme  un  fluide  nourricier  analogue  au  sang. 
Grâce  à  des  communications  plus  ou  moins  fréquentes,  des  réservoirs  du  latex 
avec  les  vaisseaux  dits  lymphatiques  et  les  autres  éléments  histologiques  des  plantes, 
ou  grâce  seulement  à  la  i'aculté  qu'a  le  latex  de  traverser  les  parois  de  ces  diffé- 
rents réservoirs,  ce  bquide  pourrait,  pense  M.  Trécul,  aller  s'oxygéner  dans  leur 
cavité,  comme  le  sang  veineux  va  s'oxygéner,  chez  les  animaux,  dans  certains 
organes  desquels  il  sort  à  l'état  de  sang  artériel.  II,  Bn. 

LATMR/EA.   Yoij.    ClakdESTJKE. 
LATUÏRIS.  VoiJ.  ÉpuRGE,  EuPllOREE. 

ILATHIRUS.  Foj/.  Gesse. 


uAïuun^LESj.  iJ 

LiLTITUBtE.  On  appelle  latitude  d'un  lieu  l'arc  de  méridien  compris  eutre  ce 
lieu  et  l'équateur.  Les  latitudes  se  comptent  de  ^éro  degré,  0°,  à  quatre-vingt- 
dix  degrés,  90°,  à  partir  de  l'équateur;  ou  les  dit  boréales  ou  australes,  suivant 
que  le  lieu  considéré  est  dans  l'hémisplière  boréal  et  dans  l'héraisplière  austral.  , 

La  latitude  est  en  réaliié  la  mesure  de  l'angle  que  la  verticale  du  lieu  fait  avec 
l'équateur;  elle  est  doue  égale  à  la  hauteur  du  pôle  au-dessus  de  l'horizon  du 
lieu.  Pour  un  lieu  quelconque  à  la  surface  de  la  terre,  l'angle  compris  entre  la 
verticale  et  l'équateur  est  égal  à  l'inclinaison  de  l'axe  de  la  ten'e  sur  l'horizon. 

L'influence  de  la  latitude  sur  les  divers  éléments  des  climats  a  été  ou  sera  étu- 
diée aux  articles  Atmosphère,  Climats,  Isothermes.  G. 

LA.TOiJR  (Les).  Plusieurs  médechis  ont  porté  ce  nom,  et  leur  histoire  a  été 
singulièrement  mêlée  par  les  biographes.  Un  examen  attentif  des  litres  de  cha- 
cun d'eux,  les  observations  consignées  sur  eux-mêmes  dans  les  préfaces  de  leurs 
ouvrages,  m'ont  permis  de  rétablir  les  choses  à  leur  place  et  de  restituer  à 
chacun  d'eux  la  part  qui  lui  revient.  Nous  les  partagerons  en  deux  branches, 
les  Latour  de  Toulouse  et  les  Latour  d'Orléans. 

A  Toulouse  nous  trouvons  deux  médecins  de  ce  nom. 

Ijatour  (Pierre),  grand-père  paternel  de  M.  Amédée  Latour,  auquel  je  dois  les 
renseignements  qui  suivent  :  P.  Latour,  quoique  médecin,  professait  la  chirurgie, 
suivant  l'usage  du  temps  et  avec  un  grand  succès,  à  Toulouse,  au  miheu  du  siècle 
dernier.  La  notoriété  dont  il  jouissait  lui  valut  d'être  appelé  comme  médecin 
expert  dans  la  déplorable  affaire  Calas.  C'est  lui  qui,  le  premier,  examina  le  corps 
du  jeune  Calas,  immédiatement  après  la  mort,  et  reconnut  l'absence  complète 
de  lésions  autres  que  celles  le  la  strangulation,  fait  de  la  jTus  haute  importance, 
dont  Voltaire  s'est  victorier.sement  servi  pour  démontrer  l'innocence  du  malheu- 
reux vieillard.  Pierre  Latour  n'a  rien  pubhé. 

Liatous*  (?).  Après  avoir  servi  dans  les  armées  de  la  république,  il  se  fixa  à 
Toulouse  vers  le  commencement  du  siècle  et  s'acquit  une  grande  réputation.  On 
lui  doit  d'avoir  propagé  la  vaccine  avec  beaucoup  d'ardeur.  Il  a  public  les  opus- 
cules suivants  : 

I.  Rapport  au  cit.  Brun,  préfet  du  département  de  V Ariégc,  sur  un  grand  nombre  de 
vaccinations  pratiquées  dans  l'arrondissement  de  Saint-Girons,  etc.  Toulouse,  1804,  in-8°. 
—  II.  Notice  historique  sur  quelques  maladies  dont  la  gucrison  a  été  opérée  par  les  fumiga- 
tions sulfureuses,  louloase,  1818,  in-8°.  — III.  Réfutation  de  quelques  préjugés  qui  se 
sontrépandus  contre  la  vaccine,  etc.  Toulouse,  1822,  in-8°;  2"  édit.,  ibid.,  1823,  in-8°. 

Viennent  mahitenant  les  Lalour  d'Orléans. 

Latour  (Domimque),  naquit  à  Ancizan  (Hautes-Pyrénées),  en  1749,  il  était 
déjà  pourvu  du  titre  de  docteur  quand  il  vint  à  Paris  où  il  se  lia  avec  ses  illustres 
coiTi patriotes,  Bordeu,  Roussel,  etc.  Disciple  du  célèbre  Ant.  Petit,  c'est  par  les 
conseds  de  celui-ci  qu'il  alla  pratiquer  la  médecine  d'abord  à  Neuville  près  d'Or- 
léans, puis  dans  cette  dernière  ville,  et,  sur  ce  théâtre  plus  digne  de  lui,  il  se  fit 
bientôt  une  grande  réputation.  Pendant  le  règne  de  la  Terreur,  son  humanité  qui 
ne  savait  pas  distinguer  les  partis  lui  suscita  quelques  persécutions,  qui  l'obligè- 
rent à  se  réfugier  à  Paris  où  il  demeura  quelque  temps.  Après  le  9  thermidor  il 
retourna  à  Orléans,  et  là  il  fut  bientôt  nommé  médecin  en  chef  de  l'Ilôtel-Dieu, 
position  qu'il  dut  quitter  pour  céder  aux  instances  de  Louis  Bonaparte,  roi  de 
Hollande,  qui  l'emmena  avec  lui  dans  ses  États  ;  après  une  absence  de  huit  ans, 


44  LA  TREMBLADE. 

Latour  reparut  à  Orléans  où  il  termina  sa  vie  en  1 820,  encore  accablé  de  la  perte 
cruelle  qu'il  avait  faite  de  son  fils  quelques  années  auparavant,  comme  nous  allons 
le  dire  en  parlant  de  celui-ci. 

Latour  fut  un  médecin  instruit  et  très-laborieux  ;  des  divers  ouvrages  qu'il  a 
composés,  il  en  est  un  qui  sauve  son  nom  de  Toubli,  c'est  son  Traité  des  hémor- 
rhagies,  non  pas  tant  assurément  pour  la  valeur  des  idées  que  renferme  ce  livre, 
que  pour  la  multitude  d'observations  qu'il  a  rassemblées  et  qui  forment  un  recueil 
précieux,  encore  journellement  consulté. 

Voici  la  liste  de  ses  principales  publications,  soigneusement  distinguées  de 
celles  de  son  fils  et  de  son  homonyme  de  Toulouse,  avec  lesquels  il  a  été  si  singu- 
lièrement confondu  par  Dezeimeris,  Quérard,  etc. 

I.  Sur  1111  tétanos.  In  Journ.  géti.  de  mécL,  t.  XLVÎII,  p.  213;  1777.  —  II.  Sur  une  ca- 
talepsie. Ibid.,  t.  LIT,  p.  549,  1779.  —  III.  Mém.  sur  la  jmrnhjsic  des  extrémités  in- 
férieures qu'on  supposait  dépendante  de  la  courbure  de  l'épine  du  dos,  avec  des  observations 
qui  prouvent  que  cette  maladie  avec  ou  sans  vice  vertébral  dérive  de  la  lésion  de  la  moelle 
épinière,  etc.  In  Mém-.  de  la  Soc.  méd.  d'émulat.,  t,  VI,  p.  Q'I  ;I806. —  IV.  Histoire  .philoso- 
phique et  médicale  des  causes  essentielles  immédiates  ou  prochaines  des  hémorrhagies. 
Orléans,  1815,  2  vol.  in-8°;  réimpr.  en  1828,  ibid.,  2  vol.  in-8°.  —  V.  Quelques  articles  dans 
les  journaux  scientifiques  d'Orléans.  Sur  l'influence  de  l'imagination  dans  les  maladies; 
sur  l'influence  du  corps  dans  les  opérations  de  l'âme,  etc. 

liSitour  (.1eak-Fr.\nçois-Louis-Dominique),  fils  du  précédent,  né  à  Neuville,  près 
d'Orléans,  le  23  décembre  1785.  Ses  humanités  terminées  d'une  manière  bril- 
lante à  Orléans,  son  père  l'envoya  à  Paris  où  il  suivit  les  leçons  des  hommes 
éminents  alors  chargés  de  l'enseignement,  et  notamment  celles  d'Ant.  Dubois 
à  qui  il  s'attacha  d'une  manière  particulière.  Sa  dissertation  inaugurale  soutenue 
le  25  germinal  an  XI  (1805),  intitulée  :  Essai  sur  le  rhumatisme,  est  une  mono- 
graphie de  280  pages  in-S",  qui  atteste  des  recherches  historiques  et  des  connais- 
sances bien  remavfpiablcs  chez  un  jeune  homme  de  vingt  ans.  Après  cet  acte 
probatoire  qui  lui  iit  le  plus  grand  honneur,  Latour  retourna  à  Orléans  et  là,  sous 
les  auspices  de  son  père,  secondé  par  son  mérite  personnel,  il  sut  bientôt  con- 
quérir l'estime  et  la  confiance  de  ses  compatriotes.  En  1808,  il  était  médecin  de 
l'Hôtel-Dieu  et  du  Lycée  d'Orléans,  chargé  du  traitement  des  maladies  épidémi- 
ques  dans  l'arrondissement  de  cette  ville,  etc.  Son  zèle,  dont  il  devait  donner 
bientôt  une  preuve  éclatante  et  si  funeste  pour  lui,  ses  travaux  incessants  jus- 
tifiaient et  au  delà  ces  positions  honorables. 

Enl8l4,  pendant  l'invasion,  les  troupes  françaises  refoulées  vers  laLoire  avaient 
encombre  de  malades  et  de  blessés  les  hôpitaux  d'Orléans,  et  introduit  ce  ter- 
rible typhus  qui  fit  tant  de  victimes  dans  ces  temps  désastreux.  Latour  fut  une  de 
ces  victimes;  il  succomba  à  une  violente  attaque  du  fléau,  le  24  février  1814, 
laissant  les  ouvrages  suivants  : 

I.  Essai  sur  le  rlaimatisme.  Thèse  de  Paris,  an  XI,  in-8°.  —  II.  Manuel  sur  le  croup. 
Orléans,  1805,  in-I2.  —  III.  Nosographic  synoptique.  Orléans,  1810,  in-fol.  (le  premier 
fascicule  contenant  les  lièvres  a  seul  paru) .  —  IV.  Obs.  d'une  lèpre  des  Hébreux,  leuce  ou 
aljihos  des  Grecs,  vitiligo  des  Latins.  In  Métn.  de  la  Soc.  méd.  d'émulat.,  t.  VI,  p.  512; 
1806.  —  y.  Eloges  académ.,  prononcés  à  la  Société  des  se.  phys.  méd.  et  d'agric.  d'Or- 
léans, pendant  l'année  1810.  Orléans,  1811,  in-8°.  E.  Bgd. 

LA  TREBSBliADE  (Station  Marine).  Dans  le  département  de  la  Charente- 
inférieure,  dans  l'arrondissement  de  Marennes,  est  un  chef-heu  de  canton,  peuplé 
de  2,758  habitants.  Le  petit  port  de  La  Tremblade  se  trouve  près  de  l'embou- 


LATRODECTES.  Î5 

chure  de  la  Seuidre,  à  7  kilomètres  sud-sud-ouest  de  Marennes,  à  5  kilomètres 
du  rivage,  au  milieu  de  parcs  aux  huîtres  vertes  et  de  marais  salants. 

Les  bains  de  mer  de  La  Tremblade  sont  déjà  fréquentés  par  un  assez  grand 
nombre  de  baigneurs  venus  des  départements  voisins  ;  mais  un  établissement 
plus  important  que  les  deux  chalets-restaurants  qui  en  tiennent  lieu  aujourd'hui, 
attirerait,  à  n'en  pas  douter,  sur  cette  plage  sablonneuse  et  unie  les  personnes 
qui  cherchent  une  température  agréable  et  les  aises  de  la  vie.  A.  R. 

LiiTRlNES.     (Voy.  FossEs  d'aisance.) 

LATRODECTES  (de  )vaTpîî,  captif,  et  de  ^flx.Tïîç,  qui  mord).  Genre  d'Arachni- 
des, de  la  division  des  Aranéides,  créé  par  Walckenaer,  avec  un  démembrement 
des  Theridion.  Ce  genre  est  composé  d'espèces  de  couleurs  sombres,  ayant  sou- 
vent sur  le  corps  des  taches  d'un  rouge  de  sang,  et  regardées  comme  très- 
venimeuses. 

Les  Latrodectes  sont  caractérisés  par  huit  yeux,  presque  égaux  entre  eux,  pla- 
cés sur  deux  lignes  écartées  et  légèrement  divergentes  ;  les  latéraux  plus  écartés 
que  les  intermédiaires,  et  portés  sur  des  éminences  de  la  tête.  Lèvre  triangulaire, 
grande  et  dilatée  à  la  base.  Mâchoires  inclinées  sur  la  lèvre,  allongées,  cylindri- 
ques, arrondies  extérieurement,  terminées  en  pointe,  le  côté  interne  coupé  en 
ligne  droite.  Pattes  allongées,  inégales  :  la  première  paire  plus  longue  que  la 
quatrième,  qui  est  elle-même  plus  longue  que  les  intermédiaires,  la  troisième 
paire  la  plus  courte  de  toutes. 

Ces  arachnides,  de  moyenne  tadle,  filent  dans  les  sillons,  les  ornières  et  sous 
les  pierres,  dans  les  endroits  arides,  des  fds  très-forts,  disposés  en  fdets,  où  les 
gros  insectes  sont  arrêtés.  Leur  cocon  est  sphéroïde,  avec  l'un  des  deux  bouts 
pointu. 

LeLalrodecte  Blahnignatte,  Âranea  tredecim-guttata  Rossi,  Latrodedus  Mal- 
viignatns  Walck.,  est  l'espèce  typique  du  genre;  elle  atteint  6  lignes  de  longueur, 
et  elle  est  d'un  noir  sombre,  avec  treize  à  quinze  taches  couleur  de  sang  sur  un 
abdomen  gros,  renflé,  comme  globuleux,  et  très-pointu  vers  l'anus.  Cette  espèce 
est  fort  commune  en  Corse,  en  Sardaigne,  en  Italie,  en  Espagne,  en  Algérie,  etc., 
et  extrêmement  redoutée.  Roccone,  Keisler,  Rossi  et  plusieurs  autres  auteurs 
ont  avancé  qu'elle  causait  par  sa  morsure  des  fièvres,  de  vives  douleurs  et 
de  la  léthargie.  Luidgi  Rotti,  ancien  médecin  de  l'hôpital  de  la  Madeleine,  à 
Volterra,  en  Italie,  a  confirmé  les  mauvais  effets  de  sa  morsure.  Abbot  dit  que 
les  espèces  américaines  sont  très-redoutées  et  venimeuses.  Cauro,  Graells,  Lam- 
botte,  ont  cité  des  faits  d'hommes  et  d'animaux  rendus  malades  par  la  piqûre 
des  Latrodectes.  J'ai  demandé  leur  opinion  à  des  naturalistes  très-conscien- 
cieux, et  je  puis  dire  que  pas  un  d'entre  eux  ne  partage  ces  croyances  sur 
l'activité  nocive  pour  l'homme,  ou  les  grands  animaux,  du  venin  de  la  Malmi- 
gnatte.  Léon  Dufour  n'y  croyait  point  ;  Hippolyte  Lucas,  qui  a  très-fréquemment 
observé  cette  espèce  en  Algérie  et  qui  en  a  été  mordu  plusieurs  fois,  n'en  a 
éprouvé  aucun  inconvénient.  Eugène  Simon  l'a  trouvée  fréquemment  en  Espagne; 
il  n'a  constaté  aucun  mauvais  etfet  produit  par  sa  piqûre  ;  mais  il  a  vu  tous  les 
paysans  très-effraycs  à  l'aspect  de  cette  arachnide  tandis  qu'une  espèce  voisine 
{Theridiuin  lugubre  Léon  \)i\io\xr,  Latrodectes  erehus  Savigny-Walck.)  ne  leur 
causait  aucune  crainte.  Vinson  a  remarqué  pareillement  la  peur  excessive  que 
les  habitants  de  Madagascar  éprouvent  en  rencontrant  sous  leurs  pieds  le  Latro- 


16  LA  TROLLIÈRE  (eau  minérale  de). 

dectus  MenavocU,  qui  est  noir  et  rouge  connue  la  Malniignatte,  avec  quelques 
points  blancs,  tandis  qu'une  espèce  rapprochée,  mais  noire  et  sans  tache,  leur  est 
indifférente. 

Il  me  paraît  résulter  de  ces  documents  que  la  Malmignatte  et  les  espèces  voi- 
sines sont  redoutées  partout,  aussi  bien  dans  le  midi  de  l'Europe,  le  nord  de 
l'Afrique,  qu'à  Madagascar  et  dans  l'Amérique  du  Nord,  à  cause  de  leur  couleur 
noire  avec  des  taclies  ou  des  lignes  d'un  rouge  de  sang,  qui  tranchent  sur  leur 
abdomen  et  qui  leur  donnent  un  aspect  féroce  ou  dangereux.  Si  réellement  ces 
animaux  étaient  aussi  à  craindre  qu'on  l'a  dit,  les  espèces  unicolores  et  noires,  ou 
brunâtres,  dépourvues  de  taches,  seraient  non  moins  à  redouter;  or,  ceux-là  même 
qui  tremblent  ou  s'éloignent  à  la  vue  de  la  Malmignatte,  prennent  avec  les  doigts 
les  Latrodectes  sans  taches  rouges,  et  ne  font  aucune  difficulté  à  admettre  que 
jamais  celles-ci  n'ont  causé  de  mal. 

La  Malmignatte  est  timide;  enfermée  avec  d'autres  insectes,  elle  ne  les  attaque 
pas;  mais  elle  se  jette  avec  fureur  sur  les  animaux  de  sa  propre  espèce.  Le  com- 
bat est  toujoui-s  à  mort,  et  la  victime  est  mangée  par  le  vainqueur.  Le  cocon  a 
6  lignes  de  diamètre;  il  est  roussâtre  clair,  d'un  tissu  fort  résistant,  que  le  canif 
a  de  la  peine  à  entamer.  11  renferme  cent  à  deux  cents  œufs  d'un  jaune  pâle, 
suivant  Walckenaer.  Les  longs  fds  tendus  sous  les  pierres  par  la  Malmignatte 
prennent  les  plus  gros  insectes,  même  les  Cicindèles,  les  Cigales  et  les  Criquets; 
l'araignée  les  saisit  aussitôt,  et  les  suce  après  les  avoir  engourdis  avec  son 
venin. 

Les  noms  donnés  aux  animaux  de  ce  genre,  qui  renferme  une  douzaine  d'es- 
pèces, sont  tous  plus  ou  moins  effrayants;  tels  sont  les  Latrodectes  belliqueux, 
chasseur,  érèbe,  lugubre,  redoutable,  perfide,  assassin,  meurtrier,  etc.  On  con- 
çoit combien  ces  dénominations,  jointes  à  la  robe  si  souvent  noire  et  sanglante  de 
l'araignée,  doivent  impressionner  les  personnes  craintives  quand  elles  se  trouvent 
en  présence  des  Malmignattes  et  des  autres  Latrodectes.  J'ai  la  conviction  que  des 
observations  bien  faites  confirmeront  ce  que  j'avance  sur  le  peu  de  danger  du  venin 
de  ces  aranéides,  par  rapport  à  l'homme  :  ce  venin  ne  peut  faire  périr  que  les 
insectes  dont  l'araignée  fait  sa  proie.  A.  LaboulbIiINe. 

Bibliographie.  —  Boccone.  Museo  di  fisica,  p.  -107  et  280,  in-i",  1697.  —  Keijler.  Neuester 
Eeiseii,  l"  Th.,  p.  762  ;  1751.  —  Rossi.  Faiina  etrusca,  t.  II,  p.  136,  n°  9S2,  pi.  9,  fi)»-.  10; 
1790.  —  Cauro  (A.).  Exposition  des  moyens  curalifsde  la  morsure  de  la  Tkeridion  Malmi- 
gnatte. Thèse  de  Paris,  111-4°,  1853.  —  WALCKENAEn.  Tableau  des  Aranéides,  p.  81,  pi.  9, 
lig.  85  et  84,  et  Insectes  aptères  (Suites  à  Buffon),  t.  I,  p.  645  ;  1837.  —  Grills,  fsotice  sur 
divers  faits  qui  confirment  ta  propriété  venimeuse  du  Lafrodectus  mahn  ignatus.  In  Ann .  de  la 
Société  eutomologique  de  France,  1842,  p.  205,  pi.  10,  fig.  1  et  2,  n°  II,  et  même  ouvrage, 
1843,  Bulletin,  p.  vni.  —  Yinson(A.).  Aranéides  des  îles  de  la  Réunion,  Maurice  et  Mada- 
gascar, in-8,  p.  122  et  suivantes,  pi.  8,  lig.  5  (espèce  appelée  Vancoho  dans  la  partie  sud 
de  Madagascar,  et  Ménavodi  dans  l'est  et  à  l'intérieur  chez  les  Ilovas.)  1865. 

LA  TROLLIÈRE  (Eau  MINÉRALE  de),  athermale,  amétalUte,  crénatée  ferru- 
gineuse faible,  carbonique  forte.  Dans  le  département  de  l'Allier,  dans  l'arron- 
clissement  de  Moulins,  à  1  kilomètre  et  demi  du  bourg  de  Theneuille  et  de 
la  source  de  Pap.doux  (Saint-)  (vo?/.  ce  mot),  à  17  kilomètres  de  Bourbon-l'Ar- 
chambault,  émerge  des  marnes  irisées  d'une  prairie  la  source  de  La  Trollière. 
Son  bassin  circulaire  est  recouvert  d'un  pavillon  à  toiture  de  zinc  et  à 
pilastres  à  jour;  son  eau  est  limpide,  claire  et  transparente,  l'analyse  chimique 
n'y  démontre  l'existence  d'aucun  principe  sulfuré  ;  mais  l'odorat  perçoit  aux  en- 
virons de  la  source  une  sensation  de  gaz  acide  sulfhydri({ue  appréciable  surtout 


LAUDANUM  (pharmacologie).  17 

pendant  les  cliangeinents  de  temps  et  les  jours  d'orage.  Le  goût  de  l'eau  de  La 
TroUière  n'est  pas  hépatique  ;  il  est  très-piquant  et  un  peu  amer.  Le  papier  et  la 
teinture  de  tournesol  sont  instantanément  rougis  par  cette  eau  minérale,  ou 
plutôt  par  la  grande  quantité  des  gaz  qui  la  traversent,  viennent  s'épanouir  en 
grosses  bulles  et  avec  bruit  à  sa  surface,  ou  se  fixent  en  perles  nombreuses, 
brillantes  et  volumineuses  sur  les  parois  intérieures  des  vases  qui  la  con- 
tiennent. Sa  température  est  de  15", 5  centigrade;  son  analyse,  faite  par 
M.  0.  Henry,  a  démontré  dans  1,000  grammes  d'eau  l'existence  des  principes  qui 
suivent  : 

Bicarbonate  de  chaux j  „  q.q„ 

—  magnésie i     '                                      , 

—  soude 0,02i0 

Sulfates  de  soude  et  de  chaux 0,0180 

Chlorures  de  sodium  et  de  magnésium O.OiOO 

Silicates  de  chaux  et  d'alumine 0,0600 

Oxyde  de  fer  associé  à  l'acide  créuiquo 0,0200 

■  t 

Total  des  matièiies  fixes 0,1920 

Gaz  acide  carbonique  libre 1  volume  l/ô 

Cette  source  appartient  à  l'État,  et  elle  est  soumise  à  la  régie  de  l'établisse- 
ment de  Bourbon-l'Archambault  ;  son  débit  est  de  4,800  litres  en  vingt-quatre 
heures. 

Elle  est  employée  exclusivement  en  boisson  par  un  petit  nombre  d'habitants 
de  la  contrée  et  par  quelques  baigneurs  de  Bourbon-l'Archambault  qui  viennent  en 
excursion  à  La  TroUière  ;  elle  est  surtout  consommée  à  la  station  de  Bourbon,  où 
elle  est  apportée  chaque  matin  dans  des  bouteilles  hermétiquement  bouchées.  C'est 
surtout  après  ce  transport  qu'elle  prend  une  odeur  sulfureuse.  Le  docteur  Regnault, 
ancien  inspecteur  de  Bourbon-l'Archambault,  assure  avoir  souvent  prescrit  avec 
succès  l'eau  de  La  TroUière  en  boisson,  à  la  dose  de  trois  à  six  verres  par  jour, 
un  verre  de  quart  d'heure  en  quart  d'heure,  dans  la  bronchite  chronique,  la 
bronchorrhée,  l'irritation  des  voies  urinaires  depuis  longtemps  entretenue  par  la 
présence  de  graviers  ou  de  petits  calculs  dans  les  reins  de  personnes  irritables  et 
nerveuses.  Il  ajoute  qu'il  s'est  souvent  bien  trouvé  de  l'usage  journalier  de  deux 
à  quatre  verres  de  cette  eau  dans  certaines  diarrhées  chroniques  et  dans  quelques 
maladies  de  la  peau.  A.  Rot u beau. 

BiBLioGr.APiiiE.  —  Regxadlt  (E.).  Précis  descriptif  e(  pratique  sur  les  eaux  mlnéro-thcr- 
malcs  de  Boiirhon-V ArcIiamhauU .  Paris,  1842,  in-S".  —  Gkeuois.  Etudes  sur  les  eaux  mi- 
nérales de  Bourbon-V ArckambauU  faites  pendant  l'été  de  1858.  Paris.  111-8°,  b7  pages. 

A.   R. 

LAUDAl^UM.  §  I.  Pharmacologie.  11  paraît  certain  que  le  mot  persan 
lâdan,  oii  l'on  a  voulu  trouver  l'étymologie  de  laudanum,  est  l'origine  du  mot 
ladatium  ou  lahdanum.  {Voy.  Ladamtm).  Suivant  Castelli,  laudanum  vient  de 
laudare,  louer,  en  témoignage  de  l'extrême  faveur  qui  s'est  attachée  aux  prépa- 
rations opiacées.  Le  nom  de  laudanum  a  d'abord  été  donné  à  l'opium  ramolli 
dans  l'eau,  passé  avec  expression  et  évaporé  en  consistance  d'extrait;  et,  quel- 
quefois aussi,  il  a  été  appliqué  à  l'extrait  d'opium  préparé  avec  le  vin.  Aujourd'hui, 
le  nom  de  laudanum  est  réservé  à  deux  préparations  dans  lesquelles  l'opium  se 
trouve  associé  à  divers  ingrédients  :  1"  laudanum  de  Sydenham;  2°  laudanum 
de  Rousseau. 

1°  Laudanum  de  Stjdenham  ou  Vin  d'opium  composé.  Sydeiilinm,  qui  en  a 

DICT.  E>X.  2' s.  U.  2 


) 


18  LâUDAlNUM  (pharmacologie). 

donné  la  formule,  ne  le  considérait  pas  autrement  que  comme  un  moyen  com- 
mode de  doser  l'opium.  Voici  comment  le  Codex  de  1866  prescrit  de  le  préparer  : 
opium  de  Smyrne,  200  grammes;  safran  incisé,  100  grammes  ;  camielle  con- 
cassée, 15  grammes;  girofles  concassés,  15  grammes;  vin  de  Malaga,  1,600 
grannnes.  On  coupe  l'opium  en  petits  morceaux,  on  le  met  avec  les  autres  sub- 
stances dans  un  matras  ;  on  fait  macérer  le  tout  pendant  quinze  jours,  en  agitant 
de  temps  en  temps.  On  passe,  on  exprime  fortement  et  on  fdtre. 

4  grammes  de  laudanum  de  Sydenbam  contiennent  0°%50  d'opium  ou  O^^SS 
d'extrait  d'opium. 

L'opium  cède  au  vin  les  méconates  de  morphine  et  de  codéine,  de  la  narcotîne, 
de  la  résine,  de  l'huile  acide,  l'arôme,  beaucoup  de  matière  colorante.  Ces  sub- 
stances se  trouvent  unies  à  la  matière  colorante  et  aux  huiles  volatiles  de  la  ca- 
nelle,  du  safran  et  du  girofle. 

On  a  conseillé  différentes  modifications  à  la  formule  du  Codex  ;  il  en  sera  ques- 
tion au  chapitre  de  l'E^nploi  médical. 

Quelques  pharmacopées  étrangères  ajoutent  une  certaine  quantité  d'alcool  au 
vin,  d'autres  le  substituent  niènie  complètement  à  ce  dernier,  par  ce  motif  que 
la  force  dissolvante  du  vin  est  variable.  La  pharmacopée  de  Londres  supprime  le 
safran.  Tous  ces  laudanums  renferment  des  proportions  différentes  d'opium. 

Le  laudanum  de  Sydenham  de  la  pharmacopée  française  a  une  couleur  d'un 
brun  jaune  en  masse,  teignant  la  paroi  des  vases  d'un  jaune  d'or  qui  persiste  assez 
longtemps,  une  odeur  vireuse  où  domine  l'arôme  du  safran.  Sa  densité  est 
de  1,075;  sa  richesse  alcoométrique,  17  à  18  pour  100,  et  il  doit  laisser  20 
pour  100  d'extrait.  1  partie  de  laudanum  de  Sydenham,  étendue  de 
50,000  parties  d'eau,  donne  une  liqueur  dont  la  teinte  jaune  est  encore  très- 
apjiréciable. 

Le  laudanum  de  Sydenham  laisse  déposer,  au  bout  de  quelque  temps,  une 
poudre  jaune  qui  est  formée  par  de  matière  colorante  du  safran  et  de  narcotine. 

2°  Laudanum  de  Rousseau  ou  Vin  d'opium  par  fermentation.  La  formule  de 
ce  laudanum  a  été  donnée  par  l'abbé  Rousseau,  médecin  de  Louis  XIV.  Voici 
comment  le  Codex  indique  d'opérer  :  on  prend  200  grammes  d'opium  de  Smyrne 
que  l'on  divise  et  que  l'on  fait  dissoudre  dans  5,000  grammes  d'eau  chaude;  on 
ajoute  600  grammes  de  miel  blanc  et  40  grammes  de  levure  de  bière  fraîche.  On 
met  le  tout  dans  un  matras  que  l'on  expose  à  une  température  constante  de  25 
à  50",  jusqu'à  ce  que  la  fermentation  soit  complètement  terminée;  on  fdtre  la 
liqueur,  on  l'évaporc  au  bain-marie  jusqu'à  ce  qu'elle  soit  rédviite  à  600  gram- 
mes; on  laisse  refroidir,  on  y  ajoute  les  200  grammes  d'alcool  et,  après  vingt- 
quatre  heures,  on  fdtre  de  nouveau. 

4  grammes  de  laudanum  de  Rousseau  correspondent  à  1  gramme  d'opium  ou 
à  Os^SO  d'extrait  d'opium.  Ce  laudanum  renferme  donc  le  double  d'opium  que 
le  laudanum  de  Sydenham,  et  d  ne  doit  jamais  lui  être  substitué,  à  moins  ce- 
pendant qu'on  ne  tienne  compte  de  la  différence  dans  la  proportion  du  principe 
actif.  « 

Ce  médicament  est  d'une  couleur  brune  très-foncée,  très-différente  de  celle  du 
laudanum  de  Sydenham,  qui  est  d'un  brun  jaune  en  masse,  comme  nous  l'avons 
dit  ;  il  est  entièrement  privé  d'odeur  vireuse,  et  la  forte  dose  d'opium  qu'il  ren- 
ferme le  rend  très-actif  et  très-calmant. 

L'abbé  Rousseau  conseillait  de  distiller  le  liquide  fermenté  et  de  retirer  une 
Certaine  quantité  de  liqueur  spiritueuse  qu'il  ajoutait  au  produit  de  l'évaporation; 


LAUDANUM  (emploi  médical).  19 

mais  cet  alcool  d'odeur  vireuse  et  de  propriété  presque  nulle  a  été  remplacé, 
avec  juste  raison,  sur  le  conseil  de  Baume,  par  de  l'alcool  ordinaire.  Autrefois, 
on  laissait  la  fermentation  se  prolonger  pendant  un  mois  ;  il  est  bien  préférable, 
comme  cela  se  pratique  aujourd'hui,  d'arrêter  l'opération  aussitôt  que  le  miel  est 
détruit. 

Le  laudanum  de  Rousseau  ne  doit  pas  être  confondu  avec  le  médicament  connu 
sous  le  nom  de  gouttes  noires,  lesquelles  sont  très-employées  en  Angleterre  et 
commencent  aussi  à  l'être  en  France.  La  formule  du  Codex  est  la  suivante  : 
opium  de  Smyrne,  100  grammes;  safran,  8  grammes;  muscades,  25  grammes; 
sucre,  50  grammes.  Cette  préparation  est  quatre  fois  plus  active  que  le  laudanum 
de  Sydenham. 

Le  nom  de  laudanum  avait  encore  été  donné  autrefois  aux  trois  préparations 
suivantes  qui  ne  sont  plus  employées  aujourd'hui.  Le  laudanum  de  Lalouette 
ou  vin  d'opium  de  Lalouette,  se  préparait  avec  extrait  d'opium  acétique, 
24  grammes;  vin  d'Espagne,  500  grammes,  et  eau-de-vie,  60  grammes.  Le  lau- 
danum opiatum  ou  opium  purifié,  s'obtenait  en  coupant  de  l'opium  par  rouelles, 
le  mettant  au  bain-marie  avec  une  petite  quantité  d'eau,  le  délayant  exactement, 
passant  avec  expression,  laissant  déposer,  décantant  la  liqueur  claire,  et  la  faisant 
évaporer  ensuite  au  bain-marie  pour  l'amener  en  consistance  pilulaire.  Le  lauda- 
num tutissimum  était  une  teinture  préparée  ^vec  de  l'alcool  et  de  la  thériaquc. 
{Voy.  Opidm.)  t.  Goblev. 

§  II.  Emploi  médical.  Nous  ne  voulons  pas  revenir  sur  l'exposé  pharma- 
cologique  qui  précède.  On  nous  permettra  seulement,  à  ce  même  point  de 
vue,  quelques  remarques  susceptibles  d'intéresser  le  praticien.  Nous  ne  saurions 
anticiper  ici  sur  ce  que  nous  aurons  à  dire  plus  tard  de  l'opium  [voy.  ce  mot),  et 
nous  devons  nous  borner  à  indiquer  les  propriétés  spéciales  des  laudanums,  leur 
mode  de  préparation,  la  relation  de  leurs  doses  avec  celles  de  l'opium  lui-même, 
et  enfui  les  indications  particulières  qui  leur  ont  été  attribuées  en  tant  que  lau- 
danums. 

Je  décrirai  ici  :  i°  le  laudanum  de  Sydenham;  2°  le  laudanum  de  Rousseau; 
5"  les  solutions  acétiques  d'opium,  et  en  particulier  les  gouttes  noires. 

I.  Laudanum  de  Sydenham.  C'est  dans  sa  description  mémorable  des  épidé-^ 
mies  de  dysenterie  d'une  partie  de  l'année  1669  et  des  années  1670,  71,  72 
{Op.  omnia,  t.  I,  sectio  IV,  caput  m,  p.  115)  que  Sydenham  a,  pour  la 
première  fois,  parlé  de  cette  préparation,  dont  l'usage,  devenu  universel,  de- 
vait singulièrement  populariser  son  nom.  11  le  fait  en  cinq  lignes  avec  une  convic- 
tion très-nette  des  avantages  de  sa  formule,  mais  sans  avoir  l'air  de  se  douter  de 
la  fortune  qui  l'attendait.  On  me  permettra  de  reproduire  ce  texte,  d'autant  plus 
qu'il  contient  l'indication  du  procédé  suivant  lequel  il  préparait  son  laudanum. 

«  Laiulanum  liquidmn,  quod  in  quotidiano,  ut  dictum,  usu  mihierat  hauc  ad 
normam  simpliciorem  prseparavi  :  tb  '^C  ViniHispanici  ^j.  Opii  3  ij  Crocij.  Pidv. 
cinnamonii  et  cariophyllorum.  an.  oj.  infundantur  siniul  in  B.  M.per  daos  vel 
très  dies  donec  liquor  dehitam  consistentiam  acquirat  ;  colalura  serveiur  pro 
usu.  Hanc  nostram  prîBparationem  laudano  officinarum  solido  antelerenilam  vir- 
tutibus  quidem  non  censeo,  sed  obformam  saltem  commodioremet  majorem  dosis 
certitudinem,  cideni  antepono.  » 

Il  n'employait  pas,  du  reste,  cette  formule  à  l'exclusion  de  toutes  les  autres; 
c'est  ainsi  que,  dans  la  variole,  il  préférait  souveut  le  sirop  d'opium  [Syrupus  de 


20  LAUDAjNUM  (emi'Lûi  mêuic.vl). 

Meconio),  et  ne  recourait  au  laudanum  que  lorsque  le  premier  de  ces  deux 
médicaments  provoquait  des  nausées.  Il  considérait  quinze  gouttes  de  laudanum 
comme  équivalant  à  3  j  de  sirop  d'opium.  {Op.  med.,  t.  I,  p.  248.) 

Sydenliam  ne  pensait  pas  de  son  laudan'um  tout  le  bien  qu'on  en  pense  aujour- 
d'hui ;  il  est  certain  cependant  qu'il  y  a  dans  cette  formule  autre  chose  qu'un 
avantage  d'administration  facile,  et  que,  dans  un  certain  nombre  de  maladies,  en 
particulier  dans  les  flux  diarrhéiques,  le  laudanum  l'emporte,  à  dose  égale,  sur  les 
autres  préparations  d'opium. 

La  préparation  du  laudanum  de  Sydenham  a  été  l'objetde  recherches  nombreu- 
ses, et  dont  il  serait  difficile  de  contester  l'intérêt  si  l'on  songe  qu'il  s'agit  du  plus 
usuel  des  médicaments  et  de  l'un  des  plus  actifs.  Il  importerait  donc  qu'il  fût  tou- 
jours identique  à  lui-même  ;  par  malheur,  il  n'en  est  rien,  et,  pour  ne  citer  que  la 
formule  du  dernier  Codex,  on  comprend  que  la  nature  du  malaga  employé,  influant 
sur  l'épuisement  plus  ou  moins  complet  de  l'opium,  il  eût  sans  doute  été  utile  de 
déterminer  la  richesse  alcoométrique  du  vhi  dont  on  se  sert,  et  on  peut  regretter 
que  le  vœu  de  M.  Stanislas  Martin  [Bull,  de  thér.,  LXVIII,  p.  554),  de  voir  dé- 
terminer le  titre  morphique  de  l'opium  employé,  n'ait  pas  été  écouté.  Cette  réserve 
faite,  il  faut  évidemment  se  ralHer  à  cette  dernière  formule,  afm  d'éviter  une 
anarchie  pharmacologique  des  plus  regrettables. 

La  proposition  faite  par  M.  Dublanc,  pharmacien  de  Troyes  {Bullet.  de  ihérap., 
1858,  t.  XIV,  p.  172)  de  traiter  l'opium  d'abord  par  la  moitié  du  vin,  puis  le 
marc  de  cette  première  opération  par  la  moitié  du  vin  restant,  puis  le  second 
marc  par  le  reste  du  vin,  n'a  pas  été  adoptée  par  le  Codex,  non  plus  que  celle  de 
Henri  et  Guibourt,  qui  voulaient  qu'on  fit  agir  d'abord  le  vin  sur  le  safran,  la  can- 
nelle et  le  girofle,  pendant  quinze  jours,  puis  qu'on  mît  ce  menstrue  au  contact 
de  l'opium  pendant  le  même  temps. 

Les  pharmacopées  anglaises  emploient  le  xérès  (  sherij-wine  )  comme 
menstrue  ;  la  fornmle  du  collège  de  Dublin  a  supprimé  les  substances  aroma- 
tiques. 

En  1857,  Pauliet,  pharmacien  de  Bordeaux,  a  proposé  de  faire  disparaître 
la  différence  de  préparation  qui  sépare  le  laudanum  de  Sydenham  et  celui  de 
Rousseau,  de  les  préparer  tous  deux  par  fermentation,  et  de  combiner  les  pro- 
portions réciproques  du  véhicule  et  de  l'opium  de  façon  à  avoir  un  laudanum 
titré  au  dixième;  il  supprime  la  cannelle  et  le  girofle  pour  éviter  que  le  tannin  con- 
tenu dans  ces  substances  ne  précipite  une  certaine  quantité  de  morphine.  {Bullet. 
de  thé)'.,  t.  LUI,  1857,  p.  416.) 

En  supposant  que  la  formule  du  Codex  ne  satisfît  pas  complètement,  il  n'en  est 
pas  moins  vrai  qu'il  faudrait  encore  s'y  rallier  pour  avoir  partout  un  médicament 
à  action  uniforme  sous  les  mêmes  doses. 

Le  laudanum  est  souvent  falsifié.  La  fraude  la  plus  employée  consiste  dans  la 
substitution  au  malaga  d'un  vin  de  qualité  inférieure,  de  vin  blanc  sucré,  d'un 
mélange  d'eau,  d'alcool  et  de  sucre.  M.  Stan.  Martin  a  proposé  le  moyen  suivant 
pour  reconnaître  a  fraude  :  on  fait  évaporer  le  laudanum  suspect  en  consistance 
de  sirop  épais  ;  on  l'abandonne  plusieurs  jours  à  lui-même  ;  si  le  laudanum  a  été 
préparé  avec  un  des  mélanges  sucrés  indiqués  plus  haut,  il  se  forme  de  gros 
cristaux  de  sucre  candi  ;  le  résidu  du  laudanum  au  malaga  conserve  la  forme  d'un 
magma  souvent  grumelé.  Mais  la  fraude  la  plus  coupable  et  la  plus  importante 
est  celle  qui  prépare  le  laudanum  avec  des  opiums  épuisés  de  morphine.  L'essai 
par  ramraoïiiaque  permet  de  la  reconnaître  quand  elle  atteint  des  limites  très- 


LAUDANUM  (emploi  médical).  21 

reculées.  On  sait,  en  effet,  que  cette  base  sépare  la  morphine  du  laudanum  sous 
forme  d'un  nuage  épais  qui  en  trouble  la  transparence. 

Le  laudanum  s'altère  en  vieillissant,  ou  du  moins  il  change  de  propriétés  physi- 
ques; il  tend  à  se  décolorer  et  à  devenir  plus  ténu.  Ces  modifications  tiennent  à 
l'oxydation  des  matières  colorantes  qu'il  renferme,  en  particuher  celles  du  safran 
et  du  vin,  et  puis  aussi  à  la  disparition  de  l'état  sirupeux  de  celui-ci  par  une 
transformation  alcoolique  plus  complète.  Le  laudanum  n'a  perdu  aucune  de  ses 
propriétés  actives,  mais  la  conservation  de  ses  caractères  habituels  est  une  condi- 
tion à  rechercher,  puisqu'elle  rassure  les  malades,  et  évite  au  pharmacien  des 
reproches  de  mauvaise  préparation.  On  conserverait  presque  indéfiniment  le  lau- 
danum en  le  renfermant  dans  des  fioles  en  verre  noir  ou  bleu  foncé. 

Si  la  décoloration  du  laudanum  de  Sydenham  ne  préjudicie  pas  à  ses  qualités 
réelles,  il  ne  faut  pas  oublier  que,  quand  on  le  laisse  exposé  à  l'air  dans  une  bou- 
teille débouchée,  il  se  produit  par  évaporation  une  concentration  de  ses  principes 
narcotiques,  de  sorte  que,  dans  ces  conditions,  une  dose  égale  de  laudanum  a 
plus  d'activité.  Il  faut  connaître  ce  fait  surtout  pour  la  médecine  des  enfants,  qui 
sont,  comme  on  le  sait,  d'une  extrême  impressionnabdité  au  laudanum,  et  chez 
lesquels,  par  conséquent,  on  ne  l'emploie  qu'à  des  doses  très-mniimes. 

Des  expériences  intéressantes  de  Guibourt  lui  ont  montré  que  le  poids  des 
gouttes  de  laudanum  de  Sydenham  varie  suivant  la  contenance  du  flacon  et  sui- 
vant que  ces  ilacons  sont  pleins  ou  à  peu  près  vides.  Elles  l'ont  porté  à  évaluera 
02%048  le  poids  moyen  d'une  goutte  de  laudanum.  Dans  les  dosages  habituels, 
on  considère  20  gouttes  de  laudanum  de  Sydenham  comme  correspondant  à 
1  gr.irame,  ce  qui  est  exagéré.  Réveil,  recherchant,  à  l'aide  du  compte-gouttes  Sal- 
leron,  le  poids  des  gouttes  de  différents  liquides,  areconnu  qu'un  grammedelau- 
danum  de  Sydenham  contenait  34  gouttes  de  ce  liquide,  et  que  chaque  vingt 
gouttes  pesaient  exactement  O^'^bS.  Chaque  gramme  de  laudanum  de  Sydenham 
du  Codex,  contenant  Os^Oô^  d'extrait  d'opium,  on  comprend  que  vingt  gouttes 
n'en  renferment  que  la  moitié  environ  ou  0s'',0o4.  11  ne  faut  donc  pas  croire, 
comme  on  le  fait  journellement,  qu'on  donne  cinq  centigrammes  d'extrait  d'opium 
quand  on  prescrit  vingt  gouttes  de  laudanum  de  Sydenham  :  on  reste  de  beau- 
coup au-dessous  de  cette  dose.  Ces  détaUs  de  posologie  ont  leur  intérêt  quand  il 
s'agit  d'un  médicament  aussi  usuel. 

Cela  dit,  passons  anx  usages  thérapeutiques. 

Le  laudanum  de  Sydenham  est  sans  contredit  la  plu^  employée  des  préparations 
de  l'opium,  tant  à  l'intérieur  qu'à  l'extérieur.  Tous  les  médecins  le  considèrent 
comme  préférable  aux  autres  opiacés  dans  les  ilux  diarrhéiques  récents  ou  anciens, 
qui,  par  leur  nature,  mdiquent,  du  reste,  l'emploi  de  l'opium.  11  doit  peut-être 
cette  supériorité  à  ce  qu'il  offre  les  principes  actifs  de  cette  substance  sous  une 
forme  solnble,  facilement  absorbable,  et  puis  aussi  parce  qu'il  est  associé  à  des 
substances  stiumlantes  canniuatives  qui  combattent  les  flatuosités  dont  s'accom- 
pagnent d'habitude  les  troubles  digestifs.  Aussi  convient-il,  dans  ce  cas,  de  le  faire 
prendre  dans  des  boissons  théiformes  aromatiques  d'anis,   de  menthe.  11  agit 
plus  rapidement  que  l'extrait  thébaïque  en   pilules,   surtout  quand   celles-ci, 
préparées  depuis  quelque  temps,  ont  pris  une  dureté  qui  leur  permet  quelquefois 
de  traverser  inaltérées  toute  la  filière  digestive.  Les  lavements  laudanisés  sont  un 
des  moyens  usuels  du  traitement  domestique  des  diarrhées,  et,  il  faut  le  dire,  on 
en  abuse  singulièrement.  Ils  valent  mieux  cependant  et  sont  plus  inoffensifs  que 
les  lavements  de  pavot,  qui  ont  déterminé  souvent,  même  chez  des  adultes,  des 


22  LAUDANUM  (emploi  médical). 

accidents  assez  graves.  On  s'en  rend  compte  par  la  différence  de  volume,  de  poids 
et  d'activité  que  peuvent  présenter  les  capsules  de  pavot,  récoltées  tantôt  au  mo- 
ment favorable,  tantôt  avant  maturité.  Le  laudanum  est  d'un  usage  plus  sur  et 
plus  iuolfensif. 

Les  lavements  laudanisés  ne  sont  pas  employés  seulement  dans  les  diarrhées  : 
ils  combattent  avec  efficacité  le  ténesme,  quelle  qu'en  soit  la  cause  ;  le  ténesrae 
héniorrhoïdal,  le  ténesme  rectal,  dû  à  une  affection  organique  ou  à  l'irritation  pro- 
duite par  la  répétition  des  selles  dysentériques.  Les  lavements  laudanisés  sont 
aussi  employés  contre  diverses  affections  douloureuses  des  organes  du  bassin,  les 
névralgies  vésicales,  ovariques,  utérines  ;  ils  agissent  à  la  fois  par  voisinage  et  par 
absorption  générale.  Les  douleurs  de  la  fissure  anale  trouvent  aussi  dans  l'usage 
répété  de  ces  lavements  un  moyen  de  soulagement  au  moins  momentané. 

On  sait  toute  l'efficacité  des  lavements  laudanisés  comme  moyen  d'arrêter  un 
avortement  imminent.  Cette  pratique,  vantée  par  Yan  Swieten,  a  été  remise  en 
honneur  par  Paul  Dubois,  généralisée  par  lui,  et  adoptée  par  la  plupart  des  accou- 
cheurs qui  ont  été  à  même  d'éprouver  son  utilité.  Elle  a  été  formulée  ici  même  et 
dans  tous  ses  détails  par  Jacquemier.  [Dict.  encijcl.  des  se.  méd.,t.  III,  1866, 
art.  Avortement,  p.  568.)  Yelpeau,  Stoltz,  Chailly, — Honoré,  ont  rapporté 
des  cas  oii  les  lavements  laudanisés  ont  très-positivement  arrêté  des  avortements 
qui  se  seraient  produits  sans  eux.  Crouzet,  cité  par  ce  dernier  auteur  {Traite' pra- 
tique de  l'art  des  accouchements,  Paris,  1853,  5^  éd.,  p.  294),  a  vu  ces  lave- 
ments arrêter  un  avortement  qui  était  assez  avancé  pour  que  la  poche  fît  une 
saillie  prononcée  à  travers  l'orifice  du  col.  Il  n'est  guère  de  médecins  qui  n'aient 
dû  à  cette  méthode  un  nombre  considérable  de  succès.  P.  Dubois  associe  les 
saignées  aux  lavements  de  laudanum,  mais  c'est  une  affaire  d'indication.  La  sai- 
gnée peut  très-souvent  être  omise,  et  les  lavements  laudanisés  n'en  atteignent 
pas  moins  le  but.  La  première  période  de  l'avortement  est  évidemment  la  plus 
favorable  pour  leur  emploi,  mais  il  ne  faudrait  pas  y  renoncer  pour  les  autres  ;  on 
a  vu,  en  effet,  le  travail  s'arrêter  sous  leur  influence  après  dès  hémorrhagies  assez 
fortes,  et  même  dans  des  cas  où  il  y  avait  eu  écoulement  des  eaux.  On  peut  dire 
que  cette  méthode  est  une  des  conquêtes  thérapeutiques  les  plus  importantes  de 
notre  époque. 

Le  laudanum  entre,  comme  moyen  adjuvant,  dans  une  foule  de  formules  desti- 
nées tant  à  l'intérieur  qu'à  l'usage  externe. 

A  l'intérieur,  il  fait  tolérer  certains  médicaments  en  engourdissant  la  sensibiHté 
des  réservoirs  organiques,  estomac  ou  rectum,  dans  lesquels  on  le  dépose.  D'au- 
tres fois  il  joue  un  rôle  plus  personnel  dans  ces  associations.  Je  citerai  par  exemple 
l'usage  du  laudanum  combiné  avec  le  vin  scillitique  dans  le  traitement  de  l'hy- 
dropisie  et  de  l'anasarque.  Cette  formule  proposée  en  1847  par  Teissier  (de  Lyon) 
consiste  dans  une  macération  pendant  douze  heures  de  4  à  8  grammes  de  poudre 
'  de  scille  dans  un  demi-litre  de  vin  blanc;  on  l'additionrte  de  40  à  60  gouttes  de 
I  laudanum  de  Sydenham.  On  commence  par  deux  cuillerées  à  bouche  de  ce  vin, 
une  le  matin,  l'autre  le  soir,  et  on  arrive  progressivement  à  quatre  cuillerées.  Ce 
n'est  qu'une  formule  diurétique,  ce  praticien  distingué  le  fait  remarquer  lui- 
même,  mais  elle  est  active  et  bien  tolérée.  {Bullet.  detliérap.,  1847,  t.  XXXIII.) 
Je  l'ai  employée  plusieurs  fois,  et  elle  m'a  paru  réellement  avantageuse. 

Les  usages  externes  du  laudanum  sont  assez  nombreux,  et  ils  offrent  un  in- 
térêt pratique  réel.  Je  ne  décrirai  que  ceux  qui  ont  le  plus  d'importance. 

Aran  a  préconisé  dans  les  maladies  utérines  douloureuses  ce  qu'il  appelle  des 


LAUDANUM  (emploi  médical).  25 

pansements  Jaudauisés.  Pour  les  pratiquer  on  introduit  ua  spéculum,  et,  le  col 
saisi,  on  laisse  couler  à  sa  surface  de  50  à  50  gouttes  de  laudanum  de  Sy- 
denbam  ;  ou  jette  ensuite  dans  le  fond  de  l'instrument  quelques  grammes  d'amidon 
en  poudre,  des  bourdonnets  de  coton  ou  de  charpie  maintiennent  le  contact.  Ou 
pratique  des  lavages  à  grande  eau  avant  chaque  pansement  pour  enlever  le  résidu 
du  pansement  précédent.  On  revient  à  cette  pratique  tous  les  jours  ou  tous  les 
deux  jours.  L'hyperesthésie  du  col  cède  sous  l'inflnence  de  ce  moyen  qui  ne  pro- 
duit qu'un  peu  de  somnolence,  et  auquel  Aran  atlribuait  l'avantage  de  laisser  in- 
tactes les  fonctions  digestives,  ce  que  l'opium  pris  par  la  bouche  ne  fait  pas  tou- 
jours. {Biillet.  de  thérap.,  1857,  t.  LUI,  p.  481.)  Le  badigeonnage  du  col  avec 
un  pinceau  imbibé  de  laudanum  est  recommandé  dans  ces  cas  par  Courty  [Traité 
pratique  des  maladies  de  l'utérus  et  de  ses  annexes,  Paris,  1866,  p.  242),  et 
il  attribue,  avec  raison,  à  ce  moyen  une  action  cicatrisante.  C'est  là  en  effet 
une  autre  application  utile  de  ce  médicament  qui,  mis  en  contact  avec  des  ulcé- 
rations douloureuses  et  rebelles,  les  modifie  en  même  temps  qu'il  en  émousse  la 
sensibilité. 

Ici  se  place  naturellement  l'emploi  des  lotions  laudanisées  contre  le  panaris. 
On  sait  que  cette  pratique  a  été  employée  avec  succès  aux  Invalides  par  Pasquier 
fils  qui  l'étendit  même  au  phlegmon  grave  et  à  la  phlébite.  2  onces  de  lau- 
danum dans  unhtre  de  décoction  de  pavot  servaient  pour  ces  fomentations  et  ces 
irrigations  en  quelque  sorte  continues.  Il  ne  serait  pas  prudent  d'employer  sur 
de  larges  surfaces  ces  lotions  laudanisées  qui  sont  d'ailleurs  iaoffensives,  et  de 
plus,  il  ne  faudrait  ni  dans  l'un  ni  dans  l'autre  cas,  omettre  le  bistouri  qui  est, 
comme  on  l'a  dit,  le  meilleur  anesthésique,  et  dont  les  rigueurs  sont,  du  reste, 
singulièrement  atténuées  par  la  possibilité  de  recourir  au  chloroforme. 

Voillemier  a  recommandé  un  moyen  analogue  pour  diminuer  les  douleurs  très- 
vives  de  l'orchite  aiguë  ;  une  compresse  imbibée  de  laudanum  est  appliquée  sui  le 
testicule,  et  on  la  recouvre  d'un  morceau  de  taffetas  gommé  ;  au  bout  de  quelques 
heures,  les  douleurs  s'amendent  notablement.  {B.  de  thérap.,  1848,  t.  XXXV, 
p.  88.) 

Je  rappellerai  enfin  l'usage  du  laudanum  à  hautes  doses  préconisé  contre  l'en- 
torse par  Lebert  (de  Nogent-le-Rotrou).  Il  consomme  de  50  à  60  grammes  de  lau- 
danum en  frictions  dans  l'espace  de  deux  jours  ;  après  chaque  friction,  on  ap- 
plique un  cataplasme  émolhent  et  froid.  On  termine  par  un  bandage  inamovible 
permettant  au  malade  de  marcher  et  il  est  maintenu  quinze  jours  en  place. 
(Abeille  médicale,  1866.) 

Le  laudanum  joue  un  rôle  important  dans  la  thérapeutique  oculaire.  Il  est  bien 
peu  de  collyres  dans  lesquels  il  ne  figure  lorsque  l'élément  de  douleur  existe  dans 
les  maladies  pour  lesquelles  ces  collyres  sont  prescrits.  On  a  signalé,  il  y  a  quel- 
ques années,  l'incompatibilité  du  laudanum  et  des  sels  astringents  ou  caustiques 
qui  sont  journellement  introduits  dans  les  collyres;  acétate  de  plomb,  sulfate  de 
zinc,  nitrate  d'argent;  il  se  formerait  des  méconates  insolubles  susceptibles  d'in- 
cruster la  cornée  de  la  tatouer  d'une  manière  indélébile.  Je  ne  saurais  dire  s'il  s'agit 
d'un  à  priori  chimique  ou  d'un  fait  bien  observé,  mais  la  Hmpidité  des  collyres 
étant  une  qualité  à  rechercher,  il  vaut  mieux  éviter  ces  formules  compliquées. 
On  n'emploie  pas  seulement  le  laudanum  pour  combattre  la  douleur  et  la  photo- 
phobie, son  influence  la  plus  utile  réside  dans  l'action  qu'il  exerce  sur  les  ulcéra- 
tions cornéales,  qu'il  déterge,  dont  il  modiOe  la  surface,  et  qu'il  excite  par  suite 
à  se  cicatriser.  On  commence  par  étendre  le  laudanum  de  cinq  ou  six  fois  soii 


21  LAUDANUM   (emploi  médical), 

poids  d'eau,  et  on  arrive  progressivement  à  employer  du  laudanum  pur  en  instil- 
lations. On  a  prétendu  {Journal  de  médecine  de  Bordeaux,  1866)  que  le  lau- 
danum instillé  n'agissait  pas  comme  opium,  mais  comme  vin,  et  qu'il  pourrait 
par  suite  être  remplacé  par  un  autre  collyre  vineux  ou  alcoolique,  mais  l'hypo- 
thèse ne  me  paraît  nullement  justifiée.  Deval  [Traité  théorique  et  pratique  des 
mal.  des  yeux,  Paris,  1862,  p.  158)  a  recommandé  un  collyre  laudanisé  et  bella- 
done composé  de  6  grammes  d'eau  distillée,  1  ou  2  grammes  de  laudanum  de 
Sydenham,  et  0«'',50  à  1  gramme  d'extrait  de  belladone.  Il  l'a  employé  avec 
succès  dans  des  slapliylomes  de  l'iris,  des  ulcérations  atoniqucs  de  la  cornée 
sans  synéchie,  et  il  n'accorde  d'ailleurs  que  peu  d'importance  pratique  à  l'an- 
tagonisme d'action  pupillaire  de  la  belladone  et  de  l'opium  dans  cettô  formule 
complexe. 

Je  signalerai  enfin  les  idées  du  professeur  Nasca  (de  Naples),  sur  l'utilité  du 
laudanum  en  applications  topiques  pour  relever  la  vue  des  personnes  âgées,  chez 
lesquelles  la  presbytie  fait  des  progrès  rapides.  En  un  mois,  l'amélioration  serait 
accusée.  {Gaz.  méd.  de  Lyon,  novembre  1852.)  C'est  vague  et  demande  confir- 
mation. 

II.  Laudanum  de  Rousseau.  Béral  avait  indiqué  un  extrait  de  laudanum  de 
Rousseau  huit  fois  plus  actif  que  le  laudanum,  dont  on  a  vu  plus  haut  la  for- 
mule; un  saccharure  six  fois  moins  actif,  et  des  tablettes  contenant  chacune  une 
goutte  de  ce  laudanum  {Bullet.  de  thérap.,  I8o8,  t.  XIY,  p.  558),  mais  ces  for- 
mules ne  sont  pas  restées  dans  la  pratique. 

Réveil,  dans  le  travail  de  posologie  indiqué  plus  haut,  a  déterminé  le  nombre 
de  gouttes  que  renferme  1  gramme  de  laudanum  de  Rousseau,  et  le  poids  moyen 
de  vingt  gouttes  de  ce  narcotique  ;  il  a  trouvé  34  pour  le  premier  chiffre  et  Ûs'',58 
pour  le  second.  Les  deux  laudanum  sont  donc  dans  le  même  cas  sous  ce  double 
rapport. 

En  ce  qui  concerne  la  relation  d'activité  des  deux  laudanum,  le  Codex  consi- 
dère 4  grammes  de  laudanum  de  Rousseau  comme  correspondant  à  I  gramme 
d'opium  ou  0,50  d'extrait.  Le  laudanum  de  Rousseau  est  donc  deux  fois  plus  actif 
que  l'autre.  C'est  une  erreur  typographique  qui  a  fait  dire  à  Gubler  {Com- 
mentaires  thérapeutiques  du  Codex  medicamentarius,  Paris,  1868,  p.  255) 
que  20  gouttes  de  laudanum  de  Rousseau  équivalent  à  12  centigrammes  d'extrait 
gommeux.  Pour  que  cette  équivalence  fût  réelle,  il  faudrait  que  20  gouttes  de 
ce  laudanum  eussent  le  poids  d'un  gramme.  Or,  il  n'en  est  rien,  comme  nous 
l'avons  vu  tout  à  l'heure. 

Le  laudanum  de  Rousseau  n'a  qu'un  avantage  sur  l'autre,  c'est  de  ne  pas  avoir 
cette  saveur  de  safran  qui  répugne  à  bon  nombre  de  personnes,  et  qui  constitue 
quelquefois,  principalement  chez  les  enfants,  un  obstacle  sérieux  à  son  adminis- 
tration. Sa  supériorité,  sous  ce  rapport,  a  moins  de  prix  d'ailleurs  depuis  que 
l'habitude  de  recourir  aux  laudanum  anglais  ou  teintures  acétiques  d'opium  s'est 
introduite  chez  nous.  Examinons  avec  quelques  détails  cette  troisième  sorte  de 
laudanum. 

III.  Laudanum  anglais  ou  gouttes  noires  {Black  drops,  Lancaster  drops, 
Quakers  black  drops,  etc.).  Cette  préparation  fort  usitée  en  Angleterre  ne 
l'était  guère  chez  nous,  lorsque  Monneretlui  consacra,  en  janvier  1851,  un  excel- 
lent mémoire  {De  l'emploi  des  goidtes  noires  anglaises, m  Bull,  dethér., t. XL, 
p.  49).  J'ai  essayé,  d'après  ses  indications,  les  black  drops,  et  je  suis  arrivé  aux 
mêmes  résultats  que  lui.  Par  malheur  il  est  difficile  d'avoir  des  préparations 


LAUREL.  25 

identiques,  de  sorte  que  les  doses  doivent  en  être  déterminées  par  tâtonnement 
et  en  commençant  par  des  quantités  minimes.  Les  essais  cliniques  devront  porter 
dorénavant  sur  la  formule  du  nouveau  Codex. 

Dans  la  préparation  des  black  drops  véritables,  on  fait  intervenir  le  verjus  au 
lieu  du  vinaigre.  La  solution  d'opium  dans  l'acide  citrique  du  docteur  Porter  n'est 
jiimais  entrée  dans  les  habitudes,  même  en  Angleterre.  (Pcreira,  the  Eléments  of 
Maieria  medica  and  therapeutics ,  vol.  II,  part.  II,  p.  2159.)  J'ai  l'ait  venir  de 
Londres,  et  pour  mon  usage  personnel,  des  black  drops  ayant  une  forte  odeur 
d'amande  amère  ;  cette  liqueur  était  assez  agréable  au  goût,  et  il  m'a  paru 
qu'elle  agissait  trois  ou  quatre  fois  plus  que  le  laudanum  de  Sydenham. 

M.  Moniieret  a  constaté  que  ce  médicament  était  très-efficace  dans  les  affections 
douloureuses  du  tube  digestif,  en  particulier  dans  la  gastralgie  des  cblorotiques, 
des  gens  nerveux  adonnés  aux  travaux  de  l'esprit,  dans  les  névroses  de  l'estomac 
liées  à  l'hystérie,  l'ulcère  chronique  de  l'estomac,  l'entéralgie  hystérique,  etc.  Je 
l'ai  employé  avec  avautage  dans  les  cas  de  diarrhée  auxquels  sont  sujets  les 
gastralgiques  dont  l'estomac,  pris  d'une  sorte  d'intolérance  pour  les  aliments,  les 
chasse  rapidement  dans  l'intestin;  imparfaitement  élaborés,  ils  irritent  sa  mu- 
queuse et  produisent  de  la  diarrhée.  Trousseau  a  décrit  avec  beaucoup  de  sagacité 
cette  forme  de  troubles  digestifs  qui  se  l'encontrent  assez  souvent  dans  les  conva- 
lescences. Deux  ou  trois  gouttes  noires  prises  dans  un  peu  d'eau  et  de  vin  au  com- 
mencement des  repas,  engourdissent  la  sensibihlé  et  la  motilité  de  l'estomac,  et 
le  ramènent  à  sa  fonctionnalité  normale.  J'ai  pu  observer  maintes  fois  ces  effets 
sur  moi-même,  et  ne  saurais  par  suite  eu  douter  :  c'est  aussi  de  cette  façon  que 
Monneret  prescrivait  les  gouttes  noires;  il  les  donnait  à  la  dose  initiale  de  deux 
gouttes  à  chaque  repas,  et  il  les  élevait  graduellement  à  8,  12  et  même  16  gouttes 
par  jour  ;  il  a  dépassé  cette  dose,  mais  il  est  prudent  de  n'y  arriver  qu'avec  len- 
teur, en  tàtant  la  susceptibiHté  des  malades,  et  de  diminuer  les  doses  quand  on 
entame  un  nouveau  flacon,  dans  le  cas  où  on  a  recours  à  des  black  drops  de  pro- 
venance anglaise  et  non  pas  à  celles  du  Codex. 

La  teinture  ammoniacale  d'opium  employée  en  Angleterre  comme  stimulant 
diffusible  dans  la  coqueluche  ;  Vélixir  parégorique  composé  d'opium,  d'acide 
benzoïqne,  d'essence  d'anis,  de  camphre  et  d'alcool,  et  employé  à  la  dose  de  2  à 
8  grammes,  le  laudanum  de  Lalouette,  etc. ,  ne  sont  par  le  fait  que  des  sortes  par- 
ticulières de  laudanum  ;  mais  il  en  sera  parlé  à  propos  de  la  posologie  de  l'opiimi. 
[Voy.  Opium.)  Fokssagrives. 

LAUBAIKO.     {Voy.  Laurier.) 

LAUREL,  LAURÉLIE.  Arbre  du  Chili,  qui  doit  ces  noms  à  la  ressemblance 
de  son  feuillage  et  de  ses  propriétés  aromatiques  avec  les  Lauriers  proprement 
dits,  mais  qui  appartient  à  la  famille  des  Stonimiacées.  Son  nom  scientifique  est 
Laurelia  sempervirens  Tul.  (L.  aromatica  Poir.  — •  Pavonia  sempervirens  Pi.  et 
Pav.).  Il  a  tous  les  caractères  des  Atherosperma  {voy.  ce  mot)  et  ne  s'en  distingue 
guère  que  par  le  modèle  déhiscence  en  valves  longitudinales,  du  sac  réceptacu- 
laire  qui  entoure  ses  fruits  plumeux.  Aussi  l'avons-nous  appelé  Atherosperma 
sempervirens.  Les  feuilles  sont  très-aromatiques  ;  on  en  prépare  des  infusions 
excitantes,  stomachiques,  sudoriliques,  qui  sont  fort  utiles  dans  un  grand  nombre 
de  maladies.  H.  Bn. 

Juss.,  in  Ann.  Mus.,  XIV,  151  —  Poin.,  Bict.,  Siippl.,  III,  513.  —  Endl.,  Gcn.,  n.  2021. 
—  Rl'i'  rt  Pav,,  Prodr.  fl.  pcr.  et  chil,  127,  t.  28.  —  Tl'l.,  Mon.  Moniin.,  40.  —  k.  DC  , 


26  LAURENT  (SAINT-)  (eaux  minérales  de). 

Pvodr.,  XVI,  s,  post,,  674.  —  îlÉa.  et  Del.,  Dict,,  IV,  49.  —  Rose.nth.,  Stjn.  pi.  diaphor., 
3  28.  —H.  Bx,,  Bist.  des  plantes,  1,321,  536. 

lAUKEîVT  (J.-L.-Maurice).  Un  des  bons  anatomistes  de  ce  siècle,  né  à  Toulon 
en  1784.  Il  était  entré,  dès  l'âge  de  quinze  ans,  dans  la  chirurgie  de  marine  et  se 
distingua  dans  différentes  expéditions.  Reçu  docteur  à  vingt-cinq  ans  dans  l'uni- 
versité de  Pise,  alors  française,  il  fut  obligé  de  prendre  de  nouveau  ce  même 
grade  à  Paris  en  1825.  Deux  ans  plus  tard,  il  était  nommé,  par  concours,  profes- 
seur d'anatomie  à  l'École  de. médecine  navale  de  Toulon,  et,  en  1850,  chirurgien 
en  chef  du  port  de  Chei'bourg.  Mais  il  ne  tarda  pas  (1852)  à  sacrifier  ces  positions 
péniblement  conquises,  pour  venir  à  Paris  se  consacrer  exclusivement  à  l'étude  et 
à  l'enseignement  de  l'anatomie  et  de  la  physiologie  comparées.  En  1856,  il 
concourut,  non  sans  honneur,  pour  la  chaire  d'anatomie  à  la  faculté  de  mé- 
decine de  Paris,  et,  en  1857,  il  se  faisait  recevoir  docteur  es  sciences  natu- 
relles; c'est  alors  qu'il  fut  distingué  par  l'illustre  de  Blainville  qui  se  fit  plusieurs 
fois  suppléer  par  lui  dans  la  chaire  d'anatomie  et  de  zoologie  à  la  Faculté  des 
sciences.  Laurent  est  mort  le  50  janvier  1854. 

C'est  surtout  l'anatomie  générale,  l'étude  approfondie  de  la  texture  des  organes 
qui,  depuis  Bichat,  est  regardée  comme  la  base  des  connaissances  physiologiqifes 
positives,  que  Laurent  cultivait  avec  le  plus  d'ardeur.  Il  poursuivait  cette  étude  à 
l'aide  de  tous  les  moyens  que  la  science  moderne  met  à  la  disposition  des  obser- 
vateurs ;  examen  minutieux  direct  ou  à  l'aide  du  microscope,  analyse  des  éléments 
primordiaux  par  la  chimie,  etc..  On  peut  adresser  à  Laurent  un  reproche  qui  a 
été  fait  à  la  plupart  de  ceux  qui  se  li\rent  à  ces  recherches  d'anatomie  philoso- 
phique, une  tendance  trop  marquée  à  la  spéculation,  et  à  prendre  les  vues  de 
l'esprit  pour  l'expression  réelle  des  laits.  C'est  ce  qui  lui  arriva  dans  ses  aperçus, 
ingénieux,  d'ailleurs,  sur  les  tissus  animaux  naturellement  durs  ou  tendant  à  la 
dureté,  les  tissus  fibreux,  cartilagineux  et  osseux  qu'il  réunissait  sous  la  dénomi- 
nation générique  de  scléreux. 

Yoici,  au  total,  l'indication  des  principaux  écrits  de  ce  laborieux  observateur; 
plusieurs,  malheureusement,  n'ont  pas  été  achevés. 

T.  Propositions  générales  de  physiologie,  de  pathologie  et  de  tliérapeutique.  Thèse  de 
Paris,  1823,  n°  12.  —  II.  Atlas  d'anatomie  physiologique,  ou  tableaux  synoptiques  d'ana- 
tomie, etc.  Paris,  1826,  iii-fol.  et  Méni.  explicatif.  Ibid.,  1826,  in-S°.  —  III.  Essai  sur  les 
tissus  élastiques  contractiles.  In  Ann,  de  la  méd. physiol.,  t.  XI.  1827.  —  IV.  Lettre 
à  M.  de  Blainville  sur  des  sujets  d'anatomie  comparée.  In  Bullet.  des  se.  méd., 
t.  XI,  p.  108;  1827.  —  V.  Essai  sur  la  théorie  du  squelette  des  vertébrés,  précédé,  etc. 
In  Journ.  du  progrès,  t.  XIV,  p.  154,  et  t.  XV,  p.  118;  1S29,  pi.  1.  —  VI.  De  la  texture  et 
du  développement  de  l'appareil  urinaire.  Thèse  de  conc.  (ch.  d'anatomie).  Paris,  1836( 
in-4°.  —  VII.  Prodromes  d'anatomie  et  de  physiol.  comparées.  Paris,  1837,  in-S".  — VIII. 
Propositions  générales  relatives  à  la  doctrine  philosophique  des  sciences,  etc.  Paris,  1837. 
—  IX.  Recherc/œs  sur  l'hydre  et  l'éponge  d'eau  douce  pour  servir,  etc.  (méni.  cour,  par 
l'Acad.  des  se).  Paris,  gr.  in-8°,  atl.  gravé,  pl.  col.  —  X.  Zoophytologie  (fait  partie  du 
Voy.  aut.  du  monde,  exécuté  en  1830-57,  sur  la  corvette  la  Bonde) .  Paris,  lc>44,  in-S".  — 
XI.  Annales  françaises  et  étrangères  d'cmatomie  et  de  physiologie,  fondées  et  rédigées 
avec  Bazin,  de  Bassencville,  Ilollard,  etc.  Paris,  1857-39,  3  \ol.  in-8\  — XII.  Un  certain 
nombre  d'articles  dans  le  Dict.  de  la  conversation  et  dans  l'Encyclopédie  moderne. 

E.  Bgd. 

LAURENT-  (SAISIT-)  LES-BAII\S  (Eaux  MINÉRALES  de)  ,  hijper thermales, 
amétallitss ,  non  gazeuses.  Dans  le  département  de  l'Ardèche,  dans  l'ar- 
rondissement de  l'Argentières  (chemin  de  fer  de  Paris  à  Montéiimart;  de 
Montélimart   à   Saint-Laurent-lcs-Bains ,  route  de   poste),    est    un   village   de 


LAURENT  (SAINT-)  (eaux  minérales  de).  27 

789  babitants,  à  882  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  bâti  dans  une  gorge 
étroite,  ouverte  au  midi  seulement  sur  un  des  versants  de  l'Espérelouze.  Le  cli- 
mat de  Saint-Laurent,  chaud  pendant  le  jour,  est  frais  et  humide  le  matin  et  le 
soir.  Deux  sources,  découvertes  en  l'année  1400,  de  composition  et  de  chaleur 
identiques,  émergent  du  terrain  primitif  au  centre  du  village,  et  débitent  en 
vingt-quatre  heures  51,000  litres  d'une  eau  limpide,  transparente,  inodore,  sans 
goût  particulier,  sans  réaction  sensible  sur  les  préparations  de  tournesol.  Cette 
eau  n'est  traversée  par  aucune  bulle  gazeuse;  sa  température  est  de  53", 5 
centigrade.  M.  le  professeur  Bérard(de  Montpellier)  a  trouvé  que  1,000  grammes 
de  l'eau  des  sources  de  Saint-Laurent-les-Bains  contiennent  les  principes  sui- 
vants ; 

Carljonate  de  soude 0,S03 

Sulfate  de  soude 0,040 

Chlorure  de  sodium  .,.,,, 0,085 

Acide  silicique  et  alumine 0,032 

Total  des  matières  fixes 0,682 

Les  deux  sources  de  Saint-Laurent-les-Bains  se  rendent  par  des  canaux  souter- 
rains à  trois  petits  établissements  thermaux  appartenant  à  des  particuliers  et 
recevant  chaque  année  huit  cents  ou  mille  malades.  Un  des  établissements  est 
exclusivemicnt  fréquenté  par  les  hommes,  et  l'autre  par  les  femmes  ;  le  troi- 
sième admet  les  baigneurs  des  deux  sexes.  Chacune  des  maisons  de  bains  a  une 
buvette,  une  piscine,  des  baignoires  isolées,  un  ou  des  cabinets  de  douches  et  une 
salle  où  se  trouvent  les  bains  de  vapeur. 

Emploi  thép.apeutique.  L'eau  hyperthermale ,  amétallite  et  non  gazeuse  do 
Saiut-Laurent'les-Bains  a  une  chaleur  et  une  composition  élémentaire  qui  la 
rapprochent  singuhèrement  de  l'eau  de  Wildbad-Gastein  dans  les  Alpes  du  Tyrol, 
{Voij,  ce  mot.)  Son  action  physiologique  principale  est  de  déterminer  une  séda- 
tion  consécutive  à  une  excitation  modérée.  Ces  eaux,  prises  en  boisson,  en  bains, 
en  douches  ou  en  étuves,  sont  sensiblement  toniques,  diaphorétiques  et  diuréti- 
ques. Elles  ont  aussi  pour  propriété  à  peu  près  constante  de  réveiller  les  dou- 
leurs rhumatismales  que  les  malades  avaient  quelquefois  oubliées  depuis  long- 
temps ;  souvent  même  ces  douleurs  se  montrent  avec  une  telle  intensité  que  les 
baigneurs  regrettent,  malgré  l'assurance  donnée  par  le  médecin  que  c'est  une 
preuve  à  peu  près  certaine  de  l'heureuse  issue  de  la  cure,  de  s'être  soumis  à  l'u- 
sage des  eaux  de  Saint-Laurent-les-Bains. 

Les  affections  rhumatismales  sont  celles  que  l'on  traite  le  plus  souvent  à  Saint- 
Laurent,  Ce  sont  les  douches  et  les  bains  de  vapeur  qui  constituent  la  base  de  la 
médication  thermale.  Ces  mêmes  moyens  conviennent  au  traitement  des  névral- 
gies qui  reconnaissent  pour  cause  l'exposition  prolongée  au  froid  ou  à  l'humi- 
dité. Les  bains  généraux  ne  doivent  pas  être  prescrits  alors  ;  ils  augmentent  les 
douleurs  sans  arriver,  même  à  ce  prix,  à  procurer  des  guérisons  durables.  C'est 
le  contraire  à  Wildbad-Gastein. 

Les  eaux  de  Saint-Laurent-les-Bains,  en  boisson  et  en  bains,  donnent  de  bons 
résultats  dans  les  affections  de  la  peau  caiactérisées  par  des  furoncles,  de  l'ec- 
thyma,  de  l'eczéma,  du  prurigo  et  de  l'herpès.  On  les  emploie  contre  les  para- 
lysies, et  les  ouvriers  mineurs  qui  ont  éprouvé  de  grands  traumatismes  recou- 
vrent quelquefois,  à  Saint-Laurent,  l'intégrité  du  mouvement  et  de  la  sensibilité 
de  leurs  membres  perclus.  On  a  vanté  aussi  l'efficacité  des  eaux  de  Saint-Lau- 
rent à  l'intérieur  et  à  l'extérieur  dans  la  cachexie  scrofuleuse;  cette  indication 


28  LAURIER   (botanique). 

nous  paraît  très-secondaire,  et  les  eaux  chlorurées  sodiques  fortes  et  quelquefois 
les  sulfurées  fixes  nous  semblent  devoir  toujours  occuper  le  premier  rang  dans 
la  thérapeutique  thermale  du  lymphatisme  exagéré  et  des  accidents  strumeux. 
L'effet  diurétique  des  eaux  de  Saint-Laurent  les  a  fait  administrer  avec  profit 
contre  les  maladies  des  voies  urinaires  dans  lesquelles  une  production  patholo- 
gique de  mucus  ou  de  pus  est  le  symptôme  prédominant.  Les  eaux  de  Saint- 
Laurent  ont  été  quelquefois  appliquées,  en  boisson  et  en  bains  d'étuves,  dans  la 
goutte  et  dans  la  gravelle  ;  mais  les  résultats  obtenus  n'ont  pas  encore  complè- 
tement fixé  les  médecins  sur  leur  valeur  réelle  en  semblable  circonstance.  Enfin, 
ces  eaux  thermo-minérales,  en  boisson,  en  bains  et  en  douches  d'eau,  ont  trop 
souvent  guéri  des  anémiques  et  des  chlorotiques  pour  qu'il  soit  possible  de  douter 
de  leur  vertu  tonique  et  reconstituante  ;  mais  l'altitude  élevée  de  cette  station 
doit  avoir  une  large  part  dans  le  succès  des  eaux  hyperthermales,  amétallites,  de 
Saint-Laurent-les-Bains  dans  l'anémie  et  la  chlorose. 

La  f/((re'e  (/e  Za  CMre  est  de  vingt  jours  à  un  mois. 

Onn exporte ^As  les  eaux  de  Saint-Laurent-les-Bains.     ■         A.  Rotureau. 

LJiURËOLE.      {Voy.  D.iPHiNÉ.) 

IiA.VRlEB  {Launis  T.}.  §  1.  Botanique.  Genre  de  plantes  qui  a  donné  son 
nom  à  la  famille  des  Laurinées.  Dans  le  principe,  toutes  les  plantes  de  cette  famille 
étaient  confondues  sous  le  nom  de  Laurus.  Plus  tard,  ce  genre  a  été  démembré 
en  un  grand  nombre  d'autres,  et  il  ne  reste  plus  actuellement,  pour  constituer 
le  genre  Laurier  proprement  dit,  que  deux  espèces  linnéennes,  le  L.  noble  ou 
d'Apollon  et  le  L.  des  Canaries.  Le  premier  est  seul  employé  en  médecine.  Ainsi 
réduit,  le  genre  Laurus  a  les  caractères  suivants.  Ses  fleurs,  hermaphrodites  ou 
dioïques,  régulières,  sont  construites  sur  le  type  binaire.  Dans  les  fleurs  herma- 
phrodites, on  observe,  sur  un  réceptacle  concave,  deux  sépales  extérieurs,  et  deux 
folioles  plus  intérieures,  considérées  par  quelques  auteurs  comme  des  pétales 
alternes  avec  les  sépales.  Plus  intérieurement  se  trouvent  six  verticiiles  de  deux 
étamines  chaque,  savoir  deux  étamines  opposées  aux  sépales,  deux  alternes,  et 
ainsi  de  suite.  Leurs  filets  sont  accompagnés  de  deux  glandes  latérales,  et  leur  in- 
sertion est  légèrement  périgynique.  Leurs  anthères  sont  biloculaires,  déhiscentes 
par  deux  panneaux,  et  introrses.  Le  gynécée  est  libre  et  inséré  au  centre  du  récep- 
tacle. 11  se  compose  d'un  ovaire  uniloculaire,  surmonté  d'un  style  à  extrémité 
stigmatifère  renflée.  Dans  l'ovaire  se  trouve  un  seul  ovule,  anatrope  et  suspendu, 
avec  le  micropyle  dirigé  en  haut  et  du  côté  du  placenta.  Dans  les  fleurs  mâles, 
l'ovaire  est  peu  volumineux  et  stérile.  Dans  les  fleurs  femelles,  le  nombre  des 
étamines  est  réduit;  il  n'y  en  a  souvent  que  quatre,  et  elles  sont  stériles.  Le 
fruit  est  une  baie  monosperme,  garnie  à  sa  base  du  calice  persistant.  La  graine 
renferme  sous  ses  téguments  un  embryon  épais  et  charnu,  à  gros  cotylédons  plans- 
convexes,  sans  albumen.  Les  Laurus  sont  des  arbres  de  l'Asie  Mineure  et  des 
Canaries.  Leurs  feuilles  sont  alternes,  simples,  coriaces,  persistantes,  d'un  beau 
vert.  Leurs  fleurs  sont  réunies  sur  de  petits  axes  communs,  insérés  dans  l'aisselle 
des  feuilles.  De  grandes  bractées  imbriquées  enveloppent  l'inflorescence  qui  est 
formée  de  plusieurs  glomérules  réunis  autour  d'un  bourgeon  centraL 

Le  Laurier  dApoUoii  {Laurus  nobllis  L.  — L.  vulgaris  C.  Bauh.)  est  encore 
appelé  L.  commun,  L.  sauce,  L.  franc,  L.  à  jambons.  C'est  un  bel  arbre  à  feuil- 
lage glabre,  touffu,  haut  de  dix  à  (rente  pieds.  Ses  feuilles  sont  oblongues-lan- 


LAURIER  (botanique). 


29 


céolées,  atténuées  à  la  base,  aiguës  au  sommet,  lisses,  brillantes  en  dessus.  Ses 
fleurs  mâles  sont  réunies  dans  un  involucre  de  bractées,  glabres  ou  légèrement 
soyeuses  dans  le  milieu,  et  elles  sont  rapprochées  autour  du  petit  bourgeon  central 
de  l'inflorescence,  en  trois  à  six  glomérules,  tandis  que  les  fleurs  femelles  ou  her- 
maphrodites forment  un,  deux  ou  trois,  en  général  enfin  un  nombre  moindre  de 
petits  glomérules.  La  partie  qu'on  emploie  le  plus  en  médecine  est  le  fruit.  C'est 
ime  baie  ovoïde,  supportée  par  un  pédoncule  grêle  ;  lisse  à  la  surface,  odorante, 
aromatique  comme  tout  le  reste  de  la  plante.  Elle  atteint  jusqu'à  tout  près  d'un 
demi-pouce  de  longueur.  Sa  graine  a  des  enveloppes  membraneuses,  et  un  gros 
embryon  ovoïde,  charnu,  aromatique.  Ses  cotylédons  sont  presque  hémisphé- 
riques et  se  touchent  par  une  large  surface  plane.  Vers  leur  base,  ils  se  prolon- 
gent au-dessous  de  leur  point  d'insertion,  de  manière  à  former  par  leur  rappro- 
chement un  étui  complet  à  la  radicule;  ils  descendent  ainsi  au  delà  de  son  sommet. 
Le  L.  nohilis  paraît  originaire  de  l'Asie  Mineure  ;  il  est  abondant  à  l'état  spontané 
sur  les  côtes  de  la  Méditerranée,  et  il  est  cultivé  dans  la  plupart  des  jardins;  c'est 
à  peine  s'il  supporte  les  rigueurs  des  hivers  de  Paris. 

Les  principales  plantes  médicinales  autrefois  rapportées  au  genre  Laurus  sont 
les  suivantes. 

Le  Laurus  Benzoln  L.  est  un  Benzoin  ou  Lindera. 

Le  L.  Camphpra  L.  est  le  type  du  genre  Camphrier. 

Le  L.  Cassia  L.  est  un  Litsœa,  et  la  plante  à  laquelle 
Burmanu  a  donné  le  même  nom  est  un  Cannellier. 

Le  L.  Cinnamomum  est  le  type  du  genre  Cannellier. 

Le  L.  Cidilaivan  est  un  Cannellier. 

Le  L.  Ciibeba  Looa.  est  un  Tetranthera. 

Lei.  cupidaris  L.uni  est  un  Mespilodaphne.  \  Voy.  tous  ces  mots. 

Le  L.  glauca  Thg  est  un  Litsœa. 

Le  L.  involucrata  Vaiil  est  un  Litsœa. 

Le  L.  Malabathriun  est  un  Cannellier. 

Le  L.  Persea  L.  est  le  type  du  genre  Avocatier. 

Le  L.  Pichurim  est  un  Aydendron. 

Le  L.porrecta  Roxb.  est  un  Cannellier. 

Le  L.  Sassafras  L.  est  un  Sassafras. 

Beaucoup  d'arbres  employés  en  médecine,  et  qui  ont  plus  ou  moins  le  feuillage 
des  Lauriers,  en  ont  aussi  reçu  le  nom;  ils  appartiennent,  à  d'autres  genres,  ou 
même  à  des  tarailles  tout  à  fait  distinctes. 

Le  Laurier  rouge  de  Bourbon  est  un  Nectandra,  ainsi 
que  celui  de  la  Martinique;  c  est  VAsakana  des  Caraïbes. 
On  donne  encore  ce  nom  aux  Fra7igipaniers. 

Le  L.  Alexandrin  est  un  Fragon. 

Le  L.  Cerise  ou  L.  Amande,  L.  Amandier,  L.  impé- 
rial, L.  de  Tre'bizonde,  est  un  Prunier.  {Voy.  ce  mot.) 

Le  L.  des  Iroquois  est  un  Sassafras. 

Le  L.  Putiet  et  le  L.  de  Portugal  sont  des  Pruniers. 

Le  L.  Piose  est  un  Nerimn. 

Le  L.  de  Saint-Antoine  est  un  Epilobe. 

Le  L.  sauvage,  un  Cirier. 

Le  L.  Tin,  un  Viorne. 

Le  L.  Tulipier,  un  Magnolia.  H.  Bn. 


Voy.  tous  ces  mots, 


50  LA.URIER  (umploi  médical). 

TocRN.,  Inst.  rei  herb.,  597,  t.  367.  —  L..  Hort.  CUffort.,  55.  —  Bauhi\  (C),  Pinax, 
460.  —  G;Er,TN.,  Fmct.,  U,  68,  t.  92.—  Nées  d'Esenceck,  Sijst.  Laurin.,  502,  579.— 
Sciiituim,  Hanclb.,  t.  110.  —  Nées  '^Fr.),  Gen.  fl.  german.,  fasc.  7,  icon.—  Sibth.,  FI.  grœc, 
t.  565.  —  DuiiAsi.,  Ârhr.,  I,  550,  t.  134,  155.  —  Webb,  Phytogr.  canar.,  III,  229,  t.  20i. — 
Blackw.,  Hcrb.,  t.  175.  —  Esdl.,  Gen.,  n.  2061.  —  Meissn.,  Gen.,  527  (259),  et  ap.  DC. 
Prod.,  X.,  sect.  1,  235.  —  Mér.  et  Del.,  Dict.,  IV,  61.  —  Ducu..  Répert.,  57.  —  Rich.  (A.), 
in  Dict.  de  méd.  (en  30  vol.),  XVII,  594  ;  Elém.,  éd.  4,  I,  287.  —  Guib.,  Drog.  simpL,  éd.  4, 
II,  563.  —  MoQ.,  Bot.  mcd.,  234.  — Pereira,  Elem.  Ma<.  med.,  éd.  I,  II,  p.  4,  463,  — 
Li.NDL.,  Fl.  med.,  540.  —  Rosenth.,  Syn.  pi.  diapli-,  236.  H.  En. 

§11.  Emploi  médical.  Ainsi  qu'on  vient  de  le  voir,  la  botanique  ne  retient 
plus  aujourd'hui,  dans  le  genre  laurier,  qu'une  seule  espèce  médicinale.  Mais 
d'autres  espèces  distraites  de  ce  genre  ayant  conservé  en  matière  médicale  le  nom 
àe  lauriers,  nous  sommes  forcés  de  nous  en  occuper  ici.  Nous  ne  parlerons  que 
de  ceux  de  ces  lauriers  qui  offrent  un  intérêt  véritable  au  point  de  vue  de  la  ma- 
tière médicale. 

I.  Laurier  commcn  (Laurus  nobilis  en  grec,  §àu,Tn).  On  connaît  la  gracieuse 
fiction  mythologique  qui  lui  a  valu  ce  nom,  et  le  culte  en  quelque  sorte  supersti- 
tieux que  les  anciens  professaient  pour  cet  arbre.  Il  serait  en  dehors  de  notre 
sujet  de  nous  en  occuper,  si  quelques-unes  de  ces  idées  n'accusaient  une  notion 
de  certaines  propriétés  hygiéniques  ou  médicamenteuses  attribuées  à  ce  végétal. 
On  lui  accordait  une  action  purificatrice  ;  les  temples  d'Apollon  en  étaient  en- 
tourés ;  on»  représentait  Esculape  le  front  ceint  d'une  couronne  de  laurier;  on  se 
servait  de  sa  fumée  pour  assainir  les  étables  ;  on  le  considérait  comme  un  alexi- 
tère  puissant,  comme  un  préservatif  assuré  contre  les  morsures  virulentes  ou  ve- 
nimeuses et  contre  les  maladies  contagieuses.  L'article  que  Loiseleur-Deslong- 
champs  et  Marquis  ont  consacré  au  laurier,  article  tout  imprégné  de  cette  élé- 
gante érudition  classique  que  nous  avons  trop  désapprise,  a  réuni  sur  les  idées 
que  les  anciens  professaient  pour  cet  arbre  des  détails  d'un  grand  intérêt,  et  nous 
ne  pouvons  que  renvoyer  le  lecteur  au  volume  du  Bict.  des  sciences  médicales 
qui  les  renferme.  [Bict.  des  se.  méd.,  1818,  t.  XXVII,  p.  315.) 

Les  feuilles  et  les  baies  de  laurier  sont  les  parties  de  cette  plante  qui  sont  em- 
ployées en  médecine.  Les  feuilles  ont  une  saveur  amère,  piquante  et  une  odeur 
aromatique  qu'elles  doivent  à  l'existence  d'une  huile  essentielle  qui  se  retrouve 
également  dans  les  baies.  Celles-ci  ont  une  odeur  plus  fragrante  que  les  feuilles. 
Elles  contiennent  deux  huiles  ;  l'une  grasse,  l'autre  volatile,  et  de  plus  du  laurin 
ou  camphre  de  laurier.  Bonastre,  analysant  ces  baies  en  1824,  y  a  trouvé  les  prin- 
cipes suivants  :  huile  essentielle,  0,8;  laurin,  1  ;  huile  grasse,  12,8  ;  cire,  7,1  ; 
résine,  1,6;  sucre  incristallisable,  0,4;  extractif,  17,2  ;  bassorine,  6,4;  amidon, 
25,2  ;  ligneux,  18,8  ;  albumine,  traces  ;  principe  acide,  0,1  ;  eau,  6,4  ;  sels,  1,5. 
Les  cendres  pesant  1,2  consistent  en  carbonate  de  potasse  et  en  carbonate  et 
phosphates  de  chaux.  (Pereira,  vol.  II,  p.  I,  p.  464.) 

L'huile  volatile  de  laurier  est  très-soluble  dans  l'alcool  et  dails  Téther  ;  elle  A 
pour  formule  C'^^IP^O.  Le  camphre  ou  laurin  s'obtient  des  baies  en  les  traitant 
par  l'alcool  rectifié.  L'huile  fixe  s'obtient  par  l'expression  des  baies  sèches  oU 
traîches  {op.  cit.). 

Ce  dernier  produit  est  lé  seul  qui  intéresse  la  matière  médicale.  On  a  suivi  divers 
procédés  pour  préparer  l'huile  de  laurier.  Celui  de  Duhamel  consiste  à  broyer  les 
baies  dans  un  mortier  et  à  les  faire  bouillir  ;  l'huile  surnage.  Si  les  baies  sont 
sèches,  on  les  pulvérise,  on  les  soumet  à  la  vapeur  d'eau  pour  les  ramollir,  et  ou 
les  exprime  entre  des',  plaques  métalliques  chauffées.  Soubeiran,   qui  a  décrit  ce 


LAURIER  (emploi  médical).  3] 

procédé  et  qui  l'a  appliqué,  a  retiré  100  grammes  d'huiles,  pour  1  kilogramme 
de  baies,  c'est-à-dire  le  10"  eu  poids  et  non  le  5S  comme  l'établit  Pereira.  Le  pro- 
cédé décrit  par  Maingault  {Biillet.  de  th.,  t.  XIV,  1855,  p.  525)  ne  lui  a  fourni 
qu'un  15^  d'huile. 

Cette  huile  de  laurier,  qui  nous  vient  de  Trieste  enfermée  dans  des  barils,  est 
verte,  odorante,  limpide,  d'un  goût  amer,  soluble  dans  l'alcool  qui  lui  ôte  sa 
couleur,  saponiflable.  Elle  est  siccative,  elle  s'épaissit  progressivement  jusqu'à 
prendre  une  consistance  de  graisse;  elle  a  alors  une  couleur  jaune  paille. 

Peveira  {op.  cit.,  p.  465)  décrit  sous  le  nom  d'0/ei<?7i  lauri  œtliereum  nativum 
ou  huile  naturelle  éthérée  de  laurier,  un  médicament  huileux  qui  vient  deDémé- 
rari,  et  que  l'on  obtient  en  incisant  l'écorce  d'une  sorte  de  laurier  appelé  par  les 
Espagnols /Ixeîte  de  Sassafras  (obvier  de  sassafras).  Il  n'est  pas  très-certain 
qu'elle  ait  cette  origine  botanique;  c'est  une  huile  transparente,  à  odeur  de  té- 
rébenthine mélangée  du]  parfum  du  citron  ;  elle  a  des  propriétés  excitantes  diu- 
rétiques et  diaphorétiques  ;  on  l'emploie  dans  les  paralysies,  les  rhumatismes, 
les  engorgements  articulaires,  etc. 

Les  baies  et  les  feuilles  de  laurier  ont  une  action  stimulante  et  apéritive.  La 
]  ropriété  que  leur  attribuaient  les  anciens  de  permettre  aux  buveurs  d'éviter 
l'ivresse  parait  parfaitement  apocryphe;  elles  ne  la  justifient  pas  mieux  que  le  re- 
proche d'ctre  abortive  qui  luiaété  aussi  adressé.  Dioscoride  cité  par  Oribase (AfecL 
colled.,  lib.  XI,  D)  attribue  aux  feuilles  vertes  une  action  astringente,  et  tes  con- 
sidère comme  vomitives  :  «  Pota  stomachum  subvertunt  et  vomitum  cient.  »  Plus  loin 
il  parle  de  la  poudre  de  l'écorce  employée  dans  du  vin  contre  les  calculs  hépati- 
ques (lib.  II,  Ad  Eunapium).  Nicolas  Myrepsus  recommandait  les  baies  de  laurier 
contre  la  toux  (De  antidot.,  sect.  prima,  cap.  ccci.xv),  affirmation  vague,  mais 
dont  on  se  rend  compte  en  rapprochant  sous  ce  rapport  le  laurier  de  certaines  Labiées 
amères  avec  lesquelles  il  doit  avoir  en  effet  une  grande  ressemblance  thérapeu- 
tique. Enfin  Actuarius  a  résumé  aphoristiquement  les  propriétés  qu'il  attribuait 
au  laurier  dans  la  phrase  suivante  :  «  Medicamentum  e  baccis  lauri  ad  stomachicos, 
aqua  intercute,  laborantes,  ischiadicos,  lienosos.  »  (De  Meth.  nied.,  lib.  YI  ;  De  em- 
plastris  vudagmatis  et  Unimentis .)  L'avant-dernière  de  ces  indications  est  à  peu 
près  la  seule  qu'on  lui  reconnaisse  aujourd'hui. 

L'action  carminative  du  laurier  peut  être  admise  par  analogie;  c'est  un  con- 
diment acre  et  aromatique  dont  ou  fait  un  usage  habituel  dans  nos  cuisines,  et  qui 
peut  en  effet  stimuler  utilement  l'estomac  et  combattre  l'atonie  de  cet  organe  et  la 
flatulence  qui  en  est  la  suite.  Les  propriétés  emménagogues  du  laurier  ont  été 
admises,  mais  elle  sont  à  démontrer. 

Les  préparations  de  laurier  s'emploient  surtout  à  l'extérieur  pour  stimuler  la 
peau,  résoudre  les  engorgements  indolents,  réveiller  la  sensibilité  des  parties 
frappées  de  paralysie,  et  aussi  pour  détruire  \espediculi  capitis. 

Les  baies  de  laurier  entrent  dans  la  composition  du  baume  de  Fioravcnti  em- 
ployé, comme  on  sait^  contre  le  rhumatisme,  les  paralysies,  les  engelures,  etc.  Enfin 
ou  se  sert  quelquefois  des  feuilles  pour  la  préparation  d'un  bain  aromatique  parti- 
culier. 
IL  Laurieb  Sass.4.fr.\s.  {yoij.  Sassafras.) 

III.  Lauëus  Persea.  [Voy.  Avocatier.) 

IV.  Laurier  Cannelle.  {Voy.  Cannellier.) 

V.  Laurier  Camphrier.  [Voy.  Camphre.) 

VL  Laurier  Casse  {Laurus  Cassia,  Cinnamomum  Cassla.)  Cet  arnre,  origi- 


35>'  LAURIER  (emploi  médical), 

iiaire  de  la  Chine  et  cultivé  à  Java,  fournit  à  la  matière  médicale  :  ïécorce  de 
cassia  et  les  fleurs  ou  clous  de  cassia. 

1"  L'écorce  nous  vient  de  la  Chine,  de  la  côte  de  Malabar,  de  Manille  ou  de 
Maurice.  Analysée  par  Bucliolz,  elle  a  donné  :  huile  essentielle,  0,8;  résine,  4,0; 
gomme,  principe  astringent  et  extractif,  14,6  ;  ligneux  et  bassorine,  64,5  ;  eau 
et  perte,  16,5. 

Quand  on  traite  une  décoction  d'écorce  de  laurier  casse  par  le  sesquichlorure  de 
fer,  la  liqueur  noircit  par  suite  de  la  formation  d'un  tannate  de  fer;  avec  la  géla- 
tine il  se  produit  aussi  un  précipité  ;  la  teinture  d'iode  la  bleuit,  ce  qui  la  dis- 
tingue d'une  décoction  d'écorce  de  cannelle. 

2"  Les  clous  ou  boutons  de  laurier  casse  proviennent  très-vraisemblablement 
du  même  arbre  que  l'écorce.  Ils  nous  viennent  de  Canton.  Ils  renferment  une 
essence  et  du  tannin. 

Le  laurier  casse,  très-anciennement  connu  comme  bois  de  parfum  chez  les  Hé- 
breux, a  été  employé  à  titre  de  médicament,  par  Hippocrate,  Dioscoride,  etc.  Au- 
jourd'hui son  usage  est  très-borné  en  Angleterre,  et  il  est  nul  chez  nous.  Les 
médecins  anglais  se  servent  de  l'huile  essentielle  de  casse  à  la  dose  de  1  à 
4  gouttes;  de  l'eau  de  casse  obtenue  en  distillant  de  l'eau  alcooUsée  sur  l'écorce 
et  qu'ils  emploient  comme  véhicule  de  potions  stimulantes,  et  enfin  de  la  teinture 
de  casse.  Celle-ci  se  donne  à  la  dose  de  1  à  2  gros  dans  des  boissons  toniques. 

Le  malabathrum  est  rapporté  par  quelques  auteurs,  à  tort,  paraît-il,  au 
laurier  casse.  {Voy.  la  Botanique  du  mot  Malabathrum).  Quoi  qu'il  en  soit,  cette 
substance  si  recherchée  des  anciens  à  cause  de  son  parfum,  et  qui  était  employée 
chez  eux  à  titre  de  médicament,  est  complètement  tombée  en  désuétude. 

VIL  Lacrier  cuulawan  ou  Beeberu  {Laurus  Culilawan  de  L.).  C'est  Varhreà 
cœur  vert  des  Anglais  {green  heart  treé)  ou  Bibiru  ou  Beeberu,  car  l'orthographe 
de  ce  mot  n'est  pas  encore  fixée.  C'est  un  arbre  de  la  Guyane  anglaise.  Son  bois 
très-dur  et  très-lourd  s'enfonce  dans  l'eau  et  est  susceptible  de  prendre  un  beau 
poli  ;  il  paraît  à  peu  près  incorruptible.  Les  tourneurs  anglais  lui  ont  donné  le  nom 
de  bois  au  cœur  vert  {green  heart  wood) .  Pereira,  qui  a  consacré  à  ce  médicament 
un  article  très-étendu  a  décrit  ainsi  l'écorce  de  cet  arbre  :  «  L'écorce  de  bibiru  ou 
beeberu  {cortex  bibiru)  se  tire  du  tronc.  Elle  se  présente  sous  l'aspect  de  mor- 
ceaux considérables,  très-lourds  et  plats,  ayant  1  à  2  pieds  anglais  de  long,  2  à 
6  pouces  de  large,  et  5  à  4  hgnes  d'épaisseur.  Elle  est  recouverte  extérieurement 
d'un  épidémie  caduc,  gris  brunàti-e  ;  elle  a  en  dedans  la  couleur  de  cannelle 
brune;  sa  cassure  est  fibreuse,  sa  saveur  est  amère,  très-forte  et  persistante, 
avec  astringence  marquée  ;  elle  n'est  ni  aromatique,  ni  acre,  ni  piquante  (Pe- 
reira, vol.  II,  part.  I,  467). 

Signalées  en  1769  par  Bancroft,  les  propriétés  thérapeutiques  du  beeberu  ont 
été  principalement  étudiées  par  le  docteur  Roder  ou  Rodie,  chirurgien  de  la  ma- 
rine anglaise,  qui,  en  1854,  signala  l'analogie  médicamenteuse  de  la  beeberiiie  et 
de  la  quinine.  Le  nom  de  nectandra  Rodei  donné  au  beeberu  par  quelques  bota- 
nistes a  consacré  le  souvenir  des  recherches  de  ce  médecin. 

L'écorce  et  les  graines  de  cet  arbre  ont  été  analysées  par  Maclagan  qui  y  a  si- 
gnalé l'existence  de  deux  alcaloïdes,  la  beeberine  et  la  sipirine;  mais  un  examen 
plus  attentif  permit  de  reconnaître  que  le  second  n'était  qu'un  produit  de  l'oxy- 
dation du  premier.  Cet  alcaloïde  y  est  associé  à  une  résine,  du  tannin,  de  l'a- 
midon, du  ligneux,  etc.  Il  existe  dans  les  proportions  de  2,50  environ  p.  100. 
La  beeberine  est  une  substance  incristallisable,  jaune,  amorphe,  d'aspect  réii- 


LaDPiIER   (emploi  médical).  53 

neux,  mais  elle  devient  blanche  quand  elle  est  réduite  en  poudre;  elle  est  très- 
soluble  dans  l'alcool,  moins  dans  l'éthev  et  très-peu  dans  l'eau.  Sa  dissolution 
alcoolique  a  une  réaction  alcaline.  Elle  se  dissout  dans  les  acides,  et  forme  avec 
eux  des  sels  jaunes  amorphes.  On  avait  prétendu  que  la  beeberine  avait  la  même 
formule  que  la  morphine,  dont  elle  n'était  qu'une  modification  isomérique.  L'a- 
nalyse de  Planta  lui  assigne  la  composition  suivante  :  C^^H'^Az^O®.  On  la  retire  du 
sons-sulfate  de  beeberine  obtenu  lui-même  par  un  procédé  analogue  à  celui  à 
l'aide  duquel  on  prépare  le  sulfate  de  quinine.  La  beeberine  forme  avec  l'acida 
sulfurique  deux  sels  :  le  sulfate  neutre  (Bi  SO^)  et  le  sous-sulfate  (2Bi  SO^).  Ce 
dernier  est  le  seul  employé;  il  est  très-amer,  soluble  dans  l'alcool,  légèrement 
soluble  dans  l'eau  froide  ;  sa  solubilité  dans  ce  liquide  est  favorisée  par  l'addition 
d'acide  sulfurique.  {Voy.  Pereira,  loc.  cit.,  pasfiim.) 

Le  travail  du  docteur  Douglas  Maclagan  lu  devant  la  Société  royale  d'Edimbourg, 
en  ISiô,  c'est-à-dire  neuf  ans  après  les  recherches  de  Roder,  fixa  d'une  manière 
particulière  l'attention  des  médecins  sur  cette  substance  intéressante,  et  en  1850, 
un  autre  médecin  anglais,  le  docteur  Stratton,  consigna  dans  VEdinhurgh  Médical 
Journal  le  résumé  des  résultats  qu'il  avait  obtenus  de  la  beeberine  employée  comme 
fébrifuge  dans  le  cours  d'un  voyage  d'émigration.  Dès  lors,  on  conçut  l'espoir 
d'avoir  trouvé  un  succédané  du  sulfate  de  quinine  aussi  efficace  que  ce  médica- 
ment et  beaucoup  moins  dispendieux.  Des  faits  empruntés  à  Anderson,  Ewatt, 
Bennet,  Simpson,  etc.,  vinrent  confirmer  ces  espérances;  ce  médicament  devint 
d'un  usage  assez  répandu  en  Ecosse,  et,  en  1851 ,  Becquerel  fit  connaître  au  pu- 
blic médical  français  dans  le  Bulletin  général  de  thérapeutique  {Note  sur  l'em- 
ploi du  sulfate  de  beeberine  dans  le  traitement  des  fièvres  intermittentes  ;  m 
Bullet.  de  th.,  t.  XLI,  p.  295,  1851)  les  résultats  auxquels  l'avaient  conduit  ses 
essais  sur  ce  nouveau  fébrifuge.  Sept  cas  de  fièvre  intermittente  ont  été  traités 
par  le  sulfate  de  beeberine,  et  ont  cédé  après  une  administration  de  Os^SO  à 
2  grammes  du  sel,  répétée  pejidant  un  nombre  de  jours  qui  a  varié  de  1  à  4. 
L'auteur  conclut  à  la  idéalité  de  l'action  fébrifuge  du  sulfate  de  beeberine,  et  fait 
ressortir  la  modicité  du  prix  de  ce  médicament  qui  ne  coûte  environ  que  le  quart 
du  sull'ate  de  quinine.  Ce  serait  là  une  condition  fort  avantageuse,  si  la  beeberine 
avait  les  mômes  vertus  que  la  quinine.  Or,  il  faut  remarquer  qu'on  est  placé  sur 
un  mauvais  terrain  à  Paris  pour  expérimenter  un  fébrifuge.  Les  fièvres  intermit- 
tentes y  sont  peu  tenaces,  et  elles  tendent  d'elles-mêmes  à  la  guérison.  Il  aurait 
fallu  reprendre  ces  essais,  et  sur  une  large  échelle,  dans  des  localités  maréca- 
geuses. Or  je  ne  sache  pas  que  ce  médicament  ait  été  essayé,  ni  dans  les  colonies, 
uidans  les  provinces,  telles  que  la  Bresse,  la  Saintonge,  etc.,  où  règne  le  palu- 
disme. On  a  si  souvent  annoncé  la  fin  du  règne  de  la  quinine,  et  son  remplacement 
par  un  autre  alcaloïde  que  l'annonce  d'un  nouveau  succédané  est  accueillie  avec 
un  certain  scepticisme.  Il  est  plus  prudent  de  compter  sur  la  fiibrication  arlifi- 
cielle  de  la  quinine,  progrès  dont  la  chimie  n'est  pas  ti'ès-loin,  et  qu'elle  réalisera 
un  jour,  il  est  permis  de  l'espérer. 

Les  doses  du  sulfate  busique  de  beeberine  sont  les  mêmes  que  les  doses  fébri- 
fuges de  la  quinine  de  0s'',6  à  1  gramme.  On  l'emploie  en  pilules  ou  en  solution 
aqueuse  obtenue  à  l'aide  de  quelques  gouttes  d'acide  sulfurique  et  avec  addition 
de  sirop  d'écorces  d'oranges  amères. 

La  poudre  de  l'écorce  serait  probablement  susceptible  de  toutes  les  préparations 
auxquelles  on  soumet  l'écorce  de  quinquina,  mais  on  no  s'est  occupé  jusqu'ici  que 
di;  sulfate  de  beeberine. 

mcT.  EKc.  2'  s.  II.  7) 


'ai  LAlJFiIER   (emi'Loi  médical). 

En  résumé,  s'il  n'est  pas  possible  de  nier  la  valeur  de  la  beeberine  comme  fé- 
brifuge, elle  n'est  assez  active,  ni  assez  sûre  pour  qu'on  la  substitue  à  la  quinine 
dans  les  cas  d'accès  qui  s'éloignent  des  cal'actères  d'une  simplicité  absolue.  {Bullet. 
deth,  t.  LXVIU,  p.  69.) 

Un  médecin  aiigkis,  H.  LIewellyn  Williams,  a  proposé  de  substituer  le  sul- 
fate de  beeberine  au  sulfate  de  quinine  dans  le  traitement  de  l'ophthalmie  scro- 
fuleuse.  J'ai  cherché  à  démontrer,  dans  un  travail  publié  il  y  a  quelques  années, 
Du  caractère  névralgique  de  la  photophobie  qui  complique  certaines  ophthalmies, 
notamment  l'ophtalmie  phlyctémdaire  et  de  son  traitement  par  le  sulfate  de 
quinine  [Bidl.  de  the'r.,  t.  LXVIH,  1865,  Phlyctémdaire),  l'action  très-remar- 
quable que  ce  dernier  médicament  exerce  contre  la  photophobie  liée  à  l'oph- 
thalmie phlycténuiaire  des  enfants  scrofuleux,  action  du  reste  admise  par 
Lawrence,  Mackensie,  Quadri,  Deval.  Le  sulfate  de  beeberine  a-t-il  la  même 
efficacité?  C'est  possible,  mais  il  faut  le  démontrer  par  des  observations  bien 
faites. 

Je  signalerai  enfin  l'emploi  du  sulfate  de  beeberine  contre  la  diarrhée.  Le  docteur 
Clarence  Matthews,  qui  a  publié  à  ce  sujet  une  note  dans  le  journal  the  Lancet 
(septembre  1854),  n'émet  que  des  assertions  assez  vagues  et  dont  la  sévérité  clinique 
s'accommode  mal.  Qu'on  s'en  tienne  à  l'action  fébrifuge,  c'est  assez  pour  le 
moment.  Au  reste,  la  beeberine  n'a  guère  pris  en  France,  car  je  ne  sache  pas  que 
depuis  1851,  c'est-à-dire  depuis  le  mémoire  de  Becquerel,  rien  ait  été  publié  chez 
nous  relativement  à  cet  alcaloïde.  Trop  d'enthousiasme  d'abord,  trop  d'indifférence 
ensuite,  c'est  l'histoire  invariable  de  toutes  les  nouveautés  thérapeutiques. 

VIII.  Laueier  pichof.im  (Ocotea/)ic/m>'im  Humboldt  et  Bonpland).  C'est  le  &oJs 
d'anis.  Cet  arbre,  qui  croît  sur  les  bords  de  l'Orénoque,  donne  une  écorce  décrite 
jadis  par  Murray  sous  le  nom  à' écorce  de  Pichurim  et  des  semences  appelées  fèves 
pichurim  ou  noix  de  sassafras. 

La  lève  de  pichurim  se  présente  sous  deux  états  ;  i'une  est  la  fève  pichurim 
vraie,  l'autre  est  la  fève  pichurim  bâtarde.  Son  odeur  est  intermédiaire  entre 
celle  de  la  muscade  et  du  sassafras.  Substance  aromatique,  susceptible  de  servir 
comme  parfum,  mais  ayant  été  peu  étudiée  au  point  de  vue  médical, 

IX.  Laurier  raveksaiîa  ou  7ioix  de  girofle. 

X.  Laurier  cerise.  {Prunus  lauro-cerasus),  prunier  laurier-cerise,  laurier' 
amande,  laurier  au  lait,  etc.  La  première  de  ces  désignations  lui  vient  de  la 
ressemblance  de  ses  feuilles  avec  celles  du  laurier,  la  seconde  de  l'odeur  d'amandes 
amères  qu'exhalent  presque  toutes  ses  partiel,  notamment  ses  fleurs  ;  la  troisième 
de  l'usage  vulgaire  que  l'on  fait  de  ses  feuilles  pour  communiquer  au  lait  un 
orome  agréable. 

Le  laurier-cerise  constitue  un  médicament  fort  important  dans  le  groupe  des 
CvANiQUES.  (Voy.  ce  mot.)  Il  est  en  effet  le  plus  maniable  et,  si  on  savait  toujours 
s'en  servir  convenablement,  il  pourrait  remplacer  toutes  les  autres  formules  à  base 
de  cyanogène  ;  de  plus,  l'école  pliarmacologiquc  italienne  lui  a  attaché  une  impor- 
tance toute  particulière  en  en  faisant  en  quelque  sorte  le  type  de  ses  hyposthér.i- 
sants  cardiaco-vasculaires  ;  sa  posologie  est  extrêmement  délicate  et  exige  une 
•xttention  très-grande,  enfin  son  histoire  toxicologique  offre  un  intérêt  réel;  toutes 
ces  considérations  justifieront,  je  l'espère,  rimportance  que  je  vais  donner  à  son 
étude. 

a.  Pharmacologie.  Les  feuilles  du  laurier-cerise  ont  été  analysées,  il  y  a  une 
trentaine  d'années,  par  Winkler,  qui  y  a  constaté  de  l'acide  prussique,  une  huile 


LAURIER  (emploi  médical).  35' 

essentielle,  de  la  chlorophylle  et  un  principe  protéique  particulier  analogue  à 
l'amygdaline  et  qui,  mis  au  contact  de  l'émulsine  des  amandes  douces,  de  l'eau 
et  d'une  température  convenable,  dégage  l'odeur  d'amandes  amères.  Si  on  traite 
ces  feuilles  par  l'alcool  absolu,  on  leur  enlève  cette  sorte  d'amygdaline  et  le  résidu 
du  traitement  agit  à  la  manière  de  l'émulsine  sur  l'amygdaline  des  amandes 
amères;  d'où  la  conclusion  que  l'huile  essentielle  de  laurier-cerise  se  produit  de 
la  même  façon  que  l'huile  essentielle  d'amandes  amères.  Toutefois  si  on  s'en  rap- 
porte aux  recherches  de  Lepage  (de  Gisors),  l'acide  prussique  et  l'huile  essentielle 
de  laurier-cerise  existent  tout  formés  dans  les  feuilles  fraîches  du  végétal.  Sou- 
beiran  a  fait  remarquer  {Bullet.  de  th.,  t.  VII,  1854,  p.  oo4)  que  l'huile  essen- 
tielle de  laurier-cerise  est  rarement  un  corps  identique  dans  sa  composition,  que 
c'est  un  mélange  en  proportions  variables,  d'essence,  d'acide  prussique  et  peut-être 
aussi  d'un  autre  principe  cyanique  particuHer.  Sa  formule  est  C-''H^''.  Elle  est 
blanchâtre,  concrète,  acre,  presque  toujours  mélangée  d'une  certaine  quantité 
d'acide  cyanhydrique. 

L'eau  distillée  de  laurier-cerise  est  la  plus  usitée  des  formes  de  ce  médicament. 
Son  mode  de  préparation  et  sa  composition  ont  été  l'objet  de  travaux  très-nom- 
breux, ce  qui  se  conçoit  quand  on  songe  à  l'instabilité  d'action  de  ce  médicament, 
dont  l'activité  peut  varier  dans  les  proportions  de  1  à  5,  si  ce  n'est  plus,  quand  il 
est  mal  préparé. 

On  connaît  deux  sortes  d'eau  distillée  :  l'eau  distillée  ordinaire  et  l'eau  cohobée  ; 
celle-ci,  obtenue  en  recommençant  plusieurs  fois  la  distUlation  de  l'eau  distillée 
sur  de  nouvelles  feuilles  fraîches,  est  extrêmement  active  parce  qu'elle  con- 
tient en  suspension  une  quantité  notable  d'essence  qui  lui  donne  quelquefois  un 
œil  laiteux.  L'eau  distillée  ordinaire  doit  seule  être  employée  pour  les  usages  médi- 
caux, et  encore  a-t-elle  une  composition  assez  variable  qui  paraît  dépendre  de  la 
localité  dans  laquelle  les  feuilles  ont  été  recueillies  et  de  la  saison  ;  c'est  ainsi  que 
touteschoses  égales  d'ailleurs,  l'eau  distiUée  de  laurier-cerise  préparée  en  Italie  est 
plus  active  que  celle  i-ecueillie  en  France  ;  celle  faite  en  juillet  et  août  qu'à  une  autre 
époque  de  l'année.  On  prétend  même  que  la  différence  d'activité  de  deux  eaux 
distillées  préparées  l'une  en  avril,  l'autre  en  juillet  peut  aller  jusqu'au  double, 
Garod  a  fait  à  ce  sujet  des  essais  qui  montrent  au  moins  le  soin  méticuleux  qu'il 
faut  apporter  dans  la  préparation  de  l'eau  distillée  de  laurier-cerise. 

Le  nouveau  Codex  est  entré  sur  ce  point  dans  des  détails  qui  ne  sembleront  pas 
superflus  et  les  pharmaciens  ne  devront  plus  s'écarter  du  procédé  qu'il  conseille. 

11  consiste  à  distdler  4000  grammes  d'eau  sur  1000  grammes  de  feuihes  de 
laurier-cerise  recueillies  de  mai  à  septembre.  Le  produit  de  la  distillation  doit  être 
de  1500  grammes  ;  la  liltration  à  travers  du  papier  mouillé  sépare  l'huile  essen- 
tielle suspendue  et  ne  laisse  que  celle  qui  est  en  dissolution  dans  l'eau.  On  titre 
la  quantité  d'acide  cyanhydrique  contenue  dans  cette  eau  distillée,  et  on  l'amène 
au  chiffre  de  50  mihigrammes  par  100  grammes  ou  d'un  demi-milligramme  par 
gramme  en  y  ajoutant  une  quantité  convenable  d'eau.  «  On  détermine  facilement 
le  titre  de  l'eau  de  laurier-cerise,  c'est-à-dire  la  proportion  d'acide  cyanhydrique 
qu'elle  contient  au  moyen  d'une  dissolution  titrée  de  sulfate  de  cuivre  contenant 
2os'',09  de  ce  sel  cristallisé  sur  1000  centimètres  cubes  et  en  opérant  de  la  manière 
suivante.  On  prend  un  petit  ballon  de  verre  à  fond  plat,  on  le  pose  sur  une  feuille 
de  papier  blanc;  on  y  verse  100  centimètres  cubes  d'eau  de  laurier- cerise  et 
10  centimètres  cubes  d'ammoniaque;  puis,  au  moyen  d'une  burette  divisée  en 
di.\ièmc?  de  ceatirnctre  cube,  on  ajoute  graduellement,  et  en  agitant  convenable- 


36  LAURIER   (emploi  MÉnicu,) 

meut  la  dissolution  titrée  de  sulfate  de  cuivre  jusqu'à  ce  qu'elle  cesse  de  se  déco- 
lorer entièromeut.  On  lit  alors  sur  la  burette  le  uombre  des  divisions  de  cette  liqueur 
que  l'on  a  employées.  Ce  uoinbre  exprime  très-exactement  eu  milligrammes  la  pro- 
portion d'acide  cyanliydrique  contenue  dans  les  -100  grammes  de  l'eau  de  laurier- 
cerise  soumise  à  l'expérience.  Si  donc,  pour  100  grammes  de  cette  eau,  ou  a  em- 
ployé 60  divisions  de  liqueur  titrée,  on  peut  en  conclure  qu'elle  contenait  sur 
100  grammes  60  milligrammes  d'acide  cyanbydrique  et  qu'elle  doit  être  étendue 
d'une  proportion  d'eau  suffisante  pour  la  ramener  au  titre  normal  de  50  milli- 
grammes par  100  grammes. 

«  Pour  connaître  la  proportion  d'eau  qu'il  faut  ajouter,  il  suffit  de  multiplier 
par  60  le  poids  de  l'eau  de  laurier-cerise  recueillie,  soit  1000  grammes  par 
exemple  et  de  diviser  le  produit  par  50;  le  quotient  l^OO  représente  la  quantité 
totale  d'eau  de  laurier-cerise  au  titre  normal  que  l'on  doit  obtenir  après  l'addition 
de  l'eau  distillée.  On  ajoute  en  conséquence  200  grammes  d'eau  distillée  aux 
1000  grammes  du  produit  et  l'on  a  ainsi  1200  grammes  d'eau  de  laurier-cerise 
normale  à  50  milligrammes  d'acide  cyanbydrique  pour  1000  grammes.  «  {Codex 
medicamentarms,  1866,  p.  413.) 

Deschamps  (d'Avallon)  a  proposé  d'ajouter  une  très-petite  quantité  d'acide  sul- 
farique  dans  un  flacon  d'eau  de  laurier-cerise  pour  maintenir  la  stabilité  de  sa 
composition.  La  filtration  de  celte  eau  et  le  titrage  de  l'acide  cyanbydrique  rendent 
cette  précaution  inutile.  Il  est  bon  de  ne  pas  niaintenir  débouchés  les  flacons  qui 
contiennent  cette  eau  distillée,  parce  qu'elle  perd  son  arôme  et  son  activité. 

L'eau  distillée  doit  être  parfaitement  transparente.  Le  nitrate  d'argent  ou  bien, 
après  addition  préalable  de  potasse,  l'action  du  sulfate  fcrroso-ferrique  et  d'une 
goutte  d'acide  sullurique,  y  révèlent  la  présence  de  l'acide  prussique.  Celle  de 
l'huile  volatile  y  est  décelée  par  l'agitation  avec  un  sixième  en  volume  d'ammo- 
niaque ;  il  s'y  forme  un  trouble  laiteux ,  (Dieu,  Traité  de  mat.  méd.  et  de  the'ra- 
veutique,  Paris,  1855,  t.  IV,  p.  755.) 

Les  feuilles  sèches  de  laurier-cerise  perdent  leur  arôme  par  le  fait  du  dégage- 
ment de  l'acide  prussique  et  de  l'huile  essentielle,  mais  leur  poudre  contient  les 
éléments  de  la  formation  d'une  nouvelle  quantité  de  ces  principes  quand  on  la 
place  dans  certaines  conditions. 

b.  Action  physiologique  et  toxique.  Nous  réunissons  intentionnellement  ces 
deux  études  parce  que  la  seconde  éclaire  dans  une  certaine  mesure  la  première. 
L'action  toxique  du  laurier-cerise  varie  suivant  qu'on  l'étudié  dans  les  feuilles  en- 
tières, dans  les  principes  qu'on  en  retire  ou  dans  sa  préparation  la  plus  usuelle, 
l'eau  distillée. 

L'usage  des  feuilles  de  laurier-cerise  pour  aromatiser  le  lait  a  quelquefois  pro- 
duit des  empoisonnements,  surtout  chez  les  enfants  très-jeunes.  Ingenhouz  avait 
vu  des  accidents  graves  se  manifester  par  l'effet  de  la  décoction  de  deux  de  ces 
feuilles  dans  du  lait.  Vater  cité  par  Loiseleur-Deslongcbamps  et  Marquis  [Dict.  des  se. 
méd.,  1818,  t.  XXVll,  p.  527,  art.  Laurier-cerise),  a\u  des  accidents  très-graves 
se  produire  chez  une  personne  qui  avait  pris  du  lait  dans  lequel  on  avait  laissé 
infuser  trois  ou  quatre  feuilles  ;  une  autre  personne  moins  impressionnable  en 
fut  quitte  pour  des  vertiges.  Il  faut  donc  y  regarder  de  près  et  ne  pas  prescrire, 
chez  l'adulte,  plus  d'une  feuille  pour  aromatiser  un  hquide. 

L'huile  essentielle  est  d'une  elfroyablo  toxicité,  qu'elle  ne  doit  pas  seulement  h 
l'acide  cyanbydrique  auquel  elle  est  mêlée  ;  elle  est  très-vénéneuse  par  elle-même 
au  même  titre  et  au  môme  degré  que  l'essence  d'amandes  amères.  Cette  essence 


LAUr.IKR   (emploi  médical).  37 

est  vendue  en  Italie  sons  ce  dernier  nom  ;  elle  est,  utilisée  dans  la  parrumorie  et 
aussi  dans  la  pâtisserie  à  titre  de  condiment,  et  ces  usages  économiques  et  indus- 
triels ont  été  la  cause  d'accidents  si  graves  que  le  débit  a  dia  à  une  certaine  époque 
en  être  interdit  en  Toscane.  Les  expériences  de  NichoUs  et  de  Fontana  ont  dé- 
montré la  lenible  énergie  de  celte  essence.  Le  dernier  de  ces  observateurs  a 
déterminé  la  mort  chez  un  chien  en  en  déposant  une  goulte  cà  la  surface  d'une 
plaie.  Les  accidents  très-rapides  développées  par  ce  poison  se  conlondent  du  reste 
coniplétemeut  par  leur  physionomie  avec  ceux  de  l'empoisonnement  par  l'acide 
cyanhydrique.  {Voij.  ce  mot.) 

Les  cas  les  plus  nombreux  d'empoisonnement  par  le  laurier-cerise  se  sont  pro- 
duits sous  l'influence  de  l'eau  distillée  et  surtout  de  l'eau  cohobée  qui  est  beaucoup 
plusactive  et  d'une  composition  beaucoup  plus  variable,  comme  nous  l'asonsdéjà 
ûil.Giacomim{Thér.  et  Mat.  médicAnEjîcjjclopédie  des  sciencesmé(L;lri\d.^lojon, 
Paris,  1859,  p.  128)  a  réuni,  dans  un  intérêt  doctrinal,  un  assez  grand  nombre 
de  laits  d'empoisonnement  par  l'eau  distillée  de  laurier-cerise,  entre  autres  celui 
observé  cà  DubUn  en  1728  et  dont  deux  femmes  furent  les  victimes;  l'une  d'elles 
avait  pris  50  grammes  environ  de  cette  eau  ;  le  fait  cité  par  Madden  qui  but  par 
erreur  une  certaine  quantité  d'eau  de  laurier-cerise  et  qui  succomba  ;  l'observa- 
tion recueillie  par  Fodéré  de  deux  personnes  qui,  à  Turin,  durent  la  mort  à  une 
erreur  de  même  nature  ;  celle  d'une  jeune  fille  à  laquelle  un  pharmacien  anglais 
fit  prendre  par  méprise  30  grammes  environ  d'eau  de  laurier-cerise,  et  qui  suc- 
comba rapidement.  Le  crime  n'a  pas  manqué  de  se  servir  de  celte  arme  et  l'An- 
glettrre  a  dii  à  ce  poison  un  de  ses  drames  judiciaires  les  plus  émouvants. 

Les  symptômes  observés  dans  quelques-uns  de  ces  accidents  et  ceux  recueillis 
dans  des  expériences  faites  intentionnellement  sur  les  animaux  par  Nichols,  Madden, 
Vater,  Fontana,  Rasori,  Orfila,  etc.,  ont  permis  de  constater,  sauf  l'intensité, 
l'analogie  des  accidents  toxiques  produits  par  le  laurier-cerise  et  l'acide  cyanhy- 
drique. Troubles  cérébraux,  vertiges,  titubation,  perte  de  connaissance,  accès 
couvulsifs  suivis  de  symptômes  de  paralysie  musculaire,  quelquefois  vomissement, 
respiration  enchaînée,  état  d'hyperesthcsie  générale,  refroidissement,  etc.,  tels  sont 
les  symptômes  diversement  groupés  que  développe  cet  empoisonnement  quand  il 
ne  revêt  pas  une  forme  trop  sidérante.  Le  traitement  varie  suivant  les  idées  doc- 
trinales en  vigueur  à  propos  de  l'action  interne  de  cette  substance.  Les  Italiens, 
voyant  dans  ses  effets  tous  les  signes  de  l'hyposthénisation  la  plus  énergique,  em- 
ploient des  stimulants  :  vin,  alcool,  alcool  de  cannelle,  éther,  etc.  On  peut  dire  qu'il 
n'y  a  pas  de  formule  absolue.  Un  empoisonnement  est  une  maladie  et,quand  on  a 
déféré  ii  l'indication  d'expulser  le  poison,  ou  quand  on  a  reconnu  que  cette  expul- 
sion n'est  plus  possible,  on  est  en  présence  d'une  maladie  et  les  moyens  à  mettre 
en  œuvre  sont  dans  la  tète  du  médecin  et  non  dans  un  formulaire.  Les  affusions 
froides  recommandées  par  Ilerbset,  constituent  le  moyen  dans  lequel  on  peut  avoir 
le  plus  de  confiance.  J'y  ajouterai  la  stimulation  faradique  de  la''peau  et  la  respi- 
ration artificielle.  Les  accidents  les  plus  pressants,  une  fois  conjurés,  les  indications 
les  plus  diverses  peuvent  surgir  et  il  n'y  a  pas  de  ligne  de  conduite  i\  tracer.  Les 
stimulants  et  les  antipblogistiques  peuvent  avoir  tour  à  tour  leur  utihté.  Cette 
conception  de  la  thérapeutique  des  empoisonnements  est  la  seule  qui  soit  vraiment 
clinique. 

Si  des  faits  toxiques,  qui,  il  faut  bien  l'avouer,  n'apprennent  pas  grand'chose 
sur  l'action  intime  des  agents  médicamenteux,  nous  passons  aux  faits  cliniques, 
nous  notons  au  nombre  des  symptômes  qui  ont  pu  être  attiibués  à  des  doses  me- 


.'a  LAURIER  (emploi   médical). 

dicamejîieuses  de  laurier-cerise,  de  la  pesanteur  de  tête,  des  vertiges,  un  état  de 
torpeur  des  facultés  intellectuelles,  de  la  tendance  au  sommeil  (Roux  de  Brignol- 
les,  Bullet  de  thch'ap.,  t.  111,  1852,  p.  197),  de  la  faiblesse  musculaire.  Ce  degré 
est-il  dépassé,  il  sufl-vient  des  troubles  digestifs  qui  paraissent  liés  à  l'impression 
subie'  par  les  centres  nerveux,  puis  tout  se  dissipe  au  bout  de  peu  de  temps,  et  il 
ne  se  produit  d'elïets  consécutifs  que  quand  la  dose  a  été  considérable.  Les  Italiens, 
se  fondant  sur  la  nature  présumée  hyposthénique  de  ces  symptômes,  sur  l'action 
antidotique  des  médicaments  stimulants,  et  sur  la  nature  inflammatoire  des  niala- 
diers  auxquelles  on  oppose  avec  succès  l'eau  de  laurier-cerise,  concluent  à  l'action 
contro-stimulante  de  celle-ci  et  en  font  un  hyposthén'isanl  cardiaco-vasculaire. 
Les  pharmacologistes  français  la  classent  dans  le  groupe  des  antispasmodiques. 
Nous  avons  dit,  à  propos  de  ces  médicaments  {voij.  ce  mot),  que  les  cyaniques  ou 
médicaments  à  base  de  cyanogène  se  rattachent  à  la  médication  stupéfiante  dif- 
fusible,  dont  ils  constituent  un  groupe  très-natm^el  et  très-important.  Nous  n'a- 
vons pas  à  revenir  sur  les  raisons  que  nous  avons  alléguées  pour  justitier  cette 
opmion.  {Voy.  Antispasmodiques  et  Cyaniques.) 

c.  Thérapeutique.  1"  L'eau  de  laurier-cerise  est  employée  à  cause  de  sou 
arôme  agréable,  comme  adjuvant,  dans  certaines  potions  nauséeuses  ;  elle  y  joue  le 
rôle  de  condiment  et  les  fait  tolérer  par  l'estomac.  C'est  à  ce  titre  qu'elle  intervient 
dans  les  formules  des  potions  stibiées.  Cependant,  il  est  bon  de  remarquer  que  les 
malades  se  lassent  assez  promptement  de  cette  odeur,  et  qu'il  faut  remplacer  l'eau 
de  laurier-cerise  par  une  autre  eau  distillée  aromatique,  sous  peine  de  produire  les 
elfets  nauséeux  qu'on  voulait  éviter. 

2°  Le  laurier-cerise  est  un  médicament  antispasmodique,  c'est-à-dire  qu'il  par- 
tage avec  un  grand  nombre  de  substances  volatiles  et  odorantes  la  propriété  d'in- 
fluencer vivement,  mais  passagèrement,  le  système  nerveux  dans  le  sens  de  la  dis- 
parition de  ces  troubles  fonctionnels  expressifs,  mais  habituellement  peu  pro- 
fonds, que  l'on  désigne  sous  le  nom  de  spasmes.  Les  antispasmodiques,  reconnais- 
sant, comme  tous  les  médicaments  qui  s'adressent  à  la  i'onctionnalité  nerveuse, 
l'influence  très-marquée  des  idiosyncrasies  et  des  habitudes,  on  ne  saurait  avoir 
une  gamme  trop  variée  de  ces  agents,  et  le  laurier-cerise  y  joue  un  rôle  réelle- 
ment utile.  Nous  n'avons  pas  à  parcourir  ici  la  liste  fastidieuse  des  troubles  spas- 
modiques  auxquels  le  laurier-cerise  peut  être  opposé  avec  plus  ou  moins  de  suc- 
cès. Le  lecteur  trouvera  d'ailleurs  cette  énumération  à  l'article  Antispasmodiques. 
{Voy.  ce  mot). 

5"  Mais  les  antispasmodiques  deviennent  en  même  temps  des  anesthésiques  ou 
des  stupéfiants  diffusibles  quand  leur  action  dépasse  luie  certaine  limite.  Les  huiles 
essentielles,  les  éthers,  les  alcools,  les  cyaniques,  un  certain  nombre  de  substaiif.es 
pyrogénées  volatiles,  jouissent  de  cette  propriété  conamune  quand  elles  sont  inlialées 
ou  mises  en  contact  avec  des  nerfs  douloureux,  d'engoui'dir  la  sensibilité,  ou  même 
de  l'éteindre,  si  l'action  est  poussée  suffisamment  loin.  L'empoisonnement  par 
l'acide  prussique  et  la  sidération  chloroformique  offrent  une  analogie  irrécusable. 
L'huile  essentielle  de  laurier-cerise  ne  la  rompt  en  rien.  Autour  de  cette  propriété 
se  rangent  certaines  applications  du  laurier-cerise  ;  telles  sont  :  son  emploi  contre 
les  crampes  douloureuses  de  la  gastralgie,  la  photophobie,  son  application  sur  les 
caries  ou  sur  certains  ulcères  pour  éteindre  des  douleurs  vives,  etc. 

4°  L'eau  de  laurier-cerise  dissipe  aussi  ou  calme  les  spasmes  musculaires,  d'où 
son  utilité  contre  les  diverses  névroses  convulsives,  les  vomissements  incoercibles, 
les  loux  nerveuses  spasmodiques,  mais  surtout  les  palpitations  du  cœur.  Fodéré  a 


LAURIER  (emploi  médical).  50 

surtout  insisté  sur  cette  iadicatioa.  L'article  Laurier-cerise  du  Dicl.  des  se. 
med.  {lûc.  cit.)  contient  le  fait  intéressant  d'un  soldat  qui,  atteint  de  fortes  pal- 
pitations de  cœur,  et  obligé  par  cet  état  à  un  repos  absolu,  guérit  sous  l'influence 
de  l'eau  de  laurier-cerise  prise  pendant  un  mois,  et  put  reprendre  son  service.  Cette 
action  sédative  cardiaque  du  médicament  est,  du  reste,  connue  des  gens  dumondc 
et  utilisée  par  eux.  On  a  recommandé  l'eau  de  laurier-cerise  dans  la  cardite; 
mais,  outre  que  le  diagnostic  de  cette  maladie  n'est  pas  aisé  à  établir,  il  faut  au 
préalable  établir  l'opportunité,  et  elle  n'existe  pas  toujours,  d'une  sédatiou  des 
mouvements  du  cœur. 

5"  L'école  pliarmacologique  italienne  a  beaucoup  insisté  sur  l'action  hypostbé- 
nisante  de  l'eau  de  laurier-cerise,  et  l'a  opposée  à  ce  titre  à  toutes  les  maladies  in- 
flammatoires ou prcsinnées  inflammatoires.  Lecadrenosologiqueya,  bien  entendu, 
passé  tout  entier.  Borda,  Brera  et  Tommasini  ont  surtout  employé  ce  médicament 
à  titre  à'hyposthénisant,  c  esi-h-àire  d'antiphlogistiqiie  indirect,  et  il  a  eu  le  singu- 
lier bonneur  d'inaugurer  la  révolution  pbarmacologique  italienne.  On  sait  l'Iiis- 
ton-edu  fermier  de  Borda.  Une  pneumonie  guérie  solennellement  par  l'eau  de  lau- 
rier-cerise, en  présence  d'une  clinique  nombreuse,  était  un  événement  au  com- 
niencepient  de  ce  siècle  ;  il  offrirait  moins  d'intérêt  et  de  signification  aujourd'bui 
que  l'on  connaît  les  tendances  spontanées  vers  une  terminaison  favorable  qu'af- 
fecte la  pneumonie  simple  et  franche,  chez  des  sujets  jeunes  et  surpris  par  cette 
maladie  dans  de  bonnes  conditions  de  santé.  De  la  pneumonie.  Borda  passa  au 
rhmnatisme,  à  la  pleurésie,  à  la  bronchite,  à  la  phthisie  (qui  n'est,  bien  entendu, 
dans  sa  doctrine,  qu'une  pneumonie  chronique).  Que  le  laurier-cerise  ait  une  action 
sédatrice  sur  la  circulation,  et,  par  suite,  sur  la  fonction  calorigénique,  c'est  ce 
qu'on  ne  saurait  mettre  en  doute  ;  mais  que  ce  médicament  anodin  puisse  et 
doive  remplacer  les  antipblogistiques  réels,  quand  ceux-ci  sont  par  ailleurs  indi- 
qués, c'est  ce  qu'il  est  difhcile  de  croire  et  dangereux  d'admettre. 

6°  L'eau  de  laurier-cerise  combat  utilement  le  symptôme  toux,  quelle  qu'en 
soit  la  nature  ;  non-seulement  la  toux  nerveuse,  sans  support  matériel,  cela  va 
sans  dire-,  mais  aussi  la  toux  se  rattachant  à  une  lésion,  bronchite,  phthisie,  etc. 
quand  elle  prend  iin  caractère  un  peu  spasmodique.  Un  médicament  qui  calme 
la  toux  est  destiné  à  être  considéré  comme  un  spécifique  de  la  phthisie.  L'eau 
de  laurier-cerise  n'a  pas  échappé  à  cette  loi,  et  Linné  nous  a  appris  que,  de  son 
tâmps,  les  feuilles  de  laurier-cerise  étaient  employées  en  Belgique  contrôla  phthi- 
sie. Cette  illusion  s'expUque. 

1°  Quant  aux  éloges  qui  lui  ont  été  prodigués  comme  moyen  curatif  de  l'épi- 
lepsie,  de  l'hydrophobie,  du  tétanos,  c'est  un  leurre  véritable.  Ces  trois  névroses 
sont  guéries  infailliblement  par  tous  les  agents  de  la  matière  médicale,  il  faudrait 
que  cela  fût  bien  convenu  :  on  s'épargnerait  des  redites  fastidieuses. 

8°  Je  signalerai  comme  plus  sérieux  l'emploi  de  ce  médicament  contre  l'éré- 
thisme  nerveux  et  l'insomnie  qui  s'y  rattache.  11  n'y  a  là  rien  que  de  plausible  ; 
mais,  selilement,  il  faut  pousser  les  doses  assez  loin  pour  arriver  à  un  résultat 
utile. 

9°  Je  ne  dois  pas  omettre  de  parler  de  l'emploi  ophthalmologique  de  l'eau 
de  laurier-cerise,  de  son  usage  en  applications  topiques  contre  le  prurigo piidendi, 
contre  l'engorgement  laiteux  des  seins  (Caron  Du  Villard.  Note  sur  les  bons  effets 
de  l'emploi  extérieur  de  l'eau  distillée  de  laurier-cerise  dans  quelques  maladies 
In  BuUet.  de  th.,  t.  YI,  1834,  p,  77),  et  enfin  comme  moyen  topique  dans  les 
brûlures.  Un  médecin  italien,  le  docteur  Frauchini  Eugenio,  a  pivconisé  cette 


4o  LAURIER    (emploi  médical). 

mélliocle  en  186  J.  Elle  consiste  ù  nettoyer  la  surface  avec  soin,  à  vider  les  plilyc- 
tènes  et  à  recouvrir  la  partie  d'une  compresse  trempée  dans  un  mélange  de  8 
parties  d'eau  de  laurier-cerise  et  de  100  parties  de  sirop  de  gomme  ;  on  interpose 
un  linge  cératé  et  percé  de  trous.  Des  brûlures  peu  étendues  peuvent  sans  incon- 
vénient être  traitées  par  ce  moyen.  Le  sirop  de  gomme  n'agit  sans  doute  qu'en 
recouvrant  la  partie  brûlée  d'un  enduit  isolant,  d'une  sorte  de  collodion. 

JO"  Enfin  il  n'est  pas  inutile  de  signaler  la  propriété  qu'ont  certains  médica- 
ments cyaniques,  et  que  le  lanrier-cerise  partage  avec  eux,  de  désodorer  les  vases 
imprégnés  de  musc.  Cette  propriété  est  utilisable  dans  les  pliarmacies  pour  purger 
de  cette  odeur  les  fioles  ou  les  mortiers;  on  se  sert  de  Icuilles  fraîches  pilées  ou 
d'eau  distillée  de  lanrier-cerise.  Cette  propriété  curieuse  a  été  signalée,  il  y 
a  plus  de  vingt  ans,  par  Soubeiran  et  Fauré.  [Biillet.  de  thér.,  1847,  t.  XXIX, 
p.  282.) 

IV.  Modes  d'administration  et  doses.  i°  Eau  distillée  de  laurier  cerise  du  Co- 
dex. De  4  à  15  grammes  dans  une  potion  appropriée  ou  sous  forme  de  tisane. 
Le  sirop  de  laurier -cerise  du  Codex  est  préparé  avec  500  grammes  d'eau  distillée 
et  950  grammes  de  sucre  ;  il  contient  donc  à  peu  près  la  moitié  de  son  poids  d'eau 
de  laurier-cerise;  il  s'emploie  par  cuillerée  à  bouche. 

2°  Huile  essentielle.  Médicament  très-actif,  peu  maniable;  étendu  convena- 
blement dans  de  l'huile  d'amandes  douces,  il  s'enqtloie  ;i  la  dose  de  5  milli- 
grammes par  jour. 

5"  Poudre  des  feuilles.  Mauvaise  préparation;  peu  active;  dose  de  08'',20  à 
08%  40. 

A"^  Feuilles  fraîches.  Servent  à  la  préparation  du  lait  amande.  Une  feuille  pour 
les  adultes,  une  demi-feuille  pour  les  enfants.  On  peut  faire  infuser  une  feuille 
dans  un  bol  d'eau  chaude  convenablement  édulcorée. 

XI.  Lauiuer-rose.  Le  laurier-rose,  suspect  au  point  de  vue  toxicologique,  est 
encore  en  dehors  des  ressources  régulières  de  la  thérapeutique  :  toutefois,  des 
essais  récents,  dus  à  Latour,  Lukowski,  Landerer,  Pelikan,  mais  surtout  h  de 
Girard,  ont  fourni  déjà  des  connaissances  plus  précises  sur  la  composition  des 
principes  actifs  de  cette  substance,  sur  leur  nature  et  leur  préparation,  et  sur  la 
façon  dont  ils  impressionnent  l'économie.  L'admission  du  laurier-rose  au  nombre 
des  médicaments  utiles  est  probablement  au  bout  de  ces  recherches. 

Nous  devons  au  dernier  de  ces  observateurs  la  communication  de  recherches 
inédites  d'un  intérêt  véritable  et  que  nous  allons  utiliser. 

Loiseleur-Deslongchamps  et  Marquis  ont  rapporté  dans  l'article  relativement 
considérable  qu'ils  ont  consacré,  en  1818,  au  laurier-rose  {Dict  des  se.  méd., 
t.  XXVIl,  p.  546)  une  analyse  empruntée  au  t.  VI  du  Buïlet.  depharm.,  et  de 
laquelle  semblait  résulter  la  conclusion  que  le  principe  actif  du  laurier-rose  rési- 
dait dans  une  matière  volatile.  Les  travaux  qui  ont  été  faits  depuis  sur  le  laurier- 
rose  n'ont  pas  confirmé  cette  manière  de  voir.  Latour  {Gaz.  méd.  de  VAlçiérie, 
année  1856,  p.  124)  rapporte  l'activité  de  celte  plante  à  une  résine  qu'il  obtient 
en  traitant  l'extrait  alcoolique  par  l'acide  chlorhydrique.  De  Girard,  qui  a  essayé 
ce  mode  de  préparation.  Je  considère  comme  supérieur  aux  autres  :  le  produit 
qu'il  fournit  contient  l'acide  oléandrique  eiVoléayidrin,  les  deux  produits  actifs 
que  renferme,  selon  lui,  le  laurier-rose.  En  1861,  Lukowski  a  retiré  des  feuilles 
et  del'écorce  de  cette  plante  deux  principes  qu'il  considère  comme  des  alcaloïdes 
et  qu'd  désigne  sous  les  noms  d'oléandrine  et  de  pseudo-curarin.  {Répert.  de 
chim.  appl.,X.  lll,  1861,  p.  7.) 


LAURIER   (emploi  miïdicai.).  41 

J'emprunte  à  une  note  de  l'auteur  cité  plus  haut  les  détails  pliarniacologiques 
suivants  :  «  Il  y  a,  dit-il,  dans  le  laurier-rose,  au  moins  deux  substances  actives  : 

«  1°  L'une  est  un  acide;  je  l'appellerai  acide  oléandrique  ; 

«  2"  L'autre  nie  parait  être  un  corps  neutre  ;  je  le  désignerai  sous  le  nom 
d'oléandrine. 

«Pour  les  préparer,  on  reprend  par  l'eau  l'extrait  alcoolique  d'écorce.  La  solution 
est  liltrée,  pour  séparer  une  petite  quantité  de  résine  verte  insoluble,  et  précipitée 
par  l'acétate  neutre  de  plomb;  le  précipité  obtenu  est  bien  lavé,  et  déconiposéau 
sein  de  l'eau  par  l'hydrogène  sulfuré.  Lo  dépôt  de  sulfure  de  plomb  ainsi  formé  est 
lavé  à  l'eau  distillée,  desséché  vers  50°  à  l'étuve  à  air,  et  traité  à  chaud  par  l'alcool 
à  90°;  la  solution  alcooliciuè  évaporée  abandonne  une  substance  d'un  jaune  brun; 
cette  substance,  traitée  par  une  dissolution  très-étendue  de  carbonate  de  soude, 
donne  une  liqueur  colorée  et  une  partie  reste  sur  le  filtre.  Cette  portion  inso- 
luble, c'esiVoléandrine.  La  dissolution  donne,  par  l'acide  nitrique  pur,  un  pré- 
cipité floconneux  jaune,  se  rassemblant  bientôt  au  fond  du  vase,  c'est  l'acide  oléan- 
drique. Cet  acide  est  soluble  dans  l'alcool  absolu,  insoluble  dans  l'éther,  tiès-fai- 
blement  solublc  dans  l'eau.  La  solution  aqueuse  est  très-amère  ;  elle  précipite  eu 
jaune  par  l'acétate  de  plomb.  »  (Communication  de  l'auteur.) 

Les  recherches  de  de  Girard  tendraient  à  démontrer  que  l'oléandrin  est  à  peu 
près  aussi  actif  que  l'acide  oléandrique  ;  mais  il.  a  surtout  expérimenté  le  second 
de  ces  principes,  et  ses  expériences  déjà  nombreuses  sur  les  lapins  et  les  grenouilles 
peuvent,  dit-il,  se  résumer  ainsi  : 

«  i"  Ce  n'est  pas  un  poison  du  cœur;  cet  organe,  en  opposition  avec  les  assertions 
de  VeWkan {Comptes rendus  de  l'Ac.  des  se,  1866,  29  janvier,  t.  LXU),  continue 
à  battre  très-longtemps. 

((  2°  Les  phénomènes  observés  sur  les  grenouilles  peuvent  se  diviser  en  trois  pé- 
riodes :  a.  l'animal  est  immobile,  dans  une  sorte  de  stupeur,  mais  il  saute  cpu\nd 
on  le  pique;  b.  convulsions  tétaniques  très-intenses  succédant  à  la  moindre  exci- 
tation ;  c.  la  sensibilité  est  épuisée  ;  il  n'y  a  plus  de  mouvements  ;  le  cœur  con- 
tinue néanmoins  à  battre  pendant  plusieurs  heures. 

«  Si  l'on  étudie  la  marche  de  la  paralysie,  on  voit  qu'elle  s'étend  delà  périphérie 
au  contre.  Le  pouvoir  excito-moteur  de  la  moelle  est  d'abord  augmenté,  puis 
éteint  ;  les  nerfs  sensitifs  ne  transmettent  bientôt  plus  les  impressions  ;  les  nerfs 
moteurs  résistent  plus  longtemps  à  l'action  du  poison  ;  les  muscles,  enfui,  sont 
paralysés  en  dernier  lieu.  »  (Note  de  M.  de  Girard.) 

Les  principes  actifs  du  laurier-rose  paraissent  résider  principalemtnt  dans  les 
feuilles  et  dans  l'écorce  ;  les  climats  chaudï,  au  dire  de  ([uelques  auteurs,  aug- 
menteraient l'énergie  toxique  de  cette  plante.  Loiseleur-Deslongchamps  et  Mar- 
quis expliquent  de  cette  façon  la  dissemblance  qui  s'est  rencontrée  entre  les  résul- 
tats qu'ds  ont  obtenus  avec  de  l'écorce  de  laurier-rose  de  Provence,  et  ceux  aux- 
quels est  arrivé  Orlda,  qui  se  servait  d'écorce  récoltée  à  Paris.  Il  a  fallu,  en  eflet,  à 
cet  expérimentateur  just[u'à  4  ou  5  grammes  d'extrait  ou  de  poudre  introduits  par 
(îiverses  voies  pour  déterminer  la  mort  chez  des  chiens,  avec  une  certaine  rapidité, 
il  c;t  vrai. 

En  somme,  il  y  aurait  lieu,  tout  en  poursuivant  la  recherche  d'un  principe  ac- 
tif, de  s.i  servir,  pour  de  nouvelles  expériences  physiologiques,  d'un  extrait  alcoo- 
liqi:c  [.réparé  suivant  un  mode  uniforme,  et  avec  l'écorce  ou  les  feuilles  du  laurier- 
rose  du  .Midi.  Celte  substance  est  assez  active  pour  qu'elle  puisse  être  employée  i^i 
lielites  doses,  et  VoléandrinoaYacide  oléandrique  n'olfriront  sans  doute  d'int'n-èt, 


I&  LAURIER   (emploi   médical). 

au  point  de  vue  pratique,  que  par  l'emploi  en  injections  sous-cutanées. 
II  est  difficile  de  se  faire,  dès  à  présent,  une  idée  de  l'action  véritable  du  laurier- 
rose  et  d'assigner  à  ce  poison  une  place  en  toxicologie.  Oriila  le  range,  bien  en- 
tendu, dans  son  groupe  confus  des  narcotico-àcres,  qui  contient  les  substances  les 
plus  discordantes;  on  ne  simplifie  rien  et  on  embrouille  tout  avec  des  généralisa- 
tions de  cette  nature.  L'action  primitive  du  laurier-rose  paraît  se  passer  tout  en- 
tière du  côté  des  centres  nerveux  ;  c'est  là  tout  ce  qu'on  en  sait  et  tout  ce  qu'on 
en  peut  dire.  Il  est  à  espérer  que  les  reebercbes  que  de  Girard  poursuit  avec  une 
persévérance  digne  d'éloges  le  conduiront  à  quelque  chose  de  plus  précis. 

Loiseleur-Deslongchamps  a  fait  sur  lui-même  une  expérience  qui   offre  de 
l'intérêt.  Il  s'est  servi  d'une  dissolution  de   50  grammes  d'extrait  de  feuilles  de 
laui'ier-rose,  dans  120  grammes  de  vin.  «  Le  13  avril  1811,  nous  portant  parfai- 
tement bien,  nous  commençâmes,  dit  cet  auteur,  à  prendre  quatre  fois  par  jour 
trois  gouttes  de  cette  teinture,  et  tous  les  jours,  jusqu'au  25,  nous  augmentions 
la  dose  d'une  goutte  chaque  fois,  de  sorte  que  nous  en  prenions  à  cette  époque 
48  gouttes  entre  six  heures  du  matin  et  neuf  heures  du  soir.  Nous  commençâmes 
alors  à  sentir  notre  appétit  diminuer,  à  éprouver  dans  la  journée  des  lassitudes 
spontanées.  Incertain  si  c'était  au  laurier-rose  que  nous  devions  en  attribuer  la 
cause,  et  pour  nous  en  assurer,  nous  en  continuâmes  l'usage  encore  pendant  trois 
jours  en  portant  à  15  gouttes  chacune  des  doses  que  nous  prenions  quatre  fois 
par  jour.  Mais  le  28  avril,  nous  dûmes  avouer  que  nous  n'eimies  pas  lecouraoe 
d'aller  plus  loin  ;  ce  jour-là  nous  ne  pûmes  presque  pas  manger,  nous  éprouvions 
une  inappétence  de  tous  les  aliments,  accompagnée  de  douleur,  comme  de  cour- 
bature dans  les  bras,  les  jambes,  enfin  d'une  débilité  musculaire  très-prononcée 
et  d'un  malaise  universel  ;  la  cessation  absolue  de  l'usage  du  laurier-rose  suffit 
pour  nous  rendre  notre  bonne  santé  habituelle,  dans  l'espace  de  deux  ou  trois 
jours.  Voulant  cependant  nous  assurer  d'une  manière  positive  si  les  symptômes 
que  nous  avions  éprouvés  étaient  bien  réellement  produits  par  l'extrait  de  lau- 
rier-rose, un  mois  après  l'avoir  cessé,  étant  dans  le  meilleur  état  de  santé,  nous 
en  recommençâmes  l'usage  de  même  que  la  première  fois,    c'est-à-dire  que,  le 
1"  juin,  nous  prîmes  12  gouttes  de  cette  même  teinture,  et  que  le  15  du  même 
mois  nous  en  prenions  60  gouttes.  Ce  jour-là,  et  dès  la  veille,  nous  avions  com- 
mencé à  voir  notre  appétit  diminuer,  puis  à  ressentir  de  la  courbature,  de  la  fai- 
blesse dans  les  jambes.  Ayant  poussé  la  dose  le  14  jusqu'à  64  gouttes  dans  l'es- 
pace de  cette  journée,  tous  les  symptômes  que  nous  avions  éprouvés  depuis  deux 
jours  augmentèrent  assez  sensiblement   pour  nous  forcer  de  nouveau  à  ne  pas 
porter  nos  essais  plus  loin.  Il  nous  fut  assez  clairement  démontré  que  l'extrait  des 
feuilles  de  laurier-rose  contenait  un  principe  vénéneux  destructif  de  l'irritabi- 
lité. ))  [hoc.  cit.,  p.  541.) 

Cette  conclusion  n'est  peut-être  pas  aussi  évidente  que  le  pensaient  les  auteurs 
précités,  mais  ce  fait  est  doublement  intéressant,  et  par  les  garanties  de  bonne 
observation  qu'il  offre  et  surtout  parce  qu'il  constitue  pour  l'expérimeiitatioii  sui' 
l'homme  un  point  de  départ  posologique. 

Les  cas  d'empoisonnements  parle  laurier-rose  sont  très-nombreux  ;  sans  parler 
de  ce  fait  d'intoxication  par  l'odeur  de  Heurs  de  laurier-rose  enfermées  dans  une 
chambre  à  coucher,  fait  qui  n'offre  peut-être  pas  toute  l'authenticité  désirable, 
on  arapporté  un  grand  nombre  d'accidents  produitspar  le  laurier-rose. Un  des  plus 
curieux  est  celui  relaté  par  Loiseleur-Deslongchamps  et  Marquis,  d'après  Gaspard 
Piobert,  jardinier  en  chef  de  la  marine  à  Toulon,  et  qui  a  trait  à  l'emnoisonne- 


LAURIER  (emploi  médical).  43 

ment  de  soldats  français  en  Corse,  par  l'usage  de  broches  en  bois  de  laurier-rose 
dont  ils  avaient  traversé  les  viandes  qu'ils  faisaient  rôtir.  Les  mêmes  auteurs  ont 
vu  un  malade  auquel  ils  avaient  prescj'it  5  doses  d'un  grain  cliacune  par  jour,  et 
qui,  par  excès  de  zèle,  en  prit  10  à  12  grains  en  une  fois,  présenter  des  accidents 
très-graves,  des  vomissements  accompagnés  d'éblouissements,  de  défaillances, 
de  sueurs  froides,  etc.  L'éther  dissipa  ces  symptômes. 

Le  laurier-rose  est  donc  un  poison  actif;  il  parait  être  un  poison  assez  général, 
puisque  tous  les  animaux,  sauf  peut-être  la  chenille  du  Sphynx  nérion,  évitent 
ses  feuilles,  suivant  la  l'emarque  faite  par  Loiseleur-Deslongchamps. 

Je  n'ai  rien  à  dire  du  traitement  de  cet  empoisonnement,  il  ne  repose  encore 
que  sur  des  bases  inceiiaines.  Faire  A'omir  le  poison  s'il  en  est  temps  encore,  et 
instituer  le  traitement  des  indications,  ce  sont  les  deux  seules  règles  qu'il  com- 
porte. L'observation  relatée  plus  haut  semblerait  indiquer  l'utilité  de  l'éther  et 
probablement  aussi  des  autres  stimulants  diffusibles. 

Le  laurier-rose  deviendra  sans  doute  un  médicament  puisqu'il  est  un  poison, 
mais  c'est  à  l'avenir  à  déterminer  son  action  et  à  lui  assigner  son  utilité. 

Le  laurier-rose  a  été  essayé  dans  le  midi  de  la  France  contre  les  maladies 
cutanées  et  syphilitiques.  i.oiseleur-Deslongchamps  a  rapporté  deux  observations 
dont  les  résultats  ont  été  à  peu  près  négatifs.  Au  dire  de  cet  auteur  on  se  servirait 
aux  environs  de  Nice,  du  bois  de  laurier-rose  râpé  comme  mort-aux-rats.  Mérat 
a  guéri  plusieurs  galeux  par  des  frictions  faites  avec  une  dissolution  d'extrait  de 
laurier-rose.  Il  y  a  tant  de  moyens  efficaces  et  inoffensifs  de  guérir  cette  maladie 
parasitaire  que  celui-ci  qui  n'est  pas  sans  danger  peut  être  laissé  de  côté.  J'en  dirai 
autant  de  l'usage  de  la  poudre  de  feuilles  ou  d'écorce  de  laurier-rose  comme 
moyen  antipédiculaire,  de  son  emploi  (assez  dangereux)  comme  sternutatoire. 

Un  médecin  russe,  Lukowski,  dont  j'ai  rappelé  plus  haut  les  recherches  rela- 
tives au  prineipe  actif  du  laurier-rose,  et  qui  a  retiré  de  l'écorce  et  des  leudles 
de  cette  plante  deux  principes  qu'il  a  appelés  pseudo-curay^ine  et  oléandrine, 
a  essayé  cette  dernière  substance  chez  une  jeune  fille  de  11  à  12  ans  présentant  des 
accès  épilepti formes  dont  la  cause  provocatrice  avait  été  une  frayeur.  Ces  accès 
se  répétaient  deux  fois  par  jour  ;  des  ascarides  lonbricoïdes  et  des  oxyures  avaient 
été  évacués  sous  l'influence  du  semen-contra,  et  il  avait  été  dès  lors  permis  de 
rattacher  les  convulsions  à  ces  parasites.  Le  retour  des  attaques  engagea  II.  Lu- 
kowski  a  administrer  \ oléandrine .  U  prépara  une  solution  de  1  centigramme  de 
ce  principe  dans  400  gouttes  d'alcool,  et  débuta  par  une  goutte  ;  ce  jour-là  l'ac- 
cès manqua;  le  lendemain  4  gouttes  furent  données  en  deux  doses  ;  on  continua 
ainsi  pendant  quelques  jours,  puis  les  accès  cédant,  on  revint  à  une  goutte  tous 
les  jours,  puis  à  une  goutte  par  semaine.  Les  accidents  furent  complètement 
enrayés.  L'auteur  en  conclut  que  Voléandrbie  est  un  vermicide  puissant,  mais 
celte  opinion  est  peu  justifiable,  puisqu'il  n'est  pas  indiqué  que  l'enfant  ait 
expulse  de  vei's  à  partir  du  moment  où  elle  prit  de  l'oléandrine.  M.  Lukowski 
avertit  lui-même  d'aller  avec  une  extrême  prudence  dans  le  dosage  d'une  sub- 
stance qui  est  aussi  active,  si  ce  n'est  plus  active  que  la  strycîiniae.  {Gaz.  des 
hôpit.,  septembre  1865,  etBuUet.  de  thérap.,  t.  LXV,  1865,  p.  425.) 

On  voit  en  résumé  qu'il  est  légitime  de  prévoir  dans  le  laurier-rose  un  médi- 
cament indigène  d'une  extrême  activité,  et  dont  l'utilité  peut  être  soupçonnée 
dès  à  présent  ;  seulement  il  faut  qu'il  soit  étudié  à  nouveau,  principalement  au 
point  de  vue  physiologique  et  thérapeutique.  Faire  pressentir  l'importance  future 
de  ce  médicament,  indiquer  les  travaux  accomphs  ou  en  voie  d'exécution  qui  s'y 


44  LAUKES, 

rappoiteut,  et  signaler  les  lacunes  nombreuses  qui  existent  encore  dans  son  his- 
toire, c'était  là  tout  ce  que  nous  pouvions  faire  dans  l'état  actuel  de  nos  connais- 
sances sur  le  laurier-rose.  Fonssagrives. 

LAUBIIVE.  Substance  neutre  contenu  dans  les  baies  de  laurier,  se  présente 
sous  forme  de  prismes  incolores.  Elle  est  insipide,  insoluble  dans  l'eau,  très-so- 
lublc  au  contraire  dans  l'alcool  et  l'éther. 

I.AUR1]%É£S  ou  a^AURACÉES.  Famille  de  plantes  dicotylédones,  placée  par 
A.  L.  de  Jussieu  dans  l'Apétalie-nionogynie,  et  qui  est  caractérisée  principalement 
par  trois  traits  d'organisation  de  la  plus  grande  valeur.  Leur  réceptacle  floral  est 
concave,  ce  qui  rend  leur  insertion  périgynique.  Leur  gynécée  est  formé  d'un  seul 
carpelle,  dont  l'ovaire  uniloculairc  contient  un  ovule  anatrope,  suspendu,  avec  le 
micropyle  supère,  interposé  au  placenta  et  au  point  d'attache  ou  hile.  Leurs  éta- 
mines  sont  à  panneaux,  ou  valvicides  ;  c'est-à-dire  qu'à  droite  et  à  gauche  de  la 
ligue  médiane  de  leur  anthère,  qui  se  continue  directement  avec  le  sommet  du  fdet 
et  n'en  est  qu'une  dilatation,  on  voit  se  dessiner  de  chaque  côté  une  ou  deux  petites 
logettes  contenant  le  pollen,  et  que  la  paroi  de  ceslogettes  se  détache  défmitivenient 
dans  presque  tout  son  pourtour,  sauf  en  un  point  supérieur,  suivant  lequel  le  petit 
panneau  se  relève  lors  de  l'émission  du  pollen .  Ce  dernier  caractère  n'est  pas 
constant,  il  est  vrai ,  si  l'on  range  parmi  les  Laurinées  quelques  types  exception- 
nels, comme  ceux  des  Ilhgérées  et  Gyrocarpées;  mais  il  est  très-général  et  très- 
commode  dans  la  pratique  pour  reconnaître  une  Laurinée.  Les  fleurs  sont  petites, 
hermaphrodites  ou  uiiisexuées,  ordinairement  très-nombreuses  et  disposées  en 
grappes  simples  ou  ramiliées  de  cymes  ou  de  glomérules.  Elles  sont  construites 
sur  le  type  3  ou  2,  et  ont  un  double  périanthe.  Les  étamines  sont  en  nombre 
double,  triple  ou  quadruple  de  celui  des  sépales  ;  leurs  anthères  sont  introrses  ou 
extrorses,  et  ce  caractère  peut  varier  dans  la  même  fleur.  Elles  sont  souvent  gar- 
nies à  leur  base  de  deux  glandes  latérales,  sessiles  ou  stipitées.  Le 'fruit  des  Lau- 
rinées est  ordinairement  une  baie  monosperme,  plus  rarement  une  drupe  ou  un 
achaine.  Le  calice  et  le  réceptacle  accrescents  accompagnent  la  base  du  fruit,  ou  lui 
forment  une  enveloppe  plus  ou  moins  complète.  La  graine  est  dépourvue  d'albu- 
men. Les  Laurinées  forment  une  famille  très-nombreuse  et  très-naturelle.  Presque 
toujours  ce  sont  des  arbres  ou  des  arbustes.  Les  Cassytha  seuls  sont  de  petites 
herbes  aphylles  et  parasites,  à  la  façon  de  nos  Cuscutes.  Les  Laurinées  arbor-s- 
centes  ont  des  feuilles  alternes  ou  opposées,  sans  stipules.  Un  grand  nombre 
d'entre  elles  sont  des  plantes  des  pays  chauds,  essentiellement  aromatiques,  ce 
qu'elles  doivent  à  la  présence  de  réservoirs  d'huile  volatile,  dans  la  plupart  de 
leurs  organes,  principalement  les  feuilles,  les  fruits  et  l'écorce.  Le  péricarde  de 
plusieurs  espèces  renferme  une  huile  abondante.  Plusieurs  autres  plantes  de  cette 
famille  produisent  du  camphre,  comme  le  Camphrier  proprement  dit.  Toutes  les 
Laurinées  sont  excitantes,  chaudes,  parfois  acres,  piquantes,  irritantes.  Ces  pro- 
priétés seront  étudiées  à  propos  des  principaux  genres  employés  en  médecine, 
c'est-à-dire  les  Benzoin,  les  Camphora,  les  Clnnamomum,  V Avocatier,  \ePichu- 
riin,  le  CiiUlawan,  le  Sassafras  et  les  Lauriers  proprement  dits.  ^I.  Bn. 

.Iirss  ,Gen.,  80.  —  Ventexat,  Taùl.  du  Rècjii.  vcg.,  H,  245.  —  DC,  Tluior.  élém.,  éd.  2, 
2i7.  —  LixDL.,  Vfg.  Kingd..  555.  —  Endl.,  Gen.,  515.  —  Ricii.  (A.),  Elém.,  éd.  4,  I,  28ti- 
500;  Dict.  de  mcd.  (en  50  vol.),  XVII,  599.  — Meiïsn.,  m  DG,  Prodr.,  XV,  scct.  1,  1. 

LAURUS.  Voy.  LuTvlER. 


LAUTII  (les).  45 

lAUTARET  (Eau  MissÉUALE  de).  Dans  le  département  des  Hautes-Alpes,  dans 
l'arrondissement  de  Briançon,  à  120  mètres  de  l'iiospicc  de  la  Madeleine,  à 
1,900  mètres  au-dessus  de  la  vallée,  émerge  d'un  rocher  de  granit  la  source 
Sulfureuse  de  Lautaret,  dont  le  griffon  est,  la  plus  grande  partie  de  l'année,  re- 
couvert parles  neiges  qui  fondent  rarement  dans  cette  partie  des  x\lpes.  L'ana- 
lyse chimique  exacte  de  l'eau  de  cette  source  n'est  pas  complète  ;  on  sait  seule- 
ment par  un  travail  sommaire  de  M.  le  docteur  Niepce,  que  1 ,000  grammes 
renferment  une  petite  quantité  de  carbonates,  quelques  sulfates,  0,00084  de 
saz  acide  sulflivdrique,  et  qu'elle  a  une  température  de  54°  centigrade. 

A.  R. 

lAUTERBERG  (ÉTABLISSEMENT  HYDROTHERAriQUE).  Daus  le  Hanovrc,  sur  la 
Lauter,  est  une  ville  de  5,500  habitants,  dans  laquelle  on  a  créé,  en  1839,  un 
Institut  liydrothérapique.  L'air  pur  et  salubre,  les  eaux  vives  et  fraîches,  les  pro- 
menades variées  qui  entourent  la  ville,  le  site  ravissant  où  l'on  a  placé  l'établis- 
sement dominé  par  le  Hansberg,  expliquent  aisément  la  grande  affluence  des 
baicncurs  qui  viennent  chercher  la  santé  à  Lauterbergen  y  suivant  un  traitement 
par  l'eau  froide.  A.  R. 

LAUTH  (Les),  le  père  et  les  deux  fils. 

Lauth  (Thomas),  une  des  gloires  de  la  Faculté  de  Strasbourg.  Il  naquit  dans 
cette  ville,  le  '29  août  1759,  et,  après  d'excellentes  études,  dirigées  siu'tout 
vers  les  sciences  exactes,  Lauth  s'adonna  à  la  médecine  et  prit  le  bonnet  de  doc- 
teur en  septembre  1781.  Désireux  de  compléter  ses  connaissances,  il  entreprit 
divers  voyages.  Desault  attirait  alors  à  Paris,  par  son  enseignement,  la  jeu- 
nesse de  tous  les  pays,  Lauth  vint  étudier  sous  lui  l'anatomie  et  la  physiologie  ; 
de  là  il  passa  en  Angleterre  ou  Iluuter  brillait  de  tout  son  éclat,  puis  en  Alle- 
magne dont  il  visita  les  principales  universités,  et  rentra  à  Strasbourg  à  la  fin  de 
1782.  Peu  après  son  retour,  il  fut  nommé  adjoint  de  Rœderer  et  Ostertag,  profes- 
seurs d'accouchement  ;  puis,  après  la  mort  de  Lobstein  le  père  (1784),  il  obtint 
là  place  de  démonstrateur  d'anatomie,  et  enfin,  l'année  suivante,  celle  de  pro- 
fesseur ordinaire  d'anatomie  et  de  chirurgie.  Lors  de  la  réorganisation  des  B'acul- 
tés,  Lauth,  qui  avait  noblement  refusé  une  chaire  à  l'université  de  Tùbingen,  fut 
naturellement  compris  dans  le  nouveau  personnel  enseignant  ;  il  était  alors,  en 
même  temps,  médecin  en  chef  du  grand  hôpital  de  Strasbourg.  La  grande  réputa- 
tion qu'il  s'était  acquise,  et  par  son  enseignement  et  par  ses  travaux,  le  fit  in- 
scrire au  nombre  des  associés  résidants  lors  de  la  création  de  l'Académie  de 
médecine.  Sa  santé  s'étant  trouvée  fortement  ébranlée  en  1826,  Lauth,  pour  se 
rétablir,  avait  fait  un  voyage  en  Allemagne,  au  retour  duquel  il  mourut  presque 
subitement. 

Le  plus  beau  titre  de  Lautl)  à  la  reconnaissance  de  la  postérité  est,  sans  con- 
tredit, sou  Histoire  de  Vanatomie,  ouvrage  conçu  dans  un  excellent  esprit,  rem- 
pli d'une  solide  et  saine  érudition,  et  qui  malheureusement  est  resté  inachevé. 
Le  premier  volume,  le  seul  qui  ait  paru,  comprend  l'examen  de  tous  les  travaux, 
de  toutes  les  découvertes  dont  cette  science  s'est  enrichie  depuis  l'antiquité  jus- 
qu'à Harvey.  11  est  bien  à  regretter  que  la  suite,  qui,  dit-on,  est  restée  manu- 
scrite, n'ait  pas  été  publiée  par  les  soins  de  son  fils,  le  professeur  Alex.  Lauth, u' 
qu'on  ait  ainsi  laissé  incomplet  un  des  plus  beaux  monuments  de  l'érudition  mo- 
derne. 


4G  LAUVERGNE. 

Laulh  a  iaissé  les  ouvrages  suivants  : 

I.  Dlss.  de  anahjsi  uriiiœ  et  acido  phosplioreo.  Arg-ent.,  1781,  in-S".  —  îï.  Diss.  bolanica 
de  acere.  Ibid. ,  1 7 SI ,  iu-S". — III.  Scriptorum  laUnorum  de  ancvnjsmatibus  coUectio  (Lancisiys, 
Guatani,  Mattaiii,  Verbrugg-e,  etc  ).  Ibid.,  i78.j,  in-i",  fig. —  IV.  Nosologia  chirurgica, 
accedit  notitia  auctorum  recentiorum  Platero.  Ibid.,  1788,  in-S".  —  V.  Vom  Witterungszu- 
stand,  dem  ScharJachfieber  und  dem  bôsen  Hais.  Ibid.,  1800,  iti-8°.  — VI.  Vita  Johannis 
Hermann.  Ibid.,  1802,  in-8°.  —  VU.  Histoire  de  l'anatomie.   Ibid.,  1815,  t.  I  (seul  paru), 

î/aiiila  (Gustave),  fils  aîné  du  précédent,  naquit  à  Strasbourg,  le  9  mars  1795, 
et  mourut  dans  celte  ville  à  peine  âgé  de  vingt-quatre  ans  ;  il  était  professeur 
d'anatomie  et  de  chirurgie,  adjoint  à  l'hôpital  civil  de  cette  ville.  On  lui  doit  les 
ouvrages  suivants,  qui  annonçaient  un  homme  instruit  et  laborieux  ; 

I.  Précis  d'un  voyage  botanique  fait  en  Suisse.  Strasbourg,  1812, in-S°.  —  II,  Spicile- 
giwndevsna  cava  superiore.  Thèse  de  Strasbourg,  1815,  in-4°. 

EasïtHî  (Ernest-Alexandre),  autre  fds  de  Thomas  Lauth  et  frère  du  précédent, 
naquit  à  Strasbourg,  le  14  mars  1803.  Après  de  solides  études  littéraires,  dirigé 
par  les  conseils  et  l'exemple  de  son  illustre  père,  il  commença  ses  études  médi- 
cales, s' adonnant  de  préférence  à  l'anatomie  et  à  la  physiologie,  sous  le  profes- 
seur Ehrmann,  auquel  il  dédia  sa  thèse.  Après  avoir,  à  l'exemple  de  son  père, 
voyagé  pendant  quelque  temps,  en  France,  en  Angleterre  et  en  Allemagne,  il  re- 
vint à  Strasbourg,  et,  riche  de  la  succession  paternelle,  il  laissa  de  côté  la  pra- 
tique médicale  pour  se  li  rer  sans  réserve  à  ses  sciences  de  prédilection,  l'anato- 
mie et  la  physiologie.  Successivement  professeur  et  agrégé  à  la  Faculté  de  méde- 
cine de  sa  ville  natale,  il  conquit  après  deux  concours  la  place  de  professeur  de 
physiologie  (1836).  Mais  à  peine  avait-il  commencé  son  enseignement,  qu'une 
aphonie,  symptôme  d'une  phthisie  tuberculeuse,  vint  l'esilevcr  à  la  chaire  qu'il 
avait  si  victorieusement  conquise,  et  il  ne  tarda  pas  à  succomber  aux  progrès 
incessants  de  cette  affreuse  maladie,  en  1837. 

Parmi  les  travaux  qui  assurent  à  Alex.  Lauth  un  rang  distingué  parmi  les 
anatomlstes  de  ce  siècle,  nous  citerons  d'abord  sa  dissertation  inaugurale  sur  le 
système  lymphatique;  sou  beau  travail  sur  l'anatomie  du  testicule,  qui  fut  jugé 
digne  de  la  médaille  d'or  pour  le  prix  de  physiologie  expérimentale  à  l'Institut  ; 
des  recherches  sur  le  larynx,  qu'il  regarde  comme  un  instrument  à  anche;  et 
enfin  un  excellent  manuel  d'anatomie. 

Voici  l'indication  de  ses  principales  publications  : 

ï.  Essai  sur  les  vaisseaux  lymphatiques.   Thèse  de  Strasbourg,  1824,  in-4.».  —ll.Mém. 
mr  les  vaisseaux  lymphatiques  des  oiseaux.  In  Ann.  des  se.  naturelles,  t.  III.  Paris,  1824 
pi.  5.  —  ÎII.  Description  des  matrices  biloculaires  et  bicornes  conservées,  etc.  In  Répert. 
d'anat.,  etc..  de  Breschet,  t.  V,  p.  178,  pi.  .5.  Paris,  1828.— lY.  Manuel  de  Vanatomiste 
Strasbourg.  1829,  in-S»;  2"  édit.,  ibid.,  1S35,  pi.   7.  —  V.  Mém.  sur  divers  poùits  d'ana- 
tomie. In  Èicm.  de  la  Soc.  d'histoire  naturelle  de  Strasbourg,  t.  I,  1830,  pi.  7.  \'I    pe 

cherches  d'anatomie.    In  Vorrentrapp  Observationes  anatomicce  de  parte  cephalica  nervi 
sijmpathici.  Franco!,   a.    M.,  1831.  —  YII.   Mém.  sur   le  testicule    humain    (mém.   cour. 
l'Institut).  In  Mém.  de  la  Soc.  d'histoire  naturelle  de  Strasbourg,  t.  I,  part.  2;  1852    pi    5 

—  VIII.  Anomalies  dans  la  distribution  des  artères  de  l'homme.  Ibid. ,  1852    pi.  1  ' l\ 

Variétés  dans  la  distribution  des  muscles  chez  l'homme.  Ibid.,  1853.   X.  Du  mécanisme 

par  lequel  les  matières  alimentaires  parcourent  leur  trajet  de  la  bouche  à  l'anus.  Thèse 
de  Strasbourg,  1835,  in~4°.  —  XI.  Remarques  sur  la  structure  du  larynx  et  de  la  trachée 
artère.  Strasbourg,  1 835,  pi.  —XII.  Exposition  et  appréciation  des  sources  des  connais- 
sances physiologiques.  Thèse  de  conc.  (ch.  de  physiol.).  Strasbourg,  1856,  in-4».  Plus  un 
certain  nombre  d'articles  dans  divers  recueils.  E.  Ben 

L.tWVERGRJE  (i!ui)EnT\      médecin  très-distingué  de  la  marine,  et  auteur  d'é- 


LAVAL   (eau    MlNÉfiALE    De).  ^^ 

crits  estimés,  naquit  le  20  janvier  1796,  à  Toulon.  11  entra  au  service  en  1819, 
en  qualité  d'officier  de  santé  de  troisième  classe,  fit  plusieurs  campagnes  dans  le 
Levant  et  l'Amérique  du  Sud,  et  franchit  successivement  les  autres  grades.  Reçu 
docteur  en  1829,  il  assista,  en  qualité  de  chirurgien-major  du  Colosse,  à  la  pris^ 
d'Alger  en  1830.  Bientôt  après,  poussé  par  son  mérite,  il  quitta  le  service  actif  et 
fut  nommé  professeur  de  matière  médicale  à  Toulon  (1852),  après  avoir  succes- 
sivement rempli  des  fonctions  élevées  à  Cherbourg  et  à  Brest,  il  revint  à  Toulou, 
comme  directeur  du  service  de  santé  en  1858,  et  c'est  là  qu'il  mourut  le  22  dé- 
cembre 1859. 

Parmi  les  nombreux  écrits  publiés  par  Lauvergne,  il  en  est  un  qui  mérite  une 
mention  spéciale,  c'est  celui  c{ui  est  relatif  aux  forçats,  dont  il  a  donné  une  his- 
toire très-curieuse,  et  que  ne  pourront  se  dispenser  de  consulter  tous  ceux  qui 
s'occuperont  de  cette  intéressante  question. 

Voici  la  liste  des  principales  publications  de  Lauvergne  : 

f.  Souvenirs  de  la  Grèce  pendant  la  campagne  de  1825,  ou  Mém.  historique,  etc.  Paris, 
1826,  in-i",  et  1827.  —  II.  Géographie  botanique  du  port  de  Toulon  et  des  îles  d'Hijcrcs. 
Th.  de  Montp.  18^9,  n°  60.  —  III.  Histoire  de  l'expédition  d'Afrique  en  1830.  ou  Mém. 
historiques,  etc.  Toulon,  1851,  in  8°.  — IV.  Le  choléra-morbus  en  Provence,  suivi  de  la 
biographie  du  docteur  Fleurij.  Toulon,  1836,  in-8°.  —  V.  Histoire  de  la  Révolution  dans  le 
département  du  Var ,  depuis  1789  jusqu'en  1794.  Ibid.,  1858-39,  in-S".  —  VI.  IjC s  forçats 
considérés  sous  le  raj^port  physiologique  ,  moral,  intellectuel,  observés,  etc.  Paris,  1841, 
in-8°,  trad.  ail.  —  VII.  De  l'agonie  et  de  la  mort  dans  toutes  les  classes  de  la  société  sous 
le  rapport,  etc.  Ibid.,  2  vol.  in-8°.  — YIII.  Divers  mém.  sur  les  fond,  du  cerveau;  les 
causes  et  les  symptômes  de  la  tuberculisation,  etc.  Toulon,  1846,  in-8°.  E.  Bgd. 

L.^fJ'î'EISJ.^'f'  (Théodop.e-Etienne),  accoucheur,  qui  se  fit  un  nom  dans  la 
seconde  moitié  du  siècle  dernier.  Il  est  surtout  connu  aujourd'hui  pour  la  part 
qu'il  prit  à  la  grande  querelle  relative  à  la  symphyséotoraie  et  à  l'opération  césa- 
rienne. L'analyse  raisonnée  qu'il  donna  d'une  opération  de  ce  genre,  qui  avait 
été  publiée  par  Sigault,  l'inventeur  et  l'ardent  propagateur  de  la  section  du  pu- 
bis, contribua  beaucoup  à  faire  revenir  les  médecins  de  l'enthousiasme  qu'avait 
inspiré  le  premier  succès  obtenu  par  cette  opération.  Lauverjat,  qui  avait  été 
reçu  maître  en  chirurgie  en  1774,  mourut  à  Paris  en  1800. 

Voici  l'indication  de  ses  publications  ;  elles  témoignent  des  préoccupations  de 
l'auteur. 

I.  An  utilia  in  graviditate,  partuetpost  partum  balnea?  Th.  du  coll.  de  chir.  Paris,  1774. 
in-4°.  —  II.  Examen  d'une  brochure  qui  a  pour  titre  :  Procès-verbaux  et  réflexions  à  l'oc^ 
casion  de  la  section  de  la  symphyse,  etc.  Amsterdam,  1779,  in-8°.  —  III.  Nouvelle  mé- 
thode de  pratiquer  l'opération  césarienne,  et  parallèle  de  cette  opération  et  de  la  section 
des  os  pubis.  Paris,  1788,  in-8°.  E.  Bgd. 

LSlVat,  (Ekv  mmBAi^  m)  i  protothermale,  sulfatée  magnésienne  et  sodiqtie 
moyenne,  carbonique  et  sulfureuse  faible.  Dans  le  département  de  l'Isère,  dans 
l'arrondissement  de  Grenoble,  au  nord-est  du  village,  jaillit,  par  plusieurs  grif- 
fons, la  source  de  Laval  dont  l'eau  traverse  des  couches  d'anthracite  et  de  houille^ 

Le  débit  de  ces  filets  réunis  est  de  800,000  litres  en  vingt-quatre  heures.  Cette 
eau  est  claire  et  limpide,  son  odeur  est  manifestement  sulfureuse,  son  goût  est 
amer  ;  elle  est  traversée  pai'  quelques  bulles  gazeuses  d'un  assez  gros  volume  ; 
sa  température  est  de  21", 7  centigrade.  Sa  densité  n'est  pas  connue  ;  M.  le  doc^ 
leur  Niepce  a  trouvé  que  1 ,000  grammes  de  cette  eau  contiennent  les  principes 
suivants  : 


A9  LAVANDE  (botanique). 

Sulfate  do  magnésie J,127  _  i 

—  soude 1,048 

Carbonate  de  chaux 0,028 

—  manganèse 0,009 

Clilorure  de  sodium 0,3S1 

—  calcium 0,030 

—  magnésium 0,007 

Silice 0,015 

Iode,  matière  organique  et  glaii  ine traces. 

Total  des  MATiiinEs  fixes 2,615 

(  Acide  carbonique 0,02270  litre. 

Gaz.  <     —     sulfliydriquo 0,0&8ôl    — 

'  Azote    traces. 

Total  des  gaz 0,05101  litre. 

Les  eaux  de  la  source  de  Laval  sont  exclusivement  employées  en  boisson  et  en 
lotions  par  quelques  personnes  des  environs  qui  ne  peuvent  se  rendre  aux  autres 
sources  de  l'arrondissement  de  Grenoble,  si  fertile  en  eaux  minérales  et  parti- 
culièrement en  eaux  chlorurées  et  sulfureuses.  L'eau  de  Laval  est  purgative, 
même  à  la  dose  de  trois  ou  de  quatre  verres,  pris  le  matin  à  jeun  et  à  un  inter- 
valle d'un  quart  d'heure.  Cette  propriété  vient-elle  des  sulfates  de  magnésie  et 
de  soude  qu'elle  tient  en  dissolution  ou  de  la  ditficulté  qu'ont  les  buveurs  à  la  di- 
gérer? Cela  est  incertain,  mais  ce  qui  paraît  très-probable,  c'est  que  sa  sulfura- 
tion  provient  de  la  réduction  des  sulfates  en  présence  des  matières  végétales  que 
cette  eau  rencontre  avant  d'arriver  à  la  surface  du  sol.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  af- 
fections du  tube  digestif,  dont  les  symptômes  principaux  sont  une  dyspepsie  ou 
une  atonie  de  l'intestin  avec  constipation,  sont  celles  qui  se  trouvent  le  mieux 
de  l'usage  interne  de  l'eau  de  Laval.  Cette  eau,  en  boisson  et  en  lotions,  donne 
aussi  d'assez  bons  résultats  dans  quelques  maladies  de  la  peau,  et  en  particulier 
dans  les  dartres  sécrétantes,  pour  que  plusieurs  personnes  viennent  cbaque  an- 
née tenter  une  cure  auprès  de  la  source  sulfureuse  accidentelle  de  Laval,  du  dé- 
partement de  l'Isère. 

La  durée  de  la  cure  est  aussi  illimitée  que  l'emploi  de  cette  eau  est  peu  mé- 
thodique. 

On  n'exporte  pas  l'eau  de  Laval.  A,  R. 

LiiVAlVDE  {Lavandidal .) .  §  I.  Botanique.  Genre  de  plantes  de  la  famille  des 
Labiées,  tribu  des  Ocymoïdées,  auquel  se  rapportent  les  Stœchas  de  Tournefort  et  les  ' 
Fabricia  d'Adanson.  Leurs  fleurs  ont  les  caractères  généraux  de  celles  des  Labiées, 
avec  les  particularités  suivantes.  Le  calice  est  tubuleux,  d'une  seule  pièce  à  la 
base.  Ea  haut,  il  est  partagé  en  trois  portions.  Les  deux  antérieures  sont  très- 
profondément  séparées  des  autres,  et  représentent  deux  sépales.  Les  trois  posté- 
rieures, ou  sont  unies  en  une  seule  pièce  à  peu  près  entière,  ou  ne  sont  séparées 
les  unes  des  autres  que  par  deux  échancrures  peu  profondes,  le  sépale  posté- 
rieur demeurant,  dans  ce  dernier  cas,  isolé  par  son  sommet  qui  est  coupé  presque 
droit  ou  qui  est  surmonté  d'une  sorte  d'appendice  ou  de  cuillerou  plus  ou 
moins  saillant.  La  corolle  est  bilabiée,  avec  une  lèvre  supérieure  plus  développée 
que  l'inférieure,  qu'elle  enveloppe,  dans  la  prédoraison,  de  ses  doux  lobes  arron- 
dis. 11  y  a  quatre  étamiues  didynames,  les  supérieures  étant  de  beaucoup  les  plus, 
courtes.  Les  anthères  sont  réniformes,  à  deux  loges  qui  deviennent  confluentes 
après  s'être  ouvertes  suivant  leur  longueur.  Le  gynécée  est  formé  de  quatre 
demi-loges  ovariennes,  entourées  d'un  disque  qui  lorme  en  dehors  de  chaque 
demi-loge  un  lobe  saillant  et  arqué.  Le  style  gynobasique   se  dilate  à  son  som- 


LAVANDE  (eoTANiQUB).  iO 

met  en  une  tête  stigmatifère  à  deux  lobes  aplatis  et  obtus.  Le  fruit  est  un 
tétrachaine  entouré  du  calice  persistant.  Les  Lavandes  sont  des  herbes  méditer- 
ranéennes, à  tige  vivace,  souvent  ligneuse  à  la  base.  Leurs  feuilles  sont  oppo- 
sées, étroites,  entières,  ou  plus  ou  moins  découpées.  Leurs  inflorescences  sont 
supportées  par  un  axe  long  et  grêle,  dressé,  nu  .  Vers  son  sommet,  il  porte  un 
certain  nombre  de  bractées  disposées  en  séries  verticales,  à  l'aisselle  desquelles 
sont  les  fleurs  ferliles.  Parfois  ces  bractées  deviennent  stériles  vers  le  sommet  de 
l'inflorescence  totale.  Elles  prennent  alors  un  grand  développement,  et  surmon- 
tent les  fleurs  d'une  sorte  de  couronne  verdàtre  ou  colorée.  Plusieurs  espèces  de 
Lavandes  sont  médicinales. 

a.  Sect.  Spica.  Lavandes  à  bractées  florales  pluriflores,  les  supérieures  fertiles, 
peu  développées,  plus  courtes  que  les  fleurs  qui  occupent  leur  aisselle. 

'  I.  Lavande  vraie ,  femelle ,  ou  officinale  [Lavandula  vera  DC,  FI.  Fr.,  suppl., 
V,  598. — L. viilgaris Lamk, FI. Fr.,  II,  405. — L.  officinalis Chaix, in  Vill. Dauph., 
II,  355,  363).  Cetle  plante,  que  Linné  ne  considérait  que  comme  une  variété,  à 
feuilles  florales  ovales-losangiques,  du  L.  Spica,  est  encore  appelée  Lavande  mâle, 
Garde-Robe,  et  Nard  d'Italie  ou  Nard  faux.  C'est  une  plante  à  tige  suffrutes- 
cente,  haute  d'un  tiers  ou  d'un  demi-mètre,  dont  la  tige  est  à  sa  base  assez 
épaisse,  brunâtre,  et  se  divise  bientôt  en  branches  nombreuses,  grêles,  allongées, 
couvertes  d'un  fin  duvet  blanchâtre,  cotonneux,  quadrangulaires,  chargées  d'un 
grand  nombre  de  feudles  opposées  et  rapprochées.  Puis  ces  axes  deviennent  nus 
dans  une  grande  étendue,  et  ce  n'est  qu'au  voisinage  de  leur  sommet  qu'ils  por- 
tent un  assez  grand  nombre  de  fleurs  réunies  en  une  sorte  de  faux  épi  terminal. 
Les  feudles  sont  sessiles,  étroites,  linéaires,  lancéolées,  chargées  d'un  duvet  blan- 
châtre, d'autant  plus  abondant  qu'elles  sont  plus  jeunes.  Les  fleurs  sont  situées 
dans  l'aisselle  de  bractées  ou  feuifles  florales,  supei'posées  en  séries  rectihgnes.Ges 
feuilles  florales  seules  caractérisent,  par  leur  forme  dont  nous  avons  parlé  tout  à 
l'heure,  cette  espèce  qui  n'a  pas  grande  valeur.  L'aisselle  de  chaque  bractée  est 
occupée  par  un  petit  glomérule  de  fleurs,  à  corolle  bleuâtre,  violacée.  Le  calice  est 
tubuleux,  strié  longitudinalement,  velu.  Son  bord  est  surmonté  en  dedans  d'un 
petit  appendice  arrondi,  rétréci  à  sa  base,  s'élevant  entre  l'axe  et  le  dos  de  la  co- 
rolle, dont  le  tube  est  droit,  plus  long  que  le  calice.  La  corolle  est  pubescente 
en  dehors.  Son  lobe  postérieur  est  dressé,  obcordé,  avec  une  petite  échancrure  au 
sommet  et  des  lobes  arrondis.  Son  lobe  antérieur  est  ti^ilohé  et  descend  presque 
verticalement.  Le  style  est  à  peu  près  de  la  longueur  du  calice.  Il  se  dilate  subi- 
tement à  son  sommet,  en  deux  lames  qui  ressemblent  à  de  petits  cuillerons  obtus, 
plus  larges  que  hauts,  se  regardant  par  leur  concavité.  Le  fruit  est  entouré  du 
calice  persistant  ;  il  est  formé  de  petits  achaines  hsses,  oblongs,de  couleur  brune. 

Le  L.  vera  est  originaire  de  la  région  méditerranéenne  ;  il  croit  spontanémeiiî, 
en  France,  aux  environs  de  Toulon,  Marseille,  Montpellier,  Narbonne,  dans  les 
Pyrénées-Orientales  et  en  Corse,  en  Suisse,  en  Italie  et  en  Espagne  ;  il  est  fré- 
quemment cultivé  dans  les  jardins,  pour  les  usages  médical  et  industriel. 

II.  L.  Spica  ou  mâle  (L.  Spica  DC  ,Fl.Fr.,  II,  403. — L.  latifoliayiii.,  Dauph., 
II,  565).  Cette  plaute  appartenait,  pour  Linné,  à  la  môme  espèce  que  la  précé- 
dente, et  il  ne  considérait  le  L.  vera  de  De  Caiulolle  que  comme  une  variété  du 
L.  Spica.  Cetle  opinion  est  probablement  la  seule  vraie,  car  on  trouve  des  inter- 
médiaires entre  les  L.  vera  et  Spica,  quant  à  la  forme  et  à  la  taille  des  feuilles 
florales.  Qu'on  considère  donc  le  L.  Spica  comme  une  espèce  distincte,  ou  comme 
une  variété,  on  reconnaîtra  toujours  le  Spica  à  ce  que  ses  feuilles  florales  sont 

DICT.   ENC.  2*  s.   II.  4 


50  LAVANDE  (pharmacologie). 

pins  étroites,  linéaires,  lancéolées  ou  subniées,  et  fort  atténuées  au  sommet.  Le 
vulgaire  en  fait  souvent,  de  lui-même,  un  type  tout  spécial,  qu'on  désigne  dans 
nos  provinces  du  Midi  sous  les  noms  de  Badase,  Espic  ou  Aspic,  Espidot  ou 
Spicanard  covimun.  C'est  une  plante  de  taille  plus  humble  que  leL.  vera,  à 
feuillage  plus  blanchâtre,  à  fe\iilles  plus  rapprochées  les  unes  des  autres  vers  la 
base  des  rameaux,  à  inflorescences  plus  courtes  et  plus  serrées.  Elle  est,  comme  la 
précédente,  très-aromatique  dans  toutes  ses  parties,  et  ses  propriétés  sont  les 
mêmes  ;  elle  croît  dans  les  mêmes  régions  à  peu  près  de  la  France,  et  à  Gap,  à 
Lyon  et  dans  la  Lozère.  On  la  trouve  aussi  en  Espagne,  aux  Baléares,  à  Naples, 
en  Sicile,  en  Gî'èce,  en  Algérie  et  en  Tunisie. 

b.  Sect.  Stœchas.  Lavandes  à  inflorescence  surmontée  d'une  couronne  de  brac- 
tées stériles  développées,  souvent  colorées. 

III.  L.  Stœchas  ou  Stœchas  arabique  [L.  Stœchas  L.,  Spec,  800.  — StŒ' 
chas  officinarum  Miih.,  Dict.,  n.  1. — S.  purpureal.,  Instit.,  201,  t.  95).  Cette 
espèce,  suffrutescente,  haute  d'un  demi-mètre  à  un  mètre,  très-ramifiée,  dressée, 
a  des  rameaux  adultes  à  peu  près  cylindriques,  et  de  jeunes  rameaux  blanchâtres* 
tomenteux,  à  feuillage  très-touffu»  Les  feuilles  sont  sessiles,  oblongues-linéaires, 
très-entières,  veinées  en  dessous,  à  bords  réfléchis  on  révolutés,  tomenteuses, 
blanchâtres.  Leur  inflorescence  est  portée  par  un  axe  peu  allongé;  elle  simule  un 
épi  long  d'un  pouce  à  un  pouce  et  demi  ;  les  feuilles  florales  sont  étroitement  im- 
briquées, losangiques-cordiformes,  acuminées,  opposées  ou  disposées  par  faux- 
verticilles  de  quatre.  Chacune  d'elles  a  dans  son  aisselle  un  petit  glomérule  3-5-flore; 
elle  est  tomenteuse,  blanchâtre.  Mais  vers  la  partie  supérieure  de  l'inflorescence, 
ces  bractées  deviennent  stériles,  et  elles  s'allongent  beaucoup,  de  manière  à  for- 
mer une  sorte  de  couronne  ou  de  panache,  et  à  représenter  des  lames  dilatées, 
oblongues,  cunéiformes  à  la  base,  d'une  couleur  plus  ou  moins  violacée  ou  pour- 
prée. Les  fleurs  ont  une  corolle  à  tube  assez  court,  d'un  beau  pourpre  noirâtre, 
Le  calice  est  ovoïde,  tubuleux,  tomenteux,  à  quatre  dents  antérieures  presque 
égales,  la  supérieure  étant  surmontée  d'un  appendice  obcordé.  Les  achaines  sont 
ovales-triangulaires.  Cette  plante  croît  en  France,  dans  la  région  méditerranéenne, 
et  en  Corse,  en  Espagne,  en  Portugal,  en  Italie,  en  Sicile  et  en  Grèce,  àConstan- 
tinople,  en  Algérie  et  en  Tunisie,  aux  îles  Canaries,  àTénériffe. 

On  emploie,  dit-on,  encore  le  L.  viridis  Put.  {Hort.  kew.,  If,  288),  qui  est 
un  Stœchas  à  bractées  stériles  verdàtres,  et  le  L.  pedunculata  Cav.  {Prœlect., 
'/Oj,  qui  est  un  Stœchas  à  longs  pédoncules  et  à  tube  de  la  corolle  égal  au  calice 
La  Lavande  femelle  de  Paris  est  le  L.  latifolia  Desf.  {Cat.  h.  par.,  éd.  5,  98), 
espèce  douteuse,  à  larges  feuilles  ovales  très-entières.  H.  Bn. 

L.,  Gen.,  n.  711.  —  Adans.,  Fani.  des  pi.,  II,  188  [Fabricia).  —  Ginoins  de  Lassahaz, 
Hist.  nat.  des  Lavandes.  Genève,  1826.  —  Endl.,  Gen.,  n.  5585.  —  Mer.  et  Del.,  Dict.,  IV, 
71 .  —  Ducii.,  Râyei-t.,  81.  —  Guib.,  Drog.  simpl.,  éd.  4,  II,  422.  —  Ricii.  (A.),  in  Dict.  de 
iHL'd.  [en  50  vol.),  XYII,  600;  Elém.  éd.  4,  II,  486.  —  Benth.,  Labiatarum  gen.  et  spec, 
1852-1856,  146;  ethiDC.  Prodr.,  XII,  145.  —  Rév.,  in  Bot.  méd.  du  dix-neuvième  siècle, 
II,  220.  —  Peueira,  Élem.  Mnt.  med.,  éd.  5,  II,  p.  1,  507.  —  Lindl.,  FI.  med.,  485.  — 
BloQ.,  Bot.  méd.,  379.  —  Rosenth.,  Syn.  plant,  diaphor.,  597,  1127.  —  Gren.  et  Godr.,  FI. 
de  France,  II,  646. 

§  II.  Pharmacologie.  Trois  espèces  du  genre  Lavandula  intéressent  la  ma* 
tière  médicale  : 

1"  La  lavande  officinale  (Cc(dex)j  Lavandula  vera;  lorsque  l'on  emploie  le 
seul  mot  de  lavande,  c'est  cette  espèce  que  l'on  sous-entend. 


L.WAJN'DE  (pharmacologie).  5l 

2"  La  lavande  commune  (Codex),  Lavcmdula  Spica,  spic,  aspic  (de  spica,  épis, 
par  suite  de  la  disposition  de  ses  fleurs)  ;  faux  nard,  grande  lavande,  lavande 
mâle. 

5°  La  lavande  stsechas,  Lavanclida  Stœchas,  plus  connue  sous  le  seul  nom  de 
stsechas  (de  arà/juç,  épi,  ou  de  ce  qu'elle  croit  en  abondance  sur  les  iles  Staechades 
ou  îles  d'Hyères  en  Provence)  ;  lavande  dentelée  ;  stœchas  d'Arabie,  parce  qu'elle 
y  est  aussi  très-commune. 

Mérat  et  Delens  disent  que  le  suc  frais  du  Lavcmdula  carnosa,  plante  de  l'Inde, 
est  employé,  d'après  Ainslie,  mélangé  avec  le  sucre  candi,  contre  l'esquinancie  ; 
associé  à  celui  d'autres  plantes  ou  à  l'huile  de  sésame,  il  entre  dans  la  composi- 
tion de  liniments  pour  la  tête. 

Les  lavandes  ont  une  odeur  aromatique  sui  generis,  très-agréable,  que  conser- 
vent les  fleurs  desséchées.  Leur  saveur  est  chaude,  amère,  et  plaît  moins  que 
leur  odeur. 

L'analyse  n'en  a  été  qu'incomplètement  faite  ;  on  peut  dire  qu'elle  s'est  ar- 
rêtée à  l'extraction  de  l'huile  essentielle,  laquelle  donne  aujourd'hui  à  ces  plantes 
leur  importance  commerciale.  La  lavande  contient  cependant  en  outre,  comme 
principes  intéressants  au  point  de  vue  médical,  une  résine,  une  matière  amère 
et  un  peu  de  tannin.  De  la  présence  de  celui-ci  résulte  l'incompatibihté  de  la 
lavande,  dans  les  manipulations  pharmaceutiques,  avec  toutes  les  substances  dé- 
composables  par  le  tannin. 

Plusieurs  auteurs  indiquent,  comme  parties  usitées,  les  sommités  fleuries  ;  il 
est  mieux  de  n'employer  que  les  fleurs  mondées,  et  ce  sont  celles-ci  en  effet  qui 
servent  exclusivement  aux  bonnes  préparations. 

Les  fleurs  de  lavande  s'emploient  en  nature,  pour  des  infusions  destinées  à 
des  lotions,  à  des  bains  aromatiques.  C'est  même  de  cette  destination  spéciale 
chez  les  Romains  que  dérive  le  nom  de  la  plante  :  Lavandula  a  lavando,  qiiod 
ea  parantur  halnea.  On  peut  s'étonner  que  le  Codex  n'ait  pas  fait  entrer  les 
fleurs  de  lavande  dans  les  espèces  aromatiques,  d'autant  plus  qu'on  les  trouve  dans 
les  diverses  formules  de  ces  espèces,  données  par  la  plupart  des  autres  pharma- 
copées. 

On  en  prépare  une  poudre,  qui  s'administre  à  l'intérieur,  et  que  l'on  fait  aussi 
servir  à  la  préparation  :  des  poudres  aromatiques  composées,  pour  l'usage  ex- 
terne ;  des  poudres  sternutatoires  ;  des  sachets  aromatiques. 

On  en  retire  un  hydrolat  et  un  alcoolat.  On  en  a  fait  aussi  une  teinture  al- 
coolique. 

Le  Codex  inscrit  les  fleurs  de  lavande  parmi  les  éléments  du  vinaigre  aroma- 
tique des  hôpitaux,  du  vinaigre  antiseptique  ou  des  Quatre  Voleurs,  et  du 
baume  tranquille.  Elle  entrait  anciennement  dans  VEau  vulnéraire,  le  Baume 
nerval,  et  plusieurs  autres  compositions  polypharmaceutiques. 

Huile  essentielle  de  lavande.  Elle  s'obtient  par  distillation,  avec  Tintermède 
de  l'eau,  des  fleurs  de  lavande.  Elle  a  ordinairement  une  couleur  verte  plus  ou 
moins  prononcée,  selon  son  degré  de  pureté  ;  mais  parfaitement  i^ectifiée,  eUe  est 
incolore.  Elle  a  une  odeur  forte,  aromatique,  une  saveur  brûlante  et  amère.  — 
Densitéjà -1-12°, 0,886  ;  pouvoir  rotatoire  —  21,  20  :  indice  de  réfraction,  1,467. 
(Buignet.)  Formule  :  n'est  pas  encore  rigoureusement  déterminée  ;  on  sait  du 
moins  que,  en  outre  du  carbone  et  de  l'hydrogène,  elle  contient  de  l'oxygène; 
elle  est  en  conséquence  classée  dans  les  essences  oxygénées.  Elle  se  dissout  dans 
l'alcool  et  dans  l'acide  acétique  concentré.  Proust  y  a  découvert  du  camphre,  ce 


h5  LAVANDE  (TiiiijiAf eutiqub). 

qui  a  été  vérifié  par  M.  Dumas.  La  |Droportion  de  camphre  contenue  dans  l'essence 
dekwande  s'élève  (Pclouze  et  Fremy)  juscpi'au  quart  et  quelquefois  même  jusqu'à 
la  moitié  de  son  poids. 

L'huile  essentielle  que  l'on  retire  de  la  la\ande  spic,  et  désignée  vulgairement 
dans  le  commerce  sous  le  nom  à'huile  d'aspic,  a  des  propriétés  et  une  compo- 
sition analogue,  une  odeur  moins  agréable,  et  est  moins  estimée.  L'une  et  l'autre 
sont  souvent  falsifiées  par  l'essence  de  térébenthine,  qu'un  odorat  e:xercé  peut  y 
reconnaître  ;  une  solubilité  moindre  dans  l'alcool  et  la  vérification  des  chiffres 
donnés  ci-dessus  peuvent  encore  mieux  démontrer  la  fi'aude. 

Le  parfum  de  l'huile  essentielle  de  lavande  est  en  rapport  avec  les  soins  ap- 
portés à  sa  préparation,  avec  la  bonne  qualité  de  la  plante,  avec  le  terroir  qui  a 
fourni  celle-ci.  Les  Anglais  prétendent  que  le  climat  de  l'Angleterre  est  plus  favo- 
rable à  la  culture  de  la  lavande,  et  que  par  suite  leurs  essences  de  Mitcham,  dans 
le  comté  de  Surrey,  et  d'Hitchim,  dans  le  comté  d'Hertford,  sont  supérieures  à 
celles  de  nos  fabriques  du  Midi.  Mais  nous  croyons,  après  avoir  comparé  leurs  pro- 
duits, très-remarquables  d'ailleurs,  avec  ceux  des  Alpes  maritimes,  que  la  supé- 
riorité est  surtout  acquise  à  leurs  prix,  et  que  nos  qualités  d'essences  de  lavande 
sont  susceptibles  de  valoir  les  leurs. 

L'essence  de  lavande  intéresse  plus  la  parfumerie  que  la  thérapeutique  ;  elle 
entre  dans  la  composition  d'un  grand  nombre  de  cosmétiques,  et  surtout  dans 
ceux  vulgarisés  sous  le  nom  à' Eaux  de  toilette.  Sa  dissolution,  en  proportion  varia- 
ble, dans  l'alcool  (50  à  40  pour  1000  donnent  un  produit  satisfaisant),  forme  ce 
qu'on  appelle  ['esprit,  l'alcool,  ou  Veau-de-vie  de  lavande  ;  on  ajoute  parfois 
d'autres  essences,  et  particulièrement  celle  de  bergamote,  afin  d'améhorer  la 
qualité  de  la  préparation.  L'alcool  de  lavande  ainsi  obtenu  a  plus  de  parfum  que 
l'alcoolat  et  remplace  avantageusement  celui-ci  pour  les  usages  pharmaceutiques. 
Dans  la  parfumerie,  pour  obtenir  les  plus  belles  qualités  à'esprit  de  lavande, 
on  ne  s'arrête  pas  au  simple  mélanga  d'essence  et  d'alcool  ;  on  distille  ce  mé- 
lange, et  l'on  recueille  un  produit  incolore,  plus  parfumé  et  d'une  meilleure  con- 
servation que  la  simple  dissolution  de  l'essence  dans  l'alcool,  qui  se  colore  et  se 
résinifie  avec  le  temps. 

Les  fleurs  de  spic  peuvent  être  employées  aux  mêmes  usages  et  dans  les  mêmes 
circonstances  que  celles  de  la  lavande  officinale. 

Les  parties  usitées  de  la  lavande  stœchas  sont  également  les  fleurs,  qui  peuvent 
donner  lieu  aux  mêmes  préparations  que  celles  des  deux  espèces  précédentes. 
Elles  ont  servi  en  outre  à  la  confection  de  sirops  qui  ont  joui  autrefois  d'une  cer- 
taine vogue,  et  qui  valaient  peut-être  bien  beaucoup  de  ceux  pour  lesquels  on  les 
a  délaissés.  L'un  était  le  sii^op  de  stœchas  simple  ;  l'autre,  le  sii-op  de  stœchas  com- 
posé, dont  les  formules  variaient,  basées  sur  l'association  d'un  plus  ou  moins 
grand  nombre  de  substances  aromatiques  (V.  Jourdan,  Pharmacopée  univer- 
selle). 

§  m.  Thérapeutique.  Si  l'on  tient  compte  de  la  présence,  dans  la  lavande, 
d'une  matière  amère,  du  tannin,  d'une  huile  essentielle  qui  elle-même  contient  une 
notable  proportion  de  camphre,  on  comprendra  que  cette  plante,  se  rapprochant 
des  labiées  qui  ont  une  composition  analogue,  telles  que  la  menthe,  le  romarin, 
le  thym,  puisse  posséder  des  propriétés  à  la  fois  stimulantes,  toniques  et  anti- 
spasmodicp^ies.  11  paraît  même, d'après  Kraus,que,  prise  à  l'intérieur  à  trop  fortes 
doses,  elle  est  susceptible  de  produire  quelques  accidents  toxiques.  Mais  si  la  la- 
vande plait  à  l'odorat,  elle  déplaît  au  goût  ;  et  sa  saveur  en  effet  n'a  pas  peu  con- 


LAVAiNDE  (tiikhapeutique).  5d 

tribiié  à  la  laisser  tonibei'  en  désuétude  comme  médicament  interne.  Cependant, 
sons  ce  dernier  rapport,  elle  n'a  pas  été  sans  quelque  réputation.  On  la  considé- 
rait autrelbis  comme  excitant  le  système  nerveux  en  général,  et  le  cerveau  en 
particulier  ;  ce  qui  fit  vanter  son  tau  distillée  contre  la  syncope,  l'asphyxie,  h 
début  de  l'apoplexie,  les  affections  sopore\!ses.  La  croyance  à  ce  pouvoir  d'exci- 
tation nerveuse  était  telle,  que  la  lavande  était  l'un  des  remèdes  les  plus  employés 
contre  les  paralysies,  et  particulièrement  contre  les  paralysies  de  la  langue.  Ainsi 
en  pareil  cas,  on  prescrivait  fréc{uemment  la  teinture  alcoolique  de  lavande,  éten- 
due d'eau,  en  gargarisme,  et  le  même  moyen  s'appliquait  aussi  au  traitement  du 
bégayement.  Il  ne  serait  peut-être  pas  sans  intérêt  de  vérifier  le  degré  d'utilité  de 
ce  mode  de  traitement  contre  les  lésions  musculaires  et  nerveuses  de  la 
langue. 

L'amanrosenous  offre  unaulre  cas  de  paralysie  sensoriale  où  les  préparations  de 
lavande  auraient  manifesté  quelque  efficacité.  De  nos  jours  encore,  M.  Desmarres 
prescrit  contre  les  affoiblissements  de  la  vue  des  frictions  sur  la  région  sourci- 
lièreavec  un  mélange  de  :  ammoniaque,  i  partie;  eau-de-vie  de  lavande,  40  p.;  et 
il  en  obtient  souvent  de  forts  bons  résultats. 

Les  propriétés  nervines  et  particulièrement  céphaliques  possédées  par  d'aulres 
labiées,  telles  que  la  menthe  et  la  mélisse,  ont  été  également  reconnues  à  la  la- 
vande que  l'on  a  en  conséquence  recommandée  conire  divers  états  nerveux  dé- 
pendant du  trouble  de  l'innervation  cérébrale,  et  entre  autres  la  céphalalgie  et  le 
vertige. 

Comme  antispasmodique,  on  l'a  jugée  utile  contre  plusieurs  névroses,  et  surtout 
contre  l'hystérie,  estimant  même  qu'elle  avait  une  action  spéciale  sur  l'utérus, 
qu'elle  favorisait  l'éruption  des  menstrues  et  le  travail  de  l'accoucliemcnt  ;  ce  qui 
ne  peut  être  accepté  que  sous  toutes  réserves,  de  même  que  des  influences  particu- 
lières sur  les  reins  et  sur  la  peau  dont  on  a  aussi  prétendu  qu'elle  activait  les 
fonctions  sécrétoires. 

Ses  propriétés  digestives  et  carminalives  paraissent  être  plus  réelles  ;  et  l'on  en 
a  tiré  parti  contre  certaines  dyspepsies  avec  llatulences  gastro-intestinales. 

Enfin,  comme  léger  tonique  amer,  et  aussi  par  suite  de  propriétés  inhérentes  à 
son  huile  essentielle,  la  la^-lînde  a  pu  et  pourrait  encore  être  utilisée  contre  les 
hypercrinies  chroniques,  muqueuses  ou  purilbrmes,  telles  que  leucorrhée,  gonor- 
rhée,  bronchorrhée.  Dans  cette  dernière,  c'est  surtout  le  stœchas,  dont  nous  al- 
lons dire  quelques  mots,  qui  a  été  employé. 

On  a  reconnu  aux  fleurs  de  stsechas  (qui  pourraient  être,  du  reste,  ainsi  que 
celles  de  la  lavande  spic,  substituées,  pour  les  usages  médicaux,  à  la  lavande  of- 
ficinale à  défaut  de  celle-ci)  une  utilité  particulière  contre  les  affections  chroni- 
ques des  organes  respiratoires,  asthme  humide,  catarrhe  muqueux,  engorgements 
pulmonaires,  et  dyspnées  résultant  de  ces  affections.  Bodard  dit  avoir  trouvé  le 
stœchas  très-efficace  en  pareils  cas  ;  et  nous  ajouterons  que  l'on  aurait  tort  de  le 
laisser  dans  un  oubli  complet.  Les  infusions  des  labiées,  mais  surtout  de  celle 
qui  nous  occupe  ici,  d'hysope  et  de  sauge  (nous  associons  souvent  ces  trois  sub- 
stances dans  la  môme  infusion),  sont  infiniment  préférables,  dans  le  traitement 
des  catarrhes  bronchiques,  aussi  bien  aigus  que  chroniques,  aux  tisanes  émol- 
lientes  ou  soi-disant  pectorales  communément  usitées. 

En  outre  de  ses  propriétés  béchiqnes,  Alibert  dit  avoir  trouvé  dans  le  stfechas 
des  propriétés  antispasmodiques,  qu'il  a  particulièrement  utilisées  contre  certains 
états  névropathiques  de  l'estomac,  tels  que  les  vomissements  nerveux. 


5i  LAVARDENS   (eau   minép.ale  ue). 

Lc3  iavaiides  tt  leurs  préparations  ne  sont  guère  employées  aujourd'hui  que 
pour  l'usage  externe.  Seules  ou  associées  à  d'autres  substances  analogues,  elles 
servent  à  la  préparation  de  lotions,  de  frictions,  de  bains  aromatiques.  Leurs 
fleurs,  mélangées  avec  celles  d'autres  labiées  ou  avec  d'autres  plantes  odorantes, 
entrent  d*ins  la  composition  de  sachets,  de  litières  aromatiques.  (Voir  ces  mots, 
ainsi  que  les  articles  Aromatiques  et  Baiks.) 

L'alcoo'at,  l'alcool,  ou  l'eau-de-vie  de  lavande,  par  leurs  propriétés  encore  plus 
stimulantes  que  les  autres  préparations  de  cette  plante,  conviennent  pour  ranimer 
les  fonctions  de  la  peau  ou  des  parties  sous-jacentes,  dissiper  les  engorgements 
indolents,  œdémateux,  combattre  les  asthénies  nerveuses  et  musculaii^es  ;  et  l'ef- 
ficacité qu'on  leur  attribuait  autrefois  contre  les  paralysies  pourrait,  au  moins 
dans  une  certaine  mesure,  se  manifester  encore.  Ces  dissolutions  alcooliques 
d'essence  de  lavande  servent  avec  avantage  à  composer  des  bains  aromatiques 
stimulants,  très-propres  à  réveiller, en  diverses  circonstances,  la  vitaUté  de  certains 
appareils  organiques  ou  de  tout  l'organisme  lui-même  ;  bains  plus  actifs  encore 
que  ceux  préparés  avec  la  seule  infusion  des  plantes  aromatiques.  Enfin,  on  fait  en- 
trer l'alcoolat  ou  l'eau-de-vie  de  lavande,  comme  élément,  dans  des  mixtures  ou  li- 
niments  pi^escrits  pour  l'usage  externe,  soit  pour  ajouter  à  leur  action  stimulante, 
soit  pour  couvrir  l'odeur  désagréable  d'autres  ingrédients,  telle  que  l'ammoniaque 
par  exemple,  dont  l'essence  de  lavande  corrige  ou  masque  assez  bien  les  effluves 
repoussants.  C'est  ce  dernier  motif  qui  fait  admettre  l'essence  de  lavande  dans 
l'aromatisation  du  carbonate  ammoniacal  qui  fait  la  base  des  sels  anglais,  sels  de 
Preston,  smelling  salts,  dont  les  effluves,  à  la  fois  excitants  et  antispasmodiques, 
ne  sont  pas  sans  utiUté  dans  les  états  nerveux,  contre  la  migraine,  les  défaillances, 
la  syncope,  etc. 

La  poudre  de  lavande  s'administre  à  l'intérieur  à  la  dose  de  1  à  4  grammes  ; 
les  fleurs,  depuis  10  jusqu'à  20  grammes  pour  unhtre  d'eau,  en  infusion  théi- 
forme  ;  pour  un  grand  bain,  500  à  1000  grammes.  Nous  n'engagerons  pas, 
comme  certains  formulaires,  à  donner  sur  un  morceau  de  sucre  quelques  gouttes 
d'huile  essentielle,  qui,  acre  et  brûlante,  produit  ainsi  une  impression  des  plus 
désagréables  sur  l'organe  du  goût  ;  nous  pensons,  d'ailleurs  que,  jusqu'à  plus 
ample  informé  de  son  utilité  à  l'intérieur,  elle  doit  être  réservée  pour  l'usage 
externe.  L'alcoolat  de  lavande  pourrait  être  mêlé  à  une  potion  à  la  dose  de  8  à  10 
grammes,  l'eau  distillée  à  celle  de  30  à  60  grammes.  Les  sirops  de  staechas  se 
prescriraient  à  la  dose  de  30  à  60  grammes  ;  pour  les  fleurs  de  stsechas,  mêmes 
doses  que  celles  de  lavande  officinale.  D.  de  Sayignac, 

LAVAmauLii  ST.ECHAS.     {Voy.  Lavande.) 

LAVAR®e:\"S  (Eau  minérale  de),  proiothermale ,  ame'talUte, carbonique  fai- 
ble. Dans  le  département  du  Gers  et  dans  l'arrondissement  d'Auch,  à  l  kilomètre 
du  village  de  Lavardens,  émerge  une  source  d'eau  limpide,  sans  odeur  ni  saveur 
prononcées,  à  peine  traversée  par  quelques  bulles  gazeuses,  sans  réaction  sur  les 
préparations  de  tournesol,  et  d'une  température  de  19", 4  centigrade.  Sa  densité  est 
la  même  que  celle  de  l'eau  ordinaire  ;  l'analyse  chimique  ne  lui  domic  guère  plus 
de  droits  à  avoir  une  place  distincte  dans  le  cadre  hydrologiquc  ;  le  travail  de 
MM.  Lidangc  et  Boulan  indique,  en  effet,  dans  1,000  grammes  de  cette  eau,  les 
proportions  minimes  des  principes  suivants; 


LAVATER  (les). 

Carbonate  de  chaux 0,160 

—  magnésie 0,04S 

—  fer 0,006 

Sulfate  de  chaux 0,008 

—  magnésie 0,076 

—  soude 0,034 

Chlorure  de  sodium 0,0i4 

—  magnésium O.OIS 

Silice  et  débris  végétaux 0,026 

Résine 0,003 

Chlorhydrate  d'ammoniaque traces. 

TOIAI,  CES  MATIÊBES  FIXES 0,467 

Gaz  acide  carbonique 0,028  litre. 

L'eau  de  cette  source,  que  les  gens  du  pays  nomment  la  Fontaine  Chaude,  est 
seulement  employée  en  boisson.  Son  usage  n'est  soumis  à  aucune  règle  métho- 
dique, et  quelques  habitants  de  Lavardens  et  des  contrées  voisines  croient  cette 
eau  capable  de  guérir  les  maladies  chroniques  les  plus  sérieuses  et  les  plus  va- 
riées. Sans  accorder  que  la  physique  et  la  chimie  renseignent  complètement  sur 
l'efficacité  thérapeutique  d'une  eau  minérale,  nous  doutons  que  la  thermahté  et 
la  constitution  élémentaire  de  l'eau  de  Lavardens  lui  assignent  jamais  une  place 
importante  parmi  les  eaux  minérales,  A.  R. 

tAVATEK  (Les). 

Plusieurs  médecins  de  ce  nom,  tous  de  Zurich,  et  dont  quelques-uns  unis  par 
les  liens  de  la  plus  étroite  parenté,  se  sont  fait  une  réputation  dans  la  science. 

Lavater  (Heinrigh)  naquit  à  Zurich,  en  1559  ;  après  avoir  fait  et  complété  ses 
études  dans  plusieurs  universités  d'Allemagne  et  d'Italie,  il  revint  dans  sa  ville 
natale,  où  il  remplit  les  fonctions  de  professeur  de  mathématiques  et  de  physique, 
et  mourut  en  1623,  laissant  les  ouvrages  suivants  : 

I.  Defensio  medicorum  galenicorum  advcrsus  calumnias  Angeli  Sala.  Hanov,  1610,  in-i", 
—  Il,  Epifome  philosophiœ  nafuralis.  Ibid.,  1621,  in-4°. 

Lavater  (Joh.-Hecnrich),  fils  du  précédent,  né  à  Zurich,  en  1611,  occupa  la 
même  chaire  que  son  père  et  se  distingua  par  divers  travaux.  On  lui  doit  notam- 
ment une  curieuse  observation  de  hernie  scrotale  du  volume  du  poing,  déter- 
minée par  la  chute  du  côlon.  11  s'occupa  aussi  de  l'analyse  des  eaux  minérales  et 
de  règlements  sur  la  peste.  Voici  la  note  de  ses  ouvrages  ; 

l.  De  arthritide.  Basilese,  1047,  in-4°.  —  II.  'E-jTîpo7t?ptço).r,,  seu  intestinorum  compres- 
sione.  Ibid.,  1G72,  m-¥. 

Lavaier  (Joh.-Caspar.-Christ.),  probablement  de  la  famille  des  précédents, 
naquit  à  Zurich,  le  15  novembre  1741,  et  mourut  dans  cette  ville,  le  12  janvier 
1801,  des  suites  d'une  blessure  qu'il  avait  reçue  à  la  prise  de  cette  ville  par  les 
Français.  Il  était  ministre  protestant,  et  se  fit  une  grande  réputation  par  son 
zèle  évangélique,  sa  charité  et  son  mysticisme.  Outre  ses  écrits  religieux,  Lava- 
ter a  laissé  des  ouvrages  très-originaux  et  qui  ont  obtenu  un  grand  succès  de 
curiosité  ;  je  veux  parler  de  ses  recherches  sur  la  physiognomonie,  dans  lesquelles 
il  s'efforce  de  découvrir  toutes  les  nuances  du  caractère  d'après  les  traits  du  vi- 
sage. Cette  prétention  lui  attira  quelques  mystifications,  particulièrement  de  la 
part  du  célèbre  Zimmermann,  qui  lui  fit  prendre  un  affreux  bandit  pour  un 
homme  doué  de  toutes  les  vertus.  Voici  l'indication  de  cet  ouvrage  : 

I.  Physlonomische  Fragmente  zur  Befôrderung  der  Menschenkenntniss  tmd  Menschenlichc. 
Leipzig- und  Wintortliur,  1775-78,  4  vol.  pot.  in-fol,  ;   trad,    Ir.  soas  ce  titre  :  Ei.mi  sur  la 


• 


56  LAVEMENTS  (pharmacologie). 

jihysionomie  ou  l'arl  de  connaître  les  hommes,  etc.  1782,  4  vol.  in-i",   fig.  —  Autre  édit. 
L'art  de  connaître   les  hommes,  pai'  Moreau  de  la  Sarthe.  Paris,  1806-35,  10  vol.  in-8°.  — 

II.  Physiognomonie,  elc.  Paris,  1845,  gr.  in-8°,  pi. 

liavater  (Joh.-Heinrich),  fils  du  physiogiiomoniste,  né  i  Zurich,  le  21  mai 
17G8;  étudia  la  médecine  à  l'Université  de  Gœttingue,  où  il  prit  le  bonnet  de 
docteur  en  1789.  Il  revint  ensuite  à  Zurich  ex^ercer  la  médecine  avec  beaucou}) 
de  distinction.  11  se  fit  surtout  remarquer  pai'  le  zèle  qu'il  déploya  pour  propager 
ia  vaccine  parmi  ses  compatriotes.  Il  mourut  le  20  mai  1819.  On  a  de  lui  : 

I.  Observ.  de  statu  hodierno  artis  medicœ.  Gœltingre,  1789,  in-4°.  —  II.  Anleitung  ziir 
nnatomischen  Kenntniss des  menscklichen  liorpers  fur  Zeichner  iind Bildhauer .  Zurich,  1790, 
in-S"  ;  trad.  fr.  par  Gauthier  de  la  Peyronie,  et  enrichi  dénotes.  Paris,  1797,  in-8»,  iig.  — 

III.  Abltandhing  iiber  die  Milchblattern  oder  die  sogenannten  Ktihpocken,  cinen,  etc.  Zu- 
rich, 1800,  in-8°;  ibid,  1801,  in-8». 

Il  y  eut  encore  ik  Zurich  : 

Lavater  (Dirthelm),  né  à  Zurich,  en  1777,  mort  en  1826,  qui  a  laissé  un 
ouvrage  intéressant  sur  les  bains,  intitulé  : 

Abhandlung  iiber  den  Niitzen  und  den  Gefahren  des  Badens  der  Jugend  an  freien  Orten. 
Zurich,  1804,  in-8''.  E.  Bgd. 

LA'VA.TÈRE  [Lavciterci  L.).  Genre  de  plantes,  de  la  famille  des  Malvacées, 
dont  les  caractères  sont  ceux  des  Guimauves,  à  deux  près  :  le  calicule  est  formé 
de  trois  à  six  folioles  unies  à  leur  base,  et  les  carpelles  ont  leur  portion  ovarienne 
recouverte  par  une  sorte  d'auvent  circulaire  que  forme  au-dessus  d'eux  le  sommet 
dilaté  de  l'axe  floral  qui  leur  sert  de  support.  Les  Lavatères  sont  des  plantes  mu 
cilagineuses ,  dont  les  propriétés  sont  tout  à  fait  celles  des  Mauves  et  des  Gui- 
mauves, et  c'est  aux  mêmes  usages  qu'elles  qu'on  les  emploie  dans  certains  pays, 
et,  par  exemple,  le  L.  thuringiaca  L.,  en  Allemagne  ;  le  L.  arborea  L.,  dans  le 
midi  de  la  Francs  ;  h  L.  triloha  L.,  en  Espagne.  H.  Bn. 

L.,  Gen.,  n.  842.  —  DG,,  Prodr.,  I,  458.  —  Mer.  et  Del.,  Bict.,  IV,  73.  —  Duch.,  Répert., 
213.  —  RosENTH.,  Sijn.  pi.  diaphor . ,  1Q5.  —  Endl.,  Gen.,  n.  5269.  —  Benth.  et  Hook., 
Gen.,  200,  n.  5. 

LiWAVJeiOOIV  ([>e),  médecin  qui  vivait  dans  la  seconde  moitié  du  dix-septième 
•siècle  et  qui,  selon  l'usage  absurde  de  cette  époque,  enseignait  la  chirurgie  dans 
les  écoles.  Dezeinieris  a  démontré  que  le  traité  de  médecine  opératoire  qu'd  a  fait 
paraître  est,  de  même  que  celui  de  Lacharrière,  rédigé  d'après  les  leçons  célèbres 
que  DJonis  donna  au  Jardin  du  Roi  de  1670  à  1682,  et  qui  parurent  seulement 
en  1707.  Haller  l'avait  aussi  noté  comme  un  compilateur  de  ses  contemporains, 
particulièrement  de  Mauriceau  et  de  Fabrice  de  Hilden  : 

Voici  le  titre  de  l'ouvrage  de  Lavauguion  : 

Traité  complet  des  opérations  de  chirurgie,  contenant  leurs  définitions,  leurs  causes 
expliquées  sur  la  structure  de  la  partie,  etc.  Paris,  1696,  in-S";  ibid,  1697,  in-8°;  trad. 
angl.,  Lond.,  1707,  in-8°,  etc.  E.  Iîgd. 

LAVEMENTS.  §  I.  Pliarniacoiogie.  Les  lavements  ou  injections  intestinales 
sont  des  préparations  qui  ont  presque  toujours  pour  véhicule  l'eau,  à  laquelle  on 
f^ite  souvent  une  ou  plusieurs  substances  médicamenteuses.  La  manière  de  les 
obtenir  varie  selon  la  nature  des  matières  qui  en  font  partie.  Lorsque  la  substance 
médicamenteuse  est  soluble,  leur  préparation  est  fort  simple  puisqu'il  suffit  d'en 
opérer  la  solution,  tels  sont  les  lavements  à  l'azotate  d'argent,  au  sulfate  de 
suude,  etc.  Quand  une  plante  ou  une  partie  de  plante  entre  dans  leur  compo- 


LAVEMENTS   (pharmacologie).  67 

gition,  il  faut  avoir  recours,  selou  la  densité  de  la  matière,  soit  à  rinfusiou,  soit  à 
la  décoction .  Pour  le  séné,  la  mousse  de  Corse,  la  camomille  on  se  sert  de  l'infusion  ; 
pour  la  racine  de  guimauve,  la  graine  de  lin,  on  emploie  la  décoction.  Le  lavement 
à  l'amidon  se  prépare  par  un  procédé  tout  particulier  :  on  délaye  l'amidon  en 
poudre  dans  l'eau  froide,  et  on  verse  le  tout  dans  le  restant  de  l'eau  rpii  a  été 
portée  à  l'éljulliiioii.  Lorsqu'on  veut  introduire  dans  ces  médicaments  une  résine 
ou  une  gomme-résine,  ou  bien  une  huile  très-épaisse,  on  a  ie  plus  souvent  recours 
au  jaune  d'oeuf,  c'est  ce  qui  a  lieu  pour  les  lavements  à  l'asa  fœtida,  au  baume  de 
copahu,  à  la  térébenthine,  à  l'huile  de  ricin,  etc.  Cependant  lorsque  l'huile  est 
très-fluide,  comme  l'huile  d'amandes  douces,  on  se  contente  de  la  mélanger  avec 
le  véhicule. 

Pour  les  lavements  à  l'amidon,  à  l'aloès,  à  l'asa  fœtida,  à  l'armoise,  au  borax, 
au  cachou,  au  camphre,  au  chloroforme,  au  baume  de  copahu,  au  cubèbe,  à  la 
céruse,  à  la  digitale,  à  l'émétique,  à  l'azotate  d'argent,  à  la  mousse  de  Corse, 
à  l'iode,  au  musc,  au  tannin,  au  tabac,  à  la  térébenthine,  au  quinquina,  au  sul- 
fate de  quinine,  au  sulfate  de  soude,  au  savon,  à  l'huile  de  ricin,  etc.,  etc. 
{Voy.  ces  substances.)  Nous  ne  mentionnerons  ici  que  les  formules  de  quelques 
lavements  qui  ne  trouveraient  pas  leur  place  ailleurs.  On  trouvera,  du  reste,  dans 
la  partie  de  l'article  consacrée  à  la  thérapeutique,  tontes  les  indications  relatives 
aux  modifications  amenées  dans  les  diverses  formules  de  lavement  par  les  nécessi 
tés  de  la  pratique. 

Lavement  anodin  ou  laudanise'.  Décoction  de  guimauve,  250  grammes;  lauda- 
num de  Sydenham,  50  centigrammes.  En  ajoutant  amidon,  15  grammes,  on  a  le 
lavement  d'amidon  laudanise. 

Lavement  anodin  des  peintres.  Huile  de  noix,  200  grammes;  vin  rouge, 
400  grammes. 

Lavement  antidiarrhéicjue.  (Trousseau.)  Eau  de  chaux,  200  grammes;  eau  de 
riz,  500  grammes  ;  laudanum  de  Sydenham,  1  gramme. 

Lavement  astringent.  Roses  roses,  racine  de  historié,  de  chacun,  10  grammes. 
On  fait  infuser  dans  500  grammes  d'eau  bouillante  ;  on  passe  et  on  ajoute  5  goutte 
de  laudanum  de  Sydenham.  Contre  les  diarrhées  chroniques. 

Lavement  émollient.  Espèces  émollientes,  50  grammes  ;  eau  bouillante,  q.  s. 

Lavement  gélatineux.  Gélatine,  15  grammes;  eau  tiède,  500  grammes.  On 
fait  dissoudre. 

Lavement  huileux.  Huile  d'olives  ou  d'amandes  douces,  60  grammes  ;  décoc- 
tion de  guimauve  ou  de  graine  de  lin,  500  grammes. 

Lavement  laxatif.  Melhte  de  mercuriale,  100  grammes;  eau  tiède,  400  gram- 
mes. Mêlez.  {Codex.) 

Lavement  purgatif .  Feuilles  de  séné  et  sulfate  de  soude,  de  chacun,  15  gram- 
mes; eau  bouillante,  500  grammes.  Après  un  quart  d'heure  d'infusion,  on  passe. 
{Codex.) 

Lavement  purgatif  des  peintres.  Séné,  8  grammes;  eau  bouillante,  500  gram- 
mes. On  fait  infuser,  on  passe  et  on  ajoute  jalap  en  poudre,  4  grammes;  diaphœ- 
nix,  50  grammes;  sirop  de  nerprun,  50  grammes. 

Lavement  vermifuge.  Tanaisie,  rue,  absinthe,  de  chaque,  10  grammes  ;  on 
fait  infuser  dans  eau  bouillante,  500  grammes  ;  on  passe  et  on  njoute  huile  de 
ricin,  20  grammes. 

Lavement  analeptique.  Jaune  d  oeuf  n"  1  ;  salep,  2  grammes  ;  bouillon  de  viande 


sans  sel,  i!2b  grammes. 


58  LAVEMENT  (kmploi  médical). 

Lavement  nourrissant.  Huile  de  foie  de  morue,  20  grammes;  thé  de  bœuf, 
200  grammes  ;  vin  de  Bourgogne,  200  grammes  ;  jaune  d'œuf  n°  1 .  Contre  les 
dyspepsies  chroniques,  les  vomissements  incoercibles  des  femmes  enceintes. 

Le  tlié  de  bœuf  se  prépare  de  la  manière  suivante:  Bœuf  entièrement  maigre 
ec  sans  mélange  d'os,  500  grammes  :  on  hache  menu,  puis  on  ajoute  son  poids 
d'eau  froide,  on  chauffe  jusqu'à  l'ébullition.  Quand  le  liquide  a  bouilli  pendant 
une  minute,  on  passe  avec  expression.  Ce  thé  de  bœuf  est  employé  également 
pour  les  convalescents.  T.  Gobley. 

§  IL  Emploi  médical.  Le  lavement  (de  lavare,  laver,  baigner;  dystère,  chj- 
sma,  -/lixTrôp,  de  /.^O'dw,  je  lave;  enema  de  svt/jjiAt,  jeter  dedans,  injecter)  est  l'in- 
jection d'un  liquide  simple  ou  composé,  faite  dans  le  rectum  à  l'aide  d'un  appareil 
spécial,  seringue,  clysopompe,  clysoir,  dans  un  but  hygiénique  ou  thérapeutique. 

L'usage  du  lavement  remonte  à  la  plus  haute  antiquité  médicale.  Nous 
nous  abstiendrons  de  reproduire  ici  la  fable  répétée  partout  de  la  cigogne  ou  ibis 
égyptien,  qui  nous  en  aurait  donné  l'exemple.  Qu'il  nous  suffise  de  remonter  à 
la  source  pure  et  authentique  de  l'hisLoire. 

Le  lavement  est  souvent  mentionné  dans  les  œuvres  d'Hippocrate,  qui  le  re- 
commande dans  diverses  affections,  notamment  dans  la  pleurésie  et  la  pneumonie, 
au  début  de  la  fièvre,  après  la  saignée,  dans  les  fièvres  avec  accidents  cérébraux, 
dans  le  choléra  sec,  où  il  prescrit  les  lavements  gras  ;  dans  la  dysenterie,  dans  les 
plaies  du  ventre,  il  conseille  les  lavements  salés  et  ténus  pour  les  personnes 
grasses  et  humides,  plus  gras  et  plus  épais  pour  les  personnes  sèches  et  grêles  ; 
ils  conviennent  surtout,  d'après  lui,  pendant  les  six  mois  de  chaleur.  On  trouve 
enfin  dans  Hippocrate  diverses  formules  de  lavements  purgatifs,  détersifs,  émol- 
lients,  astringents,  diversement  composés. 

Après  Hippocrate,  Gelse,  Galien,  Oribase  recommandent  également  l'usage  du 
lavement,  non-seulement  comme  agent  thérapeutique,  mais  encore  comme  moyen 
nutritif. 

Asclépiade  recommandait  les  lavements  comme  un  moyen  auxiliaire  très -utile 
du  traitement  des  fièvres  et  des  affections  vermineuses;  il  ordonnait  des  lavements 
irritants  pour  combattre  les  maladies  chroniques  invétérées. 

Les  anciens,  dit  Gelse,  sollicitaient  le  relâchement  du  ventre  dans  presque 
toutes  les  maladies  par  des  lavements  et  différents  purgatifs.  La  plupart  du 
temps,  il  est  préférable,  suivant  cet  auteur,  de  recourir  aux  lavements.  Cette 
pratique  adoptée  par  Asclépiade  avec  réserve,  ajoute-t-il,  était  à  peu  près  mise  en 
oubli  de  son  temps;  et  cependant  l'usage  modéré  de  ces  remèdes,  lui  paraît 
offrir  les  plus  grands  avantages.  Celse  eu  conseille  l'usage  dans  les  circon 
stances  où  il  y  a  pesanteur  de  tête,  obscurcissement  de  la  vue,  affection  du  gros 
intestin,  douleurs  dans  le  bas-ventre  ou  dans  les  hanches,  amas  de  bile,  de 
pituite  ou  d'une  humeur  aqueuse  dans  l'estomac,  difficulté  d'expulser  les  gaz, 
constipation,  séjour  trop  prolongé  des  matières  fécales  dans  le  rectum  ;  ou 
bien  encore  si  le  malade,  sans  pouvoir  aller  à  la  selle,  rend  des  gaz  d'une  odeur 
stercorale,  si  les  matières  alvines  sont  corrompues,  si  la  diète  observée  d'abord 
n'a  point  enlevé  la  fièvre,  si  l'on  ne  peut  faire  une  saignée  nécessaire,  parce 
que  les  forces  du  sujet  s'y  refusejit,  ou  qu'on  n'a  pas  saisi  le  moment  convenable; 
si  l'on  a  bu  avec  excès  avant  de  tomber  malade,  ou  enfin  si  la  constipation  suc- 
cède brusquement  à  un  relâchement  du  ventre,  habituel  ou  accidentel.  H  expose 
longuement  les  préceptes  à  suivre  à  cet  égard,   et  les  précautions  à  prendre, 


LAVEMENT  (eiitloi  wédicai).  f)» 

relativement  à  l'état  de  la  digestion  ou  au  degré  d'épuisement  des  malades  ;  il 
spécifie  les  circonstances  oîi  il  convient  de  s'en  abstenir  ;  il  décrit  les  moyens 
convenables  pour  se  préparer  à  cette  médication,  et  pour  en  assurer  les  meilleurs 
effets  possibles,  et  donne  la  meilleure  composition  des  diverses  sortes  de  lave- 
ments adoucissants,  astringents,  excitants,  stimulants,  en  indique  la  tempé- 
rature, etc. 

Oribase  traite  avec  détails  de  l'emploi  des  lavements,  et  il  en  préconise  particu- 
lièrement l'usage  dans  les  maladies  de  la  vessie. 

Galien  formule  plusieurs  applications  importantes  de  ce  genre  de  médication 
et  parle  des  lavements  nutritifs. 

Les  médecins  arabes,  héritiers  des  traditions  de  l'époque  gréco-romaine, 
ont  conservé  et  étendu  encore  l'usage  des  lavements,  malgré  les  sci'upules  et  les 
répugnances  que  ce  moyen  paraissait  inspirer  aux  premiers  sectateurs  de  Maho- 
met*, On  trouve  des  détails  curieux  à  cet  égard  dans  une  thèse  très-originale 
et  très-bien  faite,  soutenue  en  1867  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris,  par 
M.  Edouard  Colson.  a  L'iraan  Ahmed,  y  est-il  dit,  a  établi  des  textes  qui  désap- 
prouvent comme  chose  répréhensible  le  lavement  que  n'exige  pas  une  circon- 
stance indispensable  ;  tandis  que  d'autres  autorités  respectées,  telles  que  Djarab, 
Mondjahed,  Hacan,  Taôus,  Amir,  et  nombre  d'autres  déclarent  que  le  clystère 
n'est  point  répréhensible.  D'après  Khallal,  le  second  kalife  Omar  considérait 
le  clystère  comme  chose  à  tolérer.  «  J'ai  questionné,  dit  Djaber,  Mohammed,  fils 
d'Ali,  au  sujet  du  lavement.  —  Il  n'y  a  rien  de  mal,  me  répondit-il,  à  en 
prendre,  c'est  un  médicament  comme  un  autre.  »  Enfin  Abou-Bekr-el-Mouroïgi, 
parlant  au  père  d'Abd-Allali  des  avantages  des  clystères,  lui  posa  cette  ques- 
tion :  «  Prendre  un  lavement,  est-ce  rompre  le  jeune  ou  non?  »  A  ce  sujet, 
ajoute  Bî.  Colson,  les  casuistes  diffèrent  encore. 

Sans  attendre  leur  décision,  revenons  à  la  pratique  des  médecins  arabes. 

Avicenne  parle  fréquemment  de  l'emploi  des  lavements,  il  en  décrit  les  avan- 
tages et  les  inconvénients ,  et  en  pose  très-nettement  les  indications.  Dans 
Sermo  de  tiualitate  chjsteriorum  et  instnimento  eorum,  il  a  laissé  la  description 
de  l'instrument  dont  il  se  servait.  Il  en  sera  parlé  plus  loin.  On  y  trouve  aussi 
des  conseils  sur  le  choix  des  positions  à  prendre  pour  le  patient  et  pour  l'opé- 
rateur, etc. 

Les  médecins  du  moyen  âge  et  de  la  Renaissance  ont  eu  garde  de  laisser 
tomber  l'usage  du  lavement.  Guy  de  Chauliac,  qui,  par  parenthèse,  ne  sortait 
•amais  sans  porter  avec  lui  une  bourse  de  clystère,  le  qualifie  de  notable 
remède  pour  rejeter  les  superûuités  qui  sont  aux  boyaux.  «  11  est  bon,  ajoute-t-il, 
aux  passions  des  boyaux  et  des  rognons  et  des  membres  supérieurs.  »  11  en  dis- 
tingue trois  espèces,  savoir  :  le  rémollitif,  le  mondicatif  et  le  restrinctif. 

Ardern,  chirurgien  anglais  de  la  seconde  moitié  du  quatorzième  siècle,  qui  a 
donné  des  détails  curieux  et  intéressants  sur  l'usige  des  clystères,  nous  apprend 
que  les  femmes  anglaises  de  son  temps,  moins  dédaigneuses  alors  qu'aujourd'lmi, 
sans  doute,  pour  cette  pratique  hygiénique,  en  faisaient  un  très-fréquent  usage. 

*  Cet  éloignenient  pour  le  lavement  subsiste  encore  aujourd'hui  parmi  les  observaleurs 
les  plus  scrupuleux  de  la  loi  du  Prophète.  L'émir  Abd-el-Kader,  pendant  sa  détention 
au  château  d'Amboise,  étant  tombé  malade,  le  médecin  appelé  à  lui  donner  des  soins  lui 
prescrivit  l'usage  de  lavements.  L'état  était  grave,  il  s'agissait  peut-être  de  la  vie.  On  ne  le 
lui  laissait  pas  ignorer.  «Que  la  volonté  de  Dieu  soit  failc,  répondit  l'émir  en  s' enveloppant 
fièrement  dans  son  burnous.  »  Les  lavements  ne  lurent  point  administrés,  et...  i'cmir  vit 
encore, 


00  LAVEMENT   (emploi  médical). 

C'est  au  quinzième  siècle  qu'on  trouve  la  première  description  de  la  seringue 
classique  sous  le  nom  d'instrument  à  clystère,  faite  par  Marcus  Gatenaria,  qui  en 
a  donné  la  figure. 

Dans  le  grand  siècle,  avec  le  raffinement  des  mœurs,  la  vie  plus  mondaine,  et 
peut-être  l'exubérance  du  régime  alimentaire,  l'usage  du  lavement  devient  de 
plus  en  plus  fréquent,  et  passe  dans  les  habitudes  hygiéniques  journalières. 
Louis  XIV  en  donne  lui-même  l'exemple;  ce  qu'il  prend  de  lavements  d'après  les 
conseils  de  ses  médecins  Vallot  d'Aquin  et  Fagon,  est  inimagincible,  ainsi  qu'en 
témoigne  d'ailleurs  le  Journal  de  la  santé  du  roi^.  Il  n'en  fallait  pas  davantage 
pour  le  mettre  à  la  mode.  On  se  ferait  difficilement  une  idée  de  l'abus  que  l'on 
en  fit  à  cette  époque  et  du  sans-façon  avec  lequel  on  s'en  entretenait  et  on  y 
procédait  même  parfois.  Rien  ne  peut  atteindre,  à  cet  égard,  au  rapport  du  duc 
de  Saint-Simon,  jusqu'au  sans-gène  de  Madame  la  daupbine  se  faisant  glisser 
subrepticement  un  clystère  par-dessous  ses  jupes  par  sa  femme  de  chambre,  en 
présence  du  roi. 

Toutefois  cette  grande  faveur  devait  avoir  ses  revers.  Mais,  tant  l'entraînement 
de  la  mode  et  l'imitation  servile  ont  de  force,  il  ne  fallut  pas  moins  de  deux 
véritables  puissances  pour  mettre  un  terme  à  cet  engouement.  Ces  deux  puis- 
sances furent  madame  de  Mainteuon  et  Molière.  La  pruderie  de  madame  de  Main- 
tenon  fit  réformer  sinon  la  chose,  du  moins  le  nom,  en  lui  substituant  l'expres- 
sion plus  euphémique  de  remède,  qui  est  restée  depuis  dans  le  langage  commun. 
Molière  en  déversant  à  pleines  mains  le  ridicule  sur  le  rôle  grotesque  auquel 
étaient  descendus  des  hommes  respectables  d'ailleurs,  en  se  faisant  les  minisires 
complaisants  et  officieux  d'une  cérémonie  qui  ne  demande  que  le  silence  et  le  se- 
cret, n'a  pas  peu  contribué  à  l'éformer  sur  ce  point  les  moeurs  de  son  temps,  et  à 
ramener  la  pratique  d'une  chose  saine  et  utile  aux  conditions  de  discrétion  qui 
lui  conviennent,  et  dont  elle  n'aurait  jamais  dû  sortir. 

La  scène  n'a  pas  été  la  seule  révélatrice  de  ces  écarts  du  bon  sens;  l'auguste 
enceinte  des  trdjunaux  a  plus  d'une  fois  retenti  de  débats  qui  ne  le  lui  cédaient 
en  rien,  en  fait  de  bouffonnerie.  Témoin  la  fameuse  plaidoirie  de  l'avocat  Grosley, 
en, faveur  d'Etiennette  Boyau,  garde-malade,  contre  maître  François  Bourgeois, 
chanoine  de  Troyes,  à  l'effet  d'obtenir  de  ce  dernier  le  payement  de  2,190  lave- 
ments à  lui  administrés  dans  l'espace  de  deux  ans,  par  la  dite  Etienuette.  (Thèse 
de  M.  Col  son.) 

Mais  il  est  temps  de  revenir  au  côté  sérieux  du  sujet.  Comme  toutes  les  pra- 
tiques bonnes  et  utiles,  l'usage  des  lavements  a  résisté  ta  la  double  épreuve  de 
l'engouement  et  de  ses  réactions  habituelles,  et  il  a  bravé  jusqu'au  ridicule  même. 
Nous  le  voyons,  après  comme  avant  cotte  phase  d'épreuve,  préconisé  avec  raison 
par  tous  les  grands  praticiens.  Sydenham  recommande  les  lavements  anodins, 
et  particubèrement  le  lavement  de  petit-lait  dans  la  dysentrie,  dans  le  choléra- 
morbus,  dans  la  diarrhée,  dans  la  fièvre  aiguë  avec  pissement  de  sang;  les  lave- 
ments astringents  dans  la  diarrhée  des  fièvres  continues,  le  lavement  avec  la  téré- 
benthine et  les  lavements  narcotiques  dans  le  calcul  produit  par  la  goutte  in- 
vétérée, etc.  Hoffmann  écrit  un  chapitre  de  clijsteriorum  usu  medico.  11  faudrait 
ciler  ici  plus  de  trente  auteurs,  parmi  lesquels  figurent  des  noms  justement  esti- 
més, qui  n'ont  pas  dédaigné  de  traiter  d'une  manière  spéciale  et  avec  de  sérieux 
détails,  de  l'usage  et  des  indications  des  lavements.  On  en  trouvera  l'énumération 
à  la  bibliographie. 

*  Voir  Journal  de  la  saule  du  P,nij  Louis  XIV.  por  M .   Leroy  ;  Paris,  1862.  In-S". 


LAVKMENÎ  (emploi  médical).  61 

•  Jusqu'ici  il  n'a  été  question  que  du  lavement  considéré  d'une  manière  géné- 
rale, sans  aucune  spéëification  de  sa  composition,  de  son  action  locale  ou  géné- 
rale. Bien  que  dès  l'origine  de  la  médecine,  on  ait  déjà  commencé  à  distinguer  les 
lavements  simples  des  lavements  médicamenteux  et  des  lavements  nutritifs,  c'est 
surtout  à  partir  du  commencement  du  dix-huitième  siècle,  qu'on  s'occupa  sérieu- 
sement de  la  question  du  lavement  comme  moyen  d'introduction  dans  l'éco- 
nomie de  substances  médicamenteuses  actives.  Helvétius  écrit  un  livre  ayant  pour 
titre  :  Méthode  pour  guérir  toutes  sortes  de  fièvres  sans  rien  faire  prendre  par 
la  bouche.  Cette  méthode  consistait  tout  simplement  à  administrer  le  quinquina 
par  la  voie  intestinale  Depuis  cette  époque,  les  applications  de  ce  mode  de  médi- 
cation se  sont  de  plus  en  plus  multipliées.  Avant  de  rappeler  les  principaux  essais 
de  ce  genre,  il  nous  faut  exposer  le  point  de  physiologie  sur  lequel  ils  reposent. 
Bien  que  l'expérience  clinique  ait  devancé  en  ceci  comme  pour  bien  d'autres 
questions  l'expérimentation  physiologique,  il  convient  de  rétablir  ici  l'ordre  de 
succession  logique  et  de  subordination  des  faits. 

I.  Physiologie.  Quelle  est  l'action  des  lavements  sur  les  surfaces  avec  les- 
quelles ils  sont  mis  en  contact?  Quels  sont  les  phénomènes  généraux  ou  spéciaux 
qui  suivent  leur  absorption?  En  d'autres  termes,  quels  sont  leurs  eflets  locaux 
et  leurs  effets  généraux,  suivant  leur  état  simple  ou  leurs  divers  états  de  com- 
position? Tels  sont  les  points  de  physiologie  sur  lesquels  il  importe  d'être  fixé, 
si  l'on  veut  se  rendre  suffisamment  compte  des  résultats  hygiéniques  ou  théra- 
peutiques que  l'on  désire  obtenir  par  l'usage  des  lavements. 

1"  Effets  locaux  ou  action  sur  les  surfaces  de  contact.  Le  premier  effet  d'un 
lavement  simple,  d'un  lavement  d'eau  tiède,  est  de  déterminer  immédiate- 
ment, par  sa  seule  action  de  contact  sur  la  muqueuse  intestinale,  une  contrac- 
tion qui  en  sollicite  immédiatement  l'expulsion,  si  l'on  ne  fait  effort  pour  le 
garder.  La  quantité  de  hquide,  sa  température,  modifient  plus  ou  moins  cet 
effet,  soit  en  l'atténuant,  soit  en  l'activant.  Une  quantité  minime  d'eau,  soit 
100  grammes  ou  au-dessous,  injectée  dans  le  rectum,  peut  n'y  produire  au- 
cune impression,  être  gardée  sans  effort,  et  y  resler  en  quelque  sorte  comme  un 
corps  étranger,  inerte,  et  indifférent  à  l'économie,  jusqu'à  ce  qu'elle  soit  en  par- 
tie absorbée,  en  partie  expulsée  avec  la  première  selle.  Si  la  quantité  d'eau 
est  élevée  à  500,  400  ou  500  grammes,  elle  produit  à  peu  près  inévitablement  la 
contraction  de  l'intestin.  A  une  dose  plus  élevée,  s'il  s'agit  surtout  de  jeunes  en- 
fants dont  les  intestins  sont  facilement  extensibles,  il  peut  arriver  que  la  dilata- 
tion de  l'intestin,  soit  portée  au  point  de  lui  faire  perdre  momentanémen 
son  ressort  et  toute  puissance  de  réaction  sur  la  masse  d'eau  qu'it  contient. 

La  température  de  l'eau  a  également  une  grande  part  dans  l'effet  immédiat 
du  lavement.  A  la  température  du  corps,  l'effet  est  nul  et  l'eau  n'impressionne 
l'intestin  que  par  sa  masse  et  son  action  de  simple  contact.  Au-dessus  ou 
au-dessous  il  détermine  la  réaction  de  l'intestin  par  l'impression  de  chaleur  ou  de 
froid,  plus  énergiquement  par  le  froid  que  par  le  chaud.  Les  lavements  chauds, 
souvent  répétés,  amènent  même  à  la  longue  un  effet  inverse,  c'est-à-dire  qu'ils 
émoussent  la  sensibilité  et  la  conlractdité  de  l'mtestin,  qui  en  vient  peu  à  peu  à  se 
laisser  distendre  sans  réagir. 

A  la  double  action  de  l'eau  sur  l'intestin  par  contact  et  par  distension,  il  faut 
ajouter  son  action  diluante  sur  les  matières  intestinales  qui,  le  concours  actif  de 
la  contraction  intestinale  aidant,  facilite  l'évacuation. 

Tel  est  en  effet  le  mode  d'action  du  lavement  simple  administré  dans  les 


02  LAVEMENT  (eju'Loi  jiédical). 

conditions  ordinaires,  c'est-à-dire  à  température  moyenne  et  en  quantité  suffi- 
sante pour  distendre  le  gros  intestin  dans  une  plus  ou  œoias  grande  étendue. 
Telles  sont  les  conditions  qui  répondent  à  l'indication  la  plus  commune  de  l'ad- 
miiïistration  du  lavement,  l'indication  de  provoquer  ou  de  faciliter  l'évacuation 
alvine. 

Jusque-là  le  lavement  est  plutôt  un  agent  hygiénique  qu'un  agent  médicamen- 
teux, à  proprement  parler.  Nous  entrons  sur  le  terrain  de  la  thérapeutique  du  mo- 
ment où  le  lavement  est  composé,  c'est-à-dire  qu'il  tient  en  suspension  ou  en  dis- 
solution une  substance  plus  ou  moins  active,  ou  bien  lorsque  à  l'état  simple  il 
est  administré  dans  le  but  d'êlre  livré  à  l'absorption,  ou  dans  des  quantités  et  des 
proportions  insolites  et  qui  dépassent  l'indication  d'une  simple  évacuation. 

Biais  avant  d'aborder  l'étude  du  lavement  considéré  cojurae  agent  thérapeu- 
tique, il  importe  que  nous  examinions  deux  autres  questions  majeures  de  physio- 
logie, dont  la  solution  nous  aidera  à  comprendre  et  à  régler  les  différents  effets 
indicateurs;  savoir  :  jusqu'à  quel  point  de  l'intestin  pénètrent  les  lavements? 
Que  devient  le  lavement  abandonné  à  l'intestin? 

C'est  une  question  bien  vieille  et  bien  controversée  que  celle  de  savoir  à  quelle 
hauteur  du  tube  intestinal  peuvent  pénétrer  les  liquides  injectés  par  l'anus.  Galien 
(livre  m,  de  Causis  sympt.)  parle  de  clystères  ayant  pénétré  si  haut,  qu'ils  ont 
été  rejetés  par  le  vomissement.  Les  médecins  du  seizième  siècle  se  sont  occupés 
de  cette  question  et  ont  cherché  à  se  rendre  compte  des  singularités  signalées 
depuis  longtemps  déjà,  par  d'autres  que  par  Galien,  de  clystères  rendus  par  le 
vomissemeirt.  Au  rapport  de  M.  Colson,  Kerkringuy  se  serait  prononcé  positive- 
ment, assurant  avoir  expérimenté  plusieurs  fois  que  la  valvule  peut  être  franchie. 
Nombre  d'ob?ervatioiis  sur  ce  sujet  sont  consignées  dans  les  Éphéniérides  des 
curieux  de  lanature  et  autres  recueils.  L'opinion  la  plus  répandue  est  que  les 
lavements  peuvent  monter  jusqu'à  la  valvule  de  Bauhin,  sans  jamais  la  dépasser; 
suivant  quelques  auteurs,  ils  ne  traverseraient  jamais  l'S  iliaque.  De  là  des  diver- 
gences sur  le  mode  d'emploi  des  lavements  et  sur  la  quantité  de  liquide  qu'ils 
doivent  contenir. 

Cette  question  a  beaucoup  occupé  les  médecins  anglais  surtout.  Le  docteur 
Christison  dans  son  Dispensatory ,àïi({\\e  «  si  l'on  se  propose  de  vider  l'intestin, 
le  lavement  ne  doit  pas  être  de  moins  de  16  onces  ou  1  pinte.  »  Le  docteur 
Burns,  dans  la  huitième  édition  de  son  Traité  d'accouchement,  sans  déterminer 
précisément  la  quantité  de  liquide  à  injecter  en  cas  de  constipation,  distingue 
cependant  entre  les  matières  accumulées  dans  le  rectum  et  celles  qui  sont  encore 
contenues  dans  le  côlon.  Contre  ces  dernières,  il  conseille  de  les  amener  d'abord 
dans  le  rectum  au  moyen  de  laxatifs  administrés  par  la  bouche,  puis  de  les  chas- 
ser au  dehors  par  des  lavements  ;  ce  qui  donnerait  à  supposer  que  dans  son  opi- 
nion ces  derniers  ne  pénétreraient  que  peu  ou  point  dans  le  côlon. 

Suivant  le  docteur  Anthony  Thomson  {Éléments  de  matière  médicale  et  de 
thérapeutique,  2*^  édition),  le  volume  d'eau  à  injecter  suivant  les  différents  âges 
est  de  1  pinte  pour  un  adulte,  et  de  3  onces  seulement  pour  un  enfant.  Pour 
lui  l'inefficacité  des  lavements  tient  surtout  à  ce  qu'ils  n'atteignent  pas  la  partie 
obstruée  de  l'intestin. 

Le  docteur  Denman  {Traité  d' accouchement,  ¥  édition)  insiste  également  siii* 
l'inutilité  des  lavements  dans  certains  cas  d'endurcissement  des  matières  fécales^ 
et  n'en  conseille  l'emploi  qu'après  avoir  divisé  ces  matières  par  des  moyens  méca- 
niques et  pour  en  entraîner  les  fragments. 


LAVEMENT  (emploi  médical).  65 

A.  ces  auteurs  partisans  des  lavements  à  petites  closes,  on  peut  en  opposer  d'au- 
tres qui  conseillent,  au  contraire,  d'abondantes  injections  ;  tels  sont  notamment 
Graves  (de  Dublin)  et  Marshall-Hall.  «  Si  l'on  veut  laverie  côlon,  dit  ce  dernier, 
iî  convient  d'employer  la  seringue  de  Read  ;  5  pintes  d'eau  chaude  seront  suf- 
fisantes. L'injection  doit  être  faite  aussi  lentement  que  possible.  De  cette  manière 
l'intestin  ne  se  distend  qu'après  avoir  été  rempli  ;  son  action  péristaltique  est 
excitée  à  la  longue  par  la  distension  même,  et,  se  contractant  énergiquement  dans 
toute  sa  longueur,  il  chasse  d'un  seul  coup  les  matières  accumulées.  » 

Voulant  savoir  à  quoi  s'en  tenir  sur  cette  question  de  physiologie  et  de  théra- 
peutique, le  docteur  Hall  entreprit  une  série  d'expériences  propres  à  déterminer 
la  hauteur  à  laquelle  peuvent  parvenir  dans  le  tube  digestif  les  injections  prati- 
quées par  l'anus,  et  spécialement,  la  quantité  de  liquide  que  peuvent  contenir  les 
gros  intestins. 

Dans  une  première  expérience  faite  sur  le  cadavre,  on  put  injecter  facilement, 
au  moyeu  de  la  seringue  de  Read,  5  ou  6  pintes  d'eau  mucilagineuse,  qui  rem- 
plirent complètement  le  gros  intestin,  Le  liquide  avait  même  franchi  la  valvule 
iléo-csecale. 

Dans  une  deuxième  expérience  sur  le  cadavre,  la  paroi  abdominale  ayant  été 
préalablement  ouverte,  on  put  suivre  de  l'œil  le  cours  du  liquide  injecté.  Quand 
3  pintes  eurent  pénétré,  le  gros  intestin  se  trouva  remph  et  distendu.  Puis  le 
liquide  s'étant  épanché  lentement  dans  la  cavité  péritonéale,  on  découvrit  dans  le 
caecum  et  l'iléon  plusieurs  ulcérations  avec  perforation . 

Dans  une  troisième  expérience  sur  le  cadavre,  S  pintes  d'eau  furent  injectées 
sans  difficultés  :  le  liquide  parcourut  toute  la  longueur  des  intestins  et  remplit 
même  une  portion  de  l'estomac  (?),  une  incision  cruciale  des  parois  abdominales 
avait  parmis  de  suivre  rigoureusement,  à  travers  les  parois  intestinales  la  marche 
du  liquide. 

M.  Hall  ne  s'en  est  pas  tenu  là,  il  a  fait  des  expériences  sur  le  vivant. 

Chez  un  homme  affecté  d'un  rétrécissement  du  rectum,  un  tube  élastique  ayant 
été  porté  jusqu'au-dessus  de  ce  rétrécissement,  on  pratiqua,  après  avoir  toutefois 
eu  soin  de  constater  par  la  percussion  la  vacuité  des  côlons  transverse  et  descen- 
dant, une  injection  de  5  pintes  d'un  liquide  h.uileux.  La  percussion  de  nouveau 
pratiquée  donna  un  son  mat  sur  toute  l'étendue  des  côlons. 

Une  autre  expérience  fut  faite  sur  un  jeune  garçon.  Le  ventre  ayant  été  préala- 
blement percuté,  et  le  caecum,  aussi  bien  que  les  trois  portions  du  côlon,  ayant 
donné  un  son  clair,  le  sujet  fut  placé  horizontalement  sur  le  côté  gauche,  et 
5  pintes  de  liquide  furent  injectées.  A  ce  moment,  on  éprouva  de  la  résistance,  et 
l'injection  ne  put  être  portée  plus  loin.  La  percussion  fit  reconnaître  que  ce  liquide 
avait  pénétré  jusqu'à  l'union  des  côlons  transverse  et  descendant.  Le  sujet  fut 
placé  sur  le  côté  droit,  dans  le  but  de  s'assurer  si  le  liquide  ne  se  porterait  pas  du 
côté  du  côlon  ascendant  et  du  cœcum;  et,  en  effet,  une  nouvelle  percussion  donna 
un  son  obscur  dans  les  régions  correspondantes  où  l'on  remarquait  une  disten- 
sion manifeste,  tandis  que  la  région  du  côlon  descendant  donnait  maintenant  un 
son  clair.  5  nouvelles  pintes  de  liquide  furent  injectées,  et  après  que  le  sujet  eut 
uriné  deux  fois,  le  son  devint  clair  sur  toute  l'étendue  du  caecum  et  des  côlons 
jusqu'à  l'S  ihaque. 

Que  peut-on  inférer  de  ces  expériences  ?  que  les  liquides  injectés  en  certaine 
quantité  par  l'anus  peuvent  i-emplir  la  totalité  du  gros  intestin  ;  mais  rien  de 
plus,  car  rien  dans  ces  expériences,  ni  dans  quelf[ues  autres  analogues  que  rapporte 


fi4  LAVEMENT  (emploi  miJdical)- 

l'auteur,  n'autorise  à  conclure  que  la  valvule  iléo-cœcale  ait  été  franchie  et  que  le 
liquide  injecté  ait  pénétré  dans  l'iléon. 

Il  est  d'ailleurs  une  expérience  qui  se  fait  tous  les  jours  dans  les  amphithéâtres 
d'anatomie  et  qui  résout  la  question  d'une  manière  péremptoire.  Lorsque  dans  le 
but  de  dessécher  un  gros  intestin  pour  le  conserver,  on  l'insuffle  d'air  à  grand 
renfort  de  pression,  toute  l'étendue  du  gros  intestin  depuis  l'ampoule  rectale 
jusqu'à  la  grande  ampoule  cœcale  inclusivement,  se  laisse  distendre  par  l'air,  sans 
que  jamais  une  bulle  d'air  s'échappe  à  travers  la  valvule  iléo-cœcale  dans  l'iléon. 
La  disposition  bieu  connue  de  cette  valvule  s'oppose  absolument  et  hermétique- 
ment au  passage  soit  de  gaz,  soit  de  liquides  dans  l'intestin  grêle.  Nous  parlons,  ' 
bien  entendu,  des  coiîditions  norn)ales.  Que  si  la  valvule  venait  à  être  détruite 
par  une  ulcération  ou  par  toute  autre  lésion  ou  à  être  empêchée  dans  son  mode 
normal  de  fonctionnement,  comnic  il  arriverait  par  exemple  par  l'interposition 
d'un  corps  étranger  ou  d'une  portion  de  matière  fécale  durcie  qui,  sans  oblitérer 
complètement  l'orifice,  empêcherait  les  bords  valvulaires  de  s'appliquer  exactement 
l'un  sur  l'autre,  il  est  clair  que  dans  l'une  ou  l'autre  de  ces  circonstances  un  hquide 
poussé  avec  force  pourrait  franchir  le  passage  et  pénétrer  dans  l'intestin  grêle. 
C'est  probablement  dans  des  conditions  exceptionnelles  de  ce  genre  qu'ont  eu  lieu 
les  faits  de  pénétration  rapportés  par  quelques  auteurs  dignes  de  foi.  Mais  à  part 
ces  conditions  exceptionnelles,  il  est  évident  que  la  valvule  iléo-csecale  oppose  une 
barrière  infranchissable  au  cours  rétrograde  ou  ascendant  des  liquides,  et  que  c'est 
à  juste  titre  qu'elle  a  été  qualifiée  de  barrière  ou  de  colonnes  d'Hercule  des 
apothicaires. 

Au  reste,  le  point  qui  intéresse  surfont  la  pratique  est  moins  de  savoir  si  le 
lavement  franchit  quelquefois  la  valvule  que  de  connaître  la  hauteur  à  laquelle 
il  peut  pénétrer  dans  les  côlons.  Or  on  vient  de  voir  qu'il  est  assez  difficile  de 
pousser  le  liquide  jusque  dans  le  côlon  ascendant.  Mais  on  ne  doit  pas  oubher 
qu'il  est  possible,  à  l'aide  de  canules  ou  de  sondes  introduites  par  le  rectum,  de 
porter  très-haut  un  lavement  sans  être  pour  cela  obligé  d'employer  une  grande 
quantité  de  liquide.  M.  Dechambre  nous  a  fait  connaître  un  cas  de  sa  pratique, 
dans  lequel,  le  cours  des  matières  étant  interrompu  depuis  huit  jours  par  une 
tumeur  siégeant  dans  le  flanc  droit,  sur  le  trajet  du  côlon  ascendant,  une  sonde, 
dont  il  était  facile  de  sentir  le  bec  à  mesure  qu'elle  cheminait,  put  pénétrer  jus- 
qu'au delà  de  la  tumeur  et  donner  passage  à  un  litre  d'eau  qui  ne  tarda  pas  à 
amener  une  garde-robe  copieuse. 

2°  Effets  généraux  ou  d'absorption.  Que  deviennent  les  liquides  une  fois 
injectés  dans  le  gros  intestin? 

On  sait  que  l'absorption  se  fait  à  des  degrés  divers  sur  toute  l'étendue  du  tube 
digestif.  Moins  active  sans  doute  dans  le  gros  intestin  que  dans  l'intestin  grêle 
où  elle  est  à  son  summum,  elle  l'est  assez  encore  pour  que  cette  voie  puisse  être 
souvent  utiHsée  pour  l'introduction  de  certains  agents  thérapeutiques  dans  l'éco- 
nomie. Des  faits  démontrent  que  chez  beaucoup  d'animaux  l'absorption  est  plus 
active  dans  le  gros  intestin  que  dans  l'estomac.  Les  expériences  faites  avec  le 
curare,  par  exemple,  ont  montré  que  cet  agent  introduit  dans  l'estomac  de  quel- 
ques animaux  y  est  absorbé  si  lentement  que  les  portions  qui  se  trouvent  à  un 
moment  donné  dans  le  sang  de  l'animal  ne  suffisent  pas  pour  déterminer  des 
accidents  d'empoisonnement;  tandis  que  introduit  directement  dans  le  rectum, 
il  a  déterminé  chez  les  mômes  animaux  des  accidents  promptenient  mortels.  On 
sait  que  la  belladone  et  l'opium  administz'és  en  lavement  chez  l'homme  agissent 


Lavement  (emploi  médical).  65 

à  la  fois  plus  rapidement  et  avec  une  plus  grande  intensité  que  lorsc(u  ils  sont 
ingérés  dans  l'estomac. 

Dans  le  but  de  déterminer  la  rapidité  relative  de  l'absorption  par  l'estomac  et 
par  le  rectum,  le  docteur  W.  Savoi^  a  fait  des  expériences  comparatives  sur  divers 
animaux  avec  la  strychnine,  le  cyanure  de  potassium,  l'acide  cyanhydrique  et  la 
nicotine.  Les  résultats  de  ces  expériences  ont  été  variables  suivant  les  substances 
toxiques  employées. 

La  strychnine  (en  solution)  a  produit  des  effets  toxiques  beaucoup  plus  rapide- 
ment, administrée  en  lavement  qu'ingérée  dans  l'estomac  ;  pour  le  cyanure  de 
potassium  et  l'acide  cyanhydrique,  la  différence  a  été  bien  moins  marquée,  et  pour 
la  nicotine,  c'est  le  contraire  qui  a  été  observé. 

Se  demandant,  en  présence  de  cette  différence,  si  elle  ne  tiendrait  pas  à  ce  que 
la  strychnine  pouvait  être  modifiée  par  le  suc  gastrique  de  manière  à  perdre  une 
partie  de  ses  propriétés  toxiques,  M.  Savory  a  fait  des  mélanges  artificiels  d'une 
solution  de  strychnine  et  de  suc  gastrique,  et  il  les  a  injectés  dans  le  rectum.  Il 
a  observé  alors  des  effets  toxiques  au  moins  aussi  rapides  et  aussi  énergiques 
qu'en  employant  une  solution  de  strychnine  non  mélangée  de  suc  gastrique.  La 
réponse  était  donc  négative  à  cet  égard. 

Une  autre  série  d'expériences  a  démontré  que  la  présence  d'aliments  dans  l'es- 
tomac n'exerce  aucune  inlluence  sensible  sur  la  rapidité  et  l'énergie  des  effets 
toxiques  d'une  solution  de  strychnine. 

Lorsque,  au  lieu  d'administrer  la  strychnine  en  solution,  on  la  donne  en  pou- 
dre, elle  est  absorbée  beaucoup  plus  lentement.  Dans  ces  conditions,  l'absorpLiou 
a  lieu  plus  rapidement  dans  l'estomac  que  dans  le  rectum,  ce  qui  tient  à  l'ac- 
tion dissolvante  plus  énergique  du  suc  gastrique.  {The  Lancet  et  Ga%.  méd.  de 
Paris,  1864,  mars.) 

M.  Demarquay  a  institué  aussi  une  série  d'expériences  pour  arriver  à  déterminer 
le  degré  d'activité  absorbante  du  rectum.  11  a  fait  administrer  à  des  individus  bien 
portants  sous  certains  rapports,  et  qui  devaient  être  soumis  à  un  traitement  par 
l'iodure  de  potassium,  un  lavement  de  la  contenance  de  200  grammes  d'eau,  avec 
1  gramme  d'iodure  de  potassium  en  dissolution.  Dans  quelques  circonstances,  il 
avait  fait  vider  l'intestin  rectum,  mais  le  plus  souvent,  le  lavement  était  admi- 
nistré sans  prendre  cette  précaution  ;  l'expérience  a  été  répétée  plus  de  dix  fois, 
et  toujours  elle  a  donné  le  même  résultat,  toujours  l'absorption  a  été  plus 
prompte  par  le  gi'os  intestin  que  pai"  l'estomac. 

Voici  quel  a  été  ce  résultat  chiffi-é  dans  cinq  expériences  : 

Première  expérience  :    élimination  en 7  minutes. 

Deuxième  expérience  :            —              5        — 

Troisième  expérience:            —              ........  6        — 

Quatrième  expérience  :         —             6       — 

Cinquième  expérience  :         —             2       — 

Ces  faits  tendent,  comme  on  le  voit,  à  établir  que  Ton  peut  faire  pénétrer  les 
substances  solubles  dans  le  torrent  circulatoire  plus  promptement  par  le  rectum 
que  par  l'estomac,  et  que,  chez  les  individus  qui  ont  une  grande  répugnance 
pour  l'iodure  de  potassium,  on  peut  le  faire  absorber  par  la  voie  rectale. 

Dans  un  mémoire  communiqué  à  l'Académie  de  médecine  en  1856  sur  l'absorp- 
tion des  substances  médicamenteuses  introduites  dans  le  gros  intestin  sous  la 
foi'me  de  lavements,  M.  Briquet  s'est  proposé  de  déterminer  les  limites  que  ceux-ci 
atteignent,  de  rechercher  si  les  substances  introduites  dans  le  gros  intestin 

DICT.   ENC.   2°  S.   II.  5 


66  LAVEMENT   (emploi  médical). 

éi^rouvent  quelques  modifications  chimiques  avant  d'être  absorbées,  dans  quelle 
proportion  se  fait  cette  absorption,  avec  quel  degré  de  promptitude  elle  se  fait,  etc. 
Il  a  résumé  les  résultats  principaux  de  ses  recherches  dans  les  conclusions  sui- 
vantes : 

1"  Le  liquide  qui  constitue  les  lavements  peut  assez  facilement  aller  jusque 
dans  le  caecum,  et  par  conséquent  être  en  contact  avec  une  surface  absorbante 
fort  étendue. 

2"  La  membrane  muqueuse  du  gros  intestin  et  les  hquides  qui  baignent  sa 
surface  n'ont  aucune  action  chimique  sur  les  substances  introduites  dans  le  gros 
intestin,  ori  il  n'y  a  d'absorbé  que  ce  qui  était  primitivement  en  dissolution. 

5"  Quand  on  administre  en  lavement  des  sels  solubles  de  quinine  à  des  doses 
au-dessous  de  I  gramme,  un  peu  plus  du  tiers  de  la  quantité  administrée  est 
éhminé,  et  par  conséquent  a  été  absorbé. 

4"  Quand  on  administre  des  doses  supérieures  à  1  gramme,  celles-ci  sont  mal 
tolérées,  et  il  n'y  a  qu'un  cinquième  ou  un  sixième  de  la  quantité  administrée 
qui  soit  absorbé... 

5°  On  n'aperçoit  de  traces  d'élimination,  et  par  conséquent  d'absorption,  qu'une 
heure  après  l'administration  d'un  lavement,  et  à  ce  moment  l'élimination  est  peu 
considérable. 

6°  La  durée  de  l'élimination  est  en  général  assez  courte,  et  ordinairement  de 
2  à  5  jours  au  plus. 

7°  La  dilution  plus  ou  moins  grande,  mais  pourtant  limitée  à  un  certain  degré, 
la  nature  plus  ou  moins  visqueuse  du  liquide,  et  enfin  l'addition  des  sels  de  mor- 
phine aux  alcaloïdes  du  quinquina  ne  modifient  pas  sensiblement  l'absorption. 

8"  Les  jeunes  gens  absorbent  mieux  que  les  adultes;  les  vieillards  de  l'un  et 
l'autre  sexe  absorbent  très-mal. 

9°  Les  alcaloïdes  du  quinquina  administrés  en  lavement  à  des  doses  au-dessous 
de  1  gramme,  peuvent  rendre  par  cette  voie  tous  les  services  qu'on  peut  attendre 
de  ces  alcaloïdes  donnés  à  faible  dose  par  la  bouche,  et  peuvent  très-bien  les 
remplacer. 

10°  11  n'en  est  pas  de  même  pour  les  cas  où  il  faut  des  doses  élevées;  celles-ci 
ne  sont  jamais  absoi'bées  en  assez  grande  quantité  pour  produire  des  «îffets  stu- 
])éfiants  énergiques. 

il"  On  ne  peut  faire  généralement  tolérer  au  gros  intestin  plus  de  2  grammes 
de  sulfate  de  quinine  à  la  fois. 

Ces  conclusions  peuvent  s'appliquer  plus  ou  moins  exactement  aux  diverses 
substances  employées  en  lavement.  [Bulletin  de  l'Acad.  de  méd.,  t.  Xll,  p.  237.) 

Dans  un  deuxième  mémoire  faisant  suite  au  précédent,  M.  Briquet  s'est  proposé 
d'étudier  les  variations  que  subit  l'absorption  des  médicaments,  suivant  la  nature 
des  maladies,  suivant  l'âge  et  suivant  le  sexe  des  malades.  Voici  les  résultats 
auxquels  il  est  arrivé  : 

L'état  pyrétique  est  notablement  plus  favorable  à  l'absorption  des  médicaments 
que  l'état  apyrétique. 

L'état  typhoïde  favorise  cette  absorption  moins  que  les  autres  états  phlegma- 
siques  ;  cependant  elle  y  est,  dans  le  tube  digestif,  plus  énergique  qu'on  ne  l'avait 
supposé  jusqu'à  présent,  puisqu'elle  n'est  que  d'un  dixième  à  peu  près  inférieure 
à  celle  qui  se  produit  dans  l'état  pyrétique  en  général. 

Dans  le  diabète,  l'absorption  des  médicaments  dans  l'intestin  paraît  être  très- 
faible. 


LAVEMENT  (emploi  médical).  6^ 

On  peut  constater  si,  dans  certaines  maladies,  les  états  de  tolérance  ou  d'into- 
lérance pour  les  médicaments  tiennent  à  une  susceptibilité  particulière  ou  à  des 
variations  dans  l'absorption;  ainsi,  dans  l'état  hystérique,  la  tolérance  pour 
l'opium  ne  tient  nullement  à  un  défaut  d'absorption  :  elle  est  le  résultat  d'une 
susceptibilité  spéciale. 

L'absorption  des  médicaments  analogues  aux  alcaloïdes  du  quinquina  est  plus 
active  chez  les  jeunes  gens  que  chez  les  adultes,  dans  une  proportion  considérable  ; 
chez  les  vieillards,  elle  est  encore  notablement  moins  active  que  chez  les  adultes  ; 
elle  est  moins  active  chez  la  fenmie  que  chez  l'homme,  dans  la  proportion  de 
1  sixième  à  1  huitième,  etc.  [Bull,  de  l'Acad.  de  méd.,  t.  XXII,  p.  1275.) 

Ces  données  physiologiques  étabhes,  étudions  maintenant  les  diverses  sortes 
de  lavements,  leurs  indications  et  leurs  effets  thérapeutiques. 

II,  Thérapeutique.  Nous  distinguerons  les  lavements  en  simples,  médicamen- 
teux et  composés  ;  les  lavements  médicamenteux  et  les  composés  devront  être 
distingués  à  leur  tour,  suivant  l'objet  qu'on  se  propose,  en  lavements  à  action 
locale  ou  à  action  générale;  nous  ferons,  enfin,  une  dernière  catégorie  des  lave- 
ments nutritifs. 

1«  Lavements  simples.  Le  lavement  simple  ou  à  l'eau  pure,  le  plus  habituel- 
lement mis  en  usage,  a  pour  objet  principal  de  combattre  la  constipation,  de 
faciliter  les  selles  naturelles  et  de  rafraîchir,  suivant  l'expression  vulgaire,  qui  ne 
manque  pas  ici  de  justesse.  Nous  ne  nous  y  arrêterons  pas  plus  longtemps,  ce  que 
nous  en  avons  dit  plus  haut  étant  suffisant  pour  ce  point. 

Mais  le  lavement  simple  devient  un  agent  thérapeutique  sérieux  et  constitue 
parfois  une  médication  d'une  certaine  énergie,  soit  par  la  répétition  fréquente, 
soit  par  la  quantité  d'eau  injectée  chaque  fois,  soit  par  sa  température  insolite, 
au-dessus  ou  au-dessous  de  la  température  normale  du  corps.  C'est  ainsi,  par 
exemple,  que  les  grands  lavements  d'eau  chaude  ont  été  élevés  à  la  hauteur 
d'une  méthode  spéciale  de  traitement  de  quelques  inflammations  abdominales. 
Un  traitement  de  ce  genre  a  été  institué  par  M.  le  docteur  Eisenmann,  après  des 
expériences  faites  sur  lui-même. 

Voici  en  quels  termes  ce  médecin  rapporte  les  effets  qu'il  a  obtenus  sur  lui- 
même  de  l'administration  de  grands  lavements  chauds  pour  combattre  une  inflam- 
mation rhumatismale  : 

«  En  1 837,  dit-il,  je  fus  pris  d'une  inflammation  rhumatismale  peu  intense  de 
l'enveloppe  séreuse  du  foie,  dont  la  guérison  ne  présenta  pas  de  difficulté.  Quatre 
semaines  plus  tard,  la  périhépatite  reparut  à  la  suite  d'un  refroidissement,  et 
cette  fois  avec  une  intensité  effrayante  :  l'hypochondre  droit,  un  peu  ballonné, 
était  le  siège  d'une  douleur  tellement  forte  que  tout  mon  corps  était  agité  de  mou- 
vements convulsif?.  Cette  douleur  s'irradiait  jusque  vers  l'omoplate;  j'avais  des 
vomituritions  et  des  vomissements,  et  de  la  répugnance  contre  toute  espèce  d'ali- 
ments; l'urine  était  extrêmement  rouge;  pouls  très-fréquent,  tendu  et  petit.  Une 
application  de  sangsues,  des  fomentations  chaudes  avec  une  application  de  sublimé 
corrosif  et  des  bains  n'amenèrent  aucune  amélioration  de  l'affection  locale.  En 
raison  de  ma  constitution  détériorée,  je  ne  voulus  pas  avoir  recours  à  ime  saignée. 
Vers  deux  heures  de  l'après-midi,  la  douleur  étant  devenue  intolérable,  je  me 
remis  au  bain  et  j'eus  alors  l'idée  de  m'injecter  de  l'eau  chaude  dans  l'intestin. 
Exécutant  aussitôt  mon  dessein,  je  m'injectai  successivement  sept  seringues  d'eau 
à  37" centigrade  environ  (à  peu  près  3  litres),  jusqu'à  ce  que  l'abdomen  commen- 
çai à  se  tendre.  Peu  de  temps  après,  l'injection  fut  expulsée,  en  donnant  lieu  à 


os  LA.VEMEM  (emploi  médical). 

une  évacuation  alvine  très-abondante.  Je  fis  inimédiatement  une  nouvelle  injection 
de  cinq  à  six  seringues  ;  elle  ne  fut  plus  évacuée,  et  la  douleur,  qui  jusque-là 
avait  été  excessive,  disparut,  à  mon  grand  étonnement,  d'une  manière  complète, 
seulement  l'Iiypochondre  droit  était  encore  un  peu  ballonné  et  sensible  à  la  pres- 
sion. Je  pris  alors  une  première  dose  4e  vin  de  colchique  opiacé;  et  une  deuxième 
dose,  le  soir  même,  vint  clore  le  traitement  de  cet  accès. 

«  Dans  la  suite,  j'ai  encore  eu  douze  accès  au  moins  de  périhépatite  rhumatis- 
male, mais  je  ne  laissai  plus  à  l'affection  le  temps  de  se  développer  ;  je  parvenais 
toujours  à  en  enrayer  la  marche  dès  le  début  par  les  injections  d'eau  chaude  et  le 
vin  de  colchique  opiacé. 

«  Peu  de  temps  après,  ajoute  M.  Eisenmann,  une  femme  fut  prise  d'une  péri- 
tonite intense.  Je  lui  fis  injecter  autant  d'eau  chaude  que  la  malade  put  en  sup- 
porter sans  être  trop  incommodée;  cette  injection  ayant  été  évacuée  avec  une 
grande  quantité  de  matières  fécales,  j'en  fis  faire  une  deuxième  toute  aussi  abon- 
dante, que  la  malade  garda  ;  la  douleur  disparut  comme  par  enchantement  et  ne 
reparut  plus.  » 

En  1838,  M.  Eisenmann  fut  pris  d'un  accès  de  néphrite.  Le  résultat  des  injec- 
tions d'eau  chaude  fut  le  même  :  en  moins  d'une  demi-heure,  il  était  guéri. 

En  1859,  un  homme  de  61  ans,  atteint  d'une  affection  fébrile  de  la  muqueuse 
intestinale,  obtint  le  même  résultat. 

Plus  tard,  M.  Eisenmann  a  guéri  par  l'emploi  du  même  moyen  un  homme  qui 
présentait  tous  les  symptômes  d'un  typhus  abdominal  commençant. 

M.  Guttiërt  rapporte  {Gaz.  niéd.  de  Russie)  qu'ayant  souvent  employé  les  in- 
jections d'eau  chaude,  il  pouvait  confirmer  tout  ce  que  M.  Eisenmann  avait  avancé. 

M.  Hare  a  trouvé  ces  grands  lavements  très-utiles  dans  le  traitement  de  la 
dysenterie  des  Inde^  orientales,  lorsqu'elle  ne  provient  pas  toutefois  d'affection 
paludéenne.  Lorsqu'un  malade  atteint  de  dysenterie  arrivait  à  l'hôpital,  on 
commençait  par  lui  injecter,  avec  la  seringue  de  Read,  de  2  à  5  litres  d'eau  chaude, 
jusqu'à  produii'e  une  certaine  tension  de  l'abdomen.  On  avait  la  précaution  d'a- 
dapter à  cette  seringue  une  canule  élastique  assez  longue  pour  dépasser  l'S  iliaque, 
des  injections  aussi  abondantes  ne  pouvant  être  faites  avec  une  seringue  à  canule 
ordinaire,  à  cause  de  l'irritabilité  du  rectum,  qui  est  telle  dans  cette  maladie  que 
le  liquide  est  expulsé  dès  que  quelques  onces  ont  pénétré  dans  l'intestin.  Cette 
première  injection  ne  tardait  pas  à  être  évacuée,  et  sa  sortie  était  toujours  suivie 
d'un  soulagement  très-notable.  Lorsque  le  malade  était  pléthorique  ou  qu'il  avait 
une  forte  fièvre,  ou  encore  lorsque  l'abdomen  était  douloureux  à  la  pression, 
M.  Hare  faisait  pratiquer  une  saignée  abondante  et  donnait  ensuite  une  dose 
d'opium.  A  leur  réveil,  on  leur  administrait  de  nouveau  un  grand  lavement  d'eau 
chaude  et  l'on  appliquait  au  besoin  des  sangsues  et  des  fomentations.  Dans  la  nuit, 
troisième  injection  d'eau  chaude  et  deuxième  dose  d'opium,  et  alors  les  malades 
entraient  ordinairement  en  convalescence.  Le  lendemain,  s'ils  accusaient  la 
moindre  cohque  ou  une  sensation  anoriuale  de  l'abdomen,  on  revenait  aux 
injections. 

M.  Hare  croit  devoir  attribuer  les  heureux  résultats  qu'il  a  obtenus  de  l'emploi 
de  ces  grands  lavements  à  la  circonstance  qu'ils  évacuaient  les  matières  irritantes 
contenues  dans  l'intestin,  opinion  erronée.  C'est  incontestablement  un  de  leurs 
effets  utiles,  mais  ce  n'est  pas  le  seul.  M.  Eisenmann  pense  que  M,  Hare  n'a  pas 
retiré  de  celte  médication  tous  les  avantages  qu'il  eût  pu  en  obtenir,  parce  qu'il  a 
négligé  de  répéter  l'injection  dès  que  la  première  avait  été  expulsée  avec  les  ma- 


LAVEMENT  (emploi  médical).  69 

tières  fécales.  Il  attache,  pour  sa  part,  une  grande  importance  à  cette  seconde 
injection,  qui  est  ordinairement  résorbée,  tandis  que  la  première  ne  séjourne  que 
peu  de  temps  dans  l'intestin.  Le  premier  lavement  produit  déjà  une  amélioration, 
mais  ce  n'est  qu'à  la  suite  du  deuxième  que  la  douleur  disparaît  d'une  manière 
complète.  {Voij.  Dysenterie.) 

M.  Eisenmann  a  appelé  également  l'attention  sur  l'opportunité  de  l'essai  des 
injections  copieuses  d'eau  chaude  dans  le  traitement  du  choléra.  Il  a  essayé  de 
donner  une  théorie  de  la  manière  d'agir  de  ces  grands  lavements  répétés.  11 
admet,  dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances,  que  la  chaleur  humide  exerce  une 
action  calmante  sur  les  nerfs  sensitifs  de  la  vie  animale  et  végétative,  notamment 
aussi  sur  les  nerfs  sensitifs  des  vaisseaux  capillaires,  et  qu'elle  les  empêche  de 
réagir  contre  l'irritation  produite  par  la  maladie  ou  d'exciter  à  cette  réaction  les 
nerfs  vasculaires  moteurs.  En  tout  cas,  l'effet  de  ces  lavements  doit  se  porter  aussi 
sur  les  nerfs  sensitifs  pris  dans  un  sens  plus  restreint,  car  la  stase  qui  existe  déjà 
ne  saurait  disparaître  complètement  dans  un  intervalle  de  7  à  10  minutes,  ce 
temps  sufiîsant  à  peine  pour  en  préparer  la  résolution.  Et  cependant  on  voit  dis- 
paraître complètement,  pendant  ces  quelques  minutes,  la  douleur  spontanée  pro^ 
duite  par  la  stase. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  vues  théoriques  ,  le  fait  de  l'utilité  de  cette  pratique 
reste  acquis.  {Voy.  Choléra.) 

M.  Piorry  a  appliqué  aussi  les  grandes  irrigations  intestinales  au  traitement  de 
la  fièvre  typhoïde.  Toutes  les  fois  que  dans  les  fièvres  graves  il  constate  par  la 
plessimétrie  la  présence  dans  l'intestin  de  matières  demi-solides  et  liquides,  ou 
de  liquides  et  de  gaz ,  dont  l'odeur  est  très-fétide,  il  a  recours  à  des  irrigations 
abondantes  et  réitérées  coup  sur  coup,  et  cela  pendant  quelques  minutes  ,  et  il 
continue  ainsi  jusqu'à  ce  que  l'eau  qui  s'échappe  de  l'intestin  pendant  et  après 
l'irrigation,  soit  claire  et  que  les  gaz  aient  beaucoup  moins  de  fétidité.  Ces  irri- 
gations ont  été  renouvelées  dans  les  cas  graves  jusqu'à  quatre  et  cinq  fois  par 
jour.  M.  Piorry  attribue  à  cette  méthode  la  guérison  et  la  brièveté  de  la  conva- 
lescence. [Voy.  TïPHOÏDE  (fièvre).] 

On  a  eu  recours  aussi  en  chirurgie  aux  lavements  simples  abondants  ou  forcés 
pour  les  invaginations  intestinales.  Un  médecin  de  Saint-Dié,  M.  Lhommée,  dans 
un  cas  d'invagination  parfaitement  caractérisée,  a  obtenu  le  plus  heureux  résultat 
en  injectant  par  le  rectum  une  aussi  grande  quantité  de  liquide  que  le  malade  a 
pu  en  supporter. 

2°  Lavements  médicamenteux.  Les  lavements  médicamenteux  ont  pour  objet 
soit  d'agir  directement  ou  topiquement  sur  la  surface  intestinale  elle-même,  soit 
d'être  livrés  à  l'absorption  pour  introduire  un  agent  plus  ou  moins  actif  dans 
l'économie. 

Au  premier  rang  des  lavements  médicamenteux,  en  procédant  des  moins  actifs 
aux  plus  actifs,  nous  placerons  les  lavements  émollients,  qui  ne  diffèrent  des  lave- 
ments simples  que  par  l'addition  d'une  substance  mucilagineuse  ou  huileuse,  et 
les  lavements  évacuants  laxatifs,  qui  n'en  diffèrent  que  par  l'addition  d'une  sub- 
stance qui  ajoute  son  action  légèrement  excitante  sur  l'intestin  à  celle  de  l'eau 
pure.  Tels  sont  en  particulier  le  lavement  au  gros  miel  ou  au  miel  de  mercuriale, 
le  lavement  à  l'huile  de  ricin,  au  séné  ou  au  sulfate  de  soude,  ou  bien  à  l'aloès, 
toutes  substances  qui,  en  excitant  la  muqueuse  intestinale,  y  déterminent  un  état 
lluxionnaire  et  une  augmentation  de  sécrétion,  qui  facihte  l'effet  évacuant. 

Lavements  purgatifs.   Les  plus  actives  des  substances  dont  il  s'agit,  telles  que 


70  LAVEMENT  (emploi  médical). 

le  séné,  l'aloès,  vont  même  jusqu'à  prodiih'e  quelquefois  un  certain  degré  d'irrita- 
tion intestinale,  qui,  s'ajoutant  à  l'action  évacuante,  produit  des  effets  dérivatifs 
souvent  utilisés  dans  la  pratique.  Ce  sont  alûrs  de  véritables  lavements  purgatifs. 
D'après  M.  Bouchardat,  les  lavements  salins  agiraient  en  déterminant  sur  la 
muqueuse  intestinale  un  courant  exosmotique  beaucoup  plus  considérable  que 
îe  courant  endosmotique,  et  cette  voie  d'élimination  étant  frayée,  l'économie  se 
débarrasserait  ainsi  des  parties  liquides  qui  ne  peuvent  plus  servir  à  la  nutrition  et 
qui  y  amènent  des  perturbations. 

On  combine  quelquefois  l'action  de  la  quantité  avec  celle  de  la  qualité ,  en 
administrant  de  grands  lavements  purgatifs  pour  combattre  la  constipation. 

On  doit  au  docteur  Ax'an  une  application  utile  des  lavements  purgatifs  au  traite- 
ment du  catarrhe  utérin.  Ce  médecin  a  été  conduit  à  cette  pratique  par  une  cir- 
constance fortuite  assez  curieuse.  Ayant  prescrit  à  une  jeune  fdle  aménorrhéique 
l'usage  de  petits  lavements  purgatifs,  composés  de  ÎO  grammes  d'aloès  pour 
50  grammes  de  mucilage,  mode  de  traitement  institué  par  le  professeur  Schœu- 
lein  (de  Berlin),  Aran  apprit  par  cette  jeune  fille  que  ces  lavements  n'avaient  point 
rappelé  ses  règles ,  mais  qu'ils  avaient  fait  cesser  un  écoulement  blanc  très- 
abondant,  dont  elle  était  affectée  depuis  plusieurs  années.  Éclairé  par  ce  fait, 
Aran  se  livra  à  partir  de  ce  moment  à  une  série  d'essais  dont  le  succès  lui  a  fait 
nstitaer,  à  titre  de  méthode  de  traitement  du  catarrhe  utérin,  l'emploi  des  lave- 
ments purgatifs  à  l'aloès,  méthode  qui  consistait  à  faire  prendre,  tantôt  tous  les 
jours,  tantôt  tous  les  deux  jours,  suivant  l'effet  produit  par  le  médicament,  et 
toujours  le  soir  en  se  couchant,  d'abord  un  lavement  simple  d'eau  tiède,  pour 
débarrasser  l'intestin,  puis  un  lavement  comme  suit  : 

Aloès , ) 

Savon  médicinal ^^  chaque  :  H  ou  10  grammes. 

Eau  bouillante 100  grammes. 

Tout  en  conservant  le  même  mode  d'administration,  il  a  successivement  rem- 
placé l'aloès  par  la  coloquinte,  par  la  gomme-gutte,  la  décoction  de  rhubarbe, 
les  résines  de  jalap  ou  de  scammonée,  etc.  De  cette  comparaison,  il  est  résulté 
pour  lui  que  les  lavements  d'aloès  étaient  les  seuls  qui  pussent  être  continués 
plusieurs  jours  de  suite ,  sans  provoquer  des  douleurs  trop  vives  vers  l'anus. 
A  la  suite  de  ces  lavements,  l'écoulement  utérin  diminuait  de  jour  en  jour.  Chez 
quelques  malades,  en  vingt-quatre  heures  il  avait  déjà  diminué  de  moitié,  et  chez 
d'autres  en  quatre  ou  six  joui\^,  toute  trace  avait  disparu.  Toutefois  le  succès  n'a 
pa;i  «;te.  constant,  et  il  a  follu  dans  quelques  cas  renoncer  à  ce  mode  de  traitement. 

Lavements  astringents.  Les  substances  astringentes  et  les  divers  an-ents  mo- 
dificateurs de  la  vitalité  des  membranes  muqueuses,  sont  très-souvent  administrés 
sous  cette  forme,  lorsqu'il  s'agit  surtout  de  modifier  directement  un  état  morbide 
de  la  muqueuse  du  gros  intestin. 

Les  principales  substances  astringentes  employées  en  lavement  sont  le  tannin, 
la  ratanhia,  le  kino,  le  cachou,  le  sous-acétate  et  le  sous-carbonate  de  plomb.  Les 
modificateurs  plus  actifs  des  muqueuses  sont  l'iode,  le  nitrate  d'argent,  etc. 

Les  lavements  de  tannin  (de  1  à  2  grammes  pour  500  grammes  d'eau)  ont  été 
administrés  dans  les  diarrhées  et  les  dysenteries  chroniques,  dans  les  écoulements 
muqueux  de  l'anus  (proctorrhée). 

Les  lavements  de  ratanhia  (de  4  à  20  grammes  d'extrait  et  4  grammes  de  tein- 
ture pour  150  grammes  d  eau)  ont  été  particulièrement  préconisés  par  Breton- 


LAVEMENT   (emploi  médfcal).  71 

neau  et  Trousseau  dans  le  traitement  de  la  fissure  de  l'anus,  et  appliquées  depuis 
avec  succès  par  un  grand  nombre  de  praticiens.  Voici  de  quelle  manière  Trousseau 
en  a  formulé  l'emploi:  après  un  lavement  d'eau  de  guimauve,  on  administre  le 
quart  de  lavement  de  ratanhia,  qui  n'est  gardé  que  quelques  instants.  On  en 
prend  deux  dans  les  vingt-quatre  heures,  un  matin  et  soir. 

La  monesia  a  été  également  employée  de  la  même  manière  et  dans  les  mômes 
circonstances.  Mais  les  effets  n'en  ont  paru  ni  aussi  efficaces  ni  aussi  constants 
que  ceux  de  la  ratanhia. 

L'étroite  sympathie  qui  lie  les  affections  du  rectum  à  celles  de  la  vessie,  et 
réciproquement ,  a  inspiré  au  docteur  Miquel  (d'Amboise)  l'idée  de  l'ecourir  à 
l'usage  des  lavements  de  ratanhia  associée  au  laudanum  pour  combattre  l'engor- 
gement inflammatoire  de  la  prostate.  —  Il  a  administré  des  quarts  de  lavement 
contenant  4  gramme  d'extrait  de  ratanhia  et  8  gouttes  de  laudanum  de  Syden- 
ham  pour  un  verre  d'eau,  alternés  avec  des  lavements  entiers  émoUients  et  hui- 
leux, et  il  en  a  obtenu  de  bons  résultats. 

Lavements  aux  sels  de  -plomb.  Le  sous-acétate  de  plomb ,  sous  forme  d'eau 
blanche  ou  d'eau  de  Goulard,  a  été  employé  en  injection  rectale  dans  les  cas  de 
proctorrhée,  de  flux  purulent  hémorrhoïdal  et  dans  la  diarrhée  chronique  qui 
suit  les  dysenteries.  Le  docteur  Fr.  Barthez,  à  l'époque  où  il  était  médecin  en  chef 
de  l'hôpital  militaire  de  Saint-Denis,  a  appliqué  avec  succès  cette  médication  au 
traitement  de  la  dysenterie  aiguë.  Voyant  le  peu  de  succès  des  moyens  usités 
jusque-là,  il  tenta  l'emploi  de  l'acétate  de  plomb  à  des  doses  d'abord  minimes, 
qu'il  a  élevées  ensuite  graduellement  jusqu'à  100  gouttes  d'extrait  de  saturne, 
soit  5  grammes  pour  500  grammes  d'eau  tiède.  A  cette  dose ,  la  dysenterie  s'ar- 
rêtait presque  subitement ,  sans  qu'il  ait  eu  à  constater  aucun  accident.  Depuis 
cette  époque  le  docteur  Barthez,  poursuivant  ses  essais,  est  arrivé,  dans  le  traite- 
ment des  dysenteries  aiguës,  jusqu'aux  doses  énormes  de  50,  40  et  100  grammes 
dans  un  lavement,  sans  donner  lieu  à  des  accidents  toxiques.  Boudin  a  été  à 
même,  quand  il  était  médecin  en  chef  de  l'hôpital  militaire  du  Roule,  de  confir- 
mer par  ses  propres  expériences  celles  de  Barthez  ;  il  a  employé  le  sous-acétate 
de  plomb  en  lavement  sur  plus  de  600  malades  atteints  de  diarrhée,  de  dysenterie 
ou  de  choléra  épidémique.  Le  médicament,  dissous  dans  100 grammes  deau  dis- 
tillée, a  été  donné  depuis  10  jusqu'à  60  grammes  dans  les  vingt-quatre  heures,  en 
plusieurs  quarts  de  lavement.  Non-seulement  l'innocuité  du  sous-acétate  de  plomb 
aiu<i  administré  a  été  complète,  mais  encore  les  résultats  thérapeutiques  se  sont 
montrés  les  plus  satisfaisants. 

M.  Devergie  a  employé  le  lavement  de  carbonate  de  plomb  contre  la  diarrhée 
des  phthisiques.  Voici  de  quelle  manière  il  le  prescrit  :  acétate  de  plomlj, 
1  gramme;  carbonate  de  plomb,  5  centigrammes;  dissous  séparément  dans  nue 
très-petite  quantité  d'eau  ;  la  dissolution  est  versée  dans  250  grammes  de  décoc- 
tion de  lin,  et  on  ajoute  quatre  gouttes  de  laudanum  de  Rousseau. 

Lavements  iodés.  Les  lavements  iodés  ont  été  prescrits  dans  la  diarrhée  et  la 
dysenterie  chronique,  par  M.  Eimer  (iode  de0s'',25  à  Os^SO,  iodure  de  potassium 
q.  s.  dissous  dans  30  à  90  grammes  d'eau  distillée),  pour  un  lavement  que  l'on 
renouvelle  deux  fois  dans  les  vingt-quatre  heures,  et  plus  rarement  trois  ou  quatre 
fois.  S'il  y  a  du  ténesme  et  si  le  malade  a  de  la  peine  à  garder  so)i  lavement,  on 
l'additionne  de  10  à  15  grammes  de  teinture  d'opium,  et  on  remplace  l'eau  par 
un  véhicule  mucilagineux. 

M.  le  docteur  Delioux  de  Savignac  dit  en  avoir  obtenu  dans  les  mêmes  circon- 


72  LAVEMENT  (emploi  médical). 

stances  des  succès  remarquables.  Il  donne  ces  lavements  à  la  dose  de  10  à  30 
grammes  de  teinture  d'iode,  maintenue  soluble  par  1  à  2  grammes  d'iodure  de 
potassium  pour  200  à  250  grammes  d'eau.  Sur  douze  cas  consignés  dans  son 
mémoire  {lJnio7i  médicale,  1855),  l'affection  intestinale  a  été  notablement  amen- 
dée ou  guérie  dix  fois  ;  dans  les  deux  cas  d'insuccès,  il  n'y  a  eu  du  moins  aucune 
aggravation.  M.  Delioux  affirme  qu'en  général  ces  lavements  ne  produisent  que 
de  légères  coliques,  très-facilement  calmées  par  un  lavement  laudanisé.  Il  ajoute, 
enfin,  qu'en  raison  de  la  facilité  d'absorption  les  lavements  pourraient  servir  de 
moyen  d'introduction  de  l'iode  dans  l'organisme,  dans  les  cas  qui  peuvent  en 
réclamer  l'usage. 

D'après  M.  le  docteur  Boinet,  on  pourrait  joindre  avec  beaucoup  d'avantage 
à  la  formule  de  M.  Delioux  1  ou  2  grammes  d'extrait  de  ratanhia,  ou  bien,  au  lieu 
d'eau  ordinaire,  faire  usage  d'une  décoction  de  ratanhia  ou  de  monesia,  ou  de 
toute  autre  substance  renfermant  de  l'acide  tannique.  M.  Boinet  affirme  que  les 
lavements  ainsi  composés  lui  ont  été  très-utiles  pour  arrêter  le  dévoiement  dans 
le  choléra.  [lodotherapie,  2^  édit.,  1865.) 

M.  le  docteur  Bossu  (de  Lyon)  a  obtenu,  à  l'aide  de  cette  médication,  des  résul- 
tats qui  ont  dépassé  toute  attente.  Sur  trois  malades  qui  y  ont  été  soumis,  deux 
ont  guéri  après  l'emploi  de  deux  lavements  seulement  ;  quant  au  troisième,  dont 
la  maladie  remontait  à  plusieurs  années,  il  guérit  aussi,  mais  six  lavements  furent 
nécessaires  pour  venir  à  bout  d'une  maladie  aussi  invétérée.  Or,  chez  ces  trois 
malades,  bien  que  la  dose  de  la  teinture  d'iode  ait  été  de  15,  20,  25  et  jusqu'à 
30  gouttes  pour  un  quart  de  lavement  de  150  grammes  d'eau,  cette  dose  a  été 
parfaitement  supportée,  et  à  part  le  premier  lavement  qui  a  causé  un  peu  de 
pesanteur  et  de  chaleur  rectale,  les  malades  n'ont  éprouvé  aucun  malaise  et  ont 
pu  le  garder  depuis  un  quart  d'heure  jusqu'à  deux  et  même  trois  heures.  (Thèse 
de  Paris,  1856.)  {Voy.  Diarrhée,  Dysenterie.) 

Les  lavements  iodés  ont  été  utilement  mis  en  usage  aussi  dans  un  cas  d'hépa- 
tite aiguë,  par  M.  le  docteur  Inhauser.  (Journal  de  médecine  de  Bruxelles.) 

Nous  ajouterons  ici  les  diverses  formules  de  lavements  iodés  que  donne  M.  Boinet 
dans  le  Formulaire  de  l lodotherapie  : 

LAVEMENT    IODÉ. 

Teinture  d'iode 15  à  2S  grammes. 

lodure  de  potassium )   -   „ 

Tannin h=^  0,2à        - 

Eau  de  riz  ou  eau  distillée 125  à  150       

Laudanum 19  gouttes. 

LAVEMENT  D'iODORE  DE   P0TAS3IDM. 

lodure  potassique 1  gramme. 

Eau  distillée  .   , 250  grammes. 

Lavements  au  nitrate  d'argent.  C'est  encore  dans  les  diarrhées  et  les  dysen- 
teries que  les  lavements  au  nitrate  d'argent  ont  été  préconisés.  Trousseau  en  a 
fait  un  très-fréquent  usage,  à  titre  d'agent  substitutif,  dans  le  traitement  des  ma- 
ladies de  l'appareil  digestif.  Dans  la  dysenterie  aiguë,  en  même  temps  qu'il 
prescrivait  de  demi-heure  en  demi-heure  une  pilule  avec  un  mélange  de  5  centi- 
grammes d'amidon  ou  de  mie  de  pain,  2  centigrammes  1/2  de  nitrate  d'argent  et 
2  centigrammes  1/2  de  sel  de  nitrc,  il  faisait  prendre  deux  fois  par  jour  un  lave- 
ment avec  500  grammes  d'eau  distillée  dans  laquelle  on  avait  fait  dissoudre  de 
15  à  50  centigrammes  de  nitrate  d'argent. 

C'est  surtout  chez  les  enfants  à  la  mamelle,  lorsque  la  diarrhée  persistait  lon-r. 


LAVEMENT  (emploi  médical).  73 

temps,  malgré  la  diète,  le  régime  et  l'usage  de  la  magnésie,  du  bismutli  ou  de 
la  poudre  d'yeux d'écrevisse,  qu'il  avait  recours  au  nitrate  d'argent.  Voici  les  règles 
([u'il  formule  à  cet  égard  :  »  Si  la  diarrhée  est  tormineuse,  accompagnée  de  sécré- 
tions glaireuses  ou  de  glaires  ensanglantées,  et  en  même  temps  de  ténesme,  nous 
prescrivons,  dit-il,  soir  et  matin,  un  clystère  composé  de  250  grammes  d'eau  dis- 
tillée, de  5  à  10  centigrammes  de  nitrate  d'argent,  suivant  l'âge  de  l'enfant;  quel- 
quefois, après  l'expulsion  du  liquide  injecté,  nous  donnons  un  nouveau  lavement 
d'eau  tiède,  auquel  nous  ajoutons  mie  demi-goutte  ou  même  une  goutte  de  lau- 
danum de  Sydenham.  «Il  est  rare,  ajoute-t-il,  que  cette  médication  si  simple  ne 
guérisse  pas  avec  rapidité  une  diarrhée  qui  semble  liée  à  un  état  phlegmasique  de 
la  membrane  muqueuse  du  côlon. 

Le  lavement  au  nitrate  d'argent,  dans  la  proportion  de  0,50  de  ce  sel  pour  100 
grammes  d'eau,  a  été  utilement  employé  par  Aran  dans  un  cas  de  flux  hémor- 
rhoïdal  incoercible  chez  un  homme  de  61  ans.  Ce  lavement  fut  renouvelé  pendant 
quatre  jours,  et  le  malade  le  gardait  pendant  deux  heures,  malgré  la  cuisson  qu'il 
lui  causait. 

Les  lavements  au  nitrate  ou  azotate  d'argent  ont  été,  de  la  part  de  M.  le  docteur 
Delioux  de  Savignac,  l'objet  d'une  étude  spéciale  dont  les  résultats  intéressent 
assez  la  pratique  pour  que  nous  croyions  devoir  les  rappeler  ici.  Dans  un  mé- 
moire relatif  à  l'inQuence  que  joue  l'albumine  sur  l'absorption  et  l'assimilation 
des  composés  minéraux,  communiqué  en  1850  à  l'Académie  des  sciences,  M.  De- 
lioux a  démontré,  par  des  expériences  en  conformité  avec  des  travaux  antérieurs 
de  Lassaigiie,  que,  si  l'azotate  d'argent  précipite  au  premier  abord  l'albumine  de 
ses  dissolutions,  un  grand  excès  de  dissolution  albumineuse  redissout  ce  préci- 
pité; que,  d'un  autre  côté,  si  les  chlorures  alcalins  précipitent  l'azotate  d'argent 
dans  l'eau  pure,  à  l'état  de  chlorure  d'argent  insoluble,  ils  ne  le  précipitent  plus 
dans  l'eau  albumineuse  ;  qu'enfin,  dans  ces  deux  circonstances,  il  se  forme  une 
combinaison  d'albumine  et  d'azotate  d'argent,  soluble  et  conséquemment  facile- 
ment absorbable. 

Ces  faits  acquis,  M.  Delioux  s'est  demandé  s'il  ne  serait  pas  avantageux  d'asso- 
cier l'albumine  et  l'azotate  d'argent  lorsque  l'on  veut  administrer  ce  dernier  sel 
à  l'intéi'ieur,  soit  par  la  bouche,  soit  par  l'extrémité  rectale.  Il  ne  s'agit  ici  que 
de  ce  second  mode  d'administration. 

Le  sel  d'argent,  employé  par  injection  rectale,  déterminant  parfois,  même  à 
très-petites  doses,  des  coliques  assez  vives,  M.  Delioux  a  pensé  qu'on  obvierait  à 
cet  inconvénient,  en  même  temps  qu'on  feraitbénéficierle  malade  des  propriétés 
de  l'albumine  et  de  celles  de  l'azotate  d'argent,  en  administrant  ce  sel  en  disso- 
'lution,  ou  dans  l'eau  albumineuse  pure,  ou  dans  l'eau  albumineuse  légèrement 
salée  par  le  chlorure  de  sodium  pour  les  doses  élevées.  11  a,  en  conséquence,  adopté 
comme  règle  générale  de  prescrire  des  quantités  égales  d'azotate  d'argent  et  de 
chlorure  de  sodium  pour  une  quantité  donnée  de  solution  albumineuse.  Ainsi, 
pour  préparer  un  quart  de  lavement  d'après  cette  formule,  on  pi-end  : 

Blanc  d'œuf n'  1 

On  dissout  dans  : 

Eau  distillée ,  ,  , 250  grammes. 

On  filtre  à  travers  un  linge. 
On  prend  d'un  autre  côté  : 

Azotate  d'argent  cristallisé 10,  20,  50  centigrammes. 

Chlorure  de  sodium 10,  20,  50  — 


74  LAVEMENT  (kmpi.oi  médical). 

On  fait  dissoudre  séparément  les  deux  sels  dans  une  très-petite  quantité  d'eau 
distillée  :  on  verse  dans  la  solution  albumineuse  d'abord  la  solution  d'azotate  d'ar- 
gent; —  il  se  fait  un  précipité  blanc  floconneux;  — on  ajoute  aussitôt  la  solution 
de  chlorure  de  sodium,  et  l'on  agite  vivement  la  liqueur  avec  une  baguette  de 
verre  ;  alors  le  précipité  disparait,  la  liqueur  reprend  su  transparence,  ou  conserve, 
si  l'on  a  employé  des  doses  plus  fortes  que  ci-dessus  d'azotate  d'argent,  une  légèrq 
teinte  opaline  ;  mais  il  ne  se  dépose  plus  aucun  précipité.  Il  s'est  formé  une  com- 
binaison soluble  d'azotate  d'argent  et  d'albumine,  à  laquelle  le  chlorure  de  sodium 
ne  prend  aucune  part,  mais  dont  il  favorise  seulement  et  maintient  la  solubilité. 

Cette  solution  d'azoto-albuminate  d'argent,  ou  d'azotate  double  d'albumine  et 
d'argent,  ne  doit  être  préparée  qu'au  moment  d'être  administrée. 

M.  Delioux  affirme,  après  une  longue  expérience,  que  les  lavements  à  l'azotate 
d'argent,  ainsi  préparés,  ne  détei^minent  presque  jamais  de  coliques,  et  jamais  de 
douleurs  vives.  11  serait  donc  rationnel,  dans  toutes  les  circonstances  oii  l'emploi 
des  lavements  d'azotate  d'argent  est  indiqué,  de  substituer  cette  formule  à  la  dis- 
solution dans  l'eau  distillée. 

Le  lavement  au  nitrate  d'argent  a  été  employé  aussi  avec  avantage  par  M.  Gué- 
rard,  dans  un  cas  d'entérite  pseudo-membraneuse  chez  une  malade  de  son  service 
de  l'Hôtel-Dieu  ;  mais,  comme  il  s'était  convaincu,  dans  un  cas  analogue  qu'il 
avait  eu  l'occasion  d'observer  en  ville,  de  l'insuffisance  des  petits  lavements,  la 
lésion  diphthéritique  existant  dans  les  parties  supérieures  du  gros  intestin,  il  ne 
réussit  dans  ce  dernier  cas  qu'en  portant  la  quantité  du  liquide  jusqu'à  4  litres, 
de  manière  que  l'intestin  se  trouvât  rempli  jusqu'à  la  valvule  iléo-cœcale.  Le  lave- 
ment avait  été  préparé  de  la  manière  suivante  :  la  seringue  était  remplie  presque 
jusqu'en  haut  avec  une  forte  décoction  de  guimauve  ;  une  solution  de  50  centi- 
grammes de  nitrate  d'argent  dans  50  grammes  d'eau  distillée  fut  mise  dans  l'es- 
pace laissé  vide  ;  on  mit  en  place  la  canule  et  l'on  administra  promptement  le 
lavement.  La  solution  caustique,  poussée  la  première,  modifia  la  surface  intesti- 
nale, qui  fut  ensuite  lavée  par  la  décoction  de  guimauve.  {Voy.  Diarrhée,  Dysen- 
terie, Entérite.) 

Lavement  arsenical.  La  médication  arsenicale,  tirée  par  les  travaux  de  Bou- 
din, de  l'oubli  ou  du  discrédit  où  elle  était  tombée  en  France,  instituée  par  cet  ha- 
bile praticien  sur  une  grande  échelle  pour  le  traitement  des  fièvres  intermittente.", 
et  étendue  depuis  au  traitement  d'un  grand  nombre  d'autres  aiïeclions,  devait 
naturellement  rappeler  l'attention  sur  la  méthode  d'administration  des  prépara- 
tions arsenicales  par  la  voie  rectale,  déjà  mise  en  usage  très-anciennement.  Boudin 
a  eu  recours  aux  lavements  d'arsenic,  lorsque  les  malades  soumis  au  traitement 
arsenical  étaient  arrivés  à  la  limite  de  la  tolérance  de  ce  médicament  par  l'estomac. 
Il  l'a  formulé  ainsi  :  solution  arsenicale,  50  grammes  (soit  5  centigrammes  d'acide 
arsénieux,  la  solution  étant  au  1,000").  Il  a  pu,  dans  un  grand  nombre  de  cas, 
porter  la  solution  à  20  centigrammes  d'acide  arsénieux,  sans  provoquer  aucun 
accident,  ni  même  aucun  phénomène  d'intolérance,  alors  que  les  malades  ne  pou- 
vaient plus  supporter  1  centigramme  d'acide  arsénieux  par  la  voie  gastrique. 

Nous  venons  de  dire  que  la  méthode  d'administration  de  l'arsenic  par  la  voie 
rectale  avait  été  très-anciennement  mise  en  usage.  En  eftet,  les  lavements  arse- 
nicaux ont  été  conseillés  par  Cœlius  Aurelianus  pour  détruire  les  vers  intestinaux. 
Mais,  comme  le  font  très-justement  remarquer  les  auteurs  du  Traité  de  thérapeu- 
tique et  de  matière  médicale,  il  suffit  de  savoir  qu'elles  sont  les  parties  de  l'in- 
testin habitées  par  les  vers  pour  comprendre  que  ces  hivements  ne  peuvent  Cdvc, 


LAVEMENT  (emploi  médical).  "^^ 

utiles  que  pour  la  destruction  des  ascarides  vermiculaires.  Leur  efficacité,  dans 
ce  cas,  est  incontestable.  «  A  l'époque,  dit  Trousseau,  où  nous  avions  un  service 
dans  un  hôpital  d'enfants,  nous  avons  eu  souvent  l'occasion  de  les  employer. 
Pour  un  lavement  de  200  grammes  d'eau,  on  fait  dissoudre  1  à  5  centigrammes 
d'arséniate  de  soude  ou  d'arsénite  de  potasse.  Cette  dose,  qui  serait  énorme  si  elle 
était  conservée,  provoque  une  irritation  assez  vive,  et  par  conséquent  est  rapide- 
ment rejetée;  mais  le  contact,  quelque  rapide  qu'il  soit,  delà  solution  arsenicale 
avec  les  vers  suffit  pour  les  tuer.  Un  seul  lavement  suffit  ordinairement  pour 
détruire  ceux  qui  existent  ;  mais  il  y  faut  revenir  deux  ou  trois  jours  de  suite,  et 
ensuite  deux  ou  trois  fois  encore,  en  laissant  quatre  jours  d'intervalle,  pour  dé- 
truire les  œufs  d'ascarides  et  faire  cesser  toute  chance  de  récidive.  » 

Lavements  mercuriels.  Le  mercure  à  l'état  de  calomel  a  été  employé  en  lave- 
ment au  même  titre  que  l'arsenic  et  pour  remphr  la  même  indication  à  l'égard 
des  oxyures  vermiculaires.  Il  suffit  d'injecter  dans  le  rectum  une  petite  quantité 
de  mucilage  de  gomme  contenant  en  suspension  5  à  20  centigrammes  de  calomel. 
Ce  moyen  est  peut-être  moins  fidèle  que  le  précédent.  Mais,  si  le  calomel  manque 
quelquefois  son  effet,  il  n'en  est  pas  de  même  des  préparations  mercurielles  solu- 
b!es.  Pour  les  adultes,  il  suffit  de  faire  prendre,  deux  ou  trois  jours  de  suite,  un 
quart  de  lavement,  auquel  on  ajoute  5  centigrammes  de  bi-iodure  de  mercure 
dissous  au  moyen  de  1/10^  d'iodare  de  potassium,  ou  bien  la  même  dose  de  bi- 
chlorure  de  mercure.  La  dose  doit  être  quatre  ou  cinq  fois  moindre  pour  les  en- 
fants. Cette  médication  manque  rarement  son  effet. 

Lavements  opiacés.  On  a  déjcà  vu,  dans  ce  qui  précède,  que  l'opium  est  joint 
quelquefois  à  d'autres  substances  destinées  à  être  administrées  en  lavement,  dans 
le  but  de  faciliter  la  tolérance  de  l'intestin  pour  ces  substances.  L'indication  des 
lavements  purement  opiacés  se  présente  souvent  dans  la  pratique,  soit  que  l'on 
se  propose  une  action  stupéfiante  directe  sur  l'intestin  ou  sur  quelque  organe 
connexe  ou  voisin,  soit  que,  dans  le  but  d'obtenir  une  sédation  générale,  on  ait  des 
motifs  pour  s'adresser  de  préférence  à  ce  mode  d'introduction  des  narcotiques 
dans  l'économie.  Toutes  les  coliques  généralement,  de  quelque  nature  qu'elles 
soient  et  quelles  qu'en  soient  les  causes,  sont  calmées  par  l'emploi  des  lavements 
opiacés.  Les  diarrhées  avec  ou  sans  coliques,  la  dysenterie  en  réclament  aussi  très- 
souvent  l'emploi.  Ils  sont  souvent  mis  en  usage  aussi,  pour  combattre  les  coli- 
ques néphrétiques  et  les  coliques  hépatiques.  On  y  a  eu  recours  quelquefois  dans 
les  cas  de  hernie  étranglée,  mais  les  lavements  avec  les  solanées  leur  sont  préfé- 
rables. L'une  des  applications  les  plus  utiles  des  lavements  opiacés  est  celle  que 
l'on  en  fait  assez  fréquemment  pour  modérer  ou  calmer  les  contractions  utérines 
excessives  dans  le  travail  d'accouchement,  ou  les  contractions  inopportunes  comme 
celles  qui  surviennent  pendant  la  durée  de  la  grossesse,  et  qui  rendent  une  fausse 
couche  imminente  ;  de  même  que  pour  combattre  les  tranchées  utérines  après 
l'accouchement.  Les  névralgies  et  les  douleurs  provoquées  par  la  phlegmasie 
utérine  sont  également  combattues  avec  avantage  par  les  lavements  opiacés. 
Enfin  on  a  recours  à  ce  moyen  d'introduction  de  l'opium  dans  l'économie  dans  les 
circonstances  où  cet  agent  doit  être  administré  à  des  doses  très-considérables, 
comme  dans  le  tétanos,  par  exemple,  dans  certains  traumatismes  graves  ou  à  la 
suite  de  grandes  opérations  où  il  est  nécessaire  de  plonger  les  malades  dans  le 
narcotisme  pour  prévenir  l'explosion  d'accidents  consécutifs  redoutables. 

Les  lavements  opiacés  ont  été  conseillés  encore  et  employés,  paraît-il,  avec 
succès,  par  le  docteur  H.  Bennet,  contre  le  mal  de  mer.  {Yoy.  Mal  de  mer.) 


70  LAVEMENT  (emploi  médical). 

11  prescrit  le  laudanum  ou  la  solution  de  biméconate  de  morphine  (solution  de 
squirrhe)  à  la  dose  de  50  gouttes,  dans  120  grammes  d'eau  chaude.  {The  Lan- 
cet,  1857.) 

On  n'administre  guère  généralement  sous  cette  forme  que  le  laudanum  de  Sy- 
denham,  le  laudanum  de  Rousseau  ou  la  décoction  de  pavot.  Les  doses  moyennes 
sont  de  10  à  20  gouttes  environ  de  laudanum  de  Sydenham,  de  5  à  10  gouttes  de 
laudanum  de  Rousseau  par  lavement.  Mais  on  conçoit  que  ces  doses  puissent 
varier  infiniment  selon  les  indications  qu'on  se  propose  de  remplir  et  suivant  l'ha- 
bitude et  le  degré  de  tolérance  connu  des  malades.  En  règle  générale,  sachant 
que  l'absorption  de  l'opium  introduit  dans  le  rectum  est  plus  active  et  plus  l'apide 
que  lorsqu'il  est  administré  par  l'estomac,  les  doses  de  l'opium  donné  en  lave- 
ment doivent  être  toujours  un  peu  inférieures  à  celles  que  l'on  ferait  prendre  par 
la  bouche. 

Quant  au  pavot,  mode  essentiellement  infidèle  et  dangereux  à  la  fois  par  la 
difficulté  de  le  doser,  la  prudence  veut  qu'on  ne  mette  pas  plus  d'une  tète  pour 
un  lavement  de  500  grammes.  Mieux  encore  serait  de  s'en  abstenir,  si  l'on  n'était 
pas  quelquefois  réduit  à  ce  seul  moyen. 

Lavements  à  la  belladone.  L'extrême  activité  de  cette  substance,  sa  facilité 
d'absorption  par  le  gros  intestin  et  les  dangers  si  graves  qu'entraîne  l'administra- 
tion de  doses  un  peu  élevées,  doivent  rendre  très-circonspect  sur  son  emploi  en 
lavement.  Les  recueils  périodiques  de  médecine  renferment  plusieurs  exemples 
d'accidents  très-graves  d'empoisonnement  produits  par  l'ingestion  de  doses  d'ex- 
trait ou  de  décoction  de  belladone,  qui  pouvaient  cependant  ne  pas  paraître  au 
premier  abord  très-exagérées  (50  centigrammes  d'extrait,  par  exemple).  Aussi 
depuis  que  ces  funestes  exemples  sont  connus,  l'usage  de  ces  lavements  est-il 
restreint  à  un  très-petit  nombre  d'indications. 

La  belladone  est  donnée  en  lavement  à  la  dose  de  2  à  5  centigrammes  d'extrait, 
comme  adjuvant  de  l'administration  de  cette  même  substance  par  la  bouche  et  en 
onction  sur  les  parois  abdominales,  dans  le  traitement  de  la  colique  de  plomb, 
d'après  la  méthode  instituée  par  M.  le  docteur  Malherbe  (de  Nantes). 

On  la  prescrit,  à  la  dose  de  10  à  20  gouttes  de  teinture  dans  une  petite  quantité 
d'eau,  pour  combattre  les  douleurs  utérines,  la  dysménorrhée,  la  rétention  du 
flux  menstruel,  ou  le  spasme  et  la  constriclion  de  l'orifice  utérin,  dans  certains 
accouchements  laborieux. 

Le  docteur  Holbrovek  a  prescrit  des  lavements  avec  l'infusion  de  feuilles  de 
belladone  contre  la  constriction  spasmodique  de  l'urèthre.  Mais  il  n'est  pas  dit 
avec  quel  résultat. 

Les  chirurgiens  ont  quelquefois  utilisé  avec  avantage  les  lavements  belladones 
pour  obtenir  le  relâchement  des  parties  qui  produisent  la  constriction  de  l'in- 
testin dans  l'iléus  et  la  hernie  étranglée.  Considérant  son  action  sur  la  contractilité 
des  tissus,  le  docteur  R.  Hanius  a  eu  l'idée  d'employer  les  lavements  de  bella- 
done dans  les  cas  d'iléus,  en  1855,  et  il  l'a  fait  avec  succès.  [Journal  der prac- 
iischen  Heilkunde  de  Hufeland  et  Osann.)  On  trouve,  notamment,  dans  un  jour- 
nal américain  de  1837,  traduit  ^diV  h  Gazette  médicale  (1858),  quatre  exemples 
très-remarquables  de  hernies  étranglées,  réduites  avec  le  secours  des  lavements 
de  belladone.  Mais  la  dose  administrée  dans  ces  circonstances  a  été  telle  (1  gros 
(4  grammes)  de  racine  de  belladone  infusés  dans  12  onces  d'eau  et  divisés  en  3 
parties),  que  nous  n'oserions  conseiller  d'imiter  cet  exemple. 

Le  dalura  pourrait  au  même  titre  que  la  belladone  et  dans  des  conditions  ana- 


LAVEMENT  (emploi  médical).  77 

logues  êlre  administré  en  lavement.  Nous  ne  sachons  pas  qu'il  ait  été  employé  de 
cette  manière.  Il  ne  faudrait  pas  oublier,  en  tout  cas,  si  l'on  jugeait  h  propos  d'y 
avoir  recours,  que,  comme  tous  les  agents  toxiques  livrés  à  cette  voie  d'absorption, 
le  datura  injecté  par  le  rectum  détermine  des  effets  beaucoup  plus  rapides  que 
lorsqu'il  est  porté  dans  l'estomac. 

Lavements  de  tabac.  C'est  particulièrement  dans  le  traitement  de  l'iléus  ou 
du  volvulus  et  de  la  hernie  étranglée  que  les  lavements  de  fumée  ou  d'infusion  de 
tabac  ont  été  conseillés.  Us  sont  très-usités  en  Angleterre  où  ils  ont  été  préco- 
nisés déjà  par  Sydenham,  et  depuis  par  Mertens,  Abercrombie,  Schœfler,  Bott  et 
d'autres.  Schœffer  à  l'exemple  de  Sydenham  presci'ivait  les  lavements  de  fumée  de 
tabac.  Pott,  au  lieu  de  fumée,  donnait  le  tabac  en  infusion,  à  la  dose  de  4  gram- 
mes de  feuilles  de  tabac  pour  500  grammes  d'eau.  En  France,  l'application  de  ce 
moyen  a  été  beaucoup  plus  restreinte,  quoiqu'il  ait  été  très-préconisé  par  Lisfranc. 
On  lit  de  loin  en  loin  seulement  dans  les  journaux  de  médecine  quelques  relations 
de  cas  d'iléus  ou  de  hernie  étranglée  qui  ont  été  traités  par  ce  moyen.  Les  Annales 
de  la  chirurgie  française  et  e'^j-an^fère  de  1845  rapportent  deux  cas  de  volvulus  qui 
auraient  été  traités  avec  succès  par  M.  Berruyer  à  l'aide  de  lavements  de  tabac.  La 
Gazette  des  hôpitaux,  de  1858,  signale  un  fait  dans  lequel  le  lavement  de  tabac 
a  été  associé  à  l'usage  de  la  belladone,  ce  qui  en  diminue  la  valeur  comme  témoi- 
gnage de  l'etficacité  du  tabac.  Le  Bulletin  de  la  Société  de  médecine  de  Poitiers 
(1864)  rapporte  une  observation  très-intéressante  de  guérison  d'un  étranglement 
interne  récidivé  à  l'aide  des  lavements  de  tabac,  communiquée  à  cette  Société  par 
les  docteurs  Gaillard  et  Albert.  Mais  voici  venir  le  revers  de  la  médaille.  On 
trouve  dans  le  Bidletin  général  de  thérapeutique  (1843)  ime  relation  de  M.  le 
docteur  Ch.  Japiot,  qui  fait  connaître  un  cas  d'accidents  toxiques  terminés  par  la 
mort,  à  la  suite  de  l'administration  du  tabac  en  lavement  dans  un  cas  de  hernie 
étranglée.  La  dose  de  tabac  administrée  dans  cette  circonstance  était  de  15  gram- 
mes en  décoction  dans  la  quantité  d'eau  nécessaire  pour  un  lavement  entier,  dose 
élevée,  sans  doute,  mais  encore  inférieure  à  celle  qui  est  indiquée  dans  quelques 
formulaires.  On  trouve  dans  le  journal  de  Vandermonde  un  cas  de  hernie  étran- 
glée, guérie  par  un  lavement  fait  avec  la  décoction  de  1  once  (30  grammes)  de 
tabac  dans  2  livres  (1  kilogr.).  Personne  aujourd'hui  n'oserait  prescrire  cette  dose. 
Les  lavements  de  tabac  sont  avantageusement  remplacés,  d'ailleur^,  dans  ces 
circonstances,  par  les  lavements  de  belladone  ou  de  datura.  {Voy.  Iléus.) 

La  colique  de  plomb  a  été  traitée  aussi  par  les  lavements  de  tabac.  On  les  a 
longtemps  employés  comme  purgatifs,  mais  ils  sont  à  la  fois  inefiicaces  et  dange- 
reux. On  les  a  appliqués  avec  plus  de  raison  comme  anthelminthiques. 

Enfin  c'est  surtout  comme  moyen  de  combattre  l'asphyxie,  et  en  particulier 
l'asphyxie  par  submersion,  que  les  lavements  de  fumée  de  tabac  ont  eu  le  plus  de 
vogue.  On  y  a  à  peu  près  généralement  renoncé  aujourd'hui. 

La  valériane,  dont  les  indications  sont  bien  connues,  trouve  assez  souvent  son 
emploi  en  lavements.  On  l'administre  à  la  dose  de  8  à  16  grammes  en  décoction. 

L'asa  fœtida,  à  raison  de  la  qualité  qu'exprime  si  bien  son  adjectif,  n'est 
guère  administré  que  sous  cette  forme.  On  le  prescrit  à  la  dose  de  4  à  8  grammes 
délayé  dans  un  peu  d'huile  ou  dans  un  jaune  d'œuf  pour  100  grammes  d'eau 
environ.  C'est  un  des  médicaments  les  plus  sûrs  et  les  plus  fidèles  que  nous  con- 
naissions contre  certains  phénomènes  hystériques.  Nous  en  avons  plusieurs  fois 
obtenu  de  très-bons  résultats. 

Le  musc,  si  utile  dans  quelques  épiphénomènes  nerveux  des  phlegmasies  pulmo- 


78  LAVEMEîST   (emploi  îiédical), 

naires  ou  de  fièvres  graves,  peut  être  donne  parla  voie  rectale,  mais  on  n'a  que 
très-rarement  roccasion  d'y  recourir  sous  cette  forme. 

Le  castoréimi  est  plus  souvent  administré  ainsi,  sous  forme  de  teinture,  uni 
aux  teintures  d'aloès  et  d'asa  fœtida,  et  à  la  dose  de  4  grammes.  Cette  prépara- 
tion est  surtout  employée  dans  l'aménorrhée  dépendant  d'une  sorte  de  ténesme 
utérin  et  qui  s'accompagne  du  gonflement  douloureux  du  ventre,  et  dans  cer- 
taines coliques  nerveuses. 

Le  camphre  est  administré  sous  cette  même  forme  à  peu  près  dans  les  mômes 
conditions  que  le  musc  et  le  castoréum,  à  la  dose  moyenne  de  4  grammes,  délayé 
dans  un  jaune  d'œuf  pour  500  grammes  de  décoction  de  graine  de  lin  ou  de  gui- 
mauve. Ses  propriétés  sédatives  et  anaphrodisiaques  l'ont  fait  prescrire  souvent 
dans  les  dysuries  et  les  maladies  des  voies  urinaires. 

\Jéther,  dans  quelques  circonstances  exceptionnelles  oii  il  était  impossible  de 
le  faire  accepter  par  l'estomac,  a  pu  être  donné  avec  succès  en  injection  dans  le 
gros  intestin. 

M.  le  docteur  Laffont  de  Sainte-Hélène  (Gironde)  a  fait  cesser  à  plusieurs  re- 
prises un  accès  de  manie  furieuse  chez  une  femme  à  l'aide  d'un  lavement  d'éther 
(4  grammes  d'éther  suUurique  dans  125  grammes  d'eau  fraîche). 

Le  quinquina  et  son  principe  actif,  le  sulfate  de  quinine,  quand  ils  sont  impé- 
rieusement indiqués  et  que  l'état  de  l'estomac  n'eu  permet  point  l'administration 
par  la  voie  ordinaire,  peuvent  être  confiés  à  la  voie  rectale.  Voici  les  deux  princi- 
pales formules  pour  ce  mode  d'administration. 

Lavement  de  quinqdina. 
Quinquina  jaune  royal .      20  grammes. 

Faire  bouillir  pendant  une  demi-heure  dans  : 

Eau  commune,  q.  s.  pour  colature 250         

Passez  et  ajoutez  : 

Laudanum  de  Sydenhara 12  gouttes, 

LAVEME>T  de   SrLFATE    BE   OtlINIUE. 

Sulfate  de  quinine \  gramme. 

Décoction  de  pavot ,     150  grammes. 

Acide  sulfurique  alcoolisé,  quelques  gouttes  pour  dissoudre  le  sulfate. 

Lavements  vineux  et  alcooliques.  La  difficulté  qu'on  éprouve  à  faire  pénétrer 
par  l'estomac  une  certaine  quantité  de  toniques,  et  surtout  de  vin,  sans  apporter 
un  trouble  marqué  à  l'accomplissement  des  fonctions  digestives ,  et  d'un  autre 
côté  les  avantages  qu'il  y  a,  dans  certains  cas,  à  porter  dans  le  torrent  circula- 
toire, et  par  suite  dans  tous  les  organes,  une  assez  grande  quantité  d'un  liquide 
aussi  vivifiant,  ont  engagé  plusieurs  praticiens  à  recourir  à  la  voie  d'introduction 
rectale.  Hoffmann  avait  eu  déjà  cette  idée,  et  l'avait  môme  mise  eu  pralique,  mais 
elle  avait  été  presque  entièrement  perdue  pour  ses  successeurs.  11  faut  arriver  jus- 
qu'à notre  époque  pour  voir  remettre  cette  pratique  en  honneur. 

Dans  un  cas  de  métrorrhagie  par  inertie  de  la  matrice  après  la  délivrance, 
qui  avait  résisté  à  tous  les  moyens  employés,  et  ne  put  être  arrêtée  que  par  la 
compression  de  l'aorte,  la  malade  étant  épuisée  et  dans  l'état  le  plus  alarniant, 
absence  du  pouls,  refroidissement  des  extrémités,  sueur  froide,  jactitation,  relâ- 
chement des  sphincters,  etc.,  indiquant  l'imminence  d'une  terminaison  fatale,  et 
en  présence  de  l'impossibilité  d'administrer  des  stimulants  par  la  bouche,  un  mé- 
decin anglais,  le  docteur  Llewellyn  Williams  a  eu  reconrs  aux  lavements  froids 


LAVEMENT   (emploi  médical).  79 

de  vin  d'Oporto,  d'abord  à  la  dose  de  4  onces  avec  vingt  gouttes  de  teinture 
d'opium.  Deux  minutes  après  le  premier  lavement,  le  pouls  radial  reparaissait 
d'abord  faible,  puis  augmentant  de  force  pendant  cinq  minutes,  il  faiblit  ensuite 
de  nouveau.  Deuxième  lavement  :  vingt  minutes  après,  amélioralion  marquée. 
—  La  malade  reprend  connaissance.  —  Demi-heure  après,  troisième  lavement.  — 
Aprèsdix  heures,  la  malade  est  hors  de  danger. — Employé  un  peu  plus  d'une 
bouteille  ordinaire  de  vin.  {British  Médical  Journal.) 

M.  Herpain  cite  le  fait  d'un  soldat,  qui  à  la  suite  d'une  variole  fut  pris 
d'une  gastro-entérite,  puis  d'une  péritonite,  qui  acquirent  des  proportions  mena- 
çantes. Son  état  général  était  des  plus  alarmants,  lorsque  M.  Herpain  prescrivit  les 
lavements  de  vin  (vin  vieux  de  Bordeaux),  renouvelés  trois  fois  par  jour.  Les  deux 
premiers  jours  ils  furent  mal  supportés,  M.  Herpain  ayant  ajouté  60  grammes  de 
sirop  simple  aux  100  grammes  devin,  ceux-ci  furent  bien  supportés,  et  la  diarrhée 
ne  tarda  pas  à  s'arrêter.  Le  mieux  se  manifesta  et  alla  croissant  à  partir 
de  là. 

Cazin,  dans  son  Traité  des  plantes  médicinales  indigènes,  recommande  contre 
la  diarrhée  chronique  un  traitement  qui  consiste  dans  l'emploi  des  lavements  de 
vin  et  dans  l'administration  des  œufs  crus  pour  nourriture  exclusive. 

Telles  étaient  à  peu  près  les  seules  indications  qui  existaient  dans  la  science  sur 
l'emploi  de  ce  moyen,  lorsque  en  1854  Aran  eut  dans  le  service  dont  il  était 
chargé  alors  à  l'Hôtel-Dieu,  une  femme  affectée  depuis  treize  semaines  d'un 
dévoiement  que  l'ien  ne  pou\ait  arrêter,  et  qui  présentait  avec  un  état  anémique 
des  plus  prononcés,  un  œdème  des  jambes,  sans  affection  du  cœur  ni  urines  albu- 
mineuses.  Trois  lavements  de  vin  furent  administrés  tous  les  jours  h  cette  ma- 
lade, et  sans  être  immédiat  ni  complet,  le  résultat  de  ce  traitement  fut  des  plus 
remarquables  ;  le  nombre  des  selles  diminua,  mais  surtout  les  forces  revinrent, 
l'œdème  disparut,  la  face  prit  une  coloration  plus  naturelle  et  la  malade  put 
être  occupée  dans  la  salle  comme  infirmière. 

Frappé  surtout  de  l'influence  exercée  sur  l'état  général  de  cette  malade 
par  les  lavements  de  via,  Aran  se  demanda  si  dans  la  convalescence  des  maladies 
graves,  alors  que  les  fonctions  digestives  sont  encore  languissantes,  on  ne  pourrait 
pas  abréger  la  convalescence  par  ce  moyen  ;  si  même  dans  les  cas  où  l'estomac  ne 
poun'ait  pas  tolérer  des  aliments,  et  encore  moins  des  toniques,  il  ne  serait  pas 
possible  de  soutenir  momentanément  et  de  relever  les  forces  des  malades  à  l'aide 
de  ces  lavements.  L'occasion  s'étant  présentée  de  vérifier  cette  prévision,  l'événe- 
ment est  venu  montrer  à  Arau  qu'il  ne  s'était  pas  trompe.  Il  a  eu  recours  depuis 
aux  lavements  de  vin  dans  la  convalescence  de  toutes  les  maladies  graves,  lorsque 
eette  convalescence  marchait  avec  lenteur ,  et  surtout  lorsque  les  fonctions  digestives 
conservaient  une  susceptibilité  morbide  qui  mettait  obstacle  à  la  nutrition.  Il  y  a 
EU  recours  avec  le  même  succès  dans  des  cas  où  une  diarrhée  persistante  compro- 
mettait gravement  la  nutrition  pendant  la  convalescence.  Dans  la  hèvre  typhoïde, 
en  particulier,  il  a  vu,  à  la  fin  de  la  maladie,  les  lavements  de  vin  continués 
pendant  plusieurs  jours  triompher  définitivement  de  la  diarrhée  et  ramener  très- 
rapidement  à  une  convalescence  parfaite  des  malades  dont  la  vie  semblait  compro- 
mise. Mais  une  des  maladies  dans  lesquelles  Aran  a  dit  avoir  observé  les  effets  les 
plus  inattendus,  c'est  la  phthisie  pulmonaire.  En  employant  ces  lavements  chez 
les  phthisiques,  il  avait  seulement  en  vue  de  faire  cesser  la  diarrhée.  11  fut  assez 
heureux  pour  obtenir  ce  rér.ultat;  mais  en  même  temps  que  la  diarrhée  se  sus- 
pendait, il  remarqua  que  les  malades  éprouvaient  une  amélioration  inespérée  dans 


80  LAVEMENT   (kmploi  médical). 

leur  état  général.  Malheureusement  leur  action  s'arrête  devant  la  lésion  pulmo- 
naire, et  cette  amélioration  n'est  que  temporaire. 

Les  essais  d'Aran  ne  se  sont  pas  bornés  là.  11  a  employé  les  lavements  vineux 
chez  les  dyspeptiques,  et  en  particulier  dans  la  forme  gastralgique  de  la  dyspepsie 
et  dans  la  gastralgie  accompagnée  de  vomissements. 

Mais  la  maladie  dans  laquelle  les  effets  des  lavements  de  vin  ont  donné,  au  dire 
d'Aran,  les  résultats  les  plus  surprenants,  est  la  chlorose.  H  a  vu  sous  l'influence 
de  cette  médication,  les  forces  reparaître  en  quelques  jours,  tandis  que  l'œdème 
et  la  bouffissure  disparaissaient,  les  palpitations  et  l'essoufflement  ne  se  monfrer 
plus  qu'après  un  exercice  violent,  l'appétit  devenir  meilleur,  les  maux  d'esto- 
mac et  la  sensation  de  défaillance  faire  place  à  un  sentiment  de  force  et  de 
bien-être;  puis  la  coloration  devenir  meilleure,  les  bruits  de  souffle  vasculaire 
cesser  d'être  continus,  et  le  bruit  de  souflle  intermittent  perdre  beaucoup  de  son 
intensité.  Bref,  les  chlorotiques,  dit  Aran,  se  trouvaient  ramenées  aux  conditions 
normales  de  la  santé,  et  sortaient  de  l'hôpital  dans  un  état  au  moins  aussi  bon 
que  si  elles  eussent  été  soumises  à  un  traitement  par  les  ferrugineux. 

Enfin  les  lavements  vineux,  d'après  ce  mciue  observateur,  lui  auraient  rendu 
encore  de  grands  services  dans  divers  autres  états  morbides,  caractérisés  par  la 
laiblesse,  et  en  particulier  dans  les  cachexies  paludéenne,  syphihLique,  cancé- 
reuse, dans  certains  cas  d'anasarque,  en  un  mot  dans  toutes  les  circonstances 
qui  réclament  l'intervenlion  des  stimulants. 

L'utdité  de  cette  médication  a  été  constatée,  depuis  lors,  dans  diverses  condi- 
tions d'asthénie  par  plusieurs  praticiens,  notamment  par  M.  Blache,  qui  a  rappelé 
à  la  vie  à  l'aide  de  ce  moyen,  des  enfants  dont  l'état  lui  paraissait  tout  à  fait  déses- 
péré; par  M.  le  docteur  Giraud  (deDraguignan),  qui  les  a  administrés  avec  succès 
chez  un  enfant  de  2  ans  et  demi,  atteint  de  rachitisme  très-prononcé,  avec  engor- 
gement des  tissus  blancs  de  toutes  les  articulations,  et  qui  avait  été  soumis 
jusque-là  sans  avantage  aux  préparations  ferrugineuses  iodurées,  et  aux  toniques 
sous  toutes  les  formes  ;  et  chez  un  enfant  de  6  ans  affaibli  par  une  longue  mala- 
die, et  qui  a  vu  revenir  promptement  ses  forces  sous  l'influence  de  ce  trai- 
tement. 

Les  lavements  vineux  ont  encore  rendu  de  très-grands  services  dans  les  cas  de 
syncope  hémorrhagique.  Dans  une  circonstance  de  ce  genre  oii  la  transfusion 
semblait  devoir  être  l'unique  ressource,  l'ancien  rédacteur  en  chef  du  i?M//dm 
général  de  thérapeutique,  le  docteur  Debout,  à  l'exemple  du  docteur  Williams, 
a  été  assez  heureux  pour  sauver  une  femme  presque  expirante,  par  le  concours  de 
l'application  du  marteau  de  Mayor  et  des  lavements  de  vin.  Cette  pratique  a  été 
heureusement  imitée,  depuis,  par  M.  le  docteur  Charrier  dans  un  cas  analogue, 
avec  cette  seule  différence  qu'd  a  associé  l'opium  au  vin  dans  le  lavement. 

Aran,  qui  a  étudié  avec  beaucoup  de  soin  cette  médication,  décrit  ainsi  les  phé- 
nomènes qu'il  a  observés. 

Les  lavements  de  vin  déterminent,  dans  les  premiers  jours  de  leur  emploi, 
lorsque  la  personne  qui  y  est  soumise  n'y  est  pas  encore  habituée,  des  phéno- 
mènes particuhers,  qui  varient  suivant  la  dose  de  vin  qui  a  été  injectée  et  suivant 
la  susceptibilité  individuelle.  Ces  phénomènes  sont  ceux  de  l'ivresse,  mais  d'une 
ivresse  dont  les  suites  sont  bien  différentes  de  celles  produites  par  l'ingestion  des 
alcooliques  dans  l'estomac.  Huit  ou  dix  minutes  après  le  lavement,  lourdeur  de 
tête,  besoin  de  dormir,  face  animée,  yeux  brillants,  pupilles  dilatées,  peau  moite, 
accélération  des  battements  artériels,  et  quelquefois  un  peu  d'excitation  ou  môme 


LAVEMENT.  81 

de  délire  gai  ;  mais  ces  derniers  phénomènes  ne  se  montrent  que  chez  les  malades 
qui  sont  restés  debout  et  qui  ont  continué  à  causer.  Les  malades  qui  se  couchent 
après  l'injection  s'endorment  en  général  profondément  et  se  réveillent  le  lende- 
main matin  frais  et  dispos,  sans  aucune  trace  d'ivresse  et  sans  aucun  trouble  des 
fonctions  digestives. 

Ce  qui  a  frappé  particulièrement  l'attention  d'Aran,  dans  les  effets  des  lavements 
de  vin,  c'est  l'impression  plus  grande  produite  sur  le  système  nerveux  par  une 
dose  de  vin  qui  resterait  presque  sans  effet  général  si  elle  était  ingérée  dans 
l'estomac. 

Relativement  aux  quantités  de  vin  à  injecter  dans  le  rectum,  voici  quelques-uns 
des  préceptes  qu'il  a  formulés.  Cette  quantité  varie  naturellement  suivant  la  somme 
d'effets  que  l'on  veut  obtenir.  Un  quart  de  lavement  de  vin,  soit  150  grammes, 
suffit  souvent  pour  amener  une  stimulation  convenable  dans  les  cas  légers  et 
chez  les  personnes  impressionnables.  II  faut  aller  jusqu'à  250  et  550  grammes 
en  une  seule  fois  dans  les  cas  graves  et  rebelles.  La  dose  peut  être  moindre  si,  au 
lieu  d'un  seul  lavement,  on  en  fait  prendre  deux.  Cette  stimulation,  répétée  deux 
fois  dans  les  vingt-quatre  heures,  a  paru  avoir  une  influence  très-heureuse,  sur- 
tout chez  les  chlorotiques,  et  accélérer  beaucoup  la  guérison.  En  général,  cepen- 
dant, un  lavement  dont  la  dose  varie  de  150  à  250  grammes  de  vin  rouge  de 
bonne  qualité  paraît  suffire.  Il  est  nécessaire,  chez  les  personnes  susceptibles  et 
peu  habituées  à  la  stimulation  alcoohque,  d'accoutumer  peu  à  peu  l'économie  à  en 
tolérer  l'action,  en  leur  administrant  pendant  quelques  jours  des  quarts  ou  des 
demi-lavements  d'eau  vineuse.  Il  va  de  soi  que  les  effets  des  lavements  vineux 
varient  beaucoup  suivant  les  conditions  de  sexe,  d'âge,  de  constitution  et  d'habi- 
tude, et  qu'on  en  devra  régler  les  doses  d'après  ces  diverses  convenances.  Debout, 
qui  a  expérimenté  ces  lavements  dans  une  contrée  de  la  Picardie,  où  l'usage  du 
vin  est  tout  à  fait  inconnu,  a  remarqué  que  les  effets  de  ce  traitement  se  mon- 
traient bien  autrement  puissants  chez  ces  campagnards  que  parmi  les  malades  de 
Paris  auxquels  il  avait  eu  occasion  de  le  prescrire.  C'est  là  une  condition  dont  il  y 
a  évidemment  lieu  de  tenir  compte  dans  la  pratique. 

Les  lavements  vineux  ont  en  outre,  à  côté  de  leurs  avantages,  leurs  inconvé- 
nients. Borellus  rapporte  qu'une  femme  fut  enivrée  par  un  lavement  de  vin.  On 
trouve  dans  les  Transactions  philosophiques  divers  faits  analogues  d'hommes 
plongés  momentanément  dans  un  état  de  délire  ébvieux  à  la  suite  de  lavements 
alcooliques.  C'est  au  médecin  de  régler  l'emploi  de  ce  moyen  suivant  les  condi- 
tions organiques  et  les  habitudes  hygiéniques  des  malades  et  d'en  surveiller  les 
effets.  Ces  inconvénients,  qui  peuvent  d'ailleurs  être  évités,  ne  sauraient  en  neu- 
traliser les  effets  véritablement  avantageux. 

Les  substances  balsamiques,  telles  que  le  ciihèhe,  le  copahii,  la  térébenthine, 
les  baumes  de  Tolu,  du  Pérou,  de  la  Mecque,  le  benjoin,  le  styrax  peuvent  être 
lacileraent  administrées  par  la  méthode  intestinale  ou  par  la  voie  gastrique,  à  peu 
près  indifféremment  dans  toutes  les  circonstances  où  elles  sont  indiquées,  mais 
avec  plus  d'avantage  par  l'intestin,  pour  quelques-unes  d'entre  elles  que  le  dégoût 
qu'elles  inspirent  ou  la  répugnance  de  l'estomac  lui-même  ne  permettent  que 
difficilement  d'introduire  par  la  bouche.  Le  cubèbc  a  été  expérimenté  sous  cette 
forme  dans  la  blennorrhagic  par  le  professeur  Velpeau,  qui  le  prescrivait  de 
préférence  au  copahu.  Le  lavement  de  cubèbc  se  coiïqiose  de  8  grammes  de  cette 
substance  en  poudre  dans  160  à  192  grammes  d'un  liquide  oléagineux.  Ce  mode 
d'administration  a  réussi  entre  les  mains  d'autres  médecins. 

DICT.  ENC.  2°  s.  II.  6 


82  LAVEMENT. 

Le  copahu  a  été  administré  par  Yelpeau  de  la  même  manière.  Dans  un  mé- 
moire publié  en  1827  dans  les  Archives  générales  de  médecine,  et  dans  lequel 
il  a  réuni  ses  expériences  sur  ces  deux  agents  du  traitement  de  la  blennoiThagie, 
Je  cubèbe  et  le  copahu  donnes  en  lavements,  il  est  question  de  30  cas  relatifs  à 
cette  dernière  substance.  Voici  ce  qu'on  peut  en  conclure  : 

Le  baume  de  copahu  donné  par  l'anus  diminue  à  peu  près  constamment  les 
écoulements  blcnnorrhagiques,  soit  chez  l'homme,  soit  chez  la  femme.  Dans 
beaucoup  de  cas,  il  les  supprime-  complètement  au  bout  de  quatre,  cinq,  six,  sept 
ou  huit  jours  ;  plus  souvent  il  les  réduit  au  tiers  ou  à  la  moitié  de  leur  abondance, 
et,  règle  générale,  après  le  huitième  ou  dixième  lavement,  son  action  devient  nulle 
s'il  n'a  pas  complètement  réussi.  Il  fout  en  augmenter  graduellement  la  dose,  en 
commençant  par  8  grammes  et  l'élevant  progressivement  jusqu'à  32  grammes.  On 
le  suspend  dans  le  jaune  d'œuf  ou  dans  un  mucilage  quelconque,  la  gomme,  la 
guimauve,  le  lin.  Si  le  rectum  est  très-irritable,  on  ajoute  5  centigrammes  d'ex- 
trait aqueux  d'opium,  et  dans  le  cas  de  douleurs  excessives  de  l'urèthre,  d'érec- 
tions pénibles,  etc.,  on  y  mêle  quelques  centigrammes  de  camphre.  L'état  le  plus 
aigu  de  la  chaude-pisse  ne  contre-indique  pas  le  copahu,  Velpeau  affirmant  ne 
l'avoir  jamais  vu  produire  d'accidents.  Le  lavement  doit  être  pris  sous  le  plus  petit 
volume  possible  et  gardé  longtemps.  On  aura  soin,  en  pratiquant  l'injection,  de 
ne  pas  humecter  les  sphincters  avec  le  contenu  de  la  seringue,  le  contact  de  ce 
liquide  sur  l'extrémité  du  rectum  pouvant  causer  des  épreintes  cuisantes  suscep- 
tibles de  provoquer  l'expulsion  du  remède. 

Le  copahu  en  lavement  a  guéri  entre  les  mains  de  Velpeau  plusieurs  blennor- 
rhagies  chez  des  femmes,  chez  qui  elles  sont  ordinairement  si  rebelles. 

Bretonneau  a  employé  avec  succès  les  lavements  de  copahu  dans  le  traitement 
du  catarrhe  chronique  de  la  vessie,  ainsi  que  dans  le  catarrhe  pulmonaire  chro- 
nique, lia  dû  à  cette  médication  la  guériscn  d'un  catarrhe  pulmonaire  chronique 
qui  avait  longtemps  passé  pour  une  véritable  phthisie  avec  fonte  tuberculeuse. 

La  térébenthine  a  été  administrée  en  lavement  par  Van  Swieten  dans  les  dévoie- 
ments  colhquatifs  dus  à  la  résorption  du  pus  chez  les  phthisiques  arrivés  au  der- 
nier degré  de  la  fonte  tuberculeuse  des  poumons.  Rien,  dit-il,  ne  lui  paraît  plus 
propre  à  calmer  cette  diarrhée  et  à  prolonger  les  jours  du  malade,  abrégés  si  sou- 
vent par  cet  accident,  que  les  lavements  préparés  avec  ï  gros  (4  grammes)  de  téré- 
benthine bien  purifiée,  triturée  avec  un  jaune  d'œuf,  en  y  ajoutant  une  demi-once 
(15  grammes)  de  thériaque  et  4  onces  (120  grammes)  de  lait.  Ce  lavement  doit 
être  gardé  le  plus  longtemps  possible.  [Voy.  Phthisie.) 

Le  lavement  de  térébenthine  trouve  aussi  son  emploi  dans  les  diverses  circon- 
slances  où  ce  médicament  est  indiqué,  savoir  :  dans  les  catarrhes  chroniques  de 
lu  vessie,  dans  les  névralgies,  et  principalement  les  sciatiques,  dans  les  coliques 
liépatiques. 

Le  docteur  Elhotson  (de  Londres)  a  employé  avec  succès  le  lavement  térében- 
thine contre  l'aménorrhée  rebelle,  chez  des  jeunes  filles  de  16  à  18  ans. 

Les  lavements  de  térébenthine  font  partie  du  système  de  traitement  institué 
pour  la  fièvre  typhoïde  par  M.  le  docteur  Worms.  Nous  nous  en  sommes  servi 
plusieurs  fois  avec  avantage. 

Les  lavements  de  borate  de  soude  ont  été  préconisés  par  M.  Bouchut  dans  les 
diarrhées  idiopathiques,  nerveuses  ou  catarrhales  des  enfants,  capables  d'entraîner 
la  mort  et  qui  ne  laissent  ajjrès  elles  aucune  Irace  matérielle  appréciable.  Ce  mé- 
decin a  été  guidé  dans  le  choix  de  cet  agent  et  dans  son  administration  sous  cette 


LAVEMENT.  85 

forme  par  les  succès  que  donne  le  borate  de  soude  dans  les  maladies  de  la  mu- 
queuse buccale.  D'après  l'expérience  répelée  qu'il  en  a  faite  à  l'hôpital  Sainte- 
Eugénie,  sur  des  enfants  atteints  de  diarrhée,  l'action  topique  du  borate  de  soude 
sur  la  membrane  muqueuse  du  gros  intestin  serait  très-efficace  dans  cette  circon- 
stance. Il  pense  que  ce  sel  agit  à  la  fois  comme  astrmgent  faible  et  comme  sub- 
stance alcaline  destinée  à  neutraliser  l'acescence  des  liquides  du  gros  intestin. 
Quoi  qu'il  en  soit  de  ce  mode  d'action,  le  borate  de  soude  aurait  sur  quelques-uns 
des  autres  lavements  usités  en  pareil  cas,  tels  que  le  lavement  au  nitrate  d'argent, 
par  exemple,  l'avantage  de  n'être  point  trop  irritant  et  de  ne  point  altérer  le  métai 
des  instruments  destinés  à  leur  administration. 
La  formule  de  ce  lavement  est  la  suivante  : 

Eau 125  grammes. 

Borale  de  soude 10  à  15  et  20       — 

Si  l'on  augmentait  la  quantité  de  borate  de  soude,  il  faudrait  également  aug- 
menter la  quantité  d'eau,  le  borax  n'étant  pas  très-soluble.  {Voy.  Diarrhée.) 

Lavements  composés.  Nous  venons  d'indiquer  les  principaux  lavements  mé- 
dicamenteux, ceux  en  particulier  qui  doivent  leur  action  à  la  présence  d'un  médi- 
cament spécial,  plus  ou  moins  actif.  Il  nous  resterait  à  citer  quelques  exemples 
de  lavements  composés,  c'est-à-dire  contenant  une  réunion  de  substances  destinées 
là  concourir  à  une  action  commune.  Tels  sont,  entre  autres,  le  lavement  dit  ano- 
din des  peintres,  composé  d'huile  de  noix,  200  grammes,  et  de  vin  rouge,  400 
grammes;  le  lavement  purgatif  des  peintres  :  séné  8  grammes,  eau  bouillante 
500  grammes,  jalap  en  poudi^e  4  grammes,  diaphonix  30  grammes,  sirop  de  ner- 
prun 30  grammes;  le  lavement  authelminthique  :  mousse  de  Corse  12  grammes, 
eau  375  grammes,  huile  de  ricin  50  grammes;  le  lavement  antiseptique  :  cam- 
phre 5  grammes,  quinquina  jaune  et  serpentaire  de  Virginie,  de  chacun  15  gram- 
mes pour  500  grammes  d'eau  ;  le  lavement  d'Hoffmann  contre  l'entérite  et  la 
dysenterie  chroniques,  avec  le  baume  de  Locatelli,  composé  d'huile  de  fleurs 
d'hypericum,  de  vin  d'Espagne,  de  santal  rouge,  de  térébenthine  de  Venise  et  de 
baume  du  Pérou,  etc. 

Nous  citerons  encore,  entre  autres  formules  particulières,  celle  de  M.  Richart 
contre  l'invagination  et  l'étranglement  intestinal  :  décoction  de  fleurs  de  mauve, 
de  mélilot  et  de  camomille  ;  faites  infuser  rue  réceute  et  pilée,  ajoutez  5  grammes 
de  sel  ammoniac,  60  grammes  d'huile  de  noix  et  60  grammes  de  miel  de  mercu- 
riale, pour  deux  lavements  à  prendre  à  deux  heures  de  distance  ;  —  la  formule  de 
Nevvbold  :  sous-acétate  de  plomb  40  centigrammes,  eau  distillée  tiède  500  gram- 
mes, acide  acétique  étendu  de  4/5  d'eau,  8  grammes;  —  et  le  lavement  de  Valérius 
d'Arlon  contre  la  dysenterie  :  alun  cru  8  à  12  grammes,  extrait  de  valériane 
4  grammes,  laudanum  1  gramme,  amidon  50  grammes,  décoction  de  guimauve 
500  grammes,  pour  deux  lavements  à  prendre  en  vingt-quatre  heures. 

Lavements  nutritifs.  L'application  des  lavements  à  l'alimentation  est  presque 
aussi  ancienne  que  l'usage  du  lavement  lui-même. 

Les  lavements  ahmentaires  ont  été  prescrits  par  Hippocrate,  par  Celse,  Oribase, 
Aveusoar.  Mais  c'est  surtout  à  dater  de  la  lin  du  seizième  siècle  que  les  médecins 
retirent  cette  utile  pratique  de  l'oubli  oîi  elle  paraissait  tombée.  Parmi  ses  plus 
ardents  défenseurs  on  citeBarlholin,  Mercuriah,  Tulpius,  Peyer.  M.  Colson  (thèse) 
cite,  d'après  Hiidanus,  l'exemple  d'une  femme  grosse  qui  avait  un  dégoiVt  invin- 
cible pour  toutes  sortes  d'aliments,  et  qui  se  tira  d'affaire  avec  son  entant  par  le 


84  L4VElMENT. 

moyen  des  clyslères  nourrissants  ;  et,  d'après  Tiengius,  celui  d'une  femme  qui 
fat  nourrie  avec  des  lavements  de  lait  et  de  jaunes  d'œuf.  Les  médecins  espagnols 
et  italiens  donnaient  ces  sortes  de  lavements  non-seulement  aux  malades  qu'on 
ne  pouvait  nourrir  autrement,  mais  encore  aux  femmes  hystériques. 

Généralement  on  prescrit  les  lavements  alimentaires  dans  toutes  les  circon- 
stances où  les  aliments  ne  peuvent  être  introduits  dans  l'estomac,  comme  dans 
les  maladies  organiques  du  pharynx  et  de  l'œsophage,  dans  le  cancer  de  l'estomac, 
dans  les  cas  de  vomissements  incoercibles,  quelle  qu'en  soit  la  cause,  et  danstou5 
les  cas  où  le  malade  tombe  dans  un  état  de  défaillance  par  défaut  et  impossibilité 
d'alimentation  par  les  voies  naturelles.  Ces  lavements  nutritifs  sont  ordinaire- 
ment composés  de  bouillon  de  viande  mélangé  ou  non  avec  du  vin;  de  solutions 
gélatineuses,  de  décoctions  de  pain,  de  lait,  etc. 

Quand  ou  administre  des  lavements  nutritifs,  il  ne  faut  point  perdre  de  vue 
que  le  gros  intestin  n'est  point  un  organe  de  digestion,  et  que  les  liquides,  pour 
être  convertis  en  sang,  ont,  de  même  que  les  aliments  solides,  besoin  d'être  sou- 
mis au  travail  de  la  chylification.  Il  Se  trouve  bien  de  la  bile  dans  le  gros  intestin, 
mais  il  n'y  existe  aucun  des  fluides  salins  c(ui  servent  à  la  digestion.  Pour  y  sup- 
pléer, le  docteur  Nasse  fait  ajouter  aux  bouillons  une  quantité  suffisante  d'acide 
hydrochlorique  pour  leur  donner  une  saveur  aigre;  déplus,  il  laisse  macérer  préa- 
lablemant  dans  l'estomac  d'un  bœuf  encore  frais  les  substances  végétales  qui 
doivent  entrer  dans  la  composition  de  ces  sortes  de  lavements.  {Korns,  Nasse' s 
wid  Wagner  s  Archiv.,\d'ùA.)  Les  lavements  nutritifs  ou  alimentaires  doivent, 
enfin,  être  donnés  au  degré  ordinaire  de  la  température  du  corps,  afin  d'être  plus 
sûrement  co.iservés;et  absorbes. 

histrmnentation.  L'instrument  dont  se  servaient  les  anciens  pour  administrer 
les  clystères  consistait  en  une  vessie  préparée  et  dont  l'ouverture  était  fortement 
fixée  parmi  lien  à  un  roseau,  une  brandie  de  sureau  ou  toute  autre  tige  creuse, 
La  vessie  remplie  de  liquide,  il  sufiisaii  de  presser  dessus  des  deux  mains  pour 
iaire  sortir  le  liquide  par  l'orifice  de  la  tige.  On  trouve  dans  Hippocrate  [Traité 
des  maladies  des  femmes)  la  description  d'un  appareil  un  peu  plus  compliqué, 
destiné  aux  injections  vaginales.  La  tige  conductrice,  fixée  à  la  vessie  formant 
réservoir,  était  mince  et  lisse  du  bout  et  percée  de  plusieurs  petits  trous  sur  ses 
parois,  indépendamment  de  son  ouverture  terminale.  «  Clysteris  quidam  summa 
pars  laîvis  esto,  velut  specilli  argentea,  supra  quam  interjecto  parvo  spatio  fora- 
men  perforctur.  Sint  autern  etalia  foramina  bine  et  inde  singula  sequalitcr  intcr 
se  distantia,  ex  obliqua  clysteris  parte  œqualia  singula,  non  magna  sed  angusta, 
etc.  ))  Cet  appareil  à  injection  n'était  évidemment  qu'une  modification  de  l'appa- 
reil destiné  aux  clystères. 

Un  instrument  analogue  est  décrit  dans  Avicenne,  qui  lui  a  déjà  fait  subir  quel- 
ques modifications  importantes,  au  point  d'en  faire  même  un  instrument  nouveau. 

La  description  en  est  assez  obscure  et  très-compliquée.  Ce  qui  en  ressort  de 
plus  clair,  c'est  c[uc  c'est  un  appareil  à  double  courant,  pourvu  de  deux  canules, 
l'une  servant  ta  diriger  l'eau  du  réservoir  dans  le  rectum,  l'autre  destinée  à  livrer 
passage  aux  gaz  contenus  dans  l'intestin. 

Aujourd'hui,  encore,  dans  nos  campagnes  et  dans  quelques  contrées  européennes 
notamment  en  Hollande,  on  se  sert  de  l'appareil  primitif  des  anciens,  d'une  vessie 
de  porc  emmanchée  d'une  tige  creuse  de  sureau  ou  de  roseau.  D'après  Malgaignc, 
les  paysans  de  la  Lorraine  se  servent  journellement  d'une  vessie  ou  d'une  outre 
fixée  à  une  canule  pour  administrer  les  clystères  aux  bestiaux.  Les  Arabes  et  les 


LAVEMENT.  ^5 

paysans  de  quelques-unes  de  nos  contrées  se  servent  d'un  mslrument  beaucoup 
plus  simple  encore  et  plus  primitif,  et  qui  a  dii  être  inventé  par  les  premiers 
pasteurs,  c'est  une  corne  de  bœuf  dont  la  pointe  a  été  perforée.  Cette  pointe  forme 
une  canule  naturelle  et  la  pression  seule  de  l'eau  contenue  dans  la  cavité  de  la 
corne  suffit  pour  la  faire  pénétrer  dans  le  rectum. 

Lassringue,  de  o-o^r/?,  sijrinx,  fistule,  ilùte,  composée  de  trois  parties  distinctes, 
d'un  réservoir  ou  récipient  en  forme  de  cylindre  creux  en  métal,  le  plus  habituel- 
lement en  étain,  d'une  cauule  ou  siphon  adaptée  à  l'extrémité  antériaure  du  cy- 
lindre et  d'un  piston  muni  d'une  tige  et  glissant  à  frottement  dans  ce  cylindre, 
pour  chasser  devant  lui  le  liquide  qui  y  est  contenu,  la  seringue  classique,  en  un 
mol,  est  d'invention  relativement  moderne;  elle  ne  paraît  pas  remonter  au  delà  du 
quinzième  siècle;  on  l'attribue  généralement  à  Marcus  Gatinaria  ou  Gatenaria,  qui 
mourut  en  1496.  «  Ce  qui  doit  assurer  à  Gatenaria,  dit  Malgaigne  (Introduction 
a  h  Chirurgie d' A..  Paré),  une  juste  et  inépuisable  reconnaissance,  c'est  qu'il 
est  l'inventeur  de  cet  instrument  si  simple  à  la  fois  et  si  ingénieux,  si  bien  appré- 
cié, qu'il  est  devenu  chez  toutes  les  nations,  d'un  usage  vulgaire,  et  que  par  là 
même  les  médecins  ont  cru  de  leur  dignité  de  ne  plus  en  souiller  leurs  mains  :  la 
seringue,  en  un  mot,  qui,  modifiée  sous  toutes  les  formes,  appropriée  à  une  foule 
d'opérations,  est  encore  de  nos  jours  un  des  instruments  auxquels  le  chirurgien  a 
le  plus  souvent  recours.  Gatenaria  décrit  la  seringue  sous  le  nom  d'instrument  à 
clystère,  et  il  juge  môme  nécessaire  d'en  donner  la  figure  ;  mais,  comme  la  plupart 
des  inventeurs  de  cette  époque,  il  n'ose  pas  de  sa  propre  autorité  introduire  une 
si  grande  innovation  dans  la  pratique;  il  se  réfugie  derrière  Avicenne,  qui  en  a 
donné  la  description,  dit-il,  mais  qui  a  été  mal  comprise  par  plusieurs.  Cette 
déclaration  du  modeste  auteur,  ajoute  Malgaigne,  nous  oblige  cependant  de  décla- 
rer qu'il  n'y  a  absolument  rien  de  semblable  dans  Avicenne.  »  M.  Colson,  dans  la 
thèse  citée,  fait  une  querelle  au  savant  commentateur  d'Amb.  Paré,  qui  se  serait 
trompé,  dit-il,  sur  la  date  et  sur  l'auteur  de  l'invention  de  l'instrument  en  ques- 
tion ;  il  lui  reproche  surtout  la  décision  tranchante  qui  termine  le  passage  que 
nous  venons  de  rapporter.  Sans  doute,  Malgaigne  est  dans  l'erreur  quant  d  dit 
qu'il  n'y  a  absolument  rien  de  semblable  dans  Avicenne.  Mais  il  suffit  de  mettre 
en  regard  la  description  de  l'instrument  d'Avicenne  et  celle  de  la  seringue  mo- 
derne, pour  se  convaincre  qu'il  n'y  a  entre  ces  deux  instruments  qu'une  analogie 
très-éloignée,  et  que  si  Gatenaria,  qui  a  eu  d'ailleurs  l'extrême  bonne  foi  d'en 
convenir,  s'est  inspiré  de  cette  description  d'Avicenne,  pour  imaginer  sa  seringue, 
il  a  évidemment  poussé  trop  loin  la  modestie  en  reportant  sur  l'auteur  arabe  tout 
le  mérite  de  sa  propre  invention.  C'est  donc  avec  raison  que  Malgaigne  attri- 
bue à  Gatenaria  l'honneur  d'avoir  inventé  la  seringue  en  usage  de  nos  temps. 
Garengeot,  qui  la  décrit  dans  son  Histoire  des  instruments  de  clLirurgie,  indique 
quelques-unes  des  modifications  qu'on  peut  faire  subir  aux  canules  selon  diverses 
circonstances,  il  décrit  en  particulier  une  canule  à  extrémité  mousse,  en  olive, 
pour  les  personnes  affectées  d'hémorrhoïdes. 

La  seringue  classique,  qui  compte  à  son  avoir  de  si  nombreux  services,  avait  un 
inconvénient.  Elle  réclamait  l'intervention  d'un  agent  officieux.  C'était  une  sujé- 
tion quelquefois  nécessaire,  il  est  vrai,  mais  à  laquelle  n'eût  pas  été  fâché  de  se 
soustraire  tout  individu  libre  de  ses  mouvements  et  ayant  l'usage  de  ses  deux 
mains.  11  fallait  trouver  un  moyen  de  supprimer  cet  agent.  L'invention  de  la 
canule  recourbée  ou  coudée  a  réalisé  ce  progrès.  Ce  fut  d'abord  une  simple  cauule 
courbe  substituée  à  la  canule  droite  que  l'on  adapta  à  la  seringue  ordinaire.  En 


.%•  LAVEMENT. 

appliquant  ]e  pommeau  du  piston  contre  le  mur  ou  un  meuble,  on  s'administrait 
ainsi  assez  aisément  un  lavement  soi-même.  Plus  tard  ou  perfectionna  cette  mo- 
dification en  imaginant  la  canule  coudée  à  angle  droit  reposant  sur  une  lame  mé- 
tallique plane  ;  c'est  la  seringue  dite  à  bidet,  qui  était  généralement  en  usage 
durant  les  vingt  ou  vingt-cinq  premières  années  de  ce  siècle.  Nous  ne  savons  au 
juste  à  quelle  époque  il  faut  en  faire  remonter  l'invention.  Nous  en  avons  trouvé 
le  premier  dessin  très-complet  et  très-bien  fait  dans  un  atlas  chirurgical  de 
Brambilla, publié  en  1780. 

Des  modifications  diverses,  mais  dont  il  serait  trop  long  d'indiquer  ici  les  dé- 
tails, ont  été  introduites  soit  dans  la  forme  et  dans  le  mode  de  propulsion  du 
piston,  soit  dans  l'agencement  et  la  disposition  des  canules. 

Nous  rappelerons,  en  particulier,  le  piston  dit  à  double  parachute ,  imaginé 
par  M.  Charrière  pour  donner  la  plus  grande  précision  possible  au  jeu  de  l'instru- 
ment et  prévenir  soit  l'introduction  des  bulles  d'air  que  laissaient  passer  les  pis- 
tons ordinaires,  soit  le  retour  rétrograde  du  liquide,  ainsi  que  la  graduation 
régulière  des  différents  calibres  des  corps  de  seringue,  correspondant  à  des  me- 
sures exactes  de  capacité  et  celle  des  canules.  (Thillage,  Rapp.  à  l'Acad.  de  méd., 
28  sept.  1841).  Il  nous  faut  citer,  en  outre,  ici,  la  seringue  à  double  canule  et  à 
deux  soupapes  de  Read,  reproduite  avec  quelques  variantes  en  France,  la  seringue 
à  double  effet  de  Robert  et  Mathieu. 

En  1852,  un  pharmacien  de  Paris,  M.  Petit  importait  en  France,  en  la  perfec- 
tionnant, la  seringue  à  pompe  employée  en  Angleterre.  Cette  seringue  de  six 
pouces  et  demi  de  longueur,  sur  huit  lignes  de  diamètre,  était  en  tout  semblable, 
pour  le  mécanisme,  aux  pompes  foulantes  et  aspirantes  ordinaires,  et  particuliè- 
rement aux  pompes  portatives  dont  on  se  sert,  en  été,  pour  arroser  le  devant  des 
maisons  ;  elle  en  différait  seulement  en  ce  qu'au  lieu  de  clapet  elle  renfermait 
un  système  de  soupapes  beaucoup  plus  simple  et  moins  sujet  à  dérangement.  Ce 
sont  deux  petites  boules  métalliques  destinées,  l'une  (inférieure)  à  s'opposer  au 
refoulement  du  liquide  dans  le  vase,  par  l'orifice  qui  lui  a  donné  entrée,  l'autre 
(latérale)  à  empêcher  la  rentrée  du  liquide  dans  le  corps  de  pompe,  une  fois  que 
le  piston,  en  s'abaissant,  l'aura  poussé  dans  le  cylindre  latéral  qui  doit  le  trans- 
mettre au  dehors.  L'extrémité  de  ce  cyHndrc  est  destinée  à  recevoir  le  petit  bout 
d'un  tuyau  flexible,  dont  l'autre  extrémité  reçoit  à  son  tour  la  canule. 

Ces  différentes  pièces  étant  adaptées,  voici  comment  on  devait  faire  usage  de 
l'insti'ument  :  on  plaçait  devant  soi,  sur  une  table  ou  sur  une  chaise,  selon  qu'on 
voulait  prendre  le  lavement  debout  ou  assis,  le  vase  contenant  le  liquide  qu'on 
se  proposait  d'injecter  ;  on  y  plongeait  l'extrémité  inférieure  de  la  seringue  ;  d'une 
main  on  la  Ibrcait  et  de  l'autre  on  donnait  un  coup  de  piston  pour  chasser  l'air 
contenu  dans  l'appareil  et  le  remplacer  par  le  liquide  ;  puis  on  introduisait  la 
canule,  que  la  contraction  du  sphincter  maintenait  en  place.  Cela  fait  on  procédait 
à  l'injection,  en  élevant  et  en  abaissant  alternativement  le  j)iston.  Avec  cet  instru- 
ment l'injection  se  faisait  à  la  vérité  plus  lentement  et  par  saccades,  mais  il  per- 
mettait d'augmenter  ou  de  diminuer  à  volonté-la  force  de  projection  et  de  ne 
faire  pénétrer  à  la  lois,  si  on  le  désirait,  qu'une  petite  quantité  de  liquide.  On 
pouvait  également,  à  volonté  et  sans  qu'on  fut  obligé  de  se  déranger,  injecter  une 
masse  considérable  de  liquide.  C'était  là,  avec  les  petites  dimensions  de  l'instru- 
ment qui  permettaient  de  le  renfermer  dans  une  petite  boîte  facilement  portative, 
un  des  avantages  jirjncipaux  de  cet  appareil. 

Depuis  lors,  le  génie  inventif  de  nos  fabricants  d'appareils  et  d'instruments  de 


LAVEMENT.  87 

chirurgie  s'est  exercé  à  qui  mieux  mieux  à  perfectionner  ces  utiles  ustensiles. 
Les  médecins  et  les  chirurgiens  eux-mêmes  n'ont  pas  dédaigne  d'y  concourir. 
C'est  à  peu  près  vers  cette  même  époque,  en  eftlt,  que  Leroy  d'Etiolles  imagina 
de  remplacer  les  anciennes  seringues  par  le  clysoir,  espèce  de  tube  ou  de  tuyau, 
d'environ  un  mètre  de  long,  fait  avec  un  tissu  imperméable,  terminé  d'un  bout 
par  une  canule  et  évasé  à  l'autre  extrémité  en  entonnoir.  L'eau  versée  par  la 
partie  évasée  s'écoule  par  la  canule  par  son  propre  poids,  et  en  comprimant  peu 
à  peu  la  partie  supérieure  du  conduit.  Plus  tard,  en  annexant  ce  clysoir  à  une 
petite  pompe  agissant  à  jet  continu,  on  a  fait  le  clyso-pompe,  diversement  modifié 
à  son  tour,  tels  l'hydro-clyso  sans  piston,  de  Naudinat,  dans  lequel  c'est  le  liquide 
lui-même  qui  joue  le  rôle  de  piston.  —  Puis  est  venu  l'invention  vraiment  origi- 
nale du  docteur  Eguisier,  l'irrigateur  à  ressort  fonctionnant  seul  et  se  montant 
comme  une  pendule;  et,  enfin,  plus  récemment  les  irrigateurs  à  poires  de  caou- 
tchouc aspirantes,  à  jet  continu  et  indéfini,  plus  particulièrement  appropriés  par 
leur  petit  volume  à  l'usage  des  voyageurs.  Il  est  bien  entendu  que  nous  ne  parlons 
ici  que  des  appareils  exclusivement  à  destination  de  lavements.  11  sera  question 
ailleurs,  et  à  leur  place,  des  diverses  seringues  à  usage  chirurgical  et  anato- 
niiques  ainsi  que  des  appareils  à  douches  et  à  injections  vaginales  ou  à  autres 
usages.  Bkochin. 

Bibliographie.  —  Hippocrate.  Dans:  Epidémies;  Affections  internes;  Maladies  des 
femmes,  etc.  —  Plutauque.  Lib.  iilr.  anim.  plur.  rat.  hab.  —  Pline.  Liv.  8,  ch.  27.  — 
Galien.  Deven.  secl.  in  prœf.  introd.  et  de  causis  sympt.  —  Avicexne.  Sermo  de  qualitate 
chjsterioriim  et  insirumento  eorum  [canon  medicinœ).  Patavii.  1476,  in-fol.  —  Gdï  he  Chau- 
LiAc.  Chirurgiœ  tractatus  septem ,  etc.,  de  1490  à  1519,  et  Annotations  de  Joiibert.  — 
Gatenaria.  De  curis  œgritudininn  partictilarium  in  nonum  Almansoris  pvacilca  uberrima . 
Lyon,  1552.  —  Prosper  Alpi.v.  De  medicuia  lEgijptiorum.  Venetiis,  1591 ,  111-4"  —  Mossex. 
Dissertatio  de  animcdibus  p)seudo-medicis,  hipj)opotamo,  eXz.  Ibid.  —  M^euius  (G.).  Biss.  de 
natura  et  usu  clijsterum  scduberrimo,  liesp.  Crauel.  leu*,  1649,  in-i».  — Major  (J.  D.), 
De  chjsteribus  veterum  ac  novis.  Kiloniœ,  1670,  111-4°.  — Brasavola  (.T.).  Problema:  An 
chjsteres  nutriant?  Affirm.  Romse,  1682,  in-l".  —  Graaf  (PiEgmeu  de).  Tract,  de  chjsteribus, 
etc.  La  Haye,  1688,  in-12.  —  Camerarius  (E.  R.).  De  chjsmatibui.  Resp.  Brigel.  Tubinpœ, 
1688,  111-4°.  —  Helvetius  (J.  Ad.).  Méthode  pour  guérir  toutes  sortes  de  fièvres  sans  rien 
prendrepar  la  bouche.  Paris,  1694,  1746,  iri-12.  En  latin.  Amstelod.  et  Lipsiœ,  1694,  in-8°. 

—  Laszom  (J.).  De  chjsteribus .  Ferrarii,  1691,  in-i»;  Lausanne,  1758.  —  Albrecht  (J.  G.). 
De  enematum  emcuantium,  alterantium  et  nutrientium  usu.  Lugdiini-Batavorum,  1698,  in-4°. 

—  FicK  (J.  J.).  De  chjsteribus  nutritiis  et  frigidis.  liesp.  Struve.  lenœ,  1718,111-4°.  — 
Schwarz  (J.  G).  Vom  Chjstieren,  etc.  Hambourg-,  1725,  iii-8°.  —  Hoffmann  (Fréd).  Medicina 
rationalis  systematica  (De  clysterum  usu  medico].  Halas,  1750-40.  —  Detuarding  (G.  G.). 
De  60  quod  justum  est  circa  enemata.  Rostocliii,  1757,  in-4°.  —  Ludolf  (J.).  De  clysterum 
nutrientium  insigni  iitilitate  et  noxa.  Erfordiœ,  1748,  in-4°.  —  Triller  (D.  G.).  De  clyste- 
rum mitnentiitm  antiquitate  et  usu.  Wittembergse ,  1750,  in-4°. —  QuEi.ufAi.z  (S.  F.].  De 
chjsmatibus  frigidis,  etc.  Lipsioe,  1751,  in-4°.  — Diaper  (,T.].  Dechjslcre.  Edinbai'gi,  1754, 
in-8°.  —  SIG^YART  (G.  F.),  liovœ  observationes  de  infarctibus  venarum,  etc  ,  ;jer  enemata, 
etc.  Resp.  (J.  F.)  Alvert.  Tubingse,  1754,  in-4°.  —  Langguth  (G.  A.).  De  chjstere  febrium 
exanthematicorum  remédia  non  minus  tuto  quam  efficaci.  Wittemberg-œ,  1756,  in-i°.  — 
Lu  MÊME.  De  chjstere  sicco,  etc.  VVitlembergœ,  1756,  in-4°.  —  D'Onglke  (F.  L.  T.).  An  sanis 
no'ceat  quotidianus  Ivéuarov  simplicium  usas?  Affirm.  Prœscs  (L.  M.)  Pousse.  Parisiis, 
1757,  ii)-'f°.  — BcciiN'ER  (A.  E.).  De  circumspecto  clysterum  in  morbis  exanthematicis  usu, 
Halae,  1757,  in-4°.  —  Kreuger  (J.  G.).  De  usu  enematum  in  febribiis  acutis.  Helmstadli,  1757, 
in-i°.  —  Girard' (J.  J.).  De  oiematibus  intestinal is.  Argentorat.,  1762,  in-4°.  — Pfaff  (J.  E.). 
Historia  clysterum  jmthologico-therapeutica.  lenœ,  1780,  in-4°.  —  Saphrani  (J.  M.).  De 
chjsteribus  eorumque  effcctibus.  Hala.',  1782,  in-4°.  —  LoDDEWLïciix  (H).  De  chjsteribus 
eorumque  in  morbis  usu.  Prœs.  M.  Vanderbelen.  Lovanii,  1782,111-10.  —  Nicolaï  (S.  A.).  De 
virtute  et  usu  clysterum  ex  aceto.  lenœ,  1785.  —  Meyer  (.[.   C.).  De  chjsmatibus.  Gasltinfa;, 

1786,  in-i°.  —  Schiffer  (J.  T.).  De  noxa  et  abusu  clysmatum.  Witteniberg-ie,  1788,  in-4°. 

Bœhmer  (G.  R.).  De  noxa  et  abusu  clysmatum.  Wittembergœ ,  1788,  ln-4°.  —  Gallois 
(P.  T).  De  enematibus.  Augustœ  Taurinorum,  1809,  in-4",  —  Hes.sler.  Diss,  inang.  De 
clysviatibus  in  anxietaie  febrili. 


S8  LÂ.VEY  (eaux  minérales  de). 

Éphémérides  des  Curieux  de  la  nature  [miscellanea  curiosa  sive  Ephemeridiim  medico' 
physicarum  f/srmanicantm  academiœ,  etc.],  de  1670  à  1722.  Ony  trouve  l'indication  des  mé- 
moires suivants  :  Clysfer  ridiculiis,  sed  non  onmino   irrklendus  ad  alvnm  referendam  per 
hijectionem  ex  syringa  Uquoris  qui  constabal  ex  solutione  globulorum  moschatelinorum  in 
aqua  calida.  —  Acris  in  doloribus  ventris  scorbuticis  convuhionum  violentarum  causa.  — 
Frigidus  mortem  inferens.  —  Iliacum  extinguens.  —  In  dysenteria  prœatans.  —  Ex  succo  . 
cancrorum  fluviatilium. —  Ex  succo  hyosciami  et  opii  dysentcricis  noxius.  —  Ncduralis  non  ' 
est  biîis.  —  Ex  sapa  nigra  confectus  nigroris  urinœ  causa.  —  Calculum   comminuens  in 
vesicani  urinariam  injlciendus.  —  Per  errorem  haustus  in  obstructione  alvi  feliccm  exfe-  ' 
rcns  effcctum.  — Clysteris  ad  simplicis  usum  notabiliis  alvi  evacuatio  consecuta.  —  In 
obstructione  urinœ  prœstantis  descripiio. —  Clystcri  faîso  morsimputata.  —  Clysterem  sibi 
ipsi  applicandi  modus  facilis.  —  Per  forteni  empyema   ex  jAeuritide  neglecta   curatum. 
Clysteris  frigidi  an  vilius  sint  usus.  —  In  morbis  chronicis  non  sunt  admodum  utiles.  — 
Orc  et  vomitu  innoxic  rejecti.  —  Anlipyreiici,  seu  febrifugi,  insignis  sunl  usus.  —  Fcbri- 
fugi  ex  corlice  Peruviano  p)ropric  non  dantur. 

Clysterum  inventor  num  sit  avis  Aigyptiaca,  ibis  dicta .  —  Vtilitas  in  fcbre  qnartana.  — 
Usus  sinqularis  in  dentium  dolore  et  obstructione  lochioruni.  —  In  morbis  infanium  usus 
prcL'stantissinius.  —  Usus  in  pathematibus  hypochondriacis.  —  Clysterum  in  affectibus 
gravidarum  spasmodicis  usus  innoxius.  —  Usus  in  hydrope  egregius.  —  In  niola  effectus 
salutaris.  —  U.sus  securus  in  alvis  obstructione. —  Mitiorum  in  excretionihus  cutaneis  variis 
cum  febre  acuta  et  motibus  convulsivis ,  alvique  obstructione  junctis,  in  variolis  aliisque 
exanthcmaticis  febribus,  jrrorsus  innocuus. 

CoLsoN  (Edouard).  De    la  méthode  intestinale.  In-4°,  1867.  Br\. 

IiA.¥ER-BREA».     Pain  fabriqué  avec  des  algues.  [Yoy.  Algues,  t.  II,  p.  785.) 

l.A.'VEY  (Eau.v.  îiisérales  de)  hyperthermcdes  ou  athermales,  sulfatées  stron- 
tianiques  moyennes,  chlorurées  sodiques  faibles.^  azotées  moyennes.  En  Suisse, 
dans  le  canton  du  Valais  (chemin  de  fer  de  Paris  à  Genève  ou  à  Lausanne  ;  une 
route  de  fer  conduit  des  deux  dernières  villes  à  Saint-Maurice,  station  de  la  ligne 
d'Italie  qui  n'est  qu'à  4  kilomètres  de  l'établissement  de  Lavey).  La  jolie  route 
qui  va  de  Saint-Maurice  à  Lavey  occupe  le  milieu  de  la  vallée  et  suit  la 
rive  droite  du  Rhône,  dont  les  eaux  rapides  et  bruyantes  quittent  trop  souvent 
leur  lit.  La  largeur  de  la  vallée  varie  de  250  à  500  mètres  ;  les  vents  de  l'ouest 
et  de  l'est  y  ont  surtout  accès;  elle  est  perpendiculaire  au  cours  du  fleuve.  Le  sol 
au  point  où  a  été  construit  l'établissement  est  constitué  par  des  éboiilements  pé- 
riodiques, dont  le  sable  est  la  base;  ce  sable,  très-perméable  à  l'eau,  préserve 
Lavey  de  l'humidité  si  fréquente  dans  presque  toutes  les  parties  de  la  Suisse.  L'at- 
niosphère  de  Lavey  et  de  ses  environs  est  assez  excitante,  puisque  les  personnes 
nerveuses  outre  mesure  éprouvent  une  suractivité  qui  est  due  à  la  position  topo- 
graphique de  l'étaWissement,  situé  à  375  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer, 
et  expose  au  siroco.  La  température  moyenne  des  mois  de  la  saison  thermale  qui 
commence  le  premier  juin  et  Unit  le  50  septembre,  est  de  18°, 5  centigrade;  ce 
qu'il  faut  noter  surtout,  c'est  qu'à  Lavey  les  transitions  subites  de  la  température 
ne  sont  jamais  aussi  fréquentes  et  aussi  brusques  que  dans  presque  toutes  les 
stations  tiiermo-minérales . 

L'établissement  et  les  sources  de  Lavey  appartiennent  au  canton  qui  les  a  don- 
nées à  bail  pour  une  période  de  cmquante  années.  Par  une  des  clauses  du  cahier 
des  charges,  le  concessionnaire  est  obhgé  à  rebâtir  l'établissement,  à  compléler  le 
captage  des  sources,  à  augmenter  et  à  perfectionner  les  moyens  balnéo-thérapiques. 

Lavey  n'a  qu'une  source  chaude;  son  débit  de  100,800  litres  par  vingt-quatre 
heures  suffit  grandement  aux  besoins  du  service.  Une  seconde  source  froide,  avant 
la  même  minéralisation  que  la  source  chaude,  se  rend  à  la  maison  de  bains,  où  elle 
sert  à  abaisser  la  température  de  la  source  hyperthermale.  Les  deux  sources 
émergent  à  20  mètres  de  profoi:dciir  d'un  b;uic  de  gneiss;  jusqu'à  ces  derniers 


LAVEY  (eaux  MiNÉR.uEs  de).  89 

temps  le  captage  de  l'eau  de  chacune  d'elles  n'avait  jamais  été  exécuté  de  façon 
à  empêcher  complètement  leur  mélange;  mais  l'habileté  etl'expérience  de  M.  Jules 
François  sont  parvenues  à  vaincre  une  partie  des  difficullés,  et  les  deux  sources 
sont  maintenant  encliamhrées  distinctement. 

La  salle  de  la  buvette  est  une  pièce  dallée  de  ciment  et  de  planclics.  Un  robinet 
verse  sans  cesse  l'eau  de  la  source  thermale,  qui  alimente  un  cabinet  de  bains  et 
de  douches.  Cette  division  contient  un  récipient,  élevé  de  2  mètres,  rcmph  d'eau 
tlierniale  qui  se  distribue  à  la  buvette,  à  la  baignoire  de  fonte  émaillée  et  au 
tuvau  de  caoutchouc  servant  à  l'administration  des  douches. 

L'eau  de  la  source  hyperthermale  est  claire ,  limpide  et  transparente,  sans 
odeur,  d'une  saveur  un  peu  fade  et  sensiblement  ferrugineuse.  Les  bulles  gazeuses 
assez  grosses  qui  la  traversent,  mettent  quinze  secondes  à  arriver  à  sa  surface;  les 
plus  petites,  sont  très-nombreuses,  s'élèvent  lentement  et  ne  s'attachent  pas  aux 
parois  des  verres.  Ces  dernières  montent  en  cent  vingt-cinq  secondes  à  la  couche 
supérieure  du  liquide.  Les  premièi^es  se  comportent  comme  le  gaz  acide  car- 
bonique, et  les  secondes  comme  l'azûte,  La  réaction  de  l'eau  est  très-légèrement 
acide  ;  sa  température  est  de  50"  centigrade  au  fond  du  puits  ;  elle  n'est  plus  que 
de  56°, 2  centigi'ade  sous  le  jet  du  robinet  de  la  buvette,  l'air  ambiant  étant  à 
15", 0  centigrade.  La  température  de  l'eau  atherm.î.le,  prise  dans  le  ruisseau,  qui  la 
conduit  au  Rhône,  est  de  20", 5  centigrade  ;  mais  il  ne  faut  tenir  qu'un  faible 
compte  de  cette  thermométrie,  car  elle  a  été  faite  avant  le  captage  définitif  des 
sources  de  Lavey.  L'analyse  chimique  de  l'eau  hyperthermale,  faite  en  1855  par 
M.  Samuel  Baup,  a  donné  sur  1000  grammes  d'eau,  les  résultats  que  voici  • 

Sulfate  de  strontiane 1,0025 

—  soude  anhydre 0,7033 

—  chaux 0,0907 

—  magnésie 0,0068 

Chlorure  de  sodium 0,3635 

—  lithium 0,0056 

—  magnésium 0,U045 

—  potassium 0,0054 

—  calcium 0,0013 

Carbonate  de  chaux 0,0730 

—  magnésie 0,0018 

Silice 0,0306 

Bromure,  iodure,  fluorure  de  calcium,  phosphate  dechaux.l  traces  ou  quantités 

oxyde  de  fer,  de  magnésium,  matière  extractive.  .   .   .)      indéterminées. 

Total  des  matières  fixes 2,5128 

I  Azote 27,80  ceatimètres  cubes. 

Gaz  (   Acide  suUhydrique 5,51  — 

j     —     carbonique 4,34  — 

Total  des  gaz 53,65  centimètres  cubes. 

En  attendant  que  les  bâtiments  de  la  station  de  Lavey  soient  construits,  en 
nltendant  même  que  leur  emplacement  définitif  soit  arrêté,  nous  émettons  le 
vœu  que  le  gouvernement  du  Valais,  d'accord  avec  le  concessionnaire,  choisisse 
pour  ériger  l'établissement  thermal  le  point  le  plus  rapproché  de  l'émergence  des 
sources.  L'expérience  a  toujours  démontré,  en  effet,  que  l'efficacité  des  eaux  mi- 
nérales est  d'autant  plus  grande  que  les  sources  sont  moins  éloignées  des  moyens 
balnéaires.  Le  bâtiment  des  thermes  actuels  se  compose  de  deux  corps  de  logis;  le 
bâtiment  neuf  destiné  aux  douches  fait  suite  au  pavillon  dit  de  la  chaudière.  On 
y  trouve  quatre  cabinets  pareillement  installés,  divisés  chacun  en  deux  parties, 
dont  l'une  sert  de  vstiaire,  et  dont  l'autre,  en  contre-bas  de  10  centimèircs  du 


90  LA.VEY   (eaux  minéhales  de). 

sol  de  la  première,  est  le  prétoire  réservé  au  douclieur  et  au  douché.  Un  lit  à 
spirale  de  fer  et  à  dossier  à  crémaillère,  permet  aux  malades  d'être  étendus  pen- 
dant qu'on  leur  administre  les  douches  dont  l'eau  tomba  de  5  mètres  de  hauteur. 
Les  deux  buvettes  de  l'établissement  sont  formées  par  deux  robinets,  dont  l'un 
verse  l'eau  suréchauffée,  et  l'autre  l'eau  à  30°, 8  centigrade.  Le  second  corps  de 
bâtiment  est  occupé  par  la  division  des  vieux  bains  servant  aujourd'hui  au  loge- 
ment des  baigneurs. 

Mode  d'administration  et  doses.  Les  eaux  de  Lavey  se  boivent  pures  ou  mé- 
langées d'une  certaine  quantité  d'eau  mère,  15  grammes  par  jour  le  plus  sou- 
vent, pris  dans  les  deux  premiers  verres  du  matin.  L'eau  mère  est  apportée  de 
Bex  {voy.  ce  mot),  elle  provient,  comme  nous  l'avons  dit,  des  sources  deBex,  qui 
renferment  27  grammes  de  chlorure  de  sodium  par  litre  d'eau  que  l'on  évapore 
en  chauffant  artificiellement,  jusqu'à  ce  que  le  sel  commun  se  cristallise.  Les  eaux 
de  la  source  hyperthermale  de  Lavey,  lorsqu'elles  ne  sont  pas  additionnées,  s'or- 
donnent à  la  dose  de  quatre  à  six  verres  de  125  grammes  chacun  de  quart  d'heure 
en  quart  d'heure  ;  le  dernier  doit  être  pris  au  moins  une  heure  avant  de  man- 
ger. Dans  certains  cas,  le  médecin  double  la  dose,  mais  plusieurs  buveurs,  n'o- 
béissant qu'à  leur  caprice,  ont  ingéré  jusqu'à  trente  et  quarante  verres  dans  la 
même  jo.urnée  ;  des  accidents  sérieux  ne  tardent  pas  à  survenir  alors,  ils  les  in- 
struisent trop  tard  de  leur  imprudence.  La  durée  et  la  température  des  bains  et 
des  douches  varient  suivant  les  circonstances;  ainsi  les  bains  sont  souvent  de  quatre 
heures  par  jour,  en  deux  séances,  et  à  une  chaleur  de  32°  à  33°  centigrade  dans 
les  affections  des  os  et  des  ganglions  :  dans  les  cas  ordinaires,  le  séjour  au  bain 
dépasse  rarement  une  heure  ou  une  heure  et  demie.  Le  temps  pendant  lequel  les 
malades  sont  soumis  à  la  douche  se  prolonge  de  dix  à  trente  minutes  en  général, 
L'emmaillottement  ou  le  massage  sont  appliqués  ensuite  suivant  les  indications. 

Nous  avons  dit  que  la  quantité  des  eaux-mères  à  l'intérieur  était  de  15  gram- 
mes par  jour  en  deux  fois,  et  mêlées  à  l'eau  hyperthermale  de  Lavey.  On  avait 
aussi  l'habitude  d'ajouter  à  l'eau  des  bains  de  3  à  18  litres  d'eau-mère  des  sa- 
lines de  Bex  ;  mais  depuis  le  dernier  captage  des  sources  de  Lavey,  l'eau  étant 
beaucoup  plus  active,  il  est  souvent  inutile  d'avoir  recours  à  l'eau-mère  que  l'on 
n'emploie  plus  d'ailleurs  qu'à  la  dose  maximum  de  8  à  10  litres  par  bain. 

Emploi  thérapeutique.  Les  effets  physiologiques  qui  se  produisent  le  plus 
fréquemment  après  l'ingestion  de  six  verres  d'eau  hyperthermale  de  Lavey  sont 
une  diurèse  marquée,  une  augmentation  de  l'appétit,  une  légère  constipation  au 
début  de  la  cure.  A  dose  double,  les  phénomènes  de  diurèse  et  d'augmentation 
d'appétit  sont  plus  prononcés,  il  est  important  de  surveiller  très-attentivement  les 
buveurs,  dont  l'affection  reprend  aisément  alors  la  forme  aiguë.  Aussitôt  que  ces 
accidents  apparaissent,  il  faut  diminuer  la  quantité  d'eau  minérale,  et  quelquefois 
suspendre  tout  à  fait  le  traitement.  Ceux  qui  ingèrent  vingt -cinq  ou  trente  verres 
dans  une  même  séance,  boivent  les  eaux  d'une  façon  non  médicale,  et  il  n'y  aurait 
pas  à  s'en  occuper,  si  le  médecin  n'était  pas  assez  souvent  appelé  à  remédier  aux 
accidents  fébriles,  au  catarrhe  de  la  vessie,  ou  à  la  cystite  inilammatoire  résultant 
de  cet  abus.  Lorsque  l'eau  de  Lavey  est  prise  en  proportion  convenable,  elle  ne 
fait  éprouver  qu'une  légère  sensation  de  plénitude  épigastrique,  quelques  nausées 
fugaces,  et  une  tendance  à  la  transpiration.  Les  vertiges,  la  céphalalgie,  l'accé- 
lération de  la  circulation,  l'excitation  nerveuse,  n'arrivent  que  si  la  dose  est  trop 
forte.  Lorsqu'on  additionne  d'eau-mère  l'eau  de  Lavey  en  boisson,  il  faut  s'arrêter 
à  un  effet  laxatif  et  non  provoquer  une  purgation  complète.  Les  enfimts  tolèrent 


LA.VEY  (eaux  minérales  de).  91 

parfaitement,  même  pendant  des  mois  entiers,  l'eau-mère  de  Bex  dans  l'eau  do 
Lavey  ;  ils  la  supportent  mal,  si  on  la  mêle  à  l'eau  ordinaire  froide  ou  préalable- 
ment chauffée. 

Les  bains  de  courte  durée  n'ont  pas  d'effets  physiologiques  différant  sensible- 
ment de  ceux  d'eau  ordinaire  chauffée  au  même  degré  ;  mais  les  bains  prolongés, 
de  quatre  heures  par  jour  en  deux  fois,  déterminent  souvent  la  poussée  et  une 
fièvre  thermale  plus  ou  moins  développée.  M.  le  docteur  Cossy,  médecin  inspec- 
teur de  Lavey,  voit  dans  la  poussée  elle-même  une  compHcation,  et  voici  comment 
il  la  combat.  Lorsqu'elle  a  l'aspect  rubéolique,  il  la  traite  par  des  fomentations 
d'eau  de  Lavey  simple  ;  lorsqu'elle  se  montre  sous  la  forme  d'impétigo  ou  de 
boutons  qui  présentent  exactement  l'aspect  de  ceux  produits  par  de  véritable 
vaccin,  il  prescrit  par  des  aspersions  d'eau  hyperthermale  additionnée  d'eau-mère. 
Dans  les  plaies  fistuleuses  avec  ou  sans  séquestres,  dans  les  engorgements  gan- 
glionnaires, on  doit  surveiller  attentivement  l'administration  des  bains  prolongés, 
qui  amène  quelquefois  une  fièvre  accompagnée  de  l'inflammation  des  plaies,  de 
la  suppuration  des  glandes,  etc.,  phénomènes  qu'il  ne  faut  jamais  produire  si 
l'on  veut  aiTiver  à  une  heureuse  issue. 

Les  eaux  de  Lavey  pures  et  additionnées  d'eau-mère  à  l'intérieur  et  à  l'exté- 
rieur doivent  être  vantées  en  première  ligne  dans  le  lymphatisme  exagéré,  dans 
la  scrofule  et  dans  ses  complications.  Le  rachitisme  est  de  tous  les  acci- 
dents strumeux  celui  qui  cède  le  plus  sûrement  à  l'emploi  des  eaux  de  Lavey  et 
de  la  Mutter  Laûcje  de  Bex.  L'action  fondante  des  eaux  de  Lavey  est  incontestable 
et  incontestée,  et  il  n'est  pas  de  saison  où  l'on  ne  puisse  constater  leur  puissance 
sur  les  tumeurs  bénignes  occupant  tous  les  points  de  l'économie  et  sur  les  en- 
gorgements chroniques  des  viscères.  Les  résultats  les  plus  favorables  de  la  pra- 
tique de  M.  le  docteur  Cossy  ont  été  obtenus,  assure-t-il,  sur  des  tumeurs  so- 
hdcs  ou  liquides  des  ovaires,  par  l'administration  méthodique  des  eaux  de  Lavey, 
à  l'intérieur  ou  à  l'extérieur,  pures  on  mêlées  à  l'eau-mère.  On  envoie  à  Lavey 
les  malades  de  l'hôpital  de  Lausanne  qui  souffrent  de  catarrhes  graves  de  la 
vessie,  simples  ou  purulents.  M.  Cossy  a  suivi  jour  par  jour  ces  malades,  et  il  est 
convaincu  que  le  traitement  hydro-thermo-minéral,  consistant  surtout  dans  l'eau 
en  boisson  et  quelquefois  en  bains,  donne  des  succès  plus  constants  que  tous  les 
autres  moyens  de  la  matière  médicale. 

Les  dyspepsies  et  surtout  les  diverses  formes  de  gastralgies,  les  diarrhées  chro- 
niques et  incoercibles,  sont  très-favorablement  traitées  par  l'usage  interne  et  à 
doses  fractionnées  des  eaux  hyperthermales  de  Lavey. 

Telles  sont  les  indications  principales  des  eaux  de  Lavey,  qui  sont  avantageu- 
sement conseillées  dans  les  anémies  des  sujets  lymphatiques,  ne  pouvant  s'expli- 
quer par  un  état  pathologique  marqué  de  l'un  ou  l'autre  de  leurs  organes.  M.  Cossy 
vante  une  méthode  particulière  et  prescrit  l'emploi  de  bains  frais,  ou  de  bains 
ticdes  terminés  par  un  lavage  à  l'eau  froide  au  moyen  de  quatre  éponges,  avec 
lesquelles  toute  la  surface  du  corps  est  immédiatement  mouillée.  Les  malades  ne 
doivent  pas  faire  leur  réaction  au  lit  ;  ils  se  couvrent  de  vêtements  fort  légers, 
font  de  l'exercice  au  grand  air,  et  toute  sensation  de  froid  a  bientôt  disparu.  Les 
affections  nerveuses  ou  utérines  sont  souvent  adressées  à  Lavey  ;  elles  y  sont 
traitées  avec  avantage.  Les  malaches  non  organiques  du  foie,  les  hémorrhoïdes 
non  fiuentes,  qui  déterminent  des  accidents  congestifs  vers  la  partie  supérieure 
du  corps,  se  trouvent  très-bien  d'une  saison  à  Lavey,  oià  elles  sont  soignées  par 
l'usage  interne  et  externe  des  eaux,  et  surtout  par  l'administration  iatérieiire  de 


92  L.WmOTTE. 

l'eau-mère,  à  la  dose  de  20  à  50  grammes  par  jour,  de  manière  à  ce  que  l'on 
obtienne  des  effets  franchement  purgatifs. 

Les  eaux  de  Lavey  pures  ou  additionnées  d'eau-mère  de  Bex,  sont  contre- 
indiquées  chez  les  pléthoriques  ;  chez  ceux  qui  sont  facilement  congestionnés, 
ou  qui  sont  prédisposés  à  une  apoplexie  ;  chez  les  personnes  qui  souffrent  de 
nv^ladies  organiques  du  cœur  et  des  gros  troncs  vasculaires  ;  chez  celles  enfin 
qui  sont  depuis  trop  peu  de  temps  convalescentes  d'affections  aiguës,  lon- 
gues et  graves,  qu'il  faut  avant  tout  se  garder  de  ramener  à  un  état  inflara- 
matoii'e. 

La  durée  de  la  cure  est,  en  général,  de  trente  jours. 

On  n'exporte  pas  les  eaux  de  Lavey.  A.  Rotureau. 

BiCLioGniPiiiE.  —  Lebep.t  (Hermann).  Monographie  de  Veau  minérale  de  Lavetj.  —  Dd  même 
Comptes  rendus  des  saisons  thermales  de  1840,  1841  et  1842.  —  Cossy  (M.  J.).  Bulletin  cli- 
mque  de  l'hôpital  des  bains  de  Lavetj  (saison  de  1847),  précédé   d'une  nolice  abrégée  sur 
ces  eaux  thermales.  Lausanne,  1848,  in-8°,  71  pages.  —  Die  Bâder  imd  Kiirorte  der  Schiveiz 
Zuricli,  1857,  in-8°.  A.  R. 

LA.  YETRAISSE  (Eai)  MINÉRALE  de)  atherniale,  bicarhonate'e  sadique  et  cal- 
ciqiie  moyenne,  carbonique  moyenne,  émerge  dans  le  département  de  l'Hérault. 
L'eau  de  cette  source,  claire,  hmpide,  inodore,  incolore,  d'un  goût  un  peu  fade 
sans  être  désagréable,  est  traversée  par  des  bulles  gazeuses  assez  grosses  et  assez 
rares,  elle  a  une  température  de  15''  centigrade.  Son  analyse  chimique,  faite 
par  M.  Ossian  Henry,  apprend  que  1000  grammes  de  cette  eau  contiennent  les 
principes  suivants  : 

Bicarljonatc  de  souJe 0,562 

—  chaux 0,525 

—  potasse ■ 0,186 

—  magnésie 0,174 

_            fer 0,008 

—  strouliane- indices. 

Sulfates  alcalins  et  terreux )  „  ,„, 

Chlorures  alcalins  et  terreux J  ' 

lodure  et  bromure traces. 

Acide  silicique,  alumine j  „  „„„ 

Matière  organique,  principe  arsenical  dans  !e  dépôt.  .   .  .  j     ' 

Total  bes  MATiiir.ES  fixes 1,647 

Gaz  acide  carbonique  libre  .  ..;...      1/3"  du  volume  de  l'eau. 

L'eau  de  La  Veyrasse  est  exclusivement  employée  en  boisson  par  les  personnes 
du  pays.  Son  action  pliysiologique  principale  est  une  diurèse  marquée.  Son  appli- 
cation la  plus  commune  a  lieu  dans  les  affections  des  voies  urinaires  dans  les- 
quelles il  convient  de  stimuler  ou  de  modifier  les  fonctions  l'énales.  Cette  eau 
bicarbonatée  est  employée  aussi  dans  les  troubles  de  la  digestion  causés  surtout 
par  une  congestion  ou  un  état  pathologique  du  foie  altérant  les  quaUtés  et  la 
quantité  de  la  bile  qu'il  importe  de  rendre  plus  hquide  et  plus  abondante. 

A.  Rotureau. 

LA-VBROTTE  (Louis-Anke),  lié  à  Nolay(Côte-d'Or)  le  15  juillet  1725,  mort  à 
Paris  le  5  mars  1759,  et  enterré  à  Saint-Rocb.  Ce  médecin  vécut  trop  peu  pour 
donner  tout  ce  qu'on  pouvait  attendre  de  lui.  C'est  à  Paris  qu'il  fit  ses  études; 
c'est  là  qu'il  fut  reçu  licencié  le  1 0  juillet  1 752,  et  docteur  le  22  août  suivant.  La 
Faculté  de  médecine  l'a  toujours  compté  coamieun  de  ses  plus  fervents  soutiens, 
et  les  charmes  de  son  caractère,  aimable  et  doux,  ne  lui  ont  fait  que  des  amis  dans 


Livoms.  93 

la  compagnie  de  la  rue  de  la  Bùclicrie.  Lavirotte  fut  de  plus  un  grand  travailleur. 

Outre  sa  collaboration  au  Journal  des  savants,  il  a  laisse  les  observations  et  les 

traductions  suivantes  : 

I.  An  duodénum  pluriummorborum  sedes  haud mfrequens?  Th.  de  Paris  1751  (soutenue  sous 
la  présidence  de  De  Lépine) .  —  II.  An  legitbnœ  vidnerum  suppiirationl  proinovcndœ  Cortex 
Periivianus?  Th.  de  Paris  1752  (soutenue  sous  la  présidence  de  C.  Falconet).—  III.  An 
expérimenta  circa  vim  eorporum  electricam  perficlant  mcdicince  theoriam  et  praxini. 
(18  aoûti75"2  ;  thèse  pour  la  licenceV —  IV.  An  morbis  ciitaneis  liydrargyrus  et scammoniuin? 
(22  août  1752;  thèse  pour  le  doctorat).  —  V.  Observations  nouvelles  sur  les  prédictions  des 
crises  par  le  pouls,  trad.  de  l'aufrlais  de  ISibell.  Paris,  1748,  in-12.  — YI.  Dissertation  sur 
la  transpiration  et  autres  excrétions  du  corps  humain.  Pai'is,  in-12.  —  YII.  Exposition  des 
découvertes  philosophiques  de  Newton,  trad.  de  l'anglais,  de  Maclaurin.  Paris,  1749,  in-4<', 
—  \l\l.  Nouvelle  méthode  pour  pomper  le  mauvais  air  des  vaisseaux,  trad.  de  l'anglais. 
de  Needham.  Paris,  1750,  in-S".  —  IX.  Nouvelles  observations  microscopiques,  traduites  du 
même  auteur.  Paris,  1750,  in-8°. — \,  Dissertation  sur  la  chaleur,  avec  des  observations 
sur  les  thermomètres.  Paris,  1751,  in-12. — XI.  Observation  sur  une  hydrophobie  spontanée, 
suivie  de  la  rage.  Paris,  1757,  in-12.  A.  C. 

LAVOIRS.  Hygiène  publique.  On  appelle  ainsi  des  établissements  publics, 
convenablement  aménagés,  dans  lesquels  les  femmes  de  la  classe  pauvre  et  les 
blancliisseuses  de  profession  viennent  laver  le  linge  à  bas  prix.  On  peut  y  rattacher 
les  buanderies,  les  blanchisseries  particulières,  et  les  bateaux  sur  rivière. 

Cette  institution  est  de  date  assez  récente  et  elle  nous  a  été  importée  d'Angle- 
terre. Autrefois  les  femmes  pauvres  étaient  obligées  de  laver  leur  linge  à  domi- 
cile, car  toutes  ne  pouvaient  profiter,  pour  une  foule  de  raisons,  dont  la  princi- 
pale était  l'éloiguement,  d'une  ordonnance  de  police  qui  accordait  aux  indigents 
un  certain  nombre  de  places  gratuites  sur  les  bateaux  à  lessive. 

Déjà  cependant,  en  1819,  un  membre  très-distingué  du  conseil  d'hygiène  de  la 
Seine,  Cadet  de  Gassicourt,  avait  formé  le  projet  de  créer  dans  Paris  plusieurs 
grandes  buanderies  oiî  auraient  été  exécutés  les  procédés  de  blanchissage  à  la 
vapeur,  et  dans  lesquels  tout  aurait  été  réglé  d'après  l'expérience.  11  va  sans  dire 
que  cette  conception  fut  écartée  par  l'autorité,  pour  défaut  d'opportunité! .... 
(Moléon,  Rapp.  gén.  du  conseil  de  salubrité,  Rapp.  de  1819,  t.  1,  p.  143,  197, 
Paris,  1828,  in-S".) 

Les  choses  en  étaient  là  lorsque,  en  1842,  fut  ctaMi  à  Liverpool,  à  l'aide 
de  souscriptions  particulières,  le  premier  lavoir  public  avec  bains  à  prix  ré- 
duits. Le  succès  le  plus  complet  ayant  couronné  cette  entreprise  éminemment 
humanitaire,  une  foule  de  villes,  en  Angletert^e  et  en  Ecosse,  s'empressèrent  de 
suivre  cet  exemple.  Sous  l'influence  de  l'initiative  privée,  si  puissante  chez  nos 
voisins,  des  établissements  analogues  furent  fondés  à  grands  frais,  quelques-uns 
môme  avec  un  luxe  peu  en  rapport  avec  leur  destination.  Les  paroisses  en- 
trèrent dans  la  même  voie,  et  quatre  ans  s'étaient  à  peine  écoulés,  que  le  gou- 
vernement anglais,  comprenant  toute  l'importance  de  cette  question,  faisait 
adopter  par  le  parlement  (26  août  1846  et  2  juillet  1847)  deux  lois  ayant  pour 
objet  d'autoriser  les  paroisses  à  emprunter,  à  défaut  de  fonds  suffisants,  les 
sommes  nécessaires  à  la  fondation  de  ces  sortes  d'établissements  et  à  céder,  dans 
ce  but,  les  terrains  qu'elles  possédaient.  Cette  nouvelle  impulsion  détermina  la 
construction  de  nouveaux  lavoirs-bains  à  Londres  et  dans  les  provinces. 

La  France  ne  pouvait  rester  en  arrière,  et  à  la  fin  de  1849,  une  commission 
composée  d'architectes ,  d'ingénieurs  et  d'administrateurs ,  fut  nommée  par 
le  ministère  de  l'agriculture  et  du  commerce  pour  ouvrir  une  enquête  minu- 
tieuse et  complète  sur  cette  question.  Des  rapports  savamment  étudiés  furent 


94  LAVOIRS. 

rédigés,  et  il  en  sortit  un  projet  de  loi  adopté,  ^ar  l'Assemblée  nationale  en  1850, 
qui  mettait  à  la  disposition  des  municipLilités  de  Paris  et  des  principales  villes  de 
l''rance  une  somme  de  600,000  francs,  destinée  à  servir  d'aide  pour  créer  des 
établissements  modèles,  à  l'instar  de  ceux  d'Angleterre  ;  mais,  comme  nous  l'a- 
vons l'ait  observer  en  parlant  des  bains  publics  {voy.  Bains  publics,  p.  209),  on 
a  peu  profité  des  avantages  offerts  par  le  gouvernement. 

A  Rouen,  cependant,  en  1849,  un  habile  ingénieur,  auquel  nous  devons  un 
très-reraai'quable  rapport  sur  les  lavoirs  de  l'Angleterre,  M.  de  Saint-Léger,  sou- 
tenu seulement  par  quelques  souscriptions  qui  s'élevaient  à  la  modeste  somme 
de  6,402  francs,  et  après  avoir  obtenu  d'une  grande  fabrique  la  concession  gra- 
tuite des  eaux  de  condensation,  avait  pu  fonder  un  petit  lavoir  avec  bains.  Dans 
une  maison  louée  à  bon  compte,  il  avait  installé  5  baignoires,  dont  3  de  l"^"  classe 
à  25  centimes,  et  2  de  2^  classe  à  10  centimes;  2  bassins  de  lavoir,  l'un  de 
1"  classe  et  de  8  places  à  5  centimes  par  heure,  l'autre  de  10  places  absolument 
gratuites. 

Au  total,  chez  nous,  à  Paris  du  moins,  les  lavoirs  ont  conservé  le  caractère 
d'entreprises  particulières,  et  très-peu  y  joignent  les  bains;  ce  n'est  guère  qu'en 
province  que  ces  établissements  sont  l'œuvre  des  municipalités. 

Le  savant  hygiéniste  Pappenheim  nous  apprend  qu'après  quelques  hésitations, 
des  sociétés  fondées  par  l'initiative  de  l'autorité,  ont  ouvert  à  Berlin,  en  1856, 
des  bains-lavoirs  avec  un  immense  succès.  L'affluence  a  été  telle,  que,  pour  satis- 
faire aux  besoins  de  la  population,  il  a  fallu  prolonger  les  séances  de  six  heures  du 
matin  à  neuf  heures  du  soir,  à  la  lueur  du  gaz,  et  même,  le  samedi,  jusqu'à  onze 
heures.  {Handb.  der  Sanitàts-PoUz.,  1. 1,  p.  178-187,  art.  Armuth,  Berlin,  1858, 
in-8°.) 

C'est  à  peu  près  exclusivement  des  lavoirs  que  nous  aurons  à  parler  ici  ;  mais, 
d'abord,  sans  entrer  dans  le  détad  circonstancié  des  opérations  qui  conslituent  le 
blanchissage ,  nous  devons  faire  connaître  très-succinctement  en  quoi  elles  con- 
sistent, afin  que  nous  puissions  apprécier  les  améliorations  effectuées  par  les  la- 
voirs dans  l'intérêt  de  l'hygiène. 

Ces  opérations  sont  les  suivantes  : 

1°  Essangeage  ou  échangeage.  Les  linges  salis  sont  d'abord  plongés  dans  l'eau 
pure  et  lavés  rapidement  ou  seulement  agités.  On  a  pour  but  d'enlever  les  im- 
puretés les  plus  grossières  qui  peuvent  se  dissoudre  dans  l'eau  et  se  détacher 
facilement.  On  évite  ainsi  que,  pendant  le  lessivage,  elles  ne  pénètrent  plus  pro- 
fondément dans  les  tissus,  de  manière  à  former  des  taches  qu'il  serait  beau- 
coup plus  difficile  de  faire  disparaître. 

2»  Lessivage.  On  se  propose  ici  de  dissoudre  une  foule  de  matières  grasses 
particulières  qui  imprègnent  le  linge.  On  y  parvient  à  l'aide  d'une  dissolution  al' 
câline,  de  cendres  ou  de  carbonate  de  soude  ou  de  potasse.  Une  température  de 
100  à  110°  est  nécessaire  pour  cette  opération.  A  une  température  beaucoup  plus 
élevée,  les  alcalis,  même  en  dissolution  Irès-affaiblie,  exerceraient  sur  les  tissus 
une  action  destructive  ;  de  même,  la  solution  trop  forte  à  6  ou  7"  du  pèse-lessive 
attaquerait  la  fibre  hgneuse. 

Pour  opérer  le  lessivage,  à  la  manière  ancienne,  le  linge  est  entassé  dans  un  grand 
cuvier,  le  plus  fm  en  dessus,  le  plus  gros  et  le  plus  sale  en  dessous;  le  tout  est  re- 
couvert d'une  grosse  tode  (charrier),  puis  d'une  couche  de  cendrés  de  bois  dont  l'é- 
paisseur varie  suivant  la  quantité  de  linge,  et  d'un  second  charrier.  On  verse  alors 
sur  celui-ci  de  pleines  cha^ulionnées  d'eau  bouillante  qui  traverse  le  ht  de  cendres, 


LAVOIRS  95 

se  charge  des  principes  alcalins  qu'elles  renferment,  humecte  le  linge  et  ressort  par 
un  robinet  placé  à  la  parlie  inférieure  du  cuvier.  Ce  liquide  est  recueilh,  porté  de 
nouveau  à  l'ébullition,  versé  sur  le  linge,  et  ainsi  de  suite  pendant  dix  à  douze 
heures.  On  a  beaucoup  simplifié  ce  procédé,  en  versant  simplement  sur  le  linge  non 
recouvert  d'un  lit  de  cendres,  une  solution  de  carbonate  de  soude  bouillante,  re- 
cueillie et  portée  de  nouveau  à  l'ébullilion,  comme  dans  le  cas  précédent.  Mais 
ce  procédé  exigeait  la  même  durée.  Un  simple  ouvrier  a  imaginé  un  appareil 
adopté  dans  quelques  établissements  et  dans  lequel,  sous  l'mfluence  de  la  va- 
peur, la  solution  alcaline  passe  d'abord  froide  à  travers  le  linge,  s'échauffe  peu 
à  peu  jusqu'à  rébulhlion.  L'opération  ne  dure  que  deux  heures  à  deux  heures 
et  demie,  et  n'exige  qu'une  solution  pesante  à  ù°  1/2.  Outre  la  durée  moins 
grande,  on  évite  encore  l'inconvénient  que  présente  l'action  trop  brusque  du  li- 
quide bouillant  de  crisper  la  fibre  du  linge  et  de  fixer  certaines  taches.  Assez 
généralement  aujourd'hui  on  met  en  usage  un  système  très-simple  ;  toujours 
sous  l'influence  de  la  vapeur,  la  lessive  chaude  passe  d'une  chaudière  placée 
au-dessous  du  cuvier  par  un  tube  de  fonte  qui  monte  verlicalement  au  milieu 
de  celui-ci,  se  déverse  sur  le  linge  au  moyen  d'un  champignon  qui  couronne 
ce  tuyau ,  ressort  par-dessous,  retourne  à  la  chaudière ,  d'où  elle  remonte 
encore,  etc. 

û*"  Savonnage.  On  complète  l'action  de  la  lessive  par  le  frottement  du  hnge  à 
la  main,  le  battage,  la  brosse  de  chiendent,  etc.,  dans  un  baquet  plein  d'une  eau 
savonneuse  chaude. 

4°  Rinçage.  11  se  fait  dans  de  l'eau  pure,  et  a  pour  but  de  débarrasser  entiè- 
rement le  linge  du  savon  qu'il  renferme  après  l'opération  précédente  ;  il  exige  gé- 
néralement beaucoup  d'eau  ;  mais  ici  l'eau  de  puits  est  préférée  comme  chassant 
mieux  le  savon.  Le  rinçage  comprend  encore  le  passage  à  l'eau  de  Javelle  ou  à  la 
solution  de  chlorure  de  chaux.,  quand  le  hnge  doit  être  livré  très-blanc,  et  le 
passage  au  bleu,  pour  lequel  l'eau  de  puits  convient  également  mieux  que  l'eau 
de  rivière. 

Machines  à  laver.  Un  Anglais,  M.  Jearrad,  a  imaginé  une  machine  à  laver  qui 
est  usitée  dans  quelques  lavoirs  de  Londres  et  dont  on  se  loue  beaucoup.  Cet  ap- 
pareil se  compose  d'un  châssis  en  bois  à  claires-voies  en  forme  de  gril  ou  de  râte- 
lier placé  de  champ  dans  une  cuve  en  forme  de  coffre  ou  d'auge.  Ce  châssis  est 
^nimé  d'un  mouvement  de  va-et-vient  à  l'aide  d'une  manivelle  qui  lui  fait  décrire 
un  arc  de  cercle  autour  de  son  bord  supérieur  comme  axe  ;  du  linge  est  placé  au 
fond  de  la  cuve,  de  chaque  côté  de  l'oscillateur;  le  couvercle  est  fermé,  et  un  tuyau 
amené  de  l'eau  chaude  ou  froide,  pure  ou  renfermant  de  l'eau  de  savon,  luie  so- 
lution chlorurée,  etc.,  à  volonté.  Alors  l'oscillateur  mis  en  mouvement,  comprime 
et  relâche  alternativement  les  deux  paquets  de  hnge  contre  les  parois  de  l'auge. 
Quand  l'eau  qui  imbibe  les  tissus  est  sahe,  elle  s'écoule  par  un  tuyau  ménagé  à 
la  partie  inférieure,  et  que  l'on  ouvre  et  ferme  à  volonté,  et  remplacée  par  un  nou- 
veau liquide. 

A  côté  de  la  machine  de  M.  Jearrad,  nous  devons  placer  un  appareil  plus  compli-^ 
que  et  dû  à  un  chef  de  lavoir  de  Paris,  M.  Lejeune.  Imaginez  un  arbre  auquel  se 
rattachent  six  branches  également  inclinées,  à  l'extrémité  desquelles  est  suspen- 
due une  espèce  de  caisse  à  claire- voie  ou  tambour  que  l'inventeur  ap[)elle  la- 
veuse. Ces  six  caisses  ou  laveuses  plongeant  dans  autant  de  cuves  en  bois,  à 
moitié  pleines  de  liquide,  y  reçoivent  un  mouvement  de  rotation  tantôt  dans  un 
sens,  tantôt  dans  un  autre,  uu  moyen  d'un  système  d'engrenage  fixé  à  l'arbre. 


96  LAVOIRS. 

C'est  jiar  l'agitation  que  produit  le  mouvement  de  rotation  que  s'accomplit  le 
blanchissage,  sans  que  la  main  de  l'homme  intervienne.  A  l'aide  d'un  mécanisme 
parlicuher,  on  peut  changer  les  laveuses  de  cuves,  et  les  faire  successivement 
passer  par  les  six,  qui  contenant  chacune  un  liquide  différent,  eau  pour  l'essan- 
geage,  solution  alcahae  bouillante  pour  le  lessivage,  eau  de  savon  pour  le  savon- 
nage, etc.,  font  ainsi  subir  au  linge  la  série  complète  des  opérations  du  blanchis- 
sage dans  le  même  tambour.  Ce  procédé  épargne  évidemment  le  hnge,  qui  n'est 
plus  soumis  à  ces  frottements  qui  en  amènent  si  promptement  l'usure  et  la  dé- 
chirure, et  ménage  la  santé  des  blanchisseuses,  qui  n'ont  plus  qu'une  surveillance 
sans  fatigue,  et  sans  refroidissement  à  exercer.  (Trébuchet,  Happort  sur  les  travaux 
du  conseil  de  salubrité,  Paris,  1861,  in-4'',  p.  471.) 

5°  Essorage.  C'est  le  premier  des  moyens  employés  pour  purger  le  linge  de 
l'eau  qui  l'imbibe  largement  après  le  rinçage.  Il  se  fait  ordinairement  à  la  main. 
C'est  le  tordage  qui  distend,  désagrège  les  fibres  et  hâte  singulièrement  l'u- 
sure du  linge;  il  peut  se  faire  entre  deux  cylindres  qui,  par  leur  pression,  font 
sortir  l'eau,  ce  qui  fatigue  encore  la  trame  des  tissus.  Aussi,  à  ces  procédés,  doit-on 
préférer  l'emploi  des  essoreuses,  sortes  de  récipients  à  claires-voies,  et  animées 
d'un  mouvement  très-rapide  de  rotation  qui  chasse  l'eau  par  l'effet  de  la  force 
centrifuge.  Au  bout  de  quelques  minutes,  la  dessiccation  est  telle  que  le  doigt 
n'est  pas  mouillé  au  contact  du  linge.  Celui-ci, |  cependant,  est  encore  humide, 
c'est-à-dire  qu'il  retient  environ  son  poids  d'eau,  et  qu'il  exige  une  autre  opéra- 
lion,  qui  est  la  suivante. 

Ô°  Séchage,  flans  la  belle  saison  et  dans  les  pays  chauds  il  se  fait  très-bien  et 
assez  promptement  à  l'air  hbre  et  au  soleil  ;  mais  dans  les  climats  froids  et  dans 
les  temps  humides,  il  faut  avoir  recours  à  la  chaleur  artificielle  des  étuves  ou  à 
une  ventilation  forcée  qui  détermine  une  rapide  évaporation  du  liquide  par  le 
renouvellement  incessamment  répété  des  couches  d'air. 

Cette  question  du  séchage  ayant  été  surtout  étudiée  en  Angleterre ,  ainsi 
que  celle  de  l'essorage,  nous  y  reviendrons  à  propos  des  lavoirs  proprement 
dits. 

A  côté  du  séchage  se  range  une  opération  qui  consiste  à  faire  glisser  sur  le 
linge  encore  un  peu  humide  et  bien  tendu  une  plaque  de  fer  chauffée  et  tenue 
par  un  manche,  c'est  le  repassage;  il  a  pour  but  de  lisser  les  tissus  et  de  leur 
donner  une  certaine  fermeté,  surtout  quand  on  les  a  humectés  avec  une  solution 
d'amidon  ou  empois. 

Les  différentes  opérations  que  nous  venons  de  passer  en  revue  s'exécutent 
soit  chez  des  particuliers  qui  ont  leur  étabhssemcnt,  leurs  ouvrières,  et  leur  clien- 
tèle spéciaux,  soit  dans  des  établissements  publics  créés  et  entretenus  par  les 
communes  ou  par  des  industriels,  et  dans  lesquels  les  ménagères  peuvent  appor- 
ter leur  linge  pour  lui  faire  subir  les  mêmes  opérations  ;  celles-ci  ayant  lieu  en  coni- 
nnin,  pourront  se  faire  à  bas  prix.  C'est  là  l'innovation  qui  constitue  les  lavoirs 
publics  qui  doivent  actuellement  nous  occuper. 

Des  lavoirs  proprement  dits.  Nous  avons  à  examiner  successivement  leur 
construction,  les  coirditions  de  leur  aménagement  intérieur  pour  le  chauffage,  la 
ventilation,  l'origine  et  la  répartition  de  l'eau,  la  disposition  des  localités  pour  le 
lavage,  l'essorage,  le  séchage,  etc.,  et,  enfin,  les  avantages  et  les  conditions  éco- 
nomiques de  leur  installation. 

1"  Constructions.  Autant  que  possible,  comme  le  recommande  M.  Wool- 
Cott,  secrétaire  de  la  commission  pour  développer  l'institution  des  bains  et  la- 


LAVOIRS.  l'T 

voirs,  l'emplacement  choisi  doit  être  dans  un  quartier  très-populeux,  et  ouvrir, 
autant  que  possible,  sur  deux  rues.  Suivant  lui,  le  bâtiment  ne  doit  pas  être  trop 
vaste  au  nommencement  ;  mais  il  sera  disposé  de  manière  à  pouvoir  être  agrandi. 
Dans  un  quartier  de  80,000  à  100,000  habitants,  il  vaudra  mieux  ouvrir  deux 
étabhssements  que  de  concentrer  tout  le  travail  des  ménagères  dans  an  seul,  hi 
bâtiment,  les  machines  et  appareils  doivent  être  construits  avec  le  plus  grand  soin 
et  avec  des  matériaux  de  choix,  dépourvus  d'ornements,  mais  d'une  grande  soli- 
dité. Tout,  enfin,  sei'a  approprié  aux  classes  qui  doivent  en  faire  usage,  et  réunir 
les  conditions  nécessaires  pour  obtenir  une  bonne  ventilation,  un  beau  jour  et 
l'ordre  dans  le  service. 

Dans  les  constructions  on  préférera  surtout  la  brique  et  le  fer  à  tous  les  autres 
matériaux.  Le  sol  sera  couvert  de  dalles  jointes  exactement  au  ciment,  ou  d'une 
couche  de  bitume,  avec  une  pente  convenable  pour  l'écoulement  des  eaux  lequel  aura 
lieu  par  des  caniveaux;  les  murs  seront  recouverts  d'un  enduit  imperméable.  En 
Angleterre,  on  emploie  avec  beaucoup  d'avantage  pour  le  dallage,  les  cloisons  des 
stalles,  et  les  refends  des  cabinets  de  bains,  un  schiste  ardoisier  très-commun  dans 
le  pays,  et  susceptible  d'un  beau  poli.  Ces  cloisons  sont  très-solides,  très-propres, 
et,  on  peut  le  dire,  inaltérables. 

Les  établissements  dont  nous  parlons  sont  habituellement  au  rez-de-chaussée, 
et  éclairés  par  une  toiture  en  vitrage.  Getie  situation,  outre  le  genre  de  travail  auquel 
on  s'y  livre,  tend  à  y  entretenir  une  grande  humidité ,  aussi  a-t-on  adopté  dans 
quelques  lavoirs,  en  Angleterre,  une  disposition  qui,  au  point  de  vue  de  la  salu- 
brité, offre  de  grands  avantages.  Le  dallage  repose  sur  de  petits  murs  en  briques 
qui  rélèvent  à  la  partie  supérieure  du  socle,  il  en  résulte  un  soubassement  de 
i  mètre  environ  de  profondeur  entre  ce  dallage  et  le  niveau  naturel  du  terrain, 
dans  lequel  passent  les  tuyaux  pour  les  eaux  chaudes,  froides,  propres  ou  sales, 
et  où  l'air  pénétrant  par  de  nombreuses  ouvertures  dont  le  socle  est  percé  autour 
du  bâtiment,  circule  en  toute  hberté.  Ceci  nous  conduit  à  parler  de  la  venti- 
lation. 

2*  Ventilation.  Dans  quelques  établissements  elle  a  lieu  seulement  par  des 
fenêtres  en  tabatières  percées  dans  la  toiture  de  la  buanderie.  Dans  ceux  dont  nous 
venons  de  parler,  l'air  admis  dans  le  soubassement  passe  dans  le  rez-de-chaussée 
où  sont  les  lavoirs  et  les  bains,  puis  il  se  rend  dans  une  cheminée  d'aspiration 
qui  enveloppe  celle  des  chaudières  et  des  foyers  et  se  perd  dans  l'atmosphère.  Cette 
cheminée  a  22  mètres  de  hauteur;  elle  est  divisée  à  sa  base  en  compartiments, 
avec  registres  qui  permettent  de  porter  à  volonté  son  action,  soit  sur  les  bains, 
soit  sur  les  buanderies.  Cette  action  est,  au  besoin,  secondée  par  de  puissants  jets 
de  vapeur  disposés  de  manière  à  favoriser  le  mouvement  d'ascension  dans  la  che- 
minée à  air.  Mais,  fait  observer  M.  de  Saint-Léger,  comme  pendant  l'été  la  diffé- 
rence de  température  entre  l'air  extérieur  et  l'air  intérieur  n'est  pas  assez  consi- 
dérable pour  favoriser  le  tirage,  l'ascension  de  l'air  échauffé  n'a  pas  lieu  d'une 
manière  suffisante.  Aussi,  pour  les  buanderies  particuhèrement,  en  est-on  revenu, 
au  moins  pendant  la  belle  saison,  à  la  ventilation  directe  à  l'aide  d'ouvertures  pra- 
tiquées dans  le  vitrage  qui  forme  toiture,  ou  dans  les  murs  même  du  lavoir. 

3"  Disposition  intérieure  pour  les  opérations  du  blanchissage.  Il  y  a  plusieurs 
pièces  destinées  aux  différentes  pratiques  dont  nous  avons  parlé.  Nous  noterons 
seulement  quelques  différences  dans  les  établissements  français  et  anglais. 

En  Angleterre,  les  places  des  laveuses  occupent  habituellement  chacun  des 
côtés  d'une  longue  pièce  formée  par  deux  murailles  parallèles.  Les  laveuses  se 
DICT.  ENC.  «•  s.  II.  7 


98  LAVOIRS. 

tiennent  dans  des  compartiments  ou  stalles  de  l^.SO  de  profondeur  sur  {"^,{0  de 
largeur,  formés  par  des  montants  en  bois  on  des  plaques  d'ardoise  de  2  mètres 
environ  de  hauteur,  ce  qui  fait  que  chaque  femme  est  entièrement  isolée  de  sa 
voisine  (les  Anglaises,   paraît-il,  tiennent  beaucoup  à  ne  pas  être  vues   pendant 
qu'elles  lavent  leur  hnge)  ;  devant  elles  passe  une  auge  en  bois  qui  règne  dans 
toute  l'étendue  de  chaque  muraille,  et  olfrant  0"',54  de  largeur  sur  0"', 28  de  pro- 
fondeur. Cette  auge  est  divisée,  au  niveau  de  chaque  stalle,  en  deux  compartiments 
inégaux,  l'un  de  0'",27,  l'autre  de  0'",62  de  longueur.  Le  premier,  muni  d'un 
couvercle,  sert  à  faire  bouillir  le  linge  dans  une  dissolution  de  sous-carbonate  de 
soude.  Deux  robinets  y  donnent  accès,   l'un  à  de  l'eau  dans  laquelle  la  femme 
forme  elle-même  la  dissolution  alcaline;  l'autre  à  de  la  vapeur  qui  détermine  l'é- 
bulhtion.  Une  soupape  sert  à  faire  écouler  l'eau  à   volonté,  c'est  la  lessive.  Le 
grand  compartiment  est  destiné  à  l'essangeage,  au  savonnage,  etc.  ;  il  est  égale- 
ment muni  de  deux  robinets  :  l'un  amène  de  l'eau  froide,  l'autre  amène  de  l'eau 
chaude  ;  une  soupape  permet  l'écoulement  de  l'eau  qui  a  servi.  Ailleurs,  l'auge 
à  compartiments  est  remplacée  par  deux  baquets  inégaux  destiïiés  aux  mêmes 
usages.  Ailleurs  enfin,  les  compartiments  ne  sont  pas  le  long  des  parois  latérales, 
mais  appuyés  à  des  murs  transversaux,  avec  la  précaution  de  laisser  un  passage 
libre  au  milieu  ou  sur  l'un  des  côtés. 

Chez  nous  il  n'en  est  pas  ainsi  :  le  lessivage,  qui  se  paye  à  part,  comme  nous 
le  verrons,  a  lieu  dans  une  pièce  spéciale,  et  en  commun,  dans  de  grands  cuviers 
{voy.  plus  bas,  la  partie  économique);  dans  le  lavoir  ont  heu  les  autres  opéra- 
tions. Nos  ménagères,  moins  ridiculement  réservées  que  les  Anglaises,  sont  pla- 
cées dans  de  petites  stalles  mobiles  en  bois  formées  d'une  petite  planche  carrée 
servant  de  base  avec  trois  montants,  un  antérieur  et  deux  latéraux  qui  ne  s'élèvent 
qu'à  la  hauteur  de  la  ceinture,  protègent  une  partie  du  corps  contre  les  écla- 
boussures,  et  laissent  les  bras  parfaitement  libres.  Elles  ont  devant  elles  un  ba- 
quet dans  lequel  elles  procèdent  successivement  au  savonnage  avec  de  l'eau 
chaude,  et  au  rinçage  avec  de  l'eau  froide. 

Soit  dans  la  même  pièce,  soit  dans  un  local  particulier,  sont  les  essoreuses 
(hydro-extracteurs)  ;  c'est  en  général  une  corbeille  en  fil  de  fer  galvanisé,  ou  une 
sorte  de  bassine  à  parois  criblées,  offrant  {}"\Q0  environ  de  diamètre  sur  0'",15  de 
profondeur,  que  l'on  rempht  de  linge  mouillé,  et  qu'une  manivelle  ou  une  cour- 
roie mue  par  la  machine  à  vapeur  fait  tourner  rapidement  sur  son  axe  ;  l'eau,  en 
vertu  de  la  force  centrifuge  est  chassée  violemment  vers  la  circonférence,  s'échappe 
par  les  mailles  du  treillage  ou  les  trous  de  la  bassine,  et  se  trouve  lancée  contre  la 
surface  intérieure  d'une  enveloppe  de  fonte  d'où  elle  s'écoule  par  un  conduit  situé 
au  bas.  Cet  appareil,  comme  construction,  est  à  peu  près  le  même  partout,  il  n'y 
a  de  différence  que  dans  les  conditions  de  son  emploi. 

Le  séchage  a  donné  lieu  à  une  foule  de  procédés  de  la  part  des  in"-énieurs  an- 
glais ;  il  serait  bien  désirable  de  les  voir  adopter  dans  les  établissements  de  Paris 
afin   d'éviter  le  séchage   à   domicile.  Nous    devons   entrer   ici  dans  quelques 
détails. 

A  Euston-Square,  le  séchoir  fait  suite  à  la  buanderie  ;  c'est  une  sorte  de  lono- 
cabinet  noir  constitué  par  un  refend  vertical  parallèle  à  l'axe  du  bâtiment,  lono- 
étroit,  et  éloigné  de  l'",60  de  l'un  des  murs  longitudinaux.  Cet  espace  est  divisé, 
par  des  refends  transversaux  en  maçonnerie,  en  seize  compartiments  ou  cabinets 
égaux  dans  lesquels  on  entre  par  une  porte  en  bois  de  l'",80  de  hauteur;  le  tout 
est  couvert,  à  la  hauteur  de  2  mètres,  par   un  plafond   percé,  au   niveau   de 


LAVOIRS.  99 

chaque  cabinet,  d'une  ouverture  fermée  par  un  registre  mobile  à  volonté.  Le 
sol  est  formé  de  plaques  de  tôle  criblées  de  trous,  et  au-dessous  desquelles  se 
développe  un  système  de  tuyaux  en  fonte,  contenant  de  l'air  échauffé  par  un  foyer 
dans  lequel  passent  ces  tuyaux,  en  se  contournant  de  manière  à  former  une  sorte 
de  grille.  L'air,  élevé  à  une  très-haute  température,  circule  sous  les  plaques, 
revient  au  foyer,  où  il  reprend  de  la  chaleur  pour  recommencer  le  même  par- 
cours. Voici  comment  on  met  en  usage  ces  compartiments  :  le  linge  est  étendu, 
simple  ou  plié  en  plusieurs  doubles,  sur  les  barres  d'un  chevalet  en  bois  de 
4°", 70  de  hauteur  et  de  l'",40  de  longueur,  0'",40de  large,  puis  celui-ci  est  placé 
dans  un  des  compartiments,  dont  chacun  peut  contenir  deux  chevalets;  l'air  n'y 
pénètre  que  par  les  fissures  de  la  porte  ;  on  ouvre  le  registre  peu  de  temps  après 
le  commencement  du  séchage,  pour  laisser  sortir  la  vapeur,  on  le  ierme  ensuite 
pour  le  rouvrir  encore  à  la  fin  de  l'opération,  qui  dure  une  demi-heure  environ. 

M.  de  Saint-Léger,  l'habile  ingénieur  de  Rouen  qui  a  donné  ces  détails,  croit 
un  tel  système  dangereux,  parce  que  l'on  ne  peut  calculer  la  température,  et  par 
conséquent  la  tension  de  l'air  échauffé  qui,  paraît-il,  peut  s'élever  jusqu'à 
cinquante  atmosphères  ! 

A  Goulston-Square,  qui  s'intitule  l'établissement  modèle,  la  disposition  du 
séchoir  est  à  peu  près  la  même,  seulement  ses  compartiments  sont  plus  grands 
et  peuvent  recevoir  chacun  sept  chevalets  juxtaposés  et  montés  sur  roulettes.  Ces 
chevalets  sont  terminés  en  avant  et  en  arrière  par  des  plaques  en  toute  qui  ferment 
le  cabinet  quand  ils  sont  entièrement  entrés  ou  entièrement  sortis,  ce  qui  permet 
de  les  mettre  et  de  les  retirer  isolément  sans  refroidir  l'intérieur.  Le  séchoir  est 
cliauffé  par  un  calorifère  à  air  chaud  avec  deux  foyers,  de  sorte  que  la  chaleur 
est  à  peu  près  égale  partout  ;  la  ilamme  et  la  fumée  de  chaque  foyer  circulent 
dans  un  tuyau  horizontal  en  tôle  galvanisée  ;  il  y  a  une  cheminée  d'appel  pour 
chaque  foyer;  elle  est  placée  à  l'extrémité  du  tuyau  correspondant.  Les  deux 
tuyaux  sont  posés  dans  une  espèce  d'auge  en  maçonnerie,  recouverts  par  un 
treillage  en  lil  de  fer  galvanisé  et  situé  horizontalement  sous  les  chevalets,  à 
quelques  centimètres  au-dessus  des  tuyaux,  pour  empêcher  le  linge  qui  tombe- 
rait d'être  briilé  au  contact  de  ceux-ci.  L'humidité  du  linge,  vaporisée  parla  cha- 
leur, s'échappe,  comme  à  Euston-Square,  par  les  ouvertures  garnies  de  registres 
qui  existent  dans  la  petite  voûte  en  briques  qui  recouvre  les  compartiments. 

Une  disposition  toute  différente  et  assez  compliquée  est  employée  à  Saint- 
Martin-des-Champs  :  le  séchoir  forme  la  partie  supérieure  de  la  case  dévolue  à 
chaque  laveuse;  ouvert  par  le  bas,  il  reçoit  le  chevalet  tout  chargé,  que  l'on 
fait  monter  à  l'aide  de  cordes  enroulées  sur  poulies  et  munies  de  contre-poids.  La 
base  du  chevalet  porte  une  planche  horizontale  qui  ferme  l'ouverture  inférieure 
du  compartiment.  Là,  il  est  placé  entre  des  tuyaux  à  circulation  continue  du 
système  Perkins.  Quand  la  vapeur  commence  à  sortir  par  les  intervalles  mal  joints 
de  la  planche  de  iermeture,  on  lève,  au  moyen  d'une  ficelle,  un  clapet  qui  couvrait 
une  ouverture  percée  à  la  partie  supérieure  du  compartiment,  et  on  la  main- 
tient ainsi  jusqu'à  la  fin  de  l'opération,  en  fixant  inférieurement  la  ficelle  à  un  clou. 
Le  chauffage  a  lieu  par  des  tuyaux  dans  lesquels  l'eau  circule  à  une  température 
de  150°  à  170"  centigrades,  avec  une  pression  de  quatre  à  huit  atmosphères.  Ces 
tuyaux  forment,  au  moyen  de  plusieurs  circonvolutions  horizontales,  les  parois  de 
ces  différentes  cases  que  dessert  un  foyer  auquel  ils  reviennent  s'échauffer  de  nou- 
veau. Chaque  ligne  de  tuyaux  est  munie,  à  son  point  le  plus  élevé,  d'un  petit  réser- 
voir ayant  la  capacité  de  quelques  litres,  et  qui  est  plein  d'air  quand  l'appareil  est 


100  LAVOIRS. 

froid  ;  il  sert  à  permettre  la  dilatation  de  l'eau  par  la  chaleur.  Son  emploi  est  in- 
dispensable pour  empêcher  la  rupture  des  tuyaux.  Le  séchage  dure  de  quinze  à 
trente  minutes. 

Enfin  à  Hull  on  fait  sécher  directement  le  linge  sur  des  tuyaux  enveloppés  d'un 
manchon  en  fil  de  fer  treillage. 

De  ces  différents  systèmes,  l'expérience  a  proclamé  la  supériorité  de  celui  de 
Goulston-square.  Suivant  M.  de  Saint-Léger,  le  secret  de  la  conduite  économique 
du  séchage  est  dans  la  proportion  du  courant  d'air.  11  faut  qu'il  y  en  ait  assez 
pour  emporter  la  vapeur  au  dehors,  et  cependant  assez  peu  pour  que  la  tempé- 
rature de  toutes  les  parties  de  l'appareil,  soit  autant  que  possible,  maintenue  au- 
dessus  de  100°  centigrades.  C'est  dans  ces  conditions  que  la  dessiccation  est  le 
plus  prompte  et  le  moins  coûteuse.  Une  température  très-élevée  de  100°  à  '110° 
a,  dit-on,  le  double  avantage  de  donner  beaucoup  de  blancheur  au  linge  et  de 
faire  disparaître  les  mauvaises  odeurs.  On  sait,  en  effet,  qu'une  température  au- 
dessus  de  100°  est  un  excellent  désinfectant,  qui  détruit  en  même  temps  les 
germes  fermentescibles. 

Le  repassage  a  lieu  dans  une  salle  à  part,  oii  se  trouvent  des  fourneaux  dis- 
posés à  cet  effet. 

4°  Chauffage.  C'est  là  un  des  points  les  plus  importants  de  la  question  écono- 
•  mique  des  lavoirs.  11  a  lieu  ordinairement  par  plusieurs  foyers  répondant  à  chacun 
des  principaux  services,  quoiqu'il  soit  d'une  économie  bien  entendue  d'utiliser  un 
même  foyer  pour  plusieurs  services,  les  bains  et  l'eau  destinée  aux  savonnages, 
par  exemple.  Comme  le  fait  observer  M.  Woolcott,  la  dépense  en  combustible 
dépend  en  grande  partie  de  la  perfection  des  appareils.  Dans  les  premiers  établis- 
sements construits,  cette  dépense,  en  employant  du  charbon  de  terre  à  15  francs 
le  tonneau,  s'est  élevée  à  93  fr.  75  pour  1,000  bains  chauds,  tandis  qu'à  l'éta- 
blissement modèle,  en  se  servant  de  menu  charbon  à  12  fr.  50  le  tonneau,  on  a 
chauffé  le  même  nombre  de  bains  pour  17  fr.  50.  En  général,  malgré  le  bas 
prix  du  coke,  on  préfère  la  houille,  qui  donne  bien  plus  de  chaleur. 

Les  fourneaux  pour  les  fers  à  repasser  doivent  aussi  fixer  l'attention.  AEuston- 
Square  c'est  une  sorte  de  poêle  en  briques,  dont  le  dessus,  recouvrant  immédia- 
tement le  foyer,  est  formé  de  plaques  de  fonte  posées  horizontalement  et  sur  les- 
quelles on  fait  chauffer  les  fers.  Le  tout  est  recouvert  d'un  couvercle  en  tôle 
qui  se  meut  très-facilement  à  l'aide  d'une  chaîne  en  fer  et  de  contre-poids  ;  on 
le  soulève  chaque  fois  qu'il  faut  placer  ou  ôter  un  fer.  C'est  l'appareil  géné- 
ralement préféré  et  substitué  pi'esque  partout  à  d'autres  procédés  moins 
avantageux. 

5°  Fourniture  de  l'eau.  Autre  question  de  la  plus  grande  importance.  Le  vo- 
lume de  l'eau  doit  être  calculé  de  telle  sorte  qu'il  réponde  cà  la  plus  grande  con- 
sommation pendant  l'époque  des  plus  grands  travaux.  En  Angleterre,  l'eau  est 
fournie  en  abondance  par  des  Compagnies  qui,  dans  ce  pays  d'initiative  privée, 
se  chargent  de  ce  service.  La  plupart  d'entre  elles  l'ont  même  livrée  gratuitement 
dans  les  premiers  temps,  afin  de  favoriser  l'installation  d'établissements  aussi 
utiles  à  la  classe  pauvre.  Généralement  elles  la  foiirnissent  à  prix  réduits;  seule- 
ment, dans  quelques  localités,  l'eau  n'arrivant  pas  à  un  niveau  suffisant  pour  ali- 
menter toutes  les  parties  de  l'établissement,  il  faut  alors  l'élever  avec  une  ma- 
chine, ce  qui  augmente  les  frais. 

En  France,  et  particulièrement  à  Paris,  les  lavoirs  sont  alimentés  par  des  con- 
cessions de  la  ville  pour  l'eau  de  rivière  destinée  à  la  lessive  et  aux  savonnages. 


LAVOIRS.  101 

elparde  l'eau  de  puits  pour  le  rinçage.  D'après  le  rapport  de  M.  Darcy,  le  prix 
d'ubomieiuents  s'élève  à  environ  10  francs  par  place. 

Mais,  il  faut  bien  le  dire,  à  Paris,  l'administration  semble  avoir  entièrement 
perdu  de  vue  les  intentions  qui  ont  inspiré  la  loi  de  1852,  et  que  paralysent  les 
tarifs  actuels.  En  1851,  les  20  mètres  cubes  d'eau  de  l'Ourcq  coûtaient  500  francs 
pour  toute  la  ville  et,  chose  bien  juste,  le  prix  était  le  même  pour  les  autres  eaux 
sur  les  points  où  il  n'en  existait  que  d'une  seule  nature.  Aujourd'hui,  d'après  le  tarif 
de  1861,  l'eau  de  l'Ourcq  coiàte950  francs  les  20  mètres  cubes,  et  l'eau  de  Seine 
1900  francs,  avec  cette  clause  rigoureuse  que  «  l'abonné  ne  pourra  réclamer  l'eau 
d'une  origine  autre  que  celle  existant  dans  les  conduites  placées  sous  le  sol  de  la 
voie  publique  où  se  trouve  la  propriété  pour  laquelle  il  contracte  abonnement,  et 
l'imppssibilité  par  la  compagnie  de  fournir  l'eau  d'une  nature  déterminée,  ne  pourra 
donner  lieu  à  la  modification  des  prix  fixés  ci-dessus.  »  Or,  ainsi  que  me  le  faisait 
observer  un  maître  de  lavoir  que  ces  prix  élevés  ont  empêché  de  joindre  des  bains  à 
son  établissement,  comme  l'eau  de  l'Ourcq  ne  dessert  que  la  partie  basse  de  la 
ville,  et  que  les  lavoirs  se  construisent  surtout  dans  les  quartiers  populeux,  qui  se 
trouvent  dans  la  partie  haute,  il  s'ensuit  que  c'est  de  l'eau  de  Seine,  c'est-à-dire  la 
plus  coûteuse,  qu'ils  sont  obligés  de  prendre. 

Ainsi  que  nous  l'avons  fait  observer  à  l'article  Bains,  on  n'a  utilisé  que  dans 
très-peu  de  localités,  l'eau  de  condensation  des  machines  à  vapeur  qui  va  se  perdre 
à  l'égout  sans  profit  pour  personne. 

6°  Economie  des  lavoirs.  Avantages.  On  ne  saurait  le  nier,  la  création  des  la- 
voirs a  été  un  véritable  bienfait  pour  le  peuple  des  villes.  On  peut  s'en  assurer  fa- 
cilement en  comparant,  comme  l'a  fait  M.  Darcy,  le  prix  de  revient  des  objets  blan- 
chis par  les  blanchisseuses  avec  le  prix  des  mêmes  objets  blanchis  au  lavoir  par  une 
ménagère.  Ainsi  le  blanchissage  d'un  ouvrier,  tout  en  se  renfermant  dans  les  con- 
ditions de  la  plus  stricte  économie,  coûte  par  mois  environ  3  fr.  25;  au  lavoir  les 
déboursés  s'élèveront  seulement  à  85  centimes,  et  en  estimant  à  1  franc  le  temps 
employé  à  cet  ouvrage,  cela  fait  à  peu  près  1  fr.  85.  Remarquons,  d'ailleurs,  que 
les  femmes  qui  ont  beaucoup  d'enfants  à  soigner  ne  peuvent  exercer  une  profes- 
sion régulière  et  lucrative.  Ces  conditions  économiques  expliquent  les  succès 
obtenus  par  les  établissements  qui  nous  occupent. 

Quels  sont  les  prix  exigés  dans  les  lavoirs  publics  pour  les  différentes  opérations 
qui  s'y  pratiquent  ?  11  y  a  à  cet  égard  d'assez  grandes  différences  entre  les  habi- 
tudes de  la  France  et  celles  de  l'Angleterre. 

Dans  ce  dernier  pays,  comme  nous  l'avons  fait  observer,  le  lessivage  est  accom- 
pli par  la  femme  dans  un  petit  baquet  à  l'aide  d'une  solution  alcaline  qu'elle  fait 
bouillir.  Voici  les  prix  exigés  :  10  centimes  pour  une  heure;  plus,  comme  four- 
niture :  5  centimes  de  sous-carbonate  de  soude  ;  6  centimes  pour  le  savon  ; 
bleu,  2  centimes;  total  environ,  25  centimes.  En  général,  le  prix  dans  les 
lavoirs  anglais  est  de  10  centimes  pour  la  première  heure,  avec  usage  de  l'esso- 
reuse, du  séchoir  et  des  ustensiles  de  repassage  :  on  exige  20  centimes  pour  la 
deuxième  heure,  et  iO  centimes  en  plus  par  chaque  demi-heure  suisaiite.  Cet 
accroissement  de  prix,  pour  inie  longue  durée  de  travail,  a  pour  objet  d'em- 
pêcher les  blanchisseuses  de  profession,  qui  exercent  un  état  lucratif,  de  profiler 
d'avantages  destinés  à  la  classe  ouvrière. 

A  Paris,  le  prix  de  l'heure  est  de  5  centimes,  la  demi-journée  de  20  cen- 
times et,  pour  la  journée,  de  40  centimes;  on  voit  la  différence  qu'amènent, 
dans  les  prix  des  lavoirs,  les  différences  qui  existent  dans  le  mode  de  création 


102  LAVOIRS. 

de  ces  établissements.  Là-bas,  ce  sont  des  institutions  humanitaires  fondées 
par  des  souscriptions  particulières  ou  des  sommes  votées  par  les  paroisses;  ici, 
ce  sont  des  entreprises  particulières  ;  à  la  tète  du  lavoir  est,  non  pas  un  gérant 
soldé,  mais  un  entrepreneur  qui  organise  et  gère  à  ses  risques  et  périls  ;  c'est,  en 
un  mot,  une  industrie  privée.  Nous  pensons  que  les  Anglais  ont  beaucoup  mieux 
compris  la  question  et  l'ont  posée  sur  son  véritable  terrain.  Les  blanchisseuses 
qui  exercent  un  état  lucratif  payent,  comme  on  le  voit,  assez  cher  chez  nos  voisin» 
le  droit  de  travailler  toute  une  journée,  et,  chez  eux,  aux  iO  centimes  par 
heure  se  joint  le  droit  d'essorage  et  de  séchage.  Ici  l'eau  froide  seule  est  donnée 
gratuitement,  l'eau  chaude  se  paye  à  part  5  centimes  le  seau  de  J2  litres; 
l'essorage  est  de  20  à  50  centimes.  Mais  les  dimensions  de  l'essoreuse  permet- 
tent à  deux  ou  trois  femmes  de  se  cotiser  pour  assécher  leur  linge  à  frais  com- 
mun, et,  par  conséquent  à  très-bon  compte.  Et,  cependant,  plusieurs  reculant  en- 
core devant  cet  accroissement  de  frais,  essorent  par  le  ioi'dage  qui  use  et  brise  si 
promptement  les  fibres  du  tissu.  Elles  emportent  sur  leur  dos  leur  linge  encore 
tout  imprégné  d'eau  qui  mouille  leurs  vêtements  et  les  refroidit,  et  elles  l'appor- 
tent à  sécher  dans  la  chambre  du  ménage  qui  se  remplit  d'humidité. 

Chez  nous,  par  exemple,  le  lessivage  se  fait  en  commun  et  en  grand  ;  chaque 
femme  apporte  son  paquet  de  hnge  qui  est  aussitôt  muni  d'un  numéro  en  zinc, 
attaché  avec  une  ficelle,  et  elle  reçoit  un  numéro  correspondant;  le  paquet  est  rais 
dans  le  cuvier  avec  les  autres  et,  la  lessive  coulée,  la  femme  le  reprend  pour  aller 
se  livrer,  à  sa  place,  au  savonnage,  etc.,  des  pièces  qu'il  contient.  Le  tarif  est  fixé 
d'après  le  volume  des  objets  :  pour  un  paquet  renfermant  trois  ou  quatre  chemises, 
on  prend  10  centimes,  et  ainsi  de  suite  en  proportion.  Les  différentes  fournitures, 
savon,  eau  de  Javelle,  etc.,  sont  au  frais  de  chaque  laveuse  qui  apporte  ou  achète 
à  très-bon  compte,  dans  l'établissement  même,  ces  différents  objets. 

A  Londres,  il  est  un  établissement,  celui  de  Glass-House-Yard,  fondé  par  une 
société  pour  développer  la  propreté  parmi  les  pauvres,  où  tout  est  gratuit  jus- 
qu'aux fournitures.  De  pauvres  femmes  viennent  laver  là  le  linge  qu'elles  ont 
sur  le  corps,  et  pendant  cette  opération  on  leur  prête  des  vêtements.  A  cela  ne  se 
borne  pas  la  sollicitude  de  cette  société  ;  elle  donne  aussi  de  l'eau  et  des  chlo- 
rures pour  laver  les  logements  des  pauvres  du  voisinage  et  les  assainir  ;  on  leur 
prête  des  brosses,  des  seaux,  et,  enfin,  on  leur  donne  du  charbon  pour  que  le  loge- 
ment puisse  être  séché  immédiatement.  L'établissement  de  Euston-Square  loue 
dans  le  même  but  des  seaux  et  des  brosses,  souvent  même  il  les  prête  pour  rien. 
C'est  ainsi  que,  dans  l'espace  d'une  seule  année,  1493  localités  (428  chambres, 
226  escaliers,  375  cabinets,  etc.)  ont  été  nettoyées  et  assainies.  Il  se  passera  du 
temps  avant  que  Ion  voie  pareille  chose  chez  nous  :  non  que  le  zèle  manque  aux 
personnes  charitables  pour  le  faire,  mais  en  profiterait-on?...  Un  maître  de  lavoir 
me  disait  qu'il  avait  fallu  plusieurs  années  pour  faire  comjjrendre  aux  femmes 
du  peuple  les  immenses  avantage  de  l'essorage  à  l'aide  de  la  machine  ! 

KéuiMON  des  bains  et  des  lavoirs.  Comme  nous  l'avons  dit  à  propos  des  Bains 
PUBLICS  (t.  VIII,  p.  209  et  suiv.),  on  a,  en  Angleterre,  très-habilement  et  très-éco- 
nomiquement combiné  les  bains  publics  avec  les  lavoirs,  de  manière  à  livrer  les 
uns  et  les  autres  à  des  prix  réduits  en  fliveur  de  la  classe  pauvre.  Nous  avons 
donné  là  le  mode  d'aménagement  de  ces  bains  ;  nous  n'avons  donc  à  en  parler  ici 
qu'au  point  de  vue  économique. 

Le  chauffage  a  lieu  par  le  même  foyer  pour  le  bain  et  pour  la  buanderie,  là  est 
la  source  des  avantages  que  l'on  relire  de  cette  association.  Suivant  toutes  les 


LAVOIRS.  103 

personnes  qui  ont  étudié  la  question,  les  bains  doivent  faire  les  bénéfices  de  Teu- 
treprise.  Aussi,  suivant  M.  Woolcott,  le  nombre  des  baignoires  doit-il  être  égal, 
sinon  supérieur,  au  nombres  des  places  de  laveuses  ;  il  admet  que,  d'après  les 
prix  fixés  en  Angleterre,  la  totalité  des  recettes  doit  se  répartir  de  la  manière 
suivante  :  7  pour  100  fournis  par  les  baignoires  pour  hommes  ;  6  pour  100  par 
les  baignoires  pour  les  femmes;  7  pour  100  par  les  bassins  de  natation;  et 
16  pour  100  seulement  par  les  laveuses. 

Comment  expliquer  que  ces  avantages  n'aient  pas  été  sentis  chez  nous,  et  que 
si  peu  de  lavoirs,  à  Paris,  possèdent  des  bains.  D'abord  à  ce  fait  que  ce  sont,  comme 
nous  l'avons  dit,  des  entreprises  particulières,  et  que  tous  les  chefs  de  lavoir 
n'ont  pas  des  ressources  suffisantes  pour  monter  et  organiser  une  aussi  vaste  entre- 
prise qui  exige  un  grand  emplacement  et  de  grands  frais  d'installation.  Ajoutons 
encore  le  prix  de  l'eau  dans  les  quartiers  qui  sont  obligés  de  s'approvisionner 
d'eau  de  Seine.  Nous  avons  fait  remarquer  plus  haut  que  la  société  concession- 
naire des  eaux  de  Paris  se  montre  peu  généreuse  à  l'endroit  de  ces  établissements. 

Nous  donnons  ci-joint  le  plan  d'un  projet  de  lavoir  publié  par  MM.  Trélat  et 
Gilbert  dans  le  rapport  de  la  commission  d'enquête  sur  cette  question,  publié 
en  1850. 

Police  médicale.  Réglementation.  Laissant  de  côté  ce  qui  est  relatif  à  la 
santé  des  ouvriers  et  ouvrières  employés  dans  les  établissements  qui  nous  occu- 
pent, et  dont  il  est  traité  au  mot  Blanchisseuses,  nous  avons  à  examiner  quelles 
sont,  au  point  de  vue  de  l'hygiène  publique,  les  inconvénients  des  lavoirs  et  quelles 
sont  les  précautions  à  prendre. 

Les  lavoirs  publics,  de  même  que  les  buanderies  ordinaires,  ont  des  inconvé- 
nients nombreux  lorsqu'ils  ne  sont  pas  établis  dans  de  bonnes  conditions,  et 
quand,  surtout,  ils  ne  sont  pas  suffisamment  éloignés  des  maisons  voisines  ; 
aussi  les  a-t-on  ranges  dans  la  troisième  classe  des  établissements  incommodes  et 
insalubres. 

Il  existe  à  l'intérieur  de  ces  établissements  une  buée  continuelle  qui  pénètre 
et  s'infiltre  dans  toutes  les  constructions  adjacentes,  les  dégrade  et  y  entretient 
une  humidité  qui  rend  certains  logements  inhabitables.  Aussi,  par  suite  de 
plaintes  des  voisins  et  de  poursuites  judiciaires,  plusieurs  propriétaires  d'éta- 
blissement de  ce  genre  ont-ils  été  forcés  de  les  fermer,  quelques-uns  ont  même 
été  condamnés  à  des  dommages-intérêts. 

11  convient  donc  d'exiger  qu'il  y  ait  un  isolement  complet  entre  les  lavoirs, 
buanderies,  coulerics  et  les  maisons  voisines,  au  moyen  d'une  cloison  qui  sépare 
le  lavoir  du  mur  mitoyen  par  un  espace  de  15  à  50  centimètres.  Cette  cloison  doit 
régner  sur  toute  la  hauteur  du  mur  mitoyen.  On  doit  prendre  extérieurement 
l'air  qui  doit  circuler  entre  cette  cloison  et  les  maisons  voisines.  Le  contre-mur  ^ 
sera  construit  en  briques  et  chaux  hydraulique.  Dans  le  cas  où  cette  opération  ne 
peut  être  faite  le  long  d'un  gros  mur  de  séparation,  on  construira  à  la  hauteur  > 
de  1  mètre  une  cloison  en  briques  de  Bourgogne  de  0"',11,  hourdées  en  ciment 
romain.  Enfin,  dans  certains  cas,  il  suffira  d'enduire  de  ciment  romain  à  la  hau- 
teur de  1  mètre,  le  pourtour  du  lavoir. 

Les  autres  conditions  générales  prescrites  sont  les  suivantes  : 

1"  Élever  la  cheminée  de  la  machine  à  vapeur  de  2  à  3  mètres  au-dessus  des 
maisons  voisines,  dans  un  rayon  de  50  mètres,  de  manière  que  ces  maisons  ne 
soient  pas  incommodées  par  la  fumée. 


104  LAVOIRS. 

2°  Didier  et  bitumer  le  sol  avec  une  pente  convenable  pour  l'écoulement  des 
eaux. 

5"  Diriger  les  eaux  par  un  conduit  souterrain  jusqu'à  l'égout  le  plus  rappro- 
ché. L'enlèvement  des  eaux  savonneuses  résultant  de»  lavoirs,  dans  les  localités 
où  il  n'existe  ni  égouts  ni  cours  d'eau  pour  les  recevoir,  constitue  une  des  causes 
les  plus  ordinaires  et  les  plus  graves  d'insalubrité.  Il  faut  alors,  ou  traiter  ces  eaux 
par  la  chaux,  ou  les  répandre  en  irrigation  sur  les  terres,  ou  les  vendre  pour  l'ex- 
iraction  des  matières  grasses.  Mais  on  ne  devra  jamais  en  permettre  le  séjour  sur 
la  voie  publique  ni  la  perte  dans  les  puisards.  Quelquefois,  et  par  exception,  on  a 
permis  que  les  eaux  fussent  recueillies  dans  une  citerne  étanche,  à  la  condition 
qu'elles  seraient  traitées  par  la  chaux  et  transportées  pendant  la  nuit  à  la  bouche 
de  l'égout  le  plus  voisin.  On  ne  doit  jamais  en  permettre  l'écoulement  dans  les 
cours  d'eau,  elles  causeraient  la  mort  du  poisson. 

4"  Établir  les  châssis  mobiles  destinés  à  la  ventilation  sur  les  côtés  opposés  aux 
maisons  voisines. 

6"  Couvrir  les  cuviers  d'un  large  couvercle  en  tôle,  et  les  surmonter  d'une 
hotte  communiquant  à  la  cheminée,  afin  de  donner  issue  à  la  buée. 

6"  Prendre  toutes  les  précautions  nécessaire  contre  l'incendie. 

7"  Détei^miner  les  places  en  laissant  entre  chaque  laveuse  l'intervalle  de  1 
mètre. 

8"  Pendant  les  gelées,  les  glaces  seront  soigneusement  cassées  et  l'on  sèmera 
de  la  cendre  ou  des  scories  dans  les  endroits  où  elles  tendent  à  se  former. 

9"  On  établira  des  lieux  d'aisances  convenablement  ventilés  à  l'usage  des 
laveuses. 

Si  ces  conditions  ne  peuvent  être  remplies,  si,  par  exemple,  les  bâtiments  sont 
trop  exigus  et  ne  permettent  pas  de  garantir  les  maisons  voisines  des  inconvé- 
nients de  la  buée  et  autres  vapeurs  ;  si  les  eaux  ne  peuvent  avoir  un  écoulement 
convenable  soit  par  l'absence  d'égout,  soit  par  le  mauvais  état  du  sol  de  la  voie 
publique  où  elles  entretiendraient  une  insalubrité  et  une  malpropreté  perma- 
nentes, l'autorisation  doit  être  refusée.  (Trébuchet,  Rapp.  gén.  sur  les  trav. 
ducons.  clliyg.  Paris,  1861,  in-4",  p.  475;  et  Vernois,  Traité prat.  dliyg.  indust. 
etadm.  Paris,  1860,  in-8°,  t.  II,  p.  144.) 

Bateaux-lwoirs.  Il  est  bien  évident  que  les  premiers  lavoirs  publics  ont  été  les 
bords  des  rivières  etdes  ruisseaux,  et  sans  remonter  à  l'exemple  classique  de  la  prin- 
cesse Nausicaa,  ce  que  l'on  voit  tous  les  jours,  dans  les  petits  villages,  le  démontre 
suffisamment.  Le  blanchissage  s'exécutait  autrefois  à  même  la  rivière  ;  de  Là,  des 
ordonnances  de  police  pour  régulariser  cette  industrie.  Ainsi  nous  trouvons  une  or- 
donnance en  date  du  1 0  juin  1666  qui  prescrit  aux  lavandières  de  ne  pas  laver  leur 
linge  dans  le  canal  de  la  rivière  qui  coule  le  long  de  la  place  Maubert,  rue  de  la 
liùcherie,  des  ponts  de  l'Hôtel-Dieu,  Petit-Pont,  pont  Saint-Michel  et  pont  Neuf,  de- 
puis Pâques  jusqu'à  la  Saint-Martin,  à  cause  de  l'infection  et  de  l'impureté  des 
eaux  qui  y  croupissent  et  sont  capables  de  causer  de  graves  maladies,  à  peine  du 
fouet  contre  les  lavandières  ;  mais  seulement  dans  le  courant  où  les  eaux  sont  pures 
et  salutaires,  etc.  (Delamarre,  Traité  de  la  police,  t.  II,  p.  490,  3^  édit,  Paris, 
17:27,  in-fol.)  Au  commencement  du  dix-huitième  siècle  ces  mêmes  ordonnances 
reparaissent,  seulement  la  peine  barbare  du  fouet  est  remplacée  par  l'amende  et  la 
prison. 

Le  système  des  lavoirs  sur  bateaux  fut  réorganisé  par  une  ordonnance  de  police, 
en  date  du  9  mai  1805,  qui,  entre  autres  prescriptions  telles  que  l'autorisation 


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Fis.  2. 
Légende. — Fig,  i,  Coupe  transversale  d'un  établissement  de  bains  et  lavoirs  (104  laveuses 
et  100  baignoires). 

FJg.  2.  a,  (i.  Lavoir  pour  104  laveuses.  —  b.  Essoreuses.  —  c.  Cabinets  d'aisance  ventiléj. 
—  d.  Buanderie.  —  e.  Essangerie.  —  f.  Salles  de  repassage  et  bécboirs.  —  g.  Fourneaux 
pour  les  fers  à  repasser.  —  h.  Séchoirs  à  air  ch^ud.—  l.  réservoirs  d'eau  froide.  — j.  chau- 
dières. —  k.  Cheminée.  —  /.  Descentes  aux  foyers  des  chaudières  et  séchoirs.  —  m.  Bains 
pour  '60  hommes.  —  n.  Bains  pour  50  femmes.  —  o.  gntrée  des  bains  de  1"  classe.  — p.  En- 
trée des  bains  de  2*  classe. 


106  LA  VOIS  1ER. 

préaluble,  stipule,  article  4  :  que  les  |)ermissions  de  tenir  bateaux  à  lessive  ne 
seront  accordées  qu'à  la  condition  qu'il  y  sera  réservé  des  places  où  les  indigents 
pourront  laver  leur  linge  sans  payer  aucune  rétribution,  le  préfet  se  réservant  de 
lixer  le  nombre  de  ces  places  en  proportion  de  la  grandeur  et  du  produit  présumé 
des  bateaux.  Article  5  :  Il  est  défendu  d'étendi-e  du  linge  sur  les  berges,  etc.  En 
1840  (25  octobre)  on  ajoute  à  ces  prescriptions  l'obligation  d'établir  des  cbemins 
solides,  garnis  de  garde-fous  à  liauteur  d'appui,  pour  faciliter  l'accès  de  ces  ba- 
teaux. Exiger  encore  que  les  bateaux  soient  solidement  amarres  et  munis  de 
cordes,  crocs,  perches,  etc.,  pour  porter  secours  en  cas  de  besoin.  Dans  le  même 
but  un  bacbot,  muni  de  ses  agrès,  devra  toujours  être  attaché  à  chacun  de  ces 
établissements,  et  les  propriétaires  sont,  en  outre,  tenus  d'avoir  constamment  à 
bord  de  leurs  établissements  un  gardien,  bon  nageur,  et  une  boîte  de  secours  en 
bon  état. 

Aujourd'hui,  les  bateaux  sont  organisés  à  l'instar  des  lavoirs  ;  lessivage  en 
commun  à  la  vapeur,  eau  chaude  à  5  centimes  le  seau  ;  prix  des  places,  tout  est 
semblable,  seulement  le  rinçage  se  fait  à  même  l'eau  courante.  La  plupart  de 
c:s  bateaux  appartiennent  à  des  compagnies  qui  les  font  tenir  par  des  gérants. 

E.  Beauguand. 

BiBLioGRAniiF:.  —  Bnth  and  Washhoiises  for  tke  JMbouring  Classes,  etc.  In  Lond.  Med. 
Journ.,  t.  XXYIi,  p.  1063  ;  1846: —  Bains  et  lavoirs  publics.  Rapp.  de  la  commiss.  instituée 
par  ordre  de  M.  le  Président  de  la  Republique.  Rapp.  de  MJI.  Pinède,  E.  Trélat  et  Gileem, 
I).\ncY,  VVooLcoTT,  De  SAnT-LKCM.  Paris,  1850,  in-i",  pi.  U.  —  Aran  {F.  A.).  Les  bains  et 
les  lavoirs  jmbhcs  In  Union  méd.,  1850,  p.  607.  —  Thompeo.  Cenni  .sui  hagni  et  lavatoj 
pubblici.  Torino,  1850.  —  Loi  relative  à  la  création  d'établissements  modèles  des  bains  et 
lavoirs  publics  (5  févr.  1851).— Bai.y  (P.  P.).  A  Statement  of  Ihc  Proceeding  of  thc  Co- 
miltee  appoinled  to  promotc  tlie  Establishments  of  Ballis  and  Washhouses,  etc.  Lond., 
18  >2.  —  Quelles  sont  les  règles  à  suivre  pour  rétablissement  des  bains  et  lavoirs  publics 
dans  les  principaux  centres  de  populalioti  (Compte  rendu  du  congr.  d'hyg.  de  Bruxelles). 
In  Ann.  dlujg.,  1"  sér.,  t.  XLYIU,  p.  453;  1852.  —  Tardieu.  Art.  Lavoirs.  In  Did. 
dlï'jg.  publique.  Paris,  1852.  cl  2°  édit.,  ibid.,  1864.—  Beiirend  (F.  J.).  Die  ôffent- 
liche  Bade  und  Waschanstalten,  ikr  Nutzen  und  Ertrag.  Berlin,  1854,  in-8.  —  Bourgeois 
d'Orya.vxe  (A.).  Bains  et  lavoirs  publics  à  prix  réduits.  Paris,  1854,  in-8°.  —  Liyois.  Bcs 
ctablissetnents  de  lavoirs  et  de  bains  publics,  au  point  de  vue  de  l'hygiène,  ttc.  Boulogne- 
sur-Mtr,  1857  g.  Bgd. 

LAV®lSîEra  (jEAN-Fr.AAçois),  médecin  fort  instruit  du  siècle  dernier  qui, 
après  avoir  été  chirurgien  des  hôpitaux  des  armées  du  roi,  se  retira  dans  la  ville 
d'Eu,  oii  il  pratiqua  la  chirurgie.  On  lui  doit  un  excellent  Dictionnaire  Icxicogra- 
phique  des  sciences  médicales,  avec  un  vocabulaire  des  termes  de  médecine 
grecs  et  latins,  ouvrage  qui  a  servi  de  modèle  à  ceux  qui  sont  venus  après. 

Voici  le  titre  de  cet  ouvrage  : 


"o^ 


Dictionnaire  des  termes  français  et  latins  de  médecine,  d'anatonnc,  de  chirurgie,  de 
pharmacie,  de  chimie,  d'histoire  ncdnrelle,  de  bolanique  et  de  physique.  Paris,  176i,  in-i2  • 
'^°  èd\\..,  m\.\i\x\<iG:  Dictionnaire  portatif  de  médecine,  d'anatomic,  ctc  Paris  1771  '>  vol* 
iii-I2;  5<=  édit.,  Paris,  1795,  in-8».  j;'_  ^^^[  "      " 

E^^'WBSIEK  (Aktoiine-Laurekt),  un  des  plus  grands  génies  que  la  France  ait 
produits;  c'est  le  créateur  de  la  chimie  moderne,  dont  il  peut,  à  juste  titre  être 
regardé  comme  le  Newton.  Lavoisier  naquit  à  Paris  le  IG  août  1745,  d'une  famille 
de  riches  négociants.  Après  de  brillantes  études  au  collège  Mazarin,  laissé  libre  sur 
sa  vocation,  il  se  livra  avec  ardeur  à  l'étude  des  sciences;  les  mathématiques,  la 
botanique,  la  géologie  l'occupèrent  tour  à  tour,  enthi  la  cbimie  devint  le  principal 
objet  de  ses  études.  Dès  les  premiers  pas,  il  mesure  la  porti'e  du  Lut  qu'il  s'est 


LAVOISIER.  107 

donné,  et  il  dispose  sa  vie  en  conséquence.  Il  lui  fallait  une  grande  po.>ition  de  for- 
tune; à  peine  îigé  de  ving-huit  ans,  déjà  membre  depuis  trois  ans  de  l'Acadérnie  des 
sciences,  il  sollicite  et  obtient  une  place  de  fermier  général,  et  épouse  la  lille  d'un 
de  ses  nouveaux  confrères.  Ses  travaux  de  finances  l'occuperont  tout  le  jour,  les 
matinées,  les  soirées  et  les  dimanches  seront  exclusivement  consacrés  à  la  chimie. 
Bientôt  les  recherches,  les  découvertes  se  succèdent  sans  interruption.  De  même 
qu'il  a  arrangé  sa  vie  pour  ses  occupations  diverses,  il  cherche  et  choisit  un  pro- 
cédé tout  nouveau  qui  va  lui  servir  de  guide  infailhble  dans  ses  études.  «  Rien  ne 
se  perd,  rien  ne  se  crée,  a-t-il  dit;  la  matière  reste  toujours  la  même;  il  peut  y 
avoir  des  transformations  dans  sa  forme,  mais  d  n'y  a  jamais  d'altération  dans  son 
poids.  »  Tel  est  son  point  de  départ;  quel  sera  son  critérinm?  La  balance,  dont, 
par  un  ensemble  de  précautions  minutieuses,  il  rend  l'emploi  d'une  rigueur  ma- 
thématique. t(  Pour  lui,  dans  toute  réaction  chimique  désormais,  les  produits  for- 
més doivent  peser  autant,  et  pas  plus,  que  les  produits  employés.  Si  cette  condi- 
tion d'égalité  ne  se  manifeste  pas,  c'est  que  la  chimie  n'a  pas  tout  su  recuedlir,  ou 
bien  qu'elle  a  méconnu  l'intervention  de  quelque  corps  occulte.  La  balance  vous 
apprend  donc  à  l'instant  qu'il  faut  retrouver  le  produit  perdu  ou  reconnaître  lu 
nature  des  causes  qui  viennent  compliquer  l'expérience.  Son  application  à  l'étude 
des  phénomènes  naturels  devait  donc  révolutionner  la  chimie  et  pouvait  seule  la 
révolutionner.  »  (Dumas,  Leçomsur  la  philosophie  chimique,  p.  120,  Paris,  1827, 
in-8».) 

Nous  n'avons  pas  à  examiner  ici  en  détail  la  série  des  belles  découvertes  deLavoi- 
sier,  l'ordre  merveilleux  qui  les  rattache  l'une  à  l'autre,  l'invincible  ténacité  avec 
laquelle  il  les  poursuit  jusqu'à  démonstration  complète,  évidente,  incontestable; 
comment,  laissant  de  côté,  sans  la  discuter,  la  théorie  de  Stahl,  qui  tenait  encore 
sous  son  joug  les  chimistes  français  et  étrangers,  il  ne  s'en  occupe  à  la  fui  que 
pour  la  montrer  renversée,  anéantie  à  tout  jamais.  Tout  cela  a  été  exposé  avec  une 
précision,  une  éloquence  à  la  hauteur  du  sujet,  par  le  juge  si  autorisé  auquel 
j'empruntais  tout  à  l'heure  quelques  lignes,  notre  illustre  Dumas.  Du  reste,  cet 
ensemble  merveilleux  de  faits,  la  doctrine  qui  les  relie,  les  rapports  de  celle-ci 
avec  les  doctrines  antérieures,  les  modihcations  qu'elle  a  éprouvées,  etc.,  seront 
mieux  à  leur  place  dans  l'article  consacré  à  l'histoire  de  la  chimie.  [Yoy.  Chimie, 
Histoire.)  Nous  allons  seulement  donner  ici  le  résumé  des  idées  de  Lavoisier,  tel 
qu'd  l'a  lui-même  formulé,  dans  ce  style  aphoristique  dont,  seuls,  les  hommes  de 
génie  possèdent  le  secret.  «  Le  phlogistique  n'existe  pas;   l'air  du  feu,  l'air  dé- 
phlogistiqué  est  un  corps  simple  ;  c'est  lui  qui  se  combhie  avec  les  métaux  que 
vous  calcinez  ;  c'est  lui  qui  transforme  le  soufre,  le  phosphore,  le  charbon  en 
acides;  c'est  lui  qui,  dans  la  respiration  des  animaux,  change  le  sang  veineux  en 
sang  artériel,  en  même  temps  qu'il  développe  la   chaleur  qui  leur  est  propre; 
il  forme  partie  essentielle  de  la  croûte  du  globe   tout   entière,  de  l'eau,  des 
plantes  et  des  animaux  ;  présent  dans  tous  les  phénomènes  naturels,  sans  cesse 
en  mouvement,  il  revêt  mille  formes,  mais  je  ne  le  perds  jamais  de  vue  et  puis 
toujours  le  faire  reparaître  à  mon  gré,  quelque  caché  qu'il  soit.  Dans  cet  être  éter- 
nel, impérissable,  qui  peut  changer  de  place  mais  qui  ne  peut  rien  gagner  ni  rien 
perdre,  que  ma  balance  poursuit  et  retrouve  toujours  le  même,  il  faut  voir  l'image 
de  la  matière  en  général  ;  car  toutes  les  espèces  de  matière  partagent  avec  lui  ces 
propriétés  fondamentales  et  sont,  comme  lui,  éternelles,  impérissables;  elles  peu- 
vent, comme  lui,  changer  de  placg,  mais  non  de  poids,  et  la  balance  les  suit  sans 
peine  à  travers  toutes  leurs  modifications  les  plus  surprenantes.  »  Ainsi  Lavoisier 


1(J8  LAWRENCE. 

n'avait  pas  seulement  tiouvé  les  faits,  mais  ii  avait  encore  trouve  la  méthode  et 
jusqu'à  ce  jour  on  n'a  pu  que  marcher  dans  la  même  voie. 

Outre  cette  suite  de  recherches  sur  les  théories  chimiques,  Lavoisier  a  publié 
quelques  autres  travaux  où  il  a  laissé  l'empreinte  de  son  génie  sévère  et  mé- 
thodiiiue.  Ainsi,  dès  1765,  il  avait  obtenu  une  médaille  d'or  pour  ses  recherches 
sur  l'éclairage.  Son  traité  sur  les  salpêtres  a  longtemps  servi  de  guide  profes- 
sionnel; on  connaît  son  beau  travail  avec  Laplace  sur  la  chaleur  latente.  Sou  ou- 
vrage d'économie  politique  sur  la  production  et  la  consommation,  en  regard 
avec  la  population;  un  autre  sur  la  richesse  territoriale,  attestent  la  variété  de  ses 
connaissances  et  ses  prodigieuses  aptitudes. 

Pourquoi  faut-il  que  le  fanatisme  politique,  non  moins  cruel,  non  moins  stu- 
pide  que  le  fanatisme  religieux,  ait  tranché  le  cours  d'une  si  belle  existence.  Com- 
pris dans  l'accusation  portée  contre  les  fermiers  généraux,  Lavoisier,  malgré  les 
services  réels  qu'il  avait  rendus  au  peuple  dans  l'exercice  de  ses  fonctions,  fut 
condamné  à  mort  et  exécuté  le  8  mai  1794,  sans  que  Ion  voulût  faire  droit  au 
sursis  qu'il  avait  demandé  pour  mettre  en  ordre  ses  papiers  et  terminer  quelques 
expériences. 

A  part  la  série  de  mémoires,  au  nombre  de  plus  de  quarante,  qui  ont  été  pu- 
bhés  presque  tous  ])armi  ceux  de  l'Académie  des  sciences,  Lavoisier  avait  fait  pa- 
raître les  ouvrages  suivants  : 

I.  Opuscules  physiques  et  chimiques.  Paris,  1774,  2  vol.  in-S».  —  II  Instruction  sur  les 
nitrières  et  sur  la  fabrication  du  salpêtre.  Paris,  1777,  in-8°  et  ibid.,  1794,  in-8°.  —  III. 
Traite  élcmcntnirc  de  chiniic.  Paris,  1789,  '2  vol.  in-S";  2=  édit.,  Paris,  1793,  2  vol. 
in-S",  etc.  —  IV.  Delà  richesse  territoriale.  Paris,  1791,  iii-8°.  —  V.  Mém.  de  chimie 
publiés  par  madame  Lavoisier.  Paris,  1805,  2  vol.  in-S".  —  Une  édition  des  Œuvres  com- 
plètes de  Lavoisier  est  en  voie  de  publication.  E.  Bgd. 

LA1VREMCE  (WiLLiAJi),  un  des  plus  illustres  chirurgiens  anglais  contempo- 
rains, était  né  le  1(5  juillet  1785,  à.Cirensester,  dans  le  Gloucestersliire,  oii  son 
père  exerçait  la  chirurgie.  Après  d'excellentes  études  classiques,  William  Lawrence 
fut  mis  à  Londres  sous  la  direction  d'Abernethy,  qui  sachant  apprécier  le  mérite 
et  les  talents  précoces  de  son  disci[)le,  le  fit  entrer  comme  démonstrateur  d'anatomie 
à  l'hôpital  Saint-Barthélemi  au  bout  de  trois  années  d'études,  place  qu'il  conserva 
douze  ans,  à  la  grande  satisfaction  et  au  grand  profit  des  élèves.  Reçu  membre  du 
Collège  de  chirurgie  le  6  septembre  1805,  il  fut  nommé,  en  1813,  chirurgien- 
adjoint  de  ce  même  hôpital  Saint-Ëarthélemi  et,  la  môme  année,  il  était  élu 
membre  de  la  Société  royale.  Dès  lors,  nous  le  voyons  s'élever  rapidement  :  en  1814, 
il  est  à  l'intirmerie  ophthalmologique  et,  en  1815,  il  obtient  la  position  lucra- 
tive de  chirurgien  de  l'hôpital  de  Bridewel  et  Bethlem;  il  faisait  en  même 
temps  des  cours  d'anatomie  et  de  physiologie  qui  attiraient  un  grand  concour:^ 
d'élèves. 

Ici  se  place  un  épisode  qui  n'est  pas  sans  analogie  avec  certaine  circonstance  de 
la  vie  de  Lalleniand  que  nous  avons  racontée.  {Voy.  L.«lllemand,p.  184  )  Lawrence 
avait  fait  paraître,  en  1819,  ses  leçons  de  physiologie,  dans  lesquelles  il  déclarait 
((  que,  de  même  que  la  digestion  est  une  fonction  de  l'appareil  digestif,  que  le  mou- 
vement est  une  fonction  des  muscles,  de  même  les  facultés  intellectuelles  sont  des 
fonctions  animales  de  l'appareil  organique  approprié,  l'organe  central  du  système 
nerveux.  »  il  n'en  fallait  pas  davantage  pour  exciter  le  zèle  intolérant  des  dévots 
ou  prétendus  tels.  Lawrence  fut  accusé  de  matérialisme,  de  professer  des  doctrines 
subversives,  etc.,  etc.  Vainement,  dans  ses  réponses  à  son  ancien  maître  Aber- 


LAYARD.  109 

nethy,  qui  avait  cru  devoir  se  joindre  à  ce  concert,  Lawrence  déclara  qu'il  n'avait 
examiné  les  choses  qu'au  point  de  vue  exclusivement  physiologique,  réservant  la 
question  du  principe  immatériel.  Trop  de  mauvaises  passions  se  trouvaient  cacliées 
sous  le  masque  de  la  rehgion  et  de  la  morale  pour  que  l'on  voulût  seiendro. 
Menacé  de  perdre  sa  position  de  chirurgien  à  l'hôpital  de  Bridewell,  Lawrence, 
sans  y  être  cependant  forcé  par  la  même  nécessité,  fit  comme  Galilée,  il  céda... 
Dans  une  lettre  devenue  publique,  il  reconnaît  que  certains  passages  de  ses  leçons 
sont  inconvenants  {improper),  et  il  promet  de  retirer  son  livre  de  la  circulation. 
On  a  dit  qu'il  avait  envoyé  en  Amérique  ce  qui  restait  de  l'édition,  mais  son  lils  a 
tout  récemment  démontré  qu'il  y  avait  eu  là  une  spéculation  à  laquelle  AVilliam 
Lawrence  était  resté  étranger.  Une  autre  circonstance  a  permis  d'apprécier  le  peu 
de  fermeté  du  caractère  de  ce  grand  chirurgien.  Après  avoir  attaqué  avec  violence 
le  (lonseil  royal  de  chirurgie  et  la  pérennité  des  fonctions  du  corps  des  examina- 
teurs, il  s'y  fit  agréger  quelque  temps  après  et  conserva  ces  fonctions  presque  jus- 
qu'à sa  mort.  C'était,  a-t-on  fait  observer,  pour  y  introduire  d'utiles  améliorations  ! 

Malgré  son  grand  et  incontestable  mérite,  Lawrence  ne  paraît  pas  avoir  joui, 
auprès  de  ses  compatriotes,  d'un  crédit  à  la  hauteur  de  sa  réputation  à  l'étranger, 
et  Benj.  Brodie  l'emportait  sur  lui  dans  la  confiance  publique. 

Lawrence  appartenait  à  un  grand  nombre  de  sociétés  savantes  nationales  et 
étrangères,  et  il  par\int  aux  plus  grandes  dignités  auxquelles  puisse  aspirer  un 
chirurgien.  11  fut  deux  fois,  en  1846  et  en  1855,  président  du  collège  de  chirurgie, 
premier  chirurgien  [sergeant  Surgeon)  de  la  reine,  et  peu  de  temps  avant  sa 
mort  il  avait  été  créé  baronnet.  Lawrence  fut  enlevé  par  une  seconde  attaque  d'apo- 
plexie, le  5  juillet  1867,  à  l'âge  de  84  ans. 

Voici  la  note  de  ses  principaux  ouvrages  : 

I.  Treatise  on  Hernia ;  being  an  Essmj,  etc.  (ouvr.  cour,  par  le  Collège  de  chir.  en 
1806).  Lond.,  1807,  in-8»;  2=  édit.,  iLid  ,  1810,  m-8<>;  5-=  édit.,  ibid.,  1810  in-8»,  etc.  frad. 
allem.,  ital  ;  trad.  en  français  par  Béclard  et  Jules  Cloquet.  Paris,  1818,  in-8°.  —  II.  Intro- 
duction to  Comparative  Anatomy.  Lond.,  1816,  in-8°.  —  III.  Lectures  on  Plujsioloijy,  Zoo- 
logij  and  Natural  Eistory  of  Man.  Loiid.,  1819,  in-8°  (devenu  excessivement  rare.  Il  y  a  eu 
depuis  plusieurs  édition^,  mais  expurgées).— IV.  A  Treatise  on  Venereal  Diseases  of  the  Eye. 
Lond.,  1830,  in-8°  trad.  allem.  —  V.  Treatise  on  the  Diseases  of  the  Eye.  Lond.,  1853,  in-8.; 
2«é.,it.,ibid.,  18il,  in-8°.  —  VI.  Hunterian  Oration.  Lond.,  1854  et  1846,  i'n-8°.  —  VII.' 
lectures  onSurgenj.  Lond.,  1803,  in-8\  —  VIII  Un  très-grand  nombre  d'articles  publiés 
dans  les  diflérents  recueils  anglais  et  notamment  dans  le  Journal  d'Edimbourg,  dans  les 
Transactions  de  Londres,  mais  surtout  dans  la  Lancet  où  ses  leçons  étaient  fréquemment 
reproduites.  C'est  là  qu'il  lit  paraître  d'abord  ses  le.Oiis  sur  les  maladies  des  yeux,  traduites 
en  français  par  Billard  sous  le  titre  :  Traité  pratique  des  maladies  des  yeux.  Paris,  1850 
in-8°.  —  IX.  On  lui  doit  aussi  une  traduction  de  Tanatomie  comparée  de  Blumenbach.' 
Lond.,  1807,  in-8°.  E.  Bgd. 

LAWSOKIA.    (Voy.  Henné.) 

LAXitTiFS.  Ce  sont  comme  le  mot  l'indique,  des  relâchants,  tels  que  le 
miel,  la  mauve,  la  cassonnade,  plutôt  que  des  substances  purgatives.  Les  considé- 
rations générales  auxquelles  peuvent  donner  lieu  les  médicaments  susceptibles  de 
rendre  les  garde-robes  plus  fréquentes  et  plus  liquides  seront  placées  au  mot 
Purgatifs. 

LJtTABD  (Daniel-Peter),  médecin  anglais,  né  à  Greenwich,  reçu  docteur  à 
Oxford  et  mort  le  5  février  1802  ;  se  fit  une  belle  réputation  à  Londres  dans  la 
seconde  moitié  du  siècle  dernier.  Il  occupait  les  éminentes  positions  de  médecin  de 


HO  LEAMIINGTON   (eaux  minérales  pe). 

la  princesse  douairière  de  Galles,  de  vice-président  de  la  maison  d'accouchements 
de  Greeiiwicli,  directeur  de  l'hôpital  français,  etc. 
On  lui  doit  les  opuscules  suivants  : 

I.  Ofa  Fracture  of  tlic  Os  Ilium  and  Us  Cure.  In  Phil.  Transact.,  1745,  et  Abridg., 
t  IX,p.  lis.  —  W.OfaWomen  who  liad  an  Extraordinary  Impostume  formed  in  lier 
Stomach.  Ibid.,  1750.  Abr.,  t.  X,  p.  29.  —  III.  AnEssa^j  on  thc  Nature  Causes  and  Cure 
of  tke  Contacjious  Distemper  among  the  Horncd  Catlle,  etc.  Lond  ,  1757,  in-8°.  —  IV.  Oh 
the  Uscfulness  of  Inoculation  of  the  horncd  Cnltle  to  prevcnt,  etc.  Ibid.,  1758,  et  Alir., 
t  XI,  p.  206.  —  V.  An  Extraordincmj  Case  of  diseascd  Eije.  Ibid.,  p.  274.  —  VI.  Essmj 
on  the  Bile  of  Mad  Dog.  Lond.,  1762,  in-8°.  —  VU.  Pharmacopœia  imman  gravidanm, 
j)uerperarum,  etc.  Lond.,  177G,  in-8°.  "  E.  Bon 

LAZARETS.  [Voy .  SANITAIRES  (Mesures).] 

LEAKE  (John),  né  à  Ainstable,  près  de  Kirkoswald,  dans  le  Cumberland,  vers 
1720.  U  se  destinait  d'abord  à  l'état  militaire,  mais  craignant  de  ne  pas  y  trouver 
un  avancement  assez  rapide,  il  se  livra  à  l'étude  de  la  médecine,  se  fit  admettre 
à  Londres,  dans  la  corporation  des  chirurgiens,  et  se  distingua  surtout  dans  l'art 
obstétrical;  c'est  à  lui  que  l'on  doit  la  création  de  la  maison  d'accouchements  de 
Westminster.  Un  forceps  à  trois  branches,  de  son  invention,  et  dont  il  vantait 
les  avantages,  n'a  pu  prévaloir  contre  celui  de  Levret.  Il  a  donné  après  Hulme 
une  des  premières  et  des  meilleures  descriptions  de  la  fièvre  puerpérale.  Reje- 
tant formellement  les  hypothèses  de  la  résorption  du  lait  corrompu  dans  les 
mamelles,  de  la  sujjpression  des  lochies,  et  de  l'inflammation  de  l'utérus,  il  re- 
garde cette  maladie  comme  une  affection  tout  à  fait  spéciale  (Diseuse  of  a  peculiar 
nature,  and  dist met  o fait  others).  Leake  mourut  à  Londres  le  1"  août  1792. 

Il  a  j)ublié  les  ouvrages  suivants  : 

I.  Dissert,  on  the  Properties  and  Efftcacy  of  the  Lisbon  Dietdriiik.  Lond.,  1757,  in-8°, 
et  ibid.,  1790,  in-8°. — II.  Praciical  Observations  on  thc  Childbed  Fever  :  also  on  the  Nature, 
Treatment,  etc.  Lond.,  1772,  in-8°.  —  III.  A  Lecture  Introductory  to  the  Theory  and  Prac- 
lice  of  Midwifery,  etc.  Ibid.,  1774,  in-4'',  etc.  —  IV.  Practical  Observations  on  the  Acule 
Diseases  incident  to  Woincn,  ibid.,  1774,  in-4°.-  V.  Introduct.  to  the  Theory  and  Praclice, 
etc.,  to  which  is  added  a  Description  of  the  Autliofs  New  Forceps,  etc.  Lond.,  1777,  in-S», 
iig.  ;  plus,  autres  édit.  —  VI-  Médical  Instruction  iou'ards  the  Prévention,  and  Cure  of 
Chronic  and  other  Diseases  peculiar  to  Wo7nen.  Ibid.,  1777,  et  plus.  édit.  Trad.  ail.,  Leipzig-, 
1793,  in-8°. — Vil.  Spécimen  artis  obstetricarice  ;  being  a  Syllabus,  or  General  Ilcad,  etc. 
Ibid.,  1787,  in-S». — VIII.  A  practical  Essay  on  the  Diseases  ofthe  Viscera, particularly,  elc, 
Ibid.,  1792,  in-8°.  E.  Bgd. 

LEAMiRiGTOi^  (Eaux  MINÉRALES  de)  protothermales  ou  lujpothermales,  jw- 
hpnétaUites  fortes,  carboniques  ou  sulfureuses  faibles,  en  Angleterre,  dans  le 
Warwicksliire,  sur  la  Lcam  ;  cette  ville  compte  aujourd'hui  20,000  habitants, 
quand,  en  1811,  elle  en  avait  500  à  peine;  elle  est  à  65  mètres  au-dessus  du  ni- 
veau de  la  mer.  La  température  la  plus  élevée  de  toute  l'année  est  de  25°  centi- 
grade, la  moyenne  de  8°, 8  centigrade  et  la  plus  basse  de  5°  centigrade  au-dessous 
de  zéro.  (Le  chemin  de  fer  de  Great-Western  conduit  en  trois  heures  de  Londr(S 
à  Lcamington.)  La  ville  est  nouvelle  et  bien  bâtie;  ses  rues  sont  plantées  et  lar- 
ges comme  des  boulevards.  Les  arbres  sont  magnifiques;  les  ormes  surtout  sont 
d'une  énorme  grosseur.  Les  jardins  publics  et  prives  sont  remarquablement  tenus 
et  très-grands  :  celui  qui  est  derrière  l'hôtel  des  bains  de  lord  Aylesford  est  entouré 
d'une  belle  grille.  Ses  gazons  et  ses  arbustes  ont  une  verdure  qui  réjouit  la  vue; 
un  orchestre  y  fait  tous  les  jours  de  la  musique.  Le  docteur  Jefferson  ayant  gagné 
une  immense  fortune,  a  fait  don  à  sa  ville  natale  du  jardin  qui  est  en  face  de  celui 


LEAMINIITON   (eaux  minérales  de).  111 

de  lord  Âylesford  :  il  est  plus  spacieux;  encore  et  la  haie  vive  qui  l'entoure  a  plus 
de  500  mètres  de  lon"iieur.  La  saison  dure  toute  Tannée  à  Leaminaton  :  mais  ce 
poste  minéral  est  surtout  fréquenté  pendant  la  cliasse  aux  renards,  commençant 
au  mois  de  novembre  et  finissant  au  mois  d'avril. 

Cinq  sources  alimentent  les  diverses  parties  de  l'établissement;  elles  se  nom- 
ment :  1"  Lord  Aylesford' s  Spring  (source  de  lord  Aylesford);  2"  Pump  Boom 
(Chambre  de  la  pompe);  5"  Wood's  Spring  (source  de  Woodj;  4:°Hudsûns  Spring 
(source  d'Hudson);  5°  Alexandra  Spring  (source Âlexandra). 

1"  Aylesford' s  Spring  est  la  plus  anciennement  connue  ;  elle  émerge  difns  un 
puits  du  sous-sol  de  la  maison  des  bains.  Elle  est  claire,  limpide,  transparente, 
sans  odeur,  d'une  saveur  amère  assez  désagréable,  rappelant  très-bien  celle  d'une 
solution  pharmaceutique  faite  avec  parties  égales  de  sulfate  de  soude  et  de  chlo- 
riu'e  de  sodium.  Sa  réaction  est  franchement  alcaline,  sa  température  est  de 
23", 4  centigrade,  celle  de  l'air  étant  de  25°  centigrade.  Elle  ne  contient  aucune 
bulle  gazeuse  et  elle  ternit  assez  promptement  les  verres.  L'analyse  chimique  de 
1000  grannnes  d'eau,  faite  en  1862  par  M.  le  docteur  Patrick  Brown  a  donné  les 
résultats  qui  suivent  : 

Sulfate  de  soude • 5,9929 

Chlorure  de  sodium 5,i"245 

—  calcium 2,8o98 

—  magnésium 1,2335 

Silice,  peroxyde  de  fer. 


lodure  et  bromure  de  sodium  ' 

Total  des  matij^res  fixes 11,5123 

Sur  une  pinte  anglaise  égalant  0''',5679;  l'eau  minérale  de  Leamington  ren- 
ferme : 

I  Acide  carljoni(iue.     3  pouces  cubes  anglais  =  49,1610  cent,  cubes. 

Gaz  <  Azote )  .  -, , 

(  Oxygène ]  f^"'^'°  quanUto. 

L'eau  de  la  Saline  Spring  de  l'établissement  de  lord  Aylesford  alimente  la  bu- 
vette intérieure,  la  buvette  extérieure,  les  bains  particuliers,  la  piscine,  les  étuves 
et  les  bains  turcs.  La  pièce  d'entrée  et  ses  deux  galeries  supérieures,  une  à  chaque 
bout,  servent  à  la  fois  de  buvette  et  de  salle  de  bal  et  de  concert.  L'un  des  robi- 
nets de  la  buvette  verse  l'eau  à  la  température  de  la  source  ,  l'autre,  cette  même 
eau  chauffée  au  bain-marie  et  élevée  à  51"  centigrade.  Elle  se  trouble  aloi^s,  elle 
devient  rouillée  et  elle  incruste  beaucoup  plus  l'intérieur  des  conduits  et  des 
vases.  La  buvette  extérieure  ou  buvette  des  pauvres  est  dans  Victoria  Terrace. 

Lss  cabinets  des  bains  isolés  se  trouvent  au  rez-de-chaussée  ;  ils  sont  tous  pré- 
cédés d'un  beau  vestiaire,  éclairés  et  ventilés  par  leur  partie  supérieure.  Leurs 
dimensions  sont  très-convenables  et  chacun  d'eux  a  une  baignoire  un  pou  enfoncée 
dans  le  sol,  d3  façon  à  ne  faille  saillie  que  de  55  centimètres  au-dessus  de  l'aire 
des  cabinets;  les  parois  intérieures  des  baignoires  sont  émaillées.  Trois  robinets 
versent  l'eau  chaude  ou  froide  par  le  fond  de  la  baignoii\\  On  a  indiqué  la 
djslination  de  chacun  des  robinets  sur  une  plaque  de  porcelaine  blanche,  on  a 
écrit  sur  celle  de  gauche  :  wasle  (tuyau  d'écoulement  pour  vider  la  baignoire), 
sur  celle  du  milieu  hot  (chaud),  et  sur  celle  de  droite  coW  {froid).  Un  corridor 
sépare  l:s  cabin-  ts  de  bains  d'eau  de  la  pièce  de  la  piscine.  Trois  jets  d'eau 
minérale,  d'un  centimètre  de  diamètre  chacun  ,  jaillissent  au-dessus  d'une 
vasque  s^mi-lunaire  à  huit  écbancrures  et  entretiennent  l'eau  courante  à  la  tem- 
p 'rai lire  de  la    sou'ce  et  toujours  à  la  mèm"  hauteur.  Trois  ouvertures  é^ale 


.s 


112  LEAMINGTON  (eaux  minérales  le). 

ont  été  pratiquées  au  côté  oppose  de  la  piscine  pour  l'écoulement  du  trop-plein. 
Le  bain  commun  d'Aylesford's  Bath  a  20  mètres  de  longueur,  8  mètres  25  cen- 
timètres de  largeur  et  de  1  à  2  mètres  de  profondeur.  Ses  parois  latérales  sont 
de  faïence  émaillée;  son  fond  est  enduit  d'asphalte.  Des  trottoirs  également 
d'asphalte,  de  briques  et  d'ardoises,  conduisent  aux  quatorze  vestiaires  établis 
tout  autour,  à  1  estrade  d'où  s'élancent  les  plongeurs,  et  aux  trois  escaliers 
qui  descendent  à  la  piscine.  L'eau  de  cette  piscine  a  7i¥  centigrade,  elle  est  jau- 
nâtre et  n'a  plus  la  même  limpidité  qu'à  la  source,  ce  qui  tient  à  la  rouille  qui  se 
préci[jjte  et  altère  sa  transparence. 

Chacun  des  trois  cabinets  d'étuves  se  compose  de  trois  compartiments  ainsi 
disposés  :  une  pièce  d'entrée  dont  la  température  est  de  'h¥  centigrade,  avec 
table  de  marbre  pour  ceux  qui  veulent  être  massés;  une  pièce  du  miHeu  où 
le  thermomètre  monte  à  51  "centigrade  et  oi!i  un  filet  d'eau  minérale  à  la  tempé- 
rature de  la  source  jaillit  d'un  rocher  artificiel  pour  que  les  baigneurs  puissent  se 
l'afraîchir  la  figure  et  la  tète,  s'ils  se  sentent  un  peu  congestionnés.  Des  cadres  de 
bois  et  des  bancs  de  marbre  blanc  sont  à  la  disposition  de  ceux  qui  veulent  s'as- 
seoir ou  se  coucher.  Enfin,  un  troisième  cabinet  est  garni  d'ajutages  de  douches 
froides,  de  sièges  mobiles  et  de  lits  de  repos.  La  température  de  cette  dernière 
salle  est  de  38°  centigrade.  Les  étuves  d'Aylesford  sont  éclairées  par  leur  partie 
supérieure,  chacun  de  leurs  cabinets  est  à  peu  près  carré  et  a  4  mètres  de  côté. 

Les  bains  turcs  se  donnent  dans  un  très-belle  et  très-vaste  salle  de  6  mètres 
carrés,  éclairée  à  la  fois  par  les  côtés  et  par  la  partie  supérieure  de  son  dôme  de 
20  mètres  de  hauteur.  L'architecture  de  cette  salle,  les  mosaïques  de  son  pavé, 
ses  verres  de  couleur,  ses  divans,  ses  lits,  son  ameublement  enfin,  sont  en  har- 
monie avec  la  destination  et  les  coutumes  du  pays  auquel  on  a  emprunté  ces  usa- 
ges balnéaires. 

2"  Pump  Room.  Son  puits  est  à  10  mètres  au  sud  de  l'établissement  d'Ayles- 
ford, dans  la  partie  voisine  de  la  Leam,  dont  l'eau  n'est  pas  à  plus  de  6  mètres  de 
distance.  Une  autre  source  légèrement  sulfureuse  se  mêle  à  Feau  de  Pump  Room 
et  l'on  a  donné  à  ces  deux  filets  un  captage  distinct.  L'eau  du  puits  de  Pump  Room 
a  les  mêmes  caractères  physiques  et  chimiques  que  ceux  de  la  source  Aylesford, 
seulement  son  goût  est  presque  nul;  sa  température  est  de  dO^jS  centigrade, 
celle  de  l'air  étant  de  25°, 4  centigrade.  Cette  eau  n'a  point  encore  été  analysée. 

3"  Wood's  Spring.  La  source  de  Wood  est  à  50  mètres  de  la  buvette  d'Ayles- 
ford. Son  eau  a  un  goût  beaucoup  plus  désagréable  que  celui  de  toutes  les  autres 
sources  de  Leamington  ;  elle  semble  plus  sulfatée  et  moins  chlorurée.  Sa  tempé- 
rature est  de  21", 2  centigrade  :  sa  densité  n'est  pas  connue  et  son  analyse  chimi- 
que n'a  pas  été  faite.  L'eau  de  Wood's  Spring  alimente  :  la  buvette  où  deux 
robinets  distribuent  l'eau  à  la  température  de  la  source  ou  chauffée  au  bain- 
marie  à  la  volonté  du  public  ;  cinq  cabinets  de  bains  dont  les  baignoii^es  dou- 
blées de  carreaux  de  faïence  sont  en  contre-bas  du  sol.  Un  bassin  percé  de  trous 
et  placé  au-dessus  de  chaque  baignoire  sert  à  l'administration  des  douches  en 
pluie  et  alimente  les  ajutages  des  douches  en  lames,  en  jet,  etc.,  etc.  Un  appareil 
de  bain  de  vapeur  par  encaissement  se  trouve  aussi  dans  chacun  des  cabinets. 

4°  Hudsons  Spring.  L'établissement  nouveau  alimenté  par  ces  sources  est  sous 
le  pont  du  chemin  de  fer  qui  passe  au-dessus  de  la  rue  de  la  fontaine  Alexandra. 
Ces  deux  sources  dont  l'une  se  nomme  :  source  Saline  et  l'autre  so2<rce  Sulfureuse, 
ont  leurs  points  d'émergence  au  bout  de  l'allée  qui  conduit  à  l'intérieur  de  la 
maison.  La  source  Saline  a  son  griffon  dans  un  puits  de  20  mètres  de  profondeur- 


Gaz 


LEAMINGTO.N   (b.u's  minér.vles  pe).  U5 

son  eau  claire,  lim}>icle  et  transparente,  est  incolore  et  inodore;  son  goût  est  salé  ; 
sa  réaction  est  alcaline  et  sa  température  de  18"  centigrade.  Son  analyse  chimique 
n'a  point  été  faite.  La  source  Sulfureuse  sort  de  la  terre  de  bas  en  haut  à  un 
mètre  plus  loin,  et  sou  eau  a  les  mêmes  caractères  que  ceux  de  la  source  Saline, 
à  rexceptiou  de  son  odeur  d'œufs  pourris  et  de  sa  saveur  hépatique  très-désagréa- 
ble. Sa  température  est  de  16°,1  centigrade.  L'analyse  chimique  de  l'eau  de  la 
source  Sulfureuse  d'Hudson,  faite  par  Patrick  Brown,  a  donné  par  1000  grammes 
d'eau  les  principes  suivants  : 

Sulfate  (le  soude 5,1967 

Chlorure  de  sodium 2,85"23 

—  calcium 1,7112 

—  magnésium 1,0245 

Total  des  matièfies  fixes 8,7847 

Le  protoxyde  de  fer,  les  iodure  et  bromure  de  sodium  s'y  trouvent  en  propor- 
tion très-minime. 

L'eau  de  la  source  Sulfureuse  d'Hudson  renferme  encore  dans  une  pinte  anglaise 
égalant  0'",5679  : 

Hydrogène  sulfuré  .  .  .  1,144  pouces  cubes  =  18,7467cc. 

Acide  carljonique  .   .   .   .  3,136  —  =  51,71 65cc. 

Oxygène 0,023         —  =    0,40!*6cc. 

Azote 0,423         —  =    0,9644cc. 

Total  des  gaz.  .  .   .     4,750  pouces  cubes  =  71,8370cc. 

L'établissement  des  bains  d'Hudson  se  compose  d'une  buvette  et  d'un  seul  ca- 
binet de  bains  d  eau  minérale.  La  buvette  a  deux  i^obinets  ;  l'un  verse  l'eau  de 
la  source  Saline,  l'autre  celle  de  la  source  Sulfureuse.  La  salle  contenant  une 
seule  baignoire  sans  douche  et  sans  appareil  à  bain  de  vapeur,  compose  toute 
l'installation  balnéaire  de  l'établissement  d'Hudson.  Cette  pièce,  précédée  d'un 
très-grand  vestiaire,  a  une  baignoire  en  conire-bas  du  sol;  elle  est  doublée  de 
carreaux  de  faïence.  Deux  robinets,  dont  l'un  apporte  l'eau  saline  préalablement 
chauffée,  et  l'autre  l'eau  sulfureuse  à  la  températui'e  de  la  source,  sont  fixés  au- 
dessus  de  la  baignoire. 

5"  Alexandra  Spi'ing.  L'eau  de  la  source  Alexandra  est  exclusivement  em- 
ployée en  boisson.  Elle  alimente  une  fontaine  publique  dont  la  construction  date 
de  1865.  Son  eau  n'a  pas  été  analysée. 

Mode  D'ADJihMSTPwUiOiX  et  doses.  Le  mode  de  l'administration  et  les  doses  des 
diverses  sources  de  Leaniingtou  n'ont  rien  de  spécial.  Deux  verres  de  200  grammes 
chacun  sont  ordinairement  ingérés  le  matin  à  jeun  et  à  un  intervalle  de  vingt 
minutes  ou  d'une  demi-heure.  La  durée  des  bains  et  des  douches  avec  l'eau 
chauffée  n'a  rien  de  particulier,  mais  le  temps  que  l'on  doit  rester  dans  l'eau  cou- 
rante de  la  piscine  d'Aylesford,  dont  l'eau  n'a  que  21 '',5  centigrade,  ne  doit  pas 
dépasser  le  moment  où  les  premiers  frissons  viennent  à  se  produire.  Cette  recom- 
mandation n'est  pas  assez  observée  à  Leamington.  Nous  avons  constaté  plusieurs 
ibis,  en  elfet,  que  l'immersion  était  trop  prolongée  pour  arriver  à  l'effet  tonique 
reconstituant  d'une  cure  hydrothérapique  méthodiquement  administrée. 

Emploi  thérapeutique.  L'action  physiologique  des  eaux  sulfatées,  chlorure'es 
sodiques,  magnésiennes  et  calciques  de  Leamington,  dont  la  plupart  sont  en 
même  temps  ferrugineuses,  est  très-complexe,  et  son  étude  présente  des  difficul- 
tés presque  insurmontables.  Toutefois  le  premier  effet  de  ces  eaux  est  de  produire 
des  coliques,  des  épreintes,  des  ténesmes  et  une  ou  plusieurs  selles  diarrhéiques. 

DICT.   EKC.   2"  S.  IL  ,  8 


114  LEAMINGTON  (eaux  minérales  de). 

Ces  phénomènes  apparaissent  successivement,  une  heure  en  général,  après  l'iu- 
"estion  du  dernier  verre.  Les  eaux  de  Leaniington  déhihteut  assez  pour  qu'on  s'en 
aperçoive  du  huitième  au  quinzième  jour  et  pour  que  souvent  on  soit  obligé  d'en 
suspendre  l'usage.  11  semble,  au  premier  abord,  que  la  composition  chimique  de 
ces  eaux  chlorurées  ferrugineuses  doit  les  rendre  assez  analeptiques  pour  qu'où 
n'ait  pas  trop  à  redouter  leur  action  déprimante  occasionnée  par  la  présence 
d'un  sulfate  neutre.  11  n'en  est  rien  pourtant,  et  il  serait  dangereux  d'en  continuer 
l'emploi  avec  ces  idées  préconçues.  On  pourrait  croire  aussi  que  ces  eaux  qui  sont 
assez  énergiquement  purgatives,  doivent  dériver  sur  le  tube  digestif  et  ne  pas 
a"-ir  en  activant  la  circulation  cérébrale.  La  pratique  ne  confirme  pas  ces  données 
élémentaires  en  thérapeutique,  et  il  serait  très-imprudent  d'administrer  ces  eaux 
sans  surveiller  avec  soin  la  circulation  générale,  celle  de  la  partie  supérieure  du 
corps  et  spécialement  celle  de  la  cavité  du  crâne.  Les  eaux  de  ces  sources  excitent 
aussi  l'innervation  à  un  point  tel,  chez  quelques  personnes  au  moins,  qu'il  est  de 
toute  impossibilité  d'en  continuer  l'emploi.  Enfin,  elles  sont  diurétiques. 

En  bains  et  en  douches  tièdes  et  chaudes,  elles  ne  donnent  lieu  à  aucun  phéno- 
mène qui  ne  s'observe  aux  autres  stations  minérales  ;  mais  en  bains  dans  la  pis- 
cine de  natation  et  à  l'eau  courante,  elles  sont  toniques,  reconstituantes,  à  la 
condition  expresse  que  les  baigneurs  observent  les  précautions  indiquées  ci-dessus, 
qu'ilsne  prolongent  pas  trop  la  durée  de  leur  séjour  dans  une  eau  qui  n'a  pas  plus 
de  25°  centigrade,  et  la  plupart  du  temps  de  21"  à  21'',5  centigrade.  Un  phéno- 
mène qui  manque  bien  rarement  d'arriver  auprès  des  sources  sulfureuses  de  Lea- 
niington, est  la  surexcitation  de  la  circulation  et  de  l'innervation,  ce  qui  rend  leur 
application  extrêmement  délicate  et  exige  une  surveillance  continuelle  et  très- 
attentive. 

Les  eaux  chlorarées  et  sulfatées  de  Leamington  sont  très-utilement  conseillées 
en  boisson  aux  dyspeptiques  et  aux  gastralgiques,  chez  lesquels  on  ne  doit  pas 
craindre  d'activer  trop  la  circulation  générale,  et  aux  personnes  qui  soufl'rent  de 
congestions  hépatiques.  Ces  eaux  en  boisson  rendent  de  très-grands  services 
dans  les  accidents  si  fréquents  chez  les  Anglais  qui  ont  habité  les  Indes,  qui  sur- 
viennent du  côté  du  tube  digestif  ou  de  ses  annexes.  Les  eaux  sulfatées  et  chloru- 
rées sodiques  de  Leamington  doivent  être  conseillées  à  la  fois  en  boisson,  en  bains 
et  en  douches  dans  le  lymphatisme  exagéré  et  dans  la  scrofule.  Sous  leur  influence 
combinée,  les  malades  reprennent  bientôt  une  carnation  meilleure,  leurs  engorge- 
ments ganglionnaires  diminuent  ou  disparaissent  et  leurs  ulcères  se  détergent, 
prennent  un  bon  aspect  et  finissent  par  se  cicatriser.  Les  engorgements  périarti- 
culaires,  les  tumeurs  blanches,  même  d'origine  strumeuse,  sont  très-avantageuse- 
ment modifiées  par  les  eaux  chlorurées  et  sulfatées  de  Leamington  en  boisson  en 
bains,  et  surtout  en  douches  en  jet  appliquées  sur  le  siège  du  mal. 

Les  eaux  sulfureuses  de  cette  station  minérale  doivent  être  administrées  en  bois- 
son et  en  bains  contre  des  affections  de  la  peau  caractérisées  par  des  sécrétions 
plus  ou  moins  abondantes  (dartres  humides),  contre  certaines  manifestations 
syphilitiques  ;  elles  font  supporter  plus  facilement  enfin  un  traitement  hydrar- 
gyrique  indispensable  dans  les  accidents  primitifs.  11  n'y  a  pas  d'années  où  elles 
ne  prouvent  leur  efficacité  dans  les  empoisonnements  mercuriels  ou  saturnins, 
communs  dans  une  contrée  où  un  grand  nombre  d'ouvriers  travaillent  les  mé- 
taux. L'anémie  et  la  chlorose,  les  laryngites  et  les  bronchites  chroniques,  les 
engorgements  du  mésentère,  la  pléthore  abdominale,  les  catarrhes  vésicaux,  la 
goutte  et  la  gravelle,  le  rhumatisme  chronique  et  la  polysarcie  trouvent  encore  à 


LE  BAS.  115 

Leamington  un  traitement  parles  eaux  chlorurées,  sulfatées  et  sulfureuses,  qui, 
plusieurs  fois,  a  été  très-utile. 

Toutes  les  eaux  des  sources  polymétallites  fortes  de  Leamington  sont  contre- 
indiquées  lorsqu'on  redoute  de  déterminer  une  congestion  cérébrale  ou  de  surex- 
citer le  système  nerveux. 

La  durée  de  la  cure  est  de  quinze  jours,  mais  certains  habitants  de  la  ville  on 
l'habitude  de  venir  tous  les  matins  boire  un  verre  d'eau  minérale  de  l'une  des 
sources  de  Leamington. 

On  n'exporte  pas  les  eaux  de  cette  station  thermale.  A.  Rothreau.      ' 

Bibliographie.  — Kerr  (docteur).  Water  of  Leamington.  1784.  —  Johnston  (docteurj . 
Springs  of  Leamington.  Birmingham  1790.  —  Lambe  (docteur).  Account  of  the  ivafers 
appared  in  the  «  Manchester  Philosophical  Transactions.  »  1794.  —  Jepiison  (docteur). 
The  water  of  Leamington.  —  Lee  (Edwin).  The  central  watering  Places.  —  Leamingtoîi,  — 
p.  57-45.  Londoii,  1861,  in-12.  A.  R. 

lE  BAS  (Jean),  maître  en  chirurgie  (1756),  natif  d'Orléans.  11  ne  faut  souvent 
qu'une  circonstance  pour  tirer  un  homme  de  l'oubli,  lorsque  cet  homme  est  aidé 
par  de  l'intelligence,  du  savoir  et  le  désir  de  faire  parler  de  lui.  Jean  Le  Bas  a 
prouvé  encore  la  vérité  de  cette  maxime.  Il  n'était  connu  à  Paris  que  comme  un 
bon  praticien,  auteur  de  deux  ouvrages  assez  médiocres*  Ergo  cataractœ  tutior 
exiractio  forcificum  ope,  Paris,  1754,  in-4'';  De  fractura  femoris  thèses  ana- 
tomicce  et  chirurgicœ,Vwcis,  1764,  in-4°,  lorsqu'un  procès  mémorable  le  mit  tout 
à  coup  aux  prises  avec  les  médecins  et  chirurgiens  les  plus  célèbres  de  l'époque. 
Un  marquis  Charles  de  '**,  épouse  à  72  ans  une  demoiselle  Pienée  de  ***  qui 
n'avait  pas  dépassé  la  Ircntième  année;  les  époux  passent  quatre  ans  de  mai'iage 
sans  avoir  d'enfants,  et  au  bout  de  ces  quatre  ans,  le  susdit  bonhomme  tombe 
malade  dans  la  nuit  du  7  au  8  octobre  1762,  d'une  gangrène  des  membres  infé- 
rieurs, et  meurt  le  17  novembre,  âgé  de  76  ans.  Rien  d'extraordinaire  jusqu'à 
présent .  Mais  voilà  que  le  5  octobre  1765  —  c'est-à-dire  un  an  moins  quatre 
jours  après  la  mise  au  ht  du  vieux  marquis  pour  la  maladie  qui  devait  le 
tuer,  sa  femme,  dame  Renée  de  ***  met  au  monde  un  gros  poupon,  bien  portant, 
né  à  terme,  et  qui  vécut. . .  On  demande  si  l'enfant  de  la  marquise,  né  319  jours 
ou  plus  de  dix  mois  et  demi  après  là  mort  du  marquis,  peut  être  réputé  l'enfant 
légitime  du  bonhomme...  ?  Ce  n'est  pas  dire  trop  que  d'assurer  que  le  procès  dans 
lequel  cette  question  fut  posée  à  la  science  émut  davantage  le  faubour-^  Saint- 
Germain  et  le  quartier  de  l'Université  que  les  grandes  questions  politiques  du 
jour.  Ceux-ci  prirent  le  parti  des  héritiers  du  marquis,  ceux-là  proclamèrent  l'in- 
nocence et  la  vertu  conjugale  de  la  marquise  ;  et  les  médecins...  ne  manquèrent 
pas  non  plus  de  se  diviser  en  deux  camps...  !  La  Faculté  de  médecine,  toujours 
fidèle  à  Hippocrate  qui  fixe  la  grossesse  la  plus  longue  à  neuf  mois  dix  jours,  dé- 
clara par  la  voie  de  Bouvart,  Baron  jeune,  Verdelhan,  Poissonnier,  Bellot,  Borie, 
Mac-Mahon,  Macquart  et  Soher,  que  la  grossesse  légitime  de  la  marquise  était 
impossible,  et  que  par  conséquent  son  poupon  était  bâtard.  C'est  contre  cet  avis 
de  la  Faculté,  c'est  contre  des  mémoires  publiés,  à  cette  occasion,  par  Bouvart 
(voy.  ce  nom)  que  Le  Bas  tailla  sa  plume,  soutenant  avec  aigreur,  avec  empor^ 
tement,  mais  avec  un  talent  réel  de  discussion,  de  critique  et  d'exposition,  qu'il 
était  impossible  de  déterminer  une  époque  invariable  pour  l'accouchement.  La 
ciuestion  des  naissances  tardives  sera  traitée  dans  ce  Dictionnaire  ;  mais  le  con- 
frère qui  se  chargera  de  l'article  devra  nécessairement  consulter  et  méditer  les 
opuscules  suivants  du  chirurgiou  Jca;i  r;C  Bas  : 


ilfl  LE  BOULOU  (e.il'X  m^néiwIles  de). 

I.  Question  importante.  Peut-on  déterminer  un  terme  préfixe  pour  l'accouchement?  Vavh, 
1764,  in-8,  lU  p.  —  II.  Lettre  cVun  naturaliste  de  la  baie  de  Quiberon,  qui  croit  à  la  vertu 
des  femmes,  in  le  supplément,  etc.  Paris,  l'/t)5,  iii-8°.  —  IH.  Nouvelles  observations  sur 
les  naissances  tardives...  suivies  d'une  consultation  de  cclcbrcs  médecins  et  chirurgiens 
de  Paris.  Paris,  1755,  in-8».  —  IV.  Beclierchcs  sur  la  durée  de  la  grossesse.  Paris,  1766, 
in-S".  —  V.  Lettre  à  M.  Bouvart,  docteur  en  médecine  de  la  Faculté  de  Patns,  au  sujet  de 
sa  dernière  consultation  sur  une  naissance  prétendue  tardive,  pour  servir  de  réponse...  T.  I, 
Amsterdam,  17C5,  in-8",  etc.  A.  C. 

LEBER  (FERDmAND),  lié  à  Vienne,  en  Autriche,  en  1727,  reçu  maître  en  chi- 
rurgie le  31  mars  1750,  acquit  une  grande  réputation  dans  sa  ville  natale  ;  il 
était  chargé  de  pratiquer  les  grandes  opérations  chirurgicales  à  la  célèbre  clinique 
de  deHaen,  et,  en  1761,  il  remplaça  Jaus  dans  la  chaire  d'anatomie  et  de  chirurgie. 
Leber  était  premier  chirurgien  de  l'empire  d'Autriche,  quand  il  mourut  le  14  oc- 
tobre 1808,  laissant,  entre  autres  ouvrages,  des  leçons  sur  les  dissections,  qui  ont 
eu  longtemps  en  Allemagne  beaucoup  de  succès,  bien  que  tirées  en  grande  parti© 
des  ouvrages  de  Winslow  et  de  Haller. 

1.  Ahhandlung  von  der  Nulzharkeit  des  Schierlings  in  der  Wundarzneikunst.  y\'ien,  1762, 
jn-4°. — II.  Vorlesungen  iibcr  die  Zergliederungskunst .  Ibicl.,  1776-78,  in-8°.  Trad.  lat., 
1778,  in-8°.  —  III.  Briefc  ilber  verschiedene  Gegenstànde  der  Arzneikunst,  Langensalza,  1776, 
in-S».  E.  Bgd. 

I.EBLANC  (Louis),  né  à  Pontoise,  mort  à  Orléans  à  la  fin  du  dix-huitième 

siècle,  a  été  un  chirurgien  distingué,  et  s'est  surtout  signalé  dans  l'opération  des 

hernies.  Professeur  royal  de  chirurgie  à  Orléans,  chirurgien  de  l'Hôtel-Dieu  de 

celte  ville,  il  a  laissé  les  ouvrages  suivants,  sans  compter  plusieurs  observations 

insérées  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  de  chirurgie  et  dans  le  Journal  de 

médecine  : 

I.  Discours  sur  l'utilité  de  Vanatomie.  Paris,  1764,  in-8».  —  II .  Nouvelle  ihéthode  d'opérer 
les  hernies.  Orléans,  1766,  in-8°.  —  III.  Piéfutation  de  quelciucs  réflexions  sur  l'opération  de 
la  hernie.  ]n  Mém.  de  VAcad.  de  chirurgie,  4"  \'ol.  —  lY.  Précis  d'opérations  de  chirur- 
gic.  Paris,  1775,  in-8%  2  vol.  —  V.  OEuvres  chirurgicales  contenant  imprécis  d'opérations 
et  une  méthode  de  traiter  les  hernies.  Paris,  1779,  in-8°,  2  vol. 

La  «  Nouvelle  méthode  d'opérer  les  hernies  »  de  Louis  Leblanc,  consistait  à  faire 
rentrer  l'intestin,  après  l'ouverture  du  sac,  par  simple  dilatation  de  l'anneau  in- 
guinal, et  sans  incision  de  cet  anneau.  A.  C. 

liE  BOULOl!  (Eaux  MINÉRALES  de),  athermales  ou  protothermales ,  bicarbo- 
natées sodiques  moyennes  ou  ferrugineuses  faibles,  carboniques  moyennes  ou 
faibles.  Dans  le  département  des  Pyrénées-Orientales,  dans  l'arrondissement  de 
Géret,  à  8  kilomètres  de  la  ville  de  ce  nom,  à  5  kilomètres  de  la  frontière  d'Es- 
pagne, à  une  petite  distance  du  village  du  Boulou,  sur  un  des  versants  de  la  mon- 
tagne des  Alberès,  émergent  les  quatre  sources  que  l'on  désigne  par  les  noms  de  : 
1"  sou7xe  du  Boidou,  2"  soiirce  de  Saint-Martin  de  Fenouilla,  o"  source  Sor'ede, 
4"  source  Laroque.  L'eau  des  quatre  sources  du  Boulou  a  à  peu  près  les  mêmes 
caractères  physiques  et  chimiques  ;  elle  ne  diffère  que  par  la  quantité  plus  ou 
moins  considérable  de  rouille  qu'elle  laisse  déposer  dans  ses  bassins  de  cap- 
tage  ou  dans  ses  ruisseaux  d'écoulement,  et  par  sa  température.  Cette  eau 
est  claire  et  transparente,  sans  odeur,  d'un  goût  sensiblement  ferrugineux  ;  elle 
laisse  dégager  un  certain  nombre/le  bulles  qui  viennent  s'épanouir  à  sa  surface. 
La  température  de  la  source  du  Boulou  est  de  17", 5  cenligrade,  celle  de  la  source 
de  Saint-Wartin  de  Fenouilla  de  16",25  centigrade,  celle  de  la  source  Sorède  de 
20°, 8  centigrade  et  celle  de  la  source  Laroque  de  IS^jC  centigrade.  La  source  de 
Saint-Martin  de  Fenouilla  est  celle  dont  le  débit  est  le  plus  considérable  ;  la  source 


LE   BOULOU  (eaux  minérales  de).  iH 

àa  Boulou,  dont  le  point  d'émergence  est  à  200  mètres  de  la  source  de  Saint- 
Martin  de  Fenouilla,  a  ensuite  le  rendement  le  plus  important.  La  source  Sorède 
a  son  griffon  dans  le  lit  même  de  la  petite  rivière  dont  elle  porte  le  nom  ;  les  filets 
de  la  source  Laroque  suintent  par  les  interstices  du  rocher,  le  plus  gros  sort  par 
un  point  que  l'on  appelle  le  font  d'Aram. 

Anglada  a  fait  l'analyse  chimique  de  l'eau  des  quatre  sources  du  Boulou.  Cet 
auteur  a  trouvé  dans  1,000  gramm.es  de  chacune  de  ces  eaux  les  principes  sui- 
vants : 

SOURCE 

soi'P.CE        sai.nt-jiautin  source  source 

BU   BOULOU.  DE  SOfiÈDE.  LA  KO  QUE. 

FENOUILLA, 

Carbonate  de  soude 2,«1.  .   .  .  2,787.  .  .  .  0,053.  .   .  .  0,008 

_           chaux 0,7.il.   .  .  .  0,4i8.  .  .  .  0,607.  .  .   .  0,156 

—  magnésie.  .  .   .  0,215.   .  .  .  0,159.  .  .  .  0,059.  .   .  .  0,057 

—  fer 0,032.   .  .  .  0,030.  .  .  ,  0,050.  .  .   .  0,030 

—  manganèse ...        »    .   .   .  .        »    .  .  .  .  traces.  ...        » 

Sulfate  de  soude traces.  .  .  .  0,019.  .  .  .  0,026.  .  .  .  0,051 

Sel  de  potasse »    .   .  .  .  traces.  ...  »    .  .   .  .        » 

Chlorure  de  sodium 0,852.   .  .  .  0,324.  ,  .  .  0,022.  .  .  .  0,020 

Silice 0,134.  .   .  .  0,106.  .  .  .  0,101.  .  .  .  0,066 

Alumine »    .   .   .  .        »    .  .  .  .  0,003.  ...        » 

Matière  organique indéterminé.  0,022.  .  .  .  0,021.  .  .   .  0,003 

Perte »    .   .  .  .  0,104.  .  .  .  0,025.  .  .  .  0,012 

Total  des  matières  fixes.    4,405.   .  .   .    4,019.   .  .  .    0,967.  .  .  .    0,505 

Gaz  acide  carbonique  libre.   .     0"',611  .  .  .    0"',7oO.   .     quant,   indét.   quant,  indét. 

Emploi  thérapeutique.  Les  eaux  des  quatre  sources  du  Boulou  sont  employées 
en  boisson  seulement  et  fréquentées  par  un  nombre  de  malades  assez  grand  pour 
qu'il  soit  étonnant  de  ne  pas  trouver  au  Boulou  un  établissement  pourvu  de 
moyens  balnéothérapiques  complets.  La  composition  élémentaire  des  deux  sources 
du  Boulou  et  de  Saint-Martin  de  Fenouilla  qui  contiennent  de  2  à  5  grammes  de 
bicarbonate  de  soude  et  de  3  à  5  centigrammes  de  bicarbonate  de  fer  par  litre 
d'eau,  et  celle  des  sources  Sorède  dont  la  minéralisation  active  est  exclusivement 
le  fer,  appelle  l'attention  sur  elles  d'une  manière  toute  spéciale,  et  nous  croyons 
qu'un  jour  Le  Boulou  deviendra  une  station  minérale  importante.  Sa  position 
géographique  dans  un  pays  très-riche  en  eaux  thermales  sulfurées,  mais  relative- 
ment pauvre  eu  eaux  alcahnes_  pures,  expliquera  les  dépenses  que  l'on  fera  pro- 
bablement pour  l'installation  et  l'aménagement  régulier  des  sources  du  Boulou. 

Les  eaux  des  sources  du  Boulou  sont  prises  le  matin  à  jeun,  de  quart  d'heure 
en  quart  d'heure,  et  à  la  dose  de  quatre  à  huit  et  dix  verres.  Leur  action  physio- 
logique la  plus  marquée  est  la  diurèse  et  l'augmentation  de  l'appétit  et  des  forces. 
Les  personnes  qui  souffrent  de  maladies  anciennes  de  l'estomac,  du  foie  ou  des 
reins,  doivent  visiter  les  sources  du  Boulou  et  de  Saint-Martin  de  Fenouilla  ;  celles 
qui  n'attendent  des  eaux  qu'un  effet  tonique,  reconstituant  et  analeptique,  comme 
les  convalescents,  les  anémiques  et  leschloroliques,  font  mieux  d'aller  boire  aux 
sources  de  Sorède  ou  de  Laroque,  et  préférablement  à  la  première  qui  tient  en 
dissolution  57  milhgrammes  de  bicarbonate  de  fer.  Ces  deux  dernières  sources 
sont  assurément  précieuses,  mais  les  deux  premières  sont  celles  qui  méritent 
surtout  une  mention  spéciale.  L'eau  des  sources  du  Boulou  et  de  Saint-Martin  do 
Fenouilla  est  assez  chargée  de  bicarbonates  basiques  pour  être  très -efficace,  et 
elle  contient  assez  de  fer  pour  corriger,  au  besoin,  l'efiet  débilitant  et  fluidifiant 
du  sel  alcalin  sur  l'économie  et  sur  le  sang  de  sujets  fortement  épuisés  déjà. 

Dicrée  de  la  cure,  de  25  à  30  jours. 

On  n'exporte  pas  les  eaux  du  Boulou.  A.  I\oTunF.\u. 


118  LE  CAIRE. 

L,EBRETOi^  (Jacques-Alexar'dre-Exupère),  naquit  en  1784  à  Paris,  où  son 
père  s'était  lait,  connue  accoucheur,  une  très-brillante  position.  Se  destinant  à  la 
même  spécialité,  Lebreton  dirigea  très-sérieusement  ses  études  de  ce  côté,  et  en 
fit  le  sujet  de  sa  dissertation  inaugurale.  Les  succès  de  sa  pratique,  l'instruction 
dont  il  avait  fait  preuve  dans  quelques  publications,  lui  avaient  ouvert  les  portes 
de  l'Académie  de  médecine.  Lebreton  est  mort  subitement  le  18  avril  1849,  à 
deux  heures  du  matin,  au  moment  où  il  rentrait  chezlui,  après  avoir  terminé  un 
accouchement. 

On  a  de  lui  : 

I.  Observ.  et  réflex.  sur  l'emploi  du  forceps.  Th.  de  Paris,  1810,  n°  53.  —  II.  Oh&.  sur 
une iJrétendue  phthisie  laryngée  et  recherches  anatomiques,  etc.  In  Joiirn.  univ.  des  se. 
méd.,  t.  XII,  p.  241  ;  1818.  —  III.  Recherches  sur  les  causes  et  le  traitement  de  plusieui^s 
maladies  des  nouveau-nés.  Paris,  1819,  in-8°.  Ti'aduct.  allem.,  Leipzig-,  1820,111-8°. — 
IV.  Tableaux  optomatigues  des  accouchements.  Pains,  1821,  in-fol.,  pi.  5.         E.  Bgd. 

LE  CAIRE  (Station  hivernale),  en  arabe  Misr-el-Gâhirah,  qui  veut  dire  le 
Yictorieux,  est  la  capitale  de  l'Egypte,  située  dans  la  basse  Egypte,  sur  la  rive 
droite  du  Nil,  au  pied  du  mont  Mokattam.  C'est  une  ville  d'environ  560,000  ha- 
bitants, remarquable  par  ses  belles  places,  sa  forte  citadelle,  ses  palais,  ses  mos- 
quées, ses  bains,  ses  aqueducs,  ses  canaux,  ses  citernes,  ses  bazars,  ses  caravan- 
sérails, ses  jardins  et  ses  cimetières.  On  cite  parmi  ses  curiosités  le  puits  de  Joseph 
qui  a  90  mètres  de  profondeur,  dont  la  rampe  en  spirale  permet  aux  bêtes  de 
somme  de  descendre  jusqu'à  son  fond.  Le  Caire  a  deux  parties  distinctes  :  le  nou- 
veau Caire  dont  nous  venons  de  parler  et  le  vieux  Caire  [Fostatt  des  Arabes),  à 
2  kilomètres  sud-ouest  de  la  ville  actuelle,  qui  fut  d'abord  la  capitale  de  l'Egypte 
et  qui  n'est  plus  aujourd'hui  qu'un  des  faubourgs  (chemin  de  fer  de  Paris  à 
Marseille,  bateau  à  vapeur  de  Marseille  à  Alexandrie,  chemin  de  Ter  d'Alexandrie 
au  Caire) . 

Le  Caire  est  abrité  des  vents  de  l'ouest  et  de  l'est  par  le  Mokattam  sur  la  pente 
occidentale  duquel  est  bâtie  la  ville,  distante  de  1 ,800  mètres  seulement  des  eaux 
du  Nil.  Ce  terrain  est  occupé  par  des  massifs  de  beaux  palmiers  et  par  de  vastes 
avenues  plantées  d'acacias  et  de  sycomores.  Les  plaines  sablonneuses  et  incultes 
qui  séparent  le  nouveau  Caire  de  l'ancien  se  trouvent  au  sud-ouest  de  la  ville 
nouvelle.  Les  prairies  qui  unissent  Le  Caire  aux  campagnes  fertiles  du  Delta  bornent 
le  Caire  au  nord. 

Le  climat  du  Caire  serait  intéressant  à  étudier  aux  diverses  époques  de  l'année; 
nous  devons  nous  contenter  d'indiquer,  pour  être  fidèle  à  notre  titre,  ses  particu- 
larités pendant  les  mois  de  la  saison  hivernale.  L'automne  dure  au  Caire  jusqu'au 
milieu  de  décembre  et  le  printemps  commence  dès  le  miheu  du  mois  de  février. 
C'est  ordinairement  pendant  la  première  quinzaine  de  janvier  que  l'on  passe  les 
plus  mauvais  jours  de  l'année  et  pourtant  le  thermomètre  descend  rarement  à 
-f-2"  ou  5"^  centigrade.  La  température  moyenne  est  de  5°  centigrade  à  huit  heures 
du  matin  et  de  14°  centigrade  à  midi,  et  de  4°,5  centigrade  à  six  heures  du  soir. 
Les  nuits  sont  ordinairement  très-fraîches  et  surtout  très-humides.  Les  malades 
européens  ne  peuvent  trop  s-e  garantir  contre  l'abaissement  de  la  température  du 
matin  et  du  soir,  ou  mieux  ne  sortir  qu'entre  dix  heures  du  inatin  et  deux  heures 
de  l'après-midi  pendant  la  saison  hivernale.  Le  vent  d'est  est  presque  exclusif  au 
Caire  pendant  les  mois  de  janvier  et  de  février,  il  dure  de  dix  heures  du  matin  au 
coucher  du  soleil,  et  c'est  contre  sa  fraîcheur,  quelquefois  assez  piquante,  que  les 
promeneurs  doivent  surtout  se  prémunir.  Lorsque  le  vent  d'est  est  violent,  il  rend 


LÉCâNORE.  '119 

les  sorties  impossibles  à  cause  des  nuages  de  poussière  qu'il  soulève  et  qu'il  fait 
pénétrer  dans  les  appartements  les  mieux  clos.  Sa  durée  à  ce  degré  d'intensité  est 
heureusement  très-courte  au  Caire,  elle  ne  dépasse  pas  six  à  huit  jours  par  an,  en 
général.  Les  vents  du  nord-est,  du  nord  et  de  l'ouest  soufflent  quelquefois,  mais 
n'existent  jamais  assez  longtemps  pour  être  dangereux.  Le  kamsin  (cinquante),  ou 
vent  du  midi,  ne  se  fait  sentir  au  Caire  qu'après  la  mi-février,  c'est-à-dire,  après  le 
retour  du  printemps  ;  aussi  n'est-il  redoutable  que  pour  ceux  qui  sont  obligés  de 
séjourner  au  Caire  après  l'époque  où  les  hivernants  se  sont  habituellement  retirés. 
Le  kamsin  devance  cependant  quelquefois  son  époque,  et  alors  les  malades  doi- 
vent éviter  avec  le  plus  erand  soin  son  influence  fâcheuse.  Pendant  sa  durée,  qui 
est  en  moyenne  de  onze  jours  par  an,  un  peu  avant  et  un  peu  après  Pâques,  le  ciel 
devient  obscur,  le  soleil  se  voile,  et  l'on  ne  distingue  sa  lumière  qu'à  travers  une 
couche  épaisse  d'une  poussière  fine  et  noirâtre  oppressant  la  poitrine  et  latigant 
même  les  babitants  du  pays.  La  rosée  est  très-abondante  au  Caire  en  toute  saison 
et  quel  que  soit  le  vent  qui  souffie.  Le  rayonnement  de  la  terre  commence  dès  que 
le  soleil  approche  de  l'horizon.  La  condensation  de  la  vapeur  occasionne  souvent 
des  brouillards  qui  ne  se  dissipent  qu'entre  neuf  heures  et  dix  heures  du  matin, 
lorsque  le  soleil  est  déjà  assez  cbaud  pour  réduire  les  vésicules  aqueuses  en  va- 
peurs invisibles. 

Les  phthisiquesqui  n'ont  pas  un  système  nerveux  très-irritable,  les  lympha- 
tiques, les  scrofuleux  mêmes,  les  anémiques  et  les  chlorotiques,  les  catarrheux, 
les  rhumatisants  et  les  asthmatiques,  sont  les  malades  qui  se  trouvent  le  mieux 
d'un  séjour  d'biver  au  Caire.  Mais  il  finit  se  garder  d'y  envoyer  les  Européens  cbez 
lesquels  l'excitabilité  et  trop  grande  et  l'innervation  trop  accentuée..  Ceux  qui 
souffrent  de  l'un  des  points  des  voies  aériennes  ne  doivent  pas  quitter  leur  appar- 
tement avant  que  le  soleil  n'ait  réchauffé  et  purifié  l'atmosphère,  et  garder  la 
chambre,  et  même  le  ht,  pendant  les  quelques  jours  que  soufflent  les  vents  et 
que  tourbillonne  la  poussière.  Il  ne  doit  pas  en  être  de  même  des  enfants  lympha- 
tiques, scrofuleux,  anémiques  ou  chlorotiques  auxquels  convient  un  air  agité,  sec, 
et,  par  conséquent,  tonique.  Les  rhumatisants  ont  à  éviter,  comme  les  poitrinaires, 
les  catarrheux  et  les  asthmatiques,  les  promenades  du  matin  et  du  soir  pendant 
les  jours  où  la  température  varie  de  J5  à  20°  centigrade  en  quelques  heures,  oii 
les  plantes  sont  couvertes  de  rosée,  et  o\i  le  brouillard  obscurcit  un  ciel  ordinai- 
rement sans  nuages.  A.  Rotureau. 

Bibliographie.  —  Malte-Brun.  Précis  de  géographie  universelle,  t.  IV,  p.  488.  —  Cortem- 
BERT.  Géographie  universelle,  t.  \'III,  p.  52i.  —  Destolxhes.  Observations  mctcorologiques 
mr  le  climat  du  Caire  en  1855,  1836,  1837,  1838,  1839.  —  Vv^vt^-ev..  Topographie  médicale 
du  Caire.  W\mc\\e\-\,  1847,  p.  28. — Reyer  (A.).  De  V influence  du  climat  d'Egypte  sur  les 
tubercules  jjulmonaires.  In  Gazette  hebdoni.  de  médecine  et  chir.,  14  novembre  1850.  — 
JoAXNE  et  IsAjiBERT.  Itinéraire  en  Egypte,  p.  907.  —  Lauhe  (J.).  L'eau  d'Allevard  et  les  sta- 
tions d'hiver  au  jwint  de  vue  des  maladies  des  poumons.  Paris,  1869,  in-8°,  p.  108-109.  — 
GiGOT-SuAiiD  (L.).  Bes  climats  sous  le  rapport  hygiénique  et  médical,  etc.  Paris,  1862,  in-12, 
p.  421-159.  —  Lambron  (Ernest) .  Les  Pyrénées  et  les  eaux  thermales  sulfurées  de  Bagnères- 
de-Lucho7i...  indications  générales  pour  le  choix  d'une  station  d'hiver.  Paris,  1804,  in-12, 
t.  II,  p.  1036-1041.  A.  R. 

LE  CAIXET.  {Voij.  Cannes). 

..  LE€Al!VORJl     (Foy.  Lecanore.) 

LÉCii.NORE.  Genre  de  Lichen  appartenant  à  la  tribu  des  Lécanorés,  lapins 
nombreuse  en  genres  et  en  espèces  dans  la  classification  de  M.  Nylander.  Le  nom 


420  LÉCANORE. 

de  Lecanora  a  été  appliqué  par  Acharius  à  un  certain  nombre  de  Lichens  à  thalle 
crustacé  {voy .  Lichens)  rangés  plus  tard,  par  Sprengel  {Syst.  vegetabiL),  dans  le 
genre  Parmelia  {voy.  Parmélie)  et,  par  de  CandoUe,  dans  le  genre  Patellaire 
{FI.  franc.,  t.  II).  Les  Lécanores  ont  un  thalle  crustacé  de  couleur  variée,  tantôt 
déterminé  et  marginé  d'une  teinte  plus  foncée,  tantôt  diffus.  Les  apothécies  sont 
sessdes  à  teinte  pâle,  jaunâtre,  brunes  ou  noirâtres  à  bord  épais  formé  par  le 
tlialle.  Les  thèques  renferment  de4  à  8  spores  et  même  plus,  moyennes,  ovoïdes 
ou  ovales  et  ovales  allongées  quelquefois  cloisonnées.  Les  spermogonies  sont  en- 
foncées dans  le  thalle,  leur  ouverture  est  à  peine  visible  dans  le  L.  Parella  Ach. 
Chez  d'autres  espèces,  les  spermogonies  sont  soulevées  et  émergent  sous  forme  de 
petits  tubercules  noirs.  Les  spermaties  ont  la  forme  d'aiguilles  droites  ou  courbes. 
On  trouye  les  Lécanores  sur  les  écorces  lisses  ou  rugueuses  d'un  grand  nombre 
d'arbres,  sur  le  bois,  la  terre,  les  rochers,  les  schistes.  C'est  un  des  genres  de  Li- 
chen les  plus  répandus,  et  quelques  espèces  (L.  subfusca  Ach.,  L.  atra  Ach  ) 
se  rencontrent  presque  partout  sur  des  points  du  globe  les  plus  éloignés  entre 
eux. 

Les  Lécanores  fournissent  des  espèces  comestibles  et  des  produits  tinctoriaux, 
entre  autres  le  tournesol  si  employé  comme  réactif  des  acides  et  des  alcalis. 
ija  Parelle  d'Auvergne  qui  sert  à  fabriquer  le  tournesol  se  compose  en  partie 
de  l'espèce  appelée  L.  Parella  Ach.  et  de  diverses  espèces  appartenant  aux 
genres  Isidium,  Endocarpon,  Ujnbilicaria,  Variolaria  en  particulier,  du  Vario- 
laria  orcina,  espèces  qui,  pour  la  plupart,  ne  paraissent  pas  être  des  Lichens 
autonomes,  mais  des  individus  qui,  par  suite  d'une  anamorphose  bien  connue 
chez  les  Lichens,  se  sont  désagrégés  et  appartiennent  à  d'autres  espèces  connues. 
{Voy.  Lichen.)  Je  renvoie  donc  à  l'article  Parelle  la  description  des  espèces  qui 
concourent  à  former  le  produit  vendu  sous  le  nom  de  Parelle  ou  Orseille  de  terre. 
Parmi  les  espèces  tinctoriales  on  connaît  encore  le  Lecanora  tartarea  Ach.; 
il  présente  l'aspect  d'une  croûte  irrégulière  grenue,  verruqueuse,  blanchâtre, 
fendillée,  s'effleurissant  en  une  poussière  blanche.  Les  apothécies  sont  éparses, 
sessiles,  irréguUères  à  disque  plan,  roux  foncé,  abords  épais  blancs  et  calleux. 
Les  Suédois  retirent  une  couleur  brune  {Boeltelet)  de  cette  espèce  très-abondante 
sur  les  rochers  de  leur  pays  et  qui  se  trouve  aussi  en  France  dans  les  montagnes 
des  Vosges  et  des  Pyrénées.  Le  L.  tinctoria  Fée  présente  un  thalle  diffus, 
granuleux,  rouge,  rugueux  ;  les  apothécies  éparses  sont  inégales,  à  marge  an- 
nuUaire  peu  renflée,  à  disque  concave  brunâtre.  Cette  espèce  abonde  sur 
l'écorce  des  ai^bros  au  Brésil,  elle  est  remarquable  par  sa  couleur  de  cinabre, 
on  en  retire  une  laque  violette  magnifique.  M.  Fée  suppose  que  c'est  la  plante 
analysée  sous  le  nom  de  cochenille  végétale  par  Vauquelin.  {Ann.  du  Muséum, 
t.  VI,  p.  145.) 

Les  Lécanores  comestibles,  qui  ont  fait  l'objet  d'un  très-grand  nombre  d'écrits, 
sont  connus  depuis  les  voyages  de  Pallas,  qui  décrivit,  sous  le  nom  de  Lichen 
esculentus,  des  petits  corps  de  la  grosseur  d'une  noisette,  trouvés  à  terre  mais 
sans  adhérence  avec  le  sol  dans  les  steppes  de  la  Russie  méridionale.  Ces  petits 
corps  présentaient  les  caractères  d'un  thalle  de  Lichen  roulé  sur  lui-même,  crus- 
tacé, épais,  coriace,  blanc  à  l'intérieur,  rugueux  et  de  couleur  gris  cendré  à 
l'extérieur.  De  rares  apothécies  concaves  étaient  enfouies  dans  l'intérieur  ou 
émergeaient  comme  de  petites  verrues.  Le  professeur  Eversmann  reconnut 
trois  espèces  et  des  variétés  de  coideur  gris  verdàtre  ou  ferrugineuse;  il  donna 
à  ces  espèces  les  noms  de  Lecanora  escvlentn,  L.  afftnis  et  L.  fruticulosa. 


LE  CAT,  121 

Cette  dernière  diffère  surtout  des  autres  par  son  thalle  à  ramifications  intri- 
quées.  Les  travaux  'subséquents  ont  confirmé  les  olDservations  d'Eversmann  et 
ont  conservé  au  Lichen  de  Pallas  sa  place  parmi  les  Lécanores.  Ces  Lécanores  se 
répandent  à  certains  moments  sur  le  sol,  où  on  les  trouve  mêlées  au  Nos  toc 
commun.  {Voy.  Nostoc.)  Le  voyageur  Parrot  rapporte  qu'au  commencement 
■  de  1828  une  véritable  pluie  de  L.  esculenta  Evers.  couvrit  la  terre  dans 
plusieurs  localités  de  la  Perse  d'une  couche  de  15  à  20  centimètres.  Les 
]iabilant5  en  nourrissaient  leurs  bestiaux  et  en  consommaient  eux-mêmes.  En 
1845,  on  a  eu  connaissance  d'une  plaie  semblable  tombée  dans  le  district  de 
Jenischehir,  qui  joncha  le  sol  d'une  couche  de  10  à  15  centimètres.  Un  peuplas 
tard  on  reconnut  des  Lécanores  comestibles  en  grande  quantité  dans  les  environs 
d'Alger,  oii  on  les  utilisait.  D'après  les  observations  recueiUies  on  a  pu  ainsi  con- 
stater que,  dans  plusieurs  des  contrées  qui  s'étendent  depuis  Alger  jusqu'en  Tar- 
tarie,  les  Lécanores  comestibles  sont  consommés  soit  par  les  animaux,  soit  par 
hommes  qni  en  font  une  sorte  de  pain  ou  le  mélangent  à  d'autres  farines.  C'est  à 
la  fécule  contenue  dans  son  thalle  que  ce  Lichen  doit  ses  propriétés  ahmentaires, 
mais  au  dire  de  Lindley  les  moutons  qui  en  sont  nourris  ne  prospèrent  pas.  On 
attribue  ce  résultat  à  la  grande  quantité  d'oxalate  de  chaux  que  contiennent  ces 
Lécanores,  quantité  qui  s'élèverait  après  de  66  pour  100  d'après  les  analyses  de 
M.  Gobel.  L'origine  des  Lécanores  comestibles  a  vivement  piqué  la  curiosité  des 
naturalistes.  M.  Léveillé  a  supposé  qu'avant  de  retomber  à  l'état  de  manne  les 
thalles  avaient  été  arrachés  de  la  roche  sur  laquelle  ils  se  développent,  par  les 
vents,  qui  les  répandent  ensuite  dans  diverses  localités.  Cette  opinion,  générale- 
ment admise,  est  confirmée  par  les  dernières  observations  de  M.  de  Krempelhu- 
ber,  qui  a  vu  des  échantillons  adhérents  à  des  fragments  calcaires  provenant  du 
Taurus,  il  a  donné  aux  Lécanores  comestibles  le  nom  spécifique  de  L.  desertoruni. 

J.  DE  Seynes. 

BiBLioGHAriiiE.  —  Voyages  de  Pallas  en  différentes  provinces  de  l'empire  de  Patssie,  tra- 
duits par  G.  de  la  Peyronie,  t.  V,  p.  510,  pi.  "21 .  Paris,  1793.  —  Eduardi  EvEnsjiANXi  in  Lichenem 
esculenlum  Pallasii  adverKaria,  1825.  —  Mkrat  et  Df.lens.  Supplément  du  dlctionn.  iinivers. 
de  mat.  médic.,  p.  428.  Paris,  18iG.  —  Wright.  On  Lichen  esculcntus.  In  American  journal 
of  Science,  p.  267;  18  i7.  —  Reisseck.  Ueher  die  Isalur  des  kiirzUch  in  Klcin-Asicn  vom 
lliininel  gefatlenen  Manna.  InBericlit.  Mittheil.  von  Frcunden  der  Naturioiss.,  vol.  I,  p.195- 
201.  Vienne,  1847.  —  Hampe.  Uebcr  Lichen  esculentus  Pall.  Bot.  Zeitung,  p.  889;  1848.  — 
Behkei-ey.  On  Lichen  esculentus,  gardeners  chronicle,  p.  Gll  ;  1849.  — Walpers.  Notiz  iiher 
Lichen  esculentus  Pall.  Bot.  Zeitung,  p.  317;  1851.  —  Iinoley.  On  JÂchen  esculentus.  \n 
Ycrjetahle  kingdom,  p.  50;  1853.  —  Léveillé.  In  Bot.  voyage  de  Demidoff  dans  la  Russie 
mcridionale,  p.  159;  1802.  —  IIai.xdinger.  Ueber  einen  Maunaregen  bei  Karpid  in  lilein- 
Asien  im  Mon  l80i.  Kaiserl.  Ahad.  dcr  Wissensch.  Matkem.  natiirw.  Ktasse,  1  vol.  18ôi. 
—  YisiAM.  Ptelazioni  di  %tna  nuova  specie  di  manna  cadutta  in  Mesopotamia  nel  Marzo 
passato.  Atti  del  imp.  reg.  Institut.  Venelo,  t.  X,  3"  sér.  Venise,  1804-03.  —  Krempelhuder. 
LieJicn  esculentus  Pall.  urspriinglich  eine  steinbcwoJmende  Fléchie  Verhandl.  der  k.  zool. 
bot.Gesellschafl  inWien,  p.  599.  Vienne,  1887.  J.  i>e  S. 

LE  CAT  (Gr-A'JDE-N icoLAs) .  L'une  des  personnalités  chirurgicales  les  plus  sin- 
g.dières  et  les  plus  remarquables  du  dix-huilième  siècle  :  vif,  entreprenant,  osé, 
d'une  activité  prodigieuse,  ayant  cultivé  tous  les  genres  de  littérature  et  de  philo- 
sophie, inventeur  d'instruments,  s'étant  occupé  d'architecture  militaire,  ayant 
touché  à  toutes  les  sciences  d'une  manière  plus  ou  moins  heureuse,  mais,  après 
tout,  médiocre  dans  ce  qu'il  entreprenait,  remplissant  les  journaux  de  ses  faits  et 
gestes,  cherchant  le  bruit,  la  réclame,  et  ne  parvenant  pas,  de  son  temps,  à  ac- 
quérir la  vraie  célébrité  ..  Voilà,  en  quelques  mots,  Le  Cat,  auquel  les  biographes 


^22  LECHEGUANA. 

accordent  une  certaine  place,   parce  qu'il  a  beaucoup  écrit  et  qu'il  a  frappé  à 
toutes  les  portes. 

Le  Cat  naquit  à  Blérancourt  (Oise),  le  6  septembre  1700,  et  mourut  à  Rouen, 
le  10  août  1768.  Nous  ne  le  suivrons  pas  dans  sa  carrière  agitée  et  presque  vaga- 
bonde ;  nous  dirons  seulement  que  docteur  en  médecine  de  Reims  (1752),  il  de- 
vint successivement  chirurgien  en  chef  de  l'Hôtel-Dieu  de  Rouen,  lithotomiste  pen- 
sionné de  la  même  ville,  professeur  d'anatomie  et  de  chirurgie,  correspondant  de 
l'Académie  des  sciences,  membre  des  Académies  de  Londres,  Madrid,  Porto,  Ber- 
lin, chirurgien  de  M.  de  Tressan,  archevêque  de  Rouen,  organisateur  et  secré- 
taire de  l'Académie  royale  des  sciences  de  Rouen,  membre  de  l'Académie  de  chi- 
rurgie fondée  par  La  Peyronie,  etc.  Telle  était  l'ardeur  de  ce  chirurgien  à 
emboucher  à  son  profit  la  trompette  de  la  renommée,  qu'il  ne  craignait  pas  de 
courir  les  villes  de  France,  et  de  s'y  faire  annoncer  à  l'avance.  J'ai  vu  une  afliche 
datée  du  16  mai  1755,  et  par  laquelle  les  baillis  des  quatre  seigneurs  haut-jusli- 
ciers  représentant  la  chritellenie  de  Lille,  apprenaient  à  tous  les  habitants  de 
cette  ville  «que  M.  Le  Cat,  chirurgien  en  chef  de  l'hôpital  de  Rouen,  doit  arriver 
à  Lille  dans  les  premiers  jours  de  juin,  pour  y  faire  des  opérations  à  quelques 
personnes,  y  opérer  la  cataracte,  le  bec-de-lièvre,  l'extirpation  du  cancer,  et  toutes 
autres  opérations  de  chirurgie,  à  l'exception  de  la  taille,  aux  personnes  pauvres 
et  aisées.  »  Les  susceptibilités  chirurgicales  de  l'époque  furent  vivement  éveillées 
par  cette  affiche  ;  la  Société  royale  de  chirurgie  s'en  émut,  et  Le  Cat  fut  obligé  de 
donner  des  explications  qui  ne  convainquirent  personne. 

Au  reste,  malgré  ses  excentricités,  on  ne  peut  refuser  à  ce  chirui'gien  une  grande 
habileté  opérative,  d'ingénieuses  ressources  dans  les  cas  graves  et  un  esprit  in- 
ventif. Ce  fut  lui  qui  eu  1755  proposa  l'emploi  de  trois  instruments  pour  extraire 
les  calculs  de  la  vessie  :  Vuréthrotome,  le  cijstitome  et  le  gorgeret-cystitome. 
L  opération  de  la  fistule  lacrymale  lui  doit  l'incision  du  sac  eu  dedans  de  la  pau- 
pière inférieure.  Tous  les  prix  proposés  par  l'Académie  de  chirurgie,  de  1752  à 
1758,  furent  gagnés  par  lui.  Ce  fut  au  poimt  que  le  secrétaire  de  cette  compagnie 
savante  demanda  que  Le  Cat  tût  dorénavant  exclu  du  concours,  et  qu'un  can- 
didat aussi  formidable  se  reposât  sur  ses  lauriers.  On  a  de  Le  Cat  : 

I.  Dissertation  jihysique  sur  le  balancement  ci  un  arc-bontant  de  l'église  de  Saint-Nicaise 
de  Reims.  Reims,  1724,  in-12.  —  II.  Éloge  du  P.  J.-B.  Ilercastol,  de  l'Oratoire,  professeur 
de  mathématiques .  {Mercure  de  France,  now.  il7)i.] —  III.  Dissertation  sur  le  dissolvant 
de  la  pierre,  et  en  particulier  sur  celui  de  M"^  Stephens.  Rouen,  1759,  in-12.  —  IV.  Traité 
des  sens.  Rouen,  1740,  in-8°.  —  V.  Remarques  sur  les  mémoires  de  l'Académie  de  chirtcrgie. 
Amsterd.,  1745,  in-12.  —  VI.  Lettres  concernant  l'opération  de  la  taille  piratiquce  sur  les 
deux  sexes.  Rouen,  1749,  in-12.  —VII.  Recueil  des  pièces  sur  l'opération  de  la  taille 
Rouen,  1749-53,  in-8\  —  VIII.  Lettre  sur  laprétendue  cité  de  Limnies.  {BIcm.  de  Trévoux, 
avril  ilh2.)  —11.  Éloge  de  Fontenellc.  ÏXonen,  1759,  in-8°.  —  X.  Traité  de  V  existence  de 
la  nature  du  fluide  des  nerfs,  et  son  action  dans  le  inouvement  musculaire.  Berlin,  1765, 
in-8°.  —  XI.  Traité  de  la  couleur  de  la  peau  humaine  en  génércd,  et  de  celle  des  nègres 
en  particulier.  Amsterd.  (Rouen),  1765,  in-8.  —  XII.  Lettre  sur  l'ambi  d'Hippocrate 
perfectionné  {Journ.  des  savants,  déc.  1705  et  mars  1767).  —  XIII.  Nouveau  système  sur  la 
cause  de  l'cvacuatio7i  périodique  du  sexe.  Amsterd.  (Rouen),  1700,  in-8°.  —  XIV.  Lettre  sur 
les  avantages  de  la  réunion  des  titres  de  docteur  en  médecine  avec  celui  de  maître  en 
chirurgie.  Amsterd.,  17C6,  iii-8°.  —  XV.  Trente  des  sensations  et  des  passions  en  général, 
et  des  sens  en  particulier,  Paris,  1766,  in-8°.— XVI.  Parcdlèlc  de  la  taille  latérale. 
Amsterd.,   1766,  in-^'.  —  im.  Cours  abrégé  d'osléologie.  Rouen,  1768,  in-8°. 

A.  G. 

LECHEGVAIVA.  On  connaît  sous  ce  nom  au  Brésil  une  espèce  de  guêpe, 
vivant  en  société,  et  dont  le  miel  a  causé  quelquefois  des  accidents  graves.  Cet 


LECIIEGUANA.  125 

insecte  hyméiioptère,  placé  d'abord  dans  le  genre  Polistes  par  Auguste  de  Saint- 
Hilaire  etLatreille,  puis  dans  le  genre  Chartergus  par  E.  Blanchard,  appartient 
défiiùtivement  au  genre  Nectarinia  de  Schuckard  dans  lequel  H.  de  Saussure  1  a 
décrit  et  figuré  sous  le  nom  de  Nectarinia  Lecheguana  {Monographie  des  guêpes 
sociales,  p,  252,  pi.  xxxiv,  tig.  5). 

LaiV.  Lecheguana  a  8  à  10  millimètres  de  longueur  et  19  millimètres  d'en- 
vergure. Le  corps  est  noir,  la  tète,  le  thorax  et  les  pattes  sont  entièrement  de 
cetto  couleur,  sans  taches  ;  les  anneaux  de  rahdon)en  sont  tous  bordés  de  jaune, 
l'anus  est  jaune;  les  ailes  d'une  teinte  ferrugineuse,  enfumée  à  l'extrémité.  Tout 
l'insecte  est  couvert  d'un  duvet  gris,  soyeux.  Corselet  fortement  ponctué  ;  méta- 
thorax  bidenté ;  abdomen  finement  ponctué.  Cette  description  faite  par  H.  de 
Saussure  sur  les  individus  rapportés  du  Brésil  par  A.  de  Saint-Hilaire  (Muséum 
de  Paris),  concerne  les  ouvrières  des  nids  ;  la  femelle  est  plus  robuste  et  un  peu 
plus  grande.  H.  de  Saussure  a  remarqué,  du  reste,  que  A.  de  Saint-Hilaire  avait 
trouvé  au  Brésil  les  Nectarinia  analis,  Lecheguana  et  Augusti,  et  que  Latreille 
paraissait  avoir  confondu  ces  espèces,  dont  les  mœurs  doivent  être  analogues. 

Yoici  le  très-intéressant  récit  qu'Auguste  de  Saint-Hilaire  nous  a  laissé  de 
l'accident  dont  il  faillit  être  victime,  ainsi  que  deux  hommes  qui  l'accompagnaient 
dans  l'intérieur  du  Brésil.  Après  avoir  parcouru  les  bords  du  Rio  de  la  Plata,  il 
avait  côtoyé  l'Uruguay  et  se  trouvait  campé  auprès  du  ruisseau  de  Santa-Anna. 
Un  jour,  accompagné  de  deux  de  ses  gens,  il  parcourut  le  pays ,  et  au  bout  de 
quelques  heures,  ramenés  tous  trois  par  la  faim  au  lieu  de  halte,  ils  se  rassa- 
sièrent avec  leurs  aliments  ordinaires;  mais  les  deux  domestiques  allèrent  détruire 
un  guêpier  suspendu  à  environ  1  pied  de  terre  à  l'une  des  branches  d'un  petit 
arbrisseau  ;  il  avait  une  forme  à  peu  près  ovale,  la  grosseur  de  la  tête,  une  cou- 
leur grise  et  une  consistance  cartacée  comme  les  guêpiers  d'Europe.  Ils  détrui- 
sirent ce  guêpier  pour  en  sucer  le  miel. 

«  Nous  en  goûtâmes  tous  les  trois,  dit  A.  de  Saint-Hilaire.  Je  fus  celui  qui  en 
eu  mangeai  le  plus,  et  je  ne  puis  guère  évaluer  ce  que  j'en  ai  pris  qu'à  deux 
cuillerées.  Je  trouvai  ce  miel  d'une  douceur  agréable  et  absolument  exempt  de  ce 
goût  pharmaceutique  qu'a  si  souvent  celui  de  nos  abeilles.  Cependant  après  en 
avoir  mangé,  j'éprouvai  mie  forte  douleur  d'estomac,  plus  incommode  que  vive; 
je  me  couchai  sur  ma  charrette  et  je  m'endormis.  Pendant  mon  sommeil,  les  ob- 
jets qui  me  sont  les  plus  cliers  se  présentèrent  à  mon  imagination  et  je  m'éveillai 
profondément  attendri.  Je  me  levai ,  mais  me  sentis  d'une  telle  faiblesse,  qu'il 
me  fut  impossible  de  faire  plus  de  cinquante  ^as  ;  je  retournai  sous  ma  charrette  ; 
je  m'étendis  sur  le  gazon  et  me  sentis  presque  aussitôt  le  visage  baigné  de  larmes, 
que  j'attribuai  à  un  attendrissement  causé  par  le  songe  que  je  venais  d'avoir. 
Rougissant  de  ma  faiblesse,  je  me  mis  à  sourire  ;  mais,  malgré  moi,  ce  rire  se 
prolongea  et  devint  convulsif;  cependant,  j'eus  encore  la  force  de  donner  quel- 
ques ordres,  et  dans  l'intervalle,  arriva  mon  chasseur,  l'un  des  deux  Brésiliens 
qui  avaient  partagé  avec  moi  le  miel  dont  je  commençais  à  sentir  les  funestes 
effets. 

«  José  Mariano,  c'est  ainsi  qu'il  s'appelait,  s'approcha  de  moi  et  me  dit  d'un  air 
gai  et  pourtant  un  peu  égaré,  que  depuis  une  heure  il  errait  dans  la  campagne 
sans  savoir  où  il  allait.  Il  s'assit  sous  ma  charrette  et  il  m'engagea  à  prendre  place 
à  côté  de  lui.  J'eus  beaucoup  de  peine  à  me  traîner  jusque-là,  et  me  sentant 
d'une  faiblesse  extrême,  j'appuyai  ma  tête  sur  son  épaule. 

«  Ce  fut  alors  que  commença  pour  moi  l'agonie  la  plus  cruelle.  Un  nuage  épais 


124  LECIIEGUANA. 

obscurcit  mes  yeux  et  je  ne  distinguai  plus  que  les  traits  de  mes  gens  et  l'azur 
du  cieltraversé  par  quelques  vapeui's  légères.  Je  ne  ressentis  point  de  grandes 
douleurs,  mais  j'étais  tombé  dans  le  dernier  affaiblissement.  Le  vinaigre  concen- 
tré que  mes  gens  me  faisaient  respirer  et  dont  ils  me  frottaient  le  visage  et  les 
tempes  me  saisissait  à  peine,  et  j'éprouvais  toutes  les  angoisses  de  la  mort.  Ce- 
pendant j'ai  parfaitement  conservé  la  mémoire  de  tout  ce  que  j'ai  dit  et  entendu 
dans  ces  tnoments  douloureux,  et  le  récit  qie  m'en  a  fait  depuis  un  jeune  Fran- 
çais qui  m'accompagnait  alors  s'est  trouvé  parfaitement  d'accord  avec  mes  sou- 
venirs. 

«  J'éprouvais  un  désir  ardent  de  parler  dans  ma  langue  au  Français  qui  me  pro- 
diguait ses  soins ,  mais  il  m'était  impossible  de  retrouver  dans  ma  mémoire  un 
seul  mot  qui  ne  fût  pas  portugais,  et  je  ne  saurais  rendre  l'espèce  de  honte  et  de 
contrariété  que  me  causait  ce  défaut  de  mémoire. 

((  Lorsque  je  commençai  à  tomber  dans  cet  état  singulier,  j'essayai  de  prendre 
de  l'eau  et  du  vinaigre  ;  mais  n'en  ayant  obtenu  aucun  soulagement,  je  demandai 
de  Leau  tiède.  Je  m'aperçus  que  toutes  les  fois  que  j'en  avalais,  le  nuage  qui  me 
couvrait  les  yeux  s'élevait  pour  quelques  instants ,  et  je  me  mis  à  boire  de  l'eau 
tiède  à  longs  traits,  et  presque  sans  interruption.  Sans  cesse  je  demandais  un 
vomitif  au  jeune  Français,  mais  comme  il  était  troublé  par  tout  ce  qui  se  passait 
autour  de  lui,  il  lui  fut  impossible  d'en  trouver  un.  Il  cberchait  dans  la  char- 
rette, j'étais  assis  dessous  et  par  conséquent  je  ne  pouvais  l'apercevoir;  cepen- 
dant il  me  semblait  qu'il  était  sous  mes  yeux  et  je  lui  reprochais  sa  lenteur. 
C'est  la  seule  erreur  dans  laquelle  je  sois  tombé  pendant  cette  cruelle  agonie. 

«  Sur  ces  entrefaites  le  chasseur  se  leva  sans  que  je  m'en  aperçusse,  mais  bientôt 
mes  oreilles  furent  frappées  des  cris  affreux  qu'il  poussait.  Dans  cet  instant  je 
me  trouvais  un  peu  mieux,  et  aucun  des  mouvements  de  cet  homme  ne  m'é- 
chappa. Il  déchira  ses  vêtements  avec  fureur,  les  jeta  loin  de  lui,  prit  un  fusil  et 
le  fit  partir.  On  lui  arracha  son  arme  des  mains,  et  alors  il  se  mit  à  courir  dans  la 
campagne  appelant  la  Vierge  à  son  secours  et  criant  avec  force  que  tout  était  eti 
feu  autour  de  lui,  qu'on  nous  abandonnait  tous  les  deux,  et  qu'on  allait  laisser 
brfder  nos  malles  et  la  charrette.  Un  pion  guarani,  qui  faisait  partie  de  ma  suite, 
ayant  essayé  inutilement  de  retenir  cet  homme ,  fut  saisi  de  frayeur  et  prit  la 
fuite. 

«  Jusqu'alors  je  n'avais  cessé  de  recevoir  les  soins  du  soldat  qui  avait  partagé 
avec  moi  et  mon  chasseur  le  miel  qui  nous  avait  été  si  funeste  ;  mais  lui-même 
avait  commencé  par  être  fort  malade  :  cependant  comme  il  avait  vomi  très- 
promplement  et  qu'il  était  d'un  tempérament  robuste,  il  avait  bientôt  repris  des 
forces  ;  il  s'en  fallait  pourtant  qu'il  fût  entièrement  rétabli.  J'ai  su  depuis  que 
pendant  qu'il  me  soignait,  sa  figure  était  effrayante  et  d'une  pâleur  extrême.  Je 
vais,  dit-il,  tout  à  coup  donner  avis  de  ce  qui  se  passe  à  la  garde  du  Guaray.  I 
monte  à  cheval  et  se  met  à  galoper  dans  la  campagne,  mais  bientôt  le  jeune  Fran- 
çais le  vie  tomber  :  il  se  releva ,  galopa  une  seconde  fois ,  tomba  encore,  et  quel- 
ques heures  après  mes  gens  le  trouvèrent  profondément  endormi  dans  l'endroit 
où  il  s'était  laissé  tomber. 

«  Cependant  l'eau  chaude  dont  j'avais  bu  une  quantité  pr-odigieuse  finit  par 
produire  l'effet  que  j'avais  espéré,  et  je  vomis  avec  beaucoup  de  liquide  une 
partie  des  aliments  et  du  miel  que  j'avais  pris  le  matin.  Je  commençai  alors  à  me 
sentir  soulagé  ;  un  engourdissement  assez  pénible  que  j'éprouvai  dans  les  doigts 
ut  de  courte  durée.  Je  distinguai  ma  charrette,  les  pâturages  et  les  arbres  voi- 


LECIIEGUANA.  125 

sius  ;  le  nuage  qui  avait  auparavant  cache  ces  objets  à  mes  yeux  ne  m'en  dérobait 
plus  que  la  partie  supérieure  ;  et  si  quelquefois  il  s'abaissait  encore,  ce  n'était  que 
pour  quelques  instants.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'état  de  José  Mariano  continuait  à 
me  donner  de  vives  inquiétudes  et  j'étais  également  tourmenté  par  la  crainte  de 
ne  jamais  recouvrer  moi-même  l'entier  usage  de  mes  forces  et  de  mes  focultés 
intellectuelles  ;  un  second  vomissement  commença  à  dissiper  mes  craintes  et  me 
procura  un  nouveau  soulagement  ;  j'eus  moins  de  peine  encore  à  distinguer  les 
objets  dont  j'étais  entouré  ;  je  commençai  à  parler  à  mon  gré  le  portugais  et  ma 
langue  maternelle  ;  mes  idées  devinrent  plus  suivies  et  j'indiquai  clairement  au 
jeune  Français  oîi  il  pourrait  trouver  un  vomitif.  Quand  il  me  l'eut  apporté,  je  le 
divisai  en  trois  portions,  et  je  vomis  avec  des  torrents  d'eau  le  reste  des  aliments 
que  j'avais  pris  le  matin.  Jusqu'au  moment  où  je  rendis  la  troisième  portion  du 
vomitif,  j'avais  trouvé  une  sorte  de  plaisir  à  avaler  de  l'eau  chaude  à  longs  traits  ; 
alors  elle  commença  à  me  causer  de  la  répugnance  et  je  cessai  d'en  boire  ;  le  nuage 
disparut  entièrement,  je  pris  quelques  tasses  de  thé  ;  je  fis  une  courte  promenade, 
et,  aux  forces  près,  je  me  trouvai  dans  mon  état  naturel. 

«  A  peu  près  dans  le  même  moment ,  la  raison  revint  tout  à  coup  à  José  Ma- 
riano, sans  qu'il  eût  éprouvé  aucun  vomissement. 

«  Il  pouvait  être  dix  heures  du  matin,  lorsque  nous  goûtâmes  tous  les  trois 
le  miel  qui  nous  avait  fait  tant  de  mal,  et  le  soleil  se  couchait  lorsque  nous  nous 
trouvâmes  parfaitement  rétablis.  Le  soldat  en  avait  présenté  au  pion  guarani  ; 
mais  celui-ci,  qui  en  connaissait  la  qualité  délétère,  avait  refusé  d'en  prendre. 
Le  Brésilien  avait  ri  de  sa  crainte,  il  n'avait  pas  même  cru  devoir  m'en  faire 
part.  » 

Le  lendemain  un  Indien  botocude  qui  accompagnait  A.  de  Saint-Hilaire  et  deux 
hommes  de  sa  suite,  mangèrent  du  miel  d'un  autre  guêpier  de  Lecheguana  sans 
en  éprouver  la  moindre  incommodité.  Les  Portugais,  les  Guaranis  et  les  Espao-nols 
que  le  célèbre  voyageur  interrogea  quelques  jours  après  dans  la  province  des 
Missions  lui  dirent  que  l'on  distinguait  dans  ce  pays  deux  espèces  de  Lecheguana: 
l'une  qui  donne  du  miel  blanc,  et  l'autre  qui  donne  du  miel  rougeàtre.  Ilsajou- 
èrent  que  le  miel  de  la  première  ne  faisait  jamais  de  mal  ;  que  celui  de  la  se- 
conde n'en  faisait  pas  toujours,  mais  que  quand  il  en  faisait,  il  occasionnait  une 
sorte  d'ivresse  ou  de  délire,  dont  on  ne  se  déhvrait  que  par  des  vomissements,  et 
qui  allait  quelquefois  jusqu'à  donner  la  mort.  On  lui  dit  aussi  que  l'on  connais- 
sait parfaitement  la  plante  sur  laquelle  la  guêpe  Lecheguana  va  récolter  son  miel 
empoisonné,  mais  comme  on  ne  la  lui  montra  pas ,  il  se  trouva  réduit  cà  former 
de  simples  conjectures. 

De  nouvelles  recherches  ont  conduit  Auguste  de  Saint-Hilaire  à  penser  que 
cette  plante  est  le  Vaullinia  australis. 

Le  miel  de  la  N.  Lecheguana  du  nouveau  monde  n'est  pas  le  seul  qui  ait 
causé  des  accidents,  j'en  rapporterai  d'autres  exemples  au  mot  Goêpe,  pour  les 
espèces  de  l'ancien  monde.  Un  a  pu  voir  d'ailleurs  que  le  mot  de  Lecheguana 
ou  de  Chiguana,  dont  se  sert  d'Azara,  pour  indiquer  les  guêpes  melliières,  a  un 
sens  étendu  et  se  rapporte  à  diverses  espèces.  Le  fait  important  de  A  de  Saint- 
Hdaire  établit  la  nocivité  possible  du  miel  que  produit  l'espèce  rigoureusement 
déterminée  que  j'ai  décrite  dans  cet  article. 

A.    LABODLBÎiNE. 
BiBLiocRArniE.  —  D'Azaha  (F.).  Voyage  dans   l' Amérique  méridionale.   Paris,    1809.   — 
Auguste  DE  SAiNT-lIiLAinE.  Plantes  remarquables   du  Paraguay,  t.  I  (Polistes  Lecheguana), 


126  LECLERG  (les). 

1825.  —  DuNAL.  Considérations  sur  les  organes  floraux,  p.  50,  1829  (Palistes  Lecheguana). 
—  Lateeille.  Notice  sur  un  Diploptcrc  (Lecheguana)  recollant  du  miel.,  etc.  In  Ann.  des  se. 
nat.,  1'"  sér.,  t.  lY,  p.  535  ;  1823.  Voy.  ausi  p.  540  et  suiv  —  I]LA^■cIIARu.  Hist.  des  insectes, 
1. 1,  p.  69  (Chartergus  Brasiliensis.  Le  même  auteur  n'en  parle  plus  daiis  ses  Métamorphoses 
des  insectes,  in-4'',  1868).  —  H.  de  Saussure.  Monographie  des  guêpes  sociales  ou  de  la  tribu 
des  Vespiens.  Introduction  CL,  et  p.  232,  pi.  XXXIV,  fig.  5;  1858. 

LÉCITHIXE  (de  léy.tOoi,  jaune  d'œuf).  Graisse  phosplion'e  neutre,  qui, 
par  sa  décomposition,  donne  de  l'acide  phospho-glycérique,  de  l'acide  oléique  et  de 
l'acide  margarique.  On  la  trouve  dans  la  bile,  dans  le  sang  (spécialement 
dans  la  fibrine,  d'après  Chevreul)  dans  le  tissu  nerveux,  dans  le  jaune  d'œuf. 
[Voy.  Bile,  Fibrine,  Nerveux  (Tissu),  Œuf  et  Sang]. 

LECLERC  (Les)  s 

Leclcrc  (D.^jniel),  un  des  érudîts  les  plus  éminenls  dont  puisse  s'honorer 
la  médecine;  c'est  véritablement  le  père  de  l'histoire  de  notre  art.  Appartenant 
lui-même  à  une  famille  de  savants  et  de  littérateurs,  originaire  du  Beauvoisis,  et 
réfugiée  à  Genève,  àT époque  des  persécutions  contre  les  protestants,  il  naquit  le 
4  février  1652  à  Genève,  où  son  père  exerçait  la  médecine,  et  professait  la  langue 
grecque.  Après  avoir  étudié  successivement  à  Montpellier  et  à  Paris,  il  se  fit  rece- 
voir docteur  à  Valence,  et  vint  se  fixer  dans  sa  ville  natale,  où  il  mourut  le 
17  juin  1728. 

Les  exigences  d'une  pratique  médicale  fort  étendue,  qu'il  abandonna  seulement 
en  1704  pour  des  fonctions  publiques,  n'empêchèrent  pas  Leclerc  de  continuer 
ses  études  de  littérature  médicale,  vers  lesquelles  l'entraînait  une  vocation  irré- 
sistible. Lié  d'amitié  et  de  goûts  avec  son  savant  compatriote  Manget,  ils  travail- 
lèrent en  commun  à  une  compilation  d'un  grand  intérêt  et  d'une  haute  utilité,  la 
Bibliothèque  anatoniique,  vaste  recueil  en  2  volumes  in-folio,  qui  contient  les 
travaux  les  plus  importants  publiés  sur  l'anatomie  depuis  la  fin  du  seizième  siècle. 
Mais  Leclerc  s'adonna  surtout  à  l'iiistoire  des  sciences  médicales,  et  un  premier 
essai  qu'il  avait  fait  paraître  en  1696,  pour  pressentir  le  goût  du  public,  ayant 
obtenu  les  suffrages  du  corps  médical,  il  mit  au  jour  (1702)  son  Histoire  de  la 
médecine,  qui  prend  la  science  depuis  ses  origines  jusqu'à  la  fin  du  second 
sièclede  l'ère  chrétienne,  c'est-à-dire  après  Galien.  Cet  ouvrage,  rédigé  d'après  les 
sources,  est  surtout  remarquable  par  l'exactitude  des  analyses  et  la  précision  des 
détails.  Avec  une  forme  naïve  et  une  bonhomie  qui  ne  sont  pas  sans  charme,  Leclerc 
montre  souvent  un  esprit  de  critique  très-délicat,  et  une  grande  solidité  de  juge- 
ment. Il  est  ainsi  apprécié  par  un  juge  bien  conijiétent,  Freind,  que  l'on  a  accusé 
d'acrimonie  à  son  égard  :  «  Il  a  rassemblé  ses  mémoires,  non-seulement  avec  un 
travail  infatigable,  mais  aussi  avec  un  discernement  exquis.  La  philosophie,  la 
théorie  et  la  pratique  de  tous  les  anciens  médecins  est  développée  avec  tant  de 
netteté  et  d'étendue,  qu'à  peine  est-il  une  notion,  une  maladie,  un  remède,  ou 
même  un  nom  d'auteur,  dans  un  espace  de  temps  aussi  considérable,  dont  il  n'ait 
parlé  exactement.  »  [Hist.  de  la  meW.,  trad.  fr.,  Paris,  1728,  in4»,  p.  1.) 

L'Essai  d'un  plan  pour  servir  à  l'histoire  de  la  continuation  de  la  médecine, 
qu'il  fit  paraître  à  la  suite  de  son  histoire  dans  l'édition  de  1725,  est  tout  à  fait 
indigne  de  la  première  partie.  On  y  trouve  des  anachronismes  et  des  erreurs  que 
Freind  a  relevés  avec  beaucoup  de  justesse  et  de  modération,  quoi  qu'on  en 
ait  dit. 

Yoici  la  liste  des  pubhcations  de  Leclerc,  nous  en  avons  soigneusement  retiré 


LE  CONQUEST   (station  siAraNE).  127 

celles  de  Leclerc  (Gabriel)  que  plusieurs  bibliographes  ont  confondues  avec  celles 
du  médecin  de  Genève. 

Z.  Histoire  de  la  médecine  où  l'on  voit  l'origine  et  les  progrès  de  cet  art,  de  siècle  en 
siècle,  depuis  le  commencement  du  monde.  Genève,  1690,  in-12.  2"=  édit.,  beaucoup  plus 
dé-veloppée,  Amsterdam,  1702,  in-i%  fig.;  5'=  édit.  augmentée  d'un  plan  pour  servir,  etc. 
Amsterdam,  1725,  in4%  et  la  Haye,  1729,  in-i'.  Cette  dernière  n'est  que  la  précédente 
avec  im  nouveau  titre.  —  II.  Historia  naturalis  et  mcclica  latorum  lumbicorum  intra  homi- 
ncm  et  animalia  nascentium,  etc.  Genève,  1713,  in-4°,  pi.  —  III.  Réponse  à  ce  cpCa  écrit 
M.  Freind,  concernant  diverses  fautes  qu'il  prétend  avoir  trouvées  dans  un  petit  ouvrage 
de  M.  Leclerc,  intitulé:  Essai  d'un  plan,  etc.  In  Bibliothèque  anc.  et  mod.,  t.  XXYII, 
p.  38S;1727. 

leclerc  (Charles-Gabriel),    médecin  français  contemporain  du  précédent, 

était  de  Montpellier,  suivant  Haller.   Il  prend,  dans  ses  ouvrages,  le  titre  de 

médecin  ordinaire  du  roi.  Nous  n'avons  rien  trouvé  sur  la  vie  de  ce  médecin. 

Voici  au  total  la  liste  de  ses  principales  publications,   celles  du  moins  que  nous 

avons  pu  contrôler  : 

I.  ha  chirurgie  complète  par  demandes  et  par  réponses,  etc.  Paris,  1691,  in-12,  plusieurs 
éditions.  Le  tome  II  est  constitué  par  VOstcologie  exacte  et  complète  (anat.  et  palhoL), 
ouvrage  dont  l'auteur  se  reconnaît  en  partie  redevable  aux  leçons  de  Duverney,  Glisson, 
Maréchal,  Arnaud,  etc.  Paris,  1700,  in-12.  —  IL  Im  médecine  aisée  où  l'on  donne  à  con- 
naître les  causes  des  maladies  internes,  etc.,  avec  une  petite 2)harmaeie  commode,  etc. 
Paris,  1696,  in-12,  plus.  édit.  —  On  lui  atti'ibue  encore:  III.  VÉcole  du  cliirurgien  ou  les 
principes  de  la  chirurgie  française.  Paris,  1684,  in-12.  —  IV.  La  médecine  des  riches  et 
des  pauvres.  Paris,  1696,  in-12.  — Y.  AjJpareil  commode  en  faveur  des  jeunes  chirurgiens. 
Paris,  1700.  — VI.  Catalogue  des  drogues.  Paris,  1701,  in-12,  etc.  (Haller,  Bibl.  chir.  et 
Bibl.  tnéd.  franc.  —  Eloy,  Dict.) 

Beaucoup  d'autres  médecins  ou  chirurgiens  ont  porté  le  nom  de  Leclerc,  mais 
ils  n'ontpubliéquedes  dissertations  académiques  ou  inaugurales.         E.  Bgd. 

îiE€CEOâ  (JtfLEs),  professeur  à  l'École  de  médecine  de  Caen,  chirurgien  des 
hôpitaux,  secrétaire  du  conseil  central  d'hygiène  du  Calvados,  médecin  des  épidé- 
mies, etc.  Né  à  Caen,  le  26  septembre  1808,  il  commença  dans  cette  ville  ses 
études  médicales,  qu'il  vint  achever  à  Paris  où  il  prit  les  grades  de  docteur  en 
médecine  et  en  chirurgie  (}85o-'185i).  Étant  retourné  dans  son  pays  natal, 
il  fut  peu  de  temps  après  nommé  professeur  de  matière  médicale,  puis  de  patho- 
logie externe.  Une  pratique  étendue,  les  différentes  fonctions  énumérées  plus 
haut,  ne  l'empêchaient  pas  de  se  livrer  à  des  travaux  de  cabinet  dont  nous  allons 
donner  la  liste  abrégée.  On  lui  doit  une  des  meilleures  publications  sur  les  bains 
de  mer,  d'intéressantes  recherches  sur  la  rage,  le  traitement  des  plaies  par  les 
alcooliques ,  etc.  Lecœur  mourut  à  Caen,  d'une  affection  organique  du  centre 
circulatoire,  le  25  février  1866. 

I.  Précis  sommaire  sur  le  choléra-morbus  épidêmique.  Paris,  1832,  in-8°.  — '  II,  Essai 
sur  l'éclampsie.  Th.  de  Paris,  1855,  n°  340.  —  III.  Proposit'ions  de  chirurgie  jjratif/ue. 
Thèse  de  Paris,  1854,  n-  20.  —  IV.  Des  bains  de  mer.  Guide  médical  et  hygiénique  du 
baigneur.  Caen,  1846,  2  vol.  in-^S".  —  V.  Secours  aux  noyés,  et  considérations  sur  les  accù" 
dents  déterminés  par  la  submersion.  Ibid.,  1856,  in-18.  — VI.  Etudes  sur  la  rage.  Ibid... 
1857,  in-8°.  — VII.  Dudanger  des  eaux  malsaines.  Ibid.,  1860,  in-8°.  —  VIII.  Étude  sut 
l'intoxication  alcoolique.  Ibid  ,  1860,  in-8'.  —  IX.  Des  pansements  à  l'aide  de  l'alcool  et  des 
teintures  alcooliques,  etc.  Caen,  186  i,  in-8°.  E.  Bqd. 

LE  coi^QUEST  (Station  marinb),  dans  le  département  du  Finistère,  dans 
l'arrondissement  et  à  28  kilomètres  de  Brest,  est  une  station  encore  peu  fréquentée 
des  bords  de  l'Océan.  Sa  belle  plage,  la  beauté  du  pays,  la  facilité  de  la  vie  dans 
cette  partie  de  la  Bretagne  réservent  au  Conquest  une  place  distinguée  parmi  les 
stations  marines  dans  un  avenir  qui  ne  peut  être  éloigné.  A.  R. 


128  LE  CROISIG. 

LECOQ  (Les  deux). 

Lecoq  (Antoine),  en  latin  Gallus,  était  de  Paris,  appartenait  à  notre  Facuitè", 
et  mourut  le  28  mars  1550.  Élu  deux  fois  doyen  ('2  novembre  1558  et  G  no- 
vembre 1539),  il  eut  la  douleur  au  milieu  de  son  décanat  de  voir  les  licences  sus- 
pendues par  un  acte  arbitraire  du  chancelier  de  l'Université.  Il  y  a  un  arrêt  forcé 
dans  les  nobles  exercices  de  la  rue  de  la  Bùcberie  !  Les  registres-commentaires 
ont  une  feuille  blanche,  et  sur  cette  feuille,  Lecoq  écrit  de  sa  main  cet  adieu  : 

Valete 
Gallus  his  ephemeribus  finem  imponebat  anno  1540. 
Jésus  finis  optimiis . 
Interturbatœ  Licenciée  hoc  anno. 
Vivite,  lœti 
Doctores. 
Gallus  pensuifi  suum  absolvit  lœtus. 
Gallus  posthac  nunquam  Decanus  iterum  futurus, 
Gratias  Domino  agit. 
Charta  liœc  vacat,  propterea  quod  hoc  anno  non  fuerunt  Licentiœ. 
Vale,  vale,  inquit  lôla. 

Antoine  Lecoq,  jouit  de  son  vivant  d'une  grande  réputation,  et  fut  a])pc]é  au- 
près de  François  I",  que  la  maladie  vénérienne  clouait  dans  son  lit.  Il  soutint 
avec  chaleur,  contre  l'avis  de  Fernel,  qu'il  fallait  soumettre  Sa  Majesté  aux  fric- 
tions mercurielles  :  «  C'est  un  vilain,  dit-il,  qui  a  gagné  la  vérole...  Frottetur, 
comme  un  autre  et  comme  le  dernier  de  son  royaume ,  puisqu'il  s'est  gâté  de  la 
même  manière.  » 

On  ne  connaît  que  deux  ouvrages  d'Antoine  Lecoq  : 

I.  De  l'tgno  sanclo  non  fermiscendo .  Paris,  1540,  in-8°. —  II.  Consilia  de  arthiitklc.  Fr?n- 
cof.,  1592,  in.8°. 

Lecoq  (Pascal),  qui  signe  aussi  habituellement  Gallus,  naquit  dans  le  Poitou, 
en  1567,  fut  reçu  docteur  à  Poitiers,  en  1597,  et  mourut  dans  cette  ville,  le 
18  août  1651.  Il  a  laissé  un  catalogue  alphabétique  des  médecins,  avec  des  notes 
sur  leurs  écrits  et  les  principaux  traits  de  leur  vie,  le  tout  tiré  principalement  de 
la  Bibliothèque  de  Gesner.  Ce  catalogue  porte  ce  litige  : 

BlbUotheca  medica,  sive  catalogus  illorwn  qui  ex  ^irofesso  artem  medicam  in  hune  usqtie 
annum  scrtptis  illuslrarunt.  Basil.,  1590,  in-8'.  A.  G. 

LE  ceoiSIC  (Baiks  DE  mek;  HYDR0THKiiAPiE5iAEiî?E).  Dans  le  département  delà 
Loire-Inférieure,  dans  l'arrondissement  de  Savenay,  est  un  chef-lieu  de  canton 
peuplé  de  2,471  habitants,  dont  la  belle  et  longue  jetée,  le  phare  dit  la  Tour  du 
Four,  l'école  d'hydrographie,  sont  les  particularités  remarquables.  Son  principal 
commerce  consiste  dans  la  pêche  et  la  conservation  des  sardmes,  et  dans  la  pro- 
duction du  sel  de  cuisine  que  les  paludiers  extraient  des  œillets  salants  du  voisi- 
nage. La  température  de  la  petite  ville  du  Croisic,  bâtie  à  l'extrémité  de  la  pres- 
qu'île de  ce  nom,  est  plus  élevée  que  celle  de  l'intérieur  des  terres,  et  que  celle 
de  Paris  ;  les  matinées  et  les  soirées  y  sont  cependant  assez  fraîches  pour  exiger 
des  vêtements  d  hiver . 

L'établissement  des  bains  de  mer  et  d'hydrothérapie  marine  a  été  construit  à 
l'extrémité  de  la  ville  et  au  bord  même  de  l'Océan  dont  les  vagues  battent  aux 


LE  CRÛL.  129 

fortes  marées  ou  par  le  grand  vent  les  murs  de  sou  jaiJiu.  Il  se  compose  de  trois 
cents  chambres  destinées  aux  baigneurs,  toutes  ayant  vue  sur  la  mer,  et  d'un 
immense  salon  destiné  aux  concerts  et  aux  bals,  qui  se  donnent  plusieurs  fois  par 
semaine  pendant  la  saison  des  bains.  La  jetée  n'est  pas  à  plus  de  20  mètres  de 
l'établissement,  c'est  la  promenade  habituelle  des  personnes  qui  craignent  des 
excursions  lointaines.  Comme  elle  a  d'ailleurs  plus  de  1  kilomètre  de  longueur, 
elle  suffit  parfaitement  à  l'exercice  de  ceux  auxquels  une  course  trop  fatigante 
est  interdite  ou  impossible.  La  plage  du  Croisic  est  formée  d'un  sable  très-fin, 
son  inclinaison  est  à  peine  sensible,  et  elle  n'a  aucun  galet. 

Les  salles  d'hydrothérapie  sont  dans  le  sous-sol  de  l'établissement.  Au  moment 
de  la  haute  marée,  on  ouvre  une  écluse  qui  permet  à  l'eau  de  mer  d'arriver  dans 
une  vaste  piscine  bordée  d'un  trottoir  de  marbre  et  entourée  de  dix-huit  cabinets. 
Deux  beaux  escaliers  descendent  à  la  piscine  au-dessus  de  laquelle  sont  fixés  deux 
appareils  de  douches  en  pluie.  A  marée  basse,  la  piscine  est  complètement  vidée. 
L'eau  destinée  aux  bains  isolés  et  aux  douches  est  montée  par  une  machine  à 
vapeur  dans  des  bassins  étabhs  à  9  mètres  au-dessus  des  salles  d'hydrothérapie. 
Les  ajutages  des  douches  sont  aussi  complets  que  possible.  L'étabhssement  du 
Croisic  reçoit  aussi  les  eaux-mères  des  marais  salants  que  le  médecin  peut  em- 
ployer en  boisson,  en  application  locale,  en  mélange  avec  l'eau  douce  ou  de  mer 
pour  bains  généraux,  suivant  les  exigences  du  traitement  et  le  caractère  de  la  ma- 
ladie [voy.  Eau-mère). 

Les  affections  qui  sont  le  plus  favorablement  traitées  avec  les  ressources  de 
l'hydrothérapie  marine  du  Croisic  sont  :  les  lymphatisme  et  la  scrofule,  surtout 
avec  manitestations  ganglionnaires,  et  alors  ja  base  du  traitement  doit  être  l'ap- 
plication topique  de  l'eau-mère  sur  les  parties  engorgées  ;  les  névropathies  dont 
les  accidents  aussi  variés  que  tenaces  résistent  souvent  aux  traitements  les  plus 
rationnels  ;  les  rhumatismes  chroniques  affectant  les  articulations,  les  muscles  ou 
les  viscères.  Les  bains  de  piscine  par  affusion  et  les  douches  générales,  doivent 
être  rais  en  usage  contre  les  névropathies  et  les  rhumatismes  chroniques  généra- 
lisés; les  douches  locales,  au  contraire,  constituent  la  médication  spéciale  des 
douleurs  rhumatismales  limitées  à  une  partie  distincte  du  corps.  Les  maladies 
utérines,  l'anémie  et  la  chlorose  rentrent  enfin  dans  la  sphère  d'action  des  bains 
de  mer  dans  la  piscine,  des  douches  générales  révulsives  et  des  douches  vagi- 
nales de  l'établissement  du  Croisic.  La  guérison  de  la  chloro-anémie  peut,  la  plu- 
part du  temps,  être  obtenue  par  l'effet  tonique  et  reconstituant  seul  des  bains 
"en  pleine  mer  et  par  la  respiration  de  l"air  salin  du  Croisic  et  de  ses  environs. 

A.  RoTur.EAU. 

BiBLioGUAViiiE.  —  Caille  (jeune).  Noies  sur  le  Croisic.  In-8»,  1842.  —  Notice  médicale  sur 
les  bains  de  mer  du  Croisic  et  sur  leffct  thérapeutique  des  eaux-mères,  de  l'hydrothéi-apic 
marine  et  des  bains  de  sables  administrés  à  l'établissement  du  Croisic.  Paris,  1855,  in-S», 
47  pages.  —  LEr.oï-Dui'RÉ.  Établissement  de  bains  de  mer  et  d'hydrothérapie  marine  du 
Crisic  [près  Nantes];  des  maladies  qui  y  sont  traitées  avec  le  plus  de  succès.  In  Union  mé- 
dicale, n"  du  8  et  10  janvier,  et  brochui~c,  in-8°,  Paris,  1861,  onze  pages.  A.  I\. 

LE  CROL  (Eau  mikérale  de),  athermale,  sulfatée  ferrugineuse  faible,  carbo- 
nique faible.  Dans  le  département  de  l'Aveyron,  à  une  petite  distance  de  Ckansag 
[voy.  ce  mot),  et  de  la  petite  ville  d'Aubin,  émerge  la  source  du  Crol  dont  l'eau 
est  limpide,  claire  et  transparente  :  elle  laisse  déposer  cependant,  sur  les  parois 
de  son  bassin,  une  couche  notable  de  rouille.  Elle  n'a  aucune  odeur;  sa  saveur 
est  Icrrugineuse  ;  sa  température  est  de  12°, 8  ccnligradc.  M.  Poumarède  a  fait 
mcT.  ENC.  2°  s.  II.  9 


130  LEGYTIllS. 

son   analyse  chimique  ;   il   a  trouvé  dans  1000  grammes  d'eau  les  principes 
suivants  : 

Sulfate  ferreux 0,840 

—  feriique 0,283 

—  manganeux 0,530 

—  de  magnésie 0,300 

—  chaux 0,070 

—  alumine traces. 

Matière  organique  azotée 0,010 

Total  des  matières  fixes l,55o 

Gaz  acide  carbonique  libre quantité  indéterminée. 

Les  qualités  physiques,  chimiques  et  thérapeutiques  des  eaux  du  Crol  ont  une 
grande  analagie  avec  celles  de  Cransac  ;  elles  émergent  dans  la  même  vallée  et 
au  pied  de  la  même  colline.  Nous  z'en voyons  à  ce  que  nous  avons  dit  des  eaux 
de  Cransac,  pour  tout  ce  qui  se  rapporte  à  l'action  physiologique  et  curative  des 
eaux  du  Crol.  A.  Rotureau. 

LF  CROTOY  (Station  marine).  Dans  le  département  de  la  Somme,  près  de 
l'embouchure  de  la  rivière  de  ce  nom,  dans  l'arrondissement  et  à  25  kilométrée 
nord-ouest  d'Abbeville  (chemin  de  fer  du  Nord,  station  de  Rue,  Le  Crotoy  en  est 
à  10  kilomètres),  est  une  petite  Aille  de  1200  habitants,  célèbre  par  la  captivité 
de  Jeanne  d'Arc  qui,  en  1431,  fut  enfermée  dans  le  château  fort,  dont  on  visite 
les  ruines  aujourd'hui.  La  plage  du  Crotoy  est  très-unie  et  composée  d'un  sable 
fin  ;  un  assez  grand  nombre  de  personnes  la  fréquentent  depuis  que  l'on  a  créé 
tm  étabhssement  et  un  casino.  La  chasse  aux  lapins,  si  nombreux  dans  les  fa- 
laises voisines  du  Crotoy,  est  la  distraction  principale  des  baigneurs  qui  se  ren- 
dent à  ce  poste  du  littoral  de  la  Manche.  A.  R. 

LECTTHIS  ou  QUATELÉ.  Genre  de  plantes,  de  la  famille  des  Myrtacées, 
qui  a  donné  son  nom  à  une  tribu  des  Lécythidées,  et  qui  est  remarquable  par 
ses  feuilles  alternes  et  ses  belles  ileurs  en  grappes  simples  ou  ramifiées.  Les  éta- 
mmes  tombent  avec  la  corolle  et  sont  autour  du  gynécée,  d'un  côté  de  la  fleur, 
tandis  que  de  l'autre  côté  elles  sont  insérées  sur  une  grande  languette  formant 
capuchon  ;  celles  qui  se  trouvent  en  haut  et  en  bas  sont  stériles.  A  l'ovaire  in- 
fère, pluriloculaire,  pluriovulé,  succède  un  fruit  bien  connu  par  ses  parois 
épaisses  et  par  la  façon  dont  il  s'ouvre  en  haut  comme  par  un  couvercle  circu-' 
laire.  De  làle  nom  de  Marmites  de  singe,  donné  par  les  Européens  à  ces  fruits.  Ils 
contiennent  de  nombreuses  graines  qui,  sous  leurs  téguments,  renferment 
un  gros  embryon  charnu,  huileux.  C'est  là,  en  général,  la  partie  utile  des 
Lecythis.  Ses  propriétés  sont  les  mêmes  que  celles  de  l'amande  du  Bertholletia. 
Elles  se  retrouvent  aussi  bien  dans  les  graines  du  L.  Zahucago  Aubl.,  qui  croît 
à  la  Guyane,  que  dans  le  L.  ollariaL.,  ou  Sapiicaju,  arbre  de  Venezuela  et  du  Bré- 
sil, lel.  grandiflora  Aobl.,  leL.  Pisojiis  Camb.  (L.  oZ/aria  Vell.)  onZabucajo, 
espèces  de  la  Guyane,  et  le  L.  lanceolata  Poir.,  ou  Sapucoja  branca  des  Brési- 
liens, qui  est  cultivé  aux  îles  Mascareignes  et  à  Madagascar.  Le  liber  de  plusieurs 
espèces  sert  à  fabriquer  des  tissus,  mauvais  conducteurs  du  calorique,  des  nattes, 
des  cordages,  et  une  partie,  dit-on,  de  ces  liens  à  mailles  fines  qui  servent  parfois 
à  attacher  les  paquets  de  cigares.  Les  graines  sont  souvent  amères,  toniques, 
fébrifuges;  telles  sont  celles  des  L.  amara  Aubl.,  Idatimon  kvBL.,parviftora, 
Aubl.,  originaires  de  la  Guyane.  Celles  du  L.  grandiflora  servent,  au  Brésil,  à 


LEDESMA   (eaux  minérales  de).  151 

préparer  une  émulsion  administrée  dans  les  cas  d'affections  catarrhales  des 
bronches.  H.  Bs. 

L.,  Gcn.,  n.  C64.  —  Lœfling,  Itin. ,  189.  —  AcBt.  ,  Giiian.,  t.  283-289.  —  Poiteau  ,  ia 
Méin.  duMiis.,  XIII,  143,  t.  2,  3,  7.  —  Cambess.,  in  A.S.H.  FI.  bras,  mer.,  II,  377,  t.  158. 
—  Endl.,  Gen.,  n.  6352.  —  Mer.  et  Del.,  Did.,  IV,  81.  —  Guib.,  Droq.  sbnpl.,  éd.  4,  III, 
248.  —  DC,  Prodr.,  III,  290.  —  Berg  (O.j,  mlinnœa,  XXVII,  448;  XXIX,  258.  —  BENTii. 
et  HooK.,  Gen.,  I,  725,  n.  69.  —  Rose.mh.,  Synops.  plant,  diaphor.,  940. 

LEDERMVELLER  (MARTiN-FROBENias).  Un  des  médecins  qui,  au  siècle  der- 
nier, fit  le  plus  avancer  les  observations  microscopiques,  naquit  à  Nuremberg,  le 
20  août  4719,  et  mourut  dans  cette  ville,  le  16  mai  1769.  Sa  vie  fut  assez  agitée, 
si  l'on  en  croit  ses  biographies,  car  on  le  voit  successivement  clerc  de  notaire  à 
Nuremberg,  élève  en  droit  à  léna,  fourrier  dans  un  régiment ,  secrétaire  d'un 
baron  de  Kaiserling,  dessinateur  de  plans  chez  le  major  général  de  Bruehl,  no- 
taire à  Nuremberg,  secrétaire  de  l'ambassadeur  de  Suède  à  la  diète  de  Francouie, 
secrétaire  du  prince  Fiodolphe  Cantacuzène  ;  puis...  atteint  de  surdité,  obligé  de 
quitter  une  place  qui  le  faisait  vivre  honorablement  ;  enfin,  guéri  de  son  infirmité 
de  l'ouïe,  et  chargé  en  1760  d'établir  à  Bayreuth  un  cabinet  d'histoire  naturelle. 
C'est  là  qu'il  continua  des  études  microscopiques  qu'il  n'avait  pas  cessé  de  chérir, 
malgré  les  péripéties  de  son  existence,  et  qui  ont  illustré  son  nom. 

Ledermùller  a  beaucoup  écrit.  On  peut  voir  la  liste  complète  de  ses  ouvrages 
dans  le  grand  Dictionnaire  de  médecine  en  60  volumes  (partie  bibliographique). 
Nous  nous  contenterons  d'indiquer  et  de  traduire  en  français  les  titres  des  quatre 
principaux  : 

I.  Observations  physiques  des  animalcules  spermatiques,  au  moyen  des  meilleurs  micro-* 
scopes.  Nuremb.,  1756,  in-4°.  8  planclies.  —II.  Défense  des  animalcules  sjjermaliques. 
Nuremb.,  1658,  in-S,  6  planclies.  —  Itl.  Études  microscopiqites.  Nuremb.,  1759,  in-8°. — 
IV  Amusements  viicroscopiques,  tant  pour  l'esprit  que  pour  les  yeux.  Nuremb.,  1760-1764, 
in-4°,  trois  volumes.  '  A.  G. 

LEDESMA  (Eaux  minérales  de),  hjperthermaïes,  ou  mé&othermales ,  sulfatées 
calciques,  sulfureuses  et  carboniques  moyennes,  en  Espagne,  dans  la  province 
de  Salamanca,  à  31  kilomètres  de  la  ville  de  ce  nom,  à  11  kilomètres  au  sud-est 
de  la  petite  ville  de  Ledesma,  peuplée  de  1570  habitants,  à  60  mètres  de  la  rive 
gauche  de  la  Tormes,  au  pied  d'une  colhne  couverte  de  pierres  et  de  terre  in- 
culte. (Chemin  de  fer  de  Paris  à  Bayonne,  San-Sebastiano,  Burgos,  Valladolid  et 
Salamanca;  de  cette  dernière  ville,  route  de  poste.)  La  vie  matérielle  n'est  pas 
toujours  facile  aux  étabhssements  thermaux  de  l'Espagne,  et  les  baigneurs  doivent 
apporter  avec  eux  presque  tout  ce  dont  ils  ont  besoin,  et  se  contenter  souvent 
d'une  nourriture  très-frugale  et  surtout  peu  variée  ;  à  Ledesma,  on  se  procure 
aisément,  et  à  bon  marché,  tous  les  objets  de  première  nécessité  et  toutes  les 
provisions  indispensables  à  la  cuisine.  Cette  station  est  la  plus  fréquentée  de 
l'ouest  de  l'Espagne,  et,  de  deux  à  trois  mille  personnes  y  viennent  chaque  année 
des  provinces  voisines  de  la  péninsule  Ibérique  ou  du  Portugal.  Les  excursions 
sont  nombreuses  et  intéressantes  ;  mais  les  chemins  des  environs  de  ce  poste 
thermal  sont  très-mal  entretenus.  Un  des  points  visités  avec  le  plus  de  plaisir^ 
est  l'ancienne  ville  de  Ledesma  entourée  de  murs  de  pierre,  construits  au  temps 
de  l'occupation  romaine.  La  température  est  chaude  de  dix  heures  du  matin  à 
cinq  à  six  heures  du  soir  ;  le  commencement  et  la  fin  des  journées  est  assez  froid 
et  assez  humide  pour  justifier  la  précaution  du  manteau  dans  lequel  se  dra- 
pent les  Castillans.  La  saison  ouvre  le  15  mai  et  finit  avec  le  mois  de  septembre* 


152  LEDESMA  (eaux  minérales  de). 

Un  grand  nombre  de  sources  émerge  à  Ledesma  de^^  la  craie  et  du  sable  ; 
mais  deux  seulement  ont  un  captage  régulier  ;  elles  sont  désignées  par  les  noms 
de  fuente  de  los  Baiios  (source  des  Bains),  et  de  fuente  de  la  Bebida  (soui'ce  delà 
Buvette).  Le  débit  de  la  soure  des  Bains,  déjà  employée  parles  Romains,  est  de 
235,100  litres  en  vingt-quatre  heures.  La  source  de  la  Buvette  a  été  récemment 
découverte  par  l'ancien  directeur,  M.  le  docteur  Alegre.  Les  griffons  non  captés  sont 
à  40  mètres  à  l'ouest  de  l'établissement  ancien,  ou  dans  le  lit  même  de  la 
Termes.  Les  ruisseaux  d'eau  minérale  formés  par  les  premiers  sont  d'eau 
moins  chaude  que  ceux  des  derniers  qui  ont  une  température  presque  égale  à 
celle  de  l'eau  de  la  source  des  Bains. 

La  source  des  Bains  jaillit  dans  l'établissement  arabe,  bâti,  dit-on,  par  un 
Maure  appelé  Cephar,  et  elle  est  recueillie  dans  un  grand  réservoir  voûté,  divisé, 
depuis  1819,  en  deux  compartiments,  où  trente  personnes  de  chaque  sexe  peu- 
vent se  baigner  à  la  fois,  et  en  quatre  cabinets  plus  petits  pour  ceux  qui  veulent 
être  isolés . 

Les  caractères  de  toutes  les  eaux  des  sources  minérales  de  Ledesma  sont  les 
mêmes  à  l'exception  de  la  température  et  de  la  quantité  de  barégine  qu'elles 
tiennent  en  suspension.  Elles  sont  limpides  et  transparentes  ;  leur  odeur  et  leur 
saveur  sont  très-sensiblement  hépatiques;  elles  sont  douces  et  onctueuses  au  tou- 
cher ;  elles  charrient  une  matière  blanchâtre,  glaireuse,  qu'elles  kissent  déposer 
sur  les  parois  de  leur  bassin  de  captage  et  au  fond  des  ruisseaux  qui  les  con- 
tiennent ou  les  laissent  couler.  Leur  densité  est  presque  la  même  que  celle  de 
l'eau  distillée,  La  température  de  l'eau  de  la  source  des  Bains  est  de  50°  centi- 
grade, celle  de  la  source  de  la  Buvette,  conduite  dans  un  bassin  pour  tempérer 
l'eau  de  la  source  des  Bains,  est  de  30"  centigrade;  celle  de  l'eau  des  griffons 
inutilisés  varie  de40''à43°,8  centigrade.  Nous  ne  connaissons  pas  d'analyse  com- 
plète des  eaux  de  Ledesma.  M.  Viliar  y  Pinto,  pharmacien  à  Salamanque,  nous 
apprend  seulement  que  1000  grammes  de  l'eau  de  la  source  des  Bains  renferment 
les  principes  suivants,  dont  il  n'a  pas  déterminé  les  quantités  exactes  : 

Sulfate  de  chaux >, 

—         fer „ 

Chlorure  Jo  calcium » 

Phosphate  de  chaux traces. 

Matière  ve'géto-animale très-ai)ondaDte. 


Gaz.  j  ^'^'^'^  ^"Ifhydrique 

(      —    carbonique )  0'-'""'= 


quantité. 


Le  directeur  actuel,  le  docteur  Ignacio  José  Lopez,  a  trouvé  que  1000  grammes 
de  ces  eaux  contiennent  au  sulfhydromètre  : 

Soufre 0,014517 

Acide  sulfliydrique 0,015418 

qui  équivalent  à 8,967297  centimètres  cubes  de  gaz. 

Mode  d'administration  et  doses.  Les  eaux  de  la  source  de  la  Buvette  sont  em- 
ployées en  boisson  à  la  dose  de  deux  à  six  veiTes,  le  matin  à  jeun,  et  à  un  quart 
d'heure  d'intervalle.  L'eau  de  la  source  des  Bains  se  rend  aux  piscines  et  aux 
baignoires  de  l'établissement  arabe  de  Ledesma.  Le  bain  en  commun  et  le  bain 
isolé  a  une  durée  de  quarante-cinq  minutes  à  une  heure,  en  général.  Les  bai- 
gneurs sont  transportés  ou  se  rendent  dans  des  chambres  à  lits.  La  sudation  fait 
une  partie  intégrante  de  la  cure  de  Ledesma*. 

Emploi  thérapeutique.  L'eau  de  Ledesma  en  boisson  et  en  bains,  a  pour  effet 
physiologique  principal  une  excitation  marquée  des  systèmes  nerveux  et  sanguin. 


LÉDON.  133 

Sou  adioii  à  l'intérieur  et  à  l'extérieur  est  très-prononcée  sur  la  peau  et  sur  les 
membranes  muqueuses,  dont  elle  active  singulièrement  les  fonctions.  Ainsi,  la 
sueur  est  très-abondante  et  l'expectoration  facile. 

Les  maladies  cutanées  chrouiques,'qui  ont  besovn  pour  être  améliorées  ou  gué- 
ries de  revenir  à  un  état  subaigu  ou  aigu;  les  rhumatismes  articulaires  ou  mus- 
culaires très- éloignés  de  leur  période  inflammatoire;  les  paralysies,  à  la  condition 
expresse  qu'elles  ne  soient  pas  le  résultat  d'une  congestion  ou  d'une  hémorrhagie 
cérébrales,  et  les  troubles  de  la  digestion  qui  annoncent  une  manifestation  cutanée, 
coexistent  avec  elle,  ou  suivent  sa  disparition,  sont  très-avantageusement  traités 
par  les  eaux  mésothermales  sulfureuses  et  carboniques  de  la  source  de  la  Bu- 
vette, et  par  les  eaux  et  les  vapeurs  hyperthermales  de  la  source  des  Bains  de  Le- 
desma. 

La  durée  de  la  cure  était  autrefois  de  trois  à  six  jours,  pendant  lesquels  les 
malades  prenaient  un  bain  tous  les  matins.  Le  séjour  qu'ils  font  maintenant  à 
Ledesma  est  de  dix  à  douze  jours,  ce  qui  est  un  temps  au  moins  de  moitié  trop 
court,  pour  que  des  affections  ayant  profondément  détérioré  les  organes,  et  al- 
téré leurs  tissus,  puissent  y  être  utilement  combattues. 

On  n'exporte  pas  les  eaux  de  Ledesma.  A.  Rotureatj. 

Bibliographie ,  — Rucio  (Pedro  Maria)  Tratado  compléta  de  las  fuenles  minérales  de  Es- 
pana.  Madrid,  1S55,  in-8°,  p.  109-115.  —  Joanne  (Ad.)  et  Le  Piledr  (A  ).  Les  bains  d'Europe, 
guide  descriptif  et  médical,  etc.  Paris,  1860,  in-12,  p.  181-18'2.  A.  R. 

ïiÉDO^  {Ledumh.).  Genre  déplantes,  delà  famille  des  Éricacées,  et  du 
groupe  particulier  qui,  dans  cette  famille,  se  distingue  par  sa  corolle  polypétale. 
Leur  calice  est  peu  développé,  à  cinq  divisions,  et  leur  corolle  à  cinq  folioles 
alternes,  imbriquées  on  tordues.  Les  étamines  sont  liypogynes,  insérées  sous  un 
disque  peu  épais,  et  il  y  en  a  souvent  dix,  dont  cinq  superposées  aux  sépales,  et 
cinq  aux  pétales.  Mais  ces  dernières,  ou  quelques-unes  d'entre  elles ,  peuvent 
manquer.  Toutes  les  anthères  sont  biloculaires,  introrses  et  porricides.  L'ovaire 
est  supère,  à  cinq  loges  multiovulées,  superposées  aux  pétales.  11  devient  une  cap- 
sule septicide,  avec  des  placentas  polyspermes  qui  demeurent  fixés  à  une  colonne 
centrale.  Les  Lédons  sont  de  petits  arbustes  qui  croissent  dans  les  contrées  maré- 
cageuses de  l'hémisphère  boréal,  dans  l'ancien  monde  et  dans  le  nouveau.  Leurs 
feuilles  sont  alternes,  simples,  épaisses,  coriaces,  chargées  en  dessous  d'un  duvet 
ferrugineux  ;  leurs  fleurs  sont  blanches,  rarement  he.xamères,  disposées  en  om- 
belles terminales.  Deux  espèces  sont  employées  en  médecine. 

\.  L.  des  marais,  ou  Romarin  sauvage,  R.  de  Bohême  {Ledum  palustre  L., 
Spec.,  591.-— Œd.,  FL  dan.,  t.  1031. —ScaicaHu,  Handô.,  t.  U7.  —  Duha.m., 
Arbr.,l,t.  67. — Lodd.,  Bot.  Cab.,  t.  560).  Cette  espèce  habite  l'Amérique 
septentrionale,  l'Asie  et  l'Europe  ;  elle  se  trouvait,  dit-on,  en  France,  dans  les 
Vosges  et  en  Alsace  ;  mais  le  fait  paraît  douteux.  C'est  un  petit  arbuste  à  feuilles 
étroites,  épaisses,  à  bords  réfléchis,  à  face  inférieure  couverte  d'un  duvet  jaunâtre 
ou  ferrugineux.  Ses  fleurs  sont  supportées  par  des  pédicelles  grêles.  Leur  calice 
est  gamosépale,  et  l'ovaire  se  renfle  à  sa  base  en  un  disque  circulaire  fort  peu 
prononcé.  Les  étamines  sont  au  nombre  de  dix.  Les  feuilles  sont  nommées,  dans 
les  pharmacopées  allemandes,  Folia  Ledi,  F.  Bosmarini  sijlvestris  [Aiithos  Syl- 
vestre. Elles  ont  une  odeur  forte,  résineuse,  qui  écarte  le  bétail  ;  les  chèvres 
seules  s'eïi  nourrissent.  On  les  place  dans  les  maisons,  les  armoires,  pour  éloigner 
les  rats,  les  teignes,  les  blattes  ;  distillées  avec  de  l'écorce  de  bouleau,  elles  don- 


1,-îi  LE  DRAN  (les  trois). 

nent  une  huile  àiaquelle  le  cuir  de  Russie  doit,  dit-on,  son  odeur  particulière.  Ou 
en  prépare  des  lotions,  qui  guérissent  la  gale,  la  teigne.  C'est  également  comme 
insecticide  que  les  infusions  de  Lédon  des  marais  agissent  dans  la  dysenterie,  au 
dire  de  Bojœrlund  qui  pensait  que  cette  maladie  était  produite  par  des  insectes. 
Linné  rapporte  qu'on  traite  la  coqueluche  avec  cette  plante,  dans  la  Westro- 
Gothie.  D'autres  ont  prétendu  qu'elle  guérit  les  fièvres  éruptives,  et  qu'elle  a  des 
propriétés  narcotiques.  Oldelius  (Mém.  de  VAcad.  de  Suède,  illi,  267  ;  1779, 
218;  1783,  224)  la  préconise,  en  décoction,  contre  la  lèpre  du  Nord.  On  en  a 
préparé  une  eau  distillée,  administrée  contre  la  céphalalgie  ;  et  les  vétérinaires 
en  ont  fait  laver  le  bétail  pour  le  débarrasser  de  la  vermine.  Rauchfuss,  en 
i  796,  et  plus  récemment  Meissner  ont  analysé  le  Lédon  qui  contient,  d'après 
ce  dernier  {Bull,  des  se.  de  Férussac,  XII,  179),  du  tannin,  de  la  résine,  une 
matière  colorante  brune,  du  sucre  incristalîisable,  de  la  chlorophylle  et  une  huile 
essentielle  volatile.  On  croit  que  la  bière  contient  quelquefois,  en  Allemagne,  des 
i'euilles  de  Lédon ,  ce  qui  lui  donnerait  des  propriétés  nuisibles. 

11.  L.  à  larges  feuilles  ou  Thé  du  Labrador,  de  James  {Ledum  latifolium  Ait., 
Hort.  kew.,  65.  —  Jacq.,7co?z.  rar.,t.  464.  — Lamk,  lllustr.,  t.  365. — L.  cana- 
denseLoBD,  Bot.  Cab.,  t.  1049.  L.  groenlandicum  Retz.,  Scand.,  éd.  2,  495). 
Cette  espèce  n'était,  pour  Michaux  {FI.  amer.  bor.,\,  259),  qu'une  variété  du 
L.  palustre,  qu'il  appelait  L.  palustre  latifolium.  Aujourd'hui,  elle  est  considérée 
comme  distincte.  C'est  un  petit  arbuste  toujours  vert,  à  branches  cotonneuses,  à 
feuilles  presque  sessdes,  longues  de  deux  pouces  environ,  obtuses  au  sommet,  et  à 
dnvet  épais,  couleur  de  roudle,  sur  toute  la  face  inférieure.  Ses  fleurs  ont  des  pé- 
dicelles  pubescents.  Leurs  étamines  sont  au  nombre  de  cinq,  superposées  aux  sé- 
pales, ou  de  six  à  huit,  deux  ou  trois  des  étamines  superposées  aux  pétales  pou- 
vant aussi  se  développer.  Le  fruit  est  légèrement  pubescent,  et  les  graines  sont 
terminées  aux  deux  extrémités  par  une  sailhe  membraneuse.  Les  feuilles  ont  été 
employées  à  préparer  un  infusion  stimulante  qu'on  prenait  en  Amérique  au  lieu  de 
thé  pendant  la  guerre  de  l'indépendance.  Leur  saveur  est  cependant  quelque  peu 
amère.  Mais  l'odeur  en  est  agréable,  au  dire  de  Rose,  et  elles  sontapéritives.  Toute- 
fois, on  accuse  la  bière  qui  en  contient  de  produire  des  nausées,  de  la  céphalalgie 
et  même  du  délire.  En  médecine,  on  emploie  l'infusion  comme  pectorale,  tonique» 
stomachique;  elle  a  été  recommandée  contre  les  fièvres  d'accès,  la  diarrhée,  la 
dysenterie.  On  doit  à  M.  Bacon  {Journ.  de  pharm.,  IX,  558)  une  analyse  de  cette 
plante,  qui  renferme  du  tannin,  de  l'acide  gallique,  de  la  résine,  de  la  cire,  une 
matière  extractive  amère  et  différents  sels.  Cette  espèce  est  fréquemment  cultivée 
dans  nos  jardins  botaniques,  et  elle  pourrait  être  l'objet  d'expériences  décisives. 

II.  Bn. 

L.,  Gen.,  n.  546;  Spec,  591  ;  Amœn.  acad.,  VIII,  268;  Diss.  de  Ledo  palustre,  resp. 
J  C.  Westring.  Upsal.,  1775.  —  G.ertn.,  De  fruct.,  II,  145,  t.  112.  —  Hook.,  FI.  londin., 
t.  212.  —  Don,  in  Edinb.  Phil.  .hum.,  VI,  50.  —  Exdl.,  Gen.,  n.  4344.  —  Mér.  et  Del., 
Bict.,  IV,  S'?.  —  A.  DC.PMrfj'.,  VII,  730.  — H.  Bx.,  ap.  Payer,  Leçon  sur  les  fam.  nat., 
'J25;  Adansonia,  I,  201).  —  Lindi,.,  FI.  med.,  379,  — PiOsenth.,  Sijnops.  plant,  diaphor.,  352. 

H.   Bx. 

LE  DRAIV  (Les  trois).  Une  partie  des  papiers  de  la  famille  Le  Dran  étant  tom- 
bée de  la  bibliothèque  de  Desgenettes  dans  nos  mains,  nous  pouvons  donner  sur 
ces  trois  hommes  distingués  des  détails  jusqu'ici  inédits  et  d'une  rigoureuse  exac- 
titude. 

Le  DraiB  (HfNni) ,  le  premier  de  tous,  était  fils  de  François  Le  Dran,  marchand 


LE  DRAN  (les  trois).  135 

à  Saint-Cloud,  et  de  Denise  Feuillet,  cette  dernière  sœur  du  chanoine  Nicolas 
Feuillet,  qui  s'est  rendu  célèbre  par  ses  prédications  à  Paris.  Il  naquit  à  Saint- 
Cloud,  le  24  décembre  1656.  Ayant  embrassé  l'étude  de  la  chirurgie,  il  s'acquit 
une  telle  réputation  qu'il  parvint  bientôt  au.x  plus  grands  emplois  et  aux  plus 
grands  honneurs.  Ce  fut  lui  qui  remit  en  vigueur  l'extirpation  du  cancer  au  sein, 
qui  était  depuis  longtemps  fort  négligée  en  France,  alors  qu'Helvétius  se  vantait 
d'avoir  pratiqué  en  Hollande  deux  mille  fois  cette  opération.  A  la  bataille  de  Mal- 
plaquet  (1709),  Le  Dran  accompagnait  le  maréchal  de  Villars  en  quahté  de  chirur- 
gien-major du  régiment  des  gardes  françaises,  et  s'attirait  un  grand  relief  parmi 
les  chirurgiens  des  troupes  royales,  en  sauvant  l'illustre  guerrier  d'un  coup  de 
feu  qu'il  avait  reçu.  De  retour  à  Paris,  il  tint,  comme  on  dit,  le  haut  du  pavé 
dans  la  pratique  chirurgicale,  et  lorsque  Louis  XIV  fut  atteint  de  cette  gangrène 
sénile  qui  l'enleva  en  quelques  jours,  les  chirurgiens  et  les  médecins  du  grand 
soleil  en  putréfaction  voulurent  que  Le  Dran  vînt  les  aider  de  ses  conseils  et  de  son 
expérience  :  ils  en  avaient  besoin,  ces  malheureux  archiàtres,  harcelés  qu'ils  étaient 
par  une  foule  de  charlatans  qui  se  faufilaient  jusqu'au  chevet  du  roi,  prétendant  le 
sauver  d'une  affection  devenue  incurable  chez  un  monarque  épuisé  par  sa  glou- 
tonnerie, les  excès,  la  gravelle,  la  goutte,  les  lavements  et  les  médecines  quoti- 
diennes. 

Henri  Le  Dran  mourut  à  Paris,  le  1'^''  février  1720,  dans  sa  maison  de  la  rue 
Férou,  et  fut  inhumé  à  Saint-Sulpice.  Il  n'était  âgé  que  de  soixante-quatre  ans,  et 
dans  cette  vie,  relativement  courte,  il  avait  trouvé  moyen  de  se  marier  deux  fois 
et  de  procréer  seize  enfants,  dont  voici  la  liste. 
De  son  mariage  avec  Catherine  Darvoy,  il  eut  : 

1"  Henriette-Catherine,  née  le  16  juillet  1682;  2°  Denise,  née  le  9  novem- 
bre 1684;  S"  Henri-François;  né  en  1685;  4°  Nicolas-Louis,  né  le  24  avril 
1687;  5°  Pierre,  né  le  26  avril  1688  ;  6«  François-Antoine,  né  le  5  avril  1690  ; 
7°  Charles-Pierre,  né  [le  16  mai  1691  ;   8"  Catherine-Marguerite,  née  le  20  oc- 
tobre  1692  ;  9°  Gabriel-Jacques,  né  le  29  juin  1694. 
De  son  second  mariage  avec  Marie-Madeleine  Berthe  (1705),  il  eut  : 
10°  Louis-Yictor,  né  le  4  août  1704;  11°  Henri-Joseph,  né  le  3  septembre 
1705  ;  12"  Auguste-François,  né  le  12  octobre  1 707  ;    1 5"  Christine-Victoire,  née 
le  24  novembre  1708;  14"  Louis-Gabriel,  né  le  27  avril  1710;  15°  Abraham- 
Maur,  né  le  15  janvier  1712  ;  16°  Madeleine-Catherine,  née  le  28  novembre  1713. 
N'oubhons  pas  de  relever  une  erreur  qui  est  commune  à  presque  tous  les  bio- 
graphes qui  se  sont  occupés  des  Le  Dran.  Ils  assurent,  en  effet,  que  ce  fat  Henri- 
François  Le  Dran  qui  le  premier  pratiqua  la  désarticulation  scapulo-humérale, 
tandis  que  cette  priorité  appartient  k  Henri  Le  Dran.  L'erreur  vient  de  ce  que 
l'observation  se  trouve  rapportée  dans  un  ouvrage  de  Henri-François  Le  Dran 
{Observât,  de  chirurg.,  1. 1,  p.  315)  ;  mais  le  fils  prend  cette  observation  dans 
les  notes  de  son  père,  et  il  a  soin  de  le  dire  tout  d'abord. 

Le  Dran  (Henri-François),  fils  aîné  du  précédent  et  de  Catherine  Darvoy, 
naquit  à  Paris,  en  1685,  et  fut  baptisé  dans  l'église  de  Saint-Barthélomi.  La 
pratique  de  cet  homme,  justement  célèbre  ;  ses  livres  nombreux  et  excellents; 
les  réformes  heureuses  qu'il  a  apportées  à  différents  procédés  opératoires  ;  ses 
profondes  connaissances  en  anatomie,  le  recommandent  vivement  à  la  postérité. 
L'on  ne  peut  oublier  qu'd  donna  le  premier  les  signes  caractéristiques  de  l'em- 
pyème  ;  qu'il  s'éleva  avec  énergie  contre  cette  prétendue  impossibilité  d'enlaver 


456  LKEA. 

le  leslicule  lorsque  le  cordon  est  très-eiigorgé  ;  qu'il  donna  pour  le  traitement  du 
cancer  des  préceptes  judicieux,  voulant  qu'on  tente  la  guérison  lorsqu'il  n'y  a  pas 
d'ulcération,  recommandant  dans  le  cas  contraire  l'amputation  ;  qu'il  émit  des 
idées  fort  judicieuses  sur  les  accidents  qui  surviennent  à  la  suite  des  plaies  du 
crâne;  que  son  manuel  opératoire  du  bec-de-lièvre  n'a  guère  subi  depuis  lui  de 
modilications  :  qu'il  apporta  à  l'opération  de  la  taille  par  l'appareil  latéral  d'heu- 
reuses améliorations. 

I      Henri-François  Le  Dran  mourut,  chirurgien  en  chef  de  l'hôpital  de  la  Charité,  chi- 
rurgien consultant  des  armées  et  membre  de  l'Académie  de  chirurgie,  le  17  oc- 
tobre 4770,  laissant,  de  sa  femme  Françoise  de  Saint-Remy,  une  seule  fille,  qui 
a  épousé  Lalouelte,  médecin  de  la  Faculté  de  Paris. 
Voici  les  titres  de  ses  ouvrages  : 

I.  Parallèle  des  différentes  manières  de  tirer  lapierre  hors  de  la  vessie.  Paris,  4750,  in-S», 
2  vol.  traduits  en  allemand  (1737);  en  anglais  (1758);  et  Journal  des  savants,  année  1751, 
t.  I,  p.  548.  —  II.  Observations  de  chirurgie  auxquelles  on  a  joint  plusieurs  réflexions  en 
faveur  des  étudiants.  Paris,  1751,  in-8°,  2  vol.  Un  grand  nombre  de  ces  observations 
n'appartiennent  pas  en  propre  à  l'auteur,  mais  il  les  pi^end  à  peu  près  partout.  —  III. 
Traité  ou  réflexions  tirées  de  la  pratique  sur  les  plaies  d'armes  à  feu.  Paris,  1757,  in-12. 
Trad.  en  allemand  (1740);  al  Journal  des  savants,  année  1758,  t.  II,  p.  489.  —  IV.  Traité 
des  opérations  de  ddrurgie.  Paris,  1742,  in-8».  Traduit  en  anglais  par  Gatacker,  avec  des 
notes  de  Clieselden  (1749).  —  V.  Supplément  au  parallèle  des  différentes  manières  de  tirer 
les  pierres  hors  de  la  vessie.  Paris,  175t),  in-8°.  —  VI.  Consultations  sur  la  plupart  des 
maladies  qui  sont  du  ressort  delà  cliirurgie.  Paris,  1763,  in-8°.  — VII.  Traité  économique 
de  Vanatomie  du  corps  humain.  Paris,  17ti8,  in-12. 

Le  Bran  (Frakçois-Antoine),  un  des  seize  enfants  de  Henri  Le  Dran,  et  frère, 
par  conséquent,  du  précédent,  nacpiit  à  Paris,  le  5  avril  \  690,  et  devint  docteiu' 
en  médecine  de  la  Faculté  de  Paris  (11  octobre  1714).  Nommé  médecin  du  roi  à 
la  Martinique  (1716),  il  se  rendit  à  son  poste,  et  revint  en  France  en  1721.  Mais 
s'étant  embarqué  de  nouveau  pour  le  Pérou,  il  mourut  en  route,  à  Cadix,  le  7  fé- 
vrier 1724.  On  ne  lui  connaît  que  ses  deux  thèses  soutenues  à  la  Faculté  de  mé- 
decine de  la  rue  de  la  Bîi chérie. 

I.  16  novembre  1715,  sous  la  présidence  do  Armand-Joseph  Collot  :  An  renum  et  vesicœ 
morhis diuretica  calida?  —  II.  22  février  1714,  sous  la  présidence  de  Louis  Poirier,  premier 
médecin  du  Dauphin  :  An  ad  tuendam  senum,  qiiam  jitvenum  sanitatem  potiores  vence  sectio 
atque  jmrgatio  ?  A.  Cuéreau. 

liEGii  L.  Genre  de  plantes  que  Linné  a  encore  nommé  Aquilicla  et  que  Gaert. 
ner  appelait  Ottilis.  On  en  a  fait  d'abord  le  type  d'une  petite  famille  des  Leeacées; 
après  quoi  l'on  a  reconnu  qu'elles  devaient  être  placées  dans  la  même  famille  que 
les  Vignes,  dont  elles  ne  diffèrent  essentiellement  que  par  deux  caractères  :  les 
loges  ovariennes  sont  uniovulées,  et  les  étamines  au  lieu  d'être  libres,  sont  unies 
en  un  tube  qui  se  partage  supérieurement  en  languettes  alternipétales,  interposées 
aux  anthères.  D'ailleurs  la  fleur  est  pentamère  et  régulière.  Le  calice  est  gamosé- 
pale, quiuquédenté.  La  corolle  est  gamopétale,  à  cinq  divisions  valvaires.  Les  éta- 
mines sont  oppositipétales,  et  leurs  anthères,  extrorses  quand  leur  filet  est  déployé, 
i"egardent  d'abord  en  dedans  parce  que  leur  filet  est  replié  sur  lui-même.  Le  gy- 
nécée se  compose  d'un  ovaire  à  cinq  loges  oppositipétales  (plus  rarement  à  3-6 
loges),  surmonté  d'un  style  à  autant  de  lobes  stigmatifères  qu'il  y  a  de  loges. 
L'ovule  est  ascendant,  anatrope,  avec  le  micropyle  inférieur  et  extérieur.  Le  fruit 
est  une  baie  polysperme.  La  graine  contient  un  albumen  cartilagineux.  Les  Leea 
sont  des  arbustes  à  feuilles  alternes,  composées-pennées,  rarement  simples,  à  pé- 
tiole dilalé  en  gaine,  à  fleurs  disposées  en  cymes  composées,  oppositifoliées.  Ils 


LEFËBUUE  DE  SAINT-ILDEFONT.  l."^? 

Iiabitent  les  régions  chaudes  de  l'ancien  monde.  Plusieurs  espèces  sont  employées. 
,  1.  L.  sambucina  (W.,  Spec.  plant.,  I,  H77.  —  Aquiliciasambucina  L.  Mcm- 
tiss,  2H  .  —  Staphiilea  indien  Burm.,  F/,  nîf?.,  t.  24,  lige  2).  Cette  espèce  est  le 
Bois  de  source  àe  l'île  Bourbon.  Ses  tiges  sont  glabres,  anguleuses,  cannelées.  Ses 
feuilles  sont  composées-pennées  et  ses  Heurs  très  nombreuses.  On  la  trouve  aussi 
dans  riude,  où  les  habitants  lui  accordent  d'importantes  propriétés  thérapeutiques. 
Ses  feuilles  jeunes  fournissent  par  expression  un  suc  qui  s'administre  pour  faciliter 
les  digestions.  On  broie  les  feuilles,  on  les  torréfie,  et  on  applique  cette  préparation 
sur  la  tête,  dans  les  cas  de  «  faiblesse  de  cerveau,  de  vertiges,  »  etc.  Contre  les 
douleurs  d'origine  goutteuse,  on  prescrit  une  décoction  dont  la  vapeur  est  dirigée 
sur  les  points  aifectés.  On  dit  qu'en  Guinée  cette  décoction  sert  à  dissiper  les  nau- 
sées, et  que  les  femmes  enceintes  dont  le  ventre  est  douloureux  en  font  usage. 
Le  bois  sert  à  préparer  une  infusion  qui  chasse  la  soif.  L'écorce  s'emploie  en 
frictions  contre  les  enflures;  les  racmes,  en  décoction  contre  les  douleurs  d'esto- 
mac. Les  baies  renferment  un  suc  violet  caustique. 

2.  L.  rubra  Bl.  Ses  fruits  sont  employés  à  Java,  dans  le  traitement  des  dysen- 
teries. 

3.  Les  L.  hirta  Hor?;em.  (L.  scahra  Boxb.)  et  speciosa  Jacq.  ont  des  propriétés 
analogues.  Plusieurs  espèces  ont,  dit-on,  des  fruits  comestibles,  acidulés  ou 
astringents.  H.  Bn. 

L.,  Manfiss.,  124,  21t.  —  Roxr.,  FI.  încl,  II,  407.  —  Blume.  Bijdrag.,  193.  —  D.  C, 
Proclrom.,  I,  035.—  G.ïrtx.,  Fruct.,  I,  275,  t.  57.  —  Mée.  et  Del.,  Dict.,  \,  574  ;  Suppl.,  52. 
—  En'dl.,  Gen.,  n.  4569.  —  Rosenth.,  Sijn.  plant,  diaphor.,  569,  1140.  — Bextii.  et  Hook., 
Gen.,  I,  588,11.  ô,  —  B.uuon  (11.),  in  Payo,  Fam.  nat.,  543. 

LGFEBIJRE    (Guill.\UME-BenÉ)   ©E  SAI!\'T-IL»EFOr\IT  OU   IL»EPffl©^'T. 

Successivement  militaire,  médecin,  littérateur  politique ,  auteur  dramatique, 
Lefébure  de  Saint-lldefont,  entraîné  par  les  événements  au  miheu  desquels  il  vi- 
vait, mena  une  existence  assez  agitée,  que  couronna  dignement,  d'ailleurs,  une 
mort  honorable.  Il  était  né  à  Sainte-Croix-sur-Orne,  le  25  septembre  1744.  Ses 
études  terminées,  il  entra,  en  1769,  dans  les  chevau-légers  ;  mais,  cédant  à  soîi 
penchant  pour  les  sciences,  il  abandonna  bientôt  l'état  miUtaire  pour  la  médecine. 
En  1775,  nous  le  voyous  à  Versailles  professeur  de  maladies  vénériennes  et  en 
l'art  des  accouchements  ;  peu  après  il  est  médecin  de  Monsieur  (depuis  LouisXYIll). 
Cette  position  l'obligea  de  s'e.xpatrier  pendant  la  Révolution,  et  il  alla  successive- 
ment pratiquer  la  médecine  en  Hollande,  en  Allemagne  et  en  Italie.  11  crut  pou- 
voir revenir  en  France  ,  en  1801  ;  mais  ses  opiaions  indépendantes  et  philoso- 
phiques ne  pouvaient  s'accommoder  du  pouvoir  intolérant  et  despotique  de  cette 
époque.  Il  se  vit  de  nouveau  forcé  de  se  retirer  en  Allemagne.  11  était  à  Âugsbourg 
lorsque  les  événements  de  la  guerre  y  conduisirent  l'armée  française.  Les  san- 
glantes batailles  de  Batisbonne  et  d'Essling  avaient  encombré  les  hôpitaux  de 
blessés  français,  décimés  en  outre  par  le  typhus,  cet  autre  fléavi;  c'est  alors  que 
nommé  médecin  en  chef  des  hôpitaux  d'Augsbourg,  il  se  dévoua  avec  un  zèle 
sans  égal  à  secourir  ses  malheureux  compatriotes  ;  mais  bientôt  atteint  par  la  con- 
tagion, il  y  succomba  le  27  juillet  1809.  Libre  penseur  jusqu'à  ses  derniers  mo- 
ments, il  sut  résister  aux  obsessions  de  quelques  prêtres  d'Augsbourg  qui  s'étaient 
mis  eu  tète  de  le  couvertir,  et,  pour  couper  court  à  tout  scandale  sur  sa  tombe, 
il  voulut  être  enterré  dans  le  cimetière  protestant. 

Lefébure  a  beaucoup  éerit  ;  il  avait  plus  d'esprit  que  de  savoir,  bien  que  son 
esprit  lie  fut  pas  toujours  du  meilleur  goi^it.  Ses  recherches  sur  les  maladies  véné- 


138  L;E  gallois  (i.e  pèbe  et  i,e  fils). 

Tiennes  n'ont  rien  ajouté  à  l'histoire  de  cette  maladie,  mais  il  a  donné  là  une 
biblio^ranhie  destinée  à  servir  de  complément  à  la  savante  bibliographie  d'Âstruc, 
et  qui,  sans  être  bien  complète  ni  bien  exacte,  'donne  cependant  de  précieuses 
indications  sur  une  foule  de  brochures  de  ce  temps,  presque  complètement  ou- 
bliées ou  perdues  aujourd'hui. 

Laissant  de  côté  ses  écrits  politiqnes  et  littéraires,  nous  citerons  les  ouvrages 
suivants  de  Lefébure  de  Saint-Ildefont  : 

I.  Méthode  familière  pour  guérir  les  mahulies  vénériennes,  avec  les  recettes  qui  y  sont 
propres,  etc.  Amsterdam,  4773,  in-1 2.  —  II.  Le  médecin  de  soi-même,  ou  méthode  simple 
et  aisée  de  guérir  les  maladies  vénériennes,  avec  la  recette  d'un  chocolat  aussi  îttile  qu'a- 
gréable. Paris,  1775  ,  1  vol.  en  9  parties.  —  III.  Lettre  au  sujet  d'un  ronge  à  l'usage  des 
dames,  tiré  du  règne  végétal .  Paris,  1775,  in-8".  —  IV.  Remède  éprouvé  pour  guérir  radi- 
calement le  cancer  occulte  ou  manifeste  et  ulcéré.  Paris,  1775,  in-8°.  —  Y.  État  de  la 
médecine ,  chirurgie  et  pharmacie  en  Europe ,  et  principalement  en  France,  pour  l'année 
un  (en  société  avec  L.  A.  César).  Paris,  1777,  in-12.  —  VI.  Le  inanuel  des  femmes 
enceintes,  de  celles  gui  sont  en  couches,  et  de  celles  qui  veulent  nourrir.  Paris,  1777,  in-12; 
ibid.,  1782,  in-12;  ibid.,  1797,  in-8°.  —  VII.  Mém.  clin,  sur  les  maladies  vénériennes. 
Utrecht,  1781,  in-12.  —  VIII.  Ohs.  pratiques,  rares  et  curieuses  sur  divers  accidents  véné- 
riens. Ibid.,  1783,  in-8°.  —  IX.  Sichere  geschwinde  und  leichte  Art  sich  selbst  ohne  Hiilfe 
eines  Arztcs  von  der  Gonorrhœa  oder  dem  Tripper  zu  lieilen.  lena,  1787,  in-S».  —  X, 
République  fondée  sur  la  nature  phijsique  et  morale  de  l'homme.  Nuremberg,  1797,  in-8<".  — 
XI .  Z,e  guide  des  personnes  de  Vun  et  de  l'autre  sexe,  qui  sont  affligées  de  hernies  ou  des- 
centes,  oa  Instruction,  etc.  Francfort-sur-Ie-Mein,  1798,  in-8°;  ibid.,  180O,  in-8°.  —XII. 
Becherches  et  découvertes  sur  la  nature  du  fluide  nerveux  ou  de  l'esprit  vital,  principe  de 
la  vie,  etc.  Ibid.,  1799,  in-8°.  —  XIII.  Traité  sur  la  paralysie  du  nerf  optique  vulgaire- 
ment nommé  goutte-sereine,  au  traitement  de  laquelle  on  applique  le  gaz  hydrogène.  Paiis, 
1801,  in-S".  — XIV.  Histoire  anatomique,  physiologique  et  optique  de  l'œil,  pour  sennr 
d'introduction,  etc.  Francfort,  Strasbourg  et  Paris,  1805,  in-8°.  E.  Bgd. 

IiEF£B¥RE  DE  YILLEBRIME  ( Jea.n-Baptiste)  .  Philologue  né  à  Senlis  en 
1732,  se tit  recevoir  docteur  en  médecine;  mais,  entraîné  par  une  véritable  passion, 
il  se  voua  exclusivement  à  l'étude  des  langues  mortes  et  vivantes.  Lefebvre  profita 
de  ses  connaissances  spéciales  en  médecine  pour  traduire  de  l'anglais,  de  l'alle- 
mand et  de  l'italien  divers  ouvrages  relatifs  à  cette  science  —  immense  service 
rendu  aux  médecins  aloi's  peu  versés  dans  la  connaissance  des  idiomes  étrangers. 
Après  avoir  professé  à  Paris  l'hébreu  et  le  syriaque,  il  se  retira  à  Angoulême  où 
il  occupa  successivement  une  chaire  d'histoire  naturelle,  puis  une  chaire  d'huma- 
nités, et  mourut  dans  cette  ville  le  9  octobre  1809.  Ou  doit  à  sa  plume  infatigable 
une  traduction  des  aphoTismes  d'Hippocrate;  des  traductions  des  traités  des  mala- 
dies des  enfants,  de  Rosen  et  d'Undervvood  ;  des  traités  de  la  dysentf^rie  et  de  l'ex- 
périence de  Zimmermann  ;  des  recherches  sur  les  fièvres  de  Grant  ;  du  traité  des 
ulcères  des  jambes  d'Underwood  ;  de  la  manière  d'allaiter  les  entants  de  Baldiiii  ; 
du  traité  des  maladies  périodiques  de  Casimir  Medicus,  etc.  E.  Bgd. 

LEGALIiOIS  (le  père  et  le  fils). 

Legaiiôis  (Jclien-Jean-César)  fut  un  des  premiers  médecins  français  qui  lan- 
cèrent décidément  la  physiologie  dans  la  voie  féconde  de  l'expérimentation.  11  était 
néle  1"  février  1770,  à  Gherneix,  près  de  Dol,  en  Bretagne.  Après  avoir  fait  avec  les 
plus  brillants  succès  ses  humanités  dans  cette  dernière  ville,  il  étudiait  la  méde- 
cine à  l'École  de  Gaen,  en  1795,  quand  il  fut  obligé  d'en  partir,  après  avoir  pris, 
les  armes  à  la  main,  le  parti  des  fédéralistes.  Il  se  réfugia  alors  à  Paris  et  se  perdit 
dans  la  fode  des  étudiants  ;  mais,  menacé  de  nouveau,  il  se  fit,  après  un  examen, 
donner  une  coiumission  parle  comité  des  poudres  et  salpêtres,  qui  l'envoya  dans 


LE  GALLOIS  (ie  pèp.e  et  le  fils).  -I3t) 

son  département,  d'où  il  revint  comme  élève  de  l'École  de  santé.  Sa  réception  au 
doctorat  fat  signalée  parla  publication  d'une  thèse  des  plus  remarquables,  et  qui 
indiquait  ses  études  et  ses  tendances  en  physiologie  expérimentale.  Nommé,  en 
1812,  à  l'hôpital  de  Bicètre,  il  s'y  rendait  chaque  jour,  à  pied,  de  Paris.  C'est 
dans  une  de  ces  courses,  pendant  le  froid  de  l'hiver,  qu'il  fut  pris  d'une  pneu- 
monie à  laquelle  il  succomba  en  février  1814.  Isid.  Bourdon  prétend  qu'il  attenta 
lui-même  à  ses  jours,  en  s'ouvrant  l'artère  crurale,  pour  se  soustraire  à  de  cuisants 
chagrins. 

Doué  d'une  iraagmation  moins  brillante  que  celle  de  Bichat,  Legallois  se  mon- 
tre aussi  plus  positif,  plus  réservé.  Un  fait  le  frappe,  et  c'est  par  l'expérimentation 
qu'il  cherche  les  conditions  du  phénomène  qu'il  veut  étudier;  les  résultats  aux- 
quels il  arrive  sont  donc  presque  toujours  la  déduction  d'observations  faites  rigou' 
reusement  et  a  posteriori. 

Ses  recherches  ont  spécialement  porté  sur  la  moelle  épinière,  et  il  a  surtout 
cherché  les  rapports  de  cet  organe,  non-seulement  avec  les  mouvements,  mais 
encore  avec  la  respiration,  la  circulation,  la  chaleur  animale,  11  a  démontré  que 
chaque  partie  emprunte  le  principe  de  ses  mouvements  à  la  portion  de  la  moelle 
d'où  lui  viennent  ses  nerfs.  Il  a  fait  voir,  le  premier,  que  le  principe  de  la  vie 
semble  résider  dans  un  point  particulier  de  la  moelle  allongée,  au^niveau  du  trou 
occipital,  dans  l'origine  des  nerfs  pneumogastriques,  et,  enfin,  que  la  destruction 
du  cordon  médullaire  en  ce  point  détermine  une  mort  en  quelque  sorte  foU' 
droyante. 

Voici  la  notice  de  ses  publications  : 

I.  Le  sang  est-il  identique  dans  tous  les  vaisseaux  qu'il  parcourt?  Th.  de  Paris,  an  XIII, 
n"  131,  in-8°.  — II.  Recherches  chronologiques  sur  Hippocraie.  Paris,  1804  ,  in-8°.  —  III. 
Recherches  sur  la  contagion  de  la  fièvre  jaune.  Paris,  1805,  in-8''.  —  IV.  Expériences  sur 
le  principe  de  la  vie,  notamment  sur  celui  des  mouvements  du  cœur,  et  sur  le  siège  de  ce 
principe,  suivie,  etc.  Paris,  1812,  in-8°.  —  V,  Un  grand  nombre  d'articles  publiés  dans  divers 
recueils;  l'art.  Cœur  (anat.  et  pliysiol.)  dans  le  Dict.  clessc.méd.  Ses  divers  ouvrages  ont  été 
réunis  sous  ce  titre:  OEuvres  de  Ces.  J.  Julien  Legallois,  avec  des  notes  de  M.  Pariset,prén 
cédées  d'une  notice,  etc.  Paris,  1828,  2  vol,  in-8°.  (A  la  fin,  dans  les  éditions  complètes, 
il  doit  se  trouver  un  opuscule  de  \')  pages,  intitulé:  De  la  possibilité  d'opérer  une  résur" 
rection.) 

I.eg:alIois  (Eugène),  fils  du  précédent,  naquit  à  Paris  en  1804,  et,  voulant 
suivre  les  traces  de  son  père,  commença  l'étude  de  la  médecine  sous  les  auspices 
du  grand  Laennec  qui  se  plut  à  diriger  ses  premiers  pas  ;  il  passa  ensuite  dans  le 
service  d'Esquirol  à  la  maison  de  Charenton,  où  il  se  livra  à  son  goût  héréditaire 
pour  la  physiologie  expérimentale,  et  fit  de  curieuses  études  sur  les  altérations  du 
sang  des  animaux  dans  les  maladies.  Reçu  docteur  en  18"i8  il  avait  été  nommé 
médecin  de  l'hôpital  de  Saint-Mandé,  quand  il  partit  pour  la  Pologne  avec 
M,  Brierre  de  Boismont  en  1831 .  Atteint  du  typhus  des  camps,  il  en  guérit  et  il 
revenait  en  France,  quand  il  succomba,  avant  d'avoir  revu  sa  patrie,  aux  progrès 
d'une  phfhisie  aiguë  dont  il  avait  déjà  présenté  plusieurs  symptômes. 

Il  a  laissé  les  quelques  mémoires  suivants  qui  montrent  ce  dont  il  eut  été 
capable  si  la  mort  ne  l'eût  si  prématurément  enlevé  à  la  science, 

I.  Plusieurs  perforations  du  canal  intestinal  et  spécialement  du  gros  intestin  à  la  suite 
d'une  affection  tuberculeuse.  In  Arch.  gén.  de  niéd.,  i'"  sér.,  t.  VI,  p.  08  ;  1824  — II. 
Mém.  sur  la  vaccine,  lu  à  l'Acad.  de  méd.  Ibid. ,  t.  IX,  p.  441;  1825.  —  III.  Aperçu  sur 
quelques  maladies  qui  paraissent  consécutives  à  une  affection  du  nerf  trisplanchnique. 
In  R»v.  med.  1S26,  t. II,  p,  418.  —  IV.  Réponse  expérimentale  à  cette  question:  La  vaccine 
perd-elle  son  efficacité préservative  après  vingt  ans  d'insertion.  Th.  de  Paris,  1828,  n''lj. 
V.  Des  maladies  occasionnées  j'ar  la  résorption  du  pus.  la  Journ.  hebd.,  t,  111,  p.  166,  321  ; 


140  LEGRAND. 

•1829.  — YI.  Oiis.  sur  tint;  forme  iimdicuse  de  la  fièvre  piisrpêmle.  Iii  Bcv.  méd.,  1830, 
t.  IV,  p.  550.  —  YII.  Observât,  du  cancer  de  la  verge  et  de  inaticre  squirreuse  dans  it 
cœur.  Ibid.,  p.  425.  E.  Cgd,. 

LEGEMBSKE  (FnANçois-LAURFKT),  né  à  Paris  en  181^2.  Ses  premiers  pas  dans  la 
carrière  médicale  furent  dirigés  par  Biett  dont  il  était  le  fillevd.  L'élève  devait  faire 
honneur  au  maître.  Reçu  interne  en  1857,  il  gagna,  en  1841,  les  médailles  d'or 
des  hôpitaux  et  de  la  Faculté,  et,  à  la  fin  de  la  môme  année,  il  se  fit  recevoir  docteur. 
Sa  thèse  sur  les  syphilides  est  très-remarquable  et  mérite  d'être  consultée.  11  avait 
déjà  publié  d'importants  travaux  de  pathologie  relatifs  à  l'enfance  quand  il  fut 
nommé  médecin  des  hôpitaux  (1847).  Chargé  d'un  service  quelques  années  après 
il  continuait  avec  ardeur  ses  recherches  et  ses  publications,  quand  il  fut  eidevé 
par  une  pneumonie  ataxiquc,  le  9  janvier  1858,  après  quelques  jours  seulement 
de  maladie.  Legendre  était  un  observateur  patient  et  laborieux,  recueillant  les 
faits,  les  comparant  et  n'en  tirant  les  conséquences  qu'après  les  avoir  rigoureu- 
sement analysés.  11  a  décrit  avec  soin  la  pneumonie  chez  l'enfant  et  distingué  la 
forme  catarrhale  de  la  forme  franchement  inflammatoire  ;  il  a  constaté  que  l'ana- 
sarque  scarlatineuse  est  due  à  une  hyperémie  des  reins.  Tout  le  monde  connaît 
ses  études  sur  la  méningite  tuberculeuse  et  les  hemorrhagies  dans  la  cavité  de 
l'arachnoïde  comparées  suivant  les  différents  âges. 

Au  total,  voici  l'indication  des  principales  pubUcations  de  Legendre  : 

I.  Nouvelles  recherches  sur  les  syphilides.  Tli.  de  Paris,  18 il,  n°  290.  —  II.  Becherches 
anatomo-pathologiques  et  -Juiiques  sur  quelques  maladies  de  l'enfance.  Paris,  1846,  in-8°. 
(Legendre  a  réuni  là  pusieurs  travaux  déjà  publiés  dans  diiyeV5vecm\\&:  Sur  les  deux  formes  de 
la  niéningo-eneéphalite  tuberculeuse  ;  sur  les  liémorrhagies  dans  la  cavité  de  l'arachnoïde; 
sur  quelques  maladies  du  poumon;  sur  quelques  complications  de  la  scarlatine;  e\.,  déplus, 
sur  la  diarrhée  des  enfants  ;  sur  le  développement  shnidtané  de  la  vaccine  et  de  la  variole, 
et  sur  l'influence  de  la  variole  sur  quelques  maladies  chroniques  de  la  p)eau.)  —  III.  Obser- 
vations propres  à  éclaircir  les  .'symptômes  nerveux  que  détermine  le  ténia.  In  Arch.  gén. 
de  méd.,  4=  sér.,  t.  XXIII,  p.  180  ;  1850. —  IV.  Mém.  sur  l'herpès  delà  vulve.  Ibid.,  5=  sér., 
t.  II,  p.  m  ;  1855.  —  V.  Note  à  jjropos  de  plusieurs  cas  de  vers  solitaires  observés  pendant 
l'enfance.  Ibid.,  t.  IV,  p.  041  ;  1854.  —  VI.  Mém.  sur  les  nsevi  materni  traités  par  l'inocula- 
tion vaccinale.  Ibid.,  t.  VII,  1856.  E.  Bgd. 

LEGOUAS  (FP.ANÇ0IS-M.4.URICE- Victor),  né  en  1782,  à  Boyne,  près  de  Pithiviers 
(Loiret);  se  fit  recevoir  docteur  en  1808.  Il  remplit  avec  Marjolin  et  Breschet  les 
fonctions  de  professeur  au  Collège  des  études  médicales,  fondé  en  1805  et  sup- 
primé en  1811.  11  avait  été  lauréat  de  l'École  de  médecine  et  des  hôpitaux,  mais 
il  abandonna  l'exercice  de  la  médecine  en  1814  et  se  créa  une  brillante  fortune 
dans  une  autre  direction.  Legouas  mourut  au  commencement  de  l'année  1862, 
à  l'âge  de  quatre-vingts  ans.  II  a  laissé  un  ouvrage  qui  a  joui  pendant  longtemps 
d'un  grand  succès.  Ce  livre  a  rendu  de  grands  services  aux  étudiants,  qu'il 
initiait  en  peu  de  temps  au  premiers  éléments  de  l'art  de  guérir  de  manière  à 
leur  permettre  de  suivre  avec  fruit,  dès  le  début,  les  cours  et  les  visites  hospita- 
hères.  Six  éditions  successivement  épuisées  en  ont  démonhé  l'utilité. 

I.  Essai  sur  les  hemorrhagies.  Tb.  de  Paris,  1808,  n»  87.  —  II.  Nouveaux  jinncipcs  de 
cMrurgie  rédiges  suivant  le  plan  de,  "ouvrage  de  G.  de  la  Paye  et  d'après,  etc.  Paris,  1812 
in-S".  G=  édit.,  Paris,  1856,  in-8°.  E.  Cgd. 

LEGRA1\D  (A.-L.),  né  à  Amiens,  se  fit  recevoir  docteur  en  1827,  et  sa  thèse, 
sur  l'emploi  des  préparations  d'or  substituées  au  mercure  dans  le  traitement  des 
maladies  vénériennes,  indiquait  la  pensée  qu'il  a  suivie  et  développée  pendant 
toute  sa  vie.  Legrand  était  un  praticien  très-laborieux.  Son  travail  sur  les  analo- 


LEGROIjX.  1-41 

gies  et  les  dilférences  entre  les  tubercules  et  les  scrofules  fut  mentionné  honora- 
blement par  VÂcadémie  de  médecine  ;  mais  la  fortune  ne  vnit  pas  récompenser 
ses  efforts,  et  il  mourut,  le  31  décembre  1862,  à  l'âge  de  soixante-trois  ans,  dans 
un  état  voisin  de  la  pauvreté,  après  avoir  rempli  pendant  de  longues  années  les 
fonctions  de  médecin  de  l'assislance  publique  dans  le  faubourg  Saint-Germain. 
Voici  la  notice  de  ses  principales  publications  : 

I.  De  l'or  dans  le  traitement  des  maladies  vénériennes  primitives  et  invétérées.  Th.  de 
Paris,  1827,  n°  247.  —  II.  De  l'or  et  de  son  emploi  dans  le  traitement  de  la  syphilis  récente 
et  invétérée,  dans  celui  des  dartres  syphilitiques  ;  dn  mercure ,  de  son  inefficacité,  des 
dangers  de  l'administrer,  etc.  (Développement  de  la  thèse  précédente.)  Paris,  1828,  in-S"; 
ibid.,  1832,  in-8».  — 111.  De  l'hydrothérapie,  Exposition,  etc..  Taris,  1845,  iii-S°.  —IV.  Des 
analogies  et  des  différences  entre  les  tubercules  et  les  scrofules.  [Mém.  mentionné  hono- 
rablement par  l'Acad.  de  méd.)  Paris,  1849,  in-S".  —  Y.  De  l'action  des  préparations  d'or 
sur  notre  économie  et  spécialement  sur  les  organes  de  la  digestion  et  de  la  nutrition. 
Paris,  1849,  in-8°. — YI.  De  l'or  dans  le  traitement  des  maladies  scrofulcuses  des  os.  In  Rev. 
me'd.,  1850,  t.  II.  — \'II.  De  l'ablation  curative  des  loupes,  lipomes  et  tumeurs  analogues 
sans  opération  sanglante.  1'  éûit.,  Paris,  ibid.,  1857,  in-8°.  E.   Bgd, 

LEGROS  (Félix),  né  à  Douai  en  1799.  Se  distingua  pendant  son  internat  dans 
les  hôpitaux  de  Paris,  et  fut  admis,  au  concours,  comme  chef  de  clinique  de 
Dupuytren  qui  lui  accorda  une  affection  dont  il  n'était  pas  prodigue.  Le  dévoue- 
ment dont  il  fit  preuve  pendant  les  luttes  sanglantes  qui  signalèrent  la  Révolution 
de  1850,  et  pendant  la  terrible  épidémie  cholérique  de  1832,  lui  méritèrent  des 
récompenses  honorifiques  de  la  part  de  l'administration.  Legros  aurait  assurément 
pu  demander  aux  concours  une  place  à  la  Faculté,  mais  il  préféra  se  livrer  à  la 
clientèle  privée,  et  mourut  à  Paris  le  20  juin  1850. 

11  a  publié  un  certain  nombre  de  mémoires  qui  dénotent  un  esprit  droit  et 
éclairé,  il  s'était  surtout  occupé  des  anomalies  et  des  maladies  de  l'appareil  génital 
de  la  femme.  On  lui  doit  un  procédé  d'amputation  pour  les  membres  à  un  seul  os, 
qui  participe  des  avantages  de  la  méthode  circulaire  et  de  la  méthode  à  lambeaux, 
pernîet  de  couvrir  l'extrémité  de  l'os  d'une  masse  musculaire  s'opposant  à  la 
saillie  de  l'os  et  facihtant  l'application  de  la  jambe  de  bois. 

Voici,  au  total,  l'indication  de  ses  principaux  écrits  : 

I.  Propositions  sur  divers  points  de  l'art  de  guérir.  Th.  de  Paris,  1830,  n°  236.  —  II.  Bu 
coït  comme  cause  de  maladie  (  ?).  —  III,  Nouvelle  méthode  d'amputation,  particulièrement 
applicable  aux  membres  à  un  seul  os.  In  Journ.  des  conn.  niéd.-chir.,  t.  I,  p.  174;  1834. 
—  IV.  De  l'atrésie  des  organes  sexuels  de  la  femme.  Ibid.,  t.  III,  p.  273;  1855-36. 

E.  Bgd. 

LECiROL'X  (J.-C),  né  à  Marégines  (départ,  du  Nord),  fit  ses  études  médi- 
cales à  Paris,  dans  les  conditions  pénibles  que  lui  créait  le  défaut  de  fortune  de 
ses  parents;  mais,  soutenu  par  une  volonté  qui  ne  l'abandonna  jamais,  il  devait  à 
la  fin  triompher  de  tous  les  obstacles.  Interne  des  hôpitaux,  il  passa  en  1827  sa 
thèse  sur  les  concrélions  sanguines  développées  pendant  la  TJie,  question  qui  devait 
depuis  prendre  tant  d'importance  dans  l'école  de  Virchow,  et  qui  eut  toujours 
le  privilège  d'attirer  l'attention  et  les  recherches  de  Legroux.  Ses  concours  pour 
le  bureau  central  des  hôpitaux,  et  l'agrégation  furent  couronnés  de  succès.  Il  se 
présenta  non  sans  honneur  dans  la  lutte  ouverte  pour  la  chaire  de  pathologie  in- 
terne (1840),  et  se  fit  remarquer  là  comme  praticien  éclairé.  Legroux,  enlevé  à  la 
science  en  septembre  1861,  était  en.  effet,  avant  tout  et  par-dessus  tout,  praticien 
et  observateur  attentif,  les  yeux  toujours  fixés  vers  le  but,  c'est-à-dire  vers  la 
thérapeutique. 

On  a  de  lui  : 


142  LËGUMINE  (chimie). 

I.  Sur  les  concrétions  sanguines  dites  polypi formes  développées  jjendant  la  vie.  Tb.  de 
Paris,  1827,  n"  215.  —  II.  Quelles  sont  les  règles  à  suivre  dans  les  applications  de  la  statis- 
tique aux  faits  pathologiques .  Th.  de  conc.  (agr.  méd.).  Paris,  1835,  in-4°.  —  III.  Divers 
articles  dans  le  Dict.  des  Études  médicales  :  Apoplexie,  t.  I,  1858;  Cerveau  [maladies  du), 
t.  II,  1859;  Cœur  {maladies  du),  t.  IV,  1839.  —  IV.  De  la  spécificité  dans  les  maladies.  Th. 
de  conc.  (path.  int.].  Paris,  18i0,  in-i".  —  V.  Quelques  mots  sur  l'emploi  de  la  clialeur  et 
du  froid  dans  le  choléra.  In  Actes  de  la  Soc.  de  méd.  des  hôpit.  \"  fasc,  p.  61  ;  1850.  — 
VI.  Sur  différents  points  de  la  pathologie  et  de  la  thérap.  de  Vaffecl.  saturnine.  In  Arch. 
gén.  de  méd.,  i^sér.,  t.  XII,  p.  570  ;  1846.  —  VIT.  De  la  compression  des  nerfs  laryngés  et 
pneumogastriques .  Ibid  ,  t.  XXI,  p.  491  ;  1849.  —  VIII.  Sur  les  concrétions  du  eœur  et  sur 
les  oblitérations  vasculaires  par  des  caillots  détachés  du  cœur.  In  Gaz.  hebd.,  1856.  —  IX. 
Des  jiolypes  veineux  ou  de  la  coagulation  du  sang  dans  les  veines.  Ibid.,  1860.  —  X.  Com- 
munications  à  la  Soc.  de  méd.  des  hôpii.  sur  la  guérison  du  sclérome  des  nouveau-nés 
par  le  massage.  In  Bullet.,  t.  III,  p.  55,  89;  1856.  —  XI.  Faits  cliniques  relatifs  au  rhu- 
matimne encéphalique,  sur  l'érythème  et  l'urticaire  dans  le  rhumatisme.  Ibid.,  t.  IV,p.  403; 
1859.  E.  Bgd. 

m:  guÉ-SAIWT-BRIECC  (Station  marine),  dans  le  département  des  Côtes- 
du-Nord,  dans  l'arrondissement  et  dans  le  canton  de  Saint-Brieuc,  à  2  kilomè- 
tres de  la  ville  de  ce  nom  (chemin  de  fer  de  l'ouest  de  Paris  à  Rennes  et  Saint- 
Brieuc).  La  plage  du  Gué-Saint-Brieuc  est  large  et  unie  ;  et  cependant,  cette 
station  mai^ine  est  encore  peu  suivie  ;  elle  n'est  fréquentée  que  par  les  baigneurs 
de  la  ville  et  des  environs.  A.  R. 

LÉGUMES.  On  appelle  légumes,  en  bromatologie,  des  plantes  ou  parties  de 
plantes  diverses,  dont  bon  nombre  ne  sont  pas  tirées  de  la  famille  des  Légumi- 
neuses. On  embrasse  sous  ce  nom  de  légumes  toutes  les  plantes  dites  potagères, 
auxquelles  on  emprunte  ou  les  feuilles  (épinards),  ou  la  fleur  (chou-ileur),  ou 
le  fruit  vert  (péricarpe  du  haricot),  ou  le  fruit  mûr  (graine  de  haricots,  tomates), 
ou  la  racine  (céleri) . 

On  les  distingue  généralement  en  deux  grandes  classes  :  les  légumes  herbacés 
et  les  légumes  féculents.  Les  premiers  sont,  pour  la  plupart,  de  digestion  facile  ; 
par  exemple,  la  cliicorée,  les  épinards,  la  laitue,  les  cardons  ;  mais  d'autres, 
parmi  eux,  sont  lourds  à  l'estomac  et  exposent  aux  flatuosités  ;  notamment  le 
chou  et  le  chou-fleur.  Les  seconds  jouissent  d'une  plus  grande  propriété  nutri- 
tive que  les  précédents,  mais  exigent  un  travail  assez  actif  de  digestion;  néan- 
moins, on  doit  établir,  sous  ce  rapport,  une  distinction  entre  les  racines  fécu- 
lentes, comme  la  pomme  de  terre,  et  les  graines  féculentes,  comme  la  lentille,  les 
pois,  les  haricots.  Beaucoup  de  personnes  digèrent  parfaitement  la  pomme  de  terre 
cuite  à  l'eau,  qui  ne  peuvent  supporter  les  légumes  en  grains  ;  et  ceux-ci  sont 
d'ordinaire  moins  mal  tolérés  quand  ils  ont  été  réduits  en  farine  et  préparés  sous 
forme  de  purée. 

On  a  déjà  indiqué  à  l'article  Aliment  la  valeur  nutritive  des  principaux  légumes. 
Leurs  usages  culinaires  ou  leurs  vertus  médicamenteuses  ont  été  ou  seront  indi- 
qués au  nom  de  chaque  plante.  A.  D. 

LÉGUAIIJVE  ou  caséine  Dégétale.  Chimie.  L«légumine  est  une  matière  albu- 
minoide  ayant  la  plus  grande  analogie,  sinon  une  identité  complète  sous  le  rap- 
port de  la  composition  et  des  propriétés,  avec  la  caséine  retirée  du  lait  des  ani- 
maux. La  légumine  est  contenue  dans  la  graine  des  légumineuses  et  surtout 
dans  les  pois,  les  haricots  et  les  lentilles.  On  a  signalé  la  présence  d'une  matière 
semblable  [amandine)  dans  les  amandes  douces  et  dans  les  amandes  amères. 

Suivant  MM.  Dumas  et  Cahours,  \ei  pois  ccTnviennent  le  mieux  à  l'extraction 


LÉGUMINEUSES.  145 

de  la  légumine  ;  les  haricots  présentent  moins  d'avantage  ;  car,  nidépendemment 
de  la  fécule,  ils  contiennent  une  matière  gommeuse  qui  rend  la  filtration  des 
liquides  extrêmement  difficile.  On  écrase  les  pois  et  on  les  met  en  digestion  dans 
l'eau  tiède  pendant  deux  ou  trois  heures,  la  légumine  se  dissout  en  grande  partie. 
Pour  extraire  ce  qui  reste  dans  la  pulpe,  on  écrase  celle-ci  dans  un  mortier  et  on 
y  ajoute  environ  son  poids  d'eau  froide.  Au  bout  d'une  heure  de  macération,  on 
jette  le  tout  sur  une  toile  et  on  exprime.  Au  bout  de  quelque  temps  de  repos,  on 
liltre  le  liquide,  et  l'on  y  verse  peu  à  peu  de  l'acide  acétique  étendu  d'environ 
huit  ou  dix  fois  son  poids  d'eau  en  ayant  soin  de  n'y  pas  mettre  une  trop  grande 
quantité,  car  le  précipité  qui  s'est  formé  d'abord  ne  tarderait  pas  à  disparaître,  la 
légumine  étant  soluble  dans  un  excès  de  cet  acide.  Il  se  forme  ainsi  un  précipité 
floconneux  et  très-blanc.  Ce  précipité,  lavé,  et  épuisé  d'abord  par  l'eau  et  ensuite 
par  l'alcool,  est  séché  et  pulvérisé;  un  traitement  par  l'éther  le  débarrasse  de 
toute  matière  grasse,  on  le  dessèche  ensuite  de  nouveau  jusqu'à  140"  dans  le 

vide. 

La  légumine  ainsi  obtenue  ressemble  à  l'empois  d'amidon  quand  elle  vient 
d'être  précipitée  par  l'acide  acétique  ;  desséchée,  elle  forme  une  masse  bril- 
lante et  diaphane.  Elle  est  insoluble  dans  l'alcool  et  dans  l'éther,  l'eau  bouil- 
lante et  l'alcool  faible  et  bouillant  ne  la  dissolvent  pas.  L'eau  froide,  au 
contraire,  en  dissovit  de  grandes  quantités  ;  quand  on  porte  la  liqueur  à  une  tem- 
pérature voisine  du  point  d'ébullition,  elle  se  coagule  (Dumas  et  Cahours)  et 
laisse  précipiter  des  flocons  cohérents  ressemblant  à  de  l'albumine  coagulée.  La 
solution  aqueuse  est  précipitée  immédiatement  par  de  l'acide  acétique  faible,  un 
excès  d'acide  redissout  le  précipité.  En  saturant  l'excès  d'acide  par  de  l'ammo- 
niaque, on  fait  reparaître  la  légumine,  qui  se  précipite  de  nouveau.  Un  excès  d'am- 
moniaque ou  d'un  autre  alcali  le  redissout  à  son  tour.  Des  dissolutions  faibles 
d'acides  sulfurique,  chlorhydrique,  azotique,  phosphorique  tribasique  agissent 
comme  l'acide  acétique. 

La  baryte  et  la  chaux  forment  avec  la  légumine  des  combinaisons  insolubles 
dans  l'eau.  Cependant  une  solution  aqueuse  de  légumine  froide  ne  précipite  ni  les 
sels  de  chaux  ni  les  sels  de  magnésie  ;  mais  il  suffit  d'une  légère  élévation  de 
température  pour  produire  immédiatement  la  décomposition  de  ces  sels  et  la  coa- 
gulation du  mélange.  C'est  à  cette  formation  d'une  combinaison  insoluble  de  chaux 
et  de  légumine  qu'est  dû  le  durcissement  qu'éprouvent  les  légumes  quand  on  les 
fait  bouilhr  dans  une  eau  séléniteuse. 

Une  solution  de  légumine,  telle  qu'on  l'extrait  des  légumineuses  (avant  la  pré- 
cipitation par  l'acide  acétique)  ne  se  coagule  pas  par  l'ébuUition,  mais  par  l'éva- 
poration,  elle  se  couvre,  comme  le  lait,  d'une  pellicule  qui  se  renouvelle  chaque 
fois  qu'on  l'enlève;  la  raison  de  cette  différence  est  que,  dans  l'extrait  des  légu- 
mineuses, la  légumine  se  trouve  combinée  à  un  aloali,  et  que  cette  conrbinaison  ne 
se  coagule  pas  par  la  chaleur. 

Une  macération  de  graines  de  légumineuses,  abandonnée  à  elle-même  à  la 
température  de  15  à  20"  pendant  vingt-quatre  heures,  se  coagule  comme  le  lait 
caillé.  C'est  que  la  liqueur  a  subi  la  fermentation  lactique,  et  l'acide  lactique 
formé  a  précipité  la  légumine.  LuiZi 

LÉGUMIIVEIISES.  Famille  de  plantes  dicotylédones  polypétales  périgynesj 
dont  les  fleurs  sont  régulières  ou  plus  souvent  irrégulières.  Elles  sont  construites  or- 
dinairement-sur le  type  5,  et  plus  rarement  sur  le  type  4,  3  ou  6.  Le  réceptacle  est 


14i  LEGUMINEUSES. 

frcquemmeat  concave,  portant  sur  ses  bords  le  péiiantbe  et  l'audrocée,  tandis  que 
le  gynécée  s'insère  au  fond  ou  plus  rarement  sur  les  côtés  de  la  cavité  réceptacu- 
laire.  Les  sépales  sont  unis  ou  libres,  égaux  ou  inégaux,  valvaires  ou  imbriqués 
dans  le  bouton.  Les  pétales  sont  libres  ou  exceptionnellement  unis.  Ils  sont,  ou 
en  même  nombre  que  les  sépales,  ou  en  nombre  moindre,  ou  quelquefois  tout  à 
fait  absents.  Leur  ensemble  forme  une  corolle  régulière  ou  irrégulière.  Dans  le 
premier  cas,  la  prélloraison  est  valvaire  ou  imbriquée.  Dans  le  second,  elle  est 
indjriquée  et  parfois  résupinée.  Souvent  l'imbrication  est  vexillaire,  correspon- 
dant à  la  forme  de  corolle  polypétale  dite  papilionacée.  Cette  dernière  est  formée 
de  cinq  pétales.  L'un  deux,  postérieur,  appelé  l'étendard,  recouvre  dans  le  bou- 
ton les  deux  pétales  latéraux  nommés  ailes.  Les  ailes  recouvrent  à  leur  tour  les  deux 
pétales  antérieurs   qui,  libres,   ou  unis  par  leur  bord  inférieur,  côns'tituent  la 
carène.  Les  étamines,  périgynes  ou  plus  rarement  hypogynes,  sont  au  nombre  de 
dix,  superposées,  cinq  aux  sépales,  et  cinq  aux  pétales,  ou  en  même  nombre  que 
ces  derniers,  ou  plus  rarement  en  nombre  indéfini.  Leurs  filets  sont  libres  ou  mo- 
nadelphes,  ou  diadelphes  ;   et  la  diadelpliie  est  rarement  égale,  mais  le  plus 
ordinairement,  avec  la  forme  papilionacée  de  la  corolle,  inégale  (9  et  1).  Les  an- 
thères sont  biloculaires,   à  déhiscence  longitudinale,  rarement  porricide.  Le  gy- 
nécée est  ordinairement  unicarpellé,  composé  d'un  ovaire  uniloculaire,  surmonté 
d'un  style  à  sommet  atténué  ou  dilaté,  à  tissu  stigmatique  terminal  ou  latéral. 
L'ovaire  est  uniloculaire,  et  sur  le  côté  de  sa  paroi  qui  regarde  l'étendard,  on 
observe  un  placenta  pariétal,  chargé  d'ovules  en  nombre  variable,  dirigés  trans- 
versalement ou  obliquement,  anatropes  ou  plus  souvent  campylotropes .  Le  fruit 
est  généralement  une  gousse  [legumen],  c'est-à-dire  un  fruit  sec,  polysperme,  et 
déhiscent  en  deux  panneaux  ;  mais  quelquefois  un  achaine,  une  drupe  ou  une 
baie.  La  cavité  de  l'endocarpe  renferme  des  graines  en  nombre  variable,  nues 
ou  entourées  d'une  pulpe  formée  par  l'hypertrophie  du  tissu  de  l'endocarpe  ;  la 
cavité  de  ce  dernier  est  continue  ou  partagée  en  logettes  plus  ou  moins  complètes, 
monospermes,  par  de  fausses  cloisons,  suivant  lesquelles  la  gousse  peut  se  séparer 
transversalement  en  un  nombre  d'articles  égal  à  celui  des  graines  (lomentiim). 
Les  graines  sont  anatropes  ou  campylotropes,  assez  souvent  arillées,  renfermant 
sous  leurs  téguments  un  embryon  charnu,    parfois  entouré  d'albumen  (charnu 
ou  cartilagineux).  Les  cotylédons  sont  plans,  foliacés  ou  épais.  La  radicule  est  ven- 
trale, supère  ou  infère,  droite,  oblique  ou  infléchie  et  accombante  aux  cotylédons. 

L'immense  famille  des  Légumineuses  habite  toutes  les  régions  du  globe,  sauf 
les  îles  glacées  voisines  du  pôle  antarctique.  On  en  compte  environ  6500  espèces, 
réparties  dans  400  genres  à  peu  près.  On  a  subdivisé  l'ensemble  en  trois  sous- 
familles  dont  les  caractères  principaux  sont  les  suivants  : 

L  Mimosées.  Fleurs  presque  toujours  de  petite  taille,  régulières.  CaHce  à  folioles 
libres  ou  unies  dans  une  étendue  variable,  imbriquées  ou  plus  souvent  valvaires 
dans  la  préfloraison.  Pétales  valvaires,  libres  ou  connés  dans  une  certaine  éten- 
due. Étamines  en  nombre  défini  ou  indéfini,  libres  ou  monadelphes. 

lï.  CœsaJpiniées.  Fleurs  irrégulières  et  plus  rarement  régulières.  Sépales  hbres 
jusqu'à  la  base,  ou  unis  dans  une  étendue  variable.  Corolle  imbriquée,  le  pétale 
supérieur  ou  vexillaire  tout  à  fait  enveloppé.  Étamines  ordinairement  libres, 
plus  rarement  unies,  quelquefois  hypogynes.  Embryon  à  radicule  droite  ou  très- 
rarement  légèrement  oblique. 

IIl.  Papilionacées.  Fleurs  presque  toujours  irrégulières.  Réceptacle  plus  ou 
moins  prolongé  en  tube  ou  en  coupe  au-dessus  du  bord  supérieur  du  disque, 


LEIGHiNER.  145 

et  au-dessous  de  la  base  du  cahce.  Corolle  dite  papilionacée,  le  pétale  supé- 
rieur enveloppant  les  latéraux.  Embryon  à  radicule  infléchie,  accombante,  ou 
plus  rarement  droite  et  très-courte. 

Les  plantes  de  la  famille  des  Légumineuses  ont  quelques  caractères  communs 
dans  les  organes  de  la  végétation.  Ce  sont  des  arbres,  des  arbrisseaux  ou  des 
herbes  à  feuilles  alternes,  rarement  opposées,  composées-pennées,  ou  digitées,  ou 
décomposées,  quelquefois  réduites  à  une  ou  deux  folioles,  plus  rarement  trans- 
formées en  phyllodes.  Elles  sont  accompagnées  de  stipules,  et  les  Tolioles  elles- 
mêmes  peuvent  être  munies  de  stipules. Les  fleurs  sont  disposées  en  inflorescence 
uni  ou  nmltiflore,  axillaire  ou  terminale,  grappes,  épis  ou  cymes,  simples  ou 
composés.  Les  pédicelles  floraux  sont  placés  à  l'aisselle  d'une  bractée  qui  manque 
rarement,  solitaires,  géminés  ou  fascicules. 

Les  propriétés  des  Légumineuses  sont  trop  nombreuses  et  trop  variables  pour 
pouvoir  être  indiquées  ici  d'une  manière  générale.  Elles  devront  être  étudiées  à 
propos  de  chacune  des  sous-flmiillcs  ou  des  genres  qui  contiennent  des  plantes 
employées  en  médecine.  H.  Bn. 

Juss.,  Gen.  plant.,  545.  —  DC,  Mém.  Légiim.,  Paris,  1825  ,  in-4°;  Prodr. ,  II,  95.  — 
E>DL.,  Gcn.,  •1255,  Cl.  LSIl.  —  Li.ndl.,  Veg .  Kiiigd.,  5U.  —  Benth.  etllooi;.,  Goi.,  I,  45i, 
—  Uicii.  (A.),  Dict.  de  médec.  (en  50  vol.),  XYllI,  1  ;  Élcm.,  éd.  4,  II,  277. 

LE  DAVRE-DE-GRACE  (Station  mariîse),  dans  le  département  delà  Seine- 
Inférieure,  est  un  chel  lieu  d'arrondissement,  situé  sur  la  rive  droite  de  la  Seine, 
à  son  embouchure  dans  la  Manche.  Le  Havre  est  une  place  forte,  un  sous-arron- 
dissement maritime  et  une  école  d'hydrographie.  La  ville  est  peuplée  de  80,000 
habitants  ;  elle  est  bien  bâtie,  bien  percée  et  remarquable  par  la  beauté  de  sa 
jetée,  de  ses  quais,  de  son  avant-port  et  de  ses  six  bassins,  qui  peuvent  contenir 
500  navires  à  la  fois.  Elle  offre  un  aspect  pittoresque,  vue  de  la  côté  d'Ligou- 
ville,  ou  des  dunes  qui  conduisent  au  phare  de  la  Ilève,  visité  par  tous  les  étran- 
gers qui  séjournent  au  Havre.  La  plage  du  Havre  est  formée  de  sable  tin  dans 
certains  endroits,  et  de  ga'cts  dans  certains  autres  ;  elle  n'est  pas  faite,  par 
conséquent,  pour  attirer  les  baigneurs  qui  peuvent  choisir  le  lieu  de  leur  saison 
marine.  Elle  est  très-suffisante  cependant  pour  ceux  qui  demeurent  dans  la  ville, 
ou  qui  ont  quelques  motifs  d'y  séjourner  pendant  les  mois  d'été.  Les  cabinets  du 
sous-sol  de  l'hôtel  Frascati  sont  munis  de  baignoires  alimentées  par  l'eau  de  mer 
chauflée  à  la  température  du  bain  et  de  la  douche.  Si  la  plage  du  Havre  laisse  à 
désirer,  an  point  de  vue  des  bains  de  mer  froids,  l'installation  des  bains  de  mer 
chauds  de  Fi'ascati  est  plus  complète  que  celle  des  autres  stations  mannes  de 
la  France. 

La  côte  de  Sainte- Adresse,  couverte  de  villas,  et  qui  domine  la  ville  et  la 
mer,  attire  beaucoup  de  baigneurs.  A.  R. 

LEICHAIER  (Eccard),  professeur  de  médecine  à  l'université  d'Erfurt,  né  à 
Saltzungen,  dans  la  Thuringe,  le  15  janvier  1612,  mort  le  29  août  1690.  Ce  fut 
un  très-savant  homme,  un  travailleur  infatigable,  mais  d'un  caractère  aigre,  ami 
du  paradoxe,  combattant  tour  à  tour  Descartes,  van  Helmont  et  la  circulation  du 
sang.  Jourdan,  dans  le  grand  Dictionnaire  de  médecine  en  60  volumes  (biographie, 
t.  V,  p.  567),  a  donné  une  compendieuse  liste  des  ouvrages  de  Leichner.  Nous  en 
détachons  les  suivants. 

I.  De  motu  sanguinis  exercitatio  anliharveiana .  Arnstadt,  1645,  in-12.  —  II.  De  alomo- 
DicT.  ENC.  2°  s.  II.  10 


146  LEMBERT. 

rum  subcœlestium  stjiidiacrasi  exercitationes.  Erfurt,  1645,  in-4°.  —  III.  De  gencratione 
seu  propagativa  animalhim,  i^lantarum,  et  mtnerallum  muUiplicatione  in  génère,  excita- 
tiones  plnjsicœ  antiperipatetkœ  XX.  Erfurt,  1649,  in-4°.  —  IV.  De  indivisibili  et  totali 
cujusque  animœ  in  toto  suo  corpore  et  slngulis  cjus  partibus  existeniia,  dissertatio  tripar- 
tita.  Erfurt,  1C50,  in-12.  —  V.  Isagogicmn  de  jMlosophica,  seu  apodictica  scholarum 
emendatione.  Erfurt,  1652,  in-4».  —  VI.  Hypomemnata  vu  de  cordis  et  sanguinis  inotu, 
lenae,  1655,  in-12.  A.  C. 

LGIDEMPROST  (Joh.-Gottlob),  Médecin  instruit  et  très-laborieux,  né  à 
Ortenberg,  comté  de  Stollberg-Rossla,  le  24  novembre  1716.  Il  étudia  d'abord  à 
Giessenpuis  àLeipzig  et  prit  défmitivement  ses  degrés  à  l'université  de  Halle  ;  après 
plusieurs  voyages  pour  compléter  son  instruction,  il  pratiqua  pendant  quelque 
temps  à  Berlin,  et  accepta  du  service  dans  l'armée  prussienne  lors  delà  guerre  de 
Silésie.  En  1755,  il  occupa  avec  beaucoup  de  distinction  une  chaire  de  médecine 
à  Duisbourg  où  il  mourut  le  2  décembre  1794,  âgé  de  près  de  quatre-vingts  ans. 
Leidenfrost  a  publié  une  foule  d'opuscules  sur  différents  points  de  physiologie,  de 
pathologie  et  de  matière  médicale  qui  ont  été  réunis  après  sa  mort  sous  le  titre 
suivant  :  Opuscula  physico-chemica  et  medica  antehac  seorsim  édita,  nunc  post 
ejus  obitum  collecta,  Lemgo,  1797-98,  4  vol.  in-4°.  Beaucoup  de  dissertations, 
dictées  par  lui,  ont  été  soutenues  sous  sa  présidence  par  ses  élèves  ;  enfin  il  a  fait 
paraître  également  beaucoup  d'articles  dans  le  journal  de  Duisbourg. 

E    Bgd- 

LÉiomiOME.  Voy.  LioMioMÉ. 

LÉIOTRIQIJE.|  Voy.  LiOTRIQUE. 

tiÉIPOPSTCHlE.  Voy.  Adïnamie  et  Asthénie. 

LEMAîTKE  OU  IW4GISTRI  (Les).  Il  y  a  deux  médecins  de  ce  nom,  qui 
n'appartiennent  pas  à  la  même  famille  : 

Lemaitre  (Claude),  fils  de  Geoffroy  Lemaître,  prévôt  de  Montlhéry,  et  de  Ca- 
therhie  Lefèvre,  appartient  à  l'école  de  Paris,  mourut  le  8  décembi'e  1544  et  fut 
ienterré  à  Saint-André  des  Arts.  Il  était  chanoine  de  Meaux  et  du  Mans,  prieur  de 
Saint-Denis  en  France  et  de  Chaumont.  Je  ne  lui  connnais  pas  d'ouvrages. 

tiemaitre  (Piodolphe)  était  de  Tonnerre,  médecin  de  Gaston  d'Orléans,  frère 
de  Louis  XIII,  qu'il  accompagna  dans  son  voyage  en  Lorraine,  et  mourut  en  1632, 
laissant  : 

I.  De  temponbus  humant partus.  Nîmes,  1591,  in-8°.  —  II.  Doctrina  Hippocratis.  Apho^ 
rismi  nova  interpretatione  ac  mcthodo  exornati.  Paris,  1615,  in-12.  —  III.  Préservatif 
des  fièvres  malignes  de  ce  ternies.  Paris,  1619,  in-8°.  —  IV.  Conseils  préservatifs  et  curalifs 
contre  la  peste^  plus  contre  les  piqûres  venimeuses.  Épinal,  165:i,  in-16.  A.   C. 

LËIUBËRT  (ANTomE).  Ancien  interne  des  hôpitaux  de  Paris,  lauréat  de 
l'Académie  des  sciences  pour  des  recherches  sur  la  méthode  endermique,  médecin 
des  épidémies  pour  le  département  de  la  Seine,  né  à  Nancy  le  19  avril  1802, 
mort  d'un  cancer  de  l'estomac  en  1851,  Lambert  a  attaché  son  nom  à  un  procédé 
opératoire  pour  la  suture  intestinale  qu'il  publia  peu  après  Jobert  de  Lamballe, 
et  à  la  méthode  iatraleptique,  sur  laquelle  il  a  publié  un  très-bon  travail. 

Voici  la  liste  de  ses  publications  : 

I.  Exposé  sommaire  d'une  médecine  nouvelle  par  la  voie  de  la  peau  privée  de  son  épi- 


LÉMERY  (les  deux).  147 

demie  (avec  Lesieur),  lu  à  l'Acad.  des  se.  lu  Arch.  gêii.  de  mccL.  1"  sér.,  t.  V,  p.  158  ;  1824. 
—  l\.  Propositions  sur  le  système  nerveux.  Th.  de  Pai'is,  1828  ;  n"  56.  —  \ll.  Essai  sur  la 
méthode  endermique.  Paris,  1828,  in-8''.  — IV.  Nouveau  procédé  d'entéroraphie.  In  Ecpert. 
danat.,  etc. ,  t.  L,  II,  p.  100  ;  1826.  —  V.  Du  principe  du  mouvement  dans  les  corps  orga- 
niques. In  Arch.  cjén.  de  méd.,  i"'  sér.,  t.  XXII,  p.  27G,  430;  1850.  —  VI.  Du  délire  sous  le 
rapport  du  diagnostic.  Th.  deconc.  (af^régat.  méd.).  Paris,  1852,  in-4°.  —  VII.  Dansqucl 
cas  la  doctrine  de  la  dérivation  et  de  la  révulsion  est-elle  applicable?  Th.  de  conc.  (id.j. 
Paris,  1855,  in-4°.  E.  Bgd. 

ïiÉMERY  (Lesdeïîx). 

Lémery  (Nicolas),  l'un  des  chimistes  les  plus  érainents  du  dix-septième  siècle, 
né  à  Rouen  le  17  novembre  1645,  mort  à  Paris,  le  19  juin  1715.  A  une  époque 
où  la  chimie  était  à  peu  près  nulle  comme  science,  et  où  l'alchimie  régnait  encore 
en  souveraine,  ce  savant  et  judicieux  homme  sut  y  introduire  de  la  clarté,  y  em- 
ployer un  langage  précis,  intelligible,  substituer  aux  anciennes  explications  pure- 
ment hypothétiques ,  des  théories  fondées  sur  l'observation  attentive  et  exacte 
des  phénomènes.  Il  fonda,  en  un  mot,  cette  science,  que  Lavoisier  devait  trans- 
former et  que  les  recherches  modernes  ont  portée  si  haut.  Mais  Léniery  était  calvi- 
niste :  c'est  assez  dire  les  persécutions  qu'il  endura,  dans  ce  siècle  d'intolérance  ; 
on  ne  se  contenta  pas  de  lui  retirer  son  brevet  de  pharmacien  ;  on  le  força  à  se 
réfugier  en  Angleterre  (1683)  ;  l'infâme  révocation  de  l'édit  de  Nantes,  signé  par 
un  roi  fou  de  bigoterie  et  mené  par  une  dame  de  Maintenon,  ne  fit  qu'augmenter 
les  malheurs  de  notre  chimiste,  lequel,  privé  de  son  état,  dépouillé  de  sa  fortune 
obligé  de  se  cacher,  se  trouva  placé  entre  ces  deux  alternatives:  s'expatrier  ou 
renoncer  à  ses  croyances  religieuses.  La  vérité  oblige  à  dire  que  Lémery  opta  pour 
ce  dernier  parti,  et  qu'il  abjura  en  1686.  11  mourut  le  19  juin  171 5,  laissant  les 
ouvrages  suivants,  qui  ont  fait  sa  gloire  : 

l.  Traité  de  l'antimoine.  Paris,  1707,  in-12.  Traduit  en  allemand  par  Jean-André 
Mahlern  (1709),  et  Journ.  des  savants,  année  1707,  t.  III,  p.  290.  — II.  Coias  de  chimie 
contenant  la  manière  de  faire  les  opérations  gui  sont  en  usage  dans  la  médecine,  par  une 
méthode  facile,  avec  des  raisonnements  sur  chaque  opération ,  pour  l'instruction  de  ceux 
qid  veulent  s'appliquer  à  cette  science.  Paris,  1675,  in-S"  ;  plus  un  nombre  énorme 
d'éditions  et  traductions  dans  presque  toutes  les  langues  de  l'Europe.  —  III.  Pharmacopée 
universelle.  Paris,  1697,  in-4°,  etc.,  etc.  —  IV.  Dictionnaire  universel  des  drogues  simples 
contenant  leurs  noms,  origine,  choix,  principes,  vertus,  étymologie,  et  ce  qu'il  n  a  de  partie 
culier  dans  les  animaux,  dans  les  végétaux  et  dans  les  minéraux.  Paris,  1698    in-4°    etc 

I^émery  (Louis),  fils  du  précédent,  fut  en  tous  points  digne  de  son  père,  et 
s'adonna  pareillement,  d'une  manière  spéciale,  à  la  culture  des  sciences  chimiques 
et  physiques.  Né  à  Paris,  le  25  janvier  1677,  licencié  à  la  Faculté  de  médecine  de 
cette  ville,  le  17  août  1698,  il  mourut  d'une  leuco-phlegmasie,  le  9  juin  1745,  et 
fut  enterré  à  Saint-Sulpice.  Il  avait  été  médecin  du  roi,  membre  de  l'Académie 
des  sciences,  professeur  de  chimie  au  Jardin  royal,  médecin  de  l'Hôtel-Dieu  (1710U 
Il  a  laissé  : 

*  I.  Traité  des  aliments,  oh  Von  trouve  :  la  différence  et  le  choix  qu'on  en  doit  faire  ;  les 
bons  et  les  mauvais  effets  qu'ils  peuvent  produire,  leurs  principes,  les  circonstances  oii  ils 
conviennent,,  Paris,  1702,  in-12,  etc.;  revu,  corrigé  et  augmenté  par  Jacques-Jean  Bruliier 
1755,  in-12,  2  vol.  —  II.  Dissertation  sur  la  nourriture  des  os.  Paris,  1704,  in-12  etc  ~ 
Plus  divers  mémoires  insérés  dans  les  Mém.  de  l'Acad.  des  sciences,  et  dont  voici  las 
principaux  :  —  III.  De  l'urine  de  vache,  de  ses  effets  en  médecine,  et  de  sou  anali/s 
chimique  ;  année  llQl ,  p.  53.  — IV.  Observation  historique  et  médicinale  sur  une  préparae 

tion  d'antimoine,  appelée  Poudre  des  Chartreux  ou  kermès  minéral  ;  année  1720,  p.  417  

V.  ^uv  un  fœtus  monstrueux;  année  1724,  p.  44.  —  VI.  Sur  le  trou  ovale;  année  1759 
p.  31  et  97.  —  VII.  Remarque  sur  un  nouveau  monstre,  dont  M,  Winslow  a  donné  depuis 
l>eu  la  description  ;  znnée il ^'d,  ]}.'ù'è'\.  ^    ^ 


11^  LEMNISOllE. 

LEiMMEXS,  Cil  latin  LEmiViL'S  (Les  deux).  Deux  médecins  zéloiiilais  (jiiiout 
joui  dans  leur  temps  d'une  grande  réputation  ,  dont  l'un  a  beaucoup  écrit,  mais 
dont  les  ouvrages  restent  aujourd'hui  ensevelis  sous  la  poussière  des  biblio- 
thèques. 

Lemmens  (Loiiis),  OU  le  père,  né  à  Ziricnée,  le  20  mai  1505,  mort  chanoine 
je  ne  sais  pas  de  quelle  confrérie,  lel^judlet  1568,  a  laissé  les  ouvrages  suivants  : 

I.  De  aslvolofficc  liber  tiniis ,  in  quo  ohiter  indicatur  qtiid  illa  veri,  quid  ficti  fahiquc 
Jiahcal,  ctc  ,  e!c.  Anvers,  lo5i,  in-S°,  —  ]I.  De  occuUis  nnliirœ  miracnlis  Ubri  duo.  Anvers, 
1550,  in-1-2,  etc.  Trad.  en  français  par  Ant.  Dupinet  et  Jean  Gaborry  (1567).  —  III.  J)e 
habita  et  constitiitionc  corporis,  quam  triviales  complexioncm  vacant,  Ubri  duo.  Anvers 
loOl,  in-12.  —  IV.  Similitudinum  cl  paraholarum  giiœ  in  Bibliis  et  herbis  atqiie  arboribus 
desinmtnlur ,  dilucida  expUcatio.  Anvers,  1509,  in-S",  etc.  Trad.  en  français  (1577). 

Lemmens  (Guillaume),  ou  le  fds,  né  pareillement  à  Ziricnée,  vers  l'an  1530, 
s'acquit  assez  de  réputation  pour  que  Eric  IV,  roi  de  Suède,  l'eût  appelé  à  sa  cour, 
et  l'eût  comblé  de  bontés.  Tant  de  faveur  devint  fatale  au  médecin,  qui  fut  jeté  en 
prison  et  étranglé  en  1568,  lorsque  son  prolecteur  lui-mcme  fut  précipité  du 
trône  par  Jean  III.  On  n'a  de  lui  qu'un  opuscule  tendant  à  prouver  que  l'éduca- 
tion a  plus  d'influence  que  le  climat  sur  le  développement  des  facultés  intellec- 
tuelles. Cet  opuscule  porte  ce  titre: 

Epislola  qiiâ  obiter  docetur  educationcin  plus  cfficeve  in  animis  homimcm,  quam  acris 
anibicntis  mit  loci  qiialitatcm.  Anvers,  1554,  iii-8°.  A.   C. 

LEMIVA,  Lenticule  ou  Lentille  d'eau.  Genre  deMonocotylédonées,  établi  par 
Linné,  et  donnant  son  nom  à  la  famille  des  Lemuacées.  Les  plantes  qui  le  compo- 
sent flottent  à  la  surface  des  eaux  tranquilles  sous  forme  de  petits  disques  lenti- 
culaires, de  couleur  verte,  réunis  deux  ou  plusieurs  ensemble,  et  émettant  par 
leur  partie  inférieure  une  ou  plusieurs  radicelles.  Les  fleurs  sont  unisexuées,  et 
réunies  d'ordmaire  par  trois,  deux  mâles  et  une  femelle,  dans  une  petite  spathe 
commune.  Elles  sont  extrêmement  simples,  les  fleurs  mâles  se  réduisant  ;i  une 
seule  étamiue,  les  femelles  à  un  seul  pistil.  Le  fruit  est  indéhiscent,  uniloculairc 
et  contient  une  ou  plusieurs  graines  à  testa  coriace,  entourant  un  embryon  mono- 
cotyiédoné,  droit,  place  dans  un  albumen  très-peu  abondant,  nul  d'après  quel- 
ques auteurs. 

Les  diverses  espèces  de  Lemna,  fraîchement  retirées  de  l'eau,  étaient  jadis  ap- 
pliquées comme  réfrigérantes  sur  les  organes  enflammés.  De  nos  jours,  elles  n'ont 
plus  d'usage  médical.  C'est  une  nourriture  très-recherchée  par  certains  oiseaux 
aquatiques. 

Lk^é.  Gcncr.  Plant.  900.  —  Endlicheii.  Gen.  Plant.  —  J.  Bauhix.  Hist.  Plant.  III,  78G. 

G.  Planciion. 

LEMîXISfJL'E  ()>vîpt(7v.oî ,  bandelette,  ruban).  Les  chirurgiens  grecs  don- 
naient ce  nom  à  des  tentes  ou  mèches  introduites  dans  une  plaie,  pour  obtenir  une 
cicatrisation  isolée  des  bords  de  cette  plaie,  pour  dilater  une  cavité  étroite,  ou 
pour  faciliter  l'écoulement  d'un  liquide  après  l'ouverture  d'une  collection.  Ainsi, 
Celse  qui,  le  premier,  se  sert  de  ce  mot,  conseille  d'introduire  un  Jemnisque 
enduit  de  vinaigre  après  l'opération  qui  consiste  iî  ouvrir  un  conduit  artificiel 
dans  un  vagin  oblitéré  par  une  masse  .charnue  (1.  Vil,  ch.  xxviii).  Âetius  fait  ob- 
server qu'après  la  ponction  d'une  hydrocéphale  aqueuse,  il  ne  convient  point  d'in- 
troduire un  lemnisque  dans  l'incision,  comme  on  a  coutume  de  le  faire  pour  les 
abcès.  (Tctrab.  2, 1.  II,  c.  i.)  Et,  en  effet,  Paul  d'iilgine  remarque  que  quand  l'abcès 


LE  MONKSTIEU   DE  BP.IANÇON   ieaox  minkrai.es   de).  119 

que  l'on  ouvre  est  petit,  on  ne  fait  qu'une  ouverture,  et  on  n'y  place  qu'un  icm- 
nisque  (l.  VI,  cli.  xxxiv).  C'est  le  plus  ancien  procédé  de  drainage  chiiurpical. 

E.  Bgd. 

LEMOî^-GRASS .  On  donne  ce  nom,  en  Angleterre,  à  plusieurs  espèces  qui 
ont  été  indiquées  au  mot  AxDr.opoGo.N.  Les  feuilles  de  V Androjwgon  Schœnanthum 
sont  employées  comme  stimulantes  et  digestives.  L' Andropogon  citratum  passe 
pour  abortif. 

LE  MOXESTîEB  DE  BRIAIVÇOIV  (Eaux  MINÉRALES  de),  mésothermales 
on  hyperthermales,  bicarbonatées  ou  sulfatées  calciques  moyennes,  carboniques 
moyennes.  Dans  le  département  des  Hautes-Alpes,  dans  l'arrondissement  de  Brian- 
çon  et  à  15  kilomètres  au  nord-ouest  de  la  ville  de  ce  nom,  près  de  la  Guisane, 
est  un  chef-lieu  de  canton  peuplé  do  1250  habitants,  remarquable  par  ses  mines 
de  graphite  ou  plombagine,  de  houille  et  de  cuivre.  Des  vestiges  de  constructions 
romaines  ont  été  découverts  dans  plusieurs  endroits  des  environs. 

Deux  sources  émergent  au  Monestier  de  Briançon,  l'une  au  nord  et  l'autre  au 
midi  de  l'établissement  ;  on  nomme  la  première  source  du  Nord  ou  source  de  la 
Rotonde,  la  seconde  source  du  Midi.  Le  captage  de  ces  souixes  est  très-défec- 
tueux ;  aussi  leur  température  varie-t-elle  considérablement  lorsque  l'atmosphère 
change  et  que  l'eau  de  pluie  se  mêle  à  l'eau  minérale.  Ainsi  l'eau  de  la  source  du 
iS'ord  a  quelquefois  50"  centigrade,  et  quelquefois  22"  centigrade  seulement.  La 
température  de  la  source  du  Midi  est  un  peu  plus  fixe  ;  elle  oscille  d'habitude  entre 
39"  et  45"  centigrade.  L'eau  des  deux  sources  est  claire,  limpide  et  transparente, 
sans  odeur,  d'une  saveifr  alcaline  peu  marquée;  elle  ramène  au  bleu  les  prépara- 
tions de  tournesol  rougies  par  un  acide  lorsqu'on  la  laisse  exposée  à  t'air  pendant 
un  cerlain  temps  et  que  ses  gaz  se  sont  évaporés.  Des  bulles,  les  unes  petites,  les 
autres  d'un  plus  gros  volume,  la  traversent  et  viennent  s'épanouir  à  sa  surface; 
lorsqu'elle  est  reçue  dans  un  verre,  les  plus  grosses  s'attachent  en  partie  à  ses 
parois,  les  plus  petites  se  mêlent  à  l'air  après  avoir  promptement  gagné  la  couche 
supérieure  du  liquide.  La  densité  de  cette  eau  minérale  n'a  pas  été  cherchée; 
M.  Tripier  a  fait  son  analyse  chimique  et  il  a  trouvé,  dans  1000  grammes  de  l'eau 
de  chacune  des  deux  sources  du  Monestier  de  Briançon  les  principes  suivants  : 

SOURCE  DO  NORP 
OD  DE  LA  ROTONDE.      *"'"■' '^  ''^  "™- 

Carbonate  de  chaux 1,1974 0  4033 

—  fer 0,0048 ',  '• 

—  magnésie 0,0018 0,0871 

—  ammoniaque traces traces. 

Sulfate  de  cliaux 0,4627 1,5657 

—  soude 0,1628 '.  '.  0,3593 

—  magnésie 0,0075 0,0430 

Phosphate  de  chaux 0,0071 0,0369 

Chlorure  de  sodium 0,1430 0,5106 

—  potassium 0,0031 » 

—  calcium 0,0315 0,0261 

—  magnésium 0,0503 0,0718 

Oxyde  de  manganèse traces ,  » 

Acide  silicique 0,0306 » 

Matière  organique 0,0300 0,0300 

Total  des  matières  fixes.  .   .    2,1584 3,1560 

Acide  carbonique 0,066  litre.   .   .   .    0,051  litre. 

Gaz.  {  Azote 0,014     —     .   .   .    0,004    — 

0.xygène 0,002     —     .   .  .        y,       — 


Total  des  GAZ  ....    0,082  litre.   .  .  .    0,035  ht re. 


150  LE  MONESTIER  DE  CLERMONT  (eau   minérale   de). 

Les  eaux  de  la  source  du  Nord  ou  de  la  Rotonde  sont  exclusivement  employées 
en  boisson,  celles  de  la  source  du  Midi  alimentent  les  baignoires  d'un  petit  établis- 
sement thermal  dont  l'installation  est  très-peu  confortable. 

Emploi  thérapeutique.  La  dose  de  l'eau  de  la  source  de  la  Rotonde  en  boisson 
est  de  trois  h  huit  verres,  qui  sont  bus  le  matin  à  jeun  et  à  un  quart  d'heure 
d'intervalle.  La  durée  des  bains  est  d'une  heure  en  général.  Les  eaux  de  la  source 
du  Nord  prises  à  l'intérieur  sont  faciles  à  digérer  ;  leur  action  physiologique  prin- 
cipale est  la  diurèse  et  l'augmentation  de  l'appétit  et  des  forces.  Ces  deux  pro- 
ipriétés  ont  conduit  à  leur  emploi  thérapeutique  contre  les  affections  des  voies  uri- 
'  uaires  dans  lesquelles  il  est  utile  d'augmenter  la  quantité  de  la  sécrétion  rénale  et 
de  débarrasser  les  graveleux  de  sables  ou  de  calculs  assez  peu  volumineux  pour 
suivre  la  filière  uro-poiétique  ;  et  dans  les  troubles  de  l'estomac  ou  de  l'intestin  dont 
la  dyspepsie  et  l'anémie  sont  les  symptômes  les  plus  notables.  Les  bains  avec  l'eau 
de  la  source  du  Midi  sont  fréquentés  surtout  par  les  rhumatisants,  si  nombreux 
à  Briançon  et  aux  environs  en  raison  des  changements  et  de  la  rigueur  de  la  tem- 
pérature de  cette  ville,  dont  l'altitude  au-dessus  du  niveau  de  la  mer  n'est  pas 
moindre  de  1306  mètres.  Les  tumeurs  blanches,  si  elles  ne  sont  pas  accompagnées 
de  caries  ou  de  nécroses,  rentrent  dans  la  sphère  d'action  de  ces  eaux  minérales, 
ainsi  que  la  gêne  des  mouvements  consécutive  aux  engorgements  de  tissus  prove- 
nant de  fractures,  de  luxations,  d'entorses  anciennes  ou  de  blessures  produites 
par  des  armes  de  guerre.  L'eau  thermale  sulfatée  calcique  moyenne  de  la  source 
du  Midi  a  enfin  la  réputation  d'améliorer  ou  de  guérir  les  affections  cutanées  que 
la  médication  sulfureuse  naturelle  ou  artificielle  a  été  impuissante  à  détruire. 

Les  eaux  des  sources  du  Monestier  de  Briançon  ont  une  efficacité  incontestable, 
malgré  le  mauvais  état  de  leur  captage,  et  quoique  les  moyens  balnéothérapiques 
de  l'étabhssement  soient  tout  à  fait  insuffisants.  Aussi  leur  vertu  attire-t-elle  tous 
les  ans  les  malades  des  contrées  voisines  ;  l'organisation  par  trop  primitive  de  la 
maison  des  bains  exphque  facilement  pourquoi  les  personnes  étrangères  au  pays 
préfèrent  suivre  ailleurs  leur  traitement  thermal. 

La  durée  de  la  cure  est  de  25  à  30  jours. 

On  n'exporte  pas  les  eaux  du  Monestier  de  Briançon.  A.  Rotureau. 

LE  MOMESTIER  SîE  CLEiR5i«>MT  (Eau  MiNBRAtE  de),  ùthermole,  bicarbo- 
natée calcique,  sodique  et  magnésienne  înojjenne,  carbonique  forte,  dans  le  dé- 
partement de  l'Isère,  dans  l'arrondissement  de  Grenoble  et  à  35  kilomètres  delà 
ville,  est  un  chef-lieu  de  canton  n'ayant  que  600  habitants.  Le  château  des  barons 
et  plus  tard  des  comtes  du  Monestier  était  autrefois  le  plus  important  du  pays;  il 
ne  présente  rien  de  remarquable  aujourd'hui. 

La  source  du  Monestier  de  Clermont  émerge  par  plusieurs  griffons  dans  une 
prairie  qui  occupe  la  partie  inférieure  d'un  coteau  que  traverse  la  route  de  Gre- 
noble à  Marseille  par  la  Croix-Haute.  L'eau  de  cette  source  est  claire,  limpide  et 
transparente,  sans  odeur  marquée  ;  sa  saveur  est  aigrelette  et  piquante  ;  elle  rougit 
instantanément  la  teinture  et  le  papier  de  tournesol  ;  elle  est  traversée  par  une  si 
grande  quantité  de  bulles  gazeuses,  preque  toutes  constituées  par  de  l'acide  car- 
bonique, qu'il  n'est  pas  rare,  dit  M.  le  docteur  Dorgeval-Dubouchot,  de  trouver,  sur 
les  bords  de  la  fontaine  du  ruisseau,  des  oiseaux  qui,  en  venant  s'y  désaltérer, 
ont  péri  d'asphyxie.  Sa  température  est  de  i'i",ô  centigrade.  Son  analyse  chimique 
a  été  faite  par  M.  le  docteur  Leroy,  professeur  de  la  Faculté  des  sciences  de  Gre- 
noble, qui  a  trouvé,  dans  1000  grammes  les  principes  suivants  : 


s. 


LE  MONNIER.  151 

,.\  Bicarbonate  de  chaux  anhydre 0,886 

_  soude 0,794 

—  magnésie 0,547 

fgr  traces. 

Silicate  d'alumine 0,0û3 

Chlorure  de  sodium ^'?^? 

Sulfate  de  soude 0,535 

—  chaux 0,015 

—  magnésie 0,016 

Total  des  matières  fixes 2,674 

Î  Acide  carbonique  libre  et  demi-combiné  .....  992 

—             tout  â  fait  libre -592 

Azote ^ 

Total  des  gaz 1,508 

L'eau  du  Moiiestier  de  Clermont  est  usitée  en  boisson  seulement,  soit  à  la 
source,  soit  en  mangeant,  pure  ou  mêlée  au  vin.  Son  action  physiologique  est 
apéritive  et  diurétique  ;  on  l'emploie  dans  les  affections  où  il  est  utile  de  stimuler 
l'appétit,  de  faciliter  la  digestion  et  de  faire  sortir  le  sable  ou  les  petits  graviers 
produits  dans  les  reins. 

Durée  de  la  cure,  un  mois  en  général. 

On  exporte  dans  les  environs  l'eau  du  Moneslier  de  Clermont.  La  quantité  coii- 
idérable  de  gaz  acide  carbonique  qu'elle  contient  permettrait  aisément  une  expé- 
dition beaucoup  plus  importante.  Elle  pourrait  rivaliser  avec  les  eaux  de  table  et 
en  particulier  avec  celles  de  Saint-Galmier,  au  voisinage  desquelles  elle  doit  trou- 
ver sa  place  dans  le  cadre  hydrologique.  A.  Rotureau. 

Bibliographie.  —  Dorgeval-Dubouchet.  Guide  du  baigneur  aux  eaux  thermales  de  La  MoUe- 
les-Bains.  Paris  et  Lyon,  1849,  in-8%  p.  157-158.  A.  R. 

LE  RI0i:vN3ER  (Locis-CtUILI,aume).  Cet  homme  de  cœur,  ce  botaniste  distin- 
gué, ce  médecin  fidèle,  courageux  et  dévoue  de  Louis  XVI,  naquit  à  Paris,  le 
26  juin  1717,  et  fut  baptisé  le  lendemain  dans  l'égUse  de  Saint-Cosme  et  Saint- 
Damien.  Le  2  septembre  1737,  il  était  maître  es  arts  ;  docteur  en  médecine  de  la 
Faculté  de  Paris,  le  17  octobre  1740.  Ami  de  Cassini  et  de  La  Caille,  avec  lequel  il 
alla,  en  1759,  dans  le  midi  de  la  France,  pour  y  prolonger  la  méridienne  de  l'Ob- 
servatoire ;  ami  de  Jean-Jacques  Rousseau,  avec  lequel  il  a  plus  d'une  fois  herbo- 
risé; introducteur  dans  notre  France  de  cette  belle  plante  que  les  poètes  appellent 
belle-de-nuit,  et  les  savants,  mirabilis  longiflora,  et  de  l'acacia  à  fleurs  couleur 
de  rose  [robinia  hispida),  n'obtint  pas  de  suite  la  confiance  de  Louis  XVI.  Il  lui 
fallut  suivre  la  hiérarchie  ordinaire,  tàter  le  pouls  d'abord  à  la  belle-sœur  de  ce 
roi,  puis  à  Monsieur,  comte  de  Provence  (Louis  XVIII),  et  attendre  la  mort  de 
de  Lassone.  Il  suffit  d'écrire  cette  année  1788,  pour  dire  combien  court  fut  son 
règne  in  curiâ  Palatini.  Rien  n'a  transpiré  des  relations  entre  le  roi  et  le  méde- 
cin, dans  ces  premières,  grandes  et  immortelles  années  de  la  Révolution  française, 
depuis  la  prise  de  la  Bastille,  depuis  le  fatal  voyage  de  Varennes,  depuis  le  25  juin 
1791 ,  où.  toutes  les  fonctions  législatives  de  l'imprudent  monarque  furent  suspen- 
dues, jusqu'à  la  sanglante  journée  du  10  août.  Mais  ce  jour-là  on  retrouve  Le 
Monnier  ;  on  constate  qu'il  est  à  son  poste,  aux  Tuileries,  dans  une  chambre  con- 
sacrée au  service  de  sauté,  tout  prêt  à  voler  au  secours  du  maître...  qui  n'est 
plus  là  et  qui  entend,  dans  une  mauvaise  petite  tribune  de  logographe  de  l'Assem- 
blée constituante,  le  renversement  du  trône  de  saint  Louis.  Le  Monnier  est  en- 
touré d'une  foule  avide  de  sang  et  de  massacres  ;  déjà  il  se  prépare  à  une  mort 


ir»'2  LE  M  os. 

sinon  glorieuse,  au  moins  passiYC...  Tout  à  coup,  un  inconnu,   sans  armes,  lui 
crie  d'une  voix  dure  et  irapérative  : 

—  Suivez-moi...  ! 

—  Mais  le  combat  dure  encore,  répond  le  médecin. 

—  Ce  n'est  pas  le  moment  de  craindre  les  balles,  riposte  l'inconnu. 

Et  sans  désemparer ,  il  l' entraîne ,  le  fait  sauter  par-dessus  les  cadavres  des 
suisses,  parvient  à  le  faire  sortir  sain  et  sauf  de  cette  boucherie,  et  le  conduit 
jusqu'à  son  logement,  au  Luxembourg... 

On  retrouve  encore  Le  Monnier  le  22  novembre  1792.  Celte  fois,  c'est  dans  la 
grande  tour  du  Temple.  Que  l'on  se  figure  sa  douleur  en  revoyant  Louis  XVI, 
séparé  de  sa  famille  depuis  deux  mois,  réduit  au  strict  nécessaire,  relégué  au 
deuxième  étage  de  la  tour.  Dans  une  ti-iste  chambre,  dont  tout  l'ameublement 
consiste  en  une  table  à  dessus  de  maroquin  vert,  une  commode  en  bois  d'acajou, 
un  secrétaire  plaqué  en  bois  de  rose,  une  bergère  à  coussins  en  damas  vert,  deux 
fauteuils,  deux  petits  tabourets  en  paille,  deux  lits,  l'un  pour  l'ex-roi ,  l'autre,  de 
sangle)  pour  son  jeune  fils...  !  Il  n'avait  pas  été  facile  d'obtenir  l'entrée  delà  pri- 
son, quoique  Louis  fût  atteint  d'un  rhume  et  d'une  fluxion  qui  réclamaient  des 
soins.  La  Commune  de  Paris  avait  des  raisons  pour  craindre  un  enlèvement. 
Aussi,  toutes  les  fois  que  Le  Monnier  venait  à  la  tour  (deux  fois  par  jour),  on  le 
fouillait  avant  sa  visite.  On  ne  lui  permettait  de  parler  qu'à  haute  voix  ;  le  res- 
pect qu'il  montrait  devant  le  maître  tombé  de  si  haut  le  faisait  traiter  de  courti- 
san et  d'aristocrate  ;  ses  ordonnances  mêmes  étaient  contresignées  des  commissaires 
et  des  municipaux. 

Louis-Guillaume  Le  Monnier  mourut  àMontreuil,  petit  village  entre  Yiroflay  et 
Versailles,  sur  la  hsière  du  joli  bois  de  Ville-d'Avray,  le  7  septembre  1799,  âgé  de 
quatre-vingt-deux  ans .  Les  dernières  années  de  sa  vie  furent  dignes  de  sa  grande  àme. 
Ce  n'est  pas  sans  émotion  qu'on  lit  dans  les  mémoires  du  temps  que  le  noble  vieil- 
lard, presque  sans  fortune,  se  mil  bravement  à  ouvrir  à  Monlreuil  une  boutique 
d'herboriste,  et  à  y  vendre,  moyennant  un  modique  salaire,  les  plantes  qu'il  allait 
récolter  lui-même  dans  la  campagne,  et  qu'il  vendait  mortes  et  desséchées,  après 
les  avoir  cueilhes  fraîches  et  pimpantes.  A.  C. 

liEMOS  (Lmz  be),  médecin  et  commentateur  du  seizième  siècle,  dont  la  vie 
nous  est  peu  connue.  Il  était  de  Frontelra  en  Portugal.  Après  avoir  étudié  la 
philosophie  et  la  médecine  à  l'université  de  Salamanque  où  il  occupa  pendant 
quelque  temps  la  chaire  de  philosophie,  il  alla  ensuite  pratiquer  à  Llerena  avec 
le  titre  de  médecin  juré.  Plus  tard,  il  obtint  le  grade  de  médecin  de  la  chambre 
du  roi  de  Portugal,  qu'il  conserva  jusqu'à  sa  mort. 

Lemos  est  le  premier  parmi  les  modernes  qui  se  soit  occupé  de  la  critique  des 
œuvres  d'Hlppocrate.  Son  ouvrage  est  assez  rare  pour  que  Sprengel  n'ait  pu  se  le 
procurer.  M.  Littré  qui  l'a  lu,  en  fait  peu  de  cas.  «  Louis  Lemos,  dit-il,  s'appuie 
uniquement  sur  les  dires  de  Galien,  et  il  n'a  pas  d'autre  avis  que  celui  du  méde- 
cin de  Pergame;  c'est  là  la  seule  base  de  sa  critique  »  (OEuvr.  fVHipp.,  introd., 
t.  I,  p.  169.  Paris,  1859,  in-8'\)  Lemos  a,  en  outre,  écrit  sur  la  séméiotique  et 
quelques  commentaires  sur  divers  ouvrages  d'Âristote  et  de  Galien.  En  voici 
l'indication. 

I.  Paradoxorum  dialecticorum,  llbri  II.  SalamanlicEe,  1358,  in-S".  —  II.  In  lihrum 
Aristotelis  Perihermenias  rommentaria.  Ibid.,  1558,  in-i".  —  III.  Commentaria  in  Gale- 
nnm  de  facitUatibus  gcneralibiis.  Ibid.,  1850,  in-4°  ;  ibid.,  1594,  in-4°.  —  IV.  In  libros  XII 


LENOIB.  ^'^? 

ck  morbis  mcdeudis  conimcutarii.  Jbid.,  458],  in-lol.  —Y.  De  oplhiia  ^Jrm/iVrnJv  ralwne, 
libii  \I.  Item.  Judicii  miigni  Hippocmtis,  liber  unus.  Ibid.,  15S5,  iii-4\  D'après  riiislonen 
Morejon  donl  nous  avons  suivi  les  indications,  il  aurait  laissé  aussi  ua  manuscrit  intitulé  : 
Comrneniaria  in  Hbros  posteriorum  analyticoriim  Aristolelis.  E.  Bgd. 

I.EXGSFEL»  (Joseph),  médecin  de  Vienne,  né  en  1765,  mort  le  5  décembre 
1798  ;  s'est  livré  particulièrement  à  l'étude  des  entozoaires,  si  peu  comuis  alors, 
et  sur  lesquels  il  a  publié  les  deux  ouvrages  suivants  : 

I.  Beschreibnng  dcr  Bandwiirmer  tind  deren  Heilmittel.  Vienne,  1794,  in-8°.  —  II.  Uebcr 
die  Kr.'inhhciten  von  Wilrmern  und  deren  Kennzcichcn.  Vienne,  1795,  in-8%  deux  planches. 

A.  C. 

LENICEPS.  Voy.  For.cEPS. 

EÉXITIF  (Électuaire).  C'est  une  de  ces  vieilles  formules  complexes  que 
l'on  conserve  par  respect  pour  la  tradition,  qui  réunissent  une  foule  de  substaïues 
et  dans  l'élaboration  desquelles  nos  devanciers  se  complaisaient  tant.  Cet  élec- 
tuaire, appelé  aussi  Conserve  de  séné,  Electuarium  de  Ssnnia  composi- 
tiim,  a  été  mainteiuie  dans  la  nouvelle  édition  du  Codex.  11  ne  renferme  pas 
monis  de  quinze  substances,  que  l'on  peut  classer  ainsi  :  1"  substances  féculentes 
ou  berbacées  (orge  mondée,  racine  de  polypode  de  cbêne);  2"  substances  sacrées 
(réglisse,  raiisins  secs,  jujube,  sucre);  3"  substances  aromatiques  (fenouil,  anis); 
A"  substances  purgatives  (feuilles  de  mercuriale  et  de  séné,  poudre  de  follicule 
de  séné,  pulpe  de  tamarin,  de  casse  et  de  pruneaux).  Les  proportions  du  séné 
(tant  feuilles  que  follicules)  sont  d'un  dixième.  Il  s'administre  à  la  dose  de  30  à  45 
grammes,  contenant  5  à  4  grammes  de  séné.  Si  on  le  donne  en  lavement,  oujiorte 
la  dose  à  60  grammes.  Cette  sorte  de  tbériaque  purgative  est  tombée  eu  désué- 
tude. FOKSSAGRIVES. 

LÉRIITIFS  (Médicaments).  Le  mot  lénitif  est  tiré  du  latin  lenire,  adoucir.  On 
l'employait  autrefois  comme  synonyme  d'adoucissants,  d'humectants,  de  relâ- 
chants, vieilles  désignations  qui  n'ont  plus  de  sens  et  que  la  médociiic  a  définiti- 
vement abandonnées  à  la  comédie.  Le  sens  le  plus  général  de  ce  mot  est  celui  de 
laxatif,  connnc  le  montre  le  nom  de  l'électuaire  de  séné  dont  nous  venons  de 
donner  la  formule.  C'est  la  signification  que  lui  donne  Argant  dans  la  ilroJatirjue 
discussion  de  la  note  de  Fleurant  l'apothicaire  ;  c'est  celle  qu'on  peut  lui  conserver, 
quelque  peu  scientifique  que  soit  l'autorité  sur  laquelle  s'appuie  cette  proposition. 
La  vieille  terminologie  dont  ce  mot  fait  partie  n'offre,  du  reste,  qu'un  intérêt  his- 
torique ;  elle  consacre  maintes  fois  des  erreurs,  devient  souvent  une  source  de 
confusion  et  pourra  disparaître  sans  laisser  de  regrets.  FoxssAcnivEs. 

LE!VOIR  (Adolphe),  un  des  chirurgiens  distingués  de  notre  temps,  naquit  à 
Meaux  en  1802,  et  commença  ses  études  médicales  dans  cette  ville,  sous  la  direc- 
tion de  Ilouzelot,  chirurgien  en  chef  de  l'hôpital.  Lcuoir  vint  ensuite  à  Paris  où  il 
conquit  successivement  au  concours  les  grades  d'élève  des  hôpitaux,  puis  d'aidj 
d'auatomie(1831),  de  prosecteiu"i83o,et,  enfin,  il  parvint  à  l'agrégation  eu  1835. 
Ses  cours  d'anatomie  et  de  médecine  opératoire  à  l'École  pratique  attiraient  une 
très-grande  allluence  d'élèves;  en  qualité  d'agrégé,  il  suppléa  à  plusieurs  reprises, 
et  avec  le  succès  le  plus  éclatant,  Sanson  et  M.-.l.  Cloquct,  chirurgiens  des 
hôpitaux  ;  enfin  il  était  regardé  comme  uu  de  ceux  qui  pouvaient  le  plus  légi- 
timement prétendre  au  professorat,  ce  bâton  de  maréchal  de  notre  profession. 
Mais  le  sort  en  avait  décidé  autrement.  Miné  depuis  longtemps  déjà  par  une  niala- 


(ib4  LENS  (de). 

die  chrouique  des  organes  hépatiques  et  rénaux,  qui  ne  l'avait  pas  empêché  de 
continuer  ses  travaux,  il  succomba  le  17  juin  1860. 

1  Gomme  l'a  dit  sur  sa  tombe,  M.  H.  Larrey,  «  Lenoir  ne  fut  pas  seulement  un 
chirurgien  habile,  il  fut  encore  et  surtout  un  chirurgien  honnête,  moins  préoc- 
cupé  de  faire  valoir  la  nouveauté  d'une  opération  ou  d'en  vaincre  les  difficultés, 
que  d'en  reconnaître  les  indications  ou  d'en  éviter  les  dangers.  Peu  soucieux  de 
rechercher  la  clientèle  ou  la  renommée,  quoiqu'il  fût  l'un  des  premiers  opérateurs 
des  hôpitaux,  il  montrait  de  l'éloignement  pour  la  chirurgie  d'aventure.  Son  juge- 
ment di'oit  et  sévère  blâmait  ouvertement  et  en  face,  mais  jamais  dans  l'ombre  ou 
à  l'écart,  certaines  doctrines  ou  opérations  hasardeuses  de  ses  confrères,  fussent-iis 
ses  amis.  » 

La  notice  suivante  fait  connaître  les  principales  publications  de  Lenoir  : 

I.  Sur  quelques  points  d'anatomîe,  de  jjhysiologic  et  de  ]}athoIogie.  Th.  de  Pains,  1833, 
n°  315.  —  II.  Quels  sont  les  lieux  et  quels  sont  les  cas  où  il  convient  d'amputer  la 
jambe?  Th.  de  conc.  (agrég.  chir.).  Paris,  1835,  in-i°. —  III.  Lettre  sur  la  lithotritie.  Paris, 
1837,  in-S°.  —  l^'.  Note  sur  une  modification  de  la  méthode  circulaire  appliquée  à  l'ampu- 
tation de  la  jambe  au-dessus  des  malléoles.  In  Arck.  gcn.  de  méd  ,  3'=  sér.,  t.  VIII,  18î0. 
—  Y.  De  la  bronchotomie.  Th.  de  conc.  (ch.  de  méd.  opérât,],  18il,  in-4°.  — VI.  Mém.  sur 
deux  cas  d'anévrysmes  qui  ont  j)résentc  quelque  chose  d'insolite  dans  leur  trcdtement.  In 
Arch.  gén.  de  méd.,  4°  sér.,  t.  I,  1845.  —  VII.  Des  opérations  qui  se  pratiquent  sur  les 
muscles  de  l'œil.  Th.  de  conc.  (ch.  d'opéi'at.  et  d'appareils).  Paris,  1850,  ia-4''.  —  VIII. 
Fausse  articulation  du  fémur  traitée  avec  succès  par  l'acupuncture  ,  etc.  \\\  Mém.  delà 
Soc.  de  c/iir.,  t.  II,  1851 .  —  IX.  Atlas  complémentaire  de  tous  les  traites  d'accouchements, 
Paris,  1800-1805,  gr.  in-8°.  —  X.Un  grand  nombre  d'articles  dans  divers  journaux  ;  sur  la 
désarticulation  de  la  cuisse.  In  Journ.  hcbd. ,  t.  XIII  ;  sur  les  bourses  synoviales  de  laplanle 
du  pied.  In  Presse  méd.  —  Un  Manuel  des  préparcd'ions  tcncdomiques,  à  la  suite  de 
l'anatomie  descnptive  de  Bichat.  In  Édit.  de  l'Encyclopédie,  1834  ; —  divers  articles  dans  le 
Dict.  des  études  médicales,  1858-59  ;  —  sur  différents  vices  de  conformât,  du  bassin.  In 
Arch.  de  méd.,  4«  sér.,  t.  XXYI,  1851;  t.  XVIII.  1852;  addition  aux  Nouv.  élém.  de 
pathologie  médico-chir .  de  Roche  et  Sanson  (5  vol.  in-8°,  1844);  communications  à  la 
Société  de  chirurgie,  dont  il  fui  un  des  loudatcurs.  E.  Bgd. 

JLE^'S.     Foy.  Lentille. 

LEMS  (Adrien-J.\cques  de)  FORITEI^OIS.  Médecin-naturaliste  distingué,  né  à 
Paris,  le  25  avril  1786,  d'une  famille  qui  comptait  plusieurs  illustrations  dans  ce 
qu'on  appelait  alors  la  robe.  D'abord  élève  de  l'École  polytechnique,  il  fut  distin- 
gué par  Fourcroy  qui  le  lança  dans  l'étude  des  sciences  naturelles  et  de  la  méde- 
cine. Sa  thèse  inaugurale  sur  l'application  de  la  chimie  aux  diverses  branches  de 
la  médecine,  depuis  l'anatomie  jusqu'à  la  thérapeutique,  montre  les  connaissances 
étendues  qu'il  possédait  déjà  et  ses  vues  nettes,  précises  sur  le  rôle  que  la  chimie 
est  appelée  à  jouer  dans  les  sciences  médicales.  Ses  publications  dans  le  Journal 
général  de  médecine  et  dans  la  Bibliothèque  médicale,  les  nombreux  articles 
qu'il  donna  au  grand  Dictionnaire  des  sciences  médicales,  mais  surtout  sa  part 
active  de  collaboration  au  Dictionnaire  universel  de  matière  médicale  et  de  thé- 
rapeutique lui  assurèrent  une  place,  au  premier  rang,  parmi  les  médecins  natura- 
listes. Aussi  avait-il  été  compris,  en  1820,  dès  la  création,  parmi  les  membres 
titulaires  de  l'Académie  de  médecine.  Enfin,  son  caractère  si  droit,  si  honnête  et 
lout  à  fait  à  la  hauteur  de  ses  précieuses  facuKés  le  désigna-t-il  au  choix  de  l'Ad- 
ujinistratiou  pour  succéder  à  Royer-Collard,  dans  les  fonctions  d'inspecteur  des 
Facultés  de  médecine;  position  élevée  qu'il  perdit  en  1850,  ce  dont  l'étude  et  les 
travaux  de  sa  profession  surent  bientôt  le  consoler.  DeLens,  d'une  santé  délicate, 
s'affaiblissait  de  jour  en  jour,  et  il  succomba  en  février  1846,  à  peine  âgé  de 
soixante  ans. 


LENTILLE,  155 

Noos  ne  donnons  ici  que  ses  plus  importantes  publications  : 

I.  Considérations  générales  sjtr  l'application  de  la  clilmie  aux  diverses  branches  de  la 
médecine.  Th.  de  Pans,  1811,  n"  51,  in-4°.  —  II.  Dictionnaire  universel  de  matière  médicale 
et  de  thérapeutique  générale  (avecMérat) .  Paris,  1829-34,  (j  vol.  in-8°  (le  7'=  vol.  ou  Supplé- 
ment, paru  en  1846,  est  de  Mérat  seul).  —  III.  Une  cinquantaine  d'articles  de  chimie  orga- 
ni(iue  et  appliquée  dans  le  Dictionnaire  des  sciences  médicales.  —  Divers  rapports  et  com- 
munications à  l'académie  de  médecine,  etc.  E.  Bgd, 

liEWTittO,  Voy.  Éphélides. 

EiEMTiOljS  (RosiNus),  connu  encore  sous  le  nom  de  Linsenbahrt.  Médecin 
allemand  du  dix-septième  siècle,  dont  on  ne  lit  plus  depuis  longtemps  les  livres, 
propagateur  de  la  secte  iatro-chimique,  ennemi  déclaré  des  émissions  sanguines, 
méprisant  l'anatomie  comme  inutile  au  disciple  d'Esculape,  regardant  le  manie- 
ment des  drogues  comme  la  principale  partie  de  l'art  de  guérir,  faisant  un  usage, 
Dieu  merci  inconnu  de  nos  jours,  des  absorbants,  des  aromates,  des  sudorifiques, 
recommandant  le  vin  dans  les  fièvres  malignes  et  conseillant  l'arsenic  dans  les 
fièvres  intermittentes.  Ce  dernier  point  est  peut-être  le  seul  qui  recommande  ce 
pharmacophile  à  notre  souvenir.  Né  le  5  février  d657,  à  Waldenbourg,  Lentilius 
mourut  le  12  février  1 753,  laissant,  sous  le  nom  d'Oribase,  de  nombreuses  disser- 
tations dans  ie  Piecueil  de  l'Académie  des  Curieux  de  la  nature;  plus,  les  ou- 
vrages dont  voici  les  titres  : 

I.  De  fehre  tertianâ  intermittente  epidemlcâ  prœterito  vere  septentrionem  subque  eo 
Curlandiam  infestante.  Altdorf,  1680,  in-12.  —  II.  T£/v>7^.a  rcpay.xiy.à-j.  Tabula  consuUatoria 
medica,  exhibens  cjuœstiones  per  qiiaruni  responsiones  in  morbi  geniuni  penetrare  indican- 
tium  et  contraindicantiuni  momenta  invcnire  et  in  medendi  methodo  tutius  procedere  liceat 
Ulra,  1696,  in-8°.  —  III.  Miscellanea  niedico-practica  tripartita.  Ulm,  1698,  in-4°.  —  IV. 
Bedenken  ilber  die  im  Frïihling  und  Herbstzeiten  unzeitig  angestellte  Prœscrviraderlœsse. 
Ulm,  1692,  in-S".  —  V.  De  hijdrophobiœ  causa  et  cura  epistola.  Ulm,  1700,  in-8°.  — VI. 
Eteodromus  medico-practicus  anni  1709.  Stuttgart ,  1711 ,  in-4°.  —  YII.  latromnemata 
theoretico-practica  bipartita,  quibus  observationes  ,  responsa ,  consilia ,  casus ,  epistolœ, 
disquisitiones ,  medicationes,  selectiora  oninia  continentur.  Stuitgart,  1712,  in-S".  —  'VIII. 
Consultatio  medica  de  qucestionibus  œgrotis  proponendis.  Kordlingen,  1718,  in-S". 

A.  G. 

LEi^'ffîijlLE  {Lens  T.).  §  I.  Sotanique.  Genre  de  Légumineuses  Papiliona- 
cécs,  de  la  tribu  des  Viciées.  Autrefois  la  Lentille  commune  faisait  partie  du 
genre  Ervum,  sous  le  nom  à'E.  Lens  L.  {Spec,  1059).  Aujourd'hui,  les  auteurs 
qui  ont  le  mieux  étudié  les  Légumineuses,  M.  Bentbam,  par  exemple,  font  rentrer 
les  Ervum  àv^ns  le  genre  Vesce  (Vicia),  sauf  la  Lentdle  commune,  qui  devient  le 
type  d'un  genre  distinct,  comme  le  voulait  Tournefort,  sous  le  nom  de  Lens  es- 
culenta  MœiNch.  Ce  genre  est  caractérisé  par  un  calice  à  sépales  étroits,  allon- 
gés, presque  égaux,  une  corolle  papilionacée  à  large  étendard  arrondi,  atténué  à 
sa  base,  à  ailes  obliquement  obovées,  plus  longues  que  la  carène  et  adhérentes  à 
sa  partie  moyenne,  à  étamines  didynames  (9  et  î),  formant  une  gaîne  à  ouverture 
oblique.  L'ovaire,  presque  sessile,  ne  renferme  que  deux  ovules,  et  est  surmonté 
d'un  style  infléchi,  légèrement  aplati  en  haut  sur  sa  portion  dorsale,  et  chargé  sur 
sa  face  intérieure  de  petits  poils.  La  gousse  renferme  une  ou  deux  graines  qui 
sont  les  Lentilles,  et  dont  la  forme  biconvexe  est  bien  connue.  Les  Lens  sont  des 
herbes  grêles,  dressées  ou  grimpantes,  à  feuilles  alternes  pennées,  à  stipules  sa- 
gittées.  Elles  sont  originaires  de  la  région  méditerranéenne  et  de  l'Asie  occiden- 
tale. Le  Lens  esculenta  {Cicer  Lens  W.)  est  une  petite  plante,  de  5  à  50  centi- 
mètres de  haut,  cultivée  dans  notre  pays  et  s'y  rencontrant  parfois  à  l'état  sub- 


& 


liiG  LENTILLI'S. 

spontané.  Ses  feuilles  ont  de  cinq  à  sept  paires  de  folioles  obovées  ou  oblongues- 
linéaires,  et  se  terminent  en  vrille  simple  ou  bifnrquée.  Ses  fleurs  sont  petites, 
blanches,  veinées  de  violet,  et  ses  gousses  sont  de  couleur  fauve.  On  en  a  distin- 
gué deux  variétés  :  1°  celle  à  graines  jaunâtres,  carénées  sur  lesboixls;  2°  hLen- 
tillon  {L.  esculenta  suhsphœrosperma  Gren.  et  Godr.  Erviim  dispermum 
RoxB.),  à  graines  bien  plus  petites,  brunes  et  marbrées,  arrondies  sur  les  bords. 

H.  Bn. 

Tour.N.,  Instil.  rci  hcrb.,  590,  t.  210.  —  Mœnt.h,  Meth.,  131.  —  W.,  Spec,  III,  1114; 
Enum.,  7GG.  —  Mér.  et  Del.,  Dict.,  III,  IM.  —  Guib.,  Drog.  fsimpl.,  éd.  4,  III,  335.  — 
Gren.  et  Godr . ,  FI.  de  Fr.,  I,  476.  —  Rosextii.,  Synops.  pi.  dlapli.,  1005.  —  Alef.,  in 
Bonplandia  (1861),  128.  —  Be.nth.  et  IIook.,  Gen.,  I,  525,  n.  185. 

§  II.  Broniatoloi^ie.  La  lentille  est  une  graine  alimentaire  fournie  par  VEr- 
vum  lens  (du  mot  celtique  Erw,  terre  meuble),  de  la  famille  des  légumineuses. 

Les  lentilles  ne  réussissent  que  dans  les  terivains  secs.  On  emploie  pour  les  semis 
dO  à  15  décalitres  à  l'hectare,  et  on  récolte  10  à  21  hectolitres.  Celui-ci  pèse  en- 
viron 85  kilogrammes. 

Les  lentilles  desséchées  contiennent  pour  100  parties,  4,4  d'azote,  ce  qui  cor- 
respond à  28,6  pour  100  de  matières  azotées.  Voici  quelle  est,  d'après  Paycn, 
leur  composition  : 

COMPOSITION   TES   LENTILLES. 

.Amiilon,  ilextrine  et  matière  sucrée 56,0 

Légumine  et  autres  matières  .Tzotées 25,2 

Matières  grasses  et  traces  de  substances  aromatiques.   ...  2,6 

Cellulose 2,4 

Sels  minéraux 2,5 

Eau  (variable)  en  moyenne -11,3 

Total 100,0 

Les  lentdles  ont  été  introduites  de  France  eu  Angleterre,  vei^s  1548.  D'après 
leur  composition,  il  est  facile  de  voir  qu'elles  constituent  un  excellent  aliment, 
tant  par  la  proportion  considérable  des  matières  azotées,  que  par  l'arôme  parti- 
culier qu'elles  renferment.  Cet  arôme  réside  dans  l'épisperme,  car  la  farine  de 
lentilles  décortiquées  eu  est  complètement  dépourvue. 

Il  existe  deux  variétés  de  lentilles,  qui  sont  cultivées  en  grand  :  1°  la  grande 
lentille,  la  plus  commune  et  la  plus  productive,  à  graines  grosses,  blondes  et 
farineuses,  etc.  ;  2°  la  petite  lentille,  dont  les  graines  sont  plus  petites,  plus 
renflées,  et  d'une  nuance  roux  foncé.  Cette  dernière  est  la  plus  estimée  en  raison 
de  sa  saveur  plus  agréable. 

Les  lentilles  peuvent  être  altérées,  par  les  insectes,  par  les  moisissures, 
ou  par  suite  d'une  fermentation  spontanée.  Dans  le  premier  cas,  on  les  vanne 
pour  séparer  les  grains  légers.  On  peut  également,  au  moment  de  s'en  servir,  les 
plonger  dans  l'eau,  et  rejeter  tous  les  grains  qui  surnagent,  parce  qu'ils  sont 
piqués.  Les  moisissures  et  la  fermentation  ne  se  développent  que  lorsque  ces 
graines  sont  ti^op  humides.  Quand  elles  sont  peu  hydratées,  elles  peuvent  se  con- 
server indéfiniment.  Il  est  probable  que,  si  l'on  voulait  les  conserver  en  grand, 
on  réussirait  à  tuer  les  insectes  qui  s'en  nourrissent,  à  l'aide  du  sulfure  de  car- 
bone, employé  comme  il  a  été  dit  pour  le  blé. 

Dans  ces  derniers  temps,  les  lentilles  sont  devenues  la  base  de  préparations  ali- 
mentaires, désignéespar  les  noms  de  Revalenta,  Bevalesciére,  Ervalenta  et  autres. 
Il  est  mutile  de  dire  que  les  propriétés  thérapeutiques  qu'on  leur  prête  sont  ima- 
gmaires.  On  rencontre  pourtant,  dans  la  pratique,  nombre  de  personnes  qui  assu- 


LEiSZlTES.  l''7 

rcut  retirer  de  leur  eini)loi  journalier  une  tlimiiuitiou  notable  de  la  constipation. 
L'es  expertises  judiciaires  cl  des  analyses  faites  par  les  sonis  de  quelcpies  sociétés 
savînites  n'y  cnt  décelé  aucune  trace  de  substance  médicamenteuse,  purgative  ou 
iivdiw  C'est  à  cause  de  cette  circonstance  que  la  vente  de  ces  produits,  autrefois 
]:oursuivie,  est  maintenant  permise  en  l'rance.  h'Ervalenta  Warton  est  de  la 
lariiie  de  Icnlillcs  décortiquées  :  son  nom  est  grossièrement  dérivé  du  latiu  Erviim 
lois,  qui  sert  à  désigner  la  lentille.  La  Uevalenta  arabica  du  docteur  Barry,  qui 
est  aussi  nue  importation  anglaise,  ne  peut  plus,  par  décision  judiciaire,  être 
vendue  sous  ce  nom,  qui  avait  été  formé  avec  le  mot  Ervalenta,  par  interversion 
de  ses  deux  premières  lettres,  ce  qui  constituait  une  concurrence  illicite.  EUj 
s'appelle  aujourd'hui  Revalescière.  La  Commission  sanitaire  de  Londres,  d'accord 
avec  M.  Payen,  y  atrouvé,  avec  la  farine  de  lentille,  des  farines  de  pois,  de  maïs,  de 
sorgho,  d'avoine  et  d'orge,  ainsi  que  du  sel  de  cuisine.  La  Revalescière  ne  diffère  de 
l'Ervalenta  que  par  son  prix,  qui  est  double  ;  et  cette  circonstance  est  la  seule 
qui  puisse  justilier  l'épithète  de  concentrée  ou  doublement  raffinée,  qu'on  lui 
cloune  sur  le  prospectus.  P.  Coulieu. 

LEIVTILLF.  (Physique)  voij.  Dioptrique,  Optiqoe. 

LEXTII.L01V.     Nom  donné  à  une  variété  commerciale  de  la  lentille. 

LEXTlîVîJS  Fr.  Genre  de  la  famille  des  AGAmciNÉEs,  de  la  section  B  des  Aga- 
riciuées  à  tissu  tenace,  réviviscent,  à  lames  flexibles.  Genre  très-naturel,  caracté- 
risé par  son  tissu  entièrement  flexible,  jnais  tenace,  par  ses  lames  bien  formées, 
minces,  à  bords  aigus,  mais  le  plus  souvent  dentelés  en  scie,  incisés  ou  déchi- 
quetés ;  ces  lames  sont  inégales,  mais  simples,  et  les  spores  sont  blanches;  le 
chapeau  a  ses  bords  infléchis,  le  plus  souvent  d'abord  convexe,  puis  à  disque  plus 
ou  moins  déprimé  ou  concave,  quelquefois  lobé  ou  dimidié;  sa  surface  est  le  plus 
sou\eut  squamulée;  le  stipe  plus  coriace  évasé  en  haut  est  quelquefois  tubiforme, 
surtout  chez  les  individus  qui,  s'étant  développés  dans  les  antres  creux  et  obscurs, 
se  sont  allongés  vers  la  lumière.  Espèces  presque  constamment  éjnxiles  sur  le 
bois  pourri,  dans  l'intérieur  des  vieux  troncs,  etc.  Ces  Agaricinées  sont  déjà  trop 
coriaces  pour  servir  d'ahment  :  aussi  ignore-t-on  leur  propriété.  L'espèce  la  plus 
commune  est  L.  Lepideds,  cpie  caractérise  son  chapeau,  relativement  assez  charnu 
et  compacte,  les  fibrilles  squameuses  qui  jaspent  de  taches  plus  obscures  le  fond 
jaune  ocracé  du  chapeau  ;  enfin,  les  lames  assez  lai'ges,  et  que  divisent  transversale- 
ment de  nombreuses  scissures,  sont  décurrentes  sur  un  stipe  squameux,  tomen- 
teux.  L'odeur  est  notable  et  plutôt  agréable,  et  sa  chair  sert  de  nourriture  à 
plusieurs  insectes;  sa  taille  très- variable  s'élève,  à  en  juger  d'après  les  seuls 
échantillons  que  j'ai  rencontrés  de  10  à  50  centimètres. 

Deux  autres  espèces  sont  figurées  par  BuUiard,  L.  tigrinus,  pi.  70,  et  L.  Du- 
nalilFr.,  pi.  56.  Bertillon. 

LEiVTiSdjUE.     Vorj.  Pistachier. 

LE\ZITES.  Un  des  derniers  genres  de  la  famille  desÂgaricinées,  division  des 
tenaces  réviviscents  à  lames  coriaces;  leur  tissu  général  est  subéreux  et  coriace; 
leur  chapeau  dimidié  et  sessile,  les  lames  rayonnantes,  fermes,  tantôt  simples 
et  inégales,  tantôt  rameuses  et  anastomosées,  et  même  alvéolées  par  derrière, 
c'est-à-dire  près  du  stipe  (et  non  vers  la  marge,  comme  dans  les  D.edalées  et  les 


itjS  LÈOA'IDÈS. 

CïCLOMïcÈTEs);  leurs  bords  sont  entiers,  tantôt  obtus,  tantôt  aigus;  ces  champi- 
gnons, sans  odeur  notable,  sont  toujours  épiphytes.  Les  espèces  des  tropiques  sont 
ligneuses,  celles  d'Europe  seulement  subéreuses.  Les  wnes  croissent  sur  les  arbres 
munis  de  feuilles,  comme  L.  betulina,  L.  flaccida,  Bull,  pi.  59-4  et  L.  variegata 
Bull.,  pi.  557,  fig.  I,  K,  L;  les  autres  sur  les  Conifères,  comme  L.  Abietina, 
Bidl.,])\.  442,  etc.  11  est  évident  que  le  tissu  tubéreux  des  Leïszites  ne  leur  perraei 
pas  de  servir  d'aliment,  c'est  pourquoi  leurs  propriétés  sont  inconnues.  Ces  cham- 
pignons sont  sans  usage.  Beutillon. 

LEO\lîÂK»l  (.IoHANN-GoTTFEiED),né  le  18  3uin4746  à  Leipzig,  oiiii  commeiiu 
ses  études  médicales  sous  le  célèbre  Chr.  Gttl.  Ludwig.  Promu  au  doctorat  en 
1771,  Leonbardi  se  fit  bientôt  connaître  par  des  cours  particuliers  sur  les  diffé- 
rentes branches  de  la  médecine,  il  était  alors  attaché  à  la  rédaction  des  Corn- 
vientaria  Lipsienûa;  nommé  professeur  extraordinaire  en  1781,  il  quitta  celte 
position  l'année  suivante,  pour  occuper  à  "Wittemberg  une  chaire  d'anatomie 
et  de  physiologie  qu'il  échangea  bientôt  pour  une  chaire  de  pathologie.  Appelé  dix 
ans  après  à  Dresde  par  l'électeur  Frédéric  Guillaume  pour  remplir  les  fonctions  de 
médecin  de  la  famille  royale,  Leonbardi  resta  dans  cette  brillante  position  jusqu'à 
l'époque  de  sa  mort,  arrivée  le  H  janvier  1824. 

Ce  médecin  éminent  a  publié  un  très-grand  nombi'c  de  dissertations  et  de  pro- 
grammes académiques.  Nous  citerons  seulement  les  suivants  : 

L  Progr.  de  resorptiona  cutanea.  Lipsiaj,  1768,  in-8°.  —  II.  Dissert,  de  frigoris  atino' 
sphccrici  effectlbus  in  corpus  humanum.  Ibid.,  1771, in-^".  — III.  Dissert  de  resorptionis  in 
corporc  liumano  prœter  naturam  impeditœ  causis  atquc  noxis .  Ibid-,  1771,  iii-4°. — IV. 
Animadversioiies  chimico-therapeuticœ  de  ferro.  Wilteb.,  1785,  in-4''.  —  V.  Progr.  de 
latice  pulmonum  spumoso  liominis  vivi  suhmersi  signo  ambiguë.  Ibid.,  1786,  )n-4°. —  VI. 
Pliijsiologia muci primanim  viarum.  Ibid.,  1789,  in-4°.  — VII.  Pharmacopœa Saxonia  jussu 
régie  et  auctoritate  publica  édita.  Dresde,  1820,  in-S",  E.  Bgd. 

LEOî^'ïCERI®  (Nicola)  ou  Nicolas  de  Lonigo,  partage  avec  quelques  autres 
médecins  italiens  l'honneur  d'avoir,  cà  l'époque  de  la  renaissance  contribué  à  vul- 
gariser les  classiques  grecs  de  notre  art,  et  d'avoir  réveillé  l'esprit  de  critique  et 
de  libre  examen  endormi  depuis  tant  de  siècles.  Né  à  Lonigo,  près  de  Vicence,  en 
1428,  il  se  fit  recevoir  docteur  à  Padoue,  el  après  avoir  professé  pendant  quel- 
que temps  dans  cette  ville,  il  obtint  à  l'université  de  Ferrare  une  chaire  de  ma- 
thématiques et  de  morale  qu'il  occupa  jusqu'à  sa  mort,  en  1524;  il  avait  alors 
quatre-vingt-seize  ans.  Leoniceno  a  donné  des  traductions  de  plusieurs  hvres 
d'Hippocrate  et  de  Galien.  Dans  un  traité  spécial  sur  le  mal  français  il  admet  que 
cette  maladie  n'a  point  été  décrite  ni  dénommée  d'une  manière  précise  par  les  an- 
ciens, et  il  la  regarde  comme  une  épidémie  particulière  due  à  des  inondations.  Il 
a  osé,  courage  bien  rare  à  cette  époque,  signaler  et  relever  des  erreurs  dans  Pline 
l'Ancien,  et  surtout  dans  les  Arabes  copistes  et  commentateurs  du  naturaliste 
latin. 

Laissant  de  côté  les  traductions,  on  doit  à  Leoniceno  les  ouvrages  suivants  : 

I.  PUnii  et  aliorum  plurium  auctorum  qui  de  simplicibiis  medicaminibus  scripserunt 
errorcs  notatœ,  Ferraraj,  1492,  in-4,  et  Epistolœ  ad  Hcrm.  Barbarum;  ad  Fr.  Titum;  ad 
H.  MeiiocMum.  (Défense  de  son  ouvrage.)  Ibid.,  1509,  in-4;  Basileœ,  1529,  in-4  ;  ibid.,  1552, 
in-fol.  —  II.  Lib.  de  epidemia  quain  viilgo  morbum  gallicum  vocant.  Venetiis,  1497,  in-4; 
Médiol.,  1497,  in-4;  Papiœ,  1506,  in-fol.;  et  in  Coll.  Luisini. —  III.  De  dipsadc  et  plurihus 
aliis  serpentibus .  Basil.,  1529,  in-4.  —  IV.  Opuscula.  Ibid.,  1532,  in-fol.  E.Bgd. 


LÊONTICE.  153 

LÊONIDÈS  (AîmiSr,;).  Ou  sait  par  Galien  [Introd.  seu  med.,  4)  qu'il  était 
d'Alexandrie,  et  par  Soranus  (Cœlius  Aurel. ,  Morb.  acut.  ,11,  1 ,  p.  75) ,  qu'il  appar- 
tenait à  la  secte  des  Episynthetici  {voij.  BIédecixe,  histoire).  Soranus  llorissaitsous 
Trajan  et  Adi'ien,  c'est-à-dire  de  l'an  98  à  l'an  Jo8  environ,  et  puisqu'il  cite  Léoni- 
dès,  il  faut  bien  admettre  que  ce  dernier  était  plus  ancien  que  lui  ou  du  moins  son 
contemporain;  de  sorte  qu'il  n'est  guère  possible  de  croire  que  Léonidès  ait  vécu 
après  Galien,  né  l'an  loi ,  et  encore  moins  au  troisième  siècle,  comme  on  le  pense 
généralement.  Mais  on  dit  :  Léonidès,  qui  est  cité  par  Soranus,  cite  à  son  tour 
Galien,  et  pour  justifier  cette  assertion  on  renvoie  à  Aétius,  livre  XIV,  ch.  ii,  lequel 
chapitre  a  pour  titre  :  De  fistulis  ani,  Leonidœ,  et  dans  lequel  on  trouve,  eu  effet, 
un  renvoi  à  VEinpIastrum  fulvum  et  sine  cera  Galeni.  Comme  en  général  on 
ignore  les  procédés  dont  Aétius  a  usé  pour  composer  ses  chapitres,  on  n'a 
pas  remarqué  que  le  texte  de  Léonidès  finit  avant  cette  mention  de  Galien,  et 
qu' Aétius  a  pris  la  parole  pour  son  propre  compte,  en  renvoyant  à  Galien  et  à  un 
autre  chapitre  du  même  livre  XIV  où  il  est  parlé  plus  au  long,  d'après  Galien,  du 
traitement  des  fistules.  Ainsi  tout  s'explique  et  les  impossibilités  disparaissent. 
Voilà  comment  l'étude  critique  des  textes,  quoi  qu'en  disent  certaines  personnes 
intéressées,  peut  sei'vir  à  l'étude  de  l'histoire  et  de  la  chronologie.  Aétius  et  Paul 
d'Égine  ont  fait  à  Léonidès,  soit  directement,  soit  plutôt  encore  par  l'inter- 
médiaire d'Oribase,  de  fréquents  emprunts,  pour  la  description  et  le  traitement 
de  plusieurs  affections  chirurgicales  :  hydrocéphale,  maladies  de  l'anus  et  des 
organesgénitaux,  tumeurs,  fistules,  hernies.  Ces  extraits  prouvent  que  Léonidès 
s'était  appliqué  à  la  chirurgie  et  qu'il  excellait  dans  son  art.       Gh.  Daeemberg. 

LEOlMTîCE  L.  Genre  de  plantes  de  la  famille  des  Berbéridées,  dont  les  fleurs 
sont  construites  sur  le  même  plan  général  que  celles  des  Épines-vinettes  :  trois 
sépales  pétaloïdes,  trois  autres  sépales,  alternes,  semblables,  et  six  pétales  dispo- 
sés sur  deux  verticilles  et  superposés  chacun  à  un  sépale.  Les  pétales  sont  courts, 
en  forme  de  nectaire  écailleux,  étroit,  allongé,  concave  en  dedans  et  glanduleux  à 
la  base.  Les  étamines  sont  aussi  au  nombre  de  six,  libres,  à  anthère  introrse,  bilo- 
culaire,  dont  la  demi-loge  dorsale  prend  seule  tout  son  développement  de  chaque 
côté  et  se  relève  en  forme  de  panneau  pour  laisser  échapper  le  pollen.  L'ovaire, 
libre,  uniloculaire,  surmonté  d'un  style  court,  dilaté,  stigmatifère,  renferme  un 
placenta  central  basilaire,  court,  supportant  quelques  ovules  anatropes  à  funicule 
dressé.  Le  fruit  est  une  vésicule  sèche,  indéhiscente  ou  inégalement  déchirée  en 
haut  et  contenant  une  ou  plusieurs  graines  albuminées.  Les  Leontice  sont  des 
herbes  \ivaces  de  l'Asie  moyenne.  Leur  souche  tubériforme  porte  des  feuilles 
pennées,  bi  ou  triséquées,  alternes.  Celles  des  rameaux  sont  plus  simples.  Les 
ileurs  sont  disposées  en  grappes  simples  ou  ramifiées,  terminales.  On  a  employé 
de  toute  antiquité,  dans  l'Oiient,  le  L.  Leontopetalum  L.  {Spec,  448),  espèce  qui 
se  trouve  en  Orient,  en  Crète  et  en  Itahe,  et  qui  a  des  feuilles  biternées,  à  sog^ 
ments  obovés  subpétiolulés,  avec  des  fleurs  jaunes,  vernales,  et  des  bractées  bien 
plus  courtes  que  les  pédicelles.  On  s'en  sert  aujourd'hui  pour  guérir  la  gale.  On 
la  croyait  autrefois  efficace  contre  la  morsure  des  serpents,  la  sciatique,  les  dou- 
leurs en  général.  {Dioscoride,  liv»  111,  ch.  94;)  La  souche  est  savonneuse.  Olivier 
l'indique  comme  servant j  en  Perse,  au  dégraissage  des  laines  et  des  cachemires. 
Les  propriétés  de  ce  tubercule  semblent  analogues  à  celles  de  la  Saponaire.  C'est 
le  Moiadé  des  Orieutaux.  La  souche  s'appelle  encore  Ischar  ou  Saponaire  dii 
Levant.  H.  Bn 


160  LiOTIACEliS. 

ToiT.NEF.,  CoroIL,  484.  —  L.,  Gen.,  n.  i'23.  —  Endl.,  Gcn.,  n.  4810.  —  Miin.  et  BiiDict., 
IV,  87.  —  Centh.  et  HooK.,  Gen.,  I,  43,  n.    10.   —  I'vOsenth.,  Synops.  pi.  diaphor.,  GlO. 

LÉOIVTODOIV,  Liondent.  Genre  de  plantes  de  la  famille  des  Synanthérées, 
de  la  tribu  des  Chicoracées.  Ce  genre,  tel  qu'il  avait  été  établi  par  Linné,  contenait 
les  plantes  dont  le  Pissenlit  est  le  type.  Mais  lialler,  suivi  par  Jussieu  et  les  bota- 
nistes modernes,  fit  rentrer  ces  dernières  dans  un  nouveau  genre  :  Taraxacum, 
On  en  a  distrait  également  quelques  autres  plantes  pour  les  rapporter  aux  Thrhi- 
cia,  Phrenanlhes,  Picris,  etc.  Ainsi  limité,  le  genre  Léontodon  ne  contient  que 
huit  à  dix  espèces,  participant  des  propriétés  générales  des  Chicoracées,  mais  n'étant 
pas  spécialement  employées  en  médeciue.  Ce  sont  des  herbes  vivaces  caractérisées 
par  leur  péricliiie  à  folioles  imbriquées  sur  plusieurs  rangs,  leur  réceptacle  nu, 
leurs  acbaines  striés,  insensiblement  atténués  en  bec,  leurs  aigrettes  toutes  sem- 
blables, persistantes,  sessiles,  à  poils  les  uns  denticulés,  les  autres  plumeux. 

Halleii.  Helv.  n"  25.  —  Jdssieu.  Gen.  Plant.  169.  —  De  Candolle.  Prodr.  VU,  lOJ. 

G.  Plaschox. 

LÉOMTODOI^I.  Voy.  Pissenlit. 

LÉOî^TOPÉTALOîV,  Voij.  Léontice.  Le  Corydalis  bulbosa  ou  Fumaria  bul- 
bosa,  porte  aussi  quelquefois  ce  nom  dans  les  anciens  ouvrages  de  Matière  médi- 
cale. H.  Bi\. 

ILÉO^'IIRUS.    Voy.  Agripaume. 

LKOPfflAî^ES  (Acwyâ-jyj;),  médecin  grec,  ou  plutôt  simplement  phymlocjue, 
ne  nous  est  connu  que  par  deux  auteurs,  Aristote  et  son  disciple  Théopliraste. 
Aristote  {Gêner,  anini.,  IV,  i,  22), copié  par  l'auteur  inconnu  des  Placita  philo- 
sophorum,  nous  apprend  que,  suivant  Léopbanes,  il  faut  lier  le  testicule  gauche 
au  moment  de  la  copulation,  si  on  veut  avoir  un  enfant  mâle,  et  vice  versa.  Un 
texte  tout  semblable  se  trouve  dans  le  traité  hippocratique  Delà  super fétaiion; 
M.  Littré,  qui  n'a  pas  manqué  de  faire  ce  curieux  rapprochement  (t.  I,  p.  580- 
7)81  ;  voy.  aussi  Epid.,  YI,  iv,  21),  en  conclut  ou  que  le  traité  liippocratique  est 
peut-être  de  Léopbanes,  ou  que,  du  moins  (ce  qui  me  semble  le  plus  vraisem- 
blable), l'auteur  de  ce  traité  De  la  super  fétaiion  a  extrait  et  inséré  dans  son  ouvrage 
un  passage  de  quelque  ouvrage  de  Léopbanes.  ïhéophraste  [Caus.  plant.,  II,  iv, 
12)  cite  Léopbanes  à  propos  des  qualités  que  doit  avoir  le  sol.       ùi.  Dauesiderg. 

LÉOTIACÉES  Corda,  et  Leotia  Pers.  Famille  et  genre  de  Champignons, 
charnu,  claviforme,  stipité,  et  dont  l'extrémité  supérieure  capitée  est  revêtue 
d'un  hyménium  recouvert  de  thèques  ou  asces  (petit  sac)  renfermant  les  spores 
comme  dans  les  Pezizcs  ;  en  vertu  de  cette  organisation,  les  Léotiacées  appar- 
tiennent à  l'ordre  de  HyiIIÉinoiiicètes  ascophorées  de  Corda,  ou  encore  à  celui  des 
DiscomycLtes  de  Fries  et  de  Bonorden,  et  aux  Thécasporées,  section  des  Géo- 
GLOSSÉS  de  Lé  veillé. 

La  famille  des  Léotiacées  de  Corda  comprend  cinq  'genres,  renfermant  des 
champignons  slipités,  de  petite  taille,  mais  ayant  ordinairement  plusieurs  centi- 
mètres de  hauteur;  le  stipe,  souvent  creux,  est  surmonté  d'une  lête  charnue, 
diversement  teintée,  portant  sur  la  face  supérieure  (L.  cucullaria  excepté)  un 
hyménium  hsse  vaguement  ondulé  ou  plissé;  cet  hyménium,  composé d 'asces  (ou 
thèques)  nombreux,  pressés,  allongés  et  remplis  de  spores  simples  (non  com- 
posés) mêlés  à  des  paraphyses.  {Voy.  Champignon,  §  Hyménium.) 


LEPECQ  DE  LA  CLOTUUE.  161 

i .  Le  genre  des  Cccullariés  (Cord.),  que  caractérise  leur  stipe,  qui  s'évase  en 
une  tête  étalée,  comme  le  chapeau  d'une  cantarelle  et  un  hyménium  lisse  et  infé- 
rieur. 

2.  Les  ViBRissÉES  Fr.,  ont  aussi  une  tète  hémisphérique  à  marge  infléchie  ou 
enroulée;  mais  c'est  la  face  supérieure  veloutée  qui  porte  l'hyménium. 

0.  Le  genre  des  Léotiés  Pers.  (Géoglossés  de  quelques  auteurs),  à  tête  globu- 
leuse, charnue  ou  gélatineuse,  plus  ou  moins  sillonnée,  plissée,  ondulée  ou 
lobulée,  revêtue  partout  d'un  hyménium  d'abord  lisse,  coloré,  gélatineux,  puis 
diffluent  ;  à  asces  tubuleux,  octospores,  mêlés  à  des  paraphyses  rameuses  et  ca- 
pitées  à  leur  extrémité  libre.  La  Leotia  lubrica  est  des  plus  communes. 

<4.  Le  genre  des  Spatules  Pers.,  à  tête  en  massue,  spatulée,  ondulée,  irrégu- 
lièrement décurreute  et  adnée  sur  le  stipe  et  revêtue  d'un  hyménium  charnu, 
ceracé,  coloré,  portant  des  asces  tubuleux  et  claviformes  mêlés  de  paraphyses 
simples,  ondulées  et  contenant  des  spores  très-longs  en  faisceaux  parallèles  sim- 
ples et  un  peu  courbés. 

5.  Le  genre  des  Mitrclés,  à  tète  claviforme,  ovoïde,  charnue,  lisse,  revêtue 
de  toutes  parts  de  l'hyménium  et  embrassant  étroitement  le  stipe  grêle;  asces 
allongés  (sans  paraphyses?).  {Bull.,  pi.  465,  fig.  5.) 

Diagnose.  Cette  famille  peut  être  rapprochée  des  Géoglossées  Cord.,  et  des 
Helvellacées  Fr.,  que  plusieurs  auteurs  réunissent  en  une  seule  famille;  mais 
les  spores  sont  simples  chez  les  Léotiacées  et  chez  les  IIelvellacées,  tandis  qu'ils 
sont  composés  de  plusieurs  articles  chez  les  Géoglossées.  La  tête,  hyménophore, 
est  charnue,  épaisse,  lisse,  capitée  ou  spatiforrae,  le  stipe  lisse,  chez  les  Léoru- 
CÉES  et  les  Géoglossées,  tandis  que  chez  les  Helvellacées  le  stipe  est  plus  oum.oins 
profondément  sillonné  ou  réticulé  ou  alvéole,  et  la  tête  est  plutôt  mince,  sèche 
membraniforme,  que  cet  hyménophore  soit  campanule  (H.  verpa)  ou  diversement 
contourné,  a\ec  un  stipe  costé  profondément  alvéolé  (H.  Helvklle),  ou  que  le 
chapeau,  encore  campanule,  ou  adné  par  sa  face  profonde  (Morille),  soit  lui- 
même  plus  ou  moins  alvéolé.  Bertillon, 

liE  PALAIS  (Station  marine),  dans  le  département  du  Morbihan,  dans  l'arron- 
dissement et  à  68  kilomètres  de  Lorient,  est  une  ville  de  5,000  habitants.  Sur  la 
côte  de  Fenmer,  au  nord  de  Belle-Ile-en-Mer,  dont  elle  est  le  chef-lieu.  Cette  station 
de  l'océan  Atlantique  a  une  belle  plage  qui  n'est  encore  fréquentée  que  par  les 
habitants  de  l'île,  elle  n'a,  en  effet,  aucune  installation  que  y  attire  les  étrangers. 

A.  R, 

LE  PAL'LMIER.   Yoy.  Paulmier. 

LEPECQ  DE  LA  CLOTURE  (Louis),  né  en  1736,  à  Caen,  où  il  fit  ses  études 

médicales  et  où  il  prit  le  bonnet  de  docteur.  Après  avoir  passé  quelque  temps  à 
Paris,  il  retourna  dans  sa  ville  natale,  professer  la  chirurgie  pendant  cinq  ou  six 
ans;  mais,  désireux  de  déployer  ses  talents  sur  un  plus  vaste  théâtre,  il  vint  à 
Rouen;  il  fut  bientôt  attaché  à  l'Hôtel-Dieu  de  cette  ville,  et  nommé  médecin  des 
épidémies  pour  la  généralité  de  Normandie;  là  il  put  donner  cours  à  son  goût  pour 
l'observation  des  constitutions  médicales  et  à  son  amour  sincère  de  l'humanité. 
C'est  alors  que,  cédant  à  une  vaine  gloriole  indigne  de  son  mérite,  il  sollicita, 
dit-on,  des  lettres  de  noblesse,  qui  lui  furent  accordées  en  1781  et  lui  attirèrent, 
de  la  part  de  ses  envieux,  des  tracasseries  et  des  désagréments  assez  amers  pour 
l'obliger  à  quitter  la  pratique  médicale.  Il  alla  chercher  le  repos  dans  une  pro- 
priété qu'il  possédait  à  Saint-Pierre-des-Assis,  et  il  y  mourut  en  1804. 

DICT.   ENC    2' S.  il.  M 


162  LÉPIDOPTÈRES. 

Lepecq  de  la  Clôture  est  venu  trop  tard  dans  la  science.  Son  livre  des  épidé- 
mies, rédigé  d'après  les  principes  formulés  par  Hippocrate,  lui  eûL  fait  une 
immense  renommée  dans  le  dix-septième  siècle,  mais  ses  opinions  sur  la  marche 
des  maladies,  sur  les  crises,  la  coction,  n'étaient  déjà  plus  de  mise  à  l'époque  où 
il  vivait;  un  autre  ouvrage,  publié  peu  de  temps  après,  contient  une  exceileulj 
topographie  de  la  Normandie,  qui  mérite  d'être  encore  consultée  aujourd'hui  cl 
dont  M.  Max  Simon  a  donné  une  analyse  très-complète  dans  un  mémoire  cou- 
lonné  par  l'Académie  de  Roiien. 

I.  Observ.  sur  les  maladies  épidémiqiies  [année  MIQ),  ouvrage  rédigé  d'après  la  tableau 
des  épidémiques  d'Hijjpocrnte,  etc.,  publié  2)ar  ordre  du  gouvernement.  Paris,  1776,  in-i°. 
—  II.  Collection  d'observations  sur  les  maladies  et  constitutions  épidémiques,  ouvrage  qui 
expose  une  suite  de  quinze  années  d'observations  et  dans  lequel  les  épidémies,  les  consti- 
tutions régnantes,  etc.  Rouen  et  Paris,  1778,  in-4<',  2  tomes  en  1  vol.  E.  Bgd. 

LEPîaîïJM.  Voy.  Passerage. 

LÉPil*®I»TÈïlES  (dè^sfft'ç,  IzniSoç,  écaille,  Trrspov,  aile;  aile  écailleuse).  Ordre 
d'insectes  créé  par  Linné  et  l'un  des  plus  naturels  et  des  plus  remarquables  de  la 
classe  des  animaux  articulés.  Les  Lépidoptères  présentent  les  caractères  suivants: 
Quatre  ailes,  formées  d'une  double  membrane  incolore,  recouvertes  de  petites 
écailles  microscopiques,  facdes  à  détacher  et  ressemblant  alors  à  une  fine  pous- 
sière; trompe  roulée  en  spirale  (spiritrompe),  placée  entre  deux  palpes  labiaux, 
composés  ordinairement  de  trois  articles  velus  ;  antennes  de  forme  variable  et 
composées  d'un  très-grand  nombre  d'articles  ;  une  pièce  appelée  ptérygode  ou 
épaulette,  placée  en-dessus,  à  la  base  des  ailes  supérieures  ;  abdomen  sans  tarière; 
presque  toujours  deux  sortes  d'individus  de  sexe  différent  pour  chaque  espèce,  le 
mâle  et  la  femelle. 

Les  Lépidoptères,  si  connus  sous  les  noms  vulgaires  de  papillons  de  jour  ou  de 
nuit,  doivent  compter  parmi  les  insectes  les  plus  remarquables  par  la  beauté  de 
leurs  coideurs  et  la  grandeur  de  leurs  ailes.  Ils  oltrent  des  métamorphoses  com- 
plètes, mais  au  point  de  vue  biologique  leur  organisation  est  presque  uniforme 
et  leurs  habitudes  fort  semblables.  Leurs  larves,  qui  portent  le  nom  spécial  de 
Chenilles,  faciles  à  trouver  et  à  élever,  ont  frappé  les  plus  anciens  observateurs, 
aussi  l'ordre  des  Lépidoptères  est-il  celui  dont  les  premiers  états  sont  le  mieux 
connus.  Nous  allons  successivement  passer  en  revue  l'insecte  parlait,  sa  larve  ou 
Chenille,  et  sa  nymphe  ou  Chrysalide. 

Le  Lépidoptère  à  l'état  de  développement  complet  présente  à  considérer  :  1»  la 
tète,  2"  le  thorax,  et  3°  l'abdomen. 

1"  La  tête,  ordinairement  grande,  surtout  chez  les  insectes  diurnes,  est 
élargie  et  transversale,  un  peu  plus  étroite  que  le  thorax.  Les  yeux  sont  grands 
et  à  facettes  multiples,  ou  à  réseau  ;  les  stemmates,  ocehes  ou  yeux  lisses, 
sont  placés  sur  le  vertex  et  cachés  par  des  écailles.  Les  antennes  varient  beau- 
coup pour  la  forme  :  chez  les  insectes  diurnes  elles  sont  d'abord  fdiformes,  puis 
renflées  en  massue  ou  en  bouton  à  l'extrémité,  d'où  le  nom  de  Rhopalocères 
donné  par  Duméril  et  Boisduval  [porcrAo-j  massue,  y.épocç  corne,  antenne)  ;  chez  les 
Lépidoptères  crépusculaires  ou  nocturnes  les  antennes  sont  très-diversifiées,  tantôt 
prismatiques  ou  en  corne  de  bélier,  tantôt  pectinées  ou  plumeuses,  ou  filiformes, 
etc. ,  d'oij  le  nom  d'Hétérocères  donné  à  ces  insectes  par  Bois&uval  {sTipoloç,  variable 
■Aépocç  antenne).  Les  palpes  sont  au  nombre  de  quatre  :  ilcux  sont  maxillaires  et 
deux  autres  labiaux.  Les  palpes  maxillaires  sont  très-petits,  difficiles  à  apercevoir 


LÉPIDOPTÈRES.  1G3 

situés  à  la  base  de  la  spiritrorape;  les  palpes  labiaux  sont  au  contraire  fort  déve- 
loppés, très-saillants,  très-grands,  redressés  et  velus.  La  trompe  ou  spiritrompe,  de 
longueur  variable,  parfois  atrophiée,  parfois  trois  ou  quatre  fois  plus  longue  que 
le  corps  (Sphingides),  est  constituée  par  les  mâchoires,  qui  sont  allongées,  flexi- 
bles, rapprochées  et  creusées  en  demi-canal  à  leur  partie  interne,  formant  amsi 
une  langue  ou  trompe  caractéristique.  La  conformation  spéciale  de  la  langue  des 
Lépidoptères  leur  avait  fait  donner  par  Fabricius  le  nom  de  Gloi^sates  {yl^frao. 
langue).  Les  mandibules  de  ces  insectes  sont  tout  à  fait  rudimentaires,  ainsi  que 
l'a  démontré  Savigny  dans  ses  mémoires  sur  les  animaux  articulés;  le  labre,  ou 
lèvre  supérieure,  est  de  même  très-peu  développé,  très-difficile  à  apercevoir. 

2" Le  thorax  (ou  corselet  des  Lépidoptères)  situé  entre  la  tête  et  l'abdomen,  donne 
attache  aux  ailes  et  aux  pattes  ;  il  est  formé  de  trois  segments,  dont  le  premier 
représente  une  mince  bande  antérieure  en  forme  de  collier,  c'est  le  protliorax  ;  le 
segment  moyen  est  le  mésothorax,  qui  donne  attache  aux  ailes  supérieures;  puis 
vient  le  métathorax,  intimement  uni  ou  soudé  au  précédent  et  donnant  attache 
aux  ailes  inférieures.  Le  thorax  est  moins  gros  chez  les  papillons  diurnes  que  chez 
les  crépusculaires  et  les  nocturnes.  En  dessus,  le  thorax  donne  attache  aux  ailes, 
et  en  dessous  les  trois  segments  thoraciques  portent  les  trois  paires  de  pattes. 

Les  ailes  sont  toujours  au  nombre  de  quatre  ;  elles  sont  très-rarement  rudi- 
mentaires et  alors  elles  sont  l'emplacées  par  des  moignons  chez  quelques  femelles 
àes  gemesOrgya,  Psyché,  Hibernaria,  etc.  Les  ailes  sont  formées  par  deux  lames 
membraneuses,  incolores,  soudées  par  leur  face  interne,  divisées  par  des  nervures 
cornées  ou  chitineuses.  Ces  écailles  qui  recouvrent  les  ailes  sent  attachées  au 
moyen  d'un  pédicule  mince  à  la  face  externe  des  membranes  alaires  et  placées 
comme  les  tuiles  d'un  toit.  Les  écailles,  qui  sont  des  poils  élargis  ou  contournés  en 
forme  de  cornet,  ont  une  forme  variable  et  des  stries  longitudinales,  et  plus  rare- 
ment transversales.  Leur  coloration  est  très-remarquable  et  tout  autre  à  la 
lumière  pénétrante  qu'à  la  lumière  réfléchie.  Cette  dernière  donne  aux  ailes  des 
Apatura  ilia  et  iris  mâles  des  reflets  changeants,  parce  que  l'écaillé  est  teinte  de 
deux  couleurs  à  la  manière  de  ces  dessins  disposés  en  relief  et  représentant  des 
objets  différents,  suivant  le  point  latéral  examiné. 

Les  écailles  sont  quelquefois  très-clair-semées  sur  les  ailes  (Parnassius,  Macro- 
glossa,  Sesia),  mais  j'ai  vérifié  plusieurs  fois  que  dans  ces  derniers  genres  l'in- 
secte venant  d'éclore  a  ses  ailes  couvertes  d'écaillés,  celles-ci  sont  extrême- 
ment fugaces  et  se  détachent  dès  les  premiers  battements  ;  les  ailes  paraissent 
alors  comme  vitreuses.  Lyonet  [Œuvres  posthumes,  in  Me'm.  du  Muséum, 
t.  XX,  p.  44,  pi.  VI  à  XII),  Bernard  Deschamps  (Annales  des  sciences  naturelles, 
S''  série,  t.  III,  p.  dlî,  pi.  5  et  4,  1855),  et  tout  récemment  Émde  Blanchard 
{Métamorphoses,  mœurs  et  instincts  des  insectes,  p.  157,  158,  1868)  ont  publié 
d'intéressantes  recherches  et  des  figures  sur  la  forme  des  écailles  des  ailes  chez 
les  Lépidoptères.  Les  entomologistes  classificateurs  ont  étudié  avec  soin  les  ner- 
vures alaires  pour  établir  les  genres  au  milieu  d'espèces  nombreuses  et  très-diffi-  ' 
elles  à  séparer. 

Les  ailes  supérieures  sont  constamment  plus  grandes  que  les  inférieures; 
celles-ci  ont  souvent,  chez  les  diurnes,  une  excavation  interne  comme  moulée  et 
embrassant  l'abdomen.  Pendant  le  repos  les  Papillons  de  jour  relèvent  ordinaire- 
ment leurs  ailes,  tandis,  que  les  nocturnes  les  tiennent  horizontales  ou  repliées. 
Une  disposition  très-remarquable  des  ailes  chez  les  crépusculaires  et  les  nocturnes 
consiste  en  un  frein  ou  anneau  placé  sur  les  premières  ailes  et  recevant  une  soie, 


164  LEPIDOPTERES. 

ou  crin  rigide,  situé  à  la  partie  marginale  supérieure  des  secondes  ailes.  Emile 
Hiancbard  a  tiré  parti  de  ce  caractère  organique  pour  former  deux  grandes  divi- 
sions des  Lépidoptères  correspondant  aux  Rhopalocères  et  aux  llétérocères,  il  a 
nommé  Achalinoptères  (à;^(/).tvoç,  dépourvu  de  frein,  et  7TTsp6v,aile)  les  diurnes  qui 
n'ont  pas  la  soie  roide  aux  ailes  inférieures,  et  Ctialinoptères  les  autres  Lépido- 
ptères crépusculaires  et  nocturnes  qui  ont  cette  soie  spéciale  engagée  dans  un 
frein  des  ailes  supérieures (/â)Livoç,  frein,  et  izrzpôv,  aile).  (E.  Blanchard,  loc.  cit., 
p.  170.) 

Les  ailes  des  Lépidoptères  peuvent  refléter  les  teintes  les  plus  brillantes,  celle 
des  Morpho  de  l'Amérique  méridionale  sont  d'un  bleu  métallique  cbez  les  mâles  ; 
d'autres  espèces,  même  de  nos  climats  {Polyommatus  vivgaureœ,  chryseis, 
phlœas),  offrent  en  dessus  une  couleur  de  cuivre  rouge  fort  éclatante.  Les  Lépi- 
doptères les  plus  richement  colorés  se  trouvent  dans  les  parties  les  plus  chaudes  et 
les  plus  humides  du  globe.  Du  reste,  la  coloration  des  ailes  offre  une  certaine  uni- 
formité suivant  les  genres  et  souvent  les  contrées  d'où  ils  proviennent.  Beaucoup 
de  Papilio  sont  jaunes  et  noirs,  d'autres  d'un  noir  de  velours  sablé  de  bleu  ou  de 
vert  métallique;  les  Piérides  sont  blanches,  les  Coliades  jaunes,  les  Danaïdes  ont 
la  tête  et  la  poitrine  ponctuées  de  blanc,  les  Mélitées  sont  fauves  et  noires,  les 
Lycœna  mâles  le  plus  souvent  bleus,  les  Zy gènes  verdàtres  à  tacbes  rouges,  les 
Catocala  ont  ordinairement  les  ailes  inférieures  rouges,  ou  jaunes  à  bandes 
noires,  ou  bien  d'un  noir  de  velours,  etc.,  etc. 

Les  pattes  offrent,  comme  chez  les  insectes  des  autres  ordres,  la  hanche,  le 
trocbanter,  la  cuisse,  la  jambe  et  le  tarse.  Ces  pattes  sont  longues,  assez  grêles, 
comparées  à  la  masse  du  corps,  et  en  effet  les  Lépidoptères  marchent  peu  et  ne 
se  servent  guère  de  leurs  pattes  que  pour  s'accrocher  à  l'état  de  repos.  Dans  cer- 
tains groupes  de  Diurnes,  les  pattes  antérieures  sont  atrophiées  (Nympbalides, 
Satyrus,  Vmiessa),  elles  sont  alors  plus  petites  que  les  autres;  le  tarse  est  d'un 
seul  article,  sans  crochets,  et  ces  pattes,  très-velues  et  vestigiaires,  sont  appliquées 
contre  le  sternum.  On  a  dit  que  les  Lépidoptères  à  pattes  antérieures  réduites 
ou  à  pattes  palatines  étaient  tétrapodes,  n'ayant  que  les  quatre  pattes  ambu- 
latoires ;  il  y  a  là  une  exagération  évidente,  car  ces  insectes  sont  réellement 
hexapodes.  Les  pattes,  toujours  couvertes  de  poils  ou  d'écaillés,  offrent  des  pointes 
ou  éperons  qui  ont  rarement  une  valeur  spécifique  ou  générique.  Les  tarses  sont 
pourvus  de  crochets  à  l'extrémité;  les  crochets,  presque  uniformes  chez  les  Hété- 
roo^res,  varient  beaucoup  dans  les  Rhopalocères,  et  ces  organes  n'offrent  point 
de  valeur  générique,  car  dans  le  même  genre  les  espèces  voisines  ont  les  unes  les 
crochets  simples,  les  autres  les  crochets  bifides  ;  chaque  espèce  a  les  crochets 
conformés  pour  se  poser  sur  les  plantes,  fleurs  ou  feuilles,  tronc  d'arbre  ou  ro- 
cher, et  adaptés  à  une  condition  biologique  particulière. 

L'abdomen  est  ovale  et  parfois  presque  cylindrique  ou  conique.  Il  est  formé  de 
huit  anneaux  ou  segments.  Lacaze-Duthiers  en  a  étudié  la  composition  en  elle- 
même  et  comparativement  aux  autres  ordres  d'insectes.  (Recherches  sur  l'armure 
génitale  femelle  des  insectes,  thèse  in-8°,  p.  228.) 

Les  derniers  segments  présentent  l'orifice  des  organes  digestifs  et  ceux  de  la 
génération  très-rapprochés.  Le  conduit  des  œufs  est  distinct  de  l'orifice  par  où 
s'introduit  l'organe  mâle;  cette  particularité  anatomique  était  connue  de  Mal pi- 
ghi  et  je  la  signalerai  bientôt  avec  soin.  11  n'existe  jamais  de  tarière  comparable  à 
celle  des  Hyménoptères,  mais  dans  quelques  espèces  qui  pondent  leurs  œufs  dans 
le  bois  les  derniers  segments  abdominaux  s'allongent  en  un  oviducte  pointu.  On 


LÉPIDOPTÈRES.  ^65 

voit  difficilement  les  organes  mâles  à  l'extrémité  de  l'abdomen  ;  il  faut,  par  la  pres- 
sion, écarter  les  valves  cornées  au  milieu  desquelles  se  trouve  le  pénis  entouré 
parfois  d'un  forceps  à  deux  petites  branches.  L'appendice  extérieur  le  plus  remar- 
quable des  organes  génitaux  femelles  des  Lépidoptères  est  la  poche  cornée  des 
Parnassius  ApoUo  et  Mnemosxjne,  profondément  creusée  en  gouttière  et  carénée  à 
l'extérieur. 

Les  organes  internes  des  Lépidoptères  sont  presque  uniformément  disposés 
dans  tous  les  insectes  de  cet  ordre.  Cette  similitude  a  frappé  les  anatomistes  et, 
dans  un  travail  couronné  par  l'Académie  des  sciences  et  encore  inédit,  Léon 
Dufour  a  décrit  et  représenté  la  splanchnologie  des  Lépidoptères.  Le  tube  digestif, 
commençant  par  la  spiritrompe,  se  continue  en  un  œsophage  grêle  sur  le  côté 
duquel  se  trouve  une  poche  (estomac  de  succion,  jabot  modifié),  puis  un  ventri- 
cule ch;)lifique.  Les  vaisseaux  de  Malpighi  sont  au  nombre  de  quatre.  L'intestin 
grêle  est  assez  court,  un  peu  allongé,  le  caecum  ordinairement  très-ample,  et  le 


rectum  de  médiocre  longueur, 


Les  stigmates  sont  thoraciques  et  abdominaux,  un  très-grand  au  thorax  et 
cinq  ou  six  à  l'abdomen  ;  il  y  a  deux  gros  troncs  latéraux  trachéens  sur  les 
côtés  desquels  s'abouchent  les  conduits  qui  viennent  des  stigmates;  ces  troncs 
latéraux  fournissent  les  branches  qui  se  distribuent  dans  les  diverses  parties  du 
corps  de  l'insecte. 

L'appareil  génital  mâle  consiste  en  deux  testicules  formés  par  une  paire  de 
glandes  ovales  ou  arrondies,  parfois  réunies  sous  une  seule  enveloppe.  Ces  testicules 
sont  fréquemment  rouges,  rosés,  violets,  et  la  coloration  est  due  à  une  couche 
pigmentaire.  Les  canaux  déférents  s'unissent  à  deux  glandes  accessoires  très- 
longues  et  il  existe  ensuite  un  conduit  éjaculateur  très-long  et  très-enroulé.  Les 
organes  femelles  internes  consistent  toujours  en  quatre  tubes  ovariques  très-longs, 
enroulés  en  spirale,  pourvus  d'un  grand  nombre  d'œufs.  Le  receptaculum  se- 
minis  est  disposé  en  massue  ou  pyriforme,  et  son  conduit  est  souvent  allongé  ou 
.spiroïde.  Une  glande  simple  ou  bifide  s'insère  souvent  sur  le  fond  du  réceptacle 
séminal.  Auprès  du  réceptacle  il  y  a  toujours  une  glande  sébifique  volumineuse, 
formée  par  deux  longs  ctecums  qui  se  dilatent  avant  de  se  réunir  en  un  conduit 
commun  assez  court  et  inséré  sur  le  vagin.  Quelques  Lépidoptères  seulement  ont 
deux  glandes  ramifiées  plus  petites,  près  de  l'orifice  du  vagin.  Enfin  la  poche  co- 
pulatrice  est  très-remarquable  dans  toutes  les  femelles  de  Lépidoptères  ;  cette  poche 
consiste  en  un  réservoir  volumineux  pourvu  d'un  canal  destiné  à  recevoir  le  pénis 
du  mâle,  canal  qui  s'ouvre  au  dehors  par  un  orifice  particulier  situé  au-dessous 
de  la  vulve.  Pendant  son  trajet,  il  envoie  un  conduit  latéral  grêle  qui  aboutit  au 
vagin,  vis-à-vis  de  l'embouchure  du  receptaculum  seminis,  et  établit  ainsi  une 
communication  entre  ce  dernier  et  la  poche  copulatrice.  Malpighi  {De  Bombyce, 
p.  81,  pi.  XII,  1669)  avait  très-bien  distingué,  chez  le  Bombyx  du  Ver  à  soie,  la 
poche  copulatrice,  avec  un  conduit  spécial  de  communication  vaginale. 

Le  système  nerveux  des  Lépidoptères  à  l'état  parfait  consiste  en  un  cerveau 
occupant  le  segment  céphalique,  cerveau  composé  de  2  ganglions  sus-œsophagiens 
et  sous- œsophagiens  réunis  par  deux  commissures  latérales.  La  moelle  abdominale, 
faisant  suite  aux  ganglions  sous-œsophagiens,  se  compose  de  sept  ganglions,  les 
premiers  appartiennent  au  thorax  et  sont  très-volumineux,  les  doubles  commis- 
sures qui  les  relient  sont  très-apparentes.  Celles  des  ganglions  abdominaux  sont 
fréquemment  réunies  ou  accolées.  Les  ganglions  de  la  chenille  sont  séparés  et 
très-visibles.  (E.  Blanchard,  loc.  cit.,  p.  89.)  Au  nombre  de  neuf  dans  la  chry- 


166  LEPIDOPTERES. 

salide,   ces  ganglions  commencent  à  devenir   coltérents  et  par  se  confondre. 

Des  nerfs  sympathiques  existent  chez  les  Lépidoptères,  au-dessus  de  la  moelle 
ganglionnaire.  [Voy.  Blanchard,  loc.  cit.,  p.  94  et  suiv.) 

Le  système  musculaire  est  très-développé  au  thorax,  les  muscles  sont  à  fibres 
striées  ;  les  organes  des  sens  sont  comme  chez  k  plupart  des  insectes,  la  vision  a 
lieu  au  moyen  d'yeux  à  réseau  et  de  stemmates  ;  le  système  circulatoire  rodimen- 
taire  est  plus  appréciable  chez  la  chenille  que  che'z  l'insecte  parfait.  Les  organes 
de  sécrétion  diffèrent  considérablement  chez  les  chenilles  et  les  Lépidoptères  ; 
les  premières  ont  des  glandes  stricifcres,  les  deuxièmes  des  glandes  odorifiques 
destinées  à  faciliter  la  recherche  des  femelles  par  les  mâles  ;  ceux-ci  ont  parfois 
une  odeur  musquée  {Charaxes  Jasius,  Sphinx  convolvuli).  Certaines  chenilles 
ont  des  tentacules  situées  entre  la  tête  et  le  pro thorax,  qu'elles  font  saillir  au 
dehors  quand  on  les  inquiète  {Papilio,  ApoUo),  celles  des  IJarpîja  hncent  un 
liquide   sécrété  dans  une  poche  placée  entre  ia  tête  et  le  premier  anneau  du 

corps. 

Les  organes  spéciaux,  pour  la  production  des  sons  ou  de  bruits  particuliers  sont 
rares  chez  les  Lépidoptères.  Le  cri  produit  par  le  Sphinx  airopos  n'est  pas  encore 
suffisamment  expliqué  dans  son  mécanisme,  j'ai  cherché  la  cause  du  bruit  produit 
par  la  Chelonia  pudica  et  la  Setina  aurita.  {Ann.  ent.  de  France,  p.  689,  pi.  X, 
fig.  4  et  5,  1864.) 

Le  mâle  des  Lépidoptères  est  en  général  plus  petit  et  plus  agile  que  la  fe- 
melle ;  sa  coloration  est  souvent  beaucoup  plus  brillante  [Morpho,  Apatura,  Ly- 
cœna)  ou  plus  accentuée  [Saturnia,  etc.).  La  forme  des  ailes  varie  parfois  suivant 
le  sexe;  les  mâles  ont  des  prolongements  aux  ailes  inférieures  chez  plusieurs 
Nymphalides  et  ces  mêmes  ailes  sont  arrondies  chez  les  femelles.  Mais  souvent,  prin- 
cipalement chez  les  diurnes  ainsi  que  chez  les  moyennes  et  petites  espèces  de 
nocturnes,  la  forme  et  surtout  la  grosseur  de  l'abdomen  distinguent  à  première 
vue  les  sexes,  car  l'abdomen  est  constamment  plus  gros,  à  cause  des  œufs  qui 
le  remplissent  chez  toutes  les  femelles  des  Lépidoptères.  Il  y  a  parfois  des  dissem- 
blances extrêmes  entre  les  sexes  et  de  très-grandes  différences  dans  leur  dé- 
veloppement. On  connaît,  ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  des  femelles  privées  d'ailes  et 
ayant  l'aspect  de  larves. 

Les  Lépidoptères  vivent  en  général  peu  de  temps  sous  leur  dernière  forme  d'in- 
secte parfait  :  le  mâle  meurt  après  l'accouplement,  et  la  femelle  se  hâte  de 
pondre,  en  choisissant  pour  placer  ses  œufs  l'endroit  le  plus  favorable  pour  les 
jeunes  larves  ou  chenilles  qui  sortiront  de  ces  œufs.  Parfois,  chez  les  lépidoptères 
nocturnes,  elle  recouvre  sa  ponte  avec  les  poils  et  le  duvet  qui  revêtent  son  corps,  et 
toujours  les  œufs  sont  enduits  d'une  substance  glutineuse,  ou  d'une  matière  gom- 
raeuse  qui  les  colle  sur  les  objets  oii  ils  sont  déposés.  On  a  souvent  l'occasion,  au 
printemps,  de  voir  voler  dès  les  premiers  beaux  jours,  des  insectes  qui  ont  passé 
l'hiver,  ce  sont  toujours  des  femelles  n'ayant  pas  encore  pondu  et  qui  ont  été 
fécondées  pendant  l'automne.  On  voit  aussi  des  femeUes  de  nocturnes  pondre 
sans  accouplement  et  alors  ou  bien  les  œufs  sont  inféconds,  et  c'est  le  fait  le 
plus  ordinaire,  ou  bien  ils  donnent  naissance  à  des  larves  ou  chenilles.  Dans  ces 
derniers  temps,  de  Siebold  et  Leuckart  ont  expliqué  cette  ponte,  féconde  sans 
accouplement  préalable,  par  la  parthénogenèse.  Balbiani  pense  qu'en  pareil  cas  il 
y  a  plutôt  réunion  des  spermatozoïdes  et  des  ovules  chez  les  mêmes  individus 
et  il  croit  que  les  éléments  anatomiques  caractérisant  les  sexes  se  trouvent  actifs 
dans  le  même  abdomen. 


LÉPIDOPTÈRES.  107 

Les  mâles  des  Lépidoptères  ne  s'accouplent  ordinairement  qu'avec  une  seule 
femelle,  et  une  seule  fois.  Cependant  on  a  vu,  en  captivité,  des  mâles  de  Bombyx 
féconder  plusieurs  femelles.  Du  reste,  les  Bombyx  mâles  qui  volent  en  plein  jour 
sont  extrêmement  ardents  à  la  recherche  de  l'autre  sexe;  ils  arrivent  jusque  dans 
les  appartements  des  villes  où  une  femelle  est  éclose.  Souvent  plusieurs  mâles  se 
posent  sur  une  boîte  où  une  femelle  est  enfermée  et  qu'ils  ne  peuvent  voir,  il 
est  très-digue  de  l'emarque  que  tous  ces  mâles  ont  des  antennes  extrêmement 
développées  et  plumeuses;  ces  organes,  dans  lesquels  réside  le  sens  de  l'odorat, 
leur  servent  à  percevoir  quelque  odeur  spéciale  inappréciable  pour  nous  et  qui 
les  attire. 

La  nourriture  des  Lépidoptères  consiste  en  matières  sucrées  et  miellées  qu'ils 
récoltent  sur  les  fleurs,  au  moyen  de  leur  trompe.  Rien  n'est  plus  facile  que  de 
voir  aspirer  par  un  papillon  diurne  au  repos  le  suc  renfermé  dans  une  corolle  ; 
j'ai  nourri  pendant  assez  longtemps,  à  Paris,  avec  du  sucre  humecté  un  Apollo 
rapporté  des  Alpes.  Quelques  Lépidoptères  nocturnes  et  diurnes  sucent  le  suc 
séveux  qui  s'écoule  des  plaies  des  arbres  ;  d'autres  se  posent  sur  les  matières 
excrémeutitielles,  où  ils  trouvent  des  sucs  azotés  {Nymphalis,  Apatura,  Limenitis). 

Le  vol  des  Lépidoptères  est  connu  de  tout  le  monde;  le  mécanisme  de  ce  vol 
facile,  déjà  étudié  par  Chabrier,  Straus-Durckbeim,  Girard,  etc.,  excite  en  ce  mo- 
ment les  investigations  de  Marey.  Les  Papilio  peuvent  planer;  parmi  les  Sphingides 
à  vol  très-rapide  et  qui  restent  comme  suspendus,  ou  stationnaires,  devant  la  fleur 
sur  laquelle  ils  butinent,  le  Moro-Spbinx  {M.  stellatarum)  contre-balance,  par  la 
vibration  contiime  des  ailes,  l'action  de  la  pesanteur,  pendant  que  la  trompe,  al- 
longée, pénètrejusqu'au  fond  de  la  corolle.  Beaucoup  de  Lépidoptères  ne  prennent 
aucune  nourriture  à  l'état  parfait. 

OEuf.  Les  œufs  des  Lépidoptères  ont  généralement  une  forme  sphéroïdale  ou 
allongée  en  ellipsoïde,  très -fréquemment  ils  sont  cannelés  ou  striés.  J'ai  déjà  dit 
qu'ils  sont  enduits  au  passage  dans  l'oviducte  par  une  matière  insoluble  dans  l'eau 
et  qui  les  protège  contre  les  intempéries.  Du  reste  la  température  n'a  qu'une 
action  faible  sur  ces  œufs,  car  chauffés  avec  soin  à  80°  Réaumur  et  refroidis  len- 
tement, ils  éclosent  ensuite,  et  un  froid  de  40°  ne  les  empêche  pas  de  se  déve- 
lopper après  avoir  été  réchauffés.  Parfois  les  œufs  sont  placés  sous  une  couche  de 
poils  préparée  par  la  mère  [Liparis  dispar);  dans  d'autres  circonstances  la  fe- 
melle larviforme  les  dépose  dans  la  coque  où  elle  est  rentrée  après  l'accouplement 
[Eeterogynis  penella).  Les  petites  chenilles  de  cette  dernière  espèce  mangent  après 
l'éclosion  l'humeur  visqueuse  qui  fixe  les  œufs  et  même  le  corps  desséché  de  la  fe- 
melle; ce  n'est  qu'à  la  première  mue  qu'elles  se  répandent  sur  les  tiges  du  Genêt. 
(De  Graslin.) 

Chenille.  Li  larve  qui  sort  de  l'œuf  prend  le  nom  spécial  de  Chenille  ;  elle  pré- 
sente une  tête  arrondie  et  un  corps  toujours  allongé,  formé  de  segments  distincts, 
qui  sont  au  nombre  de  trois  pour  le  thorax  et  ordinairement  au  nombre  de 
neuf  pour  l'abdomen.  La  tète  de  la  chenille  est  caractéristique  en  Ce  qu'elle  est 
partagée  en  deux  parties  médianes  dans  sa  portion  supérieure  et  parce  que  la 
bouche  offre,  outre  un  labre,  des  mandibules  et  des  mâchoires,  une  filière  portée 
par  la  lèvi'e  inférieure.  La  présence  de  la  filière,  sur  une  larve  mineuse  des  feuilles 
du  bouleau,  m'a  permis  d'affirmer  qu'elle  n'appartenait  point  à  un  Coléoptère, 
mais  qu'elle  devait  produire  un  Lépidoptère  de  petite  taille.  Les  observations  ul- 
térieures ont  démontré  la  justesse  de  mon  observation.  [Annales  de  la  Société 
entomologique  de  France,  1865,  p.  405,  pi.  2,  fig.  5.) 


iCS  LEPIDOPTERES 

Les  antennes  sont  toujours  petites,  et  les  stenimates  ou  yeux  lisses  placés  de 
chaque  côté  de  la  tète. 

Le  corps  de  la  chenille  toujours  allongé,  formé  d'anneaux  à  peu  près  sembla- 
bles, offre,  au  bord  postérieur  du  premier  segment  ou  prothoracique,  un  stigmate 
volumineux;  les  autres  stigmates  sont  placées  sur  le  quatrième  segment  repré- 
sentant le  premier  anneau  de  l'abdomen  et  sur  les  autres  segments  jusqu'à  l'avant- 
clernier  inclusivement. 

Les  pattes  sont  toujours  attachées  au  tliorax  et  au  nombre  de  six,  trois  de 
chaque  côté .  Ces  pattes  qu'on  a  souvent  indiquées  sous  le  nom  de  pattes  écailleuses  se 
retrouvent  chez  le  Papillon.  On  a  désigné  sous  le  nom  de  fausses  pattes  ou  de  pattes 
membraneuses  des  organes  placés  sous  l'abdomen,  n'appartenant  pas  au  thorax, 
et  qui  dispai'aissent  chez  l'insecte  parfaitement  développé.  Les  fausses  pattes  sont 
des  organes  de  préhension  très-remarquables  par  leur  diversité,  variant  de  quatre 
à  dix  suivant  les  familles  des  Lépidoptères,  modifiées  parfois  par  les  mues  (Goos- 
sens) ,  et  qui  ont  fait  donner  à  certaines  chenilles  les  noms  de  fausses  arpenteuses, 
ilemi-arpenteuses  et  arpenteuses .  [Voy.  Chenilles.) 

Les  chenilles  sont  pourvues  d'appendices  variés,  de  poils  parfois  caduques,  de 
spinules,  dépiquants,  d'autres  sont  couvertes  de  mamelons,  il  en  est  d'entièrement 
lisses  ou  glalirt;3.  Les  détails  de  cette  vestiture  du  corps  et  leurs  modifications 
diverses  seront  plas  spécialement  étudiés  au  mot  Chenille.  La  couleur  peut  va- 
rier extrêmement.  Du  reste,  elle  est  quelquefois  peu  constante  même  chez  les 
chenilles  de  la  même  espèce,  elle  se  modifie  avec  l'âge  ;  généralement  le  dessin, 
raies  ou  taches  du  corps,  diffère  beaucoup  moins  que  la  coloration  de  ce  même 
dessin. 

La  mue  des  chenilles  consiste  dans  le  changement  de  peau  qu'elles  éprouvent 
en  grossissant  et  avant  de  se  transformer  en  chrysalide  ;  les  mues  sont  au  nombre 
de  trois  à  sept.  La  cheniUe  qui  est  sur  le  point  de  muer  cesse  de  manger,  reste 
quelque  temps  immobile,  puis  gonfle  la  partie  antérieure  du  corps,  l'ancienne  peau 
se  fend  sur  le  dos  du  thorax  et  la  chenille  quitte  sa  dépouille  ancienne  en  déga- 
geant d'abord  la  tête,  puis  successivement  les  anneaux  du  corps.  Les  diverses 
pa.aesdes  téguments,  poils,  revêtement  des  pattes,  etc.,  restent  sur  la  dépouille, 
et  celle-ci  est  parfois  dévorée  par  la  chenille  dès  qu'elle  vient  de  s'en  débarrasser, 
ainsi  que  je  l'ai  constaté  avec  Jules  Fallou  pour  le  Sphinx  euphorbiœ. 

Le  développement  des  chenilles  est  ordinairement  rapide,  elles  vivent  tantôt 
solitaires,  tantôt  en  société,  presque  toujours  aux  dépens  des  végétaux.  Rarement 
elles  attaquent  les  matières  grasses  {voy.  Aglosse),  les  pelleteries,  les  étoffes. 
{Voy.  Teignes.)  Plusieurs  espèces  sont  très-nuisibles,  celles  des  Bombyx,  surtout 
du  Ver  à  soie  produisent  une  matière  employée  par  l'industrie.  {Voy.  Chenilles 
et  Ver  a  soie.) 

Chrysalide.  A  la  chenille  succède,  dans  la  métamorphose  du  lépidoptère,  la 
Nymphe  qui  porte  le  nom  spécial  de  Chrysahde  chez  les  Lépidoptères.  La  chrysa- 
lide est  nue  ou  enveloppée  d'une  coque  soyeuse,  ou  cocon.  La  forme  en  varie  beau- 
coup et  sert  à  caractériser  quelques  groupes  des  Lépidoptères.  Les  chrysalides  des 
papdlons  de  jour  sont  ordinairement  nues,  attachées  par  le  dernier  segment  du 
corps  et  suspendues  tantôt  verticalement  {Vaiiessa),  tantôt  soutenues  par  un  fil 
transversal  {Papilio,  Pieris). 

La  couleur  de  quelques  chrysalides  seulement  est  très-brillante  à  cause  des 
taches  dorées  ou  argentées  du  tégument,  d'oii  leur  nom  {xf>^<^oi;,  or)  ;  telles 
sont,  dans  notre  climat,  les  chrysalides  des  Vanessa. 


LÉPIDOPTÈRES,  '      169 

Les  chrysalides  des  Hétérocères,  enfouies  dans  la  terre  ou  cachées  dans  des 
coques,  sont  généralement  brunes  ou  de  couleur  terne,  et  leur  nombre  est  de 
beaucoup  le  plus  considérable.  La  couleur  brillante  des  chrysalides  est  l'exception. 

La  forme  des  chrysalides  est  variable  pour  les  Rhopalocères  surtout;  elles  of- 
frent souvent  dans  cette  division  des  saillies,  et  des  pointes  imitant  grossièrement 
un  masque  ou  des  mufles  d'animaux.  Les  chrysalides  des  Hétérocères  ont  toutes 
une  forme  stéréotypée,  celle  de  la  chrysalide  du  Ver  à  soie  connue  de  tout  le 
monde,  offrant,  emmaillottées,  les  différentes  parties  du  papillon  avec  des  moi- 
gnons d'ailes  enroulés  autour  du  corps. 

La  manière  dont  le  Lépidoptère  sort  de  la  chrysalide  varie  suivant  que  celle-ci 
est  nue  ou  enveloppée  d'une  coque.  Le  papillon  se  dégage  parune  fente  médiane 
thoracique. 

D'abord  très-faible,  il  se  fixe  sur  un  corps  solide  et  agite  doucement  ses  moi- 
gnons d'ailes  ;  celles-ci  s'étendent  à  vue  d'œil  et  prennent  le  développement  pro- 
pre à  l'espèce.  L'abdomen  se  dégonfle  par  plusieurs  évacuations  d'un  hquide  accu- 
mulé dans  le  cœcumet  très-riche  en  sels  uriques,  d'une  couleur  rougeàtre.  Quand 
l'insecte  est  bien  séché  et  entièrement  développé  il  essaye  ses  ailes,  prend  son  vol  et 
recherclie  l'autre  sexe  pour  s'accoupler  et  reproduire  des  individus  semblables  à 
lui,  mais  variables  de  taille  ou  de  coloration  si  la  chenille  ou  la  chrysalide  ont  eu 
des  conditions  spéciales  de  développement. 

Je  ne  dois  point  omettre  de  citer  ici  les  pluies  de  sang  qui  ont  à  plusieurs 
reprises  effrayé  les  populations  crédules  et  dont  les  Lépidoptères  sont  les  auteurs 
inoffensifs.  Réaumur,  dans  ses  admirables  Mémoires  sur  les  insectes,  en  a  fait  jus- 
tice. Voici  comment  les  faits  se  produisent.  Les  papillons  venant  d'éclore  répan- 
dent par  l'anus  un  liquide  rougeàtre  ou  jaunâtre,  dont  l'accumulation  s'est  faite 
pendant  la  nymphose.  Chez  les  Vanesses,  papillons  de  jour  très-communs,  et  dont 
l'éclosion  a  lieu  le  long  des  murs  rustiques,  cette  déjection  est  d'un  rouge  vif  et 
carminé,  imitant  assez  bien  la  couleur  du  sang. 

Vers  le  mois  de  juillet  de  l'année  1608,  les  murailles  d'un  cimetière  voisin  de  la 
ville  d'Aix  et  celles  des  villages  des  environs  parurent  tachées  de  larges  gouttes  de 
sang.  Le  peuple  et  même,  ajoute  Réaumur,  certains  théologiens  n'hésitèrent  pas  à  y 
voirl'œuvredes  sorciersou  du  diable  lui-même.  Mais  un  homme  instruit  et  peu  cré- 
dule, nommé  de  Peiresc,  alors  dans  la  ville,  observa  qu'une  multitude  de 
Lépidoptères  volaient  dans  ces  endroits  maudits.  11  rassembla  des  chrysalides  dans 
une  boîte,  il  les  fit  éclore  et  montra  aux  curieux  inciuiels  la  diabolique  pluie  de  sang 
sur  les  parois  et  le  fond  de  la  boite  renfermant  les  insectes.  Il  les  mena  dans  la 
campagne  après  leur  avoir  fait  remarquer  l'absence  des  gouttes  miraculeuses  au 
contre  de  la  ville,  sur  les  toits  ;  il  leur  prouva  qu'elles  se  trouvaient  dans  des  eu- 
droits  creux,  sous  les  chaperons  et  les  saillies  des  murs  et  non  à  la  surface  des 
pierres  tournées  vers  le  ciel,  enfin  qu'il  n'en  existait  pas  à  de  plus  grandes  hau- 
teurs que  celles  où  volent  ordinairement  ces  Lépidoptères.  De  Peiresc  n'hésita  pas 
à  attribuer  à  la  même  cause  certaines  des  pluies  de  sang  dont  on  rapporte  l'histoire  ; 
par  exemple,  la  pluie  de  sang  tombée  sous  le  règne  de  Childobert  dans  diilérents 
endroits  de  Paris  et  près  de  Senlis  ;  une  autre  sous  le  roi  Robert  et  arrivée  à  la 
fin  de  juin.  Réaumur  ajoute  que  c'est  l'espèce  ravageant  les  Ormes  dans  certains 
cantons,  ki  Grande  tortue  [Vanessa  /Jo///c/i/oros),  à  chrysalide  dorée, qui  lui  parait 
la  plus  capable  de  répandre  ces  alarmes.  Elle  apparaît  quelquefois  en  très-grande 
quantité,  quitte  les  arbres  au  moment  de  se  mettre  en  chrysalide  et  se  disperse  alors 
contre  les  mmv,  sons  les  cintres  desporl  s  et  mémo  dans  les  maisons. 


170  LÉPIDOPTÈRES. 

Lépidoptères  utiles  et  nuisibles.  Tout  le  monde  sait  que  la  soie  est  uue  pro- 
duction due  à  une  chenille  de  Lépidoptère  et  que  d'autres  chenilles  voisines  [ooy. 
Bombyx)  filent  des  coques  dont  l'industrie  cherche  à  profiter  pour  la  fabrication  des 
étoffes.  Maisàpart  ces  insectes  utiles,  la  plupart  des  chenilles,  extrêmement  voraces, 
nous  sont  fort  nuisibles  ;  elles  causent  des  dégâts  souvent  irrémédiables  ;  elles  dé- 
vorent les  feuilles  dans  les  forêts  {Bombyx  processionea,  pitjjocampa,  dispar, 
etc.),  dans  les  vergers  {Bombyx  neustria,  Ypomoneuta),  les  jardins  {Pieris); 
elles  creusent  les  arbres  {Cossus,  Sesia,  etc.),  attaquent  les  fruits  {Carpocapsa) , 
les  grains  {Al'ucita,  Tinea),  la.  vigne  {Pyralis  piller tana,  etc.),  les  betteraves 
{Agrotis)  ;  enfin  les  étoftës,  les  fourrures  {Tinea  sarcitella,  pezella,  pellio- 
nella),  etc.,  etc.  Ce  sont  des  ennemis  continuels  avec  lesquels  l'homme  a  chaque 
année  à  lutter,  dont  l'échenillage  ne  fait  qu'imparfaitement  justice  et  qui  pullu- 
leraient à  l'infini  sans  leurs  ennemis  nombreux  (oiseaux,  mamm.ifères,  reptiles  et 
surtout  insectes  hyménoptères  et  diptères  entomobies) . 

A  l'état  de  chenille,  les  Lépidoptères  ne  sont  point-venimeux  comme  on  le  croit 
souvent,  mais  bien  à  tort.  Les  tentacules  rétractiles  de  quelques  espèces,  les  appen- 
dices de  quelques  autres  ne  sont  que  des  moyens  employés  par  elles  pour  effrayer 
leurs  ennemis  tels  que  les  Ichneumons.  11  est  très-vrai  qu'il  faut  manier  avec  la 
plus  grande  précaution  les  nids  des  chenilles  processionnaires  du  chêne  et  du  pin 
et  des  autres  chenilles  analogues.  Les  poils,  surtout  au  moment  des  mues  et  de  Ja 
transformation  en  nymphes,  sont  très-caduques,  ils  se  détachent  et  se  trouvent  en 
grande  quanSité  dans  les  nids.  Ces  poils,  emportés  par  le  vent,  se  répandent  de 
toutes  parts  dans  les  forêts  ou  les  bois,  et  pénétrant  dans  la  peau,  surtout  au  vi- 
sage et  aux  mains,  y  causent  des  douleurs  très-vives  et  des  cuissons  brûlantes.  On 
a  plusieurs  fois  empêché  l'accès  des  allées  du  bois  de  Boulogne  où  se  trouvaient 
une  grande  quantité  de  chenilles  processionnaires  du  chêne. 

J'ai  déjà  noté  que  quelques  grosses  chenilles  {voy.  Larves)  servent  à  l'alimen- 
tation des  peuplades  sauvages  ;  la  chenille  énorme  de  YHeplalus  grandis,  qui  ^it 
à  la  Nouvelle-Hollande  dans  les  troncs  des  Camarinas,  est  recherchée  par  les  na- 
turels qui  s'en  régalent  avec  avidité  en  humant  l'intérieur  comme  s'il  s'agissait 
d'un  fruit  pulpeux. 

Les  chrysalides  servent  aussi  comme  aliment.  On  les  manse  frites  ou  bouillies. 
Le  docteur  Vinson  m'a  dit,  et  a  rapporté,  qu'à  l'époque  du  couronnement  de  Ra- 
dama,  roi  de  Madagascar,  le  fils  du  roi,  enfant  de  10  ans,  présent  à  la  réception 
de  l'ambassade  française,  mangeait  des  chrysalides  de  Bombyx  avec  un  grand 
plaisir.  En  Chine,  les  chrysalides  du  Ver  à  soie  sont  employées  dans  l'ali- 
mentation. 

Pendant  ces  dernières  années,  lamode  a  fait  rechercher  comme  ornement  ungrand 
nombre  de  Lépidoptères.  Les  ailes  fragiles  des  Morpho,  à  couleur  d'un  bleu  mé- 
tallique, et  d'autres  espèces  resplendissantes,  ont  été  appliquées  sur  des  gazes  ou 
pkcées  sous  des  lames  transparentes  et  minces.  Elles  ont  sei'vi  de  la  sorte  pour 
parures  de  bals  et  de  soirées. 

Les  Lépidoptères,  surtout  à  l'état  de  domesticité,  sont  sujets  à  des  maladies  qui  en 
font  périr  un  grand  nombre.  (  Foy.  Ver  a  soie.  )  A  l'état  libre,  beaucoup  de  chenilles, 
par  suite  de  circonstances  spéciales,  sont  atteintes  par  des  cryptogames  {muscar- 
t/iree, etc.), oubien elles  s'étiolent,  cessent  de  manger  et  meurent  tantôt  desséchées, 
tantôt  au  contraire  bouffies  et  infiltrées.  Les  variations  atmosphériques,  l'électri- 
cite  de  l'air,  un  excès  d'humidité,  ou  la  trop  grande  sécheresse,  une  nourriture 
avariée  en  rendent  parfois  l'éducation  impossible  entre  les  mains  des  observateurs 


LÉPIDOPTÈRES  ^71 

les  plus  habiles,  des  eulomologistes  les  plus  zélés.  Quand  ces  chenilles  sont  pas- 
sées à  l'état  de  chvysahde,  une  sécheresse  très-forte  delà  terre  où  elles  sont  en- 
fermées, ou  bien  un  degré  trop  grand  d'humidité,  une  chaleur  solaire  brûlante  et 
prolongée,  etc.,  en  détruisent  d'innombrables  quantités;  ces  cuxonslaiïces  empc- 
chent  souvent  une  destruction  complète  des  arbres  des  lorèis  attaqués  par  les 
chenilles.  (Ratzeburg,  Perris.) 

Je  ne  signalerai  point  les  stations  des  Lépidoptères  sur  le  globe,  cette  question 
se  rattache  à  celle  des  insectes  en  général  {voij.  Insectes),  ni  les  monstruosités 
qui  seront  étudiées  en  cet  endroit.  Cependant  comme  il  est  peu  de  collections  de 
Lépidoptères  qui  ne  possèdent  des  individus  ayant  un  côté  du  corps  plus  petit 
que  l'autre,  atteint  de  nanisme  par  rapport  à  celui  du  côté  opposé,  ou  bien  des 
individus  mâles  d'un  côté  et  femelle  de  l'autre  ;  je  vais  dire  quelques  mots  sur 
cette  dernière  disposition. 

On  connaît  un  assez  grand  nombrede  ces  Lépidoptères  anormaux  ou  monstrueux.  11 
s'agit  nettement  d'individus  ayant  à  la  fois  les  formes  et  la  coloration  des  deux  sexes, 
par  moitié  parfaitement  égale  ou  avec  prédominance  de  l'un  des  deux.  Th.  Lacordaire 
désigne  cet  état  sous  le  nom  de  Gynandromorphisme,  pour  le  séparer  de  l'her- 
maphrodisme vrai  et  qui  est  naturel  ou  normal  chez  quelques  articulés  :  il  y  a  ainsi 
des  gynandromorphes  i°  mixtes,  2"  masculins,  5°  féminins.  Malheureusement  les 
observations  anatomiques  sur  ces  Lépidoptères  monstrueux  sont  très-rares,  elles 
font  défaut  et  je  regrette  pour  ma  part  que  tous  les  Lépidoptères,  à  la  fois  mâles  d'un 
côté  et  femelles  de  l'autre,  soient  dans  les  collections  à  titre  d'objets  curieux,  au 
lieu  d'être  étudiés  à  l'état  frais,  pour  établir  la  splanchnologie  de  ces  êtres  anor- 
maux, si  remanjuables. 

Classification.  La  classification  des  Lépidopb^.res  présente  de  grandes  diffi- 
cultés à  cause  de  la  conformation  uniforme  de  cej  articulés.  On  peut  réduire  sous 
trois  chefs  principaux  les  essais  tentés  à  cet  égard  :  i°  tantôt  les  caractères  ont 
été  tirés  exclusivement  de  l'insecte  parfait;  2"  tantôt  les  caractères  ont  été  pris 
exclusivement  sur  les  chenilles  ;  o"  enfin  les  caractères  sont  fournis  par  l'insecte 
parfait,  mais  à  ceux-ci  ont  été  adjoints  ceux  que  présentent  les  chenilles  et  les 
chrysalides.  A  mon  avis,  cette  dernière  est  la  plus  méthodique  et  celle  qui  devra 
rester  dans  la  science.  {Voy.  Iksectes.) 

Linné  divisait  les  Lépidoptères  en  trois  grands  genres  :  les  Papillons,  les  Sphinx 
et  les  Phalènes.  Les  auteurs  qui  vinrent  après  lui  subdivisèrent  ces  grandes  coupes 
primordiales  etLatreille  établit  les  familles  des  Diurnes,  Crépusculaires  et  Noctur- 
nes correspondant  aux  genres  Linnéens.  En  France,  Godart  et  Duponchel  suivi- 
rent en  la  modifiant  la  classification  de  Latreille,  basée  sur  l'insecte  parfait.  A 
l'étranger  Denis  et  Schiffermiïller,  Ochsenheimer,  ïreitschke,  Stephens,  Cur- 
tis,  etc.,  s'occupèrent  plutôt  pour  leur  arrangement  du  premier  état  ou  des  che- 
nilles. Enfin  Boisduval  modifia  profondément  la  méthode  de  Latreille,  prit  en 
grande  considération  les  caractères  fournis  par  la  chenille  et  partagea  les  Lépido- 
ptères en  deux  grandes  divisions,  dont  nous  avons  déjà  parlé,  les  Rhopalocères 
(Diurnes)  et  les  llétérocères  (Crépusculaires  et  Nocturnes).  E.  Blanchard  les 
divisa  particulièrement  en  Achalinoptèrcs  et  Chalinoptères.  De  nos  jours  une 
division  assez  commode,  mais  peu  naturelle,  a  fait  surtout  en  Allemagne  parta- 
ger les  amateurs  en  ceux  qui  s'occupent  des  premières  familles  de  grande  taille  et 
ceux  qui  n'étudient  ni  ne  récoltent  que  celles  d'une  taille  exiguë;  d'oîi  les  ma- 
crolépidoptères et  les  microlépidoptères  :  il  est  bon  de  remarquer  que  certains 
Crambides  placés  parmi  ces  derniers  sont  de  forte  taille.  Voici  un  aj)erçu  de  la 


172  LÉPIDOPTÈRES. 

division  des  Lépidoptères,  d'après  Boisduva!,  Duponchel,  Blanchard  et  les  der- 
niers ouvrages  publiés  eu  Allemagne. 

1"  division.  Hétérocères.  Boisduval  {diurnes.  Latreille).  Antennes  en  forme 
de  massue,  corps  peu  velu  et  petit  relativement  aux  ailes,  rétréci  entre  le  tliorax 
et  l'abdomen.  Quatre  ailes  d'égale  consistance,  libres,  nnn  retenues  par  un  frein 
se  relevant  perpendiculairement  l'une  contre  l'autre  pendant  le  repos.  Vol  diurne. 
Cbenilles  à  16  pattes,  se  métamorphosant  à  l'air  libre  sans  se  renfermer  dans. 
une  coque  (excepté  les  Parnassius,  Zegris  et  Hesperia).  —  Familles  Dandides, 
Argyyinides,  Vanessides,  Lyhithéides,  N ijmphalides ,  Saty rides,  Vapillonides, 
Parnassides ,  Piérides,  Pihodocérides,  Lycénides,  Erycinides,  Hespe'rides. 

'"2"  division.     Hétérocères.  Boisduval. 

Groupe  l".  Crépusculaires.  Latreille.  Antennes  tantôt  renflées  au  milieu  ou 
prismatiques,  tantôt  pectinées  ou  dentées.  Corps  très-gros  relativement  aux  ailes, 
sans  étranglement  entre  le  thorax  et  l'abdomen.  Ailes  étroites,  en  toit  horizontal 
ou  inclinées  dans  le  repos,  les  supérieures  recouvrant  alors  les  inlérieures  qui 
sont  très-courtes  et  retenues  aux  premières  par  un  frein,  dans  les  mâles  seule- 
ment. Vol  crépusculaire  exceptionnellement  diurne.  Chenilles  à  16  pattes, 
glabres  ou  demi- velues,  se  métamorphosant  dans  la  terre  ou  à  sa  surface,  ou  dans 
une  coque.  Chrysalides  non  anguleuses,  comco-cyUndriques.  —  Familles  Sphin- 
gides,  Sésiides,  Zygénides. 

Groupe  2^  Nocturnes.  Latreille.  Antennes  sétacées,  à  tige  diminuant  de  gros- 
seur de  la  base  au  sonuuet,  abstraction  faite  des  cils,  barbes,  ou  poils,  dont  elle 
peut  être  garnie.  Corps  tantôt  grand,  tantôt  petit  relativement  aux  ailes,  sans 
étranglement  entre  le  thorax  et  l'abdomen.  Ailes  d'égale  consistance  quand  les 
supérieures  ne  couvrent  pas  les  inférieures,  les  unes  et  les  autres  retenues  en- 
semble par  un  frein  dans  les  mâles,  ne  se  relevant  jamais  perpendiculairement 
dans  le  repos,  mais  horizontales  ou  en  toit  ou  en  fourreau  enveloppant  le  corps. 
Chenilles  ayant  de  10  à  16  pattes,  glL.bres  ou  velues,  mais  jamais  épineuses,  se 
métamorphosant  soit  dans  la  terre  ou  dans  l'intérieur  des  végétaux  dans  des 
coques  de  soie  pure  ou  avec  d'autres  matières.  Chrysalides  cyHudro-coniques, 
glabres  ou  parfois  un  peu  velues.  —  Familles  Liihosides,  Chélonides,  Psychides, 
Liparides,  Lasiocampides,  Bombycides,  Attacides,  Endromides,  Hépialides, 
Endagrides,  Limacodides,  Platyp  ter  ides,  Dicranurides,  JSotodontides,  Pygc- 
rides,  Bombycoïdes,  Noctiio-bombycites,  Orthosides,  Gortynides,  Nonagrides, 
Leucanides,  Caradrinides,  Apamides,  Hadénides,  Noctuélides,  Amphipy rides, 
Xylinides,  HeliotJiides,  Calpides,  Plusides,  CatocaUdes,  OpJdusides,  Anthophi- 
lides,  Agropitilides,  Anomalides,  Phalénoïdes,  Goniatides,  Acontides.,  Noctuo- 
phalénides,  Pyralides,  Phaknides,  Platyomides,  Schénobides,  Crambides, 
Yponomeutides,  Tinéides,  PtéropJwrides. 

Emile  Blanchard  a  divisé  les  Lépidoptères  en  deux  grandes  sections  :  i°  Acha- 
Unoptères  (Diurnes  des  auteurs,  Rhopalocères  Boisduval).  Ailes  dépourvues  de 
Irein  pour  les  maintenir.  Antennes  toujours  renflées  en  massues  vers  l'extrémité. 
—  Familles  PapiUonides,  Nymphalides,  Erycinides,  Cydimonides. 

2''  section.  Chalinoptères  (Crépusculaires  et  nocturnes,  Hétérocères  Boisduval) . 
Ailes  presque  toujours  munies  d'un  frein  pour  les  retenir  ensemble.  Antennes 
renflées  en  massue,  fusiformes  ou  sétacées,  souvent  pectinées  dans  les  mâles. — 
Familles  Sésiides,  Zygénides,  Sphingides,  Bombycides,  Noctuélides,  Phaléni- 
des,  Pyralides. 

On  s'accorde  assez  généralement,  en  Allemagne,  à  diviser  les  Lépidoptères  en 


LÉPIDOI^TÈRES.  173 

deux  grandes  sections,  Macrolepidoptera  et  Microlepidoptera.  Voici  un  aperçu 
de  la  classification  donnée,  d'après  Lederer  {Verhandlungen  des  zoologisch- 
botanische  Vereinsin  Wien)  par  Staundiger  et  Wocke. 

Cette  classification  ne  diffère  pas  beaucoup,  pour  les  Macrolépidoptères,  de  celle 
adoptée  par  Ochsenheimer,  Treitschke  et  Herrich-Schœffer  ;  pour  les  Microlépi- 
doptères, elle  est  empruntée  surtout  à  Herrich-Schœffer,  Zeller  et  Stainton. 
(Yoy.  Caialog  der  Lepidopteren  Europas,  Bearbeitet  von  0,  Staudinger  und 
M.  Wocke,  Dresden,  1861.) 

Macrolepidoptera.  1.  Rhopalocera.  Papilionidœ,  Pieridœ,  Lycœnidœ,  Eri- 
cynidœ.,  Libytheidœ,  Apaturidce,  Nymphalidœ,  Danaïdce,  Satyridœ,  Hespe' 
ridœ. 

2.Heterocera. — A.  Sphinges. Sphingidce,  Sesiidœ,  Thyrididœ,  Heterogynidœ, 
Zygenidœ,  Syntomidœ.  —  B.  Bombyces,  Nycteloïdœ,  Lithosidœ,  Euprepiœ, 
Epialidœ,  Cossidœ,  Cocliopodœ,  Psychidœ,  Liparidœ,  Bo7nbycidœ,  Satiirnidce, 
Drepamdidœ,  Notodontidce,  Cijmatophoridœ.  — C.  Noctuse.  —  D.  Geometrse. 

Microlepidoptera.  E.  Pyralidina.  —  F.  Crambinse.  —  G.  Tortricina. — H.  Ti- 
neina.  Tineidce,  Hyponoineutidce ,  Plutellidœ,  Gelechidœ,  Glyphypterygidœ, 
Argyresthidœ,  Gracilaridœ,  Coleophoridœ,  Elachistidœ,  LithocoUetidce,  Lymie- 
tidœ,  Nepticulidce.  —  I.  Pterophorina.  —  K.  Alucitina  (Orneodes). 

A.  Laboulbène. 

BiBLiocnAriiiE .  —  Cette  bibliographie  ne  comprendra  pas  les  indications  des  traités  géné- 
raux sur  les  insectes  où  il  est  parlé  des  Lépidoptères,  tels  que  les  Mémoires  de  Réaumuk, 
de  DE  Géer,  et  les  œuvres  de  Linné,  de  Fabricius,  d'OuviEn,  de  Latbeille,  etc.,  etc.  Les  An- 
nales et  les  Recueils  où  il  n'est  pas  exclusivement  question  des  Lépidoptères  ne  peuvent 
fic^urer  ici  ;  les  auteurs  cités  sont  ceux  qu'on  désigne  ordinairement  sous  le  nom  de  lépi- 
doptéristcs.  A  l'article  Insectes,  on  trouvera  les  ouvrages  qui  n'ont  pas  pu  avoir  en  cet 
endroit  spécial  leur  place  naturelle . 

Gœdabt.  Metamorphosis  et  historia  naturalis  Insectorum ;  Medioburgi,  t.  I-IIl;  1662. — 
Malpighi.  Dissertatio  epistolica  de  Bonibijce,  etc.  Londini,  1669.  —  Swammeudam  .  Bijhel  der 
IS'atuure.  Amstelaed,  17"i7.  Coll.  académique,  t.  V.  —  Meriat»;  (llaria-Sybiilal.  Metnmorp/wnis 
Insectorum  surinamensium,  etc.  Amstelodami,  1705.  —  Lïonet.  Traité  anatomujue  de  la 
chenille  qui  ronge  le  bois  de  saule,  etc.  La  Haye,  1762.  —Du  mêjie.  Recherches  sur  l'anat.  et 
les  métamorphoses  de  diverses  espèces  d'insectes,  ouvrage  posthume,  1832.  —  Clerck.  Icônes 
insectorum  rariorum  cum  nominibus  eorum  trivialibus.  Holmiœ,  1764.  —  Fuessly.  Verzcich- 
tiiss  der  ihm  bekannten  schweizerischen  Insecten,  1775.  —  Du  mêjie.  Magazin  fur  Entomo- 
logie, 1778.  —  Du  MÊME.  Archiv  der  Insektengeschichte,  1781.  —  Denis  et  Schiffermuller. 
Stjstematisches  Verzeichniss  der  Schmetterlingc  der  Wiener  Gegend,  1775.  —  Esper.  Die 
Schmetterlinge  in  Abbildungen  nach  der  Natur,  I-V  ;  1777-1794.  —  Herbst  und  Jablùnski. 
Natursystem.  etc.,  aller  bekannten  Schmetterlinge,  I-X  ;  1785-1806.  —  Crajier.  Papillons 
exotiques,  4  tomes,  Utrecht,  1775-1782.  —  Stoll.  Supplemcntband  zu  Cramer,  Papillons 
exotiques,  5  cahiers,  1787-1791.  —  Bobkhaïïsen.  Naturgeschichte  der  europïdschen  Schmet- 
terlinge. Frankfurt,  1788-1794.  —  Du  même.  Rheinisches  Magazin  zur  Erweiterung  derNatiir- 
kunde,  t.  I.  Giessen,  1793.  —  Donovan.  Nalural  Historij  of  Rritish  Insects.  London,  1792- 

\%\Q,  IIarris.  An  Essay  wherein  are  considered  the  Tendons  and  Membrane  of  the  Wings 

of  Butterflies.  London,  1767. — Jones.  A  new  Arrangement  of  Papilios.  In  Transacl.  oftlie 
Ijnnean  Society ,  1794. — Hubner.  Sammlung  europâischer  Sc/nnetter linge.  Augsburg,  t.  I-VI; 
1796-1855.  —  Ou  même.  Bcitrâge  zur  Geschichte  der  Schmetterlinge.  Augsburg,  1786-1790. 
—  Du  même.  Zutràge  zu  exotischen  Schmettcrlingen,  1806.  —  Du  même.  Verzeichniss  bekann- 
ter  Schmetterlinge,  1816.  —  Fabricius.  Species  Insectorum,  t.  II,  1781,  etMantissa  Insec- 
torum, t.  II,  1787.  —  Lang.  Verzeichniss  Schmetterlinge,  etc.  Augsburg,  1781-1792.  — 
Schneider.  Systematische  Beschreibung  der  europàischen  Schmetterlinge,  1  Theil.  Halle, 
1787  —  Du  MÊME.  Keuestes  Magazin  fur  die  Liebhaber  der  Entomologie.  Stralsund,  1791- 
1794  —  Lewix.  British  Butterflies.  London,  1795.  —  De  Trunkr  (L.).  Lepidoplera  pedc- 
montana  Auqusta  Taurinorum,  1798.  —  Geoffiioy  (E.  L.).  Histoire  abrégée  des  insectes 
qui  se  trouvent  aux  environs  de  Paris,  t  I-II,  1762,et  2tom.  en  4  vol.,  dern.  édit.,  1799.- 
Ebnst  et  Engramelle.  Papillons  d'Europe  d'après  nature,  etc.,  8  vol.  avec  350  pi.  coloriées, 
17'79-n95.  —  lAsrEïRES.  Sesiœ  Europeœ.'è&voVïm,  1801.  — Smith.  7'AeAwît/a/  History  of  the 


174  LÉPIDOPTÈRES. 

rarer  Jxpklopterous  Insccls  of  Georgia,  coUcded  from  tlie  Observaiions  ofiom  Acdot,  etc. 

London,  2  volumes,  1797.  —  Hawortii.  Lcpkloptcra  Britannica.  London,  4803-1829.  — 
I!oF.■!A^^•SEGG.  Alphahetischcs  Verzeichniss  zu  Hiibners  Abbildungcn  dcr  Papilionen,  mit  den 
beigcfiigten  vori-iigliclinten  Synomjmen.  In  Illigers  Magazin,  t.  III  et  V,  1804-1806.  — 
OciisE.MiEiJiEE .  Die  Sc/imettcriingc  von  EurojM,  t.  I-IV.  Leipzig,  1807-]81t>.  — Keferstein'. 
ISombreux  mémoires  sur  les  l^épidoptères.  Dans  le  Magazin  de  Germar,  elles  Eecueils  alle- 
mands, 1818  et  suiv.  —  Bo^•^ELLI.  Descrizione  de  nuove  spccie  d'Insetti.  In  Memorie  délia 
R.  Academia  délie  scienze  di  Torino,  t.  XXX.  —  Sdckow.  Anatomisch-physiologische  Unter- 
suchungen  der  Insecten,  etc.  (Entwicklung  von  Bombyx  Pini],  Heft  I,  1818.  —  Godart. 
Encyclopédie  méthodiqucy  sHiclc  Pajnllons ,  t.  IX,  1819.  —  Dujiême.  Histoire  naturelle  des 
Lépidoptères  de  France,  t.  I-Y.  Paris,  1821-1837.  —  FisciiEn  de  Waldiieim.  Entomographie 
de  la  Russie,  t.  I-II.  Moscou,  1820-1823.  —  Teeitsciike.  Die  Schmetterhnge  von  Europa 
(Fortsetzung  des  Ochsenheimerschen  Werk's),  t.  V-X.  Leipzig,  1825-1855.  —  Lefeevre  (A.). 
Système  ptcrologique  des  Lcpidopières  et  divers  mémoires.  In  Mag.  zool.  de  Guérin  et 
Annales  de  la  Société  entomologique  de  France,  1827-1858.  —  De  Feisthamel.  Obs.  sur 
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logy.  London,  1825-1840.  —  Duposciiel.  Histoire  naturelle  des  Lépidoptères,  etc.  (Continua- 
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nus, t,  I-II,  1832-1854.  —  Du  hêjie.  Spécies  général  des  Lépidoptères,  t.  I.  Paris,  Roret 
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pidoptera  ncio  to  Britain,  Zoologist,  1845,  et  d'autres  mém.  ^&ns  V Entomologist &X\& Zoo- 
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Hist.  nat.  des  Lépidoptères  exotiques,  40  pi.  coloriées,  1835.  (11  y  a  de  récentes  éditions  de 
ces  deux  ouvrages.)  —  Menetries.  Catalogue  raisonné  des  objets  de  zoologie,  etc.  Saint- 
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Du  MÊME.  Tableaux  synoptiques  des  Lépidoptères  d'Ein-ope  (avec  be  Villiers),  t.  I,  Diurnes. 
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Roeslerstamm.  Abbildungcn  zur  Beriehtigung  und  Erganzung  der  Schmetterlingskunde. 
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MÊME.  British  Moths,  1841-1844. — Bentley.  Ovservations  on  Species  and  Varicties  [Lepidopt.] 
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I-III,  1856-18ol. — EvERSHANN.  Fauna  lepidopterologica  Volgo-uralemis,  1844.  —  Du  même. 
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orientales,  et  autres  travaux.  In  Annales  entomol.  de  France,  1856-1808.  —  Standfuss.  Le- 
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—  Du  même.  Autres  notices  et  travaux  dans  Mém.  de  la  Soc.  cl' Emulation  du  Doubs  et  Ann. 
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•—  Gerhard.  Versuch  eincr  Monographie  dcr  europâischen  Svhmelterlingsarlcn  :  Thecla, 


L'ÉPLNAY  (eau  minérale  de).  i75 

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tural  Hisloi-y  of  the  Tineina,  t.  I-XI,  1855-1869.  —  Staundisger.  De  Sesiis  Agri  Berolinensis. 
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(Oltinar).  Veber  die  Natiirgcschlchte  der  Psijchiden.  Eriangen,  1859.  —  Falloh  (J.).  Des- 
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livrais.  Bruxelles,  1859-J869.  — Berce  l^.)  Faune  des  Lépidoptères  de  France,  t.  I-U.  Taris, 
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tÉPiDOSAïtcOME,  OU  tumeur  écaillante  de  la  bouche  (squamiformis  tumor 
hiiccce  interioris) .  Marc-Aurèle  Séverin  a  décrit  sous  ce  nom  une  tumeur  qui 
l'étonua  siogulièremeut  par  les  caractères  qu'elle  présentait.  Il  n'est  pas  possible 
de  rattacher  avec  quelque  certitude  l'expression  de  lépidosarcome  à  aucun  groupe 
bien  défini  de  timieurs.    L'observation  de  Séverin  reste  à  cet  égard  insuffisante. 

Observée  sur  un  adulte,  la  tumeur  existait  depuis  plusieurs  années,  siégeant 
à  la  face  interne  de  la  joue;  du  volume  d'une  grosse  fève,  elle  rappelait  par  sa 
structure  l'aspect  du  tbyrse,  des  fleurs  de  chou,  il  s'agissait  peut-être  d'un  épithé- 
lioraa,  ou  d'une  tameur  fibroplas tique,  ou  d'un  papillome,  d'une  structure  coju- 
plcxe.  Le  mot  lépidosarcome  ne  mérite  d'être  reproduit  qu'à  titre  de  curiosité 
historique.  Il  pourrait  servir  d'exemple  à  prouver  combien  sont  restées  stériles 
les  dénominations  de  tumeurs,  basées  sur  un  caractère  purement  extérieur,  ou 
sur  une  comparaison  grossière.  A.  Hékocque. 

Bibliographie.  —  Blarci  Aurelii  Siverini  De  recondita  abcessum  natura.  Libri  VIII,  1724, 
(Gap.  xviii,  p.  261.)  Dictionnaire  de  Nysten,  édit.  Littré  et  Robin.  A.  H. 

t'ÉPllVAY  (Eau  mdérale  de),  protothermale,  ame'tallite,  hicarhonatée  ferru- 
gineuse faible,  carbonique  faible.  Dans  le  département  de  îa  Seine-hiférieure,  dans 
l'arrondissement  du  Hayre-de-Gràce,  dans  le  canton  et  à  5  kilomètres  de  Fécamp, 
émerge  la  source  de  l'Épinay,  dont  leau  claire  et  hmpide  laisse  déposer  une 
couche  rouillée  sur  les  parois  inférieures  de  son  bassin  de  captage.  Elle  n'a  aucune 
odeur;  son  goût  est  très-sensiblement  ferrugineux.  Sa  température  est  de  15°, 5 
centigrade;  son  analyse  chimique  a  été  faite  par  Germain,  qui  a  trouvé,  dans 
1000  grammes  d'eau,  les  principes  suivants  : 

Carbonate  de  fer 0,064 

—  chaux 0,'636 

—  magnésie 0,042 

Chlorure  de  potassium 0,021 

—  calcium 0,042 

Acide  silicique 0,042 

Total  des  matièbes  fixes 0,547 

Nous  ne  donnons  cette  analyse  que  comme  un  renseignement  tout  à  lait  insuffi- 
sant, car  elle  ne  mentionne  ni  les  sulfates  ni  les  autres  sels  de  soude,  qui  sont  en 
général  contenus  dans  les  eaux  minérales. 


ne  LÉPIOTE. 

L'eau  de  L'Épinuy  est  exclusivement  employée  eu  boisson  par  les  populations 
voisines,  qui  viennent  y  chercher  la  guérison  de  leurs  maladies  oii  les  martiaux 
conviennent.  A.  R. 

LÉPIOTE  (IcTTiç,  écaille,  ou  ïsttm  peler).  Ce  petit  groupe  des  AGARICIXÉES 
LEUCOSPORES  est  si  distinct  que  le  temps  me  paraît  venu  de  le  séparer  du  genre 
AGARicus  qui  comprend  trop  d'espèces;  d'ailleurs,  il  mérite  aussi  bien  cet  honneur 
que  le  groupe  des  amanites  dont  il  est  fort  voisin,  et  dont  il  se  rapproche  par  son 
port  élégant,  par  ses  formes  sveltes,  symétriques,  par  la  présence  des  deux  voiles  : 
du  voile  universel  qui  enveloppe  tout  le  champignon  dans  sa  jeunesse;  et  du 
vélum  constituant  ordinairement  la  plus  grande  partie  du  collier  plus  ou  moins 
persistant,  quelquefois  même  très-fugace  et  discernable  seulement  au  moment  de 
l'épanouissement  ;  cependant  ce  qui  rapproche  surtout  ces  deux  groupes,  c'est 
que  l'hyménophore  (c'est-à-dire  cette  couche  de  substance  spéciale,  souvent 
céracée,  tapissant  la  face  inférieure  du  chapeau  et  sur  laquelle  les  lames  se  dé- 
veloppent et  s'attachent)  ne  se  prolonge  pas  sur  le  stipe,  mais  souvent,  et  chez 
toutes  les  vraies  Lépiotes,  s'arrêtant  tout  à  coup,  forme  autour  delà  tète  du  stipe 
un  petit  bourrelet  spécial  très-remarquable  appelé  collarium  et  qui  occupe  le 
sillon  circulaire  {rainure)  séparant  les  lames  du  stipe  ;  par  suite  de  cette  confor- 
mation, les  lames  ne  sont  jamais  ni  adnées,  ni  sinuées,  mais  libres  et  le  plus 
souvent,  leurs  terminaisons  internes  sont  éloignées  du  stipe. 

Cette  indépendance  de  l'hyménophore  et  du  stipe  qui  rapproche  les  Lépiotes 
des  Amanites,  est  ce  qui  les  sépare  des  armillaria,  petite  section  des  tricholoma, 
ayant  un  collier  encore  distinct  {voy.  Agaric),  aussi  la  quatrième  section  des 
Lépiotes  chez  laquelle  ce  caractère  est  défaillant,  est-elle  une  section  de  passade 
entre  ces  deux  groupes.  Enfin,  l'indépendance  du  stipe  et  de  l'hyménophpre  parle 
collarium  semble  s'étendre  chez  quelques  espèces  types  du  genre,  au  chapeau  en 
entier  ;  caria  substance  céracée  du  collarium  paraît,  surtout  dans  le  jeune  âge, 
passer  sur  la  tête  du  stipe  et  le  séparer  de  la  chair  du  chapeau  qui  ne  semble 
guère  se  continuer  qu'avec  les  fibrilles  aranéeuses  du  canal  médullaire.  Il  y  a 
sans  doute  d'autres  connexions  poui'  la  nutrition,  mais  elles  sont  très-faibles  et 
facilement  rompues,  de  sorte  que  la  tète  du  stipe  paraît  avoir  déprimé  le 
tissu  charnu  et  s'être  logée  dans  un  enfoncement  central  capuliforme  de  la  l'ace 
inférieure  du  chapeau  [acetabulum  de  Prie),  c'est  pourquoi  il  peut  en  être  facile- 
ment détaché,  nous  dirons  aloi's  que  la  tête  du  stipe  est  adnexe'e  et  énucleable, 
mais  elle  sera  dite  adnée  quand  on  la  détache  plus  difficilement  et  avec  quelques 
déchirures  manifestes,  enlin  connée  quand  la  connexion  est  si  intime  qu'il  y  a 
rupture  et  aucune  trace  de  décollement. 

D'autre  part,  ce  qui  sépare  radicalement  les  amanites  des  léi^otes,  c'est  l'ori- 
gine et  la  fabrication  entièrement  différentes  de  leur  enveloppe  générale  ou  voile 
universel;  car  on  peut  dire  que  chez  les  lépiotes  ce  voile  n'est  plus  un  organe 
spécial  et  indépendant,  mais  un  faux  voile,  une  simple  émanation  du  tégument 
du  chapeau  dont  les  fibres,  plus  ou  moins  toisonnées,  se  prolongent,  se  conti- 
nuent sur  le  stipe  pendant  cette  époque  de  la  vie  oii,  ce  qui  sera  la  face  supé- 
rieure du  chapeau,  plus  ou  luoins  enroulé,  est  encore  en  rapport  imméiliat  avec  la 
surlace  du  stipe;  or,  au  fur  et  à  mesure  du  déroulement,  puis  de  l'épanouisse, 
ment,  ces  fibres  de  connexion  se  trouvent  tiraillées,  puis  rompues,  et  suivant  leur 
consistance,  leur  résistance,  leur  allongement,  la  fomuc  etle  lieu  de  leur  rupture, 
les  teintes  dont  l'air  ou  la  lumière  les  colorent  ;  elles  dét'rmiiicnt  sur  le  chapeau 


LÉPIOTE.  i77 

etswle  stipe  des  éraillures,  des  squames,  dds  peluchures,  des  clniuires  nom- 
breuses et  caractéristiques  d'espèces  ;  mais  si  ces  fibres  unissantes  restent  blan- 
ches, si,  très-peu  résistantes,  elles  se  rompent  très-facilement  sans  allongement 
ui  déchirures,  la  surface  du  chapeau  comme  celle  du  stipe,  restera  simplement 
finement  villeuse  (lep.  naucixa). 

Les  formes  si  diverses  que  le  collîep  présente  dans  ce  groupe  résultent  aussi 
des  détails  du  développement  ;  en  effet  ce  collier  doit  toujours  être  considéri 
comme  la  continuation  des  fibres  du  tégument,  car  quand  le  chapeau  était  encore 
fermé  et  connivent  par  son  bord  autour  du  stipe,  son  tégument  fibrilleux  ou 
squameux  se  prolongeait,  se  continuait  sur  ce  stipe  ;  alors  les  fibres,  en  passant 
du  bord  du  chapeau  sur  le  stipe,  l'embrassent  étroitement,  puis  se  divisent  en 
deux  parts  souvent  inégales  :  les  unes  descendantes  se  dirigent  vers  le  pied, 
c'est  le  i;oi7e  (voile  universel  de  Frie),  les  autres  ascendantes,  vers  la  rainure, 
c'est  le  vélum  :  quand  le  revêtement  du  stipe  qui  en  résulte  est  beaucoup  plus 
marqué  au-dessous  du  collier,  nous  disons  que  ce  collier  est  descendant  (pre- 
mière et  quatrième  section).  Quand  il  est  plus  mai-qué  au-dessus  du  collier,  nous 
disons  qu'il  est  ascendant  (troisième  section).  Quand  il  paraît  se  continuer  à  peu 
près  également  au-dessus  et  au-dessous,  nous  le  disons  collier  mixte  comme 
dans  les  clipeolarii  ;  nous  ajoutons  mixte  ascendant,  si  la  portion  ascendante 
est  plus  considérable,  et  mixte  descendant,  si  c'est  la  division  descendante  qui 
l'emporte. 

Ces  généralités  posées,  résumons  les  caractères  des  Lépiotes  :  les  Lépiotes 
constituent  un  groupe  fort  naturel  des  Agaricinées,  ayant  pour  caractère  :  un 
hyménophore  qui  ne  se  prolonge  pas  sur  le  stipe,  mais  s'arrête  souvent  tout  d'un 
coup  pour  former  le  collarium  plus  ou  moins  visible  au  fond  de  la  rainure  ;  par 
suite,  les  extrémités  externes  des  lames  toujours  libres  sont  souvent  éloignées 
du  stipe,  et  dans  une  seule  section  de  passage  (la  quatrième),  elles  sont  arrondies, 
presque  atteignantes,  et  plus  rarement  encore  faiblement  adnexées,  mais  jamais 
sinuées  ;  un  voile  universel  conné  avec  tégument  du  chapeau  et  celui  du  stipe  ; 
de  là,  lors  de  l'épanouissement,  des  ruptures,  des  éraillures,  laissant  sur  le  cha- 
peau des  squames  ou  au  moins  des  villosités  tomenteuses  plus  ou  moins  mani- 
festes et  sur  le  stipe,  des  squames,  des  chinures,  ou  au  moins  un  revêtement 
fibrilleux  ou  squameux  ;  la  surface  du  chapeau  n'est  donc  jamais  délimitée 
comme  chez  les  Amanites  par  une  pellicule,  mais  par  un  cutis,  un  tégument 
tomenteux,  villeux  bu  moins  drapé.  La  chair  du  chapeau  plutôt  mince,  molle, 
légère,  cotonneuse,  hétérogène  avec  celle  du  stipe  fibreuse,  souvent  plus  coriace 
et  tenace  que  charnue;  le  stipe  est  presque  toujours  fistuleux  ou  fistulo-médulleux, 
souvent  bulbeux  ou  sous-bulbeux.  La  forme  générale  du  champignon  est  bien 
symétrique,  le  port  svelte  et  élégant  ;  les  teintes  sont  généralement  ou  blanches  ou 
teintées  de  fulgineux  ou  d'oranger  ocracé  ;  la  plupart  sont  odorantes  ;  beaucoup 
d'espèces  sont  comestibles;  deux  ou  trois  passent  pour  vénéneuses  et  ont  une 
odeur  forte  et  désagréable;  spores  blanches,  ou  très-faiblement  teintées  d'ocracé, 
et,  sur  les  quelques  espèces  où  on  les  a  observées,  ovoïdes  et  fisses.  Toutes  ter- 
restres. 

Nous  diviserons  les  Lépiotes  en  4  sections  :  le  collarium  très-développé  dans 
la  première,  moindre  dans  la  seconde,  inégalement  distinct  dans  la  troisième, 
manque  dans  la  quatrième.  Le  collier  est  mobile  et  fortement  constitué  seu- 
lement dans  la  première,  plus  ou  moins  fibrilleux,  faible  et  fugace  dans  la 
seconde;  mais  mixte  et  plutôt  descendant  àans  les  deux  premières  sections,  il  est 

DICT.  EWC.  2'  s.  II.  12 


178  LÉPIOTE. 

francliement  membraneux  et  ascendant  dans  la  troisième,  et  seulement  descen- 
dant, squaniuleux  et  caduc  dans  la  quatrième.  La  surface  du  chapeau  fortement 
squameuse  et  même  éraillée  dans  la  première  section,  plus  finement  squa- 
meuse ou  au  moins  fibnlleusedans  la  seconde,  est  lisse  et  seulement  drapée  dans 
la  troisième  ;  elle  est  encore  unie  ou  finement  squamulo-granulée  ou  unie  dans 
la  quatrième  ;  mais  dans  toutes  ces  sections  la  surface  est  sèche  ;  or,  Prie 
en  Suède,  et  Secrétan,  en  Suisse,  ont  trouvé  des  Lépiotes  à  chapeaux  dont  le 
tégument  est  visqueux  ;  ces  espèces  rares  constituent  une  eînfjsBîème  section, 
mais  elles  n'ont  jamais  été  signalées  en  France,  et  nous  ne  les  décrirons  pas. 

P'^SECTIOjV.  pkoceri.  Lépiote  muni  d'un  anneau  mobile,  épais,  solide  et  per- 
sistant ;  chapeau  décidément  squameux,  plus  ou  moins  profondément  éraillé;  le 
stipe  n'est  pas  guêtre  de  fibrilles  comme  dans  la  11"  section,  ni  de  granulations 
caduques  comme  dans  la  IV'  ;  mais  il  est  souvent  orné,  au-dessous  du  collier,  de 
chiuures  squamuleuses.  Le  coUier,  d'abord  nettement  descendant,  devient  mo- 
bile parce  que,  d'abord  en  coimexion  intime  avec  le  pourtour  du  chapeau  fermé, 
il  est  entraîné  par  ce  chapeau  lui-même  vigoureusement  poussé  en  haut  par  le  dé- 
veloppement rapide  du  stipe,  et  il  rompt  les  attaches  inférieures,  et  dès  lors, 
libre  de  toute  attache,  il  remonte  facilement  sur  le  stipe  atténué  en  haut.  Le 
sommet  du  stipe  est  entouré  d'un  cotlarium  large,  manifeste,  par  suite,  les  la- 
mes libres  et  éloignées.  La  tète  elle-même,  facilement  énucléable,  car  le  tissu 
charnu-fibreux  très-ferme  du  stipe  est  brusquement  interrompu  à  son  contact 
avec  le  tissu  mou,  léger  du  chapeau  :  de  là  une  séparation  nette  et  facile  entre 
les  deux  organes. 

1.  Lép.  rRocEEA  Bull,  et  Prie,  chnpeaa  charnu,  d'abord  ovoïde,  puis  étendu  en  parasol, 
mais  encore  timboné ;  sa  surface,  gTossièrcment  et  di\crsemenl  éraillée,  écaillcuse  ou  enfin 
presque  plane,  semée  d'écaillcshrw\es,  plutôt  opprimées,  fugaces,  ocracées,  plus  ou  moins  fon- 
cées; chair  bien  blanche, /i.re  (ternie  avec  le  lemps),  très-molle  (diam.  i5à20  c.;épaiss.dela 
chair  environ  lOmm).  stipe  très-long  [h.  20  à  30  c.,et  diam.  18  à  20  mm.),  atténué  etblanchâtre 
en  haut,  où  il  se  terndne  en  tête  arrondie,  plongée  et  très-faiblement  adnexée  dans  Vaceta- 
bithim  et  par  suite  très-facilement  énucléable;  son  pied,  charnu  et  très-bulbeux,  est  assez 
profondément  hypogé;  au-dessous  du  collier,  il  est  élégamment  chiné  de  squames  fibreuses, 
plates,  brunes,  concentriques  ou  en  spirales;  à  l'intérieur,  longuement  et  largement  fistu- 
leux;  il  est  d'une  consistance  subcartilagineuse,  sa  chair  fibreuse,  d'un  blanc  teinté  de  roux 
vers  la  surface,  est  d'abord  ruptile  et  enfin  fissile.  Le  coiiier  dans  le  principe  descendant, 
puis  libre,  mobile,  à  corps  bien  modelé,  chantourné,  charnu,  ferme,  subcartilagineux .  liâmes 
aussi  ou  plus  larges  que  la  chair  (1. 10  à  12  mm.),  très-atténuées  en  dedans  et  éloignées  du 
stipe  par  un  collarium  Urge,  modelé,  céracé;  lames  convexes,  minces,  simples,  blanches  à 
la  fin,  se  maculant  de  roux  sur  la  iranche;  odeur  agréable,  saveur  douce;  ce.  dans  les  bois, 
clairières,  prairies  montueuses  et  boisées.  Excellent  aliment. 

ISoiA.  Viviani  figure,  sous  le  nom  de  Lép.  prominea,  un  type  très-voisin  de  Lép.  peocera, 
qui  paraît  s'en  distinguer  seulement  par  les  écailles  du  chapeau  plus  fines,  ocracées,  et  un 
disque  plus  fortement  ombonê. 

2.  Lép.  RACHODEs  Vitt.  ciiopean  plus  charnu,  fZ'aZ)ord$'/o6î</eîw,  puis  enfin  étalé  et  à  disque, 
à  la  fin  méplat;  tégument  d'abord  épais,  ferme,  puis  concentriquement  fissuré,  réticulé  en 
squames  épaisses,  polygonales,  persistantes,  élégamment  fixées  par  des  fibres  rayonnantes 
blanches,  tomenteuses,  que  forme  la  chair  fissurée  du  chapeau;  le  disque  reste  intact,  lisse, 
très-glabre,  bai-brun  (d.  15  c,  ép.  ch.  18  mm.),  stipe  robuste,  fistuleux,  encore  atténué  en 
haut  (h.  1.^  à  20  c;  d.  20  à  25  mm.)  adnexé  et  énucléable,  terminé  en  b;is  en  un  bulbe  très- 
développé  (d.  5  à  6  c),  surface  du  stipe  blanche,  lisse,  enfin  soyeuse,  mais  sans  squames 
ni  même  fibrilles  (ce  qui  me  paraît  paradoxal  avec  un  collier  descendant),  portant  un  collier 
descendant  (?)  et  longtemps  adhérent  à  la  marge,  enfin  mobile;  à  pourtour  layonnant,  squa- 
muié  en  dessus.  Lames  plutôt  moins  larges  que  la  chair,  éloignées  du  stipe  par  un  collarium 
proéminent,  simples,  nombreuses,  blanches,  quelquefois  rougissantes,  chair  blanche;  mais 
rompue,  elle  se  teinte  aussitôt  de  rose  ou  de  rouge  brique,  puis  redevient  blanche;  odeur  et 
saveur  ingrates;  à  peine  comestible,  mais  non  vénéneux.  RR.  Avec  les  plâtras  humides  et 
ombragés,  les  thermes  et  aussi  bois  et  clairièi'es  (V.  Lép.  saxosa,  n"  12). 


LÉPIOTE.  119 

3.  Lép.  excoriata  Schaf.  Cbapena  mou,  cliamii,  ovo-gloljuleux,  puis  étendu;  un  peu  g'ib- 
Leux  sur  le  disque,  blanchâtre,  plus  ou  moins  enfumé  ;  tégument  mince,  tantôt  restant  lisse  et 
soyeux,  tantôt  fissuré  en  petites  squames  [à.  10  à  12  c.;  ép.  cli.  8  à  10  mm.),  stipe  égal  et 
seulement  un  peu  bulbeux,  et  retenant  la  terre;  fistulo-racduUeux,  élastique,  sub-charnu, 
encore  bien  énucléable,  suriace  lisse,  glabre,  sans  squames  ni  taches,  portant  un  anneau  plus 
mince,  plus  tenace,  moins  mobile  (descendant?),  souvent  enfin  tombé  et  disparu  (h.  10  à  11  c; 
d.  13  mm.,  et  25  au  bulbe.  Lames  aussi  larges  que  la  chair,  libres,  mais  peu  éloignées, 
blanches,  chair  molle,  blanc  fixe.  Édule.  Dans  les  champs,  parmi  les  gramens  isolés,  U. 

Nota.  Il  y  a  encore  de  nombreuses  formes  de  ces  proceru,  surtout  plus  grêles  et  plus  pe- 
tites, à  lames  plus  larges  que  la  chair,  etc.  :  l'une  élevée  (15  à  18  c),  à  stipe  grêle,  ondu- 
leux,  subbulbeux,  mais  à  bulbe  arrondi  en  dessous;  tégument  du  chapeau  mince,  finement 
fissuré  en  squames  larges,  plates,  persistantes,  par  suite  le  chapeau  blanchâtre,  riolé  de 
brunâtre  :  c'est  4.  Lép.  gracilenta  de  Krombh.  et  de  Frie.  —  Une  autre  forme  moins  grande, 
campanulée,  umbonée  comme  un  dôme  byzantin,  à  bulbe  fusiforme  aux  deux  exlréntités; 
tégument  du  chapeau  couvert  de  fines  squames  granuleuses  et  persistantes  :  c'est  5.  Lép. 
MASTOiDEA  de  Frie;  tous  deux,  aliment  médiocre  quoique  non  vénéneux. 

Nous  avons  trouvé  encore  d'autres  formes  qui  sont  ou  des  espèces  ou  des  variétés;  nous 
croirions  hâtif  d'en  décider. 

11"^  SECTION.  ctypEoi.A«n.  Lépiotes  munies  d'un  collier  mixte QïAhihxs  fixe 
plus  souvent  fihrilleux  ;  le  stipe,  de  bonne  heure  distinct,  est  vêtu  (guêtre)  de 
ces  fibrilles  plus  ou  moins  fugaces  de  la  portion  inférieure  du  voile  universel 
rompu,  tandis  que  la  portion  supérieure  reste  appliquée  sur  le  chapeau.  Il  n'y  a 
plus  d'acetabidum  recevant  la  tète  du  stipe;  mais  un  collarium  encore  mani- 
feste quoique  souvent  réduit  à  un' mince  cordon  céracé  entourant  la  tête  du  stipe 
(plutôt  adné  avec  le  chapeau);  par  suite,  les  lames  en  sont  plus  rapprochées. 
Chair  moDe  et  odeur  désagréable  le  plus  souvent  de  rave,  de  moisi. 

*  Lépiotes  dont  le  chapeau  est  tout  couvert  et  hérissé  de  nombreuses  verrues ^ 
de  squames  tomenteuses  ou  fibrilleuses. 

6.  Lép.  Fbiesu  chapeau  convcxe,  charnu,  tigré  d'un  rouge  brun  par  les  verrues  pyrami- 
dales à  sommet  mucroné,  à  base  rayonnante  par  l'épanouissement  de  nombreuses  fibrilles 
rouge  hrun;  elles  sont  très-serrées  et  très-brunes  sur  le  disque,  pluE  espacées  sur  la  marge 
où  elles  se  détachent  d'un  lond  clair  (d.  C  c;  ép.  de  la  chair,  5  à  4  mm.),  supo  droit,  égal 
solide,  ûhro-charnu ,  ruptile,  cartonné,  assez  finement  fistulo-aranéeux;  la  tête  est  presque 
connée  avec  le  chapeau,  le  pied  bulbeux,  bien  aiTondi  à  sa  base,  en  connexion  avec  les  ra- 
dicules d'un  mycélium  blanc.  11  porte  aux  deux  tiers  supérieurs  un  coiuer  membrano-ara- 
néeux,  flasque,  débile,  mais  nettement  mixte-ascendant,  blanchâtre  par  sa  face  supérieure, 
brun  sur  sa  face  inférieure,  portant  une  rangée  de  verrues  du  chapeau;  caduques,  brunes 
les  mêmes  verrues  recouvrent  de  plusieurs  rangs  le  haut  du  bulbe;  au-dessous  de  ce  collier 
le  slipe  est  revêtu  de  longues  peluches  fibrilleuses  brunes,  reste  du  voile;  au-dessus,  par  les 
fibres  plus  claires  du  vélum  (h.  7  à  8  c;  d.  8  mm,.,  et  le  bulbe  17  mm.).  Lames  larges  (plus 
larges  que  la  chair),  nombreuses,  minces,  libres,  mais  approchées,  arrondies,  lamelles  tout 
à  coup  arrondies  ou  cannées;  de  là  les  lames  bifurguées,  blanches,  à  la  fin  roussâtres.  odeur 
désagréable  de  clipeolarii  ;  épigée.  Pi  R.  Je  n'ai  rencontré  qu'une  fois  cette  jolie  et  élégante 
Lépiote,  en  septembre,  dans  les  bois  de  chêne  de  Vascœuil  (Seine-Inférieure). 

7.  Lép.  ACUTESQUA3I0SA  ^Yeinm.  chapeau  convexe,  d'abord  couvert  d'un  tégument  tomen- 
teux,  ocre  ferrugineux  rouge  brique  clair;  bientôt  hérissé  de  squames  floconneuses,  dresséei. 
mucronées  qui,  tombant,  laissent  des  aréoles  plus  pâles;  marge  fibrilleuse  (d.  10  c;  ép.; 
ch.  8  à  10  mm  ) .  stipe  solide,  épais,  cave  et  rempli  d'une  moelle  lâche  (h.  7  à  8  c;  d.  15  à 
30  mm.),  élastique,  presque  égale;  blanc,  fibro-soyeux,  mais  vers  le  pied  subbuleux,  teinté 
de  ferrugineux  par  les  restes  de  voile  ou  fibrilleux  ou  squames  aréoles  et  disposés  en  spi- 
rales; il  porte  un  aoneauample,  mou,  fibrilleux,  tomenteux,  d'abord  blanc  ocracé,  ferrugineux 
mixte.  Lames  libres,  mais  rapprochées  du  stipe,  dont  les  sépare  seulement  un  collarium 
étroit,  embrassant  la  tête  du  stipe,  plutôt  larges,  simples,  nombreuses  et  blanches,  chair 
blanche,  ferme,  épaisse.  R.  Dans  les  jardins  herbeux,  gazon,  etc. 

8.  Lép.  hispida,  voisin  du  précédent,  mais  plus  petit,  plus  grêle,  et  à  chapeau  umboné,  en- 
fumé, voile  plus  maigre,  sec,  dans  les  bois  épais;  il  fait  la  transition  avec  les  suivants  Pi.R. 

'*  Chapeau  plutôt  fibrilleux  ou  à  squames  apprimées. 

9.  Lép.  cupéolaria  Bull,  chapeau  sub-charnu,  mou,  campanule,  puis  étendu  et  umboné, 
couvert  d'un  tégument  teinté  d'orangé  ocracé  plus  foncé  sur  le  disque,  fibrilleux,  tomenteux, 
sec,  très-finement  floconneux,    squameux   par  Ici  éraillures  de  l'encroûtement  coloré,  qui 


180  LEPIOTE. 

(ait  d'abord  continu  et  s'écaille  par  le  développement  en  diamètre  du  chapeau  (d.  5à  8  c; 
ép.  ch.  3  à  5  mm.).  supe  fibreux  cartonné,  avec  centre  médullaire;  puis  listuleux  aranéeux 
(h.  6  à  8  c;  d.  6  mm.),  égal,  seulement  un  peu  renflé  au  pied;  la  tête  adiiée  au  chapeau, 
perlant  un  coiuer  fibrilleux  peu  prononcé,  mou,  bientôt  effacé  ;  collier  mixte  et  surtout 
descendant  ;  de  là,  un  stipe  guêtre  d'un  revêtement  fibrilleux  qui  au-dessous  du  collier,  est 
]nqueté  de  squamules  ocracées.  i-amcs  nombreuses,  minces,  simples,  blanches,  plus  larges 
que  la  chair,  arrondies,  approchées,  mais  libres;  car  on  retrouve,  non  sans  attention,  un 
reste  du  coUarium.  odenr  faible,  plutôt  pénible;  insipide.  C.C.  Dans  les  bois  humides,  toute 
l'année. 

10.  Lép.  ciustata  Frie,  Espèce  extrêmement  voisine,  à  peine  distÎKcte  par  ses  foi^mes.  Se 
rencontre  plutôt  en  automne,  dans  les  bois,  les  jardins  humides,  et  est  surtout,  et  d'abord, 
caractérisée  par  son  odeur  trcs-pcnctrante,  très-pénible.  Cette  espèce  est  généralement  plus 
grêle;  le  chopean  encore  moins  cliarnu,  les  squamules  granuleuses,  plus  nombreuses,  mais 
sèches  et  glabres,  plutôt  que  tomenteuses  ou  floconneuses;  les  lames  atténuées  en  dedans, 
enfin  éloignées  d'un  stipe  encore  fibrilleux,  mais  non  squamulé,  plus  sec,  plus  grêle,  mais 
peut-être  pied  plus  bulbeux.  C.C.  Son  odeur  désagréable,  typique  de  la  section,  Je  fait  re- 
garder comme  vénéneux. 

11.  Lép.  erminea  Fr.  Les  auteurs  distinguent  encore  une  forme  voisine  à  chapean  p'us 
umboné,  gibbeux,  lisse,  glabre,  seuleinenl  fibrilleux-soyeux  sur  la  marge  (d.  5  c).  stipo 
égal,  fragile,  fistuleux,  à  peine  fibrilleux  avec  un  collier  membraneux,  débile  et  fugace. 
(h.  7  c;  d.  5  à  6  mm.).  Lames  libres,  mais  arrondies,  atteignantes,  plus  larges  que  la  chair, 
blanches;  sans  odeur,  mais  d'une  »a»eur  de  rave. 

IIP  SECTION.  ANNutosii.  Lépiotes  ayant  un  collier  ou  mieux  une  collerette 
membraneuse,  mince,  tombante,  fixe  et  nettement  ascendante.  Le  coilarinm, 

inégalement  développé,  manque  le  plus  souvent.  On  voit  que  dans  cette  section 
nous  retrouvons  le  vélum  et  la  fabrication  du  collier  propres  aux  Amanites; 
mais  ce  qui  doit  séparer  ce  groupe  des  Amanites,  c'est  que  le  voile  universel  est 
ici  conné  avec  le  tégument  du  chapeau  ;  que  sur  ce  chapeau  on  ne  retrouve  pas, 
conmie  dans  toutes  les  Lépiotes,  cette  pellicule  distincte,  séparative  du  voile  et 
de  Jai/èubstance  du  chapeau,  qui  caractérise  le  genre  Amanite. 

Cependant  si  ce  caractère  anatomique  est  toujours  facile  à  discerner  sur  les 
champignons  frais,  il  n'en  est  pas  de  même  sur  des  figures,  sur  échantillons  des- 
séchés dans  l'herbier  :  aussi  y  a-t-il  quelques  incertitudes  sur  deux  espèces  que 
nous  avons  cru,  malgré  l'autorité  de  Frie,  devoir  placer  avec  les  Amanites. 
{Voy.  art.  Amanite:  Am.  échiwo-céphala  et  Aw.  Yittadini,  n"^  21  et  22.) 

12.  Lép.  saxosa  (traduction  latine  de  rachodes,  V.  n»  2).  Bertillon.  (J'ai  recueilli  aux  en- 
virons de  Montmorency  plusieurs  grandes  Lépiotes  qui,  par  le  portet  la  forme  de  quelques- 
unes  de  leurs  parties,  se  rapprochent  singulièrement  de  Lep.  proceba  et  surtout  de  Lep.  ba- 
cH0DEs;mais,  comme  elles  s'en  distinguent  aussi  par  des  traits  d'une  importance  primor- 
diale :  la  fabrication  du  collier,  le  moindre  volume  du  bulbe,  des  spores  plus  petites,  etc., 
il  n'est  pas  douteux  que  ce  ne  soit  une  espèce  absolument  diCféi-ente.) 

Le  cbapeau  de  Lép.  saxosa  est  d'abord  hémisphérique  puis  étalé,  avec  disque  méplat,  tout 
couvert  de  larges  écailles  à  sommet  plus  large  et  aplati  sur  le  disque,  et  mucronc  sur  Ja 
marge,  à  base  large,  tomenteuse  et  rayonnante,  par  les  déchirures  de  la  chair  blanche  du 
chapeau,  le  sommet  des  écailles  enfumées,  leur  base  rayonnante  d'un  blanc  satiné.  La 
Chair  épaisse  et  blanche  du  chapeau  devient  d'abord  ?-osc  oa  vineuse  étant  rompue  et  four- 
nit, par  expression,  un  suc  qui  se  teinte  de  même.  (D.  20  c;  ep.  ch.  20  à  25  mm.),  supe 
solide,  fibro-charnu,  un  peu  atténué  en  haut,  mais  à  pewe  subbulbeux  à  la  base,  sa  tête  est 
plongée  dans l'acetabulum,  et  parfaitement  énueléabie;  il  est  longuement  fistulo-médulleux 
jusque  dans  le  bulbe;  sa  surface,  au-dessous  du  collier,  est  nue  lisse,  un  peu  brune;  le 
Collier  membraneux,  étendu  descend  d'abord  un  peu  en  bas,  puis,  se  repliant  sur  lui-même, 
remonte  vers  la  rainure;  il  est  donc  ascendant  et  engainant  le  haut  du  stijpe;  il  est  fixe,  sa 
Chair  est  grisâtre  incarnat  ;  (h.  14  à  15  cent.;  d.  22  mm.).  i.ames  et  lamelles  blanches,  nom- 
bi-euses,  simples,  également  atténuées  aux  deux  extrémités,  se  terminant  en  s'insérant  en  de- 
dans au  collarium  céracé,  tr'es-développé  souvent  creusé  de  petites  vacuoles  qui  sont 
comme  les  racines  des  lames,  odeur  et  saveur  agréables.  Excellent  comestible.  Automne,  le 
long  d'un  mur  ombragé,  aux  environs  de  Montmorency.  R. 

15.  Ltp.  c£P£STiP£s  Sow.  Fr.  et  Bertillon.  cnapeau  d'abord  ovoïde,  puis  campanule  en  c/o- 


LÉPIOTE.  181 

ckelie,  à  peine  charnu,  hlanc,  à  peine  telnlé  d'un  point  roussâtre  sur  le  centre  du  disque  ou 
sur  les  écailles  contuscs  ;  marge  d'abord  un  peu  infléchie  et  substriée  ou  sliiée  ;  suitace 
semée  d'écaillcs  fines,  blanches,  fibrilleuses,  plaies,  réguUèvenient  concentriques,  nom- 
breuses, presque  imbriquées  ;  chair  blanche,  molle  (rayon  du  chapeau  égale  le  diamètre  de 
la  clochette  3c;  épaiss.  de  la  ch.  à  peine  2  mm.).  Stipe  blanc,  long-,  tortueux,  finement 
fistuleux,  atténué  en  haut  ou  il  se  termine  par  une  lête  arrondie,  seulement  adnexée  au 
chapeau  et  facilement  énucléable ;  son  pied  d'abord  tuméfié,  souvent  adné  ou  adnexé  aux 
pieds  voisins  et  à  un  mycélium  abondant;  il  porte  en  haut  un  petit  collier  blanc,  étendu 
ascendant,  mais  dont  le  manchon,  entier  chez  les  jeunes,  se  perd  bientôt  chez  l'adulte,  sur 
le  stipe  dont  la  surface  est  bien  blanche,  unie,  onctueuse,  finement  tomenteuse  au-dessous 
du  collier  long.  8  à  10  c;  d.  moy.  6  à  7  mm.),  lames  et  lamelles  blanches,  nombreuses,  sim- 
ples, larges  en  dehors,  atténuées  en  dedans  où  elles  se  terminent  assez  loin  du  stipe,  sur  un 
hijménophore,  non  céracées,  et  par  suite  sans  collarium  discernable,  mais  laissant  pourtant 
une  large  rainure.  Odeur  et  saveur  très-faibles. 

J'ai  trouvé  en  septembre,  cette  jolie  espèce  qui  a  le  port  et  la  fabrication  des  coprins,  en 
troupe  et  en  touffe  sur  un  vieux  monceau  de  tan  à  Caudebec  (Seine-Infér.),  et  cest  d'après 
ces  échantillons  que  je  l'ai  décrite. 

14.  Lép.  cretaceaBuU.,  pi.  374.  Frie  le  cite  comme  répondant  à  son  Lep.  cepestipes  que  nous 
croyons  identique  à  l'espèce  décrite  ci-dessus  ;  mais  la  figure  de  Bull,  ne  répond  en  aucune 
manière  ni  à  la  description  de  Frie,  ni  à  l'espèce  ci-dessus  décrite  sur  l'échantillon  que  nous 
avons  récoltée  sur  la  tannée  (à  Caudebec),  qui,  comme  celle  de  Frie  a  lechnpeou  compa- 
nulé  et  jamais  étalé  comme  Lep.  cretacea  ;  sans  collarium  appréciable  (Bull,  en  iigure 
un),  toujours  parfaitement  blanc  dans  sa  jeunesse  (Bull,  figure  et  dit  le  sien  d'abord  giis- 
sale  ocracé),  et  le  chapeau  régulièrement  concentriquement  squamuié  et  non  uniformé- 
ment tomenteux  comme  Cretacea;  le  stipe  du  nôtre  est  toi-tueux,  celui  de  Bull,  droit;  enfin, 
le  nôtre  était  presque  inodore  et  non  comme  celui  de  Bull.  «  Très-agréable  au  goût  et  à 
l'odorat.  »  Nous  croyons  donc  que  ce  sont  deux  espèces  diflerentes,  et  qu'il  y  a  lieu  de  laisser 
à  cette  place  l'espèce  de  Bull,  en  attendant  qu'on  la  retrouve  et  qu'on  la  décrive  plus  com- 
plètement. 

15.  Lép.  densifolia  Bertillon.  Sur  le  même  monceau  de  tan,  à  Caudebec,  j'ai  récolté  la 
très-remarquable  et  nouvelle  Lépiote  suivante  :  cbapean,  d'abord  hémisphérique,  est  dans 
le  principe  recouvert  d'un  pruiné  blanchâtre  bientôt  effacé;  il  s'étale,  et  le  disque,  de 
bonne  heure  méplat,  est  enfin  déprimé  ;  entièrement  étendu;  sa  marge  s'est  profondément 
fendue,  de  sorte  que  le  chapeau  est  souvent  découpé  et  rayonné  en  3  «  5  lobes,  sa  surface 
est  unie,  lisse,  tannée  (à  la  fin  fendillée  et  rugueuse)  ou  semblable  ci  du  cuir  tanné  très- 
souple  à  l'aspect  et  au  toucher.  (Une  coupe  suivant  l'axe  montre  ce  corion  dense  et  brun, 
enveloppant  tout  le  champignon,  les  deux  faces  du  chapeau  et  le  stipe ,  à  1  intérieur,  on 
trouve  une  abondante  chair  blanche  médulleuse)  (D.  8  c.;  ép.  ch.  médulleuse  3  à  4mm.). 
siipe,  d'abord  fusiforme,  ventru  au  milieu,  pointu  et  radicant  en  bas,  et  terminé  en  haut 
par  une  lête  arrondie,  d'abord  seulement  adnexée  au  chapeau,  et  chez  les  jeunes,  facile- 
ment énucléable  ;  mais  ensuite  adnée  et  ne  se  séparant  plus  qu'avec  quelques  ruptures.  Le 
stipe  est  alors  long,  cylindrique,  tordu,  égal  ou  un  peu  atténué  en  haut,  tanné,  jwesque 
lisse,  mais  marqué  de  quelques  rangées  dechinures  squameuses,  onduleuses,  plus  distinctes 
chez  les  plus  jeunes  ;  en  haut,  coiiier  membraneux,  débile,  nettement  ascendant.  Son 
pied  atténué  est  en  connexion  avec  un  mycélium  blanc  abondant  (12  à  14  c.;  d.  12  à 
15  mm.).  Le  centre  charnu,  méduleux,  est  très-large  (7  mm.).  Les  Lames  présentent  le 
trait  le  plus  caractéristique  du  champignon  ;  elles  sont  épaisses  et  si  nonbreuscs  que,  chez 
l'adulte,  elles  sont  pressées  les  unes  contre  les  autres  comme  les  feuillets  d'un  livre,  et 
trop  longues,  elle  sont  souvent  ondulées  selon  leur  face;  leur  extrémité  interne  atténuée, 
entièrement  libre,  laisse  une  large  rainure,  tandis  que  leur  bord  libre  est  lisse  et  convexe; 
leur  hauteur  supérieure  à  l'épaisseur  de  la  chair  est  de  5  à  6  mm.,  odeur  très-faible,  sa- 
veur nulle.  En  automne  sur  le  vieux  tan  en  touffe  à  pieds  adnexés. 

16.  Lép.  nadcina  Fr.  chapeau  blanc,  d'abord  hémisphérique,  puis  convexe,  couvert  d'un 
cutis  blanc  ou  blanchâtre  teinté  de  jaune,  drapé  ou  finement  tomenteux  (D.  0  ;\  8  c;  ép.  ch. 
6  à  7  mm.),  supe  égal,  lisse,  se  gonfle  peu  à  peu  en  massue  vers  le  pied  (au  lieu  du  bulbe 
marginé  ou  tout  au  moins  squamulé  des  Amanites).  La  tête  du  stipe  arrondie  est  annexée, 
facilement  énucléable;  le  corps  solide,  fibro-charnu,  fistulo-médulleux;  la  surface  blanche, 
nacrée-fibreuse;  en  haut,  un  petit  coiiier  blanc  plus  épais  sur  ses  bords,  débile,  bientôt 
flottant  et  fugace,  mais  nettement  ascendant.  Lames  blanches,  larges  en  dehors  et  dépassées 
par  le  cutis  œdémateux,  en  dedans  libres,  mais  approchées,  arrondies  et  insérées  par  leur 
pointe  terminale  au  fin  liseret  du  collarium.  odeur  très-faible,  rappelant  quelque  peu  celle 
des  Clipeolaru,  tandis  que  la  saveur  m'a  rappelé  celle  d'Ac.  campestris.  En  automne,  sur  les 
pelouses  inclinées.  R.  Comestible. 

DiAGMosE.  Cette  jolie  Lépiote  ressemble  extrêmement  par  le  port,  la  couleur  et  par  la 


■I8'i  LÉPIOTE. 

construction  à  la  Ac.  cAHrEStnis,  qui  est  une  Lépiote  à  spores  noires,  mais  elle  s'en  distingue 
par  ses  lames  toujours  blanches.  Ce  qui  est  plus  grave,  elle  pourrait  encore  être  confondue 
par  un  novice  avec  Asi.  phalloïde,  variété  blanche,  erreur  qui  peut  coûter  la  vie;  mais  la 
terrible  Amanile  se  distingue  par  son  gros  bulbe  à  bord  marglné  et  portant  les  clébns  de  sa 
volve,  par  un  slipe  dont  la  tête  adnée  au  chapeau  ne  peut  être  ènucléiie,  et  enûn  par  son 
odeur  vireuse. 

47.  Lép.  holosekice.4  Fr.  chapea»  charnu,  mou,  convexe,  planuscule,  obtus,  suh-fihrillcux 
soijeuT,  lisse,  fragile,  blancliàtre  ou  teinté  d'ocracé;  le  disque  mcjilat  et  concolore,  marge 
intléchie  chez  les  jeunes  (D.  7  à  8  c).  st-.pe  plein,  bulbeux  et  muni  de  racines,  mou  et 
fragile,  soyeux-iibrilleux,  blanchâtre,  muni  d'un  anneau  ascendant,  membraneux,  ample, 
flottant  (h.  6  à  10  c;  d.  12  mm.).  Lames  libres,  larges,  convexes,  nombreuses,  d'un  blanc 
jaunâtre,  chair  blanche  et  molle.  Dans  les  bois  humides.  R.  Inodore  et,  selon  Frie,  édule. 

W  SECTION.  Lépiotes  dont  l'anneau  fugace,  squamuleux  et  concolore,  est  sem- 
blable au  tégument  du  cbapeau  et  descendant,  et  par  suite  stipe  guêtre;  tête 
du  stipe  connée  avec  le  cbapeau  et  dès  lors  jamais  énucléable.  CoUarium  nul  et 
par  suite  lames  approcbées,  quelquefois  atteignantes  et  même  adfixées,  mais  ja- 
mais sinuées  ni  décidément  adnées,  car  ce  serait  une  Ac.  armillaria. 

Dans  cette  section,  on  n'a  guère  décrit  jusqu'à  ce  jour  que  des  espèces  très- 
petites,  ocracées,  feiTugineuses,  etc.,  qui  par  leur  petite  taille  écbappent  aux  ap- 
plications de  l'hygiène.  Aussi  nous  les  citerons  très-succinctement. 

18.  Lêp.  fdbnaceus  Lett.  C'est  sans  doute  la  place  d'une  Agaricinée  représentée  (pi.  655), 
mais  non  décrite,  par  le  docteur  Letellier.  Ce  serait  la  plus  grande  Lépiote  de  cette  section. 

19.  Lép.  graxulos^.  Petit  groupe  réunissant  des  formes  assez  nombreuses,  mais  dont  la 
taille  dépasse  rarement  quelques  centimètres  (5  à  5);  leur  nuance  varie  •  rouge-brique, 
canelle,  oci~acé,  etc.  Le  chapeau  et  surtout  son  pourtour  sont  semés  de  granulations  squa- 
meuses, concolores,  caduques,  qui,  concrétées  autour  du  slipe,  forment  son  collier  et  son 
revêtement  inférieur. 

20.  Lép.  parvulenta  Lasch.  chapeaa  plutôt  pruiné  et  à  collier  persistant,  floconneux, 
fibrilleux. 

21.  Lép.  MEsoMORPHA  Bull.,  pi.  506,  fig.  1,  cbapeaa  aiusi  que  le  collier  persistants,  dressés, 
glabres,  lisses. 

Le  mycologue  trouvera  certainement  d'autres  espèces  qui  n'ont  été  ni  décrites 
ni  nommées  par  les  auteurs  :  nous  en  avons  plusieurs  dans  notre  herbier  ;  mais 
pour  ces  êtres  si  polymorphes,  il  ne  faut  pas  se  bâter  d'admettre  comme  espèces 
des  formes  nouvelles.  Nous  en  avons  hasardé  deux  (n°^  12et  15)  qui,  par  leurtaille 
et  leur  type,  nous  ont  paru  ne  pas  permettre  le  doute.  D'ailleurs,  nous  espérons 
que  l'on  trouvera  facilement  la  place  des  espèces  nouvelles  qui  se  présenteront. 

En  résumé,  les  Lépiotes  fournissent  par  leurs  grandes  espèces  (Lép.  procera; 
—  excoriata;  — saxosa; — naucina)  d'excellents  aliments,  et  Lép.  procera, 
par  sa  qualité  très-supérieure,  comme  par  son  abondance  se  place  au  premier 
rang  paririi  les  champignons  alimentaires.  D'un  autre  côté,  si  quelques  espèces, 
par  leur  odeur  forte,  pénétrante  et  désagréable  inspirent  des  doutes  légitimes 
sur  leurs  quahtés  alimentaires,  aucune  preuve  expérimentale  ni  aucune  observa- 
tion ne  sont  encore  venues  les  confirmer.  Bertilloîj. 

LE  PLAl^l  (Eau  mlnérale  de),  athermale,  bicarbonatée  ferrugineuse  faible, 
carbonique  moyenne.  Dans  le  département  de  la  Haute-Garonne,  dans  l'arrondis- 
sement et  à  42  kilomètres  de  Muret,  émerge  la  source  du  Plan.  Son  eau  est  lim- 
pide et  transparente,  mais  elle  laisse  déposer  une  couche  épaisse  de  rouille  ;  elle 
n'a  aucune  odeur;  sa  saveur  est  franchement  ferrugineuse;  sa  température  est 
de  12",!  centigrade;  sa  densité  n'est  pas  connue.  M.  le  professeur  Filhol 
(de  Toulouse)  a  fait  connaître,  en  1858,  son  analyse.  Ce  chimiste  a  trouvé,  dans 
1000  grammes  d'eau,  les  matières  suivantes  ; 


o 


LE  POULINGUEN.  18 

Bicarbonate  de  chaux O.SSS 

—  magnésie 0,013 

Chlorure  de  sodium ■.  •   •      0,033 

—  potassium traces. 

Silice 0,008 

Osyde  de  fer 0,012 

—        manganèse 0,003 

Acide  crénique 0,020 

Arsenic  et  iode traces. 

Total  des  matières  fixes 0,433 

!  Acide  carbonique  libre 61  centimètres  cubes. 
Azote 23  — 

Oxygène 2  — 

Total  DES  gaz 86  centimètres  cubes. 

Le  Plan  n'a  poinl  encore  d'établissement,  mais  sa  source,  découverte  seulement 
en  1852,  est  assez  fréquentée  déjà  pour  qu'on  puisse  prédire  un  avenir  meilleur 
à  ce  poste  minéral.  M.  Filhol  a  constaté  que  l'eau  du  Plan  était  dans  d'excellentes 
conditions  pour  supporter  le  transport;  il  a  vu,  en  effet,  qu'elle  ne  laissait  pas 
déposer,  dans  les  flacons  qui  la  contiennent  depuis  longtemps,  le  fer  qui  la  miné- 
ralisé; aussi  ce  savant  assure-t-il  que  cette  eau  est  dans  les  conditions  de  fixité 
les  plus  favorables  pour  être  utilement  exportée.  A.  Rotureau. 

liE  P05S  ou  PIS©  (Les).  Famille  distinguée  de  Nancy,  et  qui  a  donné  trois 
médecins  à  la  profession. 

Le  Pois  (Nicolas),  naquit  en  1527,  étudia  à  Paris,  sans  cependant  y  prendre 
de  grades,  et  alla  mourir  dans  sa  ville  natale  en  1590,  après  avoir  été  premier 
médecin  de  Charles  HI  de  Lorraine,  et  après  avoir  publié  un  ouvrage  hippo- 
cralique  sous  ce  titre  : 

De  cognoscendis  et  curandis  prœcipue  internis  humani  corpons  morbis  libri  très,  ex  cla- 
rissimorum  medicorum,  tum  veteriim,  tiim  recentiorum,  7nomimcntis ,  non  ita  pridetn 
collecte.  Francof.,  1581),  in-fol. 

Le  Pois  (Antoine),  frère  du  précédent,  né  à  Nancy  en  1525,  mort  en  1580, 
fut  aussi  médecin  du  même  duc  Charles  de  Lorraine;  mais  sa  passion  pour  la  nu- 
mismatique lui  fit  quitter  cette  charge  pour  mener  à  bonne  fin  un  ouvrage  qu'il 
publia  sous  ce  litige  : 

Discours  sur  les  médalles  et  graveures  antiques.  1579,  in-4''. 

Le  Pois  (Charles),  fils  de  Nicolas,  né  à  Nancy  en  1563,  mort  à  Pont-à-Mousson 
en  1655,  docteur  de  la  Faculté  de  Paris  (14  mai  1598)  ;  fondateur  de  l'école  de 
médecine  de  Pont-à-5îousson,  dont  il  fut  le  premier  professeur;  médecin  consultant 
du  duc  de  Lorraine;  fort  érudit,  également  habile  dans  les  langues  anciennes  et 
modernes,  iiistmit  en  mathématiques,  profondément  versé  dans  la  doctrine  des 
anciens  médecins  de  la  Grèce.  On  a  de  lui  : 

I.  Caroli  III  macarisnios,  seu  felicitatis  et  virtutum  egregio  Principe  dignarum  coronœ. 
Nancy,  1609,  in-4''.  —  II.  Sclectiorum  observationum  et  consiliorum  de  prœtcritis  liactenus 
morbis,  etc.  Pojit-à-Mousson ,  1608,  in-4°. — III.  Physicum  cometœ  spéculum.  Pont-ù- 
Mousson,  1619,  in-S».  —  iV.  Discours  de  la  nature,  causes  et  remèdes...  des  maladies 
populaires., .  Pont-ii-Mousson,  1623,  in-12.  A.  C. 

LE  POïJLîî^CitiEM  (Station  narine)  ,  dans  le  département  de  la  Loire-Inférieure, 
dans  l'arrondisjement  de  Savenay  et  à  o5  Idiomètres  de  la  ville  de  ce  nom  (chemin 
de  fer  de  Paris  à  Nantes),  est  une  station  marine  fréquentée  surtout  par  les  bai- 


184  LÈPRE. 

giieurs  des  environs.  Sa  plage,  large  et  unie,  se  prêterait  facilement  à  une  instal- 
lation complète  et  permettrait  aux  bains  de  mer  de  Le  Poulinguen  d'acquérir  promp  ■ 
tement  une  importance  qu'ils  n'ont  pas  aujourd'hui.  A.  R. 

liËPRE.  Nous  n'avons  point  à  faire  ici  l'histoire  de  la  maladie  qui  a  été  vul- 
gairement désignée  sous  le  nom  de  Lèpre  depuis  le  moyen  âge,  cette  question  sera 
traitée  à  propos  des  Eléphaistiasis.  Nous  avons  seulement  à  examiner  les  acceptions 
diverses  que  ce  mot  a  reçues  aux  différentes  époques.  Disons  d'abord  que  la  plu- 
part des  grammairiens,  à  partir  de  Julius  Pollux  {Onomast.,  IV,  25.  Amstel. 
1706,  t.  I,  p.  466,  in-fol.),  s'accordent  pour  faire  venir  le  mot  lèpre  de  Xercîç, 
écaille.  Nous  verrons  plus  bas,  en  effet,  que  malgré  des  dissidences  dans  les  des- 
criptions, tous  les  auteurs,  jusqu'au  moyen  âge,  mentionnent  la  production 
d'écaillés  parmi  les  symptômes  de  la  lèpre. 

Il  est  question  de  la  lèpre  {liirp-n)  ou  des  lèpres  [lénpxi)  au  pluriel,  comme  si, 
suivant  la  remarque  de  Lorry,  l'auteur  voulait  parler  d'un  genre  de  maladies 
plutôt  que  d'une  maladie  en  particulier,  dans  les  œuvres  hippocratiques.  Ainsi, 
dans  les  Aphorismes,  il  est  dit  que  les  lèpres  se  montrent  au  printemps  (Sect.  III, 
a,  20);  qu'elles  peuvent  faire  dépôt  ainsi  que  les  desquammations,  les  alphos,  etc. 
(Epid.  II,  7.)  L'auteur  du  livre  V  des  Épidémies  parle  d'un  individu  dont  la 
peau  était  épaisse  au  point  de  ne  pouvoir  être  pincée,  et  prurigineuse  comme 
dans  la  lèpre  (V,  9).  Dans  le  Traité  des  affections  on  lit  :  La  lèpre,  le  prurit,  la 
psore,  le  lichen,  l'alphos,  l'alopécie,  proviennent  du  phlegme;  ce  sont  plutôt  des 
difformités  que  des  maladies.  {De  affect.  35.)  Dans  les  Prorrhétiques,  c'est 
autre  chose  ;  d'abord,  l'auteur  fait  de  la  lèpre  une  maladie  du  genre  atrabilaire  : 
«  Les  lichens,  les  lèpres,  les  leucé,  dit-il,  chez  ceux  à  qui  quelqu'une  de  ces 
affections  est  venue  dans  la  jeunesse  ou  dans  l'enfance,  ou  sur  qui,  apparaissant, 
elle  s'accroît  peu  à  peu  en  beaucoup  de  temps,  il  faut  regarder  cet  exanthème  non 
comme  une  apostase,  mais  comme  une  maladie;  ce  serait,  au  contraire  une 
apostase  dans  le  cas  où  quelqu'une  de  ces  maladies  se  produirait  en  quantité  et 
soudainement.  »  {Prorrli.  II,  45,  trad.  de  Littré.)  Enfin  il  est  question  dans  les 
Épidémies  d'un  homme  affecté  de  lèpre  a  la  vessie.  {Epid.  voy.  n°  il.)  Tout 
cela,  on  le  voit,  est  très-vague,  contradictoire,  et  ne  semble  nullement  se  rap- 
porter à  la  terrible  maladie  que  nous  connaissons  sous  ce  nom. 

Si  maintenant  nous  passons  du  père  delà  médecine  au  père  de  l'histoire,  à  Hé- 
rodote, plus  âgé  qu'Hippocrate  d'environ  25  ans,  nous  verrons  que,  dans  le  langage 
usuel,  le  mot  lèpre  était  déjà  employé,  comme  il  l'a  été  au  moyen  âge  pour  dési- 
gner une  maladie  cutanée  des  plus  graves,  réputée  contagieuse  et  qui  exige 
l'isolement  de  ceux  qui  en  sont  affectés.  En  Perse,  dit-il,  «  si  quelque  citoyen  vient 
à  être  affecté  de  lèpre  ou  de  leucé,  il  ne  lui  est  pas  permis  de  rester  dans  la  ville, 
ni  d'avoir  de  relation  avec  les  autres  Perses.  »  (I,  158.)  Il  me  paraît  évident  que 
Hérodote,  qui  avait  voyagé  en  Asie,  avait  rencontré  l'affection  endémique  dans  ces 
contrées,  mentionnée  par  Moïse  sous  le  nom  de  Tsarâth,  si  bien  décrite  par 
Ârétée  sous  le  nom  d'Èléphantiasis,  et  qu'il  y  avait  appliqué  le  nom  de  Lèpre. 
[Voy.  Élp>phai\tiasis.) 

Il  est  donc  certain  que,  dès  l'antiquité,  le  mot  qui  nous  occupe  était  très-usité 
et  servait  aux  médecins  grecs  à  désigner  une  maladie  squameuse  ;  ajoutons 
que,  suivant  la  remarque  de  R.  Etienne,  plusieurs  villes  en  Grèce  portaient  le 
nom  de  Leprseon  (Achaïe  et  Arcadie,  Pline  IV,  5,  6),  parce  que,  suppose-t-il,  ces 
ocalités  possédaient  des  eaux  minérales  favorables  au  traitement  de  la  lèpre. 


LÈPRE.  185 

Arrivant  à  l'ère  chrétienne,  nous  remarquerons  d'abord  que  Celse  ne  mentionne 
pas  ce  nom,  quoiqu'il  décrive  manifestement  la  maladie  parmi  les  variétés  de  l'im- 
pétigo (lib.  V,  c.  28,  n"  17);  ce  sont  toujours  les  Grecs  qui  vont  nous  fournir  des 
documents  sans  éclairer  beaucoup  la  question. 

Ârchigènes,  cité  par  Aétius,  procédant  par  voie  de  différence,  essayede  nous  dire 
ce  que  c'est  que  la  lèpre,  en  la  mettant  enpnrallèle  avec  quelques  autres  affections 
de  la  peau.  La  lèpre  diffère  de  l'alphos  et  de  la  leucé  eu  ce  qu'elle  est  rude  au 
toucher  et  prurigineuse  ;  en  etfet,  dit-il,  dans  cette  maladie  la  peau  seule  est 
affectée,  et  si  elle  vient  à  s'excorier  les  parties  sous-jaceiites  apparaissent  saines; 
dans  la  leucé,  au  contraire,  les  tissus  sous-cutanés  sont  transformés  et  blancs,  la 
surface  est  lisse,  et,  frottée,  elle  rougit  surtout  si  la  maladie  doit  guérir.  L'alphos 
adhère  à  la  surface  de  la  peau  et  s'y  applique  comme  une  écaille.  La  lèpre  dif- 
fère de  la  i)sore  en  ce  que,  dans  celle-ci,  la  peau  est  couverte  de  furfures  et 
que  dans  la  première  ce  sont  des  écailles  semblables  à  celles  des  grands  pois- 
sons. Enfin  la  psore  diffère  du  lichen  sauvage  [agrius],  parce  que  le  lichen 
s'étend  par  cercles  vers  les  parties  voisines,  ce  que  ne  fait  pas  la  lèpre.  (Aétius 
Tetr., IV,  Semo.  I,  c.  133.) 

Galien,  suivant  sa  trop  fréquente  habitude,  s'occupe  surtout  de  la  théorie  de 
la  lèpre  qu'il  va  fixer  pour  des  siècles.  Galien  déclare  que  la  lèpre  est  causée  par 
l'atrabile,  et  désormais  quelle  que  soit  la  maladie  que  l'on  décrive  sous  le  nom  de 
lèpre,  il  est  entendu  qu'elle  est  de  nature  atrabilaire.  Quant  à  ce  que  Gahen 
désigne  par  le  mot  lèpre,  c'est  une  affection  avec  rugosités,  écailles  et  prurit  qui 
modifie  la  constitution  normale  de  la  peau.  Si  nous  joignons  à  ces  auteurs  Paul 
d'Egine,  nous  verrons  qu'il  n'ajoute  pas  grand'chose  à  ces  vagues  notions  qu'il 
rend  au  contraire  plus  incertaines  encore  quand  il  dit,  contrairement  à  Archigènes, 
que  la  lèpre  ronge  plus  profondément  la  peau  que  la  psore  et  s'étend  par  cercles 
en  rejettant  de  grandes  écailles. 

Est-il  possible  au  milieu  de  ce  chaos,  de  saisir  quelque  chose  de  net  et  de 
précis?  Willan  et  ses  adeptes  ont  voulu  voir  dans  les  descriptions  données  par  les 
Grecs,  la  variété  particuhère  du  psoriasis  qui  forme  des  anneaux  squameux,  et 
qu'ils  ont  appelée  Lepra  vulgaris.  Le  fait  est  qu'en  raison  de  la  diversité  et  sur- 
tout de  la  brièveté  de  ces  descriptions,  il  est  impossible  d'assigner  une  place  pré- 
cise à  la  lèpre  dans  la  nosologie  dermatologique,  surtout  en  considérant  que  ce 
n'est  pas  seulement  dans  le  psoriasis,  mais  encore  dans  l'eczéma,  dans  le  pemphigus 
chronique,  etc.,  que  l'on  observe  des  écailles  et  de  grandes  écailles. 

Nous  voici  arrives  au  moyen  âge.  Ici  l'acception  du  mot  change  entièrement; 
il  prend  le  sens  que  lui  donnait  Hérodote,  et  tous  les  auteurs  vont  désigner  ainsi  l'Élé^ 
phantiasis,  maladie  avec  laquelle  les  médecins  de  l'antiquité  n'avaient  pas  semblé 
croire  qu'on  put  confondre  la  lèpre,  puisqu'ils  comparent  seulement  celle-ci  à  la 
leucé,  mais  surtout  à  la  psore  et  aux  lichens,  qui  sont  très-manifestement  des 
dartres.  Les  traducteurs  des  Arabes  rendent  par  le  mot  Lepra  ce  que  leurs  auteurs 
disent  de  l'Éléphantiasis,  et  Constantin,  l'Africain,  tout  le  premier,  emploie  le 
même  mot  comme  générique  et  décrit,  sous  cette  rubrique,  les  différentes  variétés 
admises  par  les  Grecs  entre  les  différentes  formes  de  la  maladie  tyrienne.  (De 
Morh.  cognit.,  VU,  17.)  Les  auteurs  les  plus  célèbres  de  cette  période,  Jean  Pla- 
iesLiius  [Practicabrevis,  de  œgrlt.  cutis,  c.  2),  Gilbert  l'Anglais  {Compend.  liv. 
VU),  Bernard  de  Gordon  (partie  I,  c.  22),  Guy  de  Chauliac  (tr.  Vï,  doctr.  I, 
c.  2),  etc.,  etc.,  suivent  les  mêmes  errements.  Nous  devons  cependant  faire  une 
exception  pour  Jean,  dit  Actuarius,  un  Grec  du  Bas-Empire,  il  est  vrai,  qui  tient 


186  LÈPRE  KABYLE, 

pour  les  anciennes  appellations  et  adopte  les  définitions  de  ses  ancêtres  scienti- 
fiques. (Meth.  nied.,  fl,  11.)  Il  établit  une  sorte  de  hiérarchie  solidaire  entre  les 
différentes  maladies  de  la  peau.  Ainsi,  pour  lui,  la  lèpre  est  moins  grave  que  l'élé- 
phantiasisja  psore  moins  grave  que  la  lèpre  et  le  lichen  moins  que  la  psore  ;  mais 
le  lichen  néghgé  peut  se  transformer  en  psore,  puis  en  lèpre;  il  ne  va  pas  au 
delà;  l'éléphantiasis  reste  à  part. 

Pour  terminer,  disons  que  ce  mot  lèpre  a  été  appliqué  pour  désigner  certaines 
maladies  graves  de  la  peau,  tel  que  le  mal  de  la  rose  (  Voy.  Pellagre)  ;  l'éléphan- 
tiasis des  Arabes,  etc.  Enfin,  pour  quelques  auteurs  du  seizième  siècle,  la  syphilis 
n'était  qu'une  dégénérescence,  une  modification  de  la  lèpre.  {Voy.  Syphilis.) 

Tout  ce  qui  regarde  l'historique  de  la  lèpre  ou  ladrerie,  les  règlements,  les 
fondations  diverses  auxquelles  cette  maladie  a  donné  lieu,  la  bibliographie,  etc. 
tout  cela  doit  être  renvoyé  au  mot  Éléphantiasis.  E.  Bgd, 

LÈPRE  KABYLE.  Dénomination  adoptée  par  M.  le  docteur  Arnould  {Re- 
cueil des  mémoires  de  méd.,  de  chir.  et  de  pharm,  milii.,  année  1862,  p.  538), 
pour  exprimer  la  fréquence  et  la  gravité  d'une  syphilide  ulcéreuse  mahgne,  parti- 
culière aux  populations  berbères  du  Djurdjura  et  des  oasis,  et  les  analogies  qui  la 
rapprochent  des  épidémies  de  syphihs  du  moyen  âge,  confondues,  avant  Frescator 
et  Fallope,  avec  la  lèpre  tuberculeuse  des  Grecs. 

Loin  d'étabhr  l'existence  de  la  lèpre  en  Algérie,  le  travail  de  M.  Je  docteur  Ar- 
nould permet  d'attribuer  les  quelques  cas  qui  en  ont  été  indiqués  antérieurement 
par  M.  Deleau  et  M.  E.  Berlherand  soit  à  la  syphilis,  soit  au  Mycosis  fungoïde  d'Ali- 
bert,  et  d'affirmer  que  l'affection  suffisamment  déterminée  par  les  travaux  de  Boech 
et  Danielsen  n'existe  pas  en  l'Algérie.  En  effet,  la  lèpre  kabyle  a  tous  les  caractères 
des  syphihdes  :  généralité  de  l'éruption,  absence  de  prurit  et  de  douleur,  teinte 
spéciale,  cicatrices  indélébiles,  coïncidence  d'accidents  secondaires,  efficacité  du 
traitement  spécifique.  Si  elle  débute  comme  la  lèpre  par  des  lésions  anatoniiques 
communes  aux  différentes  manifestations  des  maladies  cutanées,  son  processus 
aboutit  toujours  à  des  ulcérations  serpigineuses,  et  jamais  aux  lésions  spéciales 
de  la  lèpre  :  les  macules,  les  tubercules,  les  tumeurs  et  les  plaques  fongoïdes 
constituées  par  une  matière  spéciale.  La  lèpre  kabyle  ne  présente  jamais  les  modi- 
fications de  sensibilité  tantôt  exagérée,  tantôt  aboUe,  particuhères  à  la  lèpre 
tuberculeuse. 

M.  Arnould  rapporte  la  description  de  la  maladie  aux  deux  formes  sui- 
vantes : 

«  Première  forme.  L'affection,  au  début,  se  présente  avec  un  type  assez  net 
et  qu'on  peut  en  général  rattacher  à  une  classe  et  même  à  un  genre  de  la  nomen- 
clature dite  anatomique.  Il  apparaît  un  groupe  de  petites  élevures  ou  papules  ayant, 
en  moyenne,  le  volume  d'une  tète  d'épingle,  iî  sommet  arrondi  plutôt  qu'acuminé, 
à  bases  tellement  rapprochées  qu'elles  donnent  à  l'aspect  du  tégument  qu'elles 
occupent  un  relief  total  de  1  à  2  millimètres,  à  surface  très-légèrement  mame- 
lonnée ou  framboisée.  Ces  saillies  paraissent  pleines  et  sont  d'un  rouge  paie  qui, 
avec  le  temps,  prend  successivement  des  teintes  plus  foncées.  Quelques-unes,  plus 
claires  en  couleur,  ont  une  transparence  analogue  à  celle  de  l'ambre  et  le  sommet 
acurainé;  on  dirait  presque  de  l'herpès. 

«  Le  groupe  forme  toujours  une  tache  circulaire  qui,  à  l'origine,  peut  ne  pas 
avoir  un  diamètre  plus  grand  que  celui  d'une  pièce  de  20  centimes.  La  tache  est 
complètement  occupée  par  des  élevures;  ou  bien,  et  dans  ce  cas  elle  est  plus 


LÈPRE  KABYLE,  187 

grande  que  je  ne  viens  de  le  dire,  les  élevures  forment  une  petite  couronne  au- 
tour d'un  espace  sain,  très-restreint,  qui  se  retrouvera  encore  tel,  chose  bizarre, 
après  que  les  parties  environnantes  auront  subi  les  plus  affreux  ravages. 

((  Dans  d'autres  cas,  le  soulèvement  morbide  initial  de  l'épiderme  a  des  pro- 
portions plus  considérables  ;  il  arrive  aux  dimensions  de  l'impétigo  :  on  voit  de 
vraies  pustules  à  contenu  liquide  encore,  ou  plus  souvent  déjà  concret,  reposant 
sur  une  base  qui  forme  une  masse  sobde,  légèrement  élevée  au-dessus  du  niveau 
tégumentaire.  Mais  alors  les  élevures  perdent  en  nombre  ce  qu'elles  ont  acquis  en 
volume.  On  peut  très-bien  compter  les  pustules  formant  les  taches  isolées;  elles 
ne  sont  pas,  quelquefois,  plus  de  huit  ou  dix,  tandis  que  les  saillies  papuleuses 
ou  vésiculeuses  sont  innombrables,  même  dans  une  très-petite  plaque  de  lèpre. 

«  Enfin  nous  avons  eu  des  malades  chez  lesquels  on  ne  pouvait  saisir  la  forme 
initiale  qu'à  l'état  de  taches  plus  ou  moins  grandes,  à  saillie  partaitement  uniforme 
et  très-légère,  à  coloration  rouge  brun,  et  recouvertes  d'une  fine  desquamation 
qui  leur  donnait  de  la  ressemblance  avec  certains  psoriasis. 

«  La  forme  du  début  est  extrêmement  variable  ;  mais,  ce  qu'elle  a  de  spécial, 
c'est  la  disposition  en  cercle  des  efflorescences,  disposition  que  révèlent  les  pre- 
mières manifestations  morbides  les  plus  limitées  et  que  l'on  retrouve  encore 
lorsque  le  mal  accompht  les  plus  vastes  dégâts... 

«  Une  particularité  non  moins  constante,  c'est  la  coloration  rouge  violet  ou 
rouge  brun,,. 

«  11  est  des  malades  chez  qui  l'altération  tégumentaire  ne  va  pas  plus  loin  en 
profondeur;  elle  est  entièrement  constituée  par  des  taches  de  toutes  dimensions 
jusqu'à  celles  de  deux  ou  trois  fois  la  largeur  de  la  main,  situées  presque  exclusi- 
vement à  la  face  postérieure  du  tronc  et  externe  des  membres.  La  couleur  rouge 
y  est  très-prononcée  ;  à  la  surface  on  reconnaît  des  squames  très-fmes  au  centre, 
très-larges  à  la  périphérie. 

«  Deuxième  forme.  La  forme  ulcéreuse  n'apparaît  jamais  primitivement;  elle 
ne  fait  que  succéder  à  la  première  d'une  façon  plus  ou  moins  brusque... 

«  Tantôt  l'ulcération  apparaît  dans  un  point  d'une  de  ces  taches  rouges  à  mince 
épidémie.  Dans  d'autres  cas,  l'ulcération  succède  à  l'apparition  de  pustules  ana- 
logues à  celles  de  l'ecthyma... 

«  L'aspect  habituel  le  plus  fréquent  de  la  lèpre  kabyle  est  celui  de  la  syphilide 
tuberculeuse  crustacée.  Détachées  violemment,  les  croûtes  laissent  à  nu  une  sur^» 
face  saignante... 

«  L'ulcère  est  rarement  profond  :  il  est  rosé,  bourgeonnant... 
«  Les  cicatrices  sont  tantôt  en  creux,  anfractueuses,  ou  en  relief  de  4  ou  5  mil^ 
limètrès,  à  surface  ondulée. 

«  C'est  principalement  à  la  partie  postérieure  du  tronc,  à  la  face  externe  des 
membres  que  siège  la  maladie.  Le  coude,  l'épaule,  les  hanches  en  sont  les  lieux 
d'élection. 

«  Sa  durée  est  longue  et  indéterminée.  Sans  douleur  ni  prurit,  elle  s'accom- 
pagne presque  toujours,  quand  elle  est  confirmée,  d'un  état  général  fâcheux, 
d'embarras  des  voies  digestives,  d'amaigrissement,  de  pâleur  ou  de  ces  teintes  de 
cachexie  qu'on  retrouve  dans  des  maladies  en  apparence  plus  graves. 

«  La  fréquence  de  la  lèpre  kabyle,  très-commune  dans  les  oasis  du  Sud,  a  été 
surtout  déterminée  par  les  chiffres  fournis  par  l'hôpital  de  Delly.  Sur  425  ma- 
lades indigènes,  M.  le  docteur  Vincent  {Exposé  clinique  des  maladies  des  Ka- 
byles, Paris,  1862)  a  compté  188  cas  de  syphilis  et  %  de  sypliiiides  malignes    » 


188  LE  PRESE  (eau  MiNÉRAiE  de). 

Rare  chez  les  gens  aisés,  le  mal  pèse  surtout  sur  le  pauvre  fellah,  couvert  d'un 
burnous  immonde  de  malpropreté  et  de  vétusté,  et  placé  dans  les  plus  tristes  con- 
ditions d'habitation  et  d'alimentation.  Tous  les  âges  en  sont  également  tribu- 
taires, excepté  les  six  premiers  mois  de  la  vie,  pendant  lesquels  appai^aît  géné- 
ralement la  syphilis  héréditaire.  Il  est  donc  logique  d'exclure  l'hérédité  comme 
point  de  départ,  et  d'attribuer  le  développement  du  mal,  tantôt  à  une  infection 
par  des  accidents  primitifs  dont  les  traces  sont  manifestes,  tantôt  et  le  plus  sou- 
vent à  la  transmission  d'accidents  secondaires  au  milieu  de  populations  vivant 
dans  une  promiscuité  misérable,  la  dépravation  et  l'ignorance  {s'i^philis  in\ 
sontium). 

C'est  en  effet  dans  ce  milieu  de  conditions  favorables  à  sa  perpétuité  que  la 
syphihs  constitue  en  Algérie  un  foyer  endémo-épidémique  semblable  à  ceux  qui 
ont  été  signalés  en  Illyrie,  sur  les  côtes  de  1  Adriatique,  dans  les  provinces  occi- 
dentales de  l'Ecosse,  dans  les  pays  Scandinaves,  les  côtes  occidentales  d'Afrique, 
aux  Antilles  et  dans  l'Amérique  du  Sud.  Si  le  nom  de  lèpre  kabyle  doit  aller  se 
perdre  dans  l'histoire  de  la  syphilis,  comme  ceux  de  Scherhevo,  de  Falcadine,  de 
Sibbens,  de  Radesyge,  il  pourra  figurer  à  côté  du  yaws  des  Antilles  et  du  bouton 
d'Amboine  dans  l'étude  des  modifications  que  le  climat  peut  imprimer  aux  formes 
de  la  maladie;  s'il  est  destiné  à  disparaître,  le  nom  de  lèpre  kabyle  suggère  pour 
le  moment  un  rapprochement  naturel  :  les  Berbères,  commerçants,  industriels, 
horticulteurs,  agglomérés  dans  des  villes  et  des  villages,  habitant  des  maisons 
basses,  insalubres,  mal  aérées,  reproduisent  par  leur  vie  sociale,  leur  malpro- 
preté, leurs  maladies,  les  mœurs  du  moyen  âge.  Mais,  tandis  qu'en  Europe,  le 
christianisme  et  le  génie  patient  des  peuples  du  Nord  refoulaient  dans  le  passé 
les  grandes  épidémies  des  maladies  de  la  peau,  en  multiphant  à  l'infini  les 
léproseries,  en  introduisant  l'usage  du  linge  de  corps  et  le  luxe  de  la  propreté; 
l'invasion  arabe  immobilisait  en  Algérie  la  civilisation  berbère,  et  aggravait  le 
mal  en  substituant  à  l'idée  chrétienne  le  dogme  de  la  fatalité  et  la  tolérance 
pour  la  dépravation  des  mœurs.  Laveran. 

LÉPROSERIES».     Yoy.  Éléphantusis. 

liE  PRESE  (Eau  minérale  et  cure  de  petit-lait  de)  ,  athermale,  amétal- 
lite,  carbonique  et  sulfureuse  faible,  en  Suisse,  dans  le  canton  des  Grisons,  à 
3  kilomètres  de  Poschiavo  sur  la  rive  septentrionale  du  joU  lac  de  ce  nom,  ali- 
menté par  le  ruisseau  le  Poschiavino  et  par  les  cascades  qui  tombent  des  glaciers 
voisins,  est  au  fond  d'une  vallée  circonscrite  par  une  diaîne  de  montagnes,  qui 
s'étend  de  la  ville  de  Poschiavo  à  Le  Prese.  (Chemin  de  fer  de  Paris  à  Chur  (Coire) 
d'où  la  nouvelle  route  de  Samaden  et  de  la  Bernina  conduit  à  Le  Prese.  On  peut 
aller  aussi  par  le  chemin  de  fer  de  Paris  à  Turin  d'où  une  voiture  conduit  en 
vingt-quatre  heures  à  Le  Prese.)  Le  Prese  est  à  962  mètres  au-dessus  du  niveau 
de  la  mer  ;  la  chaleur,  quoique  assez  variable,  y  est  cependant  beaucoup  plus  égale 
et  beaucoup  plus  douce  qu'aux  autres  stations  minérales  du  voisinage  {voy. 
Saist-Moriz,  BoRMio  et  Tarasp)  ;  le  thermomètre  indique,  eu  effet,  17°  centi- 
grade, comme  température  moyenne  des  mois  de  la  saison,  qui  commence 
le  20  juin  et  finit  le  15  septembre.  La  proximité  du  lac,  des  pics  recouverts  de 
neige,  au  lieu  de  produire  de  la  pluie  et  des  brouillards,  comme  on  aurait  pu 
le  craindre,  entretient  la  pureté  de  l'air  qui  est  rarement  humide.  Le  climat 
doux  et  relativement  assez   chaud  fait  cfue  l'établissement  de  Le  Prese  est  fré- 


LE  PRESE   (eau  minérale  de).  189 

quenté  non-sèuiêmcnt  par  des  buveurs  et  des  baigneurs,  mais  par  presque  tous 
les  touristes  qui  visitent  l'Engadine  et  la  Valteline. 

La  station  de  Le  Prese  n'a  qu'une  source,  qui  se  nomme  la  sorgente  Caddea 
(la  source  Caddea),  son  origine  est  à  50  mètres  du  bâtiment  principal  qui 
sert  à  l'administration  des  bains  et  au  logement  des  malades,  et  à  10  mètres  du 
mur  qui  limite  au  nord  le  lac  de  Poschiavo.  Son  bassin  de  captage,  en  granit, 
est  carré.  Un  conduit  de  bois  vient  aboutir  au-dessous  du  niveau  de  l'eau,  et 
emporte  au  grand  établissement  l'eau  nécessaire  pour  l'alimentation  des  baignoires 
et  des  appareils  de  doucbes.  L'ouverture  d'un  deuxième  tuyau,  incomplètement 
fermée,  ne  laisse  passer  que  la  quantité  d'eau  convenable  pour  l'alimentation  des 
deux  buvettes. 

L'eau  minérale,  vue  en  masse,  est  assez  claire  et  assez  limpide  pour  permettre 
de  distinguer  aisément  la  couleur  du  sable  du  fond  de  son  puits,  et  des  corpus- 
cules nombreux,  semblables  à  des  mucosités  blanchâtres,  qui  sont  suspendues  ou 
surnagent  dans  le  bassin.  Ces  corps  étrangers  ont  tout  à  fait  l'aspect  de  la  baré- 
gine,  dont  ils  n'ont  pourtant  ni  la  douceur  ni  l'onctuosité.  Lorsqu'on  entre  dans 
le  pavillon,  l'odorat  ne  renseigne  'aucunement  sur  la  quabté  de  la  source,  même 
lorsqu'on  a  eu  la  précaution  de  fermer  la  porte  et  de  découvrir  le  puits,  afin  de 
mettre  l'eau  en  contact  plus  direct  et  plus  facile  avec  l'air  atmosphérique.  Cette 
eau,  dont  la  surface  n'est  qu'à  10  centimètres  du  bord  du  bassin,  puisée  dans  un 
verre  est  claire,  hmpide  et  transparente,  elle  laisse  distinguer  cependant  les  frag- 
ments très-petits,  qu'elle  tient  en  suspension  ;  des  bulles  de  gaz  peu  volumineuses 
la  traversent  et  mettent  dix  secondes  à  gagner  sa  surface  ;  elle  n'a  nulle  odeur 
hépatique,  mais  sa  saveur  l'est  très-manifestement  ;  elle  est  plus  prononcée  que 
celle  de  la  plupart  des  sources  sulfureuses  et  sulfurées.  Sa  réaction  est  neutre; 
sa  température  est  de  8°, 2  centigrade,  celle  de  l'atmosphère  du  pavillon  étant  de 
14°, 2  centigrade;  sa  densité  est  de  1,0003.  L'analyse  chimique  de  l'eau  de  la 
source  Caddea  a  été  faite  en  1855,  par  M.  le  docteur  Witlstein  (de  Monaco),  qui  a 
trouvé  sur  1000  grammes  les  prmcipes  suivants  : 

Sulfate  de  potasse 0,0758 

—  souile 0,0230 

—  ammoniaque 0,0090 

—  chaux 0,0650 

Chlorure  de  calcium 0,0045 

Phosphate  de  chaux 0,0038 

Sous-sulfate  de  chaux 0,0084 

—  magnésie 0,0568 

Bicarbonate  de  magnésie 0,0093 

—  oxyde  de  fer  .   . 0,0065 

Acide  silicique 0,0260 

Matière  organique 0,0290 

Total  des  matières  fixes 0,5173 


Gaz.  {  **=!^' 


Acide  carbonique  libre 0,0140  gramme. 

sulfhydrique 0,0070        — 

Total  des  gaz 0,0210  gramme. 


Les  moyens  balnéothérapiques  de  la  station  de  Le  Prese  se  composent  de  deux 
buvettes  et  d'une  maison  de  bains. 

L'eau  de  la  buvette  des  payants  a  les  mêmes  caractères  qu'au  griffon,  sauf 
qu'elle  contient  une  moins  grande  quantité  de  flocons  gris-blanchàtres  ;  l'eau  de 
la  seconde  buvette  a  une  odeur  désagréable,  à  peiue  supportable  même,  qui  a 
a  beaucoup  d'analogie  avec  celle  des  fèces  humaines,  ce  qui  prouve  certainement 


190  LE  PRESE   (eau  minérale  de). 

la  décomposition  au  contact  de  l'air  du  sulfate  d'ammoniaque  qu'elle  tient  en 
dissolution. 

L'établissement  de  Le  Prese,  de  construction  récente  et  parfaitement  approprié 
à  sa  destination,  a  onze  cabinets  de  bains  non  précédés  de  vestiaires.  Les  salles 
éclairées  par  une  fenêtre  renferment  quinze  baignoires  de  marbre.  La  pièce  qui 
porte  le  n"  1  a  une  baignoire  surmontée  d'un  appareil  complet  de  douches, 
dont  l'eau  vient  d'un  bassin  de  bois  doublé  de  zinc,  fixé  à  3  mètres  de  hauteur. 
Les  pièces  n^^  2,  4,  8  et  10,  ont  des  baignoires  doubles.  Les  canaux  de  bois  qui 
apportent  l'eau  sulfureuse  du  griffon  sont  remplacés,  à  leur  entrée  dans  les 
cabinets,  par  des  tuyaux  de  plomb  de  3  centimètres  de  diamètre  ;  ds  se  terminent 
par  un  robinet  de  cuivre,  placé  au  fond  des  baignoires.  Un  canal  rempli  de  va- 
peur, auquel  aboutissent  deux  tuyaux  de  cuivre  qui  la  descendent  au  fond  de  la 
baignoire,  et  qui  la  conduisent  autour  de  ses  parois  internes,  sert  au  besoin  à 
élever  la  température  des  bains,  suivant  les  prescriptions  médicales  ou  le  désir 
des  baigneurs. 

Mode  d'adjiiinistratioîj  et  doses.  L'eau  de  la  source  de  Le  Prese,  se  prend 
à  la  dose  de  quatre  à  six  verres  de  150  grammes  chacun,  le  matin  à  jeun 
et  de  quart  d'heure  en  quart  d'heure.  La  durée  des  bains  est  ordinairement 
de  vingt  minutes  à  une  demi-heure,  celle  des  douches  est  de  cinq  à  quinze  mi- 
nutes . 

11  faut  avoir  soin,  au  début  de  la  cure  par  l'eau  de  Le  Prese  en  boisson,  de  ne 
pas  donner  de  trop  fortes  doses,  car  elle  est  très-excitante,  et  déterminerait  un 
mouvement  fébrile  et  une  exaltation  générale,  qui  pourraient  forcer  d'interrom- 
pre le  traitement.  Les  sujets  à  tempérament  irritable  font  donc  bien  de  n'en 
boire  qu'un  demi-verre  ou  un  verre  pendant  les  premiers  jours,  afin  de  s'habi- 
tuer progressivement  à  l'effet  des  eaux  de  la  source  Caddea  ;  il  est  bon  même 
quelquefois  de  ne  pas  prendre  cette  eau  pure,  et  de  la  couper  avec  une  certaine 
quantité  de  lait,  d'une  infusion  émoUiente,  et  de  l'édulcorer  avec  un  sirop  bé- 
chique. 

Emploi  thérapeutique.  L'eau  de  Le  Prese  est  aisément  supportée,  lorsque  son 
emploi  interne  et  exteriie  est  sagement  dirigé  ;  voici  quels  sont  les  effets  physio- 
logiques qu'elle  produit  le  jjIus  habituellement.  La  constipation  manque  le  moins 
souvent,  ce  dont  les  buveurs  doivent  être  prévenus  ;  on  doit  les  avertir  aussi 
que  cet  état  ne  continue  pas,  et  qu'api^ès  les  cinq  ou  six  premiers  jours,  les  selles 
redeviennent  régulières.  L'appétit  augmente  alors  et  les  digestions  se  font  mieux 
et  plus  promptement.  L'usage  interne  des  eaux  de  la  source  Caddea  rend  plus 
fréquents  les  battements  du  cœur  et  du  pouls,  il  active  la  sécrétion  urinaire  et  il 
augmente  la  transpiration  cutanée.  Les  personnes  qui  sont  atteintes  d'un  catarrhe 
laryngien  ou  bronchique  expectorent  avec  beaucoup  plus  de  facdité,  et  leurs 
crachats  changent  de  couleur  ;  de  jaunes,  ils  deviennent  verdâtres  ;  de  compactes, 
ils  deviennent  opahns  ou  tout  à  fait  muqueux. 

L'administration  des  bains  et  des  douches  n'a  pas  un  résultat  très-marqué  sur 
l'homme  sain,  ainsi  que  nous  l'avons  constaté  en  nous  mettant  pendant  urio 
demi-heure  dans  l'eau  de  Le  Prese  chauffée  à  53°  centigrade.  Nous  avions  vingt- 
trois  mouvements  respiratoires  par  minute,  et  soixante-trois  pulsations  artérielles; 
les  urines  étaient  acides  et  la  suhve  alcaline.  Au  bout  de  dix  minutes  d'immersion, 
le  pouls  battait  soixante-seize  fois,  et  la  respiration  était  à  vingt-quatre  par  mi- 
nute ;  après  un  quart  d'heure,  le  pouls  était  le  même,  et  la  respiration  était  à 
vingt-deux.  Après  vingt  minutes,  le  pouls  monta  à  quatre-vingt-huit  pulsations, 


LE  PRESE  (EAU  MiNÉaALE  de).  191 

les  mouvements  respiratoires  ne  s'étaient  pas  modifiés.  Au  bout  d'une  demi- 
heure,  \ingt-deux  respirations  et  quatre-vingt-huit  pulsations.  I/urine  était 
beaucoup  moins  acide  et  la  salive  était  neutre  ;  la  peau  était  douce  et  onctueuse 
au  toucher. 

Les  bains  avec  l'eau  de  la  source  Caddea  n'ont  presque  aucune  influence  sur  la 
respiration,  sur  la  qualité  de  l'urine  et  de  la  salive;  mais  ils  activent  sensiblement 
la  circulation  sanguiue.  Ils  n'occasionnent  presque  jamais  la  poussée;  ils  agitent 
presque  toujours  assez,  dans  les  premiers  jours  au  moins,  pour  causer  de  l'in- 
somnie et  des  rêves  pénibles.  Après  sept  à  huit  jours,  il  est  bien  rare  que  les 
malades  ne  jouissent  pas,  au  contraire,  d'un  bien-être  et  d'un  calme  qui  ne  leur 
sont  pas  habituels.  Les  douches  ont  les  mêmes  résultats  que  les  bains  ;  seule- 
ment elles  activent  plus  encore  la  circulation  sanguine. 

Les  eaux  de  Le  Prese  sont  employées  avec  succès  en  boisson,  en  bains  et  en 
douches  dans  la  diathèse  scrofuleuse;  les  eaux  sulfureuses  et  sulfatées  ammoni- 
cales  de  Caddea  ont,  sous  ce  rapport,  une  action  spéciale  plus  énergique  que  les 
sources  sulfurées  et  sulfureuses  qui  renferment  même  une  notable  proportion 
de  chlorure  de  sodium,  d'iodures  et  de  bromures.  Ces  eaux,  en  boisson  princi 
paiement,  sont  indiquées  dans  les  catarrhes  chroniques  des  membranes  mu- 
queuses, et  surtout  dans  ceux  qui  siègent  dans  le  larynx  ou  les  bronches;  mais 
elles  n'ont  jamais  donné  de  résultats  favorables  dans  la  phthisie  tuberculeuse  des 
voies  respiratoires. 

Les  affections  humides  de  la  peau  sont  plus  favorablement  traitées  par  l'uaage 
des  eaux  de  Le  Prese  en  boisson,  et  surtout  par  les  bains  et  par  les  douches; 
l'herpès,  l'eczéma  et  l'ecthyma  sont  les  maladies  cutanées  qui  cèdent  le  plus 
promptement  et  le  plus  sûrement.  Le  psoriasis  résiste  d'avantage,  mais  non 
toujours. 

L'anémie  et  la  chlorose  cèdent  souvent  à  l'effet  excitant  et  tonique  de  ces 
eaux  minérales  ;  la  situation  topographique  de  l'établissemeni  de  la  vallée  de 
Poschiavo,  l'air  pur  qu'on  y  respire,  les  excursions  intéressantes,  nombreuses 
et  variées  qui  sont  l'occasion  de  promenades  journalières,  favorisent  singuhère- 
ment  l'action  du  traitement  hydrosulfureux,  dont  l'efficacité  n'est  cependant  mise 
en  doute  par  personne.  Les  remarques  qui  précèdent  nous  exemptent  d'insister 
d'avantage  sur  les  vertus  de  ces  eaux  dans  la  menstruation  irrégulière,  difficile 
ou  douloureuse,  la  leucorrhée,  l'aménorrhée,  etc.,  déjeunes  fdles  affectées  de 
chlorose.  L'eau  de  la  source  de  Caddea  réussit  parfaitement  encore  dans  les  en- 
poisonnements  métalliques   arsenicaux,    mercuriels   ou  saturnins. 

Les  eaux  très-excitantes  de  Le  Prese  sont  contre-indiquées  chez  les  personnes 
irritables  dont  le  système  nerveux  a  besoin  de  calme,  ou  à  celles  dont  la  circu- 
lation sanguine  ne  peut  être  accélérée  sans  danger. 

On  peut  suivre  encore  à  Le  Prese  un  traitement  par  le  petit-lait  de  chèvres, 
d'ànesses  ou  de  vaches.  On  peut  y  prendre  aussi  des  bains  de  décoction  de  bour- 
geons de  sapin. 

La  durée  de  la  cure  est  de  vingt  et  un  jours. 

On  exporte  peu  les  eaux  de  Le  Prese,  A.  RoTunEAU. 

Bibliographie.  —  Kjllias  (docteur) .    Brevl  cenni  sopra  le  acque  solforosc  di  Poschiavo. 
Poschiavo.  1858.  A.  R. 

LEPTOCARCiA.  Noui  que  donne  Dioscoride  (II,  444),  d'après  Mérat  et  De- 
lens  ifiict.^  IV,  90),  au  Corylus  Avellana.  (Voy.  Noisetier.)  H.  Bn. 


192  LEPTOMITE. 

IjEPTOMITE  {Leptomitus  Ag.).  Genre  d'Algues,  créé  par  Agardh,  qui  l'a 
rapporté  au  groupe  de  ses  Confervoïdées  ;  ce  genre  a  donné  son  nom  à  la  tribu  des 
Leptomiteœ  du  même  auteur  {Syst.,  XXII,  part.).  Les  caractères  généraux  des 
Leptomitées  sont,  d'après  lui,  les  suivants.  Ce  sont  des  végétaux  représentés  par 
des  fdaments  grêles,  presque  hyalins,  à  articulations  peu  visibles,  qui  se  fixent 
sur  les  corps  organiques  plongés  dans  les  liquides.  Ces  plantes  ont  été  considérées 
comme  intermédiaires  aux  Algues  proprement  dites,  auxHypnacées  et  aux  Fungi- 
nées.  Le  genre  Leptomite  est  caractérisé,  dans  cette  tribu,  par  des  filaments 
articulés,  atténués  au  sommet,  rameux,  à  articles  creux,  vaginiformes.  Leurs 
spermaties  ou  sporidies  sont  latérales,  rarement  placées  dans  les  interstices,  et 
entourées  d'une  enveloppe  (epispermium)  transparente.  Endlicher  {Gen.,  4, 
n.  38  )  a  rapporté  à  ce  genre  les  suivants  ,  dont  plusieurs  sont  conservés  par 
beaucoup  d'auteurs  comme  distincts:  1"  Saprolegnia  Nées,  2°  Achlya  Nées, 
"ù"  Pythium  Nées,  4"  Hydronema  Car.,  5"  Sphœrotilus  Kdetz.  Il  y  a  six  espèces 
de  Leptomitus  dont  l'étude  intéresse  la  médecine  ;  mais  plusieurs  d'entre  elles 
sont  considérées  comme  douteuse,  ou  sont  très-incomplétement  connues. 

1 .  Leptoinite  de  Hcmnover  [Leptomitus  ?  Hannoveri  Ch.  Rob.,  Des  végét.  qui 
croissent,  etc.,  847,  42;  Vég.  paras.,  362,  t.  II,  fig.  11,  12,  a,  b).  Cette  espèce 
est  formée  de  filaments  droits,  déliés  ,  tantôt  transparents,  tantôt  remplis  d'un 
contenu  muqueux  ou  grenu.  Ces  filaments,  très-ramifiés  d'un  côté  ou  des  deux 
côtés,  ont  des  branches  de  même  calibre,  ou  à  peu  près,  que  le  tronc.  Les  extré- 
mités sont  obtuses,  ou  un  peu  atténuées,  quelquefois,  mais  rarement  un  peu 
renflées.  C'est  Ad.  Hannover  qui  a  découvert  en  1842  cette  plante,  dans  une 
masse  en  bouillie  qui  tapissait  l'œsophage,  lequel  présentait  des  excoriations 
n'ayant  causé  aucun  symptôme.  La  même  espèce  a  été  retrouvée  ,  dans  des  cas 
de  typhus,  par  Hannover,  qui  l'avait  considéré  comme  constituant  une  même 
forme  végétale  que  les  filaments  du  mycélium  de  YAchorion  SchcefileiniiKui., 
et  qui  a  décrit  et  représenté  les  filaments  du  Leptomitus,  entremêlés  de  spores, 
comme  un  mélange  «  de  la  forme  végétale  filamenteuse  et  de  la  celluleuse.  »  Le 
Leptomite  fut  dès  lors  regardé  par  lui  comme  se  multipliant  par  division,  puis- 
qu'il ne  possédait  point  de  spores. 

2.  L.  urophile  [L.  urophilus  Montagne,  in  Ann.  se.  nat.,  sér.  2,  XII,  285). 
Cette  espèce  forme  de  petites  touffes,  hautes  de  2  ou  3  millimètres ,  hémisphé- 
riques, gélatineuses.  Les  troncs  ou  filaments  principaux  semblent  naître  d'un 
point  central  duquel  ils  s'irradient  dans  tous  les  sens  ;  ils  sont  hyalins,  très-rami- 
fiées  dès  leur  base,  et  ils  ont  à  peine  0™™,0075  d'épaisseur.  Leurs  branches  sont 
étalées;  les  rameaux  de  troisième  ordre  sont  ternes  ou  quaternés,  obtus.  Plus  ils  se 
divisent,  et  plus  leurs  ramifications  sont  ténues.  Les  articles  sont  d'une  longueur 
variable,  les  uns  aussi  longs  que  larges,  les  autres  une  fois  et  demie  plus  longs 
qu'épais.  On  n'y  a  distingué  aucune  goiiidie  ;  mais  Montagne  a  aperçu  au  centre 
un  espace  orbiculaire  transparent  qui  est  peut-être  une  gouttelette  huileuse  (?) 
C'est  Rayer  qui  a  trouvé  cette  végé*ation,  dans  une  urine  morbide,  rendue  avec 
des  poils.  Peut-être  n'est-elle  qu'un  état  imparfait,  déformé  par  le  milieu  dans 
lequel  elle  a  été  observée,  de  quelque  autre  plante  plus  compliqua  et  susceptible 
de  fructifier  dans  un  milieu  approprié. 

3.  L.  de  l'œil  [L.  ?  oculi  Kiicn.).  C'est  une  plante  qui,  à  un  grossissement  de 
250  diamètres,  apparut  comme  ramifiée,  déchirée  en  quatre  parties  dont  les  por- 
tions consistaient  «  en  cylindres  confervoïdes  et  en  séries  de  spores  disposées  en 
chapelet.  »  Helmbrecht,  qui  l'a  fait  connaître,  rapporte  qu'elle  a  été  découverte 


LEPTOMITE.     .  105 

cliez  un  prédicateur  âgé  de  42  ans,  et  qui,  quelques  années  avant,  avait  eu  une 
inflammation  rhumatismale  des  deux  yeux,  accompagnée  d'cpipliora.  Il  lui  sur- 
vint subitement,  dans  l'œil  gauche,  la  sensation  d'un  objet  trouble,  en  forme  de 
fleur,  avec  stries  rayonnées  ;  symptômes  qui  disparurent  sous  l'influence  d'une 
niédication  particulière,  mais  qui  reparurent  ultérieurement,  sous  forme  d'images 
constantes,  se  mouvant  dans  différentes  directions,  le  malade  pouvant  indiquer 
nettement  ces  déplacements,  suivant  les  directions  diverses  qu'il  donnait  à  l'axe 
visuel.  L'œil  droit  présentait  en  même  temps  des  images  de  mouches  volantes. 
Helmbrecht  et  Klenke  pensèrent  qu'il  s'agissait  d'un  corps  situé  au-devant  du 
cristaUin  et  baignant  dans  l'humeur  aqueuse.  Les  mouvements  de  cette  produc- 
tion singulière  devinrent  plus  libres,  après  une  chute  de  voiture  que  fit  le  malade; 
il  semblait  alors  à  celui-ci  que  l'image  flottante,  autrefois  fixée  par  un  point  d'at- 
tache au  côté  interne  du  champ  visuel,  était  devenue  totalement  hbre,  et  qu'elle 
s'était  déchirée  en  deux  portions,  nageant,  l'une  à  droite  et  l'autre  à  gauche.  La 
secousse  avait  sans  doute  arrraché  le  végétal  de  son  point  d'implantation.  Helm- 
brecht eut  alors  l'idée  de  ponctionner  la  cornée  et  de  faire  écouler  au  dehors 
l'humeur  aqueuse,  qui  entraîna  au  dehors  la  production  végétale  dont  nous 
avons  reproduit  plus  haut  les  caractères.  Le  malade  fut,  dit-on,  dès  lors  guéri. 
Neuber  remarqua  alors  que  ce  fait  confirme  ce  qu'il  avait  dit  de  la  cause  des 
taches  et  des  mouches  volantes,  savoir  qu'elles  sont  dues  à  une  végétation  para- 
site, analogue  aux  Algues,  aux  Conferves,  et  dont  on  pourrait  débarrasser  les  ma- 
lades en  pratiquant  la  paracenthèse  de  la  chambre  oculaire  antérieure. 

4.  L.  ?  de  Vépiderme  Ch.  Rob.,  op.  cit.,  564,  t.  VI,  fig.  1  (L.  ?  epidermidis 
KiiCH.).  On  a  donné  ce  nom  à  des  fdaments  byssoïdes  «  analogues  à  ceux  du 
muguet,»  que  M.  Gubler  observa  sur  des  boutons  déchirés,  semblables  à  des  vési- 
cules d'eczéma,  qui  s'étaient  produits  sur  une  plaie  de  la  main  par  arme  à  feu, 
et  soumise  à  l'irrigation  continue.  Ces  filaments,  très-longs,  plusieurs  fois  divisés, 
étaient  moins  distinctement  articulés  et  moins  diaphanes  que  ceux  du  muguet.  II 
y  avait  toutefois  des  cloisons,  beaucoup  plus  rapprochées  même  dans  les  branches 
secondaires  et  sur  les  extrémités  terminales  des  filaments  primitifs.  «  Les  rameaux, 
ajoute  l'auteur,  naissent  souvent  d'un  seul  côté,  et  se  détachent  à  angles  plus  ou 
moins  aigus,  en  s'incurvant  du  côté  de  l'axe  qui  leur  donne  naissance.  J'ai  vu 
l'un  d'eux  terminé  par  un  renflement  cellulaire  qui  n'est  probablement  qu'une 
fructification  naissante.  Mais  je  n'ai  pas  rencontré  de  spores  arrivées  à  leur  entier 
développement  qui  fussent  encore  fixées  sur  les  filaments  byssoïdes.  Toutes  les 
sporidies  nageaient  librement  dans  l'eau  que  j'avais  ajoutée  pour  l'examen.  Ces 
sporidies,  ellipsoïdes,  droites  ou  légèrement  courbes,  sont  coupées  transversale- 
ment par  une  cloison  qui  les  partage  ainsi  en  deux  cellules  ou  cavités.  »  Entre  les 
éléments  épidermiques,  il  se  trouvait  encore  une  matière  finement  granuleuse  et 
paraissant  servir  d'humus  à  la  plante. 

5.  L.?  du  mucus  utérin  Cn.  Rob.,  op.  cit.,  567  (L,  ?  uteri  Moq.  —  L.  muci 
uterini  Kiicu.  —  Lorum  uteri  Wilk.).  M.  Mouliuié  a  donné,  dans  l'ouvrage  du 
professeur  Robin,  la  traduction  d'un  travail  de  Wilkinson,  où  sont  décrits  des 
filaments  dénature  végétale,  mêlés  de  corpuscules  ovoïdes  et  sphériques  avec  ou 
sans  noyaux,  qui  furent  observés  dans  un  écoulement,  sans  globules  de  pus, 
mais  d'aspect  purulent,  provenant  de  l'utérus  d'une  femme  de  70  ans.  Ces  fila- 
ments, au  dire  de  l'auteur,  étaient  primaires  et  secondaires.  Le  diamètre  de  ces 
derniers  variait  de  ^-/ôo  ^  fïïôô  ^^  POuce  ;  leurs  bords  étaient  pîdes  ;  leur  Ion 
gueur,  variable.  Ces  filaments  étaient  tous  un  peu  recourbés ,  jamais  enroulés  ni 

DICT.  EKC,   2'  s.   II,  15 


194  LEPTOMITE. 

onduleux  ;  l'actioJi  de  l'acide  acétique  rendait  leur  structure  plus  évidente,  et 
montrait  qu'ils  étaient  formés  de  cellules  allongées,   placées  à  la  suite  les  unes 
des  autres,  comme  dans  certaines  Algues  d'eau  douce.    Dans  beaucoup  de  ces 
filaments,  toute  trace  de  structure  cellulaire  avait  disparu,  par  suite  des  progrès 
du  développement;  d'où  leur  apparence  défibres  simples.  Ces  filaments  secon- 
daires paraissaient,  pour  la  plupart,  provenir  des  filaments  primaires  par  rupture  ; 
cependant,  dans  quelques-uns  d'entre  eux,  l'apparition,  vers  leurs  extrémités,  de 
nouvelles  cellules  en  voie  de  développemeni ,  fait  supposer  à  l'auteur  qu'ils  pour- 
raient bien  avoir  une  existence  distincte  des  suivants.  Les  filaments  primaires 
ont  un  diamètre  qui  est  de  deux  à  six  fois  celui  des  filaments  secondaires.  Les 
plus  larges  étaient  très-courts,  tronqués  vers  une  de  leurs  extrémités,  terminés  à 
l'autre  par  un  faisceau  de  six  ou  sept  longs  filaments  secondaires.  Les  plus  étroits 
offraient  une  plus  grande  longueur,  et  de  deux  à  quatre  filaments  dans  leur 
faisceau  tei^minal.  Vers  l'extrémité  tronquée  des  filaments  primaires,  quelquefois 
sur  un  point  de  leur  longueur ,  on  pouvait  remarquer  des  renflements  que  l'au- 
teur regarde  comme  destinés  à  renfermer  des  spores.  Les  sporules  étaient  géné- 
ralement ovoïdes,  quelques-uns    sphériques;  ceux-ci    paraissaient  plus  petits. 
L'action  de  l'acide  acétique  y  faisait  souvent  apparaître  un  noyau. 

6.  L.  ?  utéricole  [L.  utericola  Moq. —  L.  ?  uteri  KiicH.,  nec  Moq.).  Cette  espèce, 
d'ailleurs  douteuse,  pourrait  être  avec  avantage  appelée  L.  ?  Lebertianus,  pour 
éviter  des  confusions  ;  car,  si  elle  est  le  Leptomitus  ?  de  iutérus  du  professeur 
Robin,  elle  n'est  pas  le  L.  utérin  de  Moquin,  qui  répond  ^w  Leptomitus'!  du 
mucus  utérin  Rob.  C'est  M.  Lebert  qui,  en  1850,  a  observé  cette  plante  dans  les 
circonstances  qu'il  a  indiquées  en  ces  termes  :  «  J'allais  fréquemment  à  l'hôpital 
de  Lourcine  où  M.  Gueneau  de  Mussy,  alors  médecin  d'une  des  divisions ,  enleva 
sur  le  col  utérin,  en  ma  présence,  les  altérations  dont  je  désirais  examiner  la 
nature  intime.  Un  jour,  il  enleva  quelques  granulations  du  col,  et  quel  ne  fut  pas 
mon  étonnement,  lorsque,  en  faisant  l'examen  microscopique,  j'y  trouvai  une 
algue  accolée  à  la  surface  de  la  muqueuse.  Je  l'avais  mise  dans  un  tube  propre 
qui  ne  pouvait  en  coutenir.  Il  est  très-possible  que  les  spores  aient  été  introduites 
avec  une  injection  vaginale;  en  tous  cas,  le  végétal  était  accolé  à  la  surface  du 
col  utérin.  »  Cette  algue,  représentée  dans  l'ouvrage  du  professeur  Ch.  Robin 
(t.  V,  fig.  a-h),  se  composait  de  tubes  pâles,  plus  étroits,  de  tubes  plus  larges, 
et  de  spores.  Les  tubes  pâles  étaient  ramifiés,  sans  cloisons  ni  granulations.  Les 
tubes  larges  étaient  articulés,  quelquefois  ramifiés,  et  se  terminaient  par  des 
spores.  Celles-ci  consistaient  en  une  cellule  ovoïde,  allongée,  granuleuse,  ou  en 
une  cellule  ovoïde  ou  sphérique,  terminée  par  un  prolongement  étroit,  quelque- 
fois cloisonné,  qui  d'abord  communique  avec  la  cavité  de  la  spore,  mais  qui  sou- 
vent ensuite  en  est  séparé  par  une  cloison. 

Par  les  descriptions  qui  précèdent,  on  voit  que  les  Leptomites  observés  chez 
l'homme  sont  pour  la  plupart  fort  incomplètement  connus ,  et  qu'en  l'absence 
totale  de  leurs  organes  reproducteurs,  on  ne  peut  les  rapporter  qu'avec  doute  à 
ce  genre.  Probablement,  comme  nous  l'avons  déjà  indiqué,  plusieurs  de  ces  êtres 
ne  sont  que  des  états  transitoires  d'espèces  végétales  plus  parfaites  et  mieux 
connues  à  leur  état  complet  de  développement,  et  qui,  dans  un  milieu  peu  appro- 
prié, n'ont  pu  suivre  toutes  les  phases  de  leur  évolution.  La  plupart  viennent  du 
dehors  à  l'état  de  germes,  soit  par  l'air,  soit  avec  des  liquides  introduits  dans 
les  cavités  naturelles.  Ces  germes  ne  prennent  aucun  accroissement  ou  ne  se  déve- 
loppent qu'incomplètement,  le  sol  et  les  conditions  du  milieu  ambiant  n'étant  pas 


LEPTOTIIRIX.  195 

favorables  à  leur  évolution  normale.  Ce  n'est  pas  le  végétal  parasite,  suivant 
l'opinion  de  Wilkinson,  qui  alors  détermine  une  maladie  ;  mais  c'est  l'organe 
malade  qui  présente  des  conditions  spéciales,  favorables  au  développement  delà 
plante.  L'existence  de  celle-ci  peut  masquer  les  accidents  dus  à  la  maladie  elle- 
même,  elle  peut  l'aggraver  en  agissant  comme  corps  étranger;  elle  n'en  constitue 
qu'une  complication.  Souvent  encore  on  ne  peut  attribuer  à  la  présence  du  Lep- 
tomitus  lui-même  aucun  des  accidents  qui  s'observent  chez  les  individus  dont  le 
corps  leur  sert  'de  support.  H.  Bn. 

Agardh,  Syst.  Algarum.  Lund.,  1824,  XXIII.  —  Biasoletti,  Alg-  Jnicroscopic,  t.  15-18.  — 
Endl.,  Gen.,  4,  n.  58  (ex  parte).  — Hannover  (Ad.),  Ueber  Entophyten  aiif  der  Schleimhaut 
des  todleii  und  lebend.  menschlich.  liœrp.,  in  Arch.  f.  Anat.  und  Physiol.  v.  Millier,  XV 
(18'i2),  280,  et  in  Repert.  f.  Anat.  und  Physiol.  v.  Yalentin  (1845),  84.  —  Helmbbecht,  Fall 
ein.  conservenart.  Afterprod.  in  der  Augenkammer  des  linken  Auges,  etc.,  in  Wochen.  f.  ■ 
gesammt.  Heilk.,  v.  Casper  (1842),  593.  —  Neuber,  Conservenart.  Afterprod. ,  etc.,  in  Rec. 
cit.,  n.  55.  —  Robin  (Ch.),  Des  légét.  qui  croiss.  sur  les  anim.  viv.,  thèse  (1847),  réimpr  . 
sous  le  titre  de  :  Des  vcgét.  qui  croiss.  sur  l'homme  et  les  anim.  viv.,  avec  addit  de  3  pi. 
grav.  (1847).  —  Moxtac\e,  in  Mém.  de  la  Soc.  de  biolog.,1  (1849),  29;  Ann.  se.  nat., 
sér.  2,  XII,  285.  —  Gibleb,  Proc.  verb.  de  la  Soc.  de  biolog.,  24  janv.  1852.  —  Wilkinson, 
Some  rem.  upon  Lhc  developm.  of  epiphyt.,  ivith  the  descr.  of  a  new  veget.  for  m  found  in 
conn.  with.tlie  hum.  uter.,  in  the  Lancet,  Lond.  (1849),  448.  —  Robin  (Ch.).  Hist.  des 
végét.  paras.,  qui  croissent  sur  l'homme  et  les  anim.  viv.  (1855),  360,  t.  II,  IV,  V,  VI. 

LEPTOPCS,  LEPTUS.       Voy .   LePTUS. 

LEPTOSPERiME,  Leptospermiiin  (Forster).  Arbrisseau.x;  de  la  famille  des 
Myrtacées,  voisins  des  Melalenca,  dont  ils  diffèrent  par  leurs  étamiues  non  soudées 
en  faisceaux.  Leurs  caractères  principaux  sont  les  suivants.  Calice  à  5  lobes  trian- 
gulaires, valvaires  ;  5  pétales  et  de  nombreuses  étamines  libres  insérés  sur  le 
calice;  un  ovaire  infère  ou  semi-infère;  un  style  fdiforme  terminépar  un  stigmate 
capité  :  un  fruit  capsulaire  à  3,  4,  5  loges.  Les  feuilles  sont  simples,  entières  et 
ponctuées. 

Les  espèces  de  ce  genre  croissent  dans  la  Nouvelle-Hollande,  la  Nouvelle-Zélande, 
elles  îles  de  la  même  région.  Elles  contiennent  une  huile  essentielle,  qui  les  rend 
odorantes  et  donne  à  leur  infusion  des  propriétés  stimulantes.  Ces  infusions  tliéi- 
Ibrmes  des  jeunes  feuilles  et  des  sommités  fleuries,  un  peu  amères  et  très-aroma- 
tiques ont  été  parfois  utiles  aux  navigateurs  pour  rétablir  les  forces  de  leur  équi- 
page, affaibh  par  le  scorbut. 

C'est  ainsi  que  Cook  a  employé  avec  succès  les  Leptospermum  scoparium  Forst. 
de  la  Nouvelle-Zélande. 
FoRSTEH.  —  Gen.  56.  —  D.  C.  Prod-  III,  226. 

LEPTOTHRIX  (de  )>2Trfôî,  grêle,  mince,  et  6pCÊ„  cheveu,  filament).  Genre 
de  plantes  parasites,  microscopiques,  de  la  classe  des  Algues,  de  la  sous-classe  des 
Malacophycées  et  constituant  le  type  de  la  famille  des  Leptothricées.  Les  caractères 
des  Leptothrix  sont  les  suivants  ;  filaments  tubuleux,  déliés,  continus,  sans  arti- 
culations, privés  de  mouvement,  ces  filaments  ne  sont  ni  rameux,  ni  engainés,  ni 
cohérents,  les  cellules  propagatrices  ne  sont  pas  connues. 

En  observant  les  cellules  épilliéliales  et  le  détritus  organique  qui  se  trouve  sur 
la  surface  de  la  langue,  surtout  en  arrière,  on  trouve  constamment  une  grande 
quantité  de  petits  filaments  d'une  espèce  particulière  d'Algue  que  Charles  Robin 
a  nommée  Leptothrix  buccalis.  (Ch.  Robin,  Des  végétaux  qui  croissent  sur  les 
animaux  vivants,  grand  m-8",  page  42,  pi.  i,  fig.  4  et  2, 1847.) 


19G  LLl'lUS. 

Cette  algue  niicrosco|jique  se  trouve  eucore  dans  la  malière  accumulée  dans 
l'interstice  des  dents,  ou  bien  dans  la  cavité  des  dents  cariées;  elle  a  été  ren- 
contrée aussi  dans  des  liquides  vomis  et  dans  des  déjections  diarrliéiques.  L.  Cor- 
visart  l'a  vue  dans  l'estomac  d'une  femme  morte  d'ictère  grave. 

Le  Lepiothrix  biiccalis  est  formé  de  filaments  roides,  droits  ou  coudés  brusque- 
ment sous  un  angle  obtus,  à  bords  nets,  non  moniliformes  ou  disposés  en  chapelet, 
avec  les  extrémités  brusquement  arrondies  et  non  effilées.  Ces  filaments  sont 
larges  de  5  dix-millièmes  de  millimètre,  la  longueur  ordinaire  varie  de  20  mil- 
lièmes à  1  centième  de  millimètre.  Ils  sont  incolores,  élastiques,  réunis  par  la 
base  à  une  gangue  amorphe  et  granuleuse,  formant  ainsi  des  touffes  ou  des  es- 
pèces de  houppes.  On  voit  de  ces  filaments  lisses,  mais  alors  ils  ont  été  détachés 
de  leur  support.  {Voy.  Ch.  Robin,  Hist.  nat.  des  végétaux  parasites,  etc.,  in-8% 
p.  345  et  suiv.,  pi.  I,  fig.  1  et  2,  1853.)  Leurs  spores  ou  corps  reproducteurs 
sont  inconnus. 

Pour  bien  observer  cette  algue,  il  faut  un  grossissement  considérable;  on  la  trouve 
facilement  au  milieu  des  cellules  épithéhales  de  la  langue,  dans  le  mucus  buccal 
avec  des  vibrions  {Bacterium  termo,  Vibrio  lineola  et  hacillus,  etc.) .  Les  personnes 
d'une  bonne  santé  en  offrent  tout  aussi  bien  que  les  malades.  Ce  végétal  se  re- 
produit avec  une  extrême  facilité  et  du  jour  au  lendemain  sur  des  points  où  il 
n'existait  pas  la  veille,  par  exemple  sur  les  dents  brossées  et  nettoyées  avec  soin. 
Les  filaments  du  Leptothrix  huccalis  atteignent  une  longueur  assez  considérable 
et  jusqu'à  2  centièmes  de  millimètre  et  plus,  chez  les  personnes  qui  ont  laissé 
accumuler  une  substance  blanche  et  pulpeuse  entre  les  dents.  On  voit  alors  des 
filaments  qui  traversent  le  champ  du  microscope  sous  forme  de  faisiieau,  ou  isolés 
et  qui  s'insinuent  et  passent  à  travers  de  petits  amas  d'épithélium  buccal. 

11  est  probalÀc  que  ces  végétaux  nés  dans  la  cavité  buccale  se  détachent  et  sont 
entraînés  ensuite  -dans  le  tube  digestif.  Les  liquides  de  l'estomac  et  de  l'intestin 
ne  semblent  pas  favorables  au  développement  du  Lepto^/îria:,  cardans  ces  milieux 
les  tubes  sont  généralement  courts,  isolés,  très-rarement  implantés  sur  un  sup- 
port. Les  filaments  ne  paraissent  pas  se  développer  d'une  manière  directe  sur  les 
tissus  bien  vivants,  mais  plutôt  sur  un  humus  formé  par  des  détritus  épithéliaux 
ou  alimentaires.  Je  les  ai  vus  très-abondants  sur  la  couche  pultacéedes  amygdales 
et  du  pharynx  chez  une  femme  atteinte  de  scai'latine.  {Recherches  sur  les  affec- 
tions pseudo-memhraneiLses,  p.  466,  pi.  5,  fig.  2,  1861.) 

La  manière  dont  se  reproduit  le  Leptothrix  huccalis  n'est  pas  connue.  On  voit 
parfois  dans  l'intérieur  des  filaments  de  petits  corps  ronds  qui  sont  peut-être  des 
corpuscules  reproducteurs,  mais  rien  n'est  encore  démontré  à  cet  égard. 

On  connaît  d'autres  espèces  de  Leptothrix  vivant  dans  le  tube  digestif  de  divers 
insectes  et  de  l'écrevisse  commune.  Ces  végétaux  paraissent  sans  action  nuisible 
pour  l'homme  ou  pour  les  animaux  où  on  les  trouve. 

Leeuwenhoek  avait  découvert  les  filaments  de  Leptothrix  et  il  les  avait  décrits 
en  les  distinguant  des  Vibrio.  Depuis  cette  époque  ils  ont  été  signalés  par  un 
grand  nombre  d'observateurs  ,  Biîhlmann,  Henle,  Bouditsch,  Lebert,  Vogel, 
Kcelliker,  Wirchow,  etc.  {Voij.  Ch.  Robin,  loc.  cit)  A.  Laboulbène. 

ILEPTUS.  Le  Leptus  aiutomnal  dont  on  avait  fait  un  genre,  qui  ne  peut  être 
maintenu,  n'est  qu'une  larve  de  Thromhidimn  {voy.  Acariens,  Abachnides).  U 
est  très-petit  et  de  couleur  rouge  et  connu,  dans  les  campagnes,  sous  le  nom  de 
Bêle  d'août,  ]\ouget ,Puceronroufje.  Vivant  sur  les  plantes  basses,  il  s'attaque  aux 


LEREBOULLET.  *97 

jambes  des  personnes  qui  se  couchent  ou  se  promènent  sur  l'herbe,  pénètre  dans 
la  peau  et  y  détermine  de  vives  démangeaisons.  On  calme  ces  démangeaisons  par 
des  lotions  d'eau  vinaigrée  ou  légèrement  anmioniacale.  A.  Laboulbène. 

LEREBOULLET  (Dominique-Auguste).  Ce  savant  anatomiste,  auquel  nous' 
devons  le  remarquable  article,  Anatomie  physiologique,  qui  figure  dans  le  tome  IV 
de  notre  Dictionnaire,  le  dernier  écrit,  je  crois,  qui  soit  sorti  de  sa  plume,  étaii 
né  à  Épinal,  le  19  septembre  1804.  Après  avoir  terminé  ses  humanités  à  Colmar, 
il  alla  commencer  ses  éludes  médicales  à  Strasbourg,  oii  il  se  faisait  recevoir  doc- 
teur, le  29  août  1852,  et  présentait  une  très-bonne  dissertation  sur  le  choléra- 
niorbus  qu'il  était  venu  observer  à  Paris.  Tout  en  exerçant  la  pratique  médicale, 
LerebouUet  consacrait  à  peu  près  exclusivement  le  reste  de  sou  temps  à  des  recher- 
ches d'anatomie  comparée,  où  le  confinèrent  plus  tard  les  échecs  successifs  qu'il 
éprouva  dans  ses  concours  pour  l'agrégation.  Le  célèbre  naturaliste  Duvernoy,  son 
maître  et  son  collaborateur,  ayant  été  appelé  à  Paris,  LerebouUet,  dont  les  rares 
connaissances  étaient  universellement  reconnues,  se  trouva  naturellement  désigné 
pour  remplir  la  chaire  de  zoologie  et  d'anatomie  comparée  à  la  faculté  des  sciences 
de  Strasbourg.  L'un  des  premiers,  il  comprit  l'importance  de  l'examen  approfondi 
de  cette  texture  intime  des  organes,  si  ardemment  cultivée  aujourd'hui  sous  le 
nom  d'histologie.  Ses  occupations  professorales  ne  fempèchaient  pas  de  continuer 
ses  travaux,  et,  en  1845,  l'Académie  des  sciences  couronnait  son  mémoire  sur 
l'anatomie  comparée  des  organes  génitaux  chez  les  vertébrés  ;  six  ans  après  (1851), 
il  obtenait  la  même  récompense  h.  l'Académie  de  médecine  pour  son  travail  sur  la 
question  relative  à  la  structure  intime  du  foie  et  aux  altérations  pathologiques 
connues  sous  le  nom  de  foie  gras. 

On  doit  encore  à  notre  auteur  d'importantes  études  d'embryologie  comparée, 
dont  il  s'occupait  assidûment  depuis  1849,  et  qui  lui  valurent  une  nouvelle  cou- 
ronne, décernée  par  l'Académie  des  sciences  en  1865.  De  ses  recherches  embryo- 
logiques résultaient  des  vues  nouvelles  sur  la  grande  question  des  monstruosités, 
particulièrement  chez  les  poissons. 

Doué  de  cette  activité  infatigable  qui  est  l'apanage  des  hommes  d'élite,  Lere- 
bouUet avait  trouvé  le  moyen  de  mener  de  front  ses  travaux  scientifiques,  son 
enseignement,  l'administration  de  l'Académie  des  sciences  dont  il  était  le  doyen  et 
la  pratique  médicale.  C'est  sans  doute  à  cette  multiplicité  d'occupations  qu'il 
faut  attribuer  l'attaque  d'apoplexie,  ce  genre  de  mort  si  commun  chez  les  savants, 
qui  l'emporta  en  quelques  heures,  le  5  octobre  1865. 

Voici  l'indication  de  ses  principales  publications  qui  portent  généralement 
l'empreinte  de  son  génie  investigateur. 

I.  Considérations  pratiques  sur  le  choléra-morhus  observé  à  Paris  et  clans  le  départe- 
ment de  la  Meuse  pendant  l'année  1852.  Th.  de  Strasb.,  1832  ,  n"  1001.  —  11.  Obs.  de 
jylilébite  générale  et  réflexions,  etc.  In  Arch.  méd.  de  Strasb.,  t.  III,  p.  161  ;  183G.  — 
III.  Mélanges  de  méd.  pratique.  Ibid.,  t.  IV,  p.  305;  1836.  —  IV.  Entretiens  sur  la  zoo- 
logie (mammifères),  dans  la  coll.  Maître  Pierre.  1838,  in-18,  pi.  2.  —  V.  Tableaux  des 
ordres,  des  familles  et  des  genres  des  mammifères ,  d'après  M.  Duvernoy.  In  Mém.  du 
muséum  d'hist.  nat.  de  Strasb.,  t.  Il,  1855.  —  VI.  Anatomie  comparée  de  l'appareil  respi- 
ratoire dans  les  animaux  vertébrés.  (Th.  pour  le  doctorat  es  sciences.)  Strasb.,  1838,  iii-i° 
pi.  1.  —  YIl.  Essai  d'une  monographie  des  organes  de  la  respiration  de  l'ordre  des  crus- 
tacés isopodes  (avec  DuTernoy).  In  Compt.  rend,  de  l'Acad.  des  se,  t.  XI,  p.  581  ;  1840. 

VIII.  Inflammation  du  péritoine  observée  chez  un  caïman  à  lunettes,  mort  à  la  suite  d'une 
perforation  intestinale.  Ibid  ,  t.  XX,  p.  350;  1845.  —  IX,  Mé)n.  sur  les  crustacés  de  la 
famille  des  cloportides  qui  habitent  les  environs  de  Strasbourg.  Ibid.,  t.  XX,  p.  345;  1845. 
—  X.  Mém,  sur  la  ttructure  intime  du  foie  et  sur  la  nature  de  l'altération  connue  sous  le  nom 


198  LEROUX  DES  TILLETS. 

de  foie  gras  (Prix  de  l'Acad,  de  méd.)-  In  Mém.  de  l'Accid.  de  méd.,  t.  XVII,  p.  587  ;  18b3. 

—  XI.  Recherches  d'embryologie  comparée  sur  le  développement  de  la  Imite.  In  Ann.  des 
sc.nat.,  4"  sér.,  t.  XYI,  p.  115;  18G1.  —  XII.  Becherches  sur  les  monstruosités  du  brochet 
observées  dans  l'œuf.  Ibid.,  p.  569,  et  t.  XX,  p.  177;  1865  ,  5<^  sér.,  t.  I,  p.  115  ;  1864.  — 
XIII.  Embnjolorjie  du  lézard.  Ibid.,  t.  XVII,  p.  89;  1862.  —  XIV.  Embryologie  comjmrée 
du  Lymnée  des  étangs.  Ibid.,  t.  XVIII,  p.  87  ;  1862.  —  XV.  Détermination  des  •ressemblances 
et  des  différences  cjuc  présentent  dans  leur  développement  les  animaux  vertébrés  et  les 
animaux  invertébrés.  Ibid.,  t.  XIX,  p.  5,  et  t.  XX,  p.  5  ;  1865.  —  XVI.  Recherches  sur  la 
formation  des  premières  cellules  embryonnaires.  Ibid.,  5"  sér.,  t.  II,  p.  5;  1864,  etc.  — 

XVII.  Art.    Anatomie  p>hysiologique .  In    Dict.  encyclop.  des   se.  méd.,  t.   IV;   1865.   — 

XVIII.  Un  très-grand  nombre  d'articles  de  revues,  d'analyses  de  journaux  allemands,  in 
VExpérience  îiiédicale  et  la  Gazette  médicale  de  Paris.  E,  Bgd. 

T.ERÎVII1VIER  (Théodoric-Nklamont),  né  à  Saint-Valery-sur-Somme  en  1770, 
mort  à  Paris  le  8  juin  1856.  Lerminier  étudia  la  médecine  à  Paris  et  suivit  les 
leçons  de  Corvisart  qui  se  l'attacha,  et  comme  disciple  et  comme  ami.  Après  avoir 
rempli,  en  1806,  une  mission  en  Bourgogne  où  régnait  une  fièvre  épidémique 
causée  par  un  encombrement  de  prisonniers  austro-russes,  il  revint  à  Paris  et 
fut  nommé  médecin  de  l'Hôtel-Dieu  ;  en  1808,  il  était  médecin  par  quartier  de  la 
maison  de  l'empereur,  qu'il  suivit  en  'Espagite  et  en  Russie.  Enfin,  en  1815,  il 
passa  à  la  Charité,  et  il  y  resta  jusqu'à  sa  mort  ;  il  avait  été  compris  parmi  les 
membres  de  l'Académie  de  médecine  dès  la  création  de  celle-ci.  Lerminier  n'a 
rien  écrit,  il  jouissait  d'une  grande  réputation  comme  praticien,  et  si  son  nom  a 
survécu  au  souvenir  de  ses  contemporains,  il  le  doit  à  la  célèbre  Clinique  de 
M.  Andral  son  élève,  et  qui  avait  recueilli  dans  le  service  du  médecin  de  la 
Charité  les  observations  qui  servent  de  base  à  son  ouvrage.  E.  Bgd. 

liEROUX  (?)  naquit  à  Dijon,  en  1750.  Disciple  distingué  de  Levret,  il  se  livra 
surtout  à  la  pratique  des  accouchements  dans  laquelle  il  se  fit  une  grande  répu- 
tation. Il  était  chirurgien-major  de  l'hôpital  de  Dijon,  membre  correspondant  de 
la  Société  royale  de  médecine  de  Paris.  Leroux  mourut  empoisonné  le  25  octobre 
1792,  pour  avoir  pris  une  trop  forte  dose  d'opium  destinée  à  calmer  les  douleurs 
que  lui  causait  la  gravelle.  Ce  chirurgien  a  beaucoup  vanté  l'utilité  du  tampon 
contre  les  métrorrhagies,  il  avait  aussi  reconnu  la  gravité  de  celles-ci  quand  elles 
sont  déterminées  par  l'implantation  du  placenta  au  col  de  l'utérus. 

Voici  la  liste  de  ses  ouvrages  : 

I.  Obs.  sur  les  pertes  de  sang  des  femmes  en  couches ,  et  sur  les  moyens  de  les  guérir. 
Dijon,  1776,  in-S",  et  Dijon  et  Paris,  1810,  in-8°.  —  II.  Obs.  sur  la  rage,  suivies  de  réflexions 
sur  les  spécifiques,  etc.  (cour,  par  l'Acad.  de  Dijon).  Dijon,  1780,  in-4°.  —  III.  Dissert,  sur 
la  rage  [cour,  par  la  Soc.  de  méd.  de  Paris).  In  Mém.  de  la  Soc.  de  méd.  de  Paris,  1783, 

—  IV.  Traitement  local  de  la  rage  et  de  la  morsure  de  la  vipère.  Edimbourg  et  Paris, 
1785,  in-12.  E.  Bgd. 

LEROLiX  DES  TILEETS  (Jean-Jacques),  né  à  Sèvres,  le  17  avril  1749,  il  se 
fit  recevoir  docteur  régent  en  1778;  d'abord  attaché  à  la  rédaction  du  Journal 
de  médecine,  il  composa  avec  un  soin  extrême  et  beaucoup  de  méthode  la  table 
des  05  premiers  volumes  de  cet  important  recueil.  Leroux,  en  1789,  s'était 
d'abord  jeté  dans  le  grand  mouvement  politique  de  cette  époque;  mais  effrayé 
des  excès  auxquels  s'étaient  laissé  entraîner  les  partis  extrêmes,  il  rentra  dans  la 
vie  privée.  A  la  o'éation  des  écoles  de  santé,  il  fut  nommé  professeur  de  clinique 
médicale,  et  en  1810,  il  succéda  à  Thouret  comme  doyen  de  la  Faculté  de  méde- 
cine, place  qu'il  conserva  jusqu'au  coup  d'État  de  1825  qui  le  rejeta  dans  la  caté- 
gorie des  professeurs  honoraires.  Réintégré  dans  les  fonctions  de  professeur  en 


LEROY   (les).  ^9!) 

dSùO,  il  voulut,  malgré  ses  quatre-vingts  ans,  reprendre  ses  leçons.  Mais  les  forces 
trahirent  promptement  son  courage,  il  fut  forcé  de  se  faire  suppléer,  et  deux  ans 
après  il  succomba  à  une  attaque  de  choléra  pendant  la  terrible  épidémie  de  1 8o2. 
Leroux  profitait  volontiers  des  loisirs  que  lui  laissaient  ses  occupations  pour 
s'adonner  à  ses  goûts  littéraires.  Ses  ouvrages  médicaux,  bien  vieilhs  aujourd'hui, 
prouvent  cependant  un  savoir  médical  soHde  et  un  bon  jugement. 
Nous  ne  donnons  ici  que  les  écrits  purement  scientifiques  de  Leroux. 

I.  Rapport  fait  à  l'École  de  médecine  de  Paris,  sur  la  clinique  d'inoculation  (avec  Pinel). 
Paris,  1800,  in-8°.  —  II.  Instruction  sur  le  typhus,  fièvre  des  camps,  fièvre  des  hôpitaux. 
Paris,  1814.  —  III.  Réflexions  sur  l'établissement  d'une  Société  royale  de  médecine  et  de 
chirurgie.  Paris,  1815,  in-4°.  —  lY.  Mém.  et  plan  d'organisation  pour  la  médecine  et  la 
chirurgie.  Paris,  1816,  in-4°.  —  V.  Rapport  sur  le  cimetière  de  la  ville  de  la  Ferté-sous- 
Jouarre  (avec  Desgenettes).  Paris,  1820,  in-8°.  —  VI.  Cours  sur  les  généralités  de  la  7néde- 
cine  pratique  et  sur  la  philosophie  de  la  médecine  (ouvr.  non  terminé) .  Paris,  1825-26, 
8  vol.  in-8°.  —  VII.  Des  Discours  prononcés  aux  funérailles  de  Leclerc,  de  Caudelocque,  de 
Thouret,  de  Corvisart,  de  Halle.  —  Divers  Rapports  sur  des  questions  d'administration. 
Leroux  a  été  longtemps  un  des  rédacteurs  du  Journal  de  médecine  et  de  chirurgie  avec 
Corvisarl  et  Boyer.  E.  Bgd. 

LEROT  (Les).  Plusieurs  médecins  et  chirurgiens  de  ce  nom  ont  joui  d'une 
réputation  qui  justifie  la  place  que  nous  leur  donnons  ici. 

Leroy  (Charles),  professeur  delà  Faculté  de  médecine  de  Montpelher,  membre 

de  la  Société  royale  des  sciences  de  cette  ville,  de  la  Société  royale  de  Londres,  etc. , 

né  à  Paris,  le  12  janvier  1726,  appartenait  à  une  famille  de  mécaniciens  et  de 

mathématiciens  distingués  :  il  était  fils  du  célèbre  horloger  Julien  Leroy.  Charles 

avait  commencé  ses  études  médicales  à  Paris,  mais  la  délicatesse  de  sa  santé 

l'obligea  de  chercher  un  climat  plus  doux,  et  il  alla  les  terminer  à  Montpellier  oii 

il  se  fit  recevoir  docteur.  Après  un  concours  brillant,  mais  dans  lequel  il  avait 

échoué  devant  Venel,  la  première  chaire  vacante  lui  fut  accordée.  Leroy  s'était 

fait  à  Montpellier  une  belle  position  à  laquelle,  cédant  aux  vœux  de  sa  famille,  il 

s'arracha  en  1777  pour  venir  à  Paris  oîi  il  mourut,  deux  ans  après,   d'un  cancer 

de  l'estomac,   dans  tout  l'éclat  de  sa  réputation  et  de  son  talent.  C'est  surtout 

comme  physicien  et  comme  chimiste  que  Leroy  s'était  fait  remarquer.  Sa  théorie 

de  la  solubilité  de  l'eau  dans  l'air  pour  expliquer  la  formation  des  vapeurs  a  été 

longtemps  admise  dans  les  écoles.  On  lui  doit  de  bonnes  études  sur  les  eaux  de 

Balaruc,  sur  l'accommodation  de  l'œil  aux  distances,  dans  laquelle  il  faisait  jouer 

un  grand  rôle  à  la  dilatabilité  de  la  pupille.  II  s'est  aussi  occupé  des  fièvres  et 

du  pronostic  des  maladies  aiguës. 

Ses  idées  se  trouvent  exposées  dans  les  ouvrages  suivants  : 

I.  De  aquarum  mineralium  natura  et  iisu.  Montpell.,  1758,  in  8°.  —  II.  Questiones  chemicce 
diwdecini  pro  cathedra  vacante.  Ibid.,  1759,  in-4°.  —  III.  Diss.  de  purgantihus.  Ibid.,  17  59, 
in-4°.  —  IV.  Mém.  etohs.  de  niéd.  i'^  part,  contenant  deux  Mém.  sur  les  fièvres  aiguës  et 
sur  le  pronostic  dans  lesmaladies  aiguës.  Ibid.,  17C6-76,  in-8".  —  IV.  Mélanges  de  physique, 
de  chimie  et  de  médecine  [Mém.  sur  la  rosée,  sur  les  eaux  de  Balaruc,  sur  l'accommodation 
de  l'œil  aux  distances,  sur  les  fièvres  aiguës,  sur  le  scorbut,  etc.) .  Paris,  1771,  in-8°. 

Leroy  (Alphonse-Louis-Vincejnt).  Accoucheur  qui  a  joui  parmi  ses  contempo- 
rains d'une  réputation  que  la  postérité  n'a  point  sanctionnée.  Né  à  Rouen  le 
23  août  1742,  il  commença  ses  études  sous  le  célèbre  Lecat,  et  vint  les  terminer 
à  Paris  où  il  se  fit  recevoir  docteur  régent  en  1 778.  Une  grande  facilité  d'élocutiou, 
une  imagination  vive,  une  imperturbable  confiance  on  soi  qui  sentaient  plutôt  b 
Gascon  que  le  Normand,  lui  attirèrent  ])iontôt  une  brillante  position.  C'est  là  que 


200  LEROY  (les). 

se  placent  ks  discussions  qu'il  eut  à  soutenir  contre  quelques  hommes  qui  lui 
étaient  de  beaucoup  supérieurs,  Baudelocque  et  Lauverjat  entre  autres,  au  sujet 
de  la  symphyséotomie  imaginée  par  Sigault  et  dont  il  lit  en  quelque  sorte  sa  pro- 
priété par  l'ardeur  aveclaquelle  il  s'empara  de  cette  découverte.  [Voy.  Lauverjat, 
SiGABLT.)  Leroy  avait  si  bien  su  communiquer  aux  autres  la  haute  opinion  qu'il 
avait  de  son  mérite  que,  lors  de  la  réorganisation  de  la  Faculté,  il  fut  nommé  pro- 
fesseur d'accouchements.  A  part  ses  exagérations.  Alph.  Leroy,  homme  au 
total  très-laborieux,  n'était  cependant  pas  dépourvu  de  valeur,  mais  il  lui  man- 
quait le  jugement  et  la  mesure.  11  périt  de  mort  tragique,  assassiné  dans  la  nuit 
du  14  au  15  janvier  1816,  parmi  domestique  qu'd  avait  congédié  quelques  jours 
auparavant. 

Voici  la  longue  hste  de  ses  ouvrages  dans  lesquels,  au  milieu  d'idées  paradoxales 
exprimées  avec  une  singulière  exaltation  de  langage,  on  trouvera  quelques  pré- 
ceptes utiles,  quelques  vues  ingénieuses  : 

1.  Itech.  sur  les  habillements  des  femmes  el  des  enfants,  ou  Examen,  (:Xc.  Paris,  1772,  m-12. 
—  II.  Lettre  sur  la  manière  dont  il  faut  terminer  l'accouchement  dans  lequel  le  bras  de  l'en- 
fant est  sorti  de  la  matrice,  et  examen  de  l'opinion  du  docteur  Levret  à  ce  sujet.  Paris,  1774, 
{11-12.  —III.  La  j)ratique  des  accouchements,  i"  partie  contenant  l'Histoire  critique  de  la 
doctrine  et  de  la  pratique  des  principaux  accoucheurs  qui  ont  paru  depuis  Hippocrate,  pour 
servir  d'introduction,  etc.  Paris,  1776,  in-8°.  —  V^.Alph.  Leroy, prof,  enméd.  à  son  cri- 
tique (Réponse  à  des  attaques  de  Piet,  publiées  sous  le  voile  de  l'anonysrae,  contre  l'ou- 
vrage précédent) .  Paris,  1776,  in-S".  — V.  Recherches  historiques  et  praticjues  sur  la  sec- 
tion de  la  sympliyse  du  piubis.  Paris,  1778,  in-8°.  — VI.  Consultation  médico-légale  sur  la 
question  :  JJapproche  de  certaines  femmes  nuit-elle  à  la  fermentation  des  liqueurs  ?  Paris, 
1780,  in-12.  — \'II.  Essai  sur  l'histoire  naturelle  de  la  grossesse  et  de  l'accouchement, 
Genève  et  Paiùs,  1787,  in-8°.  —  \'III.  Réponse  de  M.  Alph.  Leroy  à  une  imputation  d'impé- 
ritie.  Paris,  1787,  in-8».  —  IX.  Motifs  et  jolan  d'établissement  dans  l'Iiôpital  de  la  Salpê- 
trière  d'un  séminaire  de  médecine  pour  l'enseignement  des  maladies  des  femmes  ,  des 
accouchements  et  de  la  conservation  des  enfants,  présentés,  etc.  Paris,  n89,'iin-4°.  — X. 
L'enfant  qui  naît  à  cinq  mois  peut-il  conserver  la  vie  ?  Questioti  médico-légale  clans  laquelle, 
etc.  Paris,  1790,  in-4°.  — XI.  De  la  nutrition  et  de  son  influence  sur  la  forme  et  la  fécon- 
dité des  animaux  sauvages  et  domestiques ,  avec  un  mémoire  de  l'influence  de  la  lumière 
sur  l'économie  animale.  Paris,  1798,  in-S"".  —  XII.  Leçons  sur  les  pertes  de  sang  pendant 
la  grossesse,  lors  et  à  la  suite  des  accouchements,  etc.,  publ.  par  J.  F.  D.  Lobstein.  Paris, 
1801,  in-8°,  etibid.,  1803,  in-8°.  —  XIII.  Manuel  des  goutteux  et  des  rhumatisants,  recueil 
des  principaux  remèdes  rationnels,  etc.  Paris,  1803,  in-8"';  2°  édit.  augmentée  de  la  trad. 
de  l'ouvr.  du  docteur  Tavarès,  etc.  Paris,  1805,  in-8°.  —  XIV.  La  médecine  maternelle  ou 
l'art  d'élever  et  de  conserver  les  enfants.  Paris,  1803,  in-8».  — XV.  Manuel  delà  saignée, 
utilité  de  celle  dujiied,  danger  de  celle  du  bras.  Paris,  1807,  in-S°. —  XVI.  De  la  conser- 
vation des  femmes.  ï^avïs,  1811,  in-8°.  —  XVII.  De  la  contagion  régnant  sur  l'homme,  les 
vaches,  les  bœufs,  etc.  Paris,  1814,  in-8°.  —  XVIII.  Un  grand  nombi^e  d'articles  dans  divers 
recueils  scientifiques. 

licroy  (Jean-Jacques-Joseph),  dit  d'ÉriOLLES,  du  nom  d'un  village  près  de 
Corbeil,  dans  lequel  sa  famille  a  longtemps  résidé  ;  il  est  célèbre  surtout  pour  la 
part  qu'il  prit  à  l'invention  de  la  lithotritie  et  par  l'ardente  polémique  qu'il  soutint 
à  l'occasion  de  cette  découverte.  Il  était  né  à  Paris  le  5  avril  1798  et  fut  reçu  docteur 
en  1824.  Étant  encore  étudiant,  en  1822,  il  avait  soumis  au  jugement  de  l'Acadé- 
mie des  sciences  des  instruments  propres  à  broyer  la  pierre  dans  la  vessie  en  passant 
par  l'urèthre,  ce  qu'on  avait  vainement  tenté  jusqu'alors.  Diverses  récompenses, 
décernées  par  l'Institut,  furent  le  résultat  de  cette  heureuse  invention,  dont  l'his- 
toire sera  d'ailleurs  doimée  au  mot  Lithotritie.  Leroy  d'Étiolles  a  consacré  une 
partie  de  son  existence  au  perfectionnement  des  instruments  et  des  procédés 
propres  au  traitement  des  maladies  de  l'appareil  génito-urinaire,  mais  sans  aban- 
donner pour  cela  les  autres  branches  de  la  médecine  et  de  la  chirurgie.  Et,  en 


L'ESCLUSE.  201 

etlet,  Leroy  n'était  nullement  un  spécialiste  dans  le  sens  étroit  t^e  ce  mot;  \ui  ra- 
pide coup  d'œd  jelé  sur  ses  travaux  suffit  pour  le  démontrer.  Dans  un  remar- 
quable mémoire  sur  l'asphyxie,  il  a  fait  voir  que  l'insufflation  pulmonaire  peut 
amener  des  accidents  graves  et  même  la  mort,  par  rupture  des  cellules  pulmo- 
'  naires,  et  il  a  proposé  le  galvanisme  pour  rétablir  les  mouvements  respiratoires  ; 
le  galvanisme  a  été  également  conseillé  et  employé  par  lui,  avec  succès,  dans  les 
hernies  étranglées  et  les  invaginations  intestinales.  Il  a  fait  de  curieuses  expé- 
riences pour  prouver  la  régénération  du  cnslallin.  Toujours  préoccupé  de  l'idée 
d'appliquer  la  mécanique  à  la  chirurgie  et,  comme  il  me  le  disait  un  jour,  d'allon- 
ger les  doigts  des  chirurgiens,  il  a  imaginé  divers  instruments  pour  aller  porter 
des  fils  au  fond  de  la  bouche  dans  l'opération  de  la  staphyloraphie;  dans  la  fistule 
vésico-vaginale,  il  a  tenté  la  cautérisation  et  l'accoUement  par  larges  surfaces  à 
l'aide  d'instruments  nouveaux;  il  a  décrit  un  tonsilotome  muni  d'un  crochet  qui 
attire  forcément  l'amygdale  dans  l'anneau  sécateur.  Il  a  fait  diverses  expériences 
pour  démontrer  que  la  compression  exercée  sur  une  certaine  étendue  d'une  artère, 

unie  à  l'acupuncture,  peut  amener   la  guérison  des   anévrysmes Nous   n'en 

finirions  pas  si  nous  voulions  passer  en  revue  toutes  les  inventions  de  Leroy 
d'Étiolles,  y  compris  les  bourrelets  en  réseau  élastique  pour  les  petits  enfants,  un 
clysoir,  les  canons  se  chargeant  par  la  culasse,  les  bombes  éclatant  par  le 
choc,  etc.,  etc. 

De  même  que  Beaumarchais,  Leroy  a  pu  dire  :  «  Ma  vie  est  un  combat.  »  En 
lutte  permanente  avec  ceux  de  ses  confrères  qui  s'adonnaient  à  la  spécialité  des 
maladies  de  l'appareil  génilo-urinaire,  il  prit  encore  à  partie  les  chirurgiens  qu'il 
appelait  encyclopédistes  et  dont  quelques-uns  semblaient  méconnaître,  fort  injus- 
tement d'ailleurs,  ses  connaissances  et  ses  aptitudes  générales.  Mais,  il  faut 
bien  le  dire,  Leroy  se  prêtait  sans  trop  de  répugnance  à  ces  incessantes  polémiques, 
dans  lesquelles  se  déployaient  à  l'aise  sa  verve  intarissable  et  son  esprit  éminem- 
ment sarcastique. 

Leroy  mourut,  à  peine  âgé  de  soixante-deux  ans,  dans  le  mois  d'août  1860, 
laissant  une  multitude  de  traités,  de  brochures,  de  mémoires,  d'articles  de  jour- 
naux, etc.  Nous  donnerons  seulement  les  plus  importants  et  ceux  dans  lesquels 
il  a  rassemblé  des  recherches  antérieures. 

Ï.Delarétent.  d'urine  dans  la  vessie  par  suite  du  rétrécissement,  etc.  Th.  de  Paris,  4822,  n°  5. 
—  II.  Exposé  des  divers  pirocédés  employés  jusqu'à  ce  jour  pour  guérir  de  la  piei-re  sans 
avoir  recours  à  l'opération  de  la  taille.  Paris,  1825,  in-S",  pi.  6.  —  III.  De  hydroccle  tunicœ 

vaqinalis.  Ih..  Ae  conc.  (agrég.  cliir.).  Paris,  1828,  in-4'> IV.   Tableau  historique  de  la 

i(7/îofri7ie.  Paris,  18Ô0,  1  f.  in-fol.  — Y.  Mém.  sur  la  cystolomie  épipubienne.  Paris,  1857, 
in-8°.  —  VI.  Histoire  de  la  lithotritie,  augmentée  d'une  lettre,  elc.  Paris,  1839,  111-8°.  — 
Vil.  Recueil  de  lettres  et  de  mémoires  adressés  àVAcadémiedes  sciences,  etc.  (collcct.  de  tra- 
vaux antérieurs  publiés  dans  divers  recueils).  Paris,  t84i,  in-8",  lig. —  VIII.  Urologie.  Traité 
des  angustics  ou  rétrécissements  de  l'urcthre,  leur  traitement  rationnel.  Paris,  1845,  in-8% 
fjg.  —  IX.  Sur  les  avantages  des  bougies  tortillées  et  crochues ,  etc.  Paris,  1852,  in-S». — 
I  \.  De  la  cautérisation  d'avant  en  arrière,  de  l'électricité  et  du  cautère  électrique  dans  la 
traitement  des  rétrécissements  de  l'urèthre.  Paris,  1852,  in-8°.  —  XI.  De  l'extraction  des 
corps  étrangers  solides  autres  que  les  jncrrcs  ou  leurs  débris.  Bruxelles,  185i,  in-S".  —  XII. 
Tiaduct.  d'une  part,  du  Dict.  de  chir.  de  S.  Cooper  ;  une  foule  de  notes  et  mémoires  dans 
les  divers  journaux,  comptes  rendus  académiques,  etc.  E.  Bgd. 

LES  AIMDELYS»      (eaU  MIiNÉUALE  De).    Voxj.  AnDELYS. 

I/ESCLUSE  (Charles  de).  L'un  des  botanistes  les  plus  célèbres  du  seizième 
siècle,  né  à  Ai  ras  le  19  février  1526,  mort  à  Leyde  le  4  avril  1609.  Il  faut  que  le 


202  LES  GUIBERTS  (eaux  minérales  de). 

charme  de  l'étude  des  plaintes  soit  bien  puissant  sur  certaines  natures,  puisque  de 
1  Escluse,  malgré  la  volonté  de  son  père,  Michel  de  l'Escluse,  seigneur  de  Watènes, 
et  celle  de  sa  mère,  Guillelmine  Quineaut,  ne  put  rester  sur  les  bancs  de  l'école 
de  droit  de  Louvain  et  troqua  les  Pandectes  contre  la  Flore.  Sa  vie,  du  reste,  fut 
assez  aventureuse.  Dès  l'ùge  de  vingt  ans,  il  était  à  Witlemberg,  pour  entendre 
le  célèbre  Mélanchthon  ;  l'année  suivante,  on  le  retrouve  ta  Strasbourg,  puis  à 
Montpellier,  où  il  obtint  le  grade  de  licencié.  En  l'année  1560  il  est  à  Arras, 
poussé  là  par  la  guerre  entre  la  France  et  l'Espagne.  En  1562,  il  visite  Paris;  en 
1564,  il  est  en  Allemagne;  il  visite  aussi  l'Espagne,  le  Portugal;  dans  l'espace 
compris  entre  les  années  1565  et  1571,  il  vit  tranquille  à  Arras  ;  mais  il  fait  alors 
un  nouveau  voyage  à  Paris  et  en  Angleterre.  De  1575  àl587,  on  le  voit  appelé  par 
l'empereur  Maximilien  II  à  remplir  la  place  de  directeur  du  jardin  botanique  de 
Vienne.  Enfin,  las  des  intrigues  de  la  cour,  il  quitte  l'Autriche,  se  retire  à  Franc- 
lort-sur-le-Mein,  s'y  casse  le  fémur  dans  une  excursion  botanique  aux  environs,  se 
fait  porter  à  Leyde  pour  y  tenir  une  chaire  de  botanique  et  y  meurt,  comme  nous 
venons  de  le  dire.  Son  corps  fut  inhumé  dans  l'église  de  Notre-Dame  de  cette  ville. 
F]vrard  Vorstius  a  prononcé  son  éloge  funèbre  (1611 ,  m-i°);  les  poètes  ont  pleuré 
sa  mort  dans  des  vers  touchants.  Je  ne  sais  rien  de  plus  joli  que  cette  épitaphe  : 

Qui  videt  hos  flores  tumiili  de  vertice  nasci, 

Hœc  cineri  tellus  ultima  dona  dédit. 
0  hene,  quod  tumulo  claudatur  Clusius  isto! 

Qui  coluit  flores,  florihus  ille  jacet. 

Voici  la  listedes  ouvrages  de  Charles  de  l'Escluse,  dont  le  nom  latinisé,  est  Clusius: 

I.  Histoire  des  i^lantes,  en  laquelle  est  contenue  la  description  entière  des  herbes,  leurs 
espèces,  formes,  noms,  tempéraments,  vertus  et  opérations.  Anvers,  1557  ,  in-fol.  —  II. 
Antldotarium  Florentinum,  sive  de  exactâ  medicamentorum  ratione  libri  très,  ex  Grcecorum, 
Arabium,  et  recentiorum  medicorum  scriptis,  a  medicis  Florentinis  collecti.  Anvers  ,  1561, 
in-8°.  — III.  Les  vies  de  Hannibal  et  de  Scipion  i Africain,  avec  les  vies  des  hommes 
illustres  de  Plutarque,  traduites  par  Amyot.  Pai'is,  1565,  in-fol.  —  IV.  Aromatum  et  simpli- 
cium  aliquot  medicamentorum  apud  Indos  nascentium  historia .  Anvers,  1567,  in-8°,  etc.  — 
V.  Simplicium  medicamentorum  ex  novo  orbe  delatorum,  quorum  in  medicinâ  usus  est, 
Anvers,  1574,  in-8°,  etc.  —  VI.  Bariorum  aliquot  stirpium  per  Hispaniam  observatorum 
historia,  libris  duobus  expressa.  Anvers,  1570,  in-S",  avec  229  figures. —  VII.  Aliquot  notœ 
in  Greeciœ  aromatum  historiam,  descriptiones  nonnullorum  stirpium  ,  et  aliarum  exoti- 
caruni  rerum  qua  a  generoso  viro  Francisco  Drake,  équité  anglo,  et  his  observatœ  sunt 
qui  eum  in  longa  illa  navigatione,  qua  proximis  annis  universiim  orbem  circumivit,  comi- 
tati  sunt,  et  quarundani  peregrinorum  fructuiim,  quos  Londini  ab  amicis  accepit.  Anvers, 
1582,  in-8°.  —  VIII.  Libri  très,  magna  medicinœ  sécréta  et  varia  expérimenta  continentes, 
Leyde,  1601,  in-8°.  —  IX.  Rariorum  aliquot  stirpium  et  plantarum  p)er  Pannoniam, 
Austriam,  et  vicinas  quasdam provincias  observatorum,  historia,  quatuor  libris  expressa. 
Anvei's,  1583,  in-8%  avec  358  planches.  — \.  Plurimariim,  singularium  et  memorabilium 
rerum  in  Grcecia,  Asia,  /Egypto,  Judcea,  Arabia,  aliisque  exteris  jwovinciis  ab  ipso  conspec- 
tariim,  observationes,  tribus  libris  expressœ.  Anvers,  1589,  in-S".  (Trad.  d'un  ouvrage 
français  de  Pierre  Belon.)  — XI.  Rariarum  plantarum  historia.  Anvers,  1601,  in-fol.  — 
XII.  Exotiquorum  libri  decem,  quihus  animalium  plantarum,  aromatum,  aliorumquc  pere- 
qrinorumfructuum,historiœ  dcscribuntur.  Anvers,  IGOl  ;  in-fol. —  XIII.  Curœ  posteriores, 
seu  plurintarum  non  ante  cognitarum  aut  descriptarum  stirpium,  peregrinorumque  aliquot 
animalium  novce  descriptiones,  etc.  Leyde,  1609,  in-8°.  A.  C. 

LES  GUIBERTS  (Eau  MINÉRALE  de),  athermale,  bicarbonatée  calcique 
moijenne,  carbonique  et  sulfureuse  faible.  Dans  le  département  des  Hautes- 
Alpes,  dans  l'arrondissement  de  Ëriançon,  sur  le  bord  de  la  petite  rivière  de  la 
Guisanne,  émerge  la  source  de  Les  Guiberts,  dont  le  débit  est  de  50,000  litres  en 
vingt-quatre  heures.  Son  eau  est  claire,  ti\ansparentc  et  limpide,  mais  elle  htisse 


LES  ROCHES   (eau  minérale  de).  205 

déposer  sur  les  parois  de  son  bassin  des  filaments  blanchâtres  qui  ressemblent 
à  de  la  barégine  et  à  de  la  snlfuraire;  son  odeur  et  sa  saveur  sont  manifestement 
hépatiques  ;  sa  température  est  de  \¥,'h  centigrade.  M.  Niepce  a  trouvé  dans 
1 ,000  grammes  de  l'eau  de  la  source  de  Les  Guiberts  les  principes  qui  suivent  : 

Carbonate  de  chaux 0,7i6 

—  magnésie 0,038 

Sulfate  de  soude 0,001 

—  chaux 0,029 

—  magnésie 0,210 

Chlorure  de  sodium 0,314 

—  calcium 0,021 

—  magnésium 0,097 

Matières  organiques,  glairine traces. 

Total  des  matières  fixes l.-ise 

f  Acide  carbonique 0  litre  08928 

Gaz  {  Sulfhydrique 0    —    01332 

(  Azote 0   —    00730 

Total  des  gaz 0  litre  11190 

L'eau  de  Les  Guiberts  n'est  employée  qu'en  boisson  et  d'une  façon  peu  métho- 
dique par  les  malades  des  environs  qui  ont  besoin  ou  croient  avoir  besoin  des 
sulfureux.  A,  R. 

liES  ROCHES  (Eau  minérale  de),  athermale,  chlorurée  sadique  moyenne  et 
Mcarhonatée  ferrugineuse  faible,  carhonique  forte.  Dans  le  département  du  Puy- 
de-Dôme,  dans  rarrondissement  de  Clermont-Ferrand,  à  1  kilomètre  à  peine  de 
la  ville,  dans  la  commune  de  Chamalières,  sur  le  territoire  des  Roches,  près  du 
moulin  de  Beaurepaire,  sur  la  rive  droite  de  la  petite  rivière  de  Tiretaine,  émerge 
du  terrain  tertiaire  la  source  des  Roches,  connue  aussi  sous  le  nom  de  source  de 
Beaurepaire.  Elle  fait  partie  du  régime  de  Royat  [voy.  ce  mot)  et  la  plupart  des 
auteurs  la  décrivent  en  parlant  de  cette  station  thermale.  Nous  consacrons  un 
article  particulier  à  cette  source,  parce  que  les  indications  thérapeutiques  de  son 
eau,  son  mode  d'administration,  ses  doses,  et  l'emploi  que  l'on  fait  de  son  gaz,  ne 
sont  pas  du  tout  les  mêiues  que  ceux  de  la  source  de  Royat. 

La  source  des  Roches  est  réguhèrenient  captée,  depuis  l'année  1845,  dans  un 
puits  au  sortir  duquel  elle  est  reçue  dans  un  réservoir  recouvert  d'une  plaque  de 
métal  qui  s'oppose  au  dégagement  dans  l'air  de  l'acide  carbonique.  Ce  gaz  est 
conduit  par  des  tuyaux  qui  le  mettent  en  communication  avec  des  bouteilles 
remplies  de  limonades  ou  d'eau  de  Seltz  artificielles.  Son  débit  est  de  50,000  litres 
en  vingt-quatre  heures.  Cette  eau  est  limpide  et  incolore,  elle  n'a  d'autre  odeur 
que  celle  de  l'acide  carbonique.  Sa  saveur  est  à  la  fois  salée,  ferrugineuse  et  pi- 
quante. Sa  température  est  de  19°, 5  centigrade  ;  sa  densité  est  de  1,0019.  Son 
analyse  chimique  a  été  faite  en  1857,  par  M.  J.  Lefort,  cpi  a  trouvé  dans 
1,000 grammes  d'eau  les  principes  suivants: 

Chlorure  de  sodium 1,163 

Bicarbonate  de  cliaux 0,822 

—  magnésie 0,514 

—  souJe 0,428 

—  potasse 0,312 

—  1er 0,042 

—  manganèsL) traces. 

Sulfate  de  soude 0.123 

A  reporter.  ,  .  .      3,406 


204'  LES  SABLES  D'OLONNE. 

Hepport,   .  .   .  3,406 

Phosphate  de  soude 0,003 

Arséniate  de  soude traces. 

lodure  et  bromure  de  sodium indices. 

Silice 0,089 

Alumine traces. 

Matière  organique indices. 

Total  des  maiières  fixes 3,500 

Gaz  acide  carbonique  libre 0  litre  83] 

L'eau  de  cette  source  est  employée  à  l'intérieur  seulement.  On  a  l'ait  con- 
struire un  élégant  pavillon  pour  abriter  les  buveurs  de  la  pluie  ou  du  soleil. 
Quatre  robinets,  fixés  à  la  partie  inférieure  de  la  façade  principale,  versent  à  volonté 
l'eau  des  Roclies,  ordinairement  prescrite  à  la  dose  de  quatre  à  six  verres  par 
jour.  Cette  eau  est  excitante,  tonique  et  légèrement  diurétique.  Elle  est  employée 
principalement  dans  les  dyspepsies  occasionnées  par  une  atonie  de  l'estomac  et 
de  l'intestin  ;  dans  l'anémie  ;  dans  la  chlorose  et  dans  les  affections  de  la  vessie 
et  des  reins  où  il  convient  d'augmenter  la  quantité  des  urines.  C'est  assurément 
'l'acide  carbonique  et  le  chlorui^e  de  sodium  qui  sont  les  éléments  minéralisaleurs 
capables  d'expliquer  l'efficacité  de  l'eau  des  Roches  dans  les  difficultés  de  digérer 
venant  d'un  défaut  de  conti^actilité  de  l'estomac  ou  de  l'intestin  ;  le  chlorure  de 
sodium  et  surtout  le  fer  reconstituent  le  sang  des  sujets  lymphatiques,  des  conva- 
lescents et  des  chloro-anémiques,  tandis  que  c'est  probablement  l'acide  carbonique 
et  les  bicarbonates  alcalins  qui  donnent  la  clef  de  la  vertu  de  ces  eaux  lorsqu'il 
s'agit  de  catarrhes,  de  sables  ou  de  petits  graviers  des  voies  uro-poiétiques. 

Durée  de  la  cure,  de  vingt  à  trente  jours. 

On  exporte  beaucoup  l'eau  des  Roches  à  Clermont-Ferrand  et  aux  environs  où 
elle  est  consommée  comme  eau  médicamenteuse  et  surtout  comme  eau  d'agré- 
ment.  A.  Rotup.eau. 

BiBLiOGRAPiiiE.  —  Banc  (Jean).  La  mémoire  renouvellée  des  merveilles  des  eaux  naturelles 
en  faveur  de  nos  nymphes  françaises.  Parii5,  1605.  —  Ciiomel  (J.  F.).  Traité  des  eaux  miné- 
rales de  Vichy...,  de  Beaurepaire,  etc.  Clermont-Ferrand,  173k  —  Nivet  (Y.).  Diction- 
naire des  eaux  minérales  du  département  du  Puy-de-Dôme,  Clermont-Ferrand.  1846,  in-S 
p.  222-224.  —  Hexhy  (Ossian  fils)  et   Gonot.   Etude  sur  Veau  minérale  des  Roches.  Paris, 

1856,  8  pages. — IIency  (Ossian).  Rapport  sur  Veau  minérale  des  Roches  près  Clermont- 
Ferrand  (Puy-de-Dôme).  In  Bulletin  de  V Académie  impériale  de  médecine,  t.  XXII,  p.  1075. 
—  Lefort  (J.).  Etudes  chimiques  sur  les  eaux  minérales  et  thermales  de  Royat  et  de  Cha- 
malières  (Puy-de-Dôme).    ïn  Annales  de  la  Société  d'hydrologie  7nécHcale  de  Paris,  i8bQ- 

1857,  t.  III,  p.  130-152.  —  Basset  (P.  L,),  Etudes  sur  les  eaux  thermales  de  Royat  (Puy- 
de-Dôme).  Paris,  1866,  in-12,  p.  7-8.  A.  R. 

LES  SABLES  »'OLOl\i\[E  (STATION  warine)  .  Dans  le  département  de  la  Vendée, 
est  un  che.f-lieu  d'arrondissement  peuplé  de  6,996  habitants,  à  5  kilomètres  à 
l'ouest  d'Olonne  et  à  57  kilomèlres  au  sud-ouest  de  Napoléon- Vendée.  La  ville  est 
bâtie  sur  une  langue  de  sable  qui  s'avance  dans  la  mer  (un  des  embranchements 
du  chemin  de  fer  de  l'Ouest  conduit  aux  sables  d'Olonne) .  Le  principal  conunerce 
de  ce  petit  port  de  mer  consiste  dans  la  vente  des  sardines  que  l'on  pêche  aux  en- 
virons, et  dans  l'affrètement  de  bateaux  qui,  chaque  année,  se  rendent  au  banc  de 
Terre-Neuve  d'où  ils  rapportent  de  la  morue  fraîchement  salée.  La  plage  des  Sables 
d'Olonne  a  plus  de  8  kilomètres  de  longueur;  elle  est  constituée  par  un  sable  fin 
et  doux,  qui  a  fait  donner  son  nom  à  la  ville.  Cette  plage,  la  plus  vaste  et  la  plus 
belle  de  France,  et  probablement  d'Europe,  la  vie  à  bon  marché  dans  cette  partie 
de  la  Vendée,  ont  depuis  longtemps  attiré  les  baigneurs  des  contrées  voisines  et 


LÉSION.  205 

fail  des  Sables  une  des  stations  marines  le  [ilus  justement  renommées,  si  elle  n'est 
la  plus  suivie.  Les  baigneurs  et  les  baigneuses  n'y  perdent  jamais  pied  à  la  marée 
montante,  à  moins  qu'ils  ne  s'éloignent  beaucoup,  et  qu'ils  ne  veuillent  gagner 
la  pleine  mer.  La  déclivité  insensible  de  la  plage  est  un  grand  avantage  pour  les 
cnl'ants  et  pour  ceux  qui  ne  savent  pas  nager.  Les  accidents,  en  effet,  sont  impos- 
sibles pour  ainsi  dire,  et  la  surveillance  d'autant  plus  facile  que  la  plage  est  plus 
largement  découverte. 

Nous  ne  pouvons  conseiller  avec  trop  d'insistance  le  séjour  aux  Sables  d'Olonne 
aux  baigneurs  qui  cberchent  une  belle  plage  et  une  vie  calme  et  tranquille  sans 
être  monotone.  A.  R. 

LÉis>lOi\,  lœsio.  Lœdere,  blesser.  Cbangement  matériel  quelconque,  apprécia- 
ble aux  sens,  survenu  pendant  la  vie  dans  une  ou  plusieurs  des  conditions  pbysi- 
ques,  anatomiques  ou  chimiques  normales  des  parties  constituantes  du  corps. 

L'étude  des  lésions  constitue  l'objet  spécial  de  l'anatomie  pathologique. 

La  lésion  ne  doit  être  confondue  ni  avec  l'affection  ni  avec  la  maladie,  elle  en  est 
souvent  mséparablc,  en  est  tantôt  la  cause,  tantôt  l'effet,  les  précède  ou  leur  sur- 
vit, mais  n'en  constitue  jamais  que  la  partie  matérielle,  visible  et  tangible.  (Voy- 
Maladies)  . 

La  lésion  doit  être  soigneusement  distinguée  :  1"  des  altérations  survenant  après 
la  mort  locale  ou  générale  des  organes  ;  2"  des  variétés  anatomiques;  o''des  chan- 
gements temporaires  ou  définitifs,  souvent  très-notables  qui  résultent  du  dévelop- 
pement t)u  du  fonctionnement  des  organes.  Le  sang,  la  lymphe  varient  à  chaque 
instant  dans  leur  composition  chimique,  l'acte  de  la  sécrétion  modifie  singubère- 
ment  les  parenchymes  glandulaires;  la  replétion  ou  la  vacuité  des  vaisseaux  et 
des  réservoirs,  l'érection,  la  descente  du  testicule,  la  disparition  du  thymus, 
l'accroissement  des  mamelles  et  de  l'utérus,  la  métamorphose  du  cartilage  tem- 
poraire en  os,  etc.,  ne  sont  pas  des  lésions. 

Cette  séparation  enti'e  les  lésions  vraies  d'une  part,  et  d'autre  part  l'évolution 
des  organes,  les  oscillations  fonctionnelles  et  les  altérations  cadavériques  est  de  la 
plus  haute  importance,  mais  elle  est  parfois  très-difficile;  il  faut  la  tracer  nette- 
ment pour  éviter  ou  rectifier  une  loule  d'erreurs  de  fait  ou  de  doctrine. 

Une  confusion  trop  commune  et  tout  aussi  fâcheuse  naît  de  l'emploi  du  terme 
lésions  vitalesi)vis  dans  le  sens  de  troubles  fonctionnels.  C'est  ainsi  qu'on  dit  à  tout 
propos:  lésion  de  nutrition,  de  circulation,  d'innervation,  etc.,  c'est  confondre  à 
plaisir  la  matière  et  ses  propriétés,  l'organisme  et  ses  actes,  la  statique  et  la  dyna- 
mique, enfin  l'anatomie  avec  la  physiologie  pathologique;  à  cette  dernière  seule 
incombe  la  tâche  d'étudier  les  prétendues  lésions  vitales.  Admettre  qu'une  pro- 
priété, attribut  immatériel  d'un  corps,  est  lésée  matériellement,  est  un  non-sens 
qu'il  faut  bannir  aussi  bien  du  langage  que  de  l'esprit. 

Les  lésions  varient  à  l'infini  par  leur  siège,  leurs  causes,  leur  nature  intime, 
leur  effet,  etc.  ;  aussi  leur  a-t-on  adjoint  une  foule  de  qualificatifs  pour  les  caracté- 
riser et  les  classer.  Elles  sont  dites  :  matérielles,  morbides,  anatomiques,  organi- 
(jues,  vitales,  aiguës,  chroniques,  simples  ou  composéees,  circonscrites  ou  totius 
snhtwitiœ,  locales  ou  générales,  communes  ou  spéciales,  spontanées  ou  acciden- 
telles, congénitales  ou  acquises,  idiopalhiques  ou  symptomatiques,  primitives  ou 
secondaires,  physiques,  chimiques,  mécaniques,  traumatiques,  chirurgicales,  su- 
perficielles ou  profondes,  vi-ibles  ou  occultes,  externes  ou  internes  parle  siège  ou 
lu  cause,  élémentaires,  histologiques,  inflammatoires,  capcéreuses,  tuberculeuses; 


206  LÉSION. 

on  dit  encore  lésions  de  tissu  ou  d'organe,  de  forme,  de  structure,  de  texture, 

de  rapport,  de  continuité  ou  contiguïté,  de  coideur,  de  densité,  etc. 

On  rcti'ouve  dans  co  chaos:  des  pléonasmes  (lésions  matérielles,  morbides,  orga- 
niques) ;  —  des  licences  grammaticales  (lésions  inflammatoires,  cancéreuses,  etc.; 
pour  lésion  de  l'inflammation  du  cancer).  — ■  La  confusion  déjà  signalée  entre  la 
lésion  et  la  maladie  — des  termes  ambigus,  mal  définis,  et  qui  ont  au  moins  deux 
acceptions;  ex.  /lésions  mécaniques,  réputées  telles  par  les  uns,  parce  qu'elles  suc- 
cèdent à  une  cause  mécanique  (contusion,  fractures)  et  par  les  autres,  parce 
qu'elles  entravent  mécaniquement  l'exercice  des  fonctions  —  des  termes  vicieux  : 
lésions  chirurgicales  et  médicales,  qui  tendent  à  consacrer,  entre  la  médecine  et  la 
chirurgie,  une  séparation  qui  n'existe  pas  ;  lésions  idiopathiques  spontanées,  qui 
pourraient  faire  croire  que  la  matière  s'altère  d'elle-même  et  sans  causes,  etc. 

Cette  regrettable  richesse  s'explique  par  le  défaut  d'unité  introduit  dans  l'étude 
de  la  science  médicale  pai-  les  spécialistes  :  médecins  ou  chirurgiens,  anatonio- 
pathologistes  purs  et  praticiens  exclusifs,  et  surtout  par  les  points  de  départ  très- 
différents  que  les  auteurs  ont  adoptés  dans  leurs  classifications.  Enjetant  les  yeux 
sur  ces  dernières,  on  voit  que  les  unes  sont  basées  sur  la  physiologie  ou  sur  la  patho- 
logie, les  autres  sur  l'anatomie  générale  ou  sur  l'étiologie,  souvent  même  sur  toutes 
ces  branches  à  la  fois.  En  revanche  quelques  auteurs  ont  voulu  faire,  de  l'anato- 
mie pathologique,  une  science  à  part,  indépendante,  ayant  en  propre  une  méthode 
d'étude  spéciale.  Malgré  tout  le  respect  que  doit  inspirer  l'autorité  des  Laennec, 
des  Mcnckel,  des  Andral,  des  Cruveilhier,  desVogel,  etc.,  il  est  impossible  d'accep- 
ter eu  entier  les  classificalions  qu'ils  ont  proposées,  tant  elles  prêtent  à  la  critique 
et  s'éloieuent  de  la  méthode  naturelle. 

Il  en  résulte  pour  les  modernes  soucieux  de  la  clarté,  de  la  précision  et  delà 
méthode,  un  grand  embarras  et  l'alternative  de  critiquer  les  maîtros  ou  de  s'en- 
gager à  leur  suite  dans  une  mauvaise  voie. 

11  faut  prendre  résolument  le  premier  parti,  mais  comme  il  serait  trop  long  et 
d'ailleurs  iuopiiortun  ici  d'argumenter  une  à  une  et  terme  cà  terme  les  classifica- 
tions antérieures,  je  me  contenterai  d'indiquer  comment,  à  mon  sens,  on  doit 
coordonner  les  désordres  nombreux  dont  l'organisme  est  le  siège. 

Au  préalable,  disons  de  suite  que  l'antique  division  des  lésions  en  physiques, 
organiques  et  vitales,  qu'on  retrouve  encore  dans  plusieurs  traités  récents,  doit 
être  définitivement  abandonnée.  J'ai  déjà  rejeté  le  terme  de  lésions  vitales  comme 
inexact  et  équivoque.  En  1818,  le  Dictionnaire  en  60  volumes  (t.  27,  485)  ne  le 
conservait  qu'avec  restriction,  en  revanche  il  fusionnait  déjà  les  lésions  physiques 
et  organiques.  «  Elles  ne  forment  qu'une  seule  classe...  Toutes  sont  physiques 
puisqu'elles  s'annoncent  par  des  caractères  évidents  que  l'œil  aperçoit  et  que  la 
main  touche...  Toutes  sont  organiques  puisqu'elles  sont  une  altération  de  la  ma- 
nière d'être  d'un  organe.  »  MM.  Littré  et  Robin  parlent  dans  le  môme  sens.  (Dic- 
tionn.  deNysten,  1865.)  Partant  de  ce  principe  qu'on  doit  nécessairement  rattacher 
la  lésion  d'une  partie  à  l'état  normal  de  cette  partie  et  qu'un  organe  lésé  ne  dif- 
fère d'un  organe  sain  que  par  un  changement  dans  les  conditions  matérielles,  on 
est  conduit  à  adopter  pour  l'anatomie  pathologique  la  méthode  qui  sert  en  anato- 
mie  normale.  Or  celle-ci  reconnaît  aux  parties  constituantes  des  corps  une  série 
de  caractères  d'ordre  mathématique,  physique,  chimique  et  anatoraique,  savoir  : 
nombre,  figure,  forme,  dimension,  densité,  consistance,  couleur,  saveur,  odeur, 
situation,  rapports,  constitution  élémentaire  ou  structure,  arrangement  particu- 
lier des  éléments    ou    texture^  composition  chimique,   etc.   Donc  l'anatorao- 


LESION.  207 

pathologiste  doit  tout  d'abord  classer  les  lésions  eu  celles  da  nombre,  de  la 
forme,  du  volume,  de  la  consistance,  des  rapports,  de  la  structure,  de  la  compo- 
sition chimique,  etc.;  admettre  en  un  mot  autant  de  lésions  primordiales  que  la 
matière  organisée  compte  de  caractères  fondamentaux. 

Plusieurs  de  ces  lésions  primordiales,  qu'on  pourrait  avec  Cruveilbier  appeler 
espèces  analomiques  morbides,  ont  déjà  reçu  des  noms  particuliers  :  difformités, 
iléplacemeuts  ou  ectopies,  hétérotopies,  induration,  ramollissement,  hypertrophie, 
ou  atrophie,  etc.  On  peut  laisser  aux  grammairiens  médicaux  la  tâche  utile  de 
compléter  le  vocabulaire  de  ces  espèces,  mais  il  appartient  aux  anatorao-patholo- 
gistesdc  les  décrire  avec  assez  de  précision  et  declartépour  qu'on  les  puisse  recon- 
naîti'e  en  tous  lieux,  à  tous  les  degrés,  aussi  bien  à  l'état  d'isolement  qu'à  l'état 
de  combinaison.  Cette  maiiière  de  procéder  est  tout  à  fait  naturelle.  Remarquons 
bien  que  volontairement  ou  non  l'esprit  ne  suit  pas  d'autre  marche  ;  à  l'amphi- 
théâtre comme  au  lit  du  malade,  on  s'enquiert  avant  tout  du  mode  de  change- 
ment survenu  dans  l'organe  affecté.  Est-il  plus  dur  ou  plus  mou,  plus  gros  ou 
plus  petit,  hypérémié  ou  anémié,  occupe-t-il  sa  place  habituelle,  contient-il  les 
mêmes  éléments  anatomiques  qu'à  l'état  normal  et  dans  les  mêmes  proportions? 
Comme  s'il  s'agissait  d'anatomie  descriptive,  on  emploie  à  acquérir  ces  notions, 
les  sens  seuls  ou  aidés  d'instruments  de  précision.  Le  toucher  apprécie  la  consis- 
tance, l'œil  juge  de  la  coloration,  du  nombre,  du  volume,  des  rapports.  On  appelle 
à  son  aide  le  scalpel,  la  balance,  le  microscope,  les  réactifs  chimiques,  etc. 

.l'ajoute  que  cette  marche  n'est  pas  nouvelle.  Bichat  et  ses  continuateurs  ont 
étudié  et  décrit  la  plupart  des  lésions  primordiales  dans  les  organes,  les  tissus, 
les  systèmes,  à  la  vérité  sans  les  imposer  résolument  comme  les  seules  bases  de 
classification  pour  l'anatomie  pathologique.  Ils  ont  donc  pris  la  bonne  route  ;  on 
peut  seulement  leur  reprocher  de  n'avoir  pas  attaqué  la  série  par  sa  base,  en 
d'autres  termes  d'avoir  pris  pour  point  de  départ  les  lésions  de  tissus  qui  sont 
déjà  très-complexes. 

Les  modernes  n'ont  pas  changé  de  voie;  plus  logiques  seulement,  ils  remontent 
jus(ju'aux  vraies  origines  et,  à  l'exemple  des  chimistes  qui  étudient  les  corps  sim- 
ples avant  leurs  composés,  ils  recherchent  les  lésions  dans  les  éléments  anatomi- 
ques et  les  principes  immédiats  qui  senties  corps  simples,  les  parties  irréductibles 
de  l'anatomie. 

Ils  adoptent  d'abord  comme  suffisamment  démontrées  les  propositions 
suivantes  : 

1°  Les  organes  constituants  du  corps  ont  une  composition  plus  ou  moins  com- 
plexe; la  plus  simple  de  nos  humeurs  renferme  plusieurs  principes  immédiats; 
le  plus  simple  de  nos  tissus,  plusieurs  éléments  anatomiques  de  même  espèce 
ou  d'espèces  différentes,  mais  toujours  agencés  d'une  façon  particulière  et 
spéciale. 

2"  Chaque  principe  immédiat,  chaque  élément  anatomique  présente  des  carac* 
tères  que  déterminent  la  chimie  et  l'anatomie.  Les  principes  immédiats  ont  un 
siège  et  une  proportion  définis,  l'albumine  ne  se  trouve  point  dans  la  salive,  elle 
existe  dans  le  sang  en  quantité  qui  varie,  mais  dont  nous  avons  la  moyenne  ;  de 
même  les  éléments  anatomiques  ont  un  siège,  une  distribution,  des  dimensions, 
des  rapports  précis  et  constants.  Chacun  d'eux,  tube,  fibre,  cellule,  en  dépit  de 
son  petit  volume,  est  un  organe  aussi  distinct,  aussi  intéressant  que  le  rein  ou  le 
cœur  et  doit  être  étudié  avec  autant  de  soin  et  parles  mêmes  procédés. 

3°  Tout  changement  intervenu  dans  la  répartition,  la  position,  la  quantité  ou 


208  ^  LESION. 

la  qualité  d'un  principe  immédiat  ou  d'un  élément  anatomique  constitue  une  lésion 
plus  ou  moins  évidente,  mais  absolumeut  incontestable. 

4"  Étant  reconnue  ou  soupçonnée  une  lésion  dans  un  organe  quelconc[ue, 
liunieur  ou  solide,  il  faut  chercher  quel  principe  immédiat,  quel  élément  anato- 
mique, est  altéré  et  quel  mode  d'altération  il  a  subi. 

5»  Que  la  lésion  soit  circonscrite  ou  étendue,  qu'elle  porte  sur  un  système,  un 
appareil,  une  région,  un  organe,  un  tissu,  elle  doit  toujours  eu  définitive  être 
réduite  par  l'analyse  à  l'altération  d'un  ou  de  plusieurs  des  principes  immédiats 
ou  des  éléments  anatomiques  constituant  les  parties  affectées. 

6"  Conclusion  indiscutable  :  la  vraie  base  de  l'anatomie  pathologique  réside 
dans  l'étude  et  la  description  des  lésions  élémentaires  et  des  altérations  chimiques 
ou  autres  des  principes  immédiats. 

7°  Cette  recherche  des  infiniment  petits  anatomiques  et  chimiques  que  nos 
prédécesseurs  négligeaient,  dédaignaient  ou  méprisaient,  est  la  gloire  de  notre 
époque,  sans  doute  elle  n'est  pas  achevée,  présente  et  présentera  longtemps  en- 
core des  lacunes  et  des  obscurités,  mais  les  résultats  qui  lui  sont  dus  sont  im- 
menses déjà.  D'ailleurs,  comme  elle  repose  sur  des  assises  inébranlables  et  part 
de  prémices  indéniables,  elle  conduira  avec  le  temps  à  la  vérité  tout  entière.  Aussi 
peut-on  sans  exagération,  mais  non  sans  un  légitime  orgueil  considérer  comme 
un  grand  siècle  pour  la  science  médicale  celui  qui  commence  par  Bicliat  et  finit 
par  l'Ecole  histologique  moderne. 

La  connaissance  des  lésions  élémentaires  une  fois  acquise,  rien  de  plus  facile 
que  de  constituer  l'anatomie  pathologique  spéciale  et  générale.  Ainsi  s'élèvera- 
t-on  sans  peine  de  la  lésion  élémentaire  à  la  lésion  de  tissu,  de  celle-ci  à  la  lésion 
d'organe  et  successivement  de  système  ou  d'appareil  et  enfin  jusqu'à  ces  altéra- 
tions totius  suhstantlœ  qui  constituent  le  substratum  matériel  des  diathèses  et 
des  maladies  générales  et  constitutionnelles.  On  procède  ainsi  à  pas  lents,  du 
simple  au  compliqué,  du  connu  à  l'inconnu  et,  pour  ma  part,  je  n'entrevois  aucun 
désordre,  si  complexe  et  si  multiple  qu'il  paraisse  qui  puisse  se  soustraire  à  cette 
méthode  rigoureuse  et  certaine. 

Ceux-là  donc  sont  injustes  ou  ignorants  qui  accusent  les  anatomo-pathologistes 
modernes  de  se  confiner  dans  les  faits  de  détail  et  les  défient  de  s'élever  jusqu'aux 
sommets  élevés  de  la  synthèse.  A  la  vérité,  nous  nous  préoccupons  surtout  de 
combler  la  lacune  laissée  par  nos  prédécesseurs,  mais  l'avenir  montrera  bientôt 
combien  le  reproche  d'exclusivisme  est  peu  fondé. 

Tout  en  adoptant  sans  arrière-pensée  pour  les  lésions  une  classification  calquée 
sur  celle  qui  prévaut  en  anatomie  normale,  je  ne  conteste  point  l'utilité  pratique 
ni  même  l'attrait  d'un  autre  mode  de  groupement  ayant  pour  base  la  notion  étio- 
iogique. 

La  lésion  constatée,  il  est  naturel  et  bon  d'en  chercher  l'origine,  puis,  celle-ci 
trouvée,  on  est  tenté  de  s'en  servir  pour  composer  des  espèces,  des  genres  et  dcs> 
Classes.  C'est  en  suivant  cet  ordre  d'idées  que  nombre  d'auteurs  ont  admis  des 
lésio'ns  de  cause  interne  ou  de  cause  externe,  des  lésions  physiques,  chimiques, 
traumatiques,  vitales,  spontanées,  primaires  ou  idiopathiques,  secondaires  et  symp- 
tômatiques,etc.  Je  ferai  seulement  remarquer  qu'en  poursuivant  la  recherche  des 
causes  on  sort  du  terrain  de  l'anatomie  pathologique  pure  pour  entrer  sur  celui 
de  la  pathologie.  La  connexion  entre  la  cause  et  la  production  d'une  lésion  est 
étroite  et  évidente,  mais  la  connaissance  de  ce  rapport  constitue  la  pathogénie 
branche  tout  à  fait  distincte  de  la  science  médicale  et  qui  suppose  connues  les  lé- 


LÉSION.  209 

sions matéiielles  d'une  part,  et  de  l'autre  l'étiologie  propremeut  dite.  La  produc- 
tion de  la  lésion  une  fois  élucidée,  étudiez-eu  les  elfets  et  les  conséquences,  c'est- 
à-dire  les  symptômes  et  l'évolution,  et  vous  avez  la  pathologie  toute  entière.  A 
coup  sur  il  faut  bien  arriver  à  rallier  les  éléments  divers  de  cette  dernière, 
niais  il  ne  iaut  pas  pour  cela  les  confondre,  car  s'il  est  indispensable  de  réunir 
les  anneaux  de  la  chaîne,  il  convient  tout  autant  de  les  forger  et  de  les  limer 
isolément. 

Au  reste,  pour  montrer  comme  je  comprends  la  formation  de  ces  groupes  si 
commodes  pour  l'application,  et  à  ce  titre  si  chers  aux  praticiens,  je  prendrai 
comme  spécimen  une  classe  des  plus  naturelles  et  des  plus  universellement  ad- 
mises; je  veuxparler  des  lésions  traumatiques.  Je  me  contenterai  d'en  donner  la 
définition  et  les  caractères,  laissant  à  d'autres  le  soin  d'en  fournir  une  descrip- 
tion complète.  {Voy.  BLESsur.ES,  Plaies,  Traumatisme,  etc.) 

Lésions  traumaiiques  (de  rpaûp-a,  blessure) .  Ce  terme  de  date  assez  récente 
tend  à  remplacer  dans  la  nomenclature  moderne  les  mots  blessures,  violences  ex- 
térieures, lésions  physiques,  mécaniques,  chirurgicales,  et  désigne  comme  eux  les 
désordres  accidentellement  produits  par  des  agents  vulnérants  étrangers  à  l'éco- 
nomie ou  par  un  acte  physiologique  exagéré.  Cette  substitution  est  légitimée  par 
rinsuflîsance  des  dénominations  anciennes  dont  le  sens  est  trop  z^estreint  ou 
trop  étendu. 

En  adoptant  ce  néologisme  on  a  négligé  d'en  donner  une  défuiition  claire  et 
précise,  je  vais  m'efforcer  de  réparer  cet  oubli  et  cela  semble  d'autant  plus  utile 
que  les  lésions  traumatiques  forment  une  classe  très-nombreuse  et  très-naturelle.. 
Très-nombreuse  parce  que  toutes  les  parties  du  corps  en  peuvent  être  atteintes 
et  de  mille  manières  dilïërentes;  très-naturelles  parce  que,  malgré  l'infinie  variété 
qu'elles  présentent  et  les  combinaisons  multiples  qu'elles  affectent  avec  d'autres 
états  pathologiques  elles  se  distinguent  nettement  des  lésions  dites  physiques, 
mécaniques  ou  organiques  par  une  série  de  caractères  constants,  faciles  à  déter- 
miner et  tirés  de  la  cause,  de  la  nature  de  la  lésion,  des  troubles  fonctionnels 
qui  en  résultent,  et  de  la  marche  ultérieure  de  l'accident. 

Ces  caractères  sont  au  nombre  de  cinq  ; 

Caractère  étiologique.  La  cause  vulnérante  agit  à  l'improviste,  pendant  un 
temps  habituellement  fort  court  et  sans  prédisposition  nécessaire. 

Caractère  anatomique .  La  lésion  consiste  essentiellement  en  une  diérèse,  une 
séparation  violente  et  instantanée  de  parties  normalement  réunies,  uue  solution 
de  continuité  ou  de  contiguïté. 

Caractère  physiologique .  La  lésiontraumatiquea  pour  conséquence  des  change- 
ments immédiats  dans  la  forme,  les  rapports,  les  propriétés,  les  usages  et 
fonctions  delà  partie  lésée;  ces  changements  temporaires  ou  définitifs  peuvent  être 
calculés  à  l'avance,  car  ils  dépendent  rigoureusement  de  la  nature  des  organes, 
tissus  ou  éléments  blessés. 

Caractère 'pathologique,  ^ouio,  lésion  traumatique  suscite  inévitablement  et 
presque  soudainement  une  irritation  locale,  qui  provoque  à  son  tour  une  série 
de  processus  réparateurs  ou  destructeurs  ;  cette  irritation  et  ses  suites  peuvent 
rester  circonscrites  au  point  blessé  ou  s'étendre  au  voisinage  et  môme  à  l'orga- 
nisme tout  entier.  Dans  ce  dernier  cas  la  lésion  traumatique  la  plus  insignifiante 
au  début  peut  devenir  grave  jusqu'à  la  mort  inclusivement. 

Caractère  pronostique.  Les  lésions  traumatiques  ont  une  tendance  naturelle  â 
la  guérison  spontanée  :  lorsqu'elles  portent  sur  des  tissus  normaux,  atteignent 
DicT.  Ë^G.  a°s.  II.  14 


210  LESION. 

un  organisme  sain,  ns  lèsent  jias  un  organe  trop  essentiel  à  la  vie  et  n'occasion- 
nent pas  de  trop  grands  désordres  primitifs  ;  lorsqu'entin  le  blessé  se  trouve  dans 
un  milieu  salubre.  Les  conditions  opposées  neutralisent  celle  tendance  heureuse 
et  engendrent  des  accidents  locaux  ou  généraux  dont  la  nature  et  l'art  ne  triom- 
phent pas  toujours. 

Ce  n'est  pas  le  seul  désir  d'être  méthodique  qui  me  fait  énumérer  complai- 
samment  sous  ces  caractères,  leur  admission  a  plusieurs  avantages,  elle  nous 
permet  de  tracer  le  cadre  complet  des  lésions  traumatiques,  d'en  éhminer  des  lé- 
sions très-voisines  à  la  vérité,  mais  dans  lesquelles  un  ou  plusieurs  de  ces  carac- 
tères manquent,  de  discuter  le  synonymie  classique,  de  justifier  enfin  l'intro- 
duction d'un  terme  générique,  sinon  nouveau  du  moins  mal  défini  jusqu'à  ce  jour. 

Dans  le  cadre  des  lésions  traumatiques  se  rangent  : 

1°  Toutes  les  solutions  de  continuité  produites  par  un  agent  extérieur  mis  en 
conflit  avec  nos  organes  :  fractures,  luxations,  contusions,  plaies,  etc.,  lésions 
types  sur  la  classification  desquelles  tout  le  monde  est  d'accord. 

2*^  Les  solutions  de  continuité  dans  lesquelles  on  ne  trouve  comme  cause 
ni  agent  vulnérant,  ni  violence  extérieure,  mais  une  action  mécanique  vio- 
lente et  instantanée  résultant  du  jeu  même  de  nos  organes.  Exemple  :  les  rup- 
tures ou  déchirures  qui  surviennent  aux  muscles,  aux  tendons,  aux  aponévroses, 
aux  vaisseaux,  aux  canaux  et  réservoirs  sous  l'influence  d'une  contraction  mus- 
culaire volontaire  ou  non,  ou  d'une  distension  soudaine  et  exagéré,  en  un  mot 
d'un  effort  actif  ou  passif.  11  n'est  possible  ni  en  nosographie  ni  en  pratique  de 
séparer  la  fracture  succédant  à  un  choc  de  celle  qu'engendre  un  violent  effort  mus- 
culaire; dans  les  deux  cas  nous  constatons  l'instantanéité  de  la  cause,  la  diérèse 
brusque,  l'abolition  subite  des  fondions,  l'irritation  primitive  et  la  réparation 
consécutive,  la  tendance  naturelle  à  la  guérison;  il  y  a  donc  identité.  C'est  pour 
ces  motifs  qu'il  convient  de  modifier  la  définition  actuelle  qui  n'admet  pour  cau- 
ses des  lésions  traumatiques  que  les  violences  extérieures.  Ces  solutions  de  con- 
tinuité de  cause  interne  sont  beaucoup  plus  fréquentes  qu'on  ne  le  dit;  à  la  vé- 
rité, elles  passent  souvent  inaperçues  en  raison  de  leur  étendue  minime,  de  leur 
siège  dans  l'intimité  de  nos  tissus  et  des  troubles  médiocres  qu'elles  suscitent. 
Mais  elles  jouent  certainement  un  rôle  essentiel  dans  les  déplacements  progressifs  : 
hernies,  prolapsus  prétendus  spontanés  et  qui  supposent  cependant  une  destruc- 
tion des  moyens  de  fixité;  dans  les  dilatations  pathologiques,  les  insuffisances 
valvulaires  veineuses,  les  hémorrhagies  capillaires,  les  apoplexies,  etc.,  et  aussi 
dans  une  foule  d'affections  duressort  delà  pathologie  interne  auxquelles  les  anato' 
rao-pathologistes  doivent  restituer  leur  véritable  origine. 

Ces  remarques  prouvent  amplement  que  les  mots  violences  extérieures ,  bles- 
sure, que  les  auteurs  du  Compendiumde  chirurgie  définissent  «  solution  de  conti^ 
nuité  apparente  ou  cachée,  occasionnée  par  une  violence  extérieure  (t.  1, 505)  » ,  ne 
peuvent  désigner  l'ensemble  des  lésit)ns  traumatiques.  Lésions  externes,  lésions 
chirurgicales  sont  également  insuffisants  ;  ce  dernier,  surtout,  est  impropre,  car 
il  doit  être  réservé  aux  seules  lésions  pratiquées  par  le  chirurgien,  c'est-à-dire  aux 
opérations;  d'oii  il  suit  que  toute  lésion  chirurgicale  est  traumatiquc,  mais  que  la 
réciproque  n'est  pas  vraie. 

Si  les  termes  précédents  sont  trop  restreints,  en  revanche  ceux  de  lésions 
physiques,  lésions  mécaniques  adoptés  par  divers  auteurs,  Richerand,  Vidal,  les 
auteurs  du  Compendium,  sont  beaucoup  trop  étendus  et  englobent,  dans  leur 
acception,  des  lésions  essentiellement  différentes  des  lésions  traumatiques.  J'ac- 


LES  TERNES  (eau  minérale  de).  211 

corde  que  ces  dernières  sont  produites  pardes  agents  physiques  ou  mécaniques,  agis- 
sant physiquement  ou  mécaniquement.  Je  veux  bien  que  toute  lésion  traumatique 
soit  de  l'ordre  des  lésions  physiques  ou  mécaniques,  mais  je  rejette  le  réciproque. 
Sien  effet  on  faisait  la  confusion  que  je  combats,  il  fliudrait  ranger  à  côté  des  plaies, 
des  ruptures,  des  luxations,  etc.,  les  simples  pressions,  la  compression  et  toutes 
ses  conséquences  y  compris,  la  mortilîcation  des  tissus  qui  y  sont  soumis,  l'inter- 
ruption du  cours  du  sang  dans  un  vaisseau,  de  l'influx  nerveux  dans  un  nerf  et 
tous  les  effets  primitifs  ou  éloignés  que  produisent  sur  l'organisme  le  froid,  le 
chaud,  la  lumière,  l'électricité  ;  puis  comme  plusieurs  de  ces  agents  dits  physi- 
ques agissent  chimiquement  sur  nos  tissus  (lumière,  électricité),  il  faudrait,  pour 
être  logique,  ranger  dans  les  lésions  traumatiques  toutes  celles  qui  résultent  de 
l'application  des  caustiques,  enfin  si  lasimple  circonstance  de  cause  physique  suffi- 
sait, ne  faudrait-il  pas  annexer  encore  toutes  les  inflammations  ou  affections  orga- 
niques consécutives  à  l'action  directe  du  froid,  depuis  l'adénite  du  cou  jusqu'au 
rhumatisme  articulaire  et  à  la  périostite  suppurée.  Notre  deuxième  caractère  nous 
permet  de  sortir  facilement  d'embarras;  quels  que  soient  sa  cause,  sa  nature  et  son 
mode  d'action,  la  lésion  ne  sera  traumatique  qu'en  cas  de  production  immédiate 
d'une  solution  de  continuité.  Or  c'est  ce  qui  manque  dans  la  compression,  dans 
l'action  superficielle  des  agents  dits  impondérables  et  dans  la  réaction  chimique 
que  diverses  substances  exercent  sur  nos  tissus.  La  diérèse  plus  ou  moins  tardive 
produite  par  l'action  énergique  de  ces  agents  physiques,  mécaniques  ou  chimi- 
ques, appartient  alors  à  la  catégorie  des  lésions  organiques  et  nécessite  Tinter* 
vention  du  processus  inflammatoire  ulcératif,  atrophique,  etc. 

Je  conclus  de  tout  ce  débat  que  le  terme  de  traumatique  est  nécessaire  pour  dé= 
signer  tout  un  ordre  de  lésions  et  j'en  propose  la  définition  suivante  :  La  lésion 
traumatique  est  une  lésion  externe  ou  interne,  apparente  ou  cachée,  accident 
telle,  locale,  issue  sans  prédisposition  nécessaire  d'une  violence  extérieure  ou 
d'une  action  physiologique  exagérée,  caractérisée  par  T  instantanéité  delà  cause  ^ 
la  production  immédiate  d'une  solution  de  continuité  dans  nos  tissus,  V appari- 
tion subite  de  modifications  morphologiques  ou  fonctionnelles,  le  développement 
très-prochain  d'une  irritation  au  point  lésé  et  la  tendance  naturelle  à  la  répa- 
ration spontanée. 

En  procédant  de  la  même  manière,  c'est-à-dire  en  précisant  les  caractères  spé- 
ciaux étiologiques,  anatomiques,  physiologiques,  etc.,  on  arriverait  à  définir  rigou- 
reusement les  lésions  mécaniques,  chimiques,  organiques,  celles-ci  résultant  du 
jeu  même  des  organes  augmenté,  diminué  ou  perverti. 

Le  défaut  d'(  space  m'interdit  les  développements  dans  lesquels  il  faudrait  en- 
trer pour  établir  et  limiter  ces  groupes;  le  même  motif  m'empêche  de  discuter 
ici  plusieurs  questions  importantes  :  comment  se  produisent  les  lésions  anatomi- 
ques —  comment,  une  fois  produites,  se  révèlent-:lles  et  donnent-elles  naissance  à 
des  symptômes  —  toute  lésion  se  traduit-elle  par  des  signes  et  engendre-t-elle 
des  troubles  fonctionnels  latents  ou  patents  —  existe-t-il  des  troubles  fonctionnels 
sans  lésion  et  des  affections  sans  désordre  matériel  temporaire  ou  permanent  — 
comment  se  réparent  les  lésions  et  quel  est,  dans  cette  réparation,  le  rôle  respec- 
tif de  la  nature  et  de  l'art,  etc.;  pour  être  différée,  la  solution  de  ces  grands  pro- 
blèmes n'en  sera  pas  moins  tentée,  sinon  toujours  donnée,  dans  la  suite  de  ce 
recueil  [voy.  Étiologie,  Maladie,  Pathogénie,  etc.).  Verkeuil. 

LES  TËRIVIES  (Eau  jiikérale  de)j  font  aujourd'hui  partie  du  xvii"'  arrondisse- 


212  LÉTHARGIE. 

ment  de  Paris.  Le  point  d'émergence  de  la  source  des  Ternes  se  trouve  à  gauche 
et  tout]U'ès  du  chemin  de  fer  de  Parisà  Auteuil,  dans  une  pièce  d'eau  sur  laquelle 
on  se  promène  en  barque,  au  bas  du  parc  de  madame  Haincque-Demours  qui  liabite 
l'hôtel  portant  le  n"  21  de  la  rue  Pemours.  Nous  n'avons  pas  distingué  le  bouillon- 
nement indiquant  la  place  du  griffon  de  la  source  qui  alimente  la  pièce  d'eau  ; 
mais  nous  pouvons  affirmer  que  l'on  ne  peuc  apprécier,  ni  par  l'odorat  ni  par  le 
goût,  la  qualité  sulfureuse  de  son  eau.  La  pièce  d'eau  est  recouverte  de  la  couche 
irisée  particulière  à  l'eau  qui  stagne  depuis  un  certain  temps.  Si  nous  n'avions  pas 
connu  les  rudiments  d'analyse  chimique,  r{ue  nous  croyons  inulile  de  rapporter 
ici,  publiés  par  M.  Ossian  Henry  sur  l'eau  sw^/affie  calcique  sulfureuse  des  Ternes, 
nous  ne  nous  serions  jamais  douté  que  nous  étions  en  présence  d'une  mare  d'eau 
minérale.  Comme  cette  eau  n'a  pas,  et  n'a  jamais  eu  d'appHcations  thérapeutiques, 
nous  ne  croyons  pas  devoir  nous  y  arrêter  plus  longtemps  ;  nous  proposons  même 
de  rayer  du  cadre  hydrologique  la  source  des  Ternes,  dont  les  auteurs  ont  parlé, 
parce  qu'ils  ]ie  l'ont  pas  visitée.  A.  R. 

LÉTn4R€iIE  ();ï36«p')/îa  ;  l-hQocpyoç,  de  Vflôij,  oubli,  et  àoyôr,,  oisif,  inactif,  ou 
àpyia,  oisiveté;  veternus  owveternum  des  auteurs  latins).  Ce  terme,  après  avoir 
joué  un  rôle  considérable  dans  le  langage  médical  de  l'antiquité,  est  tombé  dans 
le  domaine  public,  oii  il  est  encore  d'un  usage  fréquent;  mais  ses  applications 
scientifiques  sont  très-restreintes,  et  l'on  peut  dire  qu'à  notre  époque,  il  n'a  plus 
qu'un  intérêt  historique. 

Piien  n'est  plus  divers  et  confus  que  ce  qui  a  été  écrit  là-dessus,  depuis  Hippo- 
crate,  par  les  médecins  le?  plus  autorisés,  et  ce  désordre  s'est  perpétué  jusqu'au 
siècle  dernier.  Ce  serait,  à  notre  avis,  un  travail  bien  stérile  que  de  pénétrer  dans 
un  pareil  dédale;  l'idée  moderne  n'ayant  que  des  rapports  très-éloignés  avec  celle 
des  anciens .  Voici  d'ailleurs  un  aperçu  sommaire  de  la  doctrine  que,  sur  le  lethar- 
gus,  professaient  les  plus  classiques. 

C'est,  disent-ils,  une  propension  excessive  au  sommeil,  avec  perte  de  la  mé- 
moire ,  altération  de  l'imagination  et  du  raisonnement,  fièvre  lente  et  sub- 
continue. 

Les  individus  atteints  de  ce  mal,  qui  tient  le  milieu  entre  le  corna  vigilet  h 
cariis,  irrésistiblement  enclins  à  dormir,  oublient  tou!e  chose  et  délirent.  Si,  à 
l'aide  d'excitations,  on  parvient  à  les  réveiller  et  à  leur  arracher  une  réponse,  ils 
retombent  tout  aussitôt  dans  l'état  de  somnolence,  d'où  on  les  a  momentanément 
tirés.  Il  y  a  une  fièvre  lente,  continue,  avec  des  redoublements  vespcrins,  et 
pourtant  la  chaleur  n'est  ni  acre  ni  mordicante.  Le  pouls  est  intermittent,  la  res- 
piration faible  et  ralentie,  la  faculté  motrice  languissante.  On  observe  parfois  de 
la  toux  ;  Je  plus  souvent  les  excrétions  alvines  sont  liquides  et  les  urines  jumen- 
teuses.  Les  yeux  sont  saillants,  la  face  pâle  et  tuméfiée,  la  langue  est  blanche,  la 
sueur  copieuse,  surtout  aux  extrémités,  qui  sont  froides.  Fréquemment,  il  y  a  du 
hoquet  et  du  tremblement  des  extrémités. 

Le  léthargus  est  une  maladie  aiguë,  presque  toujours  mortelle,  et  qui  tue  en 
général  dans  le  premier  septénaire.  Galien  estime  qu'elle  a  une  gravité  plus  grande 
que  celle  de  la  péripneumonie.  Il  peut  arriver  qu'elle  produise  l'hémiplégie  par  le 
sphacèle  d'une  partie  du  cerveau,  lorsque  le  sang  pituiteuY,  menant  à  se  tuméfier, 
engendre  un  abcès. 

Elle  se  distnigue  du  carus,  dans  lequel  la  fièvre,  si  elle  e.viste,  est  primitive; 

la  catalepsie,  parce  que  les  malades  y  ont  les  yeux  ouverts  et  restent  dans  la 


LÉTilARG  E. 

po?itiou  où  on  les  met;  de  l'apoplexie,  qui  se  produit  brusquement  et  dans 
laquelle  les  mouvements,  la  raison  et  les  autres  facultés,  non-seulement  sont 
affaiblis,  mais  complètement  abolis;  du  coma,  qui  se  manifeste  durant  un  accès 
de  fièvre  et  finit  avec  lui  ;  de  la  typhomanie,  ou  coma  vigil,  parce  que  le  malade, 
bien  que  porté  à  dormir,  ne  dort  pas  en  réalité  ou  s'éveille  facilement  ;  de  l'byslé- 
rie,  celle-ci  étant  caractérisée  par  des  convidsions  avec  absence  de  fièvre. 

La  nature  de  la  léthargie  avait  beaucoup  préoccupé  les  anciens  ;  ils  en  trouvaient 
la  cause  prochaine,  dans  une  pituite  visqueuse  qui  affluait  au  cerveau  et  s'y  corrom- 
pait. D'ailleurs,  les  avis  étaient  partagés  sur  le  siège  de  cette  humeur  et  son  mode 
d'action.  Suivant  l'opinion  la  plus  commune,  elle  envahit  non-seulement  les  an- 
fractuosités,  mais  la  substance  cérébrale  elle-même,  qui  se  gonfle  à  la  manière 
d'une  éponge.  Aussi  quelques  auteurs  rangent-ils  le  léthargus  parmi  les  tumeurs 
cérébrales,  et  Avicenne,  par  exemple,  appelle  léthargus  un  aposthème  phiegma- 
sique  engendré  dans  les  méats  de  la  substance  cérébrale.  L'opinion  de  Galien  sur 
ce  point  d'étiologie  mérite,  par  sa  bizarrerie,  d'être  rapportée  :  «  Le  délire,  dit-il, 
guérit  le  léthargus  par  la  coction  de  la  matière  morbide,  et,  par  contre,  le  délire 
devient  léthargus  par  l'extinclion  delà  chaleur  naturelle  du  cerveau.  » 

On  imaginerait  malaisément  un  tissu  d'erreurs  plus  inextricable  que  celui-là. 
Après  avoir  pris  connaissance  de  ce  thème,  le  lecteur,  j'ose  l'espérer,  me  par- 
donnera de  n'avoir  pas  donné  plus  de  développement  à  l'analyse  de  ce  que  les 
médecins  de  l'antiquité  ont  écrit  sur  la  léthargie.  Pour  eux,  la  fièvre  et  le  coma  ou 
la  somnolence  se  manifestant  ensemble,  voilà  ce  qui  la  constitue.  Cela  suffit  à  dé- 
montrer combien  ce  terme  était  compréhensif  ;  car  l'état  qu'il  représente  est  un  do 
ceux  qui  se  manifestent  le  plus  souvent,  dans  l'évolution  de  certaines  pyrexies  et 
des  toxémies. 

■  Aujourd'hui,  nous  sommes  bien  loin  de  lui  attribuer  une  signification  aussi 
étendue  :  voici  comment  la  définit  M.  Littré  :  «  Un  sommeil  profond  et  continuel, 
dans  lequel  le  malade  parle  quand  on  le  réveille,  mais  ne  sait  ce  qu'il  dit,  oublie 
ce  qu'il  a  dit  et  retombe  promptement  dans  son  premier  état.  »  Elle  est  essen- 
tiellement apyrétique;  et  ce  qui  en  fait  un  état  morbide  à  part,  c'est  la  durée 
excessive  du  sommeil,  unie  à  l'absence  de  tout  souvenir.  D'ailleurs,  on  ne  constate 
aucun  trouble  notable  dans  la  respiration  et  dans  les  phénomènes  circulatoires,  si 
ce  n'est  parfois  une  diminution  de  fréquence  et  de  force  dan?  les  mouvements  du 
thorax  et  dans  les  battements  du  cœur.  La  peau  est  fraîche,  les  membres  sont 
imnaobiles  et  dans  la  résolution.  Au  réveil,  il  y  a  le  plus  souvent  du  trouble  dans 
les  idées  et  de  la  lourdeur  de  tète. 

Certains  sommeils  léthargiques  tiennent  en  quelque  sorte  le  milieu  entre  la 
maladie  et  l'état  pliysiologique  ;  car  on  les  observe  ]jresque  toujours  à  la  suite  d'un 
travail  excessif  et  longtemps  continué.  Tels  sont,  par  exemple,  le  cas  rapporté  par 
Félix  Plater,  d'un  homme  qui,  excédé  de  fatigue,  dormit  trois  jours  et  trois  nuits, 
et  le  fait  cité  par  Salmuth  d'une  jeune  fille  qui,  ayant  danse  pendant  deux  jours, 
dormit  quatre  jours  et  quatre  nuits. 

Les  émotions  morales  brusques  et  violentes  ont  parfois  provoqué  la  léthargie. 
Dans  la  monographie  qu'il  lui  a  consacrée,  Pfeudier  en  rapporte  des  exemples  cu- 
rieux. Ou  l'a  observée  chez  des  individus  atteints  d'aliénation  mentale;  mais  de 
toutes  les  maladies  qui  peuvent  la  provoquer,  la  plus  fréquente  sans  contredit  est 
l'hystérie,  et  les  histoires  que  l'on  trouve  reproduites  par  tous  les  auteurs  qui  se 
sont  occupés  du  sujet,  ont  trait  à  des  femmes  hystériques.  Aussi  renvoyons-nous  à 
'article  consacré  à  cette  névrose.  {Vioy.  Hïstéiuî.) 


214  LE  TREIPORT. 

Il  est  une  confusion  contre  laquelle  nous  ne  saunons  trop  nous  élever,  la  ren- 
contrant à  chaque  instant,  clans  des  écrits  d'ailleurs  très-recommandables.  C'est 
celle  qui  consiste  à  identifier  la  léthargie  avec  la  vwrt  apparente.  Les  considéra- 
tions qu'entraîne  ce  point  de  nosologie,  trouveront  naturellement  leur  place  dans 
l'article  qui  sera  consacré  à  ce  dernier  ternie,  mais  il  nous  est  impossible  de  ne  pas 
dire  ici  brièvement  en  quoi  diffèrent  ces  deux  états.  Dans  le  premier,  les  mouve- 
ments respiratoires  et  ceux  du  cœur  peuvent  être  affaiblis  et  ils  le  sont  habituelle- 
ment; mais  ils  existent  et  sont  toujours  perceptibles.  Dans  le  second,  au  contraire, 
la  vue  la  plus  perçante,  le  toucher  le  plus  délicat,  l'ouïe  la  plus  fine,  ne  font  décou- 
vrir aucune  manifestation  active  du  côté  du  cœur  et  des  poumons,  {Voy.  Mort 

APPARENTE.) 

Il  est  un  autre  état  qu  il  faut  bien  se  garder  de  confondre  avec  la  léthargie,  c'est 
celui  dans  lequel  tombent  les  animaux  hibernants,  quand  la  température  exté- 
rieure s'abaisse  à  zéro  ou  au-dessous.  Sous  l'influence  du  froid  on  les  voit  s'agiter, 
leur  température  s'élève  par  une  suractivité  respiratoire,  et  ils  se  réveillent;  mais, 
la  cause  prolongeant  son  action,  ils  ne  tardent  pas  à  s'épuiser  ;  leur  respiration  se 
ralentit,  ils  se  refroidissent  et  tombent  dans  une  torpeur  profonde  :  c'est  la  léthar- 
gie par  le  froid,  qui  est  caractérisée  par  une  suspension  totale  des  fonctions.  Plus 
de  sensibilité,  môme  sous  l'influence  des  excitants  les  plus  énergiques  ;  plus  de 
circulation;  le  sang  stagne  dans  les  vaisseaux  abdominaux  et  le  cœur,  qui  ne  bat 
plus  ;  les  parois  thoraciques  sont  complètement  immobiles.  On  peut  alors  impu- 
nément plonger  les  animaux  pendant  plusieurs  heures  dans  l'eau,  dans  l'acide 
carbonique  ou  des  vapeurs  arsenicales  ;  ils  n'éprouvent  dans  ces  milieux  aucun 
dommage  ;  il  s'agit,  dans  ces  cas,  d'un  état  très-caractérisé  de  mort  apparente  et 
nullement  de  léthargie. 

Le  causus  et  la  phrénitis  formaient  autrefois,  avec  le  léthargus,  un  groupe 
spécial  de  fièvres  pseudo-continues.  (Foy.  Causus  et  Phrénitis.)         J,  Parrot, 

LÉTHARGUS.     Voy,  Léthargie. 

LE  TRÉPORT  (Station  marine),  daus  le  département  de  la  Seine-Inférieure, 
dans  l'arrondissement  de  Dieppe,  est  un  chef-lieu  de  canton  ayant  une  population 
agglomérée  de  o,6981iabitants.  Le  Tréport,  Ullerior  portus,  est  un  petit  port  sur 
la  Manche,  à  rembouchure  de  la  Bresle,  à  28  kilomètres  au  nord-est  de  Dieppe  et 
à  4  kilomètres  de  la  ville  d'Eu  ;  son  industrie  principale  consiste  dans  la  fabri- 
cation de  la  dentelle,  dans  plusieurs  entrepôts  de  sel,  et  surtout  dans  la  pêche  du 
hareng.  (On  s'y  rend  par  les  deux  lignes  de  fer  du  Nord  et  de  l'Ouest,  station  de 
Saint-Valery-sur-Somme.) 

Les  bains  de  mer  du  Tréport  sont  très-rapprochés  de  Paris,  aussi  sont-ils  très- 
fréquentés,  depuis  quelques  années  surtout,  par  les  personnes  qui  veulent  les 
commodités  de  la  vie  et  qui  craignent  les  plaisirs  bruyants  et  fastueux  de  quelques 
stations  marines  environnantes.  On  a  construit  l'établissement  de  bains  à  l'entrée 
du  port,  au  centre  d'une  pelouse  de  gazon  mouillée  par  les  vagues  lorsque  la 
mer  est  haute.  Une  promenade  où  l'on  a  installé  des  appareils  de  gymnasiique  et 
des  jeux  champêtres  est  au  voisinage  de  l'hôtel  des  bains  composé  d'une  belle 
salle,  d'une  grande  et  vaste  galerie  et  de  plusieurs  salons  pour  les  bals  et  les 
concerts  qui  se  donnent  pendant  la  saison  des  bains  de  mer. 

Les  bains  de  mer  se  prennent  au  Tréport,  soit  en  commun,  soit  en  particulier, 
sur  une  partie  de  la  plage  exclusivement  réservée  ù  l'un  ou  à  l'autre  .sexe.  La 


LETTRES  (gens  de).  •  2J5 

plage  du  Tréport  est  constituée  par  un  sable  plus  doux  et  plus  uni  que  dans  beau- 
coup d'autves  points  du  littoral  de  la  Manche.  Â.  R. 

liETTSiES  (Gens  de).  Hygiène.  On  appelle  généralement  gens  de  lettres 
tous  ceux  dont  les  travaux  produits  de  l'intelligence  s'adressent  avant  tout  à  l'intel  • 
ligence.  On  peut  en  faire  deux  classes  :  1"  les  Utlérateurs  proprement  dits  : 
poètes,  romanciers,  auteurs  dramatiques,  etc  ,  chez  lesquels  Ximacjinalionczi, 
je  ne  dirai  pas  la  folle,  mais  la  maîtresse  du  logis.  Il  convient  d'y  rattacher  les 
musiciens  (compositeurs),  les  peintres,  les  sculpteurs  ;  2»  les  hommes  adonnés 
aux  différentes  sciences  (mathématiques,  physiques,  etc.),  les  historiens,  les  ju- 
ristes, les  érudits  chez  lesquels  le  raisonnement  est  la  faculté  en  exercice.  Quant 
aux  commis,  aux  copistes  dont  la  main  est  plus  occupée  que  l'esprit,  il  en  sera 
question  au  mot  ÉcniVAiiX  ;  ils  n'ont  de  commun  avec  les  gens  de  lettres  que  la 
vie  sédentaire.  — D'un  autre  côté,  il  existe  un  certain  nombre  de  professions  ou 
de  positions  sociales,  dans  lesquelles  la  méditation,  la  tension  des  facultés  intel- 
lectuelles jouent  un  très-grand  rôle,  c'est  ce  que  l'on  voit  chez  les  spéculateurs, 
les  négociants  qui  passent  leur  vie  à  calculer  les  chances  bonnes  ou  mauvaises  de 
leurs  entreprises,  chez  les  hommes  d'État.  On  pourra  donc  appliquer  à  une  foule 
de  cas  particuhers  ce  que  nous  avons  à  dire  du  fonctionnement  exagéré  du  cer- 
veau chez  les  gens  de  lettres. 

Les  conditions  qui  peuvent  altérer  la  santé  des  personnes  livrées  aux  travaux 
de  l'esprit  sont  les  suivantes  : 

i°  Excitation  cérébrale.  Si  elle  est  passagère,  les*  effets  le  sont  également  ;  ainsi, 
après  une  méditation  profonde  et  continuée  pendant  plusieurs  heures,  on  obser- 
vera de  la  céphalalgiç,  ou  de  la  pesanteur  à  la  tète  avec  chaleur,  étourdissements, 
vertiges,  palpitations.  L'ébranlement  peut  même  avoir  été  porté  au  point  d'occasion- 
ner des  troubles  dans  les  idées,  et  des  conceptions  délirantes  de  peu  de  durée.  11  y 
a  quelquefois,  à  la  suite,  un  état  de  faiblesse  quipersiste  pendant  un  certain  temps. 

Lorsque  cette  action  se  reproduit  d'une  manière  habituelle,  les  effets  prennent 
alors  une  forme  en  quelque  sorte  chronique  et  retentissent  sur  toute  l'économie  ; 
le  cerveau  devient  un  centre  d'activité  aux  dépens  des  autres  appareils.  Il  en 
résulte,  comme  le  dit  Réveillé-Parise,  un  état  permanent  ^.'intempérie  nerveuse 
ou  de  diathèse  d'irritabilité  qui  amène  un  affaiblissement  dans  la  puissance  de 
réaction  ;  et,  en  effet,  suivant  la  remarque  judicieuse  de  Tissot,  la  méditation 
épuise,  comme  le  feraient  des  évacuations  excessives.  On  observe  alors  une  ex- 
trême irapressionnabilité,  qui  agit  particulièrement  sur  le  caractère,  devenu 
ombrageux  et  jaloux  {gemis  irritabile  vatiim),  une  sorte  d'abattement  avec  tris- 
tesse maladive,  qui  porte  facilement  les  gens  de  lettres  et  les  savants  à  la  mélan- 
colie et  à  l'hypocliondrie,  la  privation  du  sommeil,  etc.,  etc.  Cette  fatigue  du 
cantre  nerveux  explique  la  fréquence  des  affections  cérébrales  chez  les  personnes 
dont  nous  parlons.  Les  méningites,  les  congestions  au  cerveau  sont  ici  très- 
communes;  mais  c'est  surtout  l'apoplexie  qui,  de  l'aveu  de  tous  les  observateurs, 
est  en  quelque  sorte  la  maladie  spéciale  des  penseurs  ;  on  sait  que  Pétrarque, 
Copernic,  Malpigbi,  Richardson,  Linné,  Marmontel,  Rousseau,  Daubenton,  Spal- 
lanzani,  Monge,  Cabanis,  Corvisart,  Walter  Scott,  etc,  etc.,  ont  succombé  à  des 
hémorrhagies  cérébrales. 

Dans  la  statistique  donnée  parEsquirol,  de  la  maison  de  Charenton,  relative- 
ment à  la  fréquence  de  l'aliénation  mentale,  suivant  les  professions,  on  voit 
que  sur  l,26i  admissions,  pendant  les  huit  années  1826-35,  les  professions  dites 


216  LETTRES   (gexs  de]. 

libérales,  figurent  pour  161,  c'est-à-dire  42,6  p.  100.  Mais  l'influence  qui  nous 
occupe  ressort  bien  mieux  encore  du  tableau  suivant,  tiré  de  la  statistique  sur 
l'aliénation  mentale  publiée,  par  notre  regretté  collaborateur  Parcbappe,  dans  ce 
Dictionnaire  (t.  III,  p.  40).  On  voit  là,  que  les  bommes  livrés  aux  travaux  de 
l'esprit  occupent  le  premier  rang  bien  en  avant  des  autres  professions,  et  four- 
nissent 5,10  pour  1000  de  la  population  correspondante  donnée  par  les  recense- 
ments ;  tandis  que  la  classe  qui  donne  le  plus  d'aliénés,  après  celle  dont  nous 
parlons,  celle  des  marins  et  des  militaires,  ne  présente  que  le  rapport  de  1,99 
pour  1000,  et  la  plus  favorisée,  celle  des  commerçants  0,42. 

Cette  catégorie  des  professions  libérales,  décomposée,  nous  offre  les  relations 
suivantes  en  regard  du  nombre  correspondant  de  personnes  qui  exercent  ces  pro- 
fessions :  artistes,  9,60  pour  1000;  juristes,  8,41  ;  ecclésiastiques,  4,15;  mé- 
decins et  pharmaciens,  5,85;  professeurs  et  hommes  de  lettres,  5,56;  fonction- 
naires publics  et  employés,  1,57.  En  Belgique,  mêmes  résultats,  4,81  aliénés 
pour  1000  dans  les  professions  du  domaine  de  l'intelligence;  et  seulement,  0,92 
pour  les  professions  agricoles. 

Les  forces,  que  le  cerveau  semble  accaparer  au  profit  de  la  pensée,  laissent  les 
autres  appareils  dans  une  sorte  de  langueur,  mais  c'est  particulièrement  le  sys- 
tème digestif  qui  souffre  de  ces  conditions  toutes  particulières.  La  remarque  en  a 
été  faite  depuis  longtemps  :  Familiaris  admodum  studiosis  stomachi  vnbecil- 
litas  est,  quce  ipsos  plerumque  insequitiir,  ut  timbra  corpus  (Amatus.  Lusit. 
Curât,  méd.  cent.  \l,obs.  12)  ;  et  Tissot  :  «  L'homme  qui  pense  le  plus  est  celui 
qui  digère  le  plus  mal.  » 

2"  A  cette  cause  première  de  maladies  qui  rentre  dans  les  causes  directes  ou 
intrinsèques,  il  s'en  joint  d'autres  résultant  du  genre  de  vie  des  savants  (causes 
extrinsèques)  ;  en  tète  nous  devons  placer  la  vie  sédentaire  et,  sans  empiéter  sur 
ce  qui  sera  dit  ailleurs  à  cet  égard  {voy.  Professions)  ,  nous  ferons  observer  que  le 
défaut  d'exercice,  le  séjour  dans  un  air  confiné  [voy.  Habitations),  la  station  assise, 
déterminent  des  troubles  dans  la  circulation  abdominale  qui  portent  particulière- 
ment leur  action  sur  le  foie,  sur  la  sécrétion  biliaire,  et  contribuent  à  augmenter  les 
accidents  du  côté  de  la  digestion  ;  il  se  produit  aussi  une  stase  du  sang  dans  les 
dernières  ramifications  de  la  veine  porte,  d'où  la  pi'oduction  d'hémorrlioïdes  en- 
core aggravées  par  la  constipation,  celle-ci  est  très-commune  chez  les  gens  de 
lettres,  et  ils  la  provoquent  souvent  en  résistant  au  besoin  d'aller  à  la  selle,  afin 
de  ne  pas  interrompre  un  travail  commencé.  Ces  différentes  causes  de  stagnation 
du  sang  vers  les  parties  déclives  de  l'abdomen,  la  rétention  trop  souvent  volontaire 
des  urines,  etc.,  amènent  très-fréquemment  des  affections  graves  de  l'appareil 
génito-urinaire,  les  catarrhes  de  vessie,  l'incontinence  d'urine,  la  gravelle,  mais 
surtout  la  pierre.  Civiale  a  donné  une  longue  hste  de  savants  illustres  dont  les 
dernières  années  ont  été  empoisonnées  par  cette  cruelle  maladie.  [De  Vaffect. 
cale,  p.  649;  Paris,  1858,  in-8«.) 

5"  Les  veilles  prolongées,  jointes  à  l'excitation  cérébrale,  ont  très-souvent  pour 
effet  un  sommeil  agité,  interrompu,  tourmenté  de  rêves  se  rapportant  d'ordinaire 
à  l'objet  des  travaux  habituels,  mais  spécialement  des  insomnies  répétées  qui 
fatiguent  beaucoup  la  constitution  en  même  temps  qu'elles  augmentent  la  sus- 
ceptibilité nerveuse. 

4°  Dans  certaines  professions  (avocats,  professeurs,  prédicateurs,  etc.),  V exer- 
cice forcé  de  la  voix  peut  déterminer  des  phénomènes  spéciaux  dont  nous  n'avons 
pas  à  nous  occuper  ici.  [Voy.  Voix  (Hygiène  de  la).] 


LETTRES  (gens  de).  217 

5"  Un  travail  trop  assidu,  mais  surtout  ù  une  lunnère  artificielle  trop  faible  ou 
trop  forte;  la  lecture  de  caractères  trop  fins  ou  mal  conformés,  comme  il  arrive 
pour  les  manuscrits,  les  recherches  micrograpliiques,  etc.,  etc.,  fatiguent  exces- 
sivement Vorgane  visuel  et  déterminent  soit  une  sensibilité  très-grande  de  l'œil, 
qui  l'expose  aux  ophtbalmics  chroniques,  soit  même  un  affaiblissement  de  la  vue 
qui  peut  aller  jusqu'à  la  perte  totale  de  cétie  importante  fonction. 

Ces  conditions  fâcheuses  se  réunissent,  se  corroborent  en  quelque  sorte  les 
unes  les  autres,  de  manière  à  produire  djns  la  santé  générale  des  désordres  dont 
M.  L.  Fleury,  si  bien  placé  pour  les  observer,  a  tracé  le  résumé  suivant  :  «  La 
contractillté  subit  des  moditications  profondes,  tandis  que  les  muscles  animés 
par  le  système  cérébro-spinal  sont  souvqnt  très-excitables,  agités  de  mouvements 
violents,  irréguliers,  désordonnés,  convulsifs;  ceux  qu'anime  le  système  gan- 
glionnaire, sont  frappés  d'atonie,  d'inertie;  de  là  des  troubles  variés  dans  les  dif- 
férentes fonctions  et  spécialement  de  la  digestion  et  de  la  circulation.  Vous  savez 
combien  la  gastralgie,  la  dyspepsie,  la  constipation  sont  communes  parmi  les 
hommes  studieux  et  sédentaires  ;  le  cœur  se  contracte  moins  énergiquement,  la 
circulation  capillaire  languit,  le  sang  abandonne  la  circonférence  pour  se  con- 
centrer dans  les  organes  profonds  ou  déclives  ;  la  face  est  pâle,  la  peau  sèche, 
les  extrémités  sont  froides  ;  un  cercle  vicieux  s'établit  entre  la  constipation  et  la 
congestion  hémorrboïdale,  entre  la  dyspepsie  et  la  congestion  hépatique,  entre  ces 
affections  et  l'anémie,  l'asthénie  générale.  La  congestion  chronique  du  foie,  que 
nous  avons  étudiée  et  signalée  à  l'attention  des  observateurs,  se  montre  très-lré- 
qnemment  chez  les  gens  de  lettres,  les  artistes;  elle  est  souvent  accompagnée  de 
mélancolie,  de  nosomanie,  de  nécrophobie.  Des  palpitations  nerveuses,  anémi- 
ques ;  des  battements  de  cœur  irréguliers,  intermittents;  une  respiration  impar- 
faite, gênée;  une  calorification  acre,  raordicante,  complètent  le  tableau.  »  {Cours 
d'hyg.,  t.  III,  p.  155.) 

Quelques  circonstances  particulières  doivent  encore  attirer  notre  attention. 
Ainsi,  pour  l'âge,  on  a  remarqué  certains  enfants  doués  d'une  précocité  exception- 
nelle et  qui  donnent  au  développement  de  l'intelligence  le  temps  consacré  par  la 
nature  au  dévelo|)pement  du  corps.  On  sait  ce  que.  àex'mnnent  ce^spetits  pt'odiges  ; 
usés  avant  le  temps,  ils  ne  tardent  pas  à  perdre  ces  facultés  qui  avaient  excité 
l'étonnemenl,  ou  bien  ils  succombent,  à  peine  entrés  dans  la  jeunesse,  ii  des  ma- 
ladies d'épuisement  et  de  langueur.  En  général,  il  ne  faut  pas  trop  exiger  des 
jeunes  enfants  et  les  astreindre  dès  l'âge  de  huit  ou  dix  ans  à  des  études  qu'une 
sorte  d'instinct  fait  repousser.  {Voy.  Éducation,  Intelligence.)  D'un  autre  côté, 
il  y  a  de  graves  inconvénients  à  se  livrer  à  des  travaux  intellectuels  nouveaux 
ou  inaccoutumés  à  un  âge  déjà  avancé  ;  il  faut  des  efforts  trop  violents  de  la  part 
du  cerveau,  et  il  en  résulte  des  désordres  qui  peuvent  aller  jusqu'à  la  perte  de 
la  raison.  Tissot  a  très-judicieusement  insisté  sur  ces  considérations. 

Si  l'on  compare  les  ouvriers  de  la  pensée  avec  ceux  de  la  main  {Handwerker, 
comme  disent  les  Allemands),  on  verra  qu'au  point  de  vue  de  la  santé,  l'avantage 
est  fout  à  fait  du  côté  de  ces  derniers.  Le  manouvrier,  avec  ses  dix  ou  douze  heui'cs 
de  fatiguecorporelle,  conserve  ses  forces,  ses  facultés  digestives,  son  insouciance; 
tandis  que  l'autre  n'a,  pour  ainsi  dire,  jamais  de  repos,  il  s'épuise,  demeure  tou- 
jours souffrant,  liypochondriaque.  Comme  l'a  fait  observer  le  docteur  Newuliam, 
cette  différence  ne  tient  pas  seulement  à  ce  que  l'un  mène  une  vie  active,  l'autre 
une  vie  sédentaire,  mais  à  la  différence  dans  l'emploi  de  l'intlux  nerveux.  .Ahisi, 
tandis  que  chez  le  savant  les  fonctions  organiques  languissent,  chez  l'ouvrier 


218  LETTRl'S  (gens  de), 

proprement  dît  elles  prennent  de  l'accroissement;  aussi  les  maladies  de  celul'ci 
sont-elles  plutôt  de  nature  sthénique,  tandis  que  chez  celui-là  c'est  la  taiblesse 
qui  domine. 

I  Et  cependant  si  l'on  s'en  l'apporte  aux  statistiques,  la  durée  de  la  vie  attein- 
drait un  cliifire  assez  élevé  chez  les  gens  de  lettres.  Benoiston  de  Chàteanneuf  a 
fait  le  relevé  de  la  durée  de  la  vie  chez  les  membres  des  trois  académies  depuis 
leur  fondation,  et  il  a  obtenu  des  documents  certains  sur  758  membres  dont 
la  vie  moyenne  a  été  de  68  ans  10  mois,  et,  en  particulier  pour  l'Académie  fravi- 
çaise,  69  ans  3  mois  ;  pour  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  69  ans 
7  mois;  pour  l'Académie  des  sciences  67  ans  11  mois.  Sur  ces  758  académiciens, 
595,  c'est-à-dire  plus  de  la  moitié,  ont  dépassé  la  moyenne  et  parmi  eux  145  l'ont 
dépassée  de  beaucoup  (124  de  80  à  90  ans,  et  21  de  90  à  100).  On  voit  qu'ici  il 
s'agit  de  têtes  choisies,  car,  d'une  part,  les  académiciens  n'ont  été  admis  dans  les 
sociétés  savantes  qu'à  un  âge  déjà  assez  avancé,  de  40  à  50  ans,  et,  pour  la  plupart, 
dans  une  certaine  position  d'aisance.  Aussi,  B.  de  Chàteauneuf  a-t-il  cru  devoir 
comparer  ces  résultats  avec  ceux  donnés  par  l'examen  de  1000  savants,  pris  au 
liasard  dans  la  biographie  universelle,  et  appartenant  aux  différents  pays  de  l'Eu- 
rope, il  a  obtenu  ainsi  une  moyenne  de  65  ans  10  mois,  c'cst-à  dire  peu  au-des- 
sous du  chiffre  fourni  par  les  académiciens. 

Gasper,  de  son  côté,  dans  ses  études  sur  la  durée  de  la  vie  chez  les  médecins, 
a  noté  que,  sur  100  personnes,  exerçant  les  professions  suivantes,  ont  atteint  l'âge 
de  70  ans  et  au  delà  :  —  théologiens,  42  ;  —  cultivateiu's,  40  ;  —  employés  su- 
périeurs, 35;  — marchands,  artisans,  55; — militaires,  55;  — employés  subal- 
ternes, 32  ;  —  avocats,  29  ;  —  artistes,  28  ;  —  professeurs,  27  ;  —  médecins,  24. 

Enfin  Madden  {Tlie  Infii^mities  of  Genius,  etc.,  Lond.,  1833)  a  donné  le 
tableau  suivant  de  la  longévité  dans  les  professions  libérales  :  —  naturalistes, 
75  ans;  — philosophes,  70;  — peintres  et  sculpteurs,  70;  — -légistes,  69;  — 
médecins,  68;  —  théologiens,  67;  —  philologues,  66;  — musiciens,  64;  — 
romanciers,  62,5;  —  auteurs  dramatiques  et  auteurs  divers,  62;  ^  poètes,  57, 
(Œsterlen,  Hanclb.  der  med.  Statistik,  p.  210.  Tûbingen,  1865-68.) 

Ainsi,  malgré  leurs  infirmités,  les  gens  de  lettres  fournissent  une  assez  longue 
carrière:  ce  qu'ils  doivent  certainement  àleur  sobriété,  et  à  l'aisance,  au  moins  re- 
lative, dont  ils  jouissent.[Ce  qui  confirme  ce  que  nous  avons  dit  ailleurs  {voy.  Bou- 
chers) qu'une  grande  vigueur  corporelle  n'est  nullement  un  brevet  de  longévité. 

Que  convient-il  de  faire  pour  neutraliser  cet  ensemble  de  causes  morhifiques? 
Le  premier  soin  est  d'empêcher  la  prédominance  trop  marquée  des  fondions 
intellectuelles  sur  les  autres  fonctions  de  l'économie,  et  d'étabhr  un  équilibre 
dont  la  rupture  présente  de  si  fâcheuses  conséquences  :  «  Parquoy  Phton  nous 
admonestoit  sagement,  dit  Plutarque,  de  ne  remuer  et  n'exercer  point  le  corps 
sans  l'àme,  n'y  l'àme  aussi  sans  le  corps,  ains  les  conduire  également  tous  deux, 
comme  une  couple  de  chevaux  attelez  à  un  mesme  timon  ensemble  ;  attendu  que 
le  corps  besongne  et  travaille  quant  et  l'àme,  au  moyen  de  quoy  il  en  faut  avoir 
un  grand  seing  et  lui  rendre  le  traictement  qui  luy  appartient  afin  de  lui  entre- 
tenir la  belle,  bonne  et  désirable  santé,  »  (Plutarque,  les  Règles  et  pre'ceptes  de 
santé,  trad.  d'Amyot,  in  OEuvres.)  Ici,  le  plus  difficile  n'est  pas  de  tracer  les 
règles  que  doivent  sui\re  les  gens  de  lettres  pour  conserver  leur  santé,  mais  bien 
de  les  leur  faire  accepter.  Les  uns  par  insouciance,  les  autres  par  présomption 
croyant  savoir  mieux  que  les  médecins  ce  qui  leur  convient,  repoussent  les 
précautions  qu'on  leur  recommande,  quitte  à  les  exagérer  ensuite  et  à  tomber 


LETTRES  (GENS  de).  210 

dans  ces  ridicules  minuties,  ces  craintes  puériles  qui  caractérisent  la  nosoniauie. 

\°  De  toutes  les  précaiitions  à  prendre,  la  plus  nécessaire  et  peut-être  la  plus 
difficile  à  obtenir,  c'est  la  modération  dans  l'exercice  de  la  pensée.  On  ne  doit  pas 
prolonger  au  delà  de  la  puissance  individuelle,  fort  variable  d'ailleurs,  le  travail 
intellectuel.  Comme  toutes  les  autres  fonctions,  celles  du  cerveau  sont  intermit- 
tentes, il  faut  donc  s'arrêter  quand  la  pesanteur  ou  la  douleur  de  tête  avec  sensa- 
tion de  cbaleur  viennent  vous  avertir  que  l'organe  est  fatigué  et  demande  du 
repos. 

2°  Le  meilleur  moyen  de  lui  accorder  ce  repos,  c'est  la  promenade  au  grand 
air,  ou  du  moins  un  changement  d'occupation.  On  sait  combien  sont  avantageux 
pour  les  savants  et  les  gens  de  lettres,  les  divers  exercices  corporels,  l'escrime,  la 
gymnastique,  le  jardinage,  l'équitation  si  appréciée  par  Boerliaave,  certains  jeux 
actifs  tels  que  le  billard,  les  boules,  etc.,  etc.  Ces  exer^^ices  ne  devront  pas  non 
plus  être  portés  jusqu'à  la  fatigue,  et  il  convient  de  se  reposer  quelques  instants, 
avant  de  reprendre  son  travail. 

5"  On  comprend  de  quelle  importance  doit  être  le  régime  chez  des  personnes 
dont  l'estomac  est  si  fréquemment  atteint  de  dyspepsie.  Disons  d'abord  qu'il  faut 
consacrer  au  repas  un  temps  suffisant,  de  manière  à  se  livrer  à  une  mastication 
rigoureuse,  condition  indispensable  de  toute  bonne  digestion.  Quant  au  mode 
d'alimentation,  il  doit  nécessairement  différer  suivant  les  individus,  les  saisons, 
les  climats  et,  sans  entrer  dans  des  détails  oiseux,  disons  seulement  qu'il  doit  être 
mixte  et  réparateur;  viandes  grillées,  poissons  légers,  légumes  verts  bien  cuits, 
peu  de  farineux,  éviter  les  ragoûts  épicés,  les  pâtisseries,  les  charcuteries,  etc.; 
les  boissons  aqueuses,  c'est-à-dire,  suivant  la  tolérance  de  l'estomac,  vin  coupé 
de  préférence  à  la  bière  et  surtout  au  cidre,  seront  mises  en  usage;  ceux 
dont  le  système  est  très-aftlùbli  pourront  prendre  un  peu  de  vin  pur,  bordeaux  ou 
vins  du  Midi.  Le  café,  le  thé  dont  Tissot  a  blâmé  l'abus  extravagant  qu'on  en  fai- 
sait de  son  temps,  sont  réellement  très-utiles,  mais  à  la  condition  d'en  user  mo- 
dérément; une  petite  tasse  de  café  ou  une  ou  deux  au  plus  de  thé  noir  après  le 
repas  facilitent  la  digestion  et  laissent  au  cerveau  toute  sa  liberté  d'action.  Il  faut 
aussi  éviter  de  se  livrer  à  un  travail  intellectuel  actif  immédiatement  après  le  prin- 
cipal repas;  c'est  alors  que  le  repos  avec  causerie  familière,  une  promenade  sans 
fatigue,  préparent  très-bien  à  la  méditation  qui  pourra  ensuite  avoir  lieu  sans  en- 
traver la  digestion, 

4"  Il  n'est  pas  toujours  possible  aux  littérateurs,  aux  savants,  de  résider  dans 
un  endroit  plutôt  que  dans  un  autre.  Cependant  ils  devront,  autant  qu'ils  le  pour- 
ront, habiter  sinon  la  campagne,  du  moins  un  quartier  sain,  dans  une  rue  large, 
occuper  un  étage  élevé  et  bien  exposé,  plus  spécialement  au  soleil  levant.  Pour  le 
chaulfage  on  préférera  la  cheminée  au  poêle,  et  pour  l'éclairage  la  bougie  ou  une 
bonne  lampe,  au  gaz.  Une  très-bonne  précaution,  quand  on  travaille  aune  lumière 
arliticielle  ou  à  un  jour  très-vif,  c'est  de  porter  des  lunettes  teintées. 

5"  Les  personnes  dont  le  cerveau  est  très-occupé  sont  habituellement  frileuses, 
il  leur  faut  donc  des  vêtements  chauds.  Chacun  suivra  à  cet  égard  ses  impressions 
particulières.  Mais  ce  qu'il  faut  surtout  éviter,  c'est  le  froid  aux  pieds  qui  favorise 
les  congestions  du  côté  du  cerveau,  et  c'est  particulièrement  au  moment  du  cou- 
cher qu'il  convient  d'y  porter  remède. 

6°  La  propreté  la  plus-  rigoureuse  doit  être  observée.  Tissot  a  judicieuse- 
ment signalé  ici  la  grande  utilité  des  bains  froids,  surtout  suivis  d'une  franche 
réaction  :  on  peut  aujourd'hui  conseiller  les  pratiques  les  plus  simples  de  l'hydro- 


220  LETTRES  (gens  de). 

thérapie.  Tissol  a  aussi  vanté  avec  juste  raison  l'importance  des  frictions  sèches. 

7°  Enfin  on  sait  combien  les  veilles  sont  nuisibles  à  la  santé,  un  sommeil  répa- 
rateur de  six  à  sept  heures  est  indispensable,  nulle  transaction  ne  peut  être 
acceptée  à  cet  égard. 

Quant  aux  maladies  proprement  dites,  tous  les  auteurs  sont  d'accord  pour 
rejeter  les  moyens  débilitants  trop  énergiques  et  surtout  trop  longtemps  soute- 
nus; les  adoucissants,  les  toniques  doux  doi\ent  jouer  ici  un  grand  rôle,  mais 
particulièrement  dans  la  convalescence  qui  est  ordinairement  longue  et  exige  un 
régime  analeptique,  l'air  pur  de  la  campagne,  les  eaux  gazeuses,  ferrugi- 
neuses, etc.,  etc.  E.  Beaugrand. 

Bibliographie.  —  On  comprend  que  les  médecins  se  soient  occupé  depuis  longtemps  delà 
santé  des  hommes  qui  se  consaci^ent  aux  travaux  de  l'intelligence  ;  de  là  une  multitude  de 
dissertations  dont  la  bibliographie  suivante  ne  peut  donner  qu'un  spécimen  incomplet. 
Ficixo  iMarsili).  De  sludiosorum  sanitale  luenda.  In  De  Vita  (lib.  I),  1489,  pet.  in-fol.  Bonon., 
1501,  in-4°,  etc.  Trad.  fr.  par  Beaufils.  Paris,  15il,  iu-8°,  etc.  —  Giutaiiolcs  (G.).  De 
litteratorum  et  eorum  qui  magislralibus  fiinguntur  conservanda  prœservandaquevaletudine. 
Easileae,  1555,  in-S".  —  Horst  (Gr.).  De  tuenda  sandale  sludiosorum  et  lilteralorum. 
Giessen,  1615,  in-8». —  Eberfeld.  De  morhis  eruditorum.  Duisbergi,  lii93,  in-4''  —  Hoff- 
mann (Fr.).  De  prœcipuo  sludiosorum  morho  ejusgue  genuinis  causis.  Halse  ,  1699,  in-4°  et 
mDiœl.  germ.,  t.  IX.  Halœ,  1728,  in-8°. —  Schrœder.  De  eruditorum  valeladine.  llelm- 
stadii,  liOl,  in-8°.  — Vesti.  De  atrophia  Ulleratorum.  Erlordiœ,  1714,  in-4°.  —  Sciiaciier. 
De  eruditorum  morhis  Lipsiœ,  1719,  iu-i". —  Aïei,  (H.  C).  Lcibmedicus  der  Studenteii. 
Leipzig,  1720,  in-S".  —  Alberti.  De  antochiria  litteratorum.  Halœ,  1727,  in-4°.  —  Stahl  (G, 
Ern).  De  principalioribus  Ulleratorum  affeclibiis.  Erfordiœ,  1730,  in-l".  —  Cartheuser  (J. 
Fr.).  Progr.  déprima  ac  vera  morbi  litleralorum  origine.  Francof. ,  1740,  in-4''.  —  Jcch.  De 
constilutione  lileratorum  vel  cacochymia  jjHuUosa  cachectica.  Lipsiîe,  1740,  in-4°.  — 
Sai.ciiow.  De  lilteralorum  et  honoratoriim  sanitale  luenda.  llake,  1746,  in-4". —  Stock  (J.  C). 
De  tuenda  sanitale  in  meditationum  laboribus.  lenaî,  1751,  in-4''.  — Pujati  (G.  A.).  Délia 
preservazione  délia  salute  de  littcrati.  Yenezia,  1752,  in-S".  — Tissot  [S.  A.  D.).  De  vnlctu- 
dine  litteratorum.  Lausanne,  1766,  in-S".  Trad.  fr.  sous  le  titre  :  Avis  aux  gens  de  lettres 
sur  leur  santé.  Paris,  1768,  in-12.  Traduct.  désavouée  par  Tissot,  qui  en  a  donné  une  lui- 
même  sous  le  litre  suivant  :  De  la  santé  des  gens  de  lettres.  In  OEuvres par  Halle,  t.  IIL 
Paris,  18U9,  in-S»  et  Paris,  1826,  in-12  (édil.  de  Boisseau).  C'est  encore  aujourd'hui,  au  point 
de  viiepraliquo,  le  meilleur  ouvrage  qui  ait  été  écrit  sur  cette  question.  — Bienville.  Der 
Familienarzlimd  der  ArztderGelelirten.  Leipzig,  1776,  in-8°.  —  Ackerîiann  (J.  Chr.  GUI.). 
Veber  die  Krankheiten  der  Gelehrten.  Kùrnberg,  1777,  in-8'>.  —  Von  einigen  Krankheiten 
der  Gelehrten  und  deren  Kiiren.  Kœln,  1785;  in-S».  —  Verhagen  [H.) .  De  morbis  ex  nimia  lit- 
teralura sequi solilis .  Lugd.  Batav.,  1788,  in-4°.  —  IIeerkens  (G.  Nie).  De  vahtudine  Ullerato- 
rum Poema.  Groningœ,  1792,  in-S».  —  Liddeiidale.  De  morbis  litteratorum.  Mmb.  1800, 
in-i°.  —  BRUNAUD.Z)e  l'hygiène  des  gens  de  lettres,  ou  Essai  médico-philosophique  sur  les 
moyens,  etc.  Paris,  1819,  in-S".  — Aulagnier.  Essai  sur  les  principales  maladies  des  gens 
de  lettres,  et  sur  l'emploi,  etc.  Th.  de  Strasb.,  1827,  n°  828.  —  Bégin  ;E.  A).  De  l'influence 
des  travaux  intellectuels  sur  le  système  ptnjsique  de  l'homme.  Ibid  ,  1828,  n"  854.  — 
ilAXiDEs.  The  Infirmities  0}  Genius,  etc.,  Londou,  1853,  in-S».  —  Réveillé-Parise.  Physiologie 
des  hommes  livrés  aux  travaux  de  l'esprit.  Paris,  1834,  2  -vol.  in-S". —  Lemonmer.  Influence 
du  travail  et  des  impressions  littéraires  sur  le  développement  des  névroses.  Th.  de  Paris, 
1855,  n°  286.  —  Newnham  (W.).  Essay  on  the  Diseases,  incident  to  Litlerary  Men.  Lond., 
1836,  in-S".  —  Benoiston  de  Chateauneof.  De  la  durée  de  la  vie  chez  les  savants  et  les 
gens  de  lettres.  In  Ann.  d'hyg.,  l"  sér.,  t.  XXV,  p.  241;  1841,  E.  Bgd. 

LETTSO:^!  (John-Coackley),  naquit  en  ilU,  dans  'ile  de  Little-van-Dicke, 
près  de  Tortola,  dans  les  Indes  occidentales,  de  parents  appartenant  à  la  secte  des 
quakers.  Il  vint  très-jeune  en  Angleterre  et  fut  confié  aux  soins  du  savant  Fo- 
thergill.  Ses  humanités  terminées,  il  se  préparait  à  l'étude  de  la  médecine  par  le 
stage  obligé  dans  une  pharmacie,  quand  la  mort  de  son  père  le  rappela  aux  colo- 
nies pour  recueillir  sa  succession.  Là,  il  doiuia  la  liberté  à  ses  esclaves  et  revint 
en  Angleterre  ache^'er  ses  études  ;  il  voyagea  ensuite  sur  le  continent,  se  fit  rece- 
voir docteur   -i  Leyde  et  retourna  à  Londres  exercer  la  médecine  avec  un  grand 


LEIJCE.  221 

succès.  Quand  il  mourut,  eu  1815,  il  était  membre  de  la  Société  royale  de  Lon- 
dres ducollége  des  médecins,  médecin  extraordinaire  de  l'hôpital  de  Londres. 

Lettsoai  s'était  beaucoup  occupé  d'histoire  naturelle  et  a  écrit  un  très-grand 
nombre  d'ouvrages  dont  nous  indiquerons  seulement  les  principaux. 

l.Obs.  ad  kistoriam  fheœ  pertinentes .  Leyde,  1769,  in-i°.  —  II.  The  Natural  Historij  of 
tlie  Tea-Tree ;  wttliObserv.  on  the  Médical  Qualifies,  etc.  Lond.,  1772,  in  4°.  Ibid.,  1799, 
in-4''.  Trad.  franc.,  Paris,  1775,  in-12.  —  HI.  Reflexions  on  tlie  General  Treatment  and  Cure 
ofFevers.  Lond.,  1772,  in-S".  — IV.  Med.  Minutes  of  the  General  Dispensarij  in  London, 
elc.  Lond.,  1774,  in-8°.  Trad.  fr.,  Paris,  1787,  in-8°.  —  V.  Iniproveuient  of  Medicine  in 
London,  on  the  Basis  ofthe  Public  Good.  Ibid.,  1775,  in-8°.  —  VI.  Histanj  of  theOrigin  of 
Medicine.  Ibid,,  1778,  in-i°. —  VII.  Lettcr  to  Sir  G.  Baker...  respecting  General  Inoculation. 
Ibid.,  1778,  in-4°.  —  VIII.  Considérations  ou  the  Proprietij  of  a  Plan  for  inoculation  the 
Poor  of  London  at  their  ozvn  Houses.  Ibid,,  1779,  in-8°.  —  IX.  History  of  some  of  the 
Effects  of  Eard-Brinhing .  Ibid. ,  1 789,  in-4'.  —  X,  Eints  respecting  the  Distrcss  of  the  Poor . 
Ibid.,  1794,  iji-8°.  —  XI.  Hints  respecting  the  Chlorosis  of  boardings  Schools.  Jbid.,  1795, 
in-8°.  — XII.  Obs.  on  the  Cow-Pox.  Ibid.,  1801,  in-S".  — XIII.  An  Apologij  for  diffcring 
fromtlie  Authors  of  the  Monthly  and  Critical  Review,  etc.  Lond,,  1803,  in-8°.  —  XIV.  Un 
grand  nombre  de  mémoires  dans  divers  recueils,  ec  notamment  dans  les  Memoirs  of  Médical 
Society  (les  t.  I-VI).  E,  Bgd. 

LEUCAiSTHÈME  {Leucmithemum.  T.).  Ce  nom  qui  était,  pour  les  anciens, 
celui  de  la  Camomille  romaine,  a  été  donné  à  quelques  plantes  détachées  du  grand 
genre  Chrysanthème  de  Linné,  et  qui  en  diffèrent  notamment  en  ce  que  tous  les 
achaines  produits  par  une  inflorescence  y  sont  d'une  seule  sorte  et  non  de  deux, 
et  tous  coniques,  tronqués  au  sommet,  munis  de  côtes  tout  autour.  Les  Leucan- 
tlièmes  sont  des  herbes  vivaces  des  pays  tempérés,  à  feuilles  altenies  et  à  capi- 
tules terminaux.  L'espèce  type  du  genre  est  la  Grande  marguerite  de  nos  champs 
{Leucantliemum  vulgare  Lajik,  FI.  fr.,  Il,  157.  —  Chrysanthemum  Leucanthe- 
mimi  L.,  Spec,  1251.  —  C.  montanum^^.,  Spec,  III,  2143.  —  C.  sylvestre  W., 
Enum.,  60. — MatricariaLeucantJiemumdEsvK,  cxLasik, Dict.,111, 2143). Cette 
plante  bien  connue  sert  de  légume  dans  l'Archipel.  On  mange  ses  jeunes  pousses 
crues,  d'après  Belon  {Singid.,  60).  Eu  Sibérie,  suivant  Rehmann  {Noiiv.  Journ. 
méd.,  V,  208),  on  l'emploie  contre  la  leucorrhée.  Lobel  l'appelait  Consolida  média 
vulnerarium,  en  raisort  de  ses  vertus.  On  la  regardait  comme  apéritique,  dépurative, 
diiirétique.  Ray  admettait  même  qu'elle  guérissait  l'asthme,  la  phthisie.  En  Bos- 
nie, elle  sert  d'insecticide.  Cazin  suppose  qu'elle  pourrait  être  emplovée  aux 
mêmes  usages  que  la  Pâquerette;  elle  est  un  peu  acre  et  amère.  Les  anciens  la 
recherchaient  comme  «  chaude  et  sèche  et  bonne  à  résoudre  les  strumes  ;  »  elle 
n'est  guère  usitée  de  nos  jours.  H.  Bn. 

TouBN.,  Instit.,  t.  492.  —  DC.  Prodr.,yi,  45.  —  Ekdl.,  Gen.,  n.  2667.  —  Mer.  et  Del,, 
Dict.,  II,  271.  —  Gren.  etGoDR.,  FI.  de  Fr.,  Il,  139.  —  Cazin,  Trait,  prat.  des  pi.  médic\ 
éd.  5,  735 

lEUCATHOIV.     Nom  que  Dioscoride,  suivant  Mérat  et  Delens  {hict.,  IV,  94) 
donneà  l'Œnanthe  safranéc.  H.  Bn. 

LEVCÉ.  Comme  nous  l'avons  dit  ailleurs  [voij.  âlphos),  les  Grecs  dési- 
gnaient sous  le  nom  de  Leucé  une  lésion  de  la  peau  caractérisée  par  des  taches 
blanches  qui  affectaient  à  la  fois  l'épiderme  et  les  parties  sous-jaceates.  A  cet 
égard,  il  règne  une  parfaite  conformité  entre  les  autours.  Nous  n'avons  pas  à  y 
revenir.  L'auteur  du  Prorrheïiqiie  (II,  43)  déclare  que  la  leucé  appartient  aux 
affections  les  plus  graves,  comme  aussi  la  maladie  dite  phénicienne  {foivu-nU). 
Qu'est-ce  donc  t^ue  cette  maladie  phénicienne?  Galieu  n'hésite  pas  à  y  reconnaître 


222  LEUCINE. 

l'éléphautiasis,  maladie  très-commune,  dit-il,  dans  l'Ànatolie,  c'est-à-dire  dans 
le  Levant.  (Gloss.  p.  597.  Lipsise,  1780,  in-fol.)  Ce  premier  rapprochement  est 
très-remarquable,  ajoutons-y  ce  que  dit  un  écrivain  un  peu  antérieur  à  Hippo- 
crate,  Hérodote,  qui  nous  apprend  qu'en  Perse  tout  citoyen  atteint  de  la  lèpre  ou 
dela/ewce  est  renvoyé  de  la  ville  et  privé  du  commerce  de  ses  semblables  {Hist.  î, 
138);  nous  en  avons  parlé  au  mot  Lèpre.  {Voy.  p.  184.)  Aristote  mentionne 
aussi  la  leucé  qu'il  déclare  plus  fréquente  chez  les  hommes  que  chez  les  femmes 
et  les  enfants.  {Probl.,  sect.  X,  n°'  4,  5.)  La  pathogenèse  de  la  leucé  est  fixée 
comme  il  suit  par  Galien.  L'afflux  d'un  sang  pituiteux  et  glutineux  prolongé  dans 
une  partie  en  rend  la  chair  semblable  à  celle  des  crabes  et  des  huîtres.  {DeSympt. 
causis,  Yih.lW.)  Désomiais  il  n'y  a  plus  qu'à  copier  cette  théorie, y  joindreles  signes 
diagnostiques  donnés  par  Celse  (piquer  avec  une  aiguille  pour  voir  s'il  sort  du 
sang)  et  l'histoire  de  la  leucé  est  stéréotypée  pour  des  siècles  ;  seulement  les 
Arabes  et  quelques  arabistes  l'appelleront  Al-baras.  La  leucé  est-elle  une  maladie 
à  part,  n'est-elle  pas  plutôt  la  première  période  de  l'éléphautiasis  des  Grecs,  telle 
que  la  fait  connaître  Moïse?  {Lévitiq.,  XIII,  XIV.)  Cette  question  sera  discutée  à 
propos  de  I'Éléphantiasis.  E.  Bgd. 

LEUCÉMIE.         Voy.  Ledcocythémie, 

LEUCINE  (oxyde  caséeux,  aposépédine) .  Formule  €^H^^AzO^  La  leucine  est  un 
produit  azoté,  cristallisé  et  défini  qui  se  forme  d'une  manière  constante  pendant 
la  putréfaction  des  matières  albuminoïdes  et  des  tissus  à  gélatine.  Elle  prend 
encore  naissance  par  la  décomposition  qu'éprouvent  ces  corps  sous  l'inlluence  des 
alcalis  caustiques  bouillants  ou  de  l'acide  sulfurique.  On  la  rencontre  normale- 
ment dans  le  parenchyme  de  beaucoup  d'organes  (pancréas,  rate,  thymus,  glan- 
des thyroïde  et  salivaires,  foie,  reins,  capsules  surrénales,  cerveau  et  glandes 
lymphatiques).  Limpricht  est  arrivé  à  la  produire  synthétiquement  par  une  réac- 
tion nette. 

Le  valérylure  d'ammonium  chauffé  avec  de  l'acide  cyanhydrique  et  de  l'acide 
chlorhydrique  se  convertit  en  leucine.  (Limpricht,  Ann.  (1er  Chem.  u.Pharm., 
XCIV,  p.  243.)  Cette  réaction  prévue  par  Gerhardt  se  formule  ainsi  : 

Hydrure  de  valérjle.        Acide  cyanhydrique.  Leucine. 

Propriéte's.  La  leucine  cristaUise  dans  l'alcool  sous  forme  de  paillettes  nacrées, 
douces  au  toucher,  plus  légères  que  l'eau.  L'eau  froide  la  dissout  peu  (1  part, 
pour  27  p.  d'eau).  Elle  est  plus  soluble  dans  l'eau  chaude.  Elle  est  soluble  dans 
1040  p.  d'alcool  froid  et  800  p.  d'alcool  chaud,  insoluble  dans  l'éther.  Impure, 
telle  qu'on  la  retire  des  liquides  animaux,  elle  cristallise  en  boules  et  semble  être 
plus  soluble  dans  l'eau  et  l'alcool.  Chauffée  avec  précaution,  elle  fond  à  170°  et 
se  sublime  à  une  température  plus  élevée  ;  chauffée  brusquement,  elle  se  décom* 
pose,  en  donnant  de  l'acide  carbonique,  de  l'ammoniaque  et  de  l'amylamine.  Dis- 
tillée avec  un  mélange  d'acide  sulfurique  étendu  et  de  peroxyde  de  manganèse, 
elle  fournit  de  l'eau,  de  l'acide  carbonique  et  du  cyanure  detétrylei 

G°  W'  AzO^  H-  0^ = €ê^  H- 11*0^  +  C^H^Az . 

Ces  deux  réactions  jointes  à  la  synthèse  de  Limpricht  fixent  nettement  la  consti- 
tution de  ce  corps  que  l'on  peut  considérer  comme  de  l'acide  amylcarbonique. 
Lorsqu'on  fait  passer  du  bioxyde  d'azote  dans  une  dissolution  de  leucine  dans 


LEUCINE.  ?25 

l'acide  azotique,  il  se  dégage  de  l'azote  et  l'on  obtient  un  acide  sirupeux,  trcs- 
soluble  dans  l'éther  :  acide  leucique  C^^H-*0^  homologue  de  l'acide  lactique.  Lp. 
même  acide  se  produit  lorsqu'on  fait  passer  du  chlore  dans  une  solution  de  leucine 
dans  la  soude  diluée. 

Si  le  chlore  est  en  excès,  il  se  produit  du  chlorure  de  cyanogène  et  du  cyanure 
de  tétryle. 

La  leucine  forme  indifféremment  des  combinaisons  avec  les  acides  et  avec  les 
bases.  C'est  ainsi  que  l'on  peut  former  directement  : 

Le  chlorhydrate  de  leucine.  .     HCL^^H'^AzO^  cristaux  très-solubles. 
Le  nitrate  —      —       .    Azô^H,€^H'^ÀzO^  aiguilles  incolores. 

Les  nitrates  doubles  de  leucine  et  de  chaux,  de  leucine  et  de  magnésie. 

Le  sulfate  de  leucine  qui  cristallise  lorsqu'on  ajoute  de  l'alcool  absolu  à  la  solu- 
tion de  la  leucine  dans  l'acide  sulfurique  étendu,  et  qu'on  évapore  à  consistance 
de  sirop.  On  connaît  des  combinaisons  cristaUines  de  leucine  et  d'oxydes  de  cuivre, 
de  mercure,  de  plomb,  que  l'on  forme  directement  en  chauffant  les  oxydes  fraî- 
chement précipités  dans  une  solution  aqueuse  de  leucine  et  en  concentrant. 

Parmi  les  solutions  métalliques  le  sous-acétate  de  plomb  est  le  seul  qui  précipite 
la  leucine. 

La  leucine  est  facilement  soluHe  dans  les  alcalis  et  l'ammoniaque,  ainsi  que 
dans  les  acides  étendus.  Les  acides  sulfurique  et  chlorhydrique  concentrés  la  dis- 
solvent sans  altération. 

Préparation.  Le  procédé  synthétique  de  Limpricht  fournit  le  plus  facilement 
la  leucine  pure.  On  fait  bouillir,  à  cet  effet,  un  mélange  d'aldéhyde  valérique, 
d'acide  prussique  et  d'acide  chlorhydrique  dans  une  cornue,  jusqu'à  ce  que  la 
couche  huileuse  ait  disparu.  On  évapore  à  sec.  Le  résidu  est  bouilli  avec  de  l'eau 
et  de  l'hydrate  de  plomb,  on  fdtre  et  on  précipite  le  plomb  par  l'hydrogène  sulfuré, 
on  évapore  et  on  reprend  par  l'alcool  faible  bouillant  qui  laisse  déposer  le  produit 
sous  forme  de  paillettes. 

On  peut  aussi  faire  bouUhr  pendant  vingt-quatre  heures  2  parties  de  copeaux  de 
corne  avec  5  parties  d'acide  sulfurique  étendu  de  13  parties  d'eau,  en  renouvelant 
l'eau  évaporée.  On  filtre,  on  neutralise  par  la  craie.  Le  liquide  filtré  est  concentré 
à  moitié,  l'excès  de  cJiaux  est  précipité  par  l'acide  oxahque  et  le  hquide  filtré  est 
concentré  jusqu'à  cristalhsation. 

Veut-on  extraire  la  leucme  des  organes  animaux  où  elle  se  trouve  normalement 
ou  pathologiquement  :  on  épuise  avec  de  l'eau  froide  l'orgaiie  haché,  en  laissant 
égoutteret  en  exprimant.  Le  fiquide  acidulé  légèrement  par  l'acide  acétique  est  coa- 
gulé par  la  chaleur,  pour  éhminer  l'albumine;  on  précipite  par  l'acélate  de  plomb, 
on  filtre  et  on  enlève  l'excès  de  plomb  par  l'hydrogène  sulfuré;  on  évapore  à  sec 
et  l'on  épuise  par  l'alcool  bouillant,  on  filtre^et  on  évapoi^e  à  consistance  siru- 
peuse. Dans  le  cas  de  la  présence  de  la  leucine,  on  verra  se  former  au  bout  de 
quelques  jours  des  cristaux,  ayant  la  forme  de  boules  ou  de  rognons,  plus  rare^ 
ment  de  feuihets  nacrés.  Les  premiers  cristaux  déposés  sont  redissous  dans  l'am- 
moniaque faible.  Le  Uquide  est  précipité  par  l'acétate  de  plomb.  Le  dépôt  lavé  avec 
peu  d'eau  est  décomposé  par  Ihydrogène  sulfuré  et  la  solution  fdtrée  est  con- 
centrée au  bain-niarie.  Cette  marche  pourra  être  suivie  comme  moyen  d'analyse  et 
de  recherche  de  la  leucine  dans  un  organe. 

Les  réactions  suivantes  appliquées  aux  cristaux  obtenus  par  le  procédé  précé- 
dent permettent  de  mieux  caractériser  la  leucine.  1">  Ghaufiée  sur  une  lame  de 


224  '         LEUCOCYTE. 

platine  avec  de  l'acide  nitrique,  elle  laisse  un  résidu  incolore  qui  prend  une  teinte 
jaune  ou  jaune  brun,  lorsqu'on  ajoute  quelques  gouttes  de  soude;  ce  résidu 
chauffé  avec  de  la  soude  se  réunit  sous  forme  d'un  globule  huileux  non  adhérent. 
2"  Chauffée  dans  un  tube  d'essai,  elle  fond  et  donne  à  la  distillation  un  liquide  hui- 
leux et  une  odeur  d'anijlamine.  5"  Laleucine  impure  dissoute  à  chaud  dans  l'acé- 
tate de  plomb,  fournit  après  relroidissement  et  addition  d'ammoniaque  des  feuil- 
lets cristallins  nacrés  de  la  combinaison  plombique. 

Etat  naturel.  Nous  avons  déjà  vu  que  la  leucine  se  rencontre  normalement  dans 
l'organisme. 

Liebig  l'a  rencontrée  dans  le  l'oie  de  bœuf  et  Gorup  dans  le  foie  de  veau.  D'après 
Stsedeler  et  Frerichs,  on  ne  l'observe  qu'à  1  état  pathologique  dans  le  foie  humain, 
particulièrement  dans  l'atrophie  jaune,  le  typhus,  le  tubercule,  le  rhumatisme  aigu 
et  la  variole. 

Scherer  a  démontré  sa  présence  dans  la  rate,  surtout  pendant  certaines  affec- 
tions, la  Icuchémie  entre  autres.  Le  pus,  le  cerveau  pendant  l'atrophie  du  foie  ; 
l'urine  dans  les  cas  de  typhus,  d'atrophie  jaune  du  foie;  le  sang  des  leuchémiques 
est  riche  en  leucine. 

D'après  les  recherches  de  Neukomra,  la  leucine  ne  doit  pas  être  considérée 
comme  un  principe  spécial  à  tel  ou  tel  organe;  elle  n'apparaît  que  là  où  l'on 
observe  une  régénération  abondante  et  une  fusion  rapide  des  parties  élémentaires 
et  particulièrement  des  cellules.  P.  Schutzekcerger. 

LEUCOCÏTE.  Nom  donné  à  une  espèce  d'éléments  anatomiques  ayant  forme 
de  cellule,  dont  les  individus  de  la  variété  la  plus  répandue  se  distmguent  par 
leur  figure  sphérique,  la  production  à  l'état  frais  d'expansions  sarcodiques  qui  les 
déforment,  mais  surtout  par  les  actions  coagulantes  et  dissolvantes  spéciales  de 
l'eau,  de  l'acide  acétique,  etc.,  qui  les  pâlissent  et  y  font  apparaître  généralement 
de  1  à  4  petits  amas  en  forme  de  noyaux,  lorsque  leur  état  fiuemeut  granuleux 
n'a  pas  été  remplacé  par  le  dépôt  de  granulations  graisseuses  dont  ils  sont  souvent 
le  siège  (pi.  1,  Il  et  II!);  les  moins  nombreux  de  ces  éléments,  beaucoup  plus 
petits  {globulins),  prennent  à  l'état  cadavérique  ou  au  contact  de  l'eau,  etc., 
l'aspect  d'un  noyau  sphérique,  sans  nucléole,  légèrement  recourbé  et  contracté 
par  l'acide  acétique,  et  entouré  d'un  corps  ou  masse  de  cellules  à  peine  plus  gros 
que  le  noyau. 

Les  leucocytes,  ainsi  nommés  en  raison  de  leur  état  incolore,  ainsi  que  de  la 
teinte  d'un  blanc  grisâtre  ou  jaunâtre  qu'ils  donnent  aux  tumeurs  qui  en  con- 
tiemient  beaucoup  (de  lvr/.6v, hhnc;  -/.v-oç,  masse,  corps,  cellule),  ont  été  appelés  : 
Covpusculi  rotmidi  pUiiUce.  (Gorn.  Ad.  Christ.,  De  pituita  dissertatio  inaugu- 
ralls.  Leipzig,  1718,  in-i",  p.  8.)  Globules  du  pus,  globules  blancs  du  pus,  (Senac, 
Traité  du  cœur,  1749,  t.  II,  p.  659.)  Globules  arrondis  plus  petits  que  les  globules 
rouges  du  sang  des  poissons.  (Muys,  Musculorum  artifxciosa  fabrica,  observa- 
tionihus  et  iconibus  illastrata.  Lugduni  Batavoruni,  in-S",  1 751 ,  p.  500,  en  note.) 
Globules  de  la  lymphe.  (Hewson,  Opéra  omnia,  1771-1795,  IIP  part.,  p.  81.) 
Globules  ronds  du  sang.  (Spallanzani,  Dei  fenomeni  délia  circolazione  osservata 
nel  giro  iiniversale  deivasi;  etc.  Bisser lazioni  quattro.  Modena,  1777,  in-8". 
Beaucoup  de  catalogues  disent  à  tort  1775.  Trad.  franc,  par  Tourdes.  Paris,  an  Vill 
(1800),  in-8^  p.  175  et  287.)  Corps  globuleux  et  globules  blancs  du  pus.  (Hun- 
ter,  Leçons  sur  les  principes  de  la  chirurgie,  1786-1787.  Œuvres.  Trad.  franc. 
Palis,  1815, 1. 1,  p.  471 ,  et  Traite  du  sang,  de  l'inflammation,  etc.,  1 791,  2-  par- 


LEUCOCVTTE.  225 

lie,  ch.  V  :  Do  Pus.  Trad.  franc.,  ibicL,  t.  III,  p.  500.)  Vésicules  du  sang  plus 
grosses  que  les  globules  rouges  qui  naissent  dans  leur  intérieur.  (Gruithuisen, 
Beitràcje  zur  Phijsiognosle  iind  Eaiitogiiosie .  Miinchen,  1812,  in-8%  §  89  , 
p.  162.)  Granules  ou  cor])Uscuhs  de  ]a.]\mçhe.  (h  M\\\ler,  Hcmdbuchder  Phy- 
siologie. Koblentz,  i85o,  in-8°,  p.  149,  et  Archiv  fiir  Anatomie  und  Physiolo- 
çjie.  Berlin,  in-8",  1855,  p.  214.)  Granules  ou  globales  du  cbyle.  (R.  Wagner, 
Neue  ivissenschaftiiche  Annalen,  1854,  t.  XXVIII,  p.  155.)  Globules  de  pus. 
(Donné,  Recherches  physiologiques  et  chimico-microscopiques  sur  les  globules 
du  sang,  du  pus,  du  mucus,  et  sur  ceux  des  humeurs  de  l'œil.  Paris,  ïbèse,  1 851 , 
in-4'',  p.  12,  15  et  16.)  Globules  de  mucus.  (Donné,  ibid.)  Globules  de  chyle 
dans  le  sang.  (Mandl,  Sur  les  globules  du  sc(/i^,injoui'nal  Vlnstitut.  Paris,  1857, 
111-4",  p.  52.)  Globules  fibrineux  du  sang,  du  pus,  du  mucus,  de  la  salive,  de 
l'urine.  (Mandl,  Mémoire  sur  le  pus,  les  mucus  et  les  différents  produits  des 
épanchements ,  in  Gaz.  médicale.  Paris,  1857,  in-4'',  p.  654.)  Globules  blancs  du 
sang.  Globulins  du  sang  venant  de  la  lympbe  et  du  cbyle.  (Donné,  Sur  la  consti- 
tution microscopique  du  sang, in  Comptes  rendus  des  séances  de  l'Acad .  des  scien- 
ces de  Paris,  1858,  in^",  t.  VI,  p.  17.)  Globules  muqueux.  (Mandl,  Mémoire  sur 
les  rapports  qui  existent  entre  le  sang,  le  mucus  et  F  épidémie,  in  Gazette  médi- 
cale. Paris,  1840,  in-4",  p.  417.)  Cellules  de  la  lympbe.  (Scliwanii,  Untersuchun- 
gen,  1858,  in-8",  p.  75-77.)  Cellules  du  pus  et  du  mucus.  (Scb\Yann,  ibid  , 
p.  77-78.)  Globules  d'inflammation  ou  d'exsudation.  (Gluge,  Mikroskopische 
anatomische  Untersuchungen  zur  allgemeinen  und  speciellen  Pathologie.  Miu- 
den,  1858,  in-8°,  Heft.,  t.  I,  p.  12-15.)  Corpuscula  granulosa  seu  granulata, 
corpuscules  granuleux  ou  corpuscules  d'agrégation,  corpuscules  de  pus  très-gra- 
nuleux. (Gerber,  Allgemeine  Anatomie  1840,  p.  9.)  Cellules  granuleuses  ou 
granulées.  (Vogel,  article  Esstzvnbvng  {Eandworterhuch  der  Physiologie,  von 
R.  Wagner.  Braunscbweig,  1842,  p.  548.)  Globules  granuleux  de  l'exsudation  ou 
de  l'inflammation.  (Lebert,  Physiologie  pathologique.  Paris,  1845,  iii-S",  t.  I, 
p.  29.)  Globules  pyoïdes.  (Lebert,  ibid.  Paris,  1845,  t.  J,  p.  46.)  Corpuscules 
incolores  du  sang.  (Henle,  Traité  d'anatomie  générale.  Paris,  traduit  par  Jour- 
dan,  1845,  in-8»,  t.  I,  p.  476-477.)  Globules  lympatbiques.  (Mandl,  Manuel 
d'anatomie  générale.  Paris,  1845,  in-8^  p.  252,  pi.  II,  fig.  18,  h.)  Vésicules 
incolores  du  sang.  (Boecker,  Veber  die  verschiedenen  Arten  und  die  Bedeutimq 
der  geuielkten  Blutkôrperchen,  in  Archiv  fur  physiologische  Heilkunde.  1851, 
p.  165.)  Corpuscules  cytoïdes.  (Henle,  Handbuch  der  rationellen  Pathologie. 
Braunscbweig,  1850,  in-8.  Zweiter  Band,  p.  685,  tab.  1.)  Cellules  à  noyau, 
cellules  élémentaires  et  cellules  primaires  claires  et  granuleuses.  (Henle,  ibid., 
p.  694,  tab.  2,  lig.  25,  et  p.  695,  696,  tig.  27.)  Conglomérats  ou  amas  granu- 
leux. (Henle,  ibid.,  p.  698.)  Cellules  incolores  du  sang.  (Lebmann,  Einige  ver- 
gleichende  Analysen  des  Blutes  der  Pfortader  und  der  Lebervenen,  in  Berichte 
liber  die  Verhandlungen  der  K.  Sàchsischen  Akademie  der  Wissenschaften, 
1850,  t.  III,  p.  151.)  Pyocytes.  (Ch.  Robin,  Mémoire  sur  l épithélioma  du  rein 
et  sur  les  minces  filaments  granuleux  des  tubes  urinipares  expulsés  avec  les 
urines.  Paris,  1855,  iu-S",  p.  22,  et  Gazette  des  hôpitaux  de  Paris,  1855,  in- 
folio, p.  186-194  et  202  ;  et  Robin  et  Desmarres,  Remarques  sur  les  affections 
des  milieux  non-vasculaires  de  l'œil,  in  Comptes  rendus  etMém.  de  la  Soc.  de 
biologie.  Paris,  1855,  in-S",  p.  32.)  Leucocytes.  (Littré  et  Robin,  Dict.  de  méde- 
cine dit  de  Nysten,  10''  édition.  Paris,  1865,  in-8°,  p.  734.) 

De  la  distribution  des  leucocytes  dans  l'économie.     Cette  espèce  d'éli'mont^ 

DlCT.  £»C.  '2'    S,   11.  \o 


226  LEUCOCYTE. 

anatomiques  est  une  de  celles  qu'on  trouve  dans  le  plus  grand  nombre  des  parties 
du  corps.  Son  étude  est  des  plus  complexes  et  des  plus  curieuses  en  raison  du 
nombre  de  la  facilité  avec  laquelle  ces  cellules  naissent  dans  l'organisme  et  y 
présentent  des  modifications  de  structure  selon  les  nombreuses  conditions  dans 
lesquelles  elles  sont  habituellement  placées. 

Les  leucocytes  offrent  eu  effet  cette  particularité,  qu'ils  ne  montrent  jamais 
d'arrangement  réciproque  déterminé  et  constant,  parce  que  c'est  dans  les  humeurs 
de  l'économie  qu'ils  siègent  ordinairement;  et  lorsqu'ils  se  rencontrent  dans 
l'épaisseur  d'un  tissu,  c'est  accidentellement  et  interposés  sans  ordre  aux  éléments 
fondamentaux  de  ce  dernier. 

On  trouve  à  l'état  normal  ces  cellules  dans  toutes  les  parties  où  existent  les 
globules  rouges  du  sang,  ainsi  que  dans  la  lymphe.  Dans  les  capillaires,  dans  ceux 
de  deuxième  et  de  troisième  ordre  surtout,  ainsi  que  dans  les  petites  artères  et 
petites  veines,  elles  sont  appliquées  contre  la  face  interne  du  conduit,  plutôt  qu'en 
suspension  dans  le  sérum  du  sang.  Cette  disposition  s'observe,  soit  pendant  la  vie, 
soit  pendant  la  mort  de  l'animal,  tant  que  le  plasma  sanguin  n'a  pas  transsudé 
hors  des  vaisseaux.  Ce  n'est  que  par  moment  qu'on  voit  les  globules  blancs  flotter 
dans  le  sérum  avec  les  hématies. 

Dans  le  sang  coagulé  après  la  mort  soit  dans  une  artère  liée,  soit  dans  un  épan- 
chement  apoplectique  ou  autre,  soit  dans  le  caillot  de  la  saignée,  les  leucocytes 
se  rencontrent  surtout  vers  la  jonction  de  la  portion  de  fibrine  qui  est  incolore 
avec  la  masse  de  celle  qui  est  colorée  par  interposition  des  globules  rouges.  Dans 
les  caillots  polypiformes  du  cœur,  dans  ceux  des  veines  et  des  artères,  lorsque  du 
liquide  rougeàtre  ou  blanc  crémeux,  puriforme,  se  trouve  au  centre  du  caillot, 
presque  toujours  on  y  observe  une  quantité  plus  ou  moins  grande  de  leucocytes. 
{Voy.  Robin  et  Verdeil,  Chimie  anatomique ,  Paris  1853,  t.  III,  p.  263.  ) 

Dans  les  veines  spléniques,  sus-hépatique,  porte,  rénale,  et  quelquefois  dans 
les  veines  pulmonaires,  les  globules  blancs  se  rencontrent  assez  souvent  au  nombre 
de  1  à  8  ou  10,  dans  des  amas  de  matière  amorphe  finement  granuleuse.  Ce 
fait  a  lieu  sur  l'embryon  comme  chez  l'adulte,  et  ces  amas  sont  peut-être  plus 
nombreux  encore  dans  le  premier  que  chez  le  second. 

Dans  les  vaisseaux  lymphatiques  du  cou,  du  testicule  et  du  pli  de  l'aine,  etc., 
de  l'homme  et  des  animaux,  les  leucocytes  sont  très-souvent  réunis  en  amas  assez 
considérables  pour  être  aperçus  à  l'œil  nu,  lors  de  l'écoulement  du  liquide,  sous 
forme  de  très-petits  grumeaux.  Ce  fait  s'observe  particulièrement  lorsque,  après 
avoir  pratiqué  deux  ligatures  sur  des  vaisseaux  pleins  de  lymphe  dans  un  fais- 
ceau de  ces  conduits,  afin  de  les  enlever  du  cadavre  encore  chaud,  on  fait  écouler 
celte  humeur  après  son  refroidissement.  On  les  trouve  aussi  bien  dans  les  réseaux 
d'origine  des  lymphatiques  avant  les  ganglions  qu'au  delà  de  ces  glandes. 

C'est  dans  ces  diverses  conditions  que  ces  éléments  ont  reçu  les  noms  de  glo- 
hules  de  la  lymphe,  du  chyle,  et  de  globules  blancs  du  sang. 

Ces  éléments  se  rencontrent  en  outre  dans  toutes  les  autres  humeurs  de  l'éco- 
nomie, soit  normales,  soit  accidentelles,  dans  lesquelles  on  les  a  pris  longtemps 
pour  des  espèces  différentes  des  précédents  sous  les  noms  de  glohides  du  mucus, 
du  pus,  du  colostrum,  etc. 

On  peut  en  eifet  les  observer  dans  le  hquide  des  vésicules  séminales,  dans  le 
hquide  prostatique,  dans  le  sperme  éjaculé,  dans  le  premier  lait  sécrété  ou  co- 
lostrum, dans  le  lait  de  la  mamelle  enflammée  ou  abcédée. 

On  les  Irouve  encore  dans  les  liquides  allantoïdiens  et  amniotiques,  daiisl'/m- 


LEUCOCYTE.  2'27 

meur  vitrée  ou  hyaloïde,  au  moins  pendant  la  vie  intra-utérine  et  dans  les  pre- 
miers mois  qui  suivent  la  naissance  (pi.  III,  fig  9);  dans  le  liquide  encéphalo-ra- 
chidien,  la  synovie  et  toutes  les  autres  sérosités  ;  là  ils  sont  fort  peu  nombreux  à 
l'état  normal,  mais  ils  s'y  multiplient  facilement  lorsque  survient  quelque  intlam- 
mation  des  membranes  correspondantes. 

Les  divers  mucus  produits  dans  des  conditions  tout  à  fait  normales,  n'en 
renferment  qu'un  très-petit  nombre  ;  mais  le  plus  léger  trouble  de  la  circulation 
des  muqueuses  suffit  pour  déterminer  à  leur  surface  la  production  des  leucocytes. 
Aussi  les  voit-on  dans  les  mucus,  y  compris  celui  de  la  vessie,  dans  des  conditions 
sinon  tout  à  fait  normales,  au  moins  devenues  habituelles  chez  un  grand  nombre 
de  personnes. 

Enfin  ils  constituent  l'élément  principal  en  suspension  dans  le  sérum  du  pus  et 
dans  la  sérosité  des  vésicatoires. 

C'est  aux  leucocytes  réunis  en  quantité  plus  ou  moins  considérable  que  le  pus 
doit  sa  couleur  plus  ou  moins  jaunidre  et  en  partie  sa  consistance  plus  ou  moins 
crémeuse.  C'est  à  leur  production  dans  le  mucus,  remplissant  lui-même  alors  le 
rôle  de  sérum,  que  ces  produits  des  muqueuses  enflammées  doi\ent  la  teinte 
jaunâtre,  semblable  à  celle  du  pus,  qu'ils  prennent  alors,  tout  en  conservant 
leur  nature  spéciale,  ainsi  que  la  consistance  et  la  viscosité  muqueuses  qu'ils 
avaient  lorsqu'ils  ne  tenaient  en  suspension  que  quelques  cellules  épithéliales 
ou  un  trop  petit  nombre  de  leucocytes  pour  que  leur  transparence  normale 
fût  troublée. 

Il  n'est  pas  très-rare  de  trouver  encore  des  leucocytes  au  sein  de  parties  solides  . 
de  réconomie,  dans  la  trame  de  certains  tissus,  mais  dans  des  conditions  acci- 
dentelles surtout.  C'est  ainsi,  par  exemple,  que  le  tissu  morbide  qui  forme  le 
tubercule  anatomiqueen  renferme  une  assez  grande  quantité  éparse  dans  sa  trame; 
les  tumeurs  de  la  cornée  offrent  également  la  même  particularité.  Diverses  va- 
riétés de  tumeurs  d'aspect  colloïde  ou  gélatiniforme  du  sein  et  d'autres  régions 
en  présentent  encore  des  exemples,  ainsi  que  les  épithéliomas  de  la  verge,  de  la 
plupart  des  muqueuses  et  quelquefois  de  la  peau,  qui  montrent  çà  et  là  des  leu- 
cocytes interposés  aux  cellules  épithéliales.  Enfin  dans  les  excavations  ou  vacuoles 
dont  se  creusent  les  cellules  épithéliales  de  ces  mêmes  tumeurs,  on  trouve  des 
leucocytes  offrant  là  les  caractères  de  forme,  de  réactions,  de  structure,  qui  leur 
sont  habituels  (pi.  I,  fig  9). 

De  la  quantité  des  leucocytes  dans  les  diverses  humeurs.  Dans  le  sang,  le 
nombre  des  leucocytes  est  beaucoup  moindre  que  celui  des  hématies.  D'une  ma- 
nière générale  on  peut  dire  qu'il  y  a  environ  1  globule  blanc  pour  300  globules 
rouges. 

Mais  pour  apprécier  un  peu  plus  exactement  ce  rapport  numérique,  il  importe 
de  se  rappeler  que  sur  le  vivant  une  partie  des  leucocytes  adhèrent,  bien  que 
faiblement,  à  la  face  interne  des  parois  des  capillaires,  et  qu'une  partie  seulement 
d'entre  eux  se  trouvent  en  suspension  dans  le  plasma.  Il  faut  se  souvenir  égale- 
ment que  ces  globules  mêlés  aux  hématies  et  entraînés  avec  elles  par  le  plasma 
ont  été  adhérents  aux  parois  des  capillaires  et  se  sont  détachés  plus  ou  moins 
facilement  selon  les  régions  et  l'espèce  de  vaisseau  rompu. 

En  outre,  le  nombre  des  leucocytes  adhérents  aux  parois  des  capillaires  diffère 
beaucoup  d'une  région  du  corps  à  l'autre.  Ainsi,  par  exemple,  ces  éléments  sont 
bien  plus  nombreux  dans  les  capillaires  de  la  rate,  du  foie,  de  la  muqueuse  in- 
testinale, du  poumon,  du  rein,  de  la  pie-mère  cérébrale  et  de  la  plupart  des 


2-28  LEUCOCYTE. 

glamles  que  dans  ceux  de  la  peau,  des  muscles,  du  tissu  lanilneus,  etc.  Dans 
plusieurs  des  premiers  organes  que  je  viens  de  citer,  ils  forment  par  place  une 
couche  continue  qui  laisse  çà  et  là  des  espaces  libres  plus  ou  moins  étendus  ; 
tandis  que,  dans  les  derniers,  ils  sont  épars  et  écartés  les  uns  des  autres. 

Lorsqu'on  examine,  sur  une  lame  de  verre  divisée  eu  carrés  par  des  lignes 
écartées  de  1  dixième  de  millimètre,  combien  il  y  a  de  leucocytes  comparativement 
aux  hématies  dans  le  sang  de  la  saignée  ou  qui  s'écoule  d'un  piqûre  faite  à  la 
peau,  on  arrive  aux  résultats  suivants.  On  observe  des  différences  considérables 
dans  le  rapport  entr,e  les  globules  blancs  et  les  globules  rouges  d'un  individu  à 
l'autre  et  sans  qu'il  soit  possible  d'établir  à  cet  égard  aucune  loi.  C'est  ainsi  que  sur 
des  hommes  adultes,  également  bien  portants,  de  même  âge  à  deux  ou  cinq  ans 
près,  on  trouve  que  les  leucocytes  sont  aux  hématies  comme  i  :  350  chez  les  uns, 
1  :  500  ou  environ  chez  les  autres,  et  même  comme  1  :  1000  ou  1200  chez 
d'autres.  Généralement  cette  proportion  est  augmentée  par  tout  ce  qui  active  la 
circulation.  Peut-être  cela  est-il  dû  à  ce  que  les  globules  adhérents  à  la  face 
interne  des  capillaires  se  trouvent  détachés  et  entraînés  alors  en  plus  grand 
nombre. 

En  outre,  une  simple  diarrhée,  l'administration  d'un  purgatif  tel  que  l'eau  de 
Sedhtz,  etc.,  suffiseaît  pour  amener  une  augmentation  appréciable  dans  le  nombre 
des  leucocytes  qu'on  trouve  mêlés  aux  disques  rouges. 

A  partir  de  l'âge  adulte  jusqu'à  la  vieillesse  avancée,  c'est  entre  1  :  300  et  400, 

qu'oscille  le  rapport  des  leucocytes  aux  hématies.  Chez  les  femmes,  les  globules 

'  blancs  semblent  un  peu  plus  nombreux,  car  le  rapport  varie  entre  1  :  250  et  300. 

Chez  les  embryons  humains  jusqu'au  deuxième  mois  environ,  les  leucocytes 
sont  plus  abondants  qu'ils  ne  le  seront  plus  tard.  Ainsi  dans  le  sang  des  vaisseaux 
placentaires  le  rapport  est  comme  1  :  80  ou  1 00.  Il  en  est  de  même  chez  les  car- 
nivoi'es  et  le  porc  aux  époques  correspondantes.  Chez  les  ruminants  et  les  ron- 
geurs le  rapport  n'est  guère  que  1  :*  170  ou  180.  Plus  tard  ce  rapport  diminue, 
et  chez  le  nouveau-né  humain  on  trouve  généralement  que  les  globules  rouges 
sont  aux  globules  blancs  comme  1  :  100  ou  130  ;  au  bout  d'un  au  ou  deux  ce 
rapport  devient  1  :  200  ou  environ,  et  se  conserve  à  peu  près  tel  jusqu'à  l'âge  de 
puberté.  D'autre  part,  il  est  des  fœtus  abortifs  de  4,  5  ou  6  mois  dans  le  sang  des- 
quels les  globules  blancs  sont  plus  nombreux  de  près  du  double  que  ne  l'indi-' 
quent  les  rapports  signalés  plus  haut,  et  cela  sans  que  rien  puisse  en  faire  soup- 
çonner la  cause. 

Il  est  des  conditions  morbides  nombreuses  dans  lesquelles  on  voit  les  leucocytes 
augmenter  très-notablement  de  quantité  :  telles  sont  les  dysenteries,  les  fièvres 
puerpérales,  les  infections  purulentes,  la  diphthérite,  etc.  11  est  commun  dans  ces 
circonstances  de  voir  le  rapport  devenir  1  :  100  ou  environ. 

11  est  d'autres  circonstances,  morbides  également,  oîi  le  nombre  des  leucocytes 
devient  le  vingtième,  le  dixième,  le  cinquième  et  môme  le  tiers  ou  le  quart  de 
celui  des  hématies.  Le  sang  reçoit  de  la  présence  de  ce  grand  nombre  de  globules 
une  teinte  violacée  grisâtre,  ou  rouge  brique  tirant  au  blanc  grisâtre,  qui  l'a  fait 
comparer  à  du  sang  qu'on  aurait  mêlé  de  pus.  C'est  là  ce  qui  caractérise  l'état 
anatomique  du  sang  aççeU  lei(cocijthemie{lîv/.6v,  blanc;  zutoç,  cellule;  «tj^ta, 
sang.  Bennett).  Cet  état,  connue  on  sait,  accompagne  un  certain  nombre  d'af- 
fections générales  dans  lesquelles  la  rate,  le  foie  et  les  ganglions  lymphatiques 
sont  hypertrophiés. 

Dans  nu  cas  de  ce  genre  observé  chez  un  enl'ant  par  ML  Blachc,  Isanibert  et 


LEUCOCYTE,  229 

moi,  le  nombre  des  leucocytes  était  à  celui  des  hématies  comme  2  :  1.  Ces  élé- 
ments offraient  cela  de  remarquable,  que  les  globulins  on  petits  leucocytes  l'em- 
portaient de  beaucoup  en  quantité  sur  les  leucocytes  complètement  développés. 
Ces  derniers  n'étaient  réellement  pas  plus  nombreux  qu'à  l'état  normal.  Ils  pré- 
sentaient leur  diamètre  habituel  de  0'"'",008  à  0'"™,010.  Leurs  autres  caractères 
étaient  également  normaux.  Les  noyaux  libres  étaient,  au  contraire,  aux  leuco- 
cytes de  la  variété  cellule  comme  80  :  1 .  Du  reste,  ces  globulins  avaient  les  ca- 
ractères qu'ils  manifestent  dans  le  sang  normal.  Leur  bord  pourtant  paraissait 
un  peu  plus  pâle. 

On  en  trouvait  beaucoup  qui  avaient  0'"'",006  et  quelques-uns  0'""',007  :  c'est 
à  la  quantité  considérable  de  ces  éléments  qu'était  dû  sous  le  microscope  l'aspect 
tout  à  fait  inusité  qu'a  présenté  le  sang  de  ce  malade.  Au  lieu  d'être,  comme  à 
l'ordinaire,  obligé  de  chercher  les  globules  blancs  et  les  globulins  au  milieu  des 
globules  rouges,  c'était  réellement  les  globules  rouges  et  les  leucocytes  de  la 
variété  cellule  qu'on  était  obligé  de  chercher  au  milieu  des  globulins. 

Le  sang  des  veines  sus-hépatiques  est  de  toutes  les  parties  du  corps  celui 
qui  renferme  le  plus  de  leucocytes.  Chez  l'homme,  le  chien  et  le  chat,  j'en  ai 
trouvé  par  rapport  aux  globules  rouges,  tantôt  comme  1:150,  tantôt  comme 
1  :  iOO  ou  120  environ,  jusqu'à  1  :  20,  sans  que  rien  à  l'extérieur  eût  pu  faire 
prévoir  ces  différences.  L'oreillette  droite,  la  veine  splénique,  la  veine  mésenté- 
rique  supérieure,  l'oreillette  gauche,  telles  sont  les  parties  dans  le  sang  des- 
quelles on  trouve  ensuite  le  plus  de  leucocytes,  mais  en  progression  dé- 
croissante. 

Dans  la  lymphe,  ils  sont  plus  nombreux  en  général  sur  les  herbivores  que  sur 
les  carnivores,  et  plus  nombreux  dans  les  lymphatiques  du  cordon  testiculaire, 
du  cou,  etc.,  que  dans  le  liquide  des  chylifères. 

Les  petits  leucocytes  dits  globulins  sont  plus  nombreux  dans  la  lymphe  que  dans 
une  même  quantité  de  chyle.  Le  nombre  de  ces  éléments  que  renferme  le  sang 
est  fort  peu  considérable  à  l'état  normal,  car  on  n'en  voit  guère  habituellement 
que  1  pour  10  ou  20  cellules.  Cette  proportion  reste  à  peu  près  la  même 
sur  l'embryon.  Ils  m'ont  semblé  plus  nombreux  chez  les  herbivores  que  chez  les 
carnivores. 

11  y  en  a,  mais  en  fort  petite  quantité,  dans  le  liquide  qui  s'échappe  des 
fistules  lymphatiques  chez  l'homme.  Ils  offrent  les  mêmes  caractères' que  les  pré- 
cédents, mais  sont  généralement  un  peu  plus  petits. 

Dans  le  pus,  les  leucocytes  sont  l'élément  anatomique  principal  de  cette  hu- 
meur, et  sont  en  suspension  dans  son  sérum.  Il  est  plus  ou  moins  séreux,  plus  ou 
moins  épais  et  crémeux,  selon  leur  rareté  ou  leur  abondance.  Cette  humeur  leur 
doit  aussi  sa  coloration  habituelle  :  c'est,  eu  effet,  à  la  quantité  variable  de 
ces  cellules  qu'est  due  la  teinte  plus  ou  moins  foncée  du  liquide,  car  sa  cou- 
leur n'est  que  la  résultante  des  rayons  de  lumière  réfléchis  par  les  parties  solides 
en  suspension. 

Du  reste,  il  ne  faudrait  pas  se  faire  des  idées  exagérées  sur  la  quantité  des  leu- 
cocytes existant  dans  le  pus.  Il  résulte  de  recherches  faites  par  M.  Delore  (Delore, 
Quelques  recherches  s U7'  le  pus.  Paris,  1854,  in-4°.  Thèse  pour  le  doctorat  en 
médecine,  n°  310),  que,  malgré  leur  densité  plus  grande  que  celle  du  sérum,  les 
leucocytes  n'existent  dans  le  pus  que  dans  la  proportion  de  25  p.  100  en  poids 
à  peu  près.  Le  maximum  trouvé  a  été  38  p.  100  ;  mais,  en  général,  ces  cellules 
représentent  le  quart  ou  le  cinquième  du  pus  dit  bien  lié.  Dans  le  pus  séreux 


230  LEUCOCYTE. 

cur  quantité  descend  à  8  ou  10  p.  100  au  plus,  et  elle  n'atteint  pas  5  p.  100 
dans  le  pus  très-séreux  de  certains  abcès  froids  ou  ossilluents,  etc. 

Les  leucocytes  du  sang  ont  à  l'état  normal,  chez  les  mammifères  adultes,  un 
diamètre  qui  dépasse  de  1  à  2  millièmes  de  millimètre  celui  des  hématies.  Ainsi 
la  plupart  sont  un  peu  plus  gros  que  ces  dernières.  Toutefois  il  y  en  a,  mais  en 
petit  nombre,  qui  ne  sont  pas  plus  gros  que  les  globules  rouges  de  volume  moyen. 
J'ai  observé  cette  relation  chez  tous  les  mammifères  domestiques,  et  le  rat,  la 
ouris,  le  blaireau,  la  chauve-souris,  le  hérisson,  la  taupe,  etc.  ;  chez  les  ovi- 
[lares,  ils  ont  le  diamètre  de  la  largeur  des  globules  rouges  ou  un  diamètre  un 
peu  moindre.  Ainsi  chez  l'homme  ils  ont  généralement  de  8  à  9  millièmes  de 
millimètre  de  diamètre,  quelques-uns  ont  7  milhèmes  (pi.  I,  fig.  1).  Ce  sont  là 
es  dimensions  observées  sur  des  individus  bien  portants. 

Chez  les  fœtus,  et  surtout  chez  les  embryons  de  moins  de  quatre  mois,  on  en 
trouve  beaucoup  qui  ont  les  dimensions  qui  viennent  d'être  indiquées  ;  mais  il 
en  existe  davantage  encore  qui  ont  de  10  à  15  millièmes  de  millimètre,  et  d'autres 
enfin,  peu  nombreux,  atteignent  0'"''\019.  Nous  verrons  plus  loin  qu'avec  ces 
dimensions  considérables  se  rencontrent  quelques  particularités  de  structure  qui 
font  de  ces  leucocytes  une  variété  de  forme  fœtale  et  parfois  aussi  morbide  chez 
l'adulte  (pi,  I,  fig.  2,  de  a  en  g). 

Dans  la  lymphe  du  cheval,  de  l'homme,  du  bœuf,  etc.,  la  plupart  atteignent 
Qmm^QIO  à  0'"'",015  (pi.  I,  fig.  6).  Nous  verrons  plus  tard  que  ces  éléments  varient 
un  peu  de  diamètre  selon  qu'ils  sont  en  suspension  dans  le  sérum  de  telle  ou 
telle  humeur,  soit  normale,  soit  morbide,  tel  que  celui  du  sang,  de  la  lymphe, 
d'un  kyste,  etc. 

Dans  les  cas  dits  de  leucocythémie,  on  en  voit  beaucoup  qui  offrent  les  dimen- 
sions normales;  mais  en  outre  il  y  en  a  qui  atteignent  jusqu'à  12,  13,  15  et 
18  millièmes  de  millimètre,  c'est-à-dire  qui  sont  un  peu  plus  de  deux  fois  aussi 
larges  que  les  globules  rouges. 

Dans  le  pus,  la  plupart  des  leucocytes  offrent  un  diamètre  de  10  millièmes  de 
millimètre  (pi.  II,  fig.  5,  aa,  mm,  nn)  ;  mais  on  en  trouve  qui  ont  8  millièmes  et 
d'autres  qui  atteignent  11  à  12  millièmes.  Lors  de  leur  genèse,  ils  n'ont  encore  à 
peine  que  la  moitié  de  ces  dimensions  (fig.  6),  et  lorsqu'ils  ont  séjourné  longtemps 
dans  une  cavité  sans  être  en  mouvement,  il  en  est  plus  ou  moins  qui  atteignent  le 
triple  de  ces  dimensions  et  même  plus  (fig.  4  et  5,  s,  l,  u,  v). 

Dans  le  pus  très-fluide  provenant  des  parties  malades  entourant  les  os  cariés,  de 
certains  ulcères,  etc.,  la  plupart  des  leucocytes  offrent  quelquefois  12,  14  et  16 
millièmes  de  millimètre  de  diamètre  (pi.  III,  fig.  4).  Dans  le  mucus  frais,  dans  la 
salive  fraîche  non  altérée  par  le  contact  de  l'air,  dans  l'urine  non  altérée  par  l'air 
ou  un  trop  long  séjour  dans  la  vessie,  les  leucocytes  sont  plus  petits  que  dans  les 
conditions  opposées  et  que  dans  les  liquides  signalés  précédemment  (pi  II,  fig.  2, 
de  a  en  i;  fig.  3,  de  a  en  f;  pi.  III,  fig.  o,  a,  h). 

Ainsi  qu'on  le  voit,  ce  ne  sont  pas  les  dimensions  de  ces  éléments  envisagées 
seules  qui  pourraient  servir  à  les  distinguer  des  autres  espèces  d'éléments  ;  aussi 
les  caractères  qu'il  nous  reste  à  étudier  importent  plus  que  ceux-ci. 

Caractères  physiques  des  leucocytes.  La  forme  habituelle  des  leucocytes  chez 
tous  les  vertébrés,  lorsqu'ils  sont  plongés  dans  le  liquide  où  ils  flottent,  est  la 
forme  sphérique  (pi.  I,  II  et  III).  Cependant  on  peut  en  rencontrer  quelques-uns 
qui  sont  naturellement  ovoïdes  (pi.  I,  fig.  2,  e)  ou  même  un  peu  aplatis  {y,  g,j). 

Quelques  minutes  après  la  mort  de  l'animal  ou  après  l'extraction  du  liquide 


LEUCOCYTE.  231 

frais  qui  les  coatient,  ou  encore  dans  le  sang  ou  la  lymphe  qui  stagnent  dans  les 
vaisseaux  dont  on  étudie  la  circulation,  les  leucocytes  peuvent  offrir  une  forme 
irrégulière.  Elle  peut  être  ovoïde,  presque  polyédrique  ou  dentelée;  ou  encore  ils 
sont  comme  hérissés  çà  et  là  de  petits  prolongements  (pi.  II,  tîg.  1,  2  et  o,  et 
pi.  I,  fig.  6)  ou  expansions.  Cette  déformation  est  la  conséquence  d'une  des  pro- 
priétés de  ces  éléments  qui  sera  étudiée  plus  tard.  Elle  n'est  que  passagère,  car 
au  bout  de  douze  à  vingt-quatre  heures  environ  les  globules  ont  repris  leur  forme 
sphérique.  Dans  les  préparations  placées  sous  le  microscope,  la  déformation  une 
fois  produite  peut  persister  plusieurs  heures  soit  qu'elle  reste  stationnaire,  soit 
qu'elle  augmente  ou  diminue  un  peu.  Aussi  plusieurs  auteurs  ont-ils  figuré  ces 
éléments  à  l'état  de  déformation,  Hewson  par  exemple. 

Parmi  les  plus  gros  leucocytes  des  embryons  et  quelquefois  dans  ceux  du  sang 
leucocythémique  on  en  trouve  qui  ont  après  la  mort  une  forme  légèrement  po- 
lyédrique, ou  ovale  soit  régulière  soit  irrégulière  (pi.  ,  fig.  2, 'g,  e,  f).  Quelques- 
ims  de  ces  derniers  sont  aplatis  au  point  d'être  moitié  plus  minces  que  longs. 

Dans  le  sang,  comme  dans  le  pus,  dans  le  colostrum,  etc.,  on  en  voit  aussi  de 
forme  allongée  persistante  (pi.  I,  fig.  2,  f,  et  pi.  II,  fig.  5,  v,  x)\  mais  toutes  ces 
variétés  de  figure  sont  rares  à  coté  du  grand  nombre  de  ces  éléments  qui  sont 
parfaitement  sphériques. 

Quels  que  soient  du  reste  leur  volume  et  leur  forme,  dès  que  celle-ci  est  de- 
venue permanente  et  que  le  phénomène  qui  les  rend  dentelés  momentanément, 
ou  irréguUèrement  contournés  (pi.  11,  fig.  2,  a,  /",  et  fig.  3,  a,  c,  d)  a  cessé,  il 
offrent  tous  un  bord  net  et  une  surface  unie.  Par  là  et  par  l'observation  directe 
lorsque  ces  éléments  roulent  dans  le  liquide  de  la  préparation,  il  est  facile  de  voir 
qu'ils  ont  une  surface  lisse  et  régulière  et  non  mamelonnée,  rugueuse  ou  fram- 
boisée. 

La  consistance  des  leucocytes  n'est  pas  très-considérable  ;  leur  facile  déforma- 
tion dans  les  circonstances  que  je  viens  de  rappeler  et  les  suivantes  le  prouve. 
On  peut  les  aplatir  en  comprimant  les  lames  de  verre  entre  lesquelles  ils  se 
trouvent,  et  lorsqu'ils  s'accumulent  ils  deviennent  polyédriques  par  pression  ré- 
ciproque (pi.  II,  fig,  2,  n,  et  fig,  5,  g,  g). 

Cette  particularité  est  la  même  pour  toutes  les  parties  du  corps  dans  lesquelles 
existent  ces  éléments. 

Les  leucocytes  examinés  dans  le  sang  offrent  un  peu  plus  de  consistance  que 
les  hématies.  Pourtant  ils  peuvent  être  aplatis  par  la  pression  des  lames  de 
verre,  ou  devenir  polyédriques  par  pression  réciproque.  Ils  s'allongent  aussi  pour 
pénétrer  dans  des  capillaires  dont  l'orilice  a  un  diamètre  plus  petit  que  le  leur, 
mais  ils  résistent  un  peu  plus  que  les  globules  rouges  ;  parfois,  chez  les  mam- 
mitères,  ils  bouchent  pour  assez  longtemps  un  capillaire  à  l'orifice  duquel 
ils  s'arrêtent  et  le  sang  ne  pénètre  dans  celui-ci  qu'après  que  le  leucocyte  a  été 
entraîné. 

Dans  le  pus  ils  sont  plus  denses  que  le  sérum  et  se  déposent  au  fond  du  vase, 
tandis  que  le  liquide  surnage  ;  dans  le  mucus  ils  restent  englobés  et  retenus 
par  le  liquide  visqueux.  Us  ont  une  densité  moindre  que  celle  des  hématies  et 
plus  grande  que  celle  du  sérum  sanguin.  Dans  le  sang  défibriné  on  les  voit  en 
effet  se  rassembler,  à  la  surface  des  globules  rouges  qui  occupent  le  fond  de  l'é- 
prouvette. 

Cette  couche  est  grisâtre,  demi-transparente,  moins  blanche,  moins  crémeuse 
qu'une  couche  d'égale  épaisseur  formée  par  du  pus  qui  se  dépose  dans  une  séro- 


232  LEUCOCYTE. 

site  incolore.  Ce  fait  est  du  à  des  particularités  secondaires  de  structure  telles  que 
la  présence  d'un  nombre  un  peu  plus  grand  de  granulations  dans  les  globules; 
il  en  sera  question  plus  loin. 

Vus  à  la  lumière  réfractée  sous  le  microscope,  les  leucocytes  non  déformés  du 
sang  et  de  la  lymphe  offrent  un  contour  net  (pi.  I,  fig.  ] ,  et  fig.  6,  b,  c,  d)  mé- 
diocrement foncé,  une  surface  lisse,  incolore,  brillante,  ayant  dans  le  sérum  du 
sang  frais  quelque  chose  de  l'argent  mat  si  l'on  peut  ainsi  dire.  Cet  aspect  est 
très-prononcé  lorsqu'on  les  observe  à  l'aide  de  la  lumière  oblique. 

11  est  très-remarquable  aussi  sur  les  leucocytes  examinés  par  transparence  lor.s- 
qu'ds  sont  plongés  dans  l'urine  fraîche.  En  même  temps,  leur  partie  centrale 
est  brillante,  tandis  que  leur  périphérie  est  nette  de  teinte  foncée  avec  un  léger 
l'eflet  ou  cercle  plus  clair  en  dehors  et  ils  paraissent  alors  nettement  arrondis. 
Dans  toutes  ces  circonstances  ils  sont  un  peu  plus  petits,  plus  resserrés  que  dans 
l'urine  commençant  à  s'altérer  ou  que  dans  un  sérum  peu  concentré.  Si  l'on 
ajoute  un  peu  d'eau  à  ces  Hquides,  les  leucocytes  se  gonflent  et  changent  Jiota- 
blement  d'aspect  parce  qu'ils  deviennent  clairs,  transparents.  Si  au  contraire  on 
ajoute  un  peu  de  solution  concentrée  de  phosphate  de  soude  à  un  liquide  dans 
lequel  ils  sont  très-transparents  et  un  peu  gonflés,  comme  dans  la  salive,  ils  se 
resserrent  sous  les  yeux  de  l'observateur  et  prennent  l'aspect  que  je  viens  de  si- 
gnaler. 

Ainsi  vus  à  la  lumière  transmise,  ces  éléments  sont  de  petits  corps  arrondis 
grisâtres,  plus  ou  moins  foncés  ou  plus  ou  moins  transparents  selon  la  quantité 
de  granulations  qu'ils  renferment,  et  selon  qu'ils  sont  plus  ou  moins  gonflés  ou 
plus  ou  moins  resserrés  par  le  liquide  qui  les  tient  en  suspension.  Dans  certaines 
conditions  les  granulations  qui  les  rendent  foncés  sous  le  microscope  peuvent  de- 
venir assez  abondantes  pour  les  rendre  d'un  noir  jaunâtre  ou  presque  complète- 
ment opaques  (pi.  II,  fig.  5,  s,  u,  y,  et  fig.  4,  t;  pi.  111-,  fig.  -] ,  7  et  8).  Lorsqu'au 
contraire  ces  éléments  sont  accumulés  en  quantité  assez  considérable  pour  former 
une  masse  visible  à  l'œil  nu  ou  lorsqu'ils  sont  examinés  à  la  lumière  réfléchie, 
ils  sont  grisâtres  ou  jaunâtres  selon  la  quantité  de  granulations  qu'ik  renferment  ; 
la  teinte  est  d'autant  -plus  jaune  qu'ds  contiennent  davantage  de  granulations 
graisseuses  qui  les  rendent  plus  opaques.  C'est  à  leur  couleur  propre,  dans  ces 
conditions,  qu'est  due  la  teinte  grisâtre  ou  jaunâtre  des  liquides  qui  les  tiennent 
en  suspension,  qui  par  eux-mêmes  sont  incolores  comme  tous  les  sérumsettous 
les  mucus,  ou  seulement  doués  d'une  légère  teinte  citrine. 

Les  leucocytes  de  toutes  les  parties  du  corps  peuvent  offrir  des  particularités 
analogues  aux  précédentes.  Mais  partout,* à  côté  de  leucocytes  qui  ont  cette  dis- 
position, il  en  est  quelques-uns  qui,  dépourvus  de  granulations,  sont  très-pâles, 
presque  incolores  (pi.  II,  fig.  6,  e,  e,  et  fig.  4,  q,  q;  et  pi.  III,  fig.  4,  h,  i,j,  h, 
fig.  7,  r,  z,  et  fig.  8,  b,  e,  f).  Parfois  même  ceux  qui  sont  dans  ce  cas  l'empor- 
Jant  sur  ceux  qui  sont  plus  foncés,  il  en  résulte  une  teinte  plus  claire  pour  le 
pus  qui  les  contient,  que  cela  n'est  habituel  (pus  des  synoviales,  de  la  pie-mère 
quelquefois,  des  os  cariés  chez  les  scrofuleux,  etc.). 

Les  leucocytes  du  sang  et  de  la  lymphe  offrent  une  viscosité  de  leur  surface 
qu'on  ne  rencontre  pas  sur  les  autres  espèces  d'éléments  du  sang.  C'est  là  sans 
doute  une  des  causes  de  leur  adhérence  à  la  face  niterne  des  parois  des  capillaires. 
Elle  se  manifeste  aussi  par  l'adliérence  réciproque  de  ces  globules  lorsqu'ils  vien- 
nent à  se  toucher  dans  les  vaisseaux,  contre  leurs  parois  ;  ils  présentent  alors  une 
certaine  résistnnce  aux  actions  qui  pourraient  les  séparer  les  uns  des  autres  et 


LEUCOCYTE.  255 

quel([uefois  plusieurs  partent  d'un  seul  bloc  réunis  ensemble.  Dans  les  veines  où 
ils  sont  abondants  (veine  spléiiique,  veine  porte,  veines  sns-hépaliqucs,  etc.),  on 
en  trouve  quelquefois  d'agglomérés  de  la  sorte.  Le  plus  souvent  ils  sont  réunis 
non  pas  seulement  ensemble,  mais  encore  à  des  hématies  à  l'aide  d'une  matière 
amorphe  finement  granuleuse  plus  ou  moins  abondante. 

C'est  encore  cette  viscosité  de  leur  surface,  plus  que  leur  volume,  qui  fait  qu'ils 
restent  adhérents  aux  lames  de  verre  sous  le  miscroscope,  pendant  que  les  hématies 
roulent  autour  d'eux  ;  car  des  corps  plus  volumineux,  qui  montrent  que  sans  cette 
adhérence  ils  pourraient  se  mouvoir,  se  rencontrent  souvent  dans  leur  voisiuage 
au  sein  de  la  préparation. 

Caractères  d ordre  chimique  des  leucocytes.  —  L'hygrométricité  des  leuco- 
cytes est  très-prononcée,  son  étude  conduit  du  reste  directement  à  celle  de  l'in- 
lluence  des  agents  chimiques  sur  eux  et  ne  peut  eu  être  séparée. 

L'eau  gonfle  ces  éléments  ;  elle  en  augmente  rapidement  le  volume  d'un  quart 
ou  d'un  tiers  environ.  En  même  temps  elle  les  rend  plus  transparents  et  fait  que 
leurs  granulations  intérieures  se  distinguent  mieux  les  unes  des  autres,  paraissent 
plus  nettes  (comparez  pi.  II,  fig.  1,  j,  j  à  a,  b,  c,  d,  lîg.  3,  s,  s  à  a,  h,  c,  d,  e 
fig.  5,  a,  cf,  m,  m  h  g,  b,  n).  Presque  toujours  ces  particularités  sont  plus  mani 
festes  au  centre  qu'à  la  périphérie  des  cellules  ;  sur  un  certain  nombre  de  ces 
dernières  l'eau  se  borne  à  produire  les  changements  précédents,  mais  sur  la  plu- 
part elle  détermine  une  sorte  de  coagulation  du  contenu  ou  de  cohérence  des  gra- 
nulations, sous  forme  de  un,  quelquefois  deux  et  plus  rarement  trois  petits 
amas  granuleux,  d'abord  assez  peu  nettement  limités  (pi.  I,  fig.  4-,  e, /",  ^r, //). 
Bientôt  ces  amas  deviennent  de  petits  globules  sphéroïdaux  ou  ovoïdes  (fig.  I , 
0,  0,  p,p,  fig.  5,  e,  f,  g,  h,  i;  et  pi.  H,  fig.  2,  g,  r,  et  fig.  5,  s,  t,  w,  v,  x,  y), 
larges  de  2  à  4  millièmes  de  millimètre,  à  contour  bien  limité,  peu  foncé,  sembla- 
bles à  des  noyaux,  de  la  production  desquels  l'observateur  peut  suivre  les  phases. 
Ce  phénomène  est  important  à  signaler,  et  il  l'est  également  de  savoir  que  l'acide 
acétique,  en  causant  un  changement  analogue,  détermine  la  formation  de  trois 
ou  quatre  petits  corpuscules  ou  noyaux  habituellement,  au  lieu  d'un  ou  deux 
seulement  dont  l'influence  de  l'eau  amène  la  production. 

C'est  là  un  phénomène  remarquable,  dont  les  autres  espèces  de  cellules  n'offrent 
pas  d'exemple  et  qui  mérite  d'être  pris  en  considération  d'une  manière  toute  spé- 
ciale, car  il  diffère  de  tous  les  modes  de  naissance  des  noyaux  que  nous  avons  pu 
étudier  jusqu'à  présent. 

L'action  prolongée  de  la  salive  mixte,  celle  de  l'urine  surtout  lorsqu'elle  commence 
à  répandre  une  odeur  ammoniacale,  ressemblent  à  celle  de  l'eau  (pi.  I,  fig.  5,  e, 
f,  g,  h  et  fig.  4),  même  lorsqu'on  examine  les  leucocytes  dans  ces  liquides  au 
moment  de  leur  sortie  de  la  bouche  ou  de  la  vessie.  Le  séjour  prolongé  des  leuco- 
cytes dans  le  sérum  du  sang  sur  le  cadavre  (pi.  I,  fig.  1 ,  k,  l,  m,  n,  et  fig.  2,  de 
a  à  g,  et  de  l  à  o)  ou  dans  celui  du  pus,  produit  un  effet  analogue  à  l'action  de 
l'eau,  ce  qui  fait  que  l'on  trouve  ces  cellules  avec  un  aspect  un  peu  différent 
dans  ces  conditions  de  celui  qu'elles  ont  sur  le  vivant.  Sur  le  cadavre  elles  sont 
un  peu  plus  grosses  à  granulations  plus  distinctes,  et  offrent  de  prime  abord  les 
corpuscules  ou  noyaux  (pi.  II,  fig.  5,  m,  m).  Toutefois  il  reste  toujours,  dans  ces 
circonstances,  un  certain  nombre  de  leucocytes  qui  ne  changent  pas  au  contact  du 
sérum  (pi.  I,  fin.  2,  a,  /,  /,  m,  m). 

Daus  le  liquide  blanchâtre  qu'on  voit  parfois  au  centre  des  concrétions  fibrineuses 
poly[)iformes  du  cœur  ou  au  centre  du  caillot  des  veines  oblitérées,  ils  n'offrent 


o^ 


54  LEUCOCYTE. 

pas  non  plus  d'amas  en  forme  de  noyau  ;  dans  quelques  cas,  cependant,  il  en  est 
qui  en  présentent  un  seul.  Mais  tous  sont  devenus  plus  transparents,  à. bords  pâles, 
et  leurs  granulations  sont  plus  visibles  qu'à  l'état  normal.  Les  leucocytes  du  sang 
qui  a  séjourné  dans  les  veines  dilatées  des  tumeurs  érectiles,  dans  les  dilatations 
des  veines  variqueuses  et  liémorrboïdales  ont  leur  contour  net  et  fonce  et  Tinté- 
lieur  de  leur  masse  plus  granuleux,  ce  qui  pourrait  faire  croire  d'abord  que  leur 
surface  est  rugueuse  bien  qu'il  n'en  soit  rien. 

En  même  temps  que  les  hîucocytes  se  gonflent  dans  l'eau  ou  dans  la  salive,  on 
voit  les  fines  granulations  moléculaires  qu'ils  renferment  se  prendre  d'un  mouve- 
ment brownien  extrêmement  vif,  auquel  participent  quelquefois  les  noyaux  de 
l'élément  lorsqu'ils  préexistaient  cadavériquement  à  l'addition  d'eau,  ou  après 
qu'ils  se  sont  produits  sous  l'influence  de  cet  agent.  Que  les  leucocytes  aient  été 
pris  dans  le  pus,  dans  un  mucus  ou  dans  le  sang,  le  phénomène  se  produit  de  la 
même  manière.  Toutefois  il  est  toujours  un  certain  nombre  de  leucocytes  dans 
lesquels  il  ne  s'observe  pas.  Ceux  du  sang  et  de  la  lymphe  olfrent  une  plus 
grande  quantité  d'entre  eux  qui  sont  dans  ce  cas,  et  cela  particulièrement  lors- 
qu'on les  prend  dans  le  sang  fixais  ;  car  si  on  les  examine  dans  le  liquide  tiré  des 
vaisseaux  d"un  cadavre  dont  on  fait  l'autopsie,  il  y  en  a  plus  qui  manifestent  ce 
mouvement  brownien  que  dans  les  circonstances  précédentes. 

Enfin,  après  que  le  mouvement  a  duré  un  certain  temps,  l'observateur  peut  voir 
quelques-uns  des  leucocytes  éclater  brusquement  par  excès  de  la  distension  due  à 
l'eau  qui  pénètre  par  endosmose.  Leur  contenu  liquide  s'échappe,  estlancé  avec  force 
au  dehors  avec  les  granulations  moléculaires  (pi.  II,  fig.  3,  œ)  qui  continuent  à 
présenter  le  mouvement  brownien  avec  au  moins  autant  de  vivacité  que  dans  l'in- 
térieur de  la  cellule.  Quant  à  la  paroi  de  celle-ci  elle  revient  sur  elle-même,  se 
ratatine,  se  plisse,  devient  irrégulière  et  d'une  très-grande  transparence,  en  rete- 
nant dans  son  intérieur  quelques  granulations  dont  l'agitation  continue. 

L'action  de  l'acide  acétique  est  importante  à  étudier.  11  détermine  aussi  l'appa- 
rition de  plusieurs  corpuscules  nucléiformes,  mais  de  nombre  et  de  volume  autres 
que  ne  le  fait  l'eau.  Les  phénomènes  suivants  s'opèrent  dans  l'espace  de  quatre  à 
dix  minutes  au  plus,  selon  le  degré  de  concentration  de  l'acide  et  selon  qu'il  a  agi 
plus  ou  moins  directement  sur  les  leucocytes.  Je  veux  dire  par  là,  selon  que,  pour 
arriver  à  eux  entre  les  deux  lames  de  verre,  l'acide  a  rencontré  plus  ou  moins 
d'hématies,  de  sérum  ou  de  fibrine  qui  ont  modifié  la  quantité  ou  la  concentration 
de  celui  qui  parvient  aux  éléments  qu'on  étudie. 

Le  premier  effet  de  l'acide  acétique  est  de  resserrer  et  rendre  plus  petits  et  plus 
foncés  les  leucocytes  lorsqu'on  les  examine  dans  le  sang  (pi.  I,  fig.  4,  a,  h,  c).  Cet 
effet  dure  peu,  presque  aussitôt  l'élément  anatomique  se  gonfle  d'un  quart  ou 
d'un  tiers,  pendant  qu'on  voit  son  centre  devenir  plus  granuleux  qu'à  l'état 
normal,  à  granulations  plus  grosses  et  plus  foncées  {d,  e,  f,  g,  h,  i,j,  k);  elles 
forment  un  seul  amas,  plus  ou  moins  large,  à  granulations  plus  ou  moins  serrées, 
placé  au  centre  du  globule  dont  le  reste  est  extrêmement  transparent,  à  contour 
bientôt  tellement  pâle  qu'il  faut  beaucoup  d'attention  pour  le  voir.  Peu  à  peu  les 
granulations  deviennent  plus  cohérentes  et  tendent  à  produire  une  masse  homo- 
gène ou  à  peu  près.  En  même  temps  cette  masse  se  dispose  en  demi-cercle  ou 
en  fer  à  cheval  (pi.  I,  fig.  2,  r,  r),  soit  formé  d'une  seule  pièce,  soit  constitué 
de  deux,  trois  ou  même  quatre  petits  fragments  de  2  à  5  millièmes  de  millimètre 
de  diamètre  chacun.  Quelquefois  c'est  un  cercle  complet  que  forme  ce  petit  amas 
ou  bien  deux  demi-cercles  dont  les  ouvertures  se  regardent.  En  général  cette 


LEUCOCYTE.  255 

masse  centrale  forme  un,  deux,  trois  ou  quatre  corpuscules  ayant  l'aspect  de  pe- 
tits noyaux  sphériques  ou  polyédriques,  larges  de  3  à  4  millièmes  de  millimètre, 
soit  superposés  les  uns  aux  autres,  soit  placés  sur  le  même  plan  à  côté  les  uns 
des  autres  (tig.  4,  /,  m,  n,  o,  p,  q,  r,  s). 

Lorsque  l'acide  acétique  ugit  sur  les  leucocytes  du  sang  qui  ont  d'^à  subi  le 
contact  de  l'eau  ou  l'action  prolongée  du  sérum  du  cadavre,  ordinairement  il  ne 
lait  que  rendre  très-transparente  la  masse  de  la  cellule  en  dissolvant  toutes  les 
granulations  et  il  met  en  évidence  le  noyau  ou  les  noyaux  déjà  apparus  sous  l'in- 
lluence  de  l'eau  (pi.  I,  fig.  i,o,  o,p).  En  même  temps  il  rend  les  contours  de  ces 
noyaux  plus  nets  et  plus  foncés  (fig.  2,  p,  p),  sur  d'autres  de  ces  éléments  il  fait 
courber  en  fer  à  cheval  les  noyaux  (fig.  2,  s,  s).  Du  reste  ceux  des  leucocytes 
"qui  n'avaient  éprouvé  encore  aucune  modification  de  la  part  du  sérum  (fig.  2, 
a,  c,  l,  m)  sont  modifiés  par  l'acide  {q,  q)  comme  le  sont  les  leucocytes  pris  dans 
le  sang  frais. 

L'action  de  l'acide  acétique  sur  les  leucocytes  pris  dans  le  pus,  dans  les  mu- 
queuses, est  la  même  que  celle  que  je  viens  de  décrire  précédemment.  Les  parti- 
cularités qu'elle  peut  offrir  sont  tellement  secondaires  qu'il  est  presque  inutile  de 
les  signaler.  Elles  ne  portent  guère  que  sur  le  volume  généralement  un  peu  plus 
grand  des  noyaux  dont  le  réactif  détermine  l'apparition  dans  les  leucocytes  du  pus 
et  des  muqueuses.  Mais  du  reste  on  voit  que  les  phases  de  l'action  de  l'acide  acéti- 
que sont  les  mêmes  que  lorsqu'on  peut  les  suivre  sur  des  leucocytes  frais  (pi.  II, 
fig.  2,  àQglit,  fig.  5,  de  g  à  r,  fig.  4,  de  h  à  m,  fig.  5,  de  h-àl,  et  fig.  6,  h,i,k), 
c'est-à-dire  avant  que  l'influence  de  l'eau  ou  le  séjour  dans  un  sérum  un  peu 
altéré  et  fétide  aient  fait  apparaître  un  ou  deux  noyaux  seulement,  qu'alors 
l'acide  ne  fait  que  rendre  plus  évidents  (comparez  fig.  3,  s,  u,  x,  ij  h.  t,  t,  v,  z). 
L'acide  acétique  {acide  acétique  du  verdet  et  acide  pyroUgneux)  employé  en 
grande  quantité  ou  très-concentré  détermine  l'appaiition  de  noyaux  qui  sont  plus 
petits  et  plus  irréguliers  que  lorsqu'on  emploie  ce  réactif  un  peu  étendu  ou  en 
petite  quantité. 

Selon  les  conditions  dans  lesquelles  se  sont  produits  les  noyaux  apparus  sous 
l'influence  de  l'acide  acétique,  les  leucocytes  peuvent  être  incolores,  ou  légèrement 
teintés  de  couleur  lie  de  vin  ou  au  contraii'e  en  jaune  orange,  comme  on  le  voit 
souvent  dans  les  leucocytes  des  sérosités,  de  la  synovie,  etc,  (pi.  III,  fig,  2,  de 
Ias).  Dans,  le  sang,  les  petits  noyaux  qu'on  voit  se  former  de  la  sorte  offrent 
constamment  une  teinte  d'un  brun  rougeàtre  ou  vineux,  bien  différente,  du  reste, 
de  la  teinte  jaune  rosé  que  présentent  au  microscope  les  hématies. 

L'importance  de  la  série  des  faits  précédents  ne  saurait  échapper  un  instant,  car 
ils  montrent  que  les  noyaux  depuis  si  longtemps  décrits  dans  les  leucocytes  ne 
préexistent  pas  à  l'influence  des  altérations  cadavérique  et  chimique  proprement 
dites,  qu'ils  sont  un  des  résultats  de  ces  actions  ;  cela  est  mis  particulièrement  eu 
relief  par  ce  fait  que  l'eau  ne  fait  apparaître  que  un  ou  deux  noyaux  sphériques, 
réguliers,  à  centre  clair,  dans  les  globules  où  l'acide  acétique  amène  la  formation  de 
2  à  4  corpuscules  nucléiformes,  plus  petits,  plus  irréguliers,  etc.  Ils  prouvent  que 
ces  corps  n'appartiennent  pas  en  propre  aux  leucocytes  encore  vivants  ;  et  de  fait 
on  ne  les  voit  pas  pendant  la  durée  de  la  production  des  expansions  sarcodiques 
qui  les  déforment  ;  en  sorte  que  leur  formation  marque  leur  passage  à  l'état  cada- 
vérique, l'époque  de  leur  mort  et  jusque-là  leur  contenu  n'était  qu'une  masse 
homogène  visqueuse  parsemée  de  fines  granulations  grisâtres.  Enfin  ces  faits  mon- 
trent que  les  hypothèses  d'après  lesquelles  on  a  voulu  voir  dans  la  multiplicité  des 


256  LEUCOCYTE. 

noyaux  des  leucocytes  la  preuve  que  ce  sont  des  cellules  aptes  à  une  reproduction 
rapide  et  en  voie  de  prolification,  sont  des  vues  sans  aucun  fondement. 

A  mesure  que  se  prolonge  l'action  de  l'acide  acétique  la  masse  de  la  cellule 
devient  de  plus  en  plus  pâle,  plus  transparente,  jusqu'à  ce  que,  réduite  à  être  invi- 
sible, elle  laisse  les  deux,  trois  ou  quatre  uoyauv  isolés  dans  le  champ  du  micro- 
scope, sans  enveloppe  apercevable  autour  d'eux.  Ils  restent  pourtant  encore  jux- 
taposés et  légèrement  adhérents  les  uns  aux  autres,  mais  on  peut  alors  les  séparer 
assez  facilement  par  des  mouvements  des  lames  de  verre. 

11  est  des  circonstances  rares  dans  lesquelles  cette  action  généralement  si  con- 
stante de  l'acide  acétique  peut  manquer  pourtant.  C'est  ce  que  l'on  observe  quel- 
quefois sur  le  pus  qui  a  séjourné  longtemps  dans  l'économie,  comme  au  sein  de 
quelque  tumeur,  d'un  ganglion  lymphatique,  de  la  moelle  des  os,  des  abcès  du- 
foie,  dans  les  kystes  et  abcès  du  testicule  surtout,  soit  chez  l'homme,  soit  chez  le 
cheval,  dans  la  plèvre,  dans   l'œil,  etc.  Bien  que  crémeux,  verdàtre  ou  non,  ce 
pus  renferme  des  leucocytes,  sur  lesquels  l'eau  ne  fait  que  causer  un  peu  plus  de 
transparence  et  de  gonflement.  L'acide  acétique  les  pâlit  beaucoup,  dissout  la 
plupart  de  leurs  granulations,  mais  on  ne  voit  apparaître  aucune  trace  de  noyaux 
sous  l'influence  de  ce  réactif;  un  très-petit  nombre  seulement  d'entre  eux  eiioDreiit 
un,  rarement  deux,  produits  comme  il  a  été  dit  plus  haut,  mais  de  dimensions 
moindres  qu'à  l'ordinaire.  Tous  les  autres  éléments  restent  uniformément  pâles, 
transparents,  avec  quelques  granulations  moléculaires  fort  petites  et  plus  rarement 
avec  quelques  granulations  graisseuses. 

L'acide  nitrique  gonfle  d'abord  les  leucocytes  et  les  rend  plus  gros  d'un  quart 
environ.  En  même  temps  il  les  rend  pâles,  transparents  ou  à  peine  granuleux  et 
détermine  assez  souvent  la  production  dans  leur  intérieurde  une  à  trois  excava- 
tions, pâles,  sphériques,  tellement  claires  qu'elles  sont  difficiles  à  voir.  Peu  à  peu 
il  dissout  les  leucocytes,  plus  rapidement  que  les  hématies. ^L'acide  sulfurique  les 
gonfle  et  les  dissout  plus  vite  encore  que  l'acide  nitrique. 

L'acide  chlorhydrique  concentré  rend  les  leucocytes  d'abord  un  peu  grenus  et 
irréguhers,  dentelés  ou  garnis  de  très-petites  saillies  pointues,  en  môme  temps  il 
les  gonfle  légèrement.  Il  détermine  ensuite  dans  leur  masse  la  formation  de  deux 
à  quatre  vacuoles  claires  sphériques,  et  enfin  il  les  dissout. 

L'ammoniaque  produit  dans  les  leucocytes  des  vacuoles  autour  desquelles  sont 
rangées  de  fines  granulations  moléculaires.  Les  vacuoles  vont  en  grandissant  assez 
rapidement,  et  bientôt  le  globule  disparaît  presque  subitement  après  avoir  à  peu 
près  doublé  de  volume  par  accroissement  rapide  des  vacuoles. 

Le  phosphate  de  soude  rapetisse  les  globules  blancs,  il  les  rend  quelquefois  plus 
petits  que  les  globules  rouges,  toute  leur  surface  prend  un  aspect  grenu,  leur  con- 
tour devient  net,  foncé  et  un  peu  jaunâtre  en  dedans.  Le  centre  au  contraire 
devient  blanc,  brillant,  homogène,  ou  s'il  paraît  un  peu  granuleux,  cela  tient 
aux  rugosités  de  la  surface.  Il  agit  de  môme  sur  les  leucocytes  que  leur  séjour  dans 
la  salive  mixte  ou  un  sérum  trop  fluide  a  gonflés  et  rendus  transparents. 

Le  carbonate  de  potasse  produit  à  peu  près  le  mcmeteffet,  toutelois  il  produit 
des  vacuoles  au  centre  de  quelques-uns.  La  potasse  à  40  degrés  n'agit  guère  autre- 
ment, mais  si  on  lui  ajoute  de  l'eau  elle  les  gonfle,  les  rend  d'abord  un  peu  granu- 
leux et  plus  transparents,  puis  ensuite  on  voit  se  manifester  la  môme  action 
qu'après  l'emploi  de  l'ammoniaque. 

L'alcool  rend  les  leucocytes  un  peu  plus  gros,  jjIus  granuleux  d'abord,  jiuis 
amène  comme  après  addition  d'eau  la  formation  de  un,  deux  ou  quelquefois  trois 


Principes 


LEUCOCYTE.  257 

amas  ou  noyaux,  clairs,  très-ronds  à  bords  nels,  réunis  vers  le  centre  du  globule 
dont  le  reste  est  transparaît.  La  teinture  d'iode  colore  les  leucocytes  en  brun  rou- 
geâtre,  les  rend  plus  petits,  un  peu  plus  granuleux  et  moins  transparents  qu'à 
l'état  normal. 

La  glycérine  pure  mise  en  présence  des  leucocytes  les  resserre  d'abord,  en  di- 
minue le  diamètre  de  moitié  environ  et  rend  ainsi  leur  contour  plus  foncé,  leur 
centre  plus  brillant,  d'aspect  moins  granuleux.  En  même  temps  leur  surface  de- 
vient moins  régulière  et  présente  de  petits  prolongements  qui  la  hérissent.  Peu  à 
pgu  elle  les  pâlit  beaucoup,  et  sans  les  dissoudre  entièrement  les  réduit  à  l'état 
d'une  petite  masse  pâle  et  délicate. 

Plusieurs  des  humeurs  de  l'économie  agissent  sur  ces  éléments.  Déjà  nous  avons 
vu  plus  haut  qu'elle  est  l'action  du  sérum  du  sang  après  la  mort  (p.  !23o). 

L'urine  iraîche  agit  sur  les  globules  blancs  comme  le  phospate  de  soude,  mais 
d'une  manière  un  peu  moins  tranchée  (p.  252-255). 

COMPOSITIOS  IBMÉDIATE  DES  LEUCOCYTES    HOMIDES   mis   DANS  LE   PL'S. 

1  Eau  pour  100  parties  de  cellules  .  790,00 

Principes         )  Sels  environ 43,o0 

de  la  1"  classe.   1  Fer    faisant    partie    d'un  principe 

'      encore  indéterminé des  traces. 

Sels  à   acides  d'origine  organique 

(lactales,  etc.) quantité  indéterminée. 

/  Pyoline  (Glénard), 
séroline  du  pus 
de  quelques  au- 
teurs .....  5,45 
Choleslérine.    .   .  5,50 
Lécythine.    .   .    .                  7,20 
îraisse  rouge 
unie  à  un  peu 
depliospliatede 

chaux 6,00 

Oléine quantité  indéterminée. 

Margarine.    ...  id. 

,  Stéarine id. 

Substance   organique    demi- solide 
Principes        I      formant  principalement  la  masse 
de  la  111"  classe,  j      de  chaque  cellule  environ  .   .  .  liO.OO 

Albumine -     des  traces, 

Structure  des  leucocytes.  La  structure  des  leucocytes  chez  l'adulte  à  l'état 
normal  est  fort  simple,  ils  se  distinguent  même  par  là  de  la  plupart  des  autres 
espèces  de  cellules.  Mais  ce  sont  surtout^  leurs  réactions,  décrites  plus  haut,  qui 
empêchent  de  les  confondre  avec  d'autres  éléments. 

Ils  sont  composés  d'une  masse  sphérique  de  substance  organisée  incolore,  un 
peu  plus  dense  à  la  surface  qu'à  son  intérieur,  bien  qu'ils  n'offrent  pas  d'enveloppe 
nettement  distincte  et  séparable  du  contenu  avant  d'avoir  séjourné  dans  le  sérum 
du  sang  du  cadavre,  dans  la  salive,  ou  subi  le  contact  de  l'eau,  etc.  Cette  masse  est 
uniformément  parsemée  de  granulations  ;  leur  sphéricité  seule  fait  paraître  ces 
firanules  plus  abondants  au  centre  qu'à  la  péiipliérie.  Ces  granulations  sont  très- 
fines,  grisâtres,  quelquefois  un  peu  plus  grosses  et  alors  à  centre  brillant  et  jau- 
nâtre (pi.  I,  fig.  1,  a  à  i,  fig.  5,  a  à  e,  lig.  5,  6  et  7,  a,  h;  et  pi.  II,  fig.  4,  a,  h, 
c,  d,  fig.  5,  a,  a,  fig.  6,  a,  h,  c).  Nous  avons  vu  comment,  par  suite  d'altéra- 
tion du  sérum  ou  de  l'action  des  agents  chimiques,  elles  deviennent  cohé- 
rentes et  forment  des  amas  qui  pourraient  être  piis  pour  des  noyaux  proprement 
dits,  eri'cur  encore  souvent  commise  par  les  observateurs  qui  n'ont  pas  constaté 


Corps  gras 
et 


de  la  11"  classe.  ,  leurs  analogues 
au  moins 
26,50 
savoir  : 


Lé 
Gr 


2o8  LEUCOCYTE. 

leur  production  artificielle  ou  accidentelle,  dont  il  est  pourtant  facile  de  suivre  les 
diverses  phases  (p.  373). 

Des  variétés  de  structure  des  leucocytes.  Tel  est  le  degré  de  simplicité  dans 
la  structure  que  présentent  généralement  les  leucocytes  à  l'état  frais  ;  mais  ces 
éléments  vont  nous  offrir,  selon  les  différentes  conditions  dans  lesquelles  ils  peuvent 
se  trouver,  des  modifications  en  nombre  tel  qu'il  est  peu  d'autres  cellules  qui 
puissent  leur  être  comparées  à  cet  égard. 

Dans  le  sang,  surtout  celui  du  foetus,  après  la  mort,  ,dans  la  lymphe,  et  plus 
rarement  dans  le   pus  de  la  vessie  et  diverses  autres  parties  du  corps  (pi.  111, 
fig.  8,  a,  b,  c,  d,  e),   on  trouve  des  leucocytes  qui  offrent  les  particularités  sui- 
vantes de  structure.  Ils  sont  constitués  d'une  masse  extrêmement  claire  et  trans- 
parente, tout  à  fait  homogène,  sans  granulations,  qui  renferme  un  et  très-rare- 
ment deux  noyaux,  semblables  aux  leucocytes  de  la  variété  noyau  libre.  Ce  noyau 
est  placé  souvent  près  du  contour  de  la  masse  claire  sphérique,  plus  rarement  à 
son  centre.  Lorsqu'il  y  en  a  deux,  ils  occupent  tout  le  diamètre  du  corps  de  la 
cellule.  L'acide  acétique  dissout  le  corps  transparent  de  ces  cellules.  Il  agit  sur 
leur  noyau  comme  sur  les  leucocytes  de  la  variété  noyau  libre  décrits  plus  loin. 
Cette  disposition  des  parties  constituantes  de  ces  leucocytes  est  le  résultat  de  l'ac- 
tion sur  eux  du  sérum  altéré  cadavériquement,  qui  les  modifie  à  peu  près  comme 
le  fait  l'eau.  Ce  dernier  liquide  détermine  en  effet  des  changements  semblables 
sur  les  leucocytes  les  plus  petits   ou  globuUns    qui  sont  granuleux  et  dont  il 
gonfle  beaucoup  la  masse  ou  corps  de  la  cellule  en  laissant  vers  le  centre  les 
granulations  sur  lesquelles  cette  masse  ou  corps  accumulé  était  en  quelque  sorte 
appliquée. 

Dans  ces  conditions  de  gonflement,  la  dissolution  concentrée  de  phosphate  de 
soude  contracte  rapidement  le  corps  de  la  cellule  et  l'applique  sur  cet  amas  ou 
noyau  central,  de  manière  que  la  cellule  diminue  de  volume  de  près  de  moitié,  et 
prend  le  volume  d'une  hématie  ou  même  devient  plus  petite  ;  ce  noyau  cesse  alors 
de  se  distinguer  facilement  du  corps  de  la  cellule.  Cette  solution  contracte  et 
l'esserre  aussi  les  hématies  de  l'embryon,  les  rend  plus  foncées,  plus  rougeâtres,  et 
alors  la  teinte  de  ces  éléments  tranche  sur  celle  des  leucocytes  resserrés  qui  sont 
grisâtres.  Cette  particularité  doit  être  notée,  parce  qu'elle  montre  que  ces  leuco- 
cytes paies,  sans  granulations,  ne  sauraient  être  considérés  sans  erreur  comme  des 
hématies  embryonnaires  à  noyau.  En  outre  les  premiers  sont  sphériques,  tandis 
que  ces  dernières  sont  aplaties. 

L'eau  rend  cette  masse  seulement  un  peu  plus  pâle  mais  sans  la  dissoudre, 
même  après  une  demi-heure  d'action  et  lorsque  tous  les  globules  rouges  qui  sont 
autour  ont  été  dissous.  Le  voisinage  des  disques  rouges  donne  un  reflet  rosé  très- 
pâle  à  la  masse  transparente.  Les  leucocytes  de  cette  variété  adhèrent  aux  lames 
de  verre  comme  les  autres,  et  restent  immobiles  sans  s'aplatir,  lors  même  qu'on 
presse  la  lamelle  supérieure  de  la  préparation  et  qu'on  fait  courir  avec  violence  les 
globules  rouges  autour  d'eux.  Après  l'action  du  phosphate  de  soude,  si  on  étend 
la  préparation  de  beaucoup  d'eau,  ces  leucocytes  se  gonflent  et  leur  masse  incolore 
réapparaît  de  nouveau.  L'action  de  cet  agent  est  très-importante  à  constater  dans 
l'étude  de  cette  variété  d'éléments,  étude  qui  est  souvent  une  des  plus  délicates 
en  raison  de  leur  petit  nombre. 

Prodiictio7i  de  vacuoles.  Si  au  lieu  de  prendre  les  leucocytes  dans  les  condi- 
tions précédentes,  on  les  examine  dans  le  sérum  du  sang  ou  de  la  lymphe  qui 
viennent  de  sortir  des  vaisseaux  (pi.  I,  fig.  3,  de  l  à  p,  fig.  6,  de  d  à  h,  fig.  7,  e, 


LEUCOCYTE.  25!) 

d,  et  fig.  8,  e,  e),  dans  le  sérum  encore  chaud  d'un  abcès  à  peine  fluctuant 
(pi.  lli,  tig.  10,71,  n),  dans  un  mucus  purulent  aussitôt  qu'il  est  retiré  de  la  mu- 
queuse et  sans  addition  d'eau  ou  d'autres  réactifs  (pi.  II,  fig.  1  ;  fig.  2,  de  akh, 
et  fig.  3,  de  a  à  f),  leur  constitution  parait  d'abord  toute  différente.  On  est  d'a- 
bord frappé  des  nombreuses  variétés  de  forme  et  de  volume  d'un  individu  à  l'autre, 
qui  sont  dues  aux  expansions  sarcodiques  et  que  nous  avons  déjà  signalées;  leur 
transparence  est  moindre  et  les  portions  de  leur  périphérie  qui  n'envoient  pas 
d'expansions  sarcodiques  ainsi  que  toute  leur  masse  sont  plus  foncées.  Mais  sur- 
tout, leurs  granulations  semblent  beaucoup  plus  rapprochées,  presque  cohé- 
rentes, beaucoup  moins  distinctes  les  imes  des  autres  et  plus  fines  que  dans 
toutes  les  autres  conditions.  Au  bout  d'un  certain  temps  d'examen  de  la  prépa- 
ration, on  voit  aussi  se  produire  dans  un  certain  nombre  de  leucocytes  de  une  à 
trois  et  même  quatre  petites  vacuoles  transparentes,  incolores  ou  légèrement 
teintées  en  rose  pâle  (pi.  Il,  fig.  0,  a,  b,  c,  d,  f).  Leur  contour  est  net,  assez 
foncé,  et  on  pourrait  les  prendre  pour  des  corps  solides  tels  que  des  noyaux,  s 
on  ne  les  voyait  peu  à  peu  changer  de  nombre,  de  forme,  de  volume  et  de  situa- 
tion dans  l'épaisseur  de  l'élément  anatomique.  On  n'y  observe  pourtant  pas  de 
noyau,  ni  pendant  la  durée  des  déformations  causées  par  les  mouvements  des 
expansions  sarcodiques,  ni  lorsqu'ils  ont  repris  la  forme  sphérique  après  la  ces- 
sation de  ces  phénomènes  (pi.  11,  fig.  2,  c,  d,  e).  Cependant  l'eau  les  gonfle,  les 
rend  sphériques,  pâles,  et  y  fait  apparaître  un  ou  plusieurs  noyaux  (tîg.  2,j,  k, 
n,  o,p,  a,  r).  L'acide  acétique  agit  également  sur  eux  comme  sur  les  leuco- 
cytes pris  dans  toutes  les  autres  conditions.  [Voy.  p.  254  et  235). 

Si  maintenant  au  lieu  de  prendre  les  leucocytes  à  l'état  Irais  le  plus  rapproché 
de  l'état  vivant,  on  les  considère  dans  l'état  cadavérique  qui  n'est  pas  encore  à 
proprement  parler  l'état  de  destruction  spontanée,  ils  montrent  un  grand  nombre 
de  particularités  qui  ne  sont  pas  absolument  les  mêmes  d'une  région  du  corps  à 
l'autre,  ou  dans  la  même  partie  selon  les  conditions  dans  lesquelles  l'élément  s'est 
produit.  Ce  sont  ces  faits  qu'il  s'agit  d'examiner  ici. 

Dans  le  sérum  du  sang,  ils  ont  repris  la  forme  sphérique  d'une  manière  perma- 
nente et  régulière.  On  y  trouve  vers  le  centre  généralement  ou  à  la  périphérie  le 
plus  souvent  un,  mais  quelquefois  de  deux  à  quatre  noyaux  arrondis  ou  un  peu 
polyédriques  qui  se  sont  formés  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut  (p.  233).  Autour 
d'eux  les  granulations  sont  devenues  plus  apparentes,  plus  distinctes,  et  semblent 
plus  grosses  que  dans  les  leucocytes  frais  ;  parfois  elles  manifestent  un  mouvement 
brownien  plus  ou  moins  vif  qui  indique  la  présence  d'une  paroi  distincte  de  la 
cavité. 

Etats  fœtal  et  leiiCocythémique.  Chez  les  fœtus,  jusqu'au  cinquième  mois  et 
même  jusqu'au  septième,  ainsi  que  dans  beaucoup  de  cas  où  le  sang  offre  l'état 
leucocythémiqiie,  beaucoup  de  leucocytes  présentent  un  diamètre  qui  dépasse 
8  miUièmes  de  millimètre  et  qui  s'élève  jusqu'à  15  et  18  millièmes.  Dans  tous, 
l'état  cadavérique  amène  la  production  d'un  noyau  de  volume  proportionné  au 
leur  (pL  I,  fig.  2^  de  a  à  ^  et  n,  o).  Quelquefois  il  s'en  produit  deux  [d,  d)  et 
même  trois.  Le  noyau  est  généralement  au  centre  de  la  cellule,  parfois  un  j^eu 
sur  le  coté  {b,o).  Il  est  ordinairement  sphériqtle,  plus  rarement  un  peu  irréguliet 
(g)  ou  en  forme  de  biscuit.  Ces  noyaux  sont  tous  finement  granuleuXj  larges  de 
5à  7  mifiièmes  de  millimètre,  mais  quelquefois  ils  atteignent  jusqu'à  JO  millièmes 
de  milhmètre  {f,  g,  n).  Néanmoins  ils  manquent  de  nucléole;  entre  le  noyau  et 
la  périphérie  de  ces  leucocytes  se  renconlrent  de  fines  granulations  moléculaires 


240  LEUCOCYTE. 

comme  à  l'élat  normal.  Quelques-uns  pourtant  en  offrent  d'assez  nombreuses 
et  assez  foncées  pour  donner  une  teinte  noirâtre  et  un  aspect  grenu  à  tout  le  glo- 
bule. Ces  leucocytes  que  rendent  foncés  leurs  granulations  nombreuses  et  assez 
grosses,  existent  en  petit  nombre  d'une  manière  constante  à  côté  des  autres  dans 
le  sang  et  dans  la  lymphe  de  tous  les  vertèbres.  Us  y  ont  été  décrits  depuis  long- 
temps par  divers  auteurs  (Warthon-Jones,  etc.). 

L'acide  acétique  rend  rougeàtre  le  noyau  central  des  globules  qui  en  sont  pour- 
vus. Mais  ici  comme  à  l'état  normal  cette  teinte  rougeàtre  est  un  rouge  brun  ou 
vineux  qui  n'est  pas  analogue  à  la  teinte  propre  aux  globules  rouges.  Ces  noyaux 
prennent  en  même  temps  sous  cette  influence  un  contour  plus  net,  des  granu- 
lations plus  foncées  et  quelquefois  une  forme  un  peu  allongée,  droite  ou  légère- 
ment recourbée  en  demi-cercle  (pi.  I,  fig.  2,  r,  r).  Quant  à  ceux  qui  n'offrent  pas 
de  noyaux,  ils  se  comportent  comme  les  globules  du  sang  frais  et  normal. 

Leucocytes  sans  noyaux.  Dans  le  liquide  jaunâtre,  limpide,  des  séreuses,  dans 
les  kystes  de  l'ovaire  et  autres  à  liquide  séreux,  les  leucocytes  sont  pâles,  trans- 
parents, pourvus  la  plupart  de  fiues  granulations  seulement,  quelquefois  plus 
nombreuses  à  la  phériphérie  que  vers  le  centre  (pi.  111,  fig.  2,  b,  c,  d,  e).  Plus 
qu'ailleurs  peut-être  on  en  voit  de  volumineux  (fig.  2,  a,  k,  s,  et  fig.  6,  g,  h)  à 
côté  d'autres  de  volume  ordinaire  ou  très-petits  (e,  c).  Dans  ces  conditions  cada- 
vériques et  après  l'action  de  l'eau,  après  celle  de  l'acide  acétique  môme,  la  plu- 
part de  ces  leucocytes  manquent  de  noyau  (pi.  II,  fig.  5,  a,  a,  c,  g  ;  et  pi.  III, 
fig.  2,  b,  c,  d,  e,  f,  h,  /<.-,  fig.  6,  b,d,  e,  f,  g,  h,  m,  n,  o)  ou  n'en  présentent  qu'un 
seul  (pi.  II,  fig.  5,  h;  et  pi.  III,  fig.  2,  g,  i,j,  fig.  6,  a)  ;  ce  noyau  est  souvent 
très-pâle,  régulier,  assez  large  (pl.  III,  fig.  2,  a,  a),  mais  ne  dépasse  pas  5  à 
6  millièmes  de  millimètre.  L'acide  acétique  détermine  toutefois  sur  un  petit 
nombre,  la  production  de  uu,  plus  rarement  deux  ou  ti-ois  noyaux  dans  des 
cellules  où  ni  les  modifications  cadavériques  du  sérum,  ni  l'eau  n'avaient  pu  en 
faire  apparaître  (pl.  III,  fig.  2,  /,  m,  n,  o,  p,  q,  r,  s).  Ce  sont  ces  leucocytes  sans 
noyaux  ou  à  un  seul  noyau,  ceux  surtout  qui  sont  pâles,  qui  ont  reçu  de  Le- 
bert  le  nom  de  globules  pyoïdes.  (Voy.  la  Synonymie,  p.  225.) 

Dans  le  pus  des  séreuses  et  des  synoviales,  dans  la  sérosité  produite  par  des 
séreuses  entlannnées  et  tenant  en  suspension  des  leucocytes  qui  la  rendent  plus 
ou  moins  trouble,  plus  ou  moins  purulente,  ces  cellules  offrent  pour  la  plupart 
comme  ci-dessus  les  caractères  de  pâleur,  de  finesse  et  de  distribution  des  granu- 
lations uniformément  ou  vers  la  périphérie,  puis  enfin  l'absence  de  tout  noyau  qui 
viennent  d'être  décrits  (pl.  III,  fig.  2  et  6,  etpl.  II,  fig.  0,  a,  a,  b,  g).  Pourtant  on 
eu  trouve  plus  que  dans  les  sérosités  limpides  qui  ont  un  ou  deux  et  même  trois 
noyaux  (fig.  5,  m,  m),  visibles  surtout  après  l'action  de  l'eau  ou  de  l'acide  acé- 
tique {h,  i,  /i-,  l)  qui  souvent  en  déterminant  leur  production  leur  donne  une 
teinte  jaunàtro.  Il  est  de  ces  leucocytes  qui  sont  un  peu  plus  foncés  parce  qu'ils 
renferment  j.lus  de  granulations  moléculaires  (fig.  5,  b,b,  n,  n,  g).  Bientôt  aussi 
nous  verrons  que  dans  ces  conditions-là  beaucoup  de  leucocytes  deviennent  très- 
granuleux. 

Leucocytes  sur  les  muqueuses.  La  structure  des  leucocytes  pris  à  l'état  cada- 
vérique, mais  non  encore  en  voie  de  putréfaction,  sur  les  muqueuses,  varie  assez 
notablement  d'une  de  ces  parties  du  corps  à  l'autre. 

Ils  sont  assez  généralement  sphériques,  finement  et  uniformément  granu- 
leux, grisâtres  (pl.  111,  fig.  3,  de  a  à  h),  souvent  pâles,  comme  gonflés, 
turgescents ,    dans   la    salive,    et    alors   leurs    granulations    manifestent  un 


LEUCOCYTE.  241 

mouvement  brownien  très-vif  avant  toute  addition  de  liquide.  Avant  comme  après 
l'action  de  l'eau  les  leucocytes  pris  dans  la  salive  n'offrent  qu'un  seul  noyau  sphé- 
rique,  à  contour  net  ou  quelquefois  deux  noyaux  (/),  très-rarement  trois.  Il  en 
est  toujours  un  certain  nombre  qui  restent  dans  ces  conditions  sans  présenter 
de  noyau  {b,  d,  g),  et  n'en  montrent  qu'après  l'action  de  l'acide  acétique.  {Yoij. 
page  255.) 

Dans  le  mucus  vésical  à  l'état  normal,  ils  sont  (fig.  5,  e,  e)  au  contraire  petits, 
resserrés,  à  contour  net,  à  surface  brillante  et  ne  montrent  de  noyau  qu'après 
l'action  de  l'eau  ou  après  celle  de  l'acide  acétique,  ce  dernier  en  fait  apparaître 
trois  à  quatre,  sans  gonfler  d'une  manière  notable  le  corps  de  la  cellule  (^,  /;,  i). 
Lorsqu'ils  y  naissent  abondamment  dans  des  conditions  d'inflammation,  ils  offrent 
les  caractères  de  ceux  du  pus  en  général  ;  c'est-à-dire  qu'ils  sont  plus  gros,  plus 
granuleux  que  les  précédents  (pi.  III,  fig.  10,  de  i  à  s),  et  il  s'y  forme  deux  ou 
trois  noyaux  (p  à  s)  après  le  contact  de  l'eau,  etc.  II  est  pourtant  des  conditions 
dans  lesquelles  ils  présentent  dans  la  vessie  un  volume  considérable  (0°"",012 
à  0""",015)  ;  c'est  ce  qu'on  voit  lorsque  les  urines  deviennent  ammoniacales,  alors 
ils  sont  comme  turgescents,  gonflés,  finement  granuleux.  Dans  la  plupart  aussi, 
il  ne  se  produit  qu'un  seul  noyau  spUérique  (pi.  III,  fig.  4,  b,  e,  /",  (J)  ou  plié  en 
demi-cercle  (a)  et  volumineux  (0""",005  à  0'"'",007). 

L'état  cadavérique,  sans  putréfaction,  des  leucocytes  des  muqueuses  nasales, 
trachéales  et  de  la  conjonctive  n'offre  pas  de  différences  essentielles  à  signaler  qui 
les  distinguent  notablement  de  ceux  de  la  cavité  buccale  (pi.  H,  fig.  4,  de  Z  à  n, 
et  pi.  III,  fig.  5).  Ceux  qui  naissent  dans  les  conditions  inflammatoires  sont  plus 
granuleux,  plus  foncés  et  présentent  en  plus  grand  nombre  trois  noyaux.  Toutefois 
dans  ceux  de  la  conjonctive,  ces  noyaux  sont  plus  longs  à  apparaître  avant  l'action 
de  l'eau  ou  de  l'acide  acétique  que  sur  ceux  des  autres  muqueuses.  Cela  tient  à  la 
viscosité  naturelle  du  mucus  conjonctival  produit  en  même  temps,  car  le  même 
phénomène  s'observe  dans  les  leucocytes  des  crachats  visqueux  du  catarrhe  bron- 
chique. 

Les  leucocytes  qui  pendant  la  pneumonie  se  produisent  dans  les  canalicules 
respirateurs  et  ceux  qui  naissent  dans  l'épaisseur  de  la  trame  du  poumon 
offrent  des  caractères  semblables.  Souvent  ils  sont  de  volume  assez  variable,  un 
peu  irréguliers  ou  nettement  sphériques  selon  les  cas  (pi.  III,  fig.  7).  Ils  sont  géné- 
ralement assez  foncés,  à  cause  du  nombre  de  leurs  granulations  qui  en  même 
temps  sont  fréquemment  moins  fines  et  moins  arrondies  que  dans  d'autres  condi- 
tions (fig.  7,  p,  0,  q).  Chez  certains  sujets,  ils  n'ont  que  un  ou  deux  noyaux 
pour  la  plupart  {t,  s,  p,  n,  b,  q),  chez  d'autres  presque  tous  en  ont  trois 
{k,  l,  m,  t). 

Dans  l'humeur  vitrée  on  trouve  toujours  un  petit  nombre  de  leucocytes,  surtout 
pendant  la  vie  intra-utérine  et  pendant  les  premiers  temps  de  la  vie  extra-utérine. 
Or  dans  ces  conditions  ils  sont  assez  gros,  pâles,  sphériques,  pourvus  ou  non 
d'expansions  sarcodiques  (pi.  III,  fig.  10,  g,  h).  Ils  offrent  de  un  à  trois  noyaux 
sphériques  ou  ovales  recourbés  (c,  d)  et  de  fines  granulations  moléculaires  seule- 
ment. Or  il  est  remarquable  de  voir  que  dans  les  conditions  d'inflammation  telles 
que  celles  dues  à  l'iritis,  la  choroïdite,  on  à  la  présence  de  certaines  tumeurs,  les 
leucocytes  qui  se  produisent  sont  plus  petits  qu'à  l'état  normal,  tous  ou  presque 
tous  sans  noyaux  dans  l'état  cadavérique  (pi.  II,  fig.  4,  g,  b,  c,  d,  et  pi.  I(J, 
fig.  6,  m,  71,  o),  et  beaucoup  n'en  montrent  pas  après  l'action  de  l'eau  ni  même 
après  celle  de  l'acide  acétique,  ou  il  ne  s'en  forme  que  un  ou  deux.   Ces  leu- 

DICT.  ESC.  2*  s.  11.  16 


242  LEUCOCYTE. 

cocytes  sont  quelquefois  peu  réguliers,  à  bords  pâles,  et  leurs  granulations  sont 
très-faies. 

Leucocytes  des  abcès.  Les  éléments  anatomiques  appelés  globules  du  pus  ne 
sont  que  les  leucocytes  qui  naissent  dans  l'épaisseur  des  tissus,  dans  les  inter- 
stices de  leurs  éléments,  quelles  que  soient  du  reste  les  conditions  dans  lesquelles 
se  passe  le  phénomène  ;  ou  bien  ce  sont  encore  ceux  qui  naissent  à  la  surface  d'un 
tissu  prolond  mis  à  nu,  à  la  surface  d'une  plaie  en  un  mot,  ou  enfin  ceux  dont 
nous  venons  de  nous  occuper  qui  apparaissent  à  la  surface  de  la  peau,  d'une  mu- 
queuse ou  d'une  séreuse,  mais  dans  les  conditions  dites  d'inflammation  et  en 
quantité  assez  considérable  pour  troubler  les  mucus  ou  les  sérosités. 

Déjà  nous  avons  vu  que  dans  le  pus  encore  chaud,  ils  offrent  des  expansions 
sarcodiques  et  des  contractions  qui  les  déforment  plus  ou  moins,  comme  des  leu- 
cocytes de  toutes  les  autres  parties  du  corps.  Lorsqu'ils  ont  cessé  de  présenter 
ces  déformations  ils  deviennent  sphériques,  finement  granuleux  et  sans  corpus- 
cules en  forme  de  noyaux  (pi.  III,  fig.  10,  i,  j,  k,  l,  m).  Bientôt  se  produisent 
comme  premier  effet  cadavérique  un,  deux,  trois  ou  quatre  de  ces  corpuscules  dans 
leur  intérieur.  Mais  ce  n'est  que  de  vingt-quatre  à  quarante-huit  heures,  au  plutôt, 
après  leur  sortie  d'un  abcès  ou  après  la  mort  que  ce  fait  est  entièrement  accompli, 
que  ces  noyaux  sont  visibles  sur  la  plupart  des  cellules  (fig.  10,  p,  q,  r,  s).  C'est 
ainsi  que  se  passent  les  choses  sur  les  leucocytes  des  abcès  chauds  ou  des  plaies 
des  tissus  mous. 

Mais  sous  ce  rapport  on  observe  de  notables  différences  entre  les  leucocytes 
produits  dans  un  tissu  et  ceux  qui  naissent  dans  un  autre,  ou  entre  ceux  qui  ap- 
paraissent dans  un  même  tissu,  mais  sous  l'influence  de  conditions  différentes. 

A  la  surface  delà  peau,  par  exemple,  dans  les  pustules  delà  variole,  du  vaccin, 
dans  le  pus  d'un  vésicatoire,  on  trouve  toujours  un  assez  grand  nombre  de  leu- 
cocytes dans  lesquels  ne  se  forme  aucun  noyau  à  côté  d'autres  qui  en  possèdent 
de  un  à  trois.  Les  premiers  sont  pour  la  plupart  plus  petits  et  plus  pâles  que  les 
autres  (pi.  Il,  fig.  4,  a,  h,  c,  d). 

Dans  le  pus  des  abcès  ossifluents,  dans  celui  des  abcès  froids,  dans  le  pus  très- 
séreux  dont  la  production  est  déterminée  par  la  carie  ou  la  nécrose  des  os,  les 
leucocytes  sont  en  général  pâles,  transparents,  peu  granuleux  (pi.  III,  fig.  i,j,  k); 
quelquefois  même  ils  sont  tellement  dépourvus  de  granulations  qu'ils  se  présentent 
sous  le  microscope,  sous  forme  de  globules  extrêmement  pâles,  à  contour  net,  à 
centre  incolore  et  n'offrant  de  granulations  qu'à  leur  périphérie  ({,  l)  ou  dans  un 
seul  i^oint  de  leur  étendue  [h).  On  en  trouve  parfois  de  semblables  dans  le  pus  des 
synoviales  produit  pendant  la  durée  d'une  affection  chronique  des  articulations. 
Dans  ces  circonstances  ils  ont  généralement  un  assez  grand  volume  (0°""jOiO 
à  0™™,015),  et  pas  de  noyau. 

Pourtant  les  leucocytes  du  pus  des  abcès  ossifluents  et  des  abcès  froids  sont  fré- 
([uemment  transparents,  uniformément  granuleux,  à  contour  très-pâle  (pi.  III, 
fig.  4,  k,  k) ,  peu  régulier  quelquefois  et  ne  montrant  pas  de  noyau  dans  l'intérieur, 
ni  après  l'action  de  l'eau,  ni  après  celle  de  l'acide  acétique.  Parmi  ceux-ci  s'en 
trouvent  plus  ou  moins  qui,  un  peu  plus  gros  que  les  autres,  sont  parsemés  de 
quelques  granulations  graisseuses  jaunâtres,  éparses  {l,  m,  n,  o,  p),  qui  leur 
donnent  au  premier  abord  un  aspect  assez  différent  des  autres. 

Les  leucocytes  qui  se  produisent  dans  les  kystes  de  diverses  tumeurs  du  testi- 
cule, ou  lorsque  des  tumeurs  ou  le  tissu  même  de  l'organe  suppurent,  sont  géné- 
ralement petits,  à  contour  assez  foncé;  leur  masse  est  peu  transparente,  parce 


LEUCOCYTE.  243 

qu'ils  sont  remplis  de  fines  granulations  moléculaires  (pi.  lll,  fig.  2  f,  g,  h,  i,j). 
Il  est  rare  qu'un  ou  deux  noyaux  s'y  forment,  même  après  l'action  de  l'eau  et  de 

l'acide  acétique. 

Les  leucocytes  qu'on  trouve  dans  le  tissu  cérébral  atteint  de  ramollissement, 
dans  le  co/osfrwm,  dans  le  lait  lorsque  la  mamelle  est  enflammée,  dans  les  divers 
kystes  de  l'ovaire  et  autres,  offrent  encore  plusieurs  particularités  de  structure 
curieuses;  mais  leur  description  se  rattache  d'une  manière  si  intime  à  celle  des 
phases  d'évolution  et  des  altérations  des  leucocytes  en  général,  que  j'en  parlerai 
seulement  plus  tard. 

Ainsi  on  voit  d'après  ce  qui  précède  que  les  leucocytes  comme  toutes  les  autres 
espèces  d'éléments  anatomiques  offrent  d'une  région  du  corps  à  l'autre  et  selon 
les  conditions  dans  lesquelles  ils  sont  nés  de  légères  différences  de  volume  et  de 
structure.  Ces  dernières  portent  particulièrement  sur  le  nombre  et  le  volume  des 
granulations  qui  se  produisent  dans  leur  épaisseur,  ainsi  que  sur  le  nombre  et  le 
volume  des  noyaux  qui  se  forment  vers  leur  centre  dans  certaines  conditions.  Ces 
différences  ne  s'étendent  jamais  assez  loin  pour  faire  méconnaître  la  nature  de  ces 
éléments,  pour  en  faire  disparaître  les  caractères  spécifiques,  pour  qui  du  moins 
connaît  les  phases  de  leur  développement.  Mais  elles  sont  suffisantes  pour  per- 
mettre que  l'observateur  qui  les  a  étudiés  dans  tous  les  tissus  ou  les  organes  où 
on  peut  les  trouver,  puisse  déterminer  d'après  ï'examen  de  leur  aspect  et  de  leur 
structure  quelles  sont  les  régions  dans  lesquelles  ils  sont  nés.  [Voij.  Ch.  Robin 
dans  Hervé.  De  la  cautérisation  de  la  vessie  clans  les  hématuries  vésicales, 
Thèse.  Paris,  1849,  in-4°,  p.  21.) 

Altérations  cadavériques  delà  structure  des  leucocytes  du  pus.  Les  modifications 
dont  il  a  été  question  dans  les  pages  précédentes  ne  tiennent  qu'à  un  léger  chan- 
gement de  la  constitution  du  sérum  où  se  trouvent  les  leucocytes,  sérum  qui  agit 
alors  sur  ceux-ci,  leur  fait  perdre  quelques-uns  des  caractères  qu'ils  avaient  étant 
vivants,  mais  sans  qu'ils  soient  encore  altérés  à  proprement  parler.  Or  un  séjoui* 
plus  prolongé  des  leucocytes  dans  ce  sérum,  une  altération  un  peu  plus  avancée 
de  celui-ci  sans  qu'il  y  ait  encore  décomposition  putride  pourtant,  modifie  bientôt 
certains  d'entre  eux  d'une  manière  particuhère  ;  sans  qu'on  ait  ajouté  de  l'eau  ou 
quelquefois  seulement  après  cette  addition,  on  voit  se  produire  sur  un  côté  du 
leucocyte  un  gonflement  vésicuHforme  de  sa  paroi  propre,  très-mince,  incolore, 
transparent,  tout  à  fait  homogène.  Tantôt  il  reste  presque  apphqué  sur  le  corps 
de  la  cellule  (pi.  II,  fig.  2,  o),  tantôt  il  s'en  écarte  au  point  de  doubler  presque 
son  diamètre  (pi.  II,  fig.  5,  e,  f,  et  pi.  III,  fig.  6,  m,  n,  o,  fig.  12,  e,  /",  ry,  A).  Ce 
gonflement  vésiculiforme  de  la  paroi  propre  du  leucocyte  peut  offrir  plusieurs  dis- 
positions particuhères  par  rapport  à  la  masse  de  l'élément.  Quelquefois  elle  est  sim^ 
plement  appliquée  sur  une  petite  portion  de  sa  surface  et  fait  une  légère  saillie,  à 
la  manière  d'un  verre  de  montre  (pi.  III,  fig.  12,  d,  e,  g,  h),  de  telle  sorte  que 
le  contour  de  la  dilatation  s'écarte  à  peine  de  celui  de  la  masse  granuleuse  de 
l'élément.  Plus  rarement  elle  se  détache  de  la  moitié  environ  de  la  circonférence 
de  ce  dernier  et  se  dilate  au  point  d'être  plus  large  que  lui  (fig.  G,  m,  n).  D'autres 
fois  l'enveloppe  transparente  entoure  presque  entièrement  le  reste  du  leucocyte  qui 
n'adhère  à  la  première  que  par  une  petite  portion  de  sa  surface  (pi.  II,  fig.  5,  e,  f^ 
et  pi,  lll,  fig»  12  e,  f,  cj).  Le  plus  ordinairement  le  corps  granuleux  des  éléments 
conserve  parfaitement  la  forme  sphérique  et  la  netteté  de  ses  contours  (pi.  II, 
fig.  5,  e,  f,  et  pi.  m,  fig.  6,  m,  n,  o,  fig.  11,  d,  e,  fig.  12,  e)  ;  mais  parfois  au 
contraire  il  est  peu  réguhcr,  mal  limité;  le  contenu  ressemble  à  un  amas  de 


244  LEIjCOCVTE. 

granulations  appliquées  contre  la  face  interne  de  la  dilatation  vésiculiforme  trans- 
parente (pi.  Il,  lig.  5,  e,,et  pi.  lll,  fig.  12,  /',  g).  Enfin  dans  la  vésicule  même, 
remplie  d'un  liquide  tout  à  fait  limpide,  il  n'est  pas  rare  de  voir  flotter  quelques 
granulations  douées  d'un  mouvement  brownien  très-vif.  Ces  granulations  se  sont 
manifestement  détachées  de  la  surface  du  contenu  granuleux  et  s'observent  même 
dans  les  cas  où  ce  contenu  est  parfaitement  limité  (pi.  1,  fig.  5,  e,  f). 

Les  altérations  cadavériques  des  leucocytes  peuvent  être  portées  jusqu'à  la  des- 
truction plus  ou  moins  complète  de  ces  éléments  dans  le  pus  qui  a  séjourné  long- 
temps dans  des  cavités  des  os  altérés  sans  pouvoir  s'échapper,  soit  que  le  pus  ait 
perdu  son  sérum  pour  devenir  concret,  soit  qu'il  conserve  sa  fluidité.  Des  altéra- 
tions analogues  s'observent  aussi  dans  les  leucocytes  du  pus  de  certaines  pneu- 
monies chroniques,  dans  les  cavernes  ou  dans  le  détritus  de  la  gangrène  pulmo- 
naire, dans  les  abcès  où  le  pus  entre  en  putréfaction,  dans  les  leucocytes  du  sang 
des  caillots  apoplectiques  ou  dans  ceux  de  diverses  régions  du  corps  dont  la  fibrine 
est  en  voie  de  résorption  ou  de  putréfaction,  etc.  Dans  les  premières  de  ces  condi- 
tions les  leucocytes  sont  presque  tous  devenus   irrégulièrement  polyédriques, 
comme  flétris,  ou  bien  leur  surface  est  partie  sphérique,  partie  irrégulière;  leur 
contour  est  comme  dentelé,  peu  foncé,  leur  masse  est  pâle,  tantôt  peu  granu- 
leuse, ou  d'autres  fois  renferme  quelques  granulations  éparses.  L'eau  les  gonfle 
légèrement,  mais  ne  rend  qu'à  un  petit  nombre  leur  régularité  et  ne  fait  pas  ap. 
paraître  de  noyau  dans  leur  masse,  car  la  plupart  en  manquent.  L'acide  acétique 
lui-même,  qui  les  pâlit  considérablement,  ne  met  en  évidence  que  un  ou  deux 
noyaux,  rarement  trois,  petits,  irréguliers,  ordinairement  un  peu  écartés  les  uns 
des  autres,  et  même  beaucoup  de  leucocytes  ne  montrent  plus  de  noyaux  dans  ces 
conditions  au  contact  de  cet  agent. 

Dans  les  abcès  en  putréfaction,  dans  le  pus  des  gangrènes  pulmonaires,  etc., 
on  voit  généralement  de  un  à  trois  noyaux  sur  la  plupart  des  leucocytes,  mais  ils 
sont  irréguliers,  bien  qu'à  contour  assez  foncé.  La  masse  de  la  cellule  est  peu 
foncée,  à  contour  le  plus  souvent  très-pâle  aussi,  et  comme  dentelé;  la  cellule 
est  en  un  mot,  à  sa  surface  rugueuse,  irrégulièrement  polyédrique.  Quelques 
granulations  foncées  sont  éparses  dans  la  masse  de  la  cellule  ou  adhérentes  à  sa 
surface.  Ces  éléments  prennent  ainsi  des  caractères  qui  les  éloignent  notablement 
de  leur  régularité  habituelle,  mais  qui  ne  les  rapproche  d'aucune  autre  es- 
pèce d'élément  anatomique.  L'observation  de  cas  de  ce  genre  peut  seule 
donner  une  idée  précise  des  variétés  d'aspects  et  d'irrégularités  qu'ils  présentent 
alors  et  qu'une  description  ne  peut  que  signaler.  L'eau  et  l'acide  acétique  sont 
nécessaires  souvent  pour  fixer  l'esprit  sur  la  nature  des  corps  qu'on  a  sous  les 
yeux. 

Leucocyte  du  pus  de  divers  animaux.  Chez  les  animaux  herbivores  ruminants, 
solipèdes  ou  rongeurs,  etc.,  les  leucocytes  du  sang  et  de  la  lymphe  ne  diffèrent 
de  ceux  de  l'homme  que  par  un  volume  un  peu  moindre  (pi.  I,  fig.  3,  a),  tant 
qu'ils  sont  dans  le  sérum  du  sang  et  de  la  lymphe.  Ces  derniers  se  déforment  et 
se  gonflent  plus  rapidement  et  d'une  manière  plus  prononcée  que  les  autres. 
Chez  les  carnassiers  ils  sont  également  un  peu  plus  petits,  mais  la  diflérence  est 
moins  sensible  et  quelquefois  à  peine  notable. 

Les  leucocytes  du  pus  des  abcès  et  des  plaies  du  cheval  sont  remarquablement 
petits  (0""%006  à  0"™,009),  pâles,  uniformément  granuleux  (pi.  III,  fig.  o,  a,  h,  c), 
quelquefois  à  contour  un  peu  irrégulier.  Ces  mômes  particularités  s'observent 
sur  le  Chien,  Chez  ce  dcj'nier,  ils  sont  seulement  souvent  un  peu  plus  gros  et 


LEUCOCYTE.  245 

presque  toujours  un  peu  plus  foncés,  un  peu  plus  granuleux  (fig.  12,  a,  b,  c)  sur 
les  uns  et  sur  les  autres.  Sur  le  cbeval  et  le  chien,  ils  sont  dans  le  pus  à  peu  près 
de  iJême  diamètre  que  dans  le  sérum  du  sang  frais,  mais  ils  sont  un  peu  plus 
petits  que  dans  la  lymphe. 

L'état  cadavérique  amène  la  production  de  un  ou  deux,  rarement  trois  noyaux 
dans  les  leucocytes  du  Cheval,  plus  tard  et  sur  un  moindre  nombre  de  cellules 
que  chez  le  chien  ;  chez  ce  dernier,  en  outre,  sur  beaucoup  d'entre  eux,  il  se  pro- 
duit trois  noyaux.  Chez  ces  deux  animaux,  chez  le  Lapin,  etc.,  l'état  cadavérique 
détermine  de  très-bonne  heure  et  sur  un  très-grand  nombre  de  leucocytes  le  gon- 
flement de  la  paroi  propre  de  ces  éléments  sous  forme  d'une  goutte  claire  (fig.  1 1 , 
d,  e,  /',  g,  h,  i,  et  tlg.  12,  e,  f,  9),  transparente,  vésiculeuse,  rendant  ainsi  pres- 
que double  le  diamètre  de  l'élément.  Ce  phénomène  se  produit  chez  ces  animaux 
bien  plus  rapidement  et  sur  un  bien  plus  grand  nombre  de  cellules  que  chez 
l'homme,  ce  qui,  joint  à  leur  transparence  et  à  leur  volume  plus  petit  que  chez 
ce  dernier,  donne  aux  préparations  qui  les  renferment  un  aspect  très-différent. 

Du  reste,  l'action  de  l'eau  et  celle  de  l'acide  acétique  est  la  même  que  chez 
l'homme.  Leur  structure  ne  diffère  pas  essentiellement  non  plus  de  ce  qu'elle  est 
dans  ce  dernier.  Ils  sont  aussi  le  siège  de  tous  les  phénomènes  et  des  altérations 
morbides  dont  nous  parlerons  bientôt. 

Leucocytes  des  vertébrés  ovipares.  Dans  le  sang  des  oiseaux  les  leucocytes 
sont  peu  nombreux.  Leur  volume  et  leur  forme  sont  à  peu  près  les  mêmes  que  chez 
l'homme  (pi.  I,  fig.  5).  Ils  eu  offrent  aussi  tous  les  caractères  physico-chimiques, 
ils  sont  toutefois  un  peu  moins  transparents.  L'eau  les  gonfle  et  y  fait  apparaître 
un  ou  deux  noyaux  sphériques,  ou  bien  les  rend  seulement  plus  granuleux  (pi.  I, 
fig.  5,  c,  d).  L'acide  acétique  agit  sur  eux  comme  chez  l'homme  ;  seulement  pres- 
que toujours  les  granulations  sont  réunies  au  centre  eu  un  seul  amas  large  ou  en 
demi-cercle  mince  ;  rarement  elles  se  disposent  sous  forme  de  deux  ou  trors 
noyaux  polyédriques  teintés  de  jaune  rougeàtre  et  accompagnés  de  quelques 
granulations. 

Ils  sont  formés  d'une  masse  homogène  parsemée  de  granuLltions  dont  quel- 
ques-unes allongées,  brillantes,  siègent  ordinairement  à  la  périphérie  du  globule. 
Les  leucocytes  du  pus  des  oiseaux  ne  diffèrent  de  ceux  de  leur  sang  que  par  un 
peu  plus  ou  un  peu  moins  de  granulations  selon  les  circonstances  dans  lesquelles 
ils  se  sont  produits. 

Dans  le  sang  et  dans  la  lymphe  des  reptiles  les  leucocytes  sont  plus  nombreux 
que  chez  les  animaux  dont  il  a  été  question  jusqu'à  présent.  Ils  sont  sphériques, 
mais  ils  se  déforment  et  deviennent  polyédriques  (pi.  1,  fig.  6,  deçà  k,  et  fig.  7,  b, 
c,  d,  h,  g),  etc.,  par  production  d'expansions  analogues  à  celles  dont  il  sera  ques- 
tion plus  loin  et  dont  nous  avons  déjà  parlé.  Ces  expansions  sont  les  unes  irrégu- 
lières, très-granuleuses  et  pouvant  se  séparer  de  la  masse  principale  de  l'élément, 
de  manière  à  réduire  celui-ci  en  deux  ou  trois  fragments  ;  phénomène  qui  peut  se 
manifester  encore  plusieurs  heures  après  la  mort  de  l'animal.  D'autres  expansions 
sont  claires,  de  teinte  faiblement  rosée,  arrondies  à  leur  extrémité  et  offrent 
quelquefois  une  petite  excavation  ou  vacuole  sphérique  au  centre. 

Leur  diamètre  est  de  0""",010  chez  les  plus  petits,  de  0™'",015  pour  les  plus 

gros  avec  des  intermédiaires  nombreux.  Tous  présentent  une  certaine  mollesse, 

ils  se  déforment  par  pression  réciproque,  se  courbent  et  s'allongent  contre  les 

obstacles. 

Beaucoup  de  ces  globules  ont  une  teinte  foncée,  ce  qui  est  dû  an  grand  nombre 


24G  LEUCOCYTE. 

de  granulations  qu'ils  renferment  ;  d'autres  moins  abondants,  sont  très-pàles,  et 
transparents  (fig.  6,  a,  b,  c,  et  fig.  7,  a,  b,  e,  f,  g,  h).  L'eau  gonfle  tous  ces 
éléments  et  en  augmente  le  diamètre  d'un  quart,  elle  rend  les  granulations  plus 
nettes,  plus  isolées;  souvent  elle  détermine  l'accumulation  de  toutes  les  granula- 
tions d'un  seul  côté  du  leucocyte  dont  le  reste  de  la  masse  devient  en  quelque 
sorte  limpide  (fig.  1,1);  sur  d'autres  elle  fait  apparaître  vers  leur  milieu  ou  leur 
bord  un  noyau  spbérique  très-pàle  {i,  k,  l).  Quant  à  ceux  qui  sont  naturellement 
très-clairs  et  transparents,  elle  en  augmente  beaucoup  la  pâleur  et  les  dissout 
tout  à  fait  si  la  quantité  d'eau  est  abondante,  mais  lentement.  L'acide  acétique 
rend  spliériques,  pîdes  et  transparents  tous  ces  globules  et  il  les  gonfle  un  peu. 
Il  réduit  le  contenu  à  un  ou  deux  noyaux  sphériques,  finement  granuleux, 
latéraux  ou  centraux,  larges  de  4  à  6  millièmes  de  millimètre,  toujours  accompa- 
gnés d'un  nuage  de  petites  granulations.  Quelquefois  on  trouve  au  contraire  qu'il 
s'est  formé  trois  ou  quatre  noyaux  rangés  en  demi-cercle  ou  entassés.  Ainsi  tous 
ces  globules  sont  formés  d'une  masse  homogène  parsemée  de  granulations  jau- 
nâtres, brillantes  au  centre  à  contours  foncés  dans  les  uns ,  grisâtres  peu  abon- 
dantes dans  les  autres  qui  offrent  alors  une  bien  plus  grande  transparence  que 
les  premiers.  Ces  cellules  pâles  ont  parfois  un  noyau  central  spbérique  large  de 
5  millièmes  de  millimètre  environ  ;  quelques-unes  renferment  une  ou  deux  gra- 
nulations moléculaires,  brillantes.  11  existe  donc  deux  variétés  de  leucocytes  chez 
ces  animaux,  les  uns  granuleux  foncés,  et  les  auti"es  pâles  transparents  peu  gra- 
nuleux. Sur  les  batraciens  on  trouve  ces  deux  variétés  de  globules  comme  chez 
les  reptiles  ;  ils  sont  seulement  plus  petits,  sauf  peut-être  les  globules  pâles. 

Les  leucocytes  du  pus  et  des  muqueuses  de  ces  animaux  ne  diffèrent  des  pré- 
cédents que  par  un  bord  plus  foncé,  un  corps  un  peu  plus  pâle  dans  lequel  les 
granulations  moléculaires  sont  un  peu  plus  grosses,  moins  cohérentes  et  plus 
faciles  à  distinguer. 

Chez  les  poissons  osseux  les  leucocytes  sont  assez  nombreux,  autant  ou  plus 
que  chez  les  reptiles.  Ils  ont  généralement  10  millièmes  de  millimètre  de 
large,  mais  il  en  est  qui  ont  1  ou  2  millièmes  en  plus  ou  en  moins.  Ils  sont  par- 
faitement sphériques,  mais  ils  se  déforment  rapidement  et  envoient  des  expan- 
sions souvent  très-longues.  La  plupart  sont  pâles  et  finement  granuleux  ;  il  en 
est  peu  d'aussi  foncés  que  ceux  qu'on  trouve  chez  les  reptiles  (pi.  I,  fig.  8, 
a,  b,  c,  d,  e).  L'eau  agit  sur  eux  comme  sur  ceux  de  ces  derniers,  et  réunit  les 
granulations  sous  forme  de  noyau  spbérique,  même  dans  les  globules  les  plus 
pâles.  Il  reste  aussi  des  granulations  fibres  élégamment  groupées  autour  ou  sur 
un  des  côtés  de  ce  noyau.  Sur  ceux  qui  sont  très-pâles  on  ne  voit  pas  ces  granu- 
lations, le  noyau  existe  seul.  L'acide  acétique  les  gonfle  moins  que  ne  fait  l'eau, 
elle  coagule  le  contenu  qui  forme  de  un  à  trois  noyaux  généralement  situés  sur  le 
côté  du  globule,  et  disposés  soit  en  demi-cercles,  soit  sans  ordre  particulier 
(pi.  I,  fig,  8,  f,  g,  h).  La  structure  de  ces  globules  ne  diffère  pas  de  celle  des  élé- 
ments correspondants  chez  les  reptiles. 

Chez  les  cyclostomes,  les  animocètes  en  particulier,  les  leucocytes  sont  plus 
nombreux  que  dans  les  poissons  osseux  ;  ils  ont  pourtant  le  même  volume,  qui 
oscille  entre  9  et  11  milhèmes  de  milh mètres.  L'eau  les  gonfle  et  ne  fait  rassem- 
bler les  granulations  en  forme  de  noyau  que  sur  la  moitié  environ  ;  mais  sur  la 
plupart  celles-ci  sont  douées  de  mouvement  brownien  dans  le  globule,  ce  qui  in- 
dique la  fluidification  de  la  substance  centrale  de  l'élément  à  la  suite  de  l'action 
de  l'eau.  L'acide  acétitjue  y  fait  apparaîti^,  dans  tous  ou  presque  tous,  deux  et 


b 


LEUCOCYTE.  247 

quelquefois  trois  petits  noyaux  sphériques  à  bords  nets,  généralement  séparés  les 
uns  des  autres,  rarement  disposés  en  demi-cercle  ou  en  groupe. 

Classification,  spécificité  et  nomenclature  des  leucocytes.  L'analogie  et  sou- 
vent l'identité  d'aspect  extérieur  des  leucocytes  contenus  dans  la  lymphe,  le  sang, 
le  pus,  etc.,  l'identité  surtout  de  l'action  de  l'acide  acétique  sur  eux  et  sur  les 
globules  blancs  pris  dans  le  sang,  montrent  de  la  manière  la  plus  évidente  que 
ce  sont  des  éléments  anatomiques  de  même  espèce.  La  comparaison  directe  des 
uns  aux  autres  ne  saurait  laisser  à  cet  égard  le  moindre  doute. 

L'expression  de  globules  de  pus  est  inexacte  et  devra  disparaître,  en  tant  que 
dénomination  spécifique,  puisque  le  même  élément  anatomique  se  rencontre  dans 
des  régions  de  l'économie  où  il  n'y  a  manifestement  pas  de  pus,  ni  les  conditions 
de  sa  production  ;  et  ce  que  l'on  a  attribué  aux  leucocytes  (dits  globules  du  pus), 
comme  caractérisant  le  pus,  doit  être  rapporté  au  sérum  lui-même,  de  même  que 
c'est  à  ce  liquide  et  non  aux  éléments  solides  qu'il  faut  attribuer  ses  propriétés 
nuisibles. 

Les  caractères  qui  font  que  ces  éléments  anatomiques  représentent  une  seule 
et  même  espèce  de  cellule,  quel  que  soit  le  lieu  dans  lequel  ils  naissent,  sont 
d'autre  part  en  corrélation  avec  leurs  propriétés,  et  ici  la  physiologie  confirme  eu 
tous  points  les  données  de  l'anatomie. 

On  distingue  anatomiquement  dans  les  leucocytes  deux  variétés  principales 
d'après  le  volume  de  ces  éléments,  les  uns  représentant  les  globules  ou  cellules 
proprement  dits,  les  autres  plus  petits  sont  appelés  glohuUns.  La  première  à  son 
tour  se  subdivise  parfois  en  deux  autres  variétés,  selon  que  l'état  cadavérique  et 
l'action  de  l'eau,  etc.,  y  amènent  ou  non  la  production  d'un  ou  de  plusieurs 
noyaux,  ces  derniers  étant  alors  distingués,  mais  accessoirement,  sous  le  nom  de 
globules  pijoides. 

On  a  ainsi  pour  ces  éléments  trois  variétés  :  la  variété  cellules  à  7wyaux,  la 
variété  cellule  sans  noyaux  et  la  variété  dite  des  globulins. 

On  observe  en  outre  dans  les  deux  premières  variétés  que  les  phénomènes  du 
développement  peuvent  y  déterminer  des  modifications  assez  nombreuses  de' vo- 
lume ou  de  structure,  mais  elles  sont  en  corrélation  avec  les  conditions  spéciales 
dans  lesquelles  ces  éléments  se  trouvent  durant  leur  séjour  dans  l'économie  ;  de 
telle  sorte  qu'avec  telle  condition  donnée,  comme  l'inflammation,  par  exemple, 
on  peut  s'attendre  à  rencontrer  telle  modification  déterminée.  Par  conséquent  en 
tenant  compte  de  ces  conditions,  comme  on  doit  le  faire  dans  l'examen  de  tous 
les  éléments  anatomiques,  on  ne  sera  point  conduit  à  considérer  ces  modifications 
secondaires  comme  représentant  des  variétés  ou  même  des  espèces  diverses;  bien 
que  leurs  différences  soient  assez  tranchées,  pour  qu'avec  un  peu  d'habitude  on 
puisse  d'après  l'examen  de  chacune  d'elles,  déterminer  le  lieu  où  est  né  le  leuco- 
cyte quilcs  présente.  C'est  ainsi  que  nous  avons  vu  ci-dessus  (p.  258,  etc.  que  selon 
les  régions  où  se  trouvent  les  leucocytes,  que  selon  les  conditions,  par  conséquent, 
dans  lesquelles  ils  sont  nés,  ils  offrent  des  différences  qui  permettent  d'en  déter- 
miner la  provenance.  Mais  nous  verrons  aussi  que  lorsqu'à  la  surface  de  muqueu- 
ses différentes  l'inflammation  apporte  des  conditions  semblables,  les  leucocytes 
cessent  d'être  aussi  différents  qu'ils  l'étaient  et  prennent  les  principaux  caractères 
de  ceux  qui  sont  nés  dans  un  loyer  purulent.  Les  leucocytes  en  un  mot  partagent 
avec  tous  les  autres  éléments  la  propriété  de  varier  entre  certaines  bmites  selon 
les  régions  qu'ils  occupent,  selon  les  conditions  au  sein  desquelles  ils  sont  nés 
et  se  sont  développés ,  mais  sans  cesser  d'être  eux-mêmes,  sans  jamais  surtout 


2^8  LEUCOCYTE. 

tendre  à  prendre  les  caraclères  de  quelque  autre  espèce  d'élément  analomique 
que  ce  soit,  ni  s'éloigner  d'un  type  abstrait  qu'on  se  représente  facilement  pour 
chaque  espèce  après  un  certain  nombre  d'observations. 

Description  des  leucocytes  de  petit  volume  dits  globnlins.  Sur  les  embryons 
et  lorsque  le  sang  devient  leucocythémique,  les  glolndins  sont  plus  nombreux 
que  chez  l'adulte  à  l'état  normal,  mais  ils  sont  loin  de  lêlre  dans  la  même  pro- 
portion que  les  cellules.  Cette  petite  proportion  fait  qu'ils  passent  inaperçus  dans 
ijeaucoup  d'observations,  ou  que  souvent  on  ne  peut  les  retrouver  dans  les  cail- 
lots et  dans  les  régions,  où  le  sang  est  épanché,  bien  que  pourtant  les  autres  va- 
riétés s'y  rencontrent. 

Ces  dernières  particularités  tiennent  aussi  à  leur  petit  volume  ;  celui-ci  est  tou- 
jours moindre  que  celui  des  globules  rouges  de  un  quart  ou  même  de  moitié 
suivant  les  espèces.  Ils  ont  en  général,  tant  chez  l'homme  que  chez  les  mammi- 
fères domestiques,  4  millièmes  de  millimètre.  Beaucoup  n'ont  que  3  millièmes; 
quelques-uns  en  atteignent  5  ;  chez  les  herbivores  et  sur  le  fœtus  humain  ds  ont 
presque  tous  ce  dernier  diamètre,  que  fort  peu  dépassent  de  un  demi-millième 
au.  plus.  Dans  le  sang  leucocythémique,  il  en  est  aussi  un  certain  nombre  qui 
atteignent  5  et  6  millièmes  de  millimètre. 

Les  globulins  sont  tout  à  fait  sphériques,  rarement  un  peu  polyédi^iques.  Leur 
contour  et  par  suite  leur  surface  sont  nets,  non  dentelés,  ni  rugueux,  ce  qu'on 
peut  constater  lorsqu'ils  roulent  lentement  dans  le  champ  du  miscroscope. 

Un  phénomène  physique,  particulier  à  beaucoup  de  granulations  '  incluses,  a 
fait  dire  qu'ils  sont  hérissés  à  leur  surface,  etc.  Ils  sont  grisâtres,  très-transpa- 
rents, à  bords  nets  et  pâles  ;  mais  les  granulations  qu'ils  renferment,  bien  que 
petites,  sont  foncées  et  apparaissent  comme  en  relief-  d'oi!i  la  teinte  générale 
grisâtre  du  globule  et  l'aspect  rugueux  de  la  surface,  aspect  d'autant  plus  pro- 
noncé que  le  grossissement  employé  est  plus  faible.  Alors  en  effet  la  substance 
pâle  homogène  interposée  aux  granulations  cesse  d'être  visible,  en  quelque  sorte, 
à  côté  d'elles. 

Les  globulins  sont  visqueux  à  leur  surface,  en  sorte  qu'ils  adhèrent  au  verre, 
bien  que  d'une  manière  moins  tranchée  que  les  gros  globules  blancs.  Outre  ceux  qui 
existent  dans  les  amas  de  matière  amorphe,  il  en  est  qui  adhèrent  ensemble  au 
nombre  de  dix  à  trente  ou  environ  et  constituent  ainsi  des  amas  particuliers,  qui 
reconnaissent  pour  première  cause  la  viscosité  des  globules.  Ces  amas  sont  rares 
du  reste  et  se  rencontrent  plus  souvent  sur  les  fœtus  d'herbivores,  que  chez  d'au- 
tres animaux. 

C'est  sans  doute  à  leur  viscosité  ou  peut-être  à  leur  petit  volume  qu'est  dû  ce 
fait  que  chez  les  animaux  sur  lesquels  on  étudie  la  circulation,  ces  petits  éléments 
adhèrent  aussi  à  la  face  interne  des  parois  du  capillaire  çà  et  là  entre  les  leucocytes 
de  la  variété  cellule  dont  on  voit  quelquefois  une  certaine  quantité  avant  de  ren- 
contrer un  ou  deux  noyaux,  qui  s'en  distinguent  facilement  par  leur  petit  volume. 

L'acide  acétique,  en  agissant  sur  les  globulins,  tantôt  les  resserre  seulement  un 
peu,  rend  leurs  bords  plus  foncés,  tantôt  il  détermine  en  eux  une  modification, 
qui  les  amène  à  ressembler  beaucoup  aux  noyaux  qu'il  produit  dans  les  leucocytes 
de  la  variété  cellule  (pi.  I,  fig.  2,  q,  r,  s).  Sous  l'influence  de  cet  agent  on  les  voit 
en  effet  se  rétrécir  un  peu,  prendre  des  bords  plus  foncés,  et  devenir  comme  un 
peu  rougeâtres  vers  la  partie  centrale.  En  même  temps  quelques-uns  d'entre  eux 
offrent  une  sorte  d'incisure  vers  leur  partie  médiane,  qui  les  divise  incomplètement 
en  deux,  ou  bien  qui  les  fait  paraître  comme  recourbés  en  un  fer  à  cheval  à 


LEUCOCYTE.  249 

brandies  rapprocliées.  11  en  est  sur  lesquels  cette  incisure  peut  aller  jusqu'à  les 
diviser  eu  deux  ou  en  trois  parties  distinctes,  lesquelles  toutefois  restent  aggluti- 
nées ensemble,  comme  les  noyaux  des  leucocytes  proprement  dits,  mais  avec  un 
volume  moindre  toutefois.  Dans  tous  les  cas,  un  examen  attentif  à  l'aide  d'un 
grossissement  suffisant  permet  de  reconnaître  la  substance  du  corps  de  la  cellule, 
devenue  très-pàle,  restée  très-petite  et  comme  appliquée  sur  le  noyau  ou  sur  les 
noyaux  précédents,  dont  elle  est  bien  moins  écartée  c^ue  lorsqu'il  s'agit  des  leuco- 
cytes ayant  tout  leur  volume. 

Ainsi  en  général,  c'est  après  l'action  de  l'acide  acétique  seulement,  que  l'on 
peut  constater  que  certains  de  ces  éléments,  qu'on  aurait  pu  prendre  d'après  leur 
volume  pour  des  noyaux  libres,  étaient  de  petites  cellules  daus  lesquelles  l'acide 
détermine  l'apparition  d'un  ou  deux  noyaux  semblables  à  ceux  des  autres  leuco- 
cytes, et  entourés  d'un  corps  de  cellule  très-petit  presque  appliqué  sur  le  noyau  ou 
amas  central  de  granulations,  tandis  que  l'eau  gonfle  au  contraire  le  corps  de  la 
cellule. 

C'est  à  cette  variété  des  leucocytes  que  ressemblent  les  éléments  qui  existent  en 
quantité  variable  d'un  vaisseau  à  l'autre  sur  un  même  sujet,  dans  la  cavité  de  la 
gahie  perivascnlaire  des  capillaires  cérebro-rachidiens  (Ch.  Robin,  Journal  de  la 
physiologie,  1859).  Toutefois  ces  éléments  qui  sont  plus  petits  c{ue  les  épithé- 
liums  nucléaires  des  ganglions  lympatbiques  ne  sont  pas  attaqués  par  l'eau  et.  par 
l'acide  acétique  comme  les  globulins.  Quoiqu'd  en  soit,  ds  se  rencontrent  aussi 
abondamment  dans  ces  gaines  sur  les  suppliciés  et  chez  les  animaux  domestiques 
bien  portants  et  tués  rapidement  que  sur  l'homme  mort  de  maladie  ;  ce  fait  suffit 
pour  démontrer  que  ces  éléments  ne  sont  pas  le  produit  d'une  altération  vascu- 
laire  comme  l'ont  prétendu  quelques  auteurs  d'après  des  observations  faites  sur 
l'homme  mort  de  maladie  seulement.  [Voy.  Hayem.  Thèse  1868,  p.  24.) 

Chez  les  oiseaux,  ces  petits  leucocytes  ressemblent  beaucoup  à  ceux  de  l'homme. 
Ils  ont  de  4  à  5  millièmes  de  millimètre  de  large.  Ils  sont  peut-être  un  peu  plus 
uniformément  granuleux.  Cliez  eux,  chez  les  pigeons  entre  autres ,  on  en  trouve 
beaucoup  dans  la  veine  porte  qui  sont  réunis  en  amas,  englobant  un  ou  plusieurs 
de  ces  éléments  de  la  variété  cellule  et  même  des  hématies.  Le  sang  de  la  veine 
porte  renferme  ici  plus  de  globulins  que  celui  des  autres  parties  du  corps.  L'acide 
acétique  agit  comme  chez  l'homme  et  met  en  évidence  les  fines  granulations  du 
globule. 

Chez  les  reptiles  et  les  batraciens ,  ces  leucocytes  sont  un  peu  plus  gros  et  un 
peu  plus  granuleux  que  dans  les  oiseaux.  Ils  ont  de  0""",005  à  O^^jOO?.  On  peut 
constater  sur  l'animal  vivant,  à  un  grossissement  de  300  diamètres  réels,  que  les 
globulins  interposés  aux  globules  blancs  à  la  ûice  interne  des  capillaires  ont  bien 
les  mêmes  caractères  que  ceux  qui  sont  dans  les  lymphatiques  accompagnant  ces 
vaisseaux  sanguins. 

Les  globulins  sont  un  peu  plus  nombreux  dans  le  sang  des  lézards  que  dans 
celui  des  couleuvres. 

Cliez  les  poissons ,  les  leucocytes  de  cette  variété  ont  4  à  5  millièmes  de  milli- 
mètre. Ils  atteignent  rarement  6  millièmes.  Us  sont  par  conséquent  plus  petits  que 
dans  les  reptiles.  A  part  cela,  ils  olfrent  les  mômes  particularités  de  réaction  et 
de  structure  que  chez  les  animaux  dont  il  a  été  question  précédemment.  Sur  les 
cyclostonies ,  les  aminocètes  particulièrement,  ils  offrent  les  mêmes  caractères; 
leurs  granulations  un  peu  plus  nombreuses  sont  très-nettes  et  ils  sont  plus  nom- 
breux que  sur  les  autres  poissons. 


250  LEUCOCYTE. 

Les  petits  leucocytes  ou  globulins  sont  peu  nombreux  chez  les  invertébrés;  toute- 
fois on  en  rencontre  sur  les  arachnides,  les  crustacés,  les  mollusques  et  les  an- 
uclides.  On  sait  en  effet  que  les  globules  du  sang  de  ces  animaux  et  des  insectes 
sont  uniquement  des  leucocytes  tant  sphériques  que  lenticulaires.  Us  sont  analo- 
gues à  ceux  du  sang  et  de  la  lymphe  des  vertébrés  au  point  de  vue  de  leur 
aspect,  de  leurs  modifications  cadavériques,  réactions  chimiques,  de  leur  struc- 
ture, de  leurs  déformations  par  production  d'expansions  sarcodiques,  ainsi  que 
l'ont  depuis  longtemps  fait  connaître  et  représenté  divers  auteurs  et  particulière- 
ment Warthon-Jones  (The  Blood-corpuscle  in  the  animal  séries.  Philosophical 
Transactions.  London,  1846,  in-4^  part.  2,  p.  65  et  suiv.,  pi.  1  et  2). 

Bes  diverses  espèces  d'éléments  qui  ont  été  confondues  avec  les  leucocytes.  Il 
est  plusieurs  espèces  d'éléments  anatomiques  qui  ont  été  considérés  comme 
semblables  aux  leucocytes  et  qu'à  l'époque  actuelle  même  divers  auteurs  regardent 
comme  semblables  à  eux,  ne  pouvant  en  être  distinguées  et  formant  une  seule  et 
même  espèce  d'éléments,  anatomiquement  et  pbysiologiquement,  devant  par  con- 
séquent recevoir  le  même  nom. 

1°  hes  celhdes  embryonnaires  ou  de  la  tache  embryonnaire,  c'est-à-dire  for- 
mant par  leur  réunion  les  feuillets  de  la  tache  embryonnaire  du  blastoderme  sont 
les  premières  dont  nous  ayons  à  nous  occuper  ici.  Elles  ont  au  premier  coup  d'œil 
quelque  analogie  avec  les  leucocytes  quant  à  leur  aspect  extérieur  et  leur  vohune. 
On  peut  parfois  les  trouver  réunies  dans  une  même  préparation  des  tissus  des 
très-petits  embryons,  lorsque  les  leucocytes  du  sang  épanché  sont  mêlés  à  des 
cellules  embryonnaires  dissociées. 

Les  caractères  qui  permettent  de  distinguer  ces  deux  espèces  de  cellules  sont  les 
suivants  : 

Les  cellules  embryonnaires  sont  un  peu  plus  grosses  que  les  leucocytes.  Elles 
sont  polyédriques  sur  les  pièces  fraîches  et  ne  donnent  jamais  des  expansions  sar- 
codiques ou  auribiformes.  Isolées  elles  deviennent  un  peu  sphéroïdales,  mais  avec 
des  angles  mousses  et  non  régulièrement  sphériques  ;  leur  contour  est  plus  foncé 
que  celui  des  leucocytes.  Qu'elles  soient  tout  à  fait  fraîches  ou  non,  elles  offrent  un 
et  rarement  deux  noyaux  avant  l'action  de  tout  réactif,  noyaux  moins  transpa- 
rents, plus  larges  et  moins  réguliers  que  celui  ou  que  ceux  dont  l'état  cadavérique 
amène  la  formation  dans  les  leucocytes. 

Les  granulations  interposées  entre  le  noyau  et  le  contour  des  cellules  embryon- 
naires sont  plus  volumineuses  et  plus  foncées  que  dans  ces  derniers.  Le  contact  de 
l'eau  ne  détermine  pas  de  mouvemeut  brownien  de  ces  granules  comme  sur  ceux 
des  leucocytes,  bien  qu'il  gonfle  un  peu  tes  premières  et  les  rende  assez  régulière- 
ment sphériques. 

Cet  ensemble  de  caractères  établit  déjà  entre  ces  deux  sortes  d'éléments  des  dif- 
férences qu'il  est  facile  de  constater  avec  un  peu  d'habitude  de  cet  ordre  d'exa- 
men. Enfin,  l'action  de  l'acide  acétique  établit  une  différence  tranchée  entre  eux. 
Il  ne  fait  que  pâlir  le  corps  des  cellules  embryonnaires,  sans  le  dissoudre  ni  le  ren- 
dre aussi  pâle  et  aussi  peu  perceptible  que  sur  les  leucocytes  ;  il  ne  fait  que  l'cs- 
serrer  un  peu  et  rendre  plus  foncé  le  noyau  des  cellules  embryonnaires  qui,  après 
Comme  avant  l'emploi  de  cet  agent,  reste  unique  dans  chaque  cellule,  ou  double 
s'il  y  en  avait  deux.  Or,  on  sait  que  dans  les  leucocytes,  l'acide  acétique  resserre, 
fait  se  recourber  en  fer  à  cheval,  ou  fait  paraître  comme  incisés  les  amas  nucléi- 
formes  qui  se  sont  formés  sous  l'influence  de  l'eau  ou  de  l'altération  cadavé- 
rique, et  en  fait  apparaître  de  deux  à  quatre  bien  plus  petits  et  plus  irréguliers 


LEUCOCYTE,  251 

qufi  ceux  des  cellules  précédentes,  quand  les  leucocytes  n'ont  pas  encore  été  ainsi 
modifiés. 

Il  n'est  pas  mutile  de  bien  spécifier  qu'il  s'agit  ici  de  la  distinction  de  deux  es- 
pèces d'éléments  analomiques  ayant  forme  de  cellules,  dont  l'un  porte  le  nom  de 
cellules  embryonnaires,  en  raison  de  sa  prédominance  dans  l'organe  blastoder- 
raique  appelé  f«c/ie  embryonnaire,  mais  qu'il  ne  s'agit  pas  encore  de  l'hypothèse 
dont  les  fauteurs  donnent  le  nom  de  cellules  embryonnaires  aux  leucocytes,  en 
raison  de  ce  que,  suivant  eux,  les  leucocytes  du  pus  comme  ceux  du  sang  et  de  la 
lymphe  pourraient  se  transformer  en  toutes  sortes  d'éléments  anatomiques,  même 
en  ceux  des  os,  et  seraient  par  conséquent  des  cellules  représentant  l'état  em- 
bryonnaire de  ces  aufres  éléments.  Cette  spécification  est  importante  à  faire,  non- 
seulement  parce  que  rien  dans  les  faits  ne  justifie  la  supposition  précédente,  mais 
parce  que  ceux  qui  l'ont  émise  n'ont  jamais  comparé  entre  eux  les  leucocytes  et 
les  cellules  formant  les  feuillets  de  la  tache  embryonnaire. 

2°  Les  leucocytes  offrent,  au  premier  coup  d'œil,  de  véritables  analogns  de 
forme,  de  volume,  et  de  teinte  grisâtre  avec  les  niédulloceUes .  H  est  des  auteurs 
qui  s'en  tiennent  à  ces  seuls  caractères  pour  déterminer  la  nature  des  éléments 
anatomiques  sans  recourir  à  l'examen  de  ceux  qui,  bien  plus  importants,  concer- 
nent leur  structure  propre  et  leur  composition  immédiate,  que  révèlent  en  partis 
leurs  réactions  chimiques.  Aussi,  ces  auteurs  ont-ils  été  amenés  à  considérer  les 
deux  espèces  précédentes  d'éléments  comme  n'en  constituant  qu'une  seule,  c'est- 
à-dire  les  méduUocelles  et  les  leucocytes  comme  identiques,  ou  en  d'autres  termes 
les  éléments  qu'on  trouve  dans  la  moelle  des  os  comme  étant  des  cellules  de  la  na- 
ture des  corpuscules  du  pus,  (Virchow,  1858.) 

Les  différences  pourtant  sont  frappantes  entre  ces  deux  espèces  d'éléments,  et 
d'abord  en  ce  que,  à  l'état  frais,  les  méduUocelles  ne  donnent  pas  d'expansions 
sarcodiques  comme  les  leucocytes.  De  plus,  tandis  que  dans  ces  mêmes  conditions 
les  méduUocelles  montrent  un  ou  deux  noyaux  a^ec  la  même  netteté  que  plus 
tard,  les  leucocytes  n'en  possèdent  pas,  et  il  ne  s'en  produit  en  eux  que  sous  l'iu' 
fluence  de  l'eau  ou  des  modifications  cadavéï'iques  qu'ils  subissent. 

De  plus,  beaucoup  de  méduUocelles  ont  une  forme  un  peu  polyédrique,  que  l'eau 
ne  fait  pas  disparaître.  Bien  que  ce  liquide  les  rende  un  peu  plus  transparentes,  il 
ne  les  gonfle  pas  et  ne  détermine  pas  l'apparition  du  mouvement  brownien  de  leurs 
granulations,  comme  il  le  fait  pour  les  leucocytes,  et  cela  que  les  uns  ou  les  autres 
de  ces  éléments  soient  à  l'état  frais  ou  non.  Enfin,  l'acide  acétique,  dans  les  unes 
ou  les  autres  de  ces  conditions,  ne  fait  jamais  apparaître  de  deux  à  quatre  petits 
noyaux  au  sein  des  méduUocelles;  aussi  son  action  permet-elle  de  distinguer  les 
uns  des  autres  ces  éléments  lorsqu'ils  sont  mélangés.  Ce  réactif  pâlit  en  effet  le 
corps  de  la  cellule  bien  plus  lentement  qu'il  ne  pàht  sur  les  leucocytes,  en  laissant 
intact  son  noyau,  ou  ses  noyaux  quand  il  y  en  a  deux  ;  il  les  resserre  toutefois  un 
peu,  et  rend  leur  contour  plus  net,  mais  il  ne  leur  donne  pas  une  teinte  rougeàtre, 
et  il  ne  détermine  pas  sur  eux  une  sorte  d'étranglement  en  forme  d'incisure, 
comme  il  le  fait  sur  les  amas  nucléiformes  des  leucocytes,  dont  la  production  a  été 
amenée  antérieurement  par  l'eau  ou  par  l'altération  cadavérique. 

Notons  enfin  que  dans  les  tumeurs  ayant  pour  point  de  départ  la  moelle  des  os, 
qui  renferment  des  méduUocelles  et  dans  celles  particulièrement  qui  ont  pris  l'as- 
pect encéphaloïde,  on  peut  constater  l'existence  de  méduUocelles  à  toutes  les 
phases  d'une  hypertrophie  souvent  considérable,  avec  ou  sans  production  de  nu- 
cléoles dans  les  noyaux  hypertrophiés,  faits  dont  nul  élément,  offrant  les  carao- 


252  LEUCOCYTE. 

lèrcs  dos  leucocytes,  n'offre  d'exemple  en  aucune  région  de  l'économie  tant  à  l'état 
normal  qu'à  l'état  pathologique; 

3°  Les  épithéliums  nucléaires  des  ganglions  lymphatiques,  ceux  de  la  rate,  du 
thymus  et  de  la  thyréoïde  ont  quelques  analogies  avec  les  leucocytes,  sous  le  rap- 
port de  l'aspect  extérieur  résultant  de  leur  forme,  de  leur  volume,  de  leur  couleur, 
et  de  leur  état  finement  et  uniformément  grenu.  Un  certain  nombre  aussi  de  ces 
épithéliums  présente,  après  qu'on  les  a  isolés,  un  corps  ou  masse  de  cellule  très- 
petit,  qui  est  comme  appliqué  sur  le  noyau,  et  qui  s'en  écarte  un  peu  en  se  gon- 
flant par  altération  cadavérique  ou  après  l'action  de  l'eau. 

Aussi  ces  éléments  ont-ils  été  considérés  comme  n'étant  pas  des  épithéliums, 
mais  bien  des  cellules  de  même  nature  que  les  leucocytes  de  la  lymphe,  du  sang, 
du  pus,  etc.,  comme  étant  de  même  espèce  qu'eux  et  les  glandes  lymphatiques,  etc., 
ont  été  regardées  comnje  étant  les  organes  formateurs  ou  sécréteurs  de  ces  élé- 
ments; au  fur  et  à  mesure  qu'a  lieu  leur  production  ceux-ci  tomberaient  dans 
les  lyftphatiques  ou  dans  les  veines. 

Il  est  pourtant  difficile  de  comprendre  qu'une  pareille  confusion  ait  pu  être  faite 
en  présence  des  différences  si  tranchées  et  si  iaciles  à  constater  qui  séparent  ces 
deux  espèces  d'éléments.  Indépendamment  de  ce  que  ces  épithéliums  ont  un  vo- 
lume assez  uniformément  le  même  et  plus  petit  de  2  à  4  millièmes  de  millimètre 
que  celui  des  leucocytes,  ils  se  distinguent  aisément  de  ces  derniers  à  l'état  frais, 
en  ce  qu'ils  ne  présentent  jamais  de  déformations  ni  d'expansions  sarcodiqaes. 
L'état  cadavérique  et  l'eau  ne  les  modifient  pas.  Us  ne  font  que  gonfler  un  peu  le 
corps  de  cellule  très-pâle  appliqué  sur  quelques-uns  de  ces  noyaux,  quand  toute- 
fois le  fait  existe,  car  il  n'est  pas  très-commun  dans  les  ganglions  sains;  mais  il 
ne  tait  jamais  apparaître  le  mouvement  brownien  de  granulations  moléculaires 
incluses  dans  l'élément  anatomique. 

Les  faits  précédents  et  les  suivants  sont  d'autant  plus  importants  à  signaler, 
que  les  rapports  des  capillaires  lymphatiques  avec  les  épithéliums  nucléaires  réunis 
en  groupes  ou  amas  dans  la  trame  réticulée  de  la  portion  centrale  des  ganglions 
sont  tels,  qu'il  n'est  pas  impossible  que,  dans  certaines  conditions  morbides,  la 
mince  pai^i  vasculaire  se  rompant,  il  ne  tombe  de  ces  noyaux  d'épithélium  dans 
la  lymphe.  Entraînés  dès  lors  avec  ce  liquide,  ils  peuvent,  si  ce  fait  a  lieu,  être 
retrouvés  dans  le  sang  et  circuler  avec  ses  autres  éléments.  Mais  avant  que  ce  fait 
fût  admis  comme  fréquent,  sinon  comme  habituel,  il  serait  nécessaire  de  voir  si 
ces  noyaux  se  trouvent  mêlés  aux  leucocytes  dans  le  réservoir  de  Pecquet  ou  dans 
le  canal  thoracique,  et  cela  en  particulier  sur  les  individus  morts  leucocythémi- 
ques  avec  hypertrophie  ganglionnaire  ou  non  ;  ordre  de  recherches  qui  n'a  pas  en- 
core été  fait. 

L'acide  acétique  resserre  un  peu  ces  noyaux,  rend  leurs  contours  plus  nets,  plus 
foncés,  moins  réguliers,  quelquefois  comme  un  peu  incisés  sur  un  ou  deux  points, 
et  il  rend  leur  centre  un  peu  plus  clair  qu'il  n'était.  Jamais  il  ne  rend  la  masse  de 
l'élément  pâle  et  plus  grosse  qu'elle  n'était,  pas  plus  qu'il  n'y  fait  apparaître  de 
deux  à  quatre  noyaux  ou  amas  nucléiformes. 

Ces  diverses  actions  permettent  aussi  de  distinguer  sans  grande  peine  les  leu- 
cocytes de  ces  épithéliums  nucléaires  lorsqu'ils  sont  mélangés  dans  les  cas  d'adé- 
nites, etc.  Ces  actions  montrent  en  toutes  circonstances  qu'ils  ont  les  caractères 
de  difficile  altérabilité,  et  antres,  propres  aux  noyaux  en  général,  aux  épithéliums 
nucléaires  en  particulier,  et  aucun  des  caractères  que  possèdent  les  leucocytes, 
lors  même  qu'il  s'agit  des  leucocytes  très-petits,  comme  ceux  de  la  vessie  ou  de 


LEUCOCYTE.  253 

ceux  qui,  en  voie  de  se  iormer  sur  une  plaie  récente,  etc  ,  n'ont  pas  encjre  leurs 
dimensions  habituelles.  Enfin,  sur  aucun  de  ces  noyaux,  ces  réactifs  ne  font 
apparaître  des  modifications  telles  qu'il  soit  possible  de  les  considérer  comme 
présentant  certains  caractères  des  épithéliums,  unis  à  certains  de  ceux  des  leu- 
cocytes, comme  étant  des  noyaux  d'épithéliums  surpris  au  milieu  de  quelqu'une 
des  phases  de  leur  passage  à  l'état  de  leucocytes. 

Les  faits  qui  précèdent  s'appliquent  du  reste  en  tous  points  aux  cas  dans  les- 
quels des  noyaux  uniques  ou  multiples  hypertrophiées  ou  non  dans  des  cellules 
plus  ou  moins  modifiées  de  l'épithéhum  des  muqueuses  ou  des  séreuses  eullani- 
mées,  ont  été  considérés  comme  des  leucocytes  du  pus  en  yoie  de  formation 
endogène  par  scission  continue  et  métamorphose  du  noyaux  de  ces  cellules. 

Pour  achever  d'exposer  les  difiérences  qui  existent  entre  les  leucocytes  et  les 
épithéliums  nucléaires,  différences  qui  infirment  formellement  l'hypothèse  de 
l'identité  ou  même  des  analogie?  de  ces  deux  espèces  d'éléments,  il  importe  de 
noter  encore  les  faits  qui  suivent.  D'une  part,  on  voit,  dans  un  grand  nombi^e  de 
lésions,  des  glandes  lymphatiques  [adénies,  etc, ,  voy.  Lymphatiques  (Maladies)] 
thyréoïde  et  splénique,  leurs  épithéhums  nucléaires  dépasser  graduellement  par 
hypertrophie  leur  volume  normal  (0"'™,006),  pour  arriver  à  des  dimensions 
doubles  et  triples,  en  même  temps  qu'ils  deviennent  moins  grenus,  et  qu'un  ou 
plusieurs  nucléoles  brillants,  plus  ou  moins  gros,  se  produisent  en  eux.  Et  ces 
modifications  qui  sont  les  mêmes  que  celles  qu'on  voit  survenir  aussi  sur  les  épi- 
théliums, nucléaires  ou  non,  de  diverses  autres  glandes  ne  sont  jamais  présentées 
par  les  leucocytes  dans  quelque  condition  que  ce  soit. 

D'autre  part  enfin,  comme  bien  d'autres  épithéliums  nucléaires,  ceux  des 
glandes  lymphatiques  passent  souvent  dans  des  conditions  accidentelles  à  l'état 
d'épithéliums  cellulaires  polyédriques,  par  production  entre  eux  de  matière 
amorphe  et  segmentation  de  celle-ci  autour  de  ces  noyaux  comme  centre,  avec  ou 
sans  hypertrophie  de  ces  derniers.  Or  les  leucocytes  ne  montrent  jamais  quoi 
que  ce  soit  de  semblable. 

Les  données  qui  précèdent  montrent  nettement  l'importance  qu'il  est  nécessaire 
d'attacher  à  la  comparaison  des  faits  accidentels  ou  morbides  aux  faits  normaux, 
toutes  les  fois  qu'il  s'agit  de  déterminer  la  nature  réelle  des  éléments  anatomi- 
ques  et  de  juger  les  questions  de  relations  de  similitude  onde  succession  que  cer- 
tains peuvent  offrir  eu  égard  aux  autres. 

Le  mode  d'individualisation  des  cellules  épithéliales,  les  phases  de  leur  évolu- 
tion, les  caractères  physiques  et  chimiques  du  noyau  ou  des  noyaux  de  chacune 
d'elles  à  l'état  normal  ou  dans  les  cas  d'inflammation,  ceux  du  corps  de  la  cel- 
lule qui  entoure  celui-ci,  montrent  de  la  manière  la  plus  nette  combien  sont 
grandes  les  différences  qui  séparent  les  épithéliums  des  leucocytes,  à  quelque 
période  de  leur  développement  que  ce  soit.  Ils  montrent  par  suite  que  ces  derniers, 
à  la  surface  des  muqueuses,  etc.,  {corpuscules  muqueux,  globules  de  jnis,  etc.), 
ne  sont  nullement  une  provenance  des  noyaux,  et  qu'ils  ne  sont  pas  non  plus  de 
jeunes  cellules  épithéliales  détachées  des  couclies  profondes,  contrairement  à  une 
opinion  erronnée  encore  fort  répandue  parmi  ceux  qui  jugent  de  la  nature  des 
éléments  anatomiques  et  qui  les  nomment  d'après  des  idées  pi'éconçues  et  non 
d'après  la  connaissance  de  leur  origine  et  de  leur  constitution. 

Prépeiration  des  leucocytes.  Pour  observer  ces  éléments  dans  le  sang  et  dans 
la  lymphe,  il  suffit  de  placer  une  goutte  de  ces  liquides  entre  deux  lames  de  verre  ; 
sans  addition  d'eau  si  l'on  vent  en  constater  les  caractères  réels.  Peu  nombreux 


254  LEUCOCYTE. 

dans  l'un  et  l'autre  de  ces  liquides,  il  faut  souvent  les  chercher  dans  telle  partie 
de  la  préparation  plutôt  que  dans  telle  autre.  Ce  que  nous  avons  appris  de  l'ac- 
tion de  l'eau  sur  les  leucocytes  et  des  modifications  que  leur  fait  subir  l'état  ca- 
davérique suffit  pour  faire  sentir  dans  quelles  conditions  il  faut  se  placer  pour 
étudier  ces  éléments,  non-seulement  dans  les  humeurs  précédentes,  mais  encore 
dans  les  mucus,  dans  les  sérosités  purulentes  ou  non,  dans  le  pus,  etc.  Autrement 
on  les  voit  déjà  modifiés  par  l'influence  des  sérums,  quelque  peu  altérés  que 
soient  ceux-ci.  (Comparez  les  fig.  1,  2  et  3  de  la  pi.  II  aux  fig.  4  et  5.) 

Les  leucocytes  des  tissus  se  préparent  comme  les  éléments  de  ces  tissus 
eux-mêmes,  ou  mieux  c'est  en  cherchant  à  isoler  ces  derniers  et  à  les  observer 
qu'on  sépare  les  leucocytes  et  qu'on  en  constate  l'existence.  11  faut  souvent  alors, 
pour  les  distinguer,  donner  une  grande  attention  à  l'examen  de  la  préparation, 
parce  que  leur  petit  nombre  fait  qu'ils  sont  en  quelque  sorte  perdus  au  milieu  des 
éléments  fondamentaux  du  tissu.  Comme  les  préparations  de  ces  tissus  se  font 
dans  l'eau,  c'est  toujours  tels  qu'ils  sont  après  l'action  de  ce  liquide  qu'on  y  voit 
les  leucocytes. 

Dans  le  pus  concret  il  faut  dissocier  les  leucocytes  agglomérés  en  délayant  la 
substance  dans  l'eau.  Comme  ils  sont  déformés  par  pression  réciproque,  etc., 
le  léger  gonflement  que  leur  fait  éprouver  ce  liquide  tend  à  les  rendre  plus 
facilement  reconnaissables. 

Une  fois  placés  entre  les  deux  lames  de  verre  et  suffisamment  observés,  il  suffit, 
pour  étudier  l'action  des  réactifs  sur  eux,  de  faire  ghsser  entre  les  deux  lamelles 
l'eau,  l'acide  acétique,  la  glycérine,  etc.,  dont  on  a  placé  une  goutte  près  des 
bords  de  la  lame  mince. 

Physiologie  des  leucocytes.  De  la  naissance  des  leucocytes.  Les  leucocytes 
naissent  dans  toutes  les  régions  de  l'économie  oii  nous  avons  vu  qu'on  les  ren- 
contre normalement,  savoir  :  dans  les  capillaires,  dans  le  corps  vitré,  à  la  surface 
de  toutes  les  membranes  muqueuses  et  cutanées,  de  toutes  les  séreuses,  dans 
les  conduits  excréteurs  de  diverses  glandes,  etc.  Ils  apparaissent  aussi  dans  un 
grand  nombre  de  circonstances  morbides,  comme  par  exemple  dans  toutes  les 
cavités  accidentelles,  telles  que  les  kystes  et  dans  l'épaisseur  de  tous  les  tissus 
mous,  surtout  vasculaires  ;  mais  il  en  naît  aussi  dans  ceux  qui  ne  le  sont  pas, 
tels  que  l'épaisseur  de  la  cornée  sans  qu'elle  soit  devenue  vasculaire,  les  culs-de- 
sac  glandulaires  tels  que  ceux  de  la  mamelle,  etc. 

On  voit  que  les  conditions  générales  de  la  naissance  de  cette  espèce  de  cellules 
sont,  non  pas  très-nombreuses,  mais  se  rencontrent  à  un  degré  plus  ou  moins 
prononcé  dans  des  régions  très-variées  et  de  dispositions  anatomiques  très-diffé- 
rentes, que  ces  éléments  naissent  et  se  développent  rapidement. 

Il  n'est  point  nécessaire  qu'il  y  ait  inflammation  pour  que  naissent  ces  élé- 
ments. Il  est  vrai  que,  dans  le  cas  où  le  phénomène  a  heu,  ils  apparaissent  en 
quantité  considérable  et  rapidement  ;  qu'alors  par  conséquent  les  conditions 
nécessaires  à  la  production  du  blastème  qui  fournit  les  matériaux  de  leur  pro- 
duction sont  plus  favorables  que  toute  autre  circonstance  ;  mais  le  fait  est  que 
l'inflammation  n'est  pas  la  condition  indispensable  de  la  naissance  des  leucocytes 
du  pus.  {Voy.  Blastème.)  La  seule  énumération  des  régions  de  l'économie  oii  se 
rencontre  cette  espèce  d'éléments  anatomiques  suffit  pour  démontrer  le  fait  précé- 
dent, puisque  dans  la  plupart  de  celles  oîi  on  en  voit  nul  phénomène  inilamma- 
toire  n'existe,  puisqu'on  les  trouve  normalement  dans  le  sang,  etc.  ;  puisque  ceux 
qu'on  rencontre  à  la  surface  des  muqueuses  normales  sont  semblables  à  ceux  qui 


LEUCOCYTE.  2c5 

existent  dans  le  pus  de  ces  mêmes  membranes,  sauf  des  différences  insignifiantes. 
Si  donc  les  phénomènes  de  l'inflammation  sont  une  des  conditions  les  plus  favo- 
i"ables  à  la  naissance  de  ces  éléments  anatomiques,  ils  n'en  sont  point  la  seule  ; 
les  leucocytes  ne  doivent  par  conséquent  pas  être  considérés  en  eux-mêmes  comme 
MU  produit  de  V inflammation. 

On  ignore  encore  quelle  est  la  substance  organique  du  sang,  de  la  lymphe  ou 
des  blastèmes  qui,  par  catalyse  isomérique  passe  à  l'état  de  substance  organique 
fondamentale  des  leucocytes. 

L'existence  des  leucocytes  dans  le  sang  de  l'embryon  à  une  époque  oii  les  lym- 
phatiques manquent  encore,  leur  présence  dans  le  sang  des  invertébrés  dépourvus 
de  système  lymphatique  montre  qu'il  en  naît  dans  les  vaisseaux  sanguins,  et  que 
chez  l'embryon  les  articulés  et  les  mollusques,  du  moins,  ceux  du  sang  ne, pro- 
viennent pas  nécessairement  de  la  lymphe. 

Leur  présence  dans  le  canal  thoracique  à  tous  les  âges  montre  qu'il  en  naît 
pendant  toute  la  vie  dans  les  lymphatiques,  puisque  ceux  de  ces  derniers  arrivent 
dans  le  sang  avec  la  lymphe.  Comme  on  trouve  des  leucocytes  dans  les  réseaux 
et  les  conduits  lymphatiques,  du  pied,  du  testicule  (Ch.  Robin  dans  Atlee.  Lectu- 
res on  the  Bloocl  Philaclelphia,  1854,  in-12,  p.  174  et  176,  Kœlliker,  1855),  etc., 
avant  leur  arrivée  aux  ganglions  correspondants,  il  est  manifeste  aussi  que  ce  ne 
sont  pas  ces  derniers  organes  qui  seraient  spécialement  chargés  de  les  former,  et 
qu'ils  naissent  dans  le  liquide  même  qui  les  charrie,  dans  toutes  les  parties  du 
système  lymphatique  probablement.  C'est  du  reste  d'après  une  hypothèse  contre- 
dite par  les  faits  les  plus  élémentaires  que  celle  qui  a  pu  faire  admettre  que 
produire  cette  espèce  d'élément  anatomique  était  l'usage,  le  rôle  que  tel  ou  tel 
organe  pourrait  être  appelé  à  remplir. 

Leur  naissance  dans  des  conditions  qu'on  peut  dire  normales  et  incessamment 
renouvelées  dans  la  cavité  des  vaisseaux  comme  à  la  surface  des  muqueuses,  leur 
présence  dans  le  corps  vitré,  au  moins  des  jeunes  sujets,  leur  production  acci- 
dentelle à  la  surface  des  séreuses,  de  la  peau  dénudée,  dans  les  interstices  des 
fibres  ou  des  cellules  des  tissus,  sont  autant  de  faits  qui,  avec  les  précédents 
prouvent  que  ces  éléments  anatomiques  naissent  d'après  le  mode  dit  de  genèse  ■ 
qu'ils  peuvent  naître  au  même  titre  que  les  éléments  anatomiques  des  tissus,  et 
qu'ils  ne  sont  pas  produits  et  fabriqués  en  quelque  sorte  par  tel  ou  tel  oro-ane 
spécial,  comme  les  glandes  lymphatiques  par  exemple. 

Dans  les  régions  où  naissent  naturellement  les  leucocytes  peuvent  se  trouver 
parfois  des  conditions  qui  en  amènent  l'hypergenèse.  De  même  que  pour  les  élé- 
ments des  tissus  on  voit  souvent  dans  des  parties  du  corps  où  n'existent  pas 
normalement  ces  cellules  se  montrer  les  conditions  de  leur  génération,  de  même 
cette  aberration  dans  la  genèse  des  leucocytes  est  fréquente  dans  la  profondeur 
de  tous  les  tissus,  et  ce  sont  les  leucocytes  nés  dans  ces  conditions  anormales  qui  ■ 
ont  reçu  le  nom  de  globules  de  pus. 

Ainsi  cette  espèce  de  cellules  ne  fait  pas  exception  aux  faits  généraux  d*hypet'- 
genèse  et  d'erreur  de  lieu  dans  de  phénomènes  de  naissance;  {Voy.  Éléments  ana- 
tomiques.) 

Dans  le  sailg  et  dans  la  lymphe  les  conditions  spéciales  de  l'hypergenèse  des 
leucocytes  sont  mal  déterminées.  Le  résultat  de  celle-ci  est  la  multiplication  de 
ces  derniers  qui  peut  aller  jusqu'à  détermmer  l'état  dit  leucoojthémiqiie  du  sang. 
C'est  ce  que  l'on  observe  dans  plusieurs  maladies  diathésiques,  dans  divers  états  de 
cachexie  tels  que  ceux  causés  par  les  fièvres  intermittentes  ou  autres,  ordinaire- 


256  LEUCOCYTE. 

ment  avec  hypertrophie  de  la  rate  ou  des  ganghons  lympliatiques,  mais  pouvaiit 
exister  sans  cela.  L'hypergenèse  des  leucocytes  s'observe  aussi  dans  les  fièvres 
typhoïdes,  les  dysenteries,  dans  les  cas  dits  d'infection  purulente,  de  fièvre  puer- 
pérale et  autres  affections  analogues,  mais  atteint  rarement  assez  d'intensité  poiï 
arriver  jusqu'à  produire  la  leucocythémie. 

A  la  surface  des  muqueuses  et  des  séreuses  les  conditions  indirectes  de  l'hyper- 
genèse des  leucocytes  sont  la  congestion  ou  l'inflammation  de  ces  membranes  ;  les 
conditions  directes  sont  la  production  d'un  blastème  dont  la  nature  intime  est 
encore  inconnue.  Le  résultat  de  ce  phénomène  est  la  multiplication  des  leuco- 
cytes, pouvant  ou  non  aller  jusqu'à  colorer  le  mucus  ou  la  sérosité  produite  par 
ces  membranes  ou  par  leurs  glandes. 

A  la  surface  de  la  peau  et  dans  l'épaisseur  des  tissus  les  conditions  indirectes 
de  la  genèse  des  leucocytes  sont  souvent,  mais  non  toujours,  ce  trouble  de  la 
circulation  des  capillaires  appelé  inflammation,  et  les  conditions  directes  sont  la 
production  d'un  blastème  dont  le  sérum  du  pus  représente  en  quelque  sorte 
l'excédant.  Le  résultat  est  la  naissance  de  leucocytes  en  quantité  parfois  assez 
considérable  pour  produire  des  tumeurs  liquides,  au  même  titre  que  l'aberration 
dans  la  genèse  des  autres  espèces  d'éléments  amène  la  formation  de  tumeurs 
solides . 

Ainsi  les  leucocytes  comme  les  autres  espèces  d'éléments  anatomiques  peuvenî 
naître  en  des  points  de  l'économie  où  ils  manquent  normalement,  tels  que  l'épais- 
seur des  solides  et  cela  dans  des  conditions  qui  se  produisent  facilement.  Ce  fait 
est  l'origine  de  la  production  des  tumeurs  liquides  connues  sous  le  nom  d'abcès 
comme  l'hypergenèse  et  la  genèse  avec  erreur  de  lieu  des  éléments  propres  aux 
tissus  de  l'économie  sont  le  point  de  départ  des  tumeurs  solides.  Ces  éléments 
partagent  aussi  avec  tous  les  autres  les  propriétés  de  ronger  et  â! envahir  les 
tissus  voisins,  c'est-à-dire  que  loKsqu'ils  se  multiplient  considérablement  en  un 
point  de  l'économie  où  ils  n'existaient  pas  dans  l'épaisseur  d'un  organe,  ils  en 
écartent,  en  distendent,  puis  en  compriment  les  fibres,  etc.,  déterminent  l'atro- 
phie de  celles-ci  et  en  prennent  peu  à  peu  la  place.  C'est  ainsi  que  s'opèrent  la 
formation  du  foyer  de  l'abcès,  sa  migration  parfois  et  peu  à  peu  son  ouverture 
dans  une  cavité  naturelle  ou  au  dehors.  Cet  envahissement  par  le  pus  des  tissus 
qui  l'avoisinent  ne  diffère  pas  essentiellement  du  phénomène  analogue  offert  par 
les  tumeurs  sohdes;  il  s'opère  d'après  les  mêmes  lois,  seulement  il  s'accomplit 
plus  rapidement,  comme  aussi  la  genèse, et  le  développement  des  leucocytes  sont 
plus  rapides  que  ceux  des  espèces  d'éléments  qui  entrent  dans  la  constitution  de 
ces  tumeurs. 

Les  conditions  nécessaires  à  la  genèse  des  leucocytes  se  rencontrent  encore  dans 
l'épaisseur  de  certains  solides,  avec  cette  particularité  qu'ils  naissent  sans  qu'il  y 
ait  en  même  temps  production  d'une  grande  quantité  du  fluide  appelé  sérum  du 
pus,  qui  entre  communément  pour  75  p.  100  dans  la  composition  du  liquide  des 
abcès.  Ils  sont  alors  interposés  directement  aux  éléments  des  tissus  dont  il  s'a^^it 
(voy.  p.  227)  ou,  selon  les  cas,  plongés  dans  la  matière  amorphe  qui  fait 
partie  de  ces  tumeurs.  C'est  ce  dont  offrent  des  exemples  certaines  tumeurs  demi- 
transparentes  delà  coxmç.,\Q's,  tubercules  auaiojîifçî^es,  quelques  tumeurs,  molles, 
rougeàtres,  vasculaires,  qui  se  produisent  à  l'extrémité  de  la  racine  des  dents 
cariées,  beaucoup  d'épithéliomas,  etc. 

En  outre  on  peut  voir  au  sein  des  épithéliomàs  des  mâchoires,  de  la  peau, 
du  rectum,  du  gland,  du  col  de  l'utérus,  etc.,  les  leucocytes  naître  dans  le  li- 


LEUCOCYTE.  257 

qnide  qui  remplit  les  cavités  des  cellules  épithéliiilcs  qui  se  sont  creusées  d'ex- 
cavations ou  vaciToles  {voij.  pi.  1,  fig.  9)  au  mcrae  litre  qu'il  en  naît  dans 
les  interstices  même  des  éléments  de  quelque  tissu  que  ce  soit,  les  conditions 
étant  là  ni  plus  ni  moins  favorables  dans  les  cavités  de  ces  cellules  qu'au  dehors. 
Ces  leucocytes  restent  généralement  un  peu  plus  peLits  que  ceux  qui  sont  libres 
dans  les  mêmes  tumeurs  et  un  peu  moins  réguliers,  surtout  lorsqu'ils  sont  culas- 
ses les  uns  sur  les  autres  (/,  m);  mais  ils  réagissent  de  la  même  manière  au  con- 
tact de  l'acide  acétique  (e,  f);  ils  peuvent  naître  en  quantité  assez  considérabh 
pour  combler  la  cavité  qui  s'est  produite  dans  le  corps  des  cellules  épithéliales 
(/,  m,  o),  comme  aussi  ils  peuvent  ne  la  remplir  qu'en  partie  {a,  h,  c,  d 
eih,  i,j,  k).  C'est  généralement  dans  les  plus  grandes  cellules  que  le  fait  s'ob- 
serve non-seulement  chez  l'homme,  mais  fncore  sur  le  bœuf,  le  chien,  etc. 

On  en  constate  aussi  la  présence  dans  quelques  cellules  épithéliales  devenues 
deux  à  trois  fois  plus  grandes  que  les  autres,  sphéroïdales,  vésiculeuses,  soit  dans 
les  pustules  vaccinales  et  varioliques,  soit  dans  les  séreuses  enflammées,  etc. 
C'est  dans  des  circonstances  de  ce  genre  qu'on  a  considéré  les  leucocytes  comme 
provenant  du  noyau  de  ces  cellules  épithéliales  par  division  prolifiante  de  ce  der- 
nier, et  transformation  de  ces  noyaux  en  cellules  du  pus.  Mais  ici,  on  constate 
souvent  la  présence  d'un  noyau,  hypertrophié  ou  non,  dans  la  substance  de  cel- 
lules dont  une  ou  plusieurs  vacuoles  sont  pleines  de  leucocytes  dont  l'acide  acé- 
tique permet  de  déterminer  nettement  la  nature;  car  il  n'est  pas  rare  de  voir  sur 
des  muqueuses  et  des  séreuses  enflammées  et  dans  la  muqueuse  utérine  de  la 
femme,  des  lapines  ou  autres  rongeurs,  pendant  la  grossesse,  des  cellules  épithé- 
liales qui,  au  lieu  de  leucocytes,  contiennent  deux  noyaux  ou  un  plus  "rand 
nondjre  de  noyaux,  sphériques  ou  non,  que  leurs  réactions  montrent  bien  ne 
pas  être  des  leucocytes  malgré  qu'ils  en  aient  quelquefois  la  forme  et  le  volume. 
D'autre  part  enfui,  comme  dans  tous  les  cas  où  l'on  a  admis  la  formation  des 
leucocytes  attaquables  par  l'eau  et  par  l'acide  acétique  aux  dépens  de  novaux  inat- 
taquables par  ces  agents  plusieurs  données  manquent  pour  qu'on  puisse  admettre 
cette  hypothèse.  Il  reste  encore  à  démontrer:  1"  le  fait  même  de  la  division  du 
noyau  en  plusieurs  corpuscules  successivement,  ou  de  ceux-ci  en  leurs  semblables 
dans  la  cellule  épithéliale  ;  2°  il  reste  réellement  à  donner  la  preuve,  par  la 
description  d'essais  faits  dans  ce  but  sur  ces  cellules  épithéliales,  de  la  produc- 
tion gemmipare  ou  tissipare  de  eellules  que  l'eau  et  l'acide  acétique  attaquei'aient 
à  l'aide  et  aux  dépens  d'un  noyau  que  ces  agents  ne  modifient  pas;  car  jusqu'à 
présent,  ces  expériences  n'ont  pas  été  faites,  tandis  que  toutes  les  observations 
connues  et  faciles  à  répéter  mettent  en  évidence  les  différences  existant  entre 
ces  éléments  dès  leur  apparition.  Quant  à  la  transformation  directe  (soit  lente, 
soit  aussi  rapide  qu'elle  devrait  être  ici)  des  noyaux  épithéliaux  inattaquables 
par  l'acide  acétique,  etc.,  en  cellules  solubles  dans  ce  réactif,  aucun  fait  expéri- 
mental connu  ne  la  prouve,  et  tous  la  contredisent. 

Les  seules  régions  de  l'économie  dans  lesquelles  on  ait  pu  suivre  les  phéno- 
mènes de  la  naissance  des  leucocytes  sont  la  surface  dénudée  de  la  peau  et  la  sur- 
face des  plaies. 

Ces  phénomènes  sont  les  suivants.  Lorsqu'à  la  surface  du  derme  dénudé  ou 
d'une  plaie  récente  ou  observe  successivement  les  petites  gouttes  transparentes 
ou  à  peine  troublées  par  des  hématies  venant  d'un  peu  de  sang  épanché,  on  aper- 
çoit d'abord  seulement  un  liquide  ou  blastème  hyalin  parsemé  de  fines  granula- 
tions éparses  ([1.  Il,  lig.  0,  e,  e).  Une  heure  au  |  lus,   mais  souvent  une  denii- 

DICT.    ESC.    2'   S.    11.  17 


258  LEUCOCYTE. 

heure  ou  urt  quart  uiicuie  suffisent  pour  qu'où  y  aperçoive  des  globules  pâles 
transparents,  larges  de  3  à  4  millièmes  de  millimètre,  tantôt  sans  granulations 
ou  à  peine  granuleux,  d'autres  fois  un  peu  plus  ioncés,  parce  qu'ils  renferment 
quelques  granulations  très-fines  [a] . 

Dès  l'instant  de  leur  apparition  ils  offrent  une  grande  facilité  à  se  déformer  par 
production  d'expansions  sarcodiques  et  par  pression  réciproque  ou  contre  les  lames 
de  verre  ;  ils  sont  mous,  coamie  giutineux,  ils  adhèrent  les  uns  aux  autres  ou  aux 
corps  cjui  les  touchent.  Dès  ce  moment  aussi  l'eau  les  gonfle  un  peu,  les  rend  plus 
pâles,  mais  n'y  fait  pas  apparaître  de  noyau.  Pourtant  l'acide  acétique  qui  l'end  le 
corps  de  chaque  cellule  très-pâle  et  le  gonfle  y  fait  apparaître  dès  l'origine  de  un 
à  deux  noyaux,  et  quelquefois  trois.  Du  reste  ces  amas  ou  noyaux  sont  petits, 
larges  de  1  à  2  millièmes  de  millimètre,  proportionnés  en  un  mot  au  diamètre  des 
cellules  naissantes.  Il  ne  reste  aucunes  granulations  entre  eux  et  le  contour  de  la 
cellule  après  l'action  de  l'acide  acétique. 

Ainsi,  c'est  par  le  mode  dit  de  genèseque  naissent  les  leucocytes,  et  leur  mul- 
tiphcation,  quand  il  en  existe  en  un  point  déterminé  de  l'économie,  résulte  de  la 
répétition  de  ce  même  phénomène.  Leur  reproduction,  leur  multiplication  par 
segmentation  ou  scission  n'a  en  fait  pas  encore  été  observée. 

Aujourd'hui,  on  sait  en  outre,  d'après  ce  qu'ont  montré  les  expériences  souvent 
répétées  par  M.  Onimus,  qu'en  introduisant  sous  la  peau  d'un  lapin  des  petits  sacs 
remplis  par  de  la  sérosité  de  \ésicatoires  convenablement  filtrée  en  baudruche, 
on  trouve,  au  bout  de  douze  heures,  la  sérosité  encore  transparente,  quoiqu'elle 
ait  perdu  sa  couleur  citrine  primitive.  On  y  remarque  déjà  quelques  leucocytes 
et  des  granulations.  Les  granulations  sont  assez  rares,  et  les  leucocytes  sont  en 
général  assez  petits,  à  contours  nets  et  présentant  les  expansions  et  les  déforma- 
tions sarcodiques. 

Au  bout  de  vingt-quatre  heures,  la  sérosité  est  trouble  et  renferme  un  grand 
nombre  de  leucocytes  et  de  granulations. 

Au  bout  de  trente-six  heures,  la  sérosité  est  blanche,  laiteuse  en  raison  du 
grand  nombre  de  leucocytes  et  de  granulations  qu'elle  contient. 
•  Lorsqu'on  examine  imméchatement  ces  leucocytes,  après  avoir  retiré  la  bau- 
druche de  l'animal  où  elle  était  maintenue,  ils  présentent  les  expansions  et  les 
déformations  sarcodiques  qu'on' voit  sur  les  leucocytes  du  sang  et  de  la  conjonctive 
enflammée.  De  plus,  ils  ont  également  les  autres  caractères  des  leucocytes  qui  se 
forment  dans  l'organisme  :  action  gonflante  de  Teau,  mouvement  brownien  des 
granules,  rupture,  puis  phssement  de  la  paroi,  etc.  L'amm.oniaque  les  gonfle  d'a- 
bord et  les  dissout  ensuite.  L'acide  acétic[ue  ne  détermine  pas  la  formation  de 
noyaux  sur  tous  ces  éléments,  ce  qui  démontre  qu'il  en  est  qui  sont  de  la  variété 
pyoïde,  fait  qui  s'observe  aussi  dans  le  pus  des  vésicatoires.  Mais  il  en  est  un  cer- 
tain nombre  qui  présentent  de  deux  à  quatre  noyaux  sous  l'inflwence  de  cet  agent, 
et  un  ou  deux  seulement  au  contact  de  l'eau,  comme  s'il  s'agissait  du  pus  d'un 
abcès. 

Ces  expériences  ont  de  plus  montré  que  cette  genèse  des  éléments  anatomis 
ques  du  pus,  dans  un blastème  représenté  par  une  sérosité  filtrée,  homogène,  en- 
tièrement dépourvue  de  granules  et  d'éléments  en  suspension,  a  pour  condition 
indispensable  d'accomplissement  les  phénomènes  d'endosmose  et  d'exosmose.  Les 
leucocytes  naissent  d'autant  plus  vite  dans  ce  blastème  hyalin,  homogène,  que  les 
phénomènes  d'endosmose  et  d'exosmose  sont  plus  rapides.  La  chaleur  et  la  com- 
position des  solides  et  des  liquides  environnants  ont  une  influence  marquée  sur 


LEUCOCYTE.  -  239 

la  genèse  des  leucocytes,  car  il  ne  se  forme  ni  leucocytes  ni  aucune  espèce  d'élé- 
ments anatomiques  dans  une  sérosité  dont  la  fibrine  a  été  coagulée.  En  outre, 
fait  important,  la  présence  de  leucocytes  ajoutés  artificiellement  à  la  sérosité  ne 
détermine  pas  le  passage  à  l'état  purulent  de  ce  liquide  quand  sa  fibrine  a  été 
coagulée.  (Onimus,  Expériences  sur  la  genèse  des  leucocytes.  In  Journal  de  l' a- 
natomie  et  de  la  physiologie.  Paris,  1867,  in-S",  p.  50  et  suivantes.) 

Développement  régulier  et  anormal  des  leucocytes.  Les  phénomènes  de  déve- 
loppement consécutifs  à  leur  naissance  sont  très-simples  dans  les  conditions  habi- 
tuelles ;  ils  sont  au  contraire  très-variés  dans  un  grand  nombre  de  circonstances 
accidentelles. 

Ces  phénomènes  consistent  d'abord  en  une  simple  augmentation  de  volume, 
avec  production  de  très-fines  granulations  moléculaires  (pi.  II,  fig.  6,  b,  c,  c,g,g). 
Lorsqu'ils  ont  atteint  6  à  7  millièmes  de  millimètre,  l'eau  les  gonfle  un  peu  et  y 
fait  apparaître  un  à  deux  noyaux  [d,  d).  L'acide  acétique  agit  sur  eux  comme  à 
l'ordinaire  et  détermine  la  formation  de  un  à  quatre  noyaux  comme  à  la  période 
de  développement  complet,  mais  déjà  quelquefois  il  reste  autour  des  noyaux 
quelques  granulations  jaunâtres,  graisseuses  ou  grisâtres  insolubles  dans  l'acide 
(i,  k).  Les  noyaux  qui  se  produisent  restent  encore  pâles  et  petits  (fig.  5,  d).  11  est 
des  régions,  comme  la  surface  des  plaies  profondes,  où  de  très-bonne  heure  les 
leucocytes  deviennent  plus  granuleux  (fig.  4,  a,  è,  c,  (/)  qu'à  la  surface  des  sé- 
reuses, de  la  peau,  et  que  dans  le  sang  ou  les  lymphatiques.  Mais  ces  granula- 
tions sont  fines  et  uniformément  distribuées  dans  l'élément  anatomique. 

Bientôt  enfin  ces  éléments  acquièrent  le  volume  et  les  autres  caractères  qui 
leur  sont  habituels  et  que  nous  connaissons  déjà. 

Hypertrophie  des  leucocytes .  Sans  changer  notablement  de  structure  ou  en 
conservant  entièrement  celle  qui  leur  est  propre,  les  leucocytes  peuvent  s'hyper- 
trophier  plus  ou  moins.  On  ne  voit  généralement  qu'un  petit  nombre  de  ces  cel- 
lules qui  soient  dans  ce  cas-là.  Cette  hypertrophie  va  jusqu'à  leur  faire  prendre 
le  double  de  leur  volume  ou  un  peu  au  delà,  mais  ne  dépasse  que  fort  rarement 
ces  limites  (pi.  IL  fig.  4,  q,  r,  s,  v,  x,  n;  fig.  5,  </,  q,  r,  r,  t,t,  x;  et  pi.  III, 
fig.  1,  i,  n,  n,  et  fig.  6,  h). 

C'est  particulièrement  dans  les  parties  du  corps  où  ils  séjournent  long- 
temps que  les  leucocytes  deviennent  le  siège  de  ces  modifications.  Nous  verrons 
bientôt  qu'indépendamment  de  cette  hypertrophie  simple,  ces  éléments  offrent 
souvent  une  augmentation  de  volume  plus  considérable  encore,  mais  qui  n'est 
que  la  conséquence  d'autres  altérations  plus  importantes. 

Il  est  remarquable  de  voir  que  la  plupart  des  leucocytes  qui  se  trouvent  dans 
des  conditions  telles  qu'ils  séjournent  longtemps  immobiles  en  un  même  endroit 
ttu  lieu  d'être  soumis  à  un  mouvement  fréquent,  sinon  continu,  comme  dans  les 
plasmas  de  la  lymphe  et  du  sang  à  l'état  normal,  augmentent  beaucoup  de  volume 
et  deviennent  le  plus  souvent  très-granuleux.  C'est  ce  qu'on  voit  sur  les  leucocytes 
de  la  lymphe  et  du  sangdorsqu'ils  viennent  à  rester  stationnaires  dans  quelque  di- 
latation variqueuse  des  lymphatiques,  des  veines  du  scrotum,  d'une  tumeur  érec- 
tile,  etc.,  où  du  sang  séjourne  (pi.  I,  fig.  2,  h,j,k).  Les  leucocytes  du  colostrum 
dans  les  conduits  excréteurs  de  la  mamelle,  les  mucus  qui  séjournent  dans  une 
cavité  normale  ou  accidentelle,  en  offrent  de  fréquents  exemples  (pi.  III,  fig.  1). 
11  eu  est  de  même  des  leucocytes  des  séreuses  enflammées  ou  non  (pi.  II,  fig.  5) 
et  de  quelques-uns  de  ceux  du  pus  des  abcès  lorsque  la  fluctuation  y  est  devenue 
manifeste. 


260  LEUCOCYTE. 

Mais  les  conditions  dans  lesquelles  on  voit  le  plus  de  leucocytes  devenir  granu- 
leux et  atteindre  Je  degré  d'hypertrophie  le  plus  considérable  sont  les  suivantes. 
Lorsqu'ils  se  sont  produits  dans  les  interstices  des  fibres  ou  des  tubes  d'un  tissu, 
de  telle  façon  qu'ils  ne  soient  pas  en  suspension  dans  un  liquide  naturel  ou  acci- 
dentel, il  n'est  pas  rare  de  les  trouver  presque  tous  granuleux.  C'est  ce  dont  o!"- 
frent  des  exemples  les  leucocytes  interposés  aux  tubes  nerveux,  brisés  ou  non, 
dans  le  lissu  encéphalo-rachidien  affecté  de  ramollissement  (pi.  IIl,  fig.  Set  9); 
ceux  qui  naissent  dans  beaucoup  de  tumeurs  épithéliales  ou  d'origine  glandu- 
laire des  fosses  nasales  et  buccales,  des  ganglions  lymphatiques,  du  gland,  de 
l'anus,  etc.  ;  ceux  qui  se  rencontrent  dans  le  parenchyme  même  du  poumon  affecté 
de  pneumonie  suppurée  (pi.  II,  fig.  4,  de  o  à  s),  etc. 

C'est  dans  ces  conditions-là  qu'on  voit  marcher  de  front  l'hypertrophie,  quel- 
quefois la  déformation  et  toujours  des  modifications  de  structure  de  ces  éléments, 
comme  conséquence  des  phénomènes  de  développement  dont  ils  sont  le  siège. 
C'est  dans  ces  conditions-là  qu'il  faut  s'attendre  à  trouver  à  côté  des  leucocyte? 
offrant  les  caractères  de  structure  et  autres  décrits  plus  haut,  ceux  qui  présen- 
tent l'état  dit  granuleux  qui  en  cliange  notablement  l'aspect  extérieur.  Ces  chan- 
gements sont  tels  que  si  on  ne  s'en  tenait  qu'à  l'examen  des  caractères  d'ordre 
physique  et  mathématique,  on  prendrait  les  cellules  arrivées  au  plus  haut  degré 
de  ces  modifications  pour  des  éléments  d'espèce  particulière.  [Voy.  la  synonymie 
page  225.) 

Mais  si  au  lieu  de  cela  on  se  préoccupe  davantage  de  suivre  toutes  les  phases 
d'évolution  normale  et  morbide  de  ces  éléments  comme  de  tous  les  autres,  on 
observe  bientôt  des  leucocytes  encore  manifestement  reconnaissables  par  tous  les 
caractères  que  nous  avons  étudiés  jusqu'ici,  mais  contenant  déjà  des  granulations 
graisseuses  ;  puis  à  côté  d'eux  on  en  voit  nombre  d'autres  offi'ant  toutes  ks 
phases  d'altération  qui  séparent  l'état  normal  de  ces  cellules  du  degré  de  lésion 
le  plus  avancé. 

Passage  des  leucocytes  à  Vétat  granuleux.  Dans  les  dilatations  veineuses  oh 
séjourne  du  sang,  dans  les  kystes  sanguins  et  synoviaux,  etc.,  le  dépôt  de  granu- 
lations est  tantôt  unil'orme,  tantôt  plus  abondant  sur  un  des  côtés  de  la  cellule 
que  sur  les  autres  (pi.  I,  fig.  2,j,_;,  /;,  K).  Généralement  les  leucocytes  devenu.; 
granuleux  ont  doublé  de  volume  (j,  j,  k,  k)  ou  à  peu  près.  Le  noyau  ou  les 
noyaux,  lorsqu'ils  se  sont  produits  durant  les  phases  de  la  lésion  ou  lorsqu'étaut. 
formés  ils  ne  sont  pas  masqués  par  de  trop  nombreuses  granulations,  sont  deve- 
nus plus  volumineux  du  tiers  au  double  environ.  Dans  les  caillots  et  dans  les 
kystes  veineux,  il  est  commun  de  voir  les  granulations  des  leucocytes  rougeàtres 
au  lieu  d'être  jaunes  comme  celles  qu'on  voit  dans  les  autres  éléments  {h,j,  k). 

Dans  le  pus  des  abcès  ou  des  fistules  ossifluentes,  dans  les  hquides  non  puru- 
lents des  hydropisies,  dans  certains  kystes,  on  peut  rencontrer  la  plupart  ou  u;i 
grand  nombre  des  leucocytes  seulement,  parsemés  de  quelques  granulations  grais- 
seuses jaunâtres,  qui  ne  changent  pas  notablement  le  volume  ni  les  autres  carac- 
tères de  chacun  d'eux  (pi.  III,  fig.  4,  /,  m,  n,  o,  p,  g,  et  fig.  6,  b,  c,  d,  e,  f). 
L'aspect  général  delà  préparation  est  seul  modifié  par  ces  particularités  de  struc- 
ture lorsqu'elle  renferme  beaucoup  de  ces  leucocytes. 

Dans  toutes  les  espèces  de  pus,  dans  le  tissu  du  poumon  enflammé,  dans  les  tu- 
meurs, etc.,  on  trouve  des  leucocytes  en  plus  ou  moins  grand  nombre  arrivés  à 
ce  premier  degré  de  modification  (pi.  II,  fig.  5,  b,  b,  g,  n,  n,  n),  et  les  granula. 
tioiis  y  sont  tantôt  uniformément  dislribuécs,  tantôt  plus  nombreuses  d'un  col;; 


LEUCOCYTE.  261 

tle  l'élément  que  de  l'autre.  Mais  en  même  temps  on  en  rencontre  qui,  devenus  plus 
gros  du  quart,  de  la  moitié  ou  du  double  qu'à  l'état  normal,  renterment  un  plus 
grand  nombre  de  granulations  soit  éparse^  (fig.  5,  n,  t,  q,  et  fig.  4,  v,  r,  r),  soit 
aussi  plus  abondantes  d'un  côté  de  la  cellule  que  de  l'autre  (lig,  4,  s,  s). 

Enfin  ceux  de  ces  éléments  qui  frappent  le  plus  et  qui  parfois  sont  plus  nom- 
breux que  les  leucocytes  n'ayant  encore  parcouru  que  les  pbases  précédentes, 
sont  ceux  qui  sont  devenus  entièrement  granuleux.  Ces  leucocytes  sont  sphéri- 
ques,  quelquefois  o\oïdes  (fig.  5,  v,  «),  larges  en  général  de  2  millièmes  de  mil- 
Imiètre,  mais  peuvent  atteindre  près  du  double,  et  plus  rarement  un  diamètre 
plus  grand  encore.  Us  sont  de  teinte  foncée,  jaunâtres,  peu  transparents,  d'aspect 
granuleux  ;  c'est  particulièrement  le  centre  de  chaque  granulation  qui  est  jau- 
nâtre, qui  réfracte  fortement  la  lumière,  tandis  que  le  contour  de  celle-ci  est 
foncé  noirâtre.  Le  contour  delà  cellule  reste  généralement  régulier,  mais  il  n'est 
pas  rare  de  voir  les  granulations  qui  la  remplissent  faire  saillie  à  sa  surface, 
et  par  suite  rendre  cette  dernière  comme  rugueuse  ou  mamelonnée  (fig.  5,  g)  et, 
alors  la  périphérie  paraît  un  peu  irrégulière. 

L'eau  les  gonfle  légèrement,  mais  bien  moins  que  les  cellules  non  granuleuses  ; 
son  action  ou  le  séjour  prolongé  dans  le  sérum  du  pus  déterminent  sur  quelques- 
uns  de  ces  éléments  la  distension  et  le  gonflement  vésiculilbrme  de  leur  paroi 
(pi.  11,  fig.  S,/',  f)  comme  sur  ceux  qui  ont  conservé  l'état  noi^mal,  mais  plus  rare- 
ment. 

L'acide  acétique  les  gonfle  plus  que  l'eau,  ramollit  leur  substance,  et  si  après 
son  action  l'on  fait  glisser  les  lames  de  verre  l'une  sur  l'autre  en  les  comprimant 
on  peut  écraser  les  leucocytes  granuleux  et  en  dissocier  les  granulations  dans  le 
champ  du  microscope.  Arrivés  à  cette  phase  de  leur  altération  granuleuse,  ils  se 
montrent  comme  composés  de  granulations  accumulées  les  unes  contre  les  autres 
et  maintenues  agglutinées  par  une  substance  homogène  interposée  à  celles-ci,  tan- 
tôt facilement  apercevable  [x,  x),  tantôt  ne  pouvant  être  reconnue  qu'après  l'ac- 
tion des  réactifs  ou  même  difficile  à  voir,  tellement  les  granulations  sont  conti- 
guès  et  pressées  les  unes  contre  les  autres  [s,  s).  Dans  ce  dernier  cas,  qui  est 
commun,  il  ne  se  forme  point  d'amas  en  forme  de  noyaux  dans  ces  leucocytes,  ni 
avant  ni  après  l'action  des  réactifs,  soit  pai'ce  qu'il  ne  s'en  produit  pas,  soit  parce 
(ju'ils  sont  entourés  et  masqués  par  les  granulations.  Il  n'est  pourtant  pas  i-are 
de  trouver  des  leucocytes  devenus  plus  ou  moins  granuleux  et  hypertrophiés, 
dans  lesquels  se  sont  produits  de  1  à  3  de  ces  noyaux  (fig.  4,  s,  r,  z,  y,  et  fig.  5, 
q,  r,  t,  z).  Ces  derniers  peuvent  être  deux  et  même  trois  lois  plus  gros  que  dans 
les  autres  leucocytes.  Tantôt  ils  sont  rapprochés  les  uns  des  autres  au  centre 
des  leucocytes  comme  à  l'ordinaire  (fig.  4,  r,  s,  v.  y,  et  fig.  5,  q,  r),  d'autres 
lois  ils  sont  diversement  disposés  plus  ou  moins  près  de  leur  surface  (fig.  3,  t, 
t,z,  r).  Dans  quelques  leucocytes  on  voit  un,  deux,  ou  la  totalité  de  ces  noyaux 
qui  sont  ovoïdes  au  lieu  d'être  sphériques  (fig.  4,  r,  s,  y,  et  fig.  5,  q,  t,  z). 

On  peut  trouver,  bien  qu'en  petit  nombre  et  assez  l'aremenf,  dans  divers  pus, 
tels  que  celui  de  séreuses  et  des  ganghons  lymphatiques,  des  leucocytes  granuleux 
qui  renferment  4,  5  et  jusqu'à  10  noyaux  tantôt  bien  visibles,  larges  de  3  à  5 
millièmes  de  millimètre  (fig.  5,  p),  tantôt  en  partie  masqués  par  les  granulations; 
ils  sont  alors  difficiles  à  bien  délimiter,  mais  paraissent  plus  larges  qu'ils  ne  sont 
réellement  [v,  v),  surtout  lorsqu'ils  sont  placés  au  centre  de  la  cellule. 

Parmi  les  autres  particularités  de  structure  que  peuvent  offrir  le;  leucocytes 
granuleux  du  pus,  il  faut  signaler  la  production,  assez  rare  du  reste,  d'une  ou 


2G2  LEUCOCYTE. 

de  plusieurs  gouttes  d'huile  dans  leur  épaisseur  (pL  II,  fig.  5,  ii).  La  coloration 
de  ces  gouttes  peut  être  plus  ou  moins  foncée,  et  lorsqu'il  y  eu  a  plusieurs  leur 
présence  change  notablement  l'aspect  des  leucocytes. 

Le  volume  des  granulations  produites  dans  les  leucocytes  peut  ne  pas  être  le 
même,  soit  d'un  leucocyte  devenu  granuleux  à  l'autre  dans  une  même  région, 
soit  d'une  parlie  du  corps  à  l'autre.  lien  est,  comme  parfois  dans  le  pus  des 
ganglions  lymphatiques,  etc.,  où  les  granulations  sont  volumhieuses  (fig.  b,j, 
y,  z)  et  donnent  aux  leucocytes  un  aspect  très-différent  de  celui  que  présentent 
ceux  de  ces  éléments  qui  ne  renferment  que  des  granulations  très-fines  (s,  f,  u, 
etc.).  Cet  aspect  varie  en  outre  selon  que  ces  granulations  sont  écartées  les  unes 
des  autres  ou  nombreuses  et  rapprochées.  (Comparez  les  figures  y,  z.) 

Il  est  une  autre  particularité  de  structure  importante  à  signaler,  bien  que  plus 
rare  que  les  précédentes.  Elle  s'observe  tantôt  dans  le  pus  concret  ou  demi-cou- 
cret  du  parenchyme  môme  des  poumons  (fig.  A,  u,  r,  y),  tantôt  dans  les  leucocytes 
de  quelques  tumeurs,  et  plus  rarement  dans  ceux  du  pus  liquide.  Elle  consiste 
en  ce  que  les  granulations  sont  accumulées  et  rapprochées  seulement  vers  le 
centre  de  la  cellule  où  elles  forment  un  amas  foncé  qui  se  trouve  entouré  d'une 
zone  incolore  ne  contenant  que  les  fines  granulations  propres  à  tous  les  leuco- 
cytes ;  la  transparence  de  cette  zone  qui  tranche  à  côté  de  la  teinte  foncée 
granuleuse  est  due  à  cette  disposition,  qui  donne  à  ces  leucocytes  un  aspect 
difféi'ent  des  autres. 

Il  est  quelques  régions  de  l'économie  où  les  leucocytes  deviennent  granuleux 
d'une  manière  tellement  constante  que  ceux  qui  se  sont  ainsi  modifiés  sont  plus 
nombreux  que  les  autres  et  doivent  être  mentionnés  spécialement  en  raison  de 
particularités  de  structure  qui  s'y  rencontrent  presque  constamment. 

Les  leucocytes  qui  naissent  dans  l'épaisseur  du  tissu  cérébral  enflammé  sont 
ordinairement  petits,  tantôt  pâles,  le  plus  souvent  assez  granuleux  et  foncés 
(pi.  III,  fig.  S,  g,  h,i),  généralement  sans  noyaux,  quelquefois  en  possédant  un 
{n,  n).  Il  n'est  pas  rare  de  les  voir  rendus  moins  transparents  par  les  granula- 
tions qui  se  produisent  dans  leur  épaisseur.  Ces  granulations  sont  quelquefois 
épai'ses  dans  le  corps  de  l'élément,  qu'il  soit  ou  non  hypertrophié  (fig.  9,  de  n-àz); 
mais  dans  ces  conditions  plus  fréquemment  que  dans  toute  autre  on  voit  des 
leucocytes  restés  très-petits,  non  hypertrophiés,  devenus  opaques  et  tout  à  fait 
granuleux,  offrant  tous  les  caractères  de  Vetat  granuleux  décrit  plus  haut  sauf 
le  volume  qui  est  demeuré  ce  qu'il  est  normalement  (pi.  III,  fig.  9,  a,  a,  h,  cl). 

La  plupart  pourtant  ont  subi  un  certain  degré  d'hypertrophie  (de  e  à  m)  et 
il  n'est  pas  rare  d'en  trouver  en  même  temps  un  certain  nombre  qui  sont  dé- 
fonnés  {y,  m,  y);  plus  souvent  aussi  que* dans  d'autres  régions  les  granulations 
sont  très-rapprochées  les  unes  des  autres,  peu  volumineuses  et  rendent  ces  élé- 
ments  très-opaques  (fig.  9,  de  /  à  jn,  et  fig.  8,  i,  m). 

Certains  des  leucocytes  qui  naissent  et  se  développent  dans  l'épaisseur  du  tissu 
des  tumeurs,  entre  leurs  fibres  et  leurs  cellules  et  qui  concourent  accessoire- 
ment à  former  leur  tissu  deviennent  aussi  granuleux  et  deux  à  trois  fois  plus 
larges  qu'à  l'ordinaire.  Dans  les  tumeurs  d'origine  glandulaire  de  la  pituitaire, 
etc. ,  ils  sont  parfois  assez  nombreux  pour  donner  à  quelques  parties  du  tissu 
une  coloration  jaunâtre.  Cette  couleur  tient  à  la  fois  à  leurs  granulations  grais- 
seuses qui  réfléchissent  la  lumière  en  lui  communiquant  cette  teinte  et  à  leur 
accumulation  en  quantité  assez  considérable  pour  former  des  amas  apercevablcs  ' 
à  l'œil  nu. 


LEUCOCYTE.  265 

Dans  le  colostnim  normal  et  dans  le  lait,  lorque  la  mamelle  est  endammée, 
les  leucocytes  devenus  granuleux  et  liypertrophiés,  déformés  ou  non  (pi.  111, 
fig.  1),  sont  toujours  plus  nombreux  que  ceux  qui  ont  conservé  leurs  caractères 
habituels  (tig.  1 ,  de  a  à  fc).  Si  pour  obtenir  le  liquide  ou  a  comprimé  la  glande, 
ou  peut  trouver  là  comme  dans  toute  autre  partie  du  corps  des  leucocytes  aux 
diverses  phases  de  leur  altération,  c'est-à-dire  granuleuse,  depuis  le  degré  où 
ils  ne  renferment  encore  que  quelques  granulations  {i,j,k,l,  ?/),  jusqu'à  celui 
OLi  ils  offrent  l'état  granuleux  qui  les  rend  opaques,  jaunâtres,  d'aspect  grenu, 
etc.  (de  oàî)). 

Les  granulations  des  leucocytes  arrivés  à  ce  degré  d'altération  sont  générale- 
ment petites,  très-rapprochées  les  unes  des  autres,  comprimées  réciproquement 
en  quelque  sorte  et  comme  un  peu  allongées  plutôt  qu'arrondies;  elles  rendent 
les  leucocytes  presque  tout  à  fait  opaques,  parce  qu'eu  raison  de  leur  petit  vo- 
lume et  de  leur  superposition,  leur  centre  brillant  ne  se  voit  plus  étant  masqué 
par  le  contour  des  autres  granules  (o,  o).  Cependaut,  chez  certains  sujets,  ou 
voit  un  grand  nombre  de  leucocytes  dont  presque  toutes  les  granulations  sont 
grosses,  c'est-à-dire  larges  de  2  à  4  mdlicmes  de  millimètre  [ii)  et  montrent  leur 
centre  brillant,  ce  qui  fait  paraître  moins  foncés  les  éléments  qui  les  renferment. 
Ces  granulations  sont  généralement  un  peu  irrégulières,  polyédriques.  Qu'elles 
soient  petites  ou  volumineuses,  de  volume  égal  ou  non,  elles  sont  habituellement 
distribuées  d'une  manière  uniforme  dans  toute  la  masse  de  la  cellule  (/,  /,  n,  o)  ; 
mais  on  trouve  un  petit  nombre  de  celles-ci  dans  lesquelles  les  granules  sont  accu- 
nmlés  d'vui  seul  côté  du  leucocyte,  taudis  que  le  reste  de  son  étendue  n'est  pas 
plus  granuleux  qu'à  l'état  normal  {m,  y). 

Lorsque  les  leucocytes  naissent  dans  les  conduits  mammaires,  il  en  est  qui  en- 
globent dans  leur  substance  des  gouttes  butyreuses  du  lait  [a,  b,  c,  cl,  e,  f, 
g,  k,  x).  Or  ces  leucocytes  peuvent  devenir  granuleux  comme  les  précédents.  Ils 
offrent  alors  un  et  quelquefois  plusieurs  globules  de  lait  dans  leur  épaisseur. 
Ceux-ci  tranchent  parleur  volume,  leur  centre  large,  brdlant,  d'aspect  homogène» 
et  par  leui' teinte  plus  claire,  sur  les  petites  dimensions  et  sur  la  teinte  jaunâtre 
foncée  des  granulations  habituelles  des  leucocytes.  Tantôt  ces  globules  de  lait 
sont  placés  vers  le  milieu  même  du  leucocyte,  granuleux  ou  non  (/,  s,  x),  tantôt 
ils  sont  contigus  à  leur  surface  (/,  ii,  v,  v)  ;  d'autres  fois  ils  sont  manifestement 
en  partie  saillants  hors  de  la  cellule,  en  partie  enclavés  dans  son  épaisseur  (r). 

Lorsque  des  leucocytes  englobent  plusieurs  corpuscules  du  lait  (pi.  III,  fig.  1,  d, 
f,  g),  des  granulations  graisseuses  viennent  à  se  produire  {k,l),  si  ces  dernières 
sont  toutes  ou  en  partie  d'un  volume  assez  considérable  {p,p,  q,  r),  il  n'est  pas 
toujours  possible  de  les  distinguer  avec  certitude  des  globules  de  lait  qu'elles 
entourent.  Les  plus  grosses  de  ces  granulations  (?/)  ont  en  efl'et  le  volimie  des 
plus  petits  globules  de  lait  {p.,p,  q,  r),  pourtant  on  remai'que  avec  un  peu  d'ha- 
bitude que  ceux-ci  sont  plus  pfdes,  à  centre  plus  large  et  plus  clair,  à  contour 
plus  net  etmoins  foncé  que  les  granulations  graisseuses  de  production  accidentelle. 
Déformation  et  autres  altérations  des  leucocytes.  Il  n'est  pas  rare  de  trou- 
ver des  leucocytes  déformés  d'une  manière  permanente.  Ce  sont  surtout  ceux  qui 
sont  à  la  fois  hypertrophiés  et  devenus  granuleux  qui  offrent  cette  altération. 
Tantôt  ils  sont  devenus  ovoïdes  (pi.  III,  fig.  1 ,  m,  f,  y),  tantôt  ds  tendent  à  prendre 
une  forme  irrégulière  ou  sont  resserrés  vers  le  milieu  [v,  v)  ;  d'autres  présentent 
une  sorte  de  prolongement  ou  d'expansion  latérale  conique  ou  d'une  autre  forme, 
gramdeuse  ou  non  (pi.  111,  fig.  9, y,  et  pi.  If,  fig.  5,  o,p,  q).  Ces  déformations 


2Gi  LEUCOCYTE, 

permanentes  peuvent  du  reste  être  observées  sur  des  leucocytes  qui  ne  sont  pas 
granuleux  (pi.  III,  fig.  6,  q,  et  pi.  II,  fig,  4,  x,  x)  ou  qui  ne  le  sont  que  dans 
une  petite  partie  de  leur  étendue  (5,  s). 

On  remarque  enfin  une  autre  altération  des  leucocytes  qui  bien  que  fort  rare 
méi'ite  d  être  signalée.  Elle  consiste  en  une  production  de  vacuoles  ou  excavations 
pleines  d'un  liquide  clair  et  limpide,  le  plus  souvent  sans  granulations  moléculaires 
(pi.  III,  fig.  6,  i,j,k,  l,s,  t).  C'est  surtout  dans  le  liquide  non  purulent  de  kystes 
ovariens,  ou  dans  la  sérosité  du  péritoine  produite  depuis  longtemps  que  s'observe 
cette  lésion.  Elle  n'est  pas  rare  dans  les  leucocytes  du  corps  vitré  cbez  les  adultes 
tant  à  l'état  normal  que  dans  le  glaucome.  Les  éléments  qui  la  présentent  n'of- 
frent habituellement  pas  de  noyau  et  restent  finement  granuleux.  D'autres  ne 
montrent  qu'une  excavation  ou  vacuole  centrale,  qui  selon  qu'elle  est  plus  ou 
moins  grande  détermine  une  augmentation  de  volume  du  leucocyte  pouvant  aller 
'lu  quart  au  quadruple  de  ses  dimensions  ordinaires  (/,  i,  k).  Dans  ces  der- 
nières circonstances  la  substance  du  leucocyte  est  réduite  à  une  mince  enveloppe 
finement  granuleuse  ou  non,  épaisse  de  1  à  3  millièmes  de  millimètre  (pi.  III, 
fig.  6,  k,  et  pi.  11,  fig.  4,  q,  q).  On  trouve  d'autres  leucocytes  creusés  de  2  à  5 
vacuoles  arrondies,  séparées  par  une  mince  épaisseur  de  la  substance  de  l'élé- 
ment anatomique  (pi.  lll,  fig.  6,  j,  s,  t),  et  quelquefois  un  peu  déformées  par 
oression  réciproque  (t).  Ces  vacuoles  transparentes  déterminent  un  changement 
tel  dans  le  volume  et  dans  l'aspect  extérieur  des  leucocytes,  qu'il  serait  impos- 
sible de  les  reconnaître  sans  l'emploi  de  l'acide  acétique  et  si  on  ne  trouvait 
tous  les  degrés  intermédiaires  entre  l'état  normal  et  les  phases  les  plus  avan- 
cées de  l'altération  {p,  q,  r,  l,s,j,  i,  k).  Il  est  remarquable  aussi  de  voir  que  très- 
souvent  ces  éléments  adhèrent  les  uns  aux  autres  tant  qu'on  les  examine  dans 

liquide  où  ils  se  sont  développés,  dans  l'humeur  vitrée  par  exemple  ;  mais 
une  fois  placés  dans  l'eau  ils  se  séparent,  comme  le  fout  habituellement  ces 
éléments. 

De  la  fin  des  leucocytes.  Une  fois  nés,  les  leucocytes  présentent  une  existence 
dont  la  durée  varie  d'une  région  ù  l'autre  de  l'économie.  Ceux  de  la  lymphe  en 
disparaissent  par  leur  passage  dans  le  sang.  On  ne  sait  encore  ce  que  deviennent 
■eux  qui  existent  dans  le  sang.  La  firéquence  et  la  facilité  avec  laquelle  se  mon- 
trent les  conditions  nécessaires  à  leur  hypergenèse  portent  à  soupçonner  qu'ils 
sont  susceptibles  de  s'atrophier  jusqu'à  disparition  complète  avec  aussi  peu  de 
difficulté  ;  car  le  retour  de  ces  éléments  à  leur  nombre  normal  est  aussi  prompt 
dans  certaines  circonstances  que  leur  multiplication.  On  ne  sauvait  nier  cette 
atrophie  jusqu'à  disparition  complète  dans  les  cas,  par  exemple,  ou  le  sang  après 
en  avoir  présenté  plus  qu'à  l'état  sain,  comme  on  le  voit  manifestement  dans  les 
cas  de  fièvre  puerpérale,  etc.,  revient  à  l'état  normal.  Seulement  les  phases  de 
ce  phénomène  sont  complètement  inconnues. 

Les  leucocytes  ont  été  considérés  comme  disparaissant  par  métamorphose  en 
hématies.  Mais  le  fait  n'est  aucunement  prouvé;  ni  les  phases  de  l'évolution  de 
l'une  et  de  l'autre  espèce  de  ces  éléments,  ni  le  mode  de  naissance  des  hématies 
ne  sont  eu  faveur  de  cette  hypothèse.  Les  hématies,  bien  qu'à  peu  près  incolores 
à  l'époque  de  leur  apparition  première  chez  l'embryon,  ne  ressemblent  en  rien 
aux  leucocytes  ;  d'abord  elles  naissent  avant  ces  derniers  dans  le  plasma  des 
vaisseaux  de  l'embryon,  et  de  plus  lors  de  leur  naissance  elles  n'offrent  ni  leurs 
granulations,  ni  leurs  expansions.  Enfin  leur  noyau  ne  présente  rien  de  semblable 
à  ce  que  nous  ont  montré  les  amas  nucléiformes  des  leucocytes  (page  25 i).  Cette 


LELiCOCVTIv  2fi5 

supposition  n'est  du  reste  qu'une  manière  illusoire  de  reculer  une  difficulté,  car 
il  faudrait  toujours  déterminer  le  mode  et  les  conditions  de  la  naissance  des  leu- 
cocytes. Or  les  conditions  de  la  naissante  des  hématies  dans  le  sérum  du  sang 
conservent  des  analogies  avec  les  conditions  de  la  naissance  des  leucocytes  dans 
les  réseaux  lymphatiques  ;  ou  en  d'autres  termes,  il  n'y  a  rien  de  plus  étonnant 
sous  le  rapport  des  conditions  de  la  geni!?sc  des  éléments  anatomiques,  de  voir 
naitre  des  hématies  dans  le  plasma  sanguin,  que  devoir  apparaître  les  leucocytes 
dans  le  plasma  de  la  lymphe,  ou  encore  les  éléments  divers  qui  naissent  succes- 
sivement de  toutes  pièces  dans  les  tissus  de  l'embryon,  dans  ceux  de  l'adulte  lors 
d'une  cicatrisation,  de  la  production  d'une  tumeur,  etc. 

Il  est  manifeste  que  cette  hypothèse  et  nombre  d'autres  de  ce  genre  n'ont  été 
suscitées  que  par  limpossibilité  de  se  rendre  compte  des  phénomènes  de  la 
genèse  des  leucocytes,  faute  de  connaître  l'ensemble  des  faits  relatifs  à  la  nais- 
sance des  éléments  anatomiques  en  général.  (Foy.  Élément.)  Il  est  probable  aussi 
qu'elle  n'eût  pas  été  émise  si  les  leucocjtes  avaient  préalablement  été  étudiés  sous 
les  trois  points  de  vue  de  leurs  états  embryonnaire,  adulte  et  pathologique  ;  si  la 
similitude  spécifique  des  leucocytes  du  sang,  des  séreuses,  des  muqueuses  et  du 
pus  eût  été  connue  ou  appréciée  à  sa  véritable  valeur. 

Les  faits  relatifs  à  l'atrophie  jusqu'à  disparition  complète  des  leucocytes  sont 
malheureusement  encore  trop  peu  connus  pour  qu'on  puisse  rien  dire  de  précis 
sur  la  durée  et  sur  le  mode  de  fin  de  ces  éléments  dans  les  cavités  séreuses,  dans 
l'épaisseur  des  tissus  solides,  tels  que  le  tissu  cérébral,  certaines  tumeurs,  etc. 
Rien  n'en  prouve  l'impossibilité,  seulement  les  conditions  de  cette  atrophie 
semblent  se  rencontrer  rarement,  et  être  plus  difficiles  à  obtenir  que  celles  de 
leur  multiplication. 

Les  leucocytes  des  muqueuses  et  des  conduits  des  parenchymes  glandulaires  et 
autres  séjournent  peu  de  temps  dans  l'économie  après  leur  naissance  et  sont  ex- 
pulsés avec  les  mucus,  etc.  Ceux  du  pus  et  des  liquides  purulents  disparaissent 
de  l'économie  lorsque  ces  liquides  sont  évacués  naturellement  ou  chirurgicale- 
ment  pour  se  détruire  au  dehors  par  putréfaction.  Mais  il  est  des  observations 
pathologiques  qui  prouvent  que  du  pus  peut  disparaître  complètement,  que  des 
collections  purulentes  peuvent  être  résorbées  plus  ou  moins  rapidement.  Il  est 
certain  que  dans  ces  conditions  les  leucocytes  s'atrophient  peu  à  peu  jusqu'à 
disparition  complète,  seulement  les  phases  du  phénomène  sont  inconnues.  Toute- 
fois les  faits  que  nous  avons  signalés  plus  haut  (page  244)  touchant  les 
leucocytes  du  pus  concret  des  os  marquent  peut-être  certaines  de  ces  pé- 
riodes. 

Les  phénomènes  particuliers  de  la  nutrition  des  leucocytes  sont  peu  connus. 
Quels  sont  les  principes  qui  pénètrent  dans  leur  substance,  quels  sont  ceux  qui  se 
forment  pas  assimilation  ou  désassimilation,  et  quels  sont  ceux  de  ces  derniers 
qui  en  sortent  pendant  leur  rénovation  moléculaire  nutritive  ?  On  ne  saurait  le 
dire  à  l'époque  actuelle  d'une  manière  un  peu  exacte,  faute  de  connaissances  assez 
précises  sur  leur  composition  immédiate. 

De  leur  étude  ressort  pourtant  à  cet  égard  un  fait  important  et  qui  le  deviendra 
beaucoup  plus  encore  s'il  est  reconnu  comme  s'appliquant  à  tous  les  éléments 
anatomiques,  ce  que  tout  porte  à  croire.  C'est  que,  lorsqu'ils  deviennent  granu- 
leux, les  corpuscules  graisseux  qui  modifient  leur  structure  se  produisent  bien 
dans  leur  épaisseur,  à  l'aide  des  principes  qu'ils  empruntent  aux  blastèmes  par 
endosmose  assiniilalrice,  et  ne  résultent  point  d'un  passage  à  l'état  graisseux 


266  LEUCOCYTE. 

par  changement  d'état  s}  cciilque  des  principes  mêmes  albumiuoïdes  ou  autres 
qui  composent  leur  substance  à  l'état  normal. 

Nous  avons  tu  eu  effet,  qu'à  mesure  que  les  granulations  augmentent  de 
nombre  dans  les  leucocytes,  ceux-ci  augmentent  de  volume,  sont  en  quelque  sorte 
distendus  par  les  granulations  qui  se  forment  dans  leur  épaisseur,  et  cela  au 
point  que  souvent  les  granulations  soulèvent  la  surface  de  la  cellule,  la  ren- 
dent mamelonnée,  framboisée,  en  faisant  saillie  au  dehors  (pi.  11,  tig.  5,  g).  Du 
reste  on  observe  l'hypertrophie  sans  production  de  granulations  graisseuses  (pi.  H, 
fig,  5,  r,  r,  et  fig.  4,  x,  v) ,  et  la  produclion  de  granulations  graisseuses  sans  hyper- 
trophie (pl.lll,fig.  4,j,  et  fig,  6,  a,  (^,p, 5,1),  w)  ;  mais  celle-ci  est  plus  fréquente 
que  celle-là  ;  eu  outre  l'état  granuleux  se  complique  si  habituellement  d'hyper- 
trophie qu'on  ne  saurait  s'empêcher  de  voir  dans  cette  dernière  une  conséquence 
habituelle  aussi  de  l'altération  granuleuse,  plutôt  que  de  regarder  l'état  granu- 
leux comme  une  complication  de  l'hypertrophie  par  passage  à  l'état  graisseux  de 
la  matière  de  l'élément  hypertrophié. 

La  [irésence  constante  des  leucocytes  contre  la  face  interne  des  vaisseaux  ca- 
pillaires, oi!i  ils  forment  souvent  des  couches  d'une  certaine  étendue,  porte  à 
croire  qu'ils  jouent  uu  rôle  j^elatif  soit  à  quelque  modification  des  principes  qui 
arrivent  au  plasma  et  qui  les  traversent  lorsqu'ils  sont  appliqués  contre  les  pa- 
rois, soit  à  quelque  changement  dans  la  nature  de  ceux  qui  sortent  du  plasma 
pour  être  assimilés  ou  pour  servir  aux  sécrétions.  Mais  on  ne  peut  encore  à  cet 
égard  que  faire  des  hypothèses. 

Hypothèses  sur  l'origine  des  leucocytes.  Il  est  peu  d'éléments  à  l'histoire 
desquels  se  rattache  l'examen  d'un  plus  grand  nombre  de  questions  d'anatoinie 
et  de  physiologie  cru'à  celle  des  leucocytes.  11  en  est  ainsi  du  reste,  comme  on 
le  comprend  facilement,  de  tous  les  éléments  anatomiques  remplissant  un  rôle 
spécial  qui  demeure  encore  mal  déterminé.  Ils  deviennent  alors  le  point  d'appui 
de  toutes  les  hypothèses  de  ceux  encore  si  nombreux  qui,  dans  les  sciences,  con- 
fondant les  explications  basées  sur  des  vues  subjectives  avec  les  démonstrations 
objectives  et  inductives,  ne  se  lassent  jamais  de  multipher  les  premières.  En 
lisant  l'énoncé  de  toutes  les  hypothèses  qui  ont  été  émises  concernant  l'origine 
des  leucocytes  d'une  part  et  ce  qu'ils  deviennent  ensuite  d'autre  part,  il  sera 
facile  en  effet  de  voir  que  l'admission  de  chacune  de  ces  suppositions  explique 
bien  chacune  des  difficultés  pour  la  solution  de  laquelle  elle  a  été  faite,  mais  ne 
démontre  rien. 

1°  La  plus  ancienne  des  vues  émises  sur  l'origine  et  la  fin  des  leucocytes  est 
celle  de  J{.  Donné  {Comptes  rendus  de  VAc.  des  sciences,  1842,  t.  XIV,  p.  366, 
et  Cours  de  microscopie,  Paris,  \Wl,  in-8°,  p.  87),  déjà  ébauchée  du  reste  par 
Nasse  et  par  Schultze  en  1836,  qui,  sans  se  préoccuper  du  mode  de  production 
des  globulins,  consiste  à  les  considérer  comme  les  premiers  rudiments  des  glo- 
bules blancs,  ceux-ci  comme  intermédiaires  aux  globulins  et  aux  globules  rouges, 
en  lesquels  se  transformeraient  normalement  les  globules  blancs,  sous  l'inOuence 
élaboratrice  de  la  rate;  glande  dont  les  capillaires  contiennent  plus  de  globules 
blancs  à  tous  les  degrés  de  formation  et  de  développement  que  toutes  les  autres 
parties,  et  qui  est  Vorgane  véritable  de  cette  importante  fonction,  le  labora- 
toire oii  s'opère  cette  transmutation  (Donné,  p.  98  et  100);  d'où  la  surabon- 
dance des  globules  blancs  dans  le  sang  des  individus  cachectiques  comme  résul- 
tat naturel  d'un  arrêt  de  développement  dans  ces  particules  transitoires,  (Donné, 
p.  156.) 


LEUCOCYTE,  267 

Dans  l'hypothèse  précédente,  la  question  du  mode  de  génération  des  globulins 
destinés  à  se  transformer  en  globules  blancs  complets  n'est  pas  résolue,  et  à  cet 
égard  la  difficulté  n'est  que  reculée.  Quant  à  l'hypothèse  de  la  transmutation  de 
ces  derniers  en  globules  rouges  opérée  par  la  rate,  elle  est  en  contradiction  tor- 
melle  avec  les  données  de  l'observation  anatomique  et  de  la  physiologie  normale 
et  pathologique. 

D'une  part  les  hématies  naissent  dans  l'aire  vasculaire  de  l'embryon  des  verté- 
brés avant  les  leucocytes,  et  en  naissant  ces  éléments  offrent  dès  l'origine  un  on 
deux  noyaux  visibles  avant  l'action  de  l'eau  et  de  l'acide  acétique,  et  ne  pouvant 
être  confondus  avec  ceux  que  l'eau  et  l'acide  acétique  font  apparaître  dans  les 
leucocytes.  A  cet  égard,  on  ne  peut  trouver  ni  dans  l'aire  vasculaire,  ni  dans  la 
rate,  des  transitions  entre  les  leucocytes  et  les  hématies  embryonnaires  à  un  ou 
deux  noj'aux  qui  se  rencontrent  chez  tous  les  mammifères  pendant  le  premier 
tiers  de  la  vie  intra-utérine.  D'autre  part  les  leucocytes,  aussi  bien  que  les  liématies, 
existent  abondamment  dans  le  sang  des  embryons  pendant  une  période  relative- 
ment assez  longue  de  l'évolution,  avant  qu'ait  lieu  la  première  apparition  de  l'or- 
gane s{  lénique.  Enfin  les  cyclostomes,  poissons  dont  le  sang  est  le  plus  riche  en 
globules  rouges,  qui  môme  sont  circulaires  et  biconcaves  comme  chez  l'homme,  etc., 
restent  dépourvus  de  rate  pendant  toute  leur  vie  sans  que  leurs  leucocytes  soient 
sensiblement  ni  plus  ni  moins  nombreux  que  dans  les  autres  poissons.  11  n'est 
pas  inutile  d'ajouter  que  chez  l'homme  et  les  chiens  auxquels  on  a  enlevé  la  rate 
les  globules  rouges  et  les  globules  blancs  continuent  à  exister  dans  les  mêmes 
proportions  qu'avant  cette  opération,  ainsi  que  je  m'en  suis  assuré  par  un  exa- 
men direct  sur  un  chien. 

Ce  qui  précède  montre  nettement  qu'on  ne  saurait  à  aucun  titre  considérer  les 
leucocytes  comme  disparaissant  dans  la  rate  par  transmutation  en  hématies,  puis- 
que ces  éléments  apparaissent  l'un  et  l'autre  et  continuent  à  exister  dans  les 
mêmes  proportions,  quelle  qne  soit  celle  des  conditions  normales  ou  accidentelles 
dans  lesquelles  on  voit  des  animaux  vivre  sans  cet  organe. 

2"  Il  est  aisé  de  voir  que  ces  données  anatomiques  et  physiologiques  infirment 
avec  tout  autant  de  rigueur  l'hypothèse  d'après  laquelle  la  rate  aurait  pour  fonction 
■physiologique  non  plus  la  transmutation  des  globules  blancs  en  globules  rouges, 
mais  de  donner  naissance  aux  globules  blancs.  (KoUiker,  Histologie,  Paris,  1856, 
p.  505.)  Ici  j'ajoute  encore  cette  particulaiité  que  les  mollusques  et  les  articulés 
qui  n'ont  pour  éléments  anatomiques  en  suspension  dans  leur  sang  que  des  leu- 
cocytes sont  dépourvus  de  rate  comme  les  poissons  cyclostomes. 

5"  A  côté  des  hypothèses  précédentes  vient  se  placer  celle  de  Virchow,  Briicke, 
Doaders,  Bennet,  Kœllikeret  autres  auteurs,  qui  admettent  que  h  principale  fonc- 
tion des  glandes  lijinphaticjues  consiste  à  former  la  grande  majorité  des  corpus- 
cules du  chyle  et  de  la  lymphe.  (Kolhker,  loc.  cit.,^.  635.)  Ici  encore  il  faut  no- 
ter que  les  leucocytes  existent  dans  le  sang  des  embryons  avant  que  des  ganglions 
lymphatiques  soient  formés,  indépendamment  de  ce  qu'on  en  trouve  tant  dans 
la  lymphe  que  dans  le  s:mg  des  oiseaux,  des  reptiles,  des  batraciens  et  des  pois- 
sons, qui  pourtant  sont  dépourvus  de  tout  ganglion  lymphatique.  Ce  fait  doit  être 
rapproché  de  cet  autre  que  des  leucocytes  de  dimensions  diverses,  mais  présentant 
tous  des  expansions  sarcodiqucs,  etc.,  existent  déjà  aussi  abondamment  dans  la 
lymphe  des  conduits  qui  n'ont  pas  encore  atteint  les  ganglions  que  dans  les  vais- 
seaux efférents  de  ces  derniers.  C'est  ce  dont  il  est  facile  de  s'assurer  eu  com- 
parant le  liquide  recueilli  dans  les  lym]ihatiques  du  cordon  testiculaire  des  che- 


268  LEUCOCYTE. 

vaux  qui  viennent  d'être  tués  à  celui  des  lymphatiques  du  bassin.  On  peut  le 
constater  nettement  aussi  dans  les  cas  de  fistule  lymphatique  du  pied,  de  la 
jambe  et  de  la  cuisse,  ainsi  que  j'ai  eu  occasion  de  le  faire  à  plusieurs 
reprises. 

I  Quelques  auteurs  admettent  implicitement  ou  explicitement  que  les  leucocytes 
que  l'on  dit  tomber  tout  formés  de  la  trame  de  la  glande  dans  les  conduits  lym- 
phatiques, ne  sont  autres  que  les  épithéliums  de  cette  trame,  ou  si  l'on  veut  que 
les  globules  de  cette  trame,  qui  cependant  ont  tous  les  caractères  des  épithéliums, 
ne  seraient  autres  que  des  leucocytes.  Mais  nous  savons  déjà  que  les  réactions  chi- 
miques et  Ils  manières  de  se  modifier  normalement  ou  accidentellement  jiropres 
à  ces  divers  éléments  ne  permettent  pas  de  prendre  les  épithéliums  nucléaires  du 
parenchyme  ganglionnaire  ni  du  parenchyme  splénique  pour  des  leucocytes, 
malgré  quelques  analogies  dans  l'aspect  extérieur.  Or,  comme  indépendamment 
de  ces  faits  les  fauteurs  de  ces  hypothèses  ne  s'exphquent  pas  sur  la  manière  dont 
les  glandes  lymphatiques  ou  la  rate  forment  ces  épithéliums  nucléaires,  ces  sup- 
positions ne  sont  manifestement  qu'un  moyen  de  reculer  la  difficulté  d'une  ma- 
nière illusoire,  c'est-à-dire  sans  la  résoudre. 

4°  Les  leucocytes  du  mucus  et  du  pus  ont  aussi  été  considérés  par  quelques 
auteurs  comme  des  cellules  épithéliales  à  un  état  anormal  partiaiUer  de  déve- 
loppement (Henle  et  autres  anatomistes),  'comme  des  cellules  épithéliales  d'un 
âge  différent  de  celui  des  autres  cellules  (Virchow,  1847-1858,  etc.),  et  par 
plusieurs  médecins  comme  une  provenance  du  noyau  des  cellules  épithéliales  ve- 
nant à  proliférer  par  scission  continue. 

Il  est  inutile  de  revenir  ici  sur  les  faits  mentionnés  plus  haut  (p.  252)  qui 
infirment  de  la  manière  la  plus  formelle  cette  hypothèse  quant  à  la  transformation 
des  noyaux  d'épithélium  (et  aussi  des  cellules)  en  leucocytes.  Mais  il  ne  le  sera  pas 
de  rappeler  les  différences  qui,  à  la  surface  des  muqueuses,  des  séreuses  et  de  la 
peau  séparent  les  modes  de  naissance  des  cellules  épithéliales  et  des  leucocytes. 
Lors  de  la  naissance  des  cellules  épithéliales,  le  noyau  apparaît  le  premier,  large 
de  4  à  5  millièmes  de  millimètre,  pâle,  homogène,  à  peine  gi^enu  à  l'état  frais  et 
devenant  finement  granuleux  dans  l'état  cadavérique.  C'est  ensuite,  lorsque  s'est 
produite  entre  ces  noyaux  une  certaine  quantité  de  substance  amorphe  homogène, 
finement  grenue,  que  celle-ci  se  divise  entre  les  noyaux  par  formation  de  plans 
de  scission  qui  se  rencontrent  sous  des  angles  divers  ;  elle  se  trouve  ainsi  par- 
tagée en  autant  de  cellules  ayant  un  noyau  central  qu'il  y  a  de  noyaux,  sauf  le 
cas  oîi  la  segmentation  embrasse  plusieurs  noyaux  comme  centre  dans  une  seule 
cellule.  Chacune  de  ces  cellules  étant  ainsi  individualisée,  le  noyau  qu'elle  ren- 
lerme  grandit  ensuite,  soit  en  conservant  la  forme  cellulaire  polyédrique  origi- 
nelle, soit  en  prenant  les  formes  lamellaires  ou  prismatiques.  Lors  de  la  généra- 
tion des  leucocytes,  au  contraire,  à  la  surface  de  la  peau,  des  muqueuses,  des 
séreuses,  comme  dans  l'épaisseur  des  tissus,  le  corps  de  la  cellule  lui-même  est, 
au  moment  de  son  apparition,  plus  petit  que  le  noyau  naissant  des  cellules  épi- 
théliales. Large  de  3  à  4  millièmes  de  millimètre,  il  est  dès  cette  époque  atta- 
quable par  l'acide  acétique  comme  plus  tard,  alors  que  les  noyaux  d'épithélium 
ne  le  sont  pas,  ni  au  moment  où  ils  apparaissent  ni  plus  tard.  Comme  pour 
les  leucocytes,  de  q\ielque  provenance  et  de  quelque  degré  de  développement  que 
ce  soit,  étudiés  avant  leurs  modifications  cadavériques,  le  noyau  ou  les  noyaux 
qu'ils  présentent  ne  sont  que  le  résultat  de  l'action  des  réactifs,  et  leur  nombre 
varie  selon  qu'on  emploie  l'eau  ou  l'acide  acétique.    (Voyez  ci-dessus   p.  255  et 


LEUCOCYTE.  2C0 

Ch.  l{ijhm,Surranatomieet  la  physiologie  des  leucocytes.  Iii  Journal  de  la  phy- 
siologie, Paris,  ISaDjin-S",  p.  56.) 

6°  L'examen  direct  des  phénomènes  de  la  genèse  des  leucocytes,  de  leurs  réac- 
tions, du  mode  de  formation  de  leurs  noyaux,  ne  permet  pas  non  plus  d'admettre 
que  dans  l'épaisseur  des  tissus  enflammés  les  globules  du  pus  puissent  naître  par 
une  division  prolifiante  des  noyaux  embryo-plastiques  (dits  corpuscules  du  tissu 
conjouctif  ou  cellulaire),  amenant  la  production  de  cellules  rondes,  d'abord  à  un 
seul  noyau,  puis  à  plusieurs  noyaux  (Vircliow,  1855),  de  môme  que  de  ces  mêmes 
noyaux  du  tissu  cellulaire  proviendraient  dans  d'autres  conditions  d'irritation 
formatrice,  soit  les  noyaux  des  tubercules,  soit  des  épithéliums  des  tumeurs. 
Déjà  nous  avons  vu,  du  reste  {voy.  Lamineux  [tissai],  p.  257),  que  dans  les 
cas  où  la  scission  des  noyaux  de  cette  espèce  a  réellement  lieu,  ce  sont  toujours 
des  noyaux  de  même  espèce  et  bientôt  semblables  à  leurs  antécédents,  qui  ré- 
sultent de  ce  phénomène.  Là  on  rencontre  des  noyaux  qui  ont  été  surpris  en 
quelque  sorte  à  telle  ou  telle  des  phases  de  leur  division  et  qui  en  montrent 
ainsi  toutes  les  périodes.  Or,  indépendamment  des  différences  de  forme,  de  teinte 
et  d'état  granuleux  qui  permettent  déjà  de  distinguer  les  leucocytes  des  noyaux 
embryo-plastiques  de  même  volume  récemment  nés,  on  peut  coustaler  aisé- 
ment que  jamais  ces  derniers  noyaux,  attenant  encore  ù  leurs  antécédents  ou  en 
étant  déjà  séparés,  ne  présentent  au  contact  de  l'eau  et  de  l'acide  acétique  l'une 
quelconque  des  modifications  que  ces  agents  font  subir  aux  leucocytes,  quelque 
petits  qu'ils  soient.  Us  ne  cessent  au  contraire  d'offrir  la  résistance  à  leur  ac- 
tion, qui  est  un  de  leurs  caractères  essentiels  à  toutes  les  périodes  de  leur  exi- 
stence; en  sorte  qu'il  est  impossible  de  saisir  une  période  de  transition  métamor- 
phique quelconque  des  noyaux  embryo-plastiques  naissant  ou  déjà  individuahsés 
passant  à  l'état  de  cellules  sphériques,  douées  de  mouvements  sarcodiques,  gon- 
flées et  rendues  transparentes  par  l'acide  acétique  avec  production  de  noyaux, 
différents  selon  que  l'on  use  de  tel  ou  tel  de  ces  deux  réactifs. 

Ces  données  infirment  aussi  nécessairement  l'hypothèse  d'après  laquelle  les 
globules  du  pus  dans  l'épaisseur  des  tissus  seraient  formés  par  suite  d'une  mul 
tiplication  des  noyaux  de  la  tunique  adventice  ou  lamineuse  des  capillaires  dans 
les  cas  d'inflammation  ;  par  suite  d'une  scission  avec  métamorphose  du  noyau  des 
cellules  épithéliales  des  séreuses  ou  des  muqueuses  enflammées,  etc. 

1°  A  la  suite  des  hypothèses  précédentes  qui  sont,  ou  contradictoires  les  unes 
par  rapport  aux  autres,  ou  qui,  si  on  les  admet  toutes  partiellement,  attribuent  à 
un  seul  élément  une  paternité  tellement  multiple  qu'elle  n'offre  plus  rien  de  lé- 
gitime, il  faut  encore  ranger  les  suivantes  : 

On  sait  que  Home,  MM.  Gendrin,  Andral  et  autres  savants  avaient  admis  que, 
dans  l'inflammation,  les  globules  rouges  du  sang  sortant  des  vaisseaux,  soit  par 
des  pores,  soit  par  rupture,  se  transformaient  en  globules  du  pus.  A  côté  de  ces 
vues  c|ue  contredit  l'observation,  il  faut  ranger  celles  de  Conheim  ;  placé  à  un  autre 
point  de  vue  que  celui  qui  nous  occupe,  et  par  suite,  en  dehors  de  toutes  consi- 
dérations sur  le  mode  de  formation  première  des  globules  blancs  du  sang,  il  con- 
sidère ceux  du  pus  comme  n'étant  autres  que  ces  derniers,  sortis  des  vaisseaux  et 
s'accumulant  graduellement.  Il  est  en  effet  parfaitement  vrai  que,  ainsi  que  l'a  vu 
cet  observateur  et  d'autres  après  lui,  on  peut,  dans  certaines  conditions  expéri- 
mentales  voir  soit  des  globules  blancs,  soit  des  globules  rouges  du  sang  (Stricker, 
Prussac)  sortir  de  la  cavité  dès  capillaires  les  plus  petits  des  grenouilles,  eu 
traversant  leur  paroi,   sans  qu'il  y  ait  rupture  de  celle-ci  sur  toute  sa  circon- 


270  LEUCOCYTE. 

férence,  ni  sur  une  grande  longueur.  Mais  rien  n'autorise  à  conclure  de  là  que 
c'est  directement  du  sang  que  viennent  delà  sorte  les  leucocytes  du  pus  des  abcès, 
des  sérosités  purulentes,  des  pustules  varioliques  ou  autres,  etc. 

En  effet,  quoi  qu'en  aient  dit  quelques  auteurs  tels  que  Conbeira,  Keber  et  au- 
tres, les  capillaires  ne  sont  nullement  percés  de  ces  pores  ou  ostioles  qui  laisse- 
raient ainsi  sortir  les  leucocytes  plus  gros  que  les  globules  rouges,  à  l'exclusion 
de  ceux-ci,  et  cela  dans  certaines  conditions  seulement,  telles  que  l'inflammation 
ainsi  qu'on  le  suppose,  et  quelques  conditions  expérimentales.  Il  est  parfaitement 
vrai  qu'au  niveau  des  angles  de  réunion  des  cellules,  dans  certains  endroits  éloi- 
gnés les  uns  des  autres,  sur  la  couche  épitliéUale  des    séreuses,  de  l'endocarde, 
des  gros  vaisseaux,  etc.,  on  voit  ces  cellules  écartées  par  suite  de  la  forme  arrondie 
de  ces  glandes,  de  manière  à  limiter  un  espace  ou  orifice  stomatique.  Mais  indé- 
pendamment de  ce  que  ce  fait  ne  s'observe  pas  sur  les  plus  petits  capillaires,  il 
importe  de  faire  remarquer  qu'il  ne  se  voit  jamais  sur  les  lambeaux  d'épithélium 
frais,  des  séreuses,  de  l'endocarde,  etc.,   tandis  qu'il  apparaît,   sur  ces  mêmes 
lambeaux  après  qu'ils  ont  séjourné  dans  la  solution  étendre  d'azotate  d'argent. 
Du  reste,  il  est  facile  de  voir  que  ces  dispositions  sont  trop  peu  répandues  sur  les 
couches  épithéliales  examinées,  quelles   qu'elles   soient,  pour  que,  dans  le  cas 
même  où  elles  ne  seraient  pas  le  résultat  de  l'influence  des  réactifs,  il  fût  possible 
de  les  considérer  comme  pouvant  remplir  le  rôle  qu'on  leur  fait  jouer,  de  manière 
à  rendre  compte  des  phénomènes  qu'on  cherche  à  exphquer  à  leur  aide. 

A  ces  faits  dont  l'importance  ne  saurait  être  niée,  il  faut  ajouter  qu'il  est  mani- 
fesle  que  ce  n'est  pas  d'une  issue  de  ce  genre  que  proviennent  les  leucocytes  des 
abcès  de  la  cornée,  non  plus  que  ceux  du  pus  des  pustules  varioliques,  vaccinales 
et  autres  qui,  logés  dans  un  dédoublement  épidermique,  restent  sépai'ées  du  derme 
par  une  couche  relativement  épaisse  d'épiderme.  Enfin,  il  est  évident  que  si  telle 
était  rorigine  des  leucocytes  du  pus  en  général,  c'est-à-dire  que  s'ils  provenaient 
de  ceux  du  sang  qui  sortiraient  tout  formés  par  des  orifices  préexistants,  et  cela 
dans  les  points  enflammés  seulement,  bien  que  ces  orifices  soient  regardés  comme 
existant  partout,  il  est  évident,  dis-jc,  que  ces  éléments  seraient  tous,  ou  du 
moins  presque  tous,  d'égales  dimensions  ;  ou  du  moins  les  leucocytes  de  petit 
volume  ne  sez\aient  pas  plus  nombreux  que  les  globulins  du  sang.  Or  il  est  aisé 
de  constater  qu'il  n'en  est  pas  ainsi,  et  que  le  pus  qui  commence  à  se  former  dans 
la  profondeur  des  tissus,  à  la  surface  de  la  peau  ou  d'une  autre  plaie,  contient 
beaucoup  plus  de  leucocytes  encore  très-petits  que  quelques  heures  ou  quelques 
jours  plus  tard,  époque  à  laquelle  on  observe  l'inverse. 

Hypothèses  sur  le  rôle  rempli  par  les  leucocytes.  Nous  savons  que  chacune 
des  espèces  des  éléments  anatomiques  qui  ne  sont  pas  doués  de  propriétés  de  la 
vie  animale,  remplit  pourtant  aussi  un  rôle  spécial  dans  l'économie  par  suite  d'un 
certain  degré  de  développement,  en  excès  par  rapport  aux  autres  espèces  d'élé* 
ments  anatomiques,  de  quelqu'une  de  leurs  propriétés  ;  et  cela  soit  de  leurs 
•  propriétés  physiques  comme  la  ténacité  (libres  tendineuses,  os,  cartilages,  etc.), 
ou  l'élasticité  (libres  élastiques),  soit  de  leurs  propriétés  d'ordre  organique 
végétatives,  comme  par  exeinple  un  excès  dans  la  propriété  d'assimiler,  ou  au 
contraire  de  désassimiler  tel  principe  immédiat  à  l'exclusion  de  certains  autres; 
c'est  de  cette  manière  qu'elles  sont  appelées  à  jouer  im  rôle  dans  les  actes 
d'absorption  ou  de  sécrétion,  dans  la  nutrition  ou  l'évolution  générale  de  l'éco- 
nomie organique,  etc.  Or,  ce  rôle  particulier  qui  est  déterminé  pour  quelques  es- 
pèces d'éléments  anatomiques  ayant  forme  de  cellules,  tels  que  les  épithéliums,  les 


LEUCOCYTE.  271 

globules  rouges  du  sang,  etc.,  ne  l'est  pas  encore  nettement  pour  les  leucocytes. 

Aussi,  voit-on  ce  fait,  commun  en  pareille  circonstance,  que  les  hypothèses  émises 
sur  la  nature  du  rôle  physiologique  rempli  par  les  leucocytes,  pour  être  niouis 
nombreuses  que  celles  qui  concernent  leur  origine,  ne  sont  pas  moins  singuUères. 

Nous  n'avons  pas  à  revenir  sur  la  plus  ancienne  de  ces  hypothèses,  dans  la- 
quelle les  leucocytes  étaient  considérés  comme  des  globules  rouges  du  sang  eu 
\oie  de  développement,  ou  du  moins  susceptibles  de  se  transformer  en  éléments 
de  cette  dernière  espèce,  dans  les  vertébrés  seulement,  et  encore  dans  le  système 
circulatoire  sanguin  seul,  avec  ou  sans  l'intermédiaire  de  la  rate,  mais  non  dans 
le  pus,  les  mucus,  les  sérosités,  etc.  Il  suffit  de  rappeler  cette  hypothèse,  qui  au- 
jourd'hui n'est  plus  admise,  pour  faire  comprendre  d'avance  quelle  peut  être  la 
valeur  de  celles  qu'on  lui  a  substituées. 

Dans  ces  nouvelles  hypothèses,  en  effet,  le  rôle  des  leucocytes  au  sein  des  hu- 
meurs  précédentes  ou  même  dans  le  sang,  ne  se  trouve  pas  indiqué  pour  ce  qui 
touche  les  conditions  habituelles  de  leur  existence,  ou  ils  sont  regardés  comme 
des  cellules  destinées  à  un  développement  ultérieur,  mais  restant  indifférentes 
jusqu'à  ce  qu'ait  lieu  ce  développement;  et  ce  dernier  offre  cela  de  singuher,  qiril 
n'a  lieu  qu'eu  cas  d'accident,  bien  que  les  éléments  existent  normalement  d'une 
manière  permanente. 

Le  passage  suivant  de  Billroth  résume  du  reste  très-bien  la  nature  des  vues  ad- 
mises en  Allemagne,  concurremment  ou  non  avec  celles  qui  ont  été  exposées  dans 
ce  qui  précède. 

«  Il  n'en  est  pas  moins  avéré,  dit-il,  que  les  cellules  blanches  viennent  du  sys- 
tème lymphatique,  et  que  là,  elles  naissent  en  partie  des  gangUons,  et  en  partie 
du  tissu  conjonctif;  ce  sont  des  cellules  dont  la  plupart  dérivent  assez  directement 
des  cellules  de  tissu  conjonctif.  La  preuve  qu'elles  portent  en  elles  le  germe  d'un 
développement  ultérieur,  c'est  que  leurs  noyaux  se  partagerit  pendant,  que  les 
cellules  sont  entraînées  dans  le  torrent  de  la  circulation,  car  il  n'est  pas  rare  de 
trouver  des  ce Wu/es  incolores  à  deux,  à  trois  et  à  quatre  noyaux.  Cette  scission 
des  noyaux  peut  bien,  dans  des  conditions  physiologiques,  préparer  la  désagréga- 
tion de  la  cellule  ;  mais  si  le  sang  vient  à  s'ai'rèter  avec  ces  cellules,  et  si  le  caillot 
se  trouve  dans  des  conditions  favorables  à  la  nutrition,  les  corpuscules  incolores 
du  sang  subissent  une  transformation  ultérieure,  dans  le  cas  présent  en  cellules 
fusiformes,  et  la  fibrine  devient  de  la  substance  conjonctive  fibreuse.  »  (Billroth. 
Éicments  de  pathologie  chirurgicale  générale,  ^dîh,  1868,  in-S'^,  trad.  française, 
p.  154-155.) 

Or,  déjà  nous  avons  vu  que  nul  des  éléments  anatomiques  qui  commencent  par 
l'état  de  cellules  et  offrent  des  phénomènes  réguliers  de  développement  ulté- 
rieur, comme  les  libres  élastiques,  les  fibres  kmineuses,  les  vésicules  adipeuses, 
etc.,  ne  commencent  à  avoir  des  caractères  qui  permettent  de  les  laisser  prendre 
pour  des  leucocytes.  Nous  savons  aussi  que  la  présence  de  deux  à  quatre  noyaux 
dans  les  leucocytes  est  ou  le  fait  d'une  altération  cadavérique  ou  le  résultat  de 
l'inlluence  de  divers  réactifs,  et  que,  par  conséquent,  elle  n'indique  ni  la  désagré- 
gation physiologique  de  ces  éléments,  ni  leur  prohfication  active  comme  le  suppo- 
sent au  contraire  quelques  auteurs.  Mais  le  mode  de  génération  des  fibres  lami- 
neuscs  tant  sur  l'embryon  que  dans  la  régénération  de  divers  tissus,  leur  passage 
par  l'état  de  corps  libro-plastiques,  fusiformes  ou  étoiles,  précédant  l'apparition 
des  libres  ou  filaments  représentant  l'élément  anatomique  complètement  déve- 
loppé, sont  autant  de  faits  qui  ne  permettent  jamais  d'admettre  que  précisément 


272  LEUCOCYTE 

dans  le  cas  de  coagulation  du  sang,  ce  sont  des  éléments  de  celui-ci,  les  leuco- 
cytes, qui  se  transformeraient  ainsi  en  éléments  qui  normalement  naissent  et  se 
développent  d'une  manière  tout  autre. 

Rien  déplus  aisé  à  constater  que,  ni  durant  la  formation  des  cicatrices  pas  plus 
que  pendant  la  production  du  tissu  lamineux  normal,  les  corps  fibro-piastiqi.es 
fusiformes  ne  ressemblent  aux  leucocytes  en  quoi  que  ce  soit  et  à  quel  moment  do 
leur  évolution  que  ce  soit,  tant  au  point  de  vue  de  leurs  caractères  extérieurs  que 
sous  celui  de  leurs  réactions.  Il  eu  est  de  même  aussi  des  leucocytes  par  rapport 
aux  corps  fibro-plastiques.  Il  en  est,  à  plus  forte  raison,  ainsi  en  ce  qui  concerne 
sous  ce  rapport  les  transitions  métamorphiques  qu'on  a  supposées  se  proJuirt; 
dans  ces  mêmes  caillots,  de  ces  mêmes  leucocytes  qui  se  métamorphoseraient  non 
plus  en  corps  fusiformes,  mais  en  vaisseaux  capillaires  et  passeraient  ainsi  de  l'état 
de  contenu  à  celui  de  contenant.  ]\  est  \raiment  difficile  de  comjirendre  quel  ordre 
de  données  objectives  a  pu  conduire  à  dételles  suppositions.  {Voy.  Lamineux. ) 

La  continuité  des  fibres  du  tissu  lamineux  {substance  conjonctive  fibreuse 
de  divers  auteurs)  avec  les  corps  fibro-plastiques  est  du  reste  tellement  manifeste 
dans  quelque  condition  que  ce  soit  de  la  génération  et  du  développement  du  tissu 
lamineux,  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  discuter  l'hypothèse  qui,  dans  cette  prétendue  or- 
ganisation des  caillots,  donne  à  ces  fibres  une  origine  indépendante  de  celle  des 
corps  fibro-plastiques  pour  les  faire  provenir  directement  de  la  fibrine. 

Enfin,  en  présence  des  faits  qui  viennent  d'être' exposés  et  en  rapprochant  ce 
qu'offrent  d'hétérogène  et  de  contradictoire  l'une  par  rapport  à  l'autre  toutes  ces 
hypothèses,  soit  sur  la  fin,  soit  sur  l'origine  des  leucocytes,  leur  multiplicité  même 
montre  leur  peu  de  valeur  à  côté  des  faits,  quelque  peu  nombreux  qu'ds  semblent 
être,  cjui  montrent  que  ces  éléments  apparaissent  par  genèse  et  subissent  une 
succession  de  phases  évolutives  tant  normales  que  morbides  qui  ne  les  conduisent 
aucunement  à  se  changer  en  élément  de  quelque  autre  espèce. 

De  la  contraclililé dans  les  leucocytes.  Lorsqu'on  examine  une  goutte  de  sang 
fraîchement  tirée  du  doigt,  du  pus  récemment  formé,  encore  dense,  mêlé  de  sang, 
dans  un  foyer  encore  petit,  ou  du  mucus  purulent  non  refroidi,  les  leucocytes 
manifestent  de  la  manière  suivante  la  propriété  de  contractilité  dont  ils  jouissent 
et  à  laquelle  est  due  la  déformation  qu'ds  présentent  lorsqu'ils  sont  arrêtés  entre 
les  deux  lames  de  verres  de  la  préparation. 

D'un  point  de  la  circonférence  des  globules  s'avance  une  expansion  plus  trans- 
parente que  le  reste  de  l'élément  anatomique.  Celui-ci  devient  ainsi  ovoïde,  pris- 
matique à  angles  arrondis,  ou  irrégulier,  suivant  la  forme  de  l'expansion  qui  em- 
porte ou  non  avec  elle  un  ou  plusieurs  granules  de  l'intérieur  de  l'élément. 
Quelquefois  les  choses  en  restent  là  et  un  globule  peut  demeurer  déformé  pen- 
dant plusieurs  heures.  Mais  en  général  bientôt  après  il  se  montre  sur  un  autre 
point  une  nouvelle  expansion  qui  détermine  une  nouvelle  forme  de  globule,  soit 
que  l'expansion  première  rentre  dans  la  masse  de  celui-ci,  soit  qu'elle  reste  étalée 
au  dehors.  D'autres  expansions  continuant  i!i  se  produire  en  même  temps  que 
des  retraits  s'opèrent  sur  divers  points  de  la  circonférence  du  globule,  donnent 
incessamment  à  ce  corpuscule  un  aspect  nouveau  et  différent  des  précédents.  Ces 
expansions  et  ces  retraits  se  produisent  avec  une  grande  lenteur  ;  il  faut  beaucoup 
d'attention  pour  en  suivre  les  diverses  phases  et  souvent  on  ne  prend  garde  à  elles 
qu'alors  qu'elles  sont  produites  et  ont  changé  la  forme  de  l'élément  étudié.  Ces 
expansions  et  les  clinngomcuts  qui  en  résultent  sont  plus  rapidement  formés  et 
plus  considérables  dans  les  lymphatiques  que  dans  le  sérum  du   sang;  dans  la 


LEUCOCYTE.  2 


10 


lymphe  fraîche  des  fistules  lymphatiques  de  l'iiomnie  ils  le  sont  peut  être  plus 
encore  que  dans  toute  autre  condition. 

Pendant  que  s'opèrent  ces  expansions  et  rétractions  de  la  suhstance  du  leucocyte, 
on  voit  apparaître  dans  Tintérieur  une  ou  deux  petites  vacuoles  se  présentant  sous 
forme  de  points  sphériques,  clairs  à  bords  nets,  pâles,  quelquefois  légèrement  rosés . 
Ces  vacuoles  persistent  autant  que  dure  le  phénomène  des  expansions  et  rétrac- 
tions, mais  elles  peuvent  grandir,  changer  de  place  et  passer  du  centre  à  la  péri- 
phérie du  globule.  Chaque  expansion  ne  reste  sadlante  au  dehors  du  globule  ]Vh: 
quelques  secondes  ou  deux  ou  trois  minutes  et  se  contracte  aussitôt  après,  .l'ai  par- 
faitement vérifié  l'exactitude  de  l'assertion  de  M.  Davaine  qui  a  bien  décrit  ces 
phénomènes,  lorsqu'il  dit  qu'en  une  demi-heure  on  observe  une  vingtaine  de 
changements  de  forme  (Davaine,  Recherches  .mr  les  globules  blancs  du  sang,  in 
Comptes  rendus  et  Mémoires  de  la  Société  de  biologie,  Paris.  1830,  in-8°, 
p.  102-105.  Voy.  aussi  Lebert  et  Ch.  Rohm,  Kurze  l\otiz  ûber  allgoneine  ver- 
qleichenden  Ânatomie  niederer  Thiere,  m  Archiv  fiir  Anaiomie  und  Physio- 
logie, vonJ.  MiUler,  1846,  p.  121-122),  et  que  toutes  les  fois  qu'une  forme  a 
persisté  plus  de  cinq  minutes  sans  se  rétracter,  le  leucocyte  n'en  montre  plus 
d'autre.  Une  fois  le  dernier  changement  de  forme  opéré,  il  peut  persister  un  temps 
qui  n'a  pas  encore  été  déterminé  ;  mais  on  sait  que  sur  le  sang  des  cadavres  les 
globules  ont  repris  leur  forme  sphérique.  Pourtant  chez  les  reptiles  et  les  batra- 
ciens morts  depuis  plusieurs  heures  ces  éléments  restent  souvent  irréguliers, 
polyédriques  à  angles  arrondis,  mais  ce  ne  sont  pas  des  expansions  qui  leur  don- 
nent cette  figure. 

L'addition  d'un  peu  d'eau  dans,  le  sérum  fait  cesser  les  expansions  et  leurs 
retraits.  Elles  disparaissent  brusquement  sur  les  globules  qui  en  offraient,  et 
ceux-ci  reprennent  leur  forme  sphérique. 

Ces  expansions  se  présentent  avec  une  grande  longueur  et  déterminent  de  nom- 
breux et  très-variés  changements  de  forme  sur  les  leucocytes  pris  dans  la  lymphe; 
elles  peuvent  même  être  observées  vingt-quatre  heures  après  la  mort  de  l'animal, 
lorqu'on  a  eu  soin  de  conserver  la  lymphe  entre  deux  ligatures  dans  les  vaisseaux 
eux-mêmes.  Elles  précèdent  la  modification  causée  par  le  sérum  qui  amène  une 
apparition  de  deux  ou  trois  noyaux  au  centre  du  leucocyte  et  parfois  coexistent 
avec  cette  apparition  graduelle. 

La  production  de  ces  expansions  est  très-énergique,  et  celles-ci  acquièrent  une 
très-grande  longueur  dans  les  leucocytes  des  muqueuses  enflammées  ou  non  et 
ilu  pus  frais.  (Voy.  Ch.  Robin,  Sur  l'anatomie  et  la  physiologie  des  leucocytes,  ni 
Journal  de  la  physiologie,  Paris,  1859,  in-8',  p.  43,  46;  et  Littré  et  Robin, 
Dictionn.  de  médecine,  Paris,  in-8",  10^  édition,  1855.  art.  Pus,  p.  1041  et  art. 
Leucocïte  H^édit.  suiv.-). 

Les  mouvements  de  ces  expansions  et  les  déformations  qui  en  résultent  pour 
les  leucocytes  se  retrouvent  chez  tous  les  animaux  vertébrés  et  invertébrés  qui  en 
^possèdent;  c'est  ce  qu'a  très-bien  figuré  et  décrit  Warthon  Jones  [loc.  cit.,  1846) 
pour  les  divers  degrés  des  changements  de  forme  que  présentent  en  se  contractant 
et  en  poussant  au  dehors  çà  et  là  des  prolongements  les  globules  blancs  de 
l'homme  et  d'autres  mammifères,  des  grenouilles,  des  insectes,  des  arachnides,  des 
crustacés,  des  insectes,  des  annélides  et  des  mollusques. 

Cliez  ces  divers  invertébrés  le  globule  devient  quelquefois  un  peu  irrégulier  à  sa 
circonférence,  puis  ensuite,  ou  immédiatement,  d'un  point  de  celle-ci  une  expansion 
plus  claire  que  le  reste  des  globules  s'avance  lentement,  à  la  manière  d'un  lif|ui(Jc 
DicT.  ENC.  2"  s.  U.  iS 


274  LEUCOCYTE. 

qui  coule.  Tantôt  l'expansion  est  aussi  large  à  sa  base  qu'à  son  extrémité,  tantôt 
elle  se  termine  en  pouite  très-e!filée  ;  quelquefois,  vers  sa  base,  elle  est  entourée 
par  une  ligne  irrégulière  très-fme  ;  ce  fait,  qu'on  observe  aussi  chez  les  vertébrés, 
indique  une  rupture  de  la  partie  superficielle,  plus  dense,  du  globule,  pour  laisser 
sor  tir  l'expansion  formée  par  la  parlie  centrale  de  sa  substance  qui  est  plus  molle. 
Le  plus  souvent,  bien  qu'il  n'en  soit  pas  toujours  ainsi,  il  y  a  expansion  directe 
de  la  parlie  superficielle  même  du  globule.  Cette  expansion  rentre  et  ressort  plu- 
sieurs fois,  toujours  très-lentement,  ou  reste  plus  ou  moins  longtemps  immobile. 
Avant  ou  pendant  son  retrait  s'en  montrent  une  ou  plusieurs  autres  dont  les  sorties 
et  retraits  successifs  doiment  au  globule  un  aspect  un  peu  différent  pendant  vingt  à 
quarante  minutes  que  dure  le  phénomène.  Les  mêmes  faits  s'observent  sur  les 
leucocytes  des  vertébrés,  même  de  l'homme,  et  parfois  un  globule  entier  peut 
être  déplacé  par  une  expansion  qui,  fixée  à  quelques  corps  étranger,  attire 
l'élément  à  elle,  empêchée  qu'elle  est  de  rentrer  dans  sa  masse.  Si  quelque  ob- 
stacle s'oppose  trop  énergiquement  à  la  fois  au  retrait  de  l'expansion  ou  au  mou- 
vement en  sens  inverse  du  leucocyte,  l'expansion  se  brise  quelquefois  et  sa  sub- 
stance forme  un  petit  globule  indépendant,  byahn. 

Ces  expansions  et  leurs  mouvements  ont  été  observés  et  décrits  par  un  grand 
nondjre  d'auteurs  dans  diverses  conditions  de  température  et  de  composition  du 
liquide  au  sein  duquel  ils  plongent.  Souvent  ils  amènent  une  véritable  reptation 
de  l'élément  à  la  surface  de  la  lame  de  verre  et  entre  les  autres  éléments  qui  les 
accompagnent,  tels  que  les  hématies,  etc.  Parfois  il  y  a  comme  un  étalement  de  lu 
substance  du  globule  sous  forme  de  plaque  plus  ou  moins  irrégulièrement  trian- 
gulaire ou  éloilée,  qui  change  trop  souvent  de  grandeur  et  de  largeur  pour  qu'on 
puisse  en  décrire  et  en  figurer  les  dispositions.  Ces  globules  étalés  se  séparent 
dans  certains  cas  en  deux  plaques  distinctes  qui,  en  revenant  sur  elles-mêmes 
spontanément  ou  après  addition  d'eau  forment  deux  globules  distincts.  Cependant 
quelles  que  soient  ces  déformations  pendant  la  durée  desquelles  on  voit  souvent  se 
former  un  noyau  dans  la  substance  de  l'élément,  ce  dernier  reprend  toujours  ra- 
pidement sa  forme  sphérique  et  devient  immobile  au  contact  de  l'eau  ea  même 
temps  qu'il  se  gonfle,  qu'il  s'y  forme  un  ou  deux  noyaux  ;  puis  bientôt  ses  granu- 
lations moléculaires  montrent  le  mouvement  brownien  qu'elles  ne  manifestaient 
pas  jusque-là. 

L'acide  acétique  agit  aussi  sur  ces  éléments  comme  sur  ceux  qui  ont  déjà  re- 
pris la  régularité  de  leurs  formes.  Toutefois  comme  son  action  est  plus  énergique 
et  plus  rapide  que  celle  de  l'eau,  il  surprend  en  quelque  sorte  un  certain  nombre 
des  globules  ainsi  délormés,  les  pâlit  et  fait  apparaître  en  eux  de  deux  à  quatre 
petits  noyaux  avant  qu'ils  aient  recou\ré  la  régularité  habituelle  de  leur  forme 
sphérique,  et  ils  retient  dans  cet  état.  Des  faits  de  ce  genre  s'observent  aussi  bien 
sur  les  invertébrés  que  sur  les  mammifères,  etc. 

Différentes  circonstances  importantes  à  rappeler  font  cesser  ces  mouve- 
ments. Cette  cessation  qui  a  pour  conséquence  le  retour  de  ces  éléments  àl'élat 
sphérique,  au  moins  lorsqu'ils  ont  subi  un  léger  gonflement,  est  la  conséquence 
du  conctact  de  l'eau  et  des  autres  réactifs,  ainsi  que  celle  du  séjour  des  leucocytes 
dans  le  sérum  non  circulant  du  pus  et  dans  celui  du  sang  après  le  dédoublement 
de  la  plasmine  et  la  coagulation  cadavérique  de  la  fibrine.  Ce  retour  à  l'état  glo- 
buleux et  cette  immobilité  des  leucocytes  caractérisent  en  quelque  sorte  leur 
ropre  état  cadavérique .  On  constate  en  outre  que  les  leucocytes  qui  sont  arrivés 
à  l'état  dit  de  globules  granuleux  dans  le  pus  réuni  en  foyer  ou  infiltré  ne  pré- 


LEUCOCYTE.  275 

sentent  plus  d'exjjansions  sarcodiques  ou  amibiformes  ;  mais  il  n'en  est  pas  ainsi 
des  globules  normaux  rendus  un  peu  plus  granuleux  que  les  autres  par  des  gra- 
nules à  contour  foncé  et  à  centre  brillant  qu'on  trouve  dans  les  leucocytes  du 
sang  vivant  et  qui  ont  été  bien  étudiés  par  Warthon  Jones. 

On  peut  constater  parfois  l'existence  de  ces  mouvements  sur  les  leucocytes  du 
sang  arrêté  contre  la  face  interne  des  capillaires  des  batraciens  pendant  la  durée 
de  la  circulai  ion  du  liquide,  ainsi  que  M.  Davaine  l'a  signalé  le  premier.  Mais  on 
ne  saurait  conclare  de  ce  fait  dont  il  n'est  pas  difficile  de  vérifier  l'exactitude  que 
ces  expansions  se  produisent  naturellement  d'une  manière  incessante  dans  les 
liquides  réellement  normaux  et  que  leur  production  joue  un  rôle  important  dans 
l'existence  de  ces  éléments  ou  dans  les  modifications  accidentelles  dont  ils  sont 
le  siège.  11  est  certain  en  effet  qu'on  ne  les  observe  que  sur  un  très-petit  nombre 
des  leucocytes,  soit  du  sang,  soit  de  la  lympbe  en  voie  de  circulation.  Il  est  cer- 
tain aussi  que  dans  les  vaisseaux  des  membranes  disposées  pour  y  étudier  la  cir- 
culation les  globules  immobiles  ne  se  trouvent  pas  dans  des  conditions  naturelles 
au  ]ioint  de  vue  de  la  rénovation  moléculaire  régulière  des  principes  nutritifs, 
tant  en  ce  qui  toucbe  le  plasma  lui-même  h.  cet  égard,  qu'en  ce  qui  regarde  l'élé- 
ment anatomique.  Il  en  est  à  plus  forte  raison  de  même  lorsqu  ils  sont  bors  des 
vaisseaux  dans  un  mucus,  dans  le  sérum  du  sang  ou  autre,  qu'il  soit  ou  non 
maintenu  sous  le  microscope  à  une  température  convenable.  Or  l'énergie  et  les 
variétés  que  montre  la  production  de  ces  expansions  bors  des  vaisseaux,  compara- 
tivement à  ce  qu'on  voit  quand  on  la  rencontre  dans  les  capillaires  mêmes,  prou- 
vent qu'on  ne  saurait  regarder  ce  phénomène  comme  autre  cbose  qu'un  excès 
dans  la  manifestation  d'une  propriété  normale  de  ces  éléments,  excès  déterminé 
par  l'état  normal  dans  lequel  ils  se  trouvent. 

Ce  phénomène  est  donc  la  manifestation  d'une  propriété  que  possède  la  sub- 
stance des  éléments  anatomiques  de  beaucoup  de  vers,  d'acalèpbes  et  surtout 
d'infusoires,  lors  même  qu'elle  s'est  réunie  en  globules  après  avoir  été  séparée 
du  corps  de  l'animal  où  elle  s'est  formée,  et  dont  elle  faisait  partie.  Ces  lobules, 
de  formes  et  de  volume  variés,  se  creusent  de  vacuoles,  et  présentent  des  mou- 
vements dus  à  des  resserrements  et  expansions  de  leur  substance  ;  substance  que 
M.  Dujardin  a  appelée  sarcode  ;  d'où  les  expressions  de  mouvements  et  expansions 
sarcodiques  employées  ci-dessus.  Il  est  des  circonstances  dans  lesquelles  les 
expansions  sarcodiques  qu'à  décrites  M.  Dujardin  {Recherches  sur  les  organismes 
inférieurs  et  sur  une  substance  appelée  sarcode,  in  Annales  des  se.  nat.,  Paris 
1855,  t.  IV,  p.  364)  finissent  par  se  séparer  complètement  de  l'animal  sous 
forme  de  globules,  dont  les  resserrements  et  les  dilatations  continuent  encore 
(juelque  temps  après  leur  sépartion  ;  elles  ne  se  montrent  que  lorsque  l'animal  se 
trouve  dans  un  milieu  devenu  peu  à  peu  défavorable  aux  actes  de  l'animal,  actes 
de  respiration  ou  autres.  On  peut,  sur  les  planaires  ou  les  gros  infusoires,  eu 
hâter  l'apparition  par  addition  d'un  peu  d'ammoniaque  ou  autre  alcali  en  faible 
quantité.  Elles  se  montrent  lorsque  le  milieu  est  évidemment  modifié;  elles  sont, 
dans  l'animal,  le  signe  indiquant  anatomiqueinent  des  modifications  correspon- 
dantes dans  la  substance  de  ses  éléments  anatomiques,  par  suite  de  l'échaufre 
continu  qui  a  lieu  entre  toute  partie  de  la  substance  organisée,  et  le  milieu 
dans  lequel  elle  se  trouve.  11  faut  du  reste  bien  spécifier  ici  que  la  description  de 
ujardin  comprend  deux  ordres  de  faits  distincts,  qu'il  importe  de  ne  pas  confon- 
dre. Ce  sont  d'une  part  la  production  des  expansions  sarcodiques  ou  amibiformes 
telles  que  celles  dont  les  leucocytes  sont  le  siège,  et  de  l'autre  celle  des  exsuda- 


276  LEUCOCYTE. 

tions  de  gouttes  hyalines  susceptibles  de  se  déformer  et  de  se  creuser  de  vacuoles, 
se  produisant  ordinairement  lorsque  déjà  se  ralentissent  les  formations  des  expan- 
sions et  se  continuant  encore  lorsqu'elle  a  tout  à  fait  cessé.  Telles  sont  les  exsu- 
dalious  dont  sont  le  siège  au  début  de  leur  altération  cadavérique,  certaines 
cellules  épitliéliales,  les  corps  ou  cellules  fibro-plastiques  iusiformes  {voy.  Lami- 
XEVx),  les  cellules  delà  corde  dorsale  {voy.  Notocorde)  et  autres. 

Les  expansions  des  leucocytes  des  vertébrés  et  des  invertébrés  ont  tant  de  res- 
semblance avec  les  expansions  sarcodiques  proprement  dites,  soit  quant  à  la 
nature  du  mouvement,   soit  quant  à  l'aspect  des  prolongements  de  substance 
organisée,  sauf  le  volume,  qu'on  ne  saurait  mettre  en  doute  leur  analogie  de 
nature  dans  l'un  et  l'autre  cas.  Comme  il  est  bien  évident  que  le  sérum  placé 
sous  le  microscope  dans  lequel  sont  les  globules  blancs  du  sang  n'est  pas  dans 
des  conditions  normales  ;  comme  les  expansions  n'apparaissent  pas  immédiate- 
ment après  que  le  sang  est  tiré,  mais  quelque  temps  après,  lorsque  le  sérum  a 
pris  une  température  différente  de  celle  qu'il  avait,  ou  lorsqu'il  a  perdu  un  peu 
d'eau  :  il  reste  donc  bien  évident,  pour  quiconque  a  étudié  le  phénomène,  que 
les  expansions  ne  se  montrent  qu'autant  que  le  milieu  est  modifié,  soit  quant  à 
sa  température,  soit  quant  à  la  proportion  d'eau,  etc.  Les  expansions  sont,  je  le 
répète,  dans  l'élément  auatomique,  un  signe  indiquant  des  modifications  dans  la 
substance  organisée,  correspondantes  à  celles  qu'a  éprouvées  le  milieu,  par  suite 
de  l'échange  continu  qui  a  lieu  entre  toute  partie  de  la  substance  organisée,  et  le 
milieu  dans  lequel  il  se  trouve. 

Pieste  maintenant  à  déterminer  la  question  de  savoir  si  cette  propriété  de  lu 
substance  organisée  de  certains  éléments  anafomiques,  tels  que  les  leucocytes, 
etc.,  de  divers  infusoires  ou  des  fragments  qui  en  proviennent,  doit  être  rappro- 
chée de  la  propriété  de  contractilité  et  en  particulier  de  la  contractilité  des  fibres 
musculaires  de  la  vie  végétative  ;  ou  si  au  contraire  elle  ne  se  rapproche  pas  des 
actes  d'ordre  organique  observés  sur  les  filaments  muqueux  des  champignons 
myxomycètes,  sur  le  contenu  des  algues  appelées  psôrospermies,  de  la  même  ma- 
nière que  sur  les  amibes  et  autres  infusoires,  sur  le  vitellus  de  l'ovule  de  beaucoup 
d'animaux,  etc.;  phénomènes  qui  eux-mêmes  ont  leurs  analogues  dans  les  actes 
et  les  mouvements  de  la  segmentation  et  de  la  gemmation  du  vilellus.  {Voy.  Cli. 
J\ohm,  Anatomie  et  physiologie  comparée  des  éléments  anatomiques,  Paris,  \  868, 
in-8",  p.  90.) 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  questions,  dont  la  solution  ne  saurait  être  poursuivie 
ici  en  raison  des  empi'unts  à  toute  l'anatomie  comparée  qu'elle  exige  pour  qu'il 
soit  possible  de  la  donner,  il  demeure  évident  que  ce  n'est  pas  dans  les  mani- 
festa'iions  de  la  propriété  précédente  que  doit  être  recherché  quel  est  le  rôle  spé- 
cial rempli  par  cette  espèce  d'élément  auatomique. 

Leur  distribution  dans  les  capillaires  sanguins  et  lymphatiques  des  vertébrés, 
leur  présence  en  quantité  relativement  considérable  à  l'exclusion  de  toute  autre 
espèce  d'éléments  dans  le  sang  des  invertébrés  qui  sont  pourvus  d'un  appareil 
circulatoire,  leur  multiplication  en  excès  dans  presque  toutes  les  affections  nu- 
tritives profondes  de  l'économie,  portent  à  penser  que  leur  rôle  se  rattache  parti- 
culièrement à  quel([ue  acte  d'assimilation  oudedésassimilation. 

On  sait  en  effet  que  pour  la  plupart  des  espèces  d'éléments  qui  ne  possèdent 
d'autres  propriétés  d'ordre  vital  que  les  propriétés  végétatives,  le  rôle  spécial  que 
remplit  chacune  d'eUes  tient  à  ce  que  l'une  ou  l'autre  de  leurs  qualités  élémen- 
taires s'y  manifeste  sous  quebiue  rapport  remarquable,  soit  d'une  manière  ab- 


LEIJCCCYTR.  -" 

solue,  soil  coniparativemeiil  aux  autivs  espèces  d'élémoats  qui  l'aiiuoiiipaguciit 
dans  un  tissu  ou  dans  une  humeur.  Plusieurs  espèces,  par  exemple,  remplisseiit  un 
rôle  spécial  par  suite  des  particularités  qu'elles  préseni  eut  relativement  à  la  nutri- 
tion, soit  parce  que,  par  suite  de  leur  compositiou  propre,  elles  assimilent  certauis 
principes  immédiats  à  l'exclusion  des  autres,  ou,  au  contraire,  parce  que  une  fois 
formés  dans  l'épaisseur  de  ces  éléments,  certains  principes,  sont  désassimilés 
aussitôt,  ou  du  moins  en  proportion  considérable  comparativement  à  ce  qui  a  heu 
dans  les  autres  espèces  d'éléments.  11  en  résulte  que,  indépendamment  de  leur  nu- 
trition propre,  ces  éléments  remplissent  un  rôle  particulier  qui  a  cette  dernière 
pour  condition  d'existence  et  qui  se  rapporte  à  la  nutrition  générale  du  tissu  ou 
de  l'humeur  dont  ils  font  partie. 

Bien  que  quelques  autres  éléments  anatomiques,  tels  que  le  vitellus  dans  l'ovule, 
les  cellules  des  cartilages  incluses  dans  les  chondroplastes  et  les  fibres  lamineuses 
encore  à  l'état  de  corps  fibro-piastiques  offrent  des  déformations  lentes  sous  les 
yeux  de  l'observateur  par  suite  de  resserrement  et  d'expansions  alternatifs  eu  des 
points  divers  de  leur  superficie,  ces  mouvements  sont  loin  d'être  aussi  prononcés 
que  ceux  des  leucocytes  et  de  les  faire  ressembler  à  ces  éléments,  quoiqu'ils 
soient  dus  certainement  à  des  propriétés  analogues  de  la  matière  organisée. 

Aussi  les  particularités  dont  il  vient  d'être  c[uestiou,  relatives  aux  mouvements 
sarcodiques  ou  amibiformes  et  aux  réactions  propres  aux  leucocytes,  constituent 
pour  les  éléments  de  cette' espèce  un  ensemble  d'attributs  caractéristiques  des 
plus  nettement  tranchés,  quelles  que  soient  les  régions  de  l'économie  dans  les- 
quelles on  les  observe  et  les  conditions  dans  lesquelles  sont  nés  ces  éléments. 

Lorsque  les  expansions  amibiformes  des  leucocytes  viennent  à  adhérer  à  quel- 
que corpuscule  mobile,  elles  les  font  rentrer  avec  elles  eu  se  rétractant  dans  la 
masse  de  l'élément,  ainsi  que  Virchow  l'a  indiqué  le  premier  et  que  le  fait  est  facile 
à  vérifier.  La  manière  dont  ils  attirent  et  englobent  ainsi  parfois  sous  les  yeux  de 
l'observateur  des  gouttelettes  graisseuses  des  granules  colorés  ou  autres  ajoutés 
au  liquide  sanguin  de  la  préparation  portent  à  penser  que  c'est  ainsi  que  ces 
éléments  englobent  dans  le  colostrum  les  globules  de  lait  que  renferment  sou- 
vent quelques-uns  des  leucocytes  de  cette  humeur. 

Des  faits  précédents  quelques  auteurs  ont  conclu  que  c'est  par  ce  même  mé- 
canisme déjà  observé  souvent  sur  les  amibes  et  autres  infusoires  que  se  produit  le 
passage  des  globules  à  l'état  granuleux  dans  les  abcès  et  dans  les  infiltrations  pu- 
rulentes. On  sait  de  plus  que  dans  les  épanchements  sanguins  des  poumons,  delà 
rate,  du  foie,  des  muscles,  etc. ,  beaucoup  de  leucocytes  sont  rendus  plus  ou  moins 
granuleux,  par  des  grains  d'hématosine,  fait  qui  s'observe  dans  les  leucocytes  du 
sang  même,  pendant  la  durée  de  certaines  maladies  avec  altération  du  sang  (??ie- 
lanémie,  etc.).  Des  leucocytes  du  mucus,  du  larynx  et  de  la  trachée  sont  égale- 
ment rendus  granuleux  par  des  granules  de  noir  de  fumée  qui  les  colorent  alors 
en  noir  et  non  en  rouge  brun  foncé  comme  dans  les  cas  précédents.  Mais  comme 
dans  ces  circonstances  les  cellules  épithélialcs  isolées  ou  en  plaques  qui  se  rencon- 
trent avec  les  leucocytes,  et  les  corps  fibro-plastiques  fusiformes  et  étoiles,  s'il 
s'agit  de  l'épaisseur  des  tissus,  sont  au  moins  aussi  remplis  de  granules  que  les 
leucocytes  ;  on  ne  saurait  considérer  le  passage  à  l'état  granuleux  de  ceux-ci 
comme  dû  exclusivement  et  régulièrement  à  l'introduction  successive  de  ces  di- 
vers granules  par  les  expansions  sarcodiques.  Il  se  ])asse  là  certainement  des 
phénomènes  de  pénétration  directe  des  leucocytes  comme  des  autres  cellules  et 
des  fibres  par  ces  granules,  comme  le  fait  s'observe  toutes  les  fois  que  des  élé- 


278  LEUCOCYTE. 

ments  auatomiques  se  trouvent  au  contact  de  quelque  particule  plus  dure  que 
ne  l'est  leur  propre  substance.  {Voy.  Ch.  Robin,  Comptes  rendus  et  Mémoires  de 
la  Société  de  biologie,  Paris,  1852,  p.  181,  et  Hist.  naturelle  des  végétaux  pa- 
rasites, Paris,  1853,  in-8",  p.  285). 

Quant  aux  leucocytes  passés  à  l'état  dit  de  globules  granuleux  :  1»  l'unifor- 
mité de  l'aspect  deleurs  granules  graisseux,  quelles  que  soient  les  conditions  dans 
lesquelles  on  les  observe;  2"  leur  présence  dans  les  liquides  où  ne  se  trouvent  pas 
des  granidations  graisseuses  semblables,  montrent  que  c'est  à  des  actes  molécu- 
laires intimes  qu'est  due  lenr  formation  dans  les  leucocytes  ;  formation  amenant 
par  sa  continuation  l'hypertropbie  souvent  considérable  de  ceux-ci  ;  au  contraire 
l'absence  de  toute  expansion  dans  les  leucocytes,  même  encore  peu  hypertropbiés 
qui  .sont  à  cet  état  granuleux  accidentel  si  distinct  des  autres,  ne  permet  pas  d'ad- 
mettre que  ce  soit  par  une  intussusception  mécanique  de  grains  formés  hors  des 
leucocytes  que  se  produit  ce  passage  à  l'état  granuleux.  Ch.  Piobin. 

Bibliographie.  —  Voyez  les  auteurs  cités  dans  la  synonymie  au  commencement  de  cet  ar- 
ticle, ceux  qui  ont  été  cités  dans  le  corps  de  l'article  et  les  suivants.  —  Bôcker.  Ueher  die 
verschiedenen  Arten  und  Bedeutung  der  gewoUen  Blutkôrperchen.  In  Archiv .  filrphysiol. 
Heilkunde,  1851,  p.  565.  — Moleschott.  Ueberdas  Verhàltniss  der  farbigen  Kôrperclien  zu 
denuiifarbigcji.  In  Wiener  Wochenschrift,  185i.  —  Kôllikeii.  Ueberdas  Vorkommen'von 
Jjjmphliôrperchen  in  den  Anfangen  der  Lyniphgefâsse.  In  Zeits.  fiir  Wiss.  Zool.,  1855, 
vol.  7,  p.  182.  —  Sur  le  même  sujet  -voyez  aussi  Ch.  Robin  dans  Atlee.  On  thc  blood. 
Pliiladelphîa,  1854,  in-12,  p.  176.  —  Huit.  De  copia  relativa  corpusculoriim  sanguinis 
alborum.  Leipzig,  1855.  —  Loranglr.  Quomodo  ratio  ccllularum  sanguinis  albarum  et 
rubrorum  mutelur  ciborum  advectione,  etc.  Regiomont.  1856.  —  Markfels.  Ueher  das  Ver 
hàltniss  der  farhloscn  Blutkôrperchen .  In  MolescliotVs  Untersueliungen,  1857,  t,  I,  p.  61. 

IIasimond.  Sur  les  globules  blancs  du  sang.  In  American  Journal,  1859,  p.  548.  —  Beale. 

Thc  colourless  corpuscles  of  the  blood  quaterly  summary  of  the  improv.  an  discover, 
in  the  niedic.  sciences.  London,  1804,  p.  504.  —  Davaine.  Recherches  sur  les  globules 
blancs  du  sang.  In  Comptes  rendus  et  méni.  de  la  Société  de  biologie.'  Paris,  1850, 
p.  103,  et  1855,  p.  56.  — Recklingsuausen .  Ueber  Eiter,  etc.  In  Virchow's  Archiv,  18G3, 
t.  XXVIII.  —  Vmciiow.  Ueber  bewcgliche  ihicrische  Zellen.  Ibid.  — Preyeb.  Ueber  amœ- 
hoide  Blutkôrperchen.  Ibid.,  1864,  t.  XXX. —  Hayeh  et  Henocque.  Sur  les  mouvements 
dits  amiboides  observés  particulièrement  dans  le  sang.  In  Archives  génér.  de  médecine. 
Pai'is,  1866,  in-8°,  t.  VII,  p.  64,  et  t.  VIK,  p.  61.  — Ch.  Bernard.  Rapport  sur  les  progrès 
de  la  physiologie,  Paris,  1867,  in-8,  p.  62  et  105.  Cii.  Rorm. 

Explication  des  piancfaes .  Planclio  I.  LEUCOCYTES  DU  SANG.  Fig.  1.  a  kj.  Divcrs  3spect  et 
forme  des  leucocytes  chez  l'adulte  dans  le  sang  fraîchement  extrait  de  la  veine. 

/>:à;).  Aspect  que  présentent  les  mêmes  éléments  dans  le  caillot  sur  le  cadavre,  ou  dans 
les  préparations  faites  avec  du  sang'  frais,  après  que  les  expansions  sarcodiques  ont  cessé, 
au  bout  d'un  certain  nonibi^e  de  minutes  ou  d'heures,  selon  le  soin  avec  lequel  la  prépa- 
ration a  été  faite  ou  conservée. 

mtip.  Globules  dans  lesquels  les  granulations  se  sont  réunies,  en  prenant  l'aspect  de 
noyaux,  sous  les  yeux  de  l'observateur  quelquefois. 

00.  Les  mêmes  leucocytes  traités  par  l'eau,  devenus  pâles  et  montrant  les  granulations 
rassemblées,  cohérentes  sous  forme  de  noyau.  Quelquefois  l'eau  fait  apparaître  deux  masses 
nucléiformes  au  lieu  d'une,  ou  des  amas  grenus  moins  nettement  limités. 

Fig  2.  a  à  g.  Leucocytes  d'un  embryon  de  six  mois.  On  a  ligure  surtout  ceux  dans  les- 
quels l'état  cadavérique  avait  déjà  amené  la  formation  de  noyaux. 

abc.  Leucocytes  offrant  l'aspect  qu'ils  ont  chez  l'adulte,  quelques-uns  {b  et  c)  sont  assez 
foncés  et  granuleux. 

ddd.  Leucocytes  à  deux  noyaux. 

ee,  ff.  Leucocytes  singuliers  par  leur  forme  et  leur  volume  ou  ceux  de  leur  noyau, 

g,  g.  Quelques-uns  des  leucocytes  sont  aplatis,  quels  que  soient  du  reste  leur  forme  ou  leur 
volume;  g  représente  un  même  leucocyte  vu  de  face  et  de  côté. 

Fig.  2.  Ih.  s.  Leucocytes  pris  dans  le  sang  d'un  individu  adulte  atteint  de  leucocythémie. 

Um.  Leucocytes  ayant  conservé  les  caractères  qu'ils  offrent  chez  l'adulte  à  l'état  normal. 


Dict.Encvcl,  des  Scméd.a^  ST.  II.  P.  278, 


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LEUCOCYTE,  27'J 

no.  Leucocytes  ayant  pris  les  caractères  qu'ils  offrent  chez  l'embryon  et  le  fœtus;  ceux 
offrant  deux  novaux  étaient  fort  rares  dans  ce  cas. 

l>,q,r.  Etat  de"  ces  leucocytes  après  l'action  de  l'acide  acétique.  Chez  tous  le  noyau,  tmc- 
ment  granuleux,  sans  nucléole,  a  pris  une  teinte  lég-èremeiit  vineuse. 

p,p.  Globules  à  un  seul  noyau. 

qq.  Leucocyte  sans  noyaux  dans  lequel  l'acide  acétique  a  rassemblé  le  contenu  en  doux, 
trois  ou  quatre  petites  masses  de  même  teinte  que  les  noyaux  véritables . 

r,r.  Leucocytes  dont  le  noyau  offrait  une  courbure  qui  n'est  pas  rare  avant  l'action  de 
l'acide,  mais  que  celle-ci  exagère  ou  même  peut  faire  ajjparaitre  lorsqu'elle  n'existe  pas. 

s.  ÎSoyaux  devenus  libres  par  dis-olution  complète  de  la  masse  périphérique  par  sui(e 
d'action  prolongée  de  l'acide. 

U.  Cristaux  losangiques  aplatis,  assez  nombreux  après  la  mort  dans  le  sang  de  ce  malade. 

Fig.  2.  hhk.  Leucocytes  pris  dans  des  dilatations  veineuses,  kystiformcs  d'une  tumeur 
érectilc  du  scrotum.  Ils  sont  devenus  plus  gros  et  plus  granuleux.  U  s'est  formé  de  là  trois 
noyaux  dans  leur  intérieur.  Les  granulations  qui  entourent  les  noyaux  sont  toutes  rou- 
geàtres,  tantôt  nombreuses,  accumulées,  tantôt  éparses. 

h/i.  Leucocytes  devenus  granuleux  offrant  un  ou  deux  noyaux. 

h'k.  Leucocytes  granuleux  et  volumineux  contenant  trois  noyaux. 

jj.  Leucocytes  à  un  seul  noyau,  à  granulations  plus  épaisses  d'un  côté  que  de  l'autre  et 
un  peu  aplatis. 

Fig.  5.  Leucocytes  du  veau  et  du  clieval. 

a.  Leucocytes  pris  dans  le  sang  d'un  veau  d'un  mois. 

bcd.  Leucocytes  pris  dans  les  lymphatiques  de  la  région  du  cou  chez  le  cheval.  Le  sang 
en  contenait  de  pareils. 

ef.  Globules  pris  dans  les  mêmes  vaisseaux  plusieurs  lieures  après  le  refroidissement 
du  corps  de  l'animal, 

qg.  Leucocytes  des  mômes  vaisseaux  traites  par  l'eau. 

hliij.  Leucocytes  traités  par  l'acide  acétique;  les  amas  du  centre  prennent  aussi  une  teinte 
vineuse. 

k,l,m,nop.  Diverses  formes  et  phases  des  expansions  sarcodiques  offertes  par  les  leuco- 
cytes retirés  nouvellement  des  vaisseaux  lymphatiques,  même  plusieurs  heures  après 
la  mort . 

0.  Forme  irréguliére  qu'ils  conservent  souvent  lorsque  les  expansions  sarcodiques  cessent 
de  se  montrer. 

Fig.  4.  Elle  montre  les  diverses  phases  de  l'action  de  l'acide  acétique,  rendant  d'abord 
les  leucocytes  plus  foncés,  plus  granuleux  (a),  les  déformant  quelquefois  un  peu  (^);  faisant 
l'éunir  les  granulations  en  un  seul  amas  granuleux,  foncé,  placé  au  centre  de  l'élément 
dont  la  périphérie  devient  transparente  cdcf,  tandis  que  peu  à  peu  l'amas  central  prend 
une  teinte  vineuse  (k)  et  se  partage  en  petits  corpuscules  au  nombre  de  deux  à  quatre  (/), 
disposés  en  demi-cercle  [m]  ou  en  cercle  {cl],  ou  séparés  {k),  ou  groupés  plus  ou  moins 
régulièrement  [rs). 

Fig.  5.  Leucocytes  du  pigeon. 

aa.  Aspect  le  plus  ordinaire;  ils  sont  semblables  à  peu  près  à  ceux  de  l'homme  (fig.  1). 

b.  Autres  leucocytes  mêlés  aux  précédenls  offrant  à  leur  surface  des  granulations  allon- 
gées, brillantes  ;  cet  état  est  très-commun. 

c(/.  Modilieations  apportées  par  l'actioji  de  l'eau  ;  celle  de  l'acide  acétique  est  la  même 
que  chez  l'homme, 

Fig.  0.  Leucocytes  du  Caitiiaii  ou  Alligator  à  museau  de  Brochet  [Alligator  lucius, 
Merrem.). 

ah.  Leucocytes  tels  qu'ils  se  présentent  pendant  quelques  secondes  dans  le  sang  tout  à 
fait  frais. 

c.  Commencement  de  déformation. 

dcfg.  Diverses  formes  d'expansions  sarcodiques  déformant  ces  éléments. 

hijk.  Autres  modes  de  déformations  et  d'expansions  sarcodiques. 

lin.  Leucocytes  de  la  variété,  noyau  libre.  L'eau  et  les  réactifs  agissent  sur  eux  comme 
sur  ceux  des  serpents  (fig.  7). 

Fig.  7.  Leucocytes  de  la  Couleuvre  à  collier  [Colubcr  natrix  L.). 

abc.  Leucocytes  de  la  variété  granuleuse  foncée. 

dcf.  Leucocytes  de  la  variété  pâle  dont  un  renferme  un  noyau  (/"),  connue  on  le  voit 
quelquefois. 

g.  Leucocytes  granuleux  foncés  de  la  Couleuvre. 

h.  Leucocytes  clairs  peu  granuleux  du  même  animal. 

ikl.  Leucocytes  foncés  traités  par  l'eau  qui  fait  apparaître  un  noyau  foncé  avec  des  gra- 
nulations en  quantité  plus  ou  moins  grande  dans  la  masse. 


280  LKIICOCYTE. 

Fig.  8.  Leucocytes  de  la  Carpe  [Cypriniis  ccirpio  L.).  L'eau  agit  sur  eux  co!nii;e  cliez  l&i 
reptiles. 
abc.  Leucocytes  de  la  variole  foncée  granuleuse. 
dd.  Idem,  de  la  variété  claire,  peu  foncée. 
ce.  Idem,  avec  expansions  sarcodiques. 

f.  Idem,  traités  par  l'acide  acétique  avec  production  d'un  seul  noyau. 

g.  Idem,  avec  production  de  deux  noyaux  ou  d'une  masse  à  demi-cercle. 

h.  Leucocytes  très-pâles,  offrant  un  petit  noyau  finement  jjranuleux,  qu'on  trouve  en 
petite  quantité  au  milieu  des  cellules  rouges  et  des  leucocyies  cliez  les  poissons. 

i,k.  Cellules  de  même  variélé  présentant  chacune  de  une  à  deux  gouttes  d'huile;  rou- 
geâtres,  sphériques,  ordinairement  placées  pré,-;  de  la  circonférence  qu'elles  touchent. 

Fig.  9.  Cellules  épithéliales  prises  dans  des  tumeurs  de  la  joue,  du  rectum  et  du  col  de 
l'utérus,  offrant  chacune  une  cavité  pleine  ou  à  peu  près  pleine  de  leucocytes  qui  sont  nés 
dans  la  cavité  ou  excavation  qui  se  produit  dans  le  corps  de  quelques  cellules  de  beaucoup 
de  ces  tumeurs.  (V.  Journal  de  la  pinjsiologie,  1859,  p.  54.) 

a  à  g.  Cellule  prise  dans  une  tumeur  du  col  de  l'utérus. 

ahcci.  La  cellule  sans  addition  de  réactifs;  on  voit  douze  leucocytes  dans  sa  cavité  qui 
n'est  pas  entièrement  remplie  par  eux. 

efg.  Leucocytes  dans  la  cavité  de  la  même  cellule,  modifiés  par  l'acide  acétique  qui  a 
fait  apparaître  dans  chacune  d'eux  un  à  trois  noyaux,  à  contour  foncé  et  un  peu  iiTéguliers. 
11  laisse  dans  le  corps  de  la  cellule  quelques  granulations  moléculaires  autour  des  noyaux. 

De  h  à  k.  Cellule  allongée  prise  dans  une  tumeur  du  rectum  et  dont  la  cavité  est  presque 
pleine  de  leucocytes  On  voit  en  j  et  dans  le  voisinage  la  cavité  accidentelle  imparfaitement 
remplie  par  les  leucocytes,  mais  contenant  un  liquide  i)arsemé  d'un  grand  nombre  de  fines 
granulations  moléculaires. 

De  Z  à  0.  Celule  épitliéliale  prise  dans  une  tumeur  de  la  mâchoire  et  dont  la  cavité  est 
presque  pleine  de  leucocytes.  Elle  offre  un  noyau  volumineux  [n]  à  peine  apercevable  près 
de  l'extrémité  de  la  cellule.  Ces  leucocytes  sont  un  peu  plus  petits  que  ceux  des  cellules 
précédentes,  mais  ils  sont  plus  granuleux,  ce  qui  est  fréquent  dans  les  tas  de  ce  genre.  La 
cavité  qui  les  renferme  est  mal  limitée,  n'offre  pas  un  bord  distinct  indiquant  aussi  nette- 
ment que  dans  les  cellules  voisines  la  face  interne  de  la  cavité. 

Dans  ces  tumeurs  on  voyait  un  grand  nombre  de  leucocytes,  larges  de  8  à  12  millimètres, 
analogues  à  ceux  contenus  dans  les  cellules,  qui  étaient  interposés  aux  cellules  épithéliales. 

Planche  II.  Leucocytes  dd  pus.  Fig.  I.  Leucocytes  pris  dans  du  pus  s'échappant  de  l'extré- 
mité du  méat  urinaire  dans  un  cas  de  blennorrhagie  très-intense. 

abcd.  Leucocytes  déformés  spontanément  et  offrant  des  expairsions  sarcodiques  de  forme 
et  dimensions  diverses.  Dans  tous  se  sont  produites  un,  deux  ou  trois  petites  vacuoles  trans- 
parentes, pleines  d'un  liquide  clair  légèrement  rosé. 

De  e  à  m.  Autres  leucocytes,  un  peu  déformés,  offrant  des  expansions  sarcodiques  sur  un 
ou  deux  ï^cints  de  leur  surface  ou  sur  toute  leur  périphérie  (gkl). 

Fig.  2,  Leucocytes  pris  dans  le  pus  frais  d'une  conjonctive  dans  un  cas  de  conjonctivite 
simple. 

a,a.  Leucocytes  devenus  ovoïdes  allongés  par  déformation  spontanée. 

bc.  Leucocytes  restés  sphériques,  mais  ayant  laissé  échapper  sur  un  (a)  ou  plusieurs 
points  (b)  de  leur  périphérie  une  expansion  sarcodique  extrêmement  pâle  et  cylindrique. 

def.  Leucocytes  déformés  ou  non,  présentant  de  courtes  expansions  sarcodiques  sur  plu- 
sieurs points  de  leur  périphérie. 

g/d.  Leucocytes  sphériques  hérissés  sur  toute  leur  surface  de  courtes  expansions  sarco- 
diques. 

khnn.  Leucocytes  de  la  même  préparation,  mais  faite  depuis  plusieurs  heures  ;  ils  sont 
devenus  sphériques  ou  légèrement  polyédriques  par  pression  réciproque  [n).  Us  renferment 
tous  une,  deux  ou  plus  grand  nombre  de  granulations  graisseuses  que  leur  fort  pouvoir 
réfringent  et  leur  coloration  jaune  distinguent  facilement  des  noyaux  produits  dans  les 
leucocytes  par  l'action  de  l'eau  ou  par  celle  de  l'acide  acétique. 

jj.  Leucocyte  rie  la  même  préparation  gonflés  par  l'eau  qui  n'a  pas  fait  apparaître  de  noyau. 

o.  Leucocyte  dans  lequel  l'eau  a  fait  apparaître  un  noyau  central,  et  une  expansion  sar- 
codique pâle,  vésiculeuse,  recouvrant  une  des  moitiés  de  l'élément. 

ji.  Leucocyte  pourvu  d'expansions  sarcodiques,  comme  b,  c,  traités  par  l'eau,  qui  les  a 
rendues  très-pâles,  mais  régulières  et  renflées  en  massue. 

qr.  Leucocytes  de  la  même  préparation  dans  lesquels  l'eau  a  fait  appai'aître  un,  deux  ou 
trois  noyaux  sphériques  réguliers,  très- finement  granuleux. 

st.  Leucocytes  traités  par  l'acide  acétique  montrant  sur  les  côtés  des  noyaux  que  cet 
agent  y  a  fait  apparaître  les  mêmes  granulations  graisseuses  dont  il   a  été  question  plus 


LEIlCOCïTE,  281 

haut  [voy.  klmn],  non  attaquées  par  l'acide.  Ces  leucocytes  montrent  deux  ou  trois  noyaux 
[t)  plus  petits  mais  à  contours  plus  foncés  qu'après  l'action  de  l'eau,  ou  un  seul  recoiu'bé  en 
fer  à  cheval  (s) . 

xy.  Leucocytes  de  la  même  préparaiion  traités  par  l'acide  acétique  après  avoir  été  traités 
par  l'eau.  Ils  ilevieniieni  alors  plus  pâles  que  dans  le  cas  précédent  et  à  noyaux  plus  petits 
Fig.  5.  Leucocytes  pris   dans  du  pus  frais  s'écoulant  du  nez  après  un  aiTachement  de 
polype. 

acd.  Leucocytes  allongés  et  déformés  spontanément  sans  expansions  sarcodiques. 
bef.  Leucocytes  présentant  des  expansions  sarcodiques  sur  un  ou  plusieurs  points  de  leur 
périphérie. 

(jhikimnopqr.  Formes  et  dispositions  diverses  des  noyaux  ou  amas  granuleux  que  fait 
apparuitre  l'acide  acétique  dans  ces  leucocytes. 

sss.  Leucocytes  de  la  salive  sans  noyaux  ou  n'en  présentant  qu'un  seul  petit  latéral,  au 
lieu  de  deux  qu'on  y  voit  habituellement. 

tuvy.  Les  mêmes,  après  l'action  de  l'eau  qui  les  gonfle,  les  pâlit,  fait  apparaître  un  ou 
deux  noyaux  et  détermine  un  mouvement  brownien  très-vif  de  tous  les  granulations. 

X.  Leucocytes  ayaiit  éclaté  sous  l'influence  de  l'eau  qui  les  gonfle  par  endosmose  et  lais- 
sant échapper  leur  contenu  granuleux. 

z:  Leucocytes  traités  par  l'acide  acétique,  qui  les  a  rendus  beaucoup  plus  pâles  et  a  dis- 
sout leurs  granulations  moléculaires. 
Fig.  4.  Leucocytes  pris  dans  diverses  sortes  de  pus. 
De  a  à  n.  Leucocytes  pris  dans  du  pus  d'un  vésicatoire  du  bras. 

ahcd.  Leucocytes  pris  dans  la  sérosité  de  ce  vésicatoire  au  moment  de  son  issue  lors  de 
la  rupture  de  la  vésicule  épidermique.  Us  s^nt  tous  finement  grainileux  sans  noyau. 

ee  ff  gg.  Leucocytes  pris  à  la  suiface  de  la  plaie  exposée  à  l'air  depuis  une  heure  environ. 
11  s'est  produit  un  ou  deux  noyaux  dans  filusieurs  d'entre  eux,  même  des  plus  petits. 

jj.  Leucocytes  de  la  préparation  dessinée  en  ah,  mais  traités  par  l'eau  qui  a  fait  apparaître 
de  là  trois  petits  noyaux. 

hiklm.  Leucocytes  pris  à  la  surface  du  vésicatoire  deux  heures  environ  après  l'ablation  de 
l'épiderme  soulevé,  mais  traités  par  l'acide  acétique,  qui  y  a  fait  apparaître  de  un  à  quatre 
noyaux  ou  amas  en  forme  de  noyaux  arrondis  ou  en  fer  à  cheval  [k,m)  isolés  [i]  ou  entassés 
[h,  l). 

nn.  Leucocytes  de  la  même  préparation  que  l'acide  n'a  fait  que  rendre  transparents  sans 
y  produire  d'amas  en  forme  de  noyau. 

De  0  à  3.  Leucocytes  pris  dans  l'épaisseur  du  parenchyme  pulmonaire  chez  un  sujet  mort 
de  pneumonie  suppurée. 

op.  Leucocytes  pâles,  finement  granuleux,  dans  lesquels  se  sont  produits  un  ou  deux 
noyaux. 

qq,r.  Leucocytes  très-pâles,  sans  granulations,  à  bords  nets,  tels  qu'on  en  trouve  en 
petite  quantité  dans  le  pus  du  poumon  et  de  quelques  autres  organes. 

rr.  Leucocytes  un  peu  plus  gros  que  les  autres,  plus  granuleux,  ainsi  qu'ils  le  sont  pour 
la  plupart  et  dans  lesquels  se  sont  produits  un  ou  deux  noyaux. 

XX.  Leucocytes  offrant  l'aspect  général  habituel,  mais  plus  gros  et  un  peu  plus  irrégu- 
liers, pourvus  de  un  ou  deux  noyaux  ovoïdes. 

su.  Leucocytes,  un  peu  plus  gros  qu'à  l'ordinaire  et  parfois  un  peu  plus  granuleux,  mon- 
trant un  ou  deux  noyaux  ovoïdes  ou  arx'ondis. 

yiji.  Leucocytes,  beaucoup  plus  gros  qu'à  l'ordinaire,  devenus  granuleux  à  leur  partie 
centrale  seulement,  mais  dans  lesquels  se  sont  encore  produits  un  ou  deux  noyaux  qui  restent 
visibles.  * 

tt.  Leucocytes,  entièrement  granuleux  et  hypertrophiés,  dans  lesquels  on  ne  voit  pas  de 
noyau. 
ti.  Leucocyte  hypertrophié  sans  noyau;  granuleux  au  centre  seulement. 
V.  Leucocyte  hypertropliié  sans  granulations  graisseuses,  mais  présentant  deux  noyaux 
sphériques  et  un  troisième  recourbé  en  fer  à  cheval. 
Fig.  5.  Leucocytes  pris  d:uis  le  pus  d'une  pleurésie  suppurée,  après  la  mort. 
fiaa.  Leucocytes  pâles  finement  granuleux,  tels  que  sont  ceux  qui  prédominent  dans  le 
pus  des  séreuses.  Dans  quciqucs-uns  il  s'est  produit  un  noyau. 
bb.  Autres  leucocytes,  mêlés  aux  premici's,  un  peu  plus  granuleux,  tels  qu'ils  sont  souvent. 
qg.  Leucocytes  semblabks  aux  précédents,  devenus  un  peu  polyédriques  pur  pression 
réciproque. 

c.  Leucocytes  mêlés  aux  précédents,  mais  beaucoup  plus  petits  et  plus  pâles,  moins  gra- 
nuleux, 
c/.  Les  mêmes,  traités  par  l'acide  acétique. 
iiijin.m.  Leucocytes  de  même  volume  (|ue  la  plupart  des  précédents,  peu  granuleux  dans 


282  LEUCOCYTE. 

hsqiiels  se  sont  produils  de  un  à  trois  noyaux  spliériques  ou  contournés  en  for  à  cheva], 
II;)  sont  peu  nombreux  dans  le  pus  des  séreuses  et  beaucoup  plus  dans  celui  des  abcès. 

n,ii.  Leucocytes  de  volume  ordinaire  peu  ou  pas  hypertrophiés  mais  déjà  devenus  notable- 
ment granuleux,  mêlés  ea  petit  nombre  au.x  précédents  et  montrant  ou  ne  montrant  pas  de 
floyaux. 

q,q.r,r,t,t.  Leucocytes  peu  ou  pas  granuleux,  mais  très-hypei^tropldés  et  montrant  de  un 
à  ti'ois  noyaux. 

s,s.  Leucocytes  hypertrophiés  devenus  entièrement  granuleux  et  opaques. 

u.  Leucocyte  hypertropliié,  plus  volumineux,  encore  très-granuleux,  contenant  une  goutte 
d'huile  au  milieu  des  granulations, 

f.  Leucocyte  hypertrophié,  peu  granuleux,  dans  lequel  se  sont  produits  des  noyaux  nom- 
breux. 

vv.  Autres  leucocytes,  hypertrophiés,  granuleux,  montrant  plusieurs  noyaux  volumineux, 
en  partie  recouverts  par  les  granulations  qui  masquent  leur  contour  et  les  font  ainsi 
paraître  sous  le  microscope  plus  larges  qu'ils  ne  sont  réellement. 

0.  Leucocyte  hypertrophié  granuleux,  pourvu  d'une  expansion  latérale  transparente  sans 
granulations. 

X.  Autre  leucocyte  hypertrophié  et  de  forme  irrégulière. 

7/3.  Leucocytes  hypertrophiés  renfermant  ou  non  des  noyaux  pourvu  de  granulations 
rapprochées  ou  éparses,  mais  volumineuses. 

ec.c.  Leucocytes  de  la  préparation  précédente  traitée  par  l'eau.  Ce  liquide  a  gonflé  leur 
paroi  sous  forme  de  vésicule  transparente  et  l'a  écartée  de  la  masse  de  la  cellule  qui  reste 
adhérente  à  un  point  de  l'élément.  Quelques  granulations  douées  du  mouvement  brow- 
nien flottent  dans  la  vésicule  gonflée. 

ff.  Leucocytes  hypertrophiés  et  granuleux  sur  lesquels  l'eau  a  produit  le  même  effet  que 
sur  les  précédents. 

hik.  Leucocytes  traités  par  l'acide  acétique  qui  y  a  fait  apparaître  de  un  à  trois  noyaux. 

//.  Leucocytes  traités  par  l'acide  acétique  après  avoir  été  traités  par  l'eau. 

Fig.  6.  Leucocytes  en  voie  d'évolution  pris  à  la  surface  d'une  plaie  récente  du  derme; 
représentés  à  un  grossissement  de  550  diamètres. 

a.  Leucocytes  tels  qu'ils  sont  au  moment  où  ils  viennent  d'apparaître. 

b,c,c,c.  Leucocytes  un  peu  plus  avancés  dans  leur  développement,  mais  encore  très- 
pàles,  peu  granuleux. 

dd^g.  Les  mêmes  leucocytes  traités  par  l'eau  qui  les  a  un  peu  gonflés  et  qui  a  fait 
apparaître  un  ou  deux  noyaux  dans  leur  épaisseur. 

hijk.  Leucocytes  d'une  autre  préparation  faite  en  même  temps  que  la  première  et  traités 
par  l'acide  acétique;  il  fait  apparaître  à  cette  première  période  de  leur  développement  de 
un  à  quatre  noyaux  dans  leur  épaisseur  comme  dans  les  leucocytes  complètement  développés. 

Planche  III.  Leucocytbj  de  diverses  nÉctoNs  vu  convs.  Fig.  i.  Leucocytes  pris  dans  le  co- 
lostnim  d'une  femme  âgée  de  vingt  ans  morte  en  couches. 

De  a  à  gf.  Leucocytes  contenant  un  ou  deux  globules  de  lait  [bcp]  à  côté  des  noyaux  (e,e), 
propres  ii  la  plupart  des  leucocytes  pris  sur  le  cadavre. 

hh.  Leucocytes  granuleux  comme  à  l'ordinaire  et  montrant  deux  noyaux. 

ik.  Leucocytes  déjà  un  peu  hypertrophiés  à  peine  un  peu  plus  granuleux  qu'à  l'ordinaire. 

j.  Leucocyte  de  volume  ordinaire,  mais  devenu  opaque  par  suite  de  dépôt  granuleux 
dans  son  intérieur. 

Umnop.  Leucocytes  à  divers  degrés  d'hyper(rophie  devenus  opaques  en  partie  [m]  ou  en 
totahté  par  suite  du  dépôt  de  granulations  graisseuses  dans  leur  épaisseur.  Quelques-uns 
[ip]  laissent  voir  des  globules  de  lait  au  milieu  des  granulations. 

q.  Leucocyte  très-hypertrophié  devenu  ovoïde,  très-granuleux,  avec  plusieurs  globules  de 
lait  dans  son  épaisseur. 

r.  Leucocyte  granuleux  montrant  un  globule  de  lait  à  moitié  inclus  dans  la  niasse  du  leu- 
cocyte et  à  moitié  libre. 

s,t,H,vv.  Leucocytes  granuleux  hypertrophiés  et  diversement  déformés. 

X.  Leucocyte  un  peu  hypertrophié,  non  granuleux,  montrant  un  globule  de  lait  dans  son 
épaisseur. 

Fig.  2.  Leucocytes  pris  dans  le  léger  dépôt  floconneux  de  la  sérosité  limpide  obtenue  par 
ponction  d'une  ascite. 

aa.  Leucocytes  de  volume  ordinaire  dans  lesquels  s'est  produit  un  noyau  sphérique,  pâle, 
sans  granulations. 

bcde.  Leucocytes  sans  noyaux  plus  granuleux  à  la  périphérie  qu'au  centre. 

fg.  Leucocytes  très-petits,  moyennement  granuleux,  se  comportant  comme  les  autres  au 
contact  de  l'acide  acétique  (/). 


LEUCOGVTE.  2S3 

/(/(.  Leucocytes  un  peu  plus  granuleux  sans  noyau 

ij.  Leucocytes  semblables  dans  lesquels  s'est  produit  un  noyau. 

k.  Leucocyte  hypertrophié  non  granuleux. 

l,m,n,o,p,q,r,s.  Modihcations  apportées  par  l'acide  acétique  à  la  structure  de  ces  leucocytes; 
dans  tous,  le  noyau  produit  par  l'action  de  l'acide  offre  une  teinte  d'un  jaune  orangé 
pâle. 

Fig-.  5.  Leucocytes  pris  dans  l'épaisseur  du  tissu  d'une  tumeur  de  la  cornée. 

ahcdefgh.  Leucocytes  finement  granuleux  de  différentes  dimensions  avec  ou  sans  noyau. 

ijklmno.  Leucocytes  pâles,  transparents,  sans  granulations,  dans  chacun  desquels  s'é- 
tait produit  un  noyau  également  homogène  sans  granulations.  Ils  étaient  beaucoup  moins 
nombreux  que  les  précédents. 

Fig.  4  De  a  à  g.  Leucocytes  pris  dans  le  mucus  purulent  d'une  urine,  d'odeur  ammo- 
niacale. Tous  sont  volumineux,  gontlés,  et  offrent  un  ou  deux  noyaux  volumineux,  sphériques, 
ovoïdes,  ou  recourbés  en  fer  à  cheval  [a]. 

h,i.jJc,i,m,n,o,j),q.  Leucocytes  pris  dans  le  pus  d'une  synoviale  dans  un  cas  de  rhuma- 
tisme suppuré. 

Ii,i,j,k.  Leucocytes  à  peine  granuleux,  tels  que  sont  la  plupart  d'entre  eux. 

mnopq.  Leucocytes  un  peu  plus  petits  que  les  précédents  et  un  peu  plus  granuleux,  tels 
qu'on  en  trouve  de  mêlés  à  eux  et  tels  qu'ils  sont  tous  quelquefois. 

Fig.  5.  Leucocytes  très-pelits,  tels  qu'on  les  trouve  fréquemment  dans  l'urine  normale. 

a.  Leucocytes  finement  granuleux  tels  que  sont  la  plupart. 

b.  Leucocytes  entourés  d'une  expansion  vésiculaire  pâle,  transparente,  très-délicate, 
oflrant  quelquefois  un  reflet  légèrement  rosé  sous  le  microscope,  et  devenus  légèrement 
polyédriques  par  pression  réciproque.  "  . 

cde.  Autres  leucocytes,  isolés,  entourés  complètement  ou  sur  une  partie  seulement  de 
leur  étendue  par  une  expansion  vésiculaire  pâle  transparente. 

fg.  Les  mêmes,  traités  par  l'acide  acétique  qui  a  lait  apparaître  dans  leur  épaisseur  trois 
petits  noyaux,  sans  détruire  l'expansion  vésiculaire. 

h,i.  Leucocytes  sans  expansion  vésiculaire,  dans  lesquels  l'acide  acétique  a  fait  apparaître 
deux  à  trois  petits  noyaux  un  peu  irréguliers. 

Fig.  6.  abcdefgh.  Leucocytes  pâles,  peu  granuleux,  renfermant  quelques  i^ares  granula- 
tions graisseuses,  éparses,  pris  dans  un  abcès  froid  ossifluent. 

rnno.  Leucocytes  pris  dans  le  pus  d'un  hypopyon,  tous  pourvus  d'une  expansion  vésicu- 
liforme  pâle  transparente  et  tous  finement  granuleux  sans  noyau. 

ijkt.  Quatre  leucocytes  pris  dans  le  liquide  séreux  retiré  par  ponction  d'un  kyste  de 
l'ovaii'e  qui  contenait  en  môme  temps  un  certain  nombre  d'autres  leucocytes  semblables  à 
ceux  de  la  figure  2.  Ces  leucocytes  sont  devenus  très-volumineux  par  suite  de  la  production 
dans  leur  centre  de  une  à  cinq  grandes  excavations  vésiculiformes  claires,  pleines  d'un 
liquide  limpide  sans  granulations.  L'action  de  l'acide  acétique  a  montré  que  c'étaient  des 
leucocytes  et  nun  des  cellules  épithéliales. 

l,s.  Deux  leucocytes  semblables  aux  précédents,  pris  dans  le  corps  vitré  d'un  enfant, 
lissent  pourvus  de  une  (/)  à  quatre  (s)  excavations  vésiculiformes  pleines  d'un  liquide  lim- 
pide, L'uh  d'eux  [s]  offrait  en  un  point  de  sa  circonférence  trois  expansions  sarcodiques 
claires  (pq!-),  arrondies  et  pyrKormes,  telles  qu'en  présentent  souvent  les  leucocytes  habituels 
de  l'humeur  vitrée  (lig.  10  gh). 

Fig.  7.  Leucocytes  un  peu  irréguliers  et  assez  granuleux,  tels  qu'ils  sont  habituellement 
dans  le  tissu  du  poumon  enflammé  et  dont  ils  proviennent. 
ah.  Leucocytes  moyennement  granuleux,  à  deux  noyaux. 
c.  Leucocyte  de  petit  volume  sans  noyau. 

e.  Leucocyte  sans  noyau  granuleux  dans  uue  partie  de  son  étendue  seulement. 

r.  Leucocyte  sans  noyau  granuleux  à  sa  périphérie  seulement.  Les  autres  leucocytes  ren- 
ferment de  un  à  quatre  noyaux  et  sont  tous  plus  ou  moins  granuleux  surtout  autour  des 
noyaux. 

Fig.  8.  Leucocytes  pris  dans  un  ramollissement  des  lobes  optiques  dont  le  tissu  était  d'un 
jauue  rosé  et  comme  infiltré  de  sérosité  citrine. 

abcdc.  Leucocytes,  les  uns  moyennement  granuleux,  les  autres  presque  sans  granulations 
[h]  sphériques,  tous  pourvus  d'un  seul  noyau,  tels  qu'on  les  voyait  en  assez  grand  nombre 
dans  le  tissu  ramolli  et  surtout  dans  la  sérosité  qu'on  en  exprimait. 

f.  Leucocytes  sans  noyaux,  à  peine  granuleux. 

ghijkn.  Leucocytes  très-petits,  foncés,  granuleux,  avec  ou  sans  noyaux  assez  abondants. 

l,m.  Leucocytes  très-granuleux,  opaques,  sans  noyau  visible,  tels  qu'ils  sont  le  plus  sou- 
vent dans  le  ramollissement  du  cerveau  et  de  la  moelle. 

Fig.  9.  Leucocytes  pris  dans  un  ramollissement  blanc  des  circonvolutions  eérébrales  chez 
\in  homme  de  vingt  an§, 


284  LEUCOCVÎUÉMIE. 

a.  Leucocytes  petils,  sans  noyau,  déjà  très-granuleux,  opaques,  par  suite  de  l'accumu- 
latiou  des  g-ianulations  graisseuses. 

bc.  Leucocytes  un  peu  plus  gros,  assfz  granuleux,  mais  montrant  un  ou  deux  noyaux. 

d,e,fghi.  Leucocytes  de  volume  ordinaire  ou  hypertrophiés,  tous  Irès-graauleux,  opacjues, 
comme  ils  sont;  ordinairement. 

j.  Leucocyte  déformé,  Irès-granuieux  et  très-opaque. 

lit.  Leucocytes  granuleux  dans  une  partie  seulement  de  leur  étendue. 

m.  Leucocyte  ovoïde  très-granuleux. 

De  n  à  s.  Leucocytes  pris  dans  un  ramollissement  de  la  moelle  où  ils  étaient  accompagnés 
d'un  a.ssez  grand  nombre  d'autres,  granuleux  et  opaques  comme  les  précédents.  La  plupart 
sont  peu  granuleux;  quelques-uns  offrent  un  noyau  [o,r),  d'autres  sont  ovoïdes  plutôt  que 
spliéni|ues  (î/,m).  Il  en  est  d'à  peine  granuleux  (s). 

Fig.  10.  De  «  à  /*.  Leucocytes  pris  dans  l'humeur  vitrée  de  l'œil  d'un  nouveau-né. 

ab.  Leucocytes  pâles,  peu  granuleux,  à  un  ou  deux  noyaux  sphériques. 

cd.  Leucocytes  à  un  ou  deux  noyaux  recouibés  en  1er  à  cheval. 

ef.  Leucocytes  à  deux  ou  trois  noyaux  sphériques. 

gh.  Leucocytes  présentant  une  ou  deux  expani-ions  sarcodiques  pâles  transparentes. 

De  i  à  s.  Leucocytes  pris  dans  un  abcès  phlcgnioneux  de  la  peau  après  son  ouverture. 

ijhlm.  Leucocytes  linen  eut  granuleux  dans  lesquels  ne  sont  pas  encore  produits  des 
noyaux,  ni  des  expansions  sarcodiques. 

nn.  Leucocytes  autour  desquels  se  produisent  de  pâles  e.\pansions  sarcodiques. 

0.  Leucocyte  un  peu  déformé  spontanément. 

p,q,r,s.  Leucocytes  de  la  même  préparation  dessinés  quelques  heures  plus  tard  et  dans 
lesquels  sont  apparus  de  un  à  trois  noyaux  sphériques  encore  pâles. 

Fig.  11.  Leucocytes  du  pus  produits  parla  plaie  d'un  séton  chez  le  cheval. 

abc.  Leucocytes  réguliers,  unilormément  granuleux  et  sans  noyaux. 

dcfglii.  Leucocytes  dont  la  paroi  propre  s'est  séparée  sous  forme  d'expansion  vésiculi- 
forme  transparente  entourant  le  reste  de  l'élément, 

jkl.  Leucocytes  peu  nombreux  pourvus  de  un  à  trois  noyaux  et  mêlés  aux  précédents. 

■mno.  Leucocytes  de  celte  préparation  traités  par  l'eau  qui  les  gonfle,  fait  apparaître  de 
un  à  trois  noyaux  et  détermine  l'apparition  du  mouvement  brownien  sur  les  granulations 
qu'ils  renferment. 

j^qr.  Leucocytes  de  la  même  origine  traités  par  l'acide  acétique  qui  les  rend  trés-pàles 
et  y  fait  apparaître  de  trois  à  cinq  noyaux. 

Fig.  12.  Leucocytes  d'une  plaie  chez  le  chien. 

abcd.  Leucocytes  finement  granuleux,  réguliers,  dans  quelques-uns  desquels  [cd]  se  sont 
produits  deux  ou  trois  noyaux. 

efg.  Leucocytes  généralement  très-nombreux  dans  le  pus  des  chiens,  remarquables  en 
ce  que  la  paroi  propre  est  gonflée  et  détachée  du  contenu  sous  forme  d'expansion  vésiculi- 
fornie  transparente.  Le  contenu,  mal  limité,  avec  ou  sans  noyaux  est  appliciué  sur  un  des 
côtés  de  la  paroi  distendue. 

luj.  Leucocytes  de  la  même  préparation  traités  par  l'eau  qui  les  a  gonflés  et  a  déterminé 
un  vif  mouvement  bi'ovvnien  des  granulations. 

klmnopqr.  Leucocytes  de  même  origine  que  les  précédents,  traités  par  l'acide  acétique, 
qui  les  a  rendus  ti'ès- pâles,  transparents,  et  y  a  fait  ajiparaître  de  un  à  quatre  noyaux,  partoib 
plus  gros  que  ceux  qui  se  forment  seuls. 

ï.ElîCOC'ïTnÉMïE  ou  liEUCÉMBE.  Définitions, synonymie, divisions. Sons 
le  nom  de  Leucocytht'inic,  nous  désignons  un  état  morbide  caractérisé  par  une 
altération  du  sang,  consistant  dans  le  développement  anormal  des  leucocytes, 
ou  corpuscules  blancs  du  sang,  dont  l'effet  est  de  cliangrr  considérablement  la 
];roportion  relative  de  ces  éléments  et  des  globules  rouges  ou  bcmaties,  au  point 
de  l'aire  que  le  nombre  des  premiers  peut  l'emporter  sur  celui  des  seconds.  Cette 
altération  du  sang  coïncide  ordinairement  avec  une  bypertropbie  notable  de  la 
rate,  du  foie,  ou  des  glandes  lymphatiques,  et  constitue  alors  \n\e  cachexie  spé- 
ciale et  progressive  dont  la  terminaison  paraît  presque  constamment  fatale,  ou 
avec  un  certam  nombre  de  maladies  générales  d'un  caractère  plus  ou  moins 
grave. 

Le  nom  de  leucocylhémie  (de  liv/.6i,  blanc;  v.Otto;,  cavité,  cellule,  et  a.lij.a,  sang) 
proposé  par  Benuett,  a  été  adopté,  en  général,  en  France,  de  préférence  à  celui  de 


LEUCOCYTHÉMIE.  285 

leucémie,  ou  leukœmie  (de  Irj/oç,  blanc,  et  «îy-a,  sang),  qui  a  été  donné  par  Vir- 
cliow  au  même  état  morbide.  Ce  dernier  nom  prête  en  effet  à  i'équivoque  :  on 
[ioiirvait  confondre  la  leukéniie  avec  les  observations  de  sang  blanc  laiteux  ou 
chijleux  qui  ont  été  depuis  longtemps  rapportées  par  bien  des  auteurs  et  qui  se 
rapportent  à  un  état  pbysiologique  du  sang  ^  chargé  teraporan^ment  d'un  excès 
de  matières  grasses.  Laleucocythémie  au  contraire  doit  toujours  être  considérée 
comme  un  état  pathologique^.  Malgré  la  présence  des  leucocytes,  le  sang,  tant 
qu'il  est  fluide,  conserve  sa  couleur  ronge  plus  ou  moins  altérés,  mais  la  couleur 
blanche  ne  s'observe  que  sur  des  caillots  ou  sur  des  concrétions  sanguines,  qui 
manquent  d'ailleurs  dins  bon  nombre  d'observations  et  ne  peuvent  par  conséquent 
servir  à  caractériser  la  maladie. 

Virchow  repousse  au  contraire  cette  dénomination  avec  une  certaine  vivacité, 
qu'explique  d'ailleurs  l'ardeur  assez  légitime,  selon  nous,  qu'il  apporte  dans  sa 
revendication  de  priorité  contre  Benuett  (voy.  plus  bas  l'HrsroiuQrjE),  et  maintient 
le  nom  de  leukémie  par  des  raisons  que  nous  reproduirons  rapidement.  Selon  lui, 
l'expression  de  leucocythémie  représenterait  mal  l'état  morbitle  qui  nous  occupe, 
car  le  sang  contient  toujours  à  l'état  normal  un  certain  nombre  de  corpuscules  inco- 
lores ,  dont  le  nombre  augmente  dans  les  états  physiologiques,  tels  que  la  diges- 
tion, ou  la  grossesse,  et  dans  la  plupart  des  maladies  inflammatoires  et  typhiques. 
De  telles  variations  ne  peuvent  être  désignées  par  le  mot  de  leucocythémie,  il  fau- 
drait au  moins  dire  Poly leucocythémie,  et  l'on  pourrait  rapprocher  cet  état  du 
sang  de  l'hypérinose,  qui  n'est  pas  non  plus  par  elle-même  une  maladie  ;  toutes 
deux  peuvent  coïncider  avec  la  conservation  de  la  santé  et  ne  sont  que   des   états 

*  Haller  [Elemcnta  phijs'wlog.,  t.  II,  p.  15  et  p.  G3)  avait  liieii  étudié  ces  faits  déjà  sig'iu- 
lés  par  Lower,  Itiomas  Sclnveiilce,  J.  Bolin,  J.  G.  de  Berger,  Walœus  et  Olaus  Borricliius, 
et  reconnu  dans  ses  vivisections  que  le  sérum  du  sang  devenait  laiteux  ou  chijlcux,  c'est-à- 
dire  trouble,  opaque,  blancliàtre,  pendant  le  travail  de  la  digestion  et  qu'il  se  couvre  alors 
d'une  couche  blanche  tout  à  fait  analogue  à  la  crème.  Cuclianan  [London  med.  gaz., 
t.  XXXY,  p.  M,  et  Gaz.  méd.,  1845,  p.  442)  a  démontré  le  même  fait  par  deux  expériences 
directes  sur  riiomine,  et  M.  J.  Béclard  l'a  constaté  plusieurs  fois  sur  des  animaux  [Rech. 
expcr.  sur  les  fondions  de  la  rate,  p.  52,  Paris,  '1«48).  Enfin  i\I.  Cl.  Bernard  {Leçons  de 
physiol.  expérimentale,  t.  I,  p.  157  et  suivantes,  Paris,  1855)  a  montré  que  cette  matière 
chyleuse  se  produit  chez  les  animaux  même  nourris  exclusivement  de  matières  féculentes  et 
sucrées,  quand  on  les  saigne  pendant  le  cours  de  la  digestion.  Voyez  aussi  sur  cette  question 
Piobin  et  \  erdeil  [Traité  des  principes  immédiats,  Paris,  1^55,  t.  III,  p.  12),  et  P.  Bérard 
[Coui's  de  pliysLologie,  Paris,  1851,  tome  III,  p.  119  à  125). 

-  Il  est  a-sez  diflicile  cependant  de  ne  pas  considérer  comme  pathologiques  les  cas  bien 
authentiques  où  le  sang  est  sorti  de  la  veine  blanc  comme  du  lait.  Telles  sont,  sans  parler 
des  cas  anciens  rapportés  par  Haller  [El.  phijs.,  t.  II,  p.  15),  l'observation  du  docteur  Fion 
[Arch,  génér.  de  médec.,  2"  série,  t.  Vïll,  p.  218,  et  Journ.  de  pkarmacie,  1855;  l'analvse 
du  sang  a  été  faite  par  M.  Lecanu,  qui  y  a  trouvé  117  millièmes  de  malières  grasses)  ;  l'ob- 
servation de  G.  L.lâcç,d.ve\\i[Annaliuniversalidi  medicina,  t.  XX.IV,  p.  14i,  1835,  et  Arch. 
génér.  de  médec.,  2=  série,  t.  YIIl,  p.  218),  où  le  sang  présenta  le  môme  caractère  pendant 
quatre  saignées  consécuiives;  celle  du  docteur  J.  Mareska  [Soc.  de  méd.  deGand,  et  Gaz. 
méd.  de  Paris,  1855,  p.  510),  où  l'on  trouva  ii  millièmes  de  malières  grasses;  l'observation 
de  iJDl  Ch.  Chatin  et  Sandras  [Gaz.  des  liôp.,  1849,  n°  72,  p.  289),  qui  ont  aussi  constaté 
l'accumulatiou  des  matières  grasses.  Ces  malades  avaient  présenté  en  général  des  troubles 
respiratoires  plus  ou  moins  considérables,  et  se  rétablirent  assez  promptement.  Le  cas  de 
M.  Caventou  [Arcli.  génér.  de  méd.,  t.  XVIII,  p  6n5,  et  Ami.  de  chimie  et  de  physique 
t.  XXXIX,  p.  "288)  paraîtrait  se  rapprocher  davantage  de  notre  leucocythémie,  l'auteur  ayant 
noté  la  diminution  des  globules  rouges,  et  expliqué  la  coloration  blanche  par  la  présence 
d'une  matière  albuininoide  spéciale.  M.  Uaspail  [^vuv.  sijst.  de  chim.  org  ,  2'  éd.,  t.  III,  p.  187) 
l'a  expliquée  par  la  précipitation  de  l'albumine,  et  M.  Mareska  a  recueilli  sur  un  filtre  de 
linge  des  grumeaux  qui  ont  présenté  tous  les  cai-actères  chimiques  de  l'albumine.  Ke  s'a- 
gissait-il  pas  plutôt  dans  ce  cas  de  cette  librine  grumeleuse  reucoatrée  plus  tard  par  Isam- 
];u'l  et  l'ioliin?  ;Voyoz  ci-après.) 


286  LEUCOCYTIIÉMIE. 

purement  transitoires  du  sang,  aussi  différcnls  d'un  véritalile  état  pathologique 
que  l'élévation  de  température  qui  suit  la  digestion  l'est  de  la  chaleur  Jéhrile. 
L'augmentation,  môme  pathologique,  des  leucocytes  ne  suflirait  pas  à  caractériser 
un  groupe  de  maladies.  Ce  qu'il  a  appelé  leukémie,  est  entièrement  différent  de  la 
polyleucocytiiémie  inflammatoire,  typhique  ou  scptique,  comme  le  chlorose  diffère 
de  l'anémie  des  sujets  cancéreux  ou  épuisés  par  des  hémorrhagies.  La  leukémie 
n'est  pas  seulement  une  notion  anatomique,  c'est  réellement  aussi  une  entité  patho- 
logique caractérisée,  non-seulement  par  le  simple  fait  de  l'augmentation  des  cor- 
puscules incolores  du  sang,  mais  en  même  temps  par  le  manque  des  corpuscules 
rouges,  ou  hien  par  le  changement  dans  la  formation  et  la  constitution  du  sang, 
sous  la  dépendance  de  certains  organes.  «  Leukémie  doit  signifier,  dit-il  enfin, 
qu'à  la  place  des  parties  du  sang,  qui  normalement  doivent  être  colorés,  il  s'en 
présente  d'incolores,  qui,  au  stade  le  plus  élevé  de  cette  altération,  rendent  le 
sang  plus  ou  moins  blanc,  et  non  pas  que,  dans  un  sang  constitué  par  ses  parties 
normales,  il  s'est  mêlé  des  parties  étrangères  blanches,  comme  dans  la  dyscrasie 
graisseuse.  11  s'agit  d'une  décoloration  du  sang,  d'une  leiicopathie,  d'un  alhi- 
nisme  du  sang  :  au  lieu  de  cellules  colorées,  pigmentées,  il  arrive  des  parties  in- 
colores, mais  bien  constitutives  dans  le  torrent  de  la  circulation.  »  {Gesammelte 
Abliandlungen  zur  wissenschaftlichen  Medicin ,  Francfort-siir-Mein,  1856, 
p.  192.) 

Nous  avons  tenu  à  laisser  la  parole  au  père  de  la  leukémie,  définissant  lui 
même  le  mot  qu'il  avait  créé.  Nos  lecteurs  apprécieront,  si  le  nom  de  leucocy- 
thémie  n'exprime  pas  tout  ce  que  l'auteur  vient  d'indiquer  au  moins  aussi  bien 
que  celui  de  leukémie  ;  si  ce  dernier  nom,  et  surtout  ceux  de  leucopathie  et  d'al- 
binisme du  sang,  ne  prêteraient  pas  davantage  à  la  confusion  que  nous  avons 
signalée  au  début,  et  contre  laquelle  Virchow  lui-même  a  soin  de  nous  mettre  en 
garde  en  séparant  bien  la  maladie  qu'il  a  décrite,  des  états  transitoires,  physiolo- 
giques, et  notamment  de  la  dyscrasie  graisseuse  (lipsemie).  Le  nom  de  leucocy- 
thémie  nous  paraît  au  contraire  mieux  exprimer  la  réalité  des  choses,  puisqu'il 
nous  indique  quel  est  l'élément  du  sang  qui  arrive  à  prédominer  sur  les  globules 
rouges,  à  les  remplacer,  si  l'on  veut,  mais  pas  autant  que  l'indique  Virchow,  puis- 
que, sur  le  vivant  du  moins,  le  sang,  quoi  qu'il  en  dise,  ne  devient  jamais  plus  ou 
vioins  blanc,  et  cj[ue  cette  apparence  blanche  appartient  au  contraire  à  la  dyscrasie 
graisseuse. 

Au  reste,  en  fait  de  dénominations  nouvelles,  il  suffit  que  l'on  s'entende  sur  la 
valeur  de  celle  que  l'on  adopte  ;  que  l'on  dise  leukémie,  ou  leucocythéniie,  on 
ne  ris([ue  plus,  croyons-nous,  après  ces  explications,  de  tomber  dans  la  confusion 
que  nous  avons  signalée. 

Nous  attacherions,  pour  nous,  une  plus  grande  valeur  au  mot  de  leucocytose, 
que  Virchow  a  créé  plus  tard,  pour  désigner  ces  états  temporaires  du  sang,  soit 
physiologicpics,  soit  pathologiques,  où  la  proportion  des  leucocytes  se  trouve  aug- 
mentée dans  une  proportion  variable  ;  outre  les  circonstances  physiologiques 
indiquées,  il  s'agit  ici  des  causes  pathologiques  les  plus  diverses,  et  non  plus  de 
cette  dyscrasie  permanente,  qui,  par  une  marche  progressive  et  régulière,  conduit 
presque  toujours  le  malade  à  la  mort.  A  des  faits  différents,  il  faut  en  effet  appli- 
quer des  noms  dillérents.  Virchow  a  insisté  avec  raison  sur  cette  distinction 
[Pathologie  cellulaire,  trad.  Picard,  Paris  1861,  p.  159  et  suiv.  et  p.  156-161), 
et  montrait  que  la  leucocytose  se  produisait  dans  tous  les  cas  d'irritation  ganglion- 
hairCj  auxquels  il  rattache,  à  côté  de  certains  états   physiologiques,  les  maladies 


LEIjCOCYTHÊMIE  (anatomie   pathologique).  287 

des  ganglions  proprement  dits,  des  glandes  intestinales,  de  la  rate, certaines  formes 
de  pneumonie  et  des  états  généraux,  tels  que  la  pyohémie,  la  fièvre  typhoïde,  la 
fièvre  puerpérale,  le  choléra. 

Celte  distinction  devait  aussi  nous  occuper  dès  à  présent,  au  point  de  vue  des 
divisions  que  nous  devions  apporter  à  cet  article.  Toutefois,  au  lieu  d'étabhr  tout 
d'abord  des  divisions  dogmatiques  dans  un  sujet  encore  si  récemment  introduit 
dans  la  science,  nous  préférons  les  ajourner,  et  les  faire  ressortir  de  l'étude  même 
des  matériaux  que  nous  présentons  à  nos  lecteurs.  Nous  agiterons  plus  loin  la 
question  de  savoir  s'il  existe  une  lencocythémie  aiguë  et  une  leucocythémie  chro- 
nique, ou  mieux  une  leucocythémie  essentielle  et  une  leucocythémie  sijmptoma- 
tique,  répondant  à  la  leukémie  et  à  la  leucocytose  de  Virchow.  Nous  aurons  même 
à  discuter,  si  la  leucocythémie  doit  être  considérée  comme  une  entité  morbide  par- 
ticidière,  ou  si  elle  n'est  qu'une  cachexie  consécutive  à  des  affections  de  nature 
très-dilférente. 

Nous  ajournerons  également  les  divisions  qu'on  a  voulu  établir  entre  les  for- 
mes chniques  de  cet  état  pathologique  et  certaines  variétés  des  lésions  anatomi- 
ques  qu'on  y  rencontre  pour  décrire  tout  d'abord  le  fait  le  plus  général,  à  savoir, 
l'altération  caractéristique  du  sang  et  les  lésions  viscérales  qui  s'y  rattaclient  le 
plus  souvent. 

Nous  commencerons  donc  par  exposer  les  notions  que  nous  fournit  l'anatomie 
pathologique,  puis  la  symptomatologie,  la  marche,  la  durée,  la  terminaison  de  la 
maladie,  puis  ses  variétés,  sou  étiologie,  son  diagnostic,  son  pronostic,  son  traite- 
ment ;  nous  terminerons  par  la  physiologie  pathologique  et  les  théories  qu'on  a 
données  de  la  leucocythémie,  pour  arriver  à  déterminer,  s'il  se  peut,  la  nature  delà 
maladie,  et  le  rang  qu'il  convient  de  lui  attribuer.  Nous  terminerons  par  l'histo- 
torique  et  la  bibliographie. 

I.  Anatomie  pathologique.  1'^  Étude  DO  SAJN'G  LEUC0CYTHÉ5IIQUE.  Les  ca- 
ractères du  sang  doivent  être  étudiés  dans  doux  circonstances  différentes  :  d'abord 
sur  le  sang  extrait  du  malade  encore  vivant,  ensuite  sur  le  sang  trouvé  à  l'au- 
topsie dans  les  cavités  cardiaques  et  dans  les  gros  vaisseaux.  Les  premiers  faits 
n'ont  été  observés  que  dans  cette  dernière  circonstance  :  depuis  qu'on  sait  dia- 
gnostiquer la  leucocythémie  pendant  la  vie,  on  devra  toujours  constater  l'état 
du  sang.  11  importe  toutefois,  dans  l'intérêt  du  malade,  de  ne  pratiquer  qne  de 
très-petites  saignées,  soit  par  la  phlébotomie,  soit  par  l'application  d'une  ven- 
touse, car  nous  verrons  que  la  leucocythémie  prédispose  essentiellement  aux  hé- 
morrhagies. 

1"  Caractères  physiques.  Au  début,  lorsque  les  symptômes,  sur  lesquels  nous 
aurons  à  revenir,  font  soupçonner  la  leucocythémie,  lorsque  le  microscope  pour- 
rait déjà  accuser  la  dyscrasie  caractéristi({ue  du  sang,  les  propriétés  physiques  du 
fluide  nutritif  ne  présentent  pas  encore,  pendant  un  temps  assez  long,  de  chan- 
gement bien  manifeste.  A  mesure  que  la  maladie  fait  des  progrès,  que  la  cachexie 
se  prononce  davantage,  à  mesure  surtout  que  les  hémorrhagies  multiples  se  pro- 
duisent, le  sang  présente  des  altérations  considérables,  déjà  fort  appréciables  sans 
l'usage  du  microscope. 

La  coloration  du  sang  est  un  des  [iremiers  caractères  qui  attirera  notre  atten^ 
tion.  Le  sang  perd  sa  coloration  normale;  le  rouge  rutUant  du  sang  artériel,  la 
rutilance  que  l'on  observe,  même  sur  le  sang  tiré  de  la  veine  aussitôt  qu'il  subit 
l'influence  de  l'air,  se  perd  de  plus  en  plus  pour  faire  place  à  des  nuances  violettes. 
puis  violettes  foncées  analogues  à  la  couleur  de  la  lie  de  vin,  h  celle  de  la  boue 


288  LEUCOCYTHÉMIE   (anatomie  pathologique). 

splénique  ;  dans  d'autres  cas,  c'est  une  coloration  chocolat  clair,  ou  une  colora- 
tion rouge  brique  ou  brune  de  plus  en  plus  foncée,  à  mesure  que  l'on  s'approcbe 
de  la  terminaison  funeste.  En  même  temps,  à  ces  couleui's  sombres,  salies, 
comme  on  dirait  en  termes  de  peinture,  s'ajoutent  des  teintes  grisâtres,  opalines 
plus  ou  moins  prononcées,  et  appréciables,  surtout  lorsque  Ton  regarde  oblique- 
ment la  surface  du  sang,  étendu  en  couche  mince,  et  qui  couvre  les  plaques  de 
verre  d'une  sorte  de  voile  opaque,  un  peu  irisé.  Dans  quelques  cas  (observ.  de 
Robertson;  observ.  Blaclie,  Isambert  et  Robin),  le  sang  reprend  assez  vite  à  l'air 
une  couleur  rutilante,  mais  alors  nuancée  d'une  teinte  violette,  due  au  mélange 
du  rouge  et  de  la  nuance  opaline.  C'est  à  cette  nuance,  à  ce  reflet  opalin,  eu  cou- 
che mince  que  nous  parait  se  borner  l'apparence  blanchâtre  du  sang  dans  lu 
leucocythémie,  tant  que  le  sang  est  fluide,  bien  que  Vircfiow  déclara  (PaihoL 
celluL,  trad.  Picard,  p.  140),  que,  même  pendant  la  vie,  on  voit  le  sang  qui 
s'échappe  de  la  veine  présenter  des  stries  blanchâtres.  C'est,  en  tous  cas,  après  la 
coagnlation  que  ce  phénomène  devient  surtout  apparent. 

La  densife  du  sang  sur  laquelle  nous  manquons  de  renseignements  bien  cir- 
constanciés, et  d'observations  suffisamment  nombreuses,  doit  être  dès  lors  mani- 
festement changée  ;  voici  quelques  chiffres  que  nous  relevons  çà  et  là  dans  les 
anteurs  ;  10n6,,  1041.5,  10-45.5,  lOU.O,  1049.5  (tableau  relevé  par  H.  Ben- 
nett,  Onkucocythemia).  En  admettant  que  le  chiffre  normal  est  pour  l'homme 
de  1060  et  pour  la  femme  de  1057.5  (selon  Becquerel  et  Rodier),  ou  seulement 
de  1052  (Lecanu).  On  voit  que  la  densité  du  sang  subit  dans  la  leiicocytliémie 
une  diminution  assez  considérable.  La  densité  du  sérum  reste  à  peu  près  la  mém'i 
qu'à  l'état  normal;  en  prenant  pour  tei-me  de  comparaison,  le  chiffre  de  1029,9, 
nous  trouvons  dans  le  même  document  de  Bennett  sur  cinq  observations,  les 
chiffres  de  1  029,1029,  1027,  1026.5,  et  1023.  Toutefois  ce  sujet  mériterait  en- 
core des  recherches  nouvelles. 

La  viscosité  du  sang  a  été  notée  par  un  grand  nombre  d'observateurs  :  ce  liquide 
donne  aux  mains  qu'il  imprègne,  aux  viscères  que  l'on  manie,  une  sensation  de 
substance  poisseuse.  La  plupart  des  auteurs  sont  d'accord  pour  attribuer  cette 
propriété  nouvelle  aux  globules  blancs  eux-mêmes  auxquels  elle  appartient  en 
effet,  [(Nasse,  Virchow,  Robin).  [Voy.  l'article  Leucocyte).]  On  a  même  édifié 
sur  cette  propriété  une  expfication  du  ralentissement  du  cours  des  globules  blancs, 
et  de  leur  agglomération  pour  former  les  concrétions  blanches  que  nous  allons 
mentionner  tout  à  l'heure.  On  peut  toutefois  penser  que  la  viscosité  du  sang  est 
souvent  due  en  partie  à  l'augmentation  des  globules  graisseux  qui  a  été  reconnue 
dans  plusieurs  cas. 

La  coagulation  du  sang  nous  offre  enfin  des  changements  extrêmement  impor- 
tants. Dans  un  certain  nombre  de  cas,  le  sang  tiré  de  la  veine  se  coagule  comme  à 
l'état  normal  (observ.  deYogel).  Il  est  probable  qu'il  en  est  ainsi  dans  les  premiers 
temps,  lorsque  l'altération  du  sang  n'a  pas  atteint  son  maximum.  Plus  tard,  le 
sang  présente  en  se  coagulant  un  caillot  couvert  d'une  couenne  molle  analogue 
à  celle  que  l'on  observe  chez  les  sujets  anémiques,  et  un  examen  attentif  permet 
quelquefois  de  reconnaître  trois  couches  :  à  la  superficie,  une  couche  fibrineuse, 
blanc  pâle,  et  peu  consistante;  au-dessous  do  celle-ci,  une  seconde  couche,  encore 
blanchâtre,  ou  blanc  rosée,  ou  rose,  d'un  aspect  caséeux  présentant  des  amas  de 
grumeaux,  inégaux,  mammelonnés  ou  noueux,  d'une  couleur  opaline,^  grise  ou 
gris  rouge,  et  n'ayant  entre  eux  aucune  cohérence  ;  le  microscope  nous  apprendra 
(pic  c'est  la  couclie  des  glohul 's  blancs,  souvent  cntreniêléc  dans  les  vacuole^'  ue 


LEUCOCYTIIÉMIE  (anatohie  rATiioLuciQUE).  289 

la  couche  tibriiieuse.  Enfin,  au-dessous,  vient  le  cruoF,  d'une  couleur  rouge  plus 
ou  moins  foncé,  et  plus  ou  moins  consistant. 

Lorsqu'on  agite  le  sang  avec  des  baguettes,  ou  lorstpi'ou  le  filtre  pour  eu  sépa- 
rer la  fibrine,  il  ne  tarde  pas  à  se  séparer  également  eu  trois  coucbes  :  la  plus  in- 
férieure formée  par  les  globules  rouges  entraînés  les  premiers  par  leur  pesanleur 
spécifique,  la  seconde,  formée  parles  globules  blancs,  plus  ou  moins  régulière- 
ment stratifiés  au-dessus  de  la  couche  rouge  ;  enfin  à  la  superficie,  le  sérum, 
([ui  paraît  trouble,  légèrement  opahn,  surmonté  quelquefois  d'une  très-légère 
couche  crémeuse,  que  nous  verrons  être  due  à  l'accumulation  des  matières  grasses, 
lesquelles  flottent  à  la  surface,  pendant  que  les  globules  se  précipitent  au  fond 
du  vase.  (Yirchow,  Patli.  cellul.,  trad.  par  Picard,  p.  140. — Gesainmelte  Abhand- 
lungen,  etc.  p.,  184.) 

La  hauteur  relative  de  chaque  couche  mesurée  dans  une  éprouvelte  graduée 
indique  approximativement  les  quantités  relatives  des  globules.  Cette  méthode 
de  séparation  des  globules  par  le  repos,  après  défibrination  du  sang,  indiquée  par 
M.  Donné  [Cours  de  microsc.  complém.  des  études  méd.,  p.  84)  dès  1844,  donne 
déjà  des  résultats  approximatifs  assez  satisfaisants  et  comparables  entre  eux.  Elle 
a  été  suivie  depuis  par  le  docteur  \oge\{Virchoiv's  Arch.,  t.  TII,  p.  570),  par  Ro- 
bertson  (cité  par  Bennclt,  Monthly  Journ.  1851),  par  MM.  Vidal  et  Luys  [Soc.  ana- 
tom.  1857,  p.  338).  Yirchow  a  vu  le  sang  extrait  par  une  ventouse  se  séparer 
spontanément  en  trois  couches  comme  dans  les  cas  où  on  l'a  défibriné,et  présenter 
d'une  part  le  sérum,  presque  entièrement  privé  de  globules  blancs;  d'autre  part 
enfin,  les  globules  rouges  ayant  une  grande  tendance  à  former  des  colonnettes. 
Wûrzburg's  Yerhandlungen,  t.  VII,  obs.  IP  de  Bamberger,  anal,  du  sang,  par 
Yirchow.) 

A  une  période  plus  avancée,  ou  dans  certains  cas  plus  graves,  le  sang  perd  en- 
tièrement sa  coagulabilité  ;  au  lieu  de  caillots  véritables,  on  n'a  plus  qu'une  sorte 
de  masse  diffluente  analogue  càde  la  gelée  de  groseille,  (observ.  d'Andral),  qui  à  une 
époque  plus  rapprochée  de  la  mort  devient  de  plus  en  plus  lie  de  vin,  semblable  à 
la  boue  splénique,  ou  à  une  sanie  de  mauvaise  nature.  Nous  verrons  plus  loin  que 
dans  ces  cas  la  fibrine  a  presque  entièrement  disparu,  ou  qu'elle  a  subi  une  alté- 
ration particulière. 

Sur  le  cadavre ,  on  trouvera ,  dans  les  cavités  du  cœur  ,  dans  les  gros 
vaisseaux,  le  sang  en  masses  difiluentes,  très-analogues  par  leur  couleur,  leur 
consistance,  leur  viscosité,  à  ce  que  nous  venons  de  décrire  sur  le  sang  extrait 
pendant  la  vie. 

Dans  un  grand  nombre  de  cas,  on  a  constaté,  de  plus,  des  concrétions  blan- 
ches, ou  blanchâtres,  ou  jaunâtres,  formant  tantôt  des  caillots  de  consistance  va- 
riable, ordinairement  ternes,  granuleux,  friables,  tantôt  des  concrétions  molles, 
dilfluentes,  parfois  même  presque  liquides,  puriformes,  puisque  dans  un  cas  de 
Yirchow,  un  assistant  put  s'écrier  au  moment  de  l'ouverture  du  ventricule 
droit  :  «Ah  !  c'est  un  abcès.»  Les  premières  observations,  celle  de  Craigie,  celle 
de  Bennett,  celle  de  Yirchow,  qui  ont  amené  la  découverte  de  la  leucocythémie, 
ont  porté  exclusivement  sur  des  cas  de  ce  genre,  et  les  premières  discussions  ont 
été  de  savoir  si  l'on  avait  eu  ou  non  affaire  à  du  pus.  Mais,  les  observations  se  mul- 
tipliant, ou  a  vu  que  ces  concrétions  blanches  étaient  loin  de  se  produire  dans 
tous  les  cas  oCi  l'on  observe  le  développement  normal  des  leucocytes  dans  le  sang  ; 
que,  dans  bon  nombre  de  cas,  les  concrétions  blanchâtres  se  bornent  à 
des  grumeaux  blanchâtres,  gris  rosé,  ou  violets  d'un  volume  assez  variable,  dep^iii 
mci.  ENC.  2°  j,  H.  10 


290  LEUCÔCYTHÉMIE  (anatohie  pathologique). 

celui  d'un  gfDs  pois,  jusqu'à  celui  d'un  grain  de  semoule  ;  enfin,  bien  souvent,  i! 
n'y  a  plus  que  des  corpuscules  presque  imperceptibles,  cl  les  verres  grossi ss:;r.ls 
sont  nécessaires  pour  les  distinguer. 

Ces  concrétions  blanchâtres  se  trouvent  ordinairement  dans  les  cavités  dïo'.i  s 
du  cœur,  dans  l'aorte,  dans  les  gros  troncs  veineux.  Nous  verrons  en  pari 'nt 
des  lésions  viscérales,  qu'on  les  a  retrouvées  dans  des  vaisseaux  de  trcs-pclilc  di- 
mension. 

2°  Examen  microscopique  dti  sang.  Cet  examen  permet  de  rccounaUrc  la 
leucocythémie  du  vivant  du  malade,  bien  avant  que  les  caractères  physiques  si 
tranchés,  que  nous  venons  de  décrire,  soient  encore  appréciables.  Car  le  microscope 
permet  de  reconnaître  les  globules  blancs,  d'en  évaluer  le  nombre,  et  d'observer 
le  changement  de  proportion  qui  s'opère  dans  leur  nombre  comparé  à  celui  des 
globules  rouges.  Cette  recherche  peut  être  répétée  fréquemment  dans  le  courant 
de  la  maladie,  puisqu'il  suffit  d'une  piqûre  d'aiguille  ,  pour  se  procurer  la  quan- 
tité suffisante  pour  un  examen  microscopique,  sans  avoir  à  craindre  d'affaiblir  le 
sujet. 

M.  le  professeur  Robin  a  singuUèrement  allégé  notre  tâche,  en  traçant  avec 
Une  grande  autorité  dans  l'article  qui  précède  {voy.  Leucocytes)  les  caractères 
distinctifs  des  leucocytes,  leur  aspect  sous  le  champ  du  microscope,  la  manière 
dont  ils  se  comportent  avec  les  réactifs,  leur  nombre  à  l'état  normal,  leurs  dimen- 
sions et  leur§  variétés  principales,  à  savoir  les  globules  blancs,  ou  cellules,  et  les 
gtobulins,  ou  noyaux  libres.  Nous  n'avons  pas  à  revenir  sur  un  sujet  traité  aussi 
complètement,  et  nous  nous  bornerons  à  rappeler  les  modifications  qui 
constituent  un  état  pathologique  à  savoir  :  1°  l'augmentation  du  chilfre 
proportionnel  des  globules  blancs,  2°  l'altération  de  ces  globules  eux-mêmes. 

Le  chiffre  normal  des  globules  blancs  [voy.  à  l'article  indiqué  les  variations  phy- 
siologiques ou  individuelles)  étant  en  moyenne  à  celui  des  globules  rouges  comme 
1  :  500,  nous  voyons  dans  la  leucocythémie  ce  chiffre  s'élever  à  la  proportion  de 
1  :  20,  puis  1  ;  10,  puis  en  1  :  5, 1 :  4  ,1 :  5,  ou  même  2  :  5  ;  enfin  dans  les  cas  les 
plus  graves  on  trouve  les  rapports  1  :  1,  ou  même,  mais  rarement,  une  prédo- 
minance des  éléments  blancs  sur  les  éléments  rouges.  C'est  là  la  condition  con- 
stitutive de  l'état  morbide  qui  nous  occupe  :  sans  celte  augmentation  de  proportion, 
il  n'y  a  plus  de  leucocythémie.  Nous  verrons  cependant  plus  loin,  que  dans  un 
grand  nombre  de  cas,  où  la  leucocythémie  apparaît  comme  un  symptôme  acces- 
soire de  maladies  très-diverses  (leucocythémie  symptomatique,  temporaire,  leuco- 
cytose  de  Virchow),  la  proportion  des  globules  blancs  ne  s'élève  pas  autant,  elle 
est  en  moyenne  1  ;  100,  c'est-à-dire  trois  à  quatre  fois  plus  considérable  qu'à  l'état 
normal.  Dails  quelques  auteurs,  on  trouve  ces  chiffres  exprimés  d'une  autre  ma- 
nière ;  il  est  dit  que  le  nombre  des  globules  blancs,  par  exemple,  est  de  25,  de 
SO  à  100  globules  rouges.  Il  est  facile  de  ramener  par  le  calcul  ces  chiffres  à 
Une  évaluation  commune. 

Les  globules  présentent  de  plus  une  altération  coilsistant  surtout  dans  une 
augmentation  de  volume  (déjà  signalée  par  Bennett,  1845,  parCliarcot  et  Robin, 
1853)  et  quelquefois  dans  leur  configuration.  {Voy.  l'article  Leucocytes  oii  ces 
variations  sont  décrites  par  M.  Robin.)  On  a  noté  aussi  leur  passage  à  l'état  gras 
par  l'infiltration  de  granulations,  à  bords  réfringents,  ne  se  dissolvafit  pds  dans 
l'acide  acétique.  {Voy.  Observations  de  Charcot  et  Vulpian,  Gaz.  hehdom.  1860, 
p.  756.) 

Les  globulins  ou  noyaux  libres  prennent  souvent  un  développement  considc- 


LEUCOCYTHÉMIE  (akatomie  pathologique^.  291 

rable  et  constituent  une  des  variétés  de  la  leucocythémic.  Ce  sont  bien  ceux  que 
Virchow décrit  en  parlant  de  a  globules  blancs  beaucoup  plus  petits  ouïes  noyaux 
simples  sont  en  comparaison  volumineux,  généralement  à  contours  nets,  foncés 
et  un  peu  granuleux,  dont  la  membrane  est  si  rapprochée  du  noyau  qu'on  peut  à 
peine  distinguer  un  espace  intermédiaire.  »  {Patliol.  celL,  trad.  Picard,  p.  i42.) 
Il  les  fait  provenir  particulièrement  des  glandes  lymphatiques,  et  les  rattache  à 
une  forme  clinique  de  la  maladie,  la  leukémie  lymphatique,  où  le  sang  serait  moins 
riche  en  cellules  développées,  mais  oiî  l'on-trouve  des  corpuscules  partie  cellules, 
partie  noyaux,  qui  ne  diffèrent  en  rien  des  éléments  trouvés  dans  les  glandes  lym- 
phatiques. Virchow  insiste  beaucoup  sur  cette  distinction  dès  l'année  1847  (Vir- 
chow, Archiv.,t.l,  p.  567  —  t.  V.  p.  58  —  Wiirzburg's  VerhanclL,  t.  II,  p.  325, 
ei  Gesammelte  Abhandlungen,  p.  197.) 

L'augmentation  des  globulins  est  également  notée  par  MM.  Charcot  et  Robin 
(Soc.  de  biologie,  1855,  p.  48)  :  «  Ils  existent  en  bien  plus  grande  quantité  qu'à 
l'état  normal,  on  en  rencontre  de  10  à  25  dans  le  champ  du  microscope,  tandis 
qu'à  l'état  normal,  on  en  rencontre  tout  au  plus  1  ou  2.  Us  ont  d'ailleurs  tous  les 
caractères  qu'ils  présentent  dans  le  sang  normal.  » 

Nous  avons  nous-même  observé,  en  1855,  avec  MM.  Blache  et  Robin  {Bidletin 
de  l'Académie  de  médecine,  29  janvier  1856,  et  Comptes  rendus  de  la  Société 
de  biologie,  8  décembre  1855)  un  cas  oii  ce  développement  des  globulins  semble 
porté  au  maximum.  Ici  il  n'y  avait  pas  ((  partie  cellules,  partie  noyaux,  »  comme 
dit  Virchow,  il  y  avait  prédominance  énorme  des  globulins,  tandis  que  les  globules 
proprement  dits  n'élaient  réellement  pas  plus  nombreux  qu'à  l'état  normal.  «  Les 
globulins  étaient,  aux  globules  blancs  complets  comme  80:  1.  Au  lieu  d'être 
comme  à  l'ordinaire,  obligé  de  chercher  les  globules  blancs  et  les  globulins  au  mi- 
lieu des  globules  rouges,  c'étaient  réellement  les  globules  rouges  et  les  globules 
blancs  qu'on  était  obligé  de  chercher  au  miheu  des  globulins.  »  Dans  ce  cas,  comme 
dans  les  autres  observations,  les  globulins  semblaient  d'ailleurs  conserver  leurs 
caractères  ordinaires. 

Les  recherches  microscopiques  faites  sur  le  sang  recueilli  sur  le  cadavre,  don- 
nent les  mêmes  résultats  si  l'autopsie  est  faite  dans  le  laps  de  temps  convenable. 

C'est  dans  ces  cas  que  l'on  a  étudié  les  concréiioiis  Manches  dont  nous  avons 
déjà  décrit  les  caractères  physiques,  et  qui  se  forment  spontanément  dans  les  der- 
niers temps  de  la  vie.  L'examen  microscopique  montre  que  ces  concrétions  sont 
principalement  composées  de  globules  blancs,  absolument  comme  la  couche  blan- 
châtre subjacente  à  la  couche  fibrineuse  de  la  saignée,  ou  à  la  couche  blanchâtre 
intermédiaire  au  sérum  et  au  cruor  dans  le  sang  défibriné.  Les  auteurs  qui  ont 
étudié  les  caillots  blancs  de  la  leucocythémie,  apportent  à  ce  sujet  un  témoignage 
trop  concordant  pour  qu'on  puisse  se  refuser  à  y  voir  le  fait  général.  Il  y  a  cepen- 
dant des  variations  assez  grandes  dans  la  composition  de  ces  concrétions  blanches 
pour  qu'il  n'y  ait  pas  quelques  réserves  à  faire.  En  effet,  la  consistance  de  ces 
caillots  est,  nous  l'avons  dit,  des  plus  variables  :  quelquefois  ce  sont  des  caillots 
figurés,  moulés  sur  les  cavités  du  cœur  ou  des  gros  vaisseaux,  offrant  encore  une 
Certaine  cohésion  :  il  est  difficile  d'admettre  qu'il  puisse  en  être  ainsi  sans  que  les 
corpuscules  blancs  et  arrondis  soient  reliés  entre  eux  par  l'agent  uécessaire  de  la 
coagulation,  c'est-à-dire  par  la  fibrine.  C'est  du  reste  cequeBennett  indique  dans 
sa  première  observation  (1845).  Mais  ces  mêmes  caillots  sont  friables,  ils  laissent 
par  la  pression  échapper  une  bouillie  crémeuse  ;  souvent  enfin  il  n'y  a  plus  de 
caillots  formés,  mais  seulement  des  masses  dilïïuentes  et  presque  liquides  :  c'est 


292  LEUCOCYTHÉMIE   (anatomie  rATiioLociQUE). 

dans  ces  cas  qu'on  trouvera  presque  exclusivement  des  globules  blancs;  il  est  évi. 
dent  pour  nous  que  ces  variations  proviennent  de  la  quantité  plus  ou  moins 
grande  de  la  fibrine  dans  ces  concrétions  blanches,  et  sans  doute  aussi  d'un  élé- 
ment dont  on  ne  s'est  pas  encore  assez  préoccupé,  la  proportion  des  substances 
graisseuses  dans  le  sang  leucocythémique.  (  Voy.  Bull,  et  mém .  de  la  Soc.médic.  des 
hôpitaux  de  Paris,  1867,2''  sér.  :  tome  IV,  p.  2.75  —  Observ.  de  M.  Bourdon, 
et  la  discussion  qui  s'en  est  suivie,  p.  278-280.)  Nous  reviendrons  tout  à  l'iieure 
sur  la  question  de  la  fibrine  et  sur  une  altération  particulière  qu'elle  nous  a  pré- 
sentée. 

Globules  rouges.  La  plupart  des  auteurs  se  sont  bornés  à  dire  que  les  globules 
rouges  étaient  dans  une  proportion  moindre  que  les  globules  blancs,  mais  ils  n'ont 
pas  recherchés  si  les  premiers  présentaient  quelque  modification  particulière. 
MM.  Cliarcot  et  Vulpian  {Gaz.  hebdomad,  18G0,  p.  756)  ont  trouvé  dans  une 
observation  les  globules  rouges,  non-seulement  diminués  de  nombre,  mais  de  di- 
mensions manifestement  au-dessous  des  dimensions  normales.  «  La  réduction  de 
volume  de  ces  globules  était  d'autant  plus  manifeste  que  les  dimensions  des  glo- 
bules blancs  étaient  généralement  accrues,  et  ce  fait  concorde  peu  avec  l'hypothèse 
qui  voudrait  faire  provenir  les  premiers  des  seconds.  C'est  encore  un  sujet  de  re- 
cherche à  signaler  pour  l'avenir.   » 

0°  Composition  clninique  du  san^.  Nous  ne  possédons  pas  un  nombre  assez  grand 
d'analyses  chimiques  du  sang  leucocythémique,  et  c'est  là  une  lacune  regret- 
tajjle  :  on  se  contente,  le  plus  ordinairement,  de  constater  au  microscope  l'aug- 
mentation proportionnelle  des  globules  blancs,  et  l'on  ne  se  préoccupe  pas  assez 
des  antres  éléments.  Nous  allons  montrer  qu'il  y  aurait  à  cet  égard  encore  bien  des 
desiderata  à  satisfaire. 

Les  résultats  de  neuf  analyses  complètes,  d'après  J.  Vogel,  Parkes,  Rot)ertson, 
Drummond,  ont  été  résumés  parBennett  dans  le  tableau  suivant  {Monthly  journ. 
ofmed.  sciences,  1851,  t.  XII  et  t.  XIII)  : 


NUMÉRO 

DE  l'oDSERVAIION 


- 


II  (Drummond).   .  .  . 

III      

XXXII 

IX      ..  . 

YIII     

Vill     (analyse  ultérieure) . 

XXX    (Yogel  et  Strecker). 

XXXVI 

X.XXVII(Robertson).  .   .   . 

XIX      


roiDs 
spétlCqne 
du  sang 


1041, B 
1056,0 

1049,3 


1045, 5 
1044,0 
1049,5 


Poids 
spéciQque 
du  sérum 


1026,5 
1U23,0 

1029,0 


1027,0 


1029,0 


FIBRINE 


JIATE- 

niAUx 
solides 

du 
sérum 


6,0 

2,5 

2,45 

&,0 

7,08 

4,75 

4,4C 

5,2 

4,2 

5,00 


72,0 

67,0 

93,20 

93,0 

7S,22 

77,52 

82,35 

80,7 


95 


GLOBULES 


TOTAL 

des 
solides 


67,5 
49,7 

100,7; 

80,0     I 

101,63  ! 

I 

97        ! 

I 

97,39  ' 
82,3 


80 


145,5 
119,0 
186,47 
180,0 
183,93 
180,2 
184,2 
60,2 


180 


854,5 

881,0 

8ai,ô2 

8iO,0 

810,07 

819,8 

815,8 

833,8 


820 


Dans  l'observation  m,  il  s'agissait  d'une  forme  liémorrhagique,  et  d'après  cela 
le  chiffre  2.3  U<j  la  librine  serait  plutôt  élevé. 


LEUCUCYTIlfJHE  (anatomie  p\tiioi.ociqce\  21)3 

Dans  l'observation  XXXIl,  on  n'a  analysé  que  le  sang  d'un  cadavre  :  l'analyse 
est  nécessairement  imparfaite. 

Dans  l'observation  Vllf,  l'élévation  du  chiffre  de  la  fibrine  tient  sans  doute  à  ce 
que  celle-ci  n'a  pu  être  séparée  entièrement  des  leucocytes  (voy.  plus  hinFibrine), 
le  chiffre  75.22  des  matériau.x  solides  du  sérum  se  décomposait  ainsi  :  matière  or^ 
ganique  coagulable  65.03  —  matière  organique  incoagulable  5.08  —  sels  solubles 
8.63  —  sels  insolubles  0.48. 

Dans  l'observation  XXXVII,  Roberston  croit  avoir  parfaitement  recueilli  la  fibrine; 
on  voit  qu'elle  est  un  peu  au-dessus  du  chiffre  normal.  Le  sang  s'est  ensuite  sé- 
paré en  trois  couches,  dont  le  cruor  rouge  représentait  les  4/7%  la  couche  blanche 
2/7^  et  le  sérum,  rougeàtre,  presque  transparent  ]  [V .  La  couche  moyenne,  agitée 
avec  l'éther  sulfurique,  a  donné  à  l'analyse  une  proportion  considérable  de  ma- 
tières grasses. 

Prenant  pour  base  la  composition  du  sang  normal  donnée  par  M.  Lecanu,  et 
comparant  les  chiffres  de  cet  observateur  avec  les  cliiffres  moyens  fournis  par  le 
tableau  précédent,  M.  Robertson  établit,  pour  la  leucocythémie,  les  relations  sui^ 
vantes  : 


POUR  1000  PARTIES  DE  SANG  : 

EN   SANTÉ 

DANS 

LA   LEUCOCYTUÉMIE 

Densité  du  sang 

1052 
10-'' 9 

«43 
1026,4 
::  1  :      4,9 

Id.       du  sérum 

Total  des  solides,  est  à  l'eau 

^1:3, 762 

Id.  des  matériaux  solides  du  sérum,  est  à  l'eau 

::  1  :  9,675 

::  1  :    -10,53 

Id.  des  matériaux  solides  du  sérum,  est  au  total  des  solides. 

::  1  :  2,623 

::,  1  :      2,11 

Globules,  sont  au  total  de  l'eau 

::,  1  :  6,220 

-       9,81 

Id.      sont  au  total  des  solides 

:,:  1  :  l,6b3 

-       2,0 

Id.      sont  aui  solides  du  sérum 

:::  1  ::  0,630 

-       0,940 

Fibrine  est  à  l'eau 

:;:  i  :,  263,00 

-    189,6 

Id.      est  au  total  des  solides 

:-■  1  :i    70,00 
:::;1  :    26,66 

-  58,7 

-  18,35 

Id.      est  aui  solides  du  sérum 

Id.      est  aux  globules,  ,,,,,,,,,,,,,,,,» 

::  1  :    42,53 

—     19,36 

Nous  avons  nous-mêmes  trouvé,  en  1855  (observ.  Blache,  Tsambcrt  et  Robin) 
les  chiffres  suivants  : 

Eau 838,99 

Fibrine 1,40 

Matériaux  solides  du  sérum 70,41 

Globules 69,22 

et  dans  une  seconde  analyse  ;  .    i 

Eau 823,351 

Matériaux   solides  desséchés  (fibrine,  albumine,  globules 

et  sels) 169,420 

Matières  grasses 7,229 

i.ooivooo' 


294  LEUCOCYTHÊMIE  (anatomie  pathologique). 

Becquerel  {Soc.  méd.  des  hop.  1856,  p.  52),  donne  le  tableau  suivant: 

Densité  du  sang  défibriné 1018,50 

Globules 70,5 

Fibrine 2,9 

et  sur  4,000  parties  de  sérum  : 

Alljumine 40,S0 

Matières  extractives,  matières  grasses  et  sels -là, 50 

Densité  du  sérum 1018,50 

l>ans  une  aulre  observation  {ibidem,  p.  495),  il  donne  le  tableau  suivant  : 

Eau 839,o9 

Total  des  parties  solides 160,68 

^  :                               Globules  rouges  et  blancs 70,84 

Fibrine 4,05 

Parties  solides  du  sérum 85,70 

1000,00 

pour  400  grammes  de  sérum  : 

Quantité  d'eau 909,76 

Somme  des  parties  solides 92,24 

Albumine 75,83 

Mat.  extraclives,  salines  et  grasses 16,39 

1000,00 

La  méthode  de  M.  Donné  (séparation  par  le  repos  du  sang  défibriné),  avait 
donné  : 

Hauteur  du  sérum 6/12 

—  des  globules  blancs 1/12 

—  des  globules  rouges 5/12 

Enfin,  M.  Regnault  a  trouvé  dans  une  observation  de  M.  Vidal  {Soc.  analom.y 
1852,  p.  340)  les  chiffres  suivants  : 

Eau  et  principes  volatils 832,35 

Globules 90,58 

Albumine  et  principes  fixes  du  sérum 74,59 

*                               Fibrine 2,66 

1000,00 

La  méthode  de  séparation  de  M.  Donné  donnait  dans  ce  cas  à  la  couche  des 
globules  blancs,  une  hauteur  deux  fois  moindre  que  celle  des  globules  rouges. 

Le  résultat  général  des  analyses  du  sang  leucocythémique  donne  en  résumé  le 
résultat  suivant  : 

Diminution  considérable  des  globules,  qui  peut  aller  jusqu'à  près  de  moitié. 

Diminution  de  l'albumine  (partie  principale  des  matériaux  solides  du  sérum) 
pouvant  être  de  près  de  moitié. 

Augmentation  de  l'eau,  constante. 

Augmentation  ou  diminution  de  la  fibrine. 

Diminution  du  fer,  constatée  par  Strecker  et  Drummond  (observ.  XXX  et  obs.  Il 
du  tableau  précédent). 

Augmentation  des  matières  grasses.  (Robertson,  Tsambert  et  Robin.) 

C'est  donc  une  sorte  de  cachexie  séreuse,  avec  changement  de  proportion  con- 
sidérable de  certains  éléments. 

Nous  demanderons  la  permission  d'insister  encore  sur  quelques-uns  des  points 
principaux  de  celte  question. 

fibrine.  On  a  vu  par  les  cbiffres  précédemment  cités  que  les  auteurs  sont 


LEUCOCYTHÊMIE  (anatomie  pathologique).  2?5 

loin  d'être  d'accord  sur  h  proportion  de  la  fibrine.  Vircbow  déclare  que,  dans  les 
premiers  cas  de  leucémie  qu'il  lui  fut  donné  d'observer,  un  fait  le  frappa  :  «  C'est 
que  la  quantité  de  fibrine  contenue  dans  le  sang  n'avait  pas  sensiblement  varié.  » 
Depuis,  on  a  vu  la  fibrine  être  augmentée,  ou  diminuée,  enfin  rester  en  proportion 
normale  {PaiJiol.  cell.  p.  139).Bennett  (tableau  ci-dessus)  trouve  l'augmentation 
de  la  fibrine  dans  7  analyses  sur  9.  Les  deux  cas  de  diminution  étaient  :  1°  un  cas 
de  purpura  (leucocytbémie  liémorrbagique)  ;  2°  un  cas  oi\  le  sang  avait  été  recueilli 
après  la  mort.  La  note  ajoutée  à  l'observation  Mil  du  tableau  prouve  que  le 
cbiifre  élevé  de  la  fibrine  lui  inspire  des  doutes  :  elle  a  pu  être  confondue  avec  une 
'certaine  quantité  de  globules  blancs.  Il  conclut  du  reste  qu'il  n'y  a  aucune  relation 
entre  l'excès  de  la  fibrine  et  la  diminution  des  globules,  car,  dans  l'observation  111, 
oià  la  fibrine  est  au  minimum  2.5,  les  globules  tombent  à  49.7,  et  dans  l'obser- 
vation VIII  où  elle  est  au  maximum  7.08,  les  globules  ne  montent  qu'à  \^)ÏX^'5. 

11  fiut,  pour  se  rendre  compte  de  ces  variations,  se  préoccuper  d'une  considé- 
ration dont  les  auteurs  que  nous  avons  cités  ont  fait  un  peu  trop  abstraction,  je 
veux  dire  des  circonstances  cliniques  et  des  symptômes  que  le  malade  a  présentés 
au  moment  de  l'analyse  du  sang.  Dans  les  premières  observations  de  Bennett, 
nous  voyons  en  effet  mentionner  plusieurs  fois  l'état  fébrile  du  malade,  soit  qu'il 
s'agisse  de  la  fièvre  qui  s'allume  in  extremis,  soit  de  quelque  complication  inter- 
currente. 11  est  certain  que,  dans  ce  cas,  la  quantité  de  fibrine  pourra  varier  :  elle 
ne  sera  probablement  jias  la  même  non  plus  dans  les  cas  où  le  malade  succombe 
à  une  cacliexie  progressive,  et  dans  ceux  oîi  il  meurt  épuisé  par  des  hémorrha- 
gies  multiples,  ou  sidéré  par  des  hémorrhagies  internes.  Bennett  a  déjà  remarqué 
que  la  fibrine  présentait  son  minimum  dans  un  cas  liémorrbagique.  M.  Huss, 
note  aussi  la  diminution  de  la  Fibrine.  [Arch.  gén.  cleméd.  1858,  t.  II,  p.  515.) 
Nous  avons  nous-même,  dans  un  cas  bémorrhagique  des  plus  remarquables 
(observ.  citée,  1855),  trouvé  un  cbiffre  encore  plus  bas  que  le  sien,  dans  une 
première  analyse  (1,40  sur  1000  de  sang). 

Mais  ce  n'est  pas  seulement  l'abaissement  du  chiffre  de  la  fibrine  que  nous 
avons  rencontré  dans  cette  observation,  c'est  une  altération  moléculaire  complète 
de  cette  substance,  dont  nous  rendions  compte  dans  les  termes  suivants:  «  L'agi- 
tation n'a  pu  réunir  la  fibrine  en  masse  filamenteuse  comme  dans  les  cas  ordi- 
naires. En  filtrant  ce  sang  à  travers  un  Imge  fin,  la  filtration  était  extrêmement 
lente,  et  on  n'obtenait  sur  le  linge  que  quelques  grumeaux  fîbrineux,  gras  au 
toucher,  qu'il  a  été  impossible  de  recueillir  assez  exactement  pour  les  peser.  »  — 
Nous  avons  cherché  aies  réunir  par  une  autre  méthode  :  «  Ordinairement,  quand 
on  malaxe  un  caillot  sous  un  courant  d'eau  dans  un  nouet  de  linge,  on  obtient 
rapidement  une  diminution  notable  de  ce  caillot,  et  le  lavage  ne  laisse  bientôt  plus 
que  de  la  fibrine  blanche,  filamenteuse,  bien  agrégée.  Ici,  au  contraire,  après  avoir 
malaxé  longtemps,  le  volume  du  caillot  paraissait  à  peine  diminué;  lorsqu'on  pres- 
sait plus  fort,  ou  déterminait  dans  le  linge  des  éraillures,  qui  laissaient  passer  à  la 
fois  les  globules  et  de  la  fibrine  en  grumeaux  très-fins.  L'examen  microscopique 
a  montré  la  structure  fibrillaire  de  la  fibrine,  toutefois  la  séparation  de  celle-ci  en 
filaments  était  beaucoup  moins  manifeste  qu'à  l'état  normal;  en  outre,  on  observait 
dans  l'épaisseur  des  magmas  fibrillaires  qu'elle  constil;uait  une  grande  quantité 
de  fines  granulations  graisseuses,  semblables  à  celles  que  nous  avons  décrites  dans 
le  sérum.  La  fibrine  avait  également  englobé  une  assez  grande  quantité  de  glo- 
bnlins.  —  Cette  expérience  recommencée  deux  ou  trois  jours  après  sur  une  masse 
d'environ  200  grammes  de  caillots  recueillis  sur  le  cadavre  a  donné  les  mêmes 


296  LEUCÛCYTIIÉMIE  (anatomie  pathologique). 

résultats  et  n'a  fourni  qu'une  très-faible  quantité  de  fibrine  en  grumeaux.  {Soc. 
d'ebiologie,  1855;  Gaz.  médic,  1856.) 

Nous  faisions  remarquer,  dans  ce  même  cas,  les  modifications  profondes  qu'une 
telle  altération  de  la  fibrine  devait  apporter  à  la  coagulabililé  de  ce  fluide,  et  sur- 
tout les  incertitudes  qu'elle  apportait  à  l'analyse  quantitative  du  sang.  En  effet, 
on  ne  pouvait  déterminer  exactement  le  chiffre  de  la  fibrine,  puisqu'il  était  im- 
possible de  la  réunir  en  masse,  et  surtout  de  la  séparer  des  globules  rouges  et 
iDlancs.  La  détermination  du  chiffre  de  ceux-ci  devenait  également  incertaine, 
puisque  l'espèce  de  filtration  (nous  dirions  presque  de  collage),  par  lequel  la 
fibrine  emprisonne  habituellement  les  globules  pour  les  séparer  du  sérum  ne 
pouvait  plus  se  faire,  et  que  celui-ci  restait  trouble  et  rempli  de  globules.  Nous 
insistons  sur  cette  difficulté,  parce  qu'elle  a  Au.  certainement  se  présenter  à  d'au- 
tres observateurs,  et  parce  qu'elle  explique  la  grande  divergence  des  chiffres  mis 
en  avant,  tant  pour  la  fibrine  que  pour  les  autres  éléments  du  sang. 

Cette  altération  spéciale,  cette  précipitation  de  la  fibrine  grumeleuse  n'a  pas 
été  vue  que  dans  ce  cas  (1855).  En  1858,  nous  la  constations  de  nouveau  sur  un 
autre  sujet  :  environ  500  grammes  de  sang  coagulé  furent  recueillis  sur  le  ca- 
davre et  malaxés  dans  un  nouet  de  linge  sous  un  courant  d'eau  :  cette  quantité 
ne  laissa  pas  de  fibrine  à  longs  filaments  élastiques,  mais  seulement  de  très-petits 
grumeaux  blancs,  gras  au  toucher,  dans  lesquels  cependant  le  microscope  faisait 
reconnaître  la  structure  fibrillaire  de  la  fibrine.  «  Il  serait  intéressant,  ajoutions- 
nous,  de  rechercher  si  cette  altération  de  la  fibrine  est  un  fait  fréquent  dans  les 
cas  de  leucocythémic,  et  à  quelle  époque  elle  survient  dans  le  cours  de  cette  ma- 
ladie ;  si  ce  n'est  pas  un  fait  général,  il  est  singulier  qu'il  se  soit  rencontré  deux 
fois  de  suite  entre  les  mains  du  même  observateur.  »  {Sur  un  nouveau  cas  de 
leucocytlieniie ,  compte  rendit  de  la  Soc.  de  biologie,  1858.)  Dans  la  première 
observation  de  Bennett  {Edinburgh  Med.  and  Snrg.  Journ.,  oct.  1845,  p.  418), 
on  trouve  en  elfet  la  mention  d'un  état  analogue  de  la  fibrine.  «  Là  où  le  caillot 
jaune  était  plus  mou  que  d'habitude,  les  corpuscules  de  pus  (leucocytes)  étaient 
plus  nombreux,  et  la  fibrine  était  désagrégée  [braken  doivn)  en  une  masse  dif- 
fluente,  en  partie  moléculaire  et  granuleuse,  et  en  partie  de  débris  et  filaments 
brisés  en  morceaux  de  longueurs  différentes.  »  Nous  n'avons  pas  trouvé  de  men- 
tion plus  expHcite  sur  l'altération  qui  nous  occupe,  dans  les  observations  qui  ont 
précédé  les  nôtres;  M.  Robin  trouva  à  la  même  époque  un  aspect  analogue  de  la 
tihriue  chez  le  malade  (obs.  II)  de  M.  Vigla.  {Yoij.  Vidal,  ouvr.  cité,  p.  25.)  Enfin, 
Becquerel  {Soc.  méd.  des  hop.  1856,  p.  196)  mentionne  aussi  la  fibrine  granu- 
leuse que  le  battage  ne  peut  réunir.  Nous  ne  voyons  pas  que  d'autres  auteurs 
l'aient  signalée  depuis  dans  la  leucocytémie. 

Glohdes.  Les  globules  ont  été  très-bien  étudiés  au  microscope,  mais  au  point 
de  vue  chimique,  nous  devons  insister  sur  l'incertitude  que  présente  la  détermi- 
nation quantitative  de  ces  éléments  dans  les  cas  où  le  sang  présente  cette  disso- 
lution, qui  permet  à  peine  la  formation  d'un  caillot,  et  rend  la  séparation  com- 
plète des  globules  et  du  sérum  à  peu  près  impossible.  Il  est  assez  probable  que 
le  chiffre  en  a  été  trouvé  plus  faible  qu'il  n'était  en  réahté,  par  suite  de  cette  perte, 
bien  que  la  diminution  considérable  du  total  des  globules  soit  un  fait  incon- 
testable. 

Albumine.  L'incertitude  est  au  moins  aussi  grande  au  sujet  du  chiffre  de 
l'albumine,  qui  se  dose  habituellement  d'une  manière  indirecte,  par  différence; 
il  est  probable  qu'ici  l'erreur  est  en  sens  inverse,  le  chiffre  des  matériaux  solides 


LEUCOCYTIIÉMIE  (anatomie  rATiiOLOciQUE).  297 

du  sérum  (qui  fournit  celui.de  l'albumine  après  qu'on  en  a  déduit  celui  des  sels  et 
des  matières  grasses)  se  trouvant  légèrement  augmenté  par  la  présence  des  glo- 
bnles  blancs  qu'il  est  si  difficile  d'en  séparer,  puisque  dans  la  majorité  des  cas 
le  sérum  est  resté  trouble  et  laiteux.  Dans  les  analyses  ci-dessus,  Becquerel 
donne  les  cbiiïres  de  75,85  et  de  40,50  pour  l'albmniue.  M.  Ducom  a  trouvé 
seulement  57  sur  1,000.  (Obs.  II  deM.  Vigla.  Voyez  Vidal,  ouvr.  cité,  p.  24.) 

Corps  gras.  11  est  bien  entendu,  après  les  longues  explications  dans  lesquelles 
nous  sommes  entrés  au  début  de  cet  article,  que  nous  ne  confondons  pas  laleuco- 
cylbémie  avec  les  cas  de  sang  chyleux,  laiteux  (lipœmie)  où  la  prédominance  des 
corps  gras  est  si  considérable.  Nous  trouvons  dans  la  leucocythémie  véritable  la 
mention  d'une  augmentai  ion  numérique  des  corps  gras  dans  l'observation  de 
Robertson.  [Voy.  n"  XXXVH  du  tableau  de  Bennelt,  ci-dessus  reproduit.)  Nous 
l'avons  nous-même  constatée  et  mesurée  dans  notre  observation  de  1855,  puisque 
nous  avons  trouvé  le  cbiffre  de  7,229  sur  1000  de  sang.  Le  sang  fdtré  laissait 
former  par  le  repos  une  coucbe  d'un  blanc  laiteux  très-opaque  qui  venait  sur- 
nager les  globules  rouges.  Cette  couche  s'attachait  aux  parois  du  vase.  Elle  était 
composée  presque  entièrement  de  granulations  graisseuses.  Il  est  probable  que  le 
passage  d'un  certain  nombre  de  globules  blancs  à  l'état  graisseux  était  pour  quel- 
que chose  dans  cette  augmentation  des  matières  grasses. 

Becquerel  ISoc.  méd.  des  hôp.  1856  p.  196)  trouve  5,014  de  matières  grasses 
pour  1 ,000.  MM.  R.  Mattei  et  Cappezuoli  de  Florence  ont  trouvé  5,7  de  matière 
grasse  sur  100  de  caillot  desséché  dans  leur  observation.  {La  Sperimeniale, 
mars  1858.) 

Nous  sommes  étonné  qu'un  nombre  plus  grand  d'observateurs  ne  se  soit  pas 
occupé  de  cette  question.  A  peine  voyons-nous  qu'on  se  soit  enquis  de  la  détermi- 
nation quantitative  des  matières  grasses.  Quant  à  l'analyse  qualitative  et  à 
la  détermination  des  différentes  substances  grasses,  dont  l'ensemble  constitue  un 
chiffre  aussi  considérable,  nous  sommes  dans  l'ignorance  la  plus  complète,  et 
nous  manquons  entièrement  de  renseignements. 

Sels.  Nous  ne  voyons  pas  non  plus  que  l'on  se  soit  occupé  delà  détermination 
des  sels  du  sérum  et  des  variations  qu'ils  auraient  pu  subir  dans  leur  quantité. 
Nous  sommes  toutefois  autorisés  à  croire  que  ces  variations  ne  doivent  pas  être 
importantes,  puisque  la  densité  du  sérum  varie  très-peu  d=ans  cet  état  patholo- 
gique. Mais  il  faudrait  faire  à  ce  sujet  des  expériences  directes. 

Fer.  Le  fer  a  été  dosé  quantitativement  par  Strecker  (observation  de  Vogel), 
qui  a  trouvé  3,42,  et  par  Drummond  (obs.  II  du  tableau  de  Bennett),  qui  a  trouvé 
2,06  pour  100  parties  de  cendres  après  calcination  des  solides  du  sang.  C'est 
une  diminution  de  la  quantité  normale. 

Substances  organiques  diverses.  Scherer  a  trouvé  dans  deux  cas  de  sang  de 
leucémique  que  lui  avait  fournis  Virchow,  l'hypoxanthine,  la  Icucine,  les  acides 
urique,  lactique,  acétique  et  formique.  {Wûrzb.  Verhandl.,  t.  II,  p.  521,  et  t.  Vif, 
p.  120.)  Un  foie,  que  Virchow  avait  abandonné  quelque  temps,  se  recouvrit  spon- 
tanément de  grains  de  tyrosine  ;  dans  une  autre  observation,  le  contenu  de  l'in- 
testin fournit  des  cristaux  très-abondants  de  leucine  et  de  tyrosine.  Bref,  tout 
démontre  une  augmentation  dans  l'activité  de  la  rate  qui  contient  ces  substances. 
{Palh.  celL,  p.  142  et  145.)  Toutes  ces  substances  ont  été  retrouvées  par  M.  Fol- 
vvarczny  dans  une  observation  du  professeur  Oppolzer.  {Wiener  Allgem.  med. 
Zeiiung,  1858,  n»  29-52  ci  Arch.  gén.  de  méd.,  1856,  t.  I,  p.  614.)  Virchow 
regi'ette  avec  raison  que  ces  recherches  n'aient  pas  ét(;  poursuivies.  11  importe- 


298  LRUCOCYTUÉMIE  (anatomif.  pathologique). 

rait  en  effet  de  bien  déterminer  les  circonstances  où  se  produisent  ces  substances. 
On  avait  cru  un  instant  que  l'analyse  chimique  des  produits  de  sécrétion  et  du 
sang  pourrait,  en  accusant  l'augmentation  de  ces  substances  et  particulièrement 
de  rhypoxantjiine,  caractériser  la  leucocytbémie  splénique  et  la  différencier  de  la 
variété  dite  lymphatique,  M.  F.  Mosler  a  montré  récemment  (Virch.  Arch.,  1866, 
t.  XXXVII)  qu'on  ne  peut  pas  compter  sur  ce  caractère. 

MM.  Charcot  et  Vulpian  ont  décrit  avec  beaucoup  de  soin  [GazeMe  hebdom., 
1860,  p.  755)  des  cristaux  qu'ils  ont  trouvés  en  grand  nombre  dans  le  sang  d'un 
sujet  leucémique,  et  qui,  peu  apparents  le  premier  jour,  ont  augmenté  à  mesure 
que  le  temps  s'écoulait,  et  étaient  devenus  très-nombreux  dans  le  sang  conservé 
le  vingt-cinquième  jour  après  l'autopsie.  Ces  cristaux  ont  été  trouvés  aussi  dans  le 
foie  surtout  et  dans  la  rate.  Les  auteurs  ont  dessiné  les  formes  géométriques  de 
ces  cristaux  qui  sont  des  octaèdres  diversement  groupés  entre  eux,  et  indiqué 
les  principales  réactions  chimiques  qui  les  caractérisent,  sans  pouvoir  les  identi- 
fier, tant  sous  ce  rapport  que  sous  celui  des  formes  cristallines,  avec  les  divers 
cristaux  organiques  que  l'on  connaît.  La  circonstance  de  leur  formation  tardive, 
et  plusieurs  de  leurs  caractères  chimiques  les  rapprochent  de  la  tyrosine,  men- 
tionuée  ci-dessus  par  Scherer  :  comme  elle,  ils  sont  peu  solubles  dans  l'eau  (à 
60°  ou  70°  centigrades  seulement),  complètement  insolubles  dans  l'alcool,  dans 
l'éther,  solubles  dans  les  alcalis  et  dans  les  acides  en  général  ;  mais  ils  en  dif- 
fèrent en  ce  que  celle-ci  n'étant  pas  soluble  dans  l'acide  acétique,  eux  au  con- 
traire le  sont  très-bien,  mais  sont  en  revanche  très-réfractaires  à  l'action  des 
acides  chromique  et  azotique  qui,  loin  de  les  attaquer,  leur  ôtent  définitivement 
la  faculté  qui  leur  appartenait  auparavant  de  se  dissoudre  dans  l'acide  acétique  et 
les  alcaHs.  Les  auteurs  croient  ces  cristaux  identiques  avec  ceux  que  l'un  d'eux 
avait  constatés  antérieurement  dans  une  observation  prise  avec  M.  Robin.  (Comjjtes 
rendus  de  la  Soc.  de  biologie,  1853.  —  Obs.  de  leucocythémie,  par  Charcot  et 
Robin.)  Tout  récemment,  dans  une  observation  de  M.  Desnos  {Bull,  et  mém.  de 
la  Soc.  méd.  des  hôpitaux,  1867,  t.  lY),  des  cristaux  analogues  ont  été  retrouvés 
par  M.  Hayem. 

On  voit  que  le  champ  est  encore  largement  ouvert  aux  investigations  nouvelles 
sur  la  composition  du  sang  des  leucocylliémiques. 

2°  Lésioxs  viscérales.  Une  altération  aussi  complète  du  iïuide  nourricier 
doit  répondre,  on  s'y  attend  bien,  à  des  lésions  viscérales  très-nombreuses  et  très- 
diverses.  Il  n'est  pas  à  vrai  dire  d'organe  qui  paraisse  y  être  soustrait  d'une 
manière  absolue.  Nous  distinguerons  cependant  les  lésions  qui  se  trouvent  répan- 
dues dans  toute  l'économie,  d'une  manière  plus  ou  moins  régulière,  la  plupart 
accidentelles  :  ce  sont  surtout  des  hémorrhagies  interstitielles,  des  infarctus  dis- 
séminés çà  et  là;  et  d'autres  lésions,  qui,  par  leur  fréquence,  leur  constance 
même,  sont  en  connexion  évidente  avec  la  dyscrasie  sanguine,  telles  sont  les 
hypertrophies  de  la  rate,  du  foie,  de  la  plupart  des  organes  glanduleux.  C'est  ù 
vrai  dire  la  démonstration  de  ce  rapport  entre  ces  lésions  viscérales,  et  les  alté- 
rations du  sang,  déjà  plusieurs  fois  entrevues,  qui  a  constitué  la  découverte  de  la 
leucocythémie.  L'étude  de  ces  lésions  forme  donc  le  second  élément  constitutif 
de  l'état  pathologique,  et  nous  lui  devons  à  ce  titre  toute  notre  attention.  Nous 
aurons  plutôt  à  écarter,  qu'à  relever  en  passant,  les  lésions  viscérales  diverses 
qui  n'apparaissent  qu'à  l'état  de  complications  dans  la  leucémie.  Commençons 
donc  notre  revue  par  celles  de  ces  lésions  que  l'on  a  rencontrées  le  plus  constam- 
ment dans  les  autopsies.  Nous  nous  servirons  pour  les  données  numériques  qui 


LEUCOCYTHÊMIE  (anatomie  pathologique).  299 

VGul  suivre,  du  relevé  de  M,  Vidal  {De  la  leiicocijthémie  splé)iique,fms,  1850, 
p.57)portaiit  sur  52  cas  observés  do  1845à'1850,  et  d'un  relevé  que  nous  avons 
fait  récemment  de  41  cas  nouveaux  postérieurs  à  ceux  qu'a  analysé  M,  Vidal,  eu 
tout  75  cas  bien  observés. 

Rate.  «  La  lésion  splénique  domine  tout  le  tableau  pathologique,  »  dit  avec 
raison  Virchow.  {Path.  celhtl.  trad.  Picard,  p,  141.)  Toutes  les  statistiques  sont 
d'accord  pour  le  démontrer.  On  la  trouve  19  lois  sur  20  (Bennett,  Soc.  de  biolo- 
gie, 1851)  ou  dans  25  cas  sur  52  (relevé  de  M.  Vital).  Dans  un  relevé  de  41 
observations  nouvelles,  nous  la  notons  56  fois,  en  tout  61  fois  sur  75  cas.  Cette  hy- 
pertrophie atteint  souvent  des  limites  énormes  ;  à  l'ouverture  de  l'abdomen,  la 
rate  occupe  quelquefois  la  plus  grande  partie  de  la  moitié  gauche  de  la  cavité 
abdominale  ;  elle  s'étend  depuis  le  niveau  de  la  sixième  côte,  jusqu'à  l'ombilic, 
ou  même  jusqu'au  pubis  (observ.  de  M.  Barth).  Elle  mesure  alors  52  centimètres 
de  longueur,  19  centimètres  de  large,  et  8  centimètres  d'épaisseur,  Son  poids 
est  d'environ  5  kilogrammes.  (Craigie,  Bennett  donnent  à  peu  de  chose  près 
les  mêmes  chiffres.)  Le  volume  le  plus  considéi^able  noté  dans  le  relevé  de 
M.  Vidal  [De  la  leucocythémie  splénique,  Paris,  1856,  p.  57),  portant  sur 
trente-deux  observations,  est  de  41  centimètres  de  hauteur  sur  20  centimètres 
de  largeur  et  7  d'épaisseur.  Le  volume  le  plus  fréquent  varie  entre  50  et 
32  centimètres  de  hauteur,  sur  16  à  18  de  largeur.  Le  poids  le  plus 
considérable  est  de  5'''',5,  le  moins  considérable  de  1  kil.  C'est  douze  ou 
quinze  fois  le  poids  normal.  M.  Becquerel  a  même  trouvé  le  poids  de  4'''',400, 
{Soc.  méd.  des  hop,  1 856,  p.  1 95.)  Du  reste,  cette  hypertrophie  énorme  peut  ne  pas 
altérer  la  forme  primitive  de  la  rate  ;  la  concavité  du  bile  paraît  un  peu  exagérée 
par  l'amplification  des  lobes  qui  le  limitent  :  quelquefois  on  observe  le  long  de 
son  bord  interne  deux  échancrures  produites  par  l'exagération  des  deux  scissures 
qui,  à  l'état  normal,  indiquent  les  trois  lobescorrespondant  aux  divisions  de  l'artère 
splénique,  Dans  onze  cas,  sur  trente-deux  observations  relevées  par  M.  Vidal,  la 
rate  adhérait  au  diaphragme  et  au  péritoine  pariétal,  ou  à  l'épiploon  par  des  ex- 
sudations  plastiques  plus  ou  moins  étendues.  La  capsule  présente  parfois  des 
plaques  laiteuses  à  la  surface,  ou  des  cicatrices  demi-cartilagineuses.  Cette  meni' 
brane,  souvent  encore  assez  fine  malgré  l'énormité  de  l'hypertrophie,  est  ordinai- 
rement plus  épaisse  et  plus  opaque  que  sur  une  rate  saine. 

La  couleur  de  la  rate  est  d'un  rouge  violacé  à  l'extérieur,  présentant  souvent 
des  reflets  opalins,  légèrement  irisés  comme  ceux  que  nous  avons  notés  à  la  sur- 
face du  sang  pris  en  couche  mince.  Ce  reflet  se  retrouve  aussi  sur  la  coupe  du 
parenchyme,  qui  offre  l'aspect  d'une  surface  lisse,  nette,  luisante,  relative- 
ment sèche,  dont  la  couleur  ordinairement  un  peu  plus  claire  qu'à  l'état  normal, 
varie  depuis  le  rose  violet  ou  le  rose  jaunâtre  jusqu'au  rouge  brun;  quelques-uns 
la  comparent  à  l'acajou  ou  au  jambon.  Nous  l'avons  vue  présenter  une  couleur 
rose  pâle,  devenant  plus  vive  au  contact  de  l'air  (obs.  citée,  1855;  obs.  de  Bour- 
don, 1867),  Sa  consistance  est  ferme,  dense,  et  offre  l'apparence  d'un  tissu 
comme  carnifié ,  au  milieu  duquel  les  trabécules  fibro-celluleux  de  la  capsule 
apparaissent  en  tractus  blancs  manifestement  hypertrophiés.  Toutefois  ce  tissu  est 
plus  ou  moins  résistant,  souvent  il  est  cassant  et  friable.  Les  gros  vaisseaux,  la 
plupart  élargis,  présentent  seuls  des  ouvertures  béantes.  Les  follicules  sont  ordi- 
nairement ])etits,  mal  limités,  et  doivent  être  cherchés  avec  une  certaine  atten- 
tion. On  les  distingue  à  leur  couleur  blanche,  qui  se  détache  sur  la  pulpe  rouge. 
Virchow  insiste  sur  l'importance  de  ces  pomts  blancs,  qui  ne  sont  autres  que  les 


300  LEUCOCYTHÉMIE  (anatomie  pathologique). 

corps  blancs  de  Malpighi,  «  une  des  parties  coiistiluantes  de  la  rate,  qui  chez 
les  divers  sujets  se  trouvent  répandus  dans  le  parenchyme  de  la  rate  en  quantité 
tout  aussi  variable  que  les  follicules  solitaires  et  les  plaques  de  Peyer  dans  l'in- 
testin. La  structure  de  ces  foUicules  ressemble  exactement  à  celle  des  loUicules 
des  gangUons lymphatiques.»  {Pathol.  celluL,  p.  160.)  L'auteur  en  conclut,  con- 
formément à  sa  théorie  anatomo-pliysiologique  de  la  leucémie,  que  ce  sont  juste- 
ment ces  corps  blancs  dont  la  tuméfaction  contribue  surtout  à  accumuler  les  glo- 
bules blancs  dans  le  sang.  Mais  le  changement  se  borne  rarement  à  cela  ; 
ordinairement  on  trouve  des  masses  plus  serrées,  d'un  rouge  plus  intense,  péné- 
trant en  forme  de  coin  dans  l'intérieur  de  la  glande,  et  re.ssemblant  de  plus  eu 
plus  à  des  infarctus  hémorrhagiques.  Plus  tard,  ces  taches  deviennent  plus 
claires,  blanchâtres,  semblables  à  des  produits  caséeux  ou  tuberculeux  (Virchow, 
Gesamm.  Abhandl.,  p.  206). 

Au  microscope,  le  tissu  de  la  rate  présente  tout  d'abord  les  caractères  d'une 
hypertrophie  simple,  beaucoup  plus  analogue  à  l'hypertrophie  de  la  fièvre  inter- 
mittente qu'à  l'infiltration  inflammatoire  qu'on  observe  dans  les  affections 
typhoïdes  :  cette  dernière  se  voit  quelquefois  à  la  période  terminale,  mais  au 
début  on  constate  seulement  une  hyperplasie  avec  induration  des  éléments  nor- 
maux de  la  rate,  et  qui  porte  sur  la  trame  fibreuse  et  les  gloinérules  de  Blalpiglii. 
M.  Luys  a  aussi  insisté  (Soc.  anat.  1858,  p.  551,  etSoc.  de  è/o/.,1859,  p.  159), 
sur  le  développement  anormal  de  ces  glomèrules.  C'est  l'hypertrophie  de  ceux-ci 
qui  donne  à  la  coupe  l'aspect  marbré  que  l'on  observe  quelquefois,  avec  des 
îlots  jaunes  blanchâtres,  variant  du  volume  d'une  lentille  à  celui  d'un  œuf  de 
pigeon.  Ces  glomèrules  hypertrophiés  ou  fondus  ensemble  sont  constitués  par 
un  tissu  adénoïde,  qui  ne  présente  en  aucune  façon  les  réactions  de  la  matière 
amyloïde.  (Ollivier  et  Ranvier,  observ.  nouvelles,  Arch.  de  phijs.  et  de  paih.  de 
Brown-Séquard,  etc.,  Paris,  1869,  p.  412,  419.)  La  dégénérescence  amyloïde  est 
au  contraire  signalée  par  M.  Bœttchers.  (Virchow,  Archiv,  t.  XIV,  et  Arch.  gén. 
de  méd.,  iSGO,  t.  II,  p.  767.) 

Après  durcissement  dans  l'acide  chromique  sur  des  coupes  minces,  on  con- 
state que  des  corpuscules  lymphatiques  s'échappent  avec  facilité  et  laissent  à 
découvert  un  stfoma  réticulé  très-manifeste.  (Ollivier  et  Ranvier,  Soc.  de  biol. 
1866,  p.  252.) 

D'autres  fois,  on  constate  de  véritables  infarctus  blanchâtres  dus  presque  entiè- 
rement à  des  amas  de  globules  blancs  (obs.  Bourdon,  Soc.  méd.  des  hôp.  1867). 
Autour,  les  éléments  normaux  de  la  rate  sont  ratatinés  et  en  voie  de  régression. 
Les  capillaires  sont  dilatés  et  contiennent  une  grande  quantité  de  globules  blancs. 
Cette  distension  des  vaisseaux  sanguins  par  du  sang  leucocythémique  s'observe 
en  effet  particulièrement  dans  la  veine  spléniqueoii  l'on  a  trouvé  souvent  des  cail- 
lots tout  à  fait  blancs  et  décolorés  (notamment,  observ.  Charcot  et  Vulpian,  Gaz. 
hebdom.  1860,  p.  756).  M.  Robin  a  constaté  aussi  dans  le  sang  de  la  veine  splé- 
nique  la  présence  de  corps  fusiformes,  recourbés  sur  eux-mêmes,  à  noyau  laté- 
ral, telles  que  sont  indiquées  les  fibres  musculaires  de  la  vie  organique  dans  le 
tissu  de  la  rate.  On  reirouve  du  reste  ces  éléments  même  dans  des  préparations 
faites  sur  la  rate  normale  (obs.  citée.  Soc.  de  biol.,  1855). 

Rappelons  enfin  que  l'on  a  constaté  dans  le  sang  de  la  rate  des  cristaux  bril- 
lants, les  uns  qui  paraissent  avoir  été  de  la  cholestérine  (obs.  Goupil,  Soc.  méd. 
des  hôp.,  novembre  1858),  et  les  autres,  ces  cristaux  signalés  par  MM.  Charcot  et 
Vulpian  (obs.  citée,  1860),  dont  nous  avons  parlé  plus  haut. 


LEUCOCYTIIËMIE  (anaiomie  patholocique).  301 

Foie.  Après  la  rate,  le  foie  est  l'organe  qui  a  présenté  les  lésions  les  plus 
constantes.  Son  hypertrophie  est  notée  douze  fois  sur  vingt  (Bennett,  Soc.  de 
hiol.,  1852),  quatorze  sur  vingt  autopsies  (relevé  de  M.  Yidal)  et  enfin  trente-deux 
ibis  sur  quarante-une  (relevé  personnel).  Dans  onze  cas  sur  douze,  cette  hyper- 
trophie coïncidait  avec  celle  de  la  rate,  et  une  fois  sur  douze  seulement  avec 
des  engorgements  lymphatiques.  (Bennett,  Soc.  debiol.  1852.)  Dans  quelques 
cas,  cette  hypertrophie  atteignait  le  triple  du  volume  normal,  le  poids  s'éle- 
vant  à  12  ou  io  livres.  Nous  l'avons  trouvé  de  8kilog.;  son  diamètre  antéro-pos- 
térieur  était  de  52  centimètres  pour  le  lobe  droit,  de  20  centimètres  pour  le 
lobe  gauche  ;  son  diamètre  transversal  de  58  centimètres;  sou  épaisseur  ou  sa 
hauteur,  prise  en  arrière,  était  de  11  centimètres.  11  descendait  depuis  l'Iiypo- 
chondre  gauche  jusqu'à  la  région  hypogastrique;  son  lobe  gauche  énormément 
hypertrophié  cachait  l'estomac  (obs.  citée,  Soc.  de  bioJog.  1858).  MM.  Ollivier  et 
Ranvier  (obs.  citée,  1866)  trouvent  44  de  diamètre  transversal,  27  de  hauteur 
(diamètre  antéro-postérieur),  8  d'épaisseur;  poids  3250;  et,  une  autre  ibis 
(nouv.  observ.,  Arcli.  de  Brown-Séquard,  etc.,  1869,  p.  419):  diamètre  trans- 
versal, 50;  diamètre  antéro-postérieur,  lobe  droit,  26;  id.  lobe  gauche,  21; 
diamètre  vertical,  9. 

Dans  plusieurs  de  ces  observations,  on  note  des  adhérences  du  foie  avec  la  l'ace 
inférieure  du  diaphragme,  les  parois  abdominales,  ouïe  péritoine  intestinal. 

La  coloration  du  foie  reste  souvent  normale  ;  quelquefois  il  présente  une  colo- 
ration rouge  sale,  tirant  sur  le  gris  (obs.  Ollivier  et  Ranvier,  1866),  ou  un  aspect 
un  peu  cirrliotique  (obs.  Bourdon,  1867),  ou  une  teinte  violacée,  analogue  à  celle 
de  la  rate,  mais  plus  brune  (obs.  Isambert,  1858)  ou  une  couleur  chocolat  (obs. 
Charcot  et  Vulpian,  1860). 

Le  tissu  hépatique,  tel  qu'on  le  voit  sur  une  coupe  fraîche,  est  le  plus  souvent 
plus  ferme,  plus  résistant  qu'à  l'état  normal,  et  ne  présente  aucune  altération 
apparente  :  c'est  de  l'hypertrophie  simple.  D'autres  fois  il  est  plus  friable,  nous 
l'avons  vu  (obs.  Isambert  et  Robin,  1  855),  plus  mou,  et  se  laissant  réduire  facile- 
ment soit  par  l'écrasement,  soit  par  le  raclage,  en  une  sorte  de  pulpe  analogue  à 
labouespléiiique.  «  11  était  facile  de  voir  que  ces  caractères  tenaient  à  une  dis- 
tension vraiment  énorme  des  capillaires  par  des  globulins,  distension  portée  à  un 
degré  tel  que  la  masse  des  globulins  contenus  dans  ces  capillaires  distendus  était 
réellement  plus  considérable  que  la  masse  représentée  par  les  cellules  hépatiques.» 
Cette  disposition  des  capillaires  a  été  retrouvée  depuis  par  plusieurs  observateurs 
(cas  de  Bourdon,  1867).  Elle  donne  naissance  à  des  infarctus  blancluitres,  qui  ont 
ététi'ouvés  par  Virchow  [Gesamm.  Abhandl.,  p.  207)  gros  comme  des  grains  de 
millet,  ou  comme  des  grains  glanduleux  du  foie,  quelquefois  gros  conmie  des 
pois,  et  qui  laissaient  échapper  à  la  coupe  un  liquide  blanchâtre,  dans  lequel  le 
microscope  faisait  reconnaître  des  noyaux  semblables  à  ceux  des  glandes  san- 
guines ou  lymphatiques.  Ces  petits  corpuscules  se  laissaient  facilement  énucléer 
du  parenchyme,  et  présentaient  au  microscope  le  même  aspect  que  les  ibllicules 
de  la  rate  :  une  enveloppe  presque  amorphe  et  une  masse  serrée  de  petits  noyaux 
glanduleux.  (Virchow,  Archiv,  1. 1,  p.  569).  Dans  un  autre  cas,  le  foie  présentait 
un  aspect  marbré,  de  trois  substances  difiérentes,  un  parenchyme  jaune  grisâtre, 
avec  des  taches  d'un  jaune  intense,  et  enfin  de  grandes  places  gris  rouge,  légère- 
ment transparentes.  La  première  était  composée  des  cellules  du  foie  rempfies 
d'un  peu  de  graisse,  les  taches  jaunes  d'une  infiltration  de  la  matière  colorante, 
et  enfin  les  taches  gris  rouge  transparentes  étaient  formées  de  cellules  et  de 


302  LEUCOCYTIIEMIE  (ax/ltomie  pathologique). 

noyaux  à  enveloppe  membraneuse  très-mince,  semblables  à  ceux  qu'on  trouvait 
dans  le  sang  du  cœur.  Cette  infiltration  de  noyaux  paraissait  partit-  de  la  veine 
porte  et  de  ses  divisions  ;  on  en  trouvait  aussi  dans  les  conduits  biliaires.  Ces  élé- 
ments étaient  réunis  par  monceaux,  ou  par  groupe  de  noyaux,  qui  étaient  en- 
tourés extérieurement  d'une  membrane  amorphe.  (Virchow,  Archiv,  t.  \,  p.  58.) 
Ces  infarctus  ont  été  récemment  étudiés  à  nouveau  par  MM.  Ollivier  et  Ranvier 
(obs.  1866),  qui  exposent  les  résultats  de  leur  examen  dans  les  termes  suivants  : 
«  Les  lobules  du  foie  paraissent  partout  délimités  par  des  îlots  irréguliers, 
obscurs  à  un  grossissement  de  50  diamètres.  Ces  îlots,  dans  quelques  points  ont 
2  ou  5  dixièmes  de  millimètres  d'étendue  ;  ils  avancent  du  coté  du  centre  du 
lobule  en  donnant  des  figures  dentelées.  A  des  grossissements  de  250  à  500 
diamètres,  on  voit  que  ces  îlots  sont  formés  par  une  accumulation  de  globules 
blancs,  et  qu'ils  s'abouchent  à  plein  canal  avec  les  capillaires  dilatés  qui  sont 
remplis  eux-mêmes  de  globules  blancs,  et  qui  sillonnent  le  parenchyme  hépatique 
suivant  la  disposition  vasculaire  habituelle  de  l'organe.  Dans  certains  points  on  peut 
même  voir  des  capillaires  tangents  à  ces  accumulations  de  globules  blancs,  et  au 
niveau  de  la  jonction,  on  ne  distingue  aucune  ligne  de  démarcation,  et  par  consé- 
quent, aucune  membrane  de  capillaire  tandis  que  celle-ci  peut  se  reconnaître 
assez  distinctement  en  deçà  et  au  delà.  »  Les  auteurs  concluent  de  leur  descrip- 
tion que  les  amas  de  globules  sont  dus  à  une  rupture  vasculaire,  à  une  véritable 
hémorrhagie  capillaire,  et  non  à  une  hyperplasie  du  tissu  conjonctif  interstitiel  du 
parenchyme  hépatique  comme  le  veulent  Yircbow,  Waldeyer  et  Bœttcher. 
M.  Damaschino  {Soc.  anatom.  de  Paris,  janvier  1868)  se  rallie  àcette  manière  de 
voir.  Cette  disposition  s'est  montrée  encore  plus  marquée  dans  deux  observations 
récentes  de  MM.  Ollivier  et  Ranvier  (nouv.  ohs.,  Arch.de  phy  s.  et  clepath.  deBrown- 
Sequard,  etc.,  1869,  p. 411  et  p.  419).  Entre  les  cellules  hépatiques,  contenant 
un  grand  nombre  de  granulations  graisseuses  fines,  on  trouvait  des  mailles  capil- 
laires vides,  d'un  diamètre  supérieur  à  celui  des  cellules  hépatiques,  et  dans 
quelques  points  les  capillaires  dilatés  formaient  un  véritable  système  caverneux 
rempli  de  globules  blancs,  et  enfin  des  îlots  d'un  dixième  de  millimètre  exclu- 
sivement formés  de  globules  blancs.  La  dilatation  des  capillaires,  et  la  diffusion 
des  leucocytes  avaient  amené  l'atrophie  des  cellules  hépatiques  correspondantes. 

M.  Bœttcher  (obs.  citée)  a  trouvé  dans  le  foie  la  dégénérescence  amyloïde. 

Il  est  à  peine  nécessaire  d'ajouter  que  la  vehie  porte  est  un  des  gros  troncs  vei- 
neux oij  l'on  a  trouvé  le  plus  manifestement  le  sang  boueux,  lie  de  vin,  ou  d'un 
brun  grisâtre. 

C'est  enfin  dans  le  foie  que  MM.  Charcot  et  Vulpian  ont  trouvé  le  plus  grand 
nombre  de  ces  cristaux  octaédriques  solubles  dans  l'acide  acétique  qu'ils  ont 
décrits  (obs.  citée,  Gax-.  hebdom.  1860),  et  sur  le  foie  que  Virchow  a  vuseformer 
tant  de  cristaux  de  tyrosine.  {Path.  celluL,  p.  142^) 

Reins.  Les  reins  sont  beaucoup  moins  souvent  hypertrophiés  que  la  rate  et  le 
foie.  Onn'en  trouve  qu'un  cas  mentionné  dans  lespremières  observations  de  Virchow 
et  dans  le  relevé  de  M.  VidaL  «  Les  deux  reins  étaient  très^augmentés  de  volume, 
et  pesaient  ensemble  1  livre  et  demie.  Ils  étaient  très-flasques,  tnès-humides,  et 
marbrés.  A  côté  de  grandes  surfaces  de  substance  médullaire  blanche,  on  en 
Voyait  déjà  à  la  surface  d'autres  places  d'un  gris  rouge,  et  enfin  d'autres  gris  jau- 
nâtre, comme  celles  de  l'état  normal.  A  la  coupe,  on  trouvait  la  même  disposition 
qu'à  la  surface,  notamment  une  infiltration  médullaire  particulaire  répondant 
aux  places  médullaires.  Le  microscope  montra  Vi  aussi  des  noyaux  si  serrés,  qu'à 


LEUCOCÏTHÊMIE  (anatomie  pathologique).  303 

certains   endroits   on  ne  pouvait  plus  toir.  autre   chose.    (VJrchow,   Ardiiv, 
t.  V,  p,  58,  et  Gesamni.  Ahhandl.  p.  207.) 

Nous  avons  trouvé  chez  un  enfant  de  15  ans,  les  dimensions  suivantes: 

REIN   DROIT.  REIN  GAUCHE. 

Diamètre  vertical 6,142 0,140 

Diamètre  transversal 0,084 0,084 

Épaisseur 0,024 0,027 

Poids  absolu 188  grammes..         197  grammes. 

Pour  des  reins  d'enfant,  c'était  une  hypertrophie  considérable  (obs.  citée,  1855). 
Dans  les  dernières  observations  de  MM.  OUivier  et  Ranvier  {Arch.  de  Brown- 
Séquard,  1869,  p.  414)  nous  trouvons  pour  des  reins  d'adultes  les  dimensions  de 
15  centimètres  seulement  de  hauteur  sur  7  de  largeur  pour  le  rein  droit,  et  de 
11  et  de  8  centimètres  pour  le  rein  gauche,  et  sur  un  autre  sujet,  14  centimètres 
de  haut,  8  de  large,  4,5  d'épaisseur  pour  le  rein  droit,  et  12  centimètres  de 
haut,  7  de  large  et  3,5  d'épaisseur  pour  le  rein  gauche. 

Au  reste,  si  les  reins  n'ont  pas  paru  souvent  avoir  de  dimensions  très-considé- 
rables, les  premiers  observateurs  y  avaient  noté  cependant  des  lésions  particu- 
lières. Dans  l'observation  qui  est  la  première  en  date  pour  la  leucocythémie  bien 
constatée,  celle  de  Craigie,  il  n'y  a  pas  d'hypertrophie,  mais  on  note  de  petites 
taches  grisâtres  de  forme  circulaire  à  la  surface,  lesquelles  ne  pénètrent  pas  pro- 
fondément dans  le  rein.  C'est  l'analogue  de  ce  que  Virchow  a  décrit  quelques 
années  plus  tard.  Dans  notre  relevé  personnel  nous  trouvons  17  fois  sur  41  cas 
l'indication  d'une  lésion  des  reins. 

Dans  notre  première  observation  (1855)  nous  trouvions,  avec  l'hypertrophie 
considérable  que  l'on  a  vue,  les  reins  entourés  d'un  tissu  cellulaire  fortement  ec- 
chymose ;  de  larges  ecchymoses  dans  la  substance  corticale,  et  des  épanchements 
sanguins  assez  considérables  sous  la  muqueuse  du  calice  et  des  bassinets  (entre  la 
muqueuse  et  le  parenchyme  rénal)  ;  la  muqueuse  de  la  vessie  présentait  ces  mêmes 
marbrures  ecchymotiques,  surjme  large  surface,  en  aiTière,  et  surtout  près  du 
col,  où  elle  présentait  une  coloration  lie  de  vin  presque  uniforme;  le  sujet  était 
mort  d'hémorrhagies  multiples. 

Bl.  Bœttcher  (obs.  citée  1858)  a  vu  dans  les  reins  des  dépôts  grisâtres  dans  la 
substance  corticale  et  à  la  base  des  pyramides  ;  les  dépôts  présentaient  à  la  coupe 
l'aspect  de  la  cire,  et  donnaient  une  coloration  violette  par  l'iode  et  l'acide  sulfu- 
rique  :  c'était  donc  de  la  dégénérescence  amyloïde. 

MM.  OUivier  et  Ranvier  ont  étudié  avec  beaucoup  de  soin  les  altérations  du  pa- 
renchyme rénal.  Dans  leur  première  observation  [Soc.  de  biologie,  1866),  ils  ont  vu, 
sur  des  coupes  à  l'état  frais,  que  les  glomérules  de  Malpighi  étaient  plus  sombres 
que  le  reste  du  parenchyme  normal,  contrairement  à  ce  qui  existe  ordinairement, 
ce  qui  tenait  à  ce  que  les  vaisseaux  qui  entrent  dans  leur  composition  étaient 
remplis  de  globules  blancs  ;  sur  des  coupes,  après  durcissement  dans  l'acide  chro-» 
nique,  ils  ont  constaté  des  infarctus,  formés  d'une  agglomération  de  globules 
blancs,  provenant  de  petites  hémorrhagies  capillaires  analogues  à  celles  qu'ils  ont 
décrites  dans  le  foie  [voy.  ci-dessus),  les  tubuli  étaient  en  outre  séparés  les  uns 
des  autres  par  des  capillaires  gorgés  de  globules  blancs.  Il  leur  paraît  impossible 
de  voir  là  une  hyperplasie  du  tissu  connectif.  Dans  leurs  nouvelles  observations 
[Arch.  de  Brown-Séquard,  1869,  p.  415  et  p.  420),  ils  constatent  des  ecchymo- 
ses miliaires  à  la  surface  des  reins  et  dans  leur  épaisseur,  principalement  au- 
tour des  calices,  et  des  pyramides  de  Blalpighi.  Les  glomérules  sont  plus  opaques 


50i  LEUCOCYTHEMIE  (akatomie  pathologique). 

qu'à  l'état  iiomial,  et  cette  opacité  est  due  à  l'accumulatiou  de  globules  blancs 
dans  les  anses  capillaires,  on  n'y  constate  cependant  pas  de  ruptures  de  vaisseaux 
et  d'épanchements  insterstitiels.  Les  tubuli  contournés  de  la  substance  corticale, 
sont  écartés  les  uns  des  autres  et  semblent  plongés  dans  un  tissu  interstitiel 
formé  entièrement  par  des  globules  blancs.  L'épitliélmm  des  tnbuli  a  subi  la  dé- 
générescence grahulo-graisseuse,  et  dans  quelques-uns  on  observe  des  cylindres 
colloïdes.  En  quelques  points  autour  des  foyers  blancbàtres,  les  tubuli  sont  atro- 
phiés, et  détruits.  Dans  un  cas,  ces  auteurs  notent  aussi  des  ecchymoses  dans  la 
muqueuse  vésicale.  En  somme,  nous  trouvons  16  fois  sur  41  cas  (relevé  personnel) 
mention  d'une  lésion  des  reins. 

Dans  1  cas  sur  52  (relevé  de  M.  Vidal)  les  capsules  surrénales  avaient  subi  une 
dégénérescence  graisseuse.  Leur  hypertrophie  a  été  signalée  aussi  par  le  D""  Bar- 
clay. [TheLancet,  1865,  p.  117.) 

Ganglions  hjmphaiiques,  tumeurs  lymphatiques.  Ces  lésions  ont  été  signa- 
lées par  Bennett  (première  observation  1845)  et  par  Vircbow  {Archiv,  1. 1,  p.  567  ; 
t.  V,  p.  55),  et  depuis  eux,  par  un  grand  nombre  d'observateurs.  Les  glan- 
des que  l'on  a  le  plus  souvent  trouvées  hypertrophiées  dans  la  leucocythéniie 
sont  :  les  ganglions  mésentériques  (10  fois  sur  52,  relevé  de  M.  Vidal),  les  gan- 
ghons  bronchiques  (1  fois),  les  ganglions  lymphatiques  du  cou  (5  fois  sur  52), de 
l'aisselle  et  du  pli  de  l'aine  (5  sur  52).  Nous  trouvons  pour  notre  part  24  fois 
sur  41  cas  (relevé  personnel)  des  hypertrophies  ganglionnaires.  En  tout,  52  fois 
sur  75  cas. 

Ces  ganglions  sont  augmentés  de  volume,  parfois  un  peu  ramollis,  parfois  ils 
offrent  une  sorte  de  fluctuation  ;  leur  surface  est  glissante,  souvent  un  peu  bril- 
lante, et  d'une  coloration  paie,  blanchâtre,  jaunâtre  ou  grisâtre.  A  la  coupe,  ils 
laissent  échapper  un  sucblanchàtre,  parfois  un  peu  rosé,  dans  lequel  le  microscope 
retrouve  une  grande  quantité  de  globules  blancs  et  de  globulins.  Ici,  comme 
pour  kl  rate,  dit  Vircbow,  il  s'agit  d'une  hypertrophie  numérique,  d'une  lujper- 
plasie  de  leurs  parties  constituantes,  et  notamment  des  cellules  glanduleuses 
(noyaux  glanduleux,  noyaux  enchymeux).  Plus  tard,  on  peut  rencontrer  un  déve- 
loppement hypertrophique  du  tissu  conjonctif,  et  comme  dans  la  rate,  des  infarctus 
héniorrhagiques,  qui,  dans  leurs  transformations  ultérieures,  peuvent  produire  des 
coins  et  des  cicatrices  colorés.  Dans  ce  cas,  on  peut  attribuer  au  processus  un  ca- 
ractère inflammatoire,  et  l'observation  clinique  le  démontre,  tandis  qu'habituel- 
lement, on  ne  trouve  absolument  aucune  raison  d  admettre  une  inflammation  véri- 
table. »  [Gesamm.  Abhandl.  p.  202.) 

Quant  à  la  structure  de  la  glande,  on  reconnaît  sur  une  coupe  que  l'enveloppe 
glanduleuse  propre  est  très-épaissie,  et  en  même  temps  que  le  tissu  conjonctif  du 
hile  est  plus  élargi  et  caverneux.  Dans  l'enveloppe  on  reconnaît  à  peine  la  division 
normale  des  follicules  isolés  ;  elle  parait  plus  homogène,  grise  ou  gris  rouge,  pres- 
que médullaire  (c'est-à-dire  d'aspect  cncéphaloïde),  très-tendre,  très-fragile,  et 
laisse  écouler  à  la  pression  un  hquide  aqueux,  trouble;  le  grattage  peut  en  extraire 
une  masse  plus  caséeuse  dans  laquelle  on  trouve  des  cellules,  des  noyaux,  des  nu- 
cléoles, semblables  à  ceux  des  glandes  normales,  mais  un  peu  plus  grands.  En 
somme,  il  y  a  une  grande  analogie  avec  l'infiltration  médullaire  de  la  fièvre  ty- 
phoïde, et,  comme  dans  celle-ci,  le  changement,  loin  de  se  limiter  à  la  glande,  s'é- 
tend si  loin  qu'on  trouve  du  parenchyme  glanduleux,  là  où  sans  cela  on  ne  trouve 
absolument  aucune  glande.  C'est  ainsi  que  Vircbow  a  vu  tout  le  petit  bassin  ma- 
tc'assé  de  substance  glandulaire,  et  le  canal  thoraciquc,  depuis  son  entrée  dans 


LEUCOCYTHÉMIE  (anatomie  patiiologiol'e).  505 

la  poitrine,  jusqu'à  son  embouchure,  tellement  empaqueté  dans  ce  parencliyme 
glandulaire,  qu'on  ne  pouvait  plus  le  limiter,  ni  le  diviser  en  tumeurs  isolées. 
(Virchow,  A/'c/iù',  t.  V.p.  57  et  Gesamm.  Ahhand.,  p.  204.)  C'est  ce  queVirchow 
désigne  sous  le  nom  à'Hétérotopie  des  tissus  normaux.  11  est  très-rare  au  con- 
traire que  les  ganglions  arrivent  à  suppurer  et  à  s'ouvrir  au  dehors. 

Dans  les  ganglions  bronchiques,  on  obssrve  souvent  une  coloration  noirâtre 
constituée  par  un  dépôt  pigmentaire.  (Bennett,!''^  observation.) 

Les  observations  qui  ont  suivi  semblent  avoir  peu  ajouté  aux  descriptions  ci- 
dessus  extraites  de  Virchow.  Dans  quelques  cas,  ou  y  a  signalé  des  infarctus  hémor-- 
rliagiques,  des  vaisseaux  remplis  de  globules  rougeàtres  (observ.  de  M.  Bour- 
don, 1867).  Voici,  en  quels  termes  s'exphquent  les  auteurs  de  la  publication  la 
plus  récente,  très-versés  dans  les  méthodes  mises  aujourd'hui  en  usage  dans 
l'examen  du  tissu  lymphatique  :  «  On  trouve  dans  ces  ganglions  des  folHcules  delà 
substance  corticale  très-hypertrophiés,  un  réticulum  avec  des  nœuds  fertdes  gon- 
flés et  contenant  un  noyau,  enfin  des  cellules  lymphatiques  qui,  sur  les  pièces 
fraîches,  présentent  dans  tous  les  ganglions  les  signes  d'une  multiplication  très- 
active.  Ces  cellules  diffèrent  un  peu  suivant  qu'on  les  étudie  dans  les  ganglions 
qui  ont  l'aspect  splénique  et  dans  ceux  qui  sontpuriformes.  Dans  le  premier  cas, 
elles  sont  sphériques,  et  contiennent  presque  toutes  du  pigment  sanguin  sous 
forme  de  granulations  ;  dans  le  second,  elles  sont  un  peu  plus  volumineuses  et 
leur  contour  est  irrégulier.  »  (Ollivier  et  Ranvier,  nouvelles  observ.  Archives 
de  Brown-Séquard,  etc.,  1869,  p.  416.) 

Appareil  digestif,  glandes  intestinales.  La  coexistence  de  lésions  des  glandes 
intestinales  a  été  signalée  de  bonne  heure,  puisqu'on  la  trouve  mentionnée  dans 
l'obs.  de  Craigie,  la  première  en  date.  Virchow  y  est  revenu  dans  ses  mémoires 
subséquents  eu  partant  de  la  leucémie  lymphatique  (1  847),  et,  plus  tard,  cette  lé- 
sion a  été  mise  complètement  en  lumière  par  la  belle  observation  de  Schreiber.  (De 
Leukœmia,  thèse  inaug.,  Kœnigsberg  1854,  citée  par  Virchow,  Gesan<.  ^W««f/. 
p.  200.)  Elle  démontrait  que  les  follicules  intestinaux,  et  en  particulier  les  "lan- 
des de  Peyer,  présentaient  dans  la  leucocythémie  le  même  changement  que  celui 
qu'on  avait  observé  sur  les  ganglions  lymphatiques  extérieurs.  Des  observations 
antérieures  l'avaient  démontré  avec  certitude  pour  les  glandes  épigastriques  et 
mésentériques.  Les  caractères  anatomiques  de  ces  hypertrophies  glandulaires,  soit 
qu'elles  portent  sur  les  follicules  clos,  soit  sur  les  plaques  de  Peyer,  sont  complè- 
tement analogues  aux  descriptions  qui  ont  été  données  ci-dessus  des  ganglions 
lymphatiques  en  général. 

Dans  ces  derniers  temps,  MM.  Ollivier  et  Ranvier  ont  décrit  des  tumeurs  intesti- 
nales qui  semblent  constituées  par  un  autre  élément  de  la  muqueuse,  par  les 
glandes  en  tube. 

«  Ces  tumeurs  sont  au  nombre  de  dix  ou  douze,  dans  l'intestin  grêle.  Leur  consis- 
tance est  très-variable,  ainsi  que  leur  volume,  qui  peut  atteindre  celui  d'un  pois. 
Ces  petites  tumeurs  sont  aplaties,  elles  présentent  à  leur  centre  une  portion  dé- 
primée en  ombilic  ;  sur  des  sections  perpendiculaires  à  leur  surface,  on  voit 
'  iju'elles  résultent  d'un  épaississement  de  la  muqueuse  qui  est  devenue  blanchâtre 
et  semble  comme  infiltrée  d'un  suc  qu'on  peut  extraire  par  le  racla^Te.  Exa- 
miné au  microscope,  ce  suc  parait  constitué  en  grande  partie  par  des  cellules  ar- 
rondies sans  membranes,  de  8  à  12  millièmes  de  millimètre  de  diamètre.  Traité 
par  l'iode  et  l'acide  sulfnri(pu\  le  tissu  qui  constitue  ces  petites  tumeurs  ne  donne 
pas  la  réaction  caractéristique  de  la  matière  amyloïde.  Après  durcissement  daiisi'a- 
DICT.  £NC.  2'  s.  11.  20 


506  LEUCOCYTHÉMIE   (anatomie  pathologique). 

cide  cliromique  ou  l'alcool,  et  sur  des  coiipes  traitées  au  pinceau,  on  retrouve  les 
glandes  tubuleusos  remplies  d'un  détritus  granuleux;  c'est  à  peine  si  l'on  peut  en- 
core distinguer  dans  leur  intérieur  quelques  cellules  déformées.  Entre  ces  glandes 
et  au-dessous  d'elles,  on  remarque  un  tissu  conaectif  réticulé  à  mailles  larges  et 
irrégulières  contenant  encore  quelques  cellules  lymphatiques.  Les  fibrilles  du 
slroma  réticulé  sont  épaissies;  elles  mesurent  de  1  à  3  millièmes  de  millimètre; 
leurs  points  de  jonction  sont  généralement  dépourvus  de  noyaux.  On  peut  cepen- 
dant eu  distinguer  quelques-uns,  surtout  après  avoir  fait  usage  de  la  coloration 
pa)'  le  carmin.  » 

«  Il  existe  aussi  dans  le  gros  intestin  et  à  unceutimètre  de  la  valvule  iléo-cœcale 
une  tumeur  semblable  aux  précédentes,  mais  beaucoup  plus  étendue.  Ici  le  point 
central  déprimé,  que  nous  avions  remarqué  sur  les  petites  tumeurs  de  l'intestin 
grêle  correspond  à  une  surface  irrégulière,  excavée,  légèrement  villeuse,  limitée 
par  un  bord  sinueux,  mamelonné,  rappelant  par  sa  forme  les  circonvolutions  cé- 
rébrales. La  structure  de  cette  tumeur  est  semblable  à  celle  que  nous  avons  déjà 
décrite  :  transformation  granuleuse  des  glandes  en  tubes,  qui  restent  comprises 
dans  la  masse  morbide,  transformation  du  stroma,  de  la  muqueuse  en  tissu  con- 
nectif  réticulé  à  larges  mailles,  remplies  de  corpuscules  de  lymphe.  Au  niveau  de 
la  dépression  centrale,  et  sur  des  coupes  pratiquées  après  durcissement,  on  ne 
retrouve  plus  la  structure  glandulaire,  mais  une  sorte  de  substance  caséuse  dans 
laquelle  il  est  difficile  de  reconnaître  des  éléments  bien  définis.  Les  différents 
vaisseaux  sanguins  qui  sillonnent  le  tissu  connectif  réticulé  de  ces  productions 
lymphatiques  de  l'intestin  sont  dilatés  par  place  et  remplis  de  globules  blancs.  A 
(Ollivier  et  Ranvier,  observ.  de  1866,  Soc.  de  Biologie.) 

M.  le  professeur  Béhier  dans  une  observation  très-remarquable,  encore  inédite, 
bien  que  communiquée  verbalement  en  1868  au  congrès  médical  de  Norwich 
a  enfin  décrit  la  muqueuse  intestinale  dans  les  termes  suivants  :  «  Toute  la  surface 
est  d'une  couleur  grise,  d'une  apparence  granuleuse,  laquelle,   après  inspection 
résulte  d'un  dépôt  de  pigment  au  sonmiet  des  villosités.  Les  plaques  de  Peyer  sont 
plus  proéminentes  qu'à  l'état  normal,  et  semblent    non-seulement  plus  épaisses 
mais   plus  larges  qu'à  l'ordinaire  ;    leur  surface  ne   présente    aucune   ulcéra- 
tion. Elle  fait  un  rehef  d'environ  5  millimètres  au-dessus  de  la  muqueuse,  qui  est 
gonflée  et  offre  une  apparence  réticulée.  Les  plaques  de  Peyer  présentent  déplus, 
lorsqu'on  regarde   l'intestin  par  transparence,    une  opacité  qui  tranche  avec  la 
translucidité  du  reste  de  l'intestin,  lequel  est  anémié  et  semble  aminci.  Les  clandes 
solitaires  sont  proéminentes  à  la  fois  dans  l'intestin  grêle,  et  dans  le  gros  intestin. 
Elles  sont  d'une  couleur  blanc  sale,  et  du  volume  d'un  grain  de  millet ,  également 
opaques  quand  on   regarde  l'intestin  par  transparence.   L'examen  histologi^pie 
après  durcissement  dans  l'alcool,    a  montré  que  les  tuniques  séreuses  et  muscu- 
laires, étaient  saines.  La  tunique  cellulaire  est  im  peu  épaissie,  elle  est  doublée 
d'une  couche  blanchâtre,  opaque,  de  près  de   3  niiUiraètres  d'épaisseur,  après 
laquelle  vient  la  muqueuse,  dont  les  villosités  sont  normales  à  la  surface  mu- 
queuse, tandis  que  celles  qui  correspondent  à  la  couche  opaque  ci-dessus,   sont 
considérablement  altérées.  Examinées  à  un  grossissement  de  20  diamètres,  ces 
parties   malades,    présentent  1"  des   villosités   hypertrophiées,    beaucoup   plus 
longues  et  moins  transparentes  qu'à  l'état  normal  ;  2"  au-dessous  de  ces  villosités, 
on  observe  une  série  de  lacunes  circulaires,  à  circonférence  irrégulière,  disposées 
en  hgnes  qui  courent  parallèlement  à  la  surface.  Ces  lacunes  sont  produites  "ar 
le  manque  de  glandes  intestinales,  qui  sont  sorties  de  leur  place  au  moment  de  la 


LEUCOCYTHÉMIE   (anatomie  pathologique).  507 

préparation  de  la  pièce,  maison  en  trouve  un  certain  nombre  qui  sont  restées  dans 
le  tissu  intestinal.  Eu  traitant  les  plaques  de  Peyer  au  pinceau,  par  le  carmin 
dissous  dans  l'ammoniaque,  et  touchant  ensuite  avec  l'acide  acétique,  on  trouve 
que  leur  partie  épaissie  est  formée  par  un  dépôt  lympjiatique  de  lymplwma.  Eu 
réalité,  il  existe  un  réticulum  formé  de  fibres  déliées,  qui  s'anastomosent  entre 
elles,  et  présentent  de  petites  nodosités  aux  points  de  jonctions,  et  les  trabécnles 
adhèrent  aux  parois  d'une  quantité  de  vaisseaux  capillaires.  Les  maUles  du  réticu- 
lum sont  remplies  d'un  grand  nombre  de  petites  cellules  rondes,  contenant  un 
noyau  qui  occupe  presque  toute  leur  cavité.  Au  milieu  de  ce  dépôt  lymphatique 
sont  situées  les  glandes  vésiculaires,  dont  la  réunion  forme  la  plaque  de  Peyer.  Les 
lacunes  déjà  mentionnées,  montrent,  au  point  où  ce  follicule  s'est  échappé,  le  ré- 
ticulum, ainsi  que  les  vaisseaux  capillaires  brisés,  preuve  de  la  connexion  étroite 
qui  existait  entre  ce  follicule  et  le  dépôt  lymphatique  qui  l'entourait.  La  glande 
elle-même  présentait  une  opacité  plus  grande  de  sa  membrane;  mais  le  tissu  lui- 
même  n'a  pas  subi  de  dégénérescence  graisseuse,  ni  toute  autre  altération  morbide. 
Ses  éléments  sont  seulement  augmentés  de  nombre,  et  leur  multiplication  a  seule 
causé  l'accroissement  du  follicule.  Le  dépôt  lymphatique  semble  avoir  en- 
vahi toute  la  largeur  de  la  muqueuse,  qui  ne  présente  plus  de  vestige  des  glan- 
des tubulaires.  Les  villosilés  contiennent  beaucoup  d'éléments  cellulaires,  mais 
les  granulations  et  les  vésicules  graisseuses,  qui  remplissent  le  tissu  lui-même  ne 
permettent  pas  d'altîrmcr  que  l'hypertrophie  des  villosités  est  due  aussi  au  dépôt 
lymphatique,  bien  que  ce  soit  très-probable.  Les  follicules  isolés  présentaient  des 
altérations  entièrement  semblables. 

'  Cette  description  rappelle  la  description  donnée  par  M.  Potain  dans  un  cas 
d'adénie.  {Soc.  anat.,  1860.)  Elle  rappelle  surtout  ce  que  nous  avons  rapporté 
ci-dessus  d'après  Yircbow  du  revêtement  complet  du  bassin  et  du  canal  thora- 
cique  parle  parenchyme  glandulaire.  Mais  ce  cas  de  M.  Béhier  est  d'autant  plus 
remarquable  que  la  lésion  intestinale  ne  coïncidait  avec  aucune  hypertrophie,  soit 
des  glandes  lymphatiques,  soit  de  la  rate  ou  du  foie.  Nous  verrons  plus  loin  que, 
selon  M.  Béhier,  on  pourrait  en  faire  une  lorme  particulière  de  la  maladie  au 
point  de  vue  clinique. 

Les  autres  lésions  de  l'intestin  qui  ont  été  signalées  peuvent  être  considérées 
comme  purement  accidentelles,  ce  sont  des  ulcérations  légères  des  arborisations 
vasculaires,  plus  souvent  même  de  pelites  ecchymoses  qu'on  retrouve,  soit  à  la 
face  interne  de  l'intestin,  soit  à  sa  surface  péritonéale,  dans  les  cas  où  la  maladie 
se  termine  par  des  hémorrhagies  multiples. 

On  peut  en  dire  autant  du  petit  nombre  de  lésions  qui  ont  été  signalées  dans 
l'estomac  (7  fois  sur  41 ,  relevé  personnel) . 

L'estomac  offre  en  effet  une  muqueuse  tantôt  anémiée,  tantôt  parsem.ée  d'ec- 
chymoses, de  petites  hémorrhagies  interstitielles,  faisant  cjuelquefois  une  légère 
saillie,  tantôt  épaissie,  avec  de  nombreuses  arborisations  vasculaires.  En  outre, 
la  membrane  est  quekfuefois  irrégulièrement  bosselée,  sans  qu'on  puisse  cepen- 
dant y  rencontrer  de  véritables  productions  lymphatiques.  (OUivier  et  Ranvier, 
Nouv.  observ.,  1869,  p.  419.)  M.  Friedreicb  y  a  décrit  de  petites  tumeurs  blan- 
châtres composées  d'éléments  incolores,  noyaux  et  cellules  de  nouvelle  formation 
et  d'amas  dégraisse  (Virch.,  Arch.,  i,  XX,  p.  5B.) 

Le  péritoine,  outre  l'ascite  qui  remplit  souvent  sa  cavité,   présente  sous  ses 
feuillets  pariétal  et  viscéral,  et  dans  ses  différents  replis,  le  mésentère  entre  autres 
des  hémorrhagies  sous-séreuses  quelquefois  abondantes  (observ.  Blaclie,  Isambert 


508  LEUCOCYTHÉMIE   (anatomie  rATiioLOGiQUE). 

et  Robin,  1855).  Dans  un  cas  de  M.  Yidal  {Soc.  anat.  1857,  p.  345),  il  existait 
dans  le  tissu  cellulaire  sous-péntonéal  entre  les  lombes,  la  vessie  et  le  pubis, un 
vaste  épanchement  de  plus  d'un  litre  de  sang  qui  remplissait  le  bassin,  et  fusait 
vers  la  grande  lèvre  gauche,  et  vers  la  région  f'essière.  D'autres  fois,  on  y  a  con- 
staté une  ascite  plus  ou  moins  considérable,  des  dépots  pseudo-membraneux, 
des  adhérences  soUdes,  ou  même  de  fines  granulations  tuberculeuses  mihaires 
(obs.  Ollivier  et  Ranvier,  1869).  Ce  ne  sont  là  évidemment  que  des  complications, 
qui  n'ont  pas  de  lien  direct  avec  la  leucocythémie  elle-même. 

Pour  en  finir  avec  l'appareil  digestif  et  ses  annexes,  ajoutons  que  le  pancréas 
nous  a  présenté  une  hypertrophie  très-remarquable  (observ.  citée  1858)  ;  sa  lon- 
gueur était  de  22  centimètres,  et"  sa  largeur  en  proportion.  La  plupart  des  obser- 
vateurs ne  mentionnent  pas  cette  glande,  une  ou  deux  fois  seulement  il  est  dit 
qu'elle  a  été  trouvée  saine  (obs.  Barth.,  obs.  Vidal,  1857).  M.  Lancereaux  (obs. 
1869)  l'a  cependant  trouvée  pigmentée.  Si  cependant  l'hypertrophie  du  pancréas 
était  démontrée,  elle  prouverait  qu'un  nouvel  ordre  de  glandes,  dont  il  n'a  pas 
été  fait  mention  parmi  les  glandes  hématopoiétiques,  c'est-à-dire  les  glandes  en 
grappe,  peuvent  également  jouer  un  rôle  dans  la  leucocythémie. 

Les  amygdales  ont  été  trouvées  hypertrophiées  2  fois  sur  41  (relevé  personnel). 

Les  follicules  clos  de  la  base  de  la  langue,  en  arrière  du  V,  ont  été  trouvés, 
par  MM.  Ollivier  et  Ranvier  (nouv.  observ.  Arch.  de  Brown-Séquard,  etc.,  1869, 
p.  410),  gros  comme  des  graines  de  mais  et  constitués  par  une  simple  hyper- 
plasie  du  tissu  adénoïde,  dont  les  fibrilles  étaient  épaissies  et  dont  les  nœuds 
fertiles  contenaient  des  noyaux  bien  accusés. 

Les  gencives  ont  offert  dans  la  même  observation  une  hypertrophie  considé- 
rable :  elles  formaient  un  bouiTelet  saillant  en  avant  des  dents,  bourrelet  qui 
n'était  nullement  saignant,  ni  fongueux  :  le  raclage  en  faisait  sortir  un  suc  lac- 
tescent qui  contenait  un  certain  nombre  de  globules  blancs.  Après  durcissement 
dans  l'alcool,  on  n'y  a  trouvé  que  des  vaisseaux  dilatés  et  remplis  de  globules 
blancs. 

Organes  tJioraciques.  Les  plèvres  sont  peu  atteintes  dans  la  leucocythémie: 
dans  quelques  cas  (2  sur  52,  relevé  de  M.  Vidal  et  8  fois  sur  41,  relevé 
personnel),  on  y  a  trouvé  un  épanchement  séreux  ou  séro-sanguinolent  ;  dans 
7  cas  sur  32  (M.  Yidal)  et  dans  5  cas  sur  41  (relevé  personnel),  il  y  avait  des 
adhérences  pseudo-membraneuses  ;  sous  la  plèvre  pulmonaire ,  on  a  noté  des 
ecchymoses.  Enfin  nous  avons  vu  (observ.  citée  1855)  le  tissu  cellulaire  du 
médiastin  antérieur  présenter  une  infiltration  sanguine  assez  cons'dérable. 

Tous  ces  faits  doivent  être  considérés,  soit  comme  des  lésions  accessoires  pro- 
venant des  hémorrhagies  multiples,  qui  accompagnent  si  souvent  la  maladie,  soit 
comme  une  trace  d'accidents  indammatoires  survenus  in  extremis,  soit  enfin 
comme  de  véritables  complications,  de  date  plus  ou  moins  ancienne,  mais  cer- 
tainement étrangères  à  la  leucocythémie. 

Les  poumons  pourront  nous  inspirer  les  mêmes  réflexions.  On  y  a  trouvé  la 
congestiori  pulmonaire,  principalement  aux:  parties  déclives,  phénomène  ultime 
d'une  maladie  qui  se  termine  si  souvent  par  l'adynamie,  et  même  par  l'asphyxie; 
on  y  a  trouvé  des  infarctus  hémorrhagiques,  et  des  ecchymoses,  comme  on  en  a 
trouvés  dans  tous  les  viscères  ;  on  y  a  trouvé  des  tubercules  à  différents  degrés 
de  leur  évolution,  et  quelquefois  des  innllrations  de  tubercules  miliaires  (obs. 
Bourdon,  1867),  ou  de  véritables  pneumonies  (Bennett  —  5  fois  sur  25  et  3  fois 
siir41,rel.  pers.).  Ce  sont  là  des  complications  ou  des  phénomènes  ultimes. 


LEUCOCVTKÉMII:;   (anatùmie  pathologique).  509 

Nous  y  avons  constaté  avec  M.  Robin  (observ.  citée  1853)  une  lésion  en  rap- 
port plus  direct  avec  la  leucocythémie.  «  Les  capillaires  du  poumon  étaient  dis- 
tendus par  une  énorme  quantité  de  globulins  analogues  à  ceux  du  sang  des 
saignées.  Ces  globulins  se  trouvaient  accumulés  dans  les  petits  vaisseaux  et  serrés 
les  uns  contre  les  auti'es  à  un  point  très-remarquable.  Cette  lésion  des  plus  frap- 
pantes et  des  plus  singulières  sous  le  microscope  donnait  au  tissu  pulmonaire 
une  grande  résistance  à  la  déchirure,  et  une  coloration  rose,  violacée,  opaline, 
analogue  à  celle  de  la  rate.  » 

MM.  OUivier  et  Ranvier  (nouv.  observ.,  1809)  ont  aussi  trouvé  dans  un  cas 
les  travées  qui  séparent  les  alvéoles  pulmonaires  occupées  par  des  vaisseaux  dila- 
tés, gorgés  de  globules  blancs,  et  qui,  par  suite,  faisaient  dans  l'intérieur  des 
alvéoles  une  saillie  bien  plus  prononcée  qu'à  l'ordinaire.  Le  même  sujet  présen- 
tait dans  le  poumon  des  infarctus  hémorrhagiques  assez  nombreux,  et  de  petites 
ecchymoses  sous-pleurales  d'un  rouge  vif. 

La  muqueuse  des  bronches  et  de  la  trachée  présente  aussi  des  taches  ecchymo- 
tiques  et  quelques  saillies  rougeàtres,  que  l'on  a  trouvées  aussi  à  la  face  posté- 
rieure de  l'épigiotte.  (OUivier  et  Ranvier.) 

Les  ganglions  bronchiques  ont  été  signalés  plus  haut,  au  nombre  des  glandes 
lymphatiques,  qui  sont  le  plus  souvent  liypertrophiées  dans  la  leucocythémie. 
Leur  lésion  est  particulièrement  grave  en  ce  qu'elle  détermine  la  dyspnée,  par 
compression  des  bronches,  ou  des  rameaux  du  nerf  pneumogastrique. 

Le  thymus  est  aussi  hypertrophié,  dans  quelques  cas,  malgré  l'âge  des  sujets, 
et  l'on  y  remarque  une  congestion  ou  une  infiltration  sanguine  plus  au  moins 
forte.  Nous  l'avons  trouvé  nous-mêrae  (observ.  citée  1855),  développé  comme  si 
la  glande  était  revenue  à  l'état  fœtal. 

Le  corps  thyroïde  est  hypertrophié  dans  l'observation  de  Boettcher  (Yirchow, 
Arch.,t.  XIY)  et  dans  celle  de  M.  Lancereaux  {Atlas  d'anatomie  pathologique, 
Paris,  1869]. 

Le  cœur  et  les  gros  vaisseaux  présentent  dans  la  plupart  des  cas  une  distension 
notable,  et  dans  leur  cavité  des  caillots  considérables  que  nous  avons  décrits  trop 
longuement  pour  avoir  besoin  d'y  revenir.  Le  cœur  lui-même  a  présenté  à  MM.  01- 
livier  et  Ranvier  un  nombre  considérable  de  petites  taches  ecchymotiques  de  dimen- 
sions variables  et  tout  à  fait  semblables  aux  taches  de  purpuranotées  sur  le  tégument 
externe.  Il  y  avait  de  plus  un  peu  de  surcharge  graisseuse  du  muscle  cardiaque 
(observ.,  1866).  Dans  un  autre  cas,  les  ecchymoses  étaient  accompagnées  de 
petites  saillies  blanchâtres,  domiant  au  doigt  une  légère  sensation  de  relief,  et 
constituant  par  leur  réunion  des  ilôts  qu'au  microscope  on  a  reconnu  comme  ré- 
sultant d'une  dilatation  du  réseau  capillaire  et  d'une  hémorrhagie  diffuse  déjà 
ancienne,  dans  laquelle  les  globules  rouges  avaient  subi  une  destruction  plus  ou 
moins  complète.  Dans  le  voisinage,  les  fibres  nmsculaires  du  cœur  avaient  éjirouvc 
déjà  la  dégénérescence  graisseuse  (observ.  nouvelles,  1869,  p.  414).  M.  Huss 
avait  déjà  signalé  cette  dégénérescence.  {Arch.  gen.  de  viéd.,  1857,  p.  olO.)  Les 
valvules  sont  le  plus  souvent  saines,  ainsi  que  les  orifices.  Mais  l'hypertrophie 
simple  a  été  notée  7  fois  sur  41  cas,  et  la  dilatation  avec  amincissement  une  fois. 
Des  caillots  blancs  y  ont  été  trouvés  10 fois  sur  41  cas  (relevé  personnel). 

Le  péricarde  a  quelquefois  présenté  un  léger  épanchement  séreux  ou  séro- 
sanguinolent  (5  fois  sur  41  cas,  obs.  Blache,  obs.  Béhier,  etc.)  ;  M.  Huss  y  a  trouvé 
des  exsudats  pseudo-membraneux  [loco  citato) . 

Parmi  les  gros  vaisseaux  qne  l'on  trouve  distendus  par  des  caillots  blancs  ou 


^10  LEUCOCYTJIÉMIE  (anatomie  paiiiologique). 

];ar  du  sang  lie  do  vin  caractéristique,  il  faut  citer  l'artère  pulmonaire  et  l'aorte, 
avec  les  deux  veines  caves,  les  troncs  veineux  bracchio-céjilialiques,  et  ceux  que 
nous  avons  déjà  mentionnés  dans  l'abdomen. 

Cavité  crânienne  et  racliidienne.  Les  méninges  ne  présentent  que  rare- 
ment (obs.  Page  et  Ogle)  des  produits  inflammatoires,  ou  exsudais  fibriueux, 
mais  les  veines  et  les  sinus  de  la  dure-mère  ont  présenté  (7  fois  sur  52,  dans  le 
l'élevé  de  M.  Vidal)  des  concrétions  sanguines,  semi-coagulées,  de  couleur  tantôt 
chocolat,  tantôt  lie  de  vin,  tantôt  blanchâtre,  moulées  sur  le  cahbre  des  vaisseaux, 
mais  n'adhérant  pas  aux  parois  restées  saines.  Dans  quelques  cas,  il  y  a  eu  des 
épanchements  séreux,  ou  séro-sanguinolents  dans  le  tissu  sous-arachnoïdien,  ou 
dans  les  ventricules.  Dans  un  cas  (relevé  de  M.Vidal)  une  hémon^hagie  cérébrale 
véritable,  une  large  déchirure  d'un  hémisphère.  L'apoplexie  cérébrale  à  grand 
foyer  est  aussi  notée  2  fois  sur  41  (relevé  personnel). 

Nous  avons  nous-mème  (observ.  citée  1855)  trouvé  des  épanchements  sangui- 
nolents fort  abondants  dans  les  espaces  sous-arachnoïdiens  et  dans  les  ventricules 
cérébraux  ;  la  pie-mère  cérébrale  présentait  une  forte  infiltration  sanguine,  et  de 
légers  caillots  rouges  sur  les  espaces  perforés  antérieurs  et  poslérieurs.  La  coupe 
des  lobes  cérébraux  ne  présentait  rien  à  noter  que  la  teinte  rose  légèrement  opa- 
line qu'elle  devait  à  la  sérosité  du  sang.  La  lésion  la  plus  remarquable  était  con- 
stituée par  la  présence  de  caillots  allongés  dans  les  deux  ventricules  latéraux, 
caillots  mous,  diffluents,  offrant  tous  les  caractères  du  sang  déjà  décrit,  et  se 
prolongeant  en  avant  dans  le  ventricule  médian  par  les  trous  de  Monro  U'ès-dila- 
tés,  et  en  arrière,  dans  l'étage  inférieur  et  sur  l'ergot  de  Morand.  Par  l'aqueduc 
de  Sylvius,  les  caillots  se  prolongeaient  dans  le  quatrième  ventricule  jusqu'à  la 
pointe  du  calamus  scriptorius. 

La  pulpe  cérébrale  elle-même  offrait  aussi  une  infiltration  assez  notable  autour 
des  ventricules,  et  deux  foyers  d'apoplexie  capdlaire,  dans  le  corps  strié  à  gauche 
et  dans  la  paroi  droite  du  ventricule  médian  ;  le  reste  était  sain. 

Ou  trouvait  enfin  dans  la  cavité  racliidienne,  depuis  la  troisième  vertèbre  dor- 
sale jusqu'au  sacrum,  une  hémorrhagie  méningée  et  des  caillots  siégeant  entre 
la  dure-mère  et  les  arcs  vertébraux.  La  moelle  elle-même  était  saine. 

MM  Ollivier  et  Ranvier  (obs.  1866)  ont  noté  plusieurs  foyers  hémorrhagiques 
de  diveises  grandeurs  dans  l'encéphale  d'un  même  sujet,  les  uns  dans  les  hémi- 
sphères, les  autres  dans  le  cervelet.  Le  sang  était  de  couleur  chocolat  et  rempli  de 
globules  blancs. 

11  ne  faut  voir  dans  des  lésions  aussi  multipliées  que  des  phénomènes  ultimes 
d'une  diathèse  hémorrhagique  des  plus  prononcées  et  où  les  caractères  physiques 
et  histologiques  du  sang  avaient  seuls  une  physionomie  particulière.  Mais  diffé' 
rents  auteurs  ont  cité  des  lésions  plus  anciennes  et  plus  en  rapport  avec  ce  que 
nous  avons  trouvé  dans  d'autres  viscères.  Craigie  a  vu  les  veines  cérébrales  rem« 
plies  de  concrétions  blanchâtres,  qui,  en  quelques  endroits,  ressemblaient  à  du 
pus.  Les  veines  de  Galien  étaient  pleines  d'une  lymphe  grise  et  ferme,  Bennett 
note  aussi  des  caillots  jaunâtres  à  la  base  du  crâne.  [On  leucocythemia,  obs.  de 
Craigie  et  de  Bennett,  n"  1  et  2.) 

M.  Lancereaux  a  vu  à  la  surface  du  cerveau  une  admirable  injection  de  tous 
les  vaisseaux  veineux  de  la  pie-mère.  On  aurait  dit  une  injection  mercurielle,  ou 
mieux  une  injection  purulente.  Ces  amas  de  matière  blanche  qui  formaient  l'in- 
jection capillaire  étaient  composés  presque  entièrement  de  globules  blancs.  {Atlas 
d'An.path,  1869— et  Trousseau,  Clin,  de  rU.-D.,  2«  éd.,  t.  III,  p.  549.) 


LEUCOCVTllÉMIE  (symptomatolocie).  ôli 

Enfin  m\.  Ollivier  et  [ianvier  (nouv.  obs.,  1869,  p.  410)  signalent  dans  les 
méninges  ]a  présence  de  néo-membraues  assez  épaisses,  se  détachant  avec  facilite; 
les  vaisseaux  capillaires  qu'elles  contenaient  étaient  remplis  de  globules  blancs. 
On  trouvait  un  caillot  blanchâtre,  formé  de  fibrine  et  de  globules  blancs  avec 
quelques  globules  rouges  dans  le  sinus  longitudinal  supérieur. 

Pour  les  organes  des  sens,  nous  trouvons  une  lésion  oculaire  mentionnée  dans 
une  observation  de  Grisolle  et  de  M.  Ilemey  [Gaz.  des  hop.,  Paris,  186-4,  p.  iQ2). 
«  Les  rétines  étaient  toutes  deux  altérées,  à  droite  les  vaisseaux  gorgés  de  sang 
se  voyaient  fort  bien  émanant  de  la  pupille  et  sur  leur  trajet,  le  phis  souvent,  se 
trouvent  àe  petites  taches  rouges  ecchymotiques.  A  gauche,  il  existait  une  teinte 
opaline  et  laiteuse  qui  ne  laissait  voir  les  vaisseaux,  surtout  au  niveau  de  la  pa- 
pille qu'à  travers  d'une  couche  nuageuse;  les  petites  taches  rouges  s'y  rencon- 
traient également.  » 

Nous  ne  connaissons  aucune  recherche  anatomique  faite  sur  l'oreille  interne, 
bien  que  la  surdité  ait  été  notée  assez  souvent  chez  les  sujets  leucocythéniiques. 
En  résumé,  lésions  constantes  ou  presque  constantes  de  la  rate,  du  foie,  des 
glandes  lymphatiques  et  intestinales,  des  reins  ;  produits  pathologiques  acciden- 
tels ou  consécutifs,  hémorrhagies  disséminées  dans  les  autres  organes,  tel  est 
l'ensemble  des  lésions  viscérales  que  l'on  rencontre  dans  la  lencocythémie. 

II.  Sympiomaiologîc.  L'histoire  clinique  de  la  lencocythémie  est  loin  de 
nous  donner  des  renseignements  aussi  précis  et  aussi  circonstanciés  que  ceux  qui 
nous  sont  fournis  par  l'anatoraie  pathologique.  La  faute  en  est-elle  aux  observa- 
teurs, qui  se  sont  principalement  occupés  des  recherches  histologiques,  chimiques, 
ou  des  théories  physiologiques  et  pathologiques  de  la  maladie,  et  ont  moins  insisté 
sur  la  recherche  des  causes  et  des  variétés  nosologiques?N'en  est-elle  pas  surtout 
à  la  date  récente  de  ces  recherches,  au  petit  nombre  relatif  des  observations  que 
nous  possédons,  à  l'histoire  assez  uniforme  et  monotone  d'une  cachexie  progressive 
que  rien  n'a  pu  arrêter  jusqu'à  présent,  et  qui  ne  présente  pas  de  ces  faits  tran- 
chés d'où  l'on  peut  déduire  des  vues  pathologiques  larges,  générales  et  à  la  fois 
suffisamment  précises?  Nous  inclinons  plutôt  vers  cette  dernière  manière  de  voir, 
et,  loin  d'incriminer  personne,  nous  rendons  justice  aux  efforts  qui  ont  été  faits 
par  tous  les  observateurs  qui  ont  étudié  cet  état  morbide,  encore  assez  rare  à 
rencontrer  dans  la  praticjue. 

Tableau  général.  Nous  tracerons  d'abord  à  grands  traits  le  tableau  général 
de  la  maladie,  en  prenant  pour  type  la  lencocythémie  splénique  de  Yirchow  et  de 
Bennett,  celle  que  nous  nommerons  volontiers  la  leucocijthémie  idiopathiqne,  ou 
progressive. 

Chez  un  sujet  ordinairement  bien  portant,  ou  présentant  les  antécédents  patho- 
logiques très-divers,  et  en  général  assez  éloignés,  apparaît  progressivement,  sans 
cause  connue,  sans  que  le  malade  puisse  préciser  l'époque  du  début,  un  affaibhs- 
sement  particulier,  avec  perte  de  forces,  découragement,  aspect  cachectique  inex- 
pliqué, quelquefois  douleurs  spontanées  dans  certaines  régions,  sous  l'hypochondre 
gauche,  aux  aines,  dans  les  aisselles,  et  le  malade  reste  souvent  longtemps  sans 
s'en  plaindre,  de  même  que  le  médecin  peut  longtemps  en  méconnaître  la  nature. 
Les  premiers  signes  positifs  sont  fournis  par  le  développement  d'hypertrophies 
viscérales,  ou  par  l'apparition  des  tumeurs  ganglionnaires  périphériques.  L'hyper- 
trophie de  la  rate  est  ordinairement  celle  que  l'on  constate  la  première,  dès  que 
la  présence  d'une  tumeur  volumineuse  dans  l'hypochondre  gauche  est  signalée  par 
tles  douleurs  locales,  le  gonflement  du  ventre,  et  surtout  par  les  phénomènes  d'an- 


312  LEUCOGYTHÉMIE  (symi^tomatologie). 

hélatiou  qu'elle  détermine.  A  cette  époque,  tout  médecin  instruit  devra  déjà  soup- 
çonner la  leucocythémieet  s'enquérir  de  l'état  du  sang.  S'il  constate  la  lésion  caracté- 
ristique, il  n'a  plus  qu'à  suivre  le  développement  de  la  maladie,  avec  son  aggra- 
vation progressive;  s'il  ne  trouve  pas  tout  d'abord  l'altération  du  sang,  mais  si 
l'hypertrophie  de  la  rate,  du  foie,  ou  celle  des  ganglions  lymphatiques  persiste  et 
se  développe  davantage,  en  s'accompagnant  d'une  cachexie  de  plus  en  plus  pro- 
noncée, il  ne  devra  pas  négliger  de  revenir  de  temps  à  autre  à  cet  examen  qui, 
un  jour  ou  l'autre,  permettra  de  constater  la  dyscrasie  caractéristique  du 
sang. 

A  mesure  que  la  maladie  se  développe,  l'hypertrophie  de  la  rate,  du  foie,  ou  des 
ganglions  périphériques  augmente  ;  la  cachexie  se  prononce  davantage,  la  faiblesse 
est  plus  grande,  le  malade  doit  bientôt  renoncer  à  tout  travail  et  prendre  le  lit. 
On  note  divers  accidents  du  côté  des  voies  digestives,  un  peu  d'ascite,  de  la  diar- 
rhée chronique,  assez  rarement  des  nausées  et  des  vomissements;  pourtant  l'ap- 
pétit persiste  ordinairement  jusqu'à  une  période  très-avancée.  Puis  on  observe 
de  la  dyspnée,  des  menaces  d'étouffement,  et  enfin,  vers  la  fin,  de  la  fièvre  hecti- 
que. Le  malade  succombe,  épuisé  par  les  progrès  de  la  cachexie.  Très-souvent  la 
terminaison  fatale  est  hâtée  par  l'apparition  d'épistaxis  incoercibles,  d'hémorrha- 
gies  multiples,  soit  sous  le  tégument  externe,  soit  à  l'intérieur  des  principaux 
viscères. 

Reprenons  ces  divers  symptômes  pour  préciser  les  conditions  de  leur  dévelop- 
pement et  leur  signification. 

Les  données  numériques  que  nous  mentionnerons  seront  tirées,  comme  précé- 
demment, du  relevé  de  M.  Yidal,  portant  sur  52  observations  antérieures  à  1856, 
et  sur  notre  relevé  personnel  de  41  observations  recueillies  et  publiées  depuis  cette 
époque. 

Aspect  cachectique.  Perte  des  forces.  L'aspect  cachectique,  la  perte  des  forces 
sont  ordinairement  des  phénomènes  du  début,  si  l'on  peut  employer  le  mot  de 
début  dans  un  état  morbide  toujours  consécutif,  qui  ne  se  traduit  par  aucun  phé. 
nomène  d'invasion  propre  à  attirer  l'attention  du  malade.  Quand  celui-ci  s'adresse 
au  médecin,  il  l'entretient,  dans  la  grande  majorité  des  cas,  des  troubles  divers 
remontant  au  moins  à  plusieurs  mois  :  c'est  un  atfaiblissement  lentement  pro- 
gressif, du  découragement,  l'impossibilité  de  se  livrer  aux  travaux  habituels; 
puis,  la  pâleur  de  la  face,  l'amaigrissement,  qui  ont  été  remarqués  par  le  malade 
lui-même  ou  par  ses  proches.  Souvent,  à  ce  moment,  l'altération  du  sang  ne 
serait  pas  encore  appréciable,  si  l'on  cherchait  à  la  constater,  ce  qu'on  ne  fait  pas 
ordinairement  à  cette  époque. 

L'aspect  cachectique  des  sujets  leucocythémiques  n'a  rien  de  caractéristique,  et 
c'est  plutôt  par  des  caractères  négatifs  que  par  des  traits  positifs  qu'on  peut  le 
décrire.  Le  malade  est  pâle,  anémique,  et  cette  pâleur  ne  présente  ordinairement 
ni  la  teinte  jaune  paille  du  cancer,  ni  la  teinte  terreuse  des  cachexies  palustres, 
ni  la  teinte  blanc  mat  des  albuminuries.  La  flice  n'est  pas  boulfie,  si  ce  n'est  vers 
la  fin,  ni  les  paupières  infiltrées,  comme  dans  cette  denier e  maladie,  elle  n'est  pas 
amaigrie  comme  chez  les  phlhisiqucs  et  ne  présente  pas  le  faciès  hippocratique:  tout 
reste  dans  des  termes  moyens,  pâleur  anémique  delà  peau  et  des  muqueuses  sans 
teinte  spéciale,  sans  amaigrissement  exagéré.  On  a  cependant  noté  dans  quelques 
cas  une  teinte  grise,  ou  jaune  de  la  peau.  11  est  bien  entendu  que  ces  caractères 
de  coloration  spéciale,  d'amaigrissement,  de  bouffissure  pourront  se  rencontrer  à 
certains  moments,  et  surtout  à  l'approche  de  la  terminaison  fatale,  si  le  malade 


LEUCOCÏTHÉMIE  (symptomatologie).  313 

préseute  à  liti'e  de  complication  quelques-unes  des  maladies  que  nous  venons  de 
mentionner,  cancer,  tubercules,  anasaïque,  etc. 

h' amaigrissement  n'est  pas  excessif  au  débul,  et  l'appellerait  par  exemple  cehu 
des  malades  atteints  de  cirrhose,  en  ce  que,  se  montrant  notamment  aux  parties 
supérieures  du  Ironc  et  aux  membres,  il  contraste,  le  plus  souvent,  avec  la  tu- 
méfaction de  la  région  abdominale,  puisque  les  tumeurs  de  la  rate  et  du  foie 
coexistent  dans  la  majorité  des  cas.  Quand  le  malade  doit  périr  par  les  progrès  de 
la  cachexie  et  de  la  diarrhée,  cet  amaigrissement  devient  très-considérable,  peut- 
être  autant  que  dans  les  autres  cachexies.  La  rapidité  avec  laquelle  il  se  produit 
est  une  circonstance  éminemment  défavorable  pour  le  pronostic.  (Voy.  Vigla, 
obs.  n°  III.  Soc.  méd.  des  hop.,  1856,  p.  38.) 

Douleurs,  phénomènes  nerveux  divers.  Certaines  douleurs  locales  se  font  éga- 
lement sentir  au  début.  Dans  l'observation  de  Craigie,  le  malade  se  plaint  d'une 
douleur  intense  au  côté  gauche,  douleur  intermittente,  comparable  à  une  crampe 
et  qui  s'est  montrée  quelques  semaines  avant  l'arrivée  du  malade  à  l'hôpital.  Cette 
douleur  coïncidait  probablement  avec  le  développement  de  la  r-ate.  Dans  la  première 
observation  de  Bennett,  dans  la  première  de  Virchow,  on  note  aussi  des  douleurs 
dans  le  ventre,  mais  apparaissant  un  peu  plus  tard,  quand  la  tuméfaction  du 
ventre  est  déjà  reconnue.  Ces  douleurs  paraissent  tenir  en  effet  à  des  exacerba- 
lions  aiguës  dans  les  viscères  abdominaux;  et  particuhèrement,  comme. le  dit 
Magnus  Huss,  dans  les  cas  où  il  se  fait  des  adhérences  entre  ces  viscères  et  la  pa- 
roi abdominale.  On  retrouve  aussi  ces  douleurs  avec  x;e  caractère  d'acuité  dans  les 
tumeurs  ganglionnaires  périphériques,  lorsque  celles-ci  s'accroissent  brusquement 
et  comme  par  poussées  successives  (obs.  de  Rinecker,  de  Mohr,  de  Vogel; 
voy.  Virchow,  Ges.  Abhand.,  p.  205).  A  une  époque  plus  avancée,  les  douleurs 
sont  ordinairement  moins  aiguës,  ce  sont  surtout  des  phénomènes  de  compression, 
de  gène  locale. 

D'autres  douleurs,  mais  plus  générales,  plus  vagues,  dans  les  membres,  dans 
le  tronc,  dans  la  face.  Ce  sont  des  pliénomènes  de  névropathie  liés  à  l'anémie. 
Les  malades  accusent  souvent  des  bourdonnements  d'oredlcs,  des  étourdisse- 
ments,  de  la  céphalalgie,  continue  ou  intermittente  ;  un  malade  a  éprouvé  des 
accès  de  névralgie  sus-orbitaire  (obs.  Woillez  et  Hervey  de  Chégoin,  recueiUie  par 
Bonfds,  Gaz.  des  hop. ,  décembre  1855,  et  Bull,  de  la  Soc.  méd.  des  hop.,  1855). 
Magims  Huss  note  une  névralgie  persistante  de  la  jambe  droite,  mais  elle  parait 
due  à  la  compression  des  nerfs  par  les  tumeurs  ganglionnaires. 

Hypertrophie  de  la  rate.  Nous  arrivons  à  un  phénomène  plus  positif  que  les 
précédents,  et  qui  ne  peut  manquer  d'attirer  tôt  ou  tard  l'attention  du  malade 
et  du  médecin.  Il  est  difficile  de  savoir  à  quelle  époque  la  rate  a  commencé  à 
s'accroître,  mais  comme  Virchow  lui-même  le  reconnaît,  cette  lésion  précède 
toujours  d'assez  longtemps  la  dyscrasie  caractéristique  du  sang,  à  moins  qu'il  ne 
s'agisse  d'une  leucocythémie  lymphatique.  (Voy.  ci-dessous,  formes  de  la  maladie.) 
Dans  la  grande  majorité  des  cas,  la  rate  présente  une  hypertrophie  considérable, 
qui  se  traduit  pour  le  malade,  par  une  pesanteur  dans  l'hypochondre  droit,  par 
une  gêne  considérable,  surtout  après  les  repas,  par  de  la  dyspnée,  par  la  nécessité 
d'élargir  les  vêtements,  et  pour  le  médecin,  par  les  signes  physiques  les  plus 
évidents.  L' inspection  seule  fait  reconnaitre  un  élargissement  notable,  un  sou- 
lèvement de  l'hypochondre  gauche,  et  quelquefois  une  saillie  visible  jusque  vers 
l'ombilic  ;  La /x(//J«<Jo?i  confirme  immédiatement  cette  première  notion  ;  la  main 
appliquée  sur  le  ventre,  plus  ou  moins  distendu,  constate  facilement  une  tumeur 


514  iEL"COCVTllÉ.M[E  {svmi'TOîiatologie). 

énorme,  qui  commence  à  l'iiypochondre  gauche,  atteint  et  dépasse  la  ligue 
blanche  pour  s'étendre  à  droite,  ou  descend  vers  la  fosse  iliaque  gauche  et  vers 
le  pubis.  Cette  énorme  tumeur  est  ordinairement  peu  mobile;  l'on  peut  cepen- 
dant lui  imprimer  quelques  petits  déplacements,  en  refoulant  les  téguments 
pour  la  soulever.  L'extrémité  et  le  bord  droit  sont  mousses,  arrondis,  i'aciles  à 
circonscrire;  le  bord  gauche  et  l'extrémité  supérieure  ne  peuvent  être  bien  limités 
que  par  la  percussion,  qui  donnera,  sur  toute  l'étendue  de  la  tumeur,  une  matité 
absolue.  Chez  quelques  malades,  la  palpation  et  la  percussion  provoquent  des 
douleurs.  La  matité  splénique  se  réunit  souvent  à  droite  avec  la  matité  hépatique, 
quand  le  foie  est  également  hypertrophié.  Ajoutons  que  cette  hypertrophie  de  la 
rate  n'est  en  rien  modifiée  par  le  quinquina  et  la  quinine  à  haute  dose,  qui  font 
diminuer  ordinairement  les  hypertrophies  d'oi^igine  palustre.  On  a  vu  dans  quelques 
cas  le  Yulume  de  la  rate  diminuer  rapidement  à  la  période  ultime,  sous  l'influence 
de  quelque  complication,  notamment  d'hémorrhagies  considérables.  Ainsi,  dans 
une  observation  de  M.  Vidal  (1858)  la  rate  diminue  in  extremis  et  l'on  trouve 
uu  éuorme  foyer  hémorrhagique  dans  le  péritoine.  D'autres  fois,  au  contraire,  la 
rate  augmente  rapidement  dans  les  derniers  jours.  Dans  une  observation  de 
Vogel  (Yirchow,  Ai^chiv,  t.  III,  p.  571),  le  développement  de  larate  semble  alterner 
avec  celui  des  tumeurs  ganglionnaires  périphériques. 

Hypertrophie  du  foie.  Elle  marche  la  plupart  du  temps  avec  celle  de  larate, 
bien  qu'elle  soit  un  peu  plus  tardive  et  moins  constante  que  la  première  (21  fois 
sur  52,  relevé  de  M.  Vidal  ;  52  fois  sur  41,  relevé  personnel).  Nous  avons  donné, 
à  l'anatomie  pathologique,  des  chiffres  qui  expriment  l'augmentation  de  volume 
et  de  poids  que  le  foie  est  susceptible  de  présenter.  D'assez  bonne  heure,  on 
pourra  constater  par  la  percussion  et  par  la  palpation  que  le  foie  déborde  les 
fausses  côtes,  qu'il  remonte  en  haut  vers  le  mamelon,  qu'il  s'étend  à  gauche  vers 
la  rate.  Plus  tard,  Yinspection  fait  reconnaître  l'élargissement  de  l'hypochondre 
droit,  qui,  s'ajoutant  à  celui  de  l'hypochondre  gauche  par  la  rate,  donne  à  la 
base  de  la  poitrine  une  forme  évasée  très-remarquable.  En  même  temps,  le  bord 
inférieur  descend  de  plus  en  plus  vers  la  fosse  iliaque,  et  le  lobe  gauche  se  réunit 
à  la  rate. 

C'est  quelquefois  seulement,  à  la  fin  de  la  maladie,  que  le  foie  prend  rapide- 
ment, eu  quelques  jours,  un  développement  aussi  considérable.  (Obs.  de  Uhle, 
Yirchow,  Archiv,  t.  V,  p.  585,  et  Ges.  Abhcmdl.,  p.  208;  obs.  Blache,  Isam- 
bert  et  Robin,  Bull,  de  VAc.  de  méd.,  29  janvier  1856,  et  Arch.  cjén.  de  médec, 
1856,  t.  I,  p.  505.) 

Les  douleurs  spontanées  du  foie  paraissent  plus  rares  que  celles  de  la  rate. 

L'ictère  n'est  noté  que  5  fois  sur  52  (relevé  de  M.  Vidal)  et  2  fois  sur  41  dans 
notre  relevé  personnel  ;  chez  l'un  des  malades,  il  y  avait  des  calculs  dans  la  vési- 
cule. Dans  d'autres  cas  (1  fois  M.  Vidal  et  1  fois  rel.  pers.),  le  foie  était  cirrhose. 

Hypertrophies  glandulaires  diverses.  Les  diverses  hypertrophies  ganglion- 
ïiàïres  que  nous  avons  signalées,  en  étudiant  l'auatomie  pathologique,  ne  sont 
pas  toutes  appréciables  extérieurement  :  celles  des  ganglions  mésentériques,  des 
glandes  intestinales,  ne  se  constatent  que  sur  le  cadavre.  Celles  des  ganglions 
bronchiques  pourraient  toutefois  être  soupçonnées  par  l'apparition  de  phéno- 
mènes de  dyspnée  très-intenses,  très-menaçants.  Les  hypertrophies  des  ganglions 
périphériques  sont  au  contraire  appréciables  de  bonne  heure,  aux  ganglions  lym- 
phatiques du  cou,  de  l'aine,  ou  de  l'aisselle.  Elles  peuvent  apparaître  dans  deux 
circonstances  différentes,  tantôt  primitivement,  avant  l'hypertrophie  splénique, 


LEUCOCYTHÉMIE   (sy.mmo.matologie).  515 

c'est  alors  la  leucémie  lymphatique  de  Yirchow,  sur  laquelle  nous  reviendrons 
un  peu  plus  loin,  tantôt  elles  viennent  plus  tardivement  après  l'iiypertropliie  de 
la  rate,  du  foie,  ce  sont  les  cas  mixtes.  Les  glandes  longtemps  indolentes  j  rc- 
sentent  jarfois  dès  le  début  des  douleurs  vives,  quelquefois  des  exacerbalions 
aiguës,  avec  rougeur,  chaleur,  à  la  suite  desquelles  leur  volume  augmente  oul- 
nairement,  mais  qui  aboutissent  rarement  à  la  suppuration. 

Hydropisies,  anasarque,  œdème  partiel.  On  ne  doit  jias  s'étonner  de  ren- 
contrer des  hydi-opisies  locales  ou  généralisées  dans  une  maladie  qui  affecte 
d'une  manière  aussi  profonde  la  constitution  du  fluide  nourricier  et  qui  s'accom- 
pagne de  tumeurs  énormes  capables  d'entraver  la  circulation  veineuse.  Ainsi 
l'ascite  est  mentionnée  9  fois  sur  52  (relevé  de  M.  Yidal)  et  la  fois  sur4i  (relevé 
personnel),  et  l'œdème  des  membres  inférieurs  14  fois  sur  52.  Dans  deux  de  ces 
cas,  il  était  limité  au  membre  inférieur  gauche.  (Vidal.)  Nous  l'avons  noté  7  fois 
sur  41  (relevé  pers.).  L'anasarque  s'est  montrée  4  fois  sur  52  (M.  Yidaljet  lofois 
sur  41  (rel.  pers.)  ;  l'œdème  pulmonaire,  2  lois  sur  52  et  1  fois  sur  41  ;  l'épan- 
chement  dans  la  plèvre,  2  fois  sur  52  (Vidal)  et  8  fois  sur  41  (relevé  personnel). 
L'ascite  n'est  pas  en  général  aussi  considérable  que  l'on  pourrait  le  croire. 

Ces  diverses  hydropisies  se  manifestent  à  des  époques  assez  variables  :  M.  Vigla 
constate  l'ascite  au  début  (observ.  II,  Soc.  méd.  des  hop.,  1856,  p.  58),  mais  il 
est  assez  difficile  de  dire  le  moment  qui  peut  être  considéré  comme  le  début  de 
cette  maladie.  Plus  ordinairement,  les  hydropisies  survieiment  à  une  époque 
avancée  de  la  maladie,  elles  peuvent  apparaître  et  chsparaître  plusieurs  fois  jusqu'à 
ce  qu'elles  deviennent  définitives.  Nous  avons  vu  mie  ascite  considérable  (avec 
sensation  de  flot  liquide)  disparaître,  au  contraire,  les  derniers  jours  et  être  rem- 
placée par  de  la  tympanite  (observ.  citée,  1858).  Nous  avons  vu  de  même  l'ana- 
sarque apparaître  subitement  et  se  dissiper  rapidement  dans  les  jours  qui  ont 
précédé  la  mort  d'uu  autre  malade  (oh;-;.  Blache,  Isambert  et  Robin,  1855).  L'œ- 
dème pulmonaire  et  l'épanchement  pleural  ont  semblé  ne  pai^aître  qu'à  titre  de 
complication  ultime. 

Sécrétion  iirinaire.  Les  urines  restent  ordinairement  normales  dans  les  pre- 
miers temps. 

V albuminurie,  avec  maladie  de  Bright,  a  été  notée  5  fois  sur  52  (relevé  de 
M.  Yidal)  et  4  fois  sur  41  (relevé  personnel).  Nous  l'avons  vu  apparaître,  à  la 
dernière  période,  et  disparaître  quelques  jours  avant  la  mort  (obs.  Blache,  etc., 
1855),  Il  y  aurait  à  rechercher  si  cette  complication  joue  un  rôle  constant  dans 
la  diminution  de  l'albumine  du  sang  (obs.  citée,  1855)  ou  si  cette  diminution  se 
produit  par  l'effet  de  la  leucocythémie  sans  albuminurie.  Dans  une  analyse  de  Bec- 
querel (obs.  1856,  Soc.  méd.  des  hôp.,  p.  195),  l'albumine  du  sang  est  presque 
au  chiffre  normal,  75  millièmes,  au  lieu  de  80,  et  l'urine  contient  une  faible 
quantité  d'albumine. 

MM.  Ollivier  et  Ramier  (obs.  nouv.,  Arch.  de  Br.  séq.,  1869,  p.  409]  ont 
constaté  qu'une  urine,  bien  que  légèrement  albumineuse,  ne  contenait  pas  de 
moules  de  tubes  urinifères. 

L'iu'ine  peut  se  montrer  quelquefois  sanguinolente,  dans  les  cas  d'hémorrha- 
gies  multiples  à  la  fin  de  la  maladie.  11  ne  faut  pas  confondre  ces  cas,  avec  l'albu- 
miuui'ie  véritable.  Nous  notons  de  véritables  hématuries  2  fois  sur  41  (relevé 
personnel) . 

Parmi  les  autres  altérations  possibles  de  la  sécrétion  urinaire,  nous  voyons  citer 
l'augmentation  de  l'acide  uriqueet  des  urates  (obs.  Uhlo,  citée  par  Yirchow,  Ges, 


516  LEUCOCYTIJEMIE   (svmptomatologie). 

Abhand.,  p.  205).  M.  Vigla  (obs.  111%  Soc.  viéd.  des  hôp.  1856,  p.  58)  men- 
tionne des  urines  acides,  jumenteuses,  sans  albumine,  ni  sucre.  Le  malade  avait 
présenté  une  fièvre  assez  intense.  M.  Huss  (obs.  1857)  signale  aussi  une  augmen- 
tation con^iclérable  de  l'acide  urique,  tandis  que  l'acide  pliosphorique,  sulfurique, 
et  le  cblore  de  l'urine  normale,  le  dernier  surtout,  sonttrès-amolndris.  L'excrétion 
de  l'acide  urique  et  des  urates,  encore  peu  étudiée  dans  l'état  morbide  qui  nous 
occupe,  paraît  cependant  peu  importante,  et  semble  tenir  le  plus  souvent  aux 
complications  aiguës. 

La  glycosurie  n'a  jamais  été  observée. 

Enfin  MM.  Thierfelder  et  Uble  ont  trouvé  dans  un  cas  (obs.  1858)  une  aug- 
mentation considérable  de  la  quantité  d'urine  excrétée. 

Troubles  digestifs.  En  général  l'appétit  est  conservé  jusqu'à  la  fin  ;  troublé 
quelquelbis  cependant  par  des  nausées  et  des  vomissements  bilieux.  (Ollivier  et 
Pianvier,  les  2  obs.) 

Soif.  La  soif  est  mentionnée  par  presque  tous  les  observateurs,  elle  est  générale- 
ment très-marquée  surtout  vers  les  derniers  temps,  ce  symptôme  augmentant 
naturellement  avec  la  diarrbée,  et  les  bémorrhagies  terminales.  «  Dans  9  cas 
sur  32,  les  malades  se  montrèrent  très- altérés  et  le  besoin  de  boire  se  répé- 
tait fréquemment,  même  en  l'absence  de  tout  mouvement  fébrile  »  (relevé  de 
M.  Vidal). 

La  langue  reste  normale;  dans  la  plupart  de  ces  observations,  son  état  n'est 
pas  noté;  cependant  on  l'a  trouvée  recouverte  tantôt  d'un  enduit  saburral,  tantôt 
d'un  enduit  grisâtre  La  sécberessese  produit  surtout  dans  les  cas  de  fièvre  intense, 
ou  dans  ceux  où  il  y  a  stomatorrbagie.  (Ollivier  et  Pianvier,  nouvelles  obs.  I  et  II, 
1869.)  La  langue  ost  alors  couverte  d'un  enduit  grisâtre  et  de  fuligosités 
sanguines. 

Les  gencives  ont  été  trouvées  fongueuses  et  saignanles  dans  3  observations  sur 
32,  et  ulcérées  dans  un  cas  (relevé  de  M.  Vidal).  Nous  notons  5  fois  sur  41  cas 
(relevé  personnel)  des  bémorrbagies  gingivales.  Dans  une  observation  de 
MM.  Ollivier  et  Ranvier  (nouv.  observ.  Arch.  de  Brown-Séquard,  etc.  1869, 
p.  /i09),les  gencives  ont  présenté  une  byperlrophie  singulière.  Blanchâtres, 
résistantes  au  toucher,  non  douloureuses,  elles  formaient  un  bourrelet  de  5  mil- 
limètres d'épaisseur,  sur  leur  bord  libre  dont  les  festons  ressortaient  d'une  façon 
remarquable;  en  aucun  point,  elles  n'étaient  ni  fongueuses,  ni  saignantes,  »Nous 
avons  donné  ci-dessus  (Anat.  pathol.)  le  résultat  de  l'examen  microscopique  de 
cette  lésion. 

Les  nausées  et  les  vomissements  apparaissent  à  des  époques  variables.  Chez 
3  malades  sur  52  (M.  Vidal),  ils  sont  notés  à  la  période  de  début.  Chez  un  qua- 
trième, ces  accidents  n'ont  paru  qu'au  bout  de  quelques  mois  (relevé  de  M.  Vi- 
dal). Quelques  jours  avant  la  mort,  ils  deviennent  continuels  ,  et  le  malade  vomit 
;\  peu  près  tout  ce  qu'on  lui  donne,  dans  une  observation  de  MM.  Ollivier  et 
Ranvier  (obs.  citée,  1869).  Des  vomissements  in  extremis,  avec  état  comateux, 
peuvent  être  le  signe  d'une  hémorrhagio  dans  les  méninges,  ou  dans  les  ventri- 
cules du  cerveau  (obs.  Blacbe,  1855),  nous  les  trouvons  eu  tout  9  fois  sur  41 
(rel.  pers.).  Enfin  la  dyspepsie,  l'inappétence  sans  vomissements  sont  notées 
dans  quelques  cas  (obs.  Huss,  obs.  Béhier). 

La  diarrhée  est  notée  par  tous  les  observateurs  comme  un  des  accidents  les  plus 
constants  (12  cas  sur  25,  relevé  de  M.  Yigla;  17  sur41, relevé  personnel).  Toutefois 
l'époque  de  son  app.irition  varie  beaucoup.  Pendant  les  premiers  mois,  on  observe 


LEUCÛCYTIIÉMIE  (symptomatologie).  oI7 

des  alternatives  de  constipation  et  de  diarrhée  :  cliez  10  malades  sur  o2,  une 
constipation  opiniâtre,  chez  7,  diarrhée  plus  ou  moins  fréquente  (relevé  \idal). 
Comme  accident  des  dernières  semaines,  et  comme  symptôme  ultime,  la  diarrhée 
est  notée  1 6  t'ois  sur  22  cas  suivis  de  mort. 

Vhémovrhagie  intestinale  se  montre  aussi  vers  la  fm  soit  liée  à  la  diarrhée 
terminale,  soit  concomitante  avec  des  hémorrhagies  multiples  (8  fois  sur  52, 
relevé  de  M.  Yidal  ;  8  fois  sur  41 ,  relevé  personnel). 

La  constipation  avec  tyynpanite  a  été  notée  à  la  période  ultime  (obs.  Isambcrt, 
1858).  En  tout  4  fois  sur  41,  relevé  personnel. 

Aphonie.  La  voix  était  faible  et  rauque  dans  4  cas  sur  52  (obs.  Vigla,  I,  II 
et  111,  et  obs.  Leudet)  et  5  fois  sur  54  (rel.  pers,).  Elle  peut  tenir  soit  à  l'épuise- 
ment du  sujet  à  la  période  terminale,  soit  à  la  compression  des  bronches  et  de 
la  trachée  par  des  masses  ganglionnaires  hypertrophiées. 

Dyspnée.  C'est  un  des  symptômes  les  plus  constants  ("21  fois  sur  52  cas, 
relevé  de  M.  Yidal,  et  19  sur  41,  relevé  personnel).  Elle  peut  se  montrer  dès  le 
début  de  la  maladie,  et  présenter  des  degrés  fort  divers  d'intensité.  Chez  les  uns, 
ce  n'est  qu'un  sentiment  de  gêne,  s'augmentant  par  la  marche  et  par  le  mouve- 
ment, ou  par  l'ingestion  des  aliments,  surtout  après  le  repas  du  soir;  d'autres 
fois,  il  y  a  une  anxiété  extrême,  et  de  véritables  accès  de  suffocalion  (observ. 
Bourdon;  obs.  Chaillou,  1865;  obs.  Nicaise,  1866;  obs.  Isambert,  1869).  11 
est  probable  dans  ce  second  cas  que  la  dyspnée  est  due  à  la  compression  directe 
des  bronches  par  les  ganglions  thoraciques  ;  dans  le  premier  cas  au  contraire, 
elle  tient  le  plus  souvent  à  la  gène  qu'apporte  au  mécanisme  de  l'inspiration  la 
présencedes  tumeurs  volumineuses  de  la  rate  et  du  foie,  ou  l'ascite  plus  ou  moins 
développée;  elle  peut  être  alors  portée  jusqu'à  l'orlhopnée;  d'autres  fois  encore 
elle  est  due  à  de  véritables  complications  pulmonaires,  ou  pleurales  :  épanche- 
ments  dans  la  plèvre,  bronchites,  congestion  ou  œdème  des  vésicules  pulmo- 
naires, ou  inliltration  tuberculeuse  du  poumon.  11  importe  donc  d'ausculter  et 
de  percuter  la  poitrine,  pour  reconnaître  si  la  dyspnée  est  due  à  quelques-unes  de 
ces  complications  intercurrentes  qui  manquent  rarement  de  se  produire  à  une 
époque  plus  ou  moins  avancée  de  la  maladie. 

«  Dans  15  cas  sur  52,  la  dyspnée  s'est  accompagnée  de  toux,  généralement 
peu  fréquente,  courte  et  sèche.  8  fois  seulement  on  a  noté  l'expectoration  ;  mu- 
queuse, filante  et  peu  abondante  dans  4  cas,  elle  a  été  purulente  dans  2  cas,  et 
sanguinolente  dans  2  autres.  »  (Yidal,  onvr.  cité,  p.  48.) 

Appareil  vasculaire.  Les  troubles  de  l'appareil  vasculaire  n'ont  pas  été  exa- 
minés avec  beaucoup  de  soin  par  les  premiers  observateurs.  On  signale  bien  l'état 
anémique,  maison  ne  parle  guère  de  l'auscultation  du  cœur  et  des  gros  vaisseaux. 
Sur  8  observations  recueillies  en  France,  on  constata  dans  4  des  bruits  de  souffle 
anémique  au  coeur  et  dans  les  carotides,  bi'uits  dont  l'mtensité  et  l'étendue  offraient 
des  variations  en  rapport  avec  les  progrès  de  l'anémie.  (Yidal,  ouvr.  cité,  p.  49.) 
Nous  notons  aussi  ce  souffle  5  fois  sur  41  (relevé  personnel). 

Des  lésions  dans  les  orifices  du  cœur  peuvent  bien  se  montrer  à  titre  de  com- 
plication, mais  elles  ne  paraissent  avoir  aucune  relation  directe  avec  la  leucocy- 
thémie.  Cependant  un  état  aussi  considérable  d'anémie  ne  peut  exister  sans  des 
palpitations,  et  des  troubles  dynamiques  assez  graves  du  côté  du  cœur,  tels  que 
la  lipothymie.  Nous  croyons  que  cet  organe  doit  avoir  sa  part  dans  la  dyspnée 
qui  survient  si  souvent  :  en  tous  cas,  il  est  pour  beaucoup  dans  les  phénomènes 
terminaux,  alors  que   des  hémorrhagies  répétées  disposent  le  malade  à  la  syn- 


518  LEUCOCYTIIEMIE  (symptomatologie). 

cope,  ou  lorsque  des  caillots  semblables  à  ceux  que  l'évèle  l'auatomje  pathologique 
se  forn:ent  in  extremis. 

Le  pouls,  ordinairement  faible  et  dépressible,  n'augmente  pas  de  fréquence 
dans  les  premiers  temps,  sauf  apparition  d'une  complication  aiguë. 

La  fièvre,  de  iorme pseudo-intermittente,  ou  plutôt  la  fièvre  hectique  propre- 
ment dite,  ne  s'allume  ordinairement  que  dans  les  derniers  temps  de  la  maladie. 
Nous  la  notons  19  fois  sur  41  cas  (relevé  personnel).  ' 

Les  accès  intermittents  apparaissent  sans  périodicité  régulière,  et,  bien  qu'ils 
puissent  débuter  par  un  frisson  et  s'accompagner  de  sueurs  ,  c'est  évidemment 
forcer  les  analogies  que  de  vouloir  les  rattacher  uniquement  à  la  cause  palustre. 
Les  différentes  poussées  inflammatoires,  ou  simplement  congeslives  vers  la  rate, 
vers  le  foie,  vers  les  poumons,  exacerbations  qui  se  multiplient  dans  les  derniers 
temps  en  rendent  suffisammenf  compte  ;  et  à  la  fin,  la  fièvre  peut  devenir  conti- 
nue, ou  rémittente  avec  exacerbation  le  soir,  absolument  comme  dans  la  fièvre 
hectique  des  phthisiques.  La  quinine  n'a  pas  d'action  sur  cette  fièvre.  Le  pouls 
ne  s'élève  pas  du  reste  au-dessus  de  H  0  à  120  pulsations  ;  la  chaleur  fébrile  n'est  pas 
non  plus  bien  considérable,  mais  nous  manquons  de  données  numériques  à  cet 
égard.  Les  sueurs  sont  surtout  abondantes  la  nuit.  Des  sueurs  profuses,  obligeant 
le  malade  à  changer  de  Hnge,  sont  notées  8  (bis  sur  32  (relevé  de  M.  Vidal). 

Appareil  nerveux.  Les  fonctions  cérébrales,  l'intelligence  restent  ordinaire- 
ment intactes  jusqu'à  la  fin.  Mais  le  caractère  change,  comme  dans  tous  les  cas 
d'anémie,  ou  de  maladie  chronique,  dans  lesquels  les  malades  conservent  une 
juste  appréciation  de  leur  triste  situation.  Ils  deviennent  impressionnables,  tristes 
et  moroses.  Le  malade  de  M.  Charcot  a  présenté  une  lypémanie  avec  hallucina- 
tions et  a  fini  par  un  suicide,  Vogel  cite  un  cas  semblable  (1847).  Le  délire  est 
rare,  sauf  à  la  période  ultime. 

Le  sommeil  se  conserve  ordinairement  jusqu'à  une  époque  avancée  ;  à  moins 
que  la  dyspnée  ne  le  rende  impossible  ;  l'insomnie  et  les  rêvasseries  se  montrent 
dans  les  derniers  jours  par  suite  de  l'affaiblissement  général. 

Les  troubles  des  sens  sont  généralement  liés  à  l'anémie,  bourdonnements 
d'oredles,  obnubdations  de  la  vue,  etc. 

Des  troubles  sérieux  de  la  vue  sont  assez  rarement  notés  dans  les  observations 
cliniques  (2  obs.  Bamberger;  1  obs.  d'Oppolzer;  1  de  Grisolle  et  Hemey;  en  tout  : 
4  fois  sur  41  cas  (relevé  personnel). Cependant  M.  Liebreich  décrit  une  rétinite  leu- 
cémique qui  est  caractérisée  à  l'ophtlialmoscope  par  la  ddatation  des  veines  avec 
coloration  rose  pâle  ;  les  artères  contractées  sont  d'une  teinte  orange  brillante  ; 
les  vaisseaux  de  la  choroïde  sont  d'un  jaune  pâle.  Les  épanchements  de  sang  pré- 
sentent la  même  couleur  rose  pâle.  {Med.  Times,  avril  1862  et  Gaz.  liehdomad., 
1862,  p.  319.) 

Dans  3  faits  sur  52  (relevé  de  M.  Vidal) ,  on  a  constaté  la  dureté  de  l'ou'ie,  et  même 
de  la  surdité  à  une  époque  plus  ou  moins  avancée.  Nous  l'avons  également  vue  notée 
dans  4  cas  sur  41  (relevé  personnel;  obs.  Blache,  1855;  Bamberger,  1856,  Mul' 
der,  1860).  Nous  ignorons  si  cette  surdité  tient  à  quelque  lésion  anatomiquespé' 
ciale  ou  seulement  à  la  faiblesse  générale. 

6  malades  sur  32  ont  accusé  de  la  céphalalgie,  presque  continue  chez  les  uris, 
revenant  à  intervalles  irréguliers  chez  les  autres;  chez  4,  elle  s'est  montrée 
comme  un  des  symptômes  du  début  (i^elevé  de  M.  Vidal).  Nous  trouvons  aussi  la 
céphalalgie  2  fois  sur  41  (relevé  personnel).  Dans  plusieurs  cas  (2  fois  sur  41) 
l'intelligonce  est  lente,  le  malade  répond  lentement  aux  questions  qu'on  lui 


lEUCOCVTHÉMIE  (sympîomatologie).  U9 

adresse.  D'autres  fois  ii  est  en  proie  à  une  somnolence  assez  prononcée  (1  ibis  sur 
■41).  Quelquefois  par  contre  ('i  fois  sur  il),  le  sommeil  est  perdu,  mais  dans  la 
grande  majorité  des  cas,  le  sommeil  reste  bon  jusqu'à  l'époque  la  plus  avancée. 

Enfin,  à  la  période  ultime,  survient  un  délire  tranquille,  tenant  probablement 
à  l'intensité  de  la  dyscrasie  sanguine  (3  fois  sur  52,  relevé  de  M.  Vidal,  et  l  fois 
sur  41,  relevé  personnel).  Enfin,  en  cas' d'bémorrhagie  cérébrale  (obs.  Bennett, 
1  cas  sur  f7,  5  cas  sur  41,  relevé  personnel),  coma,  résolution  des  membres; 
nous  avons  noté  dans  un  cas  d'bémorrbagie  intraventriculaire  et  méningée  un 
coma  profond  accompagné  de  vomissements  bilieux  (obs.  citée,  1855). 

Les  fonctions  généaiqiies  sont  naturellement  influencées  dans  une  pareille  ca- 
cbexie.  La  perte  de  l'appétit  vénérien  cbez  les  hommes  est  mentionuée  par 
M.M.  Ollivier  et  Rauvier  et  par  M.  Béliier.  Nous  manquons  de  renseignements 
pour  les  fonctions  menstruelles  chez  la  femme. 

Des  hémorrhagies  se  montrent  fréquemment  à  la  période  ultime  de  la  maladie 
(19  fois  sur  52,  relevé  de  M.  Vidal,  et  24  fois  sur  41,  relevé  personnel;  eu  tout 
45  fois  sur  75  cas).  Ces  accidents  bâtent  le  terme  fatal  soit  par  l'épuisement 
général  dans  lequel  ils  plongent  le  malade,  soit  par  l'importance  de  l'organe 
qu'ils  frappent,  comme  quand  il  s'agit  des  centres  nerveux.  L'hémorrhagie  peut 
être  unique,  et  c'est  l'épistaxis  qui  se  montre  le  plus  souvent  ;  mais  souvent 
aussi  (7  fois  sur  19,  relevé  de  M.  Vidal,  et  11  fois  sur  41,  relevé  personnel),  il 
s'agit  d'béraorrbagies  multiples  se  produisant  à  peu  près  sur  tous  les  points 
du  corps.  Quant  à  la  fréquence  relative  deces  diverses  hémorrhagies,  nous  pouvons 
en  dresser  le  tableau  suivant  : 


Épistaxis   .    i 

Uémorrhagie  cérébrale 

Ilémonhagie  méningée  spinale  .  .  .  . 
llémorrhagie  gingivale  on  dentaire.    .   . 

Hématémèse 

llémoply.-ie 

llémorrhagie  intestinale.  ....... 

Hématurie 

Mélrorrliagio 

Taches  de  purpura  hemorrhagica.  .  .  . 
llémorrluigies  sous-cutanées  (ïhrorabus] 
llémorrhagie    sous-péritonéale 


lîEf.F.VE 

! 

ELEVE 

lie  M.  Vidal 

PEI\ 

s  0  :«  >■  E I 

sur  5-2  cas 

sur  -41  cas 

10  fois 

16  fois 

1    — 

O     — 

» 

1  - 

8    - 

5    — 

1    — 

2    - 

1    — 

1    — 

8    - 

8    — 

)) 

2    

1    — 

» 

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9    — 

2    - 

2    - 

j> 

1    - 

Les  taches  de  purpura  hemorrhagica  sont  donc  bien  plus  fréquentes  que  le 
relevé  de  M.  Vidal  ne  l'aurait  fait  penser.  Ou  les  trouve  déjà  mentionnées  dans 
l'observation  111  de  Bennett,  et  dans  l'observation  II  de  M.  Vigla,  où  rbémorrbagie 
sous-cutanée  et  même  sous-musculaire  donna  naissance  à  une  tumeur  sanguine 
considérable  de  la  région  axillaire,  qui  se  reproduisit  à  plusieurs  reprises. 
M.M.  Cbarcot  et  Vulpian  (1860)  ont  trouvé  des  foyers  hémorrhagiques  autour  de 


520  LEUCOCYT  IIEiMIE   (symmomatolocie). 

répaule  et  près  d'un  sein.  Dans  l'observation  de  MM.  Bouillaud  et  Durozier  (1858), 
une  tumeur  sanguine  de  l'aisselle  était  due  à  une  tlirombose  veineuse,  mais  sans 
rupture  du  vaisseau.  Nous  avons  vu  (obs.  Blache,  Isanibert  et  Robin,  1855),  avec 
des  taches  de  purpura  sur  tout  le  corps,  des  ecchymoses  considérables  se  faire  à 
plusieurs  reprises  dans  les  paupières  et  prendre  une  teinte  bleu-noir  qui  défigu- 
rait entièrement  le  malade,  comme  s'il  avait  reçu  de  violentes  contusions  dans 
cette  région.  La  conjonctive  était  également  le  siège  d'ecchymoses  d'un  rouge  vif. 
MM.  Ûllivier  et  Ranvier  (1866)  ont  aussi  vu  des  ecchymoses  de  la  conjonctive.  Les 
taches  purpurines  se  sont  accompagnées  aussi  de  bulles,  de  phlyctènes  remplies 
de  sérosité  sanguinolente  (obs.  deMagnus  Huss,  1857). 

Pour  6  malades  sur  52,  il  est  fait  mention  d'hémorrhoïdes  soit  avant,  soit 
depuis  l'hypertrophie  de  la  rate  (relevé  de  M.  Vidal),  mais  les  hémorrhoïdes  ne  pa- 
raissent jouer  aucun  rôle  dans  la  maladie. 

Du  côté  du  tégument  externe,  on  a  noté,  en  dehors  des  taches  purpurines,  et, 
comme  phénomènes  ultimes  rares,  du  prurigo  (obs.  Nicaise),  des  éruptions  furon- 
culeuses  (dans  2  cas  sur  52,  M.  Yidal)  accompagnées,  dans  un  cas,  de  formation 
d'eschares  au  sacrum  développées  sur  le  siège  des  furoncles  (M.  Vigla,  obs.  III), 
et  dans  l'autre,  d'éruptions  pemphigoïdes  delà  main  suivies  de  phlegmon  et  d'ab- 
cès (obs.  P'^de  Virchow).  Magnus  Huss  a  noté  une  éruption  huileuse  contenant  un 
liquide  d'abord  séro-sanguinolent,  puis  séro-purulent,  faisant  place  à  des  ulcéra- 
tions ou  à  des  croûtes  comme  le  pemphigus.  MM.  Olhvier  et  P»anvier  (observ. 
nouv.,  etc.,  n°  1)  ont  noté  des  pustules  d'ecchyma  et  de  petits  abcès  sous- 
cutanés. 

Enfin,  une  parotide  s'est  développée  trente-six  heures  avant  la  mort  dans  un  cas 
deM.  Vigla.  (Obs.  II.  Bull,  de  la  soc.  me'd.  des  hôp.,  1856,  p.  38.) 

Complications.  Les  principales  complications  notées  dans  la  leucocythémie 
ont  été  soit  des  accidents  aigus  survenant  dans  le  cours  de  la  maladie,  tels  que 
des  épanchements  pleurétiques  (2  fois  sur  32,  Vidal  ;  —  8  fois  sur  41,  relevé  per- 
sonnel), des  œdèmes  ou  des  congestions  pulmonaires  (5  lois  sur  52,  Vidal;  — ■ 
10  fois  sur  41,  relevé  personnel),  ou  même  de  véritables  broncho-pneumonies 
(5  fois  sur  41,  relevé  personnel),  soit  des  maladies  chi'oniques  qui  pouvaient  être 
le  résultat  de  la  cachexie  générale,  mais  qui  pouvaient  être  aussi  le  résultat  d'une 
diathèse  antérieure;  telles  sont  surtout  Y  infiltration  tuberculeuse  des  poumons, 
notée  3  fois  sur  32  par  M.  Vidal,  et  5  fois  sur  41  (relevé  personnel),  l'nifiltration 
tuberculeuse  disséminée  du  péritoine  (obs.  Oilivier  et  Ranvier,  1869).  Ehrlich 
aurait  noté  la  tuberculose  12  fois  sur  98  cas  (thèse  citée  par  Bœttcher.). 

Le  cancer  s'est  aussi  montré  assez  fréquemment,  3  fois  sur  17  dans  les  obser- 
vations de  Bennet.  M.  Becquerel  a  trouvé  aussi  le  cancer  de  l'estomac  (obs.  Il, 
1856,  Soc.  méd.  des  hôp.,  p.  196).  Dans  la  même  observation,  on  trouve  de  la 
pneumonie  chi'onique. 

La  cirrhose  du  foie  est  mentionnée  par  M.  Leudet.  [Soc.  de  bioL,  1858.) 
La  maladie  de  Bright  est  notée  3  fois  sur  32  (M.  Vidal),  et  o  fois  sur  41  (relevé 
personnel;  —  obs.  Bambergcr,  Bourdon  et  Gublcr)  ;  mais  on  peut  se  demander, 
dans  le  dernier  cas  surtout,  si  la  leucocythémie  n'est  pas  ici,  comme  dans  le  can- 
cer, la  complication  de  la  maladie  chronique,  plutôt  que  celle-ci  n'est  la  compli- 
cation de  la  leucocythémie. 

Becquerel  note  (obs.  1856)  un  calcul  vésical,  M.  Cliaillou  un  kyste  urineux, 
et  M.  Vidal  (1  fois  sur  32)  des  calculs  biliaires  ;  ce  sont  de  pures  coïncidences. 
Enfin  nous  trouvons,  5  fois  sur  41,  l'érysipèle,  dont  un  de  la  face,  et  un  érysi- 


LliUCOCYT[lÉMIE  (marche,  durée).  32Î 

pèle  phlegmoneux  des  membres.  Becquerel  a  observé  dans  un  cas  une  dysenterie 
aiguë  à  la  lin  (obs.  II,  1856)  n'était-ce  pas  plutôt  une  diarrhée  avec  bémorrliagie 
intestinale  ? 

m.  Marche.  «Inrée.  terminaison  et  formes  de  la  lencoeythémîe.  Kous 
avons  vu  plus  liaut,  en  traçant  le  tableau  général  des  symptômes  de  la  leûcocytbé- 
mie,  l'ordre  dans  lerpiel  ils  apparaissent  d'une  manière  générale.  Les  reprenant 
ensuite  un  à  un,  nous  avons  indiqué  les  particularités  que  ces  divers  phéno- 
mènes présentent  selon  les  époques  où  on  les  rencontre  :  de  toute  cette  étude 
est  ressortie  l'image  d'une  cachexie  à  marche  plus  ou  moins  lente,  mais  progres- 
sive et  fatale,  dans  laquelle  il  nous  semble  impossible  de  reconnaître  des  périodes 
tranchées.  M.  Yigla  [Soc.  viéd.  des  hop.,  1856,  p.  79)  et  M.  Vidal  {oiivr.  cité, 
p.  52)  ont  cependant  tenté  d'établir  nue  division  en  trois  périodes  :  la  première 
serait  marquée  par  le  commencement  du  gonflement  de  la  rate,  l'affaiblissement, 
l'amaigrissement,  les  douleurs  vagues,  des  désordres  peu  graves  dans  la  digestion, 
et  des  mouvements  fébriles  irréguliers;  la  deuxième  verrait  l'augmentation 
des  hypertropliies  glandulaires,  de  la  dyscrasie  sanguine,  de  la  dyspnée,  de  la 
diarrhée,  des  sueurs,  des  hémorrhagies,  la  fièvre  y  serait  exceptionnelle;  la  troi- 
sième période  serait  constituée  par  les  mêmes  symptômes  portés  au  suprême 
degré,  par  la  fièvre  hectique,  par  la  constance  de  la  diarrhée,  les  hémorriiagies 
multiples,  les  sueurs  profnses,  l'ortliopnée,  etc.  Le  professeur  Magnus  Huss,  de 
Stockliolm  (mém.  cit., p.  315),  a  déjà  fait  une  critique  très-judicieuse  de  cette  di- 
vision. «  Il  faudrait,  pour  qu'elle  fût  générale,  que  les  symptômes  sur  lesquels 
elle  se  fonde  fussent  constants.  11  faudrait  que  l'on  pût  suivre  le  développement 
successif  de  la  rate  parallèlement  avec  l'altération  du  sang  et  tenir  conq^te  de  la 
succession  des  autres  signes  les  plus  constants,  tels  que  l'amaigrissement,  l'épui- 
sement des  forces,  le  gonflement  du  foie  et  des  ganglions  lymphatiques,  l'aspect 
cachectique,  l'anémie,  la  fièvre  hectique,  les  hémorrhagies,  la  sueur  et  la  diar- 
rhée. »  On  peut  y  opposer  les  cas  où  l'hypertroiihie  de  la  rate  (obs.  XXXVI  de 
Bennett),  ou  celle  des  ganglions  lymphatiques  {voy.  ci-dessous)  ont  précédé  de 
beaucoup  la  dyscrasie  sanguine. 

Nous  partageons  entièrement  cette  manière  de  voir,  et  la  division  en  trois  pé- 
riodes nous  semble  aussi  purement  artificielle.  11  y  a,  suivant  les  cas,  des  époques 
où  la  maladie  s'accélère.  Nous  avons  déjà  noté  des  exaceibations  aiguës  pour  les 
hypertrophies  viscérales  ou  glandulaires;  on  observe  aussi,  dans  quelques  cas  des 
oscillations  brusques  dans  la  dyscrasie  sanguine  (obs.  deThierfelderetUhle,  1858). 
Pans  d'autres  moments,  la  maladie  semble  stationnaire,  mais  c'est  là  le  caractère 
de  toutes  les  maladies  chroniques,  et  pour  établir  des  périodes  véritables,  il  fau- 
drait deux  éléments  qui  font  ici  défaut,  c'est-à-dire  :  1"  des  périodes  de  temps 
comprenant  des  époques  à  peu  près  fixes  ou  des  retours  réguliers,  2"  des  phéno- 
mènes symptomatiques  bien  tranchés,  des  changements  de  tableau  comme  on  en 
voit  dans  les  fièvres  éruptives,  par  exemple,  et  qui  fussent  constants;  or,  il  n'en 
est  pas  ainsi,  même  de  la  fièvre  hectique  et  des  hémorrhagies  nmltiples.  Il  n'y  a  de 
réel  que  l'approche  de  l'agonie,  et  encore  celle-ci  n'existe  souvent  pas  :  le  malade 
s'éteint  doucement  par  les  progrès  de  l'épuisement.  La  leucocythémie  idiopatliiqne 
est  donc  une  affection  esseutiellementp/'Ot/ress/De,  et  nous  emploierons  volontiers 
ce  terme  pour  la  désigner,  et  surtout  pour  la  différencier  de  la  leucocythémie  tem- 
poraire ou  symptomatique. 

La  durée  d'une  telle  maladie  est  fort  difficile  à  déterminer,  parce  qu'il  est  à 
peu  près  impossible  d'en  préciser  le  début.  Le  plus  souvent,  les  malades  ne  se 

DICT.  EKC.  -1'  s.  II.  21 


322  LEUCOCYTHËMIE  (marche,  durée). 

présentent  au  médecin  que  lorsque  la  cachexie  est  avancée,  et  il  faut  alors  s'en 
rapporter  à  leurs  souvenirs  pour  calculer  l'époque  probable  à  laquelle  la  dyscrasie 
sanguine  a  commencé  de  se  produire.  D'autres  l'ois,  le  malade  s'est  aperçu  de  l'ap- 
parition des  tumeurs  lymphatiques,  ou  de  l'hypertrophie  de  la  rate,  mais  le  méde- 
cin ne  songe  pas  à  véritier  au  microscope  l'état  du  sang,  ou  bien  l'examen  le  plus 
attentif  de  ce  fluide  ne  montre  pas  encore  la  prédominance  des  leucocytes,  comme 
dans  les  cas  de  leucocytbémiere'ardée.  Dans  deux  observations  de  M.  Gubler  (1858), 
la  dyscrasie  sanguine  ne  se  produit  même  que  les  derniers  jours  de  la  vie,  presque 
d'une  manière  aiguë.  On  voit  combien  de  difficultés  s'opposent  à  la  détermination 
exacte  du  début;  la  dernière  circonstance  surtout  est  celle  qui  oppose  l'obstacle 
le  plus  invincible,  puisque,  après  tout,  il  n'y  a  leucocythémie  que  quand  le  sang 
présente  une  quantité  anormale  de  leucocytes,  et  que  les  autres  symptômes  ne 
suffisent  pas  à  en  établir  l'existence.  11  faudrait  donc  ne  compter  la  durée  de  la 
leucocythémie  qu'à  partir  de  l'époque  où  la  dyscrasie  sanguine  a  été  reconnue,  et 
c'est  ce  qu'on  ne  fait  pas  en  général  ;  les  cas  sont  rares  où  le  médecin  a  pu,  comme 
dans  l'observation  XXXVI  de  Bennett,  saisir  à  peu  près  l'instant  où  le  sang  s'est 
modifié,  alors  qu'on  suivait  déjà  depuis  longtemps  les  progrès  d'une  cachexie 
accompagnée  d'hypertrophie  splénique  ou  ganglionnaire.  On  se  borne  ordinaire- 
ment à  évaluer  approximativement,  d'après  les  renseignements  fournis  par  le  ma- 
lade, l'époque  où  sa  santé  a  présenté  une  altération  qui  paraît  avoir  persisté  jus- 
qu'au moment  où  l'on  commence  à  l'observer  régulièrement.  C'est  seulement  dans 
cette  limite  qu'il  fout  accepter  les  chiffres  qui  ont  été  donnés  par  les  différents 
auteurs. 

Sur  17  observations  où  l'on  a  pu  calculer  la  durée  de  la  maladie,  depuis  l'ap- 
parition de  la  tumeur  splénique  jusqu'à  la  mort,  M.  Vidal  trouve  : 

Durée  de  3  mois  à  6  mois 3  fois. 

—  de  6  mois  à  1  an 5  fois. 

—  de  1  an  à  1  an  1/2 5  fois. 

—  de  2  ans 2  fois. 

—  de  2  ans  1/2 1  fois. 

—  de  4  ans 1  fois. 

Lamoyenne  aurait  d'après  cela  été  de  13  à  14  mois,  le  minimum  de  5  mois,  et 
le  maximum  de  4  ans.  Les  chiffres  publiés  depuis  cette  époque  ne  s'écartent  pas 
beaucoup  de  ces  données.  Cependant  nous  avons  trouvé  une  telle  incertitude 
dans  l'évaluation  de  la  durée  des  observations  nouvelles  que  nous  avons  ana- 
lysées, que  nous  avons  renoncé  à  établir  une  moyenne.  Dans  notre  relevé,  de  41 
observations,  nous  pouvons  à  peine  dans  25  cas  évaluer  la  durée  de  la  maladie  et 
cette  durée  est  de  6  semaines  à  6  mois  dans  13  cas;  de  10  mois  à  2  ans  dans  7 
cas  ;  les  autres  chiffres  donnent  trois  ans  de  durée,  3  fois,  et  deux  chiffres  incer- 
tains de  4  à  5  et  même  8  ans. 

Terminaison.  Dans  toutes  les  observations  de  leucocythémie  idiopathique, 
soit  splénique,  soit  lymphatique,  la  mort  a  été  la  terminaison  constante  de  la 
dyscrasie  sanguine.  Si  quelques  malades  (et  Virchow  n'en  cite  qu'un,  M.  le 
docteur  Farre  en  cite  un  autre)  ont  paru  échapper  à  cette  cachexie  fatale,  il  est 
probable  que  c'est  qu'ils  ont  été  perdus  de  vue  pendant  quelque  temps,  et  que  le 
dénoûment  fatal  se  sera  produit  loin  des  premiers  observateurs  ou  bien 
qu'il  s'agirait  seulement  d'une  leucocythémie  symptomalique.  Nous  ne  vou- 
lons pas  dire  que  la  guérison  soit  impossible,  la  nature  a  des  ressources  infinies, 


LKUCOCYÏHÉMIE  (étiologie)-  .'^25 

mais  nous  nous  bornons  à  énoncer  un  fait,  c'est  qu'elle  n'a  pas  encore  été  ob- 
servée d'une  manière  authentique,  c'est  qu'on  ne  cite  pas  de  sujets  actuellement 
vivants  et  bien  portants,  après  avoir  été  atteints  d'une  leucocythémie  progressive 
bien  constatée.  Il  est  fort  à  craindre,  du  reste,  qu'il  n'en  soit  bien  longtemps 
ainsi,  quand  on  se  reporte  aux  troubles  profonds  que  cette  maladie  apporte  aux 
forces  vives  de  l'économie. 

La  mort  survient  donc,  plus  ou  moins  vite,  plus  ou  moins  tard,  et  les  circon- 
stances dans  lesquelles  elle  se  produit  n'offrent  pas  une  grande  variété.  Le  ma- 
lade perd  ses  forces  de  plus  en  plus,  l'amaigrissement  est  extrême,  la  dyspnée 
augmente,  des  sueurs  profuses  ou  une  diarrhée  colliquative  achèvent  d'épuiser  le 
malade.  La  fièvre  hectique  et  quelquefois  un  délire  tranquille  marquent  ses  der- 
niers instants.  Quelquefois  même,  il  s'éteint  paisiblement  sans  présenter  des 
symptômes  aussi  accusés.  Dans  deux  cas  cependant  il  y  a  eu  délire  lypémaniaque 
et  suicide.  La  syncope  doit  cire  dans  le  plus  grand  nombre  des  cas  la  cause  pro- 
chaine de  la  mort.  Aussi  a-t-on  observé  plusieurs  fois  la  mort  subite  (I  fois  sur 
52,  M.  Vidal;  2  fois  sur  41,  relevé  personnel;  obs.  Bouillaud,  1858;  OUivier  et 
Ranvier,  1869,  obs.  nouv.,  n^S).  C'est  là  ce  qu'on  peut  appeler  la  forme  cachec- 
tique progressive.  Une  autre  forme  bien  tranchée  au  point  de  vue  de  la  termi- 
naison, c'est  la  forme  hémorrhagicjue.  A  un  moment  donné,  quelquefois  avant 
que  la  cachexie  soit  très-prononcée,  surviennent  les  hémorrhagies  que  nous 
avons  décrites,  épistaxis,  hémorrhagie  intestinale,  très-souvent  hémorrhagies 
multiples,  internes  ou  externes.  La  terminaison  est  alors  accélérée;  soit  parce 
que  les  pertes  de  sang  répétées  achèvent  en  quelques  jours  d'épuiser  le  ma- 
lade, soit  parce  qu'une  hémorrhagie  interne  a  l'rappé  les  organes  essentiels, 
comme  dans  les  cas  d'hémorrhagie  cérébrale. 

La  mort  par  suffocation  rapide  s'est  également  produite  i  fois  sur  41  (relevé 
personnel) .  2  fois  sur  41 ,  des  vomissements  intenses,  incoercibles  ont  paru  accé- 
lérer le  dénoûiuent.  Des  accidents  convulsifs  sont  aussi  notés  2  fois  sur  41  dans 
cette  période  extrême. 

Enfin,  comme  dans  toutes  les  maladies  chroniques,  le  malade  peut  être  em- 
porté par  quelque  complication  aiguë.  Nous  en  avons  plus  haut  cité  quelques- 
unes,  auxquelles  nous  pouvons  ajouter  un  cas  de  rétention  d'urine  avec  fièvre 
intense  (obs.  Boettcheij. 

Toutefois,  l'on  peut  dire  qu'au  point  de  vue  de  la  terminaison,  la  leucocythé- 
mie confirmée  ne  reconnaît  que  deux  formes,  la  forme  cachectique  pro^-ressive 
et  la  forme  hémorrhagique.  Nous  ne  confondons  pas  les  formes,  c'est-à-dire  les 
ensembles  symptomatiques  qui  conduisent  à  la  terminaison,  avec  les  variétés  ou 
les  espèces  qui  répondent  à  un  point  de  vue  plus  générai,  et  qui  comportent  des 
différences  dans  la  nature  même  de  la  maladie.  Avant  d'étabhr  ces  variétés  ou  ces 
espèces,  il  nous  reste  à  invoquer  un  autre  ordre  de  considérations  indispensable 
à  la  solution  du  problème,  nous  voulons  parler  des  causes  de  l'état  morbide  qui 
nous  occupe. 

IV.  Étîologîe.  Plusieurs  causes  physiologiques  produisent  l'augmentation 
relative  des  leucocytes,  la  digestion,  la  grossesse  ;  M.  Robin  a,  dans  l'article  pré- 
cédent, indiqué  les  différences  individuelles,  et  les  causes  fortuites  qui  amènent  la 
leucocythémie  temporaire,  telles  que  la  diarrhée,  un  purgatif,  etc.  Un  certain  nom- 
bre de  causes  morbides  plus  graves  déterminent  des  leucocythémies  temporaires 
plus  ou  moins  prononcées  ;  ce  sont  surtout  les  maladies  infectieuses,  la  lièvre 
typhoïde,  la  dysenterie,  le  choléra,  la  diphthérie,  la  fièvre  puerpérale,  l'infection 


524 


LEUCOCYTIIÉMIE  (iîtjoi,ocie) 


purulente.  Nous  reviendrons  plus  loin  sur  ce  groupe  important  de  leucocylhémies. 
Pour  le  moment  bornons-nous  à  reclierclier  les  causes  de  la  leucocythémie  per- 
manente, chronique,  de  la  leucocythémie  confirmée  ou  progressive,  celle  de  Vir- 
chow  et  de  Bennett,  que  nous  avons  jusqu'à  présent  prise  pour  type  de  nos 
descriptions.  Cette  étiologie  est,  il  faut  le  reconnaître,  assez  obscure  et  nous  al- 
lons passer  en  revue  les  diverses  causes  individuelles,  banales  ou  palliologiqucs 
que  l'on  a  tour  à  tour  invoquées. 

Sexe.  Les  hommes  paraissent  prédisposés  plus  que  les  femmes  à  la  leucocy- 
thémie. Sur  25  faits  de  Bennett,  on  compte  16  hommes  et  9  fcnmies.  Sur  52  faits 
relevés  par  M.  Vidal,  22  hommes  et  10  femmes.  Sur  59  cas  nouveaux  (relevé  per- 
sonnel) nous  trouvons  seulement  H  femmes  et  28  hommes.  En  tout,  sur  71  cas, 
46  hommes  et  19  femmes.  La  différence  serait  donc  de  plus  du  double. 

Age.  La  leucocythémie  est  surtout  une  maladie  ^de  l'âge  adulte.  Voici  les 
chiffres  que  nous  relevons  sur  71  cas  : 


RELEVÉ  DE  M.    ViDAL 
sur,  32  CAS 

KECEVÉ    PEKSOXKEL 
Sun    59    CAS    NOUVEAl'X 

Au-de^sous  de  2  ans 

» 

(13  1/2) 
2  (17  ans) 
S 
8 
9  (dont  S  à  45  ans) 
3 
1 

(15  mois) 

1  (15  ans) 

4 

8 

13 

2 

7 

» 

3  (dont  2  à  73  ans) 

Au-dHssous  de  15  ans 

Do  13  à  20 

De  20  à  30 

De  30  à  40 

Ce  40  à  50 

De  50  i  60 

De  60  à  70 

De  70  à  80 

Il  faut  doue  prendre  pour  limite  73  ans  (obs.  Potain,  1861  ;  obs,  Desnos,  1867) 
et  du  côté  de  l'enlance,  15  ans  (obs.  Blacbe  et  obs.  Goupil),  et  môme  1  entant  de 
15  mois  (obs.  de  Trousseau).  Lœschner  (1859)  et  Golitzinski  (1861)  ont  cité 
plusieurs  cas  observés  chez  les  enfants.  Si  l'on  parlait  de  leucocythémies  aiguës, 
les  chiflres  augmenteraient  encore. 

La  profession  ne  nous  donne  que  des  renseignements  de  peu  de  valeur. 
M.  Vidal  cite  5  laboureurs,  5  marchands  de  vin,  2  marins,  2  blanchisseurs  ;  les 
autres  professions  ne  donnent  qu'un  chiffre  unique.  Nous  voyons  mentionner, 
d'autre  part,  dans  notre  relevé  de  M  cas,  sur  51  où  la  profession  est  indiquée  : 
6  cordonniers,  2  menuisiers,  3  servantes,  1  soldat,  1  cocher,  5  journaliers  ou 
terrassiers,  1  meunier,  1  paysanne,  1  nourrisseur,  1  ancien  colon  de  l'Al- 
gérie, etc. 

Ce  qui  paraît  le  plus  clair,  c'est  que  les  professions  qui  exposent  le  plus  à  l'hu- 
midité, à  la  vie  sédentaire  et  confinée,  à  la  misère,  aux  fatigues  excessives  sont 
celles  qui  ont  fourni  la  plupart  des  observations.  Mais  tous- ces  fiils  ont  été  re- 
cueiUis  dans  les  hôpitaux,  et  il  est  peu  de  sujets,  parmi  cette  clientèle  malheu- 
reuse de  l'assistance  publique,  pour  lesquels  on  n'en  puisse  dire  autant. 

La  grossesse  paraît  avoir  été  dans  4  cas  sur  10  (M.  Vidal)  le  point  de  départ  de  la 
maladie.  Ce  que  nous  savons  de  l'influence  physiologique  de  la  grossesse  sur  le 


LEUCOCVTHÉMIE  (étiologie).  325 

cliiffredes  leucocytes  explique  eu  effet  qu'il  puisse  y  avoir  ici  prédispositiou  parti- 
culière. Sur  11  femmes  (relevé  persouuel)  uous  ne  trouvons  cepeudant  pas  uu 
seul  fait  où  la  maladie  soit  liée  d'une  manière  évidente  avec  les  fonctions  géné- 
siques  de  la  femme. 

Parmi  les  conditions  liygiéniques,  et  en  dehors  de  tout  ce  qui  concerne  les 
habitudes  débilitantes,  des  excès  alcooliques  antérieurs  ont  été  mentionnés  3  fois 
sur  52  dans  le  relevé  de  M.  Yidal.  Cette  cause  n'est  signalée  que  3  fois  sur  41 
(relevé  personnel),  en  tout  6  fois  sur  73  cas.  On  sait  toutefois  combien  il  est 
difficile  d'obtenir  des  aveux  à  cet  égard,  quand  le  malade  n'est  pas  sous  le  coup 
d'accidents  provenant  directement  de  l'alcoolisme.  La  faiblesse  même  du  chiffre 
fait  présumer  qu'il  n'est  pas  exact. 

D'autres  ont  invoqué  des  fatigues  excessives,  de  grands  efforts  musculaires 
(obs.  Béhier),  d'autres  des  refroidissements;  la  plupart,  des  privations,  quelque- 
fois, de  violents  chagrins.  Tout  cela  ne  sort  pas  des  causes  banales. 

L'influence  possible  de  Vinfection  palustre  et  les  antécédents  de  fièvre  inter- 
mittente ont  dû  naturellement  préoccuper  les  premiers  observateurs  d'une  cachexie 
liée  dans  la  grande  majorité  des  cas  à  une  hypertrophie  de  la  rate.  Pourtant  les 
premières  séries  d'observation  ont  semblé  exonérer  cette  cause.  On  insistait  beau- 
coup sur  cette  circonstance  pour  prouver  l'essentialité  de  la  leucémie.  Sur  20  ob- 
servations, Bennett  ne  retrouvait  que  3  cas  où  l'on  eût  noté  des  antécédents  de 
fièvre  intermittente,  et  il  y  opposait  3  observations  d'hypertrophie  de  la  rate  d'o- 
rigine palustre,  oij  la  leucocythénhe  n'existait  pas.  {Soc.   de  Biologie,  ]85\, 
p.  45.)  Cependant,  on  cita  bientôt  des  observations  très-complètes,  où  les  auté- 
cécfents  palustres  étaient  indubitables  (obs.  Goupil,  obs.  Woillez).  Dans  son  relevé 
de  52  cas,  antéi^ieur  à  J856,  M.  Vidal  trouve  5  observations  où  des  antécédents 
de  fièvre  intermittente  ont  été  retrouvés.  «  Un  malade  les  avait  eus  sous  le  type 
tierce,  dix-sept  ans  avant  le  début  des  accidents  de  leucocytliémie  ;   un  autre, 
huit  avant,  et  également  avec  le  type  tierce.  Chez  un  autre,  après  avoir  duré 
pendant  six  ans,  elles  disparurent  trois  ans  avant  le  début  de  la  nouvelle  maladie 
(obs.  Woillez).  Chez  le  quatrième,  il  y  eut  c[uelques  accès  de  fièvre  quotidienne 
douteuse  quatre  mois  avant  le  début.  Dans  le  cinquième   (obs.  Goupil),  nous 
voyons  la  maladie  succéder  sans  transition  à  des  accès  fébriles  intermittents  bien 
caractérisés.   De  ces  cinq  malades,  trois  habitaient  des  pays  où  la  fièvre  inter- 
mittente règne  endémiquement.  Un  autre  malade  habitait  un  pays  marécageux, 
mais  n'avait  jamais  eu  de  fièvre  inlei'mittente.  »  Dans  notre  relevé  de  41  cas  nou- 
veaux, nous  trouvons  11  fois  des  antécédents  palustres,  lesquels  sont  plus  ou 
moins  rapprochés,  dans  6  cas  (obs.  Blache,  Huss,  Bœttcher,  Nicaise,  Gnbler,  Op- 
polzer);  des  antécédents  palustres  certains,  mais  éloignés  de  20  à  25  ans  dans 
2  cas  (Becquerel,  observ.  Il,  1856,  et  Vidal,  obs.  1858),  et  enfin  des  antécédents 
douteux  dans  5  cas.  En  tout,  il  est  fait  mention,  plus  ou  moins  certaine,  de  l'in- 
fluence palustre  dans  16  cas  sur  73,  sur  lesquels  dans  2  cas  seulement  (observ. 
Goupil,  observ.  Gubler)  la  leucocythémie  a  succédé  immédiatement  à  la  fièvro 
palustre. 

On  peut  donc  conclure  de  ce  qui  précède,  et  du  grand  nombre  d'observations 
que  l'on  pourrait  citer,  où  l'hypertrophie  splénique  d'origine  palustre  ne  s'accom- 
pagne pas  de  leucocythémie,  que  le  miasme  des  marais  n'est  certainement  pas  la 
cause  directe  de  la  leucocythémie,  mais  qu'on  aurait  tort  de  nier  l'inflaence  qu'il 
peut  avoir  comme  cause  prédisposante.  On  sait  qu'un  grand  nombre  de  sujets 
ont  habité  des  pays  marécageux,  et  n'ont  souffert  en  apparence  aucun  accès  de 


526  LEUCOCYTllÉMIE  (divisjoks). 

fièvre  intermittente,  chez  lesquels  plus  lard,  à  l'occasion  d'une  maladie  quel- 
conque, on  peut  reconnaître  l'influence  délétère  que  l'intoxication  palustre  avait 
exercée  sur  eux  en  réalité.  Dans  beaucoup  de  cas  de  leucocythémie,  il  peut  en 
avoir  été  ainsi,  bien  que  ce  soit  tomber  dans  une  erreur  évidente  que  d'attribuer 
uniquement  au  paludisme  (comme  le  voulaient  F.  Barthez,  Cahen,  etc.,  Soc.méd. 
deshôp.,  1864,  p.  42,  57,  59,  etc.)  l'état  morbide  qui  nous  occupe.  Mais  quand 
ce  ne  sei'ait  que  comme  antécédent  patliologique  essentiellement  débilitant, 
l'influence  palustre  joue  un  rôle  dans  la  leucocythémie. 

Du  reste,  c'est  encore  une  lacune  regrettable  dans  l'histoire  clinique  de  la 
leucocythémie,  que  le  manque  de  renseignements  précis  sur  les  antécédents 
pathologiques  des  malades  :  il  serait  très-important,  en  présence  d'une  étiologie 
aussi  incomplète,  de  rechercher  toujours,  et  de  noter  avec  soin  toutes  les  mala- 
dies antérieures,  toutes  les  conditions  héréditaires  et  diathésiques,  qui  ont  pu 
les  prédisposer  à  cette  cachexie.  Or,  en  fait  de  maladies  antérieures,  notre  bagage 
est  fort  léger. 

M.  Vidal  signale,  sur  32  cas,  2  malades  atteints  de  rhumatisme  aigu  peu  de 
temps  avant  les  premiers  accidents  ;  un  autre  avait  éprouvé  des  douleurs  rhu- 
matismales. La  fièvre  typhoïde  est  mentionuée  1  fois  (obs.  de  Goupil,  rel.  de 
M.  Vidal,  1858)  et  5  fois  sur  41  cas  (relevé  personnel). 

La  syphilis  est  signalée  2  fois  sur  41  (relevé  personnel)  ;  la  scrofule,  5  fois  ;  la 
blennorrhagie,  2  fois;  le  scorbut,  1  fois;  le  choléra,  1  fois;  l'albuminurie  aiguë, 
i  fois;  la  maladie  de  Bright,  I  fois  ;  l'intoxication  mercurjelle,  1  fois;  la  pneu- 
monie, 1  fois  ;  l'emphysème  avec  maladie  du  cœur,  1  fois  ;  les  bronchites,  2  fois  ; 
la  phthisie  héréditaire,  2  fois  ;  des  hémorrhagies  antérieures,  4  fois;  l'érysipèle, 
1  fois;  les  abcès  multiples,  1  fois  ;  le  goitre,  1  fois.  Cette  recherche  mérite,  selon 
nous,  de  fixer  l'attention  des  observateurs  à  venir. 

V.  Divi.sions,  espèces,  variétés.  Nous  possédons  maintenant  les  éléments 
nécessaires  pour  établir  dans  les  cas  de  leucocythémie  des  divisions,  qui  ne  re- 
posent pas  sur  une  idée  théorique  préconçue,  mais  sur  l'examen  des  faits,  La 
division  que  nous  adopterons  ici  est  toute  pratique,  toute  clinique,  telle  qu'on 
peut  la  concevoir  pour  un  état  morbide  dont  la  connaissance  est  encore  récente, 
et  qui  ne  prêterait  pas  sans  danger  à  des  divisions  dogmatiques.  Sans  rien  pré- 
juger sur  l'essentialité,  sur  la  nature  môme  de  cet  état  morbide,  nous  distingue- 
rons d'abord  deux  grands  groupes,  dont  la  notion,  indiquée  dès  le  début  de  cet 
article,  résulte  de  l'examen  des  faits  auquel  nous  nous  sommes  livré.  D'une 
part,  il  existe  une  leucocijthémie  ^^termanente,  frogressive,  idiopathiqiie,  si  l'on 
veut  nous  permettre  ce  mot  ;  c'est  la  cachexie  spéciale  qui  nous  a  servi  de  type 
jusqu'à  présent.  D'autre  part,  il  existe  des  leucocythemies passagères,  variables, 
syviptomatiques  d'affections  diverses,  qui  pourraient  peut-être  constituer  plu- 
sieurs espèces.  Ces  deux  groupes  sont  aussi  différents,  par  exemple,  que  l'albu- 
minurie, symptôme  transitoire,  l'est  de  la  maladie  de  Bright,  ou  que  l'épilepsie 
essentielle,  morbiis  sacer,  l'est  des  attaques  épileptiques  qu'on  rencontre  dans 
l'alcoolisme,  dans  l'intoxication  saturnine,  dans  la  syphilis,  etc.  Cette  distinction 
et  la  comparaison  que  nous  venons  de  faire  ne  nous  appartiennent  pa^  d'ailleurs  ; 
elle  a  déjà  été  faite  presque  à  l'origine,  notamment  par  Virchow  (voy.  DéfuiUion, 
au  début  de  cet  article),  par  la  Société  médicale  des  hôpitaux  de  Paris  {Bull,  de 
la  Soc.  méd.  des  hop.,  1856,  p.  61,  p.  80),  par  la  plupart  des  cliniciens  qui  se 
sont  préoccupés  du  rang  nosologique  qu'il  fallait  attribuer  à  cet  état  morbide. 
Elle  ft  été  accentuée  davantage  par  Virchow,  quand  il  a  créé  le  nom  de  leucocijtose 


LEUCOCYTHÉMIE  (divisions).  3-27 

pour  désigner  la  leucocytbémie  temporaire.  Enfin  M.  Gubler  [Exposé  des  titres 
scientif.,  Paris,  1868)  proposait  d'appliquer  le  nom  de  leiicocythémie  (comme 
celui  d'albuminurie)  à  l'altération  du  sang  en  général,  quelle  que  fût  sa  cause,  et 
le  nom  de  leucémie  pour  la  cachexie  progressive  et  fatale  de  Virchow  et  Bennett. 
Nous  n'adopterons  pas  cette  dénomination,  parce  que  pour  nous,  comme  pour  la 
majorité  des  médecins  français,  les  noms  de  leucocythénne  et  de  leucémie  sont 
devenus  entièrement  synonymes,  et  que  des  épithètes  caractérisent  bien  mieux- 
que  des  substantifs  les  divisions  d'un  fait  général  dont  on  ne  veut  pas  rompre 
l'unité.  Nous  dirons  un  peu  plus  loin  pourquoi  nous  repoussons  aussi  le  nom  de 
leucocytose. 

Reprenons  donc,  pour  les  mieux  caractériser,  les  grandes  divisions  que  nous 
venons  d'établir,  et  examinons  pour  chacune  d'elles  les  espèces  ou  variétés  qu'il 
peut  avoir  lieu  d'y  établir. 

1°  Leucocythémie  iDioPATHiQUE  OU  PROGRESSIVE.  Nous  avous  pBU  de  chose  à 
ajouter  sur  ce  premier  groupe.  C'est  lui  qui  a  servi  de  type  à  la  description  que 
nous  avons  donnée  précédemment  des  altérations  du  sang,  des  lésions  viscérales, 
et  des  symptômes.  Virchow  l'a  depuis  longtemps  divisé  en  deux  variétés,  plutôt 
peut-être  au  point  de  vue  des  lésions  anatomiques  que  des  symptômes,  ce  sont 
la  leucocythémie  spléniqtie  et  la  leucocythémie  lymphatique. 

1°  Leucocythémie  splénique.  C'est  la  plus  fi'équemraent  observée,  puisqu'elle 
figure  pour  64  fois  sur  73  observations.  C'est  elle  qui  affecte  de  la  manière  la 
plus  nette  la  marche  progressive  sur  laquelle  nous  avons  insisté,  c'est  elle  qui 
sera  toujours  considérée  comme  le  type  le  plus  parfait  de  la  leucocythémie  idio- 
pathique,  de  la  leucocythémie  essentielle,  si  cet  état  morbide  est  admis  à  prendre 
place  dans  les  entités  morbides  spéciales.  Elle  est  caractérisée  anatomiquemeiit  selon 
Virchow  parle  développement  considérable  des  leucocytes  variété  globule,  tandis  que 
les  globubns  restent  à  peu  près  à  l'état  normal,  etparl'hypertrophiedelarate,  du 
foie,  desreins,  sans  développement  relatif  des  ganglions  périphériques.  On  y  trouve 
d'ailleurs,  au  point  de  vue  de  la  marche  et  de  la  terminaison,  les  deux  lormes 
symptomatiques  que  nous  avons  admises  ci-dessus,  c'est-à-dire,  la  forme  cachec- 
tique progressive,  et  la  form,e  hémorrhagique  dans  laquelle  le  dénoûment  est 
un  peu  accéléré. 

2"  Leucocythémie  lymphatique  ou  adénoïde.  C'est  en  1847  que  Virchow  ren- 
contra pour  la  première  fois  (Virchow,  Archiv,  t.I,p.  567)  un  cas  de  leucocythémie 
avec  tumeurs  des  glandes  lymphatiques,  dans  lequel  le  sang  était  chargé  «  d'élé- 
ments blancs,  partie  noyaux,  partie  cellules  et  qui  différaient  des  éléments  trou- 
vés dans  les  glandes  lymphatiques,  seulement,  en  ce  que  sur  un  nombre  donné 
on  trouvait  plus  de  cellules  réelles.  »  Plus  tard  (Virch.,  Archiv,  t.  V.  p.  58,  et 
Gesam.  Abhandl.  p.  197),  un  second  cas  semblable  présenta  un  nombre  iufini 
«  de  noyaux  ronds,  granuleux,  habituellement  munis  d'un  nucléole,  et  de  la  gros- 
seur des  noyaux  des  glandes  lymphatiques,  avec  quelques  cellules  çà  et  là  qui 
contenaient  un  noyau  semblable,  enveloppé  d'une  membrane  relativement 
étroite.  »  Bennett  avait  déjà  yu  quelque  chose  de  semblable,  mais  dans  une  obser- 
vation moins  nette  puisqu'il  s'agissait  d'un  cancer.  L'esprit  ingénieux  et  générali- 
sateur  de  Virchow  entrevit  là  une  loi,  qu'il  formula  immédiatement  {]^'urzbiirg's 
Verh.,  t.  U,  p.  525)  dans  ces  termes  :  il  existe  deux  formes  de  leukémie,  l'une 
splénique  ou  liénale,  l'autre  lympJiatique,  la  première  apportant  dans  le  sang 
des  éléments  (globules  blancs)  semblables  aux  parties  constituantes  de  la  pulpe 
de  la  rate  ;  la  seconde,  des  éléments  semblables  aux  noyaux  du  parenchyme  des 


528  LEUCOCVTIIÉMIE  (divisions). 

glandes  lymphatiques  (globiilins).  Plus  la  maladie  des  glandes  lymphatiques  est 
étendue,  plus  nombreux  sont  dans  le  sang  les  éléments  lymphatiques,  et  la  coïnci- 
dence d'une  ma'adie  de  la  rate  ne  suflit  pas  pour  effacer  ce  caractère  propre 
qu'acquiert  le  mélange  du  sang  provenant  des  glandes  lymphatiques.  Récipro- 
quement, avec  des  maladies  très-prononcées  de  la  rate,  nous  voyons  coïncider 
des  hypertrophies  ganglionnaires,  portant  surtout  sur  les  ganglions  voisins,  mais 
ici  encore  c'est  le  caractère  liénal  (splénique)  qui  domme,  car,  jusqu'à  présent 
du  moins,  on  n'a  pas  trouvé,  dans  ces  cas,  d'éléments  lymphatiques.  (Virchow, 
Arch.,  t.  V,  p.  84  et  Gesamm.  Ahhandl.,  p.  298.) 

Certes  voilà  une  loi  nettement  exprimée,  et  qui  répond,  nous  n'en  doutons  pas, 
à  la  majorité  des  faits,  puisque  la  plupart  des  observateurs  qui  ont  rencontré  des 
cas  de  leucocythémie  lymphatique  ont  noté  l'altération  correspondante  du  sang. 
Nous  pouvons  cependant  prémunir  nos  lecteurs  contre  ce  qu'elle  a  de  trop  ab- 
solu par  un  exemple  bien  frappant.  Dans  une  observation  remai'quable  que  nous 
avons  déjà  citée  plus  d'une  fois  (obs.  Blache,  Isambert  et  Robin,  1855),  nous 
avons  rencontré  l'altération  du  sang  par  des  globulins,  poussée  aussi  loin,  si  ce 
n'est  plus  loin  que  dans  aucune  autre  observation  ;  «  les  globulins  étaient  aux 
globules  blancs  comme  80  :  1.  Au  lieu  d'être  comme  à  l'ordinaire  obligé  de  cher- 
cher les  globules  blancs  et  les  globulins  au  milieu  des  globules  rouges,  c'étaient 
réellement  les  globules  rouges  et  les  globules  blancs  qu'on  était  obligé  de  cher- 
cher au  milieu  des  globulins.  m  Eh  bien,  avec  cette  altération  du  sang  si  spé- 
ciale, nous  trouvions,  de  par  les  symptôines  cliniques,  et  de  par  les  autres  lésions 
anatomiques,  la  forme  splénique  la  mieux  caractérisée,  hypertrophie  énorme  de 
la  rate,  du  foie,  des  reins,  et  rien  du  côté  des  ganglions  lymphatiques  de  l'aine, 
de  l'aisselle,  du  cou,  ni  même  des  ganglions  bronchiques  ou  mésentériques  :  A 
peine  aurait-on  pu  invoquer  un  léger  développement  des  glandes  de  Peyer,  tel 
qu'on  le  rencontre  dans  quelques  formes  de  fièvres  typhoïdes  bénignes,  quand  le 
malade  a  succombé  autrement  que  par  l'intestin  ou  chez  les  enfants  tuberculeux  : 
le  thymus  avait  été  trouvé  assez  développé,  mais  ces  deux  lésions,  plaque  de  Peyer 
et  tbymus,  suffisent-elles  pour  faire  inscrire  notre  observation  parmi  les  cas  de 
leucocythémie  lymphatique  en  présence  de  l'hypertrophie  énorme  de  la  rate  et  du 
foie?  Nous  ne  pensons  pas  qu'on  soit  autorisé  à  classer  ce  fait  parmi  ceux  dont 
parle  Virchow,  où  la  coïncidence  d'une  maladie  de  la  rate  ne  suffit  pas  pour  effa- 
cer ce  caractère  propre  qu'acquiert  le  mélange  du  sang  provenant  des  glandes 
lymphatiques  {voy.  ci-dessus), puisqu'ici  les  glandes  lymphatiques  ne  sont  pas  ma- 
lades, et  qu'il  s'agit  bien  d'une  leucocythémie  splénique,  et  non  d'un  cas  mixte. 
Ain>i,  la  production  des  globulins  ne  dépend  pas  exclusivement  de  la  forme  adé- 
noïde, et  la  division  de  Virchow  n'a  rien  d'absolu. 

Si  d'ailleurs,  on  analyse  en  détad  les  diverses  observations  de  leucocythémie 
lymphatique  qui  ont  été  rapportées,  il  faut  reconnaître  que  parmi  celles-ci,  les 
cas  mixtes  sont  de  beaucoup  les  plus  nombreux.  Dans  notre  relevé  de  k\  cas 
nouveaux,  nous  trouvons,  sur  20  cas  où  les  lymphatiques  ont  été  hypertrophiés, 
8  cas  seulement  où  ces  glandes  ont  réellement  la  prédominance  (relevé  personnel)  ; 
parmi  ceux-ci,  d  n'en  est  que  deux  (obs.  Mulder,  1860;  obs,  Yigier,  1864)  dans 
lesquels  la  rate  n'ait  pas  élé  en  même  temps  plus  ou  moins  malade.  Cette  inté- 
grité de  la  rate  .  se  trouve  d'ailleurs  dans  des  cas  où  les  ganglions  lymphatiques 
n'étaient  pas  hypertrophiés  (obs.  Bennett,  ob.  Bélner,  obs.Gubler,  1859).  Virchow 
lui  même,  quelques  années  plus  iwcà{Path.  celluL,  p.  iH),  ne  dit  plus  que 
la  rate  n'est  pas  malade,  mais  qu'elle  est  peu  malade.  En  môme  temps,  les 


LELCOCïTUÉMli'    (divisions).  329 

descriptions  des  micrographes,  en  ce  qui  touche  l'altération  du  sang,  sont  de 
plus  en  plus  vagues  :  au  lieu  de  dire  nettement  globules  blancs  ou  globulins, 
cellules  ou  noyaux  libres,  on  dit  :  jeunes  cellules,  cellules  à  enveloppes  peu 
marquées,  cellules  se  rapprochant  de  la  variété  lymphatique,  etc.  11  en  résulte 
à  nos  yeux  que  la  division  théorique  de  Yirchow  sur  les  deux  variétés  de  dyscrasie 
sanguine  tend  à  s'aftaiblir  et  que  les  faits  démontreront,  quand  on  les  précisera 
davantage,  qu'elle  ne  présente  rien  d'absolu,  rien  de  fixe,  et  indique  seidement 
une  coïncidence  observée  dans  la  majorité  des  cas.  L'auteur,  Ini-méme,  ne  re- 
nonce-t-il  pas  implicitement  à  cette  distinction,  lorsque  généralisant  sa  théorie, 
il  arrive  à  distinguer  l'élément  de  la  rate  qui  est  malade,  c'est-à-dire  le  glomé- 
rule  de  Malpighi,  et  à  rechercher  dans  tous  les  organes  malades  l'hyperplasie 
du  tissu  lymphatique  lui-même?  .\vec  cette  tendance,  il  arrivera  forcément  ù 
ne  plus  reconnaître  qu'une  leucémie,  la  leucémie  lymphatique. 

Quoi  qu'il  en  soit  d'ailleurs  de  ce  point  de  vue  théorique,  delà  réalité  d'une 
différence  essentielle  dans  les  deux  variétés  de  dyscrasie  sanguine,  dont  nous  ne 
connaissons  sans  doute  pas  suffisamment  la  cause  prochaine,  nous  devons  étudier 
la  \ariété  lymphatique  au  point  de  vue  clinique,  et  nous  laisserons  encore  la 
parole  à  Virchow  : 

«  L'hypertrophie  des  glandes  lymphatiques  se  produit  ordinairement  lentement, 
mais  par  saccades,  sans  qu'on  puisse  remarquer  un  désordre  particulier  dans  les 
parties  dont  elles  reçoivent  leurs  vaisseaux  lymphatiques.  Tantôt  de  bonne  heure, 
tantôt  plus  tard  viennent  des  attaques  aiguës,  sous  l'influence  desquelles  la 
tumeur  augmente  rapidement.  »  (Virchow,  Gesamm.  Ahhandl.,  p.  202.)  Dans 
l'observation  de  Schreiber,  citée  par  Virchow  (ibid.),  on  voit,  chez  une  jeune  fille 
chlorotique,  souffrant  de  dysménorrhée  avec  accidents  multiples,  des  tumeurs 
ganglionnaires  se  développer  au  cou,  puis  aux  aisselles,  aux  aines,  puis  la  rate 
se  prendre,  et  la  malade  mourir  rapidement  avec  la  fièvre,  des  pétéchiés,  et  une 
grande  prostration.  Dans  le  cas  de  Rinecker  (Virchow,  Archiv,  t.  V,  p.  4),  on 
voit  aussi  des  tumeurs  ganglionnaires  présenter  deux  périodes  brusques  de  dé- 
veloppement. Dans  l'observation  de  Mohr  [ibid.,  p.  51)  les  tumeurs  ganglionnaires 
éclatent  brusquement  dans  un  voyage,  et  s'accompagnent  de  vives  douleurs 
locales.  Dans  celui  de  Vogel  (Virchow,  Arch.,  t.  III,  p.  57d),  une  tumeur  du  cou 
apparaît  et  disparait,  semblant  alterner  avec  le  développement  du  ventre. 

D'autres  fois,  le  développement  des  tumeurs  est  lent  et  continu  (2  observations 
de  Virchow,  Arch.,  t.  I,  p.  567,  et  Arch.,  t.  V,  p.  56).  11  dure  plusieurs  aimées 
et  progresse  sans  interruption,  comme  sans  douleurs  prononcées  ;  et  ce  n'est  que 
tardivement  que  se  produisent  l'affaissement  général  et  des  accidents  aigus.  11  y 
a  une  grande  analogie  entre  ces  faits,  et  ceux  qui  ont  été  décrits  en  France  sous 
le  nom  d'adénie  par  Trousseau,  et  en  Angleterre  sous  le  nom  d'anémie  lym- 
phatique par  J.  Wilks.  {Gui/ s  Hospital  Reports,  3'^  série,  t.  II,  p.  856,  analysé 
parM.Cornil,  dans  Arch.  gén.  de  méd.,  1865,  t.  II,  p.  2(J8.)  Les  symptômes 
sont  les  mêmes,  hypertrophies  ganglionnaires  considérables,  surtout  marquées 
aux  ganglions  sous-maxdlaires  ou  cervicaux ,  anémie  progressive ,  dyspnée, 
diarrhée,  etc.  ;  le  microscope  seul  montre  qu'il  n'y  a  pas  de  globules  blancs  dans 
le  sang.  Dans  ces  cas,  d'ailL'urs,  comme  dans  la  leucocythémie  splénique,  on 
trouve  très-souvent  des  cas  mixtes  dans  lesquels  la  rate  et  le  foie  sont  hypertro- 
jiliiés  en  même  temps.  M.  J.  Wilks  admet  alors  qu'il  y  a  coïncidence  de  deux 
maladies,  l'anémie  lymphatique  et  la  leucocythémie  splénique,  la  dyscrasie  san- 
guine étant  due  à  l'engorgement  de  la  rate.  {The  Lancet,  1861,  vol.  II,  p.  9.) 


330  LEUCOGYTIIÉMIE   (divisions). 

Cette  dernière  assertion  est  fort  difficile  îi  justifier,  puisque  nous  voyons  dans 
quelques  cas,  rares,  il  est  vrai,  l'hypertrophie  glandulaire  seide  donner  naissance 
à  l'altération  caractéristique  du  sang. 

Nous  reviendrons  sur  cette  question,  à  propos  du  diagnostic.  Qu'il  nous  suffise 
pour  le  moment  de  reconnaître,  au  point  de  vue  clinique,  une  variété  de  cachexie 
spéciale,  avec  leucocythémie  prononcée  et  avec  développement  souvent  considé- 
rable des  glandes  lymphatiques  de  l'aine,  de  Faisselle,  du  cou,  coïncidant  ou  non 
avec  l'hypertrophie  de  la  rate. et  du  foie  et  des  ganglions  bronchiques,  mésenté- 
riques  et  des  glandes  intestinales.  Les  cas  où  l'on  observe  ces  coïncidences,  les 
cas  mixtes,  sont  de  beaucoup  les  plus  nombreux,  et  ceux  où  l'on  a  trouvé  la  rate 
normale  concurremment  avec  des  hypertrophies  ganglionnaires,  sont  beaucoup 
plus  rares. 

C'est  également  à  ces  hypertrophies  ganglionnaires  qu'il  faut  rapporter  les  cas 
assez  rares  d'hypertrophie  du  thymus  (obs.  Blache,  Isambert  et  Robin,  1855.) 
et  d'hyperti'ophie  du  corps  thyroïde  (obs.  l]œltcher,  1858;  obs.  Lancereaux,  1869) 
oïl  l'on  a  trouvé  en  même  temps  la  leucocythémie.  Pour  le  corps  thyroïde,  la 
coïncidence  paraît  fort  peu  fréquente,  car  le  goître,  si  répandu  dans  quelques 
pays,  ne  paraît  pas  avoir  fourni  d'observations  de  leucocythémie.  Selon Goliutzinski, 
la  variété  ganglionnaii^e  serait  prédominante  chez  les  enfants  (31  fois  sur  35). 

Nous  trouvons  dans  la  leucocythémie  lymphatique  le  même  cortège  de  symp- 
tômes que  dans  la  leucocythémie  splénique  :  la  marche  de  la  maladie  est  peut- 
être  moins  régulièrement  progressive  ;  elle  prend  plus  souvent,  suivant  la  remarque 
de  Virchow,  une  marche  paroxystique.  Cependant,  la  terminaison  lente,  par 
cachexie,  n'y  est  pas  rare.  Elle  paraît  aussi  prêter  moins  aux  hémorrhagies  ter- 
minales que  la  forme  splénique.  Sur  8  cas  où  la  forme  lymphatique  est  réellement 
prédominante,  nous  notons  les  hémorrhagies  2  fois  seulement  (relevé  personnel)  ; 
elles  manquent  absolument  dans  les  2  cas  où  la  rate  n'est  pas  malade.  Dans  les 
cas  mixtes,  les  hémorrhagies  se  retrouvent.  En  revanche,  la  terminaison  par  suf- 
focation brusque  ou  par  asphyxie  paraît  plus  fréquente  (4  cas  sur  9)  que  dans  la 
forme  splénique,  ce  qui  s'explique  sans  doute  par  la  compression  que  les  gan- 
glions cervicaux  ou  bronchiques  exercent  sur  les  voies  aériennes. 

3°  Sous  le  nom  de  leucocythémie  intestinale,  M.  le  professeur  Béhier  voudrait 
enfin  établir  une  troisième  variété  dans  laquelle  il  n'y  aurait  ni  hypertrophie  de 
la  rate,  ni  du  foie,  ni  hypertrophie  des  glandes  lymphatiques  périphériques,  de 
l'aine,  de  l'aisselle,  du  cou,  ni  même  des  ganglions  mésentériques,  mais  seule- 
ment cette  lésion  curieuse  des  glandes  intestinales,  glandes  de  Peyer  et  glandes 
isolées,  que  nous  avons  décrite  plus  haut  d'après  l'observation  qu'il  en  a  rapportée. 
Avec  cette  prolifération  extraordinaire  du  tissu  lymphoïde  limité  aux  seules 
glandes  de  l'intestin,  on  trouvait  une  dyscrasie  sanguine  très-considérable,  consis- 
tant dans  une  diminution  considérable  des  globules  rouges,  avec  développement 
en  nombre  au  moins  égal  à  celui  des  globules  rouges,  de  cellules  blanches  de 
petites  dimensions,  appartenant  évidemment  à  la  variété  lymphatique  de  la  ma- 
ladie. Cette  variété  pourrait  être  rapprochée  de  la  leucocythémie  temporaire  c^ue 
l'on  observe  dans  la  fièvre  typhoïde,  s'il  ne  s'agissait  pas  d'une  leucocythémie 
permanente  et  d'une  maladie  tout  à  fait  chronique.  Les  symptômes  de  cette  mala- 
die ont  été,  dans  l'observation  de  M.  Béhier  (obs.  inédite  en  France,  imprimée  en 
anglais  et  distribuée  aux  membres  du  Congrès  médical  de  Norwich,  1868),  pour 
la  plupart  négatifs  :  perte  des  forces,  pâleur,  cachexie  progressive,  perte  d'appétit, 
perte  des  fonctions  génésiques,  mais  ni  hémorrhagies,  ni  diarrhée,  ni  vomisse- 


LEUGOCYTIIÉMIE  (divisions).  531 

nients,  ni  complications  thoraciques,  ni  albuminurie,  ni  fièvre;  le  malade  suc- 
comba, au  boul  de  3  ou  4  mois,  aux  progrès  d'un  affaiblissement  dont  rien  ne  don- 
nai t  l'explication  en  dehors  de  l'analyse  du  sang  ;  la  fin  parut  accélérée  par  des  sueurs 
excessives,  provoquées  par  les  chaleurs  intenses  de  l'été.  Une  certaine  analogie 
existe  entre  cette  observation  et  celle  de  M.  Laveran  [Gaz.  hebd.  de  mcd.,  1857, 
p.  621,  et  Arch.  gén.  de  méd.,  1857,  t.  11, p.  470,  hémophilie  avec  leucocythé- 
mie,  etc.)  dans  laquelle  on  trouve  l'indication  d'une  lésion  intestinale  assez  sem- 
blable, aspect  blanc  lavé  de  la  muqueuse,  avec  peu  de  saillie  des  glandes  intesti- 
nales, mais  oii  l'examen  microscopique  fait  défaut,  et  dans  laquelle  la  rate  étant  à 
peine  plus  développée  qu'à  l'état  normal,  les  autres  glandes  sont  indemnes.  Les 
symptômes  ont  ici  consisté  principalement  dans  des  épistaxis  répétées,  qui  ont 
épuisé  le  malade  et  déterminé  la  mort.  11  y  a  là  d'ailleurs,  avec  le  cas  de  M.  Bé- 
hier,  des  différences  notables  qui  empêchent  de  les  assimiler  complètement.  Nous 
avons  d'autre  part,  à  la  partie  anatomo-pathologique,  montré  l'analogie  de  la  lésion 
décrite  par  M.  Béhier,  avec  quelques  faits  décrits  par  Virchow,  mais  sur  lesquels 
nous  manquons  de  renseignements  cliniques. 

Il  y  a  également  une  grande  analogie  entre  la  lésion  de  M.  Béhier  et  celle  qu'a 
décrite  M.  Potain  [Bull,  de  la  Soc.  anat.,  1861,  p.  217)  dans  un  cas  d'adértie 
qui  peut  être  une  leucocythémie  lymphatique,  mais  dans  ce  cas,  il  y  avait  aussi 
hypertrophie  de  la  rate  et  des  ganglions  périphériques. 

En  résumé,  le  fait  de  M.  Béhier  est  très-intéressant  et  appelle  de  nouvelles 
recherches,  mais  une  observation  unique  ne  suffit  pas  encore  pour  établir  une 
variété  nouvelle  de  leucocythémie.  Yircliow  admettrait  même  qu'elle  rentre  entiè- 
rement dans  sa  leucémie  lymphatique,  d'abord  à  cause  de  la  nature  deladyscrasie 
sanguine  (prédominance  des  globulins),  puis,  par  cette  considération  à  laquelle 
incline  visiblement  cet  auteur,  que  ce  n'est  pas  l'hypertrophie  de  telle  ou  telle 
glande  qu'il  faut  envisager,  mais  la  prolifération  du  tissu  lymphoïde,  dans  une 
i;égion  quelconque,  qu'il  faut  envisager.  11  est  vrai  cjue  la  leucémie  splénique 
elle-même  cesserait  en  ce  cas  d'être  une  variété  réelle,  puisque  c'est  surtout  aux 
corpuscules  de  Malpighique  Virchow  attinbue  la  leucémie. 

II.  Leucocythémie  svmptomatique,  leucocythémie  temporaire,  leucocythémie 
■  aiguë,  leucocytose  de  Virchow. 

Nous  allons  maintenant  passer  en  revue  les  différentes  circonstances  où  l'on 
peut,  en  dehors  de  la  cachexie  spéciale  que  nous  avons  décrite  jusqu'à  présent, 
rencontrer  l'altération  du  sang  par  le  changement  de  proportion  des  globules 
blancs. 

Nous  avons  vu,  au  commencement  de  cet  article,  la  distinction  que  Virchow  a 
cherché  à  établir  entre  la  leukœmie,  maladie  spéciale,  progressive,  fatale,  et  la 
leucocytose,  qui  n'est  qu'une  polyleucocythémie  temporaire,  souvent  même  phy- 
siologique. Une  plus  grande  quantité  de  leucocytes  s'ajouterait  seulement  à  un 
sang,  qui  présenterait  d'ailleurs  tous  ses  éléments  normaux.  On  peut  admettre 
cette  vue  de  l'esprit  pour  les  cas  physiologiques  qu'il  met  en  avant,  le  travail  de 
la  digestion,  l'état  de  grossesse  qui  ne  changent  pas,  en  réahté,  la  constitution 
normale  du  sang.  Peut-on  dire  qu'il  en  soit  de  même  dans  les  cas  pathologiques 
qu'il  énumère  à  la  suite,  et  que  le  sang  soit  encore  normal,  sauf  addition  de  par- 
tics  blanches  étrangères?  C'est  ce  qu"il  serait  au  moins  fort  difficile  de  démontrer 
puisque  les  maladies  où  nous  allons  recontrer  l'augmentation  des  globules  blancs 
présentent,  pour  la  plujiart,  des  différences  notables  dans  la  composition  du 
sa  ni 


'0' 


332  LEUCOCYTIIÉMIE    (division). 

Entraîné  par  des  considérations  théoriques,  M.  Vircliow  doit  d'abord  pouvoir 
poser  cette  loi  :  «  Toutes  les  fois  que  V augmentation  de  la  fibrine  est  sensible, 
on  remarque  simultanément  l'augmentation  des  globules  blancs...  toute  irrita- 
tion locale  d  un  organe  riche  en  lympathiques  et  lié  à  de  nombreux  ganglions 
provoque  l'apport  d'une  plus  grande  quantité  de  globules  blaiics  (corpuscules  lym- 
phatiques) dans  le  sang.  »  (Pathol.  celL,  tr.  Picard,  p.  158.)  Ce  sont  donc  sur- 
tout les  maladies  qui  portent  sur  des  organes  riches  en  lympathiques  qui  produi- 
sent un  résultat  semblable,  »  «  Comparez,  continue  Virchow,  l'action  d'une  inflam- 
mation érysipélateuse,  ou  d'un  phlegmon  diffus  avec  celle  qu'exerce  sur  le  sang 
une  inflammation  superficielle  de  !a  peau,  comme  on  le  voit  dans  le  cours  de 
fièvres  exanthématiques  ordinaires  aiguës,  ou  après  des  actions  chimiques  ou  mé- 
caniques, et  vous  verrez  combien  les  différences  sont  tranchées.  L'inflammation 
érysipélateuse  et  le  phlegmon  diffus  simple  de  la  peau  ont  la  propriété  d'affecter, 
dès   le  début,  les  vaisseaux  lympathiques  et  de  provoquer    la  tuméfaction  des 
ganglions  lymphatiques.  Dans  ces  cas,  soyez  assurés  que  les  globules  blancs  du  sang 
sont  augmentés.  De  plus,  certains  processus  pathologiques  augmentent  simulla- 
nément  la  fibrine  et  les  globules  blancs,  d'aulres,  au  contraire,  ne  provoquent 
que  l'augmentation  de  ces  derniers.  Dans  cette  catégorie  je  rangerai  les  éruptions 
cutanées  simples,  parce  qu'il  se  forme  très-peu  de  fibrine  dans  les  points  affectés. 
Comptons  aussi  dans  cette  classe,  cette  série  de  processus  que  l'on  a  nommés 
hypinotiqucs,  eu   égard  à  la  quantité   de  tibrine  :  c'est  la   série  des  affections 
typhoïdes,  entraînant  divers  modes  de  tuméfactions  ganglionnaires  notables,  mais 
ne  provoquant  jamais  l'exsudation  fibrineuse  locale.  La  fièvre  n'exerce  pas  seule- 
ment son  action  sur  la  rate,  mais  sur  les  ganglions  mésentériques.  »  Ainsi  après 
avoir  posé  une  loi,  l'auteur  est  obligé  de  reconnaître  immédiatement  qu'elle  ne 
représente  pas  la  généralité  des  faits  :  s'il  est  vrai  que  l'Iiypérinose  amène  toujours 
la  leucocytose  (loi  très-contestable,  car  nous  n'avons  vu  nulle  part  signaler  l'aug- 
mentation des  globules  blancs  dans  le  rhumatisme  articulaire  aigu,  où  l'hypérinose 
est  si  considérable),  il  faut  avouer  tout  de  suite  que  la  réciproque  n'est  pas  vraie 
et  que  dans  les  maladies  où  il  y  a  hypinose  (diminution  de  la  fibrine),  on  trouve 
fréquemment  l'augmentation  des  globules  blancs.  Il  serait  plus  exact  de  dire  que 
ces  maladies  sont  de  beaucoup  les  plus  nombreuses,  puisque  avec  les  fièvres  exan- 
thématiques, avec  les  fièvres  typhoïdes,  on  cite  encore  la  diphthérie,  la  lièvre 
puerpérale,  la  pyémie,  le  choléra,  dans  lesquels  on  a  constaté  cette  augmentation. 
Que  devient  aussi  un  des  caractères  par  lesquels  Virchow  {ibid.,  p.  159)  cherche 
à  différencier,  la  leucocytose  delà  leukœmie,  à  savoir  que  dans  celle-ci  la  quantité  de 
fibrine  n'avait  pas  sensiblement  varié;  nous  avons  vu  déjà  {voy.  plus  haut,  Anato- 
mie  pathologique)  combien  on  était  peu  d'accord  sur  la  proportion  de  la  fibrine 
dans  le  sang  leucocythémique,  mais  en  ce  moment  l'auteur  lui-même  nous  fournit 
la  preuve  que,  même  pour  la  leucocytose,  il  n'est  pas  de  relation  fixe  entre  le 
développement  normal  de  la  fibrine  et  celui  des  leucocytes.  Il  n'est  sans  doute  pas 
plus  exact  de  dire  que  la  leucocytose  soit  en  relation  constante  avec  des  maladies 
frappant  particulièrement  sur  le  système  lymphatique,  bien  que  Virchow  cherche 
à  sauver  son  système,  en  mettant  en  avant  la  fièvre  typhoïde,  ou  l'on  trouve  en 
effet  une  tuméfaction  de  la  rate  et  des  glandes  intestinales  et  mésentériques. 

Pour  nous,  qui  n'avons  à  défendre  ici  aucune  idée  théorique  préconçue,  nous 
devons  nous  borner  à  passer  en  revue  les  différentes  maladies  ou  l'on  a  signalé 
l'augmentation  des  leucocytes  dans  le  sang. 

La  jjyohe'mie  a  été,  dès  le  début,  rapprochée  de  la  leucocythémie;  les  premiers 


LEICOCYÏIIÉMIE  (division).  355 

observateurs  qui  ont  décrit  ce  dernier  état  morbide  (Beuiiett,  Craigie)  avaient  cru 
rencontrer  du  pus.  «  Cette  cenclusion,  dit  Yirchow  (Pfl</io/.  ce//.,lrad.  Picard, 
p.  157),  n'était  certainement  pas  originale.  Elle  se  basait  sur  Vhœmitis  de  Piarry, 
qui  croyait  à  une  inilanimalion  propre  du  sang,  lequel  suppurait;  c'est  là  ce  que 
l'école  de  Vienne  a  nommé  la  pyémie  spontanée.  »  Nous  savons  aujourd'hui  que 
dans  les  cas  d'infection  purulente  les  mieux  constatés,  dans  ceux  même  que  l'on 
produit  artificiellement  chez  les  animaux  par  des  injections  de  pus  dans  les  veines, 
on  ne  peut  démontrer  la  présence  du  pus  dans  le  sang,  mais  on  y  signale  nu 
nombre  de  leucocytes  plus  considérable  qu'à  l'état  normal.  Cette  différence  de  pro- 
portion varie  dans  les  chiffies  de  deux  à  trois  fois  la  quantité  ordinaire  de  leuco- 
cytes. {Voy.  ci-dessus  article  Leucocytes.)  Il  est  bien  naturel  que  ces  leucocytes 
aient  été  primitivement  pris  pour  des  corpuscules  de  pus.  Mais  nous  savons  au- 
jourd'hui que  le  pus  ne  consiste  pas  seulement  dans  ses  corpuscules  figurés,  que 
ceux-ci  sont  impossibles  à  distinguer  des  leucocytes,  et  que  notamment  les  pro- 
priétés toxiques  du  pus  paraissent  résider  dans  son  sérum. 

La  fièvre  puerpérale,  qui  présente  d'assez  nombreuses  connexions  avec  la  pyo- 
hémie,  est  une  des  maladies  où  l'on  a  signalé  l'augmentation  des  globules  blancs, 
et  quelques  médecins  ont  vu  dans  ce  fait  la  preuve  qu'il  y  avait  infection  purulente 
dans  la  lièvre  puerpérale.  «  La  démonstration,  dit  Virchow  (ibidem,  p.  156),  semi- 
ble  aussi  convaincante  que  possible.  On  part  de  l'idée  que  le  pus  a  pénétré  dans  le 
sang  ;  on  examine  le  sang,  on  y  trouve  des  éléments  resseml>!ant  réellement  à  des 
corpuscules  de  pus,  et  ces  éléments  sont  en  quantité  considérable.  Ceux-là  mêmes 
dont  l'opinion  es!;  que  les  corpuscules  purulents  ressemblent  aux  globules  blancs 
(et  le  cas  est  arrivé  souvent  dans  l'histoire  de  la  pyohémie),  ceux-là  mêmes  sont 
tentés  de  se  laisser  séduire  par  l'idée  que  ce  sont  des  globules  purulents,  parce  que 
leur  nombre  est  trop  considérable  pour  qu'il  soit  possible  de  les  considérer  comme 
des  globules  blancs  du  sang.  11  y  a  plusieurs  années,  Bouchut  prit  des  observa- 
tions analogues,  relativesà  une  épidémie  de  fièvre  puerpérale,  pour  une  pyohémie; 
récemment,  il  attribuait  les  mêmes  lésions  à  une  leucémie  aiguë.  »  Après  cette  cri- 
tique acerbe,  et  cette  pointe  d'ironie  appliquée  à  une  expression  {leucémie  aiguë) 
qui  ne  mérite  pas  autant  de  dédain,  il  va  sans  dire  que  M.  Virchow  n'est  nullement 
embarrassé  de  tout  expliquer  par  sa  théorie  des  glandes  lymphatiques.  L'irritation 
ganglionnaire  a  pour  effet  d'augmenter  les  globules  blancs  du  sang  [ibidem,  p.  156 
à  158),  or  les  granules  graisseux  du  chyle  sont  un  irritant  physiologique  pour 
les  ganglions  mésentériques  ;  ces  granules  s'y  arrêtent  un  certain  temps,  comme 
les  grains  de  cinabre  vont  se  loger  dans  les  ganglions  lympathiques  des  gens  qui  se 
soumettent  au  tatouage.  Dans  la  grossesse,  les  lympathiques  de  l'utérus  se  dilatent, 
la  nutrition  utérine  augmente  avec  le  développement  du  fœtus,  les  ganglions  in- 
guinaux et  lombaires  augmentent  de  volume  au  point  d'être  pris,  en  temps  ordi- 
naire, pour  des  ganglions  enflammés  (?).  Aussi,  au  moment  de  l'accouchement, 
vous  trouverez  toujours  une  leucocytose  ;  de  sorte  qu'on  aurait  le  droit  de  dire  que 
la  femme  est  pyohémique  avant  même  que  tout  symptôme  pyohémique  se  soit  mani- 
festé, mais  ce  n'est  qu'une  leucocytose  physiologique.  Certes,  nous  admirons  au- 
tant que  qui  que  ce  soit  les  éminentes  qualités  de  M.  Virchow,  et  la  découverte  de 
la  leucocythémie  est,  à  nos  yeux,  un  de  ses  titres  de  gloire  les  plus  légitimes 
(voy.  Historique),  mais  nous  sommes  médiocrement  séduits  par  toute  cette  iatro- 
mécanique  oîi  il  se  laisse  entraîner  par  son  désir  de  tout  expliquer.  Les  accoucheurs 
les  plus  autorisés  admettront-ils,  par  exemple,  que,  chez  les  iémmes,  bien  portan- 
tes d'ailleurs,  exemptes  de  scrofule  ou  de  syphilis,  les  ganglions  inguinaux  aug- 


354  LEUCOCYTHEMIE  (division). 

mentent  ordinairement  de  volume  pendant  la  gestation  au  point  d'être  pris  pour 
des  tumeurs  enflammées?  En  dehors  de  l'action  hypothétique  des  glandes  lym- 
phatiques, il  faut  reconnaître  que  la  grossesse  détermine  une  expansion  générale 
des  fonctions  nutritives  d'où  résulte  l'augmentation  des  leucocytes:  certes  ce  n'est 
pas  là  la  pyohémie,  c'est  un  fait  pliysiologique,  mais  qui  constitue  après  l'accou- 
chement, suivant  une  heureuse  expression  de  Monneret,  une  immineyice  morUde, 
une  prédisposition  particulière,  un  développement  des  accidents  les  plus  graves. 
Vienne  la  fièvre  puerpérale,  et  l'on  observera  une  augmentation  notable  des  globu- 
les blancs,  une  véritable  leucocythémie  symptomatique. 

M.  Bouchut  avait,  dès  1844,  avant  les  premières  recherches  de  Virchow  et  de 
Bemiett  {Gaz.  médic,  1844,  p.  85.  Étude  sur  la  fièvre  puerpérale),  signalé  la 
décoloration  Qu  sang,  sa  liquéfaction,  et  le  petit  nombre  des  caillots.  (lèid.,  p.  90.) 
Il  notait  plus  loin  la  présence  d'un  grand  nombre  de  globules  blancs  volumineux, 
qu'il  prit  pour  du  pus,  à  cause  de  leur  nombre  considérable,  tout  en  rappelant 
l'opinion  de  Haen,  de  Home,  de  Gendrin,  selon  lequel  le  pus  n  est  qu'un  globule 
de  sang  transformé.  Plusieurs  années  après,  le  même  auteur,  éclairé  par  les  tra- 
vaux modernes,  reconnaissait  qu'il  y  avait  là  seulement  une  leucocythémie 
aiguë,  expression  dont  Virchow  s'est  raillé,  mais  qui  vaut  bien,  après  tout,  celle 
de  leiicocytose*.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  fièvre  puerpérale  est  en  effet  une  des  mala- 
dies où  l'on  observe  le  plus  souvent  la  leucocythémie  symptomatique.  La  propor- 
tion des  globules  blancs  aux  globules  rouges  est,  en  moyenne  ::1:100,  c'est  au 
moins  trois  fois  la  proportion  normale. 

La  syphilis  fournira  à  Virchow  un  exemple  de  plus  en  faveur  de  sa  théorie.  11 
signale  en  effet  (Virchow,  Archiv,  t.  XV,  p.  519  et  Pathol.  des  tumeurs,  trad. 
par  Aronssohn,  Paris,  1869,  t.  Il,  p.  413)  la  syphilis  constitutionnelle  comme 
produisant  la  leucocytose,  tant  que  dure  le  stade  de  prolifération  ou  d'hyperplasie 
lymphatique.  Mais  si  les  éléments  s'accumulent  ,  s'ils  rétrécissent  par 
leur  pression  les  vaisseaux  qui  les  parcourent,  si  la  glande  présente  un  aspect 
plus  sec,  plus  dense,  et  si  les  métamorphoses  graisseuses  fmissent  par  en  être  la 
conséquence,  l'afflux  du  sang  diminue,  et  il  se  développe  alors  cette  espèce  d'oli- 
ghémie  qu'on  a  désignée  sous  le  nom  de  chlorose  syphilitique.  L'auteur  néglige  de 
rapporter  les  observations  cliniques  sur  lesquels  il  base  cette  assertion. 

La  scrofide  avec  son  cortège  d'hypertrophies  ganglionnaires  est  embarrassante 
pour  la  théorie,  car  on  n'y  observe  pas  ordinairement  la  leucocythémie.  Mais  l'es- 
prit ingénieux  de  notre  auteur  sait  en  trouver  l'explication  :  «  Les  ganglions  peu- 
vent, si  la  maladie  est  grave,  être  détruits,  soit  par  ulcération,  soit  par  épaissis- 
sement  caséeux,  transformation  crayeuse,  etc.,  il  ne  peut  y  avoir  augmentation 
des  éléments  du  sang  qu'autant  que  le  gangUon  irrité  est  encore  susceptible 

*  Nous  résistons  pour  notre  partà  cette  tendance  exagérée  qui  entraîne  l'école  allemande 
à  créer  à  tout  moment  des  néologismes.  Sans  parlei'  de  l'euphonie  trop  souvent  outragée, 
ce  qui  est  bien  quelque  chose  poui'tant,  les  expressions  qui  clierchent  à  s'imposer  tous  les 
'ours  sont-elles  conformes  à  une  bonne  linguistique,  et  surtout  à  une  nomenclature  scien- 
cifique  régulière?  Ici,  par  exemple,  pourquoi  ce  nom  de  leucocytose?  La  terminaison  ose 
est  ordinairement  employée  à  désigner  des  états  pathologiques,  chroniques*  souvent  avec 
destruction  des  tissus,  chlorose,  exostose,  nécrose,  tuberculose  ;  ici  on  la  voit  appliquée  à  un 
état  le  plus  souvent  physiologique,  ou  rencontré  temporairement  dans  des  maladies  aiguës. 
Et  puis,  pourquoi  deux  mots  diflërents  pour  exprimer  deux  variétés  si  rapprochées  d'un 
même  fait?  Ne  vaudrait-il  pas  mieux,  comme  les  botanistes,  comme  nos  nosographes,  em- 
ployer ici  des  épithètes,  et  dire,  par  exemple,  leucocytliémie  pliysiologique,  symptomatique, 
idiopathique,  manière  très-rationelle  d'indiquer  les  variétés  d'une  espècci  tout  en  conservant 
l'idée  générale  qui  la  constitue. 


LEUCOGYTUÉMIE  (division).  S35 

d'exercer  sa.  fonction,  et  qu'il  existe  ;  dès  que  le  ganglion  est  détruit,  dès  qu'il 
n'existe  plus,  la  formation  des  cellules  lymphatiques  s'arrête,  et  avec  elle  la 
leucocytose.  »  [Patliol.  celL,  p.  159.)  Mais,  si  la  maladie  n'est  pas  grave,  si  ' 
les  glandes  ne  sont  pas  détruites,  si  elles  restent  longtemps  hypertroplnées 
et  indolentes,  comme  on  le  voit  si  souvent,  comment  expliquera-t-on,  dans  ces 
cas,  l'absence  de  leucocythémie?  On  pourra  toujours  demander,  comme  pour  ; 
l'iiypotherphie  de  la  rate  sans  leucocythémie,  pourquoi  l'altération  d'un  même 
organe  amène-t-elle,  dans  un  cas  la  dyscrasie  sanguine  ?  pourquoi  ne  l'amène- 
t-elle  pas  dans  d'autres?  c'est  ce  que  l'histologie  n'a  pas  encore  pu  nous  apprendre. 

La  fièvre  typhoïde,  ou  plutôt  les  affections  typhoïdes  en  général,  sont,  d'un 
commun  accord,  une  des  affections  où  l'on  rencontre  la  leucocythémie;  Alex. 
Thompson  (d'Edimbourg)  l'a  constaté  sur  une  douzaine  de  malades  {voy.  Cor- 
mack,  Natural  Hisiory  of  the  Epidémie  Fever.  Londres,  1845,  p.  113,  cité  par 
Virchow)  ;  on  peut  sans  doute  rattacher  à  cette  maladie  l'observation  de  Fried- 
reich  (Virchow,  Archiv,  t.  XII,  p.  38,  1857),  bien  que  les  détails  clini- 
ques nous  manquent  su.r  cette  observation,  et  que  son  auteur  l'ait  considérée 
comme  un  cas  de  leucocylhémie  aiguë.  Ici  la  théorie  triomphe,  car  elle  peut  in- 
voquer, non-seulement  la  tuméfaction  de  la  rate,  mais  celle  des  follicules  de 
l'intestin,  des  plaques  de  Peyer  (qui  ne  sont  autre  chose  que  des  ganglions  lym- 
phatiques, étalés),  des  ganglions  mésentériques  et  même  les  tonsilles  et  les  folU- 
cules  de  la  base  de  la  langue. 

Le  choléra,  à  cause  de  son  éruption  spéciale,  permet  aussi  d'invoquer  l'influence 
des  glandes  intestinales,  pour  expliquer  comment  il  présente,  dès  le  début,  une 
notable  augmentation  des  globules  blancs. 

La  dysenterie,  qui  présente  aussi  la  leucocythémie  symptomatique,  n'échappera 
pas  davantage  à  la  théorie. 

Les  fièvres  exanthématiqiies,  l'érysipèle  malin,  permettront  d'invoquer  les  "lan- 
dulesdela  peau,  où  le  réseau  lymphatique,  car  dans  quel  organe,  hors  le  cerveau, 
ne  frouvera-t-on  pas  des  glandules  disséminées  où  des  vaisseaux  lymphatiques  ? 

On  a  signalé  la  leucocythémie  temporaire  dans  quelques  pneumonies.  Selon 
Virchow,  ils  sont  augmentés  dans  les  pneumonies  s'accompagnant  du  gonflement 
desganglions  bronchiques,  tan(hs  que  les  leucocytes  ne  varientpasdans  les  pneumo- 
nies, sans  lésions  ganglionnaires.  Nous  voudrions  voir  ces  assertions  justifiées  par 
des  observations  cliniques  bien  prises;  aous  demandons  aussi  comment  on  peut,  au, 
trement  que  par  l'autopsie,  distinguer  lespneumonies  qui  s'accompagnent  d'hyper, 
plasie  ganglionnaire,  et  celles  qui  n'en  sont  pas  accompagnées,  à  moins  qu'il  ne 
s'agisse  de  la  pneumonie  dite  caséeuse,  c'est-à-dire  de  la  phthisie,  et  particulière- 
ment de  la  phthisie  bronchique? 

La  diphthérie  a  été  signalée  par  M.  Bouchut  {Traité des  maladies  des  nouveau- 
nés.  S**  édition,  1868,  p.  892)  comme  une  cause  de  leucocythémie  aiguë.  Le  même 
auteur  a  cité  récemment  deux  observations  nouvelles  {Comptes  rendus  de  la  so- 
ciété de  biologie,  7  juin  1868,  et  Gaz.  médicale,  1868,  p.  357)  de  croup  compli- 
qué de  broncho-pneumonie  et  d'albuminurie,  où  la  leucocythémie  a  été  constatée 
du  vivant  des  malades,  et  sur  le  sang  des  cadavres.  La  leucocythémie  indiquerait 
toujours  un  état  grave  dans  le  croup,  mais  compliquée  d'albuminurie,  elle  indi- 
querait un  cas  désespéré.  L'auteur  explique  le  développement  de  la  leucocythé- 
mie aiguë  par  la  résorption  diphthérique  analogue  à  la  résorption  purulente  et 
à  la  lièvre  puerpérale. 

Virchow  note  aussi  la  leucocytose  chez  les  cancéreux  «  lorsque  l'irritation  des 


536  LEUCOCYTHÉMIE  (oivision). 

ganglions  se  manifeste»  c'est-à-dire  lorsque  le  cancer  se  généralise.  Les  cas  de 
cancer  généralisé  ont  dû  être  plus  d'une  fois  confondus  avec  les  cas  de  leucocy- 
Ihéniie  lymphatique  et  d'adénie. 

!  Enfin  nous  avons  nous-mème  trouvé  récemment  une  augraenlation  notable 
des  globules  blancs  dans  un  cas  de  cirrhose  du  foie  avec  ascite,  sans  hypertrophie 
glandulaire  appréciable. 

En  résumé,  la  leucocythémie  symptomatique,  la  leucocythémie  aiguë,  la  leuco- 
cytose  de  Yirchow  se  montrent,  dans  des  cas  pathologiques  très-divers,  indi(|uant 
ordinairement  une  atteinte  profonde  de  l'économie,  tantôt  des  cachexies  profondes 
qui  épuisent  le  sujet,  tantôt  dans  des  maladies  infectieuses  à  marche  rapide,  à 
terminaison  souvent  fatale,  et  accompagnées  de  déterminations  morbides  multi- 
ples et  très-variées.  Vouloir  chercher  dans  tous  ces  faits  les  glandes  lympatliiques, 
nous  paraît  un  point  de  vue  systématique  et  étroit.  Notre  ignorance  au  sujet  de 
l'évolution  des  grandes  pyrcNies  est  trop  grande  encore  pour  que  nous  puissions 
incriminer  tel  élément  aux  dépens  de  tel  autre  d'une  manière  absolue  :  ce  serait 
com[;romettre  une  vue  de  res[;rit,  juste  en  elle-même  d'une  manière  générale, 
que  de  lui  attribuer  une  influence  exclusive.  11  faut,  en  pareille  matière,  se  garder 
des  conclusions  prématurées.  Bornons-nous  donc  à  reconnaitre  que  la  leucocythé- 
mie symptomatique,  ou  temporaire,  se  rencontre  dans  un  grand  nombre  d'alfec- 
tions,  qui  ont  pour  caractère  commun  d'apporter  un  trouble  considérable  à  la  nu- 
trition générale,  et  que  la  nutrition  comprend  un  ensemble  trop  complexe  pour 
admettre,  quant  à  présent,  des  interprétations  théoriques  aussi  précises. 

VI.  Diagnostic.  Le  diagnostic  de  la  leucocythémie  repose  avant  tout  sur 
l'examen  microscopique  du  sang.  Quelle  que  soit  en  effet  la  manière  dont  on  en- 
visage cet  état  pathologique,  soit  que  l'on  veuille  y  voir  une  maladie  toujours 
idiopathique  et  primitive,  soit  une  maladie  secondaire,  soit  seulement  une  altéra- 
tion du  sang,  commune  à  plusieurs  affections,  quelle  que  soit  en  un  mot  l'idée 
théorique  que  l'on  ait  adoptée  à  ce  sujet,  il  est  indispensable,  pour  étabh'r  qu'on  a 
bien  affaire  à  un  cas  de  leucocythémie,  de  constater  tout  d'abord  le  fait  matériel 
de  l'augmentation  proportionnelle  des  leucocytes  dans  le  sang,  tout  comme  il  est 
nnpossiblede  parler  d'albuminurie  sans  avoir  constaté  la  présence  de  l'albumine 
dans  l'urine  :  or  ce  fait  matériel  ne  peut  être  constaté  que  par  le  microscope. 
Ainsi  l'hypertrophie  de  la  rate  ou  du  foie,  la  présence  de  tumeurs  lymphatiques, 
les  hémorrhagies  sous-cutanées,  les  hydropisies,  l'état  cachectique  ou  tout  autre 
symptôme  sont  insuffisants  pour  établir  le  diagnostic,  puisque  ces  symptômes  se 
rencontrent  dans  beaucoup  d'états  morbides  où  le  sang  ne  présente  pas  l'altéra- 
tion spéciale  qui  nous  occupe.  L'examen  superficiel  du  sang  lui-même  est  encore 
insuffisant,  la  coloration  livide,  la  diftluence,  l'aspect  laiteux  du  sérum,  la  pré- 
sence de  caillots  décolorés ,  tout  cela,  comme  les  symptômes  cliniques  que 
nous  venons  de  rappeler,  ne  constitue  pas  autre  chose  qu'une  présomption  qu'il 
peut  y  avoir  leucocythémie,  mais  on  ne  pourra  prononcer  ce  mot  avec  certitude 
que  lorsque  le  microscope  aura  démonti'é  que  les  leucocytes  (globules  blancs  ou  ; 
globulins)  ont  augmenté  de  proportion  d'une  manière  notable  ;  il  faut  donc  tout  ■ 
d'abord  nous  reporter  à  ce  que  nous  avons  dit  précédemment  des  cai'actères  du 
sang,  de  la  quantité  proportionnelle  des  éléments  blancs  et  des  globules  rouges, 
et  des  modincations  de  volume  que  peuvent  présenter  ces  globules.  Ajoutons  que 
dans  l'état  actuel  de  la  science,  il  n'est  plus  permis  d'attendre  la  mort  du  malade 
pour  constater  l'altération  du  sang  dans  une  nécropsie,  mais  que  le  médecin  devra 
toujours,  dès  qu'il  aura  des  présomptions  de  leucocythémie,  examiner  ou  faire 


LEUCOCYTHÉMIE  (diagnostic).  557 

examiner  directement  le  sang  du  malade,  puisqu'il  suffit  d'une  gouUelette  do 
sang  obtenue  par  une  piqûre  d'aiguille  pour  obtenir  un  renseignement  suffisant 
sur  l'état  du  fluide  nourricier.  C'est  d'ailleurs  un  esamen  facile,  et  que  tout  mé- 
decin doit  èlre  en  état  de  pratiquer,  tout  comme  d  sait  procéder  à  celui  d'une 
urine  qu'il  suppose  cbargée  d'albumine  ou  de  glycose. 

Parmi  les  diverses  espèces  de  leucocythémie  que  nous  avons  énumérées,  il  en 
est  d'abord  un  groupe  tout  entier,  oii  la  présence  des  globules  blancs  en  excès 
sera  le  seul  fait  à  constater,  par  exemple  dans  les  cas  de  fièvre  puerpérale,  d'in- 
fection purulente,  de  diphthérie,  de  fièvre  typhoïde,  en  un  mot  dans  les  cas  de 
leucocythémie  symptomatique,  ou  passagère  (leucocytose)  oîi  l'altération  du  sang 
n'est  qu'un  épiphénomène,  après  tout  assez  secondaire,  au  milieu  d'un  ensemble 
pathologique  marqué  de  traits  bien  autrement  importants.  La  présence  des  glo- 
bules blancs  en  excès  n'a  d'importance  qu'au  point  de  vue  d'un  pronostic  assez 
éloigné,  tandis  que  d'autres  éléments  bien  plus  directs  vont  décider  du  salut  du 
malade. 

11  n'en  est  pas  de  même  dans  les  cas  de  cachexie  chronique,  surtout  dans  celles 
qui  s'accompagnent  d'hypertrophie  de  la  rate  ou  du  foie,  ou  de  tumeurs  lymphati- 
ques. Ici  il  importe  au  plus  haut  point  de  reconnaître  si  l'on  a  affaire  à  un 
simple  état  d'appauvrissement  du  sang  consécutif  à  une  cause  quelconque  d'é- 
puisement, ou  à  cette  altération  spéciale,  qui  va  devenir  elle-même  une  cause 
d'aggravation  dans  les  symptômes  du  malade,  une  cause  d'accidents  nouveaux 
(hémorrhagies  multiples,  etc.),  et  déterminer  un  pronostic  jusqu'à  présent 
fatal. 

Il  importe  donc  de  rappeler  les  maladies  qui  se  rapprochent  le  plus  de  la  leuco- 
cythémie idiopathique,  et  de  marquer  les  différences  qui  peuvent  les  distingue! 
de  celle-ci,  en  dehors  de  l'examen  microscopique,  qui,  nous  ne  saurions  trop  le 
répéter,  sera  toujours  la  condition  indispensable  d'un  diagnostic  précis. 

En  première  ligne,  nous  placerons  l'hypertrophie  de  la  rate.  Les  premiers  au- 
teurs, qui,  de  nos  jours,  ont  étudié  la  leucocythémie,  se  sont  attachés  à  distin- 
guer de  cet  état  morbide,  les  cas  d'hypertrophie  de  la  rate  bii  le  sang  ne  présen- 
tait pas  l'altération  caractéristique:  de  bonne  heure,  on  a  reconnu  que  la  sépara- 
tion, qu'on  avait  cru  pouvoir  établir  entre  les  hypertrophies  spléniques  de  cause 
palustre  et  la  leucocythémie  n'avait  pas  assez  de  fondement .  Les  cas  sont  aujourd'hui 
nombreux  dans  la  science,  où  l'on  a  constaté  avec  précision  des  antécédents  pa- 
lustres, une  rate  hypertrophiée  et  l'état  leucocythémique  du  sang.  Le  microscope 
peut  seul  résoudre  la  question,  les  symptômes  cliniques  ne  le  pourraient,  car  la 
science  ne  peut  encore  dire  pourquoi  certaines  hypertrophies  spléniques  amènent 
la  leucocythémie,  et  pourquoi  d'autres  ne  l'amènent  pas.  Il  faut  ù  toutes  les  épo- 
ques de  la  maladie,  rechercher  au  moyen  de  cet  instrument,  s'il  n'y  a  pas  accu- 
mulation de  leucocytes  dans  le  sang,  puisqu'on  a  vu  souvent  cette  accumulation 
se  produire|tardivement  dans  des  cas,  où,  dans  les  premiers  temps,  le  sang  avait 
présenté  sa  constitution  normale. 

h'adénie,  décrite  par  Trousseau  {Clinique  de  V Hôtel-Dieu,  2=  édit.,  t.  lil, 
p.  578  et  suivantes),  c'est-à-dire  V hypertrophie  cjangHoimaire  généralisée  sans 
lencocjjlhémie,  ou  Vanémie  lymphatique  des  Anglais,  présente  une  telle  ressem- 
blance avec  la  leucocythémie  lymphatique  que  les  caractères  chniquos  ne  peuvent 
suffire  ù  les  séparer  nettement  sans  l'examen  microscopique  du  sang.  On  peut 
dire  que  l'adénie  est  caractérisée  cliniqucment  par  le  développement  d'une  tumeur 
ganglionnaire,  apparaissant  le  plus  ordinairement  à  la  région  .sous-maxillaire;  que 

DICT.   EKC.   -2"  S.  IL  22 


338  LEICOCYTIIÈMIE  (diagnostic). 

cette  tumeur  est  souvent  (4  fois  sur  12,   selon  Trousseau),  consécutive  à  une 
tumeur  lacrymale,  un  coryza  chronique  et  uneotorrhée,  siégeant  du  même  côté; 
que  l'adénie  généralisée  survient  consécutivement  dans  un  délai  plus  ou  moins 
rapide  sous  l'influence  d'une  diathèse  spéciale  ;  que  les  tumeurs  ganglionnaires  du 
cou,  et  celles  des  ganglions  bronchiques  sont  peut-être  plus  prononcées  que  dans 
la  leucocythémie  lymphatique,  et,  par  suite,  l'asphyxie  par  compression  des  voies 
aériennes,  plus  fréquente.  En  se  reportant  aux 'observations  que  Yirchow  a  don- 
nées de  la  leucocythémie  lymphatique,  à  ce  qu'il  dit  de  sa  marche  par  explosions 
successives,  on  voit  combien  il  y  a  d'analogie  entre  les  deux  maladies.  L'examen 
microscopique  du  sang  peut  seul  décider.  Si  l'on  se  rappelle  l'étiologie  fort  obscure 
des  deux  maladies,  le  caractère  progressif  et  fatal  qu'elles  présentent  toutes  les 
deux,  les  tumeurs  de  la  rate,  les  hémorrhagies  qui  apparaissent  dans  l'une  comme 
dans  l'autre,  l'analogie  devient  encore  plus  grande;  et,  si  l'on  réfléchit  que  dans 
un  grand  nombre  d'observations  d'adénie  le  sang  n'a  pas  été  examiné  dans  les 
derniers  temps,  on  peut  se  demander  s'il  y  a  une  différence  réelle  entre  les  deux 
cachexies,  et  si  l'adénie  n'est  pas  seulement  une  leucocythémie  lymphatique  dans 
laquelle  la  lésion  du  sang  tarde  à  se  produire,  comme  on  le  voit  par  exemple 
dans  l'observation   de  Yirchow   {Arch.,   t.    V,    p.  390,  et  Gesam.  AbJiandl., 
p.  199),  où  les  tumeurs  ganglionnaires  ont  existé  plusieurs  années  avant  qu'on 
eût  constaté  ladyscrasic  sanguine?  Nous  avons  vu  récemment  à  l'hôpital  de  la 
Pitié  un  malade  chez  lequel  nous  avions  sans  hésiter  porté  le  diagnostic  :  adénie, 
car  avec  des  tumeurs  ganglionnaires  énormes  au  cou,  aux  aisselles,  aux  aines, 
avec  une  rate  qui  à  la  percussion  ne  paraissait  pas  hypertrophiée,  avec  des  accès 
de  dyspnée  et  des  menaces  de  suffocation,  le  microscope  avait  fait  voir  que  le  sang 
ne  contenait  pas  de  leucocytes  en  Mombre  anormal.  Pendant  quelques  semaines, 
le  diagnostic  sembla  confirmé  ;  puis  survinrent  des  hémorrhagies  multiples,  et 
le  sang,  examiné  de  nouveau  par  M.  Fiobin,   présenta  cette  fois  5  fois  plus  de 
globules  blancs  qu'à  l'état  normal.  Le  malade  mourut  queîqLies  jours  après. 
jN'est-il  pas  clair  que,  si  un  accès  de  suffocation  causé  par  la  compression  des 
bronches  l'avait  enlevé  deux  semaines  plus  tôt,  le  cas  aurait  passé  pour  un  des 
types  les  mieux  caractérisés  de  l'adénie,  tandis  qu'aujourd'hui  nous  sommes 
obligés  de  l'inscrire  au  compte  de  la  leucocythémie  lymphatiaue?  [Soc.  méd.  des 
hôp.,  juin  1 869 .)  Nous  croyons  donc  que  dans  l'état  actuel  de  la  science  la  lumière 
est  loin  d'être  faite  sur  cette  question  ;  que  de  nouvelles  études  cliniques  doivent 
être  poursuivies  pour  décider  si  les  deux  cachexies,  leucocythémie  et  adénie, 
doivent  être  définitivement  séparées  ou  réunies,  et  qu'en  ce  moment  le  diagnostic 
différentiel  de  ces  deux  états  morbides  se  borne  à  la  constatation  d'un  fait  brut  : 
l'augmentation  des  leucocytes,  ou  leur  nombre  normal. 

11  est  à  peine  nécessaire  d'établir  le  diagnostic  entre  la  leucocythémie  lympha- 
tique et  la  scrofule.  La  première  ne  présente  que  des  tumeurs  ganghonnaires, 
ordinairement  indolentes,  sauf  au  moment  de  leur  développement  par  saccades, 
et  qui  n'arrivent  pas  à  suppuration.  La  scrofule  pi'ésente  de  véritables  adénites 
suppurantes,  donnant  lieu  à  des  abcès,  à  des  fistules,  sans  parler  du  cortège  sans 
nombre  des  manifestations  cutanées  ou  osseuses,  qui  l'accompagnent  et  ne  se 
retrouvent  pas  dans  la  leucocythémie.  Ajoutons  que  la  scrofule  est  une  diathèse 
de  l'enfance,  qui  a  ordinairement  épuisé  son  action  sur  les  glandes  lymphatiques 
à  l'époque  où  apparaît  en  général  la  leucocythémie  lymphatique.  D'ailleurs,  l'exa- 
men du  sang  tranchera  la  question,  si  elle  était  douteuse. 

Y  a-t-il  lieu  d'établir  le  diagnostic  différentiel  entre  la  leucocythémie  et  les  cas 


LEUCOGYIUEMIE  (diagnostic).  55'J 

de  sang  blanc  des  anciens  auteurs?  En  nous  reportant  à  ce  que  nous  avons  dit 
au  commencement  de  cet  article,  il  est  évident  tout  d'abord  qu'iin  y  a  aucune 
assimilation  possible  entre  l'état  morbide  qui  nous  occupe  et  les  cas  oîi  le  sang 
devient  laiteux  d'une  manière  physiologique  pendant  le  travail  de  la  digestion  : 
il  ne  s'agit  là  que  d'un  fait  essentiellement  transitoire  et  tout  à  fait  normal.  On 
ne  peut  être  aussi  affirmatif  en  ce  qui  concerne  les  cas  où  le  sang  d'une  saignée 
est  sorti  blanc  de  la  veine,  et  où  le  mtilade  présentait  différents  troubles  de  la 
sauté,  et  particulièrement  de  l'appareil  respiratoire.  {Voij.  la  note  2,  p.  285.)  Tout 
ce  qu'on  peut  dire,  c'est  que  ces  cas  paraissent  avoir  été  de  très-courte  durée, 
s'être  ordinairement  tei^minés  par  une  prompte  guérison,  et  qu'ils  n'ont  aucune 
analogie  tout  au  moins  avec  la  cachexie  lymphatique,  ou  les  tumeurs  viscérales  qui 
accompagnent  presque  constamment  la  leucocythémie  de  Virchow  et  de  Bennett. 
Il  est  vrai  de  dire  que  ces  cas  de  sang  blanc  restent  encore  à  l'état  de  curiosités 
scientifiques,  sur  lesquelles  nous  manquons  de  renseignements  suffisants.  Dans 
la  plupart  d'entre  eux,  la  cause  de  l'état  laiteux  du  sang  a  bien  paru  tenir  à  la 
présence  d'une  quantité  anormale  de  matières  graisseuses  dans  le  sang  (lipœmie), 
mais  nous  ne  pourrions  affirmer  qu'il  n'y  ait  pas  eu  en  même  temps  augmentation 
des  leucocytes,  puisqu'ils  n'ont  pas  été  cherchés  avecle microscope,  et  que  nous 
savons  d'autre  part  que  dans  des  cas  de  leucocythémie  bien  constatée,  le  sérum  a 
présenté  aussi  un  état  blanchâtre,  et  une  proportion  considérable  de  graisse 
(obs.  Blache,  Isambert  et  Robin,  1855).  On  peut  penser,  en  effet,  que  les  deux 
altérations  ont  coïncidé  plusieurs  fois,  notamment  dans  le  cas  de  M.  Caventou 
que  Virchow  n'hésite  pas  à  ranger  parmi  les  cas  de  leucémie,  et  dans  celui  de 
Mareska  qui  a  recueilli  sur  un  filtre  de  linge  des  grumeaux  albumineux,  lesquels 
sont  peut-être  identiques  avec  la  fibrine  granuleuse  que  nous  avons  notée  nous- 
mêmes  (obs.  d'isambert  et  Robin,  1855  et  1858). 

Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  encore  l'examen  microscopique  et  chimique  du  sang 
qui  décidera  la  question.  Dans  le  sang  chyleux  (lipœmie),  le  sérum  est  blanchâtre, 
mais  c'est  par  suite  du  mélange  avec  une  certaine  quantité  de  graisse.  «  Si  l'on 
défibrine  le  sang  chyleux,  il  ne  se  forme  pas  un  sédiment  blanchâtre,  mais  une 
couche  crémeuse  à  la  surface.  »  (Virchow,  Pai/i.  ceZfe/.,traduct.  Picard,  p.  440.) 
Dans  la  leucémie,  les  globules  blancs  se  précipitent  et  forment  une  couche  blan- 
châtre au-dessus  de  la  couche  des  globules  rouges. 

Le  diagnostic  de  la  leucocythémie  ne  consiste  pas  seulement  à  distinguer  cet 
état  morbide  de  ceux  qui  pourraient  lui  ressembler  :  il  faut  aussi,  la  dyscrasie  san- 
guine étant  constatée,  préciser  l'espèce  ou  variété  à  laquelle  on  a  affaii-e.  En  se 
reportant  à  ce  qui  précède,  on  voit  que  la  question  n'est  pas  ordinairement  diffi- 
cile à  résoudre.  La  leucocythémie  idiopathique  est  caractérisée  par  sa  marche 
chronique  et  progressive,  par  l'absence  de  toute  grande  pyrexie  ou  maladie  in- 
fectieuse pouvant  donner  naissance  à  la  leucocythémie  temporaire;  les  deux  va^ 
riétés  splénique  et  lymphatique  se  distinguent  suffisamment,  comme  leur  nom 
l'indique,  d'une  part  par  la  prédominance  des  tumeurs  viscérales,  de  la  rate  et  du 
foie;  et  d'autre  part,  par  celle  des  tumeurs  ganglionnaires  externes  ;  cependant, 
comme  les  cas  mixtes  sont  beaucoup  plus  nombreux  que  les  cas  de  leucocythé- 
mie lympbatique  toute  pure,  la  dénomination  de  variété  lymphatique  sera  quel- 
quefois difficile  à  établir  dans  la  pratique.  La  différence  de  la  dyscrasie  sanguine, 
prédominance  des  globules  blancs  dans  la  première,  et  des  globulins  dans  la 
seconde,  aidera  jusqu'à  un  certain  point  à  juger  la  question;  mais  nous  avons  vu 
plus  haut  qu'il  n'y  avait  pas  là  de  caractère  différentiel  absolu,  et  nous  mainte- 


340  LEUCOCVlJibJiiL  (diagnostic). 

nous  les  réserves  que  nous  avons  posées  à  cet  égard.  Quant  aux  formes  symptô- 
niatiques,  forme  cacliectique  progressive,  ou  forme  bémorrhagique,  elles  appar- 
tiennent à  l'une  et  à  l'autre  variété,  et  la  niarcLe  seule  de  la  maladie  pourra  l'in- 
diquer; les  hémorrhagies  pouvant  d'ailleurs  apparaître  à  la  fin  de  ce  qui  semblait 
une  forme  cacbectiqne  bien  déterminée. 

La  variété  intestinale  que  M.  Béhier  veut  établir  (î)0?/.  ci-dessus)  serait  beaucoup 
plus  difficile  à  diagnostiquer,  et,  même  en  admettant  que  la  dyscrasie  sanguine 
soit  déjà  reconnue  du  vivant  du  malade,  il  serait  très-ilifficile  en  l'absence  de  tant 
de  symptômes  négatifs,  d'affirmer  une  lésion  intestinale  de  nature  lympboïde,  et 
de  la  distinguer  d'une  cachexie  liée  à  quelque  lésion  profonde,  cancéreuse  ou  tu- 
bei'culeuse  ou  à  la  cirrhose  du  foie,  puisque  ces  maladies  s'accompagnent  quelque- 
fois de  leucocythémie. 

Quant  à  la  leucocythémie  symptomatique  et  temporaire,  et  aux  espèces  diffé- 
rentes qu'on  pourrait  être  tenté  d'établir  dans  ce  groupe,  ce  n'est  pas  évidemment 
la  leucocythémie  qu'il  faut  envisager,  mais  bien  la  maladie  qui  lui  donne  nais- 
sance. C'est  la  fièvre  puerpérale,  la  pyohémie,  la  dysenterie,  la  fièvre  typhoïde 
qu'il  s'agira  de  reconnaître  bien  plus  que  la  leucocythémie;  il  est  inutile  d'in- 
sister davantage  sur  ce  point.  Une  question  beaucoup  plus  difficile  à  résoudre 
dans  quelques  cas  serait  celle  de  savoir  si  l'on  a  réellement  affaire  à  une  leucocy- 
thémie symptomatique,  ou  bien  à  une  leucocythémie  compliquée  d'une  autre 
maladie.  Trois  observations  de  notre  relevé  nous  présentaient  cette  difficulté  et 
nous  laissent  encore  dans  l'indécision.  Dans  l'une  d'elles  (obs.  de  Bauer,  1859, 
Gaz.  hebdorn.,  1860,  p.  171),  on  voit  la  leucocythémie  survenir  après  un  érysi- 
pèle  suivi  d'une  néphrite  albumineuse  aiguë,  et  pendant  le  cours  d'une  série 
d'accidents  graves  qui  se  déclarent  après  celle-ci,  tels  qu'une  arthrite  suppurée, 
des  abcès  profonds  de  la  cuisse  qui  se  répètent  et  mettent  le  malade  dans  l'état 
le  plus  grave.  Ne  s'agit-il  pas  là  d'une  leucocythémie  symptomatique  de  l'infec- 
tion purulente?  on  peut  le  soutenir,  et  cependant  la  proportion  des  globules 
blancs  dépasse  de  beaucoup  celle  que  l'on  rencontre  habituellement  dans  les  leu- 
cocythémies  symptomatiques  :  au  lieu  d'atteindre  seulement  o  ou  4  fois  leur 
chiffre  normal,  les  globules  blancs,  et  les  globules  rouges  sont  dans  un  rapport 
inverse  du  rapport  normal;  de  plus,  l'altération  du  sang  persiste  jusqu'à  la  mort, 
sans  que  les  globules  blancs  cessent  de  représenter  au  moins  50  pour  100  des 
globules  blancs. 

Dans  une  autre  observation  (obs.  II  de  M.  Gubler,  Soc.  méd.  des  hop.,  1859, 
p.  314),  ou  voit  aussi  la  dyscrasie  sanguine  survenir  à  la  suite  d'une  albumi- 
nurie, mais  cette  fois,  c'est  une  maladie  de  Bright  véritable  avec  complica- 
tion de  vomissements  bilieux,  puis  d'épistaxis,  d'hématéraèses  et  d'hémoptysies, 
et  l'altération  du  sang,  cherchée  plusieurs  fois  inutilement,  apparaît  brus- 
quement, en  quarante-huit  heures,  dans  la  période  ultime  de  la  maladie. 
Ne  s'agit-il  pas  là  d'une  leucocythémie  symptomatique  de  la  maladie  de  Bright? 

Dans  un  autre  casdu  même  auteur  (obs.  1,  Soc.  méd.  des  hôp.  1858,  p.  311), 
on  voit  la  leucocythémie  survenir  à  la  fin  d'une  cachexie  palustre  consécutive  à 
des  fièvres  intermittentes  contractées  en  Afrique,  et  qui  se  reproduisent  encore 
sans  intermission;  il  y  a  aussi  hypertrophie  considérable  de  la  rate.  L'altération 
du  sang  se  montre  comme  dans  le  cas  précédent,  à  la  période  ultime,  et  brus- 
quement en  quelques  jours,  la  proportion  des  globules  atteint  un  chifl're  considé- 
rable (5  à  6  fois  plus  qu'à  l'état  normal).  Nest-ce  pas  encore  là  une  leucocythé- 
mie symptomatique,  d'une  fièvre  palustre?  les  circonstances  de  son  développement 


LEUCOCYTIIÉMIE  (rr.oNOSTic).  ail 

répondraient  :  oui;  mais  en  considérant  le  chiffre  élevé  des  globules  blancs  et  ea 
se  rappelant  le  nombre  assez  considérable  de  cas  où  la  cachexie  palustre  a  pré- 
paré de  longue  date  la  leucocythémie  splénique,  on  peut  aussi  répondre  non. 

On  voit  qu'il  y  a  des  cas,  et  ce  ne  sont  pas  les  seuls  que  nous  pourrions  citer, 
où  la  question  du  diagaostic  des  espèces  dans  la  leucocythémie  présente  des  difti- 
cultés  très-sérieuses. 

Peut-être  faudrait-il  s'en  tenir  à  la  constatation  des  faits  cliniques,  et  dire  que 
nous  ne  savons  pas  encore  bien  jusqu'à  quel  chilfre  la  proportion  des  globules 
blancs  peut  être  portée  dans  les  leucocythémies  symptomatiques,  et  que  celles-ci 
peuvent  être  sujettes  à  des  exacerbations  brusques,  comme  on  eu  a  constaté  sou- 
vent dans  les  cas  de  leucocythémie  idiopathique  les  mieux  caractérisés. 

Les  questions  que  nous  venons  d'agiter  pourront  paraître  bien  subtiles,  et  l'on 
peut  tout  d'abord  se  demander  quelle  utilité  il  peut  y  avoir  à  les  poser?  Nous 
allons  voir  cependant  qu'elles  ne  sont  pas  sans  importance  au  point  de  vue  du 
pronostic. 

Vil.  Pronostic.  D'après  ce  que  nous  avons  dit  de  la  terminaison  de  la  leuco- 
cythémie idiopathique  ou  à  forme  progressive,  le  diagnostic  de  cette  maladie  en- 
traîne un  pronostic  presque  fatal.  Nous  disom  presque,  parce  que  nous  ne  vou- 
lons pas  désespérer  de  l'avenir  de  la  thérapeutique  et  des  ressources  infinies  delà 
nature,  mais  si  l'on  s'en  tient  aux  faits  observés,  la  leucocythémie  progressive 
étant  une  fois  reconnue,  qu'elle  qu'en  soit  d'ailleurs  la  variété  ou  la  forme,  il 
faut  attendre  la  mort  dans  un  délai  plus  ou  moins  prochain.  Il  en  est  tout  au- 
trement des  leucocythémies  symptomatiques  :  elles  sont  temporaires,  elles  sont 
guérissables  si  la  maladie  qui  les'  a  occasionnées  est  elle-même  guérissable.  L'é- 
rysipèle,  la  fièvre  typhoïde,  la  dysenterie,  la  diphtliérie,  le  choléra  lui-même 
offrent  un  chiffre  considérable  de  guérisons.  Ici  c'est  avant  tout  la  mortalité  de  la 
maladie  principale  qu'il  faut  en'iisagcr.  Toutefois  l'apparition  de  la  leucocythé- 
mie dans  le  cours  d'une  maladii;  générale,  apporte  toujours  uu  pronostic  grave. 
Nous  avons  déjà  rapporté  l'opinion  de  M.  Bouchut  relativement  à  la  leucocythémie 
qui  se  montre  dans  les  angines  diphtbériques  :  la  dyscrasie  sanguine  indique  la 
résorption  du  poison  morbide,  et  la  généralisation  de  l'affection.  Selon  M.  Bou- 
chut, s'il  y  a  leucocythémie  sans  albuminurie,  le  pronostic  est  grave,  mais  il  est 
désespéré  s'il  y  a  à  la  fois  leucoi-.ythémie  et  albuminurie. 

Nous  avions  donc  tout  à  l'heure  un  intérêt  très-réel  à  rechercher  s'il  s'agis- 
sait  bien  toujours  d'une  leucocrythémie  progressive,  splénique  ou  lymphatique, 
qui  serait  fatale,  au  lieu  d'une  leucocythémie  symptomatique  qui  serait  suscep- 
tible deguérison.  Dans  l'observation  de  M.  Bauer  que  nous  citions  tout  à  l'heure 
par  exemple,  l'albuminurie  aiguë,  l'érysipèle  étant  déjà  guéries,  n'aurait-on  pas 
pu,  si  le  traitement  chirurgical  avait  pu  tarir  cette  suppuration  prolongée  de  la 
cuisse,  espérer  qu'on  guérirait  t.ussi  la  leucocythémie?  Il  est  vrai  que  le  chiffre 
élevé  des  globules  blancs,  plu»  de  50  pour  iOO,  était  une  circonstance  très-ag- 
gravante. Mais  dans  le  seconde  observation  deM.Gubler  où  nous  voyonsla  leucocy- 
thémie siunenir  brusquement,  à  une  période  avancée  d'une  cachexie  palustre, 
qui  présentait  encore  des  accès  de  fièvre,  ne  pouvait-on  espérer  la  guérison? 
C'est  sans  doute  un  cas  de  cette  nature,  qui  est  rapporté  par  le  docteur  Farre,  et 
qui  fut  observé  à  San  Bartliolomeivs  Hospiial.  {Tlic  Lancel,  1861,  vol.  II,  p. 
10.)  On  reconnut  une  leucocythémie  avec  une  hypertrophie  de  la  rate  consécu- 
tive à  une  intoxication  palustre,  le  malade  fut  traité  par  le  fer  et  le  quinquina, 
et  l'on  vit  disparaître  complètement  sa  tumeur  et  la  leucocythémie.  Evidemment, 


."i2  LEUCOCVTHÉMIE   (traitement). 

il  ne  s'agit  lu  que  d'une  leucocytliémie  symptomatiquc,  car  on  s'accorde  à  re- 
connaître que  dans  la  leucocytbémie  splénique  on  n'obtient  pas  la  diminution 
de  volume  de  la  rate  par  le  quinquina  administré  avec  la  plus  grande  persévé« 
rance. 

'  Toutefois,  comme  il  y  a  là  un  point  de  diagnostic  et  de  pathogénie  toujours  dou- 
teux, on  peut  concevoir  un  pronostic  moins  désespéré  dans  les  cas  de  leucocylhé- 
mie  splénique,  où  l'on  retrouve  avec  certitude  une  origine  palustre.  Le  chiffre  pro- 
portionnel des  globules  blancs  donnera  assez  bien  la  mesure  du  degré  d'espérance 
que  l'on  peut  conserver,  une  proportion  considérable  indiquant  une  cachexie  très- 
grave  que  la  thérapeutique  sera  le  plus  souvent  impuissante  à  modifier. 

Enfin,  la  leucocytbémie  progressive  et  fatale  étant  reconnue,  il  sera  toujours 
important  de  prévoir  à  peu  près  le  temps  pendant  lequel  pourra  se  prolonger  la 
vie  du  malade.  C'est  ce  que  l'on  pourra  apprécier  avec  le  tact  ordinaire  du  médecin 
par  l'aggravation,  et  surtout  par  la  continuité  des  principaux  symptômes  de  la 
cachexie,  de  la  diarrhée,  des  vomissements,  de  la  dyspnée,  ou  des  différentes 
complications  viscérales  qui  se  produisent.  11  suffit,  pour  cela,  de  se  reporter  à  ce 
que  nous  avons  dit  de  la  marche,  du  mode  de  terminaison  et  des  différentes  for- 
mes ou  variétés  de  la  maladie.  La  forme  bémorrhagique  indique  un  danger  plus 
immédiat,  une  terminaison  plus  rapide  que  la  forme  cachectique.  Dans  la  variété 
lymphatique,  on  peut,  en  dehors  de  toutes  les  autres  causes  de  mort,  craindre 
particulièrement  la  suffocation  par  compression  des  voies  respiratoires.  Enfin,  dans 
toutes  les  formes  et  dans  toutes  les  variétés,  il  faut  toujours  réserver  son  pronostic 
et  craindre  une  terminaison  r^apide  par  l'arrivée  d'une  de  ces  exacerbations,  dont 
nous  avons  parlé,  et  même  la  mort  subite  par  syncope. 

YIII.  Traînement.  Les  traitements  les  plus  divers  ont  été  appliqués  sans  succès 
à  la  leucocytbémie  progressive;  on  n'a  pas  encore  trouvé  de  traitement  curatif  de 
la  leucocytbémie  elle-même,  on  se  borne  h.  faire  la  médecine  des  symptômes.  Le 
champ  reste  donc  ouvert  à  toutes  les  tentatives  thérapeutiques;  toutefois,  il  y  a 
une  indication  qui  doit  dominer  tous  les  essais  que  l'on  pourra  faire  à  cet  égard, 
c'est  que  la  médication  doit  être  avant  tout  tonique  et  reconstituante. 

Les  émissions  sanguines  ont  été  employées  quelquefois  au  début,  les  premiers 
cas  que  l'on  a  rencontrés  (obs.  de  Craigie,  J842)  ayant  présenté  un  état  fébrile 
assez  marqué.  D'autres  médecins  ont  encore  employé  la  saignée  locale,  espérant 
résoudre  de  cette  façon  les  tumeurs  viscérales,  celle  du  foie  notamment  (observ. 
Oppolf  er ,  1 859 ),  ou  les  tumeurs  lymphatiques  enflammées  et  douloureuses .  Mais  il 
a  fallu  bien  vite  renoncer  à  cette  médication  en  présence  de  l'état  cachectique  des 
malades,  et  des  hémorrhagies  multiples  qui  tendent  à  se  produire.  On  peut  dire 
aujourd'hui  que  cette  méthode  doit  être  proscrite  avec  énergie,  et  qu'il  faut  être 
véritablement  avare  du  sang  de  son  malade. 

Les  médicaments  alcalins,  et  surtout  l'iodure  de  potassium,  ont  été  employés 
au  début,  dans  l'espérance  d'obtenir  la  résolution  des  hypertrophies  de  la  rate  et 
du  foie.  Cahen  a  eu  raison  de  critiquer  avec  une  certaine  véhémence  [Bull,  de  la 
Soc.  me'd.  deshôp.,  t.  Ill,  1856,  p.  71)  le  traitement  antirationnel  qui  avait  été 
infligé  à  un  des  malades  de  l'hôpital  de  la  Charité  de  Berlin  (obs.  du  nommé  Hans, 
Virch.,  Arch.,  t.  II,  p.  587).  Notre  confrère  des  bords  de  la  Sprée  avait,  en  effet, 
prodigué  sans  mesure  les  applications  de  sangsues,  l'iodure  de  potassium  poussé 
jusqu'à  produire  la  saturation  alcaline,  les  onctions  avec  l'onguent  napolitain,  les 
diurétiques,  tous  les  moyens  qui  étaient  de  nature  à  exagérer  la  dyscrasie  san- 
guine, à  débiliter  le  malade  et  à  provociuer  les  hémorrhagies.  Il  n'avait  vu  en  effet 


LEUCOCYTHÉîlIE   (traitement).  3i3 

qu'un  point  à  obtenir,  la  résolution  des  tumeurs,  mais  il  était  difficile  d'insli- 
tuer  uns  thérapeutique  qui  méconnût  i\  ce  point  les  indications  les  plus  for- 
melles :  n'allait-on  pasjusqu'à  appliquer  des  sangsues  dans  les  narines  pour  com- 
battre un  simple  symptôme,  la  céphalalgie,  chez  un  malade  qui  avait  auparavant 
présenté  des  épistaxis  si  graves  qu'il  avait  fallu  recourir  au  tamponnement? 

Bennett  et  Craigie  s'étaient  montrés  meilleurs  cliniciens  dès  leurs  premières 
observations  ;  s'ils  avalent  employé  l'iode  dans  l'espérance  de  résoudre  les  tumeurs, 
c'était  au  moins  l'iodnre  de  fer  qu'ils  avaient  prescrit.  Ce  médicament  paraît  en 
effet  la  seule  préparation  iodée  que  l'on  puisse  se  permettre.  Encore  faut-il  y 
mettre  une  grande  prudence,  et  en  borner  les  indications.  Ce  que  nous  savons  des 
lésions  de  la  rate  et  du  foie  doit  nous  laisser  peu  d'espérance  de  les  modifier  par 
le  traitement  ioduré.  Les  tumeurs  lymphatiques  sont  celles  qui  paraissent  indiquer 
lo  mieux  les  préparations  d'iode,  mais  il  résulte  des  faits  observés  jusqu'à  ce  jour, 
que  l'on  n'obtient  ordinairement  aucun  résultat  favorable,  et  que  si,  dans  quel- 
ques cas,  on  a  vu  diminuer  les  tumeurs  lymphatiques,  on  a  vu  en  même  temps, 
ou  s'aggraver  l'état  général,  ou  apparaître  des  accidents  viscéraux  (obs.  Grisolle 
et  Hémey;  obs.  Vigier).  Dans  un  cas  récent  (obs.  1869)  oià  nous  avions  diagnosti- 
qué une  adénie,  et  non  pas  une  leucocythémie  (l'examen  du  sang  avait  été  fait), 
nous  avions  cru  pouvoir  prescrire  une  petite  quantité  d'iodure  de  potassium. 
Quelques  jours  après,  des  épistaxis  avaient  lieu,  on  constatait  l'apparition  de  lu 
dyscrasie  sangnine,  et  nous  nous  liùtions  d'abandonner  une  médication  qui  pou- 
vait être  funeste.  On  voit  combien  il  faut  être  sobre  de  la  médication  iodurée, 
même  dans  les  cas  où  elle  paraîtrait  indiquée  par  les  tumeurs  ganglionnaires,  et 
comment  il  ne  finit  jamais  perdre  de  vue  l'état  général  du  malade  pour  sacrifier 
à  quelque  idée  systématique.  Le  bromure  de  potassium  a  été  employé  une  fois 
sans  succès  (relevé  de  M.  Vidal). 

Le  mercure  a  été  donné  à  l'iiitérieiir,  jusqu'à  salivation,  à  trois  malades  (même 
relevé).  On  l'aeznployé  également  en  onctions  exter-nes,  toujours  dans  l'espérance 
de  faire  fondre  les  tumeurs.  Ce  médicament  présente  des  inconvénients  analogues 
à  ceux  de  liodure  de  potassium  et  des  alcalins. 

Le  traitement  par  le  quinc[uiua,  et  le  sulfate  de  quinine ,  semblait  indiqué 
tout  naturellement  dans  la  leucocythémie  splénique  par  l'hypertrophie  de  la  rate 
et  du  foie.  Ce  traitement  a  été  employé  avec  une  grande  persévérance  par  un 
grand  nombre  d'observateurs;  9  fois  sur  52  (relevé  de  M.  Vidal)  on  l'a  donné  sans 
succès,  même  à  haute  dose. 

M.  Vigla  notamment  (obs.  Il,  donnée  in  extenso  par  M.  Vidal,  oiivr.  cité, 
p.  25),  a  donné  le  sulfate  de  quinine  à  la  dose  énorme  de  2  grammes,  28'', 50 
pendant  quinze  jours,  et,  ni  lui,  ni  les  autres  n'ont  vu  diminuer  la  rate  ou  le 
Ibie,  comme  on  le  voit  dans  l'intoxication  palustre.  Ce  tiaitement  est  également 
resté  sans  action  sur  les  autres  symptômes  et  sur  la  marche  de  la  maladie.  Ce 
n'est  donc  pas  le  sulfate  de  quinine,  ce  n'est  pas  le  médicament  antipériodique, 
antipalustre,  c'est  le  quinquina  en  nature,  le  médicament  tonique  qu'il  faut  em- 
ployer. Le  quinquina,  sous  toutes  ses  formes,  vin,  extrait,  poudre,  présentera 
toujours  la  plus  grande  utilité.  Il  soutiendra  les  forces  du  malade,  maintiendra 
les  fonctions  digestives  et,  enfin  dans  le  cas  où  la  maladie  reconnaîtrait  une  ori- 
gine palustre,  il  combattra  utilement  ce  qui  pourrait  rester  de  l'ancienne  intoxi- 
cation. Nous  avons  mentioimé  ci-dessus  l'observation  du  docteur  Farre,  où  le  trai- 
tement a  réduit  la  tumeur  splénique  et  guéri  la  leucocythémie.  Il  s'agissait  ici 
sans  doute  d'une  leucocythémie  symptomatiqne,  mais  on  peu*  souvent  espérer 


3i4  LEUCOCYTHÉMIE  (traitement). 

qu'il  en  est  ainsi,  et  l'on  ne  court  aucun  risque  en  appliquant  à  la  cachexie  leu- 
cocythémique  le  traitement  de  la  cachexie  paludéenne. 

Le  fer  est  certainement  indiqué  dans  la  leucocythémie  par  ses  propriétés 
toniques,  et  par  l'action  que  nous  lui  voyons  exercer  sur  la  crase  du  sang  dans  la 
chlorose.  Un  médicament  qui  semble,  comme  celui-là,  exercer  une  action  réelle 
sur  la  formation  des  globules  rouges,  ne  saurait  être  négligé  dans  une  maladie 
nù  ceux-ci  tendent  à  disparaître.  Le  fer  a  donc  été  donné  0  fois  sur  32  (relevé  de 
M.  Vidal),  et  depuis  par  plusieurs  observateurs.  Il  n'a  pas  guéri  la  maladie,  mais 
il  a  paru  plusieurs  fois  produire  de  bons  effets,  soutenir  les  forces  du  malade, 
diminuer  l'aspect  cachectique  (ohs.  de  Trousseau,  etc.).  Les  préparations  de  fer 
que  l'on  devra  préférer  sont  celles  qui  sont  d'une  assimilation  facile,  et  ne  déter- 
minent pas  de  troubles  digestifs,  comme  le  citrate,  le  phosphate  de  fer,  le  tartrate 
ferrico-potassique.  Enfin  lepercblorure  de  fer  est  indiqué  formellement  dans  les 
formes  hémorrhagiques,  et  doit  être  donné,  à  l'intéi'ieur,  à  la  dose  de  15  à  20 
gouttes  dans  une  potion  gommeuse,  et  à  l'extérieur  eu  applications  topiques  sur 
les  points  où  les  hémorrhagies  se  produisent. 

h' arsenic  a  été  employé  comme  tonique.  Oppolzer  administrait  la  liqueur  de 
Fowler.  Récemment  M.  Bourdon  donnait  l'eau  de  la  Bourboule.  Cette  médication 
a  échoué  comme  les  autres. 

Grisolle  semble  s'être  loué  des  bains  salés,  des  bains  sulfureux,  et  des  douches 
froides  :  celles-ci  notamment  ont  paru  faire  diminuer  les  engorgements  ganglion- 
naires. On  pourrait,  dans  cet  ordre  d'idées,  et  quand  la  cachexie  n'est  pas  encore 
trop  grande,  conseiller  les  eaux  salines  naturelles  de  Creuznach,  de  Nauheim,  de 
Salins  (Jura),  les  eaux  salines  et  sulfureuses  d'Uriage,  les  bains  de  mer,  ou  l'hy- 
drothérapie méthodique. 

Tous  les  symptômes  de  la  maladie  devront  être  combattus  pied  à  pied  à  me- 
sure qu'ils  paraîtront.  Les  hémorrhagies  seront  combattues  énergiquement  par 
le  perchlorure  de  fer,  le  seigle  ergoté,  les  applications  froides,  le  tamponnement. 
La  diarrhée  colliquative  par  le  bismuth,  les  astringents,  le  tannin,  la  ratanhia, 
les  opiacés. 

L'anorexie  sera  combattue  par  les  amers.  Les  vomissements  par  les  boissons 
glacées,  les  applications  narcotiques  sur  l'épigastre,  ou  les  vésicatoires  volants,  au 
besoin  par  l'ipécacuanha,  si  le  malade  présentait  des  signes  d'embarras  gastrique 
ou  d'ictère. 

La  constipation  ne  devra  être  combattue  qu'avec  précaution,  et  seulement  par 
des  lavements  ou  des  purgatifs  très-doux,  car  on  doit  toujours  craindre  de  provo- 
quer une  diarrhée  que  l'on  ne  pourrait  plus  arrêter.  Aussi  sera-t-on  fort  embarrassé 
parleshydropisies,par  l'ascite  notamment  ou  l'œdème  des  extrémités.  On  ne  peut 
guère  espérer  de  voir  disparaître,  sous  l'influence  des  purgatifs  hydragogues,  des 
épanchements  qui  sont  occasionnés  par  la  compression  directe  qu'exercent  sur  les 
veines  abdominales  des  tumeurs  volumineuses,  ainsi  que  par  la  gêne  de  la  circu- 
lation cardiaque  compliquée  d'une  dyscrasie  sanguine,  dont  l'un  des  éléments 
principaux  est  la  diminution  de  l'albumine.  Les  diurétiques,  le  nitrate  de  potasse 
notamment  ont  des  inconvénients  analogues  à  ceux  des  alcalins.  Les  bains  de  va- 
peur, les  fumigations  sèches  auraient  là  une  application  utile. 

Les  accidents  thoraciques  ne  pourront  pas  être  combattus  sans  ménagements 
par  le  tartre  sfibié.  La  digitale,  l'alcool,  les  vésicatoires  volants  devront  leur  être 
préférés.  Enfin  Mosler  a  pratiqué  avec  succès  la  transfusion  du  sang  chez  deux 
malades  épuisés  par  des  hémorrhagies. 


LEICOCYTUÉMIE  (iMiysioLociE  p.niioLOfi  ique).  5i5 

Eu  un  mot,  il  faut  traiter  tous  les  symptômes  graves,  toutes  les  complicatious 
siiivaut  les  règles  ordinaires  d'une  médecine  rationnelle,  sans  perdre  de  vue  un 
instant  1  état  général  du  malade  qui  exige  avant  tout  les  toniques  et  les  recon- 
stituants. 

L'hygiène,  une  habitation  bien  sèche  et  bien  éclairée,  des  vêtements  chauds, 
une  alimentation  substantielle  et  réparative,  des  vins  généreux  ont  une  impor- 
tance au  moins  égale  au  traitement  pharmaceutique.  Ce  poiirt  est  si  évident,  et  les 
indications  qui  en  découlent  sont  si  claires,  qu'il  est  inutile  d'insister  à  cet  égard. 
En  somme,  faire  très-attentivement  la  médecine  des  symptômes,  insister  surtout 
sur  la  médication  tonique,  sur  le  fer,  sur  le  quinquina,  sur  les  bains  salés,  ali- 
menter le  malade,  le  soutenir  par  des  vins  généreux,  du  café,  le  mettre  dans  les 
conditions  hygiéniques  les  meilleures,  telle  est  la  méthode  générale  à  employer 
dans  les  cas  de  leucocythémie  idiopathique  ou  progressive.  On  ne  guérira  pas  le 
malade,  mais  on  le  soutiendra  et  on  le  consolera. 

Quant  aux  leucocythémies  symptoraatiques,  c'est  avant  tout  la  maladie  pi'iiiri- 
pale  qu'il  faut  traiter.  Mais  la  leucocythémie.,  qui  s'ajoute  aune  affection  le  plus 
ordinairement  grave,  est  par  elle-même  une  indication  formelle  de  préférer  les 
médications  toniques  iî  toute  autre  méthode. 

IX.  Théories  de  la  leucocythémie,  physiologie  pathologique  ou  patho- 
génie. Les  premiers  médecins  qui  ont  rencontré  des  faits  de  leucocythémie  n'ont 
pas  songé  à  faire  de  théorie;  ils  les  ont  signalés  comme  des  raretés,  ils  ont  tout 
au  plus  cherché  une  explication  applicable  au  cas  particulier  qu'ils  envisageaient, 
mais  ils  n'ont  pas  cherché  une  loi  générale.  Nous  parlons  bien  entendu  des  cas  de 
leucocythémie  véritable  telle  que  nous  la  couHaissous  aujourd'hui,'  et  non  pas 
des  cas  de  sang  blanc,  ou  chyleux  pour  lesquels,  depuis  Haller,  on  avait  au  con- 
traire cherché  une  interprétation  physiologique.  {Voy.  la  note  2  de  la  page  285). 

Craigie  est  le  premier  qui  cherche  à  faire  une  théorie  ;  mais  pour  lui  les  con- 
crétions blanchâtres  sont  du  pus  :  il  combat  l'idée  de  phlébite  généralisée,  mais 
il  croit  il  une  infection  purulente  ultime  :  c'est  la  pénétration  du  pus  mêlé  de 
lynqshe  dans  le  sang  qui  a  déterminé  la  fièvre  et  la  mort.  D'où  vient  ce  pus?  à 
peine  peut-on  signaler  quelque  point  enflammé  du  côté  de  la  veine  mésaraïque. 
Mais  la  rate  est  le  siège  d'une  inflammation  chronique,  et  c'est  elle  que  Craigie 
croit  pouvoir  mettre  en  cause.  Pourtant  il  n'y  avit  pas  d'abcès  de  larate;  etdans 
d'autres  cas  où  il  y  avait  suppuration  de  cette  glande,  on  n'a  pas  vu  le  pus  se 
mêler  au  sang.  Ici  survient  une  théorie.  L'auteur  invoque  le  rôle  physiologique  de 
la  rate,  c'est  un  organe  érectile,  où  se  produisent  des  congestions  physiologiques 
revenant  périodiquement  ;  organe  très-riche  en  réseaux  veineux  dont  les  orifices 
béants  sont  aptes  à  entraîner  les  produits  pathologiques.  La  suppuration  de  la  rate 
est  très-rare,  peut-être  parce  que  le  pus  est  rapidement  emporté  après  sa  forma- 
tion, et  promptement  détruit.  Dans  le  cas  présent,  il  s'est  produit  tant  de  pus 
qu'il  y  a  eu  accumulation  dans  la  veine,  et  qu'il  n'y  a  pas  eu  de  dépuration. 
{Edinb.  med.  and.  surg.  joiirn.,  1845,  t.  LXIV,  p.  400  et  suiv.)  11  y  a  là  un  fait 
important,  c'est  la  relation  établie  entre  la  maladie  de  la  rate  et  l'altération  du 
sang,  mais  on  voit  combien  l'auteur  est  embarrassé  pour  expliquer  la  production, 
et  surtout  l'accumulation  de  ce  qu'il  croit  être  du  pus. 

Dcnnett,  dans  la  même  publication  (son  observation  et  celle  de  Craigie  ont 
paru  en  même  temps),  croit  aussi  à  l'inlcction  })urulente,  mais  il  n'est  guère 
moins  embarrassé  pour  l'expliquer.  11  ne  reconnait  pas  d'inflammation  récente, 
pas  d'abcès  locaux,  mais  il  croit  que  du  pus  peut  se  produire  dans  la  masse  du 


540  LEUCOC\'TIIÉMIE  (physiologie  pathologique). 

sang,  qu'il  peut  se  former  dans  un  blastème  du  Uquor  sangidnis.  Il  cite  Bichat, 
Ribes,  Gendrin,  Andral,  Bouillaud,  Carswell,  comme  ayant  affirmé  la  présence 
possible  de  matière  purulente  dans  le  sang  indépendamment  de  toute  inflamma- 
tion locale  ou  de  tout  abcès.  Il  est  vrai  qu'on  n'avait  pas  vérifié  la  nature  réelle 
de  cette  matière  purulente.  Gulliver  a  le  premier  décrit  ces  concrétions  blanches 
comme  de  la  fibrine  ramollie.  D'autre  part,  les  leucocytes  du  sang  ressemblent 
étroitement  à  du  pus,  d'où  quelques  auteurs  i-écents  ont  conclu  que  les  corpus- 
cules du  pus  étaient  tout  simplement  un  élément  normal,  et  que  les  collections 
intravasculaires  trouvées  après  la  mort,  de  matière  en  apparence  purulente  ne 
sont  que  des  caillots  ramollis  et  sans  couleur.  Mais  dans  son  observation,  il  s'agit 
de  véritable  pus  {voy.  Historique);  il  n'a  pas,  il  est  vrai,  examinéle  sang  pendantla 
vie,  mais  c'est  le  passage  du  pus  dans  le  sang  qui  a  déterminé  la  fièvre  ;  il  ne  peut 
dire  oii  il  s'est  formé,  car  il  n'y  a  pas  d'inllaramation,  d'autre  part  il  ne  croit  pas 
ù  l'hémite  de  M.  Piorry,  mais  il  croit  à  une  transformation  de  blastème  dans  tout 
le  système  et  invoque  les  théories  chimiques  qui  ont  été  émises  avant  lui  sm-  la 
fièvre  et  les  maladies  infectieuses.  [Edinb.  med.  and  surg.  journ.  1845,  t.  LXIV, 
p.  413  et  suivantes,  remarques  sur  les  observations  citées.)  Il  est  difficile  de  voir 
dans  toutes  ces  idées  une  théorie,  l'auteur  se  débat  pour  expliquer  des  faits  en 
debors  de  tout  ce  qui  est  connu,  mais  il  n'a  la  conception  d'aucune  loi  précise. 

M.  Donné,  dès  l'année  1844,  est  beaucoup  plus  près  de  la  vérité  et  entrevoit 
une  théorie  véritable  :  l'altération  du  sang  consiste  dans  une  augmentation 
des  globules  blancs  normaux ,  et  cette  augmentation  morbide  est  la  consé- 
quence d'un  trouble  dans  la  genèse  des  globules  rouges  ,  dans  un  arrêt  de 
développement ,  qui  empêche  la  transformation  de  ces  globules  blancs  en  glo- 
bules rouges.  11  ne  met  pas  directement  la  rate  eu  cause,  mais  cette  influence 
résulte  complètement  de  ses  recherches  antérieures  sur  la  physiologie  de  la  rate  ; 
en  revanche,  il  considère  l'augmentation  des  globules  blancs  d'une  manière 
jilus  générale  que  Yirchow  ne  le  fera  ensuite,  il  l'attribue  à  un  trouble  de  toute 
réconomie,  portant  surtout  sur  la  nutrition  et  l'assimilation,  idée  plus  conforme  à 
celle  qui  tend  de  plus  en  plus  à  s'établir,  au  moins  parmi  nous.  On  verra  plus 
loin  [voij.  riisTor.iQUE)  comment  M.  Donné  serait  bien  plus  fondé  que  MM.  Benuett 
et  Craigie  à  revendiquer  la  priorité  de  la  découverte. 

Yirchow,  dès  son  premier  travail,  met  la  rate  en  cause  (i>Oî/.  Historique)  et  établit 
une  liaison  directe  entre  les  fonctions  physiologiques,  hématopoétiques  de  cet  or- 
gane et  la  maladie  spéciale  dont  il  entrevoit  l'existence.  Ses  mémoires,  qui  se  suc- 
cèdent rapidement,  forment  bientôt  une  doctrine,  une  théorie  analomo-physiolo- 
gique,  qui  subsiste  encore  aujourd'hui  et  réunit  encore  le  plus  grand  nombre 
d'adhérents,  sauf  à  en  retrancher  quelques  exagérations,  et  à  en  élargir  le  cadre. 
II  n'a  pas  de  peine  à  réfuter,  et  à  rejeter  dans  l'ombre  la  prétendue  pyohémie 
qu'ont  cru  voir  Craigie,  Benuett  et  Rokitansky.  Rappelant  les  travaux  de  Nasse, 
de  Remak,  vie  Henle,  de  M.  Donné,  il  établit  que  l'augmentation  des  globules  blancs 
se  produit  d'abord  dans  un  grand  nombre  de  circonstances  physiologiques  (gros- 
sesse et  abstinence)  ou  pathologiques  (fièvre  typhoïde,  inflammations,  pertes  de 
sang,  fièvre  palustre,  bydropisies,  phthisie  pulmonaire),  mais  que  la  rate  est  l'or- 
gane qui  préside  plus  particulièrement  à  l'élaboration  des  corpuscules  du  sang  ; 
cependant  son  avulsion  ne  produit  pas  la  leucémie.  II  combat  d'abord  l'idée  de 
Ciesker,  que  dans  la  rate  ce  sont  les  corpuscules  deMalpighi,  qui  sont  plus  parti- 
culièrement rehés  au  réseau  lymphatique.  Yirchow  compare  la  circulation  de  la 
rate  à  celle  du  placenta,  Dans  celui-ci,  il  existe  de^ix  systèmes  vasculaires,  celui 


lEUCOGYTHKMIE  (physiologie  pathologique).  5i7 

de  la  mère  et  celui  du  fœtus,  sans  communication  directe,  et  cependant  l'échange 
de  l'hématose  se  fait  entre  eux  à  travers  les  membranes  perméables.  Dans  la  rate, 
les  corpuscules  de  Malpighi,  capsules  closes,  reçoivent  de  même  une  partie  du 
sang  par  endosmose,  et  rendent  à  leur  tour  au  sang  des  produits  nouveaux 
(noyaux  endogènes  et  cellules).  On  peut  en  dire  autant  de  toutes  les  glandes 
agglomérées,  qui  paraissent  avoir  de  l'influence  sur  le  développement  des  glo- 
bules blancs  et  leur  changement  en  globules  rouges.  Le  liquide  qui  en  sort 
est-il  de  quelque  importance  pour  le  développement  du  sang;  par  exemple, 
pour  la  transformation  des  corpuscules  incolores  en  globules  rouges  ?  il  s'ensui- 
vrait que  les  maladies  qui  amènent  un  changement  réel  dans  ces  relations  de  dif- 
fusion, doivent  être  aussi  d'une  grande  importance  pour  la  formation  du  sang. 
(Virciiow,  Pr.  Ver.  medic.  Zeitung;  Weisshlut  und  Mihtmnor,  \S\Q,  repro- 
duit dans  Gesamm.  AbhandL,  2^  mémoire.)  Cette  idée  est  encore  spéculative,  mais 
on  pourrait  invoquer  les  cas  de  Bennett,  de  Rokitansky,  et  d'Oppolzer  où  des 
altérations  des  glandes  lymphatiques  ont  coïncidé  avec  celle  de  la  rate  et  du  foie. 

Du  reste,  dans  son  troisième  mémoire  (1847),  Virchow  va  être 'beaucoup  plus 
affirmatif  cà  cet  éoard. 

La   distinction  des   deux  formes  de  leukémie   lymphatique  et   splénique  a 
fourni  à  Yircho\Y  des  arguments    pour  étendi-e  et  généraliser  sa  théorie.  Cette 
distinction  montrait  en  elfet  que  la  dyscrasie  sanguine  était  sous  la  dépendance 
de  la  lésion  de  certains  organes  déterminés.   Elle  apportait  à  la  physiologie  du 
sang,  cette  notion  importante,  que  le  rôle  de  la  rate  et  des  glandes  lymphatiques 
dans  l'hématose,    rôle  énoncé  si  souvent   d'une  manière  hypothétique ,   était 
positivement  confirmé.  (Virchow,  Archiv.,  t.  I,  p.  571,  et  Gesamm.   Ablumdl., 
p.  198.)  Car  comment   expliquer  autrement  que  par  une  relation  de  cause  à 
effet,  ces  observations  où  l'altération  du  sang,  chargé  d'éléments  tantôt  spléni- 
ques  tantôt  lymphatiques,  coïncidait  dans  chaque  cas  avec  des  lésions  de  la  rate  ou 
des  glandes  lymphatiques.  Griesinger  était,  il  est  vi^ai,  arrivé  à  la  conclusion  que 
la  tumeur  de  la  rate  était  consécutive  à  la  leucémie,  et  qu'elle  se  produisait  par 
l'accumulation  des  cellules  incolores  dans  la  rate  ;  mais  il  n'avait  là-dessus  à  in- 
voquer que  ses  propres  observations,  qui  n'auraient  pas  dû  certainement  le  con- 
duire à  une  différence  d'interprétation  aussi  importante.  La  nature  consécutive 
du  changement  dyscrasique  du  sang  devait  au  contraire  ressortir  indubitablement 
de  la  possibilité  de  suivre,  par  une  observation  directe  pendant  la  vie,  les  progrès 
de  la  dyscrasie  sanguine  à  partir  du  début  de  la  lésion  viscérale.  Eh  bien  !  cette 
preuve  a  pu  être  donnée.  Déjà  Bennett  {On  Leiicocythemia,  p.  128)  avait  commu- 
niqué un  fait,  dans  lequel  un  hoamie  de  20  ans,  atteint  depuis  plus  de  quatre  ans 
d'iiyperlrophie  de  la  rate  et  du  foie,  ne  présentait  à  son  entrée  à  l'hôpital  aucune 
altération  morphologique  du  sang,  et  chez  lequel  on  vit  le    nombre  des  corpus- 
cules  blancs  augmenter  de  plus  en  plus  pendant  son  séjour  à  l'hôpital.   Vir- 
chow a  observé  de  môme  pendant  longtemps  à  partir  de  1852  un  sujet  de  51  ans, 
alieint  de  tumeurs  énormes  des  ganghons  cervicaux,  jugulaires,  axillaires  et  in- 
guinaux, tumeurs  molles,  indolentes,  qui  se  développèrent  lentement,  progressive- 
m:!)t  en  plusieurs  années  sans  que  l'examen  du  sang  révélàtaucune  altération  de  ce 
liipiide.  Deux  ans  après,  on  commença  à  trouver  une  augmentation  des  éléments 
blancs,  ot  surtout  des  globulins.  11  mourut  dans  l'été  de  1834,  sans  qu'on  put 
faire  l'autopsie,  les  glandes  s'étant  accrues  progressivement  jusqu'à  rendre  les 
mouvements  très-difficiles  et  à  produire  la  suffocation,  (Yirchow,  Archiv,  t.  V, 
p.  o90et  Gesamm.  Abhandl,  p-  4  95,^ 


3i8  LEL'COCYTHÊMIE  (physiologie  pathologique). 

Il  est  donc  certain,  pour  la  leucémie  splénique  aussi  bien  que  pour  la  forme 
lymphatique,  que  les  lésions  de  la  rate  et  des  glandes  lymphatiques  préexistent, 
qu'elles  peuvent  exister  des  mois  et  des  amiées  avant  que  l'altération  du  sang  se 
produise  et  la  nature  de  cette  dernière  dépend  de  celle  des  organes  affectés. 
D'autre  part,  il  ne  faut  pas  contester  que  l'importance  de  la  lésion  organique  n'est 
pas  en  rapport  constant  avec  celle  de  la  dyscrasie.  Car  il  y  a  des  tumeurs  très- 
considérables  de  la  rate  et  des  glandes  lymphatiques  sans  leucémie,  et,  réciproque- 
ment, il  y  a  des  leucémies,  très-caractérisées  dans  lesquelles  ces  lésions  locales 
sont  très-peu  développées.  C'est  ce  qu'on  peut  voir  très-manifestement  dans  une 
première  observation  de  Ilescbl.  (Virchow,  Archiv,  t.  VllI,  p.  553,  et  Gesamm. 
AbhandL,  p.  199.) 

Dès  ce  travail,  la  théorie  de  Yirchow  est  définitivement  fondée,  la  rate  d'une 
part,  les  glandes  lymphatiques  d'autre  part  sont  les  agents  de  l'hématopoèse,  et 
ce  sont  eux  qui  déterminent  l'augmentation  des  globules  blancs.  11  entre  même 
dans  des  considérations  de  détail  sur  la  stagnation  des  globules  blancs,  sur  leur 
accumulation  dans  le  cœur  droit,  les  gros  vaisseaux,  et,  dès  le  mémoire  précédent, 
il  a  émis  l'idée  que  cette  obstruction  des  vasculaires  du  cerveau,  de  l'intestin  et 
du  poumon  peut  être  la  cause  de  plusieurs  symptômes  de  la  maladie,  mais  il 
ne  le  démontre  pas.  {Gesam.  Abhandl.  p.  189.) 

Le  mémoire  de  Bennett,  qui  parut  en  1851,  ne  fait  que  développer  la  même 
tliéorie.  L'auteur  a  raison  de  i^evendiquer,  pour  les  physiologistes  anglais  Traili, 
Christian  et  Gulliver,  et  notamment  Goodsir  {Phil.  Transact.,  1848),  la  part  qu'ils 
ont  prise  à  la  connaissance  de  la  loi  de  formation  des  corpuscules  sanguins  et 
l'histoire  des  glandes  dans  la  vie  embryonnaire,  mais  il  est  moins  heureux  quand 
il  tente  de  réclamer  pour  lui-même  l'application  de  ces  notions  à  la  détermination 
de  la  maladie  nouvelle.  Cette  application,  il  l'a  faite  tardivement  [voy.  Historique), 
et  n'a  pas  eu  tout  d'abord,  comme  Yirchow,  l'intuition  d'une  maladie 
spéciale. 

La  théorie  de  Bennett  (1851)  invoque  du  reste  l'action  de  la  rate,  du  thymus, 
du  corps  thyroïde  et  des  glandes  mésentériques,  qui  sont  analogues  aux  premières 
par  leur  structure,  pour  former  les  noyaux  qui  entrent  dans  le  sang  par  les  vais- 
seaux lymphatiques.  L'hypertrophie  de  ces  divers  organes  peut  amener  une  plus 
grande  quantité  de  ces  cellules  à  noyaux  dans  le  sang,  et  la  formation  des  glo- 
bules colorés  peut  être  entravée  en  proportion  de  la  plus  grande  abondance  des 
globules  blancs,  lesquels  se  développent  aux  dépens  du  blastème  qui,  dans  d'au- 
tres circonstances,  aurait  formé  les  globules  rouges.  On  peut  aussi  supposer  que 
le  développement  normal  du  sang  est  troublé  par  une  cause  inconnue,  et  que  ces 
globules  blancs  ne  sont  autre  chose  qu'un  état  antérieur  de  développement,  un 
arrêt  de  développement  des  globules  rouges. 

La  théorie  de  Bennett  est  donc  à  peu  près  celle  de  Virchow  ;  l'auteur  anglais  est 
cependant  moins  affirmatif,  moins  tranchant  que  le  médecin  allemand  ;  ses  idées 
ont  un  caractère  plus  général,  plus  vague  peut-être,  et  se  rapprochent  davantage 
de  celles  de  M.  Donné. 

C'est  du  reste  par  erreur  qu'on  a  représenté,  dans  quelques  articles  de  critique  et 
d'histoire,  la  théorie  de  Benuett  et  la  théorie  de  Virchow  comme  deux  théories 
contradictoires,  invoquant,  l'une  la  suractivité  des  glandes  qui  forment  les  globules 
blancs,  l'autre  la  suractivité  de  la  rate  qui  détruirait  les  globules  rouges.  En  se 
reportant  au  texte  de  Virchow  [Gesamm.  Abhcmdl.,  3"  mémoire),  il  est  facile  de 
voir  qu'il  n'a  jamais  formulé  une  telle  théorie,  et  encore  moins  qu'il  ait  voulu  y 


LEUCOGYTHÉMIE  (riiYsiOLOciE  pathologique).  349 

attacher  son  nom.  Il  admet,  il  est  vrai,  une  action  semblable  de  la  part  de  la  rate, 
action  que  KoUiker  et  M.  Béclard  ont  cherché  à  établir.  La  présence  en  excès  des 
corpuscules  blancs  dans  le  sang  de  la  veine  splénique  peut  en  effet  reconnaître  cette 
cause,  «  mais  il  serait  vraiment  aussi  possible  qu'une  augmentation  absolue  des 
corpuscules  incolores  eût  lieu  dans  la  rate,  indépendamment  décela»  ;  plus  loin  il 
ajoute  :  «  aucun  fait  ne  prouve  que  les  globules  sanguins  puissent  se  transformer  en 
corps  blancs.  Toutes  les  transformations  des  globules  rouges,  quand  ils  se  déco- 
lorent, sont  de  nature  régressive,  et  ordinairement  liées  avec  la  formation  d'un 
pigment...  On  n'a  pas  plus  de  preuves  que  les  globules  blancs  puissent  se  l'ormer 
par  une  épigénèse  dans  le  sang  stagnant,  car  on  n'a  jamais  pu  saisir  des  produits 
intermédiaires  de  ce  développement,  produits  de  nouvelle  formation  que  l'on 
devrait  nécessairement  trouver.  »  {Gesamm.  Abhandl.,  p.  194.)  Ainsi  Virchow  ne 
paraît  pas  avoir  jamais  mis  en  première  ligne  l'action  destructive  exercée  par  la 
rate  sur  les  globules  rouges,  il  cite  même  un  cas  de  leucémie  oii  la  rate  était 
atrophiée.  En  tout  cas,  cette  idée  ne  reparaît  jamais  dans  ses  publications  ulté- 
rieures. C'est  au  contraire  l'excès  d'action  des  glandes  lymphatiques,  c'est  leur 
irritation  physiologique,  presque  mécanique,  qui  détermine  la  leucocytose,  et  qui, 
à  l'état  pathologique,  va  jusqu'à  produire  la  leukémie.  Que  cette  action  soit 
entravée,  que  la  glande  soit  détruite  par  l'inflammation,  et  cette  leukémie  cesse 
de  se  produire.  La  rate  elle-même  n'agit  que  par  ses  éléments  lymphoides,  par  les 
corpuscules  de  Malpighi.  Nous  avons  été  obligés  précédemment  {voij-  Leucocythémie 
sïmptomatique)  de  combattre  ce  que  cette  théorie  a  d'exclusif.  Ce  qui  caractérise 
essentiellement  l'école  de  Virchow,  c'est  la  prédominance  donnée  à  l'action  des 
solides  et  la  négation  des  altérations  primitives  des  liquides. 

Cetteidée  est  déjà  développée  longuement  dans  son  quatrième  mémoire  (Gesam»i. 
Abhandl.,  p.  212j.  Là  où  se  forment  en  général  les  corpuscules  blancs,  là  doit 
aussi  être  l'origine  de  ceux  qui  se  iorment  en  si  grande  masse  dans  la  leukémie. 
Dans  la  pyohémie  et  la  leukémie,  les  corpuscules  blancs  sont  les  mêmes  ;  il  n'y  a 
de  différent  que  l'hétérologie  de  leur  formation.  Tout  consiste  à  bien  établir  les 
Heux  de  formation.  Trois  hypothèses  sont  en  présence  :  ou  bien  les  globuie.?  blancs 
prennent  naissance  dans  le  sang,  ou  bien  ils  y  pénètrent  avec  le  chvle  et  la  lym- 
phe, ou  bien  ils  se  détachent  de  la  paroi  des  vaisseaux.  De  ces  trois  hypothèses, 
la  seconde  n'a  jamais  fait  de  doute,  car  avec  le  suc  du  canal  thoracique,  il  est 
certain  que  des  masses  de  cellules,  de  corpuscules  du  chyle  et  de  la  lymphe  doi- 
vent pénétrer  constamment  dans  le  sang.  On  n'a  donc  qu'à  se  demander  si  c'est  là 
l'origine  unique,  ou  s'il  en  existe  d'autres,  soit  dans  le  sang  lui-même,  soit  dans 
les  vaisseaux.  La  hbre  formation  de  cellules  dans  le  chyle  et  dans  la  lymphe  ne 
pourrait  guère  avoir  qu'un  seul  mode  de  formation  :  la  segmentation  des  corpus- 
cules préexistants.  Cette  segmentation  a  été  vue,  et  elle  commence  par  les 
noyaux  avant  d'arriver  à  la  segmentation  des  cellules. 

La  troisième  hypothèse,  celle  de  la  formation  des  globules  aux  dépens  de  la 
paroi  vasculaire,  par  une  sorte  de  desquammation  épithéliale  de  la  paroi,  a  été  dé- 
fendue par  Tigri,  par  Schrantz,  Wahlgren  et  Donders.  (Virchow,  Arch. ,  t.  V, p.  146.) 
Virchow  la  repousse  comme  fait  général,  tout  en  admettant  qu'elle  peut  se  pro- 
duire dans  quelques  cas  particuliers. 

Le  chyle  et  la  lymphe  doivent  donc  être  considérés  comme  la  source  régulière 
des  corps  blancs,  et  l'auteur  insiste  surtout  sur  cette  idée  fondamentale  qu'il  faut 
considérer  bien  moins  les  sucs,  les  liquides  de  l'économie,  que  les  organes  qui  les 
élaborent,  et  parmi  ceux-ci,  on  doit  compter  non-seulement  la  rate,  mais  aussi 


350  LEUCOGYTHÉMlt;  (i'hïsiologie  pathologique). 

tout  le  système  lymphatique,  et  mieux  encore,  tout  le  tissu  lymphoïde  eu  quelque 
lieu  qu'il  puisse  se  produire  par  hétérotopie.  Les  formations  lymplioïdes  patholo- 
giques sont  en  maint  endroit  déterminées  par  une  hypertrophie  rapide  des  cor- 
puscules du  tissu  conjonctif,  et  on  peut  invoquer  ce  fait  comme  un  nouveau  motif 
de  croire  à  la  liaison  de  ce  tissu  avec  les  lymphatiques.  «  Les  sucs  lymphatiques 
apportent  dans  le  sang  les  deux  parties  consécutives  les  plus  importantes,  la 
fibrine  et  les  corpuscules.  Mais  de  même  qu'il  y  a  un  état  antérieur  de  lu  fibrine, 
de  même  il  y  a  un  état  antérieur  des  corpuscules,  comme  le  prouvent  les  expé- 
riences où  l'on  voit  ces  corpuscules,  ou  les  glandes  elles-mêmes,  rougir  au  con- 
tact de  l'air,  ou  prendre  une  coloration  plus  foncée  :  cette  coloration  est  surtout 
visible  dans  les  ganglions  bronchiques  et  dans  la  pulpe  splénique;  seulement  tous 
les  corps  incolores  ne  sont  pas  capables  de  changer  leur  couleur  et  de  devenir 
des  corpuscîdes  rouges^  et  c'est  précisément  ce  fait  que  Virchow  considère 
comme  une  acquisition  réelle  due  à  ses  travaux.  Il  a  montré  d'abord  que  les  corps 
incolores  du  sang  peuvent  aussi  présenter  au  milieu  du  sang  la  transformation 
par  laquelle  les  cellules  subissent  leur  régression  régulière,  notamment  la  méta- 
morphose graisseuse.  {Abhandl.,^.  151, 165,  etirc/i.,  1. 1,  p.  144;t.  II,  p.  595.) 
Une  certaine  partie  se  détruit  donc  dans  le  cours  du  sang,  et  se  dissout  en  parti- 
cules graisseuses.  Une  grande  partie  commence,  presque  aussitôt  après  son  entrée 
dans  le  sang,  à  présenter  des  segmentations  de  noyaux,  et,  chez  plusieurs,  les 
noyaux  disparaissent  entièrement  à  mesure  qu'ils  deviennent  de  plus  en  plus 
petits,  de  sorte  que  les  cellules  se  montrent  analogues  aux  cellules  atrophiques 
du  pus  (cellules  pyoïdes,  corpuscules  d'exsudation).  Plus  tard,  vraisemblablement, 
celles-ci  se  dissolvent  aussi,  de  sorte  qu'il  n'est  pas  nécessaire  d'admettre,  connue 
Tigri  et  Griesinger  le  font  pour  la  rate,  une  stagnation  particuhère  des  corpu- 
scules blancs.  Les  corpuscules  incolores,  ajoute-t-il,  que  l'on  trouve  circulant 
dans  le  sang  so7it  des  cellules  simples,  non  spécifiques,  dont  la  transformation 
en  corpuscules  rouges  n'a  pas  lieu,  et  qui  montrent  ainsi,  dans  une  partie  con- 
stitutive du  soixig,  une  sorte  d'excédant,  ou  de  déchet  (Abfall).  La  transforma- 
tion des  corpuscules  lymphatiques  en  corpuscules  rouges  a  eu  lieu  déjà  plus  ou 
moins  tôt,  et  il  paraît  que  si  une  cellule  à  l'époque  oii  elle  arrive  dans  le  sang, 
est  développée  au  delà  d'un  certain  degré,  sa  métamorphose  spécifique,  colorée, 
devient  impossible.  Elle  circule  alors  quelque  temps  et  enfin  elle  se  détruit  par 
métamorphose  régressive.  On  comprend  dès  lors  facilement  que,  plus  il  y  a  de 
corpuscules  blancs  dans  le  sang,  moins  on  en  trouve  de  rouges,  et  le  renver- 
sement des  rapports  entre  la  quantité  des  corpuscules  sanguins  et  de  la  fibrine, 
s'explique  parce  qu'avec  la  fibrine  les  corpuscules  incolores  sont  également  aug- 
mentés, et  qu'ainsi  le  sang  possède  surtout  ime  nature  plus  lymphatique.  » 

Telle  est  en  résumé  la  théorie  que  Yirchow  a  formulé  d'une  façon  définitive 
en  1856,  et  qu'il  n'a  fait  que  confirmer  depuis  dans  ses  publications  ultérieures  : 
action  exagérée  des  glandes  hématopoétiques,  production  de  corpuscules  blancs 
moins  aptes  à  se  transformer  en  hématies.  On  a  vu  dans  l'article  Leucocytes  les 
objections  qui  peuvent  être  faites  à  cette  théorie  au  point  de  vue  anatomo-physio- 
logique^  Nous  avons  nous-même  montré  les  difficultés  qu'elle  soulève  au  point  de 
vue  chnique  {voy.  Espèces  et  variétés),  surtout  q\iand  il  s'agit  des  leucocythémics 
symptomatiques.il  est  juste,  toutefois,  de  reconnaître  qu'en  ce  cfui  concerne  la 
leucocythémie  progressive,  la  théorie  de  Virchow  est  celle  qui  répond  le  mieux 
à  la  généralité  des  faits,  à  la  condition  de  ne  pas  lui  donner  un  sens  trop 
absolu. 


LEUCOCYTHËMIË  (physiologie  pathologique).  5.51 

A  partir  des  travaux  de  Vircliow,  la  question  reste  à  peu  près  statioiiuaire.  Ce 
n'est  plus  seulement  la  rate  et  le  foie  qu'on  étudie,  c'est  surtout  l'hyperplasie 
des  éléments  lymphoïdes  que  ces  glandes  contiennent,  ce  sont  aussi  les  hétéroto- 
pies  de  la  substance  adénoïde,  de  sorte  que  la  leucocytliémie  lymphatique  tend 
jde  plus  en  plus  à  dominer  la  scène.  Friedreich  et  Bœttcher  notamment  approfon- 
dissent les  détails  relatifs  aux  tumeurs  des  poumons  et  de  l'intestin.  Bœttcher 
insiste  sur  l'influence  que  la  destruction  des  poumons  par  des  lymphomes  peut 
exercer  sur  la  transformation  des  leucocytes  en  empêchant  leur  oxygénation.  Si 
les  lésions  de  la  phthisie  n'amènent  pas  la  leucémie,  c'est  que  dans  cette  maladie 
les  glandes  lymphatiques  sont  atteintes  et  produisent  déjà  moins  de  leucocytes. 

MM.  OUivier  etRanvier  [Arch.  de  Brown-Séquard,  etc.,  1869,  livr.  de  juUlet). 
se  sont  beaucoup  occupés  dans  ces  derniers  temps  de  la  pathogénie  des  princi- 
paux symptômes  que  présente  la  leucocythémie.  Se  ralliant  d'une  manière  géné- 
rale à  la  théorie  de  Yirchow,  en  ce  qui  concerne  la  liaison  existant  entre  la  dys- 
crasie  sanguine,  et  les  hypertrophies  glandulaires,  soit  des  glandes  elles-mêmes, 
rate,  foie,  ganglions  lymphatiques,  ou  autres  organes  lymphoïdes,  soit  de  ces  tu- 
meurs, désignées  sous  le  nom  de  lymphomes  ou  de  hjmpha dénomes  qui  peuvent 
se  développer  au  milieu  d'organes,  ne  contenant  pas  normalement  de  tissu 
adénoïde  ;  ils  s'efforcent  cependant  de  distinguer  de  ces  tumeurs  d'autres  produc- 
tions morbides,  qui  n'ont  plus  la  structure  du  tissu  lymphoïde,  et  qui,  loin 
d'être  la  cause  de  l'augmentation  des  globules  blancs,  n'en  sont  que  les  effets  : 
tels  sont  les  infarctus,  les  accumulations  de  globules  blancs  dans  les  Iymj)hati- 
ques,  que  nous  avons  décrits  d'après  eux.  L'obstruction  des  vaisseaux,  leur  rup- 
ture par  distension  forcée,  explique ,  selon  ces  auteurs,  un  bon  nombre  des 
phénomènes  principaux  de  la  leucémie,  que  l'on  attribuait  trop  facilement  et 
sans  preuves  à  la  seule  diffluence  du  sang.  Ainsi  l'obstruction  des  capillaires 
cérébraux  déterminerait  d'abord  les  phénomènes  d'une  anémie  relative,  céphalal- 
gie, bourdonnements  d'oreilles,  obnubdations,  etc.,  souvent,  plus  tard,  de  la 
somnolence  et  un  véritable  coma.  Enfm  l'excès  de  tension  amenant  la  rupture 
des  vaisseaux  serait  la  cause  prochaine  des  hémorrhagies  cérébrales  ou  ménin- 


gées. 


La  dyspnée  trouve  peut-être  aussi  une  explication  directe  dans  l'accumulation 
des  globules  blancs  dans  le  système  capillaire  et  dans  les  hémorrhagies  miliaires 
{voij.  observ.  Blache,  Isambert  et  Robin,  1855,  etobs.  I  de  Ollivier  et  Ranvier 
1869)  plivtôt  que  par  le  refoulement  du  poumon  exercé  par  la  rate  et  le  foie 
hypertrophié,  comme  le  voulait  Trousseau.  En  effet,  à  volume  égal  de  la  rate  la 
dyspnée  serait,  selon  nos  auteurs,  plus  considérable  dans  les  cas  de  leucocythémie 
que  dans  les  cas  de  cachexie  palustre.  Dans  d'autres  cas,  la  dyspnée  peut  tenir 
au  développement  de  lymphadénomes  dans  le  tissu  ]Julraonaire  :  ces  lymphadéno- 
mes  ont  été  pris  souvent  pour  des  tubercules  ;  il  est  probable  qu'il  en  est  ainsi 
sur  plusieurs  des  12  cas  de  tubercules  (sur  98  observ.)  mentionnés  par  Ehrlich 
[Inaug.  Dissert.,  Dorpat,  1862)  et  que  Boettcher  (Virchow^  Arch.,  1866, 
t.  XXXVII,  p.  165)  a  considéré  comme  le  résultat  d'une  prolifération  du  tissu 
conjonctif  de  la  muqueuse.  A  côté  de  cette  pseudo-tuberculose  leucémique,  il  faut 
cependant  reconnaître  des  tubercules  véritables.  La  faiblesse  du  pouls,  selon  nos 
auteurs,  s'explique  aussi,  non-seulement  par  la  gêne  de  la  circulation  capillaire, 
conformément  aux  expériences  de  M.  Marey,  mais  aussi  à  l'altération  graisseuse 
du  muscle  cardiaque,  et  aux  hémorrhagies  interstitielles  qu'on  y  rencontre. 

L'obstruction  des  capillaires  explique  aussi  l'hypertrophie  des  gencives  et  des 


352  LEUCOCYTIIÉMIE   (nail-re). 

follicules  de  la  langue  que  ces  auteurs  ont  décrits  (v.  ci-dessus)  et  que  Mosler 
(1868)  a  décrit  à  toit  comme  une  stomatite  et  une  pharyngite  leucémique,  car  il 
n'y  a  là  ni  inflammation,  ni  ulcération,  ni  suppuration. 

Le  lyraphadénome  ulcéré  peut  être  aussi  la  cause  des  hématéraèses  et  des  hé- 
morrhagies  intestinales,  à  moins  que  celles-ci  ne  résultent  de  la  tension  des 
vaisseaux  et  de  leur  rupture. 

L'ascite  trouve  également  une  cause  directe  dans  l'oblitération  des  capillaires 
du  foie;  c'est  une  sorte  de  cirrhose  leucocythémique.  Pourquoi  l'ascite  n'est-elle 
pas  plus  fréquente  et  en  général  pas  très-intense?  C'est,  selon  nos  auteurs,  parce 
que  la  gène  de  la  circulation  capillaire  ne  porte  pas  seulement  sur  les  terminai- 
■  sons  hépatiques  de  la  veine  porte,  mais  encore  sur  ses  racines  gastro-intestinales; 
il  sa  fait  alors  une  sorte  de  compensation,  ou  d'équihbre  qui  n'a  pas  lieu  dans  la 
cirrhose  ordinaire,  oii  les  rameaux  du  foie  sont  seuls  malades. 

Les  lésions  des  reins,  que  l'on  a  souvent  décrites  comme  maladie  de  Bright 
dans  la  leucocythémie,  ne  sont  peut-être  bien  souvent  que  des  thromboses  capil- 
laires, et  des  infarctus  blancs,  tels  que  ceux  que  ces  auteurs  ont  décrits  {voy.  Anat. 
PATHoLOG.);  on  n'y  trouve  pas  de  signes  de  néphrite  ;  mais  les  lésions  décrites  et 
les  altérations  épithéhales  qu'ils  ont  constatéessuffisent  à  expliquer  l'albuminurie, 
et  même  l'hématurie  que  l'on  observe  quelquefois.  Peut-être  faudrait-il  y  joindre 
la  diminution  de  la  sécrétion  urinaii-e,  signalée  par  Mosler  (1866). 

Enfui  les  hémorrhagies  en  général,  ou  les  gangrènes,  peuvent  trouver  aussi  leur 
explication  dans  ces  thromboses  capillaires  leucémiques. 

Tout  cela  est  ingénieux,  trop  ingénieux  peut-être,  car  il  faut  nécessairement 
de  nouvelles  recherches  pour  voir  ce  qu'il  y  a  de  vrai  dans  ces  explications  méca- 
niques, dont  on  trouve  déjà  un  exemple  dans  le  travail  de  Magnus  Huss. 

Les  auteurs  nous  paraissent  tomber  dans  un  excès  contraire  à  celui  qu'ils  re- 
prochent à  leurs  prédécesseurs  ;  si  ceux-ci  donnaient  trop  aux  altérations  du 
liquide,  eux  donnent  trop  sans  doute  aux  lésions  du  solide.  Le  temps  et  des  ex- 
périences nouvelles  indiqueront  certainement  le  juste  milieu  qu'il  convient  de 
garder. 

X.  Kature,  rang  nosologique  de  la  leucocythémie.  Il  nous  reste  pour 
terminer  cette  étude  à  rechercher,  en  dehors  des  théories  anatomo-physiologiques 
que  nous  venons  de  passer  en  revue,  quelle  est  la  nature  de  la  leucocythémie  au 
point  de  vue  de  la  pathologie  générale,  et  quel  rang  il  convient  de  lui  assigner 
dans  la  nosologie.  La  leucocythémie  est-elle  une  entité  morbide?  Y  a-t-il,  du 
moins,  à  côté  des  leucocythémies  physiologiques  que  nous  avons  décrites,  une 
leucocythémie  véritablement  essentielle,  ou  bien  cette  altération  du  sang,  même 
avec  ses  lésions  viscérales  les  plus  caractéristiques,  avec  son  cortège  de  symptômes 
et  sa  marche  progressive,  ne  doit-elle  être  considérée  en  détinitive  que  comme  uu 
résultat,  comme  une  cachexie  terminale  dont  la  cause  doit  être  cherchée  autre 
part  ?  Chose  remarquable  !  voici  une  maladie  que  le  microscope  nous  a  fait  con- 
naître, une  altération  du  sang  qui  ne  pouvait  être  soupçonnée  sans  cet  instrument; 
l'histologie  nous  explique  en  détail  la  nature  auatomique  de  la  dyscrasie  san- 
guine; elle  va  plus  loin,  elle  pénètre  dans  les  lésions  viscérales  les  plus  intimes, 
elle  nous  signale  non-seulement  l'analogie  de  tous  les  organes  glanduleux  que  l'on 
rencontre  presque  constamment  en  connexion  intime  avec  l'état  spécial  du  sang, 
et  cependant,  elle  nous  laisse  dans  l'incertitude  au  moment  de  conclure,  et  c'est 
en  définitive  à  la  clinique,  à  la  pathologie  générale,  à  la  philosophie  médicale 
qu'appartiendra  le  dernier  mot,  ce  n'est  pas  au  microscope  !  Les  physiologistes, 


LEUCOCYTHÉMII':  (nature). 

les  micrographes  ont  admirablement  préparé  le  terrain;  le  plus  Imrdi,  le  plus 
original  peut-être  entre  tous,  a  dégagé  de  ces  connaissances  la  notion  d'une  ma- 
ladie spéciale  bien  caractérisée,  il  l'a  définie,  il  l'a  séparée  avec  soin  de  la  leuco- 
cytose,  c'est-à-dire  des  états  physiologiques  et  pathologiques  les  plus  analogues;  il 
en  a  donné  une  loi  patliogénique,  qui  représente  pour  la  majorité  des  cas,  la 
réalité  des  choses  dans  la  leucocythémie  progressive,  et  cependant  la  réponse  à 
noire  question  préalable,  l'essentiahté,  l'entité  de  la  leucémie,  ne  sort  pas  de  ses 
travaux.  C'est  aux  cliniciens,  c'est  aux  médecins,  préoccupés  des  questions  de 
pathologie  générale  que  nous  devons  la  demander. 

Nous  nous  sommes  attachés  depuis  le  début  de  cet  article  à  maintenir  au  nom 
de  leucocythémie  son  acception  la  plus  générale,  celui  d'une  altération  particu- 
lière du  sang  caractérisée  par  le  développement  insoUte  d'un  de  ses  éléments 
normaux.  Nous  nous  sommes  bornés,  au  point  de  vue  pratique,  et  pour  ne  pas 
rompre  l'unité  de  cette  conception,  à  n'en  marquer  les  divisions  et  les  variétés 
que  par  des  épithètes,  et  c'est  pour  cela  que  nous  avons  rejeté  le  mot  de  leucocij- 
tose,  pour  reconnaître  qu'il  existait  une  leucocythémie  physiologique,  et  des  leu- 
cocydrémies  pathologiques,  mais  temporaires  et  symptomatiqucs  d'un  assez 
grand  nombre  d'affections.  Pour  toutes  celles-là,  la  question  de  l'entité  morbide 
ne  saurait  exister  :  la  crase  sanguine  n'en  est  qu'un  épiphénomène.  La  question 
d'entité  ne  se  pose  que  pour  la  leucémie  de  Virchow,  pour  la  leucocythémie  chro- 
nique, progressive,  la  seule  qui  puisse  peut-être  mériter  le  nom  d'idiopathique. 
Il  s'agit  maintenant  de  voir  jusqu'à  quel  point  elle  mérite  ce  nom. 

Une  comparaison  fort  juste,  que  nous  avons  déjà  mentionnée,  a  été  faite  par 
MM.  Barlh,  Vigla,  etc.,  à  la  société  médicale  des  hôpitaux  [Bull,  de  la  soc.  rnéd. 
des  hop.,  1856,  p.  60).  Le  nom  de  leucocythémie  est  comme  celui  d'albuminurie  : 
il  indique  un  trouble  fonclionnel,  un  état  morbide,  communs  à  beaucoup  de  ma- 
ladies ;  il  y  a  des  albuminuries  rhumatismales,  scarlatineuses,  diphthériques, 
puerpérales  ;  mais  il  y  a  une  albuminurie  chronique  et  progressive,  la  maladie  de 
Bright.  11  y  a  des  asthmes,  il  y  a  des  épdepsies  symptomatiqucs,  mais  il  y  a  un 
asthme  essentiel,  une  épilepsie  essentielle  ;  il  y  a  des  ataxies  diverses  du  mouve- 
ment, mais  il  y  a  une  ataxie  locomotrice  progressive  ;  enfin,  pour  ne  pas  sortir 
des  altérations  du  sang,  il  y  a  des  anémies  diverses,  anémie  par  pertes  de  san^, 
anémie  des  mineurs,  anémie  saturnine,  anémie  des  tuberculeux,  mais  il  y  a  la 
chlorose,  sorte  d'anémie  essentielle. 

Qu'est-ce  donc  que  cette  leucocythémie,  progressive,  spéciale  ?  Est-ce  une  ma- 
ladie générale,  est-ce  une  maladie  spécifique,  est-ce  une  maladie  primitive,  n'est- 
ce  pas  plutôt  une  maladie  consécutive,  n'est-ce  pas  une  cachexie  terminale,  liée 
peut-être  à  quelque  diathèse  inconnue? 

La  leucocythémie  parait  bien  être  une  maladie  générale,  une  maladie  totius 
suhstantiœ,  non-seulement  parce  que  la  dyscrasie  sanguine  une  ibis  produite,  la 
plupart  des  organes  subissent  les  conséquences  de  l'état  du  sang,  mais  aussi  parce 
qu'il  est  le  plus  souvent  impossible  de  limiter  à  un  seul  organe  l'origine  de  cette 
dyscrasie  sanguine.  Si,  dans  quelques  cas,  la  rate  seule  semble  être  prise  au  début, 
il  est  bien  peu  d'observations,  dans  lesquelles  l'évolution  de  la  maladie,  ou  tout 
au  moins  la  nécropsie,  ne  nous  montrera  pas  la  lésion  d'autres  organes  que  leur 
peu  de  dévelopjiement  a  pu  soustraire  pendant  la  vie  à  nos  méthodes  de  diagnos- 
tic, mais  à  l'origine  desquelles-  il  serait  fort  difficile  d'assigner  une  époque  pré- 
cise. Du  reste,  la  connaissance  des  Icucocytliémies  symptomatiqucs  et  physiolo- 
giques nous  engage  tout  d'abord  à  attribuer  à  la  maladie  un  caractère  de  '^éiiéia- 
DICT.  EHC.  2°  s.    (I.  25 


354  lEUCOCYTUÉMlE  (nature). 

lité,  el  à  dire  qu'elle  intéresse  dès  le  début,  sinon  tous  les  organes,  au  moins  tout  un 
système  d'organes,  le  système  lymphatique,  tel  qu'on  le  comprend  aujourd'hui. 

La  leucocythémie  est-elle  une  maladie  spécifîqiie?  on  peut  répondre  non,  sans 
hésiter;  elle  ne  reconnaît  aucune  cause  spécifique  connue,  aucun  poison  morbide 
auquel  on  puisse  la  rattacher  ;  elle  n'est  ni  contagieuse,  ni  épidémique,  ni  endé- 
mique ;  elle  ne  paraît  pas  héréditaire  :  elle  manque  en  un  mot  du  caractère  fonda- 
mental des  mal  idies  spécifiques,  l'unité  de  cause.  Elle  n'a  pas  d'ailleurs  ni  incu- 
bation, ni  période  d'invasion,  ni  période  aiguë  ;  elle  ne  reconnaît  pas  davantage  de 
traitement  spécitlque. 

Pour  les  mêmes  motifs,  nous  pouvons  déjà  penser  que  la  leucocythémie  n'est 
pas  une  maladie  primitive  :  elle  n'a  pas  de  période  aiguë,  elle  n'a  pas  même  de 
début  que  l'on  puisse  affirmer  d'une  manière  positive.  Elle  n'a  pas  non  plus  de 
cause  cosmique,  ou  hygiénique,  à  laquelle  on  puisse  se  rattacher  avec  certitude, 
comme  par  exemple  le  scorbut,  avec  lequel  elle  a  pourtant  plus  d'un  rapport. 
Dans  la  grande  majorité  des  observations,  elle  a  été  précédée  d'une  maladie  plus 
ou  moins  éloignée  ;  quand  on  ne  reconnaît  pas  d'antécédents  pathologiques, 
c'est  qu'on  manque  de  renseignements  exacts  ;  enfin  quand  apparaissent  les  pre- 
mières hypertrophies  viscérales,  ou  ganglionnaires  qui  la  déterminent,  la  dyscrasie 
sanguine  n'existe  pas  encore,  on  a  beaucoup  de  peine  à  saisir  l'instant  oiî  elle 
apparaîtra,  et,  dans  les  cas  de  leucocythémie  retardée,  l'altération  du  sang  n'ap- 
parait  que  tout  à  fait  à  la  fin.  Concluons  donc  que  la  leucocythémie  est  toujours 
une  maladie  consécutive.  C'est  du  reste  ainsi  que  Virchow  l'envisage.  Quelles 
sont  les  maladies  auxquelles  la  leucocythémie  peut  succéder  ?  C'est  ce  qui  est  en- 
core mal  déterminé,  comme  on  l'a  vu  dans  notre  paragraphe  étiologie  ;  rappelons 
seulement  qu'on  a  invoqué  les  maladies  les  plus  diverses,  la  fièvre  typhoïde,  la 
puerpéralité,  le  cancer,  la  cirrhose,  la  maladie  de  Brigth,  la  syphilis,  la  scrofule, 
les  fièvres  palustres,  et  enfin  l'alcoolisme,  l'hypertrophie  splénique  et  les  hypertro- 
phies ganghonnaires. 

La  leucocythémie  progressive  ne  nous  apparaît  pas  seulement  comme  une  ma- 
ladie consécutive,  mais  aussi  comme  une  cachexie  fatale,  et  c'est  bien  dans  le 
groupe  des  cachexies  qu'il  faut  la  ranger  avec  Cahen,  avec  Legroux,  avec  M.  E* 
Barthez.  Or,  qu'est-ce  qu'une  cachexie? 

C'est  une  altération  profonde  de  la  nutrition,  avec  teinte  pâle,  appauvrissement 
du  sang,  langueur  de  toutes  les  fonctions,  c'est  l'épuisement  de  la  constitution, 
c'est  un  résultat  d'une  affection  morbide  antérieure  ou  de  lésions  qui  compromet- 
tent la  texture  des  principaux  organes.  C'est  une  déchéance  de  toutes  les  forces 
vitales,  une  dégénérescence  de  l'organisme  tout  entier;  mais,  si  c'est  la  résultante 
de  lésions  diverses,  ce  n'est  pas  une  cause  pathologique,  ce  n'est  pas  une  entité 
véritable. 

C'est  bien  avec  ce  caractère  général  que  nous  apparaît  la  leucocythémie  pro- 
gressive, mais  si  c'est  une  cachexie,  c'est  une  cachexie  spéciale.  Le  temps  n'est 
plus  où  l'on  pourrait  tenter  encore,  comme  Cahen  et  Fr.  Barthez  [Soc.  méd.  des 
hop.,  1856,  p.  55-59),  de  la  faire  rentrer  dans  la  cachexie  palustre.  On  peut 
également  répondre,  par  la  négation  la  plus  absolue,  à  la  question  que  posait 
alors  M.  Woillez,  et  à  laquelle  M.  Ernest  Barthez  semblait  bien  près  de  se  ranger 
(Ibid.,  p.  77);  la  leucocythémie  appartient-elle  à  toutes  les  cachexies?  On  sait 
parfaitement  aujourd'hui  que  l'altération  spéciale  du  sang  peut  survenir  à  la 
suite  de  plusieurs  maladies  très-différentes,  se  terminant  par  des  états  cachectiques, 
mais  que  ces  cachexies  diverses  existent  dans  la  grande  majorité  des  cas  sans  leu- 


LEljCULiïTllbMlli    (nature).  355 

cocythémie.  M.  Ern.  Barthez  établit  très-bien  que  «  cliacune  des  cachexies  que 
nous  connaissons  est  une  maladie  bien  déterminée  et  bien  distincte,  conséquence 
d'une  diatbèse  unique  ;  autrement  dit  :  à  une  diathèse  déterminée  correspond  une 
cachexie  aussi  bien  déterminée.  Ainsi  la  cachexie  tuberculeuse  est  la  conséquence 
de  la  diathèse  du  même  nom  ;  de  môme  pour  la  cachexie  cancéreuse,  ou  bien  encore 
les  intoxications  paludéenne  et  saturnine,  dont  la  nature  est  bien  déterminée, 
peuvent  être  suivies  de  cachexies  paludéenne  et  saturnine  tout  aussi  bien  déter- 
minées qu'elles.  En  effet,  chacune  de  ces  cachexies  a  ses  caractères  qui  lui  sont 
propres,  et  ne  se  confondent  pas  avec  ceux  des  cachexies  les  plus  voisines.  A  tel 
point  qu'un  praticien  un  peu  habitué  reconnaît  souvent,  au  premier  coup  d'œil, 
quelle  est  la  cachexie  qu'il  a  sous  les  yeux.  »  (Ibkl.,  p.  76.)  M.  Ern.  Barthez  ne 
reconnaissait  pas,  à  cette  époque,  de  caractère  spécial  à  la  cachexie  leucocythé- 
mique.  Mais  on  peut  être  plus  affirmatif  aujourd'hui.  La  leucocythémie  n'est  pas 
seulement  un  état  cachectique,  comme  le  serait  la  simple  dyscrasie  sanguine, 
c'est  une  cachexie  d'ensemble,  avec  lésions  multiples,  lésions  viscérales,  lésions 
ganglionnaires,  lésions  lymphoïdes  généralisées,  en  relation  constante  avec  la 
dyscrasie  sanguine,  qui  devient  elle-même  le  point  de  départ  de  lésions  nouvelles 
(infarctus,  hémorrhagies  interstitielles,  etc.). 

Mais,  suivant  la  remarque  très-judicieuse  du  professeur  Magnus  Huss,  de  Stock- 
holm (Afc/i.  gén.  de  méd.,  1857,  t.  lï,  p.  320),  s'il  y  a  quelque  chose  de  spécial, 
ce  n'est  pas  la  crase  du  sang,  c'est  la  lésion  organique  qui  lui  donne  naissance  : 
ce  n'est  pas  au  sang  que  le  nom  générique  devrait  appartenir,  c'est  à  la  rate  et 
au  système  lymphatique  ;  au  lieu  de  dire  leucocythémie  splénique  ou  lympha- 
tique, il  faudrait  dire,  splénopathie  leucocythémique,  ou  lympJwpathie  leucocy- 
thémique. 

Maintenant  quelle  est,  en  elle-même,  cette  splénopathie  ou  cette  lymphopathie  ? 
Y  a-t-il  là  les  éléments  d'une  maladie  spéciale? 

Faisons  encore  une  comparaison  :  une  lésion  mécanique  se  produit  à  l'un  des 
orifices  du  cœur,  à  l'orifice  mitral  si  l'on  veut.  De  là  découle  une  série,  eh  quelque 
sorte  nécessaire,  de  symptômes  et  de  lésions  :  entraves  apportées  à  la  circulation 
du  sang,  hypertrophie  compensatrice  du  cœur,  puis,  congestions  viscérales  diverses 
des  poumons,  du  foie,  productions  d'hydropisies,  altération  consécutive  du  fluide 
sanguin  lui-même,  etc.,  enfin  tout  cet  ensemble  que  Beau  a  décrit  sous  le  nom 
à'asystolie,  mais  qu'à  cause  de  la  relation  étroite  entre  une  lésion  déterminée 
et  le  cortège  symptomatique.on  est  fondé  à  appeler  maladie  organique  du  cœur 
insuffisance  de  l'orifice  mitral.  De  même  dans  le  rein,  une  lésion  spéciale  se  pro- 
duit, la  lésion  de  Bright,  et  à  la  suite  se  montre  l'albuminurie  permanente  les 
iiydropisies,  etc.,  ici  encore  ce  n'est  pas  seulement  une  cachexie  consécutive,  nous 
avons  le  droit  de  dire  :  maladie  de  Bright.  En  est-il  de  même  de  la  lympliopatliie 
leucocythémique? 

((  Il  ne  faut  pas  oublier,  dit  Magnus  Huss,  que  le  stade  qui  précède  l'augmen- 
tation du  volume  de  la  rate  (ou  des  glandes  lymphatiques),  et  qui,  même 
lorsque  cet  agrandissement  s'est  opéré,  précède  encore  le  moment  où  le  sauf^  va 
subir  l'altération  décisive  est  encore  à  connaître.  »  {Ihid,  p.  319.)  Et  en  effet 
Yirchow  et  son  école  ont  beau  préciser  les  lésions  et  en  généraliser  l'interprétation 
ils  ont  beau  arriver  à  montrer,  non  plus  l'hypertrophie  de  la  rate  ou  des  gan- 
glions, mais  l'hyperplasie,  et  quelquefois  l'hélérotopie  du  tissu  lymphoïde,  on  ne 
peut  pas  dire  encore  qu'ils  aient  montré  la  lésion  spéciale  qui  produit  à  coup  sur 
la  leucocvthémie. 


556  LEUCOCÏÎHÈMIE  (hisioiuque). 

L'histologie  n'a  pas  encore  dit  en  quoi  l'hypertrophie  simple  de  la  rate,  ou 
l'hypertrophie  paluslie,  lesquelles  ne  déterminent  pas  la  leucocythéniie,  diffèrent 
de  la  splénopalhie  qui  la  détermine  ;  en  quoi  les  glandes  lymphatiques,  qui  sont 
hypertrophiées  dans  la  scrofule,  et  surtout  dans  l'adénic,  diffèrent  de  celles  dont 
l'hyperplasie  détermine  la  leiicocythémie.  On  a  fait  quelques  hypothèses,  on  a  cru 
voir  que  dans  l'hyperfrophie  simple  le  stroma  de  la  glande,  son  tissu  conjonctif 
sont  surtout  développés,  tandis  que  dans  la  leucocythéniie,  ce  serait  surtout  le 
tissu  adénoïde;  mais  nous  pouvons  dire  qu'il  n'y  a  pas  encore  là  une  démonstra- 
tion acquise,  ni  un  fait  suffisamment  élucidé  et  accepté  de  tous. 

Voilà  ce  qui  manque,  selon  nous,  pour  élever  la  leucocythémie  au  rang  de  ma- 
ladie, pour  lui  faire  prendre  place  à  côté  de  la  maladie  de  Bright,  de  la  cirrhose 
du  foie;  mais,  dira-t-on  peut-être,  il  est  bien  des  maladies  dont  on  ignore  la  lésion 
véritable  et  la  cause  prochaine  :  l'épilepsie,  la  chorée,  l'hystérie;  sans  doute,  mais 
ce  sont  alors  des  maladies  primitives,  ayant  une  physionomie  propre,  un  début 
iixe.  Elles  n'ont  pas  ce  caractèi^e  de  déchéance  générale  de  l'organisme,  de  résul- 
tante ultime  et  ftitale,  qui  distingue  les  cachexies,  et  la  leucocythémie  progres- 
sive en  particulier.  En  attendant  de  nouveaux  progrès  de  la  science,  nous  ne  di- 
rons donc  pas  :  la  leucocythémie  est  une  maladie  spéciale,  nous  dirons  :  c'est  une 
cachexie  spéciale.  Maintenant  quelle  est  la  cause  première  de  cette  cachexie? 

Les  circonstances  étiologiques  ne  nous  apprerment  rien.  Qu'y  trouvons-nous  ! 
des  causes  banales,  des  antécédents  morbides  variés,  qui  n'ont  qu'un  seul  point 
commun,  l'influence  déprimante  ou  débilitante.  Ici  encore  il  faudra  peut-être 
admettre  une  prédisposition  particulière,  peut  èti'e  une  diathèse  spéciale?  mais 
rien  ne  nous  dit  encore  ce  qu'elle  peut  être.  Il  lui  manque  im  des  caractères 
apj'.arteuant  fréquemment  aux  diathcses,  l'hérédité.  De  plus,  les  diathèses,  avant 
leur  période  ultime,  cachectique,  se  sont  signalées  par  des  manifestations  primi- 
tives, souvent  par  des  produits  pathologiques  déjà  déposés  (tidiercule,  cancer)  ; 
ici,  nous  ne  savons  rien  de  semblable;  la  tumeur  lymphoïde,  si  l'on  adopte  entiè- 
rement la  théorie  de  Vircliow,  peut  bien  précéder  la  cachexie,  mais  nous  n'avons 
aucun  moyen  de  le  dire  à  l'avance,  de  |)réciser  son  point  de  départ.  La  diathèse 
est  cependant  encore  l'idée  de  pathologie  générale  à  laquelle  nous  nous  rallierions 
le  plus  volontiers. 

En  résumé,  et  pour  conclure  :  La  leucocythémie,  en  tant  qu'altération  du  sang, 
n'est  qu'un  symptôme  :  symptôme  transitoire,  dans  les  leucocythémies  temporaires 
ou  symptomatiques,  symptôme  permanent  dans  la  leucocythémie  progressive. 
Celle-ci,  en  tant  qu'état  morbide  caractérisé  par  des  lésions  viscérales  constantes 
et  un  ensemble  de  symptômes  propres,  est  une  cachexie  spéciale,  tenant  proba- 
blement à  une  diathèse  encore  inconnue,  frappant  spécialement  sur  le  système 
lymphatique.  Mais  son  existence  comme  maladie  idiopathique,  ou  comme  dia- 
thèse, est  encore  à  démontrer. 

XI.  HîssoB-îtasse.  La  leucocythémie  est  une  découverte  moderne,  contempo- 
raine même.  Elle  ne  pouvait  être  connue  avant  les  progrès  que  la  physiologie  du 
sang  et  les  recherches  microscopiques  appliquées  à  l'anatomie  pathologique  ont 
fait  faire  aux  sciences  médicales.  11  n'est  guère  douteux  pour  nous  d'ailleurs  que 
cet  état  morbide,  comme  toutes  les  cachexies,  a  dû  exister  de  tout  temps  et  est 
aussi  ancien  que  la  nature  humaine.  Virchow  rappelait  dès  son  premier  travail 
qu'Hippocrate  avait  déjà  signalé  une  relation  entre  les  maladies  de  la  rate  et  la 
jiroductiou  des  hémorrhagies,  et  que  ces  hémorrhagies  avaient  dû  dans  bien  des 
cas  être  liées  à  la  dyscrasic  sanguine  que  nous  éludions.  Userait  sans  doute  bien 


LEUCOCÏTHKMIE  (nisioniQUE).  357 

facile,  en  cherchant  dnns  les  anciens  auteurs,  de  retrouver  des  observations  de 
cachexie  splénique,  ou  lymphatique,  de  diathèse  hémorrhagique  ou  d'altérations 
du  sang,  que  l'on  pourrait  rapporter  à  la  leucocythéraie. 

Nous  sommes,  pour  notre  part,  fort  peu  séduits  par  ce  genre  de  recherches  dans 
le  cas  qui  nous  occupe,  parce  que  les  observations  que  l'on  pourrait  ainsi  recueillir 
ne  seraient  jamais  que  des  hypothèses  plus  ou  moins  [irobables,  et  que  la  leuco- 
cythémie  ne  peut  jamais  être  afQrmée  sans  l'examen  microscopique  du  sang. 
C'est  à  peine  si  nous  suivrons  Bennett  et  Yirchow  dans  les  recherches  rétrospec- 
tives qu'ils  ont  faites  à  cet  égard  ;  nous  avons  vérifié  la  plupart  de  ces  citations  : 
toutes,  elles  tombent  sous  le  coup  de  l'objection  préalable  que  nous  leur  adressions. 
Ces  observations  peuvent  être  rangées,  comme  l'a  fait  M.  Vidal,  en  deux  catégo- 
ries différentes  :  l°les  cas  d'hypertrophie  de  la  rate,  sans  fièvres  intermittentes 
antérieures  et  compliqués  d'hémorrhagies,  de  diarrhée,  d'état  cachectique  et  dé- 
terminant la  mort.  Tels  sont  les  faits  tirés  d'Hippocrate,  de  Celse,  de  Gahen,  de 
Rhazès,  deBartholin,  de  Blaës,  de  Blancard,  de  Schenke,  de  Morgagai,  de  Lieu- 
taud,  deBree,  de  Mead,  de  Grottanelh,  d'HehvigSchmidt,  d'Assolant,  d'Audouard, 
de  Reynaud,  de  Hodgkin,  de  Naumann,  de  Nivet,  de  Durand  (de  Lunel)  et  de 
M.  Linas.  Pour  toutes  ces  citations,  empruntées  pour  la  plupart  à  Bennett,  à  Vir- 
chow,  à  M.  Vidal,  à  M.  Leudel,  on  trouvera  plus  loin  {voy.  Bibmographie)  l'indi- 
cation de  celles  que  nous  avons  vérifiées,  et  dans  lesquelles,  il  faut  bien  le  dire, 
nous  n'avons  trouvé  ni  un  grand  intérêt,  ni  des  éléments  de  certitude  bien  suffi- 
sants. 2''  Une  seconde  catégorie  de  faits  rétrospectifs,  touchant  plus  directement  à 
notre  sujet,  comprend  les  cas  où  l'on  a  mentionné  une  altération  particulière  du 
sang,  analogue,  au  moins  quant  aux  caractères  physiques,  à  celle  que  nous  avons 
décrite,  qu'il  soit  fait  ou  non  mention  d'une  hypertrophie  de  la  rate,  du  foie,  ou 
des  glandes  lymphatiques.  Parmi  ces  observations  on  peut  citer  surtout  celles  de 
Morgagni,  de  Bichat  (1801),  de  Harless  (1816),  de  Velpeau  (1827  et  1828),  de 
Caventou  (1828),  de  Hodgkin  (18Ô2),  de  Legroux  (1853),  de  M.  Duplay  (1834), 
Nivet  (1838),  de  Livois  (1838),  de  M.  Andral  (1839),  d'Oppolzer  et  Liehmanu 
(1840),  de  Froriep  (J841),  d'Allen  Thompson  (1855),  de  Bricheteau  (1844), 
de  M.  Bouchut  (1844),  de  Bessières  (1845),  de  M.  Piorry  (1845-46).  Nous  ren- 
voyons aussi  à  notre  bibliographie  pour  la  désignation  précise  de  ces  différentes 
citations. 

Il  y  aurait  une  troisième  catégorie  d'auteurs  à  établir,  ce  serait  celle  des  phy- 
siologistes et  des  micrographes,  qui  par  leurs  recherches  sur  les  globules  blancs 
du  sang  ont  préparé  la  découverte  de  la  leucocythémie,  comme  Harless,  Henle, 
Remak,  Goodsir,  Gulliver,  etc.;  mais  cette  indication  doit  être  laissée  à  notre 
collaborateur  chargé  d'envisager  les  leucocytes  et  le  sang  au  point  de  vue  anatomo- 
physiologique.  Nous  nous  bornerons  à  signaler  ici  ceux  de  ces  auteurs  qui  ont 
entrevu  une  relation  entre  Ja  proportion  des  globules  blancs  du  sang  et  certains 
états  pathologiques,  comme  dans  les  Mis  que  nous  appelons  aujourd'hui  des  leu- 
cûcythémies  symptomatiques ,  et  nous  citerons  parmi  ceux-ci  Giesker  (1835), 
Nasse  (1830),  Gulhver  (1840),  Froriep  et  Gluge  (1841),  Remak  (1841),  Emmert 
(1842),  Alleu  Thompson  (1813),  Henle  (1844),  et  enfin  M.  Donné  (ijo?/.  Biblio- 
graphie). 11  nous  tardait  d'arriver  à  ce  nom,  car  avec  lui  commence  véritablement 
l'histoire  de  la  leucocythémie. 

M.  Donné  a  dès  1844  aperçu  et  décrit  le  véritable  état  du  sang  dans  la  leucocy- 
thémie, avec  une  précision  qui  nous  autorise  à  le  placer  immédiatement  avant 
Bennett  etVirchow  parmi  les  premiers  observateurs  de  la  leucocythémie. 


358  LEUCOCYTHÉMIE  (insioniQUE). 

Cherchant  à  résoudre  la  question  de  la  présence  du  pus  dans  le  sang  {Cours  de 
microscopie,  page  152),  il  dit  en  effet  :  «  Dans  certains  cas,  où  l'on  présumait 
que  du  pus  circulait  avec  le  sang,  soit  par  suite  d'une  résorption,  soit  par  suite 
de  l'inflammation  des  vaisseaux,  le  sang  m'a  offert  une  si  grande  quantité  de 
{jlobides  blancs,  c'est-à-dire  de  glohules  sphériques,  granuleux ,  incolores,  se 
comportant  avec  les  réactifs  comme  les  glohules  purulents,  que  je  croyais  avoir 
affaire  à  du  vérilable  pus,  et  être  en  droit  d'affirmer  que  le  microscope  pouvait 
réellement  servir  à"  reconnaître  la  présence  du  pus  dans  le  sang;  mais  en 
comparant  de  nouveau  ces  nombreu.x  globules  avec  les  globules  blancs  natu- 
rellement contenus  dans  le  sang  normal,  je  me  retrouve  dans  de  nouvelles  incer- 
titudes en  retrouvant  les  mêmes  caractères  physiques  et  chimiques   aux  uns 

et  aux  autres ne  s'agissait-il  donc  alors  que  d'une  simple  augmentation  dans  la 

quantité  des  globules  blancs  naturels  par  des  causes  que  nous  examinerons  tout 
à  l'heure  et  non  d'une  altération  par  le  mélange  du  pus  ?  C'est  ce  qui  reste  dou- 
teux pour  moi.  »  Et  plus  loin  {ibid.  p.  135,  de  Valtéraûon  des  globules  blancs), 
«  Il  y  a  donc  des  cas  dans  lesquels  les  globules  blancs  paraissent  en  excès  dans  le 
sang  ;  j'ai  vérifié  ce  fait  un  trop  grand  nombre  de  fois,  il  est  trop  évident  chez 
certains  malades  pour  que  je  puisse  concevoir  le  moindre  doute  à  cet  égard.  » 
Chez  un  malade  du  service  de  M.  Rayer  à  l'hôpital  de  la  Charité,  lequel  était  at- 
teint d'une  artérite  qui  affectait  spécialement  les  vaisseaux  des  membres  inférieurs 
avec  ecchymoses,  phlyctènes  gangreneuses,  etc.,  «  le  sang  présentait  une  telle 
quantité  de  globules  blancs  qu'en  raison  même  de  la  nature  de  son  affection, 
j'étais  porté  à  croire  que  le  sang  était  réellement  mêlé  de  pus  ;  mais  en  définitive, 
il  ne  me  fut  pas  possible  de  constater  une  différence  tranchée  entre  ces  globules 
et  les  globules  blancs.  Je  suis  plus  porté  à  croire  aujourd'hui  que  l'excès  des  glo- 
bules blancs  tient  plutôt  au  déraut  de  transformation  de  ces  globules  en  globules 
rouges,  à  une  sorte  d'arrêt  dans  l'évolution  du  sang,  qu'à  la  présence  de  globules 
d'une  nature  étrangère  comme  ceux  du  pus.  C'est  en  effet  chez  les  malades  affec- 
tés de  lésions  profondes,  affaiblis,  détériorés  par  un  travail  morbide  prolongé  qui 
jette  le  trouble  dans  toute  l'économie,  mais  surtout  dans  la  nutrition  et  l'assimi- 
lation, que  l'on  rencontre  ces  globules  blancs  en  excès.  La  surabondance  des  glo- 
bules blancs  n'aurait  rien  que  de  naturel  en  pareille  circonstance  ;  ce  ne  serait, 
encore  une  fois,  que  le  résultat  d'un  arrêt  de  développement  dans  ces  particules 
transitoires.  »  Un  peu  plus  haut  (ibid.,  p.  99),  il  avait  attribué  à  la  rate  la  fonc- 
tion de  transformer  les  globules  blancs  en  globules  rouges. 

Virchow  a  plus  tard  (Gesamm.  abliandl.^  p.  181)  rendu  justice  aux  travaux 
de  Donné.  En  lisant  en  effet  le  passage  que  nous  venons  de  transcrire,  on 
peut  se  demander  ce  qu'il  a  manqué  à  M.  Donné  pour  être  proclamé  auteur 
de  la  découverte  delà  leucocythémie?  C'est  de  n'avoir  pas  signalé  la  relation  de 
l'altération  sanguine  qu'il  décrivait  avec  des  lésions  viscérales  déterminées,  c'est 
d'avoir  laissé  de  côté  le  point  de  vue  chnique.  Et  cependant,  dès  1839,  il  avait 
observé  avec  M.  Barth  un  cas  de  leucocythémie  parfaitement  net  avec  hypertro- 
phie de  la  rate,  du  foie,  et  des  concrétions  sanguines  caractéristiques,  dans  les- 
quelles il  avait  au  microscope  reconnu  les  globules  blancs  en  proportion  très- 
exagérée.  Malheureusement  M.  Barth  ne  vit  là  qu'un  fliit  extraordinaire,  et  n'eût 
pas  la  conception  d'une  naaladie  nouvelle.  Il  négligea  de  publier  cette  observa- 
lion,  ainsi  que  la  note  que  M.  Donné  lui  avait  remise,  et  ce  ne  fut  que  beaucoup  plus 
tard  que  cette  observation  parfaitement  caractérisée  fut  citée  d'abord  par  M.  Leu- 
dct  en  1853,  puis  publiée  in  extenso.  {Soc.  méd.  des  liôp.,  1856,  p.  39.)  C'est 


LEUCOCÏTHÊMIE  (HisToniQUE),  5^9 

ainsi  que  les  deux  médecins  français  laissèrent  échapper  une  découverte  qu  ils 
tenaient  entre  leurs  mains,  l'un  pour  n'avoir  pas  su  la  relier  avec  des  observations 
cliniques  bien  déterminées,  l'autre  pour  n'avoir  pas  attaché  assez  d'importance 
à  l'altération  humorale,  que  M.  Donné  lui  signalait  dans  un  fait  clinique  parftute- 
ment  observé  d'ailleurs.  Mais  en  fait  de  priorité  scientifique  la  .publication  seule 
fait  foi;  M.  Donné  ne  serait  fondé  à  réclamer  que  la  priorité  d'une  appréciation 
exacte  de  la  dyscrasie  sanguine,  qu'il  a  décrite  en  1844  dans  son  Cours  de  micro- 
scopie,  et  du  rôle  de  la  rate  pour  former  les  globules  rouges.  {Ibid.,  p.  99.) 

La  connaissance  de  la  leucocythémie  ne  date  en  réalité  que  de  l'année  1845  et 
des  travaux  de  Bennett  et  de  Virchow  ;  comme  une  discussion  assez  vive  de  priO' 
rite  a  eu  lieu  pendant  plusieurs  années  entre  les  deux  professeurs,  il  faut  ici  pré' 
ciser  les  faits. 

A  ne  considérer  que  les  dates,  la  priorité  serait  au  médecin  anglais.  C'est  en  oc- 
tobre  1845  que  Bennett  publie  dans  leEdinburgh  viedical  and  surgicalJournal 
(vol.  LXIV,  p.  400)  son  observation,  qui  a  été  recueiUie  du  27  février  au  15  mars 
1845,  et  celle  de  David  Craigie,  qui  remonte  à  février  1841,  mais  qui  n'a  pas  été 
publiée  encore.  C'est  seulement  en  novembre  1845  que  Vircliow  insère  dans  les 
Froriep's  Notizen  (n°  780)  sa  première  observation  recueillie  du  l^""  mars  au 
51  juillet.  Mais  en  matière  de  découverte  médicale,  il  ne  faut  pas  considérer  seu- 
lement la  rencontre  fortuite  d'un  fait,  ni  même  la  description  exacte  des  lésions, 
ou  des  données  cliniques,  ilfautsmiout  envisager  l'inlerprétation  qui  en  a  été 
donnée,  la  relation  exactement  établie  entre  les  lésions  anatomiques  et  les  symp- 
tômes, et  surtout  la  conception  nettement  exprimée  d'uue  maladie  nouvelle,  diffé' 
rant  de  ce  que  l'on  connaissait  auparavant,  en  un  mot  la  notion  d'une  entité  mor^ 
bide  nouvelle  devant  prendre  son  rang  dans  la  nosographie,  et  nou  plus  celle  d'un 
cas  rare  exceptionnel  qui  se  trouve  en  dehors  des  faits  connus  de  la  pathologie. 
Voyons  qui  de  Bennett  ou  de  Vii^chow  a  le  mieux  rempli  ces  conditions. 

Le  titre  des  deux  observations  est  déjà  un  indice.  Bennet  intitule  son  travail  ; 
Deux  cas  de  maladie  et  d'hypertrophie  de  la  rate  où  la  mort  est  survenue  par 
suite  de  matière  purulente.  Virchow  intitule  le  sien  :  Sang  blanc  {Weisses  Blut). 
Bennett  et  Craigie  décrivent  exactement  l'altération  du  sang,  et  donnent  les 
caractères  physiques  de  ce  fluide  et  des  concrétions  blanches,  et  même  les  carac- 
tères microscopiques  des  corpuscules  blancs  du  sang,  ils  reconnaissent  la  relation 
de  l'altération  du  sang  avec  la  lésion  de  la  rate,  mais  pour  eux  les  corpuscules 
blancs  trouvés  dans  le  sang  sont  du  pus,  et  ils  s'évertuent  en  vain  à  en  trouver 
l'origine.  Craigie  croit  qu'il  provient  d'une  infiannnation  chronique  de  la  rate, 
Bennett  croit  qu'il  a  pu  se  former  dans  la  masse  du  sang;  mais  c'est  bien  du  véri- 
table pus.  ((  On  ne  peut  douter  de  l'existence  du  véritable  pus  {the  existence  of 
true  pus),  formé  dans  l'intérieur  du  système  vasculaire,  indépendamment  de  toute 
collection  purulente  locale  dont  il  aurait  pu  dériver;  »  et  plus  loin  :  «  On  ne  pour- 
rait le  conlondre  qu'avec  les  corpuscules  blancs  du  sang,  mais  je  ne  sais  aucun 
cas  où  ceux-ci  aient  été  trouvés  en  masse  pareille  ou  avec  cet  aspect.  »  11  invoque 
aussi  la  réaction  que  ces  corpuscules  donnent  avec  l'acide  acétique,  et  leurs  carac- 
tères microscopiques,  pour  les  distinguer  des  corpuscules  blancs  du  sang,  de  la 
lymphe  pyoïde  de  Lebert  (on  a  vu,  article  Leucocytes,  ce  qu'on  doit  penser  de  ces 
l'éactions),  et  il  conclut  que  rien,  dans  le  système  vasculaire,  ne  ressemble  aux 
globules  blancs  observés,  et  qu'ils  sont  par  conséquent  du  pus.  Ainsi  Craigie  et 
Bennett  ont  bien  décrit  les  caractères  physiques  et  microscopiques  du  sang,  ils 
ont  vu  la  relation  de  cette  altération  avec  la  maladie  de  la  rate,  mais  ils  ont  eixé^ 


500  LEUCOCVTIIKMII:;  (iiistoriquf.) 

sur  l'inter^îrétation,  ils  ont  cru  à  du  pus,  et  ils  n'ont  pas  du  tout  cherché  à  établir 
une  entité  morbide  nouvelle. 

Virchow,  commentant  sa  première  observation  [Froriep's  Notiz.,\%io,v.l^{^), 
tient  un  tout  autre  langage.  Comme  les  deux  médecins  anglais,  il  décrit  exacte- 
ment les  caractères  physiques  et  microscopiques  du  sang,  il  saisit  la  relation  qui 
existe  entre  l'altération  du  sang  et  l'état  de  la  rate,  il  y  rattache  les  épistaxis  qui 
ont  été  signalés  depuis  Hippocrate  dans  les  cas  de  tumeurs  de  la  rate.  Mais  à  l'in- 
verse de  Bennett,  il  ne  prend  pas  le  sang  blanc  pour  du  pus.  Ce  qu'il  a  vu  et  décrit, 
ce  sont  bien  les  corpuscules  blancs  du  sang,  ce  sont  les  corpuscules  lympliatiques, 
et  il  prononce  explicitement  leur  nom.  11  se  préoccupe  de  la  formation  insolite  de 
ces  corpuscules,  qui  lui  semble  difficile  à  expliquer  par  un  afflux  plus  grand  de 
ceux  que  pourraient  apporter  les  chylifères;  en  effet,  la  maladie  a  présenté  une 
diarrhée  grave,  et  l'on  ne  peut  supposer  que  les  chylifères  soient,  dans  cette  cir- 
constance, plus  riches  qu'à  l'état  normal.  Mais  ce  qu'il  affirme  bien  nettement, 
c'est  qu'il  ne  s'agit  pas  de  pus.  Il  discute  les  résultats  d'une  autopsie  faite,  la 
même  année,  par  Rokltansky  {Zeitsch.  der  K.  K.  Gesell.  cler  Aertzezu  Wien, 
4845,  t.  II,  p.  488),  intitulée  pyœmie,  et  déclare  que  la  présence  du  pus  ne  lui 
est  pas  démontrée,  bien  que  l'infiltration  purulente  de  quelques  parties  semble 
parler  en  ce  sens.  La  complète  identité  des  corpuscules  incolores  du  sang  et  des 
corpuscules  purulents  rendrait  tout  jugement  direct  impossible,  à  supposer  même 
qu'il  y  ait  eu  examen  microscopique  ;  mais  la  constitution  habituelle  du  sang  dans 
la  pyœmie  est  toute  autre,  et  caractérisée,  non  pas  par  la  présence  du  pus  dans 
le  sang,  mais  par  la  liquéfaction  et  la  destruction  de  ses  parties  constitutives  (Ver- 
flussigung  und  Zersetzung  der  Blutbestandtheile) ,  et  par  la  tendance  aux  exsu- 
dats  de  nature  purulente.  Ainsi  l'auteur  indique  très-bien  cette  doctrine,  si  bien 
mise  en  lumière  depuis,  que  ce  n'est  pas  la  présence  des  globules  blancs,  mais 
bien  un  ensemble  de  lésions  et  de  symptômes  qui  caractérise  l'infection  purulente, 
et  que  cet  ensemble  ne  s'est  pas  rencontré  dans  le  cas  qu'il  rapporte,  ni  dans 
celui  de  Rokitansky,  où  l'on  manque  d'ailleurs  entièrement  de  x'euseignements 
cliniques,  bien  qu'on  y  trouve  une  tumeur  splénique  et  une  coloration  blanche 
du  sang.  Quant  à  la  relation  de  la  crase  sanguine  avec  la  rate,  Virchow  rappelle 
que  des  observateurs  récents,  et  il  cite  M.  Donné,  ont  attribué  à  la  rate  une  influence 
particulière  sur  la  transformation  des  corpuscules  incolores  en  corpuscules  colorés. 
Mais  les  pertes  de  la  rate,  qu'on  a  observées  même  chez  l'homme,  n'ont  pas  donné 
lieu  à  l'excès  des  globules  blancs.  La  rate  malade  pourrait-elle  exercer  une 
influence  de  cette  nature?  Les  épistaxis  signalées  depuis  Hippocrate  dans  les  affec- 
tions de  la  rate,  devaient-elles  leur  existence  à  une  semblable  crase  du  sang?  Vir- 
chow appelle  l'alte^ition  des  observateurs  sur  ces  questions,  et  «  s'estimerait  heu- 
reux d'avoir  contribué  à  introduire  dans  la  science  un  fait  nouveau,  lequel,  selon 
lui,  ne  manque  pas  d'importance.  » 

Ainsi  dès  la  première  observation,  Virchow  a  donné  les  premières  notions  delà 
leucocythémie,  telle  que  nous  l'entendons  aujourd'hui  ;  il  a  reconnu  les  globules 
lancs  du  sang,  il  a  repoussé  l'idée  de  l'infection  purulente,  il  a  reconnu  le  rôle 
de  la  rate  en  rappelant  le  rôle  physiologique  qui  lui  est  attribué  pour  la  transfor- 
mation des  globules  blancs  en  globules  rouges,  il  a  mis  en  avant  l'idée  qu'un  état 
pathologique  de  cette  glande  pouvait  exagérer  la  quantité  des  globules  blancs 
normaux  du  sang  (et  non  pas,  comme  Craigie,  que  la  rate  enflanmite  versait  du 
pus  dans  le  sang),  il  a  indiqué  l'influence  que  la  crase  du  sang  pouvait  avoir  sur 
l'un  des  symptômes  principaux  de  la  maladie,  les  liémorrliagies  ;  enfin  il  signnle 


LErCOCYTHÉMir.  (insToi'.inur).  ?)6t 

un  état  patliologique  nouveau,  digne  de  fixer  rattenlion  des  observateurs.  Nous 
reconnaissons  dans  cet  exposé  tous  les  éléments  de  priorité  que  nous  réclamions 
plus  haut  et  que  Benhett  et  Craigie  n'ont  pas  pu  nous  fournir.  Les  extraits  que 
nous  venons  de  rapporter  de  leurs  observations  sont  très-explicites  à  cet  égard. 
Plus  tard,  il  est  vrai,  Bennett  a  pu  dire  que  les  globides  de  pus  et  les  globules 
blancs  du  sang  étaient  identiques,  et  que  celui  qui  les  avait  décrits  devait  avoir 
la  priorité  ;  mais,  au  moment  de  sa  première  publication,  il  était  loin  d'être  de 
cet  avis  ;  bien  moins  avancé  encore  que  M.  Donné  l'était  déjà  en  1844,  il  affir- 
mait que  les  corpuscules  blancs  n'étaient  pas  les  globules  blancs  normaux  du 
sang,  il  cberchait  à  les  différencier  par  des  caractères  microscopiqaes  et  cbimi- 
ques,  il  alléguait  surtout  leur  quantité  insolite,  argument  àvyà  présenté  par 
M.  Bouchut  en  1844,  et  il  concluait  à  la  présence  de  pus  véritable,  cherchant  en 
vain  une  explication  satisfaisante  de  la  formation  de  celui-ci.  Pour  nous,  la 
question  est  donc  jugée  en  faveur  de  Virchow,  comme  elle  l'a  été  très-judiciense- 
mcnt  en  1851  par  M.  Leudet  (Gaz.  hebdomad.  de  méd.  et  de  cliir.  Paris,  1851, 
p.  554)  ;  du  reste,  la  presse  anglaise  elle-même  a  fini  par  reconnaître  le  bon  droit 
du  médecin  allemand .  {Médical  Times  and  Gazette,  1861,  p.  550). 

La  suite  de  cet  historique  va  d'ailleurs  nous  montrer  le  développement  que 
Virchow  sut  donner  à  ses  idées.  En  1845,  Bessières  avait  donné  dans  le  Journal 
de  Médecine  de  Toulouse,  une  observation  qui  manquait  d'analyse  microsco- 
pique. En  1846,  John  FuUer  rapporte  une  nouvelle  ohserxAiion  {The  lancet, 
1846,  t.  II,  p.  45)  ;  il  note  également  l'hypertrophie  de  la  rate,  et  l'altération  du 
sang  qui  a  été  examiné  à  trois  époques  différentes. 

J.  Vogel  rapporte  dans  le  Canslalt's  Jahresbericht  une  observation  où  le 
diagnostic  a  pu  être  porté  pendant  la  vie. 

La  même  année  (août  et  septembre),  Virchow  reprend  la  question  dans  un  ar- 
ticlede  hPreussen-Verein  s  Medical-Zeitung  (1 846,  n°^54et  56,  et  1847,  janvier, 
n"^  5  et  4),  dans  un  travail  intitulé  ;  Weissblut  und  Milziumoren  (sang  blanc  et 
tumeurs  de  la  rate).  Discutant  les  observations  de  Craigie,  de  Bennett,  deFuller 
et  la  sienne,  il  démontre  de  nouveau  qu'il  n'y  a  pas  dans  ces  faits  de  pus,  ni 
d'hémite.  Puis  il  signale  des  faits  déjà  connus  dans  la  science  et  qui  lui  paraissent 
être  des  cas  de  leucocythémie,  ceux  de  Bichat  (1801),  de  Velpeau  (1827),  d'Op- 
polzer  et  Liehmann,  de  Rokitansky  (1845),  de  Caventou  (1828),  de  Wintinch 
(d'Erlangen),  de  Harless,  de  M.  Andral  et  de  Bricheteau.  [Yoij.  Bibliographie.) 
Il  développe  sa  théorie  des  globules  blancs,  et,  l'appuyant  sur  les  recherches 
antérieures  de  H.  Nasse,  de  Henle  et  de  M.  Donné,  il  indique  les  diiférentes  cir- 
constances physiologiques  ou  pathologiques  oiî  se  produit  l'augmentation  des 
globules  blancs  (grossesse,  diète,  pertes  de  sang,  pyrexies,  maladies  épuisantes). 
Dans  la  dernière  partie  de  son  mémoire,  il  fait  ressortir  la  constance  de  l'hyper- 
trophie splénique,  et  établit  l'influence  qu'elle  exerce  sur  la  crase  du  sang. 

En  1847,  Virchow  fonde  avec  Reinhard  le  recueil  intitulé  :  Archiv  fiir  patho- 
logische  Anatomie,  qu'il  continuera  seul  après  la  mort  de  son  collaborateur. 
Dans  le  premier  volume,  il  consacre  à  la  maladie  un  nouveau  travad,  oi\  il  lai 
donne  le  nom  de  leukœmie  (t.  I,  p.  565),  et  fait  pour  la  première  fois  la  dis- 
tinction entre  la  leukémie  splénique  et  la  leukémie  lymphatique.  Le»  Archives  de 
Virchow  vont  recevoir  désormais  presque  tou^  les  travaux  qui  jiaraîtront  sur  la 
leukémie.  Meckel  (II.)  publie  cependant  un  fait  nouveau  dans  le  Zeifsc/n'i/ï /«r 
Psychiatrie.  LçsArcltives  de  Virchovv  nous  présentent  encore,  en  1849,  un  nou- 
veau travail  de  Virchow   (t.  H,  p.  587);  en  1849,   une  observation  de  Vogel 


302  LEUCOCYTIIÉMÎE  (historique). 

(t.  III,  p.  570)  avec  examen  microscopique  du  sang  avant  et  après  la  mort  et 
avec  analyse  chimique;  en  1854  (t.  V,  p.  43),  un  nouveau  mémoire  de  Yirciiow 
où  l'auteur  formule  de  plus  en  plus  nettement  la  théorie  de  la  maladie  nouvelle. 
Ce  môme  volume  contient  les  travaux  de  Uhle  (p.  3,76),  une  observation  très- 
détaillée  avec  recherches  microscopiques  et  chimiques,  et  le  tableau  de  26  obser- 
vations publiées  jusqu'alors,  ainsi  qu'un  article  de  Griesinger  (p.  391),  intitulé  : 
Leukémie  et  pyémie,  où  l'auteur  combat  quelques  idées  théoriques  de  Yirchow 

Cependant  la  question  est  reprise  en  Angleterre  en  1848  par  une  seconde  ob- 
servation du  docteur  Fuller,  en  1850  par  Parkes,  qui  présente  une  nouvelle 
observation,  et  critique  le  nom  de  leukémie  donné  par  Virchow,  comme  prêtant 
à  la  conhision.  A  la  fin  de  la  même  année,  Bennett  présente  à  la  Société  médico- 
chirurgicale  d'Edimbourg  [Edinh.  med.  cliir.  Society,  séance  du  18  décembre 
1830)  un  mémoire  qui  devient  l'objet  d'une  courte  diseussion.  (Voy.  Monthly 
Journ.,  t.  XII,  p.  19.)  Le  mémoire  de  Bennett,  intitulé  On  leucocythemia  or  blood 
containing  an  unusual  niimber  of  coulourless  corpuscles  (de  la  Leucocythémie, 
ou  du  sang  contenant  un  nombre  inusité  de  corpuscules  incolores),  paraît  dès 
le  commencement  de  l'année  1851  dans  le  Monthly  Journal  of  Médical  Sciences, 
t.  Xîl,  et  se  poursuit  dans  les  deux  volumes  suivants.  (Voy.  Bibliographie.)  L'au- 
teur, après  avoir,  comme  Parkes,  critiqué  le  nom  de  leukémie,  et  proposé  celui 
de  leucocythémie,  réunit  toutes  les  observations  publiées  jusqu'à  ce  jour,  aux- 
quelles il  ajoute  un  certain  nombre  d'observations  nouvelles,  qui  lui  ont  été 
communiquées  par  différents  auteurs,  les  docteurs  Chambers,  Quain,  Hislop, 
Gairdner,  Wallace,  Drummond.  Il  trace  un  historique  où  il  indique  aussi  un 
grand  nombre  de  cas  pathologiques,  dus  à  d'anciens  auteurs,  lesquels  cas  sont 
très-probablement  des  faits  de  leucocythémie,  bien  que  le  manque  d'examen 
microscopique  ne  pei-mette  pas  de  l'affirmer.  11  oppose  à  ces  observations  les 
faits  où  la  rate  a  été  trouvée  hypertrophiée  sans  leucocythémie.  Enfin,  dans  un 
mémoire  consécutif,  pubhé  dans  le  tome  XIV  (1852),  il  étudie  les  fonctions  de  la 
rate  et  des  autres  glandes  lymphatiques  en  tant  qu'organes  sécréteurs  du  sang. 
Dans  l'exposé  de  sa  théorie  nouvelle,  il  n'est  plus  question  de  globules  purulents, 
ni  de  suppuration,  il  a  adopté  les  mêmes  idées  que  Virchow,  et  l'on  ne  voit  pas 
de  différence  sensible  entre  les  deux  théories.  {Voy.  ci-dessus.)  Tous  ces  travaux 
sont  réunis  en  mars  1852  dans  une  monographie  {On  leucocythemia)  assez 
étendue.  Dans  un  voyage  à  Paris,  fait  en  1851,  le  professeur  Bennett  avait  déjà 
exposé  ses  idées  dans  une  communication  à  la  Société  de  biologie.  {Compt.  rend, 
de  la  Soc.  de  biol,  1851,  l"'"  série,  t.  III,  l''"  partie,  p.  46.) 

Virchow  répond  à  Bennett  dans  ses  Archives,  t.  VI,  et  t.  VII  avec  une  grande 
vivacité  au  sujet  de  la  question  de  priorité. 

En  1852,  l'Amérique  fournit  à  la  question  l'observation  du  docteur  Addinel 
Hewson.  {Ajnerican  journal,  octobi^e  1852.)  Le  malade  aurait  guéri  par  l'usage 
des  toniques,  mais  le  fait  est  douteux. 

Ce  n'est  qu'en  1852  que  la  France  apporte  enfin  son  contingent  à  la  maladie  nou- 
velle, et  c'est  la  Société  de  biologie  de  Paris  qui  va  pendant  plusieurs  années  rece- 
voir les  principaux  travaux.  Le  docteur  Leudet,  le  premier,  présente  en  1852 
à  la  Société  anatomique  de  Paris  {Bull,  de  la  soc.  anat.,  1852,  p.  226)  le^ 
pièces  anatomopathologiques  d'un  sujet  mort  de  leucocythémie,  et  dès  le«  pre- 
miers jours  de  l'année  1855,  il  fait  de  ce  même  cas  l'objet  d'une  commuuicalion 
impoi^tante  à  la  Société  de  biologie.  {Soc.  de  biol.,  1853,  t.  V,  î"  partie,  p.  3.) 
Son  travail  comprend  une  observation  recueillie  avec  beaucoup  de  soins,  et  un 


LEUCOGYTHÉMIE  (historique).  3C5 

historique  très-bien  fait  de  la  question.  La  même  année,  MM.  Charcot  et  Robin 
présentent  à  la  même  société  une  nouvelle  observation,  très-circonstanciée,  ac- 
compagnée aussi  d'un  relevé  des  observations  antérieures. 

L'année  1854  voit  paraître  en  Allemagne  les  observations  de  M.  de  Pury,  ds 
Hescbl,  la  thèse  maugurale  de  Schreiber  et  l'article  du  professeur  Vogel  dans 
son  Handbuch  des  specieîlen  Pathologie  und  Thérapie. 

En  1855,  M.  Leudet  écrit  dans  la  Gazette  hebdomadaire  un  excellent  article 
de  critique  sur  la  leucémie,  et  MM.  Isambert  et  Robin  présentent  à  la  Société  de 
biologie  (8  décembre  1855)  les  études  microscopiques  et  chimiques  du  sang  d'un 
enfant  observé  dans  le  service  de  M.  Blache. 

Au  même  moment,  la  question  leucocythémie  est  portée  devant  la  Société  mé- 
dicale des  hôpitaux  de  Paris,  par  M.  Vigla  (12  décemb.  1855),  qui  présente  trois 
observations  et  l'exposé  de  ce  qu'on  sait  sur  cette  maladie  nouvelle.  Cette  commu- 
nication devient  l'occasion  d'une  discussion  qui  va  durer  six  séances  et  à  laquelle 
plusieurs  membres  apportent  leur  contingent  d'observations.  M.  Barth  donne 
enfin  in  extenso  cette  observation  recueilhe  en  18o9,  dont  le  sang  avait  été  étudié 
avec  tant  de  précision  par  M.  Donné,  et  qu'il  s'était  borné  à  citer  dans  son  cours 
d'anatomie  pathologique  sans  la  faire  imprimer.  M.  Woillez,  Goupil  (Ernest), 
Becquerel,  y  apportent  des  observations  nouvelles.  Le  nouveau  livre  de  Virchow 
{Gesammelte  Abhandhmgen) ,  qui  vient  de  paraître  à  Fi'ancfort  et  qui  donne 
le  dernier  mot  des  idées  de  Virchow,  éclaire  cette  discussion. 

Toutefois  la  leucocythémie  devant  la  Société  des  hôpitaux  est  envisagée  d'un 
point  de  vue  assez  différent  de  ceux  où  l'ont  placée  jusqu'à  ce  jour  les  médecins 
allemands  et  anglais.  Les  médecins  des  hôpitaux  de  Paris  s'occupent  beaucoup 
moins  des  détails  histologiques  et  des  théories  physiologiques  plus  ou  moins  hypo- 
thétiques qui  régnent  à  ce  sujet,  que  de  son  histoire  clinique  ;  ils  cherchent  sur- 
tout à  préciser  son  étiologie,  ses  symptômes,  sa  marche,  sa  thérapeutique,  et 
enfui,  ils  se  préoccupent  les  premiers  du  rang  qu'il  convient  d'accorder  en  patho- 
logie générale  à  la  nouvelle  maladie  :  est-ce  une  entité  morbide,  est-ce  une  ca- 
chexie commune  à  bien  des  maladies  diverses?  on  cherche  les  cas  de  leucocythémie 
sjmptomatique.  En  un  mot,  l'idée  clinique  et  philosophique  domine.  Si  quelques 
résistances  peu  justifiées  s'y  font  jour,  en  revanche  les  excellentes  remarques  da 
M.  Barthez  (Ernest),  de  M.  Barth  et  le  résumé  de  M.  Vigla  font  iaire  un  pas  no- 
table à  la  question. 

Pendant  que  cette  discussion  se  poursuit,  M.  Blache  présente  à  l'Académie  de 
médecine  (26  janvier  1856)  l'observation  d'un  enfant  dont  le  sang  a  été  étudié 
par  MM.  Isambert  et  Robin,  observation  qui  devient  devant  cette  assemblée,  peu 
préparée  à  la  recevoir,  l'occasion  d'une  discussion  confuse,  qui  sera  relevée  cjuel- 
que  temps  après,  en  termes  assez  peu  respectueux  parBennett.  {Edinh.  Med. 
Journal,  1856,  to  Ihe  editor,  etc.)  Le  cas  de  M.  Blache  avait  été  pris  eneflet,  par 
plusieurs  membres  appartenant  aux  sections  de  chimie  et  de  jiharmacie,  pour  un 
de  ces  cas  de  sang  laiteux  ou  chyleux,  dont  nous  avons  parlé  au  début,  et  cette 
confusion  n'est  redressée  que  par  quelques  académiciens,  qui  sont  en  même  temps 
membres  de  la  Société  des  hôpitaux. 

Malgré  cet  incident,  on  peut  dire  que  dès  l'année  1 856,  la  leucocythémie  a  pris 
droit  de  cité  en  France  ;  la  monographie  de  M.  Vidal,  et  un  article  critique  de 
M.  Schnepp  {Gaz.  médic.  de  Paris,  1856,  p.  199)  achèvent  d'éclairer  notre  public 
médical,  et  bientôt  les  observations  se  multiplient  en  France,  comme  ailleurs 
(obs.  de  Bossu  et  Tessier  de  Lyon,  1856,  obs.  deThierfelder  et  Uhle,  1856).  Signa- 


364  LKUCOCYrilfiMIK  {r,icr,io,;nAriiiE). 

]ons  vers  la  même  époque,  un  bon  article  inséré  dans  les  actes  de  la  Société  de 
Wi'irzbourg,  et  hititu\é Fragmeyits  -pour  servir  à  l'histoire  de  ïaleucémie,  lequel 
a  pour  collaborateurs  :  Bamberger  pour  la  partie  clinique,  Yircbow  pour  la  partie 
microscopique,  et  Scherer  pour  la  partie  chimique,  ainsi  que  le  travail  du  profes- 
seur Magnus  lîuss  (de  Stockholm),  qui  se  préoccupe  aussi  beaucoup  du  point  de 
vue  clinique.  (Arch.  de  méd.,  1857,  t.  Il,  p.  291.) 

Le  caractère  des  travaux  pubhés  à  cette  époque  est  surtout  de  préciser  davan- 
tage les  questions  de  détail,  de  chercher  à  pénétrer  de  plus  en  plus  dans  la  pa- 
thogénie et  la  physiologie  de  la  maladie.  Tels  sont  les  écrits  de  Friedreich  (1 857), 
de  Bœttcher  (1858),  de  M.  Leudet  (observ.  2%  Soc.  de  hiol. ,  1 858,  p.  79,  et  études 
des  lésions  viscérales  de  la  leucémie,  Gaz.  méd.,  1858,  p.  745),  du  professeur  Op- 
polzer  (1858)  et  de  MM.  Vidal  et  Luys  [But.  de  la  soc.  anat.,  1857,  p.  355)  et 
notre  observation  de  1858.  (Soc.  de  Mol..,  p.  183.) 

L'Italie  fournit  enfin  son  contingent  par  les  observations  des  docteurs  de  Mar- 
tini (1857),  et  R.  Mattei  (1858),  et  l'Amérique  une  observation  du  docteur  de 
Bauer  (1859). 

En  1859,  M.  Gubler  .signalait  des  faits  cliniques  curieux  au  point  de  vue  de  la 
place  qui  doit  leur  être  attribuée  en  nosologie  [voy.  ci-dessus,  Diagnostic)  et  au  point 
de  vue  de  l'apparition  rapide  de  la  leucocythéraie,  dans  des  cas  où  elle  parait 
symptouiatique. 

Cependant,  depuis  1856,  les  travaux  de  S.  Wilk s  sur  l'anémie  lymphatique 
avaient  montré  un  côté  nouveau  de  la  question,  qui  est  développé  plus  tard  par 
Pavy  (1859),  et  qui  aboutit  enfin  aux  leçons  de  Trousseau  sur  Vadénie.  (Clin. 
del'Hôt.-Dieu,  1865.)  Une  nouvelle  maladie,  en  tout  semblable  à  la  leucocythémie 
lymphatique  de  Virchow,  sauf  la  présence  des  globules  blancs,  va  désormais  préoc- 
cuper les  médecins,  et  on  discutera  sur  la  relation  plus  ou  moins  étroite  qu'elles 
peuvent  présenter  entre  elles  (obs.  de  M.  Potain  (1861),  de  MM.  Hérard  et  Cornil 
(1865),  de  M.  Nicaise  (1866),  de  Wunderlich  (1866). 

Nous  touchons  à  une  époque  tout  à  fait  contemporaine,  nous  ne  chercherons 
pas  à  mentionner  toutes  les  observations  qui  ont  pn  se  produire.  En  Angleterre, 
nous  pouvons  citer  Page  et  Ogle  (1859),  Shearer,  Addison,  Page,  Johnson  (1860), 
Morris  (1861),  Farre  (1861),  Barclav  (1863)  ;  en  France,  MM.  Gharcot  etVulpian 
(1860),  M.  Ghambard  (1861),  M.  Corlieu  (1861),  M.  Ghaillou  (1863),  MM.  Gri- 
solle et  Hemey  (1864),  M.  VigieretM.  Cornil  (1864).  En  Amérique,  le  docteur 
Damon  publie  une  monographie  (1863).  En  Allemagne,  nous  avons  une  thèse 
considérable  de  Ehrlich  (1862).  Virchow  lui-même  reprend  dans  ses  publications 
successives  {Pathologie  cellulaire,  Syphilis  constitutionnelle,  Traité  des  tu- 
meurs), les  idées  qu'il  a  déjà  émises  et  généralise  de  plus  en  plus  sa  théorie  du 
tissu  lymphoïde.  Lœschner  (1859)  et  Golitzinski  (1861)  étudient  la  leucocythé- 
mie chez  les  enfants. 

Fœrster  (1865), Mosler  (1866, 1867  et  1868),  Bœttcher  (1866),  Lucke  (1866), 
étudient  des  points  particuliers  et  surtout  les  relations  de  la  leucémie  avec 
les  hypertrophies  ou  les  hétérotopies  du  tissu  glanduleux.  MM.  Bourdon  et  Des- 
nos (1867)  fournissent  de  nouveaux  fliits  cliniques;  M.  Lancereaux  (1869)  donne 
des  descriptions  anatomo-pathologiques,  et  enfin  MM.  OllivieretBanvier  complètent 
par  un  important  travail,  en  cours  de  publication  (1869),  les  notions  d'anatomie 
et   de  pathogénie  que  nous  avaient  fournies  déjà  leurs  observations  de  1866. 

BiRLioGRAPiiiE.  —  Nous  avons  dans  le  cours  de  cet  article  rapproché  autant  que  possible  de 
chaque  faille  nom  des  auteurs  qui  l'avaient  sit'nalé;  auprès  du  nom  de  chaque  auteur,  nous 


LEUCOCYTHÉMIE   (uibliograpiiie).  365 

avons  mis  le  renvoi  du  livre  et  de  la  page,  enfin,  dans  noire  liistori(]ue,  nous  avons,  par 
ordre  de  dates,  indiqué  la  part  que  chacun  avait  pris  à  l'étude  de  la  leucocytliémie.  Pour 
la  plus  grande  commodité  de  recherches,  c'est  par  ordre  alphabétique  que  nous  rangerons 
les  indications  bibliographiques,  où  toutes  les  œuvres  d'un  même  auteur  se  trouveront 
ainsi  réunies. 

AiiDisoN.    Ihe  Lancet.  1860,   t.  I,  p.    10.  Une  observation  de  leucocythcmic  splcnique, 
soulagement  par  traitement  tonique.  —  Allen  Thompscx,  dans  Cormak,  Natur.  History  of 
the  Épidem.  Fcver,  London,  1845,  p.  113,  signale  les  glob.   de  pus  dans  la  fièvre  d'Ediii- 
burgh.  —  ÂNDRAL.  Clinique  inédicale,  4«  édi!.,   18Ô9,  t.    I,   p.  93,  et  4'=édit.,  t.  I,  p.  93, 
observ.  XVII.  Fièvre  typh.  ataxo-adyn.  ;  caillot  de  la  saignée,  mou,  semblable  à  de  la  gelée 
de  groseille,  après  la  mort  couleur  lie  de  vin  comme  sanieuse,  rate  très-molle.  —  Archives 
qénér.   de  médecine,  1850,  5=  série,  t.  VII,  p.   129-143.   De  la  leucémie,  par  le  docteur  R. 
Virchow  (extrait  des  Gesamm.  Abhandl.  zur  wissensch.  Med.,  1856).  Ibid.,  p.  481.  Analyse 
de  la  première  observ.  de  Virchow  et  de  la  première  deBennett.  Ibid  ,  p.  505.  Reproduction 
de  l'observ.  Blache,  Isambert  et  Robin.  —  Ibid.,  t.  VIII,  p.  235.  Anal,  de  deux  observ.  de 
Samuel  Wilks,  extraites  de  Guy's  Hospital  reports,  1855.  —  Assolant.  Thèse  de  Paris,  an  X, 
Recherches  sur  la  rate,  cité  par  Craigie.  —  Aldouard.  Des  congestions  sanguines  de  la  rate, 
in-8°.   Paris,  1818.  —  Bambeeger.   Verhandliingen  der  phys.-med.  Gesellsch.  zu  Wilrzburg, 
t.  VII,  p.  110.  Deuxo'.Jservations,  dans  un  travail  intitulé  :  Fragments  pour  servir  à  l'histoire 
de  la  leucémie,  a,  partie  chnique,  par  Bambeegeu,  analyse,   sommaire  dans  Gaz.  med.  de 
Paris,  1858,  p.  69.  —  BAncLAY.  The  Laneel,  1865,  p.  117.  Observ.  hypertr.  de  la  raie,  du 
foie  et  des  capsules  surrénales  :  légère  coloration  bronzée  de  la  peau,  leucocytliémie,  épi- 
staxis.  —  Barth  (anal,  par  i\I.  Donné).   Soc.  méd.  des  hôpit.,  1855,  p.  59.  Observât,  datant 
de  1859,  mais  citée  seulement  en  1853  par  M.  Leudet,  et  publiée  in  extenso  en  185G  dans  le 
mém.  de  M.  Vidal  (de  la  leucocythémie  splénique]  et  dans  Gaz.  Itebdom.  de  médec.,  1850. 
—  Bauer  (D'L.).  American  Medie.  Monthhj,    oct.   1859,  et  Gaz.  hebdom.,   1860,  p.    170. 
Observât,  de  leucémie  dans  le  cours  de  néphrite  albumineuse,  avec  urémie,  abcès  articul., 
suppurât,   de  la  cuisse.  —  Becquerel.  Bull,  de  la  Soc.  méd.  des  hôp.,  1855,  26  déc,  t.  III, 
p   50.  Obs.  de  leucoc.  à  la  suite  d'un  cancer  de  l'estomac;  analyse  du  sang.  —  Ibid.,  p.  72. 
Bonnes  remarques  sur  la  leiicocyth.  symptomat.  Elle  n'existe  pas  môme  avec  cachexie  splé- 
nique prononcée  et  cancer  de  l'ovaire.  —  Ibid.,  p.  193.  Obs.  nouvelle  (27  avril  1836]  ;  dis- 
cussion sur  ce  fait,  p.  189.  —  Benxett  (Prof.  John  Hughes].  Edinburgk  Med.  and  Surg. 
Journal,  vol.  LXIV,  octobre  1845,  p.  400  :  Two  Cases  of  Diseuse  and  Enlargement  of  the 
Spleen,  in  ivliich  Death   took  Place  froni  the  Présence  of  Purulent  Malter  in  the  Blood, 
c'est-à-dii^e  :  Deux  cas  de  maladie  et  d'hypertrophie  de  la  rate  où  la  mort  est  survenue  par 
suite  de  matière  purulente  dans  le  sang.  De  ces  deux  observations  publiées  simultanément, 
la  première,  celle  de  David  Ci'aigie.  remonte  à  février  1 841 ,  la  deuxième,  celle  de  Bennett, 
remonle  à  mars  1845.  Analyse  dans  Arch.  générales  de  méd.,  1856.  vol.  I,  p.  482.  —  Da 
MÊME.  Monlhhj  journal  of  med.  sciences,  1851,  t.  XII,  p.   17-38  (janvier,  p.  312-526).  Oi% 
Icucocijthemia  or  blood  containing  an  unusual  number  of  eolourless  corpuseles.   (De  la 
leucocythémie,  ou  du  sang  contenant  un  nombre  inusité  de  corpuscules  incolores.)  Critique 
le  nom  de  leukémie.  Mémoire  divisé  en  trois  parties  •  1°  cas  indubitables  où  l'examen  mi- 
croscop.  a  prouvé  la  leucocyth.  (19  observât.);  2°  cas  probables  de  leucocyth.   où  le  sang 
n'a  pas  été  soumis  à  cet  examen;   5"  cas  d'hypertrophie  de   la  rate  sans  leucocythémie 
(5  observ.).  Ce  mémoire  se  continue  dans  le  t.  XIII,  p.  97  et  p.  517,   et  se  termine  dans 
le  t.  XIV  (1852),  p.  531.— Ibid.,  p.  2G0-215,  dernière  partie  :  On  the  Function  of  the  Spleen 
and  othcr  Lymphatic  Glands  as  Secretor  of  the  Blood .  Ces  travaux  ont  été  réunis  par  Bennett 
dans  une  monographie  :  On  Lcucocythemia,  mars  1852.  —  Du  même.  Communication  directe 
à  la  Soc.  de  biol.  de  Paris  (1851).  Compte  rendu  de  la  Soc.  debioL,  l"sér.,  t.  III,    1851, 
1'=  partie,  p .  46  :  De  la  leucocythémie  ou  du  sang  à  globules  blancs.  —  Dans  Monthhj  Journ., 
t.  XII,  p.  197.  Séance  du  18  déc.  1850  de  la  Edinb.  mcdic.  cliir.  Society  :  Courte  discussion 
après  la  commun,  du  mémoire  de  Bennett  (I)"'  Keiller,  Gairdner,  Goodsir,  Christison).  — Du 
MÈ.ME.  Edinb.  med.  Journ.,  1856.  Lettre  relative  à  la  discussion  de  l'obs.  Blache  devant  l'Aca- 
démie de  médecine.  Bennett  croit  à  tort  que  M.  Blache  a  confondu  un  cas  de  sang  chyleux 
avec  la  leucocythémie,  mais  ce  n'est  pas  M.  Blache,  ce  sont   les  membres  de  l'académie 
(section  de  chimie)   qui  ont  fait  la  confusion.  —  Du  iiêjie.  Brit.  Med.  Journ  ,  1861,  févr. 
Obs.  de  leuc.  avec  peau  bronzée.  —  Bessière.  Journ.  de  med.  et  de  ehir.  de  Toulouse,  oct, 
1845,  cité  dans  Canstatt's  Jahresbericht ,  1845,  t.  I,  p.  26,  et  par  Bennett,  On  Leucocythemia. 
Obs.  d'hypertrophie  de  la  rate,  du  foie  et  des  reins;  mort  subite,  caillots  blanchâtres  dans 

le  cœur  et  les  gros  vaisseaux  ;  analyse  chimique  du  sang,  mais  pas  d'anul.  microscopique. 

BiciuT.  Atiat.  gén.  Paris,  1801, 1. 1,  p.  LXX  (page  soixante-dixième  des  considérations  géné- 
l'ales).  Obs.  de  caillots  blancs  avec  véritable  sanie  grisâtre  dans  la  veine  splénique,  la  veine 
porte  et  toutes  ses  divisions.  «  Certainement,  cette  sain'e  n'était  pas  un  effet  cadavérique, 
et  le  sang  avait  circulé,  sinon  aussi  altéré,  au  n  oins  bien  différent  de  son  état  naturel,  et  réel- 


506  LliUCOCVTUÊMIE  (ciEnoGr.jvnaE). 

lement  décomposé.  —  Biermer.  Virch.  Arch.,  t.  XX,  p.  532.  Observ.  — ^  Biliroth.  Beitrâge 
%.  p.  Histologie.  Berlin,  1858.  p.  IGG.  Sur  les  globules  blancs,  etc.  —  Blaciie,  Isambekt  et 
Robin.  Bull,  académie  de  médecine,  1856,  t.  XXI,  p.   598.  Séance  du  29  janviei-,  et  Gaz. 
hebdomad.,  185(3,  p.  76,  ou.  Arch.  génér.  demédec,  5=  série,  t.  VJI,  p.  565.  Observalion  de 
leucoémie  splénique  à  forme  liémorrliagique.  Voy.  aussi  Comptes  rend,  et  mém.  de  la  Soc. 
de  biologie,  iS56,  2=  série,  t.  III,  2=  partie,  p.  71,  et  Gaz.  mcd.  de  Paris,  1856,  p.  G79,  pour 
l'étude  microscopique  et  chimique  du  sang  de  ce  malade,  par  Isambert  et  Robin.  —  Bœtt- 
cHER.  Arch.  de  Virchow,  t.  XIV,  p.  485,  et  Arch.  de  mcd.,  1860,  décembre,  p.  7G5.  Observât. 
leucoc-yth.  lymph.  et  splénique;  cas  mixte  (globulins  et  dégénér.  amyloide).  —Du  même. 
Virchow's  Archiv  1860,  t.  XXXVII,  p.  105.  Zur  pathol.  Anat.  der  Lungen  und  des  Darms 
bel  Leukœmie  (anat.  pathol.  des  poumons  et  de  l'intestin  dans  la  leukémie  ;    observation 
nouvelle,  tumeurs  lymphoïdes  simulant  le  tubercule).  —  Boogaard.  Nederland.  WeekbL, 
1854,  p.  555.  Observ.  —  Bossu  et  Teissier  (de  Lyon).  Gazette  méd.  de  Jjjon  et  Monileiir  des 
hôpit.,  1856,  p,  648.  Observation.  —  Bouchut.   Gaz.  méd.,  1844,  n°  6,  p.  85.  Élude  sur  la 
fièvre  lyuerpéralc.   A  la  page  90,  il  signale  les  corpuscules  blancs  dans  le  sang,  mais  il 
ajoute  :  «  Le  nombre  considérable  de  ces  globules  empêche  de  croire  que  ce  sont  des  glo- 
bules blancs  qui  se  trouvent  isolés  dans  le  corps  de  Ihomme  sain.  —  Du  même.  Gaz.  des 
hôpit.,  1856,  n»  17,  52  et  53.  De  la  leucoc,  etc.  —  Du  même.   Traité  des  maladies  des  nou- 
veau-nés, 5=  édit.,  1868,  p.  892.  Leucocylhémie  aiguë.  —  Du  même.   In  Gazette  médicale, 
1868,  et  Comptes  rendus  de  la  Soc.  de  biol.,  6  juin  1868.  Note  sur  la  leucocythéraie  aiguë 
dans  la  résorption  diphthérique.  2  observations.  —  Bouillaud  et  Duroziee.  Gaz.  des  hôpit., 
1858,  p.  601.  Un  cas  deleucocyth.  splénique.  —  Bourdon.  Bull,  de  la  Soc.  méd.  des  hôpit,, 
1850,  t.  III,  p.  67.  4  cas  de  leucoc)[hé\me  symptomatique.  —  Du  même.  Bulletins  et  mém. 
de  la  Société  médicale  des  hôpitaux,  2"  série,  tome  IV,  p.  275  et  suiv.,  et  Union  médicale, 
1867,  7  novembre,  p.  257  et  p.  305,  t.  IV,  3=  série.  Observât,  de  leucocythémie  splénique, 
Voy.   aussi  la  discussion  qui  a  suivi  sur  la  compos.  des  caillots,  par  MM.  Peter,  Dumont- 
Tallier,  Paul,  Blacliez,  Isambert.  —  Bricheteau.  L'Expérience,  1844,  n"  364,  p.  399,  Cité  par 
Virchow  [Gesamm.  Abhandl.'^ .  Observ.  de  concret,  blanches  recueillies  sur  un  cadavi'e;  pas 
d'altération  des  organes;  le  rein  gauche  seul  présentait  quelques  petits  abcès  (pièces  présen- 
tées à  l'Académie  des  sciences  le  19  juin  1844).  —  Castelneau.  Mon.  des  sciences,  1802, 
p.  144  et  suiv.   Remarques  de  path.  générale,  etc.  —  Caventou.  Revue  médicale,  1828, 
t.  IV,  p.  567,  et  Acad.  des  sciences,  15  novembre  1828.  Note  sur  un  sang  d'une  nature 
particulière.  —  Celse.  De  medicina,  liv.  II,  cap.  7,  prœsagia  qucedant  miscua  :  «  Quibus 
scepe  naribus  finit  sanguis,  his  aut  lienis  tuniet,  aut   capitis  dolores  sunt...  aut  quibus 
magni   licncs  sunt,    his  gingivce  malœ  sunt  et  os  olet,  aut  sanguis  aliquâ  parte  prorumpii, 
etc.  »  Édition  Willigan.  Edinburgi,  1851,  p.  49.  —  Ciiaillou  et  Potain.  Bull,  de  la  Société 
anatom.  de  Paris,  1865,  p.  506.  Obs.  de  leucocyth.  ganglionnaire;  peu  de  choses  à  la  rate 
et  au  foie;  ganglions  et  glandes  intestinales,  hyperplasie  du  tissu  lymplioïde.  —  Chasieard. 
Gaz.  méd.  de  Lyon,  1863,  etGa^.  des  hôpit.,  1863,  p.  554.  Obs.  de  leucocyth.  splénique; 
douteuse,  pas  d'examen  microscopique  du  sang;  rate,  foie,  pas  de  gl.  lymph.,  hémorrlia- 
gies,  épistaxis  métroi'rh,  —  Charcot  et  Robix.  Comptes  rendus  de  la  Soc.  de  biologie,  1853, 
1"  série,  t.  V,  p.  44  et  49.  Observation  très- détaillée;  lésions  du  sang  (globulins  et  glob. 
blancs)  ;  cristaux;  hypei'tr.  splénique;  lypémanie,  suicide;  recherches  historiques.  —  Ciiarcot 
etYcLPiAN.  Gazette  hebdomad.,  1860,  p.  755.  Note  sur  des  cristaux  particuliers  trouvés  dans 
le  sang  et  dans  certains  viscères  d'un  sujet  leucémique,  etc. —  Ciiristisox.  Sur  le  sang  blanc 
ouchyleux.  Cité  par  Bennett,  Montlihj  Journ.,  185],   t.  XII,  p.  67-78.  —  Corlieu.  Gaz.  des 
hôp.,  1861    n"  27,  p.  106.  Observât,  de  leucocyth.  —  Cornil.  Voy.  IIl'rard,  voy.  Vicier.  — 
Craigie  (David).  Edinburgh  med.  and  surg.  Journ.,  1845,  vol.  64,  p.  400.  Observ.  recueillie 
en  1841,  mais  publiée  seulement  avec  celle  de  Bennett  en  1845,  inlit.  :  Cas  de  maladie  de 
la  rate  où  la  mort  est   survenue  par  suite  de  la  présence  de  matière  purulente  dans  le 
sang. — Croskert.  Dublin  Quart.  Journ.,  18B7,  p.  104.  Observ.  —  Damon.   Leucocythcmia. 
Mémoire    couronné    à    l'université  de    Boston,    1863     (Massachusetts).    —    Damaschi.no. 
Bulletin  de  la  Société   anatomique   de   Paris ,   janvier  1868.    Ilémorrhagies    multiples 
dans  la  leucocytliémie. —  Deiters.  Deutsche  Klinik,  1861.  Observ. —  Dksnos.  Bulletins  et 
mém.    de   la  Soc.  méd.  des  hôpitaux,  2=  férié,  t.  IV,  p.  292  et  suiv,,  et  Union  méd-,  1868, 
t.  V,  3'=  série,  p.  279.  Obs.  de  leucocythémie  splénique  chez  un  vieillard  de  73  ans,  cxamou 
microscopique  par  M.  Ilayem.  —  Donné.  Cours  de  mieroscopie  complémentaire  des  études 
tnédicales.    1844,    Paris,    p.    132  ,    passage    très-explicite    sur    les  globules    blancs   du 
sang  que  l'on  pouvait  prendre  pour  du  pus;  ibid.,  p.  90  à  100,  passage  relatif  à  l'action 
de  la    rate   sur  la  métamorphose   des  globules  blancs   en   globules  rouges.   —   Duplay. 
Arch.  génér .  de  méd.,  1854,  t.  VI,  p.  223.  llyperlr.  splénique,  hépatique  et  mésentérique, 
cachexie  prise  pour  une  phthisie  ;  à  l'autopsie,  masses  sanguines  d'apparence  purulente. 
Tessier  a  étayé  sur  ce  l'ait  sa  théorie  de  la  fièvre  purulente  spontanée.  —  Durand  (de  Lunel). 
liull.  de  l'Acad,   de  mcd.  de  Paris,  1851,  20  mai,  et  Gaz.  méd.,  iSQl,  p,  328.  —  Eddowes, 


LEUCOCYTHÉMIE   (ciBLiocp.ArHiE).  367 

Brit.  Med.  Journal,  mars  1866,  et  Canstatl' s  Jahr.,  18C6,  t.  II,  p.  236.  Observ.  —  Edin- 
burgh  MecUc.  Chir.  Society,  séance  du  18  décembre  1850.  Dans  Monthhj  Journal,  t.  XII. 
Présentation  d'un  mémoire  de  Bennett  on  leucocijthemia,  et  discussion  à  la  suite  (Keiller, 
Gairdner.  Goodsir,  Bennett,  Christison"! . —  Eckaro.  Thèse.  Berlin,  1838.  Structure  des  gl.  { 
lymph.  —  EiinLicii.  Dissertation  inaugurale.  Dorpat,  1862.  Cité  par  Bœttclier,  1860.  — ' 
Emml'rt.  Bcitrâge  sur  Pat/iol.  und  Thérapie,  1842,  Ileft  I,  p.  49.  Cité  par  Virck.  Abhandl.,- 
p.  185.  Etudie  les  glob.  blancs,  leur  densité  (qu'il  croit  moindre  que  celle  des  glob.  rouges] 
et  nie  leur  viscosité,  qui  est  un  fait.  —  FAniiE  (D').  The  Lancet,  1861,  vol.  II,  p.  10.  Une 
observation  de  leucocythémie  splénique  consécutive  à  une  intoxication  palustre  ;  guérison .  ' 
—  Feltz.  Gaz.  méd.  de  Strasbourg,  1865.  Mém.  sur  la  leuc.  —  Fœrster.  Handbuch  der 
path.  Anatomie,  1865,  1. 1,  p.  456.  Tumeurs  lymphatiques  dues  à  la  multiplie,  à  l'hyper- 
plasie  des  éléments  d'un  tissu  conjonctif.  —  Du  même.  Virck.  Arch.,  t.  XX,  p.  359.  Obs. 
de  leuc.  lymphat. — FoLVVAEc2toï.  Zeilscjir.  der  Wiener  Aerzte,  1838,  n"  52.  Recherches  chi- 
miques.—  FRiEnREicu  (de  Wûrzburg).  Virchow's  Archiv  fiir path.  An.,  t.  XII,  p.  38.  Anal. 
in  Gaz.  méd.,  1858,  p.  854.  Leucémie.  —  Friedrich.  Deutsche  Klin.,  n°  20  et  22.  Tumeurs 
de  la  rate  chez  les  entants.  —  Froriep  et  Glcge.  .^na^.-)?ucrosA;.  Untersuchungen,  1841,  Heft2 
p.  176.  Signalent  corp.  de  pus  dans  les  inflammations,  pneumonies,  f.  typhoïdes,  et  surtout 
dans  la  f.  puerpérale.  —  Fdller  (John).  The  Lancet,  1846,  t.  Il,  p.  45.  Analyse  in  Archives 
générales  de  médecine,  série  IV,  t.  XIII,  p.  241.  Observation  communiquée  à  la  Société 
roy.  de  méd.  et  de  chirurgie  dans  la  séance  du  25  juin.  —  Du  même .  The  Lancet,  juillet  1848, 
1"  observ.  —  2"  observation  dans  Report  ofProceding  oftlie  Pathological  Society  of  Lonclon, 
lY*  sér.,  p.  224-225;  1850.  —  Giesker.  Untersuchungen  ûber  die  MHz,  1855,  p.  154.  Cité  par 
Virchow,  Ges.  Abh.,  p.  188.  Reprend  l'idée  de  Malpighi  que  les  coi'puscules  de  la  rate  sont 
le  commencement  de  nombreux  vaisseaux  lymphatiques.  —  Golitziksry.  Jahrb.  der  Kinder- 
hcilk.,  1861,  t.  rV,  H.  2.  Analyse  dnns  Canstatt's  Jahre.sb.,  1861,  IV,  38i.  Leucoc.  lymph. 
chez  les  enfants  à  la  mamelle.  —  Gordon  Jackson.  Médical  Times  and  Gazette,  186J.  Obs. 
de  leucoc.  splénique.  —  Goupil  (Ernest).  Bull.  Soc.  méd.  des  hôp.,  1855,  26  décembre 
t.  III,  p.  46.  Une  observation  reproduite  par  M.  Vidal  dans  sa  monographie.  —  Gretzel. 
Berlin,  klin.  Wochenschr.,  1866,  p.  212.  Observ.  d'enfant.  —  Griesinger.  Virch.  Arch.,  t.  V 
p.  591.  Leukœmie  und  Pyœmie.  Cité  par  Virch.  Abhcmdl.,  p.  193.  —  Grisolle  etllÉMEï. 
Gaz.  des  hôpitaux,  186i,  p.  168.  Obs.  de  leucocyth.  splénique  et  lymph.  montrant  bien  les 
lésions  de  la  rétine.  Début  par  tum.  lymphatiques  sous-maxill.  —  Grottanelli.  Animad- 
versiones  ad  varias  acutce  et  clironicœ  splcnitidis,  etc.  Florence,  1821.  Cité  avec  éloge  par 
Craigie.  —  Guelee.  Union  médicale,  t.  III,  p.  5  et  15,  et  Bull,  de  la  Soc.  méd.  des  hôp., 
1859,  p.  310.  Augmentation  subite  des  globules  blancs  du  sang  dans  la  période  ultime  des 
cachexies.  —  Gulliver.  The  Veterinarian,  1859,  p.  42.  Obs.  de  corpuscules  purulents  clans 
les  maladies  chroniques  et  épuisantes.  Cité  par  Bennet  et  Virchow. —  Hadersthox.  Lancet,  1861 , 
t.  II, p.  9.  Observ. —  Hafner.  Deutsche  Klinik,  1866,  p.  585.  Obs.  —  Harless.  Heidelberger  klin . 
Annulen,  1831,  t.  VII,  p.  26.  Die  Blutentziehung  in  ihren  nothwendigen  Schranken.  Obs. 
remontant  à  1816.  —  Harweï  B.  Holl.  Medic.  Times,  1852,  p.  369.  Obs.  —  Hayden,  Dublin 
Quart.  Journ.,  \^Gb.  Obs.  —  Henle.  Zeitsch.  fiir  rationnelle  Medizin,  1844,  p.  214.  Signale 
la  leuc.  à  la  suite  des  grandes  pertes  du  sang.  —  Henoch.  Klin.  der  Unterleibskrankh. 
Berlin,  1854.  —  Herard  et  Corkil.  Union  médicale,  1865,  n°=  90  et  91,  Adénie,  observation 
et  leçon  clinique.  —  Heschl.  Yirchow's  Arch.  fiir  path.  Anat.,  t.  VIII,  p.  553.  Observ.  de 
leucémie  lymphatique.  Cité  par  Virchow,  Gesamm.  Abhandl.  —  Hewson  (Addinel).  American 
Journal,  oct.  1852.  Observ.  Ce  malade  aurait  guéri  par  le  quinquina,  le  fer  et  le  mercure  ; 
l'auteur  avoue  cependant  que  l'altération  du  sang  n'avait  pas  disparu  entièrement.  Cité 
par  Leudet,  Gaz.  hebd.,  1855,  p.  554.  —  Hippocrate.  Trad.  Litlré,  t.  V,  p.  654  et  655  (20 
et  21)  :  «  Les  hémorrhagies  à  contre-sens  sont  mauvaises,  par  exemple  une  épistaxis  de  la 
narine  droite  et  un  cas  de  grosse  rate.»  Même  volume  :  épistaxis  gauche  avec  gi-osse  rate, 
p.  87,  §  6  ;  p.  95,  §  23  ;  p.  147,  §  7.  —  T.  IX,  p.  67,  §  56  :  «  Les  gencives  sont  mauvaises 
et  la  bouche  fétide  chez  ceux  qui  ont  la  rate  grosse.  Ceux  qui  ont  la  rate  grosse  sans  qu'ils 
éprouvent  des  hémorrhagies  et  sans  que  la  bouche  soit  fétide,  offrent  des  ulcérations  mau- 
vaises aux  jambes  et  des  cicatrices  noires.  »  —T.  Yl,  p.  131  ;  éruptions  rouges  chez' les  gens 
qui  ont  la  rate  volumineuse.  —  Hodgkin.  Médico-Chirurg .  Transactions,  t.  XVII,  p.  68  et 
p.  107.  On  somc  Morbid  Appearences  of  the  Absorbent  Glands  and  Spleen.  7  observations. 
Cité  par  Craigie.—  Hoogeweg.  Pr.  Ver.-Ved.-Zeit.,  1857,  n"  8.  Obs.  —  Htiss  (Magnus.  le  prof, 
de  Stockholm),  in  Arch.  génér.  de  médecine,  1857,  t.  II,  p.  291,  et  Zeitschr.  f.  klin.  Med., 
t.  IX,  p.  130.  Leucocythémîe  splénique.  Une  observation  et  examen  des  faits  et  doctrines 
régnantes. —  Isambert.  Obs.  1835  avec  MM.  Blache  et  Robin  [voy .  Blacue).  —  Du  même.  Soc. 
debiologie,  1858,  p.  183.  Sur  un  nouveau  cas  de  leucocythémie.  Fibrine  grumeleuse,  hypertr. 
du  pancréas.  —Du  sième.  Soc.  méd.  des  hdpit.,[8Q9,  juin.  Observ.  de  leucocythémie  adé- 
noïde. —  Du  même.  Relevé  personnel.  Nous  désignons  souvent  sous  ce  nom,  dans  le  cours 
de  cet  article,  un  relevé  que  nous  avons  fait  tout  récemment  de  41  observ.  nouvelles.  Il 


5G8  LEUCOCYTHÉMIE  (lUELiocnAnut;). 

imporlc  de  donner  les  noms  des  auleurs  de  ces  observations.  Ce  sont  MM.  Blaclie  (1855), 
Becquerel  {18ù5,  1856),  lluss  (1856),  Page  et  Ogle  (1850),  Bambergcr  (1856),  Friedreich 
(1837),  Laveran  (l'^^'').  de  Martini  (1857),  Isambert  (1858-1869),  de  Mattei  (1858\  Bouillaud 
et  Durozier  (18ôS),  Bœttcher  (1858),  Vidal  (1858),  Oppolzer  (1858),  Thierlelder  etUlile  (185S), 
Leudet  (1858),  Bauer  (1859),  Gubler  (1859,  2  obs.),  Pavy  (1859),  Charcot  et  Vulpian  (18G0), 
Shearer  (18601,  Mulder  (1860),  Polain  (1861),  Chaillou  (18133),  Vigier  (18641,  Grisolle  et 
Ilémey  (1864),  Trousseau  (1865),  Laiicereaux  (1865-1869),  Ollivier  et  Uanvier  (1866,  et  2  obs. 
1869),  Nicaise  (1860),  Bourdon  (1867),  Desnos  (1867),  Béliier  (1868),  Damaschino  (1868).  — 
Jacubasch.  Yirch.  Archiv,  p,  a,  t.  XLIII,  p.  196.  Analyse  de  l'urine  dans  la  leukémie.  — 
JoiiNsos.  Tlic  Lancct,  18(iO,  t.  î,  p.  10.  Deux  observations.  —  Kerstein.  Thèse.  Berlin,  1863. 
—  Klob.  Wieii.  med.  Woc/iensch.,  1862,  35  et  36.  Sur  les  tumeurs  dites  leukém.  — Kr.vuse. 
Jhcsc.  Berlin,  1863.  —  Kribdex.  Thèse.  Berlin,  1857.  —  Lamel.  Kinderhosp.  in  Prag,  1861, 
et  CanstatVs  Jahrh.,  18G1,  lY,  p.  214.  Croit  à  l'épigénèse  des  globules  dans  les  vaisseaux.  — 
Laxcaster.  Lancet,  1853,  t.  I,  p.  119.  On  ivhite  Blood.  —  Laxcereaux.  Atlas  d'anatoinic 
pathol.  Paris,  1869.  Obs.  de  leucémie  avec  thrombose  des  vaisseaux  cérébraux;  splénadome 
et  tuberculose  pulmonaire.  Citée  déjà  par  Trousseau,  Clinique  de  l'Hôtel-Bicu,  2°  édit , 
t.  III,  p.  548.  Publiée  in  extenso,  dans  Atlas  d'anatomie pathologique.  Paris,  1809.  — Do 
MÊME.  Observ.  nouvelle.  Leucocythémie  avec  hypertrophie  du  corps  thyroïde,  Atlas  d'ana- 
lomie  palh.  —  Loeasge.  Thèse.  Kœnigsberg,  1856.  —  The  Lancet,  1860,  vol.  I,  p.  9.  5  obser- 
vations de  MM.  Page,  Addison  et  Johnson.  —  Lasègue.  Yoy.  Arch.  gén.  de  méd.  et  Soc.  med. 
des  hôp.,  1856,  t.  III,  p  62.  —  Lavebax.  Gaz.  hebdoin.,  1857,  p.  621,  et  Arch.  gêner,  de 
méd. ,  1857,  t.  II,  p.  470.  Hémophilie  avec  leucocythémie  et  altération  de  la  rate.  —  Legroux. 
Soc.  méd.  des  hôpit.,  1856,  p.  72.  Deux  cas  rétrospectifs  :  1°  1853,  rate  énorme,  mort 
subite,  sang  à  l'autopsie  lie  de  vin,  grumeaux  blancs  ;  2°  cas  de  Dance  (1830),  beaucoup  plus 
douteux,  mort  suliite.  —  Leddet.  Ballet,  de  la  Soc.  anatomiqite,  1852,  p.  220,  et  Co)nptc 
rendu  de  la  Soc.  de  biologie.  1853,  1"=  série,  t.  V,  2''  partie,  p.  3.  Observ.,  avec  historique 
de  la  question  très-complet.  —  Dn  même.  Gaz.  hebdom.  de  médecine  et  de  chir.,  1855, 
p.  552.  De  la  leucémie,  etc.,  article  de  critique  très-bien  fait.  —  Dd  mêsie.  Mém.  de  la 
Soc.  de  biol.,  p.  79.  Leucocyth.  peu  prononcée;  globulins;  foie  cirrhose;  veine  cave  infér.  ; 
gangl.  abdomin.  —  Du  même.  Gaz.  méd.,  1858,  p.  745.  Étude  des  lésions  viscérales  de  la 
leucémie.  —  Lieeuetcu.  Mcdic.  Times  and  Gaz.,  1802,  avril,  et  Gaz.  hcbd.  de  méd.,  1862, 
p.  519.  Rétinite  leucémique.  —  Linas.  Bull,  de  l'Acad.  de  méd.,  1855,  10  octobi'e,  et  Gaz. 
hebdom.  de  ?Héd,,  1855,  p.  867.  Obs.  d'iiypeitr.  de  la  rate,  sans  lièvre  palustre,  avec  hémor- 
l'hagies  mortelles.  —  Livois.  Bull,  de  la  Soc.  anatom.  de  Paris,  1838,  t.  XIII,  p.  289.  — 
Lœsciixer.  Jahrb.  fur  Kinderkrankheiten,  1859,  elCanstatt's  Jahresb.,  1859,  t.  II,  p.  590. 
i  obs.  de  leuk.  chez  les  enfants.  —  Lucke  (de  Berne).  Virchow's  Archiv,  t.  XXXV,  p.  524, 
et  Arch.  gêner,  de  méd.,  1866,  t.  II,  p.  619.  Lympho-sareôme  des  ganglions  axillaires; 
tumeurs  emboliques  des  poumons;  leucémie  générale.  —  Luvs,  Soc.  de  biologie,  1859, 
p.  159,  et  Gaz.  méd.,  1859,  p.  741.  Lésions  de  la  rate  dans  la  leucocythémie.  Dans  obs.  de 
Vidal,  Soc.  anatom.,  1857,  p.  547.  Cité  aussi  par  Trousseau,  Clin,  de  l'Hôtel-Dieu,  t.  III, 
p.  548.  —  Marti>i  (D''  de).  Il  fdiatre  sebezio,  fasc.  518,  juin,  1857,  et  Gaz.  hebdom.,  1857, 
p.  540.  Obs.  de  leucocythémie.  — •  Mattei  (R.,  de  Florence).  La  sperimentale,  1858,  marzo, 
n°  3,  Firenze,  p.  197,  et  Gaz.  hebdom.  de  méd.,  1858,  p.  609.  Une  observation  de  leuco- 
cythémie. M.  Vidal  a  transcrit  deux  fois  cette  observation  dans  la  Gaz.  hebdomad.,  sans 
•  s'apercevoir  que  c'était  la  même;  en  réalité  il  n'y  a  qu'un  fait.  —  Meckel  (H.).  Zeitschr. 
fiir  Pstjehiatr.,  1847,  t.  IV.  Une  obs.  de  leukémie  terminée  par  la  démence.  —Médical 
Times  and  Gazette,  1861,  p.  550.  Polémique  entre  Bennelt  et  Virchow,  jugée  définitive- 
ment au  profit  de  ce  dernier.  —  Merbach.  Canstcdt's  Jalir.,  1865,  p.  116,  Observ.  —  Jloim 
(Prof.).  Virchow's  Arch.,  1852.  Obs.  de  leuc.  lymphat.  Citée  par  Virchow,  Gesanim.  Abhandl. 

—  MoRCAGsi.  De  sed.  et  causis  morborum,  lettre  XXXVI,  n°ll.  Cas  peu  détaillé  de  leuco- 
cythémie probable  (hypertr.  splénique,  sang  lie  de  vin  et  concrétions).  —  Morris  (J.).  The 
Lancct,  1861,  vol.  II,  p.  591.  Obs.  de  leucocythémie  avec  antécédents  palustres,  hyper- 
trophie de  la  rate,  diarrhée  trè.s-abondante.  —  Mosler  et  Kœrxer.  Virch.  Arch.,  t.  XXV. 
Analyse  du  sang  et  de  l'urine.  —  Mosler.  Berlin,  med.  Woch.,  1854,  p.  541.  5  obs.  —  Du 
siÉJiE.  Virchow's  Arch.,  t.  XXXVII,  1866,  p.  43,  et  Gaz.  hebd.,  1867,  p.  32.  Sur  le  diagnostic 
de  ta  leucémie  liénale  par  l'analyse  chimique  des  produits  de  sécrélion  et  de  transsudation. 

—  Du  MÊME.  Berlin,  med.  Wochenschr.,  1867.  Intermitt.  et  Leucémie. —  Du  jié:>:e.  Tram- 
fusion  dans  la  leucémie.  Berlin,  1867.  —  Du  même.  Virch.  Arch.,  1868.  t.  XLIV,  p.  444.  De 
la  pharyngite  et  de  la  stomatite  leucémique.  —  Mulder.  Nederlandsch  Tidschrift  voor 
Gencesknnde,  1850,  Zeitschrift  fiir  klin.  Med.,  t.  IX,  p.  595,  et  Gaz.  hebdomad.,  1860, 
p.  171.  Cas  de  leucocythémie  lymph.  ou  d'adénie  (?).  L'altération  du  sang  n'a  été  reconnue 
qu'après  la  mort.  Glandes  sou;-maxillaires  surtout,  amygdales  augmentent  rapid.  dans  les 
derniers  temps.  —  Mushet.  Med 


zur  Plujs.  vrai  Path. 


usHET.  Med.  Times,  1867,  p.  273.  Obs.  —  ^A5SE  (11.).  l'nlersuchungcn 
,  IcôO,  t.  II,  p.  150.  Cité  par  Virchow,  Gcsainm,  Abhandl.,  p.  181. 


LEUCOCYTHÉMIE  (bicliogi-.apiiie).  SHD 

A  bien  étudié  les  glob.  Lianes  et  1rs  trouve  augrmentés  chez  les  feiiimcs  enceintes,  dans  les 
hydropisies,  etc.  ;  signale  l'influence  de  la  diète  et  des  saignées  sur  leur  quantité.  — 
Kauman^.  Hamlhuch  dcj-  mcd.  Klinik,  t.  VII.  Berlin,  1855.  —  ^El'JIA^^^,  Schullzc's  Archiv, 
t  II,  p.  507.  Cristaux  dans  le  sang.  —  ^■lc.usE  (Edouard;.  Gaz.  méd.  de  Parts,  18(J6.  Noie  sur 
la  leucocylliémie,  l'adénie  et  les  tumeurs  lymphatiques.  Obs.;  cas  mixte,  hypertr.  splénique, 
hépatique  et  ganglionn.  ;  considérations  théoriques.  — Nivet.  Arch.  rjcn.  deméd.,  18j8,  1. 1, 
p.  7)10.  Recherches  sur  l'engorgement  et  l'hypertrophie  de  la  rate.  Deux  observ.  d'hypertr. 
splén.  et  hépatique;  sang  noir  avec  caillots  jaunâtres  dans  les  grosses  veines.  — Ollivier 
et  R.*xviER.  Comptes  rendus  des  séances  et  mém.  de  la  Soc.  de  biologie,  18(30,  Paris.  Obs. 
pour  servir  à  l'histoii'e  de  la  leucocytbémie,  etc.  Ibid.,  1807.  Obs.  pour  servir  à  l'histoire 
ûeVadénie.  —  Des  mêmes.  Areh.  de  physiol.  et  de  patliol.  de  Brown-Scgiiard,  Charcot  et 
Vulpian.  Paris,  1869,  p.  407  à  421,  mai,  juin,  juillet  et  août  (suite).  Nouvelles  observations 
pour  servir  à  la  leucocythémie.  —  Oppoizeb.  Wiener  allgem.  mediz  Zcitung,  1858,  n°  29 
et  32,  eiArch.  génér.  de  médecine,  1869, t.  I,  p.  615  (analyse).  Foie,  rate  et  tumeurs  lynipb., 
glob.  et  globulins  .'^nal.  chim.  par  51.  Fohvarczny,  acide  iormique,  lactique,  urique,  tyrosine 
et  leucine.  — Oppolzer  et  Lieiijunx.  Obs.  citée  par  Kiwisch  de  Rotterau,  dans  Die  Kranhheiten 
der  Wachnerinnen.  Prag,  1 840,  t.  T,  p.  ï  09.  Spontané  Phlebilis  itnd  Li/mp/iangitis.  llypertroph. 
du  foie  et  de  la  rate,  des  glandes  lymphatiques,  diarrhées,  hémnrrhagies,  sang  avec  cail- 
lots purulents  à  l'autopsie.  —  Page  (D').  Brit.  Mcd.  Journal,  1857,  n">  20.  Observation.  — 
Du  MÊME.  The  Lancet,  1860,  vol.  I,  p.  9.  Observation  de  leuc.  splénique. —  Page  et  Ogle. 
British  médical  Journal,  18.59,  n"  20,  et  Ârcinves  générales  de  médecine,  18C0,  t.  If, 
p.  765.  —  Paiikes.  Médical  Times  and  Gazette,  6  juin  1850.  Observation  de  leucocyth., 
citée  par  Bennett,  Montldij  Journ.,  1851,  t.  XII,  p.  17-52.  Parkes  critique  la  dénomination 
de  leukémie.  Femme  de  69  ans;  leucoc.  avec  hypertrophie  de  la  rate,  diagnostiquée  pendant 
la  vie  avec  examen  microscopique,  et  deux  analyses  du  sang  à  deux  mois  d'intervalle.  — 
pAVï.  The  Lancet,  185'.J,  t.  11,  p.  215.  Anémie  lymphatique.  Hypertr.  des  gangl.  lymphat. 
avec  cachexie  mortelle;  excès  de  globules  blancs,  pas  la  moindre  quantité  de  glob.  rouges; 
rate  hyper.  —  Petehs.  Thèse.  Berlin,  1862.  Obs.  —  Piorry.  Gaz.  des  hôpitaux,  1845,  n°  42, 
et  1846,  n°  101.  Sur  l'hémite.  —  Potain.  Bull.  Soc.  anatom.,  1861,  p.  217.  Altér.  des 
glandes  intestinales  et  de  la  rate  surtout.  Le  sang,  examiné  seulement  après  la  mort,  a 
montré  bcmcoup  de  globulins .  L'auteur  n'ose  pas  dire  qu'il  s'agit  d'une  leucocythémie.— 
De  Pduy.  Virchow's  Archiv  fiir  pathol.  Anat.,  t.  Vllf,  p.  289.  Deux  observations.  —  Quaix. 
Med.  Times,  1852,  t.  Il,  p.  551.  Cité  par  Bennett.  —  Ranvieb.  Voy.  Ollivieii.  —  Recklixg- 
«Ai'SEX.  Virch.  Archiv,  t.  XXX.  Observât.  —  Rees.  iMncet,  1862,  t.  II,  p.  9.  Observ.  — 
Reuak.  Med.  Zeit.  des  Ver.  fiir  Heilkunde  in  Prag,  1841,  n">27.  Cité  parYirchow,  Ges.Abh., 
p.  182.  Signale  l'accroissement  des  leucocytes  à  la  suiie  des  perles  du  sang.  —  Reynaud. 
Journ.  hebdom.  de  médec.,  1829.  juillet,  t.  IV,  p.  152.  Cité  par  Bennett..  — Rolix.Vov. 
Blache,  voy.  Charcot.  —  Rokit.vnskï.  Zeitschr.  der  k.  k.  Gesellsch.  der  Aerzte  zu  Wicu, 
18i5,  t.  II,  p.  488.  Rapport  de  Lautner  sur  les  faits  observés  dans  l'établissement  anatom. - 
pathol.  placé  sous  la  direction  du  prof.  Bokitansky  à  l'hôpit.  génér.  de  Vienne.  Pyohéniie 
générale.  Coagul.  jaunes  verdàtres  dans  le  cœur  et  les  gros  vaisseaux,  hypertr.  de  la  rate 
et  du  foie.  Critiqué  par  Virchow  et  cité  par  Bennett.  —  Do  même.  AUg.  pathol.  Anatoniie, 
3=  édit.,  p.  526  et  527.  Traité  d'anat.  générale.  Croit  à  des  accumulations  de  noyaux  puru- 
lents et  de  cellules  purulentes  formant  dans  le  sang  de  petits  amas  tuberculeux,  môles  avec 
les  corpuscules  du  sang.  Critiqué  par  Virchow,  Ges.  Abhand.,  p.  18î.  —  Sarter.  Thèse. 
Berlin,  1862.  —  Scherer.  Wiirzb.  Verh.,  t.  Il,  p.  511,  et  t.  VII,  p.  125.  Anal,  du  sang,  — 
ScHMiDT  (Hehvig).  Thèse.  Gœttingue,  1816.  De  pathol.  lienis.  Cité  par  Craigie.  —  Schxepf 
(son  véritable  nom  était  Schnepp,  il  l'a  reconnu  plus  tard).  Gaz.  médicale  de  Paris,  1856, 
p.  199,  221,  255,  299,  315,  327.  Des  globules  incolores  du  sang,  de  leur  valeur  physio- 
logique et  pathologique  (leucocythémie),  du  sang  blanc  (leukémie).  Art.  de  critique  "très- 
élendu.  —  SciniEiBER.  De  leukœmia.  Thèse  inaugurale.  Regiomont.  (Kœnigsberg,  1854).  Ciié 
par  \irchow,  Ges.  Abhandl.  —  Schrœder.  Thèse.  Rostock,  1857.  2  obs.  —  Sciiutzem;erger. 
Gaz.  méd.  de  Strasbourg,  1867,  n»  18.  Observ.  —  Scuwartz.  Thèse  inaug.  Berlin,  1865.— 
Seitz.  Deutsche  Klin.,  1866,  p.  155.  5  observ.— Siiearer  (D'  G.).  Edinburgh  Med.  Journal, 
juillet  1860.  Anal,  dans  Arch.  gén.  de  méd.,  1860,  t.  II,  p.  765.  —  Simov.  Thèse  inaug. 
Paris,  1861,  De  la  leucocyth.  —  Soc.  «éd.  des  hôpitaux.  Bulletins,  t.  III,  18J5-1856,  p.  45, 
55,  62,  67,  73,  189-195.  Discussion  importante  sur  la  leucocythémie.  —  Soxtiieimer.  Thèse, 

jgtio.  Terrier.  Revue  de  thcrapcut.,  1856.  Art.  de  critique.  —  Thierfeldek  et  Uiile.  Arch. 

fiir  physiol.  Heilkunde,  de  \ierordt,  t.  VIII,  1856  (obs.  très-détaillée),  et  Gaz.  médicale  de 
Paris,  1858,  p.  87  (anal,  très-sommaire).  Une  observation.  —  Traill.  Sur  le  sang  chyleux. 
Cité  par  Bennett,  Mvnthhj  J.,  1851,  t.  XII,  p.  17-52.  —  Trousse,vu.  Clinique  de  l' Hôtel-Dieu, 
2=  édit.,  p,  545.  Legon  sur  leucocythémie  (2  obs,  sont  de  lui)  ;  id.  sur  adénie,  p,  555,  et  Gaz. 
des  hôp.,  1858,  p.  557.  —  Uhle.  Virchow's  Archiv  fïtr  pathol.  Anal.,  t.  V,  p.  576;  '1854. 
—  Velpeau.  Revue  médicale,  1827,  t.  II,  p,  218.  Sur  la  résorption  du  pus  et  sur  l'altération 

MCT.  ESC.  2'  S.  IL  24 


570  LEUCOIUM. 

du  sang  dans  les  maladies.  Obs.  I,  liypertr.  de  la  rate,  du  foie,  sang  en  bouillie  épaisse, 
couleur  lie  de  -vin  et  comme  mêlé  de  pus  louable  (pièces  présenvées  à  l'Acad.  de  méd. 
en  mars  1825).  Velpeau  admet  que  l'altération  est  indépendante  des  lésions  des  solides, 
et  même  que  ces  dernières  sont  consécutives  à  l'altération  du  sang.  —  Verhandlumjen 
der  phys.-medrJn.  Gcselhchaft  %u  Wunburcj.  t.  YII,  rt  Gaz.  médicale  de  Paris,  p.  tiO  ; 
1858.  Matériaux  pour  servir  à  l'histoire  de  la  leucémie,  par  MM.  Bamberger,  Virchow  et 
Scherer.  —  Valentiner.  Deutsche  Klin.,  1808,  ii"  'il.  Ubserv.  — Ykal.  De  la  Icucocytihémie 
splénique,  in-8°.  Paris,  1850,  Victor  Massou.  Avait  paru  en  détails  dans  la  Gazette 
hebdomadaire,  1850,  p.  91»,  160,  20i,  255,  252  —  Le  siè.me.  Ballet,  de  la  Soc.  anatomiquc, 
1857,  p.  535,  et  Gaz.  hebdomad.,  p.  588,  Observ.  de  leucocytliémie  splénique. —  Vicier  et 
CoRML.  Bull,  de  la  Soc.  anat.  de  Paris,  1864,  p.  47.  Obs.  de  leucocylhémie  lymph.  Gangl. 
avec  corpusc.  blancs  sembl.  aux  glom.  de  Malpigbi  de  la  rate;  globulins  dans  le  sang  (Cornil). 
■■•-  ViGLA.  Bidl.  de  la  Soc.  méd.  des  hôp.,  1855,. 12  décembre,  t.  lit,  p.  57  :  3  observations 
originales  (reproduites  dans  la  monographie  de  M.  Vidal)  ;  p.  60,  di-cussion  ;  p.  65,  analyse 
des  travaux  de  Bennett;  p.  78,  résumé  de  la  discussion;  p.  189,  discussion.  —  Virciiovv. 
Frorieps's  Notizeii,  1845,  novembre,  n"  780.  Weisses  Blut  (reproduit  textuellement  dans 
Gesamm.  Abhandl.).  Première  observation  [Marie  Straide,  du  1"  mai  au  31  juill.).  Premier 
aperçu  bien  net  des  corpuscules  blancs  du  sang  constituant  une  maladie  nouvelle.  —  Du  même. 
Weissblut  und  Milztumoren.  V  Preuss.  medizin.  Yereins-Zeitung,  18î6,  août  et  septembre, 
n"  54-36,  et  (2=  article)  1847,  janvier,  n"  3  et  4.  (Articles  reproduits  textuellement  dans 
Schmidt's  Jahrbïicher,  t.  LVII,  p.  182,  et  plus  tard  dans  Gesamm.  Abhamllungen  zur 
wissenschaftlichen  Mediziii).  2°  Die  Leuhœmie.  Arch.  fur  pathol.  Anat.,  1847,  t.  I,  p.  563 
(première  mention  de  la  leuc.  lymphat.).  5°  Puis  Arch.,  1849,  t.  II,  p.  587.  4°  Arch.,  1853, 
t.  V,  p.  43,  5»  Ibid.,  1854,  t.  VI,  p.  427.  6-  Ibid.,  1854,  t.  VII,  p.  174  [Professor  Bennett  und 
Leukœmia,  p.  505).  —  Du  même.  Gesamm.  Abhandl.  zur  wisscnsch.  Medizin  Frankfurt  a.  M., 
1856.  Ueber  farblose  Blutkôrperchen  und  Leukœmie.  Quatre  mémoires  consécutifs  (les  deux 
premiers  sont  la  reproduction  textuelle  de  ses  premiers  travaux).  Analyse  dans  Gaz.  hebd., 
1856,  p.  95,  et  dans  Arch.  gén.  de  méd.,  1856,  p.  129,  t  VII,  5«  série.  Cité  dans  Wiirzburger 
Verhandlunr/en,  t.  II,  p.  525.  —  Du  même.  Wûrzb .  Verh.,  t.  VU  (fragm.  pour  servir  à  l'bist.  de 
la  leuc,  b,  partie  anafom.  et  physiolog.).  —  Du  même.  Cellularpathologie  in  ihrer  Begriindimg 
auf  pliysiol.  und  pathol.  Gcwebelehre,  Berlin,  1859,  ou  Pathologie  cellulaire  (Irad.  Picard, 
Paris,  1861,  p.  159);  p.  159  et  suivante,  leucocytose  et  leucémie;  p.  155,  pyohémie  et 
leucocytose.  —  Du  même.  Traité  des  tumeurs,  t.  i,  20" leçon,  p.  413.  Leucocytose  dans  la 
syphilis.  —  Du  même.  Syphilis  constitutionnelle .  Traduite  par  Picard.  Paris,  1860,  p.  108. 
Leucocytose  dans  la  syphilis  (mêmes  termes  que  dans  l'autre  ouvrage).  — Vogel  (J.).  Canstatt's 
Jahresbericht  fiir  18i6.  Un  cas  reconnu  pendant  la  vie.  —  Du  siéjie.  Arch.  fiir  pathol.  Anat., 
t.  III,  p,  570;  1849. —  Dumème.  Handbuch  der  speziellen  Pathol.  und  Thérapie.  Erlangen, 

1854.  Cité  aussi  parVirchow,  Gesamm.  Abh  ,  p.  190,  200,  etc.  —  Vulpian.  Voy.  Charcot.  — 

Wallace.  Glasgow  tned.  Journ.,  1855.  —  Ward  (Ogier) .  Med.  Times,  1852,  p.  2i5.  Obs. 

VVeide.nbaum .   Virch.  Arch.,  t.  XVII,  p.  494.  Observ.  —  Wilks  (S.).  Guys  Hospital  Beports, 

1855,  p.  361.  2  observ.  Anal,  dans  Arch.  gén.  demédec,  1863,  t.  VllI,  p.  225.  —  Guy's 
liospital  Picports,  3"  série,  t.  II,  1856,  p.  117.  Obs.  40.  Hypertrophie  des  glandes  lympha- 
tiques combinée  avec  une  maladie  particulière  de  la  rate,  l'as  de  leucémie.  Analyse  par 
Cornil,  Archives  gén.  de  méd.,  1863,  t.  II,  p.  208.  —  Du  même.  Lancet,  1859,  t.  II, 
p.  558.  Obs.  —  Du  MÊME.  The  Lancet,  1861,  t.  II,  p.  9.  Observation  d'un  cas  type  de  leucoc. 
splénique.  —  Du  jiême.  Lancet,  1862,  t.  I,  p.  516.  Anœmia  lymphatica.  Obs.  —  Willshire. 
Lancet,  1861,  t.  II,  p.  8.  Anœmia  lymph.  —  AVi.n'tricii  (d'Erlangen).  Pr.  Vereins  mediz. 
Zeitung,  1847,  3,  et  Schmidt's  Jahrbiicher,  t.  LIX,  p.  182.  Cité  aussi  par  Virchovv,  Gesamm. 
Abhandl,  p.  177.  A  dû  publier  son  observation  ailleurs,  dit  Virchow.  Obs.  de  tumeurs  de 
la  rate  et  du  foie  avec  sang  blanc  examiné  par  Virchow.  —  Woillez.  Bull,  de  la  Soc.  méd. 
des  hôp.,  1855,  20  novembre,  t.  III,  p.  45.  Une  observ.  reproduite  par  M.  Vidal  dans  sa 
monographie.  —  Wi'>;DERLitn.  Archiv  der  Hcilkuude,  6°  Iteft,  1866,  p.  531,  et  Gaz  hebd. 
de  mcd.,iSijl,  p.  61.  Pseudo-Leukœmie,  ou  maladie  de  Hodgkin,  ou  lympliadénome  mul- 
tiple sans  leucémie,  c'est  ce  qu'en  France  on  appelle  Vadénie.  5  obs.  L'iodure  de  potassium 
parut  faire  du  bien.  Considér.  anatom.  et  pliysiol.  —  Zenker.  Canstcdt's  Jalir.,  1858,  p.  241. 
—  Zi3LMERSiAN.\.  Virch.  Arch.,  i.  XVIII,  p.  221  {i^GO).  Zur  Blutkôrperchen frage. 

E.  Is.VMBERT. 

liELCOCiRAPIIlS).     Pline  appelle  ainsi  le  Chardon-Marie.  (Voy.  Gnicus.) 

ïvEtcoiiM.     Voij.  NivÉOLE.  LeL.  luteum  des  anciennes  pharmacopées  est  la 
giroflée  jaune  [Clieiranthus  cheiri  L.).  II.  Bn. 


LEUCORRHÉE.  57Î 

LEtCOME.     Foy.  Cornée. 

LErcoPATSïlE.     Yolj.  Albinisme. 

LSrCOPMLEGSîASIIE.  VoiJ.  AnasarqUE. 

LEïjCôîIRHÉE.  Flux  pathologique  produit  par  l'augmentation  et  l'altération 
des  sécrétions  normales  de  l'appareil  génital  de  la  femme.  Sous  ce  nom  qui  signi- 
fie littéralement  écoulement  blanc  {Izvy.bç  blanc,  o-ïv  couler),  d'où  les  synonymes 
de  pertes  blanches,  fliieurs  Hanches,  iveisse  Fluss,  le  vulgaire  désigne  généra- 
lement  l'écoulement  de  tout  liquide  autre  que  le  sang  par  les  parties  génitales 
de  la  femme.  On  voit  par  là  que  ces  pertes,  loin  d'être  toujours  blanches,  doivent 
présenter  souvent  des  couleurs  différentes  ;  qu'elles  peuvent  tenir  à  des  maladies 
de  diverse  nature;  enfin  qu'elles  proviennent  suivant  les  cas.de  tels  ou  tels  or- 
ganes. Aussi  a-t-il  régné  dans  la  science,  jusqu'à  ces  derniers  temps,  beaucoup 
de  vague  et  de  dissidences  sur  la  manière  dont  on  doit  entendre  ce  mot.  On  en  a 
abusé  étrangement,  tant  qu'on  a  négligé  de  remonter  à  la  cause  de  l'écoule- 
ment, et  qu'on  a  regardé  comme  une  maladie  spéciale  ce  symptôme  commun 
à  plusieurs  maladies.  Il  faut  avouer  que  sous  ce  rapport  la  pudeur  mal  entendue 
des  femmes  a  longtemps  retardé  les  progrès  de  la  médecine  ;  car,  outre  qu'un 
grand  nombre  négligeait  d'appeler  l'attention  du  médecin  sur  ce  phénomène,  un 
grand  nombre  d'autres  supposait  qu'il  suffisait  de  lui  en  faire  part,  sans  se  sou- 
mettre à  un  examen  direct,  pour  l'éclairer  sur  la  nature  et  la  cause  de  leur  mala- 
die. Or  il  y  a  autant  de  différence  entre  les  diverses  sortes  de  flueurs  blanches, 
qu'il  y  en  a  entre  les  diverses  espèces  de  crachats,  par  exemple,  ou  les  divers 
écoulements  qui  peuvent  se  produire  sur  une  muqueuse  quelconque. 

D'abord  la  leucorrhée  proprement  dite  doit  être  distinguée  de  la  fausse  leu- 
corrhée. A  cet  égard,  il  nous  semble  qu'on  doit  entendre  sous  le  nom  générique 
et  trop  vague  de  pertes  blanches,  les  liquides  de  nature  et  d'origine  très-diverses 
qui  sortent  parles  parties  génitales  de  la  femme,  tandis  qu'on  doit  réserver  celui 
plus  spécial  de  leucorrhée  aux  liquides  qui  sont  produits  directement  par  ces 
organes,  sous  l'influence  d'un  état  pathologique  bien  caractérisé. 

I.  Fausse  leucorrhée.  Les  pertes  dont  les  femmes  se  plaignent  peuvent  venir 
d'organes  très-différents,  elles  peuvent  être  déterminées  par  la  présence  de  corps 
étrangers  ou  par  le  développement  de  lésions  organiques  plus  ou  moins  graves , 
Dans  aucun  de  ces  cas,  nous  ne  les  désignerons  sous  le  nom  de  leucorrhée.  Il 
n'est  pas  jusqu'à  l'évacuation  d'un  kyste  ovarique  par  la  trompe  qui  ne  puisse 
donner  naissance  à  un  écoulement  qu'on  peut  confondre  sinon  avec  la  leucorrhée, 
du  moins  avec  l'hydrorrhée  ou  l'hydropisie  utérine.  Des  môles  hydatiformes  ou 
chai'uues,  des  polypes,  des  tumeurs  fibreuses^  produisent  des  écoulements  résul- 
tant de  l'irritation  que  leur  seule  présence  détermine  sur  la  muqueuse  utérine  et 
particulièrement  sur  ses  glandes.  L'hypertrophie  locale  et  générale,  les  granula- 
tions, les  fongosités  produisent  de  pareils  écoulements,  non  plus  en  agissant 
comme  les  précédentes  lésions  à  la  manière  de  corps  étrangers,  mais  en  altérant 
le  tissu  et  la  vitalité  même  de  l'organe.  Ces  pertes  sont  très-variables  suivant  la 
période  de  la  maladie,  le  volume  des  tumeurs,  le  degré  de  réaction  qu'elles  exci- 
tent dans  l'utérus;  quelquefois  il  y  a  un  simple  écoulement  muqueux,  quelque- 
fois un  écoulement  sanguinolent,  sanieux,  purulent,  etc.;  la  tuméfaction  de  l'u- 
térus, les  douleurs  contractiles,  les  hémorrjiagies  et  plusieurs  autres  symptômes 
facilitent  le  diagnostic  différentiel. 


372  LEUCORRHÉE. 

Un  corps  étranger,  un  possairc,  séjournant  dans  le  vagin,  et  même  dans  l'uté- 
rus, y  produit  une  liypersécrétion,  y  détermine  de  la  suppuration,  et  y  retient  des 
liquides  purulents,  qui  en  se  décomposant  exhalent  une  odeur  de  fermentation 
acide  très-pénétrante.  L'écoulement  qui  suit  la  décomposition  des  caillots  de  sang 
retenus  dans  ces  cavités,  a  l'odeur  caractéristique  que  les  chirurgiens  savent  hien 
reconnaître  pour  l'avoir  sentie  en  pansant  des  plaies  compliquées  d'hémorrhagie 
et  de  caillots  putréfiés  par  un  long  séjour  au  milieu  des  tissus.  L'écoulement  dû  à 
la  décomposition  du  produit  de  la  conception,  des  membranes  fœtales,  ou  du  pla- 
centa retenu  dans  l'utérus,  exhale  une  odeur  de  putréfaction  analogue  ;  il  a  en 
même  temps  une  couleur  et  une  consistance  qui  diffèrent  autant  que  son  odeur 
de  celles  de  l'écoulement  leucorrhéique  ;  il  est  pâle,  sanieux,  ou  mélangé  de 
sang,  de  pus  et  de  débris  membraneux. 

Les  abcès  de  l'utérus  ou  les  suppurations  étendues  de  toute  la  surface  interne 
de  l'organe,  peuvent  déterminer  l'issue  intermittente  ou  continue  de  quantités 
de  pus  quelquefois  très-considérables  et  que  l'on  voit  sortir  dans  ce  cas  de  la 
cavité  utérine  elle-même.  Tels  sont  les  faits  rapportés  par  Ashwell,  qui  a  vu  une 
demi-pinte  de  pus  sortir  de  cette  cavité  chez  une  malade,  et  par  Salford-Lee,  qui  a 
vu  un  écoulement  purulent  abondant  produit  par  la  présence  d'un  polype  (cités 
par  Graily  Hewitt,  p.  86).  Tel  est  celui  de  Matthews  Duncan  {Edinb.  med.  Journ., 
mars,  4860),  qui  a  vu  sortir  une  quantité  considérable  de  pus,  chez  une  vieille 
femme  qui  avait  cessé  d'être  menstruée.  J'ai  vu,  dans  un  cas  analogue,  une 
quantité  notable  de  pus  sortir  de  la  cavité  utérine;  dans  un  autre  cas,  un  abcès 
interstitiel  ouvert  sur  la  lèvre  antérieure  du  col.  Les  abcès  développés  près  du 
vagin,  tels  que  les  abcès  pelviens  ouverts  dans  ce  canal,  se  distinguent  aussi 
de  l'écoulement  leucorrhéique  par  la  nature  purulente  et  ordinairement  homo- 
gène du  liquide,  et  par  la  soudaineté  de  son  apparition. 

La  tuberculisation  utérine  qui  parait  d'ailleurs  être  très-rare,  peut  déterminer 
aussi  un  écoulement  aqueux,  jaune  sale,  ou  brun  pâle,  durant  \m  long  temps,  se 
distinguant  de  la  leucorrhée  par  ces  caractères,  et  de  l'ichor  cancéreux  par  l'ab- 
sence d'une  odeur  spéciale. 

Le  cancer  donne  lieu  à  un  écoulement  séreux  ou  séro-sanguinolent,  compa- 
rable à  une  eau  roussàtre,  quelquefois  assez  acre,  irritant  pour  les  tissus  sous- 
jacents,  rarement  inodore,  habituellement  fétide.  Lorsqu'il  est  ulcéré,  l'écoule- 
ment, en  continuant  à  être  séreux,  est  mêlé  à  des  matières  plus  épaisses,  à  du  pus, 
à  des  détritus  de  tumeur,  il  est  iclioreux  et  parliculièrement  nauséabond.  Cette 
odeur,  très-dilférente  de  l'odeur  de  fermentation  des  liquides  leucorrhéiques,  et 
même  de  la  putréfaction  des  caillots,  est  caractéristique. 

II.  Leucorrhée  proprement  dite.  La  leucorrhée  elle-même,  comme  les  pertes 
blanches  que  nous  venons  d'énumérer,  est  habituellement  symptomatique.  Doit- 
on  la  supprimer  pour  cela  du  cadre  nosologique,  et  se  contenter  de  lui  donner 
une  place  dans  la  séméiologie?  Il  faut  convenir  que  la  plupart  des  auteurs  con- 
temporains qui  traitent  des  maladies  des  femmes  s'abstiennent  de  lui  consacrer 
un  chapitre  particulier,  et  que  plusieurs  en  omettent  môme  le  nom.  On  se  con- 
tente de  signaler  les  écoulements  symptomatiques  de  la  vulvite,  de  la  vaginite,  de 
l'endométrite  ou  du  catarrhe  de  l'utérus,  en  décrivant  la  phlegmasic  des  mem- 
branes muqueuses  qui  revêtent  les  divers  segments  de  l'ajjpareil  génital.  Mais  je 
pense  qu'il  convient  de  conserver  le  nom  et  de  faire  l'histoire  pathologique  de  la 
leucorrhée,  pour  deux  raisons  principales. 

La  première  c'est  l'intérêt  même  que  présente  ce  symptôme  en  séméiologie 


LEUCORRHÉE.  575 

utérine.  La  perte-blanclie,  vraie  ou  fausse  leucorrhée,  est  d'une  importance  capi- 
tale pour  le  diagnostic  ;  elle  révèle  toujours  un  état  morbide  ;  il  n'y  a  pas  de  leu- 
corrhée normale  ou  physiologique,  de  quelque  façon  qu'on  veuille  l'entendre. 
Chez  quelques  femmes,  il  est  vrai,  les  flueurs  blanches  ne  sont  accompagnées 
d'aucun  autre  symptôme,  et  l'habitude  d'observer  un  pareil  écoulement  chez 
elles  et  chez  quelques  autres  femmes,  porte  malheureusement  les  malades  à  le  né- 
gliger ;  mais  le  médecin  doit  se  rappeler  que  la  seule  apparition,  et  surtout  la  du- 
rée d'une  pareille  perte  témoignent  d'un  véritable  état  morbide  ;  il  doit  savoir  que 
si  récoulemeut  devient  visqueux  et  gluant,  s'il  est  accompagné  de  dyspepsie,  de 
pâleur,  d'amaigrissement,  il  est  symptomatique  d'une  maladie  utérine,  etc. 

La  seconde,  c'est  l'importance  de  ce  symptôme  au  point  de  vue  des  indications. 
Le  traitement  de  la  leucorrhée  comporte  des  manières  d'agir  spéciales,  qui  res- 
semblent à  celles  que  l'on  applique  aux  écoulements  des  autres  muqueuses. 
Aussi,  indépendamment  de  tout  autre  symptôme  résultant  des  diverses  altéra- 
tions physiologiques  ou  pathologiques  de  la  matrice,  l'apparition  et  la  persistance 
d'un  écoulement  par  les  voies  génitales  suffisent  poiir  commander  au  praticien 
des  recherches  bien  déterminées,  et  pour  nécessiter  l'emploi  d'un  certain  nombre 
de  médications  qui  sont  exclusivement  applicables  à  cet  état  morbide. 

Mais  il  y  a  plus,  on  peut  se  demander  si  la  leucorrhée  ne  constitue  pas  par 
elle-même  une  maladie,  et  si  dans  certaines  circonstances,  relativement  rares, 
elle  n'est  pas  une  vraie  maladie  au  lieu  d'être  un  symptôme.  Sans  préjuger  cette 
question  sur  laquelle  nous  allons  revenir,  je  ferai  observer  que,  même  dans  les 
cas  bien  plus  nombreux  où  elle  est  évidemment  symptomatique,  elle  peut  per- 
sister comme  symptôme  ultime  de  la  maladie  qui  l'a  produite,  et  même  api^ès  la 
guérison  de  celle-ci.  Comme  la  suppuration,  l'ulcération,  les  granulations,  etc., 
la  leucorrhée  est  souvent  l'une  des  terminaisons  de  l'inflammation;  mais,  celle-ci 
passée,  elle  persiste  et  réclame  seule  un  traitement  qui  ne  relève  alors  en  aucune 
façon  du  traitement  antiphlogistique  proprement  dit.  Lorsque  l'inflanimation  ai- 
guë des  muqueuses  génitales  est  passée,  que  l'inflammation  chronique  elle-même 
a  perdu  les  caractères  qui  peuvent  la  faire  ranger  dans  les  phlegmasies,  il  reste  de 
la  leucorrhée  et  quelque  lien  qui  rattache  la  leucorrhée  à  l'inflammation,  ce 
n'est  plus  alors  l'inflammation  qu'on  a  à  traiter,  c'est  la  leucorrhée.  Il  en  est  de  la 
leucorrhée  comme  de  l'hémorrhagie,  de  la  suppuration,  etc.,  qui  sont  toujours 
les  symptômes  ou  les  conséquences  éloignées  de  quelque  maladie,  mais  qui  de- 
viennent, à  leur  tour  et  à  elles  seules,  des  sources  d'indications,  indépendamment 
des  maladies  qui  leur  ont  donné  naissance. 

111.  Leucorrhée  idiopathique.  La  leucorrhée,  disons-nous,  est  souvent  sym- 
ptomatique d'altérations  très-diverses  de  la  muqueuse  génitale,  et  même  du 
tissu  propre  de  l'utérus  et  de  ses  annexes  ;  elle  n'est  pas  alors  une  maladie,  elle 
n'est  qu'un  symptôme.  Mais  en  est-il  toujours  ainsi?  et  après  lui  avoir  donné 
une  importance  exagérée  et  avoir  condensé  en  elle  toute  la  pathologie  utérine, 
comme  l'avait  tait  Blatin  (J.-B.  Blatin,  du.  Catarrhe  utérin,  ou  des  flueurs  blan- 
ches, Paris,  an  X,  1801.  H.  Blatin  et  V.  Nivet,  Traité  des  maladies  des  femmes 
qui  déterminent  des  flueurs  blanches,  des  leucorrhées  ou  tout  autre  écoulement 
vaginal,  Paris,  Clermont-Ferrand,  1842),  faut-il  la  rayer,  avec  la  plupart  des 
modernes,  du  cadre  des  maladies  de  la  matrice  et  ne  la  citer  que  comme  un 
symptôme  demétrite  interne  ou  de  vaginite?  .le  crois  que  la  réaction  a  été  exa- 
gérée et  je  pense,  sauf  les  modifications  que  nos  connaissances  ultérieures  appor- 
teront à  cette  opinion,  que  l'on  doit  admettre  encore  un  état  pathologique  non 


X 


574  LEUCORRHÉE. 

itiflamraatoire,  caractérisé  par  riiypersécrétion  des  muqueuses  génitales.  Nul 
doute  que  cette  hypersécrélion  ne  suppose  un  certain  degré  d'irritation  ou  de 
congestion  de  la  muqueuse  ;  mais  elle  est  favorisée  par  la  faiblesse  plutôt  que 
par  la  force  de  vitalité  de  cette  membrane,  et  il  est  souvent  difficile,  pour  ne 
pasdire  impossible,  de  la  rattacher  à  l'inflammation  par  les  causes  qui  l'engendrent, 
pas  plus  que  par  les  symptômes  qui  l'accompagnent,  ni  par  le  traitement  qui 
lui  convient. 

Je  vois  avec  plaisir  ces  idées  partagées  par  la  nouvelle  génération  médicale. 
Il  y  a  des  cas,  et  ils  sont  nombreux,  disent  MM.  Racle  et  Lorain  (Yalleix,  Giiide 
du  jnédecin praticien,  t.  y,  p.  32,  Paris,  1861),  où  la  leucorrhée  est  toute  la 
maladie,  c'est-à-dire  où  elle  ne  se  rattache  à  aucune  lésion  anatomique  permanente. 
Une  comparaison,  ajoutent-ils,  fera  comprendre  notre  pensée.  Qu'un  individu 
lymphatique  à  constitution  faible  et  molle,  soit  sujet  à  un  flux  sudoral  excessif  et 
habituel,  dira-t-on  que  ce  flux  est  le  symptôme  de  la  débilité  générale  de  l'écono- 
mie? Non,  certainement  ;  il  en  sera  l'effet,  le  résultat,  non  le  symptôme.  La  fai- 
blesse générale  n'est  qu'une  imperfection  relative  de  l'organisation  et  des  prin- 
cipales fonctions,  mais  ce  n'est  pas  une  maladie  ;  le  flux  sudoral  sera,  au  con- 
traire, la  maladie  tout  entière,  et,  qui  plus  est,  une  maladie  essentielle,  car  il 
n'aura  pas  son  point  de  départ  dans  une  altération  anatomique  de  la  peau.  C'est 
de  cette  manière  que  l'on  doit,  à  notre  sens,  entendre  la  leucorrhée  constitution- 
nelle, que  nous  persistons,  avec  beaucoup  d'auteurs,  à  considérer  comme  une 
maladie  réelle  et  essentielle. 

11  est  juste,  en  effet,  de  dire  que  les  femmes  à  tempérament  lymphatique,  à  con- 
stitution molle,  faible  et  délicate,  sont  plus  sujettes  que  les  autres  à  la  leucorrhée, 
indépendamment  de  toute  altération  organique.  Il  est  juste  de  reconnaître  qu'une 
perversion  de  circulation  ou  d'innervation,  une  fluxion  utérine  légère,  un  peu  de 
congestion,  un  éréthisme  ou  une  excitation  particulière  du  tissu  peuvent  être 
nécessaires  pour  causer  la  leucorrhée.  Mais  la  leucorrhée  doit-elle  pour  cela  être 
considérée  comme  étant  nécessairement  symptomatique  de  ces  altérations  de  la 
vie  locale  ou  de  l'état  de  débilité  générale  des  malades  qui  en  sont  atteintes?  Non, 
assurément;  car  cette  perversion  de  nutrition  et  d'innervation,  cette  faiblesse 
originelle  ou  acquise  de  l'organisme  auraient  pu  se  traduire  par  une  autre  mani- 
festation ou  donner  naissance  à  un  autre  état  morbide.  En  disposant  la  malade 
aux  flux,  en  localisant  ces  flux  dans  l'utérus,  par  suite  de  l'augmentation  de  sé- 
crétion qu'elles  ont  amenée  dans  les  glandes  utérines,  elles  ont  été  les  causes  pré- 
disposantes et  déterminantes  de  la  leucorrhée;  mais  celle-ci  seule  est  la  maladie  el 
toute  la  maladie.  L'état  de  débilité  généi'ale  et  l'altération  fonctionnelle  locale 
qui  en  ont  favorisé  le  développement  ne  présentent,  ni  l'une  ni  l'autre,  comme 
la  leucorrhée,  les  caractères  d'un  état  morbide  déterminé. 

La  leucorrhée  idiopathique  est  donc  un  flux  anormal  des  muqueuses  génitales, 
plus  particulièrement  de  la  membrane  interne  de  l'utérus,  flux  ranqueux  ou 
muco-purulent ,  favorisé  par  une  atonie  générale  et  par  une  prédisposition 
locale,  et  déterminé  enfin  par  une  irritation  légère  de  la  memhrane  sécrétante 
ou  par  une  imperfection  fonctionnelle,  telle  que  la  chlorose. 

Elle  constitue  un  état  morbide  spécial  ou  une  maladie  essentielle,  au  même 
titre  que  tout  autre  flux,  tel  que  diarrhée,  bronchorrhée,  blennorrhée  uréthrale, 
sialorrliée,  sudation  exagérée,  etc. 

Parmi  les  conditions  d'atonie  générale  qui  prédisposent  à  la  leucorrhée,  on  peut 
citer  l'âge,  le  tempérament,  la  constitution,  le  climat,  l'habitaliou,  l'alimentation 


LEUCORRHÉE.  375 

habituelle,  etc.  Mais  il  est  difficile  d'apprécier  à  sa  juste  valeur  l'influence  de  ces 
diverses  causes,  interprétée  contradictoirenient  par  ceux-là  même  qui  ont  entre- 
pris des  recherches  propres  à  l'éclairer. 

Ainsi  il  est  admis  que  les  constitutions  faibles,  les  tempéraments  lymphatiques 
sont  sujets  à  la  leucorrhée,  et  je  suis  de  cet  avis,  malgré  l'assertion  contraire  de 
quelques  pathologistes  qui  ont  probablement  observé  simultanément  des  blen- 
norrhagies,  des  vaginites  et  quelques  leucorrhées  proprement  dites  chez  des  filles 
publiques,  et  qui  en  ont  fait  la  base  de  leur  statistique.  L'âge  de  la  première  période 
des  fonctions  sexuelles  m'a  paru  disposer  à  la  leucorrhée  ;  je  l'ai  observée  chez 
les  jeunes  filles  avant  l'apparition  des  règles  ou  pendant  les  premières  aimées  de 
la  menstruation,  et  chez  les  jeunes  femmes  plus  souvent  que  chez  les  femmes 
âgées. — Les  climats  froids  et  humides  y  prédisposent  aussi.  On  a  bien  dit  théori- 
quement que  les  contrées  chaudes  relâchent  les  vaisseaux  et  préparent  les  flux 
comme  les  hémorrhagies  ;  mais  il  est  avéré  que  les  contrées  humides,  telles  que 
la  Belgique,  la  Hollande  et  les  districts  marécageux  de  l'Angleterre,  y  disposent 
bien  plus  positivement.  (Graily  Hewitz,  ouv.  cit.,  p.  89.)  D'après  une  statistique 
reposant  sur  des  faits  observés  à  Paris  par  Marc  Despine,  et  à  Marseille  par  M.  Gi- 
rard,  le  tiers  des  femmes  seulement  seraient  exemptes  de  llueurs  blanches  à 
Paris,  tandis  que  les  trois  quarts  en  seraient  exemptes  à  Marseille.  (Marc  Despine, 
Recherches  anatomiques  sur  quelques  points  de  l'histoire  de  la  leucorrhée;  dans 
les  Archives  générales  de  médecine,  2^  série,  t.  X,  p.  165,  Paris,  1836.)  Le 
séjour  des  villes  est  universellement  regardé  comme  favorable  à  la  production  de 
la  leucorrhée,  et  cette  opinion  est  confirmée  par  les  reclierches  de  M.  Brierre  de 
Boismont  {de  la  Menstruation  considérée  dans  ses  rapports  physiologiques  et 
pathologiques,  ch.  xiii.  Des  flueurs  blanches,  p.  259,  Paris,  1842). — Enfin  le 
régime  débilitant  est  une  des  plus  puissantes  causes  prédisposantes;  c'est  à  ce  titre 
que  l'usage  du  café  au  lait  a  été  singulièrement  incriminé.  A  en  croire  Lagneau 
[Dict.  deméd.  50  vol.,  art.  Leucorrhée,  t.  XVlll,  p.  25.  Paris,  1858),  Lisfranc 
{Clinique  chirurgicale  de  la  Pitié,  art.  Leucorrhée,  t.  If,  p.  500.  Paris,  1842), 
et  M.  Nonat  {Traité  pratique  des  maladies  de  l'utérus,  p.  634),  1  influence  du 
café  au  lait  est  si  certaine  qu'on    peut  guérir  ou  ramener  à  volonté  les  pertes 
blanches,  chez  les  femmes,  en  suspendant  ou  reprenant  l'usage  de  cet  aliment, 
et,  chose  remarquable  !  l'ingestion  isolée  du  lait  et  du  café  ne  produit  pas  sur 
l'utérus  le  même  effet  que  le  mélange  de  ces  deux  liquides  ;  observation  singu- 
lière qui  inspire  à  Lisfranc  des  réflexions  sur  l'importance  de  l'association  des 
médicaments,  trop  négligée  de  nos  jours,  et  à  M.  Nouât,  la  pensée  que  le  café  au 
lait  pourrait  bien  exercer  sur  la  muqueuse  de  l'utérus  une  action  élective  sem- 
blable à  celle  de  la  digitale  sur  le  cœur,  de  la  belladone  sur  l'iris,  etc..  Je  n'ajou- 
terai qu'une  réflexion.  C'est  que  les  femmes  qui  font  usage  de  café  au  lait  à  Paris 
se  nourrissent  fort  mal,  et  remplacent  par  cet  ahment,  habituellement  frelaté  et 
insuffisant,  un  bon   repas,    où   elles  auraient  mangé  de  la  viande  et  d'autres 
aliments  plus  toniques;  j'ai  vu  et  je  vois  journellement  des  femmes  qui  prennent 
de  bon  café  au  lait,  sans  omettre  pour  cela  un  seul  de  leurs   trois  repas,  et  qui 
n'ont  jamais  de  leucorrhée.  M.  Mascarel  {Gaz.   viéd.    de  Paris,   1857,  p.   7), 
cite  l'exemple  d'une  grande  manufacture  de  l'État,   située  presqu'au  centre  de 
la  France  où  l'usage  du  café  au  lait  est,  dit-il,  passionnément  répandu  chez  les 
femmes  et  leurs  enfants,  sans  que  cette  ahmentation  exerce  la  plus  légère  influence 
sur  la  production  des  maladies  du  col  de  l'utérus  ni  sur  la  leucorrhée. 
On  peut  rapprocher  de  ces  causes  débilitantes  générales  des  causes  plus  spé- 


S7t;  LEUCORRHÉE. 

claies  qui  agissent  dans  le  même  sens  :  l'allaitement  prolongé  chez  les  nourrices 
faibles,  les  maladies  du  cœur,  les  maladies  chroniques  du  ])oumon,  l'emphysème, 
la  disposition  à  la  phthisie,  et  la  phtliisie  elle-même,  enfin  les  diverses  diathèses 
•dont  la  leucorrhée  n'est  pas  toujours  symptomatique,  mais  qui  préparent  l'orga- 
nisme, par  la  déhilitatiou  dans  laquelle  ils  le  jettent,  à  l'établissement  de  llux 
vagino-utérins,  muqueux  ou  purulents. 

Je  crois  qu'il  finit  ajouter  souvent  à  cette  prédisposition  générale,  cons'stant 
dans  l'atonie  origmelle  ou  acquise  de  l'économie  entière,  une  prédisposition  locale 
consistant  dans  l'atonie  particulière  de  l'appareil  géuital  ou  de  quelqu'un  de  ses 
organes.  J'ai  souvent  remarqué  chez  les  femmes  leucorrhéiques,  la  pâleur,  la 
mollesse,  l'extensibdité  de  la  muqueuse  vulvo-vaginale,  les  orifices  folliculaires  ou 
glandulaires  béants,  des  symptômes  d'hyperémie  passive,  l'abaissement  ou  1  in- 
chnaison  de  l'utérus,  le  relâchement  de  ses  hgaments,  l'excrétion  fréquente,  invo- 
lontaire et  fort  incommode  de  l'nrine  sous  l'influence  des  efforts,  ou  des  éclats  de 
rire,  quelquefois  même  l'incontinence  d'urine  nocturne. 

Chez  les  femmes  qui  présentent  ces  prédispositions,  la  leucorrhée  peut  être 
déterminée  par  deux  causes  d'ordre  différent,  qu'il  s'agit  de  diagnostiquer  pour 
saisir  les  indications  du  traitement. 

Tantôt  une  simple  irritation  locale  légère  suffit  pour  faire  éclore  l'écoulement, 
qui  s'entretient  ensuite  d'autant  plus  aisément  que  la  malade  y  était  en  quelque 
sorte  mieux  préparée.  Les  excitations  des  organes  génitaux  chez  les  petites  filles, 
l'abus  du  coït  chez  les  jeunes  époux,  la  menstruation,  la  grossesse,  l'avortement, 
l'accouchement,  sont  les  causes  les  plus  ordinaires.  Ces  mêmes  causes  agissant 
avec  énergie  et  continuité  peuvent  produire  l'inflammation  même  de  la  vulve,  du 
vagin  ou  de  l'utérus.  Mais  que  de  fois  leur  action  plus  modérée  se  borne  à  détermi- 
ner l'apparition  de  la  leucorrhée  !  Les  approches  de  l'établissement  des  règles  et  la 
modification  qu'elles  apportent  à  la  circulation  de  l'utérus  et  de  ses  annexes,  l'ex- 
citation légère  qui  précède  et  qui  suit  pendant  quelques  jours  chaque  période 
menstruelle,  sont  souvent  m::rquées  par  des  flueurs  blanches.  La  grossesse  n'en- 
traîne pas  assurément  l'inflammation  de  l'utérus  ;  mais  sous  l'influence  de  la 
fluxion  et  de  la  congestion  qu'elle  entretient  sur  la  muqueuse  génitale,  elledéve- 
lopipe  une  leucorrhée  vaginale.  La  simple  congestion  qu'elle  laisse  dans  les  or- 
ganes, plus  difficile  à  se  dissiper  chez  certaines  femmes  que  chez  d'autres,  la  len- 
teur de  l'évolution  rétrograde  de  l'utérus,  sont  souvent  le  point  de  départ  d'un 
llux  leucorrhéique,  qui  n'a  rien  d'inflammatoire  et  qui  peut  se  prolonger  indéfi- 
niment. 

Tantôt  une  imperfection  fonctionnelle  de  l'utérus  ou  le  retententissement  que 
cet  organe  peut  recevoir  du  trouble  fonctionnel  d'un  autre  organe,  préside  à  l'éta- 
blissement de  la  leucorrhée.  Cliez  les  filles  chlorotiques  et  aménorrhéiques,  il 
semble  que,  par  suite  de  l'altération  du  sang,  de  F  affaiblissement  général  ou  de 
l'atonie  des  vaisseaux  sanguins  de  l'utérus,  la  fluxion  périodique  de  cet  organe 
soit  insuffis^mte  pour  arriver  jusqu'à  l'hémorrhagie  ;  elle  aboutit  à  un  simple  flux 
muqueux,  séro-muqueux,  muco-sanguinolent  ou  muco-purulent,  qui  lui  donne 
satisfaction.  Ce  flux  ne  paraît  qu'à  l'époque  des  règles,  ou  bien  il  se  répète  dans  ■ 
la  période  intermenstruelle.  11  peut  même  être  continu  pendant  toute  cette  pé- 
riode, mais  en  s'augmentant  habituellement  aux  moments  qui  correspondent  aux 
époques  menstruelles,  pour  décroître  pendant  les  périodes  intercalaires.  J'ai  ob- 
servé maintes  fois  ces  diverses  variétés;  i'ai  observé  aussi  les  différences  de  l'é- 
.coulcmeat  à  ces  divers  moments  et  chez  diverses  malades.  Il  est  certain  que  cet 


LEUCORRHÉE,  3?"? 

écoulement  renferme  quelquefois  des  globules  de  pus,  indices  d'une  irritation 
légère  de  la  surface  de  la  muqueuse  ou  de  ses  follicules  ;  qu'il  contient  d'autres 
fois  des  globules  de  sang  qui  semblent  signaler  une  disposition  à  l'accomplisse- 
ment de  l'hémorrhagie  naturelle  ou  au  retour  des  conditions  normales  de  la  fonc- 
tion; qu'il  est  souvent  séro-muqueux,  comme  si  du  sérum  exsudé  dus  vaisseaux 
se  mêlait  au  mucus  hypersécrété  sous  l'influence  de  la  fluxion  dont  les  follicules 
sont  l'aboutissant  avec  tout  le  reste  du  système  utérin.  — Le  retentissement  (|ue 
l'utérus  éprouve  du  trouble  fonctionnel  d'uii  autre  organe  peut  aussi  engendrer 
une  leucorrhée  utérine.  L'absen:e  de  l'allaitement,  h  suppression  d'une  fonction 
physiologique  ou  palhologique,  de  la  sueur,  de  l'expectoration,  de  la  diarrhée,  des 
hémorrhoïdes,  d'un  exutoire,  etc.,  peuvent  lui  donner  naissance,  comme  la  sup- 
pression de  la  menstruation  elle-même.  On  a  caractérisé  cette  espèce  de  leucor- 
rhée par  les  noms  de  métastatique  ou  de  supplémentaire.  Mais  il  est  encore  plus 
difficile  dans  ces  circonstances  que  dans  le  cas  d'aménoiTliée,  de  dévoiler  la  vé- 
ritable pathogénie  de  la  leucorrhée,  et  de  décider  si  elle  est  véritablement  supplé- 
mentaire des  flux  dont  la  suppression  coïnc.'de  avec  son  apparition,  ou  si  elle  est, 
comme  ces  flux  eux-mêmes,  symptomatique  d'un  état  général  commun  dont  ils 
relèvent  tous  les  deux. 

IV.  Leucorrhée  symptomatique.  Le  plus  souvent,  il  faut  le  reconnaître,  la 
leucorrhée  n'est  qu'un  symptôme.  Les  maladies  qui  lui  donnent  naissance  sont 
elles-mêmes  de  nature  diverse,  et  occupent  des  sièges  différents. 

Relativement  à  leur  nature,  les  maladies  qui  engendrent  la  leucorrhée  peuvent 
être  aiguës  ou  chroniques,  générales  on  locales,  diathésiques  ou  no)i  diathésiques. 
Parmi  les  causes  générales  ou  diathésiques  de  la  leucorrhée,  il  faut  signaler  les 
affections  dartreuses,  rhumatismales,  scrofuleuses  ;  parmi  les  causes  locales,  les 
irritations  sexuelles,  l'inflammation  des  organes  génitaux  et  surtout  de  leurs  mu- 
queuses, le  catarrhe  particulièrement  pour  l'utérus,  enfin  la  blennorrhagie,  qu 
peut  atteindre  la  vulve,  le  vagin,  l'utértis,  s'étendre  même  jusqu'à  l'ovaire,  et  qui 
se  distingue  par  son  caractère  essentiellement  contagieux.  Quant  aux  leucorrliées 
symptomatiques  d'altérations  locales  du  tissu  de  l'organe,  telles  que  les  ulcéra- 
tions du  col,  les  granulations,  les  fongosités,  les  polypes,  etc.,  il  ne  doit  pas  en 
être  question  dans  cet  article. 

Relativement  au  siège,  la  leucorrhée  peut  être  Hmitée  à  la  vulve,  plus  souvent 
au  vagin  ou  seulement  à  l'utérus.  Elle  peut  envahir  simultanément  les  muqueuses 
de  ces  trois  organes  ;  elle  peut  même  s'étendre  aux  trompes  et  jusqu'aux  ovaires, 
dont  elle  détermine  l'inflammation.  (Voy.  Ovaire.) 

Pour  ne  pas  nous  laisser  entraîner  cà  des  répétitions  inutiles,  nous  exposerons 
les  caractères  de  la  leucorrhée  d'après  le  siège,  et  à  mesure  que  nous  décrirons  la 
leucorrhée  vulvaire,  vaginale  et  utérine,  nous  signalerons  les  maladies  de  nature 
différente  qui  peuvent  déterminer  le  plus  fréquemment  l'apparition  de  la  leucor- 
rhée sur  ces  divers  points.  Nous  devons  dire  seulement,  avant  d'aborder  ces  divi- 
sions, que  certaines  maladies  ont  plus  de  tendance  que  d'autres  à  déterminer 
l'apparition  de  la  leucorrhée  simultanément  ou  successivement  sur  toutes  les 
muqueuses  de  l'appareil  génital,  au  lieu  de  la  limiter  à  l'une  d'elles.  Ainsi  les' 
leucorrhées  herpétiques  ou  dartreuses,  d'ailleurs  assez  fréquentes,  ont  de  la  ten- 
dance à  envahir  alternativement  plusieurs  parties,  ou  à  porter  successivement  leur 
intensité  sur  les  divers  points  de  la  muqueuse  utéro-vulvaire  et  même  des  organes 
voisins.  Tantôt  la  leucorrhée  utérine  diminue,  la  vaginale  augmente;  tantôt  celle- 
ci  s'améliore,  la  vulve  se  prend,  les  grandes  lèvres,  la  liice  interne  des  cuisses. 


378  LEL'CORRHEE. 

l'anus  se  couvrent  de  vésicules  d'eczéma  ou  d'herpès,  de  pustules  d'impétigo,  ou 
tout  au  moins  sont  envahis  par  un  érythème  ou  un  intertrigo  sécrétant  ;  et  réci- 
proquement, lorsque  ces  derniers  organes  commencent  à  se  dépouiller,  les  mu- 
queuses vaginale  ou  utérine  se  prennent  de  nonveau.  J'ai  fait  des  observations 
pareilles  chez  l'homme  :  j'ai  vu  des  maladies  dartreuses  envahir  successivement 
et  alternativement  le  scrotum,  le  prépuce,  le  gland,  l'urèthre,  le  col  de  la  vessie, 
la  vessie,  un  uretère,  un  rein;  se  déplacer  tantôt  dans  un  sens,  tantôt  dans  un 
autre,  pour  se  porter  sur  tel  ou  tel  point.  Je  ne  puis  douter  qu'il  n'en  soit  de 
même  chez  la  femme. 

Les  racmes  remarques  sont  applicables  à  la  leucorrhée  blennorrhagiqiie, 
virulente  ou  contagieuse.  {Voy.  l'article  BLEiSivoRRiuGiE  génitale  chez  la 
femme.) 

V.  Leucorrhée  vulvaire,  La  leucorrhée  vulvaire  est  fréquente  chez  les  enfants, 
surtout  chez  les  petites  filles  scrofuleuses  ou  dartreuses  ;  elle  coexiste  ou  elle 
alterne  avec  des  croûtes  à  la  tète,   de  l'mipétigo,  de  l'eczéma,  de  l'herpès.  Elle  se 
complique  quelquefois  d'ulcération  superficielle ,  d'engorgement  des   ganglions 
inguinaux,  d'inflammation  et  de  suppuration  de  ces  organes.  Elle  est  évidemment 
due  à  un  excès  de  sécrétion,  à  une  éruption  dartreuse,  à  un  travail  superficiel  d'ul- 
cération causé  et  entretenu  par  le  vice  scrot'uleux,  comme  le  sont  habituellement 
à  cet  âge  les  maladies  suppuratives  des  autres  muqueuses,  notamment  les  mala- 
dies des  muqueuses  qui  avoisinent  les  orifices,  et  en  particulier  les  orifices  des 
organes  des  sens,  la  muqueuse  des  lèvres,  la  membrane  de  Schneider,  la  conjonc- 
tive, le  conduit  auditif  externe.  Elle  s'étend  rarement  au  vagin;  je  l'ai  vue  pour- 
tant aller  au  delà,  et  je  me  rappelle   avoir  trouvé  chez  une  petite  fille  de  douze 
ans,  dont  je  fis  l'autopsie,  l'utérus  et  la  moitié  externe  des  trompes  farcis  et  dis- 
tendus par  des  débris  épilhéliaux  formant  une  masse  d'apparence  caséeuse.  — 
Elle  est  souvent  causée  par  l'irritation  due  à  la  dentition  chez  les  jeunes  enfants, 
par  les  mauvaises  habitudes  chez  les  petites  filles,  par  la  grossesse  chez  les  femmes 
adultes.  Elle  est  souvent  aussi  entretenue  par  la  malpropreté  ou  par  l'àcreté  d 
sécrétions,  chez  les  femmes  àpoils  noirs  ou  rouges,  fortement  pigmentées,  notam- 
ment par  l'àcreté   de    la  sécrétion  sébacée  et  par  l'acné  vulvaire,  avec  ou  sans 
rétention  du  produit  sécrété  dans  ses  propres  folhculcs.  Lemiélange  des  deux  ma- 
ladies et  des  deux  hypersécrétions  qui  les  caractérisent,  donne  souvent  à  leur 
produit  mixte  semi-fluide  une  odeur  aigre,  caséeuse,  rappelant  celle  du  suif  rance 
ou  du  lait  fermenté,  assez  caractéristique.  La  malade  se  sent  mouillée  d'une  ma- 
nière continue.   La  chaleur,   le  gonilement  des  petites  et  des  grandes  lèvres,  le 
prurit  vulvaire,  la  sensibilité  exaltée  par  le  frottement  sur  les  parties  enflammées 
ou  dénudées,  l'érythème  des  parties  voisines,  notamment  de  la  partie  supérieure, 
de  la  face  interne  des  cuisses,  du  périnée,  de  l'anus,  rendent  la  marche  difficile  et 
douloureuse.  Mais,  par  contre,  il  n'y  a  ni  douleur,  ni  chaleur,  m  sentiment  de 
gène  ou  plénitude  dans  l'iiypogastre  ;  il  n'y  a  pas  non  plus  de  coliques  ou  de  trau- 
chées  utérines.  Le  hnge  est  semé  de  taches  allongées  plutôt  qu'arrondies,  qui  lui 
conuuuniqnent,  par  la  dessiccation,  une  certaine  l'oideur,  mais  sans  hmitcs  très- 
précises,  et  dont  la  coloration  grisâtre  est  souvent  mélangée  de  jaune,  par  l'effet 
de  la  présence  du  pus  ;  car  la  leucorrhée  vulvaire  n'est  pas  un  peu  intense  sans 
être  en  même  temps  purulente. 

11  faut  se  rappeler  que  le  mucus  vulvaire  est  sécrété  surtout  par  la  glande 
vulvo-vaginale,  et  en  partie  par  les  follicules  vestibulaires  et  uréthraux;  lesqiiels 
sont  beaucoup  moins  nombreux  qu'on  ne  serait  porté  à  le  présumer  (Martin  et 


LEUCORRHÉE.  579 

Léger,  Mémoire  sur  les  organes  sécréteurs  de  la  vulve,  dans  les  Archiv.  gén. 
de  médecine,  1842)  ;  que  ce  liquide  est  normalement  transparent,  filant  ou  vis- 
queux, à  odeur  et  à  réaction  acides,  à  épithélium  nucléaire,  et  qu'il  renfei^me 
habituellement  des  globules  de  pus  dans  les  cas  de  leucorrhée  vulvaire.  {Voij. 
Vulve.) 

YI.  Leucorrhée  vaginale.  La  leucorrhée  vaginale  se  voit  rarement  chez  les 
enfants;  elle  est  très-fréquente  chez  les  femmes,  par  suite  d'excitations  génitales, 
d'excès  vénériens,  de  blennorrhagies,  de  vaginite  même,  ou  par  l'effet  de  la  gros- 
sesse. Ordinairement,  il  n'y  a  ni  gontlement,  ni  chaleur  à  la  vulve;  mais  cela 
peut  arriver,  le  liquide  en  sortant  peut  irriter  la  muqueuse  des  grandes  lèvres 
au  point  d'y  provoquer  l'apparition  d'unérythèrae;  pour  le  moins,  il  y  excite  uu 
prurit  incommode  et  quelquefois  douloureux. 

La  sortie  du  liquide  est  à  peu  près  continue,  surtout  chez  les  femmes  encein- 
tes. Lorsque  la  membrane  hymen  existe  ou  que  l'anneau  vulvaire  n'a  pas  été  dilaté 
par  la  fréquence  des  rapprochements  conjugaux,  le  liquide  leuconhéique  peut 
s'accumuler  quelque  temps  dans  le  vagin  avant  d'en  sortir,  et  alors  sa  sortie  peut 
paraître  intermittente.  Souvent  il  est  exclusivement  laiteux,  et  justifie  bien  sa 
dénomination  de  perte  blanche.  Quelquefois  il  est  très-iluide,  d'autres  fois  un  peu 
consistant,  à  cause  des  éléments  cpilhéliaux  qu'il  tient  en  suspension;  mais  il 
n'est  jamais  visqueux  à  proprement  parler,  et  surtout  ni  gluant,  ni  glutineux. 

Lorsqu'il  y  a  vaginite  ou  blennorrhagie,  ou  exulcération,  due  à  toute  autre 
cause,  par  exemple  à  une  éruption  dartreuse,  il  devient  jaune  verdàtre  par  le 
mélange  du  pus;  il  est  alors  beaucoup  plus  irritant  pour  la  vulve.  Son  excrétion 
s'accompagne  de  tension  et  d'endolorissement  dans  le  bassin,  de  douleurs  vagi- 
nales, retentissant  même  sur  l'utérus  et  sur  les  organes  voisins,  le  rectum,  la 
vessie;  enfin  de  douleurs,  de  ténesme  et  souvent  d'écoulement uréthral  ;  de  pru- 
rit, de  douleurs,  d'écoulement  et  même  d'excoriations  à  la  vulve.  Les  taches 
faites  au  linge  sont  larges,  rondes,  à  peu  près  incolores,  dans  le  cas  de  leucor- 
rhée simple,  modi-rément  empesées  ;  mais  elles  sont  bien  plus  grandes,  allongées, 
irrégulières,  jaunes  ou  verdàtres,  parfois  même  sanguinolentes,  dans  les  cas  de 
leucorrhée  purulente,  surtout  lorsque  la  vulve  et  le  vagin  sont  atteints  simulta- 
nénient.  On  peut  même  dire,  en  général,  qu'une  leucorrhée  abondante  doit  pro- 
venir de  la  totalité  du  vagin,  ou  à  la  fois  de  la  vulve,  du  vagin  et  de  l'utérus, 
c'est-à-dire  d'une  surface  muqueuse  étendue  ;  une  leucorrhée  peu  abondante,  au 
contraire,  ne  provient  guère  que  de  la  cavité  utérine. 

Le  liquide  vaginal,  pesque  nul  à  l'état  de  santé  parfaite,  est  un  fluide  clair,  sé- 
reux, n'ayant  aucune  viscosité,  répandant  une  odeur  aigre  spéciale,  assez  forte.  Il 
est  rarement  perçu  dans  cet  état  d'isolement  ;  car  il  semble  n'être  que  l'excipient 
ou  le  véhicule  des  innombrables  et  larges  corpuscules  lamelliformes  qui  se  déta- 
chent sans  cesse  par  exfohation  et  en  quantité  plus  ou  moins  considérable,  dek 
surface  de  la  muqueuse,  et  qui  donnent  à  l'ensemble  du  produit  excrété  l'aspect 
blanchâtre,  opaque,  caséeux,  qui  le  distingue.  Ces  cellules  d'épithélium pavimen- 
teux  ont  de  0,04  à  0,05  de  miUimètre  de  diamètre. 

Il  est  étrange  qu'on  ne  soit  pas  encore  d'accord  sur  l'origine  de  ce  produit,  et 
que  la  question  de  savoir  s'il  y  a  ou  s'il  n'y  a  pas  des  glandes  dans  le  vagin  di- 
vise les  anatomistes  de  notre  époque.  Nous  donnerons  un  aperçu  de  ces  dissi- 
dences sur  lesquelles  pourra  se  prononcer  le  collaborateur  chargé  de  la  description 
du  vagin,  mais  qu'il  est  impossible  de  ne  pas  mentionner  ici.  [Vog.  Vagin.) 

Voici  d'abord  des  anatomistes  qui  admettent  des  glandes  dans  le  vagin  : 


580  LEUCORRHEE. 

D'après  Huschl<e  {SplanchnoL,  p.  463.  Paris,  1845),  le  vagin  possède  un  très- 
grand  nombre  de  glandes  mucipares  qui  s'ouvrent  entre  les  rugosités,  principale- 
ment dans  la  partie  supérieure  et  la  plus  lisse  de  sa  membrane  muqueuse.  En 
examinant  des  pièces  injectées ,  dit-il ,  j'ai  trouvé  que  les  ouvertures  de  ces 
glandes  avaient  sur  ce  point  d/o  de  millimètre  de  long  sur  i/6  de  millimètre  de 
large,  et  que  leur  distance  était  de  1/3  de  milllimètre.  Cependant  quelques-unes 
ont  1/4  et  1/3  de  ligne.  Les  glandes  sécrètent  un  mucus  acide  qui  devient  surtout 
abondant  pendant  le  coït  et  l'accoucbement. 

Tandis  que ,  d'après  Huschke,  les  follicules  seraient  abondants  dans  la  partie 
supérieure  du  vagin,  M.  Giraldès  {Arch.  de  mécL,  juillet,  août  1844)  assure 
qu'il  n'a  pu  en  découvrir  dans  ce  point,  et  M.  Deville  cite  cette  opinion  à  l'appui 
de  la  difficulté  d'interprétation  des  petites  proéminences  rouges  de  la  vaginite 
granuleuse.  Mais  dans  la  partie  iniérieure  du  vagin ,  d'après  M.  Paul  Dubois 
{Accouch.,  p.  198.  Paris,  1849),  la  présence  des  folliculesn'est  pas  plus  douteuse 
que  ne  l'est  en  ce  point  le  produit  abondant  de  leur  sécrétion. 

Jarjavay  (Ajiat.  chir.,  t.  I,  p.  514.  Paris,  1852)  admet  la  présence  des  fol- 
licules dans  la  muqueuse  vaginale.  «  On  comprend,  dit-il,  qu'ils  peuvent  devenir 
le  point  de  départ  de  kystes,  comme  les  follicules  des  autres  régions  du  corps. 
J'en  ai  observé  un  dans  l'épaisseur  de  la  paroi  antérieure,  en  \  845,  à  l'hôpital  de  la 
Charité;  la  matière  contenue  était  visqueuse,  épaisse  et  rougeàtre.  Lisiranc  a  vu 
une  tumeur  analogue  occupant  la  paroi  postérieure.  A.  Bérard  a  publié,  dans  la 
Gazette  médicale,  l'histoire  d'une  tumeur  analogue  renfermant  du  mucus,  une 
substance  semblable  à  une  solution  de  gomme  arabique.  Ce  chirurgien  attribue 
toutes  ces  tumeurs  à  un  follicule  dont  le  goulot  a  été  oblitéré.  Dans  un  cas  publié 
par  M.  Voilet,  le  développement  de  la  maladie  paraît  aussi  devoir  être  attribué  à 
cette  cause  :  c'était  du  sang  pur  que  contenait  une  tumeur  de  ce  genre  observée 
par  Récamier.  » 

Selon  Jamain  {Traité  élément,  d'anat.  descript.,  p.  606.  Paris  1855),  lu  mu- 
queuse vaginale,  à  épithélium  très-épais  et  très-adhérent,  est  pourvue  de  papilles 
très-développées  et  d'un  grand  nombre  de  Ibllicules  muqueux.  —  D'après  .M.  Ri- 
che t  (4?iai^.  méd.-chir.,  p.  710.  Paris,  1855),  on  y  trouve  des  follicules  nom- 
breux qui  peuvent,  comme  partout  ailleurs,  devenir  le  siège  des  kystes  muqueux, 
dont  les  exemples  se  multiplient  depuis  que  l'attention  des  chirurgiens  a  été 
appelée  sur  ce  sujet.  Becquerel  (Maladies  de  ïuierus,  t.  I,  p.  484.  Paris,  1859), 
comme  il  ressort  de  son  Anatomie  pathologique  de  la  vaginite  granuleuse  et  de 
l'interprétation  qu'il  donne  des  granulations  rouges  dont  le  vagin  est  alors  par- 
semé et  qu'il  regarde  comme  une  hypertrophie  inflammatoire  des  follicules  mu- 
queux, ne  met  pas  en  doute  l'existence  de  follicules  dans  l'épaisseur  de  la  mu- 
queuse vaginale.  Le  même  auteur  en  revenant,  à  l'occasion  delà  levicorrhée  (t.  Il, 
p.  70)  sur  l'écoulement  opalin,  précédemment  décrit  (t.  I,  p.  172),  le  regarde 
comme  le  produit  de  l'exagération  de  sécrétion  des  follicules  muqueux  du  vagin. 

La  muqueuse  vaginale,  ditM.Fano,  renferme  deux  ordres  de  follicules  :  les  uns 
superficiels  sont  contenus  dans  l'intérieur  du  derme,  ou  immédiatement  au- 
dessous  ;  ils  s'ouvrent  à  la  surface  libre  de  la  muqueuse  par  un  simple  orifice  ou 
par  un  petit  conduit  :  les  autres  profonds  sont  contenus  dans  la  tunique  cellulo- 
musculaire  du  vagin,  et  représentent  des  follicules  clos.  Les  kystes  muqueux 
peuvent  prendre  leur  point  de  départ  dans  l'un  ou  l'autre  de  ces  deux  ordres  de 
lollicules,  d'après  les  observations  d'Huguier  {Des  kystes  de  la  matrice  et  du  va- 
gin, inMém,  de  la  Société  de  chirurgie,  t.  I,  p.  241,  Paris,  1847).  Lessupeifi- 


LEUCORRHÉE.  581 

ciels  se  rencontrent  plus  souvent  à  l'orifice  inférieur  du  vogln  ou  à  1  centimètre, 
1  centimètre  et  demi  au-dessus,  sur  la  paroi  antérieure  ou  latérale.  Les  protonds 
se  développeut  vers  sa  partie  supérieure,  près  du  col  de  l'utérus,  plus  fréquem- 
ment sur  la  paroi  autérieure  que  sur  la  paroi  postérieure,  (l'auo,  dans  la  5^  édition 
de  la  Pathologie  externe  de  Yidal  (de  Cassis),  t.  V,  p.  340.  Paris,  1861.) 

La  membrane  nmqueuse  du  vagin,  disent  les  auteurs  d'un  ouvrage  récent 
très-estimable,  contieut  dans  son  épaisseur  de  nombreux  follicules  mucipares  qui 
s'ouvrent  à  sa  surface  et  qui  sécrètent  un  luucus  acide,  ne  contenant  normale- 
ment que  des  cellules  d'épithélium  jiavimenteu.v  ,  mais  souvent  des  globules  de 
pus  et  des  animalcules  (trichomonas  de  Donné),  auisi  que  quelques  cryptogames 
(leptotbrix  de  Robin).  [Nouveau  Dictionnaire  lexicographique  et  descriptif  des 
sciences  médicales,  par  Raige-Delorme,  etc.,  p.  -1412.  Paris,  1865.) 

11  suffit  de  dire  que  le  vagin  est  doublé  à  sa  face  interne  d'une  membrane  mu- 
queuse, dit  M.  A.  Guérin  [Maladies  des  organes  génitaux  externes  de  la  femme, 
p.  276.  Paris,  1846),  pour  que  l'on  s'attende  à  y  trouver  des  glanduîes  et  des 
follicules  mucipares...  Je  crois  que  les  glanduîes  mucipares  sont  incontestables. 
M.  Cruveilhier  disait  déjà  en  1854  :  «  Les  follicules  muqueux  y  sont  faciles  à  dé- 
montrer. »  S'ils  n'existaient  pas,  cette  particularité  anatomique  serait  en  désac- 
cord avec  la  loi  qui  a  présidé  à  l'byslogénie  des  membranes  muqneuses,  et  nous 
aurions  peine  à  comprendre  comment  se  produisent  les  mucosités  si  abondantes 
de  la  vaginite  et  de  la  leucorrhée  vaginale. 

Voici  maintenant  d'autres  anatomistes ,  d'après  lesquels  le  vagin  n'a  pas  de 
glandes. 

M.  Robin  [Dictionnaire  de  Nysten,  p.  1317,  10'  édition,  1855)  dit  que  la 
muqueuse  vaginale  ne  renferme  pas  de  glandes ,  ni  d'orifices  folliculaires  ou 
autres. 

M.  Tyler-Smith  [the  Pathologg  and  Treatment  ofLeiicorrhea,  p.  6.  London, 
1855)  dit  que  la  muqueuse  du  vagin  se  rapproche  de  la  peau  :  elle  est  couverte 
d'une  couche  épaisse  d'épilhélium  paviraenteux  et  ne  renferme  dans  une  grande 
étendue  de  sa  surface  que  peu  ou  point  de  follicules  muqueux.  Aussi  appelle-t-il 
plasma  plutôt  que  mucus  le  liquide  qui  se  produit  parfois  à  sa  surface. 

D'après  Scanzoni  [Traité  pratique  des  maladies  des  organes  sexuels  de  la 
femme,  traduction  française,  p.  449.  Paris,  1858),  les  travaux  de  Blandl  et  de 
Kœlliker  ont  démontré  que  la  muqueuse  vaginale  ne  renferme  que  peu  de  folli- 
cules; et  dans  la  forme  particulière  d'inflammation  décrite  par  Deville  [Aixh., 
1844)  sous  le  nom  de  vaginite  granuleuse,  les  petites  proéminences  rouges 
prises  à  tort  pour  des  follicules  tuméfiés  ne  seraient  dues  qu'à  l'hyperémie  et  au 
gonflement  des  papilles  du  derme. 

Quelques  auteurs,  dit  M.  Sappey  (Anatomie  descripiii^e  ,  t.  III,  p.  681.  Paris, 
1864),  et  particuhèrement  M.  Huschke ,  disent  la  muqueuse  vaginale  riche  en 
glandes  mucipares  ;  malgré  de  longues  et  attentives  recherches  ,  il  ne  m'a  pas  été 
donné  d'en  observer  le  moindre  vestige. 

A  mon  tour,  j'ai  souvent  cherché  dans  le  vagin  des  organes  sécréteurs,  glandes 
ou  follicules,  et  je  n'en  ai  pas  trouvé.  J'ai  tâché  pourtant  de  me  mettre  dans  les 
conditions  les  plus  favorables  à  leur  découverte.  Chez  des  femmes  atteintes  de 
leucorrhée,  surtout  de  leucorrhée  purulente  avec  vaginite,  après  avoir  déployé  le 
vagin  avec  le  spéculum,  essuyé  sa  muqueuse  et  cherché  les  points  sur  lesquels  la 
sécrétion  paraissait  être  le  plus  abondante,  ou  semblait  sourdre  d'un  orifice  appa- 
rent, ceux  où  le  volume  ou  la  rougeur  des  granulations  pouvaient  faire  supposer 


582  LEUCORRHÉE. 

que  quelques-unes  de  ces  éniiuences  étaient  formées  par  des  follicules,  j'ai  excisé 
dans  ces  mêmes 'points  une  petite  portion  de  la  muqueuse  vaginale,  que  j'ai  portée 
aussitôt  soit  dans  l'eau,  soit  dans  un  liquide  coloré,  pouvant  pénétrer  les  canaux 
excréteurs  qui  se  trouvaient  dans  Tépalsseur  de  ce  fragment ,  que  j'ai  examiné 
ensuite  à  la  loupe  et  au  microscope  ;  je  n'y  ai  jamais  trouvé  de  traces  de  follicules 
ni  de  glandes.  Après  avoir  dépassé  l'anneau  vulvaire  ou  l'insertion  circulaire  de 
l'hymen,  qui  est  la  limite  des  appareds  glandulaires  de  la  vulve,  d  faut  sans  doute 
arriver  jusqu'à  la  surface  vaginale  du  col  utérin  pour  retrouver  dans  ses  (ollicules 
de  nouveaux  organes  sécréteurs. 

La  muqueuse  vaginale  ne  paraît  donc  pas  avoir  de  glandes.  Elle  est  sèche  dans 
l'état  normal,  ou  seulement  humectée  par  les  sécrétions  vulvaire  et  utérine. 
Mais  si  elle  n'a  pas  de  sécrétion  proprement  dite,  elle  est  probablement  le  siège 
d'une  exhalation  liquide  ou  de  la  perspiration ,  entre  les  cellules  de  son  revête- 
ment épithélial,  d'un  fluide  habituellement  très-rare,  pouvant  devenir  abondant, 
surtout  lorsqu'd  y  a  irritation  et  desquammation  partielle  de  la  muqueuse,  et  don- 
nant alors  naissance  à  la  leucorrhée  vaginale. 

Si  l'on  veut  bien  comprendre  le  mode  de  production  de  ce  liquide  et  l'exfolia- 
tion  parfois  très-considérable  de  l'épithélium  vaginal ,  il  est  bon  de  ne  pas  borner 
l'observation  aux  jjrodnits  de  la  leucorrhée,  mais  de  l'étendre  aux  autres  modifi- 
cations que  peut  présenter  cette  couche  superficielle  de  la  muqueuse  vaginale. 

Du  reste,  il  est  fort  curieux  d'étudier  les  diverses  altérations  que  subit  le  revê- 
tement épithélial  de  cette  muqueuse  et  les  modifications  qui  se  produisent  dans 
l'exhalation  du  plasma  propre  à  son  organisation ,  dans  le  développement  de  ses 
cellules,  dans  leur  multiplication,  dans  leur  persistance  ou  leur  accumulation, 
dans  leur  exfoliation  et  leur  chute,  etc.  Probablement  sous  l'influence  d'affeclions 
générales  diverses,  locahsées  sur  cette  muqueuse,  de  la  persistance  de  ces  états 
morbides  et  de  la  tendance  particulière  de  l'épithélium  vaginal  à  subir,  suivant  le 
cas,  des  accroissements,  des  hypertrophies,  ou  des  desquammations  considérables, 
on  observe  le  même  phénomène,  la  multiplication  anormale  des  éléments  épitlié- 
liaux  donnant  naissance,  suivant  sadireclion,  aux  résultats  les  plus  différents. 

Ainsi  sous  l'influence  d'un  état  diathésique,  de  la  syphilis  notamment,  il  arrive 
de  voir  se  former  sur  le  vagin,  et  plus  particulièrement  sur  le  col  de  l'utérus ,  des 
épaississements  épithcliaux,  très-circonscrits  ,  circulaires  ,  nummulaires  ,  offrant 
l'aspect  d'une  gouttelette  de  cire  tombée  d'une  hougie  et  figée  sur  place,  et  tran- 
chant, par  leur  couleur  blanc  mat,  avec  la  couleur  rose  on  rouge  des  parties  voi- 
sines. Ce  sont  des  espèces  de  plaques  de  psoriasis,  qui  s'entourent  quelquefois  d'un 
cercle  ronge,  qui  s'ulcèrent ,  qui  cèdent  à  l'aciion  des  topiques  spécifiques ,  mais 
qui  peuvent  rester  longtemps  sous  la  même  forme,  sans  présenter  aucun  change- 
ment. 

D'autres  fois,  ces  plaques  épidermiques  augmentent  d'épaisseur  et  de  consis- 
tance et  produisent,  soit  des  plaques  muqueuses ,  soit  de  petits  corps  assez  durs, 
analogues  à  des  verrues,  dont  on  peut  aisément  faire  l'excision. 

Au  lieu  d'être  hmité  à  un  point  ou  à  quelques  points,  l'épaississement  épithé- 
lial peut  envahir  toute  l'étendue  de  la  muqueuse  vaginale ,  pai  aissant  plus  consi- 
dérable ou  du  moins  étant  plus  saillant  au  niveau  des  papdles  et  des  rides  du 
vagin,  empêchant  tout  suintement  liquide  de  se  produire  à  la  surface  de  la  mem- 
brane, et  déterminant  sur  celle-ci  une  sécheresse  telle  que,  lorsqu'elle  n'est  hvi- 
mectée  par  aucune  sécrétion  utérine  ni  vulvaire,  il  est  difficdede  la  parcourir  avec 
l'indicateur  dans  toute  son  étendue.  On  dii'ait  que  toutes  les  papilles  bont  hérissées 


LEUCORRHEE.  385 

ou  enfermées  dans  un  étui  de  corne,  et  l'on  croirait  passer  le  doigt  sur  la  langue 
d'un  chat  ou  sur  une  peau  de  chagrin.  Les  lotions  avec  une  i'aible  solution  de 
sublimé,  employées  en  même  temps  qu'un  traitement  général  antisyphilitique, 
parAiennent  habituellement  en  quelques  semaines  à  modifier  cet  état  anatoniique, 
qui  m'a  paru  être  le  plus  souvent  un  des  accidents  secondaires  de  la  syplulis. 

Cette  multiplication  épithéliale  se  concentre-t-elle  sur  un  point,  se  produit-elle 
avec  rapidité,  en  conservant  des  relations  directes  avec  les  éléments  anatomiques 
sous-jacents  et  en  restant  douée  dans  ses  propres  éléments,  ou  dans  les  cellules 
qui  la  constituent,  de  mollesse,  de  tendreté,  de  perméabdité,  de  faculté  de  bour- 
geonnement ,  il  en  résulte  ces  excroissances  quelquefois  considérables  ,  molles, 
vasculaires,  à  base  plus  ou  moins  large,  connues  sous  le  nom  de  végétations.  En 
étudiant  leur  structure  à  l'aide  de  divers  grossissements,  on  reconnaît  que  ces  pro- 
ductions sont  formées  exclusivement  de  cellules  et  sont  de  vrais  bourgeonnements 
de  la  couche  épiihéliale.  Seulement  ici  les  cellules  épidermiques,  au  lieu  de  s'apla-  ' 
tir,  de  se  tasser,  de  se  dessécher  successivement  les  unes  au-dessous  des  autres,  ' 
et  de  former  des  excroissances  dures,  restent  arrondies  ,  humides ,  imbibées  de 
sucs,  douées  d'une  grande  activité  de  végétation,  et  forment  un  tissu  pathologique 
nouveau,  ayant  une  grande  tendance  à  augmenter  toujours  de  volume,  s'il  n'est 
arrêté  dans  son  évolution  par  un  traitement  particulier.  Cette  tendance  à  l'accrois- 
sement est  quelquefois  telle  qu'on  voit  le  vagin,  comme  la  vulve,  envahi,  encombré 
par  la  masse  et  le  nombre  de  ces  végétations.  J'ai  vu  des  femmes  chez  lesquelles 
il  était  presque  impossible  d'introduire  un  spéculum  du  plus  petit  diamètre. 

Les  productions  épithéliales  sont  toujours  vasculaires  ,  plus  ou  moins,  suivant 
leur  activité  de  végétation.  On  distingue  bien,  au  centre  de  chaque  groupe,  une 
artériole  presque  capillaire,  prolongement  d'une  artériole  du  derme  se  divisant 
comme  les  branches  d'un  arbre  ou  les  ramifications  d'une  grappe.  Ces  divisions 
sont  entourées  de  petits  amas  de  cellules  qui  n'y  sont  pas  seulement  appendues 
comme  des  feuilles  aux  branches  de  l'arbre  ou  des  grains  de  raisin  aux  ramifica- 
tions de  la  grappe  ,  mais  qui  leur  forment  une  sorte  d'étui  de  plusieurs  rangs  de 
cellules,  dont  la  nutrition,  pour  n'être  pas  en  contact  immédiat  avec  les  vais- 
seaux, ne  se  fait  pas  avec  moins  d'activité,  puisque  les  cellules  de  la  surlace 
bourgeonnent  toujours.  En  même  temps  que  les  cellules  se  multiplient,  les  divi- 
sions vasculaires  se  prolongent  d'elles-mêmes  au  centre  de  ces  masses  cellules, 
de  sorte  que  ce  tissu  pathologique  s'accroît  peu  à  peu  et  avec  assez  de  rapidité,  à 
peu  près  de  la  même  manière  que  s'accroissent,  au  moment  du  développement, 
les  premiers  organes  de  l'embryon.  Je  n'ai  pas  besoin  de  dire  comment  des  cauté- 
risations répétées,  coïncidant  avec  un  traitement  général  antidiathésiqne,  amènent 
graduellement  la  destruction  de  ces  végétations  même  des  plus  considérables. 

Le  caractère  commun  de  toutes  ces  productions  épithéliales,  c'est  de  persister^ 
de  faire  corps  avec  la  membrane  muqueuse  elle-même,  et  d'en  constituer  de  véri- 
tables excroissances,  depuis  la  plus  petite,  la  pins  dure  et  la  plus  sèche,  jusqu'à  la 
plus  grande,  la  plus  molle,  la  plus  vasculaire,  la  plus  végétante. 

D'autres  fois,  les  éléments  épithéhaux,  au  Heu  de  persister,  de  tenir  les  uns  aux 
autres  et  d'adhérer  ensemble  à  la  muqueuse ,  se  détachent  de  celle-ci  à  mesure 
qu'ils  se  produisent,  et  leur  multiplication  anormale  est  suivie  d'une  desquam- 
mation  anormale. 

Cette  nultiplication  et  cette  desquammation  anormales  peuvent  s'opérer  l'une  et 
l'autre,  à  un  faible  degré,  par  suite  d'une  irritation  légère  de  la  muqueuse.  11  en 
icbuiie  une  humidité  vaginale  plus  grande  que  d'habitude  et  l'apparition  à  la 


584  LEUCORRHÉE. 

vulve  d'un  peu  de  liquide  blanc  laiteux.  L'examen  au  spéculum  permet  de  consta- 
ter dans  tout  le  vagin  la  présence  de  ce  liquide,  ressemblant  à  du  lait  ou  à  une 
éniulsion  refoulée,  par  l'inti'oductiondel'instrument,  entre  les  rides  de  la  muqueuse 
vaginale,  dans  les  sillons  qui  séparent  ces  rides,  ou  circulairement  au  bout  du 
spéculum,  et  peu  à  peu  de  proche  en  proche,  vers  les  culs-de-sac  vagino-utériiis. 
En  essuyant  la  muqueuse  avec  un  tampon  de  coton,  on  reconnaît  quelquefois 
qu'elle  est  un  peu  plus  rouge  que  d'iiabitude,  mais  ce  n'est  pas  constant,  et  ce 
faible  degré  de  leucorrhée  peut  exister  sans  une  rougeur  ni  une  irritation  sensible 
de  la  membrane. 

Si  l'irritation  est  plus  forte,  si  la  multiplication  et  la  desquammation  anormales 
de  i'épiderme  vaginal  sont  plus  considérables,  il  peut  ari^iver  que,  dans  cette  sorte 
d'excrétion,  l'élément  solide  ou  l'élément  liquide  prédomine  : 

La  prédominance  de  l'élément  solide  est  généralement  l'indice  d'un  moindre 
degré  d'irritation  de  la  muqueuse.  La  multiplication  des  cellules  épiihéliales  est 
très-considérable,  mais  ces  cellules  s'organisent,  s'aplatissent,  se  dessèchent  eu 
partie,  et  quoiqu'elles  se  détachent  en  aussi  grand  nombre  et  avec  autant  de  rapi- 
dité qu'elles  se  produisent,  il  n'y  a  que  la  couche  superticielle  qui  tombe,  la  couche 
profonde  reste  en  place  et  le  derme  de  la  muqueuse  n'est  guère  mis  à  nu  ;  s'il 
l'est,  c'est  rarement ,  sur  quelques  points  seulement,  ou  d'une  manière  excep- 
tionnelle. Déjà  pourtant  l'irritation  de  la  muqueuse  paraît  généralement  plus  forte 
que  dans  le  cas  précédent,  et  l'on  voit,  par-ci,  par-là,  surtout  après  l'avoir  essuyée 
superficiellement ,  quelques  points  rouges  correspondant  aux  papilles  hypertro- 
phiées, dominer  le  reste  de  la  surface  blanchi  par  la  couche  des  débris  épithéliaux 
qui  le  tapisse,  ou  trancher  par  la  vivacité  de  leur  couleur  sur  le  rouge  moins  foncé 
de  la  muqueuse  qui  les  environne,  et  former  un  degré  inférieur  ou,  en  quelque 
sorte,  une  ébauche  de  la  forme  morbide  connue  sous  le  nom  de  vaginite  granu- 
leuse. Le  spéculum  refoule  encore  outre  les  rides  du  vagin  une  matière  blauclie  ; 
mais  cette  matière,  au  lieu  d'cire  liquide  comme  du  lait  ou  une  émulsion,  est 
mêlée  de  liquide  et  de  solide,  caillebottée,  plus  ou  moins  épaisse  ,  comme  du  fro- 
mage, se  détachant  par  petites  lames  légèrement  adhérentes  à  la  surface  sous- 
jacente,  ou  par  petites  masses  qui  s'accumulent  dans  les  anl'ractuosités  du  canal. 

La  prédominance  de  l'élément  hquide  est  la  preuve  d'un  degré  plus  grand  d'ir- 
ritation, et  quelquefois  d'une  véritable  inflammation  de  la  muqueuse.  Il  y  a  alors 
non-seulement  surabondance,  exagération  de  la  production  épilhéiiale,  mais  alté- 
ration de  la  sécrétion  ou  de  l'exhalation  du  plasma  qui  doit  servir  à  cette  produc- 
tion ;  de  sorte  que,  soit  par  excès ,  soit  par  altération  du  liquide  plastique,  une 
grande  partie  de  celui-ci  reste  sous  la  forme  fluide ,  au  lieu  de  s'organiser  en 
cellules.  11  y  a,  par  suite,  suintement  d'un  liquide  par  toute  la  surface  de  la  mu- 
queuse, écoulement  \aginal  plus  ou  moins  opaque  ,  en  un  mot  leucorrliée  vagi- 
nale proprement  dite. 

Ce  hquide  peut  être  plus  ou  moins  abondant.  Il  peut  être  mêlé  à  une  quantité 
considérable  de  débris  épithéliaux  ou  de  cellules  qui  continuent  à  se  mulliplier 
avec  excès  et  qui  lui  donnent  un  aspect  laiteux  ou  caillebotté.  11  peut  èlre  plus 
clair  par  la  prédominance  plus  considérable  encore  de  l'élément  liquide  sur  l'élé- 
ment solide.  Mais  il  est  rare  qu'alors  l'irritation  de  la  muqueuse  n'ait  pas  pris 
un  autre  caractère,  ou  que  l'inflammation  ne  se  soit  pas  emparée  de  cetle  mem- 
brane, et  que  la  suppuration  ne  mêle  pas  ses  produits  à  ceux  de  l'hypercxhala- 
tion,  de  l'hypersécrétion  ou  de  la  desquamation  épithéliale.  Le  liquide  est  alors 
composé  do  sérum,  de  cellules  et  de  débris  d'épithéhum  et  de  pus.  II  est  nioiiir. 


LEICORRHÊE.  5S5 

liomogcno,  sa  couleur  blanche  est  mélangée  d'une  teinte  jaune,  puriileule  ou  ver- 
(làtre  plus  ou  moins  foncée. 

En  même  temps,  la  surface  sous-jacente  offre  de  la  rougeur,  une  sensibilité 
beaucoup  plus  vive  et  tons  les  signes  d'un  véritable  état  intlammatoire.  Tantôt 
les  papilles  sont  rouges,  tuméfiées,  très-saillantes,  douloureuses  mèrne,  comme 
celles  de  la  langue  dans  les  cas  d'intlammation  de  certaines  parties  de  l'appareil 
digestif,  et  cet  état  peut  être  aigu  ou  prendre  la  forme  chronique;  c'est  cette  der- 
nière qui  a  été  décrite  sous  le  nom  de  vaginite  granuleuse.  Tantôt  la  muqueuse 
elle-même  est  privée  de  son  épithélium  sur  certains  points  et  même  dans  uns 
grande  étendue,  quelquefois  dans  sa  totalité;  le  derme  est  mis  à  nu,  par  plaques 
circonscrites,  ou  sur  de  grandes  surfaces,  ou  sur  toute  l'étendue  du  vagin,  comme 
à  la  suite  de  l'apphcation  d'un  a  ésicatoire  ;  le  contact  de  tout  corps  étranger  est 
très-douloureux;  la  douleur  spontanée,  par  le  fait  même  de  la  maladie,  est  quel- 
quefois excessive  ;  la  sérosité  est  exhalée  en  quantité  considérable,  le  pus  est 
sécrété  avec  abondance,  du  sang  se  mêle  quelquefois  à  la  sérosité  et  au  pus.  Il  y  a 
alors  une  véritable  inflammation  :  toute  l'épaisseur  de  la  muqueuse,  tout  le  vagin 
sont  envahis,  la  vaginite  s'accompagne  de  gonflement,  souvent  d'engorgement 
ganglionnaire,  des  ganglions  inguinaux  si  la  maladie  siège  sur  la  paroi  vaginale 
antérieure,  des  ganglions  pelviens  si  elle  siège  surtout  sur  la  paroi  postérieure. 
On  peut  observer  aisément  un  état  analogue  à  celui-ci,  mais  limité  à  une  faible 
étendue  ;  c'est  celui  qui  est  produit  artificiellement  par  l'application  du  vésicatoire 
sur  le  col,  surtout  lorsque  l'imperfection  du  tamponnement  ou  l'mdocilité  des 
malades  a  permis  au  vésicatoire  de  se  déplacer  et  d'atteindre  la  muqueuse  vaginale 
proprement  dite.  On  voit  alors  tous  les  symptômes  d'une  vaginite  circonscrite 
avec  leucorrhée  purulente  et  sanieuse. 

VII.  Leucorrhée  utérine.  La  leucorrhée  utérine,  très-rare  chez  les  enfants, 
est  fréquente  chez  les  jeunes  filles  chlorotiques  et  chez  les  femmes  soit  avant,  soit 
après  la  grossesse;  chez  plusieurs  elle  est  abondante  avant  et  après  la  menstrua- 
tion. Elle  peut  être  provoquée  par  les  excès  vénériens,  mais  le  plus  souvent  elle 
est  causée  et  entretenue  par  une  vraie  maladie  utérine,  d'ordinaire  par  un  ca- 
tarrhe, quelquefois  même  par  une  inflammation  ou  par  une  affection  rhumatis- 
male, dartreuse,  blennorrhagique,  sy|jhilitique,  localisée  sur  la  matrice,  ou  par 
la  présence  d'un  polyjie,  de  tumeurs  fibreuses,  de  simples  granulations,  d'un 
ulcère,  etc.  La  plupart  du  temps  il  n'y  a  ni  chaleur,  ni  douleur,  ni  aucun  autre  symp- 
tôme de  maladie  à  la  vulve,  au  vagin  ou  aux  parties  voisines .  Mais  il  y  a  fréquemment 
sentiment  de  pesanteur  dans  le  bassin,  des  douleurs  lombaires  et  hypogastriques 
presque  aussi  fréquemment,  et  des  douleurs  particuhères,  des  coliques,  des  tran- 
chées utérines,  surtout  chez  les  jeunes  filles,  correspondant  aux  contractions  par 
lesquelles  l'utérus  chasse  le  flot  de  liquide  qui  constitue  la  perte  ;  c'est  dire  que 
la  sortie  du  liquide  est  intermittente  au  lieu  d'être  continue.  Alors  même  que 
l'orifice  utérin  est  très-large  et  que  le  liquide  sort  sans  être  chassé  par  une  con- 
traction de  la  matrice  accompagnée  de  douleurs,  le  mucus  ou  le  muco-pus  est 
retenu  par  sa  viscosité,  et  ne  se  détache  de  la  muqueuse,  à  laquelle  il  adhère,  que 
lorsque  la  masse  en  est  assez  forte  pour  être  entraînée  par  l'effet  de  son  propre 
[loids.  Il  s'échappe  donc  de  temps  en  temps  de  l'utérus,  et  par  suite  du  vagin,  un 
flot  de  liquide  que  la  malsde  sent  tomber  sur  la  vulve  ou  en  dehors,  si  elle  n'i 
déjà  senti  la  douleur  expulsive  qui  a  pu  en  précéder  la  sortie.  Les  malades  s'ob- 
servent assez  à  cet  égard  pour  que  l'on  puisse  obtenir  d'elles-mêmes  des  rensei- 
gnements utiles  sur  l'aspect  et  la  consistance  de  la  perte;  et  en  demandant  si  la 
DICT.  ENC.  2°  s.  IL  23 


5S6  LEUCORRHÉE. 

matière  expulsée  est  comparable  à  de  la  glaire  ou  à  du  blanc  d'œuf,  aux  glaires 
stomacales  rendues  par  le  vomissement,  au  mucus  nasal  épais  et  jaune  mouché 
])eudant  un  coryza,  aux  crachats  filants  ou  épais,  blancs,  jaunes  ou  verdàtres  ex- 
pectorés à  la  suite  d'un  rhume  ou  d'un  catarrhe  bronchique,  on  provoque  ordi- 
uaii'ement  des  réponses  qui  donnent  une  idée  assez  juste  de  l'abondance,  de  la 
viscosité,  de  la  ténacité,  de  la  transparence,  de  l'opacité  ou  de  la  coloration  de 
l'écoulement.  Généralement  celui-ci  est  visqueux,  gluant,  cà  proprement  parler 
albumineux  ou  ressemblant  à  du  blanc  d'œuf  ;  il  peut  être  même  très-cohérent, 
très-tenace.  Il  est  tantôt  transparent,  limpide,  tantôt  trouble,  tantôt  blanchâtre, 
et  tantôt  mélangé  de  matière  jaune  ou  même  verdàtre,   suivant  qu'il  est  l'orme 
par  du  mucus  pur  ou  par  un  mélange  de  mucus  et  de  pus  à  proportions  variables. 
Enfin,  il  empèse  très-fortement  le  linge  et  fait  des  taches  phis  ou  moins  rondes, 
peu  larges,  très-nettement  circonscrites,  qui  donnent  au  linge  une  roideur  et  une 
épaisseur  considérables,  en  même  temps  qu'elles  peuvent  lui  laisser  son  aspect 
naturel  ou  le  colorer  en  jaune  ou  en   vert.   Ce  dernier  cas  est  assez  rare;  ce 
qui  est  plus  rare  encore,    mais   ce   qui  arrive   quelquefois,  c'est  que  le  liquide 
perd  de  plus  en  plus  sa  viscosité  et  que  le  mucus,  mélangé  au  pus  d'une  ma- 
nière tout  à  fait  intime,  constitue  une  perte  homogène,  peu  persistante,  se  rap- 
prochant légèrement,   par  ses  caractères  physiques,  de  celle  de  la  vulve  ou  du 
vagin.  Le  docteur  Reclam   {Neue  Zeitung  fur  MecUcin  und  Medicinareform, 
Nordhausen,  novembre  1848;  Valleix,  ouvr.  cit.,  t.  V,  p.  4i)  a  déjà  étudié,  il  y 
a  quelques  années,  comparativement,  les  taches  produites  sur  le  linge  par  le  mucus 
vaginal  et  par  le  mucus  utérin,  et  les  résultats  de  ses  recherches,  fort  justes, 
sont  conformes  aux  résultats  plus  précis  que  l'exactitude  des  études  laites  dans 
ces  dernières  années  permet  d'obtenir  sur  ce  sujet.  Il  faut  d'ailleurs  se  rappeler 
que  ces  signes  caractéristiques  cessent  de  pouvoir  être  appréciés  avec  quelque 
exactitude  dans  le  cas  où  la  malade  se  livre  à  un  exercice  considérable,  dans  celui 
où  le  linge  que  l'on  examine  a  été  porté  pendant  plus  d'un  jour  ou  deux,  etc. 

Le  mucus  du  col  et  celui  du  corps  de  l'utérus  sont  tous  les  deux  alcalins  et  ont 
une  odeur  fade  spéciale.  Celui  du  col  est  gluant,  tenace,  demi-solide  plutôt  que 
liquide;  l'hypei'sécrétion  en  est  fréquente.  Pendant  la  grossesse,  il  est  produit  en 
quantité  considérable,  il  est  glutineux,  plus  tenace  encore  que  dans  l'état  de 
vacuité,  et  il  oblitère  le  col  de  l'utérus.  Il  ne  tient  souvent  aucun  élément  anato- 
mique  en  suspension,  sauf  quelques  cellules  prismastiques  ciliées;  il  est  entière- 
ment homogène.  Celui  du  corps  est  visqueux,  filant,  moins  tenace,  il  contient  de 
nombreux  globules  épithéhaux,  nucléaires,  ovoïdes,  venant  des  follicules  flexueux 
de  la  muqueuse,  des  cellules  épithéliales  cylindriques  ou  prismatiques  et  vibra- 
tiles  de  la  surtace  même  de  cette  muqueuse,  des  corps  granuleux,  etc.  Le  nombre 
relativement  considérable  de  ces  éléments  solides,  mêlé  au  liquide  sécrété,  en 
altère  quelquefois  la  transparence  et  lui  donne  un  aspect  grisâtre. 

Cette  distinction  est  d'autant  plus  importante  que  souvent  la  leucorrhée  utérine 
est  bornée  à  la  muqueuse  cervicale. 

La  maladie  qui  donne  le  plus  souvent  naissance  à  la  leucorrhée  utérine  est  le 
catarrhe  de  l'utérus.  Noils  la  décrirons  donc  ici,  en  la  détachant  des  affections 
dont  il  sera  traité  à  l'article  Utérus.  {Voy.  ce  mot.) 

Catarrhe  de  l'iitérus.  Confondu  ih  nos  jours  avec  l'inflammation  de  la  mu- 
queuse utérine  et  décrit  sous  le  nom  de  métrite  interne  ou  métritc  muqueuse,  il 
s'observe  quelquefois  à  l'état  aigu,  souvent  à  l'état  chronique  ;  il  peut  se  compli- 
<|uer  d'inflammation,  d'érosion,  d'ulcération  même  de  la  muqueuse,  comme  il 


LEUCORRHÉE.  387 

arrive  [jour  les  vieux  catarrhes  broncliiques  ou  intestinaux.  Mais  il  ne  doit  pas 
être  pour  cela  confondu  avec  ces  divers  états  morbides  ou  regardé  comme  en  étant 
uniquement  le  symptôme  ;  car  il  a  des  caractères  distinclifs  qui  permettent  d'éta- 
blir toujours  entre  eux  et  lui  un  diagnostic  différentiel.  Ce  qui  le  caractérise, 
c'est  la  particularité  de  sa  manifestation,  les  causes  qui  le  produisent,  son  mode 
de  développement,  l'analogie  des  complications,  la  spécialité  du  traitement. 

La  particularité  de  sa  manifestation,  c'est  l'écoulement  lui-même  ou  le  flux. 
Que  de  fois  la  muqueuse  utérine  est  enflammée,  rouge,  douloureuse,  même  sup- 
purante, comme  la  muqueuse  vaginale,  sans  fournir  pour  cela  un  véritable  flux  ! 
Que  de  fois,  au  contraire,  ce  llux  existe  seul,  abondant,  rarement  purulent,  mais 
souvent  muco-purulent  ou  simplement  muqueux,  témoignant  par  son  augmenta- 
tion de  l'hypersécrétion  glandulaire,  fatiguant  les  malades  par  sa  quantité  et  par 
sa  persistance,  finissant  par  amener,  par  l'hypertrophie  même  des  follicules,  le 
gonflement  de  la  muqueuse  et  l'endolorissement  de  l'organe  ;  mais  ne  s'accom- 
pagnant  de  tuméfl^ction,  de  douleur  et  de  symptômes  réelie.nent  inflammatoires 
que  dans  l'état  d'acuité  survenu  par  une  invasion  brusque,  ou  à  la  suite  d'une 
longue  durée  et  par  l'eifet  des  altérations  organiques,  que  l'altération  fonctionnelle 
prolongée  des  follicules  détermine  dans  la  structure  de  la  muqueuse  elle-même  ! 

Les  causes  extérieures  qui  le  produisent  sont  les  mêmes  que  celles  qui  déter- 
minent habituellement  les  affections  catarrhaies  localisées  sur  les  autres  mu- 
queuses :  le  coryza,  le  catarrhe  bronchique,  le  catarrhe  intestinal,  etc.  J'ai  vu 
plusieurs  fois  des  leucorrhées  suivre  un  refroidissement  brusque  des  parties  géni- 
tales et  du  bas-ventre  survenu  chez  des  femmes  en  pleine  transpiration  :  les  unes 
s'étant  assises  dans  un  lieu  frais,  sur  du  gazon,  sur  une  pierre  froide  ou  humide  ; 
d'autres  ayant  pris  intempestivement  un  bain  de  siège  frais  non  accompagné  de 
réaction;  d'autres  ayant  exposé  les  parties  génitales  à  l'air  libre  ou  sur  un  siège 
traversé  par  un  courant  d'air  froid,  pour  satisfaire  un  besoin  naturel.  J'ai  vu  des 
hommes  contracter  des  catarrhes  vésicaux  et  des  prostatorrhées  par  l'action  des 
mêmes  causes. 

J'ai  connu  une  jeune  fille  de  20  ans  atteinte  depuis  deux  ans  d'une  leucorrhée 
vaginale  et  vulvaire  qui  a  résisté  à  tous  les  moyens  locaux  que  l'on  a  l'habitude 
d'employer,  surtout  aux  injections  astringentes  de  toute  espèce,  et  qui  n'a  cédé 
qu'à  l'association  d'un  traitement  général  (changement  de  climat,  eau  de  gou- 
dron, ferrugineux,  bains  sulfureux,  hydrothérapie),  avec  un  traitement  local 
énergique  (badigeonnage  quotidien  avec  une  solution  forte  de  nitrate  d'argent). 
Ce  n'est  point  de  la  guérison  de  cette  malade  que  je  veux  parler,  mais  de  la  nature 
de  sa  maladie.  Or,  je  puis  affirmer  que  jamais  affection  catarrhale  chronique,  asso- 
ciée à  un  certain  degré  d'herpélisme,  ne  fut  mieux  caractérisée  que  celle  qui 
paraissait  entretenir  la  maladie  de  cette  jeune  fille  :  tempérament  lymphatique, 
délicatesse  des  nmqueuses,  rougeur  et  injection  vasculaire  souvent  considérables 
de  ces  membranes,  par  exemple  de  la  muqueuse  buccale,  de  celle  des  lèvres,  qui 
se  gonflaient  facilement  et  laissaient  même  fendiller  leur  revêtement  épithélial, 
de  celle  du  nez,  du  pharynx,  des  bronches,  fournissant  toujours  un  peu  de  mucus, 
et  développement  du  système  des  glandes  sébacées  de  la  peau,  dont  l'aspect  ponc- 
tué et  la  facilité  à  se  couvrir  de  boutons  d'acné  témoignaient  de  la  disposition 
morbide  de  ces  organes  à  fonctionner  ;  enfin  éruptions  érythémateuscs  ou  herpé- 
tiques rares,  sur  divers  points,  autour  des  boutons  d'acné,  à  la  commissure  des 
lèvres,  sur  les  fesses  ou  à  la  face  interne  des  cuisses;  rougeur  des  orifices  des 
glandes  vulvaires,  leucorrhée  muco-purulente  abondante,  variable  en  intensité  d'un 


588  LEUCORRHÉE. 

jour  à  r.iutre,  mais  surtout,  et  c'est  là  un  point  essentiel,  subissant  au  plus  haut 
degré  l'influence  des  variations  du  temps,  diminution  de  récovdement  et  princi- 
palement des  douleurs  par  les  temps  secs  et  chauds,  augmentation  subite  de 
la  douleur,  de  la  chaleur,  de  la  turgescence  et  de  l'écoulement  par  le  passage 
du  beau  temps  au  froid  humide.  Vingt  fois  j'ai  observé  ces  différences;  je  ne 
pouvais  d'abord  me  décider  à  les  admettre  aussi  tranchées  que  la  malade  me 
l'avait  assuré,  et  j'ai  toujours  constaté  la  réalité  de  ses  assertions.  C'est  là  le  cas 
le  plus  accentué  que  j'aie  rencontré  ;  mais  les  faits  du  même  genre,  quoique 
moins  déterminés,  ne  sont  pas  rares. 

L'influence  de  ces  causes  est  encore  plus  marquée  lorsqu'elle  se  fait  ressentir 
à  la  fois  sur  un  grand  nombre  de  femmes  et  en  quelque  sorte  d'une  manière  épi- 
démique.  A  Paris,  quand  le  pont  des  Arts  fut  achevé,  dit  Troussel  {Des  c'coulements 
particuliers  aux  fenimes,  Paris,  1842),  il  devint  de  mode  d'en  faire  un  lieu  de 
promenade  et  de  réunion.  Les  dames  vinrent  s'y  asseoir,  conmie  dans  nos  jardins 
publics,  après  le  coucher  du  soleil;  aussi  furent-elles  atteintes  par  l'air  frais  et 
humide  du  fleuve,  qui  occasionna  une  espèce  d'épidémie  de  leucorrhée.  On  trouve 
des  preuves  du  caractère  épidémique  que  présente  parfois  le  catarrhe  utérin,  dans 
l'ouvrage  de  M.  Blatin  et  dans  l'article  Leucorrhée,  du  Dictionnaire  des  sciences 
médicales, oùV on YOcçT^elie  les  faits  observés  par  les  médecins  deBreslau,  en  1702, 
par  Morgagni  en  Italie,  en  1710,  par  Bassins  à  Halle  de  Magdebourg,  en  1750, 
par  Ranllin  à  Paris  en  1765,  par  Leake,  en  Angleterre,  concuremment  avec  des 
catarrhes,  des  angines  et  des  diarrhées  ;  on  peut  y  lire  aussi  les  observations  faites 
à  Berlin  en  1712,  et  en  France  par  Roux  en  1769. 

Son  mode  de  développement  présente  ceci  de  particulier,  que  souvent  l'établis- 
sement du  tlux  utérin  dépend  de  dispositions  personnelles,  d'une  constitution 
faible,  d'un  tempérament  lymphatique,  d'une  susceptibilité  avérée  des  muqueuses, 
enfin  d'une  impressionnabilité  constatée  à  l'action  du  froid  humide  et  des  varia- 
tions brusques  de  la  température  ou  de  l'état  hygrométrique  de  l'air,  et  qu'il  est 
déterminé  par  l'action  des  causes  externes  dont  je  viens  de  parler,  c'est-à-dire  des 
circonstances  qui  engendrent  l'affection  catarrhale  et  qui  en  produisent  la  localisa- 
tion sur  les  muqueuses  nasale,  bronchique,  vésicale,  intestinale,  etc. 

L'analogie  des  complications  rend  les  caractères  du  flux  catarrhal  encore  plus 
évidents  chez  un  certain  nombre  de  malades.  Par  exemple,  il  en  est  qui  sont 
atteintes  avant  ou  depuis  leur  maladie  utérine  de  douleurs  rhumatismales,  de  né- 
vralgies, de  douleurs  articulaires;  d'autres  dont  la  leucorrhée  s'accompagne 
d'entérite  glaireuse,  de  catarrhe  vésical  ou  bronchique  ;  d'autres  dont  le  flux  uté- 
rin peut  diminuer,  se  supprimer  momentanément  pour  reparaître  plus  tard,  et 
semble  alterner  avec  l'augmentation  ou  la  diminution  d'un  autre  flux  ou  de  toute 
antre  manifestation  concomitante  d'affection  catarrhale  ou  rhumatismale.  J'ai  vu 
d'assez  nombreux  exemples  de  ces  coïncidences  du  catarrhe  utérin  avec  des  mala- 
dies d'une  nature  analogue,  pour  y  attacher  l'importance  qu'elles  méritent  au 
point  de  vue  du  diagnostic. 

Le  traitement  ne  témoigne  pas  moins  que  les  caractères  précédents,  de  la  spécia- 
lité du  catarrhe  utérin.  On  peut  être  obligé  de  combattre  l'inflammation  qui  le 
complique  souvent,  soit  au  début,  par  suite  de  la  soudaineté  et  de  l'intensité 
d'action  de  la  cause  déterminante,  soit  à  l'état  chronique,  par  suite  de  l'incurie 
des  malades  et  de  la  durée  du  mal.  Mais  on  ne  guérit  pas  pour  cela  le  catarrhe 
par  des  autiphlogistiques.  J'ai  vu  maintes  fois  les  antiphlogistiques,  appliqués 
intempestivement,  augmenter  le  mal  au  lieu  de  le  diminuer,  et  jeter  les  malades 


LEUCORP.IIÉE.  r,SO 

dans  un  état  de  faiblesse  et  de  langueur  au  milieu  duquel  le  flux  utérin  ne  faisait 
que  s'accroître  et  s'aggraver.  Au  contraire,  le  changement  de  climat,  l'action  d'un 
air  vif,  sec  et  suffisamment  chaud,  les  révulsifs,  les  toniques,  les  reconstituants, 
les  balsamiques,  les  astringents,  enfin  les  topiques  propres  à  modifier  l'état  anato- 
mique  et  la  vitalité  de  la  surface  sécrétante,  produisent  les  résultats  les  plus 
avantageux,  font  cesser  les  douleurs  en  même  temps  que  le  flux,  et  fournissent  la 
meilleure  preuve  que  l'inflammation  n'est  pas  dans  ce  cas  la  cause  prochaine  de 
la  leucorrhée. 

Le  catarrhe  utérin  aigu  peut  être  compliqué  d'un  certain  degré  d'inflamma- 
tion. La  muqueuse  de  la  matrice,  atteinte  par  l'imijression  de  la  cause  qui  pro- 
duit la  maladie,  commence  par  être  douloureuse,  mais  dans  le  premier  moment 
la  sécrétion  semble  diminuer  au  lieu  d'augmenter.  A  mesure  que  la  réaction  se 
fait,  qu'un  léger  mouvement  fébrile  s'établit,  l'hypersécrétion  commence,  et  elle 
prend  plus  ou  moins  d'intensité  ou  se  trouve  plus  ou  moins  altérée,  suivant  les 
cas. 

La  douleur  est  surtout  hypogastrique  ;  elle  s'accompagne  de  chaleur  et  d'em- 
barras pelviens,  même  de 'douleur  pendant  la  défécation  et  la  miction,  et  revct 
par  instants  le  caractère  de  tranchées  ou  de  contractions  utérines. 

Le  catarrhe  utérin  chronique  succède  au  premier  ou  débute  sous  cette  forme  ; 
il  succède  aussi  quelquefois  à  la  métrite,  qui  développe  sur  les  glandes  utérines 
la  tendance  à  l'hypersécrétiou  favorisée  ou  préparée  par  une  disposition  géiiC' 
raie. 

Les  signes  subjectifs  sont  les  suivants  :  En  première  hgne,  l'hypersécrétion, 
l'écoulement  qui  y  succède,  dont  j'ai  parlé  plus  haut  ;  cet  écoulement  semble  plus 
débilitant  pour  les  malades  que  l'écoulement  vaginal,  et  parfois,  lorsqu'il  est 
abondant,  il  coïncide  avec  une  irritation,  qui  de  lamuqueuse  utérine  gagne  la 
muqueuse  vaginale,  la  vulve,  la  face  interne  des  cuisses,  où  elle  produit  de  la 
cuisson,  une  sorte  d'érythème  et  même  une  desquamation  épithéhale  légère.  Puis 
viennent  des  altérations  de  menstruation,  habituellement  de  la  dysménorrhée, 
exceptionnellement  de  la  métrorrhagie  ;  dans  ce  dernier  cas,  il  est  rare  qu'il  n'y 
ait  pas  quelque  altération  de  la  muqueuse,  symptomatique  d'un  état  mor- 
bide concomitant,  tel  qu'ulcération,  granulations,  fongosités.  Il  existe  des  dou- 
leurs qui  partent  du  sacrum  pour  aboutir  aux  aines  et  aux  pubis,  qui  s'accom- 
pagnent de  tranchées  utérines  précédant  l'expulsion  du  nmco-pus  accumulé  dans 
la  cavité  utérine,  et  qui  se  compliquent  après  un  certain  temps  d'un  sentiment  de 
gène,  de  pesanteur,  de  plénitude  pelviennes.  Souvent  une  impression  sur  un  autre 
point  du  corps,  une  sensation  brusque  de  froid,  celle  que  donne  seulement  un 
marbre  sur  lequel  la  malade  appuie  la  main,  retentit  dans  l'utérus,  y  éveille  une 
douleur  qui  semblait  sommeiller,  et  y  détermhie  une  hypersécrétion  avec  expul- 
sion du  mucus.  Bientôt  à  ces  douleurs  s'ajoutent  de  la  gastralgie,  une  sensation 
de  fatigue  et  de  tiraillement  s'étendant  de  l'épigastre  à  la  région  dorsale  entre 
les  deux  épaules,  résultant  du  dérangement  des  fonctions  digestives,  de  l'affai- 
blissement général  qui  y  succède,  de  la  chlorose,  de  la  chloro-anémie,  qui  en  est 
la  conséquence.  Les  accidents  dyspeptiques  se  développent;  des  renvois,  des  ai- 
greurs, des  vomissements,  le  ballonnement  du  ventre,  sont  souvent  suivis  de 
constipation  ou  de  catarrhe  vers  la  partie  inférieure  de  l'intestin,  de  garde-robes 
douloureuses,  de  ténesmc,  de  glaires  rendues  avec  les  fèces  ;  les  urines  deviennent 
aussi  troubles,  chargées,  muco-puruleates,  la  miction  est  douloureuse.  L'amai- 
grissement, la  langueur,  la  tristesse  complètent  le  tableau. 


ÔOO  LEUCORRHÉE. 

Les  signes  objectifs  sont  :  de  la  tension  et  de  la  rénitence  à  l'hypogastre,  de  la 
sensibilité  au  col  de  l'utérus;  le  doigt  qui  pratique  le  loucher  ramène  un  mucus 
glaireux  ou  pui'ulent,  caractéristique  ;  il  y  a  souvent  de  la  flaccidité  des  parois 
utérines,  quelquefois  augmentation  de  volume  du  col  et  du  corps  ;  ce  dernier  de- 
vient globuleux,  surtout  lorsque  par  l'occlusion  des  orifices  résultant  du  gon- 
ilement  de  la  muqueuse  ou  par  leur  oblitération  due  à  la  formation  de  brides  ou 
à  l'adhérence  de  surfaces  ulcérées,  les  produits  de  sécrétion  s'accumulent,  et 
sont  retenus  dans  la  cavité  utérine.  La  sonde  utérine  creuse  pénètre  avec 
quelque  difficulté  ;  mais  une  fois  arrivée,  elle  est  mobile  en  tous  sens,  et  té- 
moigne d'une  augmentation  de  capacité  de  la  cavité  de  la  matrice  ;  elle  laisse 
quelquefois  couler  du  mucus  très-fluide  par  son  canal. 

Des  exulcérations  fréquentes  s'observent  sur  le  museau  de  tanche,  au  bord 
même  de  l'orifice  et  particulièrement  sur  la  lèvre  inférieure,  phénomène  qui  peut 
tenir  à  une  macération  de  l'épithéhum  par  les  mucosités,  comme  M.  Gosseliu 
l'a  fait  remarquer  (De  îa  valeur  syniptomatique  des  ulcérations  du  col  utérin, 
Arcli.  génér.  de  méd.,  ¥  série,  t. II,  p.  129;  1845),  mais  qui  peut  aussi 
provenir  d'une  complication,  comme  cela  me  paraîf  évident  pour  des  altéra- 
tions plus  sérieuses,  telles  que  les  granulations,  les  fongosités  et  les  kystes 
folhculaires. 

Je  pense  avec  M.  Scanzoni  (ouv.  cit.,  p.  155),  que  la  leucorrhée  persistante, 
comme  la  congestion  utérine  qui  l'accompagne  souvent,  peut  très-bien, par  l'irri- 
tation qu'elle  entretient  dans  l'organe  et  surtout  sur  sa  muqueuse,  par  l'exa- 
gération de  circulation  qu'elle  provoque  forcément,  amener  à  la  longue,  la  mé- 
trite  chronique,  les  ulcérations,  les  granulations,  le  développement 'des  fongosités 
utérines,  les  kystes  folhculaires,  la  formation  des  corps  fibreux,  etc.  Mais  de  là  à 
produire  directement  ces  altérations,  ou  seulement  quelques-unes,  comme  le 
veut  M.  Tyler-Smith,  il  y  a  loin.  La  leucorrhée  catarrhale  est  plus  rare  au  vagin 
qu'à  l'utérus  ;  cependant  elle  peut  se  manifester  sur  le  premier  de  ces  organes, 
elle  peut  succéder  à  une  vaginite  franche;  elle  peut,  surtout  à  l'état  aigu,  exister 
simultanément  sur  l'un  et  sur  l'autre. 

Il  en  est  de  même  de  la  leucorrhée  rhumatismale.  Cette  espèce  de  leucorrhée 
n'a  pas  d'ailleurs  de  caractère  pathognomonique.  On  doit  la  reconnaître  ou  la 
soupçonner  par  l'état  général  plutôt  que  par  des  symptômes  locaux  ou  des  signes 
propres. 

VIII.  Traitement  de  la  leucorrhée  aiguë.  Cette  maladie,  surtout  la  leucorrhée 
catarrhale  aiguë,  peut  guérir  spontanément  comme  le  catarrhe  aigu  de  tout 
autre  organe.  Il  ne  faut  pas  pour  cela  l'abandonner  à  sa  marche  naturelle  et  né- 
j^liger  de  la  traiter  ;  car  elle  a  souvent  de  la  tendance,  et  dans  tous  les  cas,  une 
grande  facilité  à  passer  à  l'état  chronique  ;  or  la  leucorrhée  chronique  est  une 
des  maladies  les  plus  rebelles,  comme  le  catarrhe  vésical,  comme  le  catarrhe 
bronchique,  comme  la  diarrhée,  comme  presque  tous  les  autres  flux  chroniques. 
Elle  produit  peu  à  peu  des  troubles  digestifs  ;  l'appauvrissement  du  sang,  l'amai- 
grissement, le  dépérissement  des  malades.  Ces  tristes  résultats  ne  tardent  pas  à  se 
manifester  par  un  état  de  langueur,  par  la  pâleur  du  visage  et  par  cette  altération 
des  traits  et  du  teint  dont  l'ensemble  est  désigné  sous  le  nom  de  faciès  utérin: 

Il  faut  donc  que  le  médecin  comprenne  et  fasse  comprendre  à  la  malade 
l'urgence  d'un  traitement  persévérant  et  prolongé.  La  nécessité  de  la  cure  n'est 
pas  seulement  indiquée  par  la  difficulté  d'atteindre  la  guérison,  elle  l'est  encore 
par  la  fréquence  des  rechutes.  La  leucorrhée  paraît  quelquefois  céder  au  traite- 


LEtCORRIIÉE.  îfll 

ment,  et  l'on  peut  se  flatter  d'avoir  obtenu  un  succès  ;  mais  elle  ne  cesse  pen- 
dant quelques  jours  ou  quelques  semaines  que  pour  reparaître  avec  une  intensité 
nouvelle  et  une  ténacité  plus  grande,  soit  à  l'occasion  du  retour  des  règles,  soit 
à  la  suite  d'une  excitation,  d'une  fatigue  quelconque  des  organes  génitaux.  J'ai 
vu  des  cas  de  ce  genre,  \raiment  désespérants,  dans  lesquels  la  persistance  de  la 
maladie  et  la  fréquence  des  retours,  comparables  à  ceux  des  écoulements  uré- 
tliraux  chez  l'homme,  semblait  défier  toutes  les  ressources  de  l'art.  Cette  ténacité 
tient  habituellement  à  l'existence  d'une  affection  diathésique  et  à  la  négligence 
des  femmes.  Mais  quoi  qu'il  en  soit,  la  maladie  puise  alors  dans  sa  chronicité 
même  de  nouvelles  conditions  t\ivorables  à  sa  persistance  et  à  sa  durée. 

Quand  la  guérisou  est  enfm  obtenue,  il  faut  s'attacher  à  prévenir  par  une 
bonne  hygiène  le  retour  de  la  maladie.  On  ne  saurait  trop  consohder  la  santé  par 
le  séjour  à  la  campagne,  les  toniques,  les  amers,  les  ferrugineux,  les  bains  de 
mer  ou  de  rivière,  l'hydrothérapie,  la  longue  continuation  des  irrigations,  des  in- 
jections astringentes,  iine  propreté  soigneusement  entretenue;  enfm  la  privation 
des  excès  vén'riens,  et  quelquefois  même  la  continence  absolue.  Pour  obtenir  sa- 
tisfaction sur  ce  dernier  point,  il  est  souvent  nécessaire  de  séparer  les  époux, 
et  l'on  se  trouve  bien  de  prescrire  à  la  malade  un  voyage,  surtout  si  ce  voyage 
a  un  but  hygiénique  apparent,  en  même  temps  que  réel,  par  exemple  de 
l'envoyer  à  des  eaux  minérales  ferrugineuses,  dans  un  établissement  hydrolhéra- 
pique  ou  aux  bains  de  mer. 

Il  est  des  leucorrhées  qu'il  faut  traiter  avec  plus  de  rapidité  et  de  ténacité 
encore  que  la  leucorrhée  catarrhale  à  laquelle  s'appliquent  surtout  les  réflexions 
précédentes  ;  je  veux  parler  de  la  leucorrhée  vulvaire  des  enfants  qu'il  faut  se 
hâter  de  guérir,  pour  éviter  que  les  petites  malades,  en  portant  instinctivement 
les  mains  aux  parties  génitales,  n'entretiennent  ou  n'augmentent  le  mal,  et 
qu'elles  ne  contractent  la  funeste  habitude  de  la  masturbation. 

Par  contre,  il  est  des  leucorrhées  qu'il  ne  faut  pas  traiter,  ou  ne  traiter 
que  par  des  soins  de  propreté  nécessaires  pour  pallier  le  mal  en  diminuant  la 
douleur,  les  cuissons,  le  prurit  qu'il  occasionne  ;  ce  sont  les  leucorrhées  qui 
existent  cliez  les  femmes  phthisiques,  que  ces  leucorrhées  soient  symptomatiques 
de  la  phthisie  ou  d'une  tuberculisation  utérine,  ou  qu'elles  soient  entretenues 
sinq^lement  par  l'atonie  et  la  débihté  des  malades.  Elles  jouent  le  rôle  de  la  fis- 
tule à  l'anus  ou  d'un  exutoire  artificiel.  La  présence  en  est  souvent  utile  aux  tuber- 
culeuses; leur  suppression  aggrave  parfois  les  accidents  pulmonaires,  et  précipite 
la  fin  des  malades.  La  plupart  des  praticiens  sont  d'accord  à  cet  égard.  Lagneau, 
après  les  anciens  médecins,  a  insisté  sur  ce  fait,  et  Lisfranc  [Clinique  chirnrqi- 
cale,  t.  II,  p.  500)  y  est  revenu  avec  l'énergie  de  paroles  qui  peint  habituelle- 
ment l'énergie  de  ses  convictions  :  «  J'ai  observé,  dit-il,  un  grand  nombre  de 
femmes,  chez  lesquelles  les  pertes  blanches  diminuaient  ou  suspendaient  les 
progrès  de  la  phthisie  pulmonaire,  quelquefois  même  cette  affreuse  maladie  était 
amendée  ;  de  là  naît,  nous  ne  saurions  trop  le  dire,  l'impérieuse,  l'indispensable, 
l'absolue  nécessité  de  respecter  les  écoulements  blancs,  lorsque  quelque  affection 
morbide  viscérale  existe.  » 

Le  traitement  de  la  leucorrhée  aiguë  doit  presque  toujours  être  à  la  fois  général 
et  local. 

Le  traitement  général  est  beaucoup  plus  important  qu'on  ne  paraît  iiorté  ii  le 
croire  :  il  est  presque  impossible  de  guérir  une  leucorrhée  sans  v  recourir,  et 
dans  certains  cas  à  lui  seul  il  est  suffisant. 


592  LEUCORRHEE. 

C'est  ce  qui  a  lieu  dans  les  cas  de  leucorrhée  liée  à  uue  altération  foiictiouuelle 
chez  les  chlorotiques.  On  pont  se  dispenser  alors  de  recourir  aux  injections,  aux 
divers  topiques,  à  la  cautérisation  utérine.  11  suffit  de  combattre  la  névrose  par  les 
sédatifs,  les  antispasmodiques, les  toniques,  de  redonner  au  sangles  éléments  qui 
lui  manquent,  d'en  refaire  la  richesse  par  le  rétablissement  des  fonctions  diges- 
tives  et  l'administration  méthodique  des  préparations  ferrugineuses,  de  favoriser 
la  reconstitution  du  système  par  les  bains  ferrugnieux  et  l'hydrothérapie,  pour 
amener  la  disparition  graduelle  de  la  leucorrhée  et  pour  voir  le  rétablissement  de 
la  menstruation  donner  la  meilleure  garantie  de  la  guérison. 

Le  traitement  général  suffit  même  le  plus  souvent  dans  la  leucorrhée  catarrhale 
aiguë.  On  se  borne  à  écarter  les  causes  de  la  maladie  ;  à  en  combattre  les  compli- 
cations, notamment  l'inflammation,  si  elle  existe,  parle  repos  et  les  émollients, 
sinon  par  les  antiphlogistiques,  par  exemple,  par  les  grands  bains,  les  baitis  de 
siège,  les  irrigations  tièdes  et  calmantes,  les  lavements  ;  à  éviter  le  refroidisse- 
ment, et  surtout  les  changements  brusques  de  température,  en  revêtant  le  corps 
de  flanelle,  en  pratiquant  des  frictions  sèches  sur  toute  la  surface  de  la  peau;  à 
soutenir  les  forces  par  une  alimentation  tonique,  mais  non  excitante. 

Ces  moyens  ne  sauraient  cependant  constituer  toujours  tout  le  traitement  général, 
même  dans  les  cas  de  simple  leucorrhée  catarrhale  aiguë.  11  faut  chercher  parfois 
•à  obtenir  une  crise,  comme  dans  le  traitement  du  catarrhe  bronchique.  La  peau, 
par  sa  grande  étendue  et  par  l'influence  qu'elle  a  pu  prendre  au  développement  du 
catarrhe,  en  subissant  un  refroidissement,  paraît  l'organe  le  plus  favorable  à 
l'établissement  de  cette  crise.  Dans  ce  but,  on  emploie  les  diaphorétiques,  on 
cherche  à  porter  les  mouvements  au  dehors,  à  exciter  la  transjjiration. 

Si  la  leucorrhée  persiste  et  menace  de  passer  à  l'état  chronique,  on  transforme 
cette  action  diaphorétique,  cette  révulsion  par  les  sueurs,  en  véritable  révulsion 
irrital;ive  ou  séreuse,  par  l'emploi  des  frictions  sèches  ou  excitantes  sur  toute  la 
surface  du  corps,  des  rubéfiants,  des  épispastiques,  des  vésicatoires  volants,  ou 
tout  au  moins  des  frictions  avec  l'huile  de  croton  liglium,  de  manière  à  obtenir 
une  éruption  miliaire  qu'on  recouvre  d'un  papier  adhésif,  pour  épargner  à  la 
malade  une  trop  vive  douleur.  Si  la  révulsion  cutanée  est  insuffisante  on  y  joint, 
la  révulsion  intestinale,  par  les  purgatifs  administrés  à  plusieurs  reprises,  comme 
je  vais  le  dire  en  parlant  de  leur  emploi  dans  la  leucorrhée  chronique. 

Il  faut  soutenir  la  guérison  obtenue  assez  promptement  de  cette  manière,  par 
les  moyens  propres  à  combattre  la  faiblesse  qui  succède  nécessairement  à  la 
leucorrhée  et  au  traitement,  et  qui  prédispose  tant  la  malade  aux  rechutes  et  sur- 
tout la  maladie  à  la  chronicité  ;  c'est-à-dire  par  les  préparations  ferrugineuses, 
les  lotions  générales  à  l'eau  froide,  les  bains  de  siège  suivis  de  frictions  sèches,  le 
séjour  à  la  campagne. 

Il  faut  enfin,  pour  hâter  la  guérison  et  empêcher  le  passage  à  l'état  chronique, 
soutenir  l'action  des  moyens  généraux  par  des  topiques  astringents  :  des  injections 
tièdes,  détersives  ou  légèrement  astringentes  (feuilles  de  noyer,  tannin,  coaltar, 
sulfate  de  zinc  ou  de  cuivre,  alun)  ;  des  poudres  inertes  ou  astringentes  comme 
le  sous  nitrate  de  bismuth,  l'alun  seul  ou  mélangé  avec  de  l'amidon,  portées  dans 
le  vagin  directement,  par  insufflation  ou  au  centre  d'un  tampon  ;  le  badigeonnage 
avec  la  solution  faible  de  nitrate  d'argent  ou  de  teinture  d'iode,  versée  au  fond  du 
spéculum.  Mais  ces  derniers  moyens  héroïques  contre  la  leucorrhée  chronique, 
doivent  être  employés  avec  une  grande  réserve  et  de  la  manière  la  plus  oppor- 
tune daus  la  leucorrhée  aiguë. 


LEUCOURHÉE.  593 

IX.  Tb.AiTEMEM  DE  LA  LEUCORRHÉE  CHROMQUE.  CcUe  maladie  succèile  quelque- 
fois à  la  leucorrhée  aiguë,  mais  elle  est  souvent  chronique  d'emhlée  ou  primitive- 
ment ;  elle  affecte,  dès  son  apparition,  ce  caractère,  qui  la  distingue  nettement  de 
la  Itucorrhée  aiguë  au  point  de  vue  des  indications,  qui  témoigne  presque  indu- 
bitablement de  l'intluence  directe  exercée  sur  son  existence  par  un  état  général, 
une  affection  ou  une  vraie  diathèse,  et  qui  démontre,  en  quelque  sorte,  la  néces- 
sité de  l'attaquer  par  un  traitement  également  général.  Ce  n'est  pas  qu'une  dia- 
thèse lui  ait  nécessairement  donné  naissance  :  le  défaut  et  le  dérangement  de  la 
menstruation,  une  grossesse,  un  avortement,  un  accouchement,  une  excitation 
physiologique,  des  excès,  une  irritation  mécanique,  l'invasion  brusque  d'une 
affection  catarrhale  aiguë,  ont  souvent  été  son  point  de  départ  ;  mais  une  diathèse 
dont  l'existence  latente  était  passée  jusque-là  inaperçue,  trouvant  dans  cet  état 
morbide  une  occasion  de  se  localiser,  ne  tarde  pas  à  se  substituer  à  la  cause  occa- 
sionnelle dont  l'action  est  bientôt  épuisée,  à  imprimer  à  la  leucorrhée  son  carac- 
tère, sinon  apparent,  du  moins  intime,  à  lui  donner  sa  propre  nature  et  à  devenir 
bientôt,  avec  l'altération  de  tissu  qui  dépend  de  la  durée  même  du  mal,  la  cause 
principale  et,  pour  ainsi  dire,  unique  de  sa  persistance. 

Quel  cjue  soit  le  point  envahi  par  un  acte  pathologique  quelconcjue,  quelque 
resserré  que  soit  l'espace  sur  lequel  son  évolution  s'accomplit,  quelque  légers  que 
soient  les  symjttômes  qui  en  trahissent  la  présence,  une  affection  préexistante 
profite  presque  toujours  de  cette  issue  pour  cesser  d'être  latente,  se  manifester 
au  dehors  et  former,  sinon  la  nature  même  de  l'état  morbide,  du  moins  une  de 
ses  plus  graves  complications.  Ainsi,  alors  même  qu'elle  ne  serait  pasdiathésique 
dans  le  principe,  la  leucorrhée  ne  tarde  pas  à  le  devenir . 

Ce  qui  se  passe  chez  la  femme  à  propos  de  la  leucorrhée,  je  ne  puis  mieux  le 
comparer  qu'à  ce  qui  se  passe  chez  l'homme  à  propos  des  écoulements  chioniques 
de  l'urèthre  et  de  la  prostate.  Rien  n'est  plus  facile  et  souvent  plus  prompt  à 
guérir  qu'un  écoulement  uréthral  chez  un  homme  sain,  bien  constitué  et  indemne 
de  toute  affection  morbide  ;  rien  n'est  plus  difficile  et  plus  long  à  guérir  qu'un 
écoulement  uréthral  chez  un  catarrheux,  un  rhumatisant,  un  goutteux,  un  dar- 
treux,  un  scrofuleux.  J'ai  vu  tant  d'exemples,  dans  l'un  et  l'autre  sexe,  des  diffi- 
cultés que  présente  la  guérison  des  écoulements  chez  de  pareils  sujets,  de  la  néces- 
sité qu'il  y  a  de  recourir  aux  antidiathésiques,  aux  reconstituants,  de  l'insuffisance 
des  traitements  locaux  employés  seuls,  de  la  réussite  de  ces  mêmes  traitements 
lorsqu'ils  sont  précédés  ou  préparés  par  des  traitements  généraux,  que  je  n'hésite 
pas  à  dire  que  là  est  le  véritable  secret  du  traitement  et  de  la  guérison  de  ces 
maladies. 

Les  affections  qui  exercent  le  plus  d'influence  sur  la  durée  de  la  leucorrhée 
peuvent  se  ranger,  quant  à  leur  frécpience,  à  peu  près  dans  l'ordre  suivant  :  chlo- 
rose, chloro-anémie,  catarrhe  et  rhumatisme,  diathèse  dartreuse,  scrofuleuse, 
syphilitique.  Chacune  d'elles  devient  la  source  d'une  indication  spéciale  quelque- 
fois spécifique,  et  c'est  ainsi  que  le  fer,  les  altérants,  l'iode,  le  mercure,  l'arse- 
nic, etc.,  peuvent  être  administrés  avec  succès,  dans  le  traitement  de  la  leucor- 
rhée, suivant  la  nature  de  Taffection  qui  entretient  cet  état  morbide.  Je  n'ai  rien 
à  dire  ici  de  particulier  sur  leur  mode  d'emploi.  Je  me  contenterai  de  passer  en 
revue  les  moyens  qui  sont  le  plus  habituellement  employés,  et  qui  répondent  à  la 
fois  aux  indications  spéciales  relevant  du  siège  (muqueuse  utéro-vaginale)  et  du 
caractère  particulier  (lluv,  hypersécrétion)  de  l'état  morbide. 

A  la  tête  de  ces  moyens,  il  faut  placer  les  reconstituants,  l'alimentation  analep- 


594  LEUCORRHÉE. 

tique,  les  toniques,  le  quiiiquiiia,  le  fer  S  les  cliangements  de  genre  de  vie,  le 
séjour  à  la  campagne,  et  surtout  le  changement  de  climat.  J'ai  vu  des  exemples 
irappants  de  l'influence  que  ce  dernier  moyen  exerce  sur  la  guérison  de  la  leucor- 
rhée ;  il  n'agit  pas  seulement  comme  moyen  de  distraction  ou  de  tonification,  par 
l'exercice  qu'il  entraîne  et  les  réactions  qu'il  provoque,  mais  encore  comme  modi- 
iicateur  puissant,  lorsque  la  malade  passe  d'un  climat  froid  et  humide,  qui  pré- 
dispose à  la  leucorrhée  et  aux  catarrhes,  dans  un  climat  sec  et  chaud  favorable  à 
leur  traitement.  En  concourant  avec  les  autres  moyens  à  la  guérison  de  la  leucor- 
rhée, le  changement  de  climat  rend  efficaces  des  médications  jusque-là  infruc- 
tueuses, et  j'ai  vu  un  grand  nombre  de  malades,  par  l'influence  seule  des  mêmes 
moyens  qui  leur  avaient  été  vainement  administrés  pendant  longtemps  sous  d'au- 
tres latitudes,  éprouver  dans  le  Midi,  en  quelques  semaines,  une  amélioration 
aussi  rapide  qu'inespérée,  bientôt  suivie  d'une  guérison  définitive. 

Les  balsamiques,  la  tisane  de  bourgeons  de  sapin,  les  pilules  de  térébenthine, 
l'eau  de  goudron  coupée  avec  du  vin  au  repas,  agissent  sur  la  leucorrhée,  comme 
sur  tous  les  flux,  comme  sur  toutes  les  autres  maladies  catari^iales  par  le  fond  ou 
par  l'affection,  par  la  forme  ou  l'hypersécrétion  muqueuse.  J'ai  l'habitude  de 
prescrire  surtout  l'eau  de  goudron,  et  avec  succès  ;  il  est  aisé  de  vaincre  la  répu- 
gnance des  malades  pour  cette  boisson  en  ayant  soin  de  la  mêler  d'abord  par  très- 
petites  quantités  à  de  l'eau  de  Seltz,  et  d'en  augmenter  progressivement  la  dose, 
tandis  qu'on  dimmue  graduellement  cells  de  l'eau  de  Sellz.  Il  ne  faudrait  pas 
croire  qu'ils  agissent  comme  spécifiques,  qu'ils  aient  une  action  élective  sur 
la  muqueuse  utérine,  et  qu'ils  soient  efficaces  contre  la  leucorrhée  comme  ils  le 
sont  contre  les  écoulements  uréthraux  chez  l'homme.  11  ne  faut  pas  attendre  du 
baume  de  copahu,  par  exemple,  la  guérison,  je  ne  dis  pas  de  la  leucorrhée,  mais 
de  la  blennorrhagie  vaginale,  pas  même  de  la  blennorrhagie  uréthrale.  Le  copahu 
est  entraîné  par  les  urines,  et  des  expériences  démonstratives  prouvent  que  c'est 
le  passage  même  des  urines  qui  imprime  aux  follicules  de  l'urèthre,  chez  l'homme, 
la  modification  dont  l'heureuse  influence  en  suspend  l'hypersécrétion.  11  ne  peut 
en  être  ainsi  chez  la  femme,  car  le  copahu  ne  peut  être  transporté  en  nature, 
ni  par  aucune  sécrétion,  sur  la  muqueuse  utéro-vaginale  ;  il  n'agit  même  guère 
sur  la  muqueuse  uréthrale,  soit  à  cause  de  son  peu  d'étendue,  soit  à  cause  de 
la  disposition  ou  delà  direction  particulière  aux  canaux  excréteurs  de-ses  glandes. 
Pourtant,  des  médecins  dignes  de  foi  assurent  avoir  vu  le  copahu,  le  matico,  sans 
doute  par  le  même  mode  d'action  que  les  autres  balsamiques,  exercer  une  heu- 
reuse influence  sur  la  leucorrhée  vagino-utérine. 

Le  seigle  ergoté  a  une  action  plus  directe  sur  l'utérus  ;  il  a  été  employé  avec 
succès.  Bazzoni  (Omodei,  Anncili  di  medicina,  mai  1851)  le  recoramailde  contre 
la  leucorrhée  chronique,  à  la  dose  de  4  grammes  en  décoction  dans  250  grammes 
d'eau,  en  deux  doses,  la  moitié  le  premier  jour,  l'autre  moitié  le  second;  rare- 
ment, dit-il,  on  est  forcé  d'en  prendre  davantage.  Il  est  évident  qu'il  suffit  de  le 
prendre  à  la  manière  commune,  en  poudre,  de  six  en  six  heures,  à  doses  plus 

1  Parmi  le.s  préparations  de  fer,  les  plus  vantées  par  M.  Tyler-Smith  sont:  te  sesquiclilo- 
rure,  et  surtout  les  sulfates  ferrico-potassique  et  ferrico-ammonique,  prébentés  à  la  Société 
de  pharmacie  de  Londres,  par  M.  Lindsey  Blith,  en  1853,  et  très-employés  en  Angleterre  sons 
le  nom  de  Iron  alunis,  aluns  de  fer.  On  prétend  qu'ils  sont  plus  astringents  que  l'alun  à  base 
d'alumine,  et  qu'ils  n'ont  pas  les  propriétés  excitantes  des  autres  ferrugineux.  M.  Tyler- 
Smith  préfère  lalun  de  fer  ammonique  à  l'alun  de  fer  potassique,  parce  qu'il  est  plus  so- 
lublc.  11  l'administre  à  la  dose  de  15  à  50  centigr.  dans  un  véhicule  approprié,  ou  simple- 
ment dans  de  l'eau,  trois  fois  par  jour.  (Tyler-Smith,  On  leucorrhea,  p.  190.' 


LEUCORRHÉE.  395 

on  moins  élevi'cs,  Il  esl  évident  aussi  qu'il  pont,  à  titre  d'adjuvant,  rendre  de 
grands  services,  dans  les  cas  oii  la  cavité  interne  de  l'utérus  est  le  siège  de  la 
sétrétion,  en  excitant  la  contractilité  affaiblie  des  parois  de  cette  cavité. 

Les  eaux  minérales,  souvent  conseillées,  n'ont  pas  toujours  une  grande  effica- 
cité. Les  bains  ferrugineux  naturels  ou  artificiels,  très-vantés  par  quelques 
médecins,  par  exemple  par  Aran,  sont  utiles  dans  les  cas  de  leucorrhée  chloro- 
tique;  mais  pour  peu  qu'il  se  joigne  à  la  chlorose  une  autre  diathèse  qui  n'éprouve 
pas  par  leur  usage  une  heureuse  moditication,  ils  peuvent  être  plus  nuisibles 
qu'utiles.  J'ai  vu  quelques  malades,  même  chlorotiques,  à  qui  ils  n'ont  assuré- 
ment fait  aucun  bien,  tandis  que  les  eaux  alcalines,  surtout  les  eaux  sulfureuses, 
les  bains  de  mer,  etc.,  leur  ont  été  plus  tard  très-utiles.  Il  faut  donc  savoir  tâter 
le  terrain  dans  ces  cas  douteux,  et  ne  pas  s'obstiner  à  employer  un  moyen  jus- 
tement vanté  sans  doute,  mais  dont  l'efflcacité  a  des  limites. 

L'hydrothérapie  est  d'une  utilité  beaucoup  plus  générale  dans  le  traitement 
de  la  leucorrhée.  Dans  le  catarrhe  utérin  franchement  chronique,  l'eau  froide 
employée  sous  toutes  les  formes  et  les  réactions  graduées  et  énergiques  que  son 
application  méthodique  provoque,  produisent  des  résultats  souvent  inespérés  et 
vraiment  héroïques.  C'est  le  meilleur  révulsif  et  le  meilleur  tonique  en  même 
temps;  aussi  on  ne  saurait  trop  varier,  multiplier  et  prolonger  l'emploi  des 
moyens  hydrothérapiques  contre  cette  maladie  souvent  si  rebelle.  Au  besoin  on 
fait  précéder  les  douches  de  bains  de  vapeur,  qui  déterminent  une  révulsion  sur 
une  large  surface  et  qui,  en  provoquant  par  des  sudations  abondantes  le  rétablis- 
sement des  fonctions  de  la  peau,  déplacent,  en  quelque  sorte,  l'habitude  morbide 
et  substituent  la  transpiration  cutanée  au  flux  leucorrhéique.  Il  faut  seulement  se 
garder  d'affaiblir  les  malades  par  une  médication  qui  serait  débilitante,  si  l'on 
n'avait  le  soin  de  la  faire  suivre  d'un  régime  et  d'un  traitement  propres  à  tonifier 
le  système  et  à  en  relever  les  forces. 

Lorsque  les  bains  de  vapeur,  les  frictions  sèches  générales,  l'hydrothérapie  sont 
contre-indiqués,  on  peut  avoir  recours  à  la  révulsion  produite  sur  le  tube  digestif 
parles  purgatifs,  ou  sur  la  peau  parles  épispastiques.  .le  ne  trouve  généralement 
aucun  avantage  à  employer  ce  mode  de  l'évulsion,  j'y  reconnais  des  inconvé- 
nients assez  notables  pour  ne  pas  l'adopter  en  principe.  Ainsi,  les  malades  at- 
teintes  de  leucorrhée  chronique,  étant  généralement  laibles,  dyspeptiques,  gas- 
tralgiques ,  etc.,  ne  peuvent  éprouver  par  l'usage  des  '  purgatifs  qu'une 
augmentation  de  faiblesse,  une  irritation  des  intestins  peu  favorables  à  leur 
rétablissement.  Les  épispastiques  cutanés  les  irritent  aussi  quelquefois  beaucoup, 
par  la  douleur  qu'ils  causent  et  le  repos  qu'ils  imposent,  surtout  lorsqu'on  les 
met  sur  le  ventre.  Je  ne  parle  pas  des  exutoires,  car  ils  peuvent  être  le  plus  sou- 
vent remplacés  avantageusement  par  les  frictions  longtemps  continuées,  et  ils  ne 
produisent  que  très-rarement  les  bons  elfets  qu'on  en  espère. 

Je  n'use  donc  des  purgatifs  que  dans  de  rares  occasions,  à  la  fin  de  la  leucor- 
rhée aiguë,  pour  en  prévenir  le  passage  à  l'état  chronique  ;  ou  pendant  le  traite- 
ment de  celle-ci,  à  titre  de  laxatifs,  destinés  à  entretenir  la  liberté  du  venlre, 
pour  augmenter  l'appétit  languissant  et  stimuler  les  digestions  paresseuses,  plu- 
tôt qu'à  titre  de  révulsifs  sur  un  organe  qui  doit  être  particulièrement  ménagé. 
Est-ce  par  i'aloès  ou  par  les  résines  qu'elles  renfermaient,  c'est-à-dire  comme 
purgatifs  ou  comme  balsamiques,  que  les  fameuses  pilules  de  Stahl  {Colle- 
giimi  casuale  magnum,  cas.  19.  Leipzig,  1755),  composées  de  gomme  ammo- 
niaque, de  myrrhe,  d'aloès,  de  gomme  de  lierre,  etc.,  agissaient  dans  le  Irai- 


39G  LEUCORRllÉl^. 

tenient  de  la  leucorrhée  et  avaient  mérité  la  confiance  de  leur  illiisire  auteur? 
L'aloès  a  été  administré  de  nouveau  dans  ces  derniers  temps,  mais  d'une  autre 
iaçon.Sd^œnhemelkrsLn{Bidletin  de  thérapeutique,  t.  LIV,  p.  193.  Maladies 
del'idérus,  p.  464)  ont  recommandé  des  lavements  contenant  de  l'aloès  sus- 
pendu dans  une  sorte  de  mucilage  de  savon  et  d'eau.  La  formule  à  laquelle  je 
me  suis  arrêté,  dit  Aran,  est  la  suivante  : 

Aloès S  gi-ammes. 

Savon  médicinal S      — 

Eau  bouillante lOO      — 

Laissez  refroidir.  A  prendre  en  une  seule  fois,  le  soir  en  se  couchant,  après  a\oir 
débarrassé  l'intestin  par  un  grand  lavement  tiède.  Les  effets  en  sont  d'autant  plus 
remarquables  que  les  malades  les  gardent  plus  longtemps.  On  peut  en  faire  pren- 
dre un  tous  les  jours  ou  tous  les  deux  jours,  jusqu'à  ce  qu'il  sm'\ieime  de  l'irrita- 
tion au  rectum  ou  à  l'anus  ;  on  suspend  alors,  pour  recommencer  quelques  jours 
après,  si  l'écoulement  a  été  modifié.  Ils  ne  conviennent,  pour  déraciner  le  catar- 
rhe utérin  chronique,  que  lorsque  tous  les  phénomènes  congestifs  ou  inflamma- 
toires sont  tombés.  Leur  action  paraît  d'autant  plus  certaine  que  l'écoulement  se 
rapproche  du  caractère  aqueux.  J'ai  essayé  ce  moyen  :  il  est  désagréable  pour  les 
malades,  il  cause  assez  souvent  de  l'irritation  au  rectum  et  à  l'anus,  il  ne  peut 
pas  toujours  être  continué,  il  donne  enfin  des  résultats  incertains  et  paraît  n'être 
efficace  que  dans  des  cas  très-rares. 

Les  malades  acceptent  difficilement  l'application  des  vésicatoires  sur  le 
ventre.  Si  le  mode  de  révulsion  qu'ils  déterminent  paraît  indiqué,  je  leur  préfère 
les  frictions  avec  l'huile  de  croton  sur  l'hypogastre,  en  ayant  soin  de  couvrir  la 
partie  huilée  avec  un  papier  adhésif  Mais,  si  je  rejette  l'application  des  vésica- 
toires sur  la  peau  de  l'abdomen,  il  n'en  est  pas  de  même  de  leur  application  sur 
le  col  de  l'utérus  dans  le  cas  de  leucorrhée  utérine,  et  surtout  de  leucorrhée  de 
la  muqueuse  du  corps.  11  est  bien  entendu  qu'il  n'existe  aucun  écoulement  à  la 
vulve,  ni  au  vagin,  et  que  le  col  lui-même  est  à  peu  près  sain,  simplement  en- 
gorgé, ou  du  moins  qu'il  n'estpas  le  siège  principaPde  l'écoulement.  Le  vésica- 
toire  est  appliqué  suivant  les  règles  précédemment  posées .  Un  seul  vésicatoire  ne 
suffit  pas  pour  la  guérison,  il  faut  presque  toujours  en  mettre  un  deuxième,  sou- 
vent un  troisième  et  quelquefois  un  quatrième,  à  quinze  jours  d'intervalle  l'un  de 
l'autre,  en  prévenant  par  le  repos,  les  bains  et  les  émoUients,  l'inflammation 
aiguë  qu'ils  pourraient  développer,  et  continuant  le  traitement  général  commencé, 
autant  que  l'application  de  ce  topique  le  permet.  11  n'est  pas  besoin  de  dire  qu'il 
faut  s'en  abstenir  à  l'époque  menstruelle.  .le  puis  assurer  avoir  obtenu,  par  ce 
mode  de  traitement,  des  guérisons  inespéi'ées.  Ce  n'est  pas  que  je  ne  lui  en  pré- 
fère habituellement  bien  d'autres  ;  mais  quand  diverses  circonstances,  venant  du 
sujet  ou  du  dehors,  s'opposent  à  ce  que  l'on  emploie  l'hydrothérapie,  les  eaux 
minérales,  etc.,  comme  cela  m'est  arrivé  souvent  pour  mes  malades  d'hôpital,  je 
crois  qu'on  trouve  dans  ce  moyen  de  grandes  ressources  pour  la  guérison  des  leu- 
corrhées rebelles. 

Nous  sommes  arrivés  ainsi  par  degrés  et,  pour  ainsi  dire,  d'une  manière  insen- 
sible au  T/"aiife»îerti  /oca/ de  la  leucorrhée  chronique.  Ce  traitement  doit  s'asso- 
cier souvent  au  traitement  général  ;  mais  sauf  les  injections  émollientes  ou  déter- 
sives,  saufles  lotions  ou  les  irrigations  simples,  qu'on  se  trouve  bien  de  combiner 
avec  le  traitement  général,  comme  moyen  d'entretenir  simplement  la  propreté  et 
d'apaiser  l'irritation  ,  l'emploi  des  topiques  doit  être  géiiéjcaloment  renvoyé  à 


LEUCORRHÉE.  597 

l'époque  où  la  constitution  est  assez  heureusement  modifiée  pour  faire  espérer 
qu'une  action  locale  décisive  pourra  suspendre  l'écoulement. 

Ces  topiques  sont  les  injections,  les  poudres,  les  applications  diverses,  pour  les 
leucorrhées  vulvaires  et  vaginales  ;  les  injeciions  et  surfont  la  cautérisation  intra- 
utérine,  pour  la  leucorrhée  utérine.  Ils  ont  pour  but  de  modifier  directement  la 
surface  de  la  membrane,  la  cavité  des  follicules  qui  sont  le  siège  des  flux  mu- 
queux,  en  un  mot  l'état  morbide  local,  qui  semble  entretenir  à  lui  seul  l'écoule- 
ment, comme  par  une  habitude  d'hypersécrétion  contractée  à  la  longue. 

Les  injections  doivent  être  habituellement  toniques,  astringentes,  cathércti- 
ques,  caustiques  même.  On  se  trouve  bien  de  les  faire  quelquefois  avec  les  eaux 
mêmes  des  bains  minéraux,  pendant  la  durée  du  bain,  par  exemple  avec  les  eaux 
ferrugineuses  ou  sulfureuses.  D'autres  fois  on  se  sert  de  liquides  préparés  ad  hoc; 
je  conseille  toujours  de  les  employer  sous  la  forme  de  lotions,  c'est-à-dire  de  sub- 
stituer la  lotion  proprement  dite  à  l'injection.  Après  avoir  lotioimé  le  vagin  avec 
de  l'eau  pure  ou  légèrement  savonneuse,  on  le  lotionne  avec  une  solution  de  coal- 
tar, une  décoction  de  tannin,  ou  de  noix  de  galle,  ou  d'écorce  de  chêne,  ou  de 
roses  de  Provins,  avec  une  solution  d'alun  (15  à  50  grammes  dans  1  litre  d'eau), 
ou  de  sulfate  de  zinc  (mêmes  doses),  ou  des  deux  substances  à  parts  égales,  ou  de 
sulfate  de  cuivre  (2  à  5  grammes  par  litre),  etc.  On  comprend  que  ces  injections 
peuvent  être  variées  à  l'infini  ;  je  n'ai  cité  que  les  plus  usitées. 

Au  heu  d'injections,  on  a  proposé  de  porter  les  astringents  ou  les  légers  caus- 
tiques sous  la  iorme  de  pommades  onde  poudres.  L'action  des  pommades  est  in- 
certaine, et  la  présence  des  corps  gras  dans  le  vagin  n'est  pas  favorable  à  la  gué- 
rison  de  la  leucorrhée.  Quant  aux  poudres,  c'est  autre  chose  :  elles  absorbent  le 
liquide,  ou  elles  sont  dissoutes  peu  à  peu  et  impressionnent  d'une  manière  con- 
tinue les  tissus  avec  lesquels  cette  dissolution  les  met  en  contact.  Le  meilleur 
topique  de  cette  espèce  est  le  sous-nitrate  de  bismuth,  et  la  meiljeure  manière  de 
l'appliquer  est  de  la  porter  au  fond  du  spéculum  et  d'en  poudrer  les  surfaces  ma- 
lades. Quelquefois  on  a  employé  des  sachets  contenant  des  poudres  inertes  et 
astringentes  ;  d'autrefois  ou  a  jeté  ou  insufflé  ces  poudres  dans  le  fond  du  spécu- 
lum, ou  bien  on  les  a  portées,  à  l'aide  de  cet  instrument,  au  fond  du  vagin,  dans 
le  cul-de-sac  postérieur,  en  les  enfermant  dans  un  tampon  de  coton  ou  de  ouate. 
Ce  dernier  moyen  est  un  des  meilleurs,  je  le  préfère  même  au  tampon  imbibé  de 
solutions  astringentes  ou  caustiques,  parce  qu'il  est  à  la  fois  absorbant  et  modifica- 
teur; j'avoue  pourtant  que  j'aime  mieux  encore  ne  laisser  aucun  de  ces  corps 
étrangers  à  demeure  dans  le  vagin.  Ils  rentrent  dans  la  catégorie  des  pessaires 
médicamentaux,  qui  peuvent  être  utiles  dans  quelques  cas,  notamment  dans  les 
enfTorgements,  les  hypertrophies,  etc.,  mais  qui  sont  habituellement  plus  nui- 
sibles comme  corps  étrangers  qu'utiles  comme  médicaments.  Je  fais  une  excep- 
tion pour  les  tampons  imbibés  de  glycérolé  au  tannin  (2  à  8  grammes  de  tannin 
pour  50  grammes  de  glycérine).  La  solubilité  du  tannin  dans  la  glycérine  et 
l'absorption  de  la  glycérine  par  la  muqueuse  vaginale  donnent  à  ce  moyen, 
proposé  par  M.  Demarquay,  une  efficacité  réelle.  Après  une  lotion  préalable, 
introduisez  dans  le  vagin  un  fort  tampon  de  coton,  d'abord  mouillé  avec  de  l'eau 
chaude  et  bien  exprimé,  puis  tout  imbibé  de  glycérolé  au  tannin  ;  renouvelez-le 
tous  les  deux  ou  trois  jours.  Il  est  mieux  encore  de  verser  une  ou  deux 
cuillerées  de  ce  glycérolé  au  i'ond  du  vagin,  iî  l'aide  d'un  spéculum  de  glace, 
de  buis  ou  de  caoutchouc  durci,  et  d'enfoncer  après,  un  tampon  de  coton 
qui  l'y  retient,  en  recommandant  à  la  malade  d'ôter  le  tampon  le  lendemain, 


598  LEUCORRHÉE. 

et  de  lotionner  le  vagin  ;  le  surlendemain  on  recommence  le  même  pansement. 

Hors  ce  cas,  les  tampons  m'ont  paru  le  plus  souvent  nuisibles,  surtout  par 
l'irritation  que  leur  contact  détermine,  lorsque  la  muqueuse  vaginale  avec  laquelle 
ils  sont  en  l'elation  immédiate  est  déjà  malade,  irritée,  exfoliée  et  disposée  à  s'ul- 
cérer par  la  continuité  du  contact  d'un   corps  étranger  sur  le  même  point. 

Pourquoi,  du  reste,  ces  complications,  ces  injections,  ces  pessaires  médica- 
menteux, lorsqu'il  est  si  facile  de  modifier  directement  la  muqueuse  par  le  badi- 
geonnage,  et  de  combiner  cette  action  avec  celle  des  lotions  dont  je  viens  de  par- 
ler? Que  ce  soit  avec  une  solution  de  nitrate  d'argent  au  30%  de  teinture  d'iode 
au  20%  au  10%  au  5%  de  tannin  ou  de  glycérolé  de  tannin  aux  mêmes  doses, 
de  perchlorijre  de  fer,  ou  plutôt  de  peroxychlorure  de  fer,  etc. ,  le  procédé  est  le 
même  :  lotionnez  le  vagin,  introduisez  un  spéculum  de  buis  ou  de  glace,  essuyez 
avec  du  coton,  en  retirant  et  poussant  alternativement  le  spéculum,  toute  la  sur- 
face de  la  muqueuse  vaginale  ;  puis  versez  la  solution,  ou  portez-la  au  fond  du 
spéculum  avec  un  assez  fort  pinceau  de  blaireau  à  long  manche,  que  vous  inclinez 
alternativement  dans  toutes  les  directions,  pour  badigeonner  la  muqueuse  dans 
tous  ses  sillons,  angles  et  culs-de-sac,  et  pour  être  sûr  d'en  atteindre  toutes 
les  parties.  Cette  petite  opération  peut  se  faire  tous  les  jours  ou  trois  fois  par 
semaine.  La  solution  de  nitrate  d'argent  au  50"  est  le  meilleur  topique  à  employer 
à  cet  usage. 

La  même  médication  est  applicable  à  la  cavité  utérine  ;  seulement ,  il  est  plus 
difficile  de  porter  le  liquide  caustique  sur  cette  muqueuse  et  de  le  faire  pénétrer 
dans  ses  follicules,  que  de  l'étendre  à  la  surface  de  la  muqueuse  vaginale.  De  là, 
des  modifications  dans  le  procédé,  ou  la  substitution  d'un  mode  particulier  de 
cautérisation  au  simple  badigeonnage. 

Il  faut  d'abord  que  le  mucus  soit  expulsé  de  la  cavité  utérine.  Pour  y  parvenir, 
je  comprime  le  col  de  l'utérus  avec  le  spéculum,  et  quelquefois  simultanément  le 
corps  de  l'organe  avec  la  main  appliquée  sur  l'hypogastre  ;  ou  je  dirige  au  fond 
du  spéculum  une  petite  douche  sur  le  col  de  la  matrice,  soit  à  l'aide  d'un  simple 
hydroclyse,  soit  avec  une  petite  pompe  à  jet  continu;  ou  bien,  après  avoir  fait  le 
cathétérisme,  pour  reconnaître  la  direction  du  conduit  cervico-utérin,  j'introduis 
dans  ce  conduit,  si  c'est  possible ,  des  pinces  fines  chargées  de  charpie  ou  un 
simple  pinceau  de  blaireau  ;  ou  bien  enfin,  je  fais  le  cathétérisme  utérin  avec  une 
sonde  creuse,  par  laquelle  je  pousse  ensuite  doucement  une  injection  d'eau  dans 
la  cavité  utérine,  et  je  continue  cette  injection  assez  longtemps  pour  bien  laver 
cette  cavité,  si  l'orifice  cervico-utérin  est  assez  large  pour  laisser  le  liquide  s'é- 
couler dans  le  vagin.  La  lotion  de  la  cavité  utérine  par  une  sonde  à  double  cou- 
rant, proposée  récemment,  me  paraît  moins  utile:  l'instrument  est  plus  volumi- 
neux qu'une  sonde  simple  et  l'expulsion  du  mucus  utérin  est  moins  certaine. 
Après  ces  préparatifs  préliminaires,  je  porte  un  pinceau  chargé  de  caustique  dans 
la  cavité  de  l'organe,  et  je  l'y  dirige  en  divers  sens,  de  manière  à  en  atteindre  au- 
tant que  possible  les  différents  points. 

Lorsque  la  leucorrhée  siège  surtout  dans  la  partie  cei'vicalc  et  qu'elle  est  assez 
ancienne  pour  avoir  amené  l'hypertrophie  des  glandes  du  col,  il  faut  faire  plus  : 
non-seulement  on  ne  peut  alors  essuyer  d'une  manière  complète  la  surface 
anfractueuse,  mamelonnée,  granuleuse,  de  la  Cavité  cervicale  ,  mais  encore  on  ne 
peut  atteindre  sufiisamment,  par  le  caustique,  l'intérieur  même  de  ses  follicules, 
ou  de  leurs  canaux  excréteui's .  J'ai  recours  alors  à  une  petite  opération  prélimi- 
naire, que  j'emploie  souvent  dans  le  traitement  des  granulations  folliculeuses 


LEUCORRHÉE.  39^ 

(oiisillaires,  palatines,  pliaryiigiemies  :  je  fais,  sur  toute  la  surface  granuleuse  et 
dans  divers  sens ,  de  nombreuses  scarifications ,  soit  avec  un  scarificateur  ordi- 
naire, un  ténotome  étroit  convexe  ou  concave,  soit  avec  une  lancette  ou  une  petite 
lame  de  forme  appropriée,  portée  au  bout  des  pinces  spéciales  destinées  aux  pan- 
sements de  l'utérus.  J'attends  que  la  petite  bémorrbagie  soit  arrêtée;  je  douche 
au  besoin  le  col  pour  l'arrêter  plus  tôt  ou  pour  déterger  la  surface  de  la  cavité 
cervicale  et,  s'd  le  faut,  j'attends  quelques  heures  ou  une  journée ,  après  quoi  je 
porte  une  des  solutions  caustiques  dont  je  viens  de  parler,  à  l'aide  d'un  pinceau, 
dans  toutes  les  anfractuosités  de  cette  cavité.  Si  ces  solutions  caustiques  sont 
insuftisantes,  si  la  leucorrhée  est  compliquée  ou  entretenue  par  des  ulcérations, 
des  granulations  ou  un  engorgement  du  col,  je  substitue  aux  solutions  caustiques 
le  caustique  solide,  et  même  le  fer  rouge ,  le  cautère  en  bec  d'oiseau ,  don(  la 
pointe,  inclinée  en  divers  sens  dans  le  col,  atteint  plus  ou  moins  profondément, 
dans  plusieurs  endroits,  la  muqueuse  malade.  M.  Huguier  {Gazette  des  hôpitaux, 
1849)  avait  déjà  donné,  depuis  quelques  années,  le  conseil  de  faire  précéder  la 
cautérisation  de  scarifications,  pour  assurer  l'action  du  caustique  sur  la  muqueuse 
du  col,  et  je  puis  certifier  que  c'est  un  des  meilleurs  moyens  d'obtenir  la  guérison 
de  cette  membrane. 

La  difficulté  de  badigeonner  la  cavité  utérine  comme  on  badigeonne  la  mu- 
queuse vaginale,  ou  de  la  cautériser  comme  on  cautérise  celle  du  col ,  a  donné 
l'idée  d'y  pratiquer  des  injections  caustiques.  11  y  a  bien  longtemps  déjà  que  je  les 
ai  essayées,  en  me  servant  de  sondes  en  caoutchouc;  aujourd'hui  l'opération  est 
facilitée  par  l'usage  connu,  sinon  répandu,  des  sondes  utérines.  On  peut,  à  l'aide 
de  ces  sondes,  injecter  dans  l'utérus,  après  l'avoir  préalablement  lavé,  une  solu- 
tion caustique  quelconque.  Je  l'ai  fait  avec  succès,  eu  me  servant  spécialement  de 
perchlorure  de  fer,  étendu  d'eau,  dans  des  cas  d'écoulement  très-abondant ,  avec 
ampliation  de  la  cavité  utérine  ,  se  rapprochant  par  les  dimensions  de  l'organe, 
parla  quantité  de  liquide  que  j'ai  vu  s'écouler  (plusieurs  cuillerées,  un  demi- 
verre),  et  par  la  qualité  séreuse  ou  séro-muqueuse  de  ce  fluide,  des  accumula- 
tions de  liquide  dans  l'utérus  connues  sous  le  nom  d'hydrométrie.  Il  faut  toujours 
s'assurer  que  la  sonde  joue  librement  dans  l'orifice  cervico-utérin ,  que  le  liquide 
injecté  doucement  revient  par  le  col ,  que  ce  qui  reste  sort,  après  quelques  se- 
condes de  séjour,  par  le  canal  de  la  sonde  ;  enfin,  et  surtout,  il  faut  qu'il  n'y  ait 
aucune  trace,  je  ne  dis  pas  de  métrite,  c'est  évident,  mais  d'intlammation  des  an- 
nexes, de  périmétrite,  de  péritonite  pelvienne.  Même  dans  ces  cas,  et  avec  toutes 
les  précautions  que  je  viens  d'indiquer,  j'ai  vu  des  douleurs  si  atroces,  des  phéno- 
mènes si  graves,  une  péritonite  si  dangereuse,  suivre,  dans  un  petit  nombre  de 
cas,  ces  injections,  que  je  conseille  de  ne  pas  en  user,  ou  de  ne  le  faire  qu'avec 
une  très-grande  réserve  et  lorsqu'il  n'y  a  absolument  aucune  contre-indication  à 
leur  emploi. 

Plus  la  sonde  utérine  sera  fine,  plus  la  quantité  de  liquide  injecté  sera  petite, 
ou  projetée  dans  un  état  de  division  extrême  ou  dans  une  direction  qui  en  assure 
le  retour  vers  l'orifice  cervical,  et  plus  on  aura  de  chance  d'éviter  ces  accidents. 
Ainsi  je  me  trouve  bien  d'employer,  d'après  les  excellents  conseils  de  M.  le  pro- 
fesseur Pajot  {Archives  générales  de  médecine,  février  1867),  une  sonde  à  orifice 
capillaire,  pulvérisant  les  quelques  gouttes  de  hquide  poussées  dans  la  cavité 
utérine.  Ce  procédé  est  préférable  à  celui  de  la  canule  à  jet  récurrent  qui  a  été 
proposée  depuis,  et  que  j'ai  expérimentée  avec  moins  de  succès. 

Je  préfère  souvent  à  ces  injections  la  cautérisation  de  la  cavité  utérine  avec  lé 


400  LEUCORRHÉE. 

caustique  solide ,  qui  ne  m'a  donné  que  de  bons  insultais,  et  n'a  jamais  causé 
d'accidents  sérieux.  On  a  essayé  de  cautériser  la  cavité  utérine  avec  un  pinceau, 
avec  un  porte-causiiqne,  avec  un  ciayon  retenu  à  un  axe  de  platine.  De  tous  ces 
procédés,  je  préfère  la  cautérisation  avec  le  nitrate  d'argent  fondu,  laissé  quelques 
secondes  et  promené  en  divers  sens,  autant  f[u'on  le  peut,  dans  la  cavité  utérine, 
ou  même  lorsqu'elle  est  nécessaire,  la  cautérisation  avec  le  nitrate  d'argent  fondu 
laissé  complètement  iï  demeure  dans  cette  cavité.  Ces  deux  sortes  de  cautérisa- 
tions, lorsqu'elles  sent  bien  appliquées,  donnent  des  succès  constants.  Outre  les 
granulations  et  les  fongosités,  la  leucorrhée  est  la  maladie  pour  le  traitement  de 
laquelle  je  les  ai  employées  le  plus  souvent. 

Voici  les  règles  à  suivre  pour  la  cautérisation  à  l'aide  du  crayon  de  nitrate  d'ar- 
gent laissé  à  demeure.  L'indication  est  que  la  leucorrhée  soit  abondante  ,  qu'elle 
ait  déjà  résisté  à  d'autres  moyens  rationnels,  que  le  traitement  général  ait  été  fait, 
que  les  orifices  utérins  soient  larges  ou  du  moins  tout  à  fait  libres  ,  qu'il  n'y  ait 
pas  une  flexion  telle  du  corps  sur  le  col  que  le  mucus  ne  puisse  passer  facilement 
de  l'une  dans  l'autre,  qu'il  n'y  ait  aucune  inflammation,  ni  utérine,  ni  péri- 
utérine,  ni  même  aucune  forte  congestion  de  l'organe,  que  les  règles  soient  pas- 
sées depuis  sept  à  huit  jours,  de  manière  que  la  congestion  menstruelle  soit  entiè- 
rement dissipée. 

Après  avoir  préalablement  cathétérisé  l'utérus  ,  pour  m'assurer  de  la  direction 
de  ses  cavités,  j'introduis  avec  ménagement  le  crayon  de  nitrate  d'argent  fondu  à 
l'aide  de  pinces  porte-crayon  ou  d'un  long  porte-nitrate  ordinaire,  et  je  l'aban- 
donne en  ouvrant  les  pinces  ,  ou  je  le  casse  sur  le  porte-nitrate,  pour  le  laisser  à 
demeure  dans  la  cavité  utérine ,  d'où  je  retire  doucement  l'instrument  qui  m'a 
servi  à  l'y  faire  pénétrer.  Je  n'ai  pas  besoin  dédire  que  le  fragment  de  nitrate 
d'argent  laissé  ainsi  dans  la  cavité  utérine  est  parfois  extrêmement  petit  et  que 
ses  dimensions  doivent  varier  selon  l'intensité  de  la  maladie  et  les  conditions  plus 
ou  moins  favorables  à  l'application  de  ce  moyen.  11  est  évident  que  si  la  leucorrhée 
parait  bornée  au  col,  il  faut  se  contenter  de  laisser  le  crayon  caustique  dans 
la  cavité  cervicale.  Un  tampon  imbibé  d'eau  salée  est  porté  dans  le  cul-de-sac  du 
vagin  ,  tout  contre  le  col,  et  la  malade  reçoit  les  soins  nécessaires  pour  prévenir 
le  développement  de  toute  inflammation. 

Immédiatement  après  l'opération,  les  douleurs  sont  calmées  par  les  antispas- 
modiques généraux  et  locaux,  les  lavements  laudanisés,  les  bains  de  siège,  les 
bains  entiers,  les  irrigations  vaginales  prolongées  au  besoin  pendant  plusieurs 
heures.  La  principale  cause  de  l'innocuité  de  la  cautérisation  utérine  par  le  sé- 
jour d'un  fragment  de  nitrate  d'argent,  c'est  que  la  matrice  est  loin  d'éprouver 
rinOuence  directe  et  immédiate  de  ce  caustique.  En  effet,  lorsqu'il  y  a  hypersé- 
crétion de  ses  glandes  et  que  sa  membrane  interne  est  tapissée  de  mucosités 
épaisses,  le  nitrate  d'argent  ne  peut  se  mettre  directement  en  contact  avec  elle, 
ni  y  déterminer  sur  aucun  point  une  cautérisation  vraiment  profonde.  La  présence 
même  du  crayon  excite  une  hypersécrétion  de  mucus  qui  protège  la  membrane. 
Le  nitrate  est  enveloppé  de  ce  mucus  qui  se  coagule  d'abord  autour  de  lui;  dès 
lors  ce  n'est  plus  qu'à  travers  cette  enveloppe  que  se  produit  un  échange  entre 
le  caustique  et  les  sécrétions  de  la  cavité  utérine,  et  l'action  prolongée  de  cet 
agent  sur  la  muqueuse  n'est  pas  comparable  à  celle  que  produirait  son  applica- 
tion directe  sur  le  môme  organe  bien  dénudé  ou  ulcéré.  Au  bout  de  quelques 
jours  le  crayon  est  expulsé,  conservant  à  peu  près  sa  forme,  mais  étrangement 
altéré  dans  sa  structure,  décomposé,  ramolli,  feuilleté  par  les  échanges  lent.» 


LEUCORRHÉK  (ciDLiocnAPiiiE).  401 

et  continus  qui  se  sont  opérés  entre  les  éléments  qui  le  constituent  et  ceux  du 
mucus  qui  l'enveloppe  et  qu'il  a  dû  traverser  pour  arriver  jusqu'à  la  surface 
de  la  muqueuse  utérine.  Je  crois  devoir  ajouter  ici  que,  depuis  que  j'emploie 
ce  traitement,  concurremment  avec  les  autres  moyens  qui  peuvent  être  indi- 
qués et  que  j'ai  précédemment  passés  en  revue,  je  ne  coimais  pas  une  seule 
leucorrhée  qui  y  ait  résisté,  j'ai  montré,  par  des  laits  très-nombreux,  que  les  suites 
ne  présentent  jamais  rien  de  fôchcux ,  que  la  menstruation  se  rétablit  normale- 
ment, que  la  conception  a  lieu  chez  les  malades  guéries  par  ce  moyen  comme 
chez  les  autres  femmes,  que  la  grossesse  suit  son  cours  normal  ;  enfin,  je  n'ai  pas 
eu  d'accidents  à  combattre  pendant  raccoucliement.  Je  présente  donc  avec  con- 
fiance un  moyen  auquel  aucun  autre  n'est  comparable  pour  l'efficacité.  Déj^ 
plusieurs  gynécologistcs  ont  reconnu  par  leur  expérience  personnelle  l'utiiitc 
du  ce  moyeu  et  l'innocuité  dont  son  application  est  accompagnée  lorsqu'elle  est 
faited'après  les  règles  quej'en  ai  tracées.  A  Vienne,  le  proiesseur  Braun  a  imaginé 
un  petit  instrument,  composé  d'une  canule  en  caoutchouc  durci  dans  laquelle  se 
meut  un  piston,  destiné  à  précipiter  le  nitrate  d'argent  dans  la  cavité  utérine  et 
à  l'y  abandonner  d'après  la  m^ithode  que  je  viens  d'indiquer.  A.  Couktv. 

HisToniQUE.  Une  maladie  aussi  commune  que  la  leucorrhée  et  qui  se  rencontre  dans  tous  les 
climats,  a  dû  nécessairement  être  connue  des  anciens.  On  ne  sera  donc  pas  surpris  de  la  voir 
décrite  dès  les  temps  les  plus  reculés.  L'auteur  du  Traité  des  mahulies  des  femmes  qui, 
dans  la  collection  liippocraliquc,  appartient  à  la  famille  si  distincte  des  écrits  cnidiens,  parle 
d'abord  des  émissions  de  semence,  sans  volupté,  qui  s'accompagnent  d'épuisement,  amènent  la 
stérilité,  etc.  (L.  I,  n°  24);  plus  loin,  il  fait  connaître  différentes  formes  d'écoulement  blanc 
(h6o;'J.vj-/-6;)  chez  les  femmes,  et,  suivant  la  méthode  qui  caractérise  son  école,  il  les  distingue 
en  plusieurs  variétés  d'après  la  couleur,  la  consistance  du  liquide  et  les  phénomènes  conco- 
mitants. Dans  la  plupart  il  signale  un  état  chloro-anémiquc,  caractérisé  par  la  pâleur,  delà 
boulfissure,  do  l'œdème,  de  l'essoufflement,  de  la  cardialgie,  etc.  Dans  les  siècles  suivants, 
les  auteurs  admettent  ces  deux  mêmes  espèces  de  leucorrhée  :  l'une  dans  laquelle  l'écoule- 
ment, considéré  comme  provenant  de  l'utérus,  est  ténu,  abondant,  variant  du  rougeàli'e 
au  blanc  et  au  blanc  verdàtre  suivant  l'humeur  qui  prédomine  ;  c'est  le  rhumatisme 
(p-uyoc)  de  l'utérus,  ou  flnxiis  muliebris  {poo^  ■/vjxr/.iXoi)-  Dans  l'autre,  la  matière  rejetéc 
provient  de  tout  le  corps,  elle  est  plus  visqueuse,  moins  abondante,  c'est  la  gonorrhée  ou 
écoulement  de  sperme  chez  la  femme  et  qui  fatigue  beaucoup  plus  l'économie  que  la  forme 
précédente.  [Voij.  Galien,  De  loc.  ajfcct.,  liv.  YI,  c.  5;  desijmpf.  causis,  liv.  III,  c.  11  ;  — 
Archigène  et  Soranus  in  Âetius,  tetrab.  IV.  Serrao  IV,  c.  G5,  72.  —  Arelée,  DiiiL,  II,  c.  11. 
—  Pauld'Égine,  lib.  III,  c.  Gj.  —  Théod.  Priscien,  in  Gynec.  de  Wolff,  etc.)  Il  est  évident 
que,  dans  ces  deux  formes,  se  trouvaient  confondus  les  écoulements  aigus  on  chroniques 
d'origine  vénérienne.  Il  ne  faut  pas  s'attendre  à  de  grandes  modifications  à  ces  idées,  pen- 
dant toute  la  période  du  moyen  âge,  nous  les  voyons  même  régner  encore  après  la  renais- 
.■^ance  (Mercuriali,  De  morh.  mut.,  liv.  lY,  c.  5).  Lorsque  la  syphilis,  après  la  grande 
explosion  de  la  fin  du  quinzième  siècle,  eut  attiré  fortemoU  ratteniion  sur  les  écoulements 
de  l'appareil  génUal,  le  nom  de  gonorrhée  fut  particulièrement  réservé  pour  ceux  qui 
étaient  dus  à  un  coït  impur,  et  le  nom  de  flueurs  blanches  resta  pour  caractériser  le  simple 
catarrhe  utérc-vaginal.  Enfin,  l'heureuse  expression  de  uLENNCBiiHAciE  [voij.  ce  mot)  proposée 
par  Swediaur,  et  généralement  adoptée,  a  décidément  fixé  le  langage  de  la  science  sur  la 
question  des  flux  génitaux. 

BiELioGBAPiuE.  —  Nous  avous,  clans  celte  bibliographie,  éliminé,  autant  que  possible,  les 
ouvrages  qui  par  leur  contexture  ou  leur  titre  nous  ont  pai'u  écrits  dans  un  but  plutôt  in- 
dustriel que  scientifique.  —  Nosographie.  Conçidêrations  générales.  — Baillou  (Guill.  de)  prœs. 
Carn.  GERr.AULT  afferens.  An  ftitoris  miiUeris  et  mciisis  morhosi  idem  jtidicium?  (resp. 
ne"at.).  Th.  de  Paris,  1579,  in-plano.  —  Charletox  (Walter).  De  causis  catameniorum  et 
iderirheumalismo.  Lnndini,  IGSo,  in-S".  —  Svlvils.  De  fluoré  muliebri.  Lugd.  Bat.,  1(587, 
in-4''.  — Caupzovius  (C.  B.).  De  sexus  sequioris  gonorvliœa  sea  fluoré  albo.  Vitteb.,  17H, 
iii_4o.  —  Reinhahd  (Cl).  Tob.  Éphr.).  Carmen  de  leucorrhœa  seu  fluoré  albo  mulierum.  Budis- 
sin.  1750,  in-4°.  —  Allen  (II.).  De  fluoris  albi  charactere  et  nolis  (juibus  cum  goiiori'hœa 
convenu  veldiffcrt,  etc.  Lugd.  Batav.,  1751,  in-'i».  — Bahlix  (J.).  Traité  des  fueurs  blanches 
avec  la  méthode  de  les  guérir.  Paris,  17G0,  2  vol.,  in-8'.  —Wvsov.w .  De  fluoré  albo.  Montp,, 
177  4,  in-i°.  —  TuNKA  de  Kkzowitz.  Uistoria  Lcucorrhœœ  omnis  ccvi  oOsenrtla  medica  cuii~ 

DICT.  ENC.  2*  s.  IL  'iO 


402  LEUCORRHÉE    («ibliogbaphîe). 

finens.  Vieiinœ,  1781,  gr.    in-S".  —  Zijdiermanx.  De  fluoré  albo.  Gottingœ,  1788,   in-4».  — 

AuENTS.  Leucorrliœœ  Idstoria.  Duisb.,   1788.   —  AnDEse».  De  Leucorrluca.  Duisb.,  1792.  

BœiiMER.  Disseit.  sistens  Leucorrhœa  j)alliologiam.  Viteb.,  1798,  in-4°.  —  Blatix  (J.  B.).  Dit 
catarrhe  utérin  on  des  flueurs  blanches.  Th.  de  Pans,  an  X,  in-S",  et  publié  iipart  (travail 
resté  classique).  —  IIeinsze  (Cari  Gtfr.).  Kitrzer  Unterrkht  ûber  tien  weissen  Fluss  und,  etc. 
Leipzig,  180.",  in-8°.  —  Gibson  (Benj.).  On  the  Conimon  Cause  oft/ie  Puriform  Ophthalmia 
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LEURET.  405 

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Leucorrhée;  nouveau  moyen  de  traitement  par  les  scarifications  multiples  du  col.  Paiis, 
1852,  in-8''.  —  Lazowski  (Ant.).  De  l'emploi  du  seigle  ergoté  contre  les  écoulements  blen- 
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LEUKËRBiiD  (Eaux MINÉRALES  de).    Foî/.  Loëciîe. 

LEIIRET  (François),  né  à  Nancy  en  1797.  Lenret  était  venu  à  Paris  com- 
mencer ses  études  médicales,  mais  son  père  ne  voulant  pas  continuer  à  lui 
en  Iburnif  les  moyens  pendant  plus  d'un  an,  lyuret  plutôt  que  de  retourner 


404  LEURKT. 

clans  sa  famille,   prit   le  parti  de  s'engager;   le  hasard  ayant  amené  son  rcgl- 
raent  à  Paris,  il  put  suivre  les  cours  d'Esquirol  à  la  Salpètrière,  grâce  à  l'in- 
dulgence de  SCS   cliefs  qui  finirent   même  par  lui  faire  obtenir  son  congé  de 
reforme.  Il  obtint  à  Cbarenton  une  place  d'externe,  logé,  nourri,  etc.,  et  enfin 
d'interne  auprès  de  son  ancien  maîti'e  Esquiroi,  dont  il  devint  le  disciple  pi'éférc. 
Nommé  d'abord  médecin  expectant  à  Bicêtre,  puis  titulaire,  une  maison  par- 
ticulière se  l'attacha  comme  médecin  avec  de  brillants  avantages.  11  put  alors 
se  consacrer  à  ses  études  favorites  d'anatomie  et  de  psychologie;  c'est  alors  aussi 
que  déviant  de  l'école  si  éminemment  philanthropique  de  Pinel  et  d'Esquirol,  Leu- 
ret  qui  regardait  les  aliénés  non  comme  des  malades,  mais  comme  des  êtres  qui  se 
trompent  et   persistent  à  vouloir  se  tromper,  imagina  d'employer  contre  eux  un 
système  d'intimidation  pour  les  forcer  d'abandonner  leurs  idées  délirantes.  Il  se 
proposait  de  leur  faire  éprouver  des  souffrances  morales  plus  vives  que  celles 
qu'ils  endurent,  de  les  attaquer  sans  cesse,  de  les  harceler  sans  repos  ni  trêve, 
pour  leur  démontrer  l'inanité  et  la  fausseté  de  leurs  conceptions.  Pour  appuyer 
ces  moyens  purement  moi'aux,  il  fut  forcé  d'avoir  recours  à  la  douleur  physique,  à 
l'aide  des  douches  et  des  affusions  froides,  qu'il  mit  parfois  en  usage  avec  trop  de 
pi'odigalité.  Mais  à  part  cette  fâcheuse  exagération,  il  faut  convenir  que  l'idée  de 
combattre  les  hallucinations  par  le  raisonnement  et  la  discussion,  était  véritable- 
ment logique,  et  qu'il  déploya  dans  l'emploi  de  ce  moyen  une  persistance,  un  à 
propos,  une  présence  d'esprit  vi'aiment  admirables. 

Ces  travaux  spéciaux  ne  l'avaient  pas  empêché  de  commencer  la  publication 
d'un  travail  des  plus  remarquables  sur  l'anatomie  comparée  du  système  nerveux, 
que  la  mort  l'empêcha  d'achever,  et  qui  fut  terminé  par  cet  autre  savant,  enlevé 
par  une  mort  si  prématurée,  le  regrettable  Gratiolet. 

Leuret  était  d'une  constitution  délicate,  que  les  privations  et  les  chagrins 
de  sa  jeunesse  avaient  encore  détériorée.  Atteint  d'une  double  aflection  du  cœur 
et  du  foie,  il  voulut  rendre  le  dernier  soupir  dans  sa  ville  natale.  Mourant,  il  se  fit 
transporter  à  Nancy,  dans  les  derniers  jours  de  1850,  et  il  succomba  le  5  jan- 
vier 1851 ,  à  l'âge  de  55  ans. 

Voici  l'indication  des  principaux  travaux  pubhés  par  Leuret. 

I.  Mcm.  sui'  la  structure  de   la  membrane  muqueuse   de  l'estomac  et  des  intestins.  In 
Aoi/y.  bibl.  méd.,   t.   VIII,   p.  405;    1825.  —II.   Mém.  sur  les  affections  putrides  (avec 
M.  Ilamont).  Ibid.,  1826,   t.  IV,  p.    309.   —  III.  Rech.  physiologiques   et  chimiques  pour 
servir  à  l'histoire  de  la  digestion  (gi\ec  Lassaignc  ,  mention  Jionorable  de  l'Acad.    des  se). 
Paris,   1825,  in-8».  —  IV.    Essai  sur  l'altération  du  sang.   Th.  de  l'aris,   182(3,  n"  7C.  — 
V.  Mém.  sur  l'épidémie  de  choléra-morbus,  qui  a  ravagé  l'Inde,  etc.  In  Ann .  d'hijg.,  i'"  sér., 
t.  VI,  p.  514;  1831.  —  VI.  De  la  fréquence  du  jjouls  chez  les  aliénés,   considérée  dans  ses 
rapports  avec  les  saisons,   la  température  atmosphérique ,  etc.  (avec  Mitivié").  Paris,  1852, 
in-8°.  —  VII.  Fragments  psychologiques  sur  la  folie.  Paris,  1854,  in-8°.  —  VIII.   Note  sur 
les  indigents  de  la  ville  de  Paris,  suivie  d'un  rapport,  elc.  In  Ann.  d'hijg.,  l"  sér.,  t.  XV, 
p.  294;  185G.  —  IX.  Notice  sur  quelques  établissements  de  bienfaisance  du  nord  de  l'Alle- 
magne et  de  Saint-Pétersbourg.  Ibid.,  t.  XX,  p.  556;  1858.  —  X.  Mém.  sur  le  traitement 
moral  de  la  folie.  \\\  Mém.  de  l'Acad.   de  méd.,   t.  VII,  p.   552;  1838.  —  XI.    Méîu.  sur 
l'emploi  des  douches  et  des  affusions  froides  dans  le  traitement  de  l'aliénation   mentale. 
In  Arcli.  gén.  de  méd.,  5°  sér.,  t.  IV,  p.  175;  1859.  —  Xil.  Anatomie  comparée  du  syslème 
ncrvcu.x  dans   ses   rapports  avec  l'intelligence  ,    comprenant   la  description  ,  etc.  Paris, 
1859-58,  2  vol.  in-8°,  ait.  de  12  pi.  in-fol.  (le  2'=  vol.  et  les  10  dernières  planches  ont  été 
publiées  par  Gratiolet).  —  XIII.  Obs.  médico-légales  sur  V ivrognerie  et  la  méchanceté  consi- 
dérées dans  leurs  rapports  avec  la  folie.  In  Ann.  d'hyg.,  1'=  sér..  t.  XXIV,  p.  372;  1840.  — 
XIV-  Du  traitement  moral  delà  folie.    l'aris,    ]8i0,   in-8°.  — XV.  Des  indications  à  suivre 
dans  le  traitement  inoral  de  la  folie.  Paris,    1840,  in-8°.  —  XVI.  Plusieurs  rapports  de 
médecine  légale  publiés  dans  les  Annales  d'hygiène,  dont  il  (ut  un  des  fondateurs. 

E.  Buu. 


LEUWE.MIOEK.  ^^^ 

LEfiTHiVER  (Joii.-Ni-p.-Â.NT.  vox).  Encore  un  des  nombreux  exemples  de  ce 
(juc  peuvent  le  travail  et  l'ardeur  de  parvenir.  11  était  né  le  20  novembre  1740  à 
Wcrtheim  ;  enlevé  à  la  charrue,  élevé  gratuitement,  soutenu  par  quelques  per- 
sonnes qui  avaient  deviné  son  mérite,  il  se  fit  recevoir  docteur  à  Ingolstadt 
en  1764.  Après  un  séjour  de  deux  années  à  Strasbourg,  aux  frais  de  l'électeur 
Maximilien-Josepli,  il  revint  |se  fixer  à  Munich,  où  il  arriva  aux  plus  hautes  di- 
gnités auxquelles  un  médecin  puisse  aspirer.  H  mourut  en  1814.  Ses  principales 
publications  sont  : 

I.  De  aciâulis  Disenhacentibus.  Ingolst.,  1704,  in-i°.  —  II.  Alhandlungen  uncl  Deobach- 
iungen  von  dcr  Ruhr  unler  dem  Volke,  etc.  Munclicn,  -1767,  in-S".  —  III.  Urtheil  cines 
altgldubigen  Pliilosophen  ûber  die  neumodtschen  Gcdanken  ciniger  Ueberklugen  dcr  hcuti- 
gen  Welt,  etc.  Âugiburg,  iTi5,  in-S.  — IV.  Beobachtungen  wie  auch  General-  und  Spécial- 
Kunncthoden  Jiilziger  Gallen-  und  Faulftaber.  iSûrabei'g,  17'C,  in-S".  — V.  iTewe  j^raktische 
Vermche  ûbev  die  besonderen  Ileilkràfte  des  Bergpechôls  in  Lungengeschwiircn.  Augsb., 
1777,  in-S.  —  VI.  Praklischc  Heilungsversuchc  der  MHz-  und  MutterdUnste  durch  ver- 
schiedenen  Gebrauch  des  gemeinen  Wassers.  Ulm,  1779,  2  part.  in-8.  —  VII.  Pliysik.-che- 
mische  Vntersucliiing  des  aU-beriihmten  Gesumlbriinnens  iind  rnineralischcn  Seifenbads  zu 
Maria-Brunn,  etc.  Mùncîicii,  1790,  iii-4;  —  PInjsik.-praIctiscIte  Bescltreibung  des  Gcbrauchs 
des  Gesund-Brunnens  mineralisclien  Seifenbades,  etc.  Ibid.,  1790,  ia-4°,  et  EhrenreUung 
dcr  Mineralquelle  und  des  seifcnartigen  Gesundbades  zu  Maria-Brunn.  Mûnclien,  1810, 
in-8°.  E.  Bcii. 

LEUWEi^IlOËli,  ou  LEEt!%VENBB©EK  (Antoine).     Un  des  plus  célèbres  na- 
turalistes du  dix-septième  siècle,  né  à  Delft,  le  24  octobre  1652,  mort  le  26  août 
1725.  Les  observations  microscopiques  furent  surtout  le  but  de  ses  patientes  iiives- 
iigations.  En  1688,  en  examinant  la  queue  du  têtard  et  la  membrane  interdigitale 
de  la  grenouille,  il  voit  clairement  passer  les  globules  de  sang,  un  à  un,  des  rami- 
fications des  artères  aux  premiers  rameaux  des  veines,  et  de  sceptique  relative- 
ment à  la  circulation,  il  devient  un  de  ses  adeptes  les  plus  fervents.  11  décrivit 
aussi  les  globules  du  sang,  de  forme  ovale  et  aplatie,  remarqua  qu'il  faut  ati  moins 
six  de  ces  globules  réunis  pour  que  le  sang  paraisse  rouge,  et  crut  trouver  dans 
l'obstacle  apporté  à  leur  mouvement  l'origine  de  plusieurs  maladies  ;  le  premier, 
il  fit  connaître  la  structure  lamellaire  du  cristallin;  les  animalcules  spermatiques 
furent  de  sa  part  l'objet,  de  nombreuses  recherches,  et  il  disputa  à  Hartsœker  et  à 
lluygens  la  priorité  dans  leur  découverte.  L'animalcule  appelé  rotifère,  et  que  l'on 
rencontre  surtout  dans  la  poussière  et  la  mousse  des  bois,  fit  apparaître,  sous  la 
lentille  de  Leuwenboek,  sa  curieuse  organisation.  On  n'en  finirait  pas  si  l'on  vou- 
lait mentionner  toutes  les  observations  que  Leuwenhoek  a  consignées  dans  ses 
nombreuses  publications  et  dans  les  mémoires  qu'il  a  envoyés  à  l'Académie  des 
sciences.  Mais  il  faut  dire  que  ce  savant,  justement  illustre,  servi  du  reste  par  des 
microscopes  très-imparfaits,  grossissant  à  peine  deux  cents  fois,  a  vu  bien  des 
choses  qui  n'existaient  pas  réellement,  et  que  là-dessus  il  a  écbafaudé  des  théories 
que  les  recherches  modernes  n'ont  pas  justifiées.  Il  n'en  est  pas  moins  vrai  qu'il 
tient  le  premier  rang  parmi  les  anciens  micrographes  et,  qu'en  lisant  ses  œuvres, 
un  profond  respect  nous  saisit,  devant  ce  savant  passant  sa  vie  à  étudier  ce  monde 
infiniment  petit,  et  cherchant,  à  dévoiler  dans  le  microcosme  les  éterngls  secrets 
de  la  nature. 

Nous  ne  cataloguerons  pas  ici  la  bibliographie  de  Leuwenhoek  ;  en  y  comprenant 
toutes  les  éditions,  cela  formerait  presque  un  petit  volume.  Nous  nous  contente- 
rons, après  avoir  fait  remarquer  que  ses  œuvres  réunies  ont  paru  en  hollandais 
(Delft,  1696,  in-4°)  et  en  latin  (Leyde,  1721,  4  vol.  iu-4»),  de  donner  les  titres  de 
ses  cinq  priacipau.v  ouvrages  : 


406  LE  VA  CHER. 

I.  Observations  sur  les  rires  invisibles.  Leyde,  1684,  in-8\ —  II.  Onllcdiiigcn  van  onsir/l- 
harcn  verborgenthedcn.  Leyde,  1091,  ïw-'i",  ligures.  —  III,  Arcana  naturœ  détecta,  sive 
epistolœ  ad  Societ.  regiam  Angl.  scriptœ  ab  ann .  1680  ad  1695.  Deift,  1695,  111-4".  —  IV. 
Anatomia  et  contemplalio  nonmillorum  naturœ  invisibilium  secretorum  comprehcnxoruni 
cpistolis  quibiisdani  scriptis  ad  illiislr.  inclitœ  Soc.  reg.  Lond.  collegium,  Leyde,  1085,  — 
\.  Anatomia  sive  inleriora  reviim;  etc.  A.  C. 

LEVACHER  (Gii.LEs).  Chirurgien  de  l'hôpital  Saint-Jacques  de  Besançon 
(1725);  chirurgien  consultant  des  armées  (1740);  membre  de  l'Académie  de  Be- 
sançon; correspondant  scientifique  de  Maupertuis,  Réaumur,  Clairaut,  Winslow, 
Julhen;  praticien  laborieux,  lithotomiste  habile;  le  premier  peut-être  qui  ait  re- 
connu que  l'ossification  du  périoste  était  nécessaire  à  la  consolidation  des  frac- 
tures; tel  fut  Levacher,  une  des  figures  chirurgicales  les  plus  remarquables  du 
siècle  dernier.  Né  au  château  de  Chaleuses  (Bourbonnais),  le  29  mars  i695,  il  mou- 
rut le  8  octobre  1760,  laissant  la  réputation  d'un  homme  habile,  d'un  opérateur 
consommé  et  d'un  grand  sens  pratique.  On  lui  connaît  les  trois  ouvrages  suivants  : 

L  Observations  de  chirurgie  sur  une  csjycce  d'emjjyème  au  bas-ventre.  Paris,  1757,  in-12. 
—  IL  Dissertation  sur  le  cancer  des  mamelles.  Besançon,  1741,  in-12. —  III,  Histoire  de  frère 
Jacques,  lithotomiste  de  la  Franche-Comté.  Paris,  1751,  in-12.  A,  G. 

LEVACHER  (François-Guillaume),  chirurgien  qui  vivait  vers  le  milieu  du 
siècle  dei'uier  et  dont  la  vie  est  peu  connue.  Nous  le  voyons  figurer  en  1769 
comme  membre  du  Comité  perpétuel  de  l'Académie  de  chirurgie,  et  en  1774 
comme  conseiller  vétéran.  Levacher  de  la  Feutrie,  que  l'on  a  accusé  bien  à  tort 
[voij.  plus  bas)  de  chercher  à  se  faire  passer  pour  le  chirurgien  dont  nous  par- 
lons, est  à  peu  près  le  seul  écrivain  qui  nous  fournisse  quelques  renseignements 
sur  son  compte.  Il  était  maître  en  chirurgie  de  Paris  et  premier  chirurgien  de 
LL.  AA.  RR.  l'infant  et  l'infairte  duc  et  duchesse  de  Parme.  Enfin  on  voit,  par 
ses  observations,  qu'il  a  servi  dans  la  chirurgie  militaire.  On  lui  doit  d'avoir  réfuté 
dans  son  mémoire  sur  les  plaies  d'armes  à  feu  la  vieille  erreiir  du  vent  du  boulet 
et  d'avoir  démontré  qu'il  y  avait  bien  réellement  contusion  par  le  boulet  lui- 
même;  que,  si  l'on  ne  trouve  pas  de  traces  extérieures,  c'est  que  la  peau,  mem- 
brane  extensible ,  a  cédé  à  l'action  du  corps  contondant.  Son  appareil  pour  le 
redressement  des  déviations  de  la  taille  est  des  plus  ingénieux.  U  a  publié  les 
mémoires  suivants  : 


I.  Mém.  sur  quelques  particularités  concernant  les  plates  faites  par  armes  à  feu-  In 
Mém.  de  l'Acad.  de  chirurgie,  t.  IV,  p,  22.  Paris,  1709,  in-i°,  pi.  1.  —II.  Nouveau  moyen 
de  prévenir  e'  le  guérir  la  courbure  de  l'épine.  Ibid.,  p.  596,  pL  1,  et  à  pari,  in-12,  pi,  2, 


LEYACHER  DE  LA  FEUTRIE  (A.-F.-TnoMAs),  était  né  à  Brcteuil  dans 
le  diocèse  d'Évreux,  le  12  février  1758;  il  fit  à  Caen  ses  premières  études  médi- 
cales, y  prit  le  bonnet  de  docteur  en  1766  ;  il  vint  ensuite  à  Paris  disputer  le  prix 
fondé  par  Diest  pour  l'obtention  des  degrés  en  médecine  depuis  le  baccalauréat 
jusqu'à  la  régence  inclusivement.  Levacher,  comme  il  nous  l'apprend  lui-même 
dans  la  dédicace  de  son  principal  ouvrage,  gagna  le  prix,  passa  sa  thèse  en  1768, 
et  se  livra  à  la  pratique,  où  il  obtint  beaucoup  de  succès.  Son  Trailc  du  rakilis  a 
été  regardé  par  Dezeimeris  comme  un  véritable  plagiat,  Levaclier  de  la  Feutiie, 
profitant  d'une  similitude  de  nom,  se  serait  attribué  l'appareil  à  redressement 
et  les  observations  du  chirurgien  Levacher.  Ce  reproche  ne  me  paraît  nullement 
fondé.  En  effet,  je  lis  page  526  du  traité  du  raldtis:  «  En  1764,  M.  Levacher  lut 
à  la  séance  publique  de  l'Académie  royale  de  chirurgie  de  Paris  la  dissertation 


LEVAiN.  ^^"i 

citée  quelquefois  dans  cet  ouvrage,  dam  laquelle  on  trouve  la  description 
et  la  figure  d'une  machine  propre  ù  guérir  le  rakilis,  que  l'on  voit  ici  appli- 
quée sur  un  enfant  (pi.  II,  lig.  3  et  4).  »  Et  pour  compléter  en  quelque  sorte 
cette  déclaration  si  explicite,  et  plusieurs  fois  renouvelée  dans  le  courant  du  livre, 
ou  lit  dans  la  table  des  auteurs  cités  (p.  445)  la  mention  suivante  :  «  Levacueu 
(François-Guillaume),  maître  en  chirurgie  de  Paris  (suivent  les  titres,  voij.  l'article 
précédent),  a  fait  le  mémoire  cité  pages  9,  526,  351,  556,  565,  405  et  422.  )) 
Pleine  et  entière  justice  avait  donc  été  rendue  par  Levacher  de  la  Feutrie  à  son 
homonyme.  Le  médecin  distingué  dont  nous  parlons  eut  l'honneur  de  remplir,  en 
1779,  les  fonctions  de  doyen  de  la  Faculté  de  médecine  et  plus  tard  celles  de 
secrétaire  de  la  Société  médicale  d'émulation,  en  1805  et  1804.  Il  est  mort  dans 
un  âge  très-avancé. 

Notre  savant  collahorateur  M.  Chéreau  possède  un  jeton  de  décanat  de  Le- 
vacher de  la  Feutrie.  D'un  côté  sont  les  armes  de  ce  médecia  avec  les  années 
1779-1780.  De  l'autre  côté  ou  ht  ceci  :  thom.  le  vacher  de  la  FEuir.iE.  ebroi- 

KUS.    FAC.    M.    DEC.  A.  G. 

On  lui  doit  les  ouvrages  suivants  : 


-'0" 


I.  An  fractis  ossibiis  in  situ  jmst  conformationem  continendis  machinœ  vinduris 
antcponenda.  (P.esp.  :  Macliinœ  vincturis  antcponenclœ.)  Th.  de  Paris,  1768,  in-i°.  — 
II.  Dictionnaire  de  cliirurcjie  contenant,  etc.  (avec  Moysant  et  de  la  Macellerie).  Taris, 
1767,  2  vol.  in-12.— III.  Traité  du  Bakitis,  ou  l'art  de  redresser  les  enfants  contrefaits. 
Paris,  1772,  in-8°.  —  IV.  L'Ecole  de  Salernc,  ou  l'art  de  conserver  la  santé,  en  vers  latins  et 
français,  avec  des  remarques,  etc.  Paris,  1782,  in-12.  ~  V.  Éloge  de  X.  Bicliat.  In  Mém. 
delà  Soc.  d'émulaf.,  t.  Vf;  1803.  —  VI.  Rec/ierches  sur  la  pellagre ,  affection  cutanée  endé- 
mique dans  la  lombardic.  Ibid.,  t.  VII,  p.  IGS  ;  180G.  E.  Bgd. 

LEVAIIV.  On  appelle  levain  la  pâte  de  farine  de  froment  dans  laquelle  un 
commencement  de  fermentation  alcoohque  s'est  développé  sous  la  double  in- 
fluence de  l'eau  et  d'une  température  convenable. 

L'élément  actif  du  levain  est  un  champignon  analogue,  sinon  identique  à 
celui  de  la  bière.  Il  est  formé  par  de  petits  corps  ovoïdes,  très-réfringenls,  ordi- 
nairement accolés  deux  à  deux  j)ar  leurs  extrémités  ;  ils  sont  plus  petits  et  plus 
allongés  que  le  torula  cerevisiœ.  Ils  transforment  les  matières  sucrées  de  la 
fariae  en  acide  carbonique  et  en  alcool.  Le  premier  de  ces  corps  boursoufle  la 
masse  du  levain  qui  se  gonfle  et  se  crible  ainsi  de  petites  cavités.  L'alcool  reste 
mélangé  à  la  pâte,  à  laquelle  il  ne  communique  aucun  goût  à  cause  de  sa  faible 
proportion.  PoiU'  démontrer  sa  présence,  il  suffit  de  distiller  5  à  6  kilos  de 
pains  prêts  à  être  enfournés,  et  délavés  dans  l'eau.  On  recueille  les  premières 
portions  du  liquide  distillé  qu'on  sature  de  carbonate  de  potasse.  L'alcool  qui  est 
insoluble  dans  une  semblable  solution  vient  nager  à  la  surface.  J'ai  pu  en  opérant 
ainsi  recueillir  quelques  centimètres  cubes  de  ce  corps  et  constater  qu'il  aval 
l'odeur,  le  goût,  la  densité  et  le  point  d'ébullition  de  l'alcool  vinique,  avec  un 
arôme  spécial  rappelant  celui  de  la  farine  ^  Une  partie  de  cet  alcool  s'oxyde  pen- 
dant la  panification  et  se  transforme  en  acide  acétique. 

Ges  champignons  ne  naissent  pas  spontanément  dans  le  levain;  leur  produc 
tion  est  expliquée  par  la  préparation  même  du  levain,  qui  consiste  à  prélever 
sur  chaque  fournée,  une  partie  de  la  pâte  qu'on  abandonne  cà  elle-même  taudis 
qu'on  fabrique  du  pain  avec  l'autre.  Celte  portion  de  pâte  porte  le  nom  de  levain 

*  On  a  proposé  de  retirer  industriellement  l'alcool  provenant  de  la  termentation  panaira 
mais  cette  idée  n'a  pas  eu  de  suite 


403  LEVAIN. 

chef.  Ou  lui  fait  subii'  ditréi-eules  opérations  qui  ont  pour  but  de  rudditionuer 
petit  à  |jetit  d'eau  et  de  farine  :  ces  opérations  sont  les  suivantes. 

d"  Le  levain  chef,  qui  pèse  ordinairement  8  à  9  kilos  en  été,  et  1 1  à  1 2  en  hiver, 
est  raffermi  avec  un  tiers  en  poids  de  farine,  et  pétri  pendant  vingt  à  vingt-cinq 
minutes. 

2°  On  l'abandonne  à  lui  même  dans  une  manne  pendant  cinq  à  six  heures. 

3°  On  le  délaye  dans  14  litres  d'eau  et  on  lui  incorpore  25  kilos  de  l'arine.  Le 
tout  est  brassé  pendant  vingt-cinq  minutes.  Cette  opération  porte,  eu  boulangerie, 
le  nom  de  rafraîchissement.  Rafraîchir  un  levain  signifie  l'additionner  d'eau  et 
de  farine.  Après  ce  premier  rafraîchissement,  le  levain  change  de  nom,  et  s'appelle 
levain  de  première. 

A°  Après  un  repos  de  trois  ou  quatre  heures  suivant  la  saison,  le  levain  subit  un 
second  rafraîchissement  à  l'aide  de  20  litres  d'eau  et  47  kilos  de  farine.  Le  tout  est 
pétri  pendant  une  demi-heure.  11  forme  alors  le  levain  de  seconde. 

5"  Après  un  repos  de  deux  à  trois  heures,  nouveau  rafraîchissement  à  l'aide  de  50 
à  52  litres  d'eau  et  90  à  91  kilos  de  farine  ;  le  produit  qui  porte  le  nom  de  levaiii 
de  tout  point  est  directement  méhngù  à  la  farine  après  avoir  été  délayé  dans 
l'eau  convenable.  Le  volume  de  ce  dernier  levain  doit  être  égal  à  la  moitié  ou  au 
tiers,  suivant  la  saison,  de  la  pâte  nécessaire  pour  la  fournée. 

Toutes  ces  opérations  sont,  comme  toutes  les  fermentations,  très-délicates  à 
conduire.  Le  moindre  accident,  de  l' eau  un  peu  trop  fraîche  ou  trop  chaude,  suffisent 
pour  altérer  le  pain  fabriqué  ;  c'est  pour  cette  raison  que  la  direction  des  levains  est 
toujours  confiée  au  boulanger  le  plus  exercé.  Dans  les  campagnes,  oii  la  fabrica- 
tion n'est  pas  courante,  les  levains  sont  quelquefois  gardés  plusieurs  jours,  et 
passent  à  l'acide;  dans  ce  cas,  le  gluten  se  liquéfie,  et  le  pain  est  mat,  mal  levé 
et  grisâtre  :  son  goût  est  également  altéré. 

Un  bon  levain  se  reconnaît  aux  caractères  suivants  :  L'odeur  est  un  peu  vineuse, 
mais  sans  aigreur.  Il  doit  être  bombé,  sa  surface  est  légèrement  déchirée.  A  la 
pression  de  la  main,  un  mauvais  levain  s'affaisse  sans  se  relever.  Lorsque  le  levain 
n'est  plus  à  l'état  normal,  il  importe  d'y  remédier  au  plus  vite,  sous  peine  de  voir 
la  panification  devenir  de  plus  en  plus  mauvaise  à  cause  des  défauts  des  chefs 
levains.  On  atteint  ce  but  à  l'aide  de  procédés  variables  suivant  les  cas,  mais  que 
nous  ne  pouvons  décrire  ici.  En  général  il  vaut  mieux  employer  des  levains  peu 
avancés  et  en  quantité  assez  considérable,  ou,  en  termes  de  boulangerie,  de  grands 
levains  jeunes.  Parmentier  insiste  sur  ce  principe,  et  proscrit  complètement  les 
vieux  levains. 

Dans  le  cas  où  on  ne  peut  se  procurer  de  chef-levain,  on  peut  en  fabriquer  un, 
en  laissant  aigrir  de  la  pâte.  Cinq  ou  six  rafraîchissements  au  moins,  et  un  temps 
beaucoup  plus  considérable  sont  nécessaires  pour  arriver  au  levain  de  tout  point. 
L'addition  d'une  petite  quantité  de  levure  de  bière  facilite  beaucoup  cette  opé- 
ration. 

Indépendamment  des  cellules  de  ferment  qu'on  rencontre  dans  le  levain,  on  y 
trouve  également  un  grand  nombre  de  petits  corps  allongés,  en  forme  de  baguette, 
Irès-ivfringents,  et  que  j'ai  décrits  eu  détail.  (Voy.  Manuel  pratique  da  microsco- 
pie,  par  M.  Coulier.  Paris,  1859.)  Ils  présentent  les  caractères  des  bactéries.  Je 
les  avais  d'abord  pris  pour  un  ferment  particulier,  mais  j'ai  constaté  que  dans  des 
circonstances  favorables  ils  avaient  un  mouvement  propre  très-vif.  Ces  corps  sont 
dilîiciles  à  étudier  à  cause  de  leur  petitesse.  Comme  ils  sont  d'autant  plus  nom- 
breux que  le  levain  est  plus  vieux,  ils  peuvent  servir  à  déterminer  nppro.ximati» 


LEYELir^G.  -iOa 

vement  l'âge  de  celui-ci.  Lorsqu'ils  sont  nombreux,  celte  circonstance  doit  faire 
supposer  que  le  levain  est  de  mauvaise  qualité. 

Pendant  longtemps  on  a  redouté  l'action  des  ferments  contenus  dans  le  levain 
sur  l'économie;  on  sait  aujourd'hui  que  la  cuisson  les  tue  et  les  dénature  de 
manière  à  les  rendre  inoffensifs.  (Voi/.  Vaiis.)  P.  CoLLiEr.. 

LEVÉE  »E   CAD.WRE.      Voy.  GadAVRE. 

LÉ¥EILLÉ  (JEAN-BAPTisTE-FnANçois),  cst  uu  de  ces  ])ommes  qui,  malgré  un 

mérite  rôel,  un  grand  savoir,  des  travaux  importants,  n'obtiennent  pas  dans  le 

monde  médical  la  réputation  et  la  notoriété  auxquelles  parviennent  une  loule  de 

médiocrités.  Lévedlé  naquit  le  25  août  1765,  à  Ouroucr,  dans  le  Nivernais.  Son 

père  lui  fit  faire  de  bonnes  études  et  l'envoya   en  1790    étudier   la  médecine  à 

Paris,  où  il  suivit  les  leçons  de  l'illustre  Desault.   Commissionué  en  1799  pour 

l'armée  d'Italie  avec  le  grade  de  médecin  de  première  classe,   il  se  rencontra  à 

Pa\ie  avec  quelques-ans  des  plus  éminenfs  chirurgiens  de  l'Italie,  et  se  lia  d'amitié 

avecle  célèbre  Scarpa.  A  son  retour  en  France,   en  1801,  Léveillé  s'adonna  à  la 

pratique   civile  de  la  médecine  et  à  des  travaux  de  littérature  médicale.  Il  fut 

nommé  médecin  des  prisons  du  département  de  la  Seine,  de  la  maison  royale  de 

santé,  et  l'Académie   de  médecine  se  l'adjoignit  dès  sa  fondation.  Il  mourut  le 

15  mars  1829.  Ses   écrits  attestent  des   connaissances   anatorao-pathologiques 

sérieuses  et  une  connaissance  approfondie  de  la  littérature  médicale  italienne.  Sa 

chirurgie  mérite  encore  aujourd'hui  d'être  consultée. 

I.  Diss.  physiologique  sur  la  nutrition  du  fœtus  des  viammifères  et  des  oiseaux,  Paris, 
1799,  in-S".  — II.  Traité  prat.  des  maladies  des  yeux  de  Scarpa,  trad.  de  Vital,  avec  des 
notes.  Paris,  1802,  2  vol.  in-8°.  —  III.  Mcm.  de  physiol.  et  de  chirurgie  par  Ant.  Searpa  et 
J.-B.-F.  Léveillé,  contenant,  etc.  Paris,  '180i,  in-8°.  —  IV.  Traité  élémentaire  d'anatomie 
et  de  p/tysioL,  t.  î,  ûstéographie  et  sgndesmologie  ;  t.  Il,  Myographic  et  mouvements  de 
l'homme  (senh  paru»).  Paris,  1810,  "2  vol.  iii-S».  — V.  Nouvelle  doctrine  chirurgicale,  ou 
Traité  complet  de  pathologie,  de  thérapeutique  et  d' opércdions  chirurgicales,  etc.  Paris, 
1812,  4  vol.  in-8°.  —  Yl.  Mém.  sur  l'état  actuel  de  l'enseignement  de  la  médecine  et  de  la 
chirurgie,  etc.  Paris,  1816,  111-4°.  — YII.  Ilippocrate  interprété  ])ar  lui-même,  ou  Commen- 
taires sur  les  Aphorismes,  d  après  les  écrits  vrais  ou  supposés  d' Ilippocrate.  Paris,  1818, 
in-S".  —  VIII.  Histoire  de  la  folie  des  ivrognes.  In  Mcm.  de  l'Acad.  de  méd.,  t.  I,  1828,  et 
Paris,  1831,  in-S",  précédée  d'ano  notice  nécrologique  sur  l'auteur.  —  IX.  Plusieurs  mé- 
moires insérés  dans  ditlérents  recueils  [Journ.  gén.  de  méd.,  Bullet.  dé  la  Soc.  de  la 
Faculté  de  méd.,  Méni.  de  la  Soe.  méd.  d' émulât.,  cic],  et  quebiues  traductions.  Mon. 
(postli.)  sur  la  névrcdijie  rhumatlsrn.  aiguë  de  la  vessie,  in  Ficv.  méd.  18jG,  t.  lY,  p.  5. 

E.  Bgd. 

LEV£Ll!%fi  (IlEiNnicH  Palmaz  von),  né  à  Trêves,  le  28  septembre  1742,  se  fit 
recevoir  docteur  à  Strasbourg  en  1764.  Après  avoir  rempli  les  fonctions  de  con- 
seiller auhque  de  l'électeur  palatin  de  Bavière  et  de  médecin  du  priuce-évèque  de 
Fresingue,  il  fut  appelé  en  1782  à  l'université  d'ingolstiult  pour  y  occuper  les 
chaires  d'anatomie,  de  chirurgie  dluslitulions  et  d'histoire  de  la  médecine.  Leve- 
ling  se  Ut  là  une  assez  grande  réputation  comme  anatomiste  et  chirurgien  pour 
qu'on  lui  accordât  des  lettres  de  noblesse.  Il  mourut  dans  cette  même  ville  ]e 
9  juillet  1798. 

Outre  quelques  dissertations  de  physiologie  et  de  médecine,  il  a  laissé  les  ou- 
vrages suivants  : 

I.  Ancdomisehe  Erklârung  der  Originalfiguren  von  Andr.  Vesal,  sainmt  einer  Anwendung 
dcr  Wiiislowischcu  Zergliedcrungslehre,  in  VU.  Diicli  Ingolstadt,  1781,in-4°.  —  II.  Observ. 
anatomicœ  rariores  iconibus  œri  incisis  illustratcc  Itùd  ,  1780,  in-4''.  —  III.  Historiœ  chi- 
rurgico-anatomica;  facuUatis  tnedicce  lugolsladiensis  ab  uniucrsilatc  anno  1472  condita 
adanniini  1788.  Ibi'!.,  1788,  in-4». 


410  tE   VEHiVET    (eaux   mihérai.es   de). 

Ses  deux  fils  ont  pratiqué  b  médecine  avec  beaucoup  de  distinction. 

Licveling  (Heinr.-M.  V.)  l'aîné,  né  à  Ingolstadt  en  1766,  a  été  professeur  dans 
l'université  de  cette  ville  après  la  mort  de  son  père  ;  on  lui  doit  en  particulier  une 
anatomie  intitulée  :  Analomie  des  Menschen,  zitm  Leltfaden  far  Aerzte,  etc. 
Part,  let  IL  Erlangeu,  1795-97,  in-S". 

Leveling  (P.-ÏH,),  frère  du  précédent,  né  à  Ingolstadt  en  1767;  s'est  égale- 
ment fiut  un  nom  dans  la  littérature  médicale.  E.  Bgd. 

LE  YERNET  (Eaux  MINÉRALES  ET  STATION  HIVERNALE  de)  lujpertliermales  ou 
mésothermales,  sidfurées  sadiques,  azotées.  Deux  routes  à  peu  près  de  longueur 
égale  conduisent  de  Paris  au  Vernet;  l'une  est  la  voie  ferrée  de  Lyon,  Montpellier, 
Narbonne  et  Perpignan,  l'autre  le  chemin  de  Bordeaux  ,  Toulouse  et  Perpignan, 
d'où  une  voiture  mel  de  cinq  à  six  heures  pour  aller  au  Vernet,  en  passant  par 
Prades  et  Villefranche.  Il  n'est  pas  indifiérent,  pour  les  malades  affectés  de  la  poi- 
trine surtout,  de  prendre  un  chemin  ou  un  autre  dans  les  diverses  saisons  de 
l'aimée.  Ceux  qui  vont  l'été  au  Yeruet  peuvent  suivre  l'une  ou  l'autre  de 
ces  deux  directions  ;  mais  ceux  qui  vont  passer  la  saison  hivernale,  doivent  choisir 
de  préférence  la  route  de  Bordeaux.  Us  éviteront  ainsi  les  vents  quelquefois  impé- 
tueux du  golfe  de  Lion,  et  feront  tout  leur  voyage  sur  une  hgne  dont  l'exposition 
est  toujours  au  midi. 

Le  Vernet,  dans  le  département  des  Pyrénées-Orientales,  dans  l'arrondisse- 
ment de  Prades,  est  un  village  situé  au  pied  du  mont  Gauigou ,  dans  la  vallée 
du  Tet,  connue  dans  la  chaîne  des  Pyrénées  par  sa  fertilité  et  la  douceur  de 
son  climat.  Cette  vallée  est  abritée,  en  effet,  contre  tous  les  vents,  excepté 
contre  ceux  du  nord-est,  par  les  montagnes  élevées  qui  Lentourent.  Elle  est  ou- 
verte au  nord-est,  et  la  route  venant  de  Prades  suit  ses  nombreux  détours.  Le 
vent  s'engouffre  dans  cette  sorte  d'entonnoir  et  souffle  quelquefois,  de  Prades  à 
Villefranche,  avec  une  grande  énergie.  Aussi  n'est-ce  pas  dans  ce  point  que  l'on 
peut  remarquer  l'égalité  de  la  température  qui  règne  dans  cette  contrée.  Au 
tournant  de  la  route  de  Villefranche  au  Vernet,  l'intensité  du  vent  se  modère  peu 
à  peu  pour  céder  complètement  lorsqu'on  s'engage  dans  la  vallée.  Si  l'établisse- 
ment du  Vernet  est  garanti  des  grands  vents,  les  malades  qui  vont  y  faire  une 
saison  doivent  cependant  se  munir  de  vêtements  chauds  et  épais,  pour  se  dé- 
fendre de  l'humidité  produite  par  les  nombreux  cours  d'eau,  la  réverbération  du 
sol  et  les  rosées  abondantes  qui  en  sont  la  conséquence;  mais  ils  ne  doivent  pas 
trop  se  préoccuper  de  cette  particularité  qui  ne  se  fait  sentir  que  le  soir,  et  sur- 
tout le  matin,  car  il  leur  est  permis  de  sortir,  de  se  promener  seulement  vers  le 
milieu  du  jour  au  printemps,  en  été  et  au  commencement  de  l'automne,  tandis 
que  pendant  l'hiver  leur  traitement  consiste  plus  peut-être  dans  le  séjour  à  la 
chambre  et  aux  salles  d'inhalation  que  dans  les  moyens  balnéaires  proprement 
dits.  Cependant  les  malades  qui  font  une  cure  d'hiver  se  rendent  ou  se  font  porter 
au  soleil  dans  les  heures  les  plus  chaudes  des  belles  journées,  lorsque  le  médecin 
leur  en  a  donné  le  conseil. 

L'établissement  thermal,  à  620  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  est  à 
oOO  mètres  du  bourg  du  Vernet,  peuplé  de  875  habitants,  et  oii  se  trouvent  les 
ressources  alimentaires,  pharmaceutiques  et  littéraires  ,  dont  les  hôtes  peuvent 
avoir  besoin.  Le  thermomètre  s'abaisse  rarement  à  —  2'',5  centigrade,  et  les 
plantes  supportant  diflicilement  une  basse  température ,  telles  que  le  laurier- 


LE  VERNET  (eal'x  MiNiiuALES  de).  411 

rose,  le  cactus,  l'aloès,  le  grenadier,  l'oranger  y  so^U  cultivées  en  pleine  terre. 
L'hiver  de  1858  a  fait  descendre  le  thermomètre  jusqu'à  —  2°, 3  centigrade  (jan- 
vier) ;  pendant  le  jour  le  plus  chaud,  il  s'est  élevé  à  -+-  26°  centigrade.  La  tempé- 
rature la  plus  basse  des  journées  de  l'été  delà  même  année  a  été  de -h  8°  centigrade 
et  la  plus  haute  de  -+-  55°  centigrade  (août). 

Le  Vernct  étant  une  station  d'hiver,  le  médecin  éloigné  doit  connaître  les  avan- 
tages de  ce  poste  sulfureu.x  où  la  saison  thermale  dure  toute  l'année.  Il  est  impor- 
tant que  les  malades  ne  partent  pas  au  moment  des  grands  froids  de  leur  pays  ; 
autrement  la  transition  trop  brusque  de  la  température  peut  donner  des  résultats 
opposés  à  ceux  que  l'on  espère  obtenir.  Eu  général,  on  doit  être  arrivé  au  Veruet 
au  milieu  du  mois  de  novembre.  S'il  ne  faut  pas  trop  brusquement  passer  des  con- 
trées septentrionales  aux  régions  du  midi,  et  s'il  est  prudent  de  s'acchmater  pro- 
gressivement ,  il  est  plus  indispensable  encore,  pour  ceux  qui  ont  fait  une  cure 
heureuse  au  Vernet,  de  ne  pas  s'en  retourner  au  plus  vite  dans  un  climat  trop 
rigoureux.  Bien  des  convalescents  n'écoutant  pas  ces  préceptes  si  simples  et  si  rai- 
sonnables ont  payé  de  leur  santé,  et  quelques-uns  de  leur  vie,  l'inobservation  des 
sages  avis  qu'ils  avaient  reçus. 

Les  sources  thermo-minérales  du  Yernet  sont  au  nombre  de  onze.  Elles  se 
nomment  :  1°  la  source  des  Anciens-Thermes  ou  Eaux-Bonnes,  2°  la  soiirce  du 
Vaporarium,  5°  la  source  Saint-Sauveur,  i°  \ù.  source Élysa,  5°  la  Mère-source, 
6°  la  source  de  la  Comtesse,  1"  la  source  Agiaé,  8°  h  source  Ursule,  9"  la  source 
du  Torrent  ou  de  la  Providence,  10°  la  source  de  Castell,  et  11°  la  source  de  la 
Buvette  dite  encore  source  de  la  Santé.  Toutes  ces  sources  servent  aux  usages 
balnéothérapiques  des  deux  établissements  de  la  station  du  Yernet.  Les  sept  pre- 
mièi'es  appartiennent  à  Y  établissement  des  Commandants,  les  quatre  autres  à 
Y  établissement  Mercader. 

ÉTABLissEMEKr  DES  coMMANDARTs.     i"  Soiirce  dcs  Anciens-Thermcs  ou  Eaux- 
Bonnes.    Cette  source  se  trouve  au  nord,  derrière  l'étabUssement,   au  pied  du 
rocher  de  la  Penne.  Elle  est  captée  sous  une  voûte  creusée  dans  le  rocher  même 
et  fermée  par  une  porte  pleine.  Aussitôt  que  cette  porte  est  ouverte,  il  sort  une 
vapeur  épaisse  qui  ne  permet  de  distinguer  ni  la  voûte,  ni  l'eau,  et  qui  éteint  sur- 
le-champ  la  bougie.  Cette  vapeur,  d'une  odeur  sulfureuse  très-prononcée,  et  d'une 
réaction  parfaitement  neutre,  fait  monter  à 56°, 6  centigrade,  l'air  extérieur  étant 
à  2o'',l  centigrade,  le  thermomètre  qu'on  y  plonge  à  un  mètre  de  profondeur. 
L'eau  de  cette  source  est  claire  et  transparente,  chaude  à  la  bouche,  d'une  saveur 
hépatique,  fade,  nullement  salée,  elle  a  l'odeur  d'œufs  couvés.  Des  bulles  gazeuses 
très-fines  viennent,  après  quelques  minutes,  se  déposer  en  perles  sur  les  parois  du 
verre  qui  la  contient.  Elle  n'a  aucune  influence  sur  les  préparations  de  tournesol 
ou  de  curuma.  Sa  température,  prise  au  tuyau  du  réservoir,  est  de  54°, 8  centi- 
grade. Elle  est  employée  en  boisson,  mais  elle  sert  surtout  à  chauffer  toutes  les 
pièces  de  l'établissement,  au  moyen  de  conduits  traversant  la  salle  à  manger,   le 
salon,  la  chapelle,  les  chambres  à  coucher,  etc.   Elle  alimente  aussi  les  bains 
chauds  et  les  douches  des  Anciens-Thermes  ;  elle  fournit  d'eau  chaude  les  baignoires 
et  les  douches,  après  avoir  été  rassemblée  dans  un  réservoir  clos  de  briques  reliées 
par  du  béton.  Elle  se  rend  encore  dans  un  refroidissoir  situé  à  côté  et  en  avant 
du  réservoir  d'eau  sulfureuse  à  sa  température   native.   Le  même  tuyau  conduit 
aux  baignoires  et  aux  douches  l'eau  chaude  ou  refroidie,  suivant  que  l'un  ou 
l'autre  des  robinets  est  ouvert  ou  fermé.  L'eau  de  la  source  des  Anciens-Thermes, 
analysée  par  Anglada,  a  donné,  par  1,000  grammes,  les  principes  suivants  : 


412  LE   VEUKEÏ    (i:aux  Mi.M^nALEs   dic). 

UydL'osulfate  de  soude  crislalUsé 0,0593 

Carbonate  de  soucie 0,0371 

—  chaux 0,0008 

—  magnésie traces. 

Sulfate  de  soude 0,0291 

—  chaux 0,0057 

Chlorure  de  sodium 0.0121 

Silice 0,0496 

Glairine  ou  barégine •   .  0,0090 

rerlo 0,0031 

Total  des  MiTiÈr.Es  fixes Q,22,o8 

Les  baignoires  sont  de  marbre  blanc ,  à  demi-encaissées  dans  le  sol ,  en  saillie 
de  oO  centimètres  au-dessus  de  l'aire  des  cabinets.  L'eau  arrive  par  le  fond  des 
baignoires ,  au  moyen  de  robinets  en  conlre-bas  des  dalles  et  à  portée  des  bai- 
gneurs, qui  ont  l'eau  cliaude  et  l'eau  froide  à  leur  disposition.  Les  cabinets  de 
doucbes  sont  sous  Fancienne  voûte  des  Anciens-Thermes.  Ils  sont  surmontés 
d'une  grande  pièce  dans  laquelle  ont  été  installés,  immédiatement  au-dessus  do 
chacun  d'eux,  cinq  bassins  pour  la  préparation  des  douches.  Trois  de  faïence  ser- 
vent à  contenir,  le  premier,  l'eau  de  la  douche  parabolique,  et  les  deux  autres, 
l'eau  chaude  pour  la  douche  jumelle.  Le  quatrième  est  carré,  fait  de  briques  bé- 
tonnées ;  il  alimente  la  douche  Tivoli.  Le  cinquième  bassin,  fait  aussi  de  briques 
et  de  béton ,  renferme  l'eau  douce  froide  servant  à  la  douche  ascendante  et  à 
mitiger  l'eau  des  autres  douches.  Les  trois  cabinets  de  douches  sont  mal  éclairés 
et  mal  ventilés  parleur  porte  d'entrée  et  par  une  ouverture  circulaire  de  50  cen- 
timètres de  diamètre,  ménagée  sur  la  grande  voûte,  aérée  seulement  elle-même 
par  deux  lucarnes  situées  à  la  partie  supérieure.  Une  des  salles  renferme  l'ap- 
pareil de  douche  parabolique,  les  deux  autres,  ceux  des  grandes  douches  en 
lilet,  en  pluie,  Tivoli,  etc.  Le  cabinet  du  miheu  est  pourvu  d'un  système  de 
douches  ascendantes  à  tuyau  fixe.  La  pression  des  grandes  douches  varie  de  3  à 
5  mètres,  et  les  malades  sont  douchés  assis  ou  debout.  Le  massage  n'est  pra- 
tiqué ni  pendant  ni  après  l'administration  des  douches. 

2"  Source  du  Vaporarium. 'On  a  établi  sur  le  grillon  de  cette  source  un  robinet 
placé  au-dessus  d'une  baignoû'e  de  marbre.  La  température  de  l'eau  à  ce  robinet 
est  de  56", 2  centigrade,  l'air  de  la  salle  étant  à  29^5  centigrade.  Sa  réaction  est 
légèrement  alcaline.  De.  tuyaux  conduisent  cette  eau  dans  un  réservoir  de 
3  mètres  de  profondeur,  toujours  alimenlé  d'eau  courante,  et  placé  sous  la  pièce 
dite  du  Vaporarium.  Elle  a  les  mêmes  propriétés  physiques  et  chimiques  que 
celles  delà  source  précédente.  L'analyse  de  1,000  grammes  de  l'eau  delà  source 
du  Vaporarium  a  donné  en  suUure  à  M.  Fontan,  en  1851,  le  résultat  suivant: 

Sulfure  de  sodium .      0,0248 

La  salle  du  Vaporarium  n'est  éclairée  que  par  un  œil-de-bœui  vitré  situé  à  sa 
partie  supérieure.  Le  thermomètre  monte  à  40", 8  centigrade  dans  l'inlérieurdt! 
cette  pièce,  entourée  de  dix  cabinets  non  fermés  et  dans  lesquels  la  chaleur  e:>t 
plus  concentrée.  On  peut  abaisser  la  température  en  ouvrant  une  soupape  prati- 
quée dans  la  lucarne  établie  au  point  le  plus  élevé  du  dôme. 

La  salle  de  respiration,  située  immédiatement  au-dessus  de  la  pièce  du  Vapo- 
rarium, sous  la  voûte  commune  aux  cabinets  de  douches,  n'est  pas  assez  confor- 
tablement installée.  Une  cage  de  verre,  entourée  d'un  puits  de  béton  recouvert  de 
planches  formant  galerie  à  hauteur  d'appui,  s'ouvre  par  sa  partie  su[jérieure  pour 
ûunner  passage  à  la  vapeur  et  aux  gaz,  suivant  les  besoins  du  traitement  et  l'idio- 


LE  VERN'ET   (eaux  minérales  de).  415 

synorasie  des  malades.  La  tenipcraturo  de  la  salle  d'aspiration  est  eiiti'eteii!:c,  m 
général,  à  28°, .0  centigrade. 

5"  Source  Saint-Saiivevr.  Cette  source  est  captée  sous  une  voûte  de  briques 
bétonnées,  et  nnc  plaque  de  marbre  ferme  son  bassin  de  captage.  L'eau  a  les  mêmes 
propriétés  phr-ques  et  chimiques  que  celle  des  autres  sources  du  Vcrnet,  seule- 
ment son  odeur  et  son  goût  sont  moins  hépatiques  ;  ils  rappellent  jusqu'à  mi  ' 
certain  point  ceux  de  la  source  de  l'établissement  de  Saixt-Sauveur  {voij.  ce  mot),  ' 
ce  qui  a  fait  donner  à  cette  source  du  Vernet  le  nom  sous  lequel  elle  est  connue. 
Sa  réaction  est  très-sensiblement  alcaline  ;  sa  température  esldc  47°,!  centigrade. 
Quelquefois  employée  en  boisson,  cette  eau  sert  surtout  à  alimenter  l'établisse- 
ment Saint-Sauveur,  une  des  dépendances  de  l'établissement  des  Comman- 
dants. Elle  se  rend  par  des  conduits  de  maçonnerie  ,  à  deux  réservoirs  placés  à 
droite  et  à  gauche  de  la  porte  d'entrée  de  la  cour  de  l'établissement  Saint- 
Sauveur.  Chacun  de  ces  réservoirs  contient,  l'un,  l'eau  que  l'on  y  laisse  refroidir, 
et  l'autre,  l'eau  à  la  température  de  la  source  qui  arrive  directement  aux  robi- 
nets des  baignoires  par  des  tuyaux  de  terre  cuite.  L'analyse  de  l'eau  de  la  source 
Saint-Sauveur  adonné,  en  1856,  à  M.  Bouis,  sur  1,000  grammes,  les  proportions 
suivantes  : 

Sulfure  (le  sodium 0,0-iOO 

Sulfate  de  soude O.O'iTO 

—        cliaus 0,0010 

Carbonate  de  soude 0,0730 

—  potasse traces. 

'='""\-. î  0,0030 

—  magnésie ) 

Clilorure  de  sodium 0,0120 

Silice o.ceoo 

Glairine  ou  barégine 0,0110 

Total  des  matières  fixes t),'îH6 

L'établissement  des  bains  Saint-Sauveur  est  à  50  mètres  de  la  source  de  ce 
nom,  et  se  compose  de  quatorze  salles  ayant  chacune  une  baignoire  de  marbre 
sans  appareil  de  douches.  Les  robinets  versent  l'eau  par  leur  partie  supérieure 
et  sont  à  la  disposition  des  baigneurs.  L'eau  delà  source  Saint-Sauveur,  arrivée 
aux  robinets  des  baignoires,  marque  encore  45°  centigrade,  l'air  des  cabinets  étant 
à  24°  centigrade. 

4°  Source  Êhjsa.  Elle  jaillit  sous  un  kàtiment  spécial,  situé  a  25  mètres 
des  bains  Saint -Sauveur  et  h.  15  mètres  seulement  de  la  salle  à  manger.  Son 
eau  a  les  mêmes  caractères  physiques  et  chimiques  que  ceux  des  autres  sour- 
ces du  Vernet  ;  mais  elle  est  moins  désagréable  au  goût  ;  sa  saveur  et  son  odeur 
sont  moins  sulfureuses  et  comparables  à  celles  de  la  Raillière  de  Cauterets.  Des 
bulles  gazeuses  qui  s'attachent  bientôt  aux  parois  des  verres  la  traversent;  sa 
réaction  est  moins  sensiblement  alcaline  que  celle  de  l'eau  de  la  source  Saint- 
Sauveur.  L'air  du  cabinet  étant  à  24"  centigrade,  la  température  de  l'eau  de  la 
source  Élysa  marque  54°, 8  centigrade.  On  l'emploie  en  boisson  et  en  bains.  L'ana- 
lyse chimique  de  1,000  grammes  de  cette  eau,  faite  en  1851,  par  M.  le  docteur 
Fontan  a  donné  : 

Sulfure  de  sodium 0,01i92 

Le  pavillon  construit  sur  le  griffon  de  la  source  Elysa  ne  se  compose  que  de 
deux  cabinets  qui  contiennent  chacun  une  baignoire  de  marbre  au  fond  de  laquelle 
arrive  directement  et  par  un  jet  de  iO  centimètres   de  hauteur,    l'eau  de  la 


414.  LK   VERNET   (eau.v  minérales  de). 

source  venant  d'un  réservoir  séparé  seulement  par  le  mur  du  pavillon.  Ces  deux 
baignoires  sont  alimentées  en  outre  par  l'eau  de  la  source  Saint-Sauveur,  ap- 
portée par  des  tuyaux  souterrains  et  versée  par  un  robinet  placé  au-dessus  du  bord 
supérieur  des  baignoires. 

5"  Mère-source.  Son  point  d'émergence  est  à  25  mètres  plus  bas.  que  le  bâti- 
ment de  la  source  Élysa ,  dans  une  pièce  de  terre  inculte,  et  son  griffon  prin- 
cipal se  trouve  au  fond  d'une  galerie  souterraine  recouverte  de  pierres.  Elle  est 
captée  sous  une  cloche  de  béton,  mais  plusieurs  de  ses  filets  coulent  en  liberté  et 
permettent  d'apprécier  qu'elle  ne  diffère  en  rien  des  autres  sources,  si  ce  n'esl 
pas  son  goût  fade,  son  odeur  très-sulfureuse,  sa  réaction  neutre  et  sa  température 
élevée  qui  est  de  S?'', 8  centigrade,  l'air  de  la  galerie  étant  à  51"  centigrade.  Les 
illets  non  captés  de  la  Mère-source  suffisent  pour  former  un  petit  ruisseau  dont 
les  eaux  ne  sont  pas  utibsées.  On  constate  dans  ce  ruisseau  la  présence  de  fila- 
ments de  barégine  et  de  sulfuraire  plus  nombreux  et  plus  longs  que  tous  ceux 
observés  aux  sources  sulfurées.  Plusieurs  sont  flottants  et  creux,  et  mesurent 
plus  de  1  mètre  de  longueur  et  près  de  l  centimètre  de  diamètre.  Cette  eau  est 
employée  en  boisson,  en  bains,  en  douches  et  en  inhalations.  1,000  grammes  de 
l'eau  de  la  Mère-source  ont  donné,  en  1851",  à  M.  Fontan  : 

Sulfure  de  sodium 0,02259 

Le  bâtiment  dans  lequel  se  trouvent  la  buvette,  les  bains,  les  douches  et  la 
salle  d'inhalation  de  la  Mère-souvce  est  à  6  mètres  seulement  de  la  rivière  qui 
coule  du  Verncti  à  Conflans,  et  à  70  mètres  de  la  galerie  de  la  soui'ce.  L'eau  s'y 
rend  par  des  conduits  souterrains  de  pierre  contenant  des  tuyaux  de  terre  ver- 
nissée qui  la  versent  dans  nn  réservoir  fermé,  situé  dans  le  jardin,  derrière  la  mai- 
son; ils  occupent  toute  sa  longueur.  L'étaUissementest  composé  de  quatre  cabinets 
de  bains,  de  deux  cabinets  de  douches  et  d'un  vaporarium  ;  un  des  cabinets  de  bains 
renferme  deux  baignoires.  Tous  sont  éclairés  et  ventilés  par  une  fenêtre  donnant 
sur  le  jardin.  Les  baignoires  de  marbre  sont  trop  étroites  et  encaissées  dans  le  sol 
de  manière  à  former  une  saillie  de  45  centimètres  au-dessus  du  dallage  des  cabi- 
nets. Au  fond  du  cabinet  double,  se  trouvent  deux  baignoires  séparées  par  des 
carreaux  de  faïence.  L'eau  de  la  Mère-source  arrive  au  robinet  de  ces  baignoires  à 
la  température  de  41"  centigrade ,  celle  du  cabinet  étant  de  25°, 6  centigrade.  De 
l'eau  refroidie  y  vient  à  54°, 5  centigrade.  Les  salles  de  bains  occupent  le  rez-de- 
chaussée,  tandis  que  les  cabinets  de  douches  et  le  vaporarium  se  trouvent  dans 
le  sous-sol.  Les  deux  cabinets  de  douches,  voûtés,  sont  disposés  de  façon  à  ce 
qu'on  peut  y  prendre  les  douches  dans  une  baignoire  au-dessus  de  laquelle 
sont  fixées  à  2"', 25  de  hauteur  des  tuyaux  à  robinet.  Par  l'un  s'administre  la 
douche  descendante,  l'autre  conduit  l'eau  minérale  à  une  ouverture  pratiquée 
dans  l'aire  du  cabinet,  sur  laquelle  on  s'assied  pour  recevoir  les  douches  ascen- 
dantes. La  température  des  salles  de  douches  étant  de  25°, 4  centigrade,  l'eau 
arrive  aux  robinets  des  appareils  à  47", 5  centigrade.  Le  vaporarium  occupe  une 
petite  salle  circulaire  bâtie  sur  le  réservoir  qui  se  trouve  à  côlé  des  grandes 
douches.  Celte  salle  est  trop  chaude,  quoiqu'elle  soit  presque  toujours  ou- 
verte ;  la  pièce  qui  la  précède  sert  de  cabinet  de  respiration.  L'installation  et 
l'organisation  de  l'établissement  de  la  Mère-source  sont  peu  confortables  et 
suffisent  à  peine  à  leur  destination.  Toutes  les  salles  sont  humides  et  beau- 
coup trop  sombres  ;  aussi  cette  division  n'est-elle  guère  fréquentée  que  par  les 
paysans. 


LE   VERNET   (eaux  MnÉRAiEs  de).  415 

6°  et  7"  Les  eaux  des  sources  de  la  Comtesse  et  Aglaé  ne  sont  pas  employées. 

Étabi.isseîiekt  Mercader.  8°  Source  Ursule.  Le  griffon  de  cette  source  est 
au  fond  d'une  ççaleric  pratiquée  dans  le  déblai  d'un  pavillon  composé  de  quatre 
salles  de  grandes  douches,  d'une  salle  de  douches  ascendantes  et  d'une  salle 
d'inhalation  gazeuse.  Ce  pavillon  reçoit  les  eaux  de  la  source  Ursule,  la  plus  éloi- 
gnée de  l'établissement  Mercader,  elle  alimente  aussi  les  deux  buvettes,  les  appa- 
reils de  douches  et  les  tuyaux  qui  parcourent  ti^ois  des  côtés  du  plancher  de 
chaque  pièce  de  cette  maison  de  bains.  C'est  elle  encore  qui,  en  été,  se  rend  au 
vaporarium  et  à  la  salle  de  respiration.  L'eau  de  cette  source  est  claire  et  hm- 
pide,  d'une  saveur  et  d'une  odeur  hépatiques  prononcées,  d'une  réaction  alcaline 
et  d'une  température  de  41", 8  centigrade,  celle  de  la  galerie  étant  de  28°, 5  cen- 
tigrade. L'analyse  chimique  de  l'eau  de  la  source  Ursule,  faite  par  M.  Ossian 
Henry,  en  1852,  a  donné  les  résultats  très-incomplets  que  voici  : 

Sulfure  de  sodium 1     r.  A.gq 

Carbonate  de  chaux j       ' 

—  magnésie 

Sel  de  potasse 

Sulfate  de  soude 

Chlorure  de  sodium ' 

lodure  alcalin )    0,2371 

Silicate  de  soude 

—  alumine 

Indices  de  fer 

Matière  organique  (glairinc) 

Total  des  maiiG:res  fixes 0,2503 

9°  Source  du  Torrent  ou  de  la  Providence.  La  source  du  Torrent  a  son 
point  d'émergence  à  3  mètres  du  griffon  de  la  source  Ursule  et  dans  la  même 
galerie.  Ses  caractères  physiques  et  chimiques  sont  les  mêmes  que  ceux  de  la 
source  Ursule.  Sa  température  est  de  59 ',2  centigrade.  Elle  alimente  d'eau  chaude 
dix  cabinets  de  bains  de  l'établisseiTient  Mercader,  et  elle  envoie  son  eau  pendant 
l'hiver  au  vaporarium  et  à  la  salle  d'iniialation.  «  Toutes  les  sources  de  l'établis- 
sement Mercader  ayant  une  composition  presque  identique,  dit  M.  Buran,  ingé- 
nieur chimiste,  je  me  contente  de  donner  l'analyse  que  j'ai  faite,  en  1855,  de 
1,000  grammes  d'eau  de  la  source  du  Torrent  ou  de  la  Providence. 

Sulfure  de  sodium 0,0420 

Sullite  do  sodium 0,0050 

ïulfate  de  sodium 0,0225 

—  magnésium 0,0035 

—  calcium 0,0010 

Silicate  de  sodium 0,0628 

Carbonate  de  sodium 0,0910 

—  potassium 0,0100 

—  magnésium 0,0020 

—  calcium 0,0013 

Chlorure  de  sodium 0,0160 

Alumine 0,0010 

Glairine '.  0,0130 

lodure  de  potassium 0,0001 

Total  des  MAiiÈriEs  fixes  ...      0,2754 

«  Plus,  des  traces  de  fer,  de  brome  dont  on  ne  pourrait  déterminer  les  propor- 
tions qu'en  réitérant  les  expériences  et  en  opérant  sur  de  plus  fortes  proportions 
que  celles  que  j'ai  eues  à  ma  disposition.  » 

10"  Source  de  Caslell.  Elle  se  trouve  à  50  mètres  de  l'établissement  Mer- 
cader,  sur  un  des  côtés  du   chemin   conduisant  au  village  de  Castell    Cette 


410  LE  verni:!   (eaux  MiNtnALEs  de). 

source  qui  cmcrge  au  fond  d'une  galerie  a  les  mêmes  propriétés  pîrysiqucs  ot 
chimiques  que  les  autres.  Sa  réaction  est  neutre,  et  sa  température  est  de  35°, 5  ccu- 
tiffrade,  celle  de  la  galerie  étant  de  24°  centiiirade.  Elle  lournit  d'eau  relroidic  les 
dix  cabinets  alimentés  d'eau  chaude  par  la  source  Ursule.  Son  eau  n'a  pas  été 
analysée. 

11°  Source  de  la  Buvette  dite  encore  Source  de  la  Santé.  Son  eau  est  utilisée 
en  boisson  seulement,  c'est  un  filet  de  la  source  de  la  Providence  ou  du  Torrent; 
elle  n'a  par  conséquent  qu'une  importance  très-secondaire. 

L'établissement  des  bains  Mercader  se  compose  de  deux  buvettes,  de  quatorze 
cabinets  de  bains,  d'un  vaporarium  et  d'une  salle  de  respiration.  L'une  des 
buvettes  se  trouve  dans  la  galerie  du  rez-de-chaussée,  contenant  quatre  salles  de 
bains  alimentées  par  la  source  Ursule  :  c'est  la  buvette  de  la  Bienfaisante  Adélaïde. 
Elle  consiste  dans  une  table  de  marbre  à  laquelle  est  fixé  un  petit  robinet  de 
cuivre,  sous  lequel  est  une  soucoupe,  communiquant  avec  le  tidje  de  zinc  qui 
emporte  l'eau  de  la  source  Ursule  au  fond  de  la  galerie.  L'autre  buvette  est  au 
premier  étage,  elle  est  alimentée  par  rui  filet  dépendant  de  la  source  du  Tor- 
rent ou  de  la  Providence  :  elle  est  connue  sous  le  nom  de  Buvette  de  la  Santé, 
et  son  installation  est  à  peu  près  la  même  que  celle  de  la  buvette  Adélaïde.  Son 
eau  tient  en  suspension  une  grande  quantité  de  flocons  de  barégine.  Les  quatorze 
■  salles  de  bains  du  rez-de-chaussée  reçoivent  leur  eau  de  la  source  Ursule,  et  les 
dix  autres,  au  premier  élage,  de  la  source  de  la  Providence  comme  eau  chaude  et 
de  la  source  de  Castell  comme  eau  froide.  Les  cabinets  auxquels  la  source  Ursule 
fournit  son  eau  sont  réservés  pour  ceux  dont  le  traitement  exige  des  bains  à  une 
température  élevée.  A  gauche,  ils  s'ouvrent  sur  la  galerie  de  droite  de  l'établisse- 
ment, et  ne  sont  éclairés  que  par  une  porte  vitrée,  avec  imposte.  Leurs  baignoires 
de  marbre  ont  deux  robinets  :  l'un  à  clef,  donnant  l'eau  à  la  température  de  la 
source  Ursule,  est  placé  au  milieu  de  la  paroi  latérale  de  la  baignoire;  l'autre, 
fixé  au-dessus  de  son  bord  supérieur,  verse  l'eau  de  la  même  source  refroidie. 
D.U1X  de  ces  cabinets  sont  munis  d'appareils  de  douches  descendantes,  et  un  d'un 
appareil  de  douche  ascendante.  Des  dix  autres  cabinets ,  neuf  n'ont  qu'une 
seule  baignoire,  un  seul  en  a  deux  ;  aucun  n'a  d'appareils  de  douches.  L'eau 
de  la  source  de  la  Providence  y  arrive  à  ,^6°,5  centigrade.  Le  charbon  seul  est 
employé  pour  le  chauffage  du  linge  aux  deux  établissements  du  Vernet. 

Le  vaporarium  est  dans  la  galerie  de  la  buvette  et  des  salles  de  bains  alimen- 
té'js  par  l'eau  de  la  source  Ursule.  Il  est  précédé  d'une  pièce  qui  sert  à  la  fois 
de  vestiaire  et  de  salle  de  surveillance.  La  température  du  vaporarium  est  de 
57°  centigrade.  La  salle  de  respiration  et  de  humage,  située  au  premier  étage, 
est  suivie  d'une  galerie  vitrée  exposée  au  midi,  dans  laquelle  le  soleil  brille  pen- 
dant toute  la  journée  et  d'où  les  malades  découvrent  les  campagnes  et  les  rochers 
des  environs.  C'est  dans  cette  pièce  qu'est  étabU  le  réservoir  alimentant  d'eau 
les  douches  des  cabinets  du  rez-de-chaussée,  de  vapeur  et  de  gaz  la  salle  de  respi- 
ration et  de  humage.  On  a  établi  au  centre  de  la  salle  de  respiration  un  appareil 
de  zinc,  aux  côtés  duquel  ont  été  pratiquées  deux  ouvertures  où  les  malades 
viennent  appliquer  leur  bouche.  Une  odeur  à  peine  prononcée  qui  semble  dif- 
férer très-peu  de  celle  de  la  vapeur  d'eau  ordinaire  est  perçue  en  entrant  dans 
la  salle.  Cela  tient  assurément  à  la  construction  vicieuse  du  réservoir;  il  serait 
très-facile  avec  des  appareils  semblablps  à  ceux  de  Pierrefo.nds  ,  de  Saint- 
HoNORÉ  et  d'Ur.iAGE  {voy.  ces  mois)  d'obtenir  un  développement  de  vapeurs  et 
gaz  beaucoup  plus  considérable. 


LE  VERNET  (eaux  MiNiinALEs  de).  417 

Les  deux  établissements  rivaux  des  Commandants  et  de  Mercader  sont  assez 
convenablement  installés  et  répondent  à  toutes  les  exigences  d'une  cure  d'iiiver 
parles  eaux  sulfurées.  Les  malades  peuvent  boire,  prendre  leurs  bains,  leurs 
douclics  d'eau,  leurs  bains  de  vapeur  dans  les  vaporariums  du  Vernet,  et  leurs 
séances  d'inbalation,  sans  sortir  des  établissements  dont  toutes  les  pièces  princi- 
pales sont  chaul'fées  par  l'eau  thermale  des  sources.  Il  n'y  a  de  luxe  ni  dans  l'un 
ni  dans  l'autre,  mais  l'établissement  des  Commandants  est  le  plus  complet.  11  est 
ordinairement  préféré  parles  personnes  appartenant  aux  classes  élevées  de  la  so- 
ciété. L'établissement  Mercader  convient  mieux,  à  cause  de  ';es  prix  i-elativcment 
modiques,  aux  baigneurs  simples  ou  forcés  de  limiter  leurs  dépenses.  L'établis- 
sement Mercader  n'est  certes  pas  brillant  ;  l'on  ne  s'y  préoccupe  que  de  la  santé 
des  malades. 

Mode  d'administration  et  doses.  Les  eaux  du  Vernet  doivent  être  prescrites 
avec  une  grande  prudence,  comme  toutes  les  eaux  sulfurées  et  sulfureuses,  du 
reste,  et  n'être  permises  qu'à  très-faibles  doses  d'abord,  une  cuillerée  ou  un 
quart  de  verre,  et  très-rarement  en  quantité  plus  considérable  que  trois  verres. 
Elles  se  donnent  seules,  coupées  de  kit  ou  d'une  infusion  de  Heurs  de  tilleul 
édulcorée  avec  le  sirop  de  gomme  et  plus  souvent  avec  le  sirop  d'érysimum  des 
montagnes  du  Vernet.  Le  médecin  qui  dirige  la  cure  les  prescrit  le  plus  souvent 
le  matin  à  jeun,  de  quart  d'beure  en  quart  d'heure,  et  quelquefois  aussi  le  soir 
avant  de  se  mettre  au  lit.  Il  arrive,  par  exception,  qu'elles  se  prennent  aux  repas, 
coupées  avec  du  vin  ou  mêlées  à  l'eau  ordinaire,  il  arrive  même  que  certains 
malades  en  font  usage  à  l'exclusion  de  toute  autre  boisson.  Toutes  les  sources  du 
Vernet  peuvent  s'employer  à  l'intérieur  :  les  eaux  utilisées  ainsi  le  plus  souvent, 
à  rétablissement  des  Commandants,  sont  celles  de  la  source  Élysa  et  celles  de  la 
source  Saint-Sauveur  ou  des  Anciens-Thermes;  et,  à  l'établissement  Mercader, 
celles  de  la  buvette  de  la  Sauté,  venant,  on  se  le  rappelle,  de  la  source  du  Torrent 
ou  de  la  Providence,  et  celles  de  la  buvette  de  la  Bienfaisante  Adélaïde  alimentée 
par  la  source  Ursule.  Les  eaux  de  la  buvette  Élysa  à  l'établissement  des  Comman- 
dants, celles  de  la  buvette  de  la  Santé  ou  de  la  Providence  à  l'établissement 
Mercader,  ont  des  propriétés  moins  énergiques,  mais  aussi  elles  sont  moins  exci- 
tautes.  L'eau  des  deux  autres  buvettes,  moins  facilement  tolérée  par  l'estomac, 
stimule  plus  vivement  l'organisme  tout  entier.  Les  deux  premières  buvettes  sem- 
blent donner  les  résultats  obtenus  aux  Eaux-Bonnes,  les  deux  dernières  ceux  de 
certaines  sources  de  Bagnères-de-Luchon  et  de  Cauterets. 

Emploi  thérapeutique.  Les  quatre  sources  Élysa,  des  Anciens-Thermes,  de  la 
Providence  et  Ursule  donnent  une  idée  complète  de  l'action  pbysiologique  et 
curative  de  toutes  les  autres  sources  du  Vernet.  Nous  allons  nous  en  occuper 
exclusivement. 

A  petites  doses  et  dès  les  premiers  jours  les  eaux  du  Vernet  ont  un  effet 
tonique  marqué  sur  presque  toutes  les  constitutions.  Elles  augmentent  la 
transpiration,  les  urines  deviennent  plus  abondantes,  l'appétit  plus  vif,  les  diges- 
tions plus  faciles  et  plus  promptes.  En  quantité  plus  considérable,  le  pouls  et 
la  cbaleur  de  la  peau  s'accroissent.  Les  sécrétions  cutanées  et  des  membranes 
muqueuses  contiennent,  la  chimie  le  constate  aisément,  de  l'acide  sulfhydrique 
que  l'odorat  fait  mèmercconiiaitre,  lorsque  ces  eaux  ont  été  administrées  à  doses 
un  peu  élevées.  11  survient  de  la  céphalalgie,  des  bourdonnements  et  des  tinte- 
ments d'oreilles,  des  éblouissements,  des  vertiges,  de  la  sécheresse  de  la  bouche, 
de  l'anorexie,  de  la  soif,  etc. ,  etc.,  de  la  saturation  minérale  enfin.  Assez  fréquem- 

DICT.   E«C.  2'  S.    II.  27 


418  1.  IJ    V I'  r,  >  |]  T    (  i; m;  X   m  i  n é  n  a L e s   de). 

meut  encore  le  phénomène  de  la  poussée  {voy.  ce  mot)  se  caractérise  par  des  furon- 
cles, du  pcmphigus,  de  rérylliènic,  du  licjicn,  etc.,  accidents  qui  font  immédia- 
tement suspendre  la  cure,  nécessitent  un  traitement  rafraîchissant,  contraignent 
à  garder  la  chambre  et  môme  le  lil ,  les  malades  qui  doivent  se  tenir  chanderaeiit 
et  favoriser  autant  que  possible  l'éruption  regardée  au  Vernet  comme  l'indice  à 
peu  près  certain  d'une  médication  hydrosulfuréc  commencée  sous  les  meilleurs 
auspices.  Les  eaux  du  Vernet  en  bains,  en  douches  d'eau,  ont  une  action  com- 
plexe, c'est-à-dire,  qu'elles  doivent  leurs  effets  à  leur  température  plus  ou  moins 
élevée,  à  la  proportion  de  leurs  éléments  minéralisateurs,  et  surtout  à  la  quantité 
du  sulfure  de  sodium  qu'elles  renferment.  C'est  l'existence  de  ce  composé  chi- 
mique qui  rend  plus  ou  moins  actives,  plus  ou  moins  stimulantes  les  eaux  sulfu- 
rées; leur  gl.iirine  ou  barégine  est  le  correctif  de  ce  principe  hépatique,  et  les 
eaux  de  cette  classe  sont  d'autant  moins  stimulantes  qu'elles  en  contiennent 
davantage.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  contact  de  l'eau  du  Vernet  fait  éprouver  à  la  peau 
une  sensation  d'onctuosité  qui  n'échappe  à  personne  :  des  bulles  de  gaz  ne  tar- 
dent pas  à  venir  se  fixer  en  forme  de  perles  distinctes  sur  les  divers  points  de  la 
périphérie  du  corps,  mais  elles  s'en  détachent  au  moindre  mouvement.  Les  phé- 
nomènes d'excitation  se  produisent  surtout  à  la  suite  des  bains  très-chauds  et  des 
douches  préparées  avec  les  eaux  hyperthermales.  11  est  à  remarquer  que  si  l'eau 
en  boisson  donne  quelquefois  lieu  à  la  saturation  minérale  et  à  la  poussée,  les 
bains  et  les  douches,  principalement  lorsqu'ils  sont  administrés  chauds  et  très- 
chauds,  occasionnent  surtout  ces  effets  physiologiques  exagérés.  Si  nous  avons 
vu  les  accidents  cutanés  survenus  après  une  cure  d'eau  en  boisson,  spécialement 
caractérisés  par  des  furoncles,  du  pemphigus,  du  lichen,  etc.,  ceux  du  traitement 
par  l'usage  extérieur  des  eaux  de  cette  station  se  reconnaissent  aux  éruptions 
de  la  membrane  externe,  qui  apparaissent  sous  forme  de  papules  lorsque  la  mani- 
festation est  bénigne,  et  sous  l'apparence  de  vésicules  si  elle  est  intense  au  con- 
traire. Lorsque  les  bains  et  les  douches  sont  à  une  très-haute  température,  les 
malades  éprouvent  une  sensation  de  chaleur  vive,  raordicante,  sur  foutes  les  par- 
ties mouillées;  un  spasme,  nn  malaise  général,  accompagnés  de  dyspnée,  d'une 
respiration  anxieuse,  accélérée.  La  bouche  devient  aride,  la  soif  ardente,  la 
face  vultueuse,  les  yeux  rouges  et  saillants  ;  la  circulation  est  augmentée,  à 
la  tète  surtout  ;  des  vertiges  surviennent  ;  une  sueur  profuse  couvre  le  visage 
et  toutes  les  parties  du  corps.  Rarement  le  médecin  doit  chercher  à  faire 
naître  ces  phénomènes  d'extrême  stimulation ,  et  lorsqu'ils  sont  nécessaires, 
il  importe  de  surveiller  les  baigneurs  et  de  s'opposer  à  ce  que  l'effet  devienne 
funeste,  comme  cela  est  arrivé  à  des  malades  qui  ont  succombé  dans  un  bain  ou 
à  la  suite  d'un  bain  d'eau  du  Vernet  pris  à  une  température  trop  élevée.  Les  bains 
et  les  douches  se  donnent  ordinairement  le  matin  cà  jeun.  La  durée  des  bains 
varie  suivant  ridiosyncrasie  et  la  force  des  malades,  l'importance  et  la  gravité  des 
maladies,  le  degré  de  chaleur  auquel  ils  sont  administrés,  l'action  plus  on  moins 
stimulante  de  leurs  eaux  ;  les  bains  tièdes  sont,  en  général,  de  quarante-cinq 
minutes  à  une  heure,  les  bains  chauds  de  cinq  à  quinze  minutes,  et  les  bains 
très-chauds  de  trois  à  cinq  minutes  au  plus.  Les  douches  s'administrent  de  cinq 
à  vingt  minutes,  suivant  leur  chaleur,  leur  volume  et  leur  force  de  projection. 

Certaines  sources  employées  à  l'intérieur  ont  une  force  que  n'ont  pas  les  autres 
elles  stimulent  plus  ou  moins  activement  le  système  nerveux.  Il  en  est  de  même 
de  leurs  eaux  administrées  à  l'extérieur  :  les  unes  produisent  une  surexcitation 
inconnue  à  certaines  autres,  et  il  n'est  pas  indifférent,  par  exemple,  de  prescrire 


LE  VERNET  (eaux  minérales  de).  419 

(les  bains  avec  l'eau  de  la  source  Élysa  ou  de  la  source  Saint-Sauveur  à  l'établis- 
sement des  Commandants,  et  avec  l'eau  de  la  source  de  la  Providence  ou  de  la 
source  Ursule  à  l'établissement  Mercader,  quand  même  ces  bains'  ont  une  tempé- 
rature identique.  Est-ce  parce  que  les  sources  Élysa  et  de  la  Providence  contien- 
nent davantage  de  barégine  que  les  sources  des  Anciens-Thermes  et  Ursule?  Cela 
est  probable,  mais  n'est  pas  certain.  Les  phénomènes  physiologiques  principaux 
produits  par  les  vaporariuras  du  Vernet  sont  :  une  lourdeur  de  tête,  une  grande 
chaleur  de  la  peau  bientôt  suivie  d'une  sueur  abondante,  une  gêne  prononcée  de 
la  respiration,  une  augmentation  considérable  de  la  circulation  sanguine,  une 
sécrétion  plus  abondante  et  plus  facile  de  la  membrane  muqueuse  tapissant 
les  voies  aériennes,  et  une  congestion  du  tissu  pulmonaire  «  pouvant  aller  jusqu'à 
l'hémoptysie,  la  fonte  de  tubercules  existants  et  la  formation  de  nouveaux  tu- 
bercules chez  les  phthisiques.  »  (H.  Silhol,  Notice  sur  les  eaux  du  Vernet,  p.  54, 
Montpellier,  1852.)  Dans  les  salles  de  respiration,  la  température  ne  s'élève  plus 
comme  dans  les  vaporariums,  à  36°  centigrade,  mais  seulement  à  16"  centi- 
grade et  au  plus  à  18°  centigrade.  Le  malade  peut  y  respirer  longuement  les  va- 
peurs et  les  gaz  sans  que  le  pouls  augmente  de  force  et  de  fréquence,  sans  que  la 
transpiration  s'établisse  ;  il  y  éprouve  seulement  une  légère  moil'icur,  ses  sécrétions 
laryngiennes  et  bronchiques  se  font  plus  abondamment  et  plus  facilement,  et  il 
s'oi)ère  pour  ainsi  dire,  par  les  vapeurs  et  le  gaz  acide  sulfhydrique,  une  sorte  de 
sédation,  d'action  stupéfiante  même  des  organes  de  la  respiration  et  de  l'héma- 
tose. Enfin,  l'action  physiologico-pathologique  des  eaux  du  Vernet  en  gargarismes 
consiste  dans  la  guérison  des  inflammations  granuleuses,  souvent  d'origine  herpé- 
tique, de  la  membrane  muqueuse  de  i'arrière-bouchc  et  du  pharynx.  C'est  l'eau 
des  sources  fortes  d'Ursule  et  des  Anciens-Thermes  qui  s'emploient  d'habitude 
alors.  L'action  physiologique  des  eaux  du  Yernet  indique  leurs  vertus  dans  les 
affections  des  membranes  muqueuses  des  voies  digestives,  respiratoires  et  génito- 
urinaires. 

Aussi  sont-elles  employées  avec  un  grand  succès  dans  les  affections  de  l'arrière- 
gorge,  de  l'estomac  et  des  intestins.  Lorsqu'une  dermatose  existant  depuis  un 
certain  temps  disparaît  tout  à  coup  ou  même  peu  à  peu,  et  qu'il  survient  une 
amygdalite,  une  pharyngite  granuleuses,  une  dyS'pepsie  stomacale  ou  intestinale, 
il  est  infiniment  probable  que  les  voies  digestives  ont  été  consécutivement 
affectées,  et  que  la  maladie  nouvelle  est  de  semblable  nature  que  l'affection  an- 
cienne, et  qu'il  faut  appliquer  le  même  traitement.  Cette  explication  donne  la  clef 
du  mode  d'action  de  diverses  classes  d'eaux  minérales  dans  des  maladies  qui 
ont  les  mêmes  symptômes,  mais  qui  sont  loin  d'avoir  la  môme  cause.  Ce  sont  les 
eaux  en  boisson,  les  bains  généraux,  les  douches  d'eau  et  les  gargarismes  qui 
conviennent  alors. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  des  maladies  de  la  membrane  muqueuse  des  organes 
digestifs  peut  s'appliquer  presque  littéralement  à  celle  qui  tapisse  les  organes 
respiratoires,  et  les  eaux  du  Vernet  en  boisson,  en  bains,  en  douches,  en  garga- 
rismes et  en  inhalations,  sont  utilement  employées  dans  les  laryngites  et  dans  les 
bronchites  chroniques,  accompagnées  de  crachats  abondants,  épais  et  purulents, 
qui  donnent  souvent  de  graves  inquiétudes  sur  la  terminaison  de  ces  maladies.  On 
doit  ajouter  qu'il  en  est  de  même  des  catarrhes  du  larynx  et  des  bronches,  ou  de 
l'asthme  ayant  apparu  après  la  rétrocession  d'une  affection  herpétique.  Là  ne  se 
bornent  pas  les  prétentions  des  sources  des  deux  établissements  du  Vernet  qui 
veulent,  ainsi  que  la  plupart  des  eaux  sulfurées  et  sulfarcuscs  et  plus  justement 


AW  LE   VERJNET    (eaux  5ll^ÉRALlis  de). 

que  beaucoup  d'entre  elles,  guérir  sinon  la  j)hthisie  pulmonaire,  au  moins  les 
accidents  qui  compliquent  le  jdus  souvent  la  seconde  période  de  cette  maladie. 
La  composition  cliimique,  la  thermalité,  l'action  physiologique  des  eaux  du 
Vernet  suffisent  pour  justifier  les  résultats  annoncés  à  cette  station.  En  se  souve- 
nant des  détails  donnés  au  commencement  de  cet  article  sur  la  topographie,  la 
douceur  du  climat,  etc.,  de  ce  yoini  du  Languedoc,  on  comprendra  encore 
mieux  l'importance  de  ce  poste  thermal,  qui  doit  être  d'autant  mieux  connu 
qu'il  est  une  des  rares  stations  minérales  d'hiver  où  les  malades  peuvent  aller 
passer  la  mauvaise  saison,  éviter  les  transitions  brusques  de  température  dans 
des  appartements  chauffés  par  la  haute  thermalité  des  sources  sulfurées,  et 
trouver  une  atmosphère  toujours  relativement  chaude.  Les  eaux  et  le  climat  du 
Vernet  ne  guérissent-ils  que  les  accidents  de  la  deuxième  période  de  la  phthisic 
du  poumon?  N'arrctent-ils  pas  quelquefois  l'évolution  de  tubercules  au  premier 
degré?  N'ont-ils  jamais  cicatrisé  de  cavernes  après  avoir  tari  leur  suppuration? 
Toutes  ces  questions  sont  assurément  très-délicates,  et  M.  le  docteur  Piglowski 
croit  qu'il  est  parvenu  à  enrayer  la  marche  de  la  phthisie  au  premier  degré,  alors 
que  les  commémoratifs  et  les  signes  physiques  lui  donnaient  presque  la  certitude 
de  ne  pas  commettre  d'erreur.  Mais  ce  praticien  éclairé  ne  pense  pas  que  la  vertu 
des  thermes  sulfurés  du  Vernet  soit  efficace  dans  la  phthisie  pulmonaire  arrivée  à 
la  troisième  période,  et  il  déplore  l'habitude  où  sont  les  médecins  éloignés  d'en- 
voyer des  malades  trop  avancés  pour  que  la  guérison  soit  possible.  On  doit  se 
garder  de  conseiller  aux  phthisiques,  quel  que  soit  le  degré  de  leur  affection,  des 
bains  entiers,  des  douches  générales  et  le  séjour  dans  un  vaporariuni.  Tous  ces 
moyens,  au  lieu  d'être  utiles,  leur  sont  très-nuisibles  et  les  mènent  prompte- 
ment  vers  une  issue  funeste.  11  faut  ne  leur  prescrire  que  des  demi-bains,  des 
douches  sur  le  bas  des  jambes  et  sur  les  pieds,  et  enfin  le  séjour  dans  les  salles 
de  respiration,  où  ils  doivent  passer,  tous  les  jours,  un  temps  assez  long,  suivant 
les  avis  du  médecin. 

Dans  les  affections  des  membranes  muqueuses  des  organes  génito-uriuaires, 
les  eaux  du  Vernet  en  boisson,  en  bains  et  en  douches  générales  et  locales  réus- 
sissent très-bien,  surtout  lorsque  les  maladies  des  reins,  de  la  vessie,  de  l'utérus 
ou  du  vagi  a  ont  pour  expression  principale  la  sécrétion  anormale  du  mucus  et 
même  du  pus.  L'effet  heureux  se  produit,  quelle  que  soit  la  cause  de  l'affection  ; 
mais  il  n'est  jamais  aussi  appréciable  et  aussi  marqué  que  si  les  reins,  les  ure- 
tères, la  vessie,  la  matrice  et  le  vagin  ont  souffert  d'affections  herpétiques.  L'ac- 
tion stimulante  et  tonique  des  eaux  du  Vernet  explique  encore  leurs  vertus 
dans  la  dysménorrhée  et  l'aménorrhée  qui  accompagnent  ordinairement  un  état 
d'atonie  générale.  Les  eaux  eu  boisson,  en  bains  généraux,  en  douches  sur  les 
lombes  et  dans  le  vagin,  sont  les  moyens  qu'il  convient  d'opposer  à  de  pareils 
états  morbides. 

Les  maladies  delà  peau  sont  aussi  très-utilement  traitées  par  l'application  des 
eaux  du  Vernet,  qui  agissent  différemment,  suivant  les  sources  auxquelles  les 
malades  sont  adressés.  Les  sources  faibles  conviennent  mieux  aux  personnes  qui 
présentent  encore  uu  état  subaigu  de  leur  affection  cutanée,  et  chez  lesquelles  il 
faut  éviter  de  ramener  la  période  inilanunatoire  ;  tandis  que  les  sources  fortes 
doivent  être  choisies,  au  contraire,  pour  ceux  qui  sont  depuis  longtemps  tra- 
vaillés par  une  dermatose  indolente  dont  on  ne  peut  obtenir  la  guérison  qu'en 
réveillant  la  vitalité  de  la  membrane  tégumentaire,  et  en  suractivaut  sa  circula- 
tion. Dans  l'eczéma  qui  n'a  pas  revelu   complètement  la  forme  chronique,  les 


LE  VEU>'1:T   (eaux   Mi.NÉfiALES  de).  421 

sources  Élysa  et  de  la  Providence  sont  employées  en  boisson  et  en  bains  généraux 
Irais;  tandis  que  dans  le  psoriasis  les  eaux  de  la  source  Ursule  et  des  Anciens- 
Thermes  doivent  être  prescrites  en  boisson,  en  bains  chauds  et  même  très-ehauds, 
et  en  vapeurs  dans  les  salles  dites  vaporariunis.  Ces  deux  exemples  suffisent  pour 
l'aire  comprendre  le  parti  que  les  médecins  peuvent  tirer  de  l'application  des  eaux 
sulfurées  du  Yeract,  suivant  leur  plus  ou  moins  grande  quantité  de  barégine,  leur 
plus  ou  moins  grande  sulfuration,  leur  plus  ou  moins  grande  thermahté,  dans  les 
affections  de  la  peau.  Nous  ne  pouvons  passer  sous  silence,  à  cet  égard,  une  re- 
marque i'aitc  en  décrivant  les  sources.  On  se  souvient  que  la  Mère-source  est  celle 
qui  contient  la  plus  grande  quantité  de  barégine  et  de  suU'uraire.   11  est  bien  fâ- 
cheux que  le  refroidissement  dépouille  l'eau  d'une  partie  de  ces  matières  avant 
son  arrivée  à  l'établissement  thermal  qu'elle  aUmente,   et  qu'on  n'ait  pu  élever 
sur  son  griffon   même  une  maison  de  bains  où  les  qualités   natives  de  cette 
source  eussent  pu  être  conservées.  S'il  est  vrai  que  l'action  émoUiente  d'une 
source  hépatique  soit  en  raison  de  la  proportion  de  barégine  et  de  sulhiraire  qui 
y  sont  dissoutes,  la  Mère-source  est  assurément  une  des  plus  précieuses,  et  nous 
ne  pouvons  douter  que  le  propriétaire  de  l'établissement  des  Commandants,  auquel 
cette  source  appartient,  ne  fasse  organiser  une  buvette  convenable  et  quelques 
salles  de  bains  sur  le  point  même  de  l'émergence  de  la  Mère-source.  Les  propriétés 
curatives  des  eaux  du  Vernet  sur  les  alfections  de  l'enveloppe  extérieure  ne  doi- 
vent point  être  mises  en  oubli  par  les  médecins,  qui  savent  combien  ces  maladies 
sont  tenaces,  rebelles  aux  traitements  les  plus  rationnels  et  les  plus  énergiques. 
Les  dermatoses  chroniques  surtout  ont  deux  caractères  essentiels,  celui  de  dispa- 
raître avec  mie  difficulté  extrême,  et  celui  de  revenir  quelque  temps  après  leur 
guérison  ;  de  sorte  qu'un  malade,  qui  a  suivi  pendant  de  longs  Uiois  un  traitement 
avec  persévérance,  et  se  croyant  guéri  à  la  fin  de  l'automne,  par  exemple,  voit 
revenir  son  affection  au  déclin  de  l'hiver  ou  au  commencement  du  printemps  sui- 
vant. Les  eaux  du  Yernet,   prises  en  boisson,  en  bains,    en  douches,  en  bains 
de  vapeur,  pendant  un   temps   qui  doit  toujours  se  prolonger  après  la  guérison 
complète,  ont  donné  des  résultats  satisfaisants,  et  les  malades  qui  persévèrent 
longtemps  après   leur   cure  n'ont  souvent  point  la  rechute  habituelle  chez  ceux 
qui  s'en  tiennent  à  la  saison  thermale,  telle  qu'elle  est  comprise  dans  toutes  les 
stations  n'ayant  point  d'établissement  d'hiver.  Lorsque  les  affections  de  la  peau 
ont  ime  origine  syphilitique,  les  eaux  du  Vernet  conviennent  encore,  en  ce  sens 
qu'elles  permettent  aux  malades  de  suivre  plus  facilement  une  médication  hydrar- 
gyrique  ou  iodurée,  qui  agit  comme  spécifique  ;  les  eaux  s'opposent  aux  accidents 
du  traitement,  et  produisent  un  effet  favorable  sur  la  manifestation  cutanée,  occa- 
sionnée par  une  affection  devenue  constitutionnelle.  Comme  toutes  les  eaux  sul- 
furées et  sulfureuses,  les  eaux  du  Vernet,  prises  pour  une  autre  lin,  ont  souvent 
rappelé  sur  l'enveloppe  extérieure  des  traces  qui  ont  instruit  sur  la  signification 
de  douleurs  ou  d'accidents  dont  la  cause  était  mal  appréciée  jusqu'alors,  et  ont 
éclairé  sur  le  traitement  véritable  qui  doit  leur  être  opposé  pour  en  triompher 
à  peu  près  sûrement. 

L'hyperthermalité,  les  effets  physiologiques  des  eaux  du  Vernet  expliquent  par- 
faitement leur  efficacité  dans  les  rhumatismes  chroniques,  quels  que  soient  leurs 
manifestations  et  leur  siège,  et  il  n'est  pas  besoin  d'insister  ici  pour  faire  com- 
prendre qu'il  est  certains  rhumatisants  chez  lesquels  les  eaux  sulfurées  doivent 
être  préférées  à  toutes  les  autres;  nous  spécifierons,  en  traitant  des  eaux  mi- 
nérales en  général,  quelles  constitutions  et  quelles  diathèses  coexistant  avec  le 


422  LE   VERNET   (eaux  minéhales  de). 

rhumatisme  chronique,  précédées  ou  engendrées  par  lui,  rentrent  dans  la  sphère 
d'action  des  eaux  hyperihermales  sulfurées  et  sulfureuses.  Que  le  rhumatisme 
se  révèle  par  des  douleurs  articulaires,  musculaires  ou  viscérales  ;  qu'il  affecte 
la  sensibilité  ou  la  myotilité  d'une  plus  ou  moins  grande  portion  du  corps  ;  qu'il 
ait  revêtu  les  formes  névralgique,  paralytique,  atrophique,  etc.,  les  eaux  du 
Vernet,  apphquéescn  bains  et  en  douches  d"eau  très-chaude,  en  vapeurs,  suffisent 
presque  toujours  pour  débarrasser  les  malades  auxquels  les  eaux  hyperihermales 
sulfurées  conviennent,  et  dans  un  temps  en  général  assez  court.  L'avantage  que 
présente  aux  rhumatisants  la  station  du  Vernet,  c'est  que,  pour  traiter  leur  mala- 
die, les  baigneurs  ne  sont  pas  forcés  d'attendre  la  saison  où  les  établissements 
s'ouvrent  officiellement,  le  commencement  de  l'été.  Cela  est  d'autant  plus  im- 
portant à  noter,  que  leurs  douleurs  sont  toujours  moins  violentes  pendant  les 
chaleurs  ;  le  climat  du  Vernet  et  la  température  élevée  des  appartements  de  ses 
deux  étabhssements  permettent  aux  rhumatisants  d'être  traités  avec  succès  pen- 
dant l'hiver  oir  les  accidents  sont  plus  tranchés  et  plus  rebelles  à  toutes  les  mé- 
dications. Dans  les  douleurs,  les  névralgies,  les  paralysies  et  les  atrophies  rhuma- 
tismales, on  fait  grand  usage  au  Vernet  de  frictions  avec  les  brosses  anglaises, 
après  les  bains,  les  douches,  ou  le  séjour  des  malades  dans  le  vaporarium.  II 
serait  à  désirer  qu'un  masseur  habile  fût  attaché  à  cette  station  thermale  et  put 
exercer  sous  la  douche  dans  les  affections  dont  il  nous  reste  à  parler.  Les  eaux 
du  Vernet,  prises  en  bains  et  en  douches,  conviennent,  comme  toutes  les  eaux 
hyperthermales  sulfurées  et  sulfureuses,  dans  tous  les  états  pathologiques  où  il 
est  utile  d'exciter  énergiquement,  et  d'une  manière  locale,  les  fonctions  de  la 
peau  des  parties  affectées,  comme  dans  la  gêne  des  mouvements  consécutive  à 
de  grands  traumatismes,  dans  les  suites  de  blessures  par  armes  de  guerre,  de 
luxations  ou  de  fractures,  etc.  ;  dans  les  rétractions  musculaires,  dans  les  en- 
gorgements des  articulations  des  sujets  scrofuieux  surtout.  Elles  sont  prescrites 
avec  avantage,  enfin,  et  sous  la  même  forme,  dans  les  plaies  fistuleuses  et  les 
ulcères  atoniques. 

Les  eaux  du  Vernet  sont  contre-indiquées,  chez  les  sujets  pléthoriques,  clsez 
cuux  qui  sont  prédisposés  à  des  congestions  ou  à  des  hémorrhagies,  actives,  chez 
les  hémoptoïques,  chez  ceux  qui  ont  un  système  nerveux  trop  irritable,  chez 
ceux  enfin  qui  voient  survenir  facilement  une  inflammation  de  l'un  des  organes 
essentiels  à  la  vie. 

Durée  de  la  cure.  On  sait  qu'à  aucun  établissement  thermo-minéral  la  durée 
delà  cure  n'a  rien  de  fixe  et  dépend  de  circonstances  très-complexes.  Au  Vernet, 
où  se  traitent  des  affections  essentiellement  chroniques,  avec  lesquelles  on  ne  peut 
réussir  sans  faire  preuve  d'une  grande  persévérance,  il  est  plus  que  partout 
impossible  de  limiter,  approximativement  même,  le  temps  que  les  malades  doivent 
y  séjourner. 

On  n'exporte  l'eau  d'aucune  des  sources  du  Vernet. 

A.  ROXUREAU. 

Bibliographie.  —  Notice  sur  le  grand  établissement  thermal  de  Vernet-les-Bains,  près  Pradcs 
{Pyrcnées-Orientalcs).  Paris,  1842,  in-8°,  32  pages. —  Pigi.owskj.  Notice  sur  l'établissement  thei- 
vial  des  anciens  thermes  de  Vernet  [Pyrénées-Orientales].  2°  édilioii,  Perpignan,  1851,  in-8", 
40  pages. —  Du  mè.me.  Quelques  considérations  sur  l'emploi  des  eaux  minérales  sulfureuses  du 
Vernet  [Pyrénées-Orientales] .  Extrait  du  Moniteur  des  hôpitaux,  1856ct  brochure.  Paris, 185G 
in-S",  15  pages.  —  Du  sième.  Quelques  réflexion  ssur  l'utilité  de  la  médication  hydro-miné- 
rale en  toutes  saisons.  Paris,  18G0 , 'in-S",  20  pages.  —  Su.idl  (II. 1.  Thermes  Mercader. 
Notice  sur  les  eau.c  mlnércdes  sulfureuses  de   Vernet   [PyréHées-Q'^ientales],  Moulpellier, 


LEVICO  (kaux  Mi.Mir.AtEs  de).  '125 

18r-)2,  in-8^  80  pages.  —  Hesry  (0.).  Anahjsc  de  Veau  mincrnle  sulfureuse  du  Verncl.  In 
Bulletin  de  V Académie  de  médecine,  1855.  —  Filuol  (E.).  Eaux  minéialcs  des  Pyrénées.... 
Paris,  18ûô,  in-12.  A.  R. 

LETico  (Eaux  minérales  de),  athennales,  sulfatées  ferrugineuses  fortes, 
carboniques  moyennes.  Eu  Italie,  clans  le  Treatln,  au  pied  du  mont  Froute,  à 
1075  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  nier,  est  un  bourg  peuplé  de  1855  habi- 
tants, ton  climat  est  beaucoup  plus  tempéré  que  celui  des  stations  minérales 
placées  dans  une  vallée  étroite,  entourée  de  hautes  montagnes  de  tous  les  côtés, 
excepté  au  midi.  Deux  sources  émergent  de  la  montagne  du  nord  dans  deux 
grottes  distinctes,  formées  de  micaschiste  et  de  schiste  argileux.  Des  pyrites,  con- 
tenant du  fer,  du  cuivre,  de  l'arsenic  et  des  couches  ocreuses  d'un  jaune  rou- 
geàtre,  se  trouvent  aux  environs  des  grottes  qui  donnent  leur  nom  aux  sources. 
L'une  est  la  grotte  de  l'ocre;  l'autre,  la  grotte  du  vitriol.  La  source  de  VOcre,  ou 
Supérieure  ou  de  VEstomac,  ou  Bouée,  ou  Faible,  est  exclusivement  employée 
en  boisson,  tandis  que  la  source  du  Vitriol,  ou  Inférieure  ou  Forte,  fournit  seule 
aux  bains  de  Levico. 

L'eau  de  la  source  de  l'Ocre  ou  Douce  est  claire  et  hmpide,  lorsqu'elle  a  laissé 
déposer  une  matière  ocracée  sur  les  parois  de  son  bassin  ;  elle  est  sans  odeur  pro- 
noncée; sa  saveur  est  à  la  fois  ferrugineuse  et  piquante  ;  elle  est  traversée  par  de 
nombreuses  bulles  gazeuses,  qui  s'attachent  en  partie  aux  parois  des  verres  qui  la 
contiennent.  Sa  température  est  de  l2°,o  centigrade.  L'eau  de  la  source  du  Vilriol 
ou  Forte  n'est  pas  limpide,  elle  contient  un  précipité  qui  lui  donne  l'aspect  de  bière 
foncée  ou  de  cidre  sans  eau  ;  son  odeur  et  sa  saveur  sont  très-franchement  ferru- 
gineuses; son  goût  est  assez  styptique  pour  qu'elle  puisse  être  facilemeiii  ingérée. 
Elle  lie  paraît  point  gazeuse,  et  pourtant  elle  renferme  jdns  d'acide  carbonique 
que  la  source  de  l'Ocre;  sa  température  est  de  15", i  centigrade.  M.  le  docteur 
Louis  Manetti,  professeur  de  chimie  à  l'école  municipale  de  Trente,  a  fait  l'analyse 
chimique  de  l'eau  des  deux  sources  de  Levico  ;  il  a  ti-ouvé  dans  1000  grammes  de 
chacune  d'elles  les  principes  suivants  : 

SOOIiCE   DE   L'oCBE.  SOL'nCE   DU   VUl.lOU 

SulTale  de  Cuivre » 0,0i70 

feneux 0,4008 0,0290 

—  fenique » 4,5210 

—  manganèse » traces. 

—  alumino » 0,8428 

—  magniibie 0,2630 0,1304 

—  cliaux 0,1520 1,0320 

soude »     0,0120 

»-       ammouiaf|ue » 0,0105 

Oxyde  de  fur O.OtJTl 

—  alumine 0,047'2 » 

—  manganèse traces » 

Acide  silicique 0,0250 0,0230 

—  arsénieux 0,0099 0,^008 

Matièies  organiques 0,0190 » 

Total  des  MAiiiiiiEs  fixes.    .    .     0,9C20 0,4885 

Gaz  acide  cai-boniLiue  li';rc 0,1990  gramme.  .    0,2720  gramme. 

L'établissement  minéral  de  Levico  se  compose  d'une  buvette,  de  salles  garnies 
de  baignoires  de  marbre  et  d'une  pièce  pour  l'application  topique  dn  dépôt  de  la 
source  du  Yitriol. 

Emploi  tiiép.apeotique.  L'eau  de  la  source  de  l'Ocre  ou  Faible  se  boit  à  la  dosa 
de  quatre  àjinit  ven'cs,  le  matin,  ît  jeun,  et  de  deini -heure  en  demi-heure  ;  quel- 


424  LEVIER  (physique). 

ques  malades  en  fonl  usage  aux  repas,  pure  elle  plus  souvent  coupée  de  vin.  Les 
bains  se  prennent  avec  l'eau  de  la  source  du  Vitriol  ou  Forte,  chauffée  à  52"  centi- 
grade ;  leur  durée  varie  d'une  demi-heure  à  une  heure.  Les  boues  oci^acées  de  cette 
source  sont  appliquées  en  cataplasmes,  constamment  renouvelés  dès  qu'ils  sont  secs. 

Les  eaux  de  la  source  Faible  de  Levico  sont  seules,  à  proprement  parler,  des 
eaux  minérales,  car  celles  de  la  source  Forte  ne  sont  qu'une  lixiviation  des  pyrites 
avec  lesquels  elles  sont  en  contact:  ce  sont  des  eaux  factices,  pour  ainsi  dire. 
Nous  entrerons  dans  plus  de  détails  aux  articles  Eaux  minékales  et  Recoauo  (Eaux 
minérales  de)  ;  nous  renvoyons  donc  à  ces  mots. 

Les  eaux  de  la  source  Faible  de  Levico,  en  boisson,  ont  une  action  tonique  et 
reconstituante  marquée.  Les  bains  avec  l'eau  de  la  source  Forte  sont  un  puissant 
adjuvant  de  la  médication  interne.  Les  cataplasmes  de  boues  ont  un  effet  résolutif. 

M.  le  docteur  Perugini,  qui  a  publié  une  monographie  sur  ces  eaux,  les  vante 
dans  l'anémie,  la  chlorose,  les  convalescences  difficiles,  la  dyspepsie  et  l'hépato- 
splénite;  c'est  l'eau  en  boisson  qui  fait  la  base  du  traitement  alors  ;  tandis  que  ce 
sont  les  bains  d'eau  et  les  applications  locales  de  matière  ocreuse  qui  conviennent 
dans  les  paralysies  consécutives  à  une  affection  cérébrale  ou  médullaire,  dans  les 
rhumatismes  simple  et  goutteux,  dans  les  affections  organiques  du  cœur  et  des 
gros  vaisseaux,  dans  lesquelles  il  importe  de  modérer  la  cuxulation  sanguine,  dans 
les  névralgies,  dans  les  maladies  de  la  peau  et  même  dans  la  pellagre.  M.  Perugini 
pense  que  les  eaux  de  Levico,  en  bains  surtout,  sont  hypers théniques  des  systè- 
mes artériel  et  veineux,  quel  que  soit  le  calibre  des  vaisseaux. 

Durée  de  la  cure,  de  20  à  oO  jours. 

On  n'exporte  pas  les  eaux  de  Levico.  A.  Rotureau. 

Bibliographie.  —  Perugini.  Notizia  siill'  ricgua  minérale  de  Levico,  186i.  In  Ippocradco  di 
Toriuo,  octobre  1807.  —  Notes  sur  les  eaux  de  Levico,  envoyées  à  l'Exposition  universelle 
de  Paris,  1867.  —  In  Annales  de  la  Société  d'hydrologie  médicale  de  Paris,  t.  XIU,  pan-es 
86-193,  198;  1867-18G8.  A.  R. 

LEVIER.  §  L  Physique  médicale.  On  donne,  en  mécanique,  le  nom  de 
levier  à  une  verge  rigide,  inflexible  et  inextensible,  libre  de  tourner  autour  d'un 


Fis.  1. 


point  fixe  appelé  point  d'appui,  et  soumise  à  l'action  de  deux  forces  qui  tendent 
à  lui  imprimer  des  mouvements  de  sens  contraires. 


LEVIER  (pin-siQut;).  ^"^5 

Soient  :  AB  (fig.  1)  un  levier,  G  le  point  d'appui,  P,  R  deux  forces  agissant  la 
première  en  A,  la  seconde  en  B,  dans  le  sens  des  flèches.  AC  est  le  bras  de  levier  de 
la  force  P,  BC  le  bras  de  levier  de  la  force  R.  Le  problème  à  résoudre  est  le  suivant: 

Quel  doit  être  le  rapport  des  iiilensités  des  forces  P,  R,  pour  que  le  levier  ÂR 
reste  en  équilibre  entre  les  deux  actions  qui  le  sollicitent  en  sens  contraires. 

Prolongeons  les  directions  des  forces  jusqu'au  point  D  où  elles  se  rencontrent, 
et  construisons,  d'après  la  règle  du  parallélogramme  des  forces,  leur  résultante  S. 
Évidemment,  pour  que  le  levier  reste  eu  équilibre,  il  suffit  et  il  faut  que  cette 
résultante  S  passe  par  le  point  d'appui  G.  Par  ce  point  G,  menons  les  perpendicu- 
laires GF,  GE  sur  les  directions  des  forces  P,  R.  Puisque  G  est  un  point  pris  sur 
la  direction  de  la  résultante  S,  il  résulte  des  lois  de  la  composition  des  forces  que 
les  intensités  des  composantes  P,  R  satisfont  à  la  relation  suivante  : 

P:R::CE:CF 

Mais,  dans  cette  proportion,  le  produit  des  extrêmes  est  égal  à  celui  des 
moyens,  nous  pouvons  donc  mettre  cette  relation  sous  la  forme  suivante  : 

PXGF=:RXCE. 

Eu  mécanique,  le  produit  PxCF  de  la  force  P  par  la  perpendiculaire  menée  du 
point  d'appui  G  sur  sa  direction  s'appelle  le  moment  de  la  force  P  ;  de  même  R  X  CE 
est  le  moment  de  la  force  R. 

Pour  que  la  résultante  S  des  deux  forces  P,  R  passe  par  le  point  d'appui  G, 
c'est-à-dire  pour  que  ces  deux  forces  P,  R  appliquées  aux  extrémités  du  levier  AB 
se  fassent  équilibre,  il  suffit  et  il  faut  que  : 

«  Les  intensités  des  forces  P,  R  soient  inversement  pvopo7'tiounelles  aux  lon- 
gueurs des  perpendiculaires  GF,  GE  menées  par  le  point  d'appui  G  sur  leurs 
directions  ou,  en  d'autres  termes,  que  les  moments  de  ces  forces  soient  égaux.  » 

L'intensité  de  l'action  d'une  force  donnée  sur  un  bras  de  levier  également 
donné  est  donc  proportionnelle  ^awmoment  de  cette  force,  et  par  suite   à  la  lon- 
gueur de  la  perpendiculaire  menée  par  le  point  d'appui  sur  sa  direction.  11  eu 
résulte  que,  la  force  et  le 
bras  de  levier  restant  les  mê-  / 

mes,  l'intensité  de  l'action  t/ 

de  la  force  varie  avec  la  lon- 
gueur de  cette  perpendicu- 
laire, ou  avec  l'inclinaison 
de  la  force  sur  le  bras  de  -A-r/  ""  '  ,^ 


levier,  augmente  à  mesure 
que  l'angle  de  la  direction 
de  la  force  et  du  bras  de  le- 
vier se  rapproche  de  Vangle 
droit  et  atteint  son  maxi- 
mum, quand  la  direction  de 
la  force  est  perpendiculaire  Fig.  2. 

à  son  bras  de  levier. 

Dans  le  cas  oîi  (fig.  2)  les  forces  P,  R  sont  parallèles,  si  GF,  CE  sont  les  per- 
pendiculaires menées  par  le  point  G  sur  les  directions  des  forces,  nous  avons 
toujours  pour  condition  d'équilibre  : 

P:R  ::GE:CF 


426  LEVIER  (puyskiue). 

Mais  dans  ce  cas,  ECF  est  nécessairement  une  ligne  droite,  les  deux  triangles 
CÂF,  CBE  sont  semblables  et  nous  avons  : 

CE:CF::CB  :  CA 
donc  P:  Tt  ::CB:CA. 

Par  conséquent,  dans  le  cas  de  deux  forces  parallèles  P,  R  appliquées  aux  extré- 
mités d'un  levier,  l'équilibre  existe  : 

«  Lorsque  les  intensités  des  deux  forces  P,  R  sont  inversement  proporlion- 
nelles  à  leurs  bras  de  levier  CA,  CB.  » 

Le  levier  étant  généralement  employé  pour  exercer  une  pression,  surmonter 
une  résistance,  soulever  un  poids  ou  lui  faire  équilibre,  l'une  des  forces  agis- 
sautes,  la  force  P,  prend  la  dénomination  de  puissance,  et  l'autre,  la  force  R,  est 
désignée  sous  le  nom  de  résistance. 

La  position  du  point  d'appui  par  rapport  aux  points  d'application  de  la  puis- 
sance et  de  la  résistance  ne  change  en  rien  les  conditions  d'équilibre  du  levier, 
mais  elle  exerce  une  influence  considérable  sur  l'intensité  de  la  pression  que  l'on 
peut  exercer,  sur  le  poids  que  l'on  peut  équilibrer  ou  soulever,  sur  la  vitesse 
de  déplacement  que  l'on  peut  communiquer  avec  une  force  donnée.  De  ce  point 
de  vue  nous  devons  distinguer  trois  genres  de  levier. 

Dans  le  levier  du  premier 
geni^e  (fig.  5),  le  point  d'ap- 
pui C  est  placé  entre  la  puis- 
/       sauce  P  et  la  résistance  R,  il 
peut  se  présenter  trois  cas  : 
1°  Le  bras  de  levier  AG 
de  la  puissance  P  est  égal 
au  bras  de  levier  BC  de  la 
résistance  R;   alors  néces- 
sairement l'équilibre  existe 
lorsque  la  puissance  et  la 
résistance  sont  égales.  La  pression  exercée  au  point  B  par  l'intermédiaire  d'un 
semblable  levier  est  donc  exactement  égale  à  celle  que  la  puissance  P  pourrait 
réaliser  si  elle  était  directement  appliquée  au  même  point. 

2"  Le  bx'as  de  levier  AC  de  la  puissance  P  est  plus  court  que  le  bras  de  levier  BG 
de  la  résistance  R;  nécessairement  la  pression  supportée  en  B  est  plus  faible  que 
celle  qu'exercerait  la  puissance  P  directement  appliquée  en  B.  Si,  par  exemple, 
AC  est  le  dixième  de  BC,  la  pression  à  l'extrémité  B  du  levier  n'est  que  le 
dixième  de  celle  cjui  serait  réalisée  par  l'application  directe  de  la  puissance  P  au 
point  B. 

5"  Lorsque  le  bras  de  levier  AC  de  la  puissance  P  est  plus  long  que  le  bras  de 
levier  BG  de  la  résistance  R,  la  pression  réalisée  en  B  est  supérieure  à  celle  qu'on 
obtiendrait  en  appliquant  directement  la  puissance  P  au  point  B.  Avec  un  bras 
de  levier  AC  dix  l'ois  jûus  long  que  BC,  on  obtient  en  B  une  pression  dix  fois 
plus  forte  qu'en  faisant  agir  directement  la  puissance  P  sur  ce  point  B. 

Dans  le  levier  du  second  genre  (fig.  4),  le  point  d'application  B  de  la  résis- 
tance R  est  placé  entre  le  point  d'appui  C  et  le  point  d'application  A  de  la  puis- 
sance P.  Nécessairement  alors  le  bras  de  levier  AC  de  la  puissance  est  plus  long 
que  le  bras  de  levier  BG  de  la  résistance,  et  la  pression  réalisée  en  B  eut  p)bis  con- 


Fis.  3. 


c 


LEVIER  (physique).  421 

sidérabîe  que  celle  que  déterminerait  la  puissance  P  diredement  appliquée  au 
point  B.  Dans  le  cas  où  le  point  B  est,  à  partir  deC,  au  dixième  de  la  longueur 
de  AC,  la  pression  réalisée 
en  B  est  dix  îok  plus  forte 
que  celle  qu'on  obtiendrait 
en  faisant  agir  la  puis- 
sance P  directement  sur  le 
point  B. 

Enfin,  dans  le  levier  du 
troisième  genre  (fig.  5),  / 

le  point  d'ap[  lication  A  de  / 

la  puissance  P  est  situé 
entre  le  point  d'appui  C  et 
le  point  d'application  B  do 
la  résistance  B.  Le  bras  de 
levier  A  G  de  la  puissance 
étant  plus  court  que  le  bras  de  levier  BC  de  la  résistance,  la  pression  en  B  est 
nécessairement  plus  faible  que  si  lu  puissance  P  agissait  (iirectement  sur  le 
point  B,  Si,  par  exemple, 

AC  est  le  dixième  de  BC,  /f^ 

la  pression  en  B  n'est  que 
le  dixième  de  celle  que 
déterminerait  la  puissance 

P  directement  appliquée  / 

au  point  B.  -g  ^  .^  /  %  ^ 

Tant  qu'il  ne  s'agit  que  7  A 


Fig.  4. 


de  réaliser  une  pression  ou 
de  faire  équilibre  à  un 
poids,  on  peut  donc,  en 
disposant  convenablement 
la  position  du  point  d'ap- 
pui de  levier,  multiplier  Pi-,  g 
ou  diminuer  à  volonté,  et 

dans  des  proportions  déterminées,  l'action  des  forces.  Il  n'en  est  plus  de  même 
quand  on  veut  exécuter  un  travail;  le  levier  peut  faciliter  l'emploi  de  la  force 
dans  telle  ou  telle  circonstance,  mais,  en  aucun  cas,  le  travail  produit  par  l'in- 
termédiaire du  levier  ne  peut  excéder  celui  que  réaliserait  l'application  directe 
de  la  force. 

Le  travail  exécuté  par  une  force  dans  un  temps  donné  est  le  produit  de  cette 
force  par  le  chemin  que  fait  son  point  d'application  suivant  sa  direction.  Dans  une 
machine  employée  à  soulever  un  fardeau,  le  travail  moteur  est  égal  au  produit  de 
la  force  motrice  par  le  chemin  qu'a  parcouru  sou  point  d'application;  le  travail  re'sis- 
tant,  qui  représente  le  travail  effectué,  est  le  produit  du  poids  soulevé  par  la  hau- 
teur à  laquelle  il  a  été  transporté.  Il  est  iacile  de  voir  qu'en  faisant  abstraction  des 
frottements,  quand  la  machine  est  animée  d'un  mouvement  uniforme,  le  travail 
moteur  et  le  travail  résistant  sont  nécessairement  égaux.  Du  moment,  en  effet, 
où  le  mouvement  est  uniforme,  la  force  motrice  et  la  force  résistante  (ou  poids  à 
soulever)  doivent  se  iaire  équilibre  comme  si  la  machine  ne  se  mouvait  pas  :  car 
si  ces  deux  iorces  ne  se  neutralisaient  pas  mutuellement,  celle  des  deux  qui  l'em- 


4-28 


LEVIER  (  l' u  Y  s  i  Q  u  E  ) 


porterait  sur  l'autre  modifierait  évidemment  à  chaque  instant  la  marc'he  du  sys- 
tème. 

Cela  posé,  soit  P  (lig.  6)  une  force  motrice  employée  à  soulever  le  poids  R,  an 
moyen  du  levier  AB.  Le  système  étant  animé  d'un  mouvement  uniforme,  la  force 
motrice  et  la  résistance  se  font  équilibre  et  nous  avons 


ou 


P  :  R  ;  :  BG  :  AG 

P_BG 
R'~AG' 


a) 


Le  levier  AB  d'abord  horizontal  tourne  d'un  mouvement  uniforme  autour  du 
point  C  et,  au  bout  d'un  certain  temps,  a  pris  la  position  A'B'. — Le  point  d'appli- 
cation A  de  la  force  motrice  P  s'est  déplacé  de  la  quantité  AA',  et  le  poids  R  a  été 
soulevé  en  R'  de  la  quantité  BB';  mais  évidemment  les  chemins  parcourus  par  les 
point  d'application  de  la  puissance  et  de  la  résistance  satisfont  à  la  condition  : 


AA'  :  BB' 
AA' 

"''Bir^ 


AG 


BG 


(2) 


Si  nous  nmltiplions  membre  à  membre  les  équations  (1)  et  (2),  nous  avons 

PXAA'     ACxBC 


d'où 


RxBB'     AGxBi 
PXAA'=  R  XBB'. 


=  1 


(3) 


,-:»' 


B 


Dans  l'équation  (5)  le  premier  membre  représente  le  travail  moteur  et  le 
second  membre  le  travail  résistant.  Quel  que  soii  le  genre  de  levier  employé, 
ces  deux  travaux  sont  nécessairement  égaux,  donc  le  travail  effectué  par  une 
force,  par  l'intermédiaire  d'un  levier,  ne  peut  jamais  excéder  le  travail  que  pro- 
duirait la  force  appliquée  directement  à  la  résistance. 

Dans  la  figure  C,  les  che- 
mins AA',  BB',  parcourus  par 
les  points  d'application  de  la 
force  motrice  P  et  de  la  ré- 
sistance R  sont  directement 
proportionyiels  aux  bras  du 
levierde  ces  forces,  et,  comme 
ces  chemins  sont  parcourus 
dans  le  môme  temps,  il  en 
résulte  que,  dans  l'emploi  du 
levier  comme  moyen  de  trans- 
mission des  forces  : 

«  Ce  que  l'on  gagne  en  force 
on  le  perd  en  vitesse,  et  réci- 
proquement. )) 
Toutes  les  fois  donc  que,  pouvant  disposer  de  la  puissance,  on  voudra  surtout 
communiquer  à  la  résistance  une  grande  vitesse  de  déplacement,  on  devra  recourir 
à  un  levier  du  troisième  genre,  ou  à  un  levier  du  premier  genre,  dans  lequel  le 
bras  de  la  puissance  soit  plus  court  que  celui  de  la  résistance. 

Lorsqu'au  contraire  on  veut  simplement  déplacer  une  résistance  coasidérablo 


Vu 


Hs.  6, 


LEVIER  (iiiYsjQiE).  i'2d 

avec  une  faible  vitesse  et  une  force  de  grandeur  limitée,  on  doit  employer  un  levier 
du  second  genre,  ou  un  levier  du  premier  genre,  dans  lequel  le  bras  de  la  puis- 
sance soit  plus  long  que  celui  de  la  résistance. 

Quelle  que  soit  Fautovité  de  Pline,  il  nous  est  impossible  d'admettre  aveclui  que  le 
levier  ait  été  imaginé  en  1 240  par  Cyaire,  de  l'ile  de  Chypre.  Pour  faire  comprendre 
le  peu  de  confiance  que  mérite  une  pareille  assertion,  il  nous  suffira  sans  dortc 
de  rappeler  ici  que  les  pyramides  d'Egypte  ont  été  b;Uies  sous  l'ancien  empire,  dont 
la  onzième  et  dernière  dynastie  est  antérieure  de  quelques  années  à  Abraham.  Les 
lionmies  qui  ont  exécuté  de  tels  travaux  connaissaient  certainement  le  levier,  dont 
l'usage  remonte  probablement  aux  premiers  âges  de  l'humanité.  Les  conditions 
d'équilibre  de  deux  forces  agissant  sur  un  levier  ont  été  découvertes  par  Archi- 
niède  ;  ce  grand  mathématicien  était  tellement  convaincu  de  la  puissance  de  cette 
machine  qu'il  aimait  à  répéter  :  «  Donnez-moi  un  point  d'a]ipui  et  je  soulèverai 
la  tenc  :  Da  viihi  uhi  consistam  et  terram  loco  dimovebo.  »  Un  mot  d'explication 
est  nécessaire  pour  bien  fixer  la  valeur  réelle  de  ce  mot  d'Archimède.  Sans  doute, 
en  agissant  à  l'extrémité  d'un  bras  de  levier  suffisamment  long,  un  homme,  ne 
mettant  en  action  que  sa  force  musculaire,  tiendrait  la  terre  en  équilibra.  Mais 
(|uel  résultat  obtiendrait-d  s'il  voulait  mettre  la  planète  en  mouvement?  Le  calcul 
indique  qu'en  quarante  millions  d'années  il  la  déplacerait  tout  au  plus  de  l'épais- 
seur d'un  cheveu. 

Chez  les  animaux,  les  os  jouent  le  rôle  de  leviers  et  sont  mis  en  mouvement 
par  les  muscles,  organes  actifs  de  la  locomotion.  Sans  entrer  dans  les  détails  qui 
trouveront  naturellement  leur  place  dans  les  articles  de  ce  Dictionnaire  consacrés 
à  l'étude  des  diverses  questions  de  mécanique  animale,  nous  devons  dire  ici  quel- 
ques mots  des  principaux  rapports  des  muscles  et  de  leurs  leviers  osseux. 

En  raison  du  mode  d'insertion  des  tendons,  les  axes  de  traction  des  muscles  et 
les  leviers  correspondants  se  coupent  en  général  à  angle  aigu.  Cette  disposition 
entraine  une  perte  de  force  d'autant  plus  considérable  que  l'angle  compris  entre 
l'axe  de  l'os  et  la  direction  de  la  puissance  active  est  plus  petit.  11  n'en  est  pour- 
tant pas  toujours  ainsi;  il  nous  sidTira  de  rappeler  la  direction  des  fdjres  des 
masséters  et  îles  intercostaux  par  rapport  aux  branches  horizontales  de  la  mâchoire 
intérieure  et  aux  côtes,  pour  montrer  comment,  dans  bien  des  circonstances,  l'in- 
sertion musculaire  s'opère  sous  un  angle  favorable  à  la  puissance  active.  Nous 
devons  encore  signaler  ici  un  fait  qu'il  ne  faut  pas  perdre  de  vue.  Souvent,  à  me- 
sure que  l'os  est  entraîné  par  l'action  du  muscle,  l'angle,  d'abord  très-aigu,  de  l'axe 
de  Iraclion  et  du  levier,  augmente  graduellement,  de  manière  à  rendre  l'eflort  de 
contraction  musculaire  de  plus  en  plus  efficace. 

Le  levier  le  plus  répandu  dans  l'économie  est  incontestablement  celui  du  troi- 
sième genre.  Toutefois  certains  muscles  ont  avec  les  os  des  connexions  plus  favo- 
rables à  leur  puissance  et  nous  offrent  des  exemples  de  leviers  du  premier  et 
même  du  deuxième  genre. 

La  tète  peut  exécuter  sur  la  colonne  vertébrale  des  mouvements  de  peu  d'éten- 
due, mais  très-variés,  qui  sont  répartis  entre  deux  articulations.  La  flexion,  l'ex- 
tension, l'inclinaison  latérale  et  la  circumduction  appartiennent  à  l'articulation 
occipito-atloïdienne  ;  l'articulation  atloïdo-axoïdienne  ne  permet  que  la  rotation. 
Dans  tous  ces  mouvements,  la  tète  représente  évidemment  un  levier  du  premier 
ganre.  En  effet,  le  poids  à  mouvoir  est  concentré  au  centre  de  gravité  du  crâne, 
de  l'encéphale  et  de  la  face;  les  puissances  motrices  sont  les  muscles  qui  s'insèrent 
à  la  partie  postérieure  du  crànc  ;  par  conséquent  les  articulations,  ou  centres  de 


450  LEVIER   (physique). 

mouvement,  sont  placées  entre  la  |juissance  et  la  résistance. — Par  l'intermédiaire 
des  pièces  osseuses  de  la  colonne  vertébrale,  les  muscles  spinaux  postérieurs  font 
équilibre  au  poids  de  tout  le  tronc;  il  suffit  de  se  rappeler  la  disposition  du  poids 
des  viscères  en  avant  et  le  mode  d'insertion  des  muscles  aux  apopbj  ses  transverses 
et  épineuses  pour  demeurer  convaincu  que  chaque  vertèbre  joue  le  rôle  d'un 
levier  du  premier  genre  h  mouvements  très-peu  étendus.  Ajoutons  d'ailleurs  que 
les  insertions  de  ces  muscles  spinaux  postérieurs  aux  apophyses  trausverses  et 
épineuses  des  vertèbres  et  à  la  partie  postérieure  de  l'occipital  se  font  sous  des 
angles  très-rapprochés  de  l'angle  droit  et  très-favorables  à  la  puissance. — Nous  cite- 
rons encore  comme  muscles  agissant  sur  des  leviers  du  premier  genre  et  dans  une 
direction  qui  entraîne  très-peu  de  perte  de  force,  les  muscles  qui,  prenant  leur 
point  d'appui  sur  le  membre  inférieur,  servent  à  faire  basculer  le  bassin  en  avant 
et  en  arrière  autour  de  l'articulation  coxo-fémoralc. — Les  nniscles  spinaux  posté- 
rieurs et  les  muscles  du  bassin  n'impriment  jamais  aux  pièces  osseuses  que  des 
mouvements  d'une  faible  étendue;  le  plus  souvent  ils  se  bornent  à  maintenir 
l'équilibre  en  prévenant  des  déplacements,  et  doivent  agir  dans  tous  les  cas  avec 
beaucoup  de  sûreté.  De  tous  les  leviers,  ceux  du  premier  genre  sont  certainemi  ut 
les  mieux  disposés  pour  obtenir  des  effets  de  cette  nature. 

Dans  la  station  verticale,  le  poids  du  corps  tout  entier  est  transmis  aux  os  du 
pied  par  l'astragale.  Dans  l'acte  du  redressement  sur  la  pointe  du  pied,  les  méta- 
tarsiens et  les  os  du  tarse,  solidement  réunis  parleurs  hgaments,  font  l'office  d'un 
levier  dont  le  point  fixe  est  à  l'extrémité  antérieure  des  métatarsiens.  Les  puis- 
sances actives,  les  jumeaux  et  le  soléaire,  s'insèrent  à  angle  droit  au  calcanéum 
par  le  tendon  d'Achille;  elles  agissent  donc  sur  un  levier  du  deuxième  genre  et 
dans  la  direction  la  plus  favorable  à  l'exercice  de  la  force  pour  soulever  le  poids 
du  corps  tout  entier  autour  de  l'extrémité  antérieure  du  métatarse  fortement 
appuyé  contre  le  sol. 

Parmi  les  très-nombreux  leviers  du  troisième  genre  de  l'économie,  nous  nous 
contenterons  de  mentionner  les  deux  exemples  suivants.  Le  grand  pectoral  s'in- 
sère :  d'une  part,  au  bord  antérieur  de  la  clavicule,  à  la  face  antérieure  du  sternum, 
aux  cartilages  des  deuxième,  troisième,  quatrième,  et  surtout  cinquième  et 
sixième  côtes,  à  la  partie  externe  de  cette  dernière  et  à  Papoues  rose  abdominale; 
d'autre  part,  par  un  tendon  aplati,  au  bord  antérieur  de  la  coulisse  bicipitale  de 
l'humérus,  assez  près  de  l'articulation  scapulo-humérale.  Quand  les  parois  tliora- 
ciques  sont  hxées,  ce  muscle  joue  le  rôle  d'un  adducteur  du  bras;  au  moyen  d'un 
bras  de  levier  très-court,  il  agit  sur  l'humérus  comme  sur  un  levier  du  troisième 
genre  dont  le  centre  de  mouvement  est  dans  l'articulation  scapulo-humérale. 

Le  biceps  brachial  s'insère  :  en  haut,  au  sommet  de  l'apophyse  coracoïde  et  à  la 
partie  la  plus  élevée  de  la  cavité  glénoïde  ;  en  bas,  à  la  tubérosité  bicipitale  du 
radius  par  un  tendon  qui  passe  en  avant  de  l'articulation  du  coude.  Ce  luuscle  est 
un  fléchisseur  de  l'avant-bras  sur  le  bras  et  agit  évidemment  sur  le  radius  comme 
sur  un  levier  du  troisième  genre,  par  un  bras  de  levier  très-court.  Au  moment 
où  la  flexion  de  l'avant-bras  sur  le  bras  commence,  le  tendon  est  presque  paral- 
lèle au  radius  et  la  puissance  agit  dans  une  direction  très-défavorable.  A  mesure 
que  la  flexion  s'opère,  le  tendon  change  de  direction  [)ar  rapport  au  levier,  le 
moment  de  la  puissance  augmente.  Enfin,  quand  le  membre  est  dans  la  demi- 
flexion,  le  tendon  est  perpendiculaire  au  radius  ;  cette  position  est  évidemment 
la  plus  favorable  à  l'action  du  muscle. 

Toutes  les  fois  cjue  la  puissance  musculaire  est  employée  comme  moyen  de 


LEVIER  (obîiétuiqce).  451 

faire  équilibre  à  un  poids  déterminé  ou  à  exercer  une  pression,  le  levier  du  troi- 
sième genre  a  l'inconvénient  d'entraîner  une  perte  de  force.  Mais  ce  levier  offre 
des  avantages  quand  il  s'agit  de  communiquer  à  une  partie  du  corps  un  mou- 
vement rapide  et  d'une  grande  étendue.  Ainsi,  sans  sortir  des  deux  exemples  que 
nous  avons  cités,  il  est  évident  que,  grâce  à  leurs  insertions  très-rapprocliées  des 
surfaces  articulaires,  le  grand  pectoral  et  le  biceps  brachial  peuvent,  même  en  se 
raccourcissant  très-peu,  soit  imprimer  à  la  main  une  très-grande  vitesse,  soit  lui 
faire  parcourir  un  arc  d'une  amplitude  très-considérable.  Le  levier  a  donné  son 
nom  à  un  instrument  obstétrical,  dont  il  est  question  ci-après.  J.  G. 

§  II.  Obstétrique.  On  a  désigné  par  le  nom  de  levier  des  accoucheurs, 
vectis  obsteiricius,  un  instrument  destiné  par  ses  inventeurs  à  agir,  à  la 
manière  d'un  levier  prenant  son  point  d'appui  sous  l'arcade  du  pubis,  sur  la 
tète  du  fœtus  pour  la  forcer  à  descendre  dans  le  canal  du  bassin  et  des  organes 
génitaux.  On  lui  a  donné  en  outre  pour  usage  accessoire  de  redresser  la  tète  dans 
les  présentations  déviées  ou  inclinées,  de  lui  faire  exécuter  les  mouvements  de 
flexion  et  de  rotation  à  l'aide  desquels  elle  s'engage  naturellement  dans  le  détroit 
inférieur,  enfin  d'exercer  des  tractions  plus  ou  moins  directes,  de  manière  à  le 
faire  désigner  parfois  sous  le  titre  bien  peu  mérité  de  tractor.  Il  consiste  simple- 
ment en  une  tige  de  fer  ou  d'acier  d'une  longueur  et  d'une  largeur  variables, 
présentant  à  ses  extrémités  deux  courbures  d'une  grandeur  inégale  dirigées  dans 
le  même  sens  ou  une  seule,  l'autre  extrémité  se  terminant  par  un  manclie  diver- 
sement configuré.  Le  levier,  considéré  comme  moyen  d'extraction,  a])rès  avoir 
été  employé  et  avoir  fait  beaucoup  de  bruit  vers  le  milieu  et  jusque  vers  la  fin  du 
dernier  siècle,  est  tombé  dans  l'oubli,  malgré  des  tentatives  réitérées  pour  le 
réhabiliter,  et,  à  tort  ou  à  raisou,  il  n'a  plus,  depuis  longtemps,  qu'un  inté- 
rêt historique.  L'époque  pi'écise  de  sa  découverte  est  restée  entourée  d'obscurités, 
et  son  origine  semble  se  confondre  avec  celle  du  forceps.  D'après  une  version 
de  Mulder,  que  de  nouveaux  documents  sont  venus  appuyer,  Hugues  Cham- 
berlen  en  serait  l'inventeur.  Cet  accoucheur,  qui  jouissait  d'une  grande  réputation 
à  Londres,  paraît  avoir  été  en  possession,  dès  avant  1072,  d'instruments  parmi 
lesquels  se  trouvait  le  levier,  pour  extraire  l'enfant  vivant  lorsque  quel([uc  obsta- 
cle s'opposait  cà  sa  sortie.  En  effet,  il  annonce  dans  la  préface  d'une  traduction  de 
Mauriceau  qui  porte  cette  date,  que  son  père,  son  frère  et  lui  possédaient  un  se- 
cret au  moyen  duquel  ils  pouvaient  délivrer  des  femmes  sans  détruire  l'enfant, 
quoique  le  bassin  lut  petit.  Deux  ans  avant  cette  publication,  il  était  venu  à  Paris 
dans  l'espoir  de  vendre  son  secret  ;  mais  le  hasard  l'ayant  mis  en  présence  d'une 
femme  que  Mauriceau  déclarait  ne  pouvoir  accoucher  à  cause  de  l'étroitesso  du 
bassin,  il  se  vanta  imprudemment  de  pouvoir  la  délivrer.  Il  ne  recueilht  de  sa 
tentative  que  la  confusion  d'un  échec  et  le  discrédit  de  son  secret.  H.  Cliamberlen 
ayant  fait,  en  1695,  un  séjour  assez  prolongé  à  Amsterdam,  on  suppose,  d'après 
la  version  que  j'expose,  qu'il  vendit  alors  son  secret  à  Roger  Roonhuysen.  Ici 
surgit  une  difficulté.  Il  est  certain  que  les  Chauiberlen  faisaient  usage  d'un  for- 
ceps droit  déjà  assez  perfectionné.  Avaient-ils  en  même  temps  saisi  et  mis  à 
profit  les  avantages  qu'on  peut  tirer  du  levier?  Cela  paraît  aujourd'hui  peu  dou- 
teux. Denman  regardait  même  connue  probable  que  l'instrument  employé  au 
dernier  siècle  par  les  Chamberlen  était  le  levier.  «  Mais  ceci,  ajoute-t-il,  n'est 
que  conjecture  ;  car  malgré  toutes  mes  recherches,  je  n'ai  pu  découvrir  qu'aucun 
d'eux  ail  laissé  une  description  de  l'instrument  qu'ils  employèrent,  »  3Iais  plus 


4"2  LEVlhn  (oDSTKïniQUE). 

tard  on  a  retrouvé  les  instruments  qu'ils  tenaient  si  bien  caches.  Rigby  a  donné 
en  1855  la  description  d'instruments  trouvés  avec  des  pièces  de  correspondance 
dans  une  vieille  armoire  d'une  maison  qui  avait  appartenu  de  1685  à  1715  à  la 
famille  Cbamberlen.  On  y  voit  figurer  des  forceps  de  diverses  formes  et  un  levier 
qui  est  probablement  le  modèle  de  celui  que  II.  Cbamberlen  céda  à  Roonbuyseii. 
On  suppose  qu'il  ne  vendit  que  la  moitié  de  son  Secret,  se  réservant  le  forceps. 
Il  est  curieux  de  voir  une  famille  composée  de  membres  distingués,  aveuglée  par 
l'instinct  du  lucre,  et  rendue  insoucieuse  de  sa  gloire  et  de  son  honneur,  au  point 
d'en  dérober  les  titres,  non-seulement  à  ses  contemporains,  mais  encore  à  la  pos- 
térité, qui  devait  s'efforcer,  dans  son  esprit  d'impartiale  justice,  de  les  lui  resti- 
tuer. Si  les  Roonhuysen  n'ont  effectivement  d'autres  titres  à  revendiquer  l'instru- 
ment qui  porte  leurnom  que  de  l'avoir  acquis  à  prixd'argent,  ondoit  regretter 
qu'ils  n'aient  jas  eu,  au  moins,  l'ambition  de  se  donner  l'honneur  de  le  faire  con- 
naître dès  qu'ils  eurent  appris  à  en  faire  usage,  au  lieu  de  suivre  l'exemple  hon- 
teux des  Cbamberlen.  Que  dire  de  Ruisch,  dont  le  nom  célèbre  se  trouve  mêlé  à 
cet  indigne  trafic!  Quoi  qu'il  en  soit,  R.  Roonhuysen  acquit  la  réputation  de  ter- 
miner sans  peine,  par  des  moyens  tenus  secrets,  les  accouchements  les  plus  dif- 
ficiles. Parmi  le  petit  nombre  d'initiés  à  prix  d'argent  que  la  possession  du  secret 
de  Roonlmysen  fit  connaître  se  placent  en  première  ligue  :  Boom,  Titsingb, 
surtout  Jean  de  Bruyn,  dont  le  registie  menlionnait  huit  cents  accouchements 
laborieux  terminés  heureusement,  durant  une  pratique  de  quarante-deux  ans. 
A  la  mort  de  ce  dernier,  deux  médecins  distingués  d'Amsterdam,  Jacques  de 
Vischor  et  Hugo  de  Van  de  Poil,  mus  par  un  sentiment  honorable,  achetèrent  do 
son  gendre  pour  la  somme  de  5,000  livres  de  France,  dit-on,  le  tameux  secret 
sous  la  réserve  habituelle  de  ne  pas  le  faire  connaître. 

Ne  se  croyant  pas  tenus  de  respecter  une  clause  contraire  à  l'honneur  scienti- 
fique et  à  la  dignité  professionnelle,  après  avoir  mis  en  ordre  les  notes  laissées 
par  de  Bruyn,  ils  les  publièrent  eu  langue  hollandaise,  en  1755,  avec  une  figure 
de  l'instrument,  sous  un  titre  qui  signifie  :  Le  secret  de  Roonhuysen  révélé.  Cet 
opuscule  parut  l'année  suivante,  par  extrait,  en  langue  française  à  la  suite  du 
premier  volume  de  la  traduction  française  du  Traité  de  Sniellie  avec  la  figure  de 
l'instrument.  C'est  une  lame  de  fer  longue  de  11  pouces,  large  de  près  de  1  pouce, 
épaisse  de  1  hgne  1/2,  présentant  à  ses  extrémités  deux  courbures  peu  profondes  et 
d'une  étendue  inégale.  Cette  lame  est  garnie  à  ses  extrémités  et  sa  partie  moyenne 
d'une  bandelette  enduite  d'emplâtre  diapalme,  le  tout  recouvert  d'une  peau  de 
chien  pour  atténuer  les  effets  de  la  pression  sur  la  tête  de  l'enfant  et  contre  l'arcade 
des  pubis.  Les  leviers  de  la  période  occulte  présentent  déjà  quelques  différenccï, 
celui  de  Boom  a  aussi  deux  courbures,  mais  plus  profondes  et  plus  longues,  celui 
de  Titsingb  a  une  seule  courbure  plus  profonde  et  plus  étendue  et  le  manche  se 
termine  par  un  anneau;  le  premier  est  revêtu  d'une  piau  de  chien,  le  second 
d'un  tissu  de  laine. 

Les  accoucheurs  qui  n'étaient  pas  gagnés  d'avance  à  la  cause  du  levier  durent 
éprouver  quelque  déception  eu  voyant  l'instrument  merveilleux  si  ]ongtem[)s  tenu 
secret,  ils  durent  penser  que  sa  valeur  n'était  pas  eu  rapport  avec  le  bruit  qu'il 
avait  fait.  Ajoutons  qu'il  avait  le  désavantage  de  rencontrer  à  son  entrée  dans  la 
vie  publique  un  rival  redoutable  qui  avait  déjà  partout  pris  pied  dans  le  domaine 
de  la  pratique.  Le  forceps,  qui  avait  pris  dans  les  mains  de  Levret  et  de  Sniellie  la 
forme  la  mieux  appropriée  à  ses  usages,  commençait  à  se  vulgariser,  grâce  aux  écrits 
ot  aux  leçons  de  ces  deux  célèbres  accoucheurs  et  de  leurs  nombreux  élèves.  Tou- 


LEVIER  (obstétrique).  -455 

tefois  le  mouvement  qui  s'était  produit  en  Hollande  en  faveur  du  levier  persista  et 
s'étendit  même  au  dehors,  comme  le  prouvent  les  nombreuses  variétés  de  formes 
qu  ou  lui  avait  fait  s',;bir  avant  la  fin  du  siècle,  et  qu'on  trouve  figurées  dans 
l'ouvrage  de  Mulder.  Camper,  dans  ses  Fiemarques  sur  les  accouchements  labo- 
rieux par  l'enclavement  de  la  tête  et  sur  l'usage  du  levier  de  Boonhuysen,  insé- 
rées parmi  les  Mémoires  de  l'Académie  royale  de  chirurgie,  s'attacha  à  mieux 
faire  comwître  en  France  et  justifier  la  pratique  hollandaise.  11  doinie  aimée  par 
année,  de  1741  à  17C5,  la  liste  des  accouchements  laborieux  terminés  par  Titsingh 
et  Berkn;an,  les  deux  accoucheurs  jurés  de  l'époque,  gagés  par  la  viile  d'^^mster- 
dam  pour  assister  les  femmes  pauvres.  Cette  liste  renferme  un  nombre  considé- 
rable de  tètes  prétendues  enclavées  ;  mais  l'omission  des  résultats  obtenus  par 
l'intervention  du  levier  lui  fait  perdre  une  partie  de  sou  intérêt.  Une  récapitu- 
lation comprenant  neuf  années,  de  1757  à  1765,  est  un  peu  plus  explicite  :  sur 
89  enfants,  dont  les  tètes  étaient  enclavées,  72  sont  nés  vivants  et  17  morts;  plu- 
sieurs de  ces  derniers  étaient  morts  avant  l'opération  et  se  présentaient  avec  une 
procidence  du  cordon.  Tous  les  enfants  qui  présentaient  la  tête  ont  été  tirés  par- 
la spatule  ou  levier.  Camper,  qui  avait  fait,  en  1749,1e  voyage  de  Londres  pour  se 
perfectionner  dans  la  médecine  pratique,  avait  vu  Smellie  opérer  et  il  en  fut  émer- 
veillé, mais  il  n'eu  resta  pas  moins  partisan  du  levier.  Deux  chirurgiens  versés 
dans  l'art  des  accouchements,  correspondants  de  l'Académie  royale  de  chirurgien, 
Ricaudeaux  à  Douai  etYarocquier  à  Lille,  ont  prétendun'avoirpasattendu  la  publi- 
cation du  levier  de  Roonhuyseu  pour  en  connaître  les  avantages.  Le  premier  as- 
sure avoir  terminé  par  cette  méthode  plus  de  quarante  accouchements  laborieux  en 
très-peu  de  temps,  dont  la  difficulté  venait  de  la  disproportion  du  passage  et  du 
volume  de  la  tète  de  l'enfant.  Le  second,  place  sur  un  plus  grand  Ihéâtre,  aurait 
eu  des  occasions  plus  nombreuses  encore  d'employer  ce  moyen,  s'il  est  vrai, 
comme  il  l'assure,  qu'il  s'est  servi  avec  un  succès  constant  de  son  levier  sur  plus 
de  mille  à  douze  cents  femmes  dans  des  accouchements  laborieux.  La  prétention 
de  la  supériorité  du  levier  sur  le  forceps  a  eu  dans  Herbiniaux,  accoucheur  expé- 
rimenté à  Bruxelles,  son  plus  ardent  et  sou  plus  compendieux  défenseur.  En  eflet, 
il  a  consacré  deux  volumes  à  la  défense  de  cette  thèse,  en  partie  remplis  de  criti- 
ques acerbes  dirigées  principalement  contre  Levret,  et  surtout  contre  Baudeîocque, 
qui  avaient  soutenu  et  longuement  développé  la  thèse  contraire.  Se  servant  ex- 
clusivement du  levier,  Herbiniaux  en  avait  bien  compris  l'usage  et  les  ressources 
tout  eu  les  exagérant.  Il  avait  fait  subir  au  levier  une  modification  à  laquelle  il 
attachait  beaucoup  d'imj5ortance. 

La  figure  primitive  du  levier  de  Roonhuyseu  présente  une  petite  corde  nouée 
sur  le  manche  un  peu  en  arrière  de  sa  grande  courbure,  sur  laquelle  la  notice  de 
J.  de  Vischer  et  de  Van  de  Poil  ne  s'exphque  pas.  Était-ce  un  point  de  repère  pour 
juger  de  la  profondeur  de  l'introduction  ou  bien  un  moyen  de  combiner  la  trac- 
tion avec  l'action  du  levier?  Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  pour  remplir  cette  dernière 
indication  cjue  Herbiniaux  fit  perforer  son  levier  à  la  base  de  sa  courbure  pour  y 
fixer  une  corde.  Herbiniaux  donne  sur  ses  opérations  des  détails  plus  circoiî- 
stanciés  qu'on  ne  l'avait  fait  avant  lui,  et  qui  font  de  quelques-unes  de  véritables 
observations.  Il  n'est  pas  douteux  qu'il  n'ait  plusieurs  fois  entraîné  des  têtes 
retenues  par  un  obstacle  sérieux. 

L'opposition  rationnelle,  et,  du  reste,  fondée  de  Levret,  de  Baudeîocque  et  de 
toute  l'école  qui  procédait  de  ces  deux  grands  maîtres,  l'évidence  surtout  de  la 
supériorité  du  forceps  sur  le  levier  comme  méthode  générale  d'extraction  de  la 
mcT.  ENC.  2*   s.  II.  28 


434  LEVIER  (obstéteique). 

tèfe,  ne  permirent  pas  à  cedernier  d'être  jugé  expérimentalement  autant  pent-ètre 
qu'i  méritait  de  l'être.  11  fut  repoussé  avant  qu'on  eût  suffisament  examiné  s'ij 
n'est  pas  des  cas,  comme  les  déformations  du  bassin  où  il  peut  offrir  une  ressource 
plus  puissante  et  devenir  d'une  application  plus  facile  que  le  l'orceps.  Rejeté 
comme  moyen  d'extraction,  le  levier  fut  accepté  comme  agent  de  redressement,  de 
flexion  de  la. tète  dans  ses  présentations  déviées  et  de  rotation  dans  le  sens  de  ses 
mouvements  naturels.  C'est  en  vue  de  ce  rôle  accessoire  qu'on  a  donné  en  France 
à  sa  partie  recourbée  plus  d'étendue  et  plus  de  profondeur  qu'on  a  élargi  et  fenêtre 
la  partie  qui  forme  cuiller.  L'indication  de  redresser  la  tête  sendjlait  alors  ti-ès- 
commune.  On  avait  fait,  à  tort,  de  ses  déviations  autant  de  présentations  consi- 
dérées comme  des  causes  d'accoucliement  laborieux.  Mais  une  connaissance  plus 
complète  du  mécanisme  de  l'accouchement  a  fait  justice  de  ces  causes  de  dystocie, 
en  montrant  que  lorsqu'elles  se  rencontrent  au  début,  elles  se  corrigent  générale- 
ment sous  l'influence  des  progrès  du  travail  et  qu'il  est  d'une  mauvaise  pratique 
de  chercher  intempestivement  à  les  corriger.  Le  levier  repoussé  comme  moyen 
d'extraction,  et  réduit  au  seul  usage  de  redresser  la  tête,  de  corriger  les  présenta- 
tions et  les  positions  dans  les  rares  occasions  oîi  cela  peut  devenir  nécessaire  et  où 
la  main  ou  une  branche  du  forceps  peut  généralement  le  remplacer,  n'a  plus 
ligure,  en  France,  dans  les  traités  classiques,  que  pour  mémoire  et  comme  un 
objet  d'archéologie. 

Le  levier,  pendant  cette  môme  période,  avait  fait  en  Angleterre  des  conquêtes 
plus  étendues  et  plus  durables.  J'emprunte  Fappréciation  d'un  juge  compétent 
et  bien  placé  pour  en  juger  :  «  Tandis  que  le  levier  dit  Denman  était  très 
en  vogue  et  regardé  à  Amsterdam  comme  un  progrès  inappréciable  de  la  pra- 
tique de  l'art  des  accouchements,  l'instrument  favori  était  ici  le  forceps,  surtout 
d'après  les  corrections  de  Smellie,  qui  était  alors  le  professeur  principal  de  l'art  à 
Londres  ;  cependant  la  pratique  en  chef  dans  cette  cité  fut  successivement  entre 
les  mains  des  docteurs  Bamber  Middleton,  Nesbit,  Cole  et  Griffith,  dont  quelques- 
uns,  sinon  tous,  préfèrent  le  levier  au  lorceps.  A  ces  praticiens  succéda  le  doc- 
teur John  Wathen,  homme  d'un  grand  esprit  et  très-habile  ;  il  réduisit  la  gran- 
deur du  levier  et  opéra  avec  une  habileté  qui  m'a  souvent  étonné.  En  1757,  épo- 
<|ue  de  rétablissement  charitable  pour  accoucher  les  femmes  pauvres  à  domicile, 
le  docteur  John  Ford,  le  premier  médecin  désigné  pour  les  soigner,  employa  le 
levier  dans  toutes  les  occasions  où  il  fallait  des  instruments;  ses  collègues  et  ses 
successeurs,  les  docteurs  Cooper,  Cogan,  Douglas,  Sims,  Squire  et  Croft,  ainsi  que 
plusieurs  autres,  imitèrent  son  exemple.  La  juste  réputation  de  ces  praticiens,  qui 
constamment  préférèrent  le  levier  au  forceps,  a  engagé  plusieurs  gens  de  l'art  a 
l'essayer,  et  l'opinion  générale  de  son  utilité  est  allée  en  croissant.  Mamtenant 
tous  ceux  qui  se  mêlent  de  la  pratique  des  accouchements,  se  croiraient  peu  in- 
struits, s'ils  n'étaient  pas  familiers  avec  la  structure  et  la  manière  d'employer  le 
levier:  et  quelques-uns  qui,' soit  par  habitude,  soit  par  éducation  continuent  à  se 
servir  du  forceps,  conviennent  sans  difficulté  du  mérite  égal,  sinon  supérieur  du 
levier.  » 

La  pratique  du  levier  avait,  au  contraire,  à  peine  pénétré  en  Allemagne,  et  ce 
n'est  guère  que  par  des  recherches  d'érudition  et  des  appréciations  théoriques  que 
les  accoucheurs  allemands  ont  touché  à  l'histoire  de  l'usage  de  cet  instrument. 
Les  diverses  écoles  de  ce  pays,  dont  quelques-unes  ont  montré  depuis  un  si  remar- 
(juable  esprit  d'initiative,  suivaient  alors  docilement  les  errements  de  l'école  de 
Paris,  représentée  par  Levret  et  Baudelocque. 


LEVIER  (obstétrique).  45 

Taudis  que  le  levier,  comme  moyeu  d'extraction,  était  à  peu  près  universelie- 
ment  tombé  dans  l'oubli,  le  souvenir  de  l'école  hollandaise  et  les  enorts  opiniâtres 
<l'Herbiiiiaux  n'étaient  pas  complètement  cftacés  dans  leurs  centres  de  rayonne- 
ment. L'usage  de  l'instrument  s'était  conservé  par  tradition  dans  quelques-unes 
des  provinces  flamandes,  et  il  a  aujourd'hui  des  partisans  très-autorisés  dans 
MM.  Boddaert,  Coppée,  Fraeys,  etc. ,  à  Gand,  qui  semble  avoir  pris  la  place  occupée 
autrefois  par  Amsterdam  et  Bruxelles.  Les  travaux  de  ces  praticiens  distingués  et 
les  observations  qu'ils  ont  apportées  à  l'appui  de  leur  pratique  imposent,  dans 
une  qviestion  où  des  intérêts  si  graves  sont  enjeu,  aux  accoucheurs  qui  n'ont  pas 
subi  l'empire  du  parti  pris,  le  devoir  d'un  examen  nouveau.  Déjà  M.  ïarnier,  dans 
Y  Atlas  complémentaire  de  A.  Lenoir  et  dans  ses  Additions  à  la  7^  édition  du 
Traité  de  Cazeaux,  rappelant  la  pratique  des  médecins  de  Gand,  fait  un  appel  pres- 
sant aux  accoucheurs  français,  en  attendant  qu'il  apporte  lui-même  son  tribut 
d'observations. 

Il  est  bien  entendu  qu'il  ne  s'agit  plus,  aujourd'hui,  de  l'ancienne  querelle  du 
forceps  et  du  levier:  la  supériorité  du  premier,  comme  méthode  générale  d'extrac- 
tion, est  un  fait  définitivement  acquis  et  hors  de  toute  contestation  sérieuse.  La 
•question  véritable  et  actuelle  est  de  savoir,  si  dans  les  délormations  et  les  rétré- 
cissements du  détroit  supérieur  pouvant  encore  permettre  à  la  tête  de  passer,  et 
■où  le  forceps  laisse  beauconp  à  désirer  pour  la  facilité  et  la  régularité  de  son  ap- 
plication et  la  direction  des  tractions,  le  levier  n'offre  pas  une  facilité  d'application 
plus  grande,  une  puissance  d'extraction  supérieure  et  un  danger  moindre  pour  le 
fœtus  et  peut-être  pour  la  mère?  C'est  ce  que  les  travaux  contemporains  sur  l'usage 
■du  levier  et  ses  résultats,  comparés  à  ceux  obtenus  par  le  forceps  dans  les  mêmes 
conditions,  tendent  à  montrer.  Mais  avant  d'aborder  cette  question  capitale,  nous 
avons  à  faire  connaître  les  conditions  inhérentes  à  sou  emploi  régulier,  son  mode 
d'action  comparé  à  celui  du  forceps.  La  formule  sacramentelle  :  Potentia  agit  in 
os  occipitis,  prononcée  par  les  premiers  initiés  en  livrant  leur  secret,  contient 
implicitement  la  théorie  du  levier.  Elle  consiste  pour  la  présentation  du  crâne, 
lorsque  l'occiput  est  dirigé  vers  un  point  de   la  moitié  antérieure  du  bassin 
à  donner  au  bras  de  la  puissance  un  point  d'appui  sous  l'arcade  du  pubis  et  à 
■celui  de  la  résistance  une  prise  solide  sur  un  point  de  la  région  sous-occipito- 
mastoïdienne,  de  sorte  qu'en  faisant  mouvoir  l'instrument  à  la  façon  d'un  levier 
du  premier  genre,  on  force  la  tête  à  se  fléchir  ou  à  rester  fléchie  en  s'avancant 
à  travers  les  détroits  par  ses  plus  petits  diamètres.  Les  positions  occipito-anté- 
rieures  primitives  ou  consécutives  du  vertex,  formant  à  une  période  avancée  du 
travail  la  généralité  des  cas,  il  en  résulte  que  le  champ  des  applications  ré<Tnhères 
■du  levier  est  très-étendu.  Il  est  bien  clair  que  ses  premiers  partisans,  qui  en  taisaient 
un  fréquent  usage,  l'appliquaient  habituellement  à  une  période  avancée  du  travail 
lorsque  la  tête  commençait  déjà  à  presser  sur  le  plancher  du  bassin,  ou  même  à 
s'engager  dans  le  détroit  inférieur.  En  effet,  les  cas  dans  lesquels  un  rétrécissement 
du  bassin  ou  une  autre  cause  retient  la  tête  au  détroit  supérieur,  sont  relativement 
bien  peu  nombreux,  comparés  à  ceux  dans  lesquels  sa  progression  est  entravée 
dans  le  fond  du  petit  bassin  ou  au  détroit  inférieur  par  des  causes  très-diverses  et 
souvent  complexes.  De  là,  à  une  période  avancée  du  travail,  cette  apparente  immo- 
bihté  de  la  tête  sur  divers  points  de  l'excavation  du  bassin  qu'on  décorait,  si  im- 
proprement et  si  abusivement,  du  nom  d'enclavement.  Il  n'est  pas  douteux,  par 
exemple,  que  dans  Vespèce  d'enclavement  «  où  la  tête,  arrivée  au  détroit  inlé- 
l'ieur  du  bassin,  le  front  était  si  serré  contre  le  sacrum,  et  l'occiput  contre  le 


436  LEVIER  (obstétrique). 

pubis,  qu'elle  ne  pouvait  pas  être  poussée  dehors  par  les  efforts  de  la  nature», 
il  s'agissait,  évidemment,  d'une  tête  arrêtée,  ayant  déjà  accompli  ou  en  voie 
d'accomplir  son  mouvement  de  rotation  en  avant.  C'est  justement,  au  dire  de  Cam- 
per, dans  cette  espèce  d'enclavement  que  lloonhuysen  et  ses  imitateurs  faisaient 
habituellement  usage  du  levier.  C'est  aussi  le  moment  oiî,  suivant  le  précepte,  il 
s'applique  plus  exactement  sur  l'os  occipital,  et  où  son  mode  d'action  est  le  plus 
en  rapport  avec  la  direction  à  donner  à  la  tête.  En  effet,  en  poussant  l'occiput  en 
bas  et  en  arrière,  il  force  la  tête  à  se  fléchir  assez  pour  s'engager  dans  le  détroit 
inférieur  par  son  diamètre  sous-occipito-bregmatique,  tandis  qu'elle  réagit  sur  le 
plancher  du  bassin  pour  le  creuser  en  une  gouttière  qui  continue  la  paroi  sacro- 
coccygienne.  Les  contractions  utérines  et  le  levier,  qu'on  fait  agir  autant  que  pos- 
sible de  concert,  dirigent  leurs  efforts  communs  sur  la  partie  postérieure  du  péri- 
née, dont  la  réaction  tend  à  diriger  la  tète  en  avant  ;  désormais,  au  lieu  de  descendre 
fléchie,  elle  va  s'avancer,  en  exécutant  par  degros  un  mouvement  d'extension 
qui  tend  à  engager  de  plus  en  plus  l'occiput  sous  l'arcade  du  pubis.  Dès  que  le  mou- 
vement d'extension  delà  tête  commence,  le  levier  agit  à  contre-sens,  en  empêchant 
le  sommet  de  se  porter  en  avant  ;  il  forcerait,  à  un  moment  donné,  le  périnée  de  se 
déchirer,  si  rni^trument  continuait  à  agir  jusqu'à  la  fin.  Suivant  la  remarque  de 
Camper,  cet  accident  semble  avoir  été  assez  commun  dans  la  pratique  hollandaise: 
«  Souvent  l'urèthre  en  est  fort  endommagée,  souvent  le  périnée  se  fend  plus  que 
dans  l'accouchement  naturel;  et  que  lorsqu'on  se  sert  d'un  forceps  quelconque.  » 
Le  danger  que  court  le  périnée  est  en  partie  conjuré  de  la  manière  suivante  :  au 
moment  oîilatète  est  sur  le  point  de  se  dégager,  le  point  d'appui  de  la  résistance 
et  celui  de  la  puissance  se  confondent,  et  l'instrument  cesse  de  tenir  en  place,  à 
moins  de  l'enfoncer  plus  profondément,  en  le  faisant  glisser  sur  le  côté  du  cou 
jusque  sur  l'angle  delà  mâchoire  et  même  sous  le  menton,  comme  l'a  proposé 
et  figuré  Canq^er.  Placé  ainA,  l'accoucheur  en  élevant  le  bras  extérieur  de  l'in- 
strument, au  lieu  de  faire  presser  le  front  contre  le  sacrum  et  le  périnée,  fait 
exécuter  à  la  tèie  un  mouvement  d'extension,  en  même  temps  qu'il  lui  fait  suivre 
une  ligne  courbe  assez  analogue  à  celle  que  représente  la  direction  de  l'axe  du 
bassin.  Camper  se  trompait  en  interprétant  la  jiralique  des  Roonhuysiens  par 
ce  procédé  ingénieux  de  d  égagcmeut  de  la  tête  à  l'aide  du  levier  ;  outre  que  le 
procédé  n'est  peut-être  pas  facilement  applicable,  le  levier  de  Roonhuysen  ayant 
la  même  largeur  dans  toute  son  étendue,  s'y  prètei'ait  peu.  Cependant  il  est  per- 
mis de  croire,  d'après  les  impressions  fortes,  signalées  par  Camper,  qui  allaient 
quelquefois  vers  l'angle  de  la  mâchoire  inférieure  des  enfants  déhvrés  par  la  spa- 
tule, qu'ils  faisaient  à  leur  insu  quelque  chose  d'analogue  lorsqu'ils  étaient  forcés 
de  dégager  la  tête  avec  les  seules  ressources  du  levier.  Dans  un  cas  où  Camper 
avait  dé  ivre  lui-même  un  enfant,  dont  la  tète  était  enclavée,  à  l'aide  de  la  spatule 
de  Boom  avec  un  succès  facile,  l'impression  qui  laisse  ordinairement  une  tache 
rougeàtre  sur  les  enfants  vivants,  s'avançait  à  côté  de  l'oreille  jusque  sur  la  mâ- 
chou'e  inférieure.  Mais  on  suivait  probablement  dès  lors  la  pratique  recommandée 
plus  lard  par  Herbiniaux,  de  laisser  à  la  nature  le  soin  d'achever  le  dégagement 
delà  tète,  ce  qui  était  plus  rationnel  et  plus  sûr. 

La  tête  enclavée,  pour  parler  la  langue  du  temps,  ne  s'offre  pas  toujours,  comme 

es  Roonhuysiens  le  déterminaient,  avec  l'occiput  vers  l'os  pubis  et  le  front  dans 

la  cavité  de  l'os  sacrum.  Elle  se  présente  plus  ou  moins  oblique;  quelquefois  elle 

occupe  transversalement  la  cavité  du  bassin,  parfois  la  face  est  dirigée  en  avant  ; 

c'est-à-dire  que  la  tète  peut  être  en  position  occipito-cotiloïdienne  gauche  ou  droite, 


LEVIER  (obstétrique).  457 

en  position  occipito-iliaque  directe  de  l'un  ou  de  l'autre  coté,  eaiin  eu  position 
occipito-postérieurc  obliques  ou  directes.  Occupons-nous  d'abord  des  premières. 

Ilelativeraent  au  point  sur  lequel  doit  porter  l'extrémité  de  l'in.trument,  on 
voit  que  ce  point,  suivant  l'obliquité  de  la  tète,  ne  peut  rester  limité  à  la  région 
sous-occipitale,  qu'il  doit  s'étendre  sur  toute  la  partie  postéro-latéral  de  la  base  du 
crâne  y  compris  la  région  sous-mastoïdienne,  et,  en  l'ait,  il  s'étend  assez  souvent 
jusque  sur  l'angle  de  la  màclioire  inférieure.  Excepté  sur  ce  'lernier  point,  la 
pression  de  l'instrument  ne  peut  guère  entraîner  d'accidents  fàcliaux  pour  l'en- 
fant, bien  qu'elle  puisse  être  considérable  sur  un  point  donné.  En  effet,  si  au  mo- 
ment où  l'on  commence  à  élever  le  mancbe  de  l'instrument,  la  pression  s'exerce 
d'abord  par  une  portion  étendue  de  sa  partie  concave,  dès  que  la  tète  se  flécbit, 
s'incline  ou  descend,  elle  ne  s'exerce  plus  que  par  l'extrémité  de  la  lame.  Portée 
sur  un  point  de  la  voûte,  elle  pourrait  certainement  l'eiiloncer,  la  fracturer,  mais 
kl  base  peut  certainement  résister  à  une  pression  considérable  :  la  lésion  se  borne- 
rait à  une  contusion  plus  ou  moins  forte,  à  une  petite  plaie  contuse  ou  à  des 
écorchures  plus  étendues  qui  sont  le  résultat  de  glissements  ou  des  efforts  qu'on 
fait  pour  maintenir  l'instrument  en  plac  >.  En  arrière  ces  lésions  peuvent  s'étendre 
plus  ou  moins  loin  sur  la  racine  du  cou,  mais  n'affectant  que  des  parties  dépour- 
vues d'organes  essentiels,  de  gros  troncs  vasculaires  et  nerveux,  elles  ne  sont 
pas  Irès-dangereuses  pour  l'enfant. 

Herbiniaux  n'avait  chercbé  à  établir  que  le  levier  ne  devait  pas  agir  sur  l'ex- 
trémité postérieure  du  grand  diamètre  de  la  tête,  mais  sur  un  point  central, 
c'est-à-dire  sur  l'apopbyse  mastoïde,  que  parce  qu'il  avait  remarqué  que,  dans  les 
applications  efficaces,  c'était  cette  partie  de  la  tète  qui  portait  ordinairement  les 
traces  de  l'instrument.  En  effet,  excepté  dens  les  cas  où  elle  est  déjà  engagée  dans 
le  détroit  intérieur,  la  tète  reste  oblique,  et  c'est  sur  un  point  compris  entre 
l'occiput  et  l'apophyse  mastoïde  que  l'application  se  fait  le  plus  régulièrement 
et  le  plus  solidement.  Le  meilleur  moyen  de  donner  à  l'instrument  une  prise 
solide,  c'est  de  le  placer  sinon  sous  la  symphyse,  au  moins  sous  le  corps  du  pubis, 
sans  lui  faire  subir  une  déviation  trop  prononcée  pour  attendre  l'os  occipital  ou 
sans  le  rapprocher  trop  de  l'ischion,  ce  qui  le  fait  glisser  avec  une  extrême  fa- 
cilité. La  pression  en  arrière  et  en  bas,  s'exerçant  sur  la  région  sous-mastoïdicnne 
ne  semble  guère  propre  à  favoriser  les  mouvements  de  flexion  et  de  rotation  que  la 
tète  subit  en  s'engageant  dans  le  détroit  inférieur,  cette  pression  semble  bien 
plutôt  disposée  de  manière  à  les  contrarier.  Mais  comme  le  levier  ne  fixe  pas  la 
tète  et  qu'on  le  fait  agir  concurremment  avec  la  douleur,  ces  mouvements  tendent 
à  s'exécuter,  comme  dans  l'expulsion  naturelle,  sous  l'influence  de  la  forme  du 
détroit  inférieur  et  de  la  réaction  de  la  partie  postérieure  du  plancher  du  bassin. 
Mais  quand  la  tète  est  amenée  au  point  où  commence  le  mouvement  d'exten- 
sion qui  eu  opère  le  dégagement,  le  levier  appliqué  sur  la  base  de  l'apophyse  mas- 
toïde ne  contrarie  guère  moins  ce  mouvement,  et  expose  autant  à  la  rupture 
du  périnée  que  lorsque  l'instrument  est  appliqué  sur  la  base  de  l'occipital, 
à  moins  qu'on  ne  laisse  le  dégagement  de  la  tête  s'opérer  spontanément, 
comme  la  pratiquait  Herbiniaux.  Malgré  ces  conditions  défavorables,  il  n'est 
pas  moins  certain  que  la  tète  retenue  au  détroit  inférieur  ou  dans  l'exca- 
vation du  bassin,  en  position  occipito-antérieure  directe  ou  oblique  et  même 
transversale,  a  pu,  entre  des  mains  exercées,  être  facilement  entraînée  au 
•dehors  sans  déterminer  de  lésions  notables.  11  n'est  pas  moins  certain  que 
les  Roonliuysiens  les  plus  habiles,  malgré  le  bruit  de  leurs  succès,  échouaient 


458  LEVIER  (obstétrique). 

assez  souvent  dans  des  conditions  de  conformation  et  de  position  régulières. 
Bien  cfue  ceb  insuccès,  de  même  que  les  accidents,  aient  été  fort  tenus  dans 
l'ombre,  ils  n'ont  pas  moins  laissé  quelques  traces.  Camper  rapporte  qu'en 
1752,  par  conséquent  avant  la  révélation  du  secr.t,  Boom  laissa  mourir  une 
femme  sans  être  délivrée  de  son  enfant,  qu'on  aurait  pu  délivrer  avec  le  forceps 
de  Smellie;  que  Boom  lui  procura,  l'année  suivante,  l'occasion  de  disséquer  le  corps- 
d'une  femme  morte  en  travail  avec  son  enfant,  qui  avait  la  tète  de  même  que  le 
précédent,  transversalement  euclavée.  Il  avait  essayé  différentes  fiiçons  pour  la 
délivrer,  mais  il  l'abandonna  à  la  lin  sans  se  servir  d'autres  moyens.  Camper 
introduisit  à  sa  présence  le  forceps  de  Smellie  et  tira  assez  facilement  la  tète  au 
dehors,  après  avoir  tourné  la  face  en  arrière,  comme  l'enseignait  Smellie.  Cam- 
per, dont  le  témoignage  n'est  pas  suspect,  car  il  avait  été  séduit  par  le  bruit  des 
succès  de  de  Bruyn,  de  Titsingh,de  Berkman,  etc.,  ajoute  :  «Ils  travaillaient  jus- 
qu'à ce  que  la  tète  de  l'enfanl,  à  la  fin  étouffé,  fût  poussée  au  dehors;  ou  que 
la  mère  aussi  bien  que  l'enfant  eussent  rendu  l'àme.  «  Lui-même,  à  Leyde,  au 
début  de  sa  carrière  obstétricale,  ayant  été  appelé  ]]our  délivrer  une  jeune 
femme  de  son  enfant  dont  la  tète  était  enclavée,  il  se  servit  d'un  instrument 
vanté  alors  pour  être  celui  de  Boonhuysen,  mais  sans  effet,  et  la  femme  mourut 
un  quart  d'heure  après  saiis  avoir  été  délivrée. 

On  l'esté  effrayé  à  l'idée  seule  de  faire  usage  du  levier  dans  la  position  occipito- 
postérieure,  en  pensant  aux  désordres  graves  qu'il  peut  déterminer  sur  la  face. 
Cette  crainte  doit  même  se  présenter  à  l'esprit  toutes  les  fois  qu'on  lait  usage 
du  levier,  l'expérience  montrant  qu'on  est  fort  exposé,  lorsque  la  tète  est  tumé- 
fiée, à  prendre  pour  une  position  occipito-postérieure  une  occipito-antérieure, 
à  moins  de  s'assurer  directement  de  la  place  occupée  par  la  face.  Un  des  points, 
qui  se  présentent  le  plus  naturellement  à  l'extrémité  du  levier  dans  les  posilioiis. 
occipito-postérieures  directes  ou  obliques  méconnues  est  justement  l'une  ou 
l'autre  arcade  orbilaire,  de  sorte  qu'on  s'expose  non-seulement  à  contondie  la 
face,  mais  encore  à  conipromettre  d'une  manière  irrémédiable  l'intégrité  et  les- 
fonctions  de  l'œil  lui-même.  A  en  juger  par  quelques  exemples  d'extraction  de- 
là tète  en  position  occipito-postérieure,  les  autres  points  de  la  face  qui  se  pré- 
sentent naturellement  à  l'extrémité  du  levier  et  lui  fournissent  une  prise  solide^ 
sont  la  tempe,  les  régions  malaire,  parotidienne,  le  maxillaire  inférieur,  qui 
peuvent  snpporter  des  pressions  assez  fortes  sans  subir  des  lésions  graves.  L'in- 
strument étant  fixé  sur  un  point  rapproché  de  l'extrémité  antérieure  de  la  tête 
et  poussant  cette  extrémité  eu  arrière  et  en  bas,  peut  à  la  vérité  favoriser  le- 
mouvement  de  rotation  qui  tend  dans  ces  positions  à  diriger  l'occiput  en  avant, 
mouvement  que  le  forceps  peut  encore  plus  sûrement  exécuter.  Mais  si  l'occiput 
reste  invariablement  en  arrière,  le  levier  tend  à  contrarier  le  mouvement  de 
flexion  exagérée  par  lequel  la  tête  s'engage  dans  le  détroit  inférieur  et  glisse  en  dis- 
tendant le  périnée  jusque  sur  la  commissure  postérieure  de  la  vulve.  Dès  que  la 
partie  postérieure  de  la  tête  n'a  plus  pour  support  l'extrémité  inférieure  du 
sacrum,  le  coce.yx  et  les  ligaments  sacro-sciatiques,  le  levier  concourt  à  augmen- 
ter le  danger  de  rupture  que  court  le  périnée  en  continuant  à  pousser  la  tète  ea 
bas  et  en  arrière. 

Ainsi,  que  l'occiput  soit  dirigé  en  avant  ou  en  arrière,  ou  directement  de  côté,. 
le  levier  peut  à  la  vérité,  à  certains  moments,  favoriser  les  mouvements  de  flexion, 
de  rotation  et  finalement  d'extension,  à  l'aide  desquels  la  tête  s'engage  et  s'avance 
à  travers  le  détroit  inférieur,  en  distendant  progressivement  le  périnée  et  la 


LEVIER  (obstétrique).  439 

vulve.  Mais  dès  que  l'effort  porte  sérieusement  sur  ces  parties,  il  contrarie  ou 
exagère  ces  mouvements  et  augmente  les  chances  de  rupture  graves  du  périnée. 
Dans  ces  mémos  conditions,  le  forceps  est  aussi  heureusement  approprié  au  rôle 
qu'il  a  à  remplir,  qu'il  semble  ne  rien  laisser  à  désirer.  Application  facile  et  régu- 
lière des  deux  branches,  prise  sohde,  pression  exercée  sur  une  large  surface, 
facilité  de  rendre  la  flexion  de  la  tête  plus  prononcée  si  cela  semble  nécessaire, 
de  lui  faire  exécuter  son  mouvement  de  rotation  à  temps,  de  diriger  les  tractions 
dans  la  direction  de  la  ligne  courbe  qu'elle  doit  suivre,  de  diriger,  de  graduer  le 
mouvement  d'extension  à  l'aide  duquel  elle  tend  à  se  dégager  à  l'extérieur  ;  en 
supposant  même,  ce  qui  arrive  quelquefois,  qu'on  ait  commis  la  méprise  de  croire 
l'occiput  en  avant  lorsqu'il  est  en  arrière,  ou  reconnaît  reri'cur  presque  assez  à 
temps  pour  opérer  le  dégagement  en  conformité  avec  la  position  de  la  tète.  On 
ne  peut  pas  môme  invoquer  ici,  comme  pour  le  détroit  supérieur  réduit,  la  supé- 
riorité de  la  puissance  d'extraction  du  levier  sur  les  tractions  directes.  En  effet, 
dans  les  cas  mêmes  où  les  résistances  naturelles,  provenant  du  détroit  inférieur 
et  de  son  plancher  charnu,  sont  le  plus  considérables,  les  tractions  directes  suffi- 
sent généralement  en  ymettapt  le  temps  nécessaire,  eu  répétant  les  efforts  de  trac- 
tion et  en  les  faisant  coïncider  autant  que  possible  avec  les  contractions  utérines. 

Préférer  le  levier  au  forceps  pour  l'extraction  de  la  lête,  retenue  dans  l'exca- 
vation du  bassin  ou  au  détroit  inféTieur,  est  une  idée  mjustifiabje,  aussi  con- 
traire aux  enseignements  de  l'expérience  qu'aux  lois  du  mécanisme  de  l'ac- 
couchement. Il  est  juste  de  reconnaître  que  les  partisans  modernes  du  levier  les 
plus  autorisés  ne  vont  pas  jusque-là.  Ils  reconnaissent  avec  M.  Boddaert  la  supé- 
riorité du  forceps  sur  le  levier  quand  la  tète  est  descendue  au  détroit  inférieur  et 
qu'on  doit  employer  les  instruments  pour  l'extraire;  «il  vaut  mieux  alors,  dit-d, 
employer  le  forceps  que  le  levier  pour  l'amener  au  dehors,  que  ce  dernier  pour- 
rait faire  dévier  la  tète  de  sa  bonne  direction.  Il  préfère  encore  se  servir  du 
forceps  lorsque  la  tète  se  présente  diagonalement  dans  l'excavation  pelvienne, 
parce  que  dans  ce  cas  la  tête  n'a  à  subir  qu'un  mouvement  de  rotation  qu'elle 
exécute  pendant  l'application  de  l'instrument,  que  dans  tous  les  cas  il  est  facUe 
de  lui  imprimer  en  l'extrayant.»  Sinous  rappelons  que  dans  les  positions  occipito- 
postérieures  son  usage  a  encore  plus  d'inconvénients  et  de  dangers,  on  recon- 
naîtra que,  de  l'aveu  des  partisans  du  levier  éclairés  par  une  longue  expérience 
personnelle,  cet  instrument  doit  céder  le  pas  au  forceps,  toutes  les  fois,  que  la 
tête  est  descendue  dans  l'excavation  pelvienne,  c'est-à-dire  sur  le  point  oà,  dam 
les  conditions  de  bonne  conformation  et  de  présentation  régulière,  elle  reucontrt 
le  plus  généralement  un  obstacle  à  son  ex|  ulsiou  sj)ontanée. 

Ce  que  nous  avons  dit  jusqu'ici  de  l'enqjjoi  comparatif  du  levier  et  du  forceps, 
comme  moyens  d'extraction  de  la  tète  arrêtée  dans  l'excavation  pelvienne  ou  au 
détroit  inférieur,  s'applique  exclusivement  à  la  présentation  du  vertex.  L'emploi 
du  levier  dans  la  présentation  de  la  face  serait  encore  moins  justifiable.  Dans  les 
positions  mento-antérieures  directes  ou  obliques,  l'extrémité  du  levier  porterait 
en  plein  sur  le  devant  du  cou  ou  sur  ses  parties  latérales  et  y  déterminerait  des 
désordres  graves.  Les  mento-latérales  directes,  qu'on  ne  parviemlrait  à  rendre 
et  à  maintenir  obliques  en  plaçant  les  branches  du  forceps,  rendraient,  son 
emploi  difficile  et  dangereux,  taudis  que  le  levier,  appliqué  sur  l'occipilal  ou  sur 
l'apophyse  mastokle,  eu  poussant  ces  parlics  en  arrière  et  eu  bas,  ppurrail  déter- 
miner le  mouvement  de  rotation  qui  amène  le  menton  dans  l'arcade  du  pubis. 
Dans  les  cas  peu  communs  où  la  tète  est  poussée  profondément  dans  l'excavation 


440  LEVIER  (obstétrique). 

pelvienne  sans  que  le  menton  tende  à  se  porter  en  avant,  si  le  forceps  se  montre 
impuissant  à  la  faire  avancer  ou  à  la  faire  tourner,  on  doit  encore  moins  compter 
sur  le  levier.  Ce  sont  des  cas  rares  qui  sont  le  plus  souvent  au-dessus  des  res- 
sources de  ces  deux  instruments. 

La  tète  retenue  au  détroit  inférieur,  après  la  sortie  du  tronc,  réclame  rarement 
l'intervention  des  instruments.  Dans  des  mains  exercées  on  comprend  que  le 
levier  puisse  devenir  une  ressource  d'un  usage  plus  facile  et  plus  expéditif  que  le 
forceps,  par  conséquent  moins  compromettante  pour  l'enfant. 

On  ne  peut  pas  dire  du  détroit  supérieur  comme  de  l'inférieur  et  de  l'excavation, 
qu'il  est  en  tout  point  exactement  approprié  au  forceps  ;  d'ailleurs  des  difficultés 
inhérentes  aux  déformations  et  aux  rétrécissements  de  ce  détroit  rendent  l'usage 
de  cet  instrument  souvent  difficile  et  incertain.  Le  levier  employé  dans  les 
mêmes  conditions,  c'est-à-dire  lorsque  la  tête  de  l'enfant  est  retenue  au  détroit 
supérieur  rctréci  ou  déformé,  mais  suffisamment  étendu  pour  lui  livrer  passage 
sans  exiger  une  réduction  supérieure  à  celle  qu'elle  peut  naturellement  donner, 
semble  offrir  dans  les  positions  qui  se  prêtent  le  mieux  à  son  application  des  avan- 
tages réels,  et  pouvoir  éluder  des  difficultés  qui  lui  permettent  de  soutenir  avec 
avantage  la  comparaison  avec  le  forceps.  D'abord  sa  supériorité  de  puissance 
d'action  est  évidente  :  agissant  à  la  manière  d'un  levier  du  premier  genre,  il 
donne  à  la  puissance  un  avantage  considérable  sur  les  tractions  directes,  avantage 
qui  peut  être  le  double,  le  triple,  suivant  le  plus  ou  moins  d'étendue  laissée 
au  bras  de  la  résistance  et  de  la  puissance,  c'est-à-dire  suivant  le  degré  de 
profondeur  qu'exige  l'introduction.  La  résistance  et  la  puissance  étant  les 
mêmes,  au  moment  où  les  tractions  directes  deviennent  insuffisantes,  le  levier 
tient  encore  au  service  de  l'accoucheur  une  somme  importante  de  lorces  dispo- 
nibles ;  l'effort  nécessaire  pour  faire  descendre  la  tête  peut  être  considérable 
d'un  coté,  tandis  qu'il  reste  modéré  de  l'autre,  sans  que  les  effets  de  la  pression 
sur  la  tête  du  fœtus  et  la  partie  de  la  mère  diffèrent  quant  à  leur  intensité,  à 
moins  que  la  différence  des  moyens  d'extraction  n'entraîne  une  notable  diffé- 
rence dans  la  déperdition  des  forces.  Sous  ce  rapport  l'avantage  semble  en- 
core être  du  côté  du  levier.  La  prétention  des  partisans  exclusifs  de  l'un  et  de 
l'autre  de  ces  deux  instruments,  de  diriger  l'effort  dans  la  direction  de  l'axe  du 
détroit  supérieur,  est  mal  fondée.  Le  levier  tend  à  pousser  la  tète  en  bas  et  en 
arrière  contre  le  promontoire  ;  s'il  ménage  la  vessie,  il  peut  comi.rimer  fortement 
son  col  et  l'urèthre.  Le  forceps,  au  contraire,  malgré  l'attention  de  diriger  le 
manche  en  arrière,  tend  d'autant  mieux  à  fliire  arc-bouter  la  tête  contre  les  pubis, 
que  souvent  le  bassin  vicié  présente  une  inclinaison  en  avant  exagérée;  la  vessie 
ménagée  dans  le  premier  cas  peut  être  fortement  comprimée  dans  le  second.  La 
direction  imprimée  à  la  tête  dans  le  premier  semble  plus  favorable  à  son  enga- 
gement et  présenter  moins  d'inconvénients  que  dans  le  second.  Relativement  à 
la  facilité,  à  la  régularité  de  l'application  des  instruments,  à  la  réduction  du 
crâne,  le  levier  offre  des  avantages  réels  sur  plusieurs  points.  Cela  n'est  pas  dou- 
teux pour  l'introduction  qui  ne  rencontre  pas  de  limites,  quel  que  soit  le  degré 
de  rétrécissement  et  de  déformation  du  bassin.  En  effet,  il  est  toujours  possible, 
sinon  facile,  de  porter  la  simple  lame  étroite  et  peu  recourbée  qui  la  consti- 
tue sous  l'arcade  du  pubis,  soit  qu'on  l'y  insinue  directement,  soit  qu'introduite 
en  arrière,  on  l'y  fasse  arriver  par  un  mouvement  de  spirale.  Mais  l'indication  de 
fixer  l'extrémité  de  l'instrument  sur  un  point  de  la  région  occipito-mastoïdienne 
en  limite  l'emploi  pour  l'enfant  vivant  aux  positions  occipito-antérieures  et  occi- 


LEVIER  (obstétrique).  -iH 

pito-latérales.  Ou  sait  que  les  positions  occipilo-postérieures,  au  tiétroit  supérieur 
ne  sont  pas  rares,  et  qu'elles  exposent  à  des  lésions  graves  de  la  face,  du  cou,  si 
elles  sont  méconnues  ;  dans  le  cas  contraire  on  pourrait  fixer  la  cuiller  du  le- 
vier sur  la  tempe,  sur  la  région  malaire,   sur  le  maxillaire  inférieur,  sans  laire 
courir  à  l'enfant  trop  de  danger.  Il  est  vrai  qu'en  agissant  ainsi,  on  se  priverait 
de  l'avantage,  attribué  au  levier  et  refusé  au  forceps,  d'engager  la  tète  en  la  ilé- 
cliissant.  Cet  avantage  très-sensible  pour  l'engager,  la  pousser  à  travers  le  détroit 
inférieur,  oii  la  résistance  existe  de  toutes  parts,  est  le  plus  souvent  nul  au  dé- 
troit supérieur  rétréci  ou  déformé,  oti  la  résistance  n'existe  qu'entre  le  promon- 
toire et  le  pubis,  ou  un  point  de  sa  branche  horizontale.  La  tète,  poussée  p ir  les 
contractions  utérines  dans  le  détroit  supérieur  rétréci  et  déformé,  tend  à  s'y  en- 
gager dans  la  direction  où  elle  trouve  le  plus  de  place  ;  le  levier  ne  la  fixant  pas 
comme  le  forceps,  et  agissant  de  concei't  avec  les  contractions  utérines,  favorise 
cette  disposition  au  heu  de  la  contrarier.  Il  n'ojipose,  de  plus,  aucun  obstacle  à 
la  propriété  de  réduction  que  le  crâne  tient  de  la  laxité  de  ses  sutures  et  de  la 
flexibilité  des  pariétaux.  Mais  tous  cl^s  avantages  du  levier  sur  le  forceps  sont  en 
grande  partie  compromis  par  le  peu  de  sûreté  de  son  point  d'appui  sur  la  tête; 
c'est  évidemment  son  côté  défectueux  et  le  plus  grand  obstacle  à  son  usage.  Il 
ne  s'agit  pas  seulement  de  cas  où  la  tète  est  mobile  au-dessus  du  détroit  supé- 
rieur, il  est  évident  qu'à  chaque  tentative  clic  se  déplace  et  fuit  devant  l'extré- 
mité de  l'instrument.  Si  en  pareil  cas  le  forceps  n'est  pas  absolument  impuissant 
à  saisir  la  tête,  il  faut  convenir  qu'il  est  au  moins  d'une  application  fort  difficile 
et  fort  incertaine.  Mais  cette  mobilité  ne  se  rencontre   guère  dans  les  cas  que 
nous  supposons.  En  effet,  il  faut  d'une  part  que  le  détroit  supérieur  offre  encore 
assez  d'étendue  pour  permettre  à  la  tèle  de  commencer  à  s'engager,  de  l'autre, 
que  l'expectation  ait   été  assez  [lolongée  pour  rencontrer  un  commencement 
d'engagement  et  la  fixité  de  la  tète.  En  dehors  de  ces  condilions,  il  n'y  a  rien  de 
bon  à  attendre  du  levier  ou  du  forceps.  En  un  mol,  il  faut  qu'il  y  ait  pour  l'un 
comme  pour  l'autre,   plus  encore  pour  le  levier  que  pour  le  forceps,  à  un  degré 
plus  ou  moins  prononcé,  cet  état  de  fixité  de  la  tète,  qu'on  désigne  encore  souvent 
par  habitude  sous  le  nomd' enclavement,  fixité  qui  est  le  résultat  de  l'engagement 
de  la  tète  et  de  la  rétraction  de  l'utérus  sur  le  corps  de  l'enflmt,  après  la  dilatation 
du  segment  inférieur  de  l'utérus  et  l'évacuation  du  liquide  amniotique.  C'est 
ainsi,  du  reste,  que  l'entendent  les  partisans  modernes  du  levier  exercés  à  son 
maniement.  M.  Coppée  (de  Gand)  convient  qu3  si  la  tète  est  encore  mobile  au- 
dessus  du  détroit  supérieur,  ou  parvitnt  bien  à  ap[iliquer  le  levier;  mais  que 
dans  ce  cas  il  est  sujet  à  glisser  sans  entraîner  la  tète,  et  que  celle-ci  change 
même  de  position  sous  l'action  de  l'instrument.  «  11  faut,  ajoute-t-il,  pour  l'ap- 
pliqui  r  avec  succès,  que  la  tète  soit  au  centre  du  détroit  et  même  un  peu  enga- 
gée. »  On  doit  distinguer  entre  l'application  et  le  maniement  de  l'instrument. 
Sans  doute  sa  simplicité,  son  peu  de  volume  permettent  de  porter  facilement  dans 
les  posi  lions  occipito-antérieures  ou  latérales  son  extrémité  sur  un  des  points  d'é- 
lection de  la  base  du  crâne  ;  mais  ce  n'est  là  que  la  partie  la  plus  facile  de  l'opé- 
ration, et  si'S  partisans,  après  avoir  vanté  sa  lacilité  d'application  et  sa  supério- 
rité sur  le  forceps  sous  ce  rapport,  sont  conduits  par  une  sorte  de  contradiction 
à  conveu]!'  dis  dilficultés  de  son  maniement.  M.  Coppée  proclame  que  le  levier  ne 
sera  jamais  l'instrument  que  de  celui  qui  a  déjà  acquis  une  certaine  expérience. 
M.  Coddaert  avoue  que  le  mode  opératoire  est  plus  compliqué  qu'avec  le  forceps, 
parce  que  celui-ci  ne  doit  qu'extraire  la  tc!e,  tandis  que  Ctlui-là  doit  l'extraire 


442  LEVIER  (obstétrique). 

ot  ea  outre  lui  faire  subir  divers  mouvements.  Du  reste,  dans  la  condilion  désa- 
vantageuse de  la  mobilité  de  la  tète  coïncidant  avec  un  rétrécissement  du  bassin, 
il  n'y  a  pas  lieu  d'insister  beaucoup  sur  riulériorité  du  levier,  le  l'orceps  lui- 
niémo  est  fort  exposé  à  écliouer,  et  ne  doit  être  essayé  que  si  un  accident  .grave 
vient  compliquer  le  travail,  avant  que  les  efforts  naturels  aient  commencé  à  en- 
gager et  à  fixer  la  tète.  Les  autres  difficultés  inhérentes  au  forceps  ne  sont  que 
trop  réelles  et  ne  doivent  être  ni  dissimulées  ni  môme  atténuées.  Une  des  plus- 
grandes  et  des  plus  communes  se  rencontre  dans  la  nécessité  de  placer  les  bran- 
ches sur  deux  points  du  bassin  suffisamment  opposés  l'un  à  l'autre  pour  que  leur 
articulation  puisse  être  opérée  sans  efforts  violents.  Deux  causes  peuvent  rendre 
cette  opposiliondesbranches  difficile  et  même  quelquefois  impossible  :  IMa  lorrae 
de  ladélormation  ;  2"  la  position  de  la  tète.  On  comprend  sans  peine  qu'un  détroit 
supérieur  encore  suffisamment  étendu  pour  laisser  passer  la  tête,  soit  déformé 
latéralement  ou  dans  la  direction  sacro-cotylcïdienne,  de  telle  façon  qu'il  soit 
difficile  de  placer  de  ce  côté,  soit  latéralement,  soit  obliquement  une  des  branches 
directement  en  opposition  avec  l'autre.  Mais  c'est  la  direction  de  la  tète,  engagée 
dans  le  détroit  supérieur,  qui  est  la  cause  la  plus  ordinaire  de  la  difficulté  de 
placer  les  deux  branches  dans  leurs  rapports  respectifs.  A  la  vérité,  la  tête  peut 
être  assez  oblique,  et  le  bassin  rétréci  assez  régulier  pour  permettre  de  la  saisir 
par  les  côtés.  Mais  ce  n'est  pas  le  cas  le  plus  commun;  le  plus  souvent,  soit  que 
la  position  soit  transversale,  soit  que  l'une  des  branches  du  forceps  ne  puisse  pas 
être  portée  suffisamment  en  avant,  la  tête  est  saisie  directement  du  front  à  l'oc- 
ciput, ou  obhquement  de  l'apophyse  mastoïde  à  la  bosse  Irontale  opposée.  L'ex- 
périence a  prouvé  que  les  branches  du  forceps  placées  ainsi  ne  glissent  pas  faci- 
lement, et  que  les  tractions  bien  dirigées  entraînent  la  tête  sans  accroitre 
sensiblement  les  diflicultés  et  les  dangers  pour  la  mère  et  l'enfant.  Que  la  tête 
soit  saisie  réguUèrement  ou  non,  on  doit  reconnaître  que  les  résultats  ne  sont  pas 
très-salisfalsants  pour  ce  dernier,  qui  est  souvent  extrait  mort  ou  animé  d'une  vie 
précaire,  les  centres  nerveux  ayant  subi  une  compression  trop  grande. 

Jusqu'à  quel  point  le  parallèle  entre  le  levier  et  le  forceps  employés  au  détroit 
supérieur  dans  les  viciations  du  bassin ,  théoriquement  favorable  au  premier,  est-il 
justifié  par  les  faits?  Ces  faits  sont  de  plusieurs  ordres  : 

1°  On  trouve  souvent  dans  les  écrits  des  partisans  du  levier  la  mention  de  suc- 
cès obtenus  par  le  levier  dans  des  cas  où  le  forceps  avait  échoué.  Ces  simples  as- 
sertions, qui  ne  font  pas  même  connaître  le  plus  souvent  si  la  tête  était  au  détroit 
supérieur  ou  dans  l'excavation,  ont  au  fond  peu  de  valeur  et  laissent  ignorer  si 
l'on  doit  rapporter  le  résultat  à  la  supériorité  de  la  méthode  plutôt  qu'à  une  dif- 
férence d'habitude  ou  à  ce  que  l'obstacle  a  été  surmonté  pendant  le  temps  écoulé 
entre  les  deux  opérations.  C'est  une  victoire  que  remporte  assez  souvent  sur  lui- 
même  le  forceps,  dans  les  mêmes  mains  ou  dans  d'autres  :  tous  les  jours  on  voit 
une  nouvelle  application  réussir  après  une  première  tentative  infructueuse. 

2°  D'autres  sont  mentionnés  avec  assez  de  détails  pour  montrer  que  l'obstacle 
était  réel  et  constitué  par  une  viciation  du  détroit  supérieur.  Il  ne  faut  pas  les 
chercher  dans  la  période  de  ferveur  du  levier,  durant  laquelle  on  ne  rencontre  que 
des  énumérations  de  succès.  Les  difficultés  et  les  insuccès  provenant  d'obstacles 
sérieux  ne  feraient  pas  même  une  ombre  au  tableau,  si  Camper  n'avait  eu  le  soin 
d'en  recueillir  çà  et  là  quelques  exemples.  Il  faut  arriver  jusqu'à  Herbiniaux  pour 
rencontrer  des  faits  authentiques  d'extraction  de  la  tête  retenue  au  détroit  supé- 
rieur vicié;  mais  ils  sont  peu  nombreux  et  se  réduisent  à  deux  ou  trois.  Désor- 


LEVIER    (OBSTÉTRIQLI:).  443 

meaux,  qui  sans  êtreuiipavlisau  du  levier,  le  jugeait  avec  nue  inipai'tialitédont  ses 
prédécesseurs  ne  lui  a\aicut  pas  donné  l'exeuiplo,  éaict  l'opinion  qu'il  peut  ren- 
dre de  Irès-grands  services,  non-seulement,  connne  le  veut  Muldcr,  dans  les  cas 
où  l'on  n'a  qu'une  légère  résistance  à  surmonter,  mais  encox-edans  quelques-uns 
des  cas  les  plus  diilicdes.  «  Pour  mon  comple,  ajoute-l-il,  je  me  rappelle  m'en 
être  servi  avec  succès  duis  deux  cas  oii  la  lèle,  étant  dans  une  situation  transver- 
sale au-dessus  du  détroit  supérieur,  n'aurait  pu  être  saisie  avec  le  l'orceps  que 
d'une  manière  défavorable,  c'est-à-dire  de  la  face  à  l'occiput.  Une  branche  du 
forceps,  portée  le  long  de  la  face,  peut  être  ramenée  en  a^ant,  sans  cependant 
arriver  jusque  derrière  la  symphyse  des  pubis,  et  son  extrémité,  en  raison  de  sa 
courbure,  parvint  jusque  sur  la  région  mastoïdienne,  où  elle  trouva  un  point 
d'appui  solide.  Au  moyen  de  cette  branche  de  forceps  qui  faisait  l'olilce  de  levier, 
ou,  pour  mieux  dire,  de  crochet,  j'entraînai  la  tète  du  fœtus.  Dans  un  des  detix 
cas,  la  tète  éprouva  une  telle  pression,  eu  Iravcrsant  le  détroit  supérieur,  que  le 
pariétal  gauche  présentait  une  dépression  longitudinale  |uofonde,  produite  par  la 
saillie  sacro-lombaire.  »  Ccst  surtout  dans  les  publications  de  M,  Boddaert  qu'on 
trouve  des  exemples  concluants  de  1  efJicacité  du  levier,  on  peut  difficilement  se 
défendre  de  reconnaître  sa  supériorité,  lorsqu'iuie  réduction  notable  de  la  tète  est 
nécessaire  pour  qu'elle  puisse  franchir  le  détroit  siqjérieur  rétréci.  On  y  ren- 
contre des  observations  de  tètes  extraites,  souvent  rapidcnicnt,  parfois  avec  con- 
servation de  la  vie  de  l'enfant,  prcs(pic  toujours  sans  accidents  pour  la  n)ère,  le 
bassin  ne  mesurant,  au  dire  de  l'autour,  dans  son  diamètre  rétréci  que  5  pouces, 
3  pouces  un  J/4,  o  pouces  et  1/2. 

5"  Ou  peut  invoquer  des  expériences  en  apparence  décisives  déniou(ranl  la  su- 
périorité du  levier  sur  Je  forceps  [loiu'  faire  franchira  la  tète  le  détroit  supérieur 
réduit.  Le  professeur  Fabbri,  de  Bologne,  auteur  d'un  inqiortaut  Mémoire  sur  le 
levier,  a  répété  en  1865,  à  Paris,  devant  phisieurs  témoins  ces  expériences. 
M.  Tarnier,  un  des  témoins,  en  rend  compte  de  la  manière  suivante  :  «  Un  rétré- 
cissement du  bassin  ayant  été  siuudé  [lar  une  plaipie  de  tôle  ajustée  sur  le  jiro- 
montoire,  et  un  enfant  ayant  été  placé  comme  s'il  se  fut  présenté  [ :ar  le  sommet, 
j'appliquai  le  forceps  sur  cette  tète,  .l'essayai  de  toutes  mes  forces,  et  il  me  fut  im- 
possible de  l'entraîner  dans  l'excavation.  Le  docteur  Fabbii  ap[)lit(ua  à  sontoiu'  le 
le  levier  et  abaissa  aussitôt  la  tète  dans  le  petit  bassin.  Je  renouvelai  l'expérience, 
j'appliquai  de  nouveau  le  forceps  tout  aussi  mlructueusemeut  que  la  première  fois; 
après  quoi  j'eus  recours  moi-même  an  levier;  je  déclare  qu'avec  cet  instrument 
je  fis  descendre  la  tète  dans  l'excavation  avec  une  étonnante  flicilité.  » 

Les  résultats  de  ces  observations  et  de  ces  expériences  sont  de  nature  à  fixer 
sérieusement  l'attention.  Us  se  justifient  du  reste  l'acilenient,  si  l'on  veut  bien 
ne  pas  oublier  que  le  levier  emprunte  à  son  mode  d'action  mie  puissance  d'extrac-  , 
tion  bien  supérieure  à  celle  des  tractions  directes  exerci'es  par  le  fore  jps.  On  juge- 
rait sans  doute  tropfavoralilement  de  la  sûreté  et  de  la  solidité  de  la  prise  du  levier 
sur  la  tète,  si  l'on  prenait  à  la  lettre  ces  manoeuvres  à  ciel  découvert,  où  le  point 
d'appui,  la  position,  l'immobilité  de  la  tète  sont  assurés  d'avance,  avantages  en 
grande  partie  perdus  dans  les  conditions  ordinaires.  On  ne  doit  pas  moins  en  con- 
clure que  les  rétrécissements  du  bassin  encore  susceptibles  de  laisser  passer  la 
tète,  mais  qui  opposent  soit  à  l'introduction  des  branches  du  i'orceps,  soit  à  leur 
articulation,  soit  à  la  progression  de  la  tète  pr  les  tractions  directes,  des  obsta- 
cles qui  semblent  insurmontables,  peuvent  encore  dans  une  certaine  limite  et 
dans  un  certain  nombre  de  cas  être  justiciables  du  levier.  En  conséqueuce,  on 


444  LEVlliR   (orsf  i':ti\ique). 

n'esl  légilimemeut  autorisé,  après  i'insuccès  du  forceps,  d'avoir  recours  à  la  crâ- 
niotomic  ou  à  l'opération  césarienne  si  l'enfiint  est  vivant,  qu'après  avoir  essayé 
le  levier.  De  même  les  praticiens  exerc.'S  au  maniement  du  levier,  et  qui  l'em- 
ploient d'emblée  lorsque  l'impuissance  des  efforts  de  la  nature  est  évidente,  ne 
sont  légitimement  autorisés  à  passer  outre  lorsqu'ils  échouent,  qu'après  avoir 
épuisé  les  ressources  du  forceps. 

Les  règles  générales  et  particulières  de  l'application  du  levier  sont  d'une  grande 
simplicité,  mais  ne  constituent  pas  moins  un  procédé  opératoire  d'une  exécution 
souvent  diflicile,  sinon  pour  introduire  l'instrument,  au  moins  pour  donner  à  son 
extrémilé  une  prise  suffisamment  sûre  et  solide  pour  qu'il  puisse  manœuvrer  avec 
efficacité.  Le  manuel  opératoire  et  les  modifications  qu'il  doit  subir  dérivent  pres- 
que exclusivement  de  la  présentation  et  de  la  position  de  la  lête.  Aussi  doit-on 
indiquer  en  première  ligne,  parmi  les  précautions  préliminaires,  la  nécessité  d'un 
diagnostic  certain;  et,  toutes  les  fois  que  l'examen  des  sutures,  des  fontanelles  et 
des  autres  points  de  repère  ne  donnent  pas  au  diagnostic  une  certitude  absolue,  on 
ne  doit  pas  hésiter  à  aller  directement  à  la  recherche  de  la  position  :  il  faut  à  tout 
prix  éviter  de  prendre,  à  notre  insu,  un  point  d'appui  sur  la  face  lorsqu'on 
suppose  l'enlant  vivant.  Un  autre  soin  préliminaire  sur  lequel  les  partisans  du 
levier  insistent  avec  raison,  c'est  de  donner,  à  la  femme  placée  en  travers  sur  un 
lit,  plusencore  que  pour  l'application  du  forceps,  une  position  horizontale,  le  siège 
un  peu  élevé  et  dépassant  autant  que  possible  le  bord  du  lit.  En  effet,  comme  ils 
poussent  directement  sous  l'arcade  du  pubis  l'instrument  dans  la  matrice,  le  man- 
che doit  être  renversé  tout  contre  le  périnée.  Voici  comment  ils  procèdent  :  ils 
accrochent  avec  l'index  et  le  médius  de  la  main  gauche  l'orifice  utérin  et  le  ramè- 
nent par  leur  face  palmaire  contre  l'arcade  pubienne,  ils  font  ensuite  glisser  l'ex- 
trémité de  l'instrument,  tenu  par  sa  partie  moyenne  et  fortement  renversé  en 
arrière,  le  long  de  leur  face  dorsale,  en  lui  faisant  suivre  les  contours  du  crâne  ; 
on  i^econnaît  qu'elle  a  franchi  sa  circonférence,  le  point  difficile  de  l'introduc- 
TÏon,  ià  une  petite  secousse  et  à  un  peu  plus  de  liberté  de  l'instrument  dès  qu'elle 
est  parvenue  sur  la  base  du  cràiie,  où,  après  quelques  tâtonnements,  elle  trouve  nu 
point  d'appui  plus  ou  moins  favorable  :  l'instrument  est  placé  comme  il  faut,  sui- 
vant l'expression  consacrée.  On  comprend  facilement  qu'un  levier  à  courbure  trop 
étendue  et  trop  profonde  rende  plus  difficile  et  même  impossible  l'introduction  di- 
recte. Ou  peut  également  faire  arri\er  par  une  voie  indirecte  l'instrument  sous 
l'arcade  du  pubis,  en  introduisant  son  extrémité  en  arrière  et  la  l'aisant  arriver 
sous  l'arcade  du  pubis  par  un  mouvement  de  spirale  allongée  contournant  la  tète  ; 
les  praticiens  exercés  au  maniement  du  forceps  useraient  de  ce  procédé  plus 
volontiers  que  de  l'autre.  On  dirige  et  on  place  autant  que  possible  l'instrument 
sous  le  corps  du  pubis  du  côté  du  bassin  oii  correspond  l'occiput,  pluslôtqu'exacte- 
ment  sous  la  sympliyse,  pour  être  plus  en  rapport  avec  la  position  de  la  tète  et 
pour  atténuer  les  effets  de  la  compression  de  l'urètlire.  Parfois  il  se  porte  invinci- 
blement sous  la  symphyse,  d'autres  lois  on  peut  à  peine  le  faire  arriver  sous  le 
corps  du  pubis  ori  l'on  veut  le  placer.  On  voit  que  la  précaution  d'envelopper  l'in- 
strument dans  une  gaine  emplastique  pour  diminuer  les  effets  de  la  compression 
sur  la  tète  du  fœtus  et  sur  les  parties  de  la  mère,  est  parfaitement  fondée,  et  si  le 
levier  n'a  plus  aujourd'hui  ces  garnitures  incompatibles  avec  la  propreté  de  l'in- 
strument, on  peut  les  remplacer  au  moment  de  s'en  servir  par  des  bandelettes 
de  caoutchouc  vulcanisé.  Lorsqu'on  s'est  assuré  que  l'instrument  est  bien  placé,  on 
attend,  pour  le  faire  manœuvrer,  l'arrivéed'une  douleur.  G'estune  règle  importante 


LEVIER  (obstétrique).  445 

à  observer,  non-seulement  pour  le  concours  que  les  efforts  naturels  apportent  à 
l'expulsion,  mais  encore  comme  moyen  de  fixer  la  tète  et  d'cmpèclier  l'instru- 
ment de  glisser.  Au  moment  oiî  les  contractions  utérines  commencent,  on  saisit 
de  la  main  gauche  le  levier  près  des  organes  génitaux  et  ron'presse  contre  la  tcle 
de  haut  en  bas  pour  maintenir  le  point  d'appui  et  diminuer  la  pression  des 
parties  molles  situées  sous  la  symphyse  des  pubis,  tandis  qu'on  soulève  de  la  main 
droite  le  manche  de  l'instrument  vers  le  ventre  de  la  mère,  de  manière  à  forcer  la 
tète  à  s'écarter  du  pubis  et  à  descendre  dans  l'excavation.  Il  faut  avoir  soin 
de  retirer  progressivement  l'instrument,  qui  ne  pénètre  guère,  au  début,  au  delà 
de  3  pouces  dans  les  parties,  à  mesure  que  la  tète  descend,  et  de  changer  dans  les 
intervalles  les  points  d'appui,  de  manière  à  lui  permettre  de  subir  son  mouve- 
ment de  rotation  en  avant,  à  mesure  que  l'occiput  s'approche  de  l'arcade  du  pubis. 

La  même  manœuvre  s'applique  aux  différentes  positions  du  crâne,  et  ne  com- 
porte d'autres  changements  que  ceux  qui  résultent  de  la  direction  de  la  tète, 
du  côté  du  bassin  auquel  l'occiput  correspond  et  de  son  plus  ou  moins  d'éloi- 
gncment  du  pubis,  ce  qui  fait  varier  le  point  d'appui  de  la  résistance  de  la  région 
sous-occipitale  à  la  région  mastoïdienne.  Si  Ton  voulait  tenter  de  faire  usage 
du  levier  dans  les  positions  occipito-postérieures,  il  fondrait  le  diriger  obliquement 
suivant  une  ligne  allant  de  l'apophyse  mastoïde  au  menton,  ce  qui  augmenterait 
encore  sa  disposition  à  glisser  déjà  si  grande  dans  les  positions  favorables  à  son 
em})loi.  Si  l'on  voulait  absolument  en  faire  usage,  on  aurait  plus  de  chances  de 
réussir  en  portant  sou  extrémité  sur  la  tempe,  au-devant  du  pavillon  de  l'oreille 
ou  sur  l'angle  de  la  mâchoire  inférieure. 

II  est  à  peine  nécessaire  d'indiquer  les  modifications  que  la  présence  de  la 
face,  au  détroit  supérieur,  ferait  subir  au  manuel  opératoire.  Nous  avons  déjà 
fait  remarquer  que  le  levier,  comme  moyen  d'extraction,  était  d'une  application 
très-limitée  lorsque  la  face  était  descendue  sur  le  planciier  du  bassin,  même 
inapplicable  dans  les  positions  mento-antérieures,  à  plus  forte  raison,  lorsqu'elle 
est  retenue  au-dessus  du  détroit  supérieur  par  un  vice  de  conformation  du  bassin 
ou  un  obstacle  quelconque.  Si  l'on  essaye  de  s'en  servir,  c'est  surtout  en  le  fai- 
sant manœuvrer  à  la  seconde  manière,  c'est-à-dire  comme  moyen  de  redresser  la 
tète,  de  changer  la  présentation.  Mais,  pour  cela,  on  ne  peut  guère  plus  compter 
sur  le  levier  que  sur  une  branche  du  forceps  et  surtout  sur  la  main,  qui  peut,  si 
elle  ne  réussit  pas,  aller  saisir  les  pieds,  le  meilleur  moyen  à  prendre  en  pareil 
cas.  Cependant,  si  la  tète  était  immobile,  fortement  engagée  dans  le  détroit  supé- 
rieur, ne  laissant  plus  de  chances  à  l'abaissement  du  ver tex  ou  à  la  version,  le 
levier  pourrait  agir  efficacement  dans  los  positions  mento-latérales  directes,  dans 
lesquelles  le  forceps  est  inadmissible,  parce  que  l'une  de  ses  branches  porterait  sur 
le  devant  du  cou.  Le  levier  pourrait  facilement  être  introduit  sous  l'arcade  des 
pubis  et  porté  sur  l'occipital.  Les  mouvements  d'élévation  et  de  traction  sur  le 
manche  pourront  faire  descendre  la  tête  et  ramener  progressivement  le  menton 
en  avant.  Dans  la  position  mento-postérieure,  le  levier  peut  à  la  rigueur  être  in- 
troduit sous  l'arcade  du  pubis  et  suivre  le  vertex  jusque  sur  l'occiput.  Mais  la 
difficulté  de  faire  descendre  la  tète,  et  la  profondeur  de  l'introduction  qui  retire 
au  le\ier  une  partie  de  sa  puissance  ne  permettent  guère  décompter  sur  ce 
moyen.  Si  le  forceps  est  le  plus  souvent  impuissant  à  entraîner  la  tête,  il  peut 
au  moins  réussir  à  lui  fau'e  exécuter  un  mouvement  de  rotation  en  avant,  mou- 
vement qui  ferait  cesser  les  difticullés. 

Dans  l'accouchement  par  l'extrémité  pelvienne  ou  dans  la  version,  il  arrive  sou- 


446  LEVIER  (obstétrique). 

veut  que  la  tèle  est  relcuuc  daus  sou  pas«age  à  travers  le  bassin  :  s'il  n'est  pas 
rétréci,  la  main  est  le  moyeu  le  plus  sûr  et  le  plus  eypîditif  de  lever  la  difficulté 
et  de  soustraire  l'enfant  au  danger  d'asphyxie  qui  le  menace.  Mais  s'il  ostrétrôci, 
la  main  peut  être  impuissante,  et  le  cas  exiger  l'emploi  du  forceps.  Les  partisans 
(lu  levier,  surtout  M.  Goppéc,  prétendent  qu'il  est  plus  expéditif  et  plus  sûr  que  le 
lorccps,  et  que  le  succès  a  dépassé  toutes  leurs  espérances.  La  manœuvre  con- 
siste à  tenir  le  tronc  du  fœtus  abaissé  vers  le  périnée  et  ramené  contre  la  cuisse 
droite  ou  gauclie,  suivant  que  l'occiput  est  incliné  à  droite  ou  à  ganclie,  pour  que 
le  manche  de  l'iustrimient  puisse  passer  à  côté  du  cou  de  l'enfant.  Que  l'occiput 
regarde  en  avant  ou  en  arrière,  l'cxlrémilé  de  l'instrument  est  portée  sur  mi 
point  de  la  voiite  du  crâne,  le  vertex,  le  siuciput,  en  prenant  garde,  lorsque 
l'occiput  est  dirigé  en  arrière,  de  blesser  la  face.  Pour  cela,  il  suffit  de  faire  glisser 
l'extrémité  de  l'instrument  sur  la  tempe  jusqu'au  sinciput.  Si  la  lace  regardait 
directement  en  avant  et  qu'elle  ne  pût  être  inclinée  ni  d'un  côté  ni  de  l'autre, 
on  pourrait  à  la  rigueur  faire  glisser  riuslrumont  sur  la  face,  en  ayant  soin  de 
faire  avancer  son  extrémité  au  delà  de  la  voussure  du  front.  Il  n'est  pas  nécessaire 
d'insister  pour  montrer  que  le  mouvement  d'élévation  du  manche  agit  d'une 
manière  très-favorable  pour  engager  la  tête  et  la  pousser  à  l'extérieur.  C'est  dans 
les  cas  où  l'instrument  prend  sou  point  d'appui  sur  la  voûte,  comme  dans  ceux 
oià  il  agit  comme  moyen  de  redressement  que  les  leviers  à  courbure  plus  éteudue 
et  jdus  prononcée  conviennent. 

On  voit,  d'après  la  manière  d'agir  du  levier,  qu'il  expose  par  son  extrémité  à 
comprimer  et  à  blesser  la  tète  de  l'enfant,  et  par  son  manche  à  comprimer  et  à 
blesser  l'urèthre  et  le  col  de  la  vessie  de  la  mère.  Jusqu'à  quel  point  ces  com- 
pressions peuvent-elles  avoir  des  suites  fâcheuses  pour  l'un  ou  pour  l'autre, 
lorsque  la  résistance  à  vaincre  est  considérable  ou  bien  que  l'instrument  n'est 
pas  manié  avec  toute  la  dextérité  et  la  prudence  nécessaires  ?  Les  observations 
d'application  du  levier  publiées,  jusqu'à  présent,  ne  sont  pas  assez  nombreuses 
pour  juger  complètement  la  question.  Camper,  qui  était  fort  au  courant  de  la 
pratique  des  Roonhuysiens  de  son  temps,  parle  de  la  déchirure  de  l'urèthre 
comme  d'un  accident  commun.  Il  note  aussi  le  fait  d'un  chirurgien  célèbre  de 
Bois-le-Duc,  qui,  ayant  extrait  par  la  spatule  une  tète  transversalement  située, 
l'occiput  vers  l'ischion  gauche,  trouva  sur  le  pariétal  situé  en  avant  un  grand 
■enfoncement  produit  par  la  pointe  de  l'instrument  ;  l'enfant  vécut  et  l'enfonce- 
ment disparut  en  cinq  mois  de  temps.  Marchand  (de  Charenton)  a  publié 
une  observation  de  délivrance  par  le  levier,  la  tète  étant  en  position  occipito- 
antérieure  gauche,  dans  laquelle  il  est  dit  que  la  pression  s'était  exercée  sur  les 
côtés  de  la  tète  oii  il  y  avait  une  contusion  plus  marquée  à  droite  qu'à  gauche. 
Il  survint  un  phlegmon  diffus  qui  occupait  les  régions  parotidienne  et  mastoï- 
dienne; il  fut  ouvert,  et  au  bout  d'un  mois  la  guérison  était  comidète,  sans  qu'il 
se  soit  montré  aucun  signe  de  contusion  du  cerveau.  Il  y  avait  en  outre,  au  mo- 
ment de  la  naissance,  une  paralysie  de  la  face  à  droite.  La  mère,  après  l'accouche- 
ment, se  plaignait  de  douleurs  vives  à  la  partie  droite  du  bassin  et  de  la  cuisse  ;  la 
miction  était  impossible;  on  fut  obligé  de  la  sonder  pendant  dix  jours.  Dans  une 
autre  observation  d'extraction  du  fœtus  avec  le  levier,  du  même  auteur,  les  acci- 
dents du  côté  de  la  mère  furent  plus  graves  :  une  déchirure  des  grandes  lèvres 
donna  naissance  à  un  érysipèle  traumatique  qui  gagna  la  fesse  et  parcourut 
toute  la  cuisse  droite  jusqu'au  genou  ;  on  fut  obligé  de  sonder  la  malade  pendant 
près  de  deux  mois,  et  il  y  eut  une  fistule  vésico-vaginale  qui  guérit  seule  au  bout 


LEVR.\T-PERROTON.  Ul 

•àe  huit  jours.  Nous  ue  clierclierons  pas  à  concilier  l'oxisteuce  siniultauce  d'une 
rétention  d'urine  et  d'une  fistule  vésico-vaginalc,  ni  à  comprendre  la  facile  et  ra- 
pide guérison  de  celle-ci,  à  moins  que  la  lésion  ne  portât  sur  le  canal  de  l'urcthre, 
mais  alors  il  serait  peut-être  plus  rationnel  de  l'attrdjuer  au  levier,  bien  qu'il  ait 
triomphé  sans  peine  de  h  difficulté,  qu'aux  tentatives  réitérées  du  forceps.  Hyer- 
uaux,  de  Bruxelles,  appréciateur  indulgent  par  sentiment  national,  convient 
■cependant  que  le  levier,  manié  par  des  mains  inhabiles,  peut  avoir  de  plus  tristes 
résultats  que  le  forceps;  et  il  ajoute,  comme  quelqu'un  de  bien  informé  :  «  Nons 
en  avons  vu  malheureusement  beaucoup  dans  les  dernières  années  qui  ét;iient  de 
nature  à  ébranler  notre  confiance.  »  Mais  il  fait  remarquer  avec  raison  qu'on 
doit  tenir  un  grand  compte  des  affirmations  d'hommes  qui,  comme  Boddaert, 
Coppée,  Fraeys,  assurent  que  dans  le  cours  de  leur  pratique  ils  n'ont  jamais  eu  à 
■déplorer,  ni  sur  la  mère  ni  sur  l'enfant,  des  lésions  graves.  Jacquemier. 

BiDLioGBAPHiE.  —  De  Visciier  (Jacques)  et  Yan  de  Poll  (Hugo).  Roonhuyseiis  gehciin  oiil- 
■dclct.  Amstev dam  (en  hollandais),  1753;  notice  sur  le  levier  de  Roonliuysen,  rédig:rc  sur 
des  documents  laissés  par  de  Biuyn.  —  I.a  même  notice  traduite  du  liollandnis  et  insé- 
rée à  la  tin  du  tome  1"  du  traité  théorique  et  pratique  des  accouelienieiils,  traduit  de 
l'anglais  par  de  Preville,  4754.  —  Levuet.  Suite  des  observations  sur  les  causes  et  les 
■ficcideuts  de  plusieurs  accouchements  laborieux;  sentiment  de  l'auteur  sur  le  levier  de 
Roonliuysen  et  sur  la  manière  de  s'en  servir.  Paris,  1771.  —  C.vjiPEn.  Remarques  sur  les 
accouchements  laborieux  par  V enclavement  de  la  tète,  et  sur  ïusa<jc  du  levier  de  lloon- 
huijsen  dans  ces  cas.  Dans  les  Mémoires  de  l'Académie  royale  de  chirurgie,  tome  XV, 
jii_12.  —  Supplément  aux  remarques  de  Camper.  Mémoires  de  l'Académie  royale  de  chir., 
ïome  XV.  — Deleuhïe.  Traite  des  accouchements,  1777.  —  Ciiayhoc.  Discours  préliminaire  à 
la  traduction  des  observations  nouvelles  de  Theden.  Bouillon,  1777.  — Reciideiiger.  De  vecti 
.emendando.  Viennse,  1779.  —  Hoin.  Réponse  à  Chayrou.  Journal  de  médecine,  janvier  et 
mars  1780.  —  Baudelocque.  Traité  de  l'art  des  accouchements,  1781.  —  Geiileh.  Programma 
-de  vectis  obstetriculis  usu  dubio,  1789.  —  Sutthoff.  Vectis  Roon/iiiisenis  hisluriri  et  nsu. 
Gœtting.,  1786.  —  IIerbin-iaux.  Traite  sur  divers  accouchements  laborieux.  BruNclles,  1791. 

—  Denhan.  Introduction  à  la  i)ratique  des  accouchements.  Trad.  de  l'anglais  par  Kluy-kcns, 
1802.  —  Muldeu.  Hisloria  litleraria  et  critica  foreipum  et  vectium  obstetriciorum. — Fi.amaxt. 
Sur  le  levier  des  accoucheurs.  Journal  eoniiilémentaire  des  sciences  médicales,  1831.  — 
Desormaux.  Article  Levier  du  D'ictionnaire  de  médecine  en  50  volumes.  —  Boddaert.  l)e  l' usage 
rationnel  du  forceps  et  du  levier  ;  rapports  et  discussions  sur  ce  travail.  Annales  et  bulle- 
tins de  la  Société  de  médecine  de  Gand,  1842  et  18i9.  —  Coppée.  Du  levier  en  obstétrique . 
Bulletins  de  V  Académie  roy .  de  médecine  de  Belgique,  t.  YII.  —  Fraeïs.  Du  levier  après 
la  sortie  du  tronc.  —  Hudert.  Notes  sur  l'équilibre  du  forceps  et  du  levier  et  sur  le  choix  à 
faire  entre  ces  deux  instruments.  Mémoires  de  V Académie  royale  de  Belgique,  t.  IV,  18G0. 

—  Fabbri.  Uso  Bagioncvole  délia  leva  nelV  obstetricia.  Bologna,  1805.  —  Tarmer.  ^otc 
ajoutée  à  la  7"=  éd.  du  Traité  d'accouchements,  de  Cazeaux.  Paris,  1867.  —  Mahchaxt.  Du 
forceps  et  du  levier.  In  Arch.  génér.  de  médecine.  Paris,  1808.  —  Du  même.  Accouchement 
terminé  par  le  levier.  In  Gaz.  des  hop.,  n°  149;  1808.  J. 

I.EVRAT-PERKOTOX  (J.  F.  B.),  était  né  vers  1790,  au  Bugey,  oîi  son  père 
exerçait  la  médecine.  D'abord  chirurgien  militaire,  il  fut  fait  prisonnier  sous  les 
murs  de  Berlin,  à  l'époque  de  nos  désastres,  envoyé  dans  une  petite  ville  de  Sibérie, 
et  revint  en  France  à  la  paix.  Beçu  docteur,  il  s'établit  d'abord  à  Neu\illi'-sur- 
Saône,  mais  ses  succès  dans  la  pratique  l'engagèrent  à  se  fixer  sur  un  plii.s  vaste 
théâtre  et  il  vint  à  Lyon.  C'est  alors  qu'il  ajouta  à  son  nom  de  Levrat  celui  de  son 
beau-père  Perroton ,  agent  de  change  à  Lyon,  afin  de  se  distinguer  du  docteur 
Levrat  (F.  M.  Ph.),  qui  pratiquait  la  médecine  dans  la  même  ville.  Il  se  fit  alors 
nne  réputation  dans  la  pratique  obstétricale  et  obtint  la  place  de  médecin  de  l'An- 
tiquaille. Nous  signalerons,  entre  autres  recherches  nombreuses ,  celles  qu'il  a 
faites  sur  l'action  du  tartre  stibié  dans  les  affections  du  poumon,  sur  lemonesia 
Marchansia,  sur  le  traitement  de  l'ongle  incarné,  et  surtout  sur  l'emploi  du  seigle 
«rgoté  dont  il  a  fait  une  monographie  remplie  de  faits  intéressants. 


448  LEVRES  (anatomie). 

Levrat-Perrotoii  a  succombé  le  24  février  1855,  à  l'âge  de  soixante-cinq  ans, 
aux  suites  d'une  afi'ection  catanhale  dont  il  était  tourmenté  depuis  plusieurs 
années.  Voici  l'indication  des  principales  publications  de  ce  laborieux  médecin. 

I.  Observ.  sur  l'emploi  du  tartratc  anthnonié  dépotasse  (émétique)  dans  les  phlcgmasies 
des  organes  delà  respiration.  Lyon,  1828,  in-8°.  —  II.  Obs.  sur  l'emploi  médical  de  l'acé- 
tate et  du  sous-acétate  de  plomb  dans  quelques  névroses  du  cœur  et  des  organes  de  la  géné- 
ration, jorccédées,  elc.  Marseille,  1829,  iii-8«.  —  III.  Observ.  et  réflexions  sur  les  propriétés 
obstétricales  du  seigle  ergoté.  Lyon,  1832,  m-?,''.  —  Recherches  et  observations  sur  l'emploi 
thérapeutique  du  seigle  ergoté.  Lyon  et  Paris,  1837,  in-8°;  nouv.  édit.,  Lyon  el  Paris,  1853, 
in-8'.  —  IV.  Bulletin  médical  du  service  des  aliénés  à  l'hospice  de  l' Antiquaille  de  Lyon. 
2}endant  l'année  \M0.  Lyon,  1842,  in-8°,  tabl.  —V.  Mcm.  sur  l'emploi  de  l'alcali  volatil 
fluor  (ammoniaque  liquide)  dans  la  coqueluçlie.  Lyon,  1849,  in-8».  E.  Bgd. 

LÈ^'KES.  §  I.  Anatomie.  La  bouche  est  limitée  en  avant  par  des  prolonge- 
ments tt'guraentaires  et  musculeux,  parallèles  au  rebord  alvéolaire  des  mâchoires, 
juxtapo.-és  à  l'élat  de  repos,  mais  pouvant  s'écarter  en  formant  uu  orifice  de 
forme  .---t  de  grandeur  variables.  Ces  prolongements  constituent  les  lèvres.  Le 
même  nom  est  apphqué  aux  rebords  de  quelques  ouvertures  naturelles,  telles  que 
celles  du  méat  urinaire  chez  l'homme,  de  la  dépression  vulvaire  chez  la  femme. 
En  pathologie,  on  désigne  aussi  sous  ce  nom  les  bords  d'une  plaie  à  réunir.  Nous 
ne  nous  occuperons  que  des  voiles  antérieurs  de  la  bouche. 

Les  replis  labiaux  sont  au  nombre  de  deux.  Ils  sont  charnus,  mobiles,  exten- 
sibles et  contractiles.  Dans  leur  ensemble  ils  représentent  une  région  restreinte 
de  la  face,  de  forme  ovalaire,  bornée  en  haut  par  le  nez,  en  bas  par  le  sillon 
mento-labial,  et  sur  les  côtés  par  des  sillons  obliques  qui  les  séparent  des  joues. 
Leur  étendue  prédominante  est  transversale,  et  dans  ce  sens  elles  se  divisent  en 
deux  moitiés  superposées,  circonscrivant  l'orifice  de  la  bouche.  Les  lèvres  buccales, 
séparées  comme  les  paupières  par  une  fente  transversale,  sont  inégales  et  exemptes 
l'une  par  rapport  à  l'antre  de  la  symétrie  que  présentent  les  bords  des  fentes  ver- 
ticales ou  antéro-postérieures.  La  lèvre  supérieure  est  plus  saillante  et  présente 
plus  de  hauteur  que  l'inférieure  ;  elle  s'en  distingue  aussi  par  des  particularités 
de  forme.  Les  deux  organes  se  rejoignent  en  dehors  par  deux  angles  appelés 
commissures  ;  en  arrière,  ils  sont  attachés  par  la  muqueuse  au  rebord  alvéolaire 
de  chaque  mâchoire,  au-devant  desquelles  un  appareil  musculaire  compliqué  leur 
permet  d'exécuter  des  mouvements  nombreux  et  d'imprimer  à  l'orifice  buccal  les 
formes  les  plus  variées. 

Lèvre  supérieure.  Elle  a  une  direction  à  peu  près  verticale  ou  légèrement 
inclinée  en  avant,  suivant  la  saillie  des  dents  et  du  rebord  alvéolaire.  Sa  face  anté- 
rieure, un  peu  convexe  entre  les  sillons  naso-labiaux,  présente  à  la  partie  moyenne 
la  dépression  sous-nasale,  sorte  de  gouttière  terminée  en  bas  par  un  tubercule 
qui  s'accuse  sur  le  bord  libre  de  la  lèvre,  avec  une  saillie  variable  suivant  les  sujets. 
Elle  est  limitée  sur  les  côtés  par  des  rebords  raphéaux  correspondant  à  la  soudure 
des  bourgeons  formateurs  de  la  lèvre,  pendant  la  période  primitive  de  la  vie 
intra-utérine.  Ces  rebords  sont  marqués  chez  l'adulte  par  la  saillie  du  bord  interne 
du  nniscle  élévateur  commun  de  la  lèvre  supérieure  et  de  l'aile  du  nez  qui  finit 
à  ce  ni\eau.  A  partir  de  ces  rebords,  la  surface  labiale  forme  à  droite  et  à  gauche 
un  plan  convexe  un  peu  incliné  en  dehois,  jusqu'au  point  où  elle  se  confond  avec 
la  joue.  Lu  arrière,  la  lèvre,  de  forme  concave  et  limitant  le  vestibule  de  la  bouche, 
est  humide  et  recouverte  par  la  muqueuse,  qui  l'attache  aux  os  sus-maxillaires  et 
qui  forme  sur  la  ligne  médiane  un  repli  triangulaire  connu  jous  le  nom  de  frein 


LÈVRES   (ANAT  mie).  449 

de  la  lèvre  supérieure.  Le  bord  adlicrcut  tle  la  lèvre  se  continue  au  milieu  avec 
l'extrémité  postérieure  de  la  sous -cloison,  sur  les  côtés  avec  la  ligne  de  circon- 
scription de  l'orifice  des  narines,  puis  avec  l'aile  du  nez  et  les  parties  constiiuanles 
de  la  joue.  Le  bord  libre,  d'une  épaisseur  moyenue  de  8  à  10  millimètres  chez  l'a- 
dulte, d'après  M.  Sa])|iey,  est  d'une  coloration  rosée,  et  fait  partie  du  contour 
de  l'orifice  buccal.  Sa  direction  est  à  peu  près  horizontale  ;  il  est  toutefois  un  peu 
concave  en  bas  et  arrondi  d'avant  en  arrière,  de  manière  à  ne  s'appliquer  sur  la 
partie  correspondante  de  la  lèvre  inférieure  que  par  un  plan  moins  étendu  cpie 
ne  le  comporte  la  totalité  de  la  surface.  Ce  bord  est  légèrement  ondulé,  llno  saillie 
existe  à  sa  partie  moyenne,  au  niveau  de  la  gouttière  sous-nasale.  Deux  l'aihles 
dépressions  existent  à  droite  et  à  gauche,  et  puis  une  surface  inclinée  se  termine 
aux  commissures.  Ces  détails  de  forme  ont  quelque  importance  pour  expliquer  les 
dilïicultés  de  restituer  la  forme  exacte  de  la  lèvre  après  l'opération  du  bec-de-lièvrc, 
et  les  artilices  auxquels  doit  recourir  le  chirurgien  pour  approcher  le  plus  possible 
de  la  coiiliguraliou  normale. 

Lèvre  inférieure.  Elle  n'a  pas  la  disposition  verticale  précédemment  indiquée; 
un  peu  entraînée  par  son  propre  poids,  surtout  chez  certains  sujets,  safaceantéric- 
regarde  eu  bas  et  se  termine  au  sillon  fransverse  qui  la  sépare  du  menlou.  Sa  face? 
postérieure  est  revêtue  par  la  inuqueuso  qni  la  fixe  à  l'os  maxillaire  inlérieur,  en 
ne  formant  qu'un  frein  médian  triangulaire  plus  court  que  celui  de  la  lèvre  supé- 
rieure. Le  bord  libre  de  la  lô\re  que  nous  décrixons  présente  dans  sou  ensemble 
une  surface  convexe,  dont  la  régularité  est  modifiée  par  des  ondulations  suj)crli- 
cielles  en  sens  opposé  de  celles  que  nous  avons  signalées  à  l'autre  lè\re.  On  y 
remarque  une  faible  dépression  médiane  et  deux  élevures  voisines  qui  s'harmoni- 
sent avec  les  inégalités  correspondantes  du  bord  libre  supérieur. 

Les  extrémités  des  bords  labiaux  se  conroudent  au  dehors  en  formant  les  com- 
missures (cum  miscere),  et  achèvent  de  circonscrire  l'oritice  buccal  par  un  [oint 
d'union  dont  les  côtés,  à  peu  près  parallèles  quand  la  bouche  est  fermée,  forment 
un  angle  obtus  dont  le  sinus  plus  ou  moins  ouvert,  suivant  le  degré  d'élargisse- 
ment de  l'oritice,  regarde  la  bgiie  médian'\  Ainsi  disposées,  les  deux  lèvres 
dessinent  Xorifice  buccal  qui  sert  d'entrée  aux  voies  digestives  et  qui  iorme 
aussi  une  des  limites  de  l'appareil  respiratoire.  Cet  orifice,  habituellement  fermé 
par  la  contraction  tonique  de  certaines  parties  de  l'appareil  musculaire  des  lèvres, 
est  susceptible  de  se  dilater  et  de  prendre  des  dimensions  et  des  formes  nombreuses, 
en  rapport  a\ec  diverses  fonctions,  soit  de  nutrition,  soit  d'expression.  11  varie 
d'ailleurs  naturellement  dans  son  étendue  eu  donnant  lieu  aux  différences  de  con- 
formation connues  sous  le  nom  débouche  grande,  petite  et  moijenne.  L'agrandis- 
sement de  l'orifice  buccal  est  produit  non-seulement  par  l'action  des  muscles  dilata- 
teurs, mais  par  l'écartement  des  mâchoires,  et  suivant  le  f'egré  d'entraînement 
excentrique  des  rebords  labiaux,  il  permet  le  passage  de  corps  volumineux,  l'ex- 
ploration des  parties  profondes,  et  rend  possible  une  action  chirurgicale  sur  les 
organes  qui  appartiennent  à  la  bouche  ou  qui  sont  en  rapport  avec  cette  cavité. 
Structure  des  lèvres.  Ces  organes  sont  constitués  par  un  revêtement  cutanéo- 
muqueux,  formant  un  repli  dont  l'intervalle  est  occupé  par  une  couche  muscu- 
laire et  par  des  glandules.  Les  éléments  communs  des  organes,  vaisseaux,  nerfs 
et  ti.ssu  conjonctif,  sont  répartis  dans  ces  divers  éléments. 

Le  revêtement  cutané  se  distingue  par  sa  densité  qui  n'exclut  pas  une  certaine 
di'licatesse  d'organisation,  par  l'épaisseur  de  sa  partie  dermique,  laquelle  est  très- 
îdhércute  aux  muscles  sous-jaccnts  et  fournit  à  ces  derniers  des  points  d'attache 

DICT.    ENC.    2°  S.   IL  29 


450  LEVRES  (anatomie). 

multipliés.  Aussi  la  peau  obéit-elle  complètement  aux  contractions  isolées  des 
fibres  de  l'appareil  musculaire  complexe  des  lèvres,  circonstance  favorable  à 
'l'expression  physionomique.  L'adhérence  de  la  peau  est  plus  marquée,  d'après 
Bichat,  au  niveau  de  la  gouttière  sous-nasale  (jue  dans  tout  autre  point.  La  peau 
des  lèvres  est  garnie  d'un  grand  nombre  de  follicules  pileux  dont  chacun  reçoit 
le  conduit  excréteur  de  deux  petites  glandes  sébacées.  Le  produit  de  sécrétion 
de  ces  follicules  donne  lieu  chez  l'homme  adulte  à  des  poils  dont  la  direction  est 
différente  à  cliaque  lèvre.  Ceux  de  la  lèvre  supérieure  se  dirigent  généralement 
en  dehors  et  en  bas,  à  partir  de  la  ligne  médiane,  et  constituent  les  mousta- 
ches. Ceux  de  la  lèvre  inférieure  descendent  verticalement  el  font  partie  de  la 
harbe.  Au  niveau  du  bord  libre,  la  peau  se  modifie  et  prend  des  caractères  de 
transition  qui  la  rapprochent  de  la  muqueuse.  Elle  devient  transparente  et  acquiert, 
par  ce  fait,  une  coloration  l'osée  diversement  nuancée,  suivant  les  sujets.  Des 
rides  légères,  à  direction  antéro-postérieure,  s'y  font  remarquer  ;  elles  résultent 
du  froncement  musculaire,  et  s'effacent  sous  l'influence  des  contractions  diduc- 
trices,  ou  simplement  par  le  fait  de  la  turgescence  vasculaire  dont  cette  région  est 
susceptible.  La  coucbe  épithéliale  est  assez  épaisse  ;  elle  est  peu  adhérente,  sujette 
à  s'exfolier,  et  se  continue  avec  l'épithéliiim  intra-buccal. 

La  muqueuse  labiale  est  rouge,  mince  et  assez  transparente  pour  laisser  aper- 
cevoir la  couleur  blanchâtre  des  glandules  qui  la  soulèvent;  elle  est  moins 
adhérente  que  la  peau  et  peut  être  disséquée  pour  former  des  lambeaux  de  revê- 
tement dans  la  chéiloplastic.  Sou  chorion  niuqueux  porte  des  papilles  coniques  qui 
se  logent  dans  les  dépressions  d'un  épithélium  pavimenteux.  La  destruction  limitée 
de  cet  épithélium  se  produit  dans  les  inflammations  aphtheuses  et  se  révèle  par  des 
ulcérations  superficielles.  La  putréfaction  facilite  son  détachement  par  plaques 
plus  étendues  permettant  l'examen  de  sa  couche  profonde  et  indiquant  les  dépres- 
sions où  sont  reçus  les  sommets  des  cônes  papillaires. 

Les  muscles  des  lèvres  constituent  la  charpente  de  ces  organes  ;  ils  en  détermi- 
nent l'épaisseur  et  la  forme,  et  y  représentent  un  appareil  assez  compliqué,  des- 
tiné au  resserrement  de  l'orifice  buccal  et  à  sa  dilatation  dans  tous  les  sens. 

Ces  muscles  sont  au  nomore  de  dix-neuf.  Ils  appartiennent  à  l'ordre  des  peaus- 
siers et  ont  ce  caractère  commun  que  leurs  fibres  sont  pâles,  plus  ou  moins  infil- 
trées de  tissu  adipeux,  et  qu'ils  sont  aplatis  dans  le  sens  antéro-postérieur.  Lfr 
système  musculaire  de  l'orifice  buccal  permet  d'en  distinguer  les  parties  consti- 
tuantes, parleur  antagonisme.  L'un  de  ces  muscles,  le  plus  important  et  le  seul 
qui  appartienne  véritablement  aux  lèvres,  est  l'orbiculaire  ;  les  autres  viennent 
des  diverses  régions  de  la  face  et  convergent  vers  l'ouverture  buccale,  qu'ils  sol- 
licitent en  diflérents  sens.  Ce  sont  pour  la  lèvre  supérieure,  et  de  chaque  côté  de  la 
ligne  médiane,  les  élévateurs  superficiel  et  profond,  les  petits  zygomatiques  dont 
l'existence  n'est  pas  constante  ;  pour  les  commissures,  les  muscles  grand  zygoma- 
tique,  canin,  buccinateur,  triangulaire  des  lèvres  et  risorius  Santorini;  pour  la 
lèvre  inférieure,  le  carré  du  menton.  Ces  divers  muscles  seront  plus  opportuné- 
ment décrits  à  l'article  Face.  Ils  ont  pour  la  plupart  une  insertion  osseuse  à  l'un 
des  points  de  cette  région,  et  ne  font  réellement  partie  de  la  lèvre  que  par  leur 
extrémité  buccale  qui  adhère  au  muscle  orbiculaire  et  s'insère  à  la  face  profonde 
de  la  peau. 

L'orbiculaire  des  lèvres  ou  muscle  propre  de  la  région,  représente  moins  un 
sphincter  complet  de  l'orifice  buccal,  qu'un  double  demi-orbiculaire  dont  chaque 
moitié  peut  exercer  une  action  isolée.  11  affecte,  comme  la  région  labiale  dont  il 


LÈVRES    (anatomie).  451 

constitue  la  charpente,  la  forme  d'une  zone  ovalaire  dont  le  milieu  est  occupé  par 
l'ouverture  buccale.  Plus  épais  que  les  muscles  périphériques  et  sans  attache 
osseuse,  l'orbiculaire  des  lèvres  est  comme  suspendu  au  milieu  des  fibres  rayon- 
nées  qui  convergent  vers  lui.  Ses  éléments  groupés  en  faisceaux  assez  épais  vers  le 
bord  libre  des  lèvros,  forment  deux  demi-ellipses  opposées  par  leur  concavité. 
Les  fibres  rapprochées  du  bord  libre  n'appartiennent  pas  à  la  même  courbe  que 
les  plus  extérieures  ;  celles-ci  sont  très-arquées,  tandis  que  les  premières  se  rap- 
prochent de  la  direction  horizontale.  Elles  sont  assez  serrées  et  n'admettent  pas 
autant  de  tissu  adipeux  que  les  muscles  rayonnes.  La  face  antérieure  de  l'orbicu- 
laire est  recouverte  par" la  peau  qui  lui  adhère  fortement,  la  face  postérieure  est 
plus  lâchement  unie  à  la  muqueuse  dont  elle  est  séparée  par  les  glandules  labiales. 
La  grande  circonférence  est  en  rapport  avec  l'extrémité  buccale  des  muscles  di- 
ducteurs  dont  quelques  fibres  s'insinuent  entre  leurs  couches  superposées,  avant 
d'aboutir  à  la  peau.  La  petite  circonférence  est  libre  et  se  termine  pour  chaque 
demi-orbiculaire  aux  commissures.  Dans  ce  point,  les  fibres  du  muscle  buccina- 
teur  et  particulièrement  celles  du  plan  prolbnd,  s'entre-croiscnt  de  manière  à  ce 
que  celles  d'en  bas  passent  dans  le  plan  profond  du  demi-orbiculaire  supérieur, 
et  celles  d'eu  haut  dans  la  couche  correspondante  du  donii-nii)ieulairc  iiilérieiir, 
en  sorte  que  buccinateur  et  orbiculaire  ont  des  éléments  comauins  et  peuvent  être 
considérés  comme  un  seul  et  même  muscle,  opinion  soutenue  par  M.  Cruveilhier. 

Les  lèvres  comprennent  encore  une  couche  de  ^/anr/es  en  grappe  ayant  une  com- 
plète analogie  de  structure  et  de  fonctions  avec  les  glandes  salivaires.  Ces  glan- 
dules de  forme  sphéroïdale  irréguhère  constituent  une  couciie  interposée  entre 
le  plan  musculeux  et  la  muqueuse,  qu'elles  soulèvent  et  où  elles  aboutissent  par 
un  conduit  excréteur  que  termine  un  orifice  distinct  à  la  loupe  et  même  à  l'œil 
nu.  L'agmination  des  glandules  est  telle,  qu'il  en  résulte  un  plan  assez  épais  et 
très-visible  dans  une  section  perpendiculaire  des  lèvres  au  milieu  de  l'espace  com- 
pris entre  les  commissures  et  la  ligne  médiane.  L'épaisseur  de  la  couche  est  très- 
faible  dans  ce  dernier  point  ;  il  n'existe  plus  de  glandes  au  niveau  des  angles. 

Éléments  complémentaires  des  lèvres.  Ils  comprennent  le  tissu  conjonctif, 
les  vaisseaux  et  les  nerfs.  Le  tissu  conjonctif  ou  cellulaire  des  lèvres  est  très- 
serré  et  peu  abondant  au-dessous  de  la  peau.  Il  ne  se  charge  même  chez  les 
sujets  très-gras  que  d'une  petite  quantité  de  tissu  adipeux.  Plus  abondant  au 
niveau  de  la  couche  glandulaire  et  sous-muqueuse,  il  peut,  dans  ces  points,  s'in- 
filtrer facilement  de  liquides  séreux  comme  on  l'observe  dans  plusieurs  cas  de 
tuméfaction  des  lèvres. 

Vaisseaux.  La  vascularité  de  la  région  est  très-prononcée.  Nées  de  plusieurs 
sources,  mais  surtout  de  la  faciale,  les  artères  coronaires  ou  labiales,  tantôt  pro- 
viennent d'un  seul  tronc  qui  se  bifurque  pour  donner  une  branche  à  chaque  lèvre, 
tantôt  se  détachent  isolément  au  nombre  d'une  ou  deux  pour  chacune.  Dubreuil 
assure  que  la  dualité  est  plus  fréquente  pour  la  lèvre  intérieure  que  pour  la  su- 
périeure. 

Arrivées  au  niveau  des  lèvres,  ces  branches  traversent  la  couche  musculaire 
et  rampent  sinueusement  au-dessous  de  celles-ci,  au  niveau  des  glandules  et  plus 
près  par  conséquent  de  la  face  muqueuse  de  la  lèvre,  circonstance  utile  à  connaître 
quand  il  s'agit  d'obtenir,  à  l'occasion  des  plaies  de  cette  région,  un  affrontement 
qui  soit  à  la  fois  unissant  et  hémostatique.  Les  coronaires  s'anastomosent  entre 
elles,  sur  la  ligne  médiane,  et  donnent  des  artérioles  qui  établissent  dans  l'épaisseur 
des  tissus  un  réseau  particuUèrement  riche  vers  les  bords  libres.  Des  sources  arté- 


452  LÈVRi:S   (anatomie). 

rielles  complémentaires  alimentent  le  réseau  labial.  Elles  sont  représentéjs,  pour 
la  lèvre  supérieure,  par  des  rameaux  d'émanation  de  la  sous-orbitaire,  de  la  buc- 
cale et  de  Talvéolaire,  branches  de  la  maxillaire  interne,  de  la  transversale  de  la 
face,  branche  de  la  temporale,  et,  pour  la  lèvre  inférieure,  par  des  rameaux  pro- 
venant de  la  mentonnière  et  de  la  sous-mentale.  Les  veines  ne  suivent  pas  com- 
plètement la  direction  des  artères  ainsi  que  nous  nous  en  sommes  assuré  dans  des 
préparations  spéciales  que  nous  avons  déposées  au  musée  de  la  Faculté  de  Mont- 
pellier (Concours  pour  la  place  de  chef  des  travaux  anatomiques,  1834).  Nées  d'un 
réseau  sous-cutané  plus  prononcé  au  niveau  du  bord  libre  où  elles  contribuent  à 
la  turgescence  semi-érectile  de  cette  partie,  ces  veines  se  prêtent  au  développe- 
ment des  angiomes  ou  tumeurs  érectiles,  si  fréquentes  sur  le  contour  de  l'orifice 
buccal  des  enfants.  Elles  se  rassemblent  en  troncs  irréguliers  moins  profonds  et 
plus  nombreux  que  les  artères.  Celles  de  la  lèvre  supérieure  se  jettent  dans  la 
faciale.  Les  veines  de  la  lèvre  inférieure  descendent  en  nombre  et  gagnent  les 
veines  sous-mentales.  M.  Sappey  les  dit  chargées  de  valvules  résistantes.  Il  est 
certain  qu'elles  admettent  difficilement  l'injection.  Mais  les  cas  pathologiques 
développent  assez  leur  réseau  initial  pour  en  dessiner  la  disposition.  Les  lympha- 
tiques de  la  lèvre  commencent  aussi  par  un  réseau  très-délicat  au-dessous  des 
couches  tégumenlaires  et  nolanmient  au  niveau  du  bord  libre  et  de  la  muqueuse. 
Ceux  de  la  lèvre  supérieure  se  dirigent  vers  les  troncs  parallèles  à  l'artère  faciale 
et  gagnent  les  ganglions  sous-maxillaires  profonds  avec  lesquels  cette  artère,  qui 
décrit  des  sinuosités  au-dessous  de  la  mâchoire,  les  met  en  rapport.  Les  lymphati- 
ques de  la  lèvre  inférieure  se  rendent  aux  ganglions  médians  ou  latéraux  de  la 
région  sus-hyoïdienne,  qui  sont  moins  profondément  placés.  La  direction  et  la  ter- 
minaison de  ces  lymphatiques  aident  à  comprendre  les  propagations  morbides  qui 
accompagnent  le  cancer  des  lèvres  et  expliquent  la  plus  grande  gravité  des  réci- 
dives ganglionnaires  attachées  au  cancer  do  la  lèvre  supérieure  qu'à  celui  de  l'in- 
férieure où  celte  maladie  est  d'ailleurs  beaucoup  plus  commune. 

ISerfs.  Ils  sont  de  deux  ordres  :  les  sensitifs  sont  fournis  à  la  lèvre  supérieure 
par  le  plexus  nerveux  très-riche  du  sous-orbitaire,  dont  les  fdets  descendent  ver- 
ticalement en  formant  un  plan  superficiel  pour  la  peau,  et  une  série  profonde  qui 
passe  au-dessous  du  muscle  orbiculaire,  pour  atteindre  les  glandules  et  la  mu- 
queuse jusqu'au  bord  libre.  Les  nerfs  du  même  ordre  destinés  à  la  lèvre  inférieure 
proviennent  des  fdets  rayonnants  et  ascendants  du  nerf  mentonnier  que  donne  le 
dentaire  inférieur.  Les  nerfs  moteurs  sont  des  divisions  du  facial,  et  arrivent  aux 
muscles  des  lèvres  dans  une  direction  transversale.  On  les  distingue  des  précé- 
dents non-seulement  par  cette  direction  et  par  leur  destination  exclusivement 
musculaire,  mais  parce  qu'ils  sont  plus  fins  et  plus  nacrés. 

Dcveloppement  et  variétés  physiologiques  des  lèvres.  La  question  du  déve- 
loppement des  lcvr:s  a  été  amplement  traitée  à  l'occasion  du  BEC-Dt-iiÈvRE,  et 
pour  éclairer  la  formation  de  cette  anomalie  {voy.  ce  mot  et  l'artice  Bouche),  nous 
nous  contenterons  d'indiquer  ici  les  changements  que  Y  âge  imprime  à  ces  organes 
musculo-membraneux.  Los  lèvres  de  l'enfant  naissant  paraissent  proportionnelle- 
ment plus  longues  et  plus  volumineuses  que  c^dles  de  l'adulte.  Elles  se  dirigent 
plus  en  avant,  disposition  en  rapport  avec  l'acte  de  succion,  et  qui  s'explique 
d'ailleurs  par  l'absence  des  dents  d'où  résulte  la  diminution  de  hauteur  verticale 
des  mâchoires.  Chez  l'adulte,  les  lèvres  prennent  une  disposition  harmonique 
avec  la  courbe  et  le  développement  de  ces  dernières.  Elles  redeviennent  propoition- 
nellement  plus  longues  chez  le  vieillard  où  l'absence  des  dents  les  ramène  en 


LÈVRES  (âNàTOMIB).  '^^"^ 

arrière,  eu  même  temps  que  la  production  des  rides  et  l'atrophie  nioJiiicut  sui- 
gulièrement  leur  forme.  A  cet  âge  le  réseau  vasculairj.  se  modifie,  le  bord  libre 
perd  sa  couleur  roste,  et  prend  ainsi  que  la  muqueuse  une  nuance  violacée  ;  la 
peau  s'altère  dans  sa  nutrition  et  devient  apte  aux  productions  épilhéliales  de  forine 
verriiqueuse. 

Le  sexe  imprime  aussi  aux  lèvres  un  changement  particulier.  Ackerraann  (de 
Discrimine  sexiium  prœter  genitalia)  lait  remarquer  que  chez  l'homme  elles  sont 
plus  grandes,  plus  saillantes,  plus  charnues  que  ch-^z  la  femme,  lluschke  ajoute 
qu'elles  sont  plus  rouges,  plus  chaudes  et  plus  sèches.  On  sait  que  ce  n'est  que 
exceptionnellement,  ou  qu'après  la  cessation  de  la  fonction  menstruelle,  que  la 
lèvre  supérieure  de  la  femme  se  couvre  de  poils.  DtUis  les  conditions  normales,  la 
peau  des  lèvres  est  plus  fine  chez  le  sexe  féminin;  les  bords  libres  sont  moins 
épais,  l'arête  qui  les  sépare  de  la  face  cutanée  est  moins  accusée  ;  les  commis- 
sures se  cachent  souvent  au  fond  d'un  pli  agréable.  La  forme  générale  de  ces  or- 
ganes est  plus  gracieuse  ;  l'orifice  buccal  est  plus  petit  et  par  ses  courbes  heu- 
reuses aussi  bien  que  par  ses  rapports  harmoniques  avec  d'autres  parties  de  la 
face,  il  représente  un  des  élémjnts  les  plus  marqués  de  la  beauté. 

Les  lèvres  présentent  des  variétés  individuelles  tris-nombreases  qui  donnent 
à  la  physionomie  un  caractère  particulier,  il  suffirait  de  jeter  un  coup  d'œil  sur  les 
remarquables  planches  de  Lavater,  dont  1;  s  ly[;es  sont  si  spirituellement  choisis, 
pour  se  faire  une  idée  des  variétés  de  foniic  dont  rorifici3  buccal  est  susceptible. 
Les  seules  dilférences  de  volume  des  lèvres,  abstraction  faite  de  leurs  mouve- 
ments, indiquent  des  dispositions  physiologiques  ou  psychologiques  assez  con- 
stantes pour  être  regardées  comme  vraies.  Des  lèvres  chiruues  et  modérément 
saillan'psmdiquent  une  bonne  constitution  et  de  la  disposition  à  la  sensualité.  Le 
volume  prédominant  de  la  lèvre  supérieure  avec  mollesse  de  son  tissu  se  lie  au 
tempérament  lym])hatique  et  révèle  une  disposition  aux  scrofules.  La  lèvre  in- 
férieui'e  renversée,  humide,  volumineuse  et  tremblante  indique  des  instincts  peu 
élevés.  Des  lèvres  fines  et  d'un  dessin  ferme  et  correct  cDÏncident  avec  mu  cer- 
taine élévation  d'intelligence  et  de  d''cision  dans  le  caractère.  Les  peintres  plus 
encore  que  les  anatoniistes  étudient  ces  corrélations  et  Le  Brun  n'avait  pas  hésité 
à  dire  que  la  bouche  est  la  partie  qui  de  tout  le  visage  marque  le  plus  particu- 
lièrement les  dis}iositions  intérieures. 

Les  l'aces  se  caractérisent  en  parae  parla  disposition  physique  des  lè\res.  On 
sait  que  la  forme  des  mâchoires,  la  direction  des  dents  et  le  prognathisme  iniluent 
sur  cette  direction  ;  que  les  sujets  de  la  rac3  caucasique  ont  les  lèvres  à  peu  près 
verticales,  que  les  l{thiopien<,  au  contraire,  et  les  sujets  da  race  malaise, ont,  à  des 
degrés  divers,  des  lèvres  obliques  en  avant  et  qui  doivent  leur  épaisseur  au  déve- 
loppement des  faisceaux  charnus  du  muscle  orbiculaire.  Dans  les  races  américaines, 
on  remarque  que  les  Cliiliens  ont  la  lèvre  inférieure  spécialement  développée. 

La  recherche  des  différences  que  présentent  les  lèvres,  suivant  les  espèces  ani- 
males, nous  conduirait  hors  du  cadre  de  cet  article.  Nous  nous  contenterons  de 
rappeler  que  les  lèvres  proprement  dites,  considérées  comme  voiles  mobiles  ser- 
vant à  la  clôture  dé  la  bouche,  ne  se  rencontrent  que  chez  les  mammifères  pro- 
prement dits,  où  elles  sont  des  organes  de  succion,  de  préhension  et  de  toucher. 
Chez  certains  et  spécialement  chez  quelques  carnassiers,  de  longs  poils  roides  de 
la  lèvre  supérieure  transmettent  des  sensations  tactiL^s  assez  délicates.  Chez  tous 
les  mammilères,  y  compris  même  les  singes  anthropomorphes,  les  lèvres  sont 
obliques  en  sens  opposé.  Cette  obliquité  approche  du  parallélisme  chez  certains 


454  LÈVRES  (anatomie). 

d'entre  eux.  Parmi  les  formes  intc'ressantes  qu'on  peut  signaler  dans  les  espèces 
animales,  nous  citerons  celles  des  vampires  ou  pliylloslomes,  qui  se  disposent  en 
ouverture  parlaitement  ronde,  rappelant  la  bouche  en  suçoir  des  lamproies  ;  le 
développement  de  la  lèvre  supérieure  de  certains  pachydermes,  où  cet  organe  s'é- 
largit et  s'épate  en  formant  le  groin  qui  porte  les  ouvertures  nasales  ;  son  déve- 
loppement encore  plus  marqué  chez  les  proboscidiens,  où  la  lèvre  supérieure  et 
le  nez  confondus  ensemble  se  disposent  en  un  prolongement  cylindrique  d'une 
grande  puissance  musculaire  connu  sous  le  nom  de  trompe  ;  la  disposition  bifide 
de  la  lèvre  supérieure  qu'on  rencontre  chez  divers  mammifères,  tels  que  des 
chéiroptères,  des  rongeurs  (lièvres),  des  ruminants  (brebis,  chameaux,  etc.).  Cette 
fento,  normale  chez  ces  animaux,  se  présente  chez  l'homme,  comme  vice  de  con- 
formation, désignée  sous  le  nom  de  bec-de-Uèvre.  Citons  enfin  l'absence  de  lèvres 
proprement  dites  chez  l'ornylhorhynque,  où  l'on  ne  retrouve  qu'une  portion  tégu- 
mentaire  indurée  ou  cornée,  marquant  la  transition  au  bec  des  oiseaux  qui  sont 
dépourvus  de  lèvres,  ainsi  que  los  vertébrés  inférieurs.  —  Dans  les  insectes,  la 
bouche  se  compose  d'un  grand  nombre  de  pièces  :  l'une  d'elles  porte  le  nom  de 
labre  ;  on  a  restitué  à  une  autre  pièce  le  nom  de  lèvre  ;  mais  l'organisation  buc- 
cale des  articulés,  établie  d'après  un  type  particulier,  cesse  de  ressembler  à  celle 
où  la  présence  des  lèvres  peut  être  véritablement  admise. 

Usage  des  lèvres.  Les  fonctions  de  ces  organes  sont  complexes  et  dérivent  de 
leur  organisation  musculaire  et  de  leur  sensibihté.  Les  lèvres  fonctionnent  comme 
organes  de  préhension  des  aliments,  comme  agents  de  divers  actes  respiratoires  ; 
elles  contribuent  à  l'exercice  de  la  parole,  servent  à  exprimer  les  sentiments  pas- 
sionnés; elles  agissent  aussi  en  tant  qu'organes  du  toucher. 

La  préhension  des  aliments  par  le  mouvement  des  lèvres  est  la  seule  ressource 
dévolue  à  quelques  animaux.  Chez  l'homme,  elle  est  une  des  premières  fonctions 
de  la  vie  extérieure,  car  l'acte  de  succion  est  un  de  ses  modes.  Dans  cet  acte,  la 
contraction  des  fibres  les  plus  extérieures  de  l'orbiculaire  des  lèvres  projette  sur 
un  plan  antérieur  l'orifice  buccal  qui  entoure  le  mamelon  ;  le  vide  qui  s'opère 
ensuite  dans  la  bouche  par  le  retrait  de  la  langue  favorise  l'arrivée  du  lait.  La  pré- 
hension labiale  des  aliments  s'exerce  dans  d'autres  circonstances  par  des  contrac- 
tions partielles,  par  des  mouvements  harmoniques  ou  successifs  qui  font  pénétrer 
dans  la  bouche  des  aliments  solides  ou  liquides  ;  après  leur  introduction,  les  lèvres 
agissent  comme  organes  de  rétropulsion  pour  les  porter  au  delà  des  arcades  den- 
taires. Elles  servent  aussi  à  retenir  les  hquides  dans  l'intérieur  de  la  bouche.  La 
lèvre  inférieure,  en  particulier,  remplit  cet  office  chez  l'homme  et  enqjèche  la 
perte  de  l;i  salive;  son  absence  ou  son  renversement  paralytique,  en  supprimant 
cette  fonction,  apportent  quelquefois  un  trouble  dans  la  nutrition.  Le  rejet  des 
aliments  dans  le  vomissement  s'accompagne  aussi  d'un  mouvement  labial  qui 
agrandit  l'orifice  de  la  bouche  en  renversant  en  dehors  le  bord  fibre,  comme  pour 
le  soustraire  au  contact  des  matières  expulsées. 

Divers  actes  liés  à  la  respiration  exigent  le  concours  des  mouvements  labiaux. 
L'action  de  souffler,  de  siffler,  de  chanter,  a  pour  condition  le  changement  de 
l'orifice  buccal  qui  se  rétrécit  ou  s'allonge  pour  participer  à  la  vibration  que  le 
courant  aérien  détermine,  ou  qui  s'élargit  pour  aider  à  la  propagation  des  sons. 
Ou  sait,  que  la  paralysie  du  nerf  facial,  que  Charles  Bell  considérait  comme  le  nerf 
respiratoire  de  la  face,  rend  impossibles  certains  actes,  notamment. celui  de  siffler, 
qui  exige  une  contraction  complète  de  l'orbiculaire  des  lèvres. 

La  participation  des  lèvres  ii  l'exercice  de  la  parole  est,  chez  l'homme,  une  de 


LÈVRES   (pathologie).  -i^S 

leurs  fonctions  imporlantcs.  Bien  que  la  dislindion  des  sons  d'une  langue  parlée, 
d'après  les  organes  qui  sont  censés  les  produire,  soit  insuffisante,  elle  répond 
cependant  à  certains  faits  d'observation,  et  les  lèvres  jouent  un  rôle  notable  pour 
la  voix  articulée.  Dans  la  prononciation  des  voyelles-,  le  contour  de  l'orifice  buccal 
affecte  des  dimensions  différentes.  Kempfen  lui  attribue  dos  degrés  de  largeur 
représentés  par  les  cbiffres  proportionnels  suivants  :  5  pour  la  voyelle  a,  4  pour  e, 
3  pour  i,  2  pour  o,  i  pour  u.  Certaines  consonnes  exigent  le  concours  prédomi- 
nant des  lèvres  et  sont  dites  pour  ce  motif  consonnes  labiales;  ce  sont  les  lettres 
b,  p,  m,  V,  f.  Les  vices  de  conformation  des  lèvres  en  empêchent  ou  en  gênent 
la  prononciation. 

Comme  organes  du  toucher,  les  lèvres,  innervées  par  les  filets  émanant  de  la 
cinquième  paire,  jouissent  d'une  sensibilité  très-délicate  ;  peu  de  surfaces  ressen- 
tent le  chatouillement  avec  autant  de  vivacité;  la  sensation  tactile  s'exalte  jusqu'à 
la  sensation  voluptueuse  dans  le  baiser.  Chez  certains  animaux,  les  lèvres  sont  le 
-siège  à  peu  près  exclusif  du  sens  du  toucher  et  donnent  des  impressions  très-fidèles. 

Enfin  la  région  labiale,  en  raison  de  la  multiplicité  des  cléments  musculaires 
-qui  entrent  dans  sa  composition,  se  prête  à  des  mouvements  très-variés  qui  con- 
courent à  l'expression.  Ces  contractions,  qui  peuvent  se  localiser  dans  des  mus- 
cles isolés,  ainsi  que  dans  des  portions  de  muscle,  comme  l'ont  prouvé  ks  expé- 
riences de  M.  Duchenne  (de  Boulogne]  sur  l'éjeclrisalion  localisée,  réalisent,  par 
leur  production  isolée  ou  combinée,  des  expressions  très-diverses.  Les  passions 
heureuses,  la  gaieté,  la  surprise  agréable,  l'admiration,  se  caractérisent  par  l'action 
des  muscles  dilatateurs,  notamment  par  celle  des  muscles  obliques  qui  relèvent 
les  angles  labiaux  (zygomatique,  canin).  Le  sourire  et  le  rire  oral,  qui  sont  pro- 
pres à  l'espèce  humaine,  se  rattachent  à  cette  catégorie.  Les  passions  tristes,  au 
•contraire,  se  r;''vèlent  par  l'action  des  muscles  qui  abaissent  les  angles  (tri.ingu- 
îaires  des  lèvres).  Mille  nuances  dans  la  forme  résultent  de  contractions  partielles 
qui  s'accusent  surtout  au  niveau  des  commissures  et  représentent  le  dédain,  la 
fierté,  l'ironie.  Ces  mouvements  des  lèvres  s'associent  généralement  à  la  contrac- 
tion des  muscles  faciaux  des  autres  régions  et  complètent  l'expression  physiono- 
mique.  M.  Ch.  Blanc  [Grammaire  des  arts  du  dessin)  lait  remarquer  que  l'état 
■de  calme  de  la  physionomie  se  traduit  par  l'horizontaUté  des  hgnes  buccale,  nasale 
«t  palpébrale  ;  les  passions  gaies,  par  l'obliquité  générale  de  ces  lignes  en  haut  et 
en  dehors  ;  et  les  passions  tristes,  par  une  directioii  opposée.  Lorsque  les  mouve- 
ments des  lèvres  sont  à  la  fois  discordants  et  exagérés,  il  en  résulte  les  grimaces 
-qui  sont  la  caricature  des  passions. 

§  11.  Pathologie.    Nous  examinerons  successivement  les  anomalies,  les  plaies, 
les  maladies  iutïammatoires  de  l'ouverture  buccale,  les  difformités  accidentelles 
les  tumeurs  et  les  ulcères.  Ce  qui  concerne  la  séméiologie  médicale  a  été  traité 
à  l'article  Bouche. 

AisoMALiES.  La  région  labiale  est  sujette  à  quelques  vices  congénitaux  de  con- 
formation qui  rentrent  dans  le  domaine  de  la  chirurgie.  L'anomalie  principale  est 
lie  bec-de-lièvre  et  a  déjà  été  décrite  {voy.  ce  mot).  Les  autres  peu  nombreuses  se 
irésument  dans  l'occlusion  de  la  bouche  et  l'exstrophie  des  lèvres. 

Occlusiou  congénitale  de  la  bouche.  Ce  vice  originel  de  coniormation  est  extrè- 
'mement  rare.  La  science  n'en  possède  qu'un  petit  nombre  d'exemples  sujets  à  dis- 
cu'^.sion.  C'est  donc  une  assertion  émise  sans  examen  approfondi  que  celle  de 
A.  Eérard  qui  déclare  assez  commune  une  pareille  anomalie.  D'une  manière  géné- 
.rale,  il  est  reconnu  eu  tératologie  que  les  imperlorations  des  ouvertures  naturelles 


456  LÈVRES  (rATuoLooiB). 

des  parties  inférieures  du  corps  sont  beaucoup  plus  communes  que  celles  des  par- 
ties supérieures.  Ainsi,  on  observe  assez  fréquemment  les  imperforalions  de  l'anus 
et  du  rectum,  celles  du  vagin,  celles  même  du  canal  de  l'urètlire,  surtout  lors- 
qu'il y  a  des  embouchures  anomales.  Mais  les  occlusions  congénitales  sont  absolu- 
ment rares  aux  ouvertures  naturelles  de  la  région  céphajique,  et  parmi  ce  genre 
d'anomalies  on  n'a  guère  noté  que  les  occlusions  des  ouvertures  correspondant 
aux  organes  des  sens,  telles  que  celles  du  coiulnit  auditif,  l'adhérence  congéni- 
tale des  paupières.  On  a  vu  moins  souvent  les  oblitérations  des  narines  qui 
servent  en  même  temps  à  une  fonction  organique,  la  respiration.  Quant  à  l'imper- 
foratiou  de  la  bouche,  elle  est  essentiellement  rare.  Il  faut  du  moins  distinguer 
deux  cas,  celui  où,  la  bouche  ne  s'étaut  pas  formée,  il  y  a  plutôt  absence  des  élé- 
ments antérieurs  de  la  cavité  buccale  qu'iuiperforation  véritable  de  l'orifice  buccal 
organisé,  et  celui  oij  les  lèvres  formées  sonl  devenues  adhérentes  pendant  la  Vie 
intra-uti'rine  par  excès  de  cloisonnement  antérieur  de  la  bouche  ou  par  un  acte 
pathologique  ayant  clos,  par  cicatrisation  ou  par  tout  autre  mécanisme,  une  partie 
de  l'orilice  buccal.  La  première  catégorie  comprend  les  cas  oià  un  arrêt  de  déve- 
loppement général  a  atteint  l'extrémité  supérieure  de  l'intestin  oral;  aussi  ne 
l'a-t-on  observé  que  dans  les  cas  de  monstruosité  complexe,  incompatible  avec  la 
vie.  Les  auteurs  s'expliquent  très-brièvement  sur  ce  point.  L  Geoffroy  Saiiit-Hilaire 
ne  cite  aucune  observation  qui  lui  soit  personnelle  et  constate  simplement  la  rareté 
de  l'anomalie.  Cruveilhier  se  contente  de  dii  e  qu'elle  coïncide  avec  la  cyclopie.  Les 
observations  de  Ilaller,  de  Verdier,  de  Schenck  se  réduisent  à  de  simples  asser- 
tions. Dans  la  seconde  catégorie  où  il  y  a  véritablement  occlus.on  de  l'orifice 
buccal,  la  bouche  étant  d'ailleurs  bien  constituée,  rim|:erforation  tient  à  la  pré- 
sence accidentelle  d'une  membrane  obturatrice  ou  à  une  adhérence  des  lèvres. 
L'existence  de  cette  sorte  d'hymen  buccal  lentre  dan.5  le  domaine  de  la  chirurgie. 
L'une  des  premières  observations  authentiques  qu'ait  recuedlies  la  science  est  di;e 
à  Liltre.  [Mémoires  de  l'Acad.  des  sciences,  1701.)  L'opercule  cutané  fermait  à 
la  fois  l'orifice  de  la  bouche  et  les  narines.  Dans  les  exemples  cités  par  Bùchner 
{Acta  nat.  curios.,  t.  II,  p.  210),  et  par  Olaïis  Bornchias  {Acta  Hafniensia,  t.  IIj, 
l'obturation  n'atteignait  pas  les  narines,  mais  il  existait  concurramment  d'autres 
anomalies.  Dcsgenettes  {Gazette  salutaire^  1792)  signale  le  cas  d'un  enfant  ué 
au  septième  mois  de  la  grossesse  et  qui  avait  la  bouche  imperforée  sans  indiquer 
d'autres  vices  de  conformation.  Lorsque  rocclusion buccale  tient  à  des  adhérences 
accidenlellement  établies  entre  les  lè\res  pendant  la  vie  fœtale,  on  peut  su]  poser 
un  état  pathologique  infl.mniiatoire  ou  ulcéreux  ayant  eu  pour  résultat  l'union 
cicatricielle  des  lèvres  de  l'orifice  buccal.  Tel  était  le  cas  d'un  sujet  cité  par  Percy 
{Mémoires  sur  les  ciseaux,  p.  70),  où  ce  chirurgien  pratiqua  l'incision  de  la 
cicatrice. 

L'absence  de  la  bouche  avec  occlusion  de  l'extrémité  supérieure  du  tube  diges- 
tif ne  peut  fournir  à  l'art  aucune  indication.  Les  monstres  qui  la  présentent  sont 
mort-nés.  Mais  les  cas  où  la  bouche  est  fermée  par  une  membrane  accidentelle  ou 
par  des  adhérences  cicatricielles  sont  susceptibles  de  guérison,  surtout  si  les  na- 
rines sont  libres  et  que  les  secours  chirurgicaux  soient  prompts.  Schenck  dit 
avoir  ainsi  rélabli  forcément  l'ouverture  buccale  chez  plusieurs  nouveau-nés, 
saiis  dire  quel  moyen  il  avait  employé.  Le  sujet  observé  par  Biichner  avait  été, 
comme  plus  tard  celui  de  Percy,  heureusement  soumis  à  riutervention  de  l'art. 
Les  procédés  à  metlre  en  usage  en  pareille  circonstance  ayant  une  complète 
analogie  avec  ceux  dont  nous  devrons  nous  occuper  i!»  l'occasion  des  rétrécisse- 


LÈVRES  (pathologie).  457 

ments  accidentels  de  Ja  bouclie,  nous  aurons  l'occasioii  d'y  levenir  plus  opportu- 
nément dans  le  cours  de  cet  article. 

Exstrophie  des  lèvres.  Nous  désignons  sous  ce  nom  une  disposition  anomale 
qui  consiste  en  un  renversement  des  lèvres  avec  saillie  ou  chute  plus  ou  moins 
considérable  de  la  muqueuse;  une  atrophie  partielle  des  lèvres  du  côté  de 
la  couche  cutanée  avec  réti'action  des  fibres  les  plus  extérieures  de  l'orbicu- 
laire  peut  amener  ce  renversement  que  nous  avons  remarqué  spécialement 
à  la  lèvre  intérieure.  Une  hypertrophie  congénitale  de  la  muqueuse  avec  excès 
du  tissu  soiis-muqiieux  j  eut  amener  le  même  résultat  et  se  rencontre  plus 
souvent  à  la  lèvre  supérieure.  Cette  dernière  difi'oruiité  assez  connnune  est  connue 
sous  le  nom  de  bourrelet  labial  ou  lèvre  double.  Dans  ce  cas,  la  muqueuse  forme 
au  niveau  du  bord  libre  de  la  lèvre  et  en  dépassant  ce  rebord,  une  saillie  transver- 
sale parallèle  à  la  lèvre  affectée  et  d'un  volume  apparent  parfois  aussi  considé- 
rable que  celui  de  l'organe  normal.  Cette  plicature  désagréable  et  qui  altère  l'ex- 
pression naturelle  de  la  bouche  devient  précisément  plus  saillante  dans  les  cas 
où  cette  expression  est  mise  en  jeu,  notamment  dans  le  rire.  J'ai  vu  une  femme 
chez  laquelle  cette  double  lèvre  existait  à  un  degré  tellement  prononcé  (|ue  même 
à  l'état  de  repos  le  bourrelet  supplémentaire  partant  de  la  lèvre  supérieure  re- 
couvrait l'inférieure.  Ce  bourrelet  est  sujet  à  se  gonfler,  à  s'ulcérer  et  devient 
assez  gênant  pour  que  ceux  qui  présentent  cette  déformation  désirent  s'en  dé- 
barrasser. 

Le  bourrelet  muqueux  labial  doit  être  distingué  de  l'ectropion  labial  qui  ré- 
sulte le  plus  souvent  de  destructions  accidentelles  d'une  porlion  de  peau  plus  ou 
moins  étendue,  suivie  de  cicatrices  qui  renversent  la  lèvre  en  dehors. 

Lorsque  le  bourrelet  s'accroît  par  l'engorgement  du  tissu  sous-muqueux  on 
peut  se  borner  à  lui  opposer  des  topiques  astringents  sous  forme  de  lotions  ou 
de  pommades.  Mais  lors([ue  sans  cette  complication  il  dépasse  désagréablement 
le  niveau  du  bord  libie  des  lèvres,  le  seul  traitement  rationnel  à  lui  opposer  con- 
siste dans  sa  destruction.  On  pourrait  atteindre  ce  but  en  employant  la  cautérisa- 
tion à  l'aide  d'un  pinctau  chargé  d'un  hquide  caustique,  tel  que  le  nilrate  acide 
hydrargyrique  ou  le  beurre  d'antimoine.  Mais  la  position  même  du  repli  à  l'enlrée 
de  la  bouche,  la  possibilité  de  la  diffusion  de  l'action  caustique  sur  les  points 
voisins,  le  voisinage  des  dents  sont  tout  autant  de  circonstances  qui  indépendam- 
ment de  la  douleur  et  de  la  lenteur  de  cette  action  thérapeutique,  en  contre-indi- 
quent  l'emploi.  Une  opération  simple,  prompte  et  sûre,  l'excision,  est  infiniment 
préférable;  le  bistouri,  et  mieux  encore  les  ciseaux  agiraient  facilement  dans  ce 
but.  La  profondeur  à  laquelle  il  faut  porter  l'action  de  l'instrument  peut  varier. 
Si  la  base  du  bourrelet  était  indurée,  il  serait  nécessaire  de  dépasser  les  limites 
de  l'induration  après  avoir  convenablement  renversé  la  lèvre  pour  agir  avec  plus 
de  précision.  La  cicatrisation  du  tissu  muqueux  s'opère  d'ordinaire  avec  une 
grande  promptitude.  Il  y  aurait  avantage  à  accélérer  ce  résultat  par  l'application 
de  quelques  points  de  suture. 

Plaies.  Les  piqûres  simples  des  lèvres  ne  présentent  rien  de  particulier  dans 
cette  région.  Lorsqu'elles  sont  compli(|uées  de  la  présence  d'un  venin  (piqûres 
d'abeilles),  elles  donnent  lieu  à  un  gontlement  rapide  et  considérable.  —  Elles  s'ac- 
compagnent assez  fréquemment  de  la  présence  d'un  corps  étranger  métallique  ou 
de  toute  autre  nature,  comme  on  l'observe  à  la  suite  des  sutures  nécessitées 
par  diverses  opérations.  Dans  ce  cas  peuvent  se  produire,  quoique  rarement,  des 
accidents   inflammatoires. 


458  LÈVRES   (pathologie). 

Les  coniasions  et  les  lÂaies  contuses  de  la  même  région  se  produisent  moins 
IVéqnemment  que  dans  d'autres  parties,  à  cause  de  la  mobilité  des  lèvres.  Tonte- 
fois  le  point  d'appui  que  leur  offrent  en  arrière  les  dents  et  le  rebord  alvéolaire 
les  exposent  à  des  solutions  de  continuité  dans  lesquelles  le  tissu  subit  une  sorte 
d'écrasement  entre  le  corps  vulnérant  extérieur  et  la  surface  résistante  profonde. 
Une  circonstance  particulière  doit  être  notée.  Le  tissu  de  la  lèvre  cède  quelque- 
fois avec  une  certaine  régularité,  lorsque  l'agent  contondant  exerce  une  action 
directe  et  assez  limitée,  et  que  la  saillie  verticale  d'une  alvéole,  jouant  le  l'ôle  de 
crête  ou  d'arête,  facilite  la  division  du  tissu.  La  contusion  est  pour  ainsi  dire 
linéaire  et  la  division  qui  l'accompagne  est  presque  assimilable  à  celle  que  pro- 
duirait un  instrument  tranchant.  Nous  avons  vu  un  cas  de  ce  genre  dans  lequel 
la  réunion  immédiate  put  se  faire  sans  aucune  difficulté.  D'autres  fois  la  plaie  est 
déchirée,  frangée,  infiltrée  de  sang,  ses  bords  peuvent  même  être  mortifiés;  dans 
ces  cas,  l'ecchymose  est  toujours  plus  étendue  vers  la  face  profonde  des  lè^Tcs 
que  vers  la  face  cutanée  à  cause  de  la  laxité  du  tissu  cellulaire  sous-muqueux  et 
de  la  pi'oximité  relative  des  vaisseaux  et  de  la  face  profonde  des  lèvres.  Les  plaies 
contuses  des  lèvres  s'observent  quelquefois  à  la  suite  de  l'action  d'armes  à  feu^ 
soit  qu'une  portion  plus  ou  moins  étendue  de  l'organe  soit  perforée  ou  emportée 
par  un  projectile,  comme  Du[iuytren  en  a  cité  des  exemples,  soit  que  l'action  de 
!a  poudre  ayant  agi  en  même  temps,  ait  fait  subir  aux  tissus  une  distension  et  un 
écrasement  qui  divise  la  lèvre  en  lambeaux  irréguhers,  déchirés  et  ne  tenant  aux 
parties  respectées  que  par  des  pédicules  plus  ou  moins  étendus  ;  des  lésions  de  ce 
genre  s'observent  principalement  chez  les  sujets  qui  attentent  à  leurs  jours  en  se 
tirant  un  coup  de  pistolet  dans  la  bouche.  J'ai  observé  ce  genre  de  lésion  sur  un 
malheureux  sourd-muet  qui,  dégoûté  de  l'existence,  avait  voulu  s'en  débarrasser 
par  ce  moyen.  Les  lèvres  avaient  cerné  le  bout  de  l'arme  et  la  déflagration  de  la 
poudre  avait  déchiré  et  brûlé  leur  tissu  en  le  divisant  en  éclats  et  le  souillant  des 
débris  noirâtres  de  la  substance  explosive. 

Les  plaies  labiales  peuvent  être  produites  par  des  morsures  et  des  déchirures. 
J'ai  vu  un  enfant  qui  s'étant  placé  par  curiosité  à  l'entrée  d'un  terrier  oii  était  un 
furet,  avait  été  saisi  aux  lèvres  par  l'animal  et  avait  été  cruellement  déchiré.  Une 
partie  de  la  lèvre  supérieure  et  l'aile  gauche  du  nez  avaient  été  emportées  ;  il 
fallut  une  opération  autoplastique  pour  réparer  la  difformité  cicatricielle. 

Les  plaies  par  instrument  tranchant  sont  les  plus  fréquentes  et  varient  par 
leur  siège  leur  direction  et  leur  étendue;  on  les  distingue  en  complètes  et  incom- 
plètes, celles-ci  peuvent  être  avec  perte  de  substance.  Les  instruments  vulnérants 
peuvent  intéresser  l'épaisseur  du  tissu  labial  du  côté  de  la  peau  ou  du  côté  de  la 
muqueuse  ;  ces  dernières  sont  moins  fréquentes  que  les  plaies  cutanées.  Quoi  qu'il 
en  soit,  dans  les  divisions  incomplètes,  la  conservation  de  l'une  des  couches  de  la 
lèvre  re[)résente  un  obstacle  important  à  l'écartement  de  ses  bords.  Les  divisions 
verticales  complètes  des  lèvres  s'élevant  à  une  hauteur  variable  de  l'organe 
sont  suivies  d'un  écartement  considérable,  produit  par  la  contraction  du  muscle 
orbiculaire  qui  cesse  d'être  l'antagoniste  des  diducteurs  et  qui  reçoit  le  concours 
de  ces  derniers  pour  accroître  l'intervalle  qui  sépare  les  bords  de  la  solution  de 
continuité.  On  remarque,  dans  ce  cas,  les  mêmes  effets  que  dans  les  fissures  con- 
génitales. La  déformation  augmente  par  les  cris  et  par  toutes  les  causes  de  mou- 
vements locaux  avec  celte  différence  que  la  diduction  des  bords  de  la  plaie  labiale 
s'accompagne  d'une  douleur  assez  vive.  Une  héniorrbagie  quelquefois  abondante 
accompagne  ces  plaies  ;  la  perte  de  sang  est  d'autant  plus  grande  que  la  division 


LÈVRES  (pathologie).  459 

est  plus  rapprochée  des  coinmissures  et  par  conséquent  du  point  où  les  coronaires 
labiales  ont  le  plus  de  volume  et  se  trouvent  le  plus  près  de  leur  origine  au  tronc 
de  la  faciale.  Les  bouts  artériels  se  montrent  saillants  à  la  surface  de  la  division, 
par  suite  de  la  rétraction,  plus  forte  dans  le  tissu  musculaire  que  dans  le  tissu 
artériel.  Cette  rétraction  fait  paraître  les  plaies  labiales  plus  grandes  qu'elles  ne 
sont  réellement  et  met  à  découvert  une  bonne  étendue  des  arcades  dentaires. 
Les  plaies  labiales  par  inslrument  traucbant  peuvent  s'accompagner  de  perte  de 
substance  ;  c'est  une  lésion  chirurgicale  bien  commune,  ])uisqu'elle  est  un  résultat 
de  la  plupart  des  opérations  qu'on  pratique  pour  enlever  les  lésions  organiques 
dont  les  lèvres  sont  le  siège.  Les  excisions  en  V  donnent  lieu  à  un  écart  qui  tend 
à  effacer,  pour  ainsi  dire,  la  portion  restante  des  lèvres;  mais  une  traction  exercée 
sur  ces  restes  labiaux  leur  restitue  encore  une  certaine  étendue.  Les  jdaies  trans- 
versales faites  aux  dépens  des  bords  diminuent  d'une  manière  proportionnelle  la 
hauteur  de  la  lèvre  intéressée  et  modifient  par  .suite  ses  usages.  Ces  plaies  exposent 
surtout  aux-hémorrbagies  veineuses;  leur  examen  direct  permet  d'y  distinguer 
facilement  la  présence  et  la  saillie  des  glandules  qu'on  est  parfois  dans  l'obligation 
d'exciser  pour  faire  plus  exactement  la  réunion  de  la  muqueuse  et  de  la  peau. 
La  division  trauniatique  des  lèvres,  intéressant  toute  leur  épaisseur  et  une 
partie  plus  ou  moins  considérable  de  leur  hauteur,  peut,  dans  le  cas  où  l'art 
n'interviendrait  pas  ou  si  la  réunion  échouait,  être  suivie  de  la  cicatrisation  isolée 
de  chaque  bord  et  produire  la  lésion  connue  sous  le  nom  de  bec-de-licvrc  acciden- 
tel. Il  serait  difficile  de  le  confondre  avec  le  bec-de-lièvre  congénital.  Non-seule- 
ment il  en  diffère  par  sa  cause,  mais  par  beaucoup  d'autres  caractères.  Ainsi  le 
bec-de-lièvre  accidentel,  au  lieu  de  se  produire  comme  l'anomalie  aux  points  de 
jonction  des  bourgeons  formateurs,  se  montre  indilïéremment  dans  tous  les 
points  et  s'observe  aussi  bien  à  la  lèvre  inférieure  qu'à  la  supérieure.  11  aifecte 
la  direction  que  lui  donne  la  cause  vulnérante,  ne  s'accompagne  ni  d'atrophie 
des  lèvres,  ni  de  l'angle  arrondi  qui  caractérise  le  bec-de-lièvre  congénital;  enfin 
les  bords  de  la  solution  de  continuité  sont  cicatriciels  et  ne  présentent  rien  qui 
ressemble  au  bourrelet  muqucux  des  fissures  congénitales. 

Le  traitement  des  plaies  des  lèvres  repose  en  général  sur  des  indications  pré- 
cises. Les  piqûres  et  les  contusions  n'exigent  que  le  genre  de  soins  qui  convient 
en  général  aux  lésions  de  cette  nature.  Quant  aux  plaies  par  instruments  tran- 
chants, elles  exigent  à  titre  particulier  et  d'une  manière  prédominante  l'emploi 
de  la  réunion.  Ne  pouvant  éluder  l'écartement  des  bords  que  l'organisation  mus- 
culaire compliquée  des  lèvres  rend  très-considérable,  le  chirurgien  doit  lutter 
contre  la  contraction  des  muscles  et  assujettir  les  parties  dans  des  rapports  fixes 
pendant  tout  le  temps  nécessaire  à  la  réunion.  Les  emplâtres  adhésifs,  disposés 
en  bandelettes,  le  collodion,  peuvent  rendre  des  services  suffisants  dans  les 
plaies  superficielles  qui  ne  vont  guère  au  delà  de  la  peau.  Comme  les  muscles 
faciaux  qui  convergent  vers  les  lèvres  vont  s'insérer  par  bon  nombre  de  leurs 
fibres  à  la  face  profonde  du  derme,  les  agglutinatifs  peuvent  suffire  pour  annu- 
ler leur  contraction.  Dans  ces  cas  aussi,  le  bandage  unissant  des  plaies  en 
j  travers,  modifié  pour  les  besoins  de  la  région,  peut  assurer  des  rapports 
convenables  entre  les  bords  de  la  plaie  superficielle.  Mais,  si  celle-ci  est  pro- 
fonde et  notamment  si  elle  comprend  toute  l'épaisseur  de  la  lèvre,  la  suture 
convient  et  sa  nécessité  est  généralement  reconnue.  La  suture  est  directement 
applicable  aux  plaies  récentes  et,  régulières,  qu'il  suffit  d'absterger  et  de  disposer 
dans  leurs  rapports  naturels  par  un  affrontement  très-précis.  L'exactitude  de  ce 


400  LEVRES   (pathologie). 

raijporl  est  motivée  pur  la  nécessité  de  conserver  la  réguluvité  du  contour  de 
l'orilice  buccal,  et  d'éviter  par  conséquent  qu'un  des  bords  de  la  plaie  dépasse 
l'autre  en  aucun  seiis,  au  niveau  de  la  marge  labiale.  Si  les  bords  de  la  plaie  sont 
conlus,  inégaux,  déchirés,  désorganisés  par  la  cause  vulnéranle,  le  chirurgien 
doit  les  régulariser  par  des  excisions  convenables,  afin  d'avoir  autant  que  pos- 
sible des  surfaces  nettes  et  saines  à  assujettir.  Mieux  vaut  une  légère  perte  de 
substance  que  l'élaslicité  du  tissu  des  lèvres  dissimulera  ultérieurement,  qu'une 
éventualité  de  développement  intlamniatoire  dont  le  résultat  se  traduit  non- 
seulement  par  l'insuccès  de  la  réunion,  mais  par  des  cicatrices  difformes  auxquelles 
il  faut  quelquefois  remédier  par  des  opérations  ultérieures  compliquées.  La  con- 
dition récente  des  plaies,  leur  abstersion  régulière,  renlèvement  de  tout  corps 
étranger,  préparent  le  succès  de  l'affrontement,  et  dans  ces  cas  la  cicatrisation 
par  première  intention  est  un  résultat  presque  constant.  Si  les  bords  de  la  pluie 
ont  déjà  subi  une  atteinte  inflammatoire,  s'ils  sont  même  suppurants,  mais  qu'ils 
soient  d'ailleurs  nets  et  exempts  de  désorganisation,  on  peut  tenter  encore  la 
réunion.  Elle  est  moins  sûre  sans  doute,  mais  on  peut  réussir,  et  cette  chance 
doit  être  recherchée.  En  cas  d'échec,  ou  aurait  toujours  la  ressource  de  raviver 
ultérieurement  les  bords  cicatrisés  de  la  plaie,  et  de  faire  l'opération  du  bec-de- 
lièvre  accidentel. 

Quant  au  mode  de  suture  à  mettre  en  usage,  il  varie  suivant  le  caractère  des 
plaies  :  dans  celles  qui  sont  incomplètes,  la  suture  entrecoupée  peut  suffire.  On 
l'appliquera,  suivant  les  cas,  sur  la  peau  ou  sur  la  muqueuse,  sans  oublier  que 
les  fils  placés  sur  cette  dernière  surface,  incessamment  détrempés  par  les  liquides 
buccaux,  peuvent  se  relâcher,  et  exigent  que  le  nœud  soit  bien  assujetti.  La  suture 
entrecoupée  doit  être  secondi'e  dans  ses  effets,  au  moins  lorsqu'on  l'applique  sur 
la  peau,  par  les  agglutinatifs  et  au  besoin  par  le  bandage.  Quelques  chirurgiens 
contemporains  préconisent  aussi  la  suture  entrecoupée  pour  les  divisions  com- 
plètes des  lèvres.  Roser,  adoptant  une  opinion  éclectique,  dit  qu'il  est  assez  indif- 
férent de  choisir  la  suture  entrecoupée  ou  la  suture  entortillée.  Nous  ne  saurions 
nous  ranger  à  cet  avis,  et  la  question  nous  parait  depuis  longtemps  jugée  en  faveur 
de  la  suture  entortillée,  qui  dans  les  plaies  des  lèvres  en  particuher  donne  d'ex- 
cellents résultats.  Convenablement  pratiquée,  non-seulement  elle  maintient  dans 
toute  la  hauteur  et  toute  l'épaisseur  de  la  plaie  l'affrontement  exact  et  complet 
qui  est  nécessaire  à  une  prompte  cicalrisation,  n;ais  elle  annule  avec  efficacité 
les  effets  de  la  contraction  musculaire,  et  de  plus  elle  exerce  une  action  hémosta- 
tique certaine.  Cette  hémostasie,  essentiellement  liée  à  la  réunion,  n'est  pas  moins 
fidèle  que  la  ligature  directe  du  vaisseau,  et  elle  donne  assurément  plus  de  ga- 
rantie que  la  compression  avec  une  plaque  de  plomb  recourbée,  placée  au  voisi- 
nage de  la  commissure,  bien  que  ce  moyen  ait  réussi  à  Boyer,  qui  n'en  est  pas 
moins  resté  partisan  de  la  suture  entortillée. 

Le  mode  d'emploi  de  cette  suture,  quoique  Irès-vulgarisé,  exige  des  précautions 
et  des  soins.  Les  règles  de  son  emploi  ne  pouvant  être  reproduites  à  toute  occa- 
sion, nous  renvoyons  le  lecteur  aux  articles  Bec-de-Lièvre  et  Suture. 

Affectiojns  liSFLAMMAToiiiEs  DES  i.ÈviiES.  Bieu  quo  cttte  régiou  ne  présente  pas 
d'aptitude  morbide  spéciale  aux  invasions  inflammatoires,  nous  ne  pourrions 
omettre  certaines  particularités.  Les  manifestations  pathologiques  de  cette  nature 
ont  lieu  sur  la  peau  ou  sur  féi^aisseur  même  des  lèvres,  et  se  traduisent  par  des 
résultais  difiérents. 

Les  phlegmasies  cutanées  des  lèvres  se  manifestent  fréquemment  avec  la  forme 


LÈVRES    (pathologie).  401 

herpétique,  et  prennent  le  caractère  aigu  ou  cliroiiique.  A  la  prcaiière  loriiic  se 
rapporte  Ylierpes  labialis,  si  fréquent  au  rebord  même  des  lèvres  et  dont  l'appa- 
rition est  souvent  sollicitée  par  une  affection  catarrliale,  un  embarras  gastrique 
dont  elle  marque  la  terminaison.  De  courte  durée  et  absolument  exempte 
de  gravité,  cette  petite  éruption  cède  à  l'emploi  d'émollients  au  début  et  d'astrin- 
gents légers  à  la  fin,  sous  forme  de  lotions  ou  de  |  onmiades.  Les  plilegraasies 
chroniques  des  lèvres  affectent  de  prélérence  la  lèvre  inférieure  ou  la  jortion  de 
la  lèvre  supérieure  qui  correspond  à  la  gouttière  de  la  sous-cloison.  L'impétigo, 
le  sycosis  sont  les  variétés  les  plus  fréquentes.  Cette  dernière  forme  s'observe  sur- 
tout cliez  l'adulte,  et  se  cantonne  dans  les  follicules  pileux  et  les  glandes  sébacées 
qui  leur  correspondent.  Des  produits  parasitiques,  de  nature  animale,  comme  le 
demodex  folliculorum  ou  végétale,  comme  Vachorion  Schœnleinii  et  Yoïdimn 
albicans,  du  côté  de  la  muqueuse,  peuvent  compliquer  et  entretenir  les  derma- 
tites  dont  la  région  est  le  siège.  Le  psoriasis  n'épargne  point  les  lèvres.  Dans  une 
de  ses  formes  les  plus  rebelles  et  les  plus  désagréables,  il  s'accompagne  de  tis- 
sures rayonnées,  spécialement  fixées  aux  commissures  ou  à  la  partie  moyenne  de 
la  lèvre  supérieure,  fissures  qui  se  déchirent  pendant  l'action  nuisculairc  des 
diducteurs,  ou  qni,  occasionnant  une  contraction  rétiexe  des  fibres  de  l'orbiculaire, 
donnent  à  l'ouverture  buccale  un  aspect  froncé  particulier.  Nous  avons  connu  un 
malade  chez  lequel  il  existait  une  véritable  contracture  du  sphincter  buccal,  per- 
mettant d'établir  une  complète  analogie  par  rapport  au\  ulcérations  linéaires,  à 
la  douleur  névralgique  et  à  la  contracture  musculaire,  avec  la  fissure  à  l'anus. 

Parmi  les  intlammations  locales  atteignant  le  tissu  labial  au  delà  de  la  couche 
cutanée,  nous  devons  spécialement  signaler  les  inflammations  phlegnioneuses,  les 
inflammations  furonculeuses  et  anthracoïdes. 

Le  phlegmon  des  lèvres  s'observe  quelquefois  à  la  suite  des  plaies  contnses  de 
la  région.  Il  succède  parfois  aux  opérations  chirurgicales  qu'on  y  pratique,  et 
complique  notamment  l'érysipèle,  quoique  ce  résultat  soit  biçn  moins  fréquent 
aux  lèvres  qu'aux  paupières.  L'évolution  inflammatoire  s'accomplit  au  prix  d'assez 
vives  douleurs,  à  cause  de  la  densité  des  couches  extérieures  où  n'existe  qu'un 
tissu  cellulaire  assez  serré.  Le  gonflement  s'opère  surtout  du  côté  des  couches 
profondes.  Les  lèvres,  ne  pouvant  s'étendre  dans  ce  sens  à  cause  de  la  présence 
du  bord  alvéolo-dentaire,  se  portent  et  se  renversent  en  avant  en  se  déformant 
et  en  donnant  à  la  bouche  une  expression  disgracieuse.  Bornée  tantôt  à  la  pé- 
riode fluxionnaire,  comme  on  l'observe  à  l'occasion  des  odontalgies  et  des  ain- 
vites  concomitantes,  l'intlammation  des  lèvres  aboutit  dans  d'autres  cas  à  la 
suppuration.  Il  est  rare  que  les  abcès  soient  très-volumineux.  Leur  formation 
s'annonce  par  un  accroissement  de  chaleur  avec  pulsation  locale,  exaltation  de 
la  sensibilité,  congestion  de  la  face,  tuméfaction  des  ganglions  sous-maxillaires 
et  le  cortège  plus  ou  moins  accusé  des  symptômes  généraux  de  l'inflannuation. 
Le  pus  se  tbrme  d'ordinaire  assez  rapidement,  et,  soit  qu'on  lui  donne  issue  ou 
qu'il  s'échappe  spontanément,  son  élimination  est  suivie  d'un  prompt  soulage- 
ment. Le  traitement  de  ces  sortes  d'inflammations  ne  comporte  aucune  indication 
exceptionnelle.  L'emploi  desémoUients,  et,  lorsque  la  présence  du  pus  est  accu- 
sée, une  ouverture  prompte  du  foyer,  constituent  les  seules  indications  du  traite- 
ment. Sides  corps  étrangers,  engagés  dans  l'épaisseur  du  tissu  (fils,  épingles,  etc.)^ 
sont  la  cause  du  travail  inflammatoire,  leur  ablation  est  nécessaire. 

Le  furoncle  et  V cmthrax  des  lèvres  sont  loin  d'être  rares.   Le  furoncle  est 
surtout  très-commun  pendant   l'adolescence;  je  l'ai  souvent  observé  sur  les 


4C2  LEVRES   (pathologie). 

élèves  du  lycée  de  Montpellier.  11  m':i  paru  plus  fréquent  au  printemps,  et  dans 
certaines  années.  Les  femmes  y  sont  sujettes  surtout  aux  époques  menstruelles. 
Un  prompt  débridemcnt  abrège  la  durée  de  l'inflammation  et  facilite  la  sortie  du 
bourbillon  cclluleux  infiltré  de  plasma. 

V anthrax  est  une  iallammation  du  même  genre,  mais  dans  de  plus  fortes  pro- 
portions, et  peut  revêtir  une  forme  grave.  M.  Verneuil  a  récemment  por(é  l'at- 
tention des  praticiens  sur  Tanthrax  des  \esves  {Gazette  hebd.,  novembre  1868) 
et  a  signalé  les  conséquences  les  plus  dangereuses  comme  attachées  à  cette  lésion. 
Une  énorme  tuméfaction,  des  douleurs  brûlantes  très-vives,  un  aspect  violacé  avec 
perforations  multiples  révélant  les  divers  foyers  plasma  tiques  et  les  nécroses  cellu- 
leuses  qui  y  correspondent,  une  dureté  considérable  des  tissus  dont  les  formes  et 
les  sillons  limitants  s'effacent;  une  fièvre  violente  et  finalement  des  propagations 
inflammatoires  diffuses  vers  le  reste  de  la  face  ou  vers  la  région  sus-hyoïdienne,  des 
accidents  de  pyohémic,  tels  sont  les  caractères  sérieux  que  revêt  cette  affection  et 
qui  donnent  lieu  à  un  fâcheux  pronostic.  Dans  les  cas  observés  par  M.  Verneuil,  la 
mort  a  succédé  aux  désordres  provoqués  par  l'anthrax.  Aussi  ce  savant  chirurgien 
a-t-il  proposé  d'attaquer  la  maladie  par  des  moyens  énergiques  tels  que  la  cautéri- 
sation au  fer  rouge.  Il  est  certain  du  moins  que  lorsque  la  lésion  atteint  les 
proportions  que  nous  venons  d'indiquer,  les  antipblogistiques  émoUients  et  réso- 
lutifs, les  débridements  ordinaires  seraient  absolument  msuffisants  ;  il  y  a  lieu 
de  faire  la  part  d'une  mauvaise  disposition  de  l'organisme  et  de  la  pénétration  de 
principes  septiques  dans  les  voies  circulatoires  qui  menacent  la  vie  par  un  effet 
deutéropatbi(iue.  Les  toniques,  l'aconit,  le  camphre  à  l'intérieur,  l'acide  [hénique 
et  la  cautérisation  sur  les  parties  affectées  sont  d'un  emploi  très-rationnel. 

Dans  des  cas  de  ce  genre  l'anthrax  n'est  pas  restreint  à  ses  formes  connues 
et  habituelles.  11  est  le  début  et  l'occasion  d'une  atteinte  morbide  à  forme  essen- 
tiellement gangreneuse  et  qui  dans  d'autres  circonstances  se  montre  seule  sans 
que  les  foyers  anthracoïdes  établissent  sa  période  initiale.  Cette  forme  morbide 
si  grave,  que  l'on  a  signalée  aussi  sous  le  nom  d'œdème  malin,  de  charbon,  est 
aux  lèvres  ce  que  le  noma  est  à  la  cavité  buccale.  Elle  atteint  spécialement  la 
lèvre  inférieure,  d'où  elle  se  propage  vers  la  région  sus -hyoïdien ne  qui  s'œdéma- 
tie  promptement  et  s'infiltre  d'un  liquide  jaunâtre  citrin  ou  opalin,  ayant  une 
véritable  analogie  d'aspect  avec  celui  qui  infiltre  les  tissus  autour  d'une  pustule 
maligne.  A  l'inoculation  près,  c'est  la  même  maladie.  Nous  l'avons  observée  deux 
fois,  et  récemment  sur  une  jeune  dame  qui  fut  rapidement  emportée,  malgré  le 
traitement  le  plus  énergique,  ayant  consisté  en  débridements  profonds  suivis  de 
cautérisations  avec  le  chlorure  d'antimoine.  Les  lèvres,  en  raison  de  leur  position 
extérieure,  sont  au  reste  sujettes  à  la  pustule  maligne.  Boyer  a  cité  l'histoire 
d'un  boucher  ([ui,  dépouillant  une  bête  attemte  de  charbon,  et  ayant  déposé 
entre  ses  dents'le  couteau  qui  servait  à  son  opération,  s'inocula  la  matière  sep- 
tique  et  fut  atteint  d'une  pustule  maligne  de  la  région  labiale. 

Complétons  ces  considérations  sur  l'anthrax  des  lèvres  et  les  affections  qui  lui 
ressemblent  en  rappelant  que  l'anthi'ax  relève  ordinairement  d'une  mauvaise 
disposition  générale  de  l'organisme  et  qu'il  peut  se  lier  au  diabète. 

Difformités  accidentelles  de  l'orifice  buccal.  La  mobilité  des  lèvres,  la  dis- 
position de  l'orifice  qu'elles  circonscrivent,  leurs  rapports  avec  les  parties  voi- 
sines permettent  de  se  rendre  compte  des  traces  que  peuvent  laisser  dans  cette 
région  les  lésions  traumatiques,  les  atteintes  inflammatoires,  les  ulcérations  et 
les  pertes  locales  de  substances,  quelle  que  soit  leur  cause.  Les  déformations  acci- 


LEVRES  (pathologie).  405 

dentelles  qui  en  résultent  se  traduisent  surtout  par  l'atrcsie,  les  déviations  et  les 
adhérences  anormales.  Ces  lésions  sont  tantôt  isolées,  tantôt  combinées;  elles 
dépendent  généralement  de  cicatrices  vicieuses  établies  au  niveau  même  de  l'ori- 
fice buccal,  à  son  voisinage,  ou  dans  l'intérieur  même  de  la  bouche  ;  les  premières 
occasionnent  surtout  l'atrésie,  les  secondes  les  déviations,  et  les  dernières  des 
adhérences  profondes. 

Parmi  les  causes  qui  peuvent  aboutir  à  de  pareils  résultats,  se  distinguent  en 
premier  lieu  les  lésions  traumatiques  dont  l'action  irréguhère  produit  une  forte 
contusion  ou  une  perte  de  substance,  et  change  la  disposition  normale  de  l'orifice 
buccal.  Les  plaies  par  armes  à  feu  surtout  occasionnent  de  pareils  désordres,  soit 
qu'une  partie  des  lèvres  cède  à  leur  action,  et  se  détache  directement,  ainsi 
que  je  l'ai  observé  sur  un  blessé  de  la  campagne  de  Crimée,  soit  qu'en  agis- 
sant comme  les  agents  contondants  ordinaires,  les  projectiles  produisent  un  écra- 
sement des  tissus  suivi  de  mortification  plus  ou  moins  étendue.  Certaines  [ilaies 
irrégulières  faites  par  des  corps  tranchants  conduisent  au  même  résultat.  Un 
enfant  à  qui  j'ai  dû  pratiquer  la  chciloplastie,  avait  fait  une  chute  sur  un  fond 
de  bouteille  cassée  reposant  sur  le  sol.  Il  en  était  résulté  une  blessure  semi-cir- 
culaire qui  détacha  la  moitié  de  la  lèvre  inférieure  à  la  f  içon  d'un  emporte-pièce 
et  donna  lieu  à  une  cicatrisation  vicieuse  avec  adhérence  intra-buccale.  On  ne 
saurait  énumércr  toutes  les  lésions  traumatiques  dont  l'effet  ultime  consiste 
dans  la  déformation  de  l'orifice  buccal  ;  l'observation  révèle  chaque  jour  des  va- 
riétés nouvelles.  La  chirurgie  elle-même,  si  elle  n'aboutit  pas  dans  ses  tentatives 
réparatrices  après  des  opérations  exigeant  une  perte  de  substance,  peut  créer 
des  déformations  de  cette  nature.  Les  brûlures  sont  une  des  causes  les  plus  ac- 
tives des  difformités  accidentelles  des  lèvres.  Elles  surviennent  dans  un  petit 
nombre  de  circonstances.  Sans  chercher  dans  l'histoire  sacrée  ou  profane  l'exemple 
d'isaïe  qui  brûlait  ses  lèvres  avec  un  charbon  ardent,  ou  de  la  Romaiue  Porcie 
qui  cherchait  la  mort  en  introduisant  dans  sa  bouche  la  même  substance  en  igni- 
tion,  les  cliirurgiens  trouvent  à  enregistrer  des  exemples  de  brûlures  labiales. 
J'ai  opéré  de  la  chéiloplastie  une  jeune  fille  épileptique  dont  l'orifice  buccal 
avait  été  horriblement  déformé  par  une  brûlure  survenue  à  l'occasion  d'une  chute 
sur  un  fragment  de  bois  embrasé,  et  j'ai  dû  faire  l'agrandissement  de  l'orifice 
buccal  sur  un  jeune  enfant  cà  qui  sa  mère  avait,  par  mégarde,  fait  prendre  du 
bouillon  tellement  chaud,  qu'il  en  était  résulté  une  brûlure  des  lèvres  et  de  la 
muqueuse  du  vestibule  de  la  bouche,  avec  atrésie  et  adhérences.  On  sait  que  les 
brûlures  du  voisinage  de  la  bouche,  celles  du  cou,  celles  de  la  face,  sont  sui\ies 
de  formations  inodulaires  dont  les  extrémités  adhérentes  d'une  part  à  un  point 
quelconque  de  l'ouverture  buccale,  et  de  l'autre  à  un  point  fixe,  attirent  par  atro- 
phie ou  par  rétraction,  la  partie  mobde  des  lèvres,  et  produisent  des  difformités 
complexes.  Telle  brûlure  profonde  de  la  joue  peut,  après  la  guérison,  entraîner 
simultanément  vers  le  noyau  de  rétraction  la  paupière,  la  narine  et  la  commis- 
sure labiale.  Des  inflammations  phlegmoneuses  suivies  de  brides  inodulaires  pro- 
duisent des  effets  semblables.  Il  en  est  de  même  des  pertes  de  substance  gangre- 
neuses ou  autres,  des  suites  de  la  variole,  des  ulcérations  diverses  qui  détruisent 
les  tissus  à  de  grandes  profondeurs  et  sur  des  surfaces  étendues.  Les  hôpitaux 
présentent  de  tels  spécimens  aux  observateurs;  nous  en  avons  souvent  constate 
des  exemples  chez  des  infirmiers,  profession  qu'adoptent  avec  une  certaine  préfé- 
rence les  sujets  ainsi  disgraciés.  Des  ulcérations  syphilitiques,  scrofuleuses, 
lupeuses,  après  une   durée  très-chronique  et  guéries   \  grand'peine  par  des 


464  LEVRES  (pathologie). 

remèdes  internes  ou  après  des  cautérisations  plus  ou  moins  énergiques,  se  recon- 
naissent encore  après  leur  guérison,  non-seulement  à  des  cicatrices  déformantes 
qui  détruisent  le  parallélisme  des  lèvres,  mais  à  des  nuances  de  coloration  révé- 
latrices du  caractère  primitif  de  la  lésion. 

Comme  conséquence  des  cicatrices  vicieuses  déterminées  par  les  causes  qui 
viennent  d'être  énumérées,  nous  noterons  diverses  déformations. 

Atrésie  de  l'orifice  buccal.  Parfois  il  existe  entre  les  lèvres  une  sorte  de 
palmure  rudimentaire  interposée  entre  les  angles;  les  lèvres  jouissent  encore 
d'une  certaine  liberté  d'action  et  la  palmure  commissurale  ne  fait  que  restreindre 
leur  écartenient,  sans  rcm|iccher.  D'autres  fois  les  lèvres  sont  véritnbleraent 
soudées  par  leur  bord  libre  dans  une  étendue  plus  ou  moins  considérable,  et  il 
en  résulte  une  coarctalion  de  l'orifice,  une  atrésie  plus  ou  moins  prononcée.  J'ai 
vu  et  opéré  deux  malades  chez  lesquels  il  y  avait  impossibilité  d'introduire,  dans 
la  bouche,  des  ahments  solides;  le  bec  de  la  cuiller  ou  un  étroit  biberon  pou- 
vaient seuls  engager  dans  la  bouche  les  liquides  nutritifs.  Démarque  signale  un 
cas  pareil  à  la  suite  d'ulcérations.  .1.  Ilorst  cite  l'exemple  d'un  meunier  varioleux 
dont  les  lèvres  soudées  à  la  suite  d'excoriation  n'avaient  laissé  à  la  place  de  l'ori- 
fice normal  (]u'iin  petit  trou  admettant  à  peine  le  bout  d'un  entonnoir.  L'ouver- 
ture devint  si  étroite  qu'elle  fut  insuffisante  et  que  le  sujet  mourut  d'inanition. 
Les  cicatrices  obi urantes  sont  tantôt  souples,  tantôt  indurées  ou  calleuses.  Elles 
n'occasionnent  qu'une  douleur  médiocre,  mais  la  gêne  fonctionnelle  qu'elles 
produisent  devient  très-considérable.  Les  sujets  ainsi  disposés  ne  peuvent  ni  se 
nourrir  convenablement,  ni  parler  avec  liberté.  L'expression  de  la  physionomie 
est  altérée,  le  rire  et  les  actes  respiratoires  de  la  bouche  se  ressentent  à  des  degrés 
di\ers  de  cette  fâcheuse  disposition. 

Déviation.  Les  cicatrices  \icieuses  périphériques  exercent  sur  les  lèvres  et  la 
bouche  une  action  non  moins  prononcée  et  plus  variable  dans  ses  apparences. 
Suivant  le  sens  des  tractions  exercées,  elles  déterminent  des  changements  mor- 
phologiques qui  portent  différents  noms.  Les  pertes  de  substance  de  la  partie 
moyenne,  suivies  de  rétraction  verticale,  produisent  des  encoches  plus  ou  moins 
profondes  depuis  le  sw/cîts  jusqu'au  coloboma  et  au  bec-de  lièvre  accidentel.  Dans 
d'autres  cas,  l'action  cicatricielle  se  limitant  à  la  surface  cutanée  ou  à  la  surface 
muqueuse  provoque,  comme  aux  paupières,  Fectropion  ou  l'entropion  labial.  Si 
la  cicatrice  agit  comme  au  voisinage  des  commissures,  elle  entraîne  la  lèvre  dans 
le  sens  de  sa  rétraction,  déforme  la  bouche  et  la  portion  correspondante  de  la 
joue,  découvre  les  gencives  et  les  dents,  expose  la  cavité  buccale  à  des  causes 
incessantes  d'irritation  et  à  la  perte  des  liquides  salivaires,  surtout  si  la  lèvre 
inférieure  est  entamée,  détruite  ou  fortement  sollicitée  en  bas  par  la  bride  fibreuse. 
Les  dispositions  anormales  les  plus  variées  peuvent  être  l'effet  de  ces  entraîne- 
ments du  contour  de  l'orifice  buccal.  Nous  avons  observé  un  cas  dans  lequel  il 
avait  subi  une  ectopie  complète  et  se  trouvait  comme  transporté  sur  la  joue 
gauche;  un  lupus  exedens  à  répétition,  suivi  de  cicatrices  partielles  multiples  et 
irrégulières,  avait  substitué  à  l'orifice  buccal  cette  ouverture  anormale,  froncée, 
inégale,  sans  contractions  régulières,  et  oi\  quelques  traces  phagédéniques  attes- 
taient encore  la  cause  originelle  de  la  déformation. 

Adhérences.  Un  des  résultats  les  plus  compliqués  des  difformités  que  nous 
passons  en  revue,  s'exprime  par  la  production  d'adhérences  intra-buccales.  Ces 
adhérences  succèdent  à  des  ulcérations  qui  se  produisent  simultanément  à  la  face 
interne  des  lèvres  et  à  la  partie  correspondante  des  gencives  et  de  la  muqueuse 


LEVRES  (pathologie).  465 

placée  au  delà.  C'est  particulièrement  à  la  suite  de  stomatites  gangreneuses,  du 
noma,  d'ulcérations  syphilitiques,  de  la  mercurialisation  poussée  à  un  haut  degré, 
que  se  produisent,  pendant  le  travail  de  réparation  cicatricielle,  ces  adhérences  que 
favorisent  l'immohilité  du  rebord  alvéolaire  et  les  mouvements  toujours  limités 
auxquels  sont  condamnés  les  lèvres  entamées  par  des  ulcérations  étendues.  Ces 
adhérences  se  font  tantôt  par  d'assez  larges  surfaces,  tantôt  par  des  brides  limitées 
dont  le  doigt  porté  dans  la  cavité  buccale,  apprécie  la  position  et  le  relief.  Parfois 
adhérentes  à  leurs  extrémités,  ces  brides  sont  libres  à  leur  partie  moyenne,  plus 
souvent  elles  tiennent  par  toute  leur  étendue  aux  tissus  qu'elles  unissent  et  s'en- 
foncent à  des  profondeurs  variables  dans  ces  derniers.  Elles  les  affermissent  ainsi 
dans  des  rapports  fixes  incompatibles  avec  les  fonctions  de  la  cavité  vestibulaire  de 
Ja  bouche.  Certaines  adhérences,  plus  profondes  et  plus  complètes,  s'étendent 
d'une  mâchoire  à  l'autre,  atteignent  par  leurs  éléments  fibreux  les  arcades  alvéo- 
laires et  les  immobilisent  non-seulement  par  rapport  aux  lèvres  qui  les  recouvrent, 
mais  de  manière  à  s'opposer  à  l'écartement  des  os  maxillaires.  C'est  surtout  lors- 
qu'un coup  de  feu  a  porté  le  désordre  dans  une  grande  étendue  de  tissu,  fracturé 
les  os,  détaché  des  esquilles  et  occasionné  plus  tard  de  longues  suppurations  que 
des  inodules  puissants  s'organisent  et  subissent  graduellement  des  métamorphoses 
dont  l'ossification  est  le  dernier  terme.  Une  sorte  d'ankylose  s'établit  entre  les 
mâchoires  elles-mêmes,  dont  les  dents  se  rencontrent  et  se  dévient  :  leur  couronne 
et  leur  collet  se  recouvrent  de  tartre,  les  gencives  se  ramollissent,  les  liquides 
buccaux  s'altèrent  et  ajoutent  l'impression  d'une  certaine  fétidité  à  la  position 
pénible  des  malades  qui  ne  peuvent  ni  recevoir  des  aliments  solides  ni  parier  li- 
brement ;  une  pareille  situation  réagit  sur  la  nutrition  et  constitue  un  cas  dont 
l'importance  sera  mieux  appréciée  dans  un  article  spécial.  {Voij.  Mâchoires.) 

Traitement.  Les  moyens  thérapeutiques  applicables  aux  déformations  de  l'ou- 
verture buccale  se  divisent  naturellement  d'après  les  trois  groupes  principaux 
que  nous  venons  de  passer  en  revue.  Nous  les  examinerons  successivement  en  tant 
qu'ils  ont  pour  but  prédominant  de  combattre  l'atrésie,  de  corriger  les  déviations 
ou  de  détruire  les  adhérences  anormales  ;  quant  à  ce  qui  concerne  l'indication 
plus  spéciale  de  réparer  les  pertes  de  substance,  indication  qui  peut  se  combiner 
avec  les  précédentes,  il  en  sera  question  plus  opportunément  à  propos  de  la 
chéiloplastie. 

Le  traitement  de  l'atrésie  de  l'ouverture  buccale  est  tantôt  palliatif  et  tantôt 
curatif.  Si  le  rétrécissement  de  l'orifice  ne  fait  que  gêner  l'introduction  des  ali- 
ments et  que  le  malade  se  refuse  à  toute  opération  proprement  dite,  on  peut  se 
contenter  de  varier  les  artifices  pour  l'ingestion  des  aliments.  L'usage  du  biberon, 
de  l'entonnoir  de  J.  Horst,  d'une  cuiller  étroite,  d'un  bol  càbec  d'aiguière  allongé 
sera  utile  pour  l'introduction  de  substances  Hquides  ou  demi-liquides.  11  peut 
être  utile  de  dilater  le  petit  orifice  buccal  préalablement  enduit  de  glycérine  bei- 
ladonée,  avec  de  l'éponge  préparée,  avec  la  tige  de  la  minaire,  ou  la  racine  de  gen- 
tiane. Ces  moyens  sont  généralement  peu  tolérés  ou  inefficaces.  La  dilatation  forcée 
serait  peu  rationnelle,  surtout  dans  une  région  où  la  nécessité  d'éloigner  toute 
chance  de  déchirure  susceptible  d'ajouter  à  l'irrégularité  de  la  forme,  doit  être  soi- 
gneusement écartée  ;  c'est  donc  à  une  opération  qu'd  faut  avoir  recours  et  le  cas 
qui  se  présente  alors  n'est  pas  sans  analogie  avec  la  lésion  connue  sous  le  nom  de 
doigts  palmés  où  l'on  voit  une  membrane  plus  ou  moins  épaisse  remphr  l'intervalle 
qui  sépare  les  doigts. 

Vincision  transversale  faite  à  droite  et  à  gauche  de  l'orifice  rétréci  jusqu'au 

DICT.  ESC.  2°  s.  IL  30 


466  LEVRES  (pathologie). 

niveau  normal  où  correspondent  les  commissures,  se  présente  comme  le  procédé 
le  plus  simple  ;  il  est  celui  que  les  malades  préfèrent,  à  cause  de  sa  prompte  exé- 
cution ;  mais  l'expérience  démontre  que,  dans  ces  cas,  la  simplicité  ne  donne  pas 
la  garantie  du  succès.  Alors  même  qu'à  l'exemple  d'Aumssat  on  décliire  la  cica- 
trice des  commissures  au  moment  oii  elle  se  forme,  ou  qu'on  résiste  à  ses  progrès 
par  l'interposition  d'une  lame  de  plomb,  ainsi  que  le  recommande  Boyer,  le  tra- 
vail de  cicatrisation  triomphe  de  l'obstacle,  gagne  du  terrain  au  dépens  de  la  lon- 
gueur donnée  aux  lèvres  par  l'incision  transversale,  et  finit  par  reproduire  la  dit- 
Ibrmité.  11  importe,  pour  obvier  à  ce  résultat  presque  constant,  et  qui  reproduit 
aux  lèvres  les  mêmes  effets  que  l'on  constate  après  l'incision  simple  de  la  mem- 
bi'ane  intermédiaire  des  doigts  palmés,  de  changer  les  conditions  de  la  cicatri- 
sation, et  d'obtenir  par  exemple  un  trajet  préalablement  cicatrisé  au  niveau  des 
nouvelles  commissures,  d'oîi  l'on  ferait  partir  les  incisions  labiales  pour  les  duiger 
vers  l'orifice  rétréci,  ou  de  provoquer  une  rapide  cicatrisation  cutanéo-muqueuse, 
soit  vers  les  rebords  labiaux,  soit  surtout  au  niveau  de  l'angle,  afin  d'empêcher 
celui-ci  de  s'effacer  ou  de  se  rapprocher  de  plus  en  plus  du  centre  de  l'ouverture 
buccale;  de  cette  intention  sont  nés  les  procédés  suivants  : 

Emploi  (ht  botoc  ou  création  préalable  d'un  trajet  cicatrisé  au  niveau  des 
commissures.  On  sait  que  certaines  parties  du  corps  peu  épaisses  et  présen- 
tant peu  d'aptitude  inflammatoire,  comme  le  lobule  de  l'oreille,  la  sous-cloison 
de  la  saillie  nasale,  peuvent  supporter  la  présence  prolongée  de  corps  étrangers, 
tels  que  des  anneaux  métalliques,  et  que  les  trajets  se  revêtent  autour  de 
ces  corps  d'une  membrane  cicatricielle  qui  les  rend  permanents.  Les  lèvres,  sans 
offrir  la  même  tolérance  que  les  parties  que  nous  venons  d'indiquer  n'excluent 
pas  absolument  le  séjour  des  corps  étrangers  et  le  trajet  que  ceux-ci  parcourent 
dans  leur  épaisseur  est  susceptible  de  cicatrisation  isolée.  Les  récits  des  voyageurs 
ont  appris  que  certaines  peuplades  de  l'Amérique  du  Sud,  les  Botocudos,  sont 
dans  l'habitude  de  loger  ainsi  dans  l'épaisseur  de  leurs  lèvres  des  anneaux  ou 
d'autres  objets  connus  sous  le  nom  de  botoc  et  qu'ils  attachent  à  la  présence  de 
ces  objets  l'idée  d'un  agrément  et  d'un  accroissement  de  beauté.  La  présence  du 
botoc,  dont  le  volume  est  souvent  considérable,  crée  des  trajets  artificiels  perma- 
nents. Cette  pratique,  qui  cause  une  juste  surprise  aux  Européens,  est  cependant 
de  nature  à  démontrer  que  la  région  labiale  n'est  pas  rebelle  à  la  production  d'un 
revêtement  isolant  dans  le  trajet  de  ces  corps  étrangers,  et  que  le  botoc  peut  être 
essayé  dans  les  cas  oiî  on  juge  utile  de  provoquer  des  trajets  accidentels  de  ce 
genre.  L'opération  du  rétabhssement  de  l'orifice  buccal,  d  après  ce  principe,  a  été 
proposée  par  Kriiger  Hausen,  et  a  son  analogue  dans  le  procédé  de  Rudtorffer 
pour  remédier  aux  adhéi'ences  des  doigts.  Elle  comprend  deux  temps;  dans  le' 
premier,  on  crée  le  canal  artificiel  ;  dans  le  second,  on  incise  la  partie  comprise  ; 
entre  l'orilîce  buccal  rétréci  et  le  trajet  artificiel  cicatrisé.  L'exécution  du  premier  j 
temps  se  fait  en  perforant  à  la  hauteur  et  à  la  distance  oiî  doivent  se  trouver  les  j 
commissures,  l'épaisseur  des  lèvres  ou  de  la  joue,  en  évitant  le  trajet  connu  des  * 
artères  qui  appartiennent  à  la  région;  la  perforation  se  fait  avec  un  bistouri,  un 
stylet  pointu  ou  un  Irois-quarts.  Nous  préférons  une  canule  à  bord  tranchant  qui 
enlève,  iî  la  manière  d'un  emporte-pièce,  un  morceau  cylindrique  des  tissus  ;  on 
engage  dans  le  trajet  soit  un  tube  de  plomb,  soit  un  fragment  régulier  d'ivoire  ou 
un  séton  formé  de  fils  de  soie  réunis  et  dans  tous  les  cas  on  fait  choix  d'une  sub- 
stance dont  la  nature  ne  soit  pas  irritante,  afin  d'atténuer  le  plus  possible  le  déve- 
loppement inflammatoire  que  le  corps  étranger  ne  manque  guère  de  provoquer. 


LÈVRES   (pathologie).  4<.'7 

Le  double  bouton  d'ivoire  avec  un  cylindre  intermédiaire,  dit  bouton  de  chemise 
dont  une  plaque  amovible  pourrait  se  visser  à  volonté,  nous  paraîtrait  le  moyen 
le  plus  commode  dans  ce  but.  Il  va  sans  dire  qu'un  instrument  de  ce  genre  de- 
vrait rester  eu  place  autant  de  temps  que  l'exigerait  une  cicatrisation  solide.  Ce 
résultat  obtenu,  en  supposant  qu'il  n'y  eût  point  de  scène  inflammatoire  qui 
forçât  à  renoncer  à  son  emploi,  il  y  aurait  lieu  de  procéder  au  second  temps,  qui 
consisterait  à  inciser  transversalement,  dans  la  direction,  connue  des  lèvres,  l'es- 
pace compris  entre  l'ouverture  buccale  coarctée  et  le  trajet  artificiel  établi  aux 
commissures. 

Débridement  et  suture  cutanéo-muqueuse .  La  clinique  de  Montpellier  a  mis 
en  vogue,  depuis  Serre,  le  procédé  qui  consiste  à  débrider  transversalement  la 
palmure  iulcilabiale  et  à  réunir  directement  la  muqueuse  et  la  peau  par  des 
points  de  suture.  Des  fils  de  soie  doivent  être  employés  à  cet  effet,  et  leurs  points 
d'application  assez  multipliés  pour  que  la  réunion  se  fasse  exactement  dans  toute 
l'étendue  de  l'orifice  buccal  agrandi.  Si  on  laisse  de  trop  grands  inter\ ailes,  la 
coaptation  cutanéo-muqueuse  n'est  pas  exacte  ;  Fintlammation  s'empare  des  par- 
ties laissées  à  nu  entre  les  nœuds  et  la  non -réunion  de  la  peau  et  de  la  nuiqucuse 
fait  échouer  ultérieurement  l'adhésion  dans  les  points  où  elle  a  d'abord  réussi. 
Ce  procédé  très-vanté  par  son  auteur,  et  qui  nous  a  paru  elfectiveraent  c.vcel- 
lent  dans  les  cas  nombreux  oij  nous  l'avons  appliqué  pour  des  opéi'atioiis  ana- 
logues à  celle  qui  nous  occupe,  prévient  la  coarctation  ultérieure  en  sujiprimant, 
par  la  réunion  immédiate,  les  surfaces  de  section  ;  celles-ci  resteraient,  sans  cette 
précaution,  à  l'état  de  plaie  exposée,  et,  en  se  cicatrisant  de  nouveau  par  seconde 
intention,  elles  participeraient  à  l'obturation  inodulaire  partant  de  l'angle  labial, 
et  reproduiraient  ainsi  la  difformité  primitive. 

Ourlet  des  commissures.  Dieffenbacli  et  avant  lui  Werneck,  cité  jiar  Rigaud, 
ont  proposé  d'arrêter  aux  commissures  mêmes  le  travail  de  cicatrisation  qui  as- 
sujettit obstinément  les  parties  divisées  à  sa  formation  et  à  sa  rétraction  ulté- 
rieure, car  ces  deux  effets  se  produisent.  Dans  ce  but,  Dieffenbacli  qui  est  sur- 
tout le  propagateur  du  procédé  thérapeutique,  s  il  n'en  est  pas  l'inventeur,  a 
proposé  de  sacrifier  une  partie  de  l'épaisseur  de  la  lèvre  au  niveau  des  extrémités 
de  l'incision  transversale  de  la  bouche  aux  dépens  de  la  partie  cutanée  et  de  la 
couche  charnue  jusqu'à  la  muqueuse  qui  doit  être  entièrement  respectée.  Cette 
muqueuse  restée  adhérente  par  son  côté  externe  est  ensuite  mobihsée  par  la  sec- 
tion de  SCS  bords  supérieur  et  inférieur,  et  est  ensuite  renversée  de  façon  à  cou- 
vrir par  sa  surface  saignante  l'angle  rentrant  des  commissures  et  former  dans  ce 
point  une  inflexion  ou  un  ourlet  véritable  qui  vient  fixer  son  bord  libre  à  la  peau. 
On  comprend  que,  lorsque  cet  ourlet  réussit,  il  forme  une  barrière  au  progrès  cica- 
triciel de  la  plaie  angulaire  des  lèvres  et  réalise  une  condition  excellente  pour 
maintenir  l'orifice  agrandi.  On  peut,  si  la  muqueuse  manque,  faire  avec  la  peau 
ancienne  une  opération  analogue,  réserver  un  lambeau  de  cette  dernière  mem- 
brane et  le  renverser  vers  la  cavité  buccale  oii  on  l'assujettit,  quoique  avec  plus 
de  difficulté,  par  des  points  de  suture  ;  pour  plus  de  sécurité  dans  le  résultat  défi- 
nitif on  doit  faire  sur  les  bords  labiaux  la  réunion  cutanéo-muqueuse  en  combi- 
nant ainsi  les  procédés  de  Serre  et  de  Dieffenbach.  Ajoutons  qu'il  est  utile  dans 
l'agrandissement  transversal  de  la  bouche  de  ne  pas  se  contenter  d'inciser  la  pal- 
mure, mais  d'inciser  dans  l'épaisseur  de  chaque  lèvre  la  portion  de  tissu  cica- 
triciel qui  s'y  trouve  et  qui  en  se  rétractant  atténuerait  le  bénéfice  de  l'opération. 
C'est  ainsi  que  nous  avons  procédé  dans  un  cas  récent,  et  nous  avons  obtenu 


468  LEVRES  (pathologie). 

une   restauration  complète  de  l'orifice  buccal   rétréci  à  la  suite  d'un  noma. 

Le  traitement  des  déviations  de  l'ouverture  buccale  ne  saurait  être  assujetti  à 
des  l'ègles  fixes,   la  dé\iatiou  pouvant  elle-même  être  très-diversifiée  dans  son 
siège,  dans  son  étendue  et  dans  la  cause  qui  l'entretient.  L'ectopie  latérale  de 
l'orifice  peut  exiger  une  opération  complexe  ayant  pourbut  de  débrider  d'abord 
avec  les  précautions  sus-énoncées  pour  empêcher  la  reproduction  cicatricielle  de 
la  difformité,  et  d'opérer  ensuite  la  synthèse  des  côtés  comme  dans  le  bec-de-lièvre 
commissural.  (Foy.  Bec-de-lièvre.)  L'attraction  des  lèvres  dans  un  sens  ou  dans  un 
autre  rend  nécessaires  la  section,  le  détachement  ou  l'ablation  complète  des  brides 
inodulaires  qui  fixent  dans  une  direction  déterminée  les  éléments  mobiles  de  la  paroi 
antérieure  de  la  bouche.  Nous  avons  ainsi  restitué  la  forme  de  l'orifice  buccal 
chez  un  jeune  homme  horriblement  défiguré  par  une  brûlure  de  la  lace  et  du 
cou,  en  opérant  la  section  et  le  détachement  de  brides  multiples  et  divergentes 
étendues  depuis  la  lèvre  inférieure  jusqu'au  cou.  L'extrémité  cervicale  de  chaque 
bride  fut  cernée  par  une  incision  en  V  ouvert  en  haut  ;  la  bride  étant  détachée 
dans  son  adhérence  au  point  correspondant,  les  bords  cutanés  de  la  plaie  furent 
réunis  au-dessous  d'elle  et  la  lèvre  se  l'eleva  en  proportion  de  l'ascension  de 
chaque  colonne  inodulaire  ainsi  détachée.  — Le  coloboma  labial  peut  être  traité 
comme  le  bec-de-lièvre  accidentel  par  la  rescision  de  ses  bords  et  l'emploi  de  la 
suture  entortillée.    Un  jeune  homme  qui  désirait  se  marier  et  qui  voulut  être 
préalablement  débarrassé  d'une  difformité  de  la  lèvre  inférieure  produite  par  du 
tissu  cicatriciel  organisé  sur  la  ligne  médiane  et  attirant  la  lèvre  en  bas,  fut  traité 
comme  s'il  était  atteint  d'une  lésion  hétéroplastique  de  la  lèvre.   Je  cernai  la 
masse  cicatricielle  par  une  incision  en  V;  j'enlevai  la  production  fibreuse  et  je 
réunis  d'un  côté  à  l'autre  par  la  suture  entortillée.  —  L'entropion  et  l'ectropion 
des  lèvres  exigent  des  rescisions  en  sens  opposé,  pour  restituer  le  parallélisme  des 
faces  cutanée  et  muqueuse.  Les  bords  des  incisions  seront  réunis  par  la  suture 
ou  livrés  à  la  suppuration  suivant  qu'on  voudra  changer  simplement  la  hau- 
teur de  la  lèvre  à  corriger,  ou  créer  une  force  cicatricielle  agissant  en  sens  op- 
posé de  la  cause  primitive  de  la  déviation.  On  peut  concevoir  telle  complication 
donnant  lieu  à  des  indications  plus  déUcates  et  exigeant  des  procédés  plus  ou 
moins  analogues  à  ceux  qui  ont  pour  but  de  remédier  à  ce  genre  de  difformité 
sur  la  région  des  paupières.  Dans  tous  les  cas  où  l'on  aura  à  dégager  les  lèvres 
déviées  de  l'assujettissement  oîi  la  maintiennent  des  cicatrices  vicieuses,  il  im- 
portera avant  d'attaquer  ces  dernières  par  des  incisions,  de  les  modifier  par  la 
malaxation,  par  des  tractions  parallèles  ou  perpendiculaires  à  leur  direction  pré- 
dominante,  enfin,   par  l'ensemble  des  procédés  qui  appartiennent  à  ce  qu'on 
nomme  la  gymnastique  suédoise.  Le  docteur  Bourguet  (d'Aix)  vient  de  publier 
{Montpellier  médical,  \  869)  quelques  faits  en  faveur  de  cette  manœuvre  spécia- 
lement appliquée  aux  cicatrices  de  la  face. 

Quant  au  traitement  des  adhérences  accidentelles  qui  s'établissent  entre  la 
face  profonde  des  lèvres  et  la  muqueuse  du  rebord  alvéolaire,  et  qui  peuvent 
s'étendre  jusqu  à  la  face  interne  des  joues;  il  consiste  dans  la  destruction  de  ces 
adhérences,  suivie  de  l'interposition  de  corps  étrangers  destinés  à  empêcher  leur 
renouvellement.  La  libération  des  parties  peut  être  tentée  par  le  décollement  des 
adhérences  qu'on  cherche  à  obtenir  en  introduisant  dans  la  bouche  le  doigt, 
une  sonde  de  femme  ou  tout  autre  instrument  mousse.  Ce  procédé  ne  saurait 
rendre  quelque  service  que  dans  les  cas  simples  et  récents;  mais  il  est  absolument 
insuffisant  pour  la  destruction  des  adhérences  un  peu  étendues  ou  anciennes. 


LËVRES   (pathologie).  469 

Dans  le  cas  de  Vincision,  à  l'aide  d'un  bistouri  simple  ou  boutonné  convenable- 
ment dirigé  entre  les  lèvres  et  le  rebord  alvéolaire,  cette  manœuvre  peut  être 
gênée  par  le  rétrécissement  de  l'orifice  buccal  auquel  il  faut  remédier  concur- 
remment par  l'application  de  l'un  des  procédés  précédemment  indiqués.  Si  les 
adhérences  sont  étendues,  épaisses,  et  comprennent  simultanément  les  joues  et 
les  lèvres,  ce  qui  tend  à  l'oblitération  d'une  partie  de  la  bouche  et  à  l'immobili- 
sation plus  ou  moins  prononcée  des  mâchoires,  il  peut  être  nécessaire  de  prati- 
quer l'incision  des  parties  dans  une  étendue  plus  ou  moins  considérable.  On  ren- 
contre nécessairement  des  difficultés  lorsqu'on  veut  respecter  à  la  fois  l'inté- 
grité de  l'orifice  buccal,  et  des  couches  extérieures  des  lèvres  et  des  joues.  Dans 
ces  cas,  on  a  proposé  et  exécuté  l'excision  des  adhérences  en  attaquant  les  lèvres 
et  les  joues  de  dehors  en  dedans  par  des  brèches  plus  ou  moins  considérables, 
et  dans  diverses  directions.  Les  adhérences  sont  ainsi  mises  à  découvert,  le  tissu 
inoddlaire  qui  les  constitue  est  emporté  comme  une  tumeur  anormale,  et  l'on 
réunit  ensuite  les  bords  des  incisions  à  l'aide  de  la  suture  entortillée.  Mott,  Yel- 
peau.  Serre,  ont  exécuté  des  opérations  de  ce  genre,  mais  avec  un  succès  tempo- 
raire. La  destruction  des  adhérences  n'est  pas  effectivement  la  seule  difficulté 
contre  laquellij  le  chirurgien  ait  à  lutter  dans  des  cas  de  ce  genre  ;  une  dil'ficulté 
plus  grande  l'attend  après  l'opération,  lorsqu'il  s'agit  d'empêcher  le  renouvelle- 
ment des  adhérences.  La  muqueuse  ayant  été  détruite,  et  les  surfaces  atteintes 
étant  nécessairement  livrées  à  la  suppuration,  de  nouvelles  formations  inodu- 
laires  remplacent  les  anciennes  et  reproduisent  plus  tard  la  condition  qu'on 
a  voulu  détruire.  On  doit  cliei'cher  à  écarter  ce  résultat  en  introduisant  entre 
la  paroi  génio-labiale  et  le  rebord  alvéolaire  des  corps  étrangers  qui  puis- 
sent être  tolérés,  tels  que  :  une  éponge  fine  disposée  en  lame,  un  linge  enduit 
d'un  corps  gras,  une  plaque  de  plomb  garnie,  un  morceau  de  liège  aminci  et 
taillé  dans  une  forme  convenable.  Mais  ces  corps  étrangers  ou  sont  gênants  et 
ne  tiennent  pas  la  place  qu'on  voudrait  leur  assigner,  ou  n'exercent  qu'une  action 
insuffisante  ;  la  néoformation  cicatricielle  rétrécit  de  plus  en  plus  le  champ  de  leur 
action,  elle  les  repousse  au  heu  de  subir  elle-même  l'empêchement  qu'ils  sont 
destinés  à  produire.  En  désespoir  de  cause,  pour  quelques  cas  graves,  on  a  eu  re- 
cours à  des  procédés  chéilo  ou  génio-plastiques.  Dieffenbach  dit  avoir  disséqué  un 
lambeau  de  muqueuse  buccale  et  l'avoir  ramené  et  fixé  à  l'intérieur  de  la  bouche 
sur  la  surface  mise  à  nu  par  la  section  des  adhérences.  V.  Mott  a  rapporté  de  son 
côté  un  cas  d'ablation  complète  d'une  masse  cicatricielle  qui  exigea  le  sacrifice 
d'une  partie  de  la  joue,  oii  le  vide  fut  comblé  par  un  lambeau  tégumentaire  ra- 
mené et  greffé  sur  le  contour  de  la  perte  de  substance.  Dans  les  deux  cas,  le 
succès  a  été  annoncé.  J'ai  renouvelé  deux  fois  l'opération  de  Mott  avec  un  succès 
complet,  notamment  chez  un  jeune  homme  de  26  ans,  admis  en  1863,  à  la  cli- 
nique de  Montpellier,  pour  se  faire  guérir  des  suites  d'un  coup  de  feu  qui  avait 
fracturé  la  mâchoire,  emporté  la  commissure  labiale  gauche,  détruit  la  joue  et 
créé,  après  la  cicatrisation,  une  difformité  très-étendue,  avec  adhérence  labio- 
génienne.  La  perte  de  substance  fut  régularisée,  et  un  lambeau  pris  sur  la  région 
supérieure  et  latérale  du  cou,  ayant  sa  base  adhérente  au  niveau  du  bord  anté- 
rieur du  masséter,  fut  ramené  sur  le  vide  do  la  perte  de  substance  et  convena- 
blement fixé  par  des  points  multipliés  de  suture.  La  réunion  lut  très-exacte,  les 
formes  furent  convenablement  restituées  et  la  mobilité  de  la  mâchoire  fut  récu- 
pérée. Je  conserve  le  dessin  photographique  de  ce  résultat  opératoire.  La  méthode 
de  Mott  est  dans  tous  les  cas  infiniment  prélérable  par  son  exactitude  et  par  la 


470  LÈVRES    (pathologie). 

facilité  de  son  exécution  à  celle  de  Dieffenbach  ;  on  ne  trouve,  en  effet,  dans  des 
cas  de  cette  nature,  qu'une  portion  insuffisante  de  muqueuse  saine  pour  la 
reporter  dans  l'intérieur  môme  de  la  bouche,  sur  la  surface  résultant  de  la  sec- 
tion ou  de  l'extirpation  des  adhérences,  sans  compter  la  difficulté  de  la  greffe,. 
de  la  suture  intrabuccale  et  de  la  ressource  précaire  de  ce  lambeau  muqueux 
sujet  lui-même  à  s'enflammer  et  à  se  détruire  dans  l'intérieur  de  la  bouche. 
I  Nous  dépasserions  les  hmites  de  notre  siyet  en  parlant  des  adhérences  pnv 
fondes,  qui  assujettissent  l'une  à  l'autre  les  deux  mâchoires.  Ces  sortes  d'adhé- 
rences n'appartiennent  plus  à  la  région  labiale  proprement  dite;  l'immobilisation 
des  lèvres  n'y  représente  plus  qu'une  circonstance  accessoire,  et  c'est  pour  ces  cas 
que  la  dilatation  forcée  avec  des  coins  engagés  entre  les  arcades  dentaires  avec 
l'instrument  dilatateur  de  Stromeyer,  ou  d'autres  moyens  analogues,  peut  être 
indiquée.  Dans  les  cas  graves  et  rebelles,  on  peut  avoir  à  pratiquer  l'opération 
d'Esmaik,  dont  la  description  actuelle  serait  un  lioi's-d' œuvre. 

Tumeurs  et  ulcèrï;^  bes  lèvres.  Les  tumeurs  sont  peu  susceptibles  de  clas- 
sification dans  la  région  qui  nous  occupe.  Les  lèvres,  comme  toutes  les  parties 
du  corps,  participent  à  la  manifestation  générale  des  influences  dyscrasiques  qui 
s'expriment  par  l'apparition  de  tumeurs  ou  d'ulcères,  et  de  plus,  présentent  une 
disposition  marquée  à  la  production  d-e  quelques  tumeurs  locales.  Nous  décri- 
rons successivement,  et  en  n'insistant  que  sur  les  particularités  qui  les  caracté- 
risent dans  la  région  labiale,»  l'hypertrophie,  les  tumeurs  érectiles,  les  tumeurs, 
propres  des  glandules  labiales  (kystes  et  adénomes),  les  affections  syphilitique* 
et  le  cancer.  Pour  ne  pas  nous  exposer  à  des  redites,  nous  examinerons  simul- 
tanément les  ulcères  qui  peuvent  accompagner  ces  tumeurs  î^ux  diflérentes  pé- 
riodes de  leur  évolution. 

Gonflement  ;  hypertrophie.  La  lèvre  supérieure  est  spécialement  disposée  aune 
tuméfaction  chronique  très-fréquente  chez  les  sujets  atteints  de  scrofules.  Cet 
état  est  loin  cependant  de  représenter  un  caractère  constant  de  la  dyscrasie  ;. 
bon  nombre  de  scrofuleux  en  sont  exempts,  et  l'on  observe  surtout  le  gon- 
flement de  la  lèvre  supérieure,  lorsqu'il  existe  simultanément  des  coryzas 
chroniques,  des  éruptions  impétigineuses  au'.our  des  narines,  des  ulcères  scro- 
fuleux ou  lupeux  au  voisinage  de  la  lèvre  ou  des  ulcérations  du  sillon 
labio-alvéolaire.  La  tuméfaction  est  due  à  une  infiltration  œdémateuse  du 
tissu  conjonctif,  principalement  du  côté  de  la  couche  profonde  qui  est  ra- 
mollie, dépressible  et  qui  porte  souvent  les  traces  des  saillies  alvéolo-den- 
taires.  Cette  tuméfaction  est  à  peu  près  indolente,  elle  augmente  par  l'action 
du  froid  ou  à  l'occasion  des  recrudescences  qui  se  produisent  dans  les  lésions 
cutanéo-muqueuses  du  voisinage  ;  elle  n'aboutit  que  très-rarement  à  la  suppura- 
tion. Le  gonflement  est  toujours  plus  marqué  à  la  partie  moyenne  que  sur  les^ 
côtés.  La  résistance  du  plan  postérieur  est  cause  que  la  lèvre  supérieure  repous' 
sée  en  avant  surplombe  l'inférieure  et  change  l'expression  physionomique.  Cette 
affection  ordinairement  sans  importance  se  dissipe  avec  l'influence  générale  ou  lo- 
cale qui  la  détermine  ;  il  est  rare  qu'elle  donne  lieu  à  des  abcès  dans  l'épaisseurde 
la  lèvre,  mais  on  voit  plus  souvent  l'inflammation  subaiguë  et  chronique  aboutir 
à  une  induration  rebelle  qui  peut  exiger  alors  l'intervention  du  chirurgien.  Si  les 
astringents  et  les  résolutifs  ainsi  que  les  remèdes  généraux  ont  été  sans  efficacité, 
on  peut,  à  l'exemple  de  M.  Paillard,  qui  s'est  occupé  du  traitement  de  cette  af- 
fection {Journal  des  Progrès,  l'"'  série,  t.  III),  attaquer  la  partie  indurée  par  une 
incision  transversale,  parallèle  au  bord  libre  de  la  lèvre  et  s'étendant  d'une  cQm- 


LËVRES    (pathologie).  471 

rnissure  à  l'autre,  cuiiilércssaut  l'organe  aune  profondeur  variable.  Ou  retranche 
ensuite,  du  côté  de  la  bouche,  la  portion  excédante  de  la  lèvre  préalablement  ren- 
versée, en  ménageant  le  plus  possible  la  muqueuse  qu'on  peut  ramener  vers  la 
portion  respectée  du  bord  libre,  où  on  la  fixe  par  quelques  points  de  suture.  Si 
l'instrument  du  chirurgien  avait  intéressé  l'artère  coronaire,  il  serait  indispensable 
.  de  la  lier. 

Le  gonflement  chronique  atteint  plus  rarement  la  lèvre  inférieure  ;  on  l'observe 
pourtant  chez  quelques  sujets  lymphatiques  disposés  aux  gerçures  du  bord  libre 
ou  dans  les  cas  de  stomatite  accompagnés  d'une  abondante  salivation.  Cette  tumé- 
faction permanente  est  assez  fréquente  aussi  chez  les  crétins,  les  idiots,  les  para- 
lytiques dont  la  lèvre  pendante  expose  la  muqueuse  et  le  tissu  cellulaire  sous- 
muqueux  à  l'action  de  l'air  extéiieur  et  ne  peut  retenir  la  salive.  Le  gonflement 
paralytique  peut  dépendre  d'un  défaut  d'imiervation  locale.  Nous  l'avons  observé 
chez  nu  malade  ailecté  d'une  paralysie  double  du  nerf  facial  dont  la  physionomie 
avait  perdu  toute  expression. 

L'hypertrophie  proprement  dite  s'observe  plus  rarement,  surtout  en  tant 
qu'elle  porte  sur  l'ensemble  des  éléments  composants  de  la  lèvre  ;  il  est  plus 
commun  de  constater  l'hypergénèse  de  quelques  élénicnls,  tels  que  celle  de  la 
couche  dermique  et  du  tissu  coujonctif  sous-jucent,  dansl'éléijhantiasis  qui  y  alfecte 
la  forme  tubéreuse  et  produit  dans  cette  région  des  déformations  f[uelquefois  hor- 
ribles. L'hypertrophie  générale  des  lèvres,  normale  dans  quelques  races  humai- 
nes, est  assez  rare  dans  nos  climats  ;  lorsqu'elle  existe,  c'est  spécialement  à  la 
lèvre  inférieure  qu'elle  se  manifeste.  Elle  est  tantôt  spontanée,  tantôt  liée  à  des  in- 
fluences pathologiques;  nous  l'avons  vue  coexister  avec  le  prolapsus  de  la  langue. 
Quelle  que  soit  sa  cause,  l'hypertrophie  delà  lèvre  modifie  sa  position.  La  lèvre  est 
renversée,  pendante,  plus  ou  moins  indurée.  Elle  laisse  souvent  échapper  la  sa- 
live, gène  aussi  la  parole,  ne  sert  pas  convenablement  à  la  clôture  de  la  bouche 
et  entraîne  secondairement  une  modification  dans  la  direction  des  dents.  Les  inci- 
sives se  portent  en  avant  et  servent  peu  à  la  mastication  ;  leur  collet  se  recouvre 
de  tartre  et  elles  s'ébranlent  prématurément.  Les  contractions  de  la  lèvre  se  font 
d'une  manière  imparfaite  et  ne  peuvent  redresser  l'organe  qui  est  souvent  agité 
d'un  tremblement  involontaire  surtout  pendant  les  émotions  morales.  Ces  divers 
caractères  étaient  portés  à  un  degré  excessif  chez  un  souverain  d'Allemagne,  Léo- 
pold  II,  qui  a  laissé  son  nom  à  une  disposition  dont  il  portait  le  type  le  plus  accen- 
tué {lahium  leopoldinum). 

L'hypertrophie  labiale  doit  être  combattue  par  les  préparations  iodnrées.  On 
peut  soumettre  la  lèvre  à  une  compression  plus  ou  moins  soutenue  à  l'aide  d'un 
appareil  spécial  agissant  sur  ses  deux  surlaces,  ou  par  un  bandage  analogue  au 
cbeveslre  qui  relève  l'organe  et  l'appuie  contre  l'arcade  alvéolo-deataire.  Ce  n'est 
que  lorsque  l'hypcrtropliie  est  très-considérable  et  qu'elle  s'accompagne  non-seu- 
lement de  gène  très-prononcée,  mais  de  douleur  et  d'induration  qu'on  peut  l'assi- 
miler aux  tumeurs  exigeant  le  sacrifice  de  l'organe  et  qu'on  doit  lui  appliquer  des 
opérations  dont  l'exposé  sera  mieux  placé  lorsqu'il  s'agira  du  cancer  labial. 

Tumeurs  érectiles  ;  angiomes.  Ces  tumeurs  qui  peuvent  se  retrouver  dans 
toutes  les  régions  du  corps,  méritent  une  mention  spéciale  en  tant  que  siégeant 
aux  lèvres.  C'est  en  effet  l'une  des  régions  où  on  les  observe  le  plus  fréqui-mment. 
Dans  un  tableau  de  151  observations  publiées  par  M.  Porta  {DeWangectasia.  Mi- 
lano.  1861)  107  occupaient  la  région  de  la  tète;  parmi  celles-ci,  89  étaient  situées 
à  laface,  et  dans  ce  dernier  groupe,  10  appartenaient  aux  lèvres.  Un  relevé  fait  par 


472  LEVRES  (pathologie). 

M.  Lebert  donne  des  résultats  analogues;  sur  56  tumeurs  de  ce  genre  26  occu- 
paient latctc,  et  parmi  ces  derniers  7  siégeaient  à  la  région  des  lèvres.  Le  sexe 
féminin  paraît  être  une  cause  prédisposante  des  tumeurs  érectiles  des  lèvres.  Je 
)iote  comme  particularité  intéressante  que  sur  10  cas  de  tumeurs  érectiles  des  lè- 
vres que  j'ai  dû  opérer,  toutes  ont  été  présentées  par  des  sujets  du  sexe  féminin. 
Le  jeune  âge  prédispose  particulièrement  au  développement  de  ces  tumeurs.  La 
moitié  au  moins  sont  congénitales  et  se  présentent  à  la  naissance  sous  forme  de 
nœvi.  Il  serait  intéressant  de  déterminer  l'époque  de  la  vie  intra-utérine  à  la- 
quelle les  naîvi  apparaissent.  L'examen  des  collections  de  fœtus,  conservés  à  divers 
titres  dans  les  grands  musées,  signalerait  sous  ce  rapport  des  faits  inexplorés  jus- 
qu'à ce  jour,  et  qui  probablement  établiraient  une  corrélation  entre  l'apparition 
des  tumeurs  érectiles  et  les  modifications  de  la  circulation  pendant  la  vie  intra- 
utérine.  Les  divers  points  du  contour  de  l'orifice  buccal  sont  inégalement  disposés 
à  la  formation  des  tumeurs  érectiles.  Sur  les  10  cas  de  ce  genre  que  j'ai  observés, 
la  lésion  avait  atteint  6  fois  la  lèvre  inférieure,  deux  fois  la  supérieure  ;  dans  un 
cas,  elle  occupait  la  commissure  gauche  et  dans  l'autre  le  contour  entier  de  l'ori- 
fice buccal.    . 

Les  tumeurs  érectiles  des  lèvres  se  présentent  dès  le  début  sous  forme  de  ta- 
ches violacées  tantôt  circonscrites,  tantôt  diffuses  et  laissant  voir  à  leur  périphérie, 
à  travers  la  transparence  de  l'épithelium,  de  petits  vaisseaux  dilatés,  susceptibles  de 
revêtir  les  formes  connues  des  angiomes.  Ces  tumeurs  consistent  dans  des  capillai- 
res de  formation  nouvelle  présentant  des  dilatations  cirsoïdes  anipullaires  plus  ou 
moins  irrégulières,  tantôt  étalées  dans  le  réseau  sous-cutané  ou  sous-muqueux, 
tantôt  pénétrant  plus  profondément  et  compris  dans  un  stroma-fibreux  aux  dé- 
pens des  tissus  de  la  région.  L'âge  iuQue  sur  la  prédominance  des  éléments  vas- 
culaircs  de  ces  sortes  de  tumeurs  labiales.  D'après  M.  Broca  {Traité  des  tumeurs 
t.  II,  p.  217),  la  prédominance  artérielle  serait  plus  commune  chez  les  enfants. 
11  est  rare  toutefois  que,  malgré  la  richesse  artérielle  de  la  région,  les  angiomes 
des  lèvres  présentent  des  pulsations  bien  marquées,  et  les  caractères  de  cette  va- 
riété de  télangiectasie  coimue  sous  le  nom  d'anévrysme  dePott.  La  prédominance 
veineuse  s'observe  plus  souvent,  surtout  chez  les  adultes  et  les  vieillards,  et  cet 
état  se  révèle  non-seulement  par  la  coloration  bleu  d'acier,  la  mollesse  et  la  dé- 
pressibilité  de  la  tumeur  avec  absence  de  battements,  mais  par  l'accroissement  de 
ces  caractères  sous  l'influence  des  causes  qui  gênent  la  circulation  veineuse,  telles 
que  les  cris,  les  pleurs,  la  colère,  ou  des  compressions  exercées  sur  les  troncs  aux- 
quels aboutissent  les  veines  qui  émergent  des  lèvres.  Les  angiomes  labiaux  peu- 
vent affecter  une  disposition  plus  compliquée  et  mériter  le  nom  de  tumeurs  ca- 
verneuses, c'est-à-dire  présentant  des  espaces  extravasculaires  où  pénètre  le 
sang,  soit  que  la  résorption  partielle  des  parois  des  vaisseaux  dilatés  ait  abouti 
à  une  perforation  qui  crée  un  passage  au  sang  dans  un  espace  latéral  par  rapport 
au  vaisseau,  soit  qu'un  autre  mécanisme  formateur  ait  organisé  ces  locules  ap- 
pendiculaires,  oîi  se  prolonge  l'endothélium  vasculaire.  Billroth  a  représenté,  à  un 
grossissement  de  550  diamètres,  un  lacis  de  trabécules  provenant  d'une  tumeur 
caverneuse  de  l'une  des  lèvres,  dont  les  mailles  proportionnellement  assez  larges 
étaient  occupées  par  du  sang. 

Le  volume  des  tumeurs  érectiles  des  lèvres  est  variable  ;  il  augmente  générale- 
ment avec  beaucoup  de  rapidité  chez  les  enfants.  Parfois  il  suffit  de  quelques  mois 
pour  qu'un  najvus  ou  tache  érectile  acquière  la  dimension  d'une  framboise  et  s'é- 
tende notablement  en  surface  et  en  profondeur.  La  marche  de  ces  tumevu's  est 


LÈVRES  (pathologie).  475 

beaucoup  plus  lente  chez  les  adultes  et  les  vieillards.  Nous  connaissons  une  dame 
qui  depuis  trente  ans  porte  une  tumeur  de  ce  genre  aumilieu  de  la  lèvre  inférieure, 
sans  qu'aucun  progrès  notable  se  soit  accompli.  Dans  des  cas  moins  heureux,  le 
lacis  vasculaire  s'accroît  ;  il  entraîne  les  capillaires  voisins  dans  le  sens  d'une  mo- 
dification morbide  analogue,  et  la  tumeur  acquiert  successivement  des  dimensions 
qui  non-seulement  gênent  les  parties  affectées  en  les  altérant  par  leur  coloration 
et  leur  forme  irrégulière,  mais  qui  peuvent  se  fendiller  et  s'ulcérer  plus  ou  moins 
profondément.  Il  en  résulte  des  hémorrhagics  qui  se  renouvellent  avec  des  varia- 
tions de  fréquence  ou  d'intensité,  et  les  tissus  peuvent  subir  des  modifications  in- 
times et  des  envahissements  morbides  d'une  autre  nature.  Elles  sont  suscepti- 
bles d'être  atteintes  par  l'inflammation  qui  tantôt  aboutit  à  l'altération  avec  hc- 
morrbagie  dont  nous  venons  de  parler,  et  d'autres  fois  à  des  productions 
plastiques  qui  s'infiltrent  dans  les  tissus  ou  y  déposent  les  germes  d'une  organi- 
sation cicatricielle  avec  oblitération  restreinte  des  vaisseaux.  D'autres  lois  des 
végétations,  des  fongosités,  se  montrent  à  leur  surface  qui  devient  bosselée  et  irré- 
gulière. Des  produits  morbides  d'un  autre  genre  peuvent  aussi  se  montrer  dans 
les  parois  des  vaisseaux  ou  dans  les  intervalles  qui  les  séparent.  Holmes  a 
signalé  de  petits  kystes  séreux.  Ils  sont  rares  en  pareille  circonstance.  Il  est  plus 
ordinaire  devoir  la  région  labiale  envabie  par  des  tumeurs  composées,  autrefois 
désignées  sous  le  nom  de  fongus-hérnatodès,  et  dans  lesquelles  les  éléments  des 
cancers  et  ceux  des  tumeurs  érectiles,  se  combinent  et  se  compliquent  mutuelle- 
ment. Nous  avons  observé  une  tumeur  de  ce  genre  qui,  ayant  affecté  simultané- 
ment la  lèvre  supérieure  et  la  sous-cloison  du  nez,  exigea  le  sacrilice  complet  de 
ces  parties  et  une  opération  réparatrice  complémentaire. 

Ce  n'est  que  par  exception  que  les  tumeurs  érectiles  des  lèvres  restent  absolu- 
ment stationnaires,  et  c'est  par  une  exception  plus  grande  encore  qu'on  les  voit 
rétrograder  et  guérir  spontanément.  MM.  Velpeau  et  Gosselin  ont  observé  des 
cas  dans  lest(uels  la  trame  érectile  s'était  transformée  en  tissu  fibreux.  Mais  on 
s'exposerait  à  des  mécomptes  en  fondant  un  heureux  pronostic  sur  cette  possi- 
bilité. Ces  sortes  de  tumeurs  sont  essentiellement  envahissantes,  elles  peuvent 
gagner  du  côté  de  la  muqueuse  ou  de  la  peau,  parfois  dans  les  deux  sens  à  la  fois, 
en  atteignant  aussi  la  substance  intermédiaire  et  en  exposant  les  sujets  soit  à  des 
hémorrhagics  soit  aux  dégénérescences  compromettantes  dont  il  vient  d'èire  ques- 
tion ;  aussi  une  tumeur  érectile  des  lèvres  étant  donnée,  surtout  chez  un  enfant, 
et  lorsque  la  marche  envahissante  est  constatée  par  une  observation  attentive, 
l'indication  d'en  arrêter  les  progrès  peut-elle  être  considérée  comme  formelle. 

Parmi  les  moyens  dont  l'art  dispose  pour  combattre  ces  sortes  de  tumeurs,  quels 
sont  ceux  qui  sont  le  plus  avantageusement  apphcables  aux  angiomes  de  la  région 
labiale?  Le  choix  de  ces  moyens  doit  être  fondé  sur  l'importance  de  la  tumeur, 
qui  se  tire  de  son  siège  et  de  son  étendue.  Lorsque  l'angiomeest  superficiel,  peu 
étendu  en  largeur  et  en  hauteur,  qu'il  présente  l'aspect  d'un  réseau  érectile  étalé 
on  peut  l'attaquer  par  la  cautérisation  à  l'aide  d'un  pinceau  imbibé  d'acide  nitri- 
que monohydraté  surtout  s'il  est  bombé  au  bord  libre  ou  à  la  face  cutanée.  Tout 
autre  caustique  peut  être  mis  eu  usage  selon  les  préférences  du  chirurgien.  C'est 
pour  des  cas  du  même  genre  que  l'inoculation  vaccinale,  que  l'injection  de  quel- 
ques gouttes  de  perchlorure  de  fer  liquide  à  l'aide  delà  seringue  à  tube  capillaire 
dePravaz,  peuvent  aussi  aboutir  à  un  résultat  favorable.  Si  la  tumeur  circonscrite 
permet  d'agir  sur  les  deux  faces  de  la  lèvre,  en  la  soumettant  à  une  compression 
graduée,  celle-ci  en  agissant  longtemps  sur  les  vaisseaux  peut  les  oblitérer.  Boyer 


474  LEVRES  (pathologie). 

signale  un  cas  de  guérison  par  ce  moyen.  Mais  il  considère  le  résultat  comme  ex- 
ceptionnel, et   cette  ressource  lui    parait    à  bon  droit  infidèle.  11  est  du  moins 
expérimental  qu'il  ne  faut  guère  accorder  de  confiance  à  la  catégorie  des  moyens- 
de  traitement  qui  ne  combattent  les  angiomes  que  par  l'action  oblitérante.  Lessé- 
tons  multiples,  les  aiguilles  métalliques  employées  d'après  la   métbode  de  Lallc- 
niand  alors  même  qu'on  les  transforme  en  cautères  linéaires  en  élevant  leur  tem- 
pérature par  un  courant   galvanique  (MiddeldorplT)  ou    par  l'action  de  léther 
(Mathieu)   ne  peuvent  donner  dos  résultats   absolument  satisfaisants.  On  peut 
toutefois  les  mettre  en  usage  dans  les  cas  oîi  les  malades  se  refusent  à  l'ablation. 
Nous  avons  nous-même  obtenu  la  guérison  d'un  angiome  de  la  lèvre  inférieure 
chez  une  femme,  par  les  aiguilles  multiples   servant  d'appui  à  quelques  huit  de 
cliiffred'un  fil  de  chanvre  destiné  à  comprimer  les  tjssus.  Mais  ces  moyens  etceux 
qui  leur  ressemblent  et  qui  ont  pour  Itut  d'oblitérer  les  vaisseaux  en  y  créant  des 
cloisons  cicatricielles,  ou  de  coaguler  le  sang  dans  les  voies  qu'il  parcouit,  expo- 
sent à  laisser  quelque  partie  de  la  tumeur  en  dehors  de  l'action  thérapeutique  lo- 
cale qu'on  a  l'intention  d'exercer.  Des  i  eproductions  quelquefois  assez  promptes 
attestent  bientôt  l'insuffisance  de  la  méthode,  aussi  vaut-il  mieux  recourir  à  une 
action  plus  radicale,  qui,  en  détruisant  complètement  la  lésion,  exonère  l'organe 
de  toutes  chances  de  reproduction.  Cette  méthode  destructive  trouve  dans  la  ré- 
gion la  compensation  du  sacrifice  qu'elle  impose,  par  la  possibilité  de  ramener  au 
contact  les  bords  de  la  plaie   résultant  de  l'ablation  de  la  tumeur,  ou  par  celle 
de  réparer  par  la  chéiloplastie  les  pertes  de  substances  trop  étendues  ou  trop  irré- 
gulières pour  se  prêter  à  la  réunion  ordinaire.  On  peut  enlever  complètement  les 
tumeurs  érectiles  des  lèvres  par  des  excisions  portant  au  delà  de  leurs  limites  sur 
des  tissus  sains.  Lorsqu'il  est  possible  de  les  circonscrire  par  des  excisionsenVsuivies^ 
de  l 'affrontement  des  bords  de  la  plaie  et  de  la  réunion  parla  suture  entortillée, 
on  prépare  les  résultats  les  plus  satisfaisants.  C'est  ainsi  que  nous  avons  procédé 
dans  le  plus  grand  n  ombre  de  cas,  en  suivant  les  règles  ordinaires  et  en  combattant 
ces  tumeurs  comme  les  produits  morbides  hétéroplastiques  dont  il  faut  opportu- 
nément débarrasser  l'organisme.  On  comprend  que  suivant  l'étendue  de  la  perte 
de  substance  qu'il  faut  infliger  aux  tissus,  suivant  le  siège  spécial  et  la  forme  de 
la  brèche  qui  en  résulte,  le  chirurgien  modifiera  sa  méthode  et  ses  procédés  d'abla- 
tion et  qu'il  aura  recours  aux  artifices  variables  de  la  chéiloplastique,  qu'il  serait 
superflu  d'indiquer   à  l'occasion  de  chacune   des  tumeurs  labiales  d'où  peut 
naitre  l'indication  de  l'ablation.  Le  chirurgien  ne  devra  point  se  laisser  surprendre 
par  l'augnienlation  de  vascularité  de  la  région.  Une  compression  préventive  con- 
venable consistant  dans  l'aplatissement  des  artères  faciales  contre  le  plan  résis- 
tant de  la  mâchoire,  des  compressions  temporaires  des  tissus  divisés,  exercées 
par  les  doigts  des  aides  et  finalement  le  placement  d'un  nombre  suffisant  de  liga- 
tures en  fil  de  soie,  suivi  d'un  affrontement  hémostatique  à  l'aide  delà  suture  en- 
tortillée, apporteront  à  l'opération  toute  la  sécurité  désii'able.  Ce  n'est  pas  pour  des 
opérations  de  cette  nature,  faites   dans  une  région  superficielle  accessible  aux 
ressources  de  1  héinoslasie,  qu'on  doit  ériger  en  règle  la  méthode  de  la  ligature 
préalable  du  vaisseau  principal.    (Artères  faciales,  carotide  externe  ou  carotide 
primitive.)  Il  faudrait  pour  justifier  une  pareille  opération  que  la  tumeur  dépassât 
les  limites  de  la  région  sur  laquelle  nous  avons  à  examiner  les  angiomes,  et  alors 
elle  cesserait  d'appartenir  au  sujet  qui  nous  occupe.     . 

La  destruction  des  tumeurs  érecliles  des  lèvres,  par  l'ablation  directe  avec  le 
bistouri,  u'est  pas  d'ailleurs  la  seule  méthode  X  laquelle  ou  puisse  recourir.  L'em- 


LÊVIIËS   (pathologie).  475 

[.loi (lu  feu  ou  celui  des  caustiques  ont  paifois  leurs  indications.  Mais  leur  action 
profonde  est  génénûement  irrégulière  ou  infidèle,  leur  résultat  immédiat  s'oppose 
à  l'affrontement  des  parties  détruites,  les  cicatrices  consécutives  sont  inégales  et 
des  opérations  chéilopkistiques  ultérieures  sont  souvent  rendues  nécessaires.  La 
ligature  simple  si  la  tumeur  est  supportée  par  un  collet,  multiple  si  elle  est  ses- 
sile  et  à  base  plus  ou  moins  engagée  dans  la  profondeur  des  tissus,  peut  rendre 
des  services,  lorsqu'on  veut  à  tout  prix  écarter  les  chances  d'une  liémorrhagie.  Ce 
moyen  n'est  pas  à  dédaigner  chez  les  jeunes  sujets.  La  suture  multiple  pratiquée 
d'après  le  procédé  de  Rigal,  permet  de  décomposer  ime  tumeur  à  large 
base  en  un  nombre  variable  de  tumeurs  pédiciilées  et  d'étrcindre  eKicacemciil  la 
totalité  de  la  masse  morbide,  fùt-elle  très-étendue.  J'ai  opéré  ainsi  u\cc  le  plus 
grand  succès  une  petite  fille  âgée  de  10  mois,  et  chez  laquelle  le  contour  entier 
de  l'orificebuccal  était  envahi  par  une  dégénérescence  érectile  qui  faisait  de  rapi- 
des progrès.  Étreinte  par  douze  ligatures  se  faisant  suite,  la  zone  érectile  qui 
bordait  l'orifice  buccal  tomba  le  sixième  jour,  en  fiùsant  place  à  une  ouverture 
agrandie  mais  régulièi'e.  La  suppuration  qui  se  déclara  sui*  la  surface  mise  à  nu 
par  la  chute  du  bourrelet  érectile  circulaire  ne  lut  pas  de  longue  durée  ;  des 
bourgeons  cicatriciels  ne  tardèrent  pas  à  se  former,  à  s'organiser  d'après  leur 
mécanisme  physiologique  ordinaire,  et  après  environ  deux  mois,  la  bouche  refor- 
mée et  rétrécie,  présentant  h  la  place  des  lèvres  normales  un  rebord  rosé  cica- 
triciel, restituait  un  bon  aspect  physionomique  et  se  prêtait  aux  fonctions  de  la 
région.  L'opération  date  actuellement  de  quatre  ans,  la  coarctation  n'a  pas  atteint 
les  proportions  qu'on  aurait  pu  redouter  et  aucune  opération  destinée  à  l'agran- 
dissement de  la  bouche  n'est  devenue  nécessaire. 

Tumeurs  des  glandules  labiales.  Ces  altérations  locales  sont  propres  à  I» 
région  des  lèvres  et  n'ont  encore  été  l'objet  que  d'un  petit  nombre  d'observations 
précises.  Oupeuti'econnaitre  toutefois  qu'elles  sont  le  point  de  départ  de  l'oiiua- 
tions  kystiques  et  d'hypertrophies  circonscrites  ou  adénomes. 

Les  kystes  des  lèvres  ont  été  plusieurs  l'ois  constatés  sans  qu'on  ait  cherché  à 
se  rendre  compte  de  leur  origine.  Boyer  les  signale  comme  fréquents  sur  la  l'ace 
postérieure  des  lèvres,  et  spécialement  sur  celle  de  la  lèvre  inférieure  au-dessous 
de  la  muqueuse.  Or  c'est  précisément  le  siège  normal  de  la  couche  glanduleuse. 
Ces  tumeurs  enkystées  atteignent  rarement  un  grand  volume.  Elles  se  dévelop- 
pent en  soulevant  la  muqueuse  dont  le  tissu  s'accroît  et  acquiert  de  la  transpa- 
rence. Le  contenu  de  ces  tumeurs  consiste  en  une  matière  visqueuse  et  filante 
qui  otïre  de  la  ressemblance  avec  le  liquide  de  la  grenouiUette.  Elle  s'accumule 
graduellement  dans  la  cavité  formée  aux  dépens  de  l'organe  dont  l'orifice  excré- 
teur est  rétréci  ou  oblitéré.  Les  kystes  labiaux  ainsi  constitués  restent  quelque- 
fois stationnaires.  Ils  sont  indolents,  déforment  la  lèvre  en  proportion  de  leur 
volume  et  adhèrent  plutôt  aux  parties  profondes  qu'à  la  muqueuse  qui  les 
recouvre.  Ces  tumeurs  que  Virchow  compare  aux  grains  de  mil  ou  aux  comédons 
des  follicules  pileux,  ont  en  général  des  dimensions  supérieures  à  celles  de  ces 
petites  élevures  et  lious  paraissent  avoir  plus  d'analogie  avec  les  kystes  qui  se 
développent  dans  l'épaisseur  de  la  grande  lèvre  chez  la  femme  et  qui  résultent 
d'une  dilatation  des  glandes  de  Bartholin.  Leur  cavité  est  souvent  inégale  et  mul- 
tiloculaire,  ce  qui  s'exphque  pai'  la  dilatation  sacciforme  ou  ampullaire  des  culs- 
de-sac  qui  n'ont,  à  l'état  normal ,  qu'un  renflement  rudimentaire.  Ces  kystes 
labiaux  sont  isolés  ou  multiples  suivant  qu'une  ou  plusieurs  glandules  prennent 
part  à  la  dilatation.  Leur  ouverture  spontanée  est  très-rare.  On  a  toutefois  signalé 


476  LEVRES   (pathologie). 

des  trajets  fistuleux  «'ouvrant  sur  la  lèvre  et  aboutissant  par  leur  extrémité  oppo- 
sée aux  glaudules  envahies  par  la  dégénérescence  kyslique.  CL.'.e  disposition  a  été 
notée  comme  existant  à  l'état  congénilal  et  comme  siégeant  particulièrement  à 
la  lèvre  inférieure.  Nous  l'avons  signalée  à  propos  du  bec-de-lièvre. 

D'après  le  mécanisme  que  nous  venons  d'indiquer  pour  la  formation  des  kystes 
labiaux,  leur  traitement  exige  qu'on  obtienne  non-seulement  l'évacuation,  niais 
l'oblitération  de  leur  cavité.  La  ponction  ou  l'incision  simple,  ayant  pour  but 
unique  de  donner  issue  au  liquide  exposeraient  à  une  récidive  presque  certaine. 
Dans  un  cas  de  ce  genre,  nous  avons  réussi  en  faisant  suivre  une  large  incision 
d'un  lavage  de  la  cavité  kystique  et  d'un  badigeonnage  intérieur  avec  un  pinceau 
fortement  imbibé  de  teinture  d'iode  pure.  11  est  rare  que  la  tumeur  soit  assez 
considérable  pour  exiger  l'emploi  du  trois-quarts  ordinaire  suivi  d'une  injection 
irritante.  Un  trois-quarts  délié  introduit  avec  précaution  serait  suffisant.  Quant  à 
l'excision  entière  du  kyste,  elle  entraînerait,  à  cause  de  l'adhérence  de  la  partie 
profonde  de  la  tumeur,  une  dissection  lente  et  assez  laborieuse.  Ce  moyen  ne 
conviendrait  que  si  les  parois  épaisses  et  indurées  de  la  tumeur  s'opposaient  à  une 
oblitération  probable.  On  peut  se  contenter  dans  des  cas  de  cette  nature  de  l'exci- 
sion partielle  de  la  paroi  du  kyste,  soit  qu'on  emporte  ,  soit  qu'on  respecte  la 
portion  de  muqueuse  qui  le  recouvre.  On  n'a  guère  à  cramdre  une  difformité  de 
quelque  importance  à  la  suite  de  cette  opération,  qui  n'exige  d'autre  traitement 
(jue  ralli'oatemcnt  des  parties  ou  l'application  d'une  couche  de  collodion. 

Vadénome  ou  hypertrophie  des  glandules,  genre  de  tumeurs  étabh  par  les 
travaux  des  anatomo-pathologistes  modernes  et  surtout  par  ceux  de  M.  Broca,  est 
moins  rare  à  la  région  labiale  que  les  kystes  proprement  dits,  et  a  été  souvent  con- 
fondu avec  les  variétés  de  tumeurs  cancéreuses  qui  alfectent  les  lèvres.  Mais, 
malgré  des  ressemblances  extérieures  avec  les  tumeurs  comprises  dans  ce  groupe, 
les  adénomes  labiaux  représentent  une  lésion  spéciale  dont  on  retrouve  les  analo- 
gues dans  les  hypertrophies  circonscrites  des  glandes.  Ils  appartiennent  à  l'espèce 
connue  sous  le  nom  à' adénome  acineux.  Leur  disposition  intime  se  révèle  par 
des  culs-de-sac  solides  hypertrophiés  et  parfois  indurés,  accolés  ensemble  et  unis 
par  une  faillie  quantité  de  tissu  fibreux.  Comparables  d'une  manière  générale  aux 
tumeurs  adénoïdes  des  glandes  en  grappes,  elles  ont  une  analogie  plus  prochaine, 
comme  l'ont  établi  MM.  Cornil  et  Kanvier,  avec  les  hypertrophies  circonscrites  de  la 
parotide  ou  avec  celles  que  M.  Lebert  a  indiquées  dans  la  glande  lacrymale.  Les  élé- 
ments glandulaires  en  s'hypertrophiant  acquièrent  non-seulement  plus  de  volume, 
mais  pkis  de  consistance.  Le  revêtement  épithélial  pavimenteux  de  la  surface 
interne  devient  en  même  temps  plus  épais  et  représente,  à  une  certaine  période 
du  développement  de  ces  tumeurs,  la  partie  principale  de  leur  masse;  cette  proli- 
fération exagérée  des  éléments  épithéliaux  distend  le  tissu  glandulaire  et  produit 
à  la  surface  de  la  lèvre  une  saillie  que  la  pression  de  la  tumeur  rend  plus  marquée, 
et  par  oiî  elle  fait  échapper  sous  forme  de  vermisseau  des  cylindres  déliés  de 
matière  grisâtre,  comme  lorsqu'on  presse  des  tumeurs  folliculeuses.  Cette  dispo- 
sitiou  était  très-marquée  dans  un  polyadénome  de  la  lèvre  inférieure  que  j'ai 
récemment  observé  et  enlevé  sur  un  militaire  admis  à  la  clinique  de  l'hôpital 
Saint-Éloi.  La  tumeur,  considérée  d'abord  comme  un  cancroïde,  n'était  en  réa- 
lité qu'un  polyadénome  dont  les  orifices  excréteurs,  ouverts  sur  la  surface  muqueuse 
de  la  lèvre,  émettaient  par  la  pression  la  matière  molle  dont  il  a  été  question,  et 
où  l'examen  microscopique  confié  à  M.  le  docteur  Gayraud,  chef  de  clinique, 
révéla  la  présence  de  cellules  d'épithélium  pavimenteux.  L'adénome  et  le  polya- 


LÈVRES   (pathologie).  477 

dénome  de  la  lèvre  sont  des  tumeurs  bénignes  qui  peuvent  acquérir  sans  doute 
un  développement  assez  considérable,  mais  qui  restent  essentiellement  locales, 
sans  s'infiltrer  dans  les  tissus  voisins,  ni  se  propager  aux  ganglions  sous-maxil- 
laires Dans  l'adénome  un  peu  ancien  les  cellules  qui  remplissent  la  cavité  de  la 
glandule  hypertrophiée  peuvent  s'infiltrer  de  substance  graisseuse.  D'autres  fois 
les  culs-de-sac  s'indurent  et  certains  peuvent  subir  la  dégénérescence  kystique. 
Pendant  l'accomplissement  de  ces  modifications  nutritives,  le  malade  éprouve 
dans  la  région  affectée  une  douleur  sourde.  La  lèvre  se  gonfle,  subit  des  atteintes 
inilammatoires,  devient  douloureuse,  l'éj/ithélium  de  son  bord  libre  se  desquame 
ou  se  détache  complètement  et  laisse  la  surface  plus  ou  moins  ulcérée.  Si  dans 
ces  circonstances  les  bords  viennent  à  s'indurer,  l'ensemble  de  la  surface  malade 
revêt  plus  ou  moins  les  apparences  d'une  ulcération  syphilitique  ou  cancéreuse. 
Mais  l'origine,  le  mode  de  déveloj)pement  de  la  tumeur,  sa  position  d'abord 
rapprochée  de  la  surface  muqueuse  ,  son  indolence  primitive  et  qui  se  maintient 
lorsqu'il  n'existe  pas  de  complication  inflammatoire  ,  et  la  disposition  alvéolaire 
de  sa  surface  lorsqu'il  s'agit  d'un  polyadénome,  enfin  le  suintement  de  matière 
épidermique  ramollie  par  les  ouvertures  des  tubes  excréteurs  lorsqu'on  exerce 
une  pression  concourent  à  éclairer  le  diagnostic.  Si  l'on  ajoute  que  dans  l'adé- 
nome, il  n'y  a  point  d'engorgement  ganghoiinaire  sous-maxillaire  même  quand  la 
tumeur  est  ancienne,  on  écartera  la  pensée  d'une  affection  cancéreuse,  et  si  l'on 
remarque  qu'il  n'y  a  ni  antécédents  ni  signes  concomitants  de  nature  syphili- 
tique, on  aura  des  motifs  encore  mieux  fondés  pour  distinguer  l'adénome  des 
tumeurs,  ulcérées  ou  non,  qui  appartiennent  à  cette  dernière  dyscrasie. 

Le  traitement  de  l'adénome  labial  peut  admettre  l'emploi  des  divers  résolutifs 
qu'on  oppose  d'ordinaire  aux  engorgements  chroniques  et  aux  hypertrophies,  tels 
que  l'iode  et  ses  composés  donnés  à  l'intérieur  ou  employés  comme  topiques,  la 
préparation  d'or,  etc.  Mais  ces  divers  traitements  médicamenteux  longs  et  presque 
toujours  infidèles,  le  cèdent,  à  tous  les  points  de  vue,  à  une  action  chirurgicale. 
L'excision  en  V,  et  mieux  encore  l'excision  cunéiforme  qui  permet  de  conserver  à 
la  lèvre  ses  couches  cutanée  et  muqueuse  établissent  d'excellentes  conditions  de 
gucrison;  en  détachant  en  effet  dans  l'épaisseur  de  la  lèvre  h  couche  glanduleuse 
qui  est  le  point  de  départ  et  le  siège  de  ce  genre  de  tumeurs,  on  met  le  malade 
à  l'abri  de  récidives.  11  suffit  de  rapprocher  les  surfaces  entre  lesquelles  la  tranche 
prismatique  formée  par  la  tumeur  et  les  tissus  adhérents  était  contenue,  pour 
préparer  une  prompte  guérison  sans  déformation  de  la  lèvre  qui  reste  seulement 
plus  mince  que  dans  l'état  naturel. 

Affections  sijphilitlques  des  lèvres.  Les  manifestations  de  ce  genre  les  plus 
importantes,  dont  la  région  labiale  peut  être  le  siège,  sont  le  chancre  et  la  tumeur 
syphilitique. 

Le  chancreàes  lèvres  est  une  des  plus  importantes  variétés  de  la  syphilis  extra- 
génitale. Méconnu  ou  peu  remarqué,  bien  qu'il  eût  été  signalé  depuis  longtemps 
par  Fallope,  Brassavole,  Rondelet,  Amatus  Lusitanus  et  Botal,  le  chancre  primi- 
tif des  lèvres  avait  été  pour  ainsi  dire  soustrait  à  l'attention  des  observateurs 
sous  l'empire  des  idées  de  Hunter  qui  avait  concentré  sur  les  organes  géni- 
taux et  sur  les  manifestations  primitives  de  la  syphilis,  l'origine  de  la  conta- 
gion. Mais  l'Ecole  de  Montpellier  a  rappelé  l'attention  sur  la  fréquence  des  chancres 
des  lèvres.  Delpech  les  a  très-bien  décrits  dans  sa  Chirurgie  clinique  et  a  indiqué 
l'engorgement  coexistant  des  ganglions  sous-maxillaires.  Lallemand  a  signalé 
aussi  leur  existence,  et  c'est  à  lui  qu'on  doit  cette  observation  remarquable  de 


478  LbVKES     (PATHOLOGIE). 

trois  amis  infectés  de  chancres  indurés  des  lèvres  par  la  même  femme  qui  recevait 
simultanément  leur  cour  pendant  qu'elle  était  atteinte  de  sypliilis  buccale 
secondaire.  {Clinique  médico-chirurgicale,  1 845.)  Reprise  en  1854  parM.Rodet, 
puis  par  M.  Ricord  et  ses  élèves,  enfin  et  surtout  par  M.  Rollet  de  Lyon,  la  ques- 
tion du  chancre  céphalique  en  général  et  du  chancre  des  lèvres  en  particulier,  a 
été  examinée  avec  un  soin  qui  a  permis  non  seulement  de  constater  l'existence 
€t  les  variétés  de  cette  affection ,  mais  les  rapports  d'origine  du  chancre  labial 
chez  le  sujet  contaminé  avec  les  ulcérations  syphilitiques  à  diliérenls  sièges  ou 
parvenues  à  diverses  périodes  chez  le  sujet  contammaleur. 

Le  chancre  labial  est  le  plus  commun  des  chancres  de  la  région  céphalique; 
chez  les  adultes,  il  affecte  à  peu  près  indifféremment  la  lèvre  supérieure  et  la 
lèvre  inférieure  et  se  montre  plus  rarement  aux  commissures  ainsi  que  cela 
résulte  des  observations  et  des  statistiques  dressées  par  MM.  Fournier  et  Buzenet. 
Ce  chancre  est  plus  fréquent  chez  la  femme  que  chez  l'homme.  Dans  les  deux 
sexes  et  à  l'âge  adulte,  on  l'observe  beaucoup  plus  rarement  que  le  chancre  des 
organes  génitaux.  D'après  les  relevés  faits  par  M .  Carrier  à  l'hospice  de  l'Antiquaille, 
dans  le  service  de  M.  Bonnaric  de  (Lyon),  sur  150  femmes  affectées  de  chancres 
indurés,  on  a  noté  dix  cas  de  chancres  labiaux.  Les  statistiques  dressées  à  Paris 
par  M.  Fournier,  chez  l'honjme,  donnent  12  chancres  des  lèvres  sur  471  siégeant 
dans  diverses  parties  du  corps  ;  M.  Clerc  ne  signale  aussi,  pour  l'homme,  que 
5  chancres  labiaux  sur  404  observations  relatives  à  la  même  lésion  dans  divers 
points  de  l'organisme.  On  peut  en  induire  la  moindre  proportion  de  fréquence 
chez  l'homme  que  chez  la  femme. 

L'enfance  est  l'époque  de  la  vie  où,  toute  proportion  gardée,  le  chancre  des 
lèvres  est  le  plus  fréquent.  Ce  fait  est  établi  par  les  observations  de  M.  Rollet  et 
il  s'explique  lorsqu'on  prend  en  considération  la  non-activité  des  organes  génitaux 
chez  les  enfants  et  les  causes  particulières  qui  les  exposent  à  recevoir  des  caresses 
sur  la  légion  labiale,  ou  à  contracter  la  syphilis  pendant  l'allaitement. 

Les  causes  des  chancres  labiaux  sont  assez  variées.  Leur  source  la  plus  com- 
mune consiste  en  des  baisers  impurs  entre  une  personne  saine  et  une  personne 
contaminée.  Des  aveux  de  nature  à  faire  penser  que  les  honteuses  habitudes  de 
sodomie  buccale  se  multiplient  ont  rétabli  la  réalité  de  cette  cause  de  chancres 
labiaux.  Ceux-ci  peuvent  succéder  aux  pratiques  judaïques  de  la  circonci- 
sion, qui  consistent  non-seulement  dans  l'excision  prépuciale,  mais  dans  le  con- 
tact entre  les  organes  de  l'opéré  et  la  bouche  de  l'opérateur.  L'allaitement  est 
une  source  de  chancres  labiaux  admise  depuis  les  premiers  observateurs,  niée  par 
l'école  de  Hunter  et  constatée  de  nouveau  par  les  syphiliographes  de  nos  jours.  Il 
importe  toutefois  d'en  rechercher  exactement  la  cause  et  de  ne  pas  confondre  les 
manifestations  de  la  syphilis  héréditaire  qui,  chez  les  nouveau-nés,  s'expriment 
très-fréquemment  par  des  ulcérations  labiales  bucco-gutturales  ou  nasales,  avec 
des  chancres  récents  acquis  par  le  contact  des  lèvres  avec  le  mamelon  d'une  nour- 
rice infectée.  L'allaitement  maternel  est  une  cause  beaucoup  plus  rare  de  chancre 
labial,  pour  le  nourrisson,  que  l'allaitement  par  une  nouriice  mercenaire.  L'ha- 
bitude oîi  sont  les  nourrices  d'échanger  même  temporairement  les  enfants  qu'elles 
allaitent,  soit  dans  les  hôpitaux,  soit  dans  la  vie  civile,  multiplie  les  occasions 
d'infection  qu'un  choix  attentif  de  la  première  nourrice  tendrait  à  écarter.  Le 
nourrisson  contracte  ainsi  ua  chancre  labial  qui  peut  se  communiquer  à  son  tour 
à  la  nourrice  saine  et  créer  des  obscurités  de  diagnostic  qu'on  ne  débrouille  que 
par  une  enquête  d'origine.  La  question  de  la  syphilis  héréditaire,  pouvant  donner 


LEVRES  (patiiologik).  479 

fieu  à  des  ulcérations  non  primitives  mais  coulagicusos  du  nouveau-né,  explifjuo 
d'ailleurs,  d'après  les  observations  de  MM.  Colles  et  Diday,  pourquoi  la  syphilis  se 
propage  plus  souvent  de  l'enfant  à  la  nourrice  que  de  celle-ci  au  nourrisson. 

Les  chancres  labiaux  résultent  assez  fréquemment  de  l'usage  commun 
d'objets  usuels.  Ainsi  le  bord  souillé  d'un  verre,  d'une  cuiller,  d'une  écuelle  dont 
s'est  servi  un  syphilitique  peut  transmettre  la  syphilis  en  provoquant  l'apparition 
d'un  chancre  sur  la  lèvre;  les  pipes,  les  cigares  jouent  le  même  rôle  de  véhicule; 
j'ai  vu  des  communications  de  ce  genre  entre  des  soldats  d'une  même  chambrée 
et  entre  deux  frères.  Les  doigts  eux-mêmes  peuvent  transporter  le  virus  chancreux 
J'ai  été  récemment  consulté  par  un  jeune  homme  qui,  après  avoir  touché  les  or- 
ganesgénitaux  d'une  femme  infectée,  avait  ainsi  transporté  sur  sa  lèvre  inlérieure  le 
principe  contagieux  et  qui  présentait  un  chancre  induré.  Un  bonbon,  sucé  à  tour  de 
rôle  par  des  enfants,  a  pu  communiquer  un  chancre  syphilitique.  (Hardy.)  J'ai  soi- 
gné, d'un  chancre  labial,  une  jeune  personne  qui  s'obstinait  à  n'attribuer  d'autre 
origine  à  son  mal  que  d'avoir  porté  à  ses  lèvres  une  rose  qui  avait  reçu  les  baisers 
de  son  amant. 

L'observation  moderne  a  inscrit  dans  l'étiologie  du  chancre  labial  une  cause  long- 
temps méconnue  et  qui  paraît  être  assez  fréquente  dans  une  catégorie  d'ouvriers 
travaillant  en  commun.  C'est  le  soufflage  du  verre.  La  syphilis  des  verriers,  ainsi 
designée  à  cause  des  circonstances  oii  elle  se  manifeste  et  de  la  profession  qui 
favorise  sa  propagation,  a  été  l'objet  d'intéressantes  descriptions  que  la  science 
doit  à  M.  RoUel,  de  Lyon  [Tr ailé  des  maladies  vénériennes),  et  à  M.  Viennois 
{Congr.  médico-chirurg.  de  France,  1865).  Cette  origine  a  été  longtemps  nié- 
rnnnue,  et  ce  n  est  qu'en  1858  que  M.  lioUet  a  signalé  le  premier  cas  de  syphlhs 
transmise  par  le  soufflage  du  verrre.  Depuis  lors  les  faits  se  sont  assez  multipliés 
pour  qu'on  soit  autorisé  à  considérer  les  verreries  comme  de  véritables  foyers  de 
syphihs  d'autant  plus  dangereux  qu'ils  ne  sont  l'objet  d'aucune  défiance.  Si  l'on 
remarque  avec  notre  savant  confrère  de  Lyon  que  les  usines  consacrées  à  la  fabri- 
cation des  bouteilles,  vitres,  gobelets,  etc.,  sont  très-nombreuses,  non-seuleaient 
chez  nous,  mais  dans  les  pays  producteurs  de  vins  comme  l'Italie  et  l'Espagne,  ou 
industriels  comme  la  Belgique  et  l'Angleterre  ou  certaines  régions  de  l'Allema- 
gne; qu'en  France  seulement  il  se  fabrique  60  millions  de  kilogrammes  de  verre  à 
bouteilles  et  que  la  gobeletterie  seule  occupe  20,000  ouvriers,  on  comprendra  la 
multiplicité  des  occasions  de  propagation  syphihtique.  La  cause  effective  de  cette 
propagation  entre  les  ouvriers  qui  soufflent  le  verre  est  l'usage  commun  de  la 
canne  ou  tube  à  souffler.  Ce  tube  en  fer  dont  l'embouchure  peut  recevoir  la  ma- 
tière contagieuse  passe  successivement,  et  sans  retard  et  sans  qu'on  prenne  le  soin 
d'essuyer  son  embouchure,  entre  les  mains  de  trois  ouvriers  qui  soufflent  l'un  après 
l'autre  par  cette  embouchure  quelquefois  irrégulière  et  pouvant,  indépendamment 
du  dépôt  du  virus,  facditer  sa  pénétration  par  les  excoriations  qu'elle  occasionne 
pendant  la  coïncidence  du  soufflage  avec  une  impulsion  rotatoire  que  doit  subir 
l'instrument. 

Signalons  enfin  comme  cause  de  communication  du  chancre  labial,  les  morsures 
des  lèvres  d'un  sujet  sain  pai*  un  sujet  contaminé.  Lordat  a  signalé  celle  cause 
{Leçons sur  l'odaxisme,  Montpellier  1835)  que  M.  Rollet  compare,  pour  la  syphilis, 
au  mode  ordinaire  de  l'inoculation  de  la  rage. 

Quel  que  soit  le  mode  d'origine  du  chancre  labial,  celui-ci  peut  revêtir  sur  ce 
point  les  caractères  connus  de  ce  genre  d'ulcération.  Le  plus  souvent  solitaire, 
mais  quelquefois  multiple  et  existant  sur  Tune  et  l'autre  lèvre  aux  points  corres- 


480  LEVRES   (pathologie). 

pondants,  le  chancre  des  lèvres  s'indure  comme  celui  de  la  région  génitale  ;  il 
excède  rarement  l'étendue  de  1  centimètre  de  diamètre,  mais  peut,  accidentelle- 
ment, être  beaucoup  plus  large.  M.  Buzenet  cite  un  exemple  oiî  une  ulcération  de 
cette  nature  avait  détruit  la  moitié  de  la  lèvre  inférieure  et  s'était  étendue  à  la  moi- 
tié de  la  hauteur  de  la  joue.  M.  Rollet  signale,  comme  l'une  des  Formes  les  plus 
fréquentes,  le  chancre  induré  bombé,  c'est-à-dire  à  fond  plus  saillant  que  les 
bords. 

Souvent  visible  du  côté  de  la  peau,  il  est  cependant  plus  fréquent  du  côté  de  la 
bouche  où  la  ténuité  de  la  couche  éjiithéliale  rend  l'inoculation  plus  facile.  Rendu 
douloureux  par  son  exposition  habituelle  à  l'air,  au  contact  des  liquides  buccaux, 
à  celui  des  aliments,  des  boissons  ou  des  instruments  qui  servent  à  leur  ingestion, 
le  chancre  bucco-labial  est  assez  douloureux  et  sujet  à  s'irriter.  Il  détermine  par- 
fois une  stomatite  vestibuluire  ou  même  plus  profonde  avec  exagération  de  sécré- 
tion salivaire.  Sa  surface  se  modifie  parfois  et  ])rend  une  coloration  grisâtre.  Il  peut 
atïecler  la  forme  phagédénique;  d'autres  fois  il  subit  la  transformation  sur  place 
en  plaque  muqueuse. 

L'adénite  de  voisinage  signalée  par  Delpech  est  assez  fi^équente  pour  être  consi- 
dérée comme  un  de  ses  caractères;  elle  peut  aboutir  à  la  suppuration.  L'engorge- 
ment qui  accompagne  le  chancre  de  la  lèvre  inférieure  se  manifeste  aux  ganglions 
sous-maxillaires  de  la  région  sous-mentonnière,  surtout  pour  le  chancre  de  la 
partie  moyenne.  Quand  la  lèvre  supérieure  est  affectée  ce  sont  plus  spécialement 
les  ganglions  latéraux  et  profonds  qui  subissent  la  propagation  morbide  et  l'enva- 
hissement inflammatoire. 

Le  diagnostic  des  chancres  labiaux,  quoique  généralement  facile,  n'est  pas 
exempt  de  quelques  obscurités.  Les  indications  d'origine  fournies  par  les  malades 
tendent  souvent  à  induire  le  praticien  en  erreur  et  certains  de  ces  chancres  ne  lais- 
sent pas  que  de  ressembler  aune  ulcération  épithéliale.  La  rapidité  de  leur  appa- 
rition et  de  leur  évolution,  la  limitation  de  l'induration  à  leur  périphérie,  le  carac- 
tère inflammatoire  de  l'adénopathie  concomitlante,  les  anamnestiques,  les 
coexistences  morbides,  les  suites  infectieuses  de  la  maladie,  enfin  l'épreuve  théra- 
peutique, dans  les  cas  douteux,  ne  tardent  pas  à  dissiper  les  doutes. 

Ces  chancres  donnent  lieu  à  un  pronostic  relativement  plus  fâcheux  que  ceux 
des  organes  génitaux.  La  nullité  de  l'attention,  propre  à  révéler  leur  début,  les 
laisse  quelquefois  longtemps  ignorés.  Les  malades  eux-mêmes  cherchent  à  se 
faire  illusion,  et  l'ulcération  fait  quelquefois  des  progrès  inattendus,  soit  sur 
place,  soit  eu  égard  aux  conséquences  générales  de  l'inoculation  syphilitique. 
Une  autre  circonstance  ajoute  à  la  gravité  du  pronostic.  L'obscurité  même  qui 
enveloppe  l'origine  ou  l'existence  de  ces  ulcères  multiplie  les  chances  de  conta- 
gion. L'absence  de  toute  défiance  du  sujet  porteur  de  la  lésion,  ou  l'ignorance 
absolue  dans  laquelle  se  trouvent  à  cet  égard  les  jeunes  sujets  et,  à  plus  forte 
raison,  les  nouveau-nés,  établissent  de  déplorables  sources  de  contagion.  La  com- 
munauté des  objets  usuels  et  plus  encoi'e  les  baisers  entre  membres  d'une  même 
famille  ou  dans  des  circonstances  qui  établissent  des  habitudes  famihères  exposent 
à  de  telles  chances  de  communication,  que  des  observateurs  ont  vu  dans  la  mul- 
tiplicité de  ces  cas  une  sorte  d'endémie  circonscrite.  La  syphilis  des  vieillards,  et 
spécialement  celle  des  femmes  âgées  préposées  à  la  garde  des  enfants,  ne  reconnaît 
pas  ordinairement  d'autre  origine.  Le  pronostic  en  est  d'autant  plus  sérieux  que 
la  maladie  n'est  souvent  reconnue  que  par  les  symptômes  généraux  de  la  période 
secondaire. 


LÈVRES  (pathologie).  481 

Le  traitement  des  chancres  syphilitiques  labiaux  n'a  rien  de  spécial.  Les  cau- 
térisations, les  soins  de  propreté,  l'isolement  de  l'ulcération  par  son  recouvre- 
ment avec  de  la  baudruche  gommée,  le  traitement  antiplilogistique  et  résolutif  des 
adénites  concomitantes,  et  l'administration  des  mercuriaux  lorsque  l'induration 
est  constatée,  constituent  le  traitement  le  plus  rationnel. 

La  tumeur  syphilitique  des  lèvres  est  un  cas  particulier  de  ces  manifestations 
tertiaires  de  la  syphilis  que  j'ai  décrites,  dès  1846,  sous  le  nom  de  tumeurs  syphi- 
htiques  des  muscles  et  que  les  observateurs  ont  constatées  depuis  dans  presi|ue 
toutes  les  portions  musculaires  du  corps  humain.  Les  faits  signalés  par  MM.  Ri- 
cord,  Nélaton,  Vidal,  Robert,  Virchow,  Becquerel,  Zambaco,  Lagneau  fils  et  plu- 
sieurs autres  ont  aujourd'hui  généralisé  ce  sujet,  mais  ces  auteurs  ont  passé  sous 
silence  les  tumeurs  de  cette  nature  développées  dans  l'épaisseur  des  lèvres  et 
pouvant  simuler  des  affections  d'un  autre  caractère.  Je  les  ai  toutefois  constatées 
assez  fréquemment  sur  des  malades  admis  à  la  clinique  de  l'hôpital  Saint-Eloi  de 
Montpellier  et  qui,  envoyés  dans  le  but  de  subir  une  opération,  ont  pu  être  dé- 
livrés par  un  traitement  antisyphilitique.  Les  tumeurs  vénériennes  affectent  de 
préférence  la  lèvre  inférieure.  J'ai  constaté  six  fois  leur  présence  sur  cette  partie 
de  la  bouche  et  une  seule  fois  à  la  lèvre  supérieure.  Dans  cotte  région,  comme 
dans  la  plupart  des  organes  musculaires,  la  tumeur  syphilitique  se  présente  tantôt 
sous  la  forme  dure  et  circonscrite  appelée  nodus  et  occupe  soit  la  couche  cellu- 
leuse,  soit  l'épaisseur  même  de  la  lèvre  ;    tantôt  elle  revêt,  plus  manifestement 
par  sa  forme  un  peu  raoms  limitée  et  par  sa  mollesse,  au  moins  [)endant  une  cer- 
taine période,  le  caractère  des  tumeurs  gommeuses  proprement  dites  ou  syphi- 
lomes.  Dans  la  lèvre,  leur  volume  varie  depuis  celui  d'un  pois  jusqu'à  celui  d'une 
petite  noix.  Ordinairement  arrondie  ou  ovalaire,  participant  à  la  mobilité  générale 
de  la  lèvre,  mais  dépourvue  de  liberté  dans  le  tissu  de  celle-ci,  la  tumeur  syphili- 
tique est  le  siège  d'une  douleur  obtuse  s'exaspéiant  parfois  la  nuit.  Sa  consis- 
tance, demi-molle  dans  les  premiers  temps  de  sa  formation,  se  modifie  pendant 
sa  marche  tantôt  dans  le  sens  de  la  mollesse  et  peut  arriver  jusqu'à  la  réduction 
en  un  liquide  d'une  grossière  ressemblance  avec  de  la  gomme  ramoUie  ou  avec  du 
pus,  tantôt  dans  le  sens  de  l'induration  et  alors  elle  ressemble  aux  productions 
cancéreuses  de  la  région  dont  on  la  distingue  par  son  mode  d'évolution  et  par 
des  successions  ou  des  coexistences  morbides  dont  le  cancer  est  exempt,  ainsi  que 
par  une  marche  régressive  inconnue  dans  le  processus  cancéreux.  Cette  marche 
régressive,  dont  nous  avons  été  plusieurs  fois  ti'moin  sous  l'empire  des  modifica- 
teurs thérapeutiques,   conduit  les  gommes  syphilitiques  labiales  à  des  substitu- 
tions d'éléments  intimes  ou  de  tissu  et  en  particulier  à  l'atrophie  graisseuse.  Les 
observations  micrographiques  de  Virchow  montrent  le  tissu  envahi  par  les  gommes 
comme  un  tissu  de  granulation  compacte  à  petites  cellules  dans  le  tissu  connectif 
intramusculaire.  Leur  dégénérescence  graisseuse  est  précoce,  et,  lorsqu'elle  se  pro- 
duit, les  cellules  disparaissent  complètement,  de  sorte  qu'il  ne  reste  qu'une  masse 
finement  granulée  riche  en  graisse  et  d'apparence  amorphe.  Appliquée  aux  tu- 
meurs gommeuses  des  lèvres  suivies  de  guérison,  cette  remarque  de  Virchow  m'a 
paru  justifiée  par  l'examen  clinique.   Sur  un  sujet  affecté  d'une  tumeur  de  la 
lèvre  que  je  me  refusai  à  enlever  parce  qu'elle  me  parut  d'origine  syphilitique, 
un  traitement  général  par  l'iodure  de  potassium  et  le  proto-iodure  hydrargyrique 
administrés  simultanément  fit  disparaître  la  tumeur  à  tel  point  que  la  lèvre  di- 
minua d'épaisseur,  s'amincit  graduellement,  perdit  sa  résistance  naturelle  comme 
dans  l'atrophie  musculaire  progressive.  Dans  cet  état  l'organe  ne  pouvait  mieux 
DicT.  ENT,.  i°  s.  IL  51 


4S2  LÈVRES    (pathologie). 

être  comparé  qu  à  l'aspect  que  prennent  dans  cette  dernière  maladie  les  tissus  du 
premier  espace  intermétacarpien  oîi  on  voit  les  muscles  de  la  partie  interne  de 
l'émincnce  tlicnar  se  fondre  tellement,  que  les  couches  cutanées  dorsale  et  palmaii'e 
sont  flasques  et  adossées.  Le  traitement  de  la  tumeur  syphilitique  des  lèvres  est 
celui  de  la  période  tertiaire  de  la  syphilis  :  iodure  de  potassium,  chlorure  d'or  à' 
l'intérieur,  pilules  de  sels  hydrargyriques  sont  les  moyens  internes  ordinairement 
usités,  pendant  qu'on  emploie  sur  la  lèvre  des  frictions  iodurées  ou  des  topiques 
résolutifs.  Si  la  tumeur  s'est  ramollie,  ulcérée  et  ouverte,  les  lavages  détersifs  et 
des  cautérisations  aident  à  la  transformation  de  la  surface  morbide  et  décident  ou 
accélèrent  le  travail  de  cicatrisation.  Quant  à  l'opération  proprement  dite,  elle  est 
généralement  contre-indiquée,  sauf  les  réserves  faites  par  Virchow  sur  le  traite- 
ment chirurgical  des  gommes  musculaires,  le  traitement  général  étant  double- 
ment utile,  car  il  achève  la  guérison  ajirès  avoir  contribué  à  éclairer  le  diagnostic. 

Cancer  des  lèvres.  La  région  labiale  est  l'une  des  parties  du  corps  humain  le 
plus  exposée  à  ces  tumeurs  d'une  durée  variable  qui  aboutissent  à  une  destruction 
ulcéreuse  spontanée  et  envahissante,  hostile  à  l'ensemble  même  de  l'organisme, 
et  qui  sont  connues  sous  le  nom  collectif  de  cancer,  bien  que  leurs  apparence» 
extérieures  et  leur  structure  intime  présentent  quelques  différences.  Parmi 
ces  tumeurs,  l'une  d'elles  est  prédominante  aux  lèvres  ;  c'est  le  cancroïde  ou 
épithéliome.  11  en  sera  principalement  question  ici.  Les  autres  productions  hétéro- 
plastiques  appartenant  au  groupe  des  maladies  cancéreuses,  telles  que  le 
squirrhe,  l'encéphaloide  et  autres  variétés  établies  par  l'histologie  moderne,  n'of- 
frent pas  de  caractères  assez  spéciaux  dans  la  région  qui  nous  occupe  pour  y  insister 
longuement.  Ils  se  confondent  d'ailleurs  avec  l'épithéliome  par  leurs  traits 
extéiieurs  les  plus  saillants  aussi  bien  que  par  les  indications  thérapeutiques 
qui  s'y  rapportent.  Les  distinctions  un  moment  établies  par  l'Ecole  anatomo- 
pathologiquo,  dont  M.  Lebert  était  le  principal  représentant,  ont  vu  leur  intérêt 
s'affaibHr,  lorsqu'une  observation  plus  précise  a  démontre  que  la  bénignité  attri- 
buée au  cancroïde  par  opposition  à  la  malignité  attribuée  aux  autres  formes  de 
cancer,  n'était  pas  un  caractère  absolu  et  que  ces  diverses  aifeclions  étaient 
susceptibles  de  se  généraliser,  de  récidiver  ailleurs  que  sur  place  et  finalement  de 
menacer  la  vie,  quoique  à  des  degrés  différents.  Nous  n'en  sommes  pas  moins 
fondé  à  admettre  pour  les  lèvres  les  deux  variétés  suivantes  :  Cancer  commun, 
cancer  épithélial. 

Au  premier  groupe  appartiennent  le  squirrhe  et  Yencéphaldide,  qui  ont 
principalement  leur  point  de  départ  dans  l'épaisseur  même  du  tissu  labia 
et  qui  forment  d'abord  des  tumeurs  interstitielles  plus  dures  dans  la  pre- 
mière variété,  plus  molles  dans  la  seconde,  mais  généralement  assez  résis- 
tantes à  cause  de  la  densité  du  tissu  où  le  produit  morbide  prend  naissance. 
Ces  tumeurs  offrent  aux  lèvres  les  mêmes  caractères  physiques  et  microsco- 
piques que  dans  toutes  les  régions  du  corps,  elles  n'affectent  pas  une  pré- 
dominance plus  marquée  pour  les  lèvres  que  pour  les  autres  points  de  l'orga- 
nisme. Elles  relèvent  plus  évidemment  d'une  cause  générale,  sont  plus  étrangères 
aux  causes  excitantes  locales  auxquelles  les  lèvres  sont  exposées,  affectent  indif- 
féremment les  deux  sexes  et  se  montrent  sans  siège  d'élection  dans  tous  les  points 
du  contour  de  la  bouche.  Leur  évolution  est  généralement  très-rapide.  Les  ulcé- 
rations auxquelles  leur  destruction  donne  Heu  sont  plus  étendues,  plus  suscep- 
tibles d'envahir  les  tissus  voisins  et  les  ganglions  lymphatiques  qui  leur  corres- 
pondent. Dans  l'ensemble  de  leur  formation,  de  leur  marche  et  de  leur  terminaisoa 


LÈVRES  (pathologie).  4S3 

elles  se  comportent  comme  des  lésions  graves.  On  doit  noter  que  ces  productions 
cancéreuses  ne  présentent  presque  jamais  aux  lèvres  la  dégénérescence  colloïde, 
ni  l'infiltration  mélanotique.  Elles  s'associent  parfois  à  des  formations  érectiles 
en  constituant  le  fongus  hématodcs  des  lèvres  dont  il  a  été  déjà  question.  Elles 
peuvent  du  reste  coexister  avec  l'épithéliome  et  former  une  sorte  de  cancer 
mixte  comme  l'a  observé  M.  Lebert. 

Le  cancer  épitliélial,  désigné  aussi  sous  le  nom  de  faux  cancer,  de  cancer 
local,  par  quelques  patbologistes,  est  tellement  commun  aux  lèvres,  qu'il  a 
servi,  pour  ainsi  dire,  de  type  pour  caractériser  ce  genre  de  tumeur.  La  dé- 
termination de  ses  rapports  avec  les  formations  épitbéliales  date  des  premiers 
progrès  de  l'bistologie  contemporaine.  M.Ecker  (d'Ileidelbcrg)  en  1844,  M.  Mayor 
(de  Genève)  en  1846,  ont  les  premiers  signalé  cette  corrélation  aussitôt  confirmée 
par  MM.  Kiiss  et  Sédillot  de  (Strasbourg),  par  M.  Bennet  (d'Edimbourg),  et  parti- 
culièrement mise  en  lumière  par  les  divers  travaux  de  M.  Lebert,  le  véritable 
agitateur  de  la  question  du  cancer  diatbésique  et  du  cancer  local.  C'est  à  lui 
qu'on  doit  la  désignation  de  cancroïde  appliquée  à  cette  dernière  forme.  En 
1852,  M.  Hannover  donnait  à  la  même  affection  le  nom  A' épithéliome  AcAvixi  de 
la  nature  bistologique  du  produit  morbide,  et  cette  dénomination  paraît  devoir 
rester  dans  la  siencc.  {Bas  epiûieliorna.  Leipzig,  1852.) 

Causes.  L'épithéliome  labial  affecte  d'une  manière  très-prédominante  la  lèvre 
inférieure  et  succède  dans  le  plus  grand  nombre  des  cas  à  une  cause  excitante 
appréciable  qui  concentre  son  action  sur  les  mêmes  parties. 

Le  séjour  sur  la  lèvre  de  matières  malpropres  et  irritantes  peut  être  signalé 
comme  influence  étiologique.  On  remarque  en  effet  que  l'épithclioma  est  plus 
rare  chez  les  gens  appartenant  à  la  classe  aisée  et  qui,  soigneux  de  leur  personne, 
entretiennent  une  propreté  convenable  sur  la  région  labiale.  Il  est  au  contraire 
très-fréquent  chez  les  ouvriers  dont  la  profession  engendre  la  malpropreté,  ou 
chez  les  cultivateurs  de  certaines  contrées  où  l'hygiène  est  bien  retardée.  L'un  de 
nos  élèves,  M.  Burin  {Thèse  sur  le  cancer  de  la  lèvre  inférieure,  Montpellier, 
1856),  a  signalé  un  fait  que  nous  avons  vérifié  depuis,  établissant  la  fréquence  de 
cette  affection  dans  certains  départements  méridionaux  et  notamment  rA.veyron, 
la  Lozère  et  l'Ârdèche  où  les  habitudes  de  propreté  sont  à  l'état  rudimentaire. 
La  répétition  des  mêmes  causes  d'irritation  dans  les  mêmes  points  expose  aux 
mêmes  résultats.    Les  sujets  atteints  d'irritation  herpétique  aux  lèvres  et  qui, 
cédant  trop  facilement   au  prurit,  excitent  les  parties  avec  leurs  ongles,  sont 
disposés  à  cette  affection.  Les  individus  sujets  aux  desquamations  épitbéliales  et 
qui  contractent  l'habitude  d'en  dépouiller  le  bord  des  lèvres  avec  leurs  dents, 
sont  exposés  au  même  mal.  Lassus  {Path.  clin.,  t.  I)  cite  l'exemple  d'un  homme 
dont  la  profession  consistait  à  engraisser  de  la  volaille  et  qui,  soufflant  des  grains 
dans    le   bec   de   ces  animaux,   se   mordait  continuellement  au  même  endroit. 
Un  ulcère  rebelle  de  la  lèvre  inférieure  fut  la  suite  de  cet  exercice.  M.  Comin 
{Thèse  de  Paris,  1822)  attribue  à  Capuron  une  observation  du  même  genre.  Un 
cas  plus  commun  est  celui  des  individus  qui,  ayant  des  dents  gâtées,  déchaussées, 
déviées  et  irrégulières  sont  exposés  à  ressentir  dans  un  point  constamment  le 
même  du  contour  de  l'orifice  buccal,  une  irritation  qui  produit  d'abord  un  ulcère 
simple  et  plus  tard  un  cancer  épithélial.  Rigal  (de  Gaillac)  a  relevé  et  fait  con- 
naître bon  nombre  de  cas  de  ce  genre  que  tout  praticien  est  à  même  de  vérifier 
et  que  j'ai  souvent  constatés  dans  les  hôpitaux. 
Mais  la  cause  locale   la  plus  active  et   la   moins  contestable  de  l'cpithé- 


484.  LÈVRES   (pathologie). 

liome  des  lèvres,  c'est  l'habitude  de  fumer  avec  excès.  Les  professeurs  Roux,  à 
rilùtel-Dieii  de  Paris,  et  Lallemand,  à  l'iiôpital  Saint-Eloi  de  Montpellier,  rap- 
pelaient souvent  dans  leur  enseignement  la  réalité  de  cette  influence  étiolo- 
glque.  Leroy  (d'Étiolles)  père,  à  qui  on  doit  une  statistique  de  l'affection  cancé- 
reuse, a  fait  aussi  une  part  importante  à  l'habitude  de  fumer,  et  depuis  lors 
cette  influence  étiologique,  mentionnée  aujourd'hui  par  la  plupart  des  auteurs 
contemporains  des  traités  d'hygiène  ou  de  chirurgie,  s'est  fortifiée  par  de  nom- 
breux témoignages  que  nous  avons  reçus  soit  de  la  part  des  chirurgiens  d'hôpi- 

.  taux,  ou  de  médecins  militaires,  tant  en  France  qu'en  Algérie.  On  peut  consulter 
à  ce  sujet  les  observations  de  M.  Payn,  médecin  colonial  à  Hussein-Dey  (Gaz.  méd. 
de  V Algérie,  1858).  M.  Lebert  [Traité  des  affections  cancéreuses)  e^WAlnv- 

.  teaux  (Dm  cancroide  en  général)  ont  admis  aussi  la  réalité  de  cette  action  pro- 
ductrice de  l'épithéliome.  Nous  croyons  toutefois  avoir  appuyé  l'admissibilité  de 
cette  cause  par  des  considérations  plus  variées  et  par  des  faits  plus  nombreux 
qu'on  ne  l'avait  fait  jusqu'à  ce  jour  [Gaz.  méd.  de  Paris,  1856,  et  Tribut  à  la 
chirurgie,  1861)  et  nous  avons  proposé  pour  cette  affection  l'expression  Ae  can- 
cer des  fumeurs,  qui  a  causé  un  certain  émoi  aux  intéressés.  Aussi  quelques  con- 
testations se  sont  élevées  sur  cette  origine  de  l'épithébome  labial.  M.  Fleury  de 
Clerniont  entre  autres  a  nié  toute  iniluence  de  l'habitude  de  fumer,  et  M.  Turgan, 
l'auteur  du  Traité  des  grandes  usines  de  France,  aurait  cru  nuire  à  la  cause 
du  tabac  s'il  ne  l'avait  pas  mis  hors  de  toute  accusation.  Mais  il  s'agit  ici 
d'un  l'ait  médical,  et  les  considérations  d'un  autre  ordre  ne  doivent  pas  voiler  la 
vérité. 

Le  tabac  agit  chez  les  fumeurs  par  les  principes  qui  lui  sont  propres  et  par  les 
circonstances  inhérentes  à  son  mode  de  consommation.  Les  feuilles  de  cette  plante 
sont  soumises  à  une  préparation  spéciale  consistant  à  les  arroser  avec  de  l'eau 
salée  et  de  la  mélasfe,  afin  de  provoquer  une  fermentation  pendant  laquelle  se 
produit  de  l'ammoniaque.  Cet  alcali  met  en  liberté  la  nicotine  ou  principe  actif 
du  tabac  qui  lui  doit  ses  propriétés  irritantes,  son  odeur  acre  et  sternutatoire.  La 
nicotine  varie  en  proportion  suivant  les  qualités  du  tabac  à  fumer  livré  à  la  con- 
sommation, et  si  l'on  prend  en  considération  l'àcreté  de  cette  substance,  on  se 
refiisera  difficilement  à  reconnaître  la  possibilité  d'un  effet  nuisible.  11  n'est  pas 
douteux  que  le  cancer  des  lèvres  et  des  autres  parties  de  la  bouche  ne  soit  devenu 
plus  réquent  depuis  que  l'habitude  de  fumer  s'est  non-seulement  répandue 
d'une  manière  très-générale,  mais  qu'elle  s'est  aussi  accrue  chez  les  individus  qui 
l'ont  contractée.  Si  l'on  compare  à  cet  égard  les  tableaux  de  consommation  du 
tabac  en  France  seulement,  depuis  le  commencement  de  ce  siècle  jusqu'à  l'époque 
actuelle,  on  se  convaincra  que  c'est  surtout  depuis  la  fin  du  premier  empire  et 
plus  spécialement  depuis  1830  que  l'usage  du  tabac  à  fumer  s'est  générahsé 
d'une  manière  vraiment  extraordinaire.  Or,  il  est  à  remarquer  que  le  nombre 
des  cancers  labiaux  est  devenu  plus  considérable  à  mesure  que  l'invasion  de  l'ha- 
bitude qui  provoquait  cette  maladie  faisait  elle-même  des  progrès.  Cette  lésion 
était  assez  rare  avant  l'époque  contemporaine.  Le  cancer  des  lèvres  n'est  pas  noté 
comme  prédominant,  eu  égard  au  cancer  des  autres  régions  dans  les  traités  géné- 
raux publiés  en  France  avant  l'époque  indiquée.  On  peut  s'en  convaincre  en  lisant 
les  écrits  de  Sabatier,  Léveillé,  Boyer,  Delpech,  Richerand.  Les  chirurgiens  étran- 
gers qui  ont  fait  des  exposés  généraux  de  la  science,  tels  que  Heister,  Bell,  Ricli- 
ter,  Monteggia,  n'attachent  non  plus  aucune  idée  de  prédominance  au  cancer 
labial,   et  tous  gardent  le  silence  au  sujet  de  sa  provocation  par  l'action  da  tabac 


LÈVRES    (pATuoLOGiii).  -iSS 

à  fumer  qui  de  leur  temps  était  relativement  peu  répandue.  Mais  si  en  regard  de 
ces  écrits  muets  sur  la  maladie  et  sur  sa  cause,  on  place  les  cas  nombreux  qui 
se  présentent  aujourd'hui  et  l'extension  immodérée  d'une  habitude  propre  à  pro- 
voquer la  maladie,  on  conviendra  que  cette  corrélation  doit  être  élevée  à  la  hau- 
teur d'une  cause. 

L'épithélionie  des  fumeurs  attaque  principalement  la  lèvre  inférieure.  Cette 
prédominance  est  établie  par  des  faits  nombreux  qui  sont  du  domaine  de  l'obser- 
vation journalière.  C'est  tantôt  à  la  partie  moyenne  du  bord  libre,  tantôt,  et  le 
plus  souvent,  dans  un  point  plus  voisin  de  la  commissure  que  se  montrent  les 
premières  traces  de  l'altération  qui  doit  aboutir  au  cancer.  Le  fumeur  place  habi- 
tuellement le  tuyau  de  la  pipe  ou  l'extrémité  du  cigare  sui-  le  même  point  qui 
finit  par  s'altérer.  Comme  preuve  de  cette  habitude  on  constate  ordinairement, 
chez  les  vieux  fumeurs  de  pipe,  une  dépression  circulaire,  une  véritable  usure 
sur  le  bord  des  dents  qui  correspondent  à  l'épithéliomc.  Cette  usure  con- 
stitue pour  la  réception  du  tuyau  de  la  pipe  un  point  plus  commode  que  tout 
autre  et  que  le  fumeur  finit  par  adopter  invariablement.  11  en  résulte  que  le  tuyau 
toujours  un  peu  incliné  en  bas  appuie  sur  le  même  point  de  la  lèvre  et  la  soumet 
à  une  excitation  lente  et  continue.  La  lèvre  supérieure  affranchie  d'un  contact 
aussi  constant  en  obtient  une  immunité  relative. 

La  maladie  labiale  étant  duc  à  la  cause  que  nous  indiquons,  on  s'explique  sa 
rareté  chez  les  enfants  et  les  femmes.  Chez  eux,  le  cancer  des  lèvres  revêt  aussi 
bien  les  formes  graves  du  squirrhe  et  delencéphaloïde  que  celle  de  l'épithélionie. 
Mais  cette  préservation  n'est  pas  absolue,  et  on  peut  présumer  qu'elle  le  deviendra 
moins  si  l'-usage  du  tabac  à  fumer,  déjà  recherché  par  les  enfants  et  les  adolescents 
et  dans  cerf  aines  classes  de  femmes,  va  croissant.  La  France  paraît  être  surpassée 
par  l'Angleterre,  où,  d'après  le  docteur  Seymour,  les  enfants  concourent  pour 
une  part  très-importante  à  la  consommation  du  tabac.  L'anticipation  de  l'habi- 
tude qui  soumet  le  contour  buccal  à  une  irritation  continue  peut  faire  présumer 
un  accroissement  dans  la  proportion  ultérieure  de  l'épithéliome.  Les  sujets  des 
classes  inférieures  qui  fument  la  pipe  à  tube  court  et  du  tabac  de  mauvaise  qua- 
lité présentent  des  épithéhomes  labiaux  à  un  âge  moins  avancé  que  les  riches  et 
les  raffinés  qui  fument  les  cigares  délicats,  les  longues  pipes  et  qui  neutralisent 
du  reste  par  des  soins  hygiéniques  les  effets  locaux  de  la  combustion  du  tabac. 

Le  mode  de  consommation  de  cette  substance  est  loin,  en  effet,  d'être  indiffé- 
rent aux  résultats  morbides  locaux  qui  lui  sont  imputables.  L'expérience  apporte 
un  élément  à  cette  question.  Ce  n'est  pas  sans  raison  que  l'énergie  du  langage 
populaire  a  qualifié  du  nom  de  brûle-gueule  la  pipe  à  tube  court.  Non-seulement 
ce  tube  s'imprègne  de  la  matière  empyreumatique  qui  brunit  le  culot  des  vieilles 
pipes,  mais  il  s'échauffe  quelquefois  à  un  assez  haut  degré  pour  faire  subir  aux 
lèvres  une  élévation  locale  de  température,  une  sorte  de  brûlure  chronique  propre 
à  épaissir  la  couche  épilhéliale^  comme  le  contact  des  corps  échauffés  accroît  la 
sécrétion  épidermique  des  mains  chez  les  sujets  qui  exercent  certaines  professions. 
Les  pipes  dont  on  se  sert  dans  ces  conditions  ainsi  que  les  cigares  que  l'on  con- 
somme jusqu'au  bout  et  que  l'on  mâchonne  à  la  fin,  en  guise  de  chique  labiale, 
représentent  les  plus  mauvaises  conditions.  On  peut  remarquer  le  contraste  des 
habitudes  entre  les  Orientaux  qui  fument  le  narghilé  et  celle  de  nos  fumeurs  de 
pipe  dont  ie  culot  touche,  pour  ainsi  dire,  la  bouche.  Dans  le  mode  adopté  par  les 
premiers,  la  fumée  partant  du  fourneau  où  brûle  leur  tabac,  arrive  refroidie  par 
un  long  tuyau  qui  traverse  parfois  une  couche  d'eau  parfumée,  tandis  que  dans 


480  LÈVRES  (pathologie). 

le  mode  dont  nous  sommes  témoins,  la  fumée  arrive  dans  la  bouche  à  son  maxi- 
mum de  température,  entraînant  les  principes  accumulés  au  fond  du  culot.  Les 
analyses  de  M.  Meljens  y  ont  signalé  une  forte  proportion  de  nicotine.  M.  Gerhardt 
{Chimie  organique,  t.  IV,  p.  186)  ayant,  de  son  côté,  analysé  le  liquide  brunâtre 
qui  s'accumule  au  fond  des  pipes,  y  a  trouvé  un  liquide  brunâtre  d'une  saveur 
très-âcre,  d'odeur  empyreumatique,  très-vénéneux  et  assez  chargé  de  nicotine 
pour  que  quelques  gouttes  versées  dans  le  bec  d'un  oiseau  le  fi'appent  d'une 
mort  instantanée.  Aussi  le  cancer  des  fumeurs  n'attaque  pas  exclusivement  la 
lèvre  où  repose  le  tuyau  de  la  pipe,  il  peut  se  manifester  dans  tous  les  points  de 
la  cavité  buccale,  et  il  affecte  principalement  les  parties  sur  lesquelles  se  porte 
plus  directement  le  premier  jet  de  fumée  que  l'aspiration  fait  sortir  du  tuyau, 
c'est-à-dire  la  langue  et  les  joues.  Si  l'on  associe  à  cette  cause  locale  très-accen- 
tuée, l'irritation  que  la  déviation  des  dents  occasionnée  par  la  pression  môme  de 
la  pipe  peut  ajouter  à  réchauffement  du  tuyau,  comme  l'a  indiqué  Rigal,  et  les 
excoriations  que  le  placement  réitéré  de  la  pipe  dans  la  bouche  peut  occasionner 
sur  la  lèvre,  comme  l'a  indiqué  M.  Philippart,  on  se  convaincra  que  l'action  dont 
nous  venons  d'analyser  les  effets  doit  être  très-influente.  Toutefois,  il  ne  suffirait 
pas  d'établir  sa  place  en  étiologie,  si  l'observation  n'indiquait  sa  réalité  dans  la 
pratique. 

11  y  a  dix  ans,  nous  avons  publié  un  relevé  de  72  cas  de  cancer  labial  oîi  un 
examen  attentif  des  circonstances  qui  avaient  pu  favoriser  la  maladie  ne  laissait 
aucun  doute  sur  la  réalité  de  1  influence  de  l'habitude  de  fumer.  Le  plus  grand 
nombre  de  ces  faits  avait  été  observé  à  la  clinique  de  l'hôpital  Saint-Eloi.  Depuis 
lors,  notre  expérience  sur  ce  point  a  pu  se  baser  sur  des  faits  bien  plus  nom- 
breux, accumulés,  pour  ainsi  dire,  sous  nos  yeux,  par  la  notoriété  des  pre- 
miers.  Le  nombre  actuel  des  affections  de  ce  genre  que  j'ai  observées  et  dont  la 
plupart  ont  exigé  des  opérations  chirurgicales  s'élève  à  225,  en  sorte  qu'il  ne 
saurait  nous  rester  aucun  doute  ni  sur  la  fréquence  du  cancer  buccal  chez  les 
fumeurs,  ni  sur  la  réalité  de  la  cause  qui  provoque  chez  eux  une  aussi  grave 
affection. 

A  cette  cause  locale,  nous  n'hésitons  pas  à  associer  une  disposition  générale, 
un  état  dyscrasique  qui  est  aussi  une  condition  de  la  maladie.  Nous  avons  sou- 
vent entendu  faire,  à  titre  d'objection,  la  remarque  que  beaucoup  de  fumeurs  ne 
présentent  absolument  aucune  lésion,  malgré  l'intensité  et  la  durée  de  leur  habi- 
tude, et  que,  d'ailleurs,  le  nombre  des  fumeurs  est  si  grand  par  rapport  au  petit 
nombre  des  cas  morbides  qui  se  présentent  dans  la  pratique,  qu'il  n'y  avait  pas 
lieu  de  tenir  compte  de  l'influence  de  l'usage  du  tabac  sur  la  production  du 
cancer  buccal.  Nous  ferons  remarquer  qu'il  en  est  ainsi  pour  une  foule  de  faits 
pathologiques  attribuables  à  une  cause  générale  qui,  agissant  sur  un  très-grand 
nombre  de  sujets,  ne  réalise  son  action  que  sur  très-peu  d'entre  eux.  Eu  patho- 
logie, les  causes  étant  multiples,  si  l'on  ne  tient  compte  que  d'un  seul  facteur, 
on  n'a  pas  le  produit.  Mais  si  on  tient  compte  de  tous  les  éléments  producteurs, 
on  rentre  dans  la  vérité  et  on  peut  attribuer  à  chacun  la  part  respective  qui  lui  re- 
vient. Dans  le  cas  que  nous  examinons,  il  ne  s'agit  que  d'une  cause  déterminante 
qui  reste  inerte  si  elle  est  seule,  mais  elle  devient  très-puissante  si  elle  coexiste 
avec  une  cause  générale  prédisposante  qu'elle  excite  et  qu'elle  rend  active.  Tel 
sujet  chez  lequel  la  disposition  morbide  au  cancer  fût  restée  latente,  s'il  n'eût  pas 
soumis  un  organe  à  un  contact  irritant  habituel,  est  après  un  certain  temps 
affecté  d'un  cancer  aux  lèvres,  si  ces  parties  subissent  l'excitation  qu'y  concentre 


LÈVRES  (pathologie).  487 

riiabitude  de  fumer.  L'elfet  qui  se  produit  dans  ce  cas  trouve  ses  analogues  dans 
beaucoup  d'autres  circonstances  et  pour  d'autres  parties  du  corps  où  l'on  voit 
spécialement  l'épithéliome  succéder  à  des  irritations  locales  réitérées.  Le  cancer 
des  ramoneurs,  très-commun  du  temps  de  Pott,  qui  l'a  décrit,  et  qui  était  attribué 
par  ce  chirurgien  à  l'irritation  produite  [)ar  la  suie  provenant  de  la  combustion 
de  la  houille  et  accumulée  dans  les  plis  du  scrotum,  représente  un  cas  patholo- 
gique du  même  ordre.  La  pratique  en  signale  beaucoup  d'autres.  Les  cas  cités 
par  Marjolin,  de  l'envahissement  des  cautères  anciens  par  le  cancer,  rentrent 
encore  dans  la  même  catégorie,  et  les  exemples  de  cancroïdes,  qui  se  développent 
sur  les  surfaces  eczémateuses  souvent  irritées  parles  ongles  des  malades,  viennent 
encore  à  l'apimi  de  cette  interprétation. 

Caractères.  L'épithéliome  labial  atteignant  dans  une  proportion  très-prédo- 
minante la  lèvre  inférieure,  notre  description  s'y  rapportera  principalement. 
Cette  lésion  peut  se  manifester  sous  plusieurs  formes. 

1°  Il  est  assez  commun  d'observer  la  maladie  bornée  à  un  épaississement  épi- 
thélial  qui  correspond  au  point  d'appui  de  la  pipe  ou  du  cigare  ou  à  l'action 
localisée  de  toute  autre  cause  efficiente.  L'excès  de  production  épithéliale  peut 
toutefois  être  réparti  sur  une  grande  étendue  du  rel)ord  de  la  lèvj-e,  ((ui  perd 
alors  son  aspect  naturel  et  prend  une  coloration  blanchâtre  caractéristique.  Limité 
à  ce  degré,  l'épithéliome  n'est  que  l'exagération  de  l'état  normal  et  marque, 
pour  ainsi  dire,  la  transition  entre  cet  état  et  la  production  épidermique  patho- 
logique. Sous  cette  forme  diffuse  et  superficielle,  il  reste  souvent  stationiiaire. 
Cette  variété  est  évidemment  la  plus  bénigne  et  n'aboutit  pas  nécessairement  à 
l'ulcération. 

2°  Une  autre  forme  qui  présente  aussi  une  bénignité  relative  consiste  dans 
l'épithélioma  corné.  Il  se  produit  sur  le  bord  labial  une  véritable  excroissance 
dure  et  résistante  comme  la  corne  et  qui  peut  acquérir  des  dimensions  variables. 
On  sait  que  des  productions  cornées  de  cette  nature  jieuvent  se  manifester  sur 
différents  points  du  corps,  ce  qui  a  donné  lieu  à  des  descriptions  singulières 
recuedlies  par  Pagenstescher  {de  Cornibiis  et  cornutis)  ;  mais  parmi  celles  qui 
naissent  sur  des  muqueuses  ou  à  leur  voisinage,  les  cornes  des  lèvres  sont  les 
plus  remarquables,  j'en  ai  observé  une  de  forme  cylindrique  et  recourbée  en 
manière  d'ergot  sur  un  sujet  âgé  de  38  ans.  Elle  avait  un  centimètre  d'épaisseur 
à  sa  base  et  une  longueur  de  5  centimètres.  J'en  pratiquai  l'ablation  avec 
succès.  Les  produits  cornés  labiaux  semblent  parfois  n'être  que  l'envuloppe  des  pa- 
pilles hypertrophiées  analogues  à  celles  qui  bordent  le  pourtour  des  ulcères 
connus  sous  le  nom  de  mal  perforant.  Ces  lésions,  nommées  aussi  papillomes 
cornés  et  bien  décrites  par  MM.  Cornil  et  Ranvier,  qui  leur  assimilent  les  cors, 
les  verrues  et  d'autres  productions  du  même  genre,  sont  loin  d'être  rares  à  la 
lèvre.  Tantôt  elles  déterrniuent  une  ulcération  autour  du  point  où  elles  sont  im- 
plantées, d'autres  fois  elles  cernent  une  ulcûration  vers  laquelle  semblent  dirigées 
■des  aiguilles  cornées  convergentes.  L'analyse  anatomique  réduit  ces  formations  à 
une  condensation  de  cellules  épithéliales  qui  s'accroissent  par  juxtaposition,  se 
dessèchent  et  s'indurent  tout  en  conservant  une  adhérence  très-prononcée.  Les 
produits  cornés  ne  participent  pas  à  la  vie  commune  et  existent  au  même  titre 
que  les  ongles  et  les  cheveux.  Si  on  les  incise,  la  surface  de  section  présente  l'as- 
pect réel  de  la  corne,  et  si  on  en  fait  brûler  une  partie,  comme  nous  l'avons 
expérimenté,  elles  répandent  l'odeur  caractéristique  de  corne  brûlée.  Contenues 
par  leur  pomt  d'implantation  avec  la  couche  épidermique  naturelle,  les  mouve- 


488  LÈVRES   (pathologie). 

ments  ou  les  tractions  qu'on  leur  imprime  occasionnent  de  la  douleur  à  la  lèvre. 
Leurs  rapports  avec  les  productions  épithéliales  ordinaires  ne  sauraient  être  mé- 
connus. L'état  corné  représente  un  détail  particulier  et  pour  ainsi  dire  accidentel 
de  tassement  de  la  substance  épidermiquc.  Mais  on  les  voit  se  former  dans  les 
mêmes  circonstances,  et  à  leur  début  elles  ressemblent  au\  excroissances  ordi- 
naires dont  elles  ne  se  distinguent  que  par  un  peu  jilus  de  densité.  Sur  l'un  de 
nos  opérés,  il  existait  simultanément  mi  épitliéliome  diffus  de  la  lèvre,  des  ex- 
croissances verruqueuses,  dont  quelques-unes,  passées  à  l'élat  d'ulcération,  indi- 
quaient le  cancroïde,  et  une  tumeur  cornée  placée  près  de  la  commissure  com- 
plétait l'ensemble  de  la  lésion  évidemment  produite  par  la  même  cause. 

5"  La  forme  la  plus  ordinaire  du  cancer  labial  des  fumeurs  est  caractérisée  à 
son  début  par  une  excroissance  verruqueuse  ou  par  une  fissure  dont  les  bords 
sont  plus  ou  moins  indurés.  Dans  le  premier  cas,  une  saillie  anormale  plus  ou 
moins  résistante  se  manifeste  sur  un  point  limité  de  la  lèvre  inférieure  et  spéciale- 
ment sur  celui  qui  sert  d'appui  à  la  pipe  ou  au  cigare;  le  fumeur  néglige  cette 
excroissance  ou  l'attribue  à  une  autre  cause  et  donne  cours  à  ses  habitudes  avec 
d'autant  moins  de  défiance  qu'aucune  douleur  ne  l'avertit  delà  nature  du  mal  qui 
fait  sa  première  apparition.  Dans  le  second  cas,  c'est  une  gerçure  du  rebord  labial 
prise  poiir  une  crevasse  épidermiquc  ordinaire  qui  marque  le  début  du  cancroide. 
Loin  de  se  cicatriser,  cette  gerçure,  entretenue  par  une  cause  habituelle  d'irri- 
tation, s'agrandit  ou  creuse  le  tissu  de  la  lè\i"e,  et  cette  apparence  est  d'autant 
plus  marquée  que  ses  bords  se  relèvent  et  s'Iiypertrophient  en  revêtant  une  appa- 
rence grisâtre. 

Cette  période  initiale  de  la  maladie  fait  bientôt  place  à  un  état  plus  caractérisé. 
La  production  morbide  dépasse  alors  sensiblement  le  niveau  de  la  lèvre.  La  base 
ou  la  circonférence  en  est  dure  et  un  peu  dovUoureuse,  la  surface  est  d'un  aspect 
particulier,  elle  paraît  rugueuse  et  chagrinée  ;  des  papilles  mamelonnées  ou  co- 
niques hérissent  la  partie  saillante  de  la  tumeur  et  s'y  dessinent  avec  des  appa- 
rences diverses.  L'aspect  et  le  contact  des  papilles  hérissées  delà  langue  peuvent 
jusqu'à  un  certain  point  en  donner  l'idée,  et  cette  assimilation  est  d'autant  plus 
acce|itable,  qu'il  s'agit  en  effet  d'une  organisation  analogue.  Les  sailhes  du  corps 
papillaire  de  la  muqueuse  labiale  subissent  une  hypertrophie  qui  leur  donne  iso- 
lément du  relief.  L'examen  à  la  loupe  fait  encore  mieux  reconnaître  la  gaine  épithé- 
lialequi  enveloppe  chaque  papille  et  qui  en  lui  communiquant  plus  de  résistance, 
lui  imprime  aussi  une  forme  plus  accentuée.  Bon  nombre  de  malades  offrent  les 
caractères  que  nous  venons  d'énoncer  au  plus  haut  degré  et  avec  des  variétés  par- 
ticuhères  qui  ont  pu  fixer  l'attention  des  observateurs.  M.  Eckel  a  décrit  trois 
formes  de  tumeurs  épithéliales  des  lèvres  qu'il  désigne  sous  les  noms  de  tumeurs 
en  treillages,  en  pavés  ou  en  dards.  Mais  ce  sont  là  des  circonstances  de  configu- 
ration extérieure  qui  ne  peuvent  servir  de  base  à  une  classification  utile  et  qui 
d'ailleurs  manquent  quelquefois  complètement,  car  il  est  des  caocroïdes  de  la 
lèvre  sur  lesquels  la  couche  papillaire  et  épithéliale  disparaît  dès  le  début  et  qui 
se  montrent  avec  le  caractère  primitivement  ulcéreux. 

La  surface  de  ces  ulcérations  saillantes  est  tantôt  un  peu  saignante,  tantôt 
recouverte  de  croûtes  plus  ou  moins  épaisses  et  irrégulières  qui  ont  [lour  éléments 
du  pus  épaissi,  de  l'épiderme,  des  matières  grasses  ou  sébacées,  du  sérum  ou  du 
sang  desséchés.  M.  Lebert,  les  examinant  sur  le  porte-objet  du  microscope,  dit  y 
avoir  rencontré  parfois  des  infusoires  de  la  tribu  des  Vibrions.  Les  croûtes  sont 
phis  ou  moins  adhérentes,  et  semblent,  dans  certams  cas,  constituer  toute  la  tu- 


LÈVRES  (pATHOLor.iE).  -iSG 

meur.  Les  malades  les  tiraillent,  les  sollicitent  de  diverses  façons  ou  les  arrachent 
dans  le  but  de  diminuer  la  saillie  de  la  tumeur  et  de  simplifier  celle-ci;  mais  cette 
manœuvre  n'est  ([u'une  nouvelle  cause  d'irritation  et  n'aboutit  qu'à  l'accroisse- 
ment de  répilhéliome  qui  s'agrandit  dans  tous  les  sens  et  gagne  les  tissus 
voisins. 

La  tumeur  prend  alors  les  caractères  vraiment  propres  au  cancroïde,  elle 
acquiert  vui  volume  et  des  dimensions  très-marqués;  la  muqueuse  labiale  d'abord 
soulevée  s'ulcère  et  le  mal  s'étend  du  côté  de  la  cavité  buccale.  La  face  cutanée  n'est 
pas  plus  respectée  ;  l'épiderme  se  fendille,  éclate,  laisse  le  tissu  propre  du  cancroïde 
se  dessiner  au  dehors  et  celui-ci  surplomber  en  avant  de  la  lèvre  où  il  s'étale  en 
excroissance  mùriforme.  La  lésion  gagne  ainsi  de  proche  en  proche  tonte  retendue  de 
la  lèvre  et  la  commissure  la  plus  voisine,  et  peut  ainsi  menacer  le  coiiLour  buccal  ou 
se  propager  plus  spécialement  dans  le  sens  de  l'une  des  deux  joues.  11  n'est  pas 
rare  de  voir  la  face  interne  de  celle-ci  ou  l'un  des  côtés  de  la  langue  offrir  sinnil- 
tanément  un  noyau  distinct  d'ulcère  cancroïde.  Pendant  cette  période  de  progrès 
le  mal  envahit  la  lèvre  inférieure  dans  le  sens  de  sa  hauteur.  Si  on  palpe  cette 
partie,  on  la  trouve  indurée  ;  l'induration  est  tantôt  circonscrite,  tantôt  diffuse. 
Elle  est  uniforme  ou  lobulée  et,  suivant  son  étendue,  elle  gêne  plus  ou  moins 
les  fonctions  de  la  partie  pour  l'exercice  de  la  parole,  pour  la  préhension  buccale 
des  aliments  et  des  boissons  et  pour  retenir  la  salive.  Si  la  maladie  est  un  peu 
avancée,  la  lèvre  ne  peut  empêcher  ce  liquide  de  s'écouler,  et  comme  sa  sécrétion 
est  plus  abondante  à  cause  de  l'irritation  que  la  muqueuse  buccale  éprouve  et 
que  le  cancer  entretient,  la  salive  s'échappe  constamment  et  irrite  la  surface 
cutanée  de  la  région  mentonnière.  Nous  tivons  vu  des  malades  que  cette  dégoû- 
tante disposition  n'empêchait  pas  de  fumer,  et  qui  accroissaient  encore  l'excès  de 
sécrétion  et  de  déperdition  salivaires  par  l'excitation  que  produit  faction  locale 
du  tabac. 

Lorsqu'on  examine  sous  le  rapport  anatomique  un  épithéliome  au  moment  où 
le  tissu  labial  commence  à  être  envahi,  et  qu'on  pratique  une  incision  verticale 
destinée  à  i'aire  apprécier  les  rapports  de  la  production  morbide  avec  les  éléments 
naturels  de  la  lèvre,  on  remarque  que  la  base  de  l'épithéliome  s'enfonce  inégalement 
dans  les  parties  qui  sont  plus  épaisses  et  plus  vascularisées;  les  glandes  sébacées  de  la 
région  sont  hypertrophiées  aussi  bien  que  les  glaudules  sous-muqueuses.  En  soumet- 
tant la  tumeur  à  la  pression  et  en  lui  faisant  subir  une  sorte  d'écrasement,  on  obtient 
une  matière  grisâtre  qui  n'a,  avec  la  matière  squirrheuse  ou  encéphaloïde,  qu'une 
fausse  ressemblance  de  couleur  et  qui,  par  sa  consistance,  a  été  comparée  au 
mastic  des  vitriers.  Elle  revêt  plus  exactement  l'apparence  de  la  matière  épider- 
mique  de  certaines  parties  du  corps,  lorsqu'elle  a  été  ramollie  par  une  longue 
immersion  dans  l'eau,  et  qu'elle  se  détache  par  fragments  caséilbrmes  faciles  à 
écraser. 

La  matière  composante  de  ces  tumeurs  n'est,  en  effet,  qu'une  substance  vérita- 
blement épidermique  ou  épithéliale,  ainsi  que  le  démontre  l'examen  microsco- 
pique. On  reconnaît  par  cet  examen  divers  éléments  parmi  lesquels  prédominent 
les  cellules  dites  épithéliales,  volumineuses,  atteignant  de  1  à  o  dixièmes  de  mil- 
hmètre  avec  un  ou  plusieurs  noyaux,  tantôt  d'une  forme  assez  régulière,  d'autres 
fois  déformées.  Ces  cellules  dont  la  description  détaillée  ne  saurait  actuellement 
Jious  occuper  et  qui,  d'ailleurs,  n'ont  rien  de  caractéristique  par  rapport  à  l'épi- 
théliome des  fumeurs,  sont  parfois  agminées  de  manière  à  former  des  corpuscules 
assez  volumineux  pour  être  apercevahles  sans  le  secours  du  microscope  et  dési- 


490  LÈVRES  |(pathologie). 

gnés  sous  le  nom  de  globes  épidermiqiies.  Ce  sont  des  corps  splicroïdaux,  cylin- 
driques ou  en  polyèdre  et  dont  la  partie  centrale  amorphe  ou  granuleuse  est  en- 
tourée de  cellules  pavimenteuses  imbriquées  cenime  les  écailles  d'un  bulbe  ou 
même  soudées  ;  plusieurs  globes  épidermiques  réunis  représentent  quelquefois  des 
granulations  blanchâtres  très-évidentes. 

Les  fumeurs  atteints  de  l'épithéliome  parvenu  à  ce  degré  s'aperçoivent  alors  du 
caractère  suspect  de  la  maladie  qui  les  affecte.  L'ulcération  s'empare  de  la  tumeur 
et  la  détruit  inégalement  pendant  qu'une  formation  nouvelle  la  propage  dans  un 
autre  sens.  La  matière  épidermique  infdlre  alors  les  tissus  voisins  qu'elle  détruit 
par  substitution.  Le  tissu  musculaire  de  la  lèvre,  le  tissu  muqueux  jusqu'au 
rebord  gingival,  la  peau  dans  une  étendue  plus  ou  moins  grande,  sont  le  siège 
principal  de  ce  progrès,  mais  cet  envahissement  par  substitution  connaît  peu 
d'obstacles  si  la  maladie  est  abandonnée  à  elle-même.  L'os  maxillaire  inférieur 
n'échappe  pas  à  la  destruction  et  si  la  maladie  atteint  la  langue,  les  joues  ou  le  voile 
du  palais,  des  ulcérations  affreuses  et  incessamment  augmentées,  signalent  les 
progrès  du  mal. 

Le  cancroïde  de  la  lèvre  inférieure  n'atteint  pas  des  proportions  aussi  mena- 
çantes sans  mettre  en  évidence  tous  ses  caractères.  Mais  lors  même  qu'il  est  borné 
à  la  lèvre  qui  est  son  siège  de  prcddection,  il  est  en  général  facile  à  diagnostiquer. 
Son  mode  de  développement,  la  considération  de  la  cause  qui  lui  a  donné  nais- 
sance, la  forme  initiale,  les  démangeaisons  auxquelles  il  donne  lieu  d'abord  et  aux- 
quelles succèdent  des  sensations  plus  pénibles,  celles  d'élancements  douloureux, 
la  dureté  inégale  de  la  tumeur  qu'il  représente,  l'aspect  de  l'ulcération  siiffisent 
pour  dévoiler  la  nature  du  mal  au  chirurgien  exercé.  Toutefois,  il  est  des  cas  dou- 
teux où  une  observation  attentive  est  d'autant  plus  nécessaire  qu'il  en  découle  une 
conséquence  thérapeutique  heureuse  ou  préjudiciable  pour  le  malade.  Il  n'est  pas 
inutile  de  rappeler  que  les  ulcères  des  lèvres  ou  les  tumeurs  qui  les  accompa- 
gnent peuvent  revêtir  la  nature  cancéreuse,  syphilitique,  scrofuleuse  ou  dartreuse. 
Le  cancer  vrai,  ou  hétéroplastique,  sera  différencié  du  cancroïde  par  son  siège 
indifféremment  établi  sur  tous  les  points  du  contour  de  l'ouverture  buccale,  par 
îioii  développement  moins  superficiel,  par  ses  progrès  plus  rapides,  ses  variétés 
d'aspect  squirrheux  ou  encéphaloïde  et  surtout  par  l'examen  microscopique,  dia- 
gnostique, consistant  à  déterminer  la  forme  des  éléments  constituants  du  tissu 
morbide.  Les  ulcères  syphilitiques  et  les  tumeurs  nuisculaires  syphilitiques  des 
lèvres  pourraient  donner  lieu  à  des  méprises  regrettables,  et  conduire  mal  à  pro-' 
pos  à  l'exécution  d'opérations  inutiles,  si  on  ne  prenait  en  considération  les  anté- 
cédents morbides,  les  coexistences  pathologiques  qui  manifestent  la  syphilis, 
l'aspect  de  l'ulcère,  les  douleurs  nocturnes  et  gravatives  des  tumeurs  labiales  por- 
tant le  caractère  syphilitique.  Les  tumeurs  scrofuleuses  siègent  de  préférence  à  la 
lèvre  supérieure  qui  est  engorgée  et  œdémateuse  et  qui  présente,  surtout  à  la  face 
muqueuse,  des  ulcères  d'uu  aspect  atonique  bien  différent  de  celui  du  cancroïde. 
Enfin,  un  praticien  distinguera  toujours  aussi  la  manifestation  de  la  diathèse  her- 
pétique, comme  sous  le  nom  de  lupus,  à  l'aspect  de  l'ulcération  serpiginense,  aux 
traces  d'une  ancienne  cicatrisation  spontanée  dans  le  voisinage  de  la  maladie 
actuelle,  aux  tubercules  ulcérés,  isolés  ou  agminés  qui  forment  cette  maladie,  et  aux 
plaques  crustacées  qui  revêlent  les  xdcérations.  L'excision  exploratrice  et  la  vérifica- 
tion microscopique  resteront  toujours,  pour  le  chirurgien,  comme  une  l'essource, 
précieuse,  et  dans  les  cas  douteux  la  temporisation  et  l'épreuve  thérapeutique  pour- 
ront asseoir  le  diagnostic  sur  des  bases  positives.  Dans  un  cas  un  peu  obscur,  à 


LÈVRES  (pathologie).  ^91 

ses  débuts,  et  considéré  comme  un  cancer  labial  par  plusieurs  chirurgiens  qui 
.  avaient  examiné  l'un  de  nos  malades,  nous  avons  administré,  à  titre  d'essai,  des 
remèdes  autisypliilitiques,  qui  ont  eu  le  double  u\  anlage  d'éclairer  assez  prompte- 
ment  le  diagnostic  et  de  transformer  cet  essai  en  traitement  rationnel  bientôt 
suivi  de  guérison. 

L'épitbéliome  consécutif  à  l'iiabitude  de  fnmer  ne  doit  pas  à  cette  origine  locale 
une  limitation  absolue  aux  parties  oîx  il  se  dévtlop[)e.  S'il  se  généralise  plus  rare- 
ment que  le  vrai  cancer,  on  ne  doit  pas  oublier  qu'il  relève  lui-même  d'une  cause 
diathésique  qui  a  été  mise  en  jeu  par  une  excitation  incessamment  [lortée  sur  le 
même  point,  et  qu'en  conséquence  il  offre  les  dangers  inhérents  au  concours 
simultané  d'une  cause  interne  et  d'une  cause  locale.  Ces  dangers  consistent  dans 
la  diffusion  des  produits  morbides  qui  constituent  la  lésion  au  delà  des  points 
primitivement  atteints.  Hàtons-nous  de  dire  que  d'après  notre  statistique  aussi 
bien  que  d'après  l'observation  commune,  l'épitbéliome  se  propage  facilement  aux 
ganglions  lymphatiques  \oisins  et  renouvelle  dans  ces  foyers  des  lésions  compara- 
bles, par  leur  nature  et  par  leurs  résultats,  à  la  lésion  primitive.  Ici  se  reproduit 
naturellement  la  question  clinique  si  débattue  de  nos  jours,  des  différences  du  can- 
croïde  et  du  cancer  au  point  de  vue  de  la  locahsation.  On  avait  d'abord  pensé  que 
le  cancroide  ou  épithéliome  ulcéré  ne  s'accroissait  que  de  proche  en  procbe  en 
gagnant  les  tissus  voisins  et  les  détruisant  par  substitution,  tandis  que  le  cancer 
hétéromorphe  (squirrhe  ou  encéphalo'ide)  pouvait  se  montrer  et  se  montrait  en 
effet  très-souvent  sur  des  points  éloignés  et  sans  liaison  directe  avec  le  siège  pri- 
mitif de  la  maladie.  Cette  distinction  radicale,  que  la  pratique  eût  été  heureuse 
d'enregistrer  comme  preuve  de  la  curabilité  du  cancroide,  a  reçu  une  première 
atteinte  par  la  démonstration  de  la  propagation  de  la  matière  épitbéliale  depuis  le 
lieu  de  formation  initial  jusqu'aux  ganglions  voisins.  De  nouveaux  faits  recueillis 
par  MM.  Virchow,  Velpeau,  OUier  tendent  à  établir  que  l'épithéliome  peut  se  repro- 
duire ou  récidiver  sur  des  points  éloignés  et  sans  aucune  liaison  avec  son  lieu 
primitif  d'apparition.  Ces  vérités  étant  acquises  et  permettant  de  conclure  que, 
malgré  la  présence  d'un  élément  homœomorplie,  l'épithéliome  se  comporte  comme 
les  tumeurs  cancéreuses  à  éléments  hétéromorphes,  reconnaissons  que  les  progrès 
de  l'épithéliome  sont  généralement  limités  au  voisinage  des  tissus  primitivement 
affectés,  et  que  cette  maladie  ne  dépasse  guère  le  champ  lymphatique  de  la 
lésion. 

Mais  ce  dernier  mode  de  terminaison  est  extrêmement  fréquent  pour  les  cancers 
épithéhaux  des  lèvres.  Nous  l'avons  observé  pour  tous  les  cas  où  l'intervention  tar- 
dive de  l'action  chirurgicale  avait  permis  à  la  lésion  de  s'étendre.  Tous  les  fumeurs 
que  nous  avons  vu  périr  des  suites  du  cancroide  labial  ou  de  la  même  lésion 
développée  dans  les  parties  intrabuccales  étaient  affectés  d'engorgement  des 
ganglions  lymphatiques  sous-maxillaires.  Cette  participation  morbide  des  ganglions 
lymphatiques  se  produit  avec  une  rapidité  variable.  Chez  certains  sujets,  la  pro- 
pagation cancroide  marche  Irès-promptement,  chez  d'autres,  elle  est  un  résultat 
tardif.  Le  développement  de  l'affection  dans  les  ganglions  est  quelquefois  insidieux 
et  il  est  toujours  utile,  quand  on  doit  opérer  un  de  ces  cancroïdes,  d'examiner 
très-atlentivement  la  région  sous-maxillaire,  soit  dans  la  partie  moyenne,  soit 
surtout  sur  les  côtés,  pour  découvrir  des  ganglions  quelquefois  très-petits  qui 
sont  masqués  par  les  glandes  sous-maxillaires  ou  cachés  à  la  face  interne  de  l'os. 
On  remarque  que  les  gangUons  affectés  sont  tantôt  mobiles  et  exempts  de  toute 
connexion  avec  les  parties  environnantes,  tandis  que  d'autres  fois  le  tissu  cellu- 


492  LÈVRES   (pathologie). 

laire  qui  les  entoure  a  pei'du  sa  laxité,  est  comme  infiltré  de  la  matière  plastique 
où  doivent  se  développer  les  cellules  épithéliales  et  représente  des  engorge- 
ments, diffus,  massifs  et  adhérents,  dont  on  ne  peut  tracer  les  limites  et  qui  par 
le  fait  de  cette  disposition  font  pressentir  une  plus  haute  gravité  eu  égard  à  la 
mai'che  ultérieure  des  symptômes.  L'ulcération  ne  tarde  pas,  en  effet,  à  s'emparer 
de  ces  tumeurs  sous-maxillaires  dures  et  saillantes,  oîi  l'analyse  microscopique 
démontre  les  mêmes  éléments  que  dans  l'épithéliome  labial.  Leurs  progrès  tantôt 
se  dessinent  du  côté  de  la  bouche  et  de  la  muqueuse,  gênent  la  langue  et  la  mâ- 
choire dans  leiws  mouvements,  tantôt  du  côté  de  la  peau  qu'elles  soulèvent  dou- 
loureusement après  avoir  altéré  sa  consistance  et  sa  couleur.  Une  abondante 
excrétion  de  matières  ichoreuses,  et  des  hémorrhagies  qui  se  renouvellent  avec 
une  fréquence  et  une  intensité  variables  affaiblissent  peu  à  peu  les  malades,  dont 
la  lièvre  hectique  achève  de  miner  la  constitution  et  qui  périssent  misérablement. 
Quelquefois  la  gène  de  la  déglutition  ou  de  la  respiration  s'ajoute  aux  causes  de 
gravité  inhérentes  à  la  marche  naturelle  de  la  maladie. 

Si  le  cancer  des  fumeurs  revêt  d'une  manière  prédominante  la  forme  de  l'épi- 
théliome, il  ne  s'ensuit  point  que  le  cancer  hétéromorphe  ou  vrai  cancer  ne  puisse 
être  provoqué  par  la  même  influence.  Une  observation  attentive  nous  permet 
d'affirmer  que  le  squirrhe  ou  l'encéphaloïde  peuvent  aussi  être  sollicités  dans 
leur  manifestation  vers  la  bouche  par  l'irritation  que  le  tabac  à  fumer  occasionne. 
Si  l'on  objecte  que  dans  ces  cas  la  maladie  pouvant  se  développer  spontanément 
et  sans  cause  provocatrice,  rien  ne  démontre  que  la  cause  locale  incriminée  soit 
réellement  intervenue,  nous  répondrons  par  cet  axiome  de  pathologie  générale 
d'après  lequel  une  dialhèse  latente  demande,  pour  se  montrer,  une  cause  occa- 
sionnelle. Véritable  tendance  à  l'évolution  morbide,  la  prédisposition  est  une 
sorte  de  germe  attendant  les  conditions  de  sa  vie  spécifique.  Cette  condition,  mé- 
connue dans  beaucoup  de  cas  où,  par  ignorance  delà  cause,  on  admet  la  spon- 
tanéité, se  retrouve  chez  les  fumeurs  imprégnés  du  germe  cancéreux .  La  maladie 
se  déclare  parce  qu'elle  reçoit  son  principe  d'activité  dans  une  région  oii  l'énergie 
nutritive,  la  richesse  vasculaire  et  d'autres  dispositions  locales  favorisent  d'ail- 
leurs le  développement  du  cancer.  Dans  ces  cas,  la  marche  de  la  maladie  est  plus 
rapide  et  plus  grave  que  dans  l'épithéliome,  et  le  danger  de  l'apparition  des 
produits  morbides  de  même  nature,  par  coexistence  ou  par  récidive,  dans  d'autres 
points  étant  plus  grand  que  dans  le  premier  cas,  il  en  résulte  un  surcroît  d'ag- 
gravation qui  en  tait  la  pire  espèce  de  cancer  buccal  considéré  chez  les  fumeurs. 

Traitement.  Les  détails  dans  lesquels  nous  sommes  entrés  sur  l'étiologie  du 
cancer  labial  et  spécialement  de  sa  forme  épithéliale,  permettent  de  faire  une 
place  à  la  prophylaxie  de  cette  lésion.  11  est  évident  que  la  suppression  ou  la  mo- 
dération dans  l'habitude  de  fumer  restreindraient  notablement  le  nombre  des 
lésions  carfcéi-euses  des  lèvres.  Mais  l'hygiéniste  a  peu  de  chances  d'être  écouté 
en-présence  d'une  mode  générale  passée  à  l'état  de  besoin.  La  médecine  opéra- 
toire doit  remédier  à  un  mal  dont  les  porteurs  méprisent  la  prophylaxie,  et  que 
les  remèdes  internes  seuls  ne  peuvent  guérir  quand  il  est  établi.  Ce  serait  en  effet 
perdre  son  temps  que  d'administrer,  à  l'adresse  d'un  cancer  constaté,  l'iodure 
de  potassium,  les  préparations  aurifères,  hydrargyriques  ou  autres,  dont  l'emploi 
ne  saurait  se  justifier  que  si  la  nature  du  mal  offrait  quelques  doutes  et  qu'on 
voulût  éclairer  le  diagnostic  par  une  épreuve  thérapeutique. 

Le  cancer  des  lèvres  n'est  justiciable  que  du  chirurgien  ;  on  dot  le  détruire. 
La  destruction  par  la  cautérisation  ou  l'instrument  tranchant  peut  convenir  sui- 


LEVRES   (pathologie).  -493 

vaut  les  cas;  mais  le  bistouri  est  infiniment  préft'rable  aux  caustiques.  Les  can- 
croïdes  cutanés  éloignés  des  ouvertures  naturelles  sont  facilement  et  avantageuse- 
ment attaqués  par  la  pâte  arsenicale  ou  par  celle  do  chlorure  de  zinc;  mais  le 
maniement  de  ces  substances  caustiques  n'est  ni  aussi  facile  ni  aussi  sîir  lorsqu'il 
s'agit  du  cancer  placé  à  l'ouverture  de  la  bouche,  et  à  plus  forte  raison  s'il  em- 
piète dans  cette  cavité.  Les  caustiques  plus  faibles  et  d'une  action  plus  rapide  et 
plus  superficielle,  tels  que  le  nitrate  d'argent,  le  sulfate  de  cuivre,  le  nitrate  acide 
hydrargyrique,  sont  formellement  contre-indiqués,  et  eutre  des  mains  inexpéri- 
mentées, ils  ont  même  l'inconvénient  d'ajouter  à  l'i'pithéliome  ulcéré  une  nou- 
velle cause  d'irritation  qui  accélère  ses  progrès.  Quant  à  Taction  du  feu,  elle  est 
douloureuse,  répugne  aux  malades  et  ne  produit  de  destructions  complètes  qu'à 
la  condition  de  donner  lieu,  après  la  chute  des  eschares,  à  des  cicatrices  irrégu- 
licres  qu'il  s'agit  précisément  d'éviter  lorsqu'on  opère  sur  l'ouverture  buccale. 
Le  fer  rouge  ne  convient  que  lorsque  le  cancer  des  lèvres,  étendu  jusque  dans 
l'intérieur  de  la  bouche,  se  refuse  à  une  attaque  chirurgicale  régulière  et  lors- 
qu'il faut  exercer  pendant  l'opération  une  action  hémostatique. 

Le  cancer  des  lèvres  est  attaqué  avec  beaucoup  d'avantage  par  le  bistouri.  Avec 
cet  instrument,  on  cerne  le  mal  par  des  incisions  régulières  convenablement 
dirigées  au  delà  de  ses  hmites,  et  on  peut  faire  suivre  cette  ablation  par  une 
réunion  exacte,  d'oij  résultent  des  cicatrices  linéaires  laissant  à  peine  des  traces 
visibles  de  l'opération.  L'excision  cunéiforme,  l'excision  en  V,  l'excision  horizon- 
tale du  bord  labial  et  l'opération  composée  et  réparatrice  connue  sous  le  nom  de 
chéiloplastie  conviennent  spécialement  pour  le  traitement  des  cancers  labiaux. 

L'excision  cunéiforme  est  utile  dans  les  cas  où  l'épithéhome,  disposé  parallè- 
lement au  bord  libre  de  la  lèvre,  ne  dépasse  pas  l'épaisseur  de  ce  bord,  et  respecte 
à  la  fois  la  peau  et  la  muqueuse,  qui  appartiennent  à  ses  faces.  On  cerne  la  lésion 
entre  deux  incisions  horizontales  qui  détachent  dans  l'épaisseur  de  l'organe  une 
sorte  de  coin  dont  la  base  est  à  la  lésion  et  l'arètc  ojiposée  dans  l'épaisseur  des 
tissus.  On  obtient  ensuite  une  cicatrice  linéaire  en  réunissant  la  peau  et  la  mu- 
queuse par  quelques  points  de  suture.  Dans  ce  procédé  que  nous  avons  souvent 
mis  en  pratique  et  cpii  nous  a  donné  les  meilleurs  résultats,  la  lèvre  amincie 
d'avant  en  arrière,  mais  n'étant  ni  diminuée  en  hauteur,  ni  raccourcie  d'une 
commissure  à  l'autre,  a  conservé  chez  nos  opérés  une  forme  régulière  qui  dissimu- 
lait complètement  la  difformité  et  qui,  chez  certains,  a  même  corrigé  la  disposition 
primitivement  disgracieuse  de  l'ouverture  buccale. 

L'excision  en  V  est  l'opération  qui  se  pratique  le  plus  communément  pour 
remédier  au  cancer  labial.  Elle  est  applicable  lors(jue  la  lèvre  étant  envahie  par- 
tiellement dans  le  sens  de  sa  hauteur  et  de  son  épaisseur,  il  reste,  entre  la  tumeur 
cancéreuse  et  les  commissures  labiales,  assez  de  tissu  pour  que  l'organe  puisse 
être  réconstitué.  Deux  incisions  obliques  et  convergentes  sont  faites  depuis  le  bord 
libre  de  la  lèvre  jusqu'à  un  point  plus  ou  moins  rapproché  de  la  partie  adhé- 
rente, et  elles  circonscrivent  un  triangle  de  parties  molles  dont  la  base  supporte 
le  cancer.  Immédiatement  après  l'ablation  qui  doit  empiéter  convenablement  sur 
les  parties  saines,  on  réunit  par  affrontement  les  deux  bords  épais  de  la  plaie,  et 
et  on  les  maintient  eftlcacement  en  contact  par  la  suture  entortillée  comme  dans 
l'opération  du  bec-de-lièvre.  Cinq  ou  six  jours  suffisent  pour  que  la  réunion  soit 
solide.  Ce  procédé  nous  a  toujours  réussi,  et  ne  nous  paraît  pas  mériter  les  re- 
proches que  lui  adresse  M.  Lebert.  11  n'expose  pas  à  la  récidive,  si  on  a  eu  le  soin 
de  dépasser  les  limites  du  mal,  et  le  rétrécissement  de  la  bouche  ainsi   que  la 


494  LïiVKiiS     ^PATHOLOGIE). 

saillie  de  la  lèvre  saine,  devenue  proportionnellement  trop  étendue,  ne  tarde  pas  à 
disparaître  par  suite  de  l'ampliation  de  la  partie  restante'de  la  lèvre  opérée,  qui  se 
dilate  avec  facilité.  Ce  procédé  a  pour  conditions  de  succès  l'intégrité  et  la  sou- 
plesse du  tissu  labial  respecté  ;  la  portion  retranchée  ne  doit  pas  être  non  plus 
trop  considérable;  si  la  perte  de  substance  réclamée  par  la  lésion  devait  être  trop 
étendue,  l'excision  simple  ne  suffirait  pas. 

L'ablation  horizontale  du  bord  labial  était  le  procédé  préféré  par  Dupuytren 
et  par  les  chirurgiens  formés  à  son  exemple.  Elle  convient  lorsque  le  cancer  a  en- 
vahi tout  le  bord  hbre  sans  détruire  la  lèvre  en  hauteur.  Mais  pour  peu  que  la 
lésion  exige  un  sacrifice  du  tissu  dans  ce  dernier  sens,  et  qu'en  conséquence 
l'organe  soit  raccourci  dans  son  ensemble,  la  rangée  dentaire  reste  à  découvert, 
la  bouche  perd  sa  régularité,  l'absence  de  la  partie  mobile  de  la  lèvre  produit  une 
gène  marquée  dans  la  prononciation  des  mois,  et  s'il  s'agit  de  la  lèvre  intérieure, 
comme  c'est  le  cas  le  plus  ordinaire,  l'organe  ne  pouvant  plus  faire  obstacle  à 
l'écoulement  de  la  salive,  il  en  résulte  pour  l'opéré  une  infirmité  désagréable  et 
même  une  cause  de  dépérissement. 

C'est  aux  procédés  complexes  de  la  chéiloplastie  qu'il  faut  recourir,  lorsque  le 
cancer  a  produit  des  ravages  considérables  autour  de  l'orifice  buccal.  Si  les  lèvres 
sont  détruites  dans  une  grande  étendue,  que  la  lésion  se  soit  propagée  aux  com- 
missures ou  qu'elle  ait  encorde  porté  plus  loin  ses  effets,  les  opérations  précédentes 
ne  sauraient  suffire.  Enlever  rigoureusement  les  parties  affectées  et  diriger  les  in- 
cisions de  manière  à  mobiliser  les  parties  restantes  ;  agrandir  l'ouverture  buccale 
par  la  division  des  commissures  ;  faire  des  sections  verticales  ou  obhques  dans  le 
sensdumenton  et  jusqu'à  la  région  sus-hyoïdienne;  disséquer  les  parties  comprises 
entre  les  incisions  ;  emprunter  des  lambeaux  à  la  joue,  à  la  partie  inférieure  de 
la  face  ou  même  au  cou  ;  affronter  régulièrement  ces  lambeaux  mobilisés,  de  ma- 
nière à  réparer  la  lèvre  et  à  restituer  avec  plus  ou  moins  d'exactitude  la  forme  de 
la  bouche,  telle  est  la  série  des  artifices  qu'il  faut  employer  et  dont  on  assure  les 
effets  par  une  bonne  hémostasie  et  une  suture  terminale  faite  avec  soin.  Comme 
on  le  comprend,  les  procédés  sont  très-divers  pour  atteindre  le  l'ésullat  ;  et  depuis 
Franco  jusqu'à  Chopart,  depuis  Roux  jusqu'à  Dieffenbach  et  Sen^e,  depuis  Syme 
jusqu'à  Jaesche,  B.  Lagenbeck  et  Burow,  l'activité  et  l'esprit  inventif  des  chirur- 
giens n'a  pas  fait  défaut  aux  difficultés  du  problème.  Sans  entrer  dans  l'exposi- 
tion actuellement  inopportune  de  tous  les  procédés  préconisés,  exposition  déjà 
faite  dans  ce  dictionnaire,  à  propos  de  la  chéiloplastie,  nous  nous  bornerons  à 
dire  que,  dans  les  nombreuses  opérations  de  ce  genre  que  nous  avons  pratiquées, 
nous  avons  obtenu  des  résultats  plus  satisfaisants  en  taillant  et  mobilisant  des 
lambeaux  géniens  qu'en  recherchant  des  lambeaux  mentonniers  ou  sus-hyoïdiens. 
La  suture  cutanéo-muqueuse,  comme  complément  de  l'orifice  buccal,  s'exécute 
dans  le  premier  cas  avec  des  ressources  bien  plus  grandes,  la  réunion  s'opère 
mieux,  et  l'on  n'a  pas  à  redouter  après  l'opérafion  les  déformations  résultant  de 
la  difficulté  de  maintenir  les  lambeaux  mento-hyoïdiens ,  qui  tendent,  malgré 
toutes  les  pr:îcautions,  à  s'abaisser  et  par  conséquent  à  dénuder  l'arcade  dentaire 
inférieure,  sinon  l'os  maxillaire  lui-même. 

Au  reste,  les  ressources  varient  avec  les  procédés  et  ceux-ci  s'appliquent  suivant 
les  cas  à  la  restauration  de  la  lèvre  supérieure,  à  celle  de  la  lèvre  inférieure  ou  à 
celle  des  commissures.  Le  cancer  n'étant  pas  la  seule  lésion  qui  donne  lieu  à  des 
séparations  de  cette  nature  et  l'opération  étant  susceptible  de  considérations  géné- 
rales qui  dépasseraient  les  proportions  de  cet  article,  nous  renvoyons  le  lecteur 


LÈVRES  (bibliographie).  495 

aux  articles  Adtoplastie  et  Ghéiloplastie,  où  ces  considérations  sont  amplement 
exposées. 

L'épithéliomeet  les  tumeurs  hétéromorphes  qui  composent  le  groupe  des  affec- 
tions cancéreuses  de  la  lèvre,  peuvent  récidiver,  si  l'on  n'enlève  pas  scrupuleuse-- 
meut  tous  les  tissus  affectés  ou  même  suspects.  A  cet  égard  l'attention  du  chi- 
rurgien doit  se  porter  d'une  manière  toute  particulière  sur  les  ganglions  lympha- 
tiques de  la  région  sous-maxillaire,  soit  sur  la  hgne  médiane,  soit,  ce  qui  est  plus 
ordinaire,  sur  les  parties  latérales,  et  au  voisinage  de  la  glande  sous-maxillaire. 
C'est  par  là  que  le  mal  repullule  avec  le  plus  d'énergie,  et  c'est  aux  progrès  de  la 
lésion  renouvelée  dans  ces  points  que  succombent  les  malades;  leur  mort  est 
lente  et  très-douloureuse.  Il  faut  donc  examiner  avec  le  plus  grand  soin  l'état  des 
ganglions  lymphatiques,  s'abstenir  de  toute  tentative  si  leur  altération  et  leur 
défaut  de  mobilité  indiquent  que  la  propagation  morbide  s'est  étendue  au  delà  de 
la  sphère  accessible  à  toute  opération  prudente,  mais  les  enlever  sans  merci  lors- 
que l'opération  a  pu  être  entreprise.  Bien  que  ce  temps  complémentaire  ne  soit  pas 
toujours  sans  difficultés,  un  chirurgien  exercé  saura  les  surmonter,  et  il  n'ou- 
bliera pas  que  l'opération  ne  peut  être  fructueuse  qu'autant  qu'elle  est  complète. 
U  devrait  se  considérer  comme  n'ayant  rien  fait  dans  l'intérêt  du  malade,  s'il  lui 
restait  encore  quelque  point  suspect  h  enlever,  NU  actum  reputans  si  quid  super- 
essetagendum.  Bouis.sOxW 

Bibliographie. —  ^'ous  avons,  autant  que  possible,  éliminé  de  cette  bibliographie,  les  nom- 
breux mémoires  ou  observai  ions  relatifs  aux  procédés  de  restauration  des  lèvres  [voij. 
CiiÉiLorLASTiE) .  Du  reste,  comme  complément,  on  pourra  voir  les  traités  de  pathologie  externe, 
les  monographies  et  mémoires  sur  les  tumeurs  de  différentes  sortes  (cancers,  cancroîdes, 
épithéliomas,  tumeurs  érectiles,  etc.). 

WiNCLER  (Dan).  De  excrescentia  in  lahio  superiore.  In  Ephem.  N.  C,  dec.  1,  ann.  VI  et 
VII,  obs.  37,  p.  70.  Francof. ,  1677,  in-4°.  —  Rayger  (C).  De  labrosulcio  seu  Cheilocace. 
Altdorfii,  1698,  in-4°.  —  Stacdacher  (H.  Guill.).  Prœs.  Baier.  De  labiorum  pustuUs .  Alldorlii, 
1709,  in-4°.  — Furstenau.  De  carcinomatc  labii  inferioris  abscjue  sectione  pcrsanato.  Piiiilel, 
1739.  —  Delius.  De  Efflorescentia  labiorum.  Erlangœ,  1764,  in-i°.  —  Bxile.  Sur  un  tilcère 
chancreux  de  la  lèvre  inférieure.  \n  Jourti.  dcméd.,  t.  XXVI,  p.  256;  1767.  —  Dujaroix  (F.). 
De  labiorum  cancre.  Th.  du  coll.  de  chir.  Paris,  n(  8.  in-4°.  —  Fels.  De  Carcinomate 
labiorum  observationes  aliquot.  Erfordiœ,  1789.  —  Loder  (Just.  Chr.).  Progr.  cancri  labii 
inferioris  féliciter  extirpafi  hisloria.  lemc,  1794,  in-4''.  —  Gault  (J.  Ambr.).  Essai  sur  le 
cancer  des  lèvres.  Th.  de  Paris,  an  XIII,  n"  389.  —  Gr^fe  (C.  F.  vokI.  De  notione  et  cura 
angiectaseos  labiorum,  ratione  habita  communis  vasorum  morhosœ  extensionis  spécimen. 
Lipsiœ,  1807,  in-4°. —  Stark  (J.  Chr.].  Commentalio  medico-chirurgica  de  cancro  labiiinfe- 
rioris  observationibus  illustrata.  lenœ,  1812,  gr.  10-4°,  pi.  —  Monfaicoîj.  Art.  Lèvres.  In 
Dict.  des  se.  méd.,  t.  IXVIII,  1818.  —  Earle  (H.).  On  Diseases  oftheLips.  In  Med.  Chir. 
Transact.,  t  Xll,  p.  271  ;  1822.  —  Bull  (Chr.  Aid.).  Case  of  Cancer  of  Ihe  Lip  in  which  the 
Opération  latehj  recommcnded  by  M.  Richerand  was  performed.  In  The  Lond.  Med.  Repo- 
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lèvre  supérieure.  In  Journ.  des  progrès,  etc.,  l"  sér.,  t.  III,  p.  215;  18'27.  —  Roux  (de 
Saint-Maximin).  Sur  le  caïuer  des  lèvres  et  sur  une  nouvelle  méthode  opératoire.  In  Rev. 
méd.,  1<S28,  t.  I,  p.  30.  —  Gr^fe  (Ed.).  Veber  J.  N.  Roux  s  Mettiode  den  Lippenkrebs  zu 
heilen.  In  Grœfe's  und  Walther's  Journ.,  t.  XII,  p.  428;  1828.  —  Du  même.  Art.  Lijjpen 
(Krankh.j.  In  Enc^jclopâd.  Wôrterb.,  t.  XXI.  Berlin,  1839.—  Travers  (Benj,).  Cancer  of 
ihe  Lower  Lip.  In  Med.  Chir.  Transact.,  t.  XV,  p.  239;  1829.  —  Coates  (W.  Mart.).  Carci- 
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pearances.  In  Lond.  Med.  Gaz.,  t.  XIII,  p.  575;  1854.  —  Burin-  (L.  P.  A.).  Dissert,  sur  le 
cancer  de  la  lèvre  inférieure.  Th.  de  Montp.  1856,  n»  49.  —  Bérard  (A.).  Art.  Uvres.  In 
Dict.  en  30  vol.,  t.  XYIII,  1838.  —  Pauli.  Eigenthûmliches  Lippenûbel.  In  Med.  Annalen, 
t.  VI,  Ileft  4,  et  SchmicU's  Jahrb.,  t.  XXIV,  p.  52;  1839.—  Payax  (d'Aix) .  Tumeurs  cancéreuses 
des  lèvres.  In  Gas.  méd. ,lSii,  p.  557.— Sébastian  (A.  A.).  Recherches  sur  lesglandes  labiales 
(anat.  et  path.).  Groningne,  18^2,  in-4"'. — Shuh.  Die  Operalionsgeschichte  einer  ganzen 
krebsigen  Unterlippe,  nach  Lisfranc's  Méthode.  In  OEstcrr.  med.  Jahrb.,  t.  XXIII,  St.  l,et 
SchmicU's  Jahrb.,   Splt.  III,  p.  275;  1842.  —  Eckeb  (A.).  Ueber  den  Bau  dcr  unter  dem 


4fl6  LEVRET. 

Namen  Lippenkrebs  zusammengefassten  Geschwûhte  der  Lippe.  In  Archîv  v.  Roser  u.  Wun- 
derlich,  t.  III,  p.  380;  1844.  — Ammon.  Ble  Bracltylla  und  das  Mikrostoma,  zwei  ivenig ge- 
kannte  angeborne  Fehler  der  Lippen  und  des  Mandes.  In  Journ.  fur  Chir.  und  Augenheilk. 
N»  F=,  t.  lil,  n"  2,  et  Schmidt's  Jcihrb.,  t.  XLVI,  p.  197  ;  1845.  —  IIeller  (C  ).  Veber  Ace- 
phalocyslen  der  ^nterlippe.  In  OEsterl.  Jahrb.,  I84i,  et  Canstatl's  Jahresb.,  184'J,  t.  IV, 
p  372,  —  IIeyfelder.  Krebs  der  Vnterlippe  iin  Aelhcr.'ichlafe  extirpirt.  Récidive,  etc.  In 
Prager  Viertcljahrschr.,  t.  XXI,  p.  84;  liS49.  —  Jouert  (de  I.ambnlle).  Quelques  considéra- 
tions sur  le  cancer  des  livres.  In  Gaz.  des  hôp>it.,  1849,  p.  532.  —  Melzer.  Vcbcr  dcn  JAppen- 
krebs  und  die  Ursachc  seines  hàufigen  Vorkommens  in  Krain.  In  Jen.  Ann.,  t.  II,  n°  4, 1851, 
et  Schmidt's  Jalirb.,  t.  LXXU,  p.  3-27  ;  1851.  —  Laeoulbène.  Cancro'ide  de  la  joue  et  des 
lèvres  (exam.  microscop.).  In  Bull,  de  la  Soc.  ana(.,  t.  XXVIII,  p.  573,  et  Rapp.  par  M.  Broca, 
p.  579;  18Ô5.  —  Guttceit  (H.  von).  Geschichte  eines  lAppenr/eschwûrs  (prim,  sypliil.).  In 
Med.  Ztg.  RussL,  1852,  et  Schmidt's  Jahrb.,  t.  LXXVllI,  p.  322;  1853.  —  Glntneu.  Lijqjen- 
carcinom  mit  bcdeutcnder  Infiltration  der  Umgebung,  rasche  Résorption  der  letzlern.  Hei- 
lung.  In  Prager  Vierteljahrschr . ,  t.  LXII,  07  ;  1854.  —  Graï  (II.).  Horny  Tumor  front  the 
Lower  Lip.  In  Transact.  of  the  Patliol.  Soc.,  t.  VI,  p.  103  ;  1855.  —  Hutciiinson.  Horny 
Growth  from  the  Lip,  associated  with  Epithelial  Cancer.  In  Transact.  of  the  Pathol.  Soc., 
t.  VIII,  p.  403;  1857.  —  Porta  (Luigdi).  Tumore  folUcolare  sebaceo  ulcerato  del  labbro 
inferiore.  In  Ann.  univ.  (d'Omodei),  t.  CLXVIII,  p.  297  ;  1859.  —  Bodisson.  Du  cancer  buccal 
chez  les  fumeurs.  In  Montpellier  médical,  t.  II,  p.  559;  t.  III,  p.  19  ;  1859,  et  Gaz.  mécl., 
1859.  —  liRYANT  (Th.).  On  Cancer  of  the  JÀp.  In  Guy's  Hosp.  Rep.,  5»sér.,  t.  VII,  p.  6. — 
Jacobi  (J.  B.)  .  Ueber  angeborene  und  erworbene  Krankheiten  der  Lippen  bei  Kinder n.  In 
Journ.  fiir  Kinder krankh.,  t.  XXIV,  p.  44;  1860.  —  Lortet  (Louis)  Essai  monographique 
sur  le  2}rétendu  cancroide  labial.  Th.  de  l'aris,  1861,  n"  92,  fig.  —  Wormald  and  II.  Coote, 
Primary  Sypliildic  Sore  of  the  Vpper  Lip.  Enlarged  Gland,  etc.  \nMed.  T.  and  Gaz.,  1801, 
t.  I,  p.  470.  —  IIujiriiRY.  Tabular  Statement  of  Twcnty  Cases  of  Opérations  for  Primary 
Epithelial  Cancer  ofLip.  In  Med.  T.  and  Gaz.,  1861,  1.  I,  p.  61.  —  Diday  (F.).  De  la  conta- 
gion syjihditiqiie  entre  les  soxiffleurs  de  verres  à  bouteilles.  In  Gaz.  méd.  de  Tjjon,  1862, 
p.  481,  497.  —  CiiAssAGN'ï.  De  la  prophyJaxie  de  la  syphilis  chez  les  ouvriers  souffleurs  de 
verre-  Ibid.,  p.  521. —  Jones  (Sydney).  Cy.sticcrus  Cellidosœ  removed  from  tite  Lower  Lip . 
In  Transact-  of  the  Patliol.  Soc,  t.  XIV,  p.  279  ;  1863.  —  Preterre.  Apparatus  for  the  Pur- 
pose  of  Remeding  Defects  in  the  Parts  about  the  Mouth.  In  Juror's  Report,  etc.,  et  Ranking's 
Abstr.,  t.  XXXVII,  p.  174;  1863.  —  Verneuil  (A.).  Anthrax  des  lèvres.  Gravité  du  pronostic. 
In  Gaz.  hebd.,  1868,  p.  724.  —  Sigwuko.  Die  primitive  Syphilis  aus  den  Mundlippen.  In 
Wien.  med.  Wchnschr.,  t.  XVIH,  n»  9.  10;  1868,  et  Schmidt's  Jahrb-,  t.  CXXXIX,  p.  295; 
1868.  E.  Ben. 

LEVRET  (André),  né  à  Paris  en  1705,  mort  le  22  janvier  1780.  Voilà  certai- 
nement le  plus  illustre  des  accoucheurs  français  du  dix-huitième  siècle  ;  praticien 
consommé,  esprit  inventif,  ingénieux;  ennenri  des  théories,  esclave  de  l'observa- 
tion; bien  supérieur  selon  nous  à  Mauriceau,  à  Delamotte  et  à  Astruc,  quant  à  la 
sûreté  clinique  et  au  but  ultime  de  toute  médecine  :  le  salut  des  malades.  Levret 
n'était  qu'un  pauvre  chirurgien,  et  il  n'est  pas  même  sijr  qu'il  eût  jamais  obtenu 
aucun  grade  du  collège  de  Saint-Cosme.  Néanmoins,  il  devint  membre  de  l'Aca- 
démie de  chirurgie  et  accoucheur  de  la  Dauphine,  mère  de  Louis  XVI.  Ses 
inventions  en  fait  de  chirurgie  et  d'obstétrique  sont  marquées  au  coin  du  génie, 
et  aujourd'hui  encore  on  peut  consulter  avec  fruit  les  livres  qu'il  a  écrits.  Ce 
fut  lui  qui  proposa  les  ciseaux  à  tranchant  concave  pour  exciser  la  luette,  ciseaux 
modifiés  plus  tard  par  Percy;  ce  fut  lui  qui  imagina,  pour  le  traitement  des  po- 
lypes des  fosses  nasales  et  de  la  matrice,  des  procédés,  des  instruments  restés 
presque  intacts  aujourd'hui.  Ce  fut  lui,  enfin,  qui  modifia  assez  profondément  le 
forceps  {voy.  ce  mot),  ou  tire-tête,  pour  rendre  l'application  de  cet  instrument  si 
efficace.  Levret  vivait  précisément  à  l'époque  où,  pour  remplacer  le  crochet  et  la 
cuiller  simples,  Palfin  (de  Gand)  offrit  ses  deux  cuillers,  mais  non  susceptil)Ies  d'ar- 
ticulation ;  où  le  chirurgien  Le  Doux  rattachait  ces  cuillers,  après  leur  introduc- 
tion, tout  bonnement  par  un  i^uban  ;  où  l'on  imagina  plusieurs  moyens  mécaniques 
d'articulation;  où  Chamberlain  fenêtra  chaque  cuiller...  Jlais  le  tire-tète  restait 


LEVURE.  497 

(Iroil  dans  le  sens  de  ses  bords  et  déchirait  ainsi  JafonrcJictlc  fort  souvent.  Levret 
modifia  considérablement  l'instrument  :  sur  les  lames  qui  bornent  l'évasement,  en 
dehors,  il  fit  mettre  une  espèce  de  cannelure  bordée  d'une  petite  lèvre,  pour  que 
l'application  soit  plus  exacte;  sur  les  branches,  en  dehors,  il  fit  appliquer  une  plaque 
fort  miuce,  mohde,  pour  faciliter  la  direction  droite  de  l'instrument  dans  la  direc- 
tion de  son  bord  :  d  lui  donna  une  forme  courbée  qui  permettait  d'adapter  la  direction 
des  cuillers  à  celle  de  l'axe  de  chaque  détroit  du  bassin.  La  caimelurc,  la  plaque 
mobile  du  forceps  de  Levret  ne  sont  pas  restées,  mais  la  courbure  des  cuillers 
s'est  maintenue;  et  c'est  à  bon  droit  que  le  forceps  Levret  est  resté  dans  la  pra- 
tique. (Voij.  ses  Observations  sur  les  causes  et  les  accidents  de plusieu)"^  accou- 
chements laborieux,  Paris,  1747,  in-S*",  p.  71  et  seq.)  Sans  doute,  comme  dans 
l'affaire  du  spéculum,  on  a  beaucoup  spéculé  dans  ces  derniers  temps,  en  fait 
d'inventions  de  nouveaux  tire-tête  ou  forceps  ;  mais  j'imagine  que  beaucoup 
d'accouclieurs  de  campagne  ne  possèdent  que  le  forceps  Levret  et  qu'ils  ne  s'en 
trouvent  pas  plus  mal,  ni  leurs  patientes  non  plus. 

Outre  plusieurs  observations  communiquées  à  l'Académie  de  chirurgie,  je  con- 
nais de  Levret  les  ouvrages  suivants  : 

I.  Observations  sur  les  causes  et  les  accidents  de  plusieurs  accouchements  laborieux. 
Paris,  4747,  in-8°.  —  II.  Observations  sur  la  cure  radicale  de  plusieurs  polypes,  avec  des 
remarques  sur  ce  qui  a  clé  proposé  ou  mis  en  usage  pour  les  terminer,  et  de  nouveaux 
moyens  pour  y  parvenir  j)lus  aisément.  Paris,  1747,  in-8°.  —  III.  Explication  de  jilusieurs 
figures  sur  le  mécanisme  de  la  grossesse.  Paris,  1752,  in-8°.  — IV.  L'art  des  accouchements 
démontré  par  les  principes  de  physique  et  de  mécanique.  Paris,  1755-1700,  in-S",  planches. 
—  V.  Essai  sur  les  abus  des  règles  générales  et  contre  les  préjugés  qui  s'opposent  aux  progrès 
de  l'art  des  accouchements.  Paris,  1766,  in-8°.  —  VI.  Lettre  sur  l'allaitement  des  enfants. 
Paris,  1771,  in-8°.  A.  C. 

l,EV5:iL,®SE.  La  lévulose  se  trouve  dans  la  plupart  des  fruits  mûrs,  acides 
ou  verts,  tels  que  le  raisin,  la  cerise,  le  groseille,  la  fraise,  où  elle  est  associée  ù 
poids  égaux  avec  la  glycose.  C'est  ce  mélange  des  deux  principes  qui  constitue  le 
sucre  interverti.  On  peut  l'obtenir  à  l'état  de  pureté  en  traitant  l'inuline  par  les 
acides.  {Voy.  Glycose,  Inuline.)  La  lévulose  est  sirupeuse,  incristallisable,  très- 
soluble  dans  l'eau,  insoluble  dans  l'alcool  absolu.  Elle  réduit  la  liqueur  de  Feh- 
ling  et  dévie  à  gauche  le  plan  de  polaiisation.  D'après  Berthelot,  si  l'on  traite  le 
sucre  interverti  par  les  alcaUs  ou  les  lèrments,  la  lévulose  se  détruit  moins  vite 
que  la  glycose.  A.  D. 

l,s;TtJRE.  La  levîire,  telle  que  la  fournissent  les  brasseurs,  est  luie  bouillie 
grisâtre,  exhalant  une  odeur  spéciale  qui  raijpelle  celle  du  houblon  et  de  l'alcooL 
Elle  est  ordinairement  criblée  de  petites  cavités  dues  aux  gaz  qui  se  forment  dans 
sa  masse.  Ce  dégagement  continue  pour  peu  que  la  température  soit  favorable  à 
la  fermentation;  de  telle  sorte  qu'une  partie  de  la  levure  se  déverse  par-dessus 
les  bords  du  vase  qui  la  contient,  pourvu  que  celui-ci  ne  §oit  pas  de  trop  grande 
capacité. 

L'odeur  spéciale  que  nous  avons  signalée  n'est  pas  propre  à  la  levure ,  il  est 
possible  de  l'en  débarrasser  par  des  lavages  qui  eutrauient  également  les  (races 
de  sucre  qu'elle  peut  contenir.  Dès  lors,  le  boursouflement  cesse,  et  on  peut 
obtenir  une  sorte  de  pâte  semi-solide,  plus  facile  à  transporter  et  à  conserver,  et 
qui  a  néanmoins  toutes  les  propriétés  de  la  levure  des  brasseurs.  Cette  odeur 
-j'.t  due  en  grande  jiartie  au  houblon  qu'on  introduit  d<:;iis  la  bière. 

Le  caractère  le  plus  saillant  de  la  levure  consiste  dans  ià  propriété  de  dédoii- 
DICT,  ENC.  2°  s.   II.  52 


498  LEVURE. 

hier  le  sucre  en  alcool  et  en  acide  carbonique.  Dès  qu'elle  est  mélangée  â  de- 
l'eau  légèrement  sucrée,  on  voit  le  liquide  se  troubler,  si  la  température  est  favo- 
rable. (]e  phénomène  provient  de  ce  que  le  gaz  acide  carbonique  qui  se  dégage 
de  chaque  parcelle  de  ferment  y  adhère  par  capillarité.  Bientôt,  la  bulle  de  gaz 
étant  assez  grosse,  le  ferment  monte  à  la  surface  du  liquide;  puis  retombe  quand 
elle  se  détache,  et  ainsi  de  suite.  C'est  en  petit  ce  qui  se  passe  quand  on  vient 
à  mettre  un  grain  de  raisin  sec  dans  un  verre  de  vin  de  Champagne  ou  d'eau  de- 
Seltz  ;  on  voit  ce  grain  incessamment  monter,  puis  retomber  au  fond  du  vase. 
Dès  que  la  fermentation  est  terminée,  tout  le  ferment  retombe,  et  le  liquide 
s'éclaircit. 

La  décomposition  du  sucre  par  le  ferment  ne  paraît  pas  être  un  simple  dédou- 
olement  en  alcool  vinique  et  acide  carbonique.  M.  Pasteur  a  montré  qu'il  se 
formait  également  de  l'acide  succinique  qu'on  peut  retrouver  dans  tous  les  liqui- 
des fermentes. 

Quand  on  met  en  contact  un  certain  poids  de  levure  avec  de  l'eau  sucrée,  on 
arrive  à  décomposer  une  quantité  déterminée  de  sucre,  mais  on  ne  peut  aller 
au  delà.  La  leviire  est  détruite  par  cette  fermentation,  ou  du  moins  elle  a  perdu 
son  principal  caractère.  Cette  expérience  constitue  ce  qu'on  pourrait  appeler  la 
fermentation  telle  que  la  produisent  ordinairement  les  chimistes. 

La  fermentation  des  brasseurs  se  passe  tout  autrement.  Le  ferment  pendant  la 
fabrication  de  la  bière  est  mis  en  contact,  non  avec  de  l'eau  sucrée  pure,  mais 
avec  le  moût  ou  décoction  d'orge  germée.  Ce  hquide  contient  non-seulement  du 
sucre,  mais  encore  de  la  dextrine,  des  substances  albumineuses,  et  des  sels  ter- 
reux parmi  lesquels  les  phosphates  paraissent  jouer  un  grand  rôle.  Dans  ces 
circonstances  différentes,  non-seulement  le  ferment  ne  semble  pas  détruit,  mais 
on  en  trouve  à  la  fin  de  l'opération  une  quantité  plus  grande  que  celle  qui  existait 
au  début.  C'est  une  véritable  récolte  qui  permet  au  brasseur,  tout  en  conservant 
la  quantité  de  ferment  qui  lui  est  nécessaire,  d'en  exporter  journellement. 

Ces  faits  s'expliquent  fticilement.  On  sait  que  le  ferment  est  une  petite  plante 
que  les  botanistes  ont  applée  Toï^ula  cerevisiœ;  pendant  la  fermentation  on  peut 
voir  au  microscope  la  plante  se  reproduire  par  bourgeonnement.  Si  on  lui  donne 
une  nourriture  incomplète  comme  dans  l'expérience  des  chimistes ,  ses  rejetons 
sont  faibles,  étiolés  et  ne  tardent  pas  à  périr.  Tel  serait  le  sort  de  toute  autre 
plante  cultivée  dans  un  sol  qui  ne  lui  fournirait  qu'un  seul  des  éléments  néces- 
saires. 

Si  au  contraire  on  lui  donne  un  aliment  complet,  comme  dans  l'expérience  des 
brasseurs,  non-seulement  elle  peut  accomplir  toutes  les  phases  de  son  existence, 
mais  encore  elle  laisse  après  elle  des  rejetons  plus  nombreux  et  viables.  La  petite 
plante  se  trouve  alors  dans  les  conditions  où  nous  mettons  tous  les  végétaux  que 
nous  voulons  récolter. 

Il  existe  deux  variétés  de  levîirc  qui  se  distinguent  en  ce  que  l'une,  plus  active, 
se  recueille  à  la  surface  du  liquide  ;  tandis  que  l'autre  ne  quitte  pas  la  couche 
inférieure.  Ces  levures  ont  été  décrites  avec  soin  à  l'article  Bière,  auquel  nous 
renvoyons  le  lecteur. 

La  levî!ire  peut  être  employée  à  la  place  du  levain,  pour  fabriquer  le  pain.  Les 
pâtissiers  s'en  servent  exclusivemeut  pour  leurs  préparations  auxquelles  le  levain 
donnerait  un  goiit  désagréable.  J'ai  souvent  fait  préparer  du  pain  avec  de  la  farine 
et  de  la  leviire  sans  levain.  Ce  pain  est  plus  agréable  au  goiit,  et  je  crois  qu'il  est 
plus  blanc.  Les  pains  viennois  sont  préparés  par  ce  procédé.  Il  est  certain  que  le 


LÉZARD.  499 

levain  donne  au  pain  un  goût  sûr,  et  une  odeur  peu  agréable.  La  suDstitution 
au  moins  partielle  de  la  levure  au  levain  est  un  progrès  qui  s'effectuera  dès  que 
le  commerce  fournira  la  première  dans  de  bonnes  conditions.  C'est  pour  répondre 
à  ce  besoin  qu'on  a  installé  en  Allemagne  des  fabriques  de  levure  dans  lesquelles 
celle-ci,  étant  l'objet  principal  de  la  fabrication,  et  non  un  produit  accessoire 
comme  dans  les  brasseries,  peut  acquérir  les  meilleures  qualités. 

Cette  fabrication  s'effectue  à  Vienne  et  en  Moravie.  La  levure  est  préparée  au 
moyen  d'un  moût  (ou  infusion  à  une  température  convenable)  de  malt,  de  seigle 
et  de  maïs.  L'absence  du  houblon  permet  d'obtenir  des  produits  non  amers  et 
moins  odorants.  11  paraît  qu'on  peut  obtenir  en  levure  jusqu'à  0,1  du  poids  du 
grain  employé. 

A  mesure  que  la  fermentation  alcoolique  avance,  on  enlève  la  levure  qui  surnage, 
on  la  presse  pour  faire  écouler  l'excédant  d'humidité,  et  on  l'emballe  dans  des  caisses. 
L'opération  dure  environ  soixante-douze  heures.  La  levure  viennoise  doit  ctre 
employée  aussitôt  que  possible;  elle  est  plus  active  que  la  levure  des  brasseurs 
dans  la  proportion  de  2  à  3.  D'après  MM.  Payen,  Champion  et  Henry  Pellct, 
elle  contient  seulement  un  quart  de  son  poids  de  substance  sèche;  cette  dernière 
renferme  0,077  d'azote  et  0,035  de  matière  grasse.  L'incinération  fournit  0,081 
de  cendres  dont  1 00  parties  contiennent  : 

Acide  phosphorique 46,9 

—     siliciciue 1,8 

Potasse 22,3 

Soude 15,9 

Magnésie 5,0 

Chjus 1,3 

Eau  (combinée  avec  les  phosphates) i,i 

Chlore  et  acide  sulfurique traces. 

Oxyde  de  fer  et  pertes 2,4 

Total 10Ù,0 

(Voyez  pour  la  description  du  champignon  de  la  leviire  Cryptococcus.) 

P.    COULIER. 

liEU'IS  (WiLtiAM),  chimiste  anglais,  mort  le  21  janvier  1781,  et  qui  vivait  à 
Kingston,  dans  le  comté  de  Surrey.  On  a  de  lui  : 

I.  Expérimental  Examinalion.  Lond.,  1754,  in-S".  —  II,  La  platine,  l'or  blanc,  ou  le 
huitième  métal.  Paris,  1756,  in-12. —  III.  Expérimental  History  of  tlie  materia  medica. 
Lond.,  1160-1784,  in-4».  Traduit  en  français  par  Le  Bègue  de  Pi-esle  (1771).  —  IV.  Com- 
mercium  philosophico-technicum,  or  tlie  Philosoplùcal  Commerce  of  Arts.  Lond.,  1785,  in-4''. 
—  V.  Course  of  Pracfical  Chemistry.  Lond.,  17ùO,  in-S",  etc.  A.  C. 

liÉZARD  {lacerta,  de  lacertosus,  bien  musclé).  Genre  de  Reptiles  de  l'ordre 
des  Sauriens,  formant  le  type  de  la  famille  des  Lacertidés.  Ces  animaux  si  connus 
composent  un  groupe  des  plus  naturels  ;  leur  corps  est  très-effilé,  leur  colonne  ver- 
tébrale est  composée  d'un  grand  nombre  de  vertèbres  à  articulations  très-mobiles, 
permettant  des  mouvements  très-prompts  et  très-étendus  ;  leurs  pattes  articulées 
à  angle  droit  sur  le  corps,  sont  fines,  quoique  robustes,  mais  trop  courtes  pour 
supporter  le  poids  du  Lézard,  aussi  l'abdomen  et  la  queue  traînent  sur  le  sol- 
la  queue  est  longue  et  douée  d'élasticité. 

L'agihté  des  Lézards  est  très-grande  ;  ils  se  cramponnent  aux  murs,  aux  ro- 
chers, aux  troncs  d'arbres  au  moyen  de  leurs  ongles,  et  ils  se  portent  rapidement 
vers  un  point  ou  s'enfuient  avec  prestcbse  au  moindre  bruit.  Quand  le  soleil  est 
ardent,  lem'  course  est  des  plus  vives,  mais  dès  que  la  température  baisse  leurs 


500  LÉZARD. 

mouvements  se  ralentissent,  enfin,  pendant  la  saison  froide,  ils  sont  en  complète 
hibernation  et  privés  de  mouvement.  Leur  nourriture  consiste  en  insectes,  vers  de 
terre,  petits  mollusques,  etc.;  leur  digestion  est  lente.  Ils  beivent  en  lapant  à  la 
façon  des  chiens. 

Ce:  animaux  ont  un  naturel  doux  et  n'attaquent  point  l'homme.  Ils  ne  cher- 
chent à  mordre  que  lorsqu'on  les  a  saisis  ou  qu'on  les  empêche  de  s'échapper.  Les 
grandes  espèces  ne  redoutent  ni  les  chiens  ni,  dit-on,  les  serpents. 

La  morsure  des  Lézards  n'est  point  venimeuse  et  produit  simplement  une  forte 
pression  ;  la  morsure  peut  au  plus  se  compliquer  d'une  légère  éraillure  de  la  peau 
si  l'animal  a  retiré  la  tête  en  serrant  de  toutes  ses  forces  ses  mâchoires  garnies 
de  petites  dents  disposées  en  lignes  droites. 

Les  Lézards  vivent  de  proie,  ils  font  la  chasse  aux  petits  animaux,  insectes, 
mollusques,  etc.;  Dugès  prétend  qu'ils  mangent  parfois  leurs  propres  œufs  quand 
ils  sont  poussés  par  la  f ami.  Les  Lézards  peuvent  supporter  de  longs  jeûnes  ; 
leur  voix  se  réduit  à  un  faible  cri  ou  à  un  soufflement  plus  ou  moins  violent. 

Les  attributs  des  sexes  sont  peu  visibles.  Les  mâles  ont  l'origine  de  la  queue 
large,  aplatie  et  sillonnée,  elle  est  arrondie  chez  les  femelles  ;  de  plus,  la  coloration 
du  corps  est  moins  brillante  chez  ces  dernières,  ainsi  que  chez  les  jeunes.  L'ac- 
couplement dure  longtemps.  La  femelle  pond  de  7  à  9  œufs,  placés  ordinairement 
dans  un  nid  spécial,  mais  parfois  réunis  à  ceux  d'autres  femelles,  car  on  trouve 
parfois  jusqu'à  50  œufs  rassemblés.  La  coque  des  œufs  est  poreuse;  ils  éclosent 
par  la  chaleur  atmosphérique.  Quelques  espèces  de  lézards  sont  presque  vivipares, 
les  petits  sortant  de  l'œuf  quelques  minutes  après  que  ces  œufs  ont  été  pondus. 

La  durée  de  la  vie  chez  ces  animaux  est  considérable  ;  elle  serait  de  plus  de 
vingt  ans,  suivant  Bonaterre.  Le  renou\eIlement  de  la  queue  fragile  des  Lézards 
se  fait  avec  rapidité.  On  avait  observé  depuis  longtemps  qu'un  Lézard  peut  mar- 
cher avec  assez  de  vivacité,  lïianifester  des  sensations  et  vivre  pendant  quelques 
jours  après  avoir  été  décapité. 

Les  principales  espèces  de  Lézards  de  nos  contrées  sont  : 

Le  Lézard  des  souches  [Lacerta  stirpium  Daudiîj),  à  dos  brun,  plus  ou  moins 
rougeàtre,  ocellé  de  noirâtre,  les  côtés  du  corps  verts  ocellés  de  brun,  le  ventre 
blanc,  parfois  piqueté  de  noir.  La  coloration  est  très-variable  du  reste  suivant  les 
sexes  et  les  individus.  Taille  21  centimètres,  y  compris  la  queue,  longue  elle-même 
de  12  centimèlres.  —  Assez  commun,  place  son  terrier  sous  les  touffes  d'herbes, 
les  racines  des  arbres,  agile  et  peu  craintif. 

Le  Lézard  vert  [Lacerta  viridls  Daud.),  uniformément  vert  en  dessus  dans  l'âge 
adulte,  parfois  piqueté  de  brun  dans  les  variétés  nombreuses  de  l'espèce  ;  il  est  plus 
ou  moins  brun  et  à  taches  vertes  dans  le  jeune  âge  ;  habite  les  endroits  boisés  et 
exposés  au  soleil.  —  Commun;  la  chair  n'en  est  pas,  dit-on,  désagréable. 

Le  Lézard  ocellé  [Lacerta  ocellata  D.vud.),  vert,  varié,  taché  ou  réticulé  de  noir 
à  grandes  taches  bleues  et  rondes  sur  les  flancs,  le  dessous  du  corps  blanc  glacé 
de  vert.  Taille  atteignant  40  centimètres  et  plus,  la  queue  ayant  25  centimètres. 
—  Grande  et  belle  espèce  du  midi  de  la  France  ;  on  le  trouve  dans  la  foret  de 
Fontainebleau. 

Le  Lézard  des  murailles  (Lacerta  viuraria  La.uresti)  est  le  Lézard  gris  de 
Daudin.  C'est  l'espèce  la  plus  commune  et  répandue  partout,  d'un  gris  cendré, 
marqué  de  traits  et  de  points  brunâtres;  le  ventre  et  le  dessous  de  la  qu'eue  d'un 
blanc  luisant.  Il  ne  dépasse  guère  20  centimètres  de  longueur;  la  queue  y  entre 
poui  14  centimètres. 


LIANE.  501 

La  cliair  est  bonne  à  manger  et  Laurent!  dit  qu'on  peut  la  faire  cuire  ou  frire 
comme  celle  des  petits  poissons. 

Les  Lézards  ont  été  jadis  employés  en  médecine  à  cause  des  propriétés  qu'on 
leur  attribuait  contre  les  maladies  cutanées,  lymphatiques  et  cancéreuses,  ils  ont 
été  vantés  pour  le  traitement  de  la  syphilis,  etc.  La  chair  séc|iée  était  regardée 
comme  un  succédané  de  celle  du  Scinque  {voij.  ce  mot).  Elle  passait  pour  sudo- 
rifique  à  un  haut  degré  ;  l'usage  en  est  tombé  dans  un  complet  oubli. 

Des  peuplades  africaines  mangent  la  chair  des  Lézards  de  ces  contrées,  surtout 
celle  du  groupe  du  Lézard  vert  et  du  Lézard  ocellé. 

A.  Laboulbène. 

LIa:\E.  Plusieurs  des  végétaux  grimpants,  sarmenteux  ou  volubiles,  aux- 
quels on  donne  ce  nom  dans  nos  colonies,  sont  employés  en  médecine.  Ainsi  l'on 
appelle  : 

1.  Liane  amère,  plusieurs  Ménispermacées,  les  Cocailiis,  les  Ahiita,  les  CiS' 
sampelos,  notamment  le  Pareira  Brava. 

2.  L.  à  barriques,  le  Rivina  huniilis  L. 

3.  L.  à  blessures,  les  Vanilles  dont  le  suc  est  employé  topiquemont  aux  An- 
tilles, pour  guérir  les  plaies. 

4.  L.  à  bœuf,  VEntada  scandens  Be.nth.  [Mimosa  scandens  W.) 

5.  Jj.  boîte  à  savonnette,  hs  Nandhirobes  ou.  Feuillea. 

6.  L.  à  calebasse,  les  mêmes  plantes. 

7.  L.  à  caleçons,  plusieurs  Passiflores  vermifuges  des  Antilles. 

8.  L  de  Caripos,  uns  Dilléniacéc,  le  Dnvilla  brasiliana  DG. 

9.  L.  à  chat,  le  Bignonia  Vnguis  L. 
10.  L  à  cœur,  le  Pareira  (n.  d). 

M.  L.  contre-poison,  les  Feuillea  (n.  5,  6). 

12.  L.  à  corde,  le  Bignonia  œquinoclialis  L.,  au  Brésil. 

15.  L.  à  couleuvre,  les  Feuillea  (n.  T),  6,  11). 

14.  L.  à  coureux  ou  Timac,  une  plante  qui,  d'après  les  Mnnoires  delà  So- 
ciété roycde  de  médecine  ([,  341),  s'emploie  avec  succès  aux  Antilles,  contre  les 
hydropisies. 

15.  L.  à  crabes,  le  Bignonia  œquinoctialis  (n.  12). 

16.  L.  à  glacer  Veau,  le  Cissanipelos  Pareira  (n.  1,  10). 

17.  L.  à  lance,  ou  à  l'anse,  l'Omphalea  diandra  de  la  Jamaïque  [voij.  Oji- 
phalier). 

18.  L.  Lardizabale,  \e  Lardizabala  biternata  R.  et  Pav.,  du  Chili. 

19.  L.  à  médecine,  Vlpomœa  catharlica,  de  Saint-Domingue. 

20.  L.  à  Minguet,  Vlpomœa  macrorhizon,  espèce  purgative  de  Saint- 
Domingue. 

21.  L.  à  paniers,  le  Bignonia  œquinocticdis  (n.  12,  15). 

22.  L.  à  persil,  le  Paullinia  pinnata  L.,  à  cause  de  la  forme  de  ses  feuilles. 
25.  L.  à  pomme,  le  Passiflora  alata  Ait. 

24.  L.  Popaye,  YOmphalea  diandra  (n.  17). 

25.  L.  purgative,  Vlpomœa  catharlica  (n.  19). 

26.  L.  à  raves,  le  Dioscorea  saliva  L.  [voy.  Dioscorée). 

27.  L.  à  réglisse,  VAbrus  precatorius  [voy.  Abrus). 

28.  L.  roufje,  une  Dilléniacée,  le  Tigarea  aspera  L. 

29.  L.  à  savonnette,  les  Feuillea  (n.  5,  6,  11,  15). 


509  LIBAVIUS. 

30.  L.  à  serpent,  YAristolochia  angiiicida  Jacq.  {voy.  Aristoloche). 

31.  L.  à  serpents,  le  Cissampelos  Pareira  (n.  1,  lU,  16). 

32.  L.  à  sirop,  le  Columnea  scandens  L.,  de  l'Amérique  australe. 

35.  L.  à  vers,  le  Cereus  triangularis  L. ,  dont  le  suc  est  vermicide  [voy.  Cierge). 

Quelques  lianes  utiles  ont  reçu  des  noms  d'hommes,  ainsi  le  Telfairia  pedata, 
de  l'Afrique  australe,  a  été  appelé  Liane  Le  Joliff,  et  la  L.  purgative  de  Saint- 
Bomingue  (n.  19,  25),  L.  de  Bauduit  ou  à  Bauduit.  H.  Bn. 

OATRBS.  Nom  générique  donné  par  Schreber  et  Gaertner  à  quelques  espè- 
ces de  Composées,  retirées  des  genres  Serratida  et  Vernotiia.  Ces  plantes  présen- 
tent les  caractères  suivants  :  Involucre  à  bractées  imbriquées;  réceptacle  nu; 
corolle  tubuleuse,  à  lobes  allongés  ;  styles  à  rameaux  cylindriques,  longuement 
exsertes  ;  achaines  à  dix  côtes,  surmontés  d'une  aigrette  à  poils  roides  ciliés  ou 
plumeux.  Ce  sont  en  général  des  herbes  à  feuilles  entières  ou  très-rarement  den- 
tées, dont  les  racines,  souvent  tubéreuses,  contiennent  de  la  résine  et  ont  une 
odeur  de  térébenthine  assez  marquée.  Elles  habitent  le  nord  de  l'Amérique  et  por- 
tent, au  Canada,  le  nom  de  Pinetta  de  prairia.  Elles  sont  employées,  dans  cer- 
taines localités,  comme  diurétiques  et  même  antisyphiiitiques.  Les  Liatris  squa- 
rosa  W.  et  L.  scariosa  W.  sont  en  particulier  usités  contre  la  morsure  des 
serpents. 

D.C.  Prod.  V.  128.  —  Schreber.  Gen.  1791.  2.  1263.  —  G^utn.  Be  fnict.  Tab.  CLVII.  Fijr.  1. 

Pl. 

i.ïisj&i^iis.     Voy.  Boswellie,  Encens. 

LlBAniOTlS.  Nom  appliqué  par  Théophraste,  Dioscoride,  Pline,  etc.,  à  di- 
verses plantes  aromatiques  de  la  famille  des  Ombellifères,  qu'il  est  difficile  d'indi- 
quer d'une  manière  positive,  mais  qu'on  doit  probablement  rapprocher  des  genres 
actuels  Cachrys  et  Athamantha.  L'une  de  ces  plantes,  le  Lihanotis  coronaria, 
de  Dioscoride,  paraît  être  le  Romarin.  Les  auteurs  du  seizième  siècle  attribuèrent 
ce  nom  à  un  plus  grand  nombre  d'espèces  se  rapportant  aux  divers  genres  Laser- 
pitium,  Ligusticum,  Ferula,  Cachrys,  Seseli,  Athamantha,  Thapsia,  Bosma- 
rinus,  etc.  Plus  tard,  Gaîrtner  et  Mœncli  établirent,  sur  les  caractères  de  V Atha- 
mantha cretensis  un  genre  Lihanotis  qui  ne  fut  point  admis  par  les  botanistes. 
Enfin  De  Candolle,  après  Crantz,  a  réuni  sous  ce  nom  générique  huit  espèces 
d'Ombelhfères  ne  différant  des  Seseli  que  par  les  dents  du  cahce  longues,  subulées, 
poilues,  presque  membraneuses  et  se  détruisant  au  moins  en  partie  après  la  flo- 
raison. Aucune  de  ces  espèces  n'a  d'importance  médicale. 

Bauhis  (J.).  Hisl.  Plant.,  111,  lib.  XXVII,  p.  58.  —  D.C.  Collecl.  de  mém.,  mém.  V,  47, 
—  Prodr.,  IV,  149.  —  Crantz,  Austr.,  222.  Pl. 

LIBAVIUS  (André),  un  des  plus  illustres  chimistes  allemands  de  la  fin  du 
seizième  siècle,  né  à  Halle,  dans  la  Saxe,  vers  l'année  1546,  mort  à  Cobourg,  eu 
1616,  après  avoir  été  successivement  professeur  d'histoire  et  de  poésie  à  léna 
(1588),  gymnasiarque  et  médecin  pensionné  à  Rotenbourg  (1591),  directeur  du 
gymnase  de  Cobourg  (1606).  Libavius  fut  un  grand  homme  dans  toute  l'acception 
du  mot.  En  face  des  erreurs  grossières  des  partisans  de  Par  accise,  eu  face  de  la 
tyrannie  des  galénistes,  il  eut  le  courage  de  combattre  Amwald,  Gramann,  Miche- 
lius,  Scheunemann,  Crell,  Hartmann,  etc.,  lesquels  ne  sachant  pas  appliquer  à 


LICARI.  503 

propos  les  données  fournies  par  la  cliimie,  détournaient  cette  belle  science  de  sa 
véritable  voie,  et  commettaient  en  son  nom  de  déplorables  abus.  Sans  doute  Liba- 
vius  ne  sut  pas  secouer  complètement  le  joug  de  son  temps;  sans  doute  il  crut  à 
la  transmutabilité  des  métaux,  à  l'or  potable  et  à  d'autres  billevesées  de  celte  es- 
pèce, mais  il  a  le  mérite  incontestable  de  s'être  al'francbi  du  langage  obscur  et 
mystique  des  alchimistes,  d'avoir,  le  )iremier,  publié  un  manuel  de  chimie  géné- 
rale, plus  clair,  plus  utile  qu'aucun  de  ceux  qui  avaient  vu  le  jour  jusqu'alors,  et 
de  tenter  avec  succès  l'ajtplication  de  la  ebimie  à  l'industrie  et  aux  arts.  C'est  lui 
qui  a  reconnu  la  propriété  qu'a  l'oxyde  d'or  de  colorer  le  verre  en  rouge;  c'est  lui 
qui  a  découvert  le  chlorure  d'ctain,  connu  pendant  si  longtemps  sous  le  nom  de 
■  liqueur  fumante  de  Libavius.  C'est  encore  Libavius  qui  h  premier  a  songé  à  ia 
transfusion  du  sang  comme  un  moyen  de  guérison  et  de  rajeunissement.  Le  pas- 
sage d'un  de  ses  livres  où  cette  idée  est  émise,  est  trop  curieu.x,  pour  ne  pas  être 
traduit  ici  :  Supposons  un  homme  fort,  robuste,  sain,  plein  d'nn  sang  genrreux, 
et  un  autre  homme  épuisé,  faible,  amaigri,  ayant  à  peine  le  souffle.  Que  le 
maître  de  l'art  se  munisse  de  deux  tubes  d'argent  disposés  de  manière  à  pou- 
voir se  visser  l'un  à  l'autre.  Chez  l'homme  robuste  il  ouvre  une  artère  dans  la- 
quelle il  insère  l'extrémité  de  l'un  des  tubes  ;  puis,  chez  l'homme  malade  il  ouvre 
pareillement  une  artère,  quilmimit  aussi  de  Vautre  tube;  en  réunissant  bout  à 
■bout  ces  deux  tubes,  le  sang  chaud  de  l'homme  sain  passera  dans  le  corps  de 
l'homme  affaibli,  y  fera  pénétrer  les  sources  de  la  vie,  et -dissipera  la  langueur. 
Il  est  impossible  d'être  plus  clair,  et  nul  doute  que  les  partisans  malheureux  de 
la  transfusion,  Christophe  Wren,  Timothée  Clarke,  Robert  Boyie,  Ilenshaw, 
Richard  Lower,  J.-D.  Major,  Denis,  Enmieretz,  etc.,  ne  prirent  d;ms  les  œuvres 
du  chimiste  allemand  cette  méthode  qui  provoqua  tant  d'enthou>iasme  et 
■qui  devait  sombrer  dans  une  mer  d'orages  et  de  tempêtes.  (Voy.  le  mot  Tuans- 
FusioN.)  André  Libavius  a  écrit  énormément.  Voici  les  titres  de  ses  ouvrages  qui 
sont  les  plus  recherchés,  et  qui  ont  le  mieux  établi  sa  célébrité  : 

1.  Epistola  de  examine  panaccœ  Amwaldinœ,  ut  quiaque  judicare  possit  qua  arle  Am- 
watdus  usus  ait.  Fraiicof.,  1594,  in-S».  —  II.  Neo  paracelsica,  in  quibus  vêtus  medicina 
de  fendit  ur  adversus  ■z^ç^&ri^^ara.  tum  G.  Amwald,  cujus  liber  de  panacea  excutitur,  tum 
J.  Gramanni,  servatâ  verâ  verœ  chimiœ  lande.  Fraiicof.,  1594,  in-8°.  — III.  Tractatus  duo 
pliysici,  prior  de  imposturâ  vulnerum  per  unguentuni  armarium  curatione,  posterior  de 
cruentatione  cadaverum  injustâ  cœde  factorum,  prœsente  qui  occidisse  creditur.  Francof., 
1594,  in-S".  —  IV.  Rerum  chymicarum  cpistoUca  forma  ad  philosophas  et  medicos  scri- 
ptarum.  Francof.,  1' 95-1599,  in-8°.  — V.  Alchymia  è  dispersis  passim  optimorum  aucto- 
rum,  veterum  et  recentiorum,  exemplis  potisslnium,  etc.  Francof.,  1595,  in-(ol.  —  VI. 
Commentationum  metallicarum  Libri  IV,  de  naturâ  mctallorum,  mercurio  philosophorum, 
azotho,  et  lapide  seu  tinctorâ  physicorum  cnnficiendâ,  è  rerum,  naturâ,  experientiû,  et 
autorum  prœstantium  fide.  Francof.,  1597,  in-4°.  —  VU.  Alchymia  recognita,  emendata, 
et  aticta,  etc.  Francof.,  1597,  in-4°.  —  VIII  Ejntome  metallica,  cum  variis  tractalibus, 
nempe,  de  arte pirobandâ  lyiineraliâ,  de  aquû permanente,  de  aquis  mineraiibus ■  Francof., 
i597,  in-4°.  — IX.  Novus  de  medicina  veterum,  tam  Hippocraticâ  quam  hermeticâ  Tracta- 
tus. Francof.,  1599,  in-4°.  —  X.  Exameii  censurée  scholœ  Paris'iensis  contra  alchymiam. 
Francof.,  1601,  in-8°.  —  XI.  Praxis  alchymiœ,  etc.  Francof.,  1605,  in-8°.  —  XII.  Ap/iendix 
necessaria  syntagmatis  arcanorum  chymicorum  Francof.,  1615,  in-fol.  (C'e-t  dans  ce 
dernier  ouvrage  que  se  trouve  le  passage  sur  la  transfusion  que  nous  avons  rapporté  plus 
haut.) —  XIII.  Historia  Bombycum,  Francof.,  1599,  in-8°.  A.  G. 

OSERIA.     Voy.  Guinée. 

LIBERTÉ   MORALE.       Voy.  RESPONSABILITÉ  MORALE  et  INTERDICTION. 
LICARI.       Voy.   DiCYPELLIUM. 


504  LICHEN. 

LICUE  (La)  (Eau  minérale  de),  protothermale,  amélallite,  sulfureuse  faible. 
Dans  le  département  des  Hautes-Alpes,  dans  l'arrondissement  de  Briançon,  sur 
les  monlagnes  de  l'AIpe-Martin,  au  milieu  d'une  prairie  naturelle,  à  1927  mètres 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  émerge  la  source  de  la  Lichc.  Sou  eau,  claire  et 
limpide,  a  une  odeur  manifestement  suH'ureuse;  son  goût  est  fade  et  hépatjque; 
sa  température  est  de  17°, 2  centigrade.  Son  poids  spécifique  n'est  pas  connu; 
l'on  sait  seulement  que  1000  grammes  de  cette  eau  renferment  0''',  1)0825  de 
gaz  acide  sulfliydrique.  Cette  eau  est  employée  en  boisson  par  les  bergers  qui  ont 
des  affections  de  la  peau  ou  des  catarrhes  pulmonaires  chroniques  des  voies 
respiratoires.  A.  R. 

LICIIEIV.  (Dermatose).  Il  est  de  certains  mots  dans  l'histoire  de  la  médecine 
que  l'on  voit  avec  étonuement  se  perpétuer  d'âge  en  âge,  sans  que  jamais  une 
idée  nette,  un  objet  bien  défini,  ne  viennent  en  préciser  le  sens.  Tel  paraît  avoir 
été  le  sort  du  mot  lichen,  Izi^nit,  dont  l'origine  remonte  à  Hippocrate,  que  Ion 
retrouve  sous  les  acceptions  les  plus  diverses  dans  les  auteurs  grecs  et  latins,  et 
dont  las  gnification  n'a  été  défnntivcnicnt  et  îigoureusement  déterminée  que  vers 
la  fin  du  siècle  dernier'. 

Ou  sait  qa'im  grand  nombre  de  plantes  de  la  famille  des  Lichénées  se  pré- 
sentent habituellement  sous  la  forme  de  plaques  crustacées  étendues  sur  le 
sol,  sur  l'écorco,  des  vieux  arbres  ou  sur  les  rochers.  Cette  étymologie  étant 
admise,  on  comprend  toute  la  conhision  qui  dut  en  résulter  nécessairement 
pour  le  fait  pathologique  que  le  mot  lichen  se  trouvait  appelé  à  représenter. 
Rien  de  plus  vague,  en  effet,  et  surtout  rien  de  plus  contestable  qu'un  carac- 
tère basé  exclusivement  sur  un  rapport  d'analogie  plus  ou  moins  grossier  entre 
des  objets  d'ailleurs  complètement  dissemblables.  Aussi  la  ))lupart  des  auteurs 
anciens,  et  Hippocrate  lui-même,  ont-ils  appliqué  le  mot  lichen  à  des  formes 
morbides  très-différentes  de  siège  et  de  modalité  pathogénique,  formes  sèches  et 
formes  humides,  lésions  papuleuses,  pustuleuses  et  vésiculeuses,  sans  qu'il  soit 
toujours  possible  de  reconnaître  au  milieu  de  cette  obscurité  ce  qui  a  trait  plus 
spécialement  à  l'affection  qui  nous  occupe.  Et  cet  état  d'incertitude  devait  se  con- 
tiimer  jusqu'à  une  époque  très-rapprocbée  de  nous,  car  les  écrits  de  Sauvages,  de 
Lorry,  et  même  ceux  d'Alibert  nous  retracent  la  même  confusion  dans  les  termes 
et  dans  les  choses. 

Il  iaut,  en  effet,  arriver  jusqu'à  WiUan  et  Bateman  pour  voir  enfin  le  sens  du 
mot  hchen  se  dégager  avec  une  certaine  netteté.  Ces  auteurs  ont  décrit  sous  C3 
nom  :  «  Une  éruption  étendue  de  papules,  se  manifestant  chez  les  adultes,  accom- 
pagnée d'un  trouble  des  organes  intérieurs,  se  terminant  ordinairement  par  une 
légère  desquamation,  susceptible  de  se  reproduire  et  ne  se  transmettant  pas  par 
contagion.  » 

C'était  là  un  progrès,  sans  doute,  encore  bien  que  cette  définition  laissât  beau- 
coup à  désirer,  même  en  se  plaçant  au  point  de  vue  restreint  du  classificateur  an- 
glais. Il  n'est  pas  exact  de  dire,  par  exemple,  que  le  lichen  soit  une  affection 
particulière  à  l'âge  adulte,  car  on  l'observe  fréquemment  dans  l'enfance  :  il  est  vrai 
(]ue  Willan  le  désignait  alors  par  un  autre  mot,  celui  de  strophulus.  Quant  aux 

*  Il  résulte  de  divers  passages  de  Dioscorides  (t.  IV,  c.  53),  Pline  (1.  XXVI,  c.  10),  Catien 
{De  simple  médicament.  Temperam.,  1.  VII,  c.  11,  n°  6)  que  Icnwllich^n  a  été  transporxô 
de  la  paUioIogie  ù  la  botanique,  et  non  de  la  botaniijue  à  la  palhologie,  comme  on  serait 
tenté  de  le  croire.  C'est  pour  celte  liaison  que  nous  plaçons  ici  la  dermatose  avant  la  plante. 


LICHEN.  51^5 

troubles  fonctionnels  intérieurs  dont  s'accompagne  quelquefois  le  lichen,  ils  n'ont 
rien  de  nécessaire,  et  dans  tous  les  cas  ne  sauraient  être  rattachés  à  l'altération  de 
la  peau  par  un  hen  de  causalité.  Enfin,  c'est  aller  beaucoup  trop  loin  que  d'affir- 
mer d'une  manière  absolue  la  non  contagion  du  lichen,  car  nous  retrouverons 
ce  caractère  au  plus  haut  degré  dans  les  espèces  de  cause  parasitaire. 

Quoi  qu'il  en  soit  et  toute  imparfaite  qu'elle  nous  paraisse,  la  définition  de 
Willan  constituait  un  progrès  très-réel  au  temps  oîi  elle  fut  émise  ;  elle  nous  a 
mis  en  possession  d'un  fait  désormais  acquis  à  la  science,  en  établissant  l'existence 
du  lichen  comme  affection  papuleuse  sui  generis,  et  en  séparant  cette  affection 
d'une  manière  irrévocable  de  toutes  les  autres  formes  éruptives  qui  se  manifestent 
à  la  peau. 

La  plupart  des  dermalolo^istes  qui  ont  suivi  Willan  ont  accepté  sa  définition 
du  lichen,  en  y  apportant  quelques  modifications.  Biett  fait  remarquer  que  cette 
affection  n'est  pas  rare  dans  l'enfance,  et  qu'elle  peut  se  montrer  indépendam- 
ment de  troubles  fonctionnels  du  côté  des  organes  internes,  mais  il  ne  sort  pas  du 
cadre  tracé  par  le  classificateur  anglais,  et  conserve  toutes  les  variétés  que  celui-ci 
avait  admises. 

Gibert  place  le  lichen  dans  l'ordre  des  papules,  à  côté  du  prurigo.  Il  considère 
le  strophulus  comme  une  espèce  intermédiaire  entre  les  exanthèmes  et  les 
papules,  mais  sans  toutefois  le  séparer  complètement  du  genre  lichen,  dont  il  ne 
serait  qu'une  variété  plus  ou  moins  distincte. 

Telle  est  aussi  l'opinion  de  M.  Cazeuavc,  qui  n'admet  que  deux  affections  papu- 
lenses,  le  prurigo  et  le  lichen. 

Rayer  et  M.  Devergie  ont  conserve  îe  genre  strophulus,  et  décrit  séparément 
trois  maladies  papuleuses,  le  lichen,  le  strophulus  et  le  prurigo,  ainsi  que  l'avaient 
fait  Willan  et  Baleman. 

Cependant  tout  le  monde  en  France  n'avait  pas  suivi  le  mouvement  suscité  par 
Willan.  Doué  d'un  sens  plus  pratique  et  plus  véritablement  médical  que  le  patho- 
logiste  anglais,  Alibert  n'avait  pu  consentir  à  une  doctrine  fondée  exclusivement 
sur  la  forme  élémentaire  des  altérations  cutanées,  et  n'apercevant  pas  d'ailleurs 
tout  le  parti  qu'on  pouvait  en  tirer,  il  crut  devoir  la  répudier  complètement  pour 
édifier  en  sa  place  ce  qu'il  appela  lui-même  une  méthode  naturelle  de  classification. 
Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  juger  cette  méthode  dans  l'ensemble  des  applications 
qu'en  a  faites  Alibert;  mais  nous  devons  nous  demander  ce  qu'elle  a  produit  rela- 
tivement au  lichen.  Que  devient  cette  affection  dans  les  cadres  du  célèbre  derma- 
tologiste?  Elle  disparaît  à  peu  près  complètement  pour  aller  se  perdre,  avec  le 
prurigo  et  la  gale,  dans  le  groupe  des  dermatoses  scabieuses,  «  dont  le  caractère 
général  est  de  provoquer  à  la  suri'ace  de  la  peau  un  prurit  plus  ou  moins  violent, 
suivi  ou  non  de  desquamation,  et  qui  porte  les  malades  à  se  gratter  sans  cesse 
pour  apaiser  ou  éteindre  la  sensation  pénible  qui  les  incommode.  »  Ce  groupe 
comprend  en  effet  deux  genres,  la  gale  et  le  prurigo,  et  ce  dernier  genre  se  sub- 
divise lui-même  en  quatre  espèces,  dont  l'une,  le  prurigo  lichénoïde  ou  furfurant, 
est  ainsi  appelée,  dit  Alibert,  «  parce  que  les  papules  prurigineuses  finissent  par 
produire  une  furfuration  analogue  à  celle  du  son  ou  de  la  farine,  d'où  vient  que 
certains  auteurs,  Plenck  et  Wdlan  en  particulier,  le  désignèrent  sous  le  Jiom  de 
lichen,  d'autres  sous  celui  d'herpès  farinosus.  » 

C'était  nous  ramener  tout  simplement  aux  plus  mauvais  jours  de  l'histoire  du 
lichen,  et  nous  rejeter  sans  compensation  dans  toutes  les  incertitudes  dont  le  sys- 
tème de  Willan  nous  avait  à  peine  délivrés.  Quoi  de  moins  naturel,  en  effet, 


LOC  LlCnEN. 

qu'une  famille  de  dermatoses  dont  les  membres  ne  présentent  d'autre  lien  entre 
eux  que  la  prédominance  d'un  symptôme  qui  leur  est  commun,  de  l'aveu  même 
d'Alibcrt,  avec  presque  toutes  les  affections  cutauces? 

Joseph  Frank  a  décrit  le  lichen  dans  trois  chapitres  :  dans  celui  du  stroplmlus, 
dans  celui  du  psydracia  et  dans  celui  de  l'herpès  furfureux. 

M.  Gintrac  (de  Bordeaux)  a  placé  le  lichen  aigu  et  le  stroplmlus  ou  lichen  aigu 
de  la  première  enfance  dans  la  classe  des  fièvres  éruptives  et  des  exanthèmes 
aigus,  et  le  lichen  chronique  dans  la  classe  des  herpétides,  à  côté  de  l'urticaire  et 
du  prurigo. 

Enfin,  pour  n'omettre  aucune  des  vicissitudes  qu'a  traversées  le  lichen , 
nous  devons  dire  que  M.  Hardy  a  réuni  cette  affection  au  genre  eczéma,  dont  elle 
formerait  «  non  pas  une  variété  comme  l'impétigo,  mais  une  espèce  particulière 
reliée  au  genre  par  des  caractères  si  intimes  qu'on  ne  saurait  l'en  séparer, 
et  qu'en  thérapeutique  plus  encore  qu'en  diagnostic,  il  importe  de  les  envisager 
simultanément.  »  Dans  cette  manière  de  voir,  et  par  un  singulier  retour  des 
choses,  le  lichen  perd  donc  encore  son  individualité  distincte  pour  n'être  plus 
qu'uue  période  ou  l'une  des  phases  de  transformation  d'une  autre  affection. 

Ces  préliminaires  historiques  étant  posés,  j'aborde  sans  autre  transition  l'étude 
du  lichen  considéré  comme  genre  [séméiotique  cutanée  générale). 

La  seconde  partie  de  ce  travaiLsera  consacrée  à  l'exposition  rapide  des  espèces 
et  variétés  admises  par  les  auteurs. 

Dans  la  troisième  enfin,  nous  aurons  à  examiner  le  lichen  au  point  de  vue 
des  modifications  que  lui  impriment  les  maladies  dont  il  est  la  traduction  sur  la 
peau  [séméiotique  cutanée  spéciale). 

I,  Dd  lichen  considéré  comme  affection  générique.  Séméiotique  cutanée  gé- 
nérale.—  Définition.  Je  définis  le  lichen  :  une  affection  cutanée  caractérisée  dans 
sa  période  d'état  par  la  présence  de  papules  particuUères,  agglomérées  ou  dis- 
crètes, envahissant  une  surface  plus  ou  moins  étendue,  et  s'accompagnent  à  une 
certaine  période  de  leur  existence  d'une  hypertrophie  des  papilles  avec  exagéra- 
tion des  plis  naturels  de  la  peau. 

Symptomatologie.  Le  lichen  peut  affecter  une  marche  aiguë  ou  une  marche 
chronique,  et  les  symptômes  initiaux  diffèrent  notablement  dans  les  deux  cas. 

Lorsqu'il  se  présente  à  l'étal  aigu,  son  apparition  est  habituellement  marquée 
par  quelques  phénomènes  prodromiques,  tels  que  malaise,  courbature,  anorexie, 
excitation  fébrde,  etc.;  dans  ce  cas,  l'éruption  ra[)pelle  assez  bien  par  son  allure 
et  son  extension  rapide  le  mode  d'invasion  des  pseudo-exanthèmes. 

Dans  le  lichen  chronique,  c'est  à  la  peau  que  se  manifestent  les  premiers  symp- 
tômes, soit  que  l'éruption  s'y  développe  d'emblée,  soit  qu'elle  ait  été  précédée 
pendant  quelques  jours  par  un  prurit  plus  ou  moins  intense,  local  ou  généralisé. 

L'éruption  peut  se  montrer  sur  toutes  les  parties  du  corps,  mais  les  mains, 
les  avant-bras,  le  cou,  la  face  constituent  pour  elle  des  lieux  de  préddection.  Tan- 
tôt partielle  à  l'origine,  elle  reste  indéfiniment  confinée  à  une  région  unique; 
tantôt  elle  envahit  à  la  fois  ou  successivement  un  certain  nombre  de  surfaces 
plus  ou  moins  étendues,  ou  même  la  totahté  de  la  membrane  tégumentaire. 

Sur  la  peau  s'élèvent  de  petites  éminences  dures,  pleines,  solides,  c'est-à-dire  ne 
renfermant  aucun  liquide,  diversement  configurées  suivant  les  cas,  quel([uefois 
éparses,  le  plus  ordinairement  réunies  de  manière  à  constituer  des  groupes  plus 
ou  moins  nettement  limités  et  séparés  les  uns  des  autres  par  des  intervall  s  de 
peau  saine.  Ces  papules  dépassent  rarement  les  dimensions  d'un  grain  de  millet; 


LICHEN.  507 

elles  sont  parfois  si  petites  que  la  réalité  de  leur  existence  pourrait  être  mise 
en  doute,  si  le  doigt  promené  sur  1  éruption  ne  taisait  percevoir  une  légère 
sensation  de  rudesse  et  d'aspérité.  Leur  forme  est  généralement  en  rapport  avec 
leur  volume,  acuminée  ou  conique  pour  les  plus  petites,  aplatie,  lenticulaire  ou 
subhémisphérique,  lorsque  le  diamètre  du  bouton  devient  plus  considérable. 
D'une  coloration  rouge  et  animée  dans  l'état  aigu,  quelquefois  rouge  sur  certains 
points  et  blanchâtre  sur  d'autres  (stropJmlus  candidus),  elles  ne  diffèrent  pas 
sensiblement  dans  l'état  chronique  de  la  teinte  normale  des  téguments  voisins. 
Leur  surface  est  parfois  lisse,  unie,  le  plus  ordinairement  sèche,  rugueuse,  recou- 
verte de  débris  épidermiques  ou  de  véritables  squames. 

Les  sensations  morbides  que  détermine  le  lichen  sont  variables  de  caractère  et 
d'intensité,  suivant  la  forme  de  l'alfection,  et  surtout  suivant  sa  nature.  Le  lichen 
est,  après  le  prurigo,  la  lésion  tégumentaire  qui  s'accompagne  le  plus  volontiers 
de  cette  hyperesthésie  spéciale,  que  l'on  a  désignée  sous  les  noms  de  prurit,  dé- 
mangeaison. Cette  sensation  peut  d'ailleurs  exister  à  tous  les  degrés,  tantôt  très- 
faible  et  facilement  supportée  par  les  malades,  et  tantôt  de\enant  par  sa  violence 
une  véritable  torture.  Entre  ces  deux  extrêmes  se  place  une  foule  de  nuances 
intermédiaires.  En  général,  la  tolérance  de  la  peau  est  d'autant  plus  grande  pour 
le  lichen  que  les  éléments  qui  le  composent  sont  plus  volumineux,  plus  hypertro- 
phiques,  plus  isolés  les  uns  des  autres.  Cette  sorte  d'antagonisme  entre  le  pruiit 
et  les  dimensions  de  l'élément  primitif  apparaît  surtout  avec  cAidence  lorsque 
l'on  comjiare  à  ce  point  de  vue  les  grosses  papules  indolentes  de  la  syphilis  aux 
papules  acuminées  et  presque  invisibles  du  lichen  dartrcux;  mais  on  le  retrouve 
également  dans  d'autres  espèces,  dans  le  lichen  scrofuleux,  par  exemple,  ainsi 
que  dans  cette  variété  d'arthritide  que  nous  décrirons  bientôt  sous  le  nom  de 
lichen  à  papules  déprimées. 

Indépendamment  du  prurit,  le  lichen  peut  en  outre  imprimer  à  la  sensibilité 
de  la  peau  des  modifications  d'un  autre  ordre.  Certains  malades  accusent  surtout 
de  la  cuisson,  ou  un  sentiment  d'ardeur  brûlante;  pour  d'autres,  ce  sont  des 
picotements  vifs  ou  des  élancements  douloureux  qui  semblent  prédominer  davan- 
tage, soit  qu'ils  se  joignent  simplement  à  la  démangeaison,  soit  qu'ils  la  rempla- 
cent d'une  manière  plus  ou  moins  complèle.  Toutes  ces  modifications  ont  une 
importance  séméiotique,  que  nous  aurons  à  apprécier  au  point  de  vue  de  la  déter- 
mination des  espèces. 

Il  est  rare  que  le  lichen  se  prolonge  au  delà  d'un  certain  temps  sans  que  d'au- 
tres phéiTomènes  ne  s'ajoutent  à  la  production  papuleuse  qui  en  forme  le  trait 
essentiel  et  caractéristique.  Nous  avons  déjà  noté  la  sécheresse  des  papules  et  leur 
état  d'exfoliation  ;  la  membrane  cutanée  subit  en  outre  des  altérations  profondes 
et  tr  s-remarquables  dans  sa  texture  et  ses  propriétés  physiques.  C'est  d'abord 
un  certain  degré  d'épaississenient,  quelquefois  à  peine  marqué,  et  quis'accroit  eu 
raison  du  nombre  et  de  la  confluence  des  éléments  papillaires  hypertrophiés;  en 
même  temps,  la  peau  a  perdu  sa  souplesse  et  son  élasticité  normales  ;  elle  est 
dure,  sèche,  rugueuse,  comme  cassante,  d'oii  résulte  une  exagération  toute  par- 
ticulière de  ses  rides  et  plis  naturels,  et  si  l'affection  occupe  des  parties  très- 
mobiles,  telles  que  le  creux  poplité,  l'aisselle,  le  ph  du  coude,  les  espaces  inter- 
digitaux, etc. ,  on  observe  fréquemment  des  fissures  ou  des  espèces  de  rhagades, 
qui  intéressent  profondément  la  substance  du  derme. 

Le  lichen  est  susceptible  de  revêtir  des  apparences  très-diverses  suivant  son 
siège  topographique,  son  étendue,  son  intensité,  la  forme,  le  volume  eô  la  dispo- 


508  LICHEN. 

sition  de  ses  papules,  leur  état  de  confluence  ou  de  dissémination,  et  mille  autres 
circonstances  qu'il  est  plus  facile  de  concevoir  que  d'énumérer.  C'est  sur  de  sem- 
blables considéralions  que  reposent  toutes  les  divisions  et  sous-divisions  dont  les, 
auteurs  ont  comme  à  l'envi  hérissé  son  histoire.  Nous  retrouverons  toutes  ces 
variétés,  avec  leurs  dénominations  particuhères,  dans  la  seconde  partie  de  cette 
étude. 

11  est  pourtant  une  forme  de  lichen  qui  mérite  dès  à  présent  une  mention  spé- 
ciale, en  raison  de  l'importance  qui  lui  a  été  donnée,  je  veux  parler  du  lichen 
agrius.  Cette  affection  ne  diffère  en  réalité  de  la  forme  commune  que  par  l'in- 
tensité insolite  des  phénomènes  inflammatoires  et  une  certaine  tendance  à  la  poly- 
morphie;  sous  l'influence  des  grattages  et  autres  manœuvres  employées  par  le 
malade  pour  calmer  le  prurit,  les  papules  irritées  et  excoriées  se  recouvrent  à 
leurs  sommets  de  petites  vésicules  transparentes,  suivies  elles-mêmes  de  croûtes 
squameuses,  adhérentes  dans  un  seul  point,  libres  dans  le  reste  de  leur  étendue, 
et  simulant  assez  bien  l'aspect  des  lichens  que  l'on  rencontre  sur  le  tronc  des 
vieux  arbres.  Les  croûtes  laissent  en  se  détachant  des  excoriations  superficielles 
qui  sont  le  siège,  pendant  un  certain  temps,  d'un  léger  suintement  séreux.  Dans 
une  autre  variété,  dont  la  nature  est  différente,  les  papules  sont  plus  grosses  et 
compliquées  de  véritables  pustules  donnant  lieu  ù  des  croûtes  assez  épaisses  et  de 
forme  impétigiueusc  ;  le  prurit  est  faible  et  hors  de  toute  proportion  avec  l'inten- 
sité des  phénomènes  éruptifs  :  c'est  le  lichen  agrius  à  grosses  papules,  que  nous 
avons  placé  parmi  les  scrofulides  boutonneuses. 

En  résumé,  rien  de  plus  variable  que  la  physionomie  du  lichen.  Quelques-unes 
de  ses  formes  semblent  même  tellement  différentes  à  première  vue,  qu'il  n'est 
peut-être  pas  inutile  de  faire  ressortir  le  lien  qui  les  rassemble.  Là,  c'est  une  érup- 
tion largement  disséminée  sur  toutes  les  parties  du  corps  ;  ici,  au  contraire,  tout 
se  réduit  à  quelques  papules  groupées  sur  un  point  très-circonscrit.  Nui  prurit, 
aucune  sensation  morbide  chez  ce  malade,  tandis  que  cet  autre  est  en  proie  à  d'in- 
tolérables souffrances.  Tantôt  la  lésion  est  simple,  représentée  par  un  seul  élé- 
ment, et  tantôt  compliquée  d'érythème,  de  vésicules,  de  pustules,  d'ulcérations 
et  de  croûtes.  Les  altérations  consécutives  de  la  peau,  c'esl-à-dire  son  mouvement 
hypertrophique,  l'état  granuleux  de  sa  surface,  l'exagération  de  ses  phs,  etc.,  que 
nous  avons  considérées  comme  propres  au  lichen,  n'existent  pas  à  beaucoup  près 
dans  tous  les  cas.  Au  milieu  de  cette  symptomatologie  mobile  et  changeante,  qre 
reste-t-il  donc  en  définitive  pour  caractériser  le  genre?  Un  seul  phénomène,  mais 
constant,  pathognomonique,  la  papule  lichénoïde.  C'est  elle  que  l'on  constate  au 
début,  sous  la  forme  de  légères  saillies  papillaires,  a)jpréciables  à  l'œil  nu  et  au 
doigt ,  elle  que  l'on  retrouve  sous  des  apparences  variées  dans  la  période  d'état,  où 
elle  atteint  son  développement  parfait,  et  c'est  elle  encore  qui  persiste,  comme 
partie  fondamentale  ou  essentielle,  quelquefois  masquée,  mais  toujours  présente 
et  facilement  reconnaissable,  jusqu'à  la  disparition  complète  de  l'éruption  cutanée. 
Marche.  Durée.  Terminaisons.  Ainsi  que  nous  l'avons  remarqué  précédem- 
ment, le  lichen  peut  exister  à  l'état  aigu  ou  à  l'état  chronique,  mais  il  affecte  le 
plus  habituellement  cette  dernière  forme. 

Le  lichen  aigu  parcourt  rapidement  ses  périodes,  et  disparaît  en  général  après 
une  durée  de  un  à  deux  ou  trois  septénaires  ;  il  peut  aussi  se  prohnger  davan- 
tage par  le  fait  d'éruptions  successives.  Il  est  d'ailleurs  très-sujet  à  récidiver,  soit 
sur  les  mêmes  points,  soit  sur  d'autres  régions,  et  quelquefois  avec  une  sorte  de 
périodicité. 


LICHEN.  509 

Le  lichen  chronique  succède  rai-ement  à  la  forme  aiguë,  et  revêt  d'emblée  les 
caractères  particuliers  qui  le  distinguent.  C'est  alors  une  des  affections  de  la  peau 
les  plus  tenaces  et  les  plus  rebelles.  Souvent,  il  est  vrai,  on  le  voit  présenter  des 
améliorations  passagères  qui  donnent  l'espoir  d'une  terminaison  prochaine  :  les 
papules  s'affaissent,  la  peau  reprend  peu  à  peu  sa  souiilesse  et  se  dépouille  dos 
produits  d'exfolialion  accumulés  à  sa  surface  ;  sa  sensibilité  morbide  s'éteint  de 
jour  en  jour;  en  un  mot,  tout  semble  enfin  marcher  vers  la  solution  désirée;  et 
puis,  sous  l'influence  d'une  cause  insignifiante,  d'une  impression  morale,  d'un 
écart  de  régime,  d'un  changement  brusque  dans  les  conditions  de  l'atmosphère, 
une  recrudescence  survient,  de  nouvelles  poussées  papuleuses  se  produisent,  ra- 
menant avec  elles  le  prurit  et  le  reste,  et  la  guérison  se  trouve  encore  indéfiniment 
ajournée. 

La  marche  et  la  durée  du  hchen  varient  d'ailleurs  suivant  la  nature  de  la  cause 
qui  lui  a  donné  naissance.  Lorsqu'il  est  d'origine  artificielle,  il  suffit  de  soustraire 
le  malade  à  l'influence  de  l'agent  provocateur  pour  obtenir  une  guérison  rapide 
et  radicale.  Le  lichen  scrofuleux  se  termine  fréquemment  de  lui-même,  et  d'une 
manière  définitive,  vers  l'âge  de  la  puberté,  après  avoir  quelquelbis  persisté,  mal- 
gré tous  les  moyens,  pendant  une  grande  partie  de  l'adolescence.  C'est  dans  l'es- 
pèce arthritique  que  l'on  observe  plus  particulièrement  ces  retours  périodiques 
que  nous  signalerons  tout  à  l'heure;  mais  un  moment  arrive  où,  après  des  intei'- 
missions  de  plus  en  plus  prolongées,  l'action  morbifique  finit  par  abandonner  la 
peau  pour  rentrer  dans  le  silence  ou  se  porter  sur  un  autre  système  organique 
jusqu'alors  épargné.  Enfin,  lorsqu'il  sera  question  du  lichen  herpétique,  nous 
verrons  que  cette  espèce,  de  toutes  sans  contredit  la  plus  grave,  semble  prendre 
de  nouvelles  forces  et  s'invétérer  davantage  avec  le  progrès  des  années. 

Le  hchen  coexiste  souvent  avec  d'autres  altérations  de  la  peau,  et  notamment 
avec  l'impétigo,  l'ecthyma,  le  prurigo,  l'eczéma,  l'urticaire.  11  peut  aussi  se  trans- 
l'ormer  m  sii«  en  une  autre  affection,  par  exemple  le  lichen  agrius  en  impétigo, 
ou  la  forme  squameuse  en  psoriasis  ;  ou  bien  les  papules  dégénèrent  lentement 
et  se  convertissent  en  tubercules  (syphifis).  Un  phénomène  inverse  peut  égale- 
ment se  produire,  le  lichen  servant  à  son  tour  de  mode  de  terminaison  à  une  lésion 
cutanée  différente  de  forme  ou  de  modalité  pathogénique  ;  et,  sans  parler  du  pru- 
rigo, que  l'analogie  de  ses  caractères  anatomiques  rapproche  singulièrement  du 
lichen,  qui  n'a  vu  et  pour  ainsi  dire  suivi  de  jour  en  join-,  dans  certains  eczémas 
anciens,  les  modifications  progressives  qui  s'accomplissent  dans  le  tissu  de  la  peau, 
son  augmentation  d'épaisseur,  l'exagération  de  ses  phs,  la  sécheresse  de  pins  en 
plus  marquée  de  sa  surface,  et,  comme  dernier  terme,  la  substitution  délinitive 
des  papules  hchénoïdes  aux  vésicules  et  aux  croûtes?  L'eczéma  s'est  fait  lichen, 
et  c'est  avec  celui-ci  qu'il  faut  désormais  compter  pour  le  choix  des  moyens  théra- 
peutiques. Ces  sortes  de  mutations  ne  portent  Ijabituellemeat  que  sur  le  genre 
des  allèctions  :  la  forme  change,  le  fond  restant  le  même  :  mais  elles  peuvent 
aussi  atteindre  l'espèce  lorsque,  par  une  coïncidence  qui  n'est  pas  ti'ès-rare,  le 
malade  se  trouve  à  la  lois  sous  l'influence  de  plusieurs  causes  morbifiques  dis- 
tinctes. 

Le  hchen  ne  compromet  pas  par  lui-même  la  vie  des  sujets  qui  en  sont  atteints. 
Cependant,  les  désordres  fonctioiuiels  qui  sont  la  conséquence  du  prurit,  dans  les 
espèces  où  ce  symptôme  domine,  jettent  parfois  les  malades  dans  un  tel  état  de 
faiblesse  et  d'émaciation,  que  l'on  conçoit  alors. la  possibilité  d'une  terminaison 
funeste  en  l'absence  de  toute  complication. 


510  LICHEN. 

Diagnostic.  Le  lichen  ne  saurait  être  méconnu  de  personne,  lorsqu'il  se  pré- 
sente sous  la  forme  caractéristique  de  papules  ^roupées  sur  une  surface  tégumen- 
taire  épaissie  et  sillonnée  profondément  dans  le  sens  de  ses  plis  naturels  ;  mais 
il  est  des  cas  oii  ses  traits  sont  mal  dessinés,  oii  les  lignes  de  démarcation  s'effa- 
cent, par  le  fait  de  circonstances  accidentelles,  et  le  diagnostic  devient  alors  quel- 
quelois  d'une  grande  difficulté. 

Parmi  les  affections  qui  peuvent  simuler  le  lichen,  le  prurigo  se  place  en  pre- 
mière ligne.  De  part  et  d'autre,  nous  rencontrons  la  papule,  mais  avec  des  ca- 
ractères de  forme,  de  volume,  de  disposition  qui  diffèrent  notablement  dans  les 
deux  cas.  Les  papules  du  prurigo  sont  généralement  plus  larges,  plus  aplaties, 
plus  volumineuses  que  celles  du  lichen;  toujours  isolées  et  éparses,  elles  n'ont 
aucune  tendance  à  se  réunir  en  groupes,  comme  il  est  presque  de  règle  pour  cette 
dernière  affection  ;  la  peau  qui  les  supporte  reste  souple  et  d'ailleurs  parfaitement 
normale  ;  enfin,  elles  déterminent  un  prurit  incomparablement  plus  intense,  toutes 
choses  égales,  et  surtout  plus  acre  et  plus  brûlant  que  ne  fait  le  l^îhen,  et  ne  tar- 
dent guère  à  se  recouvrir  de  petites  croûtes  noirâtres,  formées  par  une  gouttelette 
de  sang  desséché,  ce  qui  n'a  lieu  que  rarement  pour  la  papule  lichénoïde.  Assuré- 
ment, chacun  de  ces  caractères,  pris  séparément,  n'offre  pas  toujours  toute  la  netteté 
désirable;  il  est  des  nuances  difficiles  à  saisir,  et  plus  difficiles  encore  à  analyser; 
ou  bien  ce  sont  des  particularités  importantes  qui  manquent  d'un  côté  ou  qui  s'a- 
joutent de  l'autre.  Ainsi,  la  papule  du  prurigo  n'est  pas  nécessairement  et  dans 
tous  les  cas  plus  volumineuse  que  celle  du  lichen,  et  celle-ci  à  son  tour  peut 
exister  pari'ois  à  l'état  d'isolement,  et  sans  autre  altération  appréciable  du  tissu 
de  la  peau.  Ce  n'est  donc  pas  sur  tel  ou  tel  caractère  que  doit  être  basé  le  dia- 
gnostic, mais  sur  l'ensemble  des  phénomènes,  sur  la  physionomie  générale  de 
l'éruption,  sa  marche,  les  circonstances  qui  ont  présidé  à  son  développement. 
Ajoutons  du  reste  que,  par  une  exception  rare,  ce  point  de  diagnostic  est  beau- 
conii  plus  facile  à  résoudre  en  pratique  qu'à  discuter  en  théorie. 

Tous  les  auteurs  se  sont  préoccupés  de  la  distinction  à  établir  entre  le  lichen 
et  la  gale.  Pour  nous,  une  semblable  question  n'a  pas  lieu  d'être  posée,  car  elle 
implique  la  confusion  entre  le  genre  et  l'espèce.  Le  mot  gale  entraine  avec  lui 
l'idée  de  cause  et  de  nature;  celui  de  lichen  indique  simplement  l'existence  d'une 
éruption  papuleuse  spéciale,  sans  rien  préciser  sur  l'origine  de  cette  éruption. 
Or,  il  n'y  a  rien  de  commun  entre  ces  deux  ordres  de  faits.  On  sait  de  plus  que 
le  lichen  fait  précisément  partie  des  phénomènes  éruptifs  provoqués  par  la  pré- 
sence de  l'acarus  scabiei  :  il  s'agit  alors  d'une  affection  spéciale,  que  nous  retrou- 
verons bientôt  dans  l'histoire  des  espèces,  le  lichen  parasitaire. 

L'eczéma,  à  sa  première  période,  se  distingue  sans  difficulté  du  lichen  par  le 
caractère  de  son  élément  primitif,  qui  est  une  vésicule  remplie  de  sérosité  trans- 
parente. Son  siège  a  lieu  communément,  non  au  côté  externe  des  membres,  mais 
au  contraire  à  leur  face  interne,  dans  le  sens  de  la  flexion,  sur  les  phs  articu- 
laires, à  la  partie  antérieure  du  tronc.  Il  donne  lieu  à  du  suintement  et  à  des 
croûtes  jaunâtres  et  d'aspect  humide.  Cependant  nous  avons  vu  que  le  hchen  pou- 
vait se  compliquer  pari'ois  de  la  production  de  vésicules,  elles-mêmes  suivies 
d'excoriations  et  de  croûtes.  Mais  on  remarque  alors,  avec  un  peu  d'attention,  que 
les  papules  constituent  la  partie  essentielle,  et,  si  je  puis  ainsi  dire,  le  fond  de 
l'éruption  ;  qu'elles  préexistaient  aux  vésicules  ;  que  les  croûtes  sont  légères,  frag- 
mentées, adhérentes,  individuelles  pour  chaque  saillie  papuleuse,  bien  différentes 
par  conséquent  des  larges  concrétions  de  l'eczéma  proprement  dit  à  sa  deuxième 


LICHEN.  51'1 

période.  Jamais  d'ailleurs,  dans  l'eczéma,  le  corps  papillaire  de  la  peau  ne  présente 
cette  augmentation  d'épaisseur  et  cette  sécheresse  particulière  qui  caractérisent 
si  bien  le  lichen  confirmé. 

Le  lichen  a  été  confondu  avec  certaines  formes  de  Viirticaire,  sous  le  nom  de 
lichen  urticatus.  C'est  là  un  rapprochement  forcé,  que  rien  nejustilie.Le  lichen 
urticatus  n'est  pas  autre  chose,  en  réalité,  qu'une  variété  du  genre  urticaire, 
dont  il  offre  tous  les  attributs  essentiels. 

Le  lichen  circonscrit  pourrait  en  imposer  parfois  pour  un  herpès  circiné.  Mais 
nous  ne  retrouvons  pas  dans  le  liclien,  du  moins  au  même  degré,  la  parfaite  régu- 
larité de  forme  et  surtout  la  rapidité  d'extension  des  cercles  de  l'herpès.  Le 
centre  des  plaques  se  dégage  beaucoup  plus  lentement  et  d'une  manière  presque 
toujours  incomplète.  Les  squames  sont  plus  sèches,  plus  adhérentes,  et  reposent 
sur  des  surfaces  rugueuses,  jamais  excoriées  si  la  lésion  est  simple.  Enfin,  il  est 
bien  rare  qu'un  examen  attentif  ne  fasse  pas  découvrir  à  la  périphérie  des  pla- 
ques ou  des  cercles  quelque  élément  encore reconnaissable  dont  la  présence  vient 
aussitôt  fixer  le  diagnostic.  Il  ne  faut  pas  oublier  du  reste  que  le  lichen  constitue 
l'une  des  formes  primitives  de  la  teigne  tonsurante,  au  même  titre  que  l'horpès 
dont  il  reproduit  alors  exactement  la  marche  et  le  mode  de  propaga'ion.  Dans  ce 
cas,  la  lésion  élémentaire  importe  peu,  et  toute  distinction  s'efface  devant  l'iden- 
iité  de  nature. 

Dans  ]e psoriasis,  comme  dans  le  lichen,  il  y  a  épaississement  de  la  peau  et 
formation  de  squames.  Mais  la  plaque  psoriasique  est  plus  exactement  limitée, 
plus  uniformément  saillante  que  celle  du  lichen  ;  elle  est  en  même  temps  plus 
congestive,  ainsi  que  l'atteste  sa  coloration  rouge  ;  ses  squames  sont  imbriquées, 
brillantes,  nacrées,  très-adhérentes  ;  les  démangeaisons  qui  l'accompagnent  sont 
relativement  nulles  ou  tout  à  fait  insignifiantes.  L'erreur  ne  serait  ^éritableuleIlt 
possible  qu'à  la  période  de  déclin  de  l'affection  psoriasique,  alors  que  les  plaques 
semblent  se  fragmenter  à  leurs  bords  en  une  foule  de  petits  points  rouges  encore 
élevés  au-dessus  de  la  peau,  et  qui  simulent  assez  bien  des  papules  de  lichen. 
Cependant,  un  observateur  attentif  reconnaîtra  bientôt  que  ces  points  n'ont  pas 
le  caractère  papuleux  ;  qu'ils  ne  sont  pas  acuminés  ;  qu'ils  sont  inégaux  entre 
eux,  irréguliers  de  forme  et  de  volume,  peu  ou  point  prurigineux,  de  nature  sur- 
tout congestive,  etc.,  et  si  tous  ces  signes  ne  lui  suffisaient  pas,  il  saurait  décou- 
vrir sur  d'autres  points  du  corps,  et  notamment  aux  lieux  d'élection,  que  l'on 
doit  toujours  examiner  (coudes  et  genoux),  quelque  plaque  de  psoriasis  plus  net- 
tement caractérisée. 

Dans  Verythema  papulatum  du  dos  des  mains  et  de  la  face,  on  trouve  des  sail- 
lies ressemblant  jusqu'à  un  certain  point  aux  papules  du  lichen,  mais  qui  en  dif- 
fèrent par  leur  teinte  rouge,  le  fond  érythémateux  sur  lequel  elles  reposent,  et 
l'absence  presque  complète  de  démangeaisons. 

^  La  couperose  pourrait  être  prise  pour  un  lichen  de  la  face  ;  mais  celui-ci  oc- 
cupe ordinairement  le  front,  tandis  que  la  couperose  se  place  de  préférence  sur  le 
aeZjles  joues,  le  menton;  le  prurit  est  vif  dans  la  première  affection,  etse  trouve 
remplacé  plus  ou  moins  complètement  dans  la  deuxième  par  un  sentiment  de 
chaleur  et  de  fourmillement  qui  s'accroit  après  le  repas,  et  en  général  sous  l'in- 
îluence  de  toutes  les  causes  d'excitation.  Enfin,  la  couperose,  lésion  à  la  fois  érv- 
ihémateuse  et  pustuleuse,  s'accompagne  de  boutons  d'acné  indurée  et  pustu- 
leuse, de  dilatations  des  vaisseaux  capillaires,  ce  qui  n'a  jamais  lieu  dans  l'afïec- 
lion  lichénoïde. 


512  LICHEN. 

Siège  anatomique  du  lichen.  Cette  question  n'a  pas  encore  été  scientifique- 
ment résolue.  M.  Cazenave  a  placé  le  lichen  dans  la  papille  nerveuse  delà  peau. 
Suivant  cette  opinion,  d'ailleurs  toute  hypothétique,  le  lichen  serait  une  affection 
nerveuse  des  papilles  tactiles,  et  la  papule,  une  sorte  de  papille  pathologique. 

Cette  manièrede  voir  est  passible  d'objections  sérieuses.  M.  Hardy  a  fait  remar- 
quer : 

1"  Que  le  prurit  est  un  phéaomène  commun  à  un  grand  nombre  d'affections 
très-différentes  de  forme  et  de  modalité  patliogénique  ; 

5"  Que  le  lichen  existe  rarement,  pour  ne  pas  dire  jamais,  à  la  paume  des 
mains  et  à  la  plante  des  pieds,  c'est-à-dire  là  oii  les  papilles  cutanées  atteignent 
leur  plus  haut  degré  de  développement  ; 

5"  Que  les  papules  ne  rappellent  en  aucune  façon  la  disposition  en  courbes 
réguhères  et  concentriques  si  remarquable  pour  les  papilles  physiologiques  ; 

4"  Qu'il  est  enfin  d'autres  altérations  do  la  peau,  sa  sécheresse,  son  épaississe- 
ment,  l'exagération  de  ses  plis,  dont  la  présence  et  le  mode  de  formation  ne  s'ex- 
pliquent nullement  dans  l'hypothèse  de  M.  Cazenave. 

La  théorie  que  M.  Hardy  crut  devoir  émettre  à  son  tour  nous  parait  encore 
plus  dillicile  à  justifier  que  la  précédente.  S'appuyant  sur  la  coloration  brune  qui 
survient  fréquemment  à  une  certaine  période  du  hchen,  il  incline  à  placer  le  siège 
anatomique  de  cette  affection  dans  les  parties  profondes  de  l'épiderme,  dans  le 
corps  muqueux  de  Malpighi.  Mais  sans  parler  des  contradictions  évidentes  que 
soulève  une  semblable  assertion,  comment  concevoir  que  le  corps  muqueux, 
simple  produit  de  sécrétion,  puisse  donner  naissance  à  une  lésion  aussi  spéciale, 
aussi  vitale,  si  je  puis  ainsi  dire,  que  celle  qui  constitue  le  lichen. 

Pour  nous,  le  lichen  est  une  affection  de  mode  hypertrophique,  localisée  vrai- 
semblablement à  l'origine  dans  les  couches  les  plus  superficielles  du  derme,  là  où 
s'élabore  la  sécrétion  de  l'épiderme.  Telle  est  l'idée  nécessairement  vngue  et  in- 
complète qu'il  nous  paraît  prudent  de  ne  pas  franchir,  dans  l'état  actuel  de  ia 
science. 

Pronostic.  Le  lichen,  considéré  comme  affection  générique,  tire  la  plus 
grande  partie  de  sa  gravité  des  démangeaisons  qui  l'accompagnent,  et  nous  pour- 
rions ajouter  qu'il  est,  toutes  choses  égales,  d'autant  plus  tenace  et  rebelle, 
d'autant  plus  sujet  à  récidive,  que  le  phénomène  prurit  tend  à  prédoraiiier  davan- 
tage. 

La  marche  et  la  forme  de  l'éruption  seront  prises  en  sérieuse  considération.  Il 
n'y  a  évidemment  aucune  comparaison  à  établir,  au  point  de  vue  de  la  gravité, 
entre  le  lichen  simple  et  aigu,  dont  la  durée  est  de  quelques  septénaires  au  plus, 
et  le  lichen  chronique  dont  la  persistance  est  presque  indéfinie. 

Le  pronostic  varie  enfin  et  surtout  suivant  la  nature  du  lichen.  Lorsqu'il  est 
artificiel,  il  disparaît  de  lui-même,  et  dans  un  temps  fort  court,  par  la  soustrac- 
tion de  la  cause.  Le  lichen  scrofuleux  cède  assez  facilement,  en  général,  à  un 
traitement  approprié.  Il  en  est  de  même  du  lichen  spécifique,  dans  lequel  le  pru- 
rit fait  défaut,  et  qui  n'a  d'importance  qu'en  dévoilant  l'existence  de  la  syphilis. 
L'espèce  arthritique,  par  sa  durée  souvent  longue  et  ses  récidives  fréquentes, 
comporte  un  jugement  beaucoup  plus  sévèro.  Enfin,  sur  le  dernier  plan  et  le  plus 
sombre  du  tableau  se  place  le  lichen  herpétique,  espèce  redoutable  et  par  le  prurit 
atroce  qu'elle  détermine,  et  par  la  résistance  qu'elle  oppose  auv  médications  les 
plus  rationnelles  et  les  mieux  dirigées. 


LlCIiEN.  513 

Traitement  du  lichen,  considéré  comme  affection  générique.  Le  traitcnieul 
diffère  sui\ant  que  le  lichen  est  aigu  ou  clironique. 

Le  licheu  aigu  sera  combattu  parla  médication  émollieiite.  On  piescrira  au 
malade  des  boissons  rafraîchissantes,  acidulces  ou  mucilagineuses,  des  bains  ad- 
ditionnés de  son,  d'amidon,  etc.;  s'il  s'agit  d'un  lichen  agrius  à  son  début,  les 
surfaces  atteintes  seront  recouvertes  de  cuta|ilasmes  de  fécule  ou  saupoudrées  de 
poudres  émollientes,  suivant  l'état  de  l'énipliou  et  l'indication  du  moment. 
Dans  certains  cas,  assez  rares  d'ailleurs,  si  le  sujet  est  jeune,  vigoureux,  plétho- 
rique, si  la  réaction  est  vive,  quelques  émissions  sanguines  seront  parfois  de  quel- 
que utihté.  On  se  trouve  également  bien,  dans  les  mêmes  circonstances,  de 
l'administration  d'un  purgatif,  que  l'on  peut  répéter  à  quelques  jours  d'inter- 
valle. 

Dans  le  lichen  chronique,  le  genre  nous  fournit  deux  indications  dominantes, 
tirées  des  principaux  symptômes,  à  savoir:  J"  cahîier  le  prurit;  2"  favoriser  la 
disparition  des  lésions  de  la  peau,  et  le  retour  de  cette  membrane  à  son  étal  phy- 
siologique. 

D'autres  indication.s  secondaires  peuvent  en  outre  se  présenter  par  le  fail  de 
complications  ou  de  circonstances  accidentelles. 

1"  Calmer  le^rurit.  S'il  est  des  cas  où  le  prurit  est  nul  (lichen  sypliilitique), 
ou  peu  marqué  (hchen  scrofuleux),  il,  en  est  d'autres  oij  ce  pliénomène  prédo- 
mine à  ce  point  que  toutes  les  autres  indications  lui  deviennent  subordonnées. 
Calmer  le  prurit,  c'est  là  ce  que  le  malade  demande  sur  toute  chose  et  a\ec  le 
plus  d'instance. 

Le  premier  soin  du  médecin  sera  d'en  rechercher  la  cause.  La  démangeaison 
tient-elle  à  la  présence  de  l'acarus,  de  pédiculi,  les  insecticides  en  auront  rapide- 
ment raison.  Est-elle  au  contraire  sous  la  dépendance  d'une  maladie  constitu- 
tionnelle, c'est  dans  la  nature  de  cette  maladie  que  l'on  cherchera  surtout  les 
moyens  de  la  combattre.  L'huile  de  cade,  par  exemple,  qui  doime  à  cet  égard  de 
bons  effets  dans  le  lichen  scrofuleux,  réussit  beaucoup  moins  lorsqu'on  l'applique 
au  hchen  herpétii[ue,  et  ainsi  du  reste.  La  tliérapeutitine  du  genre  nous  ramène 
donc  en  quelque  sorte  forcément  à  la  considération  des  espèces. 

Mais  il  n'est  pas  toujours  facile  d'atteindre  la  cause,  ou  le  résultat  se  fait  long- 
temps attendre;  et  cependant  le  prurit  persiste  intense  et  continu,  les  insom- 
nies se  répètent,  des  troubles  fonctionnels  se  déclarent,  etc.  Que  faire  alors? 

Deux  ordres  de  moyens  se  présentent,  dans  cette  difficile  situation,  les  uns  in- 
ternes et  les  autres  externes. 

Le  prurit  étant  un  phénomène  essentiellementnerveux,  on  aura  recours,  à  l'inté- 
rieur, aux  narcotiques  et  aux  antispasmodiques,  aux  préparations  opiacées  et  bel- 
ladonées,  à  l'atropine,  audatura  stramonium,  à  l'aconit. 

Les  moyens  eî.ternes,  beaucoup  plus  efficaces  que  les  précédents,  consistent  en 
bains,  lotions  et  pommades. 

Les  bains  frais  produisent  un  soulagement  notable  dans  un  certain  nombre  de 
cas.  Ainsi  agissent  encore  les  bains  additionnés  de  subhmé,  d'alun,  de  sous-car- 
bonate de  soude  ;  les  bains  sulfureux,  les  bains  de  mer,  les  bains  de  vapeur  con- 
viennent rarement  en  raison  de  l'excitation  trop  vive  qu'ils  déterminent. 

Les  pommades  ne  réussissent  presque  jamais  contre  le  prurit.  Je  leur  préfèie  de 

beaucoup  les  lotions  avec  la  glycérine  étendue,  celles  avec  l'eau  de  savon,  avec 

l'eau  vinaigrée,  avec  une  décoction  de  jusquiaaie,  de  têtes  de  pavots,  avec  l'eau 

de  goudron,  ou  même  simplement  les  lotions  à  l'eau  froide,  que  les  malades  em- 

DicT.  ENc.  V  s.  n.  33 


5i4  LICHEN.      ., 

ploient  instinctivement  pendant  la  durée  desp^KV^ysmes.  Les  lotions  à  l'eau  blan- 
che (1  gramme  de  sous-acétate  de  plomb  pour  400  à  500  grammes  de  véhicule), 
celles  au  sublimé  (sublimé  corrosif,  O^^oO;  eau,  300  grammes),  nous  ont  paru 
jouir  d'une  efficacité  très-réelle. 

Toutefois,  les  pommades  peuvent  être  parfois  d'une  certaine  utihté.  Elles  agis- 
sent alors  en  changeant  la  nature  du  prurit,  ou  plutôt  en  lui  substituant  une 
autre  forme  de  douleur,  plus  intense  peut-être,  mais  plus  facile  à  supporter  que 
la  démangeaison.  Ainsi  agit  la  pommade  suivante  :  morphine,  08%05  à  (lefJO; 
axoiige,  50  grammes.  Cette  pommade  ne  calme  pas,  comme  on  serait  d'abord 
tenté  de  le  croire,  mais  provoque  une  cuisson,  une  véritable  douleur.  C'est  au 
même  titre  que  peuvent  être  conseillées  les  cautérisations  avec  le  nitrate  d'argent, 
sous  forme  de  solutions  plus  ou  moins  concentrées,  dans  quelques  cas  de  Uchen 
oirrnnscrit. 

2"  Favoriser  la  disparition  des  altérations  de  la  peau,  et  son  retour  à  l'état 
normal.  Cette  deuxième  indication  réclame  rarement  une  médication  spéciale 
et  distiacte  de  celle  que  nous  venons  d'indiquer.  Effets  émanés  d'une  même  cause 
morbifique,  le  prurit  et  les  altérations  cutanées  cèdent  aux  mêmes  moyens  thé- 
rapeutiques. Cependant,  on  pourra  combattre  la  sécheresse  toute  particulière  des 
surfaces  atteintes  par  des  douches  et  des  bains  de  vapeur  qui  réveillent  en  effet 
parfois,  dans  une  certaine  mesure,  l'activité  fonctionnelle  du  tissu  de  la  peau. 
Contre  l'état  hypertroph<que,  on  aura  recours  aux  frictions  résolutives,  aux  pom- 
mades à  l'iodure  de  plouib  ou  de  potassium,  à  l'extrait  de  ciguë,  aux  préparations 
alcalines,  etc.,  etc.  Biais  tous  ces  moyens,  dont  il  ne  faudrait  pas  s'exagérer  la 
portée,  ne  sont  que  des  auxiliaires  utiles,  mais  nullement  indispensables,  de  la 
médication  spécifique. 

11.  Espèces  et  variétés  de  lichen  admises  parles  auteurs.  Ce  chapitre  nous 
a  paru  servir  de  transition  naturelle  entre  l'histoire  du  genre,  dont  il  n'est  à 
proprement  parler  que  la  continuation  et  le  complément,  et  la  description  parti- 
culière des  espèces  que  nous  croyons  devoir  rattacher  à  ce  genre. 

Indépendamment  de  l'intérêt  que  présente  une  semblable  étude,  elle  nous 
était  en  quelque  sorte  imposée  par  la  nature  même  de  cet  ouvrage,  où  le  lecteur 
doit  trouver,  non  pas  seulement  l'affirmation  d'une  conviction  personnelle,  mais 
encore  le  tableau  aussi  complet  et  fidèle  que  possible  de  toutes  les  opinions  qui 
se  sont  produites  sur  la  matière. 

Cette  revue  rétrospective  aura  de  plus  l'avantage  de  faciliter  singuhèrement 
l'intelligence  de  nos  espèces,  considérées  dans  leurs  rapports  avec  les  espèces  et 
variétés  correspondantes  admises  par  les  auteurs  ;  et  je  saisirai  toutes  les  occasions 
de  les  mettre  en  regard  les  unes  des  autres,  afin  d'en  faire  ressortir  les  analogies 
et  les  différences. 

Les  dermatologistes  qui  se  sont  succédé  depuis  Willan  peuvent  être  divisés  en 
deux  écoles  bien  tranchées,  les  uns  ayant  adopté  presque  sans  réserve  les  idées 
du  pathologiste  anglais,  et  les  autres  s'étant  ralliés  de  préférence  à  la  méthode 
d'Alibert.  Tel  est  l'ordre  qui  nous  guidera  dans  cette  étude. 

A.  Ecole  de  Willan.  Willan  s'était  basé  sur  le  nombre  et  la  disposition  des 
papules,  sur  leur  couleur,  sur  l'intensité  de  l'éruption,  etc.,  pour  étailbr  six 
espèces  de  hchen,  désignées  sous  les  noms  de  lichen  simplex,  pilaris,  circum- 
scriptus,  agrius.,  lividus,  tropicus,  auxquelles  il  faut  ajouter  une  septième  espèce 
décrite  par  Bateman  sous  le  nom  de  lichen  îirticatus. 

1°  Le  lichen  simplex  consiste  dans  une  éruption  de  papules  rouges,  qui  se 


LICHEN.  515 

montrent  d'abord  sur  la  face  et  sur  les  bras,  et  qui  s'étendent,  dans  l'espace  de 
trois  ou  quatre  jours,  sur  le  tronc  et  les  menjbres,  principalement  dans  le  sens 
de  l'extension.  Dans  quelques  cas,  l'éruption  est  partielle  et  occupe  seulement  la 
face,  le  cou  et  les  bras.  Elle  est  précédée  de  phénomènes  généraux,  et  disparaît 
après  une  durée  qui  varie  de  un  à  trois  septénaires. 

Biett  fait  observer  que  le  lichen  simplex  n'a  pas  toujours,  dans  sa  marche  et 
dans  sa  durée,  la  régularité  que  lui  attribue  Willan  ;  que  les  phénomènes  géné- 
raux manquent  dans  la  majorité  des  cas  ;  que  l'éruption  peut  se  prolonger  pen- 
dant un  temps  fort  long,  par  poussées  successives,  soit  sur  le  même  point,  soit 
sur  d'autres  régions. 

Le  lichen  simplex  nous  paraît  surtout  correspondre,  dans  sa  forme  aiguë,  au 
lichen  arlificiel,  et  dans  sa  forme  chronique  et  récidivante,  à  notre  lichen  de 
nature  herpétique. 

2°  Le  lichen  pilaris  est  une  simple  modification  de  l'espèce  précédente,  dont  elle 
ne  diffère  qu'en  ce  que  les  papules  se  développent  sur  des  points  de  la  peau  tra- 
versés par  des  poils.  11  est  plus  grave  et  intéresse  plus  profondément  le  tissu 
cutané.  Le  bulbe  des  poils  parait  atteint.  La  durée  de  cette  affection  est  habituel- 
lement fort  longue. 

Le  lichen  pilaris  est  pour  nous  de  nature  arthritique. 

3°  Dans  le  lichen  circiimscriptiis,  ce  sont  des  faisceaux  ou  réunions  de  papules, 
de  forme  plus  ou  moins  régulièrement  arrondie.  Ces  plaques  sont  limitées  par 
un  bord  bien  marqué.  Elles  peuvent  rester  stationnaires  pendant  un  temps  va- 
riable, puis  disparaître,  ou  au  contraire  s'étendre  par  la  production  de  nouvelles 
papules  à  la  circonférence  ;  dans  ce  dernier  cas,  leur  centre  se  dégage  par  l'affais- 
sement progressif  des  boutons,  mais  en  conservant  une  teinte  rouge  et  un  aspect 
furfuracé. 

Cette  forme  fait  habituellement  partie  de  notre  lichen  arthritique.  D'autres 
fois,  c'est  une  affection  d'origine  parasitaire. 

A"  Lichen  agrius.  C'est  la  plus  grave  de  toutes  les  espèces  de  lichen,  d'où 
est  venu  son  nom  (â^ptoç).  Elle  est  souvent  précédée  de  symptômes  fébriles  qui 
s'apaisent  dès  que  l'éruption  se  montre.  On  trouve  alors  de  larges  plaques  de 
papules  nombreuses  et  confluentes,  d'une  coloration  rouge  vif,  et  reposant  sur 
une  surface  érythémateuse  souvent  très-étendue.  Ces  papules  produisent  un 
prurit  très-intense  et  parfois  intolérable.  Sous  l'influence  des  grattages  et  autres 
moyens  plus  ou  moins  violents  que  le  malade  met  en  œuvre  pour  calmer  la  dé- 
mangeaison, la  rougeur  de  la  peau  augmente,  et  du  sommet  excorié  des  papules 
suinte  un  liquide  qui  ne  tarde  pas  à  se  transformer  en  croûtes  jaunâtres  et 
d'aspect  humide. 

Le  hchen  agrius  peut  se  terminer  en  quelques  semaines  ou  persister  pendant 
des  mois  et  des  années.  Lorsqu'il  a  longtemps  existé  sur  un  même  point  la  peau 
devient  sèche,  rugueuse,  épaisse,  sillonnée  de  rides  profondes,  surtout  au  niveau 
des  parties  mobiles. 

Nous  verrons  que  le  lichen  agrius  de  Willan  correspond  surtout  à  deux  de  nos 
espèces  :  le  lichen  scrofuleux  et  le  lichen  herpétique. 

5°  Lichen  lividus.  «  Le  docteur  "Willan,  dit  Biett,  a  décrit  sous  ce  nom  une 
éruption  de  papules  dont  la  couleur  est  rouge  obscur  ou  livide.  Cette  éruption  se 
manifeste  principalement  sur  les  extrémités  et  n'est  point  accompagnée  de  symp- 
tômes fébriles.  Elle  est  sujette  à  se  reproduire  et  se  prolonge  ainsi  pendant  plu- 
sieurs semaines.  Les  papules  sont  mêlées  de  taches  violacées,  livides,  résistant  à 


MO  LICHEN. 

la  pression  :  ce  qui  indique  l'affinitc  ([ui  existe  entre  le  purpura  et  le  liclien  livi- 
di-is.  »  Ces  quelques  lignes  nous  donnent  le  tableau,  tracé  de  main  de  inaîlre, 
do  l'une  des  variétés  les  plus  remarquables  de  notre  liclien  artliri tique. 

6°  Le  lichen  tropicus,  espèce  particulière  aux  pays  chauds,  n'est,  suivant 
toute  probabilité,  qu'un  lichen  de  cause  externe,  une  sorte  d'exanthème  sudoral 
prod  uit  par  la  chaleur. 

7"  Le  lichen  urlicatus,  ainsi  appelé  par  Bateman  en  raison  de  l'analogie  qu'il 
présente  avec  l'urticaire,  n'est  en  réalité  qu'une  forme  de  cette  dernière  affection. 

Biett  n'a  fait  que  reproduire  les  divisions  de  Willan,  bien  que,  dit-il,  le  nombre 
pourrait  en  être  réduit. 

M.  Cazenave  admet  deux  formes  principales  ;  le  lichen  simples  et  le  lichen 
agrius. 

La  première  forme  peut  se  présenter  à  l'état  aigu  ou  à  l'état  chronique.  A  l'état 
aigu,  dit  l'auteur,  les  papules  sont  rouges,  enflammées,  accompagnées  d'une  cha- 
leur et  d'un  prurit  incommodes.  Au  bout  de  trois  ou  quatre  jours,  la  rougeur 
diminue,  il  s'établit  une  légère  desquamation  furfuracée,  et  la  maladie  se  termine 
avant  la  fin  du  second  septénaire,  à  moins  d'éruptions  successives.  Lorsque  la 
maladie  est  chronique,  ce  qui  arrive  le  plus  souvent,  les  papules  sont  peu  ou 
point  enflammées,  le  plus  ordinairement  de  la  même  couleur  que  la  peau.  Dans 
ce  cas,  la  durée  de  la  maladie  est  indéterminée.  11  y  a  épaississement  plus  ou  moins 
considérable  de  la  peau  et  production  assez  abondante  de  squames. 

M.  Cazenave  rattache  au  lichen  simplex,  à  titre  de  sous-variétés,  les  formes 
pilaris,  lividus,  circumscriptus,  urticatus,  que  Willan  et  Bateman  avaient  placées 
sur  la  même  ligne.  Il  ne  décrit  pas  le  lichen  tropicus,  mais  ajoute  aux  variétés  de 
l'auteur  anglais  une  forme  nouvelle,  le  lichen  gyratus,  caractérisé  par  la  disposi- 
tion rubannée  de  ses  groupes  papideux. 

Enfin  le  strophulus,  que  Bateman  considérait  comme  un  genre  à  part,  constitue 
pour  M.  Cazenave  une  variété  de  hchen  particulière  aux  enfants  à  la  mamelle, 
existant  toujours  à  l'état  aigu,  et  consistant  dans  une  éruption  de  papules  rouges, 
ou  blanches,  accompagnées  de  vives  démangeaisons.  11  admet  d'ailleurs  les  cinq 
variétés  de  strophulus  reconnues  par  Bateman,  à  savoir  : 

Le  strophulus  intertinctus,  dont  les  papules  enflammées,  éparses,  sont  entre- 
mêlées de  taches  érythémateuses; 

Le  strophulus  confertiis ,  dont  les  papules  sont  plus  petites  et  confluentes; 

Le  strophulus  volaiilicus,  dont  les  papules  sont  disposées  par  petits  groupes 
peu  nombreux,  arrondis  et  répandus  sur  diverses  régions  ; 

Le  strophulus  albidus,  dont  les  papules  sont  blanches,  et  quelquefois  entou- 
rées d'une  légère  auréole  inflammatoire  ; 

Le  strophulus  candidus,  dont  les  papules  sont  plus  larges,  et  dépourvues 
d'inflammation  à  leur  base. 

J'adopte  l'opinion  de  M.  Cazenave  pour  ce  qui  concerne  le  classement  anato- 
mique  du  strophulus  et  sa  réunion  au  genre  lichen;  mais  j'attache  fort  peu  d'im- 
portance aux  divisions  secondaires  basées  sur  des  différences  d'aspect  et  de  colo- 
ration. Le  strophulus  constitue  pour  nous,  dans  l'immense  majorité  des  cas,  une 
des  premières  manifestations  de  la  scrofule. 

La  seconde  forme  de  lichen  admise  par  M.  Cazenave  est  le  lichen  agrius,  qui 
peut  exister  spontanément  ou  succéder  au  lichen  simplex.  La  description  qu'il 
en  donne  ne  diffère  pas  sensiblement  de  celle  que  nous  avons  relatée  plus  haut, 
d'après  Willan  et  Bictt, 


LICHEN.  517 

Gibert  admet  toutes  les  variétés  de  Willan  et  Bateman,  mais  il  rapproche  le 
strophulus  du  lichen  et  décrit  une  variété  nouvelle,  qu'il  désigne  sous  le  nom  de 
lichen  acarique,  et  que  nous  retrouverons  plus  loin,  lorsqu'il  sera  question  du 
lichen  artificiel  ou  de  cause  externe. 

Indépendamment  des  iormes  déjà  nombreuses  décrites  par  les  auteurs  anglais, 
Rayer  a  cru  devoir  établir  quatre  variétés  de  siège  :  le  lichen  de  la  face,  le  lichen 
des  membres,  le  lichen  des  parties  génitales  et  de  l'anus,  et  le  lichen  du  cuir 
cheveki. 

Quelques  mots  sur  chacune  de  ces  variétés  : 

Le  lichen  de  la  face,  dit  Rayer,  est  commun  pendant  l'été  chez  les  personnes 
dont  la  face  est  habituellement  exposée  aux  ardeurs  du  soleil.  11  est  caractérisé 
par  une  desquamation  furfuracée  décrite  sous  le  nom  de  dartre  farineuse  ;  lors- 
qu'il passe  à  l'état  chronique,  la  peau  devient  jaunâtre,  sèche  et  furfuracée  :  enfin, 
l'éruption  augmente  sous  l'influence  des  boissons  spiritueuses.  Une  lelle  aifeclion 
rappelle  assurément  beaucoup  moins  le  lichen  qu'un  pityriasis  ou  une  acné 
rosacea. 

Le  lichen  des  membres,  d'après  le  môme  auteur,  serait  surtout  fréquent  sur 
les  bras  et  les  avant-bras  des  cuisiniers,  que  leur  profession  expose  constannnent 
à  une  température  très-élevée.  11  s'agit  évid-emmcnt  dans  ces  cas  d'un  lichen 
artificiel. 

Quant  au  lichen  des  parties  génitales  et  de  la  marge  de  l'anus,  variété  rebelle 
et  souvent  difficile  à  distinguer  de  l'eczéma,  en  raison  du  suintement  qui  s'y  pro- 
duit par  le  fait  des  grattages ,  nous  pensons  qu'il  doit  être  rapporté  à  l'arthritis 
par  sa  nature,  quelle  que  soit  d'ailleurs  en  réahté  sa  forme  primitive. 

Enfin  le  lichen  du  cuir  chevelu,  tel  que  l'a  décrit  Rayer,  ne  nous  paraît  être 
qu'un  pityriasis  développé  sur  cette  région. 

Dans  l'article  qu'il  consacre  au  lichen  dans  son  Traité  pratique  des  maladies 
de  la  peau,  M.  Devergie  commence  par  s'élever  hautement  contre  la  définition 
des  auteurs,  en  vertu  de  laquelle  ils  considèrent  cette  affection  comme  n'étant 
pas  de  nature  contagieuse,  et  il  cite  à  l'appui  de  sa  manière  de  voir  plusieurs 
exemples  de  transmission  évidente,  au  moyen  d'un  contact  plus  ou  moins  pro- 
longé. Nous  ne  croyons  pas  que  M.  Devergie  ait  rallié  beaucoup  de  personnes  à 
sa  doctrine,  du  moins  dans  le  sens  absolu  oii  il  l'a  posée.  Sans  aucun  doute,  lors- 
que le  lichen  est  symptomatique  de  la  présence  de  l'acarus  ou  du  tricophyton,  on 
comprend  la  possibilité  de  sa  transmission  par  le  transport  du  parasite  qui  en  est 
la  cause  matérielle  et  saisissable  ;  mais  affirmer  que  cette  affection  est  contagieuse 
dans  tous  les  cas,  que  le  Uchen  constitutionnel,  par  exemple,  peut  se  propager 
par  simple  contact  d'un  individu  à  un  autre,  c'est  se  mettre  en  contradiction 
manifeste  avec  l'expérience  de  chaque  jour  et  les  lois  les  mieux  reconnues  de  la 
pathologie. 

M.  Devergie  reconnaît  des  formes  simples  et  des  formes  composées  de  lichen. 
Les  formes  simples  sont  nombreuses  et  se  groupent  autour  de  deux  variétés  prin- 
cipales :  le  lichen  simplex  et  le  lichen  agrius. 

Le  lichen  simplex  se  montre  sous  trois  dispositions  différentes  :  diffusas,  cir- 
cumscriptus,  gyratus.  Mais  quelle  que  soit  sa  forme,  il  peut  être  discret  ou  con- 
fluent, aigu  ou  chronique,  et  lorsqu'il  est  confluent  et  chronique,  il  devient  le 
Uchen  agrius  ferox.  Il  existe  enfin,  pour  M.  Devergie,  deux  autres  variétés  de 
lichen  simplex,  le  lichen  J9i7arw  et  le  lichen  lividus. 

Le  lichen  agrius  pourrait  succéder  au  lichen  simplex,  comme  il  vient  d'être  dit, 


518  LICHEN. 

ou  se  manifester  d'emblée  sous  la  forme  qui  lui  est  propre.  Il  serait  alors  carac- 
térisé par  l'existence  de  papules  volumineuses  dont  la  majeure  partie  doime  lieu, 
avec  le  temps,  à  une  sécrétion  purulente  à  leur  sommet,  comme  les  pustules, 
par  des  démangeaisons  beaucoup  moins  intenses  que  celles  qui  accompagnent  le 
lichen  simplex  conlluent,  par  une  ténacité  très-grande,  et  enfin  par  son  appari- 
tion chez  des  enfants  doués  d'un  tempérament  lymphatique. 

Ce  lichen  agrius,  qui  pour  nous  constitue  une  affection  scrofuleuse,  pourrait 
d'ailleurs  se  présenter  sous  trois  formes  différentes  :  diffusus,  cire umscrip tus  et 
gyratus,  c'est-à-dire  dans  les  mêmes  conditions  que  le  lichen  simplex. 

M.  Devergie  admet  enfin  trois  formes  composées  de  lichen  :  le  lichen  urticant, 
le  lichen  eczémateux  et  le  liclien  herpétiforme. 

Je  me  suis  expliqué  sur  le  lichen  urticant,  ou  urticatus  de  Bateman,  qui  doit 
être  rapporté  au  genre  urticaire. 

Le  lichen  eczémateux  se  montre  à  la  partie  externe  des  membres,  sous  forme 
de  plaques  arrondies,  disséminées,  sécrétantes,  surtout  au  début;  puis  la  sécrétion 
s'arrête  peu  à  peu  et  l'état  papuleux  se  dessine.  Cette  description  répond  de  point 
en  point  à  une  variété  de  notre  eczéma  arthritique. 

Enfin,  le  lichen  herpétiforme,  qui  consisterait  en  des  plaques  nettement  arron- 
dies, parsemées  de  papules  nombreuses,  terminées  par  un  bourrelet  à  tendance 
extensive,  n'est  autre  chose  à  nos  yeux  qu'une  affection  symptomatique  de  la  pré- 
sence d'un  parasite,  le  trichophyton  tousurant. 

B.  Ecole  d'Alibert.  Alibert  a  placé  le  lichen  dans  sa  famille  des  dermatoses 
scabieuses  (voy.  Historique  du  lichen),  où  il  figure  comme  variété  du  genre  pru- 
rigo sous  le  nom  de  prurigo  lichénoïde  ou  furfurant. 

M.  Gintrac  (de  Bordeaux)  admet  un  lichen  aigu  et  un  lichen  chronique.  11  range 
la  première  espèce  dans  la  classe  des  fièvres  éruptives  et  des  exanthèmes  aigus,  et 
la  seconde  dans  la  classe  des  maladies  cutanées  chroniques.  Les  variétés  de  forme 
et  de  siège  sont  les  mêmes  que  celles  des  Willanistes. 

Le  lichen  aigu,  selon  M.  Gintrac,  se  développe  en  général  chez  les  individus 
soumis  à  l'action  d'une  forte  chaleur,  chez  les  forgerons,  les  cuisiniers,  les  fau- 
cheurs ou  les  laboureurs,  etc.,  etc.;  nous  retrouverons  cette  espèce  dans  l'histoire 
du  lichen  artificiel.  Quant  au  strophulus,  ou  lichen  aigu  de  la  première  enfance, 
qu'il  rattache  au  travail  de  la  dentition,  à  un  dérangement  des  voies  digestives,  à 
une  mauvaise  alimentation,  nous  ne  pouvons  y  voir  qu'une  manifestation  scrofu- 
leuse provoquée  par  une  influence  occasionnelle. 

Enfin  nous  savons  que,  pour  M.  Hardy,  le  lichen  n'a  plus  d'existence  distincte 
et  qu'il  va  se  confondre  avec  l'eczéma,  l'impétigo,  le  pityriasis  et  le  psoriasis, 
pour  former  cette  sorte  de  combinaison  dartreuse  dans  laquelle  chacune  de  ces 
affections  joue  un  rôle  assez  difficile  à  déterminer.  Ajoutons  cependant  que  quel- 
ques débris  du  lichen  échappent,  sous  le  nom  de  strophulus,  au  naufrage  général 
du  genre,  pour  figurer  plus  loin  dans  la  classe  des  maladies  cutanées  acciden- 
telles, entre  le  zona  et  le  prurigo;  mais  le  strophulus  de  M.  Hardy  n'est  pas  le 
strophulus  de  Bateman,  c'est  tout  simplement  im  prurigo  ou  un  lichen  de  cause 
externe.  Ce  qu'il  décrit  sous  le  nom  de  lichenhypertrophique  n  est  que  les  mycosis 
fongoïdes  générahsés.  (Voir  Mycosis.) 

Telles  sont  les  espèces  et  variétés  de  lichen  admises  par  les  auteurs.  Je  les  livre 
à  l'appréciation  du  lecteur  sans  autre  commentaire  ni  réflexion  critique  que 
l'exposé  qui  va  suivre. 

m.  Du  LICHEN  CONSIDÉRÉ  COMME  AFFECTION  SPÉCIALE  {séméiotique  cutanéc  spé- 


LICHEN.  519 

ciale).  Il  existe  pour  moi  deux  grandes  classes  de  lichens,  les  uns  de  cause  ex- 
terne, les  autres  de  cause  interne. 

Le  lichen  de  cause  externe  est  du,  soit  à  l'action  sur  la  peau  de  substances  irri- 
tantes, soit  à  la  présence  de  parasitas  végétaux  ou  animaux,  d'où  les  deux  espèces 
suivantes  :  lichen  artificiel,  lichen  parasitaire. 

Le  lichen  de  cause  interne  peut  être  symptoiuatique  de  quatre  maladies  consti- 
tutionnelles :  la  scrofule,  l'arlhritis,  la  dartre  et  la  syphilis. 

Le  tableau  suivant  donne  l'énumération  de  toutes  les  espèces  et  variétés  com- 
prises dans  ces  deux  classes  : 

LICflr-N  DE  CAUSE   EXTERNE. 

1"  Artificiel.   .   .   .     Agents  irritants. 

2*  Parasitaire  .  .  A  '"^''"■"l"c  (^'c^''"»  ^^al^iei,  rouget). 
(  tnchopliylique. 

LIGUES   DE   CAUSE   INTERNE. 

l"  Scrofulcux  .   .    .J  exanlhématique  (slrophulus). 
*   '     (  agcius. 

I  circonscrit, 
pilaris.  .   .   .!  par  hypertrophie  papillçire  ; 
1  par  alleraUon  fonctionnelle  do  la  painlle. 
llvidui. 

3»  Herpétique.   .  .*  ''l"'»f • ,.  , 
'      ^  I   généralise. 

-4°  SvDhililinue  S  lichen  lenticulaire — syphilide  populeuse  lenticulaire. 

'(  lichen  niiliaiis  —  6ypliilidepaj)uleubemiliairc. 

Avant  de  commencer  la  description  particulière  de  chacune  de  ces  espèces, 
je  rappellerai  que  toute  affection  spéciale  présente  à  considérer  deux  ordres  de 
phénomènes  parfaitement  distincts  :  1"  des  phénomènes  communs,  génériques, 
dont  le  genre  n'est  lui-même  qu'une  sorte  de  formule  générale  et  abstraite; 
2"  des  phénomènes  propres  ou  exclusifs,  qui  résultent  de  sa  nature  môme,  c'est- 
à-dire  de  la  maladie  dont  elle  est  la  traduction  sur  la  peau. 

Nous  avons  étudié  plus  haut  les  caractères  communs  du  genre  lichen  ;  11  nous 
reste  maintenant  à  l'envisager  au  point  de  vue  des  modifications  que  la  maladie 
lui  imprime. 

l.  Lichen  de  cause  externe.  Le  lichen  est  une  forme  très-commune  de 
dermatose  provoquée.  Des  causes  nombreuses  et  diverses  peuvent  lui  donner 
naissance.  On  le  rencontre  particuhèrement  chez  les  individus  que  leur  profession 
met  en  contact  incessant  avec  des  substances  plus  ou  moins  irritantes  ;  tels  les 
épiciers  {gale  des  épiciers),  les  boulangers,  les  teinturiers,  les  maçons,  les  cri- 
iiiers,  les  fileurs  de  laine,  les  ouvriers  qui  manient  les  verts  arsenicaux,  etc.  L'ex- 
position habituelle  à  une  chaleur  intense,  produit  le  même  résultat  sur  la  peau 
chez  les  cuisiniers,  les  forgerons,  les  verriers,  les  faucheurs,  les  laboureurs,  etc. 
[lichen  professionnel).  Les  mauvaises  conditions  hygiéniques,  le  chang  ment 
d'air,  pour  les  jeunes  gens  arrivés  nouvellement  à  Paris,  l'habitation  dans  une 
chambre  p  tite,  mal  aérée,  l'absence  des  soins  de  propreté,  ont  une  influence 
incontestable  sur  le  développement  de  cette  affection.  [Strophulus  de  M.  Hardy.) 

Les  auteurs  ont  décrit  sous  le  nom  de  lichen  tropicus  une  éruption  qui  se 
produit,  ainsi  que  son  nom  l'indique,  sous  l'inlluence  de  la  température  élevée 
des  contrées  tropicales  :  «  Dans  ces  climats,  dit  Boatius,  lorsque  la  sueur  a  été  ex- 
citée, il  se  manifeste  des  papules  rouges  et  rugueuses,  qui  le  plus  souvent  cou- 
vrent tout  le  corps,  et  qui  sont  accompagn'es  d'un  prurit  très-violent.  Cette  érup- 
tion attaque  de  préférence  les  personnes  étrangères  à  ces  contrées,  mais  il  n'est 


520  LICHEN. 

aucun  de  leurs  liabitants  qui  n'en  ait  été  atteint  ;  les  démangeaisons  sont  intolé- 
rables, w  Le  lichen  tropicus  trou^^e  évidemment  sa  place  parmi  les  affections  de 
cause  externe. 

Le  lichen  artificiel  a  pour  siège  ordinaire  les  parties  découvertes,  la  face,  le 
cou,  les  avant-bras,  les  mains.  Les  papules  qui  le  caractérisent  sont  assez  volumi- 
neuses, éparses  ou  confluentes,  mais  sans  affecter  de  disposition  régulière,  sou- 
vent excoriées,  d'une  teinte  rouge  qui  existe  également  dans  leurs  intervalles.  Le 
prurit  est  quelquefois  très-vif,  le  plus  habituellement  modéré  ;  il  peut  être  rem- 
placé par  un  sentiment  de  cuisson  ou  de  chaleur.  La  lésion  cutanée  est  rarement 
simple;  à  côté  des  cléments  du  lichen,  on  trouve  del'érythème,  des  papules  de 
Tprurigo  {strophulus prurigineux  de  51.  Hardy),  des  vésicules,  des  pustules  phly- 
zaciées  ou  psydraciées,  etc.  Cette  affection  est  toujours  bénigne,  et  sans  retentis- 
sement sur  la  santé  générale.  Sa  marche  est  aiguë  ou  subaiguë,  et  sa  durée 
subordonnée  à  la  persistance  des  causes  qui  l'ont  provoquée  et  qui  l'entre- 
tiennent. 

Le  lichen  doit  être  compté  au  nombre  des  formes  éruptives  que  le  médecin  peut 
développer  à  son  gré,  dans  un  but  expérimental  ou  thérapeutique.  J'ai  décrit  ail- 
leurs, d'après  des  expériences  instituées  par  moi  à  cet  effet,  l'action  toute  spéciale 
et  véritablement  élective  exercée  sur  la  peau  par  l'ipécacuanha  employé  en  fric- 
tions sous  forme  de  pommade.  Cette  action  se  manifeste  d'abord  par  des  rougeurs 
diffuses  sur  lesquelles  ne  tardent  pas  à  se  dessiner,  si  on  continue  les  frictions,  de 
petites  saillies  papuleuses,  d'une  teinte  plus  animée.  Le  nombre  de  ces  papules 
n'est  jamais  très-considérable.  Elles  sont  volumineuses,  bien  distinctes  les  unes 
des  autres,  également  rouges  de  la  base  au  sommet,  et  dépourvues  d'auréole  cir- 
confcrentielle.  Elles  disparaissent  en  général  sous  la  pression  du  doigt,  ou  même 
par  de  simples  tractions  exercées  sur  la  peau;  mais  il  en  est  qui  ne  font  que  se  dé- 
colorer et  pâlir  légèrement;  toutes  reprennent  instantanément  leur  apparence, 
dès  qu'on  les  abandonne  à  elles-mêmes.  La  peau,  à  l'endroit  où  elles  siègent, 
est  rude,  rugueuse,  sèche  au  toucher,  mais  sans  épaississement  notable.  Le  ma- 
lade éprouve  au  début  une  cuisson  vive  qui  témoigne  de  l'action  immédiate  pro- 
duite par  la  pommade  irritante  employée  en  friction,  et  plus  tard,  lorsque  les 
papules  sont  bien  manifestes,  un  prurit  des  plus  vifs,  très-incommode  surtout 
pendant  la  nuit.  L'éruption  ne  disparaît  qu'avec  lenteur  ;  les  papules  commencent 
par  pâlir,  puis  s'affaissent  graduellement;  leur  teinte  devient  bleuâtre  et  violacée. 
Les  démangeaisons  persistent  jusqu'à  la  fin,  et  il  ne  faut  pas  moins  de  un  à  deux 
septénaires  pour  que  toute  trace  de  la  lésion  cutanée  se  soit  complètement  effacée. 

Cette  affection  reproduit,  comme  on  voit,  tous  les  caractères  du  genre 
lichen,  dont  elle  pourrait  être  considérée  comme  un  type,  au  point  de  vue  de  la 
lésion  primitive.  S'il  y  avait  lieu  d'en  établir  le  diagnostic,  dans  un  cas  donné,  on 
la  reconnaîtrait  à  la  coloration  vive  et  animée  de  ses  papules,  à  leur  volume,  à  la 
régularité  de  leur  aspect,  à  leur  marche  aiguë,  à  l'absence  d'exfolJation  à  leur 
surface.  Ajoutons  à  ces  signes  que  l'éruption  est  nécessairement  limitée  à  une 
région  peu  étendue,  et  que  la  peau  qui  la  supporte  n'a  subi  aucun  épaississe- 
mont. 

Le  lichen  peut  signaler  à  son  début  la  germination  du  trichophyton.  Sans 
être  aussi  fréquente  que  les  éruptions  érythémateuses,  vésiculeuses  et  pustu- 
leuses, cette  forme  n'est  cependant  pas  très-rare  chez  les  individus  atteints 
de  teigne  tonsurante.  On  l'observe,  non  au  cuir  chevelu,  mais  presque  toujours 
sur  le  tronc  et  les  membres,  très-souvent  au  dos  de  la  main  et  du  poignet,  quel- 


LICHEN.  521 

quefois  aussi  sur  la  face,  et  à  la  partie  supérieure  du  cou,  au  milieu  même  des 
cercles  herpétiques.  Dans  tous  les  cas,  les  papules  affectent  une  disposition  spé- 
ciale, qui  traliit  facilement  leur  origine,  soit  qu'elles  se  réunissent  en  plaques 
nettement  limitées  à  leurs  bords,  soit  qu'elles  figurent  des  courbes  plus  ou  moins 
étendues,  ou  même  de  véritables  cercles.  C'est  probablement  sur  des  faits  de  ce 
genre  que  M.  Devergie  s'est  basé  pour  admettre  la  contagion  du  lichen  ;  opinion 
vraie  dans  une  certaine  mesure,  mais  qui  devient  insoutenable  dans  les  termes 
absolus  où  l'a  posée  son  auteur. 

Le  hchen  fait  également  partie,  comme  on  sait,  des  éruptions  symptomaliques 
de  la  gale,  au  même  titre  que  le  prurigo,  l'ecthyma,  l'impétigo,  etc.  Sa  présence 
n'entraîne,  relativement  au  pronostic  et  au  traitement  de  la  gale,  aucune  indica- 
tion particulière. 

Enfin,  j'ai  dit  plus  haut,  que  Gibert  avait  décrit  un  lichen  acariquc.  Voici 
comment  il  s'exprime  à  ce  sujet  :  «  Cette  variété  se  montre  surtout  chez  les  cita- 
dins qui,  vers  la  fin  de  l'été,  vont  séjourner  à  la  campagne,  dans  des  lieux  boisés 
où  se  rencontrent,  à  cette  époque  de  l'année,  de  petits  acarus  végétauv  qui 
s'implantent  sur  la  peau  de  l'homme,  et  y  meurent  promptemcnl,  mais  après 
avoir  déterminé  pendant  plusieui's  jours  de  très-vives  démangeaisons,  accompa- 
gnées de  petites  papules  plus  ou  moins  enflammées  au  cou,  aux  aisselles,  au  pli 
du  coude,  aux  jarrets,  au  bas-ventre.  J'ai  connu  une  personne  qui  n'était  parve- 
nue à  se  débarrasser  de  ces  éruptions  qu'en  brossant  soigneusement  la  peau, 
lorsqu'elle  se  désliabdlait  le  soir  en  rentrant  de  ses  excursions  champêtres.  « 

En  résumé,  quelles  que  soient  d'ailleurs  sa  forme  et  son  espèce,  le  lichen 
de  cause  externe  se  présente  à  nous  avec  tous  les  caractères  que  nous  avons  assi- 
gnés aux  affections  de  cet  ordre  :  siège  de  préddection  sur  les  parties  décou- 
vertes, irrégularités  de  forme  et  de  disposition,  lésions  [.rimitives  souvent  mul- 
tiples, cause  facile  à  saisir,  marche  rapide,  durée  courte,  guérison  rapide  et  radi- 
cale. 

Le  traitement  est  toujours  simple.  La  première  indication  consiste  à  suppri- 
mer la  cause.  S'il  s'agit  d'un  hchen  professionnel,  on  conseillera  le  repos  et 
les  topiques  émollients  et  résolutifs.  La  psore  sera  combattue  par  la  friction  géné- 
rale avec  la  pommade  d'Heîmerich.  Enfin,  dans  le  hchen  trichophytique,  tous  les 
efforts  du  médecin  auront  pour  but  la  destruction  du  parasite  qui  entretient 
et  propage  l'affection  de  la  peau. 

II.  Lichen  de  cause  ixterne.  Il  se  subdivise  en  quatre  espèces  :  a.  le  lichen 
scrofuleux;  b.  le  hchen  arthritique  ;  c.  le  hchen  herpétique;  d.  le  hchen  syphili- 
tique. 

A.  Lichen  scrofuleux.  Cette  espèce  comprend  surtout  le  stropbulus  des  au- 
teurs, et  certaines  formes  de  hchen  agrius. 

L'affection  hchénoïde  désignée  sous  le  nom  de  strophulus  par  la  plupart  des 
dermatologistes,  n'est  pas  autre  chose  à  nos  yeux  qu'un  hchen  scrofuleux,  surve- 
nant dans  la  première  enfance,  au  moment  du  travail  de  la  dentition,  d'où  lui  est 
venue  la  dénomination  de  feux  de  dents,  que  le  vulgaire  a  pour  habitude  de  lui 
appliquer.  L'éruption  débute  presque  toujours  par  la  face  et  les  parties  supé- 
rieures du  corps,  rarement  par  le  cuir  chevelu,  comme  il  est  presque  de  règle 
pour  la  scrofulide  exsudative.  Aucune  région  n'est  d'aUleurs,  d'une  façon  absolue, 
à  l'abri  de  ses  atteintes.  Les  papules  sont  volumineuses,  tantôt  éparses,  isolées, 
tantôt  plus  nombreuses,  rapprochées,  confluentes  {strophulus  confertus);  leur 
coloration   est  rosée  ou  rouge,  d'autres  fois  blanchâtre  avec  une  surface  unie 


r.22  LICHEN. 

et  luisante  {strophulus  candidus) .  Le  prurit  qui  les  accompague  est  en  générai 
très-modéré. 

Le  strophulus  n'est  pas  toujours  une  affection  exclusivement  papuleuse.  Quel- 
quefois ses  papules  sont  entreniêlé-es  de  rougeurs  érythémateuses  (strophulus  in- 
tertinctus),  ou  bien  encore  surmontées  à  leur  sommet  de  vésicules  demi-trans- 
parentes. Toutefois,  il  est  bon  d'être  averti  que  la  papule  peut  revêtir  un  aspect 
pseudo-vésiculeux,  sans  qu'il  y  ait  le  moindre  soulèvement  à  sa  surface,  ce  dont 
il  est  fecile  de  s'assurer  en  piquant  avec  une  aiguille  la  partie  culminante  du 
bouton. 

La  marche  du  strophulus  est  toujours  aiguë.  Il  ne  détermine  habituellement 
aucun  changement  notable  dans  la  santé  des  enfants.  La  durée  moyenne  est  de 
un  à  deux  septénaires,  lorsque  tout  se  borne  à  une  seule  éruption;  mais  le  plus 
souvent  l'affection  se  prolonge  bien  au  delà  de  ce  terme,  par  le  fait  de  poussées, 
successives. 

Le  lichen  scrofuleux  peut  également  se  montrer  à  une  époque  plus  avancée  de 
la  vie,  et  cette  circonstance  suffit  pour  modifier  sensiblement  ses  caractères,  en 
laissant  toutefois  parfoitement  reconnaissable  le  cachet  particulier  que  lui  imprime 
sa  nature.  C'est  à  cette  forme  de  scrofulide  que  doivent  être  rapportées  un  certain 
nombre  des  variétés  complexes  décrites  sous  le  nom  de  lichen  agrius.  On  l'ob- 
serve principalement  à  partir  de  l'âge  de  douze  à  quinze  ans,  chez  les  enfants 
d'un  tempérament  lymphatique.  Ici,  comme  dans  le  strophulus,  les  papules  sont 
plus  grosses,  plus  hypertropliiques  que  dans  les  autres  espèces,  et  ne  déterminent 
que  des  démangeaisons  relativement  faibles,  si  on  les  compare  au  prurit  atroce  et 
permanent  du  lichen  à  petites  papules.  Enfin  ce  lichen  offre  ceci  de  remarquable, 
qu'il  est  susceptible  de  se  transformer,  d'affecter  une  forme  composée,  ou, 
si  l'on  aime  mieux,  de  se  compliquer  de  productions  vésiculeuses  et  pustu- 
leuses. Il  se  transforme  assez  souvent  en  lichen  eczémateux  ou  en  eczéma 
lichénoïde. 

L'éruption  que  je  viens  de  décrire  répond  trait  pour  trait,  comme  je  l'ai  dit 
plus  haut,  au  lichen  agrius  de  M.  Devergie.  Elle  est  généralement  beaucoup  plus 
tenace  et  rebelle  que  le  strophulus  ou  lichen  scrofuleux  de  la  première  enfance, 
dont  elle  n'est  parfois  qu'une  sorte  de  continuation,  sous  une  forme  un  peu  diffé- 
rente; et  il  n'est  pas  rare  de  la  voir  persister  pendant  des  mois  et  même  des 
années,  sans  aucun  intervalle  de  rémission  complète.  Lorsqu'elle  a  longtemps 
existé  sur  un  même  point,  la  peau  devient  sèche,  rugueuse,  épaisse,  sillonnée, 
comme  dans  le  lichen  invétéré. 

Le  lichen  scroluleux  présente  habituellement  des  relations  avec  des  affections- 
de  même  nature.  De  même  que  la  gourme  avec  laquelle  on  le  voit  coexister  ou 
alterner  sur  le  même  sujet,  il  ouvre  le  plus  souvent,  sous  le  nom  de  strophulus,  la 
marche  des  accidents  de  la  scrofule.  Il  peut  disparaître  plus  ou  moins  complète- 
ment pour  récidiver  plus  tard  pendant  le  cours  de  la  première  période,  ou  même 
pendant  le  cours  de  périodes  subséquentes  de  la  maladie  constitutionnelle. 

La  scrofulide  boutonneuse  sera  rareme^it  confondue  avec  une  autre  affectioiî 
cutanée.  Le  slroiihulus,  en  raison  de  sa  persistance  et  de  l'apyrexie,  ne  saurait 
être  pris  pour  une  rougeole  boutonneuse.  Le  lichen  scrofuleux,  lorsqu'il  se  com- 
plique d'eczéma  ou  d'impétigo  [forme  agrius),  est  souvent  difficile  à  reconnaître; 
mais  le  diagnostic  du  genre  n'offre  plus  alors  qu'un  intérêt  très-secondaire,  les 
deux  affections  se  fondant,  si  je  puis  ainsi  dire,  l'une  dans  l'autre,  pour  constituer 
une  espèce  unique.  Dans  les  cas  ordinaires  le  hchen  se  distinguerait  facilement  de 


LICHEN.  523 

l'eczéma  en  tenant  compte  des  caractères  différentiels  qne  nous  avons  donnés  plus 
haut  dans  riiistoire  du  genre.  {Voy.  Diagnostic  du  lichen.) 

Le  strophulus  ou  lichen  scrofuleux  du  premier  âge  pourrait  en  imposer  pour 
une  s  philis  héréditaire.  Mais  les  phénomènes  éruptifs  sont  tout  autres  dans  la 
syphihs  infantile,  où  l'on  trouve  du  coryza  chronique,  des  érylhèmes,  des 
roséoles,  des  plaques  muqueuses,  des  éruptions  papulo-pustuleuses  avec  ou  sans 
excoriations,  des  éruptions  huileuses.  Le  siège  n'est  pas  le  même  :  la  scrofulide 
boutonneuse  débute  à  la  face  et  sur  les  parties  supérieures  du  corps,  pour  de  là  se 
répandre  sur  d'autres  régions  de  la  peau  ;  la  sjpliilide  se  manil'este  d'abord  et 
surtout  aux  parties  sexuelles  et  à  l'anus,  sur  la  région  ombdicale,  à  la  face,  aux 
lèvres.  Le  strophulus  n'apparaît  guère  que  vers  le  cinquième  ou  le  sixième  mois, 
tandis  que  les  manifestations  de  la  syphilis  ont  heu  à  l'époque  de  la  naissance  ou 
peu  de  temps  après,  quelquefois  même  pendant  la  vie  intra-ulérine. 

En  dehors  des  caractères  propres  aux  deux  éruptions,  on  trouverait  des  signes 
distinctifs  dans  l'habitude  extérieure  et  la  constitution  de  l'enfant.  Le  contraste  i  st 
en  général  des  plus  frappants.  Dans  la  scrofule,  il  y  a  dcvelopi  enient  exagéré 
des  tissus  mous,  volume  énorme  des  membres,  et  comme  une  sorte  de  boursou- 
flement de  toutes  les  parties  du  corps  ;  dans  la  syphilis,  au  contraire,  l'enfant  est 
petit,  émacié,  flétri,  ridé,  à  membres  grêles,  semblable  de  tout  point  à  un  petit 
vieillard. 

Sans  être  grave  en  lui-même,  le  lichen  scrofuleux  entraîne  un  pronostic  plus 
sérieux,  toutes  choses  égales,  que  les  scrofulides  sécrétantes,  en  raison  de  sa 
durée  souvent  longue  et  de  l'état  de  souffrance  dans  lequel  il  jette  les  petits  ma- 
lades, par  le  fait  du  prurit  quelquefois  assez  vif  qui  l'accompagne. 

Le  traitement  varie  nécessairement  suivant  la  forme  de  l'alfection  et  l'^ge  de 
l'enfant.  Dans  le  strophulus  ou  lichen  du  premier  âge,  on  se  contentera  d'entourer 
l'enfant  de  précautions  hygiéniques  sévères,  en  surveillant  son  alimentation,  le 
lait  de  la  nourrice,  les  soins  de  propreté,  le  renouvellement  des  hnges,  etc.  Si  les 
surfaces  malades  paraissent  irritées  et  douloureuses,  elles  seront  lecou vertes  de 
poudres  émollientes  de  riz,  de  fécule,  d'amidon.  Quelques  bains  adoucissants 
seront  utiles  au  déchu  de  l'éruption. 

Mais  le  strophulus  peut  se  prolonger  au  delà  de  son  terme  ordinaire,  en  affec- 
tant une  tendance  à  la  chronicité  ;  il  convient  alors  de  sortir  de  l'expectation 
pour  recourir  aux  moyens  qu'd  nous  reste  à  indiquer. 
Ces  moyens  sont  locaux  et  généraux. 

Les  moyens  généraux  consistent  dans  l'emploi,  que  l'on  gradue  suivant  l'âge, 
des  sirops  antiscorbutique  et  de  proto-iodure  de  fer,  administrés  purs  ou  dans 
une  petite  tasse  de  tisane  amère  de  houblon.  On  peut  également  prescrire,  de 
temps  en  temps,  un  léger  laxatif,  sirop  de  chicoi'ée,  manne,  huile  de  ricin,  etc.,, 
pour  stimuler  les  fonctions  digestives  et  venir  en  aide  à  la  médication  générale. 
Parmi  les  moyens  locaux,  je  donne  la  préférence  à  l'huile  de  cade,  que  je  con- 
sidère comme  le  modificateur  par  excellence  de  toutes  les  dartres  scrofuleuses, 
et  en  particulier  de  la  scrofulide  boutonneuse.  Je  l'emploie  presque  toujours  pure, 
sous  forme  d'onctions,  ou  mieux  encore  de  frictions,  lorsque  les  syuiptômes 
iuflannwatoires  sont  complètement  tombés  ;  ces  applications  sont  répétées  tous 
les  deux  ou  trois  jours,  oîi  à  de  plus  longs  intervalles,  suivant  les  cas  et  le  résultat 
obtenu.  Les  bains  sulfureux  et  alcalins,  les  bains  de  sels  ou  les  bains  de  mer, 
constituent  également  de  très-bons  moyens  à  opposer  au  lichen  scrofuleux  passé 
à  l'état  chronique. 


524  LICHEN. 

B.  Lichen  arthritique.  Celte  espèce  comprend  trois  variétés  principales  :  le 
lichen  circonscrit,  le  lichen  pilaris  et  le  lichen  hvidus. 

1"  Lichen  circonscrit.  Les  auteurs  ont  confondu  sous  ce  titre  deux  affections 
très-différentes,  l'une  d'origine  parasitaire,  dont  nous  avons  traité  plus  haut 
(lichen  trichophytique),  l'autre  de  nature  arthritique,  dont  il  nous  reste  à  tracer 
les  caractères  spéciaux. 

Ainsi  que  son  nom  l'indique,  le  lichen  circonscrit  se  caractérise  tout  d'abord  aux 
yeux  de  l'observateur  par  une  sorte  de  concentration  des  phénomènes  éruptifs 
sur  des  espaces  limités  de  la  peau  ;  les  papules  qui  le  constituent  sont  petites, 
nombreuses,  tellement  agglomérées  et  conflaentes  qu'elks  se  confondent  à  leurs 
bases  les  unes  dans  les  autres.  De  là  résultent  des  plaques  granuleuses,  diverse- 
ment configurées,  en  général  assez  réguhèrement  arrondies,  à  bords  saillants 
et  nettement  arrêtés.  Ces  plaques  ont  ui:  diamètre  de  3,  4  à  5  centimètres, 
rarement  plus  considérable;  d'abord  très-restreintes,  elles  s'accroissent  len- 
tement par  la  production  de  ponssées  successives  à  leur  circonférence.  D'une 
coloration  rouge  ou  même  violacée  au  début,  elles  ne  tardent  pas  à  se  recouvrir  de 
petites  squames  minces,  très-adhérentes,  d'une  teinte  grise  eu  blanchâtre.  Elles 
sont  le  siège  de  picotements  et  d'élancements  plutôt  que  de  véritables  déman- 
geaisons. Après  une  certaine  durée,  les  papules  s'affaissent  graduellement  du  centre 
à  la  périphérie,  la  coloration  morbide  s'affaibbt  et  finit  par  s'éteindre,  et  un 
moment  arrive  où  la  plaque  ne  se  distingue  plus  des  téguments  voisins  que  par 
un  léger  épaississement  de  la  peau  avec  exfoliation  à  sa  surface.  Dans  cet  état,  le 
lichen  circonscrit  ressemble  beaucoup  à  l'eczéma  sec  de  même  nature,  dont  nous 
l'avons  en  effet  différencié  dans  l'histoire  du  genre.  Nous  pouvons  ajouter  que 
beaucoup  de  nos  eczémas  du  dos  des  mains  ne  sont  pour  les  Willanistes  que  des 
lichens  circonscrits  :  erreur  de  genre  qui  importe  peu,  la  nature  des  deux  affec- 
tions étant  la  même. 

Le  lichen  circonscrit  a  des  lieux  bien  marqués  de  prédilection  ;  c'est  sur  le  côté 
externe  des  membres,  sur  la  face  dorsale  des  avant-bras  et  des  mains,  au  front, 
sur  les  parties  génitales  que  surtout  on  le  rencontre.  Les  plaques  sont  plus  ou 
moins  nombreuses,  dispersées  sur  les  différents  points  d'élection,  ou  réunies  sur 
une  même  région  ;  dans  ce  dernier  cas,  elles  peuvent  se  joindre  et  se  déformer 
mutuellement  par  leurs  bords  contigus. 

Celte  variété  de  lichen  est  des  plus  tenaces,  et  persiste  souvent  pendant  des 
mois  et  des  années.  Elle  est  très-sujette  à  récidive,  et  présente  parfois,  à  cet  égard, 
une  sorte  de  périodicité  en  rapport  avec  les  saisons.  Cependant,  s'd  est  impossible 
de  fixer  un  terme  approximatif  à  sa  durée,  il  faut  savoir  qu'elle  est  destinée  à 
disparaître  après  un  certain  temps,  et  d'une  manière  définitive,  par  le  fait  même 
de  l'évolution  spontanée  de  la  maladie  constitutionnelle. 

Le  diagnostic  du  lichen  circonscrit,  considéré  comme  espèce,  n'est  pas  toujours 
facile  à  établir.  L'affection  qui  s'en  rapproche  le  plus  est  assurément  le  lichen 
parasitaire;  mais  l'examen  des  poils  nous  fournit  ici  des  renseignements  précieux  : 
on  les  trouve  altérés  dans  leur  structure,  cassés  et  revêtus  d'une  gaine  blanche 
particulière,  s'il  s'agit  d'un  lichen  trichophytique.  La  présence  d'anneaux  herpé- 
tiques ou  de  débris  de  cercles  d'herpès  sur  le  visage,  le  cou,  le  dos  des  mains  et 
sur  d'autres  régions  suffirait  pour  rendre  toute  méprise  impossible. 

Le  lichen  scrofuleux  olfre  bien  peu  d'analogie  avec  l'espèce  qui  nous  occupe. 
Se  manifestant  surtout  dans  le  jeune  âge,  il  se  développe  en  général  sur  de 
larges  surfaces  ;  ses  papules  sont  volumineuses  et  recouvertes  pour  la  plupai't 


LICHEN.  0-25 

de  vésicules  et  de  pustules.  Très-rarement  circonscrit,  il  se  montre  alors  prcs(jiie 
toujours  sur  les  plis  du  jarret  ou  du  coude,  c'est  à-dire  sur  des  points  ijui  éloi- 
gnent aussitôt  l'idée  d'un  lichen  arthritique.  Celui-ci  olHv.  des  caractères  tout 
opposes  de  siège,  d'aspect,  d'exacte  circonscription  ;  ses  plaques  sont  sèches, 
formées  de  petites  papules  agglomérées,  sans  mélange  d'autres  éléments  éruptifs; 
enfin,  les  sensations  morbides  sont  plus  accusées  que  dans  le  hchen  scrofuleux, 
et  de  forme  différente. 

'  Il  nous  resterait  à  distinguer  le  hchen  circonscrit  des  espèces  dartreuse  et  syphi- 
litique ;  mais  l'ordre  logique  des  choses  nous  oblige  à  réserver  pour  le  moment  ce 
double  point  de  diagnostic. 

2"  Lichen  pilaris  {cutis  anserina).  Le  lichen  pilaris  est  caractérisé  par  des 
papules  traversées  par  un  poil,  et  plus  volumineuses  que  celles  du  lichen  ordi- 
naire. 

11  peut  se  développer  sur  tous  les  points  de  la  peau  que  recouvrent  des  poils, 
mais  plus  particulièrement  dans  la  barbe,  sur  la  région  antérieure  de  la  poitrine  et 
sur  la  face  externe  des  membres. 

J'étabhs  deux  variétés  importantes  de  lichen  pilaris,  d'après  les  diiïérences  que 
présente  la  lésion  élémentaire  :  a.  un  lichen  par  hypertrophie  papillaire  ;  h.  un 
lichen  par  altération  fonctionnelle  de  la  papille. 

a.  Dans  la  première  variété,  on  trouve  de  grosses  papules  traversées  ])ar  un 
poil  à  leur  centre,  et  constituées  évidemment  par  l'hypertrophie  du  follicule  pileux 
et  de  la  papille  pihfère.  Les  parties  affectées  offrent  un  aspect  rugueux  qui  rap- 
pelle assez  bien  cet  état  particulier  de  la  peau  désigné  communément  sous  le 
nom  de  chair  de  poule,  d'où  la  dénomination  de  cutis  anserina  donnée  à  cette 
forme  de  lichen. 

Les  démangeaisons  sont  peu  vives  et  habituellement  remplacées  par  des 
picotements.  La  chute  des  poils  ne  survient  qu'après  une  longue  durée  de 
l'aifection. 

Cette  variété  se  distingue  de  l'acne  pilaris  par  son  siège  anatomique  et  la  forme 
de  sa  lésion  primitive  :  par  son  siège,  qui  a  lieu  dans  le  follicule  pileux  lui- 
même,  et  non  dans  les  glandes  sébacées  annexées  à  cet  organe  ;  par  sa  forme  pri- 
mitive, qui  est  une  papule  acuminée  constituée  par  le  folhcule  hypertrophié,  et 
par  conséquent  bien  différente  de  la  papulo-pustule  omLiliqute  de  l'acne 
pilaris . 

h.  Dans  la  seconde  variété  de  Uchen  pilaris,  la  papille  pilifère  présente  une 
grave  altération  fonctionnelle.  Elle  nedonne  plus  naissance  aupoil,  mais  sécrète  eu 
sa  place  une  matièi'e  glutineuse  qui,  examinée  au  microscope,  se  montre  com- 
posée de  cellules  épidermiques  molles,  de  forme  polyédrique  et  pourvues  d'un 
noyau  très-apparent.  Ce  lichen  pilaris  offre  donc  une  certaine  analogie  avec  le 
pityriasis  capilis  caractérisé  par  une  hypersécrétion  d'épiderme  qui  se  fait  aux 
dépens  des  parois  du  follicule  pileux.  Il  en  diffère  cependant  par  le  siège 
de  la  sécrétion  morbide,  qui  a  lieu  dans  la  papille  elle-même,  et  par  la  nature  du 
produit  sécrété,  dont  l'organisation  est  beaucoup  plus  rudimentaire  que  dans  le 
pityriasis,  oii  l'on  observe  de  véritables  cellules  épidermiques  aplaties,  déformées 
et  disposées  sous  la  forme  de  lamelles  ou  furfures. 

Le  lichen  pilaris  par  altération  fonclionnelle  de  la  papille  offre  des  symptômes 
qui  lui  sont  propres.  Ses  papules  sont  petites,  déprimées  à  leur  partie  centrale, 
d'une  couleur  jaunâtre  ou  brunâtre,  ordinairement  disposées  en  plaques  plus  ou 
moins  étendues.  Ces  plaques  ont  un  aspect  singulier  et  tout  à  fait  caractéristique: 


»)26  LICHEN. 

elles  ressemblent,  qu'on  me  passe  cette  expression,  à  nne  croûte  de  pain  légère- 
ment brûlée  et  râpée  siiperficiellenicnt. 

Les  éléments  du  poil  cessent  d'être  sécrétés  de  bonne  heure  ;  aussi  les  papules 
ne  sont  pas  traversées  par  un  poil  comme  celles  du  lichen  par  hypertrophie  papil- 
laire. 

Leliclien  pilaris  par  altération  fonctionnelle  se  sépare  du  pityriasis  capilis  par 
sa  forme  prunitive,  qui  est  une  papule,  et  par  les  caractères  particuliers  de  son 
exfoliation. 

Dans  l'acne  pilaris,  on  trouve  une  papulo-pustule  ombihquée,  rouge,  indurée, 
qui  se  recouvre  d'une  croûte  jaunâtre  et  légèrement  déprimée  à  sa  partie  cen- 
trale. La  lésion  ne  [;orte  pas  sur  le  follicule  pileux,  ou  ne  l'atteint  que  tardive- 
ment, par  propagation  du  travail  morbide  dévelojjpé  dans  les  glandes  annexées  à 
cet  organe.  Elle  laisse  fréquemment  à  sa  suite  des  cicatrices  blanches  et  indélé- 
biles. Il  ne  faut  pis  confondre  le  lichen  pilaris  aYecl'ichtlujose pilaris,  impropre- 
ment décrite  par  MM.  Devergie  et  Hardy  sous  le  nom  de  pityriasis  pilaris. 

C.  Lichen  lividus.  J'ai  depuis  longtemps  fait  connaître  une  variété  de  hchen 
non  décrite  par  les  auteurs,  et  que  j'ai  nommée  lichen  à  papules  déprimées. 
Cette  affection  n'est  pas  très-rare.  Elle  est  caractérisée  par  des  papules  plus  volu- 
mineuses que  celles  des  autres  varitHés  de  lichen,  larges,  aplaties,  tantôt  dissé- 
minées, tanlôt  se  réunissant  par  groupes  de  deux,  trois,  quatre  et  en  plus  grand 
nombre,  pour  constituer  des  plaques.  Ces  papules  sont  en  général  distinctes  les 
unes  des  autres,  souvent  luisantes  et  comme  vernissées  à  leur  surface,  et  termi- 
nées par  un  bord  circulaire  quelquefois  légèrement  saillant  en  forme  de  mar- 
gelle.  Les  démangeaisons  sont  nulles  ou  peu  marquées. 

Dans  quelques  circonstances,  l'éruption  revêt  une  teinte  violacée  ;  les  papules 
sont  mélangées  de  taches  hémorrhagiques  et  entourées  d'une  auréole  livide  :  c'est 
à  cette  variété  que  les  auteurs  ont  imposé  le  nom  de  lichen  lividus.  Celui-ci  n'est 
donc  qu'un  lichen  à  papules  déprimées  avec  la  tendance  spéciale  aux  extravasa- 
tions  sanguines  qu'on  rencontre  si  souvent  dans  les  affections  arthritiques. 

Le  lichen  à  papules  déprimées  se  développe  de  préférence  sur  le  front,  le  men- 
ton, le  nez,  les  oreilles  et  les  membres.  Il  peut  également  se  montrer  sur  le  tronc, 
oiî  je  l'ai  fréquemment  observé.  Sa  marche  est  lente,  et  sa  durée  moyenne  de 
cinq  à  six  septénaires.  Il  ne  détermine  aucun  trouble  notable  de  la  santé  lorsqu'il 
est  simple  ;  mais  la  forme  lividus  coïncide  en  général  avec  d'autres  phénomènes 
de  débditation. 

Cette  affection  se  distingue  de  la  syphilide  papuleuse,  avec  laquelle  on  la  con- 
fond le  plus  ordinairement,  par  les  caractères  bien  définis  de  ses  papules,  parleur 
coloration  violacée,  et  dans  certains  cas,  par  la  présence  de  véritables  ecchymoses 
dans  le  tissu  de  la  peau.  La  syphilide  coexiste  d'ailleurs  presque  toujours  avec 
des  plaques  muqueuses  et  l'engorgement  des  ganglions  lymphatiques,  ce  qui  n'a 
jamais  lieu  pour  le  hchen  à  papules  déprimées.  Enfin,  il  est  bien  rare  que  celui- 
ci  soit  absolument  dépourvu  de  prurit,  comme  il  est  de  règle  pour  le  lichen  spéci- 
fique. 

Les  éléments  du  psoriasis  guttata  sont  recouverts  de  squames  blanches  et  na- 
crées, différentes  à  tous  égards  de  l'épiderme  blanc  et  hsse  qui  fait  corps  avec  la 
papule  déprimée  du  lichen.  Le  prurit  est  moins  marqué  dans  le  psoriasis.  L'exa- 
men des  coudes  et  des  genoux  éclairerait  au  besoin  le  diagnostic. 

Traitement  du  lichen  arthritique.  Les  préparations  alcaUnes,  administrées 
intiis  et  extra,  occupent  la  première  place  dans  le  traitement  du  lichen   arthri- 


LICHEN.  527 

tique,  quelle  que  soit  d'ailleurs  sa  forme  ou  variété  de  forme.  Ou  prescrira  l'eau 
de  Vichy  aux  repas,  le  bicarbonate  de  soude  à  la  dose  de  0"%20,  fl8%50  et  jusqu'à 
1  gramme  et  Isf.SO  par  jour,  sous  forme  de  sirop,  dont  le  malade  prendra  une, 
deux  à  trois  cuillerées  à  bouche  par  jour,  dans  une  tasse  de  tisane  amère.  On 
pourra  recourir  également,  dans  certains  cas,  aux  préparations  de  colchique,  aux 
antimoniaux. 

La  médication  locale  varie  suivant  la  forme  du  lichen. 

Contre  le  hchen  circonscrit,  on  a  conseillé  un  grand  nombre  de  pommades,  les 
unes  composées  de  sels  mercuriels  incorporés  à  l'axonge  en  proportions  diverses, 
pommades  au  sulfate  jaune  de  mercure,  au  protochlorure  et  au  proto-iodure  du 
même  métal,  etc.,  et  les  autres  ayant  pour  bases  des  substances  astringentes, 
tannin,  oxyde  de  zinc,  sous-nitrate  de  bisnuitb,  etc.,  parfois  associées  à  des  modi- 
ficateurs du  système  nerveux,  comme  le  chloroforme  et  le  camphre.  C'est  dans  le 
lichen  circonscrit  que  les  cautérisations  avec  le  nitrate  d'argent  trouvent  plus 
spécialement  leur  emploi,  'e  préfère  de  beaucoup  à  tous  ces  moyens  les  applica- 
tions d'huile  de  cade  que  je  fais  répéter  t®us  les  deux  ou  trois  jours.  On  retire 
également  de  grands  avantagii'S,  dans  les  mêmes  cas,  de  lotions  faites  avec  une 
solution  de  glycérine  ou  de  saponine  et  une  faible  dose  de  carbonate  de  soude  : 
eau  de  son,  500  grammes;  glycérine  anglaise,  30  grammes;  carbonate  de  soude, 
08%25  à  1  gramme.  Le  malade  prend  concurremment  des  bains  alcalins  et  de  va- 
peur, ou  même  des  douches  sur  les  régions  affectées. 

Les  moyens  qui  précèdent  conviennent  parfaitement  au  hchen  pilaris;  seule- 
ment, comme  cette  forme  se  montre  sur  des  parties  velues,  il  est  tout  d'abord 
nécessaire  de  couper  les  poils  aussi  près  que  possible  des  surfaces  nialades. 

Les  cautérisations  avec  la  teinture  d'iode  m'ont  paru  modifier  avantageusement 
le  lichen  par  altération  fonctionnelle  de  la  papille. 

Enfin,  contre  le  lichen  à  papules  déprimées,  j'ai  retiré  de  grands  avantages  de 
l'emploi  des  bains  sulfureux  et  des  douches  sulfureuses.  S'il  y  avait  une  tendance 
marquée  aux  hémorrhagies,  chez  un  indi\idu  affaibh  ou  avancé  en  âge,  il  faudrait 
en  premier  lieu  fortifier  la  constitution  par  un  régime  et  un  traitement  convenables. 
D.  Lichen  herpétique.  Nous  retrouvons  ici  les  deux  principales  variétés  de 
lichen  admises  par  les  auteurs  anglais,  le  lichen  simplex  et  le  lichen  agrius,  cette 
dernière  expression  étant  comprise  dans  toute  la  rigueur  de  son  sens  étymolo- 
gique (ccyptoç,  ferox). 

Le  lichen  herpétique  présente  quelquefois  une  certaine  acuité  à  son  début,  mais 
sa  marche  est  essentiellement  chronique.  Ses  papules  sont  petites,  acuminées,  de 
la  même  couleur  que  la  peau,  ordinairement  réunies  en  groupes  disséminés  sur 
de  larges  surfaces.  Ces  groupes  sont  très-variables  en  étendue,  de  forme  irrégulière 
et  indécise,  diffus  et  mal  limités  à  leurs  bords.  On  les  trouve  principalement  au 
cou,  à  la  face  interne  des  meiubres,  dans  le  sens  de  la  flexion.  Leur  nombre,  d'a- 
bord peu  considérable,  se  multiplie  avec  le  temps  par  des  poussées  qui  se  succè- 
dent tantôt  sur  un  point,  tantôt  sur  un  autre  point,  sans  qu'il  soit  possible  d'as- 
signer un  terme  aux  progrès  de  l'éruption. 

C'est  dans  le  lichen  herpétique  que  le  prurit  atteint  son  plus  haut  degré  d'inten- 
sité. Les  expressions  manquent  pour  rendre  les  souffrances  que  détermine  parfois 
cette  cruelle  affection.  La  membrane  cutanée  devient  le  siège  des  sensations  les 
plus  douloureuses  et  les  plus  pénibles.  Pour  apaiser  la  démangeaison,  le  malade 
se  gratte  avec  une  sorte  de  fureur,  et  l'action  de  ses  ongles  ne  lui  suffisant  bientôt 
plus,  il  ne  recule  pas  devant  l'emploi  de  corps  durs  ou  acérés,  tels  que  des  étrillas, 


628  LlGliKN. 

des  brosses,  au  moyen  desquels  on  le  voit  se  ratisser  sans  cesse  et  se  déchirer  la 
peau.  Ce  prurit  est  suiet  à  des  redoublements  ou  paroxysmes,  mais  la  rémission 
n'est  jamais  complète.  Cerlanics  circonstances  paraissent  influer  puissamment 
sur  ses  retours  et  sur  son  intensité  :  c'est  le  soir,  la  nuit,  après  les  repas,  après  le 
travail  ou  un  exercice  quelconque,  qu'il  se  manifeste  de  préférence.  Il  suffit  par- 
lois  d'une  émotion  vive,  d'un  brusque  changement  de  température  pour  en  pro-  ■ 
voquer  l'explosion  subite.  Pendant  ces  crises,  le  malade  ne  peut  goûter  un  seul 
instant  de  repos.  C'est  en  vain  qu  il  cherche  dans  le  sommeil  un  calme  momen- 
tané à  ses  souffrances  :  la  démangeaison  redouble  et  s'exaspère  au  delà  de  toute 
mesure,  sous  l'influence  de  la  chaleur  du  lit.  Il  est  alors  contraint  à  se  lever  pour 
s'exposer  à  l'air,  pour  se  frictionner,  se  faire  des  lotions  froides,  s'étendre  nu  sur 
le  sol,  etc.,  et  c'est  ainsi  que  s'écoule,  lentement  et  péniblement,  la  meilleure 
partie  de  la  nuit. 

Lorsque  le  lichen  se  propage  aux  muqueuses  extérieures,  il  y  provoque  des 
troubles  spéciaux  en  rapport  avec  la  sensibih'té  des  tissus  qu'il  attaque  :  c'est 
ainsi  que  dans  le  lichen  des  parties  génitales  il  n'est  pas  rare  de  voir  l'hypercs- 
thésie  de  la  peau  se  propager  à  ces  organes,  et  devenir  une  cause  d'onanisme  et 
de  nymphonianie. 

Parmi  les  phénomènes  communs  ou  génériques  du  lichen,  nous  avons  noté 
certaines  altérations  de  texture  de  la  peau,  son  épaississement,  l'état  de  sécheresse 
de  sa  surface,  l'exagération  de  ses  plis,  etc.  :  nulle  autre  espèce  ne  les  présente 
au  même  degré,  et  d'une  manière  aussi  hâtive  que  le  lichen  herpétique.  En  même 
temps,  et  par  le  fait  du  traumatisme  qui  résulte  des  manœuvres  employées  parles 
malades  pour  calmer  le  prurit,  les  jiapules  irritées  se  recouvrent  de  vésicules  et 
de  croiites,  ];resque  aussitôt  déchirées  ou  arrachées  par  les  ongles  ;  les  surfaces 
sont  rouges,  excoriées,  douloureuses,  sillonnées  de  toutes  parts  de  traînées  noi- 
râtres et  sanglantes.  C'est  le  lichen  agrius  à  petites  papules,  qu'il  ne  faut  pas  con- 
fondre avec  le  lichen  agrius  scrofuleux,  précédemment  décrit. 

Le  lichen  herpétique  est  une  affection  presque  toujours  chronique.  Sa  durée 
est  indéterminée.  Il  coïncide  ou  alterne  fréquemment  avec  diverses  affections  ner- 
veuses, telles  que  gastralgies,  migraines,  névralgies  intercostales,  et  autres  mani- 
festations de  la  dartre.  Il  présente  parfois  des  améliorations,  bientôt  suivies  de 
revirements  soudains,  sous  l'influence  des  causes  les  plus  légères  ;  et  chaque  ré- 
cidive semble  ajouter  encore  à  sa  ténacité  et  favoriser  sa  tendance  à  la  généralisa- 
tion. 

Le  lichen  herpétique  offre  des  traits  trop  fortement  accusés  pour  que  son  dia- 
gnostic  soit  l'objet  de  sérieuses  difficultés.  La  seule  variété  arthritique  que  l'on 
puisse  à  la  rigueur  lui  opposer  serait  peut-être  le  lichen  circonscrit.  Mais  que  de 
différences  entre  ces  deux  affections  !  D'un  côté,  c'est  une  éruption  en  groupes 
disséminés,  à  forme  indécise,  irrégulière,  situés  à  la  face  interne  des  membres, 
s'accompagnant  d'un  prurit  intense  et  persistant  :  voilà  pour  le  lichen  dartreux; 
d'un  autre  côté,  plaques  arrondies,  bien  circonscrites,  occupant  le  dos  des  mains, 
des  pieds,  des  avant-bras,  et  en  général  la  face  externe  des  membres  ;  prurit  mo- 
déré, habituellement  remplacé  par  des  picotements,  des  élancements,  de  la  cuis- 
son :  voilà  pour  le  lichen  arthritique.  Il  nous  a  presque  suffi  de  renverser,  en 
quelque  sorte,  les  caractères  de  l'une  de  ces  espèces  pour  obtenir  les  caiactèi'es 
de  l'autre. 

Le  lichen  agrius  herpétique  se  distingue  également  du  hchen  agrius  scrofuleux 
par  des  signes  faciles  à  saisir.  Le  premier  n'appai-aît  guère  que  dans  1  âge  adulte 


LICHt^i^  Sïl'tiiLUivuE-.  529 

et  chez  des  sujets  doués  d'un  tempérament  nerveux  ;  il  est  remarquable  par  la 
ténuité  de  ses  papules  et  la  violence  du  prurit  qu'elles  déterminent  ;  les  vésicules 
qui  le  compliquent  sont  transparentes  et  donnent  lieu  à  de  légères  concrétions. 
Le  deuxième  se  montre  surtout  de  douze  à  quinze  ans,  chez  des  enfants  lympha- 
tiques ;  ses  papules  sont  grosses,  hypertrophiques,  compliquées  d'érythèmc,  de 
vésicules  et  même  de  pustules,  tous  phénomènes  dont  l'ensemble  contraste  sin- 
gulièrement avec  le  peu  d'intensité  des  sensations  morbides. 

Le  pronostic  du  lichen  herpétique  se  déduit  des  considérations  qui  précèdent. 

C'est  de  toutes  les  espèces  la  plus  grave,  soit  qu'on  la  juge  au  point  de  vue 
restreint  de  ses  pliénomènes  propres,  c'est-à-dire  comme  simple  affection  de  la 
peau,  soit  que  l'on  considère  plus  spécialement  l'influence  morbifique  qu'elle  tra- 
duit sur  cette  membrane. 

Le  traitement  du  lichen  herpétique  a  pour  base  l'emploi  des  préparations  arse- 
nicales, soit  l'acide  arsénieux  ou  l'arséniate  d'ammoniaque  en  solution,  soit  l'arsé- 
niate  de  fer  en  pilules.  Ces  médicaments  seront  administrés  à  doses  croissantes, 
qu'il  est  souvent  nécessaire  de  porter  assez  haut,  pour  obtenir  un  résultat  satisfai- 
sant. Leur  action  doit  alors  être  surveillée  avec  le  plus  grand  soin,  car  la  tolérance 
varie  suivant  les  malades,  et  les  phénomènes  d'intoxication  se  développent  quel- 
quefois avec  une  grande  rapidité.  Il  faut  aussi  tenir  compte  de  l'état  des  voies 
digestives. 

Comme  l'effet  thérapeutique  est  souvent  assez  lent  à  se  produire,  on  s'efforcera, 
partons  les  moyens  possibles,  de  calmer  le  prurit  si  violent  que  détermine  cette 
affection.  {Voy  Traitement  du  genre.) 

Enfin,  dans  les  cas  rebelles,  on  pourra  envoyer  les  malades  à  Plombières,  à 
la  Bourboule,  ou  leur  conseiller  une  eau  sulfureuse  légère,  telle  que  celles 
d'Uriage,  de  Saint-Gervais,  etc. 

D.  Lichen  syphilitique.  J'en  admets  deux  formes  distinctes,  que  j'ai  désignées 
sous  les  noms  de  syphilide  papuleuse  lenliculaire  et  de  syphilide  papuleuse  mi- 
liaire;  mais  ce  sujet  est  confié  à  un  autre  collaborateur.  (Voir  ci-après^)     Bazin. 

McaE\  SYPHILITIQUE  {syphilide  papuleuse  lichénoïde).  Cette  érup- 
tion n'a  été  bien  distinguée  des  autres  syphilides  qu'à  partir  de  Carmichaël,  le 
premier  syphiliographe  qui  ait  adopté  le  nom  de  papule  emprunté  à  la  ciassifi- 
cation  dermatologique  de  Willan.  Jusque-là  toutes  les  syphihdes  étaient  des 
pustules,  et  celles  que  nous  appelons  maintenant  des  syphilides  papuleuses  étaient 
des  pustules  rouges,  dures,  petites,  sèches,  merisées,  tuberculeuses. 

Les  syphilides  papuleuses  sont  aujourd'hui  bien  connues,  grâce  aux  travaux 
de  Bietl,  Cazenave,  Ricord,  Bassereau,  Bazin,  Hardy.  Elles  forment  deux  variétés 
principales  :  la  syphilide  à  petites  papules,  arrondies  ou  coniques,  ou  syphilide 
lichénoïde,  et  la  syphihde  à  larges  papules,  sèches  ou  humides,  ou  syphilide 
papuleuse  plate.  Il  ne  doit  être  question  ici  que  de  la  première. 

La  syphilide  lichénoïde,  ou  lichen  syphihtique,  est  une  des  manifestations  les 
plus  communes  et  les  plus  précoces  de  la  sypbiUs  secondaire.  Elle  coïncide  quel- 
quefois avec  la  roséole  ou  avec  d'autres  formes  éruptivos,  également  superficielles. 
Elle  est  caractérisée  par  de  petites  granulations  rouges,  saillantes,  coniques,  glo- 
buleuses ou  légèrement  aplaties,  du  volume  d'une  lentille  ou  un  peu  plus.  Ces 
granulations  présentent  à  leur  début  une  coloration  rouge  assez  nette,  mais  (lui 
devient  graduellement  plus  foncée,  en  se  rapprochant  de  la  teinte  cuivrée,  pour 
prendre  à  la  fin  une  teinte  plus  brune,  bronzée.  Cette  dernière  coloration  persiste 
DICT.  ENC.  2'  s.  II.  34 


530  LICHEN  SYPHILITIQUE. 

longtemps,  et  on  la  retrouve  encore  après  l'affaissement  de  toute  la  saillie.  Au 
début  la  coloration  rouge  disparaît  sous  la  pression  du  doigt,  mais  à  la  fin  la 
coloration  brune  ne  s'efface  qu'en  partie  sous  cette  pression. 

Au  commencement  de  l'éruption,  les  papules  du  licben  syphilitique  forment 
des  saillies  dures,  pleines  et  lisses.  Bientôt,  sur  la  surface,  l'épiderme  se  ride,  se 
détache,  et  une  desquammation  assez  marquée  s'opère  incessamment.  Les  squa- 
mes sont  minces  et  blanches  ;  en  se  détachant  d'abord  à  leur  circonférence,  elles 
forment  autour  de  la  papule  un  petit  liséré  blanc  sur  lequel  l'école  de  Biett  a 
beaucoup  insisté. 

Dans  quelques  cas  la  desquammation  est  plus  prononcée;  les  squames  sont 
plus  épaisses,  légèrement  imbriquées  les  unes  sur  les  autres  ;  on  a  alors  une  érup- 
tion qui  n'est  plus  simplement  papuleuse,  et  qu'on  a  désignée  sous  le  nom  de 
syph  ilide  papulo-sqiiameuse . 

Dans  d'autres  cas  la  papule  est  recouverte  d'une  couche  épidermique  dure,  per- 
manente, résistante.  L'éruption  forme  alors  encore  une  variété;  généralement  dis- 
crète et  localisée,  connue  sous  le  nom  de  syphilide  cornée. 

Du  reste,  la  forme  seule  des  papules  a  sufti  pour  établir  des  distinctions  entre 
les  éruptions  :  on  a  donné  le  nom  de  syphilide  lenticulaire  à  celle  dont  les  pa- 
pules ont  k  forme  et  le  volume  des  lentilles,  et  de  syphilide  granideuse  à  celle 
dont  les  pustules  sont  rondes,  globuleuses;  on  a  aussi  rattaché  au  lieben  syphi- 
litique la  syphilide  papuleuse  miliaire,  qui  rentre  plutôt  dans  la  classe  des  syphi- 
lides  vésiculeuses. 

La  syphilide  papulo-squameuse  a  pour  siège,  de  prédilection  la  paume  des  mains 
et  la  plante  des  pieds.  Il  en  est  de  même  de  la  syphilide  cornée.  Quant  à  la  syphi- 
lide lenticulaire,  on  l'observe  surtout  à  la  partie  postérieure  du  cou,  sur  le  front, 
sur  la  poitrine,  sur  le  dos,  sur  le  tronc  et  sur  les  membres,  principalement  aux 
cuisses  et  aux.  bras.  La  syphilide  granuleuse  se  montre  surtout  dans  le  sillon 
naso-labial,  autour  des  lèvres  et  au  menton.  Les  saillies  qui  la  constituent  sont 
généralement  groupées,  alignées  de  manière  à  former  une  traînée  oblongue,  ou  à 
décrire  des  cercles  ou  des  segments  de  cercle.  Les  papules  sont  quelquefois  en- 
flammées à  leur  sommet,  et  un  certain  nombre  d'entre  elles  sont  le  siège  d'une 
exhalation  légère  de  sérosité  purulente  qui  soulève  un  peu  l'épiderme,  et  leur 
donne  l'apparence  de  vésicules  ou  de  pustules.  Celles-ci  sont  éphémères,  se  déchi- 
rent bientôt,  et  forment  en  se  desséchant  des  croûtes  superficielles. 

Le  lichen  syphilitique,  avec  ses  différentes  variétés,  se  développe  d'une  manière 
Jantôt  brusque,  tantôt  plus  lente.  Dans  le  premier  cas,  tout  le  corps  peut  se  trou- 
ver couvert  par  l'éruption  dans  l'espace  de  huit  à  dix  jours.  Dans  le  second,  les 
papules  s'élèvent  insensiblement,  arrivent  à  leur  développement  complet,  rétro- 
cèdent ;  puis  une  nouvelle  poussée  se  fait,  et  à  mesure  que  les  premières  papules 
s'affaissent,  les  autres  surgissent  et  s'accroissent.  On  voit  quelquefois  des  malades 
ainsi  affectés  de  poussées  papuleuses  successives  durant  plusieurs  mois,  et  même 
pendant  une  année  ou  deux.  Après  que  l'éruption  a  disparu,  la  place  occupée  par 
les  papules  paraît  souvent  gaufrée,  parsemée  d'éraillures  ou  de  cicatrices,  bien 
qu'il  n'y  ait  eu  ni  ulcération  ni  suppuration.  C'est  que  le  tissu  de  la  papule  écar- 
tait les  fibres  du  derme,  lesquelles  sont  restées  dissociées  après  la  résorption  de 
ce  tissu,  comme  dans  les  vergettures  par  distension  de  la  peau. 

Ces  éruptions  ne  sont  pas  toujours  la  suite  immédiate  du  chancre,  et  souvent 
il  y  a  entre  ces  deux  ordres  d'accidents,  pour  intermédiaire,  une  éruption  roséo- 
lique;  ou  bien  les  papules  sont  entremêlées  et  tachées  de  roséole.  D'autres  fois 


LICHEN  D'ISLANDE  (pharmacologie).  531 

c'est  avec  des  plaques  muqueuses,  ou  des  pustules  psydraciées  ou  plilyzaciées  que 
les  papules  coexistent.  L'alopécie,  l'adénopatliie  et  divers  phénomènes  générauj 
liés  à  l'état  chloro-anéniique,  s'observent  aussi  dans  cette  éruption.  L'iritis  n'est 
pas  rare  avec  le  lichen  syphilitique,  au  point  que  Carmichaël  en  a  fait,  à  tort  il  est 
vrai,  le  symptôme  concomitant  exclusif  de  la  syphilide  papuleuse. 

Le  lichen  syphilitique  n'a  qu'une  ressemblance  éloignée  avec  le  lichen  simple, 
dont  les  papules  sont  petites,  agminées,  réunies  en  plaques,  extrêmement  pruri- 
gineuses. Il  diffère  aussi  beaucoup  du  prurigo,  dont  les  papules  blanches  sont 
recouvertes  d'une  croûte  noire,  formée  par  un  petit  caillot  desséché,  et  dont  la 
démangeaison  est  le  symptôme  prédominant.  La  gale  est  polymorphe  ;  mais  si  les 
papules  de  cette  éruption  ont  quelque  analogie  avec  celles  du  lichen  syphilitique, 
il  n'en  est  pas  de  même  des  vésicules  et  des  sillons  qui  sont  le  fond  de  l'éruption 
psorique. 

D'ailleurs,  pour  le  lichen  syphilitique  comme  pour  toutes  les  syphihdes,  il  y  a 
à  prendre  en  considération  les  sigues  commémoi'atifs  et  les  symptômes  concomi- 
tants, qui  sont  souvent  d'un  grand  secours  quand  les  caractères  objectifs  de  l'é- 
ruption ne  sont  pas  bien  marqués,  soit  qu'ils  ne  l'aient  jamais  été,  soit  qu'ils  aient 
cessé  de  l'être. 

Le  traitement  du  lichen  syphihtique  doit  être  général  et  local. 

Le  traitement  général  ne  diffère  pas  de  celui  de  la  sypliilis  secondaire  ;  il  est  le 
même,  à  peu  près,  que  celui  de  l'acné  et  de  toutes  les  syphihdes  précoces.  {Voij. 
Syphiudes.) 

Quant  au  traitement  local,  il  consiste  surtout  en  bains  simples  et  médicamen- 
teux. Les  bains  de  subhmé  ont  une  grande  efficacité.  Il  en  est  de  même  des  pom- 
mades mercurielles,  et  plus  particulièrement  de  la  pommade  au  proto-iodure  de 
nierciu'e.  Cette  pommade  est  surtout  nécessaire  dans  certaines  formes  de  lichen 
syphihtique,  dans  celles  notamment  dont  les  papules  sont  sèches,  dures,  squa- 
meuses. Il  arrive  même  qu'on  est  obligé  de  recourir  à  des  moyens  locaux  plus 
énergiques,  à  des  cautérisations  avec  le  nitrate  acide  de  mercure,  dans  les  cas  de 
papules  cornées  de  la  paume  de  la  main,  par  exemple,  éruption  toujours  rebelle. 

J.  RoLLET. 

LICHEIV  D'isiiAiVDE.  §  I,  Botanique.  Cette  plante  est  trop  connue, 
dans  la  pratique  médicale,  sous  le  nom  de  Lichen  {voy.  Lichens),  pour  que  son 
histoire  pharmacologique  et  thérapeutique  ne  figure  pas  ici;  mais  son  étude 
botanique  doit  être  renvoyée  au  mot  Cétraire. 

3  II.  Pharmacologie.  Le  lichen  d'Islande  est  sec,  coriace,  sans  odeur  sen- 
sible, d'une  saveur  amère,  désagréable.  Mis  à  tremper  dans  l'eau  froide,  il  se  gonfle, 
devient  membraneux,  et  cède  au  liquide  une  partie  de  son  principe  amer  et  un  peu 
de  mucilage.  Lorsqu'on  le  soumet  à  l'ébulHtion  dans  l'eau,  il  se  dissout  en  grande 
partie,  et  le  liquide,  s'il  est  concentré,  se  prend  en  gelée  par  le  refroidissement. 

Berzelius  a  retiré  de  100  parties  de  Hchen  d'Islande  : 

Sucre  incristallisable Ô,6 

Principe  amer  ou  cétrarin 3,0 

Cire  et  Chlorophylle 1,6 

Gomme. 3,7 

Matière  extractive  colorée 7,0 

Amidon  ou  lichénine 44,6 

Squelette  féculacé ,  ,  56,6 

Surtaitrate  de  potasse ) 

Tarirate  et  phosphate  de  chaux ,.....)' 

102,0 


652  LICHEN  D'ISLANDE   (phabmacologie). 

Les  deux  principes  essentiels  du  liclien  d'Islande  sont  l'amidon  et  la  matière 
amère.  L'amidon  du  lichen  est  désigné  sous  le  nom  de  Uchénine.  11  est  insipide; 
il  se  gonfle  dans  l'eau  froide  sans  se  dissoudre  d'une  manière  sensible.  Il  se  dissout 
dans  l'eau  bouillante,  et  la  liqueur  se  prend  en  gelée  si  elle  est  assez  concentrée. 
Il  perd  cette  propriété  par  une  longue  ébullition.  Il  est  insoluble  dans  l'alcool  et 
dans  l'éther,  et  présente  la  même  composition  que  la  fécule  ordinaire.  Sous  l'in- 
fluence de  l'ébullition  prolongée  dans  l'eau,  il  se  transforme  en  dextrine.  Les 
acides  étendus  le  font  passer  à  l'état  de  glycose;  l'acide  nitrique  le  convertit  en 
acide  oxalique.  11  se  dissout  dans  la  potasse. 

Jonh  avait  trouvé  de  l'inuline  dans  le  lichen,  et  il  considérait  le  principe  amy- 
lacé de  Berzelins  comme  de  l'inuline  modifiée.  M.  Payen  a  vu  plus  récemment 
qu'en  traitant  la  gelée  de  lichen  par  la  diastase,  cet  amidon  se  change  en  dextrine 
et  en  sucre,  comme  le  fait  l'amidon  ordinaire,  et  qu'il  laisse  déposer  une  matière 
blanche  :  or  cette  matière  blnncbe  est  de  l'inuline.  La  matière  gélatineuse  du 
lichen  n'est  donc  qu'un  mélange  d'amidon,  d'inuline,  et  de  l'amidon  spécial  du 
lichen;  en  colorant  le  tissu  du  lichen  par  l'iode,  on  aperçoit  au  microscope  une 
multitude  de  granulations  très-ténues,  colorées  d'une  magnifique  teinte  bleue, 
qui  sont  l'amidon  ordinaire. 

Quant  à  la  matière  amère  du  lichen,  ou  cétrarin,  elle  est,  sous  la  forme  d'une 
poudre  blanche,  légère,  inodore,  et  inaltérable  à  l'air.  Elle  est  neutre  et  possède 
une  saveur  très-amère.  Elle  est  peu  soluble  dans  l'eau  froide;  elle  se  dissout 
mieux,  mais  encore  fort  mal,  dans  l'eau  bouillante.  Le  cétrarin  est  plus  soluble 
dans  l'alcool  que  dans  l'eau,  encore  ne  s'y  dissout-il  qu'en  faible  proportion. 
L'éllier  n'en  dissout  qu'une  petite  quantité;  les  acides  le  précipitent  de  ses  dissolu- 
tions dans  l'alcool  et  dans  l'eau;  l'acide  chlorhydrique  le  dissout  en  le  transformant 
en  une  matière  colorante  bleue.  Il  s'unit  aux  alcalis  et  forme  avec  eux  des  combi- 
naisons tfès-ainères.  Il  se  dissout  aussi  avec  facilité  dans  les  carbonates  alcalins. 

Pour  préparer  le  cétrarin,  d'après  Herberger,  on  fait  bouillir  pendant  une  demi- 
heure  de  la  poudre  grossière  de  lichen  d'Islande  avec  quatre  fois  son  poids  d'al- 
cool à  SS"^  centésimaux;  on  laisse  le  tout  en  repos  jusqu'à  cessation  des  vapeurs 
pour  éviter  la  perte  d'alcool  ;  on  passe,  on  exprime,  puis  on  ajoute  à  la  liqueur 
de  l'acide  chlorhydrique  étendu  ;  on  mêle  alors  à  tout  le  liquide  quatre  fois  envi- 
ron son  volume  d'eau,  et  on  abandonne  le  mélange  jiendant  douze  heures  dans  un 
ballon  fermé.  Au  bout  de  ce  temps,  on  décante  la  liqueur  qui  surnage  un  dépôt 
abondant;  on  recueille  sur  une  chausse  ce  dépôt,  qui  a  une  couleur  plus  ou  moins 
verdàtre;  on  le  partage  en  petits  fragments  au  sortir  de  la  presse,  tandis  qu'il  est 
encore  un  peu  humide;  on  le  lave  en  cet  état  avec  de  l'alcool  ou  de  l'éther;  on 
le  traite  alors  par  deux  cents  fois  son  poids  d'alcool  bouillant,  dans  lequel  la  ma- 
tière inorganique  qui  l'a  accompagné  jusqu'à  ce  point  est  à  peine  soluble.  La 
majeure  partie  du  cétrarin  se  précipite  peu  à  peu  par  le  refroidissement  de  la 
liqueur  alcoolique;  on  peut,  en  chassant  l'alcool,  obtenir  ce  qui  reste  eu  dissolution. 

L'étude  du  cétrarin  a  été  reprise  par  MM.  Knopp  et  Schedermann,  qui  lui  ont 
attribué  des  propriétés  acides  et  l'ont  appelé  acide  cétrarique.  Cette  matière 
amère,  d'après  ces  chimistes,  se  présente  sous  k  forme  d'aiguilles  blanches,  ténues, 
à  saveur  franchement  amère,  presque  insolubles  dans  l'eau,  tiès-solubles  dans  l'al- 
cool bouillant  et  formant  avec  les  bases  des  sels  jaunes,  solubles  et  trèi-anier<.  Ces 
auteurs  ont,  en  outre,  indiqué  l'existence  dans  le  lichen  d'Islande,  d'un  acide 
gras,  inodore,  d'une  saveur  acre,  fondant  à  l'20°,  et  auquel  ils  ont  donné  le 
nom  à.'acide  liche7istéariqiie. 


LICHEN  D'ISLANDE  (pharmacologie).  553 

L'acide  cétrarique  doit  constituer  un  bon  médicament  ;  c'est  un  tonique  qui  n'est 
nullement  astringent.  Le  docteur  Mûller  l'a  employé  pour  combattre  la  fièvre  in- 
termittente, à  la  dose  de  10  centigrammes  toutes  les  deux  heures.  Cette  substance 
lui  a  paru  agir  avec  plus  de  lenteur  que  la  quinine,  mais  avoir  sur  elle  l'avantage 
de  ne  point  affecter  l'estomac. 

Le  squelette  du  lichen  d'Islande  jouit  à  peu  près  des  mêmes  propriétés  que  le 
tissu  cellulaire. 

Berzelius,  en  analysant  le  lichen  d'Islande,  avait  surtout  pour  but  de  trouver 
un  moyen  de  priver  cette  substance  de  son  amertume  qui,  seule,  empêche  que  le 
peuple  n'en  fasse  sa  nourriture  habituelle  dans  les  pays  pauvres;  car  on  ne  par- 
vient que  très-imparfaitement  à  lui  ôter  cette  amertume  par  la  décoction  dans 
l'eau,  et  d'ailleurs  la  décoction  dissout  également  la  partie  nutritive  du  lichen. 
Le  procédé  qui  a  le  mieux  réussi  à  Berzelius  consiste  à  faire  macérer  le  lichen 
une  ou  deux  fois  dans  une  faible  dissolution  alcaline  (carbonnte  de  potasse  i,  eau 
500),  à  l'exprimer,  à  le  laver  exactement  et  à  le  faire  sécher,  si  l'on  n'aime  mieux 
l'employer  humide,  pour  en  préparer  toutes  sortes  de  mets. 

On  a  proposé  d'appliquer  le  même  procédé  aux  préparations  pharmaceutiques  du 
lichen,  mais  indépendamment  de  ce  que  la  présence  d'une  petite  quantité  de  prin- 
cipe amer  peut  être  utile  à  l'action  médicatrice  du  lichen,  il  serait  à  craindre  que  le 
lavage  n'enlevât  pas  tout  le  sel  alcalin.  Uest  certainemeut  préférable,  pour  l'usage 
de  la  médecine,  de  faire  chauffer  le  lichen  une  ou  deux  fois  avec  de  l'eau  presque 
jusqu'à  l'ébullition  (à  80°  environ).  Ce  procédé  suffit  pour  priver  le  liclicn  delà  plus 
grande  partie  de  son  amertume;  ce  qui  en  reste  alors  n'est  nullement  désagréable. 

Le  lichen  d'Islande  est  surtout  employé  sous  la  forme  de  tisane  et  sous  celle  de 
gelée.  Voici  du  reste  les  principales  formes  pharmaceutiques  sous  lesquelles  cette 
substance  est  le  plus  ordinairement  administra?. 

Tisane  de  lichen  d'Islande.  Lichen  d'Islande,  10  grammes;  eau  commune, 
quantité  suffisante.  On  met  le  lichen  et  l'eau  dans  un  poêlon,  on  porte  à  l'ébulli- 
tion. On  jette  cette  première  décoction,  qui  renferme  la  presque  totalité  du  prin- 
cipe amer,  et  on  lave  le  lichen  avec  de  l'eau  froide.  On  le  remet  sur  le  feu  avec 
une  nouvelle  quantité  d'eau  ;  on  fait  bouillir  pendant  une  deuii-lieure  de  manière 
à  obtenir  un  litre  de  tisane  ;  on  pa^-se.  On  édulcore  cette  boisson  avec  GO  grammes 
de  sucre  ou  de  toute  autre  manière. 

Quand  le  principe  amer  du  lichen  doit  être  conservé,  il  faut  que  le  médecin 
l'indique  d'une  manière  spéciale.  (Codex.) 

Gelée  de  lichen  d'Islande.  Saccharure  de  lichen  d'Islande,  75  grammes  ; 
sucre  blanc,  75 grammes;  eau  commune,  150  grammes;  eau  de  fleurs  d'oranger, 
10  grammes.  On  mêle  les  trois  premières  substances,  et  on  fait  bouillir  pour  réunir 
l'écume  à  la  surface.  On  retire  du  feu,  et  lorsque  l'écume  aura  formé  une  couche 
assez  résistante  on  l'enlève,  et  on  coule  la  gelée  dans  un  pot  où  on  aura  pesé 
d'avance  l'eau  de  fleurs  d'oranger.  Ces  proportions  doivent  fournir  250  gianunes 
dégelée.  [Codex.) 

Quelquefois  les  médecins  prescrivent  la  yelée  de  lichen  amère.  Cette  gelée  se 
prépare  en  faisant  bouillir  5  grammes  de  hchen  non  lavé  dans  quantité  suffisante 
d'eau,  pendant  cinq  minutes,  de  manière  à  obtenir  150  grammes  de  décoction 
qui  sont  substitués  dans  la  formule  précédente  aux  150  grammes  d'eau  commune. 
(Codex.) 

La  dose  de  gelée  de  lichen  est  d'une  cuillerée  à  café  do  temps  en  temps  entre 
les  repas 


534  LICHEN  D'ISLANDE  (pharmacologie). 

Saccharure  de  lichen  ou  gele'e  sèche  de  lichen  d'Islande.  Lichen  d'Islande, 
1000  grammes  ;  sucre  blanc,  1000  grammes;  eau,  quaiitilé  suffisante.  On  met  le 
lichen  dans  l'eau  et  on  chauffe  jusqu'à  l'ébnllition.  On  rejette  cette  première  eau, 
on  lave  le  lichen  à  plusieurs  reprises  dans  l'eau  h'oidc;  on  le  fait  bouillir  ensuite 
endant  une  heure  dans  une  quantité  suffisante  d'eau,  et  on  passe  avec  expression 
à  travers  une  toile. 

On  laisse  reposer  pendant  quelque  temps  ;  on  décante:  on  ajoute  le  sucre  et  on 
évapore  au  bain-marie,  en  agitant  continuellement  jusqu'à  ce  que  la  matière  soit 
en  consistance  très-ferme.  On  la  distribue  alors  dans  des  assiettes,  et  on  achève  sa 
dessiccation  à  l'étuve. 

On  réduit  le  produit  en  une  poudre  fine  que  l'on  conserve  dans  des  flacons  bien 
bouchés.  {Codex.) 

Le  saccharure  de  hchen  est  rarement  employé  seul  ;  il  sert  surtout  à  préparer 
la  gelée  et  les  pastilles  de  lichen.  Délayé  dans  une  tasse  d'eau  bouillante,  à  la  dose 
d'une  cuillerée  à  café,  il  fournit  une  tisane  de  lichen  très- agréable,  surtout  si 
l'on  ajoute  une  petite  quantité  de  sucre. 

Sirop  de  lichen  d'Islande.  Lichen  d'Islande  mondé,  50  grammes;  sucre, 
1000  grammes  ;  eau,  quantité  suffisante.  On  lave  le  lichen  à  l'eau  froide  ;  on  le 
fait  bouillir  dans  l'eau  pendant  quelques  minutes  pour  le  priver  d'une  partie  de 
son  amertume,  et  on  rejette  cette  première  décoction.  On  lave  de  nouveau  le 
lichen  à  l'eau  froide,  et  on  le  remet  sur  le  feu  avec  environ  un  litre  d'eau  que 
l'on  maintient  ù  l'ébullition  pendant  une  demi-heure.  On  passe  sans  expression; 
on  ajoute  le  sucre,  on  clarifie  avec  la  pâte  de  papier,  et  on  passe  de  nouveau  lors- 
que le  sirop  marque,  bouillant,  1,27  au  densimètre  (31°  Baume). 

Ce  sirop  ne  se  conserve  pas  longtemps  en  bon  état;  il  s'altère  même  aussitôt 
que  la  bouteille  qui  le  contient  se  trouve  en  vidange  ;  aussi  est-d  nécessaire  de  le 
renouveler  souvent. 

Pâte  de  Lichen  d'Islande.  Lichen  d'Islande,  500  grammes;  gomme  arabique, 
2500  grammes;  sucre,  2000  grammes;  extrait  d'opium,  1^%50;  eau,  quantité  suf- 
fisante. On  met  le  lichen  dans  l'eau,  et  on  chauffe  jusqu'à  l'ébulhtion;  on  rejette 
cette  première  eau,  et  on  lave  le  lichen  à  plusieurs  reprises.  On  le  fait  bouillir 
ensuite  pendant  une  heure  avec  une  quantité  d'eau  suffisante  pour  obtenir 
3000  grammes  de  décoction,  dans  laquelle  on  fera  fondre  à  la  chaleur  du  bain- 
marie  la  gomme  arabique  concassée  et  lavée.  On  passe  avec  expression  à  travers 
une  toile  serrée  ;  on  laisse  en  repos  jusqu'à  ce  que  la  liqueur  soit  presque  froide. 
On  décante,  on  ajoute  le  sucre  d'abord,  et,  vers  la  fin  de  l'opération,  l'extrait 
d'opium  dissous  dans  une  petite  quantité  d'eau.  On  fait  évaporer,  en  agitant  con- 
tinuellement jusqu'à  consistance  de  pâte  forme  ;  on  coule  celle-ci  sur  un  marbre 
légèrement  huilé  ;  quand  elle  sera  relroidie,  on  l'essuie  avec  soin  pour  enlever  le 
peu  d'huile  qui  y  adhèi^e,  et  on  l'enferme  dans  une  boîte.  100  grammes  de  celte 
pâte  contiennent  environ  5  centigrammes  d'extrait  d'opium.  {Codex.) 

Tablettes  de  lichen.  Saccharure  de  hchen,  500  grammes;  sucre  blanc,  1000 
grammes;  gomme  arabique  pulvérisée,  50  grammes;  eau,  150  grammes.  On  lait 
un  mucilage  avec  Teau  et  la  gomme  mélangée  préalablement  avec  un  peu  de 
sucre;  on  ajoute  le  saccharure,  puis  le  reste  du  sucre,  et  lorsque  la  pâte  est  ho- 
mogène, on  la  divise  en  tablettes  du  poids  de  1  gramme.  {Codex.) 

Chocolat  aulichen  d'Islande.  Chocolat,  1000  grammes;  saccharure  de  lichen,. 
400  grammes.  On  ramolht  le  chocolat  dans  un  mortier  écbaufié  ;  on  incorpore  exac- 
tement le  saccharure  de  hchen,  et  on  distribue  la  masse  dans  des  moules.  {Codex.)i 


LICHEN  D'ISLANDE  (thérapeutique).  555 

On  prépare  encore  vme poudre  de  lichen  d'Islande,  mais  pour  l'olitenir  il  fau 
se  servir  de  lichen  non  privé  de  son  principe  amer.  Cette  poudre  est  rarement 
prescrite,  bien  qu'elle  soit  cependant  une  bonne  manière  d'administrer  le  principe 
amer  du  lichen.  On  peut,  avec  de  la  poudre  de  lichen  et  quelques  gouttes  de 
sirop  de  sucre,  préparer  un  électuaire  qui  peut  être  administré  chaque  jour  à  la 
dose  de  4  à  10  grammes.  T.  Goisley. 

§  III.  Thérapeutique.  Action  physiologique.  Le  lichen  dTslande  possède 
des  propriétés  complexes  dues  à  l'union  de  la  fécule  avec  un  principe  amer  ;  il 
est  à  la  fois  un  émollient,  un  analeptique  et  un  tonique;  et  tant  qu'il  n'a  pas  été 
débarrassé  du  cétrarin,  c'est  le  mode  d'action  des  toniques  amers  tju'il  est  le  plus 
disposé  à  développer.  Mais  lorsque  ce  principe  en  a  été  éliminé,  il  devient  un 
médicament  purement  émollient,  tout  en  conservant  les  qualités  nutritives  qu'il 
doit  à  la  forte  proportion  de  fécule  qu'il  contient. 

Action  thérapeutique.  Il  a  été  particulièrement  invoqué  comme  médicament 
pectoral.  Signalé,  en  1675,  par  Borrichius,  pour  ses  propriétés  médicales;  recom- 
mandé d'une  manière  plus  précise,  en  1685,  par  lljacrne  (Méral  et  de  Lens),  il 
fut,  d'après  Sprengel,  délinitivement  introduit  en  thérapeutique  ])ar  Limifcus  et 
Scopoli.  Bergius,  Crichton,  Cramer,  Stoll,  Tronisdorif,  Blurray,  Goalier  Saint- 
Martin,  Regnault,  etc.,  viennent  successivement  témoigner  en  sa  faveur,  chacun 
lui  attribuant  plus  ou  moins,  sur  les  maladies  chronic[ues  des  organes  respira- 
toires, une  iniluence,  tantôt  mal  appréciée,  tantôt  évidemment  exagérée.  De  là 
les  éloges  outrés  qui  lui  ont  été  prodigués  dans  le  traitement  de  la  bronchite  chro- 
nique, de  l'asthme  humide,  de  l'hémoptysie,  de  la  phlhisie  surtout;  de  là  enfin 
la  prescription  banale  et  l'engouement  populaire  dont  il  est  devenu  l'objet  en  tous 
cas  d'affection  chronique  des  voies  aériennes. 

Il  est  inutile  d'insister  aujourd'huAiur  l'impuissance  radicale  des  préparations 
de  liihen,  quelles  qu'elles  soient,  en  présence  de  tubercules  confirmés.  Mais  il 
ne  faut  pas  laisser  croire  que  cette  substance  ait  une  efficacité  spéciale  sur  telle 
autre  lésion  des  bronches  ou  des  poumons,  ou  sur  tel  symptôme  de  leurs  mala- 
dies ;  sans  doute  elle  ne  vaut  pas  moins,  mais  elle  ne  vaut  pas  mieux  que  diverses 
substances  féculentes,  mucilagineuses,  et  à  ce  titre  émollientes,  qui  peuvent  être 
indifféremment  prescrites  pour  calmer  la  toux  en  atténuant  l'action  irritante  de 
l'air  à  l'origine  de  la  muqueuse  aérienne  ;  car  l'action  béchique  des  médicaments 
émolhents  ne  va  pas  au  delà,  ainsi  que  nous  l'avons,  il  y  a  bien  longtemps,  dé- 
montré {voy.  notre  mémoire  sur  la  médication  émoUiente,  in  Méni.  de  lAcad.  de 
méd.,  t.  XIX,  et  Un.  méd.,  1851).  Une  action  plus  profonde,  une  action  pecto- 
ale,  de  la  part  du  lichen,  est  complètement  inadmissible. 
1  Reste  encore,  il  est  vrai,  la  double  influence  qu'il  peut  exercer  en  apportant 
dans  l'organisme  un  élément  féculent  qui  a  une  certaine  valeur  nutritive,  et  un 
principe  amer  dont  l'action  tonique  ne  doit  pas  non  plus  être  contestée.  Cette  in- 
fluence n'est  pas  sans  profit  pour  les  individus  affaiblis,  atteints  de  maladies  ]on- 
gues  et  graves  des  bronches  ou  des  poumons.  Mais  on  sait  que  les  préparations  do 
lichen  sont  ordinairement  administrées  dépouillées  du  principe  amer.  Le  piineipj 
ahmentaire  agit  seul  alors,  bien  inférieur  en  efficacité  à  ces  agents  énergiques  uc 
reconstitution,  huile  de  foie  de  morue,  viande  crue,  vins  généreux,  etc.,  plus  jus- 
tement opposés  aujourd'hui  à  la  cachexie  tuberculeuse.  11  serait  donc  plus  ration- 
nel de  donner,  dans  les  maladies  chroniques  de  poitrine  et  particuhèrement  aux 
sujets  débilités,  toute  la  substance  du  lichen,  c'est-à-dire  le  holien  non  lavé,  non 


536  LICHEN  D'ISLANDE  (bibliographie). 

blanchi  ;  et  il  nous  a  paru  en  effet  que,  de  cette  manière,  le  lichen  avait  plus  d'ef- 
ficacité. Telle  est  aussi  l'opinioudeM.  Bouchardat.  Mais  la  plupart  des  malades 
ne  l'acceptent  pas  facilement  ainsi  ;  son  amertume,  comparable  à  celle  de  la  gen- 
tiane, du  quassia  amara,  étant  jugée  encore  plus  désagréable. 

C'est  cependant  sans  le  laver  que  l'on  doit  administrer  le  lichen,  dans  certaines 
circonstances  où  l'on  veut  en  obtenir  des  effets  analogues  à  ceux  que  procurent  les 
autres  toniques  amers  :  dyspepsies  atoniques,  faiblesse  accompagnant  les  conva- 
lescences, épuisement  succédant  aux  hcmorrhagies,  marasme,  consomption,  etc. 
Les  plus  graves  parmi  les  cas  de  ce  genre  ne  le  comporteraient  évidemment  que 
comme  adjuvant  d'agents  réconfortants  plus  énergiques. 

C'est  enfin  sous  le  même  mode  d'administration  qu'il  a  été  proposé  comme 
fébrifuge  ;  et  à  ce  titre,  malgré  les  assertions  de  Marie  Saint-Ursin  et  Dufour  [Ga- 
zette de  santé,  1808),  il  a  dû  se  montrer  plus  d'une  fois  insuffisant.  Quelques 
essais  avec  le  cétrarin  auraient,  dit-on,  été  plus  avantageux  ;  M.  Mùller,  de  Kai- 
serslautern  (Biichner,  Répertoire  de  pharmacie,  1857),  dit  l'avoir  trouvé,  à  la 
dose  de  10  centigrammes,  un  puissant  fébrifuge,  opérant,  il  est  vrai,  plus  len- 
tement que  la  quinine,  mais  ayant  l'avantage  de  ne  pas  irriter  l'estomac.  Gazin 
engage,  ))0ur  juger  la  question,  à  expérimenter,  avec  prudence,  des  doses  allant 
jusqu'à  20  et  50  centigrammes.  [Traité  des  plantes  médicinales  indigènes, 
5^  édit.)  Mouchon  préfère  la  poudre  de  lichen,  5  à  6  grammes  entre  deux  accès, 
ou  l'extrait  aqueux  pulvérulent  à  dose  moitié  moindre.  {Monographie  des princi- 
paux  fébrifuges  indicjènes,  Lyon,  185G.) 

Nous  devons  noter  qu'on  attribue  généralement  au  principe  amer  du  lichen 
une  certaine  faculté  purgative  ;  il  faut  donc  y  veiller,  et  modérer  la  dose  du  lichen 
non  lavé  ou  le  suspendre  s'd  agit  trop  vivement  sur  les  intestins.  Ajoutons  aussi 
que  ce  principe  donne,  selon  plusieurs  auteurs,  au  lichen  d'Islande  des  propriétés 
vermifuges,  qui  seraient  encore  plus  prononcées  dans  les  autres  lichens  plus 
amers  dont,  il  sera  fait  mention  à  la  fin  de  cet  article. 

En  dehors  du  cadre  des  maladies  de  poitrine,  le  lichen  a  encore  été  conseillé 
partout  oîi  l'on  croyait  voir  l'indication  des  remèdes  adoucissants,  mucilagineux, 
émollients.  Ainsi  il  a  été  recommandé  contre  les  phlegmasies  gastro-intestinales, 
et  particulièrement  contre  la  diarrhée  et  la  dysenterie  chroniques.  Mais  il  n'a  réel- 
lement pas  plus  d'action  spéciale  dans  ces  cas  que  contre  les  affections  pectorales, 
surtout  s'il  a  été  réduit  à  l'état  de  simple  préparation  amylacée. 

Les  propriétés  nutritives  du  lichen  sont  plus  positives  que  ses  propriétés,  théra- 
peutiques. Ainsi  se  justifie  son  usage  comme  aUment  dans  les  régions  septentrio- 
nales de  l'Europe,  oii  il  remplace  en  partie  les  farines  des  céréales  qui  y  sont  rares 
et  chères.  Là  on  le  mange  en  outre  de  diverses  autres  manières.  Ailleurs  même 
on  l'utilise  comme  aliment,  et  on  le  fait,  par  exemple,  entrer  dans  la  composition 
de  certains  chocolats.  Enfin  la  parfumerie  s'en  est  emparée,  avec  l'idée  illusoire 
d'y  trouver  des  propriétés  cosmétiques  particulières. 

Pour  l'emploi  médical,  le  lichen  d'Islande  se  prête  à  de  nombreuses  formes, 
dont  les  plus  usitées  sont  la  gelée,  la  pâte  et  la  tisane  ;  celle-ci  est  ordinaire- 
ment coupée  avec  du  lait.  10  grammes  de  lichen  suffisent  pour  obtenir  \  htre 
de  tisane,  une  dose  plus  fort  e  la  rendant  trop  mucilagineuse  ;  si  le  médecin  veut 
yconserver  le  principe  amer,  il  doit  l  indiquer  dans  son  ordonnance.  [Voij.  Licueks.) 

D.  DE  Savignac. 

Bibliographie. —  Reissiî  (II.  S.  E.).  Diss.  inaug.  med.  de  Lichene  Islandico.  1778.  — 
TnoasDOiiF  (G.  B.).  Progr.  de  Lichene  Islandico.  Eivord.,  1778. —  E.   :.ing.  Diss.  de  quassia 


LICHENS   (botanique).  537 

et  Lichene  Islandico.  Glasgow,  1779. —  Crameh  (G.  G.  P.).  Diss.  inaug.  med.  de  Lichene 
Islandico.  Erlangen,  1780.  —  Elzner  (G.  F.).  Progr.  duo  de  Lichene  Islandico.  Kœnigsberg, 
1791 .  —  Recnault.  Observ.  on  Puhnonavy  Consumplion,  or  an  Essay  on  Ihc  Lichen  Islandicus. 
Londres,  1802. —  Proust.  Mém.  sur  le  Lichen  d'Islande.  In  Journ.  de  physique,  t.  LXXIII, 
p.  81.  —  Du  MÊME.  Usages  aVnnentaircs  du  Lichen  Islandicus.  In  Annales  de  chimie,  l.  LVII, 
p.  196. —  Berzelius.  Recherches  sur  la  nature  du  Lichen  Islandicus.  \n  Annales  de  chimie, 
t.  XC,  p.  277,  et  in  Bull,  de  pliarmacie,  t.  VI,  p.  537.  —  Uouchaudat.  Des  préparations 
dont  le  lichen  d'Islande  est  la  base.  In  Annuaire  de  thérapeutique,  18i5.  D.  de  S. 

MCHEIV  PlJi.]iiO!VAiRE,  LicnEiV  DES  CIIIEXS,  etc.  ToHs  les  lichens 
employés  en  médecine  seront  étudiés  aux  mots  Cladonie,  Collema,  Everma, 
Lecanora,  Peltigera,  SpH.Er,ococcus ,  Ramalina,  Us.nea,  Variolaria,  démembre- 
ments de  l'ancien  genre  Lichen. 

Le  L.  Pulmonaire  est  devenu  le  type  d'un  genre  distinct.  {Voy.  Loearia,  Sticta, 
PcLjiONAiRE  DE  cuêne).  Le  L.  Pyxiclé  et  le  L.  Cocciferiis  sont  des  Scypiiophorus; 
le  L.  Vulpin,  unEvERNiA  ;  le  L.  Pustuleux,  un  Gyrophora  ;  le  L.  des  chiens,  un 
Peltigera;  le  L.  Agaric  {Lichen  Agaricus),  une  Sphérie  {voy.  ce  mot). 

Les  Lichens  tinctoriaux,  notamment  le  L.  de  Grèce,  sont  en  général  des 
Roccella.  {Voy.  Orseille). 

LIcnÉ]\liVE.  Substance  de  couleur  blanche,  ayant  la  même  composition  que 
l'amidon,  mais  dure  et  cassante,  soluble  dans  l'eau,  insoluble  dans  l'alcool  et 
l'éther.  On  l'extrait  ordinairement  du  Liclicn  d'Islande.  L'action  de  l'eau  bouillante, 
en  se  prolongeant,  la  transforme  en  dexfrine;  celle  des  acides  bouillants,  en 
glycose,  et  celle  de  l'acide  azotique  la  convertit  à  chaud  en  acide  oxalique.  {Voy. 
Lichens.)  A.  D. 

LI1'UÉ\IQLE  (Acide).     Se  trouve  à  l'état   de  sel  de  chaux  dans  certains 

Lichens.  {Voy.  Lichens.) 

LIcnÉ\u-STÉARlQL'E  (Acide).  Cet  acide  se  rencontre  dans  le  lichen 
d'Islande.  Il  a  la  forme  de  feuillets  cristallins.  Insoluble  dans  l'eau,  soluble  dans 
l'alcool,  mais  surtout  dans  l'éther  et  les  huiles.  {Voy.  Licheks.)  . 

lilCHElvs  0-si/jiv,  dartre).  §  I.  Botanique.  Les  Lichens  sont  des  plantes 
cryptogames  cellulaires  rapprochées  par  des  caractères  communs  qui  en  font  un 
groupe  homogène,  mais  ce  groupe  est  rattaché  aux  classes  voisines.  Algues  et 
Champignons,  d'une  manière  assez  intime  pour  qu'à  diverses  époques  on  ait  refusé 
aux  Lichens  les  caractères  d'une  division  taxonomique  d'importance  égale  à  celle 
des  Algues  et  des  Champignons.  Confondus  par  les  anciens  avec  les  Algues  dont  ils 
représentaient  des  types  à  vie  aérienne,  ils  ont  été  dans  ces  derniers  temps  classés 
parmi  les  Champignons  dont  les  rapprochent  leurs  organes  reproducteurs.  Linné 
rangeait  les  Lichens  dans  la  division  des  Algues  et  les  plaçait  à  côté  des  hépatiques. 
.Tussieu  leur  conserva  cette  place  et,  pour  rester  fidèle  aux  affinités  qui  rapprochent 
les  Lichens  de  certaines  espèces  de  Champignons,  il  introduisit  ces  champignons 
Pezizes,  Sphéries,  dans  le  groupe  des  Algues.  Acharius,  Fries  et  les  auteurs  qui 
les  ont  suivis  ont  donné  aux  Lichens  une  place  à  part  et  les  ont  constitués  en 
une  classe  étudiée  isolément  dans  la  plupart  des  traités  classiques. 

Les  Lichens  végètent  et  forment  des  expansions  sèches  que  l'on  rencontre  à  la 
surface  du  sol,  des  rochers,  des  écorces  et  quelquefois  des  corps  les  plus  polis, 
verre,  rails  de  chemin  de  fer,  etc.,  qui  leur  permettent  d'être  en  rapport  avec 


538  LICHENS  (botanique). 

l'atmosphère;  ils  ne  sont  presque  jamais  submergés  et  ne  croissent  pas  comme 
les  Champignons  soit  dans  l'obscurité,  soit  sur  des  substances  en  putréfaction. 
Leur  tissu  csL  uniquement  formé  de  cellules,  et,  comme  toutes  les  plantes  cellu- 
laires amphigènes,  ils  n'ont  pas  une  véritable  tige,  mais  un  thalle  de  forme,  de 
dimension  et  de  couleur  variables.  Le  thalle  se  présente  souvent  comme  une  croûte 
mince,  adhérente  à  son  support,  devenant  quelquelois  farineuse  et  pulvérulente. 
Ce  thalle,  appelé  crustacé,  a  une  forme  irrégulière  déterminée  par  un  liséré  de 
couleur  Ibncée,  d'autres  fois  sans  limite  précise  ou  même  caché  sous  l'épidcrme 
desécorces  (thalle  hypophléode).  La  forme  du  thalle  crustacé  est  la  plus  répandue. 
Une  seconde  forme  est  appelée  foliacée  et  présente  l'aspect  de  lames  découpées 
à  bords  plus  ou  moins  profondément  lobés  ou  laciniés  et  n'adhérant  à  son  support 
que  par  certains  points  de  la  surface  inférieure.  Enfin,  chez  un  plus  petit  nombre 
de  genres,  le  thalle  semble  prendre  un  développement  acrogène,  il  s'allonge  à 
partir  de  son  point  d'attache  en  formant  des  rameaux  arrondis  ou  aplitis  qui  se 
ramifient;  ce  thalle  est  appelé  frucliculeux,  quelquefois  ces  deux  dernières  formes 
alternent  sur  le  même  individu  et  donnent  au  Lichen  l'apparence  d'un  axe  portant, 
des  appendices,  c'est  l'aspect  que  présente  la  Cladonie  verticillée. 

La  dimension  des  Lichens  varie  entre  des  limites  généralement  restreintes,  Ie& 
uns  sont  punctiformes  et  à  peine  visibles,  les  autres  ont  plusieurs  centimètres  de 
diamètre,  les  grandes  espèces  de  Peltigcra  et  de  Sticta  peuvent  avoir  jusqu'à 
50  centimètres,  on  cite  même  des  Lichens  dont  le  thalle  fruticuleux  aurait 
atteint  jusqu'à  une  dizaine  de  mètres  (Usnées),  mais  c'est  là  un  fait  tout  à  fait 
exceptionnel. 

La  coloration  est  vive  chez  quelques  espèces,  plus  généralement  terne,  jaune» 
brune,  gris  verdàtre,  plus  ou  moins  lavée  ;  elle  n'est  jamais  d'un  vert  franc,  sauf 
sur  la  tranche  d'un  thalle  fraîchement  coupé.  La  surface  est  tantôt  lisse  et  ver- 
nissée, tantôt  mate  et  pulvérulente  ;  l'état  de  la  surface  et  la  couleur  peuvent  du 
reste  varier  chez  certames  espèces  suivant  la  composition  chimique  des  corps  qui 
les  portent,  bien  qu'ils  vivent  surtout  aux  dépens  de  l'atmosphère.  Les  Lichens, 
en  effet,  ne  sont  jamais  parasites,  sauf  quelques  espèces  réduites  à  un  simple 
organe  de  reproduction  et  qui  vivent  sur  d'autres  Lichens. 

Quels  que  soient  les  aspects  et  les  formes  particulières  du  thalle,  on  y  recon- 
naît, si  on  étudie  sa  structure,  deux  sortes  de  cellules  très-différentes  :  les  unes 
allongées,  incolores,  régulièrement  cylindriques,  ramifiées,  à  cloisons  éloignées, 
s'allongeant  en  filaments  que  les  Allemands  désignent  sous  le  nom  de  hyphes» 
elles  sont  tout  à  fait  comparables  aux  éléments  cellulaires  qui  forment  le  tissu  des 
Champignons;  les  autres  sphériques,  isolées  les  unes  des  autres  de  1/55  à  1/100 
de  niillimètres  de  diamètre,  ]:résentent  tous  les  caractères  de  certaines  .Mgues  ■ 
unicellulaires  et  se  multiplient,  comme  elles,  par  formation  intracellulaires  de  cel- 
lules nouvelles  ou  par  gemmation.  Ces  cellules  vertes  qui  tranchent  sur  la  trame 
filamenteuse  du  Lichen  ont  reçu  le  nom  de  Gonidies.  Elles  ne  constituent  le  prin- 
cipal élément  que  dans  un  très-petit  nombre  d'espèces  dont  le  thalle  est  géla- 
tineux, épais,  semblable  aux  Nostocs  et  qui  ont,  avec  ce  genre  d'Algues,  la  plus 
grande  affinité.  Chez  tous  les  autres  Lichens  la  trame  principale  est  formée  parles- 
cellules  allongées.  Ces  cellules,  très-rapprochées  à  la  surface  supérieure,  y  forment 
une  première  couche  appelée  corticale,  dont  la  portion  superficielle,  amorphe, 
comme  la  cuticule  des  phanérogames,  est  quelquefois  colorée.  Les  Gonidies  ap- 
paraissent au-dessous  et  y  dominent  de  manière  à  former  une  deuxième  couche 
«ppcléo  couche  gonidiah  ;  dans  les  Lichens  fruticuleux,  cette  couche,  comme  la 


LICHENS  (botanique).  53^^ 

précédente,  est  circulaire.  Les  Gonidies  ont  une  enveloppe  épaisse,  elles  sont  rem- 
plies d'un  endochrome  vert  ou  vert  bleuâtre. 

Une  troisième  couche  inférieure,  appelée  médullaire,  est  formée  par  les  cel- 
lules allongées  qui  s'enchevêtrent  et  donnent  lieu  à  un  tissu  lâche  dont  les  mailles 
contiennent  de  l'air;  on  y  rencontre  fréquemment  des  cristaux  d'oxalate  de  chaux. 
La  présence  de  ces  cristaux  a  été  indiquée  à  tort  comme  pouvant  établir  une 
distinction  entre  les  Lichens  et  les  Champignons  ;  ces  mômes  crist:aix  se  retrou- 
vent chez  les  Clavaires,  les  Exidies,  les  Myxomycètes,  chez  quelques  Champignons 
il  yen  a  non-seulement  dans  les  espaces  intercellulaires,  mais  même  d;\ns  l'inté- 
rieur des  cellules,  notamment  chez  VAgaricus  conicus  L.  Les  cellules  allongées 
des  Lichens  ont  une  paroi  épaisse,  leur  calibre  est  très-petit,  elles  rappellent  les 
cellules  qui  entrent  dans  la  structure  du  réceptacle  de  certaines  espèces  fungi- 
ques  beaucoup  plutôt  que  les  cellules  à  paroi  mince  du  mycélium.  La  partie 
du  Lichen  considérée  comme  l'analogue  du  mycélium  des  Champignons  est  la 
couche  la  plus  inférieure  appelée  hypothalle  ;  cette  couche  est  fugace,  elle  ap- 
paraît la  première  à  la  suite  de  la  germination  des  spores,  et  il  n'en  reste  sou- 
vent de  trace  que  dans  la  bordure  étroite  et  foncée  qui  dessine  le  contour  des 
thalles  crustacés. 

On  considère  aussi  comme  faisant  partie  de  l'hypothallc,  les  Rhizines  qui  iixent 
la  plante  à  son  support;  ce  sont  des  rangées  de  cellules  qui  se  détachent  perpen- 
diculairement à  la  surface  inférieure  du  thalle  et  plongent  dans  le  sol  où  végète 
le  Lichen.  Les  Lichens  dont  le  thalle  présente,  distinctes,  les  couches  qui  viennent 
d'être  éaumérées,  ont  été  appelés  héléromères.  Lorsque  les  gonidies  et  les  cel- 
lules cdlongées  sont  entremêlées  sans  distinction  découche,  on  les  dit  homœomères. 
On  a  supposé  que  les  gonidies  naissaient  des  cellules  allongées,  M.  Bayrofler  a 
pensé  que  l'extrémité  de  courtes  branches  latérales  des  cellules  filamenteuses  ou 
hyphes  se  gonfle  en  une  petite  cellule  ronde  qui  se  remplit  de  matière  verte  et 
s'isole  bientôt;  les  figures  qu'à  données  M,  de  Bary  (Morphol.  und  Plvjsiol.  der 
Pilze,  Flechlen,  und  Myxomyceten,  1866,  p.  258,  264)  paraissent  confirmer 
cette  hypothèse;  toutefois  on  constate  très-difficilement  les  diverses  phases  de  ce 
développement  et  ce  que  l'on  vérifie  le  mieux,  c'est  l'adhérence  que  présentent 
quelquefois  les  gonidies  et  les  cellules  filamenteuses;  il  est  donc  difficile  d'arriver 
à  une  entière  certitude. 

Chez  les  gonidies  vertes  la  paroi  se  colore  en  bleu  sous  l'influence  de 
l'iode,  elle  ne  donne  pas  cette  réaction  chez  celles  qui  sont  vert  bleuâtre,  la 
paroi  des  cellules  filamenteuses  ne  se  colore  presque  jamais  en  bleu,  elle  jaunit 
sous  l'influence  de  ce  réactif.  Ces  deux  systèmes  de  cellules  fournissent  la  sub- 
stance gélatineuse  qui  donne  aux  Lichens  des  propriétés  médicales  adoucissantes, 
analogues  à  celles  de  beaucoup  d'Algues  et  de  Cryptogames  assoz  éloignées,  les 
Fougères  par  exemple.  Dans  les  Lichens  qui  appartiennent  aux  Collemacés,  l'abon- 
dance de  la  substance  gélatineuse  parait  bien  due  à  la  prédominance  des  gonidies, 
mais  dans  le  Cetraria  islandica  Ach.,  dans  le  Spluerophoron  Coralloïdes  Pers., 
la  trame  filamenteuse  de  la  couche  médullaire  traitée  par  l'eau  bouillante 
donne  une  gelée  abondante;  cette  gelée  se  colore  en  bleu  par  l'iode,  bien  que 
la  cellule,  à  l'état  frais,  n'offre  pas  cette  réaction.  La  gelée  obtenue  de  cotte  ma- 
nière est  formée  par  un  amidon  pariiculier,  Tamidon  de  Lichen  ou  lichénine,  dont 
le  caractère  distinctif  de  l'amidon  ordinaire  est  précisément  de  former,  dans  l'eau 
bouillante,  une  solution  gluante  au  lieu  d'un  véritable  empois.  L'amidon  ordinaire 
se  rencontre  aussi  dans  les  Lichens  comme  chez  les  Algues,  et  sous  ces  deux  formes 


540  LICHENS  (botanique). 

il  constitue,  avec  une  substance  azotée  spéciale,  la  partie  nutritive  essentielle  des 
Lichens,  utilisée  soit  par  Tliomme,  soit  par  les  animaux.  Suivant  Thénard,  deux 
kilos  de  farine  formée  par  la  pulvérisation  du  Lichen  d'Islande  équivalent  à  un 
kilo  de  farine  de  blé.  Un  autre  principe,  très-répandu  chez  ces  plantes,  est  le  ce- 
trarin  ou  acide  cétrarique  très-amer,  cristallisable,  très-soluble  dans  l'eau  et  sur- 
tout dans  une  solution  de  potasse.  L'amertume  que  cette  substance  communique 
aux  Lichens  est  très-prononcée;  laVariolaire  {voy.  ce  mot)  est  remarquable  sous 
ce  rapport  et  a  été  employée,  ainsi  que  plusieurs  espèces  exotiques,  comme  an- 
tipcriodique,  tonique  et  anthelminthique.  On  utilise  enfin  les  principes  colorants 
contenus  chez  plusieurs  espèces  {voy  les  articles  consacrés  à  ces  espèces  et  entre 
autres  :  Lecanore,  Parelle,  Parmélie,  Rocelle).  Presque  toutes  les  espèces  à 
thalle  crnstacé  et  un  grand  nombre  d'espèces  à  thalle  foliacé  fournissent  des  cou- 
leurs analogues  à  celles  que  l'on  retire  des  Pacelles  ou  des  Rocelles. 

Quelques  espèces  passent  pour  provoquer  des  purgations  ou  des  vomissements, 
mais  on  n'en  connaît  aucune  de  vénéneuse.  Le  Chiodecton,  accusé  de  contenir  de 
la  brucine,  parce  qu'il  croissait  sur  l'écorce  de  la  fausse  Augustine,  a  été  reconnu 
n'être  qu'une  excroissance  de  cette  écorce  elle-même.  Ce  que  les  Lichens  emprun- 
tent au  support  sur  lequel  ils  vivent  est  du  reste  assez  difficile  à  déterminer.  Les 
Lichens  se  développent  sur  des  corps  qui  ne  peuvent  leur  fournir  les  matériaux 
de  leur  organisation,  et  il  est  évident  qu'ils  ne  les  tirent  que  de  l'atmosphère,  sans 
parler  de  ceux  qui,  comme  le  Lecanora  esculenta  Eversm.  {voy.  Lecanore),  se 
développent  et  s'accroissent  sans  être  attachés  à  leur  support.  11  y  a  cependant 
des  Licliens  dont  la  couleur  change  ou  devient  plus  intense  suivant  le  sol  sur  le- 
quel ils  se  développent,  et  il  y  a  une  relation  bien  connue  entre  l'existence  des 
oxydes  de  fer  ou  de  manganèse  dans  une  roche  et  la  couleur  des  Lichens  im- 
plantés sur  cette  roche. 

L'action  produite  sur  les  rochers  par  la  végétation  des  Lichens  ne  saurait,  du  reste, 
se  produire  sans  qu'il  y  ait  assimilation  de  quelques-uns  des  principes  dissous  ou 
décomposés  par  suite  de  cette  action,  en  particulier  de  l'acide  carbonique  lorsque 
la  plante  végète  sur  un  support  calcaire.  L'humidité  entretenue  au  point  où  végète 
le  Lichen,  l'introduction  des  rhizines  et  les  décompositions  chimiques  résultant 
de  la  végétation  du  thalle  amènent  une  désagrégation  graduelle  des  roches  les 
plus  compactes.  Les  Lichens  remplissent  donc  un  rôle  important  au  point  de  vue 
de  la  physiologie  générale,  ils  aident  à  la  formation  d'un  sol  plus  propre  que  la 
roche  à  recevoir  les  semences  des  végétaux  d'une  organisation  plus  élevée  et  qui 
permet  leur  développement. 

On  retrouve  les  Lichens  là  où  nulle  autre  plante  ne  peut  atteindre,  près  des 
limites  des  neiges  éternelles  et  au  voisinage  des  pôles  ;  dans  cette  dernière  sta- 
tion ils  sont  d'une  très-grande  utilité,  soit  en  fournissant  un  aliment  à  l'homme, 
soit  en  servant  de  fourrage  aux  rennes  dont  l'homme  tire  un  si  grand  parti. . 
A  partir  de  ces  points  extrêmes  on  retrouve  les  Lichens  dans  toutes  les  régions 
de  la  terre  et  sous  toutes  les  latitudes.  Quelques  espèces  qui  croissent  sur  les 
rochers,  dans  les  régions  froides,  se  retrouvent  sur  les  écorces  dans  les  forêts 
ombragées  des  régions  plus  chaudes;  un  très-petit  nombre  d'espèces  sont  liées  à 
un  substratum  spécial,  en  particulier  à  la  résine  ou  aux  écorces  résineuses. 
Dans  les  pays  très-cultivés,  les  Lichens  sont  plus  rares  et  d'une  manière  générale 
leur  proportion,  relativement  aux  phanérogames  s'accroît  à  mesure  qu'on  avance 
vers  le  nord,  mais  ils  sont  les  seuls  végétaux  qui  présentent  un  aussi  grand  nombre 
d'espèces  répandues  dans  les  régions  les  plus  éloignées  entre  elles  et  les  plus 


LICUENS    (BOTANIQUE].  541 

diverses.  Ce  fait  s'observe  surtout  pour  les  Lichens  saxicoles  que  l'on  retrouve  à  la 
fois  sous  les  tropiques  et  dans  les  régions  polaires. 

Une  accommodation  pareille  à  des  circonstances  atmosphériques  si  diffci'entes 
suppose  chez  ces  plantes  une  très-grande  él;isticité  des  propriétés  vitales;  les 
Lichens  supportent  la  dessiccation  avec  une  grande  facilité;  dès  qu'ils  sont  humectés, 
ils  végètent  de  nouveau,  offrant  ainsi  un  phénomène  de  reviviscence  analogue  à 
celui  que  montrent  un  certain  nombre  de  graines  et  quelques  animaux  inférieurs. 
Toutefois  les  Lichens  se  montrent  assez  difficiles  au  point  de  vue  de  la  pureté  de 
l'atmosphère.  On  a  remarqué  qu'ils  semblent  fuir  les  villes  et  d'après  M.  Nylander 
ceux  qu'on  y  rencontre  n'y  arrivent  qu'à  un  développement  incomplet.  Le  déve- 
loppement des  LichenjS  pourrait  ainsi  devenir  une  sorte  de  mesure  de  la  salubrité 
de  l'air  et  ces  plantes  fourniraient  ainsi  au  médecin  un  hygiomètre  très-sensible. 
En  étudiant  la  végétation  des  Lichens  dans  les  jardins  de  Paris,  M.  Nylander  arrive 
aux  conclusions  suivantes  relativement  au  jardin  du  Luxembourg  :  «  Les  Mar- 
ronniers de  l'allée  de  l'Observatoire  y  sont  surtout  remarquables  par  les  nom- 
breux Lichens  qui  couvrent  leurs  écorces,  et  ce,  en  telle  abondance,  qu'il  faut 
aller  en  dehors  de  la  ville  pour  trouver  quelque  chose  de  semblable.  Cette  circon- 
stance autorise  certainement  à  affirmer  que  la  partie  du  Luxembourg  dont  nous 
parlons  est  le  heu  le  plus  sain  de  tout  Paris.  »  {Bull,  de  la  Soc.  Bot.  de  France, 
t.  XIII,  1866,  p.  365.)  La  durée  de  la  vie  chez  les  Lichens  paraît  très-longue,  et 
M.  Léveillé  s'est  assuré  que  non-seulement  le  thalle  est  vivace,  mais  même  le  récep- 
tacle fructifère,  caractère  cjne  l'on  ne  retrouve  ;t  aucun  degré  chez  les  Champignons. 

Les  organes  de  reproduction  les  plus  apparents  ont  la  forme  de  réceptacles 
arrondis,  appelés  scutelles  ou  plus  généralement  apothécie  (Apothecium).  Us 
sont  de  petite  dimension,  mais  en  général  assez  apparents  à  cause  de  leur  colo- 
ration distincte,  franche,  ou  même  tout  à  fait  différente  de  celle  du  thalle.  Les 
Apothécies  connues  depuis  Micheli  (1729)  sont  disséminées  sur  toute  la  surface 
du  thalle  ou  sur  le  bord  des  expansions  foliacées  et  de  ses  lobes,  ou  à  l'ex- 
trémité de  petits  supports  à  forme  fruticuleuse,  d'autres  fois  elles  sont  très- 
concaves  et  enfouies  dans  le  tissu  même  du  thalle.  Ce  réceptacle  ou  conceptacle, 
toujours  formé  aux  dépens  des  cellules  filamenteuses  et  ne  contenant  que  peu 
de  gonidies,  est  tapissé  de  cellules  dressées  parallèles  dont  les  unes  étroites,  mince"?, 
portent  le  nom  de  paraphyses,  les  autres  de  mèmeforme,  mais  plus  larges,  portent 
le  nom  de  thèque.  Ces  thèques  contiennent  les  spores  en  nombre  défini,  ordinai- 
rement 8,  plus  rarement  2,  4,  6  et  môme  de  vingt  à  cent  et  au  delà.  Les  para- 
physes et  les  thècjues  forment  par  leur  ensemble  un  véritable  hyme'nium,  semblable 
à  celui  des  champignons  tbécasporés.  (Voy.  Champignons.) 

L'hyménium  des  Lichens,  souvent  appelé  thalamium,  est  pénétré  d'une 
substance  mucdagineuse  qui  bleuit  par  l'iode  ainsi  que  le  sommet  des  thèques. 
Les  spores  bleuissent  aussi  quelquefois  mais  plus  rarement,  elles  sont  tantôt  uni- 
loculaires,  tantôt  cloisonnées,  tantôt  incolores,  tantôt  colorées.  Leurs  dimensions 
varient  depuis  0'"™,00i  jusqu'à  0'""',5  dans  leur  plus  long  diamètre;  elles  ont  une 
double  paroi  et  germent  comme  les  spores  des  Champignons  en  émettant  nu  ou 
plusieurs  filaments  cellulaires  cylindriques  qui  s'allongent,  se  cloisonnent  et  se 
ramifient.  M.  Itzigsohn  et  M.  Tulasne  ont  fliit  connaître  d'autres  organes 
auquels  on  a  attribué  le  rôle  d'organes  mâles  :  ce  sont  les  sperviocjonies  nui 
se  montrent  comme  des  points  noirs  ou  foncés,  groupés  ou  disséminés  à  la 
surface  supérieure  du  thalle  d'un  grand  nombre  de  Lichens  ;  ces  spermo'^ories 
sont  des  réceplables  tapissés  à  leur  intérieur  par  des  cellules  allongées  appelées 


042  Lil" 


k  \£  u  El  la 

stérigmntes  ;  les  stérigmatcs  donnent  naissance  à  leur  extrémité  et  le  long  de 
leur  paroi  à  de  très-petils  corps  cylindriques  allongés,  incolores,  appelés  sperma- 
ties  ;  les  spermaties  ne  germent  pas  et  possèdent  un  mouvement  de  trépidation 
très-apparent,  on  a  comparé  ces  petits  corps  aux  anthérozoïdes  de  beaucoup  de 
cryptogames,  mais  ou  n'a  jamais  pu  s'assurer  directement  s'ils  servaient  réelle- 
ment cà  la  fécondation.  On  rencontre  encore  une  autre  forme  de  conceptable 
appelé  pycnide  dans  lequel  prennent  naissance  des  cellules  capables  de  germer 
appelées  stylospores.  Les  spermogonies  et  les  pycnides  ne  sont  pas  des  organes 
spéciaux  aux  Lichens,  ils  ont  été  retrouvés  chez  les  Champignons. 

Les  Lichens  ont  encox^e  un  mode  de  reproduction  qui  rappelle  les  moyens  de 
propagation  agame  par  bulbilles,  bourgeons  mobiles,  que  l'on  retrouve  chez  les 
végétaux  plus  élevés  en  organisation.  Des  gonidies  isolées  ou  groupées,  entourées 
ou  entremêlées  d'éléments  cellulaires  allongés  du  thalle,  forment  une  petite  masse 
arrondie  qui  s'isole,  se  fait  jour  à  travers  la  couche  corticale  et  peut  reproduire 
un  nouveau  thalle  s'il  est  placé  dans  des  conditions  convenables;  ces  productions 
ont  reçu  le  nom  de  sorédies.  Les  gonidies  peuvent  du  reste  s'individualiser  et 
avoir  une  vie  tout  à  fait  isolée.  MM.  Faminlsiu  et  Boranetsky  ont  observé  qu'elles 
peuvent  donner  naissance  à  des  zoospores  qui  se  développent  dans  l'intérieur  de 
chaque  gonidiede  môme  que  dans  certaines  Algues  unicellulaires.  {Voy.  Algues). 
11  résulte  de  ces  recherches  qu'il  n'y  a  aucune  distinction  possible  entre  les  goni- 
dies de  plusieurs  Lichens  {Physcia,  Parietina,  Cladonia,  Evernia),  et  les  Algues 
des  genres  Cystococcus,  Protococcus,  Palmella.  Plusieurs  espèces  de  ces  genres 
pris  pour  des  Algues  ne  seraient  par  conséquent  que  des  gonidies  de  Lichen  vivant 
libres  et  isolées;  un  fait  qui  vient  à  l'appui  de  cette  hypothèse,  c'est  la  faculté 
que  possèdent  d'autres  parties  des  Lichens  de  s'isoler  et  de  s'individuahser  par  suite 
d'une  sorte  d'évolution  appelée  anamorphose,  et  qui  apporte  dans  la  vitalité  de 
telle  ou  telle  partie  des  modifications  ou  des  altérations  assez  importantes  pour 
au'on  ait  fondé  sur  ces  caractères  anormaux  de  fausses  divisions  génériques. 
L'hypothalle  peut  s'allonger  en  un  corps  floconneux  qui  prend  une  grande  pré- 
pondérance, le  thalle  devenir  pulvérulent,  se  désagréger  et  présenter  cet  aspect 
particulier  qui  a  donné  lieu  à  la  fondation  du  genre  Lepraria.  Les  Âpothécies 
s'isolent  comme  les  parties  du  thalle  et  se  développent  librement.  On  a  regardé 
aussi  les  gonidies  comme  de  véritables  Algues  sur  ou  entre  lesquelles  se  dévelop- 
perait la  trame  d'un  champignon;  le  Lichen  ne  serait  que  le  résultat  nécessaire- 
ment fortuit  et  variable  de  ce  pseudo-parasitisme.  Cette  théorie  est  difficile  à  ac- 
corder avec  la  persistance  d'une  forme  typique  quelconque,  les  relations  toujours 
les  mêmes  des  gonidies  et  de  la  couche  médullaire,  le  développement  des  Lichens 
débutant  non  pas  par  la  forme  gonidique,  mais  par  l'hypothalle  filamenteux  vé- 
gétant dans  des  conditions  et  à  des  expositions  oia  l'Algue  qui  devrait  servir  de 
substratum  ne  se  rencontre  guère. 

Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'approfondir  cette  discussion  ;  mais  ilrésulte  de  l'étude 
précédente  que  si  les  Lichens  ont  de  grands  rapports  avec  les  Champignons,  ils 
en  ont  aussi  de  très-positifs  avec  les  Algues.  Celte  fusion  si  remarquable  de  carac- 
tères empruntés  à  deux  groupes  bien  définis  et  tranchés  dans  leurs  types  les  plus 
complets,  donne  une  physionomie  très -spéciale  au  groupe  des  Lichens  et  de\ient 
un  caractère  d'assez  grande  importance  pour  qu'il  soit  difficile  de  ranger  les 
Lichens  parmi  les  Champignons.  Les  Lichens  forment  donc  une  classe,  intermé- 
diaire aux  Algues  et  aux  Champignons  ne  contenant  qu'une  seule  famille  divisée 
en  trois  tribus  correspondant  aux  trois  familles  de  M.  Nylander. 


Li  ItillLjno    ^JlAllbu;:.    liiûTijTT^^^^ .  O  i  5 

I.  Les  Collemacés  ou  Lichens  à  thalle  très-simple,  homœomère,  gélatineux.  Ou 
retrouve  dans  cette  tribu  des  formes  de  thalle  rappelant  les  thalles  fruticideux  ou 
foliacés  de  la  troisième  tribu.  Ephebe,  Licliinia,  Collema,  etc. 

II.  Les  Myriangiacés  ne  comprenant  qu'un  genre  dont  l'organisation  plus  spécia- 
lisée que  celle  des  Collemacés  est  moins  complète  que  celle  du  groupe  qui  suit. 
Myriangium. 

m.  Les  Lichénacés  comprenant  la  majeure  partie  des  Lichens  se  divisent  en  six 
séries  secondaires  fondées  à  la  fois  sur  la  considération  du  thalle  et  des  apothé- 
cies.  Les  genres  principaux  :  Calicium,  Conocijbe,  Bœomyces,  *C(adonia, 
Stereocaulon,  *RocceUa^  *Usnea,  Alectoria,  *Evernia,  *Ra?nalma,  *Cetraria, 
*Peltigera,  *Sticta,  *Pormelia,  *Physcia,  *lj'mbilicana,  *Lecanora,  *Pertusaria, 
Variolaria ,  Lecidea,  Graphis,  Opegrapha.  Verrucaria,  etc.  Ceux  qui  sont 
plus  particulièrement  d'un  usage  médical  ou  économique  sont  désignés  par  un 
astérisque. 

Les  classifications  les  plus  usitées  avant  celle-ci,  proposée  en  1858  par  M.  Nylan- 
der,  reposaient,  la  plus  ancienne,  celle  d'Acharius,  sur  la  situation  et  les  rapports 
du  fruit  ou  apothécie  avec  le  thalle,  et  la  plus  connue  et  la  plus  conmiunéiiient 
employée,  celle  de  Fries,  sur  la  nature  des  apothécies;  les  unes  ouvertes  et  appa- 
rentes au  dehors  servaient  de  caractéristique  à  la  division  des  Gymnocarpes,  les 
autres  incluses  dans  la  substance  du  thalle  caractérisaient  celle  des  Angiocarpes. 

Cette  classification,  tout  en  réalisant  un  progrès,  ne  [)Ouvait  plus  continuer  à 
être  en  usage  du  moment  où  l'on  s'est  aperçu  que  certains  Lichens  portaient  à 
la  fois  des  apothécies  ouvertes  et  des  apothécies  du  type  des  Angiocarpes.  {Voy. 
Lichens.)  J.  de  Seykjîs. 

BiBLiootiAPHiE.  —  Une  énumérafion  très-complète  de  ce  qui  a  été  écrit  sur  les  Lichens  a  été 
publiée  en  un  volume  in-S"  par  M.  Krempelluibei-  sous  ce  titre  :  Geschichtc  uml  Litte- 
ratur  dcr  Lichenologie,  Munich,  1867.  Nous  renvoyons  à  cet  auteur,  en  nous  bornant  à  ciler 
quelques  ouvrages  classiques  et  qvielques  mémoires  saillants. 

MicnELi.  Nova ])lantarum  gênera.  Florenliœ,  n'iO. —  Hoffmann.  Plantœ  Uchenosœ.  Lipsiœ, 
1789-1801.  —  AcHARius.  Lichenographia  universalis.  Gœttingpe,  1810.  — 'W'ali.roth.  Naturge- 
schichte  der  Flechtcn.  Frankfurt ,  1825-'27,  —  Fée.  Cours  d'histoire  naturelle  pharmaceu- 
tique, Pai'is,  1828.  —  Fries.  Lichenographia  Europea  reformata.  Lond.  Goth.,  1X51.  — 
Endlicher.  Enchiridion  botanicum.  Lipsiœ,  1841.  —  Montagne.  Aperçu  morpliologique  delà 
famille  des  Lichens.  Paris,  1846.  In  art.  Lichen  in  Dictionnaire  d'Orbigny.  —  Massalongo. 
Pdcerche  sulV  antonomia  dei  fÀcheni  crostosi,  1852.  —  Tulas.ne.  Mémoire  pour  servir  à 
l'histoire  organog.  et  physiot.  des  Lichens,  1852;  Ann.  des  se.  natur.,  5"  sér.,  t.  XVII.  — 
NïLAKDER.  Synopsis  mcthodica  Lichenum.  Paris,  1859.  —  Pereira.  Mat.  mcd.  Lond.  (4°  éd.). 
—  De  Bary.  Morphol.  nnd  Physiol.  der  Pilze,  Flechten  und  Myxomicden.  In  Handbuch  der 
phijsiol.  Botan.  von  Wilh.  Hofmeister.  Leipzig,  1866.  —  Famixtzin  et  Boraxetzky.  Changement 
des  Gonidies  des  Lichens  en  zoospores.  In  Ann.  des  se.  natur.,  5»  série,  t.  Ylll,  1867.  — 
Roumeguère.  Plantes  acotylcdones  d'Europe,  famille  des  Lichens.  Toulouse,  1868. 

Vovez  en  outre  les  articles:  Cétraire,  Cétbarin,  Cladome,  Collemé,  evernie  ,  Erythrixe, 
Lecanore,  Lichénine,  Orcine  ,  Orseille  ,  Parelle,  Pauméue  ,  Peltigère,  Pertosaire  ,  Physcie, 
Ramaune,  Rocelle,  Rocelline,  SiicrA,  Usnée,  Variolaire.  J.  de  S. 

g  IL  Matière  médicale.  Les  lichens,  dont  le  nom  vient  de  Iti/j/j,  dartre, 
delà  forme  croûteuse  des  expansions  de  ces  plantes,  sont  intéressants,  et  comme 
médicaments  et  aliments,  et  comme  substances  tinctoriales. 

Les  propriétés  médicinales  des  lichens  sont  de  deux  ordres  :  ils  sont  toniques  et 
doivent  cette  vertu  à  une  matière  amère,  ou  ils  sont  nourrissants  et  analeptiques, 
parce  qu'ils  contiennent  un  principe  qui  se  rapproche  de  la  fécule.  Les  mêmes 
propriétés  paraissent  se  retrouver,  plus  ou  moins  développées,  dans  tous  les  lichens 
loUacés  qui  sont  à  peu  près  les  seuls  dont  on  se  serve  en  médecine.  L'analogie 


5-44  ijUjunnL. 

de  leui'  composition  est  même  telle  que  l'on  pourrait,  sans  grand  inconvénient, 
les  employer  tous  au  même  usage  mais  le  lichen  d'Islande  est,  de  toutes  les 
plantes  de  cette  famille,  la  seule  qui  soit  encore  fréquemment  usitée;  aussi  pré- 
sente-t-elle  pour  nous  un  grand  intérêt,  car  ce  n'est  que  dans  cette  espèce  que  le 
principe  amer  et  le  principe  amylacé  ont  été  bien  étudiés.  [Voy.  Lichen  d'Islande.) 

On  s'est  servi  autrefois  en  médecine  de  quelques  autres  espèces  de  lichen; 
plusieurs  même  ont  été  fort  en  vogue,  mais  ils  sont  aujourd'hui  presque  tous 
tombés  dans  l'oubli,  tels  sont  :  le  lichen  pulmonaire  ou  la  pulmonaire  de  chêne, 
qui  présente  une  certaine  analogie  d'aspect  avec  le  poumon  coupé;  de  là  proba- 
blement aussi  l'idée  que  l'on  a  eue  de  l'employer  contre  les  maladies  du  poumon. 
Sa  saveur  est  plus  amère  que  celle  du  lichen  d'Islande,  et,  suivant  Gnielin,  dans 
le  nord  de  l'Europe,  on  l'emploie  quelquefois  comme  le  houblon  dans  la  prépara- 
tion de  la  bière.  Débarrasse  de  cette  saveur  amère,  il  jouit  des  mêmes  propriétés 
que  le  hclien  d'Islande.  Il  faisait  partie  autrefois  du  sirop  de  mou  de  veau. 
On  s'en  sert  aujourd'hui  surtout  dans  la  teinture.  Le  lichen  pyxidé  qui  est 
moins  gélatineux  que  celui  d'Islande,  moins  amer  et  cependant  plus  désagréable 
au  goût;  il  était  employé  contre  la  toux.  Le  lichen  des  murailles,  qui  a  été 
regardé  comme  fébrifuge;  le  lichen  des  rennes;  le  lichen  blanc  de  neige;  le 
lichen  contre  lavage;  le  lichen  aphtpeux.  Ces  différentes  espèces,  et  plusieurs 
autres,  ont,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  quelque  analogie  dans  leur  mode  d'ac- 
tion avec  le  lichen  d'Islande,  mais  elles  sont  un  peu  acres  et  astringentes,  et  con- 
tiennent moins  de  principes  gélatineux.  Cependant,  en  les  lavant  et  en  les  laissant 
macérer  dans  l'eau  bouillante,  on  pourrait  les  priver  de  leurs  principes  acres  et 
astringents,  et  les  emjiloyer  à  défaut  du  lichen  d'Islande. 

On  employait  aussi  autrefois  une  petite  plante  que  l'on  nommait  ]]snée  du  crâne 
humain  qui  a  été  vantée  contre  l'épilepsie,  et  que  l'on  avait,  dit-on,  la  folie  de 
payer  jusqu'à  mille  francs  les  30  grammes,  c'est  le  lichen  saxatilis  de  Linné 
{ParmaliaSaxatilis,  Ach.).  Ce  qui  rendait  ce  lichen  si  rare  était  la  condition  impo- 
sée de  n'employer  seulement  que  celui  qui  croissait  sur  les  crânes  humains  expo- 
sés à  l'air.  On  lui  substituait  souvent  un  autre  petit  lichen  fdamenteux,  le  lichen 
plicatade  Linné  [Usnea plicata,  DG.).'^Tous  deux  sont  entièrement  oubliés. 

Aucune  espèce  de  Lichen  n'est  vénéneuse,  et  dans  les  pays  pauvres  du  Nord,  ils 
sont  employés  comme  matière  alimentaire. 

Plusieurs  lichens  fournissent  des  pnncipes  colorants  dont  on  fait  un  très-grand 
usage  dans  les  arts,  (Voy.  Orseille.)  T.  Gobley. 

LlCOTEXSTEm  (Georges-Rodolphe).  Médecin  et  chimiste  allemand,  né  à 
Brunswick  en  1745,  mort  à  Helmstaedt,  le  28  mai  1807.  Voici  la  hste  de  ses  ou- 
vrages : 

I.  Dissertatio  de  dispositione  saliimi,  imprimis  simplicium  atque  mixlorum.  Helmstœdt, 
1769,  in-4'.  —  II.  Abhandlung  m  Milchzucker  und  den  verscliiedenen  Arien  desselben. 
Bi'unswick,  1772,  in-8°.  —  111.  Zweifel  vnd  Bedenklichkeiten  bey  der  wichtigen  Fragn  von 
der  freyen  Ausfuhr  des  Getraides.  Brunswiclc,  1772,  in-S".  —  lY.  Dubia  circà  chemiœ  in 
virUUibus  medicamenloritm.  entendis  jirœstantium.  HelmstiBdt,  1773,  in-i".  —  V.  Entdeckte 
Geheimnisse,  oder  Erklœrung  aller  Kunstwœrter  iind  Redensartem  Bergwerken  und  HiUten- 
Arbeiten,  naclialphabeLischer  Ordnung.  Helmstsedt,  1778,  in-8°.  —  VI.  Anleitung  medicini- 
scher  Krœuterkunde  fur  Aerzte  iind  Apotheker.  Helmstaedt,  1782-1780,  in-S",  5  vol.  — 
VII.  P.  F.  Fabricii  aniniadversationes  varii  argutnenti  medicas,  ex  scriptis  ejus  minoribus 
collegit,  notisque  adjectis  edidit.  Helmstsedt,  1785-1787,  in-4».  A.  C. 

LICORIKE.  La  licorne,  telle  que  les  anciens  la  concevaient,  portant  une  corne 
sur  le  front,  n'existe  sans  doute  pas  comme  type  zoologique.  Pallas  fait  remar- 


LICUALA,  545 

(fiier  que,  chez  les  antilopes,  certains  individus  portent  plusieurs  cornes,  d'autres 
n'en  possèdent  qu'une  ;  et  Guvier,  que  des  antilopes  peuvent  être  réduites  à  une 
seule  corne,  par  monstruosité  ou  par  suite  de  mutilation.  On  s'accorde  assez 
généralement  aujourd'hui  à  penser  que  la  licorne  des  anciens  n'était  autre  que 
l'antilope  oryx. 

Qu'était  cette  corne,  puisque  l'animal  qui  était  censé  la  fournir  n'existe  pas? 
Quelles  étaient  ses  prétendues  propriétés? 

Ambroise  Paré  (L.  XXI,  c.  47-65)  qui,  dans  un  long  article  sur  la  licorne,  a 
contribué  plus  que  personne  à  reléguer  parmi  les  êtres  fabuleux  cette  <(  beste 
estrange  »,  fait  remarquer  que  la  corne  elle-même  a  été  décrite  de  vingt  manières 
dilférentes  ;  et,  avec  d'autres  savants  de  son  temps,  il  attribue  à  un  grand 
poisson  de  mer,  le  rohart  (narwal),  les  cornes  droites  dont  on  montrait  alors 
des  échantillons.  Ce  sont  en  réalité  des  défenses  de  narwal,  que  les  Norwégiens 
et  les  Danois  rapportaient  des  mers  polaires  et  vendaient  à  haut  prix  comme 
cornes  de  licornes.  Ces  défenses,  qui  atteignent  quelquefois  une  hauteur  de  8  à 
10  pieds,  tantôt  lisses,  tantôt  sillonnées  de  rainures  en  spirales,  sont  paires; 
mais  il  est  rare  que  toutes  deux  se  dévelopjient  simultanément  ;  le  plus  souvent, 
l'une  d'elles  reste  à  l'état  rudimentaire,  tandis  que  l'autre  (la  gauche  d'ordinaire) 
s'allonge  pour  se  terminer  en  pointe  mousse. 

Quoi  qu'jl  en  soit,  on  attribuait  à  cette  substance  des  vertus  extraordinaires 
contre  le  mal  caduc,  le  spasme,  la  peste,  la  fièvre  quarte,  la  morsure  des  chiens 
enragés  et  des  vipères,  les  piqûres  de  scorpions  et  généralement  contre  toutes  les 
plaies  venimeuses.  II  suffisait  même  de  tenir  la  coi'iie  à  l'opposite  du  lieu  où  se 
trouvait  le  venin  po'u^  que  celui-ci  se  découvrît.  Sur  quoi  Paré  fait  une  judicieuse 
remarque.  Ce  sont,  dit-il,  ces  promesses  impossibles  qui  «  donnent  occasion  à  ceux 
qui  ont  quelque  peu  d'esprit,  de  tenir  pour  faux  tout  le  reste  qui  en  a  esté  dit  et 
escrit.  »  11  a,  du  reste,  constaté  par  re.vpérience  que  tous  ces  récits  sur  les  vertus 
de  ce  produit  animal  n'ont  aucune  espèce  de  fondement. 

La  corne  de  licorne  conservait  encore  sa  réputation  au  siècle  dernier,  bien 
qu'on  connût  alors  sou  origine.  Voici  ce  qu'en  dit  Lemery  dans  son  Dictionnaire 
des  drogues  (Paris,  1760,  in-4»,  p.  522,  article  Narwal)  :  «  Elle  contient  beau- 
coup de  sel  volatil  et  d'huile.  Elle  est  cordiale,  sudorifique,  propre  pour  résister 
au  venin,  pour  Tépilepsie.  La  dose  est  depuis  1  demi-scrupule  jusqu'à  2  scrupules. 
On  en  porte  aussi  une  amulette  pendue  au  cou,  pour  préserver  du  mauvais  air  : 
mais  il  ne  faut  pas  attendre  d'effet  de  cette  amulette.  »  A.  D. 

MCUAïiA.  Genre  de  palmiers,  propres  aux  régions  chaudes  des  Indes  orien- 
tales. Ce  sont  des  arbres  peu  élevés,  à  stipes  marqués  d'impressions  circulaires, 
couronnés  au  sommet  de  grandes  feuilles  en  éventail,  profondément  divisées  jus- 
qu'à la  base  en  segments  tronqués  et  grossièrement  dentés  à  leur  extrémité.  Entre 
ces  frondes,  se  trouvent  des  spadices  articulés  de  distance  en  distance,  recouverts 
sur  les  entre-nœuds  de  spathes  incomplètes  et  se  divisant  en  rameaux  spiciformes, 
recouverts  de  fleurs  hermaphrodites.  Le  périanthe  des  fleurs  est  à  six  divisions  : 
les  étamines,  en  même  nombre,  sont  soudées  à  leur  base  en  une  espèce  d'urcéole; 
des  trois  ovaires,  deux  avortent  d'ordinaire  et  se  réduisent  à  deux  petites  écailles; 
le  troisième  devient,  à  la  maturité,  un  drape  sous-globuleux,  jaune-orangé  ou 
purpurin,  qui  contient  dans  la  graine  un  albumen,  creusé  sur  la  face  centrale 
d'une  cavité  et  portant  l'embryon  sur  sa  face  opposée. 

Les  feuilles  du  Licuala  et  particulièrement  du  Licuala  spinosa  de  Java,  sont. 

DICT.  ENC.  2'  s.  IL  55 


546  •     LIEBENSTEIN  (eaux  MINÉRALES  de). 

employées  à  divers  usages  à  cause  de  la  résistance  de  leurs  fibres.  Les  naturels  s'en 
servent  en  guise  de  papier  pour  faire  leurs  cigarettes.  En  Europe,  nous  recevons 
enveloppés  de  ces  feuilles,  les  Sangdragons,  désignés  sous  les  noms  de  Sangdra- 
gons  en  baguettes  et  en  olives. 

RuMPHius.  Herb.  Amb.,  l,  p.  44,  tab.  9.  —  |Blume.  Rutnphia,  II,  p.  37  et  suiv.,  tab.  89  à  93 
1 

OEBEi^STEiiv  (Eaux  minérales  et  cure  de  petit-lait  de),  athermales,  bicar- 
bonatées calciques  et  ferrugineuses  faibles,  carboniques  fortes,  sulfureuses 
faibles.  Dans  la  Saxe-Meiningen,  est  un  bourg  de  700  habitants,  bâti  dans  la 
belle  et  riche  vallée  de  Lawerra,  à  312  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer, 
au  pied  du  Thuringerswald  et  de  la  forêt  de  Rôn  (chemin  de  fer  du  Nord, 
Mannheim,  Francfort  et  Elsnach).  Le  climat  de  Liebenstein  est  assez  doux, 
quoique  en  général  les  matinées  et  les  soirées  y  soient  assez  fraîches.  Les 
promenades  les  plus  fréquentées  sont  l'Erdfall,  excavation  naturelle  dominée  de 
tous  côtés  par  des  blocs  de  rochers  qu'ombragent  de  beaux  arbres.  L'Erdfall 
se  compose  d'une  grotte  que  l'on  illumine  les  jours  de  fête  et  d'une  sorte 
de  cà\e  [felsenkeller)  où  l'on  fait  rafraîchir  les  boissons.  Le  château  fie  Lieben- 
stein est  à  un  peu  plus  de  1  kilomètre  de  l'Erdfall,  mais  des  sentiers  agréables 
et  faciles  parcourent  les  bosquets  et  les  jardins  qui  séparent  ces  deux  prome- 
nades. L'excursion  la  plus  rapprochée  et  la  plus  suivie  est  celle  de  Wilhelmsthal, 
résidence  d'été  du  duc,  dont  le  château  est  entouré  d'un  beau  et  grand  parc.  La 
Wattburger,  l'Inselberg,  à  1  myriamètre  de  Liebenstein,  offrent  un  panorama 
magnilique,  que  les  baigneurs  ne  manquent  pas  d'aller  voir.  La  saison  s'ouvre  le 
1"  mai  et  finit  le  15  septembre.  Deux  sources  alimentent  l'étabhssement  :  on  les 
nomme  la  Vieille  source  (Altquelle)  et  la.  Nouvelle  source  (Neuequelle).  Cette  der- 
nière est  seule  importante  à  connaître,  car  la  Vieille  source,  connue  dès  1615,. 
est  aujourd'hui  presque  entièrement  abandonnée.  La  Nouvelle  source  émerge  des 
couches  inférieures  du  carbonate  de  chaux,  dans  un  terrain  où  l'on  rencontre  des 
granits,  des  porphyres,  des  basaltes,  des  micaschistes,  des  grès  et  de  la  dolomie; 
on  l'a  trouvée  en  1846,  après  avoir  pratiqué  un  sondage  de  35  mètres  de  profon- 
deur. Son  eau  est  Umpide,  incolore,  d'une  odeur  légèrement  sulfureuse,  d'une 
saveur  agréable,  quoiqu'elle  soit  un  peu  salée  et  surtout  ferrugineuse.  Des  bulles 
gazeuses,  les  unes  grosses  et  rares,  les  autres  très-fines  et  très-nombreuses,  tra- 
versent cette  eau  et  font  que  sa  surlace  semble  être  toujours  en  ébulhtion.  La 
température  de  l'eau  de  la  Nouvelle  source  n'est  pas  constante,  elle  est  de  10" 
centigrade  en  moyenne;  sa  densité  est  de  1,0025.  La  dernière  analyse  a  été 
faite  par  le  professeur  Reichardt,  qui  a  trouvé,  dans  1000  grammes  d'eau,  les 
principes  suivants  : 

Bicarbonale  de  chaux 0,5910 

—  magnésie 0,205' 

—  manganèse 0,0124 

—  protoxyde  de  fer  ...........  .  0,0775 

Chlorure  de  sodium 0,24:71 

'.'.  —  lithium 0,0044 

'■  Sulfate  de  potasse 0,0052 

—  soude 0,0109' 

—  magnésie 0,1841 

—  chaux 0,0295^ 

Alumine 0,0008 

Acide  silicique • 0,0275 

Total  des  matières  fixes 1,3941 

Gaz  acide  carbonique 10  cent,  cubes  1342: 


LIEBENZELL  (eaux  minérales  de).  547 

L'établissement  minéral  de  Liebenstein  appartient  au  gouvernement,  qui  l'ad- 
ministre; il  renferme  des  salles  de  conversation,  de  danse,  de  jeu,  outre  la  bu- 
vette, les  cabinets  de  bains  et  de  douclies.  On  peut  y  suivre  une  cure  de  pelit-lait 
et  y  prendre  des  bains  composés  d'une  décoction  d'aiguilles  de  sapin. 

Mode  d'administration  et  doses.  Les  eaux  de  Liebenstein  sont  prescrites  en 
boisson,  en  bains  et  en  douches  d'eau.  La  dose  à  Tintérieur  est  de  trois  à  huit 
verres,  pris  le  plus  souvent  le  matin  à  jeun  et  à  un  quart  d'heure  d'intervalle.  Cette 
eau  est  quelquefois  employée  pendant  les  repas,  seule,  et  le  plus  souvent  coupée 
d'une  certaine  quantité  de  vin.  La  durée  des  bains  est  d'une  heure  en  général, 
lorsqu'ils  sont  exclusivement  composés  d'eau  minérale  artificiellement  chauffée  ; 
ils  sont  d'une  demi-heure  ordinairement,  lorsqu'on  les  additionne  d'iuie  certaine 
quantité  d'eau  mère  fournie  par  les  salines  de  Salzungen  [voij.  ce  mot),  qui  sont 
voisines  de  Liebenstein.  Les  douches  sont  administrées  pendant  un  quart  d'heure 
ou  vingt  minutes. 

Emploi  thérapectique.  Lorsque  les  personnes  dont  le  système  sanguiu  est 
prédominant  font  usage  pendant  un  temps,  même  assez  peu  prolongé,  des  eaux 
de  Liebenstein,  elles  ne  tardent  pas  à  éprouver  des  phénomènes  leur  indiquant 
qu'il  est  prudent  de  ne  pas  continuer  la  cure  minérale.  Ainsi  elles  ont  des  maux 
de  tête,  des  étourdissemenls,  des  bourdonnements  d'oreilles,  des  envies  de  dormir 
pendant  le  jour,  de  l'agitation  et  de  l'insomnie  pendant  la  nuit,  etc.,  qui  sou 
un  avertissement  certain  de  l'inopportunité  de  l'administiatioa  de  la  source 
Nouvelle.  Les  sujets,  au  contraire,  faibles  ou  épuisés  par  une  longue  maladie, 
par  une  anémie  ou  une  chlorose,  sont  promptement  reconstitués,  par  l'usage  inté- 
rieur surtout  de  cette  eau  ferrugineuse.  Ces  effets  physiologiques  principaux 
suffisent  pour  renseigner  sur  les  indications  et  les  contre-indications  de  l'eau  de 
Liebenstein,  dont  l'action  curative  a  beaucoup  d'analogie  avec  celle  des  eaux  fer- 
rugineuses carboniques  de  Schwalbach,  de  Pyrmont,  de  Driburg  et  de  Spa.  (  Voy.  ces 
mots.)  Il  est  utile  d'ajouter  cependant  que  les  eaux  de  Liebenstein,  qui  sont 
légèrement  sulfureuses,  conviennent  mieux  que  celles  que  nous  venons  de  nommer 
toutes  les  fois  que  les  chloro-anémiques  ont  des  manifestations  cutanées. 

Durée  de  la  cure.  De  25  à  30  jours. 

On  exporte  peu  l'eau  de  Liebenstein.  A.  Rotdreah. 

Bibliographie.  — Schwerdt.  Liebenstein  Mineralbad.  Gotha,  1854.  —  DyEnxEn.  Bas  Mineral- 
bacl  undMolkenanstalt  zu  Bail  Liebenstein ,  in  Thilrinyen.  In  Balneologische  Zcilung,  t.  I. 
—  JoANNE  et  Le  Pileur.  Bains  d'FAirope,  guide  descriptif  et  médical.   Paris,    1860,  in-12 
p.  78-80.  A.  R. 

LIËBE\'ZEliL  (Eaux  minérales  et  cure  de  petit-lait  de),  hijpothermales, 
chlorurées  sadiques  et  bicarbonatées  ferrugineuses  faibles ,  carboniques  moyennes. 
Dans  le  Wurtemberg,  dans  la  forêt  Noire,  au  pied  du  Schlossberg,  que  couronnent 
les  ruines  d'un  vieux  château  du  moyen  âge  qui  avait  été  bâti  sur  les  restes  d'une 
forteresse  romaine,  à  286  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  se  trouve  la 
petite  ville  de  Liebenzell,  peuplée  de  1050  habitants  et  construite  sur  la  rive  droite 
de  la  Nagold  (chemin  de  fer  de  l'Est,  Strasbourg,  Kelh,  Durlach,  Pforzheim,  Wild- 
bad  et  Liebenzell).  Les  pics  des  montagnes  qui  dominent  la  vallée  ont  plus  de 
600  mètres  d'élévation  ;  le  torrent  qui  descend  de  ces  sommets  forme,  au  milieu 
de  la  ville,  une  pièce  d'eau  dont  le  courant  met  en  mouvement  un  moulin  et  une 
usine.  Le  climat  est  très-doux  ;  il  permet  de  commencer  la  saison  dès  le  15  mai  et 
de  ne  la  finir  que  le  15  octobre.  Le  séjour  de  Liebenzell  est  très-agréable,  en  raison 


548  LIEBEINZELL  (eaux  minérales  de). 

des  promenades  et  des  excursions  que  les  baigneurs  peuvent  y  faire.  Le  château 
est  au  confluent  de  la  Nagold  et  du  Lagenbacli;  la  Monakam  et  sa  belle  église; 
les  ruines  de  l'ancienne  abbaye  des  bénédictins  d'Hirsau;  le  petit  centre  indus- 
triel et  commercial  de  Calw,  dont  les  maisons  à  pignons  pointus  et  l'ancien  cliâ- 
teau  ont  un  cachet  original;  Weil-die-Stadt  ;  les  sept  chênes,  près  de  Gninbach, 
d'où  l'on  découvre  la  vallée  du  lîhin  jusqu'à  Spire,  les  montagnes  des  Vosges  de 
rOdenwald  et  du  Taunus;  les  villes  laborieuses  de  Pforzheim  et  de  Neuenburg, 
sont  les  curiosités  les  plus  fréquemment  visitées  par  les  hôtes  de  Liebenzejl.  Trois 
sources,  connues  très-anciennement  et  probablement  dès  l'époque  de  l'occupation 
romaine,  ainsi  que  l'indiquent  les  monnaies,  les  poteries  et  les  fûts  de  colonnes 
découverts  aux  environs,  émergent  du  granit  et  du  grès  bigarré,  comme  les  eaux 
de  Baden-Baden  et  de  Wildbad,  qui  en  sont  les  plus  rapprochées.  Le  débit  des  trois 
sources  en  vingt-quatre  heures  est  de  H  0,000  litres  environ.  Cette  eau  est  limpide, 
sembb  peu  gazeuse,  n'a  aucune  odeur  et  presque  aucun  goût  lorsqu'elle  est  à 
sa  température  native  ;  mais  lorsqu'on  la  laisse  se  refroidir,  elle  a  un  goût  fade  et 
elle  affecte  légèrement  la  membrane  pituitaire,  à  cause  du  gaz  hydrogène  sulfuré 
qu'elle  laisse  dégager.  La  température  de  l'eau  des  trois  sources  de  Liebenzell 
varie  de  21",7  à  25°  centigrade.  Une  série  d'observations  faites  régulièrement 
pendant  un  siècle,  de  1  747  à  1848,  a  démontré  les  oscillations  que  nous  venons 
d'indiquer;  la  densité  de  l'eau  est  de  1,001526.  Sigwart  a  fait,  en  1853,  l'ana- 
lyse de  l'eau  de  Liebenzell;  ce  chimiste  a  trouvé,  dans  1000  grammes,  les  prin- 
cipes suivants  : 

Chlorure  de  sodium  avec  traces  de  chlorure  de  magnésium.  0,6692 

Carbonate  de  soude 0,1041 

—  chaux 0,1067 

—  oxyde  de  fer 0,0130 

Sulfate  de  soude 0,0794 

Silice U,0o35 

Total  des  matières  fixes 1,0''257 


Total  des  matières  fixes 

Gaz  dégagé  par  l'eau  des  sources,  sur  100  parties: 

Acide  carbonique 


Acide  carbonique 51,58 

Azote 24,44 

Oxygène 4,25 

Total  des  gaz 100,00 

Liebenzell  a  deux  établissements  thermaux  :  l'un  se  nomme  le  Bain  supérieur, 
et  l'autre,  le  Bain  inférieur.  Une  seule  source  ahmente  le  premier,  les  deux 
autres  se  rendent  au  second,  l'une  de  ces  dernières  est  très-peu  abondante  et 
sert  exclusivement  en  boisson.  L'eau  du  Bain  supérieur  fait  monter  la  colonne  du 
thermomètre  de  25°, 2  à  25"  centigrade,  tandis  que  la  température  des  deux  sour- 
ces du  Bain  inférieur  ne  s'écarte  qu'entre  21",  7  et  23"  centigrade  seulement. 
L'eau  de  Liebenzell  est  employée  en  boisson ,  en  bains  et  en  douches  ;  on  peut 
suivre  encore  à  cette  station  des  cures  de  lait  et  de  petit-lait  qui  n'offrent  rien 
de  spécial  et  sur  lesquelles  nous  n'avons  rien  à  dire  de  particuUer. 

Emploi  thérapeutique.  L'eau  de  Liebenzell,  prise  en  boisson,  en  bains  et  en 
douches,  active  très-notablement  les  fonctions  de  la  peau,  mais  elle  diminue 
le  nombre  et  la  force  des  battements  du  cœur  et  des  artères  ;  elle  calme  aussi  le 
système  nerveux  ;  elle  est  très-sensiblement  diurétique.  Le  docteur  Hartmann  as- 
sure aussi  «  qu'elle  agit  encore  en  facil.tant,  soit  dans  l'ensemble  de  l'économie, 
soit  seulement  dans  les  organes  malades^  la  nutrition  et  par  suite  l'assimilation.  » 
Cette  eau  est  principalement  utile  dans  les  maladies  des  femmes,  aussi  désigne- 


LIEBWERDA  (eaux  minérales  de).  549 

t-oii  souvent  dans  le  pays  cette  station  thermale  par  la  dénomination  de  Frauen- 
bad,  lorsque  ces  maladies  reconnaissent  pour  cause  un  trouble  nerveux  ou  une 
affection  utérine  accompagnée  ou  non  accompagnée  de  stérilité,  d'hystérie  et^  de 
chlorose.  Les  eaux  de  Liebenzell  d'ailleurs,  dont  la  température,  les  propriétés 
physiques,  chimiques,  et  les  indications,  thérapeutiques  se  rapprochent  telleiiient 
de  celles  de  Sciilangenbad,  que  nous  renvoyons  à  ce  mot  pour  les  autres  détails. 

Durée  de  la  cure,  un  mois,  en  moyenne. 

On  n'exporte  pas  les  eaux  de  Liebenzell.  A.  Rotureau. 

BiBuoGRArniE.  —  Hartmann.  Liehenzell.  Stuttgart,  1852.  —  Bulneologische  Zcitung, 
t.  Il  et  III.  —  JoANNE  (Ad.)  et  Le  Pileur  (A.).  Les  bains  d'Europe,  guide  descriptif  et 
médical,  etc.  Paris,  1860,  in-12,  p.  80-81.  A.  R. 

LiEBERHUEniv  (Joh.-Nathanael),  peut  être  regardé  comme  un  des  fondateurs 
de  l'anatomie  niicrographique.  11  était  né  à  Berlin  le  5  septembre  1711 ,  et  se  livra 
d'abord  à  l'élude  de  la  théologie  pour  obéir  aux  desseins  de  son  père,  qui  le  desti- 
nait à  l'Éghse,  mais  il  avait  cédé  en  même  temps  à  la  vocation  qui  l'entraînait 
vers  les  sciences  naturelles ,  et  il  suivit  avec  ardeur  les  cours  de  physiijue,  de 
botanique  et  d'anatomie  que  le  célèbre  Hamherger  donnait  à  léna.  Devenu  libre 
de  ses  déterminations  à  la  mort  de  son  père,  il  s'adonna  entièrement  aux  études 
de  son  choix,  et  avant  même' qu'il  fût  reçu  docteur,  sa  renommée  était  assez 
grande  pour  qu'on  le  jugeât 'digne  d'être  admis  à  l'Académie  des  Curieux  de  la 
nature,  où  il  entra  sous  le  nom  de  Dédale.  C'est  seulement  dans  le  cours  des 
voyages  qu'il  entreprit  dans  l'intérêt  de  son  instruction  qu'il  prit  le  bonnet  de 
docteur  à  Leyde,  en  1759.  Pendant  le  séjour  qu'il  fit  à  Londres,  la  Société  royale 
se  l'attacha  comme  membre.  Enfin  il  retourna  à  Berlin,  et  il  y  remplit  les  fonc- 
tions de  membre  du  conseil  supérieur  de  médecine.  Une  mort  prématurée  l'enleva 
à  la  science,  le  7  octobre  1756. 

Lieberkiihn,  nous  l'avons  dit,  appliqua  avec  succès  le  microscope  à  l'étude  de 
l'anatomie;  on  connaît  ses  belles  recherches  sur  la  muqueuse  de  l'intestin,  ses 
observations  sur  les  villosités  dont  il  s'efforça  de  démêler  la  structure  intime,  sur 
les  glandes  tubuleuses  qui  portent  son  nom.  Pour  observer  la  disposition  et  la 
répartition  des  vaisseaux  dans  les  organes,  il  eut  recours,  le  premier,  aux  injec- 
tions avec  une  substance  métallique,  puis  détruisant  le  parenchyme  à  l'aide  d'une 
liqueur  dissolvante,  il  laissait  le  réseau  vasculaire  à  nu.  L'instrument  dont  il  se 
servait  avec  tant  d'habileté,  le  microscope,  lui  doit  d'heureux  perfectionnements. 

Il  a  consigné  ses  recherches  dans  les  opuscules  suivants  : 

I.  De  valvula  coli  et  usu  processus  vermicularis  (dissert,  inaug.).  Lugd.  Batav  ,  1759, 
in-S",  et  in  Disputât,  anat.  de  Haller,  t.  I.  —  II.  De pilis  intestinorum.  Ibid.,  1759,  111-4°. — 
III.  De  fabrica  et  aclione  villorum  intestinorum  tenuium.  Ibid..  1745,  in-i°,  pi.  3.  —  IV. 
Description  d'un  microscope  anatomiquc.  In  Mcni.  de  VAcad.  des  se.  de  Berlin,  17i5.  — 
V.  Sur  les  moyens  propres  à  découvrir  la  construction  des  viscères.  Ibid.,  1748.  —  \"I.  Les 
ouvragées  de  Lieberkûhn  ont  été  rassemblés  par  Sheldon  sous  le  titre:  Joli.  Natli.  Lieber- 
kiihn anatomici,  dum  viveret  summi  et  medici  ezperientissimi,  Dissertationes  quatuor. 
Oninia  nunc  primuni  in  unum  collecta,  etc.  Lond  ,  1782,  in-4''.  E.  Bod. 

1       LI£BW£RDA  (EaUX  JIIiNÉRALES,  BODES    ET  CURE  DE  PETIT-LAIT  DE)  alhsrmaleS, 

iamétaUites,  ferrugineuses  faibles,  carboniques  fortes.  En  Autriche,  dans  la 
Bohême,  dans  la  vallée  de  Riesengebirge,  à  la  base  du  versant  nord  de  Tafelfichte, 
émergent  les  quatre  sources  de  Liebwerda  de  terrains  primitifs  composés  de  gra- 
nit,  de  micaschiste,  de  gneiss,  de  schiste  argileux,  de  calcaire  primitif  et 
de  quartz.  Ces  sources ,  connues  dès  le  commencement  du  quinzième  siècle, 


550  LIERRE    (botanique). 

ont  reçu  les  noms  de  Christiansquelle  ou  Trinkquelle  (source  de  Clirisliau  ou 
source  de  la  Buvette),  de  Josefinenquelle  (source  de  Joséphine),  de  Stahlbriainen 
(source  Ferrugineuse)  et  de  Wilhelmsbrunnen  (source  de  Guillaume) .  Deux  de  ces 
sources  sont  seules  importantes  à  connaître  ;  la  Trinkquelle  et  la  Stalilbrunneu. 
Nous  les  aurons  particulièrement  en  vue  en  décrivant  leurs  propriétés  physiques 
et  chimiques.  Leur  eau  est  limpide,  très-pétillante,  d'une  saveur  aigrelette  très- 
agréable;  elle  rougit  instantanément  les  préparations  de  tournesol  ;  sa  température 
est  de  10°  centigrade  à  la  Trinkquelle,  et  de  11°, 2  centigrade  à  la  Stahlbrunnen. 
La  densité  de  la  Trinkquelle  est  de  \  ,0009,  celle  de  la  Stahlbrunnen  est  de  i  ,0027. 
Le  débit  des  quatre  sources  est  de  1,716,000  litres  en  vingt-quatre  heures.  Reuss 
a  trouvé  que  1 ,000  granmaes  de  l'eau  de  la  Stahlbrunnen  contiennent  les  prin- 
cipes suivants  : 

Carbonate  de  magnésie 0,2950 

—  soude 0,0868 

—  chaux 0  0725 

—  oxyde  do  l'cr 0,0954 

Sulfate  de  chaux 0,0752 

—        soude 0,0130 

Chlorure  de  sodium 0,0057 

Sihce 0,0101 

Total  des  matières  fixes 0,6555 

Gaz  acide  carbonique 0,696  litre. 

L'eau  de  la  Trinkquelle  contient  une  plus  grande  quantité  de  gaz  ,  mais  moins 
de  carbonate  d'oxyde  de  fer. 

La  station  de  Liebwerda  est  aussi  très-connue  par  ses  cures  de  petit-lait. 
Emploi  thérapeutique.     Les  eaux  de  Liebwerda   sont  légèrement  excitantes 
par  le  gaz  acide  carbonique  qu'elles  contiennent ,  apéritives,  toniques  et  reconsti- 
tuantes à  cause  du  bicarbonate  de  fer  qui  est  la  partie  active  de  leur  minéralisa- 
tion. Elles  sont  principalement  fréquentées  par  les  convalescents,  les  anémiques 
et  les  chlorotiques  ;  les  malades  auxquels  une  cure  par  le  petit-lait  a  été  prescrite, 
trouvent  à  Liebwerda  une  organisation  bien  entendue  et  une  installation  complète- 
La  durée  de  la  cure  est  d'un  mois,  en  général. 
On  exporte  les  eaux  de  la  Trinkquelle  de  Liebwerda.  A.  Rotureau. 

Bibliographie.  —  Osann.  Darstellung  des  bekannten  Hetlquellen.  Berlin,  1841,  in-8°.  — 
.ToANxE  (Ad.)  et  Le  Pileur  (A.).  Les  bains  d'Europe,  guide  descriptif  et  médical,  etc.  Paris, 
1860,  in-12,  p.  82-83.  A.  R. 

JLIE\11VE.     Corps  cristallisable  qui  se  trouve  dans  la  rate.  [Voij.  Rate.) 

LIEIVTERIE  (de  >eto;,  lisse,  gHssant,  et  èv-zpo-j,  intestin).  Diarrhée  dans  la- 
quelle les  aliments  sont  rendus  sans  être  digérés.  {Voy.  Diarrhée,  Dïsenterie.) 

LIER^'E.  L'un  des  noms  vulgaires  de  l'Herbe-aux-Gueux  [Clematis  Vitalba 
L.).  Voy.  Clématite. 

L,IEKRE  (ffecZeraL.).  §L  Botanique.  Genre  de  plantes,  de  la  famille  des 
Araliacées,  dont  les  fleurs,  réguhères  et  hermaphrodites,  présentent  les  caractères 
suivants.  Leur  réceptacle,  concave,  en  forme  de  bourse,  renferme  l'ovaire,  tandis 
que  les  bords  de  cette  bourse  supportent  le  périanthe  et  l'androcée,  dits  pour  cette 
raison  épigynes.  Le  calice  est  peu  visible,  représenté  par  cinq  petites  saillies  en  forme 
de  dents.  La  corolle  est  formée  de  cinq  pétales,  alternes,  caducs,  valvaires  dans  le 


LIERRE   (botanique).  551 

Iboiiton.  Les  élamincssont  au  nombre  de  cinq,  alternes  avec  les  pétales,  formées 
chacune  d'un  filet  libre,  et  d'une  anthère  biloculaire,  introrse,  puis  oscillante, 
déhiscente  par  deux  fentes  longitudinales.  L'ovaire  infère  est  à  cinq  loges,  super- 
posées aux  pétales,  ou  à  un  nombre  moindre  de  loges  (de  deux  à  quatre),  avec 
un  seul  ovule  descendant,  inséré  en  haut  de  l'angle  interne  de  la  loge,  anatrope, 
avec  le  micropyle  tourné  en  haut  et  en  dehors,  coiffé  d'un  obturateur  formé  par 
un  épaississement  du  funicule  ovulaire.  Le  fruit  est  une  drupe  à  noyaux  minces, 
qui  renferme  une  ou  quelques  graines,  dont  les  téguments  recouvrent  un  albumen 
charnu  abondant,  ruminé,  et  dont  le  sommet  contient  un  petit  embryon  à  radicule 
supère.  Les  Lierres  sont  des  arbustes,  souvent  grêles,  sarmenteux,  se  soutenant 
€t  s'attachant  aux  objets  voisins,  à  l'aide  de  crampons  ou  racines  adventives  impar- 
faites, nées  sur  les  branches.  Dans  le  sol,  ces  racines  deviennent  plus  développées. 
Les  feuilles  sont  alternes,  sans  stipules.  Les  fleurs,  portées  sur  des  branches 
libres,  non  adhérentes,  et  dont  les  feuilles  ont  une  forme  spéciale,  sont  disposées 
en  ombelles,  simples  ou  composées,  dont  la  base  est  entourée  d'un  involucre 
formé  de  plusieurs  bractées. 

:  L'espèce  employée  en  médecine  est  le  Lierre  commun  ou  L.  d'Europe, 
L.  grimpant,  L.  en  arbre  {Hedera  Hélix  L.,  Spec,  292).  C'est  un  arbuste 
sarmenteux,  atteignant  quelquefois  de  fortes  dimensions  en  hauteur  et  en 
épaisseur,  car  son  tronc  peut  devenir  aussi  gros  que  le  corps  d'un  homme. 
.Ordinaii'ement,  ses  tiges  et  branches  grêles  s'appuient  et  s'attachent  aux  rochers, 
Wbres,  murailles,  etc.,  à  l'aide  de  crampons,  c'est-à-dire  déracines  adventives 
incomplètement  développées,  et  qui  prennent  tout  leur  accroissement  quand 
ila  plante  s'appuie  sur  un  sol  humide.  Les  feuilles  sont  alternes,  pétiolées,  per- 
îsistantes,  luisantes  et  d'un  vert  foncé  en  dessus,  plus  pâles  et  plus  ternes  en 
dessous.  A  la  parlie  inférieure  des  tiges,  elles  sont  profondément  lobées,  avec 
3-5  lobes  largement  triangulaires,  plus  ou  moins  profondément  laciniés  dans  cer- 
taines variétés.  Sur  les  branches  qui  deviennent  libres,  et  qui  souvent  portent 
des  fleurs,  le  limbe  devient  entier  ou  à  peu  près,  ovale-aigu  ou  presque  rhomboï- 
dal,  arrondi  à  la  base.  Les  fleurs  sont  réunies  en  ombelles  presque  globuleuses 
à  la  partie  supérieure  des  rameaux.  Leur  calice  est  court,  inséré  sur  un  récep- 
tacie  vert  et  velu  ou  pubescent.  La  corolle  est  verdàtre,  à  pétales  larges  et  tron- 
4jués  à  la  base,  d'abord  rapprochés  en  cône,  puis  étalés,  réfléchis,  parcourus  sur 
leur  ligne  médiane  par  une  côte  saillante.  Les  étamines  ont  un  filet  court  et  une 
anthère  médio-dorsifixe,  jaune,  un  peu  cordée  à  la  base.  Le  fruit  est  presque  glo- 
ibuleux,  de  la  grosseur  d'un  pois,  couronné  d'une  cicatrice  circulaire,  inégale,  qui 
répond  à  l'insertion  du  périanthe.  Sa  couleur  est  presque  noire,  et  sa  pulpe  a  une 
teinte  pourpre  noirâtre  très-foncée.  11  renferme  de  une  à  cinq  graines.  Le  lierre 
grimpant  fleurit  en  automne  ;  il  croît  de  préférence  dans  les  heux  sombres,  om- 
bragés, sur  les  vieux  troncs,  sur  les  édifices  en  ruine.  Toutes  ses  parties  sont 
douées  d'une  odeur  caractéristique. 

Le  Lierre  commun  a  été  fort  employé  en  médecine.  Les  propriétés  nombreuses 
que  lui  attribuaient  les  anciens  s'appliquent  souvent  à  d'autres  plantes.  Ainsi 
Pline  a,  d'après  Des  vaux,  confondu  le  Lierre  avec  le  Ciste,  trompé  qu'il  fut  par  la 
ressemblance  des  noms  Cistos  et  Cissos  (Kto-o-ôj)  ;  ce  dernier  était  celui  du  Lierre. 
Le  Lierre  était  la  plante  consacrée  à  Bacchus.  «  (Lyarre  a  été  surnommé  Dionysia, 
c'est-à-dire  Bacchique,  prenant  ce  nom  de  Bacchus,  qui  le  premier  apporta  Lyarre 
des  Indes  en  Grèce  ;  ou  parce  que  il  luy  est  voué  et  dédié.  Car  tout  ainsi  que 
Bacchus  est  tousiours  ieune,  aussi  le  Lyarre  est  tousioiirs  verdoyant.  Et  tout  ainsi 


552  LIERRE  (emploi   médical). 

que  le  Lyarre  lie  toutes  choses  qu'il  cmpongue  :  ainsi  Bacchus  tieul,  enserre  et 
lie  l'esprit  des  hommes.  »  [Fuchs  (L.),  Hist.,  294.]  On  admettait  alors  plusieurs 
espèces  de  Lierre  :  «  Lyarre  droict  et  royde,  se  soutenant  seul,  entre  loules  au- 
tres espèces,  ha  este  nommé  Cissos  :  par  le  contraire,  celuy  qui  se  traîne  par 
terre  ha  esté  appelé  Chamœcissos.  »  Dioscoride  distinguait  plusieurs  espèces  de 
j Lierre;  «  mais  en  général,  ajoute  Fuchs,  il  n'y  en  ha  que  trois.  L'un  est  blanc, 
I  à  cause  qu'il  porte  poinct  blanc  :  et  celuy  est  appelé  de  Pline,  Lyarre  femelle. 
•  L'autre  est  noir,  portant  ses  bayes  et  fruicts  noirs  :  et  selon  Phne,  c'est  le  masle. 
Cette  espèce  s'aUie  volontiers  es  murailles.  »  Ce  dernier  seul,  on  le  voit,  peut  être 
notre  Lierre.  Pour  les  anciens,  il  était  acre,  astringent,  il  guérissait  les  brûlures, 
les  céphalalgies,  l'odontalgie,  les  maux  d'oreille,  les  ulcères,  les  taches  au  visage, 
la  punaisie,  l'aménorrhée,  etc.  Ce  n'était  pas  une  plante  sans  action,  car  elle  pou- 
vait produire  la  stérilité,  et,  à  trop  forte  dose,  «  engendrer  imbécillité  et  foyblesse 
de  corps,  et  troubler  l'esprit.  »  On  sait  combien  l'on  est  actuellement  revenu  de 
tout  cela;  mais  le  Lierre  n'est  pas  complètement  abandonné. 

On  a  longtemps  employé  en  médecine  une  résine  extraite  du  Lierre,  la  gomme 
hédérée  ou  gomme  de  Lierre.  Elle  découle  naturellement  du  tronc  des  vieux 
Lierres,  dans  les  jiays  chauds,  ou  bien  l'on  favorise  son  écoulement  à  l'aide  d'in- 
cisions, et  on  la  laisse  durcir  à  l'air.  On  l'emploie  souvent  en  fumigations.  C'est, 
d'après  Guibourt,  un  mélange  de  résine  et  de  gomme;  il  lui  conserve  néanmoins 
le  nom  de  résine  de  Lierre,  parce  que  c'est  la  portion  résineuse  qui  seule  est 
utile.  Dans  le  commerce,  cette  substance  est  souvent  en  morceaux  d'un  brun 
noir,  opaque,  caractères  dus  à  la  croûte  qui  les  recouvre;  mais  à  l'intérieur  ils 
sont  transparents,  vitreux,  d'un  rouge  orangé,  inodores  et  d'une  saveur  mucila- 
gineuse.  Cette  portion  intérieure  se  gonlle  dans  l'eau  et  s'y  dissout  en  partie 
comme  la  gomme  arabique.  Ailleurs  la  masse  est  mêlée  de  fragments  d'écorce 
rougeàtre  et  de  petits  grains  rouges  brillants  de  résine.  La  résine  décrite  par 
de  Meuve  et  Lémery  a  une  cassure  vitreuse,  une  couleur  bien  rouge,  une  forte 
odeur  de  résine  Tacamaque  et  de  graisse  rance.  On  a  proposé  de  la  substituer  à 
la  myrrhe.  Ce  doit  être,  dit  Guibourt,  une  substance  assez  active.  Pelletier  a  donné 
une  analyse  de  la  résine  de  Lierre  (in  Bidl.  Pharm.,  IV,  504).  On  sup|ose  qu'il 
a  opéré  sur  celle  qui  est  mélangée  de  fragments  d'écorce,  et  qui  se  compose,  sui- 
vant lui,  de  : 

Gomme 7 

Résine 23 

Acide  malique,  cic 0,30 

Ligneux  très-divisc 69,70 

100,00 

Guibourt  a  vu  que,  sous  l'influence  de  l'acide  azotique,  cette  résine  ne  se  com- 
porte ni  comme  les  véritables  gommes,  ni  comme  les  l'ésines,  ni  comme  le  ligneux. 
Il  suppose  donc  qu'elle  renferme  un  nouveau  principe  immédiat  que  son  inaltéra- 
bilité pourrait  faire  rechercher  pour  la  teinture. 

Le  L.  de  Saint- Dominique  est  le  Bignonia  IJngids  L.  [Voy.  Bignoke). 

H.  Bn. 
L.,  Gen.,  n.  238  (part.).  —  G^btn.,  DeFruct.,  I,  130,  t.  26.  —  DC,  Prodr.,  IV,  216  — 
Endl  ,  Gen. ,  n.  4560.  —  Rien.  (A..),  Elém.,  éd.  4,  II,  104.  —  Mér.  et  Del.,  Dict.,  III,  456. 
—  GiiB.,  Drog.  simpL,  éd.  4,  111,  183.  —  Cazin,  Traité  prat.  et  rais,  des  pi.  médic,  éd.  5, 
583.  —  Benth.  et  IIook.,  Gen.,  046,  n.  55.  —  Mo(3.-TA^'D  ,  Bot.  médic,  196,  552. 

§  II.  Emploi  médical.  Toutes  les  parties  du  lierre  ont  été  employées  en 
médecine. 


LIERRE  (emploi  médical).        '  555 

Les  parties  les  plus  usitées  sont  les  feuilles,  et  ensuite  les  baies;  les  unes  et 
les  autres  s'emploient  :  en  nature,  pour  infusion,  décoction;  en  poudre. 
Le  bois  sert  à  fabriquer  des  pois  à  cautère. 
Vécorce  a  été  prescrite  en  décoction. 

h'hédérine,  ou  résine  de  lierre,  paraît  pouvoir  se  prêter  aux  mêmes  préparations 
que  les  autres  gommes-résines.  Elle  entre  dans  Voncjuent  d'AUhea  et  duus  le 
Baume  de  Fioravanti. 

Action  physiologique.  L'hédérine  possède  des  propriétés  excitantes,  analogues 
à  celles  des  autres  gommes-résines  odorantes;  d'après  Stahl,  elle  aurait  électivité 
d'action  sur  l'utérus  et  agirait  comme  emméiiagogue.  L'écorce  de  lierre,  selon 
qu'elle  contient  plus  ou  moins  d'hédérine,  a  des  propriétés  semblables  à  celles  de 
cette  gomme-résine,  mais  toutefois  plus  faibles.  Les  feuilles  ont  une  saveur  amère 
et  nauséeuse.  Leur  action,  un  peu  excitante,  semble  aussi  avoir  de  l'analogie  avec 
celle  des  toniques  amers.  Les  baies  ont,  à  l'état  frais,  une  saveur  acidulé  qui  de- 
vient amère  et  un  peu  acre  après  la  dessiccation  ;  elles  sont  éméto-catbartiques,  et 
susceptibles,  si  on  en  abuse,  de  produire  des  accidents. 

Action  thérapeutique.  On  ne  se  sert  plus  guère  des  ieuilles  de  lierre  qu'à 
l'extérieur.  Leur  usage  est  très-répandu  pour  le  pansement  des  cautères  dont  elles 
excitent  un  peu  la  suppuration  en  même  temps  qu'elles  maintiennent  le  pois  et 
protègent  les  autres  pièces  du  pansement.  Leur  décoction,  aqueuse  ou  vineuse,  a 
été  conseillée  pour  tonifier  les  ulcères  indolents,  et  dissiper  diverses  aflections 
chroniques  de  la  peau.  On  lui  attribue  aussi  une  certaine  efficacité  contre  la  gale 
et  la  teigne.  Cazin  dit  l'avoir  vue  utile  contre  les  brûlures  du  premier  et  du 
deuxième  degré.  Les  feuilles  de  lierre,  cuites  et  formant  cataplasmes,  ont  été  em- 
ployées avec  avantage  contre  les  engorgements  froids,  surtout  contre  ceux  des 
mamelles;  on  a  recommandé  ces  cataplasmes  pour  arrêter  la  sécrétion  du  lait. 
L'écorce  de  lierre  était  considérée  autrefois  conmie  excitante,  altérante  et  fon- 
dante, et  on  l'administrait  contre  la  sypbilis  et  les  dartres. 

Les  baies  sont  souvent  emplo;)ées  par  les  paysans,  d'après  Cazin,  au  nombre  de 
dix  à  douze,  comme  purgatif;  elles  agissent  sous  ce  rapport  assez  violemment  et 
peuvent,  comme  nous  l'avons  dit,  devenir  dangereuses.  Boyle  les  administrait 
cependant,  à  plus  hautes  doses,  comme  sudorifiques,  pratique  condamnée  par 
Hoffmann  et  Simon  Pauli;  et  ce  n'en  fut  pas  moins  comme  telles  qu'on  les  pres- 
crivit dans  la  peste  de  Londres,  pulvérisées  et  délayées  dans  du  vinaigre.  Elles 
ont  eu  aussi  quelque  emploi,  et  encore  dans  les  campngnes,  contre  les  fièvres 
intermittentes.  Somme  toute,  et  malgré  une  certaine  activité,  les  feuilles  et  les 
baies  de  lierre  ne  paraissent  pas  avoir  une  grande  valeur  thérapeutique.  Peut-être 
n'en  serait-il  pas  de  même  de  l'hédérine;  mais  il  faudrait  des  observations  sé- 
rieuses, des  apphcations  suivies,  pour  être  fixé  à  son  égard.  Ses  propriétés  exci- 
tantes, fondantes,  emménagogues,  par  exemple,  demanderaient  à  être  étudiées  de 
nouveau.  11  eu  doit  être  de  même  des  propriétés  qu'on  lui  prête  comme  épilatoire, 
antiparasitaire  (particulièrement  contre  les  poux  de  tête),  antiodontalgique,  et 
curative  ou  préventive  de  la  carie  dentaire.  A  ces  divers  titres,  elle  paraît  avoir 
beaucoup  d'analogie  avec  la  myrrhe.  Dans  l'industrie,  on  s'en  sert  pour  fjire  des 
vernis. 

Doses  et  modes  d'administration.  A  l'intérieur,  infusion  ou  décoction  det 
.feuilles,  4  à  8  grammes  pour  1  litre  d'eau  ;  poudre,  1  à  2  grammes.  Poudre  des 
baies,  30  centigrammes  à  1  gramme.  A  l'extérieur,  10  à  20  et  30  grammes  en 
décoction,  pour  lotions,  fomentations,  cataplasmes. 


554  LIERRE  TERRESTRE  (emploi  médical). 

LBEÏSBSE  TEBÎKBiS'B'ESE.    §  I.  Botaniciue.    (Foy.  Cataiue,  GlÉCHOME,  NetETA.) 

g  11.  EoBipïoî  inétlical.     Les  parties  usitées  sont  les  feuilles  et  les  sommités. 

Le  lierre  terrestre  a  une  odeur  forte,  aromatique,  mais  peu  agréable:  sa  saveur 
est  balsamique,  chaude,  amère,  un  peu  astringente;  la  dessiccation  diminue  ses 
propriétés  ;  aussi  cotte  plante  doit-elle  être  séchée  à  l'ombre  et  avec  soin.  Son 
analyse  n'a  été  faite  que  très-incomplétement  ;  les  deux  principes  les  plus  impor- 
tants qu'on  y  a  reconnus  sont  une  huile  essentielle  et  une  matière  résineuse 
amère.  Elle  contient  aussi  du  tannin;  son  infusion  noircit  par  le  sulfate  de  fer. 

La  préparation  la  plus  ordinaire  est  l'infusion  ;  10  à  20  grammes  de  feuilles 
pour  1  htrc  d'eau. 

Viennent  ensuite  le  suc  et  le  sh^op. 

Quant  aux  autres  préparations  :  poudre  des  feuilles,  coiuerve,  extrait,  tein- 
ture alcoolique,  eau  distillée,  elles  ne  sont  plus  employées. 

Le  lierre  terrestre  entre  dans  la  formule  de  plusieurs  espèces  béchiques. 

Action  physiologique.  Le  lierre  terrestre  fait  partie  du  groupe  des  labiées 
amères  aromatiques;  comme  elles,  probablement,  il  contient  plus  ou  moins  de 
camphre.  En  conséquence  il  est  à  la  fois  tonique,  excitant,  antispasmodique.  Ces 
modes  d'action  ne  se  limitent  pas  aux  organes  respiratoires,  comme  pourrait 
porter  à  le  penser  sa  réputation  vulgaire  dans  le  traitement  des  maladies  de  poi- 
trine, mais  s'étendent  aux  organes  digestifs,  aux  organes  génito-ur inaires;  il  peut 
donc  se  comporter  comme  agent  béchique,  anticatarrhal,  stomachique  et  diuré- 
tique. Il  passe  en  outre  pour  être  un  peu  astringent,  ce  qu'il  doit  au  tannin,  et 
vermifuge,  ce  qui  dépend  probablement  de  son  huile  essentielle  et  de  sa  résine 
amère.  Mais  quelque  variées  que  soient  ses  propriétés,  toutes  ne  semblent  s'exer- 
cer qu'à  un  degré  plus  ou  moins  modéré  et  ne  constituent  qu'un  médicament 
auxiliaire  dans  la  thérapeutique  des  maladies  contre  lesquelles  on  l'a  préconisé. 

Action  thérapeutique.  Le  lierre  terrestre  partage  avec  le  lichen  d'Islande  la 
vogue  populaire  dans  le  traitement  des  maladies  de  poitrine.  Toute  exagération 
mise  de  côté  et  l'utiHté  des  deux  étant  admise,  l'emploi  du  premier  se  justifie 
encore  mieux  que  celui  du  second.  En  effet,  le  lierre  terrestre  a  réellement  plus 
d'action,  non-seulement  sur  le  système  broncho-pulmonaire,  mais  sur  l'ensemble 
des  conditions  qui  créent  la  gravité  et  surtout  la  chronicité  des  maladies  de  cet 
appareil.  De  plus,  et  se  rapprochant  en  cela  de  la  gomme  ammoniaque  et  de  la 
myrrhe,  il  facilite  l'expectoration  s'il  y  a  heu,  mais  il  combat  aussi  les  sécrétions 
morbides  qui  la  provoquent.  C'est  cette  double  propriété  qui  indique  son  emploi  à 
la  fin  des  bronchites  aiguës  et  dans  tout  le  cours  des  bronchites  chroniques  ;  de 
même,  sur  le  déclin  des  pneumonies,  en  excitant  le  tissu  pulmonaire,  il  favorise  la 
résorption  des  produits  phlegmasiques.  Mais  de  là  à  guérir  la  phlhisie  pulmonaire, 
comme  on  le  prétendait  autrefois,  il  y  a  loin.  Ici  ce  n'est  plus  qu'une  utilité  res- 
treinte qu'il  manifeste,  mais  réelle  encore,  puisqu'il  peut  contribuer  à  suspendre 
momentanément  les  sécrétions  purulentes  entretenues  par  la  lésion  tuberculeuse. 
Ainsi  seulement  s'expliquent  les  succès,  autrement  mal  interprétés,  qu'auraient 
obtenus,  de  l'emploi  du  herre  terrestre  dans  le  traitement  de  la  phthisJe  pulmo- 
naire, Ettmùller,  Wilhs,  Morlon,  Murray,  Rivière,  Sauvage,  etc.  En  d'autres 
termes,  effets  palliatifs  s'il  s'agissait  de  la  tuberculisation  vraie,  effets  curatifs 
admissibles  dans  ces  cas  de  catarrhes  broncho-pulmonaires  si  facilement  comptés 
pour  des  phthisies  avant  la  découverte  de  l'auscultation. 

De  même,  il  ne  faut  inférer  qu'avec  une  très-grande  réserve,  des  observations 
de  Murray,  l'efficacité  spéciale,  selon  cet  auteur,  du  lierre  terrestre  dans  la  phthisie 


LIEUTAUD.  555 

hémoptoïque ;  efficacité  relative,  sinon  même  fortuite,  soit;  mais  d'ailleurs  est-il 
permis  d'en  déduire  un  précepte  pour  des  applications  nouvelles,  en  telles  circon- 
stances ,  aujoui'd'hui  que  nous  connaissons  des  agents  évidemment  meilleurs 
contre  l'hémoptysie?  On  ne  peut  donc  concéder  qu'à  titre  d'auxiliaire  la  plante 
en  question  dans  l'imminence  ou  pendant  le  cours  des  hémorrhagics  bronchiques 
et  pulmonaires. 

Ces  justes  restrictions  étant  apportées  à  l'influence  du  lierre  terrestre  comme 
médicament  pectoral,  nous  allons  voir  qu'il  faut  encore  plus  rabattre  des  éloges  qui 
lui  ont  été  donnés  sous  d'autres  nipports. 

Baglivi  recommande  la  teinture  alcoolique  de  lierre  terrestre  contre  les  débilités 
d'estomac,  la  dyspepsie,  les  flatuosités  ;  utilité  possible,  mais  pour  de  pareils  cas 
d'autres  médicaments  inspireront  à  bon  droit  plus  de  confiance. 

Sennert  et  Plater  affirment  qu'il  excite  les  reins  et  la  vessie  au  point  de  favoriser 
la  sortie  des  petits  calculs;  cette  action,  dont  Cullon,  très-sceptique  à  l'endroit 
des  vertus  du  lierre  terrestre,  doutait  avec  liaison,  personne  depuis  n'a  songé  à  la 
vérifier. 

Lautt  a  proclamé  cette  labiée  un  puissant  fébrifuge.  Rey  y  a  vu  un  remède 
contre  la  céphalalgie;  Sultif  un  sédatif  direct  du  cerveau,  utile  comme  tel  dans  les 
maladies  mentales. 

On  le  voit,  en  dehors  du  cercle  des  affections  pectorales,  il  n'y  a  plus  que  des 
indications  vagues  et  contestables  pour  l'emploi  médical,  à  l'intérieur,  du  lieiTe 
terrestre. 

A  l'extérieur,  il  a  servi,  en  infusion  ou  en  décoction,  pour  exciter  et  modifier 
les  ulcères;  en  cataplasmes,  que  l'on  a  considérés  comme  devenant  ainsi  toniques 
résolutifs  et  calmants. 

Le  lierre  terrestre  se  donne  aujourd'hui,  soit  en  infusion,  à  la  dose  de  10  à 
30  grammes,  soit  le  suc,  de  50  à  80  grammes. 

Des  essais,  infructueux  paraît-il,  ont  été  tentés  en  Angleterre  pour,  ;(  l'aide  de 
cette  plante,  soit  clarifier  la  bière,  soit  augmenter  sa  force.  En  Orient,  un  autre 
usage,  qu'on  dit  mieux  réussi,  est  de  manger  les  galles  du  lierre  terrestre,  ou 
pommes  de  terrète,  produites  par  un  diplolepis.  Mérat  et  Delens  disent  que  les 
maquignons  mélangent  les  feuilles  de  cotte  plante  avec  l'avoine  des  chevaux  pour 
leur  faire  rendre  des  vers.  Enfin,  on  a  prétendu  que  ces  feuilles  peuvent,  à  défaut 
de  celles  du  mûrier,  servir  à  la  nourriture  des  vers  à  soie.       D.  de  Savignac. 

Bibliographie.  —  Rddbeck  fils  (0.).  Diss.  de  Hedera.  Upsaliœ,  1707.  —  Hedeu  (C.  A.).  Diss. 
de  Hedera  terrestre.  Altorfii,  17313.  —  Bendeh  (C.  B.).  Diss.  de  Glechemate  hederacea. 
Erlangen,  1787. 

LIERRE  DL"  CAIVADA.       Yoy.  SuMAC. 

LIERRE  DE  CILICIE.      Voy.  SALSEPAREILLE. 

HEL'TAL'»  (Joseph).  Né  à  Aix,  en  Provence,  le  21  janvier  1705,  enfant  de 
l'école  de  Montpellier,  neveu  de  Gariel,  botaniste  distingué  du  midi  de  la  France, 
ce  médecin  gravit  rapidement  l'échelle  des  honneurs.  Louis  XV  l'appela  auprès  de 
lui  ?près  la  mort  de  Sénac  (1770),  et  il  passa  de  là  aisément  à  la  cour  de  Louis  XVI, 
dès  l'avénemeut  de  ce  prince  au  trône,  c'est-à-dire  le  14  mai  1774. 

La  renommée  aux  cent  bouches  l'y  avait  déjà  précédé. 

Lieutaad  avait  la  passion  de  l'anatomie.  Attaché  pendant  un  grand  nombre 
d'années  à  l'hôpital  royal  de  Versailles,  établi  pai'  lettres  patentes  du  mois  de 


556  LIÊVHE. 

juin  1720,  il  trouva  là  à  faire  une  ample  moisson  de  découvertes,  et  l'on  rap- 
porte qu'il  y  disséqua  plus  de  douze  cents  cadavres,  étudiant,  scrutant  la  nature, 
non  pas  seulement  dans  son  expression  naturelle,  mais  encore  dans  les  désordres 
qu'elle  laisse  après  la  mort  lorsqu'elle  a  été  souffrante  durant  la  vie.  f.es  ouvrages 
({u'il  a  lai>sés  ne  sont  pas  exempts  d'inexactitudes,  de  fautes  même  ;  mais  en  re- 
vanche ou  y  trouve  une  foule  d'observations  lines  et  délicates,  un  tableau  métho- 
dique, simple  et  clair  des  articulations,  une  démonstration  fort  exacte  de  l'œil  et 
du  cerveau,  une  exposition  admirablement  faite  d(^s  muscles  de  la  face,  du 
pharynx  et  du  dos.  Il  peut  être  regardé  comme  le  fondateur,  en  France,  de  l'ana- 
tomie  pathologique,  et  s'il  a  manqué  du  génie  qui  fait  tout  à  coup  sortir  du  néant 
une  idée  heureuse,  il  n'en  a  pas  moins  conçu  le  premier  le  plan  de  réunir  dans 
un  cadre  toutes  les  altérations  morbides,  et  le  leur  appliquer  la  symptomato- 
logie. 

Lieutaud  mourut  le  6  décembre  1780. 

Nous  avons  vu  signés  de  lui  les  ouvrages  suivants  : 

I.  Eîementa  physiologiœ  juxta  solertiora  notissimaque  physicorum  expermenin  et  accu- 
ratiores  anatomtcormn  observât iones  concinnnta.  Amsterdam,  1749,  in-8°.  —  II.  Essais 
anatoniiques  contenant  Vhistoire  exacte  de  toutes  les  2^(irtîes  qui  composent  le  corps  de 
l'homme,  avec  la  manière  de  disséquer.  Aix,  1742,  in-S";  Paris,  1760,  in-4;  1772,  2  vol. 
in-8»;  1776,  2  vol.  in-8°.  Trad.  en  allemand.  Leipzig,  1782,  in-8.  —  III.  Précis  de  la  méde- 
cine pratique.  Paris,  1759,  in-8°.  —  lY.  Précis  de  la  matière  médicale.  Paris,  1766,  in-8». 
—  V.  Historia  analomico-medica,  sislens  numerosissima  cadaverum  humanorum  exstipia. 
Paris,  1767,  in-4°  ;  Gotlia,  1790,  iii-8°.  —  V.  Relation  d'une  maladie  rare  de  l'estomac,  avec 
quelques  observations  concernant  le  mécanisme  du  vomissement  et  l'usage  de  la  rate.  Mém, 
de  l'acad.  des  se,  année  1752,  p.  223.  —  VI.  Synopsis  universœ  praxeos  medicce  in  binas 
partes  divisa;  quaruni  prior  omnium  morboriim  compectum  exhibet ;  altéra  vero  rem 
ifiiedicamentariam,  perpetuis  commentariis  illustratam,  sistil;  cui  subjungitiir  liter  De  cibo 
et  potu.  Paris,  1770,  in-4°,  2  vol.  A.  G. 

I.IÉ'VUË.  Genre  de  Mammifères  rongeurs  établi  par  Linné,  ayant  pour  type 
le  Lièvre  commun.  Ces  animaux  ont  des  caractères  très-nets  fournis  par  les  for- 
mes du  corps,  un  système  dentaire  spécial  et  des  habitudes  assez  analogues; 
mais  les  diverses  espèces  du  genre  sont  très -voisines  entre  elles  et  souvent 
difticiles  à  distinguer. 

Les  dents  incisives  sont  au  nombre  de  six,  il  y  en  a  quatre  à  la  mâchoii'e  supé- 
rieure et  elles  sont  placées  parallèlement  par  paires  les  unes  derrière  les  autres, 
les  antérieures  convexes,  sillonnées  à  leur  face  externe,  cachant  en'ièrement  les 
postérieures  qui  servent  d'arc -boutant  aux  deux  incisives  du  maxillaire  inférieur. 
Les  molaires  sont  au  nombre  de  vingt-deux,  ainsi  disposées  |5|  ;  elles  sont  formées 
de  lames  verticales  soudées,  et  ces  dents  sont  ciselées  vers  leur  extrémité  libre  et 
suivant  l'axe  latéral.  Les  autres  caractères  sont  une  tête  grosse,  le  museau  épais, 
à  poils  courts  et  soyeux  ;  les  yeux  grands,  saillants,  latéraux,  avec  des  membranes 
clignotantes;  les  oreilles  longues  et  molles,  poilues  en  dehors,  presque  nues  en 
dedans,  la  lèvre  supérieure  fendu9  jusqu'aux  narines;  l'intérieur  de  la  bouche! 
garni  de  poils.  Les  pieds  antérieurs  sont  courts,  grêles,  à  cinq  doigts;  les  posté- 
rieurs sont  fort  longs,  à  quatre  doigts  ;  tous  les  doigts  sont  fortement  serrés  les  uns 
contre  les  autres  et  avec  des  ongles  peu  arques  ;  les  plantes  et  les  palmes  des 
pieds  sont  velues.  La  couleur  du  pelage  est  roussàtre,  variée  de  blanchâtre  et  de 
noir  suivant  les  espèces  ;  la  queue  courte  et  presque  nulle. 

Les  Lièvres  sont  des  animaux  timides  que  le  moindre  bruit  effraye,  très-rapides 

la  course,  vivant  de  matières  végétales.  On  en  connaît  une  quarantaine  d'es|  cces 


LIGAMENTS.  557 

qui  se  répartissent  très-naturellement  en  deux  sections.  Les  Lièvres  (Lepus)  et 
les  Lapins  {Cunicidvs). 

C'est  à  la  première  division  que  se  rapporte  le  Lièvre  commun  (Lepus  timidvs 
Linné,  la^wçÉlien,  Lepns  Pline),  trop  connu  pour  qu'il  soit  besoin  de  le  décrire. 
On  sait  que  le  Lièvre  vit  sur  la  terre  et  ne  creuse  pas  de  terrier.  Il  est  nocturne, 
cherche  sa  nourriture  et  s'accouple  après  le  coucher  et  avant  le  lever  du  soleil. 
Le  mâle  porte  en  vénerie  le  nom  spécial  de  bouquin;  le  rut  a  lieu  de  décembre 
à  mars,  et  les  mâles,  à  cette  époque,  traversent  des  terrains  immenses.  La  femelle 
prend  le  nom  de  hase  et  reste  généralement  sédentaire.  La  gestation  est  de  trente 
à  quarante  jours,  et  la  portée  de  trois  à  quatre  petits  mis  bas  en  rase  campagne, 
sous  une  touffe  d'herbe  ou  dans  un  buisson.  Les  jeunes  levrauts  sont  allaités  pen- 
dant vingt  jours,  puis  restent  isolés,  vivant  de  racines,  d'herbes,  de  feuilles,  de 
fruits  ou  de  grains,  et  rongeant  aussi  l'écorce  des  arbres. 

La  chasse  du  lièvre  empêche  la  multiplication  de  ces  animaux;  ell  ■  fournit  à 
l'industrie  et  à  l'alimentation  une  dépouille  et  une  chair  utiles.  Les  fourreurs  pré- 
parent la  peau  du  lièvre  qui,  chez  une  espèce  de  Russie  (Lepus  variabilis),  est 
blanche  l'hiver.  Cette  fourrure  peut,  comme  beaucoup  d'autres,  servir  contre  les 
névralgies  et  les  rhumatismes  en  maintenant  une  température  constante  sur  les 
parties  malades  du  corps  humain  où  on  la  place.  La  chair  du  lièvre  est  savou- 
reuse et  excitante;  c'est  une  viande  noire.  [Voy.  Viandes.)  Les  lièvres  qui  vivent 
dans  les  plateaux  montagneux,  sur  les  coteaux  où  abondent  les  plantes  aroma- 
tiques, ont  une  chair  très-supérieure  à  celle  des  lièvres  habitant  les  plaines  basses 
et  marécageuses.  La  chair  du  Lièvre  était  défendue  au  peuple  juif;  elle  a  été  aussi 
proscrite  par  Mahomet. 

Dans  ces  derniers  temps  on  a  fait  de  nombreuses  expériences  pour  croiser  le  Lièvre 
et  le  Lapin,  11  s'est  produit  sous  cette  influence  des  métis  qui  forment  des  races  d'a- 
nimaux plus  riches  en  viande  et  plus  gros  que  les  parents,  et  qu'on  a  désignés  sous 
le  nom  de  Léporides.  Paul  Broca  a  publié  sur  cette  question  un  intéressant  travail. 

L'ancienne  médecine  admettait  dans  sa  pharmacopée  diveises  parties  du  lièvre, 
la  graisse  [axungia  leporis)  servait  contre  les  taies  des  yeux.  Le  sang  était  regardé 
comme  un  tonique.  Le  foie,  la  bile,  les  testicules  et  jusqu'aux  excréments  avaient 
leur  emploi,  ainsi  que  l'os  astragale,  pied  de  lièvre  {leporis  tali). 

La  deuxième  division  des  Lièvres  comprend  les  Lapins,  parmi  lesquels  figure 
au  premier  rang  le  Lapin  commun  [Lepus  cuniculus),  dont  il  a  été  question  déjà. 
{Voy.  Lapin.)  A.  Laboulbèke. 

£,IGAME\TS     [ligamentum  de  ligare  lier,  allem.  Band,  o-uvôso-pô;).  Le 

nom  de  ligament  a  été  donné  à  des  parties  très-diverses  qui  n'ont  de  commun 
que  le  rôle  banal  de  liens,  réunissant  entre  eus  divers  organes,  ou  en  assurant 
la  position. 

Gomme  le  fait  remarquer  A.  Paré,  «  ligament  est  usurpé  généralement  et  spé- 
cialement.... généralement  pour  toute  partie  du  corps  laquelle  conjoint  une  partie 
avec  l'autre  ;  en  laquelle  acception  le  cuir  peut  être  dit  ligament,  pour  ce  qu'il 
contient  toutes  les  parties  internes  jointes  ensemble.  »  Les  efforts  de  l'école 
d'Alexandrie,  de  Gahen  surtout,  puis  de  Vésale,  pour  établir  la  nature  des  liga- 
ments, n'ont  pas  empêché  que  longtemps  on  ne  confondît  sous  ce  nom  les  tendons, 
les  aponévroses  ,  un  grai  c(  nombre  d'organes  fibreux,  et  même  des  nerfs,  comme 
l'avaient  fait  Hippocrate  et  Aristotc.  Weitbrecht  dans  son  beau  traité  De  syn- 
desmologia,  traduit  sous  le  titre  de  Desmographie,  par  Tarin,  crut  nécessaire 


558  LilttAlVltiiN  1  6, 

de  décrire  à  côté  des  ligaments  qui  servent  à  unir  entre  eux  des  os  ou  des  carti- 
lages, non-seulement  les  parties  fibreuses  et  membraneuses  qui  lient  les  carti- 
lages ou  les  os,  les  tendons  en  leur  place,  qui,  en  dehors  des  ligaments  articulaires, 
circonscrivent  des  orifices,  des  anneaux,  ou  servant  d'insertions  musculaires 
(lig.  sacro-sciatiques ,  L.  de  Fallope,  L.  interosseux,  gaines  tendineuses);  mais 
encore,  les  ligaments  des  parties  molles,  c'est-à-dire  «  toutes  les  membranes  et 
les  duplicatures  des  membranes  qui  unissent  des  parties  molles  et  les  viscères  à 
d'autres  parties  voisines,  les  y  suspendent  et  les  retiennent  ;  »  tels  que  sont  les 
ligaments  des  paupières,  des  lèvres,  de  la  luette,  de  la  langue  et  des  viscères. 
L.  de  la  vessie,  L.  large,  L.  du  foie,  L.  cutané  du  coccyx.  Enfin  comme  ledit 
Tarin,  pour  ne  pas  tout  à  tait  s'éloigner  des  autres  anatoraistes,  on  se  croyait 
alors  obligé  de  décrire  des  ligaments  qui  ne  méritaient  ce  nom  qu'à  titre  de  com- 
paraison, tels  que  la  corde  de  Willis,  la  corde  du  tambour,  le  ligament  ciliaire,  etc. 
L'énumération  de  (outes  les  parties  désignées  sous  ce  nom  serait  fastidieuse;  il 
faudrait  en  ajouter  d'invention  moderne,  qui  ont  l'avantage  d'attirer  l'attention 
sur  le  rôle  de  diverses  lames  fibreuses  ou  aponévrotiques  et  que  l'on  retrouvera 
dans  la  description  des  divers  viscères  ou  des  séreuses.  {Voy.  Péritoike,  Péricarde, 
Ptiivr.E,  PoujiON,  Utérus,  etc.)  Appliquant  ici  aux  ligaments  leur  dénomination  la 
plus  restreinte,  nous  nous  occuperons  seulement  des  ligaments  articulaires  ou 
ligaments  proprement  dits,  c'est-à-dire  les  parties  fibreuses  qui  servent  à  l'union 
des  os  et  des  cartilages,  s'insérant  par  leurs  deux  extrémités  sur  des  segments 
différents  du  squelette. 

Ainsi  circonscrits,  les  ligaments  font  partie  des  organes  du  système  fibreux 
(Bicbat,  Bérard,  Robin).  Les  bourrelets,  disques  et  ménisques  interarticulaires, 
appelés  aussi  fibro-cartilages  (voy.  ce  mot),  sont  distincts  des  ligaments  articu- 
laires par  leur  position,  leur  rôle,  certaines  particularités  de  structure  qui  ont 
fait  consacrer  par  l'usage  leur  description  isolée. 

Béclard,  sous  le  nom  de  tissu  ligamenteux  ou  desmeux,  a  réuni  toutes  ces^ 
parties  qu'il  décrit  d'ailleurs  séparément  ;  et  l'on  doit  reconnaître  qu'au  point 
de  vue  de  l'anatomie  extérieure,  aussi  bien  que  de  la  texture,  certains  ligaments 
se  confondent  avec  les  aponévroses  d'insertion,  des  faisceaux  fibreux  forment  au- 
tour des  articulations  des  sortes  de  ligaments,  et  le  ligament  rotulien  représente 
un  véritable  tendon. 

Situation.  Forme.  Caractères  extérieurs.  Les  L.  présentent  par  rapport  aux 
articulations  des  dispositions  variées  qui  les  ont  fait  distinguer  d'une  part  en 
L.  périphériques  s'insérant  sur  des  saillies  qui  limitent,  surmontent  ou  dépas- 
sent les  surfaces  articulaires  et  unissant  ainsi  les  os  à  distance;  d'autre  part  en 
L.  interosseux  qui  sont  ou  intra-articulaires  comme  le  L.  rond,  ou  situés  en 
dehors  de  l'article  (L.  sacro-iliaque,  costo-vertébral) .  Les  L.  ont  des  connexions 
importantes  avec  les  parties  molles  et  les  os.  On  peut  décrire  aux  L.  périphéri- 
ques deux  faces,  dont  l'une  est  en  général  tapissée  par  la  synoviale.  Les  hgaments 
interosseux,  arrondis  et  longs,  sont  entourés  par  la  synoviale  de  toutes  parts 
ceux  qui  plus  courts  s'épaississent  en  une  masse  plus  ou  moins  étendue,  peu- 
vent n'être  en  rapport  q'iie  par  l'une  des  faces  avec  la  synoviale,  quelquefois 
empêchent  la  communication  de  deux  synoviales  entre  elles  (au  carpe,  au  tarse), 
et  peuvent  être  en  dehors  de  l'article.  Les  insertions  se  font  ou  directement  sur 
l'os,  ou  sur  le  périoste  et  même  le  péiichondre  avec  lequel  les  L.  semblent  se  con- 
tinuer ou  sur  les  bourrelets  et  fibro-cartilages.  Leurs  rapports  avec  les  muscles 
et  les  tendons  sont  intéressants  à  étudier  dans  chaque  articulation,  au  point  de 


LIGAMENTS.  550 

vue  du  mécanisme  des  mouvements.  La  plupart  des  L.  périphériques  semblent 
se  continuer  avec  les  tendons  et  les  aponévroses  d'insertion,  dont  les  fibres  pren- 
nent attache  sur  eux. 

Les  formes  des  L.  sont  très-variables  et  sont  appropriées  à  des  rôles  différents. 
Les  uns  représentent  des  bandelettes  aplaties,  minces,  ou  arrondies  en  cordons 
(lig.  latéraux  du  genou)  ;  d'autres  des  faisceaux  de  directions  diverses,  rayonnes, 
à  plans  entre-croisés.  Ailleurs,  ils  forment  des  faisceaux  grêles  irrégulièrement 
disposés  (lig.  antérieurs  et  postérieurs  au  coude,  au  genou).  Dans  les  articula- 
tions les  plus  mobiles,  les  énarthroses,  les  faisceaux  réunis  forment  autour  de 
l'articulation  une  sorte  de  manchon  ou  capsule  fibreuse.  Enfin  des  fibres 
courtes  parallèles  peuvent  constituer  une  couche  épaisse,  unissant  étroitement 
les  surfaces  osseuses.  La  direction  des  ligaments,  si  importante  à  connaître  pour 
comprendre  le  jeu  des  articulations  et  pour  régler  les  manœuvres  opératoires, 
sera  étudiée  dans  chaque  articulation. 

L'épaisseur  est  loin  d'être  uniforme  pour  un  même  ligament.  Tandis  que  les 
ligaments  latéraux  peuvent  à  leur  base  seulement  paraître  plus  épais,  les  capsules 
fibreuses  présentent  ordinairement  des  renforcements  sur  des  points  déterminés; 
'ainsi  la  capsule  fibreuse  de  la  hanche,  excessivement  mince,  et  inème  faisant 
défliut  (au  niveau  du  tendon  du  psoas)  présente  en  haut  et  en  dehors  8  à 
'41  millimètres  d'épaisseur  par  adjonction  du  faisceau  supérieur.  (Sappcy.) 

Dans  les  ligaments  aplatis,  du  cartilage  où  un  os  sésamoïde  peut  déterminer 
l'épaississement  (ex.:  L.  calcanéo-cuboïdien).  La  distinction  naturelle  desL.  en  laté- 
raux, capsulaires,  intcrrosseux,  ne  répond  pas  à  des  caractères  tranchés  d'épais- 
seur ou  de  position.  Certains  ligaments  antérieurs  et  postérieurs  représentent  des 
capsules  incomplètes,  et  des  faisceaux  de  renforcement  send^lent  des  ligaments 
particuhers  au  milieu  d'une  capsule  (lig.  de  Berlin  à  l'articulation  coxo-fémorale). 
D'ailleurs  chaque  ligament  présente  des  caractères  particuliers  d'étendue,  d'i'pais- 
seur,  de  coloration  môme  ;  ainsi  la  capsule  fibreuse  coxo-fémorale  est  reniar([uahle 
par  son  étendue,  les  ligaments  du  genou  par  leur  longueur,  les  ligaments  laté- 
raux au  coude  et  au  cou-de-pied  par  leurs  plans  superposés,  leur  direction  rayon- 
née,  les  ligaments  inlerosseux  du  carpe  et  du  tarse  par  leurs  fibres  courtes  ;  et, 
parmi  les  ligaments  aplatis,  le  calcanéo-cuboïdien  et  le  calcanéo-scaphoïdien  infé- 
rieur, par  leur  épaisseur,  leur  résistance  en  rapport  avec  la  station  verticale.  Ces 
caractères  seraient  assez  précis'pour  permettre  une  classification  des  articulations 
basée  sur  la  forme  et  la  disposition  des  ligaments. 

La  dénomination  des  L.  est  tirée  de  l'un  de  leurs  caractères  dominants,  sans 
règles  précises.  On  les  désigne  tour  ù  tour  suivant  leur  situation  par  rapport  à 
l'articulation  (L.  latéraux,  antérieur,  postérieur,  annulaire,  transverses,  obliques), 
la  direction  de  leurs  fibres  (rayonnes,  coniques,  trapézoïde,  rhomboïdes),  leurs 
connexions  réciproques  (L.  croisés,  cruciformes,  L.  en  Y,  en  V,  en  X),  enfin  leurs 
attaches  (lig.  rotulien,  péroné^-astragalien,  interclaviculaire),  etc.  On  a  même 
donné  à  certain  s  faisceaux  importants  dans  leur  rôle  le  nom  des  anatomistes  qui 
les  ont  signalés. 

Texture.  Lorsqu'on  examine  h.  l'œil  nu,  ou  à  l'aide  d'une  loupe  les  ligaments, 
on  s'aperçoit  facilement  qu'ils  sont  constitués  par  des  faisceaux  fibreux  plus  ou 
moins  épais  qui  sont] séparés  par  de  fines  lamelles  de  tissu  cellulaire;  souvent 
entre  les  faisceaux  se  retrouve  du  tissu  cellulaire  adipeux,  on  voit  quelquefois 
même  des  vaisseaux  soit  à  la  surface,  soit  surtout  près  des  points  d'insertion. 

Cette  apparence  qui  avait  suffi  à  Bichat  pour  ranger  les  ligaments  parmi  les 


560  LIGAMENTS. 

organes  du  tissu  libreux  est  entièrement  confirmée  par  les  recherches  histologi- 
ques  modernes  qui  ont  fait  connaître  bien  dos  particularités  remarquables. 

Les  ligaments  sont  constitues  par  du  tissu  fibreux,  ils  renferment  comme  élé- 
ments principaux,  des  fibres  lamineuses,  et  comme  éléments  accessoires  des 
fibres  élastiques,  des  cellules  de  cartilage,  des  vaisseaux  el  des  nerfs. 

Les  fibres  lamineuses  se  présentent  réunies  sous  la  forme  de  longs  faisceaux 
plus  ou  moins  larges,  ondulés,  rappelant  l'aspect  de  mèches  de  cheveux.  Elles 
sont  étroite  à  sbords  nets  et,  comme  l'a  fait  remarquer  M.  Robin,  elles  se  rappro- 
chent beaucoup  des  fibres  lamineuses  des  tendons.  Ces  faisceaux  peuvent  contenir 
10  ou  20,  même  40  ou  50  fibres  lamineuses.  Ils  sont  séparés  par  une  fine  couche 
de  tissu  lamineiix  ou  cellulaire,  qui  est  désigné  par  Kœlliker  sous  le  nom  de  tissu 
conjonctif.  Ces  faisceaux  primitil's  eu  se  réunissant  forment  les  faisceaux  secon- 
daires, puis  tertiaires,  visibles  à  l'œil  nu.  C'est  entre  ces  faisceaux  à  direction 
variable  que  l'on  peut  retrouver  du  tissu  lamineux  ou  cellulaire  véritable,  qui 
varie  en  aspect  et  en  étendue.  Il  s'accumule  dans  les  mailles  irrJgulières  que 
laissent  entre  eux  les  faisceaux  de  divers  ordres,  et  renferme  de  nombreuses  vési- 
cules adipeuses,  ou  bien  il  est  à  peine  représenté  dans  les  faisceaux  primitifs  par 
quelques  fibres  lamineuses,  des  corps  fusiformes,  fibro-plastiques  qui  par  leurs 
anastomoses  forment  un  fin  réticuium  autour  des  faisceaux  fibreux.  Çà  et  là  on 
ne  retrouve  que  des  noyaux  emhryo-plastiques  et  de  la  substance  amorphe. 

Les  élémeMs  élastiques  se  présentent  ordinairement  sous  forme  de  fibres  élas- 
tiques allongées  ordinairement,  très-minces,  d'ailleurs  en  général  peu  nombreuses 
dans  les  figaments  proprement  dits.  On  les  trouve  en  assez  grand  nombre  à  l'étit 
fusiforme,  à  l'état  de  fibres  à  noyaux.  Elles  affectent  des  directions  variables.  Dans 
les  ligaments  en  bandelettes,  elles  suivent  ordinairement  la  direction  des  fais- 
ceaux, mais  dans  les  capsules,  et  les  hgaments  minces,  elles  s'entre-croisent  en 
sens  variables. 

Les  divers  éléments  élastiques  s'observent  surtout  vers  l'insertion  des  ligaments; 
les  fibrilles  élastiques  occupent  toute  la  longueur  des  hgaments.  Les  cellules  de 
cartilages  se  rencontrent  également  surtout  vers  les  attaches  des  ligaments.  Elles 
sont  quelquefois  réunies  en  séries  allongées,  et  il  est  souvent  difficile  de  les  dis- 
tinguer des  fibres  élastiques  à  noyaux.  Ainsi  que  l'a  fait  remarquer  M.  Sappey, 
ces  cellules  sont  surtout  prononcées  dans  les  ligaments  interarticulaires  et  les 
ligaments  latéraux  du  genou.  Il  nous  a  paru  chez  déjeunes  animaux  que  ces  élé- 
ments étaient  développés  en  plus  grand  nombre. 

Des  artères  et  des  veines,  existent  dans  les  ligaments.  A  leur  surface  déjà,  on 
peut  voir  dans  l'enveloppe  cellulaire  des  vaisseaux  de  deux  ordres  ;  ceux-ci  pénè- 
trent dans  les  ligaments  latéraux  surtout  vers  leur  base  et  généralement  par  les 
interstices  que  laissent  entre  eux  les  faisceaux  entre-croisés  dans  les  ligaments 
épais  et  à  fibres  rayounées  ou  à  direction  entre-croisée.  Ces  vaisseaux  sont  d'ail- 
leurs rares  dans  l'épaisseur  même  des  ligaments,  et  dans  les  capsules  fibreuses 
la  plupart  se  rendent  à  la  synoviale.  On  retrouve  très-difficilement  des  vaisseaux 
à  la  partie  moyenne  des  ligaments  latéraux  à  texture  dense,  au  genou  par  exem- 
ple. Les  vehies  accompagnent  les  artères  dans  les  interstices  des  faisceaux,  et  le 
plus  souvent  une  seule  veine  accompagne  l'artère.  M.  Sappey  a  pu  suivre  la  trans- 
formation des  artères  en  capillaires  et  des  capillaires  en  veines. 

La  présence  de  lymphatiques  dans  les  L.  n'a  pas  encore  été  démontrée.  Teich- 
maim,  cependant  a  décrit  des  lymphatiques  qui  siégeraient  sous  l'épithélium  des 
synoviales  et  traverseraient  les  capsules  articulaires.  Ii.-iuber  a  d'crit  une  glande 


LIGAMENTS.  561 

sympliatique  dans  la  capsule  fibreuse  d'une  articulation  métacarpo-phalangienne, 
mais  l'interprétation  du  dessin  qu'il  en  donne  est  très-douteuse,  suivant  Kœlliker. 

Nerfs.  L'existence  de  nerfs  dans  les  ligaments  semble  définitivement  démon- 
trée. Riidinger,  en  1857,  a  décrit  des  nerfs  dans  les  ligaments  externes  des 
symphyses  ;  plus  tard,  Pappenbeim,  Kœlliker  ont  suivi  des  nerfs  non-seulement 
sous  la  synoviale,  mais  dans  les  ligaments  eux-mêmes.  Riidinger  (1863)  a  décrit 
avec  soin  l'origine  et  le  trajet  des  nerfs  dans  les  ligaments  longitudinaux  anté- 
rieur et  postérieur  de  la  colonne  vertébi'ale,  qui  reçoivent  des  nerfs  composés  de 
tubes  à  moelle  et  de  tubes  pâles,  c'est-à-dire  des  fibres  nerveuses  spinales  et 
lymphatiques,  et  dont  l'origine  est  dans  les  racines  postérieures.  Raubcr,  en  18G5, 
a  décrit  des  corpuscules  de  Pacini  terminant  les  nerfs  articulaires  et  situés  non- 
seulement  sous  la  synoviale,  mais  dans  les  ligaments  eux-mêmes.  M.  Sappey,  en 
\  8C6,  a  étudié  avec  soin  les  rapports  et  la  distribution  des  nerfs  dans  les  ligaments. 
Nous  avons  pu  suivre  ces  nerfs  dans  les  articulations  du  coclion  d'Inde. 

C'est  dans  les  capsules  articulaires,  et  surtout  dans  les  divers  ligaments  du  ge- 
nou, que  les  nerfs  se  voient  le  plus  facilement.  Ils  accompagnent  ordinairement  les 
vaisseaux,  mais  dans  leur  parcours  ils  peuvent  s'en  éloigner.  Des  troncs  princi|)aux, 
formés  d'un  pelit  nombre  de  fibres,  se  détaclient  des  ramifications  dichotomiques 
ou  latérales  qui  forment  des  plans  anastomotiqucs  placés  dans  les  interstices  des 
faisceaux  fibreux.  Dans  les  capsules,  la  plupart  de  ces  nerfs  vont  se  rami- 
fier sous  la  synoviale,  mais  plusieurs  de  leurs  rameaux  s'épuisent  certainement 
dans  les  faisceaux  ligamenteux  eux-mêmes.  Dans  les  L.  à  fibres  longitudinales 
(L.  latéraux),  on  les  trouve  surtout  vers  les  points  d'insertion,  ils  se  distribuent 
en  se  divisant  dans  le  tissu  lamineux,  et  le  tissu  adipeux  qui  sépare  les  faisceaux 
fibreux.  Les  L.  intra-articulaires,  tels  que  L.  croisés,  L.  ronds,  possèdent  aussi 
des  nerfs. 

La  terminaison  des  nerfs  des  L.  est  encore  peu  connue;  Rauber  a  démontré  que 
les  nerfs  articulaires  se  terminent  dans  des  corpuscules  de  Pacini,  qui  sont  assez 
nombreux,  puisque  cet  anatomiste  a  pu  en  compter  plus  de  800  pour  toutes  les 
articulations.  Dans  les  articulations  fémoro-tibiales  il  en  a  trouvé  19.  Ces  corpus- 
cules sont  plus  petits  que  ceux  que  l'on  trouve  dans  les  autres  parties  ;  leur  lon- 
gueur varie  entre  160  et  800  milhèmes  de  millimètre,  ils  ont  une  structure  plus 
simple,  on  ne  leur  trouve  qu'un  très-petit  nombre  de  capsules  enveloppantes. 
Nous  avons  observé  de  ces  corpuscules  de  Pacini  chez  le  cochon  d'Inde  ;  ils  avaieiU 
des  dimensions  très-variables.  Ainsi,  deux  corpuscules  terminant  des  filets  nerveux 
issus  d'un  même  rameau,  mesuraient  l'un  220  millièmes  de  millimètre  de  Ions 
sur  50  et  90  de  large  dans  les  deux  diamètres  extrêmes,  à  l'origine  ou  à  la  péri- 
phérie, l'autre  50  milhèmes  de  millimètre  sur  30  del  arge.  Il  faut  reconnaître 
que  le  plus  grand  nombre  de  ces  corpuscules  se  trouvent  autour  de  la  capsule, 
dans  les  tissus  fibreux  périarticulaires,  et  sous  la  synoviale,  mais  on  en  trouve 
dans  les  capsules  fibreuses  elles-mêmes. 

On  peut  mettre  en  doute  que  tous  les  nerfs  se  terminent  par  des  corpuscules 
de  Facini.  M.  Sappey  a  vu  des  tubes  se  terminer  par  des  extrémités  libres,  mais 
n'a  pas  cru  pouvoir  affirmer  que  tel  serait  le  mode  de  terminaison.  Il  nous  a  paru, 
en  suivant  les  fines  ramifications  nerveuses  des  ligaments  latéraux  du  genou,  chez 
le  cochon  d'Inde,  que  les  tubes  réunis  au  nombre  de  deux  ou  trois,  vont  souvent 
se  perdre  dans  des  groupes  de  cellules  adipeuses,  composés  seulement  de  deux  ou 
trois  de  ces  cellules  ou  formant  des  masses  bien  plus  considérables  ;  mais  nous  ne 
pouvions  suivre  leur  trajet  ultérieur.  Dans  d'autres  points,  au  contraire,  les  filets 
MCT.  e:;c.  i'  s.  II,  56 


562  LIGAMENTS. 

nerveux  semblent  réduits  à  l'état  de  filaments  pâles,  dans  lesquels  on  ne  peut 
plus  distinguer  de  tube  à  moelle,  et  qui  sont  à  peine  reconnaissables,  par  les 
noyaux  latéraux  de  l'enveloppe  des  tubes,  au  milieu  des  libres  lamineuses  et 
élastiques.  Bien  que  l'on  ne  puisse  suivre  plus  loin  ces  filets  nerveux,  leur  distri- 
bution montre  qu'il  y  a  un  autre  mode  de  terminaison  que  celui  des  corpuscules 
de  Pacini.  Une  seule  fois  il  nous  a  semblé  reconnaître  à  l'extrémité  d'un  nerf  de 
ligament  un  corpuscule  ayant  les  caractères  des  corpuscules  de  Meissner,  mais 
nous  ne  sommes  pas  en  droit  de  conclure  d'une  observation  isolée. 

Caractères  chimiques.  Vesale,  le  premier,  a  cherclié  à  distinguer  les  liga- 
ments et  les  tendons  par  les  caractères  qu'ils  présentent  à  la  coction.  Tandis  que 
les  tendons  se  réduisent  plus  facilement  en  gélatine  glutineuse,  les  ligaments 
résistent  plus  longtemps  et  conservent  toujours,  dit  Vesale,  leur  ténacité  fibreuse 
(lenacem /îferosi(atem).  Blchat  a  montré  que,  chez  les  fœtus  et  les  enfants,  les 
ligaments  se  convertissent  par  la  coction  en  une  gélatine  plus  blanche  que  celle 
que  produisent  les  ligaments  de  l'adulte  :  «  Les  gelées  des  jeunes  animaux  sont 
plus  blanches  que  celles  des  animaux  avancés  en  âge.  »  Du  reste,  les  ligaments 
proprement  dits  n'ont  pas,  que  nous  sachions,  été  l'objet  de  recherches  spéciales, 
et  on  peut  leur  attribuer  les  caractères  du  tissu  fibreux.  Les  recherches  microgra- 
phiques donnent  quelques  renseignements  plus  précis  :  l'acide  acétique,  la  soude, 
la  potasse  ramollissent  et  gonflent  considérablement  les  ligaments,  et  les  conver- 
tissent en  une  masse  gélatiniforme ,  comme  muqueuse,  et  l'eau  les  ramolHt  et 
permet  une  dissection  plus  facile  des  faisceaux  fibreux  ;  le  liquide  de  l'humeur 
Aqueuse,  frais,  ramolht  beaucoup  les  ligaments  sans  les  gonfler ,  et  facilite  leur 
étude,  l'eau  de  chaux  les  ramolht  en  les  blanchissant  sans  les  gonfler  notablement, 
et  permet  l'isolement  des  faisceaux  fibreux  ;  l'alcool,  l'acide  chromique  les  ren- 
dent plus  denses,  tout  en  permettant  l'isolement  facile  des  faisceaux  secondaires. 

Développement  et  transformations  ultérieures.  Les  ligaments  apparaissent 
tardivement  chez  le  fœtus.  On  sait  que  les  articulations  se  développent  lente- 
ment ;  tant  que  la  cavité  articulaire  n'est  pas  constituée ,  les  ligaments  sont  con- 
fondus avec  les  parties  molles  qui  serviront  à  la  formation  du  périoste  ou  du  péri- 
chondre.  En  même  temps  que  la  cavité  articulaire  se  forme,  et  avant  qu'elle  ne 
soit  complète,  les  ligaments  se  constituent  à  la  périphérie,  mais  les  faisceaux  ne 
sont  réellement  distincts  qu'à  une  période  tardive.  Vers  le  sixième  mois  on  com- 
mence à  reconnaître  les  faisceaux  blancs  qui  constituent  les  ligaments,  et  ceux-ci 
acquièrent  peu  à  peu  et  lentement  l'épaisseur  et  la  résistance  qui  leur  est  propre, 
circonstance  intéressante  au  point  de  vue  du  mécanisme  des  articulations,  et  qui 
explique  l'étendue  des  mouvements  dans  le  jeune  âge.  Les  ligaments  semblent 
acquérir  une  consistance  de  plus  en  plus  grande  suivant  l'âge,  et  chez  le  vieillard 
ils  sont  denses,  épais,  de  plus  en  plus  inextensibles  ,  de  moins  en  moins  flexibles. 
Chez  le  fœtus  on  remarque  une  disposition  curieuse  des  hgaments  dont  les  traces 
3e  retrouvent  encore  chez  les  enfants;  de  véritables  faisceaux  ligamenteux,  unis- 
lâent  les  diverses  pièces  osseuses  qui  par  leur  soudure  complètent  l'os.  Ces  liga- 
ments constituant  des  sortes  d'articulations  transitoires,  signalées  par  MM.  Ram- 
baud  et  Renault,  ne  commencent  à  se  développer  que  lorsque  l'état  cartilagineux 
de  l'os  n'est  plus  prédominant.  On  peut  citer  comme  exemples  les  articulations 
transitoires  iléo-pubienne ,  ischio-pubienne,  iléo-ischiatique ,  le  ligament  sous- 
pubien  représente  chez  l'adulte  ces  ligaments  transitoires. 

Propriétés  et  fonctions.     Les  données  anatomiques  précédentes  permettent 
de  comprendre  les  fonctions  des  ligaments.  La  présence  de  vaisseaux ,  de  tissu 


LIGAMENTS.  5G5 

lamineux,  fait  comprendre  une  nutrition  plus  active  qu'on  ne  l'admet  gf'nrrale- 
ment,  en  même  temps  que  la  rareté  relative  de  ces  vaisseaux  explique  la  lenteur 
de  cette  nutrition,  et  les  transformations  peu  considérables  des  ligaments  aux 
divers  âges  de  la  vie. 

Le  problème  de  la  sensibilité  des  ligaments  a  donné  lieu  à  des  discussions 
nombreuses,  dont  on  retrouve  des  traces  dans  les  anciens  auteurs.  Mais  comme 
le  plus  souvent  ceux-ci  se  sont  en  même  temps  préoccupés  des  tendons,  des  apo- 
névroses, de  la  dure-mère,  la  part  qui  a  été  faite  aux  ligaments  est  restreinte  et 
difficile  à  circonscrire.  Sous  l'impulsion  de  Halier  et  de  ses  élèves,  la  controverse 
prit  une  allure  passionnée,  dura  vingt  ans  (1550-1570),  et  fut  réveillée  à 
diverses  reprises,  jusqu'à  nos  jours.  Longue  serait  la  seule  énumération  des  tra- 
vaux faits  à  cette  époque  en  Allemagne,  en  France  et  en  Italie.  Tandis  qu'un 
grand  nombre  de  chirurgiens  admettaient  la  sensibilité  des  ligaments  démontrée 
par  les  douleurs  de  l'entorse,  de  la  distorsion,  de  l'inflammation  de  ces  parties, 
Halier  et  ses  élèves  multipliaient  les  expériences  et  montraient  que  les  ligaments 
sont  insensibles  aux  piqûres,  lacérations,  déchirures.  L'on  comprend  la  persi- 
stance de  l'école  de  Halier,  si  l'on  se  rappelle  que  les  nerfs  des  ligaments  sont 
restés  inconnus  jusqu'à  une  époque  toute  récente. 

Bichat  semble  avoir  établi  de  la  manière  la  plus  complète  l'état  de  la  sensibi- 
lité dans  les  ligaments.  Tandis  que  l'irritation  chimique  ou  mécanique  ne  réveille 
pas  de  sensations  douloureuses,  la  distension  amène  des  manifestations  non  don-- 
teuses  de  douleur,  et  l'inflammation  consécutive  à  l'irritation  des  ligaments  met 
en  évidence  une  sensibilité  très-grande  aux  diverses  excitations.  Bichat  a  fait 
admirablement  ressortir  les  conséquences  de  cette  sensibilité  spixiale  si  bien  en 
accord  avec  le  rôle  des  ligaments  et  qui  semblait  nécessaire  au  jeu  régulier  des 
articulations. 

Cependant  l'opinion  de  Bichat  n'a  pas  été  admise  généralement.  Ainsi  M.  Richet, 
dans  ses  expériences,  attribuait  la  sensibilité  spéciale  des  ligaments  aux  tiraille- 
ments exercés  sur  l'os  et  le  périoste,  et  produisant  chez  les  animaux  de  l'anxiété, 
du  malaise.  Ces  sensations  sont  une  preuve  de  la  sensibilité  des  ligaments,  la 
présence  des  nerfs,  leur  distribution  relativement  plus  riche  vers  les  insertions  des 
ligaments  explique  actuellement  ces  différences,  et  nous  croyons  que  M.  Richet  a 
modifié  son  opinion  première.  Flourens  admet  la  sensibiUté  des  ligamenls;  mais 
ses  expériences  se  rapportent  seulement  au  ligament  rotulien.  La  connaissance 
des  nerfs  des  hgaments,  et  surtout  l'existence  des  corpuscules  de  Pacini ,  établit 
une  consécration,  qui  nous  paraît  définitive,  de  l'opinion  de  Bichat.  Les  ligaments 
doivent  aux  corpuscules  la  sensibihté  spéciale  dévolue  à  ces  organes  ,  c'est-à-dire 
les  sensations  de  pression,  de  tact  interne,  et,  dans  ses  expériences,  Rauber  a 
montré  que  de  fortes  pressions,  l'excitation  galvanique  des  corpuscules  causent 
de  la  douleur.  La  section  des  nerfs  qui  se  rendent  aux  corpuscules,  dans  la  patte 
du  chat,  est  suivie  de  troubles  dans  la  marche,  auxquels  les  corpuscules  articu- 
laires concourent  pour  leur  part.  Quant  à  la  sensibihté  aux  torsions,  à  l'extension 
forcée,  on  peut  la  .rattacher  aux  corpuscules  ;  mais  on  ne  saurait  encore  affirmer 
que  les  nerfs  par  eux-mêmes  n'ont  pas  un  rôle  indépendant  et  dû  à  un  mode  de 
terminaison  différent,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  dans  la  partie  anatomique.  Dans 
l'inflammation,  la  congestion  vasculaire,  le  gonflement  du  tissu  lamineux  et  des 
faisceaux  fibreux  eux-mêmes,  expliquent  l'hyperesthésie  par  compression  des  nerfs 
ou  de  leurs  extrémités.  Il  faut  cependant  l'avouer,  il  reste  encore  bien  des  points 
à  éclaircir  sur  cette  question,  à  laquelle  les  recherches  histologiques  récentes  ap- 


564  LIGAMENTS. 

portent  des  documents  précieux,  et  donnent  un  nitérèt  nouveau.  Nous  n'insiste- 
rons pas  sur  le  rôle  physiologique  spécial  des  ligaments  que  l'on  trouve  exposé 
dans  l'article  Articulations;  il  nous  suffira  de  rappeler  que  les  ligaments  doivent 
à  la  prcsence  du  tissu  fibreux  leurs  caractères  de  résistance  à  l'extension ,  de 
flexibilité.  Un  léger  degré  d'extension  et  d'élasticité  est  plus  prononcé  dans  quel- 
ques-uns, et  en  rapport  avec  la  présence  de  tissu  élastique.  La  disposition  des 
faisceaux  qui  les  constituent  joue  un  rôle  très-important  dans  la  régularisation,  la  1 
limitation  des  mouvements  articulaires. 

Lésions  des  Ugameyits.  Les  altérations  pathologiques  des  ligaments  ont  une 
grande  importance  dans  l'histoire  des  affections  articulaires,  mais,  comme  elles 
sont  décrites  dans  divers  articles  [ârticulatioms  (Inflammation,  Difformités  des)], 
nous  nous  bornerons  à  les  rappeler  brièvement. 

La  nutrition  n'est  pas  assez  active  dans  les  ligaments  pour  que  l'on  y  observe 
des  altérations  primitives;  mais,  en  dehors  du  rhumatisme,  il  est  rare  que  les  liga- 
ments périphériques  ou  intra-articulaires  ne  participent  pas  aux  troubles  des  diver 
parties  des  articulations. 

Les  ligaments  peuvent  être  le  siège  d'inflammation  aiguë,  et  l'on  y  observe  au 
début,  comme  l'ont  montré  les  expérimentations,  de  la  vascularisation,  surtout  à 
la  surface  et  vers  les  points  d'insertion,  là  où  les  vaisseaux  existent  normalement. 
La  présence  du  tissu  lamineux  cellulau'e  interstitiel  fait  comprendre  le  dévelop- 
pement de  l'inflammation  là  comme  dans  les  autres  organes,  mais  bientôt  Tin- 
liltration  séro-gélatineuse  envahit  tout  le  tissu,  et  porte  non-seulement  sur  le 
tissu  cellulaire,  mais  sur  les  fibres  lamineuses  des  faisceaux  fibreux,  qui  se  gon- 
flent et  perdent  leur  aspect  nacré;  tout  le  ligament  semble  transformé  en  vme 
masse  molle,  translucide,  lardacée,  dans  laquelle  on  reconnaît  une  prolifération 
cellulaire  et  des  leucocytes  abondants.  11  est  alors  difficile  de  distinguer  les  fibi-es 
lamineuses  minces  et  effilées  appartenant  aux  faisceaux  fibreux,  qui  semblent  dis- 
sociés. A  cette  période,  la  résolution  peut  se  faire,  mais  s'accompagne  de  produc- 
tion d'un  tissu  lamineux  abondant,  qui  plus  tard  peut  donner  lieu  à  des  rétrac- 
tions, dont  la  conséquence  est  la  roideur  articulaire.  Si  la  suppuration  s'établit, 
les  ligaments  peuvent  être  détruits  en  grande  partie. 

Dans  les  inflammations  à  marche  chronique,  on  observe  des  phénomènes  ana- 
logues et  la  transformation  lardacée  persiste  pendant  longtemps  ;  les  ligaments 
ainsi  modifiés  se  soudent  avec  les  tissus  fibreux  périarticulaires,  et  forment  une 
masse  dans  laquelle  on  ne  sépare  plus  les  faisceaux  des  ligaments.  Lorsque  l'in- 
flammation est  de  longue  durée,  la  production  d'un  nouveau  tissu  lamineux  ou 
cellulaire  dense,  ayant  des  propriétés  analogues  au  tissu  cicatriciel,  constitue  des 
obstacles  sérieux  au  rétablissement  de  l'articulation. 

D'autre  part,  les  ligaments  peuvent,  dans  certaines  lésions  articulaires  chroni- 
ques, l'hydarlhrose,  subir  des  altérations  différentes,  soit  sous  l'influence  de  la 
pression  des  surfaces  articulaires,  ou  de  la  résistance  moins  grande  des  faisceaux, 
lamineux  qui  les  constituent;  les  ligaments  s'allongent,  s'atrophient,  d'oîi  les 
déplacements  articulaires.  Ces  lésions  s'observent  également  dans  les  hgaments 
intra-articulaires,  et  l'on  connaît  l'importance  donnée  aux  lésions  du  ligament 
rond  dans  la  coxalgie. 

Les  altérations  des  ligaments  s'observent  à  la  naissance  ;  leur  étude  est  impor- 
tante. Dans  les  difformités,  quelquefois  on  trouve  l'absence  d'une  des  parties  liga- 
menteuses, telle  est  l'absence  congénitale  du  ligament  rond;  et  la  rétraction, 
Tépaississement  ou  l'atrophie  chez  le  fœtus  accompagnent  certaines  difformités. 


LIGATURE.  ^05 

Signalons  enfin  les  ossifications  trouvées  dans  les  ligumcnts,  dans  l'arthrite 
chronique  (Broca,  Soc.  anatom.,  1850),  et  les  dépôts  uriques  sous  forme  d'ai- 
guilles très-fines  dans  la  goutte. 

Les  lésions  traumatiques  des  L.  sont  fréquentes  et  souvent  graves  par  leur 
résultat.  Les  plaies  des  ligaments,  leur  contusion,  alors  que  l'articulation  n'est 
pas  ouverte,  sont  par  elles-mêmes  dangereuses,  car  l'inflammation  du  ligament, 
sa  destruction  peuvent  amener  consécutivement  l'ouverture  de  l'articulation. 
D'ailleurs  dans  l'entorse,  les  ligaments  peuvent  être  en  partie  déchirés,  et  même 
arrachés  avec  une  portion  de  l'os  qui  leur  donne  attache.  Au  genou  la  déchirure 
incomplète  du  Hgament  postérieur  peut  être  le  point  de  départ  de  hernie  synoviale. 
Dans  les  luxations,  Jes  ligaments  jouent  un  rùle  important  dans  le  mécanisme 
de  la  réduction;  il  suffit  ici  de  rappeler  le  rôle  des  déchirures  de  la  capsule,  dans 
l'articulation  scapulo-humérale,  et  des  ligaments  latéraux,  dans  la  luxation  de 
la  phalange  du  pouce.  (Jarjavay.)  Dans  les  luxations  anciennes,  les  ligaments 
prennent  part  à  la  formation  dos  adhérences,  et  des  fausses  articulations. 

Enfin  la  rupture  des  ligaments  constitue  dans  certains  cas  une  lésion  spé- 
ciale, qui,  du  reste,  n'a  pas  encore  été  décrite  avec  détail.  En  dehors  de  la  rup- 
ture du  ligament  rotulien,  qui  doit  plutôt  être  considérée  comme  une  rupture 
de  tendon  \yoy.  Rotulien  (Tendon)],  plusieurs  auteurs  ont  signalé  la  ru[iture 
des  hgaments  du  genou,  et,  en  particulier,  du  ligament  latéral  interne  du  ge- 
nou, et  des  ligaments  croisés.  Stark  a  cité  deux  exemples  de  rupture  des  liga- 
ments croisés  qui  montrent  la  gravité  de  cette  lésion,  ]iuisque  pendant  un 
an  et  demi  et  même  deux  ans,  les  malades  durent  garder  le  genou  immohilisé. 
La  rupture  des  ligaments  est  ordinairement  le  résultat  de  distorsions  violentes; 
cependant  Adams  a  rapporté  un  cas  de  rupture  du  ligament  latéral  interne  du 
genou  par  choc  direct. 

La  rupture  ou  les  solutions  de  continuité  dos  ligaments  ne  semble  comporter 
d'autre  indication  que  l'immobilisation  dans  le  but  d'obtenir  la  réunion,  et  l'on 
ne  peut  citer  qu'à  titre  de  curiosité  historique  la  proposition  fait,'  par  Kisner  et 
Valontin,  et  reproduite  par  Heistcr,  à  savoir,  la  suture  des  lambeaux  des  liga- 
ments. A.  Hénocque. 

BiBi.ioGn*PHiE.  —  Paré  (J.  A.).  (Édit  Malgaigne,  1. 1^',  p.  34,  127,  2G1.  ConstUutlvn  cl  de  fini- 
tion des  L.).  ^Heisteu.  Suture  des  J,.  Traduction  de  Paul,  1770,  t.  IV,  p.  528.  —  ^YF:lT- 
BREicHT.  Syndesmologia  sive  historia  Ligamentorum  corporis  huniani.  Petropoli ,  1742. 
Ouvrage  excellent.  —  Desmographie  ou  description  des  ligaments  du  corps  humain.  Tra- 
duction de  l'ouvrage  précédent,  attribuée  à  Tarin,  1742.  — Cf.  Bichat  ,  Birard  ,  Béclaed 
et  les  trnités  d'anatomie  de  Cruveilheb,  Sappey.  —  RicnEr.  Annales  de  chirurgie  ,  t.  XI. 
(Sensibilité  et  altérations  des  ligaments).  Nerfs  des  ligaments.  Cz.  —  Rcdinger.  Der  gelenk 
Nerveti  des  menschlichen  Kôrpers.  Erlangen,  1857.  —  Raurer.  Vater'sche  liôrperchen  des 
Bander  und  Periostnerven,  1865.  Dissertation.  —  Du  même.  Untersuchungen  ûber  die 
Vorkommen  und  die  Bedeutung  der  Vater'schen  Kôrper.  Munchen  1867  ;  analysé  dans 
Zeitschrift  f.  ration.  Medicin,  vol.  XXXU  ,  18G8.  —  Kœlliker.  Bandburli  der  Gewebelchre, 
édit.  1865  et  1807.  —  Du  même.  Eléments  d'histologicAvaducl.  par  M.  Sée,  §  40,  88,  91,92. 
—  Sappey.  Acad.  des  sciences,  1866,  21  mai,  et  Ancdomic  descriptive,  t.  1=',  1867.  Arthrolo- 
gie. —  LiNHART  Veber  Erschlaffung  der  Atome  der  se hneigen  Gewebe.ln  Prager  VierteljaJus- 
schrift,  t.  XIV,  1859,  et  in  Schmidt's  Jahrbiicher,  t.  CVII,  p.  200.  L'auteur  traite  des  alté- 
rations des  ligaments  dans  les  difformités.  —  Stark.  Deux  cas  de  rupture  des  ligaments 
croisés  du  genou.  In  Edinburgh  Journal,  1850,  octobre.  —  Adaus.  Rupture  du  ligament 
latéral  interne  de  l'articulation  du  genou.  In  Gaz.  hebdomadaire,  1858,  p.  54,  et  in  Mcdic. 
Times  and  Gaz.,  1857,  t.  II,  p.  603.  —  Rambaud  et  Renault.  Traité  du  développement  des  os. 
Paris,  1864  (appendice  sur  les  articulations  transitoires).  A.  H. 

LIGATURE.     En  laissant  à  ce  mot  toute  l'acception  qu'il  comporte,  ou  devrait 


5Ce  LIGATURE. 

comprendre  sous  le  nom  de  ligature  toutes  les  opérations  et  manœuvres  chirurgi- 
cales qui  consistent  à  entourer  d'un  lien  plus  ou  moins  serré  une  partie  quelconque 
du  coi'ps. 

La  ligature  circulaire  des  membres,  employée  déjà  par  Celse  dans  les  cas  de 
plaies  empoisonnées,  a  été  conseillée  de  nos  jours  pour  arrêter  dès  leur  début  les 
attaques  épileptiques,  lorsqu'elles  sont  précédées. de  douleurs  ou  de  convulsions 
vers  la  main  ou  le  pied  ;  pour  faire  cesser  ou  pour  modérer  les  accès  de  névralgies; 
et,  dans  quelques  parties  de  la  France,  le  peuple  y  a  encore  recours  comme  à  un 
moyen  thérapeutique  capable  d'arrêter  ou  de  guérir  la  fièvre  intermittente. 

C'est  encore  au  moyen  de  ligatures  qu'on  fixe  autour  des  articulations  les  liens 
qui  permettent  d'exercer  sur  un  membre  des  tractions  énergiques  ou  modérées, 
temporaires  ou  permanentes,  dans  le  but  de  réduire  des  luxations,  de  redresser 
une  ankylose,  de  maintenir  dans  un  rapport  exact  les  extrémités  d'un  os  fracturé. 

C'est  par  de  véritables  ligatures  qu'on  maintient  réunies  pour  obtenir  leur 
adhésion  rapide  les  lèvres  d'une  plaie  accidentelle  ou  chirurgicale. 

Toutefois,  dans  le  langage  chirurgical,  l'usage  a  prévalu  de  donner  au  mot 
ligature  une  acception  plus  restreinte,  et  l'on  ne  donne  ce  nom  qu'aux  opérations 
ayant  pour  objet  d'entourer  d'un  hen  constricteur  une  masse  plus  ou  moins 
considérable  de  tissus  normaux  ou  pathologiques,  soit  pour  les  diviser,  soit  pour 
fîi  déterminer  la  mortification  et  la  chute.  La  ligature  circulaire  des  membres 
ne  devra  donc  pas  nous  occuper,  elle  est  du  domaine  de  la  thérapeutique  médicale, 
et  la  valeur  de  cette  méthode  sera  appréciée  en  faisant  l'histoire  de  chacune  des 
maladies  pour  le  traitement  de  laquelle  elle  a  été  conseillée. 

L'application  des  liens  contentifs  appartient  à  la  déligation  chirurgicale.  {Voy. 
Déligation  chirurgicale.) 

La  réunion  au  moyen  de  ligatures  de  parties  accidentellement  ou  intention- 
nellement divisées,  prend  le  nom  de  suture,  et  c'est  à  ce  mot  {voy.  Suture)  que 
seront  traitées  les  questions  importantes  en  pratique  de  la  nature  et  de  la  grosseur 
des  fils,  de  la  manière  de  les  arrêter  et  de  les  fixer. 

La  ligature  des  artères  demande  à  être  étudiée  comme  manœuvre  opératoire, 
soit  qu'il  s'agisse  de  lier  un  vaisseau  à  la  surface  ou  dans  la  profondeur  d'une 
plaie,  soit  que,  par  une  section  méthodique,  le  chirurgien  mette  à  découvert  l'artère 
sur  laquelle  il  veut  jeter  un  lien  constricteur  ;  elle  doit  être  aussi  étudiée  comme 
méthode  thérapeutique  des  plaies  artérielles  et  des  anévrysmes.  Mais,  pour  ce  qui 
concerne  le  manuel  de  la  ligature,  il  suffit  de  se  reporter  à  l'article  de  notre  col- 
lègue M.  Legouest  (art.  Artères,  vol.  VI,  p.  316)  ;  et,  pour  ce  qui  regarde  laliga- 
ture  des  artères  envisagée  comme  méthode  thérapeutique,  on  la  trouvera  appré- 
ciée déjà  par  nous-mème  (art.  Anévrysmes  en  général.  Carotide,  Axillaire,  Bra- 
CHio-cÉPHALiQUE,  ctc),  et  elle  le  sera  parla  suite,  à  propos  des  autres  artères  en 
particulier  (Tibiale,  Sous-clavière,  Poplité,  etc.).  Nous  n'aurons  donc  à  nous 
occuper  ici  que  de  la  ligature  envisagée  comme  méthode  de  diérèse. 

Envisagée  comme  moyen  de  diérèse  chirurgicale,  la  ligature  appartient  à  la 
classe  des  sections  mousses  ;  elle  tend  à  diviser  les  chairs  avec  une  certaine  len- 
teur, soit  en  agissant  sur  les  tissus  mêmes,  qu'elle  étreint  violemment  et  qu'elle 
mortifie  directement  par  une  pression  énergique,  soit  en  arrêtant  la  circulation 
dans  les  parties  à  la  base  desquelles  elle  est  apphquée  et  dont  elle  détermine  la 
mortification  et  la  chute  d'une  façon  en  quelque  sorte  indirecte. 

Dans  le  premier  cas,  lorsqu'on  l'emploie  pour  sectionner  une  bride,  comme  par 
exemple  la  portion  de  tissu  comprise  entre  les  deux  orifices  d'une  fistule  à  l'anus. 


LIGATURE.  567 

elle  reste  complètement  dans  les  procédés  de  diérèse  et  se  rapproche  de  l'incision  ; 
dans  le  second  cas,  lorsqu'on  y  a  recom's  pour  déterminer  la  mortification  et  la 
chute  d'une  tumeur,  elle  doit  prendre  place  parmi  les  procédés  d'exérèse  et  se 
rapproche  de  l'excision. 

Au  heu  d'agir  lentement,  au  lieu  de  déterminer  la  mort  et  ultérieurement  la 
chute  des  parties  dont  elle  étreint  la  base,  la  ligature  peut  agir  rapidement  et 
sectionner  les  tissus  en  quelques  minutes;  mais,  employée  de  cette  façon,  elle 
constitue  une  méthode  à  part,  l'écrasement  linéaire  {voy.  ce  mot). 

L'expression,  très-impropre  du  reste,  de  ligature  extcmporanée  (car  ce  qu'il  y 
a  de  particulièrement  extemporané,  c'est  la  chute  de  la  partie  lice  et  non  la 
ligature)  n'a  été  imaginée  par  M.  Maisonueuve  que  pour  voiler,  d'une  manière 
absolument  insuffisante,  la  contrefaçon  de  la  méthode  inventée  par  M.  Chas- 
saignac,  et  la  ligature  extemporanée  doit  être  décrite  comme  une  modification, 
peu  heureuse  du  reste,  de  l'écrasement  linéaire. 

La  hgature  peut  être  employée  dans  des  régions  facilement  accessibles,  comme 
sur  le  tégument  externe  ;  mais  on  peut  avoir  à  porter  le  lien  constricteur  sur  des 
tumeurs  plus  ou  moins  difficiles  à  atteindre  :  au  fond  de  cavités,  telles  que  le 
vagin,  le  pharynx,  le  larynx;  dans  ce  dernier  cas,  on  est  obligé  d'avoir  recours  à 
des  instruments  spéciaux,  soit  pour  placer  la  ligature,  soit  pour  la  serrer  au 
degré  convenable.  Occupons-nous  d'abord  du  cas  le  plus  simple,  celui  oiî  la  tumeur 
est  placée  à  l'extérieur. 

Avoir  un  lien  soUde  et  dont  la  résistance  soit  en  rapport  avec  l'énergie  des  trac- 
tions qu'il  devra  supporter,  telle  est  la  première  règle  dont  le  chirurgien  doit  se 
préoccuper.  Les  fils  de  chanvre,  de  soie,  de  métal  ont  été  conseillés  et  employés, 
mais  leur  emploi  n'est  pas  indifférent.  Lés  fils  métalliques,  excellents  pour  les 
sutures,  parce  qu'à  volume  beaucoup  moindre  ils  possèdent  une  résistance  plus 
grande  que  les  fils  de  soie  ou  de  chanvre,  et  parce  que  leur  présence,  facilement 
supportée  parles  tissus,  n'amène  pas  aussi  vite  l'inflammation  ulcérative,  perdent 
déjà  ici  dvî  leur  utilité,  puisque  la  ligature  doit  déterminer  la  section  des  tissus 
qu'elle  embrasse.  Les  fds  métalliques  minces,  usités  pour  les  sutures,  ne  suppor- 
teraient pas  sans  se  rompre  les  tractions  que  comporte  l'application  d'une  ligature  ; 
s'ils  sont  plus  volumineux,  c'est-à-dire  d'un  diamètre  plus  considérable;  ils  sont 
alors  d'une  trop  grande  rigidité  pour  qu'on  puisse  les  nouer  comme  on  ferait  d'un 
fil  ordinaire  et  il  devient  indispensable,  pour  opérer  une  striction  suffisante,  de  se 
servir  du  serre-nœud;  aussi,  les  fils  métalliques  ne  trouvent -ils  guère  leur  emploi 
pour  les  hgatures  appliquées  sur  le  tégument  externe,  mais  ils  présentent  des 
avantages  et  reprennent  leur  supériorité  lorsqu'il  s'agit  de  Hgatures  pratiquées 
dans  les  cavités  profondes.  Les  doigts  guident  plus  facilement  une  anse  métallique 
quelque  peu  rigide.  De  plus,  s'il  s'agit  d'une  tumeur  à  pédicule  volumineux, 
exigeant  quelque  temps  pour  être  sectionnée,  outre  qu'il  est  presque  toujours 
nécessaire,  dans  ces  circonstances,  de  laisser  un  serre-nœud  à  demeure,  afin  de 
pcfuvoir  resserrer  le  lien  constricteur  au  fur  et  à  mesure  que  la  section  s'opère,  il 
y  aurait  à  craindre  de  voir  le  fil  de  chanvre  ou  de  soie  maintenir  plusieurs  jours 
en  place  au  contact  des  liquides  qui  le  baignent,  se  putréfier,  perdre  de  sa  soli- 
dité et  se  rompre  sous  de  nouvelles  tractions.  Aussi,  serait-il  préférable,  dans  le 
cas  où  l'on  porte  la  ligature  dans  des  cavités  profondes,  d'employer  les  fils  métal- 
liques, si  presque  toujours  aujourd'hui  on  ne  donnait,  dans  ces  circonstances,  à 
l'écrasement  linéaire  la  préférence  sur  la  ligature. 

Les  fils  de  chanvre,  de  hn,  de  soie  peuvent  être  indifféremment  employés,  mais 


568 


LIGATURE. 


il  faut  avoir  soin,  pour  en  faciliter  le  glissement  lors  de  la  formation  du  nœud  et 
•^n  même  temps  pour  augmenter  leur  solidité,  de  les  imbiber  d'buile  ou  de  les 
recouvrir  d'une  mince  couche  de  cire. 

Rien  de  particulier  à  noter  ici  quant  à  la  manière  d'arrêter  le  fil  au  degré  de 
striction  qui  lui  a  été  donné  ;  le  nœud  double  ordinaire  suffit,  à  la  condition 
qu'on  prenne  la  précaution  de  s'opposer  au  relâchement  rlo  la  première  boucle  au 
moment  oii  l'on  forme  la  seconde,  en  entoulant  deux  fois  le  iil  sur  lui-même  en 
formant  la  première  anse  (fig.  1). 

Mayor  avait  donné  pour  épigraphe  à  son  mémoire  sur  la  ligature  en  masse  le 
vieux  proverbe  français  :  Qui  trop  embrasse,  mal  élreint.  N'embrasser  dans  la 
ligature  qu'une  masse  de  tissus  d'autant  moins  grande  que  leur  résistance  à  la 
pression  est  plus  considérable,  est  une  règle  dont  on  ne  doit  jamais  se  départir. 
Aussi,  toutes  les  fois  que  la  tumeur  est  un  peu  volumineuse,  il  ne  faut  pas  cher- 
cher à  l'étreindre  dans  une  seule  anse  de  fil,  et  les  procédés  de  ligature  varieront 
avec  la  consistance  et  le  volume  des  parties  sur  lesquelles  le  fd  devra  exercer  son 
action. 

Supposons  d'abord  le  cas  le  plus  simple  :  une  tumeur  petite,  supportée  par 
un  pédicule  étroit.  Une  seule  ligature,  appliquée  à  la  base  du  pédicule  fortement 
serrée,  et  solidement  maintenue  par  un  nœud  double,  constituera  toute  l'opé- 
ration (fig.  1). 

Mais  la  tumeur,  tout  en  étant  peu  volumineuse,  n'a  pas  de  pédicule,  elle  se 
continue  avec  les  parties  voisines  sans  ligne  de  démarcation  bien  tranchée,  et  sa 


Fis.  1. 


forme  hémisphérique  ou  conoïde  fait  que  le  fil  appliqué  à  sa  base  glisse  lors- 
qu'on veut  le  serrer.  Rien  de  plus  facile  que  de  surmonter  cette  petite  difficulté  ; 
il  suffit  pour  cela  de  saisir  la  tumeur  le  plus  près  possible  de  sa  racine  avec  des 
pinces  à  érignes  au-dessous  desquelles  on  applique  le  fil  ;  ou  bien  encore  de 
traverser  de  part  en  part  sa  base  avec  une  ou  deux  aiguilles  croisées  à  angle  droit; 
les  extrémités  libres  des  épingles  formeront  une  barrière  solide  qui  empêchera  tout 
glissement  de  la  Hgature  circulaire  placée  au-dessus  d'elles  (fig.  2).  On  a  encore 
conseillé,  dans  ces  cas,  de  traverser  la  base  de  la  tumeur  avec  une  seule  épingle 
et  d'étieindre  ses  deux  segments  latéraux  au  moyeu  de  deux  fils  appliqués  comme 
dans  la  suture  enchevillée  ;  ce  procédé  est  infidèle,  car  la  traction  énergique 
exercée  sur  les  extrémités  de  l'épingle  peut,  si  l'épingle  n'est  pas  très-résistante 
et  par  conséquent  fort  grosse,  la  courber  en  arc  du  côté  où  la  traction  est  le  plus 
torte,  et  faire  ghsser  la  ligature  qui  perd  son  point  d'appui. 

Lorsque  la  base  est  plus  large,  une  seule  ligature  circulaire  ne  suffit  pas  ;  ou 
traverse  alors  la  tumeur  avec  une  aiguille  entraînant  après  elle  un  fil  double  ;  on 
dégage  l'aiguille,  on  coupe  l'anse  de  fil  et  l'on  a  ainsi  deux  ligatures  qui,  étant 
serrées,  étreignent  chacune  une  moitié  delà  tumeur. 


LIGATURE. 


t)[  y 


La  tumeur  est  souvent  trop  volumineuse  pour  que  deux  ligatures  puissent  l'é- 
treiudre  d'une  manière  suffisante  ;  il  faut  alors  les  multiplier,  et  ici  plusieurs  pro- 
cédés ont  été  imaginés  pour  faciliter  le  placement  des  lils  en  diminuant  le  nombre 
des  piqiàres.  S'il  suffit  de  poser  trois  ligatures,  le  moyen  le  plus  s  mple  consiste 
à  passer  une  aiguille  enfdée  d'un  long  fil  au-dessous  de  la  tumeur  et  au  niveau 
de  son  tiers  moyen  avec  son  tiers  inférieur;  lorsque  l'aiguille  a  été  retirée,  on  lui 
fait  retraverser  la  tumeur  à  la  jonction  du  tiers  moyen  avec  le  tiers  inféricuf,  mais 
en  sens  inverse  que  primitivement,  c'est-à-dire  qu'on  la  réintroduit  du  côté  oîi 
d'abord  on  l'avait  fait  sortir.  Ceci  fait  et  le  fd  étant  coupé  près  de  l'aiguille,  on  a 
d'un  des  côtés  deux  anses  de  fd  (A  et  B),  et  de  l'autre  côté  quatre  fils  libres,  accolés 
deux  à  deux  (fig.  3).  Dans  chacun  de  ces  deux  groupes  on  saisit  les  deux  fds  qui 


Fie.  3. 


Fi".  4. 


correspondent  à  l'anse  A,  on  les  noue  fortement,  et  l'on  a  ainsi  étranglé  la  parlie 
moyenne  delà  tumeur.  On  sectionne  alors  au  point  B  l'anse  f!,  laissée  flottante, 
et  l'on  a  quatre  chefs  libres  :  deux  pour  chaque  extrémité  de  la  tumeur  ;  il  suffit 
de  lier  deux  à  deux  ces  fils  formant  deux  anses  cachées  dans  la  profondeur  des 
tissus  pour  compléter  l'étranglement  de  la  totalité  de  la  tumeur  (fig.  4). 

Lorsqu'il  est  nécessaire  de  multiplier  les  ligatures  et  de  segmenter  davantage 
la  striction  pour  la  rendre  plus  éner- 
gique et  plus  sûre,  on  traverse  la  tu- 
meur autant  de  fois  qu'on  veut  appli- 
quer de  ligatures  avec  une  aiguille 
enfilée  d'un  fil  simple;  l'aiguille, 
dégagée  par  la  section  de  l'anse,  laisse 
dans  chacun  des  trajets  qu'elle  a  sui- 
vis deux  fils  qu'on  noue  ensuite  deux 
à  deux  (fig.  5). 

Cette  manœuvre  la  plus  générale- 
ment suivie  n'esi  pas  sans  présenter 
quelques  inconvénients  ;  pour  former 
les  anses  il  faut  nouer  les  deux  fils  les  Fig.  5. 

plus  voisins  et  le  premier  nœud,  fait 

ainsi  sans  point  d'appui,  est  très-sujet  à  céder  lorsqu'on  noue  et  qu'on  serre 
les  extrémités  opposées  ;  de  plus  il  est  parfois  assez  difficile  de  se  retrouver  au 
milieu  de  ces  bouts  de  fils,  et  il  arrive  assez  souvent  qu'on  réunit  par  inadver- 
tance deux  chefs  qui  appartiennent  à  des  anses  différentes.  Un  procédé  dû 
à  Erichsen  supprime  une  partie  de  ces  inconvénients  et  diminue  de  moitié 
la  quantité  de  nœuds  qu'il  faut  faire  lorsqu'on  applique  le  procédé  ordinaire. 


570 


LIGATURE. 


Fis.  6. 


Voici  comment  procède  Erichsen  :  «  Une  longue  aiguille  est  enfilée  dans  le  milieu 
d'un  fil  blanc  solide,  long  de  3  à  4  pieds,  et  dont  une  moitié  a  été  colorée  en 
noir  avec  de  l'encre,  l'autre  moitié  restant  avec  sa  couleur  primitive  (fig.  6). 

A  un  demi-centimètre  de  l'extrémité 
de  la  tumeur,  on  forme  (en  A)  un  pli 
avec  la  peau  saine  et  on  en  traverse  la 
base  avec  l'aiguille  ;  l'aiguille  retirée, 
mais  portant  toujours  le  même  fil,  est 
enfoncée  (en  B)  sous  la  tumeur  et 
ressort  de  l'autre  côté  (en  C)  ;  lorsque 
cette  manœuvre  a  été  répétée  plusieurs 
fois,  on  a  ainsi  de  chaque  côté  de  la 
partie  qu'on  veut  enlever  une  série 
d'anses  doubles  dont  les  unes  (I)  sont 
blanches  et  Jes  autres  (K)  noires.  D'un 
côté  on  coupe  toutes  les  anses  noires  (K),  de  l'autre  toutes  les  anses  blanches  (I); 
on  saisit  deux  à  deux  chacun  des  chefs  voisins  de  même  couleur,  on  les  noue 

solidement  et  la  tumeur  se  trouve 
ainsi  étranglée  dans  toute  sa  longueur 
par  des  anses  blanches  et  des  nœuds 
noirs  d'un  côté,  par  des  anses  noires 
et  des  nœuds  blancs  de  l'autre  (fig.  7). 
Quelle  que  soit  la  hgature  à  la- 
quelle on  ait  recours,  on  a  presque 
toujours  à  s'adresser  une  question 
préalable  :  Faut-il  appliquer  simple- 
ment le  fil  constricteur  sur  k  peau 
ou  faut-il  pratiquer  d'abord  l'incision  des  téguments  qui  recouvrent  la  tumeur 
de  manièi'e  à  ce  que  le  fil  n'agisse  que  sur  les  tissus  morbides?  Quoique 
variable  avec  les  circonstances,  la  réponse  est  en  général  assez  facile.  La  peau,  par 
sa  consistance  et  son  élasticité,  cède  peu  à  la  pression  linéaire  du  fil,  elle  forme 
une  sorte  d'étui  protecteur  qui  empêche  cette  pression  de  porter  avec  toute  son 
énergie  sur  les  parties  sous-jacentes  ;  de  plus  elle  résiste  notablement  à  la  morti- 
fication ou  à  l'inflammation  ulcérative  qu'amène  la  section  des  parties  comprimées  ; 
lors  donc  que  la  tumeur  est  placée  au-dessous  de  la  peau  et  que  celle-ci  a  con- 
servé ses  caractères  normaux,  il  est,  sinon  indispensable,  du  moins  très-utile  de 
l'inciser  dans  les  points  sur  lesquels  portera  la  ligature.  Agir  ainsi,  c'est  assurer 
davantage  l'efficacité  de  la  striction  et  accélérer  la  chute  des  parties  à  la  base 
desquelles  la  ligature  a  été  appliquée.  Au  contraire,  si  la  peau  est  très-mince  et 
la  tumeur  petite,  cette  précaution  perd  de  son  opportunité,  et  elle  deviendrait 
préjudiciable  lorsque  les  téguments  qui  recouvrent  une  tumeur  érectile  ont  acquis 
une  vascularité  anormale,  car  la  section  préalable  de  la  peau  exposerait  à  l'ennui 
d'une  hémorrhagie,  sans  gravité  il  est  vrai,  mais  qu'il  vaut  mieux  éviter. . 
Le  passage  des  aiguilles  peut  amener  un  écoulement  de  sang  quelquefois  sérieux  ; 
pour  éviter  cet  accident,  il  faut  autant  que  possible,  lorsque  la  tumeur  est  très- 
vasculaire  ou  lorsqu'elle  repose  sur  des  vaisseaux  qu'il  est  important  de  ménager, 
ne  pas  se  servir  d'aiguilles  très-aiguës  et  tranchantes  comme  elles  le  sont  d'ordi- 
naires. En  se  servant  d'un  artifice  très- simple  on  peut  dans  ces  cas  employer  des 
aiguilles  à  peu  près  mousses.  La  peau  étant  la  seule  partie  très-résistante,  on  peut, 


Fig.  7. 


LIGATURE.  571 

une  lois  la  peau  traversée,  faire  cheminer,  sans  grande  difficulté,  à  travers  les 
tissus  sous-jacents  une  aiguille  assez  peu  piquante  pour  qu'une  artère  fuie  devant 
sa  pointe;  il  faut  donc,  dans  ce  cas,  faire  avec  un  bistouri  très-aigu  une  petite 
ponction  à  la  peau,  à  l'endroit  ou  l'on  veut  faire  pénétrer  l'aiguille  mousse,  et 
lorsqu'elle  reparaît  de  l'autre  côté  de  la  tumeur  sous  les  téguments  qu'elle  soulève 
mais  qu'elle  ne  peut  perforer,  une  seconde  ponction  faite  sur  le  point  saillant 
permet  à  l'aiguille  de  sortir  à  l'endroit  voulu.  Si  cependant,  quelle  qu'en  soit  la 
cause,  le  passage  de  l'aiguille  déterminait  une  hémorrhagie,  le  mieux  est  de  la 
laisser  en  place  et  de  jeter  sur  elle  un  fil  comme  on  le  ferait  s'il  s'agissait  d'une 
suture  enchevillée.  Si  cette  manœuvre  ne  réussissait  pas  on  pourrait  avec  le  fil 
mince  que  porte  l'aiguille  entraîner  un  gros  fil  ou  une  petite  mèche  imbibée  de 
perchlorure  de  fer  ;  et  si  enfin  on  avait  lieu  de  croire  que  le  vaisseau  lésé  se  trouve 
non  dans  la  partie  du  trajet  qui  correspond  à  la  tumeur,  mais  à  celle  qui  lui  est 
opposée,  il  faudrait  passer  une  aiguille  plus  profondément  et  enrouler,  comme 
précédemment,  sur  elle  un  fil  fortement  serré. 

On  a  proposé  la  ligature  sous-cutanée  des  tumeurs,  et  Manec  a  imaginé  un 
procédé  rapporté  dans  presque  tous  les  traités  de  médecine  opératoire,  mais  que  je 
ne  crois  pas  devoir  décrire.  Cette  méthode,  loin  d'avoir  une  utilité  pralique,  ne  pré- 
sente que  des  inconvénients  et  même  des  dangers.  A  quoi  sert-il  de  sectionner 
la  tumeur  à  sa  base,  à  travers  une  mince  ouverture  faite  à  la  peau,  puisqu'il  laudra 
ultérieurement  pratiquer  une  incision  pour  l'extraire;  lorsque,  détachée  par  la 
ligature,  privée  de  vie,  elle  ne  constituera  plus  sous  les  téguments  qu'un  corps 
étranger  en  voie  de  putréfaction,  baignant  dans  le  pus  dont  sa  présence  détermine 
la  sécrétion?  La  ligature  sous-cutanée  n'e^t  bonne,  et  n'est  utile,  en  tant  que 
manœuvre  opératoire,  que  dans  les  cas  oii  elle  doit  agir  comme  procédé  d'incision 
dans  le  \aricocèle  par  exemple,  pratiqué  suivant  la  méthode  de  Ricord  ;  elle  doit 
être  rejetée  toutes  les  lois  qu'elle  doit  agir  comme  procédé  à' excision. 

Nous  n'avons  eu  en  vue  jusqu'à  présent  que  les  ligatures  appliquées  à  la  surface 
extérieure  du  corps,  ou  dans  des  régions  où  la  partie  sur  laquelle  le  fil  doit  être 
apphqué  est  facilement  accessible  aux  doigts  du  chirurgien,  comme  à  l'orifice  du 
vagm,  à  l'extrémité  inférieure  du  rectum,  à  la  langue,  à  la  face  interne  des  joues.  Ces 
difficultés  deviennent  bien  autrement  grandes  quand  la  ligature  doit  être  portée  au 
fond  d'une  cavité  comme  le  pharynx,  le  larynx,  le  vagin;  il  est  presque  impos- 
sible alors  de  porter  directement  le  fil  à  la  place  qu'il  doit  occuper  et  l'on  a  recours 
dans  ces  circonstances  à  l'usage  des  porte-ligatures.  Ceux-ci  peuvent  être  classés  en 
deux  variétés  très-différentes  :  les  uns  consistant  en  un  anneau  dans  l'intérieur 
duquel  on  place  la  ligature  dont  le  premier  nœud  préparé  d'avance  est  prêt  à 
être  serré;  les  autres  sont  des  tiges,  des  pinces  au  moyen  desquelles  on  cherche 
à  contourner  le  pédicule  de  la  tumeur  et  à  l'entourer  d'un  fil  simple  qu'on 
noue  ultérieurement. 

L'anneau  employé  par  Fabrice  de  Hilden  (cent.  2,  obs.  xxi)  reproduit  par  Heister 
(tabL  21,  fig.  6);  modifié  par  Dallas  en  1764  {Essays  phys.  and  litt.,  vol.  III), 
pour  lier  un  polype  du  pharynx,  est  à  peu  près  inapplicable.  Il  faut,  pour  qu'il 
puisse  être  mis  en  usage,  que  la  tumeur  puisse  s'engager  dans  l'intérieur  même 
de  l'anneau  qui  porte  le  fil  ;  or,  très-souvent  pour  peu  que  la  tumeur  ait  un  cer- 
tain volume  et  qu'elle  ait  pu  se  développer  assez  librement  dans  la  cavité  au  fond 
de  laquelle  elle  est  logée,  la  dimension  de  l'anneau  devra  être  telle  que  son  intro- 
duction sera  à  peu  près  impossible.  De  plus,  on  se  trouve  toujours,  avec  cet  instru- 
ment, exposé  à  deux  inconvénients  de  nature  toute  diftérente  ;  le  fil  mal  retenu 


bVl 


LIGATURE. 


dans  l'anneau  qui  le  supporte,  glisse  hors  de  sa  place  au  moindre  frottement  que 
la  tumeur  ou  les  parties  voisines  exercent  sur  lui  :  on  bien  ce  fil  est  bien  caché  dans 
la  rainure  de  l'instrument,  suflisamnient  protégé  contre  tout  déplacement  ;  mais 
quand  on  veut  lui  faire  quitter  l'anneau,  il  se  refuse  à  l'abandonner  et  à  se  placer 
autour  du  pédicule  du  la  tumeur. 

Lorsqu'il  s'agit  de  polyfies  assez  petits  pour  pouvoir  être  engagés  au  milieu 
d'une  anse  formée  d'avance,  comme  les  polypes  du  larynx,  on  se  sert  de  préférence 
d'un  fil  métallique  qui  conserve  sa  forme  sans  qu'il  soit  besoin  de  le  loger  dans  la 
rainure  d'un  conducteur.  Ce  fd  est  supporté  par  une  canule  de  courbure  appropriée 
qui  fait  l'oflice  de  serre-nœud,  lorsqu'on  lire  sur  les  extrémités  libres  de  la  hga- 
ture;  et  presque  toujours  alors  la  striction  suffit  pour  détacher  immédiatement 
une  tumeur  ordinairement  petite,  de  sorte  qu'on  pratique  dans  ces  circonstances 
une  ligature  dite  extemporanée,  c'est-à-dire  un  véritable  écrasement  linéaire. 

Une  ou  plusieurs  tiges  métalliques  dont  une  extrémité  se  termine  en  forme  de 
petite  fourc!)e  dans  laquelle  on  engage  le  fil  est  le  type  primitif  des  autres  porte- 
ligatures  ;  mais  le  fil  que  rien  ne  relient  d'une  manière  solide 
est  très-exposé  à  glisser  hors  de  cette  rainure  ;  le  porte-nœud 
de  Levret,  modifié  par  Floret,  ne  présente  pas  ces  inconvénients. 
Il  consiste  en  une  tige  recourbée  à  son  extrémité  libre,  en  forme 
de  demi-anneau,  et  creusée  en  gouttière  dans  toute  sa  longueur. 
Dans  cette  rainure  s'engage  une  tige  métallique  qui  en  venant 
s'appuyer  sur  l'extrémité  du  demi-anneau  le  convertit  en  un 
anneau  complet  dans  lequel  on  engage  le  fil.  Un  premier  porte- 
ligature  amène  le  lien  au  niveau  du  point  où  il  doit  être  appli- 
qué; un  second  instrument  semblable  contourne  le  pédicule  et 
l'entoure  d'une  anse  de  fil  (fig.  8)  :  ceci  fait,  on  engage  les  deux 
chefs  dans  un  serre-nœud,  on  le  pousse  jusqu'à  ce  qu'il  soit 
arrivé  au  point  voulu,  on  tire  sur  les  extrémités  du  fil  afin  de 
le  tendre,  et  il  suffit  de  faire  glisser  chaque  tige  dans  sa  gout- 
tière pour  que  l'anneau  métallique,  largement  ouvert,  rende 
le  fil  à  la  liberté.  Nous  n'avons  pas  à  nous  étendre  davantage 
sur  ce  sujet,  les  instruments  et  les  procédés  varient  suivant  qu'il 
s'agit  de  tumeurs  du  vagin,  de  l'utérus,  de  la  cavité  naso-pha- 
ryngienne,  du  larynx  ;  ils  sont  ou  seront  décrits  avec  les  mala- 
dies pour  le  traitement  desquelles  ils  sont  applicables. 

Un  fil  ])lacé  à  une  certaine  profondeur  ne  peut  être  noué  et  serré  directement 
par  les  doigts  du  chirurgien,  il  faut  donc  amener  la  ligature  à  l'extérieur.  C'est 
ce  que  faisait  Levret  au  moyeu  de  son  serre-nœud  composé  de  deux  canules  acco- 
lées dans  lesquelles  passaient  les  deux  chefs  du  fil,  qu'on  nouait  à  l'extérieur  où 
ils  prenaient  point  d'appui  sur  l'arête  formée  par  la  paroi  intermédiaire  aux  deux 
tubes.  Le  serre-nœud  de  Levret  avait  un  inconvénient  :  sa  forme  rectihgne  et  sa 
rigidité  en  rendaient  l'application  difficile  dans  certaines  régions.  Roderic  imagina 
de  faire  passer  les  deux  bouts  de  fil  dans  des  petites  boules  d'os,  d'ivoire,  de 
corne,  de  nacre,  percées  d'un  trou  à  leur  centre,  et  dont  on  enfilait  successive- 
ment un  nombre  plus  ou  moins  considérable,  suivant  que  la  ligature  avait  à  par- 
courir un  trajet  plus  ou  moins  long  pour  arriver  à  l'extérieur. 

La  première  et  la  dernière  boule  étaient  percées  de  deux  trous,  le  premier 
pour  empêcher  les  boules  de  s'échapper  et  de  se  perdre  après  la  section  de  la 
tumeur,  le  dernier  pour  offrir  au  nœud  le  point  d'appui  indispensable.  Mais  le 


Fig.  8. 


LIGATURE.  375 

serre-nœml  de  ÏJoderic  a  les  défauts  de  ses  f(ualités;  sa  flexibilité  est  tropgrandej 
et  quand  on  exerce  une  traction  un  peu  forte,  il  se  contourne,  se  tord  eu  tou. 
sens,  s'infléchit  et  rend  toute  striction  énergique  à  peu  près  impossible,  aussi  a-t-i,, 
été  peu  à  peu  abandonné. 

Ces  instruments,  improprement  appelés  serre-nœuds,  puisqu'ils  ne  servent  quT 
amener  au  dehors  et  non  à  serrer  les  chefs  de  la  ligature,  peuvent,  comme  le  nœut 
double  fait  directement  par  le  chirurgien,  suffire  lorsqu'il  ne  s'agit  que  de  tumeur, 
peu  volumineuses  ou  d'une  consistance  molle,  qu'on  peut  étreindre  suffisamment 
pour  y  arrêter  toute  circulation.  Mais  il  est  des  circonstances  où  la  résistance  des 
tissus  nécessite,  pour  que  la  constriclion  porte  son  effet  jusque  dans  le  centre  du 
pédicule,  un  surcroît  de  force  qu'on  ne  peut  obtenir  qu'à  l'aide  d'instruments; 
aussi  a-t-on  modifié  les  porte-ligatures  de  Levret,  de  Desault  et  de  Uoderic  pour 
les  convertir  en  de  véritables  serre-nœuds.  Gi-sefe  fixa  le  nœud  sur  un  petit  curseur 
qu'une  vis  entraîne  en  arrière,  en  augmentant  ainsi  la  tension  de  l'anse  de  fil  qui 
entoure  la  tumeur  ;  Mayor  a  ajouté  un  treuil  mobile  au  chapelet  de  Roderic,  et 
cette  modification  a  rendu  ces  instruments,  surtout  le  premier,  d'un  usage  jour- 
nalier, car  ils  répondent  encore  à  une  dernière  indication  dont  il  nous  reste  à 
parler. 

Lorsque  le  pédicule  a  une  certaine  épaisseur,  la  section  des  couches  superfi- 
cielles fait  que  le  lien,  quoique  primitivement  très-serré,  devient  bientôt  trop 
lâche  et  cesse  de  comprimer  la  partie  dont  il  devait  déterminer  la  section;  il  fau- 
drait donc,  dans  ces  cas,  appliquer  de  nouvelles  ligatures  au  fur  et  à  mesure  que 
cesse  d'agir  celle  qui  avait  été  primitivement  placée. 

Levret,  qui  s'était  beaucoup  occupé  de  la  ligatui'c  des  polypes,  avait  imaginé  uu 
serre-nœud  formé  par  un  arc  d'acier  à  chaque  extrémité  duquel  on  attachait  les 
chefs  de  la  ligature,  q^ui  se  trouvait  ainsi  constamment  tendue.  Mais  ce  serre- 
nœud  avait  un  double  inconvénient  :  son  poids  et  son  volume  ;  aussi  Levret  avait-il 
eu  en  môme  temps  l'idée  d'em[]loyer,  au  lieu  de  fil  ordinaire,  un  fil  d'argent  qu'il 
tordait  plus  ou  moins  les  jours  suivants,  selon  qu'il  fallait  resserrer  la  ligature. 
Le  serre-nœud  de  Grtefe  répond  plus  simplement  et  plus  elficacenient  à  cette 
indication. 

Dans  ces  dernières  années.  Trousseau  a  proposé,  pour  rendre  la  pression  con- 
tinue, d'employer  un  fil  de  caoutchouc  enroulé  plusieurs  fois  autour  du  pédicule, 
et  A.  Richard  a  eu  recours  à  cette  suture  élastique.  Ce  moyen  ne  nous  parait  pré- 
senter aucun  avantage.  Si  la  tumeur  est  petite,  un  fil  ordinaire  bien  serré  suffit 
à  tout  ;  si  elle  est  volumineuse,  on  ne  peut,  avec  un  fil  de  caoutchouc  qui  ne  sau- 
rait sans  se  rompre  supporter  une  forte  traction,  serrer  assez  le  pédicule  pour 
arrêter  la  circulation  jusque  dans  sou  centre;  aussi  ce  procédé,  que  Debout  disait 
avoir  proposé  quinze  ans  auparavant,  n'est  pas  entré  dans  la  pratique. 

L'application  de  la  ligature  demande  quelques  précautions.  Le  fil  doit  être  serré 
lentement,  en  observant  son  effet  sur  les  tissus,  qui  quelquefois  se  laissent  facile- 
ment couper,  ce  qui  donnerait  lieu  à  l'écoulement  de  sang  qu'on  cherche  à  éviter. 
Si,  au  contraire,  la  résistance  est  considérable,  il  faut  user  de  ménagements  et 
employer  un  fil  qui  ne  soit  pas  susceptible  de  se  briser.  Règle  générale,  il  faut 
serrer  assez  pour  que  toute  circulation  soit  impossible  dans  la  tumeur. 

Que  faut-il  faire  s'il  survient  une  inflammation  locale  ou  des  symptômes  ner- 
veux inquiétants?  Malgaigne,  Sédillot  conseillent,  dans  ces  cas,  de  ne  pas  accroître 
la  constriction  et  de  la  relâcher  jusqu'à  cessation  des  accidents.  Nous  sommes  à 
cet  égard  d'un  avis  diamétralement  opposé.  Les  accidents  nerveux,  en  cas  de  ligu- 


574  LIGINES  ISOTHERMES. 

ture,  sont  dus  à  l'irritation  des  nerfs  comprimés  médiatement  par  le  lien;  ils  ne 
paraissent  pas  si  la  striction  est  portée  au  point  de  désorganiser  immédiatement 
les  tissus.  Il  se  passe  ici  quelque  chose  d'analogue  à  ce  qui  a  lieu  dans  les  hernies 
étranglées.  L'intestin  est  serré  dans  un  anneau  normal  ou  accidentel  ;  les  accidents 
ordinaires  existent  et  leur  intensité  augmente;  mais  aussitôt  que  la  mortification 
de  la  partie  comprimée  est  survenue,  on  voit  les  accidents  dus  à  la  réaction  des 
nerfs  de  l'anse  intestinale  étranglée  sur  les  plexus  abdominaux  disparaître  pres- 
que subitement  jusqu'au  moment  où  pourront  paraître  les  accidents  de  la  péri- 
tonite; de  même,  des  accidents  analogues  se  montrent  quelquefois  dans  la  ligature 
en  masse  du  cordon  spermatique  après  la  castration,  à  tel  point  que  quelques 
chirurgiens  repoussent  ce  procédé  ;  or,  pour  notre  part,  sur  sept  ou  huit  cas  dans 
lesquels  nous  l'avons  pratiqué,  nous  n'avons  observé  aucun  accident,  même  le 
plus  léger,  mais  nous  avions  soin  de  serrer  avec  toute  la  force  dont  nous  sommes 
capables  la  ligature  formée  par  la  réunion  de  trois  ou  quatre  fils  de  soie  très- 
solides,  réunis  en  un  seul  faisceau. 

Alors  qu'ils  conseillent  de  relAcher  la  hgature  s'il  survient  des  accidents  légers, 
Sédillot  et  Malgaigne  conseillent  de  la  resserrer  si  ces  accidents  sont  alarmants; 
nous  croyons  que,  légers  ou  très-graves,  ces  phénomènes,  véritables  accidents 
d'étranglement,  exigent  une  même  conduite;  serrer  assez  énergiquement  la  hga- 
ture pour  détruire  toute  vitalité  dans  les  parties  qu'elle  embrasse,  afin  de 
les  désorganiser  immédiatement.  Ajoutons  enfin,  qu'aujourd'hui,  la  ligature 
n'est  plus  guère  employée  que  pour  des  tumeurs  peu  volumineuses,  car  on  lui 
substitue,  dans  les  conditions  opposées,  l'écrasement  linéaire,  qui  a  presque  tous 
les  avantages  de  la  ligature,  et  n'a  pas  comme  elle  l'inconvénient  d'exiger  un 
temps,  quelquefois  très-long,  avant  que  ne  se  détache  la  tumeur  dont  on  cherclie 
à  déterminer  la  chute. 

LéOi>'  Le  Fort. 

lilGlVES.  Différentes  dispositions  anatomiques  ont  reçu  le  nom  de  lignes.  On 
appelle,  par  exemple,  ligne  âpre  du  fémur  le  bord  postérieur  de  cet  os  [voy. 
Fémdr)  ;  ligne  blanche,  la  bande  verticale  résistante  que  forment  les  aponévroses 
abdominales  depuis  l'appendice  xyphoïde  jusqu'au  pubis  {l'oy.  Abdomen).  La 
ligne  semi-lunaire  de  Spiegel  n'est  autre  chose  que  la  terminaison  en  demi- 
cercle  des  fibres  musculaires  du  transverse  de  l'abdomen  {voy.  Transverse).  En- 
fin, sous  le  nom  de  ligne  semi-circulaire  de  Douglas  on  a  désigné  une  disposition 
du  feuillet  postérieur  de  la  gaîne  du  muscle  droit  [voy.  Droit  de  l'abdomen 
(muscle)].  Mais  il  importe  de  remarquer  que  cette  même  disposition  est  décrite 
par  certains  auteurs  sous  le  nom  de  pli  de  Douglas,  tandis  que  d'autres  réservent 
cette  dernière  dénomination  aux  plis  péritonéaux  semi-lunaires  qui  relient  la  ves- 
sie et  le  rectum  chez  l'homme,  l'utérus  et  le  rectum  chez  la  femme  {voy.  Péri- 
toine) . 

LIGlVEfS  isOTHERiriES.  A.  de  Humboldt  a  eu,  le  premier,  l'idée  de  réunir 
par  des  courbes  tous  les  points  de  la  surface  du  Globe  dont  la  température 
moyenne  est  la  même;  ces  courbes,  dont  l'importance  est  très-considérable  en 
météorologie,  sont  désignées  sous  la  dénomination  de  lignes  isothermes.  Comme 
la  température  dépend  à  la  fois  de  la  latitude  et  de  l'élévation  du  lieu  d'observa- 
tion au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  il  faut,  dans  le  tracé  des  figues  isothermes, 
corriger  les  températures  moyennes  observées  de  l'influence  de  l'altitude,  et  rame- 


LIGURES.  575 

ner  la  température  de  chaque  lieu  particulier  à  ce  qu'elle  serait  si  ce  lieu  était 
situé  au  niveau  de  la  mer.  — Les  météorologistes  modernes  ont  voulu  donner  une 
plus  grande  extension  à  l'idée  primitive  et  si  féconde  de  A.  de  Humboldt  ;  ils  étu. 
dient  avec  grand  soin  le  tracé  de  deux  autres  ordres  de  courbes,  les  lignes  isothères 
et  les  lignes  isochimènes.  Les  premières  de  ces  courbes  réunissent  lous  les  lieux 
dont  la  température  moyenne  estivale  est  la  même,  les  secondes  passent  par  les 
lieux  à  même  température  moyenne  hibernale.  (Voy.  Climats  et  Isothermes.)  J.  G. 

LIGIVUM.  On  employait  souvent  et  l'on  emploie  encore  quelquefois,  pour 
les  bois  médicinaux,  le  nom  latin  de  Lignum.  Ainsi  : 

Les  Lignum  Aqiiilœ,  Aloes,  Agallochum  sont  les  Bois  d'Aigle,  de  Calambac, 
d'Aloès,  etc.  [Voij.  ces  mots.) 

Le  L.  benedictum  ou  L.  sanctum  est  le  Gayac. 

LeL.  indicum,  le  Myrtus  acris  L.  Voy.  Mîrte. 

Le  L.  moluccanum,  le  Croton  Tiglium  L.  De  même  leL.pavaniim. 

Le  L.  papuanum,  le  Lignidanbas  ou  Altijigia  excelsa  Noronh. 

Les  L.  rubrum  et  Fernambuci,  le  Bois  du  Brésil. 

On  comprend  suffisamment  la  valeur  des  mots  Lignum  Sappan,  Campechia- 
num,  Sassafras,  Colubrinum  et  Santali.  H.  Bn. 

lilGUliE  [ligula,  petit  lien).  Genre  devers  cestoïdes  vivant  pendant  le  jeune 
âge  dans  les  batraciens  et  les  poissons  osseux,  créé  par  Bloch,  adopté  par  Zeder, 
Rudolphi,  etc.  Les  Ligules  sont  des  vers  blancs,  mous,  aplatis  en  forme  de  ban- 
delette, sans  articulations  distinctes,  traversés  par  un  sillon  correspondant  à  des 
organes  génitaux. 

Ces  vers  paraissent  et  se  développent  premièrement  dans  la  cavité  abdominale 
des  poissons  tluviatiles  et  surtout  dans  celle  des  cyprinidés,  par  exemple  dans  le 
goujon  commun.  Les  Ligules  y  atteignent  une  longueur  excédant  celle  du  pois- 
son; le  corps  du  ver,  enlacé  avec  l'intestin  de  sou  hôte,  est  souvent  plus  gros  qne 
celui-ci. 

Plus  tard,  on  trouve  les  mêmes  vers  dans  le  tube  digestif  des  oiseaux  palmi- 
pèdes, surtout  dans  les  harles,  qui  vivent  de  poissons  ;  cependant  les  vers  des  oi- 
seaux ne  sont  pas  plus  développés  que  dans  les  poissons  eux-mêmes,  contraire- 
ment à  ce  qu'on  observe  chez  les  autres  vers  qui  changent  de  milieu.  Brullé  (de 
Dijon)  a  observé  la  viviparité  des  Ligules  de  l'ablette,  d'où  on  est  forcé  d'admettre 
que  les  Ligules  ne  sont  pas  des  vers  agames. 

Quand  les  Ligules  sont  arrivées  à  l'état  strobilaire,  leur  corps  ne  présente  pas 
de  "segments  distincts,  les  proglottis  restent  unis  sans  se  détacher  à  la  ma- 
nière des  cucurbitains  des  tsenias  ;  toutefois  la  multiplicité  de  l'appareil  sexuel 
laisse  voir  la  hmite  exacte  des  individus  composant  le  ver  cestoïde. 

L'espèce  la  plus  connue  de  Ligule  est  la  Ligida  simplicissima.  On  la  trouve 
communément  dans  l'abdomen  des  poissons  d'eau  douce,  au  milieu  des  viscères. 
C'est  un  ver  blanc,  aplati,  un  peu  épais,  effdé  aux  deux  extrémités,  ridé  en  travers  • 
du  corps,  surtout  au  milieu. 

Les  Ligules  servent,  dit-on,  à  l'alimentation  dans  quelques  parties  de  l'Italie  oii 
elles  sont  très-abondantes.  On  les  fait  frire  et  on  les  mange  comme  un  mets 
délicat.  ^-  Laboulbène. 

LIGURES,  peuple  de  race  ibérienne.  Ils  sembleraient  Avoir  très-anciennement 


576  LILAS   (botanique). 

occupé  une  grande  partie  de  l'Europe  occidentale.  Car,  selon  Festus  Avienus,  ils 
auraient  été  refoulés  par  les  Celtes  d'une  région  maritime  voisine  des  îles  Œstrym- 
niques,  actuellement  Sorlingues,  situées  au  sud-ouest  de  l'Angleterre  {Orœ  mari- 
timœ,  vers  129  à  136);  et,  d'a))rès  Stéphane  de  Byzance,  les  Ligures  auraient  eu 
en  Espagne  une  ville  appelée  Ligustiae  :  Atyyo-Twvj,  7r6).iç  Aiyûwv,  tvj;  Svtiv.Tiç  'igvjotaç 
È77ÙÇ...  (Stéphane  de  Byz.,  nîotTrokwv,  col.  180  de  l'éd.  de  Guilielmi  Xylandri, 
1568,  Basilœ). 

Thucydide  nous  montre  ces  mêmes  Ligures  chassant  à  leur  tour  devant  eux 
les  Sicanes  des  hords  du  lt/.«vdç,  la  Sègre,  affluent  de  l'Èbre,  îberus  (J.  Vf,  ch.  ir, 
p.  163,  éd.  de  1835).  Les  Ligures  paraissent  s'être  fixés  principalement  le  loii" 
du  littoral  méditerranéen,  entre  les  Pyrénées  et  la  Tyrrhénie  (Toscane  actuelle), 
ainsi  que  l'indiquent  de  nombreux  auteurs  :  Scylax  {Périple,  p.  2,  §  3  et  4,  éd. 
de  Vossius,  1639),  Scymnos  de  Chio  (Periégès,  Fragynents  des  poèmes  géogra- 
phiques de  Letronne,  Paris,  1840,  vei-s  200  et  note,  p.  185),  Stéphane  de  By- 
zance (/.  c,  Aly-opoç),  etc.,  etc.  Le  nom  de  Ligurie  sert  encore  actuellement  à  dési- 
gner la  côte  nord-ouest  de  l'Italie. 

Antérieurement  à  la  fondation  de  Rome,  des  Ligures  auraient  habité  plusieurs 
régions  de  l'Italie  centrale  et  méridionale  (J.  Ampère,  riiistoire  romaine  à  Rome, 
t.  I,  ch.  IV,  p.  91  à  104;  1802). 

Selon  Philiste  de  Syracuse,  cité  par  Denys  d'Halicarnasse,  et  suivant  SiHus  Ita- 
liens, quatre-vingts  ans  avant  le  siège  de  Troie,  les  Ligures  de  l'Italie  méridionale, 
poussés  ]tar  les  Ombres  et  les  Pélasges,  sous  la  conduite  d'un  chef  nommé  Siculus, 
franchirent  le  détroit  pour  se  fixer  dans  l'île  depuis  appelée  Sicde  (Denys  d'Hali- 
carnasse, Antiquitésromaines,\.  ï,  ch.  iv,  §2,  p.  54,  trad.  de  Bellenger,  1723;  — 
Silius  Italicus,  les  Puniques,  t.  III,  hv.  xiv,  p.  152-3,  trad.  de  Corpet  et  Dubois, 
1856). 

Sénèque  le  Philosophe  nous  signale  également  le  passage  des  Ligures  dans  l'ile 
de  Corse  [Consolatio  ad  Helviam,  t.  IX,  ch.  viii,  p.  256-7,  texte  et  trad.  de  La 
Grange,  1819). 

Quant  aux  caractères  anthropologiques  des  Ligures,  la  plupart  des  auteurs, 
MM.  Nicolucci,  Pruner-Bey  et  Cari  Vogt  s'accordent  cà  leur  donner  une  petite  sta- 
ture, un  crâne  bracbycéphale  et  peu  volumineux,  un  front  globuleux,  une  face 
assez  large,  etc.  (Nicolucci,  la  Stirpe  ligure  in  Italia  ne'  tempori  antichi  et  mo- 
derni,  Napoli,  1864,  in-4°;  —  Pruner-Bey  et  Cari  Vogt,  Bulletins  de  la  Société 
d'Anthropologie,  ^«  série,  t.  VI,  p.  458;  2«  série,  t.  I,  p.  88  et  442,  etc.).  Re- 
lativement aux  Ligures,  voyez  les  mots  Basques  pour  l'ensemble  des  peuples 
ihériens,  et  Frakce  (Anthropologie),  pour  les  Ligures  du  sud-est  des  Gaules. 

Gustave  Lagneau. 

LiCiUSTicu.Yi.     Voy.  LivÊciiE. 
OttUSTRUM.     Voy.  Troëne. 

LILACII^'E.     Principe  amer  extrait  du  Lilas  {voy.  Lilas). 

I.1LA!S.  §  I.  Botanique.  Genre  de  plantes  de  la  famille  des  Oléacées,  dési- 
gné par  Tournefort  sous  le  nom  botanique  de  Lilac,  et  par  Linné  sous  celui  de 
Syringa.  Ses  caractères  peuvent  être  résumés  de  la  manière  suivante.  Arbres  ou 
arbr.sseaux  à  rameaux  opposés,  garnis  de  feuilles  oj^posées,  simples  et  entières. 


LILAS  (phaumacologie).  577 

Rameaux  florifères  portant  à  leur  extrémité  deux  cymes  opposées,  thyi'soïdes, 
abondamment  fournies  de  fleurs.  Calice  gamosépale,  à  quatre  dents.  Corolle  gamo- 
pétale, hypocratériforme,  à  quatre  lobes  ovales  plus  ou  moins  étalés.  Deux  éta- 
mines,  incluses  dans  le  tube  de  la  corolle.  Ovaire  libre  surmonté  d'un  style  inclus 
et  d'un  stigmate  bitide.  Capsule  ovale  lancéolée,  comprimée,  biloculaire,  s'ouvrant 
en  deux  valves  naviculaires,  septifères.  Deux  graines  dans  cliaque  loge,  pendantes, 
oblongues,  comprimées,  bordées  d'une  aile  membraneuse  étroite  et  contenant 
l'embryon  dans  l'axe  d'un  albumen  cliarnu. 

I  Les  plantes  de  ce  genre  sont  originaires  de  l'Orient.  Deux  espèces  ont  été  trans- 
'  portées  de  Perse  dans  nos  jardins,  dans  la  seconde  moitié  du  seizième  siècle,  et  au 
commencement  du  dix-septième,  et  se  sont  si  bien  établies  dans  l'Europe  centrale 
et  méridionale  qu'on  les  regarde  en  bien  des  endroits  comme  naturalisées.  Elles 
font  au  printemps  l'ornement  des  jardins  par  le  nombre,  la  couleur  et  la  suavité 
de  leurs  fleurs.  Ces  deux  espèces,  auxquelles  se  rattachent  un  grand  nombre  de 
variétés  cultivées  sont  : 

1°  Le  Lilas  commun  {Syringa  vulyaris  L.),  qui  forme  un  petit  arbre  pouvant 
atteindre  15  à  20  pieds  de  haut.  Ses  feuilles  sont  un  peu  cordées  à  la  base,  larges 
à  leur  partie  inférieure,  et  se  prolongent  insensiblement  en  pointe  vers  le  sommet  : 
elles  sont  glabres  et  très-entières.  Les  lobes  de  la  corolle  sont  concaves.  Cette 
espèce  donne  des  variétés  à  fleurs  violettes,  pourpres  ou  blanches. 

2°  Le  Lilas  de  Perse  {Syringa  persica  L.)  qui  es^  plus  petit  dans  ses  dimen- 
.sions  et  ne  dépasse  guère  5  à  6  pieds.  Les  feuilles  sont  lancéolées,  non  cordées  à 
la  base;  les  capsules  sont  plus  étroites  et  moins  pointues  que  celles  du  Lilas,  et 
les  lobes  de  la  corolle  presque  planes.  A  cette  espèce  se  rapportent  quelques  va- 
riétés remarquables,  entre  autres  :  le  Lilas  à  feuilles  laciniées,  vulgairement 
nommé  à  feuilles  de  persil,  à  cause  des  découpures  nombreuses  de  ses  feuilles 
supérieures ,.  et  le  Lilas  Varin  ou  Lilas  de  Houen,  dont  quelques  auteurs  ont 
fait,  sous  le  nom  de  Syringa  duhia  Pers.,  une  espèce  caractérisée  par  ses  feuilles 
plus  grandes,  acuminées,  aiguës  à  la  base. 

On  désignait,  sous  le  nom  de  Lilas  du  Japon,  une  espèce  rapportée  jadis  au 
genre  Syringa,  mais  qu'on  en  a  séparé  depuis  pour  en  faire  le  type  du  genre 
Forsythia  Vahl.  C'est  le  F.  suspensa  Vahl. 

Quant  aux  noms  de  Lilas  des  Antilles,  des  Indes  et  de  la  Chine,  ils  s'appli- 
quent à  une  espèce  d'un  tout  autre  groupe,  le  Melia  Azedarach  L. 

Toutes  les  parties  du  Lilas,  mais  surtout  les  feuilles  et  les  fruits,  sont  douées 
d'une  forte  amertume,  ce  qui  empêche  les  bestiaux  d'y  toucher.  Cette  saveur 
est  due  à  la  présence  d'un  principe  acre  et  amer  que  M.  Kromayer  a  retiré  des 
feuilles,  et  auquel  il  a  donné  le  nom  de  Syrinpycrine. 

TouRNEFORT.  Inst.,  601,  lab.  572.  —  Lisné.  Gêner.  Plant.,  n°  22.  —  Duhamel.  Traité  des 
Arbres,  édit.  1825,  II,  205.  —  Mérat  et  de  Lens.  Dict.  mat.  mcd.,  YI,  (320.—  D.  G.  Prodr., 
VIII,  282.  — KRoaAYËR,  Archiv  der  Pharm.,  CX,  p.  18,  etJournal  de  Pharmacie,  XLIK,  429 

Pl. 

g  n.  Pharmacologie.  L'écorce,  les  feuilles,  les  fleurs,  et  particulièrement 
les  fruits  ont  été  employés  en  médecine. 

L'écorce  et  les  feuilles  se  traitent  pai-  décoction. 

Les  capsules  ou  fruits  du  lilas  sont  employées  étant  encore  vertes,  avec  les  se- 
mences imparfaitement  miires  qu'elles  contiennent,  leurs  propriétés  médicales 
paraissant  être  plus  actives  à  cette  période  de  leur  développement.  On  prépare  atec 
ces  capsules  une  décoction  et  un  extrait  mou. 

DICT.   ENC.  2»  S.  IL  37 


578  LILAS  (pharmacologie). 

Des  extraits  préparés  avec  les  feuilles,  avec  l'écorce,  ont  été  trouvés  moins  actifs 
que  celui  préparé  avec  les  capsules. 

L'analyse  des  capsules  du  lilas  par  Petroz  et  Robinet,  a  fourni  :  1»  une  matière 
résineuse;  2"  une  matière  sucrée;  5"  une  matière  qui  précipite  le  fer  en  gris; 
4"  une  matière  amère;  5°  une  matière  insoluble  ayant  l'apparence  d'une  gelée,  se 
rapprochant  de  la  bassorine;  6°  de  l'acide  malique;  7°  du  malate  acide  de  chaux; 
8°  du  nitrate  de  potasse  ;  9"  quelques  autres  sels.  {Journal  de  pharmacie,  X, 
p.  159.) 

MM.  Milet,  Leroy  d'Anvers,  Bornays  ont  isolé  une  substance,  Ulacine  ou  syrin- 
gine,  qui  cristallise  en  prismes  blancs,  brillants,  et  possède  une  saveur  particuhère, 
nauséabonde,  plutôt  douceâtre  et  acre  qu'amère,  insoluble  dans  l'éther,  soluble 
dans  l'eau  et  dans  l'alcool.  Avec  l'acide  sulfurique  concentré,  elle  donne  une  belle 
dissolution  violette.  Elle  ne  paraît  pas  renfermer  d'azote.  (Boucliardat,  Annuaire 
de  thérapeutique,  1843,  p.  206.) 

La  syringine  est-elle  le  principe  actif  du  lilas  ?  Des  expériences  probantes  man- 
quent encore  sur  ce  sujet. 

§  m.  Thérapeutique.  Toutes  les  parties  du  lilas  sont  fortement  amères,  ce  qui 
faisait  lui  supposer  des  propriétés  toniques  généralement  possédées  par  les  végétaux 
qui  ont  cette  saveur.  Néanmoins,  la  thérapeutique  s'en  était  assez  peu  préoccupée, 
orsque,  en  1822,  M.  le  professeur  Cruveilhier,  qui  alors  exerçait  à  Limoges, 
expérimenta  avec  un  succès  comp-let,  qu'il  consigna  dans  une  note  de  son  ouvrage 
{Médecine  éclairée  par  Uanatoniie,  Paris,  1822),  l'extrait  des  capsules  de  lilas  sur 
six  malades  atteints  de  fièvres  intermittentes.  Quelques  médecins  de  Bordeaux 
ayant  répété  ces  expériences,  déclarèrent  le  lilas  nul  comme  fébrifuge.  [Notice 
des  travaux  de  la  Société  de  médecine  de  Bordeaux,  1822,  p.  9.)  Il  n'en 
fut  plus  question.  Mais,  plus  tard,  le  docteur  Clément  (de  Vallenois,  Cher),  reprit 
sur  une  plus  large  échelle  (105  cas)  l'application  de  l'extrait  des  capsules  de  hlas 
au  traitement  des  fièvres  intermittentes,  et  dit  avoir  réussi  tout  aussi  bien  qu'avec 
le  sulfate  de  quinine.  Ayant  essayé  comparativement  l'extrait  des  feuilles,  celui  de 
l'écorce  et  celui  des  capsules,  il  reconnut  la  supériorité  de  ce  dernier.  {Journal  de 
médecine  et  de  chirurgie  pratiques,  1855,  t.  XXVI,  p.  261.)  Enfin,  Cazin  dit 
avoir  obtenu,  par  l'emploi  de  cette  préparation,  l'extrait,  après  avoir  échoué  avec 
la  décoction,  la  guérison  de  trois  fièvres  tierces  et  d'une  fièvre  quotidienne. 

Tout  cela  ne  constitue  qu'un  nombre  trop  minime  de  faits  pour  déterminer  la 
valeur  du  lilas  comme  succédané  fébrifuge  du  quinquina. 

Cruveilhier  et  Cazin  ont  administré 4  grammes  d'extrait  de  capsules  de  lilas,  soit 
en  pilules,  soit  délayé  dans  du  vin,  pendant  l'apyrexie  ;  Clément  :  de  2  à  5  grammes 
du  même  extrait  ;  Cazin  :  30  grammes  de  capsules  en  décoction  dans  700  d'eau 
réduits  à  500. 

Cazin  [Traité  des  plantes  médicinales  indigènes)  dit  que,  en  Russie,  le  peuple 
traite  le  rhumatisme  articulaire  par  une  huile  de  lilas  préparée  à  l'aide  d'une  sorte 
d\nfleurage,  c'est-à-dire,  en  faisant  macérer  une  forte  proportion  de  fleurs  fraîches 
dans  de  l'huile  d'olives  exposée  pendant  quinze  jours  au  soleil.  Ici  le  principe  qui 
doit  agir  est  l'huile  essentielle  de  lilas,  dont  nous  n'avons  pu  rien  dire  parce  qu'elle 
est  très-mal  connue.  Elle  est  en  effet  très-difficile  à  obtenir  par  la  distillation  des 
fleurs,  et  elle  n'existe  en  parfumerie  que  dissoute  dans  l'alcool,  à  l'aide  duquel  on 
"extrait  des  graisses  enfleurées.  Le  pouvoir  analgésique  qu'elle  pourrait  posséder, 
SI  l'opinion  populaire  sur  le  remède  ci-dessus  est  fondée,  lui  serait  commun  au 
surplus  avec  beaucoup  d'autres  huiles  essentielles  ;  et  l'on  a  plus  tôt  fait,  en  cas  de 


LILIUM  DE  PâRâCELSE.  579 

douleurs  rhumatismales  ou  autres,  de  s'adresser  à  ceux  de  ces  produits  qu'il  est 
plus  facile  de  se  procurer.  D.  de  Swignac. 

MUACÉEIS.  Famille  de  plantes  qui  réalise  le  mieux  le  type  ordinaire  des 
mouocotylédones  et  forme  pour  ainsi  dire  le  centre  de  cette  grande  division  des 
végétaux.  Les  traits  principaux  qui  la  caractérisent  sont  tirés  de  la  considération 
des  fleurs  et  des  fruits.  Les  fleurs  ont  un  périanthe  pétaloïde  à  six  divisions,  pla- 
cées sur  deux  rangs;  6  étamines,  insérées  sur  le  réceptacle  ou  à  la  base  du  pé- 
rianthe; un  ovaire  libre  à  trois  loges  contenant,  sur  des  placentas  axiles,  un  grand 
nombre  d'ovules  anatropes  ou  semi-anatropes.  Le  fi'uit  est  une  capsule  (rarement 
une  baie)  triloculaire,  à  déhiscence  en  général  loculicide.  Les  graines  sont  nom- 
breuses, à  testa  d'apparence  variée  :  tantôt  membraneux  ou  subéreux  de  couleur 
pâle;  tantôt  crustacé,  fragile  et  noir.  Elles  contiennent,  dans  un  albumen  charnu, 
un  embryon  droit  ou  courbé,  à  radicule  rapprochée  du  bile. 

Les  plantes  de  cette  famille  sont  en  général  herbacées,  rarement  ligneuses. 
Leurs  parties  souterraines  varient  suivant  les  divers  genres  :  ce  sont  souvent  des 
bulbes,  quelquefois  des  tubercules,  d'autres  fois  des  rhizomes.  Les  feuilles  sont 
simples  et  entières,  le  plus  souvent  linéaires  et  planes,  plus  rarement  canaliculées 
ou  cylindracées. 

Les  Liliacées  fournissent  un  grand  nombre  de  plantes  ornementales  et  beaucoup 
d'espèces  utiles.  Les  unes  peuvent  servir  d'aliments  ou  de  condiments,  tels  sont 
par  exemple  les  Allium;  d'autres  renferment  des  principes  amers  et  purgatifs 
qui  les  mettent  au  rang  des  médicaments  très-actifs,  tels  sont  la  Scille  et  les 
Aloès  :  enfin  l'une  d'elles,  le  Phormium  tenax  ou  lin  de  la  Nouvelle-Zélande, 
donne  à  l'industrie  les  fibres  extrêmement  tenaces  de  ses  feuilles. 

Enducher.  Gêner.  Plant.  —  Lindleî.  iViaf.  Syst.,  351.  Pl. 

LILIUM.     Voy.  Lis. 

LILILM  DE  PA.RACELSE.  Dans  SOU  livre  des  Arc/iirfoajes ,  Paracelse  (îjoî/. 
ce  nom),  le  triste  héros  de  la  médecine  hermétique,  parle  longuement  et  empha- 
tiquement d'un  médicament  qu'il  désigne  soit  sous  les  noms  de  physicorum 
tinctura,  soit  sous  ceux  de  lili  alchimice  et  medicinœ.  {Aur.  Ph.  Theoph.  Pa- 
racelsi  Bombast  ah  Hohenheim. . .  opéra  omnia.  Genev.,  1 658,  in-fol. ,  t.  II,  p.  1 1 7.) 
Les  termes  les  plus  pompeux,  les  plus  extravagants  ne  sont  pas  de  trop,  sous  la 
T)lume  de  ce  fou  étrange,  pour  porter  aux  nues  la  merveilleuse  drogue  :  c'est  la 
liqueur  de  longue  vie,  tant  cherchée  par  les  alchimistes,  l'arcane  par  excellence, 
la  quintessence  de  l'apothicairerie,  «  in  qua  mysteriorum  omnimn  ac  operum 
fundamenta  latent;  »  c'est  le  Léo  rubens  ,  une  perle  fine,  un  trésor  précieux, 
qui  a  fait  vivre  cent  cinquante  ans  les  premiers  et  les  plus  anciens  médecins  de 
l'Egypte,  et  qui  guérit,  consume,  à  l'instar  d'un  feu  invisible,  toutes  les  maladies, 
la  lèpre,  la  vérole,  l'hydropisie,  le  mal  caduc,  la  cohque,  la  goutte,  le  lupus,  le 
cancer — 

Mais  Paracelse  ne  s'attribue  pas  l'invention  de  la  tinctura  physicorum,  qu'il  fait 
remonter  à  Hermès  Trismégiste,  et  qu'il  retrouve  même  dans  les  ouvrages  d'Albert 
le  Grand.  Seulement  il  prétend  que  les  formules  données  par  ces  deux  auteurs 
ont  été  mal  comprises,  et  que  ceux  qui  les  ont  copiés  n'ont  écrit  que  des  bévues. 
«  Tous  les  philosophes,  écrit-il  orgueilleusemezit,  ont  cherché  avec  passion  le  lili 
alchimice,  mais  faute  d'en  bien  connaître  la  préparation,  ils  ont  échoué  dans  leurs 


î)80  LILLE. 

tentatives  ;  ils  ont  touché  presque  au  but,  sans  l'atteindre;  il  était  réservé  à  moi 
seul  de  parcourir  toute  la  carrière...  Grâce  à  mes  longues  expériences,  j'ai  corrigé 
les  spagyristes,  j'ai  séparé  le  faux  du  vrai...  » 

Et  vous  croyez  que  Paracelse  va  vous  donner  clairement  la  manière  de  préparer 
SA  prodigieuse  panacée...  ?  Ce  serait  en  vain  que  l'on  cherclierait  à  débrouiller  le 
chaos  qui  règne  dans  son  chapitre  :  De  processu  veterum  ad  tincturam  plujsico- 
rum,  et  hreviori  per  Paracelsiim  inventione.  Dans  ce  tourbillon  d'invocations  à 
Dieu,  de  jours  néfastes  ou  heureux,  de  conjonctions  de  planètes,  de  maisons  du 
soleil,  et  de  toute  la  défroque  de  l'astrologie,  on  ne  démêle  qu'une  chose,  à  savoir 
que  la  teinture  des  philosophes  consistait  dans  un  mélange  bizarre  de  divers  mé- 
taux et  d'alcooi.  La  preuve  en  est  dans  ces  faits  qu'il  rapporte  comme  pour  expli- 
quer la  formation  des  médicaments  :  qu'en  Hongrie  les  paysans  n'ont  qu'à  jeter 
du  fer  dans  une  source  appelée  Zipserbrunn,  pour  que  ce  fer,  chauffé  et  fondu,  se 
transforme  en  argent 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  llii  de  Paracelse  a  passé  dans  l'ancienne  apothicairerie, 
mais  changeant,  non-seulement  de  nom,  mais  encore  de  formule.  Dans  la  Chymia 
rationalis,  publiée  par  un  anonyme,  à  Leyde,  en  1687,  ce  n'est  plus  le  lili  Para- 
celsi  ni  la  tinctura  physicorum,  mais  la  tinctura  metalloruin  et  le  liliiim.  Jean 
de  Renou,  dans  son  Antidolarium,  parle  d'un  médicament  nommé  par  Avicenne 
lUium  céleste.  On  attribue  même  à  ce  célèbre  médecin  arabe  un  traité  de  Tinc- 
Uira  metallorum,  qui  a  été  imprimé  à  Francfort,  en  1550,  in-4°.  Enfin,  les 
anciens  Codex  medicamentariiis  de  Paris  donnent  ainsi  la  manière  de  préparer 
cette  teinture  :  Prenez:  régules  d'antimoine,  martial  de  cuivre,  d'étain,  de  chaque 
quatre  onces.  Après  les  avoir  pulvérisés  et  mêlés,  faites -les  fondre  ensemble  en 
une  seule  masse  pour  former  le  régule  des  métaux.  Ce  régule  pulvérisé,  mêlez-y 
nitre  purifié,  tartre  en  poudre,  de  chaque  18  onces;  projetez  à  diverses  re- 
prises ce  mélange  dans  un  creuset,  faites-le  détoner  ei  liquéfier  à  un  feu  fort  ; 
tirez  la  matière  du  creuset,  pulvérisez-la  grossièrement ,  et  l'introduisez  toute 
chaude  dans  un  matras  ;  faites  digérer  au  bain  de  sable  pendant  plusieurs  jours, 
en  agitant  de  temps  en  temps  ;  quand  la  teinture  est  satui'ée,  tirez-la  au  clair. 
Et...  buvez-moi  ça  comme  cordial...  !  Vous  ne  boirez  guère,  en  résumé,  qu'une 
solution  alcoolique  de  potasse,  dans  laquelle  on  pourrait  tout  au  plus  soupçonner 
quelques  atomes  d'oxydes  métalliques. 

Consultez  pour  le  liliiim  de  Paracelse  :  Nachet,  in  Dict.  des  se.  méd.  en 
60  vol.,  t.  XXVllI,  p.  257,  1818.  —  Mérat  et  Delens,  Dict.  iiniv.  de  matière 
médicale,  etc.,  t.  IV,  p.  115  ;  1852,  in-S",  Dict.  de  Nysten,  art.  Lilium,  etc. 

Il  n'est  pas  inutile  de  faire  remarquer  que  ce  nom  de  lilium  donné  à  la  tein- 
ture des  métaux,  et  qui  plaçait  pour  ainsi  dire  cette  dernière  sous  le  patronage  de 
l'une  des  plus  belles  plantes  des  jardins,  était  comme  un  titre  d'honneur  pour 
exprimer  ses  merveilleux  effets  cordiaux  et  réconfortants.  Un  célèbre  médecin  de 
iViontpellier,  Bernard  de  Gordon  {voy.  ce  nom),  nous  a  laissé  aussi  sous  le  nom 
de  Lilium  medicinœ,  un  traité  complet  de  médecine.  On  possède  une  Rosa  me- 
dicinœ,  une  Florida  corona  sanitatis,  etc.,  etc.  A.  C. 

LILLE  (Chréties-Éverard  de)  naquit  à  la  Haye  en  1724,  et  se  fit  recevon- en 
1756  à  Leyde,  où  il  avait  fait  ses  cours  de  philosophie  et  de  médecine.  Avant 
même  l'époque  de  sa  réception,  il  s'était  fait  avantageusement  connaître  par  un 
traité  sur  les  palpitations  de  cœur,  aussi  fut-il  immédiatement  choisi  pour  aller 
occuper  à  Groningue  la  chaire  de  médecine  et  de  chuurgie  que  venait  de  quitter 


LIMAGIEN.  581 

l'illustre  Camper,  appelé  à  Amsterdam.  Lille  accepta  celte  lourde  succession  et 

sut   mériter  les  suffrages  du  public  par  son  zèle  et  son  savoir;  il  ne  craignit 

pas,  dans  un  de  ses  ouvrages,  d'attaquer  les  opinions  de  Haller,  plutôt  par  des 

raisonnements  que  par  des  faits,  et  avec  une  certaine  violence  que  lui  a  reprochée 

le  grand  physiologiste. 

Il  a  laissé  les  ouvrages  suivants  : 

1.  De  excessu  motus  circulatorii.  Lugd.  Batav.,  1752,  in-4°.  —  II.  Tractatus  de  palpita- 
tione  cordis,  qunm  prœcedit  prœcisa  cordis  historia  physiologica,  cuique,  etc.  Zwoll,  1755. 
—  III.  Plnjxlologicarum  animadversionum  sccunduin  ordinein  Ilallcri  clcmentorum  lib.  l. 
Frank.,  1772,  in-4°.  E.  Bgd. 

LIM.^CE,  LIMACIEIVS.  Les  Limaces  sont  des  mollusques  gastéropodes  nus 
ou  dépourvus  de  coquille  calcaire  extérieure,  à  corps  allongé  quand  l'animal  se 
meut,  formant  un  ellipsoïde  allongé,  précédé  par  des  tentacules  céplialiqiies.  La 
surface  plane  qui  porte  sur  le  sol  est  le  pied,  la  face  opposée,  convexe,  est  le  dos 
du  mollusque  ;  sur  le  milieu  du  dos  existe  une  partie  saillante  en  bourrelet  et  sous 
laquelle  l'animal  peut  cacher  sa  tête  lorsqu'il  la  contracte;  cette  partie,  ordinaire- 
ment striée  en  travers,  porte  le  nom  spécial  de  cuirasse.  La  tète  petite,  obtuse, 
séparée  du  pied  par  un  sillon  peu  marqué  offre  en  avant  la  bouche  formée  y.r 
une  ouverture  transversale  et  surmontée  de  quatre  tentacules.  Ces  tentacules  ré- 
tractiles  présentent,  quand  ils  sont  allongés,  la  forme  d'une  petite  tige  arrondie,  ils 
sont  terminés  par  un  petit  rentlement  spliérique;  les  tentacules  supérieurs  ofirent 
un  point  noir  qui  correspond  aux  organes  visuels,  les  deux  tentacules  inférieurs  sont 
beaucoup  plus  courts.  Vers  la  base  du  grand  tentacule  droit  un  mamelon  obtus 
percé  d'une  ouverture  peu  visible,  donne  passage  aux  organes  génitaux  pendauf, 
l'accouplement.  Le  bouclier  est  percé,  sous  son  bord  droit,  d'une  ouverture  largo, 
très-contractile,  donnant  accès  à  l'air  dans  une  cavité  respiratoire.  En  arrière  est 
l'orifice  anal  terminant  l'intestin.  La  coquille  très-rudiment  aire  des  Limaciens  est 
interne,  placée  sous  le  manteau,  et  se  développe  peu  à  peu  dans  les  genres  Tcs- 
tacelie  et  Vitrine,  qui  font  le  passage  des  Limaciens  aux  Hélices. 

La  peau  des  Limaces  est  revêtue  d'une  mucosité  gluante  qui  facihte  l'adhésion 
clu  corps  de  l'animal  sur  les  surfaces  oij  il  rampe,  même  les  plus  lisses,  et  qui  le 
protège  contre  l'excès  de  la  chaleur  en  empêchant  l'évaporation  des  humeurs.  Les 
limaces  se  plaisent  dans  les  endroits  frais  et  humides,  elles  passent  l'hiver  sous  terre 
dans  un  engourdissement  complet  et  paraissent  au  printemps  et  dans  l'été  après 
la  pluie  et  pendant  la  nuit.  Dans  les  climats  chauds  les  Limaces  restent  cachées 
pendant  les  chaleurs  et  ne  sortent  que  pendant  l'automne  et  l'hiver. 

La  nourriture  de  ces  animaux  consiste  en  matières  végétales,  aussi  les  Hmaces 
sont-elles  très-nuisibles  aux  jardiniers  en  dévorant  les  jeunes  pousses  ou  les  feuilles 
des  végétaux;  elles  mangent  aussi  les  matières  animales  décomposées,  les  lom- 
brics morts  et,  dans  les  bois  humides,  les  champignons,  qu'elles  recherchent 
'avec  avidité. 

Les  Limaces  ont  été  employées  en  médecine.  Une  des  grandes  espèces  du  genre 
Armi,  d'un  rouge  orangé  a  reçu  le  nom  à'Arion  empiricorum.  La  chair  pilée  et 
mélangée  de  sucre  servait  à  préparer  un  sirop  adoucissant.  Dans  quelques  con- 
trées de  la  France,  principalement  dans  le  Midi,  des  malades  avalent  des  Limaces 
crues  dans  l'espoir  de  se  guérir  de  maladies  chroniques  de  l'appareil  pulmonaire. 
{Yoy.  LiMAÇojJS  et  Hélix.)  A.  Laboulbène. 

UMACIE:v  (Nerf).  C'est  la  branche  cochléenne  du  nerf  auditif,  qui  se  dis- 
tribue au  limaçon. 


582  LIMETTIER. 

OMACllVE.  Substance  extraite,  par  Braconnot,  des  limaces.  Blanclie,  opa- 
que, soluble  dans  l'eau  chaude,  très-peu  dans  l'eau  froide,  soluble  aussi  dans  les^ 
alcalis  et  dans  l'acide  chlorhydrique,  qui  ne  la  colore  pas  en  bleu.  Le  tannin, 
l'acétate  de  plomb,  le  sublimé,  le  sulfate  de  fer,  l'acétate  de  cuivre  précipitent  la 
solution  aqueuse  froide  de  limacine. 

lilMAÇOîK.     {Voy.  Oreille  interne.) 

LIMAÇOIVIS.  Nom  vulgaire  sous  lequel  on  désigne  diverses  espèces  du  genre 
Hélix  de  nos  climats,  par  opposition  aux  limaces  vraies.  Les  mollusques  gastéro- 
podes à  coquille  calcaire  qu'on  appelle  plus  spécialement  limaçons,  se  rapportent 
surtout  aux  Hélix  pomatia,  adspersa,  nemoralis,  sylvatica,  vermiculata, 
algira,  etc.,  qui  sont  édides.  (Voy.  Hélix.)  A.  Laboulbène. 

LIMANDE.  Poisson  à  chair  comestible,  malacoptérygien,  de  la  famille  des 
pleuronectides  et  du  genre  Pleurouecte.  {Voy.  ce  mot.)  La  Limande  (Pleuronec- 
tes  limanda.,  Linn.;  Bloch.,  pi.  46,  Encyclop.,  p.  40,  f.  158),  vulgairement  ap- 
pelée Plie  de  mer,  tandis  que  la  Plie  ordinaire  porte  les  noms  de  Plie  franche  ou 
Carrelet,  est  longue  de  30  centimètres,  rarement  plus;  les  yeux  sont  placés  à 
droite  de  la  ligne  dorsale  déviée  ;  la  couleur  est  brune  en  dessus  ou  brun  jau- 
nâtre avec  des  taches  obscures.  La  ligne  latérale  est  très-courbe  sur  la  tête,  les 
écailles  sont  dentelées  et  aspéruleuses  ;  on  trouve  des  écailles  sur  les  rayons  des 
nageoires  dorsale  et  anale;  la  nageoire  caudale  est  noirâtre  et  tronquée,  ou 
très-légèrement  échancrée.  Un  piquant  existe  constamment  près  de  l'orifice  anal. 

La  Limande  est  commune  sur  les  côtes  de  la  France,  elle  remonte  quelquefois 
la  Semé  jusqu'auprès  de  Paris,  et  la  Loire  jusqu'à  Orléans  ;  mais  d'une  manière 
accidentelle.  C'est  une  espèce  marine.  La  chair  en  est  moins  estimée  que  celle  de 
la  Plie  franche.  {Voy.  Pleuronecte,  Poisson.)  A.  Laboulbène. 

LIME.  Genre  de  mollusques  acéphales,  monomyaires,  de  la  famille  des  Pec- 
tinides,  dont  la  chair  est  édule.  La  coquille  de  ces  mollusques  est  longitudinale, 
et  parfois  oblique,  à  côtes  ou  striée,  souvent  hérissée.  Lorsque  les  valves  sont  en- 
core jointes  par  le  hgament  à  l'état  frais,  elles  ne  ferment  pas  complètement  ;  le 
côté  antérieur  forme  une  canule  pour  le  passage  d'un  hyssus  ou  du  pied.  Quoy  et 
€aimarà  ont  décrit  l'animal  des  Limes,  et  Délie  Chiaje  l'a  également  représenté; 
il  ressemble  aux  Pecten,  mais  le  manteau  est  très-ample  avec  le  bord  divisé  en 
deux  parties  bien  distinctes,  dont  l'une  externe  déborde  la  coquille  et  dont  l'autre 
interne  se  développe  comme  un  large  voile,  derrière  lequel  l'animal  peut  se 
cacher.  Des  tentacules  flexibles  s'attachent  sur  la  première  partie  du  bord.  La 
bouche  est  placée  sur  la  face  antérieure  du  muscle  adducteur  des  valves,  les 
lèvres  buccales  sont  soudées  vers  leur  miheu  et  ouvertes  seulement  vers  les  deux 
commissures.  De  chaque  côté,  il  existe  une  paire  de  larges  feuillets  branchiaux 
épais  et  striés,  et  entre  ces  feuillets  est  placé  le  pied,  qui  est  coudé  au  sommet. 

Les  Limes  nagent  très-vite  et  par  soubresauts,  en  frappant  ou  battant  leurs 
valves  l'une  contre  l'autre;  cette  locomotion  rappelle  le  vol  de  quelques  Lépido- 
ptères diurnes.  On  trouve  principalement  les  Limes  dans  les  anfractuosités  des 
rochers  et  dans  les  cavités  que  laissent  les  zoophytes. 

Les  Limes  ne  fournissent  qu'un  aliment  de  médiocre  quahté.  {Voy.  Mollusques.  ) 

A.  Laboulbène. 

LIMETTIER.     Nom  donné  à  un  certain  nombre  de  variétés  d'une  espèce  du 


LIMONADES   (pharmacologie),  583 

genre  Citrus  établie  par  Risso  sous  le  nom  de  Citrus  Limetta.  Cette  espèce  n'est 
pas  généralement  admise  et  les  divers  éléments  doivent  en  être  répartis  dans  les 
autres  espèces  du  genre.  Le  Bergamottier  et  ses  diverses  formes  {voy.  ce  mot) 
l'ont  partie  des  Limettiers  de  Risso.  Quant  aux  Liraettiers  proprement  dits,  liisso 
leur  attribue,  dans  son  ouvrage  publié  avec  Poiteau,  en  1818  :  le  port  et  les 
feuilles  du  Limonier;  des  fleurs  blanches,  petites,  d'une  odeur  douce  particulière; 
des  fruits  d'un  jaune  pâle,  ovales,  arrondis  ou  terminés  par  un  mamelon;  une 
pulpe  douceâtre,  fade  ou  légèrement  amère.  Leurs  principales  formes  sont  :  le 
Limettier  ordinaire  ou  Lime  douce  de  Gallesio,  le  Limettier  de  Rome,  le  Limet- 
tier  d'Espagne,  le  Limettier  à  fruit  tubercule,  le  Limettier  des  Orfèvres  et  le  Li- 
mettier pomme  d'Adam. 

Ces  diverses  formes  ne  sont  presque  d'aucun  usage  dans  la  parfnmene.  Leur 
pulpe  est  bien  moins  agréable  que  celle  des  oranges  ;  on  en  compose  ce])endun 
des  glaces  assez  parfumées. 

Gallesio.  Traité  du  Citrus,  1811.  —  Risso  et  Poiti.au.  Histoire  naturelle  des  Orangers. 
Paris,  1818.  Pi,. 

LimXAiKTnEMOI.  Nom  proposé  par  Gmelin  (mAct.  Acad.  petropol.,  17G9, 
XV,  567,  t.  17),  [)0ur  des  Gentianacées  voisines  des  Villarsia^  dont  elles  ne  diffé- 
reraient que  parleur  fruit  indéhiscent.  Ce  genre  n'est  généralement  pas  adopté;  et 
les  plantes  amères,  toniques,  qu'il  renferme,  ont  été  rapportées  par  beaucoup 
d'auteurs  aux  Villarsies.  {Voy.  ce  mot.)  Le  L.  indicum,  espèce  comestible  et  mé- 
dicinale, est  le  F.  indica  de  Ventenat.  Le  L.  nymphœoïdes  Lk  est  le  Menyanlhes 
nymphceoïdes  de  Linné,  ou  Villarsia  nymphœoïdes  de  Ventenat.  H.  Bn. 

njnJVOPDilvE  {Limnopliila  R.  Br.).  Genre  de  plantes,  de  la  famille  des 
Scrofulariacées,  tribu  des  Gratiolées,  que  Lamarck  a  nommé  Ambulia.  La  fleur 
y  est  pentamère,  avec  une  corolle  bilabiée,  quatre  étamines  didynames,  à  loges 
séparées,  et  un  ovaire  biloculaire,  à  loges  multiovulécs.  Le  fruit  est  une  capsule 
locuhcide.  Les  Limnopliila  sont  des  herbes  des  marais  de  l'Asie  et  de  la  Nouvelle- 
Hollande.  Leurs  feuilles  sont  opposées,  et  leurs  fleurs  sont  solitaires  ou  réunies 
en  grappes.  Deux  espèces  sont  recherchées  dans  la  médecine  des  pays  chouds. 

I.  L.  gratissima  Bl.  {L.  Roxburghii  Don,  Gen.  Syst.,  IV,  543.  —  Capraria 
gratissima  Roxb.,  FI.  ind.,  III,  92).  Espèce  de  l'Inde,  de  Java,  aromatique,  to- 
nique, recherchée  au  Malabar  dans  le  traitement  des  fièvres 

II.  L.  trifida  Spv^ekg.,  Syst.,  II,  802  {L.  gratioloïdes  R.  Br.,  Prodr.  N.  Holl.^ 
442.  —  Gratiola  trifida  W.,  Spec,  I,  104.  —  G.  vircfmiana  L.,  Spec,  25 
(part.).  — Hoitonia  indica  L.,  Spec,  208.  ' —  Columnea  balsamea  Roxb.,  FI. 
ind.,  III,  97.  — Eydropityon  pedimculatinn  Ser.,  in  DC.  Prod.,  I,  44).  Celte 
espèce,  de  l'Inde  orientale  (et  non  de  l'Amérique  du  Nord),  est  aromatique,  bal- 
samique, excitante  ;  elle  s'emploie  comme  un  bon  fébrifuge,  et  dans  le  traitjment 
des  maladies  de  la  gorge,  de  la  poitrine.  II.  Bn. 

Brown  (R.),  Prodr.  fl.  N.  Holl.,U2.  —  Bemh.,  Scroful.  md.,  25.  — DC,  P-odr.,  X.  386. 
—  Lamk,  Dict.,  I,  128.  — EsDL.,  Gei^.,  n°  3952.  —  Roseî<ih.,  Syn.  plant,  diaphor.,  470. 

LIJMOIV.  Fruit  du  Limonier,  plante  du  genre  Citrus,  regardée  par  quelques 
auteurs  comme  une  espèce  distincte  [Citrus  Limonum  Risso),  par  d'autres  comme 
une  simple  variété  du  Citrus  medica  L.  [Voy.  Citrokkier.) 

LIl!IO]%ii.DEiS.  d  I,  Pharmacologie.     Le  nom  de  limonade  a  été  d'abord 


58i  LIMONADKS  (pharmacologie). 

donné  à  une  boisson  préparée  avec  le  suc  de  citron  étendu  d'eau  et  édulcorée 
convenablement.  Ce  nom  lui  vient,  soit  de  ce  qu'on  pouvait  employer  également 
le  suc  du  limon  pour  obtenir  cette  boisson,  soit  plutôt  parce  que  le  fruit  de  l'arbre 
que  nous  appelons  citron  et  citronnier  sont  appelés  par  tous  les  autres  peuples 
limon  et  limonier.  Aujourd'hui  le  nom  de  limonades  est  appliqné  à  des  boissons 
acidulés  employées  surtout  dans  les  maladies  inflammatoires.  On  les  prépare 
tantôt  avec  le  citron,  l'orange  ou  d'autres  fruits  acides,  comme  les  groseilles,  les 
cerises,  etc.  ;  tantôt  avec  un  acide  végétal  ou  minéral,  quelquefois  avec  un  sel 
acide  comme  la  crème  de  tartre,  le  citrate  de  magnésie,  etc.  Ces  préparations  se 
prennent  froides.  Elles  ne  doivent  pas  être  renfermées  dans  des  vases  de  métal 
qui  puissent  être  attaqués  par  l'acide  qu'elles  contiennent.  Les  vases  en  verre 
ou  en  porcelaine  sont  ceux  qu'il  faut  préférer. 

Les  limonades  les  plus  employées  sont  les  suivantes  : 

Limonade  commune.  La  manière  la  plus  ordinaire  et  la  plus  simple  de  faire 
cette  limonade  consiste  à  mettre  un  ou  deux  citrons  coupés  par  tranches  dans  un 
litre  d'eau  à  laquelle  on  ajoute  50  à  60  grammes  de  sucre,  on  laisse  macérer  pen- 
dant une  ou  deux  heures.  Quelquefois  on  enlève  le  zeste  du  citron  ;  dans  ce  cas, 
il  faut  avoir  soin  de  séparer  en  même  temps  le  parenchyme  blanc  qui  est  sous- 
jacent,  autrement  cette  partie  communiquerait  une  saveur  amère  à  la  boisson  ;  les 
semences  doivent  également  être  séparées.  Souvent  au  lieu  de  composer  la  Hmo- 
nade  à  froid,  comme  il  vient  d'être  indiqué,  on  se  sert  de  préférence  d'eau  bouil- 
lante que  l'on  jette  sur  le  citron.  Cette  limonade,  qui  est  appelée  limonade  cuite, 
est  moins  acide  au  goût  parce  que  l'eau  a  dissous  une  certaine  quantité  de  mu- 
cilage. 

La  limonade  à  l'orange  ou  orangeade  se  prépare  de  la  même  manière,  eu  rem- 
plaçant le  citron  par  l'orange. 

Les  limonades  à  la  cerise,  à  la  groseille,  à  la  framboise,  etc.,  s'obtiennent  en 
mêlant  à  900  grammes  d'eau,  100  grammes  de  chacun  de  ces  sirops.  Ces  limonades 
sont  gazeuses  quand  on  remplace  l'eau  simple  par  de  l'eau  chargée  d'acide  carbo- 
nique. (Codex.) 

La.  limonade  tartrique  se  prépare  en  mêlant  à  900  grammes  d'eau,  100  gram- 
mes de  sirop  d'acide  tartrique.  Pour  la  limonade  citrique  et  celle  à  Y  orange,  le 
sirop  d'acide  tartrique  est  remplacé  par  le  sirop  d'acide  citrique  aromatisé  au  citron 
ou  à  l'orange  [Codex);  ces  limonades  sont  employées  comme  antiseptiques,  rafraî- 
chissantes et  diurétiques. 

Limonade  lactique  (Magendie).  Acide  lactique,  4  à  10  grammes  ;  eau,  900  gram- 
mes ;  sirop  de  sucre,  iOO  grammes.  Dans  les  cas  de  dyspepsie  ou  de  simple  affai- 
blissement des  organes  digestifs.  Peu  employée.  [(Fo^/.  Lactique  (Acide).] 

Limonade  acétique  ou  Oxycrat.  (Velpeau.) Vinaigre  blanc,  50  grammes;  eau 
commune,  900  grammes;  sirop  de  sucre,  70  grammes.  Boisson  rafraîchissante 
employée  dans  les  fièvres,  les  phlegmasies,  etc. 

Limonade  alcoolique  des  hôpitaux.  Alcool  rectifié,  60  grammes  ;  sirop  tar- 
trique, 60  grammes;  eau,  880.  Mêlez. 

Limonade  vineuse  des  hôpitaux.  Vin  rouge,  250  grammes  ;  sirop  tartrique, 
60  grammes  ;  eau,  700  grammes. 

Limonade  à  la  crème  de  tartre.  Crème  de  tartre  soluble,  20  grammes;  eau 
bouillante,  900  grammes  ;  sirop  de  sucre,  100  grammes.  On  fait  dissoudre  la 
crème  de  tartre  dans  Peau,  et  on  ajoute  le  sirop  de  sucre.  {Codex.) 

Limomi-de  au  citrate  demagnésie  [voy.  Magnésie). 


LIMONADES  (hygiène).  5{<5 

Limonade  sèche.  La  limonade  sèche  est  un  mélange  de  poudres  qui,  mêlées 
avec  l'eau  donnent  lieu  à  une  boisson  analogue  à  celle  que  l'on  prépare  avec  le 
citron.  Pour  l'obtenir,  on  mélange  8  grammes  d'acide  citrique  pulvérisé  avec 
125  grammes  de  sucre  en  poudre  grossière  aromatisé  avec  quelques  gouttes 
d'oléo-saccharure  de  citron.  On  conserve  dans  un  flacon  qui  ferme  bien.  La  dose 
est  d'une  cuillerée  pour  un  verre  d'eau.  Ce  mélange  peut  être  transformé  en  limo- 
nade gazeuse  par  l'addition  de  bicarbonate  de  soude  qui,  au  moment  de  la  disso- 
lution dans  l'eau,  est  décomposé  par  l'acide  citrique  avec  dégagement  d'acide 
carbonique.  Yoici  alors  la  formule  qu'il  faut  suivre  pour  l'obtenir  :  sucre  râpé  et 
aromatisé,  50  grammes;  acide  citrique,  3  grammes  pour  un  paquet  blanc.  D'autre 
part,  bicarbonate  de  soude,  2  grammes  pour  un  paquet  bleu.  On  fait  dissoudre  le 
contenu  du  paquet  blanc  dans  un  litre  d'eau,  puis  on  ajoute  ce  que  renferme  le 
paquet  bleu.  V orangeade  sèche  se  prépare  de  la  même  manière,  mais  en  em- 
ployant l'oléo-saccbarure  d'orange.  On  peut  aussi  préparer  des  limonades  sèches 
avec  d'autres  acides. 

Les  limonades  minérales  sont  celles  dans  lesquelles  on  fait  entrer  un  acide  mi- 
néral. La  limonade  sulfurique  s'obtient  en  mélangeant  2  grammes  d'acide  sulfu- 
rique  pur  à  i  ,84  au  densimètre,  900  grammes  d'eau  et  100  grammes  de  sirop  de 
sucre.  [Codex.)  Cette  limonade  a  été  préconisée  autrelois  sous  le  nom  d'eau  anti- 
putride de  Beau  fort. 

On  prépare  de  la  même  manière  et  aux  mêmes  doses  les  limonadef!  nitrique, 
phosphorique  et  chlor hydrique,  la  première  avec  l'acide  nitrique  pur  à  \  ,42,  la 
seconde  avec  l'acide  phosphorique  pur  à  1 ,45,  et  la  troisième  avec  l'acide  chlor- 
hydrique  pur  à  1,17.  Ces  doses  peuvent  être  augmentées  ou  diminuées  selon  le 
besoin.  T.  Gobley, 

§  II.  Hygiène.  Les  limonades  envisagées  au  point  de  vue  de  l'hygiène 
sont  des  boissons  acidulés  gazeuses  ou  non  gazeuses,  qui  ont  pour  office  d'étan- 
cher  la  soif.  On  en  peut  rapprocher  de  l'eau  Seltz,  dont  on  fait  actuellement  un 
usage  si  immodéré  sur  nos  tables,  et  les  eaux  naturelles  acidulés  gazeuses. 

Les  limonades  sont  des  boissons  rafraîchissantes;  elles  tempèrent  la  soif,  pro- 
duisent une  sensation  agréable  de  fraîcheur,  calment  l'excitation  circulatoire  et 
abaissent  sensiblement  la  chaleur  organique.  Quelle  est  la  cause  de  cet  effet  qui 
est  de  constatation  journalière?  Les  acides  végétaux  tempéreraient- ils  la  chaleur 
en  absorbant  l'oxygène  à  leur  passage  dans  le  torrent  circulatoire,  pour  se  brûler 
■et  se  trcuisformer  en  dernière  analyse  en  eau  et  en  acide  carbonique?  (Délioux 
Mém.  sur  les  acides  vége'taux,  Gaz.  méd.  de  Paris,  1851.)  Les  médecins  qui 
ne  reculent  pas  devant  les  interprétations  chimiques,  n'hésiteront  pas  à  adopter 
celle-ci,  que  nous  nous  contentons  de  rappeler. 

Le  goût  des  boissons  acidulés  est  très-général  ;  elles  répondent  à  un 
appétit  et  à  un  besoin;  mais  leur  usage  doit,  sous  peme  d'inconvénients  très- 
sérieux,  être  maintenu  Cslxis  de  justes  limites.  Autrement  elles  débilitent  l'esto- 
mac, produisent  de  la  giistralgie,  de  l'inappétence,  de  la  diarrhée  par  indigestion 
aqueuse,  des  flatulences,  sans  compter  cette  ivrognerie  des  acides,  qui  porte  à 
acidifier  de  plus  en  plus  ses  boissons,  pour  satisfaire  aux  exigences  d'un  palais 
blasé  par  l'habitude.  Ce  dernier  inconvénient,  qui  aboutit  à  des  troubles  graves 
de  la  nutrition,  est  surtout  à  craindre  chez  les  gens  nerveux,  les  femmes  surtout, 
et  principalement  les  chlorotiques,  qui  sont  singulièrement  disposées  à  celte 
appétence  des  acides.  Les  effets  constatés  à  la  suite  de  l'abus  des  boissons 


586  LIMONADES  (hygiène). 

vinaigrées  prises  pour  combattre  uu  embonpoint  disgracieux  sont,  à  la  mesure 
près,  imputables  à  l'abus  des  limonades.  Pour  le  dire  incidemment,  cette  incar- 
tade hygiénique,  arme  de  suicide  plutôt  que  de  coquetterie,  ne  date  pas  d'hier, 
puisque  Guillaume  Varignana,  professeur  à  Bologne  en  1302,  connaissait  les 
propriétés  émacianles  du  vinaigre,  et  l'employait  dans  ce  but.  {Voy.  Sprengel, 
Hist.  de  la  mcd.,  t.  Il,  p   452.) 

Les  fruits  acidulés  paraissent  être  l'un  des  besoins  de  la  vie  dans  les  pays 
chauds  ;  aussi  la  nature  les  a-t-elle  multipliés,  avec  une  véritable  libéralité,  dans 
les  régions  intertropicales;  seulement  (et  c'est  un  enseignement  dont  l'hygiène 
doit  profiter),  le  {irincipe  acide  y  est  mitigé  par  des  arômes  variés,  mais  presque 
toujours  fragrants,  qui  stimulent  le  goût  et  l'estomac,  et  préviennent  l'état  flatu- 
lent  que  ces  boissons,  auxquelles  les  gens  du  monde  attribuent  l'inconvénient 
d'être  froides,  sont  disposées  à  produire.  D'où  aussi  l'utilité  des  limonades,  mais  à 
la  condition  qu'elles  soient  prises  avec  discrétion.  Celle,  établissant,  dans  un 
ouvrage  d'ailleurs  très-bien  fait,  une  distinction  entre  l'hygiène  des  climats 
chauds  et  humides,  et  celle  des  climats  chauds  et  secs,  admet  que  les  bois- 
sons acidulés,  nuisibles  dans  les  premiers  et  susceptibles  d'augmenter  la  soif 
et  de  diminuer  l'appétit,  conviennent  au  contraire  dans  les  seconds.  (E.  Celle, 
Hyg.  des  pays  chauds,  p.  216.)  On  ne  saurait  souscrire  à  cette  distinction. 

La  question  de  Topporl unité  de  fournir  aux  équipages  des  bâtiments  qui  na- 
viguent dans  les  pays  chauds  une  boisson  acidulé  propre  à  étancher  leur  soif,  est 
peut-être  une  des  plus  graves  de  l'hygiène  navale.  Je  l'ai  longuement  discutée 
dans  un  ouvrage  spécial  {Traité  d'hygiène  navale  ou  de  l'influence  des  condi- 
tions physiques  et  morales  dans  lesquelles  l'homme  de  mer  est  appelé  à  vivre,  et 
des  moyens  de  conserver  sa  santé.  Paris,  1856,  p.  546).  Que  la  boisson  soit  sim- 
plement de  l'eau  acidulée  par  du  vinaigre  ;  que  ce  soit  la  posca  ou  l'oxycrat  des- 
soldats romains  ;  que  l'on  substitue  le  jus  de  citron  au  vinaigre,  quand  les  circon- 
slanccs  d'approvisionnement  le  permettent  ;  que  ce  soit  de  l'eau  légèrement  alcooli- 
sée; il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  le  matelot  ayant  à  disposition  \xn  charnier 
plein  de  ces  breuvages  est  incité  à  boire,  et  qu'il  arrive  ainsi  par  l'habitude  à  une 
sorte  d'ivrognerie  des  boissons  aqueuses  que  je  considère  comme  ayant  sur  la 
santé  l'influence  la  plus  déplorable.  Mieux  vaudrait  certainement  que  chaque 
homme  reçiit  par  jour,  et  pour  être  consommé  en  dehors  de  ses  repas,  i  litre 
d'une  eau  très-légèrement  vineuse  (au  quart  ou  au  cinquième,  par  exemple);  on 
saurait  ainsi  ce  que  chaque  matelot  consommerait  et  on  n'aurait  pas  à  combattre 
à  chaque  instant  ces  diarrhées  qui  frappent  quelquefois  en  même  temps  une 
grande  partie  d'un  équipage,  et  qui  tiennent  à  l'abus  des  boissons  aqueuses;  on 
éviterait  aussi  ces  troubles  dyspeptiques  qui  ouvrent  la  porte  à  l'anémie  et  à  son 
cortège  de  conséquences  si  graves. 

Ce  qui  arrive  pour  les  officiers  qui  abusent  des  limonades  et  qui  ne  savent 
pas  maîtriser  leur  soif,  est  instructif  à  ce  point  de  vue.  Ces  boissons  acidulés  sont 
salutaires  quand  on  les  prend  en  petite  quantité,  mais  dès  qu'on  se  départ  d'une 
modération  nécessaire,  elles  deviennent  une  cause  d'affaiblissement  des  plus 
fâcheuses,  par  l'abondance  des  sueurs  qu'elles  provoquent.  Le  corps  transpirant 
sous  les  tropiques  comme  une  sorte  d' al  car  azas  poreux,  se  laisse  traverser  avec  une 
rapidité  incroyable  par  l'eau  ou  les  boissons  acidulés  qui  s'échappent  par  la  peau, 
entraînant  avec  elles  les  matières  organiques  qui  entrent  dans  la  composition  de 
la  sueur;  d'où  une  déperdition  et  un  affaiblissement  iné\itables,  d'où  aussi  l'abon- 
dance de  cette  éruption  papuleuse  de  bourbouilles  {lichen  tropicus),  qui  n'est  paS' 


LIMONADES   (hygiène).  587 

l'une  des  moindres  souffrances  qui  attendent  l'Européen  avant  qu'il  se  soit  indigé- 
nisé.  Dans  les  pays  où  les  citrons  abondent,  il  est  difficile  de  résister  à  la  tenta- 
tion d'en  faire  un  usage  excessif;  on  peut  prévenir  une  partie  des  inconvénients 
attachés  à  cet  abus,  en  additionnant  les  limonades  d'une  faible  quantité  de  vin 
ou  de  quelques  gouttes  de  rhum  ou  d'eau-de-vie.  Dans  les  contrées  chaudes,  les 
boissons  alcooliques  très-diluées  conviennent  infiniment  mieux  que  les  boissons  aci- 
dulés, et  surtout  que  les  boissons  aqueuses;  mais  l'eau,  additionnée  d'une  très- 
légère  quantité  de  café  [voyez  ce  mot),  est  encore  autrement  salubre.  Au  lieu  de 
provoquer  la  sueur,  ce  breuvage  la  modère  ;  au  lieu  de  fatiguer  l'estomac,  il  li! 
tonifie.  Il  est,  au  reste,  un  fait  d'observation  dans  les  pays  chauds,  et  qui  a  son  im- 
portance pratique  ;  c'est  qu'une  réï^istance  courageuse  à  l'appétit  impérieux  qui 
porte  à  boire  une  grande  quantité  de  liquides  entre  les  repas  est  récompensée 
bientôt  par  une  diminution  notable  de  la  soif  qui  devient  très-supportable.  Je 
suis  convaincu  que  la  moitié'  del'hygiène  des  pays  chauds  réside  dans  C absten- 
tion des  boissons  dans  l'intervalle  des  repas.  J'ai  dû  à  cette  règle  la  conservation 
de  ma  santé  pendant  cinq  ans  de  station  au  Sénégal,  et  j'y  attache  une  importance 
capitale,  [Hyg.  navale,  p.  450  et  549.)  C'est  là,  du  reste,  une  opinion  partagée 
par  beaucoup  de  médecins  de  la  marine. 

h'eaîi  vineuse  est,  par  le  fait,  une  Umonade,  mais  dans  laquelle  l'acidité 
est  adoucie  par  les  autres  principes  du  vin.  C'est  la  meilleure  des  boissons  desti- 
nées aux  malades.  Elle  peut  les  remplacer  toutes,  et  nulle  ne  saurait  la  sup[iléer. 
On  en  gradue  facilement  la  force,  et  suivant  son  degré  de  vinosité,  elle  est 
tout  simplement  ou  tempérante  ou  tonique,  enfin  la  diversité  des  vins  qui  peu- 
vent servir  à  sa  préparation,  contribue  encore  à  en  faire  varier  la  nature  aussi  bien 
que  le  goût.  Le  bourgogne,  mais  surtout  le  bordeaux  sont  les  deux  vins  qui 
donnent  la  meilleure  eau  vineuse.  L'addition  de  sucre  et  d'essence  de  citron, 
quelquefois  d'une  petite  quantité  du  suc  de  ce  fruit,  ou  le  mélange  a\ec  l'eau 
de  Seltz,  concourent  à  rendre  l'eau  viueuse  en  même  temps  plus  agréable  et  plus 
tempérante.  Il  n'est  guère  de  malades  qui  ne  recherchent  avec  avidité  cette 
Doisson,  dans  laquelle  ils  trouvent  une  diversion  utile  aux  tisanes  sucrées  dont 
on  les  abreuve  d'ordinaire. 

Les  limonades  gazeuses  (et  l'eau  de  Seltz  artificielle  mérite  ce  nom,  puisqu'elle 
n'est  qu'une  dissolution  d'un  acide  gazeux  dans  l'eau)  sont  devenues  depuis  quel- 
ques années,  grâce  au  perfectionnement  des  procédés  de  fabrication,  un  des  besoius 
de  l'alimentation.  L'eau  de  Seltz,  servie  sur  nos  tables  dans  des  cruchons  siphoïdes, 
(dont  le  bec  doit  être  en  étain  pur) ,  ou  préparée  exteraporanément  dans  nos  mai- 
sons à  l'aide  des  appareils  gazogènes  de  Briet  ou  de  Fèvre,  l'eau  de  Seltz,  dis-je, 
est  consommée  de  nos  jours  avec  une  banalité  et  une  intempérance  qui  doivent 
fixer  l'attention  de  l'hygiéniste.  (Fonssagrives,  Eyg.  alim.  des  malades,  des  con- 
voi, et  des  valétud.,  ou  du  régime  envisagé  comme  moyen  thérapeutique,  2®  édit. 
Paris,  1867,  p.  33.  Voyez  aussi  Al.  Aug.  Legrand,  Sur  Veau  de  Seltz  et  la 
fabricat.  des  boissons  gazeuses.  Paris,  1861.)  L'inconvénient  principal  de 
l'usage  journalier  de  l'eau  de  Seltz  est  d'habituer  l'estomac  à  une  stimulation 
sans  laquelle  il  finira  par  ne  plus  pouvoir  digérer,  sans  préjudice  de  l'excitation 
cérébrale  produite  par  l'eau  de  Seltz,  et  qui  se  traduit  par  une  ivresse  très-passa- 
gère et  très-faible,  mais  réelle. 

Les  eaux  minérales  naturelles  de  Saint-Galmier,  Condillaç,  Schwalheim,  entrent 
aussi  dans  nos  habitudes  alimentaires.  Elles  ont  leur  utilité  sans  doute,  mais  ce 
sont  des  médicaments  à  indications  et  à  contre-indications  nettement  définies,.. 


588  LIMONADES  (thérapeutique). 

et  l'usage  banal  qu'on  en  fait,  sans  avis  de  médecin,   a  ses   inconvénients. 

Les  limo7iades  gazeuses  ne  sont  que  des  limonades  ordinaires  diversement  aci- 
difiées et  aromatisées  et  qui  ont  été  chargées  d'acide  carbonique  au  moyen  d'un 
appareil  gazogène.  Leur  acidité,  accrue  par  la  présence  du  gaz,  doit  rendre  très- 
réservé  dans  leur  emploi.  J'ai  vu  des  gastralgiques  qui  ne  pouvaient  user  de  ces 
boissons  sans  en  éprouver  des  crampes  très-douloureuses. 

Les  limonades  ne  conviennent  pas  à  tous  les  estomacs  ;  ceux  qui  sécrètent  une 
quantité  surabondante  de  suc  gastrique  s'en  accommodent  mal  ;  ils  en  éprouvent 
des  pincements,  si  ce  n'est  des  crampes  douloureuses.  Je  crois  même  avoir  trouvé 
dans  la  façon  dont  les  acides  et  le  sucre  sont  supportés  par  les  malades  un  moyen 
de  distinguer  la  dyspepsie  acide  de  la  dyspepsie  par  pénurie  de  sucs  gastriques  ou 
apepsie,  comme  l'appellent  les  Anglais.  Le  sucre  et  les  acides  déterminent  du 
pyrosis  dans  le  premier  cas,  ils  facilitent  la  digestion  dans  le  second.  Si  le  sucre 
faU  digérer,  comme  on  le  dit  vulgairement,  c'est  parce  qu'il  fa\orise  la  dissolu- 
tion des  aliments  en  se  transformant  en  acide  lactique,  mais  il  ne  fait  digérer  que 
les  apeptiques  ;  les  dyspepsies  avec  acidités  s'en  trouvent  au  contraire  très -mal. 
.l'ai  connu  un  m.alade  qui  ne  digérait  qu'à  la  condition  de  prendre,  après  ses  repas, 
un  verre  de  limonade  concentrée  ou  quelques  pelotes  de  sucre.  Il  y  a  là  une  ques- 
tion for!  in!éressante  et  qui,  je  le  reconnais  volontiers,  appelle  de  nouvelles  ro- 
clierches  cliniques. 

g  III.  Tlic-riipcutujiae.  I.  LiMONADEs  ACIDULES.  Ce  sout  celles  dont  nous  venons 
déparier;  elles  intéressent  exclusivement  l'hygiène  alimentaire  et  ne  sauraient 
être  considérées  comme  des  médicaments  actits  ;  elles  sont  désaltérantes,  tempé- 
rantes, diurétiques.  Leur  action,  eu  tout  cas,  n'étant  qu'un  diminutif  de  celles  des 
limonades  minérales,  nous  n'en  dirons  rien  ;  elles  intéressent  l'hygiène  plus  que 
la  thérapeutique.  Lorsque  celle-ci  veut  obtenir  un  résultat  médicamenteux,  elle 
laisse  de  côté  les  limonades  à  sucs  ou  à  acides  végétaux,  et  s'adresse  aux  hmo- 
nades  minérales,  qui  sont  bien  autrement  actives. 

II.  Limonades  acides  mikérales.  On  pourrait  certainement,  en  exagérant 
les  proportions  des  acides  végétaux  faibles  qui  servent  à  la  composition  des 
limonades,  les  faire  rentrer  dans  la  cs^té^orie  des  limonades  acides  ;  mais  celles- 
ci  peuvent  être  considérées  comme  exclusivement  préparées  avec  les  acides  miné-  • 
raux.  Pelles  constituent  en  effet  un  groupe  de  médicaments  à  action  physiologique 
et  à  indications  nettement  déterminées. 

L'acide  sulfurique,  l'acide  azotique,  l'acide  chlorhydrique,  l'acide  nitro-muria- 
tique,  l'acide  phos;ihorique,  isolés  ou  associés  à  d'autres  principes  médicamen- 
teux, servent  à  la  préparation  de  limonades  minérales  qui  ont  sensiblement  la 
même  action,  et  dont  l'histoire  thérapeutique  peut  être  confondue  dans  une  des- 
cription générale,  sauf  à  indiquer  les  apphcations  spéciales  qui  ont  été  faites  de 
chacune  d'elles. 

i"  Limonades  minérales  en  gênerai.  Les  limonades  minérales  déterminent 
une  sensation  agréable  de  fraîcheur;  elles  tempèrent  la  soif,  causent  à  l'estomac 
une  impression  de  vacuité  qui  ne  se  change  en  tiraillements  que  quand  l'acidité 
dépasse  une  certaine  limite  ;  dans  ce  cas,  il  se  produit  une  sorte  d'astricf ion,  de 
pincements,  et,  chez  les  personnes  délicates,  de  véritables  spasmes  gastralgiques, 
L'excitation  de  l'appétit  et  des  aptitudes  digestives,  indiquée  par  quelques  auteurs, 
Pereira  entre  autres,  est  un  fait  qui  peut  se  rencontrer  chez  quelques  dyspeptiques 
ou  plutôt  apeptiques,  dont  le  suc  gastrique  manque  d'acidité,  mais  qui  est  au 
moins  douteux,  dans  l'état  physiologique  de  l'estomac;  l'accélération  des  mouve- 


LIMONADES  (thérapeutique).  58y 

meiits  intestinaux,  avec  ou  sans  diarrhée,  est  aussi  un  des  effets  des  limonades 
niinérales.  Leur  action  tempérante  s'accuse  par  une  diminution  notable  de  la  cha- 
leur organique,  un  abaissement  dans  la  force  et  la  fréquence  du  pouls  ;  en  même 
temps,  les  sécrétions  apparentes  sont  modifiées;  les  sueurs  diminuent;  les  urines 
augmentent  et  prennent  un  caractère  anormal  d'acidité.  On  avait  contesté  long- 
temps que  les  limonades  minérales  pussent  produire  ce  dernier  résultat,  et  on  se 
fondait  sur  les  affinités  persistantes  de  leurs  acides  qui  ne  leur  permettaient  pas 
d'arriver  en  nature  jusqu'aux  urines;  mais  on  sait  maintenant  que  les  réactions 
chimiques  accidentelles  dont  notre  organisme  est  le  théâtre  ne  se  passent  pas 
toujours  dans  l'appareil  circulatoire  comme  dans  un  verre,  et  que  la  présence  des 
principes  protéiques  peut  retarder,  amoindrir,  ou  même  emj)êcher  certaines  réac- 
tions d'éléments  fort  disposés  par  ailleurs  à  agir  les  uns  sur  les  autres.  L'albu- 
mine du  sérum  peut  aussi  s'opposer  à  la  combinaison  des  acides  avec  les  bases, 
la  soude  par  exemple,  et  permettre  aux  premiers  d'arriver  jusqu'au  rein  qui  les 
élimine;  d'où  une  acidité  anormale  de  l'urine,  d'oii  aussi  une  plus  grande  quan- 
tité d'acides  organiques,  l'acide  urique  par  exemple,  que  l'acide  minéral  a  dégagés 
de  leurs  combinaisons  salines.  [Voy.  l'article  Acides,  où  cette  question  a  été  dis- 
cutée.) Cette  notion  de  la  présence  des  acides  minéraux  en  nature  dans  le  sang 
rend  compte  de  I  action  générale  très-énergique  exercée  par  les  limonades  ]iré- 
parées  avec  ces  acides,  action  tempérante  et  astrictive  à  la  fois,  qui  se  fait  sentir 
sur  tous  les  organes  et  tous  les  tissus  de  l'économie. 

Quand  l'usage  de  ces  limonades  est  accidentel,  tout  se  borne  aux  effets  que  nous 
venons  de  signaler;  mais  se  répète-t-il  souvent,  leur  action  est  plus  profonde  et 
elle  se  traduit  par  cet  ensemble  de  symptômes  et  de  lésions  que  nous  avons  carac- 
térisé par  le  mot  d'ivrognerie  des  acides,  à  savoir  :  un  état  misérable  delà  nutri- 
tion, de  l'amaigrissement  poussé  quelquefois  jusqu'au  marasme,  une  perte  plus 
ou  moins  complète  de  l'appétit,  une.  sorte  de  cachexie  scorbutique,  comme  l'a 
indiqué  Pereira. 

Dans  quel  groupe  thérapeutique  doivent  être  rangées  les  limonades  minérales? 
Mitscherlich  les  plaçait  parmi  les  médicaments  tempérants  [medicamenta  tempe- 
rantia),  dans  le  cinquième  groupe  de  sa  classification;  Schuitze  eu  faisait  des 
biolytiques  (dissolvants),  à  action  s'exerçant  sur  le  sang  [hématohjticjues),  elen 
particulier  sur  les  globules  [hematolytica  physoda).  Pour  Giacomini,  les  acides 
dilués  sont  des  hyposthénisants  à  action  cardiaco-vasculaire,  principalement 
portée  sur  le  système  veineux.  Pereira  les  place  dans  le  groupe  des  hématiqiies 
ou  médicaments  agissant  sur  le  sang,  et  dans  l'ordre  des  spanémiques  ou  médi- 
caments altérants,  dijsplastiqiies.  L'École  pharmacologique  française,  s'attachant 
surtout  à  la  dépression  produite  par  les  acides  dilués  sur  le  pouls  et  la  chaleur, 
les  classe  dans  le  groupe  des  médicaments  tempérants,  et  c'est  là  peut-être  la 
moins  défectueuse  de  ces  caractérisations.  Je  ne  dis  rien  de  l'admission  des  acides 
dans  le  groupe  amhigu  des  médicaments  irritants,  si  ce  n'est  que  l'autorité  de 
Trousseau  et  Pidoux  est  impuissante  à  défendre  un  arrangement  pareil,  qui  place 
la  limonade  sulfurique  à  côté  du  zinc,  du  cuivre,  de  la  moutarde,  des  cantha- 
rides,  de  l'ortie,  de  la  térébenthine,  etc.  L'ordre  alphabétique  vaut  évidemment 
mieux  qu'une  pareille  classification.  S'il  n'apprend  rien,  au  moins  il  ne  préjuge 
rien.  Quelle  est  l'utilité  prouvée  cliniquement  d'un  agent  thérapeutique  contre 
une  maladie  ou  un  élément  de  maladie?  telle  est  la  question.  Si  la  réponse  épar- 
pille un  même  médicament  dans  trois  ou  quatre  groupes  d'indications  qu'd  est 
susceptible  de  remphr,  où  est  le  mal?  La  bonne  philosophie  consiste  à  synthétiser 


590  LIMONADES  (thérapeutique). 

ce  qui  peut  l'être,  et  la  mauvaise  philosophie  à  synthétiser  ce  qui  y  répugne.  Ainsi 
les  limonades  minérales  seront,  tour  à  tour,  des  tempérants  ou  antiphlogistiquei: 
mineurs,  des  hémostatiques,  des  modificateurs  de  sécrétions ,  etc.,  suivant  qu'on 
se  proposera  cliniquement  d'obtenir  l'un  ou  l'autre  de  ces  résultats,  et  qu'on 
emploiera  les  doses  et  la  forme  les  plus  convenables  pour  y  arriver.  C'est  sous  ces 
chefs  principaux  que  nous  allons  ranger  l'emploi  thérapeutique  des  limonades  mi- 
nérales. 

A.  Action  tempérante.  Cette  action  leur  est  commune  avec  tous  les  acides 
dilués,  mais  les  acides  minéraux  employés  sous  forme  de  limonades  la  produisent 
d'une  façon  bien  plus  apparente.  J'appellerai  tempérants  les  médicaments  qui 
diminuent  l'activité  circulatoire  et  secondairement  la  chaleur  organique,  et  qui  ra- 
lentissant, par  suite,  les  actes  organiques  interstitiels  auxquels  aboutit  rinflamma- 
tion,  peuvent  être  considérés  comme  des  antiphlogistiques  à  action  peu  énergique, 
peu  durable,  mais  très-réelle.  Les  limonades  minérales  rempUssent  à  merveille 
cette  indication.  L'inflammation  est  le  troisième  acte  d'une  scène  morbide  dont  le 
premier  est  constitué  par  un  véritable  orgasme  circulatoire  général,  le  second 
par  une  fluxion  se  locahsant,  le  troisième  par  des  changements  nutritifs  s'accom- 
plissant  dans  l'organe  ou  le  tissu  fluxionné.  Le  premier  peut  manquer  ou  n'exister 
qu'à  un  degré  peu  appréciable.  C'est  le  seul  sur  lequel  les  tempérants  aient  prise, 
c'est  le  seul  aussi  dans  lequel  il  y  ait  opportunité  à  les  employer. 

Mais,  en  dehors  de  toute  localisation,  il  peut  y  avoir  intérêt  à  réfréner  le  mou- 
vement fébrile  et  à  combattre  certains  de  ses  symptômes,  tels  que  la  chaleur,  la 
soif,  la  véhémence  du  pouls.  C'est  ce  qui  se  présente  dans  les  fièvres  essentielles 
graves,  dans  la  fièvre  typhoïde  surtout.  Les  limonades  minérales  sont  indiquées 
alors,  non  pas  pour  combattre  la  putridité,  comme  on  le  disait  jadis,  mais  pour 
diminuer  l'éréthisme  circulatoire,  faire  tomber  la  chaleur  fébrile  et  tempérer  la 
soif.  On  défère  en  même  temps  à  une  autre  indication  importante  :  celle  de  soutenir 
les  forces  du  malade  en  combinant  l'action  des  amers,  du  quinquina,  par  exemple, 
ou  du  Colombo  (Pereira) ,  avec  celle  des  acides,  c'est-à-dire  en  prescrivant  des 
décoctions  de  ces  plantes  acidifiées  par  l'acide  sulfurique. 

B.  Action  hémostatique.  Les  limonades  minérales  sont  extrêmement  utiles 
dans  les  hémorrhagies  internes  non  justiciables  des  moyens  mécaniques  oi'  chirur- 
gicaux. Leur  action  me  paraît  être  d'une  double  nature  :  elles  modèrea''.  la  circu- 
lation et,  par  suite,  diminuent  la  force  d'afflux  et  de  choc  des  colonnes  sanguines 
sur  les  capillaires  par  lesquels  se  fait  l'hémorrhagie,  et  puis  aussi  elles  agissent 
par  une  action  astrictive  générale  sur  la  contractiUté  des  parois  vasculaires  qui, 
se  resserrant,  diminuent  ou  effacent  la  lumière  des  capdlaires  divisés  ;  peut-être 
aussi  pourrait-on  faire  intervenir,  dans  une  certaine  mesure,  une  action  des  acides 
sur  le  sang  lui-même  dont  les  éléments  seraient  en  quelque  sorte  coercés  et  qui 
deviendrait  momentanément  plus  plastique,  moins  fluide.  Les  épistaxis,  les  mé- 
trorrhagies,  les  hémopysies,  tles  hématuries  indiquent  très-habituellement  l'em- 
ploi de  la  limonade  sulfurique.  Dans  cette  dernière  hémorrhagie,  il  y  a  évidemment 
une  action  topique  dont  il  faut  tenir  compte.  Les  hémorrhagies  passives  survenant 
chez  des  individus  faibles,  épuisés,  s'accommodent  particulièrement  de  ce  moyen, 

C.  Action  modificatrice  des  sécrétions.  Cette  action  des  acides  minéraux 
dilués  explique  leur  utilité  dans  le  groupe  de  maladies  ou  d'éléments  morbides 
suivants  : 

a.  Uétérocrbiie  des  muqueuses.  Les  sécrétions  muqueuses  exagérées,  quel 
que  soit  leur  siège  (catarrhe  pulmonaire,  utérin,  vaginal,  etc.),  sont  modifiées  par 


LIMONADES  (thérapeutique).  5'Jl 

les  acides.  Les  muqueuses  qui  les  fournissent  sécrètent  moins  ;  elles  deviennent 
plus  sèches,  et  quand  le  but  est  dépassé,  elles  peuvent  s'échauffer  et  devenir  le 
siège  d'une  irritation  subaiguè. 

b.  Hétérocrinies  salivaires.  La  sialorrhée  essentielle  ou  symptomatique  est  éga- 
lement justiciable  de  ce  moyen,  qui  n'exclut  du  reste  en  rien  les  autres,  employés 
sinaultanément  ou  concurremment. 

c.  Hétérocrinies  gastro-intestinales.  Je  ne  dirai  rien  ici  de  cette  indication;  je 
rae  réserve  d'en  parler  plus  bas  à  propos  de  l'emploi  de  la  limonade  chlorhydrique 
contre  certaines  formes  de  dyspepsie. 

d.  Hétérocrinies  sudorales.  C'est  là  l'une  des  meilleures  et  des  plus  utiles 
applications  des  limonades  minérales.  Les  sueurs  profuses  des  convalescents, 
des  hectisiques,  de  la  suette,  indiquent  ce  moyen. 

e.  Hétérocrinies  urinaires.  Toutes  les  boissons  acidulés  sont  diurétiques;  elles 
conviennent  dès  lors  quand  il  faut  pousser  aux  urines.  Elles  paraissent  agir  à  la  fois 
sur  la  quantité  de  l'élément  aqueux  de  l'urine,  constituer  des  hydragogues  rénaux 
(Golding  Bird),  et  augmenter  en  même  temps  les  proportions  d'acide  urique 
éliminé  dans  un  temps  donné.  J'ai  dit  plus  haut  que  la  décomposition  des  urates 
pouvait  expliquer  cette  particularité.  On  a  recommandé  l'adrainistraLion  de  la 
limonade  sulfurique  dans  le  cas  de  diathèse  phosphatique.  L'observation  faite  jadis 
par  Brandes  que  les  acides  minéraux  pris  à  l'intérieur  sont  susceptibles  de  trans- 
former la  gravelle  blanche  ou  phosphatique  en  gravelle  urique,  est  passible  de 
l'explication  donnée  plus  haut  et  mérite  considération  au  point  de  vue  pratique. 

Toutes  les  indications  des  limonades  minérales  vieiment  se  ranger  sous  l'un  ou 
l'autre  de  ces  chefs  différents.  Il  serait  superflu  d'insister  da\aatage  sur  ces  géné- 
ralités. Examinons  l'emploi  spécial  de  chacune  d'elles  envisagée  en  particulier. 

2°  Limonades  minérales  en  particulier.  Les  acides  sulfurique,  azotique, 
nitro-muriatique,  chlorhydrique,  phosphorique  peuvent  entrer  dans  leur  compo- 
sition. Chacune  de  ces  sortes  de  hmonade  minérale  demande  à  être  étudiée  sépa- 
rément au  double  point  de  vue  de  l'adaptation  thérapeutique  et  de  la  posologie. 

A.  Limonade  sulfurique.  C'est,  sans  contredit,  la  plus  usitée  de  toutes,  et 
il  est  beaucoup  de  praticiens  qui  l'emploient  d'une  manière  exclusive,  ce  qui,  à 
mon  avis,  n'est  pas  justifié. 

Sydenham  en  faisait  un  usage  très-ordinaire  et  il  considérait  l'esprit  de 
vitriol  comme  un  agent  usuel  dans  le  traitement  des  fièvres  et  des  varioles.  La 
fièvre  continue  des  années  1675,  74  et  75  lui  fournit  l'occasion  d'expérimenter 
les  bons  effets  des  boissons  acidulées  par  l'acide  sulfurique.  Il  y  avait  recours 
principalement  quand  dominait  la  forme  phrénétique,  et  il  dit  à  ce  propos  : 
(I  Rien  ne  fit  si  bien  dans  cette  occasion  ((ue  l'esprit  de  vitriol  mêlé  pai-  gouttes 
dans  de  la  petite  bière  (on  sait  que  c'était  sa  tisane  favorite),  que  je  donnais 
ainsi  pour  boisson  ordinaire  après  une  saignée,  et  un  ou  deux  lavements.  En  peu 
de  jours  il  procurait  du  sommeil,  dissipait  les  symptômes  et  guérissait  le  malade. 
Aucune  autre  méthode  ne  me  réussissait,  à  beaucoup  près,  autant.  Un  grand 
nombre  d'expériences  me  persuadèrent  de  la  bonté  de  ce  remède.  »  {Méd. 
prat.  de  Sydenham,  trad.  Jault,  Paris,  1774,  p.  216).  L'esprit  de  vitriol  était 
aussi  l'un  des  éléments  de  cette  méthode  rafraîchissante  que  Sydenham  inaugura 
d'une  manière  si  sagace  et  si  hardie  en  même  temps  dans  le  traitement  de  la  va- 
riole. Les  petites  véroles  irrégulières,  des  années  1674  et  1675  lui  fournirent 
l'occasion  d'expérimenter  la  hmonade  sulfurique,  ou  plutôt  la  bière  sulfurique^ 
sur  une  grande  échelle.  Il  exprime  en  ces  termes  sa  pensée  sur  ce  moyen  :  «  Je 


592  LIMONADES  (inÉaAPECTiQCE). 

m'avisai  enfin  de  l'esprit  de  vitiiol  et  je  crus  qu'il  serait  en  état  de  remplir  les 
deux  indications  qui  consistaient  à  détruire  la  putridité  et  à  diminuer  la  violence 
de  la  chaleur.  Je  ne  faisais  rien  aux  malades  jusqu'à  ce  que  les  douleurs  et  les 
envies  de  vomir  qui  ont  coutume  de  précéder  l'éruption  eussent  cessé  et  que  toutes 
les  pustules  fussent  sorties.  Le  cinquième  ou  le  sixième  jour  de  la  maladie,  je  com- 
mençais à  faire  user  de  l'esprit  de  vitriol.  On  le  mêlait  dans  de  la  pelite  bière  jus- 
qu'à une  agréable  acidité.  Cette  bière,  ainsi  préparée,  était  la  boisson  ordinairedu 
malade  jusqu'à  ce  qu'il  fût  parfaitement  guéri,  et  je  l'obligeais  d'en  boire  abondam- 
ment, surtout  lorsque  la  suppuration  approchait.  L'esprit  de  vitriol  était  le  vrai 
spécifique  de  cette  maladie,  et  il  arrêtait  merveilleusement  tous  les  symptômes. 
Le  visage  s'enflait  de  meilleure  heure  et  beaucoup  davantage.  Les  interstices  des 
grains  étaient  plus  rouges.  Les  plus  petites  pustules  grossissaient,  du  moins  au- 
tant que  le  permettait  cette  sorte  de  petite  vérole.  Les  pustules,  qui  autrement 
auraient  été  noires,  rendaient  une  matière  jaune  et  couleur  de  miel...  La  suppu- 
ration et  tout  le  reste  se  faisait  plus  tôt...  J'ai  parlé  des  bons  effets  de  ce  remède. 
Quant  aux  inconvénients,  je  ne  lui  en  ai  jamais  trouvé  aucun.  A  la  vérité,  il 
arrête  presque  la  salivation  le  dixième  ou  le  onzième  jour,  mais  ce  défaut  est  sup- 
pléé par  quelques  selles  qui  arrivent  alors  et  qui  sont  moins  dangereuses  pour  le 
malade  que  n'était  la  salivation.  »  [Op.  cit.,  p.  224.)  J'ai  tenu  à  reproduire  ce 
passage,  parce  qu'il  a  une  importance  pratique  considérable  ;  ce  que  Sydenbam  a  vu 
au  lit  du  malade  est  bien  vu, et  il  y  aurait  certainement  lieu  de  restaurer  l'emploi  delà 
limonade  sullurique  dans  les  varioles  graves.  La  crainte  d'une  répercussion  cutanée 
est  purement  théorique.  La  petite  vérole  confluentc,  mais  non  maligne,  lui  paraissait 
également  indiquer  l'emploi  de  la  limonade  à  l'esprit  de  vitriol  {loc.  cit.,  p.  574 
tt  588). 

Dans  sa  lettre  touchant  une  nouvelle  sorte  de  fièvre  qui  parut  en  1685,  Sy« 
denham  vante  aussi  l'emploi  de  l'acide  sulfurique  très-étendu;  les  médecins 
qui  l'ont  suivi  employaient  également  les  limonades  sulfuriques  contre  les  fièvres, 
«  Les  acides,  disait  Grimaud,  comme  rafraîchissants  et  comme  antiseptiques,  sont 
éminemment  indiqués  dans  la  lièvre  ardente.  »  (Cours  des  fièvres,  par  feu  51.  de 
Grimaud,  2«  éd.,  Demorcy-Delettre.  Montpelher,  d815,  t.  III,  p.  287.)  Mais  il 
est  vrai  que,  réagissant  timidement  contre  l'opinion  de  Massarias,  qui  redoutait 
les  acides  dans  les  fièvres  à  cause  de  leur  qualité  astringente,  ce  grand  praticien 
s'en  tenait  aux  seules  limonades  végétales.  (Op.  cit.,  p.  288.)  La  hmonade  sulfu- 
rique n'en  mérite  pas  moins  une  place  importante  dans  le  traitement  complexe  des 
fièvres  graves,  comme  moyen  de  réfréner  la  chaleur  fébrile  et  de  faire  baisser  le 
pouls,  et  elle  est  encore  mieux  indiquée  quand,  ainsi  que  cela  arrive  souvent,  il 
y  a  tendance  aux  hémorrhagies  passives.  Desbois  (de  Rochefort)  la  préconisait 
contre  les  fièvres  adynamiques.  {Cours  élém.  de  mat.  médicale,  éd.  Lullier-Wins- 
low,  Paris,  1817,  1. 1,  p.  204.) 

Alibert  conseillait  la  limonade  sulfurique  dans  le  traitement  des  maladies  cuta- 
nées; elle  constituait,  de  son  temps,  une  des  tisanes  les  plus  habituelles  de 
l'hôpital  Saint-Louis.  [Nouv.  élém.  de  thérap.  et  de  matière  médicale,  Paris, 
an  VIII,  t.  II,  p.  129.)  On  ne  saurait  se  contenter  d'indications  aussi  vagues. 
Pereira  a  mieux  spécifié  en  considérant  la  limonade  sulfurique  comme  le  meilleur 
moyen  auquel  on  puisse  recourir  pour  rafraîchir  la  peau,  et  éteindre  l'ardeur  et 
les  démangeaisons  qui  accompagnent  le  ^lichen,  le  prurigo  et  l'urticaire  chro- 
niques. {The  £lem.  of  Materia  Medica  and  Therapeutics,  London,  1854,  fourth 
édition,  vol.  I,  p.  571.)  Encore  une  bonne  indication  à  remettre  en  vue. 


■    LIMONADES  (thérapeutique).  505 

Entre  les  maladies  hémorrhagiques  il  en  est  une,  le  purjiura,  qui  semble 
mdiqiier  naturellement  la  limonade  sulfurique.  L'auteur  précité  dit  l'avoir  em- 
ployée sans  avantage  aucun.  Tous  les  praticiens  ne  souscriront  peut-être  pas  à 
cette  condamnation  sommaire. 

Je  signalerai  enfin,  pour  être  complet,  l'emploi  de  la  limonade  sulfurique  dans 
les  diarrhées  anciennes  et  dans  le  choléra.  Les  essais  de  Kox,  de  Kensaltown,  de 
Fuller  et  de  Millar,  dans  cette  dernière  voie,  n'ont  peut-être  pas  été  suffisamment 
poursuivis. 

La  limonade  sulfurique  peut  être  préparée  avec  l'acide  suliurique,  ou  bien 
avec  des  mélanges  divers  dans  lesquels  intervient  cet  acide.  Je  citerai  au 
premier  rang  Veau  de  Rabel  (acidum  sulfuricum  alcoolisatum),  qui  contient 
1  partie  en  poids  d'acide  sulfurique,  pesant  1,84,  sur  5  parties  d'alcool  à  90°, 
et  qui  est  colorée  en  rouge  par  des  pétales  de  coquelicot;  cette  eau  s'emploie  à 
k  dose  de  6  à  8  grammes  dans  1  htre  de  véhicule  ;  l'élixirvitrioliquede  Mynsicht, 
qui  renferme  1  gramme  d'acide  sulfurique  par  kilogramme  ;  la  liqueur  acide  de 
Haller,  qui  contient  parties  égales  d'alcool  et  d'acide  sulfurique  et  s'emploie  à  la 
dose  de  4  grammes  pour  la  confection  de  1  litre  de  limonade. 

L'acide  sulfurique  aromatique  (acidum  sulfuricum  aromaticum  de  la  phar- 
macopée d'Edimbourg)  contient  de  l'acide  sulfiu^ique  du  commerce,  de  l'alcool  rec- 
tifié, de  la  cannelle  et  du  gingembre.  Il  s'emploie  aux  mêmes  doses  que  Y  acide 
mlfurique  dilué  àes  trois  pharmacopées  de  la  Grande-Bretagne,  lequel  est  con- 
stitué par  1  partie  d'acide  sulfurique  et  15  parties  d'eau  distillée. 

On  peut  rendre  la  limonade  sulfurique  plus  agréable  en  l'édulcorant  avec  des 
sirops  de  fruits  acides,  sirops  de  limons,  de  groseilles,  de  framboises,  et  en  y 
ajoutant  une  ou  deux  gouttes  d'huile  essentielle  de  citron.  La  précaution  de  main- 
tenir cette  limonade  dans  du  verre,  carafe  ou  bouteille,  est  indisjiensable;  elle 
dissout  en  eflét  énergiquement  les  métaux  et  l'émail  contenant  du  plomb. 

B.  Limonade  azotique.  Indépendamment  des  usages  généraux  des  limonades 
minérales  et  auxquels  s'applique  la  limonade  nitrique,  il  en  est  qui  lui  sont  spé- 
ciaux et  dont  je  dois  parler  ici. 

Un  médecin  anglais,  qui  exerçait  à  Bombay  à  la  fin  du  siècle  dernier,  le  docteur 
Scott,  a  préconisé  la  limonade  azotique  dans  le  traitement  des  maladies  chroniques 
du  foie.  Cette  pratique,  dont  il  paraît  avoir  obtenu  les  meilleurs  résultats,  n'a  pas 
pénétré  chez  nous.  Nos  médecins  de  la  marine  ont,  en  fait  de  ti'aitement  de  l'hé- 
patite chronique,  un  vaste  champ  d'expérimentation  au  Sénégal,  aux  Antilles, 
dans  l'Inde,  etc.,  et  il  n'est  peut-être  pas  inopportun  de  leur  rappeler  cette 
métliode.  C'est  également  à  Scott  que  l'on  doit  l'idée  d'avoir  recours  à  l'acide 
azotique  très-étendu  comme  médicament  antiphlogistique.  Cruicshank,  Rœderer, 
Holst  (de  Christiania),  Samuel  Cooper  et  d'autres,  ont  apporté  leur  témoignage, 
et  il  est  considérable,  en  faveur  de  cette  méthode.  Pereira,  qui  invoque  ces  auto- 
rités, pense  que,  quand  le  mercure,  l'iode,  l'or,  etc.,  viennent  à  échouer,  il  est 
loisible  de  tenter  ce  moyen,  principalemeut  chez  les  scrofuleux,  qui  sont  sou- 
vent, c'est  un  fait  d'observation,  réfractaires  à  l'action  des  morcuriaux.  [Op.  cit., 
vol.  I,  p-  430.)  Ce  même  auteur  conseille  alors  d'employer  l'acide  azotique  dans 
une  décoction  de  salsepareille.  Je  rappellerai  enfin  que  la  limonade  azotique  a  été 
préconisée  contre  l'albuminurie.  Le  docteur  llausen  (de  Trêves)  paraît  avoir  eu  le 
premier  l'idée  de  ce  moyen,  que  la  Gazette  des  hôpitaux  signalait  en  1846  à  l'at- 
tention des  médecins  français  ;  peu  après,  Forgot,  de  si  regrettable  mémoire,  lui 
consacrait,  dans  le  Bulletin  de  thérapeutique,  un  travail  intéressant  [duTraite- 

DICT.   ENC.    2°  S.  II.  58 


594  LIMONADES  (thérapeutique). 

ment  de  V albuminurie  ou  néphrite  alhumineuse  par  l'acide  nitrique,  1847, 
t.  XXXII,  p.  5).  Il  relatait  une  observation  «  d'albuminurie  avec  anasarque,  datant 
de  deux  mois,  et  qui  s'amenda  à  partir  du  moment  où  on  administra  l'acide  nitri- 
que. ))  Le  vingt-deuxième  jour,  les  urines  ne  charriaient  plus  d'albumine.  Forget 
expliquait  ce  résultat  par  une  action  topique  exercée  sur  le  rein  par  l'acide  nitrique 
qu'y  apporte  le  sang.  La  vérification  clinique  importe  plus  qu'une  explication,  mais 
Je  ne  sache  pasqu'elleait  prononcé  depuis.  L'albuminurie  n'étant  qu'un  symptôme 
de  causes,  de  durée  et  de  mécanisme  très-divers,  les  problèmes  thérapeutiques 
qui  s'y  rapportent  sont  complexes  et  exigent  une  analyse  très-attentive.  Forget 
recommandait  l'emploi  d'une  limonade  contenant  2  à  4  grammes  d'acide  azotique 
pour  500  grammes  ou  1  kilogramme  d'eau  convenablement  édulcorée.  Sa  for- 
mule vaut  mieux  que  celle  de  Hausen,  qui  recommande  une  potion  très-acide  et 
dont  l'estomac  doit  difficilement  s'accommoder. 

Si  l'on  emploie  l'acide  nitrique  alcoolisé  (acide  nitrique  à  1,51,  1  partie  en 
poids;  alcool  à  90°,  5  parties),  il  faut  évidemment  tripler  les  doses,  c'est-à- 
dire  employer  pour  1  litre  d'eau  de  6  à  12  grammes  de  ce  mélange. 

C.  Limonade  chlorhydrique.  La  limonade  chlorhydrique  a  les  mêmes  usages 
que  les  autres  limonades  minérales  ;  elle  est  du  reste  moins  employée  qu'elles  et 
peut-être  à  tort;  elle  a  en  effet  l'avantage  d'une  homogénéité  du  principe  acidifiant 
avec  le  suc  gastrique,  condition  de  tolérance  facile  ;  et  d'ailleurs  les  expériences 
de  digestion  artificielle  tentées  dans  les  laboratoires  de  physiologie  ont  montré 
l'activité  de  son  pouvoir  dissolvant.  Il  y  a  de  plus  certaines  incompatibilités  chi- 
miques qui  doivent  le  faire  préférer  à  la  Hmonade  sulfurique.  C'est  ainsi  que  j'ai 
vu  prescrire  simultanément  dans  des  hémorrhagies  graves  une  potion  au  perchlo- 
rure  de  fer  et  une  hmonade  sulfurique,  association  éminemment  incorrecte  et  qui 
n'est  peut-être  pas  sans  inconvénients;  je  prescris  dans  ce  cas  la  hmonade  chlor- 
hydrique. 

L'emploi  de  cette  limonade  a  surtout  été  vanté  contre  une  certaine  forme  de  dys- 
pepsie, celle  que  l'on  peut  supposer  entretenue  par  un  défaut  d'acidité  du  suc 
gastrique.  Trousseau  a  surtout  insisté  sur  l'emploi  de  l'acide  chlorhydrique  dans 
ce  cas.  On  mélange  quatre  gouttes  de  cet  acide  avec  un  verre  d'eau,  et  les  malades 
prennent  ce  breuvage  à  la  fin  de  leur  repas.  {Gaz.  des  hôpit.,  1848,  p.  143,  et 
Clinique  médicale  de  l'Hôtel-Dieu,  2^  édit.,  Paris,  1865,  t.  III,  p.  38.)  Le 
docteur  Wells  a  indiqué  comme  signe  différentiel  de  la  dyspepsie  acide  et  de  la 
dyspepsie  alcalescente  le  siège  spécial  de  la  douleur  dans  chacune  d'elles.  Dans 
la  première,  elle  occuperait  le  cardia;  dans  la  seconde,  le  pylore.  De  plus,  l'aci- 
dité de  l'urine  serait  un  indice  de  l'opportunité  des  alcalins,  tandis  que  l'abon- 
dance des  phosphates  et  oxalates  de  chaux  montrerait  qu'il  y  a  lieu  de  recourir 
de  préférence  aux  acides  {Bulletin  de  thérapeutique,  31  juillet  1860,  p.  88).  Ce 
sont  là  des  signes  assez  vagues,  et  on  peut  dire  que  jusqu'à  présent  le  tâtonnement 
peut  seul  servir  à  différencier  ces  deux  indications.  J'ai  dit  plus  haut  que  le  sucre- 
et  les  Umonades  constituaient  des  pierres  de  touche  à  interroger. 

D.  Limonade  nitro-muriatique .  On  sait  que  l'acide  nitro-muriatique  ou  eau 
régale  se  prépare  en  chauffant  au  bain-marie  un  mélange  de  1  volume  d'acide  azo- 
tique et  de  5  volumes  d'acide  chlorhydrique.  La  réaction  donne  naissance  à  un 
liquide  très-volatil,  qui  est  l'acide  hypochloroazotique  AzO^CP.  L'eau  régale  a  une 
couleur  jaune  ;  elle  constitue  un  poison  corrosif  des  plus  violents.  On  peut  la 
faire  entrer  dans  la  confection  d'une  hmonade,  qui  a  les  propriétés  et  les  usages 
des  autres  limonades  minérales  :  dermatoses  avec  prurit,  maladies  syphihtiques 


LIMULE.  595 

rebelles  aux  moyens  ordinaires,  maladies  du  foie.  Je  dirai  cependant  que,  dans  ce 
cas,  on  emploie  moins  l'acide  nitro-muriatique  à  rintérieur  qu'en  bains.  Cette  pra- 
tique, recommandée  par  le  docteur  Lendrick,  est  en  usage  dans  l'Inde.  Ces  bains 
se  prt'parent,  au  dire  d'Ainslie,  avec  I  once  d'acide  pour  1  gallon  (environ 
5  litres)  d'eau.  {Voy.  Pereira,  vol.  I,  p.  435.)  Je  ne  sache  pas  que  ni  la  limonade 
ni  les  bains  nitro-muriatiques  aient  été  employés  chez  nous. 

E.  Limonade  phosphorique.  Pereira  s'exprime  de  la  façon  suivante  au  sujet  de 
la  limonade  phosphorique  :  «  Elle  est  plus  douce  que  la  limonade  sulfurique,  plus 
inoffensive  pour  les  fonctions  digestives.  On  lui  a  attribué  divers  effets,  qui  deman- 
dent à  être  vérifiés .  C'est  ainsi  que  Ilecker  lui  concède  une  action  spéciale  sur  le 
système  nervcdx,  action  à  la  fois  sédative  et  anlispnsmodique  ;  que  Lcuten  consi- 
dère l'acide  phosphorique  comme  ayant  une  utilité  particuHèrcdans  les  maladies  du 
système  osseux;  que  Sandelin  en  fait  un  stimulant  génital  énergique,  etc.  »  {Op. 
cit.,  p.  549.) 

On  a  préconisé  la  limonade  phosphorique  contre  la  lithiase  pbosphatique,  dans 
l'espoir  de  suracidifier  le  phosphate  de  chaux  et  d'augmenter  ainsi  sa  solubilité; 
dans  le  diabète,  contre  les  troubles  de  l'hystérie,  etc.  Tout  est  à  vérifiera  propos  de 
ce  médicament  ;  mais  s'il  était  bien  constaté  que  l'acide  phosphorique  donne  du 
ton  au  système  et  relève  les  forces,  la  limonade  phosphorique  serait  préférable  à 
la  limonade  sulfurique  dans  les  fièvres  graves  avec  dépression  et  adynamie.  L'avan- 
tage qu'elle  a  d'être  mieux  et  plus  longtemps  tolérée  par  l'estomac  mérite  aussi 
d'être  pris  en  considération.  Foxssagrives. 

Ll9lO\'lA  L.  Genre  de  plantes,  de  la  famille  des  Aurantiacées,  dont  les  tleurs. 
tétra  ou  peutamères,  sont  construites  comme  celles  des  Orangers,  sinon  qu'elles 
n'ont  que  huit  ou  dix  étamines  et  des  loges  ovariennes  uni  ou  biovulées,  au 
nombre  de  quatre  ou  cinq.  Ce  sont  des  arbustes  aromatiques  des  pays  chauds,  à 
feuilles  trifiliolées  ou  imparipennées.  Le  L.  crenulata  Roxb.  {PI.  corom.,  I,  86), 
ou  L.  acidissima  L.,  est  une  espccede  l'Inde,  aromatique,  tonique,  excitante.  Ses 
feuilles  sentent  l'anis;  on  les  emploie  contre  les  coliques,  la  dyspepsie,  l'épilep- 
sie.  LeL.  madagascariensis  Laîik  {Dict.,  III,  517)  a  les  mêmes  propriétés  stimu- 
lantes ;  on  l'appelle  vulgairementBois  d'Ants.  Le  L.  lanceolata  fournit  un  pai'fum 
musqué. 

Le  L.  citrifolia  W.  est  un  Glycosmis. 

Le  L.  trifoliata  L,  est  un  Triphasia. 

LeL.  monophylla  DC,  plante  indienne,  usitée  comme  tonique,  antirhumatis- 
male, est  VAtalanta  monophylla  DC.  .  H.  Bn. 

L.,  Gen.,  n.  554;  —  DC,  Prodr.,  I,  536.  —  Rheede,  Hort.  malah.,  IV,  t.  14.  —  Mér.  et 
Dei..,  Dlct.,  IV,  119.  —  H.  Bx.,  De  la  fam.  des  Aurant.  Thèse  de  Paris  (1855),  35,  54.  — 
RosEMH,,  Syn.  pi.  diaph.,  756. 

lim©xï:xe.  Principe  amer  renfermé  dans  les  pépins  dos  oranges  et  des  ci- 
trons. La  limonine  se  présente  sous  forme  de  petits  cristaux  plus  sofubies  dans 
l'alcool,  l'acide  acétique,  la  potasse,  que  dans  l'eau,  l'élher  et  l'ammoniaque. 
L'acide  sulfurique,  en  la  dissolvant,  prend  une  teiule  rouge;  si  l'on  verse  de  l'eau 
dans  la  dissolution,  elle  en  précipite  la  limonine. 

OMOXiUM.     Voy.  Behen. 

LOILXE.     Yoy.  Xyphosures. 


ripCt  LIN  (botanique). 

MN  {Limim  L.).  §  I.  Bo<aBiîque.  Gciirc  de  plantes  qui  a  donné  son  nom  à  la 
tribu  OM  famille  des  Linées  ou  Linacées,  et  dont  les  caractères  sont  les  suivants. 
Les  ileurs  sont  régulières  et  hermaphrodites.  Sur  leur  réceptacle  convexe  s'insèrent: 
un  calice  de  cinq  sépales,  disposés  dans  le  bouton  en  préfloraison  quinconciale,  cinq 
pétales  alternes,  caducs,  tordus  dans  la  prétloraisou,  et  un  androcée  de  dix  éta- 
niiues  mouadelphes  à  la  base.  Cinq  d'entre  elles  sont  .-uperposées  aux  sépales,  et 
fertiles  ;  leurs  filets,  devenuslibres,  supportent  chacun  une  anthère  biloculaire,  in- 
trorse,  déhiscente  par  deux  fenteslongitudinales.  Quant  aux  cinqétamines  superpo- 
sées aux  pétales,  elles  demeurent  stériles  et  ne  sont  représentées  que  par  des  petites 
languettes.  Le  gynécée  est  supère,  il  se  compose  d'un  ovaire,  surmonté  d'un 
style  à  cinq  longues  branches  dont  le  sommet  est  stigmatifère.  A  la  base  de  l'ovaire 
se  voit  un  disque  hypogyne  de  cinq  glandes  opposilipétales.  L'ovaire  a  primitive- 
ment cinq  loges  superposées  aux  pétales  avec  deux  ovules  collatéraux,  insérés 
vers  le  haut  de  l'angle  interne,  descendants,  le  micropyle  étant  dirigé  en  haut  et 
en  deiiors  et  coiffé  d'un  obturateur.  Mais,  plus  tard,  chaque  loge  se  trouve  sub- 
divisée en  deux  demi-loges  uniovulées  par  une  fausse  cloison  qui,  née  de  la  pé- 
riphérie, s'avance  dans  l'intervalle  des  deux  ovules.  Le  fruit  est  une  capsule  quin- 
quilOculaire,  à  déhiscence  septicide,  et  chaque  demi-loge  renferme  une  graine 
descendante  dont  les  téguments  recouvrent  un  embryon  entouré  d'une  couche 
ordinairement  mince  d'albumen.  Les  cotylédons  sont  charnus  et  la  radicule 
supère.  Les  Lins  sont  des  plantes  herbacées  ou  suffrutescentes,  qui  croissent  dans 
toutes  les  régions  tempérées  ou  chaudes  (extra-tropicales)  des  deux  mondes.  Leurs 
feuilles  sont  simples,  alternes,  rarement  opposées,  sans  stipules.  Leurs  fleurs 
sont  groupées  en  cymes,  tantôt  bipares,  tantôt  unipares  et  par  suite,  simulant 
des  grappes.  Plusieurs  espèces  sont  employées  en  médecine,  surtout  la  première 
de  celles  que  nous  allons  énumérer. 

L  Lin  cvltivé {Li7îumnsitatissimumL.,Spec.,o91. — DG.,F/.  franc., lY,  798. 
—  Blackw.,  Herb.,  t.  180. — Kern.,  t.  100. — Storm. ,Fasc.  56,  t.  12).  C'est  une 
plante  annuelle,  à  racine  grêle,  surmontée  d'une  tige  grêle,  effilée,  cylindrique, 
glabre,  simple  ou  seulement  un  peu  ramifiée  dans  sa  portion  supérieure,  dressée. 
Les  feuilles  sont  alternes,  sessiles,  linéaires-lancéolées,  planes,  aiguës,  entières, 
à  bords  lisses,  glabres,  d'un  vert  glauque,  avec  trois  nervuros  longitudinales  peu 
visibles  sur  la  face  inférieure.  Les  feuilles  supérieures  sont  souvent  très-étroites, 
subulées.  Les  fleurs  sont  d'un  bleu  pâle,  réunies  en  cymes  corymbiformes  au 
sommet  des  branches.  Le  calice  est  formé  de  cinq  sépales,  ovales-acuminés  ou 
presque  lancéolés,  membraneux  sur  les  bords,  parcourus  par  trois  nervures  longi- 
tudinales, persistants.  La  corolle  a  de  grands  pétales,  trois  fois  plus  longs  que  le 
calice,  atténués  inférieurement  en  onglet,  obovés,  arrondis,  obtus,  écbancrés  ou 
crénelés  au  sommet,  très-caducs.  Les  étamines  sont  toutes  réunies  à  la  base  en  un 
tube  un  peu  renflé.  Celles  qui  sont  fertiles,  sont  bien  plus  courtes  que  la  corolle; 
leur  anthère  est  sagittée.  Celles  qui  sont  stériles  sont  réduites  à  de  très-petites  lan- 
guettes blanches,  aiguës.  L'ovaire  est  ovoïde,  lisse,  luisant,  glabre,  atténué  au 
sommet  et  surmonté  des  cinq  branches  grêles  et  obtuses  du  style.  Le  fruit  est 
une  capsule  globuleuse,  acuminée,  égalant  à  peu  près  le  calice,  brunâtre  fi  la 
surface,  spongieuse  et  blanchâtre  à  l'intérieur,  et  contenant  jusqu'à  dix  graines 
descendantes.  Celles-ci  sont  seules  employées  en  médecine;  elles  sont  ovales- 
comprimées,  à  bords  aigus,  non  marginés;  brunes,  trè.s-lisses  et  luisantes  à  la 
surface.  Elles  se  composent  d'un  triple  tégument,  d'un  albumen  peu  épais  et 
d'un  assez  gros  embryon,  à  radicule  supère,  à  cotylédons  légèrement  charnus  et 


LIN  (botanique).  597 

huileux.    Ce  sont  les  portions  intérieures  de  la  graine,  notamment  l'embi'yon, 
fjui,  dans  leur  parenchyme,  renferment  la  matière  huileuse,  unie  à  de  l'aleurone. 
Quant  an  tégument  siiperficirl  de  la  graine,  il  est  formé  de  cellules  à  paroi  peu 
épaisse,  (jui  sous  l'influence  de  l'eau  ont  la  propriété  de  se  dilater  instantané- 
ment. En  même  temps  ces  parois,  fort  écartées  les  unes  des  autres,  se  ramol- 
lissent et  s'épaississent;  et  c'est  ce  tissu  cellulaire  ainsi  modifié  qui  constitue  le 
mucilage  des  graines  de  Lin.  On  sait  que  la  plante  est  surtout  utile  à  l'industrie  et 
à  l'économie  domestique,  par  la  substance  te.xtile  qu'elle  fournit  ;   celle-ci  est 
formée  parles  fdires  libériennes  de  l'écorce.  Le  Linimi  usUalissimum  est  cultivé 
en  France:  il  s'y  trouve  également  à  l'état  subspontaué ;  mais  il   n'est  pas  j)ro- 
bable  qu'il  soit,  comme  on  l'a  dit,   une  plante  réellement  indigène.  Les  Lins 
chaud  (ou  Lin  têtard),  froid  (ou  grand  Lm),  moyen  {Linuin  médium  Desf.)  et 
humble.  (Liniim  liumile  Mill.)  ne  sont  que  des  formes  ou  variétés  de  cette  espèce. 
IL  Lin  vvugxtif {Linum cathartieum h. , S pec. ,  401. — DC  ,  FI.  franc., l\,  SOI. 
— Barre I-. ,  icoîî. ,  1165,  tig.  1.  — Engl.  Bot.,  t.  o82.  — CathartoUnonpr^atense 
Reichb.,  Icon.,  VI,  t.  525,  li;:.  5153)  est  le  type  d'une  section  particulière  de  ce 
genre  [Cathartolinum  Grisb  ,  Spicil.  fl.rum.,  115),  caractérisée  par  des  feuilles 
opposées,  sans  glandes  à  leur  base.  C'est  une  petite  herbe  ainmelle,  haute  d'un 
ou  quelques  décimètres,  à  tige  plus  ou  moins  couchée  à  sa  base,  puis  redressée, 
très-grêle,  partagée  à  partir  d'un  niveau  variable  en  branches  dichotomiipies  té- 
nues. Les  feuilles  sont  étalées,  planes,  uninerves,  bordées  d'aiguillons  meiuis,les 
inférieures  oblongues-obovales  ;  les  supérieures  linéaires-lancéolées.   Les  ileurs 
sont  petites,  blanches,  réunies  encymes  paucitlores,  dichotomes,  ou  plus  ou  moins 
irrégulières.  Leur  calice  est  formé  de  cinq  sépales  elliptiques-subulcs,  bordés  de 
glandes  stipitées,  parcourus  par  une  nervure  dorsale  épaisse.  Les  pétales  sont  une 
fois  plus  longs  que  les  sépales,  obovales,  souvent  éraarginés.  L'ovaire,  globuleux, 
est  surmonté  d'un  style  à  branches  capitées.  Le  fruit  est  une  capsule  globuleuse, 
égale  au  calice,   renfermant  des  graines  comprimées  et  non  marginées.  Cette 
petite  herbe  est  commune  en  France,  dans  les  prés  hinuides,  les  clairières  des 
bois,  des  plaines  et  des  montagnes,  le  bord  des  chemins  herbeux  et  des  marécages; 
elle  commence  à  fleurir  en  mai  et  en  juin. 

A  côté  de  ces  espèces,  il  faut  en  citer  quelques-unes  qui  sont  peu  eiuployées  : 
les  L.  Lewiskii  Porsh,  de  l'Amérique  du  Nord,  perenne  L.  de  Sibérie,  austria- 
ciim  L.  (L.  aureum  DC.  —  L.  corymbulosum  Reichb.),  d'Europe,  qui  sont  des  es- 
pèces textiles  ;  le  L.  aquilinum  Mol.  (L.  Cliamissoiiis  Scuid.)  ou  Yango  du  Chili, 
usité  dans  ce  pays  comme  digestif,  stomachique,  carminatif  ;  le  L.  selagliioides 
Lamk,  employé  dans  les  mômes  contrées  comme  apéritif  et  amer,  digestit. 

Le  Lin  Radiale  est  devenu  le  type  du  genre  Radiola,  dont  les  fleurs  sont  tétra- 
mères. 

Le  Lin  bâtard  ou  sauvage  est  le  Garou  {Daphne  Gnidium). 
Le  Lin  de  la  Nouvelle-Zélande  est  le  Phormium  tenax  Forst. 
Le  L^?^  des  marais  est  une  Linaigrette  [Eriophormn) . 

Le  Lin  de  lièvre,  une  Cuscute,  le  Cuscuta  Epitliymum,  encore  nommée  Lin 
maudit. 

La  Linaire  vulgaire  et  l'Achillée  Ptarraique  portent  encore  le  nom  de  Lin  sau- 
vage. H.  Bn. 

l.,Gen.,  n.  589  (part.).  —  Gjert.v.,  Fruct.,  If,  J 16,  t.  112.  —  L.uik,  lllustr.,  t.  219.  - 
ExDL.,  Gen  ,  n.  6056.  —  Guid.,  Drog.  simpl.,  éd.  4,  JIl,  599.  —  Mkr.  et  Del.,  Dict.,  IV,  122. 
—  ï)C.,Piodr.,  I,  i23.— Ricii.  (.\.),  in  Dict.  de  médec.  (en  50  vol.),  XVIII,  117;  Élém.,  éd.'  4,  II 


59S  LIN  (pharmacologie). 

495.  —  Gren.  et  Godb  ,  FI.  deFr.,  I,  279.  —  Pereira,  Elem.  Mat.  med.,  éd.  5,  I,   p.  "II. 
. —  LiNDL.,  FI.  med.,  129.  —  Rosentii.,  Syn.  j^l.  diaphor.,  892.  —   Rév.,   in  FI.  méd. 
du  XIX"  siècle,  II,  239.  —  H.  Bx,  ap.  Payer,  Leç.  sur  les  fam.  nat.,  595. 

§  II.  Pharmacologie.  Dans  le  lin,  les  graines  seules  offrent  ici  de  l'intérêt. 
Elles  contiennent  une  très-grande  quantité  d'huile  grasse  et  de  mucilage. 
Ce  mucilage  existe  spécialement  dans  le  tégument  propre  de  la  graine, 
tandis  que  c'est  l'amande  qui  fournit  l'huile.  La  graine  de  lin  contient  :  mucus 
végétal,  extractif,  sucre,  amidon,  cire,  l'ésine  molle,  matière  colorante  jaune, 
gomme,  alhumine,  huile  grasse  et  différents  sels.  La  graine  de  lin  est  le  médi- 
cament éniollient  par  excellence  ;  le  mucilage  et  l'huile  contribuent  l'un  et  l'autre 
à  ses  propriétés.  Le  mucilage  en  forme  la  cinquième  partie  environ,  et  est  com- 
posé de  moitié  gomme  soluble  dans  l'eau  froide,  analogue  à  l'arabine,  et  moitié 
gomme  non  soluble  se  gonflant  dans  l'eau  bouillante  à  la  manière  de  la  bassorine. 
La  j)roportion  d'huile  varie,  suivant  M.  Meurein,  de  52  à  58  pour  100. 

Yoici  les  différentes  formes  pharmaceutiques  sous  lesquelles  la  graine  de  lin  est 
employée. 

Mucilage  de  Un.  Graine  de  lin,  1  partie;  eau,  5  parties.  On  fait  digérer  pen- 
dant quelques  heures  et  ou  passe.  {Codex.) 

Tisane  de  Un.  Graine  de  liniO  grammes,  eau  bouillante  1000  grammes.  On 
laisse  infuser  pendant  une  demi-heure,  et  on  passe.  {Codex.)  Cette  boisson  peut 
être  préparée  à  froid  ou  par  macération  ;  dans  ce  cas  elle  est  plus  agréable  au 
goût.  Le  contact  de  la  graine  avec  l'eau  froide  doit  alors  être  prolongé  plus  long- 
temps. 

Lotion  ou  lavement  de  graine  de  lin.  On  fait  bouillir  10  grammes  de  graine 
de  lin  pendant  un  quart  d'heure  dans  une  quantité  d'eau  suffisante  pour  obtenir 
un  demi-litre  de  produit  ;  on  passe. 

Poudre  ou  farine  de  graine  de  lui.  Pour  la  préparer  on  prend  la  graine  sé- 
parée de  la  poussière  à  l'aide  d'un  crible  métallique  et  privée  par  le  triage  des 
corps  étrangers  qui  laccompagnent  quelquefois,  et  on  la  sèche  à  l'étuve.  On  la 
pile  ensuite  par  contusion  dans  un  mortier  de  fer  où  on  la  pulvérise  à  l'aide  d'un 
moulin  à  noix  d'acier  et  à  arêtes  tranchantes  ;  on  passe  la  poudre  à  travers  un 
tamis  en  toile  métallique.  {Codex.)  La  farine  de  lin  doit  contenir  toute  la  graine, 
amande  et  spermoderme  ;  elle  doit  être  récemment  préparée  pour  éviter  la  ranci- 
dité  de  l'huile.  Elle  est  douce  au  toucher  et  reste  en  masse  quand  on  l'a  pressée 
■dans  la  main;  elle  forme  émulsion  avec  l'eau,  et  ne  bleuit  pas  quand  on  ajoute 
au  mélange  de  la  teinture  d'iode. 

Les  pharmaciens  doivent  toujours  faire  préparer  chez  eux  la  farine  de  lin  qui 
■doit  être  employée  à  la  préparation  des  cataplasmes.  Celle  du  commerce  est  sou- 
vent falsifiée;  on  la  mélange  de  tourteau  de  lin,  de  son,  de  sciure  de  bois,  etc.  La 
meilleure  de  toutes  les  épreuves  consiste  à  épuiser  la  larine  de  lin  par  l'éther  ; 
elle  doit  fournir  55  pour  100  d'huile. 

Cataplasme  de  farine  de  lin.  Farine  de  lin  récente  60  grammes,  eau 
250  grammes.  On  délaye  la  farine  avec  l'eau  dans  un  poêlon  ;  on  agite  sur  le  feu 
jusqu'à  ce  qu'elle  soit  cuite  et  qu'elle  ait  communiqué  à  la  masse  une  consistance 
de  pâte  assez  épaisse  et  tenace.  Lorsqu'on  ajoute  à  cette  masse  10  grammes  d'on- 
guent basihcum,  on  obtient  le  cataplasme  maturatif.  Pour  avoir  le  cataplasme 
calmant,  on  remplace  l'eau  ordinaire  par  une  décoction  de  têtes  de  pavots  et  de 
feuilles  de  jusquiame,  ou  on  arrose  de  laudanum  la  surface  du  cataplasme  avant 
<Je  l'appliquer. 


LTN  (thérapeutique).  890 

Les  farines  émoUientes  sont  un  niclange,  à  partie  égale,  de  farine  de  lin,  de 
farine  de  seigle  et  de  farine  d'orge. 

L'huile  de  lin  qu'on  retire  à  froid  de  la  graine  est  quelquefois  employée  en 
médecine.  L'huile  de  lin  ainsi  obtenue  est  douce  et  bien  différente  de  celle 
qu'on  fabrique  par  l'expression  à  chaud  pour  les  besoins  des  arts.  C'est  une  huile 
siccative  qui  s'altère  proniptement  et,  qu'on  doit  renouveler  souvent.  Elle  est  lim- 
pide, d'un  jaune  foncé,  d'une  densité  de  0,933;  elle  est  émolliente  et  légèrement 
laxative,  on  la  prescrit  en  lavement  à  la  dose  de  50  à  100  grammes.  Elle  sert 
aussi  à  la  fabrication  des  bougies.  {Voy.  Bougies.) 

T.    GOBLEY. 

§  m.  Thérapeutique.  1°  Lin  cultive'.  Bien  que  la  graine  de  lin  soit,  dit-on, 
■employée  comme  aliment  chez  certaines  peuplades  sauvages,  on  doit  la  considérer 
comme  peu  convenable  pour  l'abmentation.  L'auteur  de  ri/isto/'iajjZantarm?i, 
J.  Bauhin,  d'après  Cazin,  raconte  que  l'usage  d'un  pain  fait  avecles  semences  de  lin, 
pendant  une  famine  à  Middelbourg,  amena  des  troubles  du  côté  des  voies  diges- 
tives,  avec  bouffissure  de  la  face.  Le  tourteau  de  lin  est  néanmoins  donné  en  nour- 
riture aux  bestiaux  et  aux  volailles,  et  l'on  comprend  que  chez  les  animaux  qui  le 
digèrent,  les  parties  grasses  assimilables  dont  il  est  inqjrégné  le  rendent  propres  à 
'l'engraissement. 

En  thérapeutique,  les  graines  de  lin  sont  employées  à  l'intérieur  et  à  l'ex- 
térieur. 

La  tisane  de  graines  de  lin  est  légèrement  dmrétique,  propriété  qu'elle  doit 
«urtout  à  la  présence  de  quelques  sels  de  potasse  découverts  par  Vauquelin  dans 
le  mucus.  Elle  est  aussi,  et  surtout,  adoucissante.  Sous  ces  deux  rapports,  elle 
convient  principalement  dans  les  affections  gastro-intestinales  de  nature  inflam- 
matoire, et  dans  certaines  maladies  des  voies  urinaires,  telles  que  la  néphrite,  la 
cystite,  la  blennoiThagie,  etc.  Enfin,  on  peut  la  considérer  comme  relâchante  ; 
mais  c'est  surtout  l'huile  de  lin  qui  jouit  de  cette  propriété.  Aussi  est-il  souvent 
avantageux,  quand  l'emploi  soutenu  de  la  macération  des  semences  n'amène  pas 
la  liberté  du  ventre,  de  recourir  à  l'ingestion  de  l'huile  soit  le  matin  cà  jeun,  soit 
avant  le  repas,  à  la  dose  de  une  ou  plusieurs  cuillerées  à  bouche.  Il  est  donc  naturel 
qu'on  ait  eu  recours  ta  ce  moyen,  et  qu'on  s'en  soit  bien  trouvé,  contre  les  vers  in- 
testinaux et  dans  certains  cas  d'hémorrhoïdes,  d'obstruction  stcrcorale,  d'iléus,  etc.; 
mais  il  est  permis  de  douter  de  son  efficacité,  sinon  au  titre  banal  de  laxatif  et 
■d'adoucissant,  dans  les  phlegmasies  du  poumon  et  de  la  plèvre,  malgré  l'autorité 
-de  Baglivi  et  de  quelques  autres. 

La  graine  de  lin,  comme  relâchante,  peut  être  donnée  en  nature  à  la  manière 
du  son.  On  prend  une  cuillerée  à  dessert  de  semences,  soit  légèrement  écrasées, 
soit  entières,  au  commencement  du  repas  ou  le  matin  à  jeun. 

Les  lavements  de  décoction  de  graines  de  lin  sont  précieux  dans  les  cas  de  con- 
stipation occasionnée  principalement  parle  durcissement  des  matières.  Ils  agissent 
également  comme  antiphlogistiques,  surtout  quand,  donnés  en  petite  quantité, 
ils  peuvent  être  retenus  par  l'intestin.  Il  nous  arrive  assez  fréquemment  d'admi- 
nistrer en  demi-lavement  la  farine  de  semences  de  lin  elle-même  à  l'état  de  cata- 
plasme semi-Hquide.  Cette  bouillie,  indépendamment  de  ses  propriétés  adoucis- 
santes, a  l'avantage  de  se  mêler  aux  matières,  de  s'interposer  entre  leurs  parties 
duros  et  de  faciliter  les  garde-robes,  mieux  que  la  simple  décoction.  Elle  réussit 
.bien  dans  les  cas  de  bourrel&t  hémorrhoïdal.  Le  lavement  d'eau  de  graine  de  lin 


600  LUNAUKt; 

un  peu  épaisse  est  aussi  un  véhicule  commode  pour  l'introduction,  dans  le  rectum, 
de  substances  peu  solubles,  ou  dont  le  contact  trop  direct  avec  la  murjuciise  pour- 
rait avoir  des  inconvénients. 

On  connaît  l'usage  si  fréquent  de  la  farine  de  graine  de  lin  sous  forme  de  cata- 
plasmes. Mais  il  ne  sera  question  de  ce  mode  d'emploi  qu'à  l'article  où  les  divers 
genres  de  cataplasme  seront  étudiés  et  comparés.  {Voy.  Cataplasme.) 

Enfin,  on  prépare  avec  la  décoction  de  graine  de  lin  des  bains  locaux  ou  géné- 
raux. Les  derniers  sont  peu  employés,  bien  qu  ils  soient  de  nature  à  rendre  les 
mêmes  services  que  l'eau  de  son  ;  mais  on  a  recours  fréquemment  aux  premiers 
dans  les  cas  d'affections  cutanées  plus  ou  moins  compliquées  d'inflamma- 
tion. A  cet  égard  il  l'aut  savoir  que  certains  eczémas,  certaines  dartres,  peuvent 
se  trouver  assez  mal  du  contact  prolongé  de  l'eau  de  graine  do  lin,  tandis  qu'ils 
seront  favorablement  modifiés  par  un  autre  lir|uidc  adoucissant,  tel  que  l'eau  de 
son  ou  d'amidon.  C'est  l'expérience  individuelle,  l'expérience  du  cas  lui-même, 
qui  devra  guider  le  praticien. 

^'^  Lin  catharlique.  Cette  plante,  recommandée  surtout  par  Linné  conmie 
purgative,  a  été  dotée  par  les  auteurs  de  vertus  médicinales  très-diverses  ;  on  l'a 
notamment  regardée  comme  antiarihritique  et  comme  diurétique.  Sa  seule  pro- 
priété incontestable  est  celle  de  purger,  et  les  indications  de  son  emploi  se  tirent 
uniquement  des  états  patbologiques  auxquels  convient  la  purgation.  Qu'elle  ait 
réussi  contre  l'hydropisie,  contre  les  vers  intestinaux,  contre  la  goutte,  on  peut 
le  croire  volontiers  ;  mais  il  est  douteux  que  le  résultat  n'eût  pas  été  obtenu  avec 
d'autres  substances  purgatives.  En  un  mot,  comme  l'ont  dit  Coste,  Wilmet,  Wan- 
ters,  Loiseleur-Deslongcbamps,  le  lin  cathartique  est  un  bon  succédané  du 
séné. 

Comme  il  passe,  à  tort  ou  à  raison,  pour  déterminer  aisément  la  flatulence,  on 
l'associe  fréquemment  aux  carminatifs,  à  la  badiane,  au  cardamome,  ce  qui  a 
d'ailleurs  l'avantage  d'en  corriger  le  goût  amer  et  nauséabond. 

On  l'emploie  en  feuilles  à  la  dose  de  8,  10,  15  grammes,  infusée  dans  1  litre 
d'eau  bouillante,  ou,  comme  en  Irlande,  dans  la  bière  et  le  vin.  La  poudre  se 
prend  à  la  dose  de  1  à  4  grammes.  On  prépare  aussi  un  extrait  aqueux  qui  peut 
être  administré  à  la  dose  de  25  à  50  centigrammes.  A.  D. 

liirVACRE  (Thomas),  en  latin  Lmacer,  mérite  à  plusieurs  titres,  comme  nous 
allons  le  voir,  la  reconnaissance  de  la  postérité.  Né  à  Cantorbéry,  vers  1460  ,  il 
suivit  d'abord  les  cours  de  l'université  d'Oxford,  puis  se  rendit  en  Italie  pour  se 
perfectionner  dans  la  connaissan::e  des  langues  anciennes.  Là,  il  étudia  le  latin 
sous  le  célèbre  Ange  Politien  et  le  grec  sous  Démétrius  Clialcondylas ,  un  des 
réfugiés  de  Constantinople,  et  devint  le  plus  babile  grammairien  de  son  temps 
dans  ces  deux  langues.  Riche  de  ce  premier  fonds,  il  voulut  approfondir  la  philo- 
sophie et  la  médecine  grecques,  surtout  dans  Gahen,  dont  il  devait,  plus  tard,  tra- 
duire plusieurs  ouvrages  importants.  De  retour  en  Angleterre,  il  devint  successi- 
vement médecin  des  rois  Henri  VII,  Henri  VIII  et  de  la  princesse  Marie.  En  même 
temps  qu'il  se  faisait,  comme  praticien,  la  plus  brillante  réputation,  il  s'occupait 
ardemment  des  progrès  de  la  médecine,  venant  en  aide,  de  ses  conseils  et  de  sa 
bourse,  aux  étudiants  qui  montraient  d'heureuses  dispositions.  Mais  ce  n'est  pas 
tout,  il  enleva  au  clergé,  alors  seul  en  possession  de  ce  privilège,  le  droit  de  con- 
férer les  grades  en  médecine  ;  dans  ce  but,  il  fonda  avec  l'aide  du  fameux  cardinal 
Wolsey,  le  collège  royal  de  médecine  de  Londres,  dont  la  création  fut  autorisée 


LIiNÂlRE.  601 

par  lettres  patentes  du  roi  datées  de  l'amiée  1518,  et  sanctionnées  parle  Parle- 
ment. Il  fut  expressément  spécifié  que  personne  ne  pourrait  exercer  la  médecine 
en  Angleterre  qu'd  n'eût  été,  auparavant;  examiné  par  le  président  du  collège  et 
trois  des  élus,  ce  dont  il  de\ait  pouvoir  présenter  les  preuves  testimoniales. 
Étaient  exceptés  les  gradués  de  Tune  des  deux  universités  d'Angleterre,  ce  qui 
leur  confi'rait  un  titre  pour  pratiquer  dans  tout  le  royaume  jusqu'aux  limites 
d'un  rayon  de  7  milles  de  Londres.  Le  collège  devait  exercer  une  surveillance 
sur  l'exercice  de  la  médecine,  mais  particulièrement  sur  la  vente  des  remèdes  dans 
Londres.  Premier  président  de  cette  Société,  Linacre  la  réunissait  dans  sa  mai- 
son, qu'il  lui  légua  après  sa  mort.  Enfin  il  fit  le  fonds  de  trois  chaires  de  médecine, 
deux  cà  Oxford  et  une  à  Cambridge,  avec  mission  spéciale  d'expliquer  Hippocrate 
et  Galien  aux  étudiants. 

Par  ses  traductions,  par  ses  tendances,  Linacre  peut  être  considéré  comme  un 
des  restaurateurs  de  la  doctrine  hippocratique  à  cette  belle  époque  si  bien  nom- 
mée époque  de  la  Renaissance.  Cet  illustre  savant  succomba  aux  progrès  d'une 
affection  calculeuse  le  20  octobre  1524,  à  l'âge  de  soixante-quatre  ans. 

Au  point  de  vue  de  la  médecine,  Linacre  n'a  laissé  que  la  traduction  de  quel- 
ques traités  de  Galien,  écrits  dans  un  style  qui  faisait  l'admiration  d'un  juge  sévère 
et  autorisé,  le  savant  Érasme.  Nous  ne  citons  que  ces  traductions,  laissant  de  côté 
ses  ouvrages  grammaticaux.  De  sanitate  tueiidn.  —  De  melliodo  medemVi.  — 
De  inœquali  temperie.  —  De  symptomatum  differentiis.  —  De  sijmptoinalinn 
caiisis.  —  De  naturalihus  facultatibus .  —  De  pulsiium  usa.  —  De  tempera- 
mentis.  Ouelques-uns  de  ces  ouvrages  ont  été  imprimés  de  son  vivant,  mais  le  |ilus 
grand  nombre  après  sa  mort.  Ils  figurent  à  leur  place  dans  la  plupart  des  traduc- 
tions latines  de  Galien,  à  cause  de  leur  élégance  et  de  leur  fidélité.       E.  Bgd. 

liSi^'ABiaE  (Linaria  Tournef.)  Genre  de  Dycotylédones  appartenant  à  la 
famille  des  Scropiiularinées.  Etabli  par  Tournefort,  ce  genre  fut  confondu  par 
Linné  avec  les  AnUrrltinum  ;  mais  il  s'en  distingue  par  des  caractères  assez  suil- 
lants  pour  que  de  Jussieu,  deCandolle,  et,  après  eux,  les  botanistes  modernes, 
l'en  aient  séparé  d'une  manière  définitive.  La  présence  d'un  éperon  à  la  corolle 
et  celle  de  deux  ouvertures  régulièrement  percées  au  sommet  ou  sur  les  côtés 
de  la  capsule  soit  par  la  chute  de  petites  valves,  soit  par  celle  d'opercules  circu- 
laires, sont  les  principaux  caractères  différentiels  des  binaires.  Elles  ont  d'ailleurs, 
comme  les  Antlrrhinum  :  un  calice  quinque-partite  ;  une  corolle  personée,  le 
plus  souvent  fermée  à  la  gorge  par  une  sorte  de  palais  ;  4  étamiues  didynames  ; 
une  capsule  ovoïde  ou  globuleuse  à  2  loges  presque  égales.  Les  graines  sont  ovi- 
Ibrmes  ou  discoïdes,  entourées  d'une  aile  membraneuse. 

Les  Linaires  sont  des  plantes  herbacées,  rarement  sous-frutescentes.  Les  espèces 
en  sont  nombreuses,  mais  quelques-unes  seulement  ont  été  regardées  comme  offi- 
cinales. Les  Linaria  triphylla  Mii.i..,  spurialhu..,  Elatine  Mjll.  et  qjinballaria 
MiLL,  étaient  employées  comme  vulnéraires  et  résolutives.  La  plus  usitée  de  toutes 
était  le  Linaria  vulgaris  Mill.,  abondamment  répandue  dans  presque  toute  l'Eu- 
rope. Ses  propriétés  diurétiques  lui  avaient  fait  donner  le  nom  d'Vrinaria.  Aussi 
l'employait-on  contre  les  obstructions  des  viscères  :  on  en  faisait  aussi  un  on- 
guent qu'on  appliquait  sur  les  hémorrhoïdes.  C'est  la  seule  Linaire  qui  soit  restée 
encore  dans  quelques  pharmacopées  allemandes. 

Tqurxlfort,  Inslit.,  108.  —  Jcssieu,  Gêner.  Plant.,  p.  420.  —  DC,  Flore  Franc.,  III,  582. 
—  Chavaxnes,  Monogr.  des  Antirrhinccs,  p.  91.  I'laxchos. 


602  LîNTlEN. 

lixa  (James).  Médecin  anglais,  qui  eut,  dans  la  seconde  moitié  du  dernier 
siècle,  une  grande  et  légitime  réputation.  Après  avoir  été  reçu  docteur  à  Edim- 
bourg en  1748,  il  navigua  longtemps  sur  les  vaisseaux  de  l'État,  devint  ensuite 
médecin  de  l'hôpital  de  Hasler  et  mourut  à  Gosport  le  15  juillet  1794  dans  un 
âge  assez  avancé.  Doué  d'un  remarquable  génie  d'observation,  Lind  a  su  dé- 
brouiller le  chaos  dans  lequel  était  plongée  l'histoire  du  scorbut.  Cette  maladie, 
surtout  depuis  la  dé[)lorable  élucubration  d'Eugalen,  était  regardée  comme  une 
sorte  de  protée  patliologique  venant  insidieusement  compliquer  la  plupart  des 
maladies.  Lind  fit  voir  qu'il  s'agissait,  au  contraire,  d'une  maladie  tout  à  fait 
spéciale,  développée  dans  des  conditions  déterminées  et  sous  des  inQuences  ex- 
térieures ;  il  démontra  que  le  froid  humide  en  est  la  cause  principale,  que  la 
mauvaise  nourriture,  les  chagrins,  la  misère  et  les  conditions  hygiéniques  fâ- 
cheuses qu'elle  entraîne  à  sa  suite,  en  sont  les  adjuvants  ordinauTs  ;  enfin,  il  fit 
connaitre  avec  une  remarquable  précision  les  symptômes  et  le  traitement  de  cette 
maladie.  A  part  quelques  explications  humorales,  sacrifice  indispensable  aux 
idées  du  temps,  le  traité  du  scorbut  est  encore  aujourd'hui  l'une  des  meilleures 
monographies  que  l'on  possède  sur  ce  sujet. 

Dans  son  essai  sur  les  maladies  des  Européens  dans  les  pays  chauds,  il  insista 
beaucoup  sur  les  effets  nuisibles  de  l'air  marécageux  et  montra  les  dangers  de  la 
saignée  dans  les  fièvres  de  ces  régions.  Son  traité  sur  les  maladies  des  gens 
de  mer  a  rendu  d'immenses  services  à  la  marine  et  peut  être  mis  à  côté  du 
célèbre  ouvrage  de  son  compatriote  et  contemporain  John  Pringle  sur  les  mala- 
dies des  armées. 

On  doit  à  Lind  les  ouvrages  suivants,  dont  ceux  que  nous  avons  rappelés  sont 
encore  consultés  avec  fruit. 

I.  De  morbis  venereis  localibus.  Th.  d'Edinb.,  1748,  in-8°.  Réimpression  dans  le  Thé- 
saurus dispitt.  Edinensium  de  Smellie,  t.  Ij  p.  381.  Edinb.,  1778,  in-8°.  —  II.  A  Treatisc 
on  Scurvy,  in  Three  Parts,  containing  an  Inquiry  into  the  Nature,  Causes  and  Cure  of  tliat 
Discase,  etc.  Edinburgh,  1753,  in-8°;  Lond.,  1756,  in-S»  ;  ibid.,  1772,  in-S".  Trad.  fr.  sous 
.'^c  titre  :  Traité  du  scorbut  divisé  en  "b  parties,  etc.  (avec  la  traduct.  du  traité  du  scorbut 
par  Boerhaave  et  les  comment,  de  van  Swieten).  Paris,  1756,  2  vol.  in-12;  ibid.,  1771, 
2  vol.  in-12.  Trad.  allem.  par  J.  N.  Petzold.  Leipzig,  1775,  in-8°.  —  III.  An  Essay  on  the 
inost  Effectuai  Means  of  preserving  the  Health  of  Seanien  in  the  Royal  Navy.  Edinb.,  1757, 
in-8°;  ibid.,  1763,  in-8'' ;  ibid.,  1774,  ia-8°.  Trad.  fr.  Paris,  1758,  in-12.  — IV.  Two Papers 
on  Fevers  and  Infections.  Lond.,  1763,  in  8°.  Trad.  fr.  par  Fouquet.  Montp.,  1781,  in-S"; 
Genève,  1798,  in-S".  —  V.  An  Essay  on  Diseuses  incidenlal  ta  Europeans  in  Hot  Climates 
with  the  Method  of  preventing  their  Fatal  Conseguences,  etc.  Lond.,  1768,  in-S";  ibid., 
4771,  in-S»;  ibid.,  1775,  in-8°  ;  ibid.,  1808,  in-8°,  etc.  Trad.  fr.  par  Thion  de  la  Chaume 
(avec  notes).  Paris,  1785,  2  vol.  in-12.  Trad.  allem.  par  J.  N.  Petzold.  Riga,  1773,  in-8.  — 
VI.  Treatise  on  the  Putrid  and  Remetting  Fen-Fever  whicli  raged  at  Rengal  (1762).  Lond., 
1772,  in-12.  — VII.  Cinq  ou  six  mémoires  sur  divers  sujets  de  pathologie  et  de  thérapeutique. 
In  London  Universal  Magazine.  '  E.  Bgb. 

LllVDEiV  (JoH. -Anton,  vander),  médecin  érudit  du  dix-septième  siècle,  naquit 
le  15  janvier  1609,  à  Enckhuysen,  oii  son  père  exerçait  la  médecine  et  remplis- 
sait en  même  temps  les  fonctions  de  directeur  du  collège.  Ses  humanités  termi- 
nées, Linden  alla  étudier  la  médecine  à  Leyde,  et  se  fit  recevoir  docteur  à  Franeker 
en  1650  ;  c'est  dans  cette  ville  qu'il  fut  rappelé  neuf  ans  plus  tard,  alors  qu'il 
s'était  fait  une  bonne  réputation  de  praticien  à  Amsterdam,  et  il  fut  chargé  d'y 
enseigner  les  différentes  branches  de  la  médecine.  Enfin,  ses  succès  dans  l'ensei- 
gnement lui  valurent  l'honneur  d'être  choisi,  en  1651,  pour  occuper  la  chaire  de 
médecine  dans  la  célèbre  université  de  Leyde,  et  il  rempht  ces  fonctions  jusqu'à 
l'époque  de  sa  mort,  arrivée  le  5  mars  1664. 


LINGUALES    (anatomie).  605 

Lindeu  s'occupa  beaucoup  de  bibliographie,  et  la  science  lui  doit  le  premier 
recueil  important  de  ce  genre.  Voici  le  jugement  qu'en  porte  Ilallcr  ,  juge  aussi 
compéteul  qu'impartial.  Sou  livre,  dit-il,  ne  donne  que  les  titres  des  ouvrages  en 
latin,  laissant  de  côté  les  dissertations  académiques.  Bien  qu'il  soit  un  peu  sec, 
puisque  l'auteur  ne  dit  pas  un  mot  des  ouvrages  eux-mêmes,  de  leur  contenu, 
de  leur  valeur,  il  n'en  est  pas  moins  très-utile.  Lindeu  fut  puissamment  aidé  dans  ce 
vaste  travail  par  quelques  amis,  Pedro  Neurat  (de  Madrid),  Carlo  Offredo  (de  Pa- 
doue),  Fervaques  (de  Bruxelles),  et  quelques  médecins  allemands.  Malgré  le  nom- 
bre des  ouvrages  qu'il  relate,  il  y  a  cependant  quelques  omissions,  quelques  erreurs 
de  dates,  quelques  répétitions;  mais,  au  total,  ces  fautes  sont  rares,  et  Ilaller  ajoute 
cette  phrase  remarquable  de  modestie  :  «  Neque  ego  unquam  haiic  Inbliothecam 
tolerabilem  (la  Biblioth.  med.-pract.)  perfeeissem  nisi  a  Lindenio  adjutus  fuis- 
sem.  »  On  doit  encore  àvander  Linden  une  édition  gréco-latine  d'Hippocrate,  en 
2  vol.  in-8",  qui  eut  un  grand  succès,  dû,  il  faut  l'avouer,  en  grande  partie  à  la 
commodité  du  format  et  à  la  beauté  de  l'impression.  Il  adonné  aussi  une  édition  de 
Gelse  assez  médiocre.  A  l'exemple  de  de  leBoë,  son  célèbre  compatriote  et  collègue 
à  l'université  de  Leyde,  van  der  Linden,  malgré  son  amour  pour  l'antiquité,  s'était 
rattaché  à  l'école  chimiatrique  issue  de  Paracelse  et  de  van  Ilelmont.  Aussi  a-t-il 
l'eçu,  comme  praticien,  quelques  traits  un  peu  émoussés,  il  faut  le  dire,  du  mordant 
Guy-Patin,  qui  lui  portait  quelque  amitié  en  faveur,  sans  doute,  de  son  grec  et  de 
son  érudition,  et  le  l'egardait  «  comme  plus  honnête  homme  qu'il  n'était  éclairé.  » 

Voici  la  liste  de  ses  principales  publications  : 

I.  Universœ  medicinœ  compcndium,  dccem  diapuiationibus  propositum,  adddn  est  ccn- 
turla,  etc.  Franeker.  1050,  iri-4°.  —  II.  Manuductio  ad  medicinam.  Amstelod.  1057,  in-S". 
Lovani,  1639,  in-l^».  (La  première  édition  de  ce  traité  parut  en  tète  de  la  première  édition 
de  l'ouvrage  suivant.)  —  lll.  De  scriptis  medicis  L.  II.  Amstelod,  1057,  in-8,  ibid.,  1051, 
in-8,  etc.  (A  été  refondu  par  Mercklein  sous  le  titre  Lindenus  rcnovaltis.)  — lY.  Medidla 
medicinœ  partibus  quatuor  coniprehcnsa.  Prœmissa  suiit.  etc.  Franeker,  1042,  in-8. — V. 
Dissert,  de  lactc.  Groningœ.  1055,  in-10.  —VI.  Selccta  mcdica.  Lugd.  BaUiv.  1050,  in-4°.  — 
VU.  De  hemicrania  mcnalrua.  Ibid.,  1000,  in-4".  —  VIII.  Mclctcmata  medicinœ  Idppo- 
craticœ.  Ibid.,  1600.  in-i-,  et  Francof.  I61'2,ïn-i:.  —  l\.  llijijwcralis  de  circuilu  sanguinis. 
Ibid.,  1061,  in-l".  —  X.  Hippocra'is  coi  opéra  omnia.  Ibid.,  160  ,  2  vol.  in-8,  et  Venetiis, 
1664,  in-4.  — XI.  Édit.  de  Celse.  Lugd.  Batav.  1657,  in-12,  et  ibid.,  1005,  in-12.  —  XII.  Édit. 
de  Spigel.  Amstelod,  1645,  5  vol.  in-fol.,  etc.  E.  Bgd. 

liliVGUA.  De  même  que  plusieurs  plantes  médicinales  portent,  d'après  la 
forme  de  quelqu'une  de  leurs  parties,  le  nom  vulgaire  de  Langue  [voy.  ce  mot), 
de  même  on  désignait  en  latin  la  Scolopendre  officinale  sous  le  nom  de  Lingua 
cervina,  et  le  Bolet  hépatique  sous  le  nom  de  Lingua  hovina.  Le  L.  avis  était 
le  fruit  du  Frêne  commun  {Fraximis  excelsior  L.).  H.  Bn. 

I.1]\[«UAL   I1\FÉRIE1]R;   LIXCUAl.  SL'PÉRIEUR  (MusCLEs).      (Foz/.  LaH- 

cue). 

I.IXGIJAL  TRAl^SVERSE  (MuSCLE).       VoiJ-  LaNGUE. 

LIXGUAL  (Nerf).     Voy.  Maxillaire  supériedr  (Nerf). 

OXGL'Ali  DE  HIKSCBIFEL»  (Nerf).  C'est  le  rameau  du  nerf  facial  qui  va 
aux  muscles  stylo-glosse  et  glosso-staphyhn.  [Voy,  Facial  (nerf).] 

liWiGLiALES  (ARTÈRE  ET  VEiNEs).  §  L  Anatomie.  Il  est  peu  d'orgaues  supé- 
rieurs à  l'organe  du  goût  sous  le  rapport  de  la  richesse  vasculaire  :  aussi  les  vais- 


604  LINGUALES  (anatomie). 

seaux  artériels  et  veineux  destinés  à  la  langue  présentent-ils  un  calibre  relati- 
vement considérable. 

I.  Artère.  §  I.  Anatomie.  L'artère  UnfjKale  naît  sur  la  face  antérieure  de  la 
carotide  externe,  entre  la  thyroïdienne  supérieure  et  la  faciale.  On  la  voit  souvent 
(7  fois  sur  50  d'après  Haller)  se  détacher  de  la  faciale,  beaucoup  plus  rarement  de 
la  thyroïdienne  supérieure.  Dans  la  majorité  des  cas,  son  origine  est  située  sur  le 
trajet  d'une  ligne  qui  prolongerait  en  arrière  la  grande  corne  de  l'os  hyoïde  ;  mais 
il  existe,  à  cet  égard,  d'assez  nombreuses  variétés.  Sur  58  sujets  examinés  à  ce 
poin^  de  vue,  Mirault  a  trouvé  que  la  linguale  naissait  21  fois  au  niveau  de  la 
grtinde  corne,  14  fois  de  2  à  16  millimètres  au-dessus  et  3  fois  seulement  de  2  à 
6  millimètres  au-dessous.  Quelle  que  soit,  d'ailleurs,  sou  origine,  elle  ne  tarde 
pas  à  prendre  se  rapports  normaux  avec  l'os  hyoïde  et  le  muscle  hyo-glosse. 

D'abord  légèrement  oblique  en  haut  et  en  avant,  l'artère  linguale  devient  ensuite 
horizontale  et  parallèle  au  bord  supérieur  de  la  grande  corne  de  l'os  hyoïde,  dont 
elle  est  éloignée  de  1  à  2  millimètres  ;  c'est  dans  celte  portion  de  sou  trajet  qu'elle 
s'engage  au-dessous  du  muscle  hyo-glosse.  Arrivée  \ers  la  partie  moyenne  de  la 
grande  corne  de  l'hyoïde,  un  peu  au  delà  du  bord  antérieur  de  l'hyo-glosse,  elle 
change  de  direction,  devient  sensiblement  ascendante,  gagne  l'épaisseur  de  la 
langue  et  s'applique  sur  la  face  externe  du  muscle  génio-glosse,  qu'elle  suit  en 
serpentant,  jusqu'à  la  pointe  de  la  langue,  où  elle  se  termine  en  s 'anastomosant 
avec  la  hnguale  du  côté  opposé.  Les  nombreuses  tlexuosités  qu'elle  décrit  dans 
tout  son  parcours  lui  permettent  de  s'accommoder,  sans  se  rompre,  aux  change- 
ments de  volume  que  l'organe  du  goût  subit  à  chaque  instant. 

Dans  sa  première  portion,  c'est-à-dire  depuis  son  origine  jusqu'à  la  grande  corne 
de  l'os  hyoïde,  l'artère  linguale  est  recouverte  par  le  digastrique,  le  stylo-hyoïdien 
et  le  nerf  grand  hypoglosse.  Au-dessus  de  l'os  hyoïde,  elle  est  comprise  entre 
la  face  profonde  du  muscle  hyo-glosse  et  le  constricteur  moyen  du  pharynx;  on  la 
voit  cependant,  quelquefois,  s'engager  dans  l'épaisseur  même  des  fibres  de  l'hyo- 
glosse,  mais  cette  disposition  est  extrêmement  rare  et,  pour  ma  part,  je  ne  l'ai 
jamais  rencontrée  dans  mes  dissections.  Dans  la  langue,  où  elle  prend  le  nom 
d'artère  ranine,  l'artère  linguale  se  trouve  d'abord  située  entre  le  constricteur 
supérieur  du  pharynx  et  le  basio-glosse,  puis  entre  le  génio-glosse  et  le  hngual 
inlérieur  qui  la  recouvre  toujours  dans  une  certaine  portion  de  son  étendue.  Les 
deux  linguales  ne  sont  [lus  alors  séparées,  jusqu'à  leur  terminaison,  que  par 
l'épaisseur  des  deux  muscles  géuio-glosses,  et  s'envoient,  à  travers  les  faisceaux 
de  ces  muscles,  des  anastomoses  transversales  ;  leur  face  inférieure  est  en  rap- 
port avec  le  nerf  lingual  et  la  muqueuse. 

Trois  branches  collatérales  naissent  de  l'artère  linguale.  Ce  sont,  par  ordre 
d'origine  :  1°  le  rameau  sus-hyoïdien,  2"  l'artère  dorsale  de  la  langue,  5°  l'artère 
sublinguale. 

Le  rameau  siis-hijoïdien  u'cst  qu'une  artériole  sans  importance  qui  suit  le  bord 
supérieur  de  l'os  hyoïde  et  va,  sur  la  ligne  médiane,  s'anastomoser  avec  celle  du 
côté  opposé,  dans  l'espace  celluleux  compris  entre  les  muscles  génio-hyoïdien  et 
génio-glosse. 

L'artère  dorsale  de  la  langue  est  rarement  d'un  volume  bien  considérable  ;  par- 
fois elle  manque  complètement.  Elle  naît  au  niveau  de  la  grande  corne  de  l'os 
hyoïde,  se  dirige  de  bas  en  haut  sur  les  parties  latérales  de  la  langue,  à  la  hauteur 
du  pilier  antérieur  du  voile  du  palais,  auquel  elle  donne  quelques  rameaux  très- 
grèles  ;  puis  elle  change  de  direction,  se  porte  de  dehors  en  dedans  et  d'arrière 


LINGUALES  (anatomie).  605 

en  avant,  et  se  termine  sous  le  V  lingual,  en  s'unissant  à  sa  congénère.  Ses  prin- 
cipaux rameaux  sont  destinés  à  la  muqiiouse  de  la  langue,  à  l'amygdale  et  à 
l'épiglotte  ;  Ces  derniers  s'anastomosent  avec  les  branches  terminales  de  l'artère 
laryngée  supérieure. 

L  artère  suhUnguale  est  la  plus  volumineuse  des  trois  branches  collatérales 
&  la  linguale.  D'après  Cruveilhier,  elle  provient  aussi  souvent  de  la  faciale,  par  un 


a.  Muscle  masséter.  —  h.  Glande  parofiJe.  —  c.  Faisceau  longitudinal  du  stylo-glo^sc.  —  d.  Glande 
sublinguale.  —  ee.  Muscle  liyo-glosse.  —  1.  Tionc  de  la  carotide  primitive.  —  -l.  Tronc  de  la  cai'olidc 

interne.  —  3.  Tronc  de  la  carotide  externe.  —  4.  Thyroïdienne  supérieure.  —5.  Linguale.  —  6.  Faciale. 

7.  Rameau  sus-hyoïdien  de  la  linguale.  —  8.  Artère  dorsa'.c  de  la  langue.  —  9.  Artère  sublinguale. 


tronc  commun  avec  la  sous-mentale,  que  de  la  linguale  elle-même.  Née  au-devant 
du  bord  antérieur  de  l'hyo-glosse,  elle  se  porte  horizontalement  d'arrière  en  avant, 
entre  le  mylo-hyoïdien  et  le  génio-glosse,  accompagne  le  canal  de  Wharton  et  suit 
le  bord  inférieur  de  la  glaude  sublinguale,  à  laquelle  elle  fournit  quelque  rameaux. 
Très-flexueuse  dans  tout  son  parcours,  elle  se  subdivise,  un  peu  avant  d'arriver 
au  frein  de  la  langue,  en  deux;  branches  terminales.  La  plus  volumineuse  porte 
le  nom  A' artère  du  frein;  elle  s'anastomose  par  arcade  avec  celle  du  côté  opposé  ; 
l'autre  se  ramifie  dans  la  muqueuse  buccale,  traverse  le  ventre  antérieur  du  di- 
gastrique  et  va  s'unir  à  des  rameaux  de  la  sous-mentale. 
A  parties  trois  branches  précédentes,  la  linguale  donn:  encore  un  grand  nombre 


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de  rameaux  innominés  qui,  presque  tous,  se  détachent  de  sa  face  supérieure  et 
montent  verticalement  au  milieu  des  fibres  .musculaires  de  la  langue,  jusqu'à  la 
muqueuse.  La  distribution  de  ces  rameaux  aux  différentes  papilles  de  l'organe  du 
goût  a  déjà  été  exposée  dans  un  autre  article.  {Voy.  Langue.) 

II.  Yeines.  En  raison  de  sa  très-grande  mobilité  et  de  la  compression  né- 
cessairement exercée  sur  les  vaisseaux  pendant  les  contractions  musculaires,  la 
langue  est  pourvue  d'un  double  réseau  veineux  destiné  à  mieux  assurer  la  circu- 
lation de  retour  et  à  prévenir  la  stase  sanguine.  On  y  distingue  donc,  comme  aux 
membres,  des  veines  siqjerficielles  et  des  veines  profondes. 

Les  premières  tirent  directement  leur  origine  des  réseaux  soiis-muqueux. 
Celles  de  la  face  dorsale  forment,  vers  la  base  de  la  langue,  un  riche  plexus  en 
communication  avec  les  veines  tonsillaires  et  épiglottiques.  De  ce  plexus  part,  de 
chaque  côté,  un  gros  tronc  qui  accompagne  le  nerf  lingual  et  qui,  après  avoir  reçu 
des  branches  venues  de  la  langue  et  de  la  glande  sublinguale,  aboutit  à  la  veine 
faciale  ou  à  la  pharyngienne,  souvent  même  à  la  jugulaire  externe.  Ce  tronc  s'anasto- 
mose largement  avec  les  veines  superficielles  de  la  lace  inférieure  de  la  langue. 
Cefies-ci  portent  le  nom  de  vemes  ranines,  et  sont  au  nombre  de  deux,  une  pour 
chaque  moitié  de  l'organe.  Dirigé'es  d'arrière  eu  avant,  en  dehors  du  lingual  infé- 
rieur, elles  suivent  le  trajet  du  nerf  grand  hypoglosse,  entre  les  muscles  génio- 
glosse  et  hyo-glosse,  reçoivent  des  rameaux  de  la  glande  sublinguale  et  font, 
de  chaque  côté  du  frein,  une  saillie  bleuâtre.  Les  veines  ranines  communiquent 
avec  un  très-riche  plexus  situé  sur  les  côtés  de  la  langue;  elles  se  jettent  dans  la 
veine  faciale  ou  dans  le  tronc  commim  des  veines  dorsales. 

Les  veines  profondes  se  résument  en  deux  troncs  de  très-petit  calibre  qui  accom- 
pagnent l'artère  linguale  et  l'enlacent  de  leurs  anastomoses,  à  la  manière  des 
veines  profondes  des  membres.  Ces  deux  troncs  aboutissent  à  la  veine  faciale  ou 
à  la  jugulaire  interne,  quelquefois  au  tronc  commun  des  veines  dorsales  ou  à  la 
jugulaire  antérieure,  ainsi  que  Cruveilbier  l'a  observé  une  fois.  Sur  le  tiers  des 
sujets  environ,  l'artère  linguale  n'a  qu'une  seule  veine  collatérale. 

Toutes  les  veines  de  la  langue  sont  munies  de  valvules. 

§  II.  Pathologie  et  médecine  opératoire.  Malgré  leur  volume  considé- 
rable, les  vaisseaux  de  la  langue  n'ont  qu'une  importance  très-médiocre  au  point 
de  vue  pathologique.  La  plupart  de  leurs  lésions  ne  méritent  pas  une  étude  séparée. 
Et  presque  toutes  les  considérations  qui  auraient  pu,  à  la  rigueur,  être  insérées 
ici,  ont  déjà  été  exposées  dans  un  autre  article.  [Voij.  Langue.)  11  est  douteux  que 
l'on  connaisse  plus  d'un  cas  d'anévrysme  vrai  de  l'artère  linguale,  il  a  été  cité  par 
CoUomb.  Tous  les  autres  paraissent  plutôt  se  rapporter  à  des  tumeurs  érectiles, 
genre  d'alfectiou  dont  je  n'ai  point  à  m'occuper  ici. 

A.  Artère.  Par  sa  position  profonde,  l'artère  linguale  est  peu  exposée  à  l'action 
des  corps  vulnérants.  Sa  situation  au  milieu  d'une  masse  musculaire  peu  résistante 
lui  permet  de  céder  à  la  pression  des  pi-ojectiles  et  d'échapper  ainsi  aune  lésion  qui 
semblerait  a  priori  inévitable.  On  connaît  un  assez  grand  nombre  d'exemples  de 
balles,  de  chevrotines  ayant  traversé  la  langue  ou  s'étaut  logées  dans  son  épais- 
seur; mais  dans  aucun  de  ces  cas  il  n'est  fait  mention  d'une  hémorrhagie  grave 
due  à  la  section  de  la  principale  artère  de  l'organe  du  goût.  J'en  excepterai  pour- 
tant l'observation  rapportée  par  Maisonneuve  {Clinique  chirurgicale,  t.  II)  :  une 
balle  entrée  par  la  région  sous-hyoïdienne  avait  intéressé  l'artère  ranine  du  côté 
gauche  et  donné  heu  à  un  écoulement  sanguin  qui  nécessita  la  ligature  de  la 
linguale. 


LINGUALES  (pathologie).  607 

Les  plaies  par  instrument  tranchant  sont  plus  fréquentes,  mais  presque  jaznais 
accidentelles.  Le  plus  souvent,  en  effet,  elles  succèdent  à  une  opération  chirur- 
gicale et  l'ouverture  de  l'artère  est  faite  de  parti  pris. 

On  s'est  beaucoup  préoccupé  d'éviter  l'artère  ranine  en  pratiquant  la  section 
du  frein  de  la  langue.  N'y  aurait-il  pas  eu  à  cet  égard  quelque  exagération?  Sans 
doute,  la  lésion  de  l'artère  principale  n'est  point  impossible  à  un  opérateur  mal- 
habile ou  à  la  suite  d'un  faux  mouvement.  Mais  si  l'on  admet  que  le  tranchant  des 
ciseaux  ne  doit  porter  que  sur  la  muqueuse  du  fdet,  on  concevra  sans  peine  que 
le  seul  vaisseau  qui  coure  des  risques  sérieux  soit  l'artère  du  frein  ou  tout  autre 
petite  branche  de  l'artère  sublinguale.  En  pareil  cas,  l'hémorrhagie,  bien  que  peu 
abondante,  n'en  doit  pas  moins  être  attentivement  surveillée,  car,  entretenue  par 
les  continuels  mouvements  de  succion  de  l'enfant,  elle  pourrait  devenir  dange- 
reuse par  sa  continuité  même.  Il  est  rare,  d'ailleurs,  qu'elle  ne  cède  pas  à  une 
simple  cautérisation  au  nitrate  d'argent. 

Toutes  les  fois  qu'on  attaque  une  tumeur  de  la  langue  avec  l'instrument  tran- 
chant, on  intéresse  nécessairement  l'une  des  artères  linguales  au  moins,  et  l'on 
est  exposé  à  un  écoulement  sanguin  d'autant  plus  grave  que  l'on  agit  plus  près 
de  la  base  de  la  langue,  c'est-à-dire  sur  un  point  plus  rapproché  de  l'origine  des 
vaisseaux.  L'emploi  des  seri'e-nœuds  ou  de  l'écraseur,  tout  en  diminuant  les 
chances  d'hémorrhagie,  n'en  met  cependant  pas  à  l'abri  d'une  manière  certaine. 
Porter  une  ligature  sur  l'extrémité  divisée  de  l'artère  est  chose  à  peu  près  impos- 
sible, à  cause  de  la  profondeur  delà  plaie.  D'ailleurs  le  vaisseau  se  rétracte  constam- 
ment et  disparaît  au  milieu  des  parties  molles  où  l'on  ne  peut  l'atteindre,  à  moins 
qu'on  n'ait,  au  préalable,  scié  le  maxillaire  inférieur  sur  la  ligne  médiane.  Le 
cautère  actuel  est  alors  le  seul  hémostatique  vraiment  utile  dans  la  plupart  des 
cas  ;  mais  il  ne  réussit  pas  toujours,  soit  que  l'hémorrhagie  persiste  malgré  l'appli- 
cation du  feu,  soit  qu'après  avoir  cédé  momeiitanément,  elle  se  reproduise  à  la 
chute  des  cschares.  En  présence  d'un  écoulement  sanguin  incoercible,  il  n'y  a 
plus  d'autre  parti  à  prendre  que  d'aller  lier  l'artère  linguale  dans  les  parties 
saines,  loin  du  siège  de  la  blessure. 

On  a  prétendu  que  Collomb,  le  premier,  pratiqua  cette  ligature.  C'est  là  une 
erreur  qu'il  importe  de  rectifier.  Après  avoir  ouvert  un  anévrysme  de  la  linguale, 
Collomb  fit  une  ligature  médiate  dans  l'épaisseur  même  de  la  langue.  C'est  à  Cé- 
clard  que  revient  l'honneur  d'avoir  le  premier  songé  à  porter  un  111  sur  cette 
artère.  Blandin  décrivit  ensuite  un  procédé  qui  permet  d'arriver  au  but,  par  la 
région  sus-hyoïdienne,  mais  il  n'eut  jamais  occasion  de  l'appliquer  sur  le  vivant. 
La  première  ligature  de  linguale  fut  pratiquée  par  Mirault  (d'Angers),  en  185-4. 
Ayant  à  enlever  un  volumineux  cancer  de  la  langue,  et  craignant  l'hémorrhagie, 
Mii"ault  voulut  lier  préalablement  les  deux  artères  linguales,  mais  il  ne  put  attein- 
dre le  vaisseau  du  côté  gauche.  Il  fut  plus  heureux  du  côté  droit  et  réussit  à  por- 
ter un  fil  sur  l'artère,  mais  après  avoir  été  obligé  de  couper,  entre  deux  ligatures, 
la  veine  jugulaire  externe  et  la  veine  pharyngienne  ;  l'ablation  de  la  tuineiu-  se 
fit  du  reste  sans  hémorrhagie,  bien  que  l'artère  linguale  gauche  n'eût  pas  été  liée. 
Peu  après,  Flaubert  répéta  la  même  opération  dans  des  circonstances  analogues, 
mais  en  produisant  des  délabrements  plus  considérables  encore,  car  il  excisa  la 
portion  inférieure  de  la  glande  sous-maxillaire  qu'il  avait  d'abord  prise  pour  un 
ganglion  tuméfié,  il  coupa  l'anse  de  l'hypoglosse  et  sectionna,  entre  deux  hgatures, 
la  veine  jugulaire  externe  et  le  confluent  des  veines  linguales  et  pharyngiennes. 
Viennent  ensuite  d'autres  opérateurs  parmi  lesquels  il  faut  surtout  citer  Demar- 


608  LINGUALES  (pathologie). 

quay  qui,  après  avoir  lié  huit  fois  la  linguale  avec  succès,  a  consigné  le  résiiltai 
de  ses  reclierclies  dans  un  intéressant  et  consciencieux  ménioli^e  que  j'ai  mis  à 
profit  pour  la  rédaction  de  cet  article.  J'emprunte  à  ce  mémoire  le  tableau  suivant 
comprenant  douze  cas,  dans  lesquels  la  ligature  de  la  linguale  a  été  pratiquée 
dans  des  circonstances  diverses. 

A  ces  douze  opérations,  j'en  ajouterai  deux  autres  pratiquées  par  Malgalgne, 
dans  le  but  de  prévenir  l'hémorrhagie  pendant  l'ablation  de  deux  tumeurs  cancé- 
reuses de  la  langue  étendues  jusqu'au  plancher  de  la  bouche.  (Malgaigne,  Médecine 
opératoire,  1^  édition,  1861,  page  497.) 

11  suffit  d'un  coup  d'œil  jeté  sur  ces  quatorze  observations,  pour  voir  que 
l'artère  linguale  a  été  liée  :  1"  pour  arrêter  une  hémorrhagie  fournie  par  une 
blessure  ou  une  ulcération  de  la  langue  ;  2"  pour  prévenir  l'écoulement  sanguin 
pendant  l'ablation  d'une  tumeqr  cancéreuse  de  l'organe  du  goût  ;  3  '  Pour  arrêter 
le  développement  d'un  cancer  ou  d'une  tumeur  érectile  et  atrophier  la  production 
pathologique. 

Trois  fois  la  ligature  a  été  pratiquée  pour  arrêter  une  hémorrhagie.  Une  pre- 
mière fois  par  Maisonneuve,  dans  un  cas  auquel  j'ai  déjcà  fait  allusion.  La  balle 
avait  traversé  de  bas  en  haut  la  région  sus-hyoïdienne  et  le  plancher  de  la  bouche, 
prosque  sur  la  ligne  médiane.  L'écoulement  sanguin  ne  put  être  maîtrisé  par  le 
tamponnement,  et  il  fallut  se  décider,  au  bout  de  plusieurs  jours,  à  agrandir  l'ou- 
verture faite  à  la  peau  et  à  lier  an  fond  de  la  plaie  l'extrémité  béante  de  l'aiière 
divisée.  Malgré  la  ligature,  l'Iiémorrhagie  se  renouvela  et  emporta  le  malade. 

Déguise  fut  plus  heureux  :  appelé  près  d'un  enfant  de  2  ans  et  demi,  dont  la 
langue  était  le  siège  d'un  naevus  ulcéré  par  la  surface  duquel  le  sang  s'écoulait  en 
nappe,  il  employa  d'abord  la  cautérisation,  mais  sans  résultat.  L'hémorrhagie 
continuant  et  l'enfant  étant  presque  exsangue,  le  chirurgien  lia  la  linguale  du  côté 
droit.  Le  sang  s'arrêta  immédiatement,  mais  il  reparut  le  cinquième  jour  pendant 
quelques  moments  seulement.  Le  septième  jour,  nouvelle  hémorrhagie  très-abon- 
dante, qui  cessa  spontanément  et  ne  se  renouvela  plus.  L'enfant  guérit. 

Dans  l'observation  de  Demarquay,  le  résultat  ne  laisse  rien  à  désirer.  Après 
l'ablation  d'un  cancer  de  la  langue,  l'artère  s'était  rétractée  dans  les  tissus,  et  le 
cautère  actuel  fut  insuffisant  pour  arrêter  l'hémorrhagie.  La  ligature  de  la  linguale 
fut  pratiquée,  et  l'écoulement  sanguin  cessa  immédiatement  pour  ne  plus  repa- 
raître. 

En  somme,  deux  succès  sur  trois  opérations,  et  encore,  avant  d'accuser  la  hga- 
ture,  faut-il  faire  la  part  de  toutes  les  circonstances  qui  ont  précédé  la  mort  du 
malade  de  Maisonneuve.  Au  reste,  quand  il  s'agit  d'une  hémorrhagie  incoercible, 
je  ne  crois  pas  que  la  question  d'hidication  doive  être  posée.  Lorsque  tous  les  hé- 
mostatiques ont  été  vainement  employés,  lorsque  le  malade  paraît  voué  à  une 
mort  certaine,  la  ligature  s'impose  au  chirurgien  ;  c'est  là  une  affaire  de  nécessité 
et  non  de  choix. 

Comme  hémostatique  préventif,  la  ligature  préalable  d'une  ou  des  deux  lin- 
guales a  été  pratiquée  six  fois  avant  l'ablation  d'un  cancer  de  la  Iruigue.  Mirault, 
Flaubert,  Roux,  Sédillot,  l'ont  exécutée  chacun  une  fois;  Malgaigne  Ta  faite  deux 
fois.  Dans  tous  ces  cas,  l'interruptioa  du  cours  du  sang  a  permis  d'achever  l'extir- 
pation de  la  tumeur  sans  accidents,  et  presque  à  sec.  On  est  donc  en  droit  d'en 
conclure  avec  Demarquay,  que  la  ligature  préalable  de  la  hngualc  est  avanta- 
geuse, lorsqu'on  doit  pratiquer  une  opération  grave  sur  la  base  de  la  langue.  Ceci 
soit  dit,  sans  rien  préjuger  sur  le  choix  que  le  chii'urgien  est  toujours  autorisé  à 


LINGUALES  (pathologie) 


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LINGUALES  (pathologie).  611 

faire  entre  l'instrument  tranchant  et  les  agents  qui  agissent  par  compres- 
sion, et  toutes  réserves  faites  sur  la  question  d'opportunité  relativement  à 
l'opération. 

L'idée  d'atrophier  un  produit  pathologique  en  liant  les  vaisseaux  nourriciers 
de  la  partie  du  corps  où  il  siège,  remonte  à  Harvey.  Elle  a  été  appliquée  à  la  cure 
du  sarcocèle  par  Maunoir  et  Moulinié;  on  a  même  guéri  l'éléphaniiasis  par  la 
ligature  de  l'artère  crurale.  Il  était  assez  naturel  qu'on  songeât  à  user  du  même 
moyen  pour  guérir  ou  arrêter  dans  leur  marche  certaines  tumeurs  de  la  langue. 
C'est  dons  ce  but  que  la  linguale  a  été  hée  cinq  fois  :  une  fois  par  Liston,  une  fois 
parMoore,  et  trois  l'ois  par  Demarquay.  Le  malade  de  Liston  portait  une  tumeur 
érectile  ;  l'opération  était  parfaitement  indiquée,  aussi  donna-t-elle  les  plus 
heureux  résultats,  la  tumeur  ne  tarda  pas  à  disparaître  après  la  ligature  des  deux 
linguales.  Dans  les  quatre  autres  cas,  il  s'agissait  de  cancers  plus  ou  moins 
tîtendus,  dont  l'ablation  était  impossible.  Trois  fois  la  ligature  a  été  avantageuse, 
non  pas  que  les  malades  aient  guéri,  car  les  chirurgiens  qui  ont  eu  recours  à 
ce  moyen  n'ont  jamais  prétendu  enrayer  complètement  cette  fatale  affection; 
mais  une  asphyxie  imminente  a  été  prévenue,  l'écoulement  sanieux  a  dimi- 
nué, le  développement  de  la  tumeur  s'est  un  peu  ralenti.  Le  troisième  malade  de 
Demarquay  ayant  succombé  à  une  pneumonie,  trois  jours  après  l'opération,  ne 
doit  évidemment  pas  entrer  en  ligne  de  compte. 

Sans  partager  entièrement  l'optimisme  de  Demarquay  à  ce  sujet,  j'admettrai 
volontiers  que  dans  certains  cas  spéciaux,  et  principalement  lorsque  le  patient  est 
menacé  d'asphyxie,  il  pourra  y  avoir  avantage  à  tenter  la  ligature  des  artères  lin- 
guales, d'autant  plus  que  l'opération  ne  présente  généralement  pas  de  très- 
grandes  difficultés,  et  qu'elle  paraît  inoffensive  par  elle-même.  Pour  en  venir 
y  bout,  il  importe  seulement  de  connaître,  d'une  manière  bien  précise  l'anatomie 
de  la  région  sur  laquelle  on  opère,  car  là  plus  qu'ailleurs,  un  écart  de  quelques 
millimètres  peut  avoir  des  conséquences  fâcheuses.  La  description  de  la  région 
sus-hyo'idienne  au  point  de  vue  topographique  sera,  faite  en  son  heu.  Je  me  bor- 
nerai simplement  à  mentionner  ici  quelques  données  indispensables  pour  l'intelli- 
gence des  procédés  opératoires. 

Sous-jacente  à  la  peau  et  au  peaucier,  l'artère  est  à  peu  près  horizontale  depuis 
son  origine  jusqu'au  niveau  de  la  petite  corne  de  l'hyo'ide,  point  où  elle  change  de 
■direction  pour  devenir  ascendante  et  pénétrer  dans  la  langue.  Dans  ce  trajet, 
elle  n'est  d'abord  recouverte  que  par  le  stylo-hyo'idicn  et  le  ventre  postérieur  du 
digastnque,  puis  elle  s'engage  au-dessous  de  l'hyo-glosse  et  suit  le  bord  supérieur 
de  la  grande  corne  de  l'hyo'ide.  On  peut  donc  l'atteindre  dans  trois  points  diffé- 
rents :  1  °  entre  son  origine  et  le  bord  postérieur  de  l'hyo-glosse;  2°  sous  l'hyo-glosse 
au  niveau  du  centre  postérieur  du  digastrique;  3"  toujours  sous  l'hyo-glosse, 
mais  en  avant  du  centre  postérieur  du  digastrique,  c'est-à-dire  dans  la  concavité 
de  l'arc  formé  par  les  deux  faisceaux  de  ce  dernier  muscle.  Je  rangerai  sous  le  pre- 
mier chef  les  procédés  suivis  par  Mirault,  par  Flaubert,  et  le  procédé  de  Ditterich- 
sous  le  second,  ceux  de  Blandiu  et  de  Malgaigne;  sous  le  troisième  enfin  celui  de 
Bell  et  Wise. 

Voici  le  procédé  de  Mirault.  Le  malade  a  la  tète  renversée  en  arrière  et  le 
menton  tourné  du  côté  sain  ;  on  cherche  d'abord  l'os  hyo'ide,  en  embrassant  la 
région  supérieure  du  cou  avec  le  pouce  et  l'indicateur  de  la  main  gauche  ;  puis 
avec  un  bistouri  de  médiocre  largeur,  on  fait  une  incision  qui  commence  vers  la 
partie  moyenne  de  la  grande  corne  à  2  centimètres  environ  de  la  ligne  mé- 


612  LINGUALES  (pathologie). 

diane,  et  qu'on  dirige  obliquement  en  dehors  et  en  haut,  jusqu'au  hord  antérieur 
du  sterno-mastoidien,  en  passant  sous  et  près  l'angle  de  l'os  maxillaire  inférieur. 
On  intéresse  successivement  de  l'extérieur  à  l'intérieur  la  peau,  la  couche  cellulo- 
graisseuse,  le  peaucier  dont  les  libres  sont  divisées  perpendiculairement  à  leur 
direction.  La  veine  jugulaire  externe  est  située  ordinairement  plus  ou  moins  près 
de  l'angle  postérieur  de  la  plaie.  On  la  lie  deux  fois  et  on  la  coupe  entre  les  liga- 
tures. On  coupe  ensuite  le  feuillet  du  fascia  cervicalis  qui  couvre  la  glande  sous- 
maxillaire,  et  l'on  ouvre  ainsi  la  loge  qui  la  contient.  On  détache  la  glande,  et  on 
la  renverse  en  haut  sur  le  corps  de  la  mâchoire  ;  alors  s'offre  à  la  vue  le  feuillet 
profond  de  l'aponévrose  ;  son  peu  d'épaisseur  permet  de  distinguer  au  travers  les 
parties  qui  couvrent  immédiatement  la  linguale.  Ce  feuillet  étant  incisé,  on  ren- 
contre les  veines  pharyngienne,  linguale  et  labiale;  chacune  d'elles  est  coupée 
en  travers  après  avoir  été  liée  deux  fois.  On  écarte  les  bouts  en  haut  et  en  bas;  et 
prenant  l'iiypoglosse  pour  point  de  départ,  on  cherche  l'artère  de  haut  en  bas,  de- 
puis la  hauteur  de  ce  nerf  jusqu'au  bord  inférieur  du  stylo-hyoïdien  uni  au  digas- 
trique.  On  aperçoit  bientôt  celle-ci  qui,  après  s'être  recourbée,  descend  vers  la 
grande  corne  de  l'hyoïde,  ou  se  porte  transversalement,  en  formant  en  quelque 
façon  la  corde  de  l'arc  que  représente  l'anse  de  l'hypoglosse.  11  ne  s'agit  plus,  dès 
lors,  que  de  porter  une  ligature  sur  le  vaisseau,  à  l'aide  d'une  aiguille  courbe  à 
manche,  de  petite  dimension. 

Flaubert  suivit  un  procédé  à  peu  près  analogue,  en  agrandissant  toutefois  l'in- 
cision extérieure,  ce  qui  lui  donna  plus  de  jour  sans  diminuer  sensiblement  les 
difficultés  de  l'opération,  puisqu'il  fut  obligé  de  sacrifier  plus  de  parties  encore 
que  Mirault. 

Ditterich  consedle  une  incision  qui  commence  à  5  lignes  du  bord  de  la  mâ- 
choire inférieure  et  suit  la  même  direction  que  si  l'on  voulait  lier  la  carotide  ex- 
terne. Après  avoir  découvert  les  muscles  digaitrique  et  stylo-hyoïdien,  on  les  re- 
cline  et  l'on  aperçoit  Tarière  au  point  où  elle  se  sépare  de  la  carotide  externe;  la 
veine  linguale  l'accompagne.  On  écarte  la  veine  en  haut,  le  nerf  grand  hypoglosse 
en  bas,  et  l'on  charge  l'artère. 

Malgré  la  préférence  donnée  à  ce  dernier  procédé  par  Dieffenbach  [Die  operative 
Chirurgie),  qui  le  déclare  préférable  à  tous  les  autres,  je  n'hésite  pas  à  le  rejeter, 
ainsi  que  ceux  de  Mirault  et  de  Flaubert,  et  cela  pour  deux  raisons.  La  première, 
c'est  que  les  anomahes  d'origine  de  la  linguale  sont  assez  fréquentes  ;  or,  ces 
anomalies  ne  portent  jamais  que  sur  la  portion  du  vaisseau  comprise  entre  sa 
naissance  et  la  grande  corne  de  l'hyoïde,  de  sorte  que  plus  on  se  rapprochera  de 
la  carotide  externe,  plus  on  sera  exposé  à  rencontrer  une  disposition  anormale. 
Cette  raison  ne  serait  peut-être  pas  péremptoire,  car  avec  du  sang-froid,  de  l'habi- 
leté de  main  et  en  ayant  soin  de  faire  une  grande  incision,  on  pourrait  certaine- 
ment atteindre  la  hnguale,  alors  même  qu'elle  se  détacherait  de  la  faciale.  Le 
second  motif  est  beaucoup  plus  sérieux  et  l'on  en  comprendra  facilement  toute  la 
portée  si  l'on  se  rappelle  que  Mirault  et  Flaubert  ont  été  contraints  de  couper,  entre 
deux  ligatures,  plusieurs  veines  volumineuses,  et  que  le  premier  de  ces  deux  opé- 
rateurs dut  renoncer  à  trouver  la  linguale  du  côté  gauche  sur  son  malade.  C  est 
qu'en  effet  la  carotide  externe  est  entourée,  à  ce  niveau,  de  gros  troncs  veineux, 
tels  que  la  jugulaire  externe,  la  faciale,  la  linguale,  la  pharyngienne,  la  thyroï- 
dienne supérieure,  troncs  que  l'on  ne  manquera  certainement  pas  de  découvrir  si 
l'on  se  porte  trop  en  arrière.  Sans  nul  doute,  le  procédé  de  Ditterich  est  facilement 
exécutable  sur  le  cadavre,  où,  la  plupart  du  temps,  les  vemes  sont  vides  de  sang; 


LINGUALES  (pathologie).  613 

mais  je  ne  crains  pas  d'affirmer  qu'employé  sur  le  vivant  il  serait  très-laborieux  et 
exposerait  à  des  dangers  réels. 

Pratiquée  au-dessus  de  la  grande  corne  de  l'hyoïde  et  sous  le  muscle  hyo-glosse, 
l'opération  est  de  beaucoup  préférable.  Ainsi  que  je  l'ai  dit  plus  haut,  c'est  à 
Blandin  que  l'on  doit  les  premières  indications  relatives  à  la  ligature  de  l'artère 
linguale.  Il  proposait  de  découvrir  le  vaisseau  au  niveau  du  ventre  postérieur  du 
digastrique,  et  après  avoir  divisé  l'hyo-glosse.  Comme  son  procédé  a  été  reproduit 
avec  diverses  variantes,  il  sera  bon,  je  crois,  de  mettre  le  texte  même  sous  les 
yeux  du  lecteur,  le  voici  :  «  Si  l'artère  linguale  avait  été  ouverte  dans  une  plaie 
de  la  région  sus-hyoïdienne,  on  pourrait  en  faire  la  ligature  sous  le  muscle  hyo- 
glosse,  près  de  la  grande  corne  de  l'os  hyoïde  ;  pour  cela,  il  suffirait  d'une  petite 
incision  parallèle  à  la  grande  corne  hyoïdienne,  que  l'on  sent  aisément.  Dans  cette 
opération,  on  couperait  successivement  :  la  peau  et  le  muscle  peaucier;  on  soulè- 
verait les  muscles  digastrique  et  stylo-glosse';  l'hyo-glosse  serait  intéressé  ;  et  l'ar- 
tère, ainsi  mise  à  iiu,  pourrait  être  facilement  saisie  à  l'aide  d'une  sonde  cannelée. 
Dans  la  circonstance  précédente,  l'opérateur  ne  doit  pas  trop  s'éloigner  de  la  corne 
hyoïdienne,  de  peur  d'attemdre  le  nerf  grand  hypoglosse.  »  (F.  Blandin,  Traité 
d'anatomie  topographique,  2^  édition,  1834,  p.  179.) 

C4ommeonlevoit,  Blandin  recommande  de  se  rapprocher  de  la  grande  corne,  mais 
sans  dire  précisément  qu'on  doive  aller  chercher  Fartère  au-dessus  de  l'os  hyoïde  ; 
cependant,  comme  il  recommande  en  même  temps  de  couper  la  partie  postérieure 
du  muscle  hyo-glosse,  il  en  résulte  implicitement  que  c'est  bien  à  ce  niveau,  ou  en 
un  point  très-rapproché,  que  le  vaisseau  sera  lié.  Son  procédé,  basé  sur  des  don- 
nées anatomiques  parfaitement  exactes,  manque  pourtant  de  cette  netteté  que 
nous  sommes  accoutumés  à  rencontrer  lorsqu'il  s'agit  de  manuel  opératoire.  En 
faisant  dispai'aître  ce  vague,  en  donnant  un  procédé  d'une  précision  pour  ainsi 
dire  mathématique,  Malgaigne  a  rendu  un  véritable  service  à  la  chirurgie  ;  aussi 
ne  saurait-on  lui  refaser  le  mérite  d'avoir,  non  pas  créé,  comme  il  le  dit  lui-même, 
mais  réglé  dans  tous  ses  détails  une  opération  jusqu'alors  très-hasardeuse. 

Le  procédé  de  Malgaigne,  généralement  adopté  aujourd'hui,  permet  d'arriver 
sur  l'artère  avec  certitude  et  presque  sans  aucune  dilficulté.  «  La  grande  corne  de 
l'hyoïde,  préalablement  reconnue,  il  laut  faire,  à  4  millimètres  au-dessus  et  pa- 
rallèlement à  elle,  une  incision  d'environ  3  centimètres,  comprenant  la  peau  et 
le  peaucier  ;  on  tombe  ainsi  sur  le  bord  inférieur  de  la  glande  sous-maxillaire  : 
premier  point  de  ralliement.  Cette  glande  un  peu  repoussée  en  haut,  on  trouve 
au-dessous  le  tendon  du  digastrique,  remarquable  par  son  brillant  nacré  : 
deuxième  point  de  ralliement.  A  1  millimètre  au-dessous  se  présente  un  cordon 
blanchâtre,  quelquefois  caché  par  quelques  fibres  du  stylo-hyoïdien;  dégagez-le 
au  besoin  avec  la  pointe  du  bistouri  :  c'est  le  nerf  hypo-glosse.  Ce  troisième  point 
bien  reconnu,  à  2  millimètres  au-dessous,  divisez  transversalement  le  muscle 
hyo-glosse,  et  vous  tomberez  exactement  sur  l'artère,  qui  n'est  accompagnée  d'au- 
cune veine ^  ni  d'aucun  nerf.  La  veine  taciale  est  plus  superficielle,  elle  croise 
obUquement  l'incision  de  dehors  en  dedans  et  de  bas  en  haut  ;  il  faut  donc  atta- 
quer la  peau  et  le  peaucier  avec  précaution,  et  cette  veine,  qui  est  assez  considé- 
rable, étant  mise  à  découvert,  la  repousser  en  dehors.  » 

*  Il  y  a  ici  une  erreur  typographique  dans  le  texte  de  Blandin  ;  au  lieu  de  stylo-glosse, 
c'est  stylo-hyoidien  qu'il  faut  lire. 

^  Malgaigne  commet  une  petite  eiTeur  anatomique  ;  l'artère  linguale  est  ordinairement 
accompagnée  par  une  ou  deux  veines  collatérales. 


614  LINGUALES   (pathologie). 

Il  arrive  assez  souvent,  à  raniphithéàtre,  qu'en  voulant  lier  la  linguale  par  ce 
procédé,  on  fait  l'incision  de  la  peau  trop  en  avant.  On  parvient  alors  entre  les- 
deux  chefs  du  digastrique,  ce  dont  on  s'aperçoit  dès  que  l'on  a  découvert  et  sou- 
levé la  glande  sous-maxillaire.  Il  est  inutile  dans  ce  cas  d'abandonner  le  champ 
de  l'opération  pour  se  reporter  plus  en  arrière;  l'artère  occupe  toujours  la  même 
position  par  rapport  à  la  grande  corne  de  l'hyoïde  et  au  muscle  hyo-glosse.  On  se 
bornera  donc  à  sectionner  transversalement  ce  dernier  muscle  dans  l'anse  formée 
par  le  digastrique,  et  l'on  découvrira  le  vaisseau  comme  à  l'ordinaire.  C'est  à  cela 
que  revient,  en  définitive,  le  procédé  de  Bell  et  VVise,  avec  cette  différence  que 
leur  incision,  au  lieu  d'être  horizontale,  se  porte  un  peu  en  haut  et  en  dehors^ 
dans  la  direclionde  l'aponhyse  mastoide. 

Chassaignac  préfère,  à  l'incision  de  Malgaigne,  une  incision  curviligne  dont  la 
convexité,  tournée  en  bas,  serait  tangente  à  la  grande  corne  de  l'os  hyoïde.  D'après 
lui,  celte  incision  s'adapte  mieux  à  la  forme  de  la  glande  sous-maxillaire  ;  elle 
donne  plas  d'espace,  permet  d'éviter  plus  facilement  la  veine  jugulaire  externe 
et  fournit  un  lambeau  qui  s'applique  exactement  par  son  propre  poids. 

Quel  que  soit  le  procédé  suivi,  il  est  toujours  indispensable  de  prendre  certaines 
précautions  applicables  à  tous  les  cas,  et  que  je  vais  indiquer  en  peu  de  mots.  Avant 
tout,  on  doit  s'assurer  de  la  position  de  l'os  hyoïde,  ce  qui  n'est  pas  toujours  facile 
lorsque  les  parties  sont  tuméfiées.  Chez  certains  individus  à  cou  gros  et  court,  chez 
quelques  femmes,  cet  os  remonte  si  haut  sous  la  mâchoire  inférieure  que  la 
glande  sous-maxillaire  le  recouvre  complètement.  C'est  là  une  circonstance  qui 
augmente  beaucoup  les  difficultés  de  l'opération,  mais  qui  )ie  doit  pourtant  pas  la 
faire  regarder  comme  impossible,  surtout  si  l'on  a  le  soin  de  donner  à  l'incision 
extérieure  une  étendue  suffisante.  Pour  déterminer  exactement  le  trajet  de  la 
veine  jugulaire  externe,  on  rendra  cette  veine  apparente  en  exerçant  une  compres- 
sion à  la  partie  latérale  et  inférieure  du  cou.  On  fera  coucher  le  malade  en  supi- 
nation, la  tête  inclinée  du  côté  opposé  à  celui  sur  lequel  on  opère  et  l'on  recom- 
mandera à  un  aide  de  pousser  l'os  hyoïde  vers  le  chirurgien;  sans  cette  précaution, 
il  devient  très-difficile  de  percevoir  les  battements  de  l'artère.  Bien  qu'endormis 
par  le  chloroforme,  les  malades  font  de  continuels  mouvements  de  déglutition  qui 
gênent  beaucoup  l'opérateur;  à  cette  occasion,  Malgaigne  donne  le  judicieux  con- 
seil de  fixer  l'hyoïde  avec  un  ténaculum. 

Lorsque  le  cou  du  malade  est  très-long,  la  glande  sous-maxillaire  reste  au-dessus 
du  champ  de  l'opération  ;  ce  serait  employer  son  temps  en  pure  perte  que  de  vou- 
loir ouvrir  quand  même  la  gaine  de  cette  glande  ;  on  passera  outre  en  négligeant 
ce  point  de  ralliement.  Le  nerf  grand  hypoglosse  présente  aussi,  dans  sa  posi- 
tion, quelques  variétés  qu'il  est  bon  de  connaître.  Sur  31  sujets,  Mirault  a 
trouvé  ce  nerf  22  fois  au  niveau  de  l'os  hyoïde,  8  fois  de  2  à  6  millimètres 
au-dessus  et  1  lois  à  6  millimètres  au-dessous.  Pour  diviser  l'hyo-glosse  en  tra- 
vers, quelques  chirurgiens  le  chargent  d'abord  sur  une  sonde  cannelée  et  l'incisent 
de  dedans  en  dehors  ;  d'autres  prescrivent  de  soulever  les  fibres  musculaires  avec 
1  des  pinces  et  de  l'inciser  directement  avec  le  bistouri,  dans  la  crainte  que  la  sonde 
cannelée  ne  soulève,  en  même  temps,  le  muscle  et  l'artère  qui  lui  est  immédiate- 
ment sous-jacente.  Cette  crainte  me  paraît  mal  fondée;  lorsque  la  linguale  suit 
son  trajet  ordinaire,  la  sonde  glisse  sans  peine  dans  l'espace  celluleux  qui  sépare 
le  vaisseau  de  l'hyo-glosse.  L'accident  ne  serait  donc  à  redouter  que  lorsque  l'artère 
s'engage  au  milieu  des  fibres  du  muscle,  ce  qui  arrive  bien  rarement.  L'artère  une 
fois  mise  à  nu,  on  arrive  aisément  à  la  charger;  cependant,  dans  le  cas  de  Pioux^ 


LINGUATULE.  615 

elle  était  tellement  mobile  qu'on  eut  beaucoup  de  peine  à  la  saisir.  On  ramènera 
le  fil  dans  un  des  angles  de  la  plaie,  et  l'on  réunira  par  un  ou  deux  points  de 
suture. 

En  résumé,  la  ligature  de  la  linguale  au-dessus  de  la  grande  corne  de  l'os  liyoïde 
n'est  pas  une  opération  bien  dilficile.  Les  suites  en  sont  des  plus  simples  ;  dans 
les  huit  cas  qu'il  a  observés,  Dcmarquay  n'a  pas  noté  d'autre  symptôme  qu'une 
légère  dysphagie,  occasionnée  par  le  contact  des  fils  sur  la  paroi  du  pharynx.  Quant 
aux  hémorrhagies  consécutives,  on  peut  dire  d'une  manière  générale,  et  contraire- 
ment à  l'opinion  de  Lish'anc,  que  les  anastomoses  des  deux  linguales  entre  elles 
et  avec  les  artères  voisines  ne  sont  ni  assez  larges  ni  assez  multipliées  pour  rétablir 
le  cours  du  sang  d'une  façon  trop  rapide. 

II.  Veines.  On  pratiquait  autrefois  assez  fréquemment  la  saignée  des  ranines, 
notamment  dans  les  affections  inflammatoires  de  la  bouche  et  de  la  gorge.  On  a 
vu  à  l'article  Laingue  que  ce  moyen  était  souvent  mis  en  usage  dans  la  glossite 
aiguë.  Il  est  à  peu  près  délaissé  aujourd'hui,  malgré  les  conseils  tout  spéciaux 
de  Gonzalès  Arejo. 

La  pratique  de  cette  petite  opération  est  très-simple.  On  saisit  l'extrémité  de  la 
langue  avac  la  main  gauche  munie  d'un  linge  :  la  pointe  de  cet  organe  étant  éle- 
vée, on  voit  apparaître  les  ranines,  qu'on  ouvre  eu  travers  avec  une  lancette,  soit 
d'un  seul,  soit  des  deux  cotés.  L'ouverture  des  deux  veines  peut  donner  de  20  à 
40  grammes  de  sang.  Suivant  les  cas,  on  en  faciUte  l'écoulcmeat  an  moyen  d'un 
gargarisme  d'eau  chaude,  ou  on  l'arrête  par  l'emploi  d'un  gargarisme  froid  et  as- 
tringent. V.  Paulet. 

Bibliographie.  —  En  outre  des  indications  données  dans  le  courant  de  cet  article,  on  pourra 
consulter  :  Miradlt.  In  Mémoires  de  l'Académie  de  médecine,  t.  IV,  et  in  Gazette  médicale, 
1834.  —  VoRANGEB.  Du  caiiccr  dc  la  langue.  Thèse  de  Paris,  1856.  —  Letenneur.  Observation 
d'une  fumeur  carcinomateuse  occupant  toute  la  moitié  gauche  de  la  langue.  Ligatura 
préalable  de  l'artère  linguale.  Guérison.  \xï  Gazette  médicale ,  1859.  —  Moque  (Ch.).  In 
Medico-surgical  Transactions,  vol.  LXV,  1802.  —  Folcheu  (0.).  Des  tumeurs  ércctilvs  de  la 
ian^TMe.  Thèse  de  Paris,  1862. — Deuauquay.  Mémoire  sur  la  ligature  de  V artère  linguale . 
In  Archives  générales  de  médecine,  n°  de  lévrier  1868.  V.  P. 

Li:\!GUATULE  [Unguatula,  languette,  petite  langue).  Les  Linguatules  sont 
des  animaux  parasites  réunis  jusque  dans  ces  derniers  temps  aux  Helminthes  et 
que  Van  Beneden  a  placés  à  la  fin  des  Crustacés.  Leur  forme  est  celle  de  Vers  plats, 
mais  leurs  rapports  organiques  les  rapprochent  manifestement  des  Crustacés  dont 
ils  représentent  la  forme  helminthoïde.  Ils  rappellent  ainsid'une  manière  complète 
les  Demodex  qui  sont  des  Arachnides  à  forme  très-allongée  et  les  Branchiostomes 
qui  sont  les  derniers  Vertébrés. 

Les  Linguatules  formeront  dans  l'avenir  plusieurs  genres  composant  une  petita 
famille,  celle  des  LinguatiiUdés.  La.  grosseur  des  adultes  égale  parfois  celle  d'une 
plume  d'oie,  et  la  longueur  des  femelles  est  de  7  à  8  centimètres.  Ces  animaux 
ressemblent  à  une  langue  renversée  et  allongée,  d'où  leur  nom  de  Linguatules.  Le 
corps  est  souvent  articulé,  la  tête  obtuse,  l'extrémité  postérieure  atténuée,  le  canal 
intestinal  complet,  avec  l'orifice  anal  terminal. 

La  bouche  s'ouvre  sur  l'extrémité  antérieure  du  corps,  elle  est  munie  de  deux 
paires  de  crochets  arqués  et  rétractiles  ;  la  circulation  rudimentaire  a  lieu  par  uu 
vaisseau  dorsal;  le  système  nerveux  se  compose  d'un  collier  œsophagien  sansgan- 
ghons  cérébroïdes,  mais  pourvu  d'un  ganglion  sous-œsophagien  considérable  et 
d'oii  partent  deux  filets  principaux  allongés.  Les  sexes  sont  séparés,  l'ouverture 


Ô16  LINIMENTS, 

génitale  du  mâle  est  placée  en  dessous  et  en  avant  ;  l'orifice  vulvaire  est  à  l'extré- 
mité postéiienre  près  de  l'anus. 

Les  Linguatules  sont  ovipares  ;  les  individus  sortant  de  l'œuf  ont  beaucoup 
d'analogie  avec  ceux  des  Lernées,  qui  sont  des  crustacés  parasites.  Les  jeunes 
Linguatules  vivent  d'abord  dans  le  corps  des  Vertébrés,  dans  les  cavités  ultérieures, 
les  sinus  olfactifs,  la  tracbée-artère,  les  poumons,  le  foie,  le  péritoine,  etc.  On 
les  a  observées  sur  les  mammifères,  les  reptiles,  les  poissons  et  enfin  sur  l'homme. 
R.  Leuckart  s'est  assuré  que  les  Linguatules  sont  premièrement  agames  et  vivent 
alors  enkystées  dans  le  corps  d'animaux  phytophages,  et  puis  qu'elles  passent  à 
l'état  adulte,  et  deviennent  sexuées,  dans  les  carnassiers  qui  mangent  ces  der- 
niers :  Les  Linguatules  enkystées  du  péritoine  des  Lapins  apparaissent  sexuées  et 
ténioïdes  dans  les  sinus  olfactifs  des  Chiens. 

Beaucoup  d'espèces  de  Linguatules  décrites  par  les  auteurs  sont  nominales, 
n'étant  que  le  jeune  âge  les  unes  des  autres.  L'espèce  qu'on  a  trouvée  sur  l'iiomme 
paraît  appartenir  à  la  Linguatida  serrata  de  Frœlich.  La  première  observation  a 
été  publiL'e  par  de  Siebold,  en  4855,  et  se  rapporte  à  un  Ver  observé  en  Egypte 
dans  les  intestins  grêles  des  nègres  et  sur  le  corps  d'une  girafe  ;  ce  ver  fut  décrit 
dans  une  note  manuscrite  de  Pruner  et  puis  revu  par  Bilharz,  au  Caire.  Siebold 
appelait  cet  animal  Pentaslomum  constrictum.  Peu  après  Zenker  observa  à  Dresde, 
sur  dix  cadavres,  des  kystes  remplis  par  de  véritables  Linguatules.  Des  dix  ca- 
davres, huit  appartenaient  à  des  hommes  ;  trois  manouvriers,  un  commerçant,  un 
charpentier,  deux  ouvriers  et  un  prisonnier;  deux  appartenaient  à  des  femmes, 
une  mendiante  et  une  ouvrière.  L'âge  variait  de  21  à  74  ans.  Trois  de  ces  per- 
sonnes avaient  vécu  à  Dresde,  quatre  provenaient  de  diverses  parties  de  la  Saxe; 
deux  étaient  de  passage  à  Dresde. 

Heschl  a  confirmé  à  Vienne  les  faits  observés  par  Zenker. 

Les  jeunes  Linguatida  serrata  trouvées  sur  l'homme  et  déjà  observées  chez 
plusieurs  mammifères  tels  que  la  chèvre,  le  lièvre,  le  cochon  d'Inde,  le  lapin,  le 
cheval,  le  chien,  le  loup,  etc.,  sont  longues  de  5  à  7  millimètres,  larges  de  2,  à 
corps  mou,  oblong,  renflé  en  avant,  comme  spatule,  aplati,  ridé  en  travers,  à 
bords  denticulés. 

L'action  de  ces  curieux  parasites,  très-rares  chez  l'homme,  est  encore  à  étudier. 

A.  Laboulbène. 

LllViiii£i\TSt.  Les  liniments  (de  linire,  oindre,  frotter),  sont  des  médica- 
ments destinés  à  l'usage  externe,  et  dont  on  se  sert  pour  oindre  ou  frictionner  la 
peau,  soit  que  l'on  veuille  agir  sur  la  surface  même,  soit  que  l'on  désire  trans- 
mettre l'action  à  l'intérieur  par  voie  d'absorption.  La  composition  des  liniments 
est  extrêmement  variée.  On  emploie  comme  tels  de  l'huile  chargée  de  différents 
principes  médicamenteux,  des  mélanges  de  matières  grasses  et  de  liquides  spiri- 
tueux, des  liquides  alcooliques,  de  la  glycérine,  etc.  On  y  fait  entrer  le  savon, 
le  camphre,  l'opium,  l'ammoniaque,  le  chloroforme,  l'éther  chlorhydrique 
chloré,  etc. 

La  préparation  des  liniments  est  plus  ou  moins  compliquée.  Le  plus  souvent 
ils  consistent  en  un  mélange  de  différents  liquides.  Lorsque  le  Uniment  consiste 
en  une  huile  (huile  d'olive,  huile  d'amandes  douces  ou  une  huile  médicinale)  et  un 
liquide  insoluble  dans  l'huile  comme  le  laudanum,  la  teinture  d'opium,  etc.,  on 
peut  se  contenter,  il  est  vrai,  de  peser  les  deux  substances  dans  une  fiole  et  de 
recommander  d'agiter  chaque  fois  qu'on  veut  faire  usage  du  liniment.  Mais  il  est 


LINIMENTS.  617 

préférable,  comme  le  recommande  le  Codex,  d'ajouter  une  petite  quantité  de  cérat 
pour  faciliter  la  mixtion  des  liquides  qui  servent  à  préparer  le  médicament. 
2  grammes  de  cérat  suffisent  pour  20  grammes  d'huile.  On  met  le  cérat  dans  au 
mortier,  on  verse  un  peu  d'huile  dessus,  on  ajoute  le  Uquide  médicamenteux,  et 
ensuite  le  restant  de  l'imile.  Les  liniments  préjiarés  de  cette  manière  se  conser- 
vent plusieurs  jours  sans  avoir  besoin  d'être  agités,  et  si  une  partie  de  l'huile  sur- 
nage, la  plus  faible  agitation  suffit  pour  rétablir  l'équilibre.  Lorsqu'un  extrait 
doit  faire  partie  d'un  liniment  huileux,  il  faut  dissoudre  cet  extrait  dans  une  petite 
quantité  d'eau,  de  manière  à  en  faire  un  liquide  sirupeux,  et  ajouter  ensuite  du 
cérat  simple  pour  facihter  la  suspension  du  soluté  dans  l'imile. 

Le  savon  possède  comme  le  cérat  la  propriété  de  rendre  plus  facile  la  suspen- 
sion d'un  liquide  aqueux  ou  alcoolique  dans  un  corps  gras  liquide.  S'il  entre  du 
savon  dans  un  liniment,  il  y  a  tout  avantage  à  rem[iloyer  en  poudre  plutôt  que 
mou  ;  on  triture  dans  un  mortier  la  poudre  de  savon  avec  un  peu  d'huile,  on 
ajoute  ensuite  cette  dernière,  et  enfin  la  teinture  ou  l'alcoolat.  La  teinture  ou  al- 
coolé  de  savon  peut  très -bien  servir  aussi  à  cet  usage. 

Les  liniments  sont  le  plus  souvent  liquides,  mais  quelquefois  aussi  leur  consis- 
tance est  la  même  que  celle  des  pommades.  On  en  fait  l'application,  soit  à  l'aide 
de  la  main  nue  ou  gantée,  soit  avec  un  morceau  d'étoile  qui  est  le  plus  souvent 
une  flanelle. 

La  plupart  des  liniments  sont  pi'escrits  extemporanément  et  préparés  de  même 
sur  l'indication  des  médecins,  aussi  le  nombre  des  liniments  est-il  très-considé- 
rable. Nous  ne  donnerons  que  les  formules  de  ceux  qui  sont  le  plus  employés. 
Pour  les  hniments  à  l'aconitine,  à  l'atropine,  au  camphre,  au  chlorotoinic,  à  la 
belladone,  au  phosphore,  à  la  vératrine,  etc.,  etc.  {Voy.  ces  noms.) 

Liniment  anlinévralgique .  (Debout.)  Baume  tranquille  15  grammes,  extrait 
<ie  belladonne  0s^50,  extrait  de  jusquiame  0^%50,  laudanum  de  Sydenham 
4  grammes,  chloroforme 4  grammes.  Mêlez  et  conservez  dans  un  tlacon  àl'émeri. 
Une  ou  deux  cuillerées  à  café  en  onction  sur  la  partie  douloureuse  que  l'on  re- 
couvre d'une  carde  de  coton. 

Liniment  calcaire,  linvment  oléo-calcaire,  savon  calcaire.  Huile  d'amandes 
■douces  100  grammes,  eau  de  chaux  900  grammes.  On  introduit  les  deux  liquides 
dans  un  flacon,  et  on  agite  fortement  ;  on  verse  le  tout  dans  un  entonnoir  dont  on 
a  fermé  la  douille  ;  on  laisse  en  repos  pendant  une  minute  ;  on  fait  écouler  l'eau 
accumulée  à  la  partie  inférieure,  et  on  reçoit  dans  un  flacon  à  large  ouverture  la 
masse  crémeuse  qui  reste  en  dernier  heu  et  qui  seule  doit  être  employée.  (Codex.) 
Quelquefois  on  se  contente  de  donner  pour  liniment  calcaire  un  mélange  à  partie 
égale  d'huile  et  d'eau  de  chaux.  Le  liniment  calcaire  préparé  comme  l'indique  le 
€odex,  agit  sur  les  brûlures  d'une  manière  beaucoup  plus  efficace;  on  en  induit 
la  partie  brûlée  et  on  le  recouvre  avec  une  couche  de  coton  cardé  ou  avec  du  linge. 
Lorsqu'on  ajoute  du  laudanum  de  Sydenham  à  ce  liniment,  la  proportion  doit  en 
être  toujours  très-minime,  car  en  raison  de  l  opium  qu'il  renferme,  l'absorption 
par  la  peau  pourrait  être  assez  considérable  pour  produire  des  accidents. 

Liniment  camphré  ou  huile  camphrée.  (Voy.  Camphre.) 

Liniment  camphré  opiacé.  [Voy.  Camphre.) 

Liniment  contre  les  engelures  non  ulcérées.  (Beasley.)  Sulfate  d'alumine  et  de 
potasse  8  grammes,  vinaigre  200  grammes,  alcool  faible  200  grammes.  On  fait 
dissoudre  l'alun  dans  le  vinaigre,  et  l'on  ajoute  l'alcool  ;  on  filtre.  Cette  solution 
est  appliquée  matin  et  soir  sur  les  mains  qui  sont  le  siégo  des  engelures. 


618  LINIMENTS. 

Liniment  contre  les  engelures.  (Gofin.)  Camphre  4  grammes,  essence  de  téré- 
benthine 30  grammes.  On  en  frictionne  les  engelures  a\ant  la  période  ulcé- 
rât ive. 

Liniment  contre  les  engelures  (}\Arlo\m.)  Baume  du  Pérou  noir  5  grammes,, 
alcool  125  grammes,  acide  chlorliydrique  4  grammes,  teinture  de  benjoin 
15  grammes.  On  fait  plusieurs  fois  par  jour  des  emhrocations  sur  les  parties  ma- 
lades et  non  ulcérées. 

Liniment  contre  les  engelures  non  ulcérées.  (Richardin.)  Camphre  2  grammes, 
ammoniaque  liquide  2  grammes,  alcool  50  grammes,  essences  de  camomille  et  de 
genièvre,  de  chaque  50  centigrammes. 

Liniment  excitant  du  formulaire  des  hôpitaux  de  Paris.  Alcoolat  de  Fioravanti 
40  grammes,  huile  d'amandes  douces  40  grammes,  alcool  camphre  15  grammes, 
ammoniarjue  liquide  5  grammes.  On  mêle  dans  un  flacon  bien  bouché.  (Codex.) 

Liniment  fortifiant  (Double).  Baume  de  Fioravanti,  eau-de-vie  camphrée,  tein- 
ture de  quinquina,  alcool,  de  chaque  :  1 5  grammes  ;  alcool  de  mélisse  composé 
30  grammes,  teinture  éthérée  de  digitale  60  grammes.  Mêlez. 

Liniment  hongrois.  Alcool  500  grammes,  vinaigre  fort  500  grammes,  camphre 
20  grammes,  l'arine  de  moutarde  20  grammes,  poivre  en  poudre  20  grammes, 
cantharides  en  poudre  5  grammes,  ail  pilé  numéro  2.  Après  quelques  jours  de 
macération,  on  passe  avec  expression  et  on  fdtre  Employé  en  frictions  pendant 
l'épidémie  de  choléra  comme  excitant  énergique. 

Liniment  liydrosulfuré.  (Jadelot.)  On  le  prépare  en  faisant  fondre  au  bain- 
niarie  500  grammes  de  savon  ordinaire,  on  mêle  ensuite  par  trituration  250 
grammes  huile  de  pavot  ;  on  évapore  entièrement  l'humidité  et  on  ajoute  :  sulfure 
de  potasse  sec  en  poudre  92  grammes,  et  huile  de  pavot  750  grammes.  Employé 
contre  la  gale. 

Liniment  yiarcotique  ou  Uniment  calmant.    Baume  tranquille  80  grammes, 
cérat  de  Galien  10  grammes,  laudanum  de  Sydenham  10  grammes.  On  délaye  le 
cérat  dans  le  baume  tranquille,   et  on  ajoute  le  laudanum.    [Codex.)  Employé 
■comme  calmant. 

Liniment  de  Reil.  Huile  de  laurier  15  grammes,  huile  de  muscade  5  grammes, 
huile  de  girofle  2  grammes,  baume  du  Pérou  noir  1 0  grammes.  En  frictions  sur 
les  tempes  et  sur  les  paupières  dans  la  blépharoplégie. 

Liniment  de  Rosen.  Huile  concrète  de  muscade  5  grammes,  huile  volatile  de 
girolle  5  grammes,  alcoolat  de  genièvre  90  grammes.  On  triture  dans  un  mortier 
l'huile  de  muscade  avec  l'essence  de  girofle,  et  on  ajoute  ensuite  peu  à  peu  l'al- 
coolat de  genièvre.  {Codex.)  Employé  en  frictions,  deux  ou  trois  fois  par  jour, 
contre  lachorée. 

Liniment  résolutif.  Alcoolats  de  Fioravanti  et  de  romarin  :  de  chaque 
50  grammes,  teinture  de  cantharides  10  grammes.  Employé  à  l'Hôtel-Dieu  contre 
les  affections  rhumatismales. 

Liniment  sédatif.  (Ricord.)  Huile  de  jusquiame  200  grammes,  camphre,  lau- 
danum de  Rousseau,  extrait  de  belladone,  chloroforme,  de  chaque  :  4  grammes. 
Employé  en  frictions,  plusieurs  fois  par  jour,  toutes  les  fois  que  l'élément  dou- 
leur domine. 

Liniment  sédati f  de  r Hôtel-Dieu.  Baume  de  Fioravanti  50  grammes,  baume 
tranquille  15  grammes,  laudanum  de  Sydenham  4  grammes. 

Lininients   savo7ineux,  liniment  savonneux  camphré,  liniment  savonneux  - 
opiacé.  {Voy.  Savon.) 


LINAÉ.  619 

Liniments  térébenthines.  {Yoij.  Esseince  de  térébenthine.) 

Liniment  volatil.  Uniment  volatil  camphré.  (Votj.  Awwoi\iAQUE  et  Cahiphise.) 

T.  GOBLEY. 

UIVIXE.  Substance  pulvérulente  isolée,  par  Pagenstaclier,  du  lin  catliartique. 
Elle  est  amère,  très-peu  sokible  dans  l'eau,  l'éther  et  les  huiles,  plus  solublc  dans 
l'alcool. 

LIIV'WÉ  (Charles).  Roshult  est  un  tout  |  ctit  village  de  la  Suède,  dans  la  pro- 
vince de  Smaland.  C'est  là  que  naquit,  dans  la  nuit  du  22  au  25  mai  1707, 
Charles  Linné,  le  héros  des  sciences  naturelles,  le  génie  le  plus  étonnant  que  la 
Suède  ait  produit.  Son  père,  qui  se  nommait  réellement  Nils  ou  Nicolas  Bcngs! on, 
puisqu'il  était  fils  de  Ingemar  Bengston,  paysan  de  SU'giiry,  dans  le  Smaland, 
avait  pris,  assure-t-on,  le  nom  de  Lin^if;' du  mot  suédois  LiWeîi  (tilleul),  à  cause 
d'un  magnifique  tilleul  qiii  abritait  de  ses  ombres  la  porte  de  la  champclre  de- 
meure de  la  famille  Bengston.  La  mère  de  l'immortel  naturaliste  était  Christine 
Broderson,  fille  de  Samuel  Broderson,  pasteur  de  la  paroisse  de  Steubrohult, 
dans  le  district  de  Cronoberg,  sur  la  frontière  delà  Scanie. 

Charles  Linné,  comme  cela  est  arrivé  à  presque  tous  les  grands  hommes,  se 
trouva  dès  son  jeune  âge  aux  prises  avec  l'adversité,  et  en  lutte  continuelle  avec 
son  père,  qui,  sans  se  soucier  de  la  passion  invincible  de  renl'antpour  l'étude  des 
plantes,  voulait  lui  faire  apprendre  une  profession  mécanique  et  en  faire  un  cor- 
donnier. Peu  s'en  fallut  que  le  futin-  auteur  du  système  sevuel  ne  fût  réduit  à 
tirer  la  manique.  Les  amis  des  sciences  doivent  payer  un  tribut  de  rccomiais- 
sance  au  docteur  Rothmann,  qui  sut  saisir  les  lueurs  du  génie,  procurer  à  sou 
protégé  le  pouvoir  de  suivre  sa  vocation,  et  le  ))!acer  d'abord  chez  l'iustitulour 
Tolander  (1714),  puis  au  gymnase  de  Wexio,  enfin  àl' université  de  Lund  (1727), 
où  il  put,  sous  le  professeiu'  Stobœus,  fortifier  son  goût  pour  la  botanique,  non 
sans  gagner  quelques  sous  comme  copiste. 

Tàchoi'.s  de  suivre  maintenant  Linné  dans  la  brillante  carrière  qu'il  était  des- 
tiné à  parcourir. 

1728.  Il  se  rend  à  Upsal,  où  il  trouve  d'utiles  protecteurs  dans  le  théologien 
Olaûs  Celsius,  et  dans  Rudbeck,  professeur  de  botanique,  et  un  condisciple  dé- 
voué dans  la  personne  de  Pierre  Artedi,  que  l'étude  des  poissons  devait  ilhistrer. 

1752.  L'Académie  royale  des  sciences  d'Ui'sal  l'envoie  en  Laponie,  dans  le  but 
de  mieux  l'aire  connaitre  qu'elles  ne  l'étaient  encore  les  pi'oductious  naturelles  de 
cette  région  glacée.  Linné,  qui  avait  à  peine  vingt-cinq  ans,  part  le  15  mai,  à  pied, 
sans  suite,  n'emportant  que  son  journal,  deux  chemises,  et  les  habits  qu'il  avait 
sur  lui,  une  demi-toise  pour  prendre  des  mesures,  et  un  petit  porte-feuille  renfer- 
mant du  papier  et  des  plumes.  Le  jeuue  voyageur  visite  tour  ;\  tour  Gefle,  le 
Gestrikland,  le  Helsingland,  le  Medelpat,  Noiby,  Kuyleii,  Hernosand,  Umna, 
Lycksèle,  Olycksmira,  Umea,  etc.,  et  revient  à  Upsal  en  novembre,  après  avoir 
fait  ]3édestroraent  plus  de  1,000  milles. 

1754.  Reutherbolm,  gouverneur  de  la  Dalécarlie,  le  charge  de  faire  un 
voyage  dans  cette  province.  C'est  dans  le  cours  de  ce  voyage,  oîi  il  était  cette  fois 
accompagné  de  plusieurs  jeunes  savants,  qu'il  voit,  à  Falhun,  Sara-Élisabeth,  fille 
du  docteur  Jean  Morœus.  Il  en  devient  amoureux.  Mais  comment,  lui  si  pauvre, 
obtenir  cette  main  chérie?  Il  lui  fallut  attendre  cinq  longues  années  pour  voir 
ses  vœux  exaucés. 


620  LINNÉ. 

1735.  Notre  amoureux,  accompagné  de  son  ami  Sholberg,  quitte  sa  chère 
terre  suédoise,  ayant  dans  sa  poche,  pour  toute  ressource,  trente-six  écus  d'or 
que  hii  avait  déhcatement  ghssés  la  tendre  Sara-ÉHsabeth.  Il  traverse  la  mer,  se 
rend  à  Lubeck,  à  Hambourg,  atteint  la  Hollande,  et  se  fait  recevoir  docteur  en 
médecine  à  Hardewyk,  le  13  juin  1735,  après  avoir  soutenu  une  thèse  portant  ce 
titre  :  Hypothesk  nova  de  febrium  intermittentium  causa  (in-i").  Le  nouveau 
docteur  résiste  au  désir  de  revoir  sa  patrie  ;  il  est  retenu  plus  de  deux  ans  en 
Hollande,  protégé  parBoerhaave,  par  Burmann,  par  Georges  CUffort,  qui  lui  confie 
te  soin  du  riche  jardin  qu'il  entretenait  à  Hartecamp,  si  bien  que  c'est  en  Hol- 
lande que  Linné  publia  ses  principaux  ouvrages  qui  établirent  de  suite  sa  répu- 
tation, le  placèrent  au  premier  rang  parmi  les  savants,  et  le  firent  nommer  (  5  oc- 
tobre 1 756)  membre  de  l'Académie  des  curieux  de  la  nature,  sous  le  nom  de 
Dioscorides  secundus. 

1 756.  H  passe  en  Angleterre,  non  sans  une  lettre  de  recommandation  adressée 
par  Boerhaave  à  Hans-Sloane.  On  possède  cette  lettre,  dans  laquelle  on  lit  ceci  : 
((  LinniEus,  qui  tibi  has  dabit  litteras,  est  unice  dignus  te  videre,  unice  dignus 
a  te  videri.  Qui  vos  videbitsimul  videbit  hominumpar  cui  simile  vix  dabit  orbis.  » 
Notons  que  le  protégé  de  Boerhaave  avait  alors  à  peine  trente  ans. 

1758.  Linné  est  pris  de  nostalgie  ;  son  beau  pays  et  sans  doute  les  beaux 
yeux  de  Sara-Élisabeth  le  rappellent.  11  quitte  la  Hollande  ;  mais  il  veut  voir  Paris. 
Là,  il  est  reçu  à  bras  ouverts  par  les  deux  de  Jussieu,  parIsnard,Suriaii,  Laserre, 
Réaumur,  Aubrict,  avec  lesquels  il  herborise  dans  les  bois  de  Versailles,  de 
Fontainebleau. 

Eufin  il  revoit  la  terre  natale,  et  va  se  fixer  à  Stockholm,  comptant  y  vivre  ho- 
norablement avec  son  diplôme  de  docteur  en  médecine. 

Sa  joie  est  immense  ;  il  a  enfin  obtenu  la  main  de  sa  chère  Sara-Élisabeth  (26  juin 
1759) .  Mais  on  devine  bien  les  sourdes  menées  de  ses  confrères,  qui  ne  manquent 
pas  d'employer  sa  réputation  comme  naturaliste  pour  nuire  à  ses  succès  comme 
médecin.  Heureusement  pour  la  botanique,  les  envieux  réussissent  complètement 
dans  leurs  abominables  attaques.  Linné  ne  peut  se  créer  une  clientèle  suffisante 
pour  vivre  honorablement,  c'est  à  peine  s'il  voit  quelques  malades  par  ci  parla. 
H  était  évident  que  son  génie  était  détourné  momentanément  de  sa  source.  Le 
comte  deTessin  s'en  aperçoit  à  temps,  et  use  si  bien  de  son  influence  qu'il  fait 
nommer  son  illustre  protégé  botaniste  du  roi  et  président  de  l'Académie  de 
Stockholm. 

1740.  Le  gouvernement  l'envoie  dans  les  îles  d'Oeland  et  de  Gottland  pour 
observer,  avec  le  soin  et  la  sagacité  qu'on  lui  connaissait,  l'histoire  naturelle  et 
même  les  antiquités. 

1741.  Linné  est  nommé  professeur  de  botanique  à  Upsal,  directeur  du  jardin 
botanique  de  cette  ville. 

10  janvier  1746.     H  reçoit"  le  titre  de  premier  médecin  du  roi. 

12  mai  1748.     Il  a  la  douleur  de  perdre  son  père. 

29  avril  1749.  Il  part  pour  la  Scanie,  et  en  rapporte  des  notes  qui  font  le 
sujet  d'un  ouvrage  important. 

1 750.  Il  est  chargé  par  la  reine  de  Suède  de  coordonner  le  cabinet  de  conchy- 
liologie et  d'insectes  de  l'Inde  établi  à  Drottningholm. 

1753,     Charles  Linné  est  nommé  chevalier  de  l'Étoile-Polaire. 

1756.  n  est  anobli  par  une  lettre  du  roi  portant  la  date  du  4  avril,  et  ne  se 
fait  plus  appeler,  suivant  l'usage  du  pays,  que  nohilis  von  Linné. 


LINNÉ.  621 

La  fortune,  longtemps  ingrate  envers  lui,  le  comble  ainsi  de  ses  faveurs  ;  et, 
satisfait  des  honneurs  qu'il  reçoit  dans  sa  patrie,  il  refuse  la  chaire  de  botanique 
que  lui  offre  le  i^oi  d'Espagne,  avec  un  traitement  de  2,000  piastres.  11  refuse  éga- 
lement les  propositions  non  moins  brillantes  de  l'impératrice  de  Russie,  du  roi 
d'Angleterre.  De  tous  côtés  on  accourt  à  lui.  L'Académie  des  sciences  de  Paris 
lui  envoie,  le  15  décembre  1762,  le  titre  de  membre  étranger.  L'Académie  de 
Droutheim  regarde  comme  un  grand  honneur  de  se  l'associer,  elle  qui  ne  voulait 
pas  dans  son  sein  de  membres  étrangers.  Gustave  llf,  roi  de  Suède,  veut  voir  lui- 
même  le  grand  homme,  et  se  rend  en  persomie  à  la  demeure  champêtre  de  l'il- 
lustre naturaliste  (1776).  Louis  XV,  roi  de  France,  lui  fait  remettre  un  paquet  de 
150  graines  récoltées  à  Trianon. 

1772.  Mais  Linné  s'aperçoit  de  l'affaiblissement  de  sa  santé,  et  passe  la  plus 
grande  partie  de  ses  dernières  années  dans  la  retraite,  à  sa  maison  des  champs 
d'Hanimarby. 

1776.  11  n'est  plus  que  l'ombre  de  lui-même;  ses  admirables  facultés  sont 
brisées  sous  les  coups  de  deux  attaques  d'hémiplégie. 

10  janvier  1778.  Charles  Linné  meurt  à  Upsal,  à  huit  heures  du  matin,  l'année 
même  que  moururent  Haller,  J.-.T.  Rousseau,  Pitt,  Burmann,  Lckain,  Voltaire, 
Terray,  Séguier.  Il  était  âgé  de  soixante-dix  ans  sept  mois  dix-sept  jours. 

La  magnificence  des  obsèques  de  Linné,  le  tombeau  que  le  roi  lui  fit  ériger  dans 
la  cathédrale  d'Upsal,  la  médaille  qu'il  fit  frapper  en  son  honneur,  témoignèrent 
des  justes  regrets  de  la  patrie  qu'il  avait  illustrée.  Le  roi  de  Suède  se  rendit  à  l'Aca- 
démie de  Stockholm  le  jour  où  on  y  lut  l'Éloge  de  Linné;  lui-même,  dans  le 
discours  qu'il  prononça  à  l'ouverture  des  Etats,  déplora  la  perte  que  venait  de 
faire  la  science.  Plus  tard,  en  1822,  les  étudiants  d'Upsal  ont  voulu  lui  élever  un 
monument.  Le  voyageur  ne  passe  pas  à  Upsal  sans  faire  un  pieux  pèlerinage  vers 
le  jardin  botaniquede  cette  ville  célèbre,  planté  là  où,  dès  l'année  1637,  il  y  avait 
déjà  un  jardin  des  plantes,  et  où  l'auteur  de  la  Philosophie  botanique  composa 
ses  immortels  ouvrages.  En  face  d'une  pyramide  formée  par  un  pin  sylvestre,  vis- 
à-vis  le  château  du  gouverneur,  se  voit  le  temple  grec  consacré  à  Linné.  Élevé 
au-dessus  du  sol  de  onze  marches  rapides,  précédé  d'un  péristyle  ouvert,  à  fronton 
supporté  par  huit  colonnes,  il  abrite  une  statue  en  marbre  blanc  tenant  un  livre  à 
la  main  :  c'est  l'image  de  la  nature.  Il  y  a  une  inscription  votive;  elle  est  ainsi 
conçue  :  Carolo  a  Linné,  juventus  Academiœ  Upsaliensis,  anno  MDCCCXXU. 

Le  voyageur  n'oublie  pas  non  plus  de  visiter,  à  3  milles  d'Upsal,  Hammarby, 
demeure  champêtre  où  Linné  passa  les  dix  dernières  années  de  sa  vie.  Mais,  hélas! 
le  jardin  que  le  savant  avait  créé  près  de  cette  habitation,  et  qu'il  appelait  son 
hortus  sibiricus,  ne  possède  plus  que  quelques  plantes  communes  ;  les  arbres  et 
les  fleurs  que  Linné  y  avait  rassemblés  ont  disparu.  Au  bout  de  ce  jardin,  sur  un 
monticule  aride,  il  avait  fait  bâtir  un  pavillon  destmé  à  renfermer  des  collections 
de  plantes,  d'animaux.  On  en  trouverait  à  peine  les  traces,  le  tout  ayant  été  au- 
trefois acheté  et  emporté  par  un  Anglais.  Il  y  a  cependant  une  relique  qu'on  est 
toujours  sûr  de  rencontrer  :  c'est  le  Linnœus  borealis,  qui  croît  spontanément 
sur  la  colline,  et  qu'on  aime  à  cueillir  avant  de  quitter  ce  séjour. 

Charles  Linné,  en  mourant,  laissa  sa  femme,  sa  chère  Sara-Élisabeth,  qui  lui 
survécut  longtemps,  puisqu'elle  ne  mourut  qu'en  1806,  âgée  de  quatre-vingt-qua- 
torze ans,  et  cinq  enfants,  savoir  : 

Elisabeth-Christine,  qui  épousa  le  capitaine  Bergeneranz  ; 

Sophie,  mariée  à  Duse,  d'Upsal  ; 


622  LINNE  (bibliographie). 

Louise  et  Sara-Christine,  qui  restèrent,  célibataires. 

Charles  Linné,  lequel,  né  à  Fahlun,  le  20  janvier  1741,  devint  professeur  de 
botanique  à  Upsal  (1765),  docfeur  en  médecine  (1765),  et  mourut  célibataire  le 
1"  novembre  1785,  laissant  sur  la  botanique  sept  ouvrages  très-estimés. 

Dire  que  Linné  fut  le  plus  illustre  des  naturalistes  connus,  c'est  se  faire  l'écho 
de  tous  les  savants,  à  quelque  nation  qu'ils  appartiennent.  Personne  encore  n'a- 
vait embrassé  d'un  coup  d'œil  plus  élevé  et  plus  harmonieux  la  cliaîne  des  créa- 
tm^es.  On  n'avait  point  déiuii  exactement  les  espèces,  ni  bien  établi  leur  coordina- 
nalion  par  des  caractères  d'organisation  et  de  structure.  On  ignorait  l'art  méthodi- 
que qui  rapproche  leurs  ressemblances  naturelles  ;  on  les  distribuait  arbitrairement, 
sans  égard  à  leurs  affinités.  C'est  surtout  par  sa  Pliilosophia  botanica  que  le  grand 
homme  opéra  une  véritable  révolution  dans  l'étude  des  sciences  naturelles,  et  ce 
fut  avec  enthousiasme  que  l'on  adopta  son  système  sexuel,  basé  sur  le  nombre  et 
la  distribution  des  étamines  et  des  pistils.  On  ne  songeait  pas  encore  alors  à  la 
profonde  et  philosophique  méthode  naturelle,  qni  ne  déchire  pas,  comme  le  faisait 
le  l'iiucdu  Kord,  plusieurs  affinités  naturelles...  Aucun  homme,  peut-être,  n'offre 
un  plus  heureux  assemblage,  un  plus  [larfait  accord  de  l'esprit  des  grandes  vues 
et  de  celui  des  détails,  de  l'esprit  d'observation  qui  recueille  les  faits  et  de  celui 
qui  en  saisit  les  rapports  les  plus  éloignés.  En  lui  accordant  au  degré  le  plus  émi- 
nent  l'esprit  d'ordre  et  de  méthode,  la  nature  ne  lui  refusa  pas  les  dons  brillants 
de  l'imagination.  Cette  dernière  qualité  étincelle  à  chaque  instant  dans  ses  écrits, 
mais  surtout  dans  ses  Sponsalia  plantarum,  où  il  représente  avec  une  grâce  in- 
finie la  couche  nuptiale  voilée  par  les  rideaux  pompeux  et  parfumés  des  brillantes 
corolles... 

Les  écrits  de  Linné  sont  nombreux.  Nous  en  donnons  ici  le  catalogue,  suivant 
les  années  de  leur  publication.  Nous  le  croyons  à  peu  près  complet. 

Année  1731.    I.   HoHiis  Uplandicus,  sive  enumeratio  plantarum  exolicarum  Uplandiœ, 

quœ  in  hortis  vel  agris  coluntur,  imprimis  auiem  in  horto  academico  Upsaliensi.   Upsal, 

4751,  in-8°,   100  pages.  —  Année  1752.    II.  Flonda  Lapponica,  quœ  continet  catalogum 

plantarum,  quas  per  provincias  I/ipponicas  Wcslroùothnienses  ob&ervavil  C.  Linnœus  [acta 

Litteraria  Suecice,  1732-1755).  — Année  1735.  III.  Systema  naturœ,  sive  negna  tria  naturœ, 

systeniatice  proposita,  per  classes,  ordines,  gênera  et  specics.  Lugd.  Bat.,  1755,  in-folio, 

14  pages.  Il  y  a  15  éditions  de  cet  ouvrage.  —  lY.  Hypothesis  nova  de  fehrimn  intermitten- 

tiiini  causa.  Harderovici,  1755,  in-4°.  —  Année  1756.  V.  Fundamenta  botanica,  quœ  majo- 

riim  op)ermn  prodromi  instar,  theoriam  scientiœ  botanicœ  p>er  brèves  aphorismos  tradunl. 

AmsteL,  175(3,  in-4°  (huit  édilions).  —  YI.  Bibliotheca  botanica,  recensens  libros  plus  mille 

de  plantis,  hue  tisque  éditas  secitndum  systema  auctorum  nalurale,  in  classes,  ordines, 

gênera,  et  species  dispositos,  additis  editionis  loco,  tempore,  forma,  lingua.  Amstel.,  1736, 

in-S".  —  Vil.  Musa  Cdijfortiana,  florens  Hartecampi  prope  Harlemum.  Lugd.  Bat.,  1736, 

in-4°,  40  pages. —  Année  1757.   VIII.   Gênera  plantarum  earuymjue  characteres  naturales, 

secundum  numerum,  figuram,   situm  et  proportionem  omnium  fructificationiH  partium. 

Lugd.  Bat.,  1757,  in-8°,  1584  pp.  (onze  édit.).  —  IX.  ViridariumCUffortianum.  Afflstel.,  1737, 

in-8°.  —  X.  Corollarium  generuni  et  melhodus  sexualis.  Lugd.  Bat.,  1757,  in-8°.  —  XI.  Flora 

Lapponica,  etc.  Amstel.,  1757,  in-8°,  572  pages.  12  planches.  —  XII.  Critica  botanica,  etc. 

Lugd.  Bat.,  1737,  in-8°,  220  pages.  —  XIII.  Hortus  Clifforlianus.  Amstel.,  1757,  in-folio, 

501  pages,  52  pi.  —  Année  1738.  XIV.  Petri  Artedi,  Sueci  medici  Icht/iyologia,  etc.  Lugd. 

Batav.,  1758,  in-8%  556  pages.  — XV.  Classes  Plantarum,  seu  systema  plantarum  ;  omnia 

a  fructificatione  desumpta,  etc.  Lugd.  Bat.,  1758,  in-8°,  656  pages.  —  XVI.  Animalia  regni 

Suecice  [Acta  Acad.  Upsal,  1758).  —  Année  1759.  XVII.  Tal  cm  mârkwârdigheter  uti  In- 

secterne.   (Discours  sur  les  merveilles  des  Insectes.)   Holm,  1759,  in-8°.  —  XVIII.  CuUura 

plantarum  naturalis.  —  Gluten  lappo7ium  e  perça.  —  Œstris  rangiferinus.  — Piciis  pedibus 

tridactylis.  —  Mures  Alpini  Lémures.  —  Passer  nivalis.  —  Piscis  aurcus  Chinensium.  — 

Fundamenta  œconomiœ  [Acta  soc.  reg.  scient.    Holm,   t.   II,   1759).  —  Année  1740.  XIX, 

Orchides,  iiscjue  affines  [Act.  Acad.  Upsal,  1740).  —  Année  1741.  XX.  Orbis  eruditi  judi- 

cium  dcC.  Lintuei  scriptis.  Upsal,  1741.  — XXI.  Decem  plantarum  gênera  nova  [Act.  Acad. 


LINNÉ  ;(biblioguaphie).  625 

Upsal,  1741.  —  XXII.  Formicarum  sexus .  —  Officinales  Sueciœ plantœ. —  Ceiituria  plan- 
tarum  In  Siiecia  rnriorum  [Act.  soc.  reg.  scient.  Holm,  1741).  —  Année  1742.  XXIII. 
plantœ  tinctoriœ  indigence.  —  Amaryllis  formosissima  —  Gramen  Sœlting.  —  Fœnwn 
Suecicwn.  —  Phaseoli  Cliinensis  species.  —  Epilepsiœ  vernensis  causa  (Act.  Acad.  Ilolm, 
t.  III,  1742).  —  XXIV.  Oralio  de  peregrinalionum  intra  patriam  neccssitate.  Upsal,  1742, 
in-4°.  —XXV.  pAtporiîta  in  febribus  intevmittentibus  [Act.  Acad.  Upsal,  1742).  —  Année 
1745.  XXVI.  Pini  iisiis  œconomicus  [Act.  Acad.  Upsal,  1745).  —  XXVII.  De  uva  ursi  seu 
jackas  hapuck  sinus  hudsonici  [Act.  soc.  reg.  scient.  Holm,  t.  IV,  1745).  — XXVIII.  Bctula 
nana  [Amœnit  Acad.,  t.  I,  1745).  —  Année  1744.  XXIX.  Abietis  iisus  œconomicus. —  Scxus 
plantarum.  —  Scabiosœ  iiovœ  species  descriptio.  —  Pent/iorum.  [Act.  Acad.  Upsal,  1744.)  — 
XXX.  Fagopijrum  sibiricum.  —  Peliveria.  [Act.  Acad  reg.  Ilolm,  t.  V,  1744.)  —  XXXI. 
Ficus.  — Peloria.  [Amœnit.  acad.,  t.  I,  1743.)  —  Année  1745.  XXXII.  Flora  suecica,  exhi- 
bens  j)lantas,  pcr  regnuni  Sueciœ  crcscentes,  etc.  Lugd.  Bat.,  1745,  in-8,  392  pages.  11  y  a 
1140  plantes.  —  XXXIII.  Animalia  Sueciœ.  Ilolm,  1745,  in-S».  —  XXXI V.  Euporista  in 
dyscnteria  [Act.  Acad.  Upsal,  1745).  —  XXX.V.  Passer  procellarius  [Act.  Acad.  reg.  Holm, 
1745).  — XXXVI.  Corallia  baltica.  —  Ampltibia  Gijllenborgiana.  —  Plantœ  Martino-Bur- 
serianœ.  —  Hortus  Upsaliensis.  —  Passi/lora.  —  Anandria.  —  Acroslicliuin.  [Amœnit. 
acad.,  t.  I,  1755.)  — XXXVII.  Oelandska  och  Gottlândska  resa  (Voyage  dans  l'île  d'Oeland 
et  dans  l'île  de  Gotlland).  Stockholm,  1745,  in-8».  —  Année  J 746.  XXXVIII.  Fait/ia  Siiccice 
rcgni,mammalia,  aves,  amphibia, pisces,  insecta,  vernies,  etc.  Holm.,  1746,  in-8°,  411  pages, 
2  planches.  —  XXXIX.  Sexus  plantarum  usus  œconomicus.  —  Thcœ  potus.  —  Cyprini 
jnnnœ  ani  radiis  undecitn pinnis  albentibus  descriptio  [Act.  Acad.  Ups.,  17 -i6.  —  \L.  Limnia. 

—  Claytonia  Sibirica.  —  De  vermibus  lucentibus  ex  China.  [Act.  Acad.  reg.  Ilolm,  t.  VU, 
1746.)  —  XLI.  Muséum  Adolpho  Fridericianmn.  —  Sponsalia  plantarum.  [Amœnit.  acad., 
t.  I,  1740.)  — .\nnée  1747 .  XLII.  Flora  zeylanica,  sislcns  plantas  indicas  zcyloncc  insulœ, 
quœ  olini  1070-1077,  lectœ  fuere  a  Paulo  Hernianno.  llolin,  1747,  in-8°,  254  pages.  — 
XLIH.  Wcsgôtha  rcsa  pa  Riksens  standers  befallning  fôrruttad  (Voyage  en  Westrogolhie, 
lait  par  les  ordres  des  états).  Stockholm,  1747,  in-8°,  224  pages,  5  pi.  —  XLIV.  Nova  j^lan- 
larum  gênera.  —  Vires j)lantarum.  —  Crystallorum  gencratio.  [Amœnit.  acad.,  t.  I,  1747.) 

—  Année  1748.  XLV.  llorlus  Upsaliensis,  etc.  Holm,  1748,  iii-S°,  500  pages,  5  pi.  — XLVI. 
Tœnia.  —  Surinamensia  Grilliana .  —  Flora  œconomica.  —  Curiositas  naturali.i,  0.  Soder- 
berg.  [Amœnit.  acad.,  t.  II,  1748.)  —  Année  1749.  XLVIl.  Matcria  mcdica  rcgnivcgclabilis. 
Holm,  1749,  in-S",  252  pages,  —  XLVIII.  Oralio  de  tclluris  habitabilis  incrcmenlo.  Upsal, 
1745,  in-4°.  —  XLIX.  Coluber  [Chersea]  sentis  abdominalibus  centum  quinquaginta  squa- 
mis  sub  caudalibus  triginta  quatuor.  —  Avis  i(  sommar  guling  »  appcllata. —  Musc  frit; 
insectum  quod  grana  interius  exedit.  —  Einberiza  ciris.  [Act.  Acad.  reg.  Holm,  t.  VIII, 
1749.)  —  L.  Amœnilates  acadcmicœ,  t.  I.  Lug.  Bat.,  1749.  —  LI.  OEconomia  naturœ.  — 
Liqnum  colubrinum.  —  Radix  senega.  —  Genimœ  arborum.  —  Pan  suecus.  [Amœnit.  acad. 
Upsal,  t.  II,  1749.)  —  LU.  Hœmorrhagiœ  uteri  sub  statu  graviditatis  [Amœnit.  acarf.,t.  IX). 

Année  1750.  LIII.  Materia  medica  regni  animalis.  Upsal,  1750.  —  LIV.  Splanchnum.  — 

Sembla  inu.<icorum.  —  Materia  medica  e  regno  animali.  —  Plantœ  Camtschatcences  rariores. 
[Amœnit.  acad.,  t.  II,  1750.)  — Année  1751.  LV.  Amœnitates  acadcmicœ,  t.  II.  Holm,  1751. 

LVI.  Stanska  resa  fôrrâlted  1749   (Voyage  en  ^^canie  fait  en  l'année  1749).  Stockholm, 

1751,  in-8°.  —  LVII.  Philosophia  botanica,  etc.  Holm,  1751,  in-8»,  562  pages.  —  LVIII. 
Sapor  medicamentorum.  — Nova  plantarum  gênera. —  Planta  hybridœ.  [Amœnit.  acad., 
t.  II,  1751,  et  t.  III,  1751.)  —  Année  1752.  LIX.  Materia  medica  regni  lapidei.  Upsai,  1752. 

LX.  Uorbi  ex  Même.  —  Obslacida  medicinœ. — Plantœ  csculcntœ palriœ. —  Euphorbia. 

Materia  medica  e  regno  lapideo.  —  Noctiluca  marina.  —  Odores  medicamentorum. 

PJiabarbaruni.  —  Quœstio  hist.  nal.  cui  bono? —  Hospita  insectorum  flora.  — Nutrix  no- 
j^grca.  —  Miracula  insectorum.  —  Noxa  insectorum.  [Atnœnit.  acad.,  t.  III,  1752.)  — 
AiîNÉE  1755.  LXI.  Species  plantarum,  etc.  Holm,  1755,  in-8»,  2°  vol.,  120  pages.  —  LXII. 
Muséum  Tessinianum,  opéra  comitis  C.  J.  Tcssin,  etc.,  collectum.  Holm,  1755,  in-folio, 
00  pages.  —  LXIII.  Novœ  duœ  tabaci  species  [Act.  soc.  reg.  scient.  Holm).  —  LXIV.  Ver- 
natio  arborum.  —  Incrementa  botanices.  —  Demonstrationes  plantarum.  —  Hcrbationes 
upsahenses.  —  Instruclio  musei  rcruni  naturaliuin.  [Amœnit.  acad..  t.  III,  1755.)  —  LXV. 
Plantœ  officinales.  —  Censura  simplicium.  —  Canis  familiaris.  [Amœnit.  acad.,  t.  IV,  1753. 

Année  1754.  LXVI.  Muséum  régis  Adolphi  Suecorum,  etc.  Stockh. ,  1754,  in-fol.,  145  p., 

45  planches.  Latin  et  suédois.  —  LXVII.  De  plantis  quœ  Alpium  suœcicarian  indigenœ  fieri 
possint.  —  Simiœ  ex  cereopitliecorum  génère  descriptio.  [Act.  Acad.   reg.  Holm.,  t.  XV, 

1754.)  —  LXVIII.  Stationes  plantarum.  —  Flora  anglica.  —  Herbarium  Amboinense.  

Methodus  invcstigandi  vires  medicamentorum  eliemica.  —   Consectaria   electrico-mcdica . 

Cervus  Tarandus.  —  Ovis.  —  Mus  porcellus.  —  HorticuUura  academica.  — Chincnsia 

lagerstrœmiana.  [Amœnit.  acad.,  t.  IX,  1754.)  —  Année  1755.  LXIX.  Mirabilis  longiflorœ 
descriptio.  —  Lepidii  descriptio.  —  Ayeniœ  descriptio.  —  Gaurœ  descriptio.  —  Lœ/lir:gia  et 


624  LINNÉE. 

Mlniiartia.  [Trans.  4carf.regr.Holm,  t.  XVI,  1155.]— IW.Centiina  I plantarum.  —  Fungus 
melitensis.  —  Metamorphosis  plantarum.  —  Sonimis  plantaruni.  [Amœnit.  acad.,  t,  IV, 

\1^'^\ Ankée  1756.  LXXI.  Flora  palcstina.  —  Flora  aipina.  —  Calendarium  Florœ.  — 

Pulsus  intermittens.  —  Ceiituria  II  plantarum.  —  Flora  monspeliensis .  —  Fiindamenta 
valetiulinis. — Speciflca  Canadensium.  — Acetaria.  —  Phalœna  Bombyx.  [Amœnit.  acad., 
t.  IV  1750.)  —  An.\ée  1757.  LXXII.  Frederici  Hasselquist,  Itcr  Palestinum,  ella  resa  til 
heliga  landet.  Holm,  1757.  (Ouvrage  l'édigé  sur  les  manuscrits  de  Hasselquits,  mort  à 
Sm^frne  en  1752,]  —  LXXIII.  Migrationes  avium.  —  Morhi  expedilionis  classicœ.  —  Febris 
upsaliensis.  —  Flora  danica.  —  Panis  diœteticus.  —  Natura  pelagi.  —  Biixhaumia.  — 
Exanthemala  viva.  —  Transmutatio  frumentorum. —  Culina  midata.  [Amœnit.  acad.,  t.  IV 

etV.'> Année  1758.  LXXlV.  Pétri  Lœfflingii  Iter  hispanicum,  etc.  Stockh.,  1758,  in-8°. — 

LXXV.  Cortex  periwianus.  —  Spigelia  anthelmia.  —  Frutetum  suecicum.  —  Medicamenta 
gravcolentia .  —  Pandora  insectorum.  [Amœnit.  Acad.,  t.  IX.  —  Année  1759.  LXXVI.  Oralio 
legia,  coram  rege  reginaque  habita,  1759,  in-fol.  —  LXXVII.  Entomolithm  paradoxus  de- 
scriptus.  —  Gemma,  Penna pavonis  dicta .— Coccus  Uvœ  Ursi.  [Transact.  Acad.  reg.  Holm., 

t  XX    1759.)  LXXVllI.    Seniiim  Salomoneum.  —  Auctores  botanici.  —  Instructio  pere- 

qrinatoris. Plantée  tinctoriœ.  —  Animalia  composita.  —  Flora  Capensis.  —  Ambrosiacea. 

-  Arborctum  suecicum.  — Generalio  ambigena.  —  Flora  Jamaicensis.  —  Aer  habitabilis. 

^omenclator  plantarum.  —  Pugillus  Jamaicensium  plantarum    [Amœnit.  acad.,  t.  V, 

;  4759.)  —  Année  1760.  LXXIX.  Disquisitio  qucestionis,  ab  Acad.  imper,  scient.  PetropolitancB 
in  annum  1759,  pro  prœmio  propositcs  :  sexum  jjlantarum  argumentis  et  e.rperimcntis 
novis,  prœter  adhuc  jam  cognita  vel  corroborare  vcl  inipugnare.  etc.  Petrop,  1760,  in— 4% 
40  pages.  —  LXXX.  Amœnitates  academicœ,  t.  IV.  Holn,  1760.  —  LXXXI.  Amœnitates  aca- 
demicœ,  t.  V.  Holm,  1760.  —  LXXXII.  Politia  natuiœ.  —  Plantœ  Africanœ  rariores.  — 
Thèses  medicœ.  —  Anthropomorplia.  —  Flora  belgica.  —  Macellum  olitorium.  —  Prolepsis 
plantarum.  [Amœnit.  acad.,  t.  VF,  1760.)  —  Année  1761.  LXXXIII.  Diœta  acidularis .  — 
Potus  coffeœ.  [Amœnit.  acad.,  t.  VI,  1700.) —  Année  1762.  LXXXIV.  Inebriantia.  —  Morsura 
serpentuin.  —  Termini  botanici.  —  Planta  Alstrœmeria.  —  Nectaria  florum,  —  Funda- 
mentum  fructificationis.  —  Reformatio  botaniccs.  —  Meloë  vesicatorius.  [Amœnit.  acad., 
t.  VI,  1760.)  —  Année  1763.  LXXXV.  Gênera  morborum.  UpsaJ,  1763,  avec  une  nomencla- 
ture suédoise. —  LXXXVI.  Amœnitates  academicœ,  t.  YI.  Holm,  1765.  — LXXXVII.  Raphania. 

—  Lignum  quassiœ.  —  Fructus  esculenti.  —  Prolepsis  plantarum.  —  hepra.  —  Centuria 
insectorum.  —  Molus  polijchrestus.  [Amœnit.  acad.,  vol.  VI  et  VII.  — Année  1764.  LXXX VIII. 
Muséum regince  Louisœ  Ulricœ,  etc.  Holm,  1764,  in-8°,  620  pages.  — LXXXIX.  Observationes 
ad  cerevisiam  pertinentes  [Trans.  acad.  reg.  Holm,  t.  XaIV,  1764).  — XC.  Diœta  œtatum. 

—  Morbi  artificum.  —  Hortus  culinaris.  —  Spiritus  frumenti.  — Opobalsamum  declaratum. 
[Amœnit.  acad.,  t.  Vil.)  —  Année  1765.  XCI.  Hirudo  medicinalis.  —  Fundamenta  ornitho- 

logiœ.  —  Potus  chocolatée.  —  Fcrvida  et  Gelida.  — Potus  theœ.  [Amœnit.  acad.,  t.  Yll. 

Année  1766.  XCII.  Clewls  meehca  duplex,  exterior  etinterior.  Holm,  1765,  in-8°,  29  pages. 

—  XCIll.   Purgantia  indigena.  —  Nécessitas  hist.  nat.  Rossiœ.  —  Vsus  historiœ  naturalis . 

—  Siren   lacertina.  —  Cura  generalis.  —  Vsus  mjscorum.  [Amœnit.    acad.,  t.  VII.)  

Année  1767.  XCIV.  Mantissa  j^lantarum,  generum  editionis  sextœ  et  specierum  editionis 
secundœ.  Holm,  1767,  in-8°,  142  pages.  —  XCV.  Mundus  invisibilis.  —  Hœmoplysis.  — 
Venee  resorbentes.  —  Menthee  usas.  —  Fundamenta   entomologiee.  —  Metamorphosis  hu- 

mana.  —  Fundamenta  agrostographiœ.  —  Varietas  cïborum.   [Amœnit.  acael.,  t.  VU.)  

Année  1768.  XCYI.  Rariora  Norvegiœ.   —  Colomœ  plantarum.  —  Medicus  sui  ipsius. 

Morbi  nautarum  Indiœ.  —  Iter  in  Chinam.  [Amœnit.  acad.,  t.  VIII.)  —  Année  1769.  XCVII. 
Amœnitates  academicœ,   t.  VII.  Holm,  1769.  —  XCVIII.  Animalis  Brasiliensis  descriptio. 

—  Viverree  Nariciœ  descriptio.  —  Simia  OEdipus.  —  Gordius  medinensis.  —  Flora  Ake- 
roensis.  [Trans.  acad.  reg.  Holm,  t.  XXIX,  1769.)  —Année  1770.  XCIX.  Calceolarice pin- 
natœ  descriptio.  —  Erica.  [Trans.  acad.  reg.  Holm,  t.  X.tXI,  IT'iO.)  —  Année  1771.  C. 
Mantissa  plantarum  altéra.  Holm,  1771,  in-8°.  558  pages.  —  Cl.  Dulcamara.  — Pandora 
et  Flora  Nybiensis,  D.  H.  Soderberg.  —  Fundamenta  teslaceologiee.  —  Febrium  inter- 
mittentiiim  curalio  varia.  [Amœnit.  acad.,  t.  VIII,  —  Année  1772.  CIT.  Delicia  naturee  /dis- 
cours prononcé  en  1772).  —  GUI.  Respiratio  diœtetica. —  Hemorrhagiœ  ex  plethora.  

Fraga  vesca.  —  Observationes  in  materiam  medicam. —  Siiturœ  vulnerum.  — Nitraria 
planta  obscura  exphcata.  [Amœnit.  acad.,  t.  IX.)  —  Année  1774.  GIY.  Planta  cimicifuga. 

—  Esca  avium  domesticarum.  —  Marum.  —  yiola  Ipecacuanha.  [Amœnit.  acad.,  t.  VIII.) 

—  Année  1775.  CY.  Plantœ  Surinamenses.  —  Ledum  palustre.  —  Opium.  — Medicamenta 
purgantia.  —  Perspiratio  insensibilis .  — Canones  medici.  — Scorbutus.  —  Bigee  insecto- 
rum. [Amœnit.  acad.,  t.  YlII.)  —  Amnée  1776.  CVI.  Planta  Aphyteia.  —  Hypericum. 
[Amœnit.  acad.,  t.  YIII.)  A.  Chébead. 

liiiKiMÉE  {Linnœa).    Genre  de  plantes,  de  la  famille  des  Gaprifoliacées,  que 


LIOMYOME.  62& 

Gronovius  a  dédié  au  grand  médecin-naturaliste  suédois.  Le  type  du  genre 
est  le  L.  borealis,  humble  herbe  rampante ,  qui  croît  dans  les  deux  mondes^ 
sur  les  régions  montagneuses  de  l'hémisphère  boréal  ,  et  dont  les  feuilles 
sont  opposées,  persistantes,  pétiolées,  à  peu  près  ovales.  Les  fleurs  sont  au 
nombre  de  deux,  placées  au  sommet  d  un  pédoncule  commun,  et  accompagnées 
chacune  de  courtes  bractées.  Leur  organisation  générale  est  celle  des  fleurs  de 
certains  Chèvrefeuilles  ;  mais  leurs  étamines  sont  seulement  au  nombre  de 
qualre,  et  didynames,  quoique  le  calice  et  la  corolle  soient  pentamères.  Quant  à 
l'ovaire,  il  a  trois  loges  ,  et  deux  d'entre  elles  sont  pluriovulées,  mais  stériles; 
tandis  que  la  troisième,  qui  ne  renferme  qu'un  seul  ovule,  est  fertile,  et  que  c'est 
cet  ovule  qui  devient,  dans  la  baie  du  Linnœa,  une  graine  à  embryon  renversé, 
entouré  d'un  albumen  charnu.  En  Suède,  en  Laponie,  en  Norwége,  le  L.  borealis 
est  employé  comme  remède,  contre  la  goutte,  la  sciatique,  les  rhumatismes.  On 
le  prescrit  en  infusion,  en  cataplasmes,  en  fomentations.  Ses  propriétés  curalives 
sont-elles  bien  réelles?  Il  est  permis  d'en  douter,  quoique  la  plante  soit  un  peu 
amère  et  astringente.  On  a  employé  ses  feuilles  en  infusion,  en  guise  de  thé. 

H.  Bn. 

Grosov.,  in   Linn.  Gen.,   n.  774;   Spec,  880.  —  Juss.,  Gen.  plant.,   211.  —  Wahlenb., 
Flor.  lappon.,  170,  t.  XI,  fig.  3.  —  Siegesb.,  Prim.,  79    (Obolaria).  —  Lundmarck,   Dissert, 
de  usu  Linneœ  medico.   Upsal,  1788.  —  Lamk,  IlL,  t.  536;    FI.  de  Fr.,  éd.  3,  IV,  269.  — 
ScHKUHR,  Handb.A.  176.  —  Mér.  et  Del.,  Uict.,  IV,  122.  —  DC,  Prodr.,  IV,  340.  —  Endl. 
Gen.,  n.  5352.  —  H.  Bâillon,  in  Adamonia,  il,  et  in  Payer,  Fam.  nat.,  238. 

Ll!%fYPHlE.*i.     Voy.  Araignées. 

LIOMYOME  ()>EÎoç  lisse,  ptuoiv  muscle).  Synonymie  Leiomyome,  Myome  lévi- 
cellulaire,  Hystérome.  Les  liomyomes  sont  des  tumeurs  constituées  par  des 
fibres  musculaires  hsses,  comme  élément  fondamental,  présentant  par  leur  tex- 
ture, une  analogie  plus  ou  moins  prononcée  avec  le  tissu  musculaire  hsse  et  sié- 
geant à  l'intérieur  ou  au  voisinage  des  organes  renfermant  ce  tissu. 

Pendant  longtemps  ces  tumeurs  ont  été  confondues  avec  les  tumeurs  dites 
fibreuses,  fibroides,  desmoïdes  et  cbondroïdes,  et  leur  nature  réelle  est  restée 
indéterminée  jusqu'à  l'intervention  des  études  histologiques. 

Cependant  Hunter  et  Baillie  en  désignant  sous  le  nom  de  fleshy  tubercJes, 
tubercules  charnus,  certains  corps  fibreux  de  consistance  peu  dense,  semblent 
avoir  pressenti  leur  analogie  avec  le  tissu  utérin.  Lors  même  qu'on  eut  démontré 
la  présence  de  fibres  musculaires  lisses  dans  les  corps  fibreux  de  l'utérus,  on 
continua  à  ranger  ces  tumeurs  dans  le  groupe  des  tumeurs  fibreuses. 

Ainsi,  en  1842,  Bidder  et  Waller  avaient  indiqué  les  moyens  d'isoler  les  fibres 
musculaires  lisses  dans  les  corps  fibreux  ;  Vogel,  en  1845,  avait  déjà  vu  que  des 
fibres  musculaires  lisses  se  retrouvent  dans  des  tumeurs  dites  fibreuses  de  l'esto- 
mac, de  l'intestin  et  de  l'utérus,  et  Lebert,  en  France,  avait  démontré  la  présence 
de  ces  éléments  dans  les  corps  fibreux;  néanmoins  ces  auteurs,  se  conformant  à 
un  usage  qui  s'est  conservé  jusqu'à  présent,  avaient  rapproché  les  tumeurs  à  fibres 
lisses,  des  fibromes,  en  formant  une  division  à  part  à  laquelle  Lebert  donnait  le 
titre  de  fibroïde. 

Ce  n'est  qu'en  1854  que  Virchow  proposa  une  expression  rappelant  l'élément 
fondamental  de  ces  tumeurs,  et  se  servit  du  mot  général  myome  pour  les  désigner, 
Fœrster  après  avoir  adopté  cette  expression  en  1860,  accepta,  dans  la  dernière 
DICT.  EM.  2'  s.  II.  40 


626  LIOMYOME. 

édition  de  son  Anatomie  pathologique,  la  dénomination  de  léiomyome  inventée 
par  Zenker. 

Dès  lors,  les  auteurs  qui  ont  rapporté  des  exemples  de  ces  tumeurs  les  ont 
tour  à  tour  désignées  sous  l'un  des  titres  précédents.  L'expression  liomyome 
nous  semble  exprimer  avec  précision  la  caractéristique  histologique  de  ces 
tumeurs. 

M.  Broca,  en  les  décrivant  sous  le  nom  d'hystéromes,  a  principalement  eu  en  vue 
de  montrer  l'analogie  des  éléments  qui  les  constituent  avec  ceux  du  tissu  propre 
de  l'utérus.  Cette  expression  qui  convient  aux  liomyomes  de  l'vitérus  ne  nous 
semble  pas  assez  générale  pour  désigner  des  tumeurs  observées  dans  des  organes 
très-différents,  et  dont  les  éléments  reproduisent  simplement  ceux  du  tissu  muscu- 
laire viscéral.  Bien  qu'en  dehors  des  liomyomes  de  l'utérus  et  de  ses  annexes,  le 
nombre  des  liomyomes  observés  soit  encore  restreint,  nous  croyons  qu'à  l'exemple 
de  Fœrster  et  de  Virchow  il  n'est  pas  sans  intérêt  de  leur  consacrer  un  article  de 
description  générale,  mais  l'importance  exceptionnelle  des  Liomyomes  de  l'utérus 
exigeant  une  description  spéciale,  nous  passerons  rapidement  sur  les  particularités 
qui  concernent  ces  tumeurs,  renvoyant  à  l'article  Corps  fibreux  de  l'utérus. 

Siège.  Les  liomyomes  ont  été  rencontrés  dans  la  plupart  des  organes  qui 
renferment  du  tissu  musculaire  viscéral.  En  dehors  de  l'utérus  qui  doit  être  con- 
sidéré comme  leur  siège  de  prédilection,  on  les  a  signalés  dans  les  annexes  de 
l'utérus,  les  trompes,  les  ligaments  larges,  dans  les  ovaires  et  la  paroi  vaginale 
(Virchow,  Ulrich,  Demarquay)  ;  dans  la  prostate  (Thompson),  au  voisinage  de 
l'urèthre  et  adhérant  au  rectum  (Broca)  ;  dans  le  foie,  sur  les  conduits  hépatiques 
(Robin,  in  Dictionnaire  de  Nysten)  ;  dans  les  diverses  parties  du  tube  digestif, 
l'œsophage  (Albers,  Rûnge,  Eberth),  l'estomac  (Vogel,  Runge,  Virchow)  ;  l'intestin^ 
soit  dans  le  duodénum,  soit  dans  l'iléon  (Rokilansky,  Fœrster,  Virchow,  etc.); 
dans  la  peau  du  mamelon  (Virchow),  du  scrotum  (Fœrster)  ;  sur  le  trajet  de  la 
veine  saphène  (Âufrecht)  ;  dans  le  tissu  fibreux  à  fibres  musculaires  de  l'orbite 
(A.  Hénocque)  ;  dans  l'intérieur  de  l'œil,  au  niveau  de  la  choroïde  et  du  cercle 
ciliaire  (Ivanhoff) . 

A  côté  de  ces  observations  dans  lesquelles  la  nature  de  la  tumeur  a  été  constatée 
au  microscope,  on  pourrait  citer  bien  des  cas  de  tumeurs  fibreuses  qui  étaient 
probablement  des  liomyomes,  mais  une  telle  restauration  souvent  faite  par  Fœrster 
et  par  Virchow  ne  peut  reposer  sur  des  principes  rigoureux. 

Caractères  généraux.  Les  liomyomes  forment  des  tumeurs  ordinairement 
arrondies,  ou  ovoïdes,  ou  formées  de  masses  globuleuses  superposées,  tantôt  par- 
faitement lisses,  s'énucléant  facilement  des  tissus  voisins,  et  paraissant  entourées 
d'une  lamelle  de  tissu  cellulaire,  tantôt  adhérant  aux  tissus  voisins,  soit  acciden- 
tellement, soit  par  une  union  plus  intime  ;  quelquefois  ils  prennent  la  forme  de 
polypes.  Leur  volume  et  leur  poids  peuvent  être  considérables,  dans  l'utérus  prin- 
cipalement, où.  ils  ont  atteint  60  livres  (Voigtel)  et  même  40  kilogrammes  (Bi'oca), 
mais,  en  général,  ils  sont  plus  petits,  ordinairement  de  la  grosseur  d'une  noix, 
d'un  œuf,  dans  le  tube  digestif  ils  ne  dépassent  pas  ce  volume.  Le  liomyome 
observé  par  M.  Broca,  au  périnée,  avait  le  volume  d'un  œuf.  Celui  que  nous  avons 
observé  dans  l'orbite  avait  les  dimensions  d'une  grosse  noix,  le  liomyome  intra- 
oculaire  de  M.  Ivanhoff  occupait  le  tiers  environ  du  globe  oculaire.  Lorsque  les 
liomyomes  sont  multiples,  leur  grosseur  est  en  général  moindre,  on  en  trouve 
souvent  du  volume  d'un  pois  et  même  d'un  grain  de  mil. 

Ces  tumeurs  quelquefois  isolées  ou  réunies  en  une  seule  masse,  peuvent  être 


y. 


LIOMYOME.  627 

disséminées,  ainsi  qu'on  l'observe  dans  l'intestin  et  surtout  dans  l'utérus  où  l'on 
■en  a  compté  jusqu'à  quarante. 

Lu  couleur  des  liomyomes  est  grisâtre,  comme  tendineuse,  ou  rosée,  rougeâtre 
suivant  les  variétés  de  texture  et  la  vascularisation,  leur  odeur  peut  varier  suivant 
le  siège;  en  général  elle  est  aigrelette,  et  rappelle  l'odeur  de  l'intestin  et  de 
l'utérus. 

Lorsque  les  liomyomes  ne  sont  pas  le  siège  d'altérations  notables,  ils  ont  une 
densité  fibreuse,  chondroïde  même,  et  une  élasticité  prononcée,  d'ailleurs  leur 
consistance  peut  varier,  d'oià  lenr  distinction  en  liomyomes  mous  et  en  liomyomes 
durs  ou  fibreux. 

Résistants  à  la  section,  ils  crient  sous  le  scalpel  à  la  manière  des  tissus  fibreux. 
La  coupe  en  est  lisse,  légèrement  nacrée,  simulant  l'aspect  fibreux  ou  restant 
manifestement  charnue,  on  peut  à  l'œil  nu  leur  distinguer  une  texture  fibreuse  ; 
des  faisceaux  ondulés  s'entrecroisant,  s'enchevêtraiit  en  sens  divers,  forment  des 
sortes  d'anneaux  ou  de  larges  bandes  séparant  des  espaces  arrondis  à  stries 
concentriques,  et  formant  des  tumeurs  secondaires.  Quelquefois,  à  l'intestin  sur- 
tout, leur  section  montre  une  série  de  lamelles  concentriques  rappelant  lu  section 
d'une  bille  d'agate. 

Lehmann  a  signalé  le  premier  la  réaction  acide  de  ces  tumeurs,  elles  rougissent 
le  papier  de  tournesol,  tachent  l'acier  ;  M.  Hayem  a  vérifié  celte  réaction  qui 
présente  une  certaine  importance. 

Caractères  microscopiques.  L'aspect  des  coupes  d'un  liomyome  est  variable, 
suivant  le  sens  dans  lequel  on  les  pratique  ;  examinées  à  un  faible  grossissement 
elles  reproduisent  assez  nettement  l'aspect  macroscopique. 

On  retrouve  des  faisceaux  plus  ou  moins  larges,  de  direction  très-variée,  dispo- 
sés en  sortes  de  séries  concentriques  ou  en  lamelles  longues  et  larges. 

A  un  grossissement  plus  considérable,  on  reconnaît  la  nature  des  éléments 
constitutifs,  fibres  musculaires  lisses,  tissu  lumineux  ou  conjonctif,  vaisseaux. 

Les  tlbres  musculaires  lisses  se  présentent,  réunies  sous  forme  de  faisceaux  et 
reconnaissables  à  leurs  noyaux  allongés,  en  bâtonnet.  Les  acides  faibles  (acétique, 
tartrique)  mettent  en  relief  les  noyaux;  la  coctiou,  la  soude  concentrée  isolent  les 
faisceaux  en  les  gonflant.  L'acide  nitro-chlorhydrique  ddué  permet  d'isoler  les 
fibres  lisses.  Le  perchlorure  de  palladium,  signalé  par  Schultze,  est  un  excellent 
réactif  pour  l'étude  des  fibres  lisses,  ainsi  que  nous  avons  pu  nous  en  assurer,  il 
colore  à  la  fois  les  noyaux  et  toute  la  fibre-cellule  en  brun  jaunâtre  foncé,  en 
même  temps  qu'il  permet  l'isolement  facile  des  fibres  lisses. 

Les  éléments  ont  ordinairement  leur  vol  unie  normal,  mais  souvent  les  éléments 
et  les  faisceaux  sont  hypertrophiés  de  façon  à  rappeler  les  fibres  nouvelles  qui  se 
forment  dans  l'utérus  pendant  la  grossesse.  A  côté  de  ces  fibres  lisses  complète- 
ment développées,  l'on  retrouve  des  éléments  qui  représentent  toutes  les  phases  de 
développement  des  fibres  musculaires  lisses,  tels  sont  de  gros  noyaux  ovoïdes, 
arrondis  même,  finement  granuleux,  entourés  d'une  substance  amorphe  granu- 
leuse ou  protoplasma,  se  colorant  eu  jaune  par  le  palladium,  en  rouge  par  le 
carmin  et  la  teinture  de  fuchsine,  ces  éléments  se  réunissent  en  groupes  de  5  ou 
4  ou  plus,  et  quelquefois  on  les  sépare  difficdement  les  unes  des  autres.  Autour 
d'eux  se  voient  des  éléments  analogues  dans  lesquels  le  protoplasma  devient 
ovoïde,  et  prend  enfin  un  aspect  fnsiforme,  tandis  que  le  noyau  a  de  plus  en  plus  la 
forme  de  bâtonnet,  et  les  granulations  qu'ils  renferment  sont  disposées  régulière- 
.nicnt  de  façon  à  lui  donner,  dans  certains  cas,  une  apparence  striée.  Ce  sont  là 


628  LIOMYOME. 

des  fibres  lisses  en  voie  de  développement.  On  les  retrouve  en  grande  abondance  dans 
les  liomyomes  mous,  ils  sont,  en  général,  accumulés  vers  le  centre  des  espaces 
circonscrits  par  les  fibres  lisses  concentriques,  les  éléments  les  plus  jeunes  étant 
situés  au  centre.  Nous  les  avons  vus  dans  un  liomyome  polypeux  enlevé  par  le  doc- 
teur Nonat,  formant  des  amas  assez  considérables  à  teinte  foncée,  qui  à  un  faible 
grossissement  rappelaient  grossièrement  les  dépôts  bétéradéniques. 

Le  tissu  lamineux  ou  conjonctif  existe  en  quantité  très-variable  dans  les  lio- 
myomes, quelquefois  à  peine  développé  à  la  surface,  le  long  des  vaisseaux,  ou 
dans  l'interstice  des  faisceaux;  il  peut,  au  contraire,  constituer  une  bonne  partie 
de  la  tumeur,  à  ce  point  que  l'on  pourrait  considérer  l'élément  musculaire  lisse 
comme  accessoire. 

Les  vaisseaux  sont  ordinairement  rares  ;  cependant  on  peut,  suivant  les  cas, 
les  distinguer  en  périphériques  et  interstitiels.  Ceux-ci  seraient  de  gros  capillaires, 
ou  même  artériels  suivant  Virchow  ;  les  vaisseaux  périphériques  sont  surtout  vei- 
neux, mais  le  plus  grand  nombre  d'entre  eux  serait  développé  dans  les  tissus 
voisins,  comme  l'a  établi  Albers  de  Bonn. 

L'existence  de  nerfs  n'a  été  signalée  que  par  un  seul  auteur,  le  docteur  Hertz 
qui  a  décrit  dans  un  liomyome  de  l'utérus  des  nerfs  et  des  terminaisons  ner- 
veuses. CVircliow's  Archiv,  19  mars  1869,  46.  Bd.) 

Les  différences  de  texture  que  présentent  les  liomyomes,  suivant  le  développe- 
ment plus  ou  moins  prononcé  des  éléments  accessoires,  sont  assez  prononcées 
pour  que  l'on  ait  cru  devoir  établir  un  certain  nombre  de  variétés.  C'est  ainsi  que 
l'on  admet  des  liomyomes  durs  et  des  liomyomes  mous,  ou  des  myofibromes  ou 
fibromyomes,  ou  enfin  des  myomes  purs,  suivant  qu'il  y  a  prédominance  de  l'élé- 
ment musculaire  ou  de  l'élément  lamineux.  Le  développement  considérable  des 
vaisseaux,  signalé  déjà  par  Cruveilhier,  et  qui  rapproche  les  liomyomes  des  tu- 
meurs érectiles,  a  décidé  Virchow  à  admettre  la  variété  de  myomes  télangiectodes. 

Genèse  et  pathogenèse.  L'origine  et  le  mode  de  développement  des  liomyomes 
est  encore  sujet  à  discussion;  il  n'en  saurait  être  autrement,  puisque  l'accord  est 
loin  d'exister  sur  la  genèse  de  l'élément  fondamental.  Comme  ce  n'est  pas  le  lieu, 
ici,  de  nous  occuper  des  discussions  doctrinales  que  soulève  l'étude  de  chaque 
tumeur,  nous  nous  contenterons  d'exposer  ce  que  l'on  sait  du  siège  initial  des  lio- 
myomes et  du  développement  des  éléments  qui  les  constituent.  Dans  tous  les  cas, 
les  liomyomes  occupent  des  régions  dans  lesquelles  on  trouve  immédiatement  en 
rapport  avec  eux  des  fibres  musculaires  lisses,  et  l'on  sait  maintenant  que  le 
ligament  large,  l'ovaire,  la  peau,  le  tissu  fibreux  qui  entoure  l'œil,  etc.,  contien- 
nent des  fibres  lisses.  Il  est  donc  certain  que  beaucoup  de  liomyomes  naissent  par 
hypergenèse.  Mais  si  l'on  considère  la  tumeur  une  fois  qu'elle  a  acquis  un  certain 
développement,  alors  qu'elle  a  envahi  les  tissus  voisins  du  point  de  départ,  qu'elle 
s'est  pour  ainsi  dire  complètement  isolée,  qu'on  la  retrouve  par  exemple  sous  la 
muqueuse  du  tube  digestif,  à  distance  du  tissu  musculaire  viscéral,  il  devient 
très-difficile  d'affirmer  le  point  de  départ,  la  tumeur  est,  actuellement  au  moins, 
hétérotopique.  La  plupart  des  auteurs,  constatant  ces  deux  grands  faits  en  faveur 
de  chacun  desquels  on  pourrait  citer  des  arguments,  ont  admis  que  les  liomyo- 
mes naissent  par  hypergenèse  et  par  hétérotopie. 

En  effet,  M.  Broca  rangeles  hystéromes  parmi  les  productions  nouvelles  homœo- 
morphes  et  homologues,  tout  en  reconnaissant  que  certains  d'entre  eux  sonthété- 
rotopiques.  M.  Robin  admet  l'hypergenèse  et  l'hétérotopie.  M.  Virchow,  sans  se 
prononcer  nettement  sur  ce  point  qu'il  ne  croit  pas  encore  élucidé,  donne  quel- 


LIOMYOME.  629 

ques  arguments  en  faveur  de  l'hétéroplastie,  c'est-à-dire  qu'il  semblerait  disposé  à 
admettre  avec  Fœrster  qu'il  y  a  formation  nouvelle  de  fibres  lisses  dans  le  tissu 
conjouctif,  indépendante  des  libres  lisses,  plus  ou  moins  voisines,  déjà  exis- 
tantes. 

Examinons,  maintenant,  si  l'étude  du  développement  des  fibres  lisses  dans  la 
tumeur  permet  des  conclusions  plus  rigoureuses. 

Ici  encore  nous  rencontrons  trois  opinions  contradictoires. 
Moleschott  et  Piso  Borme  ont  rapporté  la  formation  des  éléments  nouveaux  à 
une  multiplication  des  éléments  déjà  existants. 

Vogel,  Robin  admettent  la  genèse  au  sein  d'un  blastènc,  et  s'appuient  sur  l'é- 
tude des  noyaux  et  de  la  substance  amorpbe  ou  protoplasnia  que  l'on  trouve  dans 
les  liomyonies  les  ]j1us  purs. 

Fœrster,  J.  Arnold  et  peut-être  Virchow,  croient  à  la  transformation  des  élé- 
ments du  tisssu  conjouctif  en  libres  musculaires  lisses. 

Nous  ne  pourrions  examiner  tous  les  arguments  en  laveur  de  l'une  de  ces  opi- 
nions sans  étudier  la  genèse  des  fibres  musculaires  lisses,  nous  nous  bornerons  à 
chercher  les  conclusions  qu'elles  eniraînent.  Si  l'on  accepte  la  première  opinion, 
les  liomyomcs  ne  seront  qu'hypergenèse,  ou  même  hy[ier(roplnc  partielle  d'un  or- 
gane. Avec  les  deux  autres  opinions,  il  peut  y  avoir  à  la  l'ois  hypergenèse  et  liété- 
rotopie.  Au  milieu  de  ces  discussions,  il  est  permis  de  rester  dans  la  réserve  et 
d'attendre  que  la  lumière  se  fasse  sur  l'histoire  anatomique  et  piiysiologique  des 
fibres  musculaires  lisses. 

Accroissement.  Transformations.  Les  liomyonies,  une  fois  formés,  tendent 
à  croître,  indéfiniment  même  dans  quelques  cas,  oh  ils  atteignent  des  proportions 
colossales.  L'accroissement  paraît  se  faire  surtout  du  centre  à  la  périphérie  ;  il 
semble  que  chacune  des  masses  composant  la  tumeur  et  renfermant  les  éléments 
en  voie  de  formation  repousse  le  tissu  complètement  formé  de  la  tumeur,  et  le 
tissu  voisin  ;  quelquefois  plusieurs  petites  tumeurs  se  réunissent  ensemble  et 
même  de  nouveaux  centres  d'accroissement  se  forment  dans  une  même  tumeur. 
La  tumeur  tend  le  plus  souvent  à  s'isoler,  quelle  que  soit  la  position  primitive 
qu'elle  occupe,  et  les  déplacements  des  liomyomes  observés  dans  l'intestin  consti- 
tuent un  des  points  les  plus  curieux  de  l'histoire  des  cor|js  et  polypes  libre ux. 
Pour  expliquer  la  cause  de  ces  déplacements,  on  invoque  l'augmentation  de 
volume  de  la  tumeur,  l'action  du  tissu  musculaire  viscéral  qui  l'entoure  ou  l'a- 
voisine,  et,  enfin,  on  est  porté  à  croire  que  ces  éléments  ont  conservé  leurs  pro- 
priétés spéciales,  la  contractilité,  qui,  une  fois  admise,  expliquerait  bien  des 
particularités  de  leur  texture  et  de  leurs  transformations.  Virchow  a  montré  que 
les  changements  de  volume  observés  dans  ces  tumeurs  peuvent  tenir  à  des  dif- 
férences dans  la  vascularisation,  une  sorte  d'érectilité  (dans  le  liomyome  télangiec- 
tode  en  particulier),  mais  seraient  peut-être  dus  à  la  contractilité  piopre  de  la 
tumeur.  L'accroissement  des  liomyomes  constitue  un  caractère  de  permanence  qui 
a  son  importance.  On  ne  saurait  cependant  fixer  la  durée  de  chacune  des  fibres 
lisses  en  particulier,  mais  la  tumeur  est  en  elle-même  permanente. 

Dans  la  plupart  des  cas,  l'accroissement  n'est  pas  indéfini;  bien  des  transfor- 
mations peuvent  l'arrêter  et  modifier  l'aspect  de  la  tumeur.  Nous  n'insisterons 
pas  sur  ces  faits  observés  surtout  dans  les  liomyomes  de  l'utérus.  L'arrêt  de 
développement  ou  même  l'atrophie  peut  tenir  à  une  atrophie  sénile  progressive, 
analogue  à  celle  qu'on  observe  dans  l'utérus  lui-même  ;  à  une  tiansformation 
fibreuse  presque  complète,  désignée  sous  le  nom  d"induration,  et  la  tumeur 


630  LIOMYOME. 

acquiert  une  dureté  caractéristique,  une  densité,  un  aspect  cliondroïdcs.  La  trans- 
fornialioii  calcaire,  considérée  autrefois  comme  très-rai'e,  a  été  souvent  démontrée 
dans  les  liomyomes  utéi'ins  et  intestinaux.  La  calcification  se  fait  ordinairement 
par  le  tissu  conjonctif  ;  on  trouve  des  concrétions  crétacées  irrégulières  en  divers 
points  de  la  tumeur,  en  même  temps  qu'au  microscope  on  retrouve,  au  voisinage 
de  ces  masses  crétacées,  un  dépôt  de  grains  calcaires  assez  régulièrement  disposés 
le  long  des  fibres  lisses.  Lorsqu'on  traite  ces  parties  par  l'acide  chloi-hydrique, 
on  peut  voir  réapparaître  les  fibres  musculaires,  et  celles-ci  ne  semblent  pas  le 
siège  de  calcification.  (Virchow.)  La  production  du  tissu  osseux  véritable  n'a  été 
signalée  qu'exceptionnellement  parWedl  et  Bidder.  Nous  ne  citons  que  pour  mé- 
moire la  transibrmation  graisseuse  suivie  de  résorption,  qui  ne  serait  admissible 
que  pour  de  très-petits  liomyomes.  Nous  ne  ferons  que  signaler  les  altérations 
nombreuses  dont  les  liomyomes  peuvent  être  le  siège,  et  qui,  jusqu'à  présent, 
n'ont  été  décrites  que  dans  les  liomyomes  de  l'utérus  ou  des  ovaires;  telles  sont 
l'infiltralion  œdémateuse,  l'inflammation  péiiphérique  pouvant  amener  la  gan- 
grène et  l'élimination  de  ces  tumeurs ,  la  formation  d'épancbements  sanguins  à 
leur  intérieur,  accompagnée  de  destruction  partielle,  avec  production  de  ces 
cavités  ou  géodes  si  bien  décrites  par  Cruveilbier. 

Quelles  que  soient  ces  trausJbrmations,  il  est  bien  démontré  que  les  liomyomes 
ne  se  généralisent  pas.  On  peut,  il  est  vrai,  trouver  des  liomyomes  multiples,  mais 
jusqu'à  présent,  on  n'a  pas  trouvé  de  productions  secondaires  de  ces  tumeurs 
dans  les  viscères  ni  dans  les  ganglions.  Cruveilbier  axait  insisté  sur  ce  taiten  éta- 
blissant comme  règle  que  les  corps  fibreux  ne  dégénèrent  jamais  en  squirrhes. 
Cependant  Yircliow  a  réuni  plusieurs  faits  qui  démontrent  l'existence  des  élé- 
ments de  tumeurs  malignes  dans  les  liomyomes  ;  le  sarcome  ou  tumeur  fibro- 
plastique  en  particulier  semble  pouvoir  se  développer  dans  les  tumeurs  à  fibres 
musculaires  lisses,  et  il  en  serait  de  même  du  carcinome  épithélial.  Ces  tumeurs 
observées  surtout  dans  l'ovaire,  formant  le  groupe  des  rayosarcomes,  myomes 
cystiques,  myomes  mixtes,  sont  encore  fort  mal  connues,  et  probablement  ne 
s'agit-il  là,  suivant  la  remarque  de  Virchow,  que  d'une  hypertrophie  analogue  à 
celle  des  muscles  lisses  dans  le  cancer  de  l'estomac  et  de  la  vessie,  ou  bien  de 
l'envahissement  de  la  tumeur  par  une  pi-oduction  nouvelle  développée  dans  le 
tissu  voisin. 

Etiologie.  11  faut  avouer  que  l'on  ne  sait  rien  de  précis  sur  les  causes  du 
développement  des  liomyomes.  En  dehors  de  l'irritation,  cause  en  quelque  sorte 
banale  du  développement  des  tumeurs,  tout  ce  que  l'on  peut  dire  à  ce  sujet  se 
rapporte  à  l'histoire  des  corps  fibreux  de  l'utérus,  l'étude  des  autres  liomyomes- 
ne  nous  apprend  rien  de  précis.  On  peut  toutefois  Hmiter  l'âge  auquel  ces  tumeurs 
atteignent  un  développement  qui  les  fait  reconnaître,  on  peut  dire  qu'elles  exis- 
tent surtout  après  l'âge  de  35  ans,  et  la  plupart  d'entre  elles  ont  été  trouvées 
chez  des  individus  d'un  âge  avancé. 

Il  n'est  pas  nécessaire  de  faire  remarquer  la  fréquence  des  Homyomes  chez: 
la  femme,  mais  le  plus  grand  nombre  des  homyomes  des  divers  organes  a  été 
observé  chez  l'homme,  abstraction  faite  des  liomyomes  de  la  prostate  qui, 
sous  la  forme  des  liomyomes  vrais,  sont  tellement  rares  que  leur  existence 
reste  un  point  discutable. 

Symptômes.  Fai  laissant  de  côté  les  symptômes  importants  des  liomyomes  de 
l'utérus,  on  rencontre  peu  de  notions  surles  signes  des  liomyomes,  et  ce  fait  s'ex- 
phque  par  cette  circonstance  que  les  tumeurs  ont  presque  toujours  passé  inaper- 


LIOMYOME.  631 

çues  sur  le  vivant:  aussi  ne  peut-on  les  établir  que  par  analogie  avec  les  symptô- 
mes des  corps  fibreux.  Ces  signes  se  rapportent  à  la  situation,  au  volume,  aux 
déplacements  de  ces  tumeurs. 

Ainsi,  au  voisinage  des  cavités,  les  liomyomes  peuvent  produire  des  troubles  ma- 
nifestes :  au  périnée  un  liomyome  peut  comprimer  l'urètlire  et  gêner  la  miction; 
dans  le  foie  ou  la  vésicule  biliaire,  au  voisinage  des  condnits  hépatiques,  dans  le 
duodénum,  ils  pourraient  être  causes  d'ictère,  et  de  gène  dans  l'excrétion  biliaire;  à 
l'œsophage,  ils  ont  déterminé  des  troubles  dans  la  déglutition,  et  se  sont  accompa- 
gnés d'expuitions  fréquentes  et  abondantes  de  salive.  Dans  l'intestin,  suivant  la 
remarque  de  Rokitansky,  les  liomyomes  pourraient  combler  en  grande  partie  la 
cavité  du  tube  digestif  et  donner  lieu  à  une  invagination.  Dans  un  cas  de  lio- 
myomes multiples  de  l'intestin,  M.  Leroy  n'a  pu  retrouver  d'antres  signes  intéres- 
sants que  l'existence  de  coliques  et  de  diarrhée  ayant  persisté  depuis  plusieurs 
années,  et  qui  fut  signalée  par  le  malade.  A  l'orbite,  la  tumeur  causait  des  dou- 
leurs vives,  conséquences  de  l'exoplithalmos  qui  en  quatre  ans  était  devenu  con- 
sidérable. Dans  le  fait  de  myome  intra-oculaire,  la  vision  resta  longtemps  assez 
bonne,  les  miheux  de  l'œil  transpai-ents  permirent  de  reconnaître  l'existence 
d'une  tumeur,  mais  des  douleurs  très- viol  entes  dans  la  région  ciliaire  rendirent 
l'énucléation  nécessaire. 

Les  hémorrhagies  paraissent  spéciales  aux  liomyomes  utérins. 

On  voit  qu'il  reste  à  élucider  toute  cette  partie  de  1  histoire  générale  des  lio- 
myomes, et  l'on  comprend  la  difficulté,  pour  ne  pas  dire  l'impossibilité,  jusqu'à 
présent  presque  absolue  d'établir  le  diagnostic  de  ces  tumeurs.  Lorsqu'elles  seront 
accessibles  aux  divers  procédés  d'exploration  par  leur  position  superficielle  ou  par 
leur  saillie  dans  une  cavité,  on  pourra  sans  doute  reconnaître  une  tumeur,  tout 
au  plus  pourra-t-on  en  indiquer  la  consistance  fibreuse,  et  jusqu'à  présent  ou  les 
a  confondues  avec  des  tumeurs  fibreuses,  avec  l'iiypertropliie  de  la  prostate,  le 
sarcome  de  la  choroïde,  une  tumeur  maligne  de  l'orbite. 

L'examen  histologique  seul  permettra  d'établir  la  nature  de  la  tumeur.  D'ailleurs, 
au  point  de  vue  pratique,  il  n'y  a  pas  d'inconvénient  à  confondre  le  liomyome  avec 
une  tumeur  fibreuse,  l'une  et  l'autre  tumeur  présentant  des  indications  thérapeuti- 
ques analogues,  et  réclamant  la  même  intervention  chirurgicale.  Quant  aux  lio- 
myomes de  l'utérus  ou  de  ses  annexes  et  du  vagin,  on  consultera  à  leur  égard 
les  articles  spéciaux.  Le  pronostic  des  liomyomes  n'offre  de  gra\ité  qu'en  raison 
de  leur  siège  ou  de  leur  développement,  ces  tumeurs  ne  récidivant  pas  après 
l'ablation;  ainsi  à  l'orbite,  au  mamelon,  sur  la  veine  saphène,  au  vagin,  la  guéri- 
son  a  suivi  l'ablation.  A.  Hénocque. 

Bibliographie.  —  L'histoire  générale  des  liomyomes,  faite  surtout  au  point  de  vue  anato- 
mo-patholosique,  a  été  faite  par  Fœrster  et  Yircliow  dans  des  chapitres  que  nous  avons 
largement  utilisés.  L'étude  des  liomyomes  dans  les  divers  organes  est  réunie  dans  un 
chapitre  unique  par  Yirchow,  et  disséminée  dans  le  livre  de  Fœrster  parmi  les  tumeurs  de 
chaque  organe.  —  Fœrster.  Hanclbiich  der  pathologischen  Anatomie.  Édition  1805,  t.  I. 
p.  541  (glatte  Muskelpreschwulst,  Leiomyome),  et  Specieller  Theil,  passim.  —  Ymciiow.  Die 
h-ankhaften  Geschwïdste.  III  Band,  1  Hâlfte,  leçon  25,  p.  90  à  252. 

Consultez  en  outre  pour  l'anatomie  pathologique,  le  développement:  Bidder  et  W.m.tee. 
1842.  Ueber  fibrôsc  Kôrper  der  Gebarmutter.  —  Vogel.  1845.  Patliol.  Anatomie  des  tncnsch- 
lichen  Kôvpers.  Leipzig,  1845.  — Iiuxge.  Demuscidorumvegetativoriimhypertroplnnpatho- 
logica.  Dissert,  inaug.  Eerolini,  1857.  —  Leeert.  Comptes  rendus  de  la  Société  de  biologie. 
1852,  t.  IV,  p.  68.  —  Du  MÊME.  Traité  d' anatomie  path.  génér.  et  spéciale.  Paris,  1857.  — 
Broca.  Traité  des  tumeurs,  t.  II,  Paris,  18G9,  chap.  vu  (Des  hystéromcs),  p.  252  et  suiv. 
Hystérome  chez  l'homme,  p.  255.  —  Iîobi.v.  Programme  du  couis  d'histologie,  p.  210.  — 
AusoLD.  Ueber  die  Neubilduug  von  glalten  Muskelfasern  in  pleuritischen  Schmertzen.  In 


«32  LIOTHE. 

Virchow's  Archiv,  Bd.  XXXIX,  p.  210,  1867  (Exemple  de  néoformation  de  fibres  lisses  à  la 
■surlacede  la  plèvre). 

Pour  les  liorayomes  de  l'œsophage  Ca.  —  Vogel.  Pathol.  Anat.  des  mensch.  Kôrpers, 
p.  156  et  Icônes,  Histol.  Pathol.,  p.  30.  —  Runge.  L.  cit.  —  Albers.  Atlas  der  pathol. 
Anat.,  t.  II,  Tal'.  21,  Erlauterung,  p.  255.  —  Ebeeth.  Grosse  Myom  des  Œsophagus.  In  Vir- 
dimv's  Archiv,  t.  XLllI,  p.  157,  18»8. 

L.  de  l'estomac.  —  Vogel  et  Icônes.  Hist.  path.,  tab.  VII,  fig.  2  et  6,  p.  30.  —  Fœrster 
(2  cas).  Wiener  medizinische  Wochenschr.,  1851,  n°  9,  p.  131,  et  Handbuch  der  path.  anat., 
Bd.  II,  S.  79. 

L.  de  l'intestin.  —  Rokitansky.  Pathol.  Anat.,  vol.  III,  p.  230,  1861,  —  Fœhster.  In 
Virchow's  Archiv,  Bd.  XIII,  p.  270  (L.  de  l'iléon).  —  H^bing.  Wûrtemb.  Corresp.  blatt, 
29,  1857.  —  ViBCHow.  Loc.  cit.  (Liomy.  du  duodénum  en  partie  calcifié).  —  IIénocque  et 
Lfroy.  In  Gazette  hebdomadaire,  1869. 

L.  de  la  prostate.  —  Thompson.  Transactions  of  the  Patholog.  Soc.  of  l.onclon,  vol.  IX, 
p.  298.  —  Udmême.  Diseuses  of  the  Prostate,  5=  édit.  London,  1868,  p.  116  [Relations  between 
the  Tumotirs  of  the  Utérus  and  Prostate). 

L.  vaginaux.  —  Demakquay  et  Dufouh.  Gazette  des  hôpitaux,  1860,  p.  330.  — VrRCiiow. 
Loc.  cit. 

L.  de  la  peau.  —  Fœrster.  Handbuch  der  Path.,  vol.  2,  p.  1042.  —  Virchow.  Loc.  cit. 
(Myome  télangiectode  du  mamelon). 

L.  de  l'orbite.  —  Hénocque  (A.).  Journal  de  l'anat.  et  de  la  pliysiologie,  1868,  p.  562. 

Liomyome  intraoculaire.  —  Ivanhoff.  Congrès  dophlhalmologie,  1868.  Comptes  rendus, 
p.  118. 

Myome  de  la  veine saphène.  —  Aufrecht.  Virchow's  Archiv,  Bd.  XLIV,  1  Heft,  1868. 

A.  H. 

LIOIV-ISUR-.^IER  (Station  marine  de)  ,  dans  le  département  du  Calvados, 
dans  l'arrondissement  et  à  15  kilomètres  de  Caen  ,  a  un  établissement  confor- 
table situé  sur  les  bords  de  la  Mauclie.  La  plage  est  très-belle  à  Lion;  aussi  les 
baigneurs  de  Caen  et  des  environs,  qui  fréquentent  surtout  cette  station  marine, 
s'y  rendent-ils  en  assez  grand  nombre,  quoiqu'elle  laisse  à  désirer  sous  le  rapport 
des  excursions,  et  même  des  promenades.  Le  pays,  en  effet,  n'est  pas  accidenté, 
il  offre  surtout  très-peu  d'ombrage.  Â.  R. 

IilOi«DEl«T.     Yoy.  Pissenlit. 

JLIOTHÉ.  Genre  d'animaux  articulés,  aptères,  épizoaires,  vivant  sur  les 
oiseaux  et  établi  par  Nitzsch,  qui  les  a  séparés  des  Philoptères  et  des  Tricbodectes. 
{Yoy.  Nitzsch,  in  Voigt,  Magaz.  fur  die  Naturk.,t.  XIII,  p.  426,  1806  — et 
Thierinsekten,  p.  38,  1818.) 

Les  Liothés  ont  la  tête  déprimée,  scutiforme,  la  bouche  infère,  rapprochée  du 
bord  antérieur  du  front.  Mandibules  bidentées,  courtes,  dures;  des  mâchoires; 
les  deux  lèvres  supérieures  et  inférieures  écliancrées  à  leur  bord  libre  ;  palpes 
maxillaires  les  plus  longs,  fdiformes,  mobiles,  4-articulés  ;  palpes  labiaux  très- 
courts,  biarticulés.  Antennes  de  4  articles  insérées  sur  le  bord  latéral  de  la  tête 
et  cachées  dans  une  fossette;  yeux  placés  derrière  les  antennes.  Thorax  bi  ou  tri- 
parti. Abdomen  à  neuf  ou  dix  anneaux.  Tarses  droits,  disposés  pour  la  course, 
biai'ticulés,  chaque  article  pourvu  de  pelotes;  deux  ongles  à  peu  près  droits,  à 
pointe  courbée,  un  prolongement  placé  entre  les  ongles. 

Tous  les  Liothés  connus  vivent  en  parasites  dans  les  plumes  des  oiseaux  en 
société  avec  les  Philoptères;  ils  sont  très-agiles,  courent  sur  le  corps  des  oiseaux 
et  l'abandonnent  à  la  mort  de  ceux-ci,  dès  que  le  refroidissement  cadavérique  se 
produit. 

Les  chasseurs  et  les  naturalistes  sont  parfois  très-incommodés  par  ces  parasites, 
qui  passent  des  oiseaux  sur  l'homme  avec  la  plus  grande  facilité  et  qui  se  répan- 


LIPOME.  653 

dent  sur  les  mains  et,  en  se  glissant  sous  les  vêtements,  sur  tout  le  corps  et  la  tète 
où  ils  font  éprouver  des  démangeaisons. 

11  est  l'acile  de  se  débarrasser  de  ces  parasites  accidentels  au  moyen  de  bains  et 
de  lotions  alcalines  ou  légèrement  chlorurées.  La  benzine  ou  une  pommade  hydrar- 
gyrique  n'ont  même  pas  besoin  d'être  employées,  car  les  Liothés  meurent  peu 
après  avoir  quitté  les  oiseaux  sur  lesquels  ils  vivent. 

A.  Laboulbène. 

LIOTRBQUES  {Izloi,  lisse,  BpŒ,,  cheveu).  Dénomination  employée  par  Bory 
de  Saint-Vincent  pour  désigner  certaines  races,  ou  plutôt  certaines  espèces  hu- 
maines. Bory  de  Saint-Vincent  était  polygéniste. 

Il  classait  les  divers  types  humains  en  deux  groupes  d'espèces,  prenant  pour 
seule  caractéristique  l'aspect  de  la  chevelui-e,  savoir  :  le  groupe  des  espèces  à  che- 
veux lisses  (liotriques),  et  celui  des  espèces  à  cheveux  crépus  (ulotriques  :  o'jXo;, 
frisé;  Qjst?,  cheveu). 

Chaque  espèce  se  subdivisait  en  races.  Le  groupe  liotrique  comprenait  les  espèces 
japétique,  arabique,  liinJoue,  scythique,  siuique,  hyperboréenne,  neptunienne, 
austrasienne,  colombique,  américains  et  patagone. 

Le  groupe  ulotrique  renfermait  les  espèces  éthiopienne,  cafre,  mélanésienne, 
hottentote. 

11  y  a  quelques  anuées,  M.  Pruner-Bey  a  repris  avec  plus  de  soin  l'étude  des  che- 
veux dans  les  divers  types  humains.  Après  avoir  minutieusement  comparé  des  cou- 
pes transversales  de  cheveux,  il  a  pu  constater  que  les  cheveux  droits,  lisses,  corres- 
pondent à  la  forme  cylindrique,  et  les  cheveux  crépus  à  la  forme  elliptique  plus 
ou  moins  régulière. 

La  section  capillaire  la  plus  elliptique  serait  foinniie  par  la  race  papoue,  que 
Bory  de  Saint- Vincent  avait  placée  parmi  les  hotriques.  La  section  cylindrique  la 
plus  parfaite  serait  donnée  par  les  cheveux  des  Asiatiques  jaunes,  Chinois,  Cochin- 
chinois,  et  aussi  les  Américains  et  les  Esquimaux.  Les  races  ariennes  seraient 
i.itermédiaires.  Dans  l'étude  de  l'homme,  aucun  détail  n'est  néghgeable,  mais 
aujourd'hui  l'anthropologie  est  assez  avancée  pour  que  personne  ne  songe  plus  à 
b.ser  une  classification  générale  des  divers  types  humains,  races  ou  espèces,  sur 
un  caractère  aussi  secondaire  que  l'aspect  ou  la  forme  des  cheveux. 

Letourneau. 

lilPAROLÉS.  Le  nom  de  Liparolés  (de  ïlno;,  graisse)  a  été  donné  par 
Henri  et  Gnibourt,  à  des  médicaments  qui  résultent  du  mélange  d'une  graisse 
animale,  mais  plus  particulièrement  de  celle  du  porc  avec  d'autres  substances 
médicamenteuses.  Ces  préparations  sont  plus  généralement  connues  sous  le  nom 
de  pommades.  [Voy.  Pommades.)  T.  G. 

LlPO.'ttATElJSES  (Masses).  Voy.  Lipome. 

MPO.'fîE.  §  I.  Anatomie.  SïNONYMiE.  Le  mot  de  Lipome,  de  >.t7roç,  graisse, 
a  été  employée  par  Littre  (1709)  pour  désigner  les  tumeurs  graisseuses  que,  depuis 
cet  auteur,  ou  eut  soin  de  distinguer  des  athéromes  ou  mélicéris  [voy.  le  mot 
Athéiiome)  et  des  stéatoines.  Ce  dernier  groupe  de  tumeurs,  ainsi  nommées  parce 
qu'elles  avaient  la  consistance  du  lard,  renfermait  des  fibromes,  des  carcinomes, 
des  enchondromes,  etc.;  aussi  la  dénomination  de  stéatome  est-elle  générale 


654  LIPOME. 

ment  abandonnée  aujourd'liul.  Cruveilhier  a  proposé  le  mot  adipome  comme  sy- 
nonyme de  lipome,  mais  l'usage  a  prévalu  en  faveur  de  ce  dernier. 

Défimtion.     Un  lipome  est  une  tumeur  constituée  par  du  tissu  adipeux. 

Le  tissu  adipeux  (wî/.  le  mot  Adipeux)  est  la  variété  du  tissu  conjonctif  dans- 
laquelle  les  cellules  plasmatiques  sont  le  siège  d'une  accumulation  de  graisse. 
Celle-ci  s'est  déposée  sous  la  membrane  de  la  cellule  qu'elle  distend  en  rejetant 
à  la  périphérie  le  noyau  et  le  protoplasma.  Les  vésicules  adipeuses  ainsi  consti- 
tuées, sont  disposées  en  îlots  et  séparées  les  unes  des  autres  par  des  fibres  de  tissu 
conjonctif  et  par  un  réseau  de  capillaires. 

Une  production  nouvelle  de  tissu  adipeux  disposé  sous  forme  de  masse  cir- 
conscrite, et  n'ayant  aucune  tendance  à  disparaître  spontanément,  constituera 
une  tumeur  lipomateuse.  11  faut  bien  se  garder  de  confondre  les  tumeurs  ainsi 
délinies  de  l'engraissement  :  dans  l'âge  adulte,  et  dans  des  conditions  déterminées 
de  santé  et  d'alimentation,  le  tissu  cellulo-adipeux  sous-cutané,  le  grand  épiploon, 
le  tissu  sous-séreux,  intermusculaire,  etc.,  se  chargent  d'une  quantité  plus  ou 
moins  considérable  de  graisse.  Il  en  est  de  même  dans  la  polysarcie,  dans  la  pre- 
mière période  de  l'alcoohsme  et  dans  l'engraissement  artificiel  des  animaux  voués 
à  la  boucherie.  Mais  dans  tous  ces  cas  l'engraissement  est  général,  et,  bien  que  ces 
états  soient  des  conditions  favorables  au  développement  des  lipomes,  cependant 
il  n'y  a  pas  de  tumeur  circonscrite  qu'on  puisse  appeler  ainsi.  Par  exemple,  un 
grand  épiploon  uniformément  gras  n'est  pas  un  lipome,  mais  qu'un  ou  plusieurs 
appendices  épiploïques  du  gros  intestin  se  dévelo|)pent  outre  mesure,  on  pourra 
leur  donner  le  nom  de  tumeurs  lipomateuses.  De  même,  une  couche  épaisse  de 
graisse  dans  les  parois  abdominales  et  sous  le  péritoine  est  commune  chez  les 
individus  gras  et  n'a  rien  d'anormal,  mais  qu'un  lobule  graisseux  s'engage  dans 
une  éraillure  de  la  ligne  blanche  et  proémine  à  la  peau  comme  une  tuméfaction 
limitée,  et  on  aura  affaire  à  un  lipome. 

Ces  tumeurs  participent  à  cette  propriété  générale  des  tumeurs,  en  vertu  de 
laquelle  elles  tendent  à  s'accroître  et  jamais  à  rétrograder  spontanément  :  elles 
ne  sont  pas  soumises  aux  variations  du  tissu  adipeux  sous  l'influence  des  états 
pathologiques  :  elles  possèdent  une  vitalité  qui  leur  est  propre.  Ainsi,  lorsque 
l'individu  porteur  d'un  lipome  maigrit,  quel  que  soit  le  degré  de  l'amaigrissement, 
sa  tumeur  conserve  le  même  volume. 

Description  anatomique  du  lipome.  Quel  que  soit  le  siège  de  la  tumeur,  qu'elle 
fasse  saillie  sous  la  peau  ou  dans  une  séreuse,  ou  qu'elle  siège  profondément 
entre  les  muscles,  elle  est  habituellement  indépendante  et  très-facile  à  isoler. 
Elle  est  entourée  par  une  atmosphère  celluleuse  lâche  dont  on  peut  l'énucléer,  et 
elle  n'est,  le  plus  souvent,  adhérente  aux  parties  voisines,  que  par  ses  vaisseaux 
ou  son  pédicule.  Sa  forme  est  très-variable  :  tantôt  le  lipome  est  lobule,  ce  qui 
est  le  cas  le  plus  commun,  tantôt  il  est  étalé  en  nappe  et  forme  une  masse  unique. 
Il  peut  proéminer  et  faire  saillie  sous  forme  de  polype,  et  même  comme  cela  a 
lieu  dans  les  séreuses,  présenter  des  saillies  multiples,  arborescentes.  La  tumeur 
est  unique  ou  multiple  :  on  a  compté  jusqu'à  plusieurs  milliers  de  lipomes  sur  le 
même  sujet.  (Broca,  Traité  des  tumeurs,  t.  I,  p.  304.) 

Le  volume  des  hpomes  varie  depuis  celui  d'un  noyau  de  cerise  jusqu'aux  dimen- 
sions les  plus  colossales.  J.  L.  Petit,  Pelletan,  Dupuytren,  etc.,  ont  enlevé  des 
lipomes  dont  le  poids  atteignait  15  et  20  kilogrammes. 

La  consistance  du  lipome  le  plus  commun  fait  qu'il  donne  à  la  palpation  une 
sensation  toute  spéciale  de  mollesse  et  d'élasticité  :  il  est  dur  lorsque  le  tissu 


LIPOME.  635 

fibreux  prédomine,  et,  dans  d'autres  cas,  il  est  mou  et  donne  une  tausse  appa- 
rence de  fluctuation  telle,  qu'nn  observateur  inexpérimenté  est  tout  étonné,  en 
rou\Tant,  de  n'y  trouver  ni  kystes,  ni  collection  de  liquide. 

La  surface  de  section  d'un  lipome  est  gris  jaunâtre  ou  jaune  :  on  y  voit  les 
tractus  fibreux  parcourus  par  des  vaisseaux  qui  limitent  les  lobules  graisseux  ; 
ces  lobules  eux-mêmes  plus  volumineux  que  ceux  du  tissu  cellulo-adipeux  normal, 
se  laissent  d'habitude  facilement  reconnaître  à  l'œil  nu  par  leur  reflet  particulier, 
par  leur  semi-transparence  spéciale,  tout  à  fait  semblable  à  ce  qui  s'observe  nor- 
malement dans  le  tissu  cellulo-adipeux  sous-cutané.  En  regardant  de  près  la  sur- 
face de  section  ou  le  liquide  raclé  avec  un  scalpel,  on  y  voit  de  petites  goutte- 
lettes graisseuses  qui  tachent  le  papier.  L'examen  à  l'œil  nu  est,  dans  ces  cas, 
suffisant  pour  asseoir  le  diagnostic  anatomique,  et  l'on  s'en  rapporte  sur  ce 
point  aux  histoires  particulières  de  malades  que  nous  ont  transmises  nos  devan- 
ciers. Cependant  l'intervention  du  microscope  est  nécessaire  pour  préciser  certaines 
variétés  et  modifications  nutritives  de  ces  tumeurs. 

V examen  microscopirjiie  lait  sur  des  sections  minces  de  la  pièce  fraîche  ou  dur- 
cie dans  l'acide  cbromique,  dans  l'acide  picrique,  ou  dans  l'alcool,  montre  des 
ilôts  de  vésicules  adipeuses  entourées  par  des  fibres  du  tissu  conjonctif  et  des  vais- 
seaux. Lorsqu'on  a  coloré  au  carmin  et  traité  par  l'acide  acétique  ces  pré[i.irations, 
les  vésicules  adipeuses  se  montrent  contenues  dans  une  membrane,  et  dans  un 
point  de  la  périphérie  de  celle-ci  on  reconnaît  un  noyau  ovoïde.  La  membrane  et 
le  noyau  sont  les  vestiges  des  cellules  plasmatiques  que  la  graisse  a  envahies.  Les 
vésicules  adipeuses  sont  deux  ou  trois  fois  plus  grandes  que  celles  du  tissu  adi- 
peux normal  ainsi  que  l'a  constaté  Verneud.  (Gaz.  méd.  de  Paris,  1854,  j).  242.) 
Elles  renferment  parfois,  comme  cela  a  lieu  à  l'état  physiologique,  des  cristaux 
de  margarine.  (Prat,  Considérations  sur  les  lipomes,  Strasbourg,  1858,  in-4".) 
Les  îlots  de  vésicules  adipeuses  sont  eux-mêmes  beaucoup  |)lus  volumineux  qu'à 
l'état  normal;  de  telle  sorte  que,  lorsque  le  tissu  conjonctif  de  la  tumeur  est  peu 
développé,  la  graisse  liquide  domine  dans  sa  constilutiou,  et  il  en  résulte  une 
mollesse  et  une  fausse  fluctuation  caractéristiques  de  ce  genre  de  tumeurs.  La 
présence  de  la  margarine  en  grande  quantité  dans  cette  graisse  lui  donne  plus  de 
consistance:  elle  n'est  jamais  riche  en  stéarine,  comme  la  graisse  de  mouton  ou  de 
bœuf. 

Les  variations  de  la  structure  du  lipome  dans  les  différents  cas  permettent  de 
lui  reconnaître  les  espèces  suivantes  : 

Première  espèce.  Les  lipomes  purs,  que  nous  avons  pris  pour  types  de  la 
description  précédente,  possèdent  des  îlots  adipeux  volumineux  et  une  faible 
quantité  de  tissu  conjonctif.  Ce  sont  les  lipomes  les  plus  communs,  ceux  qui  don- 
nent à  la  palpation  une  sensation  de  mollesse  et  de  fluctuation. 

Deuxième  espèce.  Le  lipome  fibreux,  dans  lequel  le  tissu  conjonctif  est  devenu 
très-abondant.  C'est  la  tumeur  adipo-fibreuse  de  Cruveilhier,  qui  rentrait  dans  les 
stéatomes  des  anciens  auteurs.  Le  tissu  de  la  tumeur  est  dense  et  ferme  :  sur  une 
section,  elle  présente  une  couleur  grisâtre,  avec  des  îlots  irréguliers  et  petits  de 
tissu  adipeux.  Pour  détermhier  la  nature  de  cette  variété,  l'examen  microsco- 
pique est  nécessaire,  car  on  pourrait,  sans  son  aide,  la  confondre  avec  un  fibrome 
pur,  ou  même  avec  un  carcinome,  car,  ainsi  que  nous  le  verrons  bientôt,  les  car- 
cinomes fibreux  avec  tendance  à  l'atrophie  montrent  aussi  de  nombreux  îlots 
adipeux. 


636  LIPOME. 

Troisième  espèce,  he  lipome  myxomateux  est  celui  dans  lequel  le  tissu  con- 
jonctif  du  lipome  est  remplacé  par  du  tissu  muqueux. 

Le  tissu  muqueux  qui  coustitue  le  cordon  ombilical,  et  qui  persiste  chez  l'a- 
dulte dans  le  corps  vitré,  s'observe,  chez  l'embryon,  comme  une  des  premières 
phases  de  développement  du  tissu  fibreux  et  du  tissu  adipeux.  Le  tissu  muqueux 
se  caractérise  par  des  cellules  plasmatiques,  étoilées  et  anastomosées  entre  elles, 
situées  au  milieu  d'une  substance  fondamentale  hyaline  très-riche  en  mucine. 
[Voy.,  pour  les  caractères  chimiques  de  cette  substance,  l'article  Mucine  et  la 
15''  leçon  de  la  Pathologie  des  tumeurs  de  Virchow,  t.  L) 

Dans  les  lipomes  myxomateux,  les  cellules  adipeuses  et  les  îlots  qu'elles  forment 
par  leur  réunion,  sont  séparés  par  du  tissu  muqueux. 

La  transparence  et  l'état  colloïde  du  liquide  riche  en  mucine  qui  entre  dans  leur 
composition  donnent  à  toute  la  tumeur  une  apparence  gélatiniforme  ;  elle  est 
tremblotante,  semi-transparente  et  infdtréede  liquide.  Le  tissu  muqueux  qui  s'y 
trouve  peut  être  tellement  abondant,  relativement  aux  cellules  adipeuses,  que  le 
mot  de  myxome  lipomateux  convienne  mieux  pour  spécifier  la  tumeur.  Les  vais- 
seaux sont  quelquefois  très-développés  et  dilatés  dans  les  lipomes  de  cette  espèce 
qui  peuvent  aussi,  bien  que  très-rarement,  présenter  des  kystes  pleins  de  mucus 
transparent  ou  sanguinolent. 

Quatrième  espèce.  Lorsque  dans  un  lipome  les  vaisseaux  sont  très-nombreux, 
volumineux  et  distendus,  on  a  affaire  au  lipome  télangiectasique  ou  érectile.  Cet 
état  s'observe  dans  les  nsevi  hpomateux  congénitaux  et  dans  certaines  tumeurs 
polypeuses  libres  et  saillantes  sur  les  muqueuses  ou  dans  les  séreuses. 

Les  transformations  nutritives  des  éléments  du  lipome  qui  méritent  un  examen 
spécial  et  qui  permettent  d'établir  des  variétés  sont  : 

a.  La  transformation  graisseuse,  mot  qui  là  semble  faire  un  pléonasme:  les 
vésicules  adipeuses  se  fragmentent,  se  réduisent  en  granulations  fines,  et,  au  lieu 
de  grosses  vésicules  adipeuses  distendant  une  cellule  plasmatique,  on  n'a  plus  que 
des  corps  granuleux  (corpuscules  de  Gluge).  La  cellule  plasmatique  est  détruite, 
et  on  a  affaire  à  la  mort  et  à  la  transformation  granulo-graisseuse  des  éléments. 
Dans  ce  cas  le  tissu  altéré  revêt,  à  l'œil  nu,  une  opacité,  une  couleur  grise  et  une 
consistance  caséeuse  qui  le  font  ressembler  à  un  sarcome  ou  à  certains  carcinomes 
en  dégénérescence  graisseuse. 

h.  La  gangrène  est  possible  dans  les  lipomes  ;  par  exemple,  lorsqu'ils  se  pédi- 
culisent,  le  pédicule  plus  ou  moins  mince  peut  être  étranglé  ou  même  se  rompre: 
dans  ce  cas  la  tumeur  peut  tomber  dans  l'intérieur  d'une  cavité  naturelle.  C'est  ce 
qui  a  lieu  en  particulier  dans  le  péritoine  où  les  franges  épiploïques  ont  de  la  ten- 
dance à  devenir,  par  leur  hypertrophie,  de  petits  polypes  graisseux.  Lorsque  par 
une  compression  exercée  sur  le  pédicule  ou  par  le  poids  seul  de  la  tumeur,  le  pédi- 
cule devient  plus  mince  et  que  les  vaisseaux  s'atrophient,  la  graisse  contenue  dans 
la  tumeur  se  désagrège  et  se  réunit  en  une  masse  centrale  presque  liquide.  Plus 
tard  la  décomposition  de  la  graisse  met  en  liberté  de  la  cholestérine  et  des  acides 
gras  qui  ont  de  la  tendance  à  former  des  combinaisons  saponiformes,  notamment 
des  sels  calcaires  à  acides  gras.  Ces  petites  tumeurs  peuvent,  à  un  moment  donné, 
se  détacher  et  tomber  dans  le  péritoine.  Les  corps  libres  de  la  cavité  abdominale, 
dit  Virchow  {Pathologie  des  tumeurs,  t.  1,  p.  o8i),  sont,  pour  la  plupart,  des 
lipomes  étranglés  et  sclérosés.  Ces  petites  tumeurs  sont  composées  alors  par  une 
enveloppe  fibreuse  presque  toujours  infiltrée  de  sels  calcaires,  au  centre  de  laquelle 
se  trouve  un  savon  calcaire  caséeux.  Yirchow  cite  un  cas  de  ce  genre  où  la  mort 


LIPOME.  657 

avait  été  déterminée  par  une  péritonite.  Ces  lipomes  gangrenés  et  à  coque  calcifiée 
ne  sont  pas  toujours  sphériques  :  ils  peuvent  être  irréguliers,  rugueux  et  verru- 
queux,  suivant  la  forme  primitive  de  la  tumeur. 

c.  La  calcification  ou  transformation  calcaire  générale  ou  partielle  s'observe 
quelquefois  dans  les  lipomes.  Suivant  Virchow,  un  certain  nombre  des  corps  étran- 
gers des  articulations  proviendraient  de  petits  lipomes  calcifiés  des  villosités 
synodiales.  Broca  a  présenté  à  la  Société  anatomique  un  lipome  du  muscle  exten- 
seur commun  des  doigts  calcifié  en  partie.  11  s'agit  toujours  d'une  calcification 
pure  et  simple,  et  non,  comme  on  l'a  dit  autrefois,  d'une  ossification  vraie. 

d.  V inflammation  et  la  suppuration.  Les  cas  de  suppuration  du  lipome  sont 
loin  d'être  rares  :  on  conçoit  facilement  que  cette  complication  survienne  surtout 
dans  les  tumeurs  extérieures  exposées  aux  trauraatismes  et  aux  frottements  répétés, 
par  exemple  dans  les  lipomes  qui  succcèdent  eux-mêmes  à  ces  causes,  comme  ceux 
qui  siègent  à  la  nuque  chez  les  porte-faix,  et  comme  un  lipome  ant'Jrotalien 
observé  par  Broca  chez  une  religieuse.  {Société  de  chirurgie,  1860,  t.  1, 
p.  229.)  L'inflammation  peut  revêtir  là  différentes  formes  :  ainsi,  dans  l'exemple 
du  lipome  antérotulien  dû  à  de  nombreuses  et  longues  génuflexions,  la  peau 
était  devenue,  dans  ce  point,  le  siège  d'une  hypertrophie  papillaire  en  crête  de 
coq. 

D'autres  fois  on  observe  une  véritable  inflammation  phlegmoneuse  plus  ou 
moins  étendue  au  centre  du  lipome.  La  suppuration  a  lieu  ici  comme  dans  le 
tissu  cellulo-adipeux,  par  la  prolifération  des  cellules  plasmatiques,  et,  en  parti- 
culier, de  celles  qui  sont  distendues  par  la  graisse  :  celle-ci  se  résorbe  peu  à  peu, 
et  à  sa  place  se  forment  de  petits  nids  de  cellules  embryonnaires  qui,  mises  en 
liberté  par  la  résorption  de  la  substance  fondamentale  solide,  constituent  autant 
de  globules  de  pus. 

On  trouve  dans  la  science  plusieurs  faits  de  lipomes  profonds  pris  pour  des 
abcès  et  ouverts  comme  tels  pyr  les  chirurgiens  les  plus  exercés  et  les  plus  habiles, 
par  Velpeau  et  Michon.  Le  pus  évacué,  la  tumeur  ne  s'affaissant  pas,  fut  opérée 
séance  tenante  et  l'on  reconnut  un  lipome  au  centre  duquel  s'était  formé  un  abcès. 
{Gazette  des  hôpitaux,  20  janvier  1846.) 

Les  anciennes  observations,  l'une  entre  autres,  rapportée  par  Dupnytren  où 
l'on  relate  des  lipomes  dégénérés  en  cancer,  sont,  ainsi  que  le  remarque  à  juste 
raison  Broca  [Traité des  tumeurs,  t.  il,  p.  576),  tout  à  fait  dénuées  de  preuves 
sérieuses.  Jusqu'à  plus  ample  informé,  on  peut  nier  la  dégénérescence  du  lipome 
en  carcinome. 

Mode  de  développrment  histologiqce  du  lipome.  Le  développement  du  lipome 
,  échappe  d'habitude  aux  recherches  histologiques,  parce  que  la  tumeur  est  générale- 
ment ancienne  lorsqu'elle  est  enlevée  par  le  chirurgien,  et  que,  le  plus  souvent, 
elle  n'est  plus  en  voie  de  croissance  active.  Fœrster  a  pensé  que  les  vésicules  adi- 
peuses du  lipome  proviennent  de  cellules  embryonnaires  (cellules  indilférentes 
de  b'œrster),  cellules  qui  se  laissent  peu  à  peu  distendre  par  de  la  graisse.  Vir- 
chow, se  fondant  surtout  sur  le  développement  du  tissu  adipeux  de  l'embryon, 
pense  que  les  cellules  adipeuses  procèdent  des  cellules  plasmatiques  du  tissu 
rauqueux,  tissu  si  répandu  partout  à  un  moment  donné  du  développement  em- 
bryonnaire. Entre  ces  deux  conceptions  existe  une  grande  parenté  :  le  tissu  mu- 
queux  n'est,  en  effet,  qu'un  degré  plus  avancé  de  développement  du  tissu  em- 
bryonnaire ;  il  y  a,  comme  nous  l'avons  \n,  des  lipomes  myxomateux,  c'est-à-dire 
développés  au  sein  d'un  tissu  muqueux;  et  enfin,  c'est  toujours  dans  une  cellule 


658  Lll'OME. 

plasmatique  jeune  ou  ciiibryounaire  que  se  dépose  la  graisse  qui  transforme  celte 
cellule  en  une  vésicule  adipeuse. 

Une  fois  né,  le  lipome  continue  à  grandir  :  Fœrster  a  donné  du  développement 
continu  du  lipome  une  autre  théorie  :  pour  lui,  les  vésicules  adipeuses  s'allonge- 
raient, s'étrangleraient  et  se  diviseraient  en  deux  parties.  Ce  serait  une  proliféra- 
tion des  vésicules  adipeuses.  Nous  croyons  qu'il  y  a  là  une  erreur  d'interprétation  : 
les  cellules  adipeuses  se  déforment  en  effet  si  facilement  par  compression  réci- 
proque qu'elles  peuvent  bien  s'allonger,  s'étrangler,  sans  être  pour  cela  en  voie 
de  division. 

Que  des  cellules  embryonnaires  ou  muqueuses  aient  marqué  le  premier  pas  de 
la  néoplasie,  des  cellules  plasmatiques  se  montrent  bientôt,  et  c'est  dans  leur 
intérieur  que  la  graisse  se  dépose.  Tel  est  le  mode  de  développement  le  mieux 
constaté.  Nous  ferons  remarquer  que  la  naissance  des  vésicules  adipeuses  de  cel- 
lules jeunes  concorde  avec  ce  fait  étiologique  que  la  tumeur  succède  souvent  à 
destraumatismes,  à  des  pressions  ou  à  des  i'rottements  répétés. 

D'après  ce  mode  de  développement  aux  dépens  des  cellules  du  tissu  embryon- 
naire ou  muqueux,  le  lipome  serait  presque  toujours  une  tumeur  hétéroplasique, 
c'est-à-dire  née  d'un  autre  tissu  que  le  tissu  adipeux  dont  elle  est  formée.  Nous 
pouvons  faire  observer  en  passant  ce  fait  sur  lequel  M.  Ranvier  et  moi  avons  insisté 
aiWenvs  [Manuel  d'histologie  pathol.),  que  riiétéroplasie,  c'est-à-dire  la  naissance 
d'un  tissu  aux  dépens  d'un  autre  tissu,  est  un  mode  normal  de  formation  de  la 
plupart  des  tissus  physiologiques,  qu'il  se  reproduit  aussi  dans  la  naissance  des 
tissus  pathologiques  et  qu'il  ne  saurait  entrer  en  ligne  de  compte  pour  permettre 
d'affirmer  la  nature  bénigne  ou  maligne  d'une  tumeur.  L'exemple  de  l'hétéroplasie 
physiologique  le  plus  évident  nous  est  fourni  par  le  développement  du  tissu  osseux. 
Lorsqu'il  naît  du  cartilage,  les  cellules  cartilagineuses  passent  d'abord  par  l'état 
embryonnaire  et  se  transforment  en  tissu  médullaire  embryonnaire  :  c'est  aux  dé- 
pens des  éléments  de  la  moelle  devenue  embryonnaire  que  les  corpuscules  osseux 
se  forment.  Ce  processus  physiologique,  aujourd'hui  incontestable  constitue  une 
hétéroplasie  manifeste  :  les  faits  les  mieux  connus  de  développement  des  tumeurs 
tendent  tous  à  affirmer  cette  loi  générale,  que  le  tissu-mère  de  la  tumeur  retient 
à  l'état  embryonnaire  et  que  les  éléments  du  tissu  morbide  se  développent  aux 
dépens  des  éléments  embryonnaires  quelle  que  soit,  du  reste,  la  nature  bonne 
ou  mauvaise  du  néoplasme.  On  trouverait  toujours  à  sa  naissance  une  hétéro- 
plasie. 

Siège  du  lipome.  Les  lipomes  siègent  presque  toujours  dans  un  point  de  l'or- 
ganisme pourvu,  àl'état  normal,  de  tissu  adipeux.  Dans  ce  cas  la  tumeur  est  dite 
.homologue.  Cependant  il  existe  de  nombreuses  exceptions  à  cette  règle;  lorsque, 
par  exemple,  on  trouve  des  lipomes  dans  la  substance  corticale  du  rein  quine  con- 
tient jamais  de  graisse  à  l'état  physiologique.  Ces  lipomes  sont  dits  hétérologues. 
Mais  ces  derniers  n'ont  pas  une  malignité  plus  grande  que  les  autres,  exemple 
qui  nous  suffirait  à  lui  seul  pour  démontrer  le  peu  de  fondement  des  doctrines 
qui  l'ont  l'homologie  des  tumeurs  synonyme  de  bénignité  et  l'hétérologie  synonyme 
de  gravité. 

Le  siège  le  plus  commun  du  lipome  est  le  tissu  cellule-adipeux  sous-cutané; 
le  plus  souvent  il  s'observe  dans  les  points  où  la  peau  est  lâche  et  peu  tendue  j  par 
exemple  aux  alentours  de  l'aisselle,  à  l'épaule,  au  cou,  à  la  nuque,  au  siège,  aux 
cuisses  ;  mais  on  peut  le  rencontrer  dans  toutes  les  parties  de  la  surface  cutanée 
et  même  aux  doigts,  à  la  paume  des  mains  et  à  la  plante  des  pieds,  oîi  du  reste, 


LIPOME.  (J59 

ils  sont  très-rares  vu  l'état  de  tension  du  derme.  Les  lipomes  sous-cutanés 
polypeux  peuvent  se  déplacer  eu  obéissant  aux  lois  delà  pesanteur.  Ainsi  Vircliow 
cite  les  observations  de  Lloyd  et  de  Lyford,  ou  la  tumeur  avait  clieminé  de  l'aine 
au  périnée  dans  l'une,  de  la  région  ilio-pubienne  à  la  partie  antérieure  delà 
cuisse  dans  l'autre.  Les  lipomes  sous-cutanés  sont  en  cflet  unis  lâchement  aux 
parties  voisines  :  on  peut  les  déplacer  en  masse  et  ils  s'énucléent  facilement. 

Ils  peuvent  venir  faire  saillie  à  la  peau,  bien  que  leur  point  de  départ  soit  plus 
profond.  Tel  est  le  cas  des  lipomes  herniairesqui  sont  tantôt  de  véritables  hernies 
épiploïques,  tantôt  des  appendices  graisseux  tenant  à  un  sac  herniaire  oblitéré  ou 
non,  tantôt  des  lobules  graisseux  hypertrophiés  provenant  du  tissu  sous-périto- 
néal  et  s'engageant  dans  les  trajets  inguinal,  crural  ou  ombilical  ou  dans  les  érail- 
luros  de  la  ligne  blanche. 

Les  mamelles  peuvent  être  le  siège  de  lipomes  circonscrits  qui  ne  diffèrent  en 
rien  du  lipome  commun,  mais  il  peut  y  avoir  aussi  une  hypertrophie  générale  de 
toute  l'enveloppe  adipeuse  de  la  glande  telle  qu'on  ait  affaire  à  une  tumeur  colos- 
sale. Ainsi  Robert  et  Amussat  amputèrent  les  deux  seins  d'une  dame  de  21  ans 
l'un  pesant  15", 500,  l'autre  10'', 500;  le  poids  total  du  corps  après  l'opération 
était  de  50", 500  ;  le  poids  des  tumeurs  dépassait  la  moitié  du  poids  total  du 
corps.  Dans  ces  cas  ,  tantôt  la  glande  elle-même  est  normale,  tantôt  elle 
est  hypertrophiée  :  d'autres  fois  elle  a  subi  une  intlanunation  chronique  ou 
mastite  chronique  interstitielle  à  la  suite  de  laquelle  les  seins  se  sont  atrophiés. 
Dans  ce  cas,  la  glande  a  diminué  de  volume  et  s'est  nidurée  :  la  graisse  a  pris  sa 
place  et  le  mamelon  s'est  rétracté.  (Virchow,  Pathologie  destumeurs,  1. 1,  p.  373.) 
Dans  les  tumeurs  du  sein  qui  contiennent  do  nombreux  lobules  adipeux  l'examen 
doit  être  très-attentif,  car  il  est  très-commun  de  renconiror  des  carcinomes,  et  en 
particulier  des  squirrhes  autour  desquels  l'almosphèrc  adipeuse  périglandulaire 
est  très-développée.  La  conservation  de  la  graisse  dans  le  sein  atteint  de  carci- 
nome est  la  règle,  si  bien  qu'à  la  simple  vue  d'une  tumeur  du  sein  ne  présentant 
pas  d'ilôts  graisseux,  on  peut  exclure  le  carcinome. 

Les  lipomes  sous-aponévrotiques  acquièrent  souvent  un  volume  considérable  : 
tels  sont  les  lipomes  développés  dans  la  cuisse  qui  se  prolongent  parfois  sous  l'ar- 
cade crurale  jusque  dans  le  bassin.  Les  lipomes  profonds  de  la  partie  antérieure 
du  cou  peuvent  se  continuer  dans  le  médiastin. 

Les  lipomes  siègent  assez  souvent  entre  les  muscles,  soit  dans  les  membres 
à  l'avant-bras,  au  bras,  à  la  cuisse,  dans  les  muscles  fessiers,  etc.,  soit  dans  la 
langue,  ainsi  que  Bastion  {Bull,  de  laSoc.  anal.,  t.  XXLX,  p.  349,  1854),  et  plu- 
sieurs autres  observateurs  en  ont  montré  à  la  Société  anatomique. 

Les  os  en  sont  rarement  le  siège  :  cependant  Viard  [Bidl.  Soc.  anal.,  t.  XXV, 
•1850,  p.  142)  a  présenté  à  la  Société  anatomique  un  lipome  formé  dans  l'épais- 
seur du  maxillaire  supérieur,  et  nous  en  avons  vu  un  développé  dans  le  corps  du 
fémur.  Le  tissu  compacte  de  l'os  était  transformé  en  ce  point  en  tissu  spon- 
gieux. 

Le  tissu  conjonctif  sous-muqueux  est  rarement  le  siège  de  lipomes.  Cependant 
Marjolin  (cité  par  Cruveilhier,  Anat.  path.  gén.,t.  III,  p.  512)  a  signalé  un  lipome 
sous-muqueux  sur  le  plancher  de  la  cavité  buccale  ;  Thomas  et  moi,  nous  avons 
présenté  une  observation  de  lipome  des  gencives.  {Société  de  biologie,  1865.) 
Hokitansky  cite  un  lipome  provenant  d'un  rameau  bronchique.  Il  existe  aussi  de.'. 
lipomes  polypeux  de  l'estomac  et  de  l'intestin  dont  Virchow  donne  une  fifure 
{îoc.  cit.,  p.  579).  Dans  un  cas  rapporté  par  Sangalli,  deux  lipomes  pédicules,  de 


640  LIPOME. 

la  grosseurd'un  œuf  de  poule,  faisaient  saillie  dans  le  côlon  descendant  et  avaient 
déterminé  une  invagination  et  un  prolapsus  de  l'intestin. 

Nous  avons  déjà  mentionné  les  lipomes  pédicules  qui  font  assez  souvent  saillie 
dans  les  cavités  séreuses  (péritoine,  plèvre,  articulations)  et  qui  peuvent  se  déta- 
cher et  devenir  des  corps  étrangers  libres  dans  ces  cavités.  On  observe  aussi  quel- 
quefois des  lipomes  développés  dans  le  tissu  conjonctif  sous-séreux.  G  est  ainsi 
que  Broca  cite  l'observation  d'un  énorme  lipome  développé  sous  le  péritoine  de  la 
fosse  iliaque,  et  remplissant  presque  tout  l'abdomen.  Moynier  a  présenté  une  pièce 
analogue  à  la  Société  de  biologie  (1851 ,  p.  159). 

L'atmosphère  cellulo-adipeusc  qui  entoure  à  l'état  normal  un  certain  nombre 
d'organes,  le  rein,  les  ganglions  lymphatiques,  le  globe  de  l'œil,  etc.,  peut  s'hy- 
pertrojihier  de  façon  à  pouvoir    être  dénommée  un  lipome,  lipome  capsulaire. 

L'Iiypertrophie  de  la  masse  adipeuse  de  l'orbite  produit  un  degré  plus  ou  moins 
prononcé  iVexorbilis.  L'accumulation  du  tissu  adipeux  autour  d'un  organe  est 
souvent  consécutive  à  la  polysarcie  :  mais  elle  peut  être  aussi  déterminée  par  des 
causes  très-différentes;  par  exemple,  elle  coïncide  avec  une  atrophie  de  l'organe, 
et  dans  ce  cas  la  graisse  vient  combler  le  vide  laissé  par  le  retrait  de  l'organe,  ou, 
au  contraire,  elle  participe  à  une  hypertrophie  irritative  de  l'organe  qu'elle  entoure. 
Dans  un  cas  cité  par  Godard  {Recherches  sur  la  substitution  graisseuse  du  rein, 
1859)  la  formation  nouvelle  de  graisse  s'était  effectuée  sous  la  muqueuse  du  bas- 
sinet et  à  la  partie  inférieure  de  l'un  des  reins. 

Il  existe  aussi,  dans  la  science,  plusieurs  cas  de  lipomes  développés  dans  le  sys- 
tème nerveux  central.  Meckel  (Handb.  derpath.  Anat.,  1818,  t.  Il,  p.  126)  cite 
une  tumeur  graisseuse  de  la  grosseur  d'une  noisette  développée  au-dessous  du 
chiasma  des  nerfs  optiques  ;  Rlob  {Zeitschr.  der  Wien.  Aerzte,  1859)  signale 
un  lipome  situé  entre  le  pont  de  Yarole  et  l'hémisphère  cérébelleux  gauche.  Cru- 
veilhier  {Anat.  path.  gén.,  t.  III,  p.  512),  Obré  {Trans.  of  the  Lond.  Path. 
Society,  t.  III,  p.  248  ;  1851-52)  ont  vu  des  lipomes  des  enveloppes  de  la  moelle. 
Ces  cas  se  rapportent  à  des  lipomes  nés  dans  la  pie-mère  et  Tarachno'ide,  mais  il 
est  un  point  du  tissu  nerveux  lui-même  où  l'on  observe  des  productions  pathologi- 
ques de  tissu  adipeux  :  c'est  le  raphé  du  corps  calleux  et  de  la  voûte  à  trois 
piliers;  Virchow  {loc.  cit.,  p.  384)  en  a  conservé  deux  pièces  dans  son  musée,  et 
Rokitansky  {Path.  anat.,  t.  II,  p.  468,  1856)  en  cite, une  analogue.  Wallmanu 
(Yirchow's  Archiv,  t.  XIV,  p.  585)  et  Hackel  (  Virchow's  Archiv,  t.  XVI, 
p.  272)  en  ont  vu  de  semblables  dans  les  plexus  choroïdes. 

Nous  nous  bornons  à  ces  considérations  générales  sur  le  siège  des  lipomes, 
cette  question  étant  reprise  ci-après  au  point  de  vue  clinique.  Cornil. 

§  II.  Chirurgie.  CLINIQUE.  Eu  présence  d'un  malade  qui  accuse  un  gon- 
flement plus  ou  moins  limité  d'une  partie  du  corps,  sans  traces  de  phénomènes 
inflammatoires,  on  pense  naturellement  à  une  tumeur.  L'époque  relativement 
éloignée  du  début,  le  développement  l'égulièrement  progressif  et  l'absence  de 
douleur  ou  d'engorgement  ganglionnaire  feront  songer  à  une  tumeur  bénigne, 
le  siège  aux  alentours  de  l'aisselle  et  de  l'épaule,  aux  fesses  et  aux  cuisses,  la 
forme  aplatie  ou  saillante  et  pédiculée,  l'aspect  lisse  ou  mamelonné,  l'état  lobule, 
la  consistance  flasque,  mollasse,  et  la  mobilité,  tant  du  côté  de  la  peau  que  du 
côté  de  l'aponévrose,  éveilleront  certainement,  dans  l'esprit  du  chirurgien,  l'idée 
d'un  lipome  superficiel. 

Mais,  que  de  causes  d'erreur!  S'il  est  fréquent  de  rencontrer  des  tumeurs  de  ce 


LIPOME   (chirurgie).  641 

genre  dans  les  régions  abondamment  pourvues  de  tissu  graisseux,  c'est  aussi 
dans  ces  points  que  siègent  habituellement  les  abcès. 

La  forme  aplatie  se  voit  surtout  dans  les  lipomes  mous  au  début  de  leur  évo- 
lution ;  toutefois,  elle  expose  encore  à  les  faire  prendre  pour  des  abcès.  La  forme 
saillante  se  rapporte  à  une  période  plus  avancée.  Les  lipomes  hémisphériques 
sont  très-communs  ;  et,  pour  peu  qu'ils  offrent  une  certaine  dureté,  on  pourra 
les  confondre  avec  des  fibromes.  La  i'orme  pcdiculée  n'est  qu'une  exagération  de 
la  précédente;  elle  tient  au  volume  et  à  la  position  de  ces  tumeurs  et  se  rencontre 
à  une  période  toujours  très-éloignée  du  début;  c'est  la  plus  caractéristique  de 
toutes  les  trois. 

L'aspect  lisse  appaitient  plutôt  au  lipome  de  la  première  forme;  nouveau  motil 
de  confusion  avec  les  abcès.  l/aspi:ct  mamelonné  se  remarque  exclusivement  dans 
les  lipomes  de  la  seconde  et  de  la  troisième  forme. 

L'état  lobule  serait  le  plus  important  de  tous  le  signes  s'il  était  donné  de  l'ap- 
précier exactement  dans  chaque  cas;  il  est  bien  différent  de  l'aspect  mamelonné, 
car,  ce  n'est  pas  seulement  la  surface,  mais  toute  la  tumeur  qui  paraît  composée 
d'une  multitude  de  masses  glissant  plus  ou  moins  les  unes  sur  les  auties  {tout 
lipome  est  composé  de  lobules  graisseux).  A  cet  effet,  on  a  conseillé  :  soit  de  tendre 
la  peau  à  la  surface  de  la  tumeur,  souvent  on  voit  alors  se  dessiner  de  polits  lo- 
bules; soit  de  saisir  celle-ci  à  pleines  mains  et  de  la  malaxer,  on  perçoit  ainsi  une 
crépitation  particulière. 

La  consistance  flasque,  mollasse,  donne  parfois  une  sensation  qu'on  a  désignée 
sous  le  nom  de  fausse  fluctuation  ;  celle-ci  offre  toutes  les  nuances  depuis  la  fluc- 
tuation véritable  de  l'abcès  jusqu'à  la  dureté  élastique  du  fibrome.  Toutefois,  il  ne 
faut  pas  oublier  qu'il  existe  des  abcès  à  jiarois  épaissies  et  des  fibromes  relative- 
ment mous.  Au  surplus,  les  lipomes  offrent  sous  ce  ra[)port  degrandes  différences. 

Outre  le  lipome  mou  qui  est  le  plus  commun,  il  y  a  le  lipome  dur  ou  (ibreuv 
qui  est  déjà  moins  fréquent,  puis  viennent  le  lipome  telangiectasique,  le  lipome 
ossifié  ou  pétrifié,  et  le  lipome  myxomateux,  qui  sont  plus  rares  et  sur  lesquels 
nous  reviendrons  à  propos  des  modifications  et  des  transformations  que  peuvent 
subir  les  lipomes.  Quant  au  lipome  cyslique,  il  est  congénital  et  se  rapproche  du 
molluscum. 

Les  lipomes  profonds  sont  moins  fréquents  et  ne  présentent  pas  des  caractères 
aussi  tranchés  que  les  lipomes  superficiels.  On  peut  les  diviser,  au  point  de  vue 
clinique,  en  plusieurs  catégories  : 

Â.  Lipomes  sous-aponévrotique  et  inter-miisculaire.  Ceu>:  de  la  cuisse,  de 
l'avant-bras,  de  l'épaule  et  de  l'aisselle  sont  les  plus  communs.  Ils  affectent 
deux  formes  distinctes  :  tantôt  ils  sont  aplatis;  mais,  comme  ils  ont  pu  passer 
inaperçus  durant  la  première  période  de  leur  évolution,  leur  volume  est  parfois 
considérable.  On  croit  à  une  marche  rapide  ;  les  signes  tirés  de  la  palpation,  tou- 
jours très-incertains  à  cette  profondeur,  et  l'âge  souvent  avancé  des  malades  achè- 
vent de  faire  croire  à  une  tumeur  maligne  (myxome,  sarcome,  carcinome).  Tantôt 
ils  sont  saillants  ;  et  alors  ils  olTrent  la  plupart  des  caractères  des  lipomes  sous- 
cutanés.  La  mobilité  moins  grande  et  l'existence  de  prolongements  entre  les  mus- 
cles feront  cependant  reconnaître  leur  origine  profonde.  Il  arrive  parfois  que  les 
lipomes  ont  leur  point  de  départ  entre  les  fibres  musculaires,  il  faudra  prendre 
«arde  alors  de  les  confondre  avec  des  gommes  syphilitiques,  surtout  à  la  langue, 
oîi  ils  sont  du  reste  très-rares.  Nous  ne  connaissons  que  les  faits  de  MM.  Laugier 
et  Laroyenne. 

DicT.  ENC.  2*  s.  U.  41 


642  LIPOME  (chirurgie). 

Au  cou,  les  lipomes  profonds  se  rencontrent  plus  spécialement  sur  les  parties 
latérales  :  eu  haut,  au-dessous  de  la  parotide,  en  bas,  au-dessus  de  la  clavicule. 
En  admettant  qu'on  ait  diagnostiqué  une  tumeur  bénigne,  il  faudra  compter 
encore  avec  les  abcès,  les  anévrysmes  et  toute  la  série  des  tumeurs  de  nature  éga- 
lement bénigne  dont  les  glandes  lymphatiques,  le  corps  thyroïde  et  la  parotide 
sont  si  souvent  le  siège. 

Les  lipomes  sous-aponévrotiques  du  cuir  chevelu  et  du  front  sont  moins  rares 
qu'on  ne  pense.  M.  Ollier  nous  a  dit  qu'il  avait  opéré  deux  tumeurs  de  ce  genre. 
Dans  un  cas,  il  s'agissait  d'un  enfant  de  treize  ans.  Le  début  était  postérieur  à  la 
naissance  et  le  lipome  occupait  le  milieu  du  front.  L'autre  cas  se  rapporte  à  un 
adulte,  la  tumeur  occupait  la  fosse  temporale.  Chacune  de  ces  tumeurs  ne  dépas- 
sait pas  le  volume  d'une  petite  noix;  ce  qui  est  en  rapport  avec  la  disposition 
anatomique  des  parties.  Le  diagnostic  avec  les  kystes  athéromateux  (loupes)  sera 
parfois  très-difficile  ;  toutefois  on  rencontrera  dans  les  environs  ou  dans  d'autres 
régions  (paupières,  nez,  scrotum,  dos)  des  comédons  ou  des  grains  de  mil,  car 
l'état  constitutionnel  bien  différent  de  l'état  dyscrasique  ne  saurait  être  mis  en 
doute  dans  le  cas  de  kystes  athéromateux.  La  dilatation  des  follicules  pileux  à  la 
surface  même  de  la  tumeur  n'a  pas  une  grande  importance.  Il  n'est  pas  rai'e,  en 
effet,  de  constater  ce  signe  dans  le  cas  de  lipome  pour  peu  qu'il  y  ait  un  peu 
d'épaississemeut  de  la  peau  ;  or,  on  sait  combien  sont  fréquentes,  à  ce  niveau,  les 
causes  d'irritation.  L'état  lobule  se  voit  également  dans  certaines  variétés  de 
kystes  athéromateux  ;  il  tient  à  l'agglomération  de  plusieurs  kystes.  Reste  la  mo- 
bilité qui  est  très-variable. 

B.  Lipomes  capsulaires.  Les  lipomes  de  l'orbite  reconnaissent  une  origine 
congénitale  ou  acquise.  Ils  sont  très-rares.  A  mesure  qu'elles  augmentent,  ces 
tumeurs  se  moulent  sur  le  globe  oculaire  qu'elles  coiffent  en  quelque  sorte,  et, 
dès  qu'elles  ont  atteint  un  certain  volume,  elles  ne  tardent  pas  à  le  repousser  au 
dehors  ;  on  dirait  alors  qu'elles  font  corps  avec  lui.  La  ponction  est  presque  tou- 
jours nécessaire  pour  établir  le  diagnostic. 

Les  lipomes  de  la  mamelle  se  présentent  soit  sous  la  forme  circonscrite,  soit 
sous  la  forme  dilfuse.  Dans  le  premier  cas,  on  pourra  prendre  le  lipome  pour  un 
kyste  ou  un  fibrome  de  même  forme.  11  arrive  parfois  que  ces  trois  espèces  de  tu- 
meurs existent  ensemble  ;  et  alors  le  diagnostic  ne  laissera  pas  que  d'être  embar- 
rassant. Dans  le  second  cas,  que  la  glande  soit  intacte  ou  altérée  concomitam- 
ment  (kystes  multiples,  fibromes  diffus),  le  diagnostic  sera  toujours  extrêmement 
difficile,  sinon  impossible.  Au  surplus,  le  chirurgien  doit  commencer  par  faire  le 
diagnostic  de  la  nature  bénigne  ou  maligne  de  la  tumeur;  et,  s'il  parvient  à  éta- 
bhr  qu'il  ne  s'agit  pas  d'un  sarcome  ou  d'un  carcinome  coexistant  avec  un  lipome 
diffus,  le  problème  clinique  le  plus  important,  celui  du  pronostic,  sera  résolu.  A 
ce  point  de  vue,  rappelons  que  les  plus  volumineuses  tumeurs  de  la  mamelle 
sont  aussi  relativement  les  plus  bénignes,  en  admettant,  bien  entendu,  qu'elles 
aient  mis  longtemps  à  se  développer,  qu'il  n'existe  pas  d'adhérences  profondes  à 
l'aponévrose  et  aux  muscles  et  qu'on  ne  constate  aucun  signe  d'infection  ganglion- 
naire. En  outre  les  deux  mamelles  sont  souvent  prises  en  même  temps.  Les  dou- 
leurs spontanées  se  montrent  également  dans  le  lipome  capsulairc  compliqué  de 
mastite  chronique  interstitielle  et  dans  le  sai'come  ou  le  carcinome  avec  polysarcie 
graisseuse;  on  ne  saurait  donc  se  baser  exclusivement  sur  leur  existence  pour  affir- 
mer, comme  le  soutiennent  encore  quelques  chirurgiens,  qu'il  s'agit  en  pareil  cas 
d'une  tumeur  cancéreuse. 


LIPOME  (chirurgie).  645 

De  même  que  les  lipomes  de  la  mamelle,  les  lipomes  périnéplirétiques  sont 
circonscrits  ou  diffus.  A  l'autopsie,  on  n'a  pas  toujours  trouvé  d'altération  du 
parenchyme  rénal;  mais,  d'ordinaire,  il  existe  une  lésion  concomitante  (atrophie, 
hydronéphrose,  calculs),  ce  qui  pourra  faire  discerner  le  point  de  déport  de  la 
production  morbide;  question  capitale,  lorsqu 'en  présence  d'une  tumeur  abdo- 
minale, comme  cela  arrive  si  fréquemment  chez  la  femme,  on  est  mis  en  demeure 
de  se  prononcer  sur  l'opportunité  de  l'intervention  chirurgicale.  Constamment 
ces  tumeurs  ont  donné  lieu  à  des  eiTCurs  de  diagnostic  pendant  la  vie. 

C.  Lipomes  sous-séreux.  La  plupart  des  tumeurs  de  la  ligne  blanche  ne 
sont  que  des  lipomes  sous-péritonéaux  qui,  sous  l'intluence  de  la  toux,  des 
efforts,  etc.,  sont  parvenus  au-dessous  de  la  peau  en  passant  au  travers  des 
ouvertures  que  présentent,  à  ce  niveau,  les  aponévroses  de  l'abdomen. 

A  l'ombilic,  sur  le  trajet  du  canal  inguinal,  le  long  du  cordon,  dans  l'épaisseur  des 
grandes  lèvres  chez  la  femme,  au  niveau  du  pli  de  l'aine,  à  la  partie  antérieure  et  à  la 
partie  postérieure  du  périnée,  sur  les  côtés  de  l'abdomen,  partout  enfin  où  l'on  ren- 
contre des  hernies  intestinales,  on  peut  voir  des  lipomes  qui,  primitivement  déve- 
loppés en  dehors  du  péritoine,  se  sont,  plus  tard,  déplacés  de  la  mcm.3  manière  ; 
ce  qui  les  a  l'ait  appeler,  avec  beaucoup  de  raison,  hernies  lipomateuses .  Le  siège 
insolite  de  ces  tumeurs  peut  singulièrement  induire  en  erreur.  Le  chirurgien  ne 
devra  pas  oublier  qu'elles  entraînent  parfois  le  péritoine  de  sorte  que  l'intestin 
pouri'a  se  trouver  étranglé  en  arrière.  Les  conditions  seront  les  mêmes  dans  le 
cas  de  lipome  développé  autour  d'un  vieux  sac  herniaire.  Rappelons,  pour  mé- 
moire, que  l'épiploon  hernie  présente  aussi,  dans  certaines  ciiconstances,  l'état 
lipomateux. 

On  a  dit,  sans  plus  de  détails,  que  certains  chirurgiens,  en  opérant  des  lipomes 
placés  soit  à  la  partie  antérieure,  soit  sur  les  côtés  de  la  poitrine,  avaient  ouvert 
la  cavité  pleurale.  La  connaissance  de  ces  faits  est  de  la  plus  haute  importance, 
l'examen  cadavérique  ayant  démontré  depuis  longtemps  la  fréc|uence  des  lipomes 
du  médiastin.  D'autre  part,  M.  D.  Molhère  nous  a  communiqué  l'observation  d'une 
vieille  femme  à  l'autopsie  de  laquelle  on  trouva  plusieurs  lipomes  développés  en 
dehors  de  la  plèvre  pariétale  et  qui  faisaient  saillie  dans  les  espaces  intercostaux; 
on  voyait  d'autres  masses  lipomateuses  à  la  face  supérieure  du  diaphragme.  De 
tout  cela  il  ressort,  qu'avant  d'opérer  un  hpome  du  thorax,  on  devra  toujours 
rechercher  s'il  existe  des  adhérences  prol'ondes. 

Eu  1844,  Malgaigne  a  signalé  au  niveau  du  genou  la  présence  d'un  ou  de  plusieurs 
lobules  graisseux  qui  s'hypertrophient  fréquemment  dans  les  cas  d'hydarthrose  et 
donnent  lieu  à  de  véritables  lipomes  du  volume  d'une  amande  ou  d'une  petite 
noix,  ils  siègent  plus  spécialement  en  dehors  et  en  dedans  du  tendon  rotuiien. 
Leur  délimitation  plus  ou  moins  exacte,  leur  consistance  tantôt  dure,  tantôt  molle 
et  leur  mobilité  réelle  ou  apparente  les  ont  fait  prendre,  soit  pour  des  corps  étran- 
gers, soit  pour  des  fongosités  articulaires. 

A  la  partie  antérieure  de  l'articulation  tibio-tarsienne  et  en  dedans  de  la 
tête  du  péroné,  on  rencontre  parfois  un  lobule  graisseux  aplati  qui  peut  en 
imposer  au  chirurgien  non  prévenu  et  faire  croire  à  un  commencement  d'hy- 
darthrose. 

Depuis  longtemps  M.  Ollier  nous  a  fait  remarquer  l'hypertrophie  d'un  lobule 
"raisseux  du  poignet  qui  se  trouve  en  dehors  du  pisiforme  et  qu'on  peut  faire 
saillir  à  l'état  normal  en  pressant  transversalement  un  peu  au-dessus  de  l'inter- 
ligne articulaire.  A  ce  sujet,  on  peut  se  demander  si  dans  les  observations,  du  reste 


644  LIPOME  (chirurgie). 

Irès-rares,  de  lipomes  de  la  main,  qui  ont  été  publiées,  le  point  de  départ  n'avait 
pas  été  le  tissu  cellulo-graisseux  qui  se  trouve  eu  dehors  des  gaines  tendineuses  : 
le  lipome  siégeait,  tantôt  à  la  face  interne  du  pouce  (Pelletan),  tantôt,  à  la  face 
palmaire  de  la  main  (Robert),  tantôt,  sur  les  faces  antérieure,  externe  et  posté- 
rieure du  médius.  (Follin.)  Pans  ce  dernier  cas,  l'adhérence  à  la  gaîne  des  tendons 
fléchisseurs  a  été  spécifiée  très-nettement.  11  faudra  donc  tenir  compte  de  ces 
données  dans  le  diagnostic  des  tumeurs  de  la  main  et  des  doigts. 

D.  Lipomes  sous-muqueux.  Marjolin  a  rencontré  un  lipome  qui  s'était  déve- 
loppé au  niveau  du  plancher  buccal.  M.  Cruveilhier  résume  ce  fait  de  la  façon 
suivante  :  «  Un  individu  se  présente  à  lui  avec  une  tumeur  sublinguale  qui  avait 
toutes  les  apparences  de  la  grenouillette.  11  introduit  un  bistouri,  rien  ne  sort;  il 
l'introduit  de  nouveau  pour  agrandir  l'ouverture,  il  s'échappe  du  tissu  adipeux. 
Il  engage  le  malade  à  temporiser  pour  l'opération.  Le  malade  étant  allé  consulter 
un  autre  praticien,  celui-ci  commit  la  môme  erreur  de  diagnostic,  bien  que  le 
malade  l'eût  prévenu  de  ce  qui  s'était  passé  chez  M.  Marjolin  :  une  ponction  est 
pratiquée,  et  au  lieu  d'un  liquide,  il  s'échappe  par  l'ouverture  une  portion  de 
lipome,  lequel  fut  extirpé  immédiatement  »  Follin  a  vu  un  lipome  qui  avait  pris 
naissance  dans  l'épaisseur  de  la  lèvre  inférieure  et  faisait  saillie  du  côté  de  la  cavité 
biiccale.  M.  OUicr  a  observé  une  tumeur  semblable  à  la  face  interne  de  la  joue  ;  le 
début  remontait  à  trois  ans;  elle  avait  le  volume  d  une  petite  noiv  et  venait  tou- 
jours se  placer  entre  les  dents  pendant  la  mastication.  Quand  on  la  prenait  entre 
les  doigts,  elle  semblait  fluctuante.  Le  malade  était  âgé  de  55  ans.  Immédiatement 
après  l'incision  de  la  muqueuse,  la  tumeur  vint  faire  saillie  à  l'ouverture.  Elle 
était  libre  d'adhérences,  aussi  l'énucléatioii  fut-elle  des  plus  faciles.  A  la  coupe, 
on  trouva  un  tissu  graisseux  presque  gélatiniforme.  Il  s'agissait,  par  conséquent, 
d'un  lipome  très-mou  qui,  comme  dans  le  cas  précédent,  pouvait  faire  croire  à  un 
kyste  développé  dans  les  glandes  salivaires. 

11  nous  reste  à  parler  des  modifications  et  des  transformations  du  hpome. 

Lorsqu'une  tumeur  de  ce  genre  fait  fortement  saillie  à  la  surface  du  cor[)s,  elle 
est  exposée  à  une  foule  d'insultes.  Le  frottement  des  vêtements  et  le  contact  avec 
les  objets  extérieurs  ne  produisent  d'ordinaire  qu'une  irritation  légère;  à  la  longue 
on  voit  pourtant  se  former  une  sorte  d'épaississement  avec  induration  de  la  peau, 
et  s'il  s'agit  d'un  lipome  de  la  fesse,  par  exemple,  on  peut  rencontrer  dans  le 
point  qui  supporte  le  summum  des  pressions,  une  bourse  séreuse  accidentelle. 
Quand  le  malade  fait  une  chute  ou  reçoit  un  coup  violent  sur  sa  tumeur,  la  chose 
e'.t  plus  grave,  et  il  est  rare  qu'on  n'observe  pas  alors  des  phénomènes  d'inflam- 
mation. Celle-ci  peut  être  limitée  ou  diffuse,  n'occuper  que  la  peau  ou  gagner  les 
couches  profondes.  Les  conséquences  seront  très-variables  :  tantôt  le  lipome 
reprendra  ses  caractères  primitits,  tantôt  il  deviendra  plus  dur  et  comme  osseux. 
Ces  modifications  de  consistance  ne  portent  habituellement  que  sur  une  partie 
de  la  tumeur  qui  change  aussi  plus  ou  moins  de  forme  ;  dans  certaines  circon- 
stances, la  totalité  du  lipome  est  envahie,  il  se  ratatine,  diminue  considérable- 
ment de  volume  au  point  de  faire  croire,  s'il  est  petit,  à  une  guérison  radicale. 
D'autres  fois  il  se  forme  des  abcès  superficiels  ou  profonds  qui  peuvent  singulière- 
ment induire  en  erreur.  11  en  sera  de  même  du  passage  à  l'état  huileux  et  du  ra- 
moUissement  partiel  ou  général  du  lipome.  Les  ulcérations  offrent  parfois  des  ca- 
ractères inquiétants,  surtout  s'il  s'agit  d'une  forme  télangiebtasique.  La  sécrétion 
abondante,  les  hémorrhagies  répétées  et  la  putréfaction  incessante  qui  se  fait  à 
la  surface  ne  laissent  pas  que  de  mettre  parfois  en  danger  la  vie  du  malade. 


LIPOME  (chirurgie).  645 

Enfin,  il  est  des  cas  où  le  processus  gangreneux  a  amené  la  disparition  complète 
du  lipome. 

Tels  sont  les  effets  les  plus  habituels  de  l'irritation  ;  mais  il  en  est  d'autres 
plus  rares,  plu?  éloignés  qui  sont  un  sujet  de  contestation  pour  la  plupart  des 
chirurgiens,  et  qui  pour  nous  ne  sauraient  être  liiis  en  doute  ;  nous  voulons  parler 
de  ceux  qui  amènent  la  transformation  du  lipome. 

On  a  prétendu  que  si  les  tumeurs  de  ce  genre  offraient  à  une  certaine  période 
de  leur  évolution  des  caractères  de  malignité,  c'est  que  dès  le  principe  il  y  avait 
combinaison  du  lijome  avec  un  myxome,  un  sarcome,  etc.  En  demeurant  sur  le 
terrain  de  la  clinique,  nous  demanderons  pourquoi  deslipomes  restésexceptionnel- 
lement  bénins  pendant  dix,  quinze,  vingt  ans  et  même  davantage,  présentent  tout 
à  coup,  sous  l'influence  d'un  traumatisme  ou  même  sans  cause  appréciable,  des 
caractères  incontestables  de  malignité?  On  objectera  que  les  phénomènes  inflam- 
matoires peuvent  prêter  à  confusion  ;  mais,  dans  les  cas  où  l'autopsie  a  été  faite, 
cet  argument  ne  saurait  être  invoqué  ;  or  le  myxome  et  surtout  le  sarcome  ont 
une  évolution  beaucoup  plus  rapide  et  olfrent  à  une  époque  bien  moins  tardive 
des  caractères  de  malignité.  Comment  dès  lors  ex})liquer  qu'on  ne  constate  [)as 
plus  tôt  ces  caractères,  si  dès  le  princi|!e  il  y  a  combinaison  du  lipome  avec  un 
myxome  ou  un  sarcome  ?  Il  faut,  dira-t-on,  une  cause  d'irritation  suffisante  pour 
faire  éclore  ce  qui  n'était  qu'à  l'état  de  germe,  sans  doute  ;  mais  de  tous  les 
lipomes  qui  sont  soumis  à  des  irritations  continuelles,  quelques-uns  seulement 
finissent  par  présenter  des  caractères  de  malignité  et  l'on  rencontre  des  tumeurs 
du  même  genre  qui  sans  cause  appréciable  olfrent  également  dans  leurs  dernières 
périodes,  des  signes  de  dégénérescence.  Nous  sommes  loin  de  nier  riLiflueiice  des 
causes  d'irritation.  Toutefois  nous  croyons  qu'elles  agissent  d'une  façon  différente, 
suivant  que  le  lipome  s'est  développé  dans  tel  ou  tel  point  de  l'économie  :  ici,  on 
n'observera  que  des  modifications  de  nature  inflammatoire;  là,  on  pourra  en 
outre  constater  une  véritable  transformation  de  tissu.  Ajoutons  que  ce  sont  les 
lipomes  volumineux  et  profonds  qui  ont  surtout  de  la  tendance  à  passer  à  l'état 
myxomateux  ou  sarcomateux.  Au  surplus  nous  avons  vu,  dans  le  service  de 
M.  Ollier  un  certain  nombre  de  cas  qui  méritent  d'être  relatés  ici  au  moins  en 
abrégé.  Dans  le  premier,  d  s'agissait  d'un  lipome  de  la  région  sous-claviculaire; 
toutefois  son  pédicule  remontait  par-dessous  la  clavicule  jusqu'à  la  partie  infé- 
rieure du  cou.  Malade  âgé  de  45  ans  environ.  Début  10  ans  auparavant.  Dé- 
veloppement progressif.  Ce  n'est  que  dans  les  derniers  temps  que  la  tumeur 
s'était  mise  à  grossir.  A  la  suite  d'un  érysipèle  elle  avait  presque  doublé  de 
volume,  et  depuis  cette  époque  elle  était  le  siège  de  douleurs  profondes.  A 
sa  partie  inférieure,  ulcération  de  mauvaise  nature  qui  de  loin  en  loin  donnait 
lieu  à  des  hémorrhagies  plus  ou  moins  abondantes.  Extirpation.  Poids  5'',500. 
A  la  coupe,  on  trouva  au  nnlieu  des  lobules  graisseux,  des  masses  blanchâtres, 
gélatineuses,  qui  jirésentaient  au  nàcroscope  les  caractères  du  tissu  muqueux. 
Dans  le  second,  le  lipome  siégeait  sur  la  partie  latérale  et  inférieure  du  thorax 
et  adhérait  aux  muscles.  Malade  âgé  de  48  ans.  Début  remontant  à  24  ans. 
Développement  régulier.  A  la  suite  de  cautérisations  faites  dans  les  derniers 
mois,  la  tumeur  avait  acquis  un  volume  énorme.  Après  l'extirpation,  elle  pesait 
12'', 500.  Au  centre  de  quelques  lobules  graisseux  on  voyait  des  points  ressem- 
blant tout  à  fait  à  la  chair  de  l'huître  et  que  le  microscope  démontra  être 
myxomateux. 

Dans  le  troisième,  le  lipome  était  situé  à  la  partie  supérieure  et  interne  de  la 


6-iC  LIPOME   (chirurgie). 

cuisse.  La  malade  avait  40  ans  et  faisait  remonter  le  début  à  3  ans.  Ici  encore 
développement  plus  rapide  dans  les  dernières  périodes  mais  sans  cause  appré- 
ciable. Opération  très-laborieuse.  Prolongement  du  côté  de  la  brandie  iscliio- 
pubJenne.  Poids  de  la  tumeur  S'', 750.  A  la  coupe,  on  remarqua  que  plusieurs 
lobules  graisseux  avaient  une  teinte  gris  blancbàtre  ;  le  microscope  permit  de 
constater  çà  et  là  des  points  sarcomateux.  Ce  qui  ne  laissa  pas  que  de  faire 
craindre  une  récidive.  Un  an  plus  tard,  la  malade  se  présentait  en  effet  avec 
une  tumeur  offrant  des  caractères  identiques  à  la  première.  Toutefois  elle  se 
plaignait  de  troubles  de  la  vue  à  droite  et  l'on  constatait  un  peu  d'exorbitis  du 
même  côté.  La  tumeur  de  la  cuisse  fut  extirpée  de  nouveau.  Poids  4'',500, 
mêmes  caractères  à  l'œil  nu,  et  au  microscope.  A  cinq  mois  de  là,  la  malade  reve- 
nait encore  pour  être  opérée  ;  car  la  tumeur  de  la  cuisse  avait  reparu  et  celle  de 
l'orbite  avait  en  partie  chassé  le  globe  oculaire  au  dehors;  perforation  de  la  cornée. 
Sur  les  instances  de  la  famille,  on  consentit  à  pratiquer  l'extirpation  de  l'œil. 
Quant  à  la  tumeur  qui  faisait  corps  avec  lui,  on  ne  put  en  enlever  qu'une  partie  à 
cause  des  prolongements  qu'elle  offrait  du  côté  du  trou  optique.  Ses  caractères 
étaient  identiques  à  ceux  des  tumeurs  de  la  cuisse.  La  malade  est  morte  quelques 
mois  après,  sans  qu'il  ait  été  possible  de  faire  son  autopsie.  (Pour  plus  de  dé- 
tails, voy.  Mémoires  et  comptes  rendus  de  la  Soc.  des  se.  méd.  de  Lyon,  t.  IV, 
et  VI,  présentations  faites  par  MM.  Viennois,  Marmuel  et  Fontan.) 

Avant  de  terminer  cet  exposé  clinique,  nous  rappellerons  qu'on  peut  rencon- 
trer plusieurs  lipomes  sur  le  même  sujet.  Dans  certains  cas,  on  les  a  comptés 
par  centaines.  La  multiplicité  de  ces  tumeurs  indique  une  prédisposition  évidente; 
mais,  que  celle-ci  soit  congénitale  ou  acquise,  il  est  impossible  de  méconnaître 
l'influence  des  causes  déterminantes.  Enfin  le  lipome  est  héréditaire  au  mêine 
titre  que  la  polysarcie. 

Thérapeutique  et  Médecine  opératoire.  Le  lipome  peut-il  guérir  spontané- 
ment? 11  est  certain  qu'on  a  vu  des  tumeurs  de  ce  genre  diminuer  considérable- 
ment de  volume,  chez  les  phthisiques  en  particulier  :  ce  fait  d'observations  au- 
rait même  poussé  quelques  praticiens  à  recommander  la  diète  forcée  et  les  alté- 
rants quand  les  malades  seraient  très-gras.  Mais,  de  la  diminution  de  volume  à 
la  disparition  complète  d'une  tumeur  semblable,  il  y  a  plus  d'un  pas  et  nous  ne 
croyons  pas  qu'il  ait  jamais  été  franchi  hors  le  cas  d'inflammation  concomitante. 
Comme  cette  complication  tient  d'ordinaire  à  une  irritation  de  la  tumeur,  on 
comprend  également  qu'on  ait  pu  vanter  les  irritants  :  tantôt,  sous  forme  d'em- 
plâtres ou  de  pommades  ;  tantôt  sous  forme  de  broiement  médiat  (malaxation)  ou  ^ 
de  broiement  immédiat  (sections  sous-cutances)  aidés  ou  non  de  la  compression. 
Toutefois,  si  l'irritation  est  légère,  elle  ne  provoquera  pas  d'inflammation  et  le 
lipome  ne  diminuera  pas  de  volume;  si  l'irritation  est,  au  contraire,  considérable, 
elle  occasionne  une  inflammation  soit  limitée  soit  diffuse  :  or,  la  première  sera 
nécessairement  insuffisante  dans  le  cas  de  lipome  volumineux  et  la  seconde  jjourra 
dépasser  le  but  et  devenir  mortelle.  Bonnet,  auquel  on  doit  le  broiement  sous- 
cutané,  procédait  en  plusieurs  temps  pour  éviter  ce  double  écueil;  mais,  les 
résultats  qu'il  obtint  ne  furent  pas  toujours  trcs-brillants,  puisqu'il  n'employait 
plus  cette  méthode  dans  les  dernières  années  de  sa  pratique.  Du  reste,  ce  n'est 
pas  impunément  qu'on  irrite  une  tumeur,  quelque  bénigne  qu'elle  soit;  souvent, 
au  lieu  de  diminuer,  elle  augmente  de  volume  et  prend  un  caractère  malin. 
Aussi,  loin  de  recommander  l'emploi  des  différents  moyens  proposés  jusqu'ici 
pour  la  cure  spontanée  du  lipome,  nous  sommes  d'avis  qu'il  faut  absolument  les 


LIPOME  (chirurgie).  647 

rejeter  parce  qu'ils  sont  presque  toujours  insuffisants  et  qu'ils  peuvent  devenir 
dangereux. 

La  cautérisation  est  une  méthode  longue  et  douloureuse.  Avec  elle,  on  n'est 
pas  certain  de  détruire  tout  le  tissu  morbide. La  graisse  subit  des  transformations 
chimiques  qui  peuvent  devenir  de  nouvelles  causes  d'infection.  Enfin  la  cicatrice 
ultérieure  est  constamment  plus  ou  moins  irrégulière. 

La  ligature  a  toujours  joui  d'une  certaine  vogue  dans  les  cas  de  lipome  pédi- 
cule. Tout  d'abord,  on  l'appliquait  directement  sur  la  peau.  Puis,  comme  les 
douleurs  étaient  très-vives,  on  conseilla  de  faire  la  section  préalable  des  tégu- 
ments :  Louis  se  servait  du  bistouri,  Cliopart  et  Boyer  préféraient  les  caustiques  ; 
ce  qui  ne  laisse  pas  que  d'être  toujours  très-douloureux  et  d'entraîner  une  perte 
plus  ou  moins  considérable  des  téguments.  De  nos  jours,  on  n'emploie  guère  cette 
méthode  que  pour  facihter  ou  compléter  l'extirpation.  En  effet,  quand  le  lipome 
n'est  pas  volumineux,  il  est  rare  que  le  pédicule,  pour  peu  qu'il  soit  étroit,  con- 
tienne de  gros  vaisseaux. 

]j' extirpation  est  la  méthode  par  excellence.  S'agit-ii  d'un  lipome  superficiel; 
s'il  est  peu  volumineux,  on  fait  une  incision  droite,  courbe,  ou  deux  incisions  en 
T  en  -+-  pour  faciliter  la  dissection.  Arrivé  à  la  base  de  la  tumeur,  on  cherche  à 
l'énucléer  avec  les  doigts  ;  ce  qui  est  toujours  facile  dans  le  cas  de  lipome  dit 
enkysté.  Quand  on  éprouve  quelque  résistance,  on  fait  saisir  la  tumeur  avec  une 
pince  de  Muzeux,  et  l'on  coupe  successivement,  en  se  servant  du  bistouri  ou  des 
ciseaux,  toutes  les  brides  qui  la  retiennent  encore.  Il  est  exceptionnel  de  ren- 
contrer des  vaisseaux  importants  ;  on  a  tout  au  plus  quelques  petites  arlérioles 
à  lier. 

Si  le  lipome  est  considérable,  on  voit  d'ordinaire  à  sa  base  de  grosses  veines 
bleuâtres,  qui  ne  laissent  pas  que  de  gêner  bi?aucoup  pour  faire  l'incision  des 
téguments.  Aussi,  pour  peu  que  la  tumeur  soit  pédiculisable,  il  faut  placer  une 
ligature  d'attente  dont  on  confie  les  chefs  à  un  aide;  et,  le  moment  venu,  celui- 
ci  n'a  qu'à  serrer  pour  empêcher  l'hémorrhagie.  M.  Ollier  emploie,  dans  le 
même  but,  deux  baguettes  tout  à  la  fois  résistantes  et  flexibles,  qu'il  place,  l'une 
au-dessus,  l'autre  au-dessous  du  point  le  plus  rétréci  de  la  tumeur;  elles  sont 
suffisamment  longues  pour  que  l'aide  qui  est  chargé  de  les  maintenir  à  chaque 
extrémité  puisse  à  volonté  comprimer  ou  relâcher,  en  rapprochant  ou  en  éloi- 
gnant les  mains.  Ce  procédé  nous  parait  préférable  au  premier,  en  ce  qu'il  per- 
met d'agir  d'une  façon  aussi  sûre,  mais  plus  rapide.  Dans  le  cas  où  la  tumeur 
n'est  pas  pédiculisable,  il  faut  s'assurer  du  trajet  de  ces  veines  qui,  comme  nous 
l'avons  déjà  dit,  donnent  à  la  peau  une  coloration  bleuâtre  et  se  révèlent  aussi 
par  une  sensation  particuUère  de  flot.  Ce  premier  point  bien  étabh,  un  aide  pla- 
cera les  doigts  de  l'une  et  de  l'autre  main  de  manière  à  ce  que  chacune  des  veines 
soit  comprimée  au-dessus  et  au-dessous  de  la  ligne  de  section  des  téguments  ; 
comme,  d'une  part,  la  peau  est  toujours  plus  ou  moins  distendue,  et  que.  d'autre 
part,  elle  peut  être  adhérente,  ulcérée,  on  fera  en  sorte  que  cette  ligne  circon- 
scrive la  partie  la  plus  altérée,  quitte  à  la  prolonger  ensuite  dans  tel  ou  tel  sens 
pour  faciliter  la  dissection.  Avant  d'aller  plus  loin,  l'opérateur  procédera  à  la 
ligature  de  tous  les  vaisseaux  béants  ;  et,  tout  danger  d'hémorrhagie  une  fois 
écarté,  il  se  comportera  comme  dans  le  cas  de  lipome  peu  volumineux,  en  redou- 
'blant  toutefois  d'attention  lorsqu'il  arrivera  à  la  base  de  la  tumeur,  car  il  peut 
encore  ici  rencontrer  des  vaisseaux  plus  ou  moins  considérables  (vaisseaux  de  la 
prtie  centrale  du  lipome). 


'J48  LIPPU. 

L'extirpation  des  lipomes  profonds,  bien  que  plus  difficile  en  général,  à  cause  des 
connexions  que  ces  tumeui's  peuvent  présenter  avec  des  organes  plus  ou  moins  inî- 
portants,  est  soumise  aux  mêmes  règles.  L'opérateur  devra  se  livrer  à  une  dis- 
section minutieuse,  afin  de  ne  pas  léser  les  vaisseaux  et  les  nerfs  principaux  de 
la  région.  11  n'oubliera  pas  que  ceux-ci  se  trouvent  parfois  englobés  dans  la  masse 
morbide,  d'autres  fois  seulement  repoussés  dans  tel  ou  tel  sens.  La  tumeur  une 
fois  mise  à  découvert,  il  cherchera  à  la  contourner  de  manière  à  s'assurer  s'il 
existe  des  prolongements  latéraux.  En  supposant  qu'il  en  trouve,  il  pourra  avoir 
affaire  à  des  lobes  supplémentaires  qui  seront  tantôt  non  adhérents  et  faciles  à 
délimiter,  alors  rien  de  plus  simple  que  de  les  énucléer  avec  les  doigts  ;  tantôt 
adhérents  et  difficiles  à  délimiter.  Dans  ce  cas,  il  se  comportera  comme  s'il  s'agis- 
sait de  prolongements  dits  profonds.  Après  avoir  isolé,  toujours  avec  les  doigts, 
tout  ce  qui  est  isolable,  il  se  trouvera  constamment  en  présence  d'un  ou  de  plu- 
sieurs pédicules,  qu'il  sectionnera  soit  avec  le  bistouri,  mais  entre  deux  ou  plu- 
sieurs ligatures,  soit  et  mieux  avec  l'écraseur  de  Chassaignac,  en  se  conformant 
aux  préceptes  établis  par  ce  chirurgien. 

Dans  le  cas  de  liponje  superficiel  peu  volumineux,  on  fera  toujours  en  sorte 
d'obtenir  ime  rémiion  immédiate,  sauf  à  enlever  ultérieurement  quelques  points 
de  suture  ou  à  faire  des  contre-ouvertures,  suivant  les  indications.  Dans  le  cas 
de  lipome  superficiel  volumineux  ou  de  lipome  profond,  on  n'affrontera  qu'une 
partie  des  bords  de  la  plaie,  afin  de  ménager  un  libre  écoulement  aux  matières. 

Dans  tous  les  cas,  si  la  peau  avait  subi  une  perte  de  substance  considérable, 
il  faudrait  panser  à  plat. 

Doit-on  extirper  tous  les  lipomes?  Nous  n'hésitons  pas  à  répondre  par  l'affir- 
mative. 

11  est  certain  que  la  multiplicité  de  ces  tumeurs,  le  siège  à  la  partie  pro- 
fonde de  l'abdomen,  le  grand  âge  des  malades  et  les  maladies  intercurrentes, 
pourront  contre-indiquer  l'opération  :  mais,  en  dehors  de  ces  cas,  il  faut  tou- 
jours intervenir.  Toute  tumeur,  fût-elle  des  plus  bénignes,  a  de  la  tendance  à 
s'accroître,  et  mieux  vaut  opérer  plus  tôt  que  plus  tard.  Toutefois,  comme  les 
chances  de  succès  diminuent  singulièrement  à  l'hôpital,  le  chirurgien  cherchera 
à  se  placer  dans  un  milieu  plus  convenable,  surtout  s'il  s'agit  d  un  lipome  du 
cuir  chevelu,  du  front,  du  cou,  où  les  moindres  plaies  s'accompagnent  si  fré- 
quemment d'inflammations  secondaires.  Léon  Tripier. 

LIPOPSYCOIE  (de  Idmiv,  manquer,  et  ij/ux^,  âme).  (Voy.  Adynàmie  et 
Asthénie.)  A.  D. 

LiPOTiiYmiE  (de  liLmw,  manquer,  et  6yp6s,  cœur,  sens).  Synonyme  de 
défaillance.  {Voy.  Syncope.)  A.  D. 

lilPPlA  (L.).  Genre  de  Verbénacées,  autrefois  confondu  avec  les  Verveines 
?lles-mèmes,  dont  l'organisation  générale  est  en  effet  la  même.  Mais  le  gynécée  et 
le  fruit  sont  totalement  différents  dans  les  deux  types.  Tandis  ({ue  les  Verveines, 
ayant  deux  loges  biovulées  à  l'ovaire,  possèdent  définitivement  un  fruit  à  quatre 
cavités  monospermes,  les  Lippia  ont,  dans  l'ovaire,  une  loge  qui  avorte,  deux 
demi-loges  antérieures  uniovulées,  et  leur  fruit  ne  se  compose  que  de  deux  cavités 
séparables,  monospermes.  Les  Lippia  sont  des  herbes  ou  des  sous-arbrisseaux  à 
feuilles  opposées  ou  verticillées  :  ils  croissent  dans  toutes  les  régions  du  globe. 
Toutes  sont  aromatiques,  et  plusieurs  sont  employées  comme  excitantes.  Le 


LIPPIK  (eaux  minérales  de).  G49 

L.  pseudo-thea  Schau.  est  usité  en  infusions  stimulantes  au  Brésil.  Le  L.  citreo' 
dora  H.  B.  K.,  qu'on  cultive  dans  nos  orangeries  et  qui  a  des  feuilles  verticillées 
par  trois  (d'oià  son  nom  de  Yertena  triphylla  Lhér.),  est  une  des  Citronnelles 
employées  quelquefois  comme  excitantes  ;  on  en  prépare  une  infusion  Ihéiforme  ; 
on  s'en  sert  aussi  pour  aromatiser  des  crèmes,  etc.  C'est  VHerba  Aloysiœ  de  la 
pharm:.^upee  espagnole,  ûe  L.  iiodiflora  Vkicn.  {Zappanio  nodiflora  Petas.,  Blai- 
ria  nodiflora  Gœrtn.)  se  prescrit  en  infusion  dans  les  cas  d'affections  catarihales 
et  dans  les  indigestions  des  enfants.  Le  L.  medica  Fensl.,  dans  l'Amérique  cen- 
trale, et  le  L.  (jraveolens  H.  B.  K.,  au  Mexique,  servent  aussi  à  jiréparer  des  infu- 
sions excitantes  et  digestives.  H.  Bn. 

L.,  Gen  ,  n.  781.  —  Endl.,  Gen.,  n.  5684.  —  Guib.,  Drog.  simpl.,  éd.  4,  II,  441.  —  Méh. 
et  Del.,  Dict.,  VI,  865.  —  Ddch.,  Réperl.,  79.  —  Uosenth.,  Sijn.  plant,  diajihor.,  425. 

LIPPIK  (Eaux  minérales  de)  ,  hyper  thermales,  bicarbonatées  sadiques  moyen- 
nes, iodurées  calciques  faibles,  carboniques  fortes,  en  Hongrie,  dans  l'Escla- 
vonie,  à  12  kilomètres  de  Daruvar,  à  1  kilomètre  de  Pakrocz,  et  sur  le  ruisseau 
lePakra.  Quatre  sources  émergent  à  Lippik,  elles  se  nomment  :  1"  Bischofsquelle 
(source  de  l'Évêque)  ;  2°  Csardacker quelle  (source  de  Csardack)  ;  3"  Kleinbad- 
quelle  (source  du  Petit-Bain),  et  \°  Allgemeinbadquelle  (source  du  Bain-Commun). 
Le  débit  des  quatre  sources  est  de  5,456  litres  en  vingt-quatre  heures.  Leur  eau, 
d'une  composition  à  peu  près  identique,  est  claire,  limpide  et  transparente  ;  elle 
est  traversée  par  de  nombreuses  bulles  de  gaz  ;  elle  est  sans  odeur,  son  goût  est 
peu  prononcé  ;  elle  rougit  au  premier  moment  les  préparations  de  tournesol,  qui 
reprennent  leur  coloration  première  après  avoir  été  laissées  à  l'air  pendant  un 
temps  assez  court.  La  température  de  l'eau  de  Bischofsquelle  est  de  46"  centi- 
grade, celle  de  Csardackerquelle  est  de  40"  centigrade,  celle  de  Kleinbadquelle 
est  aussi  de  40"  centigrade,  enfin  celle  d'Allgemembadquelle  est  de  43°, 8  centi- 
grade. La  densité  de  l'eau  des  sources  de  Lippik  est  de  ]  ,0026.  Daniel  Wagner  a 
fait  en  1839  l'analyse  des  deux  sources  principales  ;  ce  chimiste  a  trouvé  dans 
1,000  grammes  de  l'eau  de  chacune  d'elles  les  matières  suivantes  : 

BISCaOFSQUELLE   KLEINBADQOELLB 

Bicarbonate  de  soude 1,481 1,370 

—  chaux 0,162 0,196 

—  magnésie 0,107 0,100 

Sulfate  de  soude 0,689 0,759  . 

Chlorure  de  sodium 0,67-i 0,693 

—  calcium 0,115 0,109 

lodurede  calcium 0,ÙU 0,029 

Phosphate  de  fer  et  d'alumine 0,003 0,003 

Acide  silicique 0,119 0,127 

Matière  organique quant,  iiidéter.     quant,  indélcr. 

Total  des  matières  kixes.  .    .   .      3,392 3,386 

1,000  parties  du  gaz  qui  se  dégage  de  l'eau  de  ces  sources  contiennent  : 

lilSCIIOFSQUELLE        KLEINBAïQUELLK 

Acide  carbonique 285,6 289,3 

Azote 714,4 710.7 


1000,0 1000,0 


Les  eaux  de  Lippik  sont  remarquables  parce  qu'elles  sont  iodurées  en  même 
temps  que  bicai  bonatées  et  hyper  thermales.  M.  Lengyel  de  Przemsysl  et  surtout 
M.  Seegen  disent  avec  raison  que  ces  eaux  sont  les  seules  en  Europe  à  offrir  cette 
particularité. 

Deux  établissements  de  bains  ont  été  bâtis  sur  les  deux  bassins  des  eaux  de 


CoO  LIPPSPRING   (eaux  minérales  de). 

Lippik  ;  on  les  nomme  Bischofsbad,  qui  a  une  piscine  où  vingt  personnes  peuvent 
se  baigner  ensemble,  et  Csardackerbad,  composé  de  trois  baignoires  isolées  et 
d'une  piscine  qui  peut  recevoir  vingt-cinq  baigneurs  à  la  fois. 

Emploi  thérapeutique.  L'eau  de  Lippik  s'administre  en  boisson,  en  bains  de 
baignoires  et  de  piscines.  Elle  s'applique  principalement  dans  les  affections  du  ioie 
et  des  reins  accompagnées  d'expulsion  de  sables  ou  de  graviers.  C'est  l'eau  en 
boisson  qui  fait  la  base  du  traitement  alors  ;  ce  sont  les  bains  de  piscines  qui  sont 
prescrits  aux  rhumatisants  et  aux  goutteux  dont  le  dernier  accès  est  déjà  éloigné. 
Cette  eau  convient  encore  en  boisson  et  en  bains  dans  la  cachexie  syphilitique, 
dans  les  engorgements  de  l'utérus  et  de  ses  annexes.  Elle  réussit  d'autant  mieux 
que  ceux  qui  en  font  usage  présentent  une  constitution  lymphatique  ou  scrofu- 
leuse.  L'eau  de  Lippik,  enfin,  donne  de  bons  résultats  chez  ceux  qui  ont  une 
hypertrophie  splénique  et  hépatique,  consécutive  à  l'existence  de  fièvres  intermit- 
tentes paludéennes  fréquentes  dans  la  contrée. 

Durée  de  la  cure,  vingt  jours  en  général. 

On  exporte  peu  les  eaux  de  Lippik.  A.  Rotdreao. 

BiBLioonAPiiiE.  —  Lengyel  de  Przemsïsl.  Die  Heilquellen  und  Bâcler  Ungarns ,  etc.  Pesth, 
1854,  m-12,  p.  88-90.  A.  R. 

LIPPITUDE.     Voy.  Blépharite  marginale. 

LïPPSPRll^G  (Eaux  minérales  et  cure  de  petit-lait  de),  protothermales 
ou  athermales,  bicarbonatées  calciques  moyennes  ou  amétallUes,  carboniques 
moyennes  ou  azotées,  en  Prusse,  dans  la  province  de  Westphalie,  à  10  kilomètres 
de  Paderborn,  au  bord  de  la  forêt  de  Teutoburg,  près  de  la  source  de  la  Lippe, 
ainsi  que  son  nom  l'indique  {Spring,  origine).  (Chemin  de  fer  de  Cologne,  Hamm 
et  Paderborn,  de  Paderborn  à  Lippspring  une  heui'e  de  voiture.)  Le  climat  de  cette 
station  est  assez  doux  ;  on  y  constate  rarement  en  effet  des  changements  brusques 
de  la  température.  Les  baigneurs  n'ont  point  à  se  garantir  de  l'agitation  violente 
de  l'air,  mais  de  l'humidité  très-grande  occasionnée  surtout  par  le  voisinage  de  la 
forêt.  Deux  sources  émergent  à  Lippspring,  car  il  faut  regarder  comme  apparte- 
nant à  cette  station  un  filet  d'eau  minérale  sortant  de  la  terre  à  1  kilomètre  de 
Paderborn,  et  que  l'on  désigne  par  le  nom  de  Inselsquelle  {source  de  Ville). 
L'emploi  que  l'on  fait  à  Lippspring  de  cette  eau  d'une  température  de  19°, 1  cen- 
tigrade nous  engage  à  en  donner  l'analyse  chimique  faite  par  MM.  Brandes  et 
Witting.  On  en  trouvera  le  tableau  avec  celui  de  la  source  suivante. 

La  source  principale  de  Lippspring  s'appelle  V Arniiniusquelle  ;  c'est  elle  qui 
alimente  la  buvette,  les  baignoires  et  la  salle  d'inhalation  ;  elle  émerge  à  125  mè- 
tres au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  d'un  banc  de  craie  recouvert  d'une  couche 
de  terrain  d'alluvion  ;  son  débit  est  de  265,800  litres  en  vingt-quatre  heures. 
Son  eau  n'est  ni  claire,  ni  transparente,  ni  limpide  ;  elle  a  une  couleur  laiteuse, 
blanchâtre  ;  plus  elle  est  longtemps  au  contact  de  l'air,  plus  elle  se  trouble  ;  elle 
se  couvre  d'une  pellicule  irisée  et  elle  laisse  déposer  un  sédiment  jaune  brunâtre, 
ressemblant  à  de  l'ocre  ;  elle  n'a  pas  d'odeur  marquée  ;  sa  saveur  est  salée  et  sur- 
tout amère.  Des  bulles  gazeuses  la  traversent  par  moments;  lorsqu'on  la  reçoit 
dans  un  verre,  on  voit  se  former  des  perles  assez  petites  dont  les  unes  gagnent 
la  surface  de  l'eau,  les  autres  s'attachent  aux  parois.  Sa  température  est  de  21", 2 
centigrade.  M.  Witting  en  a  fait  l'analyse  en  1855.  Ce  chimiste  a  trouvé  dans 
i  ,000  grammes  de  l'eau  de  l'Arminiusquelle  les  principes  suivants  ; 


LIPPSPRING   (eaux  minérales  de).  651 

AMIINIOSQUELLi;  IXSELSQUELLB 

Carbonate  de  cliaux 0,6S6I 0,205 

—  magnésie O.O'SI 0,025 

—  oxyde  de  fer 0,0182 0,002 

Sulfate  de  soude 0,1)770 0,0ô3 

—  cliaux 0,5505 0,025 

—  magnésie 0,1041 0,010 

Chlorure  de  sodium. 0,1119 0,540 

—  calcium » 0,009 

—  magnésium 0,1011 0,005 

Bicarbonate  de  soude 0,25Sô » 

lodures traces traces. 


Total  des  jiatièiieï  fixes  .   .   .       2,5JH 0,036 

100  paï"ties  du  gaz  qui  s'échappe  de  ces  sources  contiennent  : 

Azote 83,25 97,00 

Acide  carlionique 10,25 5,00 

Oxygène 1,50 " 


100,00 100,09 

Emploi  thérapeutique.  L'eau  de  l'Arniiniusquelle  s'administre  à  la  dose  de  trois 
à  huit  verres,  le  matin  à  jeun,  à  un  quart  d'heure  de  distance.  L'eau  de  la  source  de 
riUe  est  presque  toujours  conseillée  en  quantité  moindre,  il  est  rare  que  les  malades 
dépassent  trois  verres.  Les  bains  de  Lippspring  ont  une  durée  d'une  denii-hourc  et 
plus  souvent  d'une  heure.  Le  séjour  dans  la  salle  d'inhalation  est  en  général  d'une 
demi-heure,  mais  il  est  assez  fréquent  qu'il  litillc  y  rester  pendant  inie  heure. 

L'eau  de  l'ArminiusquelIe  en  boisson  est  souvent  laxative,  en  même  temps 
qu'elle  augmente  notablement  la  quantité  des  urines  et  de  la  perspiration  cutanée. 
Lorsque  l'emploi  de  cette  eau  est  externe  et  interne,  il  produit  une  action  sédative 
marquée  sur  la  circulation  sanguine  et  sur  l'innervation.  L'eau  tle  Lippspring  a  pour 
effet  physiologico-pathologique  incontestable  de  diminuer  la  toux  et  surtout  les 
crachats.  Lorsqu'on  craint  de  produire  des  hémoptysics,  ou  lorsqu'on  traite  des  per- 
sonnes qui  crachent  le  sang,  il  faut  se  garder  de  prescrire  l'eau  île  l'ArminiusquelIe, 
qui  est  alors  trop  excitante,  quoiqu'elle  diminue  d'intensité  et  de  fréquence  les 
battements  cardiaques  et  artériels.  L'inselsquelle  convient  alors;  son  eau  semble 
avoir  une  action  élective  sur  la  circulation  pulmonaire,  qu'elle  calme  assez  prompte- 
ment  pour  que  les  hémorrhagies  qui  se  font  par  les  bronches  soient  calmées  au 
bout  de  quelques  jours.  Notons  enfin  que  les  bains  de  Lippspring  déterminent 
assez  souvent  une  éruption,  à  la  peau  des  membres  surtout,  qui  se  recouvre  de 
rougeurs  accompagnées  d'une  démangeaison  quelquefois  insupportable.  C'est  ce 
qu'on  appelle  la  poussée.  La  salle  d'inhalation  est  alimentée  par  les  gaz  qui  se 
dégagent  de  deux  bassins  à  ciel  ouvert  pratiqués  dans  le  sol  de  la  pièce.  Si  l'on 
veut  se  reporter  à  l'analyse  des  principes  gazeux  contenus  dans  l'eau  de  la  source 
d'Arminius,  on  verra  que  c'est  l'azote  qui  est  en  proportion  dominante.  Nous 
nous  contenterons  d'indiquer  que,  ce  gaz  n'étant  pas  respirable,  il  est  nécessaire, 
comme  à  Panticosa  {voy.  ce  mot),  d'ouvrir  à  Lippsiu'iug  les  fenêtres  de  la  salle, 
afin  de  bien  en  renouveler  l'air  après  chaque  séance  d'inhalation  gazeuse. 

Les  affections  des  voies  respiratoires  sont  plus  particulièrement  traitées  à  la 
station  de  Lippspring.  Les  malades  qui  souffrent  de  laryngites  et  de  bronchites 
chroniques  simples  y  sont  surtout  adressés.  Les  catarrheux  et  les  tuberculeux  y 
viennent  aussi  on  assez  grand  nombre  ;  aussi  plus  de  mille  personnes  y  sont-elles 
observées  chaque  année.  L'eau  en  boisson  et  surtout  en  inhalation  est  la  base  du 
traitement  alors  ;  les  bains  ne  sont  ordonnés  qu'à  ceux  qui  ont  une  manifestation 


652  LIQUEURS. 

-vers  l'enveloppe  extérieure  que  l'on  ne  redoute  pas  de  ramener  à  un  état  aigu. 

On  peut  suivre  à  Lippspring  une  cure  par  le  petit-lait  de  vache,  de  chèvre  ou 
de  brebis.  Comme  l'application  de  ce  traitement  n'offre  rien  de  remarquable  dans 
cette  localité,  nous  ne  croyons  pas  devoir  insister  sur  ses  effets  physiologiques  et 
cura  tifs. 

Durée  de  la  cure,  de  vingt  jours  à  un  mois. 

On  exporte  peu  l'eau  de  Lippspring.  A.  Rotureau. 

Bibliographie.  —  Piepeb.  Ueber  die  Wirkungen  der  Arminiiisquelle  in  Lippspring.  Pader- 
born,  1841.  —  Fischer.  Die  Heilquelle  zu  Lippspring.  In  Dalneologische  Zeitung,  t.  I. 

A.  R. 

LIQUEURS.  Sous  ce  nom  on  désigne  un  grand  nombre  de  préparations  mé- 
dicinales de  composition  très-diverse.  On  donne  aussi  le  nom  de  liqueurs  à  des 
produits  qui  résultent  du  mélange  de  l'alcool  avec  le  sucre  et  des  eaux  aroma- 
tiques. Peut-être  devrait-on  réserver  ce  nom  à  ces  derniers,  et  désigner  les  li- 
queurs qui  sont  employées  en  médecine  sous  celui  de  solutions? 

Les  principales  liqueurs  employées  en  médecine  sont  les  suivantes  : 

Liqueur  anodine  nitr en  se  ou  Éther  nitinque  alcoolise'.  Mélange  à  parties  égales 
d'éther  nitreux  et  d'alcool.  {Voy.  Éther  nitreux.) 

Liqueur  anti-arthritique.  (EUer.)  Mélange  à  parties  égales  de  liqueur  de  corne 
de  cerf  succinée  et  d'éther  sulfurique.  Employée  contre  la  goutte  et  les  rhuma- 
tismes invétérés  à  la  dose  de  20  à  40  gouttes  dans  de  l'eau  sucrée,  2  à  3  fois  par 
jour.  Cette  liqueur,  qui  a  joui  autrefois  d'une  très-grande  réputation,  est  peu 
employée  aujourd'hui.  {Voy.  Cobnede  cerf.) 

Liqueur  antiscrofuleuse.  (Hufeland.)  Solution  de  2  grammes  de  chlorure  de 
baryum  dans  50  grammes  d'eau  distillée.  De  5  à  20  gouttes,  trois  fois  par  jour 
pour  les  enfants,  et  50  à  60  gouttes  pour  les  adultes. 

Liqueur  ammonicale  anisée.  Alcool,  96  grammes;  essence  d'anis,  5  grammes; 
ammoniaque  pure,  24  grammes.  Dose  :  10  gouttes,  quatre  fois  par  jour,  dans  un 
verre  d'eau  sucrée. 

Liqueur  arsenicale  de  Fowler  {voy.  Arsénite  de  potasse)  . 

Liqueur  arsenicale  de  Pearson  {voy.  Arséniate  de  soude). 

Liqueur  arsenicale  de  Devergie  {voy.  Arsé.mte  de  potasse). 

Liqueur  de  Battley  ou  Vinaigre  d'opium  {voy.  Opium). 

Liqueur  de  Barreswill  dite  aussi  liqueur  de  Felhing.  Cette  liqueur  se  prépare 
delà  manière  suivante.  On  prend  :  1"  40  grammes  de  sulfate  de  cuivre  cristal- 
lisé et  160  grammes  d'eau  distillée  ;  2''  140  grammes  de  potasse  caustique  et  500 
grammes  d'eau  distillée  ;  5°  160  grammes  de  tartrate  de  potasse  neutre  et  100 
grammes  eau  distillée.  On  dissout  chaque  sel  séparément.  Puis  la  solution  de 
potasse  étant  placée  dans  une  capsule,  on  y  ajoute  d'abord  celle  de  tartrate 
de  potasse  et  ensuite,  peu  à  peu  et  en  agitant,  celle  de  sulfate  de  cuivre.  11  se 
forme  un  précipité  bleuâtre  qui  disparaît  à  mesure  et  en  même  temps  que  le  li- 
quide prend  une  belle  couleur  violette.  On  laisse  refroidir.  On  complète  le  voknne 
de  1,155  centimètres  cubes,  ou  en  poids,  1,355  grammes.  20  centimètres 
cubes  de  cette  liqueur  sont  entièrement  décolorés  par  1  décigramme  de  glycose. 
Pour  l'emploi  de  cette  liqueur,  voy.  Diauète  et  Glycosurie. 

Liqueur  fumante  de  Boyle.  Nom  donné  anciennement  au  sulfhydrate  d'am- 
moniaque sulfuré,  parce  qu'il  fume  à  l'air,  et  que  Boyle  est  le  premier  qui  l'ail 
préparée.  {Voy.  Ammoniaque.) 


LIQUEURS.  655 

Liqueur  des  Cailloux.  Dissolution  aqueuse  de  1  partie  de  silice  fondue  avec  3 
parties  de  potasse  hydratée. 

Liqueur  de  corne  de  cerf  succinée  ou  succinate  d'ammoniaque  impur  {voy. 
CoENE  DE  Cerf). 

Liqueur  de  Donavan,  ou  solution  d'iodure  de  mercure  et  d'iodure  d'arsenic. 
Pour  l'obtenir,  on  prend  :  iodure  d'arsenic,  20  centigrammes  ;  eau  distillée,  120 
grammes.  On  dissout  dans  un  matras  en  verre  à  l'aide  de  la  chaleur  ;  on  ajoute 
biiodure  de  mercure,  40  centigrammes  ;  iodure  de  potassium,  3  ou  4  grammes;  on 
filtre  et  on  conserve  dans  un  flacon  bouché  à  l'émeri  à  l'abri  de  la  lumière.  La 
liqueur  ainsi  obtenue  est  limpide  et  possède  une  légère  teinte  paille.  4  grammes 
de  cette  préparation  contiennent  environ  6  milligrammes  d'iodure  d'arsenic  et 
12  milligrammes  de  biiodure  de  mercure.  De  4  à  100  gouttes  dans  90  granmies 
d'eau  distillée,  à  prendre  en  trois  fois  dans  la  journée  ;  on  augmente  chaque  jour 
de  1  ou  2  gouttes.  Employé  contre  la  lèpre,  le  lupus,  le  psoriasis,  etc. 

Liqueur  de  Gowland  {voy.  Amandes  amères) 

Liqueur  de  Hoffmann  ou  Ether  sulfurique  alcoolisé.  Mélange  à  parties  égales 
d'alcool  et  d'éther  sulfurique  {voy.  Éther  sulfurique). 

Liqueur  des  Hollandais  {voy.  Ether  chlorhydrique). 

Liqueur  de  Houtton  ou  Vinaigre  d'opium  [voy.  Opium). 

Liqueur  iodo-tannique .  Iode,  5  parties  ;  tannin,  10  parties;  eau,  ,85  parties.  On 
commence  l'opération  par  trituration;  on  achève  dans  un  matr.is  à  une  douce  ' 
chaleur.  Appliquée  en  compresses  sur  les  plaies,  elle  réussit  très-bien.  Pour  li^s  ca- 
vités séreuses  et  les  vastes  collections  purulentes,  le  porclilorure  de  for  est  préféré. 

Liqueur  de  Kœchlin.  Cdlorure  de  cuivre,  4  grammes  ;  cidorliydrate  d'ammonia- 
que, 15  grammes  ;  eau  distillée,  150  grammes.  Cette  liqueur  est  administrée  par 
gouttes  àl'intérieur,  contre  l'épilepsie  et  la  syphilis.  A  l'extérieur,  elle  est  employée 
au  pansement  des  ulcères  vénériens.  Cette  préparation  est  très-usitée  en  Allemagne. 

Liqueur  de  Labarraque  {voy.  Chlorure  de  soude). 

Liqueur  fumante  de  Libavius  ou  Deuto-chlorure  d'étain.  Ainsi  appelée  parce 
qu'elle  fume  à  l'air,  et  qu'elle  a  été  découverte  par  Libavius.  [Voy.  Etain.) 

Liqueur  de  Lampadius  {voy.  Sulfure  de  carbone). 

Liqueur  de  Votter  {voy.  Opium). 

Liqueur  de  Purmann.  Sulfate  de  cuivre,  40  grammes  ;  sauge,  60  grammes  ; 
alun,  20  grammes;  vinaigre,  500  grammes  ;  solution  de  sel  ammoniaque,  1000 
grammes.  On  fait  bouillir  une  demi-heure.  Cette  liqueur  est  appliquée  tiède  sur 
les  articulations  tuméfiées. 

Liqueur  des  teigneux.  Houblon  et  petite  centaurée,  de  chaque  32  grammes  ; 
écorce  d'oranges  amères,  8  grammes;  carbonate  de  potasse,  1  gramme  ;  alcool  à 
32°  C.  580  grammes.  On  laisse  en  contact  pendant  huit  jours  ;  on  passe  et  on 
filtre.  Cette  teinture  est  employée  pour  le  traitement  de  la  teigne,  dans  les 
hôpitaux  de  Paris,  à  la  dose  de  52  grammes  dans  un  véhicule  approprié. 

Liqueur  de  Van  Swieten  {voy .  Mercure). 

Liqueur  de  Warner.  Rhubarbe,  50  grammes;  séné,  15  grammes;  raisins  de 
Corinthe,  500  grammes;  satraii,  4  grammes;  réghsse,  15  grammes;  alcool, 
1,500  grammes.  Employée  à  la  dose  de  50  grammes  comme  corJial  purgatif. 
Remède  anglais. 

Liqueur  de  Villate.  (Notta.)  Sulfate  de  zinc,  6  grammes  ;  sulfate  de  cuivre, 
6  grammes;  sous  acétate  de  plomb  liquide,  12  grammes;  vinaigre  blanc,  80 
grammes.  Employée  contre  la  carie  et  les  trajets  fisluleu.x. 


Liqueur  vulnéraire.  (Schmalz.)  Sulfate  de  cuivre,  sulfate  de  zinc,  acétate  de 
cuivre,  de  chaque  15  grammes;  miel  rosat  90  grammes  ;  eau,  200  grammes. 
Employée  dans  le  traitement  des  fistules.  T.  Gobley. 

I.KJÏJIUAMIÎAR.  [Liquidambar  L.)  Genre  de  Dicotylédones,  formant  à  lui 
seul  la  famille  des  Balsamifluées  de  Blume.  Les  plantes  qui  le  composent  sont 
des  arbres  à  exsudation  balsamique,  à  feuilles  alternes,  stipulées,  péliolées,  tantôt 
lobées  comme  celles  des  Platanes  ou  de  certains  Erables,  tantôt  simplement  den- 
tées sur  les  bords.  Leurs  fleurs  sont  unisexuées  et  groupées  ou  en  chatons  coni- 
ques, ou  en  tètes  globuleuses,  munies  à  leur  base  de  quatre  bractées  membra- 
neuses. Ces  inflorescences  sont  les  unes  mfdes,  les  autres  femelles:  mais  les  deux 
sexes  se  trouvent  réunis  sur  le  même  pied.  Les  fleurs  mâles  n'ont  pas  de  périanthe, 
elles  sont  simplement  formées  par  des  étamines  réunies  en  grand  nombre  entre 
les  bractées  de  l'involucre.  Les  fleurs  femelles  ont  un  calice  infundibuli forme,  ré- 
sultant de  la  soudure  d'un  certain  nombre  d'écaillés,  et  un  ovaire  semi-adhérent, 
biloculaire,  contenant  plusieurs  ovules  semi-anatropes,  insérés  sur  deux  rangs  à 
l'angle  interne  de  chaque  loge.  Le  fruit  est  globuleux  ;  il  est  composé  par 
les  calices  [lersistants  indurés  et  soudés  entre  eux  de  manière  à  former  des  es- 
pèces d'alvéoles  dans  lesquelles  sont  ])lacées  des  capsules  biloculaires  plus  ou 
moins  saillantes,  et  qui  s'ouvrent  à  leur  parlie  supérieure  par  déhiscence  sep- 
ticidc.  Les  graines  avortent  pour  la  plupart  :  quelquefois  il  ne  s'en  développe 
qu'une  seule.  Les  graines  fertiles  sont  elliptiques,  aplaties,  terminées  en  bords 
membraneux  à  leur  partie  supérieure  ;  elles  contiennent  un  embryon  à  cotylé- 
dons planes,  entouré  d'un  albumen  extrêmement  mince  (nul  d'après  quelques 
auteurs) . 

11  n'existe  qu'un  petit  nombre  d'espèces  de  Liquidambar.  Presque  toutes  ont 
un  intérêt  pour  la  matière  médicale. 

Ces  deux  baumes,  qui  ont  les  propriétés  communes  aux  baumes  naturels  {voy. 
Baumes),  ne  sont  guère  employés  en  Europe.  Ce  sont  : 

1»  Liquidambar  styraciflua  L.  ou  Copalme.  C'est  un  grand  et  bel  arbre,  com- 
mun dans  le  Mexique  et  la  partie  méridionale  des  États-Unis,  la  Louisiane,  la  Vir- 
ginie, le  Marjland,  la  Pensylvanie.  Ses  feuilles  longuement  péliolées  ont  5  à 
9  lobes  allongés,  aigus,  divergents,  bordés  de  dents  inégales;  elles  sont  d'un  vert 
luisant  à  la  face  supérieure,  d'un  vert  pâle  intérieurement.  Le  fruit,  de  la  gros- 
seur d'une  noix,  est  tout  hérissé  de  tubercules  aigus  formés  par  l'extrémité  sail- 
lante des  capsules. 

Cette  espèce  fournit  le  Baume  de  Liquidambar  {Ambra  liquida  de  certaines  phar- 
macopées) dont  on  distingue  deux  formes  :  le  Liquidambar  liquide  ou  huile  de 
Liquidambar  et  le  Liquidambar  mou  ou  blanc. 

Le  premier  de  ces  baumes  est  la  partie  liquide  du  suc  obtenu  par  des  inci- 
sions faites  à  l'arbre,  reçu  immédiatement  dans  des  vases,  à  l'abri  du  contact 
de  l'air,  et  séparé  par  décantation  d'une  partie  plus  solide  qui  se  dépose  au  fond. 
Il  est  transparent  et  a  une  couleur  jaune  d'ambre  ;  son  odeur  est  forte,  sa  saveur 
aromatique  et  acre  à  la  gorge.  Il  contient  de  l'acide  benzoïque  ou  cinnamique  en 
assez  grande  quantité. 

Le  Liquidam.bar  mou  est  la  partie  épaissie  ou  concrétée  à  l'air  du  suc  qui  s'est 
écoulé  des  incisions.  Il  a  la  consistance  d'une  poix  molle  :  il  est  opaque,  blan- 
châtre ;  il  a,  comme  le  précédent,  une  saveur  parfumée  et  acre  à  la  gorge.  Il  con- 
tient également  de  l'acide  benzoïque. 


LIS  (botanique).  655 

2"  Liquidamhar  orientale  L.  Cette  espèce,  qui  croît  en  Orient,  se  distingue 
du  Liquidambar  sUjracifliia  par  ses  feuilles  à  5  lobes  obtus,  subdivisés  en  lobes 
plus  petits,  peu  profonds,  inégaux,  finement  dentés  sur  les  bords,  et  parses  fruits 
plus  petits,  dont  les  capsules  sont  moins  saillantes  en  dehors  des  alvéoles. 

Le  Liquidambar  oriental  fournit  une  série  de  produits  longtemps  attribués  à 
d'autres  plantes  et  particulièrement  à  l'Aliboufier  {Stijrax  officinale  L.),  de  la 
famille  des  Styracinées.  L'écorce  intérieure  de  l'arbre,  bouillie  dans  l'eau  et 
soumise  à  la  presse,  laisse  découler  la  substance  connue  sous  le  nom  de  Styrax 
LIQUIDE  [vo]).  ce  mot).  Le  résidu  de  l'expression  est  encore  aromatique  :  il  est 
sous  forme  de  lanières  étroites,  minces,  sèches,  rougeàlres  :  c'est  le  Storax  ronge 
ou  écorce  de  Storax  :  c'était,  dans  les  anciennes  officmes,  le  Tignnme  ou  Cortex 
thymiamatis.  Enfin  le  Styrax  liquide,  mélangé  de  débris  d'écorces  du  Liquidam- 
bar ou  de  matières  résineuses  étrangères,  forme  les  produits  décrits  en  matière 
médicale  sous  les  noms  de  Stohax  7ioir  et  de  Storax  en  pain  [voy.  ces  mots). 

5"  Liquidamhar  Altingia  Blume.  Arbres  de  dimensions  gigantesques  (150  à 
200  pieds  de  haut)  croissant  à  Java,  dans  la  Nouvelle-Guinée,  en  Cochiuchiac.  Cette 
espèce  est  très-distincte  des  précédentes.  Ses  feuilles  sont  ovales,  allongées,  acu- 
minées,  dentées  en  scie,  lisses  et  brillantes;  ses  fruits  sont  recouverts  de  petites 
verrues  grisâtres  et  poilues,  résultant  des  écailles  calycinales  accrues  et  épaissies, 
entre  lesquelles  les  capsules  font  à  peine  saillie.  Le  nom  vulgaire  de  ces  plantes 
est  Ras-sa-mala ,  ou  liosa-Malla,  qui  rappelle  celui  de  Bosa  mallas  donné  par 
Petiver  au  Styrax  liquide.  Cette  coïncidence  de  nom  a  fait  supposer  à  plusieurs 
auteurs  que  le  Styrax  bquide  était  le  produit  de  V Altingia.  Cette  espèce  produit 
en  effet  un  suc  balsamique,  employé  dans  les  pays  d'origine  comme  parfum  et 
comme  stimulant,  mais  qui  est  peu  abondant  et  n'arrive  pas  dans  le  commerce 
européen. 

Rujipiiius.  Herh.  Amb.,  II,  60-Ct.  —  Linné.  Gêner.  Plant.,  878.  —  Blume.  Flora  Javœ. 
—  GuiBOCRT.  HLst.  nat.  des  drogues  simples,  6»  édit.,  505. —  HANBUBv.On  Storax.  Pliav- 
mac.  Journal,  XVI,  417  et  461  ;  2°  série,  IV,  456.  Pl. 

LIQL'IDE   CÉPHALO-RACHIDIEN.       Voy.  CÉPHALO-RACHIDIEN  (Liquide). 

LiQORïTA.     Voy.  Réglisse. 

LIRI©DE\DR01\.       Voy.  TcLIPIER. 

LIS  [Liliinn  Tournefort).  §1.  Rotanique.  Genre  de  Mpnocotylédones  qui 
donne  son  nom  à  la  famille  des  Liliacées.  il  est  caractérisé  par  un  périanthe  régu- 
lier, campanule,  à  6  divisions,  ovales-oblongues,  rétrécies  à  leur  base,  marquées 
à  leur  face  interne  d'mi  sillon  glanduleux  ;  6  étamines  à  filaments  subulés  por- 
tant des  anlbères  versatiles  ;  un  ovaire  libre  contenant  de  nombreux  ovules  bisé- 
riés,  anatropes;  un  style  cylindrique  plus  long  que  les  étamines  et  un  stigmate 
épiais  trigoue.  Le  fruit  est  une  capsule  triloculaire,  s'ouvrant  en  5  valves  septifèras 
et  laissant  échapper  de  nombreuses  graines  empilées  sur  deux  rangs  dans  chaque 
looe,  aplaties,  marginées-ailées,  à  testa  membraneux,  fauve  ou  jaunâtre,  conte- 
nant l'embryon  dans  un  albumen  charnu-cartilagineux. 

Les  espèces  de  ce  genre  sont  de  belles  plantes  herbacées,  le  plus  sotivent  à  bulbe 
écailleux,  à  fleurs  brillantes,  qui  servent  à  l'ornement  des  jardins.  La  plus  re- 
marquable et  la  seule  qui  ait  un  intérêt  médical  est  : 

Le  Lis  BLAJNc  (L.  candidum  L.).     Cette  espèce  est  connue  de  tout  le  monde. 


656  LISBONNE  (eaux    minérales  de). 

Originaire  de  l'Orieiil,  elle  s'est  répandue  depuis  longtemps  dans  nos  jardins  et 
est  presque  naturalisée  en  plusieurs  points  de  l'Europe.  La  tige,  droite,  s'élève  à 
la  hauteur  de  2  à  3  pieds  :  elle  porte  des  feuilles  éparses,  sessiles,  linéaires,  lan- 
céolées, ondulées  sur  les  bords,  se  raccourcissant  à  mesure  qu'elles  sont  plus  supé- 
rieures ;  elle  se  termine  par  une  belle  grappe  de  fleurs  blanches,  campanulées, 
à  pétales  dressés,  glabres  à  l'intérieur. 

Ces  fleurs  ont  une  odeur  douce  très-prononcée,  et  peuvent  donner  une  eau  distillée 
quia  été  réputée  comme  antispasmodique  et  antiépileptique  ;  mais,  depuis  la  fin 
du  siècle  dernier,  on  n'en  trouve  plus  dans  les  officines.  Ou  peut  en  dire  autant  de 
Vhitile  de  lis,  qu'on  préparait  en  faisant  digérer  les  fleurs  dans  l'huile  d'olive  et 
qui,  au  dire  de  Murray  [Apparatus  medicaminum,  p.  90),  n'avait  pas  d'autres 
propriétés  que  celles  de  l'huile  pure.  La  seule  partie  qu'on  utilise  encore  est  le 
bidbe  ou  oignon  de  Us.  11  est  arrondi  et  formé  d'écaillés  imbriquées,  épaisses, 
charnues,  remplies  de  mucilage,  auquel  se  joint  en  petite  quantité  un  principe 
acre.  Cuit  sous  la  cendre  et  appliqué  en  cata[)lasme,  il  est  émoliient  et  maturatif. 

TouBNEFOiiT.  Instit.,  569.  —  hw^t.  Gêner.  Plant.,  Zï^  ;  Sjiecies,  435. —  Jussieo,  Gêner. 
Plant.,  49.  —  MunnAv.  Aj^parat.  medic,  V.  88.  Pl. 

8  II.  Emploi  médical.  On  emploie  en  pharmacie  les  fleurs  et  les  bulbes  de 
lis.  Les  fleurs  servent  à  préj)arer  une  eau  distillée  et  une  huile. 

Pour  obtenir  Y  eau  distillée  de  lis,  on  met  dans  la  cucurbite  d'un  alambic 
1  partie  de  fleurs  de  fis  récentes  et  2  parties  d'eau,  et  l'on  distille  jusqu'à  ce 
qu'on  ait  obtenu  un  poids  d'eau  distillée  égal  à  celui  delà  fleur.  La  distillation  à 
la  vapeur  est  |iréférable 

L'eau  distillée  de  lis  est  très-odorante  lorsqu'elle  vient  d'être  préparée,  et  elle 
passe  pour  être  antispasmodique  ;  elle  est  peu  employée  aujourd'hui. 

L'huile  de  lis  constitue  un  remède  populaire  contre  les  maux  d'oreilles,  mais 
son  efficacité  parait  être  due  surtout  à  l'huile.  Elle  se  prépai'e  de  la  manière  sui- 
vante :  pétales  récents  de  lis.,  d  partie;  huile  d'olive,  4  parties  ;  on  fait  macérer 
dans  une  cruche  en  grès,  au  soleil,  pendant  deux  jours  ;  on  passe  et  on  exprime; 
on  remet  l'huile  dans  la  cruche  avec  une  nouvelle  quantité  de  fleurs,  et  on  laisse 
macérer  comme  la  première  fois.  On  fait  une  troisième  macération;  on  laisse  l'e- 
poser  le  produit  exprimé;  on  sépare  l'eau  par  décantation,  et  on  filtre  l'huile  au 
papier. 

Les  bulbes  de  lis  sont  employés  en  cataplasmes  émollients  et  maturatifs.  On  les 
fait  cuire  sous  la  cendre  ou  à  la  vapeur.  T.  Gobley. 

LiSBOiVNE  ou  HSBOA  (Eaux  minérales  de),  hypothermales  ou  méso- 
thermales,  chlorurées  sodiques  fortes,  ou  sulfatées  calciques  faibles,  .sulfu- 
reuses, ou  carboniques  faibles,  capitale  du  Portugal,  chef-heu  de  l'Estrama- 
dure  portugaise,  est  une  villede  290,000  habitants,  bâtie  en  amphithéâtre  sur  la 
rive  droite  du  Tage,  et  près  de  son  embouchure.  Les  dix  sources  minérales  et  les 
dix  étabhssements  de  bains  construits  sur  leurs  griffons  ou  près  de  leur  point 
d'émergence,  ont  i^eçu  les  noms  suivants  :  {"source  et  établissement  de  la  Misé- 
ricorde ou  de  l'Arsenal  de  la  marine  ;  2"  source  et  établissement  de  Alcnçarias 
do  Duque;  3°  source  et  établissement  de  Dona  Clara;  4"  source  et  ctablisse- 
ment  de  Chafariz  del  Reij  ;  5°  source  et  établissement  de  Dentro  ;  G"  Banhos  del 
Doctor;  1°  Chafariz  de  Praia  ;  8°  Bica  de  Capato;  9"  Caes  de  Tojo;  10"  Caes 
dos  soldados  o  quartel  militar. 


LISBONNE  (eaux  minérales  de).  657 

\°  Source  et  elablisfiement  de  la  Miséricorde  ou  de  F  Arsenal  de  la  marine. 
L'hôpital  des  enfants  trouvés,  dit  de  la  Miséricorde,  possède  celte  source  et  cet 
établissement,  mais  ce  n'est  qu'à  titre  provisoire  :  l'administration  de  la  marine 
du  Portugal  à  laquelle  ils  appartiennent  en  définitive,  se  propose  de  faire  capter 
convenablement  et  d'exploiter  elle-même  la  source  sulfureuse  et  un  nouvel  éta- 
blissement thermal.  La  source  sulfureuse  sort  de  terre  à  10  mètres  de  la  rive 
droite  du  Tage  et  son  eau  est  reçue  dans  un  puits  de  4  mètres  de  profondeur.  Un 
corps  de  pompe  aspirante  et  foulante  descend  au  fond  de  ce  puits  ;  c'est  au 
moyen  de  son  piston  que  l'eau  arrive  à  un  canal  qui  la  verse  dans  un  verre,  lors- 
qu'elle doit  être  employée  en  boisson,  et  dans  une  cuvette  de  bois,  lorsqu'elle  est 
emportée  à  l'établissement  de  bains,  au  moyen  de  tuyaux  de  plomb  profondé- 
ment altérés  et  presque  complètement  détruits  par  les  substances  liquides,  et  sur- 
tout gazeuses,  que  contient  cette  eau  chlorurée  sulfureuse.  Elle  est  claire,  limpide, 
transparente  lorsqu'elle  n'est  pas  mélangée;  d'une  odeur  et  d'une  saveur  forte- 
ment hépatiques  ;  elle  rougit  légèrement  la  teinture  de  tournesol  ;  sa  tempé- 
rature est  de  50°  centigrade,  celle  de  l'air  étant  de  21°  centigrade  ;  sa  sulfu- 
ration  est  de  92,  et  sa  densité  de  1002,5.  Lorsque  la  marée  monte  au  port  de 
Lisbonne,  dans  le  lit  du  Tage,  l'eau  de  la  source  sulfureuse  est  immédiatement 
mêlée  à  l'eau  de  la  mer;  ses  propriétés  ])hysiques  et  chinii(]ucs  ne  sont  plus  les 
mêmes  alors  ;  elle  devient  trouble,  son  odeur  est  beaucoup  moins  sullureuse 
et  sa  saveur  très-salée  ;-elle  ne  rougit  plus  la  teinture  ou  le  papier  de  tournesol, 
elle  a  une  réaction  neutre  ;  sa  température  est  variable  et  subit  l'influence  de 
celle  de  la  mer  et  du  fleuve.  Le  24  septembre  1862,  la  température  de  l'air  étant 
de  21"  centigrade,  celle  de  l'eau  de  la  source  sulfureuse  à  la  marée  mon- 
tante était  de  20°, 5  centigrade.  Elle  ne  marquait  que  36  au  sulfhydromètre, 
son  poids  spécifique  était  descendu  à  1 ,003.  M.  le  docteur  Jordao  a  donné  dans 
sa  thèse  inaugurale  soutenue  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris  en  1857,  l'ana- 
lyse suivante  de  l'eau  de  la  source  de  la  Miséricorde  ou  de  l'Arsenal  de  la  marine. 
Ce  confrère  a  trouvé  dans  1000  grammes  d'eau  les  principes  suivants  : 

Chlorure  de  sodium 15,428 

—          magnésium 5,281 

Carbonate  de  chaux 0,571 

Sulfate  de  chaux 0,485 

—         magnésie 0,714 

Acide  silicique 0,028 

Total  des  matières  fixes 20,507 

Î  hydrogène    sulfuré 28,5  cenlim.  cubes. 
Acide  carbonique 74,2  — 

Azote 12,2  — 

Total  des  gaz 114,9  centim.  cubes. 

La  saison  commence  le  1"  juin  et  finit  le  15  octobre  à  l'établissement  de  la 
Miséricorde.  Les  moyens  balnéaires  consistent  en  trente-huit  baignoires  dont 
vingt  et  une  sont  destinées  aux  hommes,  et  dix-sept  aux  femmes  ;  elles  sont  ali- 
mentées par  l'eau  à  la  température  de  la  source  et  par  la  même  eau  chauffée 
dans  une  chaudière  close.  Tous  les  cabinets  de  bains  de  l'établissement  de 
l'Arsenal  sont  inconfortables  et  mal  tenus,  on  n'y  trouve  même  pas  une  propreté 
suffisante.  Aussi  la  plupart  des  habitants  de  Lisbonne  envoient-ils  un  tonneau 
à  la  source,  et  se  font-ils  apporter  chez  eux  l'eau  nécessaire  au  traitement  miné- 
•ral  qui  leur  a  été  prescrit.  Ce  qui  les  engage  encore  à  faire  venir  à  domicile  l'eau 
de  la  source  de  la  Miséricorde,  malgré  la  déperdition  notable  de  ses  principes  vola- 

DICT.  ENC   2'  s.  IL  42 


CSr.  LISBONNE  (eaux  minérales  de). 

tils  et  gazeux,  c'est  le  personnel  des  gens  du  service  des  bains.  Ainsi,  chose  à 
peine  croyable,  ce  sont  les  forçats  de  la  prison  qu'il  faut  que  les  grandes  dames 
portugaises  acceptent  comme  auxiliaires  à  leur  sortie  du  bain! 

Mode  d'administration  et  doses.  L'eau  de  la  source  de  la  Miséricorde  est  pres- 
crite à  la  dose  de  deux  à  trois  verres  pris  le  matin  à  jeun  à  un  quart  d'heure  d'in- 
tervalle, lorsque  la  mer  est  basse  et  que  le  médecin  veut  obtenir  les  effets  de  la 
médication  hjdrosulfureuse.  Les  malades  se  rendent  à  la  source  pendant  la  marée 
montante,  lorsqu'ils  ont  besoin  de  l'action  combinée  d'une  eau  à  la  fois  chargée 
de  chlorure  de  sodium  et  de  principes  sulfureux.  Les  bains  sont  le  plus  généra- 
lement conseillés  avec  l'eau  à  son  plus  haut  degré  sulfhydroniétrique  ;  mais, 
dans  certaines  indications  déterminées,  il  est  plus  avantageux  de  se  baigner  dans 
une  eau  minérale  à  la  fois  chlorurée  et  sulfureuse. 

Emploi  thérapeutique.  La  com|iosjtion  variable  de  l'eau  de  l'Arsenal  fait  pré- 
voir ses  effets  physiologiques  et  cura  tifs  ;  lorsque  l'eau  prise  en  boisson  et  en 
bains  est  chargée  de  son  hydrogène  sulfuré,  elle  est  excitante  ;  elle  rougit  la  peau 
et  détermine  quelquefois  la  poussée,  elle  augmente  la  sécrétion  salivaire,  en  dimi- 
nuant l'expectoration.  Les  fonctions  digestives  se  font  mieux,  l'appétit  renaît; 
cette  eau  est  diurétique,  et  elle  stimule  les  organes  génitaux.  Lorsqu'elle  est  de- 
venue chlorurée,  elle  détermine  de  la  constipation  si  on  la  prend  à  faible  dose; 
elle  purge  à  dose  élevée  au  contraire.  Son  usage  intérieur  et  extérieur  a  une  pro- 
priété essentiellement  reconstituante. 

Les  effets  thérapeutiques  de  l'eau  sulfureuse  de  l'Arsenal  de  la  marine  de  Lis- 
bonne, en  boisson  et  en  bains,  sont  marqués  dans  les  maladies  humides  de  la 
peau  et  dans  les  affections  catarrhales  des  membranes  muqueuses,  et  spécialement 
dans  celles  des  voies  aériennes.  Elles  sont  utiles  dans  les  dyspepsies  et  dans  les 
gastralgies  provenant  d'une  altération  de  la  sécrétion  du  foie  ou  du  pancréas. 
Cette  eau  chlorurée  sulfureuse  convient  dans  les  accidents  produits  par  un  lym- 
phatisme  exagéré  et  par  la  scrofule  à  tous  ses  degrés.  Elle  est  indiquée  encore 
lorsque  l'on  a  à  combattre  une  constipation  opiniâtre,  aisément  vahicue  ordinaire- 
ment par  quelques  verres  de  l'eau  de  la  Miséricorde. 

Les  contre-indications  de  cette  eau  simplement  sulfureuse  ou  sulfureuse  chlo- 
rurée résultent  de  ses  indications.  Il  suffit  de  remarquer  qu'elle  doit  être  pres- 
crite avec  beaucoup  de  prudence  aux  personnes  irritables  et  pléthoriques,  chez 
lesquelles  elle  pourrait  produire  des  accidents,  d'ailleurs  faciles  à  éviter. 

Durée  de  la  cure,  de  1 5  à  20  jours. 

On  n'exporte  pas  l'eau  de  la  Miséricorde. 

^"Source  et  établissement  de  Alcaçarias  do  Duque.  L'eau  de  cette  source  est 
aujourd'hui  plus  chaude  qu'elle  n'était  autrefois;  Travers  disait  en  effet,  en  1810, 
qu'elle  marquait  26°  centigrade,  tandis  que  nous  avons  trouvé  sa  tempéra- 
ture en  1862  de32",5  centigrade.  Son  eau  est  claire,  hmpide  et  transparente;  elle 
est  inodore,  sa  saveur  est  fade;  elle  rougit  légèrement  la  teinture  de  tournesol. 
L'étabhssement  des  bains  du  Duc  est  fréquenté  surtout  par  les  rhumatisants 
et  par  les  dartreux  qui  y  suivent  un  traitement  presque  exclusivement  extérieur. 
Les  malades  qui  viennent  s'y  soigner  d'affections  du  larynx,  des  bronches  ou  du 
poumon,  se  contentent  de  prendre  l'eau  en  boisson. 

3°  Source  et  établissement  de  Dona  Clara.  Ils  sont  situés  à  côté  des  bains  du 
Duc,  au  bas  de  la  montagne  oii  se  trouve  le  château  de  Saint-Georges,  en  face  du 
terrain  de  Trigo,  à  la  partie  nord  de  la  rue  qui  va  au  Fondiçano,  à  50  mètres  de  la 
rive  du  Tage.  La  maison  de  bains  se  compose  de  neuf  cabinets  contenant  chacun 


LISFRANC.  659 

une  baignoire  profonde,  spacieuse  et  en  contre-bas  du  sol.  Cet  établissement  est 
ouvert  toute  l'année  ;  on  y  prend  des  bains  seulement  ;  il  est  très-convenablement 
installé  et  très-proprement  tenu.  L'eau  de  la  source  de  Dona  Clara  a  les  mêmes 
caractères  que  l'eau  de  la  source  du  Duc,  seulement  elle  est  moins  chaude.  Tra- 
vers lui  avait  trouvé  en  1809  ,  oO"  centigrade,  elle  n'a  plus  aujourd'hui 
que  28°, 8  centigrade.  Les  bains  de  Dona  Clara  n'ont  point  de  douches,  et  pourtant 
ils  donnent  de  bons  résultats,  dans  les  affections  rhumatismales  et  cutanées.  Tra- 
vers dit  :  «  Quand  on  entre  dans  l'une  ou  dans  l'autre  des  maisons  de  bains  do 
Duque  ou  de  Dona  Qara,  on  sent  une  légère  odeur  de  gaz  hydrogène  sulluré.  » 
Il  ajoute  que  dans  les  tuyaux  qui  servent  à  faire  couler  la  surabondance  d'eau  des 
réservoirs,  se  rencontre  un  dépôt  ou  boue  jaunâtre.  Ce  dépôt  brûle  avec  une 
flamme  bleue,  donnant  une  odeur  suiTocantc  particulière  au  soufre.  A  l'analyse, 
ce  dépôt  contient,  outre  les  principes  sulfureux ,  du  gaz  acide  carbonique,  de  l'alu- 
mine, des  sulfates,  des  muriates  calcaires  et  magnésiens,  un  peu  de  carbonate  et 
de  muriate  de  soude,  mais  en  proportion  si  minime,  et  dans  une  telle  combinai- 
son, que  tous  ces  éléments  n'altèrent  presqa'en  rien  la  saveur  des  eaux.  Leur  peu 
de  calorique  naturel  fait  qu'elles  sont  beaucoup  moins  actives  probablement 
qu'elles  ne  le  seraient  si  elles  avaient  une  thermalité  plus  élevée.  Elles  sont  très- 
sensiblement  résolutives  cependant,  et  très-notablement  efficaces  en  bains,  sur- 
tout dans  les  affections  rhumatismales  si  fréquentes  en  Portugal,  à  Lisbonne  en 
particulier  ;  dans  certaines  affections  de  la  peau  ayant  résisté  à  des  traitements  va- 
riés, à  l'emploi  même  des  eaux  sulfureuses  de  l'Arsenal  ou  d'autres  sources  hépa- 
tiques. 

Nous  nç  croyons  pas  nécessaire  d'entrer  dans  plus  de  détails  sur  les  autres  éta- 
blissements des  bains  minéraux  de  Lisbonne.  Nous  n'aurions  à  constater  que  la 
différence  de  la  température  de  l'eau  de  leurs  sources.  Cette  température  varie  de 
35°, 5  centigrade  {Banhos  do  Duque)  à  23°  centigrade  [Banlios  do  Doctor). 
L'eau  des  sources  de  toutes  les  maisons  de  bains  minéraux  de  Lisbonne  a  les 
mêmes  caractères  physiques  et  chimiques,  et  à  peu  près  la  même  composition 
élémentaire.  Tous  ces  bains  sont  conseillés  pour  la  guérison  des  mêmes  états 
pathologiques;  il  servent  aussi  très-souvent  de  bains  de  propreté.    A.  Rotureao. 

Bibliographie.  —  Travers.  Instruccones  e  cautelas  praticas  sobre  a  natureza  différentes 
especies,  virtudes  en  gênerai  et  uso  legitbno  das  aguas  mineraes,  principalmenle  de  caldas  ; 
cou  a  noticia  daquellas,  que  sào  conhecidas  em  cada  huma  das  provincias  do  reine  de  Por- 
tugal, e  0  methodo  de  preparar  as  aguas  artificiaes.  Coimbia,  1810.  —  Jordao.  Agua  d'Âr< 
senalda  marinha  de  Lisboa.  Thèses  de  Paris,  1857.  A.  R. 

I,1SEK«>X  {Convolvulus) .  On  donnait  autrefois  ce  nom  à  presque  toutes  les 
iplantes  médicinales  de  la  famille  des  Convolvulacées,  notamment  à  celles  qui  four- 
nissent les  .lalaps,  le  Turbith  végétal,  les  Scammonées,  le  Méchoacan,  les  Patates, 
le  Bois  de  rose  des  Canaries,  etc.  Aujourd'hui  cet  ancien  genre  a  été  divisé,  et  les 
produits  médicinaux  dont  nous  venons  de  parler  devront  être  étudiés  isolément 
aux  articles  Coinvolvulacées,  Convolvulus,  Exogonium,  Ipom^a,  etc.       H.  Bn. 

LISFRAI^C  (Jacques),  célèbre  chirurgien  contemporain,  dont  la  réputation  a 
été  vivement  contestée.  Il  était  né  à  Samt-Paul  (Loire),  le  2  avril  1790,  et  il 
étudia  la  chirurgie  d'abord  à  Lyon,  sous  Viricel,  puis  à  Paris  sous  Dupuytren. 
Reçu  docteur  en  1813,  il  entra  immédiatement  au  service  de  santé  mihtaire,  et 
fit  la  dernière  campagne  d'Allemagne;  licencié  en  1814,  il  revmt  à  Paris  et  se 
livra  à  l'enseignement  de  la  chirugie,  mais  surout  de  la  médecine  opératoiz^e,  qui 


660  LISFRÂNC. 

lui  dut  de  nombreux  perfectionnements.  Ses  cours  eurent  beaucoup  de  succès, 
et  la  publication  de  divers  mémoires  sur  la  désarticulation  de  l'épaule,  sur  l'am- 
putation partielle  du  pied,  etc.,  attirèrent  fortement  l'attention.  Nommé  en  1818 
chirurgien  du  Bureau  central,  il  entra  à  l'hôpital  de  la  Pitié,  où,  quelques  années 
après  (1 826) ,  il  succédait  à  Béclard .  Il  était  alors,  depuis  1 824,  agrégé  à  la  Faculté 
de  médecine  de  Paris.  L'enseignement  clinique  qu'il  inaugura  à  la  Pitié  a  été 
célèbre  à  divers  titres.  Animé  d'un  profond  ressentiment  contre  Dupuytren,  qu'il 
accusait  de  l'avoir  desservi  traîtreusement  dans  une  circonstance  importante, 
jaloux  de  la  réputation  d'émulés  qui  le  valaient  bien  et  qu'il  affectait  de  mépriser, 
Lisfranc  donnait,  dans  ses  leçons,  Hbre  carrière  à  des  colères  qui  se  traduisaient 
par  des  saillies,  des  boutades  quelquefois  spirituelles,  mais  le  plus  souvent  tri- 
viales et  grossières  ;  sa  haute  stature,  ses  traits  énergiques,  sa  voix  retentissante 
donnaient  à  ces  philippiques  un  caractère  particuher  de  violence  et  d'empor- 
tement. Aussi,  le  succès  de  scandale  qu'il  obtenait  à  sa  clinique  a-t-il  amoindri, 
pour  bieu  des  gens,  le  succès  très-réel  et  très-séneux  que  méritaient  les  progrès 
imprimés  par  lui  à  la  chirurgie  sur  beaucoup  de  questions.  Lisfranc  était  membre 
titulaire  de  l'Académie  de  médecine  depnis  la  fondation,  et  il  eut  l'honneur  de 
présider  ce  corps  savant  en  1855.  Malgré  la  vigueur  de  sa  constitution  d'athlète, 
Lisfranc,  usé  tout  à  la  fois  par  les  fatigues  de  son  hôpital,  de  son  immense  clien\ 
tèle,  de  ses  travaux  de  cabinet,  mais  surtout  par  la  lutte  que  toutes  les  passions 
violentes  se  livraient  incessamment  dans  sou  cœur,  fléchit  avant  l'âge  ;  sa  santé 
s'était  altérée  profondément,  et,  le  13  mai  1847,  il  succomba  aux  atteintes  d'une 
angine  couenneusc  compliquée  de  fièvre  pernicieuse  ;  il  n'avait  que  cinquante- 
sept  ans. 

Quoi  qu'on  en  ait  pu  dire,  Lisfranc  a  marqué  sa  place  parmi  les  chirurgiens 
distingués  de  notre  siècle.  Tout  en  faisant  la  part  de  l'exagération  qu'il  apportait 
dans  ses  opinions,  il  faut  reconnaître  qu'il  a  donné  plus  de  précision  et  de  rigueur 
aux  procédés  opératoires;  qu'il  a  tracé  des  règles  utiles  surtout  pour  la  pratique 
des  ligatures  et  des  amputations  ;  l'ablation  du  cancer  du  rectum  reste  acquise  à 
la  science.  S'il  a  beaucoup  exagéré  la  fréquence  et  la  gravité  des  affections  du  col 
de  l'utérus,  il  a  contribué  à  attirer  l'attention  sur  ces  maladies  trop  négligées 
avant  lui;  l'amputation  dn  col  de  l'utérus,  dont  il  a  certainement  fait  abus, 
est  encore  une  opération  qu'il  a  contribué  à  faire  entrer  dans  le  domaine  de  la 
chirurgie,  et  dont  il  a  fixé  les  règles  au  point  de  vue  des  procédés  à  suivre. 

Lisfranc  a  écrit  les  ouvragés  suivants;  nous  laissons  de  côté  un  certain  nombre 
de  notes  et  de  leçons  cUniques,  qui  ont  été  d'ailleurs,  reproduites  pour  la  plupart, 
dans  le  premier  volume  de  la  Clinique  de  la  Pitié: 

I.  Quelques  propositions  de  palhologie,  précédées  de  recherches,  réflexions  et  observations 
sur  l'amput.  de  la  mâchoire  inférieure,  elc.  Th.  de  Paris,  1813  ,  n»  155.  —  II.  Mém.  sur 
l'amputation  du  bras  dans  l'articulation  de  l'épaule  (avec  Cliampesme).  Paris,  1815,  in-S". — 
III.  Mém.  sur  l'amputation  du  pyied  dans  son  articulation  tar so-métatar sienne  ,  etc.  Paris, 
1815,  in-S".  — lY.  Mém.  sur  quelques  j>oints  obscurs  de  la  gonorrhée.  In  Journ.  de  t7iéd. 
de  Leroux,  etc.,  t.  XXXIII,  p.  42;  1815.  — Y.  Nouvelle  méthode  opératoire  pour  l'amputation 
du  pied.  Paris,  1815,  in-S".  —  YI.  Mém.  sur  de  nouvelles  applications  du  stéthoscope  du 
professeur  Laennec,  suivi  d'un  mém.  sur  une  nouvelle  7naniere  de  pratiquer  la  taille  chez  la 
femme  (pi.  in-fol.),  etc.,  et  Nouv.  procédé  pour  V  amputation  dans  l'articulation  des  phalanges. 
Paris,  1825,  in-S".  —  VII.  Nouvelles  considérations  sur  la  saignée  du  bras.  Paris,  1825,  in-S". 
—  YlII.  Mém.  sur  des  méthodes  et  des  procédés  nouveaux  pour  i)ratiquer  l'amputation  dans 
l'articulation  scapulo-humérale.  In  Arch.  gén.  deméd.,  1'°  sér.,  t.  II,  p.  18,  pi.;  1825.  — 
IX.  Mém.  sur  un  nouveau  procédé  opératoire  pour  pratiquer  l'amputation  dans  l'articula- 
tion coxo-féniorale.  Ibid.,  p.  161.  —  X.  An  eadem  contra  varias  tirethrœ  coarctationis 
species  medela?  Th.  de  conc.  (agrég.  chir.).  Paris,  1824,  in-i»;  trad.  fr.  avec  notes  par 


LISTER.  661 

Vésigné  et  Ricard.  Paris,  1824,  in-8°,  pi.  —  XI.  Mém.  sur  les  règles  générales  des  dcsarti- 
culations.  In  Rev.  mcd.,  1827,  t.  I,  p.  575.  —  XII.  Mèm.  sur  la  rhiiioplastie  ou  l'art  de 
refaire  le  nez.  In  Mém.  de  VAcad.  de  méd.,  t.  II,  ]>.  145;  1855.  —  XUI.  Mèm.  sur  les  can- 
cers superficiels  qu'on  croyait  profonds.  Ibid.,  t.  III,  p.  21  ;  d833.  —  XIV.  Mém.  sur  l'exci- 
sion de  la  partie  inférieure  du  rectum  devenu  earcinomateux .  Ibid.,  p.  191.  —  XV.  Des 
diverses  méthodes  et  des  divers  jJrocédés  pour  l'oblitération  des  artères  dans  le  traitement 
des  anévrysmes,  etc.  (avec  la  polémir]ue  sur  l'historique).  Th.  de  conc.  (cli.  de  clin.  chir.). 
Paris,  1834,  in-8».  —  XVI.  Clinique  chirurgicale  de  l'hôpital  de  la  Pitié.  Pans,  1841-43, 
ovol.  in-8».  —  XVII.  Précis  de  méd.  opérât.,  3  vol.  in-8°  (le  3"  tome  est  arrêté  à  la 
page  532).  Paris,  1846-47,  in-8°.  E.  Bcd. 

lilSlAl^lTHUS,  genre  de  Dicotylédones  de  la  famille  des  Genlianccs.  Les 
espèces  qui  le  composent  habitent  l'Amérique  tropicale,  particulièrement  la 
Guyane,  le  Brésil,  le  Pérou.  Ce  sont  des  plantes  lierbacées  ou  de  petits  arbrisseaux. 
Elles  ont  des  feuilles  opposées,  de  belles  fleurs,  le  plus  souvent  bleues  ou  rouges, 
disposées  d'ordinaire  en  cymes  lâches,  dichotomes.  Leur  calice  a  5  divisions;  la 
corolle  est  infundibuliforme  ou  hypocratérifornie  et  porte  sur  son  tube  5  étaniines 
à  filets  souvent  inégaux.  Le  fruit  est  une  capsule  biloculaire,  résultant  de  la 
soudure  de  deux  carpelles  dont  les  bords,  l'ortement  repliés  en  dedans,  forment 
un  double  placenta,  dans  lequel  se  trouvent  enfoncées  les  graines.  Ces  carpelles 
se  séparent  à  maturité  et  s'ouvrent  chacun  parla  suture  ventrale. 

Los  espèces  de  ce  genre  ont  des  propriétés  amères  qui  rappellent  celle  de  nos 
Gentianées  indigènes.  La  plante  entière,  pour  les  espèces  annuelles  ;  les  racines, 
pour  les  espèces  vivaces,  sont  employées  en  décoction  dans  les  pays  oiî  elles  crois- 
sent. Aublet  cite  en  particulier,  dans  ses  plantes  de  la  Guyane,  le  Lisianthua 
purpurescens,  le  L.  alatus  dont  il  dit  s'être  servi  a\ec  succès  contre  les  obstruc- 
tions des  viscères;  les  L.  grandiflorus  et  L.  cœrulescens,  dont  il  compare  l'amer- 
tume à  celle  de  la  petite  Centaurée.  Martius  indique,  aux  mêmes  titres,  parmi  les 
espèces  du  Brésil,  les  L.  pendulus  et  L.  ampUssimus .  Enfm,  d'après  Linné  fils, 
le  L.  clielonoïdes  passe  pour  un  purgatif  énergique. 

AiDLET.  Plantes  de  la  Guyane  française,  II,  201-208.  —  Martius.  Blantœ  Brasil.,  11,92, 
tab.  171-178.  —  GuiSEBACii.  Prodr.  (B.C.),  IX,  72.  Pl. 

LIISDIAQUE.      Voy.  Lysdiaque. 

LI.^TER  (MARTm).  Médecin  et  naturaliste  anglais,  né  à  Radcl'ffe,  dans  le 
comté  de  Buckiugham,  vers  1658,  mort  à  Londres  le  2  février  1711 ,  après  avoir 
été  successivement  élève  à  Cambridge,  maître  es  arts  (1658),  membre  d^l  collège 
de  Suint-Jean  (1660,  praticien  à  York,  membre  de  la  Société  royale  de  Londres 
membre  du  collège  des  médecins  de  Londres,  (1704),  médecin  en  second  de  la 
reine  Anne  (1709).  Martin  Lister  s'est  occupé  un  peu  de  tout,  d'histoire  naturelle, 
de  médecine,  de  littérature.  Ses  recherches  sur  les  coquilles  sont  estimées;  la  re- 
lation d'un  voyage  qu'il  fit  à  Paris  en  1698  est  fort  intéressante  jar  les  détails 
minutieux,  les  anecdotes  qu'il  donne  sur  l'état  de  la  médecine  et  de  la  chirurgie 
en  France,  à  l'époque  oi!i  il  vivait.  Au  reste,  voici  la  liste  de  ces  ouvrages  : 

I.  Historiœ  animalium  Angliœ  Tractatus  très.  Lond.,  1678,  in- 4°.  Trad.  en  allemand  par 
Gœze,  1778,  in-8°.  —  II.  De  fontibus  mediccdis  Angliœ,  exercitatio  nova  et  p)rior.  Vork, 
1685,  in-8°.  —  III.  De  fontibus  medicatis  Angliœ.  exercitatio  altéra.  Lond.,  1684,  in-S".  — 
IV.  .lohanms  Gcedartii  de  Insectis,  opus  in  niethodum  redactum,  cum  nolalis.  Lond.,  1685, 
in-8°. —  V.  Historia  conchyliorum.  Lond.,  l(i85-16'J3,  in-fol.,  2  vol.  —  VI.  Exercitatio 
anatomica,  in  qua  de  cochleis  maxime  terrestribus  et  limacibus  agitur.  Lond.,  1794  1796, 
in-8°.  —  VII.  Scx  excrcilationes  mcdicinalcs  de  quibusdam  morhis  cltronicis.  Lond.,  1694, 
in-8°.  —  VIII.  Exercitatio  anatomica  altéra  de  buccinis  fluviatilibus  et  marinis.   Accudit 


665  LISITANIENS. 

exercUatio  medicinalis  de  variolis.  Lond.,  1795,  in-S».  —  IX.  Conchyliorum  hivalviurn 
utriusqiie  aquce  exercitatio  anatomica  tertia.  Accedit  dissertatio  medicinalis  de  calcula 
humano.  Lond.,  1696,  in-4°.  —  X.  A  Journey  to  Paris.  Lond.,  1699,  in-8°.  —  XI.  Sanctorii 
de statica  medicina  aphorismorum  sectiones  sejHem,  cum  commenlario.  Lond.,  1701.  in-12. 
—  XII.  Dissertatio  de  humoribus.  Lond  ,  1701,  in-1'2  [vide:  Jom-nal  des  savants,  année 
1710,  t.  II,  p.  94).  —  XIll.  De  scarabeis  britannicis  appendix.  Lond.,  1710,  in-4">.  —  XIV. 
Letters  concerningthe  Kindof  Insects  Kermès, in  Philosoph.  Transact.,  1G71,  n°  71,  p.  2165- 
66;  1671,  n"  73,  p.  2190-97;  1672,  n"  87,  p.  5059-80.  —  XV.  Letter  concerning  a  Kind  of 
Viviparous,  mPhilosoph.  Transact-,  1671,  n»  72, p.  2170-77. —  XVI.  A  Considérable  Account 
touching  Vegetable  Excrescensies  and  Ichneumon.  Wors.  Philosoph.  Trans.,  1671,  n°  75, 
p.  2254-57;  n»  76,  p.  2281-85;  n"  77,  p.  ùOO-2-Z005.  —  Vill .  Sijstema  entomologiœ  [h  ]3i 
suite  de  l'ouvrage  sur  les  Insectes,  de  Ray.  Lond.,  1710,  in-4°).  A.  G. 

OSTai^  (Robert),  naquit  en  1794,  d'un  ministre  protestant  de  la  paroisse 
d'Ecclesmachan,  dans  le  comté  de  Linlithgow;  ses  humanités  termmées  à  Edim- 
bourg, il  suivit  les  cours  d'anatomie  de  John  Barclay,  dont  il  devint  le  prosec- 
teur, position  qu'il  occupa  jusqu'en  1815.  C'est  là  qu'il  acquit  cette  connaissance 
approfondie  de  l'anatomie  chirurgicale,  et  cette  dextérité  qui  le  mirent  au  pre- 
mier rang  des  opérateurs.  Nommé  en  1815  chirurgien  résidant  de  l'Infirmerie 
royale,  d'abord  sous  Georges  Bell,  puis  sous  le  docteur  Gillerpie,  il  se  livra  avec 
ardeur  à  l'étude  de  la  pathologie  chirurgicale  ;  le  service  des  autopsies,  dont  il 
était  chargé ,  lui  fournissait  en  outre  une  mine  féconde  de  connaissances  en 
anatomie  pathologique.  Après  un  voyage  à  Londres  en  1816,  pendant  lequel  il 
suivit  les  cours  de  l'hôpital  Saint-Georges,  Liston  revint  à  Edimbourg  en  1817,  et 
donna  des  leçons  d'anatomie,  en  même  temps  qu'il  se  livrait  à  la  pratique  de  la 
chirurgie  avec  beaucoup  de  succès,  et  se  faisait  surtout  une  brillante  réputation 
comme  llthotomiste.  Un  peu  plus  tard,  ayant  abandonné  ses  cours  d'anatomie, 
il  se  borna  à  l'enseignement  de  la  pathologie  externe.  L'Infirmerie  royale  se  l'était 
attaché  depuis  quelques  années  comme  opérateur,  quand  il  fut  appelé  à  Londres, 
en  1834,  par  le  collège  de  l'Université  pour  professer  la  chirurgie. 

Liston  était  un  véritable  chirurgien  ;  connaissance  minutieuse  des  moindres 
détails  de  l'anatomie,  habileté  et  sûreté  de  main  vraiment  admirables ,  détermi- 
nation prompte,  et  ressources  inépuisables  dans  les  accidents  imprévus,  il  réu- 
nissait toutes  ces  rares  et  heureuses  qualités.  Il  était  à  l'apogée  de  sa  réputation 
quand  il  succomba  le  7  décembre  1847,  aux  progrès  d'un  anévrysme  de  l'aorte. 

Liston  a  beaucoup  écrit,  voici  la  liste  de  ses  principales  publications  : 

I.  Memoir  on  the  Formation  and  Connections  of  the  Crural  Arch,  and  other  Parts  in 
Inguinal  and  Fémoral  Hernia.  Edinburgh  ,  1819,  in-4°,  pi.  5.  —  II.  Eléments  ofSurgery. 
Edinb.,  1831-52,  3  vol.  in-8»;  2'=édit.,  Lond.,  1840,in-8°,  ûg.—m.Practical  Surgery.  Lond., 
1837,in-8°;  ibid.,  1838,  in-8'';  i-oédit.,  ibid.,  1846,in-8°.  Plus  un  très-grand  nombre  de  notes  et 
mémoires  insérés  surtout  dans  le  Journal  d'Edimbourg,  par  exemple  : — IS. Cases  ofAneurism. 
!n  Edinb.  Med.  and  Surg.  Journ.,  t.  XVI ,  p.  66  ;  1820,  pi.  1.  —  V.  Account  of  a  Case  of 
Fracture  oftheNeck  of  the  Fémur,  in  which  the  bony  Reunion  had  taken  Place,  etc.  Ibid., 
p.  212.  —  VI.  Case  of  Aneurism,  in  the  Axillary  Portion  of  the  left  Brachial  Artery,  in 
which  Ligature  of  the  Subclavian,  etc.  Ibid.,  p.  548,  pi.  1.  —  VII.  Mode  of  operating  in 
Cases  ofDiseased  Boites.  Ibid.,  t.  XVII,  p.  155;  1821.  —  VIII.  Two  Cases  in  which  Tracheo- 
tomes  was  performed  with  Success,  etc.  Ibid.,  p.  568.  —  IX.  Essay  on  Cartes  and  its 
Treatment.  Ibid.,  t.  XXI,  p.  46  ;  1824.  —  X  Beniarks  on  the  Opération  of  Lithotomy.  Ibid., 
t.  XXIII,  p.  -26;  1825.  —  XI.  Surgical  Cases  [of  Aneurysm).  Ibid.,  t.  XXVII,  p.  1;  1827.  — 
XII.  Case  in  which  a  Lost  Nose  was  restoi-ed  by  the  Taliacotian  Opération.  Ibid.,  t.  XXVIII, 
p.  220;  1827.  —  XIII.  Notes  of  a  Case  in  which  the  Canal  of  the  Larynx  after  being 
nearly  obliterated,  was  re-established,  t.  XXIX,  p.  118  ;  1828.  —  XIV.  Divers  mémoires  sur 
la  litbotritie,  la  restauration  du  nez,  etc.,  etc.  —  XV.  On  a  variety  of  False  Aneurism. 
Lond.,  1842,  in-8°.  -  E.  Bgd. 

US13TA1MIE1XS.     Voy.  Ibériennes  (Races). 


LIT.  665 

LIT.  §  I.  Hygiène.  Le  lit  {lectus,  ciibile,  -Aa-n)  se  définit  de  lui-même;  c'est 
le  meuble  fixe  ou  mobile,  de  forme  et  de  composition  très-diverses,  dans  lequel 
l'homme  va  goûter  le  repos  après  les  fatigues  de  la  journée.  C'est  aussi  le  théâtre 
étroit  sur  lequel  se  déroulent,  quand  il  est  malade,  toutes  les  péripéties  du  drame 
pathologique  dont  il  est  l'objet  et  de  la  lutte  secourable  que  l'art  engage  à  son 
profit.  Triller  a  consciencieusement  énuméré  tous  les  aspects  du  rôle  que  le  lit  joue 
dans  la  vie  de  l'homme.  «  C'est  Là,  dit-il,  qu  il  est  engendré  et  qu'il  engendre, 
qu'il  naît,  qu'il  s'élève,  qu'il  dort,  qu'il  se  défatigue,  qu'il  perd  son  temps,  qu'il  fait 
la  sieste,  qu'il  médite,  qu'il  est  malade,  qu'il  guérit  :  In  lectis  enim,  homines, 
plerunique,  cjenerant  et  generantur ,  nascuntur,  adolescent,  dormiunt ,  reficiun- 
tur,  otiantur,  meridiantur,  meditantur ,  œgrotant,  revalescunt.  »  (Danieh  Wil- 
helrai  Trilleri  Clinotechnia  medica  antiquaria  sive  de  diversis  œgrotorum 
lectis,  secundiim  y)sa  varia  morborum  gênera  convenienter  instruendis  com- 
mentarius  medico-criticiis.  FrancoCorti  et  Lipsise,  1774,  in-4°,  §  1,  p-  1 .) 

C'est  dire  le  soin  avec  lequel  doivent  être  étudiées  les  conditions  du  couchage. 
Nous  passons  là  un  grand  tiers,  si  ce  n'est  plus,  de  notre  vie,  il  est  donc  d'un  grand 
intérêt  que  nous  y  trouvions  et  les  conditions  d'un  repos  réparateur  et  celles  d'une 
bonne  hygiène.  S'il  était  besoin  de  démontrer  qu'il  n'y  a  pas  de  petites  choses  en 
médecine,  nul  sujet  ne  conviendrait  mieux  au  développement  de  cette  proposition; 
il  n'en  est  guère,  non  plus,  qui  puisse  mieux  faire  ressortir  les  tendances  hygiéni- 
ques des  médecins  des  siècles  passés,  leur  instinct  pratique  sous  ce  rapport,  et  par 
contraste  le  sans-façon  avec  lequel  nous  simplifions,  quand  nous  ne  les  suppri- 
mons pas,  ces  petits  détails  que  les  plus  grands  esprits  ne  jugeaient  pas  autrefois 
indignes  d'eux.  Je  ne  veux  pas  renouveler  ici  {non  est  hic  lociis)  des  doléances  que 
j'ai  produites  ailleurs  sur  ce  sujet  {Hyg.  alim.  des  Malades,  des  Convalesc.   et 
des  Valétud.,  ou  du  Régime  envisagé  comme  moyen  thérapeutique.  Paris,  1868, 
2^  édit.  Introd.,  xviii)  ;  mais  je  persiste  à  les  croire  fondées  et  j'envie  aux  méde- 
cins des  siècles  précédents  qui  les  tenaient  eux-mêmes  de  leurs  devanciers  de 
l'antiquité  ce  sens  si  exquis  avec  lequel  ils  dirigeaient  l'hygiène  de  leurs  malades. 
Les  médecins  de  nos  jours  qui  comptent  encore  la  tradition  et  l'érudition  pour 
quelque  chose,  savent  tout  ce  qu'il  y  a  de  matériaux  immenses  sur  cette  humble 
question  du  couchage  dans  les  auteurs  anciens,  notamment  dans  les  œuvres  d'Hip- 
pocrate,  de  Cselius  Aurelianus,  de  Celse,  de  Paul  d'Égine,  etc.,  et  dans  les  notes 
«rudites  de  leurs  commentateurs.  Bon  aliment  pour  notre  esprit  et  bonne  humi- 
liation pour  notre  orgueil  ;  il  y  a  donc  double  profit   à  faire  ces  recherches. 
L'abondance  des  emprunts,  que  je  vais  être  conduit  à  faire  aux  médecins  anciens 
et  à  ceux  des  seizième  et  dix-septième  siècles,  sera  la  justification  de  la  thèse  inno- 
cente et  convaincue  que  je  me  propose  de  développer  ici.  «  De  minimis  nonsatis 
curât  meàicns.  » 

J'étudierai  successivement  le  lit  au  point  de  vue  :  1"  de  l'hygiène  pédagogique; 
2°  de  l'hygiène  générale  ;  3°  de  l'hygiène  hospitalière  ;  4"  de  l'hygiène  thérapeu- 
tique ;  5"  de  l'hygiène  maritime  et  de  l'hygiène  navale.  Les  lits  chirurgicaux  pro- 
prement dits  et  les  lits  orthopédiques  restent  ainsi  en  dehors  de  mon  cadre  ;  leur 
étude  est  d'ailleurs  confiée  à  des  plumes  d'une  irrécusable  compétence,  et  le  lec- 
teur n'y  perdra  pas. 

I.  Hygiène  pédagogique.  Le  berceau  est  la  première  demeure  de  l'homme. 
C'est  là  qu'il  subit  cette  sorte  de  seconde  incubation  qui  est  une  froide  continua- 
tion de  la  première,  et  qu'il  s'essaye  à  la  vie  individuelle;  c'est  le  complément  du 
foyer,  le  symbole  de  la  perpétuité  des  générations,  le  pivot  de  la  vie  domestique, 


C']4  LIT. 

le  centre  des  espérances,  des  joies  et  des  regrets  de  la  raniille.  Les  poètes  l'ont 
entouré  d'un  charme  singulier  et  l'ont  clianté  sur  tous  les  tons  ;  les  Anciens  par- 
tageaient entre  lui  et  le  lit  uii|itial  lectus  genialis  cette  sorte  de  piété  respec- 
tueuse avec  laquelle  ils  envisageaient  tout  ce  qui  touchait  à  la  fécondité  humaine. 
Ces  aspects  de  la  question  m'attirent,  mais  l'utilité  technique  m'en  éloigne,  et  je 
reviens,  sans  tarder  davantage,  au  terre  à  terre  de  mon  sujet. 

Les  Grecs  donnaient  des  noms  divers  aux  berceaux  de  leurs  enfants  ;  tantôt  ils 
les  appelaient  o-xâyvî,  à  raison  de  la  ressemblance  de  leur  forme  avec  celle  d'un 
navire;  tantôt  Xizvov,  parce  qu'ils  se  servaient  d'un  van{vannus)  ou  crible,  dans  la 
persuasion  que  ce  berceau  improvisé  était  pour  l'enfant  un  gage  assuré  de  ri- 
chesse. C'est  aussi  un  ordre  d'idées  analogues  qui,  à  Sparte,  faisait  du  bouclier 
inoccujc  du  père  un  berceau  pour  l'enfant,  contraste  gracieux  en  même  temps 
qu'espérance  virile.  Je  dois  dire  incidemment  que  le  cbjpeus  servait  d'une  façon 
plus  ordinaire  au\  ablutions  du  nouveau-né  ;  la  vingt-quatrième  idylle  de  Théo- 
crite  ne  laisse  aucun  doute  sur  ce  point.  Le  bouclier  jouait  l'office  du  nurse-batk 
des  babys  anglais.  Admirable  simplification  de  la  vie  adaptant  le  même  objet  à 
des  fins  très-diverses!  Chez  les  Romains,  les  mots  ciinœ,  cunabula,  cribrumex- 
primaient  le  même  objet. 

La  Ibrme  de  ces  berceaux  était  indiquée  par  leurs  noms  mêmes.  Elle  variait 
beaucoup  et  l'on  en  retrouverait  encore  aisément  tous  les  types,  si  on  les  recher- 
chait dans  les  ditférentes  provinces,  notamment  à  la  campagne.  Le  berceau  figuré 
parxintony  liich  d'après  Laaibecius  (D/cL  desantiq.  romaines  et  grecques.  Paris, 
1861,  p.  214)  et  celui  dont  le  dessin  a  été  emprunté  par  Jean  Alstorplie 
{Dissertatio  physiologica  de  Lectis,  subjicitur  ejusdemde Lecticis  veterum  dia- 
tribe, Amstelodami,  1704,  p.  85),  est  conslitué  par  un  tarré  de  bois  servant  de 
support  monté  sur  deux  Y  en  bois  réunis  par  des  tringles,  forme  qui  rappelle 
celle  des  chaises  à  bascules  (rocking-chairs)  des  Américains  et  qui  indique  la  des- 
tination de  ces  berceaux  à  servir  au  berçage.  Cette  forme  se  retrouve  dans  quel- 
ques pays.  En  Bretagne,  on  se  sert  encore,  chez  les  paysans,  d'une  sorte  de  tronc 
de  pyramide  quadrangulaire  renversé  dans  lequel  l'enfant  est  lacé  par  des  lisières 
et  qui,  monté  sur  deux  arcs  en  bois,  est  destiné  à  recevoir  des  mouvements 
d'oscillation  latérale.  Ces  berceaux  légers  étaient  susceptibles  d'être  portes 
d'un  endroit  à  l'autre.  Bartholin  {de  Puerp.  Vet.,  p.  150)  en  a  figuré  un  et 
l'a  encadré  dans  une  scène  de  famille.  Au  reste,  depuis  le  panier  d'osier  du  . 
paysan  jusqu'à  ces  berceaux  somptueux  pour  la  confection  desquels  l'art  épuise 
toutes  ses  délicatesses,  et  le  luxe  toutes  ses  recherches,  il  y  a  une  variété  en 
quelque  sorte  infinie  de  berceaux  en  présence  desquels  l'hygiène  ne  se  sent 
pas  complètement  désintéressée. 

Les  berceaux  pleins  sont  détestables  ;  ils  emprisonnent  dans  un  espace  étroit 
les  miasmes  des  déjections,  et  pour  peu  que  les  enfants  y  soient  plongés  un  peu 
profondément,  ainsi  que  la  sécurité  l'exige,  ils  y  vivent  dans  une  atmosphère  con- 
taminée, alors  même  qu'on  les  entoure  de  la  propreté  lapins  vigilante.  Le  treillis 
d'osier  ou  les  tringles  plus  ou  moins  ornées,  conviennent  mieux;  une  garniture 
d'étoffe  susceptible  d'être  changée  concilie  le  double  intérêt  du  renouvellement 
de  l'air  et  de  la  conservation  de  la  chaleur. 

La  literie  du  berceau  doit  être  aussi  simple  que  possible  :  une  paillasse  en 
balle  d'avoine  et  des  coussins  de  même  nature  en  font  tous  les  frais.  La  simpli- 
cité de  ces  accessoires  en  rend  le  renouvellement  facile  et  la  propreté  y  trouve  son 
profit.  Quant  aux  draps  et  aux  couvertures,  il  faut  songer,  dans  leur  disposition. 


LIT.  6CÏ 

à  garnnlir  le  double  intérêt  d'une  légèreté  très-grande  et  d'un  défaut  de  conduc- 
tibilité calorifique  qui  permette  au  nouveau-né  de  conserver  sa  chaleur  propre. 
La  question  des  rideaux  se  présentera  plus  loin  à  propos  de  l'hygiène  hospita- 
lière, mais  ici  elle  peut  être  tranchée  aisément  ;  il  y  a  tout  avantage  à  en  environ- 
ner les  berceaux  ;  l'enfant  est  garanti  par  eux  contre  le  froid,  contre  la  lumière 
qui  aura  pendant  quelque  temps  sur  sa  vue  une  influence  agressive,  et  contre 
le  bruit;  mais  ces  rideaux  doivent  être  légers,  disposés  de  façon  à  retomber  sur 
la  tringle  qui  les  supporte  et  à  disparaître  ainsi  à  un  moment  donné  ;  quant  à 
cette  habitude  chère  aux  jeunes  mères,  qui  consiste  à  abriter  le  berceau  du  nou- 
veau-né sous  l'un  de  leurs  rideaux,  le  sentiment  la  protège,  mais  l'hygiène  l'in- 
crimine :  l'enfaut  a  besoin  d'un  autre  air  que  celui  qui  est  souillé  par  les  éma- 
nations de  l'état  puerpéral. 

Si  nous  ajoutons  que  le  berceau  ne  saurait,  sans  inconvénient,  être  presque  au 
ras  du  sol  comme  cela  se  pratique  sou\ent,  et  qu'il  fnut  sous  peine  de  faire  subir 
à  l'enfant  des  courants  d'air  froid  ou  une  humidité  malsaine,  l'élever  par  un 
support  à  une  hauteur  de  i  mètre  environ,  qu'il  convient  de  le  placer,  par  rap- 
port aux  fenêtres  ou  à  une  lumière  artificielle  fixe,  de  telle  façon  que  l'enfant, 
n'ayant  pas  le  jour  en  face,  ne  prenne  pas  des  habitudes  de  strabisme,  nous  aurons 
épuisé  ce  que  nous  avons  à  dire  sur  ce  [loint  d'hygiène  domestique. 

J'ai  eu  souvent  la  pensée  qu'il  serait  utile  de  mélanger  à  la  balle  d'avoine  qui 
constitue  la  paillasse  des  berceaux  un  cinquième  ou  un  sixième  d'un  mélange  de 
poudre  de  tan  et  de  charbon,  de  façon  à  absorber  les  gaz  des  déjections,  ou  à 
désodorer  les  liquides  et  à  maintenir  ainsi  la  garniture  du  berceau  dans  un  état 
de  propreté  irréprochable.  Ce  moyen  serait  certainement  plus  sérieux  que  celui 
très  en  honneur  dans  certains  pays,  qui  consiste  à  faire  coucher  les  jeunes  en- 
fants débiles  ou  lymphatiques  sur  des  sommiers  d'herbes  sèches,  odorantes  ou  sur 
du  fucus,  dans  l'espoir  de  les  fortifier  ou  de  les  soumettre  ainsi  à  des  vapeurs 
iodiques. 

Quand  les  nouveau-nés  sont  dans  un  état  de  débilité  extrême,  et  surtout 
quand  ils  sont  nés  avant  terme,  il  faut  continuer  pour  eux  l'incubalion  utérine 
et  leur  donner  artificiellement  une  chaleur  que  l'inertie  de  leur  respiration  ne  leur 
permet  pas  de  développer.  Je  ne  connais  pas  de  pratique  plus  pernicieuse,  je  le 
répète,  que  celle  qui  consiste  à  placer  le  berceau  sur  deux  tabourets  devant  une 
cheminée  contenant  un  feu  vif.  Le  tirage  qui  appelle  l'air  des  portes  ou  des  fenêtres 
plonge  le  berceau  dans  des  courants  froids;  les  enfants  sont  grillés  d'un  côté  et 
gelés  de  l'autre,  et  de  là  un  enchaînement  plus  complet  de  la  respiration  et  souvent 
une  mort  prompte.  J'ai  vu  deux  jumeaux,  nés  à  sept  mois  et  qui,  bien  constitués 
en  apparence,  ont  succombé  sous  l'influence  très-probable  de  cette  pratique  rou- 
tinière. Le  procédé  de  l'enveloppement  dans  la  ouate  vaut  infiniment  mieux,  mais 
il  ne  dispense  pas  de  l'élévation  de  la  température  de  l'air  ambiant.  Il  faut  songer 
en  effet  à  la  distance  énorme  qui  sépare  les  38  degrés  de  l'incubation  utérine,  des 
10  ou  12  degrés  que  les  nouveau-nés  trouvent,  pendant  certaines  saisons,  dans  la 
chambre  maternelle.  Il  ne  faut  certainement  pas  la  franchir,  les  besoins  de  la  vie 
séparée  n'étant  pas,  malgré  l'imperfection  de  la  respiration,  ceux  de  la  vie  fœtale; 
mais  il  faut  cependant  isoler  l'enfant  de  la  chambre  de  sa  mère  qui  ne  s'accommo- 
derait pas  d'une  chaleur  de  20  à  28  degrés  et  le  maintenir  jusqu'à  ce  qu'il  res- 
pire bien  à  une  température  approchant  de  celle-là. 

Le  froid  est  délétère  pour  les  nouveau-nés,  tous  les  physiologistes  l'ont  senti  et 
YnnAcs\Àus])vo^oiK\sd\ntveeux,Ed\\driU{Del' influence  des  agents  pliysiques  sur 


666  LIT. 

la  vie),  a  particulièrement,  et  avec  raison,  insisté  sur  ce  point.  La  croisade  hygié- 
nique entreprise  récemment  pour  faire  rapporter  l'article  55  du  Code  civil  relatif 
à  la  présentation  du  nouveau-né  à  la  mairie,  était  fondée  précisément  sur  le  senti- 
ment du  danger  que  l'influence  de  l'air  froid  fait  courir  aux  enfants  naissants. 
On  a  rapporté  à  cette  cause  la  mortalité  effrayante  qui  pèse  sur  les  nouveau-nés 
en  Russie.  [Voy.  Villermé  et  Milne-Edwards,  De  l'influence  de  la  température  sur 
la  mortalité  des  enfants  nouveau-nés.  Ann.  d'iiyg.  1''^  série,  t.  III,  1830,  p.  229.) 
Cette  influence  délétère  du  froid  peut  s'expliquer  par  les  maladies  que  l'abaisse- 
ment de  température  fait  surgir  (la  pneumonie  par  exemple) ,  mais  elle  s'accuse  plus 
habituellement,  comme  chez  l'adulte,  par  une  asphyxie  due  à  la  rigidité  contrac- 
turale  des  muscles  respirateurs.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  danger  est  grand  dans  cer- 
tains cas  et  il  faut  s'ingénier  à  le  conjurer.  Denucé  (de  Bordeaux)  a  proposé,  il  y  a 
quelques  années,  un  berceau  incubateur  à  l'aide  duquel  on  peut,  par  la  circula- 
tion d'un  courant  d'eau  chaude  dans  un  double-fond  en  zinc,  maintenir  une  tem- 
pérature déterminée  et  constante.  Cet  appareil  ingénieux  qui  devrait  être  dans 
toutes  les  Maternités  est  destiné  à  sauver  bien  des  enfants  débiles  ou  nés  avant 
terme. 

La  question  du  berçage  est  annexe  de  celle  du  berceau.  Les  étymologistes  font 
dériver  ce  dernier  mot  du  latin  dégénéré  berciolus,  provenant  lui-même  de  vertere, 
tourner.  Si  cette  étymologie,  que  je  ne  garantis  pas,  bien  qu'elle  ait  pour  elle  l'au- 
toritéde  Ménage,  est  exacte,  l'habitude  de  bercer  les  enfants  ne  serait  pas  nouvelle. 

Chez  les  Romains,  bercer  était  une  profession  qui  se  recrutait  dans  les  deux 
sexes.  Martial  cite  dans  une  de  ses  épi  grammes  le  nom  d'un  certain  Charidème, 
auquel  il  applique  l'épithète  de  «  cunarum  motor  mearum  »,  mais  la  mission  de 
bercer  était  plus  habituellement  confiée  à  une  esclave  qui  prenait  le  nom  de  cu- 
naria.  La  311''  inscription  de  Gruter  concerne  une  certaine  Rufine  qui  exerçait  ces 
fonctions.  Elles  étaient  placées  sous  l'invocation  d'une  déesse  particulière,  Dea 
CiUnina,  comme  nous  l'apprend  une  autre  inscription  du  même  auteur,  déesse  qui 
présidait  à  tous  les  soins  du  berceau  et  avait  de  plus  pour  mission  d'éloigner  les 
maléfices. 

Les  berceuses  ont  aujourd'hui  disparu  et  le  cérémonial  immobile  des  cours 
a  seul  conservé  ce  fort  inutile  rouage  ;  mais  si  les  berceuses  en  titre  ont  été  con- 
gédiées, les  berceuses  bénévoles  peuplent  le  monde  et  soumettent,  en  ses  débuts, 
le  roi  de  la  création  à  des  oscillations  au  moins  inutiles. 

La  pratique  du  berçage,  comme  moyen  de  provoquer  le  sommeil,  a  été  l'objet 
de  récriminations  très-vives  qui,  comme  de  raison,  l'ont  aidée  à  prospérer.  Et,  en 
saine  raison,  on  ne  voit  guère  l'avantage  de  cette  habitude.  Non  pas  que  je  consi- 
dère l'action  de  bercer,  quand  elle  est  modérée,  comme  susceptible  d'altérer  très- 
gravement  la  santé  et  surtout,  ainsi  qu'on  le  croit  dans  le  vulgaire,  d'oblitérer 
l'intelligence;  on  a  débité  bien  des  exagérations  sur  ce  point  ;  mais  il  est  positif 
cependant  que  ces  oscillations,  quand  elles  atteignent  un  rhythme  et  une  durée 
exagérés,  ne  sauraient  être  regardées  comme  entièrement  inoffensives  ;  d'ailleurs 
c'est  une  habitude,  et  des  plus  impérieuses,  et  cela  seul  suffit  pour  la  condamner. 
J'ai  vu  quelquefois  à  la  campagne  des  enfants  soumis,  dans  des  berceaux  construits 
à  cet  effet,  à  des  balancements  qui  auraient  fait  éprouver  à  un  adulte  les  angoisses 
du  mal  de  mer.  Est-ce  inoffensif,  j'en  doute.  Est-ce  agréable?  L'enfant  seul  le 
sait,  et  malheureusement  il  ne  le  dit  pas.  Son  apaisement  n'est  pas  une  réponse. 
Est-il  content,  est-il  dompté  ?  (Voy.  JSnfref.  fam.  sur  l'hygiène.  4«  édit.  Paris, 
1869,  p.  110.) 


LIT.  067 

Brouzct  a  été  un  des  rares  défenseurs  du  berçage  (Essai  sur  l'éducation  médi- 
cinale des  enfants,  Paris,  1754,  p.  120).  11  y  a  vu  un  de  ces  procédés  de 
gyamastique  taniiliers  aux  anciens  et  un  moyen  de  faciliter  la  circulation  des 
fluides.  Ce  secours  est  équivoque  et  il  est  difficile  d'admettre  qu'ils  en  aient 
besoin.  11  suffit  d'avoir  assisté  aux  scènes  violentes  d'un  enfant  qui  ne  s'endort 
que  de  cette  façon  pour  comprendre  que  le  berçage  fait  en  réalité  plus  de 
mal  que  de  bien.  J.-J.  Rousseau  a  dit  un  mot  que  je  voudrais  voir  gravé  en 
lettres  d'or  sur  tous  les  berceaux  :  «  La  seule  habitude  quon  doit  laisser 
prendre  à  l'enfant  est  de  nen  contracter  aucune.  »  {OEuvres  complètes. 
Compactes  Lefèvre,  Paris,  1859,  t.  111;  Emile,  liv.  I,  p.  43.)  11  est  applicable 
au  berçage.  11  faut  donc  s'en  abstenir.  Les  violences  des  nourrices  merce- 
naires qui  engourdissent  les  enfants  chétifs  ou  exigeants  par  un  rhytbme  d'escar- 
polette à  toute  volée,  pratique  qui,  suivant  l'opinion  peu  suspecte  de  Brouzet 
lui-même,  peut  produire  chez  certains  enfants  des  ti'oubles  digestifs,  notamment 
des  vomissements,  ressemblent  un  peu  à  cettemachine  tournante  dans  laquelle  les 
Carthaginois  faisaient  périr  des  malheureux  au  milieu  d'accidents  cholériques, 
et  à  celle  imaginée  pour  réduire  les  maniaques  frénétiques.  J'ai  l'habitude  de 
faire  river  la  tige  de  fer  qui  maintient  le  corps  du  berceau  à  son  support,  pour 
éviter  toute  indocifité  de  la  part  des  nourrices,  et  je  n'ai  jamais  vu  qu'il  parût 
manquer  quelque  chose  aux  enfants  qui  sont  jirivés  de  cet  exercice.  Ce  n'est  pas 
là  évidemment  un  des  besoins  naturels  et  primordiaux  de  l'homme. 

Un  autre  inconvénient  est  d'assoupir  par  un  sommeil  factice  des  cris  dont  l'ex- 
pansion libre  est  un  avertissement  salutaire.  «  Peut-être  que  l'enfant  crie  de  faim, 
dit  à  ce  sujet  Laurent  Joubert,  comment  le  voulez-vous  endormir?...  L'apaiser 
ou  contenter  d'une  chanson,  c'est  une  pure  moquerie.  Je  voudrais  bien  sçavoir 
si  la  nourrice  ayant  bon  appétit,  en  heu  d'une  soupe,  elle  serait  contente  et  bien 
satisfaite  d'ouïr  une  chanson  ou  de  danser  un  bransle  de  Champagne.  Quelle  fa- 
daise !  »  (Laurent  Joubert,  Ei^xurs  populaires  au  faict  de  la  médecine  et  régime 
de  santé,  Paris,  1578.)  Quant  à  ces  incantations  monotones  dont  les  nourrices  de 
nos  jours,  comme  les  cunariœ  de  Rome,  accompagnent  le  berçage,  je  n'y  vois 
d'autre  inconvénient  que  celui  d'une  habitude  despotique,  mais  c'est  déjà  beaucoup. 

Je  ne  dirai  rien  des  berceaux  placés  verticalement,  sortes  de  hottes  dans  les- 
quelles en  certains  pays,  au  Canada  par  exemple,  les  femmes  transportent  les 
nouveau-nés,  ou  des  berceaux  suspendus,  comme  ceux  usités  en  Finlande  et  que 
la  moindre  oscillation  met  en  branle  ;  nous  n'avons  rien  à  envier  à  ces  habitudes, 
non  plus  qu'à  celles  des  Indiens.  Les  admirateurs  de  l'état  de  nature  invoquent 
complaisamment  en  faveur  de  ces  pratiques,  et  pour  jouer  un  mauvais  tour  à  l'hy- 
giène, la  vigueur  d'enfants  élevés  de  cette  façon  et  l'heureuse  conformation  de 
leurs  membres.  J'attends  les  statistiques  qu'ils  ont  recueiUies  sur  ce  point. 

II.  Hygiène  commune.  «  Comme  on  fait  son  Ut  on  est  couché,  et  comme  on 
est  couché  on  dort,  »  a  dit  la  sagesse  des  nations  ;  c'est  une  invitation  à  ne  pas 
dédaigner  cette  partie  de  l'hygiène  qui  importe  fort  au  maintien  de  la  santé.  En 
cette  matière,  les  influences  n'ont  pas  tant  besoin  d'être  actives  pour  se  faire 
sentir  que  d'être  prolongées,  et  il  règne  là  comme  ailleurs  beaucoup  de  routine, 
beaucoup  d'incurie,  beaucoup  d'ignorance.  La  substitution  de  la  recherche  du 
luxe  et  du  bien-être  à  celle  de  la  salubrité  fait  le  reste. 

Il  est  toujours  intéressant  de  remonter  à  l'origine  des  choses  usuelles  ;  c'est  un 
délassement  de  l'esprit,  mais  il  n'est  pas  purement  spéculatif  :  le  présent  n'est 
pas  en  effet  la  quintessence  de  ce  que  le  passé  avait  de  bon  ;  il  lui  a  pris  un  peu 


668  LIT. 

capricieusement  des  choses  inutiles,  lui  a  laissé  des  clioses  qu'il  eût  dû  lui  prendre, 
et  il  est  bien  rare  que  la  curiosité  qui  regarde  en  arrière  reste  complètement  im- 
productive. 

Je  ferai  grâce  au  lecteur  de  ces  couclies  trop  primitives  dont  les  feuilles 
sèches  ou  les  toisons  d'animaux  faisaient  tous  les  frais.  Ces  habitudes  se  retrou- 
vent encore  parmi  les  peuples  de  l'Afrique  et  de  l'Océanie,  qui  attendent  que  la 
civilisation  les  tire  de  leur  torp3ur  séculaire,  les  élève  en  dignité,  et  accroisse 
en  même  temps  la  sphère  de  leurs  besoins. 

Les  lits  des  Égyptiens  nous  sont  connus  par  des  bas-reliefs,  par  des  peintures 
et  aussi  par  des  descriptions.  Ils  paraissent  n'avoir  été  fermés  qu'à  une  des  extré- 
mités. Le  kaffass  ou  sommier  égyptien,  formé  par  des  pétioles  de  palmier  entre- 
laces, en  usage  encore  aujourd'hui,  paraît  remonter  très-loin,  puisque  Porphyre 
en  donne  une  description  exacte. 

Les  lits  des  Assyriens  et  des  Hébreux  ressemblaient  par  leur  forme  à  ceux  des 
Egyptiens,  mais  le  luxe  présidait  déjà  à  leur  confection,  et  les  bois,  les  métaux 
précieux,  les  fourrures  y  étaient  prodigués  chez  les  riches. 

Cette  recherche  s'introduisit  de  bonne  heure  dans  les  mœurs  des  Grecs  et  des 
Romains,  et  chez  ces  derniers  elle  atteignit  les  dernières  limites  de  l'extravagance. 
C'est  ainsi  queCarin,  au  dire  de  Vopiscus  {Hist.  Âug.,  Les  quatre  tyrans,  111),  fil 
confectionner  pour  sa  femme  un  lit,  fabriqué  avec  deux  dents  d'éléphant  longues 
de  10  pieds,  et  que  Néron  dépensa  pour  le  même  but  400,000  sesterces  {environ 
840,000  francs),  faste  qui,  pour  le  dire  en  passant,  a  excité  naguère  l'émulation 
du  sultan,  dont  le  lit  laisse  derrière  lui  en  magnificence  ceux  de  Carinetde  Néron. 

Une  première  question,  qui  offre  un  intérêt  archéologique  réel,  est  celle-ci  : 
les  anciens  connaissaient-ils  les  alcôves?  On  ne  saurait  en  douter.  On  en  a  trouvé 
dans  la  villa  Hadriani,  à  Pompéi.  Au  dire  de  Breton  {Pompeïa,  p.  282),  on  ren- 
contre souvent  dans  les  maisons  de  cette  ville  (celle  de  Castor  et  Pollux  est  dans 
cj  cas)  des  demi-alcùves  ou  enfoncements  ménagés  dans  le  mur  pour  loger  le 
dossier  du  lit,  mais  telle  ne  paraît  pas  avoir  été  cependant  la  disposition  géné- 
rale. L'alcôve  (du  mot  espagnol,  ou  plutôt  arabe,  alcoha,  chambre  à  coucher)  a 
ai  nombreux  inconvénients,  et  il  est  à  désirer  que  l'habitude  s'en  perde.  Elle 
ciiconscril  en  effet  une  atmosphère  dont  l'air  se  renouvelle  difficilement,  où  la 
lumière  n'a  guère  accès  et  qui  est  un  foyer  d'humidité  et  de  miasmes.  Une  porte, 
placée  dans  le  fond  peut  seule  atténuer  ces  inconvénients,  mais  encore  persistent-J 
ils  en  grande  partie.  Les  alcôves  ou  ruelle?,  dans  lesquelles  les  Mécènes  du  dix- 
septième  siècle  recevaient  les  beaux  esprits  avaient  au  mohis  l'avantage  de  pro- 
portions spacieuses  qui  sont  inconnues  aux  nôtres.  Le  lit  ne  saurait  baigner  dans 
un  air  trop  pur  et  trop  renouvelé. 

L'exclamation  de  Piamazzini  à  propos  des  alcôves  est  celle  d'un  hygiéniste  con- 
vaincu ((  cjuem  gravem  odorem  exhalent  cellulœ  liujus  viodi  noriint  medici  ciim 
pedes  immittunt  ad  œgros  mane  invisendos  !  «  Oui  certes,  les  deux  vers  si  connus 
du  Lutrin  résument  le  lit  le  plus  antihygiénique  : 

Dans  le  réduit  obscur  d'une  alcôve  enfoncée, 
S'élève  un  lit  de  plume  à  grands  frais  amassée. 

[Le  Lutrin,  chant  I.) 

Les  Romains  classaient  leurs  lits,  suivant  leur  destination,  eu  :  lecti  cnhicu- 
lares  (ce  sont  les  seuls  dont  nous  ayons  à  nous  occuper)  ;  lecti  tricliniares  (ce 
sont  les  lits  de  table)  ;  lecti  funèbres,  lecti  pensiles  (ou  lits  portatifs),  etc. 


LIT.  669 

Leurs  lits  étaient  élevés  ;  on  y  montait  par  des  escabeaux  (scamna).  Le  Virgile 
du  Vatican  contient  une  figure  du  lit  nuptial  [lectus  cjenialis)  de  Didon.  On  y 
montait  par  un  scamnimi  de  huit  marches,  placé  à  l'extrémité  du  lit  opposée  au 
chevet.  Us  avaient  la  forme  d'un  de  nos  sofas  avec  dossier  élevé  {pluteiis),  et  un 
monlani  (anaclinterium)  servant  de  chevet.  Quelquefois  il  y  avait  aussi  un  mon- 
tant au  pied,  mais  cette  disposition  était  moins  hahituelle.  La  composition  des 
objets  de  couchage,  ou  stragula,  très-simple  dans  le  principe  puisqu'ils  se  rédui- 
saient à  des  nattes  tressées  ou  à  des  cidcita  ou  matelas  de  paille  et  de  feuilles,'' 
comme  nous  l'apprend  Varroa,  se  compliqua  bientôt  de  matelas  de  laine  teints i. 
des  plus  riches  couleurs,  quelquefois  même  de  pourpre,  comme  ceux  dont  se  van-  . 
tait  le  fastueux  convive  de  Trimalcion  {Salijricon  XXXlll,  p.  19);  des  lits  on  plu- 
mes d'oie  d'Egypte,  des  fourrures  luxueuses,  des  ampliitapœ  ou  étoffes  velues 
des  deux  côtés  qui  servaient  en  même  temps  à  amollir  la  couche  et  à  défendre  du 
froid,  montraient  que  les  Romains  avaient  fait  du  chemin  dans  la  recherche  du 
bien-être  depuis  Cincinnatus  et  Caton. 

«  Au  moyeu  âge,  les  lits,  dit  M.  Chéruel,  étaient  d'une  grandeur  démesurée. 
Quand  ils  n'avaient  que  6  pieds  en  carré,  on  les  appelait  couchettes;  lorsqu'ils  en 
avaient  12,  on  les  nommait  cowcAes.  Us  se  plaçaient  sur  une  estrade.  Des  familles 
entières  y  trouvaient  place.  Il  ne  faut  pas  en  chercher  seulement  la  raison  dans 
l'économie.  Les  chevaliers,  accoutumés  à  partager  leur  tente,  leur  lit  et  leur  table 
avec  leurs  frères  d'armes  pendant  leurs  campagnes,  ne  se  refusaieiit  pas  pendant 
l'hiver  à  les  recevoir  dans  leurs  châteaux  avec  la  même  confiance  et  la  même  sim- 
pUcité.  L'amiral  Bouivet  couchait  souvent  dans  le  même  lit  que  François  p',  qui 
l'appelait  son  frère  d'armes.  Coucher  ensemble  était  la  plus  insigne  n)arque  d'a- 
mitié et  de  confiance  que  l'on  pût  se  donner.  Après  la  bataille  de  Dreux,  en  1562, 
François  de  Guise  partagea  son  lit  avec  son  prisonnier,  le  prince  de  Coudé.  Les 
lits  devinrent,  par  les  draperies  qui  les  décoraient,  un  des  principaux  ameuble- 
ments. Les  pauvres  gens  les  garnissaient  de  serge  ou  de  toile  ;  les  riclies,  d'étoffes 
de  soie,  de  damas  et  de  velours.  Il  y  avait,  au  dix-septième  siècle,  des  litsà  l'ange 
et  à  la  duchesse,  à  la  polonaise  et  à  la  turque.  Les  lits  à  balustrade  étaient  ime 
marque  d'honneur  réservée  aux  souverains,  aux  princesses  et  aux  très-grandes 
dames.  »  (A.  Cbéruel,  Dictionnaire  des  institutions,  mœurs  et  coutumes  de  la 
France,  Paris,  1855,  p.  670.) 

De  nos  jours,  les  lits  sont  rentrés  dans  des  proportions  plus  raisonnables,  et 
ils  ont  d'ordinaire  2  mètres  de  longueur  et  de  l^^oO  à  {"",85  de  largeur.  Leur 
hauteur  est  variable  suivant  la  composition  de  la  garniture,  mais  dans  les  modèles 
modernes  elle  tend  à  s'abaisser.  La  substitution  du  fer  au  bois  dans  la  confection 
des  lits  a  réalisé  un  immense  progrès  au  point  de  vue  de  la  propreté  et  de  la 
salubrité.  L'hygiène  nosocomiale  en  a  plus  profité  que  l'hygiène  domestique,  mais 
celle-ci  eu  a  recueilli  néanmoins  un  profit  réel;  grâce  au  fer,  l'air  a  circulé 
plus  librement,  et  cette  génération  immonde  de  parasites,  qui  était  le  fléau  des 
anciennes  chambres  à  coucher,  a  trouvé  là  une  entrave  que  la  découverte  des 
poudres  insecticides  est  venue  rendre  plus  complète.  J'ignore  l'histoire  de  cette 
substitution  si  importante  au  point  de  vue  de  l'hygiène,  mais  je  suppose  que  le 
signal  a  dû  en  venir  de  l'Amérique  ou  de  l'Angleterre,  pays  dans  lequel  le  fer 
remplace  le  bois  pour  une  foule  d'usages  domestiques. 

La  paillasse  et  le  ht  de  plumes  sont  en  train  d'aller  rejoindre  les  bois  de  lit,  et 
l'hygiène  ne  leur  donnera  pas  un  regret.  Sans  doute  une  paillasse  dont  le  contenu, 
fait  de  paille  de  froment  ou  de  feuilles  de  maïs,  est  remué  tous  les  jours  et  renou- 


670  LIT. 

vêlé  fréquemment,  n'a  d'autre  inconvénient  que  de  remplir  la  chambre  de  pous- 
sière, mais,  dans  des  conditions  opposées  (et  ce  sont  les  plus  communes),  elle 
devient  un  réceptacle  d'humidité,  de  mauvaises  odeurs  et  de  parasites  ;  de  plus, 
la  paille  se  tasse  ;  le  plan  de  sustentation  devient  irrégulier  et  dur,  et  le  sommeil 
est  difficile  dans  ces  conditions,  même  pour  les  gens  les  moins  déhcats. 

Le  lit  de  plumes  {x-o^onlovij.a.roc)  ne  vaut  pas  mieux.  Schenkius,  Baillou,  Fores- 
tus,  Alexandre  de  Tralles  surtout  (lib.  IX,  cap.  iv),  ont  fait  ressortir  les  inconvé- 
nients des  lits  de  plume  pour  les  néphrétiques,  les  calculeux  dont  ils  échauffent 
les  reins  :  «  Qiioniam  istœ  nempe  renés  valde  calefaciunt,  »  et  reconnaissent 
que  les  gens  sains  eux-mêmes  feraient  bien  de  s'en  passer.  La  difficulté  de  net- 
toyer les  hts  de  plume  est,  après  leur  mollesse,  leur  inconvénient  principal.  Ou 
fré  :  il  quand  on  songe  que  des  générations  peuvent  se  transmettre,  sans  que  le 
contenu  en  ait  été  changé,  des  lits  de  plume,  réceptacles  impurs  de  toutes  es- 
pèces de  miasmes.  L'aptitude  de  la  plume,  comme  de  la  laine,  à  s'imprégner  des 
contages,  est  encore  une  raison  de  suspicion  de  plus.  Il  y  a,  du  reste,  des  per- 
sonnes qui  ne  peuvent  coucher  sur  un  lit  de  plume  sans  éprouver  une  agitation 
insolite,  due  peut-être  au  défaut  de  conductibilité  électrique  de  cette  substance. 
11  y  a  une  trentaine  d'années,  les  journaux  de  médecine  enregistraient  le  fait  d'un 
asthmatique  qui  était  pris  invariablement  d'un  accès  quand  il  couchait  dans  un 
lit  garni  de  plume. 

Le  sommier  élastique,  plus  propre,  plus  aéré,  conservant  avec  sa  souplesse 
primitive  l'uniformité  de  la  surface  de  sustentation,  tend  à  entrer  dans  les  habi- 
tudes de  toutes  les  familles  aisées.  Il  en  est  de  trois  sortes  :  d"  le  sommier  à  res- 
sorts métalliques  en  spirale  ;  2"  le  sommier  Tucker,  constitué  par  des  bandes 
minces  de  bois  fixées  sur  une  corde  rigide  par  des  l'essorts  ;  3"  les  sommiers  dans 
lesquels  l'élasticité  est  produite  par  des  arcs-boutants  en  fer  munis  de  bandes  de 
caoutchouc. 

Le  premier  est  le  plus  employé.  Composé  de  substances  inaltérables,  n'offrant 
nulle  prise  aux  parasites,  d'une  réparation  facile  quand  après  un  long  usage  les 
ressorts  ont  fléchi,  ce  sommier  entre  de  plus  en  plus  dans  les  habitudes  domes- 
tiques. Le  sommier  Tucker  est  moins  usité,  quoiqu'il  ait  aussi  sa  valeur.  Le  som- 
mier à  ressorts  de  fer  et  de  caoutchouc  est  d'une  sinjplicité  séduisante,  et  il  per- 
met, chose  importante  au  point  de  vue  de  l'économie,  de  ne  faire  intervenir  qu'un 
seul  matelas.  J'ai  expérimenté,  il  y  a  dis  ans,  à  l'hôpital  de  Cherbourg,  un  som- 
mier de  ce  genre  dont  le  modèle  avait  été  proposé  au  ministre  de  la  marine.  La 
paillasse  y  était  remplacée  par  un  système  élastique  composé  de  seize  arcs-bou- 
tants en  fer  formés  de  deux  montants  garnis  à  leur  partie  inférieure  d'un  men- 
tonnet  sur  lequel  s'adaptait  une  forte  bande  de  caoutchouc.  Ces  arcs-boutants 
étaient  disposés  quatre  par  quatre  ;  ils  s'accrocliaient  par  en  haut  à  un  cadre  de 
feuillard  entre-croisé  sur  lequel  portait  le  matelas,  et  s'appuyaient  en  bas,  parleur 
caoutchouc,  sur  une  tringle  de  fer  ménagée  à  cet  effet.  Le  poids  du  corps  faisait 
fléchir  les  bandes  de  caoutchouc,  et  Lélasticité  se  produisait  par  ce  mécanisme. 
J'ai  trouvé  ce  sommier  excellent,  et  le  témoignage  des  malades  quil  ont  expéri- 
menté déposait  en  sa  faveur  ;  le  seul  reproche  qu'on  put  lui  adresser  était  d-e 
laisser  entre  le  fond  du  lit  et  le  matelas  un  espace  vide  que  traversait  l'air,  et 
par  conséquent  d'exposer  les  malades  à  se  refroidir  pendant  l'hiver,  mais  cet 
inconvénient  peut  être  masqué  par  un  supplément  de  couvertures,  et  pendant 
l'été  l'avantage  hygiénique  de  cette  circulation  d'air  serait  incontestable.  Je  n'ai 
pas  su  que  ce  lit  ait  été  adopté. 


LIT.  671 

La  question  des  matelas  {culcita,  stragula,  instrata)  of^re  aussi  un  certain 
intérêt  hygiénique.  Les  lits  des  anciens  ne  furent  primitivement,  comme  je  l'ai 
dit,  que  des  couches  d'herbes  et  de  feuilles  sur  lesquelles  ils  étendaient  quel- 
quefois des  étoffes  diverses  et  des  fourrures.  Les  stragula  comprenaient  l'ensem- 
ble des  garnitures  du  lit;  on  leur  donnait  aussi  quelquefois  le  nom  de  toralia. 
Le  matelas  était  parfois  remplacé  par  des  fourrures  ou  des  tapis  étages  les  uns 
sur  les  autres  et  débordant  de  chaque  côté  les  extrémités  du  lit.  Un  lit  étrusque 
représenté  sur  un  sarcophage  en  terre  cuite,  trouvé  dans  un  tombeau  à  Cervetri 
et  placé  dans  le  musée  grégorien  (voy.  Mag.  pittoresque,  1865,  t.  XXXIII,  p.  384) 
montre  ce  genre  de  garniture.  Un  autre  lit,  figuré  dans  une  peinture  du  même 
musée,  offre  à  l'hygiène  archéologique  un  intérêt  réel  en  ce  sens  que  le  châssis 
inférieur  du  lit  sur  lequel  repose  le  mateles  est  formé  de  bandes  de  métal  entre- 
croisées en  losange  ;  c'est  sans  doute  là  le  premier  essai  de  l'application  du  fer  à 
la  confection  des  garnitures  intérieures  du  lit.  Une  peinture  égyptienne  figurant 
le  tombeau  de  Ramsès  II  représente  un  matelas  fortement  rembourré  recouvert 
d'une  étoffe'  violette  parsemée  d'étoiles  brodées  ;  mais  on  ne  peut  faire  que  des 
conjectures  sur  la  matière  dont  il  était  rempli.  Sénèque  parle  de  matelas  assez 
durs  pour  ne  pas  prendre  l'empreinte  du  corps.  S'agissait-il  de  culcita  fortement 
garnis  ou  de  matelas  élastiques  ?  En  tout  cas  le  matelas  se  confondait  avec  la 
paillasse.  Le  stragulum  de  tous  les  lits  antiques,  dont  le  dessin  nous  est  parvenu, 
se  compose  d'une  seule  pièce  appliquée  directement  sur  le  châssis.  Une  peinture 
de  Pompéi,  rapportée  par  A.  Rich  {op.  cit.,  p.  211,  art.  Culcita),  donne  une  idée 
de  cette  disposition.  C'est  un  lit  bas,  à  deux  montants  pleins  verticaux,  tout  à 
fait  semblable  à  l'un  des  modèles  de  nos  lits  modernes  en  fer. 

Chez  les  anciens  les  matelas  étaient  garnis  de  diverses  manières  ;  on  appelait 
tomentum  la  substance  qui  les  remplissait.  C'était  tantôt  de  la  paille  de  froment, 
du  foin,  des  feuilles  de  palmier,  des  plumes  de  poules  ou  d'oies  {Alstorphii 
dissertatio,  p.  57),  des  aigrettes  de  roseaux  (ex  coma  arwidinum).  Suétone 
{Histoire  des  douze  Ce'sars)  raconte  que  Drusus,  privé  d'aliments  vécut,  neuf 
jours  en  mangeant  le  tomentum  de  son  matelas  fait  de  roseau  ou  de  gnaphalium. 
[Voy.  Marius  Grapaldus,  De  partibus  œdium  Parmse,  1516,  lib.  II,  p.  98.) 
Quelquefois  on  le  garnissait  de  poil  de  lièvre,  de  duvet,  de  chardon  cà  foulon,  etc. 
Le  matelas  d'Héliogabale  était  bourré  de  duvet  de  perdrix  {plumœ  perdicum 
subalares),  et  il  en  changeait  fréquemment.  D'autres  empereurs,  au  contraire,  se 
piquaient  d'une  austérité  antique  et  couchaient,  comme  Louis-Philippe,  sur  des  lits 
bas  et  durs;  mais  c'était  le  petit  nombre.  Les  anciens  changeaient,  du  reste,  de 
matelas  suivant  la  saison;  l'hiver  ils  préféraient  le  matelas  de  plume,  l'été  celui 
de  laine  et  de  coton  (culcitra  gossypio  repleta).  Je  n'ai  vu  indiqué  nulle  part  les 
matelas  de  crin. 

Les  matelas  et  les  coussins  à  air  paraissent  d'invention  toute  moderne,  il  n'en 
est  rien;  c'est  encore  du  vieux  neuf.  Les  Romains  se  servaient  de  coussins  et 
peut-être  de  matelas  de  cette  nature  «  Culcitram  e  corio  ventosis  foUibus  {cha- 
lumeau) spiritu  tumefactam  ad  cubitum  substernunt.  »  (Marius  Grapaldus,  op. 
cit.  lib.  IL  Cubiculum,  p.  98).  »  Le  mot  follis  signifiait  coussin  à  air  et  tirait 
son  origine  de  cette  pratique.  On  sait  la  facétie  d'Héliogabale  qui  invitait  des  gens 
à  dîner,  les  faisait  asseoir  sur  des  coussins  vides  et  prenait  plaisir  à  les  voir  rouler 
sous  la  table  quand  on  distendait  brusquement  ces  coussins  avec  de  l'air. 

Le  crin,  la  laine,  l'air  et  des  substances  végétales  diverses  sont  actuellement 
les  moyens  à  l'aide  desquels  on  distend  les  matelas.  Le  crin  vaut  mieux  que  la 


672  LIT. 

laine,  il  est  plus  propre,  se  rcsoud  moins  en  poussière  et  de  plus  il  a  l'avantage, 
fort  apprécié  par  l'hygiène,  de  s'imprégner  moins  facilement  des  miasmes  avec, 
lesquels  il  est  en  contact;  enfin  il  se  tasse  moins,  d'où  une  condition  de  moindre 
dureté  et  de  plus  grande  uniformité  du  plan  de  sustentation.  Les  matelas  à  air 
réuniraient  toutes  les  conditions  favorables  si  l'enveloppe  restait  toujours  imper- 
méable et  si  leur  prix  était  moins  élevé.  Diverses  substances  végétales  sont  égale- 
ment utilisées  dans  le  même  but.  Nous  avons  parlé  plus  haut  de  la  balle  d'avoine 
(réservée  pour  les  sommiers  d'enfant),  de  la  paille  des  céréales.  Les  feuilles  de 
maïs  déchirées  dans  le  sens  de  leur  longueur  et  réduites  en  lanières  minces  rem- 
plissent très-bien  cet  office,  il  en  est  de  même  de  diverses  algues  et  fucus  :  le  crin 
végétal  n'est  autre  chose  que  l'une  de  ces  plantes.  Mérat  (Dict.  en  60  vol.,  art. 
Matelas,  t.  XXXI,  p.  137)  indique  comme  pouvant  fournir  un  coucher  sain  et 
commode  :  les  tiges  des  Festiica  ovina  et  Glauca  L.,  le  Poa  cristala,  le  duvet  de 
l'apocyn  à  la  ouate  [Apocymim  syriaciim  L.),  la  soie  des  Heurs  de  la  linaigrette 
(Eriophorum  polystachioti),  les  barbes  soyeuses  du  Stipa  pennata.  Peut-être  les 
fibres  ligneuses  qui  enveloppent  la  noix  de  coco  [Cocos  nucifera)  constitue- 
raient-elles aussi  une  bonne  garniture  de  matelas. 

((  Les  matelas,  dit  judicieusement  Mérat,  demandent  pour  la  santé  un  entretien 
presque  continuel  réclamé  aussi  par  l'économie.  On  devrait  chaque  matin,  avant 
de  faire  le  lit,  les  exposer  quelques  heures  à  l'air.  Cette  simple  précaution  éviterait 
bien  des  inconvénients  qui  résultent  de  son  oubli,  et  dont  le  moindre  est  l'odeur 
désagréable  que  le  lit  et  la  chambre  conservent.  Tous  les  ans  il  faut  faire  rebattre 
les  matelas  et  lessiver  la  toile  ;  mais  cette  opération  mériterait  d'être  faite  avec 
plus  de  soin  qu'on  n'y  en  apporte  ordinairement.  On  devrait,  après  avoir  cardé  la 
laine,  la  laisser  exposée  plusieurs  jours  au  grand  air  pour  laisser  échapper  les 
miasmes  et  les  odeurs  qu'elle  coaitient  au  lieu  de  la  replacer  de  suite  dans  la 
toile  de  manière  à  resservir  dès  le  même  jour.  Toutes  les  laines  devraient  être 
battues  à  la  baguette  avant  le  cardage,  ce  qu'on  ne  fait  qu'à  la  très-vieille  laine 
qui  en  a,  à  la  vérité,  plus  besoin  que  la  neuve.  Enfin  les  matelas  de  trop  vieille 
laine  brisée,  pelotonnée,  devraient  être  mis  au  rebut,  parce  qu'ils  ne  font  que 
des  galettes  informes  et  dupes.  »  [Loc.  cit.,  p.  138.) 

A  Rome  les  ouvriers  qui  fabriquaient  les  matelas  s'appelaient  stragnlarii;  ils 
formaient  une  corporation  et  avaient  un  collège.  L'iiygiène  professionnelle  était 
peu  avancée  chez  les  anciens,  et  nous  ne  savons  s'ils  étaient  exposés  aux  mêmes 
accidents  que  les  ouvriers  de  lamême  catégorie  chez  nous.  [Voy.  Matelassiers.) 

Les  anciens  remplaçaient  souvent  les  matelas  par  des  fourrures.  Celles  du 
Quercy  étaient  particulièrement  estimées.  (Montfaucon,  Antiquité  expliquée, 
1719,  vol.  III,  P^  part.,  p.  107.)  Ils  attribuaient  de  graves  inconvénients  à 
quelques-unes  d'entre  elles.  C'est  ainsi  qu'ils  croyaient  que  les  peaux  de  chèvre 
pouvaient  produire  l'épilepsie.  (D.  W.  IrWlen  Dissertatio ,  p.  90.)  Hippocrate  et 
Caelius  Aurelianus  se  sont  donné  la  peine  de  discuter  et  de  combattre  cette  opinion 
qui  ne  valait  guère  de  pareils  jouteurs. 

Les  oreillers  {culcitra,  pulvinaria)  complètent  le  plan  de  sustentation  du  lit. 
Quelques  dessins  de  lits  égyptiens  et  étrusques  montrent  que  les  oreillers  étaient 
souvent  remplacés  par  une  bourrure  plus  forte  de  l'extrémité  du  slrayulum  qui 
correspondait  à  la  tète.  On  a  trouvé,  ta  Pompéi,  des  lits  de  pierre  destinés  vrai- 
semblablement à  des  pauvres  ou  à  des  esclaves,  et  présentant  un  seuil  en  maçon- 
nerie pour  la  tête.  [Voy.  Breton,  Pompéia,  p.  212.)  Mais  le  plus  habituellement  on 
se  servait  de  coussins  de  forme  et  d'aspect  différents  qui  s'appuyaient  sur  le  dossier 


LIT.  675 

ou  anacUnterlum.  {Voij.  A.  Rlcli.,  p.  oO.)  .l'ai  dit  plus  Iiaul  de  (inellcs  matières 
étaient  gonflées  ces  coussins,  qui  étaient  quelquefois  des  coussins  à  ait'.  L'oreille^' 
de  ptiimes,  très  en  usage  chez  nous,  est  certainement  tout  ce  qu'on  peut  imaginer 
d'autiliygiénique.  Les  taies  éblouissantes  de  propreté  dont  on  les  recouvre  cachent 
leur  sordidité  intérieure,  et  leur  mollesse,  en  même  temps  que  le  peu  de  conduc- 
tihilité  calorifique  de  leur  contenu  entretiennent  vers  la  tête  un  afflux  congeslif 
dont  les  conséquences  peuvent  être  fort  graves.  Le  nombre  des  apoplexies  et  des 
méningites  fomentées  par  cette  cause  est  plus  considérable  qu'on  ne  le  croit.  Les 
oreillers  de  balle  d'avoine,  de  crin,  et  les  oreillers  à  air  devraient  remplacer  défi- 
nitivement les  oreillers  de  plume. 

Les  enveloppes  immédiates  du  corps  pendant  le  coucher  ;ont  les  draps,  \escou- 
vertiires,  les  edredons  et  les  rideaux. 

Les  draps  de  toile  étaient  inusités  chez  les  anciens,  comme  l'était  le  linge  de 
corps  ;  ,i'ai  trouvé  cependant  dans  l'Odyssée  un  passage  qui  montre  que  les  jirinces 
au  moins  se  permettaient  quelquefois  cette  mollesse.  Au  moment  oii  Ulysse  laisse 
Alcinoos  pour  s'en)barquer,  «  les  rameurs,  dit  le  poëte  grec,  enipoi'teiit  des  cou- 
vertures et  des  tissus  de  lin  pour  que  le  héros  goûte  un  inaltérable  sommeil 

Ulysse  s'embarque  et  s'étend  en  silence  sur  cette  couche  moelleuse.  »  (Homère, 
OEuvr.compL,  trad.  Giguet;  Odyssée,  chant  XIII,  p.  492.)  Chez  nous  les  draps 
de  lit  sont  de  toile  ou  de  coton  ;  les  premiers  conviennent  particulièrement  pour 
l'été  à  raison  de  leur  fraîcheur,  les  seconds  doivent  èlre  réservés  pour  l'hiver. 

Les  draps  sont  au  couchage  ce  que  la  chemise  est  au  costume,  c'est  une  condi- 
tion de  préservation  pour  la  literie,  de  propreté  et  par  conséquent  de  salubrité. 

Chez  les  Grecs  les  couvertures  étaient,  dans  le  principe,  des  fourrures  de  chèvre, 
de  mouton,  ou  de  bétes  fauves.  C'est  ainsi  qu'Homère  nous  montre  Télcmaque 
s'enveloppant,  pour  passer  la  nuit,  «  dans  une  toison  moelleuse.  »  {Odyssée, 
chant  I",  p.  362.)  De  même  aussi  les  Hébreux  se  servaient  de  peaux  d'animaux. 
Nous  lisons  au  livre  des  Rois  (cap.  XIX,  v.  13)  que  Michol  voulant  tavoriser  la 
fuite  de  David,  recouvrit  joe/Ze  pilosa  la  statue  que,  par  subterfuge,  elle  avait  mise 
à  sa  place.  Yarron  {De  lingua  latina,  lib.  Y)  nous  apprend  qu'à  Rome  on  dési- 
gnait les  couvertures  d'une  manière  générique  par  les  mois  pallia  ,  operculum. 
Le  sagum,  Vamphimallum,  le  toral  étaient  des  couvertures  particulières  {ibid). 
Les  amphitapœ  étaient  des  couvertures  velues  des  deux  côtés,  comme  sont  aujour- 
d'hui certaines  couvertures  de  voyage  et  dont  on  se  servait  pour  rendre  les  lits  plus 
moelleux  ou  pour  se  garantir  du  froid. 

Le  bien-être  et  l'hygiène  sont  d'accord  en  même  temps  pour  réclamer  des  cou- 
vertures légères,  sauf  à  en  accroître  le  nombre.  Elles  interceptent  entre  elles  une 
couche  d'air,  mauvaise  conductrice  du  calorique,  et  réchauffent  sans  accabler  par 
leur  poids.  D'ailleurs  une  literie  de  ce  genre  peut  être  renouvelée  plus  souvent 
d'une  manière  partielle  et  la  propreté  y  trouve  son  profit. 

L'édredon  est  une  superfluité  dangereuse.  C'est  une  mollesse  dont  on  doit  se 
passer  ;  son  plus  grand  inconvénient  est  de  reirdre  singulièrement  impressionnable 
au  froid  ;  la  plume  d'eider  vrai  ou  faux  qui  le  remplit  est  d'ailleurs  passible  des 
reproches  que  l'on  peut  adresser  aux  hts  de  plumes,  en  y  joignant  de  plus  l'en- 
combreroent  de  l'alcôve  et  la  réduction  du  peu  d'air  respirable  qui  s'y  trouve 
déjà.  Les  couvertures  légères  interceptant  entre  deux  doubles  une  couche  mince 
de  cette  soie  effilée  que  le  luxe  du  costume  cède  à  l'utilité,  remplit  le  même  office 
de  préservation  contre  le  froid  et  avec  plus  de  légèreté. 

Les  rideaux  paraissent  n'avoir  pas  été  employés  parles  anciens.  Cette  question 

SICT.  E.NC.  T  s.  II.  43 


674  LIT. 

délicate  des  rideaux,  qui  a  soulevé  bien  des  discussions,  sera  examinée  un  peu  plus 
loin  à  propos  du  couchage  dans  les  hôpitaux.  Les  moustiquaires  étaient,  au  con- 
traire, usités  chez  eux.  C'étaient,  comme  encore  aujourd'hui,  des  étoffes  légères 
qui  entouraient  le  lit  et  préservaient  contre  les  agressions  des  moustiques.  Les 
Hébreux  {Rois,  XX,  28)  se  servaient  de  moustiquaires.  Les  Grecs  les  appelaient 
conopées  (xwvwTrewv)  et  en  avaient  rapporté  l'usage  d'Egypte.  Properce  et  Varron 
en  parlent  en  plusieurs  endroits  comme  d'une  habitude  romaine.  Sans  anticiper 
sur  ce  que  j'aurai  à  dire  plus  loin  des  rideaux,  je  puis,  dès  à  présent,  les  incri- 
miner dans  l'hygiène  domestique.  Ce  n'est  pas  impunément,  en  effet,  qu'ils  créent 
duns  l'atmosphère  déjà  trop  confinée  de  la  chambre  à  coucher  une  atmosphère 
circonscrite  et  stagnante,  et  qu'ils  constituent  autant  de  toiles  d'araignées  ten- 
dues à  tous  les  miasmes  et  à  toutes  les  émanations.  11  faut  donc  éviter  le  double 
contour  de  ces  quatre  rideaux  somptueux  dont  parle  le  chanlre  du  Lutrin.  Le 
sybaritisme  et  la  santé  ont  généralement  des  intérêts  divergents. 

En  hygiène  le  lit  vaut  par  lui-même,  c'est-à-dire  par  sa  simplicité,  la  propreté 
scrupuleuse  dans  laquelle  il  est  entretenu,  le  renouvellement  fréquent  de  la  literie, 
la  rigidité  sans  dureté  et  l'égalité  du  plan  de  sustentation,  mais  il  vaut  aussi  par 
la  nature  de  la  chambre  dans  laquelle  il  est  dressé.  Et  à  ce  point  de  vue  l'hygiène 
ne  peut  que  déplorer  les  conditions  habituelles  des  chambres  à  coucher,  même  dans 
les  familles  aisées.  Ces  pièces  devraient  être  les  plus  spacieuses,  les  plus  aérées,  les 
plus  ensoleillées  d'un  appartement;  ce  sont  d'ordinaire  les  plus  étroites,  les  plus 
encombrées  et  les  plus  obscures.  Le  salon  absorbe  tout.  Nous  imitons  en  cela  les 
mœurs  des  Romains  dont  les  cubicula  nocturna  étaient  extrêmement  exigus  et 
n'avaient  souvent  d'autre  ouverture  que  celle  qui  donnait  sur  l'impluvium  ou 
piscine  du  péristyle,  ouverture  qui  donnait  en  même  temps  passage  à  l'air  et  à  la 
lumière.  11  est  vrai  que  les  poumons  des  Romains,  mis  ainsi  à  la  ration  congrue 
par  cet  emprisonnement  nocturne,  trouvaient  un  ample  dédommagement  dans  la 
vie  active  et  au  grand  air  qu'ils  menaient  pendant  le  jour.  Cette  compensation 
nous  manque  dans  nos  villes,  et  les  médecins  savent  par  expérience  ce  que  sont  les 
trois  quarts  des  chambres  à  coucher  dans  lesquelles  leur  ministère  les  conduit. 
Un  cubage  suffisant  pour  subvenir  d'une  manière  large  aux  besoins  de  la  respi- 
ration; les  meubles  indispensables  et  rien  de  plus;  une  propreté  minutieuse;  l'é- 
loignement  des  linges  souillés  et  des  eaux  de  toilette;  une  cheminée  ouverte  pour 
établir  une  circulation  aérienne;  une  fermeture  pas  trop  hermétique  des  joints  des 
fenêtres  et  des  portes  ;  un  renouvellement  assez  fréquent  des  peintures  et  des 
papiers  ;  une  large  ouverture  des  fenêtres  et  des  portes  pendant  la  journée  et 
toutes  les  fois  que  le  temps  la  rend  possible,  etc.;  tel  est,  dans  ce  qu'il  a  d'essentiel, 
le  programme  de  l'hygiène  d'une  chambre  à  coucher  convenablement  saine.  Il 
faut  y  ajouter  aussi  une  exposition  qui  permette  l'accès  du  soleil.  On  sait  combien 
les  chambres  à  coucher  des  appartements  parisiens  sont  mal  partagées  sous  ce 
rapport.  L'idée  que  le  soleil  n'a  rien  à  y  faire  puisqu'on  ne  les  habite  que  la  nuit 
est  une  idée  fausse.  Un  proverbe  italien  dit  :  «  Là  où  le  soleil  n'entre  pas,  le 
médecin  entre,  »  et  ce  proverbe  s'applique  aussi  bien  aux  chambres  à  coucher 
qu'aux  autres  ;  il  faut  que  cet  infatigable  chimiste  en  visite  tous  les  coins,  qu'il  y 
brûle,  qu'il  y  oxyde,  qu'il  y  détruise  tout  principe  organique  et  s'oppose  à  cette 
génération  immonde  des  moisissures  qui  cherchent  l'obscurité,  y  répandent  leur 
odeur  fade  et  y  dressent  des  embûches  sourdes  contre  la  santé.  La  physiologie  et 
la  pathologie  nous  enseignent  que  dans  le  sommeil,  les  absorptions  des  matériaux 
extérieurs  se  font  avec  plus  d'activité;  raison  de  plus  pour  tâcher  de  respirer  dans 


LIT.  675 

une  atmosphère  salubre  et  renouvelée.  Et  que  sera-ce  quand,  aux  exigences  de  la 
"vie  convenue^  viennent  s'ajouter  celles  de  la  vie  gênée,  quand  l'incurie  et  la  néces- 
sité se  donnent  la  tâche  que  font  ailleurs  le  luxe  et  la  vanité  et  transforment  les 
chambres  à  coucher  en  étouftoirs  malsains  !  On  pourrait  appliquer,  sans  exagé- 
ration, le  mot  de  Pringle  à  l'air  des  chambres  à  coucher  :  i  Plures  occidit  qua% 
gladius.  »  Et  l'on  passe  le  tiers  de  sa  vie  dans  une  pareille  atmosphère  ! ... 

III.  Hygiène  hospitalière.  Le  couchage  des  malades  est  une  des  questiont 
d'installation  intérieure  des  hôpitaux  qui  olfre  le  plus  d'intérêt  pratique.  Le  prin- 
cipe de  la  supériorité  des  petites  salles  sur  les  grandes  commence  fort  heureuse- 
ment à  prévaloir;  les  questions  de  chaulTage,  d'éclairage,  de  ventilation  des  salles 
approchent  d'une  solution  pratique;  il  n'y  a  donc,  au  point  de  vue  de  la  salubrité 
du  couchage  dans  les  hôpitaux,  qu'à  étudier  le  lit  nosocomial  en  lui-même. 

L'hygiène  peut  ici  envisager  d'un  œil  pleinement  satisfait  le  progrès  qui  a  été  ac- 
compli depuis  le  siècle  dernier,  et  quand  on  compare  le  couchage  des  malades  dans 
nos  hôpitaux  actuels,  à  ce  qu'il  était  au'a-efois,  on  a  la  mesure  de  cet  accroissement 
progressif  du  respect  pour  la  souffrance  qui  est  le  meilleur  indice  de  l'élévation 
croissante  du  sens  moral.  Le  rapport  de  la  Commission  instituée  par  l'Académie 
des  sciences  en  1786  est  singulièrement  éloquent  en  ce  qui  concerne  l'amélioraLion 
du  couchage...  «  un  malade  arrivant  placé  souvent  dans  le  lit  et  dans  les  draps 
d'un  galeux  qui  vient  de  mourir...  la  gale  ainsi  perpétuée  à  l'Hôtel-Dieu...  les 
femmes  enceintes,  légitimes  ou  de  mauvaise  vie,  parquées  ensemble,  dans  la  même 
salle,  et  couchant  trois  ou  quatre  dans  le  même  lit...  la  paille  des  lits  rarement 
changée  et  quand  elle  l'était,  cette  opération  insalubre  se  faisant  au  milieu  même 
de  la  salle,  et  y  dégageantune  odeur  méphitique...  des  lits  de  paille  réservés  dans 
chaque  salle  pourles  agonisantsetpour  les  galeux;  réunissant  quatre  ou  cinq  de  ces 
malheureux  ou  servant  de  dépôt  temporaire  pourles  nouveaux  venus  trouvant  tou- 
joursunesalle  encombrée,  une  odeurinfecte,  une  humidité  putride,  une  puUulation 
incroyable  de  parasites  de  toute  espèce,  des  nichées  de  rats  élisant  domicile  dans 
les  paillasses,  etc.;  »  tels  sont,  en  ce  qui  concerne  les  lits,  quelques  traits  de  ce  ta- 
bleau dont  l'évocation  donne  en  même  temps  la  nausée  du  dégoût  et  le  frisson  de 
la  pitié.  On  comprend  à  merveille  l'inspiration  de  Milton  qui,  pour  dérouler  sous 
les  yeux  d'Adam  prévaricateur,  la  longue  chaîne  de  misères  qui  attend  sa  descen- 
dance, n'a  rien  trouvé  de  mieux  que  de  lui  ouvrir  les  lugubres  perspectives  d'un 
hôpital.  «  Notre  civilisation,  ditM.Roubaud,plus  en  harmonie  avec  l'humanité,  a 
fait  cesser  de  pareilles  infamies  et  les  hôpitaux  d'aujourd'hui  consolent  par  leur 
spectacle  la  pensée  attristée  par  les  infirmités  sans  nombre  qu'ils  renferment.  » 
(F.  Roubaud.  Des  hôpitaux  au  point  de  vue  de  leur  origine  et  de  leur  utilité. 
Paris,  1853,  p,  80.) 

Le  couchage  dans  les  hôpitaux  s'est  progressivement  amélioré,  mais  c'est  sur- 
tout dans  ces  derniers  temps  que  l'hygiène  nosocomiale,  suivant  ou  précédant  les 
progrès  de  l'hygiène  commune,  a  apporté  dans  cette  partie  de  son  installation  les 
modifications  les  plus  heureuses.  Ce  n'est  pas  cependant,  comme  nous  allons  le 
voir,  que  tout  soit  pour  le  mieux  sous  ce  rapport,  et  qu'il  n'y  ait  plus  rien  à 
innover. 

'  La  matière,  la  forme,  les  dimensions,  la  hauteur,  la  composition,  le  nettoyage, 
et  les  accessoires  des  lits  d'hôpitaux  sont  les  particularités  à  passer  successive- 
ment en  revue. 

L'adoption  du  fer  pour  la  literie  a  constitué,  je  l'ai  dit,  un  inappréciable  pro- 
grès et  il  n'y  a  maintenant  (le  nombre  en  diminue  tous  les  jours)  que  quelques 


676  LIT. 

hospices  de  petites  villes  singulièrement  attardées  qui  en  sont  encore  au  couchage 
primitif  des  lits  en  bois.  L'Iiôpifal  des  Cliniques  a  été  en  1799,  le  berceau  de 
cette  utile  innovation,  qui  mit,  comme  toutes  les  choses  utiles,  un  certain  temps 
à  se  généraliser.  L'auleur  de  l'article  Hôpital  du  Dict.  des  Sciences  médicales 
(t.  III,  p.  451),  regrettait  cette  lenteur  en  1817,  et  citait  le  Grand-Hopital  de 
Marseille,  l'Ilôtel-Dieu  de  Lyon  et  plusieurs  hôpitaux  de  Piémont  et  d'Itahe  comme 
plus  avancés  sous  ce  rapport  que  ceux  de  Paris.  L'hygiène  des  hôpitaux  a  au- 
jourd'hui opéré  complètement  cette  réforme  et  elle  peut  se  dire  plus  dvancée  que 
l'hygiène  domestique  qui  ne  la  réalise  que  partiellement  et  d'une  manière  lente. 

La  forme  du  lit  est  traditionnelle  :  elle  satisfait  en  mcmc  temps  le  bien-être  et 
les  habitudes.  La  position  verticale  ou  légèrement  inclinée  du  montant  qui  répond 
à  la  tête  appelle  seule  l'attention  de  l'hygiéniste.  La  première  a  prévalu  pour  les 
hts  d'hôpitaux  parce  qu'elle  se  prête  mieux  à  l'installation  de  la  planchette-étagère 
dont  le  lit  est  muni,  mais  elle  est  moins  favorable  que  l'autre  à  l'établissement 
du  plan  incliné  régulier  que  les  oredlers  doivent  fournir  pour  soutenir  doucement 
et  sans  fatigue  la  tête  du  malade. 

Les  dimensions  des  hts  dans  les  hôpitaux  ne  sont  pas  de  nature  à  satisfaire  com- 
plètement. Et  tout  d'abord,  il  devrait  y  avoir  deux  ou  trois  types  au  moins,  au 
point  de  vue  de  la  longueur,  de  façon  à  ne  pas  perdre  de  place  d'une  part  et  d'une 
autre  part  à  ne  pas  condamner  les  malades  de  grande  taille  «  au  supphce  de  Pro- 
custe  »  suivant  la  très-juste  expression  de  Coste  {loc.  cit.,  p.  450).  La  longueur 
de  2  mètres  n'est  que  suffisante,  si  l'on  tient  compte  de  la  taille  exceptionnelle 
de  certains  malades,  de  leur  disposition  dans  quelques  cas  à  glisser  vers  le  pied 
du  lit  [pronum  fieriet  subinde  deorsum  ad  pedes  prolabi,  maluni.  Prœnot.  10; 
Coac.  497)  et  surtout  de  l'espace  perdu  à  l'extrémité  de  lits  qui  n'ont  pas  de 
montant  au  pied  pour  draper  les  garnitures.  Cette  dernière  disposition,  pour  le 
dire  incidemment,  est  mauvaise  en  ce  sens  que  les  malades  n'ont  pas  de  point 
d'appui  pour  remonter  vers  le  haut  du  lit  ou  pour  se  retourner.  La  largeur  est 
encore  plus  importante.  Coste  demandait  que  les  lits  d'hôpitaux  eussent  trois 
pieds  et  demi  de  large  (1",  15).  Ce  n'est  pas  trop  quand  il  s'agit  de  malades, 
ayant  besoin  de  se  mobiliser,  pouvant  dans  l'état  de  délire  tromper  la  surveillance 
des  infirmiers  et  tomber  d'un  côté  ou  de  l'autre.  Les  lits  des  hôpitaux  anglais 
sont  plus  larges  que  les  nôtres,  et  ils  n'en  valent  que  mieux. 

Les  anciens  lits  de  bois  étaient  très-bas.  Autrefois,  à  l'Hôteî-Dieu  de  Paris,  ils 
s'élevaient  à  un  pied  seulement  ou  à  un  pied  et  demi  pour  les  salles  du  rez-de- 
chaussée.  On  est  tombé  depuis  dans  une  exagération  opposée,  et  j'ai  vu  des  hôpi- 
taux très-bien  tenus  par  ailleurs,  où  lorsque  le  sommier  de  paille  était  neuf,  il 
aurait  fallu  le  scamnum  des  Romains  pour  les  escalader.  Les  malades  ne  sont  ni 
assez  ingambes  ni  assez  forts  pour  pouvoir  suffire  à  une  gymnastique  pareille. 
Dans  les  hôpitaux  anglais  (Ch.  Sarazin,  Essai  sur  les  hôpitaux  de  Londres,  in 
Ann.  dliyg.  1866,  t.  XXV,  p.  48),  les  lits  sont  très-bas,  je  dirai  même  qu'ils  le 
sont  trop,  si  j'en  juge  par  quelques  modèles  que  j'ai  vus,  car  s'il  fauttenir  compte 
du  bien-être  des  malades,  il  ne  faut  pas  abstraire  non  plus  les  facilités  de  l'obser- 
vation clinique.  Ici  encore  rien  d'absolu  ;  il  faut  pour  déterminer  utilement  la 
hauteur  des  lits  tenir  compte  de  leur  destination  et  ne  pas  se  borner,  comme 
Tison  le  recommandait  déjà,  à  un  type  uniforme  Un  lit  de  fébricitant,  un  lit 
d'obstétrique,  un  lit  de  chirurgie  répondant  à  des  besoins  divers  ne  sauraient 
être  de  même  modèle. 

J'ai  dit  plus  haut  ce  que  je  pensais  de  la  paillasse,  et  j'en  voudrais  encore  moins 


LIT.  G77 

dans  les  liôpita\ix  que  dans  nos  maisons.  Le  sommier  est  appelé  sans  don'e  à 
remplacer  ce  couchage  primitif  qui  est  cependant  encore  celui  de  nos  liôpitaux 
les  mieux  tenus.  M.  Roubaud  pense  qu'il  sera  dilTicile  d'opérer  jamais  cette  réforme 
et  il  conseille  l'introduction  de  quelques  lits  à  sommiers  élastiques  ménagés  dans 
chaque  salle  pour  les  malades  les  plus  graves  {loc.  cil. ,  p.  144).  Espérons  que  les 
sommiers  se  fabriqueront  bientôt  dans  de  telles  conditions  d'économie  que  ce 
changement  s'opérera  de  lui-même.  Au  reste,  les  paillasses  ont  déjà  disparu  des 
hôpitaux  anglais  dont  les  lits,  un  peu  sommaires  peut-être  ne  se  composent  que 
d'une  sangle  bien  tendue,  d'un  matelas  de  crin  etd'un  traversin  de  plume.  (Sar 
razin,  p.  48.)  J'ai  indiqué  plus  haut  un  sommier  à  ressort  de  fer  et  de  caoutchouc 
comme  se  présentant  dans  de  bonnes  conditions  de  simplicité  et  de  bon  marché- 

Les  matelas  de  crin  valent  mieux  que  les  matelas  de  laine,  mais  il  en  faut 
deux  pour  que  le  couchage  soit  convenal)le  et  encore  convient-il  de  les  faire  re- 
faire de  temps  eu  temps  pour  les  empêcher  de  trop  durcir  par  le  tassement. 

La  disposition  des  traversins  et  des  oreillers  importe  beaucoup  au  repos  des  ma- 
lades. Je  les  ai  vus  généralement  dans  nos  hôpitaux  se  plaindre  de  cette  partie  delà 
literie.  Le  traversin  cylindrique  qui  la  constitue  seul,  dans  quelques  hôpitaux  est 
insuffisant;  les  hôpitaux  de  Paris  y  joignent  un  oreUler.  En  .Angleterre,  le  traversin 
est  en  plume,  disposition  peu  hygiénique  et  qui  est  à  supprimer  anssi  bien  (pie 
l'édredon,  qui,  par  une  délicatesse  aussi  singulière  que  superiliie,  est  encore  con- 
servé dans  quelques  hôpitaux  de  Londres.  Les  couvertures  y  suppléât  aisément, 
même  dans  le  cas  oiî  l'on  a  à  combattre  des  accidents  d'algidité. 

Les  accessoires  du  lit  uosocomial  offrent  aussi  un  certain  intérêt  :  la  planchette, 
le  tourniquet  suspenseur  et  les  rideaux  les  constituent. 

La  plancliette  de  fer  supportée  à  angle  droit  par  les  montants  est  destinée  à 
recevoir  les  objets  d'utilité  et  de  traitement  que  l'on  y  dépose  ;  c'est  une  mau- 
vaise installation.  Cette  planchette  est  habituellement  sale  et  en  désordre,  on  y 
répand  des  liquides  qui  distillent  ensuite  goutte  à  goutte  sur  la  tête  des  malades 
comme  je  l'ai  vu  souvent,  souillent  leur  literie  et  les  maintiennent  moudlés.  La 
table  de  nuit  adoptée  dans  beaucoup  d'hôpitaux  vaut  mieux  ;  les  objets  qu'elle  sup- 
porle  sont  plus  à  la  portée  des  malades  et  elle  leur  apporte  une  sorte  de  souvenir 
du  comfort  des  habitudes  domestiques. 

Le  tourniquet  suspenseur  ne  date  pas  d'hier.  Hippocrate  en  a  ainsi  raconté 
l'origine.  «  Celui  qui  tressait  des  sarments,  souffrant  cruellement  dans  le  décu- 
bitus saisit  l'extrémité  d'une  cheville  fixée  au-dessus  de  lui  et  se  trouva  soulagé.  » 
(Hipp.,  VP  livre  des  Epirf.,  o^  section.  Édition  Littré,  t,  V,  p.  297.)  Cette  installa- 
tion, réservée  d'ordinaire  pour  les  lits  chirurgicaux  devrait,  à  un  moment  donné, 
pouvoir  s'appliquer  à  tous.  Le  carré  supérieur  qui  réunit  les  quatre  montants, 
ou  un  col  de  cygne,  peuvent  fournir  un  appui  solide  à  ce  moyen  de  suspension 
©u  tout  au  moins  démobilisation.  Il  n'est  guère  de  malades  qui,  s'arc-boutant  des 
pieds  contre  l'extrémité  du  lit  et  se  soulevant  légèrement  en  prenant  le  tourni- 
quet entre  les  mains,  ne  puisse  se  déplacer  de  lui-même  et  prévenir  ainsi,  mieux 
que  ne  peuvent  le  faire  les  infirmiers,  les  inconvénients  d'un  décubitus  pro- 
longé. 

Vient  enfin  la  question  des  rideaux  qui  a  divisé,  divise  encore,  et  divisera  tou- 
jours les  hygiénistes  et  cela  se  conçoit.  C'est  une  question  hybride,  mi-partie 
physique,  mi-partie  morale  (tout  ce  qui  touche  à  l'hygiène  a  ce  cùractcre)  et  cha- 
cun, suivant  la  complexion  de  son  esprit  est  disposé  à  abstraire  l'une  de  ses  faces 
pour  ne  voir  que  l'autre.  A  l'étranger  les  lits  d'hôpital  sont  habituellement  sans 


678  LIT. 

rideaux.  En  France  bon  nombre  de  médecins  et  d'administrateurs  sont  favo- 
rables à  cette  installation  qui  est  considérée  par  d'autres  comme  portant  préjudice 
à  la  facile  aération  des  salles.  Les  discours  prononcés  à  l'Académie  de  médecine 
{voy.  t.  XXXVIl  du  Bulletin  de  cette  Compagnie)  et  à  la  Société  de  chirurgie 
(voy.  Discussions  sur  l'hygiène  et  la  salubrité'  des  hôpitaux.  Paris,  1865)  ont 
reflété  cette  divergence.  M.  Bonnafont  s'est  montré  partisan,  mais  sous  conditions, 
des  rideaux  de  lit.  M.  Trélat,  au  contraire,  en  a  été  l'adversaire  décidé,  et  en  fin 
de  cause,  la  Société  de  chirurgie  adoptant  une  opinion  éclectique  a  demandé  que 
la  suppression  des  rideaux  de  lit  fût  facultative  pour  les  chefs  de  service(/oc.  cit., 
p.  136);  à  merveille,  c'est  en  effet  affaire  d'indication.  Un  jeune  médecin  de  talent, 
M.  II.  Jacquemet,  qui  a  récemment  traité  les  questions  principales  relatives  à  l'hy- 
giène hospitalière,  s'est  rallié  dans  son  livre  à  cette  opinion  conciliatrice.  {Des 
hôpitaux  et  des  hospices,  des  conditions  que  doivent  présenter  ces  établisse- 
ments au  point  de  vue  de  V hygiène  et  des  intérêts  des  populations .  Mémoire  cou- 
ronné par  la  Société  impériale  de  médecine  de  Bordeaux.  Paris,  1866,  p.  86.) 
Je  suis,  quant  à  moi,  partisan  des  rideaux  (dans  les  hôpitaux),  mais  il  y  a  rideaux  et 
rideaux,  comme  il  y  a  salle  et  salle,  saison  et  saison.  Le  système  de  rideaux  utilisé 
dans  les  hôpitaux  de  Paris  est  certainement  le  meilleur.  En  toile  et  par  conséquent, 
susceptibles  d'être  souvent  nettoyés,  divisés  en  quatre  parties  dont  chacune  glissant 
sur  sa  tringle  peut  s'appliquer  exactement  sur  le  montant  de  fer  qui  lui  corres- 
pond et  dont  elle  augmente  à  peine  le  volume,  sans  ciel  de  lit,  ces  rideaux  peu- 
vent, suivant  l'indication,  fonctionner  ou  disparaître;  ils  individualisent  le  malade 
et  ne  sauraient  être  sérieusement  considérées  comme  des  obstacles  à  l'aération  de 
la  salle.  Certainement  aussi  les  avantages  des  rideaux  sont  mieux  marqués  dans 
certaines  salles.  Celles  destinées  aux  femmes  les  réclament  plus  impérieusement 
que  les  autres,  et  l'intérêt  de  ménagei'  leur  pudeur  vaut  la  peine  qu'on  en  tienne 
compte;  comme  l'a  remarqué  Tenon  qui  a  jeté  sur  toutes  ces  questions  la  lueur 
d'un  esprit  singulièrement  sagace,  autres  sont  les  besoins,  sous  ce  rapport,  d'un  hô- 
pital de  matelots  ou  de  soldats  et  d'un  hospice  civil  ;  la  population  du  premier  est 
rompue  par  la  promiscuité  de  la  vie  de  navire  ou  de  caserne  aux  incommodités  de- 
l'existence  en  commun  ;  celle  du  second  est  d'une  impressionnabilité  toute  autre. 
«  Les  rideaux  qui  entourent  les  lits,  a  dit  à  ce  propos  M.  Raige-Delorme,  sont  con- 
venables sous  le  rapport  de  la  décence,  surtout  pour  les  femmes  ;  ils  sont  favora-^ 
Mes  au  repos  et  au  sommeil  des  malades  ;  ils  les  mettent  à  l'abri  de  ces  courants 
d'air  auxquels  sont  exposés  surtout  les  malades  dont  les  lits  sont  près  des  portes  ; 
enfin  ils  permettent  de  soustraire  à  la  vue  le  spectacle  horrible  de  l'agonie  on 
celui  que  présentent  les  attaques  de  certaines  affections  convulsives.  Ces  considé- 
■  rations  sont  d'une  telle  importance  qu'elles  prescrivent  de  conserver  les  rideaux, 
malgré  les  inconvénients  qu'on  leur  a  reprochés  avec  quelque  exagération  et  que 
diverses  précautions  permettent  de  laire  disparaître  presque  entièrement.  {Dic- 
tionn.  en  30  vol.,  art.  Hôpital,  t.  XV,  p.  370,  1837.)  J'ajouterai  que  si  l'utilité 
des  rideaux  était  contestée  l'été,  elle  ne  saurait  l'être  pour  l'hiver  ;  un  autre  avan- 
tage, c'est  de  permettre,  sans  péril  de  refroidissement,  cette  ouverture  des  fenêtres 
dont  les  avantages  hygiéniques  ont  été,  et  sans  trop  de  paradoxe,  opposés  aux, 
systèmes  de  ventilation.  Cette  question  n'est  pas  susceptible  de  la  même  solution, 
dans  l'hygiène  domestique  et  dans  l'hygiène  hospitalière. 

La  propreté  et  l'assainissement  des  lits  exigent,  cela  va  de  soi,  une  surveillance- 
attentive.  M.  Husson  a  signalé  dans  sa  belle  Étude  sur  les  hôpitaux,  l'avantage  que 
présente  la  peinture  vert  clair  des  lil&,  qui  est  plus  douce  pour  la  vue   et  plus. 


LIT.  679 

récréative  pour  l'esprit.  Quoi  qu'il  en  soit  de  la  préférence  à  lui  accorder  sur  la 
peinture  noire,  il  est,  au  moins,  avantageux  que  les  lits  soient  repeints  de  temps 
en  temps,  condition  d'assainissement  et  de  propreté.  A  mon  avis,  le  principe  du 
chômage  temporaire  des  salles  après  un  certain  temps  de  service  indiscontinu 
devrait    être  appliqué  aux  lits  qui  ne  seraient  remis  en   usage  qu'après  un 
nettoyage  exact.  M.  Raige-Delorme  demande  que  les  matelas  de  crin  et   de  laine 
soient  cardés  ou  rebattus  tous  les  six  mois  ;  que  les  couvertures  de  laine  et  les 
courtes-pointes  d'été  soient  dégraissées  et  lessivées  exactement  au  bout  du  même 
temps  {loc.cit.,  p.  570).  Ce  n'est  pas  trop  exiger.»  En  Angleterre,  dit  M.  Lelbrt 
{Aperçu  général  svr  la  salubrité  des  hôpit.  anglais.  Gaz.  hehd.  1862,  et  Ann. 
d'hyg.  publique.  2"  série,  t.  XVII,  }).  232),  on  accorde  un  soin  tout  particulier 
aux  objets  de  literie.  Lorsqu'un  malade  vient  à  mourir,  les  matelas  sont  toujours 
enlevés  de  la  salle,  la  laine  en  est  lavée,  cardée,    et  c'est   en  quelque  sorte,   un 
matelas  nouveau  qu'on  rapporte  dans  la  salie.  »  Nous  devrions  y  mettre  le  même 
soin,  mais,  hélas  !  combien  de  fois  n'ai-je  pas  vu  et  dans  les  meilleurs  hôpitaux, 
un  lit  que  la  mort  avait  vidé  le  matin  admettre  le  soir  un  nouvel  hôte  ;  il  n'y  avait 
eu,  comme  dans  une  auberge,  que  les  draps  de  changés.  Il  faut  qu'on  y  songe  ;  à 
côté  des  souillures  apparentes  qui  frappent  les  yeux  et  offensent  l'odorat,  il  y  a  le 
méphitisme  invisible  qui  franchit  sans  se  révéler  la  barrière  des  sens  et  va  droit  à  la 
santé  qui  s'aperçoit  bien  vite  de  sa  présence.  L'air  d'une  salle  vaut  ce  que  valent 
les  atmosphères  partielles  qui  entourent  chaque  lit  et  une  piopreli'  hollaudaisc 
est  de  rigueur.  Coste  demandait  en  1817  {loc.  cit.,  ip.  452)  que  les  lits  lussent 
faits  tous  les  jours  ;  le  système  d'un  lit  de  réserve  permet  toujours  de  mobiliser  le 
malade  et  de  lui  donner  le  bien-être  d'un  lit  convenablement  fait.    Mais,  entre 
faire  un  lit,  c'est-à-dire  l'aérer,  le  gonfler,  l'égaliser,  et  en  remuer  les  pièces  sur 
place  et  par  simple  formalisme  il  y  a  une  différence  que  les  infirmiers  l'ont  volon- 
tiers disparaître,  mais  que  le  malade  le  moins  nerveux  sent  à  merveille. 

IV.  Hygiène  thérapeutique.  J'ai,  à  l'article  Alitement  {voy.  ce  mol),  indiqué 
les  effets  physiologiques  d'un  séjour  prolongé  au  lit,  la  mesure  dans  laquelle  il 
doit  être  prescrit,  les  inconvénients  de  l'abus  qu'on  en  fait,  et  son  emploi  comme 
moyen  thérapeutique.  J'ai  à  compléter  ces  considérations  en  indiquant  ici  les  pro- 
cédés divers  d'installation  du  lit  et  les  artifices  à  l'aide  desquels  on  peut  rendre 
l'alitement  inoffensif. 

Un  mot  au  préalable  sur  les  lits  médicamenteiir.  Les  ancietis  faisaient  usage 
de  ce  moyen  dans  une  foule  de  maladies  et  lui  attribuaient  des  vertus  souvent  ima- 
ginaires. Le  vulgaire,  dépositaire  habituel  des  vieilles  pratiques  médicales,  voue 
encore  à  celle-ci  un  culte  tout  gratuit.  Pline  et  Dioscoride  racontent  que  dans  les 
Thesmophories  (fêtes  de  Cérès)  les  matrones,  condamnées  à  une  continence  volon- 
taire, couchaient  sur  des  lits  d'agnus  castus.  Eustathe  et  Matthœus  Sylvaticus 
indiquent  aussi  cette  pratique  comme  habituelle  dans  certains  couvents  d'hommes. 
Celse  (lib.  IV,  cap.  ii)  signale  des  lits  médicamenteux  de  diverses  natures  : 
«  Cubilibus  decumbere  quœ  instruenda  sunt  foliis  vitis,  rubi,  »  etc.  Les  som- 
miers aromatiques  et  les  paillasses  remplies  de  fucus  sont  encore  des  moyens 
employés  dans  certains  pays,  mais  leur  efficacité  est  plutôt  affaire  de  tradition 
que  d'expérience. 

On  a  été  plus  loin  dans  cette  voie,  et,  au  lieu  de  faire  du  lit  installé  d'une  cer- 
taine façon  un  auxiliaire  du  traitement  ou  de  l'hygiène  des  malades,  on  a  imaginé 
le  lit-panacée.  Tel  était  le  lit  céleste  de  Graham,  qui  au  dix-huitième  siècle  faisait 
profession  de  prolonger  la  vie  et  rivalisait  avec  le  baquet  magique  de  Mesmer.  Il 


O'^'O  LIT. 

cousoliilait  les  santés  cliancelantes,  rallumait  la  vie  prête  ù  s'éteindre  et  assurait  en 
même  temps  et  la  longévité  et  la  fécondité  des  piitriarches.  Tout  Paris  y  courait 
de  raison,  comme  il  y  courrait  encore.  Hufeland  nous  apprend  que  ce  lit  «  consis- 
tait en  une  réunion  d'émanations  électriques  (?),  de  stimulations  exercées  sur  les 
organes  des  sens,  de  vapeurs  odoriférantes,  des  sons  de  l'Iiarnionica,  )>  attrait 
ajouté  à  celui  de  l'absurde  ;  la  location  de  ce  lit  coûtait  fort  cher,  et  il  eût  fallu  la 
fortune  d'un  nabab  pour  y  dormir  en  permanence.  Graham  gagna  beaucoup  d'ar- 
gent dans  le  principe,  mais  il  en  dévora  plus  encore,  et  finalement  les  exempts 
vinrent  faire  main  basse  sur  son  mobilier.  Le  Ut  céleste  ne  put  jouir  du  privilège 
stipulé  plus  tard  par  l'article  592  du  code  de  procédure  civile,  et  il  fut  saisi 
comme  un  lit  vulgaire. 

Les  cUnologistes,  et  Daniel  Wilbem  Triller  en  tête,  ont  singulièrement  sub- 
tilisé la  partie  de  l'hygiène  thérapeutique  qui  concerne  le  lit,  et,  exagérant  une 
idée  d'ilippocrate  qui  choisissait  les  lits  destinés  à  ses  malades  suivant  la  nature  de 
leur  aifection,  ils  en  ont  décrit  un  pour  chaque  maladie.  Triller  a  eu  raison  de  se 
plaindre  de  la  iaçon  expéditive  dont  les  médecins  de  son  temps  (qu'eùt-il  dit  s'd 
avait  vécu  du  nôtre?)  s'affranchissaient  du  souci  de  ces  détails,  il  a  eu  le  défaut 
de  ne  pas  savoir  se  borner,  et  je  fais  grâce  au  lecteur  de  la  description  qu'il  donne 
duht  des  :  phrénétiques,  comateux,  apoplectiques,  pleurétiques,  pneumoniques, 
des  cholériques,  des  asthmatiques,  des  tétaniques,  des  catarrheux,  des  mania- 
ques, des  femmes  trop  menstruées,  des  varioleux,  etc.,  etc.  J'ai  relevé,  dans  cette 
singulière  débauche  d'érudition  que  Triller  s'est  permise  à  plus  de  80  ans,  soixante- 
neuf  sortes  de  lits  adaptés  par  leur  forme,  leurs  dimensions  ou  la  manière  dont  on 
les  faisait,  au  traitement  d'autant  de  maladies.  Avec  plus  de  sobriété,  d  aurait  ex- 
primé une  idée  juste,  c'est  que  ce  détail,  pour  minime  qu'il  soit,  mérite  d'appeler 
la  sérieuse  attention  du  médecin.  Le  mode  de  couchage  influe  en  effet  sur  le 
sommeil,  le  repos  musculaire,  la  température  du  malade,  la  déclivité  des  organes 
par  rapport  les  uns  aux  autres  ;  et  qui  pourrait  nier  l'importance  pratique  de 
toutes  ces  choses  qui  seniblent  aux  médecins  négligents  de  pures  et  vaines  mi- 
nuties ? 

La  question  du  couchage  pour  les  malades  est  plus  complexe  qu'on  ne  se  l'ima- 
gine au  premier  abord  ;  il  faut  en  effet  tenir  compte  des  habitudes  (c'est  souvent 
une  question  de  sommeil  ou  d'insomnie),  des  exigences  particulières  que  fait 
naître  l'état  spécial  du  malade,  du  résultat  thérapeutique  auquel  le  lit  doit  con- 
courir, de  la  chambre  dans  laquelle  il  est  dressé,  etc.  Cette  dernière  considération 
a  une  importance  que  l'on  pressent.  Dimensions  spacieuses,  ordre  et  propreté, 
aération,  bonne  dispensation  de  la  chaleur  et  de  la  lumière,  tranquillité,  isolement 
relatif  :  tels  sont  les  éléments  de  la  bonne  installation  d'une  chambre  de  malades. 
Je  les  ai  étudiés  ailleurs  {Le  rôle  des  mères  dans  les  maladies  des  enfants,  P.iris, 
4808,  p. m,  Dixième  entretien,  la  Chainbre  d'wi  enfant  malade),  et  ce  que  j'en 
ai  dit  là  un  pomt  de  vue  spécial  est  applicable  à  tous  les  cas.  Au  reste,  c'est  chose 
admirable  que  de  voir  le  sentiment  profond  de  l'importance  de  ces  détails  dans 
les  ouvrages  des  médecins  des  siècles  passés.  Écoutons  plutôt  Aretée  (de  Cappa- 
doce)  sur  ce  point  :  «  jEgrotum  cubare  convenit  in  conclavi  mediocris  amplitu- 
dinis,  aeris  temperati,  hyeme  tepidi,  a.'state  frigidioris,  vere  autem  et  autumno, 
secundum  temporum  noturas,  conjectura  uti  decet.  »  {De  Morb.  aerat.  curât., 
lib.  I,  Curât,  phrenetic,  cap.  1,  m  Principes  artis  medicœ  EaMeri.)  »  Voilà  pour 
les  conditions  générales  de  la  chambre  qui  convient  aux  délirants;  viennent  en- 
suite des  détails  encore  plus  minutieux  :  «  Parietes  levés  siut,  œquales,   neque 


LIT.  681 

supereminentes,  neque  festucas  aut  aliquid  exertuni  liabentes,  ncqiie  picturis 
exornentur,  picUira  enim  parJetum  meiitein  lurbat.  »  {ïbld.,  p.  52.)  teliiis  Aurc- 
liaiius  ae  s'est  montré  ni  moins  attentil',  ai  moms  exigeant  (Morb.  chronic, 
lib.  I,  Mania,  cap.  v).  Huxham  s'est  inspiré  de  ces  modèles  pratiques,  et,  dans 
son  Essai  sur  les  pleurésies  et  les  pe'ripneumonies  (Paris,  1765,  p.  277),  il  s'est 
élevé  surtout  contre  ces  chambres  d'hôpital  qua  l'on  crée  dans  nos  maisons  en  y 
réunissant  plusieurs  malades  (p.  227).  Je  pourrais  multiplier  les  textes,  mais 
c'est  assez  pour  montrer  combien  aous  aunoas  de  chemin  à  faire  pour  nous  élever 
à  ce  sentiment  de  l'importance  des  petits  détails  qui  respire  dans  les  œuvres 
pratiques  des  médecins  qui  nous  ont  précédés.  Décidément,  tout  n'est  pas  à 
dédaigner  dans  ce  qu'ils  nous  ont  laissé. 

Les  lils  ou  procédés  de  soulagement  méritent  une  attention  particulière;  ils 
ont  pour  but  de  permettre  au  malade  de  se  soulever  lui-même  pour  varier  son 
décubitus  aussi  bien  que  pour  satisfaire  à  ses  besoins,  ou  tout  au  moins  d'aider 
les  personnes  qui  les  assistent.  Est-il  hors  d'état  de  faire  des  mouvements  ou 
l'inmiobilité  absolue  lui  est-elf;  prescrite,  il  y  a  des  lits  mécaniques  et  des  appa- 
reils qui  répondent  à  cette  condition  particulière.  Il  faut  enfui  rapporter  ù  cette 
catégorie  les  moyens  ou  les  procédés  employés  pour  maintenir  propres  les  gâteux, 
qu'ils  le  soient  par  le  fait  de  la  maladie,  d'une  infirmité  ou  de  l'aliénation. 

Le  tourniquet  hippocratique  dont  j'ai  parlé  plus  haut  est  le  plus  simple  et  le 
plus  eflicacedes  moyens  de  cette  nature.  Cosie  {Dict.  en  00  vol.,  t.  XXI,  p.  452) 
a  émis  la  crainte  que  ce  moyen  de  suspension  ne  lit  naître  dans  quelques  cas  des 
idées  de  suicide  et  ne  pei'mît  de  les  réaliser.  Je  crois  cette  appréhension  purement 
théorique.  La  hauteur  des  plafonds  rend  malheureusement  son  installation  difficile 
dans  nos  maisons.  Un  cadre  rectangulaire  en  bols  fort,  à  pieds  solidement  fixés 
au  plancher,  peut  passer  au-dessus  du  lit  du  malade,  dont  il  coupe  l'axe  perpen- 
diculairement, et  fournir  un  point  d'appui  à  une  corde.  Serait-il  d'ailleurs  su- 
perflu d'avoir  dans  chaque  famille  un  lit  de  fer  susceptible  de  recevoir  au  besoin 
un  col  de  cygne?  Li  maladie  frappe-t-elle  donc  si  rarement  à  notre  porte,  que 
nous  n'ayons  pas  à  songer  à  sa  venue  probable  ? 

Les  bras  des  garde-malades  et  des  coussins  de  formes  diverses  peuvent  varier 
plusieurs  fois  par  jour  le  décubitus  et  les  attitudes,  déférant  dans  une  certaine 
mesure  au  besoin  qu'ont  les  malades,  surtout  les  malades  amaigris  ,  de  changer 
souvent  le  point  de  sustentation  du  corps;  maison  ne  préviendrait  pas  sûrement 
dans  une  foule  de  cas  les  plaies  de  poitrine,  les  ulcères  du  siège  (s),zw(Σ;  ■:■?,<; 
sSpr.ç,  Hippoc.)  ou  le  sphacèle  des  parties  saillantes,  si  ou  ne  recourait  à  divers 
artifices,  indépendamment  des  soins  minutieux  de  propreté,  etc. 

L'industrie  du  caoutchouc  a  été  singulièrement  profitable  à  tous  les  arts,  et  la 
médecine  en  a  profité  largement.  Les  cous?ins  de  balle  d'avoine  ou  de  cuir  percés . 
au  centre  et  même  les  coussins  à  air  ne  remplissaient  qu'incomplètement  l'office 
de  préservation  qu'on  leur  demandait.  On  a  maintenant  dans  les  matelas  ou 
coussins  de  caoutchouc  gonUés  d'eau  [water-maftress  ou  cushion-mattress)  des 
moyens  qui  atteignent  parfaitement  le  but  et  dont  on  ne  saurait  trop  répandre 
l'usage.  En  Angleterre,  cette  habitude  se  généralise  de  plus  en  plus,  et  un  indus- 
triel de  Londres,  Hooper,  fabrique  à  des  prix  abordables  des  matelas  hydrostati- 
ques entiers  (fidl  length  icater-viattvess)  ou  des  demis  ou  des  quarts  de  matelas 
{half-size  or  three  quater-size),  {\\\i,  ajoutés  au  couchage  des  malades,  et  à 
demi  gonflés  par  de  l'eau  à  diverses  températures,  rendeiit  les  plus  grands  ser- 
vices. Dans  beaucoup  de  villes,  les  pharmaciens  louent  des  ivater-mattress,  de 


682  LIT. 

sorte  que  les  personnes  peu  aisées  peuvent  à  un  moment  donné  profiter  de  ce 
bien-être.  Le  matelas  hydrostatique  de  Galante,  présenté  à  l'Académie  de  médecine 
en  1846,  est  installé  sur  le  même  principe.  11  peut  contenir  environ  60  litres  de 
liquide.  Le  lit  hydrostatique  d'Arnott  de  Londres  est  fondé  sur  le  principe  de  l'in- 
compressibihté  de  l'eau  ;  le  malade  est  suspendu  dans  une  enveloppe  imperméable 
à  la  surface  d'une  cuve  pleine  d'eau.  Le  lit  à  eau  de  Hebra,  de  Vienne,  a  une  des- 
tination thérapeutique  spéciale  ;  c'est  de  maintenir  les  malades  dans  un  bain  tiède 
continu.  Il  ne  se  rapproche  que  par  le  nom  des  appareils  précédents.  M.  G.  Gaujot 
a  figuré  dans  son  livre  les  appareils  hydrostatiques  de  Hooper  dont  le  journal  an- 
glais, the  Lancet,  reproduit  d'ailleurs  les  dessins  d'une  façon  en  quelque  sorte 
permanente.  {Voy.  G.  Gaujot,  Arsenal  de  la  chirurgie  contemporaine,  Paris,. 
1867,  t.  I,  p.  480.) 

Cet  auteur  a  décrit  avec  le  plus  grand  soin  les  principales  espèces  de  lits  de 
soidagement  employés  dans  les  cas  de  fractures  ou  après  des  opérations  graves. 
Il  les  divise  ainsi  : 

1  "  Lits  à  cadre  indépendant  avec  mécanisme  de  suspension  : 

a.  Lit  de  Leydig,  dans  lequel  le  malade  était  soulevé  au  moyen  de  sangles 
fixées  à  un  cadre  superposé  au  lit  ordinaire; 

b.  Lit  de  Tober.  Le  cadre  et  le  support  étaient  indépendants,  les  cordes  sup- 
portant le  cadre  sur  une  pièce  du  support  tournant  sur  elle-même  au  moyen. 
d'une  manivelle. 

c.  Le  lit  de  Daujon.  C'était  un  cadre  à  sangles,  susceptible  d'être  élevé  au- 
dessus  du  lit  au  moyen  d'un  système  de  suspension  consistant  en  poulies  et  en 
quatre  cordes  fixées  aux  angles  du  cadre. 

d.  Le  nossiropbéline  ou  appareil  Filhol. 

e.  Le  lit  de  Josse,  d'Amiens. 

f.  Le  lit  de  NicoleBertholet. 

g.  Le  nosophore  de  Rabiot,  le  lit  de  Thomas,  celui  de  Poullien,  celui  de  Gros,, 
de  Dijon. 

2"  Lits  à  cadre  dépendant  avec  mécanisme  de  soulèvement  : 

a.  Lit  mécanique  de  Luke,  dans  lequel  le  cadre  est  soulevé  au  moyen  de 
leviers  articulés  et  d'une  manivelle. 

b.  Lit  mécanique  de  Crosby,  dans  lequel  la  couchette  est  mobile  et  le  cadre 
à  sangles  est  libre. 

c.  Le  lit  à  sommier  brisé  de  Kissel,  dont  le  cadre  sanglé  offre  trois  brisures  et 
la  couchette  deux. 

d.  Lit  mécanique  de  "W.  Hooper,  dans  lequel  le  cadre  est  fixé  au  lit  par  des 
leviers  obliques  qui  les  écartent  l'un  de  l'autre  en  devenant  verticaux.  Ce  ht  est 
muni  d'un  matelas  hydrostatique. 

J'ajouterai  à  cette  énumération  les  lits  à  dossier  mobile  et  susceptible,  au  moyen 
d'une  crémaillère,  défaire  avec  le  corps  du  lit  des  angles  qui  varient  de  10°  à  90°, 
J'ai  vu  fonctionner  à  Brest,  dans  mon  service,  un  de  ces  lits,  et  les  malades  s'y 
trouvaient  à  merveille.  La  manœuvre,  toujours  fatigante,  des  oreillers  est  ainsi 
évitée. 

J'ai  dû  me  borner  à  une  simple  indication  de  ces  lits,  dont  l'invention  a  singu- 
lièrement multiplié  les  types.  Je  ne  puis  que  renvoyer  le  lecteur  au  livre  technique 
que  je  citais  tout  à  l'heure,  et  dans  lequel  M.  Gaujot  a  décrit,  dans  tous  leurs  dé- 
tails, ces  lits  mécaniques  et  a  comparé  leurs  avantages  et  leurs  inconvénients  res- 
pectifs. L'auteur  {op.  cit.,  p.  465)  semble  considérer  le  Nosophore  Rabiot,  qui 


LIT.  685 

appartient  à  la  catégorie  des  lits  à  cadre  indépendant  avec  mécanisme  de  suspen- 
sion, comme  offrant  les  meilleures  coudUions,  tout  en  reconnaissant  cependant 
qu'il  est  un  peu  encombrant  et  dispendieux.  Gellé,  de  Paris,  a  modifié  heureuse- 
ment le  système  Rabiot  et  l'a  adapté  aux  fonctions  principales  que  doivent  remplir 
ces  appareils  ;  il  s'en  sert  pour  clianger  le  malade  de  lit,  pour  renouveler  la 
literie,  pour  donner  des  bains  au  moyen  d'un  hamac  suspendu,  pour  panser  les 
eschares,  pour  déposer  le  malade  de  son  lit  dans  un  fauteuil,  pour  le  remonter 
dans  son  lit,  etc.  On  peut  affirmer  maintenant  que,  grâce  à  ces  dispositions  ingé- 
nieuses, les  dangers  quelquefois  terribles  de  la  gangrène  du  siège  et  des  trochan- 
ters  peuvent,  dans  l'immense  majorité  des  cas,  être  facilement  et  sûrement 
conjurés. 

On  sait  combien  les  malades  ou  les  aliénés  gâteux  exigent  de  soins  de  propreté 
pour  atténuer  l'infection  de  l'atmosphère  qui  les  entoure.  Dans  beaucoup  d'éta- 
blissements d'aliénés  on  en  est  arrivé,  à  force  de  vigilance  et  en  soumettant  les 
fonctions  intestinales  de  ces  malheureux  à  une  disciphne  attentive,  à  supprimer 
presque  complètement  les  gâteux.  C'est  le  but  auquel  doivent  tendre  et  ai-river  les 
directeurs  d'asiles  d'ahénés.  Mais  les  malades  eux-mêmes  peuvent,  dans  certains 
états  du  cerveau  ou  dans  quelques  parajilégies,  ne  pas  retenir  leurs  évacuations, 
et  il  faut  parer  aux  dégoûts  ou  aux  inconvénients  qu'amène  cet  état  de  choses. 
Entre  les  moyens  qui  ont  été  proposés  (en  dehors  des  matelas  percés,  des  enduits 
imperméables,  etc.),  il  en  est  un  imaginé  par  Howel  et  qui  se  recoznmande  par 
son  extrême  simplicité,  c'est  l'emploi  de  sacs  de  charbon  pulvérisé  sur  lesquels 
porte  le  siège  du  malade.  Il  cite  un  cas  où  l'odeur  fétide  disparut  presque  ins- 
tantanément, grâce  à  l'emploi  de  coussins  de  cette  nature.  {Monihly  Journal, 1852, 
et  Bull.  gén.  dethérap.,  1852,  t.  XLIII,  p.  41.) 

Le  couchage,  envisagé  au  point  de  vue  thérapeutique,  n'a  pas  seulement  à  s'occu- 
per des  conditions  du  lit  et  de  la  chambre  dans  laquelle  il  est  dressé,  il  doit  aussi 
songer  à  l'influence  des  attitudes  que  l'on  donne  aux  malades  ou  qu'ils  prennent 
d'eux-mêmes.  Les  anciens  ont  longuement  étudié  le  décubitus  au  point  de  vue  de 
la  séméiologie  et  du  pronostic.  Les  Prénotions  et  les  Coaques  d'Hippocrate  sont 
remplis  d'observations  ingénieuses  sur  ce  sujet  ;  le  décubitus  de  bon  augure  et 
le  décubitus  de  sinistre  présage  y  sont  peints  de  main  de  maître,  et  il  faut  bien 
le  reconnaître,  l'observation  moderne  n'a  ni  beaucoup  retranché,  ni  beaucoup 
ajouté  à  ces  tableanx  dans  lesquels  étincelle  ce  génie  essentiellement  grec  de 
l'étude  des  aspects  extérieurs  qu'Hippocrate  a  jeté  à  pleines  mains  dans  son  œuvre; 
mais  on  n'y  trouve  rien  sur  l'iniluence  curative  des  diverses  espèces  de  décubitus. 
Chaque  maladie  a  son  décubitus  particuher;  autre  en  effet  est  le  décubitus  qui 
convient  à  un  asthmatique,  à  un  sujet  atteint  d'une  lésion  du  cœur,  d'une  hémor- 
rhagie,  d'une  disposition  syncopale,  d'une  toux  convulsive,  d'une  maladie  de  tel 
ou  tel  côté  de  la  poitrine,  etc.,  etc.  On  pressent  la  multiplicité  des  vues  prati- 
ques à  laquelle  conduit  cette  idée.  Je  ne  puis  que  la  formuler,  et  je  renvoie  le  lec- 
teur au  mot  Alitement. 

V.  Hygiène  nautique  et  militaire.  Le  hamac  est  le  lit  nautique  par  excel- 
lence, il  devrait  aussi,  nous  le  dirons  tout  à  l'heure,  devenir  le  lit  militaire.  C'est 
aussi  le  lit  en  usage  dans  certaines  colonies  et  chez  quelques  peuplades  encore 
primitives  qui  y  tiennent,  parce  qu'il  concilie  avec  l'avantage  du  bien-être  celui 
d'une  installation  et  d'un  transport  faciles. 

Ije  hamac  convient  très-bien  aux  besoins  de  la  vie  nautique  ;  son  arrimage  fa- 
cile, la  rapidité  de  sa  mise  en  place,  la  possibilité  de  désencombrer  les  batteries 


CS4  LIT, 

ou  le  faux-pont,  en  réunissant  au  même  croc  les  deux  extrémités  des  liamacs 
inoccupés,  lui  assurent  sur  tous  les  autres  moyens  de  couchage  une  véritable  supé- 
riorité. 

Le  hamac  est  constitué  essentiellement  par  une  enveloppe  rectangulaire  de 
forte  toile  ayant  à  peu  près  2™, 10  de  longueur  et  bordée,  à  ses  deux  extrémités, 
d'œillets  dans  lesquels  se  serrent  des  cordes  allant  se  réunir  à  un  anneau  de  sus- 
pension. Un  morceau  de  bois  à  écbancrures  tern)inales  écarte  les  deux  cordes  ou 
araignées  les  plus  distantes  et  transforme  ainsi  le  hamac  en  un  véritable  berceau, 
dont  les  bords  sont  relevés.  Pans  l'intervalle  des  deux  toiles  qui  constituent  le 
hamac  se  glisse  un  matelas,  et  une  couverture  donnée  à  chaque  matelot  lui  sert 
d'abri  contre  le  froid. 

Les  matelots  n'ont  pas  encore  de  di'aps.  Cette  amélioration  trouve-t-elle  daris 
les  conditions  de  la  vie  nautique  des  obstacles  qui  la  rendent  irrréahsable?  .le 
n'en  crois  rien.  Les  relâches  sont  actuellement  assez  fréquentes  pour  que  ces 
draps  puissent  être  portés  aux  aiguades  en  même  temps  que  le  hnge  de  corps,  et 
d'ailleurs  on  dispose  maintenant  à  bord  des  navires,  grâce  à  la  grande  quantité 
d'eau  douce  qu'on  y  fabrique,  et  à  la  possibilité  d'utiliser  pour  le  lessivage 
du  linge  la  vapeur  d'eau  des  chaudières,  on  dispose,  dis-je,  de  ressources  suffi- 
santes povu'  rendre  possible  cette  inestimable  amélioration.  Les  matelas  et  les  cou- 
vertures seraient  dans  un  état  convenable  de  propreté  et  la  santé  y  trouverait  son 
profit.  Quand  nous  userons  des  bains  aussi  largement  que  les  Romains  le  fai- 
saient, nous  aurons  le  droit  de  nous  passer,  comme  eux,  de  draps  de  ht.  Quand 
j'ai  publié  mon  Traité  dliygiène  navale  en  1856,  je  ne  parlais  de  la  concession 
de  draps  de  hts  avix  matelots  que  pour  regretter  rim};06sib,lité  de  cette  mesure; 
mais  les  choses  ont  marché  de[:uis  douze  ans,  ce  qui  était  impraticable  est  devenu 
possible,  et  je  signale,  comme  bien  désirable,  cette  amélioration  aux  hommes  qui 
administrent  la  marine  et  qui  ont  à  cœur  le  bien-être  et  la  santé  du  matelot  (voy. 
Traité  d'hygiène  navale,  Paris,  1856,  p.  150).  Je  ne  puis  que  renouveler  ici 
les  conseils  que  j'ai  donnés  pour  entretenir  le  hamac  du  matelot  dans  un  état 
convenable  de  salubrité,  c'est-à-dire  de  nettoyer  fréquemment  les  couvertures 
qu'imprègne  la  sueur,  principalement  dans  les  pays  chauds,  de  les  priver  de 
leur  humidité  par  l'aération,  le  battage  et  l'exposition  au  soleil  aussi  souvent 
qu'on  le  pourra,  et  de  les  laver  tous  les  deux  mois  au  moins.  11  ne  faut  pas  ou- 
blier que  les  tissus  de  laine,  retenant  fortement  l'air  dans  leurs  porosités,  se  débar- 
rassent avec  peine  des  miasmes  qu'ils  recueillent,  deviennent,  au  premier  chef,  des 
véhicules  de  contagion.  Le  matelis  du  hamac  n'est  presque  jamais  refait,  quelle 
que  soit  la  longueur  de  la  campagne;  aussi  l'iuimidité  et  la  sueur  lui  doimeiit- 
elles  une  odeur  désagréable  qu'on  ne  saurait  considérer  comme  inoffeusive.  Les 
matelots  voiliers,  alors  qu'ils  ne  sont  pas  employés  aux  travaux  du  bâtiment 
(et  la  vapeur  leur  fait  des  loisirs  aujourd'hui),  ne  pourraient-ils  pas  carder  etrC' 
faire  un  matelas  de  temps  en  temps  de  manière  à  procurer  annuellement  à  chaque 
homme  l'avantage  de  cette  réparation?  Si  le  hama^  est  soumis  au  nettoyage 
mensuel  que  prescrivent  les  règletaents,  cela  tient  peut-être  un  peu,  tout  esprit 
de  critique  à  part,  à  ce  qu'il  coutiibue,  quand  il  est  placé  dans  les  bastingages, 
à  cette  propreté  d'apparat  à  laquelle  on  lient  tant.  Son  lavage  est  moins  essen- 
tiel cependant  que  celui  de  la  couverture,  qui  peut,  grâce  à  sa  couleur  brune, 
dissimuler  sa  sordidité  réelle.  La  vigilance  de  l'autorité  surveillerait  plus  efficace- 
ment des  couvertures  blanches  et  en  fin  de  compte,  ses  efforts  doivent  tendre 
plutôt  à  combattre  la  malpropreté  qu'à  la  cacher  à  l'œil  là  oii  elle  existe.  Disons 


LIT.  685 

qu'il  y  aurait  lieu  d'embarquer  un  double  jeu  de  couvertures,  comme  ou  embar- 
que un  doul)le  jeu  de  hamacs,  autrement  il  serait  sou'.ent  impossible  de  les  faire 
sécher  dans  l'intervalle  des  deux  braiile-bas.  {Op.  cit.  ^  p.  151.) 

Le  couchage  des  matelots  a  été  singulièrement  amélioré,  la  concession  d'un 
hamac  séparé  pour  chaque  homme  les  a  affranchis  des  dégoûts  et  des  inconvé- 
nients moraux  de  l'amatelotage  ;  il  faudrait  aller  jusqu'au  bout  dans  cette  voie  et 
songer  qu'il  s'agit  là  d'un  intérêt  d'hygiène  du  premier  ordre. 

Le  hamac  suspendu  par  ses  deux  extrémités  dans  le  sens  de  l'axe  du  navire  suit 
I  les  mouvements  d'oscillation  latérale  et  de  tangage  du  navire  ;  il  atténue  pour  les 
/  marins  novices  les  souffrances  du  mal  de  mer  et  éjiargne  aux  initiés  des  se- 
cousses dont  la  violence  pourrait  quelquefois  compromettre  leur  sommeil.  On  a 
cherché,  à  plusieurs  reprises,  à  imaginer  pour  les  hamacs  un  système  de  suspen- 
sion plus  parfait  que  celui  qu'on  utilise  actuellement.  Pingeron,  en  1780  {Santé 
des  ynarins,  Paris,  1780,  p.  106)  en  a  proposé  un  excessivement  ingénieux  et 
que  j'ai  reproduit  dans  mon  Traité  d'hygiène  navale  (p.  149)  ;  mais,  comme  il 
l'avoue  lui-même,  il  pourrait  tout  au  plus  être  employé  pour  les  cadres  des  ofli- 
ciers  et  des  malades.  Il  y  a  là  évidemment  une  amélioration  possible;  mais  la  com- 
plication du  mécanisme  la  ferait  payer  trop  cher.  Les  paquebots  à  passagers  pour- 
raient utiliser  ce  système  de  suspension.  Il  y  a  quelques  années,  on  délivrait  encore 
des  crocs  suspenseurs  à  double  articulation  pour  le  cadre  des  officiers  supé- 
rieurs. 

Les  hamacs  en  pitre,  en  fil  d'ananas  ou  en  coton  peints  de  couleurs  diverses 
sont  entrés  dans  les  mœurs  coloniales,  mais  ils  servent  plutôt  à  la  méridienne 
qu'au  sommeil  nocturne. 

Le  cadre  est  une  invention  anglaise  qui  réunit  au  comfort  de  nos  lits  ordinaires 
les  avantages  nautiques  du  hamac  ;  il  rend  de  grands  services  aux  malades,  et  les 
officiers,  soucieu:;  de  leur  bien-être,  le  substituent  très-habituellement  à  ces  cou- 
chettes inamovibles  qui  leur  enlèvent  une  partie  de  l'air  de  leur  chambi-e. 

Les  soldats  en  sont  encore  pour  le  couchage  aux  lits  ordinaires  avec  paillasse. 
Je  ne  cesse  de  me  demander  pourquoi  l'on  ne  substitue  pas  à  ce  couchage  dispen- 
dieux et  encombrant  le  hamac  qui  figure  aussi  bien  dans  nos  casernes  de  mate- 
lots qu'à  bord  des  navires,  et  qui  permettrait,  dix  minutes  après  la  diane, 
d'avoir  des  chambres  complètement  vides  et  parcourues  de  bout  en  bout  par  un 
courant  d'air  purificateur;  économie,  propreté,  éloignement  des  poussières  que  le 
remuement  des  paillasses  répand  dans  l'air,  tout  se  réunit  pour  demander  cette 
modification  dans  le  couchage  du  soldat.  Et  qu'on  ne  vienne  pas  opposer  à  cette 
idée  la  diversité  des  mœurs  des  mihtaires  et  des  marins,  qui  rendrait  étrange 
pour  les  premiers  un  couchage  que  les  seconds  acceptent  à  merveille.  Cet  argu- 
ment a  peu  de  valeur  aujourd'hui  que  les  matelots  et  les  soldats  ont  vécu  si  sou- 
vent de  la  même  vie  ;  d'ailleurs  ce  serait  pour  ceu.\-ci  une  initiation  à  l'existence 
nautique  qu'ils  exercent  si  souvent  pendant  les  traversées  coloniales  et  les  expédi- 
tions de  guerre.  J'appelle  la  sérieuse  attention  de  mes  confrères  de  l'armée  sur 
cette  idée,  qui  serait  bien  vite  réalisée  s'ils  s'appliquaient  à  la  faire  prévaloir. 

FONSSAGRIVES. 

Bibliographie.  — Alstorphii  (Joannes).  Dissertatio philologica  de  lectis;  suhjicUur  ejmdcm 
de  lecticis  veterum  diatribe.  Amstelodami,  1704.  —  TBiLLi.mi  (Danielis  Willielmij.  Clino- 
technia  viedica  antiquaria  sive  de  diversis  œgrotorum  lectis  serundum  ipsa  varia  morborum 
gênera  conveidenter  instruendis,  cmmnentarius  mcdico-criticus.  FrancofiuHi  et  Lipsi», 
1774,  in-'i^.—Çii^viOT.  Arsenal  delà  cidrurgie  contemporaine.  Paris,  1807,  t._I",  cbap.  VIII, 
p.  452,  Lits  mécatiiques.  F. 


C86  LIT  ORTHOPÉDIQUE. 

§  II.  Orthopédie.  Les  lits  orthopédiques  ont  été  appelés  aussi  lits  à  exten- 
sion, lils  mécaniques.  Cette  dernière  dénomination  a  l'inconvénient  de  s'appliquer 
aussi  aux  lits  d'un  tout  autre  genre,  au  moyen  desquels  des  malades  condamnés 
à  l'immobilité  sont  soulevés  avec  le  plan  qui  les  supporte,  pour  les  besoins  des 
excrétions,  pour  le  pansement  des  plaies  de  la  partie  postérieure  du  tronc,  etc. 

Les  lits  orthopédiques  sont  à  peu  près  exclusivement  consacrés  au  traitement 
des  déviations  de  la  colonne  vertébrale,  et  spécialement  de  la  scoliose  ou  déviation 
latérale.  Employés  d'abord  seulement  la  nuit,  ils  ne  tardèrent  pas,  au  commen- 
cement de  ce  siècle,  à  être  mis  également  en  usage  une  partie  du  jour,  et  même 
pendant  toute  la  durée  du  jour,  exagération  de  leur  emploi  qui  ne  pouvait  se 
soutenir  devant  la  plus  simple  observation  des  faits. 

Venel  et  Darwin,  à  la  fin  du  dernier  siècle,  ont  imaginé  les  premiers  lits  de  ce 
genre  ;  mais  ils  ne  les  conseillaient  que  pour  la  nuit,  et  ils  se  servaient  dans  le 
jour  de  machines  extensives  et  compressives  analogues  à  celles  de  Levacher  et  de 
son  parent  Levacher  de  la  Feutrie.  Darwin,  néanmoins,  avait  bien  établi  lis 
avantages  de  la  position  horizontale  gardée  une  partie  du  jour,  pour  agir  favora- 
blement sur  la  marche  des  difformités  de  l'épine,  en  supprimant  momentanément 
la  pression  supportée  par  la  colonne  vertébrale.  11  ne  s'était  pas  non  plus  dissi- 
mulé la  difficulté  de  redresser  l'épine  pendant  que  les  muscles  sont  en  action,  et 
c'est  ce  qui  l'avait  conduit  à  ])ratiquer  l'extension  pendant  le  repos  de  la  nuit. 

De  ces  vues  de  Darwin  à  l'emploi  des  lits  extenseurs  dans  le  jour,  il  n'y  avait 
qu'un  pas. 

L'Allemagne  d'abord,  puis  la  France,  donnèrent  l'exemple  d'une  application 
pliis  prolongée  de  l'extension  horizontale  le  jour  et  la  nuit.  Le  lit  suisse  de  Venel, 
le  lit  anglais  de  Darwin,  furent  corrigés,  modifiés  de  cent  façons.  Les  lits  ortho- 
pédiques devinrent  le  remède  par  excellence  de  la  courbure  latérale  de  l'épine. 
De  grands  établissements  s'ouvrirent  pour  administrer  le  traitement,  difficile  à 
bien  suivre  dans  les  familles.  Les  corsets,  les  fauteuils  orthopédiques,  toutes  les 
machines  portatives  ne  furent  plus  qu'un  accessoire  destiné  à  soutenir  le  tronc 
dans  les  courts  intervalles  de  l'action  des  lits. 

Mais  il  y  eut  bientôt  une  réaction.  On  s'aperçut  que  les  lits  orthopédiques  ne 
donnaient  pas  tout  ce  qu'on  s'en  était  promis.  Les  appareils  portatifs  reprirent 
faveur;  on  alla  jusqu'à  les  mettre  au-dessus  des  appareils  à  lits,  et  ceux-ci  furent 
abandonnés  par  une  partie  des  médecins  qui  les  avaient  le  plus  favorablement 
accueillis. 

Si  l'on  s'en  tient  à  l'observation  sévère  des  faits,  on  reconnaît  que  les  deux 
sortes  d'appareils  ont  leur  utilité  propre,  leurs  indications  spéciales.  Au  lieu  de 
faire  de  leur  emploi  deux  méthodes  rivales,  il  faut  les  associer  dans  la  pratique, 
soit  qu'on  leur  assigne  une  part  à  peu  près  égale  dans  la  cure,  soit  que,  suivant 
les  cas,  on  accorde  la  prééminence  à  l'une  ou  à  l'autre.  Nous  reviendrons  sur  ce 
point  important  en  traitant  des  courbures  de  l'épine  ;  nous  n'avons  à  nous  occu- 
per pour  le  moment  que  des  lits  orthopédiques. 

La  caractéristique  de  ce  genre  d'appareils,  au  seul  point  de  vue  de  l'orthopédie 
est  la  facilité  de  son  effet  réel,  qui  ne  rencontre  pas,  de  la  part  de  la  pesanteur 
et  de  l'action  musculaire,  la  même  résistance  que  dans  la  station.  Avantageux 
sous  ce  rapport,  le  décubitus,  nécessité  par  l'usage  de  ces  appareils,  peut  au  cou'- 
traire  devenir  nuisible,  au  point  de  vue  dynamique,  par  l'inaction  qui  l'accom- 
pagne, comme  par  l'iniluence  que  cette  position  du  corps  exerce  sur  diverses 
fonctions.  Ajoutons  que  l'attitude  du  coucher  gêne  la  plupart  des  actes  habituels 


LIT  ORTHOPÉDIQUE.  687 

<le  la  vie,  ceux  qui  font  partie  de  l'éducation  de  la  jeunesse,  et  que,  par  cela  seul, 
elle  ié[iugne  aux  enfants  et  à  leurs  familles. 

Il  suit  de  là  :  1"  que  l'emploi  des  lits  orthopédiques  doit  être  combiné  avec  des 
moyens  dynamiques  qui  remédient  à  leurs  inconvénients  ;  2°  qu'il  convient  de 
réserver  cette  méthode  pour  les  cas  oii  les  appareils  portatifs  ne  peuvent  conduire 
au  même  résultat,  soit  que  l'insuffisance  de  ces  derniers  ait  été  constatée  par  un 
premier  essai,  soit  qu'on  la  prévoie  d'avance  d'après  les  conditions  dans  lesquelles 
se  présente  la  difformité. 

On  a  dénié,  à  la  vérité,  aux  lits  orthopédiques  le  pouvoir  de  modifier  favora- 
blement les  déviations  rachidiennes,  alors  même  que  certains  a[)pareils  portatifs 
les  feraient  disparaître  en  tout  ou  en  partie,  et  à  plus  forte  raison,  dans  cette 
hypothèse,  refuse-t-on  à  ces  hts  toute  efficacité  lorsqu'on  ne  peut  rien  obtenir  à 
l'aide  des  appareils  portatifs.  D'autres  ont  enveloppé  dans  la  même  proscription 
les  deux  ordres  d'appareils,  et  ont  soutenu  qu'une  gymnastique  spéciale  était  le 
seul  moyen  à  opposer  à  la  courbure  latérale  de  l'épine.  Ces  opinions,  souvent  re- 
nouvelées depuis  quarante  ans,  seront  discutées  ailleurs.  Nous  nous  contenterons 
d'examiner  ici  les  arguments  de  Tun  de  leurs  derniers  représentants  en  ce  qui 
concerne  les  lits  orthopédiques  en  particulier. 

Maîgaigne  {Leçom  d'orthopédie,  1862)  a  reproduit  la  plupart  des  reproches 
adressés  aux  extensions  et  aux  pressions  employées  par  l'orthopédie  rachidienne 
dans  la  position  horizontale. 

1"  «  Les  extensions,  dit-il  (p.  595),...  se  répartissent  sur  toute  l'étendue  de 
la  tige  rachidienne,  aussi  bien  sur  les  parties  saines  que  sur  les  parties  malades. 
Ce  n'est  donc  que  très-indirectement  que  l'on  peut  arriver,  par  cette  mé- 
thode, à  agir  sur  les  difformités  elles-mêmes.  » 

C'est  très-directement,  dirons- nous,  que  l'extension  agit  sur  les  courbures 
lombaires,  au  moins  du  côté  du  bassin.  Elle  se  transmet  même,  de  là,  à  la  région 
dorsale,  sans  traverser  aucune  partie  saine.  L'objection  n'a  donc  de  valeur  que 
pour  l'extrémité  opposée  du  rachis.  C'est  là  seulement  que  la  force  extensive 
n'agit  sur  la  difformité  que  par  l'intermédiaire  d'une  partie  saine,  de  la  totahté  ou 
d'une  portion  de  la  région  cervicale.  Mais  si  le  thorax  est  plus  ou  moins  bien  fixé  par 
les  pièces  de  l'appareil,  la  région  du  cou  est  plus  ou  moins  complètement  sous- 
traite à  l' effort  de  traction,  qui  s'exerce  alors  principalement  sur  la  moitié  infé- 
rieure du  rachis.  Et  de  ce  que  la  région  cervico-dorsale  ne  peut  être  étendue  que 
par  l'intermédiaire  des  premières  vertèbres  cervicales,  est-on  en  droit  d'en  conclure 
que  l'effort  d'extension  doit  nécessairement  se  produire  dans  ces  vertèbres,  sans 
arriver  jusqu'au  siège  du  mal?  Non  sans  doute;  l'effet  produit,  dans  ce  cas,  sur  la 
partie  saine  et  sur  la  partie  malade  sera  en  rapport  avec  le  degré  de  résistance  de 
chacune  d'elles.  Il  y  a  là  assurément  une  difficulté  réelle,  mais  elle  n'est  pas 
absolue  ;  elle  est  relative  au  degré  de  la  déviation,  au  plus  ou  moins  de  mobilité, 
de  souplesse  des  parties  déviées.  Cette  difficulté  varie  même  aux  différentes  périodes 
du  traitement,  parce  qu'au  début  de  l'extension,  les  parties  cèdent  avec  plus  ou 
moins  de  facilité,  et  que,  lorsque  leur  mobilité  est  épuisée,  le  raccourcissement  ou 
la  dépression  des  tissus  ligamenteux  et  osseux  à  la  concavité  des  courbures  crée 
un  obstacle  de  plus  en  plus  difficile  à  surmonter. 

2°  «  Les  extensions,  dit  Maîgaigne  {loc.  cit.,  p.  404),  en  allongeant  les  liga- 
ments du  côté  concave  (des  courbures),  tendent  aussi  bien  à  les  distendre  du  côte 
convexe,  agissent  en  somme  beaucoup  plus  sur  les  ligaments  sains  que  sur  ceiix 
à  qui  les  progrès  du  mal  ont  enlevé  leur  souplesse,  de  telle  sorte  que  j'ai  vu 


G88  LIT  Or.TIlOPÉDlOUE. 

ainsi  obtenir  des  eJongations  extraordinaires  presrjue  sans  aucun  bénéfice  pour 
la  dévjutiou   » 

Ainsi,  après  avoir  presque  refusé  à  l'extension  du  rachis  le  pouvoir  d'agir  sur 
la  difformité  elle-même  (p.  595,  596),  on  l'accuse  de  J/s/enfZ?'e  les  ligaments  du 
côté  convexe  des  courbures  aussi  bien  que  ceux  du  côt(['  concave,  et  d'avoir  pro- 
duit, en  agissant  sur  les  ligaments  saitis,  des  élongations  extraordinaires  presque 
sans  redressement. 

Il  est  aisé  de  Toir,  avec  un  peu  de  réflexion,  qu'une  extension  parallèle  à  la 
corde  d'une  courbure  de  l'épine  ne  peut  pas  distendre  les  fihres  ligamenteuses  de 
la  convexité  sans  allonger  bien  plus  encore  celles  de  la  concavité;  que,  si  ces  der- 
nières cèdent,  le  redressement  de  l'arc  tend  plutôt  à  relâcher  les  ligaments  du 
côlé  opposé,  cl  que,  si  les  tissus  fibreux  de  la  concavité  résistent,  ceux  de  la  con- 
vexité ne  peuvent  être  distendus  par  un  effort  de  ce  genre. 

Quant  aux  élongations  extraordinaires  dont  il  est  ici  question,  nous  verrons 
ailleurs  ce  que  l'expérience  a  appris  sur  les  accroissances  du  corps  en  hauteur  à 
la  suite  de  l'emploi  des  hts  orthopédiques.  Disons  seulement  que  V allongement 
des  ligaments  sains  ne  saurait  produire  un  pareil  accroissement,  car  il  en  résulterait 
bien  plutôt  un  aflaissement  du  tronc  sur  lui-même,  dans  la  station,  par  le  relâche- 
ment des  liens  qui  unissent  les  pièces  du  rachis,  par  le  diastasis  et  les  inchnaisons 
des  vertèbres  qui  en  seraient  l'effet. 

5°  Les  pressions  latérales  sont,  suivant  Malgaigne,  un  bon  moyen;  «  mais  par 
malheur,  ujoute-t-il,  la  courbure  dorsale,  entraîne  habituellement  deux  courbures 
secondaires  sur  lesquelles  l'opérateur  n'a  aucune  prise  pour  appliquer  les  pres- 
sions latérales De  plus,  les  muscles  restent  inactifs  (quand  on  emploie  ces 

pressions  dans  la  position  horizontale).  »  Or,  dit  plus  loin  Malgaigne,  il  faut 
«  simultanément  et  non  successivement  remplir  l'indication  dynamique  et  l'indi- 
calion  mécanique,  c'est-à-dire  à  la  fois  soutenir  et  redresser  la  colonne  vertébrale, 
exercer  et  par  conséquent  fortifier  les  muscles  qui  concourront  ainsi  à  opérer  le 
redressement  et  seront  aptes  ensuite  à  le  maintenir  »  (p.  405). 

La  multiplicité  des  courbures,  dirigée  en  sens  inverse,  impose,  en  effet,  des 
bornes  à  l'action  des  pressions  latérales  ;  mais  lorsqu'il  existe  deux  courbures 
égales,  on  n'a  pas  moins  de  prise  sur  l'une  d'elles  que  sur  l'antre  au  moyen  de 
pressions  disposées  alternativement  en  sens  contraire,  et  lorsqu'on  n'a  aifaire  qu'à 
une  seule  grande  courbure  accompagnée  de  deux  petites  courbures  secondaires, 
celles-ci  peuvent  être  néghgées  sans  inconvénient  dans  certaines  limites  et  sont 
d'ailleurs  contenues  par  l'extension  parallèle  jointe  aux  pressions.  Cette  difficulté 
se  retrouve  évidemment  toute  entière  dans  les  pressions  opérées  par  des  appareils 
portatifs,  et,  lorsqu'on  lit  dans  les  Leçons  de  Malgaigne  (p.  406)  qu'au  moment 
où,  pour  imiter  l'action  de  la  ceinture  Hossard,  on  exerce  aveclamain  «  une  pres- 
sion latérale  sur  la  convexité  de  la  courbure  dorsale  »,  le  sujet  étant  debout,  les 
mêmes  muscles  qui  hiclineni  le  tronc  histinctivement  «  du  côté  de  la  main  qui  le 
presse  »  redressent  les  courbures  de  compensation  en  même  temps  que  la  cour- 
bure principale,  on  ne  peut  voir  dans  cette  assertion  qu'un  de  ces  lapsus  linguœ 
qui  échappent  si  facilement  dans  une  brillante  improvisation,  telles  que  celles  dont 
Véminent  professeur  nous  a  laissé  le  souvenir. 

Les  muscles  restent  inactifs  !  Et  il  est,  prétend-on,  de  toute  nécessité  de  les 
faire  agir  sur  le  rachis  au  même  moment  que  les  moyens  mécaniques,  faute  de 
quoi,  si  l'on  vient  à  bout  de  l'edresser  l'épine,  elle  ne  pourra  se  maintenir  droite. 

Cette  conséquence  ne  nous  parait  pas  rigoureusement  déduite;  elle  est  enoppo- 


LIT  ORTHOPÉDIQUE.  089 

sition  avec  presque  tous  les  faits  de  l'oilhopédie,  où  l'on  voit  sans  cesse  des  redres- 
sements des  membres  effectués  sans  le  concours  des  muscles  se  maintenir  avec 
leur  aide,  quand  la  cause  du  mal  n'a  pas  porté  une  atteinte  irrémédiable  à  leur 
contractilité  ou  à  leur  équilibre  d'action. 

Un  seul  argument  de  mon  ancien  et  illustre  collègue  est,  au  premier  abord, 
spécieux.  Employer  successivement  le  lit  mécanique  et  des  exercices  musculaires 
qui  livrent  de  nouveau  le  racbis  à  l'influence  de  la  pesanteur,  c'est  jusqu'à  un 
certain  point,  dit-il,  «  mettre  en  lutte  les  deux  ordres  de  moyens;  c'est  l'ouvrage 
de  Pénélope,  où  la  nuit  on  défait  le  travail  du  jour  »  (p.  405).  Biais  Malgaigne  n'a 
pas  tenu  compte  ici  de  la  nature  des  exercices  adoptés  dans  cette  circonstance. 
Le  poids  du  corps  y  est  presque  toujours  supporté  par  les  membres  supérieurs,  de 
sorte  que  la  force  de  la  pesanteur,  au  lieu  de  détruire  l'effet  des  extensions, 
continue  leur  action  et  concourt  avec  elle  au  redressement  du  rachis.  Malgaigne 
lui-même  indique  parfaitement  ailleurs  (p.  384)  cette  manière  d'agir  des  exercices 
gymnastiques  ortbopédiques. 

Quand  bien  même  on  associerait,  par  intervalles,  à  l'emploi  des  lits  des  exer- 
cices dans  l'attitude  de  la  station  sur  les  pieds,  n'est-il  pas  évident  que,  si  l'action 
musculaire  développée  par  ces  exercices  tend  à  redresser  les  courbures  comme 
l'extension  sur  les  lits,  il  n'y  aura  aucune  incompatibilité  entre  les  deux  moyens, 
'  tendant  l'un  et  l'autre  au  même  but  ? 

Rappelons,  en  terminant  cette  discussion,  que,  malgré  ses  préventions  en  faveur 
de  l'appareil  Hossard,  Malgaigne  conseille  de  joindre  à  l'usage  de  cet  appareil  le 
décnbitus  horizontal  une  partie  du  jour,  A' attacher  même  les  jeunes  malades  sur 
leur  lit  pour  leur  faire  garder  «  une  bonne  position  ».  Rappelons  que  l'éloquent 
écrivain  déclare,  en  outre,  que  dans  les  «  cas  prévus,  oii  l'application  de  la  ceinture 
Hossard  est  inutile  ou  nuisible  »,  il  faut  recourir  à  la  position  horizontale,  et  que 
«  il  n'est  guère  qu'un  moyen  d'utiliser  entièrement  les  ressources  qu'offre  le 
décubitus,  c'est  d'y  joindre  V extension,))  (p.  413).  Malgaigne  pose  ensuite  des 
préceptes  judicieux,  auxquels  nous  nous  associons  pleinement,  sur  les  moyens 
d'éviter  les  inconvénients  qu'il  a  reprochés  aux  extensions. 

Les  Kts  orthopédiques  offrent  à  considérer  :  1"  le  lit  ;  2"  les  moyens  d'extension  ; 
3"  les  agents  de  pression  latérale. 

I.  Lit.  II  doit  être  un  peu  plus  long  que  les  lits  ordinaires  et  assez  étroit 
pour  que  l'on  manœuvre  facilement  d'un  côté  à  l'autre.  Les  matelas  sont  rempla- 
cés par  un  plan  un  peu  résistant,  composé  d'un  cadre  ou  châssis  solide,  rempli 
par  une  espèce  de  sommier,  le  plus  souvent  élastique,  assez  souple  pour  qu'on  y 
soit  couché  commodément,  et  assez  ferme  pour  ne  pas  se  déformer  par  le  poids 
du  corps.  On  le  recouvre  d'un  tissu  de  laine  épais  pour  éviter  le  froid  pendant 
l'hiver.  Ce  sommier  est  plus  élevé  à  la  tète  qu'aux  pieds,  et  fixé  de  manière  qu'on 
puisse  faire  varier  son  inclinaison  qui  est,  en  moyenne,  de  \1  à  15  centimètres. 
Excepté  pour  des  motifs  particuliers,  on  n'y  met  ordinairement  ni  traversin  ni 
oreiller;  seulement  la  garniture  du  sommier  est  plus  épaisse  et  plus  bombée  du 

côté  de  la  tête. 

On  n'a  pas  conservé  dans  la  pratique  le  procédé  de  Mitchell,  qui  faisait,  chaque 
iour  tourner  ce  plan  de  support  autour  d'un  axe  pour  obtenir  une  suspension 
momentanée  du  sujet,  ni  le  procédé  de  Pravaz,  par  lequel  le  malade  lui-même 
imprimait  au  plan  ce  mouvement  de  balancement. 

Nous  indiquerons  plus  loin  quelques  constructions  particulières  du  lit  nécessitées 
car  le  mécanisme  de  certains  appareils. 

mcT.  ENc.  r  s.  II,  44 


690  LIT  ORTHOPÉDIQUE. 

II.  MoïENS  d'kxtension.  La  tête  et  le  bassin  sont  les  deux  points  désignés  par 
l'anatomie  pour  l'application  des  forces  extensive  et  contre-extensive  destinées  à 
fcXercer  des  tractions  en  sens  inverse  aux  deux  extrémités  du  rachis.  Mais  l'ana- 
tomie  fait  voir  aussi  combien  de  parties  délicates  ou  importantes  à  la  vie  sont  à 
ménager  dans  cette  application,  et  à  quel  point  les  lumières  du  médecin  doivent 
constamment  guider  ici  les  eftorts  les  plus  intelligents  du  bandagiste  ou  du  fabri- 
cant d'appareils,  ce  qui,  il  faut  le  dire,  a  trop  souvent  été  oublié  dans  la  pratique. 

Venel  {Mém.  de  la  soc.  des  se.  phys.  de  Lausanne,  1788)  laissait  la  face  libre 
et  ne  saisissait  la  tête  que  par  le  crâne  au  moyen  d'un  serre-tête  lacé  an  Iront;  il 
secondait  cette  traction  par  des  lacs  placés  sous  les  aisselles.  A  la  partie  inférieure, 
il  entourait  l'abdomen  d'une  ceinture  munie  de  longues  courroies  faisant  corps 
avec  des  liens  fixés  le  long  des  membres  inférieurs,  afin  de  répartir  l'effort  sur  un 
plus  grand  nombre  de  points. 

Darwin  [Zoonomie,  1793)  prenait  la  tête  sous  le  menton  et  sous  l'occiput;  il 
n'appliquait  aucun  bandage  aux  parties  inférieures,  dont  le  poids  seul  lui  parais- 
sait suffisant  pour  produire  l'extension  du  racbis.  Pour  favoriser  le  glissement  du 
corps  sur  le  plan  de  support,  il  donnait  à  ce  plan  une  forte  inclinaison,  d'environ 
^5  à  30  centimètres.  C'était  une  véritable  suspension  par  la  tête  et  par  les  mem- 
bres supérieurs,  retenus  par  des  liens  axiliaires. 

DepuisFciler  (Doi/.Scbreger,  Versuch,elc.,  ou  jEssai  sur  un  appareil  extenseur 
de  nuit,  Erlangen,  dSlO),  on  fixe  généralement  la  tête  au  moyen  d'une  sorte  de 
collier  ovale,  exactement  ajusté  à  sa  circonférence  inférieure,  depuis  le  haut  de 
la  nuque  jusque  sous  le  menton.  On  a  à  peu  près  renoncé  aux  liens  axiliaires 
comme  moyens  de  traction,  parce  qu'ils  donnent  aux  épaules  une  hauteur  disgra- 
cieuse, qu'ils  peuvent  comprimer  outre  mesure  les  vaisseaux  et  nerfs  de  l'aisselle, 
et  qu'enfin  ils  n'agissent  sur  le  rachis  qu'après  avoir  allongé  et  distendu  à  l'excès 
les  muscles  qui  s'étendent  du  thorax  à  l'omoplate  et  à  l'humérus.  On  ne  se  sert 
de  hens  analogues  que  pour  retenir  dans  une  bonne  position  des  enfants  délicats 
ou  très-jeunes  qui  suppoiieraient  mal  le  collier. 

A  l'autre  extrémité  du  tronc,  on  a  conservé  la  ceinture  de  Venel,  mais  en  sup- 
primant toute  attache  des  membres  inférieurs,  qui  restent  entièrement  libres. 

Pour  faire  agir  les  courroies  extensives  qui  partent  de  la  tête  et  du  bassin. 
Vend  les  faisait  aboutir  par  un  trajet  réfléchi  à  un  même  treuil  fixé  sur  la  cou- 
chette, muni  de  dents  et  d'un  cliquet,  de  telle  sorte  qu'en  tournant  doucement 
le  treuil  à  l'aide  d'une  manivelle,  on  produisait  à  la  fois  l'extension  du  rachis  à 
ses  deux  extrémités  et  on  l'arrêtait  au  degré  convenable  au  moyen  de  l'enclique- 
lage,  qui  donnait  aussi  toute  facilité  pour  diminuer  ou  supprimer  l'extension  à 
volonté,  en  soulevant  le  cliquet  et  en  tournant  la  manivelle  en  sens  inverse. 

Ce  mécanisme  simple  et  commode  a  été  presque  généralement  adopté  dans  les 
appareils  postérieurs.  Quelques-uns,  comme  Delpech,  ont  conservé  l'action  simul- 
tanée du  treuil  sur  la  tête  et  le  bassin.  Le  plus  grand  nombre  préfère  fixer  les 
courroies  de  la  tête  au  chevet  du  lit,  et  ne  faire  agir  la  manivelle  que  sur  les 
courroies  de  la  ceinture.  Cela  revient  à  peu  près  au  même,  l'extension  et  la  contre- 
extension  devenant  bientôt  égales  dans  le  second  cas,  une  fois  que  le  poids  du 
corps  a  cédé  à  la  traction  des  courroies  extensives  du  bassin. 

11  restait  néanmoins  au  lit  à  extension,  ainsi  constitué,  un  inconvénient  sérieux  : 
c'est  la  fixité,  l'invariabilité  des  points  d'attache,  qui  ne  permettent  au  tronc  aucun 
mouvement  tendant  à  rapprocher  ses  deux  extrémités,  si  ce  n'est  par  le  glisse- 
ment des  pièces  d'appareil  sur  le  corps  du  sujet.  Il  pouvait  en  résulter,  dans  les 


LIT  ORTHOPÉDIQUE.  091 

mouvements  volontaires  ou  involontaires,  pendant  la  veille  ou  pendant  le  sommeil, 
•des  tiraillements  fort  incommodes  ou  même  dangereux.  La  faculté  que  [Jumbert 
(deMorley)  donnait  aux  malades  de  régler  eux-mêmes  l'extension  avec  un  levier, 
ne  remédie  qu'imparfaitement  à  cet  inconvénient. 

Il  fallait,  pour  le  faire  disparaître,  douer  l'appareil  extenseur  d'une  extensibi- 
lité et  d'une  force  de  réaction  qui  le  fissent  céder  aux  efforts  du  malade  et  revenir 
ensuite  à  son  premier  état.  C'est  ce  qu'a  fait  Heine  (de  Wurzbourg)  en  interpo- 
sant entre  les  courroies  de  la  tête  et  le  cbevet  du  lit  d'une  part,  entre  les  cour- 
roies de  la  ceinture  et  le  treuil  ou  moulinet  d'autre  part,  des  ressorts  d'acier  ayant 
la  forme  d'un  X,  dont  les  branches  croisées  s'infléchissent  par  un  effort  de  traction 
et  se  relèvent  quand  l'effort  cesse.  Importés  à  Paris  en  1821,  par  M.  deMilly  avec 
tout  l'appareil  de  Heine,  à  une  époque  où  l'orthopédie  rachidienne  était  fort  peu 
connue  chez  nous,  les  ressorts  de  Wurzbourg  furent  adoptés  aussitôt  par  beau- 
<;oup  de  praticiens.  Plus  tard,  tout  en  conservant  le  principe,  on  leur  a  substitué 
d'autres  genres  de  ressorts  qui  offraient  l'avantage,  soit  d'être  moins  cassants  ou 
moins  dispendieux,  soit  d'occuper  moins  de  place  dans  l'agencement  du  lit,  soit 
enfin  d'avoir  plus  de  champ  ou  de  coiirse  dans  leur  développement,  ce  qui  procu- 
rait aux  malades  une  plus  grande  facilité  de  mouvements.  F.  Martin,  l'un  de  ceux 
qui  se  sont  le  plus  attachés  à  perfectionner  les  moyens  d'extension,  fit  des  res- 
sorts elliptiques,  composés  de  deux  arcs  unis  à  leurs  extrémités,  qui  sont  encore 
très-usités,  et  d'autres  contournés  sur  eux-mêmes  comme  un  ressort  de  montre, 
et  renfermés  dans  un  petit  barillet  en  cuivre,  qui  joignent  à  un  petit  volume  une 
grande  étendue  de  développement.  Stœss,  de  Strasbourg,  tournait  un  fil  de  laiton 
eu  spirale,  comme  nos  élastiques  de  bretelles,  passait  dans  le  cylindre  ainsi 
formé  une  petite  tringle  de  fer  arrêtée  à  une  de  ses  extrémités,  enfermait  le  tout 
dans  un  tube  en  cuivre,  et  obtenait  de  cette  façon,  à  peu  de  frais,  un  très-bon 
ressort  à  boudin. 

La  force  de  ces  ressorts,  quels  qu'ils  soient,  est  en  rapport  avec  la  force  des 
sujets,  déterminée  par  l'âge,  le  sexe,  la  constitution,  etc.  Elle  esl,  en  moyenne, 
de  8  à  10  kilogrammes,  c'est-à-dire  qu'au  delà  de  cette  limite,  ils  ne  résistent 
plus  que  comme  des  points  fixes.  On  ne  les  tend,  en  général,  que  d'environ  la 
moitié  de  leur  course  totale. 

Au  lieu  de  ressorts,  on  peut  employer  des  poids  pour  éviter  les  effets  d'une 
attache  fixe  des  liens  extenseurs,  qui,  réfléchis  au  besoin  sur  des  poulies,  suspen- 
dent ces  poids,  devenus  la  puissance  extensive.  On  a  seulement  craint,  non  sans 
raison,  qu'après  avoir  obéi  aux  mouvements  du  sujet  et  être  remonté  plus  ou 
moins  haut,  le  poids  ne  retombe  trop  brusquement  et  ne  détermine  des  secousses 
nuisibles.  LepZan  inc/ine  modère  cette  chute  dans  le  lit  extenseur  de  Maisonabe 
qui  faisait  rouler  un  petit  chariot  chargé  du  poids  dans  des  rails  qu'on  inclinait  à 
divers  degrés;  mais  ce  mécanisme,  un  peu  compliqué,  n'a  pas  survécu  à  son  inven- 
teur. Pravuz  avait  imaginé  de  suspendre  le  poids  à  un  levier  qui  recevait  l'attache 
du  cordon  extenseur;  il  a  lui-même  abandonné  plus  tard  ce  procédé.  F.  Martin 
avait  parfaitement  réussi  à  rendre  la  descente  du  poids,  après  son  ascension,  aussi 
lente  et  aussi  douce  que  possible,  en  plaçant  sur  le  trajet  du  cordon  extenseur  des 
rouages  d'horlogerie,  que  le  poids  mettait  en  mouvement  tant  qu'il  n'était  pas  au* 
"bout  de  sa  course;  mécanisme  toutefois  trop  compliqué  et  trop  coûteux  pour 
devenir  usuel. 

L'usage  des  poids,  suivant  la  juste  remarque  de  M.  Ghassaignac  [Appréciation 
des  appareils  orthopédiques,  1841,  p.  13),  a  un  autre  inconvénient  :  leur  action 


692  LIT  ORTHOPÉDIQUE. 

constante,  toujours  la  môme,  devient  trop  forte,  relativement  à  la  résistance  des 
parties,  quand  celles-ci  ont  plus  ou  moins  cédé,  et  peut  causer  des  tiraillements 
pénibles,  s'ils  ne  sont  dangereux;  elle  latigue  les  malades  en  pure  perte.  Les  res- 
sorts, au  contraire,  se  détendent  à  mesure  que  les  parties  cèdent,  et  leur  action 
dimiinie  en  raison  de  l'effet  obtenu,  de  manière  à  se  proportionner  à  la  résistance 
des  organes. 

Aujourd'hui  que  Rigal  (de  Gaillac),  MM.  Duchenne  (de  Boulogne),  Anger,  nous 
ont  fait  connaître  les  avantages  du  caoutchouc  et  des  tissus  élastiques  pour  la 
construction  des  bandages  orthopédiques,  nous  possédons  un  moyen  excellent  de 
remplacer  les  poids  et  les  ressorts  métalliques  des  lits  à  extension  :  c'est  de  faire 
entrer  ces  substances  dans  la  composition  des  liens  extenseurs.  Ces  liens 
seraient  simplement  attachés  à  des  boucles  qui  se  trouveraient  à  la  tête  et  au  pied 
du  lit.  On  graduerait  la  force  extensive  en  les  serrant  plus  ou  moins,  ainsi  qu'en 
faisant  usage,  selon  les  circonstances,  de  tissus  plus  ou  moins  épais  et  plus  ou 
moins  résistants. 

Le  treuil  à  manivelle  et  à  encliquetage  disparaîtrait  dans  ce  système;  mais  il 
n'est  réellement  nécessaire  que  dans  les  fortes  extensions,  peu  employées  mainte- 
nant, ou  quand  les  liens  extenseurs  sont  inextensibles  ;  je  l'ai  supprimé  depuis 
plusieurs  années  dans  mes  appareils  à  ressorts  métalliques,  comme  Blœmer  l'avait 
déjà  fait  longtemps  avant  moi.  {Votj.  Ileidenreich,  Orthopœdie,  t.  Il,  Berlin,  1831.) 

Deux  pièces  du  lit  à  extension,  le  collier  et  la  ceinture,  réclament  une  attention 
toute  spéciale. 

a.  Collier.  Maisonabe  et  Delpech  ouvraient  leur  colUer  ou  mentonnière  par 
derrière;  il  s'appliquait  ainsi  exactement  autour  du  menton  et  se  bouclait  à  la  imque. 
On  a  généralement  préféré  une  disposition  contraire  ;  le  collier  en  usage  embrasse 
par  son  plein  la  partie  inférieure  de  l'occiput  et  s'ouvre  sous  le  menton.  Cette 
pièce  doit  être  non  circulaire,  mais  allongée  suivant  la  forme  de  la  tète,  plus  large 
en  arrière,  et  finir  presque  en  pointe  en  avant.  Le  coussinet  ou  bourrelet  en  crin 
dont  elle  est  garnie  doit  se  mouler  en  quelque  sorte  sur  toutes  les  parties  osseuses 
delà  tète  qui  débordent  le  cou,  sur  la  région  occipitale  inférieure,  sur  les  apophyses 
mastoïdes,  sur  les  angles  et  la  base  du  maxillaire  inférieur.  Il  ne  doit  pas  exercer 
sur  ces  parties  de  pression  capable  de  léser  les  téguments,  de  produire  de  la  dou- 
leur sur  le  trajet  des  filets  nerveux  sous-cutanés  ou  de  l'irritation  dans  le  tissu  des 
ganglions  lymphatiques.  La  pression  doit  être  dirigée  de  manière  à  agir  avec  plus 
d'intensité  sur  la  région  occipitale,  à  être  moins  forte  aux  apophyses  mastoïdes, 
et  plus  faible  encore  sous  la  mâchoire,  où  elle  deviendrait  plus  facilement  nuisible 
si  elle  appliquait  trop  fortement  les  arcades  dentaires  l'une  contre  l'autre.  La 
garniture  de  ce  collier  doit  être  supportée  par  un  cuir  assez  épais  et  peu  flexible, 
qui  l'empêche  de  se  déformer.  On  taille  avec  soin  cette  espèce  de  support  solide 
sur  la  mesure  de  la  tète;  trop  large,  il  l'emonterait  trop  haut  et  comprimerait  les 
oreilles  qui  pourraient  en  éprouver  quelque  trouble  dans  leurs  fonctions  ;  trop 
étroit,  il  déterminerait  une  pression  dangereuse  autour  du  cou.  La  disposition 
du  collier  doit  être  telle  que  la  région  cervicale  antérieure,  en  particulier,  soit  à 
l'abri  de  la  compression,  et  que  le  cours  du  sang  dans  les  vaisseaux  de  cette  ré- 
gion, le  passage  de  l'air  dans  le  conduit  aérien,  n'en  soient  nullement  gênés. 

Le  collier  a  été  relié  de  différentes  façons  au  cordon  de  la  contre-extension. 
Delpech  adonné  la  figure  d'une  pièce  qu'il  appelle  palonnier,  à  laquelle  se  fixent 
d'un  côté  les  courroies  latérales  du  collier,  et  de  l'autre  le  cordon  contre-extenseur. 
J'ai  adopté  la  construction  de  Heine,  un  peu  modifiée  par  M.  de  MUly,  telle  qu'elle 


LIT  URTUOI'ÉDIQL'L.  693 

€st  représentée  plus  loin.  Les  courroies  du  collier,  au  nombre  de  trois  de  chaque 
côté,  sont  ici  attachées  à  des  boutons  en  cuivre  que  porte  une  sorte  de  couronne 
surmontée,  vers  son  milieu,  d'un  arc  transversal.  Cet  arc  est  mobile  d'arrière  en 
avant  et  d'avant  en  arrière  sur  le  cercle  auquel  il  est  uni,  et,  au  moyen  de  deux 
petites  tiges  ou  échelles  percées  de  trous  pour  recevoir  une  pointe  fixée  sur  l'arc, 
on  donne  à  volonté  à  celui-ci  une  inclinaison  déterminée  sur  le  cercle.  Ce  méca- 
nisme a  pour  but,  en  relâchant  ou  en  tendant  davantage  certaines  courroies,  de 
l'aire  porter  la  traction,  suivant  le  besoin,  plus  ou  moins  en  avant,  ou  du  côté  du 
menton,  ou  en  arrière,  vers  l'occiput,  de  manière  à  ne  pas  trop  presser  sur  les 
dents  et  à  ne  pas  faire  trop  remonter  le  collier  par  derrière,  ce  qui  le  ferait  ap- 
puyer sur  la  partie  antérieure  du  cou.  Le  cordon  qui  aboutit  au  ressort  de  la 
contre-extension  se  fixe  au  milieu  de  l'arc  transversal  de  cette  couronne. 

On  appelle  quelquefois  casque  la  réunion  du  collier  et  de  la  couronne  dont  je 
viens  de  parler.  Certains  lits  orthopédiques  présentent  un  véritable  casque  ou 
plutôt  un  large  capuchon  solide,  qui  reçoit  la  tête  et  lui  communique  l'action  de 
la  puissance  extensive. 

Le  médecin  doit  surveiller  attentivement  les  effets  du  collier,  surtout  dans  les 
premiers  temps  de  son  application,  examiner  l'état  de  la  face  et  du  cou,  s'enquérir 
de  toutes  les  sensations  que  le  malade  peut  éprouver,  et  s'attacher  à  reconnaître 
les  susceptibihtcs  individuelles.  La  courroie  bouclée  sous  le  menton  offre  un 
moyen  commode  de  ménager  ces  susceptibilités,  en  la  relâchant  plus  ou  moins 
suivant  les  indications. 

b.  Ceinture.  On  a  quelque  peu  varié  la  forme,  la  matière,  le  mode  de  ferme- 
ture de  la  ceinture  d'extension.  La  plus  simple  est  une  bande  de  cuir  souple  de 
7  à  8  centimètres  de  large,  d'une  longueur  proportionnée  à  la  circonférence  du 
bassin,  nmnie  d'une  boucle  à  l'une  de  ses  extrémités,  rétrécie  et  percée  de  trous 
à  l'autre  extrémité,  et  doublée  d'un  coussin  mollet  en  crin,  dépassant  les  bonis 
du  cuir,  plus  large  surtout  au  bord  inférieur,  où  il  forme  une  sorte  de  bourrelet 
un  peu  aplati.  Les  courroies  d'extension  sont  fixées  sur  les  côtés  de  cette  ceinture 
et  un  peu  en  arrière.  On  la  place  autour  du  ventre,  au-dessus  des  crêtes  ihaques, 
en  la  bouclant  par  devant  et  en  la  serrant  fort  peu.  La  force  extensive  la  l'ait  glisser 
sur  la  face  externe  des  os  iliaques  et  sur  la  |)artie  supérieure  du  sacrum,  où  elle 
est  bientôt  arrêtée  par  la  sailhe  des  hanches  et  des  fesses.  Le  bourrelet  se  moule 
sur  le  haut  de  ces  régions  proéminentes,  et  l'abdomen  ne  supporte  qu'une  très- 
faible  pression.  Cependant,  quand  le  bassin  est  peu  développé,  le  grand  trocbanter 
peu  saillant,  comme  chez  les  petites  filles  et  chez  les  sujets  du  sexe  masculin,  et 
surtout  si  l'embonpoint  est  médiocre,  il  arrive  que  la  ceinture,  peu  serrée,  est 
déplacée  parla  traction  et  entraînée  le  long  des  membres  inférieurs.  On  est  alors 
obligé  de  la  serrer  davantage,  et,  afin  d'adoucir  la  pression  de  l'abdomen  en  la 
rendant  plus  étendue  et  plus  uniforme,  on  emploie  les  ceintures  en  cloche,  c'est- 
à-dire  en  forme  de  cône  tronqué,  adoptées  par  divers  praticiens,  et  fixées  par 
plusieurs  boucles  ou  au  moyen  d'un  lacet.  Si  l'on  avait  quelque  sujet  de  redouter 
la  compression,  même  modérée,  des  viscères  abdominaux,  on  tiendrait  la  ceinture 
écartée  de  la  paroi  abdominale  par  un  arc  métallique  qui  entrerait  dans  sa  con- 
struction. 

Outre  l'attention  qu'il  faut  apporter,  dans  l'emploi  de  la  ceinture,  à  ce  qui  peut 
se  manifester,  dans  certains  cas,  du  côté  des  organes  digestifs  et  urinaires,  on 
doit  encore  se  préoccuper  d'un  fait  déjà  signalé  par  Delpech,  de  la  compression 
des  filets  superficiels  du  plexus  lombaire,  à  laquelle  on  peut  ajouter  celle  des  filets 


-i  LIT  ORTHOPEDIQUE, 

sous-cutanés  provenant  des  branches  postérieures  des  nerfs  lombaires.  Quand  cette- 
compression  est  trop  forte,  ce  qui  a  lieu  plus  facilement  chez  les  sujets  maigres, 
il  peut  en  résulter  des  douleurs,  des  engourdissements  et  même  des  anesthésies- 
partielles,  que  l'on  fait  cesser  aisément,  à  leur  début  en  diminuant  ou  en  suspen- 
dant l'extension,  et  dont  on  prévient  le  retour  en  variant  le  point  d'application  de- 
la  ceinture,  de  manière  qu'elle  porte  tantôt  plus  haut,  tantôt  plus  bas,  et  au  be- 
soin, en  pratiquant  un  vide  au-dessous  d'elle  vis-à-vis  du  point  sensible. 

Le  mode  d'application  de  l'appareil  extenseur  est  très-simple  quand  il  s'y  trouve 
un  treuil  à  cliquet,  l'extension  n'étant  mise  en  jeu  que  lorsqu'on  a  attaché  le 
collier  et  la  ceinture  .  On  pourrait  procéder  de  la  même  manière  avec  les  hts  sans 
treuil,  en  détachant  les  courroies  d'extension  pour  coucher  les  malades  et  en  les 
rattachant  ensuite.  Mais,  afin  d'éviter  cette  double  manœuvre,  on  place  d'abord  le 
sujet  sur  la  ceinture,  qu'on  attache  un  peu  haut;  puis  il  remonte  en  faisant  céder 
les  ressorts  ou  les  poids  jusqu'à  ce  qu'il  puisse  commodément  saisir  et  appliquer 
le  collier.  L'effort  d'extension  se  produit  ensuite  de  lui-même. 

Il  convient  de  donner  moins  d'intensité  à  la  force  d'extension  du  côté  de  la  tète- 
que  du  (;ôté  du  bassin,  en  mettant  un  poids  ou  un  ressort  plus  faible  dans  le 
premier  sens  que  dans  le  second.  La  construction  plus  délicate  de  la  région  cer- 
vicale, le  poids  ])lus  considérable  des  parties  inférieures  du  corps,  motivent  suffi- 
samment cette  différence. 

La  puissance  de  traction  varie  peu  avec  les  [)oids  ;  mais  il  n'en  est  pas  de  même 
avec  les  ressorts.  Quand  le  corps  a  ghssé  par  l'effet  de  la  pente  du  sommier,  le 
ressort  de  la  tète,  plus  tendu,  réagit  plus  fortement  que  le  ressort  des  pieds,  qui 
est  relâché.  Le  malade  lui-même  y  remédie  en  se  servant  des  membres  supérieurs 
pour  se  remonter  et  relâcher  de  nouveau  le  ressort  de  la  tête.  Il  n'y  a  en  général 
aucun  inconvénient  à  ces  alternatives,  si  le  sommier  n'a  pas  trop  de  pente  ;  l'exer- 
cice qui  les  accompagne  n'est  même  pas  sans  quelque  avantage. 

Si  pourtant  il  y  avait  lieu  de  craindre,  surtout  pour  la  nuit,  trop  de  tiraillement 
du  cou,  de  pression  du  colher,  si  l'on  avait  quelque  motif  de  faire  agir  l'exten- 
sion presque  exclusivement  sur  la  région  lombaire,  on  fixerait  le  thorax  sur  le 
sommier  à  une  hauteur  déterminée  au  moyen  de  hens  passés  autour  des  épaules  et 
de  larges  bandes  en  peau,  ou  d'une  sorte  de  corset  entourant  la  poitrine  et  retenu 
par  des  courroies  attachées  sur  les  côtés  du  lit.  Malgré  un  peu  de  glissement 
qu'on  ne  pourrait  éviter  à  cause  de  la  réserve  que  commande  la  constriction  du 
thorax,  ces  lacs  fixes  opéreraient  la  contre-extension  tout  à  la  fois  par  rapport  à 
l'extension  exercée  sur  les  lombes  et  le  bas  du  dos,  et  à  celle  qui  agit  sur  le  cou 
et  sur  la  partie  supérieure  de  la  région  dorsale.  Ces  deux  extensions  seraient  ainsi, 
iusqu'à  un  certain  point,  indépendantes  ;  on  donnerait  à  peu  près  à  chacune 
d'elles  isolément  autant  et  aussi  peu  de  force  que  l'on  voudrait;  elles  seraient,, 
comme  on  a  dit,  localisées. 

C'était  pour  obtenir  un  effet  semblable  que  Shaw  avait  imaginé  de  mettre  le 
malade  sur  trois  plateaux  roulants,  placés  l'un  au-dessus  de  l'autre,  en  attachant 
la  tête  au  plateau  supérieur  et  la  poitrine  au  plateau  moyen,  afin  de  faire  agir  sé- 
parément sur  les  régions  supérieure  et  inférieure  du  rachis  des  poids  qui  écar- 
taient en  sens  contraire  les  plateaux  supérieur  et  inférieur.  (J.  Shaw,  on  the  Nature 
and  treatment,  etc.,  ou  de  la  Nature  et  du  traitement  des  distorsions  de  V  épine, 
1823,  p.  240.)  Cette  complication  dans  la  construction  du  plan  de  support  nous 
paraît  tout  à  fait  superflue,  de  même  que  celle  du  lit  analogue  inventé  par  Pravaz 
après  le  lit  à  levier  que  j'ai  rappelé  plus  haut 


605 


LIT  ORTHOPÉDIQUE. 

INous  plaçons  ici,  pour  rmtelllgence  ^^^\^  ff^  !:^^l^  ^^Z 
tenseur  à  ressorts  métalliques,  avec  le  dessin  sépare  et  giandi  P 

pales  pièces  (fig.  1  et  2). 


Fig.  1. 

EXPLICATION    DE     LA     FIGDRE    1. 

A,  Couchette  en  bois  ou  en  fer. 

B,  Sommier  élastique. 

C   C   Courroies  qui  suspendent  le  sommier. 

i  Lr:tïxr;.;:  ":s-:r  à':  ■; .«.  d. .  ™,* .. ,...,...  .■» .« .. .«--. 

'       du  ressort,  et  de  l'autre  les  courroies  du  collier. 
F    Collier  ouvert  par  devant  et  boudé  sous  le  menton. 

i  TZi:tZ::£'!i^Z^  ï:«  terminées  par  des  courroies  et  appliquées 
^'     'parÏssus  la  cèimure.  pour  les  tractions  latérales  sur  le  bassin  à  droite  ou  a  gauche. 
I     Une  des  courroies  qui  descendent  de  la  ceinture  au.  ressorts  d  extension. 
i  K,  Barillets  ---^n^'^^ri'ïS'ii^'rr^essort  spiral  d'e.ension.  a  plaque 
£',  L'un  de  ces ,'^^""^,  ^  ^  f^^^i'^'/n;;  J  le  ut  ;  J  cylindre  creux  ou  boite  renfermant  le  res- 

qui  porte  le  b"'"  V^f  ^-IJ^^^é  3mour  de  l'axe  mobile  du  barillet,  sur  lequel  est  fixée  une 

r^'   \S  é  '  ïcoarroîe^  prolongement  de  cet  a.e,  fixée  sur  lui  par  Vua^ 

:::ÏÏ:^^ïï'ef:^  par  rautre,au  moyen  d'uneboucle^la^^^^^ 

de  manière  à  tendre  le  ressort  en  se  déroulant,  quand  on  tue  sur  elle  ou  que 

courcit  la  courroie  d'extension. 

m  Pressions  laték..les..  Ou  n'a  pas  songé,  dès  l'abord,  à  associer  à  l'exlen- 
sion  dans  les  lits  orthopédiques,  les  pressions,  impulsions  outract.ons  latérales, 
dont  le  principe,  appliqué  par  Levacher,  en  1768,  dans  la  position  assise,  a  ee 
ÏÏmunt  exposé   quVe^  ^  P^^  ^«^  homonyme,   Levacher  de  la 

France,  paraissent  avoir  fait  les  premiers  cette  addition  aux  lits  extenseurs.  Del- 


696 


LIT  ORTHOPEDIQUE. 


iiecli,  et  plus  tard,  Mayor  (de  Lausanne),  en  ont  particulièrement  fait  ressortir 
l'utilité,  en  développant,  pour  la  position  horizontale,  les  principes  posés  par  les 
deux  Levacher  pour  l'attitude  verticale  du  tronc. 


Fig.  2. 


EXPLICATION     DE    LA    FIGURE    2 

(qui  reproduit  plus  en  grand  les  détails 
des  pièces  servant  à  la  contre-extension). 

D,  Ressort  elliptique  de   contre-exten- 

sion, suspendu  au  crochet  fl,  tra- 
versé dans  son  milieu  par  une  tige 
graduée  b,  et  uni  au  casque  par  une 
corde  à  boyau  qui  se  réfléchit  sur  la 
poulie  c. 

E,  Couronne  du  casque. 

FE',  Collier;  d,  d,  courroies  qui  le  fixent 
à  la  couronne;  e,  petite  courroie 
pour  fermer  le  collier  par  devant. 

E',  La  couronne  du  casque  représentée  à 
part  ;  on  y  voit  les  boutons  d'attache 
des  courroies  du  collier,  et  de  plus, 
en  f,  l'articulation  mobile  des  deux 
parties  de  la  couroune,  et  en  ff,  une 
petite  échelle  mobile  sur  le  cercle 
intérieur  et  percée  de  trous  pour 
l'accrocher  à  une  goupille  du  demi- 
cercle  supérieur  et  arrêter  ainsi  ces 
deux  parties  de  la  couronne  sous 
un  anirle  déterminé. 


Le  but  qu'on  se  propose,  dans  l'emploi  de  ces  pressions,  est  d'exercer  sur  la 
courbure  du  racbis  un  double  effort,  transversal,  c'est-à-dire  perpeiidiculaire  àl'axe 
delà  colonne  vertébrale,  pour  repousser  ou  attirer  en  sens  inverse  le  milieu  et  les 
estrcmités  de  l'arc  qu'elle  décrit,  et  pour  les  éloigner  le  plus  possible  de  leur 
direction  vicieuse. 

Les  moyens  d'atteindre  ce  but  rencontrent  un  obstacle  sérieux  dans  la  situation 
profonde  .des  vertèbres,  dans  le  nombre,  le  volume,  l'importance  des  organes  qui 
leur  sont  annexés.  Leur  pouvoir  est  donc  renfermé  dans  certaines  limites  que  !a 
prudence  ne  permet  pas  de  dépasser,  et  leur  action  n'exige  pas  moins  de  surveil- 
lance que  celle  des  agents  d'extension. 

Les  côtes,  par  la  solidité  de  leurs  articulations  vertébrales,  se  prêtent  assez  bien 
à  l'application  de  pressions  latérales,  qu'elles  transmettent  au  racbis.  11  faut  en 
excepter  toutefois  les  plus  inférieures,  que  ces  pressions  pourraient  déplacer 
avant  d'agir  sur  les  vertèbres.  Appliquées  aux  côtes  plus  élevées,  les  pressions, 
en  même  temps  qu'elles  servent  au  redressement  de  la  courbure  latérale  de 
l'épine,  sont  encore  utiles  pour  modifier  directement  la  forme  vicieuse  du  tborax, 
en  diminuant  ses  voussures  exagérées  dans  les  points  sur  lesquels  elles  portent. 

Heine,  et  après  lui  Delpecb,  ont  préféré  avec  raison  une  force  élastique  à  une 
puissance  fixe  pour  exercer  et  graduer  ces  pressions.  Les  longs  ressorts  de  Heine 
sont  des  barres  d'acier  trempé,  fixées  par  un  bout  dans  des  mortaises  ou  des 
gàcbes  sur  les  côtés  du  sommier,  et  munies  à  l'autre  bout  d'une  boucle  qui  reçoit 
la  courroie  de  traction.  La  longueur  de  ces  ressorts  est  destinée  à  leur  donner 
plus  de  course  et  à  rendre,  par  là,  la  pression  plus  douce  et  plus  supportable. 

Pour  agir  tout  à  la  fois  sur  l'excès  de  convexité  postéro-latérale  des  côtes  qni 
constitue  la  gibbosité  et,  par  l'intermédiaire  de  ces  arcs  osseux,  sur  le  point  cor- 
respondant de  la  courbure  racbidienne,  c'est-à-dire  sur  le  milieu  de  son  côté  con- 


LIT  ORTHOl'ÉDIQUE.  61)7 

vexe,  on  place  ordinairement  sous  le  malade  une  plaque  métallique  garnie  d'une 
pelote  plus  ou  moins  ferme,  légèrement  recourbée  pour  s'adapter  à  la  forme 
arrondie  des  côtes,  fixée  sur  le  sommier  par  un  de  ses  bords,  et  soulevée  du 
côlé  opposé  par  des  courroies  qui,  passant  au-dessus  du  malade,  vont  s'attacher 
à  l'extrémité  de  doux  longs  ressorts  de  Heine. 

On  comprend  qu'il  est  telle  autre  disposition  qui  ne  serait  pas  moins  conve- 
nable, et,  en  effet,  cet  appareil  simple  ne  manque  pas  de  variantes,  dans  le 
détail  desquelles  il  nous  paraît  inutile  d'entrer.  Nous  mentionnerons  seulement 
une  autre  plaque  à  ressorts  assez  commode  en  ce  qu'elle  dispense  de  surmonter 
le  lit  des  longues  barres  métalliques  de  Heiae.  Elle  se  compose  de  deux  lames  su- 
perposées, articulées  en  charnière  par  un  de  leurs  bords.  La  lame  supérieure  porte 
la  pelote,  l'inférieure  est  posée  sur  le  sommier.  Entre  ces  deux  lames  sont  deux 
petits  ressorts  d'acier  recourbés,  dont  l'élasticité  les  tient  écartées  l'une  de  l'autre 
en  soulevant  celle  qui  soutient  la  pelote.  Le  poids  du  corps  fait  céder  les  ressorts, 
qui  réagissent  et  le  pressent  à  leur  tour.  De  petits  rouleaux  de  cuivre  qui  se  trou- 
vent à  l'extrémité  des  ressorts  facilitent  le  glissement  incessant  de  cette  extrémité 
sous  la  lame  métallique  supérieure.  Nous  donnons  plus  loin  la  figure  de  cette 
plaque,  connue  sous  le  nom  de  plaque  à  soufflet.  Elle  convient  surtout  pour  les 
pressions  très-douces,  chez  les  individus  délicats  ou  fort  jeunes.  On  ne  peut  guèrt' 
reprocher  à  ce  mécanisme  qu'un  inconvénient  :  c'est  de  ne  pouvoir  être  gradué 
que  par  la  substitution  d  autres  ressorts  à  ceux  qui  entrent  dans  la  construction 
des  plaques,  ou  par  l'emploi  successif  d'une  série  de  plaques  portant  des  ressorts 
de  forces  diverses. 

Les  tractions  sur  les  extrémités  de  la  courbure  du  rachis,  du  côté  de  sa  conca- 
vité, s'exercent,  d'une  part,  sur  le  bassin,  et  de  l'autre,  sur  le  haut  du  thorax 
ainsi  que  sur  l'épaule  correspondante. 

Au  bassin,  rien  de  plus  facile  que  d'embrasser  l'une  ou  l'autre  hanche  avec 
ane  bande  de  peau  terminée  par  deux  courroies  bouclées  au  bord  du  lit,  et  d'at- 
tirer ainsi  tiansversalement  l'extrémité  inférieure  du  tronc  et  les  vertèbres  infé- 
rieures par  une  impulsion  contraire  à  celle  que  la  plaque  communique  aux  vertè- 
bres moyennes.  {Voy.  l'explication  de  la  ligure  1,  oii  ces  bandes  sont  désignées 
sous  le  nom  de  doubles  ceintures .  ) 

La  chose  n'est  pas  tout  à  fait  aussi  simple  vis-à-vis  des  \ertèbres  dorsales  supé- 
rieures. On  peut  bien  les  attirer,  comme  les  lombaires,  avec  des  bandes  analogues 
à  celles  des  hanches,  appliquées  soit  au  moignon  de  l'épaule,  soit  sur  le  haut  de 
la  poitrine,  au-dessous  de  l'aisselle  ;  mais,  dans  le  premier  cas,  on  gène  les  mou- 
vements du  bras,  on  le  comprime  plus  ou  moins  fortement  contre  le  tronc,  et  le 
lien  est  sujet  à  se  déplacer  fréquemment  ;  dans  le  second  cas,  on  a  à  craindre  la 
pression  des  côtes  déjà  affaissées  par  l'effet  de  la  courbure  de  l'épine,  celle  du 
creux  axillaire  ou  du  sein  chez  les  jeunes  filles.  Je  me  sers  habituellement,  pour 
éviter  ces  inconvénients,  d'une  bande  de  peau  matelassée,  eu  forme  d'anse  ou  de 
croupière,  dans  laquelle  on  passe  le  membre  supérieur,  et  qu'une  courroie  fixe 
à  l'extrémité  d'un  ressort  deHeme.  {Voy.  plus  loin  les  figures.) 

Ces  tirages  latéraux  aux  deux  extrémités  du  rachis  dévié  empêchent  le  corps 
d'être  jeté  de  côté  par  l'obliquité  de  la  plaque  de  pression;  ils  l'appuient  sur  cette 
plaque,  dont  ils  augmentent  l'action  sur  la  courbure  de  l'épine  comme  sur  la 
déformation  du  thorax. 

On  peut  agir  plus  fortement  encore  sur  les  déformations  de  la  poitrine,  en  ajou- 
tant à  toutes  ces  pièces  une  large  bande  de  peau  désignée  sous  le  uoni  de  tablier, 


(i98  LIT  ORTHOPÉDIQUE. 

ayant  la  lorme  d'un  triangle  très-allongé,  dont  la  base  est  fixée  sur  le  lit  près  an 
côté  rentrant  du  thorax,  réj3ondant  à  la  concavité  de  la  courbure.  On  passe  cett? 
bande  obliquement  au-devant  de  la  poitrine,  au-dessous  du  sein,  et  on  attache  Lt 
courroie  qui  la  termine  à  un  long  ressort  de  Heine,  de  manière  à  la  faire  presser 
sur  la  gibbosité  antéro-latérale  du  thorax  et  à  accroître  en  même  temps  la  pression 
de  la  plaque  sur  la  gibbosité  opposée.  L'emploi  de  cette  bande,  qui  n'est  pas 
représentée  dans  nos  figures,  exige  une  certaine  réserve  à  cause  de  la  gène  de  la 
respiration  qu'elle  pourrait  produire  ;  l'élasticité  est  ici  fort  utile  en  permettant 
aux  agents  compresseurs  de  céder  à  la  contraction  des  muscles  élévateurs  des  côtes 
à  chaque  mouvement  d'inspiration. 

Ce  système  de  pressions  à  une  seule  plaque  s'applique,  non-seulement  aux  cas 
fort  rares  dans  lesquels  la  colonne  vertébrale  ne  présente  qu'une  seule  courbure 
latérale,  située  dans  la  région  dorsale,  mais  encore  aux  cas  très-nombreux  où  la 
courbure  principale,  occupant  la  même  région,  est  accompagnée  d'une  ou  de  deux 
courbures  accessoires  dans  les  régions  lombaire  et  cervico-dorsale.  On  néglige  alors 
celles-ci  dans  l'emploi  des  pressions,  et  on  ne  leur  oppose  que  l'extension  longi- 
tudinale. 

Il  ne  peut  en  être  de  même  lorsqu'il  existe  deux  courbures  alternes  à  peu  près 
égales,  ou  quand  c'est  la  courbure  dorsale  qui  est  la  moins  prononcée.  On  exerce 
dans  ce  cas  deux  pressions  opposées  sur  la  convexité  des  deux  courbures,  en  ajou- 
tant à  l'appareil  une  seconde  plaque  portant  obliquement  sur  le  côté  saillant  des 
lombes  et  sur  les  dernières  côtes  qui  constituent  la  gibbosité  lombaire.  Cette  plaque 
lombaire  est,  en  général  un  peu  plus  étroite  que  la  dorsale;  quand  elle  n'est  pas 
à  soufflet,  elle  n'a  qu'une  longue  courroie  attachée  à  un  seul  ressort  de  Heine 
placée  du  même  côte  du  lit.  Plus  peut-être  qu'à  la  région  dorsale,  il  importe  de 
surveiller  les  effets  de  cette  pression,  qui,  trop  forte  ou  mal  placée,  peut  déplacer 
les  fausses  côtes  ou  léser  la  paroi  latérale  molle  de  l'abdomen  et  les  viscères  sub- 
jacents. 

On  conserve,  dans  l'appareil  ainsi  modifié,  le  tirage  latéral  supérieur,  agissant 
en  sens  contraire  de  la  pression  dorsale.  Le  bassin  est  également  soumis  à  une 
traction  latérale,  mais  inverse,  devant  être  opposée  à  la  pression  de  la  plaque  lom- 
baire pour  seconder  son  action.  Les  impulsions  latérales  répondant  aux  extrémités 
continues  des  deux  arcs  opposés  décrits  par  le  rachis  sont  produites  par  l'action 
des  deux  pelotes  elles-mêmes. 

La  troisième  courbure  ou  la  courbure  cervico-dorsale  prend  quelquefois  assez 
de  développement  pour  qu'il  convienne  aussi  d'agir  directement  sur  elle.  On 
remplit  cette  indication  au  moyen  d'une  bande  de  peau  matelassée,  qu'on  applique 
à  la  partie  inférieure  du  cou,  vis-à-vis  de  la  convexité  de  la  courbure,  en  même 
temps  que  l'on  déplace  un  peu  de  côté  l'attache  du  casque  contre-extenseur  au 
chevet  du  lit,  ce  qui,  en  inclinant  la  tête  et  le  cou,  produit  une  traction  inverse  à 
l'extrémité  supérieure  delà  courbure.  Une  impulsion  analogue  sur  lextréuiitc 
inférieure  résulte  de  la  pression  de  la  plaque  qui  correspond  à  la  convexité  de  la 
courbure  dorsale. 

On  a  reproché  à  cet  ensemble  de  bandes,  de  courroies,  de  plaques  plus  ou 
moins  mobiles,  de  ressorts  plus  ou  moins  souples,  le  peu  de  fixité  de  ces  pièces, 
lafacihté  avec  laquelle  elles  glissent  et  se  déplacent  en  divers  sens,  au  détriment  de 
de  la  force  que  l'on  veut  déployer. 

Mais  d'abord,  il  est  aisé  de  donner,  au  besoin,  plus  de  fixité  à  ces  pièces  en  les 
retenant  par  de  petits  liens  du  côté  d'où  elles  tendraient  à  s'éloigner. 


LIT  ORTHOPEDIQUE.  699 

En  second  lieu,  leur  facile  déplacement  est,  à  certains  égards,  uii  avantage 
plutôt  qu'un  inconvénient  ;  il  permet  aux  jeunes  malades  de  faire  varier  les  points 
où  porte  la  pression,  de  manière  à  la  répartir  sur  une  plus  grande  surface, 
à  la  rendre  plus  supportable  et  à  en  prévenir  plus  siirement  les  dangers.  Je  ne 
saurais,  pour  mon  compte,  mettre  au-dessus  de  ce  genre  d'appareils  ces  plaques 
à  vis  inflexibles,  immobiles,  qui  rappellent  la  trop  l'ameuse  presse  à  linge  de 
Ranchin,  dont  parle  Lazare  Rivière.  Quand  il  s'agit  d'un  membre  tordu  à  redres- 
ser, les  appareils  mécaniques  ne  sauraient  être  trop  fixes,  ni  trop  rigides  ;  mais 
il  en  est  tout  autrement  au  racbis.  Ici,  il  n'est  plus  question,  comme  aux  mem- 
bres, de  surmonter,  pour  ainsi  dire,  à  tout  prix  la  résistance  des  parties  difformes; 
la  première  condition  est  de  ne  point  léser  les  organes  placés  entre  les  points 
comprimés  et  le  siège  de  la  difformité;  on  ne  doit  pas  aller  plus  loin  que  ne  le 
veut  la  susceptibilité  de  ces  organes,  et  il  faut  se  contenter  des  résultats  que  l'on 
peut  obtenir  dans  cette  limite. 

De  même  que  pour  les  tractions  longitudinales,  on  peut  substituer  des  poids 
aux  ressorts  dans  les  tractions  perpendiculaires  ou  latérales.  C'est  ce  qu'a  fait 
Mayor,  en  plaçant  aux  bords  du  lit  des  montants  sur  le  haut  desquels  se  réfléchis- 
sent les  lacs  compresseurs,  tendus  par  des  poids  qu'ils  suspendent  de  l'autre  côté 
des  montants.  (Mathias  Mayor,  Nouveau  système  de  déligation  chirurgicale, 
1832,  p.  221  et304,  fig.  U.) 

On  associe  habituellement  les  pressions  latérales  à  l'extension  longitudinale  ; 
mais  ce  serait  une  erreur  de  les  croire,  avec  Delpech,  dépourvues  de  toute  efficacité 
sans  l'extension.  On  les  applique  seules  avec  avantage,  lorsque  quelque  circon- 
stance relative  à  l'âge,  à  la  constitution,  à  l'état  de  sauté  des  sujets,  exclut  l'em- 
ploi de  l'extension.  On  y  ajoute  seulement  des  liens  axillaires,  disposés  de  manière 
à  ne  point  exercer  de  traction  de  bas  en  haut  sous  les  aisselles,  comme  dans  l'ex- 
tension de  Venel,  et  uniquement  destinés  à  fixer  le  corps  sur  le  dos.  La  ceinture 
d'extension  n'a  jdus  alors  de  longues  courroies  ;  elle  ne  sert  plus  qu'aux  tirages 
latéraux  des  hanches,  pour  lesquels  elle  porte  sur  les  cotés  des  courroies  trans- 
versales ou  plus  ou  moins  obliques. 

Il  est  quelquefois  indiqué  de  réduire  le  bandage  des  lits  orthopédiques  à  cette 
ceinture  à  traction  latérale  et  au  double  lien  axillaire  ou  double  épaulette,  dont  je 
viens  de  parler.  Ces  deux  pièces  sont  représentées  plus  loin,  réunies  dans  une 
même  figure,  aux  principaux  moyens  de  pressions  latérales. 

Combinées  avec  l'extension,  les  pressions  latérales  modifient  quelque  peu  les 
effets  de  cette  dernière  ;  fixant  plus  ou  moins  la  partie  supérieure  du  tronc,  elles 
diminuent  l'effort  supporté  par  la  région  cervicale  et  augmentent  celui  qui  s'exerce 
sur  les  lombes,  comme  les  bandes  thoraciques  dont  il  a  été  question  plus  haut,  et 
qui  partagent  en  deux  tractions  longitudinales  distinctes  l'extension  générale  du 
rachis. 

Au  lieu  de  fixer  sur  le  lit  les  différentes  pièces  des  appareils  de  pression  et 
3'extension,  Valérius  a  tenté  de  les  réunir  toutes  dans  son  corset-lit,  sorte  d'ar- 
mure qui  entoure  la  tète  et  le  tronc,  et  dont  le  support  en  bois  se  pose  sur  un 
lit  quelconque,  de  sorte  que  l'appareil  est  tout  à  fait  indépendant  de  la  cou- 
chette. 

Ron.net  (de  Lyon)  employait  aussi,  mais  la  nuit  seulement,  un  appareil  indé- 
pendant du  lit  :  c'était  simplement  une  gouttière  rembourrée,  recevant  le.  tronc, 
sans  autre  instrument  de  pression  ni  d'extension, 
M.  J.  Guérin,  au  contraire,  a  fait  du  lit  même  l'agent  essentiel  des  pressions 


700  LIT  ORTHOPÉDIQUE. 

et  des  extensions.  Renchérissant  sur  l'idée  de  Schaw  et  de  Pravaz,  il  a  décrit,  sons 
le  nom  ^'extension  sigmoïde,  un  procédé  dans  lequel  on  écarte  les  plateaux  du 
sommier  brisé  par  un  mouvement  d'arc  de  cercle  qui  leur  fait  former  un  an"le, 
dirigé  en  sens  contraire  dans  les  deux  séparations  du  lit.  Les  plaques  de  pression 
sont  placées  au  sommet  de  chacun  de  ces  angles,  vis-à-vis  la  convexité  de  chaque 
courbure.  Il  résulte  de  ce  mécanisme  et  de  la  disposition  des  liens  qui  assujettis- 
sent le  tronc  des  impulsions  obliques  opposées,  tendant  à  redresser  les  deux  cour- 
bures principales  durachis,  ainsi  qu'on  le  fait  avec  des  moyens  plus  simples,  sans 
risquer  de  produire,  comme  avec  cet  appareil,  de  nouvelles  courbures  au-dessus 
et  au-dessous  de  celle  que  l'on  veut  effacer. 

Il  nous  resterait,  pour  compléter  cet  article,  à  retracer  les  règles  qui  doivent 
présider  à  l'emploi  des  lits  orthopédiques,  les  effets  immédiats  de  leur  action 
ainsi  que  les  résultats  qu'on  en  obtient  dans  la  cure  des  déviations  latérales  de 
l'épine.  Mais,  afin  d'éviter  un  double  emploi,  nous  devons  renvoyer  ces  différents 
points  à  l'article  où  il  sera  question  du  traitement  des  courbures  pathologique? 
ou  déviation  de  la  colonne  vertébrale. 

Voici  les  figures  des  principaux  moyens  de  pression  et  de  traction  latérales 
décrits  plus  haut.  {Voy.,  ci-contre,  fig.  3.) 

Applications  diverses,  lits  orthopédiques.  Nous  n'avons  encore  considéré 
les  lits  orthopédiques  qu'au  point  de  vue  du  traitement  de  la  scoliose  ou  cour- 
bure latérale  de  l'épine;  mais  on  a  aussi  fait  usage  de  ce  genre  d'appareils  dans 
d'autres  affections  ;  nous  indiquerons  brièvement  les  principales,  en  les  rangeant 
sous  quatre  chefs. 

1"  Courbures  antéro-yostérieures  du  rachis.  L'extension  parallèle  a  été  ap- 
pliquée autrefois  aux  courbures  spinales  à  convexité  postérieure  [excurvation, 
cyphose)  cervico-dorsale  ou  dorso-lombaire ,  ainsi  qu'aux  courbures  à  concavité 
exagérée  des  lombes  [lordose  lombaire);  on  y  a  aujourd'hui  bien  rarement  recours 
dans  ces  circonstances. 

11  est  quelquefois  utile  d'agir  par  pression  ou  impulsion  perpendiculaire,  dans 
la  position  horizontale,  sur  la  voussure  dorsale  ou  sur  la  convexité  anormale  des 
lombes.  C'est  ce  que  l'on  pratique  au  moyen  d'un  sommier  un  peu  bombé  au  mi- 
lieu, d'un  coussin  ou  pelote,  placé  sous  la  saillie  postérieure  des  vertèbres,  de  la 
double  épaulette,  de  la  ceinture  à  double  tirage  latéral,  décrites  plus  haut  et,  au 
besoin  en  outre,  au  moyen  d'une  large  pièce  en  peau  ou  en  toile,  d'une  sorte  de 
tablier,  qui  appuie  sur  la  partie  antérieure  du  tronc,  surtout  vers  les  extrémités 
de  la  courbure.  On  peut  aussi  remplacer  ces  liens  par  un  corset  peu  serré,  mais 
tendu  par  des  tirages  latéraux. 

Une  disposition  inverse  est  applicable  à  certain  cas  de  cambrure  excessive  des 
lombes.  Un  lit  mou,  faisant  le  creux  vers  le  milieu  de  sa  longueur,  ou  formant 
deux  plans  inclinés  l'un  vers  l'autre;  une  large  bande  pressant  modérément  sur 
le  milieu  du  tronc  vis-à-vis  de  la  convexité  lombaire  antérieure  ;  quelques  liens 
doux,  propre  à  fixer  le  corps  sur  le  dos  :  voilà  ce  qui  constitue  alors  tout  l'appa- 
reil orthopédique. 

La  cyphose  symptomatique  du  mal  vertébral  de  Polt  a  été  combattue  par  la 
position  horizontale  dans  différentes  attitudes,  qui  seront  appréciées  ailleurs.  On 
lui  a  aussi  opposé  des  lits  orthopédiques  analogues  à  ceux  qu'on  emploie  dans  la 
voussui'e  simple  du  dos  ou  des  lombes.  Tel  est  l'appareil  de  F.  Martin  pour  main- 
tenir le  tronc  immobile  sur  le  dos  dans  le  mal  de  Pott.  Tel  est  celui  que  M.  Gille- 
bert  (d'Hercourt)  a  fait  connaître  plus  récemment,  et  dans  lequel  un  ballon  de 


LIT  ORTHOPEDIQUE. 


701 


caoutchouc,  placé  dans  une  ouverture  du  coussin  postérieur  adoucit  la  pression 
exercée  sur  la  gibbosité.  Bonnet  employait  dans  un  but  semblable  sa  gouttière 
du  tronc,  simplement  posée  sur  le  lit. 


Fig.  5. 

EXPLICATION     DE    LA     FIGURE    3. 

A,  Sommier. 

B,  B.  Courroies  du  sommier. 

C   G,  Double  épaulelte  formanl  par  les  courroies  de  dessus,  bouclées  à  celles  de  dessous,  deux 

anses  qui  constituent  des  liens  axillaires. 
D,  Épaulette  simple,  en  forme  de  croupière,  qui  reçoit  le  bras  gauche  et  qui  s'attache  par  une 
■     longue  courroie  à  l'extrémité  du  ressort  E. 

F,  Plaque  double,  dite  à  souf/let,  qui  correspond  au  côté  droit  du  dos. 

G,  Plaque  simple,   qui  correspond  au  côté  gauche  des  lombes,  et  qui  est  fixée  par  une  longue 

courroie  à  l'extrémité  supérieure  du  ressort  H,  retenue  par  l'autre  extrémité  dans  la 
gâche  i. 

K,  Ceinture  à  courroies  latérales  obliques,  pour  agir  sur  le  bassin  tout  à  la  lois  dans  un  sens 
parallèle  à  l'axe  du  corps  et  perpendiculairement  à  cet  axe. 

F'  Plaque  à  soufPet  représentée  à  part;  a,  première  plaque  ou  plaque  de  dessous,  avec  les  cour- 
roies qui  la  fixent  sur  le  sommier;  b,  seconde  plaque,  à  pelote  articulée,  en  charnière  avec 
la  première;  c,  c,  petits  ressorts  d'acier  placés  entre  les  deux  plaques  et  terminés  à 
leur  extrémité  libre  par  une  petite  roulette  en  cuivre  qui  facilite  le  glissement  réci- 
proque des  deux  plaques. 

G'  Plaque  simple  lombaire,  représentée  à  part;  d,  petites  courroies  croisées  qui  la  fixent  sur  le 
sommier;  e,  portion  de  la  longue  courroie  qui  s'attache  au  ressort  de  Heine.  Les  plaques 
dorsales  de  la  même  forme  ont  deux  courroies  semblables,  fixées  à  deux  longs  ressorts 
placés  au  côté  opposé  du  lit. 


Nous  ne  voulons  pas  proscrire  entièrement  l'emploi  de  ces  moyens  mécaniques 
dans  le  mal  vertébral  ;  mais  nous  les  croyons  rarement  nécessaires  et  parfois 
dangereux. 

2°  Difformités  rachitiques.     Celles  qui  affectent  le  rachis  et  le  tronc  sont  con> 


702  LIT  ORTHOPÉDIQUE. 

prises  clans  les  paragraphes  précédents.  Les  courbures  rachitiques  des  membres, 
les  déviations  i^acbitiques  de  leurs  jointures,  sont  traitées,  pour  la  plupart,  à  l'aide 
d'appareils  portatifs.  Cependant,  lorsqu'il  existe  en  même  temps  une  courbure  de 
l'épine  pour  laquelle  on  fait  usage  du  lit  orthopédique,  celui-ci  peut  également 
servir  au  redressement  des  courbures  des  membres.  On  y  ajoute,  à  cet  effet, 
vis-à-vis  des  parties  affectées,  des  plaques,  des  pelotes,  des  courroies,  etc.,  qui 
exercent  les  pressions  et  les  tractions  nécessaires,  et  qui  trouvent  des  points  d'ap- 
pui solides  dans  la  charpente  du  lit  et  du  sommier.  Jalade-Lafond,  connu  en 
orthopédie  par  sa  méthode  d'extension  dite  oscillatoire,  a  représenté  un  modèle  de 
ce  genre  de  lit  à  double  fonction.  (Recherches pratiques  sur  les  principales  diffor- 
mités, 1829,  t.  II,  pi.  XX.) 

3°  Affections  et  déformations  articulaires.  C'est  encore,  le  plus  ordinaire- 
ment, aux  appareils  portatifs  que  l'on  donne  la  préférence  dans  les  difformités 
produites  par  les  affections  articulaires,  même  lorsqu'on  veut  agir  pendant  le 
décubitus,  parce  qu'ils  ont  l'avantage  de  permettre  au  malade  de  se  mouvoir  en 
tout  sens  et  de  ne  pas  le  retenir,  comme  les  appareils  de  lit,  dans  une  position 
fixe.  On  suit  la  même  pratique  pour  la  plupart  des  vices  de  conformation  articu- 
laires, accidentels  ou  congénitaux,  du  cou  et  des  membres. 

Néanmoins  l'articulation  de  la  hanche  fait  un  peu  exception  à  cette  règle,  en 
raison  de  la  difficulté  de  trouver  ici  un  point  d'appui  suffisant  pour  les  appareils 
portatifs,  et  de  l'utilité  d'une  position  fixe  du  corps  dans  plusieurs  affections  de 
cette  jointure. 

C'est  ainsi  que,  dans  la  coxalgie,  on  pratique  souvent  une  véritable  extension 
parallèle,  au  moyen  de  lacs  extenseurs  et  contre-extenseurs  fixés  à  la  tête  et  aux 
pieds  du  Ht.  La  grande  gouttière  de  Bonnet,  d'un  usage  si  fréquent  dans  cette 
affection,  remplit  l'office  des  lits  orthopédiques,  agissant,  comme  eux,  par  pres- 
sion et  par  extension. 

C'est  surtout  dans  les  luxations  congénitales  du  fémur  que  l'articulation  de  la 
hanche  a  été  soumise  à  l'action  de  lits  orthopédiques  non  moins  compHqués,  non 
moins  puissants  que  ceux  qu'on  a  imaginés  pour  le  redressement  des  courbures 
de  l'épine.  Malheureusement  de  tels  efforts,  on  le  sait,  sont  restés  vains  jusqu'à 
ce  jour,  et  malgré  les  louables  et  nombreuses  tentatives  de  Humbert,  de  Pravaz, 
de  F.  Martin  et  d'autres,  la  réduction  de  ces  luxations  est  encore  la  ])ierre  philoso- 
phale  de  l'orthopédie.  Nous  nous  abstenons,  par  ce  motif,  d'exposer  la  construc- 
tion de  ces  appareils  réducteurs,  qui  ne  sont  point  entrés  dans  la  pratique,  et  dont 
la  description,  dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances,  n'appartient  qu'à  l'histoire 
de  l'art. 

4"  Contractures  et  rétractions  musculaires.  Dans  ces  lésions,  de  même  que 
dans  les  précédentes,  hors  les  cas  d'autres  difformités  coexistantes,  qui  nécessitent 
l'emploi  du  lit  orthopédique,  on  n'a  recours  aux  appareils  de  lit  que  si  le  siège 
de  la  difformité  est  tel  que  les  appareils  portatifs  n'ont  pas  facilement  prise  sur 
elle.  On  exerce  alors  des  tractions  en  sens  contraire  sur  les  deux  extrémités  des 
muscles  raccourcis,  on  les  tend  le  plus  possible  en  éloignant  les  parties  qu'ils  ont 
rapprochées,  en  redressant,  en  retournant  quelquefois  en  sens  inverse  celles 
qu'ils  ont  infléchies,  à  l'aide  de  lacs  extenseurs,  de  tirages  perpendiculaires,  de 
plaques  de  pression  mues  par  des  vis,  ou  de  toute  autre  façon.  On  trouve  dans 
YOrthomorphie  de  Delpech  (atlas,  pi.  71)  un  exemple  de  ce  genre  de  lit,  con- 
struit pour  un  cas  de  rétraction  des  psoas-iliaques  ;  les  indications  y  sont  parfaite- 
ment remphes  ;  seulement  le  mécanisme  pourrait  en  être  simplifié.     Bouvier. 


LITHIUM  (chimie).  703 

LITCHI.     Voy.  Euphorie. 

LITHARGE.     Voy.  Plomb. 

LITHIASE  (de  >t9oç,  pierre).  Formation  de  calculs  dans  les  voies  urinaires. 
On  a  aussi  donné  ce  nom  à  des  concrétions  pierreuses  formées  sous  la  peau  ou  à 
la  surface  de  la  peau  (comme  on  le  voit  dans  la  goutte),  ou  encore  dans  le  tiss'J 
des  paupières.  A.  D. 

LlTHii%E.     Voy.  Lithium. 

LITHIQUE  (Acide).     Voy.  Ubique  (Acide). 

LITHIUM  ET  SES  COMPOSÉS.  §  I.  CluîHBîe.  Poids  atomicjue,  7;  symbole  Li. 
Le  lithium  est  un  corps  simple  appartenant  à  la  classe  des  métaux  alcilins.  Il  a 
été  isolé  pour  la  première  fois  par  Brandes;  mais  on  doit  principalement  à  Bunsen 
l'étude  de  ses  propriétés  physiques.  (Poggen.,  Ann.,  CXVI,  p.  512.)  L'oxyde  de 
lithium  ou  lithineest  connu  depuis  1817,  grâce  aux  travaux  d'Erfvedsom. 

Le  lithium  a  été  trouvé  dans  quelques  minéraux  provenant  de  la  mine  de  fer 
d'Uto,  tels  que  la  péhalite  et  le  spodumen,  qui  sont  des  silicates  doubles  d'alumine 
et  de  lithine,  et  qui  en  contiennent  le  premier  5  pour  100,  le  second  8  pour  JOO. 
Le  même  métal  a  également  été  retiré  de  la  tourmaline  apyre,  l'amblygonite 
(11  p.  100),  le  tryphillin  (3  à  4  pour  100),  le  lépidolithe  (espèce  de  mica),  quel- 
ques eaux  minérales  de  la  Bohême.  La  source  la  plus  abondante  de  lithine  a  été 
découverte  en  1864  par  A.  Miller  dans  une  eau  minérale  de  Cornouailles,  Elle  se 
rencontre  encore,  mais  en  petites  quantités,  dans  l'eau  de  la  mer,  dans  les  micas 
et  les  feldspaths,  dans  la  cendre  de  plusievirs  variétés  de  tabacs,  dans  la  météorite 
de  Juvenas  (Bunsen),  dans  celui  du  Cap.  L'emploi  du  spectroscope  a  permis  en 
effet  de  retrouver  la  raie  caractéristique  de  ce  métal  dans-une  foule  de  minéraux 
où  il  avait  passé  inaperçu. 

Bunsen  isole  le  métal  en  décomposant  le  chlorure  pur  maintenu  à  l'état  de 
fusion  par  un  courant  électrique  de  4  à  6  piles.  L'opération  se  fait  dans  un  creuset 
de  porcelaine  étroit  chauffé  sur  une  lampe  à  gaz.  L'électrode  pQsitive  est  en  char- 
bon de  cornue,  l'électrode  négative  en  fil  de  fer  de  la  grosseur  d'une  aiguille  à 
tricoter.  Le  métal  mis  en  liberté  adhère  au  fil  de  fer  et  se  trouve  préservé  de 
l'oxydation  parle  chlorure  fondu.  M.  Troost  s'est  servi  du  même  procédé,  mais  il 
modifie  avantageusement  l'appareil.  Il  se  sert  d'un  creuset  de  fonte  de  12  centi- 
mètres de  haut  sur  52  millimètres  de  diamètre  supérieur.  Ce  creuset  est  fermé 
par  un  disque  de  fer  ajusté  au  tour  et  percé  de  deux  ouvertures.  L'une,  de  5  milli- 
mètres, laisse  passer  le  pôle  négatif;  l'autre  a  31  millimètres,  et  est  garnie  d'un 
cylindre  de  tôle  qui  descend  jusqu'à  la  moitié  de  la  hauteur  du  creuset.  Ce  cdindre 
est  muni  intérieurement  d'un  tube  en  porcelaine  dans  lequel  plonge  le  pôle  positif 
L'appareil  peut  marcher  plusieurs  heures.  Le  lithium  ainsi  obtenu  est  solide, 
blanc  d'argent,  plus  dur  que  le  potassium  et  le  sodium  ;  c'est  le  plus  léger  de  tous 
les  métaux  ;  densité  0,5936  ;  aussi  flotte-t-il  sur  l'huile  de  naphte.  Il  fond  à  180". 
L'air  et  l'oxygène  secs  ne  l'altèrent  pas,  même  à  la  température  de  fusion.  Aune 
température  plus  élevée,  il  se  volatilise  et  brûle  à  l'air  avec  une  flamme  blanche. 
Il  décompose  l'eau  à  la  température  ordinaire  sans  fondre.  Le  chlore,  le  brome, 
?;'iode  s'y  combinent  à  froid  ;  le  soufre  et  le  phosphore  à  des  températures  peu 
levées.  Il  attaque  l'or,  l'argent  et  le  platine,  et  s'allie  assez  facilement  au  fer. 

L'acide  azotique  fumant  agit  sur  lui  avec  une  grande  énergie  et  détermine  son 
ignition. 


704  LITHIUM   (chimie). 

Composés  du  lithium.  Chlor m^e.  IàC\.  On  le  prépare  soit  en  combinant  dû'ec- 
toment  le  métal  au  chlore  sec,  soit  eu  dissolvant  la  litliiue  ou  le  carbonate  de 
lithine  dans  l'acide  chlorhydrique.  Sa  solution  aqueuse,  évaporée  au-dessus  de 
15°, 5,  laisse  déposer  le  sel  anhydre  sous  forme  de  cubes  doués  d'une  saveur  salée 
rappelant  le  sel  marin;  suivant  Troost,  le  cblorure  do  hthium  cristallise  en  oc- 
taèdres réguhers.  11  est  moins  volatil  que  le  cblorure  de  potassium,  plus  que  le 
cblorure  de  sodium.  Cbauffé  au  rouge  sombre  dans  des  vases  ouverts,  il  se  vola- 
tilise lentement  et  se  change  partiellement  en  carbonate.  Au-dessous  de  10°,  les 
solutions  concentrées  de  cblorure  de  litbium  abandonnées  à  elles-mêmes  laissent 
déposer  des  cristaux  prismatiques  rectangulaires,  surmontés  de  quatre  facettes 
contenant  2  molécules  d'eau  ClLi-|-2H-0.  Ces  cristaux  sont  très-instables  et 
s'allèrent  dès  qu'on  les  touche  avec  les  doigts  ;  ils  deviennent  opaques  et  tombent 
en  boudlie  laileuse  ;  ils  fondent  facilement  dans  leur  eau  de  cristallisation. 

D'après  M.  Troost,  on  obtient  le  mieux  ce  sel  en  utdisiint  les  sulfates  alcalins 
provenant  du  traitement  delà  lépidolithe(t'0(/.  plus  loin).  A  cet  effet,  on  précipite 
par  le  chlorure  de  baryum,  on  iillre,  on  sépare  le  manganèse  et  l'alumine  par 
l'ammoniaque  et  le  sulfbydrate  d'ammoniaque.  La  magnésie  est  éliminée  par  la 
chaux;  l'excès  de  chaux  est  précipité  par  l'oxalate  d'ammoniaque.  Enfin,  on  calcine 
et  on  traite  le  résidu  par  un  mélange  d'alcool  absolu  et  d'éther  qui  ne  dissout 
que  le  cblorure  de  lithium. 

Le  bromure,  l'iodure  et  le  fluorure  de  htbium  n'offrent  pas  de  propriétés  mar- 
quantes ;  on  les  prépare  par  saturation  directe  de  la  base  ou  carbonate  par  l'acide 
correspondant. 

Sulfure  de  lithium.  Li^S.  Composé  jaune,  soluble  dans  l'eau  et  l'alcool.  Se 
prépare  par  union  directe  ou  par  la  réduction  du  sulfate  par  le  cbarhon. 

Oxyde  de  lithium  ou  lithine.  Li^O.  L'oxyde  anhydre  se  présente  sous  forme 
d'une  masse  spongieuse  jaune;  d  s'obtient  en  brûlant  le  métal  dans  l'oxygène  et 
en  laissant  le  produit  se  refroidir  dans  un  courant  de  ce  gaz  ;  mais  il  renferme 
toujours  une  certaine  proportion  de  peroxyde.  L'hydrate  de  lithine  LiHO  se  sépare 
de  sa  solution  aqueuse  concentrée  sous  forme  de  petits  grains  cristallins.  Il  a  la  sa- 
veur caustique  de  la  potasse,  mais  est  moins  soluble;  il  fond  aisément  au-dessous 
du  rouge  et  ne  se  volatilise  pas.  La  lithine  fondue  attaque  assez  énergiquement 
le  platine  ;  cependant,  d'après  M.  Troost,  ce  caractère  n'appartient  pas  aux  sels 
de  lithine  pure,  mais  à  des  mélanges  de  sels  de  lithine,  de  cérésium  et  de  ru- 
bidium. 

On  a  proposé  un  grand  nombre  de  procédés  pour  séparer  la  lithine  qui  l'accom- 
pagnait dans  ses  divers  minerais  ;  nous  nous  contentons  d'indiquer  le  mode  de 
préparation  de  M.  Troost  au  moyeu  de  la  lépidolithe. 

Voici  la  composition  de  ce  minéral  : 

LÉPIDOLITHE   DE    ^.O^E^■A.  LÉPIDOLITHE   DE   CORXOCAILLE. 

Silice 52,25 50,82 

Alumine 28,53 21,55 

Rotonyde  de  manga.nèse  .        3,66 » 

—         fer » 9,08 

Pousse 6,90 9,86 

Lithine 4,79 4,05 

Acide  fluorhydrique.     .   .        5,07 1,81 

Eau traces » 

Si  l'on  mélange  de  la  lépidolithe  avec  du  carbonate  et  du  sulfate  de  baryte  en 
proportions  convenables,  la  masse  chauffée  dans  un  bon  fourneau  à  vent  fond  et 
subit  une  espèce  de  liquation  qui  laisse  à  la  partie  inférieure  du  creuset  un  verre 


LITIHUM  (chimie).  705 

fondu,  mais  visqueux,  et  au-dessus  un  liquide  fluide  que  l'on  peut  enlever  par 
décantation  ou  séparer  de  la  couche  vitreuse  après  refroidissement.  La  masse 
saline  supérieure  est  une  combinaison  de  sulfate  de  baryte  avec  les  sulfates  de 
potasse  et  de  lithine  ;  traitée  par  l'eau,  elle  cède  à  ce  liquide  les  sulfates  alcalins. 
Le  même  traitement  s'applique  à  la  pétalite  d'Uto.  Nous  avons  vu  plus  haut 
comment  on  retire  le  chlorure  de  lithium  pur  du  mélange  des  deux  sulfates.  On 
peut  aussi  obtenir  le  nitrate  en  précipitant  par  le  nitrate  de  baryte  le  mélange  des 
deux  sulfates.  L'azotate  de  potasse  se  sépare  par  cristallisation  ;  enfin  la  calcina- 
tion  du  nitrate  de  lithine  dans  uti  creuset  d'argent  fournit  l'oxyde. 

La  lithine  est  une  base  salifiable  énergique.  Les  caractères  distinctifs  de  ces  sels 
sont  les  suivants  : 

\°  Réaction  par  la  voie  sèche.  Ils  sont  incolores,  plus  fusibles  que  les  sels 
de  potasse  et  de  soude  correspondants.  Fondus  sur  une  lame  de  platine  avec  du 
carbonate  de  soude,  ils  laissent  une  tache  jaune.  Ils  colorent  en  rouge  cramoisi  la 
tlamme  du  chalumeau  et  la  flamme  de  l'alcool.  Les  sels  de  lithine  examinés  au 
spectroscope  se  distinguent  nettement  par  une  belle  raie  cramoisie  placée  enlre 
le-s  bandes  B  etC  du  spectre,  et  une  bande  mince  jaune  située  un  peu  en  avant  de 
la  bande  P  du  sodium. 

2°  Réaction  par  la  voie  humide.  Tous  les  sels  de  lithine  sont  solubles  dans 
l'eau.  Le  carbonate,  le  phosphate  de  lithine  et  le  phosphate  double  de  lithine  et 
de  soude  sont  peu  solubles.  En  solution  concen(rce,  ils  donnent  des  précipités 
peu  solubles  avec  les  carbonates  et  les  phosphates  alcalins.  Le  carbonate  de 
soude  ne  précipite  qu'au  bout  d'un  certain  temps.  Le  phosphate  de  soude  ordi- 
naire ne  précipite  à  froid  qu'après  un  long  repos,  à  moins  que  l'on  n'ajoute 
de  l'ammoniaque.  Un  mélange  de  sels  de  lithine  et  de  phosphate  de  soude  se 
trouble  par  l'ébullition.  Le  résidu  de  l'évaporation  traité  par  l'eau  laisse  du 
phosphate  double  peu  soluble. 

La  lithine  se  dose  sous  forme  de  carbonate,  de  sulfate  ou  de  chlorure.  On  la  sé- 
pare des  métaux  proprement  dits,  des  métaux  terreux  et  alcalino-terreux  au  moyen 
de  l'hydrogène  sulfuré,  du  sulfhydrate  et  du  carbonate  d'ammoniaque.  Le  chlorure 
de  platine  permet  d'isoler  le  potassium.  Pour  éliminer  la  soude  on  convertit  les 
deux  alcalis  en  chlorures  que  l'on  fait  digérer  à  sec  avec  un  mélange  d'alcool  et 
d'éther.  Le  chlorure  de  lithium  se  dissout  seul. 

Bunsen  fait  cependant  observer  que  cette  opération  ne  peut  donner  des  résultats 
exacts,  les  chlorures  de  potassium  et  de  sodium  n'étant  pas  tout  à  fait  insolubles 
dans  le  mélange  d'alcool  et  d'éther.  Il  indique  comme  plus  convenable  la  voie 
indirecte  qui  consiste  à  épuiser  par  l'alcool  éthéré  le  mélange  sec  des  chlorures 
alcahns.  La  solution  est  évaporée  à  sec,  le  résidu  est  dissous  dans  l'eau.  On  dose 
par  le  nitrate  d'argent  la  totalité  du  chlore.  Le  liquide  filtré,  débarrassé  d'argent 
en  excès  par  l'acide  chlorhydrique  permet  de  doser  directement  le  chlorure  de 
potassium  au  moyen  du  platme.  La  différence  entre  le  poids  total  des  chlorures  et 
le  poids  trouvé  de  chlorure  de  potassium  est  égale  à  la  somme  des  chlorures  de 
lithium  et  de  sodium. 

On  a  A  =  xty       .r  =  ClLi       3/  ==  ClNa . 

D'un  autre  côté,  si  l'on  retranche  le  poids  de  chlorure  d'argent  correspondant 
à  CIK  du  poids  total  du  chlorure  d'argent  trouvé,  on  a  une  différence  B  qui  per- 
met d'écrire  une  seconde  équation  entre  x  et  y,  et  de  ces  deux  équations  on  tire 

a;=l;0823B— 2,6525A. 

DICT.    EKC.   2°  S     II.  45 


706  LITHIUM   (pharmacologie). 

Principaux  sels  de  litiiine.  Azotate.  AzO=40.  Sel  déliquescent  très-soluble 
dans  l'eau  et  l'alcool.  Se  dépose  de  ses  solutions  concentrées  et  refroidies  à  15'  en 
gros  cristaux  anhydres  (rhomboèdres  basés).  On  l'obtient  directement  en  saturant 
le  carbonate  par  l'acide  azotique. 

Carbonate  de  lithine  LiOCo'.  Poudre  blanche  légère,  peu  soluble  dans  l'eau. 
l  litre  d'eau  dissout  12  grammes  de  carbonate  de  lithine  et  cette  solubilité  ne 
change  pas  beaucoup  avec  la  température.  La  présence  d'un  excès  d'acide  carbo- 
nique augmente  la  dose  de  carbonate  et  peut  l'élever  à  52ê'',5  par  litre. 

Le  sel  fond  au  rouge  et  perd  une  grande  partie  de  son  acide. 

On  prépare  le  carbonate  de  lithine  en  décomposant  l'azotate  par  le  cuivre  et  en 
faisant  ])asser  un  courant  d'acide  carbonique  dans  la  dissolution  de  lithine  obtenue 
en  traitant  par  l'eau  la  masse  calcinée. 

On  peut  aussi  transformer  en  azotates  (par  l'azotate  de  baryte)  les  sulfates  alca- 
lins retirés  de  la  lépidolithe.  Évaporer  et  calciner  avec  de  l'acide  oxalique.  Le  ré- 
sidu lavé  à  l'eau  cède  le  carbonate  de  potasse  et  celui  de  soude,  tandis  que  le  sel 
de  lithine  reste.  Le  carbonate  de  lithine  entre  comme  principe  actif  dans  la  com- 
position de  certaines  eaux  minérales  naturelles  et  artificielles. 

Sulfate  de  lithine.  SO'LiOHt).  Sel  très-fusible,  saveur  salée.  Il  possède  un 
maxinuim  de  solubilité  situé  au-dessous  de  zéro.  Il  cristaUise  dans  le  système  du 
prisme  oblique  symétrique  et  forme  avec  les  sulfates  de  potasse  ou  de  soude  des 
sels  doubles  facilement  cristallisables. 

On  ne  connaît  pas  de  sulfate  acide  de  lithine.  Schutzejnberger 

|II.  Pharmacologie.  Les  sels  de  lithine  sont  employés  en  médecine;  le 
plus  recommandé  et  le  plus  employé  pour  les  usages  thérapeutiques,  est  le 
protocarbonate.  Mais,  comme  nous  Talions  voir,  par  suite  du  mode  ordinaire 
d'administration  de  ce  sel,  c'est  en  réalité  du  bicarbonate  que  l'on  emploie  ;  et, 
en  outre,  par  suite  aussi  de  diverses  associations,  on  emploie  concurremment  du 
phosphate  de  lithine  ou  du  citrate  de  lithine  ;  ce  dernier  sel,  selon  quelques-uns, 
mériterait  même  la  préférence. 

Le  protocarbonate  de  lithine  est  peu  soluble  ;  \  litre  d'eau  n'en  dissout  que 
12  gi'ammes.  Il  se  dissout  beaucoup  mieux  dans  l'eau  chargée  d'acide  carbo- 
nique, en  se  transformant  en  bicarbonate.  Cette  solution  constitue  Veau  de 
lithine,  qui  se  prépare  dans  les  proportions  suivantes  :  protocarbonate  de  lithine, 
08'',20;  eau  gazeuse,  500. 

A  cette  eau  de  lithine  on  ajoute  parfois  du  bicarbonate  de  soude  (Stricker) ,  du 
nitrate  de  potasse,  du  carbonate  de  potasse  ou  du  phosphate  d'ammoniaque  (Gar- 
rod)  ;  en  employant  ce  dernier  sel,  il  se  forme  un  phosphate  de  lithine  qui  est 
encore  moins  soluble  que  le  protocarbonate,  et  qui  exige  conséquemment  l'inter- 
vention d'une  plus  grande  quantité  d'eau. 

On  peut,  et  avec  avantage  d'après  quelques  praticiens,  remplacer  Teau  gazeuse 
par  la  limonade  citrique  pour  dissoudre  le  protocarbonate  de  lithine,  ou  plutôt 
pour  le  transformer  en  citrate  plus  soluble. 

En  Angleterre,  on  emploie  la  lithine  sous  forme  de  granules  effervescents  ; 
chaque  dose  de  5  grammes,  que  l'on  prend  dans  un  peu  d'eau  sucrée,  renferme 
10  centigrammes  de  carbonate  de  lithine.  On  fait  aussi  des  granules  renfermant 
chacun  1  centigramme  de  carbonate  de  lithine.  (Réveil.) 

Historique.  Une  expérience  de  Lipowitz  ayant  constaté  l'action  dissolvante 
remarquable  que  le  carbonate  de  lithine  exerce  sur  l'acide  urique,  A.  Ure  (de 


LITHIUM   (pharmacologie).  707 

Londres),  en  IS-iS,  appela  l'attention  sur  ce  fait,  et  fit  prévoir  le  parti  qu'on  en 
pourrait  tirer  pour  dissoudre  les  calculs  d'acide  uinque.  Quelques  années  après, 
Garrod  expérimenta  sur  une  plus  grande  échelle  cette  action  dissolvante,  l'étudia 
comparativement  avec  celle  des  composés  de  soude  et  de  potasse,  et  reconnut  que 
les  sels  de  litliine  l'emportent  de  beaucoup  par  leur  influence  sur  les  concrétions 
d'acide  urique  et  d'urate  de  soude.  11  devint  ainsi  le  principal  initiateur  des  ap- 
plications thérapeutiques  de  la  litliine,  et  l'introduisit  dans  le  traitement  de  la 
gravelle  et  de  la  goutte.  (Voy.  La  goutte,  sa  nature  et  son  traitement,  par  Garrod, 
trad.  Ollivier,  1867.) 

Action  physiologique.  Le  carbonate  de  lithine,  ingéré  à  petites  doses,  10, 
20,  30  et  même  50  centigrammes,  ne  produit  d'autre  phénomène  physiologique 
appréciable  que  la  diurèse  et  la  diminution,  bientôt  même  la  disparition,  des 
sables  ou  graviers  uriques  charriés  par  les  urines.  Si  l'on  dépasse  quelque  peu 
les  doses  précitées,  ce  sel  ne  paraît  pas  offrir  d'inconvénient  sérient.  AinsiM.Char- 
cot  en  a  donné  jusqu'à  2  et  5  grammes  en  vingt-quatre  heures,  et,  au  moins  dans 
les  premiers  jours,  il  n'en  a  vu  résulter  aucun  accident.  Toutefois,  lorsque  ces 
doses  élevées  ont  été  soutenues  pendant  plusieurs  jours,  il  est  survenu  des  sym- 
ptômes de  dyspepsie  cardialgique  qui  ont  obligé  à  suspendre  le  médicament.  C'est 
donc  une  substance  plus  active,  plus  énergique  que  les  composés  de  soude  et 
même  de  potasse,  et  qui  demande  une  certaine  réserve  dans  son  emploi.  Au  reste, 
pour  le  genre  d'applications  auxquelles  les  préparations  de  lithine  ont  été  desti- 
nées jusqu'ici,  de  petites  doses  suffisent.  En  effet,  l'équivalent  de  la  lithine  étant 
faible,  elle  neutrahse  puissamment  les  acides,  et  conséquemment  sature  l'acide 
urique  en  plus  fortes  proportions  que  ne  le  font  la  potasse  et  la  soude.  Enfin 
elle  alcalinise  le  sang  bien  plus  que  ces  deux  bases,  et  en  se  substituant  à  la  se- 
conde dans  les  produits  tophacés  de  la  goutte,  elle  tend  à  rendre  ceux-ci  plus  so- 
lubles  et  plus  facilement  éhminables. 

AcTiois  THÉRAPEUTIQUE.  Les  propriétés  chiniiqucs  des  préparations  de  lithine 
justifiaient  donc  leur  application  au  traitement  des  maladies  liées  à  l'existence 
d'un  excès  d'acide  urique  dans  l'économie.  La  goutte,  qui  se  trouve  dans  cette 
condition,  a  été  ainsi  très-heureusement  traitée  par  Garrod.  Tout  en  conservant 
au  colchique  un  rang  plus  élevé  dans  le  traitement  de  cette  maladie,  il  voit,  dans 
le  carbonate  de  lithine,  un  moyen  très-utile  pour  atténuer,  prévenir  les  accès,  at- 
taquer et  faire  disparaître  les  conséquences  et  restes  de  la  maladie.  Ainsi,  il  a  pu, 
pendant  son  cours,  favoriser  l'élimination  et  diminuer  la  production  de  l'acide 
urique,  et  ultérieurement  faire  disparaître  les  dépôts  tophacés  par  un  long 
usao-e  des  sels  de  lithine.  C'est  d'ailleurs  dans  la  goutte  chronique  que  ces 
sels  se  sont  montrés  le  plus  avantageux.  Ils  ont  été  d'un  efiet  nul  ou  très-peu 
marqué  contre  le  rhumatisme  et  même  contre  le  rhumatisme  dit  goutteux. 

Des  applications  locales  de  solutions  de  lithine  ont  quelquefois  calmé  les  dou- 
leurs articulaires  des  goutteux. 

L'action  des  sels  de  lithine  sur  la  goutte  n'a  pu  encore  être  assez  étudiée,  et 
leur  emploi  n'a  pu  non  plus  se  généraliser  assez  pour  que  l'on  soit  fixé  sur  leur 
valeur  réelle.  Peut-être  n'attaquent-ils  que  l'un  des  éléments  de  cette  maladie  ; 
mais  si  du  moins  ils  en  triomphent  mieux  que  d'autres  médicaments  par  une  dis- 
solution et  une  élimination  plus  facile  des  urates  alcalins  du  sang,  ils  réaliseront 
un  progrès  dans  une  thérapeutique  qui  jusqu'ici  a  laissé  beaucoup  à  désirer. 

Il  est  bon  de  remarquer,  d'ailleurs,  que  dans  toutes  les  eaux  minérales  répu- 
tées utiles  aux  goutteux,  les  analyses  ont  successivement  démontré  la  présence 


108  LlTllOGLASTIb:. 

delà  lithine  ;  telles  sont  les  eaux  de  Carlsbad,  Aix-la-Chapelle,  Marienbad,  Kissiii- 
gen,  Ems,  Tœplitz,  Bilin,  Kreuznach,  Vichy,  Bade,  etc. 

Quant  à  l'influence  de  la  lithine  sur  la  gravelle  urique,  elle  n'est  pas  contes- 
table, en  ce  sens  du  moins  que  nous  possédons,  dans  les  sels  de  cette  base,  un 
moyen  assuré  de  dissoudre  les  dépôts  d'acide  urique  entraînés  par  les  urines. 
Depuis  MM.  Ureet  Garrod,  et  grâce  à  leurs  expériences,  plusieurs  cliniciens  ont 
été  à  même  de  vérifier  ce  résultat;  nous  citerons  entre  autres  MM.  N.  Guéneau 
de  Mussy  et  Moutard-Martin,  qui  ont  bien  voulu  nous  communiquer  à  cet  égard 
des  observations  concluantes.  Réveil  dit  avoir  également  recueilli  plusieurs  preuves 
des  bons  effets  de  la  lithine  dans  la  diathèse  urique.  Enfin  nous-mème,  dans  les 
cas  de  cette  nature  où  nous  l'avons  expérimentée,  nous  avons  pu  en  constater  la 
parfaite  efficacité, 

M.  Ure  a  proposé  d'employer  le  carbonate  de  lithine  en  injections  dans  la  ves- 
sie, pour  tenter  la  dissolution  des  calculs  urinaires. 

Il  est  présumable  que  les  thérapeutistes  trouveront  à  faire  de  nouvelles  appli- 
cations des  sels  de  hthine  ;  par  exemple,  si  à  un  haut  degré  d'alcalinité  corres- 
pondait un  pouvoir  fluidifiant  analogue,  sinon  même  supérieur  à  celui  des  autres 
alcahs,  ne  pourrait-on  pas  les  utihser  pour  la  dissolution  et  la  résorption  de  cer- 
tains produits  plastiques  de  l'inflammation  ? 

Ce  sont,  en  définitive,  des  composés  qui  paraissent  intéressants,  et  qui  deman- 
dent des  études  variées  et  suivies  pour  éclairer  les  praticiens  sur  toutes  leurs  pro- 
priétés, sur  toutes  leurs  applications  possibles. 

Doses.  Le  carbonate  de  lithine  se  donne  à  la  dose  de  5  à  30  centigrammes,  ré- 
pétée deux  ou  trois  fois  par  jour  (Garrod)  ;  à  la  dose  de  5  à  10  centigrammes  par 
jour  (Aschenbrenner).  Charcot  l'a  donné  jusqu'à  2  et  5  grammes  en  vingt-quatre 
heures.  En  injections  dans  la  vessie,  on  l'a  prescrit  depuis  1^,50  jusqu'à  i 
grammes.  (Ure,  Aschenbrenner.)  D.  de  Savigkac. 

MTHOBIE  (lîOo;,  pierre,  8lo;,  vie;  qui  vit  sous  les  pierres).  Genre  de  my- 
riapodes, de  l'ordre  des  Cbilopodes  créé  par  Leach,  avec  des  Scolopendra  de 
Linné,  et  sur  lequel  Newport  a  étabh  une  famille  sous  le  nom  de  Litlwbiidœ. 
Ces  animaux  ont  pour  caractères  génériques  d'avoir  le  corps  formé  de  dix-sept 
segments  non  compris  la  tête,  alternativement  plus  petits  et  plus  grands,  imbri- 
qués en  dessus,  presque  égaux  en  dessous  ;  arceau  supérieur  distinct  pour  le 
segment  forcipulaire.  Antennes  de  vingt  à  quarante  articles  décroissants;  yeux 
nombreux,  petits  et  réunis  sur  les  côtés  de  la  tète  ;  quinze  paires  de  pieds,  les 
postérieurs  les  plus  longs,  autant  d'écussons  dorsaux  que  do  pieds. 

Ce  genre  renferme  un  grand  nombre  d'espèces,  dont  plusieurs  se  trouvent  en 
France.  La  plus  connue  est  la  Lithobie  à  tenailles  [Scolopendra  forcipata,  de 
Géer),  d'un  brun  foncé  et  luisant,  avec  la  tête,  les  antennes  et  le  dessous  du 
corps  roussàtres.  Pattes  d'un  brun  clair.  Du  reste,  plusieurs  espèces  ont  été  con- 
fondues sons  cette  désignation. 

Les  Lithobies  vivent  dans  les  lieux  humides,  sous  les  abris,  les  pierres,  lus 
mousses,  les  feuilles  tombées,  etc.  Elles  ont  la  démarche  assez  vive  et  cherchent 
par  leur  morsure  à  échapper  à  la  main  qui  les  saisit.  Cette  morsure  n'a  rien  de 
redoutable  pour  l'homme  ;  elle  n'est  nuisible  que  pour  les  très-petits  animaux 
que  recherche  la  Lithobie  pour  en  faire  sa  nourriture.  A.  Laboulbène. 

LITHOCL.llSTlE  (de  ILdog,  pierre,  et  xlduv,  écraser.     {Voy.  Lithotritie.) 

A.  D 


LITIIOTRITIE.  709 

I^ITHOFELLIQUE  (Acidc).  Il  forme  la  base  du  bezoard  dit  oriental,  qu'on 
trouve  dans  la  caillette  de  la  chèvre  sauvage  et  dont  les  vertus  thérapeutiques 
étaient  autrefois  si  célèbres.  iVoy.  Bezoards.)  Cet  acide,  qu'on  obtient  des  calculs 
en  les  traitant  plusieurs  fois  à  chaud  par  l'alcool,  et  décolorant  par  le  charbon, 
cristalhse  en  petits  prismes  hexaédriques,  insolubles  dans  l'eau.  A.  D. 

IiITHOL4BE  (de  Àiôo?,  pierre,  et  )iau.6âvctv,  saisir).  Nom  donné  aux  pinces 
destinées  à  saisir  un  calcul  dans  la  vessie.  Il  désigne  et  les  tenettes  employées 
dans  la  taille  eih pince  à  trois  branches  des  instruments  lltbotrileurs.  {Voij.  Li- 
thotritie).  a.  1). 

LlTDOiVlYLEllRS  (de  llQoç,  pierre,  et  i^ùln,  meule).  Nom  donné  aux  instru- 
ments destinés  à  réduire  en  poudre  les  calculs  de  la  vessie.  A.  D. 

LITHOniTRIBIOIK.       Voy.  TURQUETTE. 

1.ITH01VTRIPTIQUE  (de  liOoç,  pierre,  et  rpi^iç,  broiement).  Se  dit  des  mé- 
dicaments auxquels  on  prête  la  propriété  de  dissoudre  les  calculs,  soit  pris  par 
les  voies  digestives,  soit  injectés  directement.  {Voy.  Calculs.)  A.  D. 

UTUOPDYTOM.       Voy.  COBALLINE. 

LITHOPRISIE  (de  liQoi,  pierre,  et  npiatç,  sciage).  On  «vait  donné  ce  nom 
à  l'opération,  non  réalisée,  qui  eût  consisté  à  scier  les  calculs  dans  la  vessie. 

A.  D. 

ElTnoiSPERjnUKl.  Les  plantes  auxquelles  ce  nom  appartient  actuellement 
en  propre,  sont  des  Borraginées,  du  genre  Grémil  {voy.  ce  mot).  Le  Lithosper- 
mum  de  Pline  et  de  quelques  autres  auteurs  anciens,  est,  à  ce  qu'on  suppose, 
une  Graminée,  le  Coix  Lacryma  L. 

Le  L.  tinctorium  DC,  o\x  Anchusa  tinctoria  L.,  est  devenu  le  type  du  genre 
AJkanna.  {Voy.  Orcaînette.)  H.  B>. 

lillUORlXEUR  (de  )^îôoî,  pierre,  et  ptvâv,  limer).  Instrument  proposé  par 
Tanchou  pour  limer  la  pierre  dans  la  vessie.  A.  D. 

LITDOTOHIE.  Mauvaise  expression  qui  signifie  section  de  la  pierre  (de  ')Moz, 
pierre,  et  to^â,  section).  {Voy.  Taille.)  A.  D. 

lilTHOTRlPiSlE  (d€  ).î9oç,  pierre,  et  Tptipiî,  broiement.     {Voy.  Lithotritie.) 

A.  D. 

EITHOTRITIE.  L'opération  qui  consiste  à  briser  un  calcul  dans  la  vessie 
et  à  en  faire  sortir  les  fragments  par  le  canal  de  l'urèthre  a  reçu  les  noms  de 
lithotripsie,  lithoprinie,  lithocénose  et  lithotritie.  Aucune  de  ces  expressions  n'en 
donne  une  idée  exacte;  la  moins  défectueuse,  dans  l'état  actuel  de  la  science,  est 
celle  de  lithotripsie,  cependant  je  me  servirai  du  mot  de  lithotritie  parce  qu'il 
est  le  plus  généralement  usité. 

La  définition  que  je  viens  de  donner  de  la  lithotritie,  la  différentie  essentielle- 
ment d'une  manœuvre  opératoire  très-anciennement  connue  par  laquelle,  dans 
la  taille  périnéale,  on  brisait  le  calcul  quand  il  était  trop  volumineux  et  on  le  reti- 
rait en  morceaux  par  la  plaie  du  périnée. 

Je  distinguerai  trois  périodes  dans  l'étude  de  la  lithotritie  :  1*  une  période  his- 
torique; 2°  une  période  de  transition;  Z°  une  période  pratique. 


710  LITUOTRITIE. 

A.  Période  historique.  Depuis  les  premiers  âges  de  la  chirurgie  jusqu'au 
commencement  de  notre  siècle,  on  avait  considéré  la  taille  comme  le  seul  moyen 
de  guérir  les  calculeux.  Aussi  n'a-t-on  fait  mention  d'aucune  autre  opération  dans 
nos  traités  d'histoire  de  la  chirurgie.  Mais  du  moment  où  on  s'occupa  sérieuse- 
ment de  la  lithotritie,  plusieurs  savants  se  mirent  à  fouiller  les  vieux  livres  pour 
y  découvrir  quelques  traces  de  cette  opération  nouvelle,  et  aujourd'hui  nous  possé- 
dons des  documents  assez  intéressants  sur  ce  sujet. 

Le  document  le  plus  ancien  remonte  au  neuvième  siècle.  Il  a  été  pubhé  dans 
YAheille  médicale  d'Athènes  par  M.  Olympios,  qui  l'a  découvert  dans  le  panégy- 
rique du  moine  Théophanès.  En  voici  la  traduction  telle  que  l'a  donnée  M.  René 
Briau,  dans  le  neuvième  numéro  de  la  Gazette  hebdomadaire,  1858.  «  ...Théo- 
phanès se  rendit  auprès  de  Léon  l'Arménien,  quoiqu'il  fût  tourmenté  par  une 
maladie  chronique  des  reins  et  par  une  dysurie.  En  effet  des  instruments  avaient 
été  introduits  dans  la  vessie  par  le  conduit  naturel,  et,  après  avoir  broyé  les 
pierres  qui  s'y  trouvaient  les  apportaient  au  dehors  et  permettaient  à  l'urine  la 
libre  sortie,  autant  que  possible.  » 

On  a  également  rapporté  un  passage  curieux  d'Alsaharavius  (Albucasis),  écrivain 
du  douzième  siècle,  sur  la  rétention  d'urine.  «  ...Curalio  ejus,  quandofuitlapidus 
parvus,  vel  si  hahuerit  grossitudinem  et  impulsusest  jam  ad  coUum  vesicaeautad 
aliquem  transitum  virgae  et  impedit  urinam,  est  quod  sedeat  patiens  in  aquà  de- 
coctionis  aneti,  meliloti,  camomillse,  radicis  altese,  fenugrec,  seminis  lini,  et  linia- 
tur  virga  cum  pinguedine  gallinae,  vel  cum  oleo  syrag,  vel  oleo  camomillae  et 
clisterizefur  virga  cum  oleo  aneti,  vel  cum  oleo  scorpionis  quod  fortius  omnibus 
est;  et  si  cum  hoc  regimine  nonexierit  studeat  implere  ipsum  cum  instrumente 
quod  nominatur  anul  apud  viam  transitus,  vel  accipiatur  instrumentum  subtile 
quod  nominant  mashaba  rebilia  et  suaviter  intromittatur  in  virgam  et  volve  lapi- 
dem  in  medio  vesicas  et  si  fuerit  mollis  frangitur  et  exibit.  Si  vero  non  exiverit 

cum  iis  quae  diximus,  oportet  incidi »  [Liber  theoricœ  necnon  practicœ,  in-4°, 

f.  XCIV,  1519.) 

Au  quinzième  siècle,  Benedetti  (Alexandre),  médecin  de  Padoue,  publia  les 
lignes  suivantes  dans  son  ouvrage  ayant  pour  titre  De  singulis  corporum  morbis  : 
«  Cum  vero  bis  praesidiis  (dissolventibus)  lapis  non  comminuitur,  nec  nullo  modo 
eximitur,  curatio  chirurgica  adhibeatur,  et  per  fistulam,  priusquam  humor  pro- 
fusus  dolores  levet,  aliqui  intus  sine  plagà  lapidera  conterunt  ferreis  instrumentis, 
quod  equidem  tutum  non  invenimus.  » 

Près  d'un  siècle  plus  tard  Sanctorius,  dans  ses  Commentaires  sur  Avicenne, 
écrivait  sur  ce  même  sujet  ce  passage  remarquable.  «  Quod  si  calculus  per  ure- 
tères, ad  vesicam  dejectus  spatio  hebdomadis  circiter  cum  urinâ  non  ejiciatur, 
extrahendus  est,  ne  per  moram  magnus  evadet,  quod  ut  fieret.  Excogitavimus 
syringam  quaj  in  vesicam  immittendo  est  quando  lotio  est  referta  (longitudo  sy- 
ringae  in  viro  est  unius  spithaminis  cum  dimidia)  eâ  immissâ,  tune  instrumeiUum 
quod  unit  très  cuspides  (dum  est  in  syringa)  aliquanto  plus  impellitur  ut  tricus- 
pides  separentur  et  dilatentur  :  deinceps  extrabitur  instrumentum.  Quo  peracto, 
statim  ah  urina  lapis  cum  impetu  ad  sinam  syringfe  ferri  solet  :  qui  inclusus  inter 
illas  cuspidines  statim  extrahitur  per  syringam.  Si  vero  accideret  quod  urinas  im- 
petus  non  ferret  lapillum  adtricipitis  sinum  :  tune  cum  syphone  per  vim  vacui  at- 
trahetur.  »  {Commentaria,  fasc.  1,  libri  canonis  Avicennœ.Ti&ime,  1626. 
Déjà  Leroy  (d'Étiolles)  père,  commentant  les  derniers  textes  que  je  viens  de 
citer,  avait  montré  combien  la  signification  qu'on  a  voulu  leur  donner  est  forcée, 


LITHOTHITIE.  711 

que  le  grand  Haller  lui-même  a-commis  une  erreur  singulière  en  regardant  comme 
fln  perforateur  la  tige  métallique  dont  Sanctorius  se  servait  jiour  tenir  réunies  ou 
pour  écarter  les  branches  de  son  tricuspides .  Je  puis  en  dire  autant  du  document 
produit  par  M.  Olympios.  Le  panégyrique  du  moine  Théophancs  a  été  écrit  par 
un  homme  étranger  à  la  chirurgie  qui,  dans  l'opération  dont  il  parle,  n'a  vu  que 
des  pierres  broyées,  tirées  par  le  canal  et  dont  l'extraction  permit,  autant  que 
possible,  la  libre  sortie  des  urines.  Mais  d'où  venaient  ces  pierres?  Étaient-elles 
dans  la  vessie  ou  dans  la  partie  profonde  de  l'urèthre?  Le  chirurgien  qui  a  opéré 
Théophanès  ne  s'est-il  pas  borné  à  employer  le  procédé  si  bien  décrit  par  Albu- 
casis  pour  extraire  les  pierres  du  canal?  Que  les  anciens  aient  eu  l'idée  de  briser 
des  calculs  dans  la  vessie,  cela  est  très-vraisemblable.  Mais,  en  l'absence  de  faits 
détaillés  et  de  toute  descriplion  d'instruments,  il  est  im[jossible  de  prouver  que  la 
litliotritie  leur  était  connue.  Plus  on  examine  les  textes,  plus  on  y  réfléchit  et  plus 
■on  demeure  convaincu  que  tout  ce  qu'ils  ont  écrit  sur  le  broiement  des  calculs 
se  rapporte  aux  calculs  de  l'urèthre. 

Deux  faits  appartenant  presque  à  notre  époque  ont  une  importance  beaucoup 
plus  grande.  C'est  d'abord  un  moine  de  Cîteaux  qui,  pour  se  guérir  de  la  pierre, 
s'était  imaginé  de  se  servir  d'une  sonde  creuse  et  flexible  qu'il  introduisait  dans 
■sa  vessie.  Puis  il  faisait  glisser  dans  cette  sonde  une  longue  lime  d'acier  ronde 
ayant  le  bout  taillé  en  biseau  et,  lorsqu'il  parvenait  à  rencontrer  sa  pierre,  il  la 
limait  ou  en  détachait  des  morceaux  en  frappant  à  petits  coups  secs  le  talon  de 
l'instrument  avec  un  marteau  d'acier.  C'est  encore  un  colonel  Martin  qui  avait 
entrepris  de  se  limer  une  pierre  située  dans  la  vessie  à  l'aide  d'une  canule  flexible 
par  laquelle  passait  un  long  stylet  d'acier  qui  présentait  sur  sa  convexité  une  lime 
bien  trempée. 

Ces  deux  malades  portaient  évidemment  des  calculs  vésicaux.  Le  premier  avait 
été  examiné  par  Iloin  père,  chirurgien  de  Dijon,  qui  voulait  le  tailler,  et  le  second 
■avait  été  vu  par  le  chirurgien  Scott.  Mais  ces  fiiits,  sur  lesquels  nous  ne  possédons 
•que  des  détails  Irès-incomplets,  étaient  passés  inaperçus. 

B.  Période  de  transition.  Le  premier  qui  a  conçu  nettement  la  possibilité 
■de  la  litliotritie  et  imaginé  des  instruments  pour  la  pratiquer  est  Gruithuisen,  mé- 
decin bavarois.  Son  travail  fut  publié  dans  la  Gazette  médico-chirurgicale  deSaltz- 
boiirg  en  1813;  mais,  ainsi  qu'il  le  dit  lui-même,  il  s'en  occupait  depuis  cinq  ans, 
attendant  l'occasion  de  pratiquer  sur  le  vivant  l'opération  telle  qu'il  l'avait  conçue. 
Sans  perdre  de  vue  la  dissolution  de  certains  calculs,  ce  qui  était  l'objet  principal 
de  ses  recherches,  il  avait  tenté  également  de  les  broyer.  Après  avoir  montré, 
dans  des  expériences  publiques,  que  rien  n'était  plus  facile  que  d'introduire  un 
cathéter  droit  dans  la  vessie,  il  avait  inventé  un  appareil  com|)osé  de  pièces 
assez  compliquées  ^out perforer  les  calculs  et  les  briser.  «  ..  .On  introduira,  dit-il, 
dans  une  grosse  sonde  préalablement  engagée  dans  la  vessie,  une  vrille  en  fer 
de  lance  ou  une  espèce  de  petite  couronne  de  trépan  dont  la  tige  sera  contenue 
dans  un  second  tube  ;  celui-ci,  destiné  à  être  passé  à  travers  le  tube  principal, 
rempHra  exactement  ce  dernier.  L'intérieur  du  petit  tube  sera  assez  large  pour 
laisser  passer,  par  les  parties  latérales  de  la  tige  qu'il  renferme,  les  deux 
extrémités  d'un  fd  de  métal  d'un  diamètre  semblable  à  celui  d'une  corde 
de  piano  de  grosseur  moyenne,  lequel  sort  par  deux  ouvertures  pratiquées  en 
•de\ant  sur  les  côtés  du  pitit  tube,  pour  aller  former  une  anse  au-devant  de  Ig 
vrille  ou  de  la  couronne  de  trépan...  C'est  avec  cette  anse  de  fd  métallique,  qui 
peut  être  agrandie  à  volonté,  que  l'on  doit  chercher  à  saisir  la  pierre,..  La  pierre 


712 


LITHOTRITIE. 


étant  engagée  dans  l'anse,  on  la  tire  vers  la  grosse  sonde  et  on  la  fixe  ainsi  contre 
la  vrille  ;  puis  on  se  met  à  faire  jouer  celle-ci  au  moyen  d'un  archet...  Le  calcul 
étant  perc  éd'un  premier  trou  on  retire  le  perforateur  pour  l'aire  sortir  de  la  vessie, 
par  une  injection,  la  pierre  et  les  débris  de  la  pierre.  Cela  fait,  on  cberche  à  re- 
tourner le  calcul  à  l'aide  d'un  fil  d'archal  un  peu  recourbé  en  avant,  en  même 
temps  qu'on  relàcbe  un  peu  l'anse  de  fil  qui  le  retenait.  » 

Gruithuisen  cherchait  ainsi  à  perforer  la  pierre  dans  plusieurs  points.  «  Si, 
ajoute-t-il,  on  réussissait  à  réduire  la  pierre  en  moi'ceaux  au  moyen  de  la  vrille 
et  de  la  couronne  de  trépan,  ce  qui  n'est  nullement  une  chose  impossible,  on 
essayerait  d'en  diviser  les  fragments  en  parties  plus  petites  au  moyen  du  brise- 
pierre  introduit  danski  grosse  sonde,  m  —  11  voulait  encore,  dans  les  cas  difficiles, 
favoriser  la  désagrégation  de  la  pierre  par  des  injections  et  l'emploi  du  galvanisme. 
(Heurteloup,  De  la  lithotripsie  sans  fragments,  traduction  du  mémoire  de  Grui- 
thuisen, 1846.) 

11  est  facile  de  voir,  par  l'inutilité  évidente  de  ces  derniers  moyens  et  par  l'im- 
pei-fection  des  instruments  dont  je  viens  de  donner  un  aperçu  que  la  conception 
de  Gruithuisen  était  toute  théorique  et  d'une  application  très-douteuse.  Mais  il 
lî'en  est  pas  moins  vrai  que  la  lithotritie  existe  dans  ce  court  exposé. 


Fig',  1 .  —  Instiiimeats  'de  Gruithuisen. 


a  Canule  double  dont  les   deux  tubes  s'emboîtent 

exactement. 
Fil  luélallique  formant  une  anse  pour  saisir  le 

calcul  et  le  fixer  contre  l'extrémité  de  la  canule. 
Fer  de  lance  pour  perforer  le  calcul. 
Cauule  double. 


e  Petite  couronne  de  trépan. 

i  Talon   de  l'instrument  sur  lequel  on  applique 

l'archet. 
G  Canule  d'une  pince  destinée  à  écraser  les  petits 

fragments. 
II  Branches  de  la  pince. 


A  cette  époque,  dans  le  fond  d'une  pi^ovince  de  France,  un  jeune  médecin, 
Fournier  de  Lempdes,  se  proposait  le  même  but  que  Gruithuisen  ;  mais  il  ne 
publia  alors  aucune  note  qui  puisse  infii^mer  les  titres  de  priorité  du  médecin  Ba- 
varois. Cependant,  pour  être  juste,  je  dois  dire  que  des  certificats  authentiques  des 
hommes  les  plus  honorables  de  Clermont-Ferrand  prouvent  qu'en  l'année  1812 
Fournier  de  Lempdes  fit  fabriquer  par  deux  ouvriers  mécaniciens  de  cette  ville  un 
instrument  pour  détruire  les  pierres  dans  la  vessie,  composé  :  1"  d'un  tube  très- 
mince  en  acier  destiné  à  renfermer  une  pince  ;  2°  d'une  pince  à  cinq  branches 
élastiques  pouvant  être  rapprochées  au  moyen  d'un  fil  passant  par  un  trou  percé 
à  l'extrémité  de  chacune  d'elles;  3"  d'une  tige  d'acier  terminée  par  trois  branches 
triangulaires  pouvant  être  réunies  comme  celles  de  la  pince  au  moyen  d'un  fil  et 
taillées  en  râpe  pour  limer  le  calcul.  —  D'autres  certificats  de  Richerand  et  de 
Biett  attestent  qu'en  1817  Fournier  de  Lempdes  essaya  plusieurs  lois  ses  instru- 
ments à  l'iiôpital  Saint-Louis. 

Ces  essais  avaient  été  publics  et,  pour  tout  dire,  il  est  probable  qu'ils  ser- 


LlTHUTaiTlE.  715 

virent  de  point  de  départ  aux  recherches  d'Amussat,  Leroy  (d'Étiolles)  et  Civiale, 
qui  faisaient  alors  leurs  études  médicales.  Ce  qui  tendrait  encore  à  le  faire  croire, 
c'est  l'inexpérience  avec  laquelle  ces  jennes  chirurgiens  procédèrent,  imaginant 
instruments  sur  instruments  sans  s'inquiéter  de  ce  qui  avait  été  fait  avant  eux. 
Ainsi  Amussat,  en  1822,  donne  et  fait  accepter  comme  chose  nouvelle  la  possibilité 
de  pénétrer  dans  la  vessie  avec  une  tige  droite,  tandis  qu'il  lui  aurait  suffi  des 
moindres  recherches  pour  voir  que  le  cathétérisme  droit  était  connu  depuis  long- 
Ijuiqs.  Jose[ih  Rameau  avait  écrit,  en  1729,  que  la  structure  de  Turèthre  se  prè- 
tnil  parfaitement  au  passage  de  sondes  droites.  Trente  ans  plus  tard,  Lieutaud 
donnait  même  la  préférence  aux  sondes  droites  sur  les  sondes  courbes.  Thomassin, 
Sjntarelli,  Lassus,  Gruithuisen,  non-seulement  disaient  qu'on  pouvait  se  servir 
d'instruments  droits,  mais  encore  ils  enseignaient,  dans  ses  moindres  détads,  la 
manière  de  pratiquer  ce  mode  de  cathétérisme.  —  Civiale  et  Leroy  (d'Étiolles) 
inventaient  à  grand'peine  des  pinces  informes  et  inapplicables  sur  le  vivant  pour 
saisir  les  calculs  dans  la  vessie,  tandis  qu'en  ouvrant  les  ouvrages  de  Ferri,  Franco, 
André  de  la  Croix,  Thomassin,  F.  de  Hilden,  Halles,  Hunter,  ils  eussent  trouvé  le 
modèle  de  pince  qu'on  a  été  obligé  d'adopter  un  peu  plus  tard. 

Cette  pince,  dite  pince  à  trois  branches,  sur  laquelle  on  fondait  alors  tout  l'ave- 
nir de  la  lithotritie,  a  été  revendiquée  par  Civiale  et  Leroy  (d'KtioUes)  ;  elle  a  été 
l'objet  d'une  polémique  ardente  à  laquelle  plusieurs  membres  émiiients  de  l'Insti- 
tut ont  été  mêlés.  Aussi  suis-je  dans  la  nécessité  d'en  parler  avec  quelques  détails. 

Le  premier  travail  de  Civiale  sur  l'affection  calculeuse  date  de  1823;  il  a  pour 
titre  :  Nouvelles  considérations  sur  la  rétention  d'urine.  L'auteur  y  donne  la 
description,  avec  figures,  d'une  pince  composée  de  deux  cylindres  métalliques 
creux  et  s'emboitant.  Le  plus  petit  porte  à  son  extrémité  vésicale  quatre  branches 
ou  plus.  Chacune  d'elles  est  fixée  au  cylindre  par  une  charnière  et  formée  de  deux 
petites  tiges  métalliques,  articulées  entre  elles  de  la  même  façon.  Elles  n'ont,  dans 
toute  leur  longueur,  ni  la  même  forme,  ni  la  même  direction. — ^^11  est  facile  de  voir 
que  ces  branches  reliées  par  des  charnières  manquaient  presque  entièrement  d'élas- 
ticité. —  Aussi  Civiale  ajoute-t-il  :  «  Le  stylet  constitue  une  partie  fort  essentielle 
dans  notre  lithotriptique.  Il  a  deux  objets  principaux  à  remplir  :  aider  l'élasticité 
des  branches  pour  en  opérer  l'écartement  et  attaquer  le  calcul  quand  on  est  parvenu 
à  le  saisir...  De  son  mode  d'action  sur  les  branches,  en  le  tirant  à  soi,  résulte  à 
volonté  l'écartement  qu'on  désire.  «  (Pages  149  et  suiv.) 

Treize  ans  plus  tard  (Parallèle  des  divers  moyens  de  traiter  les  calculeux, 
1836),  Civiale,  oubliant  la  date  de  son  premier  ouvrage,  écrit  qu'en  1820,  il  ne 
donna  plus  que  trois  branches  à  sa  pince  au  lieu  de  quatre  (p.  36);  qu'il  recourba 
l'extrémité  des  branches  en  forme  de  crochet  (p.  37).  Il  omet,  ajoute-t-il,  quelques 
détails  sur  la  forme  et  la  disposition  des  branches,  sur  l'appareil  extérieur  destiné 
tant  à  mouvoir  les  diverses  parties  de  l'instrument  qu'à  faire  agir  le  perforateur 
et  empêcher  l'écoulement  du  liquide  pendant  l'opération,  enfin  sur  la  substitution 
lie  l'archet  à  la  manivelle  à  rouage...  (p.  41).  —  Il  omet  ces  détails  pour  ne 
point  parler  des  articulations  à  charnières  dont  il  avait  sans  doute  compris  le 
tice,  du  stylet  dont  la  tète  servait  à  écarter  les  branches,  de  l'action  de  la  main 
pour  enfoncer  le  stylet  dans  le  calcul,  et  qu'il  avait  déclarée  meilleure  que  la 
manœuvre  avec  un  archet.  {Nouv.  considér.  sur  la  rétent.  d'urine,  p.  159.) 

Et  cependant  il  ne  craint  pas  de  dire  :  «  Tel  était,  en  1825,  l'appareil  instru- 
mental à  l'exécution  duquel  près  de  cinq  années  avaient  été  consacrées.  —  Il 
suffit  de  jeter  un  coup  d'oeil  sur  les  ouvrages  que  je  viens  de  citer  et  de  comparer 


714 


LITIIOTRITIE. 


les  dates  pour  voir  quelle  foi  ou  doit  accorder  à  de  telles  assertions.  Sans  contredit 
c'est  une  tâche  pénible  d'avoir  à  signaler  de  pareils  faits,  mais  c'est  aussi  un 
devoir. 


Fig.  2.  —  Pince  à  trois  branches  de  Civiale. 


a.  Première  canule  extérieure. 

b.  Seconde  canule  intérieure  portant  trois  bran- 

ches à  son  extrémité  vésicale. 

c.  Charnière  articulant  les  branches  sur  la  canule. 


d.  Charnière  articulant  les  sections  des  branches. 

e.  Stylet  en  fer  de  lance. 

f.  Corps  du  stylet. 


Leroy  (d'ÉtioUes)  imagina,  à  la  même  époque,  1821  et  1822,  son  lilhoprione, 
instrument  composé  de  deux  tubes  emboîtés  et  laissant  entre  eux  un  intervalle 
d'une  demi-ligne  séparé  en  quatre  coulisses  pour  le  glissement  d'autant  de  res- 
sorts de  montre  qui  sont  tixés  à  un  bouton  mobile  formant  l'extrémité  da  second 
tube,  comme  le  bouton  de  la  sonde  de  Bellocq.  Quand  on  chasse  en  avant  le 
second  tube,  les  ressorts  se  développent  par  leur  élasticité  naturelle  et  forment 
une  cage  destinée  à  renfermer  le  calcul  ;  mais  l'intervalle  qui  existe  entre  eux  ne 
permettant  pas  le  passage  de  la  pierre,  un  des  ressorts  est  mobile  et  peut  être  plus 
développé  que  les  autres  pour  augmenter  cet  intervalle. 


Fig.  3.  —  Instruments  de  Leroy  (d'ÉtioUes)  père. 


a.  Canule    extérieure   ou    gaine   renfermant   une 

seconde  canule. 
t.  Ressorts  de  montre  terminant  l'extrémité  de  la 

canule  intérieure. 


c.  Bouton  sur  lequel  sont  fixés  les  ressorts. 

d.  Ressort  mobile    dont   on    peut  augmenter  la 

courbure  à  volonté. 


Cet  instrument  très-imparfait  ne  valait  pas  la  pince  de  Civiale.  Leroy  le 
reconnut  lui-même,  et,  dans  un  mémoire  qu'il  présenta  à  l'Académie  de  chirurgie, 
le  15  avril  1823,  il  s'exprime  ainsi  :  «  Des  expériences  sur  le  cadavre  ont  dé- 
montré que  l'on  peut,  avec  cet  appareil,  saisir  une  pierre,  la  perforer  à  plusieurs 
reprises  et  la  mettre  en  morceaux...  Des  craiiUes  ont  été  élevées  sur  la  solidité  des 
ressorts  de  montre,  et  ces  craintes  n'étaient  pas  sans  fondement.  De  plus,  leur 
vacillation  pouvait  faire  appréhender  que  la  couronne  de  trépan  dépassât  la  pierre 
et,  ne  rencontrant  pas  le  bouton,  blessât  la  vessie.  Je  reconnus  sans  difficulté  la 
justesse  de  ces  reproches  et  je  cherchai  dans  l'arsenal  de  la  chirurgie  si  quelque 
instrument  pourrait  me  fournir  les  idées  et  les  moyens  de  parer  à  ces  inconvé- 
nients; je  reconnus  bientôt  que  je  m'étais  donné  beaucoup  de  peine  pour  trouver 
ce  que  j'avais  pour  ainsi  dire  sous  la  main.  En  effet,  le  tire-balle  d'Alphonse  Ferri 
me  fournissait  un  moyen  simple  et  solide  de  saisir  la  pierre;  et  pour  faire  arriver 
jusqu'à  elle  le  perforateur  il  suffisait  de  transformer  en  une  canule  creuse  la  tige 
qui,  dans  le  tire-balle,  porte  les  branches.  C'est  ce  que  j'ai  fait,  et  voici  le  nou- 
veau lithoprione  que  j'ai  obtenu.  » 

Ce  passage,  que  j'ai  cité  textuellement,  ne  peut  laisser  aucun  doute  :  Leroy, 


LITIIOTRITIE. 


715 


comme  il  le  dit  lui-même,  n'a  pas  inventé  la  pince  à  trois  branches,  qui  était 
connue  depuis  longtemps  ;  mais  il  a  eu  le  mérite,  en  la  modifiant,  de  la  faire 
servir  à  la  pratique  de  la  lithotritie.  —  Civiale  fut  le  premier  qui  ait  appliqué  cet 
instrument  sur  le  vivant;  là  doivent  se  borner  ses  prétentions*. 


Fig.  4-  —  Instruments  de  Fabrice  de  Hildeu  pour  briser  les  calculs  de  l'urèlhre. 
a.  Pince  à  trois  branches.  I    e.  Instrument  complété  par  un  tire-fond  avec  écrou 


b.  Canule  servant  de  oaîne  à  la  pince. 


destiné  à  briser  le  calcul  saisi  dans  la  pince. 


A  dater  de  ce  moment,  la  lithotritie  fut  acceptée  comme  une  opération  ca- 
pable de  rendre,  dans  l'avenir,  de  véritables  services  ;  mais  pour  la  substituer  à 
la  taille  et  pour  obtenir  des  résultats  heureux  et  incontestables,  il  restait  beau- 
coup à  faire.  Il  ne  suffisait  pas  d'être  parvenu  à  saisir  la  pierre  solidement,  il 
fallait  encore  trouver  le  meilleur  moyen  de  la  détruire  et  de  la  retirer  de  la 
vessie.  C'est  sur  ce  point  que  se  concentrèrent  les  elforts  de  tous  ceux  qui  s'oc- 
cupaient de  ce  sujet.  Pendant  quelques  années  on  imagina  une  Ibule  d'instru- 
ments dont  la  plupart  sont  tombés  dans  l'oubli,  et  beaucoup  de  procédés  que  je 
réunirai  sous  trois  chefs  :  1°  \a perforation  et  l'éclatement;  2"  Vévidement  ex- 
centrique; 3"  la  destruction  concentrique. 

1°  Perforation.  —  Eclatement.  Je  décrirai  ce  procéilé  avec  quelques  détails, 
parce  qu'il  a  été  employé  pendant  plus  de  dix  ans,  constituant  à  lui  seul  presque 
toute  la  lithotritie. 

L'appareil  nécessaire  pour  pratiquer  la  perforation  se  compose  1°  d'une  pince 
à  trois  branches  ;  2°  d'un  perforateur  ;  o"  d'un  tour  en  l'air  avec  son  archet  et  de 
quelques  autres  instruments  accessoires. 

a.  La  pince  à  trois  branches  est  formée  de  plusieurs  pièces  :  c'est  d'abord  une 
canule  extérieure  ou  gahie;  elle  est  très-mince,  longue  de  30  à  35  centimètres, 
avec  un  calibre  de  7  à  8  millimètres.  A.  son  extrémité  vésicale,  elle  est  garnie  d'un 
cercle  d'acier  qui  se  confond  avec  ses  parois  dont  elle  augmente  la  solidité.  A 
son  talon  existe  un  renflement  carré  avec  des  languettes,  qui  doit  être  reçu  dans 
la  lunette  du  tour,  et  une  boîte  à  cuir  servant  à  empêcher  le  liquide  contenu  dans 
la  vessie  de  s'écouler  au  dehors  pendant  l'opération.  C'est  ensuite  une  seconde 
canule  en  acier,  moins  grosse  que  la  première,  dans  laquelle  elle  doit  entrer,  et 
plus  longue  de  8  à  9  centimètres.  Elle  se  termine  en  avant  par  trois  branches  très- 

*  M.  Ctiarriére,  qui  a  fabriqué  la  plupart  des  instruments  imaginés  à  cette  époque,  m'a 
assuré  que  Civiale  se  servit,  pour  opérer  sur  le  vivant,  d'une  autre  pince  que  celle  repré- 
sentée dans  son  livre  ;  qu'il  incline  à  croire  ses  droits  mieux  fondés  que  ceux  de  Leroy 
(d'ÉtioUes)  ;  et  enfin  que  la  décision  de  l'Institut  en  faveur  de  ce  dernier  doit  être  attribuée 
à  l'influence  de  Ifupuytren  qui  avait  eu  à  se  plaindre  de  Civiale. . . 

Je  me  crois  obligé  de  rapporter  ici  ce  témoignage  désintéressé  tant  je  suis  désireux  de 
rendre  à  chacun  ce  qui  lui  appartient.  Mais  il  est  facile  de  comprendre  qu'on  ne  peut  farire 
l'histoire  de  l'art  que  d'après  des  documents  écrits. 


1î(j  LlTllOTRITIE. 

élastiques  qui  s'écartent  fortement  les  unes  des  autres  quand  elles  ne  sont  point 
renfermées  dans  la  première  canule.  Ces  branches  sont  légèrement  excavées  en 
dedans,  crochues  à  leur  extrémité  pour  mieux  embrasser  le  calcul.  Comme  cette 
dernière  disposition  les  aurait  empêchées  de  se  rapprocher,  on  leur  a  donné  une 
longueur  un  peu  inégale  afin  que  les  crochets  chevauchent  les  uns  sur  les  autres. 
Le  talon  de  la  canule  porte  un  pas  de  vis  et  est  reçu  dans  une  rondelle  servant 
de  poignée.  11  est  aussi  garni  d'une  boîte  à  cuir. 

h.  Leper/bratoi?' est  une  tige  d'acier,  ronde,  de  5  centimètres;  il  est  plus  long  que 
la  seconde  canule,  dans  laquelle  il  doit  entrer  aisément.  Sa  tête  est  armée  de  dents 
et  creusée  sur  les  côtés  de  rainures  destinées  à  recevoir  les  branches  de  la  pince  qui, 
de  cette  façoji,  n'augmentent  pas  de  volume  par  leur  rapprochement.  Son  talon  se 
termhie  eu  pointe.  On  y  adapte,  à  l'aide  d'un  tourne-vis  ou  d'une  clef,  un  cuivrot 
ou  pouUe  brisée  destinée  à  limiter  sa  course  dans  la  canule,  et  permettant  de  lui 
imprimer  des  mouvements  de  rotation. 

c.  Tour  en  l'air.  Cette  pièce  de  l'appareil  ne  présente  rien  de  particulier;  c'est 
le  tour  dont  se  servent  les  horlogers,  avec  quelques  légères  modifications.  Il  en  est 
de  même  de  l'archet. 

Outre  ces  instruments  principaux,  il  est  important  d'en  avoir  d'autres,  tels 
qu'une  pince  de  Hunter,  plusieurs  perforateurs  de  volume  et  de  forme  divers  pour 
les  cas  où  surviendrait  quelque  accident  pendant  la  manœuvre. 

Manuel  opératoire.  Le  malade  est  placé  sur  un  lit  dans  le  décubitus  dorsal. 
Sa  tête  doit  être  soutenue  par  un  traversin,  son  bassin  un  peu  élevé  au  moyen 
d'un  coussin  enveloppé  d'un  drap,  et  ses  cuisses  légèrement  fléchies. 

Le  chirurgien,  placé  à  la  droite  du  malade,  commence  par  introduire  une  sonde 
dans  la  vessie  et  y  pratique  une  injection  d'eau  tiède  simple  ou  mucilagineuse, 
afin  de  pouvoir  manœuvrer  facilement  dans  la  cavité  de  cet  organe.  Cela  fait,  il 
arme  le  lithotriteur  de  la  façon  suivante  :  «  Pour  réunir  les  différentes  pièces,  dit 
Civiale,  après  avoir  enduit  le  litholabe  d'un  corps  gras,  on  le  glisse  dans  la  gaîne, 
])uis  on  place  sa  rondelle;  ensuite  on  introduit  le  perforateur,  sur  l'extrémité 
pointue  duquel  on  fixe  la  pouhe,  de  telle  sorte  que  la  tète  du  foret  ne  dépasse 
point  l'extrémité  des  branches  de  la  pince  ;  on  s'assure  que  les  boîtes  à  cuir  em- 
brassent exactement  le  litholabe  et  le  perforateur  sans  rendre  le  jeu  de  l'instru- 
ment difficile  ;  on  fait  rentrer  la  pince  dans  la  gaîne  jusqu'à  ce  que  les  branches 
du  litholabe  soient  logées  dans  les  entailles  latérales  du  perforateur  ;  enfin  avec 
un  mélange  de  cire  et  d'huile  on  couvre  les  inégalités  qui  résultent  du  rappro- 
chement des  branches.  L'instrument  étant  ainsi  monté,  on  l'introduit  dans  la 
vessie,  on  charge  la  pierre,  on  l'écrase,  ou,  si  Ion  ne  peut  y  parvenir,  on  adapte 
la  partie  carrée  de  l'instrument  au  tour  en  l'air  portant  une  contre-poupée  ou 
lunette  qui  sert  de  moyen  d'union,  et  une  poupée  ou  pièce  mobile  à  laquelle  est 
adaptée  une  boîte  à  pompe  dont  le  ressort  en  spirale  a  pour  usage  de  pousser  le 
perforateur  contre  la  pierre  à  mesure  qu'il  est  mis  en  mouvement  par  l'archet.  » 
{Paraît,  des  divers  moyens  de  traiterles  calculeux,  p.  57.) 

L'introduction  de  l'instrument  dans  la  vessie  est  assez  facile  quand  l'urètlire  a 
été  suffisamment  dilaté.  Le  chirurgien  saisissant  la  verge  avec  la  main  gauche, 
comme  dans  le  cathétérisme  ordinaire,  la  soutient  dans  une  direction  perpendi- 
culaire au  tronc.  Avec  la  main  droite  il  introduit  le  lithotriteur  dans  l'urèthre  et 
le  laisse  pour  ainsi  dire  descendre  de  lui-même  jusqu'au-de\ant  de  l'aponévrose 
moyenne.  Alors,  il  abaisse  doucement  l'instrument  entre  les  cuisses,  eu  même 
temps  qu'il  l'enfonce  dans  le  canal  et,  par  ce  double  mouvement,  qui  est  d'autant 


LITllOTRITIE.  717 

plus  prononcé  que  la  partie  profonde  de  l'urètlire  est  plus  courbe,  il  le  fait  pnic- 
itrer  dans  la  vessie. 

I  La  manœuvre  nécessaire  pour  saisir  le  calcul  est  très-différente  suivant  qu'il 
est  plus  ou  moins  volumineux.  S'il  est  assez  gros,  l'extrémité  de  l'instrument  le 
rencontre  facilement  et  va  butter  contre  lui.  Le  cbirurgien  ne  doit  pas  enfoncer 
le  lithoLriteur  plus  profondément.  11  desserre  la  vis  qui  réunit  les  deux  canules  et 
tire  la  plus  extérieure  en  arrière,  en  même  temps  que  le  perforateur.  De  cette 
façon  il  dégage  les  branches  de  la  seconde  canule  qui  s'écartent  et  forment  une 
sorte  d'entonnoir  dans  lequel  le  calcul  vient  se  loger  de  lui-mcme.  On  peut  en- 
core favoriser  son  entrée  dans  la  pince  en  poussant  celle-ci  vers  le  bas-fond  de  la 
vessie  quand  ses  branches  sont  suffisamment  développées.  On  achève  de  saisir 
fortement  la  pierre  en  chassant  la  gaine  sur  la  seconde  canule,  dont  les  branches 
sont  ainsi  rapprochées  ;  alors  on  serre  la  vis  qui,  placée  sur  le  talon  de  l'instru- 
ment, réunit  fortement  les  deux  canules. 

Reste  à  pratiquer  la  perforation.  Pour  cela  ou  enfonce  le  foret  jusque  sur  la 
pierre;  on  le  fixe  au  tour  en  l'air,  qu'un  aide  est  chargé  de  tenir  solidement,  et, 
avec  l'archet,  on  lui  imprime  un  mouvement  de  rotation  qui  doit  être  continué 
jusqu'à  ce  que  sa  course  soit  arrêtée  par  le  point  d'arrêt  marqué  d'avance.  Puis  le 
chirurgien  lamcne  le  perforateur  en  arrière,  desserre  la  vis  qui  réunit  les  deux 
canules,  retire  un  peu  la  première  pour  relâcher  les  brandies  do  la  seconde.  Par 
un  léger  mouvement  il  clierclie  à  changer  le  calcul  de  place  et  recommence  la 
manœuvre  que  je  viens  de  décrire,  pour  le  perforer  sur  un  autre  point.  Il  arrive 
ainsi  à  le  cribler  de  trous,  de  manière  qu'une  pression  un  peu  forte  de  la  pinco 
suflit  pour  le  briser  en  fragments  assez  nombreux. 

L'opération  n'est  point  terminée.  La  poussière  produite  par  le  perforateur  et  les 
petits  morceaux  sont  entraînés  en  dehors  par  les  urines.  Quant  aux  fragments  plus 
gros,  il  faut  aller  les  saisir  et  les  écraser  avec  la  pince  s'ils  sont  peu  résistants,  ou 
les  broyer  avec  le  perforateur  comme  on  l'a  fait  pour  le  calcul  lorsqu'il  était  entier. 

Si  le  calcul  est  petit,  on  le  rencontre  rarement  avec  l'extrémité  de  l'instru- 
ment, et  il  faut  quelquefois  des  recherches  prolongées  pour  le  saisir.  Dans  ce  cas, 
après  avoir  développé  les  branches  de  la  pince,  on  les  promène  lentement  dans  le 
bas-fond  de  la  vessie,  afin  que  le  calcul  s'engage  dans  leur  intervalle,  et,  lors- 
qu'on croit  qu'il  s'y  est  engagé,  on  les  resserre  doucement.  Quand  on  a  réussi  à  le 
prendre,  on  le  perfore  comme  je  viens  de  le  dire. 

11  est  facile  de  voir  par  ce  seul  exposé  que  la  hthotritie  par  perforation  est  une 
opération  des  plus  laborieuses;  encore  n'est-elle  pas  toujours  aussi  simple  que  je 
l'ai  décrite.  Tantôt  le  calcul  plat  s'engage  dans  les  intervalles  qui  séparent  les 
branches  de  la  pince,  et  il  est  très-ditticile  de  l'en  dégager  ;  tantôt,  après  l'avoir 
attaqué,  on  ne  peut  le  changer  de  position,  et  le  perforateur  tombe  constamment 
dans  les  premiers  trous  qu'on  a  pratiqués;  d'autres  fois  le  calcul  est  dur,  et  sa 
perforation  exige  beaucoup  de  temps.  11  faut  bien  le  dire,  ces  manœuvres  longues 
et  répétées  ne  sont  pas  sans  inconvénients  sérieux. 

2"  Èvidement  excentrique.  Pour  éviter  un  des  principaux  inconvénients  que 
je  viens  de  signaler,  l'étroitesse  des  trous  produits  par  le  perforateur,  et,  comme 
conséquence,  la  multiplicité  des  séances,  on  a  imaginé  l'évidement.  On  a  donné  ce 
nom  à  un  procédé  par  lequel  on  chercha  à  creuser  le  calcul  et  à  en  faire  une 
sorte  de  coque  qu'il  serait  facile  de  briser  par  la  seule  action  des  branches  de  la 
pince.  Pour  obtemr  ce  résultat,  Civiale  avait  donné  une  légère  courbure  à  la  tige 
du  perforateur,  tout  près  de  la  tête.  Leroy  avait  fait  confectionner  plusieurs  forets 


718  LITHOTRITIE. 

connus  sous  le  nom  de  forets  à  développement.  L'un  d'eux  était  formé  de  deux 
parties  réunies  par  une  canule;  le  calcul  perforé,  il  suffisait  de  retirer  la  canule 
pour  que  ces  deux  parties  s'écartassent  l'une  de  l'autre  par  leur  élasticité  et  élar- 
gissent de  plus  en  plus  le  trou  déjà  creusé.  Dans  un  autre,  les  deux  moitiés  de  la 
tète  du  forêt  s'écartent  par  l'introduction  entre  elles  d'une  pièce  moyenne  agis- 
sant à  la  manière  d'un  coin.  Plusieurs  forets  articulés  ont  encore  été  proposés  par 
Amussat,  Heurteloup,  Greiling,  Charrière,  etc.  ;  mais  ils  ont  tous  l'inconvénient 
d'avoir  une  solidité  beaucoup  moins  grande  que  les  forets  simples,  et  sont  par 
conséquent  très-sujets  à  se  briser. 

3"  Destruction  concentrique .  Je  me  bornerai  à  mentionner  ce  procédé  imaginé 
dans  le  but  d'éviter  le  morcellement  de  la  pierre.  Il  consiste  à  attaquer  le  calcul 
par  sa  surface  et  à  l'user  peu  à  peu,  jusqu'à  ce  qu'il  n'en  reste  qu'un  noyau  qu'il 
serait  possible  d'écraser.  Les  instruments,  ingénieux  du  reste,  proposés  par 
Tanchou,  Meyrieux,  Récamier,  etc. ,  sont  oubliés  ;  il  serait  même  difficile  d'en  re- 
trouver les  modèles. 

C.  Période  pratique.  Si  la  litbotritie  n'avait  eu  à  son  service  que  les  procé- 
dés dont  il  vient  d'être  question,  elle  serait  restée  une  opération  exceptionnelle 
et  utile  seulement  dans  quelques  cas  simples.  Le  plus  souvent,  et  surtout  dans 
les  cas  compliqués,  la  taille  aurait  conservé  toute  sa  supériorité. 

Mais,  en  1832,  Heurteloup  commença  la  publication  de  plusieurs  mémoires, 
qui  présentèrent  la  litliotrilie  sous  une  face  toute  nouvelle  :  il  avait  trouvé  la 
litbotritie  par  percussion  et  par  écrasement. 

Sans  doute,  quelques  tentatives  dans  ce  genre  avaient  déjà  été  faites,  mais 
sans  grand  succès.  Comme  je  l'ai  déjà  dit,  il  arrivait  souvent,  après  la  litho- 
tritie  par  perforation,  d'achever  l'opération,  en  écrasant  avec  la  pince  à  trois 
brandies  les  petits  fragments  restés  dans  la  vessie.  Amussat  avait  imaginé  une 
forte  pince  à  deux  branches,  qui,  par  im  mouvement  de  va-et-vient,  pouvait 
briser  des  pierres  de  petit  volume,  par  une  double  action  d'usure  et  de  pres- 
sion. Rigal  avait  modifié  cet  instrument,  en  le  faisant  agir  au  moyen  d'une  vis 
de  rappel,  pour  éviter  le  mouvement  de  va-et-vient.  Colombat,  pour  le  rendre 
plus  facile  à  manier,  y  avait  ajouté  des  volants,  et  avait  fixé  une  petite  chaîne  à 
l'extrémité  de  ses  mors,  afin  de  les  ramener  au  dehors  sans  danger,  dans  les  cas 
où  ils  se  seraient  brisés.  Velpeau  raconte  qu'un  habile  coutelier,  sir  Henry,  avait 
fabriqué  une  pince  à  trois  branches  sans  crochets,  mais  garnie  de  dents,  et 
pourvue  d'une  telle  force,  qu'elle  pouvait  briser  les  pierres  les  plus  dures.  Enfin, 
Heurteloup  lui-même  avait  donné,  sous  le  nom  de  hrise-coquè,  une  pince  dont  les 
mors  frottent  l'un  sur  l'autre  avec  un  enchquetage  qui  permet  de  les  faire  ren- 
trer dans  une  gaîne  avec  une  telle  force,  qu'ils  font  voler  en  éclats  les  calculs  les 
plus  résistants.  Tous  ces  instruments  n'étaient  guère  employés.  Le  volume  qu'on 
était  obligé  de  leur  donner  pour  en  augmenter  la  puissance  et  en  prévenir  la  rup- 
ture, rendait  difficile  leur  introduction  dans  la  vessie;  leur  forme  droite  était  un 
obstacle  sérieux  à  la  recherche  du  calcul  ;  quelques  autres  défauts  secondaires, 
tels  que  la  difficulté  de  garder  le  calcul  entre  les  mors  de  la  pince  et  la  rup- 
ture possible  des  branches,  justifient  encore  l'oubh  complet  dans  lequel  ils 
étaient  tombés. 

Une  seule  exception  doit  être  faite  'en  faveur  du  brise-pierre  articulé  de  Ja- 
cobson,  présenté  à  l'Académie  des  sciences  en  1850.  Cet  instrument  a  la  forme 
et  le  volume  d'une  grosse  sonde.  11  est  composé  d'une  canule  ou  gaine  en  argent 
et  d'une  tige  d'acier.  Celle-ci  est  divisée  dans  toute  sa  longueur  en  deux  lames 


LITIIOTRITIE.  719 

qui  sont  rattachées,  à  leur  extrémité  vésicale,  par  une  charnière  à  goupille.  Cette 
sorte  d'articulation  forme  le  bec  de  l'instrument.  La  lame  antérieure  fixe  est 
d'une  seule  pièce,  et  s'étend  jusqu'au  talon  de  la  canule,  où  elle  est  arrêtée  par  un 
renflement.  La  postérieure  mobile  dépasse  beaucoup  le  talon  de  la  canule  ; 
dans  cette  partie,  elle  est  cylindrique,  creusée  d'un  pas  de  vis  pouivu  d'un  écrou 
ailé,  et  présente  une  échelle  graduée  ;  son  extrémité  vésicale  est  brisée  en  deux 
pièces  articulées,  au  moyen  de  deux  fortes  charnières.  Quand  cette  lame  posté- 


Fig.  5.  —  Pince  d'Amussat. 

a.  Canule.  1    c.  Encliquetage  destiné  à  imprimer  aux  mors  un 

b.  Mors  de  la  pince  dentelés  et  très-solides.  I  mouvement  de  va-et-vient. 

rieure  est  appliquée  sur  l'extérieure,  l'instrument  est  fermé  et  présente  la 
forme  d'une  sonde  à  petite  courbure.  C'est  dans  cet  état  qu'on  l'iutrodiut  dans 
la  vessie,  et  on  l'incline  de  divers  côtés  pour  rechercher  le  calcul.  Quand  on  l'a 
trouvé,  on  pousse  en  avant  la  lame  mobile  dont  la  portion  articulée  se  développe 
et  forme  une  anse  qu'on  abaisse  transversalement  dans  le  bas-fond  de  la  vessie, 
ou  qu'on  porte  sur  les  côtés  pour  embrasser  la  pierre.  On  peut  s'assurer  que  le 
calcul  est  pris  en  faisant  rentrer  dans  la  canule  la  lame  mobile,  car  on  éprouve 
de  suite  une  résistance,  et  au  moyen  de  récheile  graduée  placée  sur  le  talon  du 
lithotriteur,  on  voit  ajiproximativement  quel  est  le  volume  du  corps  étranger. 
Si  l'instrument  n'a  saisi  la  pierre  que  par  un  de  ses  bords  et  la  laisse  échapper, 
il  faut  l'ouvrir  plus  largement  et  plonger  davantage  son  anse  dans  le  bas-fond  de 
la  vessie,  en  élevant  la  main.  Lorsque  la  dépression  du  bas-fond  de  la  vessie  est 
considérable,  et  qu'il  faut  aller  chercher  la  pierre  derrière  le  col,  le  mouvement  de 
rotation  de  l'anse  doit  être  plus  marqué,  et  ce  n'est  qu'en  lui  faisant  décrire  un 
demi-cercle  qu'on  parvient  à  saisir  le  calcul,  khvs  on  commence  par  faire  mar- 
cher l'écrou  ailé  sur  le  pas  de  vis  pour  diminuer  l'ouverture  de  l'anse  et  embrasser 
la  pierre  solidement.  Par  un  léger  mouvement  de  rotation  on  ramène  celle-ci  dans 
le  milieu  de  la  vessie,  et,  pour  la  briser,  il  suffit  de  continuer  à  faire  marcher 
l'écrou  en  avant.  On  reprend  les  fragments  de  la  même  façon,  et  l'opération  est 
terminée. 

Le  brise-pieiTe  de  Jacobson,  quoique  préférable  aux  autres  instruments  du 
même  gem^e,  présentait  de  notables  inconvénients.  L'espèce  de  chaîne,  formée  par 
les  brisures  de  la  branche  mobile,  pouvait  se  rompre  quand  le  calcul  était  trop 
résistant,  et  les  deux  bouts,  plus  ou  moins  faussés,  seraient  rentrés  difficilement 
dans  la  canule.  Leroy  remédia  à  ce  détaut,  en  modifiant  la  charnière  de  la  bran- 
che fixe.  Quand  la  pierre  brisée,  formant  un  épais  mastic,  s'accumulait  dans 
l'ancfle  des  deux  branches,  celles-ci  ne  pouvaient  être  entièrement  rapprochées,  et 
l'écrou  devenait  impuissant  à  les  ramener  dans  la  gaine.  C'est  encore  Leroy  qui 
para  à  cet  inconvénient,  en  plaçant  à  la  face  interne  de  la  branche  fixe  une  espèce 
de  râteau  qui  enlève  les  débris  du  calcul.  Malgré  ces  perlectionnements,  le  htho- 
trileur  de  Jacobson  était  encore  assez  défectueux,  car,  s'il  permettait  facilement 


720 


LITHOTRITIE. 


de  prendre  une  pierre  entière,  il  exigeait  des  recherches  nombreuses  pour  en 
saisir  les  fragments. 

Cependant  Heurteloup,  sortant  inopinément  de  la  fausse  vole  dans  laquelle  on 
était  engagé  depuis  des  années,  et  renonçant  aux  tiges  droites  qui  semblaient 
indispensables  à  la  plupart  des  chirurgiens  pour  pratiquer  la  lithotritie,  imagine 
une  sorte  de  pince  coudée,  à  branches  très-solides,  semblable  au  podomètre  dont 
se  servaient  les  cordonniers.  Avec  cet  instrument  il  saisit  la  pierre  avec  la  plus 
grande  facilité,  et  la  réduit  en  nombreux  fragments,  à  l'aide  d'une  force  appli- 
quée directement  sur  une  des  branches  de  la  pince.  Mais  avec  le  marteau  il  peut' 
imprimer  des  secousses  dangereuses  pour  la  vessie,  et  il  invente  un  ht  à  plu-» 
sieurs  plans  mobiles  permettant  de  varier  les  positions  du  malade  qui  est  couché% 
dessus.  Il  y  fixe  un  étau  qu'il  immobilise  à  volonté;  quand  il  a  saisi  la  pierre, 
il  fixe,  à  son  tour,  le  fithotritcur  dans  l'étau,  et  il  peut  alors  frapper  sur  son 
talon  avec  force,  sans  imprimer  aux  organes  le  moindre  ébranlement.  —  De  ce 
moment,  la  lithotritie,  la  véritable  lithotritie  pratique,  était  trouvée. 

On  a  dit,  depuis,  que  cet  instrument  n'était  pas  nouveau,  qu'il  avait  été  vu 
entre  les  mains  d'un  médecin  de  Vienne;  qu'il  se  trouvait  dessiné  dans  le  cata- 
logue d'un  fabricant  d'instruments  de  Londres.  Je  ne  sais  ce  qu'il  y  a  de  vrai 
dans  ces  assertions.  Mais  ce  qu'on  oublie  de  dire,  c'est  l'objet  précis  pour  lequel 
l'instrument  avait  été  fabriqué.  Leroy  s'est  montré  beaucoup  plus  juste  envers 
tieurteloup,  et  je  l'en  félicite.  Car  on  éprouve  un  sentiment  pénible  à  voir  con- 


Fi^;.  C.  —  Lit  rcclaiigle  d'Heurleloup.  t 

a.  Oieillei-  repo.<iant  sur  un  plan  oblique.  |    d.  Support  transversal  de  l'étau. 

b.  Plan  mobile  sur  lequel  le  bassin  repose.  e.  Lithotriteur  placé  dans  l'étau. 

c.  Sandales  pour  les  pieds  du  malade.  |    g.  Courroies  pour  fixer  le  malade. 

tester,  sans  preuve,  son  invention  à  un  homme  qui  a  rendu  à  la  chirurgie  un  si 
grand  service.  Voici  le  procédé  auquel  Heurteloup  a  donné  pour  titre  :  Lithotritie 
par  percussion  pratiquée  avec  un  percuteur  courbe  à  marteau. 

«  Le  percuteur  est  extrêmement  simple,  et  ressemblebeaucoup  àun  cathéter.  11 
est  en  acier,  composé  de  deux  pièces,  dont  l'une,  dite  branche  femelle,  est 
creusée  d'une  gouttière  en  forme  de  queue  d'aronde  destinée  à  recevoir  l'autre 


LITHOTRITIE.  721 

branche,  dite  branche  mâle.  Son  extrémité  vésicale  recourbée  présente  deux  mors 
garnis  de  dents.  La  branche  femelle  porte  vers  son  talon  un  renflement  carré 
destiné  à  être  placé  dans  un  étau  ;  la  branche  mâle  est  garnie  à  son  talon  de  deux 
rondelles. 

«  Le  lit  rectangle,  ou  plutôt  l'appareil  par  lequel  il  a  été  remplacé,  se  compose 
de  deux  plans  inclinés  :  l'un,  horizontal,  sur  lequel  on  place  le  bassin  du  ma- 
lade, et  l'autre,  incliné  à  45",  sur  lequel  son  dos  repose.  Les  pieds  sont  sup- 
portés par  deux  sandales  qui  se  rapprochent  ou  s'éloignent  à  volonté,  suivart 
que  le  malade  se  trouve  avoir  les  muscles-  de  l'abdomen,  des  cuisses  et  des 
jambes  dans  le  relâchement  le  jihis  complet...  Ces  deux  plans  peuvent  s'élever  ou 
s'abaisser  alternativement,  car  ils  sont  mobiles  sur  deux  tourillons  placés  au  point 
d'intersection,  et  qui,  fixes,  commandent  à  ces  plans  un  mouvement  toujours 
uniforme.  Le  plan  sur  lequel  repose  le  bassin  du  malade  trouve  un  point  d'appui 
fixe  quand  il  arrive  à  la  position  horizontale  ;  celui  sur  lequel  repose  le  dos 
trouve  aussi  un  point  d'appui,  mais  seulement  quand  il  arrive  à  faire  avec  la 
ligne  horizontale  un  angle  égal  à  celui  que  fait  avec  la  môme  ligne  le  plan  sur 
lequel  repose  le  bassin. 

«  Le  point  d'appui  qui  sert  à  asseoir  le  plan  qui  correspond  au  dos  du  ma- 
lade n'est  pas  solide  comme  celui  qui  correspond  au  bassin  ;  au  contraire,  il  est 
rendu  élastique  au  moyen  de  deux  ressorts  droits,  qui  permettent  de  donner  à 
l'appareil  des  secousses  légères,  qui  se  communiquent  aux  pierres  que  contient  la 
vessie.  Ces  deux  plans  sont  calculés  de  manière  qu'ils  se  balancent  mutuellement 
avec  une  très-petite  force;  le  malade  opéré,  lorsqu'il  est  en  position,  est  aussi 
balancé  avec  la  plus  grande  facilité.  »  (Ileurteloup,  De  la  lithotritie  sans  frag- 
ments, p.  106.  1846.) 


Fig.  7.  —  Pièces  du  lit  rectangle  propres  à  fixer  le  lithotriteur 

a.  Montant  de  l'étau. 

i,  \is  destinée  à  fixer  le  lithotriteur  dans  l'étau. 

e.  Coin  fixant  l'étau  sur  son  support. 


d.  Le  même  coin  sorti  du  support  de  l'étau. 

e.  Partie  supérieure  de  l'étau  avec  la  vis. 

f.  Lithotriteur  placé  dans  l'étau. 


A,  l'extrémité  du  plan  sur  lequel  repose  le  bassin,  se  trouve  un  étau,  qui  est 
fixé  à  volonté  dans  la  position  qu'on  juge  convenable,  et  c'est  dans  cet  étau  que 

DicT.  e;;c.  2'  s.  II,  46 


722  LITUOTRITIE. 

le  percuteur,  enchâssé  par  son  talon  carré,  se  trouve  immobilisé.  Quand  la  pierre 
a  été  placée  entre  les  mors  du  percuteur,  il  suffit  de  quelques  coups  de  marteau, 
appliqués  sur  le  talon  de  l'instrument,  pour  la  briser. 

Plus  tard,  Ileurteloup  imagina  un  autre  instrument,  destiné  à  extraire  les 
morceaux  de  calcul  de  la  vessie,  et  lui  a  donné  le  nom  de  percuteur  à  cuillers. 
«  En  place  des  aspérités,  dit-il,  dont  était  armé  l'intérieur  des  branches  de  mon 
percviteur,  j'ai  fait  pratiquer  des  excavations  dans  toute  la  longueur  et  dans  toute 
la  largeur  des  plans.  Ces  excavations  donnent  aux  deux  branches  la  forme  de 
deux  cuillers,  dont  les  cre\ix,  marchant  l'un  vers  l'autre,  tendent  à  empri- 
sonner une  quantité  de  pierre  proportionnelle  à  leur  capacité.  Si  la  pierre  ou  les 
pierres  sont  très-petites,  elles  se  trouvent  emprisonnées  sans  être  brisées;  si  elles 
sont  plus  volumineuses,  une  portion  est  retenue  entre  les  cuillers,  et  l'autre 
portion  s'échappe.  Si  on  rapproche  ces  deux  cuillers  après  avoir  saisi  un  frag- 
ment de  pierre  volumineux,  au  moyen  d'une  pression  morte,  telle  que  celle  que 
produit  une  vis  tournant  dans  un  ccrou,  elles  ne  peuvent  se  fermer,  quelle  que 
soit  la  force  employée.  Si  la  force  est  trop  grande,  elles  s'écartent,  se  faussent  ou 
se  brisent;  si,  au  contraire,  on  les  rapproche  au  moyen  d'une  force  vive ei  alter- 
native, comme  celle  que  fournit  un  marteau,  on  voit  les  cuillers  se  rapprocher 
avec  un  mouvement  progressif  en  proportion  de  rapidité  avec  la  force  employée. 
Le  trop-plein  s'évacue  par  petits  jets  de  poudre  si  la  pierre  est  sèche,  et  sous  la 
forme  d'une  pâte  thic  et  liquide  quand  la  pierre  est  humide.  Après  quelques 
moments  d'une  percussion  i'aite  à  coups  pressés,  mais  puissants,  les  bords  des 
cuillers  s'affrontent  en  coupant  les  fragments  qui  les  dépassent,  et  l'instrument, 
plein  de  pierre  et  terme,  présente  exactement  le  même  volume,  la  même  forme, 
le  même  poli  qu'avant  de  l'avoir  mis  en  usage.  »  (Heurteloup,  De  la  lithotri- 
tie,  etc.,  p.  99.) 


Fig.  8.  —  Litholriteur  à  cuillers  il'Heuiteloup. 

A.  Litholriteur  ouvert.  —  Branche  mâle.  1    C.  Extrémité  arrondie. 

B.  Branche  femelle  en  forme  de  cuiller.  D.  Litholriteur  fermé. 


Le  brise-pierre  d'Heurteloup  était  primitivement  composé  de  trois  pièces. 
Modifié  ou  plutôt  perfectionné  très-habdement  pai  M.  Charrière,  il  présentait 
des  avantages  si  évidents,  qu'il  se  trouva  accepté  immédiatement.  Il  n'en 
fut  pas  de  même  du  ht  rectangle,  qui  était  coûteux,  embarrassant  et  d'un 
maniement  difficile.  On  tenta  de  le  remplacer  par  des  supports  de  toute  sorte. 
Celui  d'Amussat,  remarquable  par  sa  simphcité,  est  formé  d'une  sphère  mé- 
tallique de  la  grosseur  d'une  bille  de  billard,  s'ouvrant  en  deux  parties 
pour  s'adapter  à  la  portion  carrée  du  lithotriteur,  et  muni  de  trois  branches 
que  devaient  soutenir  des  aides.  Un  autre  de  Leroy  est  composé  de  deux 
pièces  de  fer  qui  ressemblent  à  l'outd  au  moyen  duquel  les  tonneliers  écar- 
te it  les  douves  d'un  tonneau  pour  en  placer  le  fond.  Le  brise-pierre  est  reçu 
dans  une  rainui-e  oui  règne  dans  une,portion  de  la  longue  branche,  laquelle  s'en- 


LITllOTRITIE. 


725 


gage  sous  une  planche  carrée  qu'on  place  sous  le  siège  du  malade.  On  a  imaginé 
d'autres  supports  qui  ont  été  bientôt  délaissés.  On  croyait  remplacer  avec  ces 
instruments  le  lit  d'iieurteloup,  taudis  quo  leur  mode  d'action  était  entièrement 
différent.  Ils  avaient  les  inconvénients  du  point  fixe  sans  en  avoir  les  avantages. 
Le  seul  support  dont  on  se  sert  encore  quelquefois  est  celui  d'Amussat. 

Les  calculs  durs  n'étant  pas  très-communs,  et  beaucoup  de  petites  pierres  pou- 
vant être  écrasées  par  la  seule  action  de  la  main  sur  l'insirument,  on  songea  bien 
vite  à  remplacer,  par  nue  pression  puissante,  la  percussion  dont  l'exécution  avait 
toujours  quelque  chose  d'eflrayaut  pour  les  malades  et  même  pour  les  chirurgiens. 

M.  Touzai  est  le  premier  qui,  en  1852,  fit  fabriquer  par  M.  Greiling  un  appa- 
reil à  pression,  qui  consistait  dans  un  écroiji  s'adaptant  par  deux  prolongements 
sur  le  pavillon  de  la  pièce  fixe  du  brise-pierre  à  coulisse,  et  dépassant  l'extrémité 
de  la  branche  mobile  sur  laquelle  agit,  par  une  pression  directe,  une  vis  munie 
d'une  poignée.  IleurteJoup  prétend  avoir  imaginé,  en  1851,  une  compression 
semblable,  mais  il  ne  l'a  publié  qu'en  1855.  Du  reste,  l'écrasement  de  la  pierre 
par  compression  était  connu  ;  peu  importait  l'instrument  avec  lequel  on  devait  le 
pratiquer,  à  moins  que  cet  instrument  n'apportât  dans  l'exécution  de  fopération 
un  véritable  avantage.  Aussi  ne  tieiidrai-je  aucun  compte  des  divers  compresseurs 
qui  ont  été  proposés  à  cette  époque,  et  ne  parlerai-je  que  du  brise-pierre  à  pi- 
gnou  et  de  l'écrou  brisé,  que  l'on  doit  l'un  et  l'autre  à  notre  habile  fabricant 
d'instruments,  M.  Gharrière. 

Dans  le  premier  de  ces  instruments,  une  crémaillère  creusée  sur  la  face  supé- 
rieure de  la  branche  mobile,  un  anneau  fixé  sur  l'extrémité  de  la  branche  fixe, 


A.  Talon  de  la  tige  femelle  avec  rondelle  fixe. 
C.  Rondelle  mobile  complétant  la  boite  oii  se  trouve 
renferme  l'écrou  brisé. 


Fig.  9.  — Écrou  brisé  de  M.  Charrièrc. 


a.  Partie  annulaire  de  l'écrou  brisé. 
h.  Les  deux  moitiés  de  l'écrou  écartées. 


interrompu  au  niveau  de  la  crémaillèi-e  et  destiné  à  laisser  passer  une  clef  à 
pio-non,  constituent  l'appareil  à  pression.  La  branche  mâle  est  indépendante,  et 
avec  la  main  on  peut  la  faire  mouvoir  à  volonté  pour  aller  à  la  recherche  du 
calcul.  Quand  celui-ci  est  saisi,  on  maintient  immobiles  les  brandies  avec  la  main 
gauche  ;  avec  la  droite,  on  introduit  la  clef  à  pignon  dans  l'anneau  pour  l'engrener 
.sur  la  crémaillère  ;  et,  en  lui  imprimant  un  mouvement  de  rotation,  on  rapproche 
avec  une  grande  force  les  mors  du  brise-pierre. 

La  pression  qu'on  obtient  avec  le  pignon  est  moins  puissante  qu'avec  une  vis 
et  un  écrou.  Mais  l'écrou  avait  l'inconvénient  d'enlever  à  la  branche  màlc  la 
mobilité  nécessaire  pour  saisir  le  calcul  dès  qu'on  l'avait  rencontré.  On  a  corrigé 
ce  défaut  au  moyen  de  l'écrou  brisé,  dii  à  M.  Gharrière,  qui  a  rendu,  par  ce 
perfectionnement,  un  véritable  service  à  la  lithotritie.  Un  écrou  est  oi'dinaire- 


724  LITIIOTRITIE. 

mentlormé  d'une  seule  pièce;  il  l'a  sépare  en  deux  moitiés  qui,  étant  supportées 
par  (Il  s  lames  élastiques,  tendent  à  s'écarter  l'une  de  l'autre.  Quand  elles  sont 
libres,  elles  s'éloignent  de  la  vis  de  la  tige  mâle  du  litliotriteur,  et  celle-ci  peut 
alors  glisser  facilement  dans  la  tige  femelle.  Mais,  à  l'aide  d'un  mécanisme  fort 
simple,  il  est  facile  de  rapprocher  les  deux  moitiés  de  l'écrou,  et  de  les  appliquer 
sur  la  vis  de  la  tige  mrdc  du  brise-pierre  qui  ne  peut  plus  avancer  ou  reculer 
que  si  on  imprime  un  mouvement  de  rotation  à  la  vis  placée  sur  son  talon. 

Ce  changement,  dans  l'éloignement  ou  le  rapprochement  des  deux  parties  de 
l'écrou,  s'opérait  en  tournant  à  droite  ou  à  gauche  une  rondelle  mobile  qui, 
adaptée  à  une  autre  rondelle  fixe  de  la  tige  femelle,  formait  une  sorte  de  boîte. 
MM.  Robert  et  Collin  ont  substitué  à  la  rondelle  mobile  une  sorte  de  petit  levier 
en  forme  d'anneau,  qu'il  suffit  d'abaisser  ou  de  relever  pour  réunir  ou  écarter  les 
pièces  de  l'écrou.  M.  Tompson  rend  l'écrou  mobile  au  moyen  d'un  bouton  qu'on 
pousse  ou  qu'on  retire  en  arrière  à  volonté.  Mais  le  principe  de  l'écrou  brisé 
reste  le  même  ;  ie  mécanisme  de  la  manœuvre  est  seulement  un  peu  plus  simple. 


Fig.  10.  —  Écrou  brisé,  ije  JIM.  Uobert  et  Collin. 

A.  Anneau  en  forme  de  levier,  pour  rapprocher  ou    1    B.  Vis  de  la  branche  mâle  du  liihoiriteur. 
écarter  les  deux  moitiés  de  l'écrou  brisé.         I 

Les  mors  du  litbotriteur  ont  également  subi  de  nombreux  changements.  Leur 
volume  varie  généralement  avec  celui  du  corps  du  litbotriteur.  J'ai  déjà  parlé  des 
mors  deiitelés  et  des  doubles  cuillers  imaginés  par  Heurteloup.  On  a  proposé  de 
remplacer  son  premier  instrument,  destiné  à  broyer  les  calculs  par  un  brise- 
pierre  à  cisaille.  Ici  la  cuiller  est  remijlacée  par  deux  lames  plates  latéralement 
et  garnies  de  dents  très-fines  sur  leurs  bords  du  côté  de  leur  concavité.  Elles 
laissent  entre  elles  une  large  fenêtre  destinée  à  recevoir  l'extrémité  de  la  branche 
mâle.  Celle-ci  est  pourvue  sur  sa  convexité  de  dents  taillées  en  biseau.  Quand 
l'instrument  est  fermé,  les  dents  des  deux  mors  sont  cachées,  et  ne  peuvent  léser 
les  parois  de  l'urètbre.  Ce  bthotriteur  jouit  d'une  grande  puissance,  et  on  peut 
se  servir  de  l'écrou  avec  force  et  même  du  marteau  sans  trop  risquer  de  le  briser. 
Heurteloup  l'a  vivement  critiqué,  mais  sa  critique  est  exagérée. 

Civiale  se  servait  très-souvent  d'un  brise-pierre  dont  les  mors  étaient  courts  et 
larges.  11  voulait  que  la  cuiller  fût  presque  plate  avec  des  rebords  très-peu  pro- 
noncés, et  que  le  mors  de  la  branche  mâle  fût  assez  étroit  pour  laisser  un  inter- 
valle, une  sorte  de  rigole  sur  son  pourtour  entre  lui  et  les  bords  de  la  cuiller. 
Cette  disposition  avait  pour  but  de  chasser,  autant  que  possible  en  dehors  de 
l'instrument;  les  débris  écrasés  de  la  pierre. 

Le  nombre  et  la  grandeur  des  trous  dont  quelques  chirurgiens  ont  voulu  que 
la  cuiller  du  litbotriteur  fût  percée  sont  très- variables,  des  sortes  de  fenêtres 
sont  ordinairement  longitudinales  et  quelquefois  arrondies  ;  elles  correspondent  à 
des  saillies,  le  plus  souvent  taillées  en  biseau,  qui  existent  sur  la  partie  convexe 
du  mors  de  la  branche  mâle.  MM.  Robert  et  Collin  ont  fabriqué  un  brise-pierre 
dont  la  cuiller  a  six  ouvertures,  assez  ingénieusement  disposées  pour  diminuer 


LITHOTRITIE.  725 

très-peu  sa  solidité.  Le  mors  de  la  branche  mâle  présente  autant  de  dents  sail- 
lantes taillées  en  coin,  de  manière  à  chasser  les  morceaux  de  pierre  par  les  ou- 
vertures, et  prévenir  l'engouement  de  la  cuUler. 

Je  n'en  finirais  point  s'il  fallait  décrire  toutes  les  innovations  qui  ont  été  pro- 
posées, et  je  me  suis  borné  à  citer  les  plus  importantes.  J'aurai,  du  reste,  à 
revenir  sur  ce  sujet,  à  propos  des  accidents  de  la  lithotritie. 

La  lithotritie  est  toujours  une  opération  sérieuse;  dans  certains  cas,  elle  est 
même  aussi  grave  que  la  taille.  Si  on  a  vu  quelquefois  la  simple  introduction 
d'une  sonde  ou  d'une  bougie  dans  l'urèthre  déterminer  des  accidents  mortels,  à 
plus  forte  raison  faut-il  se  mettre  en  garde  contre  ces  tristes  résultats  et  ne  né- 
gliger aucune  précaution  quand  il  s'agit  d'introduire  dans  la  vessie  des  instru- 
ments volumineux,  et  d'opérer  des  manœuvres  répétées  et  souvent  longues  pour 
saisir  une  pierre,  la  broyer  et  l'extraire. 

Avant  tout,  le  chirurgien  devra  rechercher  si  le  malade  ne  présente  pas  une 
affection  organique  qui  contre-indique  l'opération  et  s'il  a  une  santé  (jui  lui  per- 
mette de  résister  aux  accidents  qui. peuvent  se  manifester  dans  le  cours  du  trai- 
tement; dans  le  cas  contraire,  il  lui  donnera  tous  les  soins  nécessaires  pour 
le  mettre  daiis  des  conditions  meilleures.  Eu  même  temps,  il  étudiera  l'état  des 
reins,  de  la  vessie,  de  la  prostate  et  de  l'urèthre,  car  il  trouvera,  dans  cet  exa- 
men, des  notions  utiles  et  presque  indispensables.  Chacun  de  ces  organes  peut 
se  trouver  dans  des  conditions  pathologiques  qui  constituent  des  complications 
sérieuses  sur  lesquelles  j'aurai  à  revenir.  Mais  supposons,  pour  l'instant,  le  cas  le 
plus  simple  où  ils  sont  à  l'état  normal,  et  oiî  l'on  a  alfaire  à  un  calcul  de  médiocre 
volume  et  peu  dur;  voici  comment  la  lithotritie  doit  être  pratiquée. 

Le  lit  sur  lequel  le  malade  sera  couché  ne  doit,  pas  être  trop  bas,  parce  que  le 
chirurgien,  obligé  de  se  courber,  se  trouverait  dans  une  position  fatigante,  et 
serait  moins  libre  de  ses  mouvements  ;  il  sera  plat  et  assez  dur  pour  que  le  corps 
n'y  enfonce  pas,  car  alors  il  est  très-difficile  de  bien  se  rendre  compte  de  la  posi- 
tion du  malade.  Celui-ci  est  couché  sur  le  dos,  les  épaules  et  la  tète  soutenues 
par  des  oreillers,  les  cuisses  et  les  jambes  à  demi  fléchies  pour  relâcher  les  mus- 
cles, ^on  bassin  doit  être  élevé  au  moyen  d'un  coussin  épais  et  solide.  Cette 
position  est  très-importante  en  ce  qu'elle  abaisse  le  bas-fond  de  la  vessie  par  rap- 
port au  col,  et  permet  au  calcul  d'y  ghsser  comme  sur  un  plan  inchné;  elle 
permet  aussi  an  chirurgien  de  manœuvrer  plus  facilement  le  lithotriteur  dont 
le  talon,  qu'on  est  toujours  forcé  d'abaisser  pour  pénétrer  dans  la  vessie,  ne 
risque  plus  de  toucher  le  plan  formé  par  le  lit. 

Le  chirurgien,  placé  à  la  droite  du  lit,  saisit  la  verge  du  malade  au-dessous  du 
gland,  entre  l'annulaire  et  le  médius  de  la  main  droite,  tandis  qu'avec  le  pouce 
et  l'index  il  écarte  les  lèvres  du  méat  urinaire  ;  avec  la  main  gauche  il  tient  le 
brise-pierre  comme  une  sonde  et  l'introduit  dans  l'urèthre,  en  suivant  les  règles 
du  cathétérisme  ordinaire.  L'instrument,  étant  assez  lourd,  descend,  pour  ainsi 
dire,  de  lui-même  jusque  dans  le  cul-de-sac  du  bulba.  Alors  on  abaisse  les  deux 
mains  entre  les  cuisses  du  malade,  en  même  temps  qu'on  enfonce  doucement  le 
brise-pierre,  dont  le  bec,  en  se  relevant,  suit  la  direction  courbe  du  canal.  Ce  dernier 
temps  est  assez  élégant,  mais  il  faut,  pour  l'exécuter,  une  assez  grande  habitude 
du  cathétérisme;  autrement,  il  est  préférable  de  changer  l'instrument  demain. 
Lorsqu'on  est  arrivé  dans  la  vessie,  on  embrasse  tout  le  talon  du  brise-pierre 
avec  les  doigts  allongés,  de  manière  que  son  extrémité  réponde  au  creux  de  la  main 


726  LITIIOTRITIE. 

droite,  et  on  va  à  la  recherche  du  calcul.  Si  on  le  trouve  directement  en  arrière^ 
on  saisit  la  branche  foiiclle  sur  les  côtés  avec  le  pouce  et  l'index  de  la  main  gau- 
che, et  tandis  qu'on  l'enfonce  doucement,  de  façon  à  déprimer  le  bas-fond  delà 
vessie,  on  tire  avec  la  main  droite  la  branche  mâle  en  arrière.  Dans  beaucoup  de 
cas,  il  suffit  de  cette  simple  manœuvre  pour  que  le  calcul  vienne  se  placer  de 
lui-même  entre  les  mors  du  lithotriteur.  Alors  on  le  saisit  en  poussant  la  branche 
mâle  avec  la  paume  de  la  main  droite,  et  avec  le  pouce  et  l'indicateur,  ou  le 
médius  de  la  même  main,  on  tourne  et  on  ferme  l'écrou.  11  ne  reste  plus  qu'à 
faire  marcher  le  pas  de  vis  pour  briser  la  pierre.  Ce  mouvement  doit  être  exécuté 
lentement  et  avec  beaucoup  de  précautions  pour  ne  pas  s'exposer  à  briser  l'in- 
strument ou  à  faire  éclater  la  pierre  avec  trop  de  force.  Puis  on  va  à  la  recherche 
des  fragments  qu'on  brise  de  la  même  façon,  en  ayant  toujours  soin  de  ramener 
le  bec  du  lithotriteur  dans  le  centre  de  la  vessie  avant  d'en  serrer  la  vis,  afin 
d'éviter  de  léser  les  parois  vésicales. 

Quand  le  calcul  se  trouve  dans  un  des  côtés  de  la  vessie,  on  ouvre  le  brise- 
pierre  dans  la  mesure  qu'on  juge  convenable,  et,  par  un  léger  mouvement  de 
rotation,  on  incline  son  bec  à  droite  ou  à  gauche,  pour  engager  le  corps  étranger 
entre  ses  mors.  Si  celui-ci  est  placé  immédiatement  en  arrière  du  col  vésical  et 
dans  une  sorte  de  poche,  il  suffit  de  pousser  plus  loin  le  mouvement  de  rotation 
jusqu'à  ce  que  le  bec  du  lithotriteur  soit  porté  directement  eu  arrière.  Une  fois 
qu'on  a  saisi  le  calcul,  on  le  ramène  dans  le  centre  de  la  vessie,  et  on  l'écrase 
comme  je  viens  de  le  dire. 

Cependant  la  pierre  présente  quelquelois  une  dureté  telle,  qu'il  est  dangereux 
ou  impossible  de  l'écraser,  et  la  percussion  devient  nécessaire.  Le  principal  in- 
convénient de  ce  procédé  consiste  dans  l'ébranlement  qu'on  imprime  à  la  vessie 
et  surtout  à  la  prostate.  C'est  alors  qu'on  comprend  bien  l'utilité  du  lit  imaginé, 
par  Heiirteloup  ;  car,  avec  lui,  le  lithotriteur  est  rendu  tellement  immobile,  que 
les  malades  ressentent  à  peine  l'ébranlement  produit  par  le  choc  du  marteau. 
Mais  il  n'est  presque  aucun  chirurgien  qui  possède  ce  lit  ;  et,  pourrait-on  se  le 
procurer,  il  serait  assez  dangereux  de  s'en  servir,  à  moins  d'avoir  une  grande 
habitude  de  la  manier.  J'en  dirai  autant  du  lit  modifié  par  Leroy  (d'EtioUes)  père. 

Le  plus  souvent  on  se  sert  d'un  élan  à  main,  dans  lequel  on  fixe  solidement  la 
partie  carrée  que  la  branche  femelle  du  brise-pierre  présente  vers  son  talon.  Il 
est  pourvu  de  trois  fortes  branches,  dont  deux,  transversales,  sont  confiées  à  un 
aide  qui  les  tient  immobiles,  en  ayant  soin  de  prendre  un  point  d'appui  solide  sur 
le  lit  avec  les  coudes.  Le  chirurgien  saisit  le  talon  de  la  branche  femelle  dans  la 
paume  de  la  main  gauche  ;  et,  comme  l'écrou  n'est  point  fermé,  il  tient  entre 
le  pouce  et  l'index,  de  la  même  main,  la  branche  mâle  pour  l'empêcher  de  re-» 
culer  ;  puis,  avec  la  main  droite  armée  d'un  marteau,  il  Irappe  de  petits  coups 
secs  et  répétés  sur  l'extrémité  de  l'instrument.  Il  est  bien  rare  qu'on  ne  vienne 
pas  à  bout  de  briser  le  calcul  par  ce  moyen. 

Il  y  a  loin  de  cet  étau  au  lit  d'Heurteloup.  Avec  quelque  soin  qu'il  soit  main- 
tenu par  les  aides,  il  n'offre  pas  un  grand  degré  de  fixité,  et  en  appuyant  sur  le 
lit  sa  branche  inférieure,  non-seulement  on  n'a  pas  un  point  d'appui  bien  sohde, 
mais  encore  on  risque  de  porter  l'extrémité  de  l'instrument  contre  les  parois  de 
la  vessie.  Quand  on  a  la  main  assez  ferme,  il  est  préférable  de  s'en  servir  pour 
mimobiliser  le  brise-pierre,  parce  qu'on  a  mieux  conscience  de  sa  position  et  des 
déplacements  de  son  bec.  Mais  il  faut,  comme  je  l'ai  dit,  ne  Irapper  avec  le 
marteau  que  des  petits  coups  secs,  ne  produisant  qu'un  médiocre  ébranlement. 


LITIIOTRITIE.  -  727 

Quand  la  pierre  est  brisée,  ses  fragments  ne  présentent  pas  une  résistanc3 
qui  ne  soit  facilement  surmontée  par  la  puissance  de  la  vis. 

Je  reviendrai  maintenant  sur  les  différents  temps  de  la  manœuvre  opératoire, 
et  j'examinerai  en  même  temps  les  circonstances  qui  peuvent  modifier  la  conduite 
à  tenir. 

A.  Etroitesse  de  Vurèthre.  Il  n'est  pas  rare  de  rencontrer  un  méat  urinaire 
assez  petit  pour  empêcher  le  passage  d'une  sonde  de  volume  ordinaire.  Dans  ces 
cas,  il  faut  l'ouvrir  largement,  eu  pratiquant  une  incision  dans  son  angle  infé- 
rieur avec  un  bistouri  boutonné.  Cette  petite  opération  est  indispensable,  et  ne 
présente  aucun  danger.  —  D'autres  fois,  il  existe  un  véritable  rétrécissement 
siégeant  sur  un  point  variable  du  canal,  et,  avant  tout,  on  doit  en  avoir  raison 
pour  pratiquer  la  litholritie  avec  quelque  sécurité.  Car  il  ne  suffirait  même  pas 
qu'on  pût  introduire  un  brise-pierre  dans  la  vessie,  il  faut  encore  que  la  route 
soit  largement  ouverte  pour  le  manœuvrer  avec  facilité,  soit  en  procédant  à  la 
recherche  du  calcul,  soit  en  le  retirant  lorsque  ses  mors,  écartées  par  de  petits 
fragments,  présentent  un  plus  gros  volume.  Quant  au  traitement  du  rétrécisse- 
ment, il  variera  avec  l'étroitesse  et  les  autres  conditions  de  structure  de  celui-ci. 
Ou  emploiera,  suivant  les  cas,  la  simple  dilatation,  la  divulsion  ou  l'uréthrotomic. 
(Voy.  Urèthre  et  Rétrécissements.)  Mais  il  ne  faut  pas  oublier  qu'on  aura  un 
grand  avantage  à  agir  rapidement,  parce  que  tout  retard  tend  à  aggraver  l'état 
de  la  vessie. 

B.  Irritabilité  de  Vurèthre.  Quelquefois  l'urèthre  est  parfaitement  libre, 
mais  il  a  acquis  une  sensibihté  telle,  que  l'introduction  d'un  corps  étranger  dan^ 
sa  cavité  détermine  des  contractions  douloureuses  et  violentes,  qui  deviennent  un 
obstacle  sérieux  au  passage  des  instruments.  Il  est  indispensable  de  faire  cesser 
ce  spasme  que  l'on  combattra  à  l'aide  des  moyens  que  nous  connaissons,  tels  que 
les  éinollieuts  généraux  et  locaux,  les  opiacés,  des  cautérisations  légères  de  la 
muqueuse,  et  l'introduction  dans  le  canal  de  bougies  de  plus  en  plus  volumi- 
neuses, laissées  à  demeure  pendant  quelques  instants.  Quoique  dans  beaucoup  de 
cas  le  spasme  ait  pour  principale  cause  la  présence  d'une  pierre  dans  la  vessie,  et 
que  la  meilleure  manière  de  le  calmer  soit  l'extraction  de  ce  corps  étranger,  les 
moyens  que  j'ai  indiqués  sont  loin  d'être  inutiles,  et,  en  les  employant  avec  dis- 
cernement et  patience,  on  vient  presque  toujours  à  bout  de  rendre  le  canal  assez 
tolérant  pour  permettre  la  lithotritie. 

C  Hypertrophie  de  la  prostate.  Lorsqu'il  existe  une  hyperlrophie  de  la 
prostate,  le  cliirurgien  doit  l'avoir  reconnue  dans  les  premiers  examens  qu'il  a 
faits  du  malade.  Si,  portant  principalement  sur  la  portion  la  plus  reculée  de  la 
glande,  elle  n'a  eu  pour  résultat  que  de  courber  brusquement  la  fin  du  canal,  elle 
n'apportera  pas  un  grand  obstacle  au  cathétérisme.  On  n'aura  besoin  pour  fran- 
chir le  col  de  la  vessie  qu'à  abaisser  assez  fortement  le  talon  du  brise-pierre.  Mais 
si  l'hypertrophie  est  considérable,  et  a  compris  toute  la  glande,  de  façon  à  aug- 
menter notablement  la  longueur  de  la  portion  prostatique  de  l'urèthre,  le  cathé- 
térisme devient  assez  difticde,  parce  que  le  bec  de  l'instrument  presse  foitcment 
contre  la  paroi  supérieure  du  canal.  Dans  ces  cas,  il  ne  faut  abaisser  le  talon  de 
l'instrument  qu'avec  lenteur,  et  à  mesure  qu'on  le  sent  cheminer  ver^  la  vessie. 
Quelquefois  même  il  vaut  mieux  se  servir  d'un  lithotriteur,  dont  rextrémité, 
pliée  moins  brusquement,  suit  plus  ficilenient  la  courbe  allongée  du  canal. 

D.  Petitesse  de  la  vessie.  Il  est  de  règle  de  ne  commencei'  la  lithotritie  qu'a- 
près s'être  assuré  que  la  vessie  peut  contenir  assez  de  liquide  pour  permettre 


7-28  LITHOTRITIE. 

la  manœuvre  facile  du  brise-pierre.  Cette  quantité  varie  de  200  à  500  grammes. 
Quand  le  malade  se  trouve  dans  cette  condition  favorable,  il  est  inutile  de  recourir 
aux  injections  ;  il  suffit  de  lui  recommander  de  boire  assez  copieusement  et  de 
retenir  ses  urines  pendant  les  deux  ou  trois  heures  qui  précèdent  le  moment  de 
l'opération. 

Quelques  praticiens,  au  lieu  d'essayer  de  ce  moyen  très-simple,  conseillent  de 
vider  la  vessie  au  moment  de  l'opération  et  de  remplacer  l'urine  par  une  quantité 
égale  d'eau.  Cette  conduite  ne  me  paraît  pas  rationnelle.  Si  on  n'injecte  qu'une 
quantité  de  liquide  égale  à  celle  de  l'urine  qu'on  a  retirée,  on  n'a  rien  gagné.  De 
plus,  une  injection,  avec  quelque  lenteur  qu'elle  soit  pratiquée,  produit  toujours 
un  certain  ébranlement  de  la  vessie  et  provoquera  ses  contractions  bien  plus  rpie 
l'urine  qui  s'est  amassée  lentement  dans  sa  cavité.  Si  l'on  a  des  raisons  de  croire 
que  la  quantité  d'urine  n'est  pas  assez  considérable,  il  vaut  encore  mieux,  au  lieu 
de  vider  la  vessie,  y  injecter  la  portion  de  liquide  dont  on  croit  avoir  besoin. 

Mais  chez  les  calculeux,  surtout  quand  la  maladie  date  de  loin,  la  vessie  est 
ordinairement  petite,  à  cause  des  envies  fréquentes  d'uriner  que  provoque  la  pré- 
sence d'un  corps  étranger  sur  son  col.  Quelquefois  elle  n'a  plus  que  la  capacité 
nécessaire  pour  contenir  le  calcul  qu'elle  coiffe  exactement.  On  comprend  combien 
il  est  difficile,  alors,  de  développer  les  branches  du  lithotriteur  assez  largement 
pour  saisir  le  calcul.  Cette  manœuvre  devient  même  impossible  quand  les  parois 
vésicales  sont,  en  même  temps,  hypertrophiées,  ce  qui  n'est  pas  rare.  Le  chirur- 
.  gien  devra  s'armer  de  patience,  car  ce  n'est  qu'à  l'aide  de  soins  assez  longs  et  en 
combinant  avec  un  grand  tact  divers  moyens,  qu'il  finira  par  rendre  à  la  vessie, 
non  sa  capacité  normale,  mais  une  capacité  suffisante  pour  permettre  l'opération. 

Dans  beaucoup  de  cas,  on  a  un  double  obstacle  à  vaincre  ;  car  la  vessie  n'a  pas 
seulement  perdu  l'habitude  de  se  laisser  dilater  par  l'urine,  elle  a  encore  acquis 
une  contractilité  pathologique  analogue  au  spasme  de  l'urèthre.  Voici  comment 
j'ai  coutume  de  combattre  ces  dispositions  fâcheuses.  Je  recommande  au  malade 
de  prendre,  le  matin,  un  lavement  simple  pour  vider  le  rectum,  et,  immédiate- 
ment après,  un  quart  de  lavement  opiacé  qui  sera  gardé.  Une  heure  après,  quand 
je  suppose  que  l'action  narcotique  du  laudanum,  qui  a  été  donné  à  la  dose  de  10  à 
d2  gouttes,  est  complète,  j'introduis  dans  la  vessie  une  sonde  qui  me  sert  à  y  faire 
une  injection  d'eau  tiède,  car  un  liquide  chaud  ou  froid  serait  moins  bien  supporté. 
L'injection  doit  être  poussée  très-lenteuient,  pendant  qu'on  cherche  à  distraire  le 
malade;  mais,  dès  qu'elle  provoque  des  douleurs,  il  ne  faut  pas  la  continuer,  sous 
peine  d'amener  une  légère  hémorrhagie.  J'insiste  beaucoup  sur  ce  point,  parce 
que  j'ai  vu  souvent  ces  exsudations  sanguines  de  la  muqueuse  suivies,  après  vingt- 
quatre  ou  quarante-huit  heures,  d'urines  purulentes.  Chaque  jour,  on  augmente 
peu  à  peu  la  quantité  de  liquide  injecté,  mais  toujours  en  prenant  pour  guide  la 
tolérance  de  la  vessie. 

Quand  celle-ci  oppose  une  résistance  considérable,  j'injecte  dans  sa  cavité  un 
liquide  narcotique  composé  ordinairement  de  100  grammes  d'eau  et  de  1  déci- 
gramme  d'hydro-chlorate  de  morphine.  L'action  stupéfiante  de  cette  solution, 
étant  plus  directe,  est  aussi  plus  énergique  et  donne  les  meilleurs  résultats.  Chez 
quelques  personnes,  on  peut  augmenter  sans  danger,  en  la  graduant,  la  dose  de 
la  morphine  et  la  porter,  pour  la  même  quantité  d'eau,  à  2  décigrammes  et  plus. 
En  même  temps,  je  recommande  au  malade  de  rester  couché  pendant  quelques 
heures.  Souvent  même,  je  laisse  pendant  tout  ce  temps  la  sonde  à  demeure  pour 
tenir,  autant  que  possible,  le  calcul  éloigné  du  col  de  la  vessie. 


LITIIOTRIÏIE.  729 

Dans  ces  cas  difficiles,  des  chirurgiens,  au  lieu  de  recourir  à  ces  moyens  d'un 
eaiploi  toujours  assez  lent,  préfèrent  opérer  à  sec.  Il  m'est  arrivé  plusieurs  fois 
de  pratiquer  la  lithotritie  de  cette  façon  pour  des  calculs  peu  volumineux  et  assez 
faciles  à  briser,  mais  ce  ne  fut  qu'après  avoir  essayé  inutilement  de  dilater  la 
vessie.  Pour  être  juste,  je  dois  dire  que  je  n'ai  pas  eu  d'accidents.  Mais  je  nie  gar- 
derais bien  d'ériger  eu  règle  ce  procédé.  Non-seulement  on  éprouve  de  grandes 
difficultés  à  bien  saisir  le  calcul,  mais  encore  ou  court  trop  de  risques  de  blesser 
la  vessie.  Il  n'est  permis  d'agir  ainsi  que  dans  les  cas  d'absolue  nécessité.  Il  faut 
alors  se  servir  d'un  brise-pierre  à  cuillers  très-courtes,  car  il  serait  difficile  et 
dangereux  d'employer  les  instruments  ordinaires. 

Dans  quelques  cas  exceptionnels  et  quand  les  moyens  que  je  viens  d'indiquer 
ont  échoué,  ou  peut  employer  le  chloroforme  qui  permet  de  faire  dans  la  vessie 
une  injection  plus  abondante  que  si  le  malade  était  éveillé.  Mais  il  ne  faut  pas 
oublier  que  cet  agent  ne  diminue  que  très-peu  les  contractions  vésicalcs.  L'injec- 
tion sera  rcjetée  a\  ec  force  si  on  ne  confie  pas  à  un  aide  le  soin  de  serrer  la  verge 
sur  le  brise-pierre.  La  lithotritie,  dans  ces  conditions  défavorables,  est  assez  difti- 
cile  à  pratiquer.  On  comprend  surtout  que  les  séances  doivent  être  très-courtes. 
Cependant  je  ne  rejette  pas  complètement  l'emploi  du  chloroforme,  parce  que  dans 
plusieurs  circonstances  il  m"a  été  très-utile  et  m'a  permis  de  conduire  l'opération 
à  bonne  fin. 

E.  Durée  et  nombre  des  séances.  La  durée  de  chaque  séance  n'a  rien  de 
fixe.  Ordinairement  de  dix  à  quinze  minutes,  elle  peut  être  beaucoup  plus  courte 
ou  plus  longue.  Chez  certains  malades,  les  moindres  manœuvres  provoquent 
des  contractions  de  la  vessie  :  les  urines  s'échappent  avec  violence  le  long  du  litho- 
triteur  qu'il  fout  se  hâter  de  retirer,  quoiqu'on  ait  eu  à  peine  le  tem|)s  de  briser 
quelques  fragments  du  calcul.  Chez  d'autres,  la  vessie,  Irès-dilatée  et  peu  irri- 
table, permet  des  manœuvres  prolongées  sans  inconvénients.  11  faut  profiter  de 
cette  tolérance,  car,  mieu.x  on  aura  écrasé  les  fragments  du  calcul,  moins  on  aura 
à  craindre  les  accidents  inflammatoires  qui  résultent  souvent  des  premières  tenta- 
tives de  lithotritie.  Il  m'est  arrivé  plusieurs  fois  de  débarrasser  un  malade  d'une 
pierre  grosse  de  10  à  15  centimètres  eh  une  senle  séance. 

Il  en  est  du  nombre  des  séances  comme  de  leur  durée.  On  ne  peut  le  connaître 
à  l'avance,  parce  qu'il  varie  suivant  la  tolérance  de  la  vessie,  le  volume  du  calcul, 
la  difficulté  que  présente  la  sortie  des  fragments.  En  général,  il  vaut  mieux  mul- 
tiplier les  séances  que  de  les  faire  trop  longues.  Mais  des  circonstances  nom- 
breuses et  tout  à  tait  imprévues,  que  le  chirurgien  appréciera,  peuvent  modifier 
cette  règle  de  conduite. 

Que  dirai-je  encore  de  l'ihtervalle  de  temps  qu'il  faut  laisser  entre  les  séances? 
Il  est  évident  qu'il  n'y  a  aucun  inconvénient  à  les  rapprocher  si  le  malade  sup- 
porte parfaitement  l'opération,  puisqu'il  y  a  un  grand  avantage  à  débarrasser  la 
vessie  le  plus  vite  possible.  Mais  si  des  accidents  se  manifestent,  il  est  indispen- 
sable de  les  calmer  avant  de  recommencer  les  manœuvres. 

F.  Sortie  des  fragments.  Quand  on  a  brisé  un  calcul,  et  même  quand  on  est 
parvenu  à  le  réduire  en  fragments  nombreux,  on  est  loin  d'avoir  tout  fut  ;  il  reste 
encore  à  en  débarrasser  la  vessie,  et  ce  n'est  pas  la  partie  la  moins  délicate  de  l'opé- 
ration. J'ai  vu  plus  d'un  malade  dont  la  vessie  était  parfaitement  saine,  l'urèthre 
large  et  peu  irritable,  rendre,  après  chaque  séance,  des  débris  abondants  et  des 
morceaux  assez  volumineux -de  calcul,  se  lever  et  continuer  ses  occupations  quel- 
quefois assez  pénibles  et  guérir  sans  avoir  éprouvé  le  plus  petit  accident.  Mais  ces 


750  LITHOTRITIE. 

faits  sont  exceptionnels.  Dans  les  cas  qui  se  présentent  comme  les  plus  simples,  on 
doit  encore  être  en  garde,  car  il  n'est  pas  rare  de  voir  se  manifester  tout  à  coup- 
et  au  moment  où  on  s'y  attendait  le  moins,  les  complications  les  plus  graves.  C'est 
qu'en  effet  un  malade  qui  vient  d'être  soumis  à  une  première  séance  de  lithotritie 
se  trouve  momentanément  dans  de  moins  bonnes  conditions  que  celles  où  il  était 
d'abord.  Avant  l'opération  il  n'avait  dans  la  vessie  qu"un  calcid,  généralement 
arrondi,  tandis  qu'après  il  a  plusieurs  calculs  présentant  des  arêtes,  des  pointes 
plus  ou  moins  aiguës  et  capables  de  léser  sérieusement  les  parois  de  la  vessie 
quand  ils  sont  pressés  contre  son  col,  ou  de  déchirer  les  parois  de  l'urèthre  quand 
ils  s'y  engagent. 

Dans  l'espérance  de  remédier  à  ces  inconvénients,  Heurteloup  recommandait, 
dès  l'année  1847,  de  briser  le  calcul  en  fragments  aussi  nombreux  que  possible 
dans  la  première  séance,  de  laisser  les  malades  couchés  sur  le  dos  afin  qu'au 
moment  de  la  miction  les  urines  n'entraînassent  qu'une  poussière  fine  ou  de  très- 
petits  débris,  tandis  que  les  gros  fragments  devaient  rester  dans  le  bas-fond  de  la 
vessie.  De  plus,  il  cherchait  à  extraire  une  grande  partie  de  la  pierre  avec  son 
lithotriteur  dont  les  mors  encavés,  pleins  et  s'affrontant  par  leurs  bords  formaient 
une  sorte  de  boîte  oblongue  capable  de  renfermer  une  assez  grande  quantité  de 
débris.  11  avait,  en  agissant  ainsi,  la  prétention  de  terminer  l'opération  sans  que 
des  morceaux  de  calcul  un  peu  gros  eussent  à  traverser  l'urèthre.  Maisje  sais  que, 
dans  beaucoup  de  cas,  il  se  comportait  tout  différemment. 

A  vrai  dire,  il  n'y  a  pas  de  règle  de  conduite  absolue  ;  on  peut  seulement  donner 
des  conseUs  généraux  qui  varient  avec  les  circonstances. 

Quelques  chirurgiens,  après  avoir  retiré  le  brise-pierre,  engagent  les  malades  à 
uriner  pour  amener  l'expulsion  de  fragments  de  calcul.  En  cela  ils  commettent 
une  double  faute.  D'une  part,  l'urèthre  et  le  col  de  la  vessie  ébranlés  par  les  ma- 
nœuvres auxquelles  ils  viennent  d'être  soumis  se  contractent  avec  force  et  ne  lais- 
sent passer  que  des  détritus  insignifiants;  d'autre  part,  si  la  muqueuse  du  canal 
a  été  légèrement  déchirée,  comme  il  aiTive  souvent,  au  moment  ori  on  a  retiré  le 
hthotriteur,  le  passage  de  l'urine  sur  ces  déchirures  peut  produire  des  accidents. 

Ordinairement  c'est  après  un,  deux  ou  trois  jours  que  les  organes  reposés  per- 
mettent la  sortie  de  fragments  quelquefois  assez  nombreux  et  volumineux.  C'est 
donc  cette  détente  des  organes  qu'il  faut  favoriser  par  tous  les  moyens  ;  et  on 
l'obtiendra  en  recommandant  au  malade  de  rester  couché  sur  le  dos  et  de  n'uriner 
qu'avec  une  sonde.  Celle-ci  doit  être  assez  grosse  pour  bien  remplir  le  canal  et 
pourvue  d'yeux  assez  grands  pour  laisser  passer  les  morceaux  de  pierre  les  plus 
petits.  Placée  à  demeure  pendant  plusieurs  jours,  elle  a  l'avantage  d'écarter  du 
col  de  la  vessie  les  fi-agments  de  calcul  ;  mais  sa  présence  prolongée  dans  l'urèthre 
peut  déterminer  des  ulcérations  graves  surtout  chez  des  vieillards  dont  les  forces 
sont  épuisées.  On  éviterait  ce  dernier  accident  en  pratiquant  le  cathétérisme 
toutes  les  fois  que  le  malade  aurait  besoin  d'uriner  ;  mais  ces  envies  sont  souvent 
très-fréquentes  et  l'introduction  répétée  d'une  sonde  a  également  ses  dangers. 

En  présence  de  ces  inconvénients  ou  a  voulu  réduire  le  calcul  tout  entier  en 
une  poussière  assez  ténue  pour  passer  dans  l'urèthre  sans  le  blesser  ou  encore 
retirer  tous  les  fragments  avec  un  lithotriteur.  —  Le  premier  de  ces  moyens  exi- 
gerait, pour  peu  que  le  calcul  fût  gros,  des  manœuvres  prolongées  que  la  vessie 
ne  pourrait  tolérer.  —  Le  second  n'est  pas  d'une  exécution  plus  facile.  11  n'est 
pas  de  praticien  qui  ne  sache  combien  on  a  de  peine  à  extraire  un  calcul  par  mor- 
ceaux sans  déchirer  l'urèthre,  tantôt  parce  que  les  détritus  amassés  entre  les  mors 


LITIIOTRITIE.  731 

du  litliolrileur  les  tiennent  écartés  outre  mesure,  tantôt  parce  qu'ils  dépassent 
les  bords  des  cuillers  et  présentent  des  pointes  très-aiguës.  Heurteloup  avait 
très-bien  compris  cette  double  cause  d'accidents,  et,  pour  la  prévenir,  il  avait 
imaginé  l'instrument  dont  j'ai  parlé  plus  haut.  Au  moyen  du  marteau,  il  tassait  les 
détritus  entre  les  deux  cuillers,  qu'il  parvenait  à  rap[irocher,  et  comme  celles-ci 
s'affrontaient  par  leurs  bords,  les  fragments  de  calcul  se  trouvaient  coupés  et  ne 
faisaient  aucune  saillie.  Aussi,  pouvait-il  dire  avec  raison  que  son  lithotriteur  ne 
présentait  pas,  au  moment  où  on  le  retirait  du  canal,  plus  de  volume  qu'au  mo- 
ment de  son  entrée.  Mais  cette  manœuvre,  si  bien  exécutée  qu'elle  soit,  ne  laisse 
pas  d'imprimer  à  la  vessie  un  ébranlement  fâcheux. 

Dans  un  but  semblable  et  surtout  pour  éviter  l'engorgement  qui  empêche  de 
rapproclier  entièrement  les  deux  mors,  M.  Guillon  a  placé  dans  la  cuiller  de  la  tige 
femelle  de  son  lithotriteur  à  levier  une  lame  d'acier  qu'on  peut  soulever  au  moyen 
d'un  stylet  qui  se  prolonge  jusqu'au  talon  de  l'instrument.  On  soulève  ainsi  les 
détritus  tassés  dans  la  cuiller  et  on  les  rejette  dans  la  vessie. —  M.  Mathieu  a  sim- 
plifié très-heureusement  ce  brise-pierre  en  articulant  à  l'extrémité  du  mors  de  la 
branche  femelle  une  languette  d"acier  qui  reste  couchée  dans  le  fond  de  la  cuiller 
au  moment  où  l'on  brise  le  calcul  et  qui  se  relevant  par  sa  proiire  élasticité, 
lorsque  l'on  tire  en  arrière  la  branche  mâle,  soulève  les  détritus  et  les  jette  de 
côté.  —  J'ai  moi-même  imaginé  de  fixer  sur  la  branche  màle,  à  l'endroit  où  elle 
se  coude,  un  petit  ressort  de  montre  de  2  à  3  centimètres  qui  glisse  dans  le 
fond  de  la  cuiller  de  la  branche  femelle  et  la  débarrasse  très-facilement.  —  On  a 
reproché  à  la  plaque  d'acier  de  MM.  Mathieu  et  Guillon  de  diminuer  la  |irofondeur 
de  la  cuiller  du  lithotriteur;  on  a  dit  encore  qu'elle  pouvait  être  faussée  ou  brisée 
sous  la  pression  énergique  exercée  par  la  branche  màle.  11  est  probable  que  l'on 
ferait  ce  dernier  reproche  à  la  modification  que  j'ai  proposée. 

On  emploie  encore,  pour  extraire  les  débris  de  calcul,  des  sondes  dites  cvacua- 
trices.  L'instrument  le  plus  simple  en  ce  genre  est  une  sonde  élastique  de  gros 
calibre,  percée  de  grands  yeux.  Il  suffit  d'injecter  dans  la  vessie  une  certaine 
quantité  de  liquide  qui,  en  s'échappant,  entraîne  la  partie  de  la  pierre  réduite  en 
poudre  et  quelquefois  des  fragments  d'un  petit  volume.  Leroy  (d'ÉtioUes)  un  des 
premiers  a  fliit  construire  une  sonde  en  argent  assez  grosse,  présentant  au  com- 
mencement de  sa  courbure  une  ouverture  oblongue  fermée  par  un  clapet.  Un 
stylet  articulé  avec  ce  clapet  et  mû  par  un  bouton  placé  sur  le  talon  de  l'instru- 
ment permet  de  fermer  et  d'ouvrir  à  volonté  l'ouverture  de  la  sonde.  Les  détritus 
sortent  assez  facilement  par  cette  voie  ;  mais  comme  des  débris  dépassant  le  cali- 
bre de  la  sonde  pouvaient  se  trouver  arrêtés  dans  sa  cavité,  l'instrument  est  armé 
d'un  mandrin  à  tête  fi-aisée  pour  les  briser. 

M.  Mercier  a  transformé,  pour  le  même  usage,  sa  sonde  à  courbure  brusque  en 
une  sonde  à  double  courant,  portant,  au  commencement  de  sa  courbure,  une 
ouverture  qui  se  trouve  fermée  par  l'extrémité  d'un  mandrin  de  baleine.  Quand 
l'instrument  est  dans  la  vessie,  on  retire  le  mandrin  et  on  injecte  par  le  second 
conduit  de  l'eau,  qui,  passant  par  plusieurs  petits  trous  dont  le  bec  de  la  sonde 
est  percé,  établit  un  courant  destiné  à  entraîner  les  détritus  calculeux  en  dehors. 
—  Cette  sonde,  moins  compliquée  que  celle  de  Leroy,  vaut  aussi  beaucoup  mieux. 
Mais  on  peut  adresser  à  l'une  et  à  l'autre,  le  même  reproche,  c'est  que  leur 
ouverture  vésicale,  ne  dépassant  pas  le  calibre  de  la  sonde,  est  évidemment  trop 
petite. 

Pour  éviter  cet  inconvénient,  j'ai  imaginé  une  sonde  toute  différente.  Elle  se 


732 


LlTllOTIllTIE. 


comiiose  de  deux  gouttières  qui,  eu  glissant  l'une  sur  l'autre,  se  complètent  pour 
former  un  instrument  cyliiidritjue  courbe  à  son  extrémité.  La  gouttière  inférieure, 
formée  d'une  double  paroi  pour  en  faire  une  sonde  à  double  courant,  est  beaucoup 
plus  profonde  que  l'autre;  elle  porte  sur  ses  bords  une  rainure,  dans  laquelle  on 
fait  glisser  la  gouttière  supérieure  comme  un  tiroir.  Mais  il  fallait  que  celle-ci  pût 
se  plier  à  la  courbure  que  présente  l'autre  gouttière.  M.  Matliieu  est  parvenu  très- 
habilement  à  résoudre  cette  dilFiculté  en  formant  son  extrémité  de  plusieurs 
petites  pièces  transversales  semblables  à  celles  de  certains  bracelets  et  mobiles 
les  unes  sur  les  autres.  Quand  l'inslrumeat  est  fermé,  il  représente  une  sonde 
ordinaire  de  gros  calibre.  Après  l'avoir  introduit  dans  la  vessie  on  tire  à  soi  la 
pièce  supérieure  qui  est  garnie  d'un  anneau  sur  son  talon,  et  la  gouttière  infé- 
rieure se  trouve  découverte  dans  toute  sa  portion  courbe  qui  est  dans  la  vessie. 
Alors,  au  moyen  d'un  petit  tube  disposé  pour  recevoir  l'extrémité  d'une  seringue, 
on  injecte,  dans  le  conduit  formé  par  la  double  paroi  de  la  gouttière  inférieure,  de 
l'eau  qui,  s'échappant  par  de  petits  trous  dans  la  vessie,  forme  une  espèce  de 
remous  qui  entraîne  les  détritus  de  calcul  dans  la  sonde. 


a.  Tube  servant  à  injecter  de  l'eau  dans  la  vessie. 

b.  Ouvertures  par  lesquelles  l'eau  s'échappe  dans 

le  bas-fond  de  la  vessie. 

c.  Segment  supérieur  de  la  sonde,  garni  d'un  an- 

neau à  son  talon  et  formé  de  pièces  articulées 
en  avant. 


Fig.  11.  —  Sonde  évacualrice  de  M.  Voiliemier. 

b'.  Gouttière  ouverte  du  segment  inférieur  de  la 

sonde. 
d.  Direction  du  liquide  sortant  de  la  vessie  pour 


entrer  dans  la  sonde. 


Dans  ces  derniers  temps  on  a  fabriqué  en  Angleterre  un  instrument  avec  lequel 
on  extrait  les  fragments  de  calcul  par  aspiration.  Il  se  compose  d'une  sonde  ordi- 
naire dont  l'extrémité  vésicale  courbe  dans  la  longueur  de  5  centimètres  et 
dépourvue  de  paroi  supérieure  forme  une  sorte  de  gouttière.  On  remjilace  cette 
paroi  par  un  mandrin  de  baleine  légèrement  aplati  au  inomeat  oîi  on  pratique 
la  calhétérisme  afin  de  ne  pas  blesser  le  canal.  La  sonde  une  fois  placée  dans  la 
vessie,  on  relire  la  baleine  et  on  adapte  à  son  talon  une  poche  de  caoutchouc  dont 
on  a  rapproché  les  parois;  celles-ci  s'écartent  dès  qu'on  les  abandonne  à  elles- 
mêmes  et  aspirent  les  liquides  chargés  de  détritus.  —  MM.  Robert  et  GoUin  ont 
remplacé  la  poche  de  caoutchouc,  dont  la  force  d'aspiration  ne  leur  paraissait  pas 
suffisante,  par  un  gros  tube  de  verre  auquel  est  attaché  un  corps  de  pompe  dont 
on  fait  marcher  le  piston  au  moyen  d'une  crémaillère  et  d'une  roue.  A  l'aide  de 
cet  appareil  on  peut  injecter  du  liquide  dans  la  vessie  et  l'en  retirer  à  plusieurs 
reprises  avec  une  force  qu'd  est  facile  de  graduer.  Chaque  aspiration  du  liquide 


LITHOTRITIE. 


735 


ramène  des  débris  dans  le  tube  de  verre  où  ils  se  déposent  sans  pouvoir  être  re- 
pousses dans  la  vessie,  le  tube  ayant  dans  son  milieu  un  diamètre  plus  grand  que 
celui  des  ouvertures  placées  à  ses  deux  bouts. 

Toutes  CCS  sondes  évacuatrices  sont  peu  employées.  Elles  exigent  des  ma- 
nœuvres fréquentes  et  longues  qui  ne  sont  pas  exemptes  de  danger  ;  de  plus,  elles 
ne  donnent  ordinairement  passage  qu'à  de  la  poussière  ou  à  de  petits  fragments 
de  pierre  qui  auraient  pu  sortir  d'eux-mêmes  et  sans  inconvénients  pour  l'urèthre. 
Elles  ne  sont  véritablement  utiles  que  si,  par  suite  d'vme  paresse  de  la  vessie  ou 
d'une  liypertropliie  de  la  prostate,  les  fragments  s'accumulent  en  arrière  de  cette 
glande  sans  pouvoir  sortir. 

Dans  la  grande  majorité  des  cas  ouest  obligé  de  combiner,  suivant  les  circonstan- 
ces, l'emploi  de  plusieurs  moyens.  Lorsqu'on  a  brisé  un  calcul  et.  broyé  plusieurs  de 
ses  morceaux  on  en  extrait  une  partie  avec  le  brise-pierre  api'ès  avoir  eu  soin  de 
dégorger  les  cuillers  en  les  agitant  légèrement  au  milieu  du  li(juide  de  la  vessie 
et  de  tasser  fortement  ce  qui  reste  dans  leurs  cavités  au  moyen  de  l'écrou.  Après 
un  jour  ou  deux  de  repos  et  d'un  traitement  émollient,  si  l'on  juge  que  le  calme 
des  organes  est  assez  grand,  ou  peut  permettre  au  nialido  d'nrinor,  el   san\eii1  il 


Fig.  12.  —  Appareil  évacualeur  de  MM.  Roljcit  et  CoUin. 

A.  —  Appareil  aspirateur. 

h.  Corps  df  pompe. 

c.  Tige  de  fer  j,'arnie  d'une  crémaillère. 

d.  Roue  destinée  à  mouvoir  ceUe  lige. 

e.  Extrémité  du  corps  de  pompe  pénétrant  dans  un 

rtiarchon  de  verre. 

f.  Maiiclion  de  verre  percé  à  ses  deux  bouts. 


ij.  Tulou  d'une  sonde  pénétrant  dans  le  manchon. 

II.  —  Sonde  cvacuatrice. 
i.  Talon  de  la  sonde. 
j.  Bec  de  la  sonde  aplati  et  formant  gouttière. 

K.  —  Mandrin  de  baleine. 
/.  Extrémité  aplatie  remplissant  la  gouttière  de  la 
sondequandon  introduit  celle-ci  dansla  vessie. 


se  débarrasse  d'une  notable  quantité  de  fragments.  Cette  expulsion  spontanée 
cause  rarement  des  décbirures  dans  le  canal.  Ce  qui  est  plutôt  à  craindre, 
c'est  qu'un  morceau  de  pierre  un  peu  gros  ne  s'engage  dans  l'urèthre  sans 
pouvoir  le  traverser.  Le  chirurgien  doit  alors  intervenir  soit  pour  repousser  le 
corps  étranger  dans  la  vessie  avec  une  sonde  ou  lUie  injection  faite  directement 
dans  le  canal,  soit  en  le  brisant  et  en  le  retirant  avec  les  instruments  usités  en 
pareil  cas.  Cette  complication  est  sans  doute  fâcheuse,  mais  sou  éventualiié  est 
larf^ement  compensée  par  les  avantages  qu'on  retire  de  l'expulsion  spoiUauéedes 
fra"-ments.  {Voij.  Urèxhre  ;  Calculs  dans  l'urèthre.) 

G.  Ibiptiire  du  brise-pierre.  J'ai  déjà  indiqué  plusieurs  des  raisons  pour  les- 
quelles on  doit  apporter  la  plus  grande  prudence  dans  la  manœuvre  des  instru- 
ments. 11  en  est  encore  une  qu'il  est  important  de  connaître,  c'est  la  possibilité 
de  la  rupture  du  brise-pierre.  Cette  accident,  heureusement  assez  rare,  est  très- 
i^rave.  C'est  presque  toujours  la  branche  mâle  qui  se  brise,  et  la  rupture  porte 


734  LITIIOTRITIE. 

sur  le  point  où  la  portion  droite  se  recourbe.  Le  fragment  n'a  donc  pas  plus  de 
2  à  3  centimètres  de  longueur.  Si  l'on  s'aperçoit,  en  examinant  l'instrument, 
■que  la  rupture  est  due  à  un  défaut  dans  l'acier,  on  peut  essayer  de  retirer  le 
mors  brisé  de  la  vessie;  si  on  y  parvient  on  devra  continuer  l'opération  en  se  ser- 
vant d'un  brise -pierre  plus  solide.  Au  contraire,  si  l'accident  est  dû  à  la  résistance 
■du  calcul,  il  vaut  mieux  recourir  de  suite  à  la  taille  qui  permet  de  retirer,  du 
■même  coup,  et  la  pierre  et  le  morceau  d'acier. 

Quelquefois  les  mors  du  brise-pierre,  au  lieu  d'être  brisés,  se  faussent  et  restent 
écartés  l'un  de  l'autre.  Avec  un  peu  d'habitude,  on  s'en  aperçoit  facilement,  car  on 
sent  que  la  pierre  n'a  pas  été  brisée,  bien  qu'on  ait  fait  avancer  la  vis  de  plusieurs 
tours.  11  faut  s'arrêter  immédiatement,  puis  ramener  la  vis  en  arrière  pour  déga- 
ger le  calcul,  et  enfin  retirer  l'instrument.  On  sera  exposé,  en  pratiquant  cette 
manœuvre,  à  violenter  l'urètlire  ;  pourtant  on  pourra  l'exécuter,  sans  trop  de 
danger,  dans  la  plufiart  des  cas.  Mais  si  l'écartement  des  mors  est  très-considé- 
rable, il  ne  restera  d'autre  ressource  que  la  taille  sus-pubienne.  Cette  opération 
permettra  de  retirer  le  brise-pierre  dont  on  aura  scié  tout  le  talon  et  dont  on 
tournera  le  bec  en  haut.  On  procédera  ensuite  à  l'extraction  du  calcul. 

Je  n'ai  dû  insister,  dans  cet  article,  que  sur  les  accidents  appartenant  en  pro- 
pre à  la  htliotritie.  Mais  cette  opération  peut  être  accompagnée  ou  suivie  de  com- 
plications graves  dont  chacune  constitue  une  véritable  maladie  exigeant  une  des- 
cription pai'ticuhère.  Tantôt  on  observe  des  troubles  nerveux  ou  fébriles,  tantôt . 
une  inllammation  intense  envahit  une  portion  ou  la  totalité  de  l'appareil  urinaire 
et  surviennent  une  uréthrite,  des  abcès  de  la  prostate,  une  cystite,  une  néphrite 
dont  la  gravité  est  bien  souvent  au-dessus  des  ressources  de  l'art.  {Voy.  Prostate, 
Reins,  Urèthre,  Vessie,  etc.,  etc.) 

Chez  la  femme,  la  lithotritie  est  une  opération  plus  simple  que  chez  l'homme. 
La  capacité  de  la  vessie,  la  brièveté  du  canal,  l'absence  de  prostate,  enfui  les  dis- 
positions anatomiqnes  entièrement  différentes  permettent  de  manœuvrer  facile- 
ment les  instruments,  soit  pour  briser  la  pierre,  soit  pour  en  extraire  les  fragments. 

Chez  les  enfants  de  sexe  masculin,  la  possibilité  de  !a  lithotritie  dépend  beau- 
coup de  l'âge.  Quelques  chirurgiens  rejettent  cette  opération  en  alléguant  l'indo- 
cdité  des  petits  malades  qui  sont  difficiles  à  maintenir  solidement,  la  nécessité 
d'employer  des  instruments  peu  volumineux  exposés  à  se  briser,  la  fréquence  des 
accidents  produits  par  l'airêt  de  fragments  dans  le  canal,  et,  enfin,  les  résultats, 
presque  toujours  heureux,  fournis  par  la  taille.  Toutes  ces  raisons  ont  une  cer- 
taine valeur,  mais  elles  ne  suffisent  pas  pour  faire  rejeter  la  lithotritie.  Sans  dé- 
terminer d'une  ûiçon  absolue  les  cas  où  cette  opération  convient,  on  peut  dire 
qu'en  général  elle  peut  être  pratiquée  sur  des  enfants  arrivés  à  l'âge  de  sept  ans, 
affectés  d'un  calcul  de  consistance  médiocre  et  dont  le  volume  ne  dépasse  pas 
2  centimètres  de  diamètre.  Voillemier. 

Bibliographie.  —  Sous  peine  de  rendre  celte  bibliographie  aussi  longue  que  l'article  auquel 
elle  doit  servir  de  complément,  nous  avons  dû  en  éliminer  une  multitude  d'observations 
particulières  dans  lesquelles  la  lithotritie  avait  été  employée  avec  ou  sans  succès;  nous  avons 
également  négligé  les  mémoires,  thèses  et  discussions  académiques  relatifs  au  parallèle 
entre  la  lithotomie  et  la  lithotritie,  ce  pai'allèle  devant  être  renvoyé  au  mot  Taille.  Enfin 
nous  avons  entièrement  laissé  de  côté  l'interminable  série  des  notes  et  communications  con- 
cernant les  modifications  apportées  aux  divers  instruments,  ainsi  que  les  revendications  de 
priorité  auxquelles  elles  ont  donné  lieu  ;  on  les  trouvera  dans  les  journaux  du  temps,  mais 
surtout  dans  les  bulletins  de  l'Académie  de  médecine  et  dans  les  comptes  rendus  de  l'Aca- 
démie des  sciences  (ces  dernières  restrictions  sont  particulièrement  applical)les  aux  écrits 
polémiques  de  Civiale,  Leroy  (d'Étiolles)  et  Heurteloup) .  Nous  nous  sommes  donc  presque  ex- 


LITHOTRITIE.  735 

clusivement  attaché  aux  monographies  et  aux  mémoh-cs  d'une  certaine  étendue,  ou  renfer- 
mant des  circonstances  importantes. 

GaniTHuYSEN  (Fr.  von  Paula).  Ob  man  die  alte  Hoffnimg  aufgcbcn  solltc,   dcn  Slein  ans 
der  Blase  auf  mecanische  odcr  chcmische  Wcise  einst  nocli  wcgschaffcn  zu  konncn  ?  In 
Sahb.'s  Ztg.,  1813,  t.  I,  p.  289,  505,  521.  —  Destruction  of  thc  Stonc  in  the  Bladder  (cas 
du  général  Martin].  In  Edinb.Med.  and  Siirg.  Journ.,  t.  IX,  p.  153;  1815.— Ei.nEuTON  (John). 
description  of  an  Instrument  for  destroying  Urinari  Calculi  within  thc  Bladàer,  wilh  Be- 
marks,  etc.  In  Edinb.  Med.  and  Surg.  J.,  t.  XV,  p.  261  ;  1819.  fig.  —  Civiale  (I.).  Nouvelles 
considérations  sur  la  rétention  d'urine  suivies  d'un  traite  sur  les  calculs  urinaires,  sur  la 
manière  d'e7i  connaître  la  nature  dans  l'intérieur  de  la  vessie  et  la  possibilité  d'en  opérer 
la  destruction  sans  l'opération  de  la  taille.  Paris,  1825,  in-8°,   pi.  2.  —  Du  mèmk.  De  la 
lithotritie  ou  broiement  de  la  pierre  dans  la  vessie.  Ibid.,  182G,  in-8°,  pi.  5.  —  Du  même. 
Lettres  sur  la  lithotritie  ou  broiement  de  la  pierre  dam  la  vessie  (G  lettres).  Paris,  1827-48, 
in-S",  fig. —  Du  MÊME.  Traité  pratique  et  historique  de  la  lithotritie.  Paris,  1827,  in-8°,  pi.  7. 
—  Du  MÊME.    Traité  pratique  et   historique  de  la  lithotritie.  Paris,    1847,    in-S",    pi.    7. 
Plus,  les  comptes  rendus  annuels  sur  les  opérations  pratiquées  à  l'hôpital  NecUer.  —  Pf.rcy 
et  Chaussier.  Bapp.  fait  à  VAcacl.  des  sciences  sur  le  nouveau  moijen  du  D'  Givialc  pour 
détruire  la  pierre  dans  la  vessie  sans  l'opération  de  la  taille.  Paris,  1824,  in-8°.  —  Leroï 
(d'EtioUes).  Exposé  des  divers  procédés  employés  jusqu'à  ce  jour  pour  guérir  de  la  pierre, 
sans  avoir  recours  à  l'opération  de  la  taille.  Paris,  1825,  in-S»,  pi.  6.  —  Du  même.  Tableau 
historique  de  la  lithotritie.  Paris,   1831,  1  f.  in-fol.  — Du  même.  De  la  lithotripsie  (divei's 
mém.).  Paris,  1836,   in-8°,   fig.,  tabl.  hist.        Du  même.    Histoire  de  la  lithotritie  jjrccédée, 
etc.  Paris,  1859,  in-S",  fig.  65.  —  Delattre  (Ch  ).   Quelques  mots  sur  le  broiement  de  la 
jnerre  dans  la  vessie  par  des  procédés  mécaniques.  Paris,  1825,  in-8°.  —  Rittler  (A.  G.). 
Comment,  de  methodo  lithontriptica  seu  de  ratiune  cnlculum  rcniovendi  sine  operatione . 
Jenœ,  182o    gr.  \n-¥,  pi.  —  Keun  (Vinc.  von).  Bemerkungcn  tibcr  die  neac  vonCivialc  und 
Jjeroy  veriibte  Méthode,  die  Steine  in  der  Harnblase  zu  zermalmen  und  ausiuiiehen.  Wien, 
1820,   in-S".  —  Seifert  (PhiL).   Ueber  die  neue  franzôsische  Méthode,  Blasensteine   ohne 
Steinschnilt  zu  entfernen.  Greifswald,  1826,  in-8'',  pi.  1.  —  Meyrieux.  Nouveaux  instruments 
pour  le  broycment  de  lapierre  dans  la  vessie.  In  Arch.  de  med.,  1''°  série,  t.  X,  p.  628  ;  1826, 
et  ibid.,  t.  KIII,  p.  459  ;    1827.  —  IIeurteloup.  Examen  de  l'ouvrage  du  D'  Civiale  «  De  la 
lithotritie  ou  broiement,  etc.  »  (1'=  lettre).  Appréciation,  etc.  Paris,  1827,  in-8°.  —  Du  même. 
Principles  of  Lithotrity  or  a  Treatise  on  the  Art,  etc    Lond.,  1851,  in-S",  pi.  5.  —  Du  même. 
Mém.  sur  la  lithotripsie  par  percussion  et  sur  l'instrument,  etc.  Paris,  1833,  in-8°,  pi.  1. 

—  Du  MÊME.  Trois  époques  pour  servir  à  l'histoire  de  la  lithotripsie,  etc.  Paris,  1846,  in-S". 

—  De  MÊME.  De  la  lithotripsie  sans  fragments  au  moyen  des  deux  procédés  de  l'extraction 
immédiate  et  de  la  pulvérisation  immédiate,  etc.  Paris,  1847,  in-8»,  pi.  2.  — Medicus  (Fr.). 
Geschichtliche  Darstellung  der  unblut'igen  Steinzerstôrungsmethoden  (moy.  chim.  et  lithotr.). 
Wiirzburg,  1828,  in-8°.  —  Gerson.  Ueber  die  vom  Hrn.  Professor  L.  Jacobson  erfundene 
Méthode  den  Stein  in  der  Blase  zu  zermalmen.  In  Gerson  und  Jul.  Magaz.,  t.  XX,  p.  401  ; 
1830  (d'après  une  note  de  Jacobson  insérée  dans  l'Oversigt  d'Œrsted  en  1828  et  1829).  — 
Foursier  de  Lempdes.  Lithotritie  perfectionnée,  sondes  droites  et  injections  forcées,  etc. 
Paris,  1829,  in-8°.  —  Bancal.  Manuel  pratique  de  la  lithotritie,  ou  Lettres,  etc.  Paris,  1829 
in-8°,  pi.  5.  —  RiGAL,  De  la  destruction  mécanique  de  lap'ierre  dans  la  vessie,  ou  considé- 
rations nouvelles  sur  la  lithotritie.  Paris,  1829,  in-8°.  —  Drocineau  (P.).  Considérations  sur 
la  lithotritie.  Th.  de  Paris,  1829,  n°  261.  —  Durer  (Fr.  W.).  Ueber  Blasensleinzertnahnung , 
Kûrnberg,  1829,  in-4°,  pi.  1.  —  Wanker  (Ludw.  von).  Ueber  die  verschiedenen  Methodenden 
Stein  ohne  Schnitt  ans  der  Blase  zu  entfernen,  mit  besonderer  Bûcksicht,  etc.  Freiburg, 
1829,  gr.  in-4°,  pi.  11,  et  2^  édit.  sous  ce  titre  ;  Geschichte  undprakt.  Werth  der  Lithotritie 
oder  Beschr  ciblai  g  der  Methoden.  etc.  Ibid.,  1837,  in-4%  pi,  11.  — Thiaudière  (P.  D.). 
Considérations  nouvelles  sur  la  lithotritie.  Th.  de  Paris,  1850,  n*  115.  —  Tanchou  (S.). 
Lettre. . .  sur  un  nouveau  procédé  pour  détruire  la  pierre  dans  la  vessie.  Paris,  1830,  in-8°. 

Giniez  (A.).  De  lithotritia,  de  casibusin  quibus  celebranda  velnon.   Th.  de  conc.  (agrég. 

chir.).  Paris,  1850,  in -4°.  —  Miller  (Alex).  Inquiry  into  Average  Mortality  in  Lithotomy 
Cases;  with  a  few  Bemarks  on  the  Opération  of  Lithotrity.  Edinb.,  1851,  in-S".  —  Ségales 
(P.  S.).  Obs.  sur  la  lithotritie  suivies,  etc.  Paris,  1851,  in-8°,  —  Du  même.  Opérations  de 
lithotritie  pratiquées  avec  un  brise-pierre  à  pression  et  à  percussion.  In  Mém.  de  l'Acad, 
de  méd.,  t.  lY,  p-  215.  Paris,  1835,  in-4''.  —  Du  même.  De  la  lithotritie  considérée  au  point 
de  vue  de  son  applicat'ion,  1"  édit.  Paris,  1856,  in-8°.  —  Amussat  (J.  Zul.).  Table  synoptique 
de  la  lithotritie  et  de  lacystotomie  hypogastrique,  pi.  Paris,  1852,  10-4°.  —  Adelmann  (G. 
Fr.  Bl.).  De  dignitate  Uthotriiiœ.  (Diss.  inaug.).  Fuldas,  1852,  in-8°.  —  Benvenuti.  Essai  sur 
la  lithotritie.  Paris,  1853,  in-S",  pi.  1.—  Ladat  (P.  Aug.  L.).  Traité  historique  de  la  litho- 
tritie. Paris,  1833,  ia-8°.  — Momme.  De  calculis  urinariis  corpore  non  inciso  c  vesica  ur'maria 
auferendis.   Halœ,  1853,  in-4°,  —  Blasius.  Art.  Lithotritie  in  Theor.-prakt.   Handb.  der 


736  LITHOTRITIE. 

Chir.  vou  Rust,  t.  XI.  Beriin,  1854,  in-8°.  —  Randolpii  (T.).  Account  of  six  Cases  of  Stone 
in  thc  Bladder,  in  which  Uic  Lithotiipsy  was  successfiûhj  j^erformed.  T'iiiladelphia,  1834, 
in-8°.  —  Franc  (I.)-  ^e  la  lilhotritie  et  de  l'extraction  des  calculs  entiers  de  la  vessie  par 
la  ponction  hijpo gastrique,  l'aiis,  1834,  in-8°.  —  Baggiolini  (Crist.).  Antica peryamena  figu- 
rata  che  représente  una  operazione  ealcolifraga  simile  al  meloclo  ciel  clott.  Civicde,  scoperta 
ed  illustrata.  \ercelli,  1834,  in-8°.  —  Fergdsson  CWm.).  On  fAthotrity,  ivith  a  Description  of 
thc  Instrument  used.  In  Edinb.  Med.  and  Surg.  J.,  t.  XLIV,  p.  80  ;  1835.  —  Trochon  (Hect.]. 
De  la  lithotritic.  Th.  de  Paris,  1855,  ir  54.  —  Zôlsmaxn  (H.   Gtl.).  Vergleichung  des  Stein- 
schnittes  mit  der  Steimermalmung .    (Diss.   inaug.)  Wûrzburg,  1835,  in-8°.  —  Wattjiann- 
(Chr.  Jos.).  Veher  die  Steinzerbohrung ,  iind  ihr  Ver/iâltniss  zum  Blasensehnitte.  Wien,  1835, 
in-S».  —  Rrunninghausen.   Ueber  die  Lithotritie.  In  Grcefe's  und  Walther's  Journ.,  t.  XXIII 
p.  226;  1835.  —  Kieter  (Alex.  de).  De  lithotripsiœ  methodo  percussionis  prœsertim  de  ap- 
pciralu  Ilcuvlcloupiano  ad  eam  commendato.  Dorpati,  1856,  in-8°,  pi.  liUi.  —  IIecker  (C.Fr. 
F.).  Die  Indicationcn  der  Steinzertribnmerungsmethode.  Freibiirg,    1836,  in-8°.  —  Lenoir 
(A.).    Lettre  sur   la  lithotritie.  Paris,  1837,  in-8°.  —  Belinaye  (H.).  Compendium  of  Lithc- 
tripsy  ;  or  an  Account,  etc.  london,  1857,  in-S"  ;  45  fjg.  interc.  tabl.  — Ammon  (F.  Â.  -v,). 
Fall  einev  gehingcnen  Lithontripsie,  verrichtet,  etc.  InRust's  und  Walther's  Jovrn.,  t.  XXV, 
p.  455;  1857.  —  Key  (Aston).  A  Practical  View  of  Lithotritij.  In  Guy's  Hosp.  Rep.,  1"  sér., 
t.  II,  p.  1  ;  1857,  pi.  1.  —  âvé-Lallemant  (Rob.).   De  Utholritia.  (Diss.  inaug.)  Kiliee,  1837, 
in-8''.  —  Marjolin.  Art.  Lithotritie,  in  Dict.   en  50  vol.,  t.  XYIII,  1838.   —  Simoxson.   Art. 
Lithotritie,  in  Eneyclopcid.  Wôrterbuch.  Berlin,  t.  XXI,  1839.  —  Schleiss  von  Lôwenfeld  (M. 
J.).  Die  Lilhotripsie  in  Bezug  aufGcsehicIde,  Théorie  und  Praxis  derse^ben  unter  Beniitzung 
der  ncuesten  Erfahrungen,  etc.    Wunchen,   185',',   )n-8°,  pi    8.  —  Guersant  (Paul).   Sur  le 
jjarti   que  l'on  j)eut  tirer  du  seigle  ergoté  pour  déterminer  l'expulsion  des  fragments  du 
calcul  après  la  lithotritie.  In  Bull,  de  ihérap.,  t.  XVII,  p.  88;  1839.  — Dieffexuacii.  Bei- 
tràge  zur  Lithotritie.  In  Casper's  Wchnschr.,  1840,  n"=  7,  8.  —  Gunther    Lithotritie  durch 
das  Lnstrwncnt  von  Jacobson    mit  gliicklichem  Erfolge,  etc.  In  Pfaff's  Milthcil.,  N=Folge, 
t.  VI,  n"»  5  et  4,  et  Schmidt's  Jahrbb.,  t.  XXIX,  p.  85;  1841.  —  Ivanchich  (Victor).  Kritische 
Belcuehtung  der  Blasensteinzertrûinmerung.  une  sic  heute  dasteht,  elc.  Wien,  1842,  in-8'', 
pi.  4.  — Du  iiiÊME.  Ein  und  zwanzig  neue  Vâlle  von  Blasenstcinzertrilmmening  ILid.,  1846, 
in-S".  —  Du  MÊME.  Ncuer  Bericht  iïber  19  Fàlle,  etc.   Ibid..  1851,  in-8°,  et  :  26  neue  Fâlle, 
ibid.,  1854,  in-S",  etc.  —  Chaumet.  Revue  ou  aperçu  statistique  des  principaux  cas  de  lilho- 
tripsie observés   dans   le  service  de  la   clinique  chirurgicale  de  l'hôpital  Saint-André  de 
Bordeaux.  Bordeaux,  1844,  in-8.  —  Pertusio  (Gaet.) .    Alcune  consideraziom  intorno  alla 
litotripsia,  ricavatc  da  casi,  etc.  In  Annali  imiv.  d'Omodei,  t.  CXIV,  p.  316;  1845.  — Warrem 
(J.  G,).  Case  of  Lithotrity  in  the  Female.  In  Lond.  Med.  Gaz.,  t.  XXXVlII.p.  1058;  1846.— 
Crampton  (Sir.  Phil.).  On  Lithotrity.  In  The  Dabi.  Quart.  Journ.,  t.  I,  p.  1  ;  1846.  —  Brôx- 
neb.  Die  Blasensteinzerpulverung,  eine  kritische  Beleuchtung  der  hauptsâchlichsten  Todes- 
ursachen  bei  der  jetzt,  etc.   Erlangen,  1847,  in-S",  pi.  1.  —  Langlabe  (Ern.).  Études  cli- 
niques sur  les  indications  et  les  contre-indications  de  la  lithotritie.  Th.  de  Montp.,  1848. 
in-8-'.  —  BouissoN  (F.).  De  la  lithotritie  par   les  voies  accidentelles.  In  Gaz.  méd.,  1849, 
p.  578,  598.  —  Mercier  (L.  A,).  Mém.  sur  un  malade  affecté  d'un  calcul  dur  et  volumineux 
guéri  par  la  lithotripsie.  \nGaz.  méd.,  1850,  p.  702.  —  Du  même.  Mém.  sur  l'extraction  des 
calculs  ou  des  fragments  de  calculs  arrêtés  dans  l'urèthre.  Ibid.,   1861,  p.  395,  407.  — 
Cazena"ve  (J.  j.)    Observations  exceptionnelles  de  taille  et  de  lithotritie,  suivies,  etc  Paris, 
1850,  in-8°.  —  Du  wême.  Histoire  de  trois  lithotrities  et  de  trois  tailles  bilatérales  exception- 
nelles. Paris,  1856,  in-8°.  —  Pollock.   Portions  of  Calculi  impacted  in  the  Bladder  after 
the  Opération  of  Lithotrity.  In  Transact.  of  the  Pathol.  Soc,  t.  III,  p.  119;   1850   —  Pétre- 
QuiN    (I.  E.).  Mém.  sur  les  principaux  accidents  qui  peuvent  compliquer  la  taille  et  la 
lithotritie,  etc.  In  Gaz.  méd.,  1850,  p.  546,  578,  628.  —  Pancoast.  On  Lithotrity.  In  Phil. 
Med.  Examin.,  t.  YII,  p.  166;  1851,  et  Brit.  Med.  Chir.  Rev.,  2»  sér.,  t.  IX,  p.  266;  1852.  — 
Barrier  (F.).  Remarques  sur  la  lithotritie  et  en  particulier  sur  les  injections  d' huile,  e^ic. 
InGaz.  méd.  de  Lyon,  1852,  p.  177.  — Wilmot  (Sam.  G.).  Obsenat.  on  Lithotrity  illustrated 
by  Cases.  In  Tlie  Dubl.  Quart.  Journ.,  t.  XIV,  p.  337;  1852.  —  Eujalsky  (EL).  Tabulée  ana- 
tomico-chirurgiecB  operationem  Lithotomiœ  et  Lithotritiœ  exponentes-  Saint-Pélersb.,  1852, 
in-fol.,  pi.  10.  —  CouLSON  (W.).    On  Lithotrity  and  Lithotomy.  Lond.,  1853,  in-8°.  —  Dena- 
MiEL.  Obs.  d'un  calcul  vésical  guéri  en  une  séance  par  la  Utholibie.   In  Bull,  de  thcrap., 
t.  XLVII,  p.  171;  1854.  —  Brodie  (sir  Benj.).  JVoies  on  Lithotrity  with  an  Account  of  the 
Results,  etc.  In  Med.  Chir.  Trans.,  t.  XXXVIII,  p.  169;  1855.  —  Robixson  (G.).  On  Electro- 
lit  hotrity  ;  or  the  Application  oftlie  Mechanical  Force  of  Electrical  Discharge  to  the  Désin- 
tégration of  Stone  in  the  Bladder.  Lond.,  1855,  in-4°.  —  Swalix  (01.  A.).  Contribution  à  la 
statistique  de  la  lithotritie.  Stockholm,  1858,  in-8°.  —  Moutet.   Examen  des  principales 
contre-indications  de  la  lithotritie.  In  Montpell.  médical,  t.  I,  p.  539;  1858,  et  t.  II,  p.  35, 
415;  1859.  —  Briau  (R.).  Fait  relatif  à  l'histoire  de  la  lithotripsie.  In  Journ.  hebd.,  1858, 


LITSEA.  7Ô7 

p.  145.—  Wallentowitz  (C.)-  De  Uthotripsia.  (Diss.  inauf?.)-  Berolini,  1859,  in-8°.  —  Porta 
(Luidgi).  Délia  litotrizia.  Milano,  1859.  in-8°.  —  Jodert  (de  Lamballe).  Reflexions  cliniques 
sur  la  litholripsie  chez  les  enfants.  In  Compt.  rend,  de  VAcad.  des  se.,  t.  LV,  p.  157  ;  1862. 

—  Ségalas  (fils).  Des  difficultés  et  des  accidents  de  la  lit/wtritie.  Th.  de  Paris.  18'J'2,  n°  59. 

—  Santopadre  (Ferd.).  Sul  valore  degli  accidcnti  clœ  accompagnano  la  litotripsia,  e  sui 
mezzi,  etc.  In  Ann.  iiniv.  d'Omodei,  t.  CLXXXIII,  p.  ÔO;  1865.—  Alquié.  De  la  combinaison 
du  broiement  de  la  jnerre  et  de  la  taille.  In  Bull,  de  thérap.,  t.  LXV,  p.  159, 199;  1865. 

—  Cattenoz  (L.).  Nouvel  appareil  pour  la  lithotritie.  Paris,  1805,  in-i».  —  Thompson  (Henry) . 
Practiral  Lithotomy  and  Lithotrity  ;  or  an  Inquirij,  etc.  Lond.,  1865,  in-8°.  —  Dumè.me.' 
Lithûtrity  without  Injection.  In  The  Lancet,  1864,  t.  I,  p.  209,  559,  587.  —  Du  même.  The 
Proofs  that  Lithotrity  is  an  eminently  successfuU  Opération.  Ma.,  1865,  t.  I,  p.  199,  225, 
'254,281,  567.— PoLLOCK.  Lithotrity  without  Injection.  Ibid.,  1864,  t.  I,p.  295,  etc.— Brtk  (A.). 
Beitrâge  zur  Lithotripsie  mit  Ausziehung  der  Steiiifragmente  und  fremder  liôrper,  etc.  In 
OEsterr.  Ztschr.  fiir  prakt.  Heilk.,  1866,  et  Schmidt's  Jcdirbb.,  t.  CXXXII,  p.  99;  1866.  — 
WooD  (I.).  New  Instrument  for  removing  thc  Smaller  Fragments  of  Calculus,  etc.  JnMcd. 
Times,  1866,  t.  II,  p.  594.— Porter  (I.  H.).  On  Lithotrity  and  its  Aftertrealment.  In  Dublin 
Quart.  Journ.,  t.  XLIII,  p.  50;  1867,  pi.  1.  (Voy.  Taille.)  E.  Bgd. 

LITHUANIE.  Sous  le  rapport  de  la  Géographie  médicale,  il  sera  question  de 
la  Lithuanie  au  mot  Pologne  ;  mais  il  n'est  pas  sans  intérêt  d'en  dire  un  mot 
ici  au  point  de  vue  de  la  linguistique. 

La  langue  lithuanienne  appartient  à  la  famille  arienne,  ou  indo-européenne; 
elleest,  par  conséquent,  comme  telle,  apparentéeaux  langues  antiques  et  modernes 
de  l'Inde  et  de  la  Perse.  Elle  offre  de  plus  une  particularité  fort  remarquable,  et 
qui  a  frappé  de  bonne  heure  l'esprit  des  philologues.  Les  analogies  de  forme  avec  la 
langue  sanscrite  y  sont  souvent  plus  frappantes  que  dans  le  latin  et  le  grec;  c'est 
à  ce  point  qu'un  philologue  a  pu  dire,  avec  un  peu  d'exagération  peut-être,  que 
les  Lithuaniens  parlent  encore  aujourd'hui  presque  le  sanscrit.  Ce  fait  méritait 
d'autant  plus  d'attirer  l'attention,  que  les  documents  écrits  en  htluianien,  par- 
venus jusqu'à  nous,  sont  relativement  modernes  :  le  plus  ancien  est  un  catéchisme 
qui  date  du  milieu  du  seizième  siècle. 

Le  lithuanien  appartient  à  la  branche  slave  des  langues  indo-européennes. 
Max  Millier,  qui  désigne  cette  classe  de  langues  sous  le  nom  de  classe  windique, 
fait  entrer  le  lithuanien  dans  le  rameau  lette,  lequel  comprend  le  Jette  propre- 
ment dit,  parlé  dans  la  Courlande  et  la  Livonie,  le  boriissieri,  ou  ancien  prussien, 
•qui  a  disparu  au  dix-septième  siècle,  étouffé  par  les  langues  germaniques,  et  le 
lithuanien.  Ce  dernier  est  parlé  non-seulement  dans  les  provinces  russes  occiden- 
tales de  Kowno  et  de  Vilna,  où  on  estime  que,  sous  la  forme  d'un  dialecte 
moderne  sensiblement  différent  du  catéchisme  de  1547,  il  est  encore  la  langue 
habituelle  d'environ  11,000,000  d'àmes,  mais  encore  dans  certaines  parties  de  la 
Prusse  ducale  (provinces  de  Kœnigsberg  et  de  Gubinnen,  par  200,000  personnes 
à  peu  près.  La  langue  lithuanienne  a  été  étudiée  soigneusement  par  le  savant 
philologue  Schleicher  que  la  science  vient  de  perdre. 

G.     LiÉTARD. 

Bidliogeaphie.  —  Schleicher  (A.).  Handbuch  der  litauischen  Sprache.  2  vol.  in-S"  :  —  T.  I, 
Litauische  Grammatik.  Prague,  1856.  —  T.  Il,  Litauisches  Lesebuch  und  Glossar.  Prague, 
1857.  G.  L. 

LiTMlis.     Même  mot  que  Lacmus.  {Voy.  Orseille  et  Tournesol.) 

LITSEA  (J.).  Genre  de  plantes,  de  la  famille  des  Lauracées,  dont  les  fleurs 
dioïques  ont  six  étamines  quadriloculaires  et  introrses,  et  dont  les  styles  fdiforraes 
sont  terminés  par  une  dilatation  discoïde  et  stigmatifère.  Leur  fruit  est  entouré 

ICT.  ENC.  2°  s.    II.  47 


738  LITTRE. 

à  sa  base  d'une  dilatation  du  réceptable  ou  du  pédoncule.  Ce  sont  des  arbres  aro- 
matiaues  de  l'Asie  et  de  l'Australie.  Le  L.  cjlauca  Nées  est  le  Camphora  glauca 
Don  ;  il  produit  une  huile  camphrée  très-odorante.  LeL.  Myrrha  Nées  et  le  Laurus 
Myrrha  LouR.,  ou  Arbre  à  Myrrhe  de  la  Gochinchine,  dont  le  suc  résineux  s'em- 
ploie comme  anthelminthique,  excitant,-  emménagogue.  A  Java,  il  y  a  un  Litsea  qui 
donne  une  sorte  de  cire.  Blum  l'a  nommé  L,  Sebifera.  Les  L.  Thiyyibergi  Sieb. 
et  monopetala  Roxb.  sont  des  Tetranthera.  {Voy.  ce  mot.)  Le  L.  Zerjlanica  J. 
est  le  Cannellier-Tambour.  H.  Bn. 

îuss.,  in  Dict.  des  se.  nat.,  XXVIl,  79  (part.).  —  Nées,  Stjst.  Launn.,  6'21.  —  Endl.,  Gen., 
n.  2066.  —  Meissn.,  in  DC.  Prodrom.,  XV,  sect.  I,  220.  —  Guib.,  Drog.  simpl.,  éd,  4,  II, 
374.  —  RosENTU.,  Synops.  plant.,  diaphor.,  236. 

tïTTORTOE  {Littoralis,  qui  vit  sur  le  rivage).  Genre  de  mollusques  gasté- 
ropodes univalves,  établi  par  de  Férussac  aux  dépens  des  Paludines.  Ces  mollus- 
ques ont  une  coquille  ovale  et  un  peu  globuleuse,  à  spire  ne  dépassant  pas  la  lon- 
gueur du  dernier  tour;  l'ouverture  est  généralement  semi-lunaire.  L'animal  rampe 
au  moyen  d'un  pied  ovalaire,  arrondi,  court,  entièrement  caché  par  sa  coquille; 
en  avant  est  une  grosse  tête,  ridée  en  travers,  fendue  dans  toute  sa  longueur  par 
la  bouche;  à  l'extrémité  postérieure  du  pied,  on  trouve  un  opercule  corné,  avec 
une  faible  spire  et  pouvant  boucher  la  coquille.  La  cavité  cervicale  de  l'animal 
présente  en  avant  adroite  l'anus  et  les  organes  génitaux,  et,  à  gauche,  un  organe 
branchial  assez  développé. 

Les  Littorines  s'éloignent  des  Trochus  et  des  Turbo  et  sont  voisines  des  Palu- 
dines, des  Scalaires  et  des  Turritelles  d'après  Deshayes.  Ces  mollusques  marins, 
communs  sur  nos  côtes,  vivent  attachés  aux  rochers  près  du  niveau  de  la  mer  et 
reçoivent  l'eau  des  marées  ainsi  que  celle  des  pluies.  Les  habitants  du  littoral  les 
mangent  après  les  avoir  fait  bouillir  dans  l'eau  salée.  {Voy.  Mollusques.) 

A.  Laboulbènê. 

lilTTBE  (Alexis).  Un  des  anatomistes  les  plus  méritants  de  la  France,  né  à 
Cordes  (Tarn-et-Garonne),  le  21  juillet  1658,  mort  à  Paris  le  4  février  1726,  et 
enterré  à  Saint-Merri.  Il  fut  successivement  professeur  libre  d'anatomie  pendant 
quinze  ans  à  Paris,  licencié  en  médecine  (2  août  1690),  docteur  en  médecine  de 
la  faculté  de  Paris  (25  janvier  1691),  membre  de  l'Académie  des  sciences  (1699). 
Passionné  pour  les  recherches  anatomiques,  on  le  vit,  en  1684,  disséquer  à  la 
Salpètrière  plus  de  deux  cents  cadavres,  nombre  vraiment  extraordinaire,  à  une 
époque  oii  il  était  si  difficile  d'obtenir  des  sujets  d'études.  On  le  vit  encore,  in- 
quiété, traqué  par  les  chirurgiens  et  les  médecins,  se  réfugier  dans  le  Temple,  et 
là,  protégé  par  \e  grand-prieur,  se  livrer  encore  à  son  étude  favorite.  Alexis 
Littre  n'a  laissé,  je  crois,  aucun  ouvrage,  mais  il  a  enrichi  les  recueils  de  l'Acadé- 
mie des  sciences  d'un  grand  nombre  de  mémoires  et  observations  qu'il  est  bon  de 
rappeler  : 

I.  Observation  sur  une  espèce  de  hernie,  in  Ibid.,  1700,  p.  300. — II.  Description  de  l'urèthre 
de  Vhomme.  Ibid.,  p.  311.  —  III.  Observation  sur  un  fœtus  humain  monstrueux.  Ibid., 
1701,  p.  90.  —  IV.  Observations  sur  les  ovaires  et  les  trompes  d'une  femme,  et  sur  un 
fœtus  trouvé  dans  l'un  de  ses  ovaires.  Ibid.,  1701,  p.  111.  —  V.  Observations  sur  le 
corps  d'une  femme  grosse  de  huit  mois  de  son  premier  enfant,  vwrte  subitement  d'une 
chute.  Ibid.,  1701,  p.  294.  —  VI.  Observation  sur  deux  pierres  trouvées  dans  les  parois  de 
la  vessie  d'un  garçon  de  vingt  ans.  Ibid.,  1702,  p.  26.  —  VII.  Observation  sur  un  fœtus 
humain  trouvé  dans  la  trompe  gauche  de  la  matrice.  Ibid.,  1702,  p.  208.  —  VIII.  Histoire 
d'un  fœtus  humain  tiré  du  ventre  de  samère  par  le  fondement.  Ibid.,  1702,  p.  234.  — IX. 


Liiviiunii,.  739 

Obsei-vation  sur  une  hydropisie  particulière.  Ibid.,  1703,  p.  90.  —  X.  Observations  sur  des 
plaies  de  ventre.  Ibid.,  1705,  p.  32.  —  XI.  Observations  sur  les  reins  d'un  fœtus  de  neuf 
mois.  Ibid.,  1705,  p.  111.  —  XII.  Observations  sur  la  matrice  d'une  fille  de  deux  mois. 
Ibid.,  1705,  p.  582.  — XIII.  Observation  sur  la  glande  pituitaire  d'un  homme.  Ibid., 
1707,  p.  125.  —  XIV.  Observation  sar  une  hydropisie  du  péritoine.  Ibid.,  1707,  p.  502.  — 
XV.  Sur  un  fœtus  humain  monstrueux.  Ibid.,  1709,  p.  9.  —  XYI.  Observations  sur  la  go- 
norrhée.  Ibid.,  1711,  p.  1799.  ~  XVII.  Observation  sur  une  espèce  d'enflure  appelée  emphij- 
sème.  Ibid.,  1713,  p.  5.  —  XVIII.  Sur  Vhydropisie  appelée  tympanite.  Ibid.,  1715,  p.  255. 
—  XIX.  Sur  une  hernie  rare.  Ibid.,  1714,  p.  200.  —  XX.  Sur  des  vaisseaux  jmrticuUers 
observés  dans  les  corps  morts  deperte  de  sang.  Ibid.  1714,  p.  327.  —  XXI.  Sur  une  diffi- 
culté d'avaler.  Ibid.,  1710,  p.  185.  —  XXII.  Observation  d'un  fœtus  monstrueux  qui  n'avait 
qu'un  œil.  Ibid.,  1717,  p.  285.  —  XXIII.  S'il  y  a  du  danger  de  donner  par  le  nez  des  bouil- 
lons, de  la  boisson,  ou  tout  autre  liquide.  Ibid.,  1718,  p.  298.  —  XXIV.  De  la  dissolution 
des  pierres  de  la  vessie  dans  les  eaux  communes.  Ibid.,  1720,  p.  450.  A.  Ch. 

lilvÊCHE  {Levisticiim  Kocn) .  Genre  de  la  famille  des  Ombellifères,  établi  par 
Koch  pour  une  seule  espèce,  h  Levisticum  officinale  {Ligusticiim  levisticum  L.), 
détachée  du  genre  Licjusûcum  de  Tournefort  et  de  Linné.  Les  caractères  généri- 
ques sont  ainsi  indiqués  par  Koch  :  calice  à  limbe  presque  nul  ;  pétales  orbicu- 
laires,  entiers,  portant  un  lobule  infléchi  en  dedans;  fruit  coniprimé  à  section 
transversale  ovale;  méricarpes  à  5  côtes  membraneuses  ailées,  les  5  dorsales 
égales  et  rapprochées  entre  elles,  les  2  latérales  plus  distantes  et  plus  largement 
ailées  que  les  autres  ;  une  seule  bandelette  résineuse  dans  les  valléculcs  ;  invo- 
lucrcs  et  involucelles  polyphyllcs. 

L'espèce  unique  de  ce  genre,  X^Livêche  ou  Ache  des  viontaçines,  croît  dans  les 
Pyrénées,  les  Cévennes,  les  Alpes  de  Savoie,  les  Apennins  et  la  Transyh  unie.  Dans 
les  régions  plus  septentrionales,  elle  est  fréquemment  cultivée  dans  les  jardins,  et  se 
trouve  même  quelquefois  subspontaaée  en  Allemagne  et  en  Suisse.  Elle  se  fait 
remarquer  par  sa  tige  épaisse  et  iîstuleuse,  haute  de  4  à  5  pieds,  garnie  à  son 
sommet  de  rameaux  opposés  ou  verticillés.  Ces  rameaux  portent  des  ombelles 
de  6 — 12  rayons,  terminés  par  des  ombellules  denses,  à  fleurs  brièvement  pédi- 
cellées,  jaunes  verdùtres.  Les  feuilles  sont  grandes,  d'un  vert  luisant,  bi  ou  tripin- 
natiséquées,  à  segments  rhomboïdaux,  larges,  cunéiformes  à  la  base,  incisés,  lobés 
dans  leur  moitié  supérieure. 

La  Livêche  donne  à  la  matière  médicale  ses  fruits  aromatiques  et  surtout  ses 
racines  vivaces,  qu'on  récolte  quand  la  plante  a  2  ou  3  ans  et  qui  se  \  endent  en  mor- 
ceaux généralement  coupés  en  deux  dans  leur  longueur.  L'écorce  est  à  l'extérieur 
d'un  gris  brun,  profondément  marquée  de  sillons  longitudinaux,  et  çà  et  là  de 
cicatrices  irrégulières,  provenant  de  la  chute  des  rameaux  latéraux.  La  coupe 
transversale  montre  une  partie  corticale,  dont  la  largeur  égale  à  peu  près  la  moi- 
tié du  rayon  et  qui,  par  le  ramollissement  dans  l'eau,  devient  plus  épaisse  que  le 
bois.  Cette  écorce,  d'un  blanc  sale,  est  parcourue  dans  la  partie  intérieure  par  des 
lignes  rayonnantes  brunes,  qui  se  rapprochent  près  de  la  couche  génératrice  de 
manière  à  former  une  zone  continue  de  couleur  brunâtre  :  ces  lignes  contiennent 
un  nombre  considérable  de  vaisseaux  remplis  d'une  substance  oléo  ou  gommo- 
résineuse.  Le  corps  du  bois  est  spongieux,  formé  d'un  grand  nombre  de  faisceaux 
ligneux  jaunâtres,  ayant  l'aspect  de  feuillets  distincts,  minces,  rayonnant  vers 
l'extérieur,  anastomosés  entre  eux  vers  la  partie  médullaire.  La  racine  sèche  con- 
serve une  odeur  agréable  :  elle  a  une  saveur  aromatique  sucrée  et  en  même  temps 
un  peu  acre.  Elle  contient  de  la  résine,  une  huile  essentielle  qui  lui  donne  son  odeur 
particuhère,  du  sucre,  de  la  pectine,  de  l'acide  malique  (surtout  au  moiuciit  de  la 
floraison)  et  de  l'acide  angélique. 


740  LOBB, 

La  Livêche  est  entrée  dans  la  thérapeutique  couime  stimulante,  stomachique  et 
eniménagogue.  (Infusion  de  racine,  de  semences  et  de  feuilles,  10  à  15  grammes 
par  kilogramme  d'eau;  extrait,  2  à  4  grammes;  teinture,  2  à  6  grammes.) 

KocH.  Umbell.,  101,  fig.  41.  —  DC.  Prodr.,  IV,  165.  —  Berg  et  Smidt.  Offizinelîe  Ge- 
w«cÂse,  IV,  planche  26  d.  Pl. 

LIVIDITÉS».  Taches  de  couleur  violelte  plus  ou  moins  foncée.  Sur  l'homme 
vivant,  les  lividités  se  confondent  avec  les  ecchymoses,  les  extravasations  sanguines 
(voy.  Blessures,  Contusion,  Ecchïsioses)  ;  mais  on  réserve  plus  spécialement  cette 
dénomination  à  des  taches  qui  apparaissent  sur  le  cadavre  et  qui  sont  connues  en 
anatomie  pathologique  et  en  médecine  légale  sous  le  nom  de  lividités  cadavériques. 
[Voy.  Cadavres.)  A.  D. 

irLAiviAPAiviii.     Voy.  MUCUNA. 

LLËDoniE.     Voy.  Micocoulier. 

lilO  'E.vux  MINÉRALES  de),  hypotheriiiales,  sulfurées  sadiques  faibles,  azotées 
faibles. 

Dans  le  département  des  Pyrénées-Orientales,  dans  l'arrondissement  de  Prades, 
à  1  kilomètre  du  village  qui  leur  a  donné  son  nom,  émergent  du  granit  les  trois 
sources  de  cette  station.  Leurs  eaux  ont  les  mêmes  propriétés  physiques  et  chimi- 
ques, à  l'exception  de  leur  température  qui  varie  de  27",  5  centigrade  à  29°, i  cen- 
tigrade. La  source  principale,  dont  le  débit  est  le  plus  abondant,  se  nomme  ]a.source 
deLlo.  L'analyse  chimique  de  ces  sources  n'est  pas  bien  connue;  Anglada  a  indiqué 
seulement  la  richesse  quantitative  du  sulfure  de  sodium,  du  sulfate  de  chaux,  du 
chlorure  de  calcium,  de  la  barégine  et  du  gaz  azote  que  ces  eaux  renferment. 

Cet  auteur  ajoute  que  les  eaux  des  sources  de  Llo  ont  une  composition  élémen- 
taire à  peu  près  pareille  aux  sources  à'Escaldas  {voy.  ce  mot),  éloigné  pour- 
tant d'un  peu  plus  de  16  kilomètres. 

L'eau  de  Llo  est  employée  en  boisson  ;  on  l'utilise  quelquefois  en  bains  géné- 
raux ;  les  habitants  du  pays  s'en  servent  aussi  pour  le  blanchissage  de  leur  linge, 
auquel  elle  communique  une  extrême  blancheur.  Les  maladies  de  la  peau  et  des 
membranes  muqueuses  sont  celles  qui  sont  traitées  avec  le  plus  de  succès  à  la 
station  de  Llo,  qui  n'occupe  certainement  pas  le  rang  qu'elle  mérite  et  qu'elle 
aura  le  jour  oiî  une  administration  éclairée  voudra  exploiter  convenablement  ses 
eaux  minérales.  A.  R. 

LOBAIRE^!»  (Artères).     Voy.  Carotide  interne  et  vertédrale  (Artères). 

LOBB  (Théophile),  médecin  anglais  né  en  1678  ;  il  pratiqua  à  Londres  et 
mourut  en  1763.  Lobb  s'est  fait  connaître  par  des  ouvrages  justement  estimés, 
et  qui  portent  ces  titres  : 

I.  A  Treatise  on  Ihe  Small-pox,  in  iwo  Paris London,  1731,  in-8°.  Traduit  en  fran- 
çais sous  ce  titre  :  Traité  de  la  petite  vérole,  jmr  Théophile  Lobb.  Traduit  de  l'anglais  sur  la 
seconde  édition  par  M.  B.  P.  (Boyer  de  Prébrandier),  docteur  en  médecine.  Paris,  1749,  in-12, 
2  vol.  —  II-  National  Methods  of  curing  Fevers,  deduced  from  the  Structure  of  Human  Bodij. 
Lond.,  1754,  in-8°.  —  III.  Practical  Treatise  of  Painful  Distempers,  with  some  Effectuai 
Methods  in  curing  theni.  Lond.,  1739,  in-8°.  —  IV.  A  Treatise  on  dissolvants  ofthe  Stone, 
and  curing  the  Stone  and  Goût  by  Aliments.  Lond.,  1739,  in-S".  Trad.  franc.  Paris,  174i, 
)n-12.  —  V.  An  Address  to  the  Faculty  of  Physic  relating  to  miss  Stephen's  Médecine.  Lond., 
1739,  in-S".  —  VI.  Letter  Relative  to  the  Plague  and  the  Contagions  Distempers.  Lond., 
1745,  in-4*.  —  VII.  Compendium  of  Practice  of  Physik.  Lond.,  1747,  in-8°.  A.  C. 


LOBÉLIE   (botanique).  741 

LOBEL  (Matthieu  de).  Tout  Je  momie  connaît  celle  charmante  plante  de 
la  famille  des  Campanulacées,  appelée  lo&e/m.  Plumier,  en  adoptant  ce  nom, 
a  voulu  rendre  hommage  aux  travaux  de  Matthieu  de  Lobel,  qui  s'est  montré  en 
effet,  au  seizième  siècle,  un  botaniste  distingué,  à  une  époque  où  cette  science 
ne  reposait  guère  que  sur  les  livres  de  Dioscoride  et  de  Matthioli.  La  vie  de  Lobel 
fut  assez  agitée.  Né  à  Lille,  en  1558,  de  Jean  de  Lobel,  jurisconsulte  distingué, 
on  le  voit  se  faire  recevoir  docteur  à  Montpellier,  voyager  ensuite  en  Allemagne, 
en  Suisse,  dans  le  nord  de  l'Italie,  pratiquer  la  médecine  à  Anvers,  à  DeUt,  être 
attaché  au  prince  d'Orange,  se  rendre  ensuite  en  Angleterre,  parcourir  le  pays  en 
herborisateur,  être  honoré  de  l'amitié  du  roi  Jacques,  et  mourir  à  Highgate,  le 
2  mars  1616,  âgé  de  soixante-seize  ans.  Voici  les  titres  des  ouvrages  qu'il  a  lais- 
sés et  qu'on  recherche  encore  aujourd'hui. 

I.  Stirpinm  adversaria  nova.  Loncl.,  1570,  in-fol.,  etc. —  II.  Piantarum  seu  slirpium 
hisloria,  cui  annexum  est  adversariorum  volumen.  Anvers,  157G,  iu-fol.,  14H0  figures.  — 
m.  Icônes  stirpium,  seu  plantariun  tam  exoticarum  quam  indlgcnamm,  in  diias  partes 
dhjestœ.  Anvers,  1581,  in-i»,  2116  figures.  —IV.  Balsami,  opobalsami,  carpohahami,  et 
xylobalsami  citm  siio  cortice  explafiatio.  Loncl.,  1598,  in-4°.  —  V.  Slirpium  illustrationes 
plurimas  élaborantes  inatiditas  plantas.  J.  Parkinsonii  rapsodiis  sparsim  gravatœ.  I.ond., 
1655,  in-4'>. —  VI.  Nova  stirpium  adversaria;  aucl.  Pet.  Pena  et  Matt.  de  Lobel.  1576, 
in-fol.  A.  C. 

LOBÉLIE  (Lo&eZiaL.).  §1.  Botanique.  Genre  de  plantes,  à  coroUe  gamo- 
pétale, qui  a  donné  son  nom  au  groupe  des  LobL'liacées.  Les  Lobéliacées,  consi- 
dérées par  beaucoup  d'auteurs  comme  formant  une  famille  distincte,  sont  simple- 
ment des  Campanulacées  à  corolle  irrégulière  et  ne  doivent  pas  plus  être  séparées 
des  Campanulacées  que  les  Rhododendrées  des  Éricacées,  les  Chicoracées  des  Com- 
posées, etc.  Les  Lobélies  ont  les  fleurs  irrégulières,  hermaphrodites  et  résupinées. 
Leur  réceptacle  est  concave  et  porte  dans  sa  concavité  un  gynécée  en  partie  inière,  et, 
sur  ses  bords,  un  périanthe  à  verticilles  pentamères.  Le  calice  est  gamosépale,  à 
lobes  presque  égaux.  La  corolle  est  gamopétale,  ordinairement  allongée  et  tubu- 
leuse,  irrégulière.  Son  tube  est  ordinairement  fendu  jusqu'à  la  base  du  côté  anté- 
rieur de  la  fleur.  Quant  à  son  limbe,  il  forme  deux  lèvres,  la  postérieure  composée 
de  trois  lobes,  l'antérieure,  de  deux  ;  ces  lobes  sont  valvaires  dans  la  prélioraison, 
ou  plus  ou  moins  indupliqués.  Les  étamines  sont  au  nombre  de  cinq,  alternes  avec 
les  divisions  de  la  corolle  sur  laquelle  elles  ne  s'insèrent  pas.  Portées  ]iar  le  récep- 
tacle, elles  se  composent  chacune  d'un  blet  aplati  à  sa  base  et  d'une  anthère  bilo- 
culaire,  introrse,  s'ouvrant  par  deux  fentes  longitudinales,  plus  ou  moins  barbue. 
Les  anthères  sont  très-souvent  syngénèses,  c'est-à-dire  unies  entre  elles  pai'  leurs 
bords  en  une  sorte  de  tube  qui  entoure  le  style.  Le  gynécée  se  compose  d'un 
ovaire  en  partie  infère,  surmonté  d'un  style  dont  l'extrémité  sligmatique  est  plus 
ou  moins  bilobée  ou  déprimée  en  forme  de  sac  et  renferme  à  l'intérieur  les  pa- 
pilles stigmatiqucs.  L'ouverture  est  entourée  d'une  couronne  plus  ou  moins 
développée  de  poils.  L'ovaire  est  ordinairement  à  deux  loges,  l'une  antérieure  et 
l'autre  postérieure;  et  chaque  loge  contient,  dans  son  angle  interne,  un  gros  pla- 
centa chargé  d'un  nombre  indéfini  d'ovules  auatropes.  Le  fruit  est  une  capsule 
loculicide,  dont  la  déhiscence,  souvent  incomplète,  commence  parla  partie  supé- 
rieure et  s'étend  souvent  dans  une  portion  variable  de  la  cloison.  Les  graines  sont 
nombreuses  et  renferment,  sous  leurs  téguments,  un  embryon  charnu  dont  l'axe 
est  occupé  par  un  embryon  à  cotylédons  courts.  Les  Lobélies  sont  des  herbes,  an- 
nuelles ou  %ivaLes,  qu'on  trouve  dans  toutes  les  régions  tropicales  et  sous-tropicales 
du  globe,  surtout  dans  l'Amérique  équinoxiale.  Leurs  feuilles  sont  alternes,  sira- 


742  LOBÉLIE   (botanique). 

pies,  sans  stipules.  Leurs  fleurs  sont  ordinairement  disposées  en  grappes  ou  en 
épis  ;  leur  pjdiccllc  se  tord  un  peu  avant  l'époque  de  l'épanouissement,  et  la  lèvre 
inférieure  de  la  corolle  devient  de  la  sorte  supérieure.  Presque  tous  les  organes 
des  Lobélies  sont  gorgés  d'un  latex  blanc  ou  jaunâtre  auquel  ces  plantes  doivent 
leurs  propriétés  acres  et  vénéneuses.  Plusieurs  espèces  doivent  être  étudiées 
comme  poisons  ou  comme  médicaments. 

I.  LoBÉLiE  BRULANTE  {Lobella  urcns  \j.,Spec.,  1521).  Cette  espèce  indigène 
est  une  herbe  vivace,  haute  de  2  à  5  ou  6  décimètres.  Sa  tige  est  dressée, 
anguleuse,  feuillée,  pubérulente  ou  glabrescente,  simple  ou  rameuse.  Ses  feuilles 
sont  variables  de  forme  :  les  radicales  sont  ovales-oblongues,  atténuées  inférieu- 
rement  en  pétiole,  réunies  en  rosette  lâche;  les  cauhnaires  sont  ovales-lancéolées 
et  sessiles.  Toutes  sont  découpées  sur  les  bords  en  dents  inégales  et  brièvement 
pubérulentes.  Les  fleurs,  d'un  bleu  clair  ou  légèrement  violacé,  sont  nom- 
breuses, réunies  en  une  longue  grappe  terminale.  Leur  pédicelle  est  plus  court 
de  moitié  que  leur  tube  calicinal.  Les  bractées  dont  elles  occupent  l'aisselle  sont 
linéaires,  égales  au  pédicelle  et  aucahce.  Le  tube  réceptaculaire  est  étroit,  allongé. 
Les  sépales  sont  acuminés,  linéaires  ;  ils  n'arrivent  pas  jusqu'au  milieu  de  la 
hauteur  de  la  corolle.  Celle-ci  a  un  tube  en  entonnoir,  et  cinq  lobes  lancéolés, 
aigus,  presque  égaux.  Elle  est  pubérulente,  ainsi  que  les  anthères.  Cette  espèce 
croît  dans  les  endroits  humides,  dans  les  landes  des  marais  ;  elle  est  commune 
dans  le  centre  et  dans  l'ouest  de  la  France,  rare  dans  les  environs  de  Paris;  elle 
fleurit  à  la  fin  de  l'été.  Sa  saveur  est  extrêmement  acre  et  brûlante;  et  ce  carac- 
tère suffirait  à  la  distinguer  de  la  Pelite-Centaurée  avec  laquelle  on  dit  qu'on  l'a 
parfois  confondue  avant  la  floraison  et  dont  le  goût  est  simplement  amer.  D'ail- 
leurs, elle  a  des  feuilles  opposées  et  non  alternes  comme  celles  du  Lobelia 
urens.  ■ 

II.  L.  SYPHILITIQUE  (L.  sypIiUUica  L.,  Spec,  1502).  Cette  espèce  est  herbacée, 
vivace.  Sa  tige  est  haute  d'un  quart  à  un  demi-mètre,  anguleuse,  velue,  principa- 
lement dans  sa  portion  inférieure.  Ses  feuilles  sont  alternes,  sessiles,  rapprochées, 
étalées,  irrégulièrement  lancéolées.  Ses  bords  sont  irrégulièrement  sinueux  et 
denticulés.  Les  fleurs  sont  d'un  bleu  plus  ou  moins  violacé,  solitaires  à  l'aisselle 
des  feuilles  ou  des  bractées  qui  les  remplacent  dans  les  portions  supérieures.  Elles 
ont  un  court  pédoncule,  et  leur  réunion  forme  au  sommet  des  branches  une  longue 
grappe  feuillée.  Leur  réceptacle  a  la  forme  d'une  coupe  assez  profonde  dont  la 
moitié  environ  de  l'ovaire  occupe  la  concavité,  l'autre  moitié  étant  libre.  Sur  les 
bords  de  cette  coupe  s'insère  un  calice  à  cinq  sépales  lancéolés,  très-aigus,  folii- 
formes,  ciliés,  se  prolongeant  au-dessous  de  leur  insertion  sur  le  réceptacle,  et 
formant,  par  le  rapprochement  de  leurs  bords,  de  profondes  gouttières.  La  co- 
rolle est  allongée,  gamopétale,  tubuleuse,  un  peu  dilatée  à  la  base,  arquée  dans 
sa  portion  supéi'ieure,  irréguhère,  bilabiée,  une  de  ses  lèvres  étant  formée  de  trois 
lobes,  et  l'autre,  l'inféi^ieure,  de  deux  lobes  ;  de  plus,  elle  est  fendue  inférieure- 
ment  dans  toute  sa  longueur.  Les  étamines  sont  unies,  et  par  leurs  anthères,  et 
par  une  portion  de  leur  filet  ;  on  les  dit  symphysandres.  Elles  viennent  faire  sail- 
lie en  haut,  au-dessus  du  limbe  de  la  corolle.  Leurs  filets  sont  blanchâtres  ou  vio- 
lacés, libres  seulement  dans  leur  portion  inférieure,  là  où  ils  sont  le  plus  larges  et 
le  plus  membraneux.  Leurs  anthères  forment,  par  leur  rapprochement,  un  tube 
court,  arqué  ;  deux  d'entre  elles,  les  supérieures,  sont  un  peu  plus  longues  que  les 
autres;  elles  sont  surmontées  d'un  petit  pinceau  de  poils.  L'ovaire  est  bilocu- 
laire;  il  s'atténue  supérieurement  en  un  style  cylindrique,  glabre,  un  peu  plus  long 


LOBÉLIE  (botanique).  745 

que  les  étamines,  dans  le  tube  desquelles  il  esl  longtemps  renfermé.  Il  se  recourbe 
et  se  renfle  un  peu  à  son  sommet;  là  il  présente  un  orifice  bordé  de  deux  petites 
lèvres,  l'une  supérieure  et  l'autre  inférieure,  entouré  d'un  petit  cercle  de  poils 
blanchâtres  et  soyeux.  L'orifice  donne  accès  dans  une  cavité  stigmatifère  assez 
profonde.  Dans  cliaque  loge  de  l'ovaire  ou  observe  sur  la  paroi  interne  un  gros 
placenta  axile,  chargé  d'un  nombre  indéfini  de  petits  ovules  anatropes.  Le  fruit 
est  une  capsule  anguleuse,  munie  à  sa  base  du  réceptacle  persistant,  et,  plus 
haut,  des  débris  du  calice.  Elle  s'ouvre,  dans  sa  partie  supérieure,  par  deux  fentes 
verticales  qui,  non-seulement  descendent  jusqu'à  une  certaine  distance  du  sommet 
des  parois,  mais  encore  partagent  supérieurement  la  cloison  en  deux  portions  qu 
s'écartent  l'une  de  l'autre  en  laissant  entre  elles  un  large  sinus  à  concavité  su- 
périeure. La  Lobéhe  syphilitique  est  originaire  de  l'Amérique  septentrionale. 
Kalni,  dit-on,  l'y  a  le  premier  observée,  dans  les  forêts  marécageuses.  Elle  croît 
depuis  la  CaroUne  jusqu'au  Canada  et  aussi  dans  les  environs  de  la  Nouvelle-Or- 
léans. Le  Rapunlium  syphiliticum  de  Miller  {Dict.,  n.  2)  se  rapporte  à  cette  es- 
pèce. Toutes  ses  parties  sont  excessivement  acres;  elles  contiennent  un  latex  abon- 
dant, de  couleur  jaune  pâle.  On  en  distingue  plusieurs  variétés  :  le  Ludoviciana, 
dont  les  feuilles  sont  glabres  et  presque  entières,  et  le  macidata,  dont  les  feuilles, 
tachées  de  brun,  sont  finement  denticulées. 

III.  L.  CARDINALE  (L.  cardiiialis  L.,  Spec,  1500).  Cette  espèce,  dont  toutes 
les  parties  sont  finement  pubescentes,  a  une  tige  simple  dressée,  des  feuilles 
oblongues-lancéolées ,  atténuées  aux  deux  extrémités,  aiguës,  irrégulièrement 
dentées.  Les  fleurs  sont  disposées  en  grappes  allongées.  Les  bractées,  lancéolées, 
étroites,  sont  découpées  en  dents  en  scie  glanduleuses.  Les  inférieures  sont  plus 
longues  que  le  pédicelle  de  la  fleur  axillaire;  les  supérieures  sont  plus  courtes.  La 
fleur  a  un  calice  à  sépales  linéaires-lancéolés,  acuminés,  plus  longs  que  le  récep- 
tacle hémisphérique  qui  les  supporte.  La  corolle,  d'un  rouge  éclatant,  est  à  peine 
plus  longue  que  les  sépales.  Les  étamines  sont  exsertes,  et  les  anthères  des  infé- 
rieures sont  barbues.  Cette  plante  est  le  Rapimtium  cardinale  de  Pursh  {Prodr. 
Lobel.,  26)  et  le  Flos  cardinalis  Barberini  de  Hernandez  {Mex.,  t.  880).  Elle 
se  trouve  dans  les  régions  méridionales  de  l'Amérique  du  Nord,  depuis  la  Caro- 
line jusqu'à  la  Nouvelle-Angleterre. 

IV.  L.  ENFLÉE  (L.  inflata  L.,  Spec.,  1320).  La  tige  de  cette  espèce  se  présente 
avec  des  dimensions  très-variables,  tantôt  haute  de  2  à  4  décimètres  et  souvent 
alors  simple,  tantôt  haute  de  près  de  1  mètre,  et  alors  ramifiée.  Ses  racines  sont 
fibreuses.  Sa  tige  est  dressée,  angulaire,  couverte  de  poils.  Les  feuilles  sont 
également  velues,  ovales,  découpées  en  dents  de  scie  ;  elles  n'ont  pas  la  même 
forme  sur  toute  l'étendue  de  la  tige.  Ainsi,  les  inférieures  sont  oblongues,  obtuses, 
avec  un  pétiole  court,  et  les  moyennes  sont  ovales-aiguës,  sessiles.  Les  fleurs 
sont  réunies  eu  grappes,  avec  des  pédicellesplus  courts  que  les  bractées,  qui  sont 
'acuminées.  Le  réceptacle  est  glabre,  ovoïde.  Les  sépales  sont  subulés,  linéaires, 
presque  égaux  en  longueur  à  la  corolle,  qui  est  d'un  bleu  teinté  de  pourpre,  et 
dont  les  divisions  sont  inégales.  Les  anthères  sont  purpurines,  unies  en  un  tube 
pourpré,  avec  des  filets  blancs.  Le  style  est  filiforme,  ai-qué  et  caché  par  les  an- 
thères dans  sa  portion  stigmatique.  Le  fruit  est  une  capsule  biloculaire,  turgide, 
ovale,  comprimée,  couronnée  par  le  calice  et  portant  dix  angles  saillants.  Les 
graines  sont  nombreuses,  petites,  brunes.  Toute  la  plante  est  gorgée  d'un  latex 
extrêmement  acre.  C'est  le  Rapuntiuni  inflatiiin  de  Miller  [Dict.,  n.  5).  Elle  croît 
communément  dans  les  champs  et  sur  les  bords  des  routes,  dans  l'Amérique  du 


744  LOBÉLIE   (emploi  médical). 

Nord,  depuis  le  Canada  jusqu'à  la  Caroline  et  au  Missouri.  On  l'appelle  aux  États- 
Unis  Indian  Tobacco. 

V.  Les  Lobelia  spendens  W.  {Hort.  berol.,  t.  86),  fulgens  W.  {loc.  cit., 
t.  85),  espèces  mexicaines,  voisines  du  L.  cardinalis,  servent  aux  mêmes  usages 
que  lui.  Le  L.  decurrens  Cav.  (Icon.,  VI,  13,  t.  521),  du  Chili,  est  employé  dans 
son  pays  natal  comme  fébrifuge.  Au  Brésil,  on  considère  comme  narcotiques, 
vénéneux,  le  L.  coccinea  W.  ;  aux  Antilles,  les  L.  cirsiifolia\jtMK,  et  stricta 
Lev.  passent  pour  avoir  les  mêmes  propriétés.  LeL.  Dortmanna  L.,  espèce  voisine 
du  L.  urens  et  qui  croît,  comme  lui,  en  Europe,  n'en  diffère  pas  non  plus  par 
ses  propriétés. 

Le  L.  longiflora  L.  est  un  Isotoma. 

Le  L.  Feuillœi  L.  est  un  Tupa. 

Les  L.  barbata  Cav.  et  Caoutschoiic  H.  B.  K.  sont  des  Siphocampylus . 

H.  Bn. 

L.,  FI.  lappon.,  227;  Gen.,  n.  1006  (part.).  —  Juss.,  Gen.  platit.,  165.  —  Lame,  Dict, 
III,  581.  —  Mer.  et  Del.,  Dict.,  IV,  136.  —  Guib.,  Drog.  simpl,  éd.  i,  III,  9.  —  Rich.  (A.), 
in  Dict.  de  mécl.  (en  30  vol.),  XVIII,  174  ;  Elém,  éd.  4,  II,  28.  —  A.  DC,  Prodr.,  VU,  357. 
—  BiGEL.,  Med.  Bot.,  I,  t.  19.  —  Lindl.,  FI.  med.,  403.  —  Pereiba,  Elem.  Mat.  med.,  éd.  5» 
II,  p.  II,  8.  —  RosENTH.,  S]jn.  pi.  diaph.,  314.  —  Cazin,  PL  méd.  indig.,  éd.  5,  599.  — 
H.  Bn,  ap.  Payer,  Fam.  nat.,  248. 

g  II.  Emploi  médical.  On  emploie  principalement  la  lobélie  enflée  et  la 
lobélie  syphilitique. 

4"  Lobélie  ENFLÉE.  Lobelia  inflata;  Indian  Tobacco  des  Anglais.;  asthma- 
weed,  herbe  à  l'asthme  ;  emetic  weed,  herbe  émétique. 

Pharmacologie.  Toutes  les  parties  de  cette  plante  possèdent  une  grande  activité, 
qui  paraît  due  principalement  à  un  alcaloïde  particulier,  la  lobéline,  dont  il  sera 
question  plus  loin.  Les  parties  les  plus  actives  sont  les  semences;  viennent  ensuite 
la  racine;  puis  les  feuilles.  Ce  sont  ces  dernières  néanmoins  qui  sont  le  plus  usitées. 

Les  feuilles  de  lobélie  enllée  sont  récoltées  en  Amérique  aux  environs  de  New- 
Labanon,  au  mois  d'août,  et  mises  sous  forme  de  carrés  longs  comparables  à 
ceux  du  tabac  de  Virginie  livrés  par  la  Régie,  fortement  comprimés  et  du  poids 
de  250  à  500  grammes.  Telles  qu'elles  arrivent  en  France,  elles  sont  d'un  vert 
jaunâtre,  mélangées  d'une  assez  forte  proportion  de  pédoncules  d'une  odeur  légè- 
rement aromatique,  d'un  goût  un  peu  acre,  rappelant  celui  du  tabac.  Fumées 
dans  une  pipe,  comme  les  emploient  les  sauvages  de  l'Amérique  du  Nord,  elles  ont 
encore  une  saveur  et  une  odeur  analogues  à  celles  du  tabac,  mais  plus  douces. 

Ces  feuilles  s'emploient  :  En  poudre,  rarement  prescrite  ; 

En  fumigations  :  dans  une  pipe,  ou  sous  forme  de  cigarettes; 

En  infusion  :  25  à  50  centigrammes,  1  ou  2  grammes  pour  une  quantité 
d'eau  susceptible  de  varier,  selon  que  l'on  veut  en  faire  une  potion  ou  une  tisane  ; 

En  teinture  :  teinture  éthérée,  peu  usitée;  teinture  alcoolique,  laquelle  est  le 
mode  d'administration  le  plus  ordinaire  de  la  lobelia  inflata. 

La  pharmacopée  des  États-Unis  donne  pour  formule  de  la  teinture  de  Lobélie  : 
Lobelia  inflata  (feuilles),  120  grammes;  alcool  dilué,  900.  —  Si  nous  suivions 
les  prescriptions  du  codex  français,  nous  préparerions  dans  les  proportions  de 
1  partie  de  feuilles  et  5  parties  d'alcool  à  85".  —  Mais  pour  cette  teinture  comme 
pour  d'autres  analogues  à  base  de  feuilles  ou  de  fleurs,  la  quantité  d'alcool  est 
vraiment  insuffisante,  et  je  conseille  de  préparer,  avec  les  proportions  de  1  de 
feuille  et  10  d'alcool,  la  teinture  de  lobélie  enflée. 


LOBÉLIE  {emploi  médical).  745 

Il  y  aurait  lieu  de  mettre  au  nombre  des  préjjaralious  officinales  de  Lobelia 
inflata  la  teinture  alcoolique  des  semences,  et  de  l'expérimenter  comparative- 
ment avec  la  teinture  des  feuilles. 

Analyse  chimique;  Lobéline.  La  lobélie  enflée  contient,  d'après  Procter: 
un  principe  odorant  volatil  (huile  essentielle?),  un  alcaloïde  spécial,  la  lobéline, 
signalée  antérieurement  par  Reinsch  et  par  Colhoun;  un  acide  spécial  (déjà  re- 
connu par  Pereira),  l'acide  lobélique  ;  une  huile  fixe,  presque  incolore,  très-sicca- 
tive ;  une  résine  ;  de  la  gomme;  de  la  chlorophylle  ;  du  ligneux  ;  des  sels  de  chaux 
et  de  potasse  et  de  l'oxyde  de  fer. 

Procter  a  obtenu  la  lobéline  en  traitant  les  semences  avec  de  l'alcool  acidulé 
au  moyen  de  l'acide  acétique,  pour  enlever  le  principe  acre  ;  la  teinture  fut  ensuite 
évaporée.  L'extrait  résultant  lut  trituré  avec  de  la  magnésie  et  de  l'eau,  et, 
après  une  agitation  répétée  pendant  (Quelques  heures,  la  liqueur,  tenant  la  lobé- 
line en  dissolution,  fut  filtrée  ;  celle-ci  fut  ensuite  reprise  par  l'éther,  et  la  nou- 
velle solution,  après  avoir  été  bien  décantée,  fut  abandonnée  à  l'évaporation 
spontanée.  Le  résidu,  qui  était  d'une  couleur  rouge  brunâtre  et  de  la  consistance 
du  miel,  fut  débarrassé  de  sa  matière  colorante  en  le  dissolvant  dans  l'eau  et  en 
y  ajoutant  un  petit  excès  d'acide  sulfurique,  faisant  bouillir  avec  du  charbon  ani- 
mal, et  saturant  avec  la  magnésie.  Après  filtration,  agitation  avec  l'éther  et  éva- 
poration  de  celui-ci,  le  licfuide  restant  est  la  lobéline. 

William  Bijislick,  de  Londres,  ignorant  sans  doute  le  procédé  de  Procter,  a 
publié,  en  décembre  1850,  un  procédé  pour  l'obtention  de  la  lobéhne,  en  faisant 
macérer  pendant  quarante-huit  heures  2  livres  de  la  plante  dans  un  gallon 
d'alcool  auquel  on  a  préalablement  ajouté  5  onces  d'acide  sulfurique  ;  il  traite 
ensuite  par  la  cliaux  caustique  en  poudre,  et,  après  différents  lavages,  par  une 
solution  concentrée  de  carbonate  de  potasse.  On  traite  alors  par  l'éther,  et  l'on 
obtient  la  lobéhne  comme  dans  le  procédé  de  Procter.  (Victor  Guibert,  Hist.  nat. 
etméd.  des  nouveaux  médicaments,  etc.,  Bruxelles,  1860.) 

La  lobéline  ressemble,  dit-on,  par  plusieurs  de  ses  propriétés,  à  l'hyoscyamine. 
Elle  en  diffère,  cependant,  en  ce  qu'elle  est  liquide  et  incristallisable.  Sous  ce 
rapport,  elle  se  rapproche  plutôt  de  la  nicotine,  avec  laquelle,  d'ailleurs,  elle  a 
aussi  des  analogies  d'action  pharmacodynamique.  La  lobéline  se  présente  sous 
forme  d'une  huile  visqueuse,  un  peu  jaunâtre,  plus  légère  que  l'eau,  à  réaction 
fortement  alcaline,  d'une  odeur  aromatique  qui  rappelle  celle  de  la  plante.  Elle 
est  volatile  (Procter,  Bastick),  mais  finit  par  s'altérer  en  se  volatilisant.  (Pereira.) 
Elle  est  un  peu  soluble  dans  l'eau,  et  complètement  dans  l'alcool  et  dans  l'éther, 
Les  alcalis  caustiques  la  décomposent.  Elle  forme  des  sels  solublcs  et  cristalli- 
sables  avec  les  acides  sulfurique,  azotique,  chlorhydrique,  et  un  sel  double  mais 
incristallisable  avec  l'acide  acétique.  Le  tannin  précipite  la  lobéline  et  ses  sels.  La 
chaleur  décompose  la  lobéline  ;  mais  lorsqu'elle  est  combinée  avec  un  acide,  elle 
peut  supporter  l'ébullitlon  sans  être  altérée. 

La  lobéline  est  très-toxique,  dès  la  dose  de  1  à  5  centigrammes  ;  elle  hypo- 
sthénise  profondément  les  sujets  de  l'expérience  ;  elle  dilate  la  pupille.  (Procter.) 
Historique.  La  lobéhe  enflée  jouissait  depuis  longtemps  d'une  réputation 
populaire  aux  États-Unis  ;  mais  elle  y  était  surtout  connue,  et  employée  par  les 
indigènes,  pour  ses  propriétés  vomitives,  lorsque  vers  18201e  docteur  Cutler  la 
recommanda  spécialement  contre  l'asthme,  après  en  avoir  fait  l'épreuve  avec 
succès  sur  lui-même.  Bientôt  de  nombreux  travaux,  publiés  dans  les  journaux  de 
médecme  des  États-Unis,  d'Angleterre  et  d'Allemagne,  confirmèrent  les  propriétés 


746  LOBÉLIE   (emploi  médical). 

anti-asthmatiques  de  cette  plante,  et  étendirent  encore  le  cliamp  de  ses  applica- 
tions. Elle  restait  presque  complètement  méconnue  en  France  ;  on  ne  pouvait 
guère  citer,  à  son  sujet,  qu'une  notice  de  Bidault  deVilliers  {Nouvelle  Biblio- 
thèque médicale,  t.  Y,  p.  226)  ;  l'article  succinct  de  Mérat  et  Delens,  dans  leur 
Dictionnaire  de  matière  médicale  (tome  IV,  1852),  suivi  de  quelques  renseigne- 
ments nouveaux  dans  leur  Supplément  (1846);  une  note  de  Sigmond,  sur  les 
propriétés  des  Lobelia  inflata  etsyphilitica,  dans  le  Journal  de  chimie  médicale 
(1855,  t.  IX,  p.  587).  Enfin,  en  1860,  le  docteur  Michéa  publia  dans  le  journal 
VObservation  un  fait  constatant  l'efficacité  de  la  lobelia  inflata  contre  l'asthme  ; 
et  en  1864  parut  dans  le  Bidleti^i  général  de  thérapeutique  le  mémoire  du  pro- 
fesseur Barrallier,  de  Toulon,  sur  les  effets  physiologiques  et  l'action  thérapeu- 
tique de  la  lobelia  inflata,  mémoire  le  plus  important  quiait  été  jusqu'ici  publié 
en  France  sur  cette  question,  et  doublement  intéressant  par  les  expériences  propres 
à  l'auteur,  et  par  les  renseignements  qu'il  contient  sur  les  diverses  et  récentes 
applications  du  médicament  dont  il  s'agit.  Aussi  est-ce  principalement  à  cette 
dernière  source  que  nous  puiserons  pour  la  rédaction  du  présent  article. 

Action  rnysioLOGiQUE.  Dans  les  expériences  physiologiques  instituées  sur 
l'homme  pur  Barrallier,  la  teinture  de  lobélie  étant  administrée  depuis  25  centi- 
grammes jusqu'à  2  grammes,  toujours  en  une  seule  dose  et  le  matin  à  jeun  sur 
des  sujets  sains,  les  phénomènes  observés  ont  été  :  une  sensation  de  picotement 
désagréable  dans  la  bouche,  surtout  à  la  pointe  et  vers  la  base  de  la  langue  ;  une 
autre  sensation  d'àpreté,  de  sécheresse  dans  la  gorge;  plus  ou  moins  de  constric- 
tion  dans  le  pharynx,  allant  parfois  jusqu'à  la  dysphagie  ;  une  constriction 
thoracique  et  laryngée,  avec  gène  de  la  respiration  ;  de  l'irrégularité  dans  les 
mouvements  du  cœur  et  du  pouls,  de  la  diminution  dans  le  nombre  des  pulsa- 
tions ;  de  l'engourdissement  cérébral,  de  la  céphalalgie,  de  la  tendance  au  som- 
meil; la  ddatation  des  pupilles. 

Ces  phénomènes,  s'accusant  d'autant  plus  que  la  dose  de  teinture  de  lobélie 
avait  été  plus  élevée,  sont  considérés  par  Barrallier  comme  spéciaux,  et  notés  par 
lui  comme  ayant  été  à  peu  près  constants  dans  ses  expériences  ;  en  outre,  il  a 
constaté,  en  les  jugeant  accessoires,  les  phénomènes  suivants  :  la  fatigue  muscu- 
laire ;  les  troubles  des  fonctions  digestives,  tels  que  nausées,  inappétence,  co- 
liques, diarrhée,  ces  deux  derniers  symptômes  ayant  été  plus  rares  que  les  autres. 

Malgré  le  soin  avec  lequel  ces  expériences  ont  été  conduites,  elles  ne  nous 
révèlent  cependant  que  d'une  manière  incomplète  l'action  du  médicament  en 
question.  Ainsi,  par  exemple,  si,  au  lieu  d'une  dose  administrée  d'un  seul  coup, 
on  fractionne  les  doses,  on  obtient  des  effets  moins  perturbateurs  que  dans  les 
expériences  relatées  plus  haut.  Si,  au  heu  d'introduire  la  lobélie  dans  un  orga- 
nisme sain,  on  la  fait  intervenir  dans  le  traitement  d'une  maladie  où  elle  a  paru 
être  indiquée,  on  recueille  certaines  actions  modificatrices  opposées,  en  apparence 
du  moins,  à  certains  résultats  de  l'expérimentation  physiologique.  Ainsi,  admi- 
nistrée, à  doses  minimes  et  fractionnées,  par  les  médecins  anglais  et  américains 
contre  les  affections  catarrhales  de  la  muqueuse  bronchique,  loin  de  produire  la 
dysphagie  et  la  sécheresse  de  la  gorge,  elle  excite  l'expectoration.  Prescrite  contre 
certains  états  dyspnéiques,  au  lieu  d'exagérer  l'angoisse  respiratoire,  elle  la  di- 
minue, elle  la  supprime  même,  non  plus  en  déterminant  une  sensation  de  con- 
striction du  thorax,  mais  en  amenant  une  détente  dans  le  spasme  qui  enraye  la 
respiration,  ou  en  excitant,  non  plus  une  contraction  exagérée,  mais  le  jeu  nor- 
mal des  puissances  auxihaires  de  cette  fonction. 


LOBÉLIE  (emploi  médical).  IH 

Le  docteur  Noacli  (de  Leipzig)  pense  que  L^  lobélie  enflée  agit  d'une  manière 
spéciale  sur  le  système  nerveux  pneumogastrique,  et  que  par  suite  elle  exerce 
une  influence  remarquable  sur  la  membrane  muqueuse  des  bronches.  S'il  est 
wai,  comme  l'admet  le  professeur  Germain  Sée,  que  le  nerf  pneumogastrique 
soit  un  nerf  modérateur  de  l'impulsion  donnée  au  cœur  par  les  ganglions  car- 
diaques, et  que  tout  agent  qui  excite  ce  nerf  tend  à  diminuer  cette  impulsion, 
l'irrégularité  et  le  ralentissement  circulatoire  observés  par  Barrallier,  justifie- 
raient jusqu'à  un  certain  point  l'opinion  de  INoach.  Mais  la  seule  spécialité  d'ac- 
tion de  la  lobélie  enflée  sur  le  nerf  pneumogastrique  ne  suffirait  pas  à  expbquer 
ses  autres  effets  physiologiques  et  surtout  ses  effets  thérapeutiques.  Ceux-ci  pro- 
viendraient plutôt,  à  mon  avis,  d'une  influence  exercée  sur  le  nert  grand  sym- 
pathique, du  moins  lorsque  l'on  opère  avec  de  minimes  doses  de  lobélie  enflée, 
ainsi  que  semble  le  démontrer  la  contractilité  excitée  :  dans  les  tibres  lisses  des 
bronches,  pour  le  cas  des  accès  d'asthme  ;  dans  les  couches  musculaires  de  l'in- 
testin, ce  qui  peut  expliquer  les  coliques,  le  relâchement  du  ventre,  la  réduction 
d'étranglements  herniaires  ;  dans  les  plans  musculeuxde  l'utérus,  d'où  se  déduit 
son  opportunité  comme  agent  obstétrical  ;  enfin,  dans  les  muscles  vasculaires, 
comme  le  prouve  son  action  mydriatiquc. 

A  doses  élevées,  à  doses  toxiques  surtout,  la  lobélie  enflée  envahit  incontesta- 
blement le  système  nerveux  cérébro-spinal  ;  de  là  des  vomissements,  des  siiper- 
purgations,  des  convulsions  bientôt  suivies  d'une  résolution  générale  des  forces 
avec  sueurs  profuses,  parfois  avec  des  symptômes  de  congestion  du  cerveau. 
Alors  aussi  on  peut  voir  survenir,  au  lieu  de  l'excitation  salutaire  de  la  contrac- 
tilité des  muscles,  leur  rigidité  tétanique  avec  l'angoisse  thoracique  qui  rappelle 
celle  pi'oduite  par  les  strychnées. 

Et  ce  ne  sont  pas  encore  les  seuls  phénomènes  que  cette  plante  éminemment 
active  puisse  déterminer.  Ainsi  on  la  voit  encore,  d'après  Elliotson  {The  Lancet, 
25  février  1833;  Gubler,  Comment,  the'rap.  du  Codex),  provoquer  des  étour- 
dissements,  de  la  céphalalgie,  de  la  toux,  un  fourmillement  général  sous  la  peau, 
des  douleurs  aiguës  dans  les  voies  urinaires  pendant  la  miction. 

La  lobélie  enflée  offre  donc  une  échelle  pharmacodynamique  très-développée. 
Elle  présente,  en  outre,  cette  particularité  d'avoir  de  frappantes  similitudes 
d'action  avec  d'autres  plantes  très-éloignées  d'elle  dans  la  série  physiologique. 

Ainsi,  elle  est  vomitive  comme  l'ipécacuanha.  Elle  peut  être  maniée  de  façon, 
néaimioins,  à  ce  que  l'on  n'obtienne  que  des  effets  expectorants;  elle  est  suscep- 
tible aussi  d'appeler  la  diaphorèse  ;  elle  a  cela  de  commun,  comme  le  fait  remar- 
quer le  professeur  Gubler  [loc.  cit.),  avec  toutes  les  substances  émétiques  qui 
excitent  un  état  nauséeux  favorable  à  la  sécrétion  des  liquides  buccaux  et  bron- 
chiques ainsi  qu'à  celle  de  la  sueur.  Elle  ralentit  les  mouvements  du  cœur, 
comme  la  digitale,  comme  la  vératrine  :  action  qui  n'a  pas  encore  été  assez  re- 
marquée, mais  dont  je  crois  que  l'on  pourra  tirer  quelque  parti.  Mais  c'est  sur- 
tout avec  les  solanées  vireuses  qu'elle  offre  d'intéressantes  ressemblances.  Elle 
provoque  au  sommeil  comme  la  jusquiame,  et  paraît  avoir  des  manières  de  cal- 
mer qui,  sous  ce  rapport,  la  rapprochent  plus  de  cette  solanée  que  de  ses  pareilles. 
Elle  délie  la  respiration  comme  le  datura  stramonium,  auquel  elle  peut  disputer  la 
prééminence  dans  le  traitement  des  dyspnées.  A  l'instar  de  la  belladone,  elletend 
à  produire  la  sécheresse  de  la  gorge,  ladysphagie,  des  hallucinations,  la  dilatation 
pupillaire  ;  elle  excite  la  contraction  des  muscles  de  la  vie  oi'ganique,  favorise  la 
liberté  du  ventre,  l'émission  urinaire,  la  parturition.  Son  alcaloïde  a  les  carac- 


748  LOBÉLIE   (emploi  médical), 

tères  physiques  de  celui  du  tabac  ;  la  lobéline  a  des  propriétés  toxiques  de  bien 
peu  inférieures  à  celles  de  la  nicotine  ;  elle  donne  à  la  plante  qui  la  recèle  la 
faculté  de  remplacer  le  tabac  dans  l'usage  de  fumer,  et,  ce  qui  nous  importe 
plus,  de  lui  servir,  pour  l'emploi  médical,  de  succédané  plus  doux,  moins  dan- 
gereux, avec  une  grande  analogie  dans  l'effet  thérapeutique.  Enthi,  quoique  avec 
un  bien  moindre  degré  d  énergie,  la  lobéhe  enflée  se  montre  susceptible  d'in- 
fluencer la  moelle  épinière  à  la  manière  de  la  noix  vomique,  au  point  de  convul. 
ser,  de  tétaniser  môme  les  muscles  placés  sous  la  dépendance  des  nerfs  spinaux. 

Action  thérapeutique.  Les  indigènes  du  nord  de  l'Amérique  emploient  la 
Lobélie  enflée  comme  émétique.  En  France,  Bidault  de  Villiers  la  proposa  à  ce 
titre.  (Notice  sur  l'emploi  du  Lohelki  inflata  dans  l'astlime  et  comme  émétique, 
in  Nouv.  hihlloth.  méd.,  V,  "226.)  Mais  elle  n'a  aucun  avantage  sur  les  autres 
substances  vomitives,  et  elle  a  l'inconvénient  de  provoquer  des  vomissements  vio- 
lents au  milieu  d'un  état  nauséeux  persistant  et  très-pénible,  suivis  quelquefois 
de  purgation,  de  sueurs  copieuses,  de  débilitation  extrême.  II  n'y  a  donc  pas  lieu 
de  patronner  ce  médicament  comme  agent  de  la  médication  vomitive. 

C'est  dans  le  traitement  de  l'asthme,  et  par  extension  contre  toutes  les  dyspnées, 
quelle  qu'en  soit  la  cause,  qu'il  paraît  appelé  à  rendre  le  plus  de  services;  non 
pas  qu'il  doive  on  être  considéré  comme  la  panacée,  mais  il  peut  réellement,  par 
son  action  spéciale  sur  les  puissances  nervo-musculaires  de  la  respiration,  rendre 
à  cette  fonction  son  libre  exercice,  ou  diminuer  au  moins  l'angoisse  résultant  de 
tout  obstacle  qui  la  compromet.  En  général,  les  médecins  qui  ont  fait  usage  de  la 
lobélie  enflée  disent  avoir  reconnu  qu'elle  réussit  particuhèrement  contre  l'asthme 
nerveux.  (Voy.  Journ.  de  chim.  et  de  pharmacie,  l,  454,  2^  série.)  Toutefois,  là 
môme  on  cette  névrose  n'existe  pas  dans  sa  pureté,  se  complique  par  exemple  de 
catarrhe  pulmonaire  ou  de  lésion  organique  du  cœur,  la  lobéhe  peut  encore  être 
utile  ,  ne  fût-ce  qu'en  soulageant  momentanément.  Plusieurs  médecins  an- 
glais l'ont  donnée  contre  d'autres  maladies  des  organes  respiratoires,  les  laryn- 
gites, les  bronchites  aiguës  et  chroniques,  la  coqueluche,  tant  à  titre  de  calmant 
qu'à  titre  d'expectorant.  BarrallierTa  employée  contre  lad\spnéedes  phthisiques, 
contre  celle  des  anémiques  et  des  chloroliques,  contre  l'oppression  qu'éprouvent 
les  sujets  atteints  de  catarrhe  pulmonaire,  de  maladies  du  cœur,  de  pneumonie, 
de  pleurésie  ;  et  dans  ces  divers  cas  il  a  presque  constamment  vu  les  symptômes 
dyspnéiques  s'amender. 

En  dehors  du  cercle  tracé  par  les  dyspnées,  et  qui  laisse  déjà  un  champ  assez 
large  aux  applications  de  la  lobélie,  la  thérapeutique  n'a  pas  encore  acquis  de 
preuves  suffisantes  de  son  utilité  dans  d'autres  maladies. 

Ainsi  on  l'a  proposée  contre  les  maladies  convulsives,  telles  que  la  chorée,  le 
tétanos. 

Le  docteur  Eberle  a  administré  une  fois,  avec  succès,  une  forte  décoction  de 
cette  plante,  en  lavement,  dans  un  cas  de  hernie  étranglée. 

Aux  Etats-Unis,  le  docteur  Livezey  a  popularisé  l'emploi  de  l'infusion,  en  injec- 
tions, contre  la  rigidité  du  col  utérin  pendant  le  travail  de  l'accouchement;  de 
nombreux  faits  en  faveur  de  l'efficacité  de  cette  méthode  ont  été  relatés  dans 
les  journaux  américains.  Antérieurement,  on  l'y  avait  recommandé  contre  la 
leucorrhée. 

On  a  aussi,  en  Allemagne  et  en  Angleterre,  employé  l'infusion  de  lobélie,  en 
fomentations,  dans  le  traitement  des  plaies  douloureuses. 

En  somme,  il  s'agit  ici  d'un  médicament  sérieux,  trop  peu  expérimenté  dans 


LOBELIE  (emploi  médical).  749 

notre  pays,  et  qui  demande  une  étude  complète.  Je  m'en  suis  servi  plusieurs  fois 
et.i'ai  toujours  eu  à  me  louer,  plus  ou  moins,  de  ses  propriétés  antidyspnéiqucs. 
Malheureusement,  je  n'ai  eu  à  ma  disposition  que  la  teinture  alcoolique  des  feuilles 
et  je  crois  que,  avec  celle  des  semences,  on  arriverait  à  des  résultats  plus  éner- 
giques et  plus  constants.  Je  crois  même  qu'il  faudrait  varier  davantage  les  for- 
nmles  et  les  expériences,  préparer  et  employer  comparativement  poudre,  infusion, 
décoction,  extrait,  et  cela  tant  à  l'extérieur  qu'à  l'intérieur. 

Un  jour  peut-être,  la  mode  ou  quelque  spéculation  y  aidant,  la  feuille  de  lobélie 
pourrait  bien  être  accueillie  par  les  fumeurs  et  lutter  contre  la  vogue  actuelle  du 
tabac.  Alors  surgirait  une  question  d'iiygiène  dont  la  solution  n'aurait  d'intérêt, 
quant  à  présent,  que  pour  quelques  tribus  sauvages  de  l'Amérique  du  Nord,  à 
savoir,  si  l'usage  de  la  lobélie  est  plus  ou  moins  dommageable  pour  la  santé  que 
celui  de  la  nicotiane. 

Les  doses  et  modes  d' administration  sont  si  mal  déterminés  qu'ils  ne  doivent 
être  indiqués  ici  que  sous  toutes  réserves. 

La  poudre  se  donne,  comme  expectorant,  à  la  dose  de  5  à  20  centigrammes  ; 
comme  émétique  à  la  dose  de  50  centigrammes  à  2  grammes. 

\i  infusion  ou  la  décoction  se  feraient  sur  2  à  4  grammes  de  feuilles  pour 
obtenir  des  vomissements,  à  doses  moindres  si  l'on  voulait  les  éviter  ;  à  doses 
supérieures  pour  l'emploi  externe. 

La  teinture  alcoolique  des  feuilles  au  dixième  se  donnera  progressivement  de 
50  centigrammes  à  2  grammes,  terme  moyen  \  gramme,  par  doses  fractioiniées, 
pour  vingt-quatre  heures;  au  delà  il  peut  survenir  des  accidents,  en  présence 
desquels  on  diminuera  la  dose,  ou  bien  on  la  suspendra. 

On  peut  enfin  faire  fumer  les  feuilles  de  lobéhe  enflée,  dans  une  pipe  ou  en 
ci-^arettes,  comme  celles  de  datura,  de  belladone,  de  nicotiane;  ce  dernier  mode 
d'emploi  ne  paraît  pas  avoir  été  essayé  dans  la  thérapeutique  de  l'asthme,  et  il 
mérite  de  l'être;  on  peut  y  recourir,  du  reste,  en  même  temps  qu'à  l'administra- 
tion interne  de  la  teinture  de  Lobélie,  préparation  la  plus  usitée  jusqu'à  présent, 

2°  Lobélie  syphilitique  ou  aintisyphilitique,  Lobelia  sijphilitica.  Pharmaco- 
logie. Partie  usitée,  la  racine.  Celle-ci  est  d'une  saveur  d'abord  sucrée,  puis  càcre 
et  nauséeuse  persistante.  Les  racines  sèches  provenant  du  Nord-Amérique  sont 
orosses  comme  le  petit  doigt,  d'un  gris  cendré,  striées  longitudinalement;  la 
cassure  en  est  jaune,  comme  feuilletée,  offrant  beaucoup  de  cavités  rayonnantes. 
(Mérat  et  Delens.) 

Boissel,  qui  a  analysé  cette  plante,  y  a  trouvé  :  une  matière  grasse,  de  consis- 
tance butyreuse  ;  une  matière  sucrée;  du  mucilage  ;  du  malate  acide  de  chaux  et 
du  malate  de  potasse;  des  traces  d'une  matière  amère  très-fugace;  quelques  sels 
inertes  et  du  hgneux.  {Journal  de  pharmacie,  t.  X,  p.  623,  1824.) 

La  racine  de  Lobelia  syphilitica,  importée  autrefois  de  l'Amérique  septentrio- 
nale (on  paraît  avoir  peu  utilisé  celle  de  la  plante  que  l'on  a  acclimatée  dans  nos 
jardins  d'Europe  :  aurait-elle  moins  de  vertus?)  s'employait  particulièrement  en 
décoction;  on  en  faisait  aussi  parfois  une  teinture  alcoolique  et  un  extrait. 

Emploi  médical.  Les  indigènes  du  Canada,  dès  avant  leurs  relations  avec  les 
Européens,  considéraient  et  appliquaient  cette  plante  comme  un  spécifique  anti- 
vénérien. Selon  les  uns,  Johnson,  médecin  anglais  qui  vivait  au  milieu  d'eux, 
surprit  ou  acquit  ce  secret  et  le  transmit  au  voyageur  suédois  Kalin  ;  selon 
d'autres,  la  révélation  en  fut  faite,  par  un  vieux  cl.ef  de  sauvages,  à  Kalm.  Tou- 
jours est-il  que  c'est  ce  dernier  qui  donna  la  première  publicité  à  ce  remède  anii- 


750  lob: 

syplulitique  dont  il  crut  pouvoir  certifier  l'efficacité.  {Description  d'un  spécifique 
contre  le  mal  vénérien,  in  Mém.  de  J'Acad.  de  Stockholm,  XII,  1750,  traduit  du 
suédois  et  inséré  dans  l'ancien  Journal  de  médecine,  t.  XII,  p.  174.)  D'autres  voya- 
geurs vinrent  bientôt  confirmer  ses  éloges.  La  racine  canadienne  était  déclarée 
susceptible  de  guérir  aussi  bien,  sinon  mieux  que  le  mercure,  et  même  encore 
plus  rapidement,  tous  les  symptômes  de  la  syphilis.  Le  traitement  consistait  en 
une  décoction  qui  se  buvait  largement,  en  même  temps  qu'on  l'opposait  localement 
à  toutes  les  manifestations  extérieures  du  mal. 

La  racine  de  Lobelia  syphilitica,  à  faibles  doses,  agit  comme  diurétique,  à 
hautes  doses  comme  éméto-cal  har tique  ;  on  lui  attribuait  aussi  des  propriétés 
sudorifiques.  Peut-être  la  purgatioii  qui  survenait  sous  l'iafluence  de  son  emploi, 
dans  la  méthode  canadienne,  contribuait-elle  à  une  sorte  de  dépuration  dont  béné- 
ficiait la  diathèse  syphilitique.  Néanmoins,  malgi-é  l'appui  donné  à  cette  nouvelle 
médication  vers  le  milieu  du  dix-huitième  siècle,  par  Kalm  et  Linné  en  Suède, 
Havermann  en  Allemagne,  Dupau  en  France  [Journal  de  Paris,  1780),  elle  ne 
put  prévaloir  contre  l'usage  des  mercuriaux  et  finit  par  être  complètement  mise 
de  côté.  Desbois  de  Rochefort  dit  l'avoir  vu  essayer  sans  beaucoup  de  succès.  {Mat. 
méd.,  t.  II.)  Tout  au  plus  serait-il  admissible,  et  quelques  anciens  praticiens  en 
avaient  ainsi  jugé,  que  la  racine  de  lobélic  fût  utile  à  titre  d'adjuvant  dans  les 
traitements  antisyphditiques,  à  l'instar  de  la  salsepareille,  et  susceptible  de  servir 
de  succédanée  ii  celle-ci. 

La  racine  de  lobélie  sypliilitique  se  prescrivait  depuis  15  jusqu'à  30  grammes 
par  jour,  en  décoction,  pour  1  ou  2  litres  d'eau  ;  l'extrait  de  cette  racine,  à  la 
dose  de  10  à  20  centigrammes  par  jovu\ 

0°  La  Lobélie  brûlante,  Lobelia  iirens,  ainsi  nommée  parce  que  le  suc  laiteux, 
acre  et  caustique,  commun  à  toutes  les  lobéHes,  est  dans  celle-ci  plus  abondant 
et  plus  actif  encore  que  dans  les  autres,  a  été,  par  suite  de  cette  activité  même, 
essayée  dans  la  médecine  populaire  de  nos  contrées  contre  les  fièvres  opi- 
niâtres. (Bonté,  ancien  Journal  de  médecine,  t.  XIV,  p.  550.)  Mais  si  parfois 
les  fièvres  ont  guéri,  plus  souvent  sont  survenus  de  graves  accidents  gastro-intes- 
tinaux. 

Bodard  {Cours  de  botanique  comparée,  Paris,  1810, 1. 11,  p.  144)  l'a  conseillée 
comme  succédanée  du  gaïac  et  de  l'espèce  précédente,  L.  syphilitica,  dans  le 
traitement  de  la  syphilis  ;  peut-être  en  effet  son  énergie  supérieure  la  rendrait-elle 
plus  utile  dans  cette  maladie  ;  mais,  même  en  la  dosant  avec  plus  de  réserve, 
peut-être  aussi  courrait-on  plutôt  le  risque  d'accidents  sans  profit,  que  la  chance 
d'avantages  réels. 

C'est  le  suc  laiteux  de  la  lobelia  urens  que  Bodard  conseillait  en  pareil  cas, 
depuis  demi-grain  jusqu'à  un  grain  de  ce  suc,  tempéré  avec  quelque  substance 
acide  ou  mucilagineuse,  en  augmentant  peu  à  peu  suivant  l'effet. 

Quelque  oubliées  que  soient  aujourd'hui  les  deux  plantes  dont  il  vient  d'être 
question  {L.  syphilitica  et  L.  urens),  il  pourrait  être  avantageux  de  les  expéri- 
menter, ne  fût-ce  qu'en  désespoir  de  cause,  contre  certaines  dermatoses  invétérées, 
notamment  les  syphilides,  qui  ont  résisté  aux  pi'éparations  de  salsepareille,  aussi 
bien  qu'aux  autres  altérants  ou  dépuratifs,  tant  végétaux  que  minéraux.  JVous 
dédaignons  peut-être  trop  aujourd'hui,  pour  des  substances  minérales  très-actives 
et  fort  recommandables  sans  doute,  des  plantes  non  moins  actives  qu'ont  su  uti- 
liser nos  prédécesseurs. 

Toxicologie.     Les  lobélies  sont  plus  ou  moins  toxiques.  Leur  suc,  acre  et 


LOBEKA.  751 

corrosif,  agit  localement  comme  poison  irritant;  l'absorption  de  ses  principes  et 
de  ceux  des  autres  parties  de  la  plante  produit  des  phénomènes  généraux,  plus 
graves  encore,  et  dont  les  principaux:  caractères  ont  été  indiqués  en  parlant  de 
Vaction  physiologique  {votj.  plus  haut)  de  la  lobélie  enflée. 

Si  un  cas  d'intoxication  de  cette  nature  se  produisait,  spécialement  par  la  lobélie 
enflée,  il  faudrait  recourir  d'abord  au  tannin  ou  à  une  préparation  tannifère,  afin 
de  tacher  de  précipiter  et  d'amener  à  l'état  de  combinaison  insoluble  la  lobéline 
dans  l'estomac,  puis  faire  vomir. 

Si  les  symptômes  de  l'intoxication  avaient  pris  leur  cours,  on  leur  opposerait 
les  moyens  ordinairement  mis  en  usage  contre  les  accidents  déterminés  par  les 
Solanées,  en  se  guidant  par  ailleurs,  et  comme  dans  tout  empoisonnement,  d'après 
la  nature  des  symptômes  et  l'état  du  malade.  L'analogie  d'action  de  la  lobélie  avec 
le  tabac  autoriserait  à  employer  le  calé,  lequel  est,  dans  une  certaine  mesure,  an- 
tagoniste du  tabac.  Mais  une  analogie  d'action  non  moins  marquée  avec  la  bella- 
done justifierait  l'essai  de  l'opium,  antagoniste  si  remarquable  de  la  belladone; 
il  y  aurait,  en  pareil  cas,  une  intéressante  expérience  à  instituer.  S'il  survenait 
enfin  des  phénomènes  convulsifs  et  tétaniques,  nous  conseillerions,  ainsi  que  contre 
le  strychnisme,  les  inhalations,  soit  de  chloroforme,  soit  d'éther,  et  l'éther  à  hautes 
doses  en  potion. 

Dans  les  expertises  médico-légales,  il  nous  semble  que  l'on  pourrait  se  compor- 
ter, pour  la  recherche  de  la  lobéline,  comme  pour  celle  de  la  nicotine  dans  les  cas 
d'empoisonnement  par  cet  alcaloïde  ou  par  le  tabac.  {Voy.  ces  mots.) 

D.  DE  Savignac. 

liOBÉLl.^E.  Extrait  de  la  lohélia  inflata;  oléagineuse;  très-solublc  dans 
l'eau,  l'alcool  et  l'éther;  en  partie  volatile.  [Voy.  Lobélie.)  â.  D. 

LOBERii.  (Luiz)  ou  Llobera  de  âvila.  Se  trouve  mentionné  par  plusieurs 
historiens  et  bibliographes  sous  ce  nom  de  Avila,  qui  est  celui  d'uue  localité  de 
la  Castille  vieille,  où  il  vint  au  monde  vers  la  fin  du  quinzième  siècle.  On  croit 
qu'il  fit  ses  études  médicales  en  France,  et,  ici,  Morejon,  l'historien  delà  médecine 
en  Espagne,  commet  une  singulière  méprise.  Au  commencement  d'un  livre  sur 
i'anatomie,  Lobera  a  placé  en  note  marginale,  autour  du  texte  espagnol,  pres- 
que tout  le  chapitre  écrit  en  latin  sur  cette  science  par  Guy  de  Chauliac,  et  dans 
lequel  le  chirurgien  de  Montpellier  parle  de  son  maître  Bertruccius  [voy.  Ber- 
TRUCCio).  Morejon,  qui  ne  s'est  pas  aperçu  de  cette  addition,  la  rapporte  à 
Lobera  et  se  demande  sérieusement  quel  peut  être  ce  Bertruccius?,..  Quoi 
qu'il  en  soit;  de  retour  en  Espagne,  Lobera  se  livra  pendant  quelque  temps  à  la 
pratique  de  son  art,  à  Ariza;  mais  bientôt,  appuyé  par  le  crédit  de  don  Juan  de 
Palafox,  il  prit  du  service  dans  les  armées  de  Charles-Quint,  dont  il  parvint  à  cap- 
tiver la  confiance  et  dont  il  devint  le  premier  médecin.  11  suivit  ce  prince  dans  ses 
campagnes  et  dans  ses  voyages  en  Europe  et  même  en  Afrique,  et  rassembla  de 
nombreuses  observations.  Voulant  reconnaître  l'accueil  bien\  cillant  que  lui  avaient 
fait  les  grands  personnages  qui  entouraient  l'empereur,  il  écrivit  un  Traité  des 
maladies  des  gens  de  cour;  il  les  rapporte  à  quatre  principales  qui  sont  :  le  ca- 
tarrhe, la  goutte,  la  pierre  et...  la  maladie  vénérienne,  désignée  sous  le  nom  de 
bubons.  Cette  dernière  partie  est  fort  intéressante;  outre  les  bubons,  dont  il  flùt, 
l'un  des  premiers,  un  des  symptômes  de  la  syphihs,  il  s'occupe  des  abcès  du 
périoste  avec  carie  de  l'os  ;  insiste  beaucoup  sur  l'usage  des  frictions  mercu- 


752  LOBSTEIN  (les). 

rielles  à  l'intervalle  de  deux  jours,  sur  l'utilité  du  gaïac,  etc.  Lobera  a  écrit  sur 
le  ré<^ime,  sous  le  titre  assez  original  de  Banquet  de  cavaliers.  On  ignore  l'époque 
de  sa  mort. 

Il  a  laissé  les  ouvrages  suivants  : 

I.  Remédias  de  cuerpos  humanos,  ysilvadc  esperiencias,  y  otras  cosas  idilissimas.  Alcala 
Je  Ilenarès,  1542,  in-fol.  (C'est  dans  le  livre  I,  qui  traite  de  l'anatomie,  que  se  trouve  l'in- 
tercalation  du  chapitre  de  Guy  de  Chauliac.)  —  II.  Vergel  de  Sanidad,  que per  otro  nombre 
se  llamava,  Banqueté  de  Cahallcros,  etc.  Alcala,  1542,  in-fol.  —  III.  De  pestilencia  Libro 
del  reghniento  preservativo  y  curaUvo,  etc.  A  la  suite  du  précédent,  sans  lieu  ni  date  (pro- 
liablement  à  Alcala,  1542),  in-fol.  —  IV.  Libro  de  las  cuatro  infcrmedades  cortesanas  que 
son  :  Catarro;  gota  artetica,  sciatica  ;  mal  de  Picdra;  y  mal  de  biibas.  Toledo,  1544,  in-fol. 
Trad.  ital.  par  P.  Lauro.  Venezia,  1558,  in-8°.  —  V.  lAbro  de  esperiencias  de  medicina,  y 
muy  agrobado  por  sus  efectos.  Toledo,  15i4,  in-fol.  —  VI.  Libro  de  regimiento  de  la  salud, 
y  de  la  esterilidad  de  los  hombres  y  Meyeres.  Valladolid,  1551,  in-fol.  E.  Bgd. 

liOBES  (Edm.  Vinc.  Guldener  von).  Naquit  à  Pilsen  (Bohème)  en  1765,  et 
prit  le  bonnet  de  docteur  à  Prague  en  1785,  Après  avoir  longtemps  pratiqué 
à  Vienne  où  il  avait  le  titre  de  médecin  pensionné,  il  devint  ensuite  proto-mé- 
decin de  la  Basse-Autriche,  et  mourut  le  3U  mars  1827.  Lobes  était  un  observa- 
teur distingué  ;  on  lui  doit  un  important  travail  sur  la  gale,  dont  il  avait  recueilli 
les  éléments  à  Prague,  dans  la  maison  de  force  de  cette  ville. 

I.  Posifioncs  medicce.  Prag',  1783.  —  II.  Beobachlmigen  ûber  die  Krâtze,  gesammelt  in 
deni  Arbciishause  zu  Prag.  Ibid.,  1791,  in-S",  et  ibid.,  1795,  in-8°.  —  III.  Sammhing  der 
Saniluls-Verordnungcn  fur  das  Herzogthuni  Oesterreich,  etc.,  enlhaltend  die  Vcrordnungen 
vovi  Jahre  1807  bis  Ende  d.  Jahres  1824.  Wien,  1824-1823,  in-8°,  pi.  1.  E.  Bgd. 

LOB§»TEiiv  (Les).  Famille  de  savants  qui  adonné  à  Strasbourg  deux  de  ses 
plus  grandes  illustrations. 

Lobstein  (Jean-Frédéric).  Naquit  le  30  mars  1736  à  Lampertheim,  près  de 
Strasbourg.  Après  de  solides  études  médicales  dans  cette  dernière  ville,  et  qui 
eurent  surtout  l'anatomie  pour  objet,  il  prit  le  bonnet  de  docteur  en  1760,  et  fit 
quelques  voyages  scientifiques  en  France  et  en  Hollande.  Étant  revenu  à  Strasbourg, 
il  commença  des  cours  d'anatomie  et  avec  un  succès  tel,  qu'en  1764  il  fut  nommé 
démonstrateur  public;  quelques  années  après  il  passe  professeur  extraordinaire 
d'anatomie,  en  même  temps  que  la  mort  d'Eisemann  le  mettait  en  possession  de 
la  chaire  de  chirurgie.  Ces  diverses  fonctions  et  la  pratique  civile  occupèrent  tous 
ses  instants  jusqu'à  sa  mort,  arrivée  en  1784;  il  n'avait  alors  que  quarante-huii 
ans. 

Lobstein  était  réputé  pour  son  habileté  comme  chirurgien,  il  avait  surtout 
conquis  une  grande  renommée  pour  ces  opérations  de  la  taille  et  de  la  cataracte, 
que  les  chirurgiens  du  moyen  âge  abandonnaient  aux  opérateurs  ambulants. 
Malgré  la  roideur  de  son  caractère,  l'estime  dont  il  jouissait  était  tellement  pro- 
fonde que,  par  deux  fois,  il  fut  désigné  pour  les  tonctions  de  recteur  de  Tuniver- 
sité  de  Strasbourg,  et  que  dix  fois  il  présida  les  actes  de  la  faculté  de  médecine 
en  qualité  de  doyen. 

Absorbé  par  ses  nombreuses  occupations,  Lobstein  a  peu  écrit  par  lui-même  : 
outre  les  dissertations  qui  lui  servirent  d'actes  probatoires  et  que  nous  allons 
mentionner,  il  avait  composé  des  ouvrages  {Anaiomicœ  institutiones,  et  Commen- 
tarii  physioîogici)  qui  servaient  de  base  à  ses  leçons.  Ces  deux  ouvrages  n'ont 
pas  été  publiés.  Mais  ses  découvertes,  ses  idées  n'ont  pas  été  perdues  pour  cela, 
elles  ont  été  exposées  par  ses  élèves  et  se  trouvent  dans  une  cinquantaine  de 


LOBSTEIN  (i.Es)  753 

thèses  soutenues  sous  sa  présidence.  Des  dissertatious  composées  par  lui  la  pre- 
mière est  intitulée  :  De  prohalis'^ima  extrahendi  calculum  methodo.  Argen- 
torati,  1759,  in-/i°;  et  l'autre,  De  nervo  spinali  ad  pAr  vagum  accessorio,  ibid., 
1760,  in-Zi»  ;  réimprimée  dans  le  Thésaurus  de  Sandifort. 

i^ohMein  (Jean-Frédéiuii-Uaniel).  Fils  du  précédent.  Nous  devons  en  parler, 
bien  qu'il  n'ait  pas  fait  beaucoup  d'honneur  à  la  famille,  parce  que  ses  écrits  ont 
été  confdtidus  par  quelques  bibliographes  avec  ceux  de  son  illustre  cousin,  qui  va 
nous  occuper  bientôt.  Daniel  était  né  à  Strasbourg  en  1777  et  fut  privé,  bien  jeune 
encore  (en  178Zi)  de  l'appui  et  de  la  direction  de  son  père.  Il  remplissait  déjà 
les  fonctions  de  uiédecin  et  d'accoucheur  adjoint  à  l'iiospice  de  Strasbourg,  quand 
il  vint  à  Paris,  au  commencement  ds  ce  siècle,  pour  suivre  les  leçons  d  Alph.  Leroy 
et  de  Baudclocque,  et  se  faire  recevoir  docteur,  dans  cette  même  ville,  le  4  ven- 
démiaire an  XII;  il  élait  alors  membre  de  la  Société  médicale  d'émulation.  Pendant 
toute  la  durée  de  l'cmpive,  il  suivit  les  armécis  en  qualit'i  de  chirurgien  mili- 
taire et  retourna  à  Strasbourg  vers  1815.  Là,  malgré  un  savoir  très-réel,  une 
intelligence  incontestable  et  le  nom  (ju'il  portait,  il  ne  fit  que  végéter.  D'après 
une  note  que  je  dois  à  l'obligeance  de  notre  savant  collaborateur  M.  Tourdes, 
Daniel  Lobstein  s'établit  bandagiste,  mais  son  d'^faut  d'ordre  et  ses  prodigalités  le 
conduisirent  à  la  ruine  ;  il  fit  faillite  et  so  réfugia  eu  Auicriqtie,  à  New-York,  oii 
il  traîna  péniblement  son  CNisteiice  dans  un  état  voisin  de  la  misère,  jusqu'à 
l'époque  de  sa  mort,  vers  1840. 

Il  a  laissé  : 

I.  Leçons  du  cit.  Alph.  Leroy  sur  les  pertes  de  smtfj  pendant  la  grossesse,  lors  et  à  la 
suite  de  l'accouchement.  Paris,  an  IX,  in-8°. —  II.  Dissertation  sur  la  fièvre  puerpérale. 
Thèse  de  Paris,  anXII,  n'ôS. —  III.  Recherches  et  observations  sur  le  phosphore.  ^Xvash., 
1815,  in-S».  —  IV.  Traduction  du  Traité  de  Lœbenstein-Lœbel  sur  l'usage  et  les  effets  du 
vin.  Strasb.,  1817,  in-8°,  et  du  même  auteur,  Tableau  de  la  séméiotique  de  l'œil  à  l'usage 
des  médecins.  Strasb.,  1818,  in-S°, 

Lobstein  (jEAN-GEORGES-CHRÉTiEN-FRÉDÉnic-MARTiî«).  Ncvcu  de  Jean-Frédéric 
et  cousin  du  précédent,  célèbre  chirurgien  et  anatomo-pathologiste,  naquit  à 
Giessen  le  8  mai  1777.  Sa  famille  étant  venue  vers  1790  habiter  Strasbourg,  il  se 
voua,  à  l'étude  de  la  médecine.  Entraîné  par  les  événements  de  cette  grande 
époque,  il  assista,  pendant  quelques  années,  comme  chirurgien  militaire,  aux 
premières  caïupagnes  sur  le  Rhin,  puis  il  revint  à  Strasbourg  oii  il  se  fit  rece- 
voir docteur  en  1802;  il  était  déjà,  depuis  1799,  professeur  à  l'École  de  méde- 
cine de  cette  ville.  En  1804,  il  possédait  le  titre  de  médecin  accoucheur  adjoint 
à  l'hôpital  civil  de  Strasbourg,  titre  qu'il  échangeait  pour  le  grade  de  titu- 
laire en  1806.  Malgré  son  mérite  exceptionnel,  il  succomba,  en  1814,  dans  la 
compétition  de  la  chaire  de  médecine  légale,  devant  un  adversaire  que  recom- 
mandaient surtout  des  titres  antérieurs,  devant  Fodéré.  Cet  échec,  si  c'en  esl 
un,  fut  bientôt  réparé  ;  Cuvier,  juste  appréciateur  des  rares  talents  de  Lobstein, 
fit  créer  pour  lui  la  chaire  de  médecine  légale  oîi  il  monta  en  1819.  Deux  ans 
après,  à  cette  chaire,  il  joignait  celle  de  pathologie  interne,  double  enseignement 
qu'il  mena  de  front  avec  le  même  zèle  et  le  même  succès.  Lobstein  succomba  le 
7  mars  1835,  à  peine  âgé  de  cinquante-huit  ans,  aux  progrès  d'une  maladie  des 
reins  compliquée  d'accidents  diphthériques. 

Lobstein  a  donné  une  vive  impulsion  à  l'anatomie  pathologique  qu'il  envisa- 
geait  d'une  manière  large  et  tout  à  fait  scientifique.  Suivant  lui,  ce  n'est  pas  l'or- 
gane altéré  mort  que  le  médecin  veut  connaître,  c'est  cet  organe  vivant,  agis- 
mCT.  EHC.  2'  s.  II.  •  "  -48 


754  LOCALISATION  MORBIDE. 

sant  et  exerçant  les  fonctions  qui  lui  sont  propres.  11  fait  donc  intervenir  la 
pbysiologie,  c'est-à-dire  Vhisloire  de  la  vie  envisagée  dans  toutes  ses  conditions 
pour  éclairer  les  questions  qui  se  rattachent  à  l'origine  des  maladies  organiques. 
Il  a  ainsi  réuni  l'histoire  biologique  ou  vitale  des  organes  malades  à  leur  histoire 
aualomique.  La  marche  qu'il  a  suivie  est  celle  de  Bichat  :  décomposer  l'organe 
alléré  en  ses  tissus  élémentaires  ou  primitifs,  et,  pour  en  étudier  les  propriétés  vi- 
tales, se  rappelant  celles  qui  appartiennent  à  chaque  tissu,  déterminer  si  ces 
propriétés  étaient  exaltées  ou  affaiblies  ,  perverties  ou  entièrement  éteintes. 
Mais  comme  les  propriétés  vitales,  isolées  dans  les  tissus  primitifs  se  trouvent 
pour  ainsi  dire  noyées  dans  les  propriétés  spéciales  d'organes  dont  la  structure 
est  plus  compliquée,  les  considérations  générales  sur  les  propriétés  des  tissus  pri- 
mitifs seraient  insuffisantes  pour  la  partie  raisonnée  de  l'anatomie  pathologique  et 
incapables  d'en  hâter  les  progrès.  On  n'atteindra  ce  but,  suivant  lui,  qu'en  réunis- 
sant les  observations  cliniques  les  plus  précises  aux  expériences  physiologiques 
les  mieux  constatées. 
On  a  de  Lobstein  : 

I.  Recherches  et  observations  anatomico-physiologiques  sur  la  j^osition  des  testicules  dans 
le  bas-ventre  du  fœtus  et  leur  descente  dans  le  scrotum.  In  Arch.  des  accouchements,  de 
Scliweighauser,  t.  I,  p.  269;  1801,  et  Strasbourg,  1801,  in-8°.  —  II.  Notice  sur  une  distti- 
bution  particulière  des  vaisseaux  du  cordon  ombilical.  Ibid.,  p.  520.  —  III.  Essai  sur  la 
nidriiion  du  fœtus.  Th.  de  Strasb.,  an  X,  n°  11,  in-4°,  pi.  —  IV.  Rapp.  sur  les  travaux 
exécutés  à  Vaniphitliéâtre  d'anatomic  de  Strasbourg  pendant  le  \"  semestre  de  l'an  Xll. 
Strasbourg-,  1805,  in-4°  ;  ibid.,  1804,  in-4''.  —  V.  Nachricht  iiber  eine  Privat-Entbindungs- 
Atistnlt.  In  Siebold,  Lucina,  t.  I,  p.  250,  1803. —  "Vl.  Fragment  d'anatomie  pathologique 
de  l'organisation  de  la  matrice  dans  l'espèce  humaine.  In  Magas.  encyclop.,  an  1805,  et 
Paris  et  Strasb.,  1803,  in-S".  —  VU.  Obs.  anatomico-physiologiques  sur  la  circulation  dit 
sang  dans  l'enfant  qui  n'a  pas  respiré.  Ibid.,  1804.  —  VIII.  Mém.  sur  l'ossification  des 
artères.  In  Mém.  de  la  Soc.  d'agric.  et  des  se.  et  arts.  1811.  —  IX.  Mém.  sur  la  nature  et 
Vimportanee  de  la  sueur  habituelle  des  piicds.  In  Journ.de  Corvisart,  t.  XXXIY,  p.  162; 
1815.  — X.  Note  sur  une  espèce  particulière  d'hémorrliagie  qui  succède  quelquefois  à  l'ac- 
couchement. Ibid,  t. XXXV,  p.  71  ;  1816.  —  XI.  Mém.  sur  la  première  inspiration  de  l'enfant 
nouveau-né.  Ibid.,  p.  298,  —  XII.  Observât,  d'accouchements  recueillies,  etc.  Ibid., 
.  XXXVI,  p.  125,  219  ;  1816.  —  XIII.  Obs.  d'anat.  comparée  sur  le  phoque  à  ventre  blanc. 
Ibid.,  t.  XXXIX,  p.  20;  1817.  —  XIV.  Ann.  cliniques  d'accouchements,  de  maladies  des 
femmes,  etc.  Ibid  ,  t.  XL  et  XLI,  1817.  —  XV.  Sur  l'inclinaison  vicieuse  du  bassin  de  la 
femme  considérée  comme  cause  d'accouchement  laborieux.  In  Bull,  de  la  fac.  de  méd., 
t.  II,  1817  (rapp.  de  Dubois  et  Desormeaux).  —  XVI.  Vues  générales  sur  l'anatomie  patho- 
lorjique.  In  Journ.  compl.  des  se.  méd.,  t  II,  p.  3,  311  ;  1818.  — XVII.  Discours  sur  la 
prééminence  du  système  nerveux  dans  l'économie  animale.  Strasb.,  1821,  in-8'' — XVIII.  De 
nervi  sympathetici  humani  fabrica,  usuet  morbis,  commentalio,  etc.  Paris,  1825,  in-4°,  pi.  10. 
—  XIX.  Handbuch  der  Hebammenkunst  zum  Gebrauche  fur  seine  Vorlcsungen,  etc.  Stras- 
bourg, 1827,  in-S».  —  XX.  Traité  d'anatomie  pathologique.  Strasb.,  1829-33,  2  vol.  in-8'' 
atlas.  —  XXI.  Divers  articles  sur  quelques  points  d'anatomie  pathologique  ou  de  clinique 
dans  le  Répertoire  de  Breschet,  l'article  Trisplanchnique  nerf  dans  le  Dictionnaire  des  se 
méd.,  etc., etc.  E.  Bgd. 

LOCALISATIOI^  MORBIDE.  On  appelle  localisation,  en  pathologie,  la 
d;:termination  d'accidents  en  un  point  particuher  de  l'organisme,  sous  l'influence- 
d'un  état  morbide  antérieur  et  plus  général  ;  soit  que  cet  état  morbide  s'étende  à 
l'économie  toute  entière,  comme  dans  la  diathèse  ;  soit  qu'il  occupe  seulement 
la  totalité  ou  une  grande  partie  de  l'organe  au  sein  duquel  se  produira  consécu- 
tivement une  lésion  circonscrite,  comme  dans  le  cas  d'une  vaste  congestion  pul- 
monaire amenant  ou  laissant  après  elle  un  point  d'hépatisation. 

Le  fait  de  la  localisation  a  servi  de  base  à  une  doctrine  qui  assigne  à  toute  ma  - 
ladie,  quelque  générale  qu'elle  soit,  un  point  de  départ  dans  une  altération  ana- 


LOCHE.  755 

tomique  locale.  C'est,  comme  on  le  voit,  mie  dépendance  delà  doctrine  de  l'ana- 
tomisme.  {Voij.  ce  mot  et  Organicisme.)  A.  D. 

LOCATELU  (Louis).  Né  à  Bergame  dans  le  Lombard-Vénitien,  à  la  fin  du 
seizième  siècle,  célèbre  praticien  de  Milan,  ce  médecin  fut  nn  partisan  enthou- 
siaste de  la  secte  chimique;  aussi  inventa-t-il  plusieurs  remèdes  parmi  lesquels  il 
en  est  un  qui  est  resté  dans  nos  dispensaires.  On  prescrit  encore  quelquefois  au- 
jourd'hui, pour  le  pansement  de  certaines  plaies  de  mauvaise  nature,  le  bamie 
deLocatel,  composé  d'huile  d'olive,  de  cire  jaune,  de  vin  de  Malaga,  de  térében- 
thine, de  santal  rouge  et  de  baume  du  Pérou.  Louis  Locatelli,  qui  sauvait  si  bien 
les  autres  au  moyen  de  son  iatroehimie,  ne  put  cependant  se  préserver  de  la  peste 
qui  l'enleva  à  Gènes,  en  1657,  à  la  fleur  de  l'âge.  On  ne  lui  connaît  que  cet  ou- 


vrage 


Theainim  Arcanorum  ckemicorum,  swe  de  Artc  chemico-medicâ,  Tractatus  exquisitissi- 
mus.  Francof.,  1656,  in-8°.  A.  C. 

Î.OCIIE.     Nom  vulgaire  des  diverses  espèces  de  Limaces. 

LOrnE.  Genre  de  Poissons,  à  chair  comestible,  de  l'ordre  des  malacoptéry- 
giens  abdominaux  et  de  la  famille  des  Cyprinides,  établi  par  Linné,  et  adopté  par 
tous  les  ichthyologistcs.  Les  Loches  ont  le  corps  allongé,  couvert  d'écaillés  très- 
petites,  et  enduit  d'une  matière  gluante;  la  tête  petite,  avec  les  yeux  rapprochés; 
les  lèvres  épaisses,  entourées  d'appendices  charnues  ou  barbillons  ;  des  dents 
pharyngiennes  nombreuses,  disposées  sur  une  seule  série  de  chaque  côté  ;  l'ou- 
verture des  ouïes,  peu  fendue,  ouverte  seulement  jusqu'à  la  nageoire  pectorale; 
enfin,  une  seule  nageoire  dorsale,  la  nageoire  caudale  plus  ou  moins  arrondie  à 
l'extrémité. 

Il  existe  en  France  trois  espèces  de  ce  genre  qui  habitent  exclusivement  les 
eaux  douces.  Ces  poissons,  de  petite  taille,  offrent  un  fait  physiologique  très- 
remarquable,  en  ce  que  la  respiration  branchiale  paraît  être  chez  eux  insuffi- 
sante, et  le  canal  intestinal  remplit  la  fonction  d'un  deuxième  organe  respira- 
toire. Les  Loches  avalant  de  l'air  par  la  bouche  à  la  surface  de  l'eau,  cet  air, 
expulsé  par  l'orifice  anal,  se  trouve  converti  en  acide  carbonique.  Ce  fait,  observé 
sur  la  Loche  d'étang  par  Erman  (de  Berlin),  en  1808,  a  été  confirmé  par 
G.  Bischof  et  par  de  Siebold. 

Les  Loches,  surtout  la  Loche  d'étang,  produisent  une  sorte  de  sifflement, 
dont  la  physiologie  n'a  pas  encore  rendu  compte.  Elles  montent  à  la  surface  des 
eaux  quand  le  temps  est  lourd  et  orageux. 

Loche  franche  [Cobitis  barbatula  Linn.  E.  Blanchard.  Les  Poissons  des 
eaux  douces  de  la  France,  p.  280,  fig.  52  et  55,  1866).  La  plus  commune 
en  France,  connue  sous  les  noms  vulgaires  de  Rion,  Barbotte,  Barbette,  Petit- 
Barbeau,  Franche-Barbotte,  Dormille,  Montode,  Blontelle,  Mulette,  Moustache. 
Corps  allongé,  arrondi,  de  8  à  1 0  centimètres  de  long  ;  tète  assez  massive,  le 
reste  du  corps  avec  des  taches  et  des  points  bruns  irréguliers,  sur  un  fond  d'un 
brun  jaune  clair;  six  barbillons,  deux  à  la  lèvre  supérieure  et  quatre  à  l'infé- 
rieure, les  deux  latéraux  plus  longs  ;  —  se  plaît  dans  les  ruisseaux  et  près  des 
rivages  où  l'eau  est  peu  profonde  ;  très-craintive,  se  cache  au  moindre  bruit  ; 
nourriture  consistant  en  vers,  insectes  aquatiques,  petits  mollusques;  fraie  en 
mars  et  avril. 


756  LOGHNEK  (les  trois). 

Loclie  de  rivière  {Cobitis  tœnia  Linn.  E.  Blanchard,  loc.  cit.,  p.  285,  fig.  54), 
dont  les  noms  vulgaires  sont  Lotte,  Barbotte,  Chatouille,  Satouille,  Grande- 
Montelle.  Corps  comprimé,  de  45  à  18  centimètres  de  longueur;  une  épine 
bjfurquée  et  mobile  en  avant  de  l'œil  de  chaque  côté,  placée  dans  une  petite 
fissure  de  la  peau.  Couleur  jaunâtre,  avec  quatre  séries  de  taches  et  de  points 
noircàlres  en  dessus,  les  plus  grandes  au-dessous  de  la  hgne  latérale;  six  bar- 
billons, moins  volumineux  que  chez  la  Loche  franche.  La  Loche  à  queue  tachetée 
de  Hollande  (C  spilura)  n'est  qu'une  variété  de  cette  espèce  propre  à  la  Mo- 
selle; —  vit  dans  les  eaux  courantes,   bien  moins  commune  que  la  précédente.  ; 

Loche  d'étang  {Cobitis  fossilis  Linn.  E.  Blanchard,  loc.  cit.,  p.  289,  lîg.  55  l 
et  56).  Vulgairement  Misgurne,  Loche  de  marais;  en  Alsace  Miirgrnndel  ou 
Goujon  grondant,  Corps  un  peu  comprimé,  long  de  20  à  25  centimètres,  cou- 
leur d'un  brun  verdàtre  ou  jaunâtre  sur  le  dos  et  la  tête,  avec  deux  larges 
bandes  noirâtres  sur  les  côtés,  une  ligne  plus  étroite  et  brune  au-dessus  des 
précédentes;  dix  barbillons,  quatre  à  la  lèvre  supérieure,  un  à  chaque  commis- 
sure buccale,  et  quatre  très-petits  à  la  lèvre  inférieure  ;  nageoires  peu  dévelop- 
pées relativement  à  la  grosseur  du  corps.  —  Espèce  propre  aux  étangs  de  la 
Lorraine  et  de  l'Alsace,  vit  dans  les  endroits  vaseux,  et  fraye  pendant  les  mois 
d'avril  et  de  mai. 

La  chair  de  la  Loche  franche  est  très-estimée,  elle  est  grasse  et  délicate.  Dans 
certames  contrées  on  engraisse  les  Loclies  avec  du  sang  caillé,  et  on  les  conserve 
dans  des  fossés  ou  de  petites  rivières.  La  Loche  de  rivière  est  coriace  et  difficile  à 
manger,  à  cause  de  ses  nombreuses  arêtes.  {Voy.  Poissons.) 

A.  Labodlbène. 

LOCDER  (Les).  H  y  a  deux  médecins  de  ce  nom  qui  ont  laissé  quelques  ou- 
vrages dignes  d'être  connus. 

Locher  (M.ixiMiLiEN),  médecin  d'un  des  hôpitaux  de  Vienne,  a  publié  : 

I.  Observafiones  practicœ  circà  luem  veneream,  epilepsiam  et  maniam,  et  circà  ciculœ 
usum.  Vienne,  1762,  in-S".  —  II.  Observationes  ■practicœ  circà  inoculât ionem  variolarum  in 
neonatis  instilutam.  Yienne,  17C8,  in-8°. 

Lrocher  (Jeak-Georges),  né  à  Zurich  en  1759,  mort  dans  cette  ville  en  1787, 
après  avoir  été  membre  du  grand  conseil,  a  laissé  ces  deux  opuscules  : 

.1.  Dissertatio  de  secretione  glandularum  in  génère.  Leyde,  1761,  ia-i». —  II.  Verzeich- 
niss  einiger  essbaren  Pflanzen,  die  dem  Landmann  zur  Nahrung  dienen.  Zurich,  1771,  in-S" 

A.  C. 

liOCHIES  (lo^sta,  accouchement;  Xo/eîoç,  qui  a  rapport  à  l'accouchement; 
"ko-xjaz,  temme  en  couches).  Écoulement  sanguinolent  qui  a  lieu  après  l'accouche- 
ment. [Voy.  Couches.)  A.  D. 

LOCHi\ER  (Les  trois) . 

Locimer  (Michel-Frédéric),  le  plus  célèbre,  né  à  Turlh,  près  de  Nuremberg,  le 
28  février  1 662,  mort  le  15  octobre  1720,  s'est  surtout  fait  connaître  par  ses  tra- 
vaux en  botanique;  docteur  d'Altort  (1684),  membre  du  collège  des  médecins  de 
Nuremberg  (1685),  médecin  de  l'hôpital  de  cette  ville  (1712),  membre  de  l'Aca- 
démie des  curieux  de  la  nature,  sous  le  nom  de  Périandre,  il  passa  la  plus  grande 
partie  de  sa  vie  dans  l'étude  des  plantes,  et  Scopoh  lui  dédia,  sous  le  nom  de 
Lochnera  un  genre  placé  aujourd'hui  parmi  les  Apocynées.  On  connaît  de  Michel- 
Frédéric  liOchner  les  ouvrages  suivants  : 


LOCOMOTION.  757 

!..  Disserlalio  de  nymphomania.  Alldorf,  1084,  in-8°.  —  II.  Memoria  J.  Michealis  Fehr , 
AltQorl,  1690,  in-4°.  —  lll.  Mv7/.ov«7ro:£yvioy,  seii  papaver  ex  omni  antiquitate  erutum. 
Nuremb.,  1713,  in-4°.  —  IV.  Mungos  animalculum  et  raâix.  INureinb.,  1715,  in-4°.  —  V. 
Nerium,  seu  rhododaphne  veterum  et  rcccnlïorum,  quo  Ainyci  lauriis,  saccharum  athaschar, 
planta  hadsamur,  et  daphne  comtantiniana  expUeuntiir.  Nuremb.,  1710,  in-i».  —  VI.  De 
Ananasû,  sive  Nuce  pineâ,  indicâ,  vulgo  jnnhas.  Nuremb.,  1710,  in-4°.  —  VII.  Dissertatio 
de  novis  et  exoticis  theœ  et  coffeœ  succedaneis.  Nuremb.,  1717,  in-4".  —  Vlll.  Belilli  indi- 
cum.  Nuremb.,  1717,  in-4°. 

Lochncr  (Jean-IIenri),  fils  du  précédent,  mort  le  2  janvier  1715,  avait  laisse 
un  manuscrit  que  le  père  a  publié  sous  ce  titre  : 
Rariora  Miisœi  Besleriani.  Nuremb.,  1716,  in-fol. 

Loclmer  ( Wolffgang-Jacques)  ,  ne  nous  est  connu  que  par  cette  dissertation  : 

Deprœcipuis  sanguinis  qualitatibus  ad  nutritionem  corporis  humani  facientibus.  llerolds- 
berga-Norico,  1741,  in-4'',  rlanches.  A.  C. 

LOCOMOTION.  Ce  terme  étant  le  plus  général  parmi  ceux  emjiloyés  pour 
designer  les  questions  qui  ressortissent  à  la  mécanique  de  l'être  vivant  dans  les 
actes  de  la  vie  de  relation,  nous  groupons  sous  ce  chef  toutes  les  questions  qui 
se  rapportent  à  ce  vaste  sujet,  comme  celles  qui  auraient  trouve  naturellement 
leur  place  aux  mots  :  attitudes  physiologiques,  station,  mouvement,  équili- 
bre, etc.,  etc. 

I.  Statique  animale  ou  étude  de  L'ÉQuiucnE  de  repos.  1 .  Conditions  sta- 
tiques du  décubitus.  Quand  un  animal,  quadrupède  ou  bipède,  est  couché,  qu'il 
repose  sur  le  sol,  la  masse  de  son  corps,  considérée  comme  un  bloc  inerte,  dont 
la  forme  correspond  à  une  certaine  relation  de  tonicité  entre  son  enveloppe  exté- 
rieure et  le  contenu  de  cette  envaioppe,  se  trouve  en  contact  avec  le  sol  par  une 
proportion  considérable  de  sa  surface,  proportion-  en  rapport  elle-même  avec  la 
l'orme  de  la  masse. 

Le  maintien  de  ces  rapports  de  contact  n'a,  comme  pour  un  corps  inanimé, 
d'autres  facteurs  que  la  gravité  d'une  part,  les  frottements  qu'elle  développe  sur 
la  surface  d'appui,  et  de  l'autre,  la  tonicité  de  tissu  des  éléments  qui  froment  le 
corps  animé. 

Aucune  force  active,  développée  sous  l'influence  de  l'instinct  ou  de  la  volonté, 
n'intervient  dans  ce*  équilibre,  entièrement  passif 

Tel  est  le  décubitus. 

La  position  que  prennent  les  animaux  en  se  couchant  est  extrêmement  variée  ; 
les  modifications  qu'elle  présente  permettent  de  distinguer  trois  espèces  princi- 
pales de  décubitus,  savoir  :  le  décubitus  sternal,  le  décubitus  sterno-costal  et  le 
décubitus  latéral  comprenant  plusieurs  variétés. 

Quant  au  décubitus  dorsal,  il  est  presque  exclusif  à  l'homme,  à  cause  de  l'apla- 
tissement de  la  poitrine  et  la  largeur  du  dos  et  des  reins,  conditions  qui  manquent 
à  la  généralité  des  autres  animaux. 

L'attitude  du  décubitus  n'est  pas  également  fréquente  ni  prolongée  dans  toutes 
les  espèces.  Les  carnassiers,  les  ruminants  se  couchent  très-souvent,  surtout 
après  le  repas  ;  le  cheval  et  les  autres  sohpèdes,  à  de  rares  intervalles  ;  l'éléphant 
peut  rester  debout  pendant  des  mois  entiers.  Nous  ne  parlons  pas  des  animaux 
dont  l'attitude  de  repos  diffère  le  plus  souvent  du  décubitus.  (Colin.) 

2.  De  la  station  droite  chez  les  animaux.  De  cette  situation  passive,  l'ani- 
mal veut  passer  à  une  attitude  active,  point  de  départ  de  tous  les  actes  de  sa  vie 
de  relation.  11  s'élève  alors  du  dccubitus  à  la  station. 


758  LOCOMOTION. 

Cette  station  est  quadrupède  (ou  quadrupédale,  si  l'on  aime  mieux) ,  bipède, 
dans  certains  cas  même,  unipède.  A  l'instant  où  l'animal  se  dispose  à  réaliser  ce 
changement  dans  son  attitude,  il  se  trouve  en  présence  d'une  force  qu'il  doit 
vaincre,  la  pesanteur.  Comme  moyens  de  lutter  contre  cette  force  et  de  lui  faire 
équilibre,  il  a  ses  membres,  c'est-à-dire  des  leviers  (os),  diversement  disposés,  aux- 
quels sont  appliquées  des  forces  d'une  espèce  particulière  (muscles). 

L'objet  de  ce  chapitre  est  d'exposer  les  conditions  de  cette  lutte  et  comment 
en  résulte  la  station  droite  en  équihbre. 

Voyons  d'abord  ce  qui  se  passe  du  côté  de  la  pesanteur  ou  de  la  résistance. 

5.  Du  centre  de  gravité  en  général.  Toutes  les  molécules  égales  d'un  corps 
pesant  pouvant  être  considérées  comme  solhcitées  par  de  petites  forces  égales, 
parallèles  et  de  même  sens,  on  étend  aux  forces  qui  proviennent  de  la  gravité  les 
lois  qui  conviennent  aux  forces  parallèles  appliquées  à  un  assemblage  de  points 
liés  entre  eux  d'une  manière  invariable. 

La  première  de  ces  lois  consiste  en  ceci,  que  la  résultante  de  toutes  les  forces 
parallèles  de  la  pesanteur  leur  est  parallèle,  c'est-à-dire  est  verticale. 

En  second  lieu,  elle  est  égale  à  leur  somme. 

On  sait  enfin  que  tout  système  de  forces  parallèles  a  un  centre,  c'est-à-dire  un 
point  unique,  par  lequel  passent  continuellement  leurs  résultantes  successives 
lorsque  l'on  incline  successivement  tout  le  groupe  de  ces  forces  dans  diverses 
positions  :  il  s'ensuit  qu'il  existe  toujours,  pour  un  corps  pesant,  un  point  unique 
par  lequel  passe  continuellement  la  direction  du  poids,  lorsque  l'on  tourne  suc- 
cessivement le  corps  dans  diverses  positions  à  l'égard  du  plan  horizontal. 

Ce  point  unique,  par  lequel  passe  toujours  la  direction  du  poids,  quelle  que 
soit  la  position  du  corps  à  l'égard  du  plan  horizontal,  se  nomme  le  centre  de 
gravité. 

4.  De  Faire  ou  base  de  sustentation.  Un  corps  pesant  n'est  en  équilibre 
vis-à-vis  de  la  gravité  ,  autrement  dit  en  repos,  qu'autant  que  la  verticale,  pas- 
sant par  son  centre  de  gravité,  rencontre  sa  surface  de  contact  avec  le  sol  ou  le 
support  horizontal  —  au  cas  où  cette  surface  est  continue,  —  ou  tombe  dans  l'in- 
térieur du  polygone-,  sans  angles  rentrants,  qui  encadre  les  différents  points 
d'appui  du  corps,  s'ils  sont  multiples. 

On  comprend  en  effet  que,  s'il  en  était  autrement,  au  moment  même  où  le 
centre  de  gravité  cesserait  d'être  soutenu,  le  corps  basculerait  autour  du  dernier 
élément  rectiligne  de  son  périmètre  de  contact  avec  le  sol  ou  le  support. 

La  surface  du  polygone,  sans  angles  rentrants,  qui  embrasse  tous  les  points 
d'appui  du  corps  sur  le  sol  ou  le  support  horizontal,  s'appelle  «  Vaire  ou  la  base 
de  sustentation.  » 

La  condition  d'équilibre  qui  permettra  la  station  droite  se  formulera  donc,  au 
point  de  vue  de  la  pesanteur,  comme  il  suit  : 

«  La  ligne  de  gravité  doit  tomber  dans  l'intérieur  de  la  base  de  sustentation.  » 

5.  Ce  qu'est  le  vertébré  au  point  de  vue  mécanique.  Considéré  au  point 
de  vue  des  forces  qui  doivent  faire  équilibre  à  l'action  de  la  gravité,  le  corps  du 
vei^tébré  représente  un  ensemble  de  leviers  se  fournissant  mutuellement  appui,  et 
susceptibles  de  se  déplacer  les  uns  sur  les  autres  dans  des  limites  angulaires  données. 

Ces  leviers  sont  constitués  parles  os. 

Autour  de  ces  leviers  se  trouvent  disposées  les  forces  destinées  à  les  mouvoir. 
Appliquées,  dans  la  plupart  des  cas,  en  long  tout  autour  d'eux,  par  suite  du  plan 
même  de  la  construction  de  l'animal,  ces  forces  sont  généralement  insérées  à  l'os 


LOCOMOTION.  750 

qu'elles  doivent  mouvoir,  sous  des  angles  très-aigus.  Cette  disposition,  très-favo- 
■rable  sous  le  rapport  de  l'étendue  du  mouvement  produit  ou  de  l'arc  parcouru 
par  l'extrémité  mobile  du  levier,  est,  au  contraire,  très-peu  avantageuse  sous  le 
rapjiort  du  bras  de  levier  de  la  puissance  ou  de  l'intensité  d'action  que  doit 
déployer  la  force  motrice. 

Quoi  qu'il  en  soit,  ces  leviers  et  ces  forces  sont  les  instruments  au  moyeu  des- 
quels l'organisme  devra  faire  équilibre  à  l'action  de  la  pesanteur,  la  tenir  en  écliec, 
pour  réaliser  la  condition  de  statique  qui  vient  d'être  formulée,  et  celles  de  dyna- 
mique que  nous  aurons  à  étudier  à  leur  tour. 
Ces  forces  ne  sont  d'ailleurs  que  d'une  espèce. 

On  peut  les  envisager  comme  on  ferait  de  cordes  susceptibles  de  distension 
passive  de  la  nature  de  l'élasticilé,  et  de  contraction  active  ou  faculté  de  raccour- 
cissement spontané,  déterminée  par  un  inlïux  nerveux  placé  sous  l'influence  de 
la  volonté,  de  l'instinct  ou  des  actions  réflexes. 

Le  levier  ou  os,  placé  partout  entre  des  forces  musculaires  disposées  en  rela- 
tion mutuelle  d'antagonisme,  prend,  en  toute  circonstance,  une  situation  déter- 
minée par  le  degré  de  la  contraction  ou  du  raccourcissement  actifs  de  certains 
groupes  de  muscles  et  la  distension  passive  ou  tonicité  des  groupes  musculaires 
opposés. 

L'existence  d'un  certain  état,  dit  «  de  situation  fixe  des  muscles  »  et  dans 
lequel  la  situation  d'équilibre  des  leviers  animés  pourrait  être  produite  par  une 
sorte  de  répulsion  moléculaire  se  manifestant  dans  le  muscle  en  sens  contraire  de 
son  raccourcissement,  et  comme  par  une  élongation  active,  ne  repose  sur  aucun 
fait  d'observation.  C'était  là  une  simple  production  de  l'esprit  d'induction  sco- 
lastique. 

Nous  allons  faire  toucber  du  doigt  cette  vérité  en  jetant  un  coup  d'œil  sur  les 
forces  motrices  reconnues  aujourd'hui  comme  seules  aptes  à  naître  et  à  se  mani- 
fester dans  l'organisme  vivant. 

6.  De  la  force  motrice  animale.  La  biologie  ne  nous  révèle  que  trois  états 
qui  réalisent  le  mouvement  dans  la  série  animale  :  le  mouvement  sarcodique  ou 
cellulaire,  ou  brownien  ;  le  mouvement  vibratile  ou  ciliaire  ;  le  mouvement  mus- 
culaire. 

Les  deux  premiers,  du  domaine  exclusif  de  la  vie  de  nutrition  ou  animale,  se 
passent  dans  les  cellules  ou  à  la  surface  des  épithéliiims,  et  ne  se  manifestent 
point  par  des  déplacements  ou  translations  de  l'animal,  ou  des  modifications  dans 
l'attitude  de  son  ensemble.  Nous  ne  nous  en  occuperons  donc  point  dans  cet  ar- 
ticle oii  l'unique  objet  en  vue  est  la  locomotion  pi'oprenient  dite  de  l'animal. 

Celle-ci  est  sous  la  dépendance  exclusive  du  système  musculaire. 

Toute  machine  est  un  levier  ou  une  association  de  leviers.  La  machine  vivante 
offre  pour  leviers  les  os,  son  squelette;  pour  forces  motrices,  le  système  musculaire. 

Chaque  levier  ou  os,  avons-nous  dit,  se  trouve  constamment  sollicité  en  diffé- 
rents sens  par  différents  groupes  de  muscles,  et  la  direction  qu'il  affecte  alors  est 
la  résultante  de  ces  actions  diverses. 

Ces  actions  sont  de  deux  sortes,  suivant  que  l'animal  (ou  le  levier  que  l'on 
considère)  est  au  repos  ou  en  mouvement. 

La  propriété  du  tissu  musculaire  qui  maintient  chaque  levier  dans  l'équilibre 
de  repos  consiste  en  une  sorte  de  tension  permane^ite  du  tissu  ;  c'est  une  force 
de  la  nature  de  l'élasticité,  mais  d'une  élasticité  vivante,  car  elle  disparaît  par  la 
mort  du  sujet  ou  du  muscle  sur  lequel  on  l'a  constatée.  On  la  met  en  évidence 


760  LOCOMOTION. 

par  la  section  du  muscle  :  on  voit  alors  les  deux  bouts  libres  de  la  corde  muscu- 
aire  s'éloigner  l'un  de  l'autre.  Elle  se  manifeste  encore  spontanément  dans  les 
paralysies  à  divers  degrés,  par  le  mouvement  qu'impriment  alors  au  levier,  sans 
intervention  de  la  volonté,  les  muscles  antagonistes  de  celui  paralysé. 

La  tonicité,  c'est  ainsi  qu'on  l'appelle,  consiste  donc  en  une  tendance  au  rac- 
courcissement, constante,  insensible,  involontaire,  cessant  avec  la  vie  du  sujet  et 
du  tissu,  en  même  temps  que  toutes  les  propriétés  physiologiques  de  ce  tissu. 

L'étatd'équilibre  de  repos  fait  place  à  l'équilibre  de  mouvement  ou  dynamique, 
lors  de  l'intervention  de  la  seconde  propriété,  éminemment  sensible,  de  la  fibre 
musculaire  :  la  contractilité  active. 

Cette  contractilité  consiste  dans  le  raccourcissement  plus  ou  moins  marqué  de 
la  longueur  du  muscle,  avec  augmentation  correspondante  de  son  épaisseur  ;  c'est 
une  corde  qui  se  raccourcit  sous  l'influence  d'un  excitant,  comme  la  volonté, 
ou  tout  centre  d'influence  nerveuse,  comme  les  actions  réflexes  sympathiques  ou 
synergiques.  Des  excitants  physiques  sont  également  de  nature  à  la  faire  apparaître, 
l'excitation  électrique,  par  exemple,  la  chaleur,  de  petits  coups  répétés,  etc. 

En  dehors  de  ces  deux  propriétés,  actives  sous  des  formes  et  à  des  degrés  di- 
vers, le  muscle  possède  en  outre  une  certaine  élasticité  physique  que  montrera 
encore  le  tissu  privé  de  vie. 

Voilà  les  forces  dont  les  os  seront  les  leviers,  formule  de  tout  système  de 
mécanique. 

La  contraction  musculaire,  dans  son  mode  élémentaire,  est  un  acte  instantané, 
une  pure  secousse.  Cette  contraction  n'acquiert  l'apparence  et  les  effets  d'un  acte 
de  quelque  durée  que  par  la  fusion  de  secousses  successives  qui  disparaissent  les 
unes  dans  les  autres,  lorsqu'il  s'en  produit  plus  d'une  trentaine  par  seconde. 
(Marey.) 

Le  type  le  plus  élevé  de  cet  état  ne  serait  autre  chose  que  le  tétanos. 

Il  semble  r''sulter  de  là  que  la  contrdctilité  ne  serait  que  la  secousse  imprimée 
à  .a  lonicité,  propriété  vitale  et  permanente,  par  la  cause,  volonté  ou  autre,  agis- 
sant sur  l'irritubilité  musculaire. 

La  tonicité  est  donc  la  véritable  base  de  la  mécanique  animale,  contenant  à  la 
lois  son  régulateur  et  son  principal  moteur;  sur  elle  repose  l'équilibre  perma- 
nent, stable.  Les  effets  de  la  continuité  d'action  sur  cette  propriété  sont  peu  ou 
point  marqués.  La  fatigue  paraît  ne  suivre  directement  que  la  contractilité,  c'est- 
à-dire  les  secousses  prolongées  et  répétées.  On  peut  observer  la  difiérence  de  ces 
deux  états  dans  la  façon  dont  les  muscles  obéissent  à  la  volonté  ou  réagissent  contre 
l'électricité,  soit  après  ou  avant  un  long  exercice,  soit  après  une  série  plus  ou 
moins  longue  de  secousses  tétaniformes  provoquées  artificiellement. 

Ces  dernières,  outre  le  sentiment  de  fatigue  et  d'accablement  qu'elles  laissent 
après  elles,  ont  en  outre  rendu  le  tissu  impropre  à  obéir,  avant  pinson  moins  de 
temps  de  repos,  à  de  nouvelles  excitations. 

L'absence  du  sentiment  de  fatigue  se  reconnaît  au  contraire  dans  l'absence  de 
sensation  inhérente  à  la  contraction  permanente  (tonique)  de  certains  muscles  : 
les  sphincters,  par  exemple. 

Le  mouvement,  déterminé  par  la  contraction  musculaire,  se  rattache,  comme 
tous  les  autres  effets  de  ce  même  ordre,  à  la  loi  générale  de  l'équivalence  des 
forces  physiques.  Les  muscles,  l'analyse  moderne  le  démontre  chaque  jour 
plus  positivement,  transforment,  au  moment  de  leur  contraction,  en  travail  mé- 
canique la  chaleur  produite  dans  les  phénomènes  de  combustion  connus  sous  le 


Fis 


LOCOMOTION.  701 

nom  de  respiration  musculaire.  En  un  mot,  le  muscle  n'est  qu'une  machine  des- 
tmée  à  convertir  l'énergie  potentielle  (de  la  chaleur)  en  travail  mécanique.  A  ce 
pomt  de  vue,  la  machine  animée  ne  diffère  point  des  autres  machines,  et  a  sa 
place,  comme  organe  intermédiaire  dans  les  échanges  ou  transformations  de 
forces  qui  composent  le  système  du  monde. 

1.  Équilibre  en  station  des  quadrupèdes.  Quand  nous  regardons  un  qua- 
drupède debout,  dans  l'immobilité,  nous  observons  que  l'axe  de  son  tronc  est 
plus  ou  moins  horizontal, 
sa  tète  suspendue  soit  re- 
dressée, soit  pendante,  à 
l'extrémité  et  dans  le  pro- 
longement de  cet  axe,  et 
que  le  tout  repose  sur  quatre 
membres  qui  sont  tout  au- 
tre chose  que  des  colonnes 
droites  (fi g.  1). 

Envisagés  d'une  manière 
générale,  ces  quatre  mem- 
bres représentent  une  série 
de  leviers  coudés  en  zig- 
zags ,  c'est-à-dire  faisant 
chacun  avec  le  précédent 
(et  le  premier  avec  le  tronc,  comme  le  dernier  avec  le  sol)  nu  angle  très-accusé  sur 
l'horizontale  ou  sur  la  verticale.  D'après  les  principes  de  la  statique,  le  poids  du 
corps,  partagé  suivant  une  certaine  loi  entre  les  quatre  sommets  de  ces  supports, 
est  transmis  par  chacun  d'eux,  d'articulation  en  articulation  pour  arriver  ainsi 
intact  au  sol  lui-même.  Nous  supposons  ici,  il  est  sous-entendu,  les  membres 
eux-mêmes  sans  pesanteur. 

Cette  loi  de  partage  du  poids  du  corps  entre  les  soumiets  des  quatre  membres 
est  une  loi  exclusivement  géométrique,  et  qui  règle  la  part  de  chacun  d'eux,  sui- 
vant la  raison  iirverse  de  sa  distance  au  centre  de  gravité  du  troue. 

Nous  venons  de  dire  tout  à  l'heure  (§  5)  que,  dans  toute  circonstance,  un 
levier  quelconque  du  corps  affectait  une  position  déterminée  par  l'antagonisme 
des  groupes  musculaires  destinés  à  le  mouvoir. 

Dans  le  cas  qui  nous  occupe,  le  degré  de  flexion,  l'angle  d'un  des  articles  de 
membre  sur  le  suivant,  angle  qui  demeure  constant,  pendant  tout  le  temps,  sou- 
vent fort  long,  que  dure  cette  attitude  de  l'animal,  cet  angle,  disons-nous,  est 
déterminé  par  la  lutte  établie  entre  les  forces  qui  tendraient  à  l'ouvrir  et  celles 
qui  tendent  à  le  fermer.  Les  forces  qui  tendent  à  fermer  ces  angles  ont  reçu  le 
nom  de  fiéchissantes  (muscles  fléchisseurs)  ;  celles  qui  tendraient  au  contraire  à 
les  ouvrir,  sont  dites  extensives  (muscles  extenseurs) . 

Aux  forces  naturelles  de  la  flexion  se  joint  évidemment  la  pesanteur  :  il  est 
visible  qu'elle  aussi,  en  se  transmettant  intacte  d'articulation  en  articulation, 
aurait  pour  effet  la  fermeture  et  non  rou\erture  de  ces  angles. 

Il  suit  de  là  que  chacun  de  ces  états  statiques  est  la  résultante  de  l'équilibre 
entre  les  forces  extensives  d'une  part,  et  de  l'autre  les  muscles  fléchisseurs  unis 
à  la  pesanteur. 

En  aucun  point,  si  ce  n'est  à  quelques  exceptions  près,  entre  les  deux  articles 
successifs  constitués  par  le  cubitus  et  le  canon,  il  n'y  a  transmission  directe,  et 


762 


LOCOMOTION. 


suivant  la  longueur  de  l'os,  du  poids  supérieur  à  l'os  inférieur.  Mais  on  remar- 
quera que  de  part  et  d'autre,  en  deçà  et  au  delà  de  ces  extrémités,  le  poids  est 
communiqué  à  angle  ouvert  dans  le  même  sens,  la  pesanteur  agissant  encore 
à  ces  deux  extrémités  comme  une  force  fléchissante. 

La  transmission  du  poids  du  tronc  au  sol  a  donc,  en  définitive,  lieu  par  l'inter- 
médiaire de  cordons  élastiques,  absolument  comme  le  poids  de  la  caisse  d'une 
voiture  à  quatre  roues  est  transmis  à  ces  supports  par  l'intermédiaire  de  l'élas- 
ticité des  ressorts  sur  lesquels  elle  est  suspendue. 
Nous  reviendrons  ultérieurement  sur  ce  point. 

8.  Passage  de  la  station  sur  quatre  pieds  à  la  station  bipède  considérée  au 
point  de  vue  statique.  Dans  tous  les  états  d'équilibre  en  station  droite,  l'animal 
pourra  exécuter  tous  mouvements  que  lui  suggérera  l'instinct  de  sa  défense  ou 
des  nécessités  diverses  qui  le  presseront,  c'est-à-dire  donner  aux  articles  succes- 
sifs qui  forment  son  squelette  toutes  les  inclinaisons  mutuelles  compatibles  avec 
la  condition  fondamentale  de  son  équilibre,  à  savoir,  le  maintien  constant  de 
son  centre  de  gravité  sur  une  verticale  tombant  dans  l'aire  de  sustentation. 

Supposons  par  exemple  que,  cédant  à  un  caprice  ou  une  inspiration  quel- 
conques, le  quadrupède  éprouve  le  besoin  de  se  dresser  sur  ses  pieds  de  derrière. 
Il  pourra,  à  cet  effet,  rapprocher  graduellement  les  quatre  extrémités  de  ses 
memlires  l'une  de  l'autre,  de  façon  à  mettre  les  deux  sabots  antérieurs  en  con- 
tact par  leur  partie  postérieure  avec  la  pointe  des  sabots  postérieurs.  11  réduira 
ainsi  son  aire  de  sustentation  à  un  rectangle  égal  à  la  somme  des  surfaces  des 
quatre  sabots  juxtaposés,  et  pourra  demeurer  encore  en  équilibre,  s'il  a  soin, 
dans  cette  nouvelle  attitude,  de  maintenir  sa  ligne  de  gravité  dans  ce  petit  rec- 
tangle formé  par  les  quatre  sabots  (cette  attitude  est  celle  d'un  cheval  qui  se 
sent  glisser).  Jlaintenant  le  moindre  mouvement,  le  moindre  changement  dans 
les  relations  mutuelles  des  leviers  sustentateurs,  va  lui  permettre  défaire  passer 
la  ligne  de  gravité  dans  la  surface  moitié  moins  grande  offerte  par  les  deux  sa- 
bots postérieurs  :  et  s'il  sait 
s'y  maintenir,  il  pourra  faire 
abandonner  à  ses  membres 
antérieurs  leur  contact  avec  le 
sol. 

Le  voilà  dressé,  le  voilà  en 
état  de  se  cabrer.  En  cet  état, 
il  pourra  même  donner  à  ses 
leviers  toutes  les  inclinaisons 
mutuelles  compatibles  avec 
leur  étendue  et  celle  de  leurs 
surfaces  articulaires,  se  main- 
tenir même  droit  sur  ses  deux 
pieds  de  derrière,  en  prenant 
soin  d'obéir  toujours  à  cette 
seule  condition  de  maintien 
de  la  ligne  de  gravité  dans  l'aire  réduite  de  sa  sustentation  (fig.  2). 

Dans  cette  nouvelle  situation,  comme  dans  la  première,  l'équilibre  qui  la  ré- 
sume est  toujours  l'équivalence  d'action  entre  les  puissances  extensives  d'une  part, 
et  de  l'autre,  les  forces  fléchissantes  unies  à  la  pesanteur. 

Or,  plus  est  grand  l'angle  de  chaque  article  avec  la  verticale,  plus  est  grande 


LOCOMOTIOî^.  765 

ia  puissance  de  la  pesanteur  agissant  à  l'extréniité  de  cet  article,  plus  devra  donc 
être  énergique  l'action  antagoniste  développée  par  l'extenseur  de  cet  article. 

Le  minimum  d'effort  imposé  à  ces  puissances  correspondrait  donc  à  la  nullité 
desdits  angles,  c'est-à-dire  à  la  transmission  du  poids  eu  ligne  droite  d'un  levier 
sur  l'autre  et  dans  le  sens  de  sa  longueur. 

Suivant  le  degré  d'ouverture  de  ces  angles  successifs,  l'animal  occupera  soit 
l'attitude  active  désignée  sous  le  nom  du  «  cabrer  » ,  soit  la  station  bipède  de 
l'oiseau,  dont  les  articles  demeurent  plus  ou  moins  inclinés  les  uns  sur  les  autres, 
soit  enfui  la  station  bipède  de  l'Iioimne,  dans  laquelle  les  articles  de  sustentation 
se  rapprochent  plus  ou  moins  du  prolongement  rectiligue  suivant  la  verticale. 

Dans  les  deux  premiers  cas,  un  plus  ou  moins  grand  déploiement  de  force  est 
imposé  aux  extenseurs  ;  dans  le  dernier,  cette  action  se  rapproche  du  iiiiiiinium 
ou  peut  l'atteindre,  si  la  transmission,  exactement  rectiligue  suivant  les  éléments 
osseux  eux-mêmes  est  réalisable. 

9.  Influence  de  la  station  sur  la  forme  du  pied.  Les  diverses  conditions 
de  la  station  doivent  se  révéler  dans  celles  à  remplir  par  la  base  de  sustentation. 

Dans  l'aire  formée  par  quatre  points  d'appui,  la  solidité  de  maintien  offre  tous 
les  avantages  possibles  eu  égard  à  la  vaste  surface  offerte  à  la  projection  verticale 
du  centre  de  gravité.  Il  importe  donc  fort  peu  que  l'extrémité  de  contact  de 
l'animal  soit  développée  ou,  au  contraire,  étroite.  Se  réduisît-il  à  un  point,  l'élé- 
ment de  contact  déterminerait  néanmoins  une  surface  de  même  étendue.  Los 
extrémités  des  membres  ou  pieds  peuvent  donc  être  très-déliés  chez  les  quadru- 
pèdes. 

Dans  l'attitude  bipède,  au  contraire,  pour  que  le  maintien  puisse  avoir  stabilité, 
la  surface  de  sustentation  ne  peut  plus  être  indépendante  de  l'étendue  de  l'élé- 
ment de  contact.  Les  extrémités  des  membres  intérieurs  doivent  être  plutôt  no- 
tablement développées  dans  le  sens  antéro-postérieur,  direction  générale  des 
mouvements  de  locomotion. 

L'observation  consacre  cette  remarque  :  les  quadrupèdes  ont  généralement  de 
petits  sabots  quelquefois  pointus.  Les  bipèdes  offrent  des  pieds  ou  des  pattes  pré- 
sentant de  grandes  dimensions  dans  le  sens  antéro-postérieur. 

10.  Position  du  centre  de  gravité  chez  l'homme.  Le  corps  humain,  étant 
traité  comme  une  masse  inerte,  suivant  les  conditions  expérimentales  de  la  for- 
mule du  paragraphe  3,  c'est-à-dire  mis  en  équilibre  sur  un  appui  ferme  représentant 
un  fléau  de  balance,  on  trouve  que  le  centre  de  gravité  est  situé  dans  un  plan  per- 
pendiculaire à  l'axe  du  corps  et  qui  diviserait  la  dernière  vertèbre  lombaire  vers  la 
moitié  de  son  corps,  c'est-à-dire  à  une  hauteur  de  I  centimètre  environ  au-dessus 
du  promontoire.  (Borelli.) 

On  a  reconnu  encore,  par  des  expériences  non  moins  précises,  que  la  distribu- 
tion de  sa  masse  en  poids  égaux  relativement  à  un  plan  vertical,  qui  couperait  le 
orps  humain  en  deux  parties,  l'une  antérieure,  l'autre  postérieure,  se  ferait  sui- 
ant  un  plan  qui  passerait  par  le  trou  occipital,  couperait  les  quatre  premières 
vertèbres  supérieures,  les  quatre  premières  vertèbres  lombaires,  en  passant  enfin 
aar  l'axe  de  suspension  du  tronc  sur  les  tètes  fémorales.  D'autre  part,  la  symétrie 
Iroite  et  gauche  du  corps  lui  assigne  un  plan  médian  vertical,  qui  comprend  tous 
es  centres  de  symétrie  ;  ce  plan  contient  donc  aussi  le  centre  de  gravité  qui,  dès 
ors,  se  trouve  au  point  d'intersection  commune  de  ces  trois  plans.  (D'après 
ïV'eber,  si  l'on  sépare  du  tronc  les  deux  membres  inférieurs,  le  centre  de  gravité 
•emonterait  au  niveau  de  l'extrémité  inférieure  du  sternum.) 


764 


LOCOMOTION. 


1 1 .  Station  droite  chez  l'homme  :  conditions  de  l'équilibre  instable  et  de 
V équilibre  stable.  Cette  détermination  du  centre  de  gravité  du  corps  humain 
répond,  avec  toute  l'exactitude  que  comporte  la  côBsidération  d'éléments  aussi 
mobiles  que  ceux  qui  composent  l'organisme  vivant,  à  une  position  très-voisine 
de  celle  qu'il  occupe  en  réalité  dans  la  station  droite. 

Au  lieu  dont  il  s'agit,  c'est-à-dire  à  1  centimètre  environ  au-dessus  de  Taxe 
commun  des  têtes  fémorales,  et  dans  le  plan  médian  du  corps,  il  semble  devoir 
être  tenu  aisément  en  équilibre,  par  l'un  des  procédés  suivants  : 

Ou  bien,  placé  exactement  au-dessus  de  la  ligne  de  suspen- 
!  sion  du  tronc  sur  les  têtes  fémorales,  il  serait  maintenu  dans 

cette  position  oscillante  })ar  la  lutte  la  plus  éveillée,  la  plus 
attentive  des  extenseurs  et  des  fléchisseurs,  chaque  groupe  se 
montrant  alerte  à  le  ramener  dans  sa  situation,  s'il  s'en  écarte 

(fig-  5). 

C'est  l'équilibre  instable  des   géomètres  ;  ou  bien,  en  le 

supposant  porté  habituellement  quelque  peu  en  avant  de  cette 
ligne  de  suspension,  la  gravité  aurait  pour  antagoniste  lacon- 
Iraction  active  des  extenseurs  du  tronc  sur  les  fémurs,  agis- 
sant sur  l'extrémité  opposée  du  levier. 

Cela  serait  un  équilibre  plus  stable,  mais  évidemment 
producteur  d'une  grande  fatigue  dans  ces  muscles  continuelle- 
ment en  jeu. 

12.  De  la  station  sur  la  pointe  des  pieds.  La  station 
sur  la  pointe  des  pieds  peut  être  prise  pour  le  type  de  la  station 
droite  en  équilibre  instable,  fondée  sur  une  lutte,  une  situa- 
tion antagonistique  permanente  et  attentive  des  fléchisseurs  et 
des  extenseurs. 

D'une  part,  en  effet,  le  corps  est  dans  son  maximum  d'ex- 
tension possible  ou  de  rectitude.  La  ligne  de  gravité  qui  suit 
le  long  du  tronc  et  jusqu'aux  cavités  cotyloïdes,  le  chemin 
dessiné  plus  haut  (§10),  n'est  susceptible  d'aucune  oscillation 
qui  n'entraîne  le  corps  dans  un  sens  ou  dans  l'autre. 

Quoiqu'il  puisse  se  passer  dans  les  articulations  supérieures, 
il  est,  dans  cette  attitude,  au  moins  une  articulation  qui  té- 
moigne manifestement  de  la  contraction  active  des  extenseurs  : 
c'est  l'articulation  tibio-tarsienne.  Ici,  il  n'est  pas  besoin  de 
discussion  ;  l'extenseur  de  l'articulation  est  dans  un  état  vio- 
lemment actif. 

,'  D'autre  part,  la  base  de  sustentation,  formée  de  deux  petits 

pj^_  5  triangles  à  sommets  antérieurs  et  à  base  postérieure  (les  trian- 

gles formés  par  le  gros  orteil  et  les  tètes  des  métatarsiens) , 
est  réduite  à  son  minimum.  La  moindre  défaillance  des  extenseurs  va  permettre 
à  la  ligne  de  gravité  d'en  franchir  les  limites.  Voilà  bien,  comme  nous  l'expri- 
mions, le  type  de  la  station  droite  en  équilibre  instable.  Nul  ne  sera  tenté  d'en 
disconvenir. 

Un  tel  état  d  équilibre,  fondé  sur  une  oscillation  constamment  détruite  et  re- 
nouvelée, est-il  en  rapport  avec  ce  que  nous  observons  chaque  jour  ?  Un  soldat  en 
^action,  au  port  d'armes,  qui  conserve  une  parfaite  immobilité  pendant  bien  des 
minutes,  est-il  en  réalité  en  oscillation  latente  perpétuelle  ?  Cela  nous  parait  difficile. 


LOCOMOTION.  765 

D'autre  part,  la  contraction  active,  permanente,  sans  relâche,  des  extenseurs, 
supportant,  pendant  des  espaces  de  temps  vraiment  prolongés,  l'action  de  la 
pesanteur,  est-ce  une  conception  plus  physiologique  ? 

Dès  que  nous  prenons  une  de  ces  positions  dans  lesquelles  les  extenseurs  sont 
positivement  chargés  de  tout  le  travail  —  la  position  de  la  garde  simple  dans  Tes- 
crime,  par  exemple,  —  la  pouvons-nous  conserver  longtemps?  Chacun  sait  ce 
qu'il  en  est.  Au  bout  de  quelques  minutes,  les  plus  forts  abdiquent. 

Et  cependant,  on  reste  debout  quasi  indéfiniment  et  sans  autre  oscillation  que 
le  temps  du  transport  du  poids  du  corps  d'une  jambe  sur  l'autre. 

11  y  a  donc  assurément  une  sorte  d'équilibre  qui  répond  à  cette  absence  de 
fatigue  réelle  et  qui,  par  conséquent,  ne  repose  point  sur  la  contraction  active 
perpétuelle  des  muscles,  non  plus  que  sur  les  conditions  mécaniques  de  l'équi- 
libre instable. 

Quand  nous  considérons  l'équilibre  de  l'oiseau  sur  la  branche,  quand  nous  ob- 
servons un  quadrupède  paisiblement  en  repos  sur  ses  quatre  membres,  nous 
nous  assurons  que  la  nature  a  en  son  pouvoir  un  moyen  de  procurer  une  attitude 
fixe  des  membres  soutenant  le  centre  de  gravité  en  l'air,  sans  des  fatigues  rapide- 
ment épuisantes. 

Étudions  donc  la  station  droite  chez  l'oiseau. 

d3.  De  la  station  bipède  chez  les  oiseaux.  A  première  vue,  la  station  droite 
des  oiseaux  se  différencie  de  la  nôtre  par  le  caractère  général  d'une  inclinaison 
mutuelle  beaucoup  plus  grande  des  leviers  ou  articles  les  uns  sur  les  autres. 

Les  causes  finales  ne  doivent  point  figurer  dans  nos  appréciations  ;  nous  ne  re- 
chercherons donc  point  pourquoi  la  station  des  oiseaux  se  fonde  sur  cette  succes- 
sion en  zigzag  des  articles  des  membres  inférieurs  et  du  tronc  lui-même. 

Ce  qui  appert,  cependant,  à  première  vue,  c'est  que  cette  disposition  les  rend 
tout  préparés  pour  le  saut,  acte  préliminaire  du  premier  temps  du  vol  propre- 
ment dit. 

Les  oiseaux  qui  ont  perdu  ou  n'ont  jamais  atteint  la  qualité  d'animaux  volants, 
—  les  pingouins,  par  exemple,  ne  présentent  point  cette  inclinaison  successive  des 
articles  et  du  tronc  lui-même.  Celui-ci  est  droit  comme  le  nôtre  et  les  membres 
inférieurs  très-courts.  Les  oiseaux  coureurs,  les  échassiers  présentent  aussi  des  ar- 
ticles presqu'en  ligne  droite. 

Une  conséquence  première  de  cette  inclinaison  considérable  des  articles  de  l'oi- 
seau sur  la  verticale,  pendant  la  station  droite,  est  l'exagération  d'énergie  que 
doivent  déployer  ou  que  doivent  posséder  les  extenseurs  de  ces  différents  articles 

(iiMl). 
La  nature  a-t-elle  accepté  cette  condition  désavantageuse,  —  ou  bien  y  a-t-elle 

obvié  par  quelque  artifice  ? 

L'analyse  des  conditions  de  l'équilibre  de  l'oiseau  en  station  droite,  en  répondant 
à  cette  question,  peut  jeter  quelque  lumière  sur  les  conditions  générales  de  la 

.station  bipède. 

Or  un  premier  fait  très-remarquable  frappe  à  cet  égard  l'observateur  :  l'oiseau 
dort  debout  ;  l'oiseau  dort  perché.  Dans  cette  dernière  condition,  les  mouvements 
les  plus  inattendus  du  support  (les  branches  agitées  par  les  vents)  ne  troublent 
ni  son  équilibre,  m  son  sommeil.  L'échassier  dort  immobile  sur  une  seule  jambe. 

Combien  cet  état  diffère  du  nôtre!  Dans  la  station  droite,  le  sommeil  vient-il  à 
nous  surprendre,  la  rectitude  successive  des  articles  est  interrompue,  leur  flexion 
mutuelle  s'accomplit,  —  le  corps  s'affaisse.  On  observe  cependant  des  circon  • 


7CG  LOCOMOTlOiN. 

stances  f()r(iiiles  où  le  sommeil,  surprcDant.  un  individu  debout,  mais  appuyé  contn 
un  mur,  celui-ci  a  pu  demeurer  droit. 

Quoi  qu'il  en  soit,  dans  le  cas  général,  le  sommeil  survenant  dans  la  statior 
droite,  la  tête  s'infléchit  sur  le  tronc,  et  à  sa  suite  le  corps  lui-même  s'affaisse. 

Il  semblerait  que  l'on  fût  en  droit  de  conclure  de  cette  oppositiou  que,  dans  la 
station  droite  de  l'homme,  la  contractilité  des  extenseurs  serait  active,  tandis  que 
dans  le  cas  de  l'oiseau,  elle  serait  passive.  L'influx  nerve\ix  continu  serait  néces- 
saire dans  un  cas  au  maintien  de  l'attitude  droite  ;  la  tonicité  du  tissu  suffirait  dans 
le  second. 

Si  nous  jetons  les  yeux  sur  la  disposition  des  muscles  des  extrémités  inférieures 
chez  l'oiseau,  cette  vue  du  sujet  acquiert  plus  de  valeur.  Nous  voyons,  par 
exemple,  que  dès  qu'on  plie  la  patte  (articulation  tibio- tarsienne)  d'un  oiseau  peu 
de  temps  après  sa  mort,  les  doigts  se  fléchissent  eux-mêmes  pendant  ce  mouve- 
ment, et  avec  assez  d'énergie  pour  s'appliquer  avec  force  et  serrer  entre  eux  un 
objet  rond  qu'on  leur  présenterait. 

L'équilibre  naturel  entre  les  muscles  de  la  flexion  et  de  l'extension  du  tarse  sur 
le  tibia,  dans  cette  classe,  correspond  donc  à  la  flexion  des  doigts. 

Dans  la  station  droite,  l'articulation  tibio-tarsienue  étant  fléchie,  les  doigts  repo- 
sant ouverts  et  étendus  sur  le  sol,  les  muscles  fléchisseurs  des  articles  (lesquels 
s'insérant  à  la  face  postérieure  du  tibia  et  même,  suivant  quelques-uns,  envoient 
une  insertion  supérieure  jusqu'au-devant  du  fémur),  ces  muscles,  dis-je,  sont 
distendus  passivement  et  jouent,  étendus  sur  les  convexités  de  ces  articulations 
angulaires,  le  même  rôle  que  des  lanières  élastiques  pourraient  remplir  sur  les 
ressorts  en  G  d'une  voiture  suspendue. 

Dans  ces  circonstances,  le  maintien  de  l'attitude  droite  de  l'oiseau,  soit  sur  le 
sol,  soit  perché  et  enserrant  la  branche  qui  le  supporte,  est  réahsé  par  la  lutte 
établie,  entre  la  gravité  d'une  part,  agissant  à  l'extrémité  supérieure  du  tibia,  et 
d'autre  part  par  la  résistance  tonique  des  muscles  étendus  et  distendus  passive- 
ment sur  les  convexités  des  articulations.  Nulle  intervention  active  n'y  paraît  né- 
cessaire :  la  simple  action  élastique  du  tissu  musculaire  y  est  réclamée.  On  ne 
peut  douter,  en  un  tel  exemple,  de  l'absence  de  toute  fatigue  de  la  part  des 
muscles. 

Chez  l'oiseau,  ou  du  moins  chez  l'oiseau  apte  au  vol,  le  centre  de  gravité  du 
tronc  se  trouve  toujours  à  une  certaine  distance  en  avant  du  point  de  suspension 
du  tronc  sur  les  têtes  fémorales.  Le  poids  du  tronc  agit  donc,  dès  le  premier  seg- 
ment articulaire,  avec  un  bras  de  levier  plus  ou  moins  long,  dans  le  sens  de  La 
flexion  des  articulations.  C'est  ce  que  nous  avons  reconnu  également  dans  le  plus 
grand  nombre  des  articulations,  chez  les  quadrupèdes  en  station  droite. 

d4.  De  la  station  chez  les  quadrupèdes  {Complément).  Cette  manière  d'en- 
visager le  mécanisme  de  la  station  droite  chez  le  bipède,  trouve  dans  l'examen 
sommaire  de  la  construction  du  quadrupède  des  arguments  non  moins  puissants 
pour  l'étendre  à  la  station  droite  de  ce  dernier  (fig.  4). 

Ainsi  l'on  remarque  d'abord  que  le  tronc,  dans  sa  région  antérieure,  se  trouve, 
chez  les  quadupèdes  non  clavicules,  comme  les  solipèdes  et  autres  animaux  taillés 
pour  la  course  et  la  station  droite,  suspendu  sur  les  membres  thoraciques  comme 
sur  une  sangle  élastique.  Le  rôle  de  cette  sangle  est  rempli  par  les  grands  den- 
telés, muscles  aplatis  s'insérant,  en  haut,  au  bord  supérieur  du  scapulum,  en  bas 
par  leurs  digitations  inférieures  aux  côtes,  dans  la  région  sternale. 

Ces  muscles,  dans  la  station,  agissent  de  toute  évidence  par  leur  distension 


LOCOMOTION. 


767 


Fisr.  i. 


passive,  leur  contractilité  de  tissu.  Cette  disposition  est  commune  à  tous  les  ani- 
maux quadrupèdes. 

Eu  desceudaut  du  sommet  du  scapulum  au  sol,  d'imporlanles  différences  s'ob- 
servent, en  rapport  avec  les  attitudes  ordinaires  et  le  genre  de  mouvements  les 
plus  familiers  à  l'espèce . 

Chez  les  grands  animaux  primitifs,  exempts  des  nécessités  de  la  course  rapide 
ou  des  sauts  répétés, 
l'éléphant,  par  exemple, 
les  membres,  par  leur 
volume  et  la  disposition 
de  leurs  articulations, 
se  rapprochent  éminem- 
ment de  la  forme  des 
colonnes  les  plus  mas- 
sives :  tous  les  articles 
se  prolongeant  sur  une 
même  droite.  Les  incli- 
naisons mutuelles  ne 
conunencent  que  dans 
la  région  digitée,  au 
pied.  Cette  masse  est  en 
rapport  et  avec  le  poids 
de  l'animal,  et  l'absence 
chez  lui  de  tous  chocs  violents,  résultant  par  exemple  de  la  retombée  du  saut. 
On  comprend  ainsi  que  ces  animaux  puissent  demeurer,  selon  les  naturalistes, 
des  mois  durant  debout  ! 

Chez  les  solipèdes,  chez  les  ruminants,  le  membre  lui-même,  l'antérieur  du 
moins,  considéré  dans  la  station  droite,  peut  être  réduit  mécaniquement  à  trois 
sections  principales  :  deux  extrêmes,  une  intermédiaire.  Cette  section  intermé- 
diaire est  composée  par  l'avant-bras,  le  carpe,  le  métacarpe;  elle  est  droite,  verti- 
cale, et  on  peut  admettre  qu'elle  transmet  le  poids  du  corps  suivant  sa  longueur 
et  par  la  résistance  osseuse  :  elle  agit  à  la  façon  d'une  colonne. 

Si  cette  colonne  portait  dii'ectement  ainsi  sur  le  sol,  elle  éclaterait  é\idemment 
sous  un  choc  moyen,  comme  celui  de  la  course  rapide.  Mais  les  efforts  qu'elle 
reçoit  ou  qu'elle  communique  ne  sont  jamais  transmis  sans  décomposition  :  elle 
se  relie  effectivement  à  angle  avec  les  deux  articles  qui  la  [irolongent,  soit  en 
haut,  soit  en  bas.  Cet  angle  est  ouvert  en  avant,  en  haut  comme  en  bas,  de  sorte 
que,  dans  le  plan  vertical  antéro-postérieur  qui  les  comprend  toutes  trois,  elles 
représentent  un  arc  à  concavité  antérieure.  De  plus,  l'articulation  complexe  qui 
l'interrompt  dans  le  milieu  de  sa  lougueur  contribue  assurément  à  sa  résistance 
par  le  partage  des  efforts  entre  les  ligaments  du  carpe. 

A  cette  colonne  rectiligne  et  verticale  eu  avant,  mais  eu  zigzag  sur  toute  sa 
lono^ueur  en  arrière,  le  poids  du  corps  est  transmis  par  deux  articles  fléchis  l'un 
sur  l'autre,  le  scapulum,  l'humérus  en  avant  ;  l'os  des  iles,  le  fémur  en  arrière. 

Le  degré  de  ces  inclinaisons,  lors  de  l'équilibre,  repose  évidemment  sur  l'ac- 
tion des  extenseurs  de  ces  articulations  eu  conflit  avec  la  pesanteur,  laquelle  agit 
aux  exti'émités  opposées  de  chaque  article.  Cette  action  des  extenseurs  est-elle 
active  ou  passive;  les  extenseurs  y  sont-ils  contractés  ou  distendus?  Nos  connais- 
sances en  anatomie  comparée  sont  trop  peu   étendues  pour  nous  permettre 


768    .  LOCOMOTION. 

d'avancer  à  cet  égard  une  proposition  formelle  ;  mais  considérant  que  lors  d'une 
extrême  fatigue,  les  animaux  se  mettent  dans  le  décubitus  sur  le  flanc  et  éten- 
dent leurs  articles  de  façon  à  en  faire  disparaître  les  principaux  angles,  nous  sommes 
portés  à  croire  que  les  extenseurs  des  articulations  scapulo-humérale,  huméro- 
cubitale  en  avant,  et  leurs  correspondants  en  arrière,  sont  lors  de  la  statioa 
droite,  plutôt  dans  une  situation  de  distension  passive. 

Nous  soumettons  ce  desideratum  aux  anatomistes  compétents. 

Mais  à  l'extrémité  inférieure  apparaît  manifestement  la  réalisation  des  conditions 
dont  nous  poursuivons  ici  inductivement  les  recherches. 

Au  pied,  dit  M.  CoUn,  «  les  tendons  fléchisseurs  se  trouvent  transformés  en  li- 
"■aments  de  suspension,  et  peuvent  en  remplir  l'usage,  àl'insu,  si  l'on  peut  dire, 
oui,  certes,  on  peut  le  dire  —  de  la  fibre  charnue,  sous  la  dépendance  de  la- 
quelle ils  demeurent  toutefois  comme  agents  de  transmission  du  mouvement.  »     ''- 

Au  pied,  dit  Ch.  Bell,  dont  le  mécanisme  réclame  à  la  fois  sohdité  et  élasticité, 
les  articles  présentent  une  direction  oblique,  et  un  fort  ligament  élastique  les  revêt 
en  arrière,  venant  s'attacher  en  bas  à  l'os  le  plus  extrême. 

Du  solipède  ou  du  ruminant,  passons-nous  aux  carnassiers,  chez  lesquels  l'éla- 
sticité paraît,  pour  l'exécution  du  bond  sur  la  proie,  une  condition  d'ordre  com- 
mun, les  inclinaisons  mutuelles  augmentent  dans  les  articles  ;  mais  aussi  diminue, 
par  rapport  aux  familles  précédentes,  la  durée  de  la  station  droite  chez  ces  ani- 
maux. Dès  qu'ils  ne  sont  plus  en  chasse,  ils  se  reposent  dans  le  décubitus,  ne  gar- 
dant pas,  comme  les  pachydermes  et  les  ruminants,  la  station  droite  pendant  do 
longues  heures. 

15.  Station  droite  unipède  chez  les  échassiers.  Chez  les  échassiers,  la  sta- 
tion quelque  peu  différente  dans  son  mécanisme,  n'est  pas  moins  intéressante  à 
étudier.  Si,  en  ce  qui  concerne  l'extrémité  inférieure  du  membre,  son  mode  d'ap- 
pui sur  le  sol,  les  choses  se  présentent  comme  dans  le  cas  qui  précède,  il  n'en  est 
point  de  même  en  ce  qui  regarde  la  directiou  générale  du  membre  et  son  extré- 
mité supérieure.  Ici  le  corps  de  l'animal  est  supporté  comme  un  bloc  parfaitement 
en  équilibre  sur  une  colonne  régulière;  et  dans  cette  situation  qui  semble  le  type 
de  l'équilibre  instable,  l'animal  demeure  des  heures  sans  nul  mouvement,  sans 
oscillation,  endormi,  et  même  sur  une  seule  patte. 

Dans  ce  cas,  la  distension  passive  de  certains  muscles  résultant  de  l'attitude, 
semble  jouer  un  rôle  moins  prononcé  que  celui  rempli  par  la  réciprocité  des  sur- 
faces articulaires  et  YélasticiLé  des  ligaments  qui  maintiennent  ces  surfaces  en 
rapport. 

Ainsi,  dans  cet  exemple,  le  condyle  du  fémur  offre  une  encoche  dans  laquelle 
est  reçue  l'épine  très-développée  du  tibia  ;  mais  cette  disposition  n'est  pas  la 
seule  à  signaler. 

Il  s'y  joint  un  véritable  ressort. 

Chez  ces  animaux  dont  l'articulation  fémoro-tibiale  ressemble  en  profil  à  la 
nôtre,  les  ligaments  latéraux  beaucoup  plus  longs  et  doués  d'une  notable  élasticité, 
au  lieu  de  s'insérer  en  haut,  aux  deux  tubérosités  latérales  des  condyles,  s'atta- 
chent plus  ou  moins  au-dessus  de  ces  apophyses.  Celles-ci,  plus  saillantes  que 
dans  notre  espèce,  présentent  une  dépression  plus  ou  moins  profonde  en  avant 
et  en  arrière;  elles  sont  arrondies  et  portent  une  bourse  synoviale.  A  chaque  pas- 
sage de  l'extension  extrême  à  la  flexion,  ou  inversement,  les  ligaments  latéraux 
élastiques  se  trouvent  distendus  lors  de  la  rencontre  desdites  tubérosités  et  re- 
tombent ensuite,  grâce  à  leur  élasticité,  dans  la  dépression  antérieure  ou  posté- 


LOCOMOTION.  769 

rieure,  y  lonl  entendre  un  brnit  soc  en  revenant  à  leurs  dimensions  normales.  11 
faut  donc  pour  chacun  de  ces  mouvements  un  effort  spécial  et  actif  de  la  part  de 
l'animal,  assez  grand  pour  vaincre  cette  élasticité. 

Cette  force,  morte  pendant  le  repos,  est  donc  chargée  de  toute  la  résistance  à 
laquelle  est  dû  le  maintien  de  l'article  en  rectitude  rigide.  (Ch.  Bell.) 

16.  Station  droitechez  l'homme,  mécanisme  de  Véquilibre  stable.  Voilà  donc 
deux  mécanismes  sensiblement  différents  et  aboutissant  au  môme  elfet  final. 
Dans  l'un,  la  pesanteur  a  pour  antagoniste  l'extrême  et  passive  distension  de 
certains  groupes  musculaires  ;  dans  l'autre,  la  force  équilibrante  est  fournie  par 
l'élasticité  ligamenteuse. 

Résistances  mortes,  dans  les  deux  cas. 

L'un  de  ces  deux  systèmes  trouve-t-il  sa  place  dans  le  maintien  de  l'homme 
en  attitude  droite? 

L'examen  du  squelette  humain,  frais,  enveloppé  de  ses  ligaments  articulaires, 
a  permis  de  penser  logiquement  que,  dans  la  station  droite,  l'effort  constant  de  la 
gravité  venait  s'épuiser,  après  redressement  du  tronc,  sur  la  résistance  finale  of- 
ferte par  l'inextensibilité  ligamenteuse. 

Cet  effet  paraissait  très-légitime  à  l'articulation  du  genou,  dont  les  ligaments 
propres,  latéraux  et  croisés,  sont  considérés  en  général,  parles  anatomistes,  comme 
imposant  à  l'articulation  la  limite  des  mouvements  d'extension. 

Les  mouvements  du  fémur  sur  le  bassin  sont  aussi,  au  dire  des  anatomistes, 
ra|iidement  limités,  du  côté  de  l'extension,  par  la  tension  de  la  capsule  articulaire 
et  de  son  faisceau  de  renforcement  antérieur.  M.  Cruveilhier  ajoute  cependant,  et 
nous  en  prendrons  note,  que  le  muscle  psoas-iliaque  se  joint  à  cette  action  en 
remplissant  le  rôle  d'un  simple  ligament. 

L'angle  sacro-vertébral  trouve  une  limite  à  son  ouverture,  dans  la  résistance  de 
la  portion  antérieure  du  dernier  disque  intervertébral. 

Enfin,  si  l'on  jette  les  yeux  sur  la  colonne  vertébrale  elle-même,  on  voit  que, 
étant  posée  debout,  l'action  qu'elle  éprouve  de  la  part  de  la  pesanteur  tendrait 
naturellement  à  exagérer  les  trois  courbures  que  sa  longueur  dessine.  La  limite 
de  ce  mouvement,  ou  la  résistance  à  cet  accroissement  des  diverses  courbures,  se- 
rait encore  dans  les  résistances  offertes  par  les  ligaments  et  les  muscles  qui 
s'étendent,  disent  les  auteurs,  sur  les  convexités  de  ces  trois  courbures. 

Ces  propositions  sont-elles,  au  premier  aperçu,  plausibles,  démontrées  expéri- 
mentalement !  Non. 

Sont-elles  réalisées  dans  le  sujet  vivant?  Aon  encore;  selon  toute  apparence  du 
moins,  et  en  voici  les  raisons. 

Premièrement,  cette  loi  générale  reçoit  un  premier  démenti  dans  l'observation 
de  la  statique  de  l'articulation  tibio-tarsienne  ;  en  deçà  et  au  delà  de  la  posi- 
tion moyenne  reconnue  être  celle  de  l'équilibre  en  station  droite,  les  mou\ements 
d'extension  et  de  flexion  du  pied  sur  la  jambe  jouissent  encore  d'une  très-notable 
étendue,  dans  le  sens  antéro-postérieur. 

Cette  articulation  importante  ferait  donc  une  exception  considérable  dans  la 
formule  de  la  loi  posée. 

Secondement,  ce  qui  s'observe  ici  du  premier  coup  d'œil  et  sans  longue  ana- 
lyse à  l'articulation  tibio-tarsienne,  MM.  Weber  frères' ont  démontré  que  c'était 
encore  la  loi  pour  toutes  les  autres  articulations.  Partout,  suivant  ces  observa- 
teurs, les  muscles  fléchisseurs,  passivement  étendus,  arrêtent  les  mouvements 
d'extension  bien  avant  la  limite  apportée  par  les  ligaments  articulaires. 

DicT.  EKC.  2°  s.  n.  49 


770  LOCOMOTION. 

Cette  notion  admise  peut  singulièrement  éclaircir  la  question,  obscure  encore, 
de  mécanique  qui  nous  occupe. 

Admettons  pour  un  instant  cette  proposition,  que  les  fléchisseurs  ont  atteint 
les  limites  de  leur  extensibilité  avant  le  degré  extrême  de  la  mobilité  permise  par 
les  tissus  ligamenteux  :  la  question  de  l'équilibre  stable  en  station  droite  devient 
des  plus  simples. 

Le  centre  de  gravité  du  corps  humain,  lors  de  la  station  droite,  en  équihbre 
instable,  est  situé  exactement  au-dessus  de  la  ligne  de  suspension  du  bassin 
sur  les  têtes  fémorales  (§§  10  et  11). 

Sans  risque  d'être  entraîné  en  dehors  de  l'aire  de  sustentation,  il  jouit 
d'une  certaine  latitude  dans  sa  position  ;  il  peut  être  porté  un  peu  en  avant, 
ou  un  peu  en  arrière,  de  la  droite  horizontale  de  suspension  du  bassin  sur  les 
cavités  cotyloïdes.  Dans  le  premier  cas,  les  extenseurs  doivent  être  en  contraction 
active  plus  ou  moins  intense,  chargés  de  la  lutte  contre  l'action  de  la  gravité.  — 
Ils  ont  alors  à  soutenir  l'effort  de  cette  force  d'une  part,  et  de  la  tonicité  des  flé- 
chisseurs de  l'autre. 

Faisons  maintenant,  par  la  pensée,  passer  le  centre  de  gravité  en  arrière  de 
cette  ligne  horizontale  de  suspension;  voilà  la  gravité  qui  agit  avec  les  extenseurs 
dans  le  sens  de  l'extension.  Celle-ci  n'aura  donc  pour  limites  que  la  tension  des 
fléchisseurs,  tension  passive,  force  à  laquelle  la  fatigue  semble  infiniment  plus 
étrangère,  force  quasi  morte. 

Nous  ne  pouvons  point  suivre  ce  mécanisme  avec  une  rigueur  absolue  dans  toute 
la  série  articulaire;  partant,  notre  proposition  tient  plus  de  l'induction  que  de  la 
démonstration  expérimentale.  C'est  une  lacune  qu'il  appartiendra  à  nos  succes- 
seurs de  combler. 

Cependant  cette  disposition  est  si  clairement  formulée  dans  l'agencement  de 
l'articulation  du  pied  et  de  la  jambe,  que  nous  ne  pouvons  nous  empêcher  d'y 
revenir. 

Remarquons  d'abord  la  position  qu'affecte  le  pied  sur  la  jambe  pendant  le  som- 
meil, cet  angle  si  fort  ouvert  antérieurement  !  Y  a-t-il  meilleure  démonstration 
de  la  position  moyenne  du  levier,  constitué  par  le  pied,  entre  les  fléchisseurs  et  les 
extenseurs?  Quand  nous  voyons  cet  angle  fermé  au  contraire  dans  la  station  droite, 
pouvons-nous  douter  de  la  distension  subie  par  les  jumeaux  et  soléaires. 

Mais  examinons  ceux-ci  et  comparons  leur  mécanisme  à  celui  qui  a  le  même 
objet  chez  les  oiseaux. 

Chez  l'homme,  la  masse  des  jumeaux  et  du  soléaire  confondue  inférieurement 
en  un  seul  tendon,  a  pour  effet,  comme  on  sait,  d'étendre  le  pied  sur  la  jambe. 
Mais  cet  effet,  le  soléaire  seul,  dont  l'insertion  supérieure  se  voit  à  la  face  posté- 
rieure du  tibia  suffirait  à  le  produire.  Quant  aux  jumeaux,  leurs  chefs  supérieurs 
s'attachent  à  la  face  postérieure  du  fémur  :  ils  sont  donc  relâchés  hors  de  la 
flexion  du  fémur  sur  la  jambe,  dans  cette  attitude,  sans  action  possible  sur  l'ex- 
tension du  pied.  Mais  étendons  la  jambe  sur  le  fémur,  les  jumeaux  viennent  alors 
en  aide  au  soléaire,  et  les  uns  et  les  autres,  si  une  force  extensive  est  appliquée 
au  sommet  du  fémur,  lutteront  contre  elle  ou  seront  en  distension  passive. 

Chez  les  oiseaux,  chez  qui  la  station  repose  sur  la  flexion  des  articles,  la  dispo- 
sition, identique  en  bas,  varie  en  haut,  mais  de  façon  à  produire  le  même  effet 
dans  des  circonstances  contraires. 

Les  jumeaux  extenseurs  du  tarse  ne  sont  point  fléchisseurs  du  fémur;  au  Ueu 
de  s'insérer  à  la  face  postérieure  de  cet  article,  comme  chez  nous,  contournant 


LOCOMOTION. 


771 


les  taces  latérales  de  la  jambe  et  les  tètes  des  deux  os,  ils  vont  de  bas  eu  haut 
s'insérer  au  fémur  sur  sa  face  antérieure. 

La  contraction  de  cette  masse  musculaire,  en  même  temps  qu'elle  étend  le 
pied  sur  la  jambe,  é  .end  donc  en  même  temps  le  fémur  sur  elle,  fait  disparaître 
d'un  même  coup,  l'angle  tibio-tarsien  et  l'angle  tibio-fémoral. 

Chez  l'homme,  au  contraire,  en  agissant  de  même  manière 
sur  l'angle  tihiotarsien,  elle  agirait  en  sens  contraire  sur  l'angle 
fémoro-tibial.  Mais,  dans  les  deux  cas,  le  muscle,  dans  son  entier, 
est  distendu  passivement  dans  la  station,  et  cette  distension  sup- 
porte tout  l'effort  développé  (fig.  5) . 

En  résumé,  dès  que  la  ligne  de  gravité  du  tronc  vient  à  tom- 
ber en  arrière  de  l'axe  de  suspension  inter-cotyloïdion,  les  mus- 
cles, jusque-là  contractés  activement,  les  extenseurs,  cessent 
d'agir.  Cette  ligne  de  propension,  de  tangente  qu'elle  était, 
devient  sécante  à  la  concavité  lombaire.  Dès  lors  cette  courbure 
tend  à  s'exagérer  sous  l'empire  de  la  gravité  maintenant,  et  non 
plus  des  extenseurs.  D'autre  part,  au  contraire,  les  muscles  flé- 
chisseurs (psoas-iliaques-pectinés),  premièrement  relâchés,  se 
voient  distendus. 

Descendant  au-dessous  de  la  cavité  cotyloïde,  ladite  ligne  de 
gravité  coupe  le  membre  inférieur  vers  l'articulation  du  genou, 
rencontrant  le  pied  plus  ou  moins  en  avant  de  l'articulation 
tibio-astragalien  ne . 

Si  nous  ne  nous  trompons,  cette  position  correspond  exacte- 
nt  à  celle  réalisée  dans  l'attitude  réglementaire  du  soldat  au 
port  d'armes,   attitude    qui   doit  être  le  résultat   de  quelques 
siècles  d'expérience. 

Dans  nos  habitudes  ordinaires,  nous  suivons  instinctivement 
la  même  loi,  avec  cette  modification,  que  pour  diminuer  encore 
la  l'ati«-ue  qui  suit  cette  attitude  prolongée,  nous  faisons  porter  le 
poids  du  corps  sur  chaque  jambe  alternativement.  Le  centre  de 
oravité  est  ainsi  porté  un  peu  en  arrière  de  l'une  des  cavités 
,cotyloïdes,  la  jambe  de  ce  même  côté  étendue  (on  est  hanche 
de  ce  côté)  ;  l'autre  jambe  est  avancée  en  relâchement  dans  une 
demi-flexion,  de  façon  à  reposer  les  soléaire,  jumeaux  et  psoas- 
ihaque  de  la  distension  précédente. 

Chacun  pourra  se  convaincre  de  l'exactitude  de  cet  exposé,  en 
demeurant  dans  la  station  droite  immobile  aussi  longtemps 
quece  sera  possible  sans  trop  de  fatigue.  Au  moment  oii  on  la  suspendra  pour 
cette  raison,  on  pourra  reconnaître,  d'après  le  siège  de  la  sensation  éprouvée,  que 
notre  théorie  est  conforme  aux  faits.  Cette  sensation  sera  perçue  à  l'attache  supé- 
rieure des  jumeaux,  des  soléaires,  un  peu  dans  les  aines.  Mais  on  ne  sentira  ni 
les  muscles  sacro-lombaires,  ni  les  fessiers,  ni  les  triceps. 

Que  l'on  compare  ensuite  avec  la  position  classique  de  l'escrime,  et  on  fera  la 
différence. 

En  somme,  la  contractiHté  musculaire  tonique  préside  à  la  statique  ou  équi- 
libre de  repos,  comme  la  contractilité  active  préside  à  la  dynamique  animale  ou 
équilibre  du  mouvement. 

17.   Station  droite  chez  l'homme  :  transmission  des  chocs  à  travers  le 


Fig.   5. 


77'2  LUCUMUTION. 

bassiii.  Ayant  essayé  de  pénétrer  les  conditions  de  transmissjon  du  poids  du 
tronc  au  sol,  à  travers  les  membres  inférieurs,  celles  de  l'équilibre  des  forces 
autour  de  ces  articles,  remontons  plus  haut  et  suivons  le  développement  du  mé- 
canisme de  la  station  depuis  le  bassin  jusqu'à  la  tête. 

Dans  cette  étude,  informons-nous  en  même  temps  des  dispositions  au  moyen 
desquelles  la  nature  aura  pu  parer  aux  chocs  en  retour,  aux  réactions  menaçant 
l'intégrité  du  mécanisme  ou  des  viscères,  lors  des  épuisements  brusques  du  mou- 
vement. 

En  remontant,  nous  trouvons  en  première  ligne  le  bassin. 

Le  poids  des  parties  supérieures  du  corps  est  communiqué  aux  extrémités  ab- 
dominales par  l'intermédiaire  d'un  levier  d'une  forme  particulière,  l'amie  au  osseux 
du  bassin. 

Cet  anneau  est  suspendu  lui-même  au-dessus  ou  entre  les  tètes  fémorales, 
comme  un  treuil  sur  ses  tourillons. 

Il  reçoit  l'effort  de  la  gravité  par  le  sacrum,  qui  tendrait  à  faire  basculer  le 
levier  eu  arrière  dans  certaines  situations,  en  avant  dans  d'autres  cas,  c'est-à- 
dire  suivant  que  la  ligne  de  gravité  tomberait  en  arrière  ou  en  avant  de  l'axe 
inter-cotyloïdien. 

Dans  ces  circonstances,  les  extenseurs  ou  les  fléchisseurs  sont  alternativement 
chargés  de  faire  équilibre  au  poids  du  corps. 

Les  points  d'appui  de  ce  levier  sont,  avons-nous  dit,  les  têtes  fémorales  roulant 
dans  les  cavités  cotyloïdes. 

Il  y  a  là  un  point  obscur  :  la  pression  est-elle  transmise  directement  et  de  corps 
dur  à  corps  dur,  du  bassin  aux  fémurs,  ou  bien,  au  contraire,  et  suivant  ce  que  la 
logique  indiquerait,  l'effort  s' épuise-t-il  sur  les  ligaments  ronds  distendus,  comme 
le  professent  MM.  Weber. 

Gerdy  pensait  que  dans  la  position  inclinée  du  fémur,  de  haut  en  bas  et  d'ar- 
rière en  avant  qui  correspond  à  l'attitude  du  corps  arrivaat  à  terre  après  im  saut, 
l'efl'ort  transmis  au  tronc  par  le  fémur,  au  contact  des  pieds  avec  le  sol,  porte 
sur  les  ligaments  ronds  distendus,  et  n'est  point  directement  communiqué  par  la 
tète  du  fémur  aux  parois  de  l'acétabulum. 

Cette  condition  est-elle  effectivement  réalisée?  Les  anatomistes  donneraient  à 
penser  que  non,  puisqu'ils  constatent  la  grande  inconstance  d'existence  et  de 
qualité  du  ligament  rond  qui,  suivant  eux,  serait  souvent  absent. 

A  ce  (ait  il  n'y  aurait  rien  à  objecter  ;  mais  sa  présence  et  son  rôle  de  support 
(coam;e  dans  le  cas  d'une  voilure  suspendue)  seraient,  en  apparence  au  moins, 
bien  satisfaisants  pour  l'esprit. 

Passons  à  un  autre  point  : 

Tous  les  anciens  anatomistes  et  physiologistes  présentent  le  sacrum  comme 
pénétrant  dans  l'espace  intercoxal  postérieur,  à  la  manière  d'un  coin,  dirigé  par 
son  sommet  de  haut  en  bas  et  d'avant  en  arrière,  qui  tendrait  à  écarter  les  os 
coxaux. 

Les  rapports  mutuels  du  sacrum  et  de  la  cavité  dans  laquelle  il  s'encastre  sont 
bien  tels,  en  effet,  quand  le  bassin  est  étudié  dans  la  position  assise  sur  une 
table. 

Dans  la  station  droite,  il  n'en  est  plus  ainsi  ;  les  frères  Weber  ont  fait  voir  que, 
dans  l'attitude  droite,  la  surface  supérieure  du  sacrum  faisait  avec  la  verticale  un 
angle  de  52"  ouvert  en  bas,  ou  de  128"  ouvert  en  haut. 

Dans  cette  situation,  les  surlaces  de  contact  du  sacrum  et  des  os  coxaux  offrent 


LOCUMu^.O.N.  773 

un  angle  dièdre  ouvert  en  bas  et  en  avant,  le  sacrum  étant  ainsi  suspe^idu  an^ 
énormes  ligaments  sacro-sciatiques  comme  un  coin  a  angle  supérieur  et  non  plij^ 
à  angle  inférieur.  Sous  l'influence  de  la  pesanteur,  ce  serait  donc  un  coin  qui 
tendrait  à  s'échapper  et  non  pas  à  s'encastrer. 

Dans  la  retombée  du  saut,  cette  situation  est  plus  prononcée  et  plus  nécessaire 
encore. 

Cette  proposition  a  été  établie  d'abord  par  MM.  Valerius  et  Hubert  (de  Louvain), 
par  noas-mème  ensuite. 

Dans  la  position  assise  ou  dans  une  chute  sur  les  tubérosités  ischiatiques,  il 
n'en  est  plus  ainsi,  et  le  sacrum  se  rapproche  de  la  situation  indiquée  par  les 
auteurs  classiques. 

L'anatoniie  comparée  est  en  rapport  avec  cette  donnée.  Chez  la  plupart  des 
quadrupèdes,  le  sacrum  est  suspendu  eutre  les  os  iliaques  :  sa  l'ace  large  re- 
gardant en  bas. 

Il  n'est  pas  besoin  d'insister  sur  les  avantages  d'une  pareille  disposition  lors  de 
la  communication  des  ébranlements  et  commotions.  Voyez  la  différence  des  reten- 
tissements ressentis  lors  d'une  chute  sur  les  pieds  physiologiquement  exécutée, 
ou  lors  d'une  chute  sur  les  tubérosités  ischiatiques.  Dans  celle-ci,  même  modé- 
rée comme  force  vive,  la  commotion  s'étend  jusqu'au  crâne  lui-même. 

18.  Station  droite  chez  l'homme.  Statique  de  la  colonne  vertébrale. 
Nous  avons,  dans  les  développements  qui  précèdent,  considéré  la  colonne  comme 
un  levier  un  et  régulier.  Ghacuu  sait  que  cette  unité  ou  rigidité  n'est  elle-même 
qu'un  résultat  d'équilibre.  Examinons  rapidement  les  conditions  de  cet  équilibre. 

Considérons  la  colonne  en  un  point  quelconque  de  son  étendue,  étud;ons-la 
dans  une  coupe  horizontale.  Cette  coupe  porte  sur  la  vertèbre,  élément  osseux, 
de  forme  cylindrique,  offrant  en  avant  et  en  arrière  des  prolongements  soit  ar- 
qués, soit  droits,  mais,  eu  somme,  représentant  pour  nous  des  bras  de  leviers. 

Les  bras  antérieurs,  destinés  à  servir  dappuis  à  la  force  de  gravité  et  de  la 
flexion  en  avant  (les  côtes,  la  face  antérieure  des  corps  des  vertèbres). 

Les  bras  postérieurs  (apophyses  épineuses,  transverses),  étant  les  éléments 
sur  lesquels  porte  l'action  des  extenseurs  de  la  colonne. 

Quant  au  point  d'appui  de  chacun  de  ces  leviers,  pris  isolément,  on  le  voit  dans 
le  disque  intervertébral,  lenticulaire,  élastique  et  fibreux  à  la  fois,  qui  résiste 
aussi  bien  à  la  pression  qu'au  tiraillement,  et  sur  lequel  la  vertèbre  est  en  équi- 
libre comme  un  fléau  de  balance  sur  ses  coussinets. 

Le  volume  ou  les  dimensions  de  ce  levier  sont  en  rapport  avec  deux  condi- 
tions mécaniques  des  plus  simples.  Plus  une  vertèbre  est  inférieurement  placée 
dans  la  série,  plus  elle  devra  être  volumineuse  et  ses  bras  de  leviers  puissants, 
puisqu'elle  aura  à  subir  l'intégrale  des  actions  supérieures,  toutes  fonctions  de 
la  gravité. 

D'autre  part,  les  bras  de  leviers  postérieurs  ou  de  la  puissance,  devTont  être, 
tout  étant  égal  d'ailleurs,  d'autant  plus  développés  que  les  organes  de  la  ré- 
sistance (ou  antérieurs)  seront  plus  denses  ou  pesants. 

C'est  ainsi  que  les  épines  dorsales  auront  moins  de  longueur  horizontale  cpie 
les  épines  lombaires  ou  les  épines  cervicales,  les  poumons  étant  moins  denses 
que  les  viscères  abdominaux  ou  que  la  tète. 

La  forme  de  la  région  considérée  n'aura  pas  moins  d'influence  sur  le  volume 
et  la  disposition  des  corps  et  des  apophyses  des  vertèbres. 
Est-il  besoin  de  démontrer  que  les  leviers  devront  être  les  plus  volumineux  et 


774  LOCOMOTION. 

les  plus  étendus,  là  où  la  force  extensive  aura  le  plus  d'action  à  développer.  Or, 
où  cette  action  extensive  aura-t-elle  plus  d'efforts  à  déployer  qu'à  la  région 
lombaire,  et,  comme  nous  le  verrons  plus  loin,  qu'à  la  région  cervicale,  toutes 
deux  concaves  en  arrière? 

Au  point  de  vue  de  l'ensemble,  la  forme  à  courbures  opposées  que  présente  la 
colonne  n'est  autre  chose  que  la  reproduction  de  la  série  d'inflexions  que  nous 
avons  constatées  dans  les  membres  destinés  à  soutenir  le  corps. 

La  présence  des  disques  intervertébraux  et  la  qualité  amortissante  de  leur 
tissu  eussent  bien  pu  être  insuffisantes  à  l'épuisement  des  chocs,  s'ils  avaient  dû 
se  transmettre  directement  de  l'un  à  l'autre,  et  suivant  la  verticale,  les  forces 
vives  acquises  par  les  parties  supérieures. 

Dans  ces  alternatives  de  convexités  et  de  concavités  successives,  apparaissent, 
au  contraire,  des  forces  successivement  extensives  ou  fléchissantes,  dont  les 
composantes  verticales  viennent  partager  la  dissémination  de  l'effort. 

Et  quant  à  la  condensation  des  masses  nmsculaires  ou  des  leviers  destinés  à 
procurer  et  à  maintenir  la  station  droite,  imaginons  ce  qu'eût  été  la  forme  du 
primate,  si  les  leviers  lombaires  eussent  dû  prolonger  une  convexité  postérieure  ! 
Cette  forme  est  sans  doute  celle  la  plus  favorable  à  l'extinction  des  forces  vives, 
car  nous  retrouvons  ces  concavités,  surtout  celle  de  la  région  lombaire,  partout 
où,  dans  la  série  animale,  se  manifeste  plus  ou  moins  de  disposition  momentanée 
ou  durable  à  la  station  en  attitude  droite. 

Nous  y  trouvons  aussi  une  assez  grande  abondance  de  tissu  jaune  élastique 
(les  bgaments  jaunes),  servant  de  liens  entre  une  vertèbre  et  une  autre,  dans  la 
région  même  des  leviers,  c'est-à-dire  entre  les  lames  vertébrales. 

La  présence  de  ce  tissu,  si  propre  à  être  substitué,  au  point  de  vue  de  la  durée 
de  l'action,  dans  les  régions  où  cette  durée  devra  être  prolongée,  à  l'action  mus- 
culaire active,  a  fait  penser  à  nombre  de  physiologistes  que  sur  lui  reposait 
même  en  entier  l'équilibre  stable  de  la  colonne. 

Un  anatomiste  distingué,  M.  Ludovic  Hirschfeld,  a  fait  voir  que  c'était  à  ce 
tissu  qu'était  spécialement  due  la  forme  doublement  incurvée  de  la  colonne. 
Dans  ce  fait,  on  aurait  pu  trouver  la  démonstration  du  rôle  absolu  des  ligaments 
jaunes  dans  l'équilibre  de  la  station,  si  MM.  Weber  n'avaient,  de  leur  côté,  fait 
voir  que  les  muscles,  dans  leur  extrême  distension,  limitaient  les  mouvements 
dans  ces  régions  comme  dans  les  autres,  avant  que  les  ligaments  n'atteignissent 
leur  extrême  distension  (§16). 

19.  Station  droite  chez  l'homme.  Equilibre  de  ta  tête  sur  le  rachis.  L'é- 
tude à  laquelle  nous  venons  de  nous  livrer  sur  les  conditions  générales  de 
l'équilibre  du  tronc  en  station  droite  n'a  tenu  aucun  compte  de  la  manière  dont 
ce  même  équilibre  s'établit  entre  la  tête  et  le  tronc.  Nous  sommes  partis  de  cette 
supposition  que  l'extrémité  supérieure  était  fixée  à  son  support  d'une  façon  in- 
variable, et  c'est  leur  ensemble  que  nous  avons  considéré  comme  un  levier 
unique  dans  les  développements  qui  précèdent. 

Entrons  maintenant  dans  l'analyse  des  conditions  spéciales  à  l'équihbre  de 
cette  région  considérée  isolément. 

La  tête  est  mise  en  rapport  avec  la  colonne  vertébrale  par  un  grand  nombre  de 
muscles,  qui  se  relient  avec  un  non  moindre  nombre  de  vertèbres  (de  la  région 
cervicale),  mais  plus  spécialement  avec  les  deux  premières. 

En  contact  direct,  elle  n'est  en  rapport  qu'avec  une  seule  d'entre  elles,  la 
supérieure,  l'atlas.  Avec  cette  vertèbre,  son  contact  s'établit  par  la  réception. 


LOCOMOTION.  775 

dans  deux  cavités  pratiquées  sur  l'atlas,  et  de  chaque  côté  de  son  axe,  de  deux 
tubérosités  arrondies  qui  se  moulent  sur  ces  cavités,  et  portent  le  nom  de  con- 
dyles  de  l'occiput. 

Cliez  les  quadrupèdes,  les  condyles  de  rocci[)ital  sont  situés  à  l'extrérailé  pos- 
térieure du  crâne.  En  supposant  leur  axe  optique  parallèle  à  l'horizon,  un  plan 
vertical  qui  raserait,  en  arrière,  la  surface  de  l'occipital,  laissant  toute  la  tète  en 
avant  de  lui,  raserait  également  la  surface  la  plus  postérieure  des  condyles. 

La  tête  est  donc  ainsi  suspendue  tout  entière  au  cou  par  sa  face  postérieure. 
11  n'y  a  d'exception  que  chez  le  singe,  qui  se  trouve,  par  cette  particularité, 
comme  par  bien  d'autres,  tenir  une  place  intermédiaire  au  quadrupède  et  à 
l'homme. 

L'habitude  bipède  de  l'oiseau  se  révèle,  comme  elle  va  le  faire  également  chez 
l'homme,  par  une  dérogation  complète  à  ce  caractère.  La  tête,  chez  les  oiseaux, 
s'articule  horizontalement  sur  la  première  cervicale.  Mais,  contrairement  à  ce  qui 
s'observe  chez  nous,  et  à  l'avantage  de  la  mobilité  vraiment  exceptionnelle  de 
l'organe,  l'articulation  consiste  dans  un  seul  pivot  osseux  sphérique  (cnarthi'ose), 
roulant  dans  une  cavité  demi-sphérique,  à  circonférence  horizontale.,  Quand  on 
a  vu  1  intérieur  de  cette  articulation,  on  n'est  plus  surpris  de  la  facilité  raro  avec 
laquelle  l'oiseau  tourne  sa  tête  en  tous  sens,  sans  mouvoir  sensiblement  la  ré- 
gion cervicale. 

L'homme  participe  à  la  fois  des  dispositions  anatomiques  propres  aux  (juadru- 
pèdes  et  de  l'horizontalité  de  connexion  constatée  chez  l'oiseau.  Cependant  cette 
horizontahté  n'est  pas  absolue.  Lorsque  la  ligne  de  gravité  de  la  tête  tombe  dans 
sa  base  de  sustentation  sur  l'atlas,  les  axes  optiques  sont  dirigés  plus  ou  moins 
de  bas  en  haut  et  d'arrière  en  avant;  circonstance  anatomique  en  rapport  avec 
le  fait  d'observation  physiologique  bien  connu,  qu'au  moment  où  le  sommeil 
vous  surprend  en  attitude  droite,  le  menton  tombe  brusquement  sur  la  poitrine. 
L'équilibre  de  la  tête  sur  le  rachis  est  donc  un  des  plus  instables,  s'il  repose 
sur  les  seules  connexions  articulaires,  ou  bien  il  se  fonde  sur  l'énergie  active  des 
extenseurs  de  la  tête  sur  le  cou. 

L'aspect  de  la  région  peut  faire  penser  que  c'est  bien  sur  ce  second  genre 
d'équilibre  que  repose,  en  effet,  l'attitude  droite  de  la  tête.  La  région  cervi- 
cale postérieure,  concave  ainsi  que  la  région  lombaire,  donne  place  à  une  masse 
musculaire  considérable,  formant  une  sorte  de  pyramide  de  muscles  à  base 
supérieure,  laquelle  semble  rattacher  le  crâne  à  la  colonne,  comme  la  masse 
sacro-lombaire  relie  celle-ci  à  ses  soutiens  sacro-iliaques. 

Ce  sont  deux  pyramides  qui  se  regardent  par  leurs  sommets,  et  qui  com- 
blent chacune  le  vide  formé  par  les  régions  postérieurement  concaves  de  la 
colonne. 

La  pyramide  supérieure  remplit,  chez  l'homme,  le  rôle  du  ligament  cervical 
supérieur,  qui  soutient  la  tête  chez  les  grands  quadrupèdes.  Elle  remplit  ce 
rôle,  en  dérogation  à  la  loi  de  l'équilibre  stable  que  nous  avons  cru  lire  dans 
les  parties  inférieures  du  système,  et  qui  se  fonderait  sur  le  balancement  établi 
entre  la  gravité  d'une  part,  et  des  muscles  passivement  distendus  de  l'autre. 
Peut-être  est-ce  à  cette  nécessité  que  sont  dus  le  volume,  le  nombre,  la  di\ersité 
de  directions  et  d'insertions  de  ces  muscles,  la  nature  compensant  ici,  par  la 
multiplicité  des  forces  accumulées  dans  un  même  objet,  la  durée  imposée  à  leur 
activité. 
Malgré  cela,  la  nature  nous  semblerait  avoir  laissé  là  un  desideratum  méca- 


770 


LOCOMOTION. 


X 


T 


nique.  Une  analyse  plus  attentive  va  nous  montrer  cependant  un  palliatif  des 
plus  délicats,  introduit  par  elle  dans  ce  mécanisme  si  difficile  à  réaliser. 

Qu'on  n'oublie  pas,  en  effet,  qu'il  s'agit  ici  de  procurer  à  cette  immense  ver- 
tèbre, qui  contient  le  cerveau,  toutes  les  ressources  possibles  de  mobilité  dans 
tous  les  sens,  sans  compromettre  l'intégrité  du  mécanisme,  sans  compromettre, 
surtout  par  pression  ou  par  choc,  la  délicate  susceptibilité  de  la  substance  encé- 
phalique, sans  risque  de  compression  pour  cet  isthme  intéressant,  la  moelle 
allongée,  le  siège  du  centre  vital  animal,  situé  là  tout  juste  au  centre  du  mouve- 
ment. Étudions  donc  avec  soin  ce  curieux  problème,  le  plus  étonnant  peut-être 
de  la  mécanique  animale. 

Rapports  de  contiguïté  de  la  tête  avec  le  rachis.  Destruction  de  la  vitesse 
acquise  dans  une  chute  sur  les  pieds,  au  point  de  contact  des  condyles  occipi- 
taux avec  les  surfaces  articulaires  de  l'atlas.  Remontant  du  bassin  à  la  colonne 
vertébrale,  nous  avons  vu  par  quel  mécanisme  la  portion  des  forces  vives,  mise 
en  évidence  dans  ces  chocs,  et  non  amortie,  se  transmettait,  à  son  tour,  le  long 
du  rachis,  de  vertèbre  en  vertèbre,  perdant,  à  chacun  de  ces  passages,  une  nou- 
velle fraction  de  leur  somme,  épuisée  sur  les  ligaments  interosseux  fibreux  ou 
;  lenticulaires.  L'effet   amortis- 

sant de  cette  élasticité,  vingt- 
deux  fois  répété,  ne  laisse  pas 
de  réduire  sensiblement  ce  qui 
peut  en  parvenir  jusqu'à  la 
région  supérieure,  plus  que 
toute  autre  digne  de  ménage- 
ment. 

Or,  ici,  singuhère  anomalie, 
dans  la  région  de  cette  commu- 
nication suprême,  disparaissent 
ces  coussins  articulaires  élasti- 
ques ;  les  condyles  occipitaux 
sont  en  rapport  direct  avec  les 
cavités  supérieures  de  l'atlas, 
les  faces  inférieures  de  l'atlas 
en  rapport  direct  avec  les  faces 
supérieures  de  Taxis.  Les  cous- 
sinets articulaires  ne  se  re- 
trouvent plus  au-dessus  de  la 
deuxième  vertèbre  cervicale 
(fig.6). 

L'échange   ou    la  transmis- 
sion des  forces  vives  vont-ils  se 
faire  d'os  à  os,  et  perpendicu- 
lairement, comme  il  semble  devoir,  être  au  premier  aspect? 

Voici,  si  nous  ne  nous  trompons,  comment  les  choses  se  passent  et  comment  la 
nature  a  pu  se  dérober  à  une  fatalité  menaçante. 

Le  poids  de  la  tête  est,  dans  la  station  droite,  transmis  au  rachis  de  la  deuxième 
à  la  troisième  cervicale,  suivant  la  loi  déjà  connue,  et  par  l'intermédiaire  des  cous- 
sinets intervertébraux  ;  mais  perpendiculairement  et,  d'os  à  os  (ou  du  moins  à 
travers  de  minces  cartilages  d'encroûtement),  de  l'occipital  à  la  première  cervi- 


A 


\ 


/ 


6. 


LOCOMOTION.  777 

cale  et  de  celle-ci  à  la  seconde.  Les  forces  vives  de  réaction,  déterminées  par  inie 
chute  sur  les  pieds,  suivent  le  même  chemin  en  sens  inverse,  cela  n'a  pas  besoin 
de  commentaire  ;  et  si  l'on  tombait  droit  sur  les  talons,  ou  sur  les  tubérositcs  de 
l'ischion,  ce  choc  ne  serait  pas  sans  un  cruel  effet  sur  les  surfaces  presque  hori- 
zontales qui  servent  de  passage  de  l'axis  à  l'atlas,  de  l'atlas  à  l'occipital. 

Mais,  lors  d'une  chute  sur  les  pieds,  lors  de  la  retombée  du  saut,  les  extrémités 
mféneures  sont  instinctivement  pliées  cl  s'offrent  au  choc  sous  forme  de  ressorts 
préparés  à  la  détente  ;  ainsi  en  est-il  du  rachis  dont  l'axe  général  est  également 
inclnie  a  1  horizon  ;  les  chocs,  par  suite  de  cette  disposition,  sont  partout  amortis. 
—  Reste  à  considérer  la  tète. 

Celle-ci  est  fortement  redressée  en  arrière  ;  la  concavité  cervicale  du  rachis  est, 
de  son  côté,  nettement  incurvée  en  arrière.  Dans  cette  situation  des  éléments 
ultmies  du  systèzue,  la  force  vive  transmise  à  l'axis  se  transmet  sous  une  certaine 
obliquité  aux  masses  latérales  de  l'atlas,  destinées,  à  leur  tour,  à  la  transmettre 
à  l'occipital. 

Or,  si  l'atlas  et  l'axis  sont  déjà  un  peu  inclinés  do  haut  en  bas  et  d'avant  en 
arrière,  les  surfaces  cylindriques  qu'offrent  les  condyles  de  l'occipital  sont,  elles, 
tout  à  fait  inclinées  sur  l'horizon  :  l'effort  qu'elles  reçoivent  de  la  colonne  leur 
est  bien  plutôt  tangentiel  fjîie  normal  :  ce  sont  donc  encore  les  ligaments  et  les 
muscles  qui  s'offrent  pour  l'épuisement  de  la  dernière  quantité  de  la  force  vive. 

L'observation  nous  apprend  effectivement  que,  dans  la  chute  sur  les  pieds,  le 
corps  se  place  instinctivement  dans  l'inclinaison  mutuelle  de  tous  ses  articles, 
rachis  compris,  les  membres  inférieurs  plies,  les  pointes  des  pieds  présentées  au 
sol,  la  tète  enfoncée  dans  les  épaules,  etc. 

Telles  sont  donc,  en  définitive,  les  conditions  mécaniques  de  l'échange  des 
réactions  et  de  l'annulation  des  forces  vives  :  si  la  transmission  du  poids  et  la 
réaction  avaient  lieu  en  hgne  droite,  verticale,  la  relation  anatomique  qui  unit  les 
premières  vertèbres  cervicales,  à  la  tête,  devrait  fliire  redouter,  au  premier  chef,  le 
mode  de  communication  établi  entre  ces  leuers.  Mais  il  n'en  est  jioint  ainsi  :  lors 
d'une  chute,  non  subite,  lors  du  saut,  ces  leviers,  y  compris  celui  représenté  par 
l'occipital,  sont  à  l'état  d'inclinaison  mutuelle  :  dans  ce  cas,  les  condyles  occipi- 
taux sont  à  proprement  parler  dans  la  verticale.  Nul  choc  n'y  est  donc  à  redou- 
ter :  Il  faudrait  supposer  une  surprise  des  plus  rapides  pour  que  cette  inclinaison 
n'eût  point  heu. 

On  peut  même  observer  que  dans  l'attitude  droite,  au  repos,  ou  dans  la 
marche,  les  condyles  sont  aussi  plus  ou  moins  inclinés,  et  peut-être  devons-nous 
reconnaître  là  l'objet  de  la  projection  normale  du  centre  de  gravité  de  la  tête  en 
avant  du  rachis,  et  de  cette  anomalie  apparente  qui  fonde  leur  équilibre  sur 
l'énergie  active  des  extenseurs. 

20.  Mouvements  sur  place.  Force  d'où  résulte  le  maintien  de  l'équilibre 
en  station  droite.  Nous  avons  vu  un  peu  plus  haut  quelle  condition  devait  ren> 
phr  un  corps  grave,  animé  ou  non  animé,  pour  demeurer  stable  en  sa  place  : 
Sa  ligne  de  gravité  doit  tomber  dans  l'aire  de  sustentation,  supposée  parfaite- 
ment horizontale.  Si  la  surface  d'appui  n'est  pas  absolument  horizontale,  le  corps 
grave  demeurera  cependant  encore  en  place  tant  que  la  tangente  de  l'inchnaison 
de  la  surface  d'appui  sur  l'horizon  est  inférieure  au  coefficient  de  frottement. 

Dans  les  conditions  où  s'exerce  le  domaine  de  la  physiologie,  la  surface  d'appui 
se  rapproche  le  plus  souvent  de  l'horizon  :  mais  elle  n'est  pas  toujours  exacte- 
ment horizontale.  Le  maintien  en  place  du  corps  vivant  est  donc  généralement 


778  LOCOÎIOTION. 

accompli  par  la  puissance  du  frottement,   c'est-à-dire  par  la  résistance  que  les 
aspérités  des  corps  opposent  à  leur  glissement  mutuel. 

Un  corps  animé  diffère,  au  point  de  vue  mécanique,  du  corps  inerte,  en  ce  que 
ce  dernier  demeure  immobile  tant  qu'une  force  extérieure  ne  vient  point  le 
solliciter. 

Le  corps  vivant,  au  contraire,  possède  en  lui-même  des  forces  qu'il  peut  mettre 
en  évidence  et  au  moyen  desquelles  il  peut  modifier  les  conditions  de  son  propre 
équilibre  et  celles  des  corps  avoisinants. 

Mais  toute  force,  pour  produire  un  effet,  a  besoin  d'un  point  d'appui.  L'être 
animé  trouve  le  sien  dans  le  sol  sur  lequel  il  repose,  dans  cette  adhérence  à  la 
surface  d'appui  que  mesure  le  poids  de  son  corps  multiplié  par  le  coeflicient  de 
frottement. 

Sur  cette  base,  il  peut  exécuter  tous  les  mouvements  que  son  organisation 
lui  permettra  et  que  nous  allons  sommairement  passer  en  revue. 

21.  Conditions  auxquelles  le  corps  doit  obéir  dans  l'exécution  des  mou- 
vements sur  place.  Dans  l'étude  qui  précède,  le  centre  de  gravité  de  l'homme 
a  été  déterminé  en  partant  de  cette  condition  préalable,  que  le  sujet  se  trouva* 
en  attitude  parfaitement  droite,  les  bras  collés  au  corps,  les  deux  jambes  réunies 
en  parallélisme.  Le  centre  de  gravité  de  chaque  membre  est  lié,  dans  cette  situa- 
tion, avec  celui  du  tronc  par  une  relation  fixe  qui  entre  dans  la  détermination  du 
centre  de  gravilé  de  tout  le  système.  Nous  ne  pouvons  dès  lors  imaginer  le 
moindre  mouvement  isolé  de  l'un  ou  l'autre  de  ces  appendices,  sans  concevoir 
qu'd  s'ensuive  un  dérangement  plus  ou  moins  notable  du  centre  de  gravité  de 
l'ensemble. 

Ainsi,  portons  un  bras  en  avant  ;  son  centre  de  gravité  sort,  dans  ce  sens,  du 
plan  vertical  médian  parallèle  à  la  direction  des  épaules  qui  contenait  celui  du 
système  entier.  Alors  le  poids  du  bras,  appliqué  en  son  propre  centre  de  gravité, 
devient  une  force  agissant  sur  le  système  total  avec  un  bras  de  levier  qui  mesure 
la  distance  du  centre  de  gravité  de  ce  membre  au  plan  de  gravité  du  tronc.  Cette 
force  tend  donc  à  faire  basculer  le  système  en  avant,  dans  ce  cas-ci. 

Un  raisonnement  semblable  nous  conduirait  à  une  conclusion  analogue  pour 
toutes  les  directions  que  nous  pouvons  donner  à  notre  bras  en  l'étendant.  Cette 
projection  tend  évidemment  à  déplacer,  dans  sa  direction,  le  centre  de  gravité  de 
l'ensemble.  Dès  lors  tout  mouvement  de  cette  sorte,  exécuté  dans  un  but  direct, 
devra  nécessiter,  de  la  part  des  muscles  qui  servent  au  maintien  de  l'équilibre  du 
tronc,  une  action  ou  un  supplément  d'action  de  nature  à  déplacer  en  sens  inverse 
le  centre  de  gravité  ainsi  sollicité. 

Tous  nos  mouvements  de  défense  ou  d'attaque,  exercés  sur  place,  reposeront 
donc  sur  des  modifications  dans  l'attitude  du  tronc,  compensatrices  des  altéra 
lions  dont  ces  mouvements  partiels  menacent  la  position  du  centre  de  gravité 
du  tronc. 

Inversement,  si  une  cause  quelconque',  un  mouvement  involontaire  ou  erroné 
des  muscles,  un  relâchement  dans  leur  contractilité,  amenaient  une  tendance 
momentanée  à  la  chute,  en  permettant  au  centre  de  gravité  de  s'écarter  de  la 
verticale,  le  mouvement  d'un  membre  dans  le  sens  opposé  à  celui  pris  par  le 
centre  de  gravité,  sert  à  l'instant  à  reconstituer  l'équilibre  détruit.  C'est  là  l'office 
d\x  balancier  entre  les  mains  du  danseur  de  corde. 

Il  en  est  exactement  de  même  du  déplacement  volontaire  ou  involontaire  du 
centre  de  gravité  de  l'un  des  membres  inférieurs.  Imaginons  le  corps  porté  mo- 


LOCOMOTION.  77^ 

'ii-'iitanéraent  sur  un  seul  de  ses  supports,  l'autre  devient  un  balancier,  comme 
lious  venons  de  le  reconnaître  pour  le  bras.  Ainsi,  lorsque  le  corps  est  menacé  de 
renversement  en  arrière,  la  projection  de  l'un  des  membres  abdominaux  en  avant,, 
déplaçant  le  centre  de  gravité,  sert  à  la  restitution  de  l'équilibre. 

Toutes  ces  considérations  sont  trop  simples  pour  exiger  de  plus  longs  dévelop- 
pements. On  peut,  à  la  lumière  de  ce  principe,  se  rendre  compte  d'une  multitude 
de  nuances  dans  l'exécution  d'une  foule  de  mouvements,  soit  étendus,  soit  limi- 
tés, dans  nos  diverses  attitudes,  et  se  résolvant  tous  dans  cet  unique  objet  :  la 
restitution  de  l'équilibre. 

Aux  mêmes  principes  répond  la  solution  des  questions  qui  naissent  de  la  con- 
sidération de  l'addition  d'un  poids  industriel  à  celui  du  sujet. 

Ainsi  : 

Un  soldat  est  en  faction,  le  sac  au  dos  ; 

Une  marchande  ambulante  stationne  avec  un  eventaire  ; 

Un  homme  soutient  un  poids  quelconque  à  l'une  de  ses  mains. 

Chacun  de  ces  éléments  pesants  ajoutés  à  l'ensemble,  en  arrière,  en  avant,  laté- 
ralement, porte  le  centre  de  gravité  du  système  plus  ou  moins  de  ce  même  côté« 

L'équilibre  ne  pourra  donc  être  maintenu  que  par  une  inclinaison  compensa- 
trice du  corps  ou  de  l'une  de  ses  parties. 

Dans  le  premier  cas,  le  soldat  avancera  la  ceinture  jusqu'à  dépasser  la  pointe 
de  ses  pieds. 

La  marchande  ambulante  cambrera  sa  région  lombaire  en  arrière,  pour  main- 
tenir le  centre  de  gravité  en  arrière  de  la  ligne  inter-cotyloïdienne. 

Le  portelaix  chargé  d'un  seau  à  droite  porte  son  corps  vers  la  gauche  et  même 
étend  le  bras  hbre,  l'éloigné  plus  ou  moins  du  corps,  pour  ajouter  au  déplace- 
luent  du  centre  de  gravité. 

L'objet  de  toutes  ces  modifications  apportées  dans  la  position  du  centre  de 
gravité  est  toujours  de  le  maintenir  au-dessus  de  la  base  de  sustentation. 

22.  Station  assise.  Dans  la  station  assise,  la  base  de  sustentation  est  repré- 
sentée par  la  vaste  surface  qui  circonscrit  les  faces  postérieures  des  cuisses  et  des 
fesses.  Il  n'y  aura  donc  pas  lieu  à  de  grandes  attentions  de  la  part  du  système 
musculaire  pour  conserver  la  ligne  de  gravite  dans  une  de  ses  nombreuses  situa- 
tions d'équilibre. 

Ajoutons  à  cela  que  le  poids  des  extrémités  abdominales  est  élimmé  de  la  ques" 
tion  proprement  dite  de  l'équilibre,  puisqu'elles  sont  directement  soutenues  par 
le  sol  ou  la  surface  fixe  formant  appui. 

D'autre  part,  au  moment  où  le  sujet  s'assoit ,  le  bassin  dont  le  plan  de  l'an- 
neau était  antérieurement  plus  ou  moins  incliné  (plutôt  plus  que  moins)  sur  le 
plan  de  l'horizon,  se  redresse  pour  se  porter  dans  ce  plan,  se  mettant  en  contact 
,avec  l'appui  par  les  ischions  et  presque  le  coccyx. 

Un  premier  résultat  de  cette  modification  dans  l'orientation  du  bassin  est  le 
redressement  de  la  concavité  postérieure  de  la  région  lombaire  qui  se  change 
presque  en  convexité  faisant  suite  à  la  convexité  dorsale. 

Dans  cette  situation,  les  extenseurs  n'agissent  plus  que  passivement  et  par  leur 
distension  ;  l'action  de  la  gravité  paraît  tout  entière  du  côté  du  fléchisseur  du 
tronc  et  représente  la  puissance  qui  fléchit  —  la  tonicité  des  extenseurs  sert  d'an- 
tagoniste ;  —  à  l'extrême  limite,  cet  équihbre  serait  amené  à  l'état  fixe  par  la  résis- 
tance des  hgaments  jaunes. 

25.  De  l'effort.     Dans   les  circonstances  où  doit  être  déployée  en  peu  de 


780  LOCOMOTION. 

temps  une  grande  énergie,  soit  dans  les  mouvements  sur  place,  soit  dans  l'exécu- 
tion de  certaines  fonctions,  soil  dans  la  translation  rapide  du  centre  de  gravité 
d'un  point  à  un  autre,  les  muscles  chargés  de  fournir  à  cette  énergie  exception- 
nelle ont  besoni  de  trouver  dans  le  tronc  un  point  d'appui  solide.  L'immobilité, 
la  rigidité  temporaire  de  la  cage  thoracique,  deviennent  la  condition  préalable  de 
ce  point  d'appui. 

Or,  cette  portion  étendue  du  squelette  est,  par  destination,  vouée  à  une  mo- 
bilité périodique  offrant  exactement  les  conditions  contraires  à  celles  réclamées  ici 
I  ar  la  dynamique  ;  une  révolution  complète  doit  donc  être  apportée  dans  sa  ma- 
nière de  se  comporter.  Pour  fournir  un  point  d'appui  fixe  à  tant  de  muscles  qui, 
affectés  à  des  leviers  divers,  doivent  concourir  cependant  au  même  objet,  l'enveloppe 
osseuse  qui  circonscrit  le  thorax  commence  par  se  dilater  largement  :  l'air  inspiré 
vient  donc  en  remphr  toute  la  capacité  ;  la  glotte  alors  se  ferme.  Tout  est  dès  lors 
stable  et  fixe.  L'air  répandu  dans  les  cellules  et  les  bronches  dilatées  fournit  aux 
côtes  et  au  diaphragme  un  support  élastique  tenant  en  équilibre  la  réaction  mus- 
culaire des  expirateurs  et  la  pression  extérieure.  Tant  que  peut  se  prolonger  la 
tolérance  de  l'économie  pour  le  sang  désoxygéné,  renfermé  dans  les  veines  et 
dont  la  quantité  croît  avec  la  durée  de  l'effort,  autant  durera  cette  stabilité,  aussi 
longtemps  pourront  s'y  fonder  les  exigences  qui  provoquent  l'effort. 

Tel  est  l'effort  dans  son  expression  la  plus  complète  ;  mais  elle  n'est  pas  tou- 
jours réalisée  dans  son  entier.  Ainsi,  l'occlusion  absolue  de  la  glotte  n'y  est  pas 
nécessaire,  inévitable.  D'abord  elle  ne  peut  être  tolérée  longtemps;  puis,  lorsque 
l'énergie  musculaire  doit  se  perpétuer  dans  ses  manifestations  périodiques,  l'oxy- 
génation du  sang  devient  un  élément  non  moins  important  de  la  production  de  la 
force  motrice,  et  la  glotte  doit  s'ouvrir.  Il  est  visible  en  effet  que  la  stase  du 
sang  veineux,  déterminée  par  l'acte  de  l'effort,  est  incompatible  avec  sa  con- 
tinuité. 

L'effort,  plus  ou  moins  soutenu,  sert  de  base  à  l'accomplissement  de  plusieurs 
fonctions  naturelles  :  le  vomissement,  la  défécation,  le  chant,  les  cris,  la  toux, 
l'accouchement,  le  saut,  la  course,  etc. 

II.  Dynamique  animale,  ou  Locomotion  proprement  dite.  24.  De  la  locomo- 
tion chez  ranimai.  Comment  y  agit  la  force  motrice.  Nous  venons  d'exposer, 
dans  le  chapitre  Station,  les  conditions  statiques  auxquelles  l'homme  obéit  à 
l'état  de  repos  et  celles  auxquelles  il  doit  satisfaire  quand  il  veut,  sans  se  déplacer, 
exécuter  tel  ou  tel  mouvement,  exercer  telle  ou  telle  action  sur  les  corps  à  sa 
portée . 

Nous  allons  ici  nous  occuper  des  recherches  analogues  pour  les  cas  où  l'homme 
se  transporte  d'un  point  à  un  autre  de  l'espace.  Ce  nouveau  chapitre  concernera 
donc  l'homme  à  l'état  de  mouvement,  ou  mieux,  aura  pour  objet  la  détermina- 
tion des  conditions  dynamiques  présidant  à  ses  mouvements. 

Et  d'abord,  par  quel  principe  de  dynamique  l'homme  ou  l'animal  peuvent-ils  se 
déplacer,  peuvent-ils,  plus  expressément,  transporter  leur  centre  de  gravité  d'un 
point  à  l'autre  de  l'espace  ?  Par  la  mise  en  jeu  des  forces  intérieures  dont  ils  dis- 
posent, par  leur  puissance  musculaire. 

Mais  alors  que  devient  ce  principe  absolu  qui  préside  à  la  cinématique,  et  en 
vertu  duquel  «  un  corps  sollicité  uniquement  par  des  forces  intérieures  est  im- 
puissant à  modifier  en  rien  la  situation  de  son  centre  de  gravité?  » 

Un  corps  dans  lequel  une  force  intérieure  peut,  en  se  développant,  donner 
naissance,  par  le  fait  de  son  contact  avec  un  autre  corps,  à  une  force  nouvelle, 


telle  que  la  force  de  frottements,  n'est  plus  sollicité  «  uniquement  »  par  des 
forces  intérieures.  Entre  le  point  du  corps  voisin  et  sur  lequel  s'exerce  ladite 
force  de  frottement,  et  le  centre  de  gravité  du  premier  corps  considéré,  la  foi-ce 
intérieure  en  question  agit  comme  les  deux  bras  d'un  homme  repoussant  à  droite 
et  à  gauche  deux  murailles  qui  tendraient  à  l'écraser.  Ce  corps  voisin  et  le 
centre  de  gravité  du  premier,  reçoivent  en  sens  inverse  l'un  de  l'autre,  la  même 
quantité  de  mouvements,  mv  (la  masse  multipliée  par  la  vitesse). 

Dans  la  question  qui  nous  occupe,  celle  du  mouvement  que  peut  se  donner 
un  corps  animé  sur  le  sol,  le  corps  voism,  de  la  phrase  précédente,  c'est  le  sol,  la 
terre  ferme,  avec  lesquels  le  poids  de  l'animal  établit  une  connexion,  une  adhé- 
rence de  frottement  ;  le  MV  qui  lui  est  imprimé ,  et  qui  égale  le  mv  im- 
pulsion subie  par  le  centre  de  gravité  du  corps  animé,  n'a  pas  les  mêmes  symp- 
tômes apparents.  La  masse  M  delà  terre  est  mliuie  par  rapport  à  celle  m  du  corps 
de  l'animal,  la  vitesse  V  imprimée  à  la  terre  sera  donc  nulle  par  rapport  à  celle 
V  reçue  par  le  centre  de  gravité  du  corps  animé. 

En  ce  sens  nous  pourrons  dire,  contrairement  àla  formule  de  cinématique  rap- 
pelée plus  haut,  que  prenant  appui  sur  le  sol,  par  le  fait  du  frottement,  la  force 
musculaire  intérieure  du  sujet  déplace,  dans  le  sens  qu'il  lui  jilait  de  lui  imprimer, 
son  centre  de  gravité. 

Telle  est  l'origine  de  tout  déplacement  spontané  du  corps  animé. 

Depuis  la  reptation  jusqu'au  vol,  le  point  d'a[qjui  (engendrant  frottement)  sur 
le  sol  ou  le  milieu  ambiant,  est  celui  sur  lequel  la  force  intérieure  déicloppce 
par  le  sujet,  s'exerce  en  un  sens  ou  se  détruit  sur  une  masse  équivalente  à  une 
résistance  absolue,  et  agit,  dans  l'autre  sens,  sur  le  centre  de  gravité  du  sujet 
qu'elle  déplace.  Le  mécanisme  est  ici  le  même  que  celui  qui  accomplit  le  mouve- 
ment d'une  barque  s'éloignant  de  la  rive  sous  la  pression  de  la  perche  ou  galfe  du 
batelier  ;  la  force  motrice  est  tout  entière  dans  l'action  musculaire  développée 
parle  marinier,  laquelle  se  déploie  en  quantités  égales  en  deux  sens  opposés,  l'une 
s'épuisant  sur  la  ré.MStance  fixe  de  la  rive,  l'autre  déplaçant  le  centre  de  gra 
vite  du  système;  c'est  là  ce  que  l'on  a  désigné  c^uelquefois  impro[irement  sous  le 
nom  d'action  réflexe,  de  réaction  du  sol  et  de  la  rive.  Cette  expression,  qu'on  em- 
ploie encore  souvent,  ne  devra  point  donner  lieu  à  malentendu,  mais  être  com- 
prise dans  le  sens  du  commentaire  qui  précède,  toutes  les  fois  qu'il  s'agira 
d'un  appui  fixe. 

Cette  action  réflexe  se  manifeste,  au  contraire,  et  devient  une  force  active, 
quand  le  point  d'appui  est  pris  sur  les  molécules  plus  ou  moins  mobiles  d'un  mi- 
lieu fluide.  Alors  sous  toute  pression,  naît  nue  réaction  égale  et  contraire  à  l'ac- 
tion, agissant  et  mesurée  perpendiculairement  ik  la  surface  de  contact  mutuel  du 
milieu  et  du  corps  animé.  Dans  la  natation  et  le  vol,  tel  sera  l'appui  que  nous 
aurons  à  considérer. 

25.  Du  ramper  ou  delà  reptation.  Le  mécanisme  le  plus  simple  que  l'on 
puisse  concevoir  pour  le  mouvement  de  translation  d'un  corps  animé  d'un  point 
de  l'espace  à  un  autre,  par  des  forces  individuelles,  peut  être  exprimé  par  l'an- 
tagonisme entre  les  idées  d'attraction  et  de  répulsion.  L'attraction,  prenant  en 
un  point  du  sol  un  appui,  condensera  en  une  région  de  l'individu  la  masse  des 
parties  [lost.'rieures;  l'appui  changeant  alors  de  sens  et  se  prenant  en  arrière  de 
cette  masse  condensée,  une  repulsion  qui  se  manifestera  entre  ces  parties  conden- 
sées poussera,  portera,  projettera  ces  mêmes  parties  en  avant. 

Dans  ces  quelques  lignes  se  trouve  résumé  le  principe  de  la  locomotion  la  plus 


782 


LOCOMOTION. 


élémentaire.  Voici,  par  exemple   (fig.   7,  8  et  9),  l'observation  du  déplacement 

d'une  chenille  : 

«  Les  chenilles  se  meuvent  ainsi  pour  la  plupart  :  elles  commencent  par  retirer 

et  recourber  un  peu  leur  extrémité  postérieure,  en  formant  une  petite  bosse  en 

haut,  et  en  serrant  les 
deux  ou  trois  anneaux 
correspondants,    en   des- 

!1^ 


sous.  Par  ce  moyen,  la 
dernière  paire  de  jambes 
fait  un  pas  et  se  cram- 
ponne; et  ce  renflement 
se  coule  par  un  mouve- 
ment ondulatoire,  c'est-à- 
dire  par  une  Suite  de  mou- 
vements semblables,  le 
long  du  corps  jusqu'à  la 
tête.  En  sorte  que  chaque 
paire  de  jambes  soit  mem- 
braneuses,  soit   écailleu- 


Fig.  l.S  el9. 


ses,  lorsque  le  renflement  passe  par-dessus,  peut  s'avancer  et  se  cramponner  à 
une  nouvelle  distance.  Enfin  la  tête  peut  se  porter  en  avant  en  relâchant  à  son 
tour  ses  anneaux  contigus  et  serres.  «  (Wciss.  Acta.  Ilelvetica.) 

A  part  l'absence  de  pattes,  remplacées  chez  eux  par  des  écailles,  imbriquées 
d'avant  en  arrière,  les  serpents  se  portent  en  avant  par  un  mouvement  ondula- 
toire calqué  en  principe  sur  le  précédent . 

Dans  cette  description,  il  est  visible  que  le  mouvement  qui  fait  passer  l'onde  du 
renflement,  d'ai'rière  en  avant,  est  une  force  de  projection  par  élasticité.  Pour  s'en 
assurer,  on  n'a  qu'à  prendre  l'onde  arrivée  à  la  première  paire  de  pattes  en  avant  ; 
il  est  clair  que  celle-ci  ne  pourra  être,  avec  la  tète  qui  la  précède,  portée  plus 
antérieurement  que  par  un  fait  de  répulsion  nécessairement  du  genre  de  l'élasti- 
cité rendue  libre. 

Les  naturalistes,  il  est  vrai,  nient  l'existence  d'un  tissu  élastique  entre  les  an- 
neaux plus  ou  moins  cartilagineux  des  annelés  ou  les  rondelles  osseuses  des  ophi- 
diens. Nous  ne  pouvons  contredire  la  science  d'observation.  Cependant  comment 
expliquer  autrement  que  par  une  force  d'extension  élastique,  la  propriété  qu'ont 
les  sangsues,  par  exemple,  de  s'étendre  en  longueur  en  s'amincissant  d'arrière 
en  avant,  sans  autre  point  d'appui  que  leur  base  postérieure! 

Nous  avons,  après  Barthez,  cherché  nous-mêmes  à  expliquer  ce  mouvement  de 
projection  parla  contraction  alternative  des  fibres  longitudinales  dorsales  ou  ven- 
trales des  annelés.  Mais  si  la  contraction  ventrale  rend  aisément  compte  du  rap-: 
prochement  des  pattes  correspondant  à  la  bosse  dorsale  au  point  ondulant,  il 
n'en  est  plus  de  même  quant  à  l'intelligence  du  mécanisme  inverse.  On  conçoit 
assurément  qu'il  se  forme,  par  la  contraction  des  fibres  dorsales  succédant  à  celles 
des  fibres  opposées,  une  bosse  à  convexité  inférieure  ;  mais  on  ne  comprend  plus 
que  celle-ci  puisse  servir  à  la  progression  puisque,  si  son  premier  effet  est  de 
pousser  en  avant,  les  pattes  antérieures  à  la  tête,  le  second  effet  est  de  les 
redresser  ou  de  leur  enlever  la  possibihté  de  prendre  appui  au  sol. 

La  reptation,  contrairement  à  l'étjmologie,  n'est  point  l'allure  des  reptiles  en 
général,  mais  celle  des  seuls  ophidiens  dans  cette  classe  et  des  annelés  en  général. 


LOCOMOTION.  783 

Les  reptiles  ont  en  effet  pour  la  plupart  de  véritables  membres,  trop  courts, 
il  est  vrai,  pour  empêcher  leur  abdomen  de  toucher  ou  au  moins  de  raser  la  terre, 
mais  enfin  ce  sont  des  membres  et  leur  allure  ressortit  sur  le  sol  à  un  mécanisme 
du  genre  de  celui  des  quadrupèdes.  Il  en  est  qui  sautent,  d'autres  qui  glissent, 
nagent,  enfin  volent  ! 

Quant  aux  annelés  armés  de  pattes,  ce  ne  sont  point  en  général  de  véritables 
membres,  en  ce  sens  qu'ils  ne  jouent  point  le  rôle  de  leviers  obéissant  à  des 
forces  particulières.  Ce  sont  de  simples  appendices  accrochant  aux  inégalités  et 
aspérités  du  sol,  les  parties  que  l'animal  doit  fixer  pour  prendre  son  appui. 

26.  De  la  marche  chez  Vhomme.  — A.  Définition.  — Faits  d'observation. 
Parmi  les  différents  modes  de  translation  de  l'homme  d'un  point  à  un  autre,  le 
plus  simple,  évidemment,  le  premier  qui  doive  attirer  notre  attention,  c'est  la 
marche. 

L'analyse  du  mécanisme  de  la  marche  chez  l'homme,  comme  cliez  les  ani- 
maux, est  un  des  problèmes  physiologiques  les  plus  complexes.  L'observation, 
seule,  des  différents  temps  qui  constituent  cet  acte,  et,  par  suite,  sa  simple 
description,  sont  elles-mêmes  un  travail  des  plus  délicats.  Avant  d'en  entrepren- 
dre la  synthèse,  essayons  donc  tout  simplement  d'exposer  les  faits  d'observation 
physiologique  qui  ne  peuvent  offrir  matière  à  doute. 

Premièrement,  la  marche  est  une  allure  de  translation  spontanée  du  corps, 
composée  de  pas,  c'est-à-dire  de  temps  successifs  égaux  entre  eux,  pendant  cha- 
cun desquels  une  jambe,  en  contact  avec  le  sol,  sert  au  tronc  de  support  et  de 
moteur;  l'autre,  à  l'état  de  suspension  ou  d'oscillation,  étant  portée  en  avant,  à 
la  rencontre  du  sol  pour  y  servir,  à  son  tour,  d'appui  et  de  moteur. 

Au  moment  où  a  lieu  cette  rencontre,  la  jambe,  premièrement  à  l'appui, 
quitte  alors  le  sol  ;  elles  ne  sont  jamais  en  l'air  ensemble,  et  le  temps  de  leur 
appui  simultané  est  inappréciable. 

Telle  est  donc  la  caractéristique  de  la  marche.  Si  rapide  qu'en  puisse  être  l'al- 
lure, le  corps  n  abandonne  jamais  complètement  le  sol.  Ce  caractère,  nous  le 
verrons  plus  loin,  différencie  expressément  la  marche  du  saut,  ou  de  la  course, 
laquelle  est  une  combinaison  de  la  marche  et  du  saut. 

B.  Mouvement  du  centre  de  gravité  pendant  la  marche.  Suite  des  observa- 
tions. Deuxièmement,  pendant  le  cours  de  la  marche  (sur  un  plan  horizontal), 
le  tronc,  ou  du  moins  son  centre  de  gravité,  est  transporté  presque  en  ligne 
droite.  Il  oscille  cependant,  suivant  la  verticale,  sur  une  hauteur  de  50  à 
32  millimètres  environ,  entre  son  point  le  plus  élevé  et  son  point  le  plus  bas. 

La  situation  la  plus  inférieure  du  centre  de  gravité  correspond  aux  environs 
du  moment  où  la  jambe  postérieure  va  quitter  le  sol,  et  oîi  l'antérieure  va  la  ren- 
contrer. 

Que  les  pas  soient  longs,  qu'ils  soient  courts,  ces  oscillations  demeurent  com- 
prises approximativement  dans  les  mêmes  limites.  Seulement  dans  les  pas  longs, 
les  deux  plans  horizontaux,  distants  de  32  millimètres,  entre  lesquels  s'opèrent 
les  oscillations,  sont  plus  rapprochés  du  sol  que  pendant  les  pas  courts,  et  d'au- 
tant plus  que  le  pas  est  plus  long. 

A  mesure  que  les  pas  augmentent  de  longueur,  le  tronc  s'incline  davantage  sur 
le  bassin,  et  la  jambe  suspendue  affecte  une  flexion  plus  grande  dans  ses  arti- 
culations. 

En  même  temps  qu'il  oscille  de  haut  en  bas  et  de  bas  eu  haut,  et  qu'il  se 
porte  en  avant,  le  centre  de  gravité  est  porté  du  côté  de  la  jambe  appuyée,  pen- 


784  LOCOMOTION. 

dant  les  trois  premiers  quarts  du  pas  (approximativement),   pour  passer  sur 
l'autre  au  moment  où  elle  arrivera  à  l'appui. 

Pendant  cette  première  phase  du  mouvement,  le  côté  du  bassin  auquel  est 
suspendue  la  jambe  oscillante,  est  porté  en  avant,  en  tournant  horizontalement 
sur  le  sommet  de  la  jambe  d'appui,  et  en  même  temps  en  haut,  autour  d'un 
centre  de  rotation  que  représente  la  tète  du  fémur  d'appui.  Le  mouvement  in- 
verse commence  vers  le  moment  où  l'autre  jambe  vient  à  l'appui. 

En  résumé,  le  centre  de  gravité,  qui  parcourt  durant  un  pas,  et  d'avant  en 
arrière,  l'espace  que  mesure  ce  pas,  est,  eu  même  temps,  dès  le  début  de  la 
période,  porté  en  haut  et  en  dedans,  pour  revenir  à  la  hauteur  initiale,  à  la  fin 
de  cette  période. 

On  peut  reconnaître  là  une  des  conditions  nécessaires  pour  que  la  jambe  oscil- 
lante ne  rencontre  point  le  sol  dans  son  mouvement  de  projection  en  avant. 
Yodà  pour  le  bassin. 

C.  Analyse  du  premier  temps  ou  de  la  première  phase  du  pas.  Propidsion. 
On  peut  conclure  de  ce  qui  précède  que  la  marche  peut  être  décomposée  par 
l'analyse  en  deux  temps  ou  deux  phases  mécaniques  :  le  premier  (appelé  premier 
temps)  est  l'acte  par  lequel  le  centre  de  gravité  du  corps  est  poussé  en  avant  ;  — 
le  second,  l'acte  de  préparation  à  l'alternance  d'action  des  moteurs,  c'est-à-dire 
la  translation  du  membre  inerte,  destiné  à  devenir  actif  à  son  tour. 
L;\  phase  de  propulsion,  la  phase  d'oscillation. 

Il  y  a  même  lieu  d'y  considérer  un  troisième  temps,  ou  plutôt  un  temps 
préalable  ou  de  préparation  :  celui  qui  fait  passer  le  sujet  de  la  station  propre- 
ment dite  à  l'attitude  propre  à  la  marche. 

1°  Période  de  préparation.  Obseivons-nous  au  moment,  où,  de  l'état  de 
repos,  sur  les  deux  jambes  parfaitement  droites,  nous  allons  passer  à  celui  de 
mouvement  dans  la  marche,  nous  voyons  : 

Le  corps,  l'épaule,  s'inclinent  sur  l'un  des  côtés  (droit,  par  exemple),  élevant 
la  moitié  opposée  du  bassin  (gauche,  par  conséquent),  tant  par  l'action  des  mus- 
cles spinaux  et  latéraux  du  tronc,  que  par  l'impulsion  (extension)  de  la  jambe 
qui  quittera  le  sol  la  première  (la  gauche).  Bientôt,  en  effet,  cette  jambe  devient 
mobile,  et  se  porte  en  avant,  eu  même  temps  que  le  bassin  exécute,  autour  de  la 
tète  fémorale  fixe,  les  mouvements  décrits  plus  haut  (B).  Pendant  ce  temps,  on 

voit  que  les  mouvements  d'extension  précédem- 
mejit  observés,  ou  plutôt  ébauchés,  dans  la  pre- 
mière jambe,  s'accomplissent  graduellement  dans 
celle  appuyée,  mais  d'une  manièie  plus  com- 
plète. L'articulation  du  pied  sur  la  jambe,  puis 
celle  du  genou,  s'ouvrent  et  s'étendent  succes- 
sivement; la  jambe  postérieure  pousse  ainsi  en 
avant  le  centre  de  gravité  suspendu  au-dessus 
d'elle,  jusqu'au  moment  où  l'autre  jambe,  arri- 
vaut  à  l'appui,  passe  du  rôle  passif  à  la  fonclion 
active. 
ss5s^:sss^^-..s.^-....s...s.. -       ^  j^  g^  ^g  ^g  premier  pas,  qui  se  trouve  être 

'^'     ■  le  commencement  du  pas  suivant,  la  ligne  de 

propension  du  centre.de  gravité  \ient  donc  porter  sur  le  talcn  de  la  jambe 
antérieure,  ou  même  plus  en  avant  (fig.  10).  Or,  comme,  en  ce  moment 
même,  la  jambe  postérieure  est  étendue  et  touche  encore  au  sol  par  l'extrémité 


LOCOMOTION.  785 

antérieure  du  pied,  on  reconnaît  qu'au  moment  très-court  où  les  deux  jambes 
touchent  simultanément  le  sol,  la  jambe  postérieure  forme  l'hypoténuse  d'un 
triangle  rectangle,  dont  les  deux  autres  côtés  sont  la  longueur  du  pas,  et  la 
hauteur  du  centre  de  gravité  au-dessus  du  sol. 

deuxième  phase.  Projection.  Pendant  que  s'accomplissent,  dans  la  jambe 
appuyée  ou  postérieure,  les  actes  successifs  d'extension  des  articulations  du 
pied,  puis  du  genou,  propulseurs  du  centre  de  gravité,  l'autre  jambe  abandonne 
le  sol  pour  se  porter  sur  ce  centre,  et  rencontre  le  sol  au  moment  de  l'extension 
tinale  de  la  jambe  motrice,  au  moment  où  la  pesanteur  tend  à  faire  déchner  ce 
centre  des  mouvements  du  corps. 

Cette  période  s'exécute  par  un  mécanisme  inverse  à  celui  de  l'extension  des 
articles  :  la  jambe  se  fléchit  aux  articulations  du  bassin,  du  genou,  du  pied, 
dans  une  mesure  en  rapport  avec  l'espace  offert  à  son  passage  entre  le  sol 
elle  centre  de  gravité,  c'est-à-dire  d'autant  plus  que  le  centre  de  gravité  oscille 
autour  d'une  ligne  plus  rapprochée  de  terre,  c'est-à-dire  que  le  pas  est  plus 
grand. 

Ce  sont  donc  les  fléchisseurs  de  la  cuisse  sur  le  bassin,  de  la  jambe  sur  la 
cuisse,  du  pied  sur  la  jambe,  qui  sont  préposés  à  ce  mouvement,  comme  celui 
de  la  jambe  motrice  est  confié  à  l'action  successive  et  simultanée  des  extenseurs 
de  ces  mêmes  articles. 

Quant  aux  mouvements  du  bassin  et  des  épaules,  on  voit  qu'ils  sont  dus  aux 
actions  respectives  des  muscles  disposés  et  étages  autour  du  tronc  et  des  épaules. 

D.  Mouvements  simultanés  qui  se  passent  dans  les  parties  supérieures.  Si 
l'on  considère  maintenant  l'extrémité  supérieure  du  tronc,  on  observe  que  : 

La  poitrine,  les  épaules  surtout,  tournent  horizontalement  autour  d'un  axe  ver- 
tical, qui  semble  passer  par  la  colonne  vertébrale.  Dans  ce  mouvement,  l'épaule 
droite  avance  en  mênje  temps  que  le  côté  gauche  du  bassin,  et  récipro- 
quement. 

En  même  temps  encore,  chaque  bras  exécute  simultanément  avec  la  jambe  du 
côté  opposé  deux  demi-oscillations  :  l'une  antérieure,  correspondant  à  la  pé- 
riode de  suspension  et  de  projection  de  cette  dernière;  l'autre,  postérieure, 
isochrone  avec  sa  période  d'appui  et  d'extension. 

Gassendi  avait  cru  remarquer  que  dans  ce  mouvement  oscillatoire  du  bras, 
celui  qui  vient  d'être  porté  en  avant  ne  rétrograde  jamais  ;  qu'il  s'arrête  à  la 
limite  de  la  demi-oscillation  antérieure,  et  comme  s'il  s'y  fixait.-  Le  tronc,  suivant 
lui,  venait  l'y  retrouver,  puis  l'autre  bras  partait  à  son  tour. 

L'observation  nous  parait  inexacte  ;  le  bras  exécute  bien  deux  demi-oscilla- 
tions. C'est  sous  l'influence  d'une  suggestion  spéculative  que  Gassendi  avait  conçu 
ou  cru  surprendre  ce  mouvement  comme  coupe  en  deux.  Il  étendait  au  bras  de 
l'homme  ce  qui  se  passe  chez  le  quadrupède  :  chez  ce  dernier,  lors  de  la  mar- 
che, le  bras  droit  (pied  droit  antérieur)  est  suivi  de  très-près  dans  son  mouve- 
ment par  le  pied  postérieur  gauche.,  et  pas  phis  que  ce  dernier,  une  fois  posé, 
enlrétrograde  (ce  qui  est  simple,  puisqu'il  repose  à  terre,  et  y  devient  à  son 
tour  appui  et  même  moteur). 

Chez  l'homme,  les  mouvements  de  projection  du  bras  droit  et  de  la  jambe 
gauche  se  suivent  de  plus  près  encore  ;  jusqu'ici  il  y  a  grande  analogie.  Mais  ne 
rencontrant  pas  d'appui,  de  frottements,  ni  d'obstacles,  le  bras  droit  n'est  jamais 
arrêté,  et  revieiU  dès  lors  en  arrière,  complétant  son  oscillation.  L'observation  de 
Ua.ssendi  était  donc  incomplète.  La  pathologie,  d'ailleurs,  en  démontre  l'inexac- 

mcT.  B»^.  2»  s.  II,  50 


o 


7o6  ij  v/ \j  v/ iinj  1  lu  il . 

titude.  M.  Ducheiine  (de  Boulogne)  a  établi  que,  dans  l'atrophie  de  la  moitié 
antérieure  du  deltoïde  qui  fait  disparaître  la  moitié  antérieure  de  l'oscillation,  la 
demi-oscillation  postérieure  continue  à  s'observer  eu  arrière,  sous  l'influence  de 
la  partie  saine  du  muscle,  et  vice  versa. 

Les  bras  sont -ils,  au  contraire,  fixés  au  corps  par  la  volonté,  le  mouvement  de 
projection  des  épaules  n'a  point  lieu  ou  change  de  sens.  Dans  ce  cas,  l'épaule 
gauche  avance  avec  le  côté  gauche  du  bassin,  et  vice  versa.  L'allure  rappelle 
Vamhle  des  quadrupèdes. 

La  rapidité  de  l'allure  est  alors  particulièrement  entravée.  On  l'observe,  dans 
la  course,  chez  les  sujets  amputés  d'un  bras,  obligés  alors  de  s'incliner  latérale- 
ment du  côté  allégé. 

E.  De  l'assimilation  de  la  jambe  mobile  à  un  pendule.  An"ètons-nous  quel- 
ques instants  sur  cette  phase  du  mouvement  ;  elle  offre  quelque  intérêt,  ayant  été 
l'objet  de  théories  et  de  controverses  qu'on  ne  saurait  passer  sous  silence. 

Se  fondant  sur  le  rôle  de  centre  de  rotation  que  joue  dans  la  cavité  cotyloïde  la 
tête  fémorale,  des  auteurs,  plus  mathématiciens  que  physiologistes,  ont  cru  pou- 
voir avancer  que,  dans  la  marche,  le  mouvement  de  projection  de  la  jambe  mobile 
était  un  fait  tout  passif,  physique,  dépendant  de  la  seule  action  de  la  pesanteur 
sur  la  jambe,  considérée  elle-même  comme  un  simple  pendule  dérangé  de  sa  posi- 
tion d'équilibre. 

«  La  jambe,  a-t-on  dit,  pendant  la  marche,  descend  de  sa  position  extrême  d'ex- 
tension, ou  plutôt  de  l'élévation  légère  qui  suit  cette  extension,  au  moment  où 
elle  abandonne  le  sol,  à  la  position  stable  de  contact  avec  le  sol,  absolument 
comme  un  pendule  et  suivant  la  même  loi.  »  Les  muscles,  dans  la  pensée  de  ces 
auteurs,  ne  semblent  prendre  dans  ce  résultat  qu'une  part  faible  ou  nulle  :  «  Le 
mouvement  peut  se  continuer  uniformément,  ajoutent-ils,  alors  même  que  le  mar- 
cheur ou  le  coureur  ne  dirige  pas  continuellement  son  action  vers  ce  but...  » 

Bien  des  objections  se  présentent  à  cette  idée  spéculative  étrange  : 

Premièrement,  comment  fera  la  jambe  oscillante  pour  passer,  sans  l'interven- 
tion musculaire  et  celle  de  la  volonté  par  conséquent,  entre  le  sol  et  son  point  de 
suspension,  elle  dont  la  longueur  représente,  eu  égard  à  son  extension  précédente,, 
l'hypoténuse  du  triangle  rectangle  dont  la  hauteur  de  son  point  de  suspension 
représente  le  côté  perpendiculaire  au  sol?  (C)  N'y  a-t-il  pas  là  nécessité  absolue  d'un 
raccourcissement  que,  seuls,  les  fléchisseurs  de  la  cuisse  sur  le  bassin,  de  la  jambe 
sur  la  cuisse,  du  pied  sur  la  jambe,  sont  en  état  de  produire?  Car  ce  ne  sont  pas 
les  propriétés  physiques  du  pendule  qui  seront  aptes  à  amener  ce  raccourcis- 
sement. 

De  plus,  dès  que  le  pas  n'est  pas  des  plus  courts,  la  jambe  flottante  arrive  au 
sol,  à  l'état  de  flexion  marquée  ;  en  tous  cas,  elle  y  arrive  plus  courte  qu'au  mo- 
ment de  son  passage  à  l'aplomb  de  la  jambe  d'appui.  Est-ce  encore  le  pendule 
qui  la  raccourcit,  et  non  pas  les  muscles  fléchisseurs  de  la  cuisse  sur  le  bassin? 

La  physiologie  pathologique  ne  laisse  non  plus  de  doute  sur  l'intervention 
nécessaire  dans  cet  acte  de  l'action  musculaire  ;  M.  Duchenne  (de  Boulogne)  a  dé- 
montré par  de  nombreuses  observations  que  : 

1°  Consécutivement  à  la  paralysie  ou  à  l'affaiblissement  des  muscles  fléchis- 
seurs de  la  cuisse  sur  le  bassin,  le  mouvement  oscillatoire  d'avant  en  arrière  du 
membre  inférieur,  pendant  la  marche,  ne  se  fait  plus  normalement,  m  complète- 
ment; il  faut,  pour  l'accomplir,  que  la  hanche  et  l'épaule  du  même  côté  soieat 
élevées  considérablement  pour  détacher  le  pied  du  sol,  et  qu'un  mouvement  de 


- 7«7 

totalité  du  tronc  projette  avec  plus  ou  moins  de  vigueur  le  membre  en  avant,  en 
imprimant  au  bassin  un  mouvement  de  rotation  sur  le  membre  fixe.  » 

«  2°  Consécutivement  à  la  paralysie  des  muscles  fléchisseurs  de  la  jambe  sur  la 
cuisse,  la  flexion  du  genou,  qui  a  lieu  immédiatement  avant  que  le  pied  se  dé- 
tache du  sol,  se  fait  difficilement  et  incomplètement;  il  eu  résulte  un  retard  et  de 
la  difficulté  dans  la  production  du  deuxième  temps  de  la  marche.  » 

5"  enfin,  l'abolition  du  mouvement  de  flexion  du  pied  sur  la  jambe  occasionne 
un  grand  trouble  dans  ce  même  temps  de  la  marche.  Il  s'accuse  par  la  nécessité 
où  se  trouve  cette  catégorie  de  malades  d'exagérer,  dans  la  marche,  le  mouve- 
ment de  flexion  de  la  cuisse  sur  le  bassin,  de  manière  que  le  membre  puisse  être 
porté  en  avant  sans  rencontrer  le  sol. 

L'analyse  des  modifications  introduites  dans  cette  fonction  par  l'inclinaison  du 
sol,  pendant  la  montée  ou  la  descente,  apportera  plus  loin  des  cléments  non  moins 
probants  à  l'encontre  de  cette  théorie  antiphysiologique. 

27.  De  la  marche  en  montant.  Dans  la  marche  en  montant,  en  sus  des 
actions  nécessaires  pour  porter  en  avant  le  centre  de  gravité,  le  système  muscu- 
laire a  encore  à  mettre  enjeu  celles  qui  doivent,  à  chaque  pas,  élever  ce  centre  de 
gravité  d'une  quantité  donnée. 

Pour  avoir  une  idée  de  ces  dernières,  observons-nous  le  long  d'un  escalier  : 
notre  jambe  antérieure  repose  sur  la  niarche  supé- 
rieure,  la  jambe  post(Tieure  appuie  sur  celle  de         Çè]  --. 
dessous  et  lui  est  perpendiculaire  (fig.  11).  Restons           j              S^ 
dans  cette  situation  droite.  Pour  peu  que  le  degré 
soit  élevé  au-dessus  de  la  hauteur  que  peut  atteiu-       r 
dre  l'extrême  extension  de   la  jambe  postérieure, 
nous  demeurons  cloués.   Impossible  d'avancer  si 
nous  persistons  dans   notre  attitude    droite.    Le 
poids  de   notre  corps   (tronc,   membre  abdominal 
d'appui,  moitié  supérieure  du  membre  antérieur) 
se  trouve  suspendu  tout  entier  sur  le  genou  comme 
point  d'appui  au  bout  d'un  bras  de  levier  que  me-           ['         | 
sure  la  longueur   entière  du  fémur  en  situation         ^^^« 
horizontale.                                                                       ^ 

Le  bras  de  levier  de  l'extenseur  (triceps) ,  destiné  ^'S-  H- 

à  équdibrer  cette  action,   n'a  pour  toute  longueur  que  le  rayon  des  condyles 
fémoraux. 

Alors,  sans  nous  en  rendre  compte,  nous  inclinons  le  corps  en  avant,  la  jambe 
postérieure  pousse  en  avant  le  bassin  ;  l'articulation  du  genou,  celle  du  pied  de 
la  jambe  antérieure  se  plient  ;  la  ligne  de  propension  de  la  gravité  s'approche  ainsi 
du  genou,  puis  de  la  verticale  qui  passe  par  l'appui  antérieur.  Dans  cette  situa- 
tion, le  poids  du  tronc,  agissant  par  un  bras  de  levier  moins  étendu,  cède  à  l'action 
du  triceps  et  s'élève  d'un  degré. 

Pendant  ce  second  mouvement,  celui  de  l'ascension  du  centre  de  gravité,  la 
jambe  postérieure  demeure  libre  et  mobile,  quitte  le  sol,  et  est  enlevée  tant  par  le 
fait  de  l'élévation  du  bassin,  que  par  l'action  des  muscles  propres  qui  vont  eux- 
mêmes  la  fléchir  sur  le  bassin.  Cette  flexion,  d'autant  plus  prononcée  que  la  hau- 
teur des  degrés  est  plus  considérable,  met,  en  cette  circonstance,  en  grande 
évidence  l'action  propre  et  volontaire  des  muscles  qui  l'accomplissent.  Cai'  ce 
membre  doit  aller  à  la  rencontre  du  degré  suivant,  à  une  hauteur  déterminée  dont 


lp5.S-^ 


r88 


j\j\j\jmvr  I  iKJl^m 


le  sensoriuin  a  conscience;  et  cette  hauteur  précise  elle-même  le  degré  de  flexion 
nécessaire  pour  l'atteindre.  On  ne  divA  pas  que  les  lois  du  pendule  ont  qualité 
pour  régler  ce  quantum  de  mouvement. 

On  comprend  que,  dans  cet  acte  complexe,  plus  est  grande  l'inclinaison  du  ter- 
rain ou  de  l'escalier,  plus  le  tronc  doit  être  incliné  sur  la  jambe  antérieure,  la 
possibilité  d'élever  le  centre  de  gravité  se  liant  directement  à  cette  inclinaison, 
i  Dans  lamarche  ascendante,  on  observe  encore  que  les  mouvements  alternatifs 
du  centre  de  gravité  vers  la  droite  et  vers  la  gauche  sont  plus  prononcés  que 
dans  la  marche  sur  sol  horizontal.  Dans  ce  dernier  cas,  ces  mouvements  peuvent 
être  presque  évités  si  la  marche  affecte  une  certaine  rapidité.  Mais,  dans  la  pro- 
gression de  bas  en  haut,  l'obligation  d'élever,  à  chaque  pas,  plus  ou  moins  haut 
le  membre  suspendu,  rend  nécessaire  le  maintien  plus  longtemps  fixe  du  point 
d'appui  de  tout  l'ensemble.  Gonséquemment,  le  mouvement  de  va-et-vient,  à  droite 
et  à  gauche,  sera  d'autant  plus  marqué  que  la  pente  sera  plus  roide. 

Ce  mode  de  mouvement,  la  progression  de  bas  en  haut,  est  celui  dans  lequel 
l'homme  peut  déployer  le  plus  d'effet  mécanique  utile  constant  pour  une  dépense 
donnée  et  non  destructive  de  force  musculaire.  Dans  un  travail  journalier  de 
8  heures,  il  peut  produire,  en  moyenne,  280,000  kilogrammètres  '. 

28.  De  la  marche  en  descendant.  Celle-ci  dift'ère  de  la  marche  ascendante 
par  une  circonstance  qui  semblerait  devoir  lui  enlever  tout  caractère  pénible,  à 
savoir  :  l'absence  du  travail  consistant  à  élever  le  poids  du  corps  à  une  hauteur 
donnée. 

Cette  circonstance  s'accuse  en  effet  par  une  différence  notable  dans  la  fatigue 
qui  suit  l'un  ou  l'autre  exercice. 

Cette  fatigue,  cependant,  n'est  point  nulle,  comme  on 
pourrait  être  tenté  de  le  croire  en  considérant  que  l'on  sem- 
ble agir  dans  le  même  sens  que  la  gravité,  au  heu  d'avoir 
cette   force  pour  antagoniste. 

Or,  sans  l'avoir  autant  contre  soi  que  dans  la  progression 
de  bas  en  haut,  la  gravité  est  cependant  encore  un  adversaire 
lors  delà  progression  inverse. 

Un  corps,  abandonné  à  l'action  de  la  pesanteur,  prend 
sous  son  influence  un  mouvement  uniformément  accéléré, 
qui,  en  conflit  avec  l'organisme  animé  —  comme  d'ailleurs 
avec  tout  organisme  —  ne  serait  pas  longtemps  avant  d'en 
avoir  brisé  toutes  les  connexions,  tous  les  éléments.  La 
première  manifestation  que  nous  en  éprouvons  est  le  choc  de 
l'extrémité  qui  arrive  trop  brusquement  au  contact  avec  le 
sol. 

Dans  la  marche  en  descendant,  nous  devons  donc  contenii 
chaque  pas  dans  les  conditions  du  mouvement  uniforme, 
pendant  que  la  gravité  tend  à  lui  imprimer  le  mouvement 
accéléré. 

Or  la  pesanteur  aurait  bientôt  produit  cet  effet,  si  nous  lui  abandonnions  sans 
réserve  notre  centre  de  gravité,  c'est-à-dire  si  nous  le  projettions  inconsidérément 
e/2  avant  de  la  base  de  sustentation.  Nous  nous  en  gardons  bien,  et  ce  raouve- 


fig.  12. 


*  Le  kilogrammètre  est  l'unité  de  force  et  représente  1  kilogramme  élevé  à  1  mètre  de 
hauteur. 


LOCOMOTION.  789 

meut  eu  avant,  qui  doit  eu  défiuitive  s'accomplir,  nous  ne  l'accomplissons  qu'au 
moment  où  la  jambe  suspeudue  va  venir  au  contact  du  sol  (iig.  12). 

Jusque-là,  tout  le  poids  du  corps  est  avec  soin  maintenu  sur  la  base  de  susten- 
tation, c'est-à-dire  reposant  sur  la  jambe  postérieure,  non  plus  étendue,  mais 
fléchie,  et  dont  la  flexion  est  graduellement  accrue  jusqu'au  moment  où  le  pied 
suspendu  touche  ou  va  toucher  au  degré  inférieur. 

Pendant  ce  mouvement,  le  tronc  est  maintenu  droit  en  arrière,  étendu  sur  le 
bassin.  Quant  au  membre  abdominal  fléchi,  qui  soutient  et  modère  la  descente 
de  ce  poids,  la  lutte  des  forces  y  est  établie  entre  ce  poids  à  l'une  des  extrémités 
des  leviers  et  l'énergie  des  extenseurs  agissant  sur  l'autre  extrémité  :  le  triceps  et 
le  soléaire  supportent  ici  la  plus  giande  partie  du  travail. 

Ces  considérations  fout  comprendre  par  quel  mécanisme  une  descente  prolongée 
sur  un  terrain  en  pente,  quoique  improductive  de  tout  travail,  ne  laisse  point 
d'entraîner  avec  elle  une  certaine  dose  de  fatigue.  Cette  fatigue  représente  la  trans- 
formation de  l'action  accélératrice  de  la  gravité  en  un  mouvement  à  périodes 
uniformes. 

29.  Du  saut.  Le  saut  est  un  déplacement  brusque  et  de  totalité  du  corps, 
dans  lequel  celui-ci,  comme  un  objet  rigide,  est  détaché  du  sol  et  lancé  dans  une 
direction  donnée. 

Ce  que  l'observation  première  enseigne  à  son  endroit  permet  de  décomposer  en 
quatre  périodes  parfaitement  distinctes  l'accomplissement  de  ce  mouvement.  On 
y  reconnaît  en  effet  : 

1°  Une  période  de  préparation,  pendant  laquelle  le  tronc  se  phe  sur  les  fémurs, 
les  fémurs  sur  les  tibias,  les  tibias  sur  les  pieds  ;  inclinaisons  mutuelles  et  succes- 
sives d'autant  plus  grandes  que  le  mouvement  proposé  doit  être  plus  étendu  ; 

2°  Une  période  d'extension  simultanée  et  rapide  de  tous  les  articles  ainsi 
fléchis  ; 

o"  Une  période  de  séparation  du  sol  et  du  corps,  pendant  laquelle  celui-ci,  con- 
sidéré dans  son  centre  de  gravité,  parcourt  une  certaine  courbe  de  la  nature  des 
paraboles,  comme  un  mobile  inanimé  ; 

4°  Enfin  une  période  de  retombée  dans  laquelle,  au  moment  d'arriver  au  sol,  le 
corps  se  ré-infiéchit  sur  toutes  les  articulations,  se  pelotonne  derecl»ef  et  d'au- 
tant plus  qu'il  tombe  de  plus  haut  ou  de  plus  loin. 

S'appuyant  sur  cette  description,  les  auteurs  ont  conclu  avec  une  sorte  d'una- 
nimité que  le  mouvement  ainsi  produit  était  déterminé  par  le  redressement  ra- 
pide, l'ouverture  énergique  des  articulations  précédemment  infléchies  :  la  quan- 
tité de  mouvement  produite  dans  cette  rapide  extension  des  articulations,  détruite 
du  côté  du  sol  par  sa  résistance  absolue,  ne  trouvant  en  l'autre  sens  que  la  résis- 
tance offerte  par  le  poids  du  corps,  devait  nécessairement  l'entraîner. 

Proposition  très-vraie,  mais  non  moins  incomplète  et  impuissante  parla  à  repré- 
senter toutes  les  circonstances,  toutes  les  qualités  du  mouvement  en  question. 

Et  en  etfet,  restreinte  à  cette  formule,  l'analyse  du  mouvement  «  du  saut  » 
nous  montre  seulement  dans  cet  acte  les  articulations  s  étendant  successivement 
et  forcément  jusqu'à  la  limite  extrême  des  ouvertures  articulaires.  La  force  vive 
du  mouvement  produit,  la  vitesse  acquise  ne  pourra  effectivement  entraîner  le 
corps  qu'au  moment  ovl  elle  n'aura  plus  d'ouverture  articulaire  à  agrandir.  Pour 
qu'elle  puisse  agir  sur  le  système  entier,  il  faut  qu'il  soit  devenu  rigide  ;  jusque-là 
elle  manifestera  nécessairement  son  action  sur  les  résistances  moindres,  sur  celles 
développées  à  chaque  centre  de  rotation  articulaire. 


790  LOCOMOTION. 

Dans  cette  expression  (tronquée  comme  nous  allons  le  montrer)  des  phéno- 
mènes du  saut,  le  détachement  du  corps  et  du  sol  n'aurait  donc  heu  qu'après 
l'ouverture  complète  de  toutes  les  articulations  précédemment  fléchies.  Le  corps 
ne  pourrait  donc  être  entraîné  que  dans  une  seule  situation  réciproque  de  toutes 
les  articulations,  et  partant  que  dans  une  seule  direction.  A  ce  moment-là 
seulement,  la  quantité  de  mouvement  acquise  serait  obligée  de  se  concentrer  sur 
le  centre  d'action  offert  par  le  système  entier.  Il  y  a  donc  nécessairement  un 
point  important   négligé,  omis,  méconnu  dans  l'exposé  de  ce  mécanisme. 

Si  nous  l'analysons  de  plus  près,  nous  reconnaissons  que  le  corps  part,  se  dé- 
tache du  sol  dans  toutes  les  directions  que  la  volonté  ou  l'instinct  vont  indiquer, 
et  qu'il  part  d'un  mouvement  brusque,  comme  ferait  la  détente  d'un  ressort. 

Ce  supplément  d'observations  montre  que  le  corps  peut  ainsi  devenir  rigide 
et  un  suivant  toutes  les  directions  possibles,  et  qu'il  devient  tel  tout  d'un  coup. 
11  n'attend  donc  point,  pour  réaliser  cette  rigidité,  que  les  articulations  la  lui  pro- 
curent passivement  par  le  choc  de  leurs  surfaces  arrivées  successivement  à  l'ex- 
tension de  leurs  ligaments.  Cette  tension  ne  correspondrait  jamais  qu'à  une  seule 
inclinaison  du  centre  de  gravité  sur  la  verticale,  et  n'offrirait  par  conséquent 
qu'une  seule  échappée  au  mouvement  commencé.  Il  est  donc  de  toute  nécessité 
que  le  corps  se  donne  à  lui-même  cette  rigidité,  qu'il  puisse  le  fiaire  dans  une 
mesure  et  sous  un  angle  déterminé,  et  que  la  détente  qui  en  résulte  ait  le  carac- 
tère que  l'on  observe  dans  les  mêmes  circonstances,  dans  les  corps  élastiques. 

Dans  cette  addition  et  dans  l'exposé  du  mécanisme  qui  le  réalise,  se  trouve  le 
complément  analytique  de  l'acte  physiologique  du  saut. 
Voyons  maintenant  en  quoi  consiste  ce  mécanisme. 

Le  point  essentiel  et  caractéristique  en  est  le  suivant  :  nous  venons  de  montrer 
que,  pour  qu'il  y  ait  enlèvement  du  corps,  pour  qu'il  se  détache  du  sol,  il  faut  que 
la  vitesse  acquise,  la  force  motrice  future,  ne  trouve  plus  de  travail  plus  facile  à  ac- 
complir ;  il  faut  que  les  articulations  ne  puissent  plus  continuer  à  s'ouvrir  devant 
elles,  que  ce  corps,  ce  composé  de  leviers  inclinés  les  uns  sur  les  autres,  soit 
devenu  rigide.  Il  le  peut  aisément,  mais  il  ne  le  peut  que  d'une  façon  :  il  faut 
pour  cela  que  les  articulations  ne  puissent  plus  s'ouvrir,  que  le  mouvement 
d'extension  soit  entravé  ;  et  il  faut  que  cette  entrave  soit  subitement  introduite 
dans  le  mouvement.  Or,  où  est  la  force  capable  d'entraver  le  mouvement  d'ex- 
tension articulaire?  Chacun  l'a  nommée  :  c'est  l'action  antagoniste  des  exten- 
seurs, celltrdes  muscles  fléchisseurs  des  mêmes  articulations.  11  n'en  existe  point 
d'autre  sur  le  chemin  d'une  articulation  fléchie  qui  se  rouvre. 

Et,  pour  que  cette  intervention  donne  à  l'effet  produit  le  caractère  d'un  l'es- 
sort,  d'une  détente,  il  faut  qu'elle  ait  lieu  brusquement. 

.  Voilà  donc  ce  qui  se  passe  dans  ce  second  temps  du  saut,  ou  plutôt  ce  qui  le 
termine,  et  détermine  en  même  temps  le  «  lancement  »  du  corps  animé  dans  une 
direction  donnée. 

Arrivé  à  un  degré  d'ouverture  angulaire  en  rapport  avec  l'objet  du  saut,  le 
mouvement  d'extension  articulaire  est  subitement  et  simultanément  arrêté  par 
la  contraction  active,  subite  et  fixe  des  fléchisseurs  de  tous  ces  articles,  lesquels 
jusque-là  accompagnaient  passivement  leurs  leviers  respectifs  par  une  distension 
harmonique  avec  l'action  de  leurs  antagonistes,  les  extenseurs. 

Le  mouvement  commencé  et  accélérateur  qui  agissait  de  proche  en  proche, 
de  l'articulation  la  plus  inférieure  jusqu'au  tronc  lui-même,  graduellement  éloigné 
de  terre,  change  ainsi  de  nature  ;  s'appliquant  subitement  au  centre  de  gravité 


LOCOMOTION.  791 

d'un  système  devenu  rigide,  il  prend  le  caractère  d'une  communication  brusque 
•de  mouvement  propre  aux  vitesses  acquises. 

Le  corps  y  obéit  comme  une  masse  inerte  lancée  dans  une  direction  donnée. 

La  direction  de  ce  mouvement,  ou  la  résultante  finale  qui  emporte  le  corps,  la 
tangente,  au  premier  élément  de  la  trajectoire  parabolique,  est  représentée  par  la 
ligne  droite  qui  joint  le  centre  de  gravité  du  système  au  point  d'appui  sur  le  sol, 
au  moment  du  départ.  Les  inclinaisons  relatives  des  leviers,  le  moment  oîi  s'in- 
troduit dans  le  mouvement  l'arrêt  subit  de  l'extension,  déterminent,  sous  la  direc- 
tion de  l'instinct  ou  de  la  volonté,  l'inclinaison  de  cette  tangente  sur  l'iiorizon. 
Parla  se  trouve  réglée,  en  avant  ou  en  arrière  de  la  verticale,  et  dans  un  degré 
déterminé,  la  marche  de  la  trajectoire  ou  la  direction  du  saut . 

L'expérience  confirme  pleinement  ces  conclusions  théoriques. 

Nous  nous  excusons  d'arrêter  aussi  longtemps  le  lectein-  sur  un  détail  mi- 
nime en  apparence.  Notre  excuse  sera  dans  l'obscurité  dont  ce  mécanisme,  qui 
est  loin  d'être  isolé  dans  l'histoire  de  la  locomotion,  a  été  enveloppé  jusqu'à  ce 
jour. 

Parmi  les  auteurs  qui  se  sont  occupés  de  cette  question,  Borelli,  Willis,  Bar- 
thez  ont  seuls  très-bien  compiis  qii'il  y  avait  dans  ce  mécai-iisiiie  autre  chose  que 
des  articulations  qui  se  développent  ;  ils  avaient  défini  leur  pensée  en  disant  qu'il 
se  passait  là  quelque  chose  d'analogue  à  l'effet  d'une  force  élastique.  Ils  compa- 
raient avec  raison  cet  acte  dynamique  avec  la  «  vis  percussionis  »  qui  fait  l'es- 
sence d'une  ruade,  d'un  coup  de  poing,  d'un  coup  sec,  mais  sans  en  pénétrer  le 
caractère  même,  le  mode  d'accomplissement  physiologique.  En  faisant  voir  que 
cet  effet  des  articles  en  train  de  se  développer  n'est  dû  qu'à  l'immobilisation 
brusque,  par  la  contraction  subite  des  fléchisseurs,  nous  croyons  avoir  jeté  sur  ce 
point  délicat  une  lumière  utile.  Ce  mécanisme  d'ailleurs  se  répète  en  beaucoup 
d'actes  importants  de  la  dynamique  animale,  et  nous  le  retrouverons  dans  l'étude 
de  la  course,  du  vol,  de  la  natation  .  Il  explique  de  même  les  mouvements  sur 
place  que  nous  venons  d'indiquer,  la  ruade,  le  coup  de  poing. 

Signalons  comme  un  exemple  de  la  remarquable  économie  des  procédés  em- 
ployés par  la  nature  dans  ses  actes,  ce  mouvement  des  fléchisseurs  qui  détermine 
le  choc,  et  qui  se  trouve  procurer,  ipso  facto,  les  deux  autres  effets  importants 
que  voici  : 

Fléchi  derechef  dans  toutes  ses  articulations,  le  corps  présente  la  moindre  sur- 
face, et  par  conséquent  développe  de  la  part  de  l'air  la  moindre  résistance  ;  se- 
condement, il  se  trouve  tout  préparé  dans  cette  attitude  aux  réactions  élastiques 
qui  doivent  assurer  son  arrivée  intact  au  sol,  et  sans  choc  brusque,  lors  de  la 
retombée. 

L'étendue  du  saut,  avons-nous  dit,  dépend,  toutes  choses  étant  égales  d'ail- 
leurs, du  degré  de  flexion  préalable  des  articles  destinés  à  s'étendre;  elle  dépend 
naturellement  aussi  de  l'énergie  des  muscles  employés  au  développement  des 
articulations  fléchies. 

D'un  animal  à  un  autre,  elle  dépendra  encore  de  k  vitesse  imprimée  au  centre 
de  gravité  précédant  le  temps  de  l'extension,  c'est-à-dire,  tout  étant  égal  d'ail- 
leurs, de  la  longueur  des  leviers  articulaires,  de  la  force  qui  les  meut,  et  du 
moindre  poids  relatif  du  corps  de  l'animal.  Aussi  Borelli  remarque-t-il  avec  rai- 
son que  les  diverses  espèces  jouissent  d'une  aptitude  à  sauter  ou  à  courir  avec 
bonds  directement  en  rapport  avec  la  longueur  de  leurs  membres  postérieurs. 

On  conçoit  encore  l'accroissement  de  l'étendue  horizontale  du  saut  apporté  par 


792  LOCOMOTION. 

une  vitesse  acquise  précédemment  par  le  système  comme  dans  le  cas  de  course, 
ou  bien  après  un  élan.  Ces  influences  sont  assez  simples  pour  dispenser  de  tout 
supplément  d'explication. 

50.  De  la  course.  Nous  avons  dit  déjà  que  le  caractère  qui  peut  servir  à 
différencier  la  course  de  la  marche  rapide,  consiste  en  ceci  : 

Dans  ce  dernier  mode  de  progression,  la  marche,  le  corps  est  toujours  en  con- 
tact avec  le  sol  par  un  des  membres  inférieurs,  et,  dans  un  fort  court  instant, 
par  les  deux  à  la  fois. 

Dans  la  course,  au  contraire,  les  pas  se  composent  d'un  moment  pendant  lequel 
ce  contact  a  lieu,  et  d'un  autre  moment  pendant  lequel  le  corps  est  flottant  dans 
l'air. 

Il  résulte  de  cette  définition,  exclusivement  tirée  des  faits,  que  le  pas  de  course 
est  à  la  fois,  un  pas  de  marche  et  un  saut  ;  en  d'autres  termes,  qu'en  un  certain 
moment  du  pas  de  marche,  avant  que  la  jambe  flottante  n'arrive  à  l'appui,  une 
impulsion  brusque  détache  du  sol  le  système  en  mouvement. 

Comme  les  deux  membres  ne  touchent  jamais  le  sol  à  la  fois,  l'impulsion  est 
nécessairement  le  fait  de  celui  qui  appuie,  et  le  moment  oii  elle  a  lieu  ne  peut 
évidemment  appartenir  qu'à  la  dernière  phase  de  son  contact. 

Le  saut  a  donc  lieu,  dans  la  course,  par  la  détente  d'une  seule  jambe,  et  la 
retombée  sur  l'autre. 

Les  quatre  temps  du  saut  se  réduisent  ainsi  à  trois  :  mouvement  d'extension 
de  la  jambe  d'appui  —  détente  accomplie  chez  elle  par  l'intervention  subite  des 
fléchisseurs  —  retombée  sur  l'autre  jambe  toute  préparée  à  l'état  de  flexion. 

La  course  s'accomplit  donc  comme  une  marche  rapide,  mais  dans  laquelle  la 
jambe  postérieure  n'arrive  pas  au  maximum  de  son  extension,  celle-ci  étant  in- 
terromjiue  par  le  mécanisme  ci-dessus  décrit  de  la  détente. 

Cette  détente  détermine  un  mouvement  d'impulsion  suivant  une  hgne  légère- 
ment oblique  à  la  direction  du  trajet,  et  qui  porte  le  centre  de  gravité  du  système 
du  côté  de  la  jambe  suspendue  en  même  temps  qu'en  avant.  Cette  circonstance 
doit  accroître  le  mouvement  de  bascule  horizontale  du  bassin,  lequel  sera  d'au- 
tant plus  prononcé  que  ce  bassin  sera  plus  large.  On  peut  l'observer  chez  la  femme 
qui  n'est  pas,  eu  égard  à  cette  circonstance,  aussi  gracieuse  dans  la  course  que 
dans  bien  d'autres  attitudes. 

A  part  cette  dérive  apportée  dans  son  trajet,  le  centre  de  gravité  parcourt, 
comme  dans  le  saut,  un  petit  élément  parabolique  dont  la  projection  horizontale 
s'ajoute  à  la  longueur  du  pas  de  marche. 

On  voit  d'après  cela,  que  pour  une  ouverture  angulaire  donnée  des  jambes,  le 
pas  de  la  course  aura  toujours  une  étendue  plus  considérable  que  le  pas  de 
marche  ;  la  différence  sera  la  projection  horizontale  de  l'élément  parabolique 
défini  ci-dessus. 

La  retombée  devant  s'exécuter  ici  comme  dans  le  saut,  de  façon  à  prévenir  les 
chocs  brusques  ou  anéantissements  subits  de  la  force  vive,  la  jambe  d'appui  s'offre 
au  sol,  par  la  pointe  du  pied  étendue  et  non,  comme  dans  la  marche,  par  le  talon. 

Ajoutons  enfin  que,  comme  dans  le  saut  précédé  d'élan,  la  vitesse  acquise  par 
le  système,  dans  les  instants  antérieurs  de  la  course,  ajoute  une  certaine  vitesse 
à  l'impulsion  de  chaque  saut  partiel  et  à  la  corde  horizontale  de  la  trajectoire  par- 
courue. 

Dans  la  course,  la  nécessité  de  produire  beaucoup  de  quantité  de  mouvement 
en  peu  de  temps,  l'obligation  où  est  le  sujet  de  maintenir  le  centre  de  gravité  du 


LOCOMOTION.  795 

corps  dans  une  situation  aussi  fixe  que  possible,  par  rapport  au  point  d'applica- 
tion des  forces  qui  déterminent  l'enlèvement  du  système,  doivent  modifier  l'éten- 
due des  mouvements  partiels  du  tronc  qui  s'accomplissent  dans  la  marche. 

Les  oscillations  du  bassin  ne  sauraient  être  évitées  :  mais  celles  du  tronc  lui- 
même,  plus  indépendant  des  moteurs  immédiats,  le  sont  ;  la  course  n'est  rapide 
et  exempte  de  pertes  inutiles  de  force  vive  qu'à  la  condition  que  la  partie  supé- 
rieure du  tronc  soit  maintenue  dans  une  quasi-immobilité  relative.  D'où,  pour  peu 
que  la  course  se  prolonge,  essoufflement,  spasmes  du  diaphragme  et  autres  trou- 
bles respiratoires. 

«  C'est  pour  cette  fin  (la  fixité  de  la  région  thoracique)  que  l'homme  qui  court, 
dit  Barthez,  fait  de  grandes  inspirations,  qu'il  les  prolonge  beaucoup  ;  qu'il  tient 
le  diaphragme  dans  un  état  de  contraction  plus  ou  moins  forte,  qu'appuie  l'air 
contenu  dans  le  poumon  en  quantité  plus  grande  que  d'ordinaire. 

«  Cette  fixité  de  la  cage  thoracique  surtout  dans  la  région  diaphragiuatique, 
fait  que  la  répétition  des  mouvements  de  la  respiration  diminue  de  fréquence. 
L'aptitude  à  maintenir  cet  état  est  ce  qu'on  appelle  communément  force  d'ha- 
leine. 

L'immobilité  de  la  cage  thoracique,  nécessaire  dans  la  course,  comme  dans 
bien  d'autres  actes  oij  doit  se  dé[)loyer  d'une  façon  continue  l'énergie  musculaire 
qui  y  prend  un  appui  fixe,  est  due,  en  partie  au  moins,  au  maintien  de  l'occlusion 
de  la  glotte,  ajirès  une  inspiration  d'une  étendue  déterminée  par  la  conscience 
de  la  durée  probable  ou  prévue  de  V effort  (§  23). 

31 .  Du  grimper.  Si  les  appendices  plantaires  ou  les  écailles  des  animaux 
rampants  (nous  ne  disons  pas  des  reptiles),  avaient  une  longueur  appréciable,  la 
remarque  qui  termine  notre  discussion  relative  au  mécanisme  de  la  reptation  et 
à  la  nécessité  de  l'existence  d'un  tissu  élastique  doué  de  la  force  de  répulsion 
chez  les  annelés,  ne  nous  semblerait  pas  irréfutable.  L'analyse  du  mécanisme  du 
grimper  nous  représenterait,  en  effet,  sur  une  grande  échelle,  les  mêmes  actes 
successifs  d'attraction  d'abord  et  de  répulsion  ensuite,  qui  caractérisent  en  défi- 
nitive l'un  et  l'autre  mode  de  progression. 

Suivons  des  jeux  un  jeune  drôle  qui  monte  à  un  màt  de  cocagne  :  il  est  là  à 
moitié  roule,  reprenant  haleine.  Tout  à  coup,  il  recommence  ses  efforts  d'ascen- 
sion :  qu'observons-nous  en  lui? 

Ses  bras  embrassent  et  tiennent  serré  contre  sa  poitrine  le  mât  auquel  il  est 
accroché  ;  les  jambes,  croisées  suivant  une  méthode  sur  laquelle  nous  reviendrons, 
serrent  également  la  tige  verticale  inflexible.  Au  moment  où  il  veut  reprendre 
son  essor,  nous  remarquons  qu'affermissant  l'étreinte  supérieure  formée  par  ses 
bras,  il  élève  le  cercle  formé  par  ses  articles  abdominaux,  rapprochant  ainsi,  le 
plus  qu'il  peut,  ce  cercle  d'adhésion  inférieure  du  cercle  d'adhésion  supérieure. 
En  ce  moment  le  dos  est  arrondi  ;  le  rachis  fait  bosse,  il  offre  une  convexité  diri- 
gée en  dehors.  (N'est-ce  pas  ici  l'analogue  de  la  bosse  ondulatoire  de  la  che- 
nille?) 

Deuxième  temps.  Ce  premier  résultat  acquis,  l'étreinte  inférieure  étant  por- 
tée aussi  loin  que  possible,  le  cercle  formé  par  les  bras  est  relâché.  La  colonne 
vertébrale  s'étend  (sa  convexité  extérieure  fait  place  à  une  légère  concavité,  ou 
du  moins  la  convexité  relative  se  dessine  du  cùlé  de  la  tige  d'appui),  et  les  bras 
peuvent  alors  atteindre  qnelques  décimètres  plus  haut  et  y  renouveler  leur  étreinte 
circulaire. 

Le  premier  temps  se  reproduit  alors  et  l'ascension  s'effectue  par  ces  rnouve- 


•794  LOCOMOTION. 

nients  alternatifs  d'attraction   et  de  répulsion  ou  plutôt  ici  de  redressement. 

Oii  ne  peut  se  dissimuler  que  cette  seconde  phase  du  mouvement  ne  soit  fort 
assimilable  à  la  seconde  phase  de  la  reptation,  et  que  les  nmscles  fléchisseurs  et 
redresseurs  de  la  colonne  vertébrale  ne  jouent  ici  un  rôle  fort  analogue  à  la  con- 
traction alternative  des  fibres  gastriques  et  dorsales,  longitudinales  des  annelés. 
Allongez  les  appendices  plantaires  ou  ventraux  de  ces  derniers,  leur  permettant 
de  se  fixer  en  avant,  comme  font  les  bras,  lors  du  redressement  de  la  convexité 
dorsale,  et  vous  avez  identité  entre  les  deux  mécanismes. 

Nous  n'insisterons  pas. 

Nous  croyons  pouvoir  passer  ainsi  très-rapidement  sur  le  mécanisme  de  détail 
par  lequel  est  effectué  l'étreinte  supérieure  chez  l'homme  grimpant.  Les  actes 
préhensifs  sont  assez  familiers  à  nos  extrémités  thoraciques  pour  que  nous  aban- 
donnions ce  détail  à  la  sagacité  de  nos  lecteurs. 

Mais  il  n'est  pas  hors  de  propos  de  pénétrer  un  peu  plus  avant  dans  cette  étude 
en  ce  qui  concerne  le  mode  par  lequel  l'étreinte  est  accomplie  par  les  extrémités 
abdominales.  Comment  nos  membres  inférieurs,  affectés  à  des  modes  de  progres- 
sion tout  à  fait  différents,  s'adaptent-ils  à  cet  acte  tout  spécial,  comment  parvien- 
nènt-ils  à  former  ces  cercles  compresseurs  propres  à  changer  en  appui  fixe  contre 
l'action  de  la  pesanteur,  un  cylindre  vertical  d'un  diamètre  en  rapport  avec  l'am- 
plitude de  l'arc  que  ces  membres  peuvent  embrasser. 

C'est  là  qu'est  toute  la  difficulté  de  la  question  :  car,  en  ce  qui  concerne  les 
animaux  grimpeurs  proprement  dits,  on  remarque  chez  eux  tous,  ongles  acérés, 
griffes  mobiles  et  longues,  pieds  transformés  en  mains  (quadrumanes),  queues 
prenantes,  etc..  toutes  dispositions  qui  rendent  l'acte  tellement  simple  qu'il  serait 
puéril  d'y  insister.  C'est  une  pure  question  d'histoire  naturelle.  Cliez  l'homme, 
c'est  tout  différent  ;  il  ne  semble  point  du  tout  taillé  pour  grimper,  au  moins  par 
les  membres  abdominaux.  Étudions-les  donc  d'un  peu  près. 

A  première  vue,  les  cuisses  semblent  assez  bien  disposées  pour  embrasser  un 
tronc  d'arbre  en  rapport  de  grosseur  avec  elles,  quelque  peu  à  la  manière  des 
bras  :  le  plat  de  la  cuisse,  l'espace  plan  triangulaire  que  présente  la  face  antéro- 
interne  de  la  cuisse,  se  prêtent  passablement  bien  à  cette  accolade  momentanée. 
Mais  la  jambe  !  Elle  ne  se  courbe  point  en  dedans  :  appliquée  en  hgne  droite  à 
l'arbre,  elle  forme  la  tangente,  prolongée  en  dehors,  de  l'élément  de  contact 
fémoral. 

Pour  s'appliquer  au  tronc  d'arbre,  il  est  donc  nécessaire  qu'elle  soit  fléchie, 
qu'elle  s'apphque  à  lui  par  une  seconde  portion  de  cercle  inférieur  à  celui  décrit 
par  l'article  fémoral. 

Or,  une  disposition  particulière  de  l'articulation  du  genou  favorise  singulière- 
ment cette  application. 

MM.  Weber  ont  fait  voir  que,  si  lors  de  l'extension,  la  jambe  est  immobihsée  sur 
le  fémur,  faisant  corps  avec  lui  et  dans  l'impuissance  de  tourner  sur  leur  axe  ver- 
tical commun,  il  n'en  est  pas  de  même  lors  de  la  flexion. 

Dans  la  flexion,  les  condyles  du  fémur  peuvent  tourner  sur  la  face  supérieure 
du  tibia,  autour  d'un  axe  perpendiculaire  à  celui-ci  et  qui  passerait  entre  eux  : 
mouvement  analogue  à  celui  des  deux  roues  de  devant  d'une  voiture,  quand  il 
s'agit  de  la  faire  tourner  sur  place.  Ce  mouvement  peut  décrire  jusqu'à  50  degrés. 

Le  condyle  externe  est  plus  mobile  que  l'interne  ;  dans  ce  mouvement,  il  tourne 
un  peu  autour  de  ce  dernier  qui  sert  alors  d'axe  de  rotation. 

La  différence  des  conditions  observées  pendant  l'extension  et  la  flexion  de  cet 


LOCOMOTION.  795 

article  est  d'ailleurs  à  attribuer  aux  ligaments  latéraux  de  l'article  :  distendus 
pendant  l'extension,  ils  s'opposent  à  toute  déviation  latérale  ;  mais,  dans  la 
llexion,  étant  relâchés,  ils  ne  s'opposent  point  à  la  rotation  que  nous  venons  de 
décrire. 

Ouant  à  ce  mouvement  de  rotation,  il  repose  sur  les  éléments  suivants  : 

Pendant  la  flexion  du  genou,  le  ligament  latéral  interne  ne  se  relâche  pas,  à 
beaucoup  près,  autant  que  l'externe;  d'autre  part,  le  ligament  croisé  postérieur 
(qui  vient  du  condyle  interne  du  fémur)  se  tend,  tandis  que  l'antérieur  se  re- 
lâche. II  résulte  de  là  que,  les  ligaments  fixés  au  condyle  interne  étant  relative- 
ment plus  fixes  et  plus  tendus  que  ceux  du  condyle  externe,  ce  dernier  sera  plus 
mobile  que  l'autre. 

Ces  détails  anatomiques  sont  d'un  grand  intérêt  pour  la  question  physiologique 
qui  nous  occupe'. 

Privé  de  ce  mouvement  de  rotation  pendant  la  flexion,  comme  il  en  est  dépourvu 
pendant  l'extension  du  membre,  l'Iiomme  n'evit  pu  embrasser  le  tronc  d'arbre 
avec  ses  membres  abdominaux  qu'à  la  façon  d'une  paire  de  pincettes. 

Voyons,  au  contraire,  le  parti  qu'il  tire  de  la  flexion. 

La  jambe  fléchie  peut  être  mise  en  rapport  de  contact  immédiat  avec  la  surface 
convexe  de  la  tige  de  l'arbre  par  toute  une  surface  concave  que  forment  :  1"  la 
concavité  plantaire  que  permet  de  presser  contre  l'arbre  l'action  des  fléchisseurs 
profonds  et  dont  un  des  usages  les  plus  saillants  se  révèle  dans  cette  occasion 
(trace  peut-être  de  nos  premières  habitudes  sauvages  !)  ;  2"  par  une  seconde 
concavité  que  dessine  le  tibia  sur  sa  face  interne  et  qui  se  continue  avec 
la  concavité  plantaire  et  la  partie  interne  de  la  voûte  du  pied.  Quel  contraste 
avec  ce  que  serait  le  contact  en  un  point  unique  formé  par  la  convexité  du 
mollet  ! 

Par  cette  double  disposition,  disions-nous  à  ce  sujet,  dans  notre  traité  de  méca- 
nique animale,  est  procuré  non-seulement  un  rapport  harmonique  entre  l'objet 
mécaniqae  à  remplir  et  les  moyens  d'exécution,  convexité  d'une  part,  concavité 
de  l'autre,  circonstance  qui  augmente  le  nombre  des  points  de  contact  ;  mais  il  en 
découle  un  second  et  immédiat  avantage  :  la  presque  perpendicularité  de  direction 
de  l'effort  exercé  sur  l'appui,  au  moins  dans  la  région  plantaire. 

Dans  cet  acte,  nous  voyons  donc  un  dçmi-cercle  de  pression  formé  supérieure- 
ment, dans  un  plan  dirigé  quelque  peu  d'arrière  en  avant  et  de  haut  en  bas,  par 
les  cuisses  et  le  genou  pressés  par  les  adducteurs,  les  demi-membraneux,  tendi- 
neux, couturier,  droit  interne  ;  secondement,  un  autre  arc  de  cercle  dirigé  toujours 
de  haut  en  bas,  mais  d'avant  en  arrière,  et  formé  par  les  faces  concaves  internes 
du  tibia  et  de  la  voûte  métatarsienne,  maintenues  à  l'état  de  pression  par  les  flé- 
chisseurs du  pied  sur  la  jambe. 

Cette  dernière  pression  joue  un  grand  rôle  dans  le  second  temps  du  grimper  ; 
car,  pendant  un  moment,  le  demi-cercle  fémoral  se  relâche  quelque  peu  pour  se- 
conder, par  l'élévation  du  bassin,  l'extension  du  rachis,  et  par  là  l'accession  du 
cercle  des  membres  thoraciques  à  une  région  plus  élevée. 

52.  De  la  locomotion  chez  les  quadrupèdes.  Mouvements  sur  place.  — 
A.  Du  cabrer.  A  l'article  Station  des  quadrupèdes,  nous  avons  établi  les  con- 
ditions de  l'équilibre  dans  l'attitude  active  qui  sert  de  point  de  départ  et  d'origine 
à  tous  les  mouvements  sur  place  et  à  ceux  de  translation  chez  l'animal. 

Nous  y  avons  vu  que  l'animal  reposait  sur  quatre  membres  représentant  en 
apparence  et  en  avant  seulement  des  supports  rigides,  mais  constitués,  en  réahté, 


796  LOCOMOTION. 

par  une  série  d'articles  inclinés  les  uns  sur  les  autres,  et  les  extrêmes,  soit  sur 
le  sol,  soit  sur  le  tronc  même  de  l'animal. 

Au  point  de  vue  du  mouvement,  considérant  que  toute  la  région  antérieure  est 
suspendue  presque  en  équilibre  sur  les  membres  antérieurs  par  la  sangle  tonique 
que  forment  les  grands  dentelés  et  leurs  congénères,  nous  devrons  voir  dans  la 
niasse  charnue  formée  par  la  croupe  volumineuse  et  les  membres  postérieurs  de 
l'animal,  les  principales  puissances  auxquelles  est  confiée  la  locomotion  propre- 
ment dite.  Si  nous  nous  reportons  aux  éléments  qui  président  à  l'accomplissement 
du  saut  {voy.  ce  mot),  nous  ne  pourrons  nous  empêcher  de  remarquer  combien 
ces  mêmes  extrémités  postérieures  semblent  bien  disposées  pour  la  détente  et  la 
propulsion  énergique  en  avant. 

Mais,  avant  d'entrer  dans  l'analyse  des  modes  divers  de  la  locomotion  propre- 
ment dite,  nous  avons  à  considérer  deux  espèces  de  mouvements  sur  place,  qui 
se  retrouveront  plus  tard  comme  éléments  dans  quelques  allures  de  l'animal. 

Parlons  d'abord  du  cabrer. 

Le  cabrer  a  été  déjà  l'objet  de  notre  attention  :  nous  en  avons  analysé  le  prin- 
cipe quand,  sous  une  forme  philosophique,  nous  avons  essayé  de  nous  représenter 
quelles  dispositions  la  nature  avait  pu  mettre  en  jeu  pour  doter  un  quadrupède 
de  la  faculté  de  se  tenir  droit  sur  ses  membres  postérieurs.  Nous  avons  vu  qu'elle 
avait  creusé  d'abord  vers  sa  région  postérieure,  la  colonne  vertébrale,  placé  là 
de  forts  muscles,  multiplié  les  puissances  extensives  du  rachis  sur  le  bassin,  etc. 

Pour  se  cabrer  aisément,  comme  l'homme  qui,  placé  à  quatre  pattes,  se  relève, 
le  cheval  devrait  donc  avoir  sa  région  lombaire  creusée  plus  ou  moins  profondé- 
ment en  haut,  ou,  à  défaut,  muni  de  forts  bras  de  leviers  mis  en  mouvement  par 
des  puissances  considérables. 

C'est  cette  dernière  organisation  que  l'on  trouve  chez  le  cheval.  La  région  lom- 
baire n'y  est  que  peu  creusée  ;  mais,  en  revanche,  la  région  sacrée,  la  région  dor- 
sale y  sont  pourvues  de  longs  bras  de  leviers  servant  d'attache  à  de  puissants 
muscles.  Et,  malgré  cela,  l'attitude  du  cabrer  ne  peut  être  que  temporaire,  et 
encore,  pour  l'exécuter,  a-t-elle  besoin,  dans  sa  première  phase,  d'être  secondée  par 
la  détente  (en  saut)  des  membres  antérieurs.  Il  suffit,  à  la  forge,  pour  empêcher 
un  cheval  de  se  cabrer,  de  le  priver  de  cette  dernière  ressource  en  lui  relevant 
l'un  des  membres  antérieurs.  Il  faut  alors,  pour  se  relever,  qu'il  y  soit  incité  par 
une  forte  douleur  ou  un  violent  caprice. 

C'est  que  le  centre  de  gravité  de  la  masse  antérieure  est  situé  plus  ou  moins 
près  de  la  verticale  passant  par  le  garrot  (septième  cervicale)  :  voyez  quel  long  bras 
de  levier  mis  là  à  la  disposition  de  la  pesanteur! 

Aussi,  pour  se  cabrer,  l'animal  va-t-il  commencer  par  diminuer  ce  bras  de 
levier;  il  ramène  dans  la  flexion  ses  pieds  de  derrière  sous  le  ventre,  de  façon  à 
compenser  le  poids  antérieur  par  celui  de  l'arrière-train.  Alors  seulement  il  tend 
à  étendre  le  tronc  sur  ces  membres,  en  développant  toute  l'énergie  des  sacro- 
spinaux,  fessiers,  ischio-tibiaux,  jumeaux. 

Tout  cela  est  pourtant  encore  insuffisant.  11  faut  que  l'action  des  muscles  des 
gouttières  vertébrales  s'étende  jusqu'au  garrot,  et  que  les  cervicaux  postérieurs,  y 
prenant  appui,  enlèvent  la  tête  en  arrière,  portant  dans  ce  sens  son  centre  de  gra- 
vité et  celui  de  l'encolure. 

Et  tout  cela  ne  suffit  pas  encore  ;  il  faut  qu'il  s'y  joigne  un  mouvement  de 
détente,  de  saut,  de  la  part  des  extrémités  antérieures.  Mais  aussi,  autant  est 
ardu  et  pénible  le  premier  temps  du  cabrer,  autant  est-il  malheureusement  facile 


LOCOMOTION. 


797 


à  l'animal,  après  s'être  ainsi  drossé,  de  poursuivre  le  mouvement  et  de  se  ren- 
verser en  arrière.  C'est  que,  une  fois  l'animal  redressé,  la  pesanteur  n'a  plus 
guère  de  bras  de  levier  à  son  service,  et  qu'alors  ses  antagonistes,  les  muscles 
énumérés  plus  haut,  ont  trop  de  puissance  en  eux  pour  que  ses  effets  ne  soient 
pas  aisément  outre-passés  (voy.  n"  8). 

B.  De  la  ruade.  La  ruade  est  la  contre-partie  du  cabrer.  Au  lieu  de  se 
redresser  sur  ses  pieds  de  derrière  par  un  saut  exécuté  sur  les  pieds  antérieurs, 
l'animal  renverse  ces  actes  et  par  une  légère  détente  soulève  sa  croupe  en  l'air, 
tandis  qu'il  abaisse  au  contraire  sa  tête  entre  ses  jambes  de  devant  étendues  et 
fixées.  La  croupe  s'est  élevée,  comme  dans  l'acte  du  saut,  emportant  les  jambes 
postérieures  fléchies  articles  sur  articles.  Arrivées  à  la  hauteur  déterminée  par  le 
degré  de  l'impulsion  primitive,  ces  jambes  fléchies  sont  étendues  brusquement 
avec  un  coup  sec,  comme  le  bras  et  l'avant-bras,  dans  le  coup  de  poing. 

L'ennemi  placé  à  portée,  s'il  a  la  malchance  d'y  demeurer,  sert  alors  d'objet 
sur   lequel   s'épuise    brusquement  la  vitesse  acquise  des  membres  distendus. 
Inutile  d'en  dire  davantage  et  le  mécanisme  est  assez  vite  compris  par  qui  a  pris 
connaissance  de  celui  du  saut. 

35.  Du  saut  (chez  le  cheval).  Cet  examen  préalable  de  deux  des  mouve- 
ments sur  place  du  cheval,  nous  conduit  à  une  vue  très-claire  d'un  mode  égale- 


Fig.  13.  (Empruntée  à  Ch.  Bell.) 


ynent  important  de  la  locomotion  chez  cet  animal  intéressant  ;  nous  voulons  pui- 
ser du  saut  proprement  dit. 

Observons  un  cheval  près  d'atteindre  un  obstacle  qu'il  se  propose  de  franchir. 

L'animal  se  cabre  en  position  plus  ou  moins  fléchie,  suivant  la  hauteur  de 
l'obstacle  (il  se  rassemble,  fléchissant  ses  extrémités  postérieures  dans  toutes  leur» 


798  -     -     ^-- 

articulations,  les  rapprochant  du  centre  de  gravité  de  la  masse  antérieure)  ;  ea 
même  temps  il  élève  par  un  léger  saut  partiel  des  extrémités  antérieures,  ces 
mêmes  extrémités  fléchies  et  pelotonnées.  —  Il  saute  alors,  par  la  flexion  puis 
la  détente  surabondamment  exphquée  déjà,  de  ses  extrémités  postérieures  ramas- 
sées sous  lui. 

Une  fois  en  l'air,  et  quand  l'avant-main  a  dépassé  l'obstacle,  les  membres  anté- 
rieurs se  déploient,  s'étendent  pour  se  porter  les  premiers  à  la  rencontre  du  sol. 

L'arrière-main  s'étend  en  même  temps,  pour  offrir  moins  de  prise  à  l'obstacle  ; 
l'animal  arrive  enfin  à  rencontrer  le  sol  par  ses  membres  antérieurs  étendus  en 
avant,  dans  les  articles  du  pied  et  du  genou,  mais  très-fléchis  dans  l'articulation 
du  coude.  Le  choc  se  trouve  ainsi  épuisé  sur  les  extenseurs  étendus  sur  les  con- 
vexités articulaires  des  membres  antérieurs  et  non  sur  la  rigidité  des  os  dans  leur 
longueur,  comme  la  figure  15  montre  que  cela  arriverait  chez  l'homme  tombant 
sur  les  mains. 

34.  De  la  marche  proprement  dite  ;  —  dn  pas.  L'animal  voulant  se  porter 
en  avant,  exerce  d'abord,  sans  les  mouvoir  cejiendant,  une  certaine  action  extensive 
de  ses  membres  postérieurs  (de  l'un  d'eux  principalement),  léger  effort  qui  porte, 
en  avant  de  son  point  d'appui  premier,  le  centre  de  gravité  du  système  entier  et 
particulièrement  de  la  masse  antérieure.  Cette  propulsion  détermine  instinctive- 
ment l'animal  à  soulever  et  avancer  un  de  ses  pieds  antérieurs. 

Premier  fait,  premier  temps  :  soulèvement  du  pied  antérieur  droit  (par 
exemple) . 

Avant  que  ce  pied  n'ait  posé  à  terre  ou  fait  sa  battue,  le  pied  postérieur  gau- 
che se  lève  à  son  tour  :  il  est  au  miheu  de  sa  course  au  moment  où  le  pied, 
précédemment  levé,  fait  sa  battue.  C'est  le  deuxième  temps. 

Pendant  la  seconde  moitié  du  premier  temps,  ou,  ce  qui  revient  au  même,  la 
première  moitié  du  second,  l'animal  a  donc  un  bipède  diagonal  en  l'air  (antérieur 
droit —  postérieur  gauche),  le  bipède  diagonal  inverse  servant  d'appui. 

Lorsque  le  pied  postérieur  gauche  est  à  la  moitié  ou  près  de  la  moitié  de 
sa  course  et  le  pied  antérieur  droit  arrivé  à  l'appui,  le  pied  antérieur  gauche  se 
lève  ;  l'animal  est  donc  sur  le  bipède  latéral  droit  à  l'appui  :  l'autre  bipède  latéral 
est  en  l'air.  Troisième  temps. 

Enfin  le  pied  postérieur  gauche  étant  lui-même  arrivé  à  l'appui,  le  pied  posté- 
rieur droit  se  lève  à  son  tour,  et  il  s'écoule  un  temps  pendant  lequel  le  corps 
repose  sur  le  bipède  diagonal  qui  tout  à  l'heure  était  en  l'air,  c'est  le  quatrième 
temps  ;  il  se  termine  à  la  battue  du  pied  antérieur  gauche. 

L'antérieur  droit  se  lève  à  sou  tour  et  l'animal  est  à  l'appui  sur  le  bipède  latéral 
gauche  :  la  série  recommence  dans  le  même  ordre. 

La  masse  est  donc  suspendue  alternativement  sur  un  bipède  latéral  et  un 
bipède  diagonal  ;  mais  un  peu  plus  longtemps  sur  ce  dernier,  sans  doute  parce 
que  le  centre  de  gravité  est  mieux  arrêté  sur  la  diagonale.  Nous  verrons  d'ailleurs 
ultérieurement  que  ce  n'est  pas  là  un  fait  isolé;  les  repos  alternants  sur  la  diago- 
nale sont  un  caractère  général  et  constant  de  toutes  les  allures  naturelles  du 
cheval,  sans  doute  pour  le  motif  que  nous  venons  d'indiquer. 

On  voit  que  dans  cette  allure,  le  mouvement  de  propulsion  en  avant  est  plutôt 
sous  la  dépendance  des  membres  postérieurs.  11  y  a  lieu  de  penser  cependant  que 
l'extension,  quoique  bien  moindre,  des  articles  antérieurs  contribue  aussi  à  porter 
en  avant  le  centre  de  gravité  du  corps.  Le  sens  des  ouvertures  articulaires  indique 
qu'il  doit  en  être  ainsi  ;  d'ailleurs,  si  on  observe  au  pas  des  chevaux  de  trait  pe- 


LOCOMOTION.  799 

samment  chargés,  on  reconnaît  aisément  la  contraction  des  extenseurs  de  l'hu- 
mérus sur  le  scapulum  et  celles  des  articulations  supérieures  de  l'avaut-main 
qui  viennent  surplomber  en  avant  des  colonnes  antérieures. 

35.  Bu  mécanisme  de  la  natation  chez  les  poissons .  Le  mouvement  de  pro- 
gression des  poissons  dans  l'eaun'a  point  lieu  par  les  nageoires,  simples  instruments 
d'équilibre  et  de  direction.  Très-évidemment,  la  projection  en  avant  du  centre  de 
gravité  se  lie  à  un  mouvement  plus  ou  moins  énergique,  quelquefois  très-éner- 
gique, de  la  queue,  c'est-à-dire  à  l'action  développée  par  les  muscles  longs  et 
latéraux  du  corps.  Ce  mouvement,  dès  qu'il  y  a  propulsion  réelle,  que  l'animal 
ne  se  borne  pas  à  une  espèce  de  repos,  ce  mouvement  est  vif,  saccadé,  à  détente, 
analogue  par  l'apparence  au  saut,  ainsi  que  par  le  mécanisme  qui  y  préside. 

Quand  ou  demeure  les  yeux  fixés  sur  un  bassin  contenant  des  poissons  se  mou- 
vant en  différents  sens,  on  observe  les  phénomènes  suivants  : 

Les  mouvements  rectilignes  très-faibles,  ceux  de  recul,  ceux  qui  ont  pour  objet 
de  diriger  l'animal  quand  il  s'élève  ou  s'abaisse  dans  le  liquide,  ont  généralement 
lieu  au  moyen  des  nageoires  latérales  et  de  légères  ondulations  de  l'éventail  caudal 
particulièrement  destinés  au  maintien  de  son  équilibre  dans  l'eau.  Nous  ne  nous 
occuperons  pas  de  ceux-là  :  l'œil  en  fait,  à  l'instant,  apercevoir  tout  le  méca- 
nisme. 

On  remarque  ensuite  des  mouvements  un  peu  brusques,  doués  déjà  d'une  cer- 
taine intensité  et  qui  ont  pour  effet  de  porter  le  corps  de  l'animal  vers  la  droite 
ou  vers  la  gauche.  Ceux-ci  sont  dignes  d'attention.  Ils  consistent  en  un  choc  plus 
ou  moins  marqué  de  la  queue,  qui  frappe  l'eau  du  côté  vers  lequel  le  poisson  veut 
se  diriger. 

Le  fait  d'observation  qui  doit  servir  de  base  de  l'analyse  est  donc  celui-ci  : 
Un  choc  brusque  imprimé  à  Veau  du  côté  vers  lequel  le  poisson  va  se  porter. 
Le  premier  acte  de  l'animal  est  donc  de  se  courber  avec  rapidité  du  côté  vers 
lequel  il  veut  se  porter.  Il  n'y  a  point  de  doute  sur  le  mécanisme  de  cette  pre- 
mière phase  de  l'acte.  Cette  courbure  est  produite  par  la  contraction  vive  des 
muscles  latéraux  de  ce  même  côté,  le  relâchement  adéquate  des  antagonistes. 

Tout  d'un  coup  s'observe  un  arrêt  subit,  un  choc,  le  mouvement  de  flexion 
est  instantanément  paralysé. 

Nous  comprenons  aujourd'hui  par  quel  procédé,  par  quel  mode  d'action  la 
nature  produit,  dans  les  corps  animés,  cette  lutte  équilibrante;  c'est  par  la  con- 
traction soudaine  des  muscles  antagonistes  de  ceux  dont  l'action  doit  être  brus- 
quement entravée.  Ici,  deux  sortes  d'agents  seulement  sont  en  présence,  et  ce 
phénomène  se  rapproche  ainsi  davantage  de  ce  qui  se  passe  dans  le  ressaut  de  la 
baguette  élastique  :  les  muscles  longs  de  droite,  —  les  muscles  longs  de  gauche. 
Les  premiers  ont  déterminé  la  vitesse  acquise  par  les  différents  points  du  sys- 
tème- les  seconds  la  suspendent  subitement,  et  tout  l'ensemble  devient  rigide. 

Voilà  donc  le  système  en  équilibre  quant  aux  forces  intrinsèques  qui  en  solli- 
citaient les  divers  points;  mais  il  ne  l'est  pas  relativement  à  de  nouvelles  forces 
oui  ont  pris  naissance  pendant  la  première  phase  du  mouvement.  Ce  mouvement 
a  déterminé  des  réactions  de  la  part  du  miheu  ambiant.  Or  on  sait  que  ces  ré- 
sistances sont,  pour  toute  surface  en  mouvement,  proportionnelles  à  cette  surface 
et  au  carré  de  la  vitesse. 

D'autre  part,  l'examen  de  la  configuration  du  poisson  et  de  sa  flexibilité 
d'autant  plus  grande  qu'on  se  rapproche  davantage  de  sa  queue,  nous  apprend 
que,  dans  ce  mouvement,  toute  la  vitesse  est,  pour  ainsi  dire,  concentrée  dans 


800 


LOCOMOTION. 


K  -«-B 


l'extrémité  postérieure.  Ce  sera  donc  là  surtout  que  s'exercera  la  réaction  déve- 
loppée par  le  liquide.  La  résultante  de  toutes  ces  réactions  partielles,  perpendi- 
culaire à  la  surface  courbe  au  centre  commun  de  ces  actions,  ne  pourra  donc  que 
repousser  la  partie  postérieure  de  l'animal  à  gauche,  si  la  flexion  était  à  droite,  et 
la  tète,  par  conséquent,  de  ce  dernier  côté.  Mais  en  même  temps  l'animal  est 
repoussé  en  totalité  en  arrière. 

Comment  donc  s'obtient  le  mouvement  en  avant  ? 

Un  double  choc  à  droite  et  à  gauche  s'équilibrerait  évidemment  quant  aux  ré- 
sultantes latérales  ;  mais  il  resterait  deux  composantes  dans  le  sens  de  la  lon- 
gueur et  qui  s'ajouteraient.  Or  un 
seul  coup  d'oeil  jeté  sur  une  figure 
dessinée  arf  hoc  (fig.  14)  montre  que 
cette  addition  aurait  pour  etïet  le  recul 
et  non  h  progression  de  l'animal.  Il 
se  passerait  là  l'inverse  de  ce  qu'on 
observe  chez  de  petits  annelés  aquati- 
ques, et  qui  avancent  ainsi  par  un 
double  choc  alternant,  mais  exécuté 
par  la  région  antérieure.  {Voi/.  la 
fig.  40,  p.  317,  de  notre  Traité  de 
mécanique  animale.)  L'embarras  se- 
rait grand,  si  Borelli  n'avait  observé 
que,  pour  se  porter  en  avant,  l'ani- 
mal donne  à  leau  un  coup  de  sa 
queue  deux  fois  recourbée  (tig.  15). 
La  résultante  dans  le  sens  de  la  lon- 
gueur du  poisson  s'exerce  donc,  en 
ce  cas,  en  sens  inverse  de  ce  que 
nous  venons  de  voir,  et  l'animal  est 
porté  en  avant. 

11  se  passe  ici  quelque  chose  de  tout  à  fait  analogue  à  ce  qui  a  été  observé 
dans  le  saut.  La  dernière  courbure  offerte  par  la  queue,  élargie  en  éventail,  du 
poisson,  met  en  rapport  avec  le  milieu  ambiant  une  surface  relativement  large 
formant,  dans  le  sens  horizontal,  une  vraie  base  de  sustentation  ou  plutôt  d'ap- 
pui. Sur  cette  base  l'animal  exerce  une  détente  identique,  quant  à  ses  effets,  à 
celle  qui  détermine  la  projection  dans  le  saut.  Seulement,  ici,  c'est  la  réaction  de 
l'eau  qui  repousse  en  avant  le  corps  de  l'animal. 

Quant  à  la  détente,  avec  choc  de  l'eau,  elle  est  exactement  produite  de  même, 
à  savoir,  par  l'antagonisme  des  muscles  de  gauche  paralysant,  par  leur  contrac- 
tion subite,  le  mouvement  de  flexion  ou  d'extension  commencé  avec  énergie  par 
les  muscles  latéraux  de  droite  ou  réciproquement. 
C'est,  de  part  et  d'autre,  le  même  mécanisme. 

36.  De  la  natation  chez  l'homme  et  les  quadrupèdes.  La  progression  des 
quadrupèdes  dans  l'eau  n'a  aucun  rapport  avec  celle  des  poissons.  L'observation 
indique,  en  effet,  que  le  quadrupède  nage  comme  il  marche,  c'est-à-dire  par  la 
même  succession  de  mouvements.  Dans  la  marche,  il  est  vrai,  les  membres  repo- 
sent sur  un  appui  fixe  qu'est  loin  d'offrir  l'onde  humide.  Aussi  la  rapidité  et  la 
faciUté  de  la  progression  y  sont-elles  singulièrement  amoindries.  L'eau  ne  pré- 
sente pour  appui  aux  membres  mis  en  mouvement  que  la  différence  de  résistance 


Fig.  15. 


LOCOMOTION.  801 

oiferte  par  le  milieu  au  membre  qui  s'étend,  et  au  même  membre  quand  il  s'ef- 
face. Or,  il  est  visible  que  cette  différence,  proportionnelle  à  celle  des  surfaces 
offertes  par  les  membres  dans  la  flexion  et  l'extension,  ne  saurait  être  bien  nota- 
ble. Les  quadrupèdes  ne  trouvent  donc  pas  dans  leau  un  élément  bien  propre  à 
développer  leurs  facultés  locomotrices. 

Le  mode  ou  les  modes  de  natation  em[)loyés  par  l'homme  doivent  naturelle- 
ment trouver  place  ici.  L'homme  nage  plus  ou  moins  à  la  manière  des  quadru- 
pèdes, mais  bien  moins  aisément  que  la  plupart  d'entre  eux.  Les  causes  de  cette 
différence  ont  été  souvent  discutées  ;  Borelli  semble  les  avoir,  le  premier,  nette- 
ment formulées. 

L'homme  et  les  quadrupèdes  ont  cela  de  commiui,  que  leur  pesanteur  spéci- 
fique est  très-peu  différente  de  celle  de  l'eau.  Celte  quasi-identité  est  démontrée 
par  la  faculté  dont  jouissent  les  nageurs  de  se  maintenir  étendus  sur  le  dos 
pendant  des  espaces  de  temps  vraiment  considérables,  sans  faire  le  moindre 
mouvement. 

On  observe  alors  que,  dans  cette  attitude,  le  visage  et  le  sommet  de  la  face 
antérieure  de  la  poitrine,  souvent  même  toute  la  surface  pectorale  antérieure, 
baignés,  à  chaque  inslant,  par  de  très-minces  lames  de  liquide,  font,  à  des  in- 
tervalles périodiques,  saillie  au-dessus  de  la  surface  de  l'eau;  ces  intervalles 
sont  ceux  des  mouvements  respiratoires. 

Le  corps  humain,  plongé  dans  l'eau,  et  à  peine  inférieur  eu  poids  à  celui  du 
volume  d'eau  qu'il  déplace,  devient  donc  maniléstement  plus  léger  que  ce  miheu, 
lors  de  chaque  inspiration. 

Retonrnons  maintenant  notre  nageur  sur  le  ventre,  et  prions-le  de  conserver, 
toujours  sans  mouvement,  la  même  situation  horizontale. 

INous  observons  alors,  et  sans  surprise,  que  celte  attitude  ne  peut  êti  e  bieu 
longtemps  conservée.  La  raison  eu  est  uisée  à  trouver.  Le  sujet  a  besoin  de  res- 
pirer; pour  cela  il  lève  la  tète,  afin  que  sa  bouche  et  ses  narines  arrivent  à  fleur 
d'eau,  et  absorbent  l'élément  vital. 

Or  ce  mouvement  préalable  de  la  léte  la  porte  tout  entière  au-dessus  Je  leau. 
Mais  alois  la  tète,  partie  la  plus  pesante  du  corps  à  volume  égal,  élevée  ainsi  au- 
dessus  de  l'eau,  change  du  tout  au  tout  les  conditions  d'équilibre  du  système.  Le 
corps  se  trouve  peser  par  son  poids  entier  sur  l'eau,  et  celle-ci  ne  réagit  contre 
lui  que  par  le  poids  du  volume  de  fluide  déplacé,  c'est-à-dire  le  volume  du 
corps,  moins  la  tête. 

Cette  différence  suffit  pour  que  le  corps  soit  déprimé,  qu'il  enfonce,  si  le 
nageur  ne  fait  quelque  mouvement  approprié  contre  la  tendance  nouvelle  qiu 
l'entraîne. 

Telle  est  la  circonstance  qui,  ainsi  que  l'a  très-judicieusement  établi  Borelli, 
différencie  sensiblement  les  quadrupèdes  de  notre  espèce.  Ceux-ci  ont,  d'abord, 
la  tête  notablement  moins  pesante  que  la  nôtre,  tant  à  cause  des  vastes  sinus 
aériens  dont  elle  est  sillonnée,  que  par  la  petitesse  relative  de  leur  encéphale. 
Secondement,  leur  organisation  cervicale,  le  mode  de  jonction  de  la  tête  au  cou, 
leur  permet  manifestement  de  tenir  constamment  à  la  surface  de  l'eau  l'extré- 
mité du  museau  portant  les  orifices  respiratoires.  Placés  dans  l'eau,  dans  l'atti- 
tude qu'ils  auraient  à  terre,  ils  demeurent  donc  en  équilibre  ;  les  moindres 
mouvements  de  leurs  membres  peuvent  donc  produire  des  eflets  locomo- 
teurs. 
Aussi  la  plupart  des  quadrupèdes  nagent-ils  avec  plus  ou  moins  de  facilité 

DicT.  ékc.  2*  s.  il  ^^ 


802  LOCOMOTION. 

tandis  que  nous  ne  le  pouvons  faire  qu'avec  certaines  prL-cautions  préparatoires, 
des  efforts  et  un  apprentissage  plus  ou  moins  long. 

11  est  certain  que  placés  dans  l'eau,  dans  la  même  altitude  que  les  quadru- 
pèdes, nous  pouvons  nager  comme  eux,  moins  bien  pourtant,  et  moins  long. 
temps.  Cela  ne  doit  point  surprendre  ;  ces  mouvcraents-là  ne  sont  point  ou  pli;s 
les  nôtres  ;  et  d'ailleurs  nous  pouvons  faire  mieux. 

Le  mode  qui  nous  est  le  plus  favorable  est  l'imitation  de  quelques  animaux 
inférieurs  de  la  classe  des  reptiles,  les  batraciens,  dont  les  membres  sont  disposés 
un  peu  comme  les  nôtres.  A  la  perfection  près,  nous  nageons  en  principe  comme 
la  grenouille,  beaucoup  mieux  construite  que  nous  pour  cet  objet. 

Le  mouvement  capital  déterminant  ce  mode  de  progression  est  dû  au  coup  sec 
des  extrémités  postérieures  préalablement  llécbies,  absolument  comme  dans  le 
saut,  au  point  de  vue  mécanique,  bien  entendu;  car,  physiquement,  les  jambes 
sont  écartées  au  lieu  d'être  réunies,  et  portées  dans  la  rotation  en  dehors  (mus- 
cles fessiers),  de  façon  à  offrir  à  l'eau  la  surface  de  la  plante  du  pied. 

Le  mécanisme  locomoteur  est  comparable  à  ce  qui  se  voit  dans  le  nager  des 
poissons.. L'eau  refoulée  devient  un  foyer  de  résistance  qui  se  développe  au  mo- 
ment du  choc,  quand  le  système  mobile  devient  rigide. 

En  ce  moment-là,  les  bras  ont  été  joints  par  leurs  extrémités  en  avant  de  la 
tète  et  de  la  poitrine,  de  façon  à  former  un  tranchant  antérieur,  une  proue  qui 
fend  l'eau,  un  taille-mer. 

Le  corps,  sous  cet  effort,  tout  comme  le  poisson,  file  alors  en  ligne  droite. 

Au  temps  suivant,  en  réahtc  le  premier  de  la  période,  et  qui  correspondrait  au 
temps  de  préparation  pour  le  saut,  les  jambes  se  reploient  vers  le  tronc,  toujours 
dans  l'abduction.  Ce  mouvement  occasionne  une  grande  perte  de  force  vive  pour 
l'homme,  la  surface  des  cuisses  développant  une  assez  grande  résistance;  il  est 
vrai  qu'il  s'accomplit  plus  lentement  et  sans  choc,  ce  qui  amoindrit  un  peu  cette 
perte. 

Cette  perte  est  heureusement  plus  que  compensée  par  l'action  des  membres 
antérieurs. 

En  même  temps,  exactement,  que  les  jambes  se  replient,  les  bras  qui  étaient 
étendus  en  avant  décrivent  à  droite  et  à  gauche  une  demi-circonférence  dans  la- 
quelle la  paume  de  la  main,  verticalement  dirigée  d'avant  en  arrière,  repousse 
symétriquement  de  chaque  côté  l'eau  dans  ce  dernier  sens.  Ces  extrémités  jouent 
donc  ici  le  rôle  de  deux  avirons. 

Ce  même  acte  est  bien  autrement  préparé  par  l'anatomie  de  la  grenouille. 

«  Les  muscles  des  membres  inférieurs,  rappelant  ceux  de  l'homme,  sont  mo- 
difiés, chez  les  batiaciens,  en  raison  de  la  situation  insolite  des  cuisses  qui,  chez 
eux,  regardent  tout  à  fait  en  dehors;  secondement,  par  suite  du  type  particuher 
qu'affecte  le  tarse,  le  tendon  des  forts  muscles  du  mollet  ne  s'attache  point  au 
talon,  mais  passe  par-de*£'::  et  va  gagner  la  plante  du  pied,  pour  s'unir  au  court 
fléchisseur  des  orteils,  disposition  qui  favorise  non-seulement  le  saut,  mais  en- 
core la  natation,  en  permettant  à  l'animal  de  frapper  avec  plus  de  force,  au  moyen 
de  ses  plantes  de  pied  garnies  de  membranes  natatoires  étendues.  (Carus,  Ana- 
tomie  comparée.)  » 

Ajoutons  que  les  muscles  des  cuisses,  des  articles,  sont  aplatis,  de  sorte  que 
cette  partie  du  membre,  dans  le  mouvement  de  flexion,  coupe  l'eau  par  son  tran- 
chant. Cette  remarque  est  intéressante  en  ce  qu'elle  démontre  l'identité  du  saut 
et  de  la  natation,  comme  principe  physiologico-dynamique.  La  grenouille  saute 


LOCOMOTION.  805 

■dans  l'eau,  et  sans  sortir  de  ce  liquide,  comme  elle  saute  à  terre.  Le  mode  de 
progression  est  le  même  dans  les  deux  cas.  Les  forces  en  jeu  sont  donc  les  mêmes. 

Faisons  remarquer,  en  passant,  la  propriété  anatomique  caractéristique  qui, 
en  dehors  du  volume  des  masses  musculaires  spéciales,  fait  de  la  grenouille  un 
animal  sauteur.  C'est  l'attitude  liabituelle  de  flexion  des  membres  postérieurs 
toujours  préparés  par  là  pour  le  saut,  et  que  nous  trouvons  chez  tous  les  animaux 
■sauteurs. 

Les  mammifères,  les  poissons,  les  reptiles,  ne  sont  pas  les  seuls  animaux  qui 
se  meuvent  dans  l'eau.  Nombre  de  familles  parmi  les  oiseaux  jouissent  du  même 
avantage  :  c'est  l'ordre  entier  des  palmipèdes.  Leur  histoire,  au  point  de  vue  qui 
nous  occupe,  ne  saurait  être  longue  ;  doués,  en  leur  qualité  d'oiseaux,  d'un  poids 
spécifique  inférieur  à  celui  de  l'eau,  ils  surnagent  naturellement.  Leurs  pattes,  plus 
ou  moins  courtes,  mais  vastes  et  dont  les  doigts  sont  réiaiis  par  de  lai'ges  mem- 
branes, forment  des  rames  étendues  quand  elles  se  déploient,  minces  et  de  peu  de 
surface  quand  elles  reviennent  sur  elles-mêmes  dans  le  cours  de  la  flexion  préa- 
lable. Rien  de  plus  simple  que  ce  mécanisme.  On  peut  lire,  sur  ce  chapitre,  les 
belles  pages  consacrées  par  Bufton  au  cygne.  11  n'y  a  rien  à  oser  ajouter  à  ce  re- 
marquable tableau. 

Au  point  de  vue  mécanique,  le  seul  point  qui  mérite  notre  attention  plus  spé- 
ciale, c'est  la  différence  qu'on  observe  entre  les  palmipèdes  et  les  autres  oiseaux. 
Ils  sont  tous  plus  légers  que  l'eau.  Comment  .se  fait-il  donc  que  ces  animaux,  hors 
les  palmipèdes,  ne  puissent  aucunement  nager  et  se  noient  si  facilement. 

On  sait  que  c'est  à  raison  de  la  facile  imbibition  de  leurs  plumes  :  dépourvues 
de  l'huile  qui  coMe  et  réunit  les  éléments  de  l'enveloppe  extérieure  des  palmi- 
pèdes, les  plumes  des  oiseaux  non-nageurs  se  pénètrent  aisément  d'eau.  Dès  lors, 
l'animal  devient  promptement  assez  pesant  pour  y  plonger  plus  ou  moins  e  ,  en 
fin  de  compte,  y  perdre  la  vie.  Peut-être  l'eau  pénètre-t-elle  même  dans  l'inté- 
rieur des  organes  en  passant  des  vacuoles  des  plumes  dans  les  canalicules  aériens 
intérieurs  !  C'est  un  point  que  l'on  pourrait  étudier. 

37.  Bu  vol  {chez  les  oiseaux).  «  La  nalalion  et  le  vol,  dit  M.  Mihiî 
Edwards,  sont  des  mouvements  analogues  à  ceux  du  saut,  mais  qui  ont  lieu  dans 
des  fluides  dontla  résistance  remplace,  jusqu'à  un  certain  point,  celle  du  sol,  dans 
ce  dernier  phénomène.  » 

Nous  venons  de  démontrer  non-seulement  qu'il  en  est  ainsi  pour  la  natation 
des  poissons,  mais  en  outre  d'en  exposer  le  mécanisme.  La  même  tâche  nous  in- 
combe actuellement  pour  le  vol.  Ces  propositions  ne  pouvaient  être  que  «  conçues  « 
€omme  des  assimilations  vagues,  tant  que  l'objet  même  servant  de  comparaison 
n'avait  point  été  élucidé  au  point  de  vue  de  son  mécanisme  propre,  tant  que  la 
théorie  du  saut  était  elle-même  enveloppée  d'un  nuage. 

Dans  l'acte  du  vol,  comme  dans  tous  les  phénomènes  de  la  locomotion  qui  se 
londent  sur  la  séparation  du  corps  animé  et  du  sol  solide,  l'antagoniste  à  vaincre 
est  l'action  de  la  gravité,  s' exprimant  par  «  le  poids  du  corps  »  à  élever  et  à 
soutenir  dans  l'air. 

Le  point  d'appui  initial  des  iorces  locomotrices  peut  être  encore  ici,  pour  la 
première  phase,  le  sol;  mais,  pendant  le  cours  de  la  translation,  ce  point  d'appui 
n'est  plus  que  le  fluide  ambiant,  l'air.  La  résistance  seule  de  ce  fluide  pourra 
donc  servir  là  de  support  et  d'appui. 

La  résistance  d'un  fluide  est,  d'après  les  lois  de  la  physique,  proportionnell 
au  carré  de  la  vitesse.  Le  mouvement  qui  se  basera  sur  la  résistance  d'un  fluide 


804  LOCOMOTION. 

aussi  ténu  que  l'air  devra  donc  oflrir  une  grande  vitesse.  D'autre  part,  le  poids, 
obstacle  à  vaincre,  devra  être  aussi  faible  que  les  conditions  de  l'organisme  animal 
le  permettront. 

La  nature  a  considérablement  fait  pour  amoindrir  cette  force  antagoniste  du 
mouvement  et  de  l'élévation  de  l'animal  dans  les  airs.  Pour  établir  cette  propo- 
sition, nous  n'avons  qu'à  renvoyer  le  lecteur  aux  belles  préparations  déposées 
par  M.  le  professeur  Sappey  dans  les  galeries  du  muséum  et  de  la  Faculté  de  mé- 
decine. 11  sera  trappe  d'admiration  en  suivant  dans  son  cours  cette  magnitique 
canalisation  aérienne  qui  pénètre,  pour  ainsi  dire,  toutes  les  parties  qui  consti- 
tuent l'animal  destiné  au  vol.  L'air  atmosphérique  y  a  partout  des  réservoirs, 
depuis  la  trachée  et  les  deux  grandes  cavités  splanchniques  jusqu'au  milieu  des 
os;  on  le  suit  jusque  dans  le  corps  même  des  plumes,  dont  la  texture,  déjà  si 
poreuse,  est  encore  creusée  de  canaJicules  communiquant  avec  ceux  des  os.  Au 
moment  du  vol,  toutes  ces  cavités  sont  ainsi  tellement  distendues  que  l'animal, 
interron>pu  brusquement  dans  sa  course  par  le  plomb  meurtiier,  tombant  à  terre, 
rebondit  sur  le  sol  comme  un  ballon  élastique.  Ce  qu'il  ne  fait  plus,  quelques 
heures  après,  si  on  le  jette  à  terre  avec  quelque  violence. 

Mais,  si  peu  de  densité  absolue  qu'offre  l'oiseau,  il  en  offre  une  toujours  grande 
relativement  à  l'air.  B  lui  faudra  donc,  pour  prendre  appui  sur  un  corps  éminem- 
ment fugitif  et  mobile,  des  forces  propres  à  produire  de  grandes  vitesses,  c'est-à- 
dire  de  longs  leviers  et  des  énergies  puissantes.  La  conséquence  de  cette  première 
nécessité  sera  la  fixité,  la  stabihté  du  corps  à  mouvoir  et  des  attaches  à  fournir 
à  ces  puissants  muscles  moteurs  et  à  ces  longs  leviers.  La  nature  a  été  au-devant 
de  cet  objet,  en  donnant  au  squelette  de  l'oiseau  la  forme  d'une  boîte  osseuse 
presque  invariable  de  forme  et  de  dimensions  et  qui  rappelle  la  carène  d'un  na- 
vire. Les  vertèbres  dorsales,  lombaires,  sacrées,  sont  soudées  entre  elles  ;  les  côtes, 
au  lieu  d'être  unies  au  sternum  par  des  cartilages  plus  ou  moins  longs,  lui  sont 
aussi  reliées  par  des  os;  en  outre,  chacune  d'elles  porte  à  sa  partie  moyenne 
une  apophyse  aplatie  qui  se  dirige  obliquement  en  arrière,  au-dessus  de  la  côte 
suivante,  de  façon  que  tous  ces  os  prennent  successivement  appui  les  uns  sur  les 
autres.  Enfin  un  vaste  sternum,  dominé  par  une  énorme  crête  osseuse  (le  bré- 
chet) complète  en  avant  cet  ovoïde  osseux  de  forme  inflexible  et  constante. 

Voilà  qui  suffit  pour  assurer  l'immutabilité  de  position  du  centre  de  gravité 
du  tronc  et  la  fixité  des  insertions  musculaires  du  côté  de  l'animal. 

Quant  aux  insertions  mobiles,  elles  s'appliquent  à  des  leviers  successifs  dont 
les  rapports  sont  ceux  du  bras  chez  les  quadrupèdes,  humérus,  cubitus,  etc.,  mo- 
difiés suivant  les  nouvelles  nécessités  fonctionnelles. 

L'humérus  se  relie  au  tronc  par  l'intermédiaire  d'un  appareil  saillant  qui  rap- 
pelle notre  épaule.  Là,  dans  une  cavité  glénoïde  regardant  en  haut,  en  dehors  et 
un  peu  en  arrière,  est  reçue  la  tête  humérale  qui  s'y  meut  comme  dans  toute 
énarthrose,  en  tous  sens,  mais  surtout  dans  le  sens  vertical. 

Ici  se  remarque,  avec  notre  épaule,  une  dissemblance  notable  :  la  nôtre  est 
plus  ou  moins  mobile,  ne  reposant  sur  l'appui  que  lui  offre  le  tronc  que  par  sa 
seule  clavicule.  Chez  l'oiseau,  se  trouvent  à  cette  pyramide  deux  appuis  au  lieu 
d'un,  la  clavicule  d'une  part,  soudée  fortement  avec  le  sternum  et  sa  congénère, 
et,  d'autre  part,  l'os  caracoïdien,  qui  se  fixe  également  au  sternum,  en  haut  et  laté- 
ralement. Deux  fortes  arêtes,  de  véritables  étais,  servent  donc,  en  avant  et  en 
dehors,  de  support  à  la  tête  humérale,  rehée  moins  fixement  au  tronc,  en  arrière 
seulement,  sans  doute  pour  ménageries  chocs  (fig.  16). 


LOCOMOTION. 


805 


Fig.   16. 


ol.  Scapulura. 
r/i.  Humérus, 
r.  Releveur  de  l'aile. 


Quant  aux  muscles  moteurs  de  ce  bras,  deux,  éminemment  principaux,  s'of- 
frent en  antagonisme  :  le  muscle  releveur,  le  muscle  abaisseur  ou  grand  pectoral; 
les  autres,  plus  réduits  de  volume,  sont  affectés  à  des  usages  de  rotation  sur  l'axe. 

L'extrémité  périphérique  du  membre  jouit 
également  des  mêmes  facultés  d'extension  et  de 
flexion,  et  l'avant-bras  d'un  certain  degré  de 
pronation  et  de  supination. 

Cela  posé,  comment  a  lieu  le  maintien  de  l'oi- 
seau en  l'air?  On  le  sait  :  par  une  succession  de 
battements  de  ['aile;  c'est-à-dire  par  une  série  de 
mouvements  alternatifs  d'élévation  et  d'abaisse- 
ment du  bras,  mouvements  qui  ont  lieu  avec  choc 
de  l'aile  contre  l'air  à  la  fui  de  la  flexion  ;  ce  sont 
là  les  battements .  A  la  suite  de  chacun  d'eux,  l'aile 
demeure  un  instant  rigide,  et  le  corps  de  l'oiseau 
est  repoussé  de  bas  en  haut  par  la  résistance  de 
l'air. 

Il  y  a  donc  là  encore  un   coiij)  sec;  le  mou- 
vement d'abaissement   rapide  de  l'aile  qui  re- 
foulait l'air  avec  énergie  est  subitement  entravé,  i'  B,éciict. 
et  le  système  devient   rigide.  Le  premier  acte  /<■  Clavicule. 

,  ,     ,,  ..•11,  1    -,  ce.  Os  coracoïdien. 

de  ce  battement  est  smiple,  il  est  produit  par 
le  relèvement  de  l'aile  et  peut-être  aussi  par  un  groupe  de  fibres,  le  faisceau  le 
plus  supérieur  du  muscle  grand  pectoral,  jouant  le  rôle  d'une  sorte  de  deltoïde  ; 
l'aile  exécute  ce  mouvement  sans  doute  avec  une  rotation  sur  elle-même  propre 
à  lui  faire  offrir  à  l'air ,  dans  le  sens  du  mouvement,  la  surface  la  plus 
étroite.  Arrivées  au  point  culminant  de  sa  courbe,  les  fibres  des  portions 
moyenne  et  inférieure  de  l'immense  grand  pectoral  entrant  en  contraction,  l'aile, 
par  un  léger  mouvement  de  rotation  ou  pronation,  offre  à  l'air  sa  surface  infé- 
rieure la  plus  étendue,  puis  elle  s'abaisse  avec  vitesse,  refoulant  l'air  sous  le 
corps  de  l'oiseau,  et  des  deux  côtés  symétriquement.  A  mesure  que  la  vitesse 
augmente,  la  réaction  de  l'air  croît  en  proportion  carrée.  Tout  d'un  coup  le 
mouvement  de  descente  de  l'aile  s'arrête,  un  choc,  un  bruit  ont  lieu.  Le  système 
devient  rigide.  11  cède  alors  à  la  force  de  réaction  développée  par  le  mouvement 
précédent  dans  l'air  sous-jacent,  et  se  voit  enlevé  suivant  la  résultante  du  mouve- 
ment réactionnel. 

Ce  mouvement  acquis  s'épuise  bientôt  sur  la  résistance  régulièrement  retarda- 
trice de  la  gravité,  et  s'il  veut  continuer  à  se  maintenir  en  l'air,  l'oiseau  doit  re- 
commencer la  même  série  d'actes  successifs. 

Ici  une  question  se  présente  :  où  sont  les  éléments  dynamiques  dont  le  subit 
antagonisme  vient  faire  échec  au  mouvement  abaisseur  du  graud  pectoral?  Le 
releveur  de  l'aile  paraît  bien  mince  pour  ce  rôle  nécessairement  énergique.  Il 
est  vrai  qu'on  y  peut  et  doit  joindre  la  portion  deltoïdienne  du  grand  pectoral. 
Tous  deux  sont  passivement  distendus  pendant  le  mouvement  d'abaicsement, 
leur  capacité  en  sera  plus  éveillée  pour  manitester  leur  antagonisme. 

Cependant  nous  ne  trouvons  pas  dans  la  masse  de  ces  portions  musculaires  un 
volume  suffisant  pour  tenir  en  échec  le  puissant  grand  pectoral.  La  présence  des 
membranes  huméro-radiale  et  cubito-carpienne,  membranes  élastiques  pour  la 
flexion,  mais  arrivant  à  l'inexteusibilité  lors  du  plus  grand  développement  de 


80G 


LOCOMOTION. 


Taile,  nous  semble  indiquer  un  des  éléments  de  ce  mouvement  d'arrêt.  L'insuffi- 
sance des  données  anatomiques  ou  expérimentales  à  notre  disposition  nous  inter- 
dit d'èlre  formels  dans  l'énoncé  de  cetle  proposition.  Le  détail  anatomique  nous 
fait  ici  défaut;  mais  nous  ne  saurions  mettre  la  même  réserve  dans  la  formule  du 
fait  principal  :  pour  produire  le  battement  et  la  fuite  du  corps  de  l'oiseau  sous  ses 
effets,  pour  déterminer  un  coup  sec,  tel  que  celui  fourni  par  l'observation,  il  faut 
nécessairement  qu'une  entrave  énergique  soit  apportée  brusquement  à  la 
continuation  du  mouvement  de  descente  de  l'aile.  Nous  signalons  ce  point  aux 
professeurs  d'histoire  naturelle.  Il  y  a  évidemment  des  desiderata  anatomiques 
dans  le  degré  d'extensibilité  relative  des  membranes  alaires  et  des  muscles  de 
l'épaule  et  du  bras. 

Le  centre  de  gravité  de  l'oiseau  est  naturellement  situé  un  peu  en  arrière  de  la 
ligne  verticale  qui  passerait  par  le  milieu  de  son  axe  de  suspension  inter-glénoï- 
dien.  Cette  disposition  répond  parfaitement  au  sens  de  la  résistance  de  l'air  dont 
la  réaction,  dans  le  vol  horizontal,  vient  servir  de  support  à  ce  centre  en  le  repous- 
sant en  haut  et  en  arrière. 

Eu  égard  à  cette  même  circonstance,  le  vol  de  l'oiseau  ne  peut  avoir  lieu  que 
difficilement  de  bas  eu  haut,  suivant  la  verticale  exacte.  Pour  que,  dans  le  vol, 


Fig,  17. 


l'oiseau  ne  tourne  pas  autour  de  son  axe  de  suspension,  il  taut  que  la  résultante 
de  la  force  réactionnelle  de  l'air  passe,  à  la  fois,  par  son  centre  de  gravité  et  par  le 
milieu  de  l'axe  de  suspension.  La  direction  des  battements  des  ailes  doit  donc- 
être  d'avant  en  arrière,  en  même  temps  que  de  haut  en  bas,  puisque  le  mouve- 
ment résultant  doit  être  exactement  contraire  (fig.  17). 

La  figure  ci-jointe  montre  l'aile  développée  au  moment  de  l'arrêt  subit,  sous 
l'influence  entravante  du  releveur  de  la  portion  deltoïdienne  du  grand  pectoral 
et  peut-être  (?)  de  l'inextensibilité  ultérieure  de  la  membrane  alaire  (fig.  17). 

G  C  représente  l'os  coracoïdien  ou  fulcrum, 

G  h  l'humérus, 

r  le  radius, 

m  k  p  \e  carpe  et  les  pennes  qui  le  prolongent  ;  de  m  à  C,  se  voit  la  mem- 
brane alaire  huméro-radiale  ;  en  dessous,  de  fe  à  k,  la  membrane  huméro-cubitale. 


LOCOMOTION.  807 

La  flèche  indique  la  direction  moyenne  de  la  réaction  de  l'air,  normale  à  celte 
vaste  courbe  concave  qui  commence  à  la  région  axillaire  et  finit  à  l'extrémité  des 
pennes. 

L'oiseau  veut-il  changer  de  direction,  se  porter,  par  exemple,  sur  la  droite  '• 
nous  le  verrous  donner  alors  un  coup  d'aile  plus  fort  et  plus  abaissé  de  ce  côté, 
l'autre  aile  demeurant  fixe  et  étendue. 

Il  en  est  de  même  si  l'oiseau  veut  descendre  en  avant.  La  résistance  réaction- 
nelle  de  l'air  lui  en  donne  aussitôt  le  moyen,  s'il  lui  offre,  d'arrière  en  avant,  une 
surface  plus  grande.  Il  y  arrive  en  infléchissant  sa  queue  développée,  et  en  fai- 
sant jouer  à  ses  ailes  le  l'ôle  de  parachute. 

Ce  mouvement  de  la  queue  est  rendu  lacile  chez  l'oiseau  [lar  la  mobilité  des 
vertèbres  coccygiennes,  qui  sont  le  siège  d'insertions  de  muscles  appro|jriés  à  ce 
mouvement. 

Nous  terminons  cette  description  par  où  nous  aurions  pu  commencer  :  l'expo- 
sition du  premier  acte  du  vol,  plus  exactement  de  la  préparation  au  vol. 

La  grande  dimension  qu'offre  le  développement  des  ailes,  ne  permet  guère  à 
l'oiseau  de  les  ouvrir,  et  surtout  d'exécuter  un  battement  quand  il  pose  encore  à 
terre.  Pour  s'envoler,  l'oiseau  doit  donc  ou  se  précipiter  d'un  point  plus  ou  moins 
élevé  dans  l'air,  ou  s'y  élever  aune  assez  grande  hauteur  par  le  jeu  de  ses  extré- 
mités postérieures.  Il  doit,  en  un  mot,  sauter  en  l'air,  pour  trouver  un  empla- 
cement suffisant  à  l'envergure  de  ses  ailes.  Aussi  tous  les  oiseaux  sont-ils  expres- 
sément sauteurs;  les  dispositions  de  leurs  leviers  d'a[)pui  sur  le  sol  sont,  comme 
nous  avons  vu,  en  rapport  parfait  avec  cette  fonction. 

La  position  du  centre  de  gravité,  en  arrière  de  l'axe  de  suspension  delà  masse, 
rend  très-difficile  le  vol  exactement  vertical  de  l'oiseau.  Aussi  ne  les  voit-on 
généralement  s'élever  très-haut  que  par  une  série  de  circonférences  et  en  courant 
des  bordées,  comme  le  navire  qui  louvoie  au  plus  près  du  vent. 

L'oiseau  planant  dans  les  airs,  s'y  soutient  à  peu  de  frais  ;  sa  gravité  l'entraîne 
nécessairement  encore  ;  mais  peu  à  peu,  et  comme  une  nacelle  de  ballon  sou- 
tenue par  un  parachute.  Seulement,  de  temps  à  autre,  un  coup  d'aile  fait  recon- 
quérir à  l'oiseau  la  hauteur  verticale  qu'il  a  pu  perdre  depuis  la  précédente 
impulsion,  et  le  ramène  au  même  niveau  qu'il  parcourt,  comme  en  glissant  sur 
un  plan  extrêmement  peu  incliné  à  l'horizon. 

11  est  encore,  dans  le  vol  de  l'oiseau,  un  exemple  curieux  à  relever,  et  dans 
lequel  se  manifestent  avec  éclat  la  force  réactionnelle  de  l'air,  et  l'effet  du 
coup  sec. 

«  Un  oiseau  rameur,  qui  fond  avec  la  plus  grande  vitesse  pour  saisir  un  oiseau 
voilier,  lorsque  celui-ci  esquive  par  un  mouvement  de  côté,  a  la  faculté  de  s'ar- 
rêter, au  plus  fort  de  sa  descente,  et  de  se  reporter,  sans  faire  aucun  effort, 
aussi  haut  que  le  niveau  du  point  oiî  il  est  parti  (nous  mettrons  presque  aussi 
haut  ;  CRV  aussi  haut  est  mathématiqueiuent  impossible).  Cette  particularité  de 
vol  a  reçu  le  nom  de  ressource.  Huber  a  observé  que,  pour  produire  cet  cfïet,  il 
suffit  à  l'oiseau  rameur  de  rouvrir  tout  à  coup  ses  ailes,  qu'il  tenait  serrées  contre 
lui  pendant  sa  descente.  Il  a  vu  que  l'oiseau  se  relève  de  même  en  ouvrant  ses 
ailes,  sans  autre  battement,  à  la  suite  d'un  saut  plongeur  de  haut  en  bas.  » 
(Barthez.) 

Le  mécanisme  de  cette  action  est  simple.  L'oiseau,  animé,  grâce  à  la  conden- 
sation de  son  volume,  d'une  vitesse  de  chute  considérable,  arrive,  suivant  un 
mouvement  uniformément  accéléré,  à  une  certaine  distance  du  sol.  Là,  il  ouvre 


808  LOCOMOTION. 

ses  ailes  sous  une  certaine  inclinaison,  et  les  maintient  rigides.  La  grande  vitesse 
dont  il  est  animé,  développe,  de  la  part  de  l'air,  une  réaction  qui  s'accroît  tout  à 
coup  en  proportion  directe  de  la  surface.  Tant  que  cc41e-ci  a  été  relativement 
petite,  l'oiseau  descendait;  tout  d'un  coup  elle  s  accroît  notablement,  l'oiseau 
est  arrêté.  Mais  alors  il  naît  du  conflit  survenu  une  composante  verticale  qui, 
rencontrant  sous  un  certain  angle  la  surface  des  ailes,  imprime  au  système 
un  mouvement  nouveau  dirigé  en  haut  et  plus  ou  moins  en  avant,  mouvement 
qui  a  tous  les  caractères  de  celui  du  saut,  non  de  celui  exécuté  en  terre  ferme, 
mais  du  saut  dans  un  fluide,  mouvement  que  prend,  par  exemple,  le  poisson 
sous  l'impulsion  brusque  d'un  fouettement  de  sa  queue,  en  un  mot,  le  résultat 
d'une  brusque  condensation  de  force  vive. 

38.  Du  vol  des  insectei.  Dans  des  leçons  très-intéressantes,  M.  Marey  a 
fait  dernièrement  connaître  le  résultat  de  recherches  nouvelles  entreprises  par 
lui  pour  découvrir  le  mécanisme  qui  préside  au  vol  des  insectes. 

Ces  animaux  s'élèvent,  se  soutiennent  et  se  dirigent  dans  l'air  au  moyen  de 
petites  voiles  membraneuses  (leurs  ailes),  auxquelles  ils  communiquent  un  cer- 
tain mouvement  d'une  excessive  rapidité. 

Ainsi,  dans  une  seconde,  le  nombre  de  battements  (en  comptant  comme  un 
battement  la  montée  et  la  descente  d'une  aile)  serait  : 

pour  la  mouche,  de 330 

pour  le  bourdon,  de 240 

pour  l'abeille,  de 190 

pour  la  guêpe,  de HO 

macroglosse  du  caille-lait 72 

libellule 28 

papillon  (piéride  du  chou) 9 

Ces  nombres  ont  été  déterminés  par  la  méthode  de  l'enregistrement  graphique 
des  vibrations,  qui  a  donné  déjà  tant  d'heureux  résultats  entre  les  maing  de 
notre  savant  et  ingénieux  ami. 

Le  mouvement  des  deux  ailes  est  absolument  synergique  et  synchrone  ;  il 
consiste  en  un  abaissement  et  une  élévation.  Aux  deux  extrémités  de  la  course,  la 
vitesse  est  nécessairement  nulle.  D'après  les  recherches  de  Chabrier,  confirmées 
par  M.  Marey,  l'abaissement  seul  serait  dû  aux  muscles,  le  relèvement  à  la  con- 
tractilité  d'une  membrane  élastique,  inversement  placée  par  rapport  aux  mus- 
cles, et  analogue  à  la  membrane  alaire  des  oiseaux. 

•  D'après  les  expériences  de  M.  Marey,  —  et  c'est  ce  qu'elles  ont  de  plus 
frappant,  —  l'aile  de  l'insecte  décrirait,  dans  l'espace,  une  courbe  tout  à 
fait  analogue  à  celle  des  verges  vibrantes  et  en  8  de  chiffre.  Ce  qui  indique 
que,  lors  de  la  montée  et  de  la  descente,  le  plan  de  l'aile  est  incliné  en  sens 
contraire. 

Dans  les  termes  de  l'expérience,  M.  Marey  a  conclu  avec  raison  que  ce  mouve- 
ment, tout  à  fait  analogue  à  celui  de  l'hélice  ou  de  la  rame  employée  au  godiller, 
devrait  engendrer  une  force  propulsive  horizontale  sous  l'influence  de  la  rési- 
stance de  l'air.  Cela  n'est  point  douteux. 

Mais  il  a  vu  encore,  dans  le  même  mécanisme,  naître  une  composante  pour  le 
mouvement  vertical,  et  cela  est  moins  évident. 

Ces  composantes  ne  pourraient  naître,  dans  les  conditions  d'observation  et 
d'expérience  où  s'est  placé  l'auteur,  que  lors  de  l'arrêt  complet  du  mouvement 


LOCOMOTION.  809 

de  descente  ou  d'abaissement;  mais  il  trouverait  une  composante  opposée  à  l'ex- 
trémité de  la  demi-oscillation  contraire. 

Nous  soupçonnons  donc,  tout  en  enregistrant  avec  empressement  les  premiers 
résultats  expérimentaux  acquis  par  le  délicat  observateur,  qu'il  s'est  un  peu  trop 
hâté  de  conclure  qu'il  n'y  avait  dans  ce  mécanisme  d'autre  action  que  celle  du 
plan  incliné  ou  de  l'hélice  ;  nous  trouvons  de  plus  quelque  peu  téméraire  d'é- 
tendre, sans  réserves,  cette  même  et  unique  explication  au  vol  de  l'oiseau  et  au 
nager  du  poisson.  Le  mécanisme  du  godiller  et  de  l'hélice  est,  assurément, 
exécuté  par  la  queue  du  poisson  dans  le  mouvement  lent  et  régulier,  mais  il  est 
manifestement  absent  de  l'espèce  de  saut  que  fait  le  poisson,  lorsque,  sous  une 
brusque  et  violente  impulsion  de  sa  queue,  «  frappant  l'eau,  »  ii  file  comme  un 
trait  et  avec  une  grande  vitesse  en  ligne  droite.  Il  y  a  là  manifestement  lieu  à 
réserves  et  à  un  complément  d'études.  Giraud-Teclox. 

BiBLiocnAPHiE.  —  BoRELLi.  Dc  motii  ammalium.  Leyde,  1685.  —  Berxouilli  (J.).  La 
Haye,  1745.  —  D'AoDAPENrENiE  (Fabrice'.  Opéra  anatom.  et  pkysiologica.  Leyde.  1758. 
—  IluBER  (de  Genève).  Observations  sur  le  vol  des  oiseaux  de  proie.  Genève,  1784.  —  Weiss 
(Itnm.).  Sur  le  mouvement  progressif  de  quelques  reptiles.  \nAct.  Soc.  Helv.,  t.  III. — 
iiAETiœz.  Nouvelle  mécanique  des  mouvements  de  l'homme  et  des  animaux.  Carcassonne, 
1798.  — CoMPARETTi.  Dynamique  animale  des  insectes.  Padoue,  1800.  —  Richeuand.  Mémoires 
de  la  Société  médicale  d'émulation,  t.  III.  —  Foss.  In  Nova  act.  soc.  Petrop.,  1806.  — 
SiLBERscHLAG.  Ih  SchriftcH  clcr  Berl.  Gesellscli.  nalurf.  Frcundc,  1784. —  Horner.  In  Gehler 
Pkysic.  Wôrterhuch.  t.  IV.  —  Treviranus.  In  Zeitschrift  fur  Physik,  t.  IV.  —  Roolin.  fie- 
cherches  théoriques  et  expérimentales  sur  le  mécanisme  des  mouvements  et  des  attitudes 
de  l'homme.  In  Journal  de  Magendie,  t.  I.  —  Charrier.  Mém.  sur  les  mouvements  progres- 
sifs do  l'homme  et  des  animaux.  In  Journal  du  progrès  des  .sciences  médic.  —  Du  même. 
Essai  sur  le  vol  des  insectes.  In  Mém.  du  Muséum,  t.  VI-VIII.  —  Prévost  et  Dohas.  Mém. 
sur  les  ]ihénowènes  qui  accompagnent  la  contraction  musculaire.  In  Journ.  de  physio- 
logie, t.  III,  18'23.  —  Gerdy.  Station  et  mouvement.  In  Physiol.  médicale.  Paris,  1852.  — 
Pi'RKiNJE  et  Valestin.  De  phenomcno  ijcnerali  et  fondamentali  motus  vibratorii.  Breslau, 
1835.  —  Lo.NGET.  Recherches  expérimentales  sur  l'irritabilité  musculaire.  Paris,  1841.  — 
Weeer  (E.  et  W.).  Mécanique  des  organes  de  la  locomotion.  (Traduclioa  de  Jourdan.)  Paris, 
1845.  —  Maissiat.  Etudes  de  physique  animale.  Paris,  18i5.  —  Prechtl.  Recherches  sur  le 
vol  des  oiseaux.  Vienne,  1846.  —  Matteucci.  Leçons  sur  les  phénomènes  physiques  des  corps 
vivants.  Paris,  1847.  —  Colix.  Traité  de  physiologie  comparée  des  animaux  domestiques . 
Paris,  1854.  —  MCller  (J.).  Manuel  de  physiologie.  —  Bell  (Ch.).  On  the  Hand.  London, 
1854. —  Giraid-Teclox.  Principes  de  mécanique  animale,  1858.  —  Béclard.  Traité  élémen- 
taire de  physiologie,  185i.  —  Longet.  Ibidem,  1868.  —  Mareï.  Revuedes  cours  scientifiques, 
1867-68-69.  —  Du  même.  Du  mouvement  dans  les  fonctions  de  la  vie,  1868.  —  Bernard 
(Claude) .  Leçons  de  physiologie. 

(Empruntée  en  partie  aux  ouvrages  classiques  de  physiologie.)  G.  T. 


FIS   DU   DEUXIÈME    VOLDMI, 


ARTICLES 


CONTENUS   DANS   LE  DEUXIÈME  VOLUMB 


Labtx  (voy.  Mélèze). 
La  Sadlce  (Eau  minérale  de).  Rotureau. 
La  Saxe  (Eau  minérale  de).  Id. 

Lasee.  Bâillon. 

Laserpitium.  Id. 

Lassaigne.  Beaugrand. 

Lassère  (Eau  minérale  de).      Rotureau. 
Lasseron  (voy.  Laisseron). 
Lassis.  Beaugrand. 

Lassone  (Jos.  m.  Fr.  de).  Id. 

Lassus  (P.).  Chéreau. 

Latanier.  Bâillon. 

La  Terrasse  (Eau  minérale  de).  Rotureau. 
La  Teste  (Station  marine).  Id. 

Latex.  Bâillon. 

Lathbœa  (voy.  Clandestine), 
Lathïris  (voy.  Epurge,  Euphorbe). 
Lathyeas  (voy.  Gesse). 
Latitude.  Gavarret. 

Latour  (Les).  Beaugrand. 

La  Tremblade  (Station  marine).  Rotureau. 
Latrines  (voy.  Fosses  d'aisances). 
Latrodectes.  Laboulbène. 

La  Trollière  (Eau  minérale  de). Rotureau. 
Laudanum  (Pharmacologie).  Gobley. 

—       (^Emploi  médic).  Fonssagrives. 
Laobano  (voy.  iMurier) . 
Laurel.  Bâillon. 

Laurent  (J.  L.  M.)  Beaugrand. 

Laubent  (Saint) -LES -bains  (Eau  minérale 
de).  ■         Rotureau. 

Lacréole  (voy.  Daphné). 
Laurier  (Botanique).  Bâillon. 

—      (Emploi  médical).  Fonssagrives. 


i 

2 
5 
5 
6 
7 

7 

8 

9 

9 

10 

11 

11 


13 
13 

U 

15 

16 
17 
19 

25 
26 

26 

28 
30 


Laurim:.  Dechambre. 

Lacrinées.  Bâillon. 

Lautaret  (Eau  minérale  de).    Rotureau. 
Lautebberg  (Établissement  hydrothéra- 


pique). 
Lauth  (Les). 
Lacvergne  (Hub.) 
Lauverjat  (Th. -Et.) 
Laval  (Eau  minérale  de). 
Lavande  (Botanique). 
—      (Pharmacologie) . 


Rotureau. 
Beaugrand. 
Id. 
Id. 
Rotureau. 
Bâillon. 
Delioux   de 
Savignac. 
Id. 


—  (Thérapeutique). 
Lavandula  Si^chas  (voy.  Lavande). 
Lavardens  (Eau  minérale  de).  Rotureau. 
Lavateb  (Les).  Beaugrand. 
Lavatère.  Bâillon. 
Lavadgcion.  Beaugrand. 
Lavements  (Pharmacologie).  Gobley. 

—  (Emploi  médical).     Brochin. 
Later-Bread  (voy.  Algues). 

Laveï  (Eaux  minérales  de).      Rotureau. 
La  Veyrasse  (Eau  minérale  de) .      Id. 


Lavirotte  (L.  A.). 

Lavoirs. 

Lavoisien. 

Lavoisier  (Ant.-Laur.). 

Lawrence  (W.). 

Lawsonia  (voy.  Henné) . 

Laxatifs. 

La  YARD  (Dan.  P.). 

Lazarets  [voy.  Sanitaires 

Leake  (John). 


Beaugrand. 
Id. 
Id. 
Id. 
Id. 


44 

44 
45 

45 
45 
46 
47 
47 


50 
52 

54 
55 
56 
56 
56 
5S 

88 

92 

92 

93 

106 

106 

108 


Dechambre.  109 
Beaugrand.  109 

(Mesures)] . 
Beaugrand.  110 
Leamisgion  (Eaux  miner,  de).  Rotureau,  110 


812 


ARTICLES   DU  DEUXIÈME    VOLUME. 


Lebas,  Chércau.  415 

Ieber  (Ferd.).  Beaugrand.  H6 

Leblanc  (L.).  Chéreau.  H6 

LeBouioc  (Eaux  minérales  de) .  Rotureau.  116 
Lebreton  (J.-Al.-Exup.).        Beaugrand.  118 
Le  Caire  (Station  hivernale).    Rotureau.  118 
Le  Canet  (voy.  Cannes). 
Lecanoba  (voy.  Lecanore). 
Lecanore.  De  Seynes.  110 

LeCat  (Gl.-Nic.)  Cliéreau.  121 

Lecheg0ana.  Laboulbène.  l'22 

Lécithine.  Dechambre.  126 

Leclebc  (Les).  Beaugrand.  126 

Lecœur  (J.).  Id.  127 

Le  Conqcest  (Station  marine).  Rotureau.  127 
Lecoq  (Les).  Chéreau.  128 

Le  Croisic  (Bains  de  mer;  hydrothérapie 

marine).  Rotureau.  128 

Le  Crol  (Eau  minérale  de).  Id.        129 

Le  CnoTOY  (Station  marine).  Id.        lôO 

Lecïthis.  Bâillon.  130 

Ledebhueller  (Mart.-Frob.).  Chéreau.  130 
Ledpsma  (Eaux  minérales  de).  Rotureau.  130 
Lédon.  Bâillon.   133 

Ledr.xn  (Les).  Chéreau.  154 

Leeai  Bâillon.  136 

Lefécure  de  Saint-Ildephont.  Beaugrand.  137 
Lefebvre  DE  Villebrune.  Id.  138 

Legallois  (Les).  Id.  158 

Legeîîdre  (Fr.  L.).  Id.  140 

Legouas  (Fr.  M.  V.)  Id.  140 

Legrand  (A.  L.).  Id.  140 

Legros  (F.).  Id.  141 

Legroux  (J.  C).  Id.  141 

LeGué  Saist-Brielc  (Stat.  mar.) .  Rotureau.  142 
Legdues.  Dechambre.  142 

Légumine.  Lutz.  142 

Légdminecses.  Bâillon.  143 

Le  Havre  DE  Grâce  (Stat.  mar.).  Rotureau.  145 
Leichser  (Eccard).  Chéreau.  145 

Leiuenfuost  (Joh.-Gottl.).      Beaugrand.  146 
Léiomiojie  (voy.  Lionnjome) . 
Léioptrique  (voy.  Lioptriqué). 
Léipopsïchie  (voy.  Adijnamie  et  Asthénie). 
Lehaitre  (Les).  Chéreau.  146 

Lembert  (Ant.).  Beaugrand.  146 

Lejiery  (Les).  Chéreau.  147 

Lehuens  (Les).  Id.        148 

Lésina.  Planchon.  148 

Lemnisqce.  Beaugrand.  148 

Lemox-Grass.  Delioux  deFavignac.  149 


Le  Monestier  de  BmAxçox  (Eaux  minérales 

de).  Rotureau.  149 

Le  Moxestier  de  Clermont  (Eau  minérale 


de). 


Rotureau.  150 
Chéreau.  151 
Beaugrand.  152 
Chéreau.  153 


Fonssagrives.  155 

Id.  153 

Beaugrand.  155 

Beaugrand.  154 

Chéreau.  155 
Bâillon.  155 
Coulier.  156 


BertiUon.  157 


Lemonnier  (L.  G.). 

Lemos  (Luiz  de).' 

Lencsfeld  (Jos.). 

Lexiceps  [voy.  Forceps). 

Lémtif  (Èlectuaire). 

Léxitifs  (Médicaments). 

Lexoir  (Ad.). 

Lexs  (voy.  lentille). 

Lens  (Adr.  J.  de). 

Lentigo  (Voy.  Éphelides), 

Lentilics  (Ros.). 

Lentille  (Botanique). 
—       (Bromatologie). 

Lentilles  (Physique)  (voy.  Dioptrique  — 
optique) . 

Lentillon  (voy.  Lentille) 

Lentinbs. 

Lextisqoe  (voy.  Pistachier). 

Lexzites. 

Leoxhardi  (J.-Gottfr.). 

Leoxiceno  (Nicola). 

Leoxidès. 

Léontice. 

Léoxiodon. 

Léoxtodos  (voy.  Pissenlit). 

Léontopetalos. 

Léonurus  (voy.  Agripaume). 

Léophanes. 

Leotiacées. 

Le  Palais  (Station  marine). 

Le  Padlhier  (voy.  Paulmier 

Lepei  Q  DE  LA  Clôture  (L.) 

Lepidium  (voy.  Passerage). 

Lépidoptères.  Laboulbène.  102 

Lépidosarcome.  Hénocque.  175 

L'Epina\  (Eaux  minérales  de) .  Rotureau.  175 

Lépiote.  BertiUon.  176 

Le  Plox  (Eau  minérale  de).     Rotureau.  182 

Le  Pois  (Les).  Chéreau.  183 

Le  PoDLisGUES  (Station  marine).  Rotureau.  185 

Lèpre.  Beaugrand.  184 

Lèpre  kabyle.  Laveran.  186 

Léproseries  (voy.  Élépliantiasis). 

Le  Prese  (Eau  minérale  et  cure  de  petit- 
lait  de).  Rotureau.  188 

Leptocaega.  Bâillon.  191 

LEPTOMirE.  Id.      192 


BertiUon.  157 

Beaugrand.  158 

Id.  158 

Daremberg.  159 

Bâillon.  159 

Planchon.  160 

Bâillon.  160 

Daremberg.  160 
BertiUon.  160 
Rotureau.  161 

Beaugrand.  161 


ARTICLES  DU  DEUXIÈME  VOLUME. 

Leptopds  (voy.  Leptus). 
Leptosperme. 
Leptoturix. 

Lereboullet  (D.-Âug.). 
Lerminier  (Th.-INélam.).  Id. 

Leroux.  Id. 

Leroux  des  Tillets  (J.  J.).  Id. 

Id. 


Planchon.  195 
Laboulbène.  195 
Beaugrand.  197 
198 
198 
198 


Leroy  (Les).  Id.  199 

Les  Andelys  (voy.  Andelys). 
L'EscLusE  (Ch.  de).  Chéreau.  201 

LEsGuiBERTs(Eauminéralede).Rotureau.  202 

Les  Roches  (Eau  minérale  de).      Id.  205 

LesSablesd'Olonne  (Stat.  marine).  Id.  204 
Lésion.  Verneuil.  205 
Les  Ternes  (Eau  minérale  de).  Rotureau.  211 

Léthargie.  Parrot.  212 

Lethargus  (voy.  Létliargie). 

Le  Tréport  (Stat.  marinade).  Rotureau.  214 

Lettres  (Hyg.  des  gens  de).  Beaugrand.  215 

Lettsom(3.  G.).  Id.  220 

Leucantuème.  Bâillon.  221 

Leucathon.  Id.  221 

Leocé.  Beaugrand.  221 

Leucémie  (voy.  Leucocyt hernie). 

Leucine.  Schiitzenberger.  222 

Leccocïtb.  Robin.  224 

LEncocïTHÊMiE.  Isambert.  284 

Leucographis  (voy.  Cnictts). 

Ledcoidm.  Bâillon,  570 

Ledcome  (voy.  Cornée). 
Ledcopatbie  (voy.  Albinisme). 
Leucopblegmasie  (voy.  Anasargue) . 

Leucorrhée.  Courty.  371 

Leukerbad  (Eau  miner,  de)  (voy.  Loëche) 


Beaugrand.  403 

Id.  405 

Chéreau.  405 

Id.  406 

Beaugrand.  406 

Id.  406 

Coulier.  407 


Leuret  (Fr.). 

Leothner  (.1.  N.  A.  ton). 

Ledwenhokk  (Ant.). 

Levachbr  (Gilles). 

Levacher  (Fr.  G.). 

Levacher  de  la  Feotrœ. 

Levain. 

Levée  de  cadavre  (voy.  Cadavre). 

Leveillé  (J.  B.  Fr.) .  Beaugrand.  409 

LEVEL1.N-G  (H.  P.  von).  Id.  409 

Le  Vebnet  (Eaux  minérales  et  station 

hivernale  de),    Rotureau.  410 
Levico  (Eaux  minérales  de).  Id.        423 

Levier  (Physique  médicale).     Gavarret.  424 
_     (Obstétrique).  Jacquemier.  451 

Levrat-Peeeotoi»  (J.  F.  B.).    Beaugrand.  447 
Lèvres  (Anatomie).  Bouisson.  448 


Lèvres  (Pathologie) 

Levret  (A.). 

Lévulose. 

Levure. 

Lewis  (W,). 

Lézard. 

Liane. 

Liatris. 


815 

Id.        455 

Chéreau.  496 

Dechambre.  497 

Coulier.  497 

Chéreau.  499 

Laboulbène.  499 

Bâillon.  501 

Planchon.  51j2 


Libasus  (voy.  Boswelie,  Encens). 
Libakotis.  Planchon.  502 

LiBAvius.  Chéreau.  502 

Libéria  (voy.  Guinée). 
Liberté  morale  (voy.  Responsabilité  mo- 
rale  et  Interdiction). 
Licari  (voy.  Dicypellium). 
Liche  (La)  Eau  minérale  de).    Rotureau.  504 
LicuE.N  (Dermatose).  Bazin.  504 

Lichen  syphilitique.  RoUet.  529 

Lichen  d'Islande  ;Botan.)  (voy.  Lichens). 

-^  (Pharmacol.).DeliouxdeSavignac.  531 
Lichen  pulmonaire.  Id.  557 

Lichenine.  Dechambre.  531 

LicHENiQUE  (Acide)  (voy.  Lichens). 
Licheno-stéarique  (Acide)  (voy.  Lichens) . 
Lichens  (Botanique).  De  Seynes.  557 

—  (Matière  médicale) .  Gobiey.  545 
Lichtenstein.  Chéreau.  544 
Licorne.  Dechambre.  544 
LicuALA.  Planchon.  545 
Liebenstein  (Eaux  minérales  et  cure  de 

petit-lait  de).     Rotureau.  546 
Liebenzell  (Eaux  minérales  et  cure  de 

petit-lait  de).       Rotureau.  547 
LiEBERKi'EHN  (J.  Nath.).  Beaugrand.  549 

Liebweeda  (Eaux  minérales  et  cures  de 

petit-lait  de) .      Rotureau.  549 
LiENiNE  (voy.  Hâte). 
Lienterie  (voy.  Diarrhée,  Dysenterie). 
LiEBNE  (voy.  Clématite). 
LiEBRE  (Botanique).  Bâillon.  550 

—     (Empl.méd.).DeliouxdeSav)gnac.  552 
Lierre  terrestre  (Botanique)    (voy.  Ca- 
taire, Glechome,  Répéta). 

—  —         (Emploi  médical).  De- 

lioux  de  Savignac.  554 
Lierre  du  Canada  (voy.  Sumac). 
Lierre  de  Cilice  (voy.  Salsepareille). 
Lieutadd  (Jos.).  Chéreau.  555 

Lièvre.  Laboulbène.  556 

LiGAME>-TS.  Hénocque.  557 

LiGATDRB.  Lefort.  565 


8U 


ARTICLES   UU   DEUXIEME  VOLUME. 


Lignes.  514 

Lignes  isothermes.  Gavarret.  574 

LiGNUM.  Bâillon.  575 

Ljsdle.  Laboulbéne.  575 

Ligures.  Lagneau.  575 
LiGosTicDM  (voy,  Livêche). 
LiGcsTRUM  (voy.  Troène). 
LiLAciNE  (voy.  JÂlas) . 

LiLAS  (Botanique).  Planchon.  576 

—  (Pharmacol.).  DeliouxdeSavignac.  578 
LaiACÉEs.  Planchon.  579 
LiLiuM  (voy.  lis). 

LiLiDM  DE  Paracelsb.  Chéreau.  579 

Lille  (Chr.-Ev.  de).  Beaugrand.  580 

Limace.  Laboulbéne.  581 

LiBÀciEN  (Nerf).  ^^1 

LiMAciNE.  Dechambre.  582 
laïAçoN  (voy.  Oreille  interne). 

Limaçons.  Laboulbéne.  582 

Limande.  Id.          582 

Lime.  .     W-          582 

LiUETTiEB.  Planclion.  582 

lisfNANTHEUDM  Balllon.  58  ô 

Limnophile.  W.       58  a 

LiMos,  Dechambre.  585 

LiMosABES  (Pharmacologie).  Gobley.  585 

(Hygiène).  Fonssagrives.  585 

_       (Thérapeutique).  Id.          588 

LnioNiA.  BàiUon.  595 

LiMONiNE.  Dechambre.  595 
liMONioM  (voy.  Behen). 
LiMDLE  (voy,  Xyphosures). 

Lin  (Botanique).  Bâillon.  596 

—  (Pharmacologie).  Gobley.  598 

(Thérapeutique).  Dechambre.  599 

LiNACRE  (Th.) .  Beaugrand.  600 

LiNAiKEs.  Planchon.  601 

LiHD.  Beaugrand.  602 

LiNBEN  (J.-Ant.  von  der).  Id.         605 

LiNGUA.  Bâillon.  604 

LiNGDAL  INFÉRIEUR,  LlNGUAL  SUPÉRIEUR  (MuS- 

cles)  (voy.  Langue). 
LoiGu  AL  TBAssvERSE  (Muscle)  (voy.  Langue). 
Lingual  (Nerf)  [voy.  Maxillaire  supérieur 

(Nerf)]. 
Lingual  deHirschfeld  (Nerf)  [so^.  Facial 

(Nerf)]. 
Linguales  (Artère  et  veine)   (Anatomie). 

Paulet.  605 

—       (Pathologie) .  Id.      606 

LisecATCLE.  LaLoulbène.  615 


Gobley.  616 

Dechambre.  619 

Chéreau.  619 

Bâillon.  624 


LiNIMENTS. 
LlXINE . 

Linné  (Ch.). 

LlXN'ÉE. 

LixypHiES  (voy.  Araignées). 

LioMïOME.  Hénocque.  625 

LioN-scK-MER  (Stat.  mar.  de).  Piotureau.  652 

LiONnENT  (voy.  Pissenlit). 

LiOTiiÉ.  Laboulbéne.  632 

LioTRiQUEs.  Letourneau.  633 

LrPAROLÉs.  Gobley.  635 

LipOMATEUsEs  (Masses)  (voy.  Lipome). 

Lipome  (Anatomie).  Cornil.  633 

—  (Chirurgie).  Tripier.  640 
LipopsïCHiE  (voy.   Adynamie,  Asthénie). 
Lipothymie  (voy.  Syncope). 

LippiA.  Bâillon.  648 

Lu'piK  (Eaux  minérales  de).     Rotureau.  649 
LirriTUDE   (voy.   BléptiarUe  marginale). 
Lippspring  (Eaus  minérales  et  cure  de 

petit-lait  de).       Rotureau.  650 
Liqueurs.  Gobley.  652 

LiQLiDAMBAR.  Plauchon.  654 

Liquide  céphalo-rachidien  (voy.  Céphalo- 
rachidien). 
LiQuiniTA  (voy.  Réglisse). 
Liiuodexdron  fvoy.  Tulipier). 
Lis  (Botanique).  Planchon.  655 

—  (Pharmacologie).  Gobley.  656 

Lisbonne  ;Eaux  minérales  de).  Rotureau.  656 
Liseron.  Bâillon.  659 

LisFRANc.  Beaugrand.  659 

LisiANTHUS.  Planchon.  661 

LisiMAQUE  (voy.  Lysimaque). 
LisiER  (Martin).  Chéreau.  661 

Liston  (Rob.) .  Beaugrand.  062 

LiscTAsiEss  [(voy.  Ibénennes  (Races)]. 
Lit  (Hygiène).  Fonssagrives.  665 

—  (Orthopédique).  Bouvier.  686 
Litchi  (voy.  Euphorbe). 

LiTHARGE  (voy.  Plomb). 
Lithiase.  Dechambre.  703 

LiTBiNE  (voy.  Lithium) . 
LiTHiQUE  (.\^cide)  [voy.  Urique  (Acide)] . 
Lithium  (Chimie).  Schûtzenberger.  703 

—      (Pharmac).  DeliouxdeSavignac.  706 
LiiBOBiE.  Laboulbéne.  708 

LiTHOcLASTiE  (voy.  Lithoti'itie). 
Lithofeluque  (Acide) .  Dechambre.  709 

LiTHOLABE  (voy.  Lilhotritie). 
LiiHOMïLECBs.  Dechambre.  700 


ARTICLES  DU  DEUXIÈME   VOLUME. 


slj 


LiTiiONTr.iEioN  (voy.  Ttirquelte). 

LiTHOxTRiPTiQiEs.  Dechambre.  709 

LiTHOPHYTON-  (voy.  CoraUine). 

LiTHOpriisiE.  Dechambre.  709 

LiTHospERMUM.  Bâillon.  709 

LiTHORiNECR.  Dechambre.  709 

LiTHOTOMiE  (voy.  Taillé). 

liTiioTRiPsiE  (voy.  IJthotritie). 

LiTuoTRiTiE.  Voillemier.  709 

LiTHUAN'iE.  Liétard.  737 

LiTHDS  (voy.  Orseille  et  Tournesol) . 


llTSEA. 
llTTOBIXE. 
LiTTRE. 
LlVÈCHE. 

Lividités  . 

Llabapasxi  (voy.  Miicuna). 
Lledose  (voy.  Micocoulier). 
Llo  (Eaux  minérales  de'. 


Bâillon.  757 

Laboulbène.  758 

Chéreau.  758 

Planchon.  739 

Dechambre.  740 


Rotureau.  740 


LoBAiREs  (Artères)  [voy.  Carotide  interne 

et  Vertébrales  (Artères)]. 
LoBB  (Tiiéoph.). 
LoBEi,  (Matth.  de). 
LoBÉLiE  (Botanique) . 
—      (Emploi  médical). 


lobéline. 

Lobera  (L.). 

Lobes  (E.  V.  G.  TOn). 

LoBSTEix  (Les). 

Localisation  morbide. 

locatelli  (l.). 

Loche  (voy.  Limaces). 

Loche. 

LocHER  (Les). 

LOCHIDS. 

LocHNER  (Les). 
Locomotion. 


Chéreau. 
Id. 
Bâillon. 
Delioux  de 
Savignac. 
Dechambre. 
Beaugrand. 
Id. 
Id. 
Dechambre. 
Chéreau. 


Laboulbène. 

Chéreau. 

Dechambre. 

Cliéreau. 

Giraud-Teulon. 


740 
741 
741 

744 
751 
751 
752 
752 
754 
755 

755 
756 
756 

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PARIS.  —  IMPRIMERIE  DE  E.   IIARTINET,   RDE  MIGNON,  2 


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