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Full text of "Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales V.75"

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DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE 


SCIENCES MÉDICALES 











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DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE 





DES 
CES MEDICALES 
DIRECTEURS 
A. DECHAMBRE — L. LEREBOULLET 
DE 1864 A 1885 DEPUIS 1886 


DIRECTEUR-ADJOINT : L. HAHN 


COLLABORATEURS : MM. LES DOCTEURS 


ARCHAMBAULT, ARLOING, ARNOULD (J.), ARNOZAN, ARSONVAL (D), AUBRY (J.), AUVARD, AXENFELD, BAILLARGER, 
BAILLON, BALBIANI, BALL, BARIÉ, BARTH, BAZIN, BEAUGRAND, BÉCLARD, BÉIIER, BENEDEN (VAN), BERGER, BERNIIEIM, 
BERTILLON, BERTIN-SANS, BESNIER (ERNEST), BLACIE, BLACNEZ, BLANCHARD (R.), BLAREZ, BOINET, BOISSEAU, 
BORDIER, BORIUS, BOUCHACOURT, CH. BOUCHARD, BOUCHEREAU, BOUISSON, BOULAND (P.), BOULEY (H.), 
BOUREL-RONZIÈRE, BIURGOIN, BOURRU, BOURSIER, BOUSQUET, BOUVIER, BOYER, BRASSAC, BROCA, BROCHIN, BROUARDEL, 
BROWN-SÉQUARD, BRUN, BURCKER, BURLUREAUX, BUSSARD, CALMEIL, CAMPANA, CARLET (G.), CERISE, CHAMBARD, 
CHARCOT, CHARVOT, CIHASSAIGNAC, CHAUVEAU, CHAUVEL, CHÉREAU, CIERVIN, CHOUPPE, CHRÉTIEN, CHRISTIAN, 
COLIN (L.), CORNIL, COTARD, COULIER, COURTY, COYNE, DALLY, DAVAINE, DECITAMBRE (4.), DELENS 
DELIOUX DE SAVIGNAC, DELORE, DELPECH, DEMANGE, DENONVILLIERS, DEPAUL, DIDAY, DOLBEAU, DUBUISSON, DU CAZAL, 
DUCLAUX, DUGUET, DUJARDIN-BEAUMETZ, DUPLAY (S.), DUREAU, DUTROULAU, DUWEZ, EGGER, ÉLOY, ÉLY, FALRET (J.), 
FARABEUF, FÉLIZET, FÉRIS, FERRAND, FLEURY (DE), FOLLIN, FONSSAGRIVES, FOURNIER (E.), FRANCK-FRANCOIS, 
GALTIER-BOISSIÈRE, GARIEL, FAYET, GAYRAUD, GAVARRET, GERVAIS (P.), GILLETTE, GIRAUD-TEULON, GOBLEY, GRANCHER, 
GRASSET, GREENHILL, GRISOLLE, GUBLER, GUÉNIOT, GUÉRARD, GDILLARD, GUILLAUME, GUILLEMIN, GUYON (F.), 
HAHN (L.), HAMELIN, HAYEM, HECHT, HECKEL, HENNEGUY, HÉNOCQUE, HERRMANN, HEYDENREICH, HOVELACQUE, 
HUMBERT, HUTINEL, ISAMBERT, JACQUEMIER, JUHEL-RÉNOY, KARTH, KELSCH, KIRMISSON, KRISHABER, LABBÉ (LÉON). 
LABBÉE, LABORDE, LABOULBÈNE, LACASSAGNE, LADREIT DE LA CHARRIÈRE, LAGNEAU (G.), LAGRANGE, LANCEREAUX. 
LARCHER (0.), LAURE, LAVERAN, LAVERAN (A.), LAYET, LECLERC (L.), LECORCHÉ, LE DOUBLE, LEFÈVRE (ED.), 
LEFORT (LÉON), LEGOUEST, LEGOYT, LEGRAS, LEGROUX, LEREBOULLET, LE ROY DE MÉRICOURT, LETOURNEAU, LEVEN, 
LÉVY (MICHEL), LIÉGEOIS, LIÉTARD, LINAS, LIOUVILLE, LITTRÉ, LONGUET, LUTZ, MAGITOT (E.), MAHÉ, MALAGUTTI, 
MARCHAND, MAREY, MARIE, MARTINS, MASSE, MATHIEU, MERKLEN, MERRY - DELABOST, MICHEL (DE NANCY), MILLARD, 
MOLLIÈRE (DANIEL), MONOD (CH.), MONTANIER, MORACHE, MORAT, MOREL (B. A.), MOSSÉ, NICAISE, NUEL, OBÉDÉTARE. 
OLLIER, ONIMUS, ORFILA (L.), OUSTALET, PAJOT, PARCHAPPE, PARROT, PASTEUR, FAULET, PÉCHOLIER, 
PERRIN (MAURICE), PETER (M.), PETIT (A.), PETIT (L.-H.), PEYROT, PICQUÉ, PINARD, PINGAUD, PITRES, POLAILLON, 
PONCET (ANT.), POTAIN, POZZI, RAULIN. RAYMOND, RECLUS, REGNARD, REGNAULD, RENAUD (I1.), RENAUT, RENDU. 
RENOU, RETTERER, REYNAL, RICHE, RITTI, ROBIN (ALBERT), ROBIN (CH.), ROCHARD, ROCHAS (DE), ROCHEFORT. 
ROGER (H.), ROHMER, RÒLLET, ROTUREAU, ROUGET, ROYER (CLÉMENCE), SAINTE-CLAIRE DEVILLE (H.), SANNÉ, SANSON, 
SAUVAGE, SCHÜTZENBERGER (CH.), SCHÜTZENBERGER (P.), SÉDILLOT, SÉE (MARC), SERVIER, SEYNES (DE), SINÉTY (DE), 
SIRY, SOUBEIRAN (L.), SPILLMANN (E.), STEPHANOS (CLÔN), STRAUSS (H.), TARTIVEL, TESTELIN, TESTUT, THIBIERGE. 
THOMAS (L.), TILLAUX (P.), TOURDES, TOURNEUX, TRÉLAT (O.), TRIPIER (LÉON), TROISIER, VALLIN, VELPEAU, 
VERNEUIL, VÉZIAN, VIAUD-GRAND-MARAIS, VIDAL (ÉM.), VIDAU, VILLEMIN, VINCENT, VOILLEMIER, VULPIAN, 





DEUXIÈME SÉRIE D BIBLIOTHÈQUES è 
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TOME. VINGT-TROISIÈME 
FER- PHA 


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PARIS 
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MDCCCLXXXVII 














DICTIONNAIRE 


ENCYCLOPÉDIQUE 


DES 


SCIENCES MÉDICALES 








PÉRICARDE. |. Anatomie. Péricarde, Tepizápðtog, de Tepi xapdix, autour 
du cœur. Le péricarde est une membrane fibro-séreuse disposée en poche qui 
enveloppe le cœur. Comme le péritoine et les autres séreuses, il ne contient 
pas cet organe dans sa cavité, mais l'entoure de toutes parts, en se réfléchissant 
sur lui. Cette poche a la forme d'un cône irrégulier à base inférieure, à som- 
met supérieur; sa capacité, dit Cruveilhier, correspond au volume d’un cœur 
dilaté autant que possible; d'après Sénac, la quantité de liquide qu'on peut y 
injecter est de 192 à 768 grammes d'eau. 

Ses rapports exacts, d'après Sappey, sont les suivants : Il s'étend verticale- 
ment de la base de l’appendice xiphoïde à la partie moyenne de la première 
pièce du sternum; son extrémité supérieure est éloignée de la fourchette de cet 
os de 15 à 18 millimètres ; transversalement, 1l se prolonge à gauche, à 8 ou 
10 centimètres en dehors de la ligne médiane, au niveau des 4° et 5° espaces 
intercostaux, à 6 ou 7 centimètres au niveau du 5° espace, à 3 centimètres au 
niveau du 2° espace. A droite, il s'étend à 3 centimètres de la ligne médiane, 
au niveau des 5° et 4° espaces, et dépasse le sternum de 12 à 15 millimètres. 

Il est en rapport en avant avec la face postérieure du sternum, dont il n'est 
séparé que par du tissu cellulaire, sur presque toute sa longueur et toute sa 
largeur; latéralement et à gauche, il est en rapport avec les cartilages des 
5°, 4°, 5° et 6° côtes, les muscles intercostaux internes et le triangulaire du 
sternum; latéralement et à droite, avec les cartilages des 4° et 5e côtes et le 
triangulaire correspondant. 

En arrière il est séparé du rachis par le médiastin postérieur et les organes 
contenus dans ce médiastin, aorte, œsophage, nerfs pneumogastriques, splanch- 
nique, canal thoracique et grande veine azygos. 

De chaque côté, la plèvre médiastine le sépare de la plèvre pulmonaire. Dans 
le tissu cellulaire qui unit les deux plèvres passent les nerfs phréniques et le. 
vaisseaux diaphragmatiques. 


Mer, ENC. 2° s. X\'IL 4 


2 PÉRICARDE (anaromte). 


En avant et en arrière, le tissu cellulaire qui le sépare de la plèvre est très- 
abondant ; sur les côtés, il est assez serré; celui du médiastin antérieur est 
souvent riche en graisse; la base du péricarde est quelquefois entourée de pro- 
longements adipeux formant des appendices qui rappellent ceux du gros intes- 
tin. À sa base, le cône péricardique correspond au centre aponévrotique du 
diaphragme et aux fibres musculaires à gauche de ce centre. Dans la moitié 
antérieure de sa circonférenee, la soudure est intime, les fibres péricardiques 
se continuent avec les fibres du centre phrénique ; cette adhérence est beaucoup 
moindre chez le fœtus nouveau-né. Dans le reste de son étendue, l’adhérence 
n'a lieu que par du tissu cellulaire lâche. 

Le sommet du cône se continue sur les vaisseaux de la base en leur formant 
des gaînes qui se fusionnent bientôt avec leur tunique externe. 

De la partie postérieure de ce sommet part une expansion fibreuse, décrite 
par Bérard sous le nom de ligament suspenseur du péricarde, quadrangulaire, 
ayant 2 à 3 centimètres de largeur, qui passe sur la crosse de l'aorte et va 
s'insérer au corps de la 5° vertèbre dorsale et au disque intervertébral susja- 
cent. Deux autres ligaments fixent la face antérieure du péricarde au sternum : 
le premier, ligament péricardo-sternal inférieur, est une lame fibreuse 
verticale triangulaire, qui va de la partie inférieure du péricarde à la face pos- 
térieure de l’appendice xiphoïde. 

L'autre, ligament péricardo-sternal supérieur, est une lame fibreuse transver- 
sale de 5 à 6 centimètres de largeur qui part de la partie antérieure et supé- 
rieure du péricarde, se dirige en avant pour s'insérer par ses parties latérales sur 
les côtés de la fourchette sternale et sur la partie voisine de la 1"° côte; la 
partie moyenne de ce ligament dépasse la fourchette sternale sans y adhérer et 
se continue avec l’aponévrose cervicale profonde. 

Enfin quelques faisceaux fibreuyx unissent la face antérieure du péricarde à la 
face postérieure du sternum entre les 17° et 3° côtes. 

Tandis que le feuillet fibreux du péricarde se prolonge en forme de goulot 
sur les gros vaisseaux de la base du cœur et se fusionne avec leurs parois, le 
feuillet séreux tapisse le feuillet fibreux auquel il adhère intimement comme 
un vernis lisse à sa face interne, jusqu'au moment où il arrive au-dessus de la 
base du cœur ; là, il se réfléchit sur les gros vaisseaux et entoure dans une gaine 
commune d'une longueur de 2 à 3 centimètres l’aorte et l'artère pulmonaire : 
souvent du tissu adipeux garnit le sillon de séparation des deux vaisseaux. 

Il tapisse seulement la moitié antérieure des vaisseaux et des quatre veines 
pulmonaires, leur constituant des demi-gaines. 

Des gros vaisseaux, la séreuse péricardique se continue sur le muscle car- 
diaque qu'elle tapisse, et auquel elle est soudée intimement, soulevée cependant 
quelquefois par du tissu adipeux, en certaines places, surtout au niveau de la 
base et des sillons. 

Texture histologique dw péricarde. Le péricarde est constitué par un 
stroma revêtu d’une couche épithéliale. 

Le stroma consiste en une charpente connective et élastique. Des fibres 
ondulées unies en faisceaux disposés en réseau régulier, parfois irrégulière- 
ment entre-croisés, constituant par places des trabécules plus épais logeant les 
principaux troncs nerveux et vasculaires, telle est la charpente connective. Un 
réseau assez abondant de fibres élastiques très-fines, ordinairement rectilignes ou 
légèrement curvilignes, peu flexueuses en général, réseau disposé parfois en 





PÉRICARDE (ANATOMIE). 5 


plusieurs plans, traverse cette charpente connective. Tous les éléments cellulaires 
du tissu connectifse trouvent dans celui du péricarde : cellules ramifiées à noyaux 
arrondis, prolongements protoplasmatiques simples ou ramifiés en réseaux, pro- 
toplasma granuleux en amas arrondis ou irréguliers avec un ou plusieurs noyaux, 
cellules fusiformes à noyaux entre les faisceaux connectifs allongés du feuillet 
externe du péricarde, cellules migratrices. Le revêtement cellulaire épithélial, 
comme sur toutes les séreuses, présente sur les faces libres du péricarde une 
seule couche, d’après Klein, à qui nous empruntons ces données; le feuillet 
viscéral n’a d'épithélium que sur la face qui regarde la cavité séreuse ; le feuillet 
externe en a sur ses deux faces : mais le revêtement n’est pas complet. Chez le 
lapin, le chat, de même que chez l'homme nouveau-né, ìl existe sur une grande 
étendue; chez le cobaye, sur la plus grande partie de la surface. Les cellules sont 
assez plates; elles ont un noyau rond ou ovale, souvent excentrique et dont 
l'épaisseur peut dépasser celle de la cellule, de façon qu'il fait saillie au-dessus 
de la couche sus-jacente de protoplasma cellulaire. La forme de la cellule 
se rapproche d'autant plus de la ronde qu'elle est plus régulière. 

A côté des cellules polyédriques régulières, on en trouve d’autres plus ou moins 
irrégulières, de formes triangulaire ou quadrangulaire, ou irrégulièrement 
allongée. Tantôt elles sont d’égales dimensions sur une grande étendue; tantôt 
certaines grosses cellules sont séparées par des groupes de cellules plus petites, 
sans dimensions intermédiaires : ce fait est très-apparent sur le péricarde des chats. 

Quant aux contours de ces cellules dessinés sur des coupes imprégnées de 
nitrate d'argent, ils {sont de formes variables. Par places, à la face interne du 
feuillet externe chez les lapins, par exemple, ces contours ont un aspect ondulé 
remarquable. 

Quant à leur distribution, les cellules polyédriques sont simplement juxta- 
posées; celles qui sont allongées emboîtent leurs extrémités les unes dans les 
autres, ou bien elles sont disposées en groupes de 4 à 10, comme des rayons 
autour d'un centre commun. Pareille disposition se rencontre aux deux faces 
du péricarde du lapin, du chat et de l'homme. Au centre de ces groupes endo- 
théliaux se trouvent un ou plusieurs (2 ou 3) espaces à contours nets de dimen- 
sions variables, ronds ou triangulaires, que depuis Recklinghausen et Œdmanson 
on considère comme des lacunes entre les cellules endothéliales : ce sont des 
stomates. On ne trouve pas d’ailleurs ces stomates au centre de tous ces groupes. 
Pour de plus amples développements relatifs à la structure du péricarde, 
pour la discussion afférente aux stomates, nous renvoyons à l’excellent article 
Séreux de ce Dictionnaire, où la question est largement traitée. 

Le péricarde, comme toutes les cavités séreuses, contient un liquide peu 
abondant, renfermant de l’albumine, quelquefois de la fibrine, des substances 
extractives et des sels. Gorup-Besanez et Lehmann ont étudié, d'après Frey, la 
composition du liquide contenu dans le péricarde des suppliciés. Les résultats 
obtenus par ces deux observateurs ont été différents. Gorup-Besanez a recueilli, 
dans deux cas, un liquide légèrement alcalin, d'une coloration jaunâtre. 

1000 parties de liquide péricardique contenaient : 


T 2 
Fan oies. oi 99 962:83 955,13 
Pashes soldes- iet- i- =::1. Ads ak: Eva N 44,87 
AAE = Eo a © see 21,62 24,68 
Biheme y Soro LEGA iR ss 3 » 0,81 
Matières extraclives. . : ti aiara D 8,21 12,69 


DER de sieste ee ce ee 7,54 6,69 


4 PÉRICARDE (ANATOMIE). 


Lehmann n’a trouvé que 8,79 d'albumine, 0,93 de matières organiques et 
0,89 de substances minérales. , 

Les artères péricardiques, très-grêles, émanent des diaphragmatiques supé- 
rieures, des bronchiques et des médiastines, et forment dans Ja trame séreuse 
des mailles polggonales. 

Ayant, d’après Robin, 5 à 5 fois le diamètre des capillaires limitants, ces 
réseaux sont plus nombreux sur ie feuillet viscéral que sur le pariétal. 

Les veinules correspondantes qui les accompagnent aboutissent à la veine 
azygos, quelques-unes aussi peut-être aux veines coronaires. 

Les vaisseaux lymphatiques, rares, s'observent sous la séreuse pariétale du 
péricarde et se rendent aux ganglions qui entourent la veine cave supé- 
rieure. 

Les nerfs du péricarde proviennent, d'après Luschka, des phréniques et du 
récurrent droit. On y trouve aussi des filets sympathiques qui accompagnent les 
vaisseaux. Les nerfs, assez nombreux, d’après Sappey, sont grêles et pénètrent 
dans l'épaisseur du péricarde par sa partie postérieure et supérieure. 

Développement embryologique du péricarde. « On ne sait encore rien de 
précis, dit Kölliker, sur le développement du péricarde, mais il est fort pro- 
bable qu’il se développe in loco de la lame fibro-intestinale, semblable en 
cela au péritoine et à la plèvre, et se constitue de la couche externe du rudiment 
cardiaque et de la lamelle interne de la cavité primitive qui entoure le cœur. 
On ne sait au juste à quel moment cette cavité paraît chez l’homme, mais je 
puis affirmer qu'elle est déjà visible dans le second mois » (voy. article Séreux 
de ce Diclionnaire). 

Paysiococie. La poche fibro-séreuse péricardique est destinée à faciliter 
les mouvements du cœur; les surfaces séreuses polies et baignées de liquide 
tapissant les faces extérieure du cœur et interne du péricarde fibreux pariétal 
adoucissent les frottements et rendent la locomotion du cœur inoffensive aux 
organes environnants. Le péricarde est immobilisé par les ligaments que nous 
avons étudiés, par son adhérence au centre phrénique, par sa continuité avec les 
gros troncs vasculaires de la base du cœur; la cavité péricardique peut se dis- 
tendre par l’accumulation de sérosité ou se rétrécir par plissement ou accole- 
ment des parois, si le cœur s’atrophie. 

On sait que tous les organes intra-thoraciques sont soumis à une pression 
négative, due au vide virtuel de la cavité pleurale. Le poumon, qui reçoit inté- 
rieurement la pression atmosphérique et ne la reçoit pas sur sa face extérieure, 
est pour ainsi dire aspiré par la paroi thoracique à laquelle il est accolé. 

Cette aspiration s'exerce aussi sur le cœur et le péricarde et se traduit dans 
ce dernier par une pression négative que les recherches de Adamkiewieez et de 
Jacobson chez le chien, le mouton, etc., ont évaluée à 5, 4, 5 millimètres de 
mercure dans les respirations ordinaires, à 9 dans les respirations laborieuses 
produites en comprimant la trachée. 

Il n ine nie eoram da cette pression négative soit pour quelque 
chose dans le mécanisme de la dilatation du cœur pendant la di 
inclinait à le penser Maurice Reynaud. ; De ‘a 

Parmozocie. Anomalies. Absence totale ou partielle du péricarde. Le 
péricarde peut manquer en partie ou en totalité. L'absence partielle ou simple 
lacune du péricarde existerait surtout, suivant Rokilansky, dans les diverses 
ectopies du cœur. D'après Geoffroy Saint-Hilaire, c'est le plus souvent une 








PÉRICARDE (ANATOMIE). 5 


absence totale du péricarde qu'on rencontrerait dans ces cas. Dans l’ectopie cer- 
vicale, la poche séreuse fait presque toujours absolument défaut; dans l'ectopie 
abdominale, c'est un repli péritonéal qui enveloppe le cœur. 

Baillie trouva chez une fille morte immédiatement après la naissance le cœur 
renversé sens dessus dessous dans le thorax, la base avec les gros vaisseaux 
répondant à l’ombilic, la pointe en haut et à gauche cachée entre les deux 
poumons, avec absence totale du péricarde. 

Un cas de lacune péricardique chez un chien est relaté par Paul Bert (Gaz. 
méd. de Paris, 1866). Chez cet animal bien portant, le physiologiste constata 
sur le péricarde un vaste orifice à peu près circulaire à travers lequel on voyait 
à nu l’auricule droite et plus d'un tiers de la surface du ventricule droit. 

L'absence congénitale du péricarde sans ectopie du cœur a été étudiée spécia- 
lement par le docteur Faber, de Stuttgard (Arch. für pathol. Anat. und Physiol. 
de Virchow, 1878). Ce mémoire a été analysé dans la Revue des sciences 
médicales, 1879, et nous lui empruntons ce document. 

« L'auteur rapporte un fait observé par lui et réunit 9 autres cas existant dans 
la science. 

Au point de vue anatomique on peut distinguer 2 càs. Dans le premier, le 
cœur est à sa place entre les 2 feuillets de la plèvre, le feuillet gauche couvrant 
à peu près le cœur gauche, le feuillet droit l'oreillette droite, de sorte qu'une 
grande portion de l'organe est dépourvue de séreuse. On ne connaît qu'un cas 
de ce genre, décrit par Lawson Tait (Dublin. Med. Journal, 1869, p. 85). 
Dans le second cas, le cœur est entièrement logé dans le poumon gauche, la 
plèvre refoulée comme un doigt de gant. Le cœur est simplement suspendu aux 
gros vaisseaux, ballottant de côté et d'autre, suivant les mouvements de la res- 
piralion; l’espace triangulaire du médiastin est supprimé, l’accolement des 
deux feuillets pleuraux est fortement reporté vers la droite, et le diaphragme a 
le centre phrénique recouvert par la séreuse. 

Dans cette catégorie rentrent les 9 autres cas connus, y compris celui de 
Faber. Voici leur indication bibliographique : 1° Baillie. Transact. of Soc. 
for Impr. of Med. and Chir. Knowledge, v. 1, p.91. — 2° Walter, Muscul. Anat., 
V, 668. Bergh, 1805. — 5° Otto, Seltene Beobacht. zur Anat., zweite Samml. 
Breslau, 1844. — 4° Breschet, Repert. gén. d'anat. phys. et clin., t. I, p. 67. 
Paris, 1826. — 5° Wolf, Rufs’s Mag. f. d. ges. Heilk. 1837, t. XXIII, p. 335. — 
6° Curling, Medico-chir. Trans., 1839, p. 222. — 7° Baly, London med. 
Gazelte, 1851, p. 40. — 8° Weisbach, Wien. med. Wochenschr. 1868, n° 69. » 

Ajoutons à ces 8 cas deux autres faits, l’un dù à Chiaré (Wiener med. 
Wochenschrift, n° 14, 1880), que je relate succinctement : 

« Chez un sujet de quarante-six ans, mort de péritonite tuberculeuse et n'ayant 
présenté aucun symptôme d'affection cardiaque, on remarque que le cœur, au lieu 
d'être recouvert par le péricarde pariétal, est libre dans la plèvre gauche et en 
contact avec le poumon, conservant ses rapports normaux. Le feuillet médiastin 
de la plèvre gauche dépasse la ligne médiane ; le feuillet viscéral passe directement 
sur le cœur pour former le péricarde viscéral ; il n’y a de repli qu'au niveau 
de la veine cave inférieure. 

Quant à la plèvre médiastine du côté droit, elle a sa disposition habituelle. 

Le dixième cas est dù à Lebec, aide d'anatomie à l’école de Nantes. La paroi 
latérale gauche et la paroi antérieure du péricarde manquaient complétement. 
La paroi postérieure et la paroi latérale droite existaient à l’état rudimentaire 


6 PÉRICARDE (anatomie). 


et donnaient lieu à de nombreux culs-de-sac. Le feuillet séreux viscéral se trou- 
vait en contact avec la face postérieure du sternum et des cartilages costaux ; 
ses faces postérieure et latérale gauche étaient en rapport direct avec le poumon 
gauche sur lequel le cœur devait s’appuyer dans le décubitus horizontal. 

« Au point de vue de l’embryologie, d'après Faber, ces cas exceptionnels sont 
d'une extrême importance, parce que généralement l'absence de séreuse n’est 
jamais absolue. On peut poursuivre pas à pas le développement du péricarde, 
d’après les vestiges que l'on a décrits dans ces diverses observations, et voici 
comment on peut se le figurer. Le péricarde naît d’un repli de la séreuse de la 
cavité thoracique gauche qui recouvre simultanément le cœur et le poumon 
de ce côté. Ce repli s'élève de la portion médiastinale vers la base du cœur, 
d'abord du côté de l'oreillette droite. Pendant que le tissu fibreux se glisse 
entre les feuillets de ce repli, il continue à s’accroître dans la direction de l'axe 
longitudinal du cœur, et aussi vers le haut, de façon à contourner l'organe de la 
partie inférieure droite vers la partie gauche. Dans cette évolution, le péricarde 
contracte les adhérences normales avec le sternum et le diaphragme. En ces 
endroits où plus tard le péricarde n’est pas recouvert par la plèvre, le feuillet 
externe du repli perd simplement sa nature séreuse. Il serait utile de faire une 
étude histologique précise de ces adhérences. 

Dans le chapitre consacré à la clinique, l’auteur essaie d’ébaucher le diagnostic 
de l’anomalie. Il est à remarquer d’abord que dans deux ou trois des observations 
il y avait épanchement pleurétique, et cette circonstance crée au diagnostic des 
difficultés insurmontables. Lorsque les organes thoraciques sont à l’état normal, 
un examen attentif permet de constater certaines particularités du côté du cœur 
et du poumon gauche. 

Dans le décubitus dorsal, le cœur tombe en arrière, la matité cardiaque 
diminue ‘d'intensité et d'étendue, le choc de la pointe devient plus faible ou 
disparaît entièrement, les bruits du cœur sont plus sourds en avant, plus nets 
en arrière. Dans le décubitus latéral gauche, on pourra percevoir le choc du 
cœur dans l’aisselle droite. L'organe étant simplement suspendu aux gros vais- 
seaux, on peut s'attendre à ce que, lors de brusques changements de position, 
il pèse de tout son poids sur ces vaisseaux : d’où des désordres circulatoires que 
l'on pourra peut-être constater. 

Le pronostic est en général favorable. Chez la plupart, on n’a observé pendant 
la vie aucun symptôme saillant se rapportant à cette anomalie. Les sujets sont 
morts à un äge plus ou moins avancé et de maladies étrangères au vice de 
conformation. » 

ANomaLtes. Diverticulums du péricarde. Les diverticulums du péricarde 
ou saillies en forme de poche proéminant dans le médiastin, sont rares; ils sont 
ordinairement petits et siégent plus souvent à la partie antérieure du péricarde ; 
l'orifice de communication avec la poche séreuse est large ou étroit. 

Chez une femme âgée, dit Cruveilhier, morte de rupture du cœur dans 
le péricarde, cette membrane distendue était surmontée en haut et en avant 
par une poche hémisphérique, de couleur noirâtre, à parois transparentes, for- 
mée par le sang contenu dans la séreuse déplacée à travers les faisceaux 
fibreux supérieurs. 

Hart (Dublin. Journ. of Med. Scienc., 18317) en a vu un qui contenait 
3 à 4 onces de liquide. Bristowe vit chez une femme de quarante-sept ans une 
poche du volume d'un œuf de pigeon présentant à l'intérieur des cloisons qui la 


PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 7 


divisaient incomplétement en 5 ou 4 loges. Cuffer (Bull. de la Soc. anat., 1875) 
trouva chez un homme mort de diabète sucré au service de Millard un diver- 
ticulum à la partie inférieure et postérieure du péricarde; il constituait une 
sorte de poche assez volumineuse, proéminant dans le médiastin postérieur, 
communiquant avec la cavité péricardique par un orifice entouré d’une sorte 
d’anneau fibro-cartilagineux. 

D'après Cruveilhier, ces hernies tuniquaires seraient toujours dues à la pro- 
pulsion de la membrane séreuse à travers la couche fibreuse qui la double. 
Dans le cas qu'il mentionne, le diverticulum était dù en effet à la pression 
exercée par le liquide épanché sur la séreuse péricardique. Cela est-il toujours 
le cas? Le diverticulum peut-il être congénital? La paroi fibreuse de la poche 
ne peut-elle, moins résistante par vice de conformation, se laisser distendre 
tout entière en un point, constituant une sorte de poche anévrysmatique 
vraie? 

Quoi qu'il en soit, cette anomalie est toujours latente. 

L'épanchement liquide qui l'accompagne peut seul donner lieu à des sym- 
ptômes appréciables. 


à Il. Pathologie. Péricardite. Hisronque. Il faut arriver au dix-hui- 
tième siècle pour trouver les premières données précises sur l'histoire de la péri- 
cardite. Jusque-là il n'existe guère que des indications isolées sur les altérations 
anatomiques du péricarde ; celles-ci étaient connues avant l'étude systématique 
des maladies du cœur. Galien avait rencontré chez les animaux des exsudations 
dans le péricarde et en avait supposé l'existence chez l’homme. Avenzoar, 
d’après J. Frank, fut lui-même affecté de péricardite et s’en délivra par la 
saignée. Fernel, Salius Diversus, Fcrestus, Rondelet, mentionnent les altérations 
anatomiques du péricarde. Mais la pathologie de la péricardite, ses symptômes, 
son histoire clinique, n'étaient pas élucidés. Rondelet indique comme symptômes 
la fièvre, la dyspnée, la douleur sternale et les accès de syncope. 

On trouve dans les Lettres 23 et 24 de Morgagni de nombreuses observations 
de Riolan, de Valsalva, de Fabrice de Hilden, d’Albertini, de Lieutaud, de 
Ruysch, de Bonet, ete., sur les adhérences du péricarde et les troubles fonctionnels 
qu'elles déterminent pendant la vie. Riolan avait déjà proposé la ponction pour 
évacuer les épanchements péricardiques. Mais ce n'étaient là que des obser- 
vations trop incomplètes et trop éparses pour que Morgagni püt en déduire la 
synthèse clinique de la maladie. 

En 1749 parut le Traité de la structure du cœur de Sénac. La péricardite 
devient une entité morbide. Sénac cherche à en établir les symptômes, mais 
ces symptômes sont toujours ceux signalés par Rondelet : fièvre, dyspnée, 
douleur sternale, palpitations, lipothymies. Il regarde la maladie comme rare, 
mais il ajoute : peut-être est-elle plus fréquente qu'on ne le croit. 

En 1760, Léopold Anenbrugger (de Vienne) découvrit la percussion et déduisit 
de cette méthode qui devait immortaliser son nom, mais-après sa mort seulement, 
le premier signe, et le pius important, des épanchements péricardiques : l'aug- 
mentation de la matité précordiale ; il reconnut aussi la voussure précordiale. 

Trente-huit ans après, Corvisart traduisit et annota le livre d’Anenbrugger. 
En même temps parut son Essai sur les maladies et les lésions organiques du 
cœur. Il décrivit les deux formes aiguës et chroniques de la péricardite, sépara avee 
Sénac les hydropisies simples du péricarde des épanchements inflammatoires, 


8 PÉRICARDE (eATuoLoGiE). 


mais ne connut que très-imparfaitement les signes physiques de la maladie. 
La percussion était peu usuelle encore : aussi Corvisart énumère-t-1l surtout les 
symptômes généraux et insiste-t-il sur les difficultés du diagnostic. « L'inflam- 
mation très-aiguë du péricarde, dit-il, se dérobe souvent au diagnostic du 
médecin, et l’histoire de la péricardite chronique est enveloppée d'une obscurité 
extrême. » 

Laennec lui-même ne donne de la maladie qu’une description anatomo-patho- 
logique plus précise, mais sans rien ajouter d'essentiel au tableau clinique. 
« J'ai vu quelquefois, dit-il, deviner des péricardites, et j'en ai deviné moi-même, 
car je ne crois pas qu’on puisse employer le mot reconnaître quand on n'a pas 
de signes certains et qu’il arrive aussi souvent de se tromper que de rencontrer 
juste. » ; 

Dans une série de mémoires (1824, 1826, 1830) Louis établit sur des données 
plus positives le tableau clinique de la maladie; il montra qu'elle n'est pas 
toujours difficile à reconnaître. Aux signes déjà connus il ajoute l'éloignement 
des bruits du cœur et la diminution du murmure vésiculaire dans la région 
précordiale. 

« Nous partageons l'opinion de Louis, dit Bouillaud, d'autant plus que depuis 
son travail la méthode de l’auscultation a fourni des signes précieux. » 

Bouillaud faisait allusion à la découverte des bruits de frottement péricar- 
dique faite en 1824 par Collin et publiée dans sa thèse, découverte que Wun- 
derlich attribue à tort à Stokes. Laennec avait entendu ce bruit qu'il compara 
au cri du cuir d’une selle neuve sous le cavalier ; il avait vu d’abord que c’était 
un signe de péricardite, mais pensa ensuite s'être trompé. Bouillaud étabiit la 
loi de coïncidence entre le rhumatisme et les endo-péricardites et étudia d'une 
façon plus précise les variétés du frottement péricardique. 

Le diagnostic fut approfondi dans les ouvrages et mémoires de Bouillaud, 
d’Andral, de Stokes, de Hache (Arch. génér., t. IX, 172 et 318), qui analysa par 
la méthode numérique 8 cas du service de Louis. En Angleterre Mayne (Dublin. 
Journal, VII) et Hugues (Guy's Hospital Reports, I, 75) insistent sur les varia- 
tions de l’exsudat péricardique au point de vue du diagnostic. En Allemagne 
Skoda et Kolletscka (Oesterreich. Jahrb., XXVII, p. 1-31) apportent une grande 
précision dans l'analyse des lésions anatomiques et des symptômes, rectifient des 
idées erronées, exposent les diverses transformations de l’exsudat. Signalons les 
travaux de Chomel, de Piorry, de Maurice Reynaud, de Hope, Latham, Cham- 
bers, Graves, de Skoda, Duchek, Hasse, Oppolzer, Bamberger, Friedreich, 
V. Dusch, etc., et arrêtons-nous à la période moderne, qui a élargi par les pro- 
grès de l'anatomie pathologique et de l'analyse clinique le champ des péricardites. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. La péricardite est aiguë ou chronique; elle est 
générale, diffuse, c'est-à-dire étendue à la plus grande partie du péricarde; ou 
bien elle est partielle, c’est-à-dire localisée à une région limitée ; le plus souvent, 
dans ce cas, c'est à la base, autour des gros troncs vasculaires, qu'elle siége. 

La péricardite aiguë débute par l’hyperémie vasculaire. D’intensité variable, 
elle produit des arborisations fines, des sugillations, des points hémorrhagiques 
tranchant sur un fond rosé ou d’un rouge foncé uniforme. La séreuse perd son 
poli, se trouble, se tuméfie et se ramollit en même temps que le tissu sous- 
séreux ; elle prend un aspect de velours remarquable surtout sur le feuillet 
viscéral. En même temps un exsudat séro-fibrineux se constitue à la surface 
des séreuses ct s’épanche dans la cavité. 





PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 9 


L’exsudat peut être presque exclusivement fibrineux, ne contenant qu'un peu 
de sérosité dans ses mailles : c’est alors la péricardite sèche, souvent localisée à 
la base, mais pouvant aussi siéger ailleurs ou se généraliser et amener rapide- 
ment l’adhérence des deux séreuses, la synéchie cardiaque. Tantôt l'exsudat est 
presque exclusivement séreux ; quelques pseudo-memhranes lamellaires ou en 
îlots sont déposées sur le péricarde, quelques rares flocons nagent dans un liquide 
abondant. Tantôt enfin des exsudats fibrineux nombreux accompagnent une séro- 
sité abondante. Dans les deux cas, c’est la péricardite avec épanchement. 

Examinons maintenant successivement l’exsudat solide fibrineux et l’exsudat 
liquide. 

1° L'exsudat fibrineux tapisse sous forme d'ilots ou sous forme de lamelles 
continues d'aspect infiniment variable les deux feuillets, surtout le viscéral à sa 
face antérieure. Mince d'abord et disposé en reticulum à mailles fines, il 
s'épaissit par addition de nouvelles couches et constitue des pseudo-membranes 
blanchätres, jaunâtres ou jaune rouge, quelquefois semi-transparentes, plus ou 
moins parsemées de points hémorrhagiques, d’abord gélatiniformes, friables, 
plus tard opaques, lisses, de consistance ferme et élastique. Cette pseudo-mem- 
brane peut être mince, facile à enlever. Ordinairement les dépôts deviennent 
plus abondants et constituent une surface d'apparence papillaire. « Ce ne sont 
pas des papilles, parce que le tissu conjonctif et les vaisseaux de la séreuse n’y 
prennent aucune part, ce que l’on constate en détachant la fausse membrane 
qui est lisse à son union avec le péricarde » (Cornil et Ranvier). 

Il en résulte à la surface séreuse pariétale et viscérale du péricarde un aspect 
plus ou moins rugueux, mamelonné; ou bien c'est une apparence réticulée qui 
suivant la disposition du réseau a fait comparer la surface du cœur à la vésicule 
du fiel, à un gâteau de miel, à une langue de chat, à l'ananas, à une pomme 
de pin dépouillée, à l'estomac des ruminants, ou encore, suivant la comparaison 
de Laennec, à l'aspect que présentent deux tartines de beurre accolées, puis 
brusquement séparées. 

Les mouvements imprimés par le cœur aux deux feuillets péricardiques 
déterminent aussi la formation de tractus ondulés, de villosités filamenteuses ou 
papillaires épaisses; le cœur tout entier est quelquefois enveloppé d’un manteau 
blanchâtre villeux (cor villosum, hirsutum, hispidum, tomentosum). Cet exsudat 
pseudo-membraneux est composé de fibrine et d'éléments organisés plus ou 
moins nombreux provenant de lépithélium ou du sang (leucocytes). Voici 
quels sont, d'après Cornil et Ranvier, leur aspect et leur constitution histologique : 
« Dans les cas où l'exsudat est très-mince, on y distingue avec un faible gros- 
sissement une disposition réticulée très-élégante ; d'un point central épais par- 
tent des travées de fibrine disposées suivant des rayons et s’amincissant en se 
divisant à la périphérie; des travées plus minces de fibrine unissent ces der- 
nières. 

Lorsque l’exsudat est épais ou ancien, on ne peut pas reconnaître à l’aide du 
microscope cette disposition réticulée. Au milieu des lames et des fibrilles 
visibles sur les bords du lambeau enlevé, on observe des cellules qu’on peut 
étudier par dissociation dans du picro-carminate neutre à 4 pour 100 ou dans 
du sérum iodé. Les unes sont semblables aux globules blancs: la plupart con- 
tiennent de gros noyaux ovalaires fort nets avec un ou plusieurs nucléoles 
brillants et volumineux, semblables aux noyaux considérés autrefois comme 
caractéristiques du cancer. Les cellules qui contiennent ces noyaux sont les 


10 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


unes aplaties, analogues aux cellules épithéliales des séreuses, d'autres pré- 
sentent des prolongements; quelques-unes, aplaties, possèdent un très-grand 
nombre de noyaux (cellules géantes) ; elles ressemblent alors aux cellules mères 
de la moelle des os (myéloplaxes). 

Dans les péricardites qui remontent à quelques jours, on trouve déjà à la 
base des saillies fibrineuses, des capillaires anciens dilatés ou des capillaires de 
nouvelle formation. Ces vaisseaux sont alors entourés d’une quantité variable de 
cellules embryonnaires. 

Si l'on pratique une section perpendiculaire comprenant la pseudo-membrane 
et la séreuse sous-jacente, sur des pièces durcies dans l'alcool et dans l'acide 
picrique, puis colorées au carmin et conservées dans la glycérine, on voit à la 
surface de la séreuse une couche de fibrine amorphe ou grenue, limitée habituel- 
lement par un contour très-net, bien que sinueux. Au-dessous, on voit les 
couches successives de cellules décrites précédemment et de fibrine, disposées 
de façon très-différentes suivant les cas. Généralement la fibrine forme un 
réseau dont les mailles aplaties limitent des alvéoles allongées contenant les 
cellules. 

L’exsudat est simplement appliqué à la surface de la séreuse ; il en est séparé 
de distance en distance par des îlots de cellules épithéliales formant plusieurs 
couches et semblables à celles que l’on trouve dans les alvéoles de l'exsudat. Il 
est donc probable que toutes ces cellules proviennent des cellules épithéliales de 
la séreuse, gonflées, proliférées et détachées. » 

C'est à ces cellules épithéliales modifiées que Cornil et Ranvier attribuent 
en partie la formation de la fibrine. Le liquide normal de toutes les cavités 
séreuses renferme, d’après Alex. Schmidt, une quantité notable de substance 
fibrinogène ; cette quantité augmente encore dans l’exsudat plus abondant créé 
par l’inflammation. Or, les globules rouges du sang, les globules blancs, les 
. cellules épithéliales détachées et modifiées, sont susceptibles d'agir comme fibrino- 
plastiques, c'est-à-dire de déterminer la formation de la fibrine aux dépens de 
la matière fibrinogène de l’exsudat primitivement liquide. 

Remarquons toutefois que dans les péricardites sèches l’exsudat fibrineux 
semble se produire d'emblée, avec peu ou point d'épanchement fibrinogène. 

« La couche élastique superficielle de la séreuse ne semble pas modifiée dans 
la plupart des cas. Entre les faisceaux de tissu conjonctif sous-jacents on observe 
une plus grande quantité de cellules qu'à l’état normal, cellules ayant la forme 
de globules blanes. En outre, on voit des îlots circulaires elliptiques qui ne 
sont autre chose que des sections transversales ou longitudinales des vaisseaux 
lymphatiques de la séreuse et qui sont gorgés de cellules lymphatiques. Ces 
lymphatiques sont quelquefois remplis de fibrine. » 

2° L'exsudat liquide de la péricardite peut être séreux, purulent ou séro- 
purulent, hémorrhagique ou séro-sahguinolent. Dans la très-grande majorité 
des cas il est séreux. 

Sur 56 cas relatés par Louis, l’épanchement était séreux 9 fois, séro-sangui- 
nolent 5 fois, séro-purulent 15 fois, purulent 7 fois. 

Le sérum est incolore ou jaune, clair ou trouble par mélange d'éléments 
cellulaires et de flocons fibrineux. Mème lorsque le liquide séreux est très-clair, 
le microscope y montre toujours des globules de pus en suspension, quelquefois 
des globules rouges. 

Ce liquide est en quantité variable. Rarement elle dépasse 5 à 600 grammes ; 


PÉRICARDE (ParnoLoGte). 11 


Corvisart a constaté 1200 grammes; Louis plus encore ; Gosselin en 1858 a retiré 
2 litres de liquide du péricarde. 

Lorsque cette sérosité est peu abondante, elle s'accumule d'abord dans la 
région supérieure et antérieure de la cavité, vers les gros troncs de la base 
du cœur, car, dans la position demi-assise habituelle des malades, le liquide 
surnage le cœur qui, plus dense, se trouve au-dessous et en arrière de l'épan- 
chement. Celui-ci est-il plus abondant, il distend le péricarde et sépare son 
feuillet pariétal de la face antérieure, puis de la face postérieure du cœur qui 
nage dans le liquide. Alors la paroi thoracique se bombe en avant ; le diaphragme 
contigu au cœur est refoulé vers l'abdomen; le péricarde se fait jour entre les 
bords pulmonaires antérieurs qui s'écartent; le poumon gauche diminue de 
volume, obéissant à sa rétractilité ou comprimé par l'épanchement. 

La disposition du liquide dans le péricarde peut d’ailleurs être modifiée par 
des adhérences préexistantes. Ainsi Moore cite un cas où, le péricarde étant 
soudé à la face antérieure du cœur, un épanchement distendait la poche en 
arrière considérablement, au point de refouler le poumon gauche en haut et 
en arrière: aussi crut-on, de par les symptômes physiques, à un épanchement 
pleurétique. 

L’exsudat hémorrhagique dans le péricarde est beaucoup plus rare que 
l'exsudat séreux. Bamberger note sur 65 cas de péricardite 8 fois un épanche- 
ment hémorrhagique. L'alcoolisme, la maladie de Bright, semblent y prédisposer. 
L'inflammation qui accompagne les néoplasies cancéreuses et tuberculeuses est 
souvent hémorrhagique. Enfin les maladies qui créent une diathèse hémorrha- 
gique, telles que le scorbut, la maladie de Werlhof, certaines fièvres infec- 
tieuses, le typhus, les exanthèmes aigus, la scarlatine, la rougeole, la variole, 
peuvent déterminer des hémorrhagies considérables dans le péricarde. Mais les 
formes les plus saillantes de péricardite hémorrhagique, dit Friedreich, 
paraissent être celles que Seidlitz décrit sous le nom de pericarditis exsudatoria 
sanguinolenta, Kyber sous celui de pericarditis scorbutica, lesquelles 
s'observent parfois en grand nombre dans le nord de la Russie, dans des régions 
où le scorbut est endémique, formes qui, au point de vue anatomique, se 
distinguent par l'abondance des exsudats hémorrhagiques. Kyber aurait mesuré 
de 3 à 10 litres de sang dans le péricarde. D'autres fois l'exsudat sanguinolent est 
très-peu de chose; entre l'épanchement séro-fibrineux et l'épanchement de sang 
pur, tous les degrés intermédiaires existent. Nous avons vu que l’exsudat fibri- 
neux peut être parsemé de taches ecchymotiques, ou bien la pseudo-membrane 
est tout entière rouge foncé; en même temps la cavité contient du sérum 
teinté de sang. Dans la péricardite hémorrhagique, la délimitation de la séreuse 
et de l’exsudat, contrairement à ce qu'on voit dans l'inflammation fibrineuse, 
est peu nette. Les vaisseaux sanguins de la séreuse se dilatent; de nouveaux 
vaisseaux s’y développent et pénètrent sous forme d'anses dans l'exsudat fibri- 
neux; ces vaisseaux ont une paroi embryonnaire, sont entourés de cellules 
embryonnaires et forment un réseau plus ou moins abondant. 

A la longue le péricarde très-épaissi forme corps avec les fausses membranes 
constituées par un tissu embryonnaire, des vaisseaux, et des couches de fibrine 
interposées. 

Dans un cas bien étudié par Maurice Reynaud et Sabourin, c'est dans les 
couches les plus superficielles de la séreuse épaissie, dans la couche sous- 
épithéliale que se forma un réseau délicat de capillaires de nouvelle forma- 


12 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


tion, puis rupture d’un grand nombre de ces capillaires, coagulation de la 
fibrine du sang tant dans leur intérieur qu'en dehors d'eux et dans l'épaisseur 
d’un tissu jeune et extrêmement friable, enfin rupture de l'épithélium dans 
les points les moins résistants et épanchement de sang dans la cavité péricar- 
dique. Tel était dans ce cas le processus hémorrhagique qui, d'après ce fait, se 
passerait non dans les fausses membranes extra-péricardiques, mais dans le 
péricarde lui-même profondément altéré. 

Le sang lui-même constitué par des globules rouges se modifie à la longue et 
dépose des produits de décomposition, de l’hématoïdine et de l'hématine. 
L'épanchement peut suppurer, et dans la sanie on trouve quelquefois au 
microscope des globules de pus contenant des grains rouges constitués par des 
cristaux d'hématoïdine isolés ou en groupe. 

L’exsudat purulent est assez rare. La péricardite purulente se rencontre 
dans les affections dyscrasiques telles que la fièvre puerpérale, la septicémie, 
la tuberculose, la morve, certaines fièvres éruptives. Dans ce cas, la suppura- 
tion est souvent primitive; la péricardite est d'emblée purulente. Le processus 
est-il très-aigu, la cavité péricardique se remplit rapidement de pus, sans qu’au- 
cun exsudat solide tapisse la séreuse; celle-ci présente au miscroscope son 
tissu conjonctif infiltré de globules de pus, surtout entre les vaisseaux qui 
sont dilatés et ont des parois embryonnaires. Dans le pus épanché se trouvent 
des flocons fibrineux jaunâtres plus ou moins volumineux, constituant sous le 
microscope un reticulum dont les mailles sont gorgées de globules de pus 
souvent granulo-graisseux. 

Le processus est-il moins aigu, un exsudat fibrineux de même structure se 
dépose à la surface de la séreuse, constitué aussi par un reticulum qui disparaît 
sous les globules de pus qui l'infiltrent. 

La péricardite purulente peut être consécutive à l'inflammation fibrineuse ou 
hémorrhagique. Les pseudo-membranes deviennent plus épaisses, molles, friables, 
ou même de consistance crémeuse; la fibrine subit en partie la molécularisa- 
tion granuleuse; des globules de pus abondants l’envahissent et le contenu 
séreux ou sanguinolent de la cavité se transforme en liquide sére-purulent, 
en une sanie (mélange de sang et de pus); d’autres fois le liquide devient tout 
entier purulent. 

Étudions maintenant les modifications ultérieures que subissent les produits 
inflammatoires de la péricardite aiguë ou subaiguë, modifications qui consti- 
tuent l’état anatomique de la péricardite chronique. Ce mot n’a pas d’ailleurs 
de signification précise. Quand les troubles fonctionnels persistent au delà d’un 
certain temps, que la fièvre est tombée, on dit que la maladie est devenue 
chronique, mais on ne saurait dire où finit la période aiguë, où commence 
la période chronique, ni quelles sont les lésions afférentes à ces deux périodes. 
Les phénomènes d'hyperémie vasculaire ont disparu; l’exsudat solide et 
liquide est constitué. 

Dans les cas heureux le liquide se résorbe, l’exsudat fibrineux subit la molé- 
cularisation granuleuse et disparait tout entier. La péricardite se termine par 
resolution. 

Plus souvent des altérations persistent et constituent les lésions anatomiques 
de la péricardite chronique. 

La séreuse péricardique s'épaissit sur une étendue plus ou moins grande par 
néoformation d’un tissu connectif embryonnaire mou et vasculaire qui se con- 


PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 15 


fond avec les fausses membranes. Des adhérences se produisent entre les deux 
feuillets de la séreuse, soit sous forme de brides, soit par soudure des séreuses 
avec effacement de la cavité péricardique, après résorption de son contenu. 

Cet épaississement ou péricardite avec adhérence, inflammation hyper- 
plastique et adhérence, peut être primitive, sans épanchement liquide : péricar- 
dite sèche chronique primitive. A l'autopsie, il est ordinairement impossible 
de dire si un exsudat liquide à ou non précédé les altérations existantes. 

L'adhérence peut être incomplète ; plus rare à la pointe ‘du cœur, on l'observe 
surtout à la base, au niveau des gros troncs qui s’en détachent, sous forme de 
filaments reliant plus ou moins intimement les deux séreuses. A ce niveau, on 
rencontre quelquefois des petites saillies papillaires, des petites vegétations 
molles, vasculaires, constituées par du tissu embryonnaire; elles existent 
souvent aussi au niveau des auricules, parfois recouvertes de minces couches 
de fibrine. Ces bourgeons restent embryonnaires, ou bien végètent, deviennent 
fibreux, se soudent avec des bourgeons venant du feuillet opposé, s'organisent 
en brides minces ou épaisses, recouvertes de cellules épithéliales plates; si elles 
déterminent une oblitération complète de la cavité, on ne rencontre plus entre 
les deux séreuses qu'une couche homogène fibreuse. 

C'est aussi à un processus inflammatoire chronique que beaucoup d'auteurs 
rapportent l'épaississement de la séreuse viscérale du cœur formant ce qu’on 
appelle la plaque laiteuse dont il sera question plus loin, formée par du tissu 
conjonctif en lames superposées. 

Ajoutons enfin que ces bourgeons péricardiques proliférés peuvent faire une 
saillie plas grande sur le feuillet viscéral sous forme de végétations glandnlaires 
ou en massue; ils se pédiculisent parfois et tombent dans la cavité, comme 
corps étrangers. 

Les plaques sclérosées fibreuses peuvent s'épaissir et prendre une consistance 
cartilagineuse, même s'incruster de sels calcaires. Les tractus du tissu con- 
nectif interposés entre les feuillets du péricarde peuvent, par les mouvements du 
cœur se relâcher, se rompre et laisser le cœur se mouvoir de nouveau librement 
dans sa cavité; un épaississement fibreux du péricarde viscéral, ayant lappa- 
rence d’une tache laiteuse marquant seul leur place ; les adhérences complètes, 
au contraire, totales ou partielles, persistent définitivement; les deux feuillets 
unis emprisonnent le cœur dans un fourreau plus ou moins épais, fibreux, 
parfois de consistance cartilagineuse ; ce tissu peut même subir une transfor- 
mation pierreuse; une vraie carapace calcaire ou bien des plaques calcaires, 
ordinairement recouvertes par une mince couche de tissu fibreux, d'une étendue 
variable, quelquefois pénétrant par places dans le muscle cardiaque, enveloppent 
le cœur; le tissu d'apparence cartilagineuse ne contient pas de chondroplastes; 
il n’est constitué que par des lames de tissu conjonctif entre lesquelles sont 
des cellules plates; le tissu calcifié en plaques dures, d'apparence osseuse, 
d'étendues et de formes variables, ne contient pas d'ostéoplastes. Dans un cas 
relaté par Ripault, la péricardite adhésive s'accompagnait deplaques ossiformes 
considérables, sous l’une desquelles était un abcès; cet abcès paraissait dù à 
l'irritation causée par les aspérités de ces plaques (Bulletin de la Société anato- 
mique, 1883). 

Förster, Feuerabend, John Ogle, relatent des cas où une capsule osseuse 
complète qu'il fallut scier entourait le cœur. L'exsudat liquide subit aussi des 
transformations dans la péricardite chronique. L’épanchement peut augmenter 


14 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


et rester stationnaire. Très-rarement le pus se fait jour au dehors après avoir 
creusé un abcès dans Je paroi thoracique, et il en résulte une fistule péricar- 
dique. Von Dusch cite trois faits de ce genre. Dans le premier, dù à Sabatier, 
le pus se fit jour derrière la clavicule gauche. Dans le second, dù à Fabricius, il 
s'ouvrit à travers le deuxième espace intercostal droit. Enfin dans le troisième, 
dù à 0. Wyss, c'était dans le cinquième espace gauche, à 2 centimètres à gauche 
de la ligne mamellaire. Si l'air pénètre dans la cavité, le pus subit une fermen- 
lation putride et engendre un pyo-pneuno péricarde. 

La partie séreuse de l’exsudat résorbé, la partie coagulée, est envahie par la 
métamorphose graisseuse ; l'élément globuleux du pus subit aussi cette inspis- 
sation ou transformation granulo-graisseuse : il en résulte des masses jaunes 
opaques, caséeuses, ressemblant à du mastic ou à du mortier qui s'accumule 
par place entre les adhérences; on y rencontre des cristaux d'acides gras, de la 
cholestérine, de l’hématoïdine, du pigment; ces masses caséeuses peuvent aussi 
subir la calcification. 

L'exsudat fibrino-purulent, au licu de s'organiser en tissu fibreux, se trans- 
forme aussi parfois par molécularisation granuleuse en lambeaux caséeux qui 
flottent ou se détachent. 

Après avoir passé en revue l’évolution anatomique de la péricardite aiguë et 
chronique, il nous reste à dire quelques mots des altérations consécutives du 
cœur lui-même. 

Le muscle cardiaque est quelquefois peu altéré. Dans la moitié des cas, 
d'après Wagner, dans plus de la moitié, d'après Schrôtter et Bauer, 1l est altéré. 
Si l'épanchemeut a duré longtemps, le muscle est comme macéré, flasque, les 
cavités cardiaques sont passivement dilatées. Dans les formes aiguës, surtout 
dans les péricardites hémorrhagiques et purulentes, les couches superficielles 
du myocarde subissent une dégénérescence graisseuse ; le muscle devient pâle, 
jaune, opaque, ou gris rougetre et friable (myocardite aiguë parenchymateuse 
de Virchow). 

Dans les péricardites suppurées, la surface charnue du cœur peut être 
ulcérée; dans un cas de Salter, il y avait une myocardite purulente transmise 
par contiguité. 

L’endocarde est normal; il peut être affecté par la même diathèse rhu- 
matismale que le péricarde. Peut-1l être atteint par continuité? Cela n’est 
pas démontré cliniquement. Les expériences de Desclaux tendraient à le faire 
admettre. L'irritation du péricarde chez les animaux, mécaniquement ou par 
des injections, développait uné péricardite intense; de plus, moins de douze 
heures après l'expérience, on voyait des rougeurs et des gonflements de l’endo- 
carde, surtout de l'endocarde valvulaire qui s’injectait, perdait son épithélium 
et s’indurait. 

Le cœur enfin peut s'atrophier, surtout dans la péricardite chronique avec 
adhérence; les vaisseaux coronaires, on le conçoit, englobés dans un tissu 
fibreux rétractile, sont susceptibles de se rétrécir et n'assurent plus la nu- 
trition suffisante de l'organe qui subit l’atrophie simple ou la dégéné- 
rescence graisseuse ; les cavités se laissent distendre par défaut de résistance, 
surtout le ventricule droit, et alors l'insuffisance cardiaque ou asystolie en- 
gendre la stase veineuse, l'anémie artérielle et toutes leurs conséquences ana- 
tomiques. 

Eriococre. La péricardite est une maladie fréquente, si l'on suppute sous 


PÉRICARDE |PATHOLOGIE). 15 


ce nom toutes les lésions péricardiques d’origine irritative, les adhérences 
partielles, les épaississements, les simples taches laiteuses dont la nature 
inflammatoire n’est pas établie, au moins pour tous les cas. C’est en nrocédant 
ainsi que Duchek sur 500 autopsies rencontra 89 fois des traces de péricardite, 
ce qui donne une proportion de 15,4 pour 100. A. Willigk donne 14, 1 pour 400 
et Chambers 16,2 pour 100 des autopsies. Leudet sur 1003 cadavres trouva 
43 fois des lésions de péricardite récente et 58 fois des traces d’ancienne péri- 
cardite, ce qui fait en tout une proportion d'environ 10 pour 100. Acceptons 
ce dernier chiffre qui nous paraît plus proche de la vérité. 

Elle affecte surtout la jeunesse et l’âge moyen, elle est moins fréquente chez 
l'enfant et le vieillard. Grisolle signale le maximum de fréquence de 18 à 
30 ans. Bamberger, sur 57 cas, constate que presque la moilié concerne des 
jeunes gens de 10 à 350 ans. Hasse, sur 55 cas, n’en trouve que 6 au-dessus de 
40 ans; Roth, sur 19 cas, en trouve 5, Lebert, sur 27,8 qui dépassaient cet âge; 
ces chiffres réunis donneraient une proportion de près de 19 pour 100 des 
péricardites au-dessous de 40 ans. 

Chez le vieillard cependant la péricardite n'est pas rare. Les adhérences 
péricardiques se rencontrent fréquemment chez lui, au dire de Geist : il est 
vrai que ces adhérences peuvent dater d'un âge antérieur et survivre à de 
vieilles péricardites. Mais Willigk, pour qui la fréquence absolue de la maladie 
est la plus grande de 40 à 50 ans, pense que la fréquence relative la plus 
grande (étant donné le nombre des sujets qui ont cet âge) est de 70 à 80 ans. 
Sur 100 cadavres de sujets ayant cet âge, il trouve six fois de la péricardite 
récente, tandis que dans les diverses périodes de 10 ans antérieures la propor- 
tion ne serait que de 4 pour 100. Vulpian a observé 10 cas de péricardite chez 
les vieillards. D’après Lejard (thèse de Paris, De la péricardite aiguë'chez les 
vieillards, 1885), on l'osserverait surtout entre 70 et 90, plus souvent chez la 
femme. Cette péricardite sénile peut être primitive, mais d'ordinaire elle 
survient dans le cours d’une affection antérieure, rhumatisme, néphrite intersti- 
tielle, tuberculose, pleurésie, pneumonie, etc. Quelquefois sèche, elle est plus 
souvent liquide, séro-purulente ou hémorrhagique. Pour avoir une idée plus 
précise sur la fréquence de la péricardite sénile, il faudrait spécialiser les 
chiffres, envisager à part les péricardites sèches, sans exsudat, scléreuses, et les 
péricardites avec exsudat liquide. On sait en effet que la sclérose fibreuse chez 
le vieillard, si commune dans tous les organes, n’est souvent qu’une lésion 
d’involution sénile qui s’accomplit sans bruit, sans symptômes, et ne mérite pas, 
au point de vue clinique, le nom de maladie inflammatoire. 

Dans l'enfance la péricardite est rare. Lebert n’a observé que 2 cas au- 
dessous de 5 ans; Roth un seul au-dessous de 10; Gerhard, sur 250 enfants, n'a 
vu qu'un cas; von Dusch en a vu 2 au-dessous de 2 ans. Bednar, sur 
144717 enfants observés aux enfants trouvés de Vienne, ne rencontra pas un cas 
de péricardite. D'après les faits que nous avons recueillis, disent Rilliet et 
Barthez, la péricardite aiguë ou chronique serait extrêmement rare chez les 
enfants âgés de moins de six ans; « un seul de nos malades avait trois ans ; tous 
les autres étaient âgés de sept à quinze ans, et les plus nombreux avaient de 
onze à quinze ans. » 

La péricardite peut exister exceptionnellement dans la vie fœtale et chez le 
nouveau-né : Billard a constaté des adhérences péricardiques à l'autopsie d'un 
nouveau-né. Lee, cité par Stokes, a observé une péricardite purulente chez un 


16 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


enfant de quatre mois. Letulle relate les faits suivants : 1° Un nouveau-né , 
meurt le quatorzième jour d'athrepsie avec pleurésie exsudative et péricardite 
latente avec légère exsudation surtout à la base du cœur. 

2° Accouchement laborieux au forceps d'une primipare. Mort apparente de 
l'enfant; il revient à la vie par l'insufllation, mais meurt le septième jour : 
pleuro-pneumonie gauche ; péricardite latente, liquide séreux roussâtre flocon- 
neux en quantité très-notable; cœur recouvert par quelques fausses membranes 
fibrineuses peu cohérentes. 

3° Parrot a constaté chez un nouveau-né une péricardite aiguë avec myocar- 
dite suppurée, endocardite, abcès métastatiques du poumon, périostite phlegmo- 
neuse du radius. 

Senhouse Kirkes a observé trois cas de péricardite consécutive à la pyohémie 
chez des enfants. Homolle relate aussi en 1874 un cas de péricardite purulente 
chez un enfant issu d'une mère pyohémique ; Weber l’a signalée à la suite de 
l'inflammation du cordon. Parrot invoque la syphilis congénitale comme cause ; 
sur 10 péricardites chez les nouveau-nés, quatre fois la syphilis était en jeu, 
d'après ce maître regretté. 

Quant au sexe, tous les auteurs indiquent une prédominance pour le sexe 
masculin. Mais les chiffres donnés varient : Lou's, sur 106 faits analysés, trouve 
une proportion de 1/4 pour le sexe féminin ; Bamberger, sur 65 cas, indique 
58 hommes et 25 femmes, c'est-à-dire une proportion de 4 sur 2, 6 ; pour Lebert, 
la proportion est de 5 sur 2; pour Willigk, la différence de chiffre proportionnelle 
serait encore moindre. 

La péricardite a été observée dans tous les pays et sous tous les climats, aux 
tropiques comme dans l'extrème nord. Si elle est plus commune dans les cli- 
mats froids et humides, à température variable, que dans les climats chauds, secs 
et à température uniforme, en hiver qu'en été, cela tient peut-être aux influences 
atmosphériques qui déterminent le rhumatisme articulaire, cette cause prépon- 
dérante de la péricardite. 

Les anciens auleurs ont signalé la péricardite sous forme épidémique. En 
1755, Trécourt, dans la forteresse investie de Rocroy ; Hubert, en 1814, dans un 
fort ussiégé, Lalor, à Kilkenny, dans une épidémie de fièvre continue en 1848 
et 1849, auraient constaté quelques cas de péricardite. Mais les auteurs modernes 
pensent qu'il s'agissait dans ces cas de péricardites consécutives et non primi- 
tives; l'épidémie observée par Hubert aurait élé une pleuro-pneumonie infec- 
tieuse, dont quelques cas se compliquaient de péricardite. Il en est de même 
de la péricardite hémorrhagique, d'origine scorbutique, observée chez les marins 
des provinces russes de la Baltique par Sedlitz, Kyber, Karawajeff et d'autres. 
On ne connaît pas en réalité de maladie infectieuse affectant primitivement 
le péricarde. 

Rarement la péricardite est primitive, idiopathique. Bamberger l'a observée 
6 fois sur 65 cas ; Duchek 1 fois sur 89 ; Friedreich ne signale que 2 cas. Bauer, 
sur 5000 malades qui passent chaque année dans son service nosocomial à 
Munich, note 2 ou 5 cas de péricardite spontanée. 

Dans la très-grande majorité des cas, la péricardite est donc une maladie 
secondaire, consécutive. Passons en revue les affections diverses auxquelles 
elles est subordonnée. 

La première comme fréquence est le rhumatisme. La relation avec le rhu- 
malisme est connue depuis Pitcairn (1788), mais c’est à Bouillaud surtout 


PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 17 


qu'on doit d’avoir nettement établi la loi de coïncidence entre le rhumatisme et 
les cardiopathies. 

Quelle est la relation exacte de fréquence de la péricardite dans le rhuma- 
tisme? Les chiffres donnés par les auteurs sont fort divergents : Williams la signale 
dans 75 pour 100; Bouillaud dans la moitié des cas; Roth donne 36,8 pour 
100 ; Bamberger 30 pour 100 ; Leudet 24,4 pour 100 ; Chambers 18 pour 100; 
Bellingham 17 pour 100; Duchek 16 pour 100 ; Wunderlich, sur 108 rhama- 
tisants, indique 20 péricardites ou endopéricardites ; Latham, sur 136 rhuma- 
tisants, compte 7 péricardites et 11 endopéricardites. Cette différence dans les 
chiffres s'explique par la difficulté du diagnostic. Parmi les cliniciens, les uns 
diagnostiquent endopéricardites là où les autres ne croient qu’à une endocardite 
simple ; entre un souffle doux et un frottement doux la confusion est possible. 
La péricardite peut être latente. On comprend donc qu’une large part dans ces 
données doit être faite à l'appréciation quelquefois un peu arbitraire des obser- 
vateurs : d'où les divergences. En tenant compte de la résultante générale des 
statistiques, on peut admettre avec Ball, avec Maurice Reynaud, avec Bauer, une 
proportion de 16 à 20 cas de périvardite pour 100 cas de rhumatisme articu- 
laire. 

Les mêmes divergences de chiffre et pour les mêmes causes se retrouvent, si 
l'on veut établir le nombre des péricardites d’origine rhumatismale proportionnel 
au nombre des péricardites en général. Cette proportion est pour Ormerod de 
71,7 pour 100 ; pour Taylor de 54,5 pour 100; pour Bamberger de 30 pour 
100 ; pour Hache de 22 et pour Chambers seulement de 13 pour 100. 

C'est surtout dans le rhumatisme articulaire aigu que la péricardite est fré- 
quente. Sur 41 cas de péricardite rhumatismale relatés par Fuller, il s'agissait 
39 fois de rhumatisme polyarticulaire aigu, 2 fois seulement de rhumatisme 
subaigu. Très-rare dans les formes chroniques de la diathèse, elle peut cependant 
les accompagner. Charcot signale 4 fois des lésions de péricardite sur 9 autopsies 
de rhumatisme chronique, mais il pense qu’elles se développent de préférence 
pendant les exacerbations subaiguës, et aussi qu'elles sont en général moins 
graves. 

C'est dans le cours de la première poussée articulaire que la péricardite se 
manifeste le plus souvent, d’après Thompson et Fuller ; 25 fois sur 39 ce fut 
le cas, dans les observations de ce dernier auteur. 

Rare avant le 4° ou le 5° jour de la maladie, la phlegmasie péricardique se 
développe le plus souvent pendant l'acné, dans le cours du second septenaire, 
du 6° au 10° jour (Hughes), le 10° (Ormerod), du 6° au 14° (Bamberger), du 6° 
au 14° jour et du 4° au 10° (Bauer). 

Rarement la péricardite précède l’arthropathie ; Stokes, Graves, West, Gubler, 
Trousseau, ont constaté le fait ; Fuller l’a observé 5 fois ; dans une de ces obser- 
vations, le péricarde fut pris à jours avant les articulations ; Hallez, dans sa 
thèse inaugurale soutenue en 1870, a réuni 27 cas de cardiopathies ayant pré- 
cédé les arthropathies ; il s'agissait 11 fois de péricardites, et 11 fois d’endo- 
péricardites. Taylor sur 14 cas a vu 2 fois la péricardite précéder la détermina- 
tion articulaire. 

Au lieu d'être précoce, la péricardite peut être tardive, ne se manifester que 
du 5° au 5° septenaire ; mais ces cas sont aussi exceptionnels que les précédents. 

Ajoutons que l’endocardite est plus fréquente comme cardiopathie rhumatis- 
male que la péricardite. Ainsi, sur 65 affections cardiaques rhumatismales 


DIGT. ENC. 9° s. XXIIT. 2 


18 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


observées par West chez les enfants, il ne s'agissait que 5 fois de péricardite et 
12 fois d’endopéricardite. 

Dans le rhumatisme blennorrhagique, les localisations cardiaques en général, 
la péricardite en particulier, sont exceptionnelles ; quelques auteurs ne les 
admettent pas, Fournier, par exemple. D’autres, Ricord, Besnier, Maurice 
Reynaud, les admettent. Il n'existe, dit ce dernier, que 3 ou 4 observations, de 
Lehmann, de Tixier, de Lacassagne ; la première seule est probante. 

Les cardiopathies rhumatismales sont des déterminations directes du principe 
morbide sur les séreuses du cœur, au même titre que les arthropathies. Maladie 
générale, peut-être microbienne, le rhumatisme aigu se localise sur les articula- 
tions, sur le poumon, sur la plèvre, sur la peau, sur le cerveau et les méninges, 
sur l'iris, sur la muqueuse oculaire, et aussi sur le revêtement interne et ex- 
terne du cœur. La vieille doctrine des métastases ne saurait se soutenir ; l’endo- 
péricardite coexiste avec les arthrites rhumatismales ; celles-ci ne se résolvent pas 
par le fait de la cardiopathie ; ce n’est pas une répercussion interne : c’est une 
localisation de plus. 

La péricardite peut s'associer aux affections pulmonaires, à la pneumonie, à 
la pleurésie, à la tuberculose. Dans la pneumonie, elle est rare. Grisolle, qui à 
fait de cette maladie une étude si complète, conteste la péricardite comme com- 
plication, bien que Bouillaud la considère comme commune. A Vienne, d'après 
Lépine, sur 6000 pneumonies, la péricardite se rencontre 1 fois sur 200; à 
Stockholm, sur près de 3000, elle fut deux fois plus fréquente. Leudet, sur 83 
pneumonies. note 6 fois de la péricardite, c’est-à-dire 7,2 fois pour 100. Duchek, 
en supputant le nombre total des péricardites, trouve que la combinaison avec la 
pneumonie constitue les 41,9 pour 100 des cas. Elle est plus fréquente dans la 
pneumonie des buveurs et des brightiques. Ajoutons que dans 9 cas de pneu- 
monie interstitielle chronique (induration ardoisée sans tubercules) Van Dusch 
signale 3 fois de la péricardite. 

Dans un certain nombre de cas, c'est la pleurésie concomitante qui par sa pro- 
pagation à la plèvre constitue le trait d'union; d’autres fois c'est le rhumatisme 
qui tient sous sa dépendance les deux localisations ; d’autres fois enfin la pneu- 
monie siégeant sur la languette marginale du lobe supérieur gauche envahit 
directement le péricarde par contiguité de tissu. La phlegmasie péricardique, 
sèche, séro-fibrineuse ou purulente, peut se manifester dès les premiers jours 
de la pneumonie, ou bien on ne la constate qu'après la défervescence, sans. 
pouvoir fixer la date précise de son début, car celui-ci peut être latent, insidieux, 
masqué par les signes de la pneumonie. 

L'association avec la pleurésie est plus fréquente ; Duchek trouve 22 fois la 
pleurésie sur 45 cas de péricardite récente, c'est-à-dire 51,2 fois sur 100 : 
dans un certain nombre de ces cas, il est vrai, la pleurésie pouvait être consé- 
cutive et la péricardite primitive. Sur 57 cas de péricardite relatés par Bam- 
berger, 6 fois, c’est-à-dire dans 10,5 pour 100, existait une pleurésie ou une 
pneumonie primitive. Tous ces chiffres, il faut le dire, variables suivant les 
auteurs, n'ont qu'une valeur relative. D'une part le diagnostic pendant la vie 
peut être douteux; d'autre part, des traces d’inflammation péricardique ancienne 
peuvent se rencontrer, remontant à une origine lointaine préexistant à l'affection 
pulmonaire, ou enfin de simples taches laiteuses sont considérées par quelques 
auteurs comme caractérisant suffisamment la péricardite. Toutefois, d’après les 
recherches récentes anatomo-pathologiques de Colrat (de Lyon), sur la plupart 





PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 19 


des sujets morts de pleurésie, on rencontre des altérations du péricarde. Tantôt 
il ne s’agit que d'une simple vascularisation avec teinte rosée, tantôt d’un exsu- 
dat fibrineux léger et quelquefois d’un épanchement. Les lésions sont localisées, 
le plus souvent unilatérales et limitées au seul côté de la plèvre malade. 
L'examen microscopique a permis à l'auteur d'établir leur processus pathogé- 
nique : au-dessous de la plèvre, infiltration des espaces du lissu cellulaire par des 
éléments lymphatiques, vaisseaux lympbatiques sous-pleuraux dilatés et remplis 
de cellules, même altération sur ceux qui sont au voisinage du péricarde, même 
infiltration lymphatique du tissu cellulaire sous-péricardique ; il s'agirait en 
somme d’une extension de l’inflammation par lÿmphangite. 

La tuberculose pulmonaire se complique aussi souvent de péricardite séro- 
fibrineuse, hémorrhagique ou purulente, avec ou sans tubercules dans la séreuse. 
Duchek signale 8 fois la péricardite avec la tuberculose, c’est-à-dire dans 14 
pour 400 des cas de péricardite. Leudet, sur 299 tuberculeux, rencontre 8 fois 
la péricardite, c'est-à-dire dans le 2,7 pour 100 des cas; sur 45 cas de péricar- 
dite récente mortelle, il trouve 3 fois de la pleurésie concomitante. Enfin, sui- 
vant Bamberger, 14 péricardites sur 100 sont d’origine tuberculeuse. Une pleu- 
résie concomitante peut, par propagation au péricarde, constituer le lien 
pathogénique intermédiaire entre la tuberculose et la phlegmasie séreuse, ou 
bien l’exsudat péricardique est lié directement à des productions tuberculeuses 
dans le péricarde, mais les péricardites chez les tuberculeux ne sont pas toutes 
des péricardites tuberculeuses (voy. PÉRICARDITE TUBERGULEUSE). 

La péricardite s'associe très-souvent aux autres affections cardiaques, soit à 
l'endocardite aiguë, soit à la myocardite, soit aux lésions valvulaires chroniques. 
Duchek trouve la péricardite combinée à d'autres affections cardiaques et vas- 
culaires dans 54 pour 100 des péricardites. Leudet, sur 87 maladies organiques 
du cœur, note 12 fois la concomitance de péricardite, c'est-à-dire 43,7 fois sur 

. 100 affections cardiaques. Le plus souvent c’est une cause commune, le rhuma- 
tisme, qui fait l'endocardite et la péricardite. Rarement c’est une myocardite 
suppurée ou un abcès métastatique qui envahit le péricarde. Mais l'hypertrophie 
simple du cœur, les lésions valvulaires non rhumatismales, peuvent aussi se 
compliquer de péricardite, le plus souvent sèche et hyperplastique, soit que 
l'augmentation de volume du cœur entraîne une irritation nutritive de la séreuse 
viscérale qui le couvre et se développe avec lui, soit que l’hyperémie veineuse et 
les néoformations vasculaires du myocarde retentissent sur son enveloppe, soit 
enfin que les palpitations irrégulières du cœur, modifiant les frottements doux 
des deux feuillets l’un sur l’autre, y déterminent des altérations organiques 
consécutives à l’irritation fonctionnel'e. 

La péricardite s'observe dans les pyrexies, les exanthèmes fébriles, dans la 
seplicémie, dans la fièvre puerpérale. Elle est rare dans la fièvre typhoïde, 
soit pendant son cours, soit pendant la convalescence. Liebermeister dit avoir 
vu cette complication 4 fois dans un an, mais cette fréquence était exception- 
nelle ; les autres années, il ne l’observa pas aussi souvent. Petitfour, dans sa 
thèse inaugurale, relate 6 observations de péricardite sèche dont 3 personnelles, 
ayant compliqué la fièvre typhoïde. Cl. de Boyer a observé au service de Bou- 
chut un cas de fièvre typhoïde compliquée d'endocardite végétante avec myocar- 
dite et péricardite suppurée (Bullet. de la Soc. anat., 1875). Rare aussi dans la 
rougeole, un peu moins rare dans la variole, dans laquelle Desnos et Huchard 
l'ont observée, mais moins fréquemment que l’endocardite, elle s’associe plus 


20 PÉRICARDE (raTnoLoGiE). 


volontiers à la scarlatine. La proportion des péricardites scarlatineuses sur le 
nombre total des péricardites observées par Duchek était de 0,9 pour 100. 
D'après Gendrin, elle se développe d'habitude pendant la période de desqua- 
mation. Bauer signale 2 cas combinés avec le rhumatisme scarlatineux ; dans 
‘un la complication se déclara pendant l'éruption. 

L’érysipèle, d'après les observations de Jaccoud et de Sevestre, parait quelque- 
fois, mais exceptionnellement, se compliquer de péricardite. 

Chez les cholériques, on rencontre le péricarde desséché, transparent ; sa face 
interne est souvent recouverte d’un liquide analogue à celui qui recouvre le péri- 
toine et les plèvres ; les ecchymoses sous-péricardiques ne sont pas rares. Mais 
ce ne sont pas là des lésions inflammatoires; elles sont consécutives à altération 
du sang et ne constituent pas une péricardite. 

La pyémie entre pour 1,8 pour 100 dans le nombre total des péricardites 
relevées par Duchek. Willigk, sur 91 autopsies de septicémie puerpérale, note 
5 fois des lésions péricardiques. 

Tous les auteurs signalent la pericardite brightique, celle qui s'associe aux 
diverses formes de néphrites. Toutes les séreuses peuvent se prendre chez les 
brightiques. Bright, Gregory, Christison, Rayer, avaient déjà signalé le fait. 
Mais la séreuse péricardique est affectée moins souvent que la plèvre et le péri- 
toine. Sur 81 cas d'inflammation des séreuses chez les albuminuriques atteints 
de néphrite parenchymateuse, Frerichs trouve la plèvre enflammée 35 fois, le 
péritoine 55 fois, le péricarde seulement 13 fois. La proportion des péricardites 
associées à la maladie de Bright, dans la statistique de Duchek, est 14,3 pour 
100 péricardites. 

La proportion des péricardites supputée relativement au nombre des maladies 
de Bright est variable, suivant les auteurs. Frerichs, chez 292 brightiques, note 
45 fois la péricardite ; Rosenstein, dans 114 cas, la note 8 fois. Les diver- 
gences d'opinion existent aussi sur la question de savoir si la péricardite est plus 
fréquente dans la néphrite parenchymateuse ou dans la forme interstitielle. La 
première s'accompagne souvent d’hydropéricarde, et celle-ci est difficile à diffé- 
rencier d'avec les épanchements inflammatoires. Grainger Stewart, sur 100 cas 
de sclérose rénale, note la péricardite 7 fois; Dickinson l'aurait trouvée 16 fois 
sur 68. L'endocardite serait au contraire plus rare. D’après ces auteurs, ces 
complications, comme toutes les complications inflammatoires en général, 
seraient moins fréquentes dans la forme interstitielle que dans la forme paren- 
chymateuse. 

D'après Keraval (thèse de Paris, 1879) ce n’est pas à la néphrite elle-même, 
mais à l'urémie, qu'il faudrait rattacher la péricardite. Dans une statistique 
comprenant 51 cas, rassemblés un peu au hasard, l’auteur a trouvé 4 cas de 
péricardite, ce qui fait à peu près 8 pour 100. Les lésions rénales étaient varja- 
bles, néphrite interstitielle, néphrite épithéliale, dégénérescence amyloïde. On 
ne l’observerait guère dans les cas de néphrite aiguë. Les cas les plus favorables 
à l’évolution de la péricardite urémique seraient ceux dans lesquels les reins 
sont atteints de lésions à marche lente, mais déjà très-avancées. Il s'agirait 
généralement d’une péricardite sèche, sans tendance à la régression, nent si 
la mort ne survient pas, aboutir à la symphyse cardiaque, souvent latente. 

Telles sont les maladies auxquelles la péricardite s'associe avec une fréquence 
variable. Ajoutons les diverses lésions locales de voisinage se propageant au 
péricarde, ou se faisant jour par perforation dans sa cavité ; les cavernes pulmo- 


PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 21 


naires, les abcès et cancers du médiastin, les ganglions suppurés, la carie ver- 
tébrale ou costale, l’ulcération ct le carcinome de l’œsophage, les abcès abdo- 
minaux, péritonéaux, hépatiques, l’ulcère rond de l'estomac, qui peuvent perforer 
le diaphragme et le péricarde, etc., etc. Signalons, comme exemple, un cas de 
péricardite à la suite de pénétration d'un foyer caséeux lymphatique dans l'œso- 
phage et le péricarde (Zahn, Arch. f. path. Anat., t. LXXII, p. 198) ; une péri- 
cardite suppurée par suite d'ouverture d’une caverne ganglionnaire tuberculeuse 
dans le péricarde (F. Dreyfous, France médicale, 1878) ; un abcès pyémique du 
poumon ouvert dans le péricarde (Bidard, Bullet. de la Soc. anat., 1853). Ce 
sont là des observations isolées qui ne constituent que des cas exceptionnels. 

Il en est de même de la péricardile traumalique. J'emprunte à Friedreich 
les exemples suivants : « Renauldin observa une péricardite à la suite de l'en- 
foncement d'une aiguille dans le ventricule droit ; Murat, à la suite de la péné- 
tration d'une petite lime ; Stokes, après un coup de feu, chargé à plomb, 
dans la poitrine ; Bamberger, après un coup de couteau dans la région du cœur. 
Mais le cas le plus remarquable est celui de Buist (Charlest, Journ., janv. 1858), 
où une péricardite survint après la déglutition de fausses dents qui restèrent 
fixées dans l'œsophage, et dont la monture dorée s'était enfoncée dans la partie 
postérieure droite du péricarde ». 

Pour terminer ce qui a trait à l'étiologie, signalons comme causes adjuvantes, 
prédisposantes à la péricardite primitive ou secondaire, la débilitation de l'or- 
ganisme, le surmènement et surtout l'alcoolisme, Des habitudes alcooliques 
sont notées dans un grand nombre d'observations de péricardite hémorrhagique 
et tuberculeuse. 

Symptômes. Tableau général. Il est difficile de tracer un tableau général 
des péricardites. L'aspect varie suivant que la maladie est idiopathique 
ou secondaire, suivant la nature de la maladie primitive, suivant que la péri- 
cardite est aiguë ou chronique, partielle ou diffuse, sèche ou avec épanchement, 
suivant que le muscle cardiaque reste indemne ou dégénère, suivant en effet la 
susceptibilité spéciale de l'organisme atteint. Souvent elle passe inaperçue ou 
presque inaperçue, donnant lieu à peu de symptômes. Ceci arrive surtout dans 
la péricardite secondaire, celle qui survient dans le cours d’un rhumatisme, 
d'une pneumonie, d'une pleurésie, ou qui accompagne les lésions valvulaires du 
cœur; dans ce cas ia péricardite qui survient peut se greffer sans troubles 
fonctionnels nouveaux sur la maladie préexistante. Leudet sur 36 cas de péri- 
cardile secondaire trouve 20 fois l'évolution latente. Cela est plus rare dans la 
péricardite primitive, à moins qu'elle ne soit circonscrite ou sans épanchement 
notable. L'état général n’est pas altéré, les sujets continuent à se promener, 
jusqu’à ce qu'une fatigue insolite ou un léger sentiment d'oppression appelle leur 
attention et celle du médecin qui examine la poitrine et constate les signes 
physiques révélateurs. D'autres fois, dans la péricardite diffuse subaiguë, la 
maladie débute par des symptômes légers : c’est une douleur gravative ou 
aiguë à la région précordiale, c'est une sensibilité plus ou moins vive, ordinai- 
rement peu vive, développée à la région épigastrique par la pression. A cela 
s'ajoutent parfois de l'oppression, des battements de cœur plus ou moins 
tumultueux, quelquefois des accès de palpitations. La fièvre est peu élevée, n’a 
rien de caractéristique; si la péricardile se développe dans le cours d'une 
maladie aiguë, elle ne produit pas toujours d’exacerbation fébrile. 

Dans le plus petit aombre des cas la péricardite s’accuse d'emblée par des 


22 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


manifestations subjectives intenses : douleur vive et déchirante à la région 
précordiale, angoisse, orthopnée, insomnie, fièvre, petitesse et accélération du 
pouls, insomnie, accès syncopaux; la mort peut être rapide, même subite, par 
suite de la myocardite aiguë qui paralyse le muscle cardiaque, ou bien la 
dégénérescence est lente et progressive, la maladie devient subaiguë ou 
chronique. 

Lorsque les symptômes généraux subjectifs font défaut ou ne tranchent pas 
suffisamment sur le tableau de la maladie primitive pour appeler l'attention sur 
le cœur, la maladie passe inaperçue; elle est dite latente. La péricardite 
compte parmi les maladies qui ménagent le plus de surprise aux autopsies; 
elle est venue insidieusement et sans bruit s'ajouter à une maladie aiguë ou 
chronique, cachectique ; on rencontre une péricardite sèche, séreuse, ou même 
purulente, qu'on n’avait pas soupçonnée. 

Il faut la chercher pour la reconnaître; les signes physiques seuls permettent 
le diagnostic. Parmi eux, le plus certain est le frottement perçu à l'auscultation 
de la région précordiale, tantôt frôlement doux, tantôt bruit de cuir neuf ou 
raclement superficiel; les bruits du cœur sont affaiblis, lointains; le choc de 
la pointe peut être normal ou renforcé au début, mais avec l’exsudation qui 
recouvre le cœur il ne tarde pas à s’atténuer et peut disparaître. La matité 
précordiale augmente, si l'épanchement est abondant, et prend une forme trian- 
gulaire à base piriforme inférieure; cette matité dépasse en bas et en dehors 
le point où l’on sent encore battre la pointe du cœur. Enfin l’exsudat peut 
être assez considérable pour déterminer une voussure précordiale. Le frot- 
tement percu à la première période, quand les deux feuillets opposés de la 
séreuse s’accolent encore avec des produits rugueux intermédiaires, disparait 
quand un liquide abondant les décolle et les écarte; il peut reparaître avec la 
résorption. Nous reviendrons en détail sur ces divers symptômes physiques. La 
péricardite latente peut disparaître comme elle est venue, sans bruit : l’autopsie 
seule peut la révéler plus tard sous forme d'épaississement de la séreuse, de 
symphyse ou d’adhérences partielles. 

La péricardite aiguë qui a donné lieu à quelques-unes des manifestations 
subjectives énumérées peut aussi se résoudre rapidement. Baümler (Transact. 
of the clinic. Soc., V, 1872) a appelé l'attention sur la pericardite idiopathique 
éphémère qui peut rester absolument latente ou donner lieu à des symptômes. 
Dans une de ses observations, les troubles fonctionnels étaient très-accentués : 
douleur subite à la région épigastrique, d'abord seulement à la pression, plus 
tard provoquée par chaque inspiration, par chaque mouvement du malade, 
surtout par l’action de se pencher en avant; plus tard encore, bruit de frotte- 
ment limité, qui disparut déjà au bout de vingt-quatre heures, sans modifica- 
tion de la matité précordiale. Outre les douleurs épigastriques existait une 
douleur à l'épaule gauche s’irradiant vers l’oreille et vers le bras du même 
côté. Tous ces symptômes disparurent en quatre jours et firent place à une 
santé parfaite. C'est là un exemple de péricardite spontanée aiguë de très- 
courte durée. 

D’autres fois au contraire, comme nous l'avons dit, la péricardite, se compli- 
quant de dégénérescence graisseuse aiguë du cœur ou paralysant l'organe par 
l'abondance de l’épanchement, devient rapidement mortelle, soit par syncope 
subite, soit par asystolie progressive aiguë; c’est la forme paralytique, syncopale, 
maligne, des auteurs. 


PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 23 


Ou bien la dégénérescence est plus lente, graduelle: le cœur devient insuf- 
fisant, tous les phénomènes de l’affaiblissement cardiaque se développent; stase 
veineuse pulmonaire, congestions passives, oligurie, stase veineuse dans la 
grande circulation, œdème des parties déclives, anasarque, cachexie cardiaque. 
Le cœur dégénéré reste atrophié, si l'exsudat liquide persiste longtemps; ses 
cavités se laissent distendre passivement, si l’exsudat est résorbé de bonne 
heure. C’est le tableau des maladies chroniques du cœur en général, et la mort 
vient après un temps plus ou moins long. Enfin l'évolution progressive des 
lésions peut s'arrêter avant que l'équilibre circulatoire soit définitivement 
comprimé. Le malade guérit avec une symphyse cardiaque; d’autres fois le cœur 
dilaté réagissant contre l'obstacle péricardique s’hypertrophie, et cette hyper- 
trophie consécutive à la péricardite chronique peut être conciliable avec un 
fonctionnement normal de l'organe; ou bien elle détermine à son tour de 
l'asystolie d’abord intermittente, plus tard continue, qui peut à travers bien des 
alternatives entraîner des désordres graves ou mortels. 

Un mot encore avant de passer à l'analyse des symptômes sur les différentes 
formes de péricardite. 

La péricardite purulente, primitivement ou eonsécutivement à la transforma- 
tion de l’exsudat séro-fibrineux, se développe surtout dans les maladies cachec- 
tiques, dans les pyrexies graves, dans la pyémie, la septicémie, la fièvre 
puerpérale. Elle peut rester latente, masquée par l’état général qui les domine ; 
Stokes et Letulle en citent des exemples. Elle n'est caractérisée que par les 
symptômes généraux : fièvre irrégulière avec frissons et exacerbations alternant 
avec rémissions, ou bien fièvre hectique continue peu intense; teinte terreuse, 
cachectique, amaigrissement, sueurs; le pouls est petit, dépressible, quelquefois 
irrégulier; la dégénérescence aiguë du myocarde peut amener une mort subite 
par syncope, ou bien un collapsus progressif, avec accélération paralytique du 
pouls, cyanose et coma, amène le dénouement. 

La péricardite hémorrhagique se rencontre dans les maladies du cœur, dans 
les pyrexies et fièvres éruptives hémorrhagiques, dans les cachexies cancéreuses 
et tuberculeuses, dans le scorbut et chez les alcoolisés. Elle est plus fréquente 
dans la vieillesse. Nous avons parlé de la variété scorbutique observée par les 
médecins russes de la Baltique. L’hémorrhagie peut être considérable et déter- 
miner une anémie aiguë, foudroyante. Les symptômes signalés sont une faiblesse 
extrême, de la dyspnée, une angoisse douloureuse avec sueurs profuses; les 
jugulaires sont gonflées, les pupilles dilatées, les extrémités fraiches ; 1l y a sen- 
sation d’anéantissement; la mort est ordinairement rapide; l'intelligence persiste 
jusqu’à la fin. 

Dans les cas chroniques, des symptômes fébriles et rhumatoïdes peuvent 
précéder l'épanchement; celui-ci se fait plus lentement, les phénomènes de 
collapsus sont moins intenses et la gravité de l'affection est moindre. 

Le scorbut ordinaire peut aussi à sa période ultime s'accompagner d’hémor- 
rhagies péricardiques, souvent associées à une pneumonie ou à une pleurésie 
aiguë. Roger et Dujardin-Beaumetz ont signalé dans cette variété des douleurs 
précordiales vives. 

La péricardite chronique peut succéder à un début aigu et ne devenir 
définitivement chronique qu'après plusieurs recrudescences. La fièvre tombe 
ou diminue, les symptômes locaux persistent ou s’effacent ; à la longue, les 
exsudats se résorbent complétement ou partiellemeut, l'appétit se restaure, 


24 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


tout peut rentrer dans l'ordre, ou bien le cœur dégénéré ne se reconstitue plus ; 
le pouls reste petit, l'oppression augmente ; après des semaines ou des mois la 
cachexie cardiaque devient mortelle. Enfin, comme nous l'avons dit, une 
hypertrophie du cœur succède à la péricardite. Chez les vieillards, les brightiques, 
les tuberculeux, la péricardite peut être d'emblée chronique avec ou sans 
exacerbations aiguës. 

Chez les enfants la péricardite est rare au-dessous de six ans; nous en avons 
cité plus haut quelques exemples. Elle est ordinairement secondaire, excep- 
tionnellement primitive. West a observé 5 péricardites, 12 endopéricardites 
rhumatismales, 3 péricardites, 2 endopéricardites scarlatineuses, 5 péricardites 
par propagation de pleurésie, 3 péricardites simples chez des enfants. 

Le cœur se prend très-facilement chez les enfants dans le rhumatisme arti- 
culaire, même dans les cas les plus légers, lorsque les jointures sont à peine 
gonflées et douloureuses; quelquefois la cardiopathie précède les légères mani- 
festations articulaires : la fièvre, dit West, avec un bruit de souflle et de 
frottement, peut se rencontrer trois ou quatre jours avant le gonflement des 
jointures. Il importe de se rappeler ce fait et d'examiner avec soin le cœur des 
enfants rhumatisants, même alors qu'aucun trouble n’appelle l'attention sur la 
poitrine, ce qui est le cas habituel. Souvent la péricardite est peu intense, 
l'épanchement est peu considérable, à peine quelques cuillerées à soupe de 
liquide dans le péricarde. Barthez et Rilliet ont observé les lésions suivantes : 


Péricardite légère, fausses membranes rares, médiocre quantité 


de iguide. 134 nia a E E e Ce le ele Lie 3 fois. 
léricardite plus intense, épanchement beaucoup plus abondant.. 2 
— chronique légère, plaques laiteuses. . . . . . . . . 4 
= — adhérences peu étendues. . - . . 5 
— chronique, avec adhérences générales.. . . . . . . 5 


Plus souvent encore que chez l'adulte, la péricardite de l'enfant passe 
inaperçue, soit que l'agitation et les cris rendent l'examen physique difficile, 
soit que les lésions pleuro-pulmonaires concomitantes couvrent les signes de la 
péricardite. Souvent la pleurésie précède la péricardite; rarement cette dernière 
précède; quelquefois les deux se développent simultanément, dues, par exemple, 
à Ja même cause rhumatismale. La péricardite idiopathique, dit West, sans 
pleurésie, et assez intense pour donner lieu à des symptômes appréciables 
pendant la vie, est un fait rare. 

La douleur précordiale fait souvent défaut : quand elle existe, elle n’est pas 
en général très-vive; Barthez et Rilliet la notent 4 fois à la région précordiale 
vers le mamelon. Quelquefois cependant les enfants accusent une douleur 
déchirante (Constant, Mayne). Les palpitations de cœur sont rares, le pouls est 
le plus souvent régulier. Rarement on observe une voussure précordiale, la 
matité du cœur est peu étendue ea général. La fièvre est liée à la maladie 
primitive qui commaude la complication péricardite; la respiration peut n'être 
pas accélérée, Rien ne tranche, en un mot, sur le tableau morbide préexistant. 

Cependant, si l'épanchement est abondant et rapide, le cœur et la circulation 
sont entravés dans leur jeu, et des phénomènes d’asystolie grave se manifestent; 
la maladie n’est plus fruste. , 

La péricardite aiguë des vieillards a été récemment étudiée par Lejard 
(thèse de Paris, 1885). Elle est plus souvent secondaire, comme nous l'avons vu. 
Dans les cas observés, l'oppression et les palpitations ont été les symptômes qui 


PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 25 


ont appelé l'attention. La gêne respiratoire, sans signes physiques pulmonaires, 
s'accompagnait d'angoisse et d’une espèce de douleur vague tantôt précordiale, 
tantôt épigastrique. L'impulsion du cœur était faible, irrégulière; il ne présen- 
tait ni souflle, ni frottement. Le pouls était inégal, la température peu élevée. 
Outre l'oppression ou l'angoisse, le vieillard a une certaine tendance à l'assou- 
pissement. La prostration augmente, la langue se sèche, le pouls devient petit, 
filiforme; la face d'abord pâle devient cyanosée et le malade meurt en général 
dans un laps de temps assez court, quelques jours au plus. 

D'après ce tableau un peu vague, les phénomènes fonctionnels l'emportent 
de beaucoup sur les signes physiques; les frottements très-fugaces peuvent 
échapper à l’auscultation. La marche est en général assez rapide et se termine 
le plus souvent par la mort. Dans deux ou trois cas au plus, on a observé des 
symptômes de péricardite qui ont rétrogradé au bout de quelques jours; ces 
cas sont exceptionnels. La maladie ne dure guère que quelques jours, quatre, 
sept, huit, dix jours au plus. Si, comme chez l'adulte, l'inflammation aiguë 
peut se terminer par résolution ou par le passage à l’état chronique, le plus 
souvent cependant la péricardite n'est que l'expression d'un état général grave, 
d'une dépression organique grave qui lui donne un cachet de gravité spéciale. 

Analyse des symptômes. Passons maintenant à l’état analytique des sym- 
ptômes que nous venons d’énumérer rapidement. Commençons par les signes 
physiques, objectifs, les seuls sur lesquels le diagnostic précis peut être fondé. 
Interrogeons successivement la poitrine par les diverses méthodes d'exploration : 
l'inspection, la palpation, la percussion, l'auscultation. 

A l'inspection on peut constater une ampliation du côté gauche du thorax, 
lorsque l'épanchement est très-abondant et que les côtes et les cartilages ont 
conservé leur flexibilité. Chez les vieillards dont les cartilages sont ossifiés et 
les côtes rigides l'ampliation fait défaut, même avec une distension considé- 
rable de la poche péricardique. Cette ampliation peut être due à la dilatation 
totale du côté gauche comme dans la pleurésie, par suite de l’exagération de 
la pression intra-thoracique; on constate aussi que ce côté se soulève moins à 
l'inspiration. Mais, outre cette dilatation totale observée par Corvisart, Gendrin, 
ou sans qu'elle existe, on voit une voussure spéciale à la région précordiale, 
formant une saillie ovale (Louis) à grand diamètre vertical allant de la 2° ou 
9° côte à la 8° ou 9°; le mamelon est plus élevé, les espaces intercostaux sont 
parfois plus écartés, les carlilages sont plus convexes en avant. 

Plus rarement existe une voussure épigastrique déjà signalée par Auenbrugger ; 
elle ne se produit que si l'épanchement est assez considérable pour refouler le 
diaphragme ; elle peut être due au gonflement du foie consécutif à l'hyperémie 
veineuse passive. 

La palpation ou application de la main permet de reconnaître les modifica- 
tions subies par le choc du cœur. Ce choc est très-variable; déjà à l'état normal 
son intensité est différente sur chaque sujet. Au début de la péricardite, chez 
les sujets robustes, l’activité fonctionnelle du cœur peut être accrue; Graves a 
vu plusieurs heures avant tout autre symptôme l'impulsion et les battements 
du cœur renforcés, en même temps que le pouls était accéléré, plein et vibrant. 
Plus tard, le choc s’atlénue ou disparait, soit parce que l’exsudat abondant 
recouvre le cœur, soit parce que le muscle cardiaque mou, ramolli ou dynani- 
quement affecté, ne se contracte plus que faiblement. Suivant Hamernik le 
soulèvement de la pointe pourrait même être remplacé par une dépression 


26 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


systolique légère. Mais ce fait ne serait-il pas dù à des adhérences du péricarde 
avec la plèvre costale? 

En même temps que le choc s’affaiblit, on peut le rencontrer plus à gauche, 
parfois plus bas, par suite de l’abaissement du cœur plongeant pour ainsi dire 
par son poids au fond du liquide exsudé. Enfin la situation de la pointe du 
cœur reconnaissable au choc est susceptible de se modifier par le changement 
d’attitude du malade; dans le décubitus dorsal, le cœur recouvert par une 
couche de liquide, refoulé en arrière, peut ne manifester qu’un choc très-faible, 
ou même le choc est absent; dans le décubitus latéral gauche, le choc peut 
réapparaître où devenir plus intense, déplacé vers la région axillaire gauche; 
dans le décubitus latéral droit, le choc se déplace de même de gauche à droite 
et devient plus apparent; enfin dans la position assise ou verticale le choc dis- 
paru peut aussi redevenir perceptible. Ces faits s'expliquent parce que le cœur, 
de toutes parts enveloppé de liquide et nageant dans ce liquide, se meut plus 
facilement et, obéissant à la pesanteur, va toujours à la partie déclive; dans le 
décubitus latéral gauche, la poche péricardique se distend dans sa paroi gauche, 
et le cœur gagne le fond, c'est-à-dire la gauche; dans la position debout, le 
liquide qui recouvre la face antérieure et le sommet du cœur coulant en partie 
au-dessous dégage la pointe quelquefois assez pour faire réapparaître le choc. 
Aussi ce phénomène, modification du siége de la pointe avec la modification 
de l'attitude du malade, est-il considéré par Oppolzer comme un signe caracté- 
ristique de l’épanchement. Cette assertion n’est pas absolument exacte, car il 
est facile de constater avec Gerhardt que, à l’état physiologique dans le décubitus 
latéral gauche, la pointe du cœur subit parfois un déplacement de 2 centimètres. 
Tout ce qu'on peut dire, c’est que, à la faveur d’un épanchement abondant, 
le cœur devient beaucoup plus mobile. Ajoutons que l’affaiblissement du choc 
dù à l'éloignement du cœur de la paroi thoracique peut coexister avec un pouls 
encore plein et tendu, si le myocarde n'est pas altéré, et ce désaccord entre 
l'ampleur du choc et celle du pouls constitue un signe important. Enfin on 
comprend que des adhérences partielles de la partie inférieure du cœur au péri- 
carde pariétal, adhérences précoces ou préexistantes à la péricardite actuelle, 
peuvent faire que le choc reste perceptible, malgré l’épanchement. 

La main appliquée sur la région précordiale perçoit rarement les vibrations 
dues au frottement; c’est une sensation de grattement, de raclement, de cra- 
quements plus ou moins étendus superficiels, facile à distinguer du frémisse- 
ment cataire; la pression sur les espaces intercostaux la rend quelquefois plus 
distincte. D'après Fuller, dans tous les cas où le frottement se transmet ainsi 
jusqu'à la main, au niveau des deuxième et troisième espaces intercostaux gau- 
ches, on trouverait à l’autopsie la face externe du péricarde adhérente dans 
le médiastin antérieur à la paroi thoracique. 

Quant à la fluctuation que certains médecins veulent avoir sentie dans les 
espaces intercostaux, elle est contestée par Bamberger et par tous les cliniciens 
actuels. 

La percussion fournit les indications les plus précieuses relatives à l'abon- 
dance de l'épanchement. Il faut que celui-ci ait un certain volume pour être 
accessible : 100 ou même 200 centimètres cubes de liquide peuvent s’accu- 
muler à la base, être recouverts par les bords contigus des deux poumons, sans 
déterminer de modification plessimétrique. 


D'après Oppolzer, le liquide exsudé s’accumule d’abord à la base du cœur, à 


PÉRICARDE (PATHOLOGtE). F 


l'origine des gros troncs, là où le péricarde plus distant de la paroi externe du 
cœur se laisse plus facilement décoller. C’est là que l'augmentation de matité 
précordiale apparaîtrait en premier lieu, et d'abord dans le sens vertical du 
cœur ; là on constaterait de la matité plus ou moins accentuée s’élevant de bas 
en haut, jusqu'à la troisième et même jusqu'à la deuxième côte gauche, sur 
la ligne parasternale, quelquefois encore sur la ligne mamullaire. Si l’épanche- 
ment augmente, la matité s’étendrait aussi dans le sens transversal, du bord 
droit du sternum jusqu'à la ligne mamillaire gauche, pouvant même dépasser 
ces limites. Alors la matité précordiale tracée sur la paroi thoracique figurerait 
un triangle à base supérieure et à sommet tronqué inférieur. Le niveau supé- 
rieur pourrait même s'élever jusqu’à la première côte. Nous n'avons jamais 
constaté, et en cela nous sommes d'accord avec la plupart des cliniciens, cette 
configuration spéciale à base supérieure de la matité péricardique. Avec les pro- 
grès croissants de l’épanchement, d’après Oppolzer, dès le début, au contraire, 
croyons-nous avec la plupart, le liquide s'accumule à la partie déclive, distend 
le péricarde en bas, et la matité dépasse verticalement et transversalement la 
pointe du cœur; la configuration de cette matité représente alors un triangle 
dont la base est inférieure et dont le sommet tronqué est supérieur. Le côté 
droit du triangle peut dépasser le sternum jusqu’à la ligne axillaire. La matité 
augmentant plus dans le sens vertical que dans le sens transversal, il en résulte 
que les côtés forment un angle moins aigu avec la base et sont moins obliques 
que normalement ; le côté droit correspondant au bord antérieur du poumon 
droit, diverge moins et se rapproche plus de la verticale que le côté gauche. La 
base du triangle arrive souvent jusqu'à la sixième ou septième côte, se confon- 
dant alors à droite avec la matité hépatique. Quelquefois, mais rarement, le dia- 
phragme est abaissé et avec lui le lobe gauche du foie. 

Ajoutons encore que, d’après les observations de Gerhardt, le changement 
d'attitude du malade peut modifier l'étendue et la configuration de la matité 
précordiale, suivant le déplacement du liquide qui obéit aux lois de la pesan- 
teur. Ainsi, dans la position assise, le niveau de la matité peut s'élever plus 
haut que dans la position horizontale; il en est de même, on le sait, dans 
l'épanchement. pleurétique. Le phénomène est analogue à celui qu'on voit se 
produire dans une carafe contenant de l’eau couchée horizontalement, puis 
relevée verticalement; le niveau du liquide dans ce dernier cas s'élève en avant. 
Gerhardt a vu ainsi la matité précordiale monter de deux espaces intercostaux. 
Dans le décubitus dorsal, cette matité peut être normale, alors que dans la posi- 
tion assise, elle s'élève jusqu’à la deuxième côte. 

Ces résultats plessimétriques ne sont pas constants ; ils peuvent être modifiés 
par des circonstances diverses. Pour que la matité péricardique soit tout 
entière accessible, il faut que le péricarde se fasse jour pour ainsi dire d’entre 
les bords pulmonaires qui le recouvrent; il faut que ceux-ci se dégagent et se 
rétractent. Aussi la matité est-elle bien accusée lorsque le péricarde adhère de 
bonne heure à la plèvre costale. Il en est autrement lorsque la plèvre pulmo- 
naire a contracté des adhérences antérieures ou récentes par pleurésie conco- 
mitante avec la paroi thoracique, immobilisant ainsi les bords antérieurs des 
poumons au devant du péricarde. Dans ce cas, un épanchement considérable peut 
ue pas augmenter notablement la matité absolue de la région précordiale; la 
matité relative seule ou submatité pourra être plus étendue par suite de la 
compression que subissent les lobes antérieurs du poumon adjacents au péri- 


28 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


carde. Il en sera de même, si la plèvre pulmonaire s’est soudée à la face anté- 
rieure du péricarde. Ajoutons que cette immobilisation des bords pulmonaires 
se reconnait quelquefois par ce fait que les modifications inspiratrices et expi- 
ratrices normales de la matité précordiale font défaut, car on sait que normale- 
ment la malité cardiaque s'abaisse et diminue d'étendue dans les inspirations 
profondes; le contraire a lieu dans l'expiration forcée. 

L’emphysème des lobes antérieurs des poumons est une seconde cause qui 
s'oppose à leur rétraction et masque l'augmentation de la matité péricardique. 
Dans ce cas, la zone de malité relative ou submatité accrue dans le cas précé- 
dent fait défaut, et la matité précordiale non accrue, malgré l'épanchement, peut 
confiner au son tympanique de l'emphysème. En troisième lieu, les adhérences 
partielles du péricarde au cœur peuvent modifier de façons diverses la configu- 
ration de la matité due à l'épanchement péricardique. 

Le poumon qui avoisine le cœur peut résonner normalement ; d'autres fois on 
constale, surtout sous la clavicule gauche, un son tympanique profond, analogue 
au son improprement appelé skodique dans la pleurésie, et dů à la même 
cause : le relâchement du parenchyme pulmonaire, qui normalement est tendu 
et aspiré pour ainsi dire par la pression négative intra-thoracique vers la plèvre 
pariétale. Lorsque la cavité thoracique contient un épanchement qui la remplit 
en partie, le poumon peut obéir à sa rétractilité physiologique et revient sur 
lui-même, comme sur la table d'autopsie ; alors il rend un son tympanique, 
parce que les parois alvéolaires relâchées ne vibrent plus ou vibrent moins, et 
l'air intra-pulmonaire vibre en quelque sorte seul, sans concomitance de vibrations 
hétérogènes du tissu pulmonaire. Mais, si l'épanchement est assez considérable 
pour comprimer le parenchyme pulmonaire et exprimer l'air qu'il contient, les 
limites de la rétractilité physiologique sont dépassées; alors le son diminue d'am- 
pleur, sa tonalité s'élève ; le son tympanique profond devient son tympanique 
aigu, en même temps que son ampleur diminue; et au fur et à mesure que 
la compression augmente et que l'atélectasie se développe, le tympanisme fait 
place à la matité ou à la submatité. Ce sont surtout les lobes inférieurs et pos- 
térieurs du poumon, là où le thorax se dilate moins, qui subissent l'effet de la 
compression et donnent un son mat ou submat à la percussion. 

L'auscultation est celle de toutes les méthodes d'exploration qui fournit les 
résultats Les plus certains pour le diagnostic. 

C'est en 1824 que Collin décrivit comme signe caractéristique de la péricar- 
dite un bruit analogue au craquement du cuir neuf. Devilliers, élève interne 
à l'hôpital Saint-Antoine, l'observa dans le même temps sur un homme chez 
lequel les autres symptômes faisaient croire à l'existence d'une péricardite. 
Après lui Hope, Latham, Stokes et Bouillaud, décrivirent d'une façon plus pré- 
cise les diverses variétés du bruit de frottement péricardique (attrilion mur- 
murs de Hope). Tantôt c'est un frottement très-doux, très-délicat, un frôlement 
qu'on ne perçoit distinctement qu'en recommandant au malade de retenir sa 
respiration pendant quelques secondes ; le bruit un peu plus net rappelle la 
sensation que produit le frôlement de deux feuilles de papier ou de parche- 
min (Broussais), ou encore le froissement d'un billet de banque. Dans ces cas 
le péricarde est simplement dépoli, ou recouvert d'un exsudat mou, assez lisse. 
Si l'exsudat est plus compacte, rugueux, constitué par des fausses membranes 
épaisses et résistantes, il donne lieu à un frottement rude qui rappelle le cri 
du cuir d'une selle neuve sous le cavalier, ou bien c'est un craquement, un 


PÉKICARDE (PATHOLOGLE). 29 


bruit de râpe saccadé. Ces bruits peuvent avoir des tonalités différentes. 
Graves dans un cas a constaté deux bruits très-forts d’égale durée : le premier 
était un bruit de scie, le second était musical et ressemblait tout à fait à celui 
qu'on produit en frottant le doigt mouillé sur du verre. En vingt-quatre heures 
le bruit musical se changea en un bruit de cuir neuf très-caractérisé. Enfin, si 
les fausses membranes sont épaisses, incrustées de masses calcaires, c’est un 
raclement qui rappelle le bruit de crépitation des fractures, qui s'entend dans 
toute la région thoracique, qui se perçoit à l'application de la main (frémis- 
sement vibraloire ou cataire péricardique). 

Collin et Walshe pensaient que la sécheresse des séreuses sans fausses mem- 
branes suffit à produire le frottement; Pleischl l’a en effet observé dans le 
choléra, dû à l'induit visqueux du péricarde ; Mettenheimer et Eichhorst l'ont 
constaté avec une simple extravasation sanguine dans le muscle sous-péricar- 
dique, Gairdner avec de simples plaques laiteuses. 

Ces bruits de frottement peuvent être systoliques, présystoliques ou diastc- 
liques; quand ils occupent les deux temps du cœur, ils figurent un mouve- 
ment de va-et-vient qui implique bien l'idée d'un frottement ou grattement 
superficiel. Quand ils n'existent qu’à un des temps, ils peuvent être difficiles à 
distinguer des souffles endocardiques avec lesquels ils peuvent d’ailleurs se com- 
biner. Le frottement n'est pas toujours isochrone aux bruits du cœur; il se 
mêle à eux irrégulièrement, quelquefois plus distinct pendant le petit ou pendant 
le grand silence, ou bien il accompagne toute la révolution cardiaque. Quelque- 
fois il prend le rhythme du bruit de galop. Souvent, d’après Traube, on con- 
state trois bruits de frottement distincts, un plus court qui répond à la systole 
auriculaire, et deux plus longs qui répondent à la systole et à la diastole ven- 
triculaires. Gerhardt relate le fait d’un frottement péricardique en plusieurs 
temps chez un sujet atteint de péricardite avec lésion valvulaire complexe. Il 
présentait des mouvements ondulatoires multiples dans la veine jugulaire, 
isochrones avec un bruit de frottement saccadé à la base du cœur à droite de 
l'aorte. Gerhardt pense que ces phénomènes étaient dus à des contractions 
répétées, systole, en plusieurs temps de l'oreillette droite, se continuant jus- 
qu'au moment de la systole ventriculaire. 

Le frottement dur se perçoit dans une grande étendue, dans toute la région 
précordiale ; le frottement doux est souvent localisé et occupe alors de préférence 
certains points de la région précordiale. Ce seraient, suivant Letulle : 

1° La région de la base de l’appendice xiphoïde, ou plus exactement le qua- 
trième espace intercostal gauche; là est le ventricule droit qui affecte les rap- 
ports les plus étendus avec la paroi thoracique. 

2° La région de la pointe du cœur : là se passent les mouvements les plus 
étendus et le choc contre la paroi. 

9° La base du cœur, c’est-à-dire les deuxièmes espaces intercostaux, droit et 
gauche, contre le sternum. Là se trouvent beaucoup d'organes mobiles les uns 
sur les autres, l'artère pulmonaire, l’auricule gauche, la réflexion du péri- 
carde sur les gros troncs, l'aorte, l’auricule droite, offrant prise à l'exsuda- 
tion et matière à frottement. 

Le maximum peut varier avec l'attitude du malade. Occupe-til, par 
exemple, dans le décubitus dorsal, son siége de prédilection, la partie moyenne 
du cœur, et fait-on coucher le malade sur le côté gauche, il peut se déplacer 
du côté du sternum. On en comprend la raison : le liquide coulant vers la 


sü PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


déclivité qui est à gauche, c’est la partie sternale de la poche péricardique, la 
plus élevée dans cette attitude, qui se vide, et dont les feuilles opposées s’acco- 
lent de nouveau et frottent l’une contre l’autre. Dans la position assise, le frot- 
tement semble remonter vers la base du cœur (Guéneau de Mussy). D'autres fois 
le frottement, qui a disparu à la faveur de l’épanchement qui a décollé les 
feuillets du péricarde dans le décubitus horizontal, apparaît de nouveau à la 
base, au-dessus du liquide, si le malade s'assied, surtout s'il penche son corps 
en avant. La pression de la région précordiale avec la main ou avec le sthéto- 
scope le rend parfois plus distinct, plus net, en le rendant plus superficiel; 
on obtient encore plus facilement le même résultat, dit Stokes, en priant un 
aide d'appuyer avec la paume de la main sur la région du cœur, pendant 
l’examen sthétoscopique. Il va sans dire que la modification ainsi obtenue 
est en raison directe de l'élasticité de la poitrine; elle est surtout remar- 
quable chez les enfants et les femmes. Toutefois la pression exagérée peut, 
d'après Friedreich, entraver l'amplitude des mouvements du cœur et affaiblir le 
frottement. 

Ces bruits peuvent se percevoir dès le début de la péricardite, aussitôt que 
la séreuse est dépolie. Si l'épanchement est considérable, ils peuvent disparaître ; 
ils peuvent faire défaut absolument, si l’épanchement est rapide. Après la 
résorption du liquide, ils sont susceptibles de réapparaître et de persister plus 
ou moins longtemps. 

Le siége et la qualité du frottement peuvent se modifier en peu de temps; 
dans l’espace de quelques heures, il passe du frôlement au craquement, ou 
bien il disparaît à l'endroit où on l'avait perçu pour se manifester dans un autre 
endroit. 

« Rien de plus remarquable aussi, dit encore Stokes, que la rapidité avec 
laquelle le frottement est modifié par les applications de sangsues et de topiques 
vésicants ou émollients sur la région péricordiale. Les signes ne sont plus les 
mêmes après quelques heures : le bruit de râpe, même le plus rude, qui donnait 
lieu à des vibrations perceptibles à la main, se change en un murmure doux, et 
les phénomènes tactiles disparaissent ». 

Les bruits du cœur perçus par l'auscultation sont ordinairement réguliers, 
s'il n’y a pas d'endocardite valvulaire concomitante. Quelquefois renforcés au 
début, pendant le premier stade d'excitation cardiaque, ils ne tardent pas à 
s'affaiblir, soit parce que l’épanchement péricardique les éloigne de l'oreille, soit 
parce que le myocarde dynamiquement ou organiquement affecté se contracte 
plus faiblement ; le cœur peut même, si l’exsudat est très-abondant, devenir 
muet. 

Les bruits de frottement peuvent s'accompagner de souffle endocardique soit 
mitral, soit pulmonaire ou aortique. On conçoit que l’exsudat liquide ou les 
fausses membranes péricardiques puissent comprimer et rétrécir les orifices des 
gros troncs de la base et déterminer ainsi des vrais souffles organiques; d'autre 
part l’endocardite valvulaire peut primitivement, consécutivement ou simulta- 
nément, se combiner à la péricardite. Mais ces souffles m'ont paru être dans la 
majorité des cas simplement dynamiques; toute modification de tension san- 
guine vasculaire ou intra-cardiaque, telle qu'elle se produit dans tous les troubles 
fonctionnels du cœur, dans l'hypertrophie simple, dans l’affaiblissement du 
myocarde, suffit à les réaliser. 

De même que le frottement, les bruits du cœur et le souffle endocardique 


PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 51 


affaiblis dans le décubitus horizontal, peuvent devenir plus nets dans la posi- 
tion assise, le cœur se rapprochant alors de la paroi thoracique. 

L'auscultation pulmonaire dans la péricardite permet, de concert avec la per- 
cussion, de reconnaître la compression et l’atélectasie pulmonaire par l’affaiblis- 
sement ou l'absence complète du bruit vésiculaire. Dans ce dernier cas la con- 
fusion est possible avec l’épanchement pleurétique : dans celui-ci les vibrations 
thoraciques sont éteintes : dans l’atélectasie elles sont normales ou accrues; 
l'égophonie, le souffle nasonné, lorsqu'ils existent, signent le diagnostic de la 
pleurésie. 

La température dans les péricardites ne présente aucun caractère constant. 
Comme toutes les inflammations des séreuses, elles peuvent parcourir toute 
leur évolution sans fièvre ou présentent de temps en temps une légère réaction 
fébrile. Exceptionnellement la fièvre est intense et s'accompaghe même de 
symptômes typhoïdes (péricardite typhoïde). Cette forme a été observée par 
Dufour chez un enfant de quatorze ans qui présentait les lésions d'une péri- 
cardite aiguë avec fausses membranes rouges (Bull. de la Soc. anat., 1851), et 
par L. Andral dans un cas de péricardite suppurée chez un jeune homme de 
seize ans qui présentait tous les symptômes d'une fièvre typhoïde, y compris 
les taches rosées (Bull. de la Soc. anat.). 

Si la péricardite est secondaire, si elle se développe dans le cours d'un 
rhumatisme ou d’une pneumonie, par exemple, une exacerbation de la fièvre 
préexistante peut se manifester; souvent le tracé thermique ne révèle rien. Se 
greffe-t-elle sur une maladie fébrile en défervescence, la réascension thermique 
peut manquer et le début être insidieux ou au moins apyrétique. Complique- 
t-elle une affection chronique, son invasion peut être accusée par un frisson ou 
par une élévation de température sans frisson, ou bien aucune fièvre ne l'ac- 
compagne, 

La péricardite primitive débute plus souvent par de la fièvre avec ou sans 
frisson initial. Chez les vieillards, Leudet, Durand-Farde]l, Charcot, ont noté un 
abaissement de température et même de l’algidité au début de la péricardite. 
Il en est de même dans certaines péricardites secondaires avec affaiblissement du 
cœur; Letulle a vu cet abaissement dans deux endopéricardites survenues dans 
le cours de fièvres typhoïdes. Quoi qu'il en soit, dans les cas où la fièvre marque 
le début, elle disparait souvent en peu de temps, quand l’épanchement a atteint 
son apogée, à moins que celui-ci ne soit purulent. Dans ce cas la fièvre persiste 
à l'état chronique, ou du moins elle revient par intervalle, avec des exacer- 
bations irrégulières ; à la longue, elle devient hectique, continue, rémittente, 
en général peu élevée ; des sueurs hectiques, un teint påle terreux, des frisson- 
nements, accompagnent quelquefois, mais non toujours, le processus de suppu- 
ration. À la fin, c’est-à-dire à la période paralytique, asystolique, de la maladie, 
la peau peut devenir livide, fraiche, et la température baisser au-dessous de la 
normale, jusqu'à 35°,6 centigrades. 

Le pouls conserve sa fréquence normale, ou s'accélère dès les premiers jours. 
Cette accélération, qui peut s’élever à 100 ou à 200 pulsations, peut être due à la 
fièvre, si le début est fébrile ; elle disparaît avec la chute de la fièvre. Le pouls 
peut s’accélérer sans fièvre, par l'excitation initiale des ganglions excito- 
moteurs du cœur ; cette accélération est continue ou n'existe que par accès, avec 
les palpitations cardiaques qui se manifestent parfois au début. Au bout de 
quelques jours cette accélération nerveuse peut faire place au pouls normal. 


32 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


Dans les observations réunies par Hache, les palpitations sont signalées 14 fois 
sur 20. 

L'accélération du pouls, au lieu d’être due à la nié nerveuse du cœur, 
peut être paralytique ; elle survient dans les périodes ultimes, quelquefois de 
bonne heure, lorsque le myocarde est dégénéré ou que l'innervation cardiaque 
faiblit : alors elle est continue, le pouls devient en même temps petit et dépres- 
sible. 

Le ralentissement du pouls est très-rare: il est signalé par Stokes et Graves. 
Ce dernier relate un cas où le ralentissement du pouls de 80 à 30 fut le pre- 
mier symptôme d'une péricardite aiguë. Peut-être le nerf vague ou le ganglion 
modérateur intrinsèque du cœur englobé par le processus morbide, donne-t-il 
lieu à ce phénomène exceptionnel. Indique- -t-il, comme on l'a prétendu, une 
fatigue musculaire du cœur ? Je ne me souviens pas d’avoir constaté ce ralentisse- 
ment dans les dégénérescences graisseuses ou fibreuses qui affaiblissent la mus- 
culature cardiaque, alors qu'il n'existait pas d'athérome artériel; c’est cette 
dernière lésion qui, par l’eutrave qu'elle apporte à la systole et à la diastole 
des vaisseaux, me parait être le facteur principal du pouls lent et ralenti. L’af- 
faiblissement musculaire seul, organique ou dynamique, du cœur, dans la péri- 
cardite, dans la fièvre typhoïde, dans la stéatose cardiaque, m'a toujours paru 
déterminer l'accélération paralytique et non le ralentissement des contractions 
de cet organe. 

Quant aux modifications du ryhthme cardiaque, Gendrin les aurait signalées 

14 fois sur 14, Louis dans la moitié des cas. La plupart des auteurs avec Bam- 
berger et Nothnagel pensent au contraire que ce fait est rare et n’est qu’un 
phénomène de début. Ce peut être aussi un phénomène de la dernière période. 
Si, pendant que le cœur conserve sa contractilité normale, le pouls garde son 
ampleur, sa tension, son rhythme normal, si alors on peut constater un contraste 
significatif pour le diagnostic entre la faiblesse du choc et des bruits couverts 
par l'exsudat, et l'ampleur persistante même parfois exagérée du pouls, plus 
tard au contraire, quelquefois de bonne heure, si l’épanchement est considé- 
rable ou que le myocarde se prend, le pouls devient faible, petit, et peut 
devenir en même temps irrégulier et intermittent. Ajoutons enfin le fait signalé 
par Traube que, dans les i: épanchements péricardiques, la carotide et la 
radiale gauche sout du calibre plus étroit que celles du côté droit, et le 
pouls y est plus petit. 

L'affaiblissement du cœur, précoce dans les formes paralytiques, dans la péri- 

cardite purulente, septicémique, métastatique, souvent tardive dans la péri- 
cardite séro-fibrineuse, se traduit, outre la petitesse du pouls, par les phé- 
nomènes de la stase veineuse dans la grande et la petite circulation : congestion 
passive et œdème du poumon, cyanose, anasarque ; les veines du cou sont sou- 
vent gonflées; les jugulaires présentent des ondulations saccadées, ou même 
un pouls veineux (Stokes, Friedreich) ; ce dernier auteur distingue le pouls 
veineux vrai lié à une insuflisance tricuspidienne par dilatation cœur droit 
et le faux pouls veineux plus faible lié à la simple insuffisance des valvules vei- 
neuses. 

Plusieurs mécanismes interviennent comme cause de l'affaiblissement car- 
diaque. D'abord la dégénérescence inflammatoire ou dénutrition aiguë ou chro- 
nique du myocarde ; avant même que cette dégénérescence soit consommée, 
on conçoit qu’une péricardile suraiguë puisse retentir dynaniquement sur la 


PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 55 


musculature du cœur et diminuer sa force contractile, de même qu’une péri- 
tonite aiguë produit d'emblée un météorisme paralytique. 

En second lieu, la compression exercée par l’épanchement sur le cœur. Les 
expériences de François-Franck et de Lagrolet ont établi que, lorsqu'on exerce 
ainsi une contre-pression expérimentale sur la surface du cœur, soit avec de l'air 
comprimé, soit avec un liquide tel que du sérum ou de l'huile de lin, le débit 
du cœur diminue au fur et à mesure que la contre-pression augmente : les 
oreillettes moins résistantes s’affaissent d'abord; elles reçoivent moins de sang, 
d'où exagération de la pression veineuse; les ventricules en projettent moins, 
d'où abaissement de la tension artérielle. Cependant le cœur ne s'arrête pas 
immédiatement ; les ventricules se contractent à vide. IL se peut même qu'au 
bout de quelques secondes le pouls artériel réapparaisse ; le sang pénètre de 
nouveau dans l'aorte, car la pression veineuse accrue en amont des oreillettes 
affaissées finit par forcer pour ainsi dire l'obstacle et le sang arrive de nouveau 
dans l'oreillette; la circulation se rétablit incomplète, au moins pour quelque 
temps. 

La contre-pression produite par l'épanchement est variable, suivant que 
l'épanchement est subitement abondant ou qu'il augmente graduellement. Dans 
le premier cas, comme dans les expériences de Franck et de Lagrolet, qui 
ouvrent l'artère coronaire et referment aussitôt le péricarde, la mort est 
presque instantanée. Dans le second cas, la pression veineuse peut surmonter 
l'obstacle, et il faut une quantité de liquide plus considérable pour neutraliser 
cette pression veineuse et déterminer l’asystolie. Cliniquement, on comprend que, 
si l'épanchement est progressif, le péricarde graduellement distendu perd son 
élasticité, se bombe davantage et par suite n'exerce pas une contre-pression 
aussi active sur le cœur. 

C'est surtout pendant le relâchement diastolique du cœur que la compres- 
sion agit sur sa paroi moins résistante, particulièrement sur celle des oreillettes. 

En troisième lieu, la compression des poumons intervient de deux manières : 
en diminuant l'aspiration pulmonaire sur le cœur et supprimant ainsi une des 
causes qui facilitent la diastole ; en rétrécissant les vaisseaux pulmonaires et 
créant ainsi un obstacle à la petite circulation qui rend plus difficile l'évacuation 
du ventricule droit, d’où stase dans sa cavité. 

D'après Oppolzer, la cyanose peut précéder la dyspnée, ou du moins les deux 
phénomènes peuvent ne pas être corrélatifs l’un de l’autre. Lorsque les entraves 
apportées à la diastole du cœur empêchent surtout les veines caves de s’y vider, 
ou lorsque celles-ci sont comprimées par l’exsudat, le sang stagne dans le système 
veineux général, les jugulaires sont gorgées, les muscles de la face restent injec- 
tés, la face est bleue, les lèvres sont violettes; en même temps des symptômes 
cérébraux, céphalalgie, vertiges, bourdonnements d'oreille, rarement du délire, 
des convulsions, le coma, signalent la congestion veineuse de l'encéphale. Quel- 
quefois la stase s'étend au système de la veine cave inférieure et se manifeste 
par des troubles gastro-intestinaux, de la tuméfaction du foie, des urines car- 
diaques, de l'œdème. 

La cyanose peut apparaître d'emblée sans dyspnée, dans les péricardites 
paralytiques, qui affaiblissent rapidement la contractilité musculaire du cœur. 

Si la stase gagne aussi les veines pulmonaires, ou que l’épanchement péricar- 
dique comprime les poumons, la circulation pulmonaire entravée engendre la 
congestion et l’œdème; la dyspnée apparaît. 


Q1 


DICT: ENG: 29 s XXIIT. 


34 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


Nous arrivons maintenant aux symptômes subjectifs de la péricardite, à ceux 
qui sont perçus par le malade. Les phénomènes d’asystolie que nous venons de 
signaler sont à la fois subjectifs et objectifs; la dyspnée peut être accusée par 
le malade, avant de se traduire visiblement pour le médecin. 

Cette dyspnée, d'intensité variable, existerait 10 fois sur 11 cas, d’après 
Mayne. La compression du cœur, des poumons, des bronches gauches, l'atélec- 
tasie ou la congestion pulmonaire, la pleurésie concomitante, la cyanose, 
c’est-à-dire laccumulation d'acide carbonique dans le sang, l’expliquent suff- 
samment, sans qu'il soit nécessaire d'insister. Quelquefois c’est un sentiment 
d'oppression, de gène respiratoire, sans accélération notable du chiffre des 
mouvements respiratoires. D’autres fois c’est une orthopnée douloureuse avec 
angoisse. Quelques malades respirent mieux dans la position assise, d'abord 
parce que les muscles inspirateurs agissent mieux, le malade prenant un point 
d'appui sur ses membres supérieurs ; ensuite parce que le liquide péricardique 
s’accumulant dans la région antéro-inférieure du péricarde dégage d'autant 
le cœur et les poumons ; dans le décubitus horizontal, l'épanchement refluant 
en haut et en arrière comprime davantage les oreillettes, les gros vaisseaux et 
le poumon. Les malades gardent plus facilement le décubitus latéral gauche 
pour éviter le poids du liquide sur le poumon droit. 

Enfin, dans la péricardite comme dans toutes les affections cardiaques, la 
dyspnée peut être nerveuse; le malade a un sentiment d'oppression continue, 
léger ou intense, ou bien il a des accès d'oppression intermittente, véritables 
accès d'asthme cardiaque, sans que l'examen physique des poumons justifie 
celte dyspnée ; la respiration peut devenir irrégulière ; des symptômes d'angine 
de poitrine peuvent accompagner cette dyspnée. C’est l’irritation directe des 
nerfs vagues ou un trouble réflexe quelconque apporté au système nerveux 
régulateur du rhythme respiratoire, qui constitue le mécanisme de cette dyspnée, 
non élucidé encore par les physiologistes. 

D'autres manifestations nerveuses plus rares se produisent surtout pendant 
les accès : tels sont les vomissements et le hoquet par contraction des nerfs phré- 
niques, l'aphonie par paralysie double des cordes vocales, due sans doute à la 
compression des nerfs récurrents ; dans le cas observé par Baümler, l’aphomie 
disparut après la résorption du liquide. Les syncopes ne sont pas très-fréquentes 
dans la péricardite. 

Signalons enfin, parmi ces phénomènes concomitants assez rares, la dysphagie 
que M. Bourceret a bien étudiée en 1879 dans sa thèse intitulée : De la dyspha- 
gie dans la péricardite et en particulier de la péricardite de forme hydropho- 
bique. Ce phénomène aurait été signalé par Morgagni, par Trécourt et Testa, par 
Gendrin et Stokes. Gendrin appelle forme hydrophobique de la péricardite 
celle dans laquelle on observe trois symptômes : dysphagie, hydrophobie, 
dyspnée diaphragmatique. Dans ces cas, d’après Bourceret, la péricardite serait 
d'ordinaire associée à la pleurésie et à l'inflammation du médiastin. La dyspha- 
gie seule, procédant le plus souvent par accès, rarement continue, se manifeste 
quelquefois dès le début, avant les autres symptômes, ordinairement après 
quelques jours seulement : c’est une sensation douloureuse spasmodique pha- 
ryngée et œsophagienne provoquée par la déglutition, quelquefois par la pression 
sur l'os hyoïde. Le passage des aliments peut provoquer une sensation de brû- 
EL et de déchirure dans l'œsophage qui cesse lorsque la déglutition est terminée 
(Stokes). 





PÉRICARDE (rarmorocie). 39 


Le mécanisme nerveux réel de cet ensemble symptomatique assez rare est 
inconnu. Bourceret invoque l’action combinée du nerf pneumogastrique et du 
nerf phrénique. 

La douleur dans la péricardite est loin d’être constante. Toutefois l'opinion 
de Bouillaud qui la considère comme toujours liée à la pleurite concomitante 
n'est pas exacte. Si la péricardite consécutive aux maladies infectieuses ou aux 
cachexies chroniques est souvent latente et indolore, celle qui est franche ou 
rhumatismale est rarement exempte de douleur. C'est une sensation de pres- 
sion thoracique, pesanteur précordiale; ce sont des élancements douloureux, 
ou une douleur gravative précordiale d'intensité moyenne rétrosternale, aug- 
mentée par les mouvements, la pression, les fortes inspirations. Plus souvent 
que la douleur précordiale, on observerait, suivant Guéneau de Mussy et 
Baümler, une douleur épigastrique qui serait exaspérée (Mayne) par le refou- 
lement de bas en haut des parois thoraciques. « De plus, dit Guéneau de 
Mussy, tandis que la douleur caractéristique de la pleurésie diaphragmatique, 
et que j'ai appelée le bouton diaphragmatique, a son foyer à la réunion de deux 
lignes dont l'une suivrait le bord externe du sternum. et dont l'autre suivrait 
parallèlement le bord inférieur de la région hypochondriaque, le foyer principal 
de la douleur péricardique est le plus souvent dans l'angle costo-xiphoïdien, 
tantôt des deux côtés de l’appendice xiphoïde, tantôt d'un seul côté et aussi sou- 
vent à droite qu'à gauche; en même temps et du côté où se développe cette 
sensibilité épigastrique, on constate dans l'intervalle des attaches inférieures du 
inuscle sterno-mastoïdien une sensibilité analogue sur le trajet du nerf phré- 
mique comme dans la pleurésie diaphragmatique. » C’est le nerf phrénique 
englobé dans le processus inflammatoire qui fournit ces points douloureux. Ils 
ne se révèlent que par la pression, quelquefois dès le début, même avant que 
les autres signes de la péricardite soient bien manifestes ; d’autres fois plus 
tard seulement, suivant les autres symptômes objectifs. Rarement les douleurs 
s'irradient vers l'épaule, le bras gauche, sur les oreilles; rarement aussi elles 
s'irradient dans la région thoracique, dorsale et abdominale. 

Marcue. Durée. Terminaison. L'évolution de la péricardite n’a rien de 
cyclique, rien de régulier; sa durée est variable de quelques jours à quelques 
mois et même à quelques années, si l’on fait entrer en ligne de compte les 
troubles fonctionnels persistants compatibles avec la prolongation de l'existence 
qui peuvent survivre à la péricardite. 

La péricardite sèche peut ne durer que quelques jours ; les symptômes 
légers qui l'affirment peuvent être éphémères. Nous avons vu même, d'après 
les observations de Baümler, des péricardites spontanées aiguës avec épanche- 
ment terminer leur évolution en un petit nombre de jours, en quatre jours 
dans un cas. Ceci est toutefois une chose exceptionnelle. En général les péricar- 
dites spontanées et celles qui compliquent le rhumatisme, la pleurésie, la 
pneumonie, ont une évolution qui se prolonge au moins de huit à douze jours ; 
l’épanchement peut être résorbé après ce délai, mais la disparition complète de 
l'exsudat fibrineux par desintégration moléculaire dure 2 ou 3 septénaires, 
dix-huit jours en moyenne d’après Louis; quelquefois, si l’épanchement est plus 
abondant, les symptômes se prolongent, et la guérison n’a pas lieu avant 
quarante-cinq ou même quatre-vingt-dix jours (Louis). 

La péricardite aiguë simple ou rhumatismale débute souvent par la fièvre, 
quelquefois par un frisson, mais la température est d'ordinaire peu élevée. Une 


36 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


exacerbation de la fièvre préexistante peut marquer le début des péricardites 
secondaires au rhumatisme articulaire, à la pneumonie, à la pleurésie. Une 
sensation de gêne, de pression, de douleur précordiale ou épigastrique avec 
oppression et battements de cœur, constitue les premiers symptômes subjectifs ; 
le pouls est accéléré, souvent irrégulier. A l’auscultation on perçoit un frotte- 
ment péricardique, la matité précordiale accrue; les bruits du cœur affaiblis. 
Si la terminaison est favorable, elle s'annonce ordinairement dans les deux 
septénaires, rarement plus tard. La fièvre diminue ou tombe; l'oppression est 
moindre ou disparaît; la matité précordiale est moins étendue; le choc et les 
bruits du cœur redeviennent perceptibles; le frottement qui avait cessé de se 
faire entendre avec l'épanchement reparaît avec la résorption de celui-ci ou 
apparaît seulement alors ; la guérison est complète. Souvent le cœur reste plus 
ou moins longtemps impressionnable. Au moindre eflort, ou à la moindre 
émotion, il bat plus vite ou irrégulièrement ; il y a de la dyspnée par mo- 
ments. Ce n’est qu'après un temps plus ou moins long que tout rentre dans 
l'ordre. 

La guérison peut être incomplète; les adhérences persistantes, des altérations 
du myocarde, entretiennent parfois des troubles prolongés ou permanents. 

La guérison peut être temporaire; des recrudescences aiguës se manifestent ; 
la maladie guérit après plusieurs recrudescences ou passe à l’état chronique. 

Ce passage à l’état chronique est rare pour la péricardite rhumatismale, un 
peu moins rare pour la péricardite spontanée ; il a lieu surtout dans celle qut 
succède aux maladies chroniques du cœur, ou aux maladies constitutionnelles 
cachectiques, telles que la maladie de Bright. L’épanchement devient stationnaire 
ou se résorbe en partie ; des retours aigus peuvent survenir. 

La péricardite peut être d'emblée chronique; des épanchements considérables 
peuvent rester latents, sans fièvre ; les symptômes de la maladie primitive mas- 
quent les troubles fonctionnels dus à la péricarde : d\spnée, douleurs thora- 
ciques, exacerbations fébriles. Rarement la guérison complète termine les cas 
chroniques ; après des alternatives variables de rémissions et d’exacerbations, 
la cyanose, l’œdème, la dyspnée, la cachexie, achèvent leur œuvre; la mort 
peut être subite par suffocalion ou syncope, si le myocarde est dégénéré. 

Les exsudats péricardiques peuvent être résorbés, laissant à leur suite une 
dilatation avec hypertrophie cardiaque qui persiste avec les troubles fonction- 
nels passagers ou continus. 

La péricardite aiguë peut se terminer mortellement, soit par l’épanchement 
abondant qui entrave la diastole cardiaque, soit par dégénérescence aiguë du 
myocarde. L’insuffisance du cœur se manifeste par un pouls petit, irrégulier, 
fréquent, de la cyanose, de l’hypothermie, des sueurs froides, un collapsus avec 
anxiété et orthopnée ; quelquefois une syncope subite arrête l'existence. C'est 
surtout dans les péricardites hémorrhagiques et scorbutiques que cette termi- 
naison rapide a été notée, en trente-sept heures dans un cas d'Andral. 

La péricardite purulente peut tuer en trois ou quatre jours, surtout si elle 
est septicémique ou pyémique. Lorsqu'elle s'associe aux cachexies avec affections 
des reins ou des poumons, elle peut aussi être insidieuse, subaiguë ou même 
chronique. 

Pronosric. Si les anciens cliniciens, Corvisart, Hope, Gendrin, considéraient 
la péricardite comme une affection presque toujours grave, c'est parce que, 
dépourvus des moyens d'investigation physique que nous avons, ils ne diagnos- 


PÉRICARDE (PArmoLoGrE). 37 


tiquaient que les cas se révélant déjà par des perturbations fonctionnelles 
graves. Hache et Louis ont montré que leur jugement est à réformer. 

Les chiffres de la mortalité générale dans la péricardite varient d’ailleurs 
suivant les auteurs. Duchek sur 56 cas de péricardite diffuse signale 27 guéri- 
sons, soit 48,2 pour 4100 ; Bamberger, sur 65 cas, 37 guérisons, soit 58,7 
pour 100; Louis, sur 106 cas, 70 guérisons, soit 66 pour 100. Le pronostic 
individuel dépend d'ailleurs de l’âge, de l'état des forces, des conditions étio- 
logiques, de la variété de péricardite (qualité et quantité de l'exsudat), des 
complications. 

La vieillesse et l'enfance sont éminemment défavorables. Avant un an, la 
maladie est toujours mortelle (Gendrin). Après quarante ans, suivant Duchek, 
la guérison est rare. Si Willigk prétend au contraire que le nombre relatif des 
guérisons augmente jusqu'à cinquante et soixante ans, si cet auteur, sur 
106 cadavres de sujets chez lesquels on trouve de la péricardite, constate que 
73 ont trait à des péricardites guéries, cela tient à ce que cet auteur a consi- 
déré comme telles de simples taches laiteuses. 

Les formes primitives aiguës, celles qui accompagnent le rhumatisme arti- 
culaire, celles d'origine traumatique, sans lésion cardiaque, évoluent en général 
favorablement. Bamberger, sur 17 cas de péricardites dans le rhumatisme poly- 
articulaire, n’en a pas observé une seule terminée par la mort. D'après Fuller, la 
proportion des guérisons serait de 82 pour 100. Il va de soi que la concomitance 
de myocardite ou d'endocardite aggrave le pronostic. Celles compliquant la 
pneumonie ou la pleurésie ont en général une évolution favorable. 

Les formes chroniques se terminent presque toujours par la mort, après une 
durée plus ou moins longue. Grande aussi est la mortalité des péricardites 
secondaires aux maladies dyscrasiques, alcoolisme, tuberculose, carcinome, 
scorbut, etc. Les exsudats hémorrhagiques et purulents sont le plus souvent 
mortels. On a vu, dans les cas où la suppuration s’est fait jour au dehors, la 
fistule péricardique persister avec une survie de deux à quatre ans (0. Wyss, 
A. Fabricius). 

Tous les symptômes dénotant un affaiblissement cardiaque, que nous avons 
relatés au chapitre de la séméiologie, sont d'un pronostic grave. 

Dracnosrtic. Rien.n’est plus fréquent qu’une péricardite rencontrée sur le 
cadavre, méconnue sur le vivant. L’affection est restée latente, soit que les 
troubles fonctionnels qu’elle a pu provoquer aient été masqués par ceux de la 
maladie primitive qui dominait la péricardite secondaire, soit qu'aucun sym- 
ptôme n’ait appelé l'attention sur le cœur. 

Parmi les troubles fonctionnels que nous avons étudiés, aucun ne suffit à 
signer le diagnostic de la maladie ; la dyspnée, la cyanose, l'angoisse, la stase 
veineuse jugulaire, appartiennent à toutes les affections pulmonaires et car- 
diaques; les douleurs précordiales mêmes, la douleur épigastrique, le point 
xiphoïdien, le point phrénique cervical, qui n'existent, disons-le, que dans la 
minorité des cas, se rencontrent aussi dans la pleurésie diaphragmatique, et 
lorsque celle-ci existe avec la péricardite, surtout lorsqu'elle l’a précédée, la 
seconde peut rester fruste. | 

Les signes physiques seuls sont caractéristiques ; l'auscultation et la percussion 
seules mettent la péricardite à jour. Le plus certain de ces signes est le frotte- 
ment. Lorsque l'impression acoustique est très-nette d’un frôlement superficiel, 
d'un grattement, d'un raclement, d’un craquement à la surface du cœur, le 


58 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


diagnostic s'impose d'un exsudat péricardique. Mais le frottement peut être 
doux, peu éclatant, ressemblant plus ou moins à un souffle endocardique ; le 
doute reste dans l'esprit. D'autre part le souffle peut être rugueux, sonore, 
frotté; c'est un bruit de râpe intense, un frottement endocardique contre des 
incrustations calcaires valvulaires qui simule le frottement péricardique. Dans 
les deux cas, le diagnostic différentiel est à faire. Voici les caractères qui peu- 
vent servir à éviter la confusion : 

Le souffle est exactement isochrone aux bruits du cœur; le frottement s'entre- 
mêle d'une façon plus confuse avec eux, les suit, les précède ou acquiert sa 
srande intensité pendant le petit ou grand silence. Si le souffle existe aux deux 
temps du cœur, d'ordinaire le souffle diastolique diffère par son siége, son 
timbre, son intensité, d'avec le souffle systolique, tandis que le frottement qui 
coexiste avec les deux temps constitue un bruit uniforme de va-et-vient, ayant le 
même timbre et le même siége. 

Le frottement, à moins qu'il ne soit très-intense, est souvent plus localisé, 
soit vers la pointe du cœur, soit dans le quatrième espace intercostal gauche, 
près du sternum, soit dans le deuxième espace, vers le bord gauche ou droit 
du sternum ; il faut le chercher à sa place avec le sthétoscope ; un peu au delà 
on ne le perçoit plus. Le souffle est en général moins circonscerit, il se propage 
dans toute l'étendue du cœur, depuis son foyer générateur. 

Le frottement peut apparaître, disparaître, se modifier rapidement, changer 
de siége dans l’espace de quelques heures ; un frôlement doux est remplacé par 
un frottement dur ou un craquement; l’exsudat péricardique fibrineux se con- 
stitue en effet et se transforme rapidement ; il peut se régulariser, se polir par 
le frottement des deux feuillets séreux, il peut se recouvrir de liquide, et dans 
les deux cas le bruit normal s’atténue ou s’efface. Le souffle une fois constitué 
persiste longtemps, sans changer de caractère. 

Le frottement peut varier d'intensité et de siége suivant l'attitude du malade; 
le liquide se déplaçant, le frottement disparait en son siége primitif et se recon- 
stitue entre les deux feuillets du péricarde adossés, au-dessus du niveau assigné 
par la nouvelle attitude à l'épanchement. Souvent, si son siége est à la face anté- 
rieure du cœur, il est plus perceptible ou est seulement perceptible dans la 
position assise. Un bruit qui ne se perçoit que dans la position verticale ou 
latérale est toujours péricardique (Gerhardt). Quelquefois l'exagération de la 
position verticale, l'attitude du corps penché en avant, font disparaître ce frot- 
tement, le liquide remontant alors au devant du cœur jusqu’à l'insertion supé- 
rieure du péricarde. Les souffles sont peu ou point influencés par les changements 
d'attitudes. 

Enfin, d'après Traube, les bruits péricardiques augmentent d'intensité pendant 
l'inspiration, car le frottement entre les deux séreuses serait accru par la con- 
traction du diaphragme s'ajoutant à la contraction cardiaque. Les souffles au 
contraire sont souvent moins perceptibles à l'inspiration. 

L'endocardite coexiste souvent avec la péricardite ; le souffle se combine au 
frottement, et il est quelquefois difficile au plus expérimenté d'apprécier exac- 
tement ce qu'il entend. Les autres signes fournis par la percussion, la douleur 
précordiale, peuvent mettre sur la voie. 

Le frottement nettement perçu ne témoigne pas infailliblement en faveur 
d'une péricardite; il peut s'agir d'un reliquat de péricardite ancienne, d’une 
plaque laiteuse épaisse, d'une altération organique terminée et qui évolue 


PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 39 


plus. L'absence d’autres symptômes cardiaques, la fixité et l’invariabilité du frot- 
tement, montreront qu’il en est ainsi, à moins qu'une endocardite greffée sur 
un frottement péricardique ancien ne détermine de l'insuffisance cardiaque ; le 
diagnostic peut être dans ces cas très-obscur. 

Le frottement pleurétique peut être confondu avec le frottement péricardique. 
Ceci arrive quand la pleurésie est localisée dans la région précordiale, lorsque 
la plèvre péricardique gauche est adhérente par des tractus filamenteux avec la 
plèvre costale ou pulmonaire, ou qu'un exsudat fibrineux rugueux constitue une 
surface de frottement. Ce dernier coïncide avec les mouvements respiratoires ; 
il disparaît, si l’on dit au malade de suspendre sa respiration. Ce caractère suffit à 
différencier ce frottement. 

Mais, d’après la plupart des auteurs, Von Dusch n'accepte pas cette opinion ; 
les mouvements du cœur peuvent imprimer aux fausses membranes de la plèvre 
péricardique un mouvement qui se traduit par un frottement isochrone au 
cœur. Ceci doit arriver, si le péricarde lui-même est adhérent à la plèvre. Ce 
frottement, d'après Potain, s’exagère dans l'expiration forcée et s’atténue ou dis- 
paraît pendant les fortes inspirations, si le poumon peut s’interposer entre le 
péricarde et la paroi costale; nous avons vu le frottement péricardique au con- 
traire s’exagérer pendant l'inspiration. Mais tous ces caractères sont souvent dif- 
ficiles à apprécier et peuvent se modifier, on le conçoit, à la faveur des dispo- 
sitions anatomiques spéciales. 

La percussion permet de reconnaître l’épanchement dans le péricarde par 
l'appréciation de la matité précordiale. Nous avons étudié la configuration spé- 
ciale de cette matité qui la différencie de celle due à l'augmentation de volume 
du cœur par dilatation ou hypertrophie. Ajoutons à cela l'affaiblissement du 
choc et des bruits du cœur, l'extension de la matité au-dessous et en dehors 
du point où l’on perçoit le choc de la pointe, les modifications de la matité avec 
les changements d’attitude du corps, tous caractères qui n’appartiennent qu'à 
l'épanchement péricardique. 

D’autres maladies peuvent augmenter la matité de la région précordiale : telle 
une pleurésie avec épanchement considérable : alors la matité sera générale, en 
avant et en arrière du thorax; telle encore une pleurésie enkystée avoisinant le 
cœur, circonstance qui peut empêcher la délimitation exacte de la matité précor- 
diale. Celle-ci naura plus alors sa configuration triangulaire ; l'existence du 
frottement péricardique fera le diagnostic. En son absence, le doute peut exister. 

Les tumeurs et abcès du médiastiu, les anévrysmes de l'aorte, donnent d'autres 
symptômes : la matité précordiale est variable, le cœur peut être déplacé. Chaque 
cas exige son étude spéciale, et il me semble oiseux de faire à propos du dia- 
gnostic différentiel une étude comparative entre ces diverses maladies qui évo- 
luent si différemment. 

L'induration du bord antérieur du poumon gauche, par tuberculose ou pneu- 
monie chronique, n’a de commun avec la péricardite que l'augmentation de la 
matité de la région cardiaque ; mais les autres signes physiques, ràles, respira- 
tion soufflée, accroissement des vibrations vocales à l'application de la main, etc., 
ne permettront pas de confusion. 

La matité péricardique, au lieu d’être simulée par d'autres affections, peut 
être effacée. IL existe un emphysème pulmonaire très-développé ; une pleurésie 
ancienne ou concomitante a soudé les bords antérieurs des poumons, et l’épan- 
chement, quelque considérable qu’il soit, reste recouvert par la sonorité pulmo- 


40 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


naire, inaccessible à la percussion. Le frottement aussi peut être masqué dans 
ces cas et le diagnostic rester impossible. Ou bien le péricarde avait contracté 
d'ancienne date des adhérences avec la face antérieure du cœur, et un nouvel 
épanchement survenant ne trouve plus à distendre que la face postérieure de la 
poche, comme dans le cas de Moore; la matité précordiale pourra être normale ; 
la région postérieure du thorax gauche sera seule mate; le diagnostic erroné de 
pleurésie sera presque fatal. 

Le diagnostic différentiel entre la péricardite avec épanchement et l'hydro- 
péricarde se déduit non des symptômes physiques, mais des symptômes géné- 
raux et des circonstances étiologiques. L'hydropéricarde est un épanchement 
passif, indolore, apyrétique, qui s'accompagne en général d’œdème, d'épanche- 
ment dans d’autres cavités <śreuses, souvent d’albuminurie. 

Quelle est la nature de la péricardite ? Quelle est la qualité de l’exsudat ? Est- 
il séro-fibrineux, hémorrhagique, purulent? Pour résoudre la question, on tiendra 
compte de la maladie primitive et des symptômes généraux. 

La péricardite primitive ou rhumatismale, celle qui accompagne la scarlatine 
ou la néphrite chez un sujet bien coustitué, sont en général séro-fibrineuses ; les 
symptômes généraux sont modérés. 

La péricardite hémorrhagique se déclare dans le scorbut, le purpura, la variole 
et la scarlatine hémorrhagique ; les symptômes généraux sont graves. La diathèse 
tuberculeuse et cancéreuse peuvent donner lieu à des péricardites séro-fibrineuses 
ou hémorrhagiques. La pâleur subite, l’affaiblissement du pouls, le collapsus, 
la constatation d’un épanchement péricardique rapidement accru, annoncent la 
nature hémorrhagique. 

La péricardite purulente accompagne la pyémie, la fièvre puerpérale, la septi- 
cémie. Les symptômes généraux dominent la scène et se confondent souvent avec 
ceux de la maladie dominante si la suppuration est primitive et d'emblée abon- 
dante : le frottement péricardique fait défaut ; l'augmentation de la matité pré- 
cordiale et l’affaiblissement des bruits du cœur sont les seuls signes physiques 
de l’épanchement. La fièvre irrégulière hectique, le teint jaune terreux, les 
sueurs, l'aspect cachectique progressif, accusent la suppuration. 

TraïremenT. Les indications thérapeutiques varient suivant que la péricar- 
dite est aiguë ou chronique ; suivant qu’elle est primitive ou consécutive, sui- 
vant la maladie dominante, les complications, etc. 

Dans la péricardite aiguë primitive rhumatismale, il s’agit au début de com- 
battre l'inflammation, de prévenir, si possible, ou de diminuer l’exsudation séreuse 
et plastique. C'est l'indication des antiphlogistiques qui domine, d’autant plus 
impérieuse que le sujet est plus fortet plus sanguin. Employées largement par Hope, 
par Bouillaud, par Gendrin, dans le but de juguler la maladie ou d'en abréger la 
durée (J. Taylor), les saignées répétées sont à peu près abandonnées aujourd'hui 
par la plupart des cliniciens, dans la péricardite comme dans les autres phleg- 
masies. Le dernier disciple de Broussais a disparu. Cliniquement, il paraît 
démontré que les émissions sanguines répétées ne jugent pas plus la péricardite 
que la pleurésie. Ces inflammations se développent avec plus de gravité chez les 
sujets cachectiques presque exsangues. La physiologie pathologique enseigne que 
la fluxion sanguine n'est pas un élément nécessaire à l’évolution des lésions 
dites inflammatoires. Sans doute un sujet vigoureux et pléthorique, à pouls 
ample et vibrant, se trouvera bien d'une saignée, surtout si la congestion pul- 
monaire aiguë le menace d'une cyanose ou d'une suffocation rapide. Mais l’in- 


PÉRICARDE (rarnoLogie). 41 


dication est en somme rare, et je n'ai jamais vu, pour ma part, une phlegmasie 
pulmonaire ou péricardique être arrêtée ou sensiblement modifiée par l'ouverture 
de la veine. 

Les sangsues ou les ventouses scarifiées trouvent plus souvent leur indication. 
On peut supposer que par l'intermédiaire des mammaires internes elles enlè- 
vent directement du sang aux vaisseaux du péricarde externe. Quoi qu'il en soit, 
si la douleur thoracique est vive, s'il y a de l'angoisse, des palpitations, des 
symptômes d’irritation cardiaque active, ces émissions sanguines locales peu- 
vent agir utilement pour calmer la douleur et diminuer l'hypersthénie. 6 à 
10 ventouses scarifiées, 8 à 12 sangsues qu’il est rarement nécessaire de répéter, 
suffiront ordinairement ; il faut éviter de provoquer l'anémie dans une maladie 
qui peut devenir chronique et débiliter l'organisme par une évolution prolongée. 

L'application du froid sur la région précordiale jouit d’une grande vogue en 
Allemagne ; elle doit être faite d’une façon méthodique et continue, soit avec 
des compresses froides fréquemment renouvelées, soit mieux avec une vessie de 
glace ; on la laisse jusqu'à ce que la fièvre soit tombée ou que le malade soit 
trop incommodé par cette application. Le froid pénètre ainsi directement jusque 
sur le péricarde. L'expérience montre qu'il est bien supporté et n’a pas d'incon- 
vénient pour les fonctions pulmonaires, lorsqu'il est appliqué d’une manière 
continue. Je n'oserais pas affirmer qu'il ait une action abortive ou atténuante sur 
le procès phlogistique, mais il modère les troubles fonctionnels. 

Un mot sur les autres médications dites antipyrétiques et antiphlogistiques. 
On a préconisé comme tels les sels de potasse, surtout le nitrate et l'acétate. 
Suivant Aran, plusieurs péricardites avec rhumatisme auraient guéri sous 
l'influence du nitrate de potasse à haute dose. Plus tard, à la période d’exsuda- 
tion, la fièvre tombée, ces mêmes médicaments seraient utiles comme diuréti- 
ques, en favorisant la résorption de l’épanchement. 

Düt-on m'accuser de scepticisme à outrance, j'affirme n'avoir jamais constaté 
ni la vertu antipyrétique, ni la vertu diurétique des sels de potasse. La chute de 
la fièvre et avec elle la diurèse peuvent coïncider avec l'administration prolongée 
de ces médicaments ; j'ai trop souvent constaté qu'elles n’en sont pas l'effet 
pour ne plus hésiter à combattre un enseignement classique qui se soutient 
plus par la force de la tradition que par celle de la vérité. 

La digitale est un antipyrétique. Comme telle, son indication peut être dis- 
cutée dans la période aiguë de la péricardite. Elle abat ou atténue la fièvre dans 
les phlegmasies comme dans les pyrexies, mais pas plus que les autres antipy- 
rétiques elle ne maintient la fièvre abaissée. La rémission obtenue le quatrième 
jour de l'administration du médicament ne persiste guère au delà de un à deux 
jours et la phlegmasie péricardique, comme les autres, n’en continue pas moins 
son évolution. 

Mas la digitale a en plus une action spéciale sur l'innervation du cœur ; elle 
ralentit et renforce ses contractions. Elle semble donc indiquée quand il y a affai- 
blissement de la contractilité cardiaque, quand le pouls est petit et accéléré, dans 
les formes paralytiques aiguës de la péricardite. La question est en réalité plus 
complexe. La digitale agit non sur la musculature du cœur, mais sur les centres 
nerveux de l'organe ; par le centre modérateur elle ralentit les battements ; par 
les centres excito-moteurs elle augmente le travail, mais elle ne peut augmenter 
ce travail qu'à une condition, c’est que le muscle chargé de le réaliser soit 
sain. Si ce muscle est frappé d'inflammation, s’il y a parésie musculaire par 


42 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


myocardite aiguë, comme cela est souvent le cas dans la péricardite, alors ou 
bien la digitale reste inefficace, l’action de la maladie sur l'innervation cardiaque 
résiste à l'action pharmaco-dynamique de la digitale ; ou bien la digitale ralentit 
le cœur, mais sans renforcer son travail, le muscle dégénéré étant incapable 
d'un travail actif, et alors, le cœur ne gagnant plus en force ce qu'il perd en 
vitesse, l'insuffisance fonctionnelle est accrue de par la digitale. Aussi les cli- 
niciens ne parlent-ils qu'avec réserve de l’action de la digitale dans la péricar- 
dite. Suivant Gendrin, il faut bien prendre garde de l’administrer dans les cas 
où il y a prostration des forces. Graves et Stokes la regardent comme inutile et 
même dangereuse. « L'emploi de la digitale dans la péricardite ne donne, dit 
Stokes, aucun résultat tant que le cœur est placé sous le coup d'une excitation 
inflammatoire : ce médicament peut être dangereux dans les périodes avancées 
de la maladie, lorsqu'il y a débilitation de l'organe. » Je crois cependant que la 
digitale peut être éminemment utile quand elle est administrée soit pendant la 
période aiguë, soit pendant la période chronique au moment opportun, c'est-à- 
dire dans les cas où la faiblesse cardiaque, l’asystolie est plutôt d'origine ner- 
veuse que musculaire, où elle résulte de l’innervation affaiblie du cœur, sa mus- 
culature étant suffisamment conservée. Mais je reviendrai sur cette médication 
dans un instant, à propos du traitement de la péricardite chronique. 

Les narcotiques peuvent trouver leur emploi dans la période aiguë et chro- 
nique pour combattre la douleur, l'angoisse, la dyspnée et certains phéno- 
mènes spasmodiques tels que la dyspnée, l’hydrophobie. Parmi eux l'acide 
prussique médicinal, la belladone, l’opium, soit à l’intérieur, soit en injections 
sous-cutanées. Contre les phénomènes spasmodiques Gendrin employait lo- 
pium ; il élevait la dose jusqu'à 15, 20 et même 25 centigrammes dans les 
vingt-quatre heures, et affirme qu'il n'a pas vu d'accidents graves à la suite de 
l'administration de ces doses élevées dans les cas où il existait un mouvement 
fébrile marqué. 

Je n'oserais recommander l’opium dans tous les cas; une contre-indica- 
tion formelle me semble résider dans la faiblesse cardiaque. Lorsque la dyspnée 
et l'angoisse sont purement nerveuses, lorsque le cœur se contracte avec assez 
de force dans les maladies du cœur en général, lorsqu'il s’agit de l’asthme ner- 
veux, je crois la morphine efficace. Mais quand il y a asystolie, quand le pouls 
est précipité et paralytique, alors la morphine qui déprime l’innervation cardiaque 
peut être dangereuse ; j'ai vu l’asystolie être précipitée et des accidents mortels 
survenir dans ces cas, par l'injection sous-cutanée intempestive de morphine. 
En résumé, quelques émissions sanguines locales dans certains cas, vessie de 
glace sur la région précordiale, narcotiques, si l’état du cœur le permet, telles 
sont les médications principales que réclame la péricardite aiguë. Ajouter le 
repos au lit, calme physique et moral, régime modéré, lait, potages, boissons 
acidules non gazeuses, aliments solides, légers et de digestion facile, si l'appétit 
existe. 

L'exsudat constitué, il faut favoriser sa résorption. Dans ce but on a re- 
cours aux dérivatifs. Les purgatifs divers salins et végétaux, le sulfate de soude 
et de magnésie, l'huile de ricin, le séné, les drastiques, l'eau-de-vie allemande, 
passent à tort ou à raison pour produire une révulsion sur le tube intestinal à 
la faveur de laquelle l'épanchement péricardique serait résorbé. Trop souvent, il 
faut le dire, on fait appel en vain à l'intestin pour évacuer le péricarde, comme 
pour évacuer la plèvre ; la diarrhée provoquée ne diminue pas l'épanchement. 


PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 45. 


On fait appel aux diurétiques. Parmi ceux qui encombrent la matière médi- 
cale, les uns, comme les sels de potasse, les espèces végétales dites diurétiques, 
sont au moins douteux. La scille à forte dose et la digitale ont une action réelle, 
mais cette action me parait surtout subordonnée à une augmentation de pression 
artérielle par renforcement de la contraction cardiaque. Quand le cœur insuffi- 
sant envoie trop peu de sang aux reins et imprime à ce sang une quantité de 
travail trop faible, on a beau solliciter l'émonctoire rénal, le rein ne soustrait pas 
plus d’eau au sang que le cœur n'en envoie au rein. C'est par le cœur que la 
diurèse se fait, et le cœur lui-même ne peut être renforcé que si la musculature 
le permet. 

D'ailleurs la sécrétion rénale est-elle plus efficace que la sécrétion intestinale 
pour favoriser la résolution des produits exsudés? Mon expérience clinique ne 
me permet pas de répondre affirmativement. 

Le mercure est prodigué largå manu en Angleterre comme résolutif et anti- 
phlogistique. Administré en 1783 par Hamilton, ila été appliqué à la péricar- 
dite par Hope, Graves, Stokes, Elliotson, sous toutes les formes, surtout à la 
période chronique. Les uns ont recours au calomel à doses réfractées, d’autres 
préfèrent ou appliquent simultanément les frictions mercurielles jusqu'à sali- 
vation. J. Taylor prétend que le mercure administré dans les quatre premiers 
jours abrége de cinq jours la durée de la maladie comparativement aux cas où 
cette administration est farte plus tard. 

En France et en Allemagne cette médication n’a fourni aucun résultat et ne 
compte guère d’adeptes. 

Les révulsifs cutanés, vésicatoires, frictions stibiées, huile de croton, ventouses 
sèches, teinture d'iode, ont été préconisés. Gendrin a insisté surtout, après Hope 
et Bouillaud, sur l'utilité des vésicatoires ; le premier y a recours même durant 
la période aiguë, soit permanents, soit volants, et les multiplie jusqu'à ce que la 
résolution commence. La plupart des médecins les emploient ; et il est difficile, 
dans la pratique civile, de ne pas y avoir recours, ne fût-ce que pour sauvegarder 
sa responsabilité, tant l'utilité des vésicatoires paraît évidente au public! L'effet 
le plus certain de ce moyen est de calmer la douleur lorsqu'elle existe, d’en- 
lever les points pleurétiques ou péricardiques. Je n’ai pas constaté que la durée 
de la péricardite ni celle de la pleurésie en fussent diminuées, et je doute encore 
de l'efficacité réelle des dérivatifs cutanés sur le procès morbide. 

Comme moyens résolutifs dans la péricardite chronique on a recommandé 
encore l'iodure de potassium, l’iodure de fer, les frictions avec une pommade 
iodée. Ici encore, pourquoi ne pas le dire, la démonstration scientifique fait 
défaut. 

À défaut de médications sûres, capables d'arrêter ou de hâter la résolution, 
l'indication est de combattre ses conséquences, telles que la dyspnée et l'af- 
faiblissement cardiaque. 

Si la dyspnée est aiguë, si elle se présente sous forme d'accès de suffocation, 
si le poumon est envahi par une congestion passive, les révulsifs s'imposent : 
ventouses sèches, manuluves, pédiluves chauds et irritants ; une saignée sera 
utile, si le système veineux engorgé se manifeste par de la cyanose. C’est le trai- 
tement symptomatique ; appeler le sang sur la peau ou l'évacuer pour désemplir 
le système veineux pulmonaire. Enoutre, il faut rechercher la cause de la dyspnée, 
car son traitement varie avec son mécanisme. Est-elle nerveuse pure, avec fonc- 
tionnement cardiaque suffisant, la morphine, l’iodure de potassium, le bromure 


44 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


de potassium, les inhalations d’iodure d’éthyle, les douches d'éther sulfurique 
sur la région thoracique, pourront avoir une utilité réelle. 

Est-elle liée à l’asystolie, à l'insuffisance cardiaque ? Dans ce cas, la thérapeu- 
tique sera autre. L’asystolie sera indiquée par la faiblesse du pouls, par l’hypo- 
stase des régions déclives, des poumons, et par les urines cardiaques, c'est-à-dire 
rares, foncées, denses, jumenteuses, quelquefois albumincuses. Toutes les fois 
que les urines sont claires et abondantes, alors même que le choc du cœur est 
faible et qu'il y a de l'oppression, on peut être certain que le travail du cœur 
est suffisant ; la morphine n'est pas contre-indiquée, la digitale n’est pas indiquée. 

Lorsqu'au contraire les urines sont cardiaques, indiquant ainsi une faible ten- 
sion artérielle, en l'absence de fièvre, il y a de l’asystolie. La digitale pent être 
indiquée, mais elle ne l’est, comme nous l'avons dit, que si l'asystolie est 
purement dynamique, sans lésion notable du muscle cardiaque. Il s’agit donc 
dans chaque cas d'établir ce diagnostic différentiel. Quel est l'état du muscle 
cardiaque ? 

Si les symptômes d'asystolie se déclarent rapidement dans le cours d'une péri- 
cardite chronique ou subaiguë, si les urines, qu’il faut avoir soin de recueillir 
en totalité et d'examiner journellement, d’abord normales ou à peu près, comme 
aspect et comme quantité, deviennent rapidement rares et denses, il est très- 
probable que l'asystolie est dynamique ; la digitale est indiquée. Si au contraire 
les symptômes sont graduels et permanents, si le pouls faiblit de jour en jour, 
si l’oligurie est continue avec densité accrue du liquide urinaire, si l'asystolie 
est persistante et progressive, alors il est à craindre que le myocarde ne soit dégé- 
néré. La digitale est contre-indiquée. Je ne saurais trop insister sur la nécessité 
d'examiner les urines dans les affections du cœur en général ; c’est le critérium 
le plus certain, celui qui fournit les données les plus sûres sur le travail du 
cœur, celui qui doit, avant tout, poser les indications les plus utiles au pra- 
ticien. L'examen des urines est aussi nécessaire au traitement des affections 
cardiaques que la thermométrie dans les maladies fébriles. Quand la digitale est 
nettement indiquée, je la donne de préférence sous forme d’infusion à la dose 
0,60 dans 100 grammes de colature. Je fais répéter cette dose pendant trois à 
quatre jours ; quelquefois l'effet se manifeste déjà dès le second ou le troisième 
jour. Si le cinquième jour la diurèse ne se fait pas, si ce jour le pouls n'est pas 
ralenti et amplifié, il est inutile de continuer l'administration du médicament ; 
l'effet est manqué. Une cause quelconque, telle que stase veineuse excessive des 
poumons ou des reins, thromboses intra-cardiaques, compression du cœur, alté- 
ration organique peut-être du système nerveux cardiaque, ou une autre cause 
difficile à saisir, a neutralisé le mécanisme pharmaco-dynamique du médica- 
ment. Chez les malades qui ne tolèrent pas l'infusion, la digitale pourra d'ail- 
leurs être donnée sous forme de macération, de teinture, ou de granules de 
digitaline. 

Dans les cas douteux, lorsqu'il est difficile de savoir si le myocarde est dégé- 
néré et jusqu à quel point il l’est, je tâtonne ; je donne la digitale à plus petites 
doses, j'y associe le café ou la caféine, ou l'extrait de quinquina, et j'observe l'effet 
produit, arrêtant son administration, si le cœur se ralentit sans augmenter l'am- 
pleur du pouls, continuant au contraire, si le pouls renforcé et une diurèse plus 
abondante laissent entrevoir l'efficacité possible. 

Telle me paraît être l'indication réelle de la digitale dans la péricardite en 
particulier et dans les affections du cœur en général. Ainsi remplie, ce médica- 


PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 45 


ment réellement utile, quelquefois héroïque, trouvera son emploi fréquemment 
dans le cours de la péricardite ; on y reviendra chaque fois que les symptômes 
le commanderont, et peut-être, entretenant ainsi la force dynamique du cœur, pré- 
venant les effets de son affaiblissement, pourra-t-on dans quelques cas prévenir 
aussi par l'amélioration fonctionnelle la déchéance nutritive de l'organe. 

Contre les formes paralytiques lentes avec dégénérescence progressive du myo- 
carde qui contre-indique la digitale, un traitement tonique et reconstituant sera 
indiqué : le vin de quinquina, les peptones, le fer, l'huile de foie de morue, le 
régime lacté, les amers, la noix vomique, etc., trouveront, suivant les cas, leur 
emploi. S'il survient des accès d’asystolie aiguë, s’il y a paralysie cardiaque 
imminente avec pâleur, état syncopal, pouls filiforme, respiration accélérée ou 
entre-coupée par des pauses, alors c’est aux stimulants qu'il faut s'adresser : le 
muse, le camphre, le punch, le champagne, les injections sous-cutanées d’éther. 

Enfin, si l'épanchement péricardique est menaçant par son abondance, ou s’il 
reste stationnaire sans tendance à la résorption, la question de paracentèse se 
pose. C’est par elle que nous terminerons ce chapitre. 

PARACENTÈSE DU PÉRICARDE. Historique. L'idée première d'ouvrir le péri- 
carde, dans les cas graves et désespérés de péricardite, appartient à Jean Riolan 
le jeune, qui l’exprima en 1649 ; il conseilla la trépanation du sternum par la 
méthode de Galien. Un siècle plus tard, en 1794, Sénac renouvela avec plus 
d'assurance l’idée de Riolan, sans toutefois la réaliser. La question était posée, 
Benjamin Bell, Camper, Arnemann, Conradi, Desault, Larrey, Skielderoup, Van 
Swieten, Corvisart, Kreysig, la discutèrent activement, cherchèrent à établir les 
indications et les contre-indications, mais les difficultés du diagnostic, à une 
époque où le plessimètre et le sthétoscope n'avaient pas vu le jour, firent hésiter 
les opérateurs. 

Le premier essai fut tenté en 1798 par Desault, qui incisa entre la 6° et la 
1° côte. Ce ne fut qu'un essai : l'autopsie montra le cœur adhérent au péricarde ; 
l'incision avait vidé une poche pleurétique enkystée eutre la plèvre et le péri- 
carde. Une tentative analogue de Larrey n'eut pas un meilleur résultat : là aussi 
le diagnostic fut incertain, même à l’autopsie. On ne peut établir avec précision 
si c'était le péricarde ou une poche kystique qui avait été ponctionné. 

Les premières opérations heureuses sont dues à Romero (de Barcelone), en 
1819. Sur 5 cas, 2 se terminèrent par la guérison : il opéra par incision entre 
la 5° et la 6° côte. Après deux nouvelles tentatives de Jowet (cas douteux 
comme diagnostic et résultat) et de Schuh (tumeur du médiastin), les médecins 
russes Karawajeff, en 1840 (1 cas); Schönberg, en 1842 et 1847 (2 cas); 
Kyber (1845 à 1847) (4 cas), firent l'opération avec succès par l'incision entre 
le 4° et le 5° espace intercostal, suivie de ponction, dans des cas de péricardite 
scorbutique. Dans une thèse soutenue à Dorpat en 1848, Sellheim rapporte que 
durant les années 1849, 1844, 1845, 1846, 1847, 154 cas de péricardite scor- 
butique furent traités, parmi lesquels 141 succombèrent, 6 guérirent sans 
ponction, 30 furent opérés : sur ces 30, sept guérirent. 

En 1853, la question fut portée par Béhier à la Société médicale des hôpi- 
taux; en 1854, elle fut discutée dans les Archives de médecine par Trousseau 
et Lasègue, à l’occasion d'un cas heureusement opéré par Jobert de Lamballe. 
L'année suivante, Aran fit, avec succès dans À cas, 2 ponctions suivies d’injec- 
tions iodées, ce que Richerand avait déjà proposé. 

Depuis vingt ans environ l'opération est entrée dans la pratique courante. En 


A 


46 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


1876, Henri Roger donna lecture à l'Académie de médecine d'un rapport sur 
une observation de paracentèse du péricarde, adressée par M. Chairoux, et déve- 
loppa à celte occasion des considérations pratiques sur l'opportunité de l'inter- 
vention chirurgicale. Maurice Reynaud, dans son article du Dictionnaire de 
médecine et de chirurgie pratiques, réunissant la plupart des faits publiés jus- 
qu’en 4876, dont il avait connaissance, trouva 46 observations de paracentèse. 
Hindenlang (Deutsches Archiv. für klinische Medicin, 1878) réunit 65 cas. 
Enfin S. West (Med.-Chirurgic. Transact., vol. 66, 1883) réunit 79 cas. 

Voici l'indication sommaire de quelques cas de paracentèse postérieurs au 
travail de Maurice Reynaud. 


BurneR (opération par Th. Elliot) (Lancet, 1876). — Homme de 60 ans. — Aspiration pneu- 
matique de 42 onces de sérosité claire. — Guérison. 

WeLccx, 1876 (American Journ. of Med. Sciences, January, 1877). — Aspiration de 18 onces 
de pus. — Mort en quelques jours. 

Aluxr, 1876 (Lancet, 1811). — Aspiration de quelques drachmes de sérosité suivie d'un peu 
de sang. — Mort : endocardite mitrale et aortique. 

‘Pepper, 1878 (The Medic. News and Library. Philadelphia, March, 1878). — Aspiration 
pneumatique de 8 onces de sérosité sanguinolente. — Guérison après 5 mois. 

Doxarn Macreon, 1874 (Glasgow Med. Journ., 1871). — Aspiration de 600 grammes de liquide 
sanguinolent.— 2° et 3° ponctions.— Amélioration passagère. — Mort 3 jours après la 3°. — 
Epanchement pleurétique double. 

HivnexLaxG, 1879 (Deutsch. Arch. f. klin. Medic.). — Aspiration de 300 grammes de liquide 
rouge foncé. — Nouvelle ponction après 6 semaines. — Aspiration de 600 grammes de 
liquide clair jaune verdâtre. — Mort 5 mois et 1/2 après. 

Kussmau (cité par Hindenlang, 1877). — Épanchement pleurétique droit et péricardique. — 
Ponction traversant d’abord la plèvre et évacuant 20 centimètres cubes de sérosité, puis 
enfoncée davantage et évacuant 750 grammes de liquide brun trouble péricardique. — 
Nouvelle ponction après 4 jours; 550 grammes de liquide pleurétique clair, puis 250 de 
sérosité sanguinolente péricardique. Guérison. 

Axpersox (Glasgow Med. Journ., 1879). — Aspiration de 38 onces de sérosité. — Guérison. 

Rersz et Levisox (Hospit. Tidende. Copenhague, 1879). — Pneumonie avec pyopéricardite. 
Aspiration de pus sanguinolent. — Mort après 7 jours. 

Fiener 1° (Jahresber. der Ges. f. Nalurund Heilk. in Dresden, 1880-1881). — Hydropéricarde, 
néphrite. — Aspiration de 1200 grammes. — Guérison. 

2° Péricardite rhumatismale. — Aspiration de 1000 grammes. — % ponction de 
700 grammes. — Amélioration passagère. — Mort 5 jours après la 2 ponclion. 
3° Pyopéricarde. — 3 ponctions. — Mort. — Carie vertébrale. 

Kuwwez (Berliner klin. Wochenschrift, 1880). — Deux ponctions à 2 jours de distance de 
750 et 840 grammes de sérosité. — Mort après 4 jours. — Pleurésie péricardite tubercu- 
leuse primitive. 

Wacxer (Berliner klin. Wochenschr., 1880). — Trois ponctions. — Amélioration passagère. 
— Péricardite tuberculeuse. 

RosexsteN (Ibid., 1881). 1" ponction : 620 grammes de pus. — Récidive avec pleurésie. — 
Aspiration de 1100 grammes de liquide pleurétique, de 110 grammes de liquide péri- 
cardique. — Incision antiseptique du péricarde. — Drainage. — Guérison définitive après 
ponction d’une nouvelle pleurésie. 

xexpu (Union médicale, 1882). Péricardite aiguë à frigore. — Aspiration de 950 centimètres 
cubes. — Guérison. 

Bartu (Correspondenzblatt für Schweizer Ærtze, 1882). — Rhumatisme articulaire. — 
Ponction 80 à 100 grammes de sérosité. — Guérison. i 

Sareuuier et Darr (Gaz. hebdom., 18853). — Péricardite tuberculeuse. — Epanchement 
considérable. — Ponction du péricarde au lieu d'élection de la thoracentèse; 1 litre et 1/2 
de liquide sanguinolent. — Mort au bout d'une semaine. 

ParTzensxy (Gaz. méd. lomb., n° 11, p. 115, 1883). — Pyopéricarde. — Aspiration de 
1 litre de liquide brun trouble. — Nouvelle ponction après 11 jours; 100 grammes. — 
Incision, drainage. — Amélioration momentanée. — Mort : myocardite graisseuse. 

Wesr (S.). (Med. Chir. Transact., 1883). — Aspiration de 420 grammes de pus. — Nouvelle 
ponction après 3 jours, 480 grammes de pus fétide. — Incision : injection phéniquée. — 
Drainage. — Guérison le 50° jour. 


PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 47 


Macnonazn (British Med. Journ., Oct. 1883). — Rhumatisme articulaire. — Aspiration de 
960 grammes de sérosité. — Guérison. 

Prousr (Mendiondo, thèse de Paris, 1883). — Péricardite tuberculeuse hémorrhagique. — 
Ponction : 300 grammes de sérosité sanguinolente. — Mort. 


Srrauss (1bid.). — Péricardite hémorrhagique alcoolique. — Paracentèse : 200 grammes de 
liquide sanguinolent. — Amélioration momentanée. — Mort. 


Leecu (Lettres d'Angleterre, Semaine médicale, 7 octobre 1885). — Lésion mitrale et 
hypertrophie du cœur. — Péricardite aiguë. — Paracentèse. — Liquide sanguinolent. 
— Guérison. 


Indications et contre-indications de la paracentèse du péricarde. La 
paracentèse du péricarde n'est pas une opération dangereuse par elle-même. 
6 fois seulement, sur les 46 observations relevées par Reynaud, la mort a eu 
lieu dans les vingt-quatre heures. Parmi ces 6 morts, 2 peuvent être attribuées à 
l'opération; chez l'un, il y eut piqûre du cœur et la mort est arrivée deux 
heures après la ponction; dans le second fait, la mort fut causée par des cail- 
lots intra-cardiaques consécutifs à une myocardite : l'opération n'a pu agir que 
comme cause déterminante. L'emploi des ponctions capillaires a diminué nota- 
blement le danger de la piqüre du cœur. 

Cela posé, l'innocuité de l'opération elle-même étant établie, la paracentèse 
sera pratiquée chaque fois que le médecin, après l'examen rigoureux du malade, 
pourra penser qu'elle a chance de sauver ou de prolonger l'existence de son 
malade ; il dira avec Riolan : Dubia salus certå desperatione potior. 

Tout épanchement péricardique, même très-considérable, ne commande pas 
la ponction d'urgence. Dans l'hydropéricarde simple, souvent consécutif à la 
maladie de Bright, le liquide peut être très-abondant, mais la résorption est 
souvent aussi très-rapide. Dans la péricardite aiguë, la résorption aussi peut 
être spontanée. Dans ces cas d’ épanchement séreux, ce sont les troubles fonc- 
tionnels et non les signes "physiques qui imposent l'intéryention. Si le cœur bat 
normalement dans son liquide, si le pouls régulier et ample, l'absence de stase 
et d'oppression, des urines abondantes et peu denses, indiquent un fonction- 
nement cardiaque suffisant, ou si les signes d'insuffisance sont modérés, il n’y 
a pas lieu d'intervenir. Si le cœur faiblit, si le pouls petit, irrégulier, l’oppres- 
sion, la cyanose, l'angoisse, la tendance aux lipothymies, accusent l’asystolie, 
il y a indication d'urgence. Elle est d'autant plus impérieuse que ces phéno- 
mènes asystoliques se sont développés plus rapidement, marchant de pair avec 
l'abondance de l'épanchement. Souvent, il est vrai, l'affection est complexe, des 
complications pleuro-pulmonaires existent. La maladie est ancienne, chronique ; 
le myocarde peut être dégénéré. Il est difficile de faire la part de l'épanchement 
et celle des complications endo-myocardiques ou pleuro-pulmonaires dans l’ap- 
préciation des symptômes. Sans doute, quand l’évolution de la maladie suivie 
dès le début donne la certitude que le cœur est gras, que les poumons sont 
carnifiés ou atélectasiés par une congestion prolongée, que les reins ont subi 
par l'effet d'une stase cardiaque ancienne des lésions parenchymateuses et inter- 
stitielles irrémédiables, alors la paracentèse ne peut amener aucun soulagement ; 
le cœur ne fonctionnera pas, même après soustraction du liquide qui l’environne. 
Il y a contre-mdication. Mais dans le doute je pense que la règle doit être con- 
forme au précepte de Riolan : il faut ponctionner. 

L'opportunité de l'intervention repose donc surtout sur le diagnostic précis 
non-seulement de l’épanchement considéré en lui-même, mais de l’état du cœur, 
du mécanisme des troubles circulatoires, de la part qui incombe à l’épanche- 


48 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


ment. Or ce diagnostic est souvent d’une difficulté inextricable. L'existence 
même de l'épanchement n'est pas toujours facile à apprécier, les meilleurs cli- 
niciens ont commis des erreurs. On a ponctionné des pleurésies croyant ponc- 
tionner un épanchement péricardique (Desault, Béhier). On a ponctionné le 
péricarde au lieu de la plèvre (Labric, Sapellier et Darier), ou en même temps 
que la plèvre (Béhier, Kussmaul); on a ponctionné des tumeurs du médiastin, 
croyant à un épanchement péricardique (Schuh, de Vienne, Rendu); on a même 
incisé le péricarde et, au lieu de liquide, on n’a rencontré qu'un cœur énormé- 
ment dilaté battant sous le doigt (Vigla). 

Mais supposons le diagnostic rigoureux. Tout épanchement récent considé- 
rable, je le répète, qui s’accompagne de faiblesse cardiaque inquiétante, réclame 
l'intervention chirurgicale. 

Si l'épanchement est chronique, stationnaire, sans tendance à la résorption, 
l'indication peut se poser, avant que l’asystolie soit imminente, car la poche 
péricardique épaissie, trop longtemps distendue, peut perdre son élasticité; elle 
ne revient plus sur elle-même après l'opération : le vide ne peut être rempli 
que par l’afflux du sang dans le cœur qui s'engorge et subit une dilatation 
passive, ou par l'affux du sang dans les vaisseaux péricardiques qui refont un 
nouvel épanchement. Donc tout épanchement chronique abondant persistant 
peut, même en l'absence de troubles cardiaques, utilement réclamer Ja ponction. 

L'épanchement purulent réclame l'opération de bonne heure: Ubi pus, ibi 
evacua. La suppuration prolongée entraine rapidement la dégénérescence du 
myocarde, et, pour peu qu'on ajourne l'opération, celle-ci trop tardive restera 
inefficace en face d’un cœur irrémédiablement altéré et asystolique. Pour peu 
que le médecin soupçonne, en raison de l’état général préexistant, ou des 
symptômes, frissons répétés, altération rapide des traits, collapsus, la nature 
purulente de l’exsudat, il ya lieu, sans tarder, de faire une ponction exploratrice 
inoffensive, et, si elle confirme les prévisions, la paracentèse devra être pratiquée 
d'urgence. Elle n'est contre-indiquée que par des symptômes graves de septi- 
cémie, donnant lieu à d’autres localisations, la péricardite elle-même n'étant 
qu'une détermination d’une maladie infectieuse incurable. 

C'est à tort que Henri Roger proscrit la paracentèse dans l'hémopéricarde, 
d'origine scorbutique ou autre. Les ponctions pratiquées dans ces cas par les 
médecins russes ont donné lieu à des résultats assez encourageants (T guérisons 
sur 50 paracentèses, d’après Sellheim), comme nous l'avons vu plus haut, pour 
qu'on soit autorisé à les imiter. 

Sans doute, l'opération ne sauve pas tous les malades ; souvent elle est seule- 
ment palliative. En est-il autrement de bien des interventions chirurgicales et 
qui sont bien plus graves que la ponction du péricarde ? 

L'indication étant posée, Jetons un coup d'œil sur les différents procédés 
opératoires. 

Procédés opératoires. La trépanation du sternum, conseillée par Riolan à 
un pouce au-dessus de l'appendice xiphoïde, par Skielderoup à la hauteur du 
ot cartilage costal, n’a guère élé réalisée et n’a plus de défenseurs. 

L'incision au bistouri a été recommandée autrefois par Desault et Larrev. 
Desault pratiquait l'incision entre la 6° et la 7° côte gauche et sectionnait couche 
par couche jusqu'au péricarde. Le doigt introduit dans la plaie constatant la 
fluctuation, le péricarde était incisé dans une longueur d'un 1 /2 centimètre. Ce 
procédé opératoire expose à l'entrée de l'air dans le péricarde, ou à la blessure 


PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 49 


de la plèvre. Il n’est plus employé d’une manière générale pour évacuer les 
épanchements séreux, mais il est appelé, je pense, à trouver son emploi dans la 
péricardite purulente, quand il s'agit d'obtenir une évacuation permanente et 
d'agir directement par des lavages désinfectants, ou modificateurs, sur la sur- 
face suppurante. 

Larrey recommandait de faire l'incision entre la base de l'appendice xiphoide 
et l'extrémité du 7° ou 8° cartilage costal; il pénétrait de bas en haut par le 
muscle oblique externe'et droit abdominal dans le tissu cellulaire entre les deux 
premières digitations du diaphragme, il arrivait ainsi dans le médiastin, 
au-dessous du péricarde, qu'il ouvrait dans sa partie déclive. Cette opération, qui 
expose à blesser le diaphragme ou le péritoine, n'a pas trouvé d'imitateurs. 

La ponction est généralement employée aujourd'hui; elle est pratiquée soit 
avec l'aiguille creuse adaptée à la pompe aspirante de Dieulafoy, soit avec un 
trocart fin adapté au siphon de Potain. Le trocart est préférable, risquant moins 
de blesser le cœur, qui, à mesure que l’épanchement se vide, peut venir affleurer 
la pointe de l'aiguille. Il est inutile, avant d'introduire le trocart, de pratiquer, 
comme le faisaient Jobert et Trousseau, une incision de la peau seule, destinée 
à faciliter sa pénétration. Ce n'est que dans certains cas rares de diagnostic 
incertain qu'on pourra procéder avec le bistouri, inciser couche par couche 
jusqu’à ce qu'on sente la fluctuation péricardique. 

La ponction sera faite dans le 4° ou le 5° espace intercostal; A. Guérin choisit le 
4e, Henri Roger, le 5°, Dieulafoy, le 4° ou le 5° à 6 centimètres en dehors du 
bord gauche du sternum; Roger ponctionne sur la ligne parasternale plus près 
du mamielon. Il est important de s'écarter du bord du sternum pour ne pas 
s'exposer à rencontrer la mammaire interne. Le trocart est enfoncé lentement 
par un coup direct d'avant en arrière. Dieulafoy conseille, l'instrument une fois 
dans la poche, de le faire basculer légèrement, de manière à le placer à peu 
près parallèlement au ventricule, pour ne pas blesser le cœur. Le liquide séreux 
ou purulent s'écoule en général facilement; quelquefois l'écoulement s'arrête, 
des flocons fibrineux, des grumeaux solides, obstruent la canule ; on la débouche 
avec le mandrin et l'écoulement continue. 

Ordinairement, après quelques jours, l'épanchement se reproduit : une seconde, 
puis une troisième ponction, peuvent devenir nécessaires. Pour modifier direc- 
tement la séreuse péricardique, Richerand a proposé l'injection iodee. Cette 
idée fut réalisée en 1855 par Aran, qui injecta avec succès un mélange de 
teinture d'iode et d'eau distllée, de chaque, 50 grammes, avec 1 gramme 
d'iodure de potassium dans un cas d'épanchement séreux. Cette injection fut 
répétée à 2 reprises, à douze jours de distance : le malade finit par guérir de sa 
péricardite. 

En 1875, Moore (British Med. Journ., 1875) fit 6 ponctions sur un enfant 
de treize ans, atteint aussi de péricardite purulente : les quatre dernières furent 
suivies d'injection de teinture d'iode. L'enfant succomba à une péritonite sup- 
purée. Chez un enfant de six ans, aussi affecté de péricardile purulente, 
Jurgensen, en 1872, avait, après la paracentèse, lavé le péricarde avec une solu- 
tion de chlorure de sodium et laissé la canule en place. Mais l'enfant succomba 
à une méningite suppurée. Ces faits sont trop peu nombreux pour autoriser un 
jugement sur la valeur des injections péricardiques. 

Il est exceptionnel que la péricardite purulente, même sans septicémie, 
guérisse par la simple ponction suivie ou non d'injection 1odée. Le pus se repro- 

DIGT. Ænc. 2° s. XXII. 4 


50 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


duit incessamment, le myocarde dégénère, le malade se cachectise ou devient 
asystolique. 

N'y a-t-il pas lieu de songer dans ces cas à une opération plus radicale, à la 
péricardotomie ? De même que la pleurotomie est devenue presque la règle dans 
le traitement de l'empyème, de même l’incision du péricarde, avec pansement 
et lavage antiseptique, est peut-être appelée à rendre des services dans la suppu- 
ration péricardique. 

Dans ces dernières années l'opération a été faite trois fois, à ma connaissance : 
par Rosenstein en 1881 ; par S. West en 1883; par Partzenski la même année, 
les deux premières fois avec succès (voy. l'indication des cas de paracentèse 
pratiquée depuis 1876). 

Dans le premier cas, la plaie était fermée le dix-neuvième jour; dans le 
second, le trentième jour. Dans le troisième cas, terminé par la mort, le cœur 
était déjà dégénéré quand l'incision fut pratiquée. 

Après l’incision, un drain laissé dans la plaie est destiné à maintenir l'ouver- 
ture pour l'écoulement du pus et à pratiquer des injections désinfectantes ou 
modificatrices. L'avenir dira quelle est l'utilité réelle de la péricardotomie anti- 
septique appliquée de bonne heure, c'est-à-dire avant que le cœur soit dégé- 
néré, au traitement de la péricardite purulente. 

Quels ont été, d'une façon générale, les résultats de la paracentèse du péri- 
carde ? Sur les 46 observations réunies par Maurice Reynaud jusqu’en 1876, il y 
a eu 27 morts et 19 guérisons ; sur les 65 cas réunis par Hindenlang jusqu'en 
1879, il y a eu 44 insuecès et 21 guérisons plus ou moins complètes. D'autre 
part S. West, dans son relevé de 79 cas, indique 36 cas de guérison, 43 cas 
mortels. 

Complétant la statistique de Hindenlang, à partir de 1879, je trouve encore 
17 observations, parmi lesquelles 9 morts et 8 guérisons ; cela fait, sur un chiffre 
total de 82 cas, 29 guérisons, 52 insuccès, c’est-à-dire environ 55 pour 100 de 
guérisons. 

Récemment M. Leech, en Angleterre, a rassemblé 65 observations de paracen- 
tèse pratiquée dans des cas où le péricarde contenait du liquide séreux ; il a 
exclu ceux où l'épanchement s'était produit à la suite du scorbut et ceux dans 
lesquels il s'agissait d'une péricardite suppurée. Parmi ces 65 cas, on trouve 
40 guérisons, 15 améliorations et 22 morts. 

Ajoutons que jamais ou presque jamais la mort n’est imputable à l'opération ; 
le plus souvent elle est due à des complications fatalement mortelles, telles que 
la septicémie, la tuberculose, la pleuro-pneumonie concomitante, ou bien la 
myocardite graisseuse secondaire qu'une intervention plus précoce eùt prévenue: 
peut-être, dans certains cas. 

Pour conclure, je pense que l'épanchement péricardique par lui-même ne 
constitue un danger que lorsqu'il est très-abondant, ou lorsqu'il est purulent. 
Ce danger peut toujours être combattu par la paracentèse. Mais ce qui rend les 
épanchements mortels, ce sont les affections concomitantes, c'est la diathèse 
dont elle dépend, c'est l’altération de la fibre musculaire du cœur qui la suit! 
La paracentèse supprime une des causes de mort de la péricardite, mais elle ne 
supprime pas les autres. 

ADHÉRENCES PÉRICARDIQUES. Dans ce chapitre, nous envisagerons les adhé- 
rences du péricarde au cœur qui constituent, lorsqu'elles sont complètes, la 
symphyse cardiaque, et les adhérences de la face externe du péricarde aux 


PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 51 


organes environnants, qui constituent la péricardite externe ou péricardite 
médiastine. Ces deux ordres de lésions coexistent souvent, ont une étiologie 
commune et, ainsi que nous le verrons, les symptômes attribués au premier 
sont souvent dus au dernier, d'où la nécessité de les réunir dans une 
description commune. 

Hisronique. Les anciens observateurs considéraient la symphyse du cœur 
comme congénitale, liée à une malformation. Lancisi établit peut-être le pre- 
mier sa vraie signification anatomo-pathologique. Vieussens, Lieutaud, Morgagni, 
poursuivirent cette étude anatomique et clinique, mais l'investigation clinique 
resta longtemps à peu près infructueuse ; Morgagni insista sur l'absence du choc 
précordial, qu'il trouva 50 fois sur 45 cas. Tous ces auteurs et avec eux Testa, 
Sénac, Corvisart, signalent comme symptômes principaux des battements irré- 
guliers et tumultueux du cœur, des palpitations, ou un sentiment de tension à 
la région précordiale. Un signe plus certain appartient suivant Kreysig à Heim e 
est décrit par Sanders (Hufeland's Journal der praktischen Heilkunde, 1829). 
C'est un mouvement ondulatoire qui se produirait au niveau des fausses côtes 
et dans la région épigastrique par le retrait systolique de la paroi à ce niveau. 
L'existence de ce signe n'est pas confirmée par Corvisart, Laennec, Bouillaud, 
Piorry. Le symptôme le plus caractéristique, la dépression systolique partielle 
ou généralisée de la région précordiale, a été étudié pour la première fois 
d'une façon sérieuse, par Williams et Sibson, qui attirèrent surtout l'attention 
sur la rétraction de l’espace intercostal correspondant à la pointe; Williams 
signala aussi l'invartabilité de Ja matité précordiale à l'inspiration et à l’expira- 
tion. Les recherches cliniques de Skoda, de Friedreich, d’Aran, de Traube, de 
Kennedy, etc., fournirent de nombreuses données séméiologiques sur les adhé- 
rences péricardiques. 

Ériocoie. La péricardite aiguë ou chronique engendre presque toutes les 
adhérences partielles ou générales du péricarde. Elles peuvent succéder à la 
péricardite sèche, se développant avec peu ou point de symptômes, ou à un 
épanchement séro-fibrineux abondant : c'est quand le liquide se résorbe lente- 
ment et que l’inflammation devient chronique que les adhérences s'organisent. 

Les péricardites, comme nous l'avons vu, et avec elles les adhérences qui en 
sont le reliquat, succèdent aussi souvent à la pleurésie et à la pneumonie. Dans 
ces cas l'inflammation pleuro-pulmonaire peut se propager au médiastin et à la 
paroi externe fibreuse du sac péricardique, constituer ainsi une péricardite 
externe. 

Les maladies du meédiastin (Bouillaud, Ayres), tumeurs cancéreuses et 
autres, les abcès avoisinant le péricarde, peuvent aussi le souder aux organes 
avoisinants; les anévrysmes de la crosse aortique s'accompagnent presque tou- 
jours de péricardite sèche, adhésive, limitée à la base du cœur. 

Quant à la fréquence des adhérences péricardiques, voici quelques chiffres 
donnés par les auteurs: Chambers les signale dans 5 pour 100 des autopsies ; 
Leudet, sur 1003 autopsies, vit 58 fois des adhérences, soit dans 5,7 pour 100; 
55 fois elles étaient partielles et 25 fois générales. Willigk dans 4500 autopsies 
note la symphyse totale 68 fois, c’est-à-dire 1,5 pour 100; la proportion de 
Leudet était de 2,5 pour 100. Gairdner vit 2 à 3 fois sur 100 des adhérences 
étendues; 5 fois sur 400 des adhérences peu étendues. Geist, sur 514 cadavres 
de vieillards de 60 à 95 ans, note 26 fois, c'est-à-dire 5 fois sur 100, des 
adhérences. 


52 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


Ces adhérences se rencontrent à tout âge; Billard et Hueter en ont signalé 
chez des nouveau-nés, reliquat d’une péricardite fœtale ; Bednar en a rencontré 
chez un enfant de trois mois. Rilliet et Barthez, Hope, les ont constatées aussi 
dans la première enfance. E. Cerf, dans sa thèse soutenue à Berlin, relate, dit 
Bauer, 45 autopsies avec symphyse du péricarde, correspondant aux âges 
suivants : 


d 
10 320 ans: o a T SRE a a A A RE 45 
Aa ANS E e 2 à T 0e oo 8 
5 
í 


ANATOMIE PATHOLOGIQUE. Les deux feuillets péricardiques sont unis par des 
fausses membranes molles ou plus ou moins résistantes. Souvent elles s'orga- 
nisent, par suite des mouvements imprimés, en tractus fibreux, d'épaisseur et 
de résistance variable; ces tractus ou brides peuvent être localisés en petit 
nombre à la pointe ou à la base; d'autres fois ils sont nombreux, sur toute 
l'étendue péricardique; ils peuvent cloisonner irrégulièrement la cavité et cir- 
conscrire des loges contenant encore un restant d’épanchement, séreux, géla- 
tiniforme ou hémorrhagique. 

L'adhérence, au lieu de se faire par tractus intermédiaires, est d'autres fois 
intime, dans une étendue plus ou moins grande ; lorsqu'elle est généralisée, il 
y a obsolescence, ou oblitération du péricarde; il y a symphyse cardiaque. 
Tantôt cette poche péricardique double qui est soudée au cœur peut être isolée 
facilement par énucléation ; tantôt, au contraire, la soudure est si intime qu'on 
ne peut dissocier l'organe de son enveloppe. 

Celle-ci est plus ou moins épaisse; le feuillet viscéral l’est plus que le pariétal ; 
elle peut constituer une coque calleuse uniforme, d'aspect cartilagineux, empri- 
sonnant le cœur, comme dans un cas de Laennec ; des masses d'exsudat épaissi, 
du pus crémeux ou infiltré de sels calcaires, des masses calcaires irrégulières, 
peuvent être enkystés dans son épaisseur. Des plaques d'apparence osseuse, 
qui ne sont constituées que par du tissu fibreux calcifié, plaques de dimensions 
ou de configuration variable, tantôt arrondies, tantôt ramifiées, siégent sur le 
péricarde, surtout sur le feuillet viscéral ; on a vu toute l'enveloppe être trans- 
formée en masse calcaire. Chambers, sur 85 cas d’adhérences cardiaques, à 
noté 5 fois des dépôts ; Bouillaud a vu une concrétion calcaire perforer le péri- 
carde à la pointe du cœur. 

Les lésions de la face externe du sac fibreux péricardique ont déjà été signalées 
par Dezeimeris et par Gendrin sous le nom de fibro-péricardite. Elles s'associent 
habituellement à des inflammations adhésives dans le tissu cellulaire du 
médiastin, dans la plèvre péricardique, et dans le revêtement pleural de la 
languctte marginale antérieure du poumon gauche. Suivant la localisation 
spéciale du processus, on l'appelle péricardite externe, médiastino-péricardite 
(Griesinger), pleuro-pericardite. 

Ces lésions, qui déterminent des adhérences filamenteuses ou intimes entre 
le péricarde et les tissus avoisinants, sont consécutives à la péricardite interne, 
ou aux inflammations primitives des plèvres, du médiastin, et des organes qu'ils 
contiennent. Dans la pleurésie, dans l'aortite aiguë, on a vu se constituer autour 
du péricarde de la base du cœur un tissu lardacé englobant surtout l'origine des 


PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 53 


gros vaisseaux. Des brides fibreuses unissent d’autres fois le péricarde au sternum 
et aux parois costales, ou bien tout le tissu cellulaire rétro-sternal est induré, 
fusionné avec le péricarde en une masse scléreuse à laquelle plèvres et poumons 
sont souvent soudés. La face postérieure du péricarde offre en général des alté- 
rations moindres ; des brides fibreuses la fixent aux organes contenus dans le 
médiastin postérieur, à l'æsophage, à l'aorte, à la colonne vertébrale. Enfin une 
adhérence intime et étendue peut s'établir avec le diaphragme. On sait que 
normalement la face inférieure du péricarde est soudée par son bord antérieur 
seulement avec le muscle diaphragmatique, tandis que toute son étendue posté- 
rieure est facile à détacher du centre aponévrotique dont elle est séparée par un 
tissu cellulaire lâche. 

Ces adhérences solides externes et internes du péricarde mettent en général 
un temps assez long à se constituer. Cependant Bauer cite un cas observé à 
l'hôpital de Vienne, dans lequel la rétraction systolique commença à se mani- 
fester après huit jours de maladie, et à l'autopsie on trouva des adhérences toutes 
récentes entre la pointe du cœur et le péricarde. Il relate aussi une observation 
Q'E. Cerf qui aurait constaté des symptômes d'adhérences au bout de neuf jours. 

Influence des adhérences péricardiques sur le cœur. Suivant Beau, le 
résultat presque constant de la symphyse cardiaque serait l'hypertrophie avec 
dilatation du cœur. Basant son opinion sur 48 observalions, il pense que la 
dilatation a lieu par le mécanisme suivant : le liquide se résorbant graduel- 
lement, la paroi du cœur est attirée par les adhérences péricardiques, rem- 
plissant le vide que la résorption tend à produire; d'autre part, le cœur n’étant 
plus comprimé, le liquide afflue dans ses cavités et les distend ; l’hypertrophie 
compensatrice s'ajoute à la dilatation. Cruveilhier combattit cette théorie par 
des observations de dilatation avec hypertrophie dans des cas de péricardite sèche, 
par conséquent sans tendance au vide dans la cavilé séreuse. Enfin, on cite des 
faits où le cœur est atrophié. Comme Bouillaud, Hope admet que la dilatation 
est à peu près constante; elie s'accompagne presque toujours, mais pas toujours, 
d'hypertrophie. Stokes la trouve fréquente, mais signale aussi l’atrophie. 
Gairdner, moins exclusif, ne vit le cœur altéré que dans le tiers des cas dans 
15 péricardites ; il ne l'est pas habituellement, si les adhérences sont lâches 
ou localisées. Duchek, Friedreich et d’autres, constatent l'hypertrophie consécu- 
tive : elle peut être accidentelle, elle a pu préexister aux adhérences, elle peut 
être due à des lésions valvulaires concomitantes. La question semble élucidée 
d'une façon plus précise par les chiffres suivants de Kennedy : sur 90 cas d'adhé- 
rences, il constate le cœur sain 24 fois, malade 56 fois. Hypertrophie et dila- 
tation 25 fois, atrophie 5 fois. 

Ainsi le cœur peut être normal dans plus du tiers des cas; c'est quand les 
adhérences sont peu nombreuses et ne gênent pas le fonctionnement de l'organe, 
quand le myocarde n'a pas été affecté par la phlegmasie, que la musculature 
cardiaque reste indemne. Quand, au contraire, le myocarde est intéressé, dans 
les péricardites aiguës, il peut dégénérer de bonne heure ; les fibres musculaires 
s'infiltrent de granulations protéiques et graisseuses, avec ou sans prolifération 
du périmysium; une myocardile graisseuse ou interstitielle chronique se 
produit. Cette dégénérescence peut être tardive et succéder à la symphyse 
cardiaque, soit par l'hyperplasie connective propagée au muscle, soit par coni- 
pression du muscle et des vaisseaux cardiaques emprisonnés dans une coque 
fibreuse épaisse. Dans ce dernier cas le cœur dégénéré peut s'atrophier, il n'est 


54 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


plus susceptible de se dilater. L’anémie générale par cachexie dénutritive de 
l'organisme, diminuant la masse totale du sang, peut aussi favoriser la rétraction 
du cœur, ou du moins empêcher la dilatation de ses cavités. D’autres fois le cœur 
ramolli par là myocardite ne dégénère pas complétement, ne s’atrophie pas, 
mais se laisse distendre, avant qu'il soit étranglé par la symphyse, et, si le 
muscle cardiaque est apte à se régénérer, il lutte contre la masse du sang qui 
l'encombre, en redoublant de force contractile ; il s’hypertrophie consécutivement. 
Dans 27,7 pour 100 des cas, c'est l'hypertrophie excentrique que l'on constate. 
Ajoutons que cette hypertrophie n’a pas pour précédent obligé la dégénérescence 
de la fibre musculaire. Je crois au contraire qu'elle se produit d'emblée, plus 
souvent, dans les péricardites adhésives qui ménagent le cœur. 

Comme je l'ai établi dans mes leçons cliniques, l'hypertrophie est la résul- 
tante commune de toutes les affections qui gênent le fonctionnement de 
l'organe, de toutes les résistances qui augmentent le travail imposé au cœur. 
Que cette résistance existe dans l'arbre circulatoire (athérome, néphrite intersti- 
tielle, emphysème), qu’elle existe dans le cœur lui-même (obstacle valvulaire), 
qu'elle existe dans ses centres nerveux (palpitations nerveuses), qu'elle existe dans 
l'enveloppe du cœur (résistance accrue par adhérences péricardiques), dans tous 
ces cas, le cœur est sollicité à se contracter plus énergiquement pour surmonter 
l'obstacle, et la suractivité fonctionnelle entraîne l’hypertrophie excentrique. La 
dégénérescence musculaire précoce me paraît plutôt de nature à entrainer 
l’atrophie du cœur. 

Symptômes. « L'adhérence du péricarde au cœur, dit Laennec, a été 
regardée par divers auteurs comme la cause de plusieurs accidents graves. 
Lancisi et Vieussens pensent qu'elle produit constamment des palpitations; 
Meckel, qu'elle rend le pouls habituellement petit; Sénac, qu’elle détermine 
des syncopes fréquentes. Corvisart lui-même est tombé à cet égard dans plusieurs 
erreurs. Il ne pense pas qu’on puisse vivre et vivre sain avec une adhérence 
complète et immédiate du cœur au péricarde ou des poumons à la plèvre. Je 
puis assurer que J'ai ouvert un grand nombre des sujets qui ne s'étaient jamais 
plaints d'aucun trouble, et qui n’en avaient présenté aucun signe dans leur 
maladie mortelle, quoiqu'il y eùt adhérence intime et totale des poumons ou 
du cœur ; et pour ce qui regarde ce dernier organe en particulier, je suis très- 
porté à croire, d'après le nombre de cas de ce genre que j'ai rencontrés, que 
l'adhérence du cœur au péricarde ne trouble souvent en rien l'exercice de ses 
fonctions ». 

Tous les cliniciens ont confirmé l'opinion de Laennec. Souvent l’adhérence 
cardiaque ne donne lieu à aucun symptôme. Cette absence de symptômes peut 
coexister avec une symphyse complète du cœur, tandis que des adhérences 
partielles donnent lieu parfois à des troubles fonctionnels. Ce n’est pas l'étendue 
des adhérences qui commande les symptômes : c'est la gêne qui en résulte pour 
la contraction et la mobilité de l'organe; et l’on comprend qu'un cœur sain 
soudé au péricarde puisse se contracter et se mouvoir normalement, alors qu'au 
contraire telle bride fibreuse résistante peut immobiliser l'organe ou entraver ses 
contractions. 

D'autres fois les adhérences péricardiques s’accompagnent de troubles fonc- 
tionnels nombreux, mais qui n'ont rien de caractéristique. Ce sont les symptômes 
plus ou moins accentués de l'insuffisance cardiaque : choc du cœur faible ou 
nul, bruits du cœur affaiblis; pouls petit, accéléré, inégal, irrégulier; cyanose, 


PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 29 


stase dans les veines jugulaires, congestion passive des poumons, dyspnée au 
moindre effort, ou même au repos; urines cardiaques, denses, foncées, rares, 
troubles ; palpitations, angoisse, état syncopal, œdème, hydropisie, cachexie 
cardiaque, infarctus, etc. Tout le tableau, en un mot, de l'asystolie cardiaque, 
se déroule, soit d’une façon continue et progressive, soit d’une façon intermit- 
tente, jusqu'à la mort. Les symptômes moins intenses peuvent s'amender. Tous 
ces troubles sont moins liés d’ailleurs à la synéchie péricardique qu'à l'alté- 
ration du muscle ou à l'endocardite concomitante. Si le muscle ne dégénère pas 
ou s'il régénère, une hypertrophie du cœur peut se développer et évoluer avec 
peu de symptômes, d’autres fois au contraire avec des symptômes d’asystolie 
passagers ou continus. Un certain nombre de signes physiques peuvent seuls 
accuser la gêne que subit la locomotion du cœur. Les principaux sont : l’inva- 
riabilité de la matité précordiale, l'absence de choc ou bien le choc diastolique 
et la dépression systolique des espaces intercostaux gauches, le gonflement diasto- 
lique des veines jugulaires. 

Passons maintenant à l'étude analytique des divers symptômes. 

Analyse des symptômes. Les plus importants sont fournis par l'inspection, 
mais aucun n'est constant; la symphyse cardiaque peut être dépourvue de 
signes physiques, comme de symptômes subjectifs. 

Rarement on observe une dépression permanente de la paroi thoracique, au 
niveau de la région péricordiale, analogue à celle qui se produit à la suite de la 
pleurésie chronique. Cette dépression, signalée par quelques anciens observateurs, 
étudiée par Bouillaud, exige pour se produire des adhérences péricardiques 
externes, entre le péricarde et la paroi thoracique ; elle exige de plus que la 
languette pulmonaire antérieure ne puisse s’interposer entre le cœur et les 
côtes, adhérente elle-même par oblitération du cul-de-sac pleural antérieur. 

Le choc du cœur, recherché par l'inspection et la palpation, peut être percep- 
tible; les palpitations auxquelles les anciens observateurs attachaient tant d'im- 
portance n'existent que dans la minorité des cas, dues à l’hypertrophie compen- 
satrice du cœur. Le plus souvent, l'organe étant gêné dans sa contractilité et 
entravé dans ses mouvements, le choc est affaibli ou absent; ce trouble fonc- 
tionnel n'implique nullement par lui-même l'idée d'adhérences péricardiques : 
la dégénérescence du muscle cardiaque peut aussi bien le produire. Skoda observa 
un choc systolique à la base de la région précordiale ; Potain, dans une observa- 
tion communiquée à la Société anatomique en 1856, constata un choc à la base 
du cœur, au second temps, diastolique, visible. Ce choc s’accompagnait de dédou- 
blement du second bruit. Il explique ces deux phénomènes par l'impulsion dias- 
tolique de la base due au choc du sang aspiré dans un cœur dilaté et fixé par 
des adhérences; le bruit du deuxième temps coïncide avec ce choc et en est 
l'expression sonore. 

Lorsque le choc de la pointe est perceptible, il peut se distinguer par ce carac- 
tère qu'il ne varie pas de place, comme normalement, par le changement 
d’attitude, par exemple, dans le décubitus latéral gauche; mais ceci n'arrive que 
si le péricarde est adhérent à la paroi antérieure du thorax. Dans ce cas aussi, 
lorsque le poumon ne vient plus recouvrir le cœur à l'inspiration, on constaterait, 
d'après Williams, à la palpation, que les mouvements cardiaques ne changent 
pas de place et ne s'éloignent pas de la main pendant l'inspiration et l'expira- 
tion. Riegel a noté l’affaiblissement du choc produit par l'expiration, contrai- 
rement à ce qui se passe à l'état normal, dans un cas où l'autopsie montra des 


96 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


tractus fibreux entre le poumon et le péricarde. Grâce à la dilatation respiratoire 
du poumon, ce tractus se relâchait et permettait au cœur de se rapprocher de 
la paroi thoracique, tandis que le retrait expiratoire du poumon le tendait, 
éloignant ainsi le cœur de la paroi. Ce symptôme, toutefois, ne suffit pas à 
établir le diagnostic d’une pareille lésion anatomique; il n’acquiert de valeur 
que s'il est établi que cette modification du choc ne préexistait pas, ou si elle x 
été précédée de frottements pleurétiques ou pleuro-péricardiques. Ajoutons enfin, 
d'après Williams, que, quand l’adhérence péricardique entrave l'abaissement du 
diaphragme, on peut observer que la voussure inspiratrice qui se produit sous 
le rebord costal est moindre à gauche qu’à droite. 

J'arrive à un signe plus important, celui qui a le plus exercé l'attention des 
auteurs : la dépression systolique de la région péricordiale à la place du choc 
absent. Cette dépression peut être localisée à l'espace intercostal correspondant 
à la pointe du cœur (Williams et Sibson); elle peut se localiser à la partie infé- 
rieure du sternum (Skoda); elle peut occuper toute la région péricordiale. 
Quelle est la signification réelle de ce signe ? 

Remarquons d'abord, avec Bauer, qu'il n’acquiert une certaine valeur dia- 
gnostique que lorsque la dépression est limitée à la région de la pointe du 
cœur, ou qu'elle s'étend en même temps à la partie inférieure du sternum et 
aux côtes atlenantes. On peut observer, sans adhérences péricardiques internes 
ni externes, une dépression systolique, dans un ou plusieurs espaces inter- 
costaux au-dessus de la pointe du cœur, avec persistance du choc précordial ; 
cela arrive quand, pour une raison quelconque, le poumon adhérent ou induré, 
par exemple, ne peut remplir le vide laissé au devant du cœur par sa contraction 
systolique. 

Quoi qu'il en soit, la vraie dépression systolique de la pointe du cœur et de Ja 
région sterno-costale inférieure, seule significative, ne se produirait, suivant 
Skoda, dont l'opinion est partagée par Oppolzer, Cejka, Körner, et d’autres, 
qu’à la faveur d’adhérences du péricarde à la paroi thoracique coexistant avec 
la symphyse cardiaque. 

Cette opinion a été combattue d'abord par Traube; il observa la rétraction 
systolique précordiale dans deux cas où il n’y avait pas d’adhérences péricar- 
diques externes. Dans le premier, une seule bride reliait le cœur au péricarde. 
Dans le second, il n'existait aucune adhérence interne ni externe, mais un 
simple pli rigide anormal longeant la face postérieure du péricarde commençant 
vers l'origine de l'artère pulmonaire, descendant le long de l'oreillette gauche 
jusque vers le sillon transverse. Ce pli péricardique formant bride entravait le 
mouvement systolique du ventricule en avant et en bas. 

Bahr a observé un fait à la clinique de Traube, dans lequel, malgré le retrait 
systolique à la pointe du cœur, cet organe se trouva complétement exempt de 
toute adhérence. Friedreich a vu, dans un cas de rétrécissement considérable de 
l'orifice aortique avec hypertrophie considérable du ventricule gauche, une 
dépression systolique très-nette, bien que le péricarde fût entièrement libre. La 
quantité faible de sang pénétrant dans l'aorte ne suffisait pas à produire 
l'extension de l'arc aortique avec assez d'intensité et de force pour communiquer 
au cœur hypertrophié le choc en retour, se traduisant par un mouvement à 
gauche et en bas. 

On voit donc que diverses circonstances anatomo-pathologiques peuvent 
réaliser le phénomène de la dépression systolique plus ou moins accentué. Ni la 


PÉRICARDE (rATHOLOGIE). 57 


péricardite externe, ni même la péricardite interne avec adhérences, ne sont 
absolument nécessaires. 

A l’état normal, le soulèvement de la région précordiale est produit par le 
mouvement systolique du cœur; tandis que sa pointe s’incurve fortement 
en avant, la base subit un mouvement d’abaissement prononcé, et cela d'au- 
tant plus que la systole succède à une diastole plus accentuée. Le vide pro- 
duit par le déplacement du cœur et la diminution de son diamètre transversal 
est rempli par la languette antérieure du poumon gauche. Nous avons vu 
que, lorsque celle-ci, fixée par des adhérences pleurétiques, ne peut être 
aspirée par la systole, une dépression systolique, fausse dépression, peut avoir 
lieu dans plusieurs espaces intercostaux sous l'influence de la pression atmo- 
sphérique. 

Une condition nécessaire au retrait systolique, c'est que le cœur se contracte 
avec une force suffisante, de sorte que ce symptôme par lui-même est plutôt 
favorable, en ce sens qu'il indique l'intégrité relative de la musculature. Celle-ci 
est-elle affaiblie organiquement ou dynamiquement, la contraction et la loco- 
motion du cœur atténuées ne commandent plus la rétraction aspiratrice du 
thorax, quelques nombreuses et favorablement disposées que soient les adhé- 
rences pour la réaliser ; Skoda la vit manquer, alors que le péricarde était fixé 
au rachis, au thorax et au diaphragme. 

Riegel, dans un travail remarquable (Die Diagnose der pericardialverwach- 
sung, in Volkmann's Sammlung klinischer Vorträge. Leipzig, 1879), insiste 
surtout sur le siége des adhérences comme cause du retrait systolique. Si 
l'adhérence du cœur au péricarde est complète, partout égale, pas trop intime, 
la contractilité du cœur peut être affaiblie ; elle l’est également à la pointe et à 
la base, le travail total de l'organe est amoindri; mais son raccourcissement 
systolique et son mode de locomotion peuvent ne pas être altérés: Aussi pareille 
symphyse est-elle parfois exempte de symptôme, exempte de dépression thora- 
cique. 

L'adhérence est-elle limitée ou prédominante à la base du cœur, à la région 
des gros vaisseaux jusqu'à la réflexion du péricarde, il en est autrement. L’'ex- 
tension de ces vaisseaux étant entravée, si les adhérences sont fortes et résistantes, 
la base du cœur ne subit pas ou subit moins son mouvement de descente, et 
par compensation il se produit un retrait plus marqué de la pointe, si celle-ci 
est libre,' ou ne présente que des adhérences lâches. De là résulte soit une 
absence de choc, soit une dépression systolique. Celle-ci aura lieu forcément, 
si de plus le péricarde fixé à la plèvre costale empêche absolument l'abaissement 
du cœur et nécessite le retrait de la pointe. 

L’adhérence du péricarde au cœur est-elle au contraire localisée au sommet 
du cœur, elle peut ne pas empêcher le mouvement de la base en bas, ni l'incur- 
vation de la pointe en avant, celle-ci étant libre, non fixée à la paroi ; la dépression 
systolique n’a pas lieu. 

Si les adhérences du péricarde au cœur peuvent, suivant leur localisation, 
déterminer seules le phénomène dont nous parlons, les adhérences extra-péri- 
cardiques interviennent d'une façon plus active. Ici aussi les conditions de siége 
jouent un rôle prépondérant. 

Le péricarde soudé au cœur est-il adhérent en même temps à la paroi thora- 
cique antérieure, ces adhérences sont-elles partout uniformes, sans être trop 
intimes, alors la locomotion du cœur sera normale, mais affaiblie. La systole 


58 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


cardiaque sera peu intense, le choc peu ou point perceptible, mais sans 
rétraction systolique. 

Si au contraire l’adhérence péricardio-costale est prédominante ou limitée à 
la base des ventricules, celle-ci sera entravée dans son mouvement; la pointe 
seule mobile se rétractera et donnera lieu à une dépression systolique, quel- 
quefois très-étendue, à son niveau. 

L'adhérence extra-péricardique est-elle limitée ou prédominante au sommet, 
celui-ci fixé ne peut subir son mouvement de retrait. Le choc du cœur sera 
faible ou nul, mais sans dépression systolique. 

La pression atmosphérique n'intervient pas seule comme agent de cette 
rétraction. Le cœur, solidement fixé avec son péricarde adhérent, peut en se 
contractant exercer une traction directe plus ou moins énergique sur la paroi 
thoracique. Aussi, lorsque le péricarde est solidement soudé aux côles el au 
rachis, le cœur incapable de se déplacer pendant la systole attire fortement les 
espaces intercostaux : la rétraction s'étend à toute la région précordiale, et à la 
partie inférieure du sternum; les cartilages costaux mêmes peuvent être infléchis. 
Ajoutons que le déplacement du cœur, ou la torsion sur son axe, déterminés 
par les adhérences qui l'enserrent, sont de nature à favoriser encore la rétraction 
systolique. Ce phénomène n’a lieu toutefois que si le muscle cardiaque a 
conservé sa force de contractilité ; au cas contraire, on ne constate que l'absence 
du choc précordial. 

Ces fortes rétractions de toute la région du cœur, des côtes et du sternum, 
peuvent d’ailleurs se produire, comme Friedreich l’a montré, sans que le péri- 
carde soit relié à la paroi thoracique ou à la colonne vertébrale. « Par contre, 
dit cet auteur, il est toujours nécessaire, pour que ce phénomène se produise, 
qu'il y ait des adhérences solides et intimes de la face inférieure du cœur avec 
le diaphragme; alors le cœur, se raccourcissant dans son axe longitudinal 
pendant la systole, tire fortement la convexité du diaphragme en haut, et ses 
insertions à la paroi thoracique inférieure en dedans; celle-ci est obligée de 
suivre ce mouvement et se déprime ». Toutefois chez le vieillard, d’après Bauer 
et Weiss, le cœur est souveut soudé au diaphragme sans déterminer de rétraction 
thoracique. Cette condition ne suffit donc pas à réaliser le phénomène. Peut-être 
faut-il de plus, comme le pense Riegel, un changement dans la situation ou une 
torsion du cœur qui empêche le choc de la pointe. 

Outre la dépression systolique, Friedreich a observé, dans deux cas, un choc 
diastolique de la pointe dù au retour de la paroi thoracique par son élasticité 
à sa position première. Ce mouvement peut avoir lieu par un saut brusque, 
assez énergique pour soulever la main qui palpe ou la tête qui ausculte. Ce choc 
peut s'accompagner à l’auscultation d'un bruit sourd, résultant des vibrations 
de la paroi thoracique, bruit qui suit immédiatement le deuxième bruit du 
cœur; celui-ci paraît ainsi dédoublé. Rappelons que Potain avait déjà noté ce 
dédoublement avec un choc diastolique de la base du cœur. 

Un troisième signe fourni par l'inspection indiqué par Skoda et Cejka a été 
étudié surtout par Friedreich : c’est l’affaiblissement diastolique des veines du 
cou : à chaque systole, elles se remplissent; à chaque diastole, elles se vident et 
s’effacent quelquefois brusquement. On voit même les fosses sus-claviculaires 
s'excaver rapidement. Cet affaissement veineux alterne avec le pouls carotidien. 
Von Dusch a même observé deux affaissements consécutifs constituant un dicro- 
tisme veineux. Voici, d’après Friedreich, l'explication de ce phénomène : Le 


PERICARDE (PATHOLOGIE). 59 


thorax rétréci par la dépression systolique entrave la déplétion des veines 
du cou vers le cœur. La cessation subite de cette pression intra-thoracique par 
le retour diastolique brusque de la paroi favorise, comme une inspiration pro- 
fonde, le cours du sang dans ces veines. De plus, le diaphragme rapidement 
abaissé par le retour des côtes et de la partie inférieure du sternum entraine le 
cœur soudé à lui, d'où résulte une diastole plus rapide et plus énergique ; 
en même temps l'allongement, par abaissement du cœur, de la veine cave 
supérieure, contribue à accélérer la déplétion des veines jugulaires. Quant au 
dicrotisme veineux, il s'expliquerait par l'effet successif de la diastole auri- 
culaire et de la diastole ventriculaire. 

Tels sont les signes fournis par l'inspection. On voit qu'aucun n'est abso- 
lument caractéristique, aucun n’est constant. Leur interprétation est complexe 
et difficile. Mais leur appréciation relative fournira des données importantes qui 
serviront à élucider leur diagnostic. 

La percussion permet d'étudier la matité de la région précordiale. Celle-ci 
peut être normale ou même diminuée, si le cœur est atrophié ou recouvert par 
les poumons soudés au devant du péricarde. Plus souvent la matité absolue est 
agrandie par l’hypertrophie du cœur et l’épaississement de son enveloppe, 
dégagée des bords pulmonaires rétractés. Si ceux-ci sont mobiles, ils s'in- 
sinuent au devant du cœur pendant l'inspiration et rétrécissent alors, comme à 
l'état normal, le champ de la matité pulmonaire. Si le péricarde est adhérent 
à la paroi thoracique, la matité reste invariable pendant les mouvements inspi- 
raloires et expiraloires (Cejka). Ce symptôme n’est pas toutefois lié exclusi- 
vement à cette cause; il peut être dû aussi à l’immobilité des bords pulmo- 
naires, soit par adhérence de la plèvre péricardique à la plèvre pulmonaire, soit 
par adhérence des bords pulmonaires à la plèvre costale, soit par gonflement 
emphysémateux ou induration chronique des languettes marginales. Si l'on 
constate, en même temps que l’invariabilité de la matité précordiale, l'immobilité 
de la pointe, l’absence de son déplacement par le changement d’attitude du 
malade, on aura plus de raisons pour affirmer l’adhérence péricardique. 

L'auscultation fournit moins de signes certains que l'inspection. L'irrégularité 
des bruits du cœur est loin d’être constante; elle appartient à toutes les affections 
cardiaques. L’affaiblissement des bruits lié à une diminution de la systole 
existe surtout lorsque le myocarde est dégénéré. Aran attachait une grande 
importance à l'affaiblissement, pouvant aller jusqu’à l'extinction, des bruits du 

cœur; les auteurs plus récents n’ont pas confirmé l'existence de ce symptôme. 
Nous avons signalé déjà le dédoublement du second bruit observé par Potain et 
par Friedreich, différemment interprété par eux. 

Betz a entendu le long du bord gauche du sternum un bruit systolique qu'il 
crut être un frottement péricardique. Il est possible, en effet, que des tractus 
fibreux entre le cœur et le péricarde, ou bien entre le péricarde soudé au cœur 
et les organes avoisinants, engendrent pendant la contraction du viscère un frotte- 
ment systolique. Enfin des souffles systoliques ou diastoliques peuvent être 
perçus, soit dus à des myocardites valvulaires concomitantes, soit dus à des 
conditions purement dynamiques de tension ou de vitesse sanguine. On a trop 
de tendance, suivant moi, à rapporter, dans les maladies du cœur en général, 
tout souffle à un obstacle d’orifice. Rien n’est plus fréquent que les souffles dans 
l'hypertrophie simple du cœur sans lésions valvulaires, mais ce n'est pas ici le 
lieu d'aborder cette question incidente. 


60 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


Le pouls ne présente pas de caractères tranchés dans les adhérences péricar- 
diques: tantôt ample et normal, tantôt faible et petit, régulier ou irrégulier, il 
dénote plutôt la force contractile du cœur et a plus de valeur pronostique que 
diagnostique. On a cependant attaché une certaine importance à une anomalie 
spéciale du pouls, qu'on a appelée pouls paradoxal. En 1854, Griesinger avait 
déjà constaté, dans un cas de péricardite adhésive avec médiastinite, l'absence 
du pouls pendant l'inspiration. En 1875, Kussmaul a plus spécialement appelé 
l'attention sur ce phénomène, diminution ou disparition du pouls pendant 
l'inspiration, qu'il a rencontré dans trois cas de médiastino-péricardite calleuse ; 
dans un de ces cas, il vit en même temps un gonflement des veines jugulaires 
droites pendant l'inspiration. 

La cause de ces phénomènes serait due, suivant Kussmaul, à l’adhérence du 
péricarde au sternum et à de fortes brides calleuses allant du péricarde à 
l'aorte et enserrant l'arc aortique. A chaque inspiration le péricarde, suivant le 
sternum dans son excursion en avant, tire sur la bride calleuse qui enserre 
l'aorte et la rétrécit, d'où diminution ou arrèt de l’ondée pulsatile, tandis que 
pendant l'expiration, le péricarde revenant en place, la bride se détend et laisse 
l'aorte plus libre; l'ondée pulsatile reparaît. Si la bride fibreuse s'étend à la 
veine cave, celle-ci pourra par le même mécanisme être étranglée pendant l'inspi- 
ration, d'où stase et gonflement dans la jugulaire. 

L’explication de Kussmaul peut s'adapter à certains cas, mais le pouls 
paradoxal s’est rencontré alors que les circonstances anatomiques invoquées 
par cet observateur faisaient défaut. Traube, Bäumler, lont trouvé dans 
des cas de péricardite avec épanchement sans médiaslinite; ces cas se dis- 
tinguèrent de ceux de Kussmaul par l'absence du gonflement des jugulaires 
et par l'affablissement des bruits du cœur à l'inspiration. Traube explique 
le phénomène dans son observation par l'épaississement considérable du péri- 
carde. La traction produite par le diaphragme pendant l'inspiration sur ce 
péricarde rigide entraverait la systole cardiaque, surtout si le cœur est af- 
faibli. 

Mais ce mécanisme, s'il est avéré, n'est pas plus constant que celui de 
Kussmaul. L'épaississement du sac péricardique faisait défaut dans le cas de 
Bäumler et dans un cas de Bauer. 

Graeffner a trouvé le pouls paradoxal dans un cas de péricardite purulente 
avec pneumonie double; il y avait adhérence du péricarde aux plèvres, et bandes 
fibreuses allant du péricarde vers la courbure de l'aorte. La traction inspiratrice 
sur le péricarde se continuait sur ces bandes fibreuses et déterminait une 
inflexion de l'aorte avec une diminution de son calibre. C'est encore le méca- 
nisme invoqué par Kussmaul. 

Mais ce même pouls paradoxal a pu être constaté dans un épanchement 
pleurétique intense, sans aucune lésion péricardique; il a pu être constaté 
normalement. Chez certaines personnes, une inspiration profonde prolongée fait 
cesser le pouls, car on sait que l'inspiration diminuant la pression intra-thora- 
cique, aspirant pour ainsi dire le sang des vaisseaux extra-thoraciques, fait 
obstacle à la pénétration du sang dans l'aorte. Si la systole cardiaque est déjà 
affaiblie, si l'entrée de l'air dans les poumons est gènée par une affection 
broncho-pulmonaire, alors, cette pression négative sur le cœur étant particuliè- 
rement accrue, l'aorte se remplit difficilement et le pouls peut ne pas être 
perceptible à l'inspiration. Riegel et Sommerbrodt ont d'ailleurs montré que 


PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 61 


normalement déjà le tracé sphygmographique du pouls diminue un peu 
d'amplitude pendant les fortes inspirations. 

Des considérations qui précèdent il résulte que le pouls paradoxal de Kussmaul 
n'a pas la signification caractéristique que cet auteur lui attribuait. C'est cepen- 
dant un signe dont le clinicien doit tenir compte; il doit rechercher dans chaque 
cas s’il est dù au rétrécissement de la lumière arotique par rétraction d’une 
bride péricardique, ou s'il n'est dù qu'à l'accroissement de la pression négative 
intra-thoracique sur le cœur. Dans le premier cas, le choc et les bruits du cœur 
peuvent ne pas être modifiés par l'acte inspiratoire; le pouls artériel seul subit 
son influence. Dans le second, le choc et les bruits du cœur sont affaiblis en 
même temps que l'ondée artérielle diminue. Enfin le gonflement inspiratoire 
concomitant des veines jugulaires donne un élément de plus au diagnostic. Tels 
sont les symptômes principaux que comporte la péricardite adhésive interne et 
externe. Les rechercher avec soin, les interpréter, les utiliser pour le diagnostic, 
telle est l'œuvre du clinicien. 

Dragnosnic. Lorsqu'ils font défaut, et cela est souvent le cas, le diagnostic 
est impossible. La symphyse cardiaque peut être latente, aussi bien que la 
péricardite qui lui a donné naissance. Si l’on a assisté au développement de 
celle-ci ou si les anamnestiques indiquent qu'elle a existé, si, l'épanchement 
étant résorbé, quelques troubles cardiaques survivent, tels qu'un peu d'oppres- 
sion, irrégularité du pouls, palpitations, etc., on peut supposer, mais non 
diagnostiquer à coup sûr, des adhérences péricardiques. 

Les signes physiques eux-mêmes, nous l'avons vu, n'ont pas de valeur 
pathognomonique. La matité accrue du cœur se rencontre dans l'hypertrophie 
simple; elle peut manquer dans la symphyse cardiaque même avec hypertro- 
phie, si les bords pulmonaires antérieurs ne sont pas immobilisés par des 
adhérences. L'invariabilité de la matité précordiale pendant les mouvements 
inspiratoires et les changements d’attitude du corps peut être due aussi, lorsqu'elle 
existe, à cette dernière cause. La faiblesse ou l'absence du choc précordial est 
commune à toutes les maladies asystoliques du cœur. La dépression systolique 
intense n'est pas davantage caractéristique ; lorsqu'elle est étendue à la région 
sterno-costale inférieure, qu’elle est suivie de choc diastolique et d'affaissement 
diastolique des veines du cou, alors seulement elle acquiert une vraie significa- 
tion. Nous avons vu enfin que le pouls paradoxal, sans être caractéristique, peut 
fournir des indications utiles. Mais, je le répète, ces signes sont absents dans 
le plus grand nombre des cas de symphyse cardiaque. 

Marcare Er pronostic. La marche et l’évolution des accidents varient suivant 
‘étendue et le siége des adhérences, suivant surtout l’état de la musculature 
eardiaque. Celle-ci est-elle intacte, les adhérences sont-elles légères ou disposées 
de façon à ne pas entraver la contraction et la locomotion du cœur, alors la 
lésion survivant à la péricardite sera inoffensive; aucun symptôme, aucun 
trouble fonctionnel ne se manifeste. Le cœur n'est-il que médiocrement gêné 
dans son fonctionnement, alors la marche de la maladie sera lente; quelques 
symptômes passagers ou continus, tels que palpitations, oppression, irrégularité 
du pouls, traduiront pendant des mois ou des années l’entrave apportée au 
cœur. 

D’autres fois c’est l'hypertrophie du cœur avec ses symptômes qui domine la 
scène, tantôt compatible avec une existence prolongée; par intervalle, à la suite 
d'efforts ou d'émotions, troubles asystoliques plus ou moins accentués; tantôt 


62 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


l'équilibre hémodynamique est rompu : l'asystolie, d’abord intermittente, devient 
continue; tout le cercle de l'insuffisance cardiaque se développe. 

Telle est surtout la marche, si le cœur est atrophié sous la cuirasse fibreuse 
qui l'enserre ou si le myocarde est dégénéré. Alors le pouls reste petit, dépres- 
sible, souvent accéléré, le choc faible ou nul : l'anxiété cardiaque, la stase de la 
petite et de la grande circulation, la cyanose, se manifestent; la mort peut être 
subite par syncope ou succéder rapidement à la cachexie cardiaque. | 

Le pronostic dépend surtout de l'état fonctionnel du cœur. Un pouls ample 
et régulier, des urines abondantes et peu denses, l'absence d'oppression et de 
stase passive pulmonaire, indiquent que la lésion est compatible avec un fonc- 
tionnement normal du cœur. Nous avons vu que la rétraction systolique tho- 
racique n’est pas, à elle seule, un signe défavorable; elle indique que le cœur 
se meut et se contracte encore avec une certaine activité. La petitesse du pouls, 
la faiblesse du choc, les stases pulmonaires, les urines cardiaques, accusent 
l'asystolie : la permanence de ces symptômes, leur résistance à la digitale, an- 
noncent que cette asystolie est liée à une lésion qui les entretient, souvent à une 
dégénérescence musculaire; alors le pronostic est fatal, dans un délai en général 
assez Court. 

TRAITEMENT. Aucun agent thérapeutique ne peut favoriser la résorption des 
adhérences constituées. Le traitement sera symptomatique. Éloigner du malade 
toute émotion morale, toute fatigue physique qui peut retentir sur l'innervation 
cardiaque, restaurer et tonifier l'organisme pour prévenir la dégénérescence, 
combattre l'asystolie par la digitale, si l'état organique du muscle le permet, 
lutter contre les complications pulmonaires, stases veineuses, œdème, par les 
diurétiques, les purgatifs, en un mot, la thérapeutique générale des affections 
cardiaques, tel est le rôle du médecin. à 


Péricardite tuberculeuse. HISTORIQUE. Corvisart dans une de ses observa- 
tions parle de granulations péricardiques qui étaient probablement de nature 
tuberculeuse. Laennec a vu deux exemples d’éruption tuberculeuse dans la 
fausse membrane de la péricardite. Louis relate une observation de péricardite 
tuberculeuse aiguë dans ses Mémoires et recherches anatomo-pathologiques de 
1826. Rilliet et Barthez ont vu deux fois la séreuse cardiaque tapissée de 
fausses membranes tuberculeuses; ils citent une observation de Fauvel qui 
signalait des masses tuberculeuses développées dans le tissu sous-séreux viscéral : 
une d'elle pénétrait dans le muscle cardiaque et était sur le point de perforer 
l'endocarde. Cruveilhier en a rencontré fréquemment chez des enfants: dans un 
de ces faits, il note l'absence de tubercules pulmonaires. 

Les Bulletins de la Société anatomique contiennent un assez grand nombre 
de faits et d'observations. En voici l’énumération : 


Lexo, 1832. — Adhérences récentes, fausses membranes, granulations dans le tissu cellu- 
Jaire sous-séreux. 

LepELLETIER, 1846. — Homme de 26 ans. — Tubercules en dehors et en dedans du 
péricarde. — Symphyse cardiaque. — Tubercules pulmonaires. 

Miccarn, 1856. — Homme de 48 ans. — Cavité péricardique remplie par une fausse mem- 
brane fibreuse extraordinairement épaisse. 

Jaccoun, 1858. — Homme de 17 ans. — Tuberculose générale. — Méningite tuberculeuse. — 
Symphyse cardiaque tuberculeuse. 

Camizce Gros, 1859. — Symphyse cardiaque et granulations chez un phthisique. 

Porta, 1861. — Homme de 71 ans. — Pleurésie et péricardite chronique terminée par 


adhérences. — Tuberculisation générale. 


PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 63 


Terrizon et Bounnox, 1867. — Homme de 30 ans. — Phthisie pulmonaire. — Péricardite 
tuberculeuse hémorrhagique. 

Raruery, 1869. — Fille de 5 ans. — Tuberculose généralisée. — Granulations péricardiques. 

Foucauzr, 1870. — Garçon de 1? ans. — Symphyse cardiaque avec tuberculose généralisée. 


Jorrroy, 1810. — Fille de 10 ans. — Péricardite tuberculeuse primitive, symphyse avec 
méningite tuberculeuse. 
Tuaow, 1872. — Enfant de 9 ans. — Péricardite tuberculeuse primitive. 


Guizcauuer, 1873. — Garçon de 18 ans. — Tuberculose générale avec symphyse cardiaque 
tuberculeuse. 
Mouraro-Marrin, 1874.— Femme de 45 ans — Phthisique. — Symphyse cardiaque tuberculeuse. 


Cnexer, 1877. — Femme de 29 ans. — Tuberculose générale. — Symphyse cardiaque tuber- 
culeuse. 

D'OnEr, 1878. — Femme de 52 ans. — Tuberculose pulmonaire. — Symphyse cardiaque 
caséeuse. 

Scaewinc, 1880. — Homme de 83 ans. — Péricardite récente avec tubercules en petit nombre. 

Brauzr, 1880. — Homme de 41 ans. — Tubercules pulmonaires. — Commencement de 
symphyse cardiaque avec granulations. 

Lesarn, 1882. — Femme de 88 ans. — Péricardite sèche tuberculeuse. — Cirrhose hépatique. 


J'ajoute encore les faits suivants, compulsés dans divers recueils et thèses. 


Proust (Gaz. médicale de Paris, 1865). — Iomme de 25 ans. — Péricardite tuberculeuse 
avec 1500 à 1600 grammes d'épanchement séreux. 

Leruce (Gaz. méd. de Paris, 1879). — Enfant de 9 mois. — Bronchopneumonie double. — 
Lésions pulmonaires anciennes. — Péricardite tuberculeuse ancienne avec symphyse. 

Lancereaux (thèse de Biron, 1877.) — Homme de 75 ans. — Pas de tubercules pulmonaires. 
— Péricardite sèche tuberculeuse latente. 


Du une. — Femme de 47 ans. — Tubercules pulmonaires avec symphyse cardiaque tuber- 
culeuse latente ancienne. 

Dieuraroy (thèse de Biron). — Homme de 59 ans. — Pleurésie droite tuberculeuse. — 
Symphyse cardiaque tuberculeuse. 

Du wwe. — Femme de 15 ans. — Tubercules pulmonaires. — Gros tubercules péricardiques. 

Lancereaux (thèse de Vernière, 1879). — Homme de 38 ans. — Tubercules pulmonaires. — 
Fausses membranes, liquide louche et adhérences péricardiques tuberculeuses. 

Dé mème. — Homme de 55 ans. — Tubercules pulmonaires. — Symphyse cardiaque. 

Haven (thèse de Rousseau, 1882). — Homme de 28 ans. — Symphyse cardiaque incomplète 
tuberculeuse. 

Leruzue (thèse de Rousseau). — Homme de 52 ans. — Pleurésie gauche. — Symphyse 
cardiaque tuberculeuse. — Médiastinite chronique. 

Ricaarn (Mémoires de médecine et de pharmacie militaires, 1880). — Homme de 98 ans. 
— Péricardite tuberculeuse primitive avec épanchement abondant. — Tuberculose 
disséminée. 


Du même. — Homme de 25 ans. — Péricardite tuberculeuse primitive avec 2800 grammes 
d’épanchement. 

Varant (Journal de médecine de Bordeaux, 1880). — Péricardite tuberculeuse. 

Hexmaxx Demme (Archives de Virchow, 20). — Deux cas de péricardite tuberculeuse, dont un 
avec hémorrhagie du péricarde. 

Hexocu (Berliner Wochenschrift, 4881). — Tuberculose miliaire généralisée chez un 
enfant avec symphyse cardiaque granuleuse. 

Sanson (British Med. Journal, 1819). — Tuberculose miliaire chez un enfant de 6 ans. — 
Infiltration tuberculeuse du péricarde avec léger exsudat purulent. 


Si on se reporte à notre tableau et à celui de Maurice Reynaud comprenant la 
statistique des cas de paracentèse du péricarde, on trouve sur 52 autopsies 
10 cas de péricardite tuberculeuse. Leudet, sur 299 phthisiques, signale 9 fois 
de la péricardite tuberculeuse. Lancereaux (Anatomie pathologique) dit avoir 
connaissance de 14 cas, dont 7 personnels. Hayem (Bull. de la Soc. anat., 
1870) dit avoir vu une dizaine de cas, tant chez des enfants que chez des 
adultes. 

Cette énumération de faits, qui n’a pas d’ailleurs la prétention de comprendre 


64 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


toutes les observations publiées, montre que la péricardite tubereuleuse n'est 
pas une affection si rare qu'on le pensait, il y a quelques années. 

Comme travaux d'ensemble sur la question, je citerai les thèses de Paris, de 
Biron (1877), de Vernière (1879), de Richard (1879), de Théodore Rousseau 
(1882), cette dernière constituant le travail le plus important que je connaisse 
sur la question ; deux thèses de Berlin sur la péricardite tuberculeuse : en 1876 
par Erfurt, et en 4877 par Breitung:; un mémoire de Vaillant dans le Journal 
de médecine de Bordeaux, 1880, et un d’Albert Mathieu dans les Archives de 
médecine de 1884. 

Érroroere. La tuberculose est une cause fréquente de péricardite, la plus 
fréquente après le rhumatisme. Bamberger sur 57 cas de péricardite en note 12 
chez des tuberculeux ; dans cinq de ces cas, la péricardite était due à des tuber- 
cules de la séreuse. Souvent il ne s'agit que d'une inflammation simple, sans 
granulations, semblable à celle qui succède à la pneumonie, à la pleurésie. Sur 
519 autopsies de tuberculeux, Rilliet et Barthez ont trouvé 40 fois des tuber- 
cules dans le péricarde. Sur 299 phthisiques, Leudet en a rencontré 8 fois; ce 
qui ferait, à juger d'après ces chiffres, 1 fois de la tuberculose péricardique pour 
55 tuberculeux. Elle a été observée à tout âge. Parrot a constaté des noyaux 
tuberculeux dans le péricarde d'un enfant de 9 mois; c'est un fait exception- 
nel; la plupart des enfants affectés de cette maladie ont dépassé 5 ans; 2 fois 
seulement sur 55 observations (réunies par Rousseau) l'âge était inférieur. Sur 
un total de 51 cas, d'après cet auteur, 18 fois les sujets avaient au-dessous de 
15 ans, 33 fois au-dessus. Il n'est donc pas exact de dire, avec certains auteurs, 
comme Blache, Joffroy, Thaon, que cette affection est rare chez l'adulte et très- 
fréquente chez les enfants. On l’a vue chez les vieillards à 68 ans (Mader), à 
71 ans (Potain), à 74 ans (Cornil), à 75 ans (Lancereaux), à 82 ans (Virchow), 
à 88 ans (Lejard). 

Quant au sexe, Rousseau constate dans 28 cas le sexe masculin, dans 14 le 
sexe féminin. 

La péricardite tuberculeuse peut exister, à titre d'affection unique, sans 
autre determination tuberculeuse. Cruveilhier a trouvé chez un enfant une 
multitude de tubercules dans le péricarde; les ganglions bronchiques étaient 
tuberculeux, mais les poumons étaient indemnes. Virchow cite un cas de péri- 
cardite tuberculeuse isolée chez un homme de 82 ans. Signalons encore les cas 
suivants : Kuemmel, homme de 50 ans, péricardite aiguë tuberculeuse avec 
épanchement séro-fibrineux, pleurite, hépatisation lobulaire sans tubercules. 
Lejard, péricardite sèche tuberculeuse, sans tubercules ailleurs : chez une femme 
de 88 ans. Mendiondo : homme de 22 ans, alcoolisé; péricardite tuberculeuse 
aiguë, avec exsudat hémorrhagique, sans tubercules ailleurs. 

Presque toujours la pericardite tuberculeuse coexiste avec d'autres manifes- 
tations de la diathèse. Quelquefois elle est primitive; du moins l'évolution 
anatomique et clinique semble montrer qu'elle a précédé les autres localisa- 
tions. Ainsi Cornil a observé une péricardite tuberculeuse terminée par symphyse 
cardiaque chez un homme de soixante-quatorze ans. Outre la péricardite, il 
n'existait qu'une pleurésie tuberculeuse récente, sans tubercules pulmonaires. 
Dans un cas relaté par Thaon, la tuberculose pulmonaire ne paraît s'être 
développée chez un enfant de neuf mois que deux mois après le début de la 
péricardite. Dans les deux observations publiées par Richard, les malades ne 
toussèrent qu'après le début de la péricardite, les tubercules pulmonaires 


¢ 


ve 


PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 6 


étaient moins avancés dans leur développement que ceux du péricarde. Dans 
l'une d'elles, ni la plèvre ni le poumon gauches ne renfermaient de tubercules. 
« La plèvre droite, au contraire, en présentait à sa surface un assez grand 
nombre, et le semis était extrêmement confluent là où la plèvre était adossée 
au péricarde. À la limite précise où cet adossement cesse, les cranulations 
devenaient brusquement plus espacées; cette particularité était surtout frappante 
à l'endroit où la plèvre médiastine se réfléchit sur le diaphragme. » 

Ainsi la péricardite tuberculeuse peut être une manifestation solitaire ou 
primitive de la diathèse. Mais dans la majorité des cas elle est secondaire, 
elle succède à la phthisie pulmonaire, ou bien elle apparaît simultanément 
avec les autres déterminations. Comme sur les autres séreuses, l'éruption peut 
se manifester sur le péricarde, sans inflammation concomitante. Dans la tuber- 
culose aiguë, les granulations discrètes ou nombreuses se voient souvent sur 
la séreuse cardiaque; peut-être en trouverait-on plus souvent, si l'attention 
s'y portait dans les autopsies de phthisiques. Comme exemple de tubercules 


” péricardiques sans péricardite notable, citons l'observation de Rathery (Bullet. 


de la Soc. anat., 1869, p. 86). Les observations de ce genre sont rares : le 
plus souvent, la tuberculose engendre des lésions phlegmasiques, soit directe- 
ment par inflammation de voisinage due à l'abondance de l’éruption, soit 
indirectement, parce qu’elle crée une susceptibilité plus grande de la séreuse 
qui subit alors plus facilement ou plus profondément les influences étiologiques 
déterminantes ordinaires de la péricardite, telles que refroidissement, choc 
traumatique, émotions, fatigues physiques. Si la tuberculose appelle la péricar- 
dite dans la majorité des cas, il en est d’autres cependant dans lesquels la 
péricardite semble avoir été primitive, la tuberculose étant venue se greffer 
sur elle. Dans un fait publié par M. Moutard-Martin, il s'agit d’un phthisique 
avec symphyse cardiaque ancienne et granulations nombreuses récentes que 
l'auteur croit secondairement produites dans d'anciennes fausses membranes 
dues à une péricardite latente. Dans le fait de Proust, il y aurait eu, suivant 
cet auteur, péricardite primitive avec épanchement considérable à la suite d’un 
refroidissement; les granulations auraient été secondaires. 

Enfin des masses tuberculeuses provenant du voisinage, médiastin, ganglions, 
plèvres, etc., peuvent envahir le péricarde par propagation. Lorey à vu une 
adénopathie tuberculeuse trachéo-bronchique englobant le cœur et les gros 
vaisseaux; le péricarde épaissi et dégénéré, adhérent au cœur, était traversé par 
les ganglions tuberculeux. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. La péricardite tuberculeuse peut être sèche, et 
dans ce cas elle se termine habituellement par symphyse; ou bien elle s’accom- 
pagne d'épanchement. La forme sèche avec symphyse serait la plus fréquente 
d’après la plupart des auteurs; Roger disait au contraire que l'abondance 
excessive de l’épanchement constatée pendant la vie parlait en faveur de la 


nature tuberculeuse. Sur 35 observations analysées par Th. Rousseau, on 
constate : 


Péricardite tuberculeuse avec épanchement.. . . . . . . 10 cas. 
= Séches sien ae AE EAT 4 
— symphyse. < daok de can 21 


En examinant notre statistique de la paracentèse du péricarde, nous avons 
noté dans 10 autopsies une péricardite tuberculeuse (avec épanchement). Lan- 
cereaux, sur 14 cas de cette maladie, n’a trouvé que 2 fois un épanchement 


DICT. ENG. 2° s. XXII. ð 


66 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


abondant séreux ou séro-sanguinolent; 42 fois il s'agissait d'adhérences unis- 
sant d’une façon plus ou moins intime les feuillets de la séreuse. 

L'épanchement est de quantité variable; quelquefois à peine quelques cuil- 
lerées, ordinairement 1 litre à 4 1/2. Proust a vu 45 à 1600 grammes, Richard 
2100 et 2800 grammes. L'exsudat peut être séreux (2 fois sur 10 observations 
de Rousseau) ; souvent il est hémorrhagique. Sur nos 10 autopsies de péricar- 
dites tubercnleuses soumises à la paracentèse, 4 fois l'épanchement est noté 
comme hémorthagique. Le liquide est rosé, rouge, brun foncé et même chocolat, 
suivant qu’il est constitué par du sang pur ou par de la sérosité plus ou moins 
sanguinolente. Par le repos, le sang se dépose formant un sédiment brunâtre 
constitué par des globules rouges déformés et des leucocytes. 

D'autres fois le liquide est séreux, trouble, contenant des flocons fibrineux et 
un nombre variable de leucocytes. Mais, contrairement à ce qu'on serait tenté 
de croire, dans aucune des observations que nous avons lues il n'est franche- 
ment purulent, au moins d'emblée; il peut le devenir à la suite de la ponction, 
comme dans les cas de Clifford Albutt et de Letulle. 

Le péricarde épaissi présente à sa face interne des dépôts de fibrine et de 
pseudo-membranes rouges ettomenteuses, qui le recouvrent irrégulièrement par 
places ou le tapissent presque complétement et lui donnent les divers aspects, 
langue de chat et autres, décrits dans la péricardite aiguë. Là où la séreuse est 
à nu, elle est lisse ou bien dépolie et injectéc, avec ou sans granulations 
milaires; celles-ci discrètes ou plus ou moins confluentes sont tantôt grises, 
demi-transparentes, tantôt jaunes caséeuses. L'exsudat solide membraniforme 
peut être de consistance fibrineuse, mollasse, jaunâtre, caséeuse dans une 
étendue plus ou moins grande; d’autres fois il est en voie d'organisation, 
fibroïde ou fibrineux dans ses couches profondes, constitué par de la fibrine 
granuleuse dans ses couches superficielles. Elle peut former plusieurs couches 
distinctes (5 dans les cas de Lancereaux) mesurant ensemble 4 centimètre et 
plus d'épaisseur. Dans son sein peuvent se trouver des granulations ou des 
masses caséeuses infiltrées. Quelquefois celte membrane est intimement unie 
au péricarde. « A une période avancée, dit Richard, péricarde et fausse membrane 
sont confondus à tel point qu'il est impossible de leur trouver une ligne de 
démarcation et de dire ce qui revient à l’un et à l’autre. Aussi bien des 
observateurs s'y sont trompés et ont-ils considéré comme faisant partie de la 
fausse membrane le péricarde énormément épaissi par des tubercules nés dans 
son sein. C’est pour avoir commis cette erreur que Niemeyer, dans son Traité 
de pathologie interne, ne parle pas de la péricardite tuberculeuse, en tant 
qu’affection indépendante; pour lui, tous les tubercules accompagnés de péri- 
cardite se développeraient dans les pseudo-membranes d'origine récente qui se 
forment dans le cours d'une péricardite chronique. » Mais à une période moins 
avancée la fausse membrane peut être détachée facilement de la séreuse et 
laisse voir celle-ci injectée avec des granulations plus ou moins nombreuses. 

La surface extérieure du péricarde présente aussi parfois des granulations 
(7 fois sur 55 cas de Rousseau) soit discrètes, soit en semis confluent avec 
vascularisation. 

Le cœur lui-même, dégagé des masses jaunes villeuses irrégulières ou uni- 
formes, fibrino-fibreuses ou caséeuses, qui l'englobent, est fréquemment augmenté 
de volume, hypertrophié ou dilaté; son muscle est mou, jaune ou feuille morte, 
asque, dégénéré, lorsque l'affection a duré un peu longtemps. 


PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 67 


La péricardite tuberculeuse sèche dans sa plus simple expression n’est con- 
stituée que par des granulations rares ou nombreuses, avec injection péricardique 
sans dépôts fibrineux ni pseudo-membranes. Ainsi dans l'observation de Sche- 
ving il n'existait qu'un état râpeux de la surface viscérale et pariétale de la 
séreuse; de plus, sur le feuillet viscéral et au niveau de la naissance de l'aorte. 
granulations miliaires demi-transparentes, très-nettes, disposées en série 
régulières sur le trajet des lymphatiques, au nombre de 10 environ. Dans un € 
de Lancereaux, le feuillet pariétal antérieur était plus spécialement intére 
et parsemé de granulations jaunâtres assez volumineuses, entourées de n 
breux vaisseaux, disposées en amas, et dont quelques-unes occupaient mani 
ment le tissu sous-séreux ; les deux feuillets étaient libres de fausses memb 
Ces cas établissent la transition entre la tuberculose péricardique simple 
péricardite tuberculeuse. 

Plus souvent (6 fois sur les 1% cas de Lancereaux) les deux feuillets 
péricarde sont unis par de minces membranes celluleuses, avec ou sans suffusion 
séro-sanguine, avec ou sans granulations luberculeuses. Tantôt enfin (5 fois sur 
les 14 cas de Lancereaux) ces fausses membranes plus épaisses sont constituées 
par un tissu fibroïde rouge ou fibreux blanc résistant, mesurant jusqu'à 1 cen- 
timètre d'épaisseur et unissant intimement les deux feuillets péricardiques. Les 
tubercules existent sous forme de granulations discrètes ou confluentes, sous 
forme de masse ou de nappe caséeuse infiltrée soit dans les fausses membranes, 
soit dans le péricarde lui-même. 

La péricardite tuberculeuse peut être en partie sèche, en partie liquide : dans 
une certaine étendue, le feuillet pariétal est soudé au cœur, dans un autre i 
en est éloigné par de l’épanchement: il y a symphyse incomplète. Ainsi, dans 
un cas de Richard, le péricarde contenait 2100 grammes de liquide, il était 
soudé au niveau des oreillettes. Dans une observation de Letulle, on trouvait à 
côté d'un épanchement abondant des adhérences cellulo-fibreuses à la pointe 
du cœur dans une étendue de 3 centimètres et qui remontaient le long de la 
face antérieure. Dans un cas de Hayem, les deux feuillets étaient soudés, sauf 
au niveau du bord droit du cœur, dans une étendue empiétant un peu sur les 
deux faces avec un épanchement assez abondant. 

Étudié au point de vue de son développement histologique, le tubercule 
naitrait surtout, d’après Thaon, aux dépens de l’endothélium. Une couche de 
fibrine est déposée à la surface du péricarde sous forme de mamelons; cette 
couche s'organise par des bourgeons de cellules embryonnaires venant de l’en- 
dothélium; dans ces bourgeons par places, les cellules, petites, serrées, se 
réunissent en nodules circonscrits qui constituent les granulations. D'autres 
naissent entre les faisceaux fibreux de la séreuse, d’autres (Richard) dans les 
vaisseaux sanguins et lymphatiques, dont l'endothélium bourgeonne et oblitère 
la lumière du vaisseau. Quelle que soit leur origine, les tubercules peuvent 
envahir la couche musculaire du cœur et faire même saillie sous l’endocarde. 

En même temps, les mamelons de fibrine continuent à s'organiser ; constitués 
d'abord par un tissu embryonnaire dont les cellules accusent une certaine 
tendance à la régression granulo-graisseuse, ils deviennent tissu fibroïde et 
fibreux par allongement fusiforme du noyau des cellules et transformation 
fibrillaire du protoplasma. A une période avancée de l’évolution, l'étude histo- 
logique du péricarde épaissi montre dans sa couche interne une abondante 
prolifération nucléaire, quelquefois avec nodules tuberculeux. En dedans de 


68 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


cette couche péricardique est la fausse membrane constituée là dans sa partie 
profonde, contiguë au péricarde, par du tissu conjonctif jeune, avec ou sans 
granulations; celles-ci, lorsqu'elles existent, présentent les divers degrés de 
leur évolution. Par places, cette partie profonde de la fausse membrane peut 
montrer des masses caséeuses ou des infiltrations en nappes étendues. Plus en 
dedans, la zone plus interne de la fausse membrane peut être constituée de 
nouveau par un tissu embryonnaire en voie d'organisation riche en capillaires 
nouvellement formés sans parois propres. Enfin une couche de fibrine granu- 
leuse non organisée constitue le revêtement interne. 

Le péricarde avec sa fausse membrane peut se tuberculiser en masse : le tissu 
caséifié quelquefois se ramollit, se creuse et laisse des pertes de substances 
qui rappellent les ulcérations intestinales tuberculeuses. Les granulations 
miliaires ou même des masses tuberculeuses caséeuses peuvent se développer 
primitivement dans le tissu sous-séreux du péricarde (faits de Fauvel, Lenoir, 
Camille Gros, d'Odier, Richard). Le tissu cellulaire du médiastin est souvent 
épaissi, infiltré de granulations ou tuberculisé en masse (médiastinite tubercu- 
leuse); les ganglions bronchiques sont volumineux et dégénérés; tous les organes 
du médiastin sont englobés dans un tissu dur, compact, blanchâtre ou ramolli, 
jaune, caséeux. Cette dégénérescence tuberculeuse des ganglions du médiastin, 
déjà signalée par Cruveilhier, est notée dans 8 des observations de Rousseau. 

Les portions de plèvre adossées au péricarde peuvent aussi, rappelons-le, se 
tuberculiser par voie de contact. « En effet, nous avons vu, dit Richard, la plèvre 
droite recouverte d’un semis de granulations très-confluent, limité exactement à 
la surface par laquelle cette membrane est en contact avec le péricarde; er 
dehors de cette zone, elle ne contenait que des granulations serrées très-discrè- 
tement. Si nous considérons d'autre part que Ja plèvre gauche ne renfermait 
pas trace de granulations, pas plus que le poumon du même côté, alors qu'it 
en existait dans le poumon droit, il est très-plausible d'admettre que celui-ci 
ait été infecté secondairement par l'intermédiaire de la plèvre. 

Le diaphragme, la portion du péritoine pariétal qui est en regard du péricarde, 
se tuberculisent également par l'infection de proche en proche ou encore par 
la voie des lymphatiques. Chez un de nos sujets, nous avons trouvé les faisceaux 
musculaires du diaphragme correspondant au péricarde littéralement farcis de 
granulations tuberculeuses. » 

SYMPTOMATOLOGIE. Le tableau clinique de la péricardite tuberculeuse n'offre 
pas de trait caractéristique. Elle est masquée le plus souvent par les autres 
localisations tuberculeuses concomitantes et primitives : la fièvre, la dyspnée, 
l'accélération du pouls, les sueurs nocturnes, l'amaigrissement, l'état hectique, 
les symptômes locaux et généraux de la phthisie pulmonaire, la dominent; 
l'examen physique du cœur seul la dévoile parfois. 

S'il s’agit de simples granulations de la séreuse avec peu ou point d’exsudat 
inflammatoire, les symptômes physiques font absolument défaut; ceux qui 
dénotent l’affaiblissement du cœur, faiblesse du choc, petitesse du pouls, 
œdème pulmonaire, etc., se rencontrent si fréquemment chez les phthisiques, 
par suite de la dégénérescence cachectique du muscle cardiaque, qu'ils n'im- 
posent jamais l'idée d'une détermination granuleuse dans l'enveloppe du cœur. 

S'agit-il d'une péricardite tuberculeuse survenant dans le cours d’une phthisie 
chronique déjà avancée, cette complication s'établit d'ordinaire lentement, 
insidieusement, sans douleur précordiale, sans exacerbation notable de dyspnée ; 


PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 69 


les symptômes auxquels elle donne lieu ne tranchent pas assez sur l’évolution 
générale de la phthisie pour appeler l'attention sur le cœur. Vient-on à l’exa- 
miner, on découvre parfois la matité précordiale ou le frottement, caractéristique 
de l’épanchement ou des fausses membranes. Ajoutons que, dans les phthisies 
déjà cachectiques, les symptômes hydrauliques de la stase due à l’asystolie 
peuvent être très-apparents; l’œdème pulmonaire, celui des membres inférieurs 
le gonflement des veines cervicales, la dilatation du cœur droit, manquent ou 
peuvent manquer, parce que la diminution progressive de la quantité de sang, 
marchant de pair avec l'atrophie générale des organes, contrebalance la ten- 
dance à l'accroissement de pression veineuse que l'insuffisance cardiaque devrait 
produire. Dans les phthisies sans cachexie, à marche lente, qui n'ont pas 
encore exercé sur l'organisme une influence dénutritive notable, la péricardite 
peut se révéler par une exagération rapide de la dyspnée, par des palpitations, 
par une asystolie, de la cyanose, de l'æœdème dans la grande et la petite circu- 
lation; le facies cardiaque peut dominer la scène. Quelquefois la péricardite 
tuberculeuse s'annonce franchement, par un début brusque, avec fièvre, 
dyspnée, palpitations et même douleur précordiale; elle succède à un refroidis- 
sement, à des fatigues physiques (cas de Louis). Il s'agit alors d’une péricardite 
tuberculeuse primitive et aiguë. C’est dans ces cas que l'épanchement peut 
devenir considérable ; il s'est montré le troisième jour dans l’une des observa- 
tions de Richard, le quinzième dans l'autre. Après ce début aigu, la fièvre 
peut décroître, les symptômes se calmer et l’évolution devenir subaiguë. Rien 
ne différencie alors le tableau de la maladie d'avec celui de la péricardite 
franche; la confusion persiste tant que la tuberculose reste localisée sur le 
péricarde. 

Quoi qu'il en soit, dans le plus grand nombre des cas, la maladie est 
latente, comme d’ailleurs toutes les péricardites secondaires. Sur les 35 obser- 
vations de Rousseau, 19 fois aucun symptôme physique ou fonctionnel ne fut 
constaté, bien que dans 13 cas le cœur eût été examiné avec soin. Dans les six 
autres le cœur ne fut pas examiné, ou du moins cet examen n’est pas noté. 
Dans 16 observations, l'existence de la péricardite fut dévoilée pendant la vie. 

Les symptômes notés sont ceux que donne la péricardite en général. C’est 
d’abord l'oppression plus ou moins intense, la respiration laborieuse, l’orthopnée, 
symptôme d'autant plus marqué que l’épanchement est plus considérable. Dans 
ce cas aussi, on observe des syncopes ou un sentiment de défaillance. En même 
temps, palpitations, battements du cœur rapides et irréguliers, pouls petit, 
fréquent, intermittent, quelquefois frottement péricardique. Rarement on a 
signalé une douleur précordiale. Dans l'observation de Louis, l'affection com- 
mence par des palpitations fortes avec sentiment de constriction à la poitrine et 
douleur lancinante, quelquefois comparée à celle que produit l'écorchure à la 
partie moyenne du sternum. 

Un épanchement abondant peut produire de la voussure précordiale, une 
matité étendue avec sa forme caractéristique, l'absence du choc, les battements 
sourds, faibles et lointains. 

La symphyse cardiaque peut rendre le choc imperceptible, les bruits du cœur 
sourds, la matité précordiale plus grande, surtout si le péricarde est en même 
temps adhérent aux parois thoraciques; mais cette matité n'a pas les caractères 
spéciaux de celle due à l'épanchement; le retrait systolique de la région épigas- 
rique n’est noté dans aucune observation. 


70 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


Les troubles fonctionnels s’accroissent avec les progrès de l'épanchement ou 
avec la dégénérescence du myocarde; la cyanose, l'œdème, la petitesse du pouls, 
accusent l’asystolie; celle-ci est continue, progressive ; elle est rémittente ou 
franchement intermittente. Si elle est liée à l'abondance de l’exsudat, elle peut 
disparaître par l'évacuation du liquide, mais ne tarde pas à reparaitre avec sa 
reproduction. C'est, en un mot, ie tableau clinique des diverses formes de la 
péricardite en général; la concomitance seule des autres lésions tuberculeuses 
fait la distinction. 

La marche est variable; elle est subordonnée surtout à l'affection dominante 
et à celles coexistantes. Le plus souvent (9 fois sur 35 d’après Rousseau), la 
péricardite tuberculeuse a une évolution lente et chronique; son début est 
insidieux est latent, ses symptômes se perdent dans l'ensemble de la maladie; 
les troubles nutritifs et circulatoires dus au cœur se combinent à la dénutrition 
et aux troubles respiratoires de la tuberculose; la cachexie cardiaque s'ajoute 
à la cachexie tuberculeuse. Rarement, comme nous l'avons dit, l’évolution est 
celle d'une péricardite aiguë. 

La durée d’une maladie souvent latente et à début incertain, comme celle 
que nous décrivons, est difficile à évaluer. Dans 5 cas où ce début a été brusque 
et franc, cette durée a été de vingt-cinq jours à deux mois. 

Proxosric. Il est presque toujours mortel. La mort est quelquefois subite 
comme dans les maladies cardiaques en général. Une fois, elle a lieu par 
thrombose pulmonaire (Letulle), une autre fois par hémorrhagie foudroyante 
dans le péricarde (Eschhorst\, le plus souvent c’est par les progrès de l'asystolie 
et la cachexie cardiaque. Toutefois la terminaison n’est pas nécessairement 
fatale; les tubercules du péricarde comme ceux du poumon peuvent subir la 
transformation fibreuse, :s’arrêter dans leur développement, devenir tubercules 
stationnaires, tubercules de guérison. Le fait suivant, publié par Cornil, dans 
le Journal des connaissances médicales, 1879, paraît démontrer ce mode de 
guérison : « Un homme de soixante-quatorze ans souffrait depuis trois ans 
d'oppression lorsqu'au mois de janvier 1879 il fut atteint de pleurésie double 
et succomba. À l’autopsie, on trouva une symphyse cardiaque complète; le 
péricarde avait une épaisseur de 5 à 8 millimètres et était formé par un 
tissu fibreux dur sur la section duquel on apercevait des granulations opaques 
très-nombreuses. M. Cornil conclut que le malade était atteint depuis trois ans, 
peut-être depuis plus longtemps, d'une péricardite tuberculeuse qui avait guéri 
par symphyse cardiaque. » Parmi les observations relatées de paracentèse du 
péricarde, un certain nombre suivies de guérison, au moins temporaire, ont 
trait à des tuberculeux; il est vrai que la preuve anatomique de la nature 
tuberculeuse de l’épanchement fait défaut. Ce sont là, il faut l'ajouter, des cas 
exceptionnels. Le plus souvent la tuberculose pulmonaire continue son évolu- 
tion, si celle du péricarde reste stationnaire; l'affection, un moment enrayée, 
renaît à la faveur de nouvelles poussées tuberculeuses et reprend sa marche 
fatale. 

Dragxosric. Souvent obscur, il se déduit des symptômes physiques plutôt 
que des troubles fonctionnels. La péricardite reconnue, sa nature tuberculeuse 
ne peut être que soupçonnée de par l’existence concomitante d'une tuberculose 
générale et pulmonaire ! Aucune certitude ne peut exister à cet égard, car la 
phthisie peut s'accompagner d'une péricardite secondaire simple sans granula- 
tions. Le tubercule lui-même n'ajoute aucun symptôme physique spécial qui 


PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 11 


permette de le reconnaître. La qualité hémorrhagique de l'exsudat révélée par 
la ponction constitue une probabilité, mais non une démonstration. 

Trawremenr. Il s'adresse à la tuberculose d'une part, à la phlegmasie péri- 
cardique de l'autre, et nous n'avons rien à ajouter à ce qui est dit à l’occasion 
du traitement de ces deux affections. C’est d’ailleurs une médication purement 
symptomatique. L'épanchement considérable, pour peu qu'on puisse lui attri- 
buer une part notable dans les phénomènes de l'asystolie, pourra commander 
la paracentèse. N'aurait-elle qu'un résultat palliatif, elle est indiquée chaque 
fois qu'on peut espérer par là rendre au cœur momentanément sa puissance 
contractile et retarder le dénouement fatal. 

Hyoropéricarne. Hydrocarde. Hydrocardie. Hydropisie du péricarde. 
On appelle ainsi les épanchements séreux du péricarde, d'origine non inflam- 
matoire, dus à une transsudation du sérum du sang. L'hydropéricarde est à 
la péricardite avec épanchement ce que l’hydrothorax est à la pleurésie, ce que 
lascite est à la péritonite. 

Les Anciens confondaient sous ce nom tous les épanchements, inflammatoires 
ou non, du péricarde. Il jouait un rôle important en pathologie, avant que les 
progrès du diagnostic eussent réduit à un rôle purement secondaire, à un 
épiphénomène beaucoup moins fréquent qu’on ne le pensait, l'hydropisie du 
péricarde. Dans le public, le mot épanchement au cœur survit encore, comme 
expression populaire d’une ancienne opinion médicale. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. Normalement, le péricarde peut contenir une cer- 
taine quantité de sérosité, de 20 à 30 grammes habituellement, quelquefois 
même jusqu'à 100 grammes. Cette sérosité, souvent colorée par du sang, existe- 
t-elle pendant la vie? La question n’est pas tout à fait élucidée. Ce qui est 
certain, c’est que pendant l'agonie, et même après la mort, le sérum peut trans- 
suder dans le péricarde, en quantité variable, suivant la durée de l'agonie et le 
mécanisme de la mort. On admet avec Luschka que ce phénomène est en 
rapport avec la distension sanguine de l'oreillette droite et de la veine coronaire. 
Celle-ci verse son sang dans l'oreillette droite, qui reçoit aussi par la veine cave 
supérieure le sang des veines péricardiques, par l'intermédiaire des veines 
azygos, hémiazygos et mammaires internes. De là résulte que l'engorgement 
du cœur droit détermine une stase dans la veine coronaire et les veines péri- 
cardiques, qui peuvent laisser transsuder le sérum du sang. Aussi est-ce surtout 
dans les affections pulmonaires et cardiaques qui se terminent par distension 
passive du cœur droit que cette transsudation d’agonie ou cadavérique a lieu. 

Ce n'est que lorsque cet épanchement offre une certaine abondance difficile 
à préciser, qui dépasse au moins 120 à 150 grammes, qu'on est autorisé à 
penser qu'il s’agit d'un hydropéricarde. 

La quantité de liquide, très-variable, n’est pas en général bien considérable ; 
elle dépasse rarement 4 litre. Les cas comme ceux de J. Frank où il existait 
6 livres de liquide, de Louis où il existait 4 livres, sont exceptionnels. 

Ce liquide est ordinairement clair, séreux, jaune pâle, d’autres fois il est foncé, 
brun verdâtre, lorsqu'il contient de l’hématine en décomposition, rougeâtre, ou 
même rouge sanguinolent, lorsqu'il existe une affection qui crée une diathèse 
hémorrhagique, cancer, tuberculose, etc. 

Sa réaction est alcaline; sa composition chimique se rapproche de celle du 
sérum sanguin; il contient moins d’albumine, car l'albumine filtre moins faci- 
lement que le sérum à travers la paroi vasculaire. Nous avons indiqué, d'après 


72 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


Gorup-Besanez et Lehmann, la composition du liquide péricardique normal. Dans 
l'hydropéricarde Wachsmuth analysa le liquide et trouva : eau, 95 à 97,34; 
matières solides, 2,66 à 4,63 ; albumine, 1,43 à 3,01 ; autres éléments, 1,23 
à 1,64. P. Weber trouve : eau, 965,11; éléments solides, 34,89; albumine, 
20,45: 

Ce liquide contient toujours de la substance fibrinogène, et peut subir à l'air 
une coagulation plus ou moins abondante: cette coagulabilité, considérée par 
certains auteurs comme appartenant à une variété spéciale d'épanchement, 
hydropisie lymphatique ou fibrineuse, due, suivant eux, à un processus irritatif, 
presque inflammatoire, peut appartenir en réalité à tout épanchement séreux. 

Des substances anormales contenues dans le sang à la faveur de certaines 
dyscrasies, l’urée dans la maladie de Bright, le pigment biliaire dans l'ictère, 
le sucre dans le diabète, passent aussi dans le liquide péricardique. Grohe y 
a trouvé du sucre, en l'absence du diabète; l’urée aussi paraît constante dans 
les épanchements abondants, sans maladie rénale. 

Le liquide est quelquefois trouble; des grumeaux de fibrine, des cristaux 
de cholestérine, des cellules épithéliales graisseuses, s'y trouvent en quantité 
variable. 

La séreuse péricardique, souvent distendue et pâle, a en général conservé son 
aspect poli et lisse; elle n’est pas altérée. Le tissu cellulaire sous-péricardique 
se ramollit, s’œdématie, se dépouille de sa graisse. D’autres fois le péricarde 
s'épaissit, se trouble, subit des altérations nutritives consécutives à l’exsudation. 
Le muscle cardiaque lui-même reste le plus souvent normal; dans quelques cas, 
il pàlit, se ramollit par macération, et alors les cavités cardiaques se laissent 
passivement dilater; mais cela est exceptionnel dans l'hydropéricarde simple. 

Je ne parle pas des altérations concomitantes, hydrothorax, ascite, anasarque, 
néoformations tuberculeuses ou cancéreuses, néphrite, etc., dues à la même 
cause qui engendre l'hydropéricarde. 

Ériorocie.  L'hydropéricarde relève d'une cause générale ou d’une cause 
locale. 

Les causes générales agissent par dyscrasie sanguine qui favorise la trans- 
sudation séreuse : telles sont l’hydrémie brightique, les cachexies paludéenne, 
tuberculeuse, cancéreuse, sénile, etc. Dans ces cas, l’hydropéricarde s’associe à 
d’autres épanchements dans les séreuses et le tissu cellulaire. 

Les causes locales agissent directement ou indirectement sur la circulation 
sanguine et, augmentant la pression dans les veines et capillaires péricardiques, 
déterminent l’exosmose séreuse : telles sont les affections cardiaques et pul- 
monaires, les obstacles valvulaires, l’emphysème, la pleurésie, etc. ; chaque fois 
que le cœur ou le poumon malades font obstacle à la circulation pulmonaire 
ou intra-cardiaque, le sang stagne dans le cœur droit et dans la veine cave et par 
suite dans les veines cardiaques et péricardiques. Dans ces cas aussi, le plus 
souvent, des épanchements concomitants existent dans la plèvre, le péritoine, 
le tissu cellulaire sous-cutané; toute la circulation participe à la stase. 

D'autres causes locales n'agissent que sur les vaisseaux du péricarde et ne 
produisent qu'un épanchement péricardique : telles peuvent être les néoforma- . 
tions tuberculeuses, carcinomateuses, sarcomateuses du cœur et du péricarde ; 
lorsqu'elles agissent par irritation inflammatoire, elles engendrent une péricar- 
dite; lorsqu'elles agissent par simple compression des vaisseaux, elles engen- 
drent un hydropéricarde. L'altération athéromateuse ou scléreuse des artères 


PÉRICARDE (rarnoLoGir). 15 


coronaires, la thrombose veineuse, semblent aussi, au moins théoriquement, 
aptes à créer l’hydropisie péricardique. 

Certains auteurs, parmi lesquels Bamberger, Oppolzer, Niemeyer, admettent 
encore le mécanisme suivant : Lorsque le poumon adhérent à la plèvre et au 
péricarde s’atrophie et'se rétracte, par exemple, à la suite de pleurésie chronique, 
le feuillet fibreux du péricarde suivant ce mouvement de rétraction, s’écartant 
du cœur, tend à laisser un vide dans la cavité séreuse, et ce vide virtuel est 
comblé par une hydropisie ex vacuo. L’atrophie du cœur aurait le même résultat. 
Cette doctrine est contestée en Allemagne par Gunsburg et Friedreich ; en France 
elle n'a pas trouvé d’adeptes. L’épanchement péricardique dans ces cas s'explique 
par les troubles circulatoires comcomitants qui ne font jamais défaut. 

Quant à la fréquence de l'hydropéricarde en général, Duchek l'a constatée sur 
13 pour 100 des cadavres; Günsburg sur 7,4 pour 100. Parmi les affecuions 
qui y donnent lieu, ce dernier auteur cite la tuberculose qui donne une pro- 
portion de 50 pour 100, le typhus qui donne 10 pour 100, la carcinose 8 pour 100, 
la maladie de Bright 7 pour 100. 

Svuprômes. Si l’exsudat est peu abondant, il ne détermine ni troubles fonc- 
tionnels, ni signes physiques. Il est même difficile à l'autopsie de reconnaitre 
s'il est cadavérique ou formé pendant la vie. L'épanchement plus considérable 
donne lieu aux mêmes symptômes que celui de la péricardite, mais le frotte- 
ment fait défaut, à moins que l'hydropéricarde ne s'accompagne d'irritalion 
nutritive avec exsudat fibrineux sur le péricarde, ce qui constitue en réalité une 
complication de péricardite. Que le liquide épanché soit d'origine inflammatoire 
ou non, il produira de la matité précordiale, il affaiblira ou éteindra le choc et 
les bruits du cœur. Ces signes sont modifiés par l'attitude du malade et 
le déplacement du cœur qui en résulte, d'autant plus que celui-ci non adhérent 
au péricarde peut se mouvoir en toute liberté. Les poumons dépourvus 
d’adhérences aux plèvres conservent leur mobilité. Aussi dans le décubitus 
dorsal, le liquide péricardique refluant en arrière, les poumons recouvrent le 
cœur, de sorte que la matité précordiale est diminuée, et le choc moins affaibli. 

Si au contraire le malade s’assied ou se penche un peu en avant, la matité 
précordiale s'accroît et s'élève, ainsi que nous l'avons vu ; enfin les limites de 
cette matité varient avec les mouvements inspiratoires et expiratoires. Tous ces 
signes bien constatés indiquant la liberté du poumon et du cœur, francs 
d'attaches aux plèvres el au péricarde, peuvent servir au diagnostic différentiel 
entre la péricardite et l’hydropéricarde. 

Ajoutons cependant que souvent les poumons sont emphysémateux, soit que 
l'emphysème primitif domine la dilatation da cœur droit et la stase veineuse 
dont résulte l'épanchement, soit que l'emphysème des lobes antérieurs soit 
consécutif à la congestion passive des lobes inférieurs qui accompagne l'épan- 
chement. Dans ces cas, le cœur recouvert en totalité ou en partie par les 
poumons augmentés de volume se dérobe à l'investigation plessimétrique, et 
l'épanchement peut rester latent; la faiblesse du choc précordial est le seul 

symptôme constatable, qui peut faire soupçonner, mais non faire diagnostiquer 
l'eau dans la cavité péricardique. L'existence d’une hydropisie générale, ou 
d'épanchements dans les autres séreuses, des signes d'une stase veineuse ou 
d'une hydrémie, s'ajoutant à la faiblesse du choc et des bruits du cœur, rend 
le diagnostic plus probable. 
. Les troubles fonctionnels dépendent surtout de la cause et des lésions con- 


74 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


comitantes. Par lui-même, l'hydropéricarde est une affection apyrétique et 
indolore; on ne constate aucune douleur à la région précordiale, ni à l'épigastre, 
ni spontanée, ni à la pression; tout au plus, si l'épanchement est considérable, 
une sensation de pression, de constriction thoracique; la dyspnée, Torthopnée, 
l'angoisse, la cyanose, etc., peuvent résulter d'une hydropisie considérable qui 
comprime et refoule les poumons, mais plus souvent elles sont dues aux com- 
plications pulmonaires et cardiaques coexistantes. L'hydropéricarde seul, même 
très-considérable, affaiblit rarement la contractilité du cœur, qui conserve sa 
musculature intacte et fonctionne bien, si d’autres lésions ne lui créent pas des 
obstacles. j 

La marche de l'affection est subordonnée à la cause et aux lésions concomi- 
tantes; l’épanchement se fait en général graduellement, insidieusement, sans 
fièvre, sans douleur. 

Le pronostic est toujours grave, car l'hydropéricarde est toujours dominé 
par une maladie générale sérieuse, très-souvent mortelle. S'il s'agit d'une 
simple dyscrasie sanguine dont la réparation est possible, telle qu'une cachexie 
paludéenne, une hydrémie consécutive à des hémorrhagies profuses, une cachexie 
séreuse puerpérale, la maladie primordiale étant susceptible de guérison, 
l'épanchement du péricarde peut se résoudre. S'il s’agit d'une affection non 
curable, mais susceptible de rémissions, telle qu'une maladie de Bright, une 
affection valvulaire, un emphysème pulmonaire, alors l'épanchement peut dis- 
paraître ou diminuer momentanément, mais la maladie ne subit qu'une rémis- 
sion. S'il s’agit de troubles de circulations locales, de néoformations tubercu- 
leuse ou cancéreuse, de lésion des vaisseaux coronaires, l'épanchement persiste 
avec la cause qui l'entretient. 

Le traitement s'adresse à la cause. L'hydrémie sera combattue par le fer, le 
quinquina, un régime substantiel, les conditions hygiéniques convenables. Les 
maladies cardiaques, pulmonaires, rénales, etc., génératrices de l'hydropéri- 
carde, seront soumises à une thérapeutique appropriée. 

Quant au traitement local, il est d'ordinaire inefficace. Les vésicatoires per- 
manents ou volants sont appliqués sur la région précordiale, ici comme dans 
tous les épanchements des séreuses ; la ponction du péricarde est indiquée, s'il 
y a dyspnée ou cyanose, qu’on pense être due à l'abondance de l’épanchement. 
Mais cette indication est plus rare dans l’hydropéricarde que dans la péricar- 
dite, car dans celle-là la dyspnée et la cyanose sont plutôt l'effet des lésions 
concomitantes que de l'épanchement. 

Hémopéricarne. L’heémopéricarde, ou épanchement desangdans le péricarde, 
n'est pas une maladie, mais une conséquence anatomique liée à des causes ou 
affections diverses. 

Ces causes sont : 1° les traumatismes du péricarde et du cœur. Comme 
exemples de lésion du péricarde seul n'intéressant pas le cœur, je cite les cas 
suivants : 

1° Chute d’un lieu élevé. Fractures multiples. Déchirure de l’aorte et du 
poumon. Déchirure du péricarde avec hernie du cœur à travers cette déchirure 
dans la cavité pleurale gauche. Bailly (Société anatomique, 1855). 

2° Blessure volontaire avec un couteau de boucher à la région précordiale. 
Frottement péricardique, oppression, anxiété, pouls petit, mais régulier. — 
Péricardite avec adhérence, section transversale du péricarde de 2 à 3 centi- 
mètres d'étendue : cœur non atteint. Warenghen (Société anatomique, 1860). 


PÉRICARDE (parmoroete). 15 


2 La rupture du cæur. Dans ce cas la quantité de sang épanché varie sui- 
vant la forme et les dimensions de la rupture. Si celle-c1 est grande, l’épanche- 
ment peut être abondant, moins abondant cependant qu'on pourrait le croire, 
car l'anémie cérébrale ou la syncope mortelle par compression ou choc met un 
terme à l’hémorrhagie; d'autre part, le péricarde ne se laisse pas distendre au 
delà d'une certaine limite; il résiste plus à la distension rapide qu'à une 
distension graduelle. Aussi, si la déchirure est plus petite, l'épanchement se fait 
plus lentement, graduellement, la mort est plus lente, la quantité de sang peut 
y être plus abondante (voy. Cœur). 

5° La rupture dans le sac pericardique d'un anevrysme de l'aorte (voy. 
ANÉVRYSMES DE L'AORTE. Godart, thèse de Paris, 1880. Étude sur les anévrysmes 
de l'aorte). 

4° La déchirure des vaisseaux coronaires malades ou anévrysmatiques. 

5° La pericardite hémorrhagique néo-membraneuse avec ou sans néoformation 
tuberculeuse ou cancéreuse. 

6° Les maladies cachectiques y donnent lieu assez rarement, sauf certaines 
formes de scorbut (voy. PÉRICARDITE). 

Te Les fièvres graves hémorrhagiques, notamment la variole et la scar- 
latine. 

8° Certains empoisonnements, surtout celui par le phosphore : l'hémopéri- 
carde accompagne la stéatose cardiaque; l’arsenie, le nitre, d’autres poisons, y 
donnent lieu aussi. 

90 La mort par suffocation, strangulation, submersion. Ces quatre derniers 
ordres de causes ne donnent lieu en général qu’à des ecchymoses diffuses ou 
disséminées, surtout dans le feuillet viscéral, ou bien ce sont de simples taches 
lenticulaires ou pétéchies. Ces taches rouges ou noirâtres tranchant sur un 
tissu musculaire pâle, décoloré ou jaune, stéatosé, peuvent disparaître par 
résorption en subissant les modifications successives de teintes que subit en 
général le sang extravasé. 

Dans les autres cas, le péricarde est distendu par une quantité de sang plus 
ou moins considérable, liquide ou en partie coagulé. 

Symptômes. Si l’épanchement est considérable, la mort peut être rapide ou 
foudroyante, par anémie cérébrale aiguë ou par paralysie du cœur. 

Si l'épanchement est lent et graduel, les symptômes sont ceux des hémor- 
rhagies : pouls petit, filiforme, imperceptible; peau fraîche et pâle, vertiges, 
bourdonnements d'oreille, obnubilation visuelle, syncope, mort rapide ou après 
un temps assez court, souvent convulsions ultimes. L’hémorrhagie compatible 
avec la prolongation de l'existence peut déterminer une péricardite consécutive. 

Le diagnostic sera déduit des signes précédents indiquant une hémorrhagie 
profonde et sur la constatation des signes physiques d’un épanchement péricar- 
dique rapidement développé. 

L'exsudat hémorrhagique léger, les ecchymoses, les pétéchies, échappent au 
diagnostic et ne déterminent par eux-mêmes aucun trouble fonctionnel. 

Le traitement est celui de l'affection dominante ou de la cause, lorsqu'elle 
est accessible à nos ressources thérapeutiques. 


Pneumopéricarde. PNEUMATOSIS PERICARDI. Quand la cavité péricardique 
contient des gaz, il y a preumopéricarde. Quand elle contient des gaz et de la 
sérosité, il y a hydropneumopéricarde. Si c'est du pus qui accompagne les 


76 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


gaz, il y a pyopneumopéricarde. Si c'est du sang, il y a hémopneumoperi- 
carde. 

Hisrorique. Dans les anciens auteurs jusqu’à Laennec on trouve peu d'indi- 
cations relatives au pneumopéricarde; les faits cités sont douteux et en tous 
cas peu explicites. D'après Voigtel (Handbuch der Pathol. Anatomie. Halle, 
1804), Haller, Hercules a Saxonia, Baillou, Bartholin, Sénac et Morgagni, ont vu 
l'accumulation du gaz dans le péricarde. Lieutaud (Anat. médic., obs. 691 et 692) 
l’a aussi constatée. Laennec ne consacre que peu de mots au pneumopéricarde, 
et il n’est pas certain qu'il l'ait observé. Bricheteau en 1844 (Arch. de méde- 
cine) découvrit le symptôme caractéristique, bruit de moulin, de l’hydropneumo- 
péricarde qui appelle l'attention sur la maladie; à ‘partir de ce moment, des 
observations précises furent publiées par Stokes, Chambers, Feine, Sorauer, 
Walshe, ete. Morel-Lavallée, en 1864, étudia surtout ce phénomène d’auscultation 
dans les traumatismes de la poitrine. Ces observations permettent à Friedreich 
d'écrire un chapitre complet sur le pneumopéricarde. En 1880, Reynier, dans 
une thèse de Paris intitulée Recherches cliniques et expérimentales sur le bruit 
de moulin dans les traumatismes de la poitrine, complète l'œuvre de Briche- 
teau, étudie le bruit de moulin dans les épanchements de gaz et de liquide en 
avant du péricarde, et établit le diagnostic différentiel entre les hydropneuma- 
toses intra-péricardiques et extra-péricardiques. 

Ériorocir. Les anciens médecins pensaient que le pneumopéricarde peut 
être spontané; Lobstein attribuait cette prétendue production spontanée de gaz 
dans la poche séreuse à une innervation exaltée ou pervertie; aujourd'hui les 
pathologistes sont unanimes à rejeter le pneumopéricarde essentiel. 

Mais la plupart admettent le développement spontané de gaz dans un exsudat 
devenu putride; la péricardite purulente est primitive, la pneumatose secon- 
daire. Bricheteau, Stokes, Sorauer, Duchek, Friedreich, citent des observations 
qui semblent démonstratives. Bauer émet un doute sur la réalité de ce méca- 
nisme. Cependant les autopsies ont montré dans plusieurs de ces cas la plèvre et 
le péricarde entiers, sans la moindre perforation. D'autre part, on sait que des 
abcès pyémiques ou septicémiques sous-cutanés et profonds, sans aucune commu- 
nication avec l'extérieur ou avec une cavité gazeuse, deviennent parfois clapo- 
tants par décomposition putride, et rien ne répugne à admettre que le même 
processus peut se passer dans les épanchements péricardiques. 

Le péricarde peut être ouvert directement par une cause traumatique et 
livrer passage à l'air avec lequel il est mis en communication. Dans les cas 
relatés par Feine, Chevallereau, Hermann Müller, il s'agissait d’un coup de cou- 
teau; dans un cas d’Aran, l'air pénétra à la suite d’une paracentèse. Thompson 
et Walshe relatent l’observation d’un couteau avalé qui perfora l’œsophage et le 
péricarde. Bodenheimer vit le péricarde ouvert par un coup de feu. 

Le traumatisme peut agir indirectement : une contusion du thorax peut, sans 
fracture de côtes ni pneumothorax, déchirer le poumon et, si celui-ci est 
adhérent au péricarde, une communication pneumopéricardique s'établit : tel 
est le cas de Steiger. Plus souvent il y a fracture de côtes, pénétration de 
fragments dans le poumon et le péricarde, comme dans un cas de Morel- 
Lavallée. Des observations de pneumopéricarde consécutif par un de ses méca- 
nismes à la contusion ou à l'écrasement des parois thoraciques sont relatées 
par Bricheteau, Schwartz, Hermann Müller, Lionpacher, Joubin, Reynier. Le 
péricarde peut être perforé par le processus ulcératif d'un organe contenant 


PÉRICARDE (raruoLocie). 77 


du gaz ou de l'air, tel que le poumon, la plèvre dans le cas de pneumothorax, 
l’œsophage, l'estomac après adhérence et perforation du diaphragme. Tels sont 
les faits de M. Dowel : ouverture d'une caverne pulmonaire dans le péricarde ; 
d’Eisenlohr : ouverture d’un pyopneumothorax droit dans le péricarde; de 
Chambers, de Beckers, de Tutel : perforation de l’œsophage dans le péricarde ; 
de Saexinger, de Rosenstein, de Guttmann, de Hallin, de Moizard, de Pierre 
Parisot : ulcère rond de l'estomac ouvert dans le péricarde; de Graves : abcès 
hépatique communiquant avec l'estomac et le péricarde. 

Inversement, le pericarde primitivement suppuré peut s'ouvrir à l'exte- 
rieur (Sabatier, Fabricius, O. Wyss, voy. PÉricarniTe); il en résulte une fistule 
péricardique, ou bien il s'ouvre dans un organe contenant des gaz. Tels sont les 
cas de Hermann Müller : évacuation d'un épanchement purulent du péricarde 
à travers la plèvre et le poumon correspondant; de Forsyth Meigs : hydropneumo- 
péricarde primitif, perforation consécutive du péricarde et de l’œsophage par 
une petite ulcération. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. Les lésions varient suivant la cause qui a déterminé 
le pneumopéricarde, et sur lesquelles nous venons d'insister. Presque toujours il 
existe une péricardite primitive, quelquefois secondaire, suppurée, hémorrhagique 
ou putride. La poche séreuse est distendue, le liquide occupe la partie déclive, 
le gaz surnage; quand on ouvre le péricarde, il s'échappe souvent en sifflant. 
La composition du gaz n’a pas été étudiée ; elle varie suivant qu'il résulte d’une 
composition putride du liquide, ou de la pénétration de l’air atmosphérique ou 
des gaz stomacaux dans la cavité. 

Quant aux modifications que subit le cœur, à son déplacement, à la rétrac- 
tion du poumon, etc., le pneumopéricarde peut agir comme les épanchements 
liquides de la poche (voy. Péricarnire). Rarement la présence de gaz dans le 
péricarde est un phénomène cadavérique; dans ce cas, on constaterait souvent, 
d'après Foerster, par suite de l'évaporation, une sécheresse de parchemin sur 
la séreuse. 

Symptômes. Le tableau symptomatique du pneumopéricarde varie suivant la 
cause qui lui a donné naissance, les complications, les lésions concomitantes. Si 
c'est une péricardite suppurée qui détermine une exhalation gazeuse, les trou- 
bles fonctionnels locaux et généraux dominent la scène, et l’épanchemnent 
gazeux ne se révèle que par les signes physiques. Il en sera de même, si une 
pleurésie, un pneumothorax, coexistent; les symptômes pulmonaires et cardia- 
ques graves dus à ce mécanisme complexe n’ont généralement rien de spécial 
qui dénote la pneumatose du péricarde. 

Le pneumopéricarde qui succède à une perforation subite se distingue par 
des symptômes à apparition brusque, tels que palpitations violentes, douleurs 
vives dans la région du cœur, sensation de chaleur brûlante au-dessous du sein 
gauche (Graves), qui marquent l'instant précis auquel la perforation a lieu. En 
même temps le pouls devient petit, intermittent, dicrote; les battements du 
cœur sont tumultueux; il y a une dyspnée excessive, de l'angoisse, une cyanose 
plus ou moins intense. Si l’épanchement est brusque et intense, le malade est 
pris de collapsus, avec état syncopal prolongé ou syncopes répétées ; la peau est 
pâle, bleuâtre, fraîche; quelquefois il y a du délire. D'autres fois on ne constate 
que de l’abattement, de l'apathie. Bientôt l'œdème des membres inférieurs 
manifeste l'insuffisance cardiaque. La fièvre avec ou sans frisson, les sueurs 
profuses, la diarrhée, l’état hectique, se rattachent à la suppuration péricardique 


78 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


ou aux complications concomitantes. Dans un cas de pyopneumothorax droit 
ayant ulcéré le péricarde, Einsenlohr nota la veille de la mort de la dysphagie, 
avec sensation de constriction derrière le sternum pendant la déglutition des 
liquides, symptôme que nous avons déjà constaté dans la péricardite. 

Les symptômes appellent l'attention sur le cœur, s’ils apparaissent subitement; 
les signes physiques seuls permettent le diagnostic. A l'inspection on peut 
observer une voussure précordiale dans les cas où, le thorax étant flexible, 
l'épanchement est abondant. Le choc du cœur peut être faible ou nul, suivant 
la quantité de gaz et de liquide contenue dans la poche ; le choc peut redevenir 
perceptible, quand le malade s'assied dans son lit, le corps penché en avant. 
D'autres fois le choc est bruyant et prend le timbre métallique. La percussion 
donne un son tympanique clair avec éclat métallique, s’il y a beaucoup d'air, 
étendu à toute la région précordiale ou limité à la base; au-dessous de cette 
sonorité existe une matité variable due au liquide. Ce son tympanique est 
souvent élevé de ton, en rapport avec les dimensions de l'espace gazeux; il 
peut s'élever dans la position assise, cet espace diminuant alors de hauteur par 
l'accumulation du liquide à la base. Notons encore les différences de hauteur 
du son suivant le rhythme cardiaque, observées par Gerhardt et Feine : on a 
constaté qu'à chaque systole le son tympanique devient plus sourd, à chaque dia- 
stole plus clair, parce que pendant la systole, le cœur se rapprochant en avant et 
en bas vers la paroi thoracique refoule le gaz en arrière, de sorte que l'épaisseur 
de la couche gazeuse percutée est moindre. Lorsque le malade s’assied, le 
niveau du gaz s'élevant, la matité sous-jacente est plus accusée et remonte plus 
haut; si le liquide est en quantité considérable et le gaz peu abondant, le tympa- 
nisme peut même disparaitre presque complétement: il change aussi de siége 
suivant que le malade se couche sur le côté droit ou sur le côté gauche, par 
suite du déplacement du cœur dans ces diverses attitudes. Le tympanisme peut 
s'accompagner d'un bruit de pot fêlé, sans qu'il y ait pour cela une communi- 
cation du péricarde avec une cavité gazeuse extérieure ; il en était ainsi dans les 
observations de Stokes, de Sorauer, de Friedreich. 

Le bruit de succussion hippocratique n'a pas été noté, que je sache, dans 
l'hydropneumopéricarde; il est probable cependant que ce symptôme, si on le 
recherchait, pourrait se rencontrer dans certaines circonstances. 

L'auscultation fournit des phénomènes intéressants pour le diagnostic. Les 
bruits du cœur, comme le choc, peuvent être affaiblis, lorsque le liquide est 
abondant; ils peuvent être couverts par les autres bruits complexes que nous 
allons étudier. D'autres fois au contraire, si l'épanchement gazeux domine, les 
bruits cardiaques sont plus clairs, éclatants, avec un timbre métallique, comme 
un craquement, comme un son de cloche (Friedreich). Souvent le premier bruit 
seul affecte ce caractère. Reynier (il s'agissait, il est vrai, d'un épanchement 
gazeux extra-péricardique) constata un bruit métallique concordant avec le choc 
du cœur, qu'il compare au bruit produit par une chiquenaude donnée sur le 
tragus appliqué contre le conduit auditif et le fermant; ce bruit était perceptible 
à l'application de la main sur la région précordiale. Ces bruits peuvent se per- 
cevoir à distance. Laennec considère comme un signe de pneumopéricardite la 
possibilité d'entendre à distance les battements du cœur. « Sur plus de vingt 
sujets, dit-il, J'ai entendu ces battements à une distance de 2 pouces à 2 pieds ». 
Mais quand cet auteur semble, sur la foi de ce signe seul, disposé à admettre 
qu'il s’agit d'une exhalation gazeuse primitive dans le péricarde, souvent promp- 


PÉRICARDE (PaTmoLocte). 19 


tement résorbée, qui ne se traduit que par des palpitations purement nerveuses, 
dont la présence ne produit aucun accident grave, on ne peut s'empêcher de 
conclure à une erreur. Hope croit que l’état des bruits, dans les cas de Laennec, 
pouvait être dû à une distension gazeuse de l'estomac. Chose singulière! l'illustre 
inventeur de l'auscultation constata sur lui-même ce signe, peu de jours avant 
sa mort, et l’attribua aux gaz de son estomac. 

Les phénomènes d'auscultation les plus importants sont constitués par les 
bruits anormaux. En 1844, Bricheteau donna comme caractéristique de l’hydro- 
pneumopéricarde un bruit qu'il appelle bruit de moulin, que Morel-Lavallée 
appela aussi bruit de roue hydraulique : ce bruit rappelle le clapotement d'une 
roue de moulin dont les aubes battent successivement l’eau à intervalles égaux. 
Ce bruit est tantôt intermittent, isochrone avec la systole ventriculaire ; tantôt il 
est continu avec redoublement systolique (Morel-Lavallée); le plus souvent il est 
intermittent; son timbre est plus ou moins métallique. Laennec parle d’un bruit 
de fluctuation de la région précordiale produit par les battements du cœur et les 
fortes inspirations; on ne peut conclure de cette courte et vague mention que 
Laennec ait réellement entendu le même bruit que Bricheteau, et, après lui, 
Morel-Lavallée, Tutel, Graves, Dowel, Stokes, Sorauer, Friedreich, etc., ont 
constaté dans les épanchements hydroaériques du péricarde. 

D'autres bruits moins nettement définis sont indiqués : un bruit de clapo- 
tement ou glouglou métallique, perceptible à distance dans un cas de Lionpa- 
cher; c'est le même phénomène que Stokes décrit sous le nom de crépitation. 
Ce produit de clapotement comporte des nuances variables : dans un cas de 
Billroth et Pitha, il est comparé à celui qu'on obtient en secouant du plomb de 
chasse dans une boîte; dans un autre de Reynier (épanchement gazeux au 
devant du péricarde), c'est un bruit de clapotement analogue à celui qu'on 
obtient en battant un liquide visqueux dans un vase. Reynier le compare dans 
un autre cas à celui qu'on produit en battant l'eau avec une cuiller dans une 
cruche. Graves et Bodenheimer, Hermann Müller, Chevallereau, ont observé un 
tintement métallique donnant l’idée d'une goutte d'eau tombant dans le péri- 
carde. Enfin on peut percevoir des bruits de craquement ou de crépitation 
emphysémateuse (Graves). Ajoutons encore que des bruits de frottement peuvent 
coexister et prendre un éclat extraordinaire; ils étaient si intenses dans un 
cas de Stokes, qu'il était impossible au malade et à sa femme de goûter un 
instant de repos. 

Les autres bruits hydroaériques peuvent aussi être perçus par le malade ou 
sont perceptibles à distance. Un malade de Gosselin (obs. de Schwarz) avait la 
sensation du clapotement systolique et entendait une chute d'eau intermittente. 
Chez un autre de Morel-Lavallée, le bruit hydroaérique s’entendait à distance, 
tout autour du lit, de la tête et des pieds, pouvu qu'il se fit un peu de silence 
dans la salle; il était également entendu du malade dans le silence de la nuit, 
au point de l'empêcher de dormir. 

Tous ces bruits d’ailleurs, claquement sonore des bruits du cœur, clapote- 
ment et bruit de moulin, bruit de crépitation emphysémateuse, frottements à 
timbre éclatant, tintement métallique, peuvent se succéder, se remplacer, se 
combiner. Ainsi, dans l'observation mentionnée de Graves, « le second jour de la 
perforation péricardique on entendait des bruits de frottement de différente 
nature. Bientôt après, on percevait de temps à autre sous la mamelle un tinte- 
ment métallique particulier ; le troisième jour le frottement devint appréciable 


80 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


à la main; les bruits prirent un caractère de craquement emphysémateux et mas- 
quèrent les bruits du cœur; le tintement métallique s’entendait mieux encore 
qu'auparavant. La veille de la mort, chaque battement du cœur s'accompagnait 
d'une résonnance métallique intense qui vint se joindre à la crépitation emphysé- 
nateuse et aux autres signes. » 

Dans l’observation de Chevallereau, le premier jour, bruits du cœur très- 
sourds, mais distincts ; bruit de moulin systolique. Le second jour, mêmes signes ; 
de plus, de temps à autres, à intervalles très-variables et en général très- 
éloignés, bruit de tintement métallique très-net. Le troisième jour le bruit de 
moulin est très-irrégulier, ne coïncide plus avec la systole cardiaque. 

Dans une observation de Reynier (épanchement gazeux antépéricardique), on 
constata au début un claquement sonore métallique des bruits du cœur; 
quelques heures après, c'était un bruit de clapotement, bruit de moulin systo- 
lique. 

Dans une autre, on percevait au début un bruit de crépitation sanguine pro- 
fonde, à la fin un claquement métallique des bruits du cœur, et pendant la 
période intermédiaire un bruit de clapotement passager. 

On conçoit que, suivant la nature de l’épanchement, la prédominance des 
gaz ou du liquide, la présence de sang coagulé, de fibrine ou de fausses mem- 
branes, l'existence d'une perforation, l’infiltration gazeuse ou sanguinolente du 
tissu cellulaire du médiastin antérieur, les contractions plus ou moins actives 
du cœur, tous ces phénomènes d’auscultation soient sujets à se modifier. Si 
l'épanchement est presque exclusivement gazeux, les bruits cardiaques prennent 
une consonnance métallique ; si le liquide est mélangé au gaz dans une certaine 
proporlion, ce sera un bruit de clapotement, de moulin, un tintement métal- 
lique, suivant que le mélange est plus ou moins intime. Le bruit de crépi- 
tation emphysémateuse peut être dù à l’infiltration sanguine et gazeuse du tissu 
cellulaire antépéricardique, le cœur par ses mouvements systoliques venant com- 
primer les aréoles. 

Tous ces bruits ont cela de particulier qu'ils dépendent des mouvements du 
cœur; ils persistent, si l'on fait suspendre la respiration du malade; ils 
indiquent qu'une collection aérique ou hydroaérique est agitée par la systole 
cardiaque, mais ils n'indiquent pas que cette collection soit à coup sûr dans la 
cavité péricardique; elle peut être dans le tissu cellulaire antépéricardique. 
C'est ce qui semble ressortir des recherches cliniques et expérimentales du 
docteur Reynier. Dans trois observations recueillies par lui, et dans une obser- 
vation plus récente de Maurice Notta (Union medicale, 1880) de traumatisme du 
thorax, mais sans perforation ni épanchement péricardique probable, le bruit de 
moulin existait très-net, avec éclat métallique des bruits du cœur (dans deux 
cas), et disparut en un jour à un jour et demi; en quatre jours dans le cas de Notta, 
sans aucun trouble cardiaque. L'auteur pense, avec son maître Tillaux, qu’une 
déchirure du poumon peut déterminer une infiltration d'air dans le tissu cellu- 
laire qui est entre la plèvre, le péricarde et le thorax, constituant la cavité 
pneumopéricardique de Tillaux. Cet air peut se mélanger au sang provenant 
de contusion ou de fracture de côtes. Le cœur bat alors dans cette atmo- 
sphère aérienne ou hydroaérique extra-péricardique et peut y éveiller les divers 
bruits mentionnés. Pour confirtner expérimentalement cette doctrine, M. Reynier 
injecte chez un lapin 10 grammes d'air et d’eau dans le tissu cellulaire de la 
région précordiale en avant du péricarde et entend un bruit de’ clapotement. 


PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 81 


L'injection du mélange dans la cavité du péricarde produit un bruit de clapote- 
ment plus fort, plus continu. Mais, dans le premier cas, ce bruit ne s'entend que 
dans la position horizontale de l'animal : il disparait, si on le place verticalement; 
dans le second cas, il existe aussi bien dans la position verticale qu'horizontale. 
Cela tient à ce que, dans ce dernier cas, le cœur, se rapprochant de la paroi 
thoracique, refoule le gaz extra-péricardique dans le médiastin antérieur, tandis 
que le gaz contenu dans la poche péricardique ne peut être refoulé. Ce serait 
donc là un caractère important pour le diagnostic du siégeintra ou extra-péricardique 
des épanchements gazeux. Dans le premier cas, les bruits hydroaériques se per- 
coivent dans la position assise ou couchée; c’est ce qui est consigné, par 
exemple, dans les observations de Bricheteau, Stokes, Aran, Sorauer, Schwartz, 
Dans le second cas, les bruits disparaissent ou s’affaiblissent dans la position 
assise; c'est ce qui fut observé dans Ìes trois cas de Reynier. 

Il faut ajouter avec cet auteur que l'existence d’un épanchement extra-péri- 
cardique n'exclut pas la possibilité d'une déchirure concomitante du péricarde. 
Dans ce cas, si le péricarde est largement ouvert et que le liquide passe libre- 
ment dans le médiastin, les choses pourront se passer comme dans le cas d’épan- 
chement extra-péricardique; les bruits d’auscultation s’affaiblissent dans la 
position assise. Si au contraire le péricarde non lésé, ou ne présentant qu'une 
ouverture étroite, retient l'épanchement, les bruits persistent dans la position 
assise (cas de Tuttel, Graves, M'Dowel, Chambers, Saexinger, Eisenlohr, Boden- 
heimer, etc.). 

Dans un cas observé par Reynier, le bruit de moulin n’était perçu que dans 
{a position assise. L'autopsie rendit compte de ce fait; il existait une déchirure 
du péricarde. Dans la position assise, on déplaçait un énorme épanchement 
sanguin qui siégait dans la cavité pleurale droite et qui pénétrait dans le sac 
péricardique. Le cadavre couché sur le dos, le sang s'écoulait du péricarde et ne 
venait qu'alfleurer son ouverture. 

Tels sont les signes physiques du pneumopéricarde. 

L'évolution et la marche varient suivant la cause et les complications. Si la 
péricardite n'a pas précédé l'épanchement gazeux, elle lui succède d'ordinaire, 
soit due à la même cause, si le pneumopéricarde est traumatique, soit consécutive à 
la pénétration de l'air et du sang dans la poche ; cette péricardite est quelque- 
fois séreuse, plus souvent elle est purulente et peut devenir putride sous l'in- 
fluence des germes aériens avec lesquels le liquide est mélangé. C’est à cette 
péricardite et aux autres complications, pleurésie, pneumothorax, altération des 
organes voisins qui ont pu déterminer la perforation, etc., que la maladie doit 
ses troubles fonctionnels, plutôt qu'au gaz péricardique. Les phénomènes 
dyspnéiques et asystoliques ne paraissent jamais dus, dans les observations pu- 
bliées, à la compression exercée par l’épanchement sur le cœur ou les poumons. 

Le pronostic est grave, surtout en raison de la maladie causale. Sur 14 cas 
envisagés par Friedreich, la mort est arrivée 10 fois ; elle est en général rapide, 
un à douze jours après le début. S'agit-il d'un pneumopéricarde par décomposition 
d’un exsudat, la gravité est considérable, surtout si la péricardite est suppurée. 
Mais celle-ci peut être simplement séro-fibrineuse : du moins la bénignité des 
symptômes tend à le faire croire; l’exhalation gazeuse dans ce cas est plus 
difficile à interpréter. Quoi qu'il en soit, l'air peut se résorber rapidement : 
dans les cas de Stokes et de Sorauer, les signes de sa présence disparurent 
en trois jours : la péricardite survivant dans le premier se termina heureu- 


DICT: ENC: 2° s. ANIIL 6 


82 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


sement après une convalescence lente; dans le second, la guérison fut com- 
plète en quelques jours. Rarement, comme dans un cas de Hermann Müller, 
suivi de guérison, l'épanchement se fait jour par une fistule pleuro-pulmonaire. 

C'est dans le pneumopéricarde traumatique que le pronostic est le moins défa- 
vorable, que la guérison a été le plus souvent observée. Citons, comme exemples, 
les observations d’Aran, de Steigert, de Morel-Lavallée, de Leonpacher, de 
Chevallereau, de Schwartz, et deux de Hermann Müller. Dans la plupart de ces 
faits, en très-peu de jours, et même en quelques heures parfois, tous les signes 
de pneumatose avaient disparu. Ajoutons que dans 6 cas d'épanchements trau- 
matiques extra-péricardiques recueillis par Reynier la guérison fut constante, 
très-facile et rapide ; la durée des bruits hydroaériques dans ces cas ne dépasse 
pas en général trois à quatre jours. Lorsque le pneumopéricarde est consécutif 
à l’ulcération du péricarde par une phlegmasie ou un néoplasme d'un organe 
environnant, le pronostic est fatal, de par la maladie primitive autant que par la 
complication péricardique. 

Le diagnostic se base sur les symptômes physiques. Le son tympanique, 
l'éclat métallique des bruits du cœur, le bruit de moulin, le clapotement, le 
tintement métallique, permettent en général d'affirmer l'existence d'air et de 
liquide au devant du cœur. Nous avons vu que la pneumatose du tissu cellulaire 
antépéricardique peut donner lieu à ces mêmes signes. Le diagnostic différentiel 
sera basé sur ce fait que dans ce dernier cas ces signes disparaissent dans la 
position assise. De plus, le péricarde et le cœur étant sains, on ne constate pas 
de désordres fonctionnels (à moins qu'il n'y ait traumatisme pleuro-pulmonaire 
intense concomitant) ; le pouls petit, au moment du choc, ne tarde pas à se 
relever et reste régulier. 

Dans le cas d’épanchement péricardique, au contraire, les signes persistent, 
dans la position assise ; on observe des troubles cardiaques, petitesse et inter- 
mittences du pouls, battements tumultueux, dyspnée, etc. Rappelons aussi que 
le pneumopéricarde par perforation se distingue du pneumopéricarde simple 
par l'apparition de symptômes tels que palpitations violentes, douleurs très-vives 
dans la région précordiale, qui indiquent l'instant précis auquel la perforation 
s’est produite. 

La tympanite stomacale peut engendrer des bruits métalliques qui s'entendent 
à la région précordiale et peuvent en imposer pour des bruits péricardiques ; 
un examen un peu attentif montrera que ces bruits ne dépendent pas des mou- 
vements du cœur. Toutefois, d’après Gerhardt, le cœur battant contre l'estomac 
dilaté peut manifester des bruits métalliques à la faveur de cette cavité de 
résonnance, et d'autre part faire éclater dans l'estomac lui-même des râles 
métalliques concordant avec les mouvements cardiaques ; mais la constatation 
de la distension gastrique, la configuration normale du cœur, la matité précor- 
diale non modifiée, l’absence des troubles fonctionnels cardiaques, au besoin 
la disparition des signes métalliques après évacuation du contenu stomacal par 
la sonde, lèveront toute hésitation. 

Une vaste caverne avoisinant la pointe du cœur, un pneumothorax enkysté 
dans son voisinage, donnent lieu aussi à des bruits hydroaériques sonores qui 
peuvent être faussement rapportés au cœur. On s'assurera que celui-ci a sa 
matité normale, et que les bruits métalliques ne concordent pas avec les mou- 
vements du cœur, qu'ils cessent de se produire, si l’on fait suspendre la respira- 
tion du malade, 





PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 85 


Le traitement du pneumopéricarde et de l'hydropneumopéricarde est subor- 
donné à la cause ct aux lésions concomitantes. Si la perforation du péricarde est 
consécutive à un procès ulcératif venant d'un organe voisin, on ne peut instituer 
qu'une thérapeutique palliative: combattre la péricardite par l'application de 
glace et les révulsifs ; la douleur par les narcotiques; l'insuffisance cardiaque 
par la digitale, les stimulants, les toniques ; soutenir l’état général ; ajourner, 
sinon prévenir, le dénouement fatal. 

Dans les formes traumatiques, on peut instituer un traitement antiphlogistique 
local et général, approprié aux forces du sujet, pour prévenir, si possible, Ja 
péricardite. Celle-ci sera combattue comme il a été dit à l’article Péricarnire. 

Si la péricardite est primitive et que l’exhalation gazeuse résulte de la décompo- 
sition de l’exsudat, on traitera l'inflammation de la poche comme précédem- 
ment, tant que les symptômes graves ne se manifestent pas. Ceux-ci peuvent 
commander l'intervention chirurgicale. Lorsqu'il y a des symptômes tels que 
collapsus, dyspnée, petitesse et irrégularité du pouls, fièvre hectique, frissons, 
asystolie, et qu'il y a leu de penser que l’épanchement péricardique peut 
être pour quelque chose dans cet ensemble symptomatique grave, la question de 
la paracentèse se pose. On recommande, dans ce cas, de faire la ponction dans 
le décubitus dorsal, car nous avons vu que dans la position assise le cœur se 
rapproche de la paroi thoracique et le gaz est refoulé en arrière. Si la ponction 
donne issue à des gaz fétides ou à un liquide putride, alors on ne devra pas 
hésiter à pratiquer l'opération radicale: l’incision du péricarde avec lavages 
désinfectants (voy. PARACENTÈSE DU PÉRICARDE). 

PLAQUES LAITEUSES. Sous le nom de plaques laiteuses, taches laiteuses ov 
tendineuses du péricarde, maculæ tendineæ, lacteæ, albidæ, ou insulæ, où 
décrit des surfaces de la séreuse, opaques, blanchâtres, épaissies. On les rencontre 
très-rarement sur le feuillet pariétal, presque exclusivement sur la séreuse 
viscérale. Leur siége de prédilection est la face antérieure du ventricule droit ; 
c'est là aussi qu’elles ont leurs plus grandes dimensions qui peuvent dépasser le 
diamètre d’une pièce de 5 francs. Moins souvent on les trouve sur la face anté- 
rieure du ventricule droit, sur les oreillettes, la face postérieure du cœur, ou 
au voisinage des gros troncs vasculaires, assez souvent vers la pointe du cœur. 
Dans ces régions elles sont plus petites, comme une pièce de 20 ou de 50 cen- 
times. Parfois elle existent symétriquement de chaque côté du sillon antérieur, 
sur les deux ventricules ; elles peuvent être multiples. Les plaques sont arron- 
dies ou irrégulières; au niveau des vaisseaux coronaires, elles constituent 
quelquefois des rubans étroits, allongés. Nettement délimitées dans certains cas, 
elles s’effacent d'autres fois graduellement et se confondent insensiblement avec 
la séreuse normale. Leur aspect est très-lisse, poli, nacré, le plus souvent ; 
ailleurs il est velu, gélatiniforme, œædémateux. 

Anatomiquement, ce sont des plaques fibreuses, constituées par un tissu 
conjonctif lamellaire avec des fibres élastiques. D'après les uns, Baillie, Laennec, 
Louis, on peut les détacher assez facilement, et la séreuse cardiaque est intacte 
au-dessous d'elles. D’après d’autres (Groisart, Hodgkin, J. Reid, Friedreich), la 
séreuse est au-dessus ; c'est un épaississement du tissu connectif sous-péricar- 
dique. Le revêtement épithélial, dit ce dernier, passe toujours au-dessus d'elles ; 
si on les enlève, et il faut quelquefois employer beaucoup de force, on rencontre 
une surface rugueuse et opaque. C'est un épaississement scléreux du tissu con- 
nectif péricardique et quelquefois aussi du tissu sous-péricardique. 


84 PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


Quoi qu'il en soit, ces plaques se rencontrent très-fréquemment dans les 
autopsies, surtout chez les vieillards, moins souvent dans la jeunesse, très- 
rarement chez les enfants ; plus souvent chez l’homme que chez la femme. 

Bizot donne les chiffres suivants, relatifs à leur fréquence aux différents âges 
et pour les deux sexes : 


HOMMES 
Individus. Cas. 
De: dairians: chez MN se 16 0 
1844-39 an5a pu 24 8 
A0 A 19 ANS Ta ee ee 32 25 
FEMMES 
Den à 22 ansi chez ah -maii taet 0 
95 à 00 AnS ee a e E à. | 25 5 
Meun ans RP see. a 20 9 


Soit en tout 45 fois dans 156 autopsies. Friedreich, ne tenant compte que des 
cadavres d'adultes, les a trouvées dans plus de la moitié des cas. Foerster a 
signalé une plaque chez un enfant de cinq ans; Hodgkin chez un enfant de 
dix semaines. 

Quelle est la nature de ces taches ? Les uns, avec Paget, J. Reid, Rokitansky, 
les considèrent comme inflammatoires ; elles représenteraient le vestige d’an- 
ciennes péricardites. Les autres, comme Corvisart et Foerster, les considèrent 
comme un épaississement fibreux simple qui n’a rien d'inflammatoire, analogue 
à ceux qu'on rencontre sur les autres séreuses, l'arachnoïde, la séreuse hépa- 
tique, splénique, etc. Bizot admet les deux variétés, la plus fréquente est une 
altération nutritive sénile; la moins fréquente est une altération d'origine 
inflammatoire. Les plaques dues à cette origine sont en général plus épaisses, 
plus étendues, diffuses, irrégulières ; plates ou granuleuses, elles sont solides 
et plus faciles à isoler de la séreuse péricardique. Cette distinction anatomique 
n’est cependant pas toujours facile. Il nous semble certain qu'une péricardite 
circonscrite peut constituer un épaississement fibreux persistant revètant 
l'aspect de la tache laiteuse. Mais, dans la majorité des cas, on ne retrouve pas 
dans les antécédents de traces cliniques de péricardite antérieure. Chambers, 
sur 16 cas, n'a vu que 5 fois des adhérences péricardiques concomitantes, signant 
un processus inflammatoire ancien. 

Il s'agirait donc d'une sclérose due à une simple irritation nutritive. Les par- 
tisans de cette doctrine font valoir cet argument que les plaques ont leur maxi- 
mum de fréquence sur les régions du cœur non recouvertes par les poumons, 
là où le péricarde frotte plus activement contre les parties résistantes du thorax, 
sur la face antérieure du ventricule qui répond à la partie antérieure du ster- 
num, sur la partie du ventricule gauche qui correspond au cinquième cartilage 
costal. Hodgkin a rencontré une plaque sur la face postérieure du cœur con- 
tiguë à un foie induré et cirrhotique. 

La diseussion sur la nature inflammatoire ou non inflammatoire du procès 
qui aboutit à la tache laiteuse n’est peut-être au fond qu'une question de mot. 
L'inflammation ne répond pas à un sens bien défini ; elle n'a pas de critérium 
anatomo-pathologique. Tout ce qu'on peut dire, c'est que les plaques laiteuses 
succèdent plus rarement à la péricardite aigue qu'à une irritation nutritive 
chronique, et que la sémlité figure en première ligne parmi ses causes. 

Ces plaques n’ont pas d'histoire clinique ; elles sont latentes, ne donnent 


PÉRICARDE (PATHoLOG1E). 85 


lieu à aucun symptôme, à aucun trouble fonctionnel. Gairdner pense qu'elles 
. PRTI . | 
peuvent engendrer quelquefois un léger frottement péricardique. 


Néoplasies. Les- néoplasmes du péricarde autres que le tubercule sont 
rares. Le moins rare de tous est lecancer. Köhler, sur 9118 morts, a rencontré 
6 fois un cancer du péricarde ; Güntzburg 1 fois sur 1700 autopsies. Willigk, 
sur 477 cas de cancer, a trouvé le péricarde envahi 7 fois (Duchek). 

Les cas de cancer primitif idiopathique du péricarde sont exceptionnels. 
Foerster relate 4 cas ; les feuillets péricardiques adhérents étaient transformés 
en une masse cancéreuse épaisse enveloppant le cœur. Le Beuf vit aussi une 
tumeur volumineuse occupant le médiastin antérieur, tumeur cancéreuse qui 
constitue, dit l'observation, la portion antérieure du péricarde très-épaissie. 
Dans ce cas, il est possible que le médiastin (Bull. de la Soc. anat., 1874) 
ait été le point de départ. 

Le plus souvent, en effet, le péricarde est envahi secondairement par un cancer 
venant des organes voisins, médiastin, sternum, œsophage. Une observation de 
ce genre est relatée par Doleris: Cancer du médiastin. Propagation au péricarde 

t aux oreillettes. Péricardite hémorhagique. Propagation à la plèvre droite et 
pleurésie (Bullet. de la Soc. anatom., 1876). 

Une autre observation est relatée par Barth (Bullet. de la Soc. anat., 1853). 
Femme de trente ans : cancer du médiastin, masses cancéreuses dans le poumon. 
Péricarde envahi au niveau du bord antérieur du poumon gauche. Métastases 
cancéreuses dans les reins, les ganglions, etc. 

Le péricarde peut s'infiltrer d’une façon diffuse et constituer une masse 
indurée squirrheuse adhérente au cœur ; d’autres fois c’est un ou plusieurs bour- 
geons circonscrits qui prolifèrent et font saillie dans la cavité. 

Enfin des noyaux cancereux métastatiques peuvent se déposer dans le 
péricarde comme dans les autres organes. Tels sont, par exemple, deux cas rela- 
tés par Cruveilhier (Anat. path., livre XIX) : 

Homme de quarante-six ans : Cancer mélanique à la paume et au dos de la 
main. Traitement par les caustiques. Récidive. Amputation radio-carpienne. 
Apparition d'une multitude de tumeurs cutanées. Mort dans le marasme. 
Tumeurs mélaniques dans les poumons, le cœur, l'estomac, etc. Tumeurs 
mélaniques superficielles subjacentes au feuillet séreux du cœur; d'autres 
occupent la surface externe du cœur et soulèvent la membrane interne ; quel- 
ques-unes siégent dans l'épaisseur de l'organe. 

Homme de quarante-cinq ans : Cancer mélanique sous-cutané extirpé. Appa- 
rition d'une multitude de tumeurs de même nature. Épuisement. Mort. Cancer 
dans un grand nombre d'organes. Plusieurs naissaient du péricarde. 

Citons encore les cas suivants (Bulletins de la Société anatomique, 1872). 
Viguier : Homme de quarante-trois ans : Cancer du médiastin. Généralisation ; 
petits noyaux dans le péricarde, les parois cardiaques, le poumon, le foie, les 
reins, le mésentère, le pancréas, le pariétal gauche. L. Rey: Sarcomes méla- 
niques de la jambe droite ; cautérisation. Généralisation : mort. Foie, poumons, 
plèvre, farcis ; le péricarde pariétal et viscéral renferment chacun un petit noyau ; 
de même le péritoine qui tapisse l'utérus. 

Clay (Edinb. Med. and Surg. Journ., t. XV, p. 808) a vu le péricarde et 
le tissu musculaire du cœur envahis par un cancroïde. 

Le cancer du péricarde détermine une péricardite adhésive chronique ou un 


86 ÉRICARDE (PATHOLOGIE). 


épanchement, quelquefois séreux, souvent hémorrhagique, parfois purulent et 
putride. 

Le diagnostic n’est possible que si d’autres manifestations cancéreuses 
superficielles visibles ou tangibles accompagnent des symptômes de péricardite 
aiguë ou chronique. Le cancer du médiastin peut d’ailleurs développer une 
matité péricordiale difficile à distinguer de celle qui appartient au péricarde 
lui-même. D'autre part, un cancer avoisinant le cœur peut donner lieu à une 
péricardite simple de voisinage. 

D'autres néoplasies ont été signalées dans le péricarde. « Chambers, dit 
Lancereaux, a constaté l'existence de tumeurs fibroïdes au sein de cette séreuse ; 
moi-même j'y ai vu un lymphome, et d'autres auteurs, Kolletschka particulière- 
ment, y ont noté la présence de fibromes embryonnaires. Ces lésions se pré- 
sentent sous la forme de masses mamelonnées, plus ou moins arrondies, uniques 
ou multiples, ordinairement généralisées à une grande étendue du péricarde, 
lorsque la néoplasie est formée de ces jeunes cellules arrondies qu’on appelle 
cellules embryonnaires. Si le plus souvent ces néoplasies commencent dans les 
organes voisins du cœur, il n’en est pas moins vrai qu’elles peuvent envahir 
d'emblée cette toile membraneuse » (Traité d'anatomie pathologique). 

Signalons encore un cas d'enchondrome kystique du péricarde, observé par 
Ullé, dans le service de Peter, chez une jeune femme de vingt-cinq ans (Bulle- 
tins de la Societe anatomique, 1869). La tumeur, constituée par un corps dur, 
élastique, placée à la partie supérieure du péricarde, adhérente à l’aorte ascen- 
dante et couvrant l'artère pulmonaire, ressemblait à un tubercule de pomme de 
terre, bosselée, mesurant 6 centimètres horizontalement, 4 centimètres et 1/2 
verticalement ; la bosselure contenait un liquide jaune filant ; des petits carti- 
lages étaient enchatonnés dans la paroi de la tumeur. 

Enfin le péricarde contient quelquefois des corps libres, de la grosseur d’un 
pois à un haricot, tantôt mous et lisses, constitués par de la fibrine, tantôt solides, 
fibroïdes, parfois stratifiés ; on les a vus calcifiés dans leur centre ou en totalité : 
ce sont alors de véritables cardiolithes. Ces néoformations ont pour point de 
départ un corps étranger, fibrine, pus concret, ou bien une frange pseudo- 
membraneuse détachée par étranglement. Bouchard a rencontré chez un enfant 
mort de la coqueluche de véritables franges synoviales du péricarde, allongées, 
supportées par des pédicules grêles ; elles avaient en longueur 15 ou 20 fois leur 
largeur. Dans l’intérieur de ces franges étaient des capillaires, du tissu con- 
Jonctif, mais pas de fibrine ni d’élément du sang ; ces papilles n'avaient pas 
d'épithélium. Le reste du péricarde était sain (Bulletins de la Soc. anat., 1865). 

` KYSTES HYDATIQUES DU PÉRICARDE. Je ne connais que 5 observations de 
kystes hydatiques développés primitivement dans le péricarde. Je vais les ré- 
sumer brièvement : 

1° D'une appartient au docteur Haberson el a été relatée par M. Davaine 
dans son Traité des entozoaires. 

Il s'agit d'une jeune fille de seize ans admise à Guy’s Hospital en 1854, dans 
le service du docteur Barlow, avec des symptômes d'asystolie. A l’autopsie on 
trouva le péricarde généralement adhérent; il offrait en avant une proémi- 
nence considérable occupant un espace de 2 pouces et 1/2 dans un sens et d’un 
Pouce dans l'autre. En l'incisant, on trouva 2 onces de pus épais avec matière 
athéromateuse ; ce liquide était entouré d’une membrane assez épaisse et conte- 
nait de nombreuses vésicules. Les plus grandes avaient environ un 1 /2 pouc 


PÉRICARDE (PATHOLOGIE). 87 


de diamètre et contenaient de petites vésicules secondaires adhérentes à leur 
paroi interne et qui avaient de 1 à 2 lignes de diamètre ; les vésicules 
étaient demi-gélatineuses, élastiques, et formées de couches nombreuses, paral- 
lèles, homogènes dans quelques parties et couvertes par leur face interne d’une 
matière granuleuse. On ne trouva ni cysticerques ni échinocoques. L'oreillette 
et le ventricule droits étaient pressés par cette poche qui se projetait entre les 
deux cavités. Le cœur tout entier était agrandi. 

2° Un second cas est consigné au catalogue du Musée de Guy’s Hospital à 
Londres. Il existait entre le cœur et le poumon gauche deux larges sacs conte- 
nant des hydatides. Le sac inférieur qui était le plus large enveloppait toute la 
surface du cœur, mais en même temps de fortes adhérences unissaient les 
feuillets du péricarde entre eux ; le sac le plus petit occupait le tissu du poumon. 

5° La troisième observation est empruntée à la Bibliothèque germanique 
(t. IV). 

Un homme de cinquante ans mourut le 18 août 1857 à l'hôpital de Gœttingue 
avec des symptômes d’asystolie. A l’autopsie, hydatides disséminées dans le foie, 
entre les téguments et le péritoine, dans les parois de l'estomac, dans le péri- 
carde. Les sacs étaient remplis d’hydatides dont le volume variait depuis la gros- 
seur d'un œuf d'oie jusqu'à celle d'un pois. Le meilleur microscope ne fit recon- 
naître aucun organe qui pût être pris pour la tête ou la queue d’un animal. 

4° Le quatrième cas a été relaté par Landouzy à la Société anatomique. Chez un 
vieillard de soixante-quatre ans mort de pneumonie hypostatique (Bulletins 
de 1870) on trouva à la partie inférieure de la face antérieure du ventricule 
gauche le péricarde viscéral soulevé par une tumeur du volume d’un très-gros 
pois. Le péricarde n’est pas épaissi ; en l’incisant, on voit une vésicule arrondie 
d’un aspect blanc-laiteux ; celle-ci incisée donne issue à quelques gouttes de 
liquide, et sur sa face interne d’un blanc nacré brillant on voit une pelite saillie 
gris Jaunâtre, comme un grain de mil. Des coupes faites en ce point nous mon- 
trent: 1° une membrane mince formée de granulations excessivement abondantes 
et pressées les unes contre les autres, hydatide fertile de Robin; 2° deux cou- 
ronnes de crochets d’échinocoques. 

5 La cinquième observation prise à ma clinique a été relatée par moi 
dans la Revue médicale de l'Est (1878) et dans la thèse de M. Cornet 
(Nancy, 1878). Un homme de soixante-sept ans éprouve depuis deux ans des 
symptômes d'asystolie, et l’on constate une hypertrophie du cœur. Il meurt 
subitement. A l’autopsie on trouve le péricarde adhérent au cœur, et à sa face 
postérieure une grosse plaque calcaire saillante; en l'incisant, on tombe dans 
une poche du Le d’un gros œuf de poule, siégeant à la partie inférieure et 
postérieure du péricarde, one les feuillets du ricate pariétal et viscéral 
accolés ; l'enveloppe du kyste est fibreuse, sa face interne parsemée de plaques 
calcaires. Elle contient des membranes d’un blanc grisätre, gélatiniformes, 
pelotonnées, sans liquide, ayant la structure histologique lamellaire des vésicules 
d'hydatides. A leur face interne on trouve par places une matière granuleuse 
grisâtre constituée par des cristaux de cholestérine et des granulations grais- 
seuses ; on ne découvre pas de crochets; dans les couches superficielles du péri- 
carde sur ses bords droit et gauche, deux vésicules isolées, pisiformes, contenant 
des membranes de même aspect; à la base du poumon gauche, trois petits 
kystes du volume d’une noisette contenant des membranes Rate 

BERNHEIM, 


88 PÉRICARDE (BIBLIOGRAPHIE). 


BreztocrAPmiE. — Anatomie et physiologie. — Voy. les traités classiques d'anatomie, de 
physiologie et d'histologie. — Srricker. Handbuch der Lehre von den Geweben. Leipzig, 1871. 
— AnoawkiewiTz et Jaconsox. Centralblatt für die med. Wissenschaften, 1873, p. 485. — 
Rogix et Canrar. Art. Séreuse. In Dictionn. encyclopédique des sciences médicales. 


Absence totale ou partielle du péricarde. — Cocowgus Rearnus. De re anatom., lib. XY. 
p. 265 (seizième siècle). — Lancisi. De motu cordis et anevrysm., lib. I, p. 25 (dix-septième 
siècle). — Pever. Method. hist. anat., cap. 1v, x (dix-septième siècle). — HorFMaxx. 
D. de pericardio. Altdorf, 1690. — Brunxer. De corde occulto, 1101. — Lurner. D. de peri- 
cardio. pulmonum et partium genital. anomaliis. Kil., 1704.— Harrer. Elementa physiologie, 
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4742. — Barw. On the Want of the Pericard. in the Human Lody. In Transactions of « 
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92 PÉRICARDE (BIBLIOGRAPHIE). 


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PÉRICARPE. 95 


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Bd. LI, 25. März 1865. B. 


PÉRICARPE. On donne ce nom aux parois du fruit qui limitent la ou les 
cavités dans lesquelles sont enfermées les graines. On distingue dans le péricarpe 
trois parties distinctes, qui sont, de l'extérieur à l'intérieur : l'épicarpe, le méso- 
carpe et l'endocarpe. Ces diverses couches peuvent présenter des difiérences 
assez grandes selon les fruits. 

L’épicarpe est le plus souvent mince et n’a qu’une importance secondaire 
dans le fruit. Cependant on trouve quelquefois à sa surface des produits intéres- 
sants : glandules et poils du Lupulin, du Chanvre indien, du Kamala, ou 
encore glandes oléo-résineuses, comme dans les écorces de Citron et d'Orange. 

Le mesocarpe est la partie la plus intéressante au point de vue des produits : 
tantôt il est succulent, comme dans les fruits de la Pêche, de la Cerise et les 
Drupacées en général, et est alors un aliment agréable; d'autres fois il ren- 
ferme des matières grasses, comme dans {Olive et le Palmier qui donne l'Huile 
de palme (Elæis guineensis L.); d’autres fois encore des huiles essentielles et 
«es résines, comme dans les Poivres, les piments de Myrtacées, les fruits 
d’Ombellilères ; parfois encore des produits astringents comme dans les Myro- 
balans ou la Grenade; enfin certains mésocarpes sont plus intéressants encore 


94 PÉRIDINIENS. 


par les principes actifs qu’ils fournissent : tel est l'opium, retiré du mésocarpe 
du Pavot. 

Quant à l’endocarpe, il peut être mince et membraneux, ou se durcir consi- 
dérablement et devenir, comme dans les drupes, un noyau ligneux. Enfin, dans 
certains cas, comme dans les Citrons et les Oranges, il devient plus intéressant, 
parce qu'il se produit sur la membrane une série de gros poils, qui se renflent 
à l’intérieur, se remplissent d’un suc à la fois doux et acidulé et fournissent le 
jus d’oranges et de citrons, si utiles dans certaines maladies, telles que le 


scorbut. 4 PL. 


PÉRICHONDRE. Voy. PÉRIOSTE. 

PERICLYMENUM (Diosc.). Plante grimpante, dont l'usage rend les urines 
sanglantes, après quelques jours. Les fleurs sont celles d'une Papilionacée : il 
est donc difficile de considérer cette plante comme le Lonicera Periclymenum L. 
(Mér. et ne L., Dict. Mat. méd., V, 258). Ce serait plutôt un Lathyrus ou 
quelque autre Légumineuse voisine. H. Bx. 


PÉRICRANE. Nom donné au périoste qui recouvre la surface externe des 
os du crâne. Il est séparé de l’aponévrose épicränienne par un tissu cellulaire 
lâche; quelquefois, chez le vieillard, ce tissu s’épaissit et il s'établit entre 
l’aponévrose et l’épicräne des adhérences assez fortes pour que des lambeaux 
de celui-ci soient arrachés, quand on pratique la dénudation du crâne pour 


l'autopsie. D. 


PÉRIDINIENS. Groupe de Protozoaires rangé par certains naturalistes dans 
les Flagellés et constituant pour d'autres un groupe à part, les Cilioflagellés, 
intermédiaires entre les Flagellés et les Infusoires ciliés. Les Péridiniens sont des 
organismes de petite taille, toujours plus ou moins irréguliers. Quelquefois 
globuleux, mais le plus souvent aplatis soit latéralement, soit d'arrière en avant 
ou de haut en bas, beaucoup présentent des prolongements en forme de cornes 
(Ceratium) . Presque tous les Péridiniens ont le corps renfermé dans une carapace 
plus où moins épaisse, qui présente les réactions de la cellulose et qui n’est 
jamais incrustée de matières minérales. Cette carapace, quelquefois transparente 
et sans reliefs, porte le plus souvent des dessins à dispositions très-variées, 
formés de lignes saillantes qui s’anastomosent. Chez les Ceratium la carapace 
est aussi traversée par des canaux poreux ; les Peridinium et Protoperidinium 
ont une carapace constituée par plusieurs plaques polygonales ajustées comme 
les pièces d’une mosaïque. La carapace offre tantôt un simple sillon transversal, 
tantôt un sillon transversal se prolongeant sur la face ventrale vers la partie 
postérieure du corps, de manière à former un second sillon longitudinal. Le sil- 
lon transversal donne insertion aux cils vibratiles, le sillon longitudinal au 
flagellum. Les Gymnodinium et les Polykrikos n'ont pas de cuirasse ; chez ces 
derniers il y a plusieurs sillons transversaux, garnis de cils vibratiles ; le flagel- 
lum est à la partie postérieure du corps. Bütschli et Bergh ont observé des tricho- 
cystes dans leur ectosarque. 

L'intérieur de la carapace des Péridiniens est rempli par un protoplasma géné- 
ralement coloré de diverses manières en rouge, vert, brun ou jaune. 

La matière colorante se rapproche de celle des Diatomées, la diatomine. On y 


PÉRIDINIENS. 95 


trouve des granulations amylacées et des gouttelettes d'une substance huileuse colo- 
rée en rouge ou en jaune qu'Ehrenberg considérait comme des yeux. G. Pouchet 
a décrit récemment chez un Gymnodinium un corps réfringent reposant sur une 
tache pigmentaire, et il considère cette disposition comme constituant un organe 
visuel. Les Péridiniens n’ont pas de bouche, ni de cavité digestive, et ne parais- 
sent pas, du moins les espèces ayant une carapace, absorber de particules solides. 
Ils semblent aussi dépourvus de vésicule contractile. Leur noyau est unique et 
de forme ovalaire; les Polykrikos ont quatre noyaux accompagnés chacun d’un 
nucléole. Les organes locomoteurs consistent en un long flagellum et en une 
couronne de cils vibratiles. Cependant, d'après les observations de Klebs et de 
G. Pouchet, la couronne ciliaire, regardée jusqu'ici comme s'insérant dans le 
sillon transversal, n'existerait pas dans beaucoup d'espèces; ce qu’on prenait 
pour des cils serait un second flagellum en rapport avec le sillon transversal où 
il demeure logé et où il ondule. 

La reproduction des Péridiniens est encore mal connue. Ils se multiplient par 
division transversale soit pendant la vie active (Polykrikos), soit ordinairement 
dans un kyste de forme très-variable. Stein (1878), Joseph, de Breslau (1879), et 
Bergh (1881), ont décrit aussi une multiplication par conjugaison. 

Les Péridiniens vivent généralement à l’état isolé dans la mer ou dans l’eau 
douce; mais Allmann, John Murray et plus récemment G. Pouchet, ont rencontré 
des Péridiniens marins réunis en forme de chaînes, composées quelquefois d’un 
grand nombre d'individus réunis, qui se séparent ensuite par désagrégation. 

Certains Péridiniens, entre autres le Prorocentrum micans, sont phorphorescents 
comme les Noctiluques. 

La famille des Péridiniens, dont quelques espèces avaient été décrites par 
0. F. Müller et Schrank, a été constituée par Ehrenberg, qui la rangeait parmi 
les Polygastrica anentera. Claparède et Lachmann, en 1878, proposèrent d’en 
faire un ordre à part auquel ils ont donné le nom de Cilioflagellés. Stein (1878) 
et Saville Kent (1881) ne font des Péridiniens qu'une simple famille des Flagellés ; 
enfin Bergh, qui a fait une étude approfondie de ces organismes, les considère, 
ainsi que Claparède et Lachmann, comme formant un groupe de passage des 
Flagellés aux Ciliés. Les recherches de Klebs et de G. Pouchet devraient, si 
elles sont confirmées, faire rentrer un certain nombre de Péridiniens parmi les 
Flagellés. 

Bergh a divisé les Cilioflagellés de la manière suivante : 

I. ADINIDA. Pas de sillon transversal. Cils et flagellum au pôle antérieur. 
Prorocentrum. 

Il. DINIFERA. Un sillon transversal et ordinairement aussi un sillon longitu- 
dinal. Flagellum plus ou moins éloigné du pôle antérieur. Se divisent en : 

1° Divopavipa. Une cuirasse. Sillon transversal au pôle antérieur. Corps 
aplati latéralement. Dinophysis, Amphidinium. 

2 Perminma. Une cuirasse. Sillon transversal dans la partie moyenne. Corps 
arrondi ou aplati de haut en bas ou d'arrière en avant. Sillon longitudinal rem- 
placé quelquefois par une échancrure ventrale. Protoperidinium, Peridinium. 
Protoceratium. Ceratium, Diplopsalis, Glenodinium. 

5° GymNopiniba. Pas de cuirasse. Un seul sillon transversal. Gymnodinium. 

Plusieurs sillons transversaux. Polykrikos. 

Saville Kent range dans les Cilioflagellés un certain nombre d'organismes mal 
étudiés et qui diffèrent beaucoup des Péridiniens proprement dits : tels sont les 


96 PERIER. 


Heteromastix, les Mallomonas, les Stephanomonas, les Asthmatos, les Tri- 
chonema, etc. Parmi ces organismes il en est un intéressant au point de vue 
médical; c’est l'Asthmatos ciliaris. Ce protozoaire n'ayant pas été mentionné à 
sa place dans le Dictionnaire, nous le décrirons ici brièvement. 

Asthmatos ciliaris, Salisb. Cet Infusoire a une forme ovale ou presque sphé- 
rique ; son corps étant très-plastique inodifie facilement ses contours. Son extré- 
mité antérieure porte une couronne de cils vibratiles du centre de laquelle 
émerge un long flagellum : ces organes locomoteurs sont rétractiles. L'animal se 
multiplie par division transversale. Salisbury a rencontré cet [nfusoire dans le 
mucus du nez, de la gorge et des yeux de malades atteints de certaines formes 
de fièvre catarrhale qu'il propose de désigner sous le nom de « Infusorial 
calarrh and asthma. » L'affection débute par les muqueuses des yeux et du 
nez, gagne le pharynx et le larynx et s'étend à la trachée et aux bronches; la pré- 
sence du parasite détermine de violents accès de toux et de véritables attaques 
d'asthme; des inhalations d’une solution d'acide phénique, de perchlorure de 
fer, d'acides sulfurique, chlorhydrique ou nitrique, amènent rapidement la 
guérison. Leydi (Americ. Journ. of Med. Sc., 1879) a considéré l’Asthmatos 
ciliaris comme constitué par des cellules épithéliales ciliées des voies respira- 
toires, mais les observations de Ephrain Cutter de Boston et de Reinsch d'Er- 
langen ont confirmé celles de Salisbury et établi la nature parasitaire de 


l’Asthmatos. F. Hennecuy. 
BmriocraPmie. — 0. Fr. Müzcer. Animalcula Infusiora, 1786. — Enrenrerc. Die Infusions- 
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1884-85. FE. H- 


PÉRIDIDYME. Enveloppe fibreuse du testicule (voy. TestIcuLE). 


PÉRIER (JEAN-ANDRÉ-Naporéox). Né à Lyon, le 2 février 1806, entré comme 
élève à l'Ecole militaire du Val-de-Grâce en 1829, fut nommé sous-aide-major 
en 1851 et envoyé au siége d'Anvers. De retour à Paris, après la campagne, il 
fut attaché en 1834, comme aide-major de 2° classe, au service des Inva- 
lides, et remarqué par le baron Larrey, l'ancien chirurgien en chef des armées 
du premier Empire. L'année suivante, Larrey, ayant été envoyé en mission 
dans le midi de la France où le choléra sévissait, emmena Périer avec lui. 
Admis plus tard dans l'intimité de la famille, Périer épousa la fille de l'illustre 
chirurgien et devint ainsi le beau-frère de M. Larrey, ancien inspecteur général 
du corps de santé militaire et membre de l’Institut. Reçu docteur en médecine, 
en 1836, nommé successivement médecin-major, médecin en chef du 2 corps 
à la campagne d'Italie en 1859, Périer revint à Paris comme médecin en chef 
des Invalides en 1860, et parvint au grade de médecin principal de 1r° classe. 
Son goût pour l'étude et ses aptitudes scientifiques l'avaient incité à s'occuper 


PÉRIER (anatomie). 07 


Spécialement d'histoire et d’ethnologie. Membre, dès 1840, de la Commission 
chargée de l'exploration scientifique de l'Algérie, où il devait résider plusieurs 
années, il avait étudié sous toutes leurs faces l'hygiène civile et militaire du 
pays. De même, sous l'inspiration du médecin en chef Guyon, les races diverses 
qu'il avait sous les yeux devinrent l'objet de ses constantes préoccupations. Il 
apprit bientôt à en connaître les mœurs et les aplitudes, et, remontant vers le 
passé, il se mit à étudier leur histoire et leurs origines. Aussi prit-il une part 
active aux travaux de la Société d'anthropologie dès la fondation de celle-ci, et 
l'ethnologie eut en lui un interprète des plus compétents et des plus distmgués. 
Pendant plus de dix ans, il a publié sur toutes les questions alors à l'ordre du 
jour, la perfectibilité des races, la consanguinité, l'hérédité, le volume de l'en- 
céphale, la pluralité des organes cérébraux, l'ethnologie des peuples gaëlique, 
kabyle, etc., des mémoires remarqués, écrits avec une argumentalion vigoureuse 
et une logique sévère, Malheureusement une attaque de congestion cérébrale, 
qui vint le frapper, pendant qu'il parcourait les salles de son service aux Inva- 
lides, vinrent arrêter ses recherches. Pendant de longues années, il dut vivre 
dans la retraite, travaillant sans cesse, ayant conservé d'ailleurs la plénitude de 
son intelligence. Son illustre collègue ct ami, le regretté Paul Broca, qui devait 
le suivre de si près dans la tombe, a dit avec raison de Périer qu’ « il ne fut 
pas seulement un savant, ma's un sage et un juste. » Il est mort à Paris, le 
12 mai 1880. Nous citerons de lui : 


I. Aperçu critique des théories sur les idées et les facullés humaines. Thèse de Paris, 
1856, in-4. — IL. De l'hygiène en Algérie. Paris, 1847, in-8°. — II. Fragments elhnolo- 
giques, études sur les vestiges des peuples gaëliques et eymriques dans quelques contrées 
de l'Europe occidentale. Poris, 1857, im-8°. — 1V. Sur les croisements ethniques. In Bull. 
de la Soc. d'anthr. de Paris, t. 1, 1859, 4360, p. 187; t V, 1864, p: 360, 2e série, t. NI, 
1868, p. 369; Mém. de la même Société, t. 1, 1800-1865; t. I, 1865 ; t. I, 1868. — V. Sur 
l'influence des mariages consanguins. Bull., t. T, 1859, 1850, p. 146, 540, 549. — VI. Sur 
l'ancienne population de l'Egypte. Abid., t. If, 1861, p. 605, 666. In Mém., t. I, 1860-1505. 
— VH. Sur les races dites berbères, In Mém. de la Socicté d'anthrop., 2° sér., t. 1, 
1875.— Vill. Sur ie transformisme. In Revue d'anthropologie, 1850, p 213. —IX. Notice sur 
ta vie et les travaux du docteur Boudin. ln Mém. de la Soc. d'aathropol., t. 1, 1868. — 
X. De l'influence des milieux sur La constilulion des races humaines. Ibid., 2° sér., t. I, 
1813. A. D. 


Périer (Ebue-Juzes-François), né à Paris le 29 février 1812, est entré au 
Val-de-Grâce en avril 1852. Élève bénévole dans un service de l'hôpital du 
Gros-Caillou, à la fin de 1831, il s’y trouvait lors du choléra, et il sollicita de 
rester à son poste jusqu'à la fin de l'épidémie. Nommé chirurgien sous aide, 
en 1854, il fut envoyé en Algérie où il y resta jusqu’au milieu de 1858, ayant 
pris part à plusieurs expéditions. En 1840, il est médecin adjoint des hôpitaux, 
et retourne en Algérie comme médecin ordinaire, en 184%. Il revient en France 
en 1847 el devient médecin en chef des hôpitaux de Boulogne en 1854. Il 
déploie dans ces fonctions difñciles en présence d'épidémies successives de cho- 
léra, de fièvre typhoïde, de scorbut, ses qualités de médecin et d'administrateur, 
et est promu en 1858 médecin principal de 2° classe chargé du service médical 
du camp de Châlons. Nommé médecin principal de 1" classe le 12 août 1863, 
il retourne en Algérie, comme médecin chef de l'hôpital du Dey et de la division 
d'Alger. Il se trouva bientôt en présence d'une épidémie de choléra de 1865 à 
1866, et d’une épidémie de typhus en 1868, et fait preuve d’un dévouement 
ct d'une énergie de direction qui lui valurent bientôt le titre de médecin- 


DET ENG. 2° s. XXII. 7 


98 PÉRINÉE (anatomie). 


inspecteur (12 décembre de la même année). Il fut placé dans le cadre de 
réserve le 46 avril 1877 et mourut à Paris le 44 avril 1885. Nous citerons 
de lui : 


I. Observation de concrétions polypiformes du cœur. In Recueil de mém. de médecine 
militaire, t. LXII. — II. Relation d'une épidémie de dysenterie observée à Versailles. In 
Journal de méd., févr., mars, 1845. — II. Relation d'une épidémie de rougeole. In Mém. 
de la Société des sciences de Calais, 1846. — IV. Histoire médicale du camp de Boulogne. 
In Mém. de méd. militaire, 2° série, t. XVII. — V. Service du camp de Châlons en 1858, 
lbid., 3° série, t. I. — VI. Guide complet du recrutement. Paris, 1861, in-8°. — VII. Etude 
complémentaire et critique, en tête de l'édition des maladies des armées, par Pringle. 
Paris, 1863, in-8. — VIII. Rapports sur l'épidémie de choléra en 1865 et 1866, dans la 
province d’Alger.In Bulletin de la Soc. de méd. d'Alger, t. IN. — IX. Rapport sur le typhus 
dans la province d'Alger. In Recueil des mém. de la méd. militaire, 3° série, t. XXII, 1867, 
et XXIV, 1869. K- D: 


PÉRILYMPHE. Voy. OREILLE INTERNE. 


PÉRIM-ARAM. Nom malabare de l'Ailanthus malabarica DC., arbre de 
la famille des Rutacées, que Rheede (Hort. malab., VI, t. 15) a figuré sous le 
nom de Pongelion. Son écorce, amère et aromatique, est employée, dans 
l'Inde, dans le traitement des fièvres intermittentes. Ses fruits sont préconisés 
contre les maux de tête (voy. H. Baillon. Hist. des plantes, IN, p. 449), 

En. Ler. 


PÉRIM-KAKU-VALELI. Nom malabare de l’Entada scandens Benth., 
Légumineuse-Mimosée qui est l'Entada de Rheede (Hort. malab., IX, t. T1) 
(voy. Entana). En. Ler. 


PÉRIM-KARA. Nom indigène de l'Elæocarpus Perim-kara DC., arbre de 
la famille des Tiliacées, qui croit au Malabar. Ses fruits, bien connus dans 
l'Inde sous les noms vulgaires de Tulpai, Julpai, sont des drupes presque 
globuleuses dont le péricarpe est comestible. 

Adanson (Fam. des pl., II, 447) avait conservé le mot Perimkara comme 
nom générique; Scopoli ({ntrod., 1832) l'avait changé en celui de Lochneria. 

En. Ler. 


PERSIN-PANEL. On donne ce nom au Malabar à un arbrisseau dont les 
feuilles servent à faire des fumigations qu'on emploie contre l'hystérie. On en 


fait aussi avec de l’eau de riz des cataplasmes maturatifs. Pr 
Breciocrapaie. — Rarene, Hortus malabaricus, t. V, p. 15. — Amste. Mat. Indica, II, 
p- 506. Dr 


PÉRINÉALE (ARTÈRE). Voy. HONTEUSE INTERNE. 


PÉRINÉE. ĝl. Anatomie. On donne le nom de périnée à l'ensemble 
des parties molles qui forment le plancher du bassin et ferment en bas la cavité 
pelvienne. On y décrit plusieurs couches superposées de musc'es et d'aponé- 
vroses, traversées par lurèthre et le rectum chez l'homme et par ces mêmes 
conduits entre lesquels vient s'interposer le vagin et la vulve chez la femme. Il 
résulte de ces faits anatomiques, que le périnée est divisé en deux parties assez 
différentes l’une de l’autre par leur forme et par leurs parties constituantes : 


PÉRINÉE (anatomie). 99 


ce sont la portion antérieure ou génito-uréthrale, et la portion postérieure ou 
recto-anale. La ligne de démarcation entre ces deux portions, est représentée 
par une ligne transversale qui réunit le sommet des deux ischions, ou ligne 
biischiatique. Les différences anatomiques et pathologiques qui nécessitent et 
justifient cette subdivision avaient tellement frappé l'attention de quelques ana- 
tomistes, Velpeau et Malgaigne entre autres, que ces auteurs ävaient réservé le 
terme de périnée pour ae ce qui pour nous est la partie g oémto-uréthrale 
du périnée et désignaient la partie postérieure par le nom de région anale. Mais 
ces différences ne sont pas tellement profondes qu'elles puissent amener à ne 
tenir aucun compte de la relation étroite qui existe entre toutes les parties 
molles au point de vue physiologique et qui les associe dans des actions com- 
munes. Aussi attribuerons-nous au périnée l'étendue que lui concède la défi- 
nition que nous en avons donnée. Ìl est étendu du coccyx à la racine des 
bourses d’arrière en avant et d'une tubérosité de l'ischion à l’autre dans le sens 
transversal. Dans ces conditions, et compris de cette manière, il présente la 
forme d’une gouttière lorsque les cuisses sont rapprochées, et celle d’un losange, 
si les cuisses sont écartées. On y trouve d'avant en arrière une saillie médiane 
constituée par la partie spongieuse du bulbe de l’urèthre, en arrière et Jusqu'à 
l'anus un raphé, et enfin l’orifice anal. 

La partie antérieure du plancher périnéal, très-compliquée chez l'homme, est 
profondément modifiée chez la femme par la présence de la vulve et du vagin. 
Aussi commencerons-nous notre étude anatomique par la description du périnée 
de l’homme, ce qui simplifiera beaucoup notre travail pour l'étude de celui de 
la femme. 

Périnée de l'homme. La partie antérieure du périnée de l’homme, limitée 
en arrière par une ligne transversale biischiatique passant en avant de l'anus, 
présente ‘la forme d'un triangle isocèle, dont la base est constituée par cette 
ligne bischiatique, les côtés par les branches pubiennes et le sommet par 
l'arcade pubienne et le ligament sous-pubien. Ce triangle, très-manifeste lorsque 
la région est étalée, prend la forme d’une gouttière, si les cuisses sont rappro- 
chées. La région périnéale postérieure, également de forme triangulaire, mais à 
base antérieure et à sommet reposant sur le coccyx, est limitée en avant par la 
ligne buschiatique, latéralement par les tubérosités ischiatiques, les bords laté- 
raux des grands fessiers et les ligaments sacro-sciatiques, et enfin en arrière par 
le coccyx et les bords latéraux du sacrum. Elle est déprimée à son centre pour 
livrer passage à l'orifice inférieur du tube digestif. 

Les couches que l'on y rencontre Shecessivement sont : 

1° La peau; 2° le fascia superficialis ; 5° l'aponévrose périnéale superficielle ; 
4° une première couche musculaire superficielle composée du transverse du 
périnée, du bulbo-caverneux et des ischio-caverneux ; 5° l’aponévrose périnéale 
moyenne; 6° une deuxième couche musculaire profonde (muscle de Wilson, 
releveur de l'anus, ischio-coccygien) ; 1° l'aponévrose périnéale supérieure; 8° la 
couche cellulaire sous-péritonéale ; 9° le péritoine. 

1° Peau. La peau du périnée présente sur la ligne médiane un raphé 
médian dit périnéal qui, de la racine des bourses, tombe au devant de l'anus et 
sépare le triangle isocèle en deux triangles secondaires dont le raphé médian 
représente le côté commun. Le revêtement cutané n'est pas adhérent en avant 
où il participe à la mobilité des téguments du scrotum. 

Mais en arrière il devient de plus en plus adhérent au fur et à mesure que 


\ 


100 PÉRINÉE (anarômie). 


l'on se rapproche de l'anus et de plus en plus mince, de telle sorte qu'il devient 
difficile de le disséquer. Cette perte de mobilité et la formation des plis radiés 
sont dus à la présence des fibres longitudinales du rectum qui viennent se fixer 
à sa face profonde. 

Dans cette partie moins mobile, la peau est pourvue de glandes sébacées abon- 
dantes et volumineuses. Chez l’homme, la peau renferme également des poils, 
absents ou moins développés chez la femme. 

2° Fascia superficialis. Cette couche sous-cutanée peut se décomposer en 
deux lamelles secondaires, dont la superficielle se continue avec le fascia super- 
ficialis des parties voisines, dont la profonde se continue en avant avec le 
darlos, en arrière avec le sphincter externe, et correspond au feuillet décrit par 
Velpeau sous le nom d'aponévrose ano-scrotale. C'est entre ces deux lamelles 
que se dépose une couche adipeuse d'épaisseur variable suivant les sujets, couche 
qui se continue avec le tissu cellulo-adipeux qui remplit la fosse ischio-rectale. 

L'épaisseur du périnée est en rapport avec l'importance de cette couche adi- 
peuse. D'autre part, cette couche remonte latéralement et en arrière, le long des 
parois de l'intestin, de façon à remplir l'espace vide laissé libre entre l'extrémilé 
inférieure du rectum, la face inférieure du releveur de l'anus et les parois 
externes de l’ischion en dehors, et que l’on décrit sous le nom de creux ischio- 
rectal, espace pelvi-rectal inférieur de Richet. Dans ces conditions, cet espace, 
plus ou moins profond suivant les sujets, a sa paroi interne formée par les 
parois rectales en bas et le releveur de l'anus en haut. Il s'étend jusqu'au point 
d'insertion de la partie postérieure de ce muscle sur l’aponévrose de l’obtura- 
teur interne, La paroi externe est constituée par l’aponévrosé de l'obturateur 
interne, le grand ligament sacro-sciatique et le rebord du grand fessier qui, par 
sa saillie, ti à rendre plus profonde ceite excavation. 

9° Aponevrose périnéale superficielle. Elle est représentée par une lamelle 
d'épaisseur et de résistance très-variables avec les sujets. Elle est unie assez 
intimement à la lamelle profonde du fascia superficialis, ce qui augmente sa 
force et la soutient. Elle a une forme triangulaire à- base postérieure située en 
avant de l'anus: son sommet se prolonge sur la verge qu’elle entoure jusqu'à 
la base du gland, et dont: elle constitue la gaine AAGE propre. Sur les côtés, 
elle se fixe à la lèvre antérieure de la bindhi ischio-pubienne. En arrière, elle 
se réfléchit au niveau de sa base et du bord supérieur des muscles transverses 
pour devenir ascendante et se continuer avec le bord postérieur de l'aponévrose 
périnéale moyenne. Elle forme ainsi la paroi inférieure d'une sorte de loge 
fermée en avant à la base du gland et en arrière au bord postérieur du muscle 
transverse. La face inférieure m cetle aponévrose est assez adhérente à la lame 
profonde du fascia superficialis. Elle envoie par sa face supéricure plusieurs 
cloisons fibreuses. En effet, sur la ligne médiane, elle est adhérente au bulbe, 
puis envoie des feuillets qui, contournant le bulbo-caverneux, viennent rejoindre 
la face inférieure de l'aponévrose moyenne. En dehors, une lamelle de même 
nature coutourne la racine du corps caverneux et l’ischio-caverneux pour atteindre 
la mème aponévrose moyenne. Enfin, en arrière, un feuillet analogue tapisse la 
face antérieure du muscle transverse. lI résulte de l'existence de ces divers 
prolongements, une série de gaines secondaires qui isolent les uns des autres le 
bulbe et le buibo-caverneux, dés racines des corps caverneux et les ischio-caver- 
ueux, et enfin le muscle transverse lui-même. 

4° Franière couche musculaire. Lorsque l’ aponévrose périnéale superficielle 


PÉRINÉE (awaronie). 104 


est enlevée, on tombe sur une couche musculaire et un raphé médian aponé- 
vrotique commun aux fibres du sphincter anal, du bulbo-caverneux et du trans- 
verse périnéal. De ce raphé partent des fibres musculaires transversales consti- 
tuant le muscle transverse et qui vont s'insérer en dehors à la lèvre interne de 
l'ischion. 

C'est le bord postérieur de ce muscle qui complète la ligne de démarcation 
établie entre les deux régions périnéales. Les muscles de cette couche sont 
disposés de façon à circonscrire deux triangles à sommet situés en avant et à 
base postérieure. En effet, la base de chacun de ces triangles ischio-bulbaires 
est constituée par le transverse correspondant, le côté externe par le muscle 
ischio-caverneux, et le côté commun par le muscle bulbo-caverneux. L'espace 
laissé libre entre chacun de ces triangles est occupé par de la graisse cst 
traversé par l'artère bulbeuse ou transverse, et on y aperçoit la face inférieure 
de l’aponévrose moyenne qui forme aussi la paroi supérieure de la loge occupée 
par le plan musculaire en question. Au-dessous du bulbo-caverneux et à travers 
ce muscle, sur la ligne médiane, on aperçoit l'extrémité postérieure de la por- 
tion spongieuse de l'urèthre en arrière qui se prolonge en formant un cylindre 
qui va grossissant et se renflant, puis se recourbe pour se porter directement 
en haut. C’est le bulbe uréthral, dont les dimensions vont en s’accroissant avec 
l’âge, de façon à atteindre leur maximum chez le vieillard. Enfin, sur les côtés 
et au-dessous des ischio-caverneux se trouvent les racines des corps caverneux 
accolés aux branches ischio-pubiennes, sur l'interstice desquelles ils s'insèrent 
solidement. Enfin il n’est pas rare, chez les sujets bien musclés, de rencontrer 
des fibres musculaires obliques constituant un muscle surnuméraire, lischio- 
bulbaire, qui, ainsi que l'indique son nom, s'insère d’une part à lischion 
au-dessus et en avant du transverse superficiel, et en dedans et en avant sur le 
raphé médian aponévrotique du bulbo-caverneux. 

5° Aponevrose périnéale moyenne. Cette aponévrose, qui est spéciale à la 
portion génito-urinaire du périnée, présente une grande importance en rapport 
avec la complexité des parties qui la constituent. 

Elle est connue sous différents noms : ligament de Carcassonne, ligament 
sous-pubien, ligament suspenseur, ligament. triangulaire de l'urèthre, aponé- 
vrose pubio-rectale. La plupart de ces dénominations ne sont pas fondées. Ce 
n'est en effet ni une aponévrose pure, ni un ligament. Elle n'est pas composée 
par un feuillet fibreux simple, mais bien par un double feuillet qui contient 
dans son épaisseur un certain nombre d'organes glandulaires, musculaires ou 
vasculaires, de telle sorte que c'est bien plutôt une cloison, un diaphragme, 
qu'une aponévrose. Quoi qu'il en soit, on donne le nom d'aponévrose moyenne 
à un plan musculo-fibreux qui remplit l’espace sous-pubien, de forme triangu- 
laire, et qui s'étend jusqu'au devant de l'anus où il s'arrête au niveau du bord 
postérieur du muscle transverse et de la ligne biischiatique. De ses trois bords, 
les deux latéraux se fixent à la lèvre interne de la branche ischio-pubienne, le 
troisième, postérieur, est concave et tranchant; il se continue en bas avec 
l’aponévrose périnéale superficielle réfléchie sur le bord postérieur du transverse 
et en haut avec l’aponévrose prostato-péritonéale, Par sa face inférieure, elle est 
en rapport sur le plan médian avec le bulbe uréthral et sur les côtés avec les 
racines du corps caverneux ; le bulbe et les racines caverneuses y sont tellement 
adhérentes qu'elles paraissent s'y enclaver. Au centre de cette face, elle est 
perforée pour le passage de l'urèthre. La face supérieure correspond à la 


102 PÉRINÉE (anaronie). 


deuxièmé couche musculaire profonde constituée par le muscle de Wilson, 
le releveur de l'anus et l’ischio-coccygien. Des deux feuillets qui constituent par 
leur réunion l'aponévrose moyenne, l'inférieur va se continuer au niveau du 
bòrd postérieur du transverse périnéal avec l’aponévrose superficielle, et le 
supérieur, au même niveau avec l’aponévrose prostato-périnéale. Lorsqu'on 
cherche à isoler le bulbe uréthral, on voit que ce dernier est fixé dans un dédou- 
blement du feuillet superficiel de l’aponévrose moyenne, et rendu adhérent aussi 
à la paroi inférieure de la portion membraneuse dont il est séparé par les 
olandes de Méry ou de Cowper; situées également entre la face supérieure du 
renflement bulbaire et la paroi de la partie membraneuse, de telle sorte que 
tous ces organes, renflement du bulbe, glandes de Cowper et paroi inférieure 
de la portion membraneuse, sont reliés ensemble et fixés dans une partie du 
feuillet superficiel de l’aponévrose moyenne. 

Les organes situés entre les deux feuillets de l'aponévrose moyenne sont le 
muscle de Guthrie, ou transverse profond, ou encore ischio-bulbaire ; l'artère 
transversale du bulbe, l'artère et les veines honteuses internes qui, sur une 
coupe verticale, présentent autant d’orifices béants correspondant à de véritables 
sinus veineux. L'existence du muscle de Guthrie a été mise en doute par 
M. Cadiat qui, il est vrai, a fait ses recherches sur des périnées d'enfants 
nouveau-nés et sur lesquels les plans musculaires n'étaient pas complétement 
formés. L'existence du muscle n'est pas douteuse. L'ensemble formé par les 
deux muscles se présente sous forme d’un plan musculaire rayonné allant de Ja 
portion membraneuse à la symphyse et aux branches ischio-pubiennes. Si on les 
décompose, on voit, ainsi que le décrit M. Paulet, qu'il s’agit de deux muscles 
de forme triangulaire, l'un droit et l'autre gauche, et qui présentent les dispo- 
sitions suivantes : les fibres musculaires s’insèrent sur la lèvre interne de la 
branche ischio-pubienne et se dirigent vers le plan médian en convergeant de 
manière à constituer de chaque côté un muscle triangulaire, ainsi que nous 
l'avons précédemment signalé, dont la base est représentée par la ligne d’inser- 
tion ischio-pubienne, et dont le sommet s’unit à la face latérale et à la paroi 
supérieure de la portion membraneuse de l’urèthre ; très-peu des fibres de ces 
muscles atteignent la paroi inférieure de la région membraneuse, le plus grand 
nombre des fibres se portant en avant du canal où elles passent d’un côté à 
l'autre de la Ligne médiane. Il résulte de cette disposition et de ce passage au delà 
du plan médian d’une partie des fibres musculaires que les deux muscles n’en 
constituent en réalité qu'un seul composé de deux moitiés symétriques. La ligne 
d'insertion ischio-pubienne n'atteint jamais la symphyse, de sorte que les deux 
moitiés du muscle sont toujours séparées en haut par un espace occupé par le 
plexus veineux formé par les veines dorsales de la verge allant rejoindre le 
plexus de Santorini. 

Nous avons vu déjà que les glandes de Cowper ou de Méry situées entre la 
face supérieure du bulbe uréthral et Ja portion membraneuse appartiennent éga- 
lement à cet espace. Enfin toujours entre les deux feuillets, l'artère honteuse 
interne accolée à la face interne de la branche ischio-pubienne, se dirige d'ar- 
rière en avant. Dans cette partie de son trajet elle fournit l'artère transversale 
du périnée ou bulbeuse qui, se détachant à angle droit, marche parallèlement 
au transverse de dehors en dedans et se rend au bulbe de l'urèthre. Enfin, dans 
le voisinage immédiat de l'artère honteuse interne, se trouve le nerf honteux 
imterne. 


PÉRINÉE (ANATOMIE). 105 


6° Deuxième couche musculaire. Lorsqu'on a enlevé tous les organes ren- 
fermés dans l'aponévrose moyenne et le feuillet supérieur de cette même aponé- 
vrose, on trouve la deuxième couche musculaire formée du muscle de Wilson 
en avant, du releveur de l'anus dans la plus grande partie de son étendue et 

de l’ischio-coccygien en arrière. Enfin, au milieu de cette couche musculaire, 
on trouve le plexus veineux de Santorini. Le muscle de Wilson, qui doit être vu 
par la face pelvienne, se présente sous une forme triangulaire rayonnée, à base 
supérieure et à sommet inférieur. Sa base s'insère au ligament sous-pubien et 
son sommet à la portion membraneuse de l’urèthre. Il est séparé du muscle de 
Guthrie par le feuillet supérieur de l’aponévrose moyenne. Enfin nous devons 
faire remarquer que le muscle de Wilson est renfermé dans la loge prostatique 
et séparé par conséquent du releveur de l’anus par l’aponévrose latérale de la 
prostate. Le muscle releveur de l'anus représente une sorte de diaphragme fer- 
mant en bas la cavité pelvienne et remplissant l’espace laissé libre par le rectum 
et la prostate; né de la face postérieure du pubis et d'une arcade fibreuse qui 
dépend de l’aponévrose de l'obturateur interne, une partie de ses fibres 
s'unit aux parties latérales de l'intestin et le reste se dirigeant en arrière se 
fixe sur le raphé ano-coccygien ; ses fibres les plus antérieures, constituant un 
bord saillant et très-apparent, contournent la prostate dont elles sont séparées 
par l'aponévrose latérale de la prostate. Enfin le muscle ischio-coccygien ne 
présente rien de particulier et constitue une simple dépendance du muscle rele- 
veur de l'anus qui le forme par ses fibres postérieures. 

T° Aponévrose périnéale supérieure. Cette aponévrose, également désignée 
par le terme de fascia pelvis ou aponévrose pelvienne, représente un plan 
fibreux qui ferme le bassin. Vue par sa face inférieure, on voit qu’en avant, sur 
la ligne médiane, elle recouvre la prostate sans former une couche continue. Sur 
les côtés, elle s'applique sur la face supérieure du releveur de l’anus et se confond 
sur les parties latérales avec l’aponévrose de l'obturateur interne. Si on l’étudie 
par sa face supérieure, on peut s'assurer qu’elle est, ainsi que l’a démontré Denon- 
villiers, constituée par la réunion des deux côtés, droit et gauche, de quatre apo- 
névroses appartenant aux quatre muscles qui forment le plancher du bassin, 
c’est-à-dire de l'obturateur interne, du pyramidal, de l'ischio-coccygien et du 
releveur de l'anus. Ses insertions supérieures sont en conséquence les mêmes 
que celles de ces muscles et se font, en ce qui concerne la partie dépendante du 
muscle obturateur interne, sur les côtés de la symphyse pubienne, sur la circon- 
férence du détroit supérieur, sur la portion de l'os iliaque que limite en avant 
la. grande échancrure sciatique, sur l'épine sciatique et sur le bord inférieur du 
grand ligament sciatique et sur la branche ischio-pubienne. En arrière, dans la 
partie qui appartient au muscle pyramidal, elle s'insère sur le sacrum le long 
des trous sacrés antérieurs et sur le bord supérieur du petit ligament sacro-scia- 
tique. L'aponévrose de l’ischio-coccygien, de forme Due est fixée par sa 
base sur le sacrum et le coceyx et par son sommet sur l épine-sciatique, et ses 
deux bords sur les bords du petit ligament sacro-sciatique. Enfin la partie qui 
provient du releveur anal s'insère sur l’aponévrose de l'obturateur de haut en 
bas et d’arrière en avant, puis sur le bord inférieur du petit ligament sacro- 
sciatique, et se confond avec celle du côté opposé dans l’espace qui s'étend de 
la pointe du coccyx au rectum. 

Nous devons ajouter, avec M. Sappey, que les faisceaux décrits sous le nom de 
ligaments antérieurs de la vessie n’appartiennent pas à l’aponévrose inférieure 


104 PÉRINÉE (anatomie). 


et sont les tendons antérieurs des muscles vésicaux. Aussi à ce niveau cette 
aponévrose est interrompue et cet espace est occupé par du tissu cellulaire dans 
lequel existent un grand nombre de veines de la verge qui vont gagner les plexus 
vésicaux. Il résulte de cette description que, vue par la cavité pelvienne et bien que 
constituée par la réunion de huit plans fibreux, quatre de chaque côté, l'apo- 
névrose périnéale supérieure parait formée par une lame fibreuse unique et 
infundibuliforme dont le pourtour est fixé à la circonférence du bassin ct la 
partie en entonnoir embrasse le col de la vessie en avant et le rectum en arrière. 

Par sa face inférieure et dans la partie antérieure, celte aponévrose présente 
un certain nombre de prolongements qui la réunissent à l'aponévrose moyenne 
et qui subdivisent cet étage en loges secondaires. On doit en premier lieu 
signaler une lame cellulo-fibreuse interposée entre le rectum et la face posté- 
rieure de la prostate ct décrite par Denonvilliers sous le nom d'aponévrose 
prostalo-péritonéale. Ce feuillet représente un plan fibreux de forme triangulaire 
à sommet tronqué, tendu de haut en bas et d'arrière en avant, reliant l'aponé- 
vrose supérieure à l'aponévrose moyenne. Sa base, située au-dessous du bas-fond 
de la vessie, arrive jusqu'à la face inférieure du péritoine au niveau du cul-de- 
sac reclo-vésical, qu'elle concourt à rendre plus profond par suite de son adhé- 
rence. De là elle descend au-dessus ct en arrière de la prostate à laquelle elle est 
très-adhérente par sa face antérieure et vient se continuer par son sommet avec 
la lame supérieure de l'aponévrose moyenne avec laquelle elle se confond, fer- 
mant ainsi en arrière l'étage supérieur. Sur les côtés, elle se perd dans le tissu 
cellulaire qui entoure les plexus veineux vésicaux, par sa face postérieure elle 
recouvre le rectum sans contracter d'adhérence avec cet organe, ce qui en facilite 
le glissement. 

Cette lame acquiert une grande résistance en arrière au niveau des vésicules 
séminales et du bas-fond de la vessie. Dans cette région ces fibres entourent les 
vésicules séminales ct, accompagnant les conduits excréteurs spermatiques, 
viennent se perdre sur le bord postérieur et supérieur de la prostate. De telle 
sorte que M. Rouget a pu considérer ce plan fibreux comme une sorte d'appareil 
contractile destiné à assurer le fonctionnement des vésicules sémirales et des 
conduits éjaculateurs. Cette opinion est corroborée par ce fait que celle lame 
fibreuse renferme un grand nombre de fibres musculaires lisses, surtout en 
arrière de la prostate et au niveau des vésicules séminales. 

9° Couche cellulo-graisseuse sous-peritonéale. Enfin entre l'aponévrose 
supérieure et le périloine on trouve une couche abondante de tissu cellulaire 
lâche contenant de la graisse, elle est surtout abondante sur les côtés et en 
arrière dans la partie qui correspond à la face supérieure du muscle releveur 
de l'anus. Cette masse cellulo-adipeuse est Séparée par l'épaisseur du musele 
d’une accumulation adipeuse analogue qui remplit le creux ischio-rectal. L'es- 
pace occupé par la couche supérieure située au-dessus du muscle releveur de 
l'anus a été désigné par M. Richet sous le nom d'espace pelvi-rectal supérieur, 
en opposilion avec la fosse ischio-rectale qu'il désigne par le terme de creux 
pelvi- -rectal inférieur. Cet espace pelvi-rectal, Compris entre l'aponévrose supé- 
rieure du releveur anal et le péritoine, le rectum et les parois du bassin, est d'une 
étendue variable suivant les sujets et l’état de relâchement et de contracture 
du releveur. En avant l'es space pelvi-rectal supérieur est moins étendu que sur 


les côtés et surtout qu'en arrière. En effet, le plan péritonéal est très-abaissé 
en avant du rectum et se relève en arrière pour gagner le sacrum. D'autre part 


PÉRINÉE (avarowie). 105 


le plan péritonéal a une obliquité inverse de celle du releveur; l'un va d'avant 
en arrière et de dedans en dehors, et l’autre se dirige obliquement de dehors en 
dedans, de telle sorte que, très-rapprochés en avant, ils sont très-éloionés en 
arrière. La cavité ainsi formée est remplie de tissu cellulaire lâche infiltré de 
graisse qui se continue avec celui qui remplit les fosses iliaques et celui des 
ligaments larges chez la femme. 

10° Péritoine. Au-dessus de toutes les diverses couches que nous venons 
de décrire on trouve enfin le péritoine, qui présente une disposition différente 
suivant les sexes, les âges, et dont la description ne doit pas nous arrêter dans 
cetravail particulier. 

Les trois aponévroses du périnée limitent entre elles deux espaces ou cavités 
dont l’une est inférieure et l’autre supérieure. Ce sont : 1° la loge périnéale 
inférieure, 2° la loge périnéale supérieure, destinées, la première à contenir le 
bulbe de l’urèthre, les corps caverneux et les muscles de la couche superficielle, 
la seconde à renfermer la prostate et la portion membraneuse de l'urèthre. 

La loge périnéale inférieure, limitée en bas par l’aponévrose superficielle, en 
haut par l'aponévrose moyenne, en arrière par la continuation de l’aponévrose 
superficielle avec le bord postérieur de l’aponévrose moyenne, se continue jusqu’à 
la base du gland. Elle renferme aussi toute la partie spongieuse de l'urèthre 
depuis le bulbe, ainsi que les deux corps caverneux ; elle représente assez bien 
la forme d’un pistolet, la crosse correspondant au renflement bulbaire. Elle 
est incomplétement fermée au niveau du ligament suspenseur de la verge dans 
la partie qui correspond à la face dorsale de cet organe. Elle se subdivise en 
trois loges secondaires correspondant à chacune des gaînes des muscles con- 
tenus dans sa cavité. 

La loge périnéale supérieure ou prostatique est circonscrite en bas par l’apo- 
névrose moyenne, en haut par l’aponévrose périnéale supérieure et en arrière et 
en bas par l’aponévrose prostato-péritonéale. Cet espace se subdivise lui-mème 
en {rois cavités secondaires, l’une médiane très-marquée, très-importante, et deux 
latérales. Cette division est due à l'existence de feuillets décrits par Denonvilliers 
sous le nom d'aponévroses latérales de la prostate. Ces dernières se présentent 
sous la forme de plans fibreux à peu près quadrilatères, et placés de champ de 
chaque côté de la prostate, de façon à présenter une face interne et une face 
externe, un bord supérieur et un bord inférieur. Chacune de ces aponévroses 
latérales s'étend d'avant en arrière, du pubis où elle se continus avec les liga- 
ments pubio-prostatiques et l'aponévrose moyenne jusqu’au rectum, sur les par- 
ties latérales duquel elle se fixe, enfin son bord inférieur se continue de chaque 
côlé et en arrière sur la face supérieure de l’aponévrose prostalo-péritonéale. 
ba lcge moyenne ainsi circonscrite est occupée en avant par la portion mem- 
braneuse de l’urèthre et le muscle de Wilson et en arrière par la prostate, les 
conduits éjaeulateurs et les vésicules séminales. Enfin, elle renferme un grand 
nombre de veines qui forment trois plexus, l'un médian et antérieur, situé 
immédiatement en arrière du pubis : c’est le plexus de Santorini, qui recoit la 
veine dorsale de la verge. Les deux autres, latéraux, occupent les côtés de la 
prostate et comprennent chez le vieillard des veines très-volumineuses. 

Ces loges présentent une grande importance au point de vue de la marche et 
de Ja direction des infiltrations purulentes et surtout de celles qui sont de 
nature urineuse. En effet, les infiltrations qui ont leur point d'origine dans la 
loge inférieure envahissent rapidement la verge et gagnent facilement les bourses 


106 PÉRINÉE (anatomie). 


la région prépubienne et les parois abdominales. Celles au contraire qui partent 
de la loge périnéale supérieure se propagent dans les espaces pelvi-rectaux 
supérieur et inférieur et apparaissent superficiellement en premier lieu en 
arrière de la ligne bi-ischiatique. Mais ces considérations pathologiques trouve- 
ront leur place à l'occasion de l'étude des infiltrations urineuses. 

Vaisseaux et nerfs. Les artères du périnée proviennent de deux sources : 
celles de l'étage inférieur prennent leur origine dans la honteuse interne, une 
des branches terminales de l'hypogastrique. Cette artère, sortie du bassin au- 
dessus de l'épine sciatique qu'elle contourne, rentre dans le bassin et s'ap- 
plique sur la face interne de la branche ischio-pubienne en décrivant une 
courbe à concavité regardant en haut ; elle est logée dans cette partie de son 
trajet dans un dédoubiement de l'obturateur interne et longe le bord supérieur 
du releveur de l'anus. Dans la région périnéale antérieure, elle s'engage dans 
un dédoublement de l’aponévrose moyenne, devient de moins en moins pro- 
fonde, se place au-dessous de la racine du corps caverneux qu’elle longe et vient 
se terminer en formant l'artère dorsale de la verge et l'artère caverneuse. Elle 
est ainsi, dans son trajet, toujours fixée par les plans musculo-aponévrotiques 
sur les parties latérales et protégée par des parties résistantes. Les branches. 
qu'elle fournit sont : 4° {es hémorrhoïdales inférieures au nombre de deux ou 
trois qui suivent un trajet rétrograde vers lanus; 2? l'artère périnéale super- 
ficielle, qui se sépare de la honteuse interne en arrière du transverse, contourne 
le bord postérieur de ce muscle, se porte dans le tissu cellulaire sous-cutané 
pour gagner la racine des bourses en longeant le côté externe du triangle ischio- 
bulbaire et s’anastomose avec la honteuse externe ; 3° l'artère transversale du 
périnée ou bulbeuse se détache de la honteuse interne au niveau du muscle 
transverse, se porte un peu obliquement en bas et en dedans et va se terminer 
dans le bulbe uréthral après avoir fourni deux à trois branches aux parties 
voisines. 

La honteuse interne présente très-rarement des anomalies de situation qui la 
rapprochent du centre du triangle ischio-bulbaire, et rarement aussi elle provient 
d’autres branches terminales de lhypogastrique comme l’obturatrice, les vési- 
cales ou l’ischiatique. 

Les réseaux veineux sont très-riches, mais ils sont le plus habituellement 
situés dans le sommet du triangle formé par le périnée antérieur et se rassem- 
blent autour de l’urèthre et de la prostate ; c'est autour de cette dernière glande 
qu'ils forment les plexus prostatiques, dont les plexus vésicaux ne sont que la 
continuation ; quelques veines provenant de la région bulbaire se dirigent direc- 
tement en arrière et vont s’anastomoser avec les veines hémorrhoïdales. 

Les vaisseaux lymphatiques sont les uns superficiels et les autres profonds. 
Les premiers se rendent dans les ganglions de l'aine et les seconds aux gan- 
glions pelviens. Ceux de la prostate forment autour de cette glande un plexus 
qui se termine par quatre troncs principaux. De ces vaisseaux, les deux laté- 
raux vont se jeter dans un ganglion existant dans l’excavation pubienne, les 
supérieurs aboutissent à un autre ganglion placé au-dessus du trou sous- 
pubien. 

Les nerfs proviennent du plexus sciatique par l'intermédiaire du nerf honteux 
interne. Ce nerf suit la direction de l'artère du même nom et se divise en arrière 
du muscle transverse en deux branches, l’une superficielle cutanée qui suit la 
direction de l’artère superficielle et se termine dans les téguments du scrotum et 


PÉRINÉE (axarTomte). 107 


dans les muscles de la loge inférieure, l'autre supérieure qui suit la même 
distribution que l'artère dorsale de la verge. Ce système est complété par quel- 
ques filets cutanés qui proviennent du petit nerf sciatique. 

Périnée de la femme. Le périnée de la femme présente les mêmes couches 
que celui de l'homme, mais profondément modifiées par la présence de la vulve 
et du vagin. Dans sa moitié antérieure, il est de forme triangulaire à base 
postérieure, à sommet correspondant à la symphyse pubienne. Lorsque les cuisses 
sont écartées, de simple gouttière bordée de chaque côté par les bourrelets épais 
formés par les grandes lèvres, il s'élargit et présente une surface étendue 
limitée en avant par la région prépubienne, latéralement par le pli génito- 
crural, et en arrière se continue avec la partie postérieure du périnée, qui présente 
les mêmes caractères extérieurs de forme dans les deux sexes. 

Nous n'avons pas à décrire la vulve et le vagin, qui feront l'objet d'articles 
spéciaux, mais il est indispensable de faire saisir l’homologie qui existe entre 
les diverses parties du périnée antérieur de l’homme et de la femme. C’est ce 
qui ressort de la description suivante due aux recherches de M. Tillaux. 

En effet, si, après avoir dessiné au tableau le bulbe de l’urèthre, le triangle 
ischio-bulbaire, l'aponévrose moyenne, comme ils se présentent chez l'homme, 
on sépare le bulbe uréthral et le bulbo-caverneux en deux moitiés égales par 
une ligne verticale, on obtient le dessin du périnée de la femme. La fente 
médiane figure la vulve, chaque moitié du bulbe de l’urèthre devient le bulbe 
du vagin, les glandes de Méry se changent en glandes vulvo-vaginales, le 
bulbo-eaverneux en constricteur du vagin, enfin le triangle ischio-bulbaire pré- 
sente la même délimitation, seulement il est beaucoup plus petit chez la femme 
et refoulé sur les côtés, mais on y rencontre les mêmes vaisseaux et nerfs que 
chez l’homme, enfin les aponévroses superficielles et moyennes se trouvent divi- 
sées sur la ligne médiane, amoindries et déjetées sur les côtés. 

La peau offre partout une grande finesse, elle présente surtout ce caractère 
dans le pont cutané transversal qu’elle forme entre la vulve en avant et l'anus 
en arrière. Elle renferme dans toute son étendue des follicules pilo-sébacés 
. qui font saillie sous l'épiderme. La couche sous-cutanée se subdivise en deux 
James. La première, superficielle, se continue avec le tissu analogue des parties 
voisines, et est formée de mailles lâches, extensibles et de couleur blanchâtre. 
La seconde offre davantage les caractères d’une aponévrose et s'arrête sur les 
parties latérales aux branches ischio-pubiennes ; c'est dans l’aponévrose de cette 
seconde couche que l'on rencontre les fibres élastiques décrites par Broca sous 
le nom de sac dartoïque, doublées à leur face interne d’une couche fibreuse, 
continuation de l'aponévrose d’enveloppe du grand oblique et qui, partant du 
pourtour de l'anneau inguinal, pénètre dans le fond des grandes lèvres. 

L'aponévrose périnéale superficielle, située immédiatement après ces diffé- 
rentes couches du fascia superficialis, se conduit comme chez l'homme. En 
avant elle se perd sur le clitoris et en dedans se confond avec le tissu cellulaire 
des grandes lèvres. En arrière elle se recourbe au niveau du bord postérieur du 
transverse pour se continuer avec l’aponévrose moyenne. Lorsque ce feuillet 
aponévrotique est enlevé, on trouve en avant et sur les côtés les corps caverneux 
du clitoris recouverts par un muscle, l’ischio-clitoridien analogue, à l'ischio- 
caverneux. Sur la ligne médiane, on voit de chaque côté de la fente vulvaire 
un faisceau charnu très-développé et qui, désigné sous le nom de constricteur du 
vagin, représente le bulbo-caverneux. En arrière, les deux faisceaux qui par leur 


108 PÉRINÉE (axarowe). 


ensemble constituent le constricteur vaginal se réunissent et se continuent par 
l'intermédiaire d’un raphé aponévrotique avec les transverses et le sphincter 
anal. Le tranverse périnéal présente la même disposition que chez l’homme et par 
son bord postérieur marque la limite de la région vaginale et de la région anale. 

Plus profondément est située l'aponévrose moyenne, moins forte el moins 
résistante que chez l'homme; traversée par l’urèthre et le vagin, elle se con- 
fond en dedans avec la gaîne fibreuse de ce dernier conduit ; au-dessus de cette 
aponévrose on trouve sur les côtés et en arrière le releveur de l'anus et en avant 
deux petits faisceaux charnus qui, représentant le muscle-de Wilson, s’insèrent 
sur l’urèthre et se continuent même jusqu'au bulbe du vagin. Enfin l'aponévrose 
périnéale supérieure ou pelvienne présente au pourtour les mêmes attaches que 
chez l'homme ; en avant et sur la partie médiane elle est plus faible et est percée 
d'une large ouverture pour le passage du vagin. Les loges circonscrites par les 
plans aponévrotiques sont moins développées que chez l'homme. Cependant 
dans la loge inférieure on retrouve les analogies les plus grandes, en tenant 
compte des modifications introduites par la présence de l'orifice vulvaire et du 
conduit vaginal. Mais la loge supérieure est profondément modifiée par suite de 
l'absence de la prostate ; elle est très-aplatie dans le sens vertical, de telle sorte 
que les deux plans aponévrotiques qui font ses limites supérieures et inférieures 
ne sont séparés que par les plexus veineux vésicaux et le releveur de l'anus, 
qui sont rejetés sur les côtés et séparés en deux portions latérales. Les vaisseaux 
sanguins, artériels et veineux, présentent Ja même disposition que chez l'homme, 
avec les différences qui résultent de la présence du bulbe vaginal, du vagin et 
de l'absence de la prostate. Les vaisseaux lymphatiques et les nerfs ne présen- 
tent ancune modification. 

Le développement du plancher périnéal se confond avec celui des organes 
génitaux externes. Pour l'étudier il est nécessaire de remonter à des périodes peu 
avancées du développement de l'embryon. Vers la fin de la quatrième semaine, 
on aperçoit près de l'extrémité postérieure du corps une ouverture représentant 
l'orilice commun de l'intestin et de l’ouraque, ou orifice du cloaque. On sait que 
ce cloaque, confluent commun de l'intestin, de l’ouraque et des cauaux de 
Wolf, doit former la vessie future; plus tard, vers la sixième semaine, en avant 
de cet orifice, apparaît un renflement et deux replis latéraux : le premier est le 
renflement génital et les replis représentent les replis génitaux; vers la fin du 
deuxième mois, le renflement se soulève ct il se forme sur sa face inférieure 
un sillon allant rejoindre l’orifice du cloaque : c'est le sillon génital. Au milieu 
du troisième mois, l’orifice du cloaque se divise pour former les deux orifices 
anal et uro-génital. 

D'après Rathke, cette division s’effectuerait par le développement de deux 
replis sur les parois latérales du cloaque, en même temps que la partie au 
niveau de laquelle l'ouraque et le rectum se rejoignent avance vers la surface. 
Ces deux replis et ce septum se réurissent et il en résulte la formation entre 
ces deux canaux d’une cloison ou repli périnéal, puis les orifices de ces deux 
canaux s'écartent et, dans le cours du quatrième mois, le septum qui les sépare 
devient plus épais et constitue le périnée. A la même époque chez l'embryon 
mâle le sillon génital se ferme, les deux replis génitaux se réunissent pour 
former le scrotum, et le raphé du scrotum et du pénis indique la ligne au niveau 
de laquelle s'est effectuée la fermeture de ce sillon; d'autre part et par suite de 
cette soudure, le tissu uro-génital atteint une longueur considérable qu'on ne 


PÉRINÉE (enysiotocit): 10) 


retrouve pas chez l'embryon femelle, La prostate apparaît à la même époque où 
se forme la cloison de séparation entre le sinus uro-génital et l'intestin, c'est-à- 
dire vers le troisième mois; elle est représentée d'abord par un épaississement 
existant à l'endroit où le cordon génital et l'urèthre se rencontrent au commen- 
cement du sillon uro-génital; autour de cet épaississement existent des plis 
annulaires, puis dans l'intérieur apparaissent des utricules glandulaires partant 
de l’épithélium du canal. 

Sur l'embryon femelle, le sillon génital et les replis génitaux ne se soudent 
pas. Aussi le sinus uro-génital reste très-court, les replis génitaux forment les 
grandes lèvres et les bords du sillon génital les petites lèvres. Enfin sur le 
périnée on retrouve le raphé, indice de la soudure et de la réunion de la cloison 
transversale. 


2 IL. Physiologie. L'action du périnée ct de ses parties constituantes se 
manifeste dans un certain nombre d'actes qui se passent, soit dans l'appareil 
génito-urinaire de l’homme et de la femme, soit dans l'extrémité inférieure du 
tube digestif. 

Les phénomènes pour lesquels une intervention active de tout ou partie du 
plancher périnéal est indispensable sont les suivants : 1° la miction; 2° l'éja- 
culation; 5° l'accouchement dans ses derniers temps; 4° la défécation. Chacun 
de ces phénomènes a été étudié dans tous ses détails dans des articles spéciaux ; 
cependant il nous parait utile de rappeler très-succinctement les parties de 
chacun de ces actes physiologiques qui trouve dans la mise en action totale ou 
partielle du périnée une aide puissante. 

La miction est due à une contraction des fibres plexiformes de la vessie, 
aidée du phénomène de l'effort pour vaincre la résistance qu'opposent à l'émis- 
sion de l'urine le sphincter vésical, le sphincter prostatique et enfin les muscles 
annexés à la région membraneuse de l’urèthre (muscle de Guthrie et muscle de 
Wilson). Toutes les forces musculaires agissent surtout les dernières en resser- 
rant le canal de l’urèthre, en assurant une résistance assez forte à l'émission de 
l'urine avec des intermittences dans cette résistance, il y a pour ainsi dire une série 
étagée de sphincters qui viennent ajouter leur action à celle du sphincter du col 
de la vessie. Lorsque toutes ces forces ont cédé, il se produit un jet continu 
qui vers la fin devient intermittent et saccadé! Cette partie du phénomène 
nécessite de nouveau l'intervention des forces musculaires du périnée. En effet 
à ce moment le plancher périnéal se soulève pour amener l'évacuation complète 
de l'urine, le bulbo-caverneux plus particulièrement se contracte par secousses 
Spasmodiques pour projeter au dehors la dernière colonne liquide contenue dans 
le canal de l'urèthre. 

L’éjaculation est également sous la dépendance d'actions musculaires qui se 
produisent dans le périnée. En effet, au moment où l'orgasme vénérien est arrivé 
à son summum, deux ordres d'organes musculaires entrent en jeu violemment 
et amènent deux ordres de mouvements rapides du liquide spermalique, qui 
sont le déversement dans l’urèthre et la projection hors de ce conduit. On suit 
que les liquides déversés dans l'urèthre sont celui des vésicules séminales qui 
passe par les conduits éjaculateurs et celui des utricules prostatiques et enfin 
l'humeur filante et limpide provenant des glandes bulbo-uréthrales ou de Méry. 

L'évacuation des vésicules séminales est due à la contraction lente des fibres 
musculaires lisses qui, constituant la partie la plus élevée de l’aponévrose 


r 


110 PÉRINÉE (PnysroLocte). 


prostato-péritonéale, englobent ces deux réservoirs et leur font une sorte de 
couche musculaire extérieure commune qui associe leur action. 

Le liquide provenant des conduits prostatiques est dù à la contraction de la 
trame musculaire si considérable de la prostate et dont l’action s'associe à celle 
de l’aponévrose prostato-péritonéale. Ces contractions, en chassant les liquides 
divers, amènent la dilatation brusque des portions membraneuses et bulbaires 
du canal uréthral. C'est à ce moment que se produit la contraction involontaire, 
brusque, spasmodique, de muscles soumis à la volonté, nous voulons parler des 
muscles à fibres striées du périnée, qui tous entrent en action instantanément 
ct simultanément de façon à amener la projection du sperme. 

Cette action débute par la contraction du sphincter de l'anus, qui est éner- 
gique. A celle-ci vient s'ajouter celle du releveur de l'anus qui, en ramenant en 
haut le bourrelet anal et le rectum, comprime les vésicules séminales contre 
le plancher de la vessie. Voici quel est l’ensemble des phénomènes contractiles 
amenant le déversement du liquide spermatique dans l’urèthre et la distension 
rapide de ce conduit. 

La projection au dehors est assurée par le retrait de la muqueuse trop 
distendue, mais surtout par la contraction brusque et instantanée des autres 
muscles du périnée. En premier lieu intervient l’action des fibres musculaires 
de la région prostatique qui s'opposent au reflux du sperme du côté de la vessie 
et repoussent en avant le liquide déjà déversé. Cette action propulsive est 
aidée par la mise en jeu du muscle de Wilson et du muscle de Guthire qui 
soulèvent et la prostate et la portion membraneuse de l’urèthre. Mais la pro- 
jection brusque par jets saccadés est surtout causée par les contractions du 
bulbo-caverneux, prenant un point d'appui solide sur les autres muscles du 
plancher en contraction. C'est la répétition brusque, convulsive, en forme de 
palpitations, des contractions de ces muscles, qui fait parcourir au sperme par 
une course rapide le canal uréthral pour le faire sortir comme en bondissant du 
méat urinaire par Jets saccadés. La force de propulsion produite par cet ensemble 
de contractions musculaires est assez violente pour que le liquide soit projeté 
à une distance qui varie de quelques centimètres à { mètre. 

Dans l'acte de défécation volontaire, nous voyons également intervenir des 
actions musculaires et plusieurs muscles du plancher périnéal, et surtout du 
releveur de l'anus. En effet, toutes les parties étant bien disposées pour faciliter 
l'accomplissement du phénomène, le releveur dé l'anus se contracte, pour sou- 
tenir et rendre immobile le plancher du périnée, de telle sorte que les matières, 
pressées entre le diaphragme qui s'abaisse, les muscles abdominaux qui se 
resserrent et le périnée immobilisé et fixé, s'échappent par l’orifice anal en 
distendant le sphincter de l'anus. 

D'autre part, aussitôt que les matières fécales sont passées, le sphincter se 
contracte avec énergie et à plusieurs reprises. Ces contractions peuvent se 
produire avant que l'émission des matières soit complète : il en résulte que 
la défécation peut se produire en plusieurs temps. 

L'émission des gaz se fait dans les mêmes conditions et par le même méca- 
nisme. 

Enfin, au point de vue obstétrical, le périnée présente une importance consi- 
dérable. Toutes les parties molles que nous avons vues former la paroi inférieure 
de la cavité du bassin n’entrent pas en action au moment de l'accouchement. 
C’est seulement la portion comprise entre la vuive et l'anus, comprenant non- 


PÉRINÉE (PHYs10LOGtE). : An 


seulement les couches superficielles, mais aussi la cloison recto-vaginale en 
entier qui constitue le périnée obstétrical, et que Savage a désignée par le 
terme de corps périnéal. 

Sur une coupe médiane et antéro-postérieure, on voit que ce corps périnéal se 
présente sous la forme d’un triangle concavo-convexe dont les angles et les côtés 
sont inégaux. Le bord antérieur de ce triangle est formé par environ les 4/5 infé- 
rieurs de la paroi postérieure du vagin, par la paroi postérieure du canal vul- 
vaire et à une longueur de 8 à 9 centimètres, le bord postérieur par la portion 
de la paroi antérieure du rectum commençant au niveau du point où les parois 
rectales et vaginales s’écartent et se séparent lune de l’autre, et présente une 
longueur de 6 à 8 centimètres ; le bord antérieur est constitué par le point cutané 
qui s'étend de l'orifice vulvaire à l’orifice anal et varie de 25 à 40 millimètres. 
De l'intersection de ces lignes résultent trois angles : un supérieur formant le 
sommet du triangle périnéal situé un peu plus bas que le col utérin à une 
distance qui varie de 15 à 50 millimètres; il est constitué par la rencontre des 
parois vaginales et rectales qui dans les deux tiers supérieurs ne sont séparées 
que par l'intermédiaire d'une couche celluleuse qui a reçu le nom de cloison 
recto-vaginale. L'angle antérieur ou vulvaire correspond à ce qu’on appelle la 
fourchette ; l'angle postéro-inférieur correspond à l'orifice anal. Le corps périnéal 
ainsi constitué présente pendant la grossesse des modifications qui lui permettent 
de remplir les fonctions qui lui sont dévolues. Il participe au processus hyper- 
trophique qui se produit dans tous les organes génitaux, mais surtout son élas- 
ticité est augmentée dans des proportions considérables, ainsi que ce fait 
ressort des expériences de Tarnier et Chantreuil, la gestation donnant au périnée 
une souplesse qui lui permet de se dilater sans se rompre au moment de l’ac- 
couchement et de se transformer en un canal assez large pour laisser passer le 
fœtus. 

Toutefois, malgré cette souplesse spéciale d’origine gravidique, le périnée 
résiste et s'oppose à la sortie trop rapide et trop brusque du fœtus. 

Pour Joulin, cette résistance était due à la peau et aux feuillets aponévro- 
tiques, les muscles pour cet auteur étant paralysés par la compression. Les ex- 
périences de Chailly ont démontré que celte opinion n'était pas fondée. En effet, 
cet accoucheur, soumettant des parturientes aux inhalations chloroformiques, 
a pu démontrer que le périnée ne se distendait complétement et ne perdait 
toute résistance que si les inhalations étaient poussées jusqu'à l’anesthésie chi- 
ruroicale, d'où il résultait que la couche musculaire n’était nullement paralysée 
par la compression, puisque l'anesthésie chloroformique avait besoin d'être 
poussée jusqu’à la résolution pour faire cesser la résistance du plancher périnéal. 

Normalement, lorsque la partie du fœtus qui se présente s'engage dans l’axe 
du détroit inférieur et qu'elle tend à s'échapper à travers ce canal sous l'influence 
des contractions expultrices, elle est arrêtée par le plancher périnéal. On voit 
alors ce plan se tendre, se distendre à chaque contraction, bomber et former 
ainsi à la partie fœtale une calotte qui semble devoir éclater à chaque période 
de contraction. Cet accident se produit même dans certaines circonstances et 
constitue l’origine des déchirures centrales du périnée. 

Mais le plus habituellement la partie fœtale qui presse sur un périnée élas- 
tique et souple se laisse dévier par cette pression et continue la courbe parabo- 
lique utéro-vulvaire, courbe d'autant plus prolongée en avant que le périnée 
s’allonge davantage et s'amincit en même temps. A tel point que, lorsque la tête 


112 PÉRINÉE (ParäoLocte). 


fœtale est sur le point de franchir l’orifice vulvaire, le plancher périnéal mesuré 
de la pointe du coccyx à la commissure postérieure de la vulve acquiert une 
longueur de 45 à 20 centimètres dont la plus grande partie est formée par le 
pont cutané ano-vulvaire. 

On voit que le périnée joue un rôle important dans le dégagement de la 
partie fœtale qui se présente la première, en agissant comme une sorte de 
sangle élastique qui la repousse en haut du côté du pubis, puis revient en 
arrière en glissant ct en se rétractant du côté de la région coccygienne. 

Chez les multipares, le périnée reste ordinairement intact après l'accou- 
chement. Mais chez les primipares la fourchette est très-souvent déchirée et peut 
être l'origine de déchirures plus étendues qui partent le plus souvent de la 
muqueuse vaginale, bien qu’on puisse citer des cas où ces ruptures ont com- 
mencé par la muqueuse anale. Quoi qu'il en soit de ces faits intéressants qui 
seront éludiés avec plus de profit à l'occasion de la pathogénie des ruptures du 
périnée, nous pouvons résumer l'intervention du périnée dans l'accouchement 
en disant qu'il a pour action de modérer le travail d'expulsion et d’assurer le 
dégagement de l'extrémité du fœtus qui se présente en produisant les mouve- 
ments de rolation nécessaire, de façon que toutes les parties s'adaptent au 
canal courbe offert par le conduit utéro-vaginal et vulvaire. C. Coyne. 


2 II. Pathologie. La pathologie du périnée est très complexe, mais elle 
puise son importance dans les relations anatomiques qui existent entre les 
organes qui traversent le plancher du bassin. C'est dire qu'elle se rattache à la 
pathologie de l’urèthre et de la prostate, du rectum, du vagin et de la vulve. 
On trouvera donc aux articles URÈTHRE, Voies URINAIRES, VaGin, VESSIE, etc., 
l'exposé de toutes les questions qui se rapportent aux infiltrations urineuses, 
aux abcès, aux fistules, aux ruptures d'organes, etc., qui intéressent le périnée. 
La seule lésion qui appartienne en propre à la région périnéale est la rupture 
du périnée. Déjà, au chapitre précédent, ont été indiquées les conditions physto- 
logiques qui permettent la distension progressive et assurent la résistance du 
plancher périnéal. Il conviendra de lire à l'article PÉRINÉORRHAPHIE la division 
des déchirures qui nécessitent un traitement. Il ne nous reste donc qu'à faire 
connaitre, en quelques lignes, quelles sont les circonstances qui amènent d'ordi- 
naire la rupture du périnée, comment il devient possible d'y obvier, enfin quelles 
peuvent être les conséquences qu’amènent à leur suite les ruptures un peu 
étendues. 

Tous les accoucheurs s'accordent à reconnaitre que le plus souvent les ruptures 
du périnée se produisent soit parce que l’on a négligé de faire prendre à la par- 
turiente une attitude convenable, soit parce que l'on n’a point surveillé avec 
assez d'attention les phénomènes qui se produisent pendant la période d’expul- 
sion. La position donnée à l'accouchée doit être le décubitus horizontal (adopté 
en France), en ayant soin d'enlever de dessous la tête le plus d’oreillers possible, 
d'élever le siége à l’aide d’un oreiller ou de deux paires de drap, enfin de main- 
tenir les cuisses à demi-fléchies, les genoux légèrement écartés. En Allemagne 
et en Angleterre, on préfère le décubitus latéral, surtout quand il s'agit de 
primipares. La femme étant placée dans la position choisie par l'accoucheur, on lui 
recommandera de ne pas faire d'efforts d'expulsion ou tout au moins de les faire 
coïncider, si le travail n'est pas trop énergique, avec les contractions utérines. Dans 
ce but, il sera recommandé à la parturiente de ne se servir d'aucun point 


PÉRINÉE (parmoroGtr). 113 


d'appui pour s’arc-bouter au moment des douleurs et de rester la bouche ouverte. 
Si les douleurs sont trop répétées et trop violentes, on lui imposera le décubitus 
latéral. L'accoucheur veillera ensuite, suivant les conseils de Tarnier, à empê- 
cher la sortie brusque de la tête, à diriger cette partie suivant l'axe de l'orifice 
vulvaire, à favoriser son mouvement d'extension, quand le front vient à se 
dégager, enfin à soutenir le périnée. 

Voici, d'après Tarùier et Chantreuil, comment on parvient à remplir ces 
indications : la main gauche est passée par-dessus la cuisse droite de la femme 
et appliquée sur toute la portion de la tête accessible à la vue, de façon à la 
coiffer exactement et de telle sorte que l'extrémité des doigts atteigne la com- 
missure antérieure du périnée. Gette main ralentit la progression de la tête par 
une pression douce exercée jusqu’au moment où le front apparaît, puis, par une 
pression exercée à l'aide de l'extrémité des doigts sur les parties fœtales qui se 
dégagent, elle favorise le mouvement d'extension. En même temps la main droite, 
après avoir passé sous la cuisse, est placée transversalement à plat sur le pont 
de parties molles qui s'étend de la vulve à l'anus, son bord radial dirigé vers 
la fourchette, le pouce relevé dans le pli génito-crural droit, les doigts dirigés 
du côté opposé. La pression exercée par cette main, qui doit être protégée par 
un mouchoir ou une serviette, augmente au moment où la tête va franchir 
l'orifice. A l’aide des deux mains, on règle la progression de la tête dont la 
sortie doit être très-lente, de façon à permettre aux parties molles d'acquérir un 
degré de distension convenable. On continue ces précautions durant le passage 
des épaules qui doit aussi se faire lentement et l’on évite ainsi les déchirures 
graves du périnée. Cette méthode n’a aucun des inconvénients de celles qui 
consistent à dilater la vulve et le périnée avec les doigts, à refouler le coccyx 
ou encore à introduire un ou plusieurs doigts dans le rectum pour remonter le 
périnée (Goodell) ou pour aller à la rencontre de la bouche et du menton (à 
travers la cloison recto-vaginale), de manière à pousser la tête en haut et en 
avant et à lui faire exécuter son mouvement d'extension (Ritgen, Olshausen et 
Ahlfeld). Il est des cas cependant où le périnée, soit parce qu'il est rigide et 
friable, soit parce que la tête est très-volumineuse, menace de se rompre. Dans 
ces conditions, il importe de limiter la déchirure et de l'empêcher de s'étendre 
vers l'anus. On conseille dans ce but une incision préventive ou plus souvent 
deux incisions latérales (Eichelberg). Celles-ci n’empêchent pas toujours la 
rupture et donnent parfois naissance à des cicatrices douloureuses. Aussi Tarnier 
leur préfère-t-1l une incision médiane dirigée obliquement et en dehors de l'anus, 
de façon à maintenir l'intégrité du sphincter. Mieux vaut d'ailleurs s'abstenir 
de ces incisions quand elles ne sont pas indispensables. 

Les ruptures du périnée s’observent donc dans l'accouchement trop rapide, 
ou bien lorsque la parturiente s’est trouvée dans la station verticale ou assise, 
ou encore lorsque, la tête étant volumineuse, le périnée rigide ou anormalement 
développé, toutes les précautions que nous venons de rappeler n'ont pas été bien 
prises. 

Au point de vue de son étendue et de sa forme, la rupture du périnée peut 
n'atteindre que la fourchette et la commissure postérieure de la vulve. La peau 
et le fascia superficialis étant seuls intéressés, cette lésion est le plus seuvent 
insignifiante; d’autres fois la rupture s'étend aux muscles du périnée et ne 
s'arrête qu'au sphincter externe de l'anus; enfin elle peut comprendre le 
sphincter ou même une portion plus ou moins étendue de la cloison recio-vagi- 


‘Dict. ENC. 2° s. XXUL 8 


414 PÉRINÉORRHAPHIE. . 


nale. Quand la rupture est un peu étendue, elle s'accompagne d’une douleur 
vive, cuisante, d'une sensation de déchirure, parfois d’une hémorrhagie plus ou 
moins abondante. Presque toujours elle est dirigée d'avant en arrière ou bien 
diagonalement ou encore se divisant en deux branches qui contournent l'anus 
et le dépassent en arrière. Plus rarement on observe des ruptures dites cen- 
trales dans lesquelles on constate l'intégrité de la fourchette et de la commissure 
postérieure de la vulve, le périnée ayant cédé dans sa partie centrale et le fœtus 
tout entier s'étant échappé par cet orifice. 

Les conséquences de ces ruptures périnéales sont très-variables suivant 
l'étendue de la lésion. Quand la déchirure est peu marquée, alors surtout 
qu'elle n'atteint que la fourchette et la commissure postérieure de la vulve, le 
seul inconvénient consiste dans la sensation de douleur cuisante qui persiste 
pendant plusieurs jours, se réveillant surtout au moment de l'émission des 
urines, et ne cessant qu'avec la cicatrisation de la blessure. Parfois cependant la. 
plaie peut s'enflammer et, dans un milieu malsain, être l’occasion de compli- 
cations sérieuses. Quand la solulion de continuité est plus étendue, que les bords 
sont inégaux, déchiquetés, la réunion devient difficile, voire même impossible 
sans une opération chirurgicale. Alors surviennent des suppurations, des ulcéra- 
tions consécutives, puis les bords de la solution de continuité se cicatrisent en. 
laissant une infirmité permanente. La déchirure qui va jusqu’au sphincter anal 
ne fait que prédisposer aux abaissements ou aux chutes de la matrice. Celle qui 
intéresse le sphincter amène à sa suite l'incontinence incomplète ou totale des. 
matières fécales. Dans les cas les plus graves, lorsque le vagin et le rectum 
forment un vrai cloaque, l'irritation que détermine le mélange des malières 
évacuées donne naissance aux inconvénients les plus sérieux et nécessite toujours. 
la périnéorrhaphie. Dei 


PÉRINÉORRHAPHIE. Sous ce nom l'on désigne l'opération anaplastique 
qui a pour but de réparer le périnée rompu et de lui rendre sa conformation 
normale et ses fonctions. 

Au point de vue thérapeutique, les déchirures du périnée doivent être divi- 
sées en deux grandes classes : les déchirures complètes et incomplètes, suivant 
que le sphincter anal reste intact ou participe à la lésion. Chacune de ces deux 
classes comporte elle-même une subdivision. Les déchirures incomplètes peu- 
vent être limitées à la fourchette vulvaire, ou bien elles intéressent la peau du 
périnée tout entière et s'étendent jusqu’au sphincter exclusivement. De même, 
les déchirures complètes comprennent deux degrés distincts : 4° les déchirures 
dans lesquelles la lésion s'étend au sphincter anal, mais sans remonter au- 
dessus de lui; 2° les cas dans lesquels la rupture comprend non-seulement le 
sphincter anal dans sa totalité, mais encore une étendue variable (3, 4 à 5 cen- 
timètres) de la cloison recto-vaginale. 

D'après cela, nous avons la division suivante : 


DÉCHIRURES DU PÉRINÉE 


Limitées à la fourchette. 

Allant jusqu'au sphincter exclusivement. 
Sphincter seul rompu. 

Division étendue à la cloison reclo-vaginale. 


a. Incomplètes. 


b. Complèles. . | 


Cette division est de la plus haute importance au point de vue du traitement. 


PÉRINÉORRHAPHIE. 113 


Les déchirures complètes entrainent la perte des fonctions du sphincter anal, et, 
par suite, l’incontinence des gaz et des matières fécales. Le pronostic s'aggrave 
encore lorsque la déchirure remonte plus ou moins haut sur la cloison recto- 
vaginale, car alors la réparation est beaucoup plus difficile à obtenir. Mais 
les déchirures incomplètes elles-mêmes ne doivent pas être regardées comme 
insignifiantes. En effet, si elles n'entrainent pas la gêne des fonctions du vagin 
et l’incontinence des matières fécales, elles peuvent, comme les déchirures 
complètes, favoriser la production du prolapsus utérin. La perte du soutien 
périnéal est en effet l’un des facteurs de la chute de l'utérus et, à ce titre, 
ne doit pas être négligée. 

Toutefois la conduite à tenir diffère beaucoup suivant qu'on a affaire à une 
ruplure incomplète ou complète. Nous examinerons successivement les deux 
cas. 

a. Ruptures incomplètes. Bon nombre de chirurgiens et d'accoucheurs, 
parmi lesquels nous pouvons citer MM. Pajot, Tarnier, Guéniot, etc., pensent 
que la nature suffit à elle seule à faire les frais de la réparation dans cette 
variété de déchirures. Ils se contentent de placer la malade dans les meilleures 
conditions possibles pour cette réparation, en maintenant les cuisses rapprochées 
l'une de l'autre et légèrement fléchies sur l'abdomen. Aujourd'hui les lavages 
antiseptiques du vagin et de la solution de continuité elle-même, en s'opposant 
au développement de la suppuration, concourront encore à cet heureux résultat. 
Dans une récente discussion à la Société obstétricale et gynécologique de Paris 
(1885), M. Pajot rappelait qu'il avait eu l'occasion d'examiner, nombre d'années 
après la production de l'accident, un périnée qui avait été autrefois profondé- 
ment déchiré jusqu'au sphincter; il eùt été impossible à ce moment de se 
douter le moins du monde de la lésion qui avait existé, tart la restauration 
était parfaite. Mais il ne faudrait pas compter toujours sur un pareil résultat, 
et la preuve en est dans le grand nombre de femmes que nous examinons jour- 
nellement dans les hôpitaux et chez lesquelles le périnée est réduit à une mince 
cloison, ne mesurant, du côté de la peau, que 1 centimètre ou i centimètre 1/2 
de hauteur. Dans ces conditions, les femmes qui se livrent à de pénibles tra- 
vaux, exigeant des efforts continuels, sont fréquemment atteintes de prolapsus 
utérin. Il vaut donc mieux, dans tous les cas où la déchirure a quelque impor- 
tance, en favoriser la réunion par l'application de serres-fines, ou même de 
quelques points de suture. Si la réunion primitive échoue partiellement, on 
pourra, par la cautérisation au nitrate d'argent, suivant le procédé de J. Cloquet, 
favoriser la réparation complète par le mécanisme de cicatrisation des plaies 
angulaires. Dans les cas où la réparation immédiate aurait complétement échoué, 
et.dans ceux où elle n'aurait pas été tentée, on pourrait, quelques jours après 
l'acconchement, recourir à la réunion secondaire, c’est-à-dire rapprocher par 
la suture les surfaces bourgeonnantes. L'emploi local de la cocaïne rendrait 
encore plus facile à l'heure actuelle cette petite opération. Nous aurons du reste 
l’occasion de revenir, à propos des déchirures complètes, sur ces réparations 
faites immédiatement après l'accouchement, ou bien quelques jours après, 
lorsque la plaie est déjà bourgeonnante, réunions secondaires. 

Si enfin la réunion secondaire elle-même échouait, ou si la déchirure avait 
été abandonnée à elle-même, en permettant aux deux lèvres de la déchirure de 
se cicatriser isolément, il faudrait appliquer à ces cas la même méthode qu'aux 
déchirures complètes, c’est-à-dire une véritable périnéorrhaphie comprenant 


116 PÉRINÉORRHAPHIE. 


l’avivement des surfaces cicatricielles et leur rapprochement par la suture. 

b. Ruptures complètes. C'est à cette variété que s'applique la périnéor- 
rhaphie proprement dite. L'histoire en a été faite avec beaucoup de bonheur 
par M. Verneuil, dans un feuilleton quelque peu humoristique, publié dans la 
Gazette hebdomadaire de 1862 et reproduit dans le premier volume de ses 
Mémoires de chirurgie. Bien que la suture du périnée soit clairement indiquée 
dans un recueil ancien, Trotula, dont nous ne connaissons ni l’époque, ni 
même exactement l’auteur, on peut dire que la priorité appartient à Jacques 
Guillemeau, chirurgien français du seizième siècle, le disciple le plus distingué 
d’A. Paré. L'observation de Guillemeau ne laisse rien à désirer. ll s'agissait bien 
manifestement d’une déchirure complète, comme l'indique la phrase sui- 
vante : « Il arrive quelques fois, dit-il, que tout le perineum ou entre-fesson 
est fendu jusques au siége... Ce que j'ai vu advenir; et faute d’y remédier, les 
deux côtés de la fente s'étant cicatrisés, les deux trous ou conduits sont 
demeurés en un. » Après avoir pratiqué l'avivement, Guillemeau fit la réunion 
par un procédé de suture mixte; au centre, il plaça un point de suture entor- 
tillée et, aux deux extrémités, un point de suture entre-coupée, pour rétablir 
les commissures anale et vulvaire. Déjà d’ailleurs A. Paré avait signalé la 
nécessité de la suture dans les ruptures du périnée. 

L'exemple de Guillemeau fut suivi par un chirurgien du nom de Reulingius 
ou Reuling, dont le fait est cité dans les Éphémérides des Curieux de laNature, 
et par Cosme Viardel, accoucheur fort en réputation dans la seconde moitié du 
dix-septième siècle. L'opération fut ensuite pratiquée par bon nombre de chi- 
rurgiens, parmi lesquels nous citerons Mauriceau, Delamotte et Smellie. Mais 
ce sont surtout Roux et Dieffenbach qui en ont vulgarisé l'emploi. Roux se 
servit de la suture enchevillée; Dieffenbach eut recours aux incisions libéra- 
trices pour rendre plus facile le rapprochement des lèvres de la solution de 
continuité. 

1° Procédé de Roux. Ce qui caractérise essentiellement le procédé de Roux, 
c'est l'emploi de la suture enchevillée. Après avoir soigneusement pratiqué 
l'avivement des bords de la fente, avivement qui doit comprendre la paroi vagi- 
nale elle-même dans les cas où la solution de continuité se prolonge sur la 
cloison recto-vaginale, le chirurgien place les fils, en commençant par le point 
le plus rapproché de l’anus. Généralement trois points de suture sont suffisants: 
ils doivent comprendre une large épaisseur de tissus; le fil moyen remonte 
même dans la cloison recto-vaginale, lorsque celle-ci participe à Ja déchirure. 
Chacun des points de suture est fait à l’aide d'un fil double, dont les deux anses 
sont nouées de chaque côté sur un bout de sonde en gomme. Ainsi pratiquée, 
comprenant une large épaisseur de tissus, la suture a l'avantage d'amener un 
affrontement exact des parties profondes, mais quelquefois les lèvres de ia plaie 
cutanée ne sont pas suffisamment affrontées. Il faut alors ajouter à la suture 
enchevillée quelques points de suture superficiels entre-coupés. 

2° Incisions libératrices de Dieffenbach.  Dieffenbach pratiquait affronte- 
ment au moyen de la suture entre-coupée et entortillée, puis, pour remédier à 
la tension trop grande des parties, il faisait, de chaque côté de la ligne de 
suture, une incision courbe à convexité en dehors qui, commençant près de l'ex- 
trémité postérieure de la grande lèvre, se prolongeait jusqu'au devant de Panus. 

5° Débridement du sphincter anal (Mercier, Baker-Brown). Mercier, élève 
de Roux, a proposé, dans le but de diminuer la tension des parties et de faciliter 





PÉRINÉORRHAPHIE. 117 


l'émission des gaz et des gardes-robes, la section du sphincter anal dans sa 
moitié postérieure. De même, Baker-Brown a pratiqué, de chaque côté du 
coccyx, un double débridement du sphincter anal, dans une étendue de un à 
deux pouces. 

Sans doute les procédés précédents ont fourni des succès, mais, dans un 
grand nombre de cas, on n'a eu que des succès incomplets, en ce que les 
malades conservaient une fistule recto-vaginale. La cause en est dans la ten- 
dance qu'ont les matières et les gaz à passer du rectum dans le vagin. L'orifice 
anal est parfois rétréci par la suture; alors même qu'il n'y a pas de rétrécisse- 
ment mécanique, il y a souvent un ténesme qui met obstacle au passage des 
gaz à travers l'anus ; ceux-ci font effort sur la ligne de suture et s'infiltrent à 
travers la cloison recto-vaginale. De là un défaut plus ou moins étendu de 
réunion, et, par suite, la production d'une fistule recto-vaginale. Aussi les inci- 
sions sphinctériennes de Baker-Brown, en remédiant à cet inconvénient, ont- 
elles donné à cet auteur une proportion considérable de succès. 

Outre la difficulté tenant à l'existence du ténesme rectal, il en est encore 
une autre qui se fait sentir surtout dans les cas les plus compliqués, c'est celle 
qui consiste à pratiquer une suture et un affrontement exact de la cloison recto- 
vaginale. Le périnée lui-même constitue une surface triangulaire assez large 
qu'un avivement bien fait et une suture profonde permettent d'affronter très- 
exactement dans toute son étendue. Au contraire, la cloison recto-vaginale 
représente une ligne mince; l’avivement ne comprend en ce point que des sur- 
faces très-étroites qu'il est fort difficile de maintenir exactement affrontées et 
réunies. Tout concourt donc à rendre très-difficile la restauration de la cloison 
recto-vaginale; c'est là, on peut le dire, la véritable pierre d'achoppement de 
la périnéorrhaphie. Le désir de réaliser une réunion solide de la cloison recto- 
vaginale a fait naître de nouveaux procédés que nous devons maintenant exa- 
miner. 

4° Procédé autoplastique de Langenbeck. Après avoir achevé l'avivement 
des surfaces cicatricielles, Langenbeck tendant, à l’aide d'un doigt introduit 
dans le rectum, la cloison recto-vaginale, pratiquait sur cette cloison, à très-peu 
de distance de son bord libre, une incision demi-circulaire à convexité inférieure. 
La lèvre supérieure de cette incision était disséquée et isolée de la muqueuse 
rectale sous-jacente, de façon à obtenir un véritable lambeau flottant de 12 à 
15 millimètres de hauteur. Langenbeck faisait ensuite la suture de la paroi rec- 
tale et celle du périnée avivé, puis, attirant en bas le lambeau formé aux 
dépens de la muqueuse vaginale précédemment décrit, il le suturait à la partie 
antérieure de la division périnéale. Il formait ainsi aux dépens de la cloison 
recto-vaginale dédoublée un véritable lambeau autoplastique qui venait recou- 
vrir, à la manière d’un opercule, les parties intermédiaires au rectum et à la 
vulve, et s'opposer au passage des gaz et des matières fécales à travers les sur- 
faces affrontées. Langenbeck terminait son opération par les incisions périnéales 
de Dieffenbach. 

L'idée première du procédé de Langenbeck, le dédoublement de la cloison 
recto-vaginale, lui a été empruntée par plusieurs auteurs qui, modifiant sur 
divers points l'opération du chirurgien allemand, eu ont fait des procédés nou- 
veaux. Dans ce groupe nous signalerons les procédés de MM. Demarquay, Le 
Fort et Richet. 

Procédé de Demarquay. Comme Langenbeck, Demarquay dédoublait dans 


118 PÉRINÉORRHAPHIE. 


uue hauteur de 1 centimètre environ la cloison recto-vaginale, en isolant soi- 
gneusement de chaque côté la muqueuse du vagin et la muqueuse rectale. Une 
fois l'avivement terminé, les lambeaux de muqueuse vaginale et rectale ainsi 
formés sont réunis isolément par la suture. De sorte que le chirurgien pratique 
une triple suture : 1° une suture rectale, dont les anses sont comprises entre 
les surfaces avivées, tandis que les extrémités des fils sont libres dans la cavité 
de l'intestin; 2° une suture vaginale; 3° une suture du périnée. 

Dans un travail inséré dans la Gazette médicale de 1864, M. Launay rapporte 
trois observations où ce procédé fut employé. Chez deux malades, le succès fut 
complet. Chez la troisième, par suite d'un érysipèle, la suture rectale et la 
moitié postérieure de celle du périnée échouèrent, mais la suture vaginale 
réussit et supprima toute communication entre le vagin et le rectum. Dans sa 
thèse sur les anaplasties périnéo-vaginales, M. Emmanuel Bourdon, qui donne 
une description détaillée du procédé de Demarquay, ajoute que son auteur lui 
dut encore, à partir de 1864, de nouveaux succès. 

Procédé de Le Fort. Le procédé employé en 1868 par M. Le Fort sur une 
malade atteinte d’une déchirure complète du périnée avec large déchirure de la 
cloison recto-vaginale se rapproche beaucoup de celui de Demarquay. M. Le Fort 
dessine de chaque côté de la déchirure un avivement triangulaire; il prolonge 
en arrière son incision dans le sens antéro-postérieur sur le milieu de la cloison 
recto-vaginale, puis il dédouble dans une certaine étendue cette cloison, en 
isolant soigneusement de chaque côté la muqueuse vaginale et la muqueuse 
reclale, L'opération se termine par trois plans de suture qui viennent réunir 
la muqueuse vaginale, la muqueuse rectale et enfin le périnée lui-même. 

De cette façon, le triangle périnéal est rétabli dans son intégrité avec les trois 
côtés qui le limitent, peau du périnée en avant, muqueuse rectale en bas et en 
arrière, en haut muqueuse vaginale. Nous renvoyons d’ailleurs, pour la descrip- 
tion exacte de ce procédé, au Manuel de médecine opératoire de Malgaigne 
(8we édition, t. Il), où l'adjonction de figures au texte rend plus facile l'intelli- 
gence du procédé. 

Procédé de Richet. Comme Demarquay et Le Fort, M. Richet dédouble 
dans une certaine étendue la cloison recto-vaginale, puis il accole l'une à 
l'autre par leurs surfaces cruentées les deux lambeaux de muqueuse vaginale 
ainsi formés, et les suture dans cette position. De cette manière, il forme sur 
la paroi postérieure du vagin une sorte de crête saillante. Il opère ensuite la 
réunion du corps périnéal par la suture enchevillée. Lorsque la réunion est 
terminée, dit Bourdon, qui donne du procédé une description complète, on 
observe deux lignes de sutures : l'une périnéale (suture enchevillée), verticale; 
l'autre vaginale (suture à points séparés), horizontale, et ces deux lignes vien- 
nent se réunir au niveau du point qui deviendra la nonvelle fourchette. 

Déjà, du reste, en 1862, M. Verneuil, dans une communication à la Société 
de chirurgie, avait insisté sur la nécessité de s'abstenir de tout avivement et de 
toute suture du côté de la muqueuse rectale. 

Procédé de Verneuil. S'inspirant du traitement de la fistule vésico-vaginale 
par la méthode américaine, où l’on s'abstient de porter le bistouri sur la 
muqueuse vésicale, tandis qu’on fait un large avivement de la muqueuse vagi- 
nale, M. Verneuil résolut de laisser intacte la muqueuse rectale. Mais, au lieu 
d’aviver seulement le mince bord libre de Ja cloison recto-vaginale, il fit un 
avivement étendu de la muqueuse vaginale, comprenant 1 centimètre au moins 


PÉRINÉORRHUAPHIE. 119 


de largeur sur tout le pourtour de la fente de la cloison. L'avantage de ce pro- 
cédé, c’est d'avoir un affrontement se faisant par de larges surfaces, et non par 
un simple bord. Procédant ensuite à la suture, il fait, comme M. Richet, deux 
plans de sutures : une suture vaginale, dont les fils ne pénètrent pas à travers 
la muqueuse rectale, et une suture périnéale enchevillée. Ce procédé a donné à 
son auteur et aux chirurgiens qui lont imité, entre autres, M. Deroubaix, bon 
nombre de succès. 

Procédé de Trélat. Ce procédé a été décrit avec détails dans la thèse de 
M. Marcel Boraud, en 1879. A part quelques différences sans importance, il est 
le même que celui de M. Verneuil. 

Même mode d’avivement ; comme M. Verneuil, M. Trélat faisait deux sutures, 
J'une vaginale, l’autre périnéale, pour laquelle il se servait de sutures enche- 
villées ; point de suture rectale. 

Ajoutons que, dans ces dernières années, les deux auteurs précédents ont, 
tous les deux, renoncé à la suture enchevillée qu'ils ont remplacée par la suture 
entrecoupée. 

Enfin, dans une récente discussion qui a eu lieu à la Société de chirurgie 
dans le courant de 1885, MM. Marc Sée et Polaillon ont chacun fait connaître un 
procédé nouveau auquel ils ont eu recours (voy. les Bulletins et Mémoires de la 
Société de chirurgie, 1885, p. 239 et suivantes). 

Procédé de M. Marc Sée. Ce procédé consiste essentiellement en ce fait, 
qu'au lieu de faire un avivement très-superficiel du triangle périnéal, M. Marc 
Sée fait au contraire un avivement profond, comprenant toute l'épaisseur des 
muscles du périnée. Il ne sacrifie pas les parties provenant de cet avivement, 
mais il les conserve sous forme d’un lambeau triangulaire qu'il laisse adhérent, 
par sa base tournée en avant, au reste de la peau de la région périnéale. Ces 
deux lambeaux ainsi délimités de chaque côté et libres par leur partie profonde 
sont appliqués l'un contre l'autre par leurs surfaces cruentées et maintenus 
réunis par une suture enchevillée. 

Procédé de Polaillon. A l'exemple de M. Marc Sée, M. Polaillon ne sacrifie 
pas les tissus résultant de l’avivement du triangle périnéal ; il les conserve 
sous forme d'un lambeau, mais, au lieu de placer la base de son lambeau en 
avant du côté de la peau, il la place en haut du côté de la muqueuse vaginale. 
Une dissection de cette muqueuse au niveau de l'extrémité antérieure de la 
cloison permet d'affronter exactement du côté du vagin les deux lambeaux ainsi 
formés; ils sont ensuite réunis par une suture à points séparés. Ces deux lam- 
beaux réunis forment sur la paroi inférieure du vagin une sorte de crête antéro- 
postérieure analogue à celle que nous avons signalée dans le procédé de Richet. 

Par l'énumération des procédés précédents, on voit combien l'histoire de la 
périnéorrhaphie, simple à ses débuts, est devenue complexe. Et cependant nous 
n'avons pas la prétention d’avoir été complet; nous nous sommes borné aux 
procédés les plus intéressants, à ceux qui marquent une étape dans l'histoire de 
l'opération, ou qui constituent des ressources utiles à connaître dans un cas 
donné. Quelle que soit d’ailleurs la multiplicité des procédés de périnéorrhaphie, 
on arrivera assez aisément à les classer et à les retenir, si l’on veut bien remar- 
quer que tous ces procédés dérivent d’un petit nombre de principes, qu'on peut 
ramener à trois : 4° l'emploi des débridements ; 2° la méthode autoplastique ; 
3° l’avivement de larges surfaces. 

Tout d'abord, en effet, la périnéorrhaphie consiste simplement dans l'avive- 


190 PÉRINÉORRHAPHIE. 


ment des surfaces de la déchirure, puis leur réunion par les différents procédés 
de suture entre-coupée, entortillée, enchevillée (Guillemeau,' Roux, etc.). Dans 
le but de diminuer la tension des parties, Dieffenbach conseille les débride- 
ments périnéaux; Mercier, Baker-Brown, Chassaignac, les débridements du 
sphincter anal. Vient ensuite la méthode autoplastique inaugurée par Langen- 
beck, et dont les procédés de Demarquay, de Le Fort et de Richet, constituent 
des variantes; à cette méthode se rattachent également les procédés de M. Mare 
Sée et Polaillon, avec cette différence qu'au lieu de former leurs lambeaux 
autoplastiques aux dépens de la muqueuse vaginale, ils les empruntent au péri- 
née lui-même, en conservant les tissus qui proviennent de l’avivement des sur- 
faces cicatricielles. A la différence des auteurs précédents, M. Verneuil ne fait 
point de lambeaux, mais, par un avivement étendu de la muqueuse vaginale, 
il cherche du moins à assurer de larges surfaces d'affrontement. 

Que si nous examinons au point de vue du mode de suture les différents 
procédés que nous venons de passer en revue, nous voyons que tous ces pracédés 
peuvent être rangés en trois groupes, suivant qu'iis comprennent un, deux ou 
trois plans de suture : 

4° Les procédés de Guillemeau, Roux, Dieffenbach, sont tous des procédés à 
un seul plan de suture, car ici tous les fils sont passés de la peau du périnée 
vers les surfaces d’avivement ; 

2 Aux procédés à deux plans de suture se rattachent ceux de M. Verneuil, 
Richet, Trélat, etc., dans lesquels on fait une suture vaginale et une suture 
périnéale ; 

5° Enfin, les procédés à trois plans de suture comprennent ceux de Langen- 
beck, Demarquay et Le Fort, qui font une suture sur chacun des côtés du 
triangle périnéal avivé, c'est-à-dire une suture vaginale, une suture rectale et 
une périnéale. 

Les procédés décrits par Simon, Hégar et Kaltenbach, Hildebrandt, sont éga- 
lement des procédés à trois plans de suture. 

Après avoir acquis le haut degré de complexité que nous venons de signaler, 
le manuel opératoire de la périnéorrhaphie semble aujourd'hui, par un retour 
dont la chirurgie nous offre plus d'un exemple, entrer de nouveau dans la voie 
de la simplification. La raison en est dans l'intervention du procédé américain 
désigné sous le nom de procédé d'Emmet, et dont nous devons surtout la con- 
naissance au mémoire de M. Judes Hüe (de Rouen), et au livre de Gaillard 
Thomas. Ce procédé étant aujourd'hui adopté par la majorité des chirurgiens, 
et s'appliquant à la plupart des cas de déchirure périnéale, c'est à propos de 
lui que nous ferons la description complète de la périnéorrhaphie. 

Procédé d'Emmet. La malade étant endormie, et placée sur le bord du lit 
dans la position de la taille, deux aides soutiennent de chaque côté les membres 
inférieurs. L'opérateur, après avoir soigneusement lavé avec un liquide anti- 
septique la région anale, le périnée et le vagin, procède à l’avivement qui doit 
être fait suivant les mêmes principes que dans les autres procédés de périnéor- 
rhaphie. Il doit en effet porter sur de larges surfaces. Il représente sur chacun 
des côtés du périnée déchiré un triangle dont la base est à la peau, dont un des 
côtés suit la paroi vaginale et remonte jusqu’au quart inférieur de la grande 
lèvre, tandis que l'autre, passant au devant de la limite antérieure de l’orifice 
anal, vient rejoindre l'incision cutanée Ces deux triangles sont reliés l’un à 
l'autre sur la ligne médiane par un avivement pratiqué aux dépens de la partie 


PÉRINÉORRHAPHIE. 124 


inférieure de la cloison recto-vaginale, et mesurant 1 centimètre et 1/2 de lar- 
geur environ. La figure qui résulte de l'avivement ainsi pratiqué peut être assez 
justement comparée à un papillon, les ailes déployées; lavivement médian 
représente le corps de l'animal, ct les deux avivements latéraux, les ailes. La 
figure ci-jointe permettra du reste de comprendre aisément cette disposition 
(voy. fig. 1). 

Pour assurer la régularité des surfaces avivées, qui doivent se correspondre 
exactement dans tous leurs points une fois l'affrontement pratiqué, il est bon d'en 
tracer d'abord avec la pointe d'un bistouri les limites. Une autre précaution 
fort utile, c’est de commencer par l’avivement de la partie moyenne. En effet, 
en procédant autrement, on serait gêné par le sang fourni par l’avivement des 
parties latérales. M. Judes Huë fait très-judicieusement remarquer, et nous 








avons pu vérifier l'exactitude de cette remarque dans les opérations que nous 
avons pratiquées, que, quelque soin qu’on mette à pratiquer un avivement aussi 
mince que possible, cependant cet avivement de la cloison donne beaucoup de 
sang. C'est une raison de plus pour commencer par la partie moyenne, parce 
que, pendant qu'on procédera à l'avivement des parties latérales, l'hémostase 
aura le temps de se produire. Le doigt d'un aide introduit dans le rectum, 
tendant la cloison recto-vaginale et la faisant saillir en avant, rend beaucoup 
plus facile l’avivement de la partie moyenne. Pendant l'avivement des parties 
latérales, il est également nécessaire que, par une légère traction en dehors, 
l’aide tende les parties sur lesquelles doit porter le bistouri. Une fois l'avive- 
ment terminé, il faut débarrasser le champ opératoire du sang écoulé et assurer 
l'hémostase; pour cela, on pratique, dans le vagin, dans le rectum et sur les 


122 PÉRINÉORRHAPHIE. 


surfaces avivées elles-mêmes, des irrigations froides avec un liquide antiseptique 
(chloral, acide borique, solution phéniquée faible, etc.). On procède ensuite à 
la suture, et c’est là le temps le plus spécial dans la périnéorrhaphie par le pro- 
cédé d'Emmet. Cette suture ne saurait être faite sans l’aide d'une aiguille à 
grande courbure montée sur un manche, et dont la tige représente un peu plus 
d'une demi-circonférence; cette aiguille est pourvue près de sa pointe d’un 
chas destiné à recevoir le fil (voy. fig. 2). On se sert habituellement de fils 
d'argent de moyen volume. Ces fils doivent être placés d'arrière en avant. Pour 
cela, l'opérateur engage, sur le côté gauche du périnée, la pointe de l'aiguille 
tenue de la main droite à 4 centimètre et 1/2 environ en arrière et en dehors de 
la circonférence postérieure de l’anus. Poussant la pointe en avant, 
il la fait cheminer à travers la partie inférieure de la cloison recto- 
vaginale, pour la faire sortir sur le côté droit de l'anus dans un 
point symétrique à son point d'entrée. Pendant toute la durée 
de ce temps, l'introduction de l'index gauche dans le rectum est 
absolument indispensable ; il tend la cloison recto-vaginale, guide 
le cheminement de l'aiguille dans son épaisseur, et l'empêche de 
faire issue dans l'intérieur du rectum. Cette petite manœuvre du 
passage du fil, sans être diffcile, ne laisse pas cependant que 
d'être assez délicate. Elle demande à être exécutée avec beau- 
coup d'attention et avec une certaine lenteur, afin que l'aiguille 
ne traverse pas la paroi rectale, ne se perde pas dans les parties 
profondes et vienne bien sortir du côté de la peau, dans un 
point symétrique à son point d'entrée. Deux autres fils sont ensuite placés de 
la même manière au-dessus du précédent. Introduits à 1 centimètre en dehors 
de la ligne d'avivement, ils cheminent également à travers la cloison recto-va- 
ginale, à 4 centimètre environ au-dessus les uns des autres, et viennent sortir 
sur le côté opposé du périnée. 

Ces trois fils sont destinés à assurer par leur constriction la reconstitution du 
corps périnéal. Reste à compléter la réparation de la paroi postérieure du vagin et 
de la fourchette vulvaire. Pour cela, de nouveaux points de suture sont placés, 
au-dessus des précédents, sur la partie supérieure du triangle périnéal avivé, mais, 
au lieu de traverser la cloison recto-vaginale, ces derniers sortent à l'union 
de la muqueuse vaginale et du bord postérieur de la surface d’avivement : la 
partie moyenne de leur anse est donc libre dans le vagin. Généralement 5 à 
6 points de suture placés comme nous venons de le dire suffisent pour assurer 
la restauration complète du périnée; si cependant la région de la fourchette 
n’était pas suffisamment affrontée, un point de suture superficiel à ce niveau 
serait nécessaire (voy. fig. 3). De même aussi, si les lèvres cutanées de l'inci- 
sion périnéale n'étaient pas amenées partout en contact parfait par la suture 
profonde, on placerait quelques points complémentaires de suture superficielle. 
L'opération est ainsi terminée; un lavage soigneux de toutes les parties doit 
être encore une fois pratiqué, après quoi l’on procède au pansement. 

Comme on le voit d'après la description précédente, le procédé d’Emmet 
rentre dans les procédés à un seul plan de suture. Ici, en effet, pas de suture 
rectale, pas de suture vaginale isolée; tous les fils sont passés, suivant un plan 
unique, de la peau à travers la cloison recto-vaginale ou la paroi du vagin. 
C'est donc une simplification très-grande du mode opératoire. Mais là n’est pas 
son but principal. Ce que l’on se propose, d'après Emmet et Gaillard Thomas, 





PÉRINÉORRHAPHIE. 123 


en plaçant le fil postérieur en arrière de l'anus et en lui faisant traverser la 
cloison recto-vaginale, c'est d'attirer en avant les deux extrémités divisées du 
sphincter que la rétraction a portées en arrière, et de les mettre en contact, de 
façon à rétablir dans son intégrité l'anneau représenté par le sphincter anal, et 
à lui restituer à la fois sa forme et ses fonctions. N’y a-t-il pas là quelque chose 
d'un peu théorique? Est-on bien certain de mettre exactement en contact les 
extrémités divisées du sphincter? Le fait est loin d'être prouvé. Quoi qu'il en 
soit, l’application de ce fil postérieur demande à être surveillée; une fois l'opé- 
ration terminée, le chirurgien devra toujours introduire le doigt dans le rectum, 
pour s'assurer que le conduit anal n’est pas trop rétréci par la suture, car le 
grand danger, nous y avons déjà longuement insisté, c'est de ne pas laisser aux 
gaz et aux matières fécales une issue facile. 





Fig. 3. 


À nos yeux, l'avantage le plus évident du procédé d'Emmet, c’est, en tra- 
versant la paroi recto-vaginale, de fermer par une constriction circulaire la solu- 
lion de continuité, comme on ferme une bourse en tirant sur ses cordons. En 
même temps on abaisse la cloison recto-vaginale, et l’on réalise du côté du 
vagin l’occlusion exacte et la protection de la ligne de suture que cherchait à 
obtenir Langenbeck par la création de son lambeau autoplastique. 

Quels que soient d’ailleurs les avantages du procédé d'Emmet, au double 
point de vue de la facilité d'exécution et de la sûreté du résultat, il ne faudrait 
pas croire qu'il ait été adopté parmi nous sans hésitation. Pour s’en convaincre, 
il suffira de lire la discussion qui eut lieu, en 1876, à la Société de chirurgie, à 
la suite du rapport de M. Guéniot sur le mémoire de M. Judes Hüe (de Rouen). 
Tous les orateurs furent d'accord à rejeter ce procédé comme inutile, ou même 


494 : PÉRINÉORRHAPHIE. 


tout à fait mauvais. Le rapporteur seul fit de sages réserves. Aujourd'hui les 
choses ont bien changé de face. Grâce à MM. Terrillon et Monod, qui l'ont 
employé et vanté, la plupart des chirurgiens en sont devenus partisans. MM. Tré- 
lat et Verneuil ont abandonné leurs anciens procédés pour passer les fils à Ja 
manière d'Emmet. Toutefois M. Trélat continue à faire encore quelques points 
de suture vaginale; de même aussi M. Périer (voy. Dayot, thèse de doct. Paris, 
1886). Mais une différence essentielle, c’est que, tandis que MM. Terrillon et 
Monod emploient la suture enchevillée, MM. Trélat, Verneuil, Périer et nous- 
même avons recours à la suture entre-coupée avec le fil d'argent, qui nous 
semble bien préférable. 

En effet, outre l'inconvénient que présente la suture enchevillée d'exercer 
sur la peau une compression douloureuse, qui peut même amener des ulcéra- 
Lions, elle magit pas de la même manière que la suture entre-coupée. Celle-ci, en 
effet, après la constriction des fils, embrasse dans un anneau complet les parties 
qu'il s’agit de rapprocher, tandis que la suture enchevillée exerce seulement 
une compression latérale sur chacun des côtés du périnée. 

Le seul reproche qu’on puisse faire au procédé d'Emmet, c'est de n'être pas 
applicable à tous les cas. En effet, lorsqu'il existe une déchirure remontant à 
une très-grande hauteur sur la cloison recto-vaginale, il serait impossible de 
passer les fils de la peau du périnée à travers cette cloison et de l’attirer en bas, 
ce qui est, avons-nous dit, la caractéristique du procédé. Si l'on veut fermer en 
une seule fois la déchirure dans sa totalité, force est bien de faire une suture 
vaginale, ou même à la fois une suture vaginale et une suture rectale, comme 
dans les procédés de Langenbeck, de Demarquay et de Le Fort. Dans la discus- 
sion qui s'est produite en 1884 à la Société de chirurgie, M. Pozzi a cité le fait 
d'une malade qu’il a opérée deux fois sans succès par l’avivement sanglant et la 
suture. [Il a essayé alors la réunion immédiate secondaire, en pratiquant sur la 
cloison des cautérisations avee le thermo-cautère ; la déchirure, qui avait 6 centi- 
mètres de hauteur, a été ainsi réduite à 2 centimètres. On pourrait procéder 
ainsi dans des cas analogues, c’est- à-dire assurer d'abord par des cautérisations 
successives la réparation de la cloison recto-vaginale; puis s'occuper ensuite de 
la restauration du périnée par le procédé d'Emmet. L'idée n’est d'ailleurs pas 
nouvelle : déjà Laugier a conseillé l'opération en deux temps. Dans un cas où 
Ja cloison était divisée, il commença par l’aviver et la réunir à l’aide de trois 
points de suture entre-coupée, qu'il enleva le neuvième jour ; la réunion était 
complète. Un mois après, il procéda à la réunion du périnée, qui fut pareille- 
ment obtenue, moyennant 5 points de suture et sans incisions d'aucune espèce 
(Malgaigne, Méd. oper.). 

Des précautions à prendre avant l'opération; du pansement et des soins 
consécutifs. Comme toutes les opérations chirurgicales, la périnéorrhaphie doit 
être exécutée avec des précautions minutieuses d’antisepsie. Ici même les pré- 
cautions doivent être d'autant plus grandes que le voisinage du vagin et du 
rectum, l'écoulement de l’urine et des liquides vaginaux, le passage des 
matières fécales, rendent l'antisepsie très-difficile. Dans le but d'éviter le contact 
des matières fécales avec la plaie au moment de l'opération, aussi bien que pour 
permettre à la malade de rester plusieurs jours sans aller à la garde-robe après 
être opérée, on doit lui administrer la veille un purgatif. Le matin même de 
l'opération, l'administration d’un grand lavement assurera l'évacuation com- 
plète du rectum. On aura fait prendre à la malade un bain; au moment de 


PÉRINÉORRIAPIHLE. 125 


l'opération et pendant son exécution, de fréquents lavages seront faits sur toute 
la région. Nous y avons dejà insisté, nous n'y reviendrons pas ici. Une fois 
l'opération terminée, on vide la vessie avec la sonde; le cathétérisme devra être 
répété pendant les jours suivants trois ou quatre fois dans les vingt-quatre 
heures, moyen bien préférable à l'emploi de la sonde à demeure, qui a l’incon- 
vénient de déterminer une irritation beaucoup trop grande de la muqueuse 
vésicale. Le cathétérisme demande dans son emploi beaucoup de précautions, il 
doit toujours être fait avec une sonde maintenue dans un état de propreté 
rigoureuse par son immersion continue dans une solution antiseptique. En 
maintenant la pulpe de l'index appliquée sur l’orifice de la sonde pendant qu'on 
la retire de la vessie, on retiendra dans son intérieur les dernières gouttes 
d'urine qu'elle renferme et on s’opposera à leur écoulement sur la ligne de 
suture. 

En général, les pansements humides et surtout les pansements phéniqués, 
qui sont irritants pour la vulve et la muqueuse vaginale, conviennent peu. 
Mieux vaut recourir aux pansements secs et surtout aux pansements à liodo- 
forme. La ligne de réunion sera saupoudrée d'iodoforme, un tampon de gaze 
iodoformée sera introduit dans le vagin; la région périnéale elle-même sera 
recouverte de gaze 1odoformée, une couche de ouate, un taffetas gommé et un 
bandage en T maintenant le tout compléteront le pansement. La malade devra 
être placée dans le décubitus dorsal, les cuisses maintenues rapprochées l’une 
de l’autre et légèrement fléchies sur l'abdomen au moyen d’un coussin passant 
au-dessous des jarrets. Le pansement pourra être laissé en place pendant plu- 
sieurs jours; grâce à l'antisepsie, la suppuration ne se produit pas. A chaque 
renouvellement du pansement des injections antiseptiques seront faites dans le 
vagin, sur la région anale et périnéale. 

Il est une question qui a donné lieu à de nombreuses discussions et qui est 
diversement résolue par les chirurgiens, c’est celle de savoir s’il faut, pendant 
plusieurs jours après l'opération, maintenir la constipation, ou si l'on doit au 
contraire entretenir par de légers laxatifs la liberté des garde-robes. Les deux 
manières de faire ont leurs avantages et leurs inconvénients : la constipation 
entretenue pendant sept-ou huit jours au moyen de l'opium, en évitant à la 
malade tout mouvement, en empêchant le contact des matières avec la ligne de 
suture, favorise la réunion. Mais il est à craindre (l'accident s'est vu plusieurs 
fois, des exemples en ont été cités par MM. Trélat, Després et d'autres) qu'au 
moment de la première garde-robe le passage d'un bol fécal volumineux ne 
déchire en partie ou même complétement le tissu cicatriciel. D'autre part, par 
l'emploi des laxatifs, provoquer des selles liquides fréquentes, c'est mettre la 
suture en contact avec les matières qui l'irritent et peuvent s'y infiltrer. Cepen- 
dant des guérisons parfaites ont été obtenues dans ces circonstances en appa- 
rence défavorables. Un exemple intéressant à cet égard est celui qui a été cité 
par Saucerotte (de Lunéville). Ce chirurgien ayant fait une périnéorrhaphie et 
ayant constipé sa malade, vit au bout de quelques jours une garde-robe solide 
provoquer la désunion de Ja partie inférieure de sa suture. Un mois plus tard, 
il pratiqua une nouvelle opération et administra des laxatifs à son opérée qu'il 
guérit complétement. Il semble que la conduite la plus sage soit un moyen terme 
entre les deux manières de faire précédentes : ne pas donner de laxatifs, mais 
ne pas rechercher non plus par l'administration de l'opium la constipation. 
C'est du reste l'opinion qui tend à prévaloir aujourd'hui. G. Bantock, Wyms 


126 PÉRINÉORRHAPHIE. 


Williams, Edis et beaucoup d’autres ne constipent pas leurs malades. Gaillard 
Thomas recommande de provoquer une garde-robe le quatrième jour. M. Trélat a 
renoncé à l'usage de l’opium et provoque aussi une garde-robe le quatrième ou 
cinquième jour. 

On devra d'ailleurs surveiller le régime des malades et leur donner une nour- 
riture substantielle ne laissant que peu de résidus, de la viande, des œufs, du 
pain en petite quantité et pas de légumes. L'usage des fils d'argent, l’observa- 
tion rigoureuse de toutes les précautions antiseptiques, permettent de laisser 
longtemps en place les sutures, sans craindre qu'elles déterminent une irrita- 
tion trop grande et provoquent la suppuration. On les enlèvera seulement du 
huitième au dixième jour. On peut du reste, par excès de précautions, ne pas 
suppr imer tous les fils à la fois, mais les enlever, par exemple, de deux en deux 
jours, en commençant par les plus superficiels. Si la malade n'avait pas eu de 
garde-robes, il serait utile la veille de l'enlèvement des fils de donner un laxatif, 
tel que de l'huile de ricin, et même d'aider l'issue des matières par quelques 
lavements huileux. Le passage d'un bol fécal volumineux serait en effet bien 
plus à redouter, quand le périnée nouveau ne serait plus soutenu par la pré- 
sence des fils. 

Nous avons omis de dire qu'on ferait bien d'opérer peu de jours après la 
période menstruelle, afin d’avoir le temps d'arriver à une cicatrisation complète 
avant l'apparition des règles suivantes. Malgré cette précaution on voit quelque- 
fois, sous l'influence d'une opération pratiquée sur la zone génitale, les règles 
apparaître prématurément. Cela n'est pas nécessairement une cause d’insuccès, 
c’est seulement une raison de plus pour redoubler de vigilance dans l'emploi 
des moyens antiseptiques. 

De l'époque à laquelle il convient d'opérer. Nous abordons encore ici une 
question très-controversée : la périnéorrhaphie peut être faite immédiatement 
après l'accouchement ; elle peut être faite au bout de quelques jours, ou bien à 
une époque plus ou moins éloignée. Chacune de ces trois époques a trouvé des 
défenseurs. 

A. Bérard, discutant la question dans le Dictionnaire en 50 volumes, rap- 
pelle que Roux et Velpeau étaient opposés à la périnéorrhaphie immédiate; au 
contraire, Dieffenbach lui était favorable et il a rapporté bon nombre de succès 
oblenus dans ces conditions. Danyan et Demarquay partageaient cette dernière 
manière de voir. Après avoir rapporté quelques-uns des succès de Dieffenbach, 
Bérard ajoute : « Ces faits ont une grande valeur et semblent prouver plus que 
l'innocuité de l'opération immédiate. Le raisonnement ne lui est peut-être pas 
aussi hostile au fond que cela semble d'abord ». Qu’objecte-t-on en effet à la 
périnéorrhaphie immédiate? L'état de contusion des parties qui les rend peu 
propres à la réunion immédiate et favorise au contraire la tendance au sphacèle 
et à la suppuration, l'écoulement des lochies, qui viendra baigner les surfaces 
réunies et faire échouer l'opération. Ces reproches n’ont pas une valeur absolue. 
D'ailleurs il en est un, l'écoulement des liquides vaginaux et utérins, qui a 
perdu à l'heure actuelle une grande partie de son importance. Nous avons en 
eflet aujourd'hui la possibilité de maintenir cet écoulement entièrement 
aseptique. Aussi bon nombre d'accoucheurs étrangers sont-ils devenus favora- 
bles à la périnéorrhaphie immédiate. Dernièrement M. Doléris (Archives de 
tocologie, 1885), se basant sur la pratique du professeur SchrϾder (de Berlin) 
et sur les faits publiés par Brôse, a conseillé la périnéorrhaphie immédiate ; il 


PÉRINÉORRIHAPHIE. 127 


emploie le catgut et la suture en surjet déjà mise en pratique par Cosme 
Viardel. Restent les arguments tirés de létat local des parties et de l'état 
général de la malade. Mais il peut très-bien se faire que la déchirure soit 
survenue pendant un accouchement qui n'a d'ailleurs rien présenté d'anormal 
et que la femme soit parfaitement en état de supporter une opération immé- 
diate, toujours beaucoup plus simple et beaucoup moins longue que la péri- 
néorrhaphie tardive, puisqu'elle ne nécessite pas d’avivement. Quant à la contu- 
sion et à la dilacération irrégulière des parties, il faut bien le reconnaitre, 
elles sont peu favorables à la réunion : mais il y a là encore une question de 
degrés. On peut donc dire que les seules contre-indications absolues à l'opéra- 
tion immédiate sont un état d’épuisement trop grand de la malade ou une 
dilacération telle des tissus que la suppuration et la gangrène soient trop à 
redouter. 

Mais, dans les cas où la réparation du périnée n'aura pu être tentée immédia- 
tement après l'accouchement, on pourra, au bout de quelques jours, avoir 
recours à la réunion immédiate secondaire. Déjà, en 1849, M. Maisonneuve 
a communiqué à la Société de chirurgie trois observations dans lesquelles il fit 
la suture le onzième ou douzième jour et où il eut un succès complet. Il se servit 
de la suture en surjet et à trois plans, suture rectale, vaginale et périnéale. 
Nélaton se montre également favorable à la périnéorrhaphie secondaire: « Partant 
de ce principe, dit-il, qu’au bout de quelques jours toute plaie se recouvre de 
bourgeons charnus allant les uns au-devant des autres et qu'il suffit de les 
mettre en contact pour voir l’agglutination se faire, nous avons pensé qu'on 
pourrait utiliser ici cette propriété. Nous conseillons d'attendre six à sept jours, 
au bout desquels la plaie est recouverte de bourgeons charnus, pour appliquer 
les sutures. Dans deux cas nous appliquâmes les sutures, dans l’un le quatrième 
jour, et dans l’autre le septième, et la réussite fut parfaite » (Éléments de patho- 
logie chir., t. V, p. 859). Dernièrement cette conduite a été de nouveau préco- 
nisée par M. Schwartz (1885), qui a communiqué à la Société de chirurgie deux 
succès de la méthode. M. Périer s'y rattache également, ainsi que cela résulte de 
la thèse de son élève, M. Dayot (doct., 1886). Quand on fait la périnéorrhaphie 
secondaire, il est nécessaire de pratiquer avec la cxrette tranchante le grattage 
des bourgeons charnus de façon à oblenir un avivement bien complet. 

Si, comme tout porte à le croire, les deux manières de faire précédentes, 
périnéorrhaphie immédiate et secondaire, entrent de plus en plus dans la pratique, 
le domaine de la périnéorrhaphie tardive se trouvera singulièrement restreint. Il 
sera réduit aux faits dans lesquels quelque complication de l'état général ou 
local aura empêché de tenter la restauration plus hâtive, ou bien dans lesquels 
celte restauration aura manqué. Il est indispensable alors d'attendre que la 
période puerpérale soit complétement terminée ; on n'opérera que trois mois 
après l'accouchement, car l'expérience a démontré que l'opération entreprise 
avant ce terme, ou bien échoue, ou mème n’est pas exempte de dangers. Même 
daus la périaéorrhaphie tardive, la réunion immédiate secondaire peut trouver 
son application. En effet, dans la discussion qui eut lieu en 1884 à la Société 
de chirurgie, M. Verneuil déclara qu'il avait employé avec succès dans la péri- 
néorrhaphie la réunion immédiate secondaire qu'il a appliquée depuis quelque 
temps déjà à la cure des fistules vésico-vaginales. Il se sert du thermo-cautère 
pour pratiquer l’avivement et fait les sutures à la chute des eschares. Dans les 
Cas où l’état général de la malade pourrait faire craindre l’hémorrhagie (albu- 


128 PÉRINÉORRHAPHIE. 


minurie, diabète), l’avivement non sanglant constituerait une précieuse ressource. 

Pronostic et valeur thérapeutique de l'opération. La périnéorrhaphie n'est 
point une opération grave; il ne faudrait pas cependant la considérer comme 
absolument inoffensive. Pour en juger, il suffit de consulter les statistiques: 
Roux (Quarante années de pratique chirurgicale) a pratiqué vingt fois l'opéra- 
tion sur 18 femmes, parce que deux malades l'ont subie chacune deux fois; sur 
ce nombre il a eu 5 morts. Velpeau a perdu une malade de péritonite ; A. Bérard 
et Baker-Brown ont également perdu chacun une opérée. M. Verneuil nous 
apprend qu’une de ses malades a succombé à un érysipèle gangréneux ; M. Trélat 
a de même vu une de ses opérées succomber le quatrième jour à une septicémie 
suraiguë. Echeverry, dit Malgaigne, en réunissant de toutes parts une masse de 
458 observations, celles de Roux comprises, n’a trouvé en tout que 8 morts; 
ce qui fait un peu plus de 4 pour 100. 

Mais il est à remarquer que tous ces cas de mort remontent à une époque 
assez éloignée. Il n’est pas douteux que la périnéorrhaphie, comme toutes les 
autres opérations chirurgicales, ait largement profité de l'intervention des anti- 
septiques. La preuve en est que, parmi les nombreuses opérations qui ont été 
citées dans les discussions récentes, on ne trouve relaté aucun décès. 

Quant aux résultats thérapeutiques, ils sont loin d’être toujours parfaits. 
M. Guéniot faisait remarquer à la Société de chirurgie que, chez certaines femmes 
dont le périnée était parfaitement réparé en apparence, les fonctions du rectum 
demeuraient cependant très-incomplèles. Les unes ne peuvent retenir les gaz et 
les matières liquides, d’autres ne retiennent même que très-imparfaitement les 
matières solides. Une autre imperfection très-fréquemment notée, c’est l'existence 
d'une fistule recto-vaginale. Pour s’en rendre compte, il suffit de se reporter à 
la statistique de Roux. On y trouve notée six fois la persistance d’une fistule 
recto-vaginale, ce qui donne une proportion de 1/3, puisqu'il avait opéré 
18 malades. Toutés ces fistules n'ont pas d’ailleurs la même importance. Il en 
est qui guérissent toutes seules ou à l’aide de quelques cautérisations au nitrate 
d'argent. D'autres sont si petites qu’elles n'entrainent aucun trouble fonctionnel. 
Les plus grandes nécessitent une opération. 

Aujourd'hui d'ailleurs l'emploi des antiseptiques d’une part, la méthode 
d'Emmet de l’autre, en empêchant la suppuration et en assurant une occlusion 
parfaite de l'anus et du rectum, permettront d'obtenir beaucoup plus souvent 
un rétablissement cowplet des fonctions de l'intestin et rendront beaucoup plus 
rare la formation des fistules recto-vaginales. 

Dans bon nombre d'observations, il est noté que les malades guéries par la 
périnéorrhaphie ont pu, dans la suite, accoucher une ou plusieurs fois, sans que 
le périnée nouveau soit devenu le siége d’une seconde déchirure. Si d’ailleurs 
le tissu cicatriciel s’opposait à la dilatation de l'anneau vulvaire, on y prati- 
querait de légers débridements. L'opération peut-elle avoir pour conséquence 
de rétrécir tellement la vulve que le coït en devienne impossible? Le seul fait 
que nous connaissions à cet égard est celui de Dupuytren. Comme le remarque 
Bérard, il est assez curieux au point de vue pathologique et moral pour que 
nous le rapportions en quelques mots. Dupuytren fut appelé près d'une jeune 
fille accouchée clandestinement et atteinte d'une déchirure du périnée. Ji 
fit la suture, mais la suppuration fut très-abondante, et quand il perdit de vue 
sa malade la réunion n'était pas obtenue. « Trois ou quatre ans après, dit 
Dupuytren, je vis entrer dans mon cabinet de consultation un homme et une 


PERINÉORRHAPHIE (BIBLIOGRAPHIE). 129 


femme, mais celle-ci se tenait en arrière et me faisait signe comme pour m'in- 
viter à la prudence. L'homme, c'était son mari, m'exposa qu'il n'avait pu con- 
sommer le mariage et qu'il désirait savoir de moi si c'était sa faute ou celle de 
sa femme. Je la visitai : je trouvai l'ouverture du vagin très-étroite et regardant 
en avant ; en arrière, le périnée était parcouru par une longue et forte cicatrice. 
Je conseillai à l'époux de renouveler ses efforts qui, en effet, furent enfin cou- 
ronnés de succès. La femme devint enceinte et accoucha, chose remarquable, 
sans qu'il se fit de nouvelle déchirure. Cette femme était celle que j'avais opérée 
plusieurs années auparavant ; j'ai su d'elle qu’elle s'était confiée à un médecin 
qui n'avait coupé mes sutures que quand la réunion avait été complétement 
faite (Gaz. méd., 1832, p. 685). E. Kimssox. 
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DICT. ENC. 2° s. XXIII 9 


120 PÉRIODICITÉ. 


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guérison des ruptures complètes du périnée (Périnéo-synthèse de Langenbeck). In Gaz. des 
hôpilaux, p. 38, 1853. E-K. 


PÉRINÉPHRITE. Voy. Rex, 309. 
PÉRINÈVRE. Voy. Nerrs. 


PÉRIODICITÉ (de rpi, pendant, et 690$, chemin). Périodes dans les mala- 
dies Maladies périodiques. Les mots périodicité, périodes, ont deux sens 
distincts en médecine. Il importe de ne pas les confondre. Toute maladie aiguë, 
a évolution régulière et à marche continue, présente dans son cours des phases 
diverses ou des espaces de temps durant lesquels s'effectuent, suivant un certain 
ordre, entre son début et sa terminaison, des changements, des modifications, 
soit dans l'intensité, soit dans le caractère même du phénomène morbide. Ces 
changements sont éloignés, suivant leur ordre de succession, par ces mots : 
accroissement, progrès ou augment en partant du début ; état ou temps d'arrêt, 
fastigium, exprimant l'épanouissement complet ou le summum de la maladie; 
déclin ou décroissance des phénomènes morbides, conduisant graduellement 
jusqu'à la convalescence et à la terminaison. C'est ce qu'on appelle ses périodes. 

Ces périodes, qui s'adaptent assez bien au grand groupe des maladies fébriles 
continues ou continues rémitteutes, des fièvres exanthématiques, pourraient 
être multipliées encore, si l'on voulait y faire entrer l’incubation, les prodromes, 
les crises et les accidents et oscillations de la convalescence. Il y aurait peut-être 
lieu plutôt de les réduire, au contraire, en les ramenant aux trois grandes 
coupes établies par Hippocrate, début, état, déclinaison. Ce serait joindre au 
mérite d’une plus grande simplicité celui d'une adaptation plus facile à un plus 
grand nombre de maladies. Jaumes, dans son Traité de pathologie générale, 
a renchéri encore en simplification sur le père de la médecine, en n’admettant 
que deux périodes : celle de l'effort morbide ou période de dégradation, première 
phase de la maladie, remplacée, lorsque la mort n’est pas venue y mettre 
entrave, par l'effort, en sens inverse, de l'action conservatrice, par la période 
de rétrogradation ou de restauration. Cette simple division a l'avantage de 
s'appliquer aussi bien aux maladies chroniques qu'aux maladies aiguës et de 
réaliser, avec plus d'exactitude, l'assimilation que Dumas, dans son Traité des 
maladies chroniques, s'était efforcé d'établir entre les périodes de ces deux 
grandes classes de maladies. 

Pour les fièvres intermittentes, on donne le nom de stade à chacun des trois 
moments distincts d’un accès de fièvre, caractérisés le premier par le frisson, le 
deuxième par la chaleur, le troisième par la sueur, répondant aux trois périodes 
d’une maladie complète. 

Par périodicité on entend la propriété qu'ont certaines maladies ou certains 
accidents pathologiques de se reproduire, après cessation apparente complète, à 
des intervalles de temps plus ou moins éloignés et plus ou moins réguliers. On 
appelle maladies périodiques ou intermittentes les affections qui se montrent 


PÉRIODICITÉ. 431 


sous ce mode. Tout complexus morbide qui, après avoir cessé, reparaît à des 
temps déterminés, cesse de nouveau pour reparaître encore, en laissant entre 
chacune de ces réapparitions des intervalles dans lesquels la santé paraît intacte, 
est une maladie périodique. 

Le type des maladies périodiques est la fièvre dite intermittente, la fièvre 
palustre ou maremmatique, avec ses accès réguliers à courtes échéances, coupés 
par des intermissions qui sont rarement de moins de vingt-quatre heures et qui 
peuvent varier, suivant les divers types les mieux connus, de un à deux, trois, 
quatre ou cinq jours au plus. Mais à côté de ce type, qui a pour caractère 
commun l'état fébrile plus ou moins franchement accusé, parfois larvé ou 
déguisé sous des formes symptomatiques diverses, il y a un groupe considérable 
de maladies non fébriles, qui affectent aussi le mode périodique. Mais la pério- 
dicité, dans la plupart de ces cas, est loin de présenter les mêmes types et 
d'affecter la même régularité que dans les fièvres. La durée des rémissions et la 
fréquence de la reproduction des accès varient à l'infini, depuis plusieurs et 
parfois même un grand nombre d'accès dans la même journée jusqu'à des 
rémissions de plusieurs semaines, de plusieurs mois et même d’une année, 
comme on en a rapporté des exemples. C’est surtout dans l'ordre des affections 
nerveuses sine materiâ, sans lésions anatomiques appréciables ou caractérisées 
de la substance nerveuse, dans les névroses, que l’on constate fréquemment cette 
périodicité. 

Les névroses qui se présentent le plus souvent sous ce mode périodique sont : 
l'épilepsie, l'hystérie, la chorée, la plupart des névralgies dont quelques-unes 
constituent de véritables accès de fièvres intermittentes larvées, certains délires, 
la migraine, l'asthme nerveux ou spasmodique, certaines hémorrhagies sponta- 
nées liées à des états névrosiques ou névropathiques. 

Parmi les maladies chroniques diathésiques qui affectent le mode périodique, 
on trouve le rhumalisme, la goutte, les coliques saturnines. 

Certaines maladies chroniques, bien que procédant de lésions organiques 
locales, permanentes, n'en présentent pas moins aussi, dans leurs manifestations 
paroxystiques, des intermittences qui semblent indiquer que la lésion somatique 
ne constitue pas à elle seule toute la maladie, qu'un élément nerveux y est plus 
ou moins intimement associé. Tels sont notamment l’angine de poitrine, 
l'asthme catarrhal ou emphysémateux. On peut considérer aussi comme étant 
sous la double influence d’un état nerveux et d’un état somatique la plupart 
des états fluxionnaires passagers et un certain nombre d'éruptions périodiques. 

Ce n’est évidemment que par un abus de langage et dans un sens purement 
relatif que l'on considère comme un état parfait de santé la situation dans 
laquelle se trouvent les sujcts atteints de ces diverses affections, dans l'inter- 
valle des accès ou des attaques (voy. pour le sens précis à affecter à ces deux 
mots notre article Accès). Quels que soient le calme et le bien-être dont ils 
jouissent dans ces intervalles, la maladie n’en persiste pas moins chez eux à ce 
moment en puissance, devant se reproduire fatalement, plus ou moins prochai- 
nement, sans l'intervention nécessaire d’une cause nouvelle. Il s’en faut d’ailleurs 
que ce calme soit la santé réelle et que tout phénomène morbide cesse absolu- 
ment. Axenfeld, dans son Traité des névroses, a fait cette très-Juste remarque que 
telle est la promptitude avec laquelle l'attaque fait place à l'intervalle 'de calme 
et que tel est le contraste entre l’un et l’autre, que les malades font à peine 
attention aux phénomènes légers qui persistent entre deux accès et que les 


152! PÉRIOPS. 


médecins eux-mêmes n'échappent pas toujours aux illusions suggérées par ce 
brusque changement. Il n’y aura quelquefois qu'une simple rémission là où l'on 
aura pu croire à une cessation complète... C'est ainsi qu'entre les paroxysmes 
des accès d’hystérie ou d’épilepsie la maladie ne subit pas seulement une atté- 
nuation considérable, mais que les désordres qui persistent entre deux accès ont 
souvent une autre modalité que ceux de l'accès lui-même. Enfin certaines 
névroses franchement intermittentes à leur début finissent souvent par devenir 
rémittentes et presque continues quand elles sont invétérées. 

Quelles sont les causes de la périodicité morbide ? Elle se rattache évidemment, 
sans que l'explication en soit pour cela plus facile, au fait général de la périodi- 
cité de la plupart de nos fonctions physiologiques, des actes vitaux, dont l'inter- 
mittence est un des caractères essentiels, ainsi qu'à la périodicité des grands 
phénomènes cosmiques et aux changements fréquents des milieux ambiants. De 
même que les renouvellements des saisons ramènent le retour des mêmes affec- 
tions ou des mêmes prédispositions morbides, de même les simples révolutions 
diurnes suffisent à produire les modifications qui surviennent dans l’état des 
maladies durant cette courte période cyclique. Enfin les divers agents morbi- 
fiques organiques, miasmatiques ou parasitaires, ne contiennent-ils pas en eux- 
mêmes, suivant leur mode propre d'évolution, leurs migrations, leurs habitudes 
ou manières d'être, la raison de l’intermittence et de la périodicité de leurs 
effets? (Voy. les articles Fièvres INTermirrenTEs et Névroses.)  Brocxix. 


PERIODIQUE (Acne). Voy lopique. 


PÉRIOPS. Wagler a établi le genre Periops pour des Couleuvres (voy. ce 
mot et le mot SERPENTS) qui ont le corps allongé, arrondi, la tête très-distincte 
du cou, qui est étroit et comme aminci, des scutelles sous-oculaires placées 
au-dessus des labiales supérieures, les deux dents postérieures sus-maxillaires 
plus longues que celles qui les précèdent et séparées de celles-ci par un inter- 
valle dépourvu de crochets ; les narines sont percées entre 2 plaques. 

Les espèces, au nombre de 4, habitent la partie méridionale de l’Europe, 
Chypre, la Perse, l'Algérie et l'Égypte. Les 2 espèces les plus connues sont le 
Fer à cheval (Periops hippocrepis Lin.) et le Periops à raies parallèles (Periops 
parallelus G. H.). i 

Le Fer à cheval est généralement d'une couleur jaune rougeâtre, avec des 
taches noires sur les régions supérieures du tronc; le dessus de la tête est 
marqué de lignes transversales et le plus souvent d'une bande recourbée qui a 
fait donner son nom à l'espèce; les écailles sont longues, très-obliquement dis- 
posées, lisses, il existe 9 paires de plaques sus-labiales. 

L'autre espèce, qui est abondante en Égypte, est d’un gris brunâtre relevé par 
des taches foncées formant trois séries longitudinales, parcourues par de petites 
lignes noires, courtes et parallèles; il existe 9 et le plus souvent 41 plaques 
sus-céphaliques, ce qui est une exception chez les Couleuvres; les écailles du dos 
portent des carènes d'autant plus visibles qu’on les examine plus loin de la tête. 

H.-E. SAUVAGE. 


Biscio6raemie. — Georrrox (Et. Saint-Hilaire). Descript. de l'Égypte, 1809. — Merren. 
Tentamen, p. 105, 1820. — Wacıer. Syst. Amph., p. 189, 1830. — Scarecez. Essai sur la 
physionomie des Serpents, 1831. — Duméni et Bron. Erpétologie générale, t. VIL, p. 674, 
1854. — Jan. Elenco degli Ofidi, p. 59, 1863. — Du mème. Icon. gén. des Ophidiens. E.S. 





PÉRIOSTE (anaromre). 155 


PÉRIOSTE. ĝl. Anatomie. DU PÉRIOSTE EN GÉNÉRAL. Le périoste (de 
Tepi, autour, éore6v, 0S), considéré sur un animal arrivé au terme de sa crois- 
sance, est une membrane blanche, forte, qui recouvre l'os en entier, excepté 
à ses surfaces articulaires. 

Il adhère à la périphérie des os d’une façon plus ou moins intime. Son adhé- 
rence est d'autant plus grande que la surface de l'os qu’il recouvre présente plus 
d'inéoalités et de saillies : il est facile de s’en assurer quand on essaie de le 
détacher des épiphyses des os longs, de la surface des os courts ou des os de 
la base du crâne. Aux endroits où l’os est mince et le périoste relativement 
épais, comme à la voûte palatine et à la mâchoire inférieure, on réussit diffi- 
cilement à l'enlever. Le périoste est très-mince, au contraire, dans les cavités 
dépendant des fosses nasales, ainsi que dans l'oreille moyenne : sur ces os, sa 
surface externe adhère de telle façon à la muqueuse sus-jacente que beaucoup 
d'auteurs tiennent ces deux couches (muqueuse et périoste) pour une seule et 
unique lame qu'ils appellent membrane fibro-muqueuse. Cependant, d'après 
Remy (La membrane muqueuse des fosses nasales, thèse d'agrég., 1878), on 
réussit toujours à détacher le périoste de la muqueuse nasale et, si l'on consi- 
dère le développement de ces deux membranes, on voit qu'il existe pendant la 
période embryonnaire une limite très-nette entre la muqueuse ct le périoste, ce 
qui doit faire rejeter l'expression proposée de fibro-muqueuse. Sur les diaphyses 
des os longs, le peu d'épaisseur du périoste est d'autant plus frappant qu'il se 
continue plus loin avec la couche périostique épaisse des extrémités. Néan- 
moins on l'enlève aisément sur le corps des os longs. Les surfaces osseuses qui 
donnent directement insertion aux fibres musculaires, la surface interne du 
canal rachidien, les cavités orbitaires, la face externe de la voûte du crâne, se 
comportent vis-à-vis du périoste comme les diaphyses des os longs. Les diffé- 
rences d'adhérence aux os sous-jacents sont d’un certain intérêt pratique depuis 
qu'on a recours aux résections sous-périostées pour obtenir la régénération 
des os. 

La plupart des auteurs considèrent le périoste comme une membrane fibreuse 
ou fibro-élastique. Il rappelle en effet par son aspect blanchätre et même blanc 
nacré la surface des tuniques albuginées de la dure-mère, etc. Cependant 
Ch. Robin (voy. Lamneux, p. 270), en prenant en considération la composition 
élémentaire du périoste, range cette enveloppe parmi les membranes cellulaires. 
Il est formé de tissu lamineux disposé en fibres et en nappe, et accompagné de 
fibres élastiques. La vascularité du périoste est considérable et diffère nota- 
blement sous ce rapport du tissu fibreux, C'est par son intermédiaire que par- 
viennent à la substance osseuse, non-seulement le vaisseau nourricier principal, 
mais encore les nombreux vaisseaux plus petits qui vont aux extrémités des os 
et qui, comme on sait, forment d'abord un système vasculaire indépendant, 
avant la soudure des épiphyses (voy. Os, p. 152). 

Les petites artères qui arrivent au périoste proviennent des branches arté- 
rielles voisines, se ramifient dans son épaisseur en s’anastomosant entre elles, 
et forment un réseau à mailles serrées. De ce réseau naissent une multitude 
d’artérioles qui pénètrent dans les canalicules vasculaires pour aller distribuer 
au tissu osseux les éléments de sa nutrition. Les veines sont très-multipliées 
aussi. Leur calibre est supérieur à celui des artères. Deux veinules accom- 
pagnent les principaux ramuscules artériels, mais, après trois ou quatre divi- 
sions, artères et veines marchent indépendantes (Sappey). 


134 PÉRIOSTE (ANATOMIE). 


Les lymphatiques du périoste ont été décrits par M. et Mme Hoggan (voy. Os, 
p. 155). « Le périoste est remarquable par l'abondance des nerfs qu'il reçoit. 
Chaque artère est accompagnée d'un ramuscule nerveux qui suit ses premières 
divisions et qui devient ensuite en partie indépendante. Les ramifications de ce 
filet s’'anastomosent soit entre elles, soit avec celles des filets voisins, et com- 
posent un réseau à mailles irrégulières. Les divisions qui concourent à la forma- 
tion de ce réseau sont si nombreuses qu'il est rare de n'en pas rencontrer une 
ou plusieurs sur un lambeau qui a seulement quelques millimètres carrés » 
(Sappey). 

IT. FONCTIONS ATTRIBUÉES AU PÉRIOSTE. Les anciens anatomistes avaient re- 
marqué la membrane fibreuse qui enveloppe les os, ainsi que les nombreux 
vaisseaux qui la traversent pour pénétrer dans la substance osseuse. Clopton 
Havers (Novæ observat. de ossibus. Lugd. Batav., 1734) a observé, après Leeu- 
wenhoeck, les tubes ou canaux qui sillonnent la substance des os et qui portent 
son nom, mais il n’a pas vu les vaisseaux sanguins pénétrer du périosle dans 
l'os. Havers pense que le périoste donne la sensibilité aux organes qu'il revêt 
et que, grâce à son inextensibilité, il sert principalement à limiter l’accroisse- 
ment de ces organes et à maintenir leur forme dans des bornes étroites. Cette 
opinion a eu cours parmi les anatomistes de la fin du dix-huitième siècle, et 
Bichat lui-même a écrit (Anatomie générale, p. 512) : « Le périoste est une 
espèce de limite qui circonscrit dans ses bornes naturelles les progrès de los- 
sification et l'empêche de se livrer à d'irrégulières aberrations. » 

Duhamel (Memoires de l’Académie des sciences, 1739, 1741, 1742, 1745), 
à la suite de ses expériences sur les os fracturés, émit le premier l'idée que je 
périoste jouait un rôle fondamental dans la production et la régénération de la 
substance osseuse. C’est, d’après lui, le périoste qui se tuméfie au niveau des 
fractures, puis cette nouvelle formation devient du cartilage et enfin un os 
nouveau qui unit les deux fragments séparés. Ce passage du périoste se ferait 
de la manière suivante (Lettre à Bonnet, dans Journal de medecine de Van- 
dermonde, 1757) : il se produirait entre le périoste et l'os une substance parti- 
culière qui, peu à peu, prendrait de la consistance, deviendrait d'abord du 
cartilage et ensuite de l’os. Duhamel compare cette couche de nouvelle forma- 
tion aux zones de jeune bois qui apparaissent chaque année dans les végétaux 
entre l'écorce et l’aubier. De là le nom de cambium qui s'est conservé jusque 
aujourd'hui, et que les auteurs allemands appliquent maintenant encore à la 
couche périphérique des os en train de s'ossifier. 

Duhamel apporta un autre ordre de faits à l'appui de sa doctrine : il utilisa, 
pour démontrer l'accroissement des os, l'action colorante exercée sur eux par 
la garance. Il répéta les expériences d’un chirurgien anglais, Belchier (1736), 
qui avait vu que les os d'un cochon nourri chez un teinturier étaient rouges, 
et qui avait produit ensuite à volonté cette coloration par l'emploi de matières 
alimentaires chargées de garance. En mêlant pendant un certain temps cette 
matière tinctoriale à la nourriture d’un jeune porc, Duhamel (1743) s'aperçut 
qu'après des alternatives à peu près égales d’un régime semblable et d’un régime 
ordinaire la substance des os de l'animal présentait des zones alternativement 
rouges et blanches. À un autre point de vue, Duhamel, et plus tard Hunter 
(1780), ayant entouré d'un fil d'argent la diaphyse d’un jeune pigeon, sacri- 
fièrent l'animal quelque temps après ; le fil d'argent fut retrouvé dans le canal 
médullaire. Malgré l'interprétation inexacte de Duhamel, cette expérience 


kd 


PÉRIOSTE (anatomie). 135 


s'ajoute aux précédentes pour démontrer que de nouvelles couches osseuses 
s'étaient formées sous le périoste. 

Troja (De novorum ossium regeneratione. Paris, 1775) admit, après avoir 
produit la nécrose de los ancien par la destruction de la moelle des os, que la 
membrane fibreuse du périoste n’était nullement l'agent de la régénération de 
l'os, c'est, pense-t-il, à une matière gélatineuse épanchée entre le périoste et 
l'os que revient le rôle essentiel dans cette réparation. 

Bichat (loc. cit.) n'attribue au périoste qu’une faible part dans l’accroisse- 
ment ou la réparation de la substance osseuse : « Le périoste, dit-il, est étranger 
à la formation des os. Prépare-t-il le sang qui sert à nourrir los? On ne peut 
résoudre cette question par aucune expérience, mais on peut assurer que les 
propriétés vilales dont il jouit ne le rendent nullement propre à accélérer la 
circulation du sang arrivant aux os, comme quelques auteurs l'ont cru. Au 
reste, il me semble qu'on a trop envisagé le périoste par rapport aux os; sans 
doute il est nécessaire à ces organes, mais peut-être joue-t-il, par rapport aux 
organes fibreux, un rôle encore plus important. Si la nature l'a partout placé 
sur le système osseux, c'est peut-être en grande partie, comme je l'ai dit, parce 
qu’il trouve sur ce système un appui général solide, résistant, et qui le met à 
même de ne point céder aux tractions diverses que tout le système fibreux 
exerce sur lui. C'est là un nouveau point de vue sous lequel il faut envisager le 
périoste, ct qui prêtera bien plus à des considérations générales que celui sous 
lequel Duhamel, Fougeroux, etc., ont considéré cette membrane. » 

Cependant, en anatomie pathologique, Dupuytren (1812) continua à soutenir 
que le périoste concourait à la formation de la virole externe du cal provisoire. 

Malgré les expériences qui semblent si coneluantes des auteurs du dix-hui- 
tième siècle, les idées de Bichat triomphèrent. Dans le Dictionnaire de médecine 
de 1840, P. Ollivier écrivit que la membrane fibreuse du périoste n’a d'autre 
rôle que de soutenir les vaisseaux qui pénètrent les os et de servir d'enveloppe 
à ces derniers. Chez l'enfant, il contribuerait en outre à la réunion des épiphyses 
en même temps qu'il offre une surface d'insertion aux tendons et aux liga- 
ments. Néanmoins ces idées ne prévalurent pas. Vers cette époque parurent de 
nombreuses recherches expérimentales tendant à prouver que le périoste jouait 
un rôle essentiel dans la croissance des os à la surface de ces organes. Heine 
(de Wurzbourg [1834]), Ried (1847), Albrecht Wagner (1849) et surtout Flou- 
rens (1838-1859), Brullé et Hugueny (1846), en variant les procédés expéri- 
mentaux, arrivèrent à peu près à des résultats identiques : on peut effectuer la 
destruction plus ou moins complète d’un os : si le périoste est resté intact, il 
continuera à produire de la substance osseuse et à régénérer même l'os er 
entier. Les conclusions de ces divers auteurs furent de nouveau attaquées pa 
J. Wolff (1868 à 1874), par Eberth et Strelzoff (1873), par R. Volkmam 
(1862), etc., etc. 

Aux dénégations précédentes Ollier (Traité expérimental et clinique de la 
régénération des os, 1867), dès 1859 jusque aujourd'hui, a opposé une série 
d'expériences des plus concluantes. Des lambeaux de périoste détachés en partie 
de l'os ou complétement isolés et transplantés dans d’autres régions (greffes 
osseuses) conservent la faculté de reproduire de los. Nous reviendrons plus 
loin en détail sur la façon rationnelle dont on peut se rendre compte de 
ces phénomènes, étant donné la texture du périoste. Néanmoins, malgré le 
nombre des expériences et l'habileté de l'illustre chirurgien de Lyon, il existe, 


156 PÉRIOSTE (ANATOMIE). 


à l'heure qu'il est, encore plusieurs théories contradictoires sur les attributs du 
périoste. 

Les uns, avec Ollier, regardent le périoste comme l'organe formateur et 
régénérateur de l'os. Les autres l’assimilent à une membrane albuginée, 
jouant vis-à-vis des os un rôle analogue à celui des aponévroses entourant les 
muscles. D’autres enfin le considèrent comme un feuillet vascularie. Ainsi on a 
pu constater (voy. Lamneux, p. 270) que, pour Ch. Robin, le périoste ne 
joue un rôle important en ce qui touche l'accroissement, la nutrition et la 
régénération, qu'en raison de sa grande vascularité. D'après Cadiat (Anatomie 
générale, p. 279), « le périoste est une membrane de tissu conjonctif qui est 
relativement aux os ce qu'est la pie-mère vis-à-vis du tissu des centres nerveux. 
Assez épais chez l'enfant pour pouvoir maintenir les fragments d'une fracture, 
il s’amincit peu à peu à mesure que le sujet avance en âge. Cette atrophie pro- 
gressive résulte de ce qu’il n’a plus la même importance au point de vue de la 
nutrition des os. » 

Ce n’est pas tout : les partisans les plus convaincus du rôle ostéogénique du 
périoste le décrivent, ainsi que la plupart des anatomistes et des physiologistes, 
comme une simple membrane conjonctive fibreuse ou fibro-élastique. Cependant 
comment une parlie fibreuse ou conjonctive peut-elle produire de l'os? Nous ne 
voyons pas d'histologiste affirmant rien d'explicite sur cette question. Et pour- 
tant depuis longtemps Ollier (loc. cit., p. 87) dit qu’à ia face interne ou pro- 
fonde du périoste on trouve des éléments qui figurent des cellules ovales ou 
fusiformes, au milieu d'une substance intercellulaire plus ou moins apparente, 
granuleuse ou fibroïde. La plupart de ces cellules n’ont qu’un noyau, mais on 
en trouve un certain nombre en voie de prolifération. Quelques-unes mêmes, les 
plus rapprochées de los (on les voit surtout chez les très-jeunes sujets), ont 
tout à fait l’aspect des cellules à noyaux multiples de la moelle. C’est le blas- 
tème d’ossification de Kölliker, la couche de prolifération du périoste de Virchow. 
D'après Ranvier (thèse inaugurale. Paris, 1865), cette couche serait spéciale- 
ment formée par des éléments médullares, de vraies cellules de la moelle qui 
serviraient à l'accroissement de l'os en épaisseur. Procédant par la méthode 
expérimentale, Ollier détache un lambeau de périoste et racle avec un scalpel la 
face interne d'une partie de ce lambeau. Au bout d’une quinzaine de jours, il 
sacrifie l'animal et il trouve que la portion du lambeau non raclée est en 
partie ossifiée, tandis que la partie raclée est fibreuse; mais cette dernière 
continue à être parcourue par des vaisseaux nombreux qui se rendent à 
l'extrémité au lambeau. 

Cette expérience prouve, d’après Ollier, que ni les vaisseaux ni la couche 
externe fibreuse du périoste ne suffisent pour produire de l'os. Il faut, pour que 
cette ossificalion ait lieu, la présence de la couche de cellules embryonnaires 
qui se trouve à la face profonde du périoste ; cette couche, il l'appelle la couche 
ostéogène. 

On croirait que cette démonstration fùt suffisante. Il n'en est rien. Si un 
lambeau périostique détaché de l'os est récliné au dehors, si une greffe périos- 
tique réussit, répondent les contradicteurs, c’est qu'outre le périoste on 
emporte quelques minimes parcelles de substance osseuse suffisante pour la 
régénération de l'os. L’os fait l'os, comme le nerf coupé fait le nerf, comme le 
périoste congestionné fait des éléments semblables aux siens, etc. (voy. Lami- 
NEUX, p. 271). 


PÉRIOSTE (anatomie). 157 


Dans le cas de fractures, le rôle du périoste se bornerait également à fournir 
les éléments nutritifs de la régénération, mais il ne se formerait pas de couche 
ostéogène sous-périostée qui ne serait qu'un produit de l'imagination des chi- 
rurgiens (voy. Os, p. 71). Existe-t-il un moyen de contrôler soit l’une, soit 
l'autre de ces doctrines? Peut-on, par une autre voie que celle de l’expérimen- 
tation physiologique ou l'examen histologique des éléments, espérer de prouver 
que le périoste concourt pour une part quelconque à la formation de l'os sous- 
jacent ? ou bien ses attributs se bornent-ils simplement à fournir plus de soli- 
dité aux os, à les protéger contre les violences extérieures et surtout à leur 
amener les matériaux nutritifs? Dans ce conflit d'opinions, il nous semble que 
les uns et les autres ont absolument négligé d'interroger tout un ordre de faits 
qui, à nos yeux, ont leur importance et pourraient étayer, soit l’une, soit l'autre 
de ces théories. On a oublié d'envisager la question sous un certain jour. Je 
veux parler de l’origine du périoste, de son développement et de sa fin. Peut-être 
l'embryologie jettera-t-elle quelque lumière sur son rôle? « Voir venir les événe- 
ments est la meilleure manière de les comprendre, disent les historiens et les 
philosophes ; voir naître et se former les parties d’un même système est le seul 
procédé acceptable pour en saisir les liens de parenté. » (Mathias Duval, Leçon 
d'ouverture à la Faculté de médecine, dans Revue scientifique, 25 janvier 1886). 

Nos recherches commenceront donc par l'examen du périoste dès sa formation 
première. I] est possible de suivre ce plan en ce qui concerne les os non pré- 
cédés de cartilage, mais, comme chacun sait, la plus grande partie du squelette 
définitif est d'abord formée de segments cartilagineux. Ceux-ci sont revêtus 
d’une membrane (le périchondre) analogue d'aspect et de texture au périoste ; 
au moment où la substance osseuse se substituera au cartilage, cette membrane 
continuera à revêtir les os en prenant le nom de perioste. 

Nous sommes donc obligé d'étudier l'origine du périchondre pour connaître 
celle du périoste et de suivre pas à pas les modifications de l’un et de l’autre 
jusqu'à l’âge adulte. 

III. ORIGINE ET ÉVOLUTION pu pÉRICHONDRE. La première question est de 
savoir d'où provient la membrane qui recouvre les segments du squelette carti- 
lagineux, quel est son rôle au point de vue de la protection, de la nutrition ou 
du développement du tissu cartilagineux. 

Nous avons examiné à cet effet les extrémités des membres naissants sur les 
embryons de Mammifères. L’embryon de mouton, long de 4 centimètre, est 
pourvu à cet âge de moignons aplatis ayant la forme connue de palettes, longs de 
12,20 et larges de 0",600. Leur extrémité est indivise encore. La masse méso- 
dermique recouverte par un épiderme très-mince de 0®%,02 est formée d'élé- 
ments sphériques de 0"®,006 à 0w®,008 dont le noyau granuleux, teint en rouge 
vif par le picrocarmin, est entouré d'un liséré de corps cellulaire formant une 
zone de Own 001 à Omm,002. Les embryons de porc et de bœuf de 1 centimètre 
présentent des particularités analogues, sauf des différences très légères dans 
les proportions. Ajoutons que ce tissu mésodermique est sillonné de capillaires 
abondants, de 0vw,008 en moyenne. 

L'embryon de porc de 2 centimètres montre des membres un peu plus 
allongés. On aperçoit, en outre, sur les coupes, au milieu des éléments précé- 
dents, des cellules ovalaires et fusiformes, dont le protoplasma cellulaire émet 
déjà de faibles prolongements, teints en jaune comme le corps cellulaire. De là 
résulte un aspect strié très-net de toute la masse mésodermique. 


158 PÉRIOSTE (ANATOMIE). 


L'embryon de porc de 5 centimètres est pourvu de pattes postérieures 
longues de 6 millimètres, larges de 2 millimètres. Leur extrémité terminale est 
divisée en quatre tubercules, indices des doigts futurs. Une section longitudi- 
nale montre que, outre les segments de la base du membre, le tarse possède déjà 
presque autant de nodules cartilagineux distincts qu'il y aura d’os plus tard. Ces 
nodules sont très-visibles et se présentent sous forme de taches claires et trans- 
parentes. Les métatarsiens ont une longueur de 1 millimètre. En avant de ces 
derniers, il y a un seul point cartilagineux situé à la base du tubercule, pre- 
mière trace des rayons digitaux. 

En examinant ce dernier nodule cartilagineux qui n’a pas encore sa forme 
définitive et qui n'est pas réuni au premier métatarsien par une surface articu- 
laire, on constate que le centre est clair, transparent, et présente tous les carac- 
tères du cartilage hyalin. Sur les coupes non colorées, on le voit entouré de tous 
côtés par une bande foncée, qui passe insensiblement au tissu mésodermique 
à aspect strié que nous avons décrit sur le porc de 2 centimètres. Les prépa- 
rations colorées au picrocarmin montrent, en effet, que ce dernier tissu est 
formé des mêmes éléments ovalaires et fusiformes, quoique pourvus de prolon- 
gements plus nets. La bande foncée est constituée par des cellules arrondies 
ou polyédriques de 0w,008, dont le noyau sphérique atteint 0w®,006. Celui-ci 
fixe énergiquement le carmin et la bande foncée figure ainsi une zone rouge 
vif. Dans toute l'épaisseur de cette bande foncée, il y a absence totale de 
capillaires. Les cellules limitant le point cartilagineux ont leur mince corps 
ceilulaire coloré en jaune par le picrocarmin, mais, au fur et à mesure que l’on 
considère des éléments plus internes, on voit le point cartilagineux devenir 
hyalin, transparent, et ne plus fixer l'acide picrique. 

Les éléments deviennent en même temps plus grands, comme anguleux, et 
ils s'écartent davantage les uns des autres. En se servant de grossissements forts, 
on observe dans la bande foncée et dans le cartilage hyalin tous les stades de 
la segmentation nucléaire (noyau allongé, fusiforme, puis substance nucléaire 
divisée en deux masses aux deux extrémités du corps cellulaire et réunie par 
des filaments protoplasmiques de façon à figurer un tonnelet, ete.). 

Nous donnerons à cette bande foncée le nom de couche chondrogène, 
épaisse en moyenne de 0®,06 à 0,08 et constituée par les éléments que nous 
avons décrits. Elle présente, en somme, les caractères des éléments lamineux; 
la substance protoplasmique du corps cellulaire est teinte en jaune par le picro- 
carmin, mais elle est si peu abondante que la masse semble ètre constituée par 
des noyaux. Ces noyaux sont eux-mêmes surabondamment remplis de granu- 
lations nucléaires (chromatine), ce qui est facile à s'expliquer, vu leur active 
segmentation. Ch. Robin a, le premier, bien observé les phénomènes de l'appa- 
rition du cartilage au sein du lissu lamineux embryonnaire, aussi bien dans 
la notocorde que dans les membres, les côtes, etc. (voy. Carrirace). « Ces 
noyaux, dit-il (Mémoire sur la nolocorde, 1866, p. 66), sont plus granuleux 
et plus foncés que ceux du tissu embryoplastique ambiant, aussi les petites. 
masses ou noyaux que forme le cartilage autour de la notocorde sont-ils moins. 
transparents que ce tissu. L'observaleur est en quelque sorte averti du début de- 
la genèse de chaque corps des Vertébrés par l'apparition autour de la notocorde 
d'une petite masse foncée à contours diffus, car dans les premiers jours les. 
bords du cartilage sont päles, dépourvus de périchondre, et par suite p 
mal limités ». 


PÉRIOSTE (anatomie). 15% 


Ch. Robin, qui a examiné les tissus à l'état frais ou après addition d'acide, 
a cru que la substance fondamentale précédait la genèse des noyaux, mais on 
voit qu'il n’en est rien quand on a recours aux coupes et aux moyens colorants. 
On peut, dans ces conditions, suivre tous les stades de la segmentation des. 
cellules du tissu lamineux et leur passage à la couche chondrogène. Mais, quoi 
qu'il en soit de cette explication, il n'en est pas moins vrai que Ch. Robin a 
très-bien observé et décrit cette dernière sous le nom de bande foncée (voy. Me- 
moire sur le développement des membres, journal de l'anatomie et de la 
physiologie, 1864, p. 280, et Anat. et physiol. cellulaires, p. 260). Il suffit 
de considérer la production de la substance fondamentale cartilagineuse comme 
une élaboration des cellules de la couche chondrogène et non comme la cause 
de l'apparition des éléments cellulaires, pour mettre les observations de Ch. Robin 
au niveau des dernières acquisitions de ja science. 

Jusqu'ici le cartilage n’a pas de membrane lamineuse propre ou plutôt le tissu 
mésodermique ambiant lui constitue un périchondre non délimité des tissus 
qui l'enveloppent de tous côtés. 

En comparant cet état à ce qui existe sur le premier métatarsien qui a déjà 
pris la forme de l'os futur ou bien à ce que présentent les rayons digitaux d'un 
fœtus de porc de 7 centimètres de long, dont les segments sont réunis par des. 
cavités articulaires, on voit qu'ici le péri‘hondre forme une membrane nette- 
ment délimitée des tissus environnants. Le périchondre est constitué par deux 
couches de structure et d'aspect diflérents. La couche externe est épaisse de 
Omm,06 à Omm,08 et a la même apparence fasciculée que le tissu mésodermique 
dans lequel s’est produit le nodule cartilagineux. Ce sont des éléments cellu- 
laires, fusiformes, dont le grand diamètre parallèle à l'axe du membre est de 
0mm 02 à 0,025 et le petit de 0™™,004. La couche interne est constituée comme 
la bande foncée par des cellules arrondies ou polyédriques de 0,008 dont le 
noyau est également arrondi et atteint 0,006. Elle figure également une bande 
foncée, se colorant énergiquement par les matières üinctoriales. Vient ensuite 
le cartilage hyalin. Les vaisseaux se trouvent en abondance dans le tissu cellu- 
laire lâche, transparent, qui confine à la surface externe du périchondre, mais 
sans y pénétrer encore. Sur des embryons un peu plus âgés, les vaisseaux com- 
mencent à sillonner cette membrane à partir du milieu de la diaphyse. 

Des observations multiples sur divers embryons de Mammifères nous ont 
donné partout des résultats analogues : le tissu mésodermique embryonnaire, 
très-vasculaire el ayant tous les caractères des éléments jeunes du tissu cellu- 
laire ou conjonctif, donne par la segmentation des noyaux, suivie bientôt de celle 
du corps cellulaire, une couche de cellules arrondies ou polyédriques formant 
une zone foncée. Nous retrouvons ici la couche chondrogène. En etfet, le corps 
protoplasmique de ces cellules ne tarde pas à produire, à exsuder, pour ainsi 
dire, une substance qui, d’abord molle, prend de la consistance, écarte ces 
éléments les uns des autres, donne naissance, en un mot, au cartilage hyalin. 
Sur les segments des membres à forme définitive, le périchondre, qui devient 
bientôt vasculaire, est formé d’une couche interne identique et d'une couche 
externe fasciculée, couche périchondrale proprement dite. En d'autres termes, 
les cellules cartilagineuses sont des dérivées des cellules conjonctives et se dis- 
tinguent de ces dernières par la propriété de produire une substance sque- 
lettique transparente, amorphe ct élastique, qui les englobe. « Il est certain, 
disent Pouchet et Tourneux (Histol., p. 405), que la substance cartilagineuse 


140 PÉRIOSTE (anatomie). 


se distingue nettement et par une limite précise du tissu lamineux ou péri- 
chondre qui l'enveloppe d'ordinaire; mais il n’en saurait point résulter que les 
petites cellules qui deviennent cellules cartilagineuses dans les circonstances 
que nous indiquons ne dépendent pas à l’origine de ce tissu extérieur à la 
substance fondamentale qui les enveloppe ensuite. À ce point de vue, le tissu 
lamineux pourrait être considéré comme véritable générateur du tissu cartila- 
gineux. Nous verrons plus loin qu'il ne se comporte pas autrement avec le 
tissu osseux. » 

Nous aurons l’occasion de savoir ce que deviendra le périchondre sur les 
cartilages transitoires; il s’agit de dire en quelques mots la constitution qu'il 
possède sur les cartilages permanents. Nous procéderons encore comme d'ordi- 
naire en l’examinant sur des sujets de plus en plus âgés. 

Sur un fœtus humain à terme, le cartilage costal n’est pas encore vasculaire 
et le périchondre est composé de deux couches : l’interne, formée d'éléments 
cellulaires à faibles prolongements; l’externe, nettement fasciculée. 

Sur un enfant de quinze jours, le périchondre et le cartilage costal sont l’un 
et l’autre vasculaires. 

Les cartilages costaux d'un chien de trois semaines commencent à être envahis 
par les vaisseaux ; le périchondre est épais de 0,15. Sur les sections transver- 
sales, on remarque que les cellules cartilagineuses forment des couches concen- 
triques à l’axe du segment squelettique. Ces rangées sont distantes l’une de 
l'autre par une épaisseur de substance fondamentale de 0»,006 à 0=™,008. 
En passant aux couches du périchondre, les éléments fibro-plastiques, d'autant 
plus abondants qu'on a affaire à des zones plus internes, sont disposés en séries 
analogues. Les prolongements des cellules fibro-plastiques déterminent en s'ana- 
stomosant des mailles dans lesquelles sont logés les faisceaux conjonctifs. Ceux-ci 
fixant énergiquement le carmin, tandis que la substance fondamentale du carti- 
lage reste transparente, on voit qu'à partir du jeune âge la différence du péri- 
chondre au cartilage consiste essentiellement dans une composition de la 
substance fondamentale. 

En examinant les cartilages costaux d'un chat plus âgé, on voit le cartilage 
entouré d'un périchondre de 02,120 de diamètre. L'aspect est le même que 
celui du chien de trois semaines : un réseau fibro-plastique dont les mailles 
atteignent Omm,01 à 0®®,015 contient les faisceaux de tissu conjonctif. La 
ne chondrogène à éléments arrondis que nous avons rencontrée sur tous les 
segments Hire transitoires est remplacée, à un stade de développement 
plus avancé, par idès éléments fibro-plastiques et des fibres lamineuses. La limite 
est toujours très-nelte entre le périchondre et le cartilage, mais le seul caractère 
qui l'indique provient des propriétés différentes de la substance fondamentale, 
comme pour le chien de trois semaines. 

Les cartilages de la trachée du même chat, qui ne deviennent jamais vascu- 
laires, offrent des particularités analogues, si ce n'est que la couche la plus 
interne, chondrogène. renferme beaucoup d'éléments cellulaires, à gros noyaux 
de 0=m,007 à 0™™m,008 de diamètre. Chez un chien adulte, par contre, le péri- 
chondre est fasciculé dans toutes ses couches. 

Nous croyons donc pouvoir conclure de ces observations que non-seulement 
chez l'embryon et le fœtus, mais encore sur les cartilages permanents de l'adulte, 
le périchondre sert à la formation du cartilage. Pendant la vie embryonnaire et 
fœtale, la couche chondrogène est représentée par des cellules conjonctives 


s 


PÉRIOSTE (ANATOMIE). 141 


jeunes, arrondies ou à faibies prolongements, et la production du cartilage en 
est d'autant plus abondante. Plus tard, sur les cartilages permanents, la couche 
interne ou chondrogène devient fasciculée comme la couche externe. 

Le périchondre sert encore, quoique dans des proportions moindres, à l’ac- 
croissement du cartilage. Les cellules fibro-plastiques sont capables d'élaborer la 
substance amorphe cartilagineuse et peuvent devenir des cellules cartilagineuses. 

Ollier (Loc. cit., p. 166) a essayé de transplanter le périchondre, mais il ne 
l'a pas vu produire de cartilages permanents : le périchondre des cartilages 
épiphysaires a donné lieu à la formation de petits nodules osseux et celui des 
cartilages permanents est resté fibreux. 

IV. ORIGINE Er ÉVOLUTION DU PÉRIOSTE. CGonnaissant l'origine et la constitu- 
tion du périchondre sur les segments cartilagineux transitoires, nous avons à 
examiner de quelle façon cette membrane devient périoste. Ensuite nous cher- 
cherons d'où provient le périoste dans les os non précédés de cartilage et nous 
comparerons la texture de l’une et de l’autre de ces membranes. 

A. Origine du périoste sur les os précédés de cartilage. Sur le mouton 
de 10 centimètres de long, le périchondre de chaque métacarpien principal est 
épais de 0wm,240. Le point d'ossification primitif a paru dans le milieu des 
métacarpiens et l’on assiste au passage du périchondre à ce qui sera appelé 
dorénavant le périoste. Ce qui frappe dès l'abord, c'est que les vaisseaux se 
sont répandus dans toute l'épaisseur de cette membrane enveloppante. Les 
capillaires, d’un diamètre de 0™™, 008 en moyenne, forment des mailles allon- 
gées selon l’axe du membre. 

En suivant le segment squelettique depuis la surface articulaire métacarpo- 
phalangienne jusqu'au point d’ossification, l'on constate que le périchondre 
commence à { millimètre environ au-dessus du niveau inférieur de la tête 
articulaire. L'extrémité cartilagineuse offre là une rainure circulaire dans 
laquelle est logé le périchondre. Les fibres de la couche périchondrale semblent 
s'y implanter obliquement en décrivant des arcs à concavité interne par rapport 
à laxe du segment squelettique. En haut, elles se continuent avec la couche 
périchondrale dont les faisceaux sont parallèles au corps de l'os. Mais, en y 
regardant de plus près, on voit que les fibres n'arrivent nulle part au cartilage 
hyalin même, elles en sont toujours séparées à cette époque par la couche 
chondrogène, à éléments arrondis, se teignant énergiquement sous l'influence 
des réactifs colorants. 

A la ligne de jonction du cartilage sérié et de la portion ostéoïde, les éléments 
cellulaires de la couche chondrogène sont en pleine segmentation nucléaire et 
cellulaire. À partir de cette époque, la couche chondrogène du périchondre 
cesse d'évoluer comme elle a fait jusqu'à présent. Les éléments arrondis ou 
polyédriques qui la constituent présentent des prolongements du protoplasma, 
s’anastomosant les uns avec les autres. Le corps cellulaire, au lieu de produire 
du cartilage, élabore une substance à caractères physiques et chimiques diffé- 
rents que nous allons connaître sous le nom de substance préosseuse. 

Cette transformation de la couche chondrogène en couche ostéogène et la 
cessation de la formation cartilagineuse nous permettent de nous rendre compte 
de l'existence d’une rainure circulaire entourant le cartilage sérié, et de la 
présence d’une virole osseuse qui l'enveloppe. Cette disposition spéciale a été 
décrite par Ranvier sous le nom d'encoche d'ossification (Comptes rendus, 
10 novembre, 1873). 


142 PÉRIOSTE (ANATONIE). 


Notons encore que sur certains points situés près du bout articulaire le 
tissu cellulaire du périchondre pousse un bourgeon lamineux qui s'avance, sur 
une certaine étendue au milieu de la substance cartilagineuse. L’axe de ce 
prolongement est occupé par un vaisseau sanguin de 0,02 de diamètre. C'est 
Je début de la vascularisation de l'extrémité cartilagineuse. 

Iusistons ici sur un fait d’une grande importance dans l'histoire de l’ossifi- 
cation. La plupart des observateurs ont été frappés, en effet, des réactions 
différentes que présentent, d'une part le tissu osseux imprégné de sels calcaires, 
et d'autre part la substance osseuse non chargée de ces composés. 

Depuis longtemps H. Müller a décrit la substance conjonctive fondamentale 
de l'os sous le nom de substance ostéogène ; J. Wolff (de Moscou) regarde la 
substance fondamentale de l'os comme du tissu conjonctif embryonnaire 
(Centralblatt, 1875). 

Pouchet et Tourneux (Précis d'histol. hum., p. 457) disent : La couche 
périphérique (d’une diaphyse qui s’ossifie) est constituée par une lamelle de 
substance épaisse de 0w",006 à 0™™,007 de composition chimique différente de 
la substance osseuse. En effet, elle se colore fortement par le carmin, tandis 
que la matière colorante n'est pas fixée par le reste de la lame osseuse. 
Cette couche superficielle présente un aspect strié particulier; la direction des 
stries est normale à la surface. 

Ranvier (loc. cit., p. 454) insiste également sur ce fait que toute substance 
osseuse de nouvelle formation, après qu'elle a été décalcifée, se cclore en rouge 
par le carmin. Plus loin, en décrivant le développement des os fibreux des 
Mammilères (p. 458), il dit qu'il existe dans la lame fibreuse (membrane d'os- 
sification) du crâne chez les embryons humains des fibres colorées en rouge 
(par le picrocarminate) se terminant librement par une extrémité eflilée, et 
plongeant par l’autre dans le jeune tissu osseux, comme les fibres arciformes 
dans l'os périostique. 

Robin et Herrmann (Journal de l'anatomie et de la physiologie, 1889, et 
Comples rendus, 6 mars 1882) ont les premiers donné une description com- 
plète de cette substance osseuse de nouvelle formation : elle est homogène, 
très-finement granuleuse. Les solutions carminées la colorent en rose, moins, il 
est vrai, que les divers noyaux cellulaires, mais assez nettement pour la faire 
distinguer du tissu cellulaire ou lamineux ambiant. Sur les pièces conservées 
dans l'acide picrique, cette coloration tranche sur le ton jaune que prend la 
substance de l'os non décalcifiée. Elle ne se carmine plus, à partir du point où 
les ostéoblastes se trouvent entièrement englobés par elle. Ayant à leur disposi- 
tion des quantités notables de cette substance, que les auteurs précités ont 
appelée substance préosseuse, telle qu'on la trouve sur une longueur de 1 à 
2 centimètres de l'os naissant des bois des cervidés, ils ont pu la soumettre à 
l'analyse chimique. Henninger a ainsi constaté qu'elle a tous les caractères de 
l'osséine (loc. cit., p. 220); par la coction, en particulier, elle fournit de la 
gélatine et non de la chondrine. La substance osseuse résulterait par conséquent 
d'un dépôt de sels calcaires dans la substance préosseuse. 

Dans l'ossification sous-périostique, c'est l'osséine qui se formerait en premier 
lieu, constituant la zone de substance préosseuse ct précédant l'arrivée des 
granulalions calcaires. Ces dernières l'envahissent plus tard sous forme de 
trainées ou d'aiguilles. Ce que les auteurs avaient décrit sous le nom d'ossifica- 
tion directe aux dépens du tissu lamineux n’est que l'ossification par substance 


PÉRIOSTE (ANATOMIE). 145 


préosseuse, différant ‘de l'ossification enchondrale en ce que l'osséine apparaît 
avec ses propriétés, avant les sels calcaires. ; 

Après ces considérations qui nous ont paru nécessaires en ce qui concerne la 
substance préosseuse, qui n'est qu'un slade intermédiaire entre la couche ostéo- 
gène et la substance osseuse, nous continuerons la description du périchondre 
à son point de rencontre avec le périoste sur l'embryon de mouton de 10 cen- 
timètres de long. Avant d'arriver à la ligne de jonction du cartilage sérié et du 
point ostéoïde, on voit le périchondre séparé du cartilage par une lame préos- 
seuse qui s'étend sur une longueur de 0"",6 au delà du point ostéoïde, en 
constituant une virole osseuse au cartilage sérié. Dans toute cette étendue, 
la couche chondrogène est donc devenue couche ostéogène et l’une se continue 
insensiblement avec l’autre (fig. 1). De même la couche périchondrale fasciculée 
passe, à ce niveau, à la couche externe fasciculée du périoste qui est épaissie de 
Omw,100. Nous examinerons encore un autre groupe de Mammifères, et nous 
comparerons avec ce que nous ve- 
nons de voir le métatarsien, par 
exemple, d'un fœtus de cheval de 
18 centimètres de long. A cette 
époque, le segment en question à 
son corps envahi par le point d'os- 
sification primitif, et l'extrémité 
carlilagineuse inférieure a une lon- 
gueur de 4 millimètres. A la jonc- 
tion du cartilage devenu chondroïde 
ou sérié, c'est-à-dire à la ligne d'os- 
sification (Ranvier), le métatarsien 
a un diamètre de 0™™=,840; de là, 
il va en augmentant de dimensions 
jusqu’à la surface articulaire où il 
atteint 2 millimètres de diamètre. 

La surface articulaire est dépour- 
vue de périchondre, mais on recon- 
nait encore les traces de la coucke 
chondrogène dunt les éléments sont 
plus serrés les uns contre les autres 
que dans le reste du cartilage hya- Fig. 1.— Extrémité inférieure d'un métacarpien RER 
lin, et qui, fixant énergiquement cipal d’un mouton de 10 centimètres de long (y 
les matières colorantes, forment une E. Retterer). 
coiffe à la tête articulaire. C’est a, portion ostéoïde de la diaphyse. — p,p, couche fas- 
seulement à 1 millimètre au-dessus ciculée du périoste se continuant avec f,f ou la cou- 





a A $ che périchondrale. — lp, lamelle osseuse périos- 

du niveau inférieur de la surface tique. — ch, couche chondrogène. — co, couche 

Ha : De ostéogène. — c, extrémité cartilagineuse du méta- 
articulaire que commence le péri- carpien. z 


chondre; celui-ci semble s'insérer 

dans une entaille creusée circulairement sur les parties latérales de l'extrémité 
articulaire. Eu suivant le périchondre depuis cet endroit jusqu’à la ligne d'ossi- 
fication, on remarque qu’une modification importante est survenue dans l’évolu- 
tion des éléments de la couche chondrogène. Au pourtour de la rainure circulaire 
de la tête articulaire, la couche chondrogène continue à élaborer de la substance 
cartilagineuse. Mais plus haut on voit qu’il s’est formé, en dedans de la couche 


14 PÉRIOSTE (anatomie). 


chondrogène, entre celle-ci et le cartilage sérié, une lamelle d’une substance 
homogène et finement granuleuse, se teignant en rouge par le carmin et bordée 
par des éléments Dalyédriques qui y envoient des prolongements cellulaires. 
Cette lamelle présente toutes les propriétés du tissu préosseux. Elle commence, 
en bas. par un diamètre de 0,004 à 0™™,008 et va en augmentant d'é épaisseur 
en s'approchant du point ostéoïde, près duquel elle atteint Omm, 02. A ce niveau 
déjà elle permet de distinguer deux à trois séries de corpuscules osseux à 
prolongements radiés. Nous assistons à la transformation du tissu préosseux 
en substance fondamentale de l'os, de même que nous avons assisté à la trans- 
formation de la couche chondrogène en couche ostéogène. La couche externe du 
périchondre composée d'éléments fibro-plastiques fusiformes et dont les prolon- 
gements forment des faisceaux de tissu conjonctif est ainsi devenue la couche 
externe du périoste, épaisse de 0,120. 

Au pourtour du point ostéoide ou de calcification la couche externe du 
périoste a diminué d'épaisseur; elle n'a plus qu'un diamètre de 0,06 à 
Omm,08, tandis que la couche ostéogène atteint Omm,1920. Mais la lamelle osseuse 
qui limite celle-ci en dedans est épaisse de 0™™,1, dont 0%,03 pour le tissu 
préosseux. 

Entre la lamelle osseuse, provenant de l'ossification du périchondre, et le 
bout inférieur du cartilage de calcification, il existe, sur une étendue de 0,120 
à Oum,140, un manchon circulaire épais de 0,06 de cartilage chondroïde 
ou sérié. Nous sommes donc en présence de deux processus différents : au centre 
du segment cartilagineux, la calcification a précédé l’arrivée des vaisseaux et 
de l'ossification, et le cartilage disparait du centre vers la périphérie. Sur tout 
le pourtour du segment cartilagineux, ia couche ostéogène du périoste devient 
tissu préosseux, et c’est en second lieu seulement que se fait ici l'apport des sels 
calcaires. Ces deux processus marchent de pair, de façon que non-seulement le 
segment squelettique devient osseux, mais que l'augmentation en épaisseur sy 
fait simultanément. 

Quelle est la constitution du périoste sur le métatarsien d’un fœtus de cheval 
de 18 centimètres de long, c'est-à-dire à un des états les plus jeunes où l'on 
puisse l’examiner? La couche externe fasciculée est formée d'éléments fibro- 
plastiques, parallèles à l’axe du segment et dont le noyau est ovalaire, long de 
Omm,009 à Omm,01 et épais de 0,003 à 0,004. Le corps ceilulaire est aplati, 
fusiforme, et se termine par deux extrémités qui paraissent formées d’une 
substance devenue dure, rigide et cassante. Comme forme, ils rappellent les 
couches de fibres-cellules de la tunique intestinale (fig. 2). 

Dans la couche ostéogène ces éléments ne sont plus fusiformes; ils deviennent 
étoilés. Le centre est occupé par un noyau ovalaire ou arrondi de 02,005 à 
Omw,008 fortement granuleux. Le grand axe de ces noyaux est parallèle au 
segment, mais peu à peu, en approchant de la face interne de la couche ostéo- 
gène, il a une direction plutôt pérpendiculaire à cette dernière, en mème temps 
qu'il devient plus gros et se colore plus énergiquement sous l'influence des 
malières tinctoriales. Ces noyaux sont serrés les uns contre les autres et séparés 
entre eux par des intervalles de 0,002 à 0,003 seulement. Ces derniers sont 
occupés par le corps cellulaire de l'élément, dont la périphérie envoie de tous 
côtés des prolongements qui, s’anastomosant avec ceux des cellules voisines, 
déterminent un réseau en tout point analogue au réticulum le plus fin des 
ganglions lymphatiques. Le corps cellulaire et ses prolongements se teignent en 


PÉRIOSTE (anaToutE). 145 


jaune pâle sous l'influence du picrocarmin. Vers la lamelle osseuse on voit 
que beaucoup de ces cellules contiennent deux ou plusieurs noyaux, plus 
granuleux et se teignant plus énergiquement en rouge par le picrocarmin. En 
même temps, la substance du corps cellulaire se charge de granulations, devient 
plus consistante et se colore également en rouge, bien que l’on continue à voir 
le réseau jaune formé par les prolongements cellulaires. Au fur et à mesure 
que ces changements se produisent, les noyaux s'éloignent les uns des autres, 
et les prolongements du corps cellulaire s’allongent, deviennent plus visibles et 
figurent les canalicules osseux au milieu de la substance osseuse. 


y 








7 “ee 





Fig. 2. — Périoste de la jonction du cartilage sérié avec le point ostéoïde, sur le métatarsien d'un fœtus 
de cheval de 18 centimètres de long (E. Retterer). 


fı couche fasciculée du périoste. — co, couche ostéogène. — lo, lamelle préosseuse, — lp, lamelle 
osseuse périostique. — cs, portions de cartilage sérié. — ír, travées cartilagineuses calcifiées. — 
v, vaisseau. — m, portion de la couche astéogène où les noyaux et une partie du corps cellulaire des 
éléments se sont détachés et où il ne reste que le réseau lamineux. 


B. Origine du périoste sur les os non precédes de cartilage. Nous 
allons examiner maintenant le mode de développement du périoste, sa texture 
et son évolution ultérieure dans les régions où los n’est pas précédé de carti- 
tilage. Sur un fœtus humain de 20 centimètres de long, nous voyons l'os 
frontal et les pariétaux réunis par une membrane fibreuse occupant l’espace de 
la fontanelle antérieure. Les lamelles osseuses rayonnent à partir des points 
ossifiés vers le centre de cet intervalle, sans l'atteindre tout à fait. Une section 
comprenant d'un côté une portion ossifiée, et de l’autre une portion membra- 
neuse, nous montre les particularités suivantes : l'épaisseur de la membrane 
fibreuse est de 1 millimètre à 4,5. La portion voisine contenant une lamelle 
osseuse a un diamètre à peu près égal. En examinant la lamelle osseuse, on 
voit que son extrémité libre a une épaisseur de 0"®,08 à Omm,190 et qu’elle 
va s’épaississant rapidement à mesure quelle s'approche du centre d’ossifi- 
cation. La zone qui la limite en dedans et en dehors (du côté de la peau et des 
méninges) est épaisse de 0™™,420 en moyenne. C'est la couche ostéogène, 
constituée par des éléments fibro-plastiques ayant 0,016 de long sur Own, 008 
à Omm 010 de large. Le noyau est volumineux, d'un grand diamètre de Omm 008 
et d'un petit de 0™™,006. L'hématoxyline le colore en violet intense. Le corps 


DICT. ENG. 2° s. XXIII. 19 


146 PÉRIOSTE (ANATOMIE). 


cellulaire est teint en violet pâle et envoie de tous côtés des prolongements 
très-fins colorés comme lui. Ces prolongements s'anastomosent avec ceux des 
éléments voisins et forment un lacis inextricable des plus élégants. Près du 
corps cellulaire, ils ont un diamètre de 0™m,004, mais en s’éloignant de ce 
dernier ils s’effilent de plus en plus. Entre eux, on remarque une substance 
intercellulaire, blanche, transparente, non colorée par le réactif. Le long du 
bord de la lamelle osseuse, le corps cellulaire 

de ces éléments fixe davantage la matière colo- 

rante. On voit que le protoplasma de la cellule 

est devenu plus consistant. Son aspect ressem- 

ble, à s'y méprendre, à celui d’une cellule épi- 
théliale. Cependant les prolongements persis- 

g tent. Pour les voir dans toute leur netteté, 1l 
est nécessaire de s'entourer d'un certain nombre 
de précautions. C’est un fait bien connu de 
““ tous les histologistes que les acides gonflent 
et rendent les éléments du tissu lamineux telle- 

ment transparents qu'ils semblent avoir dis- 

paru quand on les examine à la lumière trans- 

mise. Le liquide de Müller, au contraire, durcit 

les éléments fibro-plastiques et conserve admi- 
rablement leur forme tout en augmentant leur 
indice de réfraction. Aussi nous sommes-nous 
adressé, pour mieux voir les particularités de 

ces éléments, à des pièces qui ont macéré de- 

puis plusieurs mois dans le liquide de Müller. 

Ce dernier, grâce au bichromate de potasse et 

au sulfate de soude qui entrent dans sa com- 
position, a décalcifié les lamelles osseuses, de 

façon qu'on y peut pratiquer des coupes sans 
l'addition d'un acide. Dans ces conditions, on 

voit les prolongements des éléments fibro-plas- 
tiques, dans la zone préosseuse bordant la la- 


CE 





Fig. 5. — Portion d'os prise sur la face 
interne du pariétal d'un nouveau- 
né (Külliker). 


a, os creusé de cavités cncore pâle et 
mou. — b, limite de la portion os- 
seuse. — €, couche ostéogène que 
Kölliker appelle le blastème d'ossifi- 
cation ; ses cellules et ses fibres sont 
semblables de tous points, à la couche 
ostéogène de la figure 2; mais ici 
elles sont représentées à un grossisse- 
ment bien plus faible. 


melle osseuse, avec autant de netteté que dans 
toute l'épaisseur de la couche ostéogène. On 
observe que les prolongements se continuent 
jusque dans la couche ossifiée et forment là 
une série de stries qui tranchent nettement par 
leur coloration sur la substance fondamentale. 
Les stries ont la même teinte que les prolon- 
gements du corps cellulaire dans la zone ostéo- 
gène. On distingue dans la substance osseuse 
deux portions différentes : l’une, occupant le 


centre de la lamelle osseuse, est colorée en jaune grisâtre; c'est l'osséine débar- 
rassée des sels calcaires par le séjour prolongé dans le liquide de Müller; la zone 
périphérique, au contraire, la substance préosseuse, qui n'a pas encore été 
combinée avec les sels calcaires, se teint en violet pâle. Les éléments cellulaires 
(cellules fibro-plastiques, ostéoblastes et cellules osseuses) ont partout un 
diamètre variant de Omn,012 à Omm 090 avec un noyau long de Omm,009 en 


PÉRIOSTE (anatomie). 147 


moyenne. Elles sont limitées par un contour violet très-foncé. En se servant du 
picrocarmin, on voit la substance osseuse devenir d'un jaune intense et la 
substance préosseuse se colorer en rouge foncé. Les prolongements des ostéo- 
blastes sont également très-nets et on peut les suivre jusque dans la substance 
préosseuse qui les englobe. 

En dehors de cette zone, qui a une texture et des propriétés identiques à 
celles de la couche ostéogène d'un os précédé de cartilage, et qui est du double 
plus épaisse du côté des méninges (0“,360) que du côté de la peau, on 
observe, d'une part, la couche externe du périoste épaisse de 0®,08, et de 
l'autre la dure-mère épaisse de 0,19, l’une et l’autre formées de faisceaux 
de tissu conjonctif. 

Le périoste du bout terminal des phalangettes offre des particularités sem- 
blables à celui du crâne. En effet, l'on sait, depuis Cruveilhier, que pour 
l'homme le point d'ossification apparaît sur la phalange unguéale du gros 
orteil, à l'extrémité même du cartilage et non au milieu de la phalangette. 

Louge et Mer (Sur l'ossification de la phalange unguéale chez l'homme et 
le singe (Mem. de la Soc. de biolog., 1875, et Comptes rendus, 1875), enétudiant 
l'ossification de la phalangette chez l'homme et le singe, ont trouvé qu'autour 
de l'extrémité calcifiée de la phalangette il se forme une lame de substance 
- osseuse qui la coiffe en forme de dé à coudre ou de calotte s'étendant davantage 
du côté plantaire. Cette lame osseuse proviendrait de l'ossification directe du 
tissu lamineux embryonnaire, conclusion adoptée par Pouchet et Tourneux 
(Histologie humaine, p. 446, 1878). 

L'année suivante, Schäfer et Dixey (Proceedings of the Royal Society 
of London, vol. XXX), puis Dixey (ibidem, 1880, n° 227) ont insisté de nouveau 
sur le même fait. D'après ces auteurs, l'ossification sous-périostique débute à 
la pointe de la 3° phalange, puis elle est suivie de la calcification du bout 
terminal de la phalangette cartilagineuse. La partie de la phalange qui supporte 
l'ongle est formée par ossilication sous-périostique et ne provient pas de lossi- 
fication enchondrale. 

Reprenant cette étude non-seulement chez l'homme, mais chez les autres 
Mammifères, voici ce que nous avons observé sur les divers embryons de Soli- 
pèdes, de Ruminants, de Rongeurs, de Garnassiers, que nous avons examinés 
à ce sujet. * 

L'état du squelette digital est le suivant sur un embryon d'âne de 8 centi- 
mètres de long. Le centre de la diaphyse de la 4° phalange est à l'état de 
cartilage chondroïde; la 2° phalange n’est formée que de cartilage fœtal dans 
toute sa longueur. Quant à la 3° phalange, qui a une longueur de 1*",900, elle 
est formée dans sa portion interne par un cône cartilagineux triangulaire sur 
une coupe longitudinale et parallèle à la face antérieure et postérieure; sa 
base est représentée par l'extrémité articulaire et son sommet placé à l'extré- 
mité inférieure se termine par une pointe effilée. La phalangette est en bas à 
l'état ostéoïde sur une longueur de 0,600, tandis que le reste de la tige est 
carlilagineux. 

La pointe est coiffée d’une calotte osseuse épaisse, au milieu de 0»,060, 
dont se détachent en se recourbant vers le haut des prolongements osseux sous 
forme de lames. La lame dorsale s'étend en haut, dans une longueur de Om, 840; 
la lame plantaire arrive en haut à un niveau moins élevé, mais dépasse en 
avant la tige cartilagineuse de 0,200. La lame plantaire offre latéralement 


148 PÉRIOSTE (anaromte). 


deux prolongements de 0"",480 et se présente, sur une coupe transversale, 
sous la forme d’une plaque très-large située en arrière de la tige cartilagineuse 
de la 5° phalange; celle-ci est entourée, sur les côtés et en avant, par la lame 
dorsale qui lui constitue un anneau osseux. 

Celui-ci est composé de substance osseuse se colorant en jaune orangé par 
le picrocarmin (au sortir du liquide de Müller) et contenant des cavilés radiées 
ou ostéoplastes dont chacun renferme un ostéoblaste teint en rouge. A la péri- 
phérie de cette calotte osseuse s'étend une zone de 0,020 d'épaisseur, trans- 
parente, colorée en rouge vif et la séparant de toutes parts du tissu lamineux 
embryonnaire. Dans cette zone marginale, on voit des ostéoblastes de 0™™,012 
à Omm,015 pourvus d'un noyau de 0®®,004 à Omw,006. Ils sont situés et comme 
inclus dans des cavités formées par des trabécules ou prolongements de sub- 
stance homogène colorés en rose par le picrocarmin. Ceux-ci partent de la 
substance osseuse, constituent la calotte et s'irradient vers la périphérie. Ils 
représentent, en s’anastomosant en arcades très-élégantes avec les voisins, des 
mailles contenant chacune un ou un plus grand nombre d’ostéoblastes. 

Au delà de cette zone, on passe directement à du tissu lamineux offrant des 
éléments embryoplastiques ordinaires. 

La zone marginale de la calotte osseuse est formée par le tissu préosseux. 
Telle est l'origine de l'os dans cette portion terminale de la 3° phalange; 
il ne résulte nullement, comme on l'a cru, de l’ossification directe du tissu 
lamineux. 

L'ossification de la 5° phalange (bout distal) est un cas particulier de la loi 
énoncée par MM. Ch. Robin et Herrmann (loc. cit., p. 215) en ces termes : 
« Partout où l'os n'est pas précédé d'un cartilage de même forme, il est 
précédé par la substance préosseuse. » Les os du crâne du fœtus, du maxillaire 
supérieur, des bois des Cervidés, sont des exemples analogues de ce mode 
d'ossification (voy. Retterer, Journ. de lanat. et de la physiol.. 1885, et 
Developpement du squelette des extrémités et des productions cornées chez les 

Jammifères, p. T1, thèse de doctorat ès sciences, 1885). 

Les faits que nous venons de décrire s'appliquent à tous les animaux que nous 
avons examinés ; chez l’homme et le singe, Louge et Mer (loc. cit.) l'ont décou- 
vert en premier lieu, maïs en [ui donnant, selon nous, une interprétation 
erronée. Nous les avons nous-même vérifiés chez les Carnassiers fchien, chat), 
chez le lapin, le cochon d'Inde, le rat, ainsi que chez le porc, les Ruminants et 
les Solipèdes. Chez tous ces Mammifères, la phalangette osseuse résulte de la 
fusion de deux portions, l’une provenant de l’ossification enchondrale de la troi- 
sième phalange cartilagineuse et l'autre de la production de substance pré- 
osseuse à l'extrémité terminale de ce segment. 

Un autre point à signaler, c'est que la calotte de substance préosseuse se 
produit avant l'ossification enchondrale de la troisième et de la deuxième pha- 
lange, tandis que, comme nous l'avons vu, l'apparition des phalanges cartilagi- 
neuses suit une marche inverse, la seconde se développant avant la troisième. 

A l'époque où Ch. Robin a écrit l'article Os, il ne connaissait pas encore 
le mode d'ossification véritable du bord terminal de la troisième phalange ; il 
le rapportait à l'ossification enchondrale (voy. Os). Au moment où nous avons 
étudié ces faits, nous lui avons soumis nos préparations et il s’est empressé de 
reconnaître l'exactitude de notre interprétation. 

Évolution du périoste. Quelle est l'évolution ultérieure du périoste sur les 





PÉRIOSTE (axaromte). 149 


Mammifères pendant l’âge fœtal et après la naissance? En comparant cette 
membrane sur le fémur d'un chien âge de trois semaines à celle du même os 
provenant d’un vieux chien, nous aurons un point de repère excellent. Sur le 
premier, le périoste a une épaisseur de 0mm,130 à 0,140 au milieu de la 
diaphyse. On peut le détacher avec une grande facilité et, ce qu'il y a de remar- 
quable, c'est que sur les lambeaux ainsi obtenus et débités en tranches minces 
on rencontre constamment des fragments osseux qui sont restés adhérents à la 
face interne. 

Ce fait montre que les couches nouvellement formées aux dépens du périoste 
lui sont intimement unies. Cette membrane présente diverses couches : l’une 
externe fasciculée, épaisse de 0"®,06, à fibres élastiques longitudinales ; l’autre 
moyenne, de 0wm,04, à cellules élastiques étoilées circonscrivant des mailles de 
0mm 15 à Owm,03, où sont contenus des faisceaux de tissu conjonctif; enfin la 
couche interne, ostéogène, de Omm,02% à Oum,05, où les éléments cellulaires 
l'emportent sur les fibres lamineuses. 

Le périoste du vieux chien est difficile à enlever, mais, malgré son adhérence, 
1] n'entraine jamais de lamelles osseuses. Ici, 11 n'a que la faible épaisseur de 
Oum 02. Il est entièrement fasciculé, mais sur des coupes comprenant les cou- 
ches externes de los on voit que sa face interne est contiguë à une zone épaisse 
de Owm,012, ayant également l'aspect fasciculé. 

Seulement celte zone intermédiaire entre l'os et le périoste se colore aussi 
énergiquement en rouge que la substance préosseuse, tandis que le tissu osseux 
proprement dit se teint en jaune rougeâtre. Nous avons déjà vu qu'Ollier n'a pas 
pu obtenir de production osseuse par transplantation du périoste provenant 
d'animaux adultes. Il est donc probable que l’ostéogénie est très-limitée sur ces 
derniers. Mais en comparant cette couche intermédiaire aux tendons des oiseaux 
en train de s'ossifier (voy. Os, p. 117) il semble possible que les cellules tendi- 
neuses d’un côté, les cellules fibro-plastiques du périoste de l’autre, puissent 
élaborer de la substance osseuse, dans de faibles proportions, il est vrai. Il s’agit 
maintenant d'examiner comment les faits que nous venons de décrire concernant 
l’évolution du périoste peuvent modifier les théories qui n'admettent pas que 
cette membrane puisse fournir des éléments autres que du sang, soit pendant 
l'ossification des segments cartilagineux chez l'embryon et le fœtus, soit dans 
l'accroissement en longueur et en épaisseur des pièces osseuses. On sait que 
Gegenbauer, en 1864, a découvert les cellules rondes ou polyédriques revêtant 
la surface des lamelles en train de s’ossifier. Le tissu ostéogène serait repré- 
senté, selon lui et la plupart des histologistes, par cette unique couche d’ostéo- 
blastes, dont la présence et l'origine ne paraissent pas bien démontrées pour la 
majorité des auteurs. Cependant, au point de vue expérimental, Ollier (loc. cit.), 
sans avoir étudié l'histogenèse et pour expliquer les résultats de ses belles 
recherches, a admis un blastème sous-périostal, une couche osteogène. On 
s'est peu occupé des relations qui peuvent exister entre la couche interne du 
périoste et les ostéoblastes : ceux-ci sont-ils le dernier terme de la prolifération 
de cette couche? 

Billroth, suivant l'exemple de Duhamel, avait désigné celte couche sous le 
nom de cambium. Pollett (Manuel de Stricker, traduct. angl., p. 110) décrit 
également, au-dessous de la couche externe du périoste des os en développement, 
une couche moyenne assez large, constituée par un grand nombre de cellules 
pourvues de noyaux, incluses dans les mailles d’un réseau très-fin. Les cellules 


150 PÉRIOSTE (ANATOMIE). 


envoient sur leur périphérie un grand nombre de prolongements qui se confon- 
dent avec le réticulum. Il indique ensuite la couche d'ostéoblastes qui recou- 
vrent les lamelles osseuses. Aucun de ces auteurs ne parle de l’origine des ostéo- 
blastes. 

Se présentent-ils partout sous forme de cellules arrondies ou polyédriques, 
rappelant une couche épithéliale? Est-il vrai qu'ils n'ont aucun caractère des 
cellules du tissu conjonctif, qu'on ne peut saisir une phase quelconque de la 
transformation de celles-ci en ostéoblastes? N'est-il pas possible de déterminer 
leur origine? 

H. Müller (loc. cit.) les regarde comme des cellules medullaires jeunes, c'est- 
à-dire provenant des cellules cartilagineuses, et Ranvier semble se rattacher à 
cette manière de voir, quand il dit (loc. cit., p. 319) que « la couche interne 
du périoste est représentée par des amas de cellules semblables à celles qui 
existent dans les espaces médullaires. » D'autres les regardent comme des leuco- 
cytes sorlis par migration des vaisseaux sanguins. Comme nous l'avons montré 
plus haut, on peut avec les réactifs appropriés suivre toutes les phases de la 
transformation des éléments conjonctifs de la couche ostéogène en ostéoblastes. 
Il est vrai qu'insensiblement Jeur corps cellulaire devient plus ferme, fixe plus 
énergiquement les matières colorantes, mais, fait important à signaler, ils sont 
pourvus de prolongements nombreux dès l'origine. En consultant sous ce rap- 
port les dessins des auteurs, tels que Ranvier (loc. cit., p. 445), Cadiat (loc. 
cit., p. 554 et 556) et Robin et Herrmann (pl. XIX, loc. cit.), on est singulière- 
ment surpris de voir que les ostéoblastes, non englobés encore par la substance 
préosseuse, sont figurés partout avec de nombreux prolongements, première trace 
des canalicules osseux, tandis que le texte n’en fait nulle mention. 

Quand on a suivi les modifications des diverses zones de la couche ostéogène 
sur les segments des embryons et des fœtus en voie d'ossification, et surtout 
lorsque, dans cette étude, on s’est entouré de précautions spéciales, telles que 
nous les avons signalées (p. 146), on voit que les cellules conjonctives anastomo- 
sées présentent des prolongements aussi nets et aussi abondants le long de la 
lamelle osseuse que dans le reste de la couche ostéogène. On les peut suivre 
jusque dans la couche de substance préosseuse où ils déterminent la série de 
stries qui tranchent par leur pouvoir colorant différent sur la substance fonda- 
mentale de l'os. Les ostéoblastes représentent donc le stade ultime de l’évolution 
des cellules ramifiées de la couche ostéogène. Leur rôle est bien déterminé, 
puisque c'est autour d'eux que s'élabore le tissu préosseux, peut-être par la 
transformation protoplasmique de leur substance cellulaire en osséine. C'est ainsi 
que se forme la zone de substance préosseuse, qui n'attend plus que le dépôt de 
sels calcaires pour devenir os définitif. 

Voilà pour la couche interne du périoste. Quant à la couche externe du péri- 
chondre et du périoste, les auteurs ne l’ont-ils fait intervenir en rien dans les 
phénomènes de la production du cartilage ou de los? À notre connaissance, 
Ranvier seul en a parlé en termes explicites. Cet histologiste (Traité technique, 
p- 449 et suivantes) a, le premier, décrit de la façon si claire et si nette qui 
distingue ses expositions le trajet des faisceaux de la couche externe du périoste 
et du périchondre ; il les désigne sous le nom de fibres arciformes. « Elles 
figurent, dit-il, des arcs-boutants appuyés par une de leurs extrémités sur les 
couches superficielles de l'os et par l’autre sur le cartilage qui forme le fond de 
l'encoche. Au point où elles atteignent l'os embryonnaire, les cellules qui les 


PÉRIOSTE (ANATONIE). 154 


accompagnent deviennent plus nombreuses et prennent les caractères des ostéo- 
blastes. » 

Cette description est d'une exactitude parfaite et, si l'auteur que nous venons 
de citer avait étudié l’évolution du périchondre et du périoste, s'il avait suivi 
toutes les phases du développement du tissu cartilagineux et osseux, il est hors 
de doute que les couches chondrogène et ostéogène n'eussent pas échappé à la 
sagacité de cet observateur éminent. Il eùt donné une autre explication de lori- 
gine et du rôle des fibres arciformes. En effet, pour Ranvier « elles se dévelop- 
pent, comme les fibres tendineuses, aux dépens de la substance du cartilage, el 
entre elles sont rangées à la file des cellules semblables à celles des cellules 
embryonnaires et qui, comme ces dernières, semblent provenir des cellules car- 
tilagīneuses..... Les fibres arciformes sont le centre d'aiguilles osseuses et, à ce 
point de vue, elles se comportent dans la formation de l'os périostique comme 
les travées directrices dans la formation de l'os cartilagineux. » 

L'explication qui, ce nous semble, s'impose, d’après l'étude des divers stades 
du développement du périchondre et du périoste, est juste l'opposé de la théorie 
précédente. Près de la portion cartilagineuse qui deviendra la surface articu- 
laire de tout segment squelettique, le tissu squelettogène, dont nous connais- 
sons l’origine et les caractères, passe, en subissant les modifications que nous 
avons étudiées (p. 159), à l'état de couche chondrogène, et celle-ci devient du 
cartilage. Au niveau où commence le périchondre, tout le tissu squelettogène ne 
devient pas cartilage, mais la couche externe de ce tissu se transforme, en 
dehors de la couche chondrogène, en faisceaux de tissu conjonctif, la couche 
périchondrale fasciculée. Ce sont là les fibres arciformes de Ranvier, qui se 
continuent en bas avec la couche externe homologue du périoste, au niveau du 
point d’ossification. 

En outre, nous avons vu de quelle façon la couche chondrogène devient 
ostéogène : passage des cellules arrondies ou polyédriques de la couche chon- 
drogène en cellules étoilées à prolongements anastomosés. En considérant la 
limite externe de la couche ostéogène, on voit les fibres de la couche externe 
du périoste s'anastomoser avec les prolongements de la couche ostéogène. Or, 
nous savons également (p. 144) que les cellules anastomosées de la face interne 
de la couche ostéogène ne sont autre chose que les ostéoblastes des auteurs. Les 
fibres arciformes, loin de servir de travées directrices dans la formation de los, 
ne sont que les prolongements des cellules fibro-plastiques constituant le tissu 
conjonctif et non le tissu osseux lui-même. Les fibres arciformes sont, en ce qui 
concerne les cellules conjonctives du périoste, les homologues des prolonge- 
ments ramufiés de la cellule osseuse. 

La zone préosseuse tout entière entourant la portion ostéoïde du segment 
squelettique a été désignée par le même auteur sous le nom de croûte osseuse 
périchondrale. Ces dénominations marquent des phases importantes dans l’his- 
toire de l'ossification; mais, depuis les travaux de MM. Charles Robin et 
Herrmann et les analyses de Henninger (loc. cit.), il est possible de spécifier les 
caractères de la substance osseuse de nouvelle formation. Le cas particulier de 
Ranvier rentre dans la loi générale de l’ostéogénie que nous formulerons de la 
façon suivante : les couches osseuses périphériques des os précédés de cartilage 
(os périostique de Ranvier), la production osseuse de la portion terminale de 
la troisième phalange des membres, les os du crâne, du maxillaire supérieur, 
des bois des Cervidés, etc., se développent aux dépens d'une couche ostéogène 


1952 PÉRIOSTE (anatomie). 


qui élabore des zones successives de tissu préosseux. Ce sont là les couches 
préosseuses qui amènent l'augmentation en étendue et en épaisseur des os, sans 
qu'il soit nécessaire d'invoquer des cellules de cartilage qui, se dégageant avec 
les fibres arciformes, les accompagneraient et pénetreraient avec elles dans 
l'intérieur de l'os pour constituer les cellules formatrices de l'os périostique. 

V. Du RÔLE DU PÉRIOSTE DANS L'OsTÉOGÉNIE. Les notions que nous avons 
acquises par l’embryologie ne se bornent pas uniquement à nous faire connaître 
l'évolution du périchondre et son passage à l'état de périoste. Nous savons, 
en outre, la part essentielle que la couche interne du périoste prend à la for- 
mation de l'ossification normale aussi bien dans les os précédés de cartilage 
que dans ceux qui se développent dans les membranes fibrenses. Ce n’est pas tout: 
ces connaissances embryologiques nous mettront à même d'interpréter d'une 
façon rationnelle les expériences instituées avec tant de méthode et de succès 
par Ollier. Après avoir isolé des parties molles qui l'entourent un lambeau de 
plusieurs centimètres, après l'avoir disséqué et fixé, soit sous la peau, soit entre 
les muscles, l’habile expérimentateur (loc. cit., p. 65) a obtenu au bout de 
quelques semaines sur divers Mammifères (lapin, chien, etc.) des arcs osseux 
dont l'aspect et la texture présentent les mêmes caractères que le tissu osseux 
normal. Aucune des théories relatives au rôle protecteur ou nutritif du périoste 
que nous avons exposées ne rend suffisamment compte de ces résultats. La 
couche ostéogénique, ses diverses assises cellulaires et les stades successifs de 
ses éléments, permettent, au contraire, de comprendre aisément comment, dansces |. 
expériences, Ollier n'a fait autre chose que de priver le périoste de son soutien 
normal : l'élaboration osseuse a continué sur le lambeau périostique comme aupa- 
ravant, si ce n’est queles couches nouvelles ne se sont pas déposées circulaire- 
ment autour des couches déjà formées. 

En se reportant à ce que nous avons indiqué à diverses reprises sur la dif- 
férence du périoste des animaux jeunes et des Mammifères âgés, on s'explique 
aisément les données expérimentales suivantes (fig. 69) : « Toutes les expériences 
analogues pratiquées sur des lapins de deux à treize mois nous ont donné les 
mêmes résultats. Deux enroulements pratiqués sur une lapine âgée de cinq 
ans au moins, ayant tous les signes extérieurs de la vieillesse, n’ont donné que 
des résultats incertains ou au moins une ossification très-limitée. » La texture du 
périoste, telle que nous l'avons donnée page 149, éclaire d’un jour nouveau et 
confirme les paroles suivantes : « Ces expériences sont une première preuve 
des modifications que subit le périoste au point de vue physiologique dans les 
diverses époques de la vie. Elles nous démontrent que sa propriété ostéogénique 
est considérablement diminuée dans un âge avancé, sans être toutefois complé- 
tement abolie. » 

En lisant les ouvrages qu'Ollier a fait paraître sur ce sujet et en voyant de 
combien de façons il a varié ses expériences, on reste surpris que tant de preuves 
accumulées en faveur du rôle ostéogénique du périoste n'aient pas emporté les 
suffrages universels. On ne peut expliquer réellement l’incrédulité de certains 
anatomistes que par les idées préconçues reposant sur une étude incomplète de 
cette membrane. Quand 1l conservait une des extrémités du lambeau périostique 
en continuité avec l'os, il était possible d'élever des doutes sur le rôle propre de 
la partie réclinée, mais il alla beaucoup plus loin et toujours avec le même succès, 
interrompant, par exemple, tout rapport direct entre le lambeau de périoste et 
l'os dont il avait été détaché. Dans d’autres expériences, il enleva le périoste 


PÉRIOSTE (anatomin): 155 


complétement de son premier milieu et le transporta dans une autre région, au 
milieu d’autres conditions physiologiques ; il fit, en un mot, une greffe périos- 
tique. C'est ainsi qu'il cite (p. 76) quelques expériences où il sépara compléte- 
ment chez divers Mammifères et Oiseaux un lambeau pris sur le tibia, non-seule- 
ment de l'os et du reste du périoste, mais de tous les tissus du membre, et le 
transplanta dans une loge creusée sous la peau du tibia ou de laine. Il vit le 
périoste se greffer dans- son nouveau milieu et continuer à produire du tissu 
osseux. Il a ainsi obtenu des os de 4 centimètres. Ollier a toujours som de spé- 
cifier que pour réussir il faut choisir des sujets qui soient encore dans leur 
période de croissance. La structure différente du périoste aux divers âges nous 
en donne la raison. 

Les propriétés des éléments des assises périostiques restent les mêmes et, 
le nouveau milieu continuant à leur apporter des sucs nutritifs, les cellules 
de la couche ostéogénique continuent leur évolution. « Le périoste devient sus- 
ceptible de s'ossifier par la transplantation. Celle-ci ne lui fait pas perdre ses 
propriétés ostéogéniques, mais elle ne les lui rend pas; elle les diminue même 
toujours probablement dans une certaine mesure, tout en les surexcitant à un 
moment donné (p. 77). » 

On sait que la dure-mère est formée de tissu fibreux ; elle se laisse, sur quel- 
ques points de sa partie crânienne, dédoubler en deux lames dont l’une représente 
le périoste interne du crâne et l’autre la dure-mère proprement dite (Morel et 
Mathias Duval). Mais, bien qu'il ne soit pas possible d’assigner, à l’aide du scapel, 
partout une ligne de démarcation entre cette membrane et la dure-mère pro- 
prement dite, le développement et l'expérimentation sont d'accord pour nous 
faire admettre cette division. Nous avons vu (p. 146) la texture uniformément 
semblable de la membrane fibreuse du crâne primitif, la similitude de structure 
des deux couches ostéogènes limitant les lamelles osseuses des os frontaux, etc., 
en dehors et en dedans. 

Au point de vue expérimental, Flourens a montré depuis longtemps que la 
dure-mère a des attributs analogues à ceux du périoste. Il a établi que des 
fragments de cette membrane, transplantés dans des parties éloignées de l'orga- 
nisme et soudés aux tissus sous-jacents, sont susceptibles d'y produire, à la 
manière du périoste, de la substance osseuse. Ollier (loc. cit., p. 81) a répété 
ces expériences en transplantant de la dure-mère d’un jeune lapin sous la peau 
de l'aine d'un autre lapin, il a également obtenu du tissu osseux sous la forme 
de grains disséminés très-fins ou même de la grosseur d’un grain de blé. 

La méthode expérimentale et l’embryologie se complétant et se confirmant 
l'une l’autre nous permettent de formuler des conclusions plus certaines sur le 
rôle du périoste dans l'ostéogénie en général. Nous n'avons pas à nous occuper 
ici de savoir de quelle façon le cartilage disparaît au moment de l’ossification ; 
on peut voir (art. Os) que l’ossification enchondrale consiste essentiellement en 
une substitution d’un tissu nouveau, du tissu osseux au tissu cartilagineux du 
squelette primitif. Mais pendant que ces phénomènes se passent il se produit 
des lamelles osseuses sous le périoste indépendamment et en dehors du cartilage, 
comme nous l'avons fait ressortir (p. 145). Nous avons insisté également sur 
l’analogie de l’ossification périostique et la production osseuse qui se fait dans la 
membrane fibreuse du crâne et du bout de la phalangette. 

Virchow (Virchow's Archiv, 1847) émit le premier l’idée que le tissu con- 
jonctif peut s’ossifier directement par le dépôt de sels calcaires et par la trans- 


154 PÉRIOSTE (anatomie). 


formation des cellules plasmatiques en corpuscules osseux. Mais après la décou- 
verte des ostéoblastes (1864) et de leur influence sur l'ossification on abandonna 
généralement l'opinion de Virchow et l'on fit provenir l’ostéoblaste soit des cel- 
lules cartilagineuses, soit des éléments de la moelle des os. Nous rappelons que 
Ranvier fait dériver les ostéoblastes qui se trouvent sur la face interne du périoste 
des cellules cartilagineuses des épiphyses se dégageant avec les fibres arciformes 
et les accompagnant. Beaucoup d'auteurs ne se prononcent pas sur l'origine des 
ostéoblastes. Il n’y a que Kölliker qui se rattache nettement à la manière de 
voir de Virchow : en effet, cet histologiste (Histol., trad. française, p. 295), en 
parlant de la texture et des attributs du périoste, dit : Si l'on demande comment 
s'opère la production osseuse qui indubitablement a lieu en ce point, on est 
ramené au tissu mou (blastème sous-périostal d'Ollier), dont les cellules, dissé- 
minées au milieu de fibres d'apparence conjonctive, n’ont pas la moindre ana- 
logie avec les cellules du cartilage, mais ressemblent parfaitement aux cellules 
ostéogènes (ostéoblastes). Il n'est pas difficile de constater, en effet, que les 
lamelles osseuses extérieures, encore molles, se continuent par diverses trabé- 
cules et saillies avec le tissu en question, et que 1° la substance fondamentale 
de l'os procède du tissu fibreux de la couche formatrice, simplement par dépôt 
uniforme de sels calcaires ; ce dépôt, en général, ne paraît pas être précédé ici 
de sels calcaires ; 2° les cellules osseuses se développent aux dépens des cellules 
du tissu formateur ; cette dernière métamorphose, toutefois, ne peut pas faci- 
lement être suivie pas à pas. D’après la découverte de Virchow, que je ne puis que 
confirmer, ces cellules prennent peu à peu la forme étoilée et, lorsque la substance 
fondamentale s’ossifie, se transforment directement en cellules osseuses étoilées. 

Ch. Robin (voy. Os), partant des propriétés physiques et chimiques essentielle- 
ment différentes du tissu lamineux ou conjonctif et des tissus osseux et se fon- 
dant sur des observations faites avec des moyens techniques insuffisants, professa 
jusqu’au dernier jour que la substance fondamentale de l'os apparaît par genèse 
avant les corpuscnles osseux. 

Ces derniers ne se formeraient molécule à molécule qu’au contact et aux 
dépens de la substance fondamentale amorphe. Les nombreuses observations que 
nous avons consignées dans cet article et les faits que nous avons relatés à la 
Société de biologie (Retterer, Sur l'origine des éléments constituant le peri- 
chondre et le périoste et sur l'évolution et le rôle de ces membranes, Comptes 
rendus de la Société de biologie, 50 janvier 1886) nous permettent d'affirmer 
la relation intime de la cellule du tissu conjonctif et de l’ostéoblaste. Celui-ci 
n'est qu'un dérivé de l’autre. Les premières données de Virchow et de Kölliker- 
sont tout ce qu'il y a de plus conforme à la réalité des choses. Mais il y a un 
stade intermédiaire entre le tissu conjonctif et le tissu osseux définitif qui a 
échappé à ces deux savants. 

N'ayant pas suivi pas à pas l'évolution des éléments de la couche profonde du 
périoste, les auteurs ont admis une ossification directe du tissu conjonctif. C'est 
en travaillant avec mon regretté maître, c'est guidé par ses conseils et par les 
faits que m'a révélés l'ossification de la troisième phalange, que j'ai cherché à 
connaître l'origine et l’évolution du périoste. Cette étude du développement m'a 
montré quel est le stade intermédiaire entre le tissu conjouctif et le tissu osseux. 
Je l'ai déjà répété à plusieurs reprises dans le courant de ce travail, mais j'y 
insiste encore : cette phase intermédiaire est caractérisée par l'élaboration du 
tissu préosseur aux dépens ou au contact des cellules étoilées de la couche ostéo- 


PÉRIOSTE (axaromte). 155 


gène. Le dépôt des sels calcaires qui se fait dès l'apparition du tissu préosseux 
achève la constitution de la substance fondamentale des os. 

Ces faits nouveaux doivent, à nos yeux, modifier notablement les théories 
concernant la formation du squelette cartilagineux d'un côté, du squelette osseux 
de l’autre. En désignant le tissu mésodermique embryonnaire, qui a tous les 
caractères du tissu conjonctif jeune, sous le nom général de tissu squelettogène 
(dénomination limitée par Stieda à la couche d'ostéoblastes), lequel est capable 
d'élaborer soit du cartilage soit de l'os, on voit que ce tissu produit, dans un 
premier stade d'évolution, des cellules petites, foncées, formant des amas séparés 
et distincts, qui élaborent le tissu cartilagineux et par conséquent les premiers 
segments squelettiques des Vertébrés. Les attributs de ce squelette primitif ne 
se bornent pas uniquement à servir de charpente à l'embryon et aux fœtus des 
Mammifères et de la plupart des Vertébrés. Son rôle, longtemps méconnu, 
consiste essentiellement à concourir à la formation des cavités articulaires (voy. 
Retterer, Sur le mode de développement des cavités articulaires, Soc. de biol., 
6 février 1886). Les os non précédés de cartilage ne présentent pas de cavités 
articulaires (sutures). 

Dès que les segments squelettiques ont pris la forme des os définitifs, ce tissu 
chondrogène persiste en constituant la couche interne du périchondre, qui se 
présente alors comme une membrane bien délimitée des tissus ambiants. Tandis 
que la couche externe du périchondre devient fasciculée, la couche interne ou 
chondrogène, qui a la même composition élémentaire que le tissu Jamineux 
embryonnaire, continue à produire d'une façon analogue, par division nucléaire 
et cellulaire, des cellules fabriquant et exsudant la substance cartilagineuse 
amorphe du squelette primitif des membres. Sur les cartilages permanents les 
éléments de la couche chondrogène deviennent étoilés et les prolongements for- 
ment des faisceaux de tissu conjonctif. Partout leur rôle reste le même. 

Sur les cartilages transitoires, ce même périchondre devient perioste. Celui-ci, 
outre la couche externe fasciculée, présente une couche interne de texture diffé- 
rente, aussi bien dans les os précédés de cartilage que dans ceux qui se dévelop- 
pent aux dépens de membranes fibreuses. Cette couche interne, ostéogène, est 
formée d'un réseau de cellules fusiformes et étoilées, et les mailles sont remplies 
d'éléments cellulaires jeunes formant, à la surface de la zone préosseuse, une 
rangée d’ostéoblastes pourvus déjà de fins prolongements. Le corps cellulaire 
des ostéoblastes élabore la substance préosseuse, qui se teint énergiquement sous 
l'influence des réactifs colorants, tandis que c’est autour des prolongements que 
se forment les canalicules osseux. Grâce à cette élaboration de substance préos- 
seuse, les ostéoblastes s’éloignent de plus en plus les uns des autres. Enfin, le 
dépôt de sels calcaires se faisant sous forme de trainées granuleuses dans le 
tissu préosseux achève la constitution de la substance fondamentale des os; les 
vaisseaux qui y pénètrent y amènent le tissu conjonctif avec ses éléments 
jeunes; ceux-ci passent probablement par des modifications analogues aux cel- 
lules de la couche ostéogène pour devenir ostéobiastes. On voit done qu'en réa- 
lité «il n’y a qu'un seul mode d'ossification, les différences étant uniquement 
dans la manière dont se comportent les tissus au sein ou au contact desquels 
l'ossification suit son cours (Pouchet et Tourneux, loc. cit., p. 455). 

Ces différences peuvent se résumer, d’après nous, de la façon suivante : dans 
l'ossification enchondrale, il y a dépôt de matières calcaires avant la formation 
du tissu préosseux ou osséine ; dans l'ossification non précédée de cartilage et 


156 PÉRIOSTE (rATHOLOGIE). 


l'ossification sous-périostique le tissu préosseux dont nous avons établi l'origine 
(p. 150) se constitue avant le dépôt des sels calcaires. 

En somme, le tissu squelettogène tel que nous l'avons défini produit dans 
un premier stade des éléments cellulaires arrondis ou polyédriques formant la 
couche chondrogène, non vasculaire à l'origine, et donnant naissance à la char- 
pente cartilagineuse des Vertébrés. Il produit dans un deuxième stade, par 
l'intermédiaire du périchondre devenu périoste, ou bien dans une membrane 
conjonctive fasciculée jouant le même rôle, une couche ostéogène. Celle-ci 
représente un état plus avancé du tissu cellulaire: au lieu d'éléments restant 
arrondis ou polyédriques, les cellules passent rapidement à la forme de corpus- 
cules étoilés, dont le corps cellulaire élabore la substance préosseuse englobant 
corps et prolongements cellulaires. Nous résumerons dans le tableau suivant les 
considérations précédentes : 

Tissu squelettogène donne : 

1° Périchondre produisant : couche chondrogène, qui élabore le squelette 
cartilagineux ; 

2° Périoste produisant : couche ostéogène, qui élabore la en périostique 
du squelette osseux, tandis que l'autre portion est probablement fournie par les 
vaisseaux et le tissu conjonctif pénétrant dans le segment cartilagineux primitif. 

PÉRIOSTE INTERNE. Sous ce nom les anciens analomistes décrivaient une 
membrane dite membrane médullaire tapissant la face interne du canal médul- 
laire et des cavités du tissu spongieux; elle envelopperait la substance médullaire 
comme le périoste externe fait des segments osseux. Néanmoins sa structure 
serait plus fine et plus délicate. Quoique Ruysch et Bichat n'eussent pas pu décou- 
vrir la présence d'une pareille membrane, on continua à en admettre l'existence. 
Ollivier, dans le Dictionnaire de médecine de 1840, lui consacra quelques lignes. 
Mais c'est seulement en 1859 que MM. Gosselin et Raynauld affirmèrent que le 
périoste interne élait une membrane imaginaire, et depuis cette époque on n’en 
fait plus mention dans les livres d'anatomie. 

Perioste alvéolo-dentaire (voy. Denr). RETTERER. 


Bisio6rarnte. — Voy., outre les indications données dans le courant de l’article, celles qui 
font suite à l’article Os. 


2 IL. Pathologie. La pathologie du périoste ne peut être séparée de la patho- 
logie des os qu’à la faveur d'une distinction tout artificielle. Les trois parties 
constitutives d'un os, c'est-à-dire le périoste, le tissu osseux proprement dit et 
la moelle, sont, en effet, unies par des rapports étroits. 

La moelle osseuse ne se rencontre pas seulement dans le canal médullaire 
des os longs et dans les aréoles du tissu spongieux : elle existe également, mais 
en moindre quantité, dans les canalicules de Havers et à la face profonde du 
périoste. Tous ces espaces, qui contiennent de la moelle, communiquent entre 
eux, et il résulte de là que le tissu osseux est entouré entièrement et traversé 
en tous sens par la substance médullaire. Suivant l'expression de Ranvier, l'os 
est, pour ainsi dire, baigne dans de la moelle. 

Or c'est la moelle qui, dans les os, est le siége des phénomènes nutritifs et 
pathologiques les plus importants. Comme elle forme, pour le même os, un 
tout continu, une solidarité étroite unit les diverses parties de l'os. Ainsi il est 
impossible qu'une lésion reste limitée exclusivement à la moelle sous-périostée, 
sans empiéter au moins sur la moelle des canalicules de Havers les plus 


PÉRIOSTE (PATHOLOGIE). 157 


voisins; et cela est vrai surtout lorsqu'il s'agit d'un processus inflammatoire. 

Dans la description des maladies des os, on ne peut donc, sans créer des 
divisions artificielles, étudier séparément les affections du périoste, celles du 
tissu osseux et celles de la moelle. L'unité de description s'impose : aussi ai-je 
toujours eu en vue, dans les articles Os (Pathologie) et Osréire, la pathologie 
de l’os composé de ses trois parties constitutives et non la pathologie du tissu 
osseux seulement. 

C'est dire que le présent article ne sera pas une monographie des affections 
du périoste. Je me propose simplement de faire ressortir le rôle du périoste 
dans la pathologie du système osseux. 

Cependant j'aurai à traiter d’une façon spéciale des gommes scrofulo-tubereu- 
leuses du périoste, dont il n’a pas été parlé aux articles Os (Pathologie) et Osrérre. 
Pour toutes les autres questions, je prierai le lecteur de se reporter à ces articles. 

En résumé, je consacrerai à la pathologie du périoste deux chapitres : 

I. Du périoste dans les affections des os. 

Il. Gommes scrofulo-tuberculeuses du périoste. 


]. Du PÉRIOSTE DANS LES AFFECTIONS DES Oos. Le périoste, membrane fibro- 
élastique, entoure les os de toutes parts, ne s'arrètant qu'au niveau des cartilages 
articulaires. Mince, en général, au niveau de la diaphyse des os longs, il 
devient solide et résistant sur les épiphyses et partout où des organes fibreux 
viennent s'insérer sur lui. D'autre part, le périoste qui revêt les os superficiels, 
tels que le tibia, est plus épais que celui qui recouvre les os profonds, situés 
au milieu des masses musculaires. Enfin le périoste fait absolument défaut en 
plusieurs points, où certains tendons ou ligaments s'insèrent directement à l'os; 
les disques intervertébraux, les ligaments jaunes des vertèbres, les ligaments 
sacro-iliaques, le tendon du deltoïde, celui du triceps fémoral, etc., présentent 
cette disposition. 

L’adhérence du périoste avec les os est plus ou moins intime. Le périoste 
mince qui recouvre la diaphyse des os longs ou celui qui tapisse la voùte crà- 
nienne se détachent avec la plus grande facilité, tandis que le périoste des os 
courts, celui des épiphyses des os longs, de la base du crâne, de la voûte 
palatine, tiennent aux os par des adhérences extrèmement fortes. Les adhérences 
sont aussi très-intimes au niveau des sutures crâniennes, des insertions tendi- 
neuses et des articulations. 

Le périoste a des relations importantes avec les capsules articulaires. Dans les 
premiers temps du développement, rien n'indique une division du squelette en 
segments séparés; la substance cartilagineuse qui constitue ce squelette se 
continue sans interruption d'une extrémité à l’autre et se trouve revêtue par 
une enveloppe fibreuse, le périchondre. Plus tard, quand les cavités articulaires 
apparaissent par une sorte de liquéfaction du cartilage, le périchondre persiste 
à leur niveau et forme un manchon, qui tient réunies les pièces constituantes 
de l'articulation; ce manchon est la capsule articulaire; certaines portions 
épaissies constituent les ligaments périphériques. Ajoutons qu'au fur et à 
mesure de l'ossification du squelette par substitution de la substance 
osseuse à la substance cartilagineuse le périchondre qui entoure les os devient 
périoste. En somme, considérées dans leur développement, les capsules articu- 
laires ne sont qu'une continuation du périoste, et cette particularité ne doit pas 
être perdue de vue en pathologie. 


158 PÉRIOSTE (earnoLocie). 


A la surface externe du périoste, dans les endroits où ne s’insèrent ni tendons, 
ni ligaments, se rencontre une couche de tissu cellulaire lâche, dans laquelle 
se répandent les vaisseaux destinés à l’intérieur de l'os. Au point de vue patho- 
logique, cette couche est une dépendance du périoste; je ferai ressortir ce fait 
plus loin. 

Le périoste est constitué par du tissu fibreux et élastique qui, dans sa portion 
profonde, est composé de fibrilles très-fines et serrées. 

Ses vaisseaux sont nombreux ; des branches se détachent de sa couche pro- 
fonde pour pénétrer directement dans les canaux osseux. Ces vaisseaux ostéo- 
périostiques jouent dans les phénomènes pathologiques un rôle considérable. 

Des filets nerveux existent aussi dans le périoste et y forment un réseau, 
dont la présence explique les phénomènes douloureux observés souvent du côté 
de cette membrane. 

Mais, dans la structure du périoste, le point le plus important est relatif à la 
couche que l'on a appelée blastème sous-périostique ou encore couche ostéo- 
gène. Cette couche, située à la face profonde du périoste, ne se voit nettement 
que pendant la période du développement. Tant que l'os se développe, la 
couche ostéogène, examinée au microscope, présente des cellules rondes contenant 
un noyau volumineux, cellules semblables à celles de la moelle jeune. Quand 
l'os a achevé son évolution, elle montre des éléments provenant des cellules 
précédentes (myéloplaxes, cellules fibro-plastiques, souvent cellules adipeuses). 
La couche ostéogène n’est donc autre chose qu'une couche continue formée par 
les éléments de la moelle. 

C'est grâce à cette moelle sous-périostée que les os s’accroissent en épaisseur 
par la formation de couches osseuses successives à la face profonde du périoste. 
C'est grâce à elle que le périoste peut produire de l'os. 

Je n'insisterai pas, pour le moment, sur cette propriété de la moelle sous- 
périostée. J'aurai à y revenir avec plus de détails, quand je traiterai de la 
médecine opératorre du périoste. 

On a vu, par les lignes qui précèdent, que la structure de la moelle sous- 
périostée est essentiellement différente pendant la période du développement 
et à une époque ultérieure. Cette différence dans la structure à pour consé- 
quence une différence dans le rôle physiologique et dans le mode de réaction 
vis-à-vis des agents pathologiques. 

Pendant la période du développement, la moelle sous-périostée a les caractères 
de la moelle jeune. Elle est le siége d'un travail physiologique dont le résultat 
est la formation de nouvelles couches osseuses sous le périoste. À mesure que 
cette moelle sous-périostée prend les caractères de la moelle adulte, son activité 
s'éteint, l'os cesse de s’accroitre en épaisseur. 

Supposons maintenant qu'une irritation survienne. Si los est encore en voie 
d'accroissement, la moelle jeune, étalée sous le périoste, réagit vivement, et 
l'on voit apparaître ou une néoformation osseuse ou, au contraire, une collection 
purulente. Si l'os a cessé de croître, la moelle sous-périostée, devenue moelle 
adulte, ressent moins fortement le contre-coup de l'irritation; tout travail 
pathologique qui vient l'atteindre commence par un retour de cette moelle à 
l'état de moelle jeune. 

Mais si, d'une manière générale, les os des jeunes sujets sont plus exposés 
à être malades, leur puissance de réparation, par contre, est incomparable- 
ment plus grande à la suite d'un traumatisme ou d'une perte de substance. 


PÉRIOSTE (ParnoLoete). 159 


Cette propriété est particulièrement remarquable dans la moelle sous-périostée. 

Nous avons vu précédemment que de nombreux rameaux vasculaires partent 
du périoste pour pénétrer dans la substance osseuse, Bien que ces rameaux ne 
soient pas les seuls qui alimentent les os, ils jouent dans la nutrition un rôle 
important, et leur suppression peut entrainer une mortification osseuse plus ou 
moins étendue. C'est ainsi que le décollement traumatique du périoste est suivi 
souvent, mais non toujours, d’une nécrose de los sous-jacent; la même 
remarque est applicable au cas où le périoste est décollé par le pus. 

Il mest impossible, dans cet article, de passer en revue le rôle du périoste 
dans les diverses affections osseuses; ce rôle a été étudié à l'occasion de chacune 
d'elles. Je me contenterai d'exposer en quelques mots comment se comporte le 
périoste : 4° dans les affections inflammatoires des os; 2 dans le cas de 
néoplasme des os. 

40 Du périoste dans les affections inflammatoires des os. Lorsque j'ai 
traité de l’ostéite (voy. Osréite, 2° série, t. XVIII), j'ai longuement insisté sur 
ce fait, que l'inflammation isolée du périoste ou, en d’autres termes, la périos- 
tite, telle que la comprenaient les auteurs anciens, ne saurait exister. Tout 
travail inflammatoire qui frappe le périoste envahit forcément le tissu osseux 
«sous-jacent, de même que toute inflammation de l'os a son retentissement du 
côté du périoste. 

Les phénomènes par lesquels le périoste manifeste sa participation à l'inflam- 
mation sont les suivants. 

Au début, le périoste est congestionné, légèrement tuméfé, infiltré de sucs; 
il se décolle facilement de l'os et se trouve séparé de lui par une matière 
visqueuse, rougeâtre, qui présente, au microscope, des cellules arrondies ou 
anguleuses, semblables à celles de la moelle embryonnaire. En somme, cette 
première phase de l'inflammation est caractérisée Par un retour de la moelle 
sous- périostée à l'état embryonnaire. 

Il peut arriver que l’inflammation se termine par résolution, sans franchir ce 
premier degré. Mais, le plus souvent, il n’en est pas ainsi; suivant la violence 
de l'irritation, on assiste à une néoformalion osseuse ou à une suppuration. 
Ces deux processus peuvent même se rencontrer simultanément, la suppuration 
prenant naissance au point où l’irritation est la plus vive, et les couches osseuses 
se formant sur les limites de la zone enflammée. 

La néoformation osseuse sous-périoslée, indice d’une inflammation peu 
intense, se produit avec une remarquable rapidité. Chez un sujet jeune, à la 
suite d’une amputation, six ou sept jours suffisent au développement d’aiguilles 
osseuses sous le périoste. 

Les masses osseuses, qui se déposent ainsi sous le périoste, sont nommées 
ostéophytes. Elles se présentent tantôt sous forme de prolongements étroits ou 
stalactites, ou encore de masses arrondies ou pointues, tantôt sous forme de 
plaques diffuses. Ces plaques, étalées à la surface de l'os, ont été désignées par 
certains auteurs sous le nom de périos{oses. 

Quoi qu'il en soit, los nouveau se distingue facilement de l'os ancien. Que 
l'on suppose une section transversale d'un os long couvert d’ostéophytes. Les 
canaux de Havers de l'os ancien seront coupés transversalement, ces canaux 
ayant une direction parallèle à celle de la diaphyse, tandis que presque tous 
les canaux de l'os nouveau se montreront suivant leur longueur. C'est qu'en 
effet la direction des canaux de Havers est subordonnée à celle des vaisseaux. 


160 PÉRIOSTE (PATHOLOGIE). 


Les lamelles osseuses nouvelles viennent se déposer autour des vaisseaux. Or 
les vaisseaux situés sous le périoste (vaisseaux ostéo-périostiques, vaisseaux des 
bourgeons sortis des canaux de Havers superficiels), sont tous perpendiculaires 
à la surface de l'os ancien. Les canaux de Havers de l'os nouveau affectent donc 
la même direction. 

Au début, ces couches osseuses seus-périostiques sont constituées par du 
tissu spongieux et adhèrent faiblement à l'os; lorsque l’on arrache le périoste, 
elles restent fixées à sa face profonde sous forme de petits grains ou de plaques 
irrégulières. Peu à peu, elles deviennent plus denses, plus adhérentes à los; 
elles se sclérosent, en même temps que leur surface, primitivement inégale et 
raboteuse, devient lisse par résorption des parties les plus saillantes. 

Souvent elles sont permanentes. D’autres fois, surtout lorsqu'elles se sont 
formées rapidement, elles peuvent disparaître en totalité ou en partie par 
raréfaction et résorption de leur substance; toutefois la durée de ce travail de 
résorption est d'ordinaire fort longue. 

il est à remarquer que parfois des ostéophytes apparaissent, non-seulement à 
la face profonde du périoste, mais encore à sa face externe. 

Nous avons vu que, lorsque l’inflammation est vive, elle donne lieu, non à la 
formation de couches osseuses, mais, au contraire, à la suppuration. La suppu- . 
ration n'est, en somme, que le résultat d'une exagération des phénomènes qui 
caractérisent la première phase de l’inflammation. En effet, les cellules em- 
bryonnaires qui se produisent au début de l’ostéite ne peuvent, d’après Ranvier, 
être distinguées nettement des globules purulents. Si donc l'irritation est assez 
intense pour déterminer l'apparition d’une grande quantité de ces cellules, il y 
aura suppuration. 

La suppuration qui se déclare dans la moelle sous-périostée a pour consé- 
quence le développement d'une collection purulente sous-periostique. Si 
l'inflammation osseuse est circonscrite, la collection également est circonscrite. 
S'il s’agit d'une inflammation diffuse, telle que l'ostéite aiguë traumatique 
(ostéomyélite traumatique diffuse des auteurs) ou l'ostéite aiguë spontanée 
(périostite diffuse ou ostéomyélite spontanée diffuse des auteurs), la suppu- 
ration sous-périostée est elle-même diffuse. Dans certains cas, l'os, entouré de 
pus de tous côtés, est séparé, sur presque toute son étendue, de son manchon 
périostique. 

Dans les inflammations suppurées diffuses des os, il peut arriver qu'une 
suppuration se développe à la face externe du périoste, dans la couche de 
tissu cellulaire située entre le périoste et la face profonde des muscles. C'est ce 
que l'on observe, en particulier, dans l'ostéite traumatique aiguë. L'inflammation 
occupe alors à la fois toute l'épaisseur de l'os et le tissu cellulaire ambiant, et 
la suppuration de ce tissu cellulaire est bien l’une des manifestations de l’ostéite 
traumatique aiguë et non pas le résultat de l'envahissement d'une collection 
purulente sous-périostée qui aurait perforé le-périoste. 

Existe-t-il, indépendamment des circonstances que je viens d'exposer, une 
inflammation suppurative primitive du tissu cellulaire extérieur au périoste? 
On a décrit, sous le nom de périostile externe, une affection développée primi- 
tivement dans le tissu cellulaire qui recouvre le périoste et considérée comme 
une inflammation suppurative de ce tissu. Cette opinion ne saurait plus être 
soutenue aujourd'hui. Les soi-disant périostites externes ne sont autre chose 
que des gommes scrofulo-tuberculeuses sus-périostées. Cette affection sera 


LS 


PÉRIOSTE (raTHOLOGIE). 161 


décrite dans le courant du présent article; je n’y insisterai pas pour le mo- 
ment. 

Au lieu d’une collection purulente sous-périostique, on rencontre quelquelois 
sous le périoste un liquide transparent, visqueux ou séreux. Dans certains cas, 
cette collection séreuse siége en dehors du périoste. L’affection ainsi caractérisée 
a été décrite par Ollier sous le nom de périostite albumineuse. Je ne puis voir 
dans cette description qu'une des formes sous lesquelles se présentent à nous 
les gommes scrofulo-tuberculeuses du périoste. Aussi parlerai-je de la périos- 
tite albumineuse à l'occasion de ces gommes. 

Enfin dans les affections osseuses inflammatoires de longue durée il peut 
arriver que l'on observe une transformation fibreuse du périoste ou, en 
d'autres termes, une exagération des caractères physiologiques de cette mem- 
brane. Le périoste devient alors très-épais, très-adhérent à l'os, pauvre en 
vaisseaux, fibreux. 

Les diverses modifications anatomiques dont je viens de parler jouent un 
rôle important dans la symptomatologie des #stéites. 

Ainsi les couches osseuses sous-périostiques de nouvelle formation ont pour 
conséquence une augmentation de volume de l'os, augmentation très-appréciable 
à la palpation, quelquefois même à la vue. Cet épaississement de Vos atteint, 
dans certains cas, un degré énorme, principalement lorsque, chez un jeune 
sujet, une notable portion d'os est nécrosée. 

L'os ainsi épaissi a une consistance dure. Mais, si les parties molles ambiantes 
participent à l'inflammation, une atmosphère de consistance pâteuse entoure 
les portions dures et modifie la sensation perçue à la palpation. 

Si une collection purulente se forme sous le périoste, on percevra une fluc- 
tuation profonde. Si cette collection finit par percer le périoste et par se répandre 
dans les parties molles, on aura les symptômes d'un abcès de ces parties 
molles. 

Une particularité importante dans la symptomatologie de l’ostéite est le rôle 
que joue le périoste dans la production de la douleur. Ollier et A. Poncet 
(Gaz. des hôp., 1875, p. 906) ont insisté sur ce point, et ont montré que, 
dans certaines ostéites douloureuses non suppurées, une incision, comprenant 
la peau, les tissus sous-cutanés et le périoste épaissi, fait cesser immédiatement 
les douleurs. Ces auteurs donnent à l’incision une longueur de 8 à 19 centi- 
mètres et la complètent au besoin par de petites incisions transversales perpen- 
diculaires à elle. 

J'ai fait remarquer, de mon côté (voy. Osrétre, 2° série, t. XVIII, p. 466), 
que, parmi les faits publiés sous le nom d'ostéite à forme névralgique, un 
certain nombre rentrent dans la catégorie de ces ostéites douloureuses dont 
parlent Ollier et A. Poncet. La cause de la douleur réside alors dans cette sorte 
d'étranglement inflammatoire qui résulte de la tension du périoste. Il est donc 
indiqué d’inciser le périoste, pour faire cesser l'étranglement. Si les douleurs 
persistent après l’incision, il est probable que l’on se trouve en présence d'un 
abcès osseux, vrai ou faux, et le seul traitement rationnel est l'ouverture de 
cet abcès par la trépanation ou par une opération analogue. 

Le point sur lequel j'ai insisté, c'est qu'il ne faut pas trop se presser de 
recourir à la trépanation, pour peu qu'il y ait doute sur le diagnostic. On se 
rappellera que parfois, dans ces cas douteux, l'incision du périoste suffit, et 
qu'en tout état de cause, si elle est insuffisante, elle ne saurait nuire au malade, 


DIET: ENC: 2° s. XXIIT. 41 


162 PÉRIOSTE (PATHOLOGIE). 


car on est promptement fixé sur son efficacité, et, si alors une intervention plus 
radicale est nécessaire, l’incision constitue précisément le premier temps de cette 
intervention. 

Il est inutile d'ajouter que l'incision du périoste est de rigueur lorsqu'une 
collection purulente siége au-dessous de cette membrane. Dans certaines circon- 
stances, cette incision est un moyen de prévenir la suppuration. 

2° Du périoste dans les neéoplasmes des os. Parmi les néoplasmes qui 
peuvent se développer au contact du périoste se trouvent les gommes syphili- 
tiques et les gommes scrofulo-tuberculeuses. Je ne reviendrai pas sur les pre- 
mières, dont j'ai déjà fait l'histoire (voy. Os [Pathologie], 2° série, t. XVII, 
p- 506), et je vais bientôt parler des secondes. Il ne sera question ici que de la 
manière dont se comporte le périoste vis-à-vis des tumeurs proprement dites 
des os. 

Ces tumeurs sont peripheriques, lorsqu'elles ont leur point de départ immé- 
diatement sous le périoste, ou, en d’autres termes, dans la couche médullaire 
sous-périostée. Elles sontcentrales, lorsqu'elles prennent naissance dans l’épais- 
seur même de l'os ou dans la cavité médullaire. 

Les tumeurs périphériques, en se développant, repoussent au devant d'elles 
le périoste, dont elles restent coiffées. A la palpation, on peut percevoir leur 
consistance, que cette membrane de revêtement laisse à peu près intacte. Il faut 
ajouter que les tumeurs développées à la surface de los, surtout si elles sont 
malignes, finissent souvent par perforer le périoste et par s'étendre librement 
dans les tissus ambiants. 

Le développement des tumeurs centrales s'accompagne aussi de phénomènes 
importants du côté du périoste. À mesure que la tumeur, en envahissant le tissu 
osseux, s'approche de la surface de l’os, des couches osseuses nouvelles se 
forment sous le périoste. À un degré plus avancé, toute la portion de l’ancien 
os qui recouvrait la tumeur est détruite, et les couches nouvelles le plus 
anciennement formées sont attaquées à leur tour, en même temps que la néo- 
formation osseuse continue sous le périoste. Ainsi se trouve constituée une 
coque osseuse, à parois minces, dans laquelle est enkysté le néoplasme. Cette 
coque résulte donc, non pas d’une expansion de l'os ancien, mais bien d’une 
résorption des parties centrales, marchant concurremment avec une néofor- 
mation osseuse superficielle. D'ailleurs, il n'est pas rare que cette coque se laisse 
perforer en certains points et que le néoplasme s'étende dans les parties molles 
ambiantes. 

Les tumeurs centrales, entourées d’une coque osseuse, donnent lieu à un 
symptôme spécial, la crépitation parcheminee. Si, en effet, l’on exerce une 
pression sur celle coque, elle se laisse déprimer avec un bruit caractéristique, 
puis reprend sa forme primitive, dès que l'on retire le doigt. Dans d’autres cas, 
la coque se laisse enfoncer comme une coquille d'œuf, en donnant la sensation 
de crépitation; elle reste déprimée pendant quelques heures ou même quelques 
Jours, et ne se relève qu'ensuite. 

Je signalerai encore quelques particularités relatives à certaines tumeurs péri- 
phériques, spécialement aux sarcomes périphériques des os ou sarcomes périos- 
teaux. 

Ces sarcomes périostéaux ont une tendance très-remarquable à être envahis 
par la calcification et l'ossification. Le plus souvent, leur portion profonde 
présente des aiguilles osseuses ou simplement calcaires, perpendiculaires à la 


PÉRIOSTE (PATHOLOGIE). 163 


surface du tissu osseux ancien, tandis que leur portion externe, recouverte par 
le périoste, n'est pas encore envahie par cette transformation. 

Il y a, d’ailleurs, doute sur la nature de ce processus. Pour Cornil et Ranvier, 
il s'agirait là d'une simple incrustation calcaire. Virchow soutient, au contraire, 
que souvent ces stalactites sont constituées par du tissu osseux proprement 
dit, et il réunit dans un même groupe, celui des sarcomes ostéoïdes, tous les 
sarcomes qui présentent une tendance à l'ossification ou à la calcification. Les 
sarcomes ostéoides, d’après Virchow, sont toujours des sarcomes périostéaux, 
ayant, par conséquent, leur point de départ dans la couche médullaire sous- 
périostée. 

Un dernier fait, que je mentionnerai, est la différence de gravité entre les 
sarcomes périostéaux et les sarcomes centraux des os. Les sarcomes périostéaux 
sont notablement plus graves; ils se généralisent plus souvent et leurs récidives 
après ablation sont également plus fréquentes. 


IT. GOMMES SCROFULO-TUBERCULEUSES DU PÉRIOSTE. Depuis l’époque où J'ai 
tracé, dans ce Dictionnaire, l’histoire des affections tuberculeuses des os 
(voy. 2° série, t. XVIII, p. 320), les progrès de la science, et particulièrement la 
découverte du bacille de Koch, ont peu à peu modifié les idées médicales sur la 
tuberculose. Les auteurs tendent de plus en plus à identifier la scrotule et la 
tuberculose. Les distinctions établies entre les lésions scrofuleuses et les lésions 
tuberculeuses s'effacent une à une; on ne voit plus là que des manifestations 
différentes d'une seule et même diathèse, la tuberculose ou, si l’on préfère, la 
scrofulo-tuberculose. 

Le champ de la tuberculose s’est trouvé par là singulièrement agrandi. Ainsi 
la tuberculose des os comprend, non-seulement les lésions que j'ai décrites 
comme tuberculeuses, mais encore la carie et l’ostéite scrofuleuse. Plusieurs 
auteurs croient devoir élargir davantage encore le cercle de la tuberculose 
osseuse. Mais je n'aborderai pas ici cette question, pour me borner à l'étude des 
lésions tuberculeuses ayant leur point de départ dans le périoste. 

Ces lésions ne sont connues que depuis peu d'années. Longtemps considérées 
comme de nature.inflammatoire, elles étaient englobées, sous le nom de perios- 
tite, dans une description commune avec des inflammations vraies. Les idées 
des chirurgiens étaient très-confuses sur cette question, et il faut arriver à 
Billroth (Éléments de pathologie chirurgicale générale, traduction de Culmann 
et Sengel. Paris, 1868) pour trouver des notions plus précises. 

Billroth montra le premier que certaines altérations prennent naissance à la 
face externe du périoste, dans la couche de tissu cellulaire, riche en vaisseaux, 
que l'on rencontre à ce niveau. Il donna également une description de la 
périoslite chronique suppurative, affection souvent combinée; d'après lui, 
avec la carie superficielle. Bien que Billroth ne vit là qu'une lésion inflamma- 
toire, sa description indiquait les traits principaux de la maladie que l'on consi- 
dère aujourd'hui comme une tuberculose du périoste. 

Avant Billroth déjà les médecins militaires français avaient attiré l'attention 
sur la fréquence, dans l'armée, d'une des formes de la tuberculose périostique : 
Je veux parler des abcès froids de la paroi thoracique. Mais ces abcès, rapportés 
par eux tour à tour à une carie costale, à l’action mécanique de pressions exté- 
rieures, à l'influence d'une pleurésie ancienne, n'étaient pas décrits avec pré- 
cision; ni leur siége exact ni leur nature n'étaient connus. 


164 PÉRIOSTE (PATHOLOGIE). 


Gaujot reconnut que certains de ces abcès prennent naissance à la face externe 
du périoste, et ses idées furent développées par un de ses élèves, Choné (Étude 
sur une variété d’abcès froids thoraciques. Thèse de Paris, 1875). 

S. Duplay (Follin et S. Duplay, Traité elémentaire de pathologie externe, 
t. V, p. 554, 1878) se rangea entièrement à cette manière de voir. Il ajouta que 
cette périostile externe, suivie d'abcès sus-périostiques, ne s'observait pas 
seulement sur les côtes ou le sternum, mais pouvait se montrer sur les autres 
os du squelette. 

La périostite externe, telle que la concevait Gaujot, a encorc donné lieu à 
plusieurs travaux dus à des chirurgiens militaires : Bousquet (Arch. gen. de 
méd., 1878), Charvot (Gaz. hebdomad., 1879, p. 650, etc.), Midon (thèse de 
Paris, 1881). 

Tandis que paraissaient ces derniers travaux, les idées médicales étaient en 
voie de se modifier profondément sur la tuberculose en général et sur les abcès 
froids en particulier. En 1879, à l'instigation d'Ernest Besnier, Brissaud et 
Josias publiaient leur mémoire sur les Gommes scrofuleuses (Rev. mensuelle de 
med. et de chir., 1879, p. 817 et 889) et affirmaient la nature tuberculeuse 
de cette lésion. Puis vint l'importante monographie de Lannelongue (Abcès 
froids et tuberculose osseuse. Paris, 1881). Plus récemment, Kiener et Poulet 
(De l'ostéopériostite tuberculeuse chronique ou carie des os. In Arch. de physio- 
logie, 1885, t. I, p. 224) ont étudié histologiquement la tuberculose du périoste, 
en même temps que la tuberculose osseuse. 

Il ressort de ces recherches que la périostite externe chronique de Gaujot 
n'est autre chose qu'une forme de la tuberculose du périoste. D'autre part, la 
tuberculose périostée présente, au point de vue des lésions, une ressemblance 
parfaite avec les altérations du tissu cellulaire sous-cutané, qui aujourd'hui 
sont assez généralement désignées sous le nom de gommes scrofuleuses ou 
mieux gommes scrofulo-tuberculeuses. La même dénomination convient donc 
aux lésions tuperculeuses du périoste, 

Il est à remarquer que plus d’un point reste obscur dans l'histoire des 
gommes scrofulo-tuberculeuses du perioste. La description qui va suivre sera 
nécessairement incomplète. 

Anatomie pathologique. D'après Kiener et Poulet, « le tubercule se pré- 
sente dans le périoste sous forme de masses caséeuses, variables en épaisseur et 
en étendue, ou bien sous forme de nodules isoles ne dépassant pas le volume 
d'une graine de chènevis. 

« Les masses caséeuses débutent ordinairement dans la couche profonde du 
périoste, c’est-à-dire dans un territoire très-vasculaire, éminemment propre à 
la néoformation capillaire. La néoplasie, comprimée entre los et les lames 
fibreuses du périoste, prend alors la forme d'une lentille biconvexe ou d'une 
lame amincie sur ses bords. D’autres masses se développent aux dépens des 
lobules adipeux disséminés dans les différentes couches du périoste et affectent 
une forme sphérique. 

« Dans les deux cas, le premier stade est caractérisé par la formation d’un 
tissu inflammatoire, riche en cellules et toujours pourvu d’un abondant réseau 
vasculaire. Au deuxième stade apparaissent dans ce tissu inflammatoire des 
follicules, des cellules géantes isolées, des cordons fibreux plexiformes corres- 
pondant aux divers modes d’altération des vaisseaux sanguins ». 

Les nodules isolés, d’après les mêmes auteurs, présentent souvent dans le 





PÉRIOSTE (pATHoLOGtE). 165 


périoste une grande simplicité de structure ; ils correspondent alors à la section 
d'un seul vaisseau de gros calibre. Quelquefois, autour de la section d’un gros 
vaisseau, se groupent d'autres vaisseaux plus petits, qui subissent les mêmes 
altérations et viennent grossir le foyer primitif. 

Indépendamment de cette forme circonserite de la tuberculose du périoste, 
Kiener et Poulet décrivent des lésions diffuses du périoste, que l'on observe sur 
les épiphyses tuberculeuses et au voisinage des articulations atteintes de tumeur 
blanche. Dans cette seconde forme, le périoste lardacé peut atteindre l'épaisseur 
de deux doigts. Ces masses lardacées sont constituées par un tissu fibreux dont 
les vaisseaux sont hypertrophiés. On y rencontre aussi les masses tuberculeuses 
précédemment décrites et de petits foyers lenticulaires, semblables à des gouttes 
de cire et formés de globules de pus plus ou moins graisseux; ces petits abcès 
deivent peut-être être rattachés aux formations tuberculeuses, dont ils repré- 
sentent la variété suppurée. A la face profonde du périoste lardacé se voient des 
ostéophytes apposés à la surface de los. 

La matière tuberculeuse, une fois formée, peut subir diverses transformations 
aboutissant à sa resorption. Mais, le plus souvent, elle se ramollit et tend à se 
faire jour à l'extérieur par des trajets très-compliqués. 

Au contact de cette matière infectieuse on observe, du côté des tissus envahis, 
tantôt une simple exsudation d’un liquide clair, séreux, pauvre en leucocytes, 
tantôt une réaction plus franchement phlegmoneuse. Aussi les parois des abcès 
qui résultent de ce travail n’ont-elles pas une structure toujours identique. 
Parfois on n'aperçoit qu'une couche molle, très-mince, lisse, reposant sur une 
paroi indurée, sans traces de bourgeons charnus ni de tubercules ; ailleurs une 
réaction formative intense se traduit par le développement de tissus fongueux, 
qui s'étalent en membrane de revêtement sur les parois des pertes de substance 
et finissent même par envahir les parties molles, notamment le tissu adipeux 
sous-cutané. 

L'évolution des fongosités est toujours la même, quel que soït leur siége. Ici 
comme ailleurs elles ne tardent pas à présenter des follicules. À mesure que les 
follicules deviennent plus confluents, les fongosités se caséifient et tombent. 
Pendant un certain temps, les fongosités se renouvellent, mais, à un moment 
donné, cette dégénérescence tuberculeuse s'arrête, et la membrane tend à s’or- 
ganiser. Elle est alors gris pâle, ferme, fibreuse. 

Kiener et Poulet résument de la manière suivante l’action de la matière 
tuberculeuse sur les tissus qu'elle envahit. Au début, disent-ils, lorsque cette 
matière se trouve au contact d’un tissu encore jeune, l'infection est diffuse ; les 
cellules géantes, qui sont des foyers de pullulation du microbe tuberculeux, 
sont disséminées dans toute l’épaisseur des tissus et sont surtout abondantes à 
leur surface, où elles affectent un caractère épithélioïde. Au deuxième stade, l'in- 
fection tuberculeuse se circonscrit en foyers folliculaires, pourvus d’un épithé- 
lium cylindrique et constituant de véritables nids aux dépens d’un vaisseau 
dilaté. Enfin, plus tard, l'infection tuberculeuse ne se manifeste plus ; le terrain 
ancien, vieilli, semble avoir perdu la propriété de renouveler la pullulation de 
l'agent tuberculeux. 

D'après la description qui précède, empruntée tout entière à Kiener et Poulet, 
la tuberculose du périoste revêt deux formes principales : la forme circonscrite 
et la forme diffuse. La première donne lieu à la production de véritables 
gommes périostiques, siégeant d'ordinaire dans les couches profondes du périoste. 


166 PÉRIOSTE (PATHOLOGIE). 


La seconde peut être considérée comme une sorte d'infiltration gommeuse diffuse 
du périoste. 

Les sommes périostiques présentent, à la coupe, le même aspect que toutes 
les gommes scrofulo-tuberculeuses. Elles sont lardacées, grisâtres, parsemées 
de masses vitreuses, qui le plus souvent sont déjà caséeuses: de plus, elles 
donnent lieu à l'issue d'un liquide séreux ou gélatineux. 

Dans le mémoire de Charvot sur la périostite externe chronique nous trouvons 
(Gaz. hebd., 1879, p. 758) une note de Kiener relative à la tuberculose du 
périoste, note dans laquelle l'auteur précise le siége occupé par la néoplasie. Elle 
se développe, d'après lui, dans l'épaisseur du périoste, partout où 1l existe des 
vaisseaux sanguins, principalement dans la couche profonde de cette membrane, 
où les vaisseaux se ramifient en un réseau capillaire. Cette couche est située à 
la face profonde de la portion fibreuse du périoste, mais elle n’est pas en contact 
immédiat avec la surface de l'os, dont elle est séparée par la couche ostéogène. 
Cette dernière peut même donner naissance à des couches osseuses nouvelles, 
en même temps qu'à côté d'elle la gomme continue son évolution. Toutefois la 
gomme peut entamer peu à peu et perforer la couche ostéogène; si simulta- 
nément elle s'ouvre à l'extérieur, on sentira l'os à nu au fond de la fistule. 

L'observation qui fait la base de cette note de Kiener est donnée par Charvot 
comme un exemple de périostite externe chronique, Or, dans ce cas, comme 
dans tous ceux dont parlent Kiener et Poulet, la lésion siége dans les couches 
profondes du périoste. ll y a là une contradiction, que Charvot passe sous silence 
et qui cependant n'est que trop manifeste. 

En effet, Charvot, défenseur des idées de Gaujot, place le siége de la sup- 
puration de la périostite externe dans le tissu cellulaire situé à la face externe 
du périoste. Il est vrai que, dans la description qu'il donne, le périoste participe 
largement au travail morbide. 

A un premier degré, d'après Charvot, le périoste est gonflé, hyperémié, 
ramolli. 

A un second degré de la maladie, il est, de plus, infiltré par un liquide 
gluant, rosé, abondant ; de petits grumeaux caséeux sont déposés dans les inter- 
stices de la couche vasculaire du périoste. Ce dernier, dont l'épaisseur est doublée 
ou triplée, adhère moins intimement à l'os; si on l’arrache, on remarque que 
sa consistance est lardacée et que sa face interne, d'un blanc mat, a un aspect 
crayeux, landis que sa face externe, d’un rouge foncé, est villeuse, tomenteuse. 

Le troisième degré correspond au développement de l’abcès froid périostique. 
Celui-ci prend naissance à la face externe du périoste, qui se couvre de granu- 
lations, en même temps que des couches osseuses de nouvelle formation se 
déposent à sa face interne. Le périoste, plus dense qu'à la période précédente, 
redevient plus adhérent à l'os, grâce aux aspérités de la couche osseuse nouvelle. 

Enfin, au quatrième degré, les granulations se transforment en bourgeons 
fongueux, et la face externe du périoste se couvre de fongosités. A ce moment, 
le périoste peut se mortifier en certains points; l'os, ainsi mis à nu, est attaqué 
superficiellement, dans les limites de l'érosion périostique. D'ailleurs, dès le 
début de l'affection, l'os participe aux lésions; il présente d’abord des traces 
d'ostéite superficielle, aboutissant à une néoformation osseuse sous-périostée ; 
quand le périoste s'ulcère, l'inflammation osseuse devient suppurante à ce 
niveau. 

Bien que Charvot eût adopté le nom de périostite externe chronique, donné 


PÉRIOSTE (PATHOLOGIE). 167 


par Gaujot à cette affection, il n’ignorait pas qu’il s’agit là d’une manifestation 
tuberculeuse, et que souvent on observe simultanément, chez le même malade, 
d’autres lésions de même nature, surtout dans les articulations voisines et dans 
les os mêmes dont le périoste est envahi. 

Que l’on compare maintenant la description de Charvot à celle de Kiener et 
Poulet. On verra que, pour Charvot, l'abcès froid se développe à la face externe 
du périoste, tandis que, d'après Kiener et Poulet, les gommes naissent dans les 
couches profondes du périoste et n'envahissent les parties molles ambiantes 
qu'après avoir perforé de dedans en dehors la membrane périostique. 

Faut-il admettre l’une de ces deux opinions à l'exclusion de l’autre? Évidem- 
ment non. Les sommes scrofulo-tuberculeuses peuvent siéger à la face profonde 
du périoste ou, au contraire, à sa face externe. Dans le premier cas, la néo- 
plasie tuberculeuse finit, en général, par envahir l'os plus ou moins profon- 
dément. Dans le second cas, il n’est pas rare que l'os soit absolument sain, ou 
plutôt qu'il reste indemne de tout envahissement tuberculeux. 

J'ai eu plusieurs fois l’occasion, en pratiquant le raclage de gommes tubereu- 
leuses sus-périostées, de constater l'intégrité du périoste sous-jacent. Une fois 
débarrassé des fongosités qui le tapissaient extérieurement, il avait l'aspect 
nacré qui caractérise le périoste à l'état physiologique, et l’examen le plus 
minutieux ne permettait pas de découvrir le moindre pertuis pénétrant jusqu’à 
los. Chaque fois que je me suis trouvé en présence d’un cas de ce genre, la 
cicatrisation rapide après l'opération est venue fournir une preuve nouvelle de 
l'intégrité de los. 

Ces gommes sus-périostées sont, en somme, très-analogues aux autres gommes 
développées dans le tissu cellulaire sous-aponévrotique. Elles n'en diffèrent que 
par leur situation voisine du périoste, situation qui a pour conséquence une 
propagation possible de la lésion au périoste et à l'os sous-jacent. 

Les pages qui précèdent montrent que bien des points sont encore obscurs 
dans l’histoire des gommes serofulo-tuberculeuses du périoste. Une question 
‘plus litigieuse encore est relative à la nature de l'affection que l'on a nommée 
périostite albumineuse, et que je crois devoir rattacher à la tuberculose périos- 
tique. 

La périostite albumineuse a été décrite pour la première fois, en 1874, par 
A. Poncet (Gaz. hebdom., 1874, p. 155 et 179), sous l'inspiration d'Olher. 
D'après ces auteurs, elle est caractérisée anatomiquement par l'accumulation, 
sous le périoste et dans les couches périostales, d'un liquide visqueux, filant, 
albuminoïde, transparent, analogue à la synovie. Le siége primitif de la collection 
serait toujours, d'après eux, sous le périoste :-ce n'est que consécutivement 
qu'elle arriverait à la face externe de cette membrane. 

Depuis cette époque, de nouvelles observations ont été publiées par Cazin, 
Gosselin, Albert (Wiener medizin. Blätter, 1878, n° 58), Terrier (Bullet. de la 
Soc. de chir., t. IV, p. 268, 1878), Lannelongue (idem, p.277), Duplay (Arch. 
gén. de méd., décembre 1880). 

Des travaux plus importants sur le mème sujet sont dus à Takvorian (De la 
périostite dite albumineuse. Thèse de Paris, 4878), à Nicaise (De l'ostéo- 
périostile séreuse ; des abcès sereur. In Rev. mens. de méd et de chir., 1879, 
p- 780) et à Catuffe (Contribution à l'étude de la périostite albumineuse ou 
exsudative. Thèse de Paris, 1883). 

Un premier fait ressort de ces différents travaux, c'est que la collection albu- 


168 PÉRIOSTE (PATHOLOGIE). 


mineuse ne siége pas toujours sous le périoste ; elle peut être extra-périostique. 
Bien qu'elle soit susceptible d'occuper tous les points de la longueur des os, on 
la rencontre plus spécialement, quand le sujet est jeune, aux extrémités de la 
diaphyse, c'est-à-dire dans le voisinage des cartilages de conjugaison. 

Le liquide qui constitue la collection n'a pas des caractères toujours sembla- 
bles. Souvent visqueux, transparent, légèrement verdâtre, il est d'autres fois 
séreux ; parfois il est un peu rougi par le sang ; ailleurs il présente des goutte- 
lettes de graisse, qui le font ressembler à du bouillon gras. 

Lorsqu'on ponctionne une collection de ce genre, il est possible qu'elle finisse 
par disparaître. Dans d'autres cas, la suppuration se déclare dans la poche, la 
lésion se propage à l'os, et l'on peut observer une nécrose partielle et même 
l'envahissement d’une articulation voisine. Après ouverture de la poche, le stylet 
rencontre tantôt un os dénudé, tantôt une couche bourgeonnante. 

Ces notions d'anatomie pathologique résultent surtout de constatations faites 
sur le vivant ; elles sont forcément très-incomplètes. Aussi ne peut-on que 
soupçonner la nature réelle et le mode de production des altérations propres à 
la maladie nommée périostite albumineuse. Cependant je n'hésite pas à la rat- 
tacher à la tuberculose du périoste. 

Souvent, en effet, la périostite albumineuse se rencontre chez des sujets por- 
teurs de lésions scrofulo-tuberculeuses avérées (tumeur blanche, carie, ete.). 
Dans la plupart des autres cas, il est noté que le malade est d’un tempérament 
lymphatique. 

L'observation suivante de Lannelongue (Abcès froids et tuberculose osseuse, 
1881, p. 56), bien qu'elle ait trait à une collection indépendante du périoste, 
n’en est pas moins instructive. Une enfant de treize ans et demi portait un abcès 
froid de la partie supérieure et externe de la cuisse. Cette collection, super- 
ficielle et du volume d’une orange, fut ouverte et donna issue à un demi-grand 
verre de pus ; des injections phéniquées furent pratiquées et l'enfant parut guérie. 
Mais, un mois après l'opération, le gonflement se reproduisit à la même place 
et ne tarda pas à devenir fluctuant. Cette poche fut ouverte un mois et demi 
après son apparition, et il s'en écoula un liquide séreux et transparent abondant. 
On constata que la surface interne de la poche était lisse, de couleur un peu 
ardoisée. La paroi, épaisse de plus d’un demi-millimètre, était fibreuse, plus 
mince et comme celluleuse en certaines places. On put en faire facilement 
la décortication, et on reconnut sa complète indépendance des parties voi- 
sines. 

Voilà donc un abcès froid ou, en d’autres termes, une gomme scrofulo-tuber- 
culeuse des parties molles, qui a subi la transformation séreuse. Il est évident 
que les gommes du périoste doivent être susceptibles d’une évolution analogue. 

Lannelongue (Bullet. de la Soc. de chir., t. IV, p. 277, 1878) a pu, dans un 
cas, à la suite d’une amputation, faire l'examen anatomique de la paroi d’une 
collection séreuse sus-périostée, développée au niveau de la face interne du tibia 
sur un membre atteint de tumeur blanche du genou. Le périoste formait la paroi 
profonde de la poche. La paroi se composait d'une membrane dont la face interne 
était rouge, tomenteuse, très-vasculaire ; des crêtes, comparables, en petit, à 
celles de la face interne de l'intestin grêle, la sillonnaient. L'examen histologique 
montra que le périoste avait, à ce niveau, sa texture normale, mais était plus 
aminci. L'os était absolument sain. 

Cette collection occupait bien le siége propre aux gommes sus-périostées, 


` 


PÉRIOSTE (rATHOLOGIE). 169 


mais sa nature tuberculeuse n’est pas prouvée par l'examen histologique. C'est 
la concomitance d’une tumeur blanche, c’est l'analogie, qui autorisent à émettre 
cette supposition. 

Je ne sache pas que l'on ait cherché la présence des bacilles dans le liquide 
de la périostite albumineuse. On y a trouvé des leucocytes, des globules rouges, 
de fines granulations. Dans certains cas d'Olier, le liquide, au bout de quelques 
heures de séjour dans un vase, s’est séparé en trois couches, la couche inférieure 
comprenant de petits flocons fibrineux avec des leucocytes et des globules rouges, 
la couche moyenne correspondant à la partie visqueuse, la couche supérieure 
consistant en gouttelettes huileuses. Rien de bien concluant ne peut être déduit 
de ces constatations. 

Mais, si l'on songe que la transformation séreuse de produits tuberculeux 
s'observe, d'une part dans le tissu cellulaire, comme le prouve l'exemple que 
j'ai cité, d'autre part dans les os, où l’on a vu la matière tuberculeuse enkystée 
subir cette modification; si l'on considère que la marche clinique de la périostite 
albumineuse est très-analogue à celle des gommes du périoste, et que la plupart 
des sujets qui en sont atteints sont des scrofuleux avérés, on arrive à la con- 
viction qu'il s'agit là, non d'une affection inflammatoire de cause rhumatis- 
male, comme le pensait Ollier et comme l’a soutenu de nouveau Duplay, mais 
bien d'une manifestation scrofulo-tuberculeuse. Il appartiendra à des recherches 
nouvelles d'élucider ce point d'anatomie pathologique. 

Étiologie. Je n'ai pas à insister ici sur les causes générales de la diathèse 
scrofulo-tuberculeuse. Le seul fait à remarquer est la fréquence des manifestations 
tuberculeuses du périoste chez les jeunes soldats. Les officiers, et même les 
sous-officiers, sont atteints plus rarement: c'est donc bien le mode d'existence 
du soldat qui joue le rôle de cause prédisposante. 

Les gommes scrofulo-tuberculeuses du périoste s'observent, d'ailleurs, à 
tout âge. Plus fréquentes chez les enfants et les jeunes sujets, elles peuvent se 
développer néanmoins chez les vieillards. J'ai eu l'occasion de pratiquer le 
raclage d'une gomme sus-périostée, siégeant au niveau de la face interne du 
übia, chez un homme de cinquante-neuf ans, qui présentait simultanément, du 
même côté, une tuberculose de plusieurs os du tarse et du métatarse. 

Pour les gommes du périoste, comme pour toutes les tuberculoses externes, 
des causes occasionnelles peuvent intervenir et localiser le mal en un point 
déterminé. Un choc, une pression, le frottement continu d'une pièce du four- 
niment ou de l'armement, etc., sont ainsi quelquefois le point de départ de 
l'affection. 

Charvot, dans son mémoire, donne un relevé général des cas de périostite 
externe chronique observés dans le service de la clinique chirurgicale du Val- 
de-Grâce pendant une période de six années. Or, en dépit de cette dénomination 
de périostite externe adoptée par Charvot, les faits qu'il décrit ne se rapportent 
pas tous à des lésions siégeant à la face externe du périoste. Le seul examen 
anatomique relaté dans son mémoire concerne même un cas dans lequel le siége 
primitif des lésions était la couche profonde du périoste ; c'est ce cas qui a été 
l'objet des recherches de Kiener. Le relevé de Charvot comprend donc, en réa- 
lité, les diverses variétés de gommes scrofulo-tuberculeuses du périoste. 

Dans ce relevé figurent 87 malades, mais, plusieurs d’entre eux ayant pré- 
senté des lésions multiples, le nombre total des cas est de 101, qui se répartis- 
sent de la façon suivante : 


170 PÉRIOSTE (PATHOLOGIE). 


COS RUES AE CHE UP EE EEE oae NaF 56 cas 
Seraun a.r AR IOPE S E À 2 
FEMURS 1 00 De ne T Ta 19 
AE TO ES RAS Re a A 12 
RÉTONÉ Sr. Et à + | 6 
MÉLALATSIERS 2 0 2 ee E 5 
Humérüs.. zwrotem k MAR Ru ro k habitée 5 
Cubitus. -t aae a a 6 
RAIUS EAS A E EEE E, E A A E A 5 
Métacarpiens #80 mon eo oeer EIRE Bi à 4 
5 


Phalangesy. | 





= 
© 
= 


L'altération périostique, dans les os longs, débute, en général, sur la diaphyse, 
au voisinage immédiat de l'épiphyse ; en d’autres termes, elle est juxta-épiphy- 
saire. Ce siége de prédilection s’observe, non-seulement chez des sujets jeunes, 
dont l'accroissement du squelette n’est pas terminé, mais encore chez des sujets 
plus âgés et même chez des vieillards. La cause de cette localisation est donc 
encore à trouver. 

Dans les os longs du membre inférieur, les extrémités voisines de l'articula- 
tion du genou sont plus souvent atteintes que les extrémités opposées. Au 
membre supérieur, les deux extrémités de chaque os semblent atteintes avec 
une fréquence égale. 

Symptomatologie. Charvot décrit à l'affection quatre périodes successives : 
une période de formation, une période de suppuration, une période de fon- 
gosités et une periode de terminaison. Mais la maladie peut guérir avant d’avoir 
achevé ce cycle complet. 

La première période est caractérisée par la douleur et le gonflement. 

La douleur est fréquente, mais elle peut manquer absolument. Continue, 
exaspérée par les mouvements et surtout par la pression, elle persiste pendant 
des mois avant l'apparition des autres symptômes. 

Le gonflement peut n’être appréciable qu'au bout de six mois ; même dans 
les cas à évolution relativement rapide il se fait attendre au moins un mois. Il 
apparaît sous forme d’un empâtement dur, qui fait corps avec l'os et n’est reconnu 
facilement que sur les os superficiels. Peu à peu la tuméfaction augmente, au 
point d'acquérir parfois le volume d’une petite orange. Sur les os longs, elle 
part du voisinage de l’une des extrémités épiphysaires et se développe dans la 
direction de la diaphyse, en prenant une forme allongée. A la cage thoracique, 
elle suit la direction des côtes. 

La tuméfaction est manifestement adhérente à l'os, tandis que les parties 
molles qui la recouvrent glissent sur elle. Ses limites sont perceptibles au tou- 
cher, et l'on constate ainsi qu’elle s'étend suivant la longueur de l’os, mais non 
pas suivant sa circonférence. D’après Charvot, c’est à peine si, à la longue, les 
deux tiers de la circonférence de l'os sont malades. La grosseur est rénitente 
et donne Ja sensation d'un tissu osseux recouvert par un périoste empâté et gonflé. 

Au bout d’un temps variable, mais toujours assez long, les gommes du périoste 
passent à la suppuration. Des causes extérieures, par exemple, des manipulations 
chirurgicales, peuvent hâter cette évolution. La fonte purulente se fait lente- 
ment, sans fièvre, sans phénomènes inflammatoires ; la douleur est faible ou 
nulle et disparaît après la formation de l'abcès. 

La suppuration commence par le centre de la tumeur, et à ce moment la 
palpation permet de constater une fluctuation centrale, tandis qu'à la périphérie 


PÉRIOSTE (PATuoLoGtE). IRT 


le doigt rencontre un bourrelet assez dur. Peu à peu la transformation puru- 
lente gagne la totalité de la gomme. Arrivée à ce degré, l'affection reste station- 
naire pendant longtemps ; d'après Charvot, la durée habituelle de cette période 
stationnaire est de six et même de huit mois, à moins que quelque circonstance 
fortuite ne vienne hâter l'évolution de la maladie. 

L'abcès froid ainsi formé se dirige ensuite vers l'extérieur. Il se comporte 
dans ce trajet comme tous les abcès froids. Si l’on n'intervient pas pour donner 
issue au pus, la peau finit par se perforer à la suite d’un travail phlegmoneux. 

Le pus qui s'écoule ressemble à celui de tous les abcès froids. Mais, une fois 
que l’abeès s’est vidé, il s'établit une sécrétion consistant en un liquide hyalin 
ou louche, filant, ressemblant à une solution gommeuse ou albumineuse et se 
coagulant par la chaleur. Au microscope, ce liquide présente de nombreux leu- 
cocytes, quelques globules rouges altérés et des cristaux ; les gouttelettes hui- 
leuses y sont rares. De temps en temps ce liquide est mélangé d'une plus ou 
moins grande quantité de pus, et ce pus charrie à certains moments des débris 
caséeux. 

Si l'on explore l'orifice ou les orifices fistuleux par lesquels se fait l'écoule- 
ment, on constate l'existence d’une cavité anfractueuse, traversée par des brides, 
débris de muscles et d'aponévroses. Les parois de la cavité sont tapissées par 
des bourgeons formant une membrane granuleuse continue ; le stylet traverse 
facilement ces villosités, mais sans arriver jusqu'à l'os. 

A cette période, l'affection cesse d’être douloureuse. La pression seule réveille 
la douleur, principalement à la périphérie de la région malade. 

Certaines lésions de voisinage peuvent venir compliquer les gommes du 
périoste à la période de suppuration. Ce sont des synovites tendineuses séreuses, 
des épanchements articulaires, des gonflements partiels des épiphyses. Ces acci- 
dents, indices d'une irritation de voisinage, sont d'ordinaire passagers. Ailleurs 
la néoplasie tuberculeuse envahit ces parties, et l'on se trouve en face d’une 
synovite tendineuse fongneuse ou d’une tumeur blanche. 

L'état général du malade, qui reste intact durant la première période, se 
modifie d'ordinaire à la seconde période. Abstraction faite du mouvement fébrile, 
qui parfois signale le début de la suppuration, le malade, à cette seconde 
période, présente, d'après Gaujot, un état d’anémie qu'il a nommé lymphatisme 
purulent, caséeux. Cet état consisterait dans la décoloration des muqueuses, la 
teinte jaune paille de la peau, l’amaigrissement apparent du malade, dont la 
peau flasque et ridée semble trop grande pour recouvrir les parties sous-Jjacentes, 
tandis que le tissu cellulaire est empâté et que la graisse sous-cutanée parait 
plus molle. A ces phénomènes s'ajoute un certain affaiblissement du sujet, qui 
se fatigue facilement. Le sang est visiblement altéré: il y a diminution des 
globules rouges et augmentation relative des globules blancs. 

Après l'ouverture de l’abcès persistent un ou plusieurs trajets fistuleux, dont 
les orifices prennent l'aspect bien connu des fistules symptomatiques d'une lésion 
scrofulo-tuberculeuse. En même temps, la paroi de la cavité se couvre de fon- 
gosités ; la lésion entre dans sa troisième période, période de fongosites. 

Les fongosités ne tardent pas à remplir la poche ; elle soulèvent la peau et 
peuvent même faire hernie à travers les orifices fistuleux. Par ces fistules 
s'écoule en médiocre abondance un liquide clair, gélatineux, mélangé d’un peu 
de pus et parfois de grumeaux caséeux. L'exploration au stylet ne fait rencontrer 
dans la cavité qu'une couche molle qui la tapisse. Dans certains cas, cependant, 


172 PÉRIOSTE (PATHOLOGIE). 


on découvre un point où l'os est dénudé : c’est qu’en effet, à cette période (quel- 
quefois aux périodes précédentes déjà), des lésions nouvelles peuvent venir com- 
pliquer la maladie. 

Tantôt il s'agit simplement de couches osseuses déposées à la surface de l'os 
dans la zone voisine de la lésion périostée. Cette néoformation, indice d’une irri- 
tation de voisinage, se traduit par un gonflement osseux circonscrit. 

Ailleurs l’os sous-jacent à la gomme périostique est envahi à son tour par la 
néoplasie tuberculeuse. Cette altération secondaire de l'os reste ordinairement 
localisée en surface et en profondeur ; elle est superficielle. Elle s'accompagne 
souvent d'une destruction limitée du périoste, et alors le stylet, pénétrant à tra- 
vers cette perte de substance, rencontre un os érodé, ramolli, saignant. D'ailleurs, 
la destruction du périoste, dont la cause habituelle est la fonte des éléments 
tuberculeux déposés dans son épaisseur, peut exister avant tout envahissement 
du tissu osseux. 

A cette période, l’état général du malade est altéré plus profondément encore 
qu’à la période précédente. Il n’est pas rare d'observer des lésions toutes sem- 
blables sur d’autres points du corps, ou encore des manifestations différentes de 
la scrofulo-tubereulose (adénites tuberculeuses, tumeurs blanches, etc.). 

La quatrième période de la maladie, ou periode de terminaison, correspond 
à la guérison ou, au contraire, à l’aggravation de la situation du malade. 

En l'absence d'intervention chirurgicale, la guérison est rare et extrèmement 
lente. Mais elle est possible, non-seulement à la période des fongosités, mais 
encore aux périodes précédentes. Ainsi les gommes scrofulo-tuberculeuses du 
périoste peuvent guérir exceptionnellement avant toute suppuration. D'après 
Charvot, on observe même des gommes suppurées, qui guérissent par résolution, 
sans que la collection s'ouvre à l'extérieur. Les gommes ne passent donc pas 
forcément par les quatre périodes dont j'ai parlé. 

Lorsque la guérison ne survient qu'après la période de fongosités, elle est 
signalée par les phénomènes suivants. Les fongosités sont remplacées par des 
bourgeons charnus de bonne nature. En même temps, le liquide qui s'écoule 
par les fistules, devient du pus franchement phlegmoneux; les ulcérations, au 
lieu d’être livides deviennent rosées; la peau tend à se recoller, et finalement 
la cicatrisation se fait. L'état général subit une amélioration parallèle. D'ordi- 
naire la cicatrisation n’est pas définitive du premier coup: les trajets fistuleux 
se rouvrent et se ferment à plusieurs reprises. Enfin la cicatrice reste souvent 
adhérente à los, et celui-ci peut conserver longtemps ou même toujours une 
certaine tuméfaction. à 

Au lieu de guérir, l'affection peut se terminer différemment, soit par propaga- 
tion de la neoplasie tuberculeuse aux os, aux gaines tendineuses ou aux synoviales 
articulaires voisines, soit par généralisation tuberculeuse. Dans le premier cas, 
la complication habituelle est la tumeur blanche de la jointure voisine. Dans le 
second cas, les malades sont emportés par une tuberculose aiguë, ou par la 
phthisie pulmonaire, ou enfin par toute autre manifestation de la diathèse. Sur 
87 malades observés par Gaujot et atteints de gommes serofulo-tuberculeuses du 
périoste, 6 ont été enlevés par une généralisation tuberculeuse, mais les autres 
n'ont pas tous été suivis, et plusieurs ont peut-être succombé ultérieurement à 
une complication de ce genre. 

Ainsi qu'on le voit, la durée de l'évolution des sommes du périoste est longue. 
La durée moyenne de la première période, d’après Charvot, est de six à huit mois. 


PÉRIOSTE (PATHOLOGIE). 173 


Lorsque la suppuration se déclare, le pus met environ deux ou trois mois à se 
collecter. L'ouverture de la collection purulente est très-tardive en l'absence 
d'intervention chirurgicale : elle se fait attendre d'ordinaire six ou huit mois et, 
après l'ouverture de l'abcès, les trajets fistuleux peuvent persister un ou deux ans. 

Cette longue durée de la maladie est susceptible d’être abrégée notablement 
par l'intervention chirurgicale. Il faut même ajouter que, sans cette interven- 
tion, la plupart des cas n’ont aucune tendance à la guérison spontanée. 

Diagnostic. Le diagnostic des gommes scrofulo-tuberculeuses du périoste 
prête souvent à confusion. Pour éviter une erreur, il importe de considérer tout 
à la fois l’état général et l'état local du malade. 

L'état général fournira souvent des renseignements importants. On recherchera 
si le sujet présente d’autres manifestations de la tuberculose, si, par ses antécé- 
dents personnels ou héréditaires, il y semble prédisposé, si les conditions 
actuelles dans lesquelles il se trouve placé sont de nature à faire craindre une 
lésion tuberculeuse. Souvent on acquerra ainsi de fortes présomptions sur la 
nature de l'affection. 

Au début, lorsque la douleur est le seul phénomène local, il est évidemment 
impossible de poser un diagnostic précis ; cependant la persistance de la douleur 
devra mettre sur la voie. 

Lorsque le gonflement apparaît, l'idée d'une fumeur bénigne ou maligne de 
l'os ou encore d’une lésion syphilitique peut venir à l'esprit. On se rappellera 
que, dans les gommes scrofulo-tuberculeuses, la tuméfaction, de consistance 
pâteuse et de forme régulière, s'étend suivant l'axe de l'os sans se développer en 
épaisseur, et qu'elle n'atteint pas le volume d'un œuf sans passer à suppuration. 
En cas de doute, on pourra recourir, suivant les circonstances, au traitement 
antisyphilitique ou à des ponctions exploratrices. On ne se hâtera pas trop, à 
l'occasion, de porter le diagnostic ostéosarcome, une erreur de ce genre pouvant 
avoir pour conséquence de conduire le chirurgien au sacrifice inutile d’un membre. 

Une fois que la collection purulente est constituée, 1l importe de percevoir net- 
tement la fluctuation. Au besoin, une ponction exploratrice indiquera la pré- 
sence du pus. Mais, tout en constatant l'existence d'un abcès froid, c'est-à-dire 
d’un abcès tuberculeux, on sera souvent embarrassé de décider si cet abcès est 
dû à une gomme scrofulo-tuberculeuse indépendante du périoste, ou à une 
gomme périostique, ou enfin s'il est symptomatique d’une lésion osseuse. La 
confusion est d'autant plus facile que les abcès, une fois formés, se dirigent vers 
la peau et peuvent se développer loin de leur lieu d’origine. 

Cette question est parfois insoluble avant l'ouverture de la poche. A ce 
moment, l'exploration au stylet donnera des renseignements nouveaux. Si l'on 
trouve l'os dénudé, il reste à savoir si primitivement la lésion n'a pas été exclu- 
sivement périostée et si l'affection osseuse n’est pas simplement le résultat de 
l'extension de cette lésion périostée. Bien souvent c’est uniquement pendant le 
cours d'une opération plus radicale que l'on arrive à être fixé sur ce point. 

J'ai passé sous silence jusqu’à présent l'affection que l'on a décrite sous le 
nom de periostite albumineuse et que je rattache aux gommes scrofulo- tuber- 
culeuses du périoste. Le plus souvent, dans cette affection, on observe un début 
lent par des douleurs persistantes, puis survient le gonflement. Ce gonflement 
devient fluctuant, mais, quand le chirurgien incise la collection, il ne s'écoule 
qu'un liquide filant. Ultérieurement la poche finit d'ordinaire par suppurer, et 
il se peut que l'os sous-jacent soit envahi. Plus rarement, après une ou plu- 


174 PÉRIOSTE (ParoLoGtE). 


sieurs incisions ou ponctions, l'affection se termine par la guérison sans suppu- 
ration. à 

On voit combien est grande la similitude des symptômes dans la soi-disant 
périostite albumineuse et dans les gommes scrofuleuses du périoste. La seule 
différence réside dans l'existence d'un liquide séreux ou filant à une certaine 
période de la périostite albumineuse, et ce liquide peut tantôt précéder le pus, 
tantôt lui succéder. 

Dans certains cas, la marche de la périostite albumineuse est bien plus aiguë. 
L'observation suivante d'Ollier (A. Poncet, in Gaz. hebdom., 1874, p. 135 
et 179) en est un exemple. 

Un jeune homme de quinze ans, présentant quelques antécédents scrofu- 
leux, se refroidit dans une cave. Il fut pris de phénomènes aigus, avec fièvre 
violente et température montant jusqu'à 400,2. La partie supérieure du bras 
droit devint douloureuse et gonflée; il survint de l'œdème du bras. Trois 
semaines après le début, on sentit de la fluctuation sous la partie antérieure 
du deltoïde; à ce moment, les symptômes généraux avaient disparu depuis 
plusieurs jours, l’ædème s'était à peu près dissipé. Une premnière ponction 
fut pratiquée six semaines après le début de la maladie et donna issue à 
un liquide filant, de teinte citrine. Une seconde ponction, deux jours après, 
donna le même résultat que la première. Enfin, huit jours après cette deuxième 
ponction, une troisième fournit un liquide plus trouble, plus séreux, non 
visqueux. Le malade guérit au bout de quelques mois sans intervention chirur- 
gicale nouvelle ; on avait eu soin, d’ailleurs, d'immobiliser le bras à l'aide d'un 
appareil inamovible. Mais, cinq ou six mois après cette guérison apparente, un 
abcès se déclara dans la région précédemment atteinte et finit par rester fistu- 
leux; l’humérus, à ce niveau, était hypertrophié et dénudé. La situation était la 
même deux ans plus tard. 

Chez ce malade les phénomènes du début ont donc été violents, et la collec- 
tion liquide était formée au bout de trois semaines. Cependant la marche de 
l'affection n'a pas tardé à prendre une allure chronique, la guérison a été im- 
parfaite et l'os a fini par être attaqué. On retrouve ici une terminaison malheu- 
reusement fréquente dans les gommes serofulo-tuberculeuses du périoste. 

En somme, dans la périostite albumineuse, tantôt la symptomatologie ne 
diffère en rien de celle des gommes du périoste, tantôt on observe au début une 
allure plus aiguë, qui fait penser à une affection franchement inflammatoire. 
Mais, en face d’un cas déterminé, il est d'ordinaire impossible d'affirmer d'avance 
qu'il s'agit plutôt d'une collection séreuse que d'une collection purulente. La 
ponction exploratrice seule peut trancher la question. 

Pronostic. Je mai pas à insister sur le pronostic des gommes scrofulo-tuber- 
culeuses du périoste. Ce pronostic est toujours sérieux, en ce sens que les 
sujets malades sont touchés par la tuberculose et, par conséquent, exposés à 
d'autres manifestations de la diathèse. Mais il importe de ne pas perdre de vue 
qu'une intervention chirurgicale bien comprise est susceptible d'abréger nota- 
blement la durée des gommes et d'éviter toutes sortes de complications. 

Traitement. Le traitement des gommes serofulo-tuberculeuses du périoste 
doit être à la fois general et local. 

Le traitement général est celui que l’on oppose à la scrofulo-tuberculose. 
Mais ses prescriptions varient nécessairement suivant qu’il existe ou non cer- 
taines complications, la tuberculose pulmonaire, par exemple. De même, le 


PÉRIOSTE (MÉDECINE OPÉRATOIRE). * 479 


repos est indiqué ou contre-indiqué, selon que la lésion siége au membre infé- 
rieur ou au membre supérieur. 

Le traitement local, à la première période, comporte surtout l'emploi des 
révulsifs (teinture d'iode, pointes de feu, etc.), de la compression. La terminai- 
son par résolution est possible, en effet, et doit être cherchée. Pour la favoriser, 
on imposera, de plus, à la partie malade un repos tout au moins relatif; si la 
lésion est voisine d’une articulation, l'immobilisation par un appareil pourra 
être nécessaire. 

Les mêmes moyens de traitement sont continués par certains chirurgiens, 
lors même que la collection purulente est formée. La résolution, paraît-il, 
serait encore observée quelquefois à cette période. Mais cette terminaison est 
rare, et, pour que l'affection ne s’éternise pas, il vaut mieux donner issue au pus. 

Il est des chirurgiens qui se contentent d’une ponction aspiratrice avec un 
trocart capillaire. Cette ponction, qu'il est nécessaire de répéter à plusieurs 
reprises, peut-elle suffire dans quelques cas, en particulier dans la forme qu’on 
a nommée périostite albumineuse? C’est possible, mais c’est en tout cas fort 
rare, et ce traitement risque de faire perdre un temps précieux, pendant lequel 
l'affection gagne du terrain. 

La ponction aspiratrice, suivie d'une injection d'éther iodoforme, a donné 
de beaux succès à Verneuil dans la cure des abcès froids en général (Rev. de 
chir., 1885, p. 428). Verneuil emploie une solution à 5 pour 100, dont il 
injecte au maximum 100 grammes; le liquide injecté est abandonné dans la 
poche. Pour peu que lon ait affaire à des collections notables, la guérison, 
d’après Verneuil, exige de 2 à 4 injections en moyenne. Cette méthode entraîne 
donc un traitement d'une certaine durée, mais, comme elle est sans danger, je 
la crois indiquée dans les cas où une méthode plus radicale ne serait pas abso- 
lument inoffensive; je veux parler de ces collections énormes dont il est diffi- 
cile de préciser les limites et qui réservent parfois des surprises. 

Lorsqu'il s’agit d’une collection de petite ou de moyenne étendue, nettement 
circonscrite, je préfère ouvrir largement la poche avec les précautions antisep- 
tiques et procéder à l’extirpation de la paroi. Cette décortication peut se faire 
à l’aide d’un instrument un peu émoussé, comme une spatule, un grattoir, ou 
mieux encore avec la curette de Volkmann. 

On a obtenu, il est vrai, des succès, en se bornant à l'ouverture de l’abcès, 
suivie d’injections diverses destinées à en modifier les parois. Mais on s'expose 
ainsi à voir s’éterniser la suppuration et persister indéfiniment une fistule. 

Le raclage de la poche est plus nécessaire encore, lorsque celle-ci est remplie 
de fongosités. La réunion immédiate des parois au contact est possible après 
cette opération. Mais il est prudent, pour peu que la poche atteigne un certain 
volume, de laisser, à l’aide d’un drain, une voie ouverte aux liquides qui pour- 
raient se produire. i 

Je n'insisterai pas sur la conduite à tenir dans le cas où la lésion a envahi 
los sous-jacent. Si l'envahissement est superficiel, il suffit de faire l’ablation 
des parties osseuses malades. Si l’envahissement est étendu, la lésion osseuse 
domine la thérapeutique ; c’est elle qui commande la conduite à tenir, et je n’a 
pas à aborder ici cette question. 


2 IIL. Médecine opératoire. Je ne me propose pas ici d'étudier en détail les 
opérations que l’on pratique sur le périoste; on en trouvera la description dans 


Ke ` PÉRIOSTE (MÉDECINE OPÉRATOIRE). 


d’autres articles de ce Dictionnaire (voy. Résecrions, Évingwenr, etc.). Mon 
seul but est de mettre en relief le parti que le chirurgien peut tirer des pro- 
priélés spéciales de cette membrane. 

En traitant de la pathologie du périoste, j'ai dit un mot de ses caractères 
physiques, de ses connexions et de sa structure. J'ai fait remarquer que la 
couche profonde du périoste, couche ostéogène d'Ollier, moelle sous-periostée 
de Rauvier, est l'agent de l'accroissement des os en épaisseur et, d'une façon 
générale, est susceptible de produire de l'os. 

C'est cette propriété qui a été utilisée en chirurgie et qui a permis d'obtenir 
des régénérations osseuses. 

Je ne puis passer sous silence les expériences qui ont mis en lumière ces 
faits si importants. Je vais rappeler très-brièvement les principales d’entre elles. 


Régéneration osseuse par le périoste.  Résections sous-périostées. Le rôle 
du périoste dans la production du tissu osseux a été méconnu jusqu’à Duhamel, 
dont les premières expériences furent publiées en 1739. Duhamel, étudiant le 
mode d’accroissement en épaisseur des os longs, arriva à cette conclusion que 
des couches osseuses nouvelles se déposent à la surface externe de los et 
qu'elles sont formées par la couche interne du périoste. Plus tard, modifiant son 
idée première, 1l admit que les éléments de l'ossification sont fournis, non par 
le périoste lui-même, mais par une matière interposée entre le périoste et l'os. 

A cette époque, des tentatives d’ablations osseuses, avec conservation du 
périoste, furent faites : sur le maxillaire inférieur par Laguernery, sur la clavi- 
cule par Dangerville. 

En 1775, Troja, par des expériences différentes de celles de Duhamel, fut 
amené à cette conclusion que la production osseuse sous-périostique est due à 
une substance gélatineuse située entre le périoste et l'os. 

Cependant cette doctrine était loin d’être universellement admise. Combattue 
d’abord par Bordenave, plus tard par Bichat et Scarpa, elle fut reprise de nou- 
veau par Dupuytren et Cruveilhier.. 

Les expériences de Bernhard Heine (de Würtzbourg) (1830-1837) firent entrer 
la question dans une phase nouvelle. Heine pratiqua, chez des animaux, des 
résections osseuses dans [a continuité et dans la contiguïté. Il constata qu'il y 
avait reproduclion osseuse quand le périoste était conservé, tandis que la repro- 
duction faisait défaut lorsque l’on enlevait le périoste ; les îlots osseux, observés 
quelquefois dans ce dernier cas, semblaient dus à la conservation de lambeaux 
périostés. 

D'autres expériences de Heine vinrent montrer ensuite que le tissu médul- 
laire joue également un rôle dans la néoformation osseuse, et qu'il en est de 
même du tissu osseux et des parties molles ambiantes, ces dernières agissant 
par les débris périostiques qui peuvent rester adhérents à elles. 

Les recherches de Heine furent le point de départ des resections sous- 
périostées pratiquées chez l'homme. Dès 1854, Malgaigne, dans son Manuel de 
médecine opératoire, recommandait la conservation du périoste dans les résec- 
tions. Bientôt les chirurgiens passèrent de la théorie à l'application. 

Textor, en 1858, réséqua, chez un garçon boulanger, en conservant le périoste, 
un fragment de la dixième côte gauche d’une longueur de deux pouces. Le 
malade mourut phthisique quatre mois plus tard, et on constata, à l'autopsie, 
qu’un tiers du fragment enlevé était régénéré. | 


PÉRIOSTE (PArmoLoGie). 177 


En 1839, Rklitzky fit, à Saint-Pétersbourg, une résection sous-périostée d’un 
radius carié; il ne laissa en place que les extrémités articulaires. L’os se régénéra 
entièrement, à l'exception d'un seul point au niveau duquel le périoste avait été 
détruit par ulcération. La cicatrisation fut complète au bout de trois mois, et 
le malade put se servir de son bras comme par le passé. 

Peu d’années après, les célèbres expériences de Flourens (1847) vinrent con- 
firmer la réalité des fonctions ostéogéniques du périoste. « On peut, disait Flou- 
rens, enlever au périoste une portion d'os, et il rend cette portion d'os; on peut 
lui enlever une tête d'os, et il rend cette tête; on peut lui enlever un os entier, 
et il rend cet os entier. Le périoste reproduit donc et rend toutes les portions 
d'os qu'on lui ôte; le périoste est la matière, l'organe, l'étoffe, qui sert à toutes 
ces productions merveilleuses. Le périoste est organe qui produit les os et qu 
les reproduit ». 

Ne reculant pas devant des déductions hardies, Flourens ajoutait : « Puisque 
c'est le périoste qui produit l'os, je pourrai donc avoir de l'os partout où j'aurai 
du périoste, c’est-à-dire partout où je pourrai conduire, introduire mon périoste. 
Je pourrai multiplier les os d’un animal, si je veux; je pourrai lui donner des 
os que naturellement il n'avait pas. » Et Flourens annonçait avec enthousiasme 
qu'une nouvelle chirurgie était née, et que beaucoup d’amputations et de muti- 
lations seraient dorénavant prévenues. 

Cependant la pratique des résections sous-périostées ne se répandait que len- 
tement. Dans son Traité des resections des os (1847), Ried recommandait bien 
la conservation du périoste dans l’extirpation des os longs, mais ce principe 
n'était pas appliqué aux résections articulaires. 

Langenbeck fut le premier à faire cette application. Dès 1849, il avait pra- 
tiqué, par la méthode sous-périostée, plusieurs extirpations totales d'os. En 1844, 
à la suite de l’ablation sous-périostée d’un premier métacarpien, il obtint une 
régénération osseuse parfaite; le nouvel os s’articulait avec le trapèze et avec 
la première phalange du pouce, la mobilité de ces jointures était conservée et 
les fonctions du doigt étaient rétablies. L'année suivante, Langenbeck fit avec 
succès la résection sous-périostée de l'articulation de la première phalange du 
médius avec la deuxième. Mais sa première tentative sur une grande articulation 
ne remonte qu'à 1859 ; c'est une résection sous-périostée de la tête de l'humé- 
rus; le malade étant mort deux ans après, on constata qu'il y avait reproduction 
d'une petite tête humérale recouverte de cartilage. 

Pendant ce temps, Larghi, en Italie, pratiquait avec succès des résections 
sous-périostées des diaphyses. Il publiait en 1855 le résultat de sa pratique, 
dont le début remontait à 1845. 

Avec l’année 1858 commencent les recherches d’Ollier sur la régénération 
des os. Ollier, allant plus loin que ses prédécesseurs, prouva qu'un lambeau de 
periosle, absolument détaché et transplanté dans des régions éloignées, chez 
le même animal ou même chez un animal d'espèce differente, peut donner 
lieu à une production osseuse. Il obtint ainsi des productions osseuses sous la 
peau à l’aide de lambeaux périostiques longs de 6 à 8 centimètres et larges de 
quelques millimètres. 

Dans une seconde série d'expériences, Ollier montra, comme l'avait déjà vu 
Duhamel, que le pouvoir ossifiant du périoste réside uniquement dans sa 
couche profonde ou couche ostéogène. En effet, après avoir taillé un lambeau 
périostique pédiculé, il enleva par le raclage la couche ostéogène sur la portion 


DEN ENG: 2 s. XWH, 12 


AB PÉRIOSTE (rarnoLoGiE). 


du lambeau la plus rapprochée du pédicule, et enroula le lambeau autour des 
muscles voisins. L’ossification n'eut lieu qu'au niveau de la portion du lambeau 
restée intacte. 

Ollier tenta même des expériences de transplantation de la couche ostéogène 
seule, privée de son périoste. Il obtint des grains osseux, dont les plus gros ne 
dépassaient pas le volume d'une tête d'épingle. Mais ces expériences sont des 
plus délicates, de petites parcelles osseuses pouvant être entrainées facilement 
avec la couche ostéogène. 

Ollier reprit ensuite et compléta les expériences de Heine sur les resectons 
sous-périostees. Des résections, avec conservation d’une gaine périostique, lui 
fournirent des régénérations osseuses plus ou moins complètes. Lorsqu'il enle- 
vait le périoste en même temps que le fragment osseux correspondant, en pre- 
nant soin de détacher au ras de los les insertions ligamenteuses et tendineuses, 
la partie enlevée était remplacée par une trainée fibreuse, présentant parfois de 
petits nodules osseux dans le voisinage des insertions tendineuses et ligamen- 
teuses, c'est-à-dire aux points où il n'existe pas de périoste nettement distinct. 
Enfin il n’y avait pas trace d'ossification, quand il enlevait, outre le périoste, 
une couche de parties molles comprenant des fragments de tendons, de muscles 
et de ligaments. 

La conclusion d'Ollier était que le pérroste seul donne lieu à de véritables 
régénérations osseuses. Si, à l'occasion, la moelle, le tissu osseux lui-même, 
les parties molles qui avoisinent le périoste, peuvent former de l'os, cela n’a 
lieu, d'après Ollier, que dans des conditions spéciales (fractures, ostéites, etc.), 
qui manquent après l’ablation d’un os entier ou d'un fragment d'os notable. 
Les tissus en question sont capables de venir en aide au périoste pour la produc- 
tion osseuse, mais ne sauraient le remplacer. 

Ainsi l’ossification par les parties molles fait défaut précisément dans le cas 
où elle serait le plus nécessaire, c’est-à-dire après l’ablation totale d’un os. Elle 
ne s'observe qu'accidentellement dans les résections. C’est l'exception et non la 
règle, et jamais elle n'est comparable comme étendue à l’ossification partie du 
périoste. Par contre, les parties molles sont nécessaires au périoste pour sa nutri- 
tion ; sans elles le périoste s’atrophierait ou se sphacélerait. 

Les conclusions qui précèdent sont restées intactes jusqu’à présent. Aussi 
passerai-je sous silence les expériences plus récentes sur le même sujet. Mais il 
me reste à traiter plusieurs points spéciaux. 

Les expériences de Heine et d'Ollier ont prouvé que les épiphyses peu- 
vent se régénérer comme les diaphyses. Les portions osseuses ainsi régéné- 
rées ne sont pas de vraies épiphyses, en ce sens que, s’il s’agit de jeunes 
sujets, le cartilage de conjugaison fait défaut. Mais ce sont des extrémités ar- 
ticulaires, présentant les mêmes insertions capsulaires, ligamenteuses, ten- 
dineuses et musculaires, et jouissant des mêmes fonctions que les extrémités 
réséquées. 

Je viens de faire remarquer que le cartilage de conjugaison ne se régénère 
pas. Je dois ajouter que, d’après Ollier, il n’en serait pas toujours ainsi. Dans 
un cas, ce chirurgien avait enlevé, par la méthode sous-périostée, sur un chat 
âgé de trois mois, la moitié inférieure du radius, y compris l’épiphyse corres- 
pondante. Quarante-six jours plus tard, le morceau enlevé était remplacé par 
une masse osseuse presque aussi grande. À la coupe cet os présentait une por- 
tion osseuse compacte, correspondant à la diaphyse et terminée inférieurement 


PÉRIOSTE (raTuoLoG1E). 179 


par une couche cartilagineuse; celle-ci était surmontée par deux petits noyaux 
osseux, séparés l’un de l’autre par du cartilage. 

Ce fait, le plus probant de ceux que cite Ollier, n’est pas absolument démons- 
tratif. Souvent, en effet, un os, enlevé par la méthode sous-périostée, n’est pas 
régénéré en totalité par le périoste; en certains points, il ne se forme que des 
noyaux osseux, séparés par du tissu fibreux ou par du tissu cartilagineux. Dans 
le cas précédent, d’ailleurs, l'aspect est plutôt celui d'une épiphyse normale 
recouverte d'une couche de cartilage. 

Une autre question litigieuse est celle de savoir si les surfaces articulaires 
régénérées sont recouvertes de cartilage. Les résultats, sur ce point, sont 
variables. Dans certains cas, on a trouvé manifestement du cartilage hyalin. Plus 
souvent il s'agit d'un tissu d'aspect cartilagineux, mais dont la structure est 
celle du fibro-cartilage. Ailleurs on est en présence d’une surface osseuse ébur- 
née, semblable à celles que l’on rencontre dans l’arthrite déformante. 

Dans les résections articulaires, faites par la méthode sous-périostée, la nou- 
velle articulation contient des restes de l’ancienne synoviale, à moins qu'on 
wait extirpé celle-ci de propos délibéré (dans le cas d’arthrite tuberculeuse, par 
exemple). Dans ce dernier cas, si une articulation se rétablit, on observe ce qui 
se passe dans les pseudarthroses et dans les bourses séreuses accidentelles : la 
paroi interne de la cavité articulaire devient lisse et se couvre d’une substance 
filante analogue à la synovie. 

Je n'ai parlé jusqu'à présent que des résections pratiquées sur la diaphyse ou 
sur les épiphyses des os longs. Ajoutons qu'on a pu obtenir expérimentalement 
la reproduction intégrale d'un os long, enlevé en totalité par la méthode sous- 
périostée. 

La même méthode est applicable, avec les mêmes résultats, aux os courts et 
aux os plats. Les expériences ont réussi, non-seulement sur des os tels que 
l'omoplate et l'os iliaque, mais encore sur la voûte palatine. Des reproductions 
osseuses plus ou moins parfaites ont été réalisées sur cette voûte, après résection, 
soit par le fait de l’action combinée du périoste nasal et du périoste palatin, soit 
sous l'influence unique de ce dernier, quand Je périoste nasal a été enlevé avec 
l'os. Bien plus, chez des animaux très-jeunes, Ollier a vu, à la suite de trépa- 
nation des os du crâne, une rondelle osseuse reproduite par la dure-mère. 

Dans toutes ces expériences sur la régénération des os un facteur des plus 
importants, sur lequel il importe d'insister, est l'âge des sujets. Pendant la 
période du développement, la couche médullaire sous-périostée est en pleine 
activité formatrice, tandis que plus tard elle sommeille, pour ainsi dire, et ne 
recouvre ses propriélés ostéogéniques que sous l'influence d'une forte irri- 
tation. 

Pour obtenir une régénération osseuse, il suffit, chez les jeunes animaux, 
d'une stimulation légère du périoste, celle que produit l'opération elle-même. 
Chez les animaux plus âgés, il est bon de recourir à des procédés particuliers, 
tels que décollements préliminaires, grattage, perforations de l'os, etc. Le 
périoste et la moelle sous-périostée reprennent alors les caractères qu’ils ont 
chez les jeunes sujets, et les résections pratiquées dans ces conditions donnent 
des résultats supérieurs aux résultats fournis par les résections immédiates sur 
les sujets du même âge. 

Ollier estime que l’âge le plus favorable aux régénérations osseuses est, chez 
le lapin, le troisième ou le quatrième mois après la naissance; chez le chien, 


180 PÉRIOSTE (PATHOLOGIE). 


ce serait du quatrième aù huitième mois. Par analogie, on peut admettre que, 
chez l’homme, cette période est comprise entre huit et quinze ans. 

Toutes choses égales d'ailleurs, le travail de réparation sera d'autant plus 
prompt et plus complet que l’état général du sujet sera plus satisfaisant. Une 
régénération osseuse commencée peut s'arrêter et même rélrograder sous lm- 
fluence d'un état fébrile, d’une maladie intercurrente, quelquefois par le simple 
fait de conditions hygiéniques mauvaises. 

Nous venons de voir qu'une condition indispensable à la mise en jeu des 
propriétés ostéogéniques du périoste est un certain degré d'irritation de cette 
membrane. Il est non moins important que ce degré ne soit pas sensiblement 
dépassé. Si une suppuration modérée n’exerce pas d'influence fâcheuse sur la 
régénération osseuse, l'excès d'inflammation et de suppuration, au contraire, 
détruit la couche ostéogène et supprime les propriétés ostéogéniques du périoste. 

Les faits expérimentaux qui précèdent sont assez solidement établis aujour- 
d'hui pour que je puisse m'abstenir d'entrer dans le détail des débats qu'ils 
ont soulevés. 

On sait que Sédillot, peu confiant dans le succès des résections sous-périostées, 
opposait à celte méthode celle de l'évidement sous-périoste. L'évidement, dit 
Sédillot, consiste à creuser et à évider les os malades, de manière à n’en con- 
server qu'une mince couche périphérique ou des segments longitudinaux, dans 
des conditions extrêmement favorables à leur régénération totale. 

Les avantages de l'évidement, d'après Sédillot, sont considérables. Le périoste, 
principal agent de la formation des os, restant intact et conservant sa vascularité 
et ses adhérences, offre les conditions les plus favorables pour fournir rapide- 
ment de nouvelles ossifications régulières. Les surfaces évidées concourent éga- 
lement à la régénération par les couches osseuses dont elles deviennent le siége. 
La forme des parties n'est pas altérée, et l'os nouveau se dépose dans un véri- 
table moule qui conserve les dimensions et la forme de l'os normal et règle 
celles de l'os reproduit. Enfin les attaches musculaires, tendineuses, Des 
teuses et aponévrotiques, sont ménagées. 

Sédillot adressait aux résections geag a de graves reproches. On blesse 
plus ou moins profondément le périoste, disait-il, quand il est possible de le 
détacher, et on le place dans des conditions de régénération très-affaiblies, 
retardées ou nulles, si la suppuration n’en est pas prévenue. On enlève sans 
raison des os sains. On s'expose fatalement, au bras et à la cuisse, à des raccour- 
cissements très-étendus dans l'immense majorité des cas. Les os, fort rarement 
reproduits, sont petits, irréguliers et difformes. Enfin les dangers de l'opéra- 
tion sont très-graves. 

Une partie de ces reproches serait justifiée, s’il s'agissait de pratiquer systé- 
matiquement la résection sous-périostée dans les cas où l’évidement est possible. 
Il est clair que l'évidement, par le moule osseux qu'il conserve, offre des garan- 
ties plus grandes de régénération de los avec sa forme et ses dimensions nor- 
males. Mais la question ne saurait être posée ainsi. 

Il est des cas où l'évidement est matériellement impossible ou manifestement 
contre-indiqué, parce qu'il n'existe pas assez de tissu osseux sain pour consti- 
tuer une coque sous-périostée. C’est ce qui a lieu, en particulier, dans nombre 
d’affections articulaires. Faut-il alors rejeter quand même la résection sous- 
périostée ? Personne aujourd'hui n’oserait répondre affirmativement. 

En somme, l’évidement est une bonne opération, toujours préférable, à mon 


. 


PÉRIOSTE (PATHOLOGIE). 181 


avis, à la résection sous-périostée. Mais cette dernière, loin de mériter l'ana- 
thème lancé contre elle par Sédillot, est susceptible de rendre de signalés ser- 
vices, pourvu qu’elle soit pratiquée à propos et avec observation de toutes les 
règles. 

Je mai à traiter ici ni des indications respectives de l’évidement et de la 
résection sous-périostée, ni de leur manuel opératoire (voy. Évinemenr, Résec- 
TIONS). 

Mais je vais examiner si, chez l'homme, le pouvoir ostéogénique du périoste 
est comparable à ce qu'il est chez les animaux, en d'autres termes, si les résul- 
tats fournis par la clinique répondent aux résultats donnés par l’expérimenta- 
tion. Je laisserai de côté l’évidement, car la régénération osseuse après cette 
opération n'est pas due exclusivement au périoste. 

Lorsque l'on étudie les faits de régénération osseuse chez les animaux, on 
est frappé des différences que l’on constate suivant l'espèce. Chez les êtres infé- 
rieurs, ce n'est pas seulement un os, ce sont des organes entiers qui peuvent 
se restaurer. Plus on remonte dans l'échelle animale, plus la régénération 
devient difficile. Ainsi les résultats chez le pigeon, le rat, le cobaye, le lapin, 
sont bien plus beaux que chez le chien, et le chien lui-même présente des régé- 
nérations osseuses supérieures à celles de l’homme. 

Je n’insisterai pas sur les tentatives faites, chez l'homme, dans les opérations 
d'uranoplastie et de rhinoplastie, pour arriver à une régénération osseuse à 
l'aide de lambeaux périostiques. Dans les cas de ce genre, les succès n’ont 
jamais été très-brillants. 

ll n’en est pas de même lorsque l’on étudie les résultats fournis par les 
résections sous-periostées dans la continuité ou dans la contiguite. 

Ces résections peuvent donner des insuccès au point de vue de la reproduction 
des parties osseuses ; cela n’est pas contestable. L'âge du sujet, sa santé géné- 
rale, l'état du périoste conservé, les accidents inflammatoires ou autres pouvant 
partir de la plaie, sont des facteurs de la plus haute importance, que l'on ne 
saurait négliger ; et l’on s'exposerait à des déboires en n'appréciant pas saine- 
ment, dans un cas déterminé, ce que l'on est en droit d'espérer en fait de régé- 
nération osseuse. 

Cependant, même dans les cas où l’on ne peut espérer la régénération des os, 
la méthode sous-périostée a l’avantage de circonscrire le traumatisme par une 
barrière fibreuse. 

Les exemples de régénération osseuse à la suite de résections sous-périostées 
ne se comptent plus aujourd'hui. Mais les pièces anatomiques prouvant cette 
régénération ne sont pas encore très-nombreuses. 

Le fait suivant, observé par Nicaise (Soc. de chir., 25 octobre 1882), est des 
plus intéressants. 

Ce chirurgien avait pratiqué, en 1871, chez un homme de trente-trois ans, 
une résection sous-périostée de l'humérus droit, fracturé par une balle; la 
résection avait porté sur une longueur de la diaphyse égale à 15-14 centi- 
mètres. Le malade guérit avec un raccourcissement de l’humérus égal à 1 cen- 
timètre ; il reprit, au bout d’un an, son métier de tailleur de pierres, sans 
ressentir ni douleur ni tuméfaction dans le bras. Un abcès ossifluent survint, 
quatre ans après, à la partie moyenne du bras, et guérit rapidement. Des acci- 
dents plus sérieux s'étant produits en 1882, Nicaise pratiqua la désarticulation 
de l’épaule 


182 PÉRIOSTE (PATHOLOGIE). 


L'examen du membre amputé permit de constater l'existence d’une fracture 
spontanée de l'humérus à l'union du tiers supérieur et du tiers moyen de l'os. 
En ce point existait une ostéite chronique, avec formation de tissu néo-inflam- 
matoire fongueux, séquestre et perte de substance. Les lésions portaient sur 
l'extrémité supérieure de los nouveau. On distinguait nettement les deux extré- 
mités de ce nouvel os, dont la longueur était d'environ 12 centimètres, et qui, 
inférieurement, se trouvait séparé de l'extrémité inférieure de l'humérus par un 
étranglement circulaire. Sa surface était très-irrégulière, présentant des bosse- 
lures, des pointes, des enfoncements, des canaux par lesquels pénétraient les 
vaisseaux. En ces points, le périoste était épais, très-adhérent. 

Une coupe verticale antéro-postérieure montra qu’en haut l'os nouveau était 
plus épais, plus irrégulier, dépourvu de canal médullaire. C’est à ce niveau que 
siégeait la fracture; on remarquait aussi des séquestres en voie d'élimination. La 
partie inférieure de l'os nouveau présentait un canal médullaire, long de 3 cen- 
timètres, plus étroit que le canal médullaire normal et séparé de celui du bout 
inférieur de l’humérus par une lame de tissu spongieux. 

Cette observation est d'autant plus intéressante qu'il s'agit là d'une régénéra- 
tion osseuse étendue, chez un adulte et à la suite d’une résection traumatique, 
c’est-à-dire dans des conditions relativement peu favorables. Par contre, on voit 
que l'os de nouvelle formation a fini par devenir malade, comme si sa vitalité 
était moindre que celle d’un os sain. 

Si maintenant nous passons aux reseclions sous-periostées dans la contiguité 
ou résections sous-capsulo-périostées, nous trouvons un certain nombre de 
pièces anatomiques très-démonstratives au point de vue de la reproduction des 
extrémités osseuses réséquées. Les plus importantes concernent la résection du 
coude, et prouvent la possibilité du rétablissement complet des fonctions de 
cette articulation. Syme, Doutrelepont, Czerny, Julius Wolf, Ollier, ont eu 
l'occasion d'examiner des pièces de ce genre. Ces pièces se ressemblent beaucoup. 
Je me contenterai de décrire l’une d'elles, présentée par Ollier à la Société de 
chirurgie (19 avril 1882) et décrite avec grand détail (Revue de chirurgie, 1889, 
p. 725). 

Il s’agit d'un homme qui avait subi, en 1875, à l'âge de vingt-sept ans, une 
résection sous-périostée du coude gauche, atteint de tumeur blanche. Une hau- 
teur d'os de 6 centimètres avait été retranchée : 4 centimètres pour l'humérus, 
2 pour le radius et le cubitus, en mesurant ce dernier os depuis l’apophyse 
coronoïde. Les mouvements passifs avaient été commencés au bout de trois 
semaines. La plaie n'était pas fermée trois mois après l'opération, mais le 
coude était solide latéralement, et la mobilité active et passive augmentait de 
plus en plus. 

Le malade fut perdu de vue, mais, en 1877, il se représenta, atteint d'une 
coxalgie commencçante. Le coude était complétement guéri depuis longtemps. 
L'articulation jouissait d'une grande solidité latérale. La flexion allait jusqu'à 
un angle de 40 degrés, l’extension jusqu’à 170 degrés; les mouvements de 
pronation et de supination s'exécutaient suivant un arc de 100 degrés. Cepen- 
dant, malgré la reconstitution de l’article, le membre était resté de 4 centi- 
mètres 1/2 plus court que le membre sain. Du reste, il était bien musclé, 
quoique moins volumineux que le membre sain ; le malade portait à bras tendu, 
pendant une minute et plus, un poids de 11 kilogrammes. 

Cet homme mourut albuminurique en 1881. A l’autopsie du membre, tous 


PÉRIOSTE (Parnozocte). 183 


les muscles offrirent leurs insertions normales. Le nerf cubital occupait un sillon 
creusé sur la partie postérieure de la tubérosité interne de l'humérus. L’appa- 
reil ligamenteux de l'articulation était très-solide et très-complet, rappelant 
tout à fait la disposition des ligaments normaux et ne permettant aucun mouve- 
ment de latéralité. 

Vue par devant, l'articulation était constituée par une extrémité élargie de 
l'humérus, munie de prolongements latéraux qui, au lieu d’être situés plus 
haut que l'interligne articulaire, comme à l’état normal, descendaient plus bas. 
Cette extrémité humérale était solidement unie avec le radius et le cubitus, 
qu’elle emboïtait dans sa concavité. L'apophyse coronoïde du cubitus faisait 
saillie au-dessous de la tubérosité interne. La tête du radius formait un relief 
appréciable en dedans et au-dessous de la tubérosité externe. 

Vue par sa face postérieure, l'articulation présentait une saillie olécrânienne 
de nouvelle formation, ne se trouvant pas dans l’axe de l’humérus, mais inclinée 
en haut et en avant, de manière à former un crochet appuyant sur la face 
postérieure de l'humérus avant l'extension complète. Très-épaisse et inégale à sa 
base, cette apophyse, longue de 4 centimètres, s'amincissait en se dirigeant en 
haut. Près du bord externe du rouvel olécrâne et à sa base s'était formée une 
crête saillante, postéro-externe, constituant comme une cavité de réception et 
de soutien pour la tête du radius. 

En ouvrant l'articulation, on pénétrait dans une cavité multiloculaire, entre- 
coupée de cloisons lamelleuses. On distinguait deux loges principales, l'une du 
côté de l’humérus, l’autre du côté des os de l'avant-bras, séparées entre elles 
par un ménisque irrégulier. L'humérus était recouvert par un tissu chondroïde, 
présentant des verrucosités de consistance cartilagineuse, mais n'ayant pas 
l'aspect lisse et opalin des cartilages normaux. Du côté de la tubérosité interne 
existait une dépression destinée à recevoir la saillie coronoïdienne dans la flexion 
de l’avant-bras. i 

En sciant Vhumérus de haut en bas, on s'aperçut que l'extrémité inférieure 
de l'os, au lieu d’être constituée entièrement par du tissu osseux nouveau, était 
formée, en réalité, par de la substance osseuse ancienne, enchâssée dans une 
ossification nouvelle due aux couches sous-périostiques. Inférieurement, la 
limite de cette portion ancienne se trouvait à 15 millimètres de la ligne articu- 
laire. Mais la distinction entre les deux substances était difficile à établir. Du 
côté du cubitus, cette distinction était impossible. Le changement de direction 
de l’olécrâne montrait seul que cette apophyse était entièrement nouvelle. 

L'olécrâne était de consistance éburnée, comme les tubérosités humérales, 
dont le tissu ne présentait pas la moindre vacuole médullaire. La substance 
osseuse nouvelle, éburnée au niveau des tubérosités, était en voie de se médul- 
liser dans sa portion supérieure. Avec le temps, cette médullisation se serait 
étendue à la portion de la diaphyse ancienne enchässée dans l'os nouveau, et 
il eùt été alors impossible de se rendre compte des limites des deux substances 
osseuses. 

J'ai tenu à reproduire ce fait avec quelque détail, parce qu’il nous montre ce 
que peut donner une résection sous-capsulo-périostée. On reconnait là un véri- 
table ginglyme, aussi solide que le ginglyme normal. 

On remarquera, en effet, que, dans les résections sous-périostées, les parties 
molles ambiantes (capsule, ligaments, tendons, muscles) conservent leurs inser- 
tions normales. Elles servent ainsi d'appareil de contention. Le nouvel os prend 


181 PÉRIOSTE (PATHOLOGIE). 


naissance dans le moule que lui constituent le périoste et les parties molles 
ambiantes, et il affecte la forme de l'os ancien. La conservation de toutes les 
insertions rend possibles des mouvements semblables ou au moins très-analogues 
aux mouvements physiologiques, Grâce à cette crconstance, les extrémités arti- 
culaires régénérées s’engrènent plus ou moins les unes dans les autres. 

Mais la forme des surfaces articulaires nouvelles diffère de la configuration 
normale. Il est même impossible qu’elles aient la configuration normale, et cela 
par une raison bien simple : c’est que les portions recouvertes par du cartilage 
né peuvent être reproduites par le périoste. Le périoste n'est capable de repro- 
duire que ce qu'il recouvre. 

D'autre part, il existe généralement, à la suite des résections scus-périostées, 
un certain degré de raccourcissement du membre. Dans le cas de résection du 
coude précédemment relaté, le raccourcissement était de 4 centimètres 1/2, et 
nous avons vu qu’en effet les extrémités osseuses nouvelles résultaient surtout 
de néoformations osseuses latérales ; la néoformation osseuse longitudinale était 
faible. C’est que le sujet opéré était adulte; il avait vingt-sept ans. 

Chez les sujets plus jeunes, il n'en est pas de même. Ainsi, chez les enfants 
et les adolescents, on peut obtenir une néoformation longitudinale assez abon- 
dante pour redonner au membre à peu près sa longueur primitive. Toutefois, ce 
résultat n'est que momentané ; comme les cartilages de conjugaison sont détruits, 
l'accroissement ultérieur est arrêté. 

La tendance à la néoformation osseuse, chez les jeunes sujets, est même telle- 
ment prononcée qu'Ollier conseille, lorsqu'on pratique chez eux la résection du 
coude dans le cas d'ankylose, de ne pas faire la résection sous-périostée com- 
plète, de peur de récidive de l'ankylose. Il enlève une zone de périoste aa 
niveau de la ligne où il veut établir le nouvel interligne articulaire. Il se hâte, 
en outre, d'imprimer des mouvements à l'avant-bras sur le bras, dès qu'il peut 
le faire sans douleur. k 

Par contre, chez les vieillards, la reproduction osseuse est faible. Lorsque le 
périoste sera irrité, rajeuni, on obtiendra, chez eux, des néoformations osseuses, 
mais uniquement dans le sens latéral. Un état général défectueux a sur la néo- 
formation la même influence fächeuse que l’âge avancé. 

L'état du périoste mérite, d'ailleurs, d'être considéré. Si la résection est prati- 
quée pour une tumeur blanche, par exemple, le périoste présente, au moment 
de l'opération, un degré d’irritation très-favorable à la mise en activité de ses 
propriétés ostéogéniques. 

Il n'en est pas de même, si la résection est faite immédiatement après un 
traumatisme, à une époque où le périoste n'offre pas trace d’inflammation. 
Aussi est-il indiqué de temporiser, si c’est possible, dans les cas de ce genre, et 
de n'intervenir que lorsque le périoste, par le fait de l’inflammation, aura 
recouvré son activité formatrice. À 

On s’est demandé si les pansements antiseptiques, en diminuant ou suppri- 
mant l’inflammation à la suite des résections, n'étaient pas capables d'entraver 
la néoformation osseuse. Plusieurs chirurgiens admettent qu'il en est effective- 
ment ainsi. Ollier, au contraire, soutient que ces pansements sont neutres par 
eux-mêmes sur l'évolution de ce processus. Bien plus, ils ont l'avantage, selon 
lui, d'éloigner les complications qui peuvent troubler cette évolution. 

Ollier ajoute : « Si l’on a accusé le pansement de Lister d'empêcher le pro- 
cessus plastique dans les plaies de résection, c’est que, par un abus du raclage, 


PÉRIOSTE (ParoLoGte). 185 


on a enlevé tous les éléments de la reconstitution des os et des articulations. 
C’est une erreur, d’après moi, que de chercher la réunion immédiate dans ces 
cas et de vouloir guérir des plaies de résection pour des lésions chroniques, 
sans que le pus apparaisse dans le pansement. On peut y arriver, sans doute, 
mais en sacrifiant des tissus, auxquels un traitement rationnel eût rendu les 
propriétés plastiques, et qui sont indispensables aux processus de répara- 
tion. » 

Amputations et désarticulations sous-periostées. A côté des résections sous- 
périostées, qui ont acquis une importance si grande dars la chirurgie contem- 
poraine, se placent les amputations et les désarticulations sous-périostées, dont 
les résultats sont plus contestables. 

Les amputations sous-périostées, ou amputations par la méthode périostéo- 
plastique, ont été imaginées d’abord à titre de moyen préventif contre l'ostéite 
aiguë traumatique, la nécrose, l’atrophie concentrique de Vos. Recommandées 
par Philippe de Walther (1813) et par Brünninghausen (1818), plus tard par 
Larghi (1855), elles ont été adoptées par Ollier en 1858, par Symvoulidès (de 
Saint-Pétersbourg) et O. Heyfelder en 1861. Cette méthode a été essayée depuis 
par bien des chirurgiens (Trélat, Desgranges, Feoktistow, Szymanowski, Langen- 
beck, Lücke, Billroth, Houzé de l’Aulnoit, F. Poncet, L. Tripier, Nicaise, 
Schneider, etc.), sans que ceux-ci aient réussi à se mettre d'accord sur sa valeur. 

D'ailleurs les chirurgiens n’ont pas tous procédé de la même manière, les 
uns taillant une manchette périostique, suivant en cela la pratique de Ph. de 
Walther et de Brünninghausen, les autres se bornant à un lambeau périostique. 

Voici comment F. Poncet (Gaz. med. de Paris, 1872, n°s 5, 6, 10 et 11) 
décrit le procédé à manchette périostique. On fait l'amputation par la méthode 
circulaire avec petite manchette cutanée; on sectionne circulairement les 
muscles et le périoste, puis, avec une rugine, on dénude avec soin l'os de son 
périoste sur une longueur égale à celle du rayon du membre, moins la longueur 
de la manchette. Enfin on sectionne los au point précis où s'arrête le décol- 
lement du périoste. 

Après l'opération, on ramène la peau sur la surface de section musculaire ; 
l'absence de cylindre osseux fait que les lèvres de la petite manchette cutanée 
arrivent au contact sans difficulté. Poncet recommande de placer quelques 
points de suture aux deux extrémités du moignon, mais de laisser, au niveau 
du canal périosté, un espace libre pour l'introduction d'une mèche cératée (il 
est inutile de faire observer que Poncet n’employait pas les pansements antisep- 
tiques, à l'époque où il donnait ce conseil). Si la réunion a lieu par première 
intention, les parois de l’étui périosté s’adossent entre elles. 

Lorsque l’on examine la plaie au moment où l'amputation vient d'être ter- 
minée, on constate que, pour les membres à un seul os, il existe au centre un 
cylindre creux au fond duquel se trouve l'os. Ce cylindre, à paroi lisse, est 
fibreux, résistant, et sert toujours d'attache aux muscles qui entouraient l'os. A 
la jambe et à l’avant-bras, il existe deux cylindres de ce genre, complétement 
séparés par une cloison fibreuse, solide, sur laquelle s’insèrent les muscles. 

Les chirurgiens qui se contentent d’un lambeau périoslique sont obligés 
d'opérer d’une façon toute différente. Ainsi Langenbeck, qui recommande le 
lambeau périostique antérieur, fait l'amputation à lambeau antérieur et com- 
prend dans ce lambeau un lambeau périostique qui conserve ses adhérences 
avec les parties molles ambiantes. Dans le procédé de Houzé de l'Aulnoit, le 


186 PÉRIOSTE (PATHOLOGIE). 


lambeau périostique est taillé sur les deux tiers de la circonférence de l'os. Je 
passe sous silence bien d’autres procédés, mon but étant simplement de faire 
comprendre le principe de la méthode. 

Quel que soit le procédé employé, le but que se proposent les partisans des 
amputations sous-périostées est d'obtenir rapidement l’adhérence du périoste 
avec le plan de section de l'os et, par suite, l’obturation du canal médul- 
laire. 

Guido Tizzoni (Rivista clinica di Bologna, 1874, n°° 2, 5 et 6) a fait sur les 
animaux des expériences destinées à éclaircir ce point. D’après lui, le lambeau 
périostique, aussitôt qu'il a été détaché de l'os, se rétracte fortement, mais d’une 
manière uniforme, sans trop se plisser et sans cesser de rester appliqué exacte- 
ment sur le plan de section de l'os. Après vingt-quatre heures déjà, sa face 
interne a contracté des adhérences avec la moelle du canal médullaire. Les 
adhérences avec l'os s'établissent un peu plus tard. L'ossification commence, 
une fois que les adhérences sont bien établies. 

Si l'irritation est faible, quand, par exemple, la plaie guérit par première 
intention, il ne se forme qu'une mince lamelle osseuse entre la moelle et le 
périoste. Une irritation plus forte donne lieu à une production de tissu osseux plus 
abondante et moins régulière. Enfin, lorsque l'irritation est très-forte et qu'il se 
développe des abcès des parties molles en contact avec le périoste, il se produit 
une sorte de cal cartilagineux provisoire, destiné à se transformer plus tard en 
tissu osseux, mais le pus ne détruit pas le lambeau périostique formant oper- 
cule, sans doute parce que, au moment où s'établit la suppuration, ce lambeau 
est déjà adhérent à la moelle et en communication vasculaire avec elle. 

Ces expériences font comprendre ce que l’on a attendu des amputations sous- 
périostées. L’obturation rapide du canal médullaire, pensait-on, devait empê- 
cher la suppuration de s'étendre à ce canal et, par conséquent, garantir l'opéré 
contre les accidents inflammatoires graves de l'os et contre la nécrose de l'ex- 
trémité osseuse. D'autre part, le travail d'ossification qui s'opère au niveau du 
plan de section de l'os devait être plus prompt et plus régulier. 

Ces espérances se sont-elles réalisées? Ollier (Soc. de chir., 5 avril 1882, et 
Rev. de chir., 1882, p. 525) dit que, dans la plupart des amputations qu'il a 
pratiquées depuis 1860 jusqu'à ces dernières années, c’est-à-dire jusqu’à I'in- 
troduction du pansement de Lister, il a constaté, après le recouvrement de 
l'os par le lambeau périostique, à peu près les mêmes accidents qu'après les 
amputations ordinaires. « L’inflammation septique et la suppuration, ajoute-t- 
il, que je ne pouvais éviter que dans de très-rares exceptions, annihilaient les 
propriétés du lambeau périostique, qui ne se recollait pas à Yos et laissait sou- 
vent se produire la nécrose marginale et partielle du bout sectionné. » 

Bien plus, Billroth et Lücke ont observé chacun un cas dans lequel ils 
attribuent la mort au rôle joué par le périoste. Le lambeau périostique, gonflé, 
appliqué sur le canal médullaire, avait empêché l'écoulement des sécrétions de 
‘ce canal : d’où ostéomyélite septique et mort. 

Il est à remarquer que l’emploi des pansements antiseptiques a modifié aujour- 
d'hui les termes de la question. Les précautions antiseptiques constituent la 
plus forte garantie que nous connaissions contre les complications des plaies. 
Elles s'opposent à la suppuration de l'os et à la nécrose plus sûrement que ne 
pourrait le faire un procédé d'amputation. Aussi n'y at-il pas lieu d’insister sur 
l'influence possible des procédés sous-périostés à ce point de vue spécial. 


PÉRIOSTE (PATHOLOGIE). 187 


Mais une autre question mérite d'être examinée : le périoste conservé donne-t-1l 
lieu à une néoformation osseuse ? Chez l'adulte, cette néoformation est faible. 
Chez les jeunes sujets, au contraire, elle est parfois assez forte pour avoir des 
inconvénients sérieux. 

Ainsi Ollier a observé, dans ces conditions, des saillies osseuses irrégulières 
et génantes partant du bout de l'os et divergeant plus ou moins, quand le lam- 
beau périostique était resté flottant. Après une amputation de cuisse, il fut 
obligé de réséquer une pointe osseuse de 5 à 4 centimètres. Une autre fois, après 
une amputation de jambe au lieu d'élection, il vit le tibia se terminer par un 
large crochet de nouvelle formation, se dirigeant vers le péroné. Cette produc- 
tion osseuse de la manchette périostique n’apportait aucune gêne dans ce cas, 
mais elle aurait pu occasionner des douleurs, si elle avait pris une autre direc- 
tion. 

Les partisans des amputations sous-périostées attribuent encore à cette mé- 
thode un certain nombre d'avantages. Même lorsque les parties molles se 
rétractent, disent-ils, l'extrémité osseuse, recouverte par le périoste et les 
muscles, ne perfore pas les lambeaux. La cicatrice de la peau n’adhère jamais 
directement à l'os. La conicité du moignon est plus sûrement évitée. Enfin le 
procédé à manchette périostique donne la plus petite surface possible de section 
musculaire. 

Ces avantages sont-ils bien réels? Sont-ils de nature à contre-balancer les 
inconvénients de la méthode? Ollier, après avoir été un chaud partisan des 
amputations sous-périostées, estime aujourd'hui qu'elles ont presque autant 
d'inconvénients que d'avantages. Il redoute, chez les jeunes sujets, la forma- 
tion d'ostéophytes irréguliers; chez l'adulte, il craint la nécrose. En somme, 
il n'emploie plus guère son procédé que pour l’amputation de la jambe au lieu 
d'élection. 

Par contre, il est des circonstances toutes spéciales dans lesquelles la pro- 
duction d'une masse ostéophytique, loin d'être nuisible, constitue un avantage 
sérieux. Il est indiqué alors, lorsque l'on retranche une portion d'os plus ou 
moins longue, de conserver sur toute cette longueur la gaine périostique. 

Ollier a appliqué cette méthode à l'amputation du premier métatarsien, du 
cinquième métatarsien, du premier métacarpien. Son principal but était la for- 
mation d'une masse osseuse destinée à rendre le moignon plus utile pour la 
station ou pour la préhension. 

Léon Tripier (communication faite à l’Assoc. franç. pour l'avancement des 
sciences, session de 1875, à Lyon) a opéré de même au genou et au coude. 
Ainsi, après une désarticulation du coude, il a réséqué l'extrémité inférieure 
de l’humérus en conservant son périoste et a obtenu la reproduction de cette 
extrémité. 

On peut considérer les amputations sous-périostées à un autre point de vue 
encore. Dans certaines amputations de segments de membres à deux ou plu- 
sieurs os, il est possible que l’on soit gêné par l'insuffisance des lambeaux des- 
linés à recouvrir les bouts des os. Par exemple, dans une amputation de jambe 
au lieu d'élection, on peut ne pas avoir assez de peau pour recouvrir le tibia et 
le péroné. Dans un cas de ce genre, Ollier pratiqua l'ablation sous-périostée du 
péroné et parvint dès lors à recouvrir le moignon sans tiraillement à l'aide 
d’un lambeau externe. La conservation du périoste n’a pas pour but ici la régé- 
nération osseuse, mais elle permet de limiter les désordres dans les parties 


188 PÉRIOSTE (BIBLIOGRAPHIE). 


molles, d'éviter l'ouverture des loges musculaires et la lésion des vaisseaux et 
des nerfs. 

Il me reste à dire quelques mots d'une nouvelle méthode pour les désarticu- 
lations, décrite par Ollier ; je veux parler des desarticulations sous-périostées 
(Soc. de chir., 5 avril 1889, et Rev. de chir., 1889, p. 525). Autant Ollier est 
réservé aujourd'hui relativement aux amputations sous-périostées, autant il 
recommande avec chaleur les désarticulations sous-périostées. 

Ollier aborde les articulations par les mêmes incisions qni servent aux résec- 
tions sous-périostées ou par des incisions analogues. Arrivé sur la gaine périostéo- 
capsulaire, il l'incise au bistouri. Avec la rugine il décolle le périoste de l'ex- 
trémité osseuse qu'il veut désarticuler, puis il fait saillir celle-ci à travers les 
chairs. Il termine l'opération en coupant au bistouri les parties molles et en 
liant les vaisseaux, au fur et à mesure qu'ils sont coupés. 

Les avantages de cette méthode sont les suivants, d'après Ollier. La perte de 
sang est moindre pendant l'opération, parce que la plus grande partie de la 
plaie est limitée par la gaine périostéo-capsulaire, et que l'étendue de la surface 
cruentée est plus faible. Les loges musculaires et les gaînes tendineuses qui 
entourent l’os ne sont pas ouvertes latéralement, et on ne risque pas de léser 
longitudinalement les vaisseaux et les nerfs. Non-seulement l'opération est faite 
avec plus de sûreté; comme le traumatisme est, en grande partie, cireonscrit 
dans la gaîne périostéo-capsulaire, elle est encore plus simple dans ses suites. 
Enfin les moignons sont plus résistants, plus stables; ils s'atrophient moins 
qu'après les désarticulations ordinaires, parce que cette méthode respecte davan- 
tage les insertions et les nerfs des muscles et oppose ainsi un obstacle relatif à 
l'atrophie musculaire. 

Chez les jeunes sujets, on peut obtenir dans le moignon une masse osseuse ou 
ostéo-fibreuse, dont l'utilité est variable suivant les régions, mais qui peut 
changer complétement les résultats de l'opération au point de vue fonctionnel 
et orthopédique. 

C'est ainsi qu'après la désarticulation de l'épaule et celle de la hanche il 
est possible que les moignons soient munis d’un squelette nouveau et rendus 
susceptibles, par cela même, de recevoir un appareil prothétique. De même, 
Ollier conseille, après la désarticulation tibio-tarsienne, de conserver le périoste 
du calcanéum, de manière à améliorer les conditions de la station debout et de 
la marche. 

La méthode des désarticulations sous-périostées ne s’est pas encore assez 
répandue pour que l'on puisse porter sur elle un jugement définitif. Il est à 
craindre cependant que les productions osseuses nouvelles ne soient parfois plus 
gênantes qu'utiles. Par contre, la méthode semble présenter, au point de vue 
opératoire, du moins pour certaines articulations, de réels avantages. 

ALBERT HEYDENREICH. 


Bisiocrapuie. — Voyez les traités des maladies des os et les traités généraux de chirurgie, 
indiqués aux articles Os (Pathologie) (2° série, t. XVIII, p. 349) et Osréire (2 série, t. XVII, 
p. 41). Les indications qui suivent concernent la bibliographie spéciale. 


I. Du périoste dans les affections des os. — Kazrscumior. Dissert. de morbis periostei. 
Ienæ, 1759. — Craurron (Ph.). On Periostitis. In Dublin. Hosp. Pep., 1818, vol. I, p. 351. — 
Usner Parsoxs. Mémoire sur les inflammations aiguës et chroniques du périoste. In Journ. 
des progrès des sciences et institutions médicales, t. XV, p. 54, 1820. — Graves. Mémoire 
sur la périostite. In Gaz. médicale de Paris, p. 604, 1853. — Maisonneuve. Le périoste et ses 


PÉRIOSTE (BIBLIOGRAPHIE). 189 


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Dict. en 50 volumes, t. XXIII, p. 532, 4841. — Geroy. De la périostile. In Arch. gén. de méd., 


5e série, t. II, p. 129 et 451, 1853. — Du mêne. Maladies des organes du mouvement. Paris, 
p- 136, 1855. — Wonusen. De la périostite. Thèse de Strasbourg, 1855. — Héron. De la 
périostile. Thèse de Strasbourg, 1858. — Maisonneuve. Clinique chirurgicale. Paris, t. I, 


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Liefer. 1, S. 254. Erlangen, 1865. — Ranvier. Considérations sur le développement du tissu 
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générale, trad. franç., p. 534 et 494. Paris, 1868. — Conniz et Ranvier. Lésions des os. In 
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II. Gommes scrofulo-tuberculeuses du périoste. — BiccrorH. Périostile chronique et 
carie superficielle. In Eléments de pathologie chirurgicale générale, trad. franç., p. 494. 
Paris, 1868. — Cuoné. Étude sur une variété d'abcès froids thoraciques. Thèse de Paris, 
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— Lecrano. Des abcès des parois du thorax, causes ou conséquences de lésions des organes 
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De la périostite externe chronique. In Gazette hebdomad., p. 630, etc., 1879. — Nicaise. De 
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de méd. et de chir., p. 817 et 889, 1879. — Durrav. Périostile externe rhumalismale 
(périostite albumineuse d'Ollier). In Arch. gén. de méd., décembre 1880. — Bézv. Contri- 
bution à l'étude des abcès froids tuberculeux du tissu cellulaire. Thèse de Paris, 1880. — 
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l'étude de la périostite externe chronique des membres. Thèse de Paris, 1881. — Kiewer et 
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t. I, p. 224. 1883. — Carurre. Contribution à l'étude de la périostite albumineuse ou exsu- 
dative. Thèse de Paris, 1883. — Cnarvor. De la tuberculose chirurgicale. ïn Rev. de chir., 
n° 5, 6, 8 et 9, 1884. — Oruer. Parostite ou périostite externe; périostile albumineuse. In 
Encyclopédie internationale de chirurgie, t. IN, p. 270. Paris, 1885. — Verneuk. Injections 
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Ill. Régénération osseuse par le périoste. Résections sous-périostées. — BORDENAVE. 
Rapport sur une réparation osseuse après perle de substance. In Mém. de l'Acad. royale 
de chir., 1138. — Dancervize. Ablation de la clavicule. In Mém. de l Acad. royale de chir., 
t. V, 1758. — Lauecor. Rapport sur une nouvelle clavicule reproduite après l'ablation de la ` 
clavicule primitive. Ibid., 1738. — Dunauec. Sur une racine qui a la faculté de teindre en 
rouge les os des animaux vivants. In Mém. de l'Acad. des sciences, 41159-1141. — Du même. 
Observations sur la réunion des fractures des os des animaux. Ibid., 1742. — Du mème. Sur 
le développement et la crue des os des animaux. lbid., 1142.— Du mêne. Quatrième mémoire 
sur les os, dans lequel on še propose de rapporter de nouvelles preuves qui établissent que 
les os croissent par l'addition de couches osseuses qui tirent leur origine du périoste. Ibid., 
4745. — Trosa. De novorum ossium in integris aut maximis ob morbo deperditionibus 
regeneratione experimenta. Parisiis, 1175. — Vıcarous. Considérations générales, pratiques 
et théoriques, sur la régénération partielle et totale des os du corps humain. In OEuvres 
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Darcaicxe. Manuel de médecine opératoire, Paris, 1854. — Hene. Mémoire sur la reproduc- 


190 PÉRIOSTE (BIBLIOGRAPHIE). 


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dererzeugung der Knochen nach Reseclionen beim Menschen. Würzburg, 1842. — Syse. On 
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riosté des os. Paris, 1867. — Orr. Traité expérimental et clinique de la régénération des 
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phlegmoneuse circonscrite; résection sous-périostée d’une portion de tibia nécrosée. In Mou- 
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und Doctor Menzel. In Wiener med. Wochenschrift, n° 95 et 96, 1868. — Orrer. Nou- 
velle démonstration de la régénération osseuse après les résections sous-périostées. In 
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observations de résections sous-périostées du coude, etc. In Gaz. des hôpitaux, p. 1018, 
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— Pawaro. Deux résections sous-périostées de l'extrémité inférieure du tibia chez des 
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de méd. et de chir., 1880. — Du nême. De la résection du coude. Démonstration anatomique 
de la reconstitution dune articulation nouvelle après la résection sous-périostée. In Rev. 
de chir., p. 117, 1882, et in Bull. de la Soc. de chir., 19 avril 4882. — Nıcarse. Résection 
sous-périostée de l'humérus en 1871; reproduction osseuse. Ostéite de Pos nouveau en 1882; 
désarticulation de l'épaule; guérison. In Bull. de la Soc. de chir., 25 octobre 1882. — 
Lossex. Die Regeneration resecirter Knochen und Gelenke. Subperiostale und subcapsulare 
Resection. In Handb. der allg. und spec. Chir., von Pitha und Billroth, Bd. II, Abth. II, 
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articulations. Thèse d’agrégation en chirurgie. Paris, 1885. — Orter. Traité des résections 
et des opérations conservatrices qu'on peut pratiquer sur le système osseux, t. I. Paris, 1885. 
—Truemarr. Greffe du périoste. Reproduction de deux et trois quarts de pouce de la clavi- 
cule sur l’homme par une greffe de périoste et d’une mince lamelle osseuse prise sur un 
chien. In New-York Med. Rec., 5 October 1885. 


PÉRIOSTITE, 194 


IV. Amputations et désarticulations sous-périostées. — BRüNNINGHAUSEN, Erfahrungen 
und Bemerkungen über die Amputation. Bamberg, 1818. — Lançur. Operazioni sottoperiost 
e sottocassulari. Torino, 1855. — Feoxrisrow (de Saint-Pétersbourg). Ueber Periosterhaltung 
bei den Amputationen. Traduction allemande in Berl. klin. Wochenschr., t. 11, n” 2 et 3, 
1865. — Szymanowski. Die wilde Amputation in unsern Tagen. In Petersburger medic. 
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— Harsoror. Ueber Amputation mit Erhaltung des Periostes. Berlin, 1867. — Lücxe. Die 
Amputatio femoris transcondylica. In Arch. f. klin. Chir., Bd. XI, S. 178, 1869. — Lensmann. 
Ueber die Erlangung eines zum Stützen und Gehen brauchbaren Amputationsstumpfes 
durch Bildung eines aus Periost und Weichtheilen bestehenden einfachen Lappens. In 
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clinica dell Billroth. In Gazzetta med. Ital. Lombardia, n° 41, p. 329, 1869. — HevreLDER. 
Amputation von Fingern in der Continuität der Phalangen mit Erhaltung des Periostes. 
In Deutsche Klinik, p. 7, 1869. — Lancexseck. Ueber Lappenamputation. In Berlin. klin. 
Wochenschrift, n° 15, p. 162, 4870. — Biırrrora. Chirurg. Briefe, p. 299, 1872. — WauL. 
Bemerkungen zur Amputationsfrage. In Arch. f. klin. Chir., Bd. XV, p. 652. — Mosrneeir. 
Ueber ein mit nachfolgender subperiostaler Resection des Knochenstumpfes combinirtes 
Amputationsverfahren. In Arch. f. klin. Chir., Bd. XV, p. 716. — Poxcer (F.). Des amputa- 
tions sous-périostées. In Gaz. méd. de Paris, n° 5, 6, 10 et 11, 1872. — Houzé ne r’ AvryoIr. 
Sur la périostéotomie appliquée aux amputations. In Bull. de l'Acad. de méd., p. 256, 
1872. — Du nême. Résultat de deux amputations sous-périostées. In Gaz. des h6p., n° 68, 1873. 
— Duuône. Traité des amputations sous-périostées, 1873. — Léon Trimer. Sur les ampu- 
tations à lambeaux périostiques. Communication faite à l’Assoc. franç. pour l'avanc. des 
sciences, session de 1873, à Lyon, et in Gaz. hebdomad., 5 sept. 1875. — Enrique FERRER Y 
Yiñerra. De la amputacion de la pierna. Valencia, 1875. — Gumo Tizzowr. Les lambeaux 
périostiques et le développement pathologique du tissu osseux dans les amputations. In 
Rivista clinica di Bologna, n° 2, 5 et 6, 1874. — Brrr. Syme’s Operation modified and 
improved by Saving the Periosteum of the Os Calcis. In Brit. Med. Journal, vol. Il, p. 420, 
1875. — Scuvener. Ueber subperiostale Amputationen. In Berl. klin. Wochenschr., n°58, 
p. 555, 1877. — Moser. Zur Technik der Amputationen. In Wiener med. Presse, p. 1521, 
1877. — Max Scuene. Allgemeines über Amputationen und Exarticulationen. Die periosteo- 
plastische Methode. In Handb. der allg. und spec. Chirurgie, von Pitha und Billroth, Bd. II, 
Abth. II, Liefer. 3, S. 94. Stuttgart, 1880. — Nicaise. Des amputations sous-périostées, In 
Bull. de la Soc. de chir., 1° mars 1882. — Oruer. Des désarticulations sous-périostées et 
des amputations à lambeau ou à manchette périostiques. In Revue de chir., p. 525 et 973, 
1882, et in Bull. de la Soc. de chir., 5 avril 1882. A H 


PÉRIOSTITE DIFFUSE. DÉFINITION. SYNONYMIE. Sous ce nom nous 
décrirons les inflammations aiguës des os caractérisées par leur suppuration 
rapide et leur tendance à la diffusion qui, survenant chez les jeunes sujets, 
pendant la période d'accroissement du squelette, compromettent non-seulement 
les os et les articulations voisines, mais causent souvent la mort à la manière 
de véritables maladies infectieuses. 

Le terme de periostite diffuse, qui nous est imposé par un plan tracé anté- 
rieurement, ne saurait convenir à désigner une affection dans laquelle non- 
seulement le périoste, mais tous les éléments constituants de los sont atteints 
simultanément. Déjà, à l’article Osrérre (t. XVIII, p. 592 et 452), notre colla- 
borateur et ami Heydenreich a signalé le fait et, tout en informant le lecteur 
qu'il devait se reporter à l’article Périosre pour la description de cette affection, 
il propose de la désigner sous le nom d'ostéite aiguë spontanée. Prenant en 
considération ce fait que tous les éléments de l'os sont intéressés, on pourrait, 
au point de vue anatomo-pathologique, lui imposer le nom de panosteite. Envi- 
sageant, au contraire, au point de vue clinique, l'âge des malades qui sont 
alteints et le caractère infectieux de la maladie, on devra lui donner le nom 
d'ostéite de développement ou celui d'ostéomyelite infectieuse qui tend à être 
de plus en plus employé aujourd'hui. 

Il est d’ailleurs peu d’affections qui aient reçu un aussi grand nombre de 


199 PÉRIOSTITE. 


dénominations différentes. On a employé successivement les mots de periostite 
diffuse; périostite phlegmoneuse diffuse ; périostite rhumatismale ; abcès sous- 
périostiques aigus; décollement aigu des épiphyses ; ostéite épiphysaire aiguë 
des adolescents; osteo-periostite juxta-épiphysaire ; ostéomyelite. Et si nous 
rappelons ici les principales dénominations qui ont été tour à tour imposées à 
cette affection, ce n’est pas pour établir une synonymie stérile, mais bien pour 
indiquer quelle idée se sont faite successivement les auteurs qui ont étudié la 
question. C’est du reste ce qui ressortira mieux encore de l'historique de la 
maladie. 

Hisrorique. Bien qu'on ne puisse dire qu'il s'agit ici d’une maladie nou- 
velle, cependant son historique ne remonte pas très-loin. C'est en effet Chassai- 
gnac qui eut le mérite den donner le premier une excellente description 
clinique. Ses travaux datent de 1853. Ils ont été publiés par lui dans deux 
mémoires dont l’un, inséré dans les Memoires de la Société de chirurgie (t. IN, 
p. 281, 1855), traite des abcès sous-périostiques aigus; l’autre, communiqué 
à l’Académie des sciences, dans la séance du 21 novembre 1853, et reproduit 
dans la Gazette médicale de 1854 (n° des 19 août, 2, 9 et 16 septembre), a 
pour objet l’ostéomyélite. On trouve du reste les idées de l’auteur sur ce sujet 
exprimées dans le premier volume de son Traité pratique de la suppuration 
et du drainage chirurgical (1859). Comme l'indique le titre même des mémoires, 
Chassaignac décrit deux formes morbides, qu’il s'efforce de différencier autant 
que possible l’une de l’autre; il en fait même deux affections distinctes. L'abcès 
sous-périoslique aigu est caractérisé par une collection purulente qui se déve- 
loppe entre los et la face profonde du périoste; l’ostéomyélite, au contraire, 
amène la formation de pus dans l’intérieur du canal médullaire. Cette dernière 
affection beaucoup plus grave se propage à travers les épiphyses et le cartilage 
d’encroùtement aux articulations voisines ; elle nécessite le sacrifice du membre, 
tandis que l’abcès sous-périoslique aigu peut guérir par la simple incision du 
périoste et le drainage. 

De son côté, l'école de Strasbourg, représentée par Schutzenberger et Eug. 
Bæckel, s'occupait de la question. On trouve, en effet, dans la Gazette médicale 
de Strasbourg de 1855, une observation de Schutzenberger, publiée par son 
élève Hecht, sous le titre de Periostite rhumatismale. Elle a trait à un jeune 
homme de vingt-huit ans, dont l'affection était survenue sous l'influence du 
froid humide. Avec Chassaignac, Schützenberger et Pæckel considéraient cette 
affection comme une maladie du périoste, ce qu'indiquent les noms de périostite 
rhumatismale et périostite phlegmoneuse dont ils se servent. Cette manière de 
voir fut acceptée par Giraldès, qui a décrit, dans ses Leçons cliniques, la maladie 
sous le nom de périostite phlegmoneuse diffuse, et inspiré la thèse de son élève 
Louvet (1867), qui porte le même titre. 

Cependant d'autres observateurs, frappés par des points particuliers de la 
question, la présentaient sous une autre forme, et donnaient à la maladie des 
dénominations différentes. C'est ainsi que Klose (de Breslau) publia, en 1858, 
un mémoire Sur le décollement spontane des eépiphyses qui fut traduit dans les 
Archives de médecine de la même année. M. Gosselin fut frappé de la simili- 
tude des symptômes observés par Klose et de ceux décrits par Chassaignac 
comme appartenant à l’ostéomyélite. Prenant en considération ce fait que ces 
inflammations se développent toujours chez des enfants ou des adolescents, 
alors que la diaphyse de l'os est séparée de l’épiphyse par un cartilage dit carti- 


PÉRIOSTITE. 195 


lage épiphysaire, M. Gosselin expliqua par la présence de ce cartilage et le travail 
actif d’ossification dont il est le point de départ la tendance aux inflammations 
suppuratives aiguës que présente l'os à cette période de la vie. De là le nom 
d'ostéite épiphysaire des adolescents qu’il donne à la maladie dans son Memoire 
des Archives de médecine de 1858. C'est la même pensée qui a inspiré à 
M. Ollier et à son élève Gamet la dénomination d'ostéile juxta-épiphysaire, 
sous laquelle ce dernier décrit l'affection dans sa thèse, en 1862, voulant dire 
par là que l'inflammation débute, non dans le cartilage épiphysaire lui-même, 
mais dans son voisinage. 

Ces dénominations diverses, périostite phlegmoneuse diffuse, ostéomyélite, 
ostéite épiphysaire, jetaient nécessairement dans les descriptions une grande 
confusion. Fallait-11 y voir des maladies différentes, ou n’étaient-ce pas plutôt 
des formes d'une même maladie qui toutes présentaient ce double caractère de 
se produire dans le jeune âge sur des os en pleine voie de développement, et de 
tendre à la suppuration et à la diffusion des lésions avec une extrême rapidité? 

Ç'a été le mérite de M. Gosselin, dans son article Os du Dictionnaire de Jac- 
coud, de montrer que toutes ces descriptions et ces dénominations différentes 
ne concernent en réalité que des formes diverses d’une seule et même maladie. 
Dans son mémoire, présenté en 1878 à l’Académie de médecine, M. Lanne- 
longue, confirmant la donnée précédente, propose la dénomination d'ostéo- 
myélite aiguë. Cette dénomination demande à être bien interprétée. Elle ne 
veut nullement dire que l'affection siége uniquement dans le canal médullaire, 
Elle se base sur cette loi générale que, dans l’inflammation des os, ce n'est 
jamais la substance osseuse elle-même qui est le point de départ des phéno- 
mènes, mais bien les éléments cellulaires qu'elle contient. Or ces éléments 
cellulaires se trouvent dans les canaux de Havers, aussi bien que dans le canal 
médullaire lui-même et à la face profonde du périoste. Se fondant sur une 
analogie entre ces éléments cellulaires de la face profonde du périoste et des 
canaux de Havers et ceux qui se trouvent dans le canal médullaire, on a pu 
dire que l'os baigne de toutes parts dans la moelle; et, au point de vue patho- 
logique, cette analogie entre les éléments anatomiques a conduit à donner à la 
maladie le nom d'ostéomyélite. En résumé donc les deux maladies décrites 
par Chassaignac sous le nom d’abcès sous-périostiques aigus et d’ostéomyélite 
spontanée ne sont que deux formes d’une seule et même affection qui frappe à 
la fois l’os, le périoste et le canal médullaire ; qui, au point de vue anatomo- 
pathologique, peut être décrite sous le nom de panostéile; qui, si l’on considère 
les circonstances où elle se présente, mériterait le nom d’ostéomyelite ou osteite 
de développement. 

Dans ces dernières années, la question est entrée dans une phase nouvelle ; 
sous l'influence des recherches microbiologiques modernes, l’ostéomyélite de 
développement a été regardée comme une maladie infectieuse dont elle présente 
eu effet un grand nombre de caractères, et l'on y a décrit la présence de micro- 
coques dont le rôle pathogénique a été diversement interprété. A cette étude se 
rattachent les noms de Max Schüller, de Rosenbach, de Becker, de Fedor Krause, 
en Allemagne ; d'Ogston en Angleterre; de Rodet en France ; nous nous conten- 
tons de des signaler ici, nous proposant d'y revenir plus longuement, quand 
nous nous occuperons de la nature de la maladie. 

Exrorocie. De toutes les causes prédisposantes, la première qu'il faille 
signaler, c'est l’âge des sujets. C’est en effet pendant les périodes où se fait surtout 


DMEM ENG: 2° s, XXII. 13 


194 PÉRIOSTITE. 

l'accroissement des os en longueur, c’est-à-dire pendant la seconde enfance et 
l'adolescence, que se montre de préférence l'ostéomyélite de développement. Mais la 
première enfance elle-même n'est pas à l'abri de l4 maladie, bien qu'elle y soit 
beaucoup plus rare. Chassaignae relève une observation d'abcès sous-périostique 
aigu chez un petit enfant de 9 jours ; Sézary, dans sa thèse de 1870, note deux cas 
chez des enfants de 1 an à 18 mois. M. Lannelongue dit avoir rencontré une 
ostéomyélite du fémur chez un enfant de 5 mois. Mais c'est surtout, nous le 
répétons, pendant la seconde enfance et daus l'adolescence, que la maladie 
devient le plus fréquente. Toutes les statistiques le démontrent. Ainsi Chassai- 
gnac, dont la description repose sur 25 observations, compte 15 cas de 10 à 
48 ans. La statistique de M. Sézary comprend 81 cas, dont : 


De 1 am A 18 MO a a aa a E ETS 2 cas. 
DANS JO AS A US Se a T: TA re 1 — 
Rasia dû mpy anisls dia 20- 20b 4i Se 9HE 10 — 
10: ans à TA ans. de SA A Du. dates M — 


Hi and PAYAS TOCOL 299 ENIRA BASS MONTRE 
18 ans à 22 ans, dont 6 à 48 ans et 19 ans. «+ . « + « . 8& — 


$1 eas. 


La statistique citée par M. Lannelongue, et qui porte sur 400 cas, concorde 
de tous points avee la précédente. Elle comprend : 





Avant Paco do 5 anse 2 a ae e E T: 9 cas. 
Da; à 40 aas ION DIAL ILI AODA L SEE 17 — 
1 COE Wa ESPET E ET T E EE E A 4 — 
AT A A ee a a ee a E ae R an WD — 

4 cas à 21 ans, 4 à 22 aus, 1 âge non indiqué.. . . . . . 3 — 
100 cas. 


L'influence du sexe, pour être moins marquée que celle de l'âge, n'en est pas 
moins très-réelle. C’est surtout ehez les jeunes garcons qu’on rencontre l'ostéo- 
myélite de développement. Déjà Chassaignac note « une certaine prédominance 
en faveur du sexe masculin ». Dans la statistique de M. Lannelongue que nous 
avons déjà citée, sur 98 cas dans lesquets le sexe est indiqué on en trouve 70 
chez des garçons et 28 seulement chez des filles. Il ya done une prédominance 
marquée de [a maladie dans le sexe masculin. 

L'influence du tempérament a été diversement appréciée. Chassaïgnac n'a 
pas su à cet égard éviter certaines contradictions. Après avoir noté que l'affec- 
tion a surtout été rencontrée chez des sujets qui portaient l'empreinte de la 
constitution scrofuleuse, il éprouve presque immédiatement le besoin d'ajouter 
un correctif, et il dit : « Mais ce qui prouve qu'il n'y a point une fiaision néces- 
saire entre la serofule et la maladie qui nous occupe, c'est que quelques-uns 
des enfants atteints jouissaient d’une excellente constitution ». Plus loin, Chas- 
saignac fait jouer un rôle au rhumatisme dont il a pu constater l'existence, 
sinon chez les jeunes malades eux-mêmes, du moins chez les ascendants. Il 
est permis d'affirmer que, dans l'immense majorité des cas, l'ostéomyélite de 
développement n’a aucun rapport avec la scrofule. Les sujets qui en sont atteints 
ne présentent aucun des caractères attribués d'habitude à cette aflection. Ce 
sont, au contraire, des enfants vigoureux, d'une belle constitution, dont 
quelques-uns ont des antécédents rhumatismaux. Telle est l'opinion du profes- 
seur Verneuil, qui rejette complétement l'influence de la servfule pour faire de 
l’ostéomyélite de développement une maladie appartenant au tempérament 


PÉRIOSTITE. 195 


rhumatismal. Déjà, nous l'avons dit, Schützenberger avait dénommé l'affection 
périostite rhumatismale. Giraldès fait jouer également un rôle au rhumatisme. 
M. Lannelongue reconnaît que la scrofule ne saurait être invoquée comme 
cause, mais il ne pense pas nôn plus qu'on doive considérer l'affection comme 
étant d’origine rhumatismale. Ce qui a donné naissance à cette dernière opinion, 
c'est qu’on trouve souvent signalées comme causes de l'ostéomyélite de déve- 
loppement les mêmes circonstances qui président à l'apparition du rhumatisme, 
savoir le froid et l'humidité. Mais le développement rapide de la suppuration, 
l'absence des complications habituelles au rhumatisme, ne permettent pas de 
pousser plus loin la comparaison. Souvent, en effet, on trouve notée dans les 
circonstances étiologiques l'influence du froid et de l'humidité. Tantôt ce sont 
des enfants qui ont séjourné pendant longtemps dans des rez-de-chaussée 
humides, tantôt des malades qui se sont assis sur un sol mouillé. M. Lanne- 
longue dit avoir rencontré 10 fois d’une manière très-nette cette influence du 
froid et de l'humidité. Un des faits qu’il rapporte en est un exemple bien remar- 
quable : « Une jeune fille de douze ans tombe dans un escalier ; elle souffre de 
l’avant-bras ; le lendemain, à l’école, on met le membre sous la pompe et sous 
l'eau froide pendant plusieurs heures; il se développe une ostéomyélite 
effroyable qui l’enlève en trois jours ». Nous voyons dans ce dernier fait l'in- 
fluence combinée du froid et du traumatisme. Cette dernière cause se retrouve 
en effet dans un certain nombre d'observations. Tantôt ce sont des chutes, 
tantôt des chocs, des contusions qui, par elles-mêmes, n'ont qu'une médiocre 
importance, mais qui, portant sur des sujets prédisposés, ont pour résultat 
l'éclosion d’une suppuration des plus graves. Il faut, en effet, dans le dévelop- 
pement de l’ostéomyélite pendant la croissance, faire jouer un rôle considérable 
aux mauvaises conditions hygiéniques, aux fatignes exagérées, au surmenage 
que présentent certains enfants soumis à des travaux au-dessus de leur âge. 
Chassaignac a signalé le fait; M. Gosselin y a beaucoup insisté avec juste 
raison. De son côté, M. Lannelongue le note expressément, et il cite à l'appui 
l'exemple d'un jeune enfant de huit ans, venu du Piémont à Paris à pied, en 
marchant une moyenne de sept à huit heures par jour. Les fièvres graves, fièvres 
éruplives, fièvre typhoïde, peuvent, on le comprend, créer des conditions ana- 
logues, mais parfois aussi l'affection atteint des enfants qui jouissaient jus- 
qu'alors d’une excellente santé. 

NATURE DE LA MALADIE. Jusqu'à ces dernières années, on peut le dire, la 
nature de la maladie n’a pas beaucoup préoccupé les chirurgiens. On s'est con- 
tenté d'expliquer par le mouvement actif du développement et l’afflux sanguin 
du côté des épiphyses qui en est la conséquence la localisation de l’inflamma- 
tion sur ce point particulier du squelette. Mais, quand on songe à la marche 
pour ainsi dire foudroyante de la maladie, quand on voit plusieurs os être 
envahis à la fois ou successivement, la maladie procéder par poussées succes- 
sives et s'accompagner même dans quelques cas de lésions viscérales, on ne peut 
se défendre de l’idée de maladie infectieuse. Un enfant subit une contusion 
légère d’un os superficiel, le tibia, par exemple, et quelques jours, quelques 
heures après, se développe une suppuration diffuse qui entraîne la perte du 
membre, et quelquefois même la mort du malade. Quelle que soit l'influence 
qu'on accorde au mouvement actif de développement du squelette, de tels faits 
sont bien de nature à surprendre, quand on songe à la bénignité habituelle des 
traumatismes sous-cutanés des os, et notamment à l'absence constante de suppu- 


196 PÉRIOSTITE, 


ration dans les fractures des membres à l'abri du contact de l'air. Ces cas se 
sont imposés aux méditations des chirurgiens, et les ont forcément conduits à 
se demander si l'affection ne devait pas rentrer dans le groupe des maladies 
infectieuses. Cette idée se trouve très-nettement exprimée dans un mémoire de 
Lücke publié en 1874. La maladie, dit Lücke, se comporte comme une véri- 
table maladie infectieuse. Elle ne serait pas également fréquente dans toutes 
les contrées; tandis qu'il ne l'a jamais vue à Halle ou à Berlin, l’auteur note 
qu'il en a observé beaucoup de cas à Berne, et quelques-uns déjà à Strasbourg. 
Il note également sa fréquence au printemps et à l'automne, c'est-à-dire dans les 
saisons humides et froides. Dans deux autopsies, Klebs et Recklinghausen ont 
trouvé des micrococcus, aussi bien dans les foyers primitifs de suppuration que 
dans les foyers secondaires. S'appuyant sur ces faits, Lücke donne des phéno- 
mènes l'interprétation suivante : Le traumatisme et le refroidissement n'ont 
d'autre action que d'amener un trouble circulatoire; ils créent seulement la 
localisation morbide, un véritable locus minoris resistentiæ, dans lequel se 
fixent des particules nuisibles qui circulent dans le sang et trouvent là des 
conditions favorables de développement. S'agit-il d'un micrococcus, il faut 
admettre qu'il a pénétré dans le torrent circulatoire par les voies respiratoires 
ou digestives. Une fois lancé dans les vaisseaux, le micrococcus s'arrête au 
point où il rencontre un trouble de la circulation ; peut-être s'y développe-tzil 
alors pour pénétrer de nouveau en plus grande quantité dans le torrent circu- 
latoire et former ensuite les dépôts secondaires. 

L'idée de maladie infectieuse est donc très-nettement exprimée dans le 
mémoire de Lücke : aussi l’avons-nous cité avec quelques détails. Cette même 
idée se retrouve dans un travail d'Eberth publié en 1875, et, un peu plus tard, 
en 1879, dans un travail de Kocher. Ge dernier auteur s'appuie, non-seulement 
sur les preuves cliniques, mais encore sur les résultats de l'expérimentation. 
Or n'a pu, dit-il, produire expérimentalement l’ostéomyélite par des irritations 
mécaniques ou chimiques, à moins qu'on ait mélangé à la nourriture des ani- 
maux en expérience des matières putrides. L'auteur en conclut que, dans 
certaines circonstances, les éléments producteurs de l'inflammation sont primi- 
tivement contenus dans le canal intestinal, d'où ils sortent pour pénétrer dans 
la moelle et faire naître l’ostéomyélite. La même année (1879), Rosenbach arrive 
à des conclusions presque identiques à celles de Kocher. Comme lui, 1l rappelle 
que les irritations, soit mécaniques, soit chimiques, sont incapables de repro- 
duire une ostéomyélite sur la moelle des animaux en expérience ; il est néces- 
saire pour cela de pratiquer des injections de petites quantités de substance 
putride. L'ostéomyélite est donc une maladie infectieuse sui generis. Rosenbach 
admet que le poison spécial qui la caractérise peut circuler longtemps dans 
l'organisme, sans inconvénient pour l'état général, jusqu'à ce qu'un traumatisme 
ou un autre désordre de la circulation locale des os éveille l’action nuisible du 
poison et localise son action. L'auteur d'une thèse publiée à Halle, en 1880, 
Kôstlin, a fait des expériences destinées à montrer la nature infectieuse et spéci- 
fique: de l’ostéomyélite de développement. Il a pratiqué sur des chiens des 
fractures sous-cutanées des membres, puis il leur a fait subir des injections de 
matières septiques. Lorsqu'il s'est servi de sang putréfié, il n’a réussi à déter- 
miner aucune espèce d'accident. Une seule fois il a provoqué des lésions ana- 
logues à celles de l’ostéomyélite spontanée chez un chien auquel il avait injecté 
dans la veine jugulaire du pus frais pris. sur une femme atteinte d’ostéomyélite, 


PÉRIOSTITE. 197 


et qui succomba peu de temps après à la pyohémie. Huit jours après le début 
de l'expérience apparut, au niveau de l'épiphyse inférieure de l'humérus gauche, 
une mortification annulaire de la peau, comme celle qui aurait été produite 
par un étranglement, et, quatorze jours après, l'extrémité du membre se 
détacha, en laissant une plaie granuleuse. Au bout d'un mois, le chien fut tué. 
L'autopsie montra une coloration påle du foie, de nombreux foyers purulents 
de la grosseur d’une tête d'épingle dans les deux poumons, une rate très-rouge 
et volumineuse et de l'hydropéricarde. La séparation spontanée de l'extrémité 
s'était faite dans la ligne de l’épiphyse sous-jacente au point de la fracture; les 
fragments non consolidés baignaient dans une cavité remplie de pus. La 
moelle des deux extrémités fragmentaires était très-rouge et infiltrée de pus 
dans l'étendue de 1 centimètre. Sans doute cette expérience est beaucoup moins 
probante que ne le pense son auteur. Il est, entre le résultat obtenu et l’évolu- 
tion habituelle de l’ostéomyélite chez l'homme, des différences essentielles. Si 
l'on voit la suppuration déterminer la disjonction de l'épiphyse, on n'observe 
pas habituellement du côté des parties molles des lésions gangréneuses, entrai- 
nant la chute complète d'un segment de membre. De plus, la malade à laquelle 
on avait emprunté le pus ayant succombé rapidement à l'infection purulente, 
il est permis de se demander si les lésions déterminées chez le chien en expé- 
rience ne sont pas sous la dépendance de cette complication des plaies, plutôt 
qu'elles ne représentent les altérations propres à l'ostéomyélite infectieuse. 
Quoi qu'il en soit, les différents auteurs que nous avons cités jusqu'ici se sont 
contentés de reconnaître le caractère infectieux de l’ostéite de développement, 
sans se préoccuper beaucoup de déterminer quel est l’agent de cette infection. 
Sans doute quelques-observateurs, tels que Klebs, Eberth, Recklinghausen, ont 
bien signalé dans les foyers d'ostéomyélite la présence de micrococci, mais ils 
n'ont pas déterminé leur rôle exact, ils n’ont surtout pas précisé si ces orga- 
nismes inférieurs étaient spéciaux à la maladie qui nous occupe, ou s'ils étaient 
les mêmes que ceux qu'on rencontre dans un grand nombre de suppurations. 
Nous allons voir, en analysant les travaux qui sont plus rapprochés de nous, 
un pas important fait dans cette voie, et peut-être même pour certains auteurs 
un pas décisif. 

Dans. la séance du 4 mai 1880, M. Pasteur rendait compte à l’Académie de 
médecine de l'examen d’un pus d’ostéomyélite recueilli dans le service de 
M. Lannelongue sur la jambe d'une petite fille de douze ans. « Le pus de l'ex- 
térieur de l'os et le pus de l’intérieur, dit-il, furent recueillis avec tous les 
soins convenables, et, plus tard, examinés attentivement et cultivés. L’observa- 
tion directe au microscope des deux pus de l’intérieur et de l'extérieur de l'os 
fut extrêmement intéressante. Il était sensible que ces deux pus contenaient en 
grande quantité un organisme pareil à l'organisme des furoncles, par couples 
de deux et quatre grains et par paquets de ces mêmes grains, les uns à contours 
nets, accusés, les autres peu visibles et à contours très-pâles. Le pus extérieur 
offrait en abondance des globules de pus, celui de l'intérieur n’en montrait pas. 
C'était comme une pâte graisseuse de l'organisme furonculeux. Aussi, chose 
digne de remarque, en moins de six heures, après l'ensemencement des liquides 
de culture, le développement du petit organisme était commencé. Je vis alors 
que c'était bien exactement l'organisme des furoncles... Si j'osais m'exprimer 
ainsi, je dirais que, dans ce cas tout au moins, l'ostéomvélite a été un furoncle 
de la moelle des os. » 


198 PÉRIOSTITE. 


De cet examen de M, Pasteur il résulte que l'organisme trouvé par lui ne 
serait pas spécial à l'ostéomyélite, puisqu'il insiste sur son identité avec le 
microorganisme du furoncle. Malheureusement M. Pasteur ne fit pas d’inocu- 
lations, de sorte qu'il ne put déterminer d'une manière exacte le rôle pathogé- 
nique du microorganisme trouvé par lui dans le pus de l’ostéomyélite, 

En 1881, Max Schüller publia dans le Centralblatt für Chirurgie le résultat 
de l'examen d'un pus pris sur un jeune homme atteint d’ostéomyélite infectieuse, 
qui avait dû subir l’amputation de la cuisse, à cause de l’envahissement de 
l'articulation du genou par la suppuration. Il trouva des micrococcus dans la 
moelle, dans lé périoste et les tissus environnants, infiltrés de pus. Ces micro- 
coccus se retrouvaient même dans l'épaisseur du cartilage articulaire. 

Un des travaux les plus importants sur la question est celui qui a été publié 
en 1883 par Becker. Cet expérimentateur a pu cultiver le pus pris sur des 
membres atteints d'ostéomyélite, et il a obtenu ainsi des cultures d'une couleur 
orangée; mais l’inoculation de ces cultures ma déterminé chez les animaux 
aucun phénomène du côté des os; la suppuration osseuse ne s'est montrée que 
dans les cas où, quelques jours auparavant, on avait pratiqué une ou plusieurs 
fractures. Cette même année, 1885, dans une thèse sur l'étiologie et la patho- 
génie de l'ostéomyélite, un élève de la Faculté de Paris, M. Thellier, publie Le 
résultat de deux examens pratiqués par M. Nepveu dans le service de M. Verneuil, 
et, dans les deux cas, on a constaté dans le pus la présence de microorganismes, 
De son côté, Rosenbach qui, comme nous l'avons déjà dit, avait depuis long- 
temps insisté sur la nature infectieuse de l'ostéomyélite, a cherché à contrôler 
les résultats des expériences de Becker. Par la culture du pus d'ostéomyélite, 
il a obtenu très-régulièrement une culture d’un blanc jaunâtre, qui se montrait 
formée de microcoques de petit volume et parfaitement ronds, se réunissant en 
petites boules de diverses dimensions. Il lui donna le nom de staphylococcus 
pyogenes aureus. Les tentatives d'inoculation faites par l'auteur ne lui ont pas 
fourni de résultat. Avec de grandes masses injectées dans les veines, il a pu 
produire la mort rapide; mais de petites quantités n'ont pas amené de désordres 
permanents. D'ailleurs ce microcoque ne serait point spécial à l’ostéomyélite, 
il aurait été rencontré dans un grand nombre d’autres sunpurations. Les con- 
clusions de Rosenbach sont encore renforcées par celles d’un travail publié la 
même année (1884) par Fedor Krause. Comme les auteurs précédents, cet 
expérimentateur a obtenu par la culture du pus d'ostéomyélite des amas gri- 
sâtres prenant plus tard la coloration orangée, et constitués par une aggloméra- 
tion dé micrococcus. Les injections sous-cutanéés de ces cultures n'ont donné 
aucun résultat, les injections intra-veineuses ont généralement déterminé la 
mort, et souvent en pareil cas on a trouvé des abcès dans les muscles et des 
épanchements séro-purulents dans l'intérièur des articulations. Comme Rosen- 
bach, Fedor Krause ne croit pas que le micrococcus de l’ostéomyélite soit spécial 
à cette maladie, car il l’a retrouvé dans le pus des anthrax. L'important travail 
publié dans la Revue de chirurgie de 1885 par Rodet (de Lyon) fait faire à 
la question un grand pas en avant. Jusqu'ici, en effet, les différents observateurs 
avaient bien signalé la présence du staphylococcus dans le pus de l'ostéomyélite, 
mais ils n'avaient pu réussir à reproduire par l'expérimentation les lésions de la 
maladie, à moins d'exercer, à l'exemple de Becker, des. violences sur le tissu 
osseux, Rodet, au contraire, à pu, par les seules injections da microbe dans les 
veines du lapin, reproduire chez cet animal des lésions -du système osseux 


PÉRIOSTITE. 199 


identiques à celles qu'on trouve dans l’ostéomyélite spontanée chez l'homme. 
Il a de cette façon démontré que le microbe, staphylococcus pyogenes aureus, 
est bien l'agent de l'ostéomyélile spontanée, puisque son injection dans fe 
système veineux, en dehors de tout traumatisme des os, suffit seule à reproduire 
la maladie. Mais cela ne veut pas dire que le staphylococcus soit spécifique, 
c'est-à-dire qu'il appartienne en propre à l'ostéomyélite. On le rencontre en 
- effet dans d’autres suppurations. C’est ce qui résulte des courageuses expériencés 
de M. Garré entreprises sur lui-même, et communiquées par Socin (de Bâle) au 
Congrès français de chirurgie de 1885, M. Garré a pu, en effet, à l'aide du pus 
d'ostéomyélite, reproduire sur lui-même des lésions du furoncle. M. Mouisset 
(de Lyon) à également retrouvé dans le furoncle le staphylococcus; Enfin M, Ja- 
boulay, élève de la Faculté de Lyon, qui a fait à l'instigation de M. Rodet une 
thèse sur le microorganisme de l'ostéomyélite infectieuse, a pu le retrouver 
dans le pus de plusieurs abcès chauds. Ce dernier auteur a pu déterminer les 
lésions de l'ostéomyélite avec le staphylococcus albus aussi bien qu'avec le 
microbe orangé. 

De toutes les recherches précédentes que nous avons longuement analysées, 
nous sommes en mesure dé conclure que l’ostéomyélite de développement est 
une maladie infectieuse due à la présence dans l'organisme d'un microorganisme, 
staphylococcus dont les deux variétés albus èt aureus, sè retrouvent au sein 
des lésions de cette affection. Mais, si ce miéroorganisme est bien l'agent patho- 
génique véritable, il n'est cependant pas spécifique, en ce sens que sa présence 
a été constatée dans bon nombre d’autres suppurations. Ajoutons que, dans 
une communication récente à la Société de Chirurgie, M. Lannelonguë a appelé 
l'attention sur l'existence presque constante, à la surface du corps des malades 
atteints d’ostéomyélite, de petites plaies, représentant les portes d'éntrée du 
microbe infectieux. 

Stéce. Les pièces du squelette ne sont pas toutes également exposées à être 
le siége de l’ostéomvélite de développement. La maladie est infiniment plus 
fréquente sur les os longs. Dans cette dérnière classe même il est des lieux 
d'élection bien déterminés. C'est ainsi que les os du membre inférieur sont 
beaucoup plus souvent atteints quë ceux du membre supérieur. Sur une statis= 
tique de 100 observations examinées à ce point de vue, M: Lanticlongue note 
80 fois l’envahissement des os longs du membre inférieur, tandis que le membre 
supérieur n'a été atteint que 15 fois. Au membre ifférieur, aussi bien qu'au 
membre supérieur, le mal ne frappe pas avec un même degré de fréquence lês 
divers os. A l'extrémité supérieure, c'est l'humérus ; à l'extrémité inférieure, le 
fémur et le tibia, qui sont le plus souvent atteints; On juge bien de la fréquence 
relative de la maladie sur lés différents os, d'après le tableau suivañt emprunté 
à M. Lannelongue : 


MEMBRE SUPÉRIÉUR MEMBRE INFÉRIEUR 
EAMES e e oTa 5 cas. Femur Are a a 34 cas. 
Radius Ci nc de bad a di = Tibia Co nas Der ae Ale a vd a3 — 

Caen Péroné “it ra 8. == 
Total. i CAS à 
Fi CHAUX à 60 és: 


Enfin, dans un méme os, les deux extrémités épiphysaires ne sont pas éga- 
lement frappées. A l'humérus, c’est l'épiphyse supérieure qui est le plus souveñt 
atteinte ; au radius ét au cubitus; ce sont les épiphyses inférieures. Au rnembre 


200 PÉRIOSTITE, 


inférieur, la disposition est inverse : ce sont, au contraire, l'extrémité inférieure 
du fémur et l'extrémité supérieure du tibia qui sont le plus souvent atteintes. 
Il ne faut pas voir là une simple bizarrerie difficile à expliquer, mais bien une 
conséquence logique des lois de l'ostéogénie. Nous savons, en effet, et les 
expériences de M. Ollier ont surtout bien mis le fait en évidence, que les deux 
épiphyses d’un os long sont loin de prendre une part égale à son développement. 
Or, ce sont les épiphyses les plus fertiles, extrémité supérieure de l'humérus, 
extrémité inférieure du fémur, supérieure du tibia, qui sont le siége le plus 
fréquent de l'ostéomyélite de développement, aussi bien que des tumeurs 
malignes dites ostéosarcomes. Le plus souvent on observe un seul foyer patho- 
logique sur un même os, mais quelquefois les deux extrémités épiphysaires 
sont envahies simultanément. Tantôt l’inflammation se propage de l’une à 
l'autre, en laissant tout le long de la diaphyse des traces de son passage; tantôt 
elle parcourt la diaphyse tout entière sans s'y arrêter et détermine deux foyers 
de suppuration isolés aux deux extrémités de l'os. C'est à cette forme que 
M. Ollier donne le nom d'ostéite bipolaire. Il la note comme particulièrement 
fréquente au tibia. 

Mais les os longs ne sont pas les seuls atteints; les os courts et les os plats 
peuvent être également le siége de l’ostéomyélite de développement. Parmi les 
os courts, le calcanéum, la rotule, les corps vertébraux, sont le plus souvent 
atteints; parmi les os plats, les os du cräne, le maxillaire inférieur, l’omoplate, 
los iliaque. 

Notons enfin que si, dans la plupart des cas, un seul os est malade (sur 
24 cas, M. Lannelongue note que l'affection est restée 20 fois bornée à un seul 
os), parfois aussi il arrive que plusieurs os sont frappés simultanément ou à 
peu de distance. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. Nous aurons surtout en vue dans la description des 
lésions l'ostéomyélite des os longs; nous dirons ensuite quelques mots de la 
maladie observée sur les os courts et les os plats. 

Les lésions peuvent envahir l'os dans une étendue très-variable; tantôt c'est 
le tiers, le quart de la diaphyse, qui est envahi, tantôt la maladie s’est propagée 
au cylindre osseux dans toute sa longueur. Mais, quelle que soit l'étendue d'os 
envahie par la lésion, le début a toujours lieu dans le même point, c’est-à-dire 
au voisinage du cartilage épiphysaire : de là le nom d'osféite épiphysaire des 
adolescents employé par M. Gosselin. Ce n'est pas à dire, comme nous l'avons 
déjà établi, que ce soit le cartilage épiphysaire lui-même qui soit le point de 
départ de la maladie, mais bien le tissu osseux au voisinage de ce cartilage. 
C'est ce qu'a voulu exprimer Ollier en donnant à l'affection le nom d'osteite 
juxta-épiphysaire. Cet auteur nomme région juxta-épiphysaire cette portion 
renflée de la diaphyse comprise entre le canal médullaire central et le cartilage 
de conjugaison. C'est cette portion juxta-épiphysaire qui est le siége initial de 
l'ostéomyélite de développement, beaucoup plus souvent que le tissu osseux de 
l'épiphyse elle-même. La raison en est la suivante : Les deux faces du cartilage 
épiphysaire sont loin de contribuer également à la prolifération des éléments 
ossifiables et à l'accroissement de l'os en longueur. La prolifération est infiniment 
plus active sur celle des faces qui regarde la diaphyse; à tel point que, d'après 
M. Ollier, la hauteur de l'os due aux faces épiphysaires de ses deux cartilages 
de conjugaison représente à peine le 15° de la hauteur fournie par les deux 
faces diaphysaires des mêmes cartilages. C’est cette prolifération active et la 


PÉRIOSTITE. 201 


congestion physiologique qui la prépare qui localisent les phénomènes morbides 

- dans la région juxta-épiphysaire. Comme M. Ollier, M. Lannelongue place les 
phénomènes initiaux de la maladie dans cette portion osseuse renflée qui, dans 
les os en voie de développement, se trouve comprise entre la diaphyse et le 
cartilage de conjugaison, et, pour mieux la distinguer, il lui donne le nom de 
bulbe osseux. À partir de ce point d'origine, la maladie se propage vers les 
deux extrémités de l'os, c’est-à-dire à la fois vers la diaphyse et vers l'épiphyse. 
En se diffusant dans ce dernier sens, la maladie atteint les limites du tissu 
osseux, gagne le cartilage de revêtement et l'articulation voisine, et détermine 
des désordres de la plus haute gravité. Quelquefois cependant la progression se 
fait uniquement dans le sens de la diaphyse, ce qui est une circonstance favo- 
rable et épargne au malade les redoutables complications du côté du cartilage 
épiphysaire et de l'articulation. 

L'ostéomyélite de développement porte son action sur toutes les parties con- 
stituantes du tissu osseux; c'est, avons-nous dit, au point de vue anatomo- 
pathologique, une véritable panostéite. Nous devons donc successivement passer 
en revue les lésions de la moelle, celles du tissu osseux lui-même et du périoste ; 
nous examinerons ensuite les désordres qui peuvent se produire consécutivement 
soit du côté du cartilage épiphysaire, soit du côté des articulations, les décol- 
lements des épiphyses, les fractures spontanées, les nécroses. 

1° Lésions du tissu osseux.  L'inflammation se traduit du côté du tissu 
osseux par une coloration rosée ou même par une teinte violacée, surtout appa- 
rente quand la surface de l’os a été dépouillée de son périoste. On voit aussi, 
dans ces conditions, sourdre sur le corps de l'os de nombreuses petites goutte- 
lettes de sang, qui répondent aux orifices des canaux de Havers dilatés. « On 
rencontre encore, à ce premier degré, dit M. Lannelongue, auquel nous em- 
pruntons les traits fondamentaux de cette description, de petites taches jaunes 
comme huileuses. Enfin parfois l’os a déjà en certaines places une couleur d’un 
blanc mat, couleur d'ivoire. » Le tissu osseux lui-même ne subit pas dans sa 
structure de modifications appréciables. Les altérations siégent dans les canaux 
de Havers dont les vaisseaux sont gorgés de sang; on y constate une prolifération 
de tous les éléments cellulaires qui, dans les os en voie de développement, 
accompagnent dans les canaux vasculaires le trajet des vaisseaux. Ces éléments 
cellulaires passent à l’état embryonnaire, et leur prolifération jointe à la diapé- 
dèse des globules blancs fournit une quantité considérable de leucocytes dont 
les canaux de Havers sont infiltrés. « Dans le tissu canaliculaire des extrémités 
des diaphyses les lésions ont le même caractère; elles sont là, plus accusées 
encore que dans le tissu compacte; les espaces de ces canaux sont agrandis et 
colorés par la moelle rouge » (Lannelongue). En un mot, les lésions du 
tissu osseux sont celles qui ont été décrites par Gerdy sous le nom d'ostéite 
raréfiante; mais, de bonne heure, et c'est là la caractéristique de l'affection, 
les canaux de Havers du tissu compacte, les aréoles du tissu spongieux, sont 
envahis par la suppuration. C'est surtout à l'extrémité des diaphyses et dans le 
tissu spongieux des épiphyses que se rencontre l'infiltration purulente, sous la 
forme de taches jaunâtres, plus ou moins étendues, plus ou moins irrégulières. 
Le pus qui infiltre le tissu osseux à cette période n’est pas encore assez liquide 
pour s'écouler spontanément sur une coupe, mais, par les lavages, on l'en- 
traine et l'on constate la dilatation de tous les canalicules osseux privés de la 
moelle qu’ils renferment normalement. Plus tard, le pus est collecté à l’état 


202 PÉRIOSTITE. 


liquide; en un mot, il forme de véritables abcès. Le siége habituel de ces abcès 
est l'extrémité renflée de la diaphyse, au voisinage de l'épiphyse; ils sont done à - 
la fois isolés du cartilage épiphysaire et du canal médullaire. Cette localisation 
est facile à comprendre, si l'on songe que c'est là que débutent les lésions et 
qu'elles marchent avec la plus grande rapidité. Mais la suppuration peut quel- 
quefois envahir le cartilage de conjugaison; elle peut aussi se développer dans 
l'épiphyse elle-même, qui est parfois transformée en une vaste cavité purulente, 
communiquant ou non avec l'articulation voisine. Dans l'épaisseur du tissu 
compacte, le pus se collecte beaucoup plus rarement pour former des abcès, 
mais il infiltre les canalicules osseux et les canaux de Havers dilatés. En un 
mot, le processus est double : d'une part, la prolifération cellulaire conduit à 
la disparition des éléments qui infilirent à l'état normal les canaux de Havers et 
les aréoles du tissu spongieux; d'autre part, la substance osseuse elle-même 
disparaît par un processus de résorplion sur le mécanisme duquel on est loin 
d'être encore bien fixé. Cette raréfaction osseuse détermine l'élargissement des 
canalicules qui forment des conduits irréguliers, remplis de pus et de fongosités 
pouvant atteindre « la grosseur d’une plume de corbeau » (Lannelongue). Il en 
résulte des pertes de substance considérables, et parfois même de vastes cavités, 
renfermant dans leur intérieur du pus, des fongosités, des séquestres. Chassai- 
gnac a signalé ces perforations par lesquelles les abcès intra-osseux communiquent 
à l'extérieur, et il leur a donné le nom de trépanations spontanées. Il cite 
l'exemple d'un fémur dans l'extrémité inférieure duquel se voyaient quatre 
trous osseux aboutissant isolément dans une cavité unique où se trouvait logé 
un séquestre, 

2° Lesions de la moelle. Du côté du canal médullaire, on observe les 
mêmes lésions que dans les canaux de Havers et dans les aréoles du tissu spon- 
gieux, Nous rappelons encore une fois que c’est sur cette similitude des élé- 
ments anatomiques de la moelle et des canaux de Havers et sur l'identité de 
leurs lésions que s’est appuyé M. Lannelongue pour donner à la maladie le nom 
d’ostéomyélite. L'inflammation du tissu médullaire se traduit par l'existence de 
taches d'un rouge foncé, vineux, qui tranchent sur la coloration de la moelle 
voisine. Toutefois, pour en juger, il faut se rappeler qu'à l'état normal, chez 
les jeunes enfants, la moelle des os longs présente une couleur rouge. Gerdy et 
Broca n'admettent pas que l'inflammation donne lieu au gonflement de la 
moelle ; M. Lannelongue pense au contraire que ce gonflement existe, mais qu'il 
fait bientôt place au ramollissement. Le microscope dénote dans la. moelle 
enflammée l'existence de dilatations vasculaires et la prolifération des médullo- 
cèles. Un des premiers phénomènes anatomo-pathologiques est aussi la disparition 
de la graisse qui infilire les cellules adipeuses, en même temps que la prolifération 
de leurs noyaux Ce fait déjà signalé par M. Verneuil a été confirmé par Ranvier 
dans ses recherches sur l’ostéite. Toutefois les leucocytes qui infiltrent le 
tissu médullaire ne sont pas uniquement fournis par la prolilération cellulaire; 
la plupart d'entre eux proviennent sans doute des vaisseaux sanguins par 
diapédèse. Ces leucocytes, en se réunissant, donnent au tissu médullaire une 
teinte grisâtre ; ils constituent de véritables infiltrations purulentes, tantôt sous 
la forme de taches isolées, tantôt étendues à une grande partie du tissu médul- 
laire. Plus tard, le pus se liquéfiant donne naissance à de véritables abcès. 

3° Lesions du périoste. C'est à tort qu'on a considéré autrefois les lésions 
du périoste comme primitives : d'où les noms de périostite phlegmoneuse, 


PÉRIOSTITE. 203 


périostite diffuse. Encore une fois, les éléments anatomiqnes qui sont primiti- 
vement frappés, ce sont les éléments cellulaires qui siégent aussi bien dans le 
canal médullaire et dans les canaux de Havers que dans les couches profondes 
du; périoste lui-même, Aussi a-t-on pu dire que, chez les jeunes sujets, l'os 
baïgnait de toutes parts dans la moelle. Rien d'étonnant dès lors que le périoste 
participe de bonne heure à l'inflammation. Il est épaissi, infiltré; tons ses 
vaisseaux sont hyperémiés ; il est soulevé par l'hyperplasie des éléments cellu- 
laires amassés dans ses couches profondes et se laisse décoller avec la plus 
grande facilité. Bientôt la suppuration se produit, le pus se collecte entre le 
périoste et la surface de l'os ; 1l décolle de proche en proche la membrane, qui 
ne reste adhérente à l'os qu'au niveau des surfaces d'insertion et des crêtes 
osseuses, Dans quelques cas, l'os se trouve ainsi complétement environné par 
une sorte de manchon purulent. Sous l'influence combinée de la distension et 
du travail inflammatoire, le périoste ne tarde pas à se rompre, et le pus devient 
libre dans les tissus voisins. Cette destruction du périoste peut se faire de deux 
manières différentes. Tantôt elle se produit dans une très-grande étendue, et 
l'os est privé de périoste sur une large surface ; tantôt il se fait seulement dans 
la membrane périostale soulevée par le pus de petites perforations qui livrent 
passage à la suppuration. M. Lannelongue cite un exemple remarquable de cette 
dernière variété : Un enfant portait au devant du genou une vaste collection 
purulente, qui masquait l'état de l'articulation, Une incision fut faite, mais on 
ne put que soupçonner, d'après les antécédents, l'origine de la suppuration- 
L'enfant ayant succombé, on trouva à l’autopsie le périoste du fémur décollé 
dans presque toute l'étendue de la diaphyse, et communiquant en un point par 
une ouverture étroite avec la poche purulente superficielle. L’abcès sous- 
périostique est quelquefois aussi en communication par une perforation osseuse 
avec un abcès intra-osseux et intra-médullaire ; il peut communiquer égale- 
ment avec une articulation ou un foyer purulent dans lequel baigne un cartilage 
épiphysaire décollé. Développé au niveau de l'une des extrémités de l'os, l’abcès 
sous-périostique se propage vers le centre de la diaphyse, soit de bas en haut, 
soit de haut en bas, suivant son point d'origine. Sur les limites de l'abcès, le 
périoste est épaissi, et, quand vient la réparation, il donne naissance à des 
couches osseuses de formation nouvelle. 

Telles sont les lésions essentielles de la maladie, celles qui, frappant les 
éléments médullaires partout où ils se trouvent, se développent simultanément 
dans le canal médullaire, sous le périoste et dans l'épaisseur de l'os lui-même. 
A la vérité, les lésions peuvent porter d’une manière très-inégale sur chacun de 
ces tissus. Il peut se faire qu'une suppuration abondante se produise au-dessous 
du périoste, alors que dans le canal médullaire et dans los lui-même l’inflam- 
mation n'aboutit pas à la production de pus. Mais, lorsque la suppuration sè 
développe dans le canal médullaire et dans les couches profondes de Vos, il y a 
toujours en mème temps production de pus au-dessous du périoste. Quoi qu'il 
en soit d’ailleurs, on peut dire que toutes les parties de l'os sont toujours 
atteintes simultanément, bien qu'à des degrés différents; et dans les cas mêmes 
où la suppuration est bornée au périoste, la marche clinique de la maladie 
permet d'aflirmer que l'os lui-même n’a pas ‘été épargné. C'est ià du reste un 
point sur lequel nous reviendrons longuement à propos des symptômes. Ainsi 
donc les lésions du périoste, de la moelle et de l'os lui-même, sont des lésions 
constantes, primitives, essentielles; il n'en est pas de même des lésions qui 


204 PÉRIOSTITE. 


nous restent à décrire. Elles peuvent manquer. Aussi doivent-elles être considé- 
rées comme des lésions secondaires. 

Lésions du cartilage de conjugaison. Telle est l'importance du cartilage de 
conjugaison ou cartilage épiphysaire qu'on a voulu en faire le point de départ de 
la maladie, comme l'indiquent les noms d'ostéite épiphysaire, ostéite juxta- 
épiphysaire, Le seul fait bien établi, c'est le développement des lésions et leur 
marche plus rapide au voisinage du cartilage épiphysaire. Mais, dans un bon 
nombre de cas, ce cartilage lui-même reste intact. Parfois cependant il parti- 
cipe aux lésions inflammatoires et suppuratives, et devient ainsi le point de 
départ des plus graves complications. L'inflammation peut se traduire au début 
par une coloration rosée du cartilage conjugal. Le fait est exceptionnellement 
signalé par Klose; M. Lannelongue ne l’a constaté qu'une seule fois, mais, de 
bonne heure, le cartilage est ramolli, en partie détruit, perforé par la suppura- 
tion. Chassaignac a signalé un cas dans lequel le cartilage de conjugaison portait 
quatre perforations répondant à autant de perforations osseuses. Dans d'autres 
cas, ce ne sont plus de simples perforations, mais bien des destructions larges, 
et quelquefois même une destruction complète du cartilage. On trouve alors les 
extrémités osseuses de la diaphyse et de l'épiphyse rugueuses, irrégulières, 
flottant dans une cavité purulente qui représente le siége du cartilage disparu. 
En pareil cas, les lésions suppuratives se propagent habituellement du côté de 
l'épiphyse et de l'articulation voisine ; d’autre part, la dissociation de l'épiphyse 
et de la diaphyse donne lieu à tous les phénomènes du décollement épi- 
physaire. 

Lesions des articulations. En se propageant du côté des extrémités osseuses, 
les altérations anatomiques de l’ostéomyélite gagnent les articulations voisines. 
Cette propagation aux articulations peut se faire de deux manières différentes. 
Dans quelques cas, c'est l'abcès périostique qui vient s'ouvrir dans la synoviale, 
mais cette forme sur laquelle a insisté M. Gosselin est exceptionnelle. Beaucoup 
plus souvent l'inflammation se propage aux articulations par l'intermédiaire du 
cartilage de conjugaison et du tissu osseux de l’épiphyse. La grande division 
établie par Chassaignac entre l'ostéomyélite envahissant toujours les articula- 
tions et l'abcès sous-périostique qui les respecte n'a donc pas une valeur absolue. 
Elle correspond cependant à un fait vrai, à savoir que la propagation aux arti- 
culations par l'intermédiaire de l’abeès sous-périostique est infiniment plus 
rare qu'à la suite des lésions du cartilage conjugal et de l’épiphyse. On voit, 
dans ce dernier cas, la suppuration, après avoir détruit le tissu osseux, arriver 
jusqu’à la face profonde du cartilage articulaire, puis celui-ci est perforé, et le 
pus pénètre dans l’intérieur de la jointure. Chassaignac, qui a décrit soigneuse- 
ment ces perforations du cartilage diarthrodial, les compare à des trous faits à 
l'emporte-pièce. M. Lannelongue a étudié avec détails ces lésions, et il en a 
décrit le premier degré sous la forme de godets qu’on trouve quelquefois en 
grand nombre à la surface du cartilage articulaire. Quand on pratique une 
coupe à leur niveau, on constate que le cartilage est aminci au fond du godet; 
la couche profonde calcifiée a disparu, ses couches superficielles privées de 
soutien se sont laissé affaisser; puis elles-mêmes sont détruites, et la perfora- 
tion complète est établie. La présence du pus dans l'articulation y détermine 
bientôt la production d’une arthrite suppurée et de lésions destructives des 
extrémités articulaires et des ligaments. Dans d’autres cas, les altérations des 
Jointures sont beaucoup moins graves; le pus ne pénètre pas dans leur inté- 


PÉRIOSTITE. 205 


rieur ; ce sont de simples arthrites de voisinage, qui peuvent se terminer heu- 
reusement par ankylose, après la production de liquide et de fongosités. 

Décollements épiphysaires et apophysaires. Separation des diaphyses. La 
disparition partielle ou totale du cartilage épiphysaire amène la disjonction de 
la diaphyse et de l'épiphyse. Les débris du cartilage épiphysaire restent adhé- 
rents, soit à la diaphyse, soit à l’épiphyse, plus souvent à cette dernière. Les 
deux segments osseux, mobiles l'un sur l’autre, n'étant plus reliés entre eux 
que par quelques liens fibreux périphériques, subissent des déplacements en 
divers sens. Parfois, la disjonction étant complète, il se produit une véritable 
luxation de l'extrémité diaphysaire qui vient faire saillie sous les téguments. Il 
est même des cas où, l'abcès sous-périostique ayant été largement incisé, l’extré- 
mité luxée de la diaphyse fait issue à travers la plaie. D’après les rapports 
existant entre le cartilage épiphysaire et l'articulation voisine, le décollement 
des épiphyses aura sur l'état des articulations une influence variable. A la 
hanche, où le cartilage de conjugaison est compris dans l’intérieur de l’article, 
le décollement épiphysaire s'accompagnera nécessairement d’arthrite purulente ; 
au tibia, au contraire, l'articulation pourra demeurer intacte. 

Des épiphyses il faut rapprocher les apophyses qui, comme elles, sont sépa- 
rées de la diaphyse par un cartilage de conjugaison et peuvent être le siége de 
l'ostéomyélite de développement. La suppuration détermine parfois le décolle- 
ment de ces apophyses. M. Lannelongue cite une observation rapportée à la 
Société anatomique par Campenon, et dans laquelle les deux trochanters du 
fémur étaient presque entièrement séparés de l’épiphyse après destruction du 
cartilage qui les unit à cette dernière. Il a observé lui-même un décollement 
presque complet du grand trochanter fémoral. 

À côté des décollements épiphysaires et apophysaires, M. Lannelongue signale 
ce qu'il nomme la séparation des diaphyses. En effet, la disjonction entre la 
diaphyse et l’épiphyse ne se fait pas toujours au niveau du cartilage épiphysaire 
lui-même. Dans quelques cas, le cartilage épiphysaire est intact, et une couche 
plus ou moins épaisse de tissu osseux lui reste adhérente du côté de la diaphyse. 
La séparation s’est donc faite au niveau du renflement épiphysaire ou bulbe 
osseux. M. Lannelongue a trouvé cinq cas de cette nature. Dans l'un d'eux, 
celui de R. Petit (Bull. de la Soc. aaat.), les deux extrémités du corps du 
tibia étaient séparées de leurs épiphyses. 

Fractures spontanées. Un autre accident de l’ostéomyélite, c'est la produc- 
tion de fractures spontanées qui siégent, non plus au niveau des extrémités 
épiphysaires, mais bien dans la continuité de la diaphyse. C'est généralement, 
dit M. Ollier, dans la convalescence des ostéites, quand les malades, sortis de la 
période aiguë et fébrile, recommencent à marcher, que s’observent ces fractures. 
Ce sont donc des accidents plus tardifs que les décollements épiphysaires. Bien 
qu'elles puissent siéger dans tous les points de la diaphyse, elles s'observent le 
plus souvent au niveau du tiers supérieur et du tiers inférieur des os longs. 
Tous les auteurs sont d'accord pour reconnaître la fréquence très-grande de ces 
fractures sur le fémur. Dans le courant de 1885, M. Humbert en a communiqué 
à la Société de chirurgie un cas siégeant à l'extrémité inférieure de la cuisse 
droite chez un jeune homme de dix-neuf ans ; ce qui fait l'intérêt particulier de 
ce cas, c’est que l'on avait pu croire tout d'abord à une fracture spontanée 
compliquant un ostéosarcome de l'extrémité inférieure du fémur. M. Ollier a 
observé chez un même sujet une fracture sous-trochantérienne du fémur et une 


206 PÉRIOSTITE. 


fracture siégeant au tiers inférieur du tibia. La première fut suivie d'un dépla- 
cement du fragment inférieur en dedans ; la seconde, d'un déplacement du 
fragment inférieur en arrière. D’autres os peuvent être, bien que beaucoup plus 
rarement, le siése de ces fractures spontanées : ainsi Phumérus, les côtes (Picqué), 
la première phalange du pouce (Ollier). Ces fractures survenant à une période 
avancée de la maladie sont là conséquence de la nécrose osseuse : aussi se pro- 
duisent-elles sous l'influence de la cause la plus légère, une contraction mus- 
culaire, un traumatisme sans importance. Tantôt c’est la partie nécrosée elle- 
même qui se fracture, tantôt c’est le tissu sain persistant, mais aminci par les 
perforations et les larges ulcérations osseuses que nous avons précédemment 
décrites. Le trait de fracture est le plus souvent irrégulier ; quelquefois même il 
y a plusieurs fragments, mais la circonstance la plus importante au point de 
vue clinique, c'est la présence ou l'absence de suppuration. On peut craindre, 
quand la suppuration existe, la production de phénomènes septicémiques. 
M. Ollier a perdu de pyohémie deux malades atteints d'ostéite ancienne, qui 
s'étaient cassé le fémur au niveau d’un foyer de suppuration. De nombreux 
faits démontrent que la consolidation de ces fractures est possible. Suivant 
Aubry (thèse de doct., Strasbourg, 1868), elle serait même la règle. C'est la 
consolidation rapide de la fracture qui, dans le cas de Humbert, dont nous avons 
parlé plus haut, a été Pun des meilleurs arguments pour faire admettre qu'il 
s'agissait d’une ostéomyélite de développement, et non d’un ostéosarcome. Il ne 
faudrait pas croire cependant que le pronostic soit sans gravité : témoin les 
deux faits de M. Olher terminés par pyohémie. M. Simon, qui étudie ces frac- 
tures dans sa thèse d’agrégation (Des fractures spontanées, 1886), relève, sur 
16 observations, 7 cas dans lesquels lamputation ou la désarticulation du 
membre dut être faite, et 3 cas où la mort est survenue rapidement, sans qu'on 
eût fait de tentative opératoire. 

Des nécroses. Une des conséquences les plus fréquentes de Fostéomyélite, 
c’est la production de nécroses. Dans la plupart des cas, en effet, on retrouve, 
soit de très-petites parcelles osseuses détachées et flottant dans le pus, soit des 
séquestres plus ou moins volumineux de tissu spongieux, logés dans une cavité 
de Fépiphyse ou de la portion renflée de la diaphyse. Enfin, dans d’autres cas, 
Ja nécrose est étendue à une portion plus ou moins considérable de la diaphyse. 
On peut dire que la plupart des nécroses étendues des os longs, qui se prolongént 
pendant un grand nombre d'années, sont des suites de Fostéomyélite de déve- 
loppement. Tantôt la nécrose comprend toute l'épaisseur du tissu compacte, 
tantôt ses couches les plus superficielles seulement. H est enfin des cas où la 
diaphyse dans sa totalité est frappée de nécrose. Pendant longtemps on a eu, 
sur Finflammation des os et ses conséquences pour la production de la nécrose, 
les idées les plus erronées. On regardait le tissu osseux comme une substance 
inerte, incapable de s'enflammer primitivement, mais présentant seulement des 
lésions secondaires, consécutives à celles du périoste et de la substance médul- 
laire. Il a fallu les travaux de Gerdy sur l'ostéite pour modifier les idées à cet 
égard. Sous l'influence des opinions anciennes et erronées, on s'était efforcé 
d'expliquer la nécrose où mortification du tissu osseux, tantôt par les altérations 
de la moelle, tantôt par celles du périoste. En réalité, la chose est beaucoup 
plus complexe. Sans doute, la destruction de la moelle et du périoste, en privant 
Fos d'un très-grand nombre de vaisseaux nourriciers, peut conduire à la nécrose, 
mais elle ne saurait suffire, tant est grande la richesse vasculaire du tissu 


PÉRIOSTITE. 207 
osseux, tant sont nombreuses les anastomoses entre ses divers ordres de vais- 
seaux. La preuve en est qu'après le décollement du périoste on peut très-bien 
voir Fos conserver sa vitalité. Il est en effet une circonstance des plus impor- 
tantes dans la production de la nécrose, c'est l'inflammation du tissu osseux 
lui-même, qui agit de deux manières pour suspendre la circulation dans son 
intérieur. Le premier mécanisme, c'est la suppuration abondante qui détruit tous 
les vaisseaux contenus dans les canaux osseux et les canalicules de Havers; le 
second, c'est l’ostéite condensante qui, oblitérant le calibre de ces canaux, 
étouffe les vaisseaux et conduit au même résultat que la suppuration. Aussi, 
après avoir longuement examiné la question, M. Gosselin a-ti) grandement 
raison de conclure en disant : « Ce qui pour moi reste acquis, e'est la partici- 
pation de l'ostéite elle-même à la production de la nécrose ». La même idée 
est également développée par M. Lannelongue. 

Réparation des lésions. Presque en même temps que le processus destructif, 
ou du moins de très-bonne heure, commence le travail de réparation. I} est 
fourni par les éléments qui, à l'état normal, concourent à l'ossification, c'est-à- 
dire le périoste et la moelle. Dans tous les points où le périoste n'est pas 
entièrement détruit par la suppuration, sa couche profonde ou couche 
ostéogène dépose à sa face profonde de nouveaux éléments qui, d’abord 
grenus et friables, s'unissent pour former des lames osseuses solides qu’en a 
vues, s'étendant comme un pont d'une épiphyse à l’autre, rétablir la continuité 
de la diaphyse osseuse. On peut même voir un nouvel os être régénéré en 
totalité et, dans les cas où l'os ancien nécrosé reste inclus dans le nouvel os, 
on a ainsi la production d'un séquestre invaginé. Suivant l'état du périoste, la 
régénération osseuse est plus ou moins abondante. Sur les limites du décolle- 
ment périostique, là où la couche ostéogène a été seulement irritée et non 
détruite par la suppuration, la production osseuse nouvelle est abondante; au 
contraire, dans les points où le périoste a été soulevé par le pus et où la couche 
de moelle périostale a été en partie détruite, la réparation est beaucoup plus 
imparfaite. 11 est même des points au niveau desquels celle réparation manque 
tout à fait. Ainsi se forment dans l'os nouveau ces orifices que Weidmann, dans 
son étude sur la nécrose, a dénommés égouts et cloaques, orifices par lesquels 
le séquestre se présente quelquefois à l'extérieur, et qui donnent issue à la 
suppuration. C’est aussi l’ossification nouvelle aux dépens du périoste qui est 
l'origine de la consolidation des éléments épiphysaires et diaphysaires. Mais il 
ne faudrait pas croire que le périoste seul soit l’agent de la réparation. Le tissu 
médullaire, partout où il se trouve, dans le canal osseux central, dans le trou 
nourricier des os, dans les canalicules de Havers, fournit de l'os nouveau. Par 
là s'explique lostéite condensante que laisse si souvent à sa suite l'ostéomyélite 
de développement. Le canal central de l'os peut même être oblitéré par un 
bouchon osseux fourni par la moelle; dans d’autres cas, il est occupé par un 
tissu réticulé ou spongieux. C'est encore ce travail d'ossification qui explique, 
comme le fait remarquer M. Lannelongue, ce fait, signalé par Gerdy, d’un canal 
nourricier du tibia, gros comme une plume d'oie, conduisant à un cul-de-sac 
terminé par du tissu compacte. L'ostéomyélile a déterminé à la fois le travail de 
raréfaction osseuse qui a produit l'élargissement du trou nourricier, et l'ostéite 
condensante qui a oblitéré une partie de son trajet et Fa fait se terminer en 
cul-de-sac. 

Si la reproduction osseuse est la règle, il faut bien remarquer que, dans cer- 


/ 


208 PÉRIOSTITE, 


tains cas où la couche ostéogène du périoste a été détruite en totalité, la répa- 
ration peut faire complétement défaut. M. Ollier cite l'exemple d’une nécrose du 
cubitus survenue à la suite d'une pandiaphysite suraiguë, qui ne fut pas suivie 
de la formation du plus petit ostéophyte, bien que l'enfant ne füt âgé que de 
quatre ans. De même, notre collègue et ami M. Heydenreich nous signale une 
observation personnelle dans laquelle il a dû pratiquer l'extraction d’un 
séquestre pour une ostéite du radius datant de quinze mois chez un jeune 
enfant de quatre ans. Ici encore la reproduction osseuse faisait complétement 
défaut. Mais ce sont là des exceptions, et l’on trouve habituellement une répara. 
tion plus ou moins complète. 

De l'ostéomyélite des os courts et des os plats. Tout ce que nous venons de 
dire se rapporte à l’ostéomyélite des os longs; nous devons ajouter quelques 
mots au sujet de l'ostéomyélite des os courts et des os plats, qui, pour être beau- 
coup plus rare que la variété précédente, n’en présente pas moins des particu- 
larités du plus haut intérêt. 

M. Gosselin dit avoir observé avec M. Th. Anger une ostéite épiphysaire 
aiguë suppurée du calcanéum sur une jeune fille de treize ans, chez laquelle la 
maladie fut assez grave pour entraîner la mort en quelques jours. M. Ollier 
signale également les ostéomyélites qui se développent sur les bords ou les faces 
des os plats et courts, en rapport avec un cartilage d’accroïssement ; il note 
comme étant le plus souvent frappés le bord spinal de l’omoplate, la crête de 
l'os iliaque, le tiers postérieur du calcanéum, l'extrémité antérieure des côtes. 
Pour lui, les ostéites marginales de certains os plats (angle de la mâchoire, par 
exemple), les ostéites suturales du crâne et des os de la face, doivent être rat- 
tachées, dans l’enfance et l'adolescence, aux ostéites de développement. 

M. Lannelongue consacre à l'ostéomyélite des os courts et des os plats un 
chapitre plein d'intérêt. Le calcanéum, la rotule, les corps vertébraux, sont les 
seuls os courts qu'il ait trouvés atteints; il en a recueilli quatre exemples pour 
le calcanéum et deux pour la rotule. Il rapporte une observation curieuse 
d’ostéomyélite de la deuxième vertèbre lombaire dont la lecture est fertile en 
nombreux enseignements. M. Lannelongue pense qu'une fois l'attention éveillée 
sur la possibilité de ces ostéomyélites vertébrales on reconnaîtra là l’une des 
origines du mal de Pott. Il est à noter, à propos des ostéites des os courts, que 
les rapports de ces os avec les articulations voisines sont tellement iniamei 
tellement multipliés, que ces dernières sont très-souvent envahies. ; 

Quant aux os plats, M. Lannelongue, comme M. Ollier, note parmi les os 
atteints le maxillaire inférieur, l'omoplate ct l'os iliaque. Mais ce sont les os du 
crâne qui sont le plus souvent frappés. Le frontal, le temporal, le rocher lui- 
même, ont été envahis. On comprend la gravité particulière de la lésion dans ces 
cas; la suppuration se produit sur chacune des faces de l'os; on trouve, en 
même temps qu'un abcès extérieur, une nappe de pus interposée entre l'os et 
la dure-mère, d'où l'éclosion de phénomènes cérébraux. L’ostéomyélite de 
l'omoplate a pu déterminer l'envahissement de l'articulation scapulo-humérale ; 
celle de l'os iliaque a pu produire, soit la coxalgie, soit la sacro-coxaloie. 

SympTÔmEes. Chassaignac et M. Lannelongüt a à représenter la 
douleur comme constituant, dans l'immense majorité des cas, le premier 
symptôme. Mais tantôt cette douleur est très-violente dès le début; tantôt elle 
est peu vive et masquée par les phénomènes généraux qui font prendre la 
maladie pour une fièvre typhoïde ou une Fr éruptive commençante. Ces 


PÉRIOSTITE. 209 


symptômes généraux consistent dans une fièvre intense avec élévation considé- 
rable de la température, fréquence extrême et petitesse du pouls: il y a une 
céphalalgie violente, une soif vive, la langue est sèche; le malade est plongé 
dans la stupeur; il y a parfois même du délire. Ces derniers symptômes sont 
quelquefois assez marqués pour qu'on désigne l'affection sous le nom de forme 
typhoïde de l’ostéomyélite. 

La douleur ne tarde pas à augmenter d'intensité et à attirer l'attention: Elle 
est spontanée, mais elle s’exagère par les mouvements et par la pression. 
M. Lannelongue attache la plus grande importance à la recherche de la douleur 
provoquée par la pression. Quelle que soit, dit-il, la profondeur de l'os atteint, 
on peut toujours par des pressions convenables méthodiquement exercées sur 
celle de ses faces qui est le plus accessible déterminer une zone douloureuse 
et, au milieu de celle-ci, un point plus particulièrement sensible. C'est par là 
qu'ont débuté les lésions, c’est là aussi qu'elles ont atteint leur plus haut degré 
de développement. Les mouvements d'ensemble imprimés au membre réveillent 
également de violentes douleurs et surtout des douleurs à caractères tout à fait 
particuliers, sur lesquelles a beaucoup insisté Chassaignac. C’est une sensation 
de brisure de l'os, qu: arrache des cris aux malades et leur fait croire qu’on 
vient de leur fracturer un membre. Presque en même temps que la douleur 
apparaît le gonflement qui est circonscrit d'abord au voisinage d’une des extré- 
mités de la diaphyse; au début, c'est un gonflement dur qui, plus tard, fait 
place à une sensation de mollesse et à de l'œdème. La peau est d'abord de colo- 
ration normale, puis elle présente une coloration rouge et parfois même une 
teinte marbrée violacée. Le gonflement devient de plus en plus mou, jusqu'à 
ce qu'enfin une fluctuation véritable lui succède. Mais on ne doit pas s'attendre 
à trouver facilement cette fluctuation. Il faut se souvenir en effet que le pus est 
très-profondément situé entre l'os et le périoste et qu'il est des manœuvres par- 
ticulières auxquelles il faut avoir recours pour constater sa présence. En effet, 
il ne convient pas de chercher ici la fluctuation avec la pulpe des doigts, mais 
bien d'embrasser le membre à pleine main. Il est même bon parfois de faire 
exercer par une main étrangère une compression sur les limites de la poche, de 
façon à empêcher le pus de fuir dans une direction opposée. Le pourtour de la 
collection sous-périostique est limité par un bourrelet épais dû à l’œdème des 
parties voisines et au gonflement du périoste soulevé par de nouveaux éléments 
anatomiques accumulés à sa face profonde, dans les points où l’inflammation 
moins violente n’est pas allée jusqu’à la suppuration. Ainsi que le fait remar- 
quer M. Lannelongue, ce bourrelet peut être regardé comme un signe favorable. 
ll constitue en effet une barrière qui s'oppose pendant un certain temps à la 
propagation de l’inflammation. La preuve en est que, lorsque des poussées 
nouvelles surviennent, on voit disparaître le bourrelet circonférentiel, en même 
temps que la nappe purulente gagne une plus grande étendue. Si la maladie est 
laissée à elle-même, il peut arriver, comme nous l'avons signalé à propos de 
l'anatomie pathologique, que le pus, traversant la barrière qui lui est momen- 
tanément formée par le périoste, se répande dans le tissu cellulaire du membre. 
Tous les symptômes qui indiquent sa présence, rougeur, fluctuation, chaleur, 
deviennent alors beaucoup plus faciles à apprécier. Enfin l'abcès s'ouvre spon- 
tanément, ou plus souvent il est ouvert par le chirurgien. Le pus qui s'écoule 
présente des caractères particuliers qui doivent être mis au nombre des signes 
importants de l’ostéomyélite. Chassaignac a beaucoup insisté sur deux de ces 


DIGT. ENG. 2 Si XXII. 14 


210 PERIOSTITE, 


signes qui sont la fétidité primitive du pus, au moment même de l'ouverture 
de l’abcès, et la présence à sa surface d'un grand nombre de gouttelettes huileuses 
provenant de la moelle osseuse. Ce dernier signe, bien qu'il ne soit pas constant, 
s'observe cependant avec une fréquence assez grande pour qu'on puisse y 
attacher une véritable importance diagnostique. L'introduction du doigt dans le 
foyer de l’abcès permet de constater une dénudation plus ou moins large de los 
dont la surface est rugueuse et irrégulière. La suppuration se prolonge pendant 
un certain temps, le malade continue à présenter de la fièvre avec exaspérations 
vespérales, quelquefois mème apparaissent les grands frissons et les symptômes 
viscéraux qui sont l'indice de l'invasion de la pyohémie, ou bien le malade peut 
encore succomber à l'affablistement progressif et à la septicémie chronique, 
qui sont la conséquence de la longue durée et de l'abondance de la suppuration. 
Lorsque le cartilage de conjugaison est détruit et que le pus a envahi l'articu- 
lation voisine, la guérison ne peut souvent êlre obtenue que par le sacrifice du 
membre. Enfin, dans les cas moins graves, le malade n'arrive pas à la guérison 
sans prolongation d’une suppuration plus ou moins abondante, formation de 
séquestres et production de lésions qui perpétuent pendant de longues années et 
quelquefois même pendant toute la durée de l'existence les traces de l'affection 
dont il a été atteint pendant la période de développement. 

Telle est la marche générale de l'affection, mais un tableau unique ne sau- 
rait suffire. 1l est, en effet, un grand nombre de formes qui demandent à être 
étudiées isolément, tant à cause de la marche et de la symptomatologie diffé- 
rente qu'elles présentent qu'au point de vue du pronostic et des indications 
thérapeutiques. M. Gosselin, que nous suivrons dans cette description, signale 
cinq de ces variétés cliniques. 

Première variété clinique. Elle est assez rare; M. Gosselin ne l’a observée 
qu'une fois d'une manière complète, mais trois fois, dit-il, il a eu occasion d'en 
voir les conséquences tardives. Dans cetle variété, tous les symptômes généraux 
et la plupart des symptômes locaux qui caractérisent l'affection s’observent 
comme d'habitude, puis ils se dissipent et la maladie se termine sans la pro- 
duction d'abcès ni de nécrose. « Après une période de fièvre, de douleur et de 
gonflement diffus profond, qui a duré quinze à trente jours, on voit, dit M. Gos- 
selin, les phénomènes s'amoindrir. La résolution se fait et le malade ne conserve 
qu'une hyperostose, quelquefois avec ankylose, s’il y a eu propagation à l'arti- 
culation ». Comme exemple de cette variété, nous pouvons citer le cas de 
M. Humbert auquel nous avons déjà fait allusion. Lors de son entrée à l'hôpital, 
le malade souffrait depuis deux mois de la cuisse ; il avait eu, au début, une 
fièvre violente avec des frissons et du délire. Ces accidents aigus avaient duré 
trois semaines, mais aucun abcès ne s'était formé. L'ostéomyélite avait abouti 
uniquement chez lui à une hyperostose qui, se compliquant, à un moment 
donné, d'une fracture spontanée, avait pu en imposer pour un ostéosarcome du 
fémur. Cette première variété clinique est un degré très-alténué de l'affection. 
Son caractère infectieux est ici bien peu marqué, puisqu'elle n'aboutit pas à la 
suppuration. ` 

Deuxième variété clinique. Dans cette seconde variété, plus fréquente que 
la première, l'ostéite va bien jusqu’à la Suppuration, mais cette suppuration se 
produit uniquement entre la face externe de l'os et le périoste. Le pus existe 
seulement au niveau de la portion de la diaphyse qui est voisine du cartilage 
épiphysaire, mais ce cartilage et l’épiphyse elle-même restent intacts. Après 


PÉRIOSTITE. i 211 


avoir duré un temps variable, la suppuration se tarit, le périoste se recolle et 
l'affection se termine sans la production de nécrose. Si le mot de périostite 
phlegmoneuse diffuse devait être conservé, remarque M. Gosselin, ce serait pour 
des cas de ce genre. Ce sont ces faits qui ont été objectés à M. Lannelongue par 
MM. Berger, Marjolin, Tillaux, Verneuil, dans la discussion de la Société de 
chirurgie de 1879. Mais de ce que l'affection se termine quelquefois sans 
nécrose, est-ce une raison suffisante pour admettre qu'il s'agisse purement et 
simplement d'une inflammation du périoste, sans perticipation de l'os sous- 
jacent? En un mot, faut-il, à côté de l'ostéomyélite primitive, continuer à 
admettre et à décrire la périostite phlegmoneuse diffuse ou abcès sous-périos- 
tique? Nous sommes ainsi ramené à la discussion que nous avons déjà soulevée, 
soil à propos de l'anatomie pathologique, soit à propos de la nature même de la 
maladie. 

Tout d’abord il est à remarquer que M. Lannelongue ne nie point la possibi- 
lité de cette terminaison sans nécrose. Il note, au contraire, que « lune des 
terminaisons de cette forme diaphysaire, la plus rare, il est vrai, mais pourtant 
réelle, est la guérison sans néerose ». Dans son mémoire sur l'ostéomyélite, il 
rapporte deux faits seulement de guérison sans exfoliation osseuse. Plus tard, 
daus la discussion de la Société de chirurgie, le même auteur a cité une statis- 
tique d'après laquelle, sur 100 observations relevées par lui, il n'y a eu que 
quatre cas de terminaison sans nécrose. Du reste, on se tromperait étrangement, 
si l'on concluait de l'absence de nécrose à la non-participation du tissu osseux 
sous-jacent et à son intégrité. Ainsi, dans une des observations de Chassaignac, 
il est dit que les fistules se fermèrent sans expulsion de séquestre, mais que le 
tibia resta volumineux, hyperostosé. M. Lannelongue a cité, dans la discussion, 
un cas bien démonstratif : c’est celui d’un enfant de neuf ans, atteint d’une 
ostéomyélite de l'extrémité inférieure du fémur, qui fut conduit à l'hôpital 
Sainte-Engénie, où M. Le Dentu, en l'absence de M. Lannelongue, lui ouvrit un 
vaste abcès sous-périostique. L'enfant guérit en quelques mois, sans issue 
d'aucune esquille et sans fistule, malgré une dénudation étendue au quart infé- 
rieur de la diaphyse fémorale. « Cette guérison, ajoute M. Lannelongue, parais- 
sait bien confirmer l’idée d’une affection du périoste. Mais j'ai tenu à revoir cet 
enfant, et deux à trois fois par an il se présente à l'hôpital. Or l'an dernier, 
sans motif, sans raison, il a eu une poussée nouvelle assez violente, qui lui fit 
passer deux mois dans mon service et ne fut heureusement suivie d'aucun abcès. 
Il est de nouveau revenu cette année et je l'ai actuellement sous les yeux. Il 
garde le lit depuis plus d'un mois. L'extrémité inférieure de son fémur très- 
hyperostosée vers la partie supérieure du condyle interne est très-douloureuse ; 
les douleurs sont spontanées, reviennent par accès violeuts diurnes et sauvent 
nocturnes, leur siége est l'os lui-même ; les parties molles n'offrent aucune allé- 
ration. Il n’y a pas de doute, dans l'intérieur de cet os se trouve très-probable- 
ment une cavité purulente, avec ou sans petite esquille, et je suis prêt à ouvrir 
le fémur par une couronne de trépan ». Plus tard, en effet, M. Lannelongue 
dut ouvrir un abcès situé au devant du condyle interne du fémur; il put ainsi 
extraire deux esquilles libres à la surface de ce condyle très-hyperostosé. Il est 
impossible de citer un fait plus démonstratif : si lon n'avait pas suivi cet 
enfant, on l'aurait donné comme un type bien net d’abcès sous-périostique, et 
cependant la participation de l'os à la maladie est surabondamment démontrée 
par les poussées inflammatoires successives, l’hyperostose et l'issue des séques- 


212 PÉRIOSTITE. 
tres. Beaucoup de faits d'abcès sous-périostiques pourraient sans doute être 
comparés à celui-ci. 

En résumé donc, admettre dans tous les cas une suppuration intra-médullaire 
et intra-osseuse accompagnant nécessairement la suppuration sous-périostique 
serait certainement une très-grande exagération. Mais, d'autre part, voir dans la 
guérison d'un abcès sous-périostique sans nécrose la preuve qu'il s’agit là exclu- 
sivement d’une maladie du périoste sans participation de los serait non moins 
certainement une erreur. La vérité, c’est que, dans tous les cas, le tissu osseux 
tout entier participe à l'affection qui, comme nous l'avons déjà plusieurs fois 
répété, mérite au point de vue anatomo-pathologique le nom de panosteite. 
Mais, tandis que, dans certains cas, l’ostéite est suppurative à la fois dans tous 
les points, dans le canal médullaire, à la surface de l'os et dans son épaisseur, 
dans d’autres, au contraire, elle n’aboutit à la suppuration qu’à la face profonde 
du périoste. En un mot, l’ostéomyélite et l’abcès sous-périostique ne sont pas 
deux maladies distinctes, l’une du périoste, l’autre de l'os: ce sont en réalité 
deux formes cliniques d’une seule et même affection, l’ostéite de développe- 
ment. C’est pourquoi nous avons suivi la description de M. Gosselin qui, en 
présentant ces différentes formes comme des variétés cliniques d'une même 
maladie, nous semble propre à bien faire comprendre le lien qui les relie l’une 
à l'autre, 

MM. Gosselin et Lannelongue sont donc d'accord au fond pour reconnaître que, 
dans tous les cas, l'os tout entier participe à la maladie; la discussion qui s'est 
élevée entre eux à l’Académie de médecine n'est qu'une question de mots, 
M. Gosselin craignant que le terme d’ostéomyélite employé par le chirurgien de 
l'hôpital Sainte-Eugénie ne soit le point de départ d’une confusion, en faisant 
croire qu'il s’agit d’une maladie isolée de la moelle. 

La manière de voir que nous défendons ici est aussi celle à laquelle se sont 
rattachés MM. Trélat et Panas. « Je suis d'accord avec M. Lannelongue, disait à 
la Société de chirurgie M. Trélat; je crois néanmoins qu'il existe un petit 
nombre de faits comme ceux de M. Berger, de M. Verneuil, où l'affection reste 
ostéomyélite à la superficie de l'os, et borne ses effets à une zone plus ou moins 
étendue de ce dernier ». De même, dans son rapport à l’Académie de médecine, 
M. Panas, tout en se rattachant à l'unité de nature de l'affection dans tous les 
cas, admettait cependant l'existence possible d’un double foyer d'irradiation 
phlegmasique, savoir : le périoste d’une part et la moelle endostale, surtout au 
voisinage du cartilage épiphysaire, d'autre part. 

À côté des deux formes cliniques précédentes, M. Gosselin admet une troisième 
variété constituée par les cas où la suppuration se produit uniquement à la face 
externe du périoste, entre lui et la couche musculaire, et dans lesquels, par 
conséquent, l'os n'est pas dénudé. Sans doute, aujourd'hui ces abcès limités à 
la face externe du périoste et dénommés par MM. Duplay, Gaujot et leurs élèves, 
périostites externes, ne sauraient être niés. Mais, en réalité, dans le cas qui 
nous occupe ils sont fort rares et, si l’on examine attentivement la lésion, on 
trouve le plus souvent un petit pertuis par lequel le pus communique avec la 
face interne du périoste et la surface de l'os dénudé. Déjà nous avons cité le cas 
rapporté par M. Lannelongue de cet énorme abcès descendant au devant du genou 
et paraissant siéger entièrement en dehors du périoste, tandis qu'une perfora- 
tion étroite de cette membrane établissait une communication avec l'os lui- 


même. 


PÉRIOSTITE. 915 


Troisième variete clinique. Bien plus fréquente que les variétés précé- 
dentes est celle dans laquelle l’ostéomyélite aboutit à la mortification d’une 
épaisseur plus ou moins considérable de la diaphyse et à la formation d'un 
séquestre. L'abcès une fois ouvert, l'os est largement dénudé; percuté avec 
l'extrémité d’un stylet, il rend un son sec; mais, comme le fait observer 
M. Lannelongue, ce n’est pas une raison pour croire fatale la nécrose dans 
toute l'étendue de l'os où cette sensation spéciale est perçue. Il peut arriver 
et il arrive souvent en effet qu'une bonne partie du périoste se recolle et que 
l'os sous-jacent continue à vivre. Mais, quand la dénudation est très-large, quand 
les éléments nourriciers contenus dans les canaux de Havers ont été détruits 
par la suppuration, ou que ces derniers canaux ont été oblitérés par l'ostéite 
condensante, des séquestres plus où moins larges se forment. Ce peuvent être 
de simples lamelles osseuses, minces et peu étendues; dans d’autres cas, ils 
comprennent la plus grande épaisseur de la diaphyse. Leur séparation exige 
alors un temps considérable, pendant lequel le périoste voisin fournit un nouvel 
os : de là les séquestres invaginés; de là les suppurations prolongées et les 
fistules interminables qui sont si souvent la conséquence de l’ostéomyélite de 
développement. 

Quatrième varieté clinique. Ici l’inflammation suppurative ne se borne pas 
seulement à la diaphyse; le cartilage épiphysaire lui-même est envahi; il est 
en partie détruit, ou bien il présente ces perforalions que nous avons décrites 
à propos de l'anatomie pathologique, et la suppuration gagnant l'épiphyse en 
totalité se propage jusqu’à l'articulation voisine. La mort est souvent la consé- 
quence de cette forme grave, soit par septicémie chronique, soit par pyohémie ; 
dans bon nombre de cas la guérison ne survient qu'au prix du sacrifice du 
membre. 

Cinquième varieté clinique. Elle constitue le dernier terme des lésions de 
gravité croissante décrites par M. Gosselin. C’est cette variété qui a été signalée 
pour la première fois par Klose (de Bresiau) sous le nom de décollement aigu 
des épiphyses. Ici le cartilage de conjugaison a été détruit en totalité ; le 
périoste a disparu, de sorte que l’épiphyse et la diaphyse sont disjointes. Cette 
dernière peut même abandonner ses rapports, en donnant naissance à une véri- 
table luxation. On aperçoit alors, dit M. Gosselin, une saillie anormale vers 
l'une des extrémités de los malade; on peut voir et sentir cette saillie à travers 
la peau et, si un abcès a été ouvert à ce niveau, on peut toucher du doigt la 
portion de diaphyse déplacée et privée de périoste sur tout son contour. Ici, 
comme dans la variété précédente, la gravité de l'affection tient à la suppura- 
tion de l'articulation voisine, à la formation d’une nécrose très-étendue de la 
diaphyse et à la possibilité des complications septicémiques. 

En résumé, on voit d’après la description précédente que l'ostéomyélite de 
développement peut affecter des formes nombreuses et variées. Depuis le pre- 
mier degré, qui se traduit seulement par une douleur locale et une hyperostose 
plus ou moins considérable, jusqu'à la destruction du cartilage épiphysaire avec 
luxation diaphysaire et.suppuration de la jointure, les degrés intermédiaires, 
abcès sus et sous-périostique, avec ou sans formation de séquestres, suppura- 
tions de l’épiphyse, constituent les anneaux non interrompus d’une même chaîne 
pathologique. 

Cowpcicarions. Déjà nous avons signalé, comme complications possibles, la 
production de fractures spontanées, reconnaissables aux signes ordinaires des 


914 PÉRIOSTITE. 


fractures, déformation et impotence du membre, mobilité anormale, crépita- 
tion. Nous avons noté, en même temps que la gravité de ces fractures lors- 
qu'elles se produisent au milieu d’un foyer purulent, la possibilité de les voir 
aboutir à la consolidation. 

Au début, un seul os est atteint, mais on peut, au bout de quelques jours, 
observer des ostéomyélites secondaires qui se développent sur difiérents points 
du squelette. Ce sont assez souvent la clavicule, le péroné, le maxillaire 
inférieur, qui sont le siége de ces ostéomyélites secondaires (Lannelongue). 
On peut aussi les voir se développer sur les autres os d’un même membre, 
péroné, fémur, après l'envahissement primitif du tibia, ou sur le segment homo- 
logue du membre du côté opposé. Mentionnons encore les poussées successives 
d'ostéomyélites se produisant sur un même os. Elles peuvent donner naissance 
à plusieurs abcès sous-périostiques. « Le péroné, dit M. Lannelongue, est l’un 
des os où l’on voit le plus souvent ces poussées successives aboutissant à un abcès 
secondaire... On les a encore signalées au tibia, à l'humérus, au fémur. » Ces 
poussées inflammatoires successives peuvent propager le mal à travers toute 
l'étendue de la diaphyse d'une épiphyse à l'autre, constituant ainsi l'ostéite 
bipolaire (Ollier), dont nous avons noté la fréquence particulière au niveau du 
tibia. 

La pyohémie s'explique aisément dans un grand nombre de cas par la phlé- 
bite des veines intra-osseuses signalée autrefois par Klose. De là les suppura- 
tions secondaires, les abcès métastatiques; de là des pneumonies, des pleurésies 
purulentes, des abcès du tissu cellulaire, des suppurations articulaires. Mais 
à côté de ces suppurations multiples qui relèvent évidemment de la pyohé- 
mie, qu'on trouve ou non la phlébite qui sert de lien entre ces diverses 
manifestations, il est un bon nombre de lésions viscérales qui ont été 
maintes fois signalées dans le cours de l'ostéomyélite de développement. Ce 
sont des lésions cardiaques, hépatiques et rénales. M. Mayor a communiqué 
à la Sociélé anatomique un curieux exemple d’endocardite. Il s’agit d’un 
jeune homme de dix-sept ans, qui présentait, outre un gonflement consi- 
dérable du genou droit, une hémiplévie gauche avec un état typhoïde des 
plus marqués. A l'autopsie, on trouva une vaste collection purulente sous- 
périostée, entourant le tiers inférieur du fémur. La valvule mitrale était le 
siége d'une endocardite. En ce point, on voyait une petite végétation, dont le 
centre ramolli s'était rompu, et dont les débris ayant formé embolie dans le 
cerveau avaient donné lieu au symptôme hémiplégie. Dans un rapport sur l'ob- 
' servation précédente, M. Déjerine rappelle qu'un certain nombre d’observations, 
soit d’endocardites, soit de péricardites, ont été communiquées antérieurement 
à la Socité anatomique. Giraldès avait noté l'existence de ces péricardites : tantôt 
il s’agit de péricardites sèches, comme dans un cas de Gadaud ; tantôt de péri- 
cardites avec épanchement, comme dans le fait de R. Petit. Quant à l’endocardite, 
dans un fait de Campenon, elle présentait la forme végétante, tandis que, dans 
un autre de Hirtz, c'était la forme ulcéreuse, comme dans le cas de Mayor. 

On a voulu rattacher les altérations cardiaques, endocardites et péricardites, 
au rhumatisme, et y voir une preuve à l'appui de la nature rhumatismale de 
la maladie (fièvre pseudo-rhumatismale des adolescents, Roser). Il est inutile 
d'insister pour montrer qu'il n’y a là qu'une analogie grossière, et qu'un grand 
nombre de caractères séparent au contraire absolument l'ostéomyélite des affec- 
tions rhumatismales. L'auteur d’une thèse sur les Complications viscerales 


PÉRIOSTITE. 945 


dans l'ostéile suppurante aiguë spontanée des adolescents, M. Benoit (thèse 
de doct., Paris, 1876), signale, outre l'endocardite et la péricardite, la dégéné- 
rescence granulo-oraisseuse des reins amenant parfois une albuminurie très- 
abondante, l’état graisseux du foie, la dégénérescence amyloïde des viscères. Il 
met ces diverses lésions sur le compte de la septicémie. Que l'on puisse en effet 
observer dans le cours de l’ostéomyélite de développement les dégénérescences 
viscérales, graisseuse et amyloïde, qui se montrent comme conséquence de toutes 
les suppurations osseuses longtemps prolongées, la chose ne saurait être niée. 
Mais il est aujourd'hui une autre interprétation beaucoup plus satisfaisante dont 
on doit surtout tenir compte dans les cas où les complications viscérales sur- 
viennent, comme dans le fait de M. Mayor que nous avons rapporté précédem- 
ment, dès les premières périodes de la maladie. La nature microbienne de 
l'affection permet en effet de comprendre que les mêmes organismes qui 
donnent naissance du côté de l'os aux phénomènes de l’ostéomyélite puissent, 
en se diffusant dans les viscères, y développer diverses complications. Cette 
manière de voir s'appuie à la fois sur la clinique et sur l’expérimentation. 
Ribbert (de Bonn) a injecté dans le sang des animaux des cultures émulsionnées 
contenant une grande quantité de coccus. Dès les premières vingt-quatre heures, 
les micrococci disparaissent du sang, et on les retrouve dans tous les organes, 
principalement dans le foie où ils se voient à la périphérie des acini, liés à des 
éléments cellulaires. Dans les poumons, ils remplissent les petites anses capil- 
laires ou bien ils sont réunis en groupes liés à des cellules. La plus grande 
quantité de coccus se trouve dans le rein, où ils sont entassés dans les glomé- 
rules, dans les anses et dans les vaisseaux rénaux. Plus tard, ils disparaissent 
de tous les organes pour se localiser dans le rein. Le parenchyme rénal constitue 
donc un véritable émonctoire par lequel sont éliminés les agents infectieux, 
cause de la maladie. Rien d'étonnant dès lors à ce que le rein soit fréquemment 
altéré. M. Verneuil à appelé l'attention sur l’albuminurie comme complication 
de l’ostéomyélite. Un de ses élèves, M. Mouret, a écrit sous son inspiration une 
thèse sur la néphrite infectieuse consécutive à l’ostéo-périostite (thèse de doct., 
Paris, 1883). Il y rapporte deux observations recueillies dans le service de 
M. Verneuil, et admet que les microbes existant dans le sang s’éliminent par 
les reins, en y déterminant une néphrite. Les travaux modernes, en assignant 
une origine microbienne à l’endocardite ulcéreuse, permettent aussi de com- 
prendre aisément le lien qui rattache à l’ostéomyélite cette dernière complication. 

Signalons enfin en terminant comme complications possibles de l'ostéite de 
développement les embolies graisseuses et la septicémie gazeuse. Plusieurs 
auteurs, et entre autres Flournoy, ont signalé, dans l’ostéomyélite comme dans 
les fractures graves qui ont largement broyé la moelle des os, la possibilité d'em- 
bolies graisseuses. Les capillaires du poumon ont été trouvés remplis de graisse, 
et par là on a expliqué un certain nombre de morts. M. Lannelongue rapporte 
un cas dans lequel une ostéomyélite ayant frappé plusieurs os s'est terminée 
par une septicémie qui a déterminé une production considérable de gaz dans la 
cuisse du petit malade. 

Marcar er TERMINAISONS. Si nous nous en tenions uniquement au titre de 
cet article Pérrosrire mrruse, nous n’aurions en vue que les formes aiguës carac- 
térisées par l’acuité de la marche et la diffusion des lésions. Mais, sous ce 
titre, nous décrivons en réalité l’ostéomyélite de développement avec ses diverses 
formes. Nous sommes donc obligé de reconnaître à la maladie des degrés très- 


216 PÉRIOSTITE. 


différents les uns des autres, depuis les cas où l'affection a une marche suraignë 
jusqu’à ceux où elle évolue d'une façon subaiguë ou même tout à fait chro- 
nique. La marche peut être tellement rapide qu’elle entraine la mort en 
quelques jours et mérite véritablement le nom de forme foudroyante de la 
maladie. Ici, les symptômes généraux, fièvre vive, délire, état typhoïde, sont 
prédominants, au point même de masquer plus ou moins complétement les 
symptômes locaux. La lésion n'est parfois constatée qu’à l’autopsie, et même elle 
est dans quelques cas si peu étendue qu'elle ne peut être regardée comme la 
cause directe de la mort. Il faut absolument pour interpréter ces faits faire 
jouer le rôle principal à l'infection générale du sujet. M. Ollier cite un exemple 
curieux de cette variété. Il s’agit d’un enfant de neuf ans qui mourut en trois 
jours d’une ostéomyélite infectieuse, dans le service de M. Laure, à la Charité 
de Lyon. Sans cause connue, sans traumatisme appréciable, cet enfant avait été 
pris de fièvre intense, de délire, de sécheresse de la langue, puis d’un abatte- 
ment profond. En recherchant les signes de la fièvre typhoïde, M. Laure aperçut 
un peu d’empâätement autour de la hanche droite; les mouvements imprimés à 
l'articulation faisaient pousser des cris à l'enfant. On diagnostiqua une ostéite 
infectieuse de la hanche; quelques heures après l'enfant succomba. A l’autopsie, 
on trouva dans l'articulation coxo-fémorale une ou deux cuillerées de liquide 
séro-sanguinolent, légèrement purulent. Dans le fond de la cavité cotyloïde se 
voyait une perle de substance de 1 centimètre carré, au fond de laquelle l'os 
était mis à nu et infiltré de pus. Dans le poumon, il y avait un petit abcès mé- 
tastatique. En 1880, M. Le Fort a présenté un cas semblable à la Société de 
chirurgie. Il s'agissait d'un jeune garçon de quatorze ans qui fut apporté à 
l'hôpital avec du délire, la langue sèche, une fièvre vive, un état typhoïde. Il 
existait de violentes douleurs au niveau de la hanche gauche. La mort survint 
au bout de cinq jours, et à l'autopsie on trouva dans l'articulation coxo-fémo- 
rale une notable quantité de pus. La surface osseuse du col était dénudée sur 
une étendue de 6 à 7 millimètres carrés, et l'os était un peu ramolli à ce niveau. 
Le péricarde était distendu par un épanchement considérable; il y avait en 
outre sous l'endocarde des petits points jaunâtres d’où l’on faisait sourdre par 
l'incision une gouttelette de pus. 

Mais, à côté de ces cas où la marche peut être dite foudroyante et où la mort 
survient en quelques jours, il en est d’autres où la maladie, tout en conser- 
vant une marche aiguë, est cependant moins rapide, et où le pronostic est moins 
sombre. Après des phénomènes généraux très-accentués, on voit de bonne 
heure survenir la suppuration et parfois, deux ou trois jours après le début 
des accidents, un volumineux abcès sous-périostique est formé. L'ouverture de 
cet abcès n’amène pas toujours la rétrocession des accidents; les lésions se 
propagent et s'étendent, soit du côté de la diaphyse, soit du côté de l’épiphyse, 
puis, après avoir duré un certain temps, les phénomènes généraux disparais- 
sent ; la suppuration se prolonge indéfiniment, et la maladie tend à prendre 
la marche tout à fait subaiguë ou même chronique. Enfin, dans d’autres cas, 
la maladie est chronique d'emblée ; les symptômes généraux sont alors très-peu 
marqués, ou même ils passent tout à fait inaperçus; le malade accuse seule- 
“ment de la fatigue et des douleurs dans le membre atteint; enfin l'affection 
aboutit lentement à la formation d’une hyperostose ou à celle d’un abcès. C’est 
ici le lieu de signaler la forme spéciale décrite par M. Trélat devant le Congrès 
français de chirurgie en 1885, sous le nom d’ostéomyélite insidieuse. Cette 


PÉRIOSTITE. 917 


forme, insidieuse dans ses débuts, lente dans sa marche, est capable par ses 
signes objectifs d'induire en erreur les chirurgiens qui ne seraient pas avertis 
de son existence. Tout se borne à une douleur plus ou moins vive et à un 
gonflement de l'os. M. Trélat conseille de baser le diagnostic sur le jeune âge 
des sujets, sur la recherche de la douleur parfaitement localisée en un point 
de l'os, sur l'étude de l'augmentation de volume de ce dernier faite au moyen 
du compas d'épaisseur. Il est encore un phénomène de ces ostéomyélites insi- 
dieuses sur lequel M. Trélat a appelé l'attention devant la Société de chirurgie : 
c'est la production rapide d'une atrophie musculaire considérable sur le membre 
malade, atrophie qui contraste avec l’augmentation de volùme de l'os. Il est 
possible, d’après M. Trélat, que bon nombre de ces ostéomyélites insidieuses ne 
soient en réalité que des ostéites tuberculeuses. Cette opinion a été défendue 
par l'un de ses élèves, M. Francon (thèse de doct., 1886), qui intitule son tra- 
vail : De l'ostéomyelite insidieuse ou premier stade de l’ostéomyelite tubercu- 
leuse. S'il en était ainsi, cette forme devrait être totalement séparée de l’ostéo- 
myélite de développement qui, elle, ne saurait être rattachée à la tuberculose. 

La mort peut survenir dans les premières périodes de l'ostéomyélite, soit 
par infection générale du sujet, soit par pyohémie ; plus tard, elle peut être due 
à la septicémie chronique et aux altérations viscérales que détermine la suppu- 
ration longtemps prolongée. Quand la guérison survient, elle peut être obtenue 
par plusieurs mécanismes; le cas le plus simple est celui dans lequel, après 
avoir duré quelque temps, la suppuration se tarit, et la cicatrice se forme sans 
qu'aucune parcelle osseuse ait été éliminée. Le malade guérit alors en conser- 
vant une cicatrice adhérente à l'os. 

Dans des cas beaucoup plus fréquents il y a production de nécrose, des 
séquestres doivent être éliminés, et la suppuration se prolonge pendant un temps 
considérable. Bien souvent, en pareil cas, la guérison reste incomplète, le 
malade conservant pendant de longues années un ou plusieurs trajets fistuleux. 
Dans d’autres circonstances, la guérison ne peut être obtenue que par une opé- 
ration chirurgicale, et même au prix du sacrifice du membre. Enfin, il importe 
de savoir qu'alors même que la guérison paraît complète et définitive bien sou- 
vent elle ne l'est pas en réalité. Le processus morbide continue lentement son 
action, ou bien si, pendant de longues années, il paraît tout à fait calmé, à un 
moment donné il peut reprendre une activité nouvelle et donner naissance à 
de nouveaux accidents. Cette prolongation d'activité de la maladie, ses rechutes, 
ses conséquences à longue portée, décrites par M. Lannelongue sous le terme 
général d’ostéomyelite prolongée, constituent l’un des points les plus intéres- 
sants dans l’histoire de la maladie. 


De l'ostéomyélite prolongée. Il est tout un groupe d’affections osseuses chro- 
niques, chez l'adulte, hyperostoses, abcès des os, nécroses, dont l’origine est 
demeurée pendant longtemps fort obscure. Se basant sur une notion fausse de 
pathogénie, on faisait le mot ostéite chronique synonyme de scrofule. Et cepen- 
dant, quand on interroge les maiades porteurs de ces manifestations chroniques 
du côté des os, abcès, nécroses, hyperostoses, on ne rencontre le plus souvent 
chez eux aucune des lésions qui caractérisent la diathèse scrofuleuse, lésions des 
muqueuses, tumeurs ganglionnaires, écrouelles, etc. On n'en concluait pas 
moins chez le malade à l'existence du vice scrofuleux par cela même qu'il était 
porteur d’une affection chronique des os. Or c’est là une grave erreur. Nous 


218 PÉRIOSTITE. 


savons aujourd'hui que, parmi les ostéites chroniques, il est une grande divi- 
sion à établir. Les unes sont manifestement scrofuleuses; elle répondent aux 
lésions décrites autrefois sous les noms de carie et de tubercule des os. Elles se 
caractérisent macroscopiquement par les signes attribués jadis par Nélaton à - 
la tuberculose du tissu osseux, et au point de vue microscopique par la présence 
des bacilles tuberculeux. Les autres ne sont autre chose que les suites éloignées 
de l’ostéomyélite aiguë ou panostéite de développement survenue pendant l'en- 
fance ou l'adolescence. Cette distinction a la plus haute importance au double 
point de vue du pronostic et du traitement. 

Ces faits, déjà entrevus par Gerdy et nettement indiqués par M. Gosselin dans 
l’article Osrérre du Dictionnaire de Jaccoud, ont été étudiés dernièrement par 
M. Lannelongue sous le nom d'ostéomyélite prolongée (voy. Lannelongue et 
Comby, Archives de médecine, 1879). 

A la suite de l’ostéomyélite aiguë de développement, la guérison est bien 
rarement complète; même dans les cas les plus favorables, ceux où il wy a pas 
eu élimination d’esquilles, l'os reste enflammé et le plus souvent augmenté de 
volume. Cette inflammation chronique du tissu osseux peut continuer lentement, 
sourdement, et conduire aux différents états pathologiques que nous allons 
signaler. À un moment donné, sur cette lésion chronique viennent se greffer 
des poussées aiguës qui peuvent, longtemps après le début de l'affection primi- 
tive, donner naissance à de nouveaux accidents. La première des lésions pro- 
duites par l'ostéomyélite prolongée, c’est l’hyperostose. Elle constitue pour ainsi 
dire un fait constant. Tantôt l'augmentation de volume s'étend à toute la lon- 
gueur de la diaphyse osseuse, hyperostose totale; tantôt elle est limitée au 
voisinage d'une des épiphyses, hyperostose partielle; dans ce dernier cas, 
l'augmentation de volume de l'os va ordinairement en diminuant au fur et à 
mesure que l’on s'éloigne de l’épiphyse, de sorte qu’elle revêt, dans son ensemble, 
l'apparence fusiforme. Cette disposition s'observe fréquemment à l'extrémité 
inférieure du fémur. MM. Lannelongue et Comby, dans leur mémoire, signalent 
ce fait que l'hyperostose peut être bornée à une région de la périphérie de l'os, 
ou bien occuper toute la circonférence de la diaphyse osseuse. Ce dernier cas 
est de beaucoup le plus fréquent. Les os qui sont ainsi augmentés de volume 
perdent leur configuration normale. Leurs faces et leurs bords s’effacent et se 
confondent, et l'os dans son ensemble tend à prendre la forme globuleuse. Quant 
à la structure des hyperostoses, elle varie suivant les points qu'on envisage. Ici, 
elle est extrêmement dure, éburnée; là, au contraire, elle est spongieuse. On 
y retrouve donc les deux formes d’ostéites condensante et raréliante décrites 
par Gerdy. Ce ne sont pas deux variétés différentes ; elles dépendent seulement 
de l'intensité variable et de la manière d'être du processus inflammatoire dans 
les différents points. Ajoutons du reste que l'hyperostose simple constitue assez 
rarement l'une des formes de l’ostéomyélite prolongée. Dans la plupart des cas, 
au contraire, elle se complique par l’adjonction de quelque autre lésion. Ainsi, 
par exemple, en un point l'ostéite a passé à la suppuration, et il en est résulté 
la formation d'un abcès intra-osseux. Dans d’autres cas, on trouve seulement, 
au centre de l'os, une cavité remplie de fongosités, faux abcès des os, ou bien 
encore, il ya eu production de nécrose, et des séquestres plus ou moins volu- 
mineux sont inclus dans l'os hyperostosé; ils entretiennent autour d'eux une 
suppuration qui s'écoule au dehors par des orifices osseux. 

A côté des hyperostoses il faut citer comme l’une des formes de l'ostéomyé- 


PÉRIOSTITE. 219 


lite prolongée les abcès osseux. Signalés depuis longtemps par B. Brodie, ces 
abcès, sur l’origine desquels on a beaucoup discuté, ont été rattachés par 
M. Lannelongue à l’ostéomyélite de développement. La même idée a été soutenue 
dans la thèse de M. Golay (doct., Paris, 1879). Nous n'avons pas à revenir ici 
sur leur histoire qui a déjà été présentée dans ce Dictionnaire (voy. l'article Os), 
mais nous ferons remarquer que leur siége est précisément le même que celui 
qu'on s'accorde à reconnaître aujourd'hui comme le point de départ des phéno- 
mènes de l'ostéomyélite aiguë, savoir la région renflée de la diaphyse au voisi- 
nage de l’épiphyse ou bulbe osseux. Les os qui les présentent le plus souvent 
sont aussi ceux qui constituent les lieux d'élection de l’ostéomyélite de déve- 
loppement, os longs des membres inférieurs, extrémité supérieure du tibia, 
extrémité inférieure du fémur. Ajoutons à ces diverses circonstances le jeune 
âge des sujets et la fréquence plus grande dans le sexe masculin, qui sont 
encore des particularités qui rapprochent les abcès des os de l'ostéomyélite de 
développement. 

A côté des hyperostoses et des abcès des os nous devons rattacher à l'ostéo- 
myélite prolongée bon nombre de nécroses. C’est encore ici le lieu de faire 
remarquer que ces nécroses étendues des os longs s’observent de préférence dans 
le sexe masculin et sur les membres inférieurs, soit au niveau de l'extrémité 
supérieure du tibia, soit sur l'extrémité inférieure du fémur. Lorsqu'on les 
observe dans l’âge adulte ou dans la vieillesse, les commémoratifs permettent 
de rattacher à l'enfance ou à l'adolescence le début de l'affection qui leur a 
donné naissance. L'os qui présente la nécrose est toujours plus ou moins hyper- 
ostosé et déformé. Quant au séquestre lui-même, il peut être libre, mais beau- 
coup plus souvent il est invaginé; il existe même parfois une nécrose des 
dépôts osseux de nouvelle formation que le périoste a fournis. 

Les accidents que nous venons de signaler comme conséquences de l'ostéo- 
myélite aiguë peuvent se voir de longues années, dix, vingt, trente ans après 
le début de la maladie. Ils peuvent même persister pendant toute la durée de 
l'existence. Tous les chirurgiens ont observé ces faits, Gerdy les avait notés; 
dans un cas, il vit sept crises douloureuses se produire dans l’espace de vingt- 
deux ans; M. Olier dit avoir trépané un vieillard de soixante-quinze ans qui 
avait eu une ostéomyélite de la moitié inférieure du tibia à l'âge de treize ans, 
c'est-à-dire soixante-deux ans auparavant. Au centre de l'os on trouva un foyer 
purulent dans lequel était renfermé un petit séquestre qui avait mis plus d'un 
demi-siècle à se séparer. ; 

La persistance à l’état chronique des lésions inflammatoires du tissu osseux 
permet de comprendre cette longue durée des accidents, mais les recherches 
microbiologiques modernes aident encore à interpréter la physiologie patholo- 
gique des phénomènes. Elles nous expliquent surtout les poussées aiguës qui 
éclatent à de longs intervalles par la persistance dans le foyer morbide des 
microbes pathogènes. A cet égard, la thèse de M. Jaboulay sur le microbe de 
l’ostéomyélite aiguë, soutenue devant la Faculté de Lyon en 1885, nous fournit 
des détails intéressants. L'auteur y rapporte trois cas d’ostéomyélite prolongée, 
dans lesquels il a pu retrouver le staphylococcus, le cultiver et reproduire expé- 
rimentalement une affection analogue à l'ostéomyélite aiguë de l'homme. 
M. Verneuil voit dans ces faits un cas particulier de ce qu'il appelle le parasi- 
tisme microbique latent. Dans la séance du 9 février 1886, il en a cité un 
exemple à l'Académie de Médecine. Il s’agit d’un jeune homme de vingt-quatre 


220 PÉRIOSTITE. 


ans qui venait de rentrer pour la seconde fois dans son service. Vers l'âge de 
douze ans, il avait eu une ostéomyélite infectieuse de l'enfance, à la suite de 
laquelle on dut lui amputer la jambe ; quatre ans après, étant âgé de seize ans, 
il était entré dans le service de M. Verneuil pour une ostéomyélite de l'extré- 
mité supérieure de l'hüumérus. On dut lui pratiquer une large incision et lui 
extraire plusieurs séquestres. Aujourd'hui, dit M. Verneuil, il a une nouvelle 
ostéomyélite supérieure de l’humérus du côté opposé. M. Nepveu a reconnu, 
dans le pus de l’abcès ouvert avec toutes les précautions de rigueur, des milliers 
de staphylococcus albus. 1l faut donc admettre que ce malade a été habité pen- 
dant de longues années à l'état latent par le germe contagieux et inoculable de 
l'ostéomyélite. $ 

Ainsi donc la conservation dans l'organisme des microbes pathogènes peut 
nous aider à comprendre la persistance des lésions inflammatoires et surtout les 
poussées aiguës qui surviennent longtemps après le début des accidents pri- 
miüfs. Ce qui empêche quelquefois de rapporter à leur véritable origine, l’ostéo- 
myélite aiguë pendant l'enfance ou l'adolescence, les lésions inflammatoires 
chroniques du tissu osseux observées chez l'adulte ou chez le vieillard, c'est 
l'insuffisance des commémoratifs. Mais ce sont aussi les modifications qui se 
sont produites sur le membre malade et qui ont enlevé à l'affection quelques- 
uns de ses caractères les plus importants. 

En effet, sous l'influence de l'allongement du membre par l'apposition de 
nouvelles couches osseuses formées par le cartilage épiphysaire, les cicatrices 
qui étaient primitivement en rapport avec la région du bulbe ou région juxta- 
épiphysaire s'en éloignent peu à peu, de sorte que, après de longues années, ces 
cicairices distantes de l’extrémité épiphysaire ne paraissent plus avoir avec elle 
aucun rapport. Il en est de même des lésions profondes siégeant sur l'os lui- 
même, hyperostoses, abcès, nécroses. Grâce à l'accroissement de l'os en longueur, 
elles s'éloignent de l'épiphyse, et, quand on examine le malade longtemps 
après le début de l'affection, elles paraissent situées en pleine diaphyse. Il faut 
être prévenu de ces faits pour ne pas se laisser induire en erreur, et pour leur 
donner leur véritable interprétation. 

Nous devons en terminant signaler comme conséquences de l'ostéomyélite les 
modifications de longueur et les déformations variées qui peuvent se produire 
sur les diverses parties du squelette. Les expériences de M. Ollier donnent de 
ces faits l'interprétation la plus satisfaisante. En effet, lorsqu'on irrite chez les 
animaux le cartilage épiphysaire, ses propriétés physiologiques sont excitées; 
l'ossification aux dépens de ce cartilage est activée, et il en résulte une aug- 
mentation de l'os en longueur. Si, au contraire, on détruit ce même cartilage, 
on empêche tout allongement ultérieur de l'os aux dépens de l'épiphyse ainsi 
altérée. Ces deux conditions qu’on peut à volonté réaliser par l'expérience se 
retrouvent toutes deux dans l’évolution des faits pathologiques. Si l’inflammation 
s'est développée au voisinage du cartilage épiphysaire, sans envahir ce cartilage 
lui-même et surtout sans le détruire, il a pu en résulter une irritation qui a 
activé les propriétés ostéogéniques de ce cartilage et déterminé une augmenta- 
tion de longueur de l'os. Cette exagération de longueur peut, dit M. Ollier, 
aller jusqu’à 7 et 8 centimètres pour un os comme le tibia. Mais ce sont là des 
cas extrêmes, et par suite exceptionnels ; les allongements de 9, 5 et 4 centi- 
mètres, sont les plus fréquents. Au contraire, le cartilage de conjugaison a-t-il 
été envahi lui-même par l'inflammation, et surtout a-t-il été détruit par le pus, 


PÉRIOSTITE. 291 


l'épiphyse correspondante cesse de fournir à l'accroissement de l'os en longueur, 
et il en résulte un raccourcissement du membre. La même affection peut done 
conduire, suivant les faits, à deux résultats différents, l'allongement de l'os ou 
son raccourcissement, qui tous deux aboutissent à une même conséquence, 
l'inégalité de longueur des membres et la claudication. D'ailleurs, ces résultats 
ne seront pas également marqués dans tous les cas. On les observera surtout 
quand l'inflammation occupera les épiphyses les plus fertiles, par exemple, les 
épiphyses supérieure du tibia et inférieure du fémur, qui fournissent surtout à 
l'accroissement en longueur du membre inférieur. Ils seront beaucoup moins 
marqués pour les épiphyses supérieure du fémur et inférieure du tibia. 
L'ostéomyélite n’agit pas seulement en amenant des perturbations dans 
l'accroissement des membres en longueur; elle peut aussi déterminer des 
déviations, des inflexions osseuses, qui conduisent à des difformités disgracieuses 
pour la forme et très-gênantes pour les fonctions. Déjà nous avons signalé les 
décollements diaphysaires et épiphysaires et les fractures spontanées. Toutes ces 
solutions de continuité, difficiles à maintenir réduites au milieu de foyers puru- 
lents, peuvent se consolider vicieusement et donner naissance à des déformations. 
En outre, lorsque l'inflammation porte sur un seul des deux os d’un segment 
de membre à deux os parallèles, comme la jambe, l’avant-bras, les modifications 
de longueur qui surviennent dans l'un des os et qui ne portent pas sur 
l'os voisin sont une source nouvelle de déformation. Ainsi, par exemple, que 
le tibia ait augmenté de longueur, le péroné ne subissant pas un allongement 
parallèle force le tibia à s'incurver de son côté. Il en résulte une déviation 
qui porte le genon en dedans et l'extrémité inférieure de la jambe en dehors. 
Quelquefois même ce défaut de parallélisme dans l'allongement des deux os 
détermine un relâchement de l'articulation péronéo-tibiale supérieure et même 
une véritable luxation de cette articulation. L’allongement porte-t-il au contraire 
. sur le péroné, le tibia forcera ce dernier os à s’incurver en dedans, et la jambe, 
dans son ensemble, présentera une courbure à convexité externe. Des déviations 
analogues s’observent à l’avant-bras : ainsi, par exemple, quand le radius est 
arrêté dans son développement, le cubitus, continuant à croître et se trouvant 
relenu par ses attaches supérieure et inférieure au radius, est obligé de se 
contourner en arc. Il en résulte une inflexion générale de l’avant-bras dont la 
convexilé est dirigée en dedans. On comprendra facilement, d’après les dévelop- 
pements précédents et les exemples que nous venons de citer, à combien de 
déformations diverses peut donner naissance l'ostéomyélite de développement. 
Dracnosric. Le diagnostic de l'ostéomyélite mérite toute l'attention du chi- 
rurgien. Il offre, dans les premières périodes, la plus grande difficulté: or, c’est 
au début surtout qu’il importe de reconnaître la maladie pour lui opposer sans 
retard un traitement efficace. Il peut se faire, et 1l arrive souvent en effet, que 
les phénomènes généraux sont tellement marqués, alors que les phénomènes 
locaux sont nuls ou presque nuls, -que la maladie à ses débuts est prise pour 
une fièvre typhoïde ou pour une fièvre éruptive. Aussi, dans les hôpitaux 
d'enfants, les petits malades sont-ils quelquefois à tort dirigés sur des services 
de médecine. La prostration, l’hébétude des sujets, font confondre l'ostéomyélite 
à ses débuts avec la fièvre typhoïde ou la méningite; la fréquence extrême du 
pouls, l'élévation de la température, ont pu faire penser à l'invasion de la scar- 
latine. Prévenu de la possibilité de pareilles erreurs, le médecin doit examiner 
le malade avec le plus grand soin. Si quelques-uns des symptômes importants 


299 PÉRIOSTITE. 


des maladies que nous venons de nommer font défaut, il doit penser à la possi- 
bilité de l'ostéomyélite, examiner attentivement le squelette, et souvent déjà 
une douleur nettement localisée, un peu de gonflement, permettront de recon- 
naître la nature véritable de l'affection. Inversement, lorsque les phénomènes 
locaux, douleur, gonflement, chaleur, l'emportentde beaucoup sur les phénomènes 
généraux, on pourrait être exposé à prendre l’ostéomyélite à ses débuts pour 
un rhumatisme articulaire aigu. L'existence souvent notée dans les commémo- 
ratifs d'un refroidissement contribuerait encore à entretenir l'erreur. Nous 
ferons remarquer qu'habituellement dans l'ostéomyélite les phénomènes généraux 
et l'élévation de la température sont plus prononcés que dans le rhumatisme. 
Il faut surtout attacher la plus haute importance à la recherche méthodique de 
la douleur. M. Lannelongue insiste beaucoup sur ce point, et il donne à cet égard 
des conseils pleins de sagesse. En procédant doucement et avec lenteur, en 
commençant à exercer la palpation loin de la partie malade, on habitue l’enfant 
à l'examen, on gagne peu à peu sa confiance, et l’on arrive à examiner directe- 
ment le point lésé. On constate ainsi que le maximum de la douleur répond 
bien à l'os lui-même, et non à l'articulation voisine. On peut même, en explo- 
rant comme nous venons de le dire toute la longueur de l'os, arriver à déter- 
miner un point très-circonscrit au niveau duquel la douleur a une intensité 
maximum. Il nous a été possible, dans un cas, par une palpation méthodique, 
de reconnaître sur la face externe du fémur une ostéomyélite très-limitée, et 
de donner issue à un foyer purulent qui ne renfermait pas plus d’une cuillerée 
de pus. Cet examen méthodique et minutieux a donc, au début de l'affection, 
la plus haute importance. 

Il est encore une circonstance qui ne doit pas induire en erreur, c'est l’exis- 
tence d’un traumatisme antérieur. On pourrait, en face d’une ostéomyélite 
commençante, croire à une simple affection traumatique, contusion violente ou 
fracture. Il faut donc s'enquérir de la cause et de la nature du traumatisme, 
ainsi que de toutes les circonstances qui l'ont suivi. Si le traumatisme a eu 
par lui-même peu d'importance, si le malade a pu, dans les jours qui l'ont 
suivi, continuer à faire usage de son membre, on est conduit à cette donnée 
que l'accident en lui-même n’a eu d’autre rôle que celui de cause déterminante, 
et que l'affection à laquelle on a affaire est en réalité d’un autre ordre. 

Plus tard, lorsque déjà le pus est formé, la rougeur et le gonflement diffus 
des parties molles peuvent en imposer pour un phlesmon diffus : mais ici la 
marche de la maladie, cette notion que la douleur et les phénomènes généraux 
ont précédé l'apparition de la rougeur et du gonflement, le siége initial de 
l'affection au voisinage d’une extrémité épiphysaire, sont autant de signes qui 
permettront de rattacher les phénomènes inflammatoires à leur véritable cause. 
D'autre part, l'absence de toutes les causes habituelles du phlegmon diffus, 
plaie, inoculation septique du membre, sont des circonstances de la plus haute 
importance. M. Lannelongue signale encore un symptôme auquel il attache une 
grande valeur, c'est le développement des veines sous-cutanées qui s'explique 
par la gêne de la circulation veineuse intra-osseuse, et qui se montre à un 
degré beaucoup plus élevé dans l'ostéomyélite que lorsqu'il s’agit d’une simple 
inflammation des parties molles. 

Le diagnostic n'est plus à faire entre l’ostéomyélite de Chassaignac et l'abcès 
sous-périostique. Nous avons dit qu’on s’accordait aujourd’hui à ne voir là que 
des formes diverses d’une seule et même affection, et dans la discussion de la 


PÉRIOSTITE. 225 
Société de chirurgie M. Verneuil a traité de pur roman le diagnostic différentiel 
que Chassaignac s’est efforcé de tracer entre les deux affections. Sans doute, 
lorsque le pus siége dans le canal médullaire, le gonflement est beaucoup plus 
diffus, il gagne le segment de membre voisin, en passant à travers les surfaces 
articulaires et le cartilage de conjugaison. Mais à ce moment des désordres irré- 
parables sont produits, le diagnostic n'offre plus d'intérêt. C'est dès le début 
qu’il serait désirable de savoir s’il y a ou non du pus dans le canal médullaire. 
Malheureusement ce diagnostic précoce est impossible. 

Nous ne reviendrons pas ici sur le diagnostic des différents accidents qui 
peuvent se montrer au cours de l'ostéomyélite aiguë. Ce que nous avons dit 
prouve que l'on doit toujours être sur ses gardes, suivre avec soin la marche de 
la température, ausculter attentivement le cœur et les poumons, examiner de 
temps en temps les urines, afin de reconnaître les diverses manifestations 
viscérales que nous avons mentionnées (endocardites, péricardites, néphrites 
infeclieuses, etc.). 

Quant à l’ostéomyélite prolongée et à ses différentes formes, c'est surtout 
’étude minutieuse des antécédents qui conduira au diagnostic. La marche aiguë 
ou suraiguë de l'affection initiale, son début pendant la période de croissance, 
sont des circonstances qui permettront de reconnaitre la véritable nature de 
l'affection. Le bon état de santé générale du sujet, malgré une suppuration 
osseuse qui a pu durer de longues années, l'absence d'accidents scrofuleux anté- 
rieurs, l'absence de manifestations tuberculeuses actuelles, soit du côté du 
poumon, soit du côté des organes génilo-urinaires, sont autant de raisons pour 
faire rejeter l’idée d’ostéite tuberculeuse et admettre celle d'ostéomyélite 
prolongée. 

Pronostic. Nous n’avons pas besoin d'insister longtemps sur la gravité du 
pronostic. Une maladie qui peut entraîner la mort en quelques jours par septi- 
cémie aiguë, ou bien après une longue période de suppuration et d’épuisement, 
qui peut causer la perte’ d’un membre, est certainement de la plus haute 
gravité. Mais, comme nous l'avons dit au cours de la description, il est des 
formes atténuées dont le pronostic est beaucoup moins sérieux. Plus on inter- 
viendra rapidement pour donner issue à la suppuration, plus on aura de 
chances de voir se limiter les désordres, et, par suite, plus on atténuera la 
gravité du pronostic. On ne saurait donc attacher ici trop d'importance au 
traitement. 

TRAITEMENT. En présence d’une affection aussi grave, il faut avant tout ne 
pas perdre de temps. Le traitement doit être essentiellement chirurgical. On ne 
s'arrêtera donc pas longtemps aux moyens médicaux, sangsues, vésicatoires, 
cataplasmes, etc. C'est seulement dans les cas où il s’agit de formes très- 
atténuées, où l'état général est presque intact, où 1l n’y a qu'une douleur locale, 
sans gonflement manifeste et sans fluctuation, qu'il serait permis d'insister sur 
ces divers moyens. Dans les cas graves, ce serait folie que de s'y arrêter. Ils 
sont impuissants, et même leur emploi n'est pas sans inconvénients. Chez des 
malades déjà affaiblis, plongés dans un état typhoïde adynamique, les larges 
applications de sangsues augmenteraient encore la faiblesse et la prostration. Il 
faut en pareil cas, dès que la douleur locale et le gonflement permettent d'af- 
firmer l'existence de l’ostéomyélite et d'en préciser le siége, pratiquer sans 
retard une large incision comprenant le périoste lui-même. Cette intervention 
aura le plus heureux effet antiphlogistique, en réalisant à la fois une 


294 PÉRIOSTITE. 


évacuation sanguine et un débridement de l'enveloppe périostique: L'incision 
devra être faite lentement et couches par couches, en prenant soin de jeter 
une pince ou une ligature sur chaque artère au fur et à mesure qu'elle sera 
sectionnée. On aura ainsi le double avantage de n'être pas embarrassé pour 
l'hémostase à la fin de l'opération, et de pouvoir examiner clairement, sans être 
gêné par le sang, l’état du périoste lui-même et de l'os sous-jacent. Nous avons 
dit qu’il fallait inciser dès que le siége précis de la douleur et le gonflement 
avaient permis de déterminer le point malade : il ne faut pas en effet attendre 
la fluctuation. D'abord, le pus est si profondément situé qu'il peut ne pas tra- 
duire sa présence par la sensation de fluctuation, puis, si l’on attend pour agir 
que ce dernier symptôme soit bien net, on laissera à des lésions graves le temps 
de se produire. Il faut donc inciser hâtivement, et quelque rapidité qu'on y 
mette, bien souvent dans les cas à marche aiguë on trouvera déjà une certaine 
quantité de pus. Mais faut-il se contenter du large débridement périostique que 
nous venons de décrire, ou faut-il aller plus loin et pratiquer la trépanation de 
l'os lui-même? C’est une question que nous devons maintenant examiner. 

Déjà J.-L. Petit faisait la trépanation des os dans l’ostéomyélite; elle fut aussi 
recommandée par Van Swieten; Morven Smith publia en 1838 dans l'American 
Journal of Medical Sciences une série de faits favorables à la trépanation dans 
l'ostéomyélite aiguë, mais, malgré ces exemples suivis par plusieurs chirurgiens, 
la trépanation resta jusqu'à ces dernières années une opération exceptionnelle 
en pareil cas. En 1876, dans un mémoire communiqué à l’Académie des 
sciences (De la trépanation dans les diverses formes d'ostéomyelite, in Comptes 
rendus de l’Académie des sciences, 14 août 1876), M. Ollier appelait l'attention 
sur la multiplicité des indications de la trépanation dans les inflammations 
osseuses et recommandait cette opération dans toutes les formes douloureuses 
de l'ostéomyélite. « Elle est aussi applicable, disait-il, dans certains cas, à 
l'ostéomyélite aiguë, avec symptômes généraux graves, comme moyen abortif 
de l’inflammation. » Revenant sur ce sujet dans son. article de l’ Encyclopédie 
de chirurgie, M. Ollier conclut en disant que, lorsqu'on intervient au début, on 
peut se contenter de larges débridements périostiques, mais il ajoute : « Il ne 
faut pas hésiter à aller jusqu'à la moelle, si l'infiltration du tissu spongieux et 
l'aspect gris, mat, non vasculaire, du tissu compacte baignant dans le pus, 
indiquent la nécrose de la diaphyse. On trouvera alors du pus dans le canal 
médullaire, et l'issue de ce pus sera le seul moyen de faire cesser les phéno- 
mènes infectieux et de prévenir une nécrose plus étendue. » 

M. Lannelongue va beaucoup plus loin ; admettant que le pus se forme dans 
le canal médullaire et dans l'épaisseur de l'os lui-même, en même temps et 
souvent même avant qu'il se collecte à la face profonde du périoste, il con- 
seille la trépanation de l'os comme applicable à tous les cas. Nous rapporte- 
rons textuellement ici ses conclusions à ce sujet, afin de bien faire comprendre 
sa pensée : « Dès que le diagnostic est établi, dit-il, la trépanation est la seule 
méthode dont l'opportunité et les indications soient indéniables. L'affection ayant 
son origine constante à l'une des extrémités des diaphyses, c’est en ce point que 
les désordres seront le plus accusés, au début comme plus tard : c’est là un 
premier lieu pour la trépanation. Mais une simple ouverture sera le plus sou- 
vent insuffisante ; elle le sera toujours, si le décollement du périoste ou l’abcès 
périostique s'étend sur une certaine longueur de la diaphyse : d'où la nécessité 
d'en pratiquer une seconde, d'autant plus nécessaire que, chez les jeunes sujets, 


PÉRIOSTITE. 295 


le canal médullaire n'arrive pas jusqu'aux épiphyses : par suite, la première 
ouverture au lieu d'élection ne saurait l'atteindre. Elle n’en sera pas moins 
utile et évacuatrice, car le pus existe dans cette région spongieuse probablement 
avant d’apparaître dans le canal médullaire. » 

La deuxième trépanation devra prendre la direction de ce canal toujours placé 
au centre du cylindre ; une seule incision suffit pour pratiquer ces deux trépa- 
nations que l’auteur place d'habitude à un pouce lune de l’autre, mais, s'il 
existait un vaste décollement du périoste, il serait utile de faire une seconde 
petite incision, à la partie la plus inférieure du décollement, et de pratiquer là 
une troisième trépanation. 

La présence d’un abcès sous-périostique n'est nullement nécessaire, ajoute 
M. Lannelongue, pour l'application du procédé; on peut même assurer que la 
trépanation sera d'autant plus efficace que l’on y aura eu plus promptement 
recours. Dans l'ostéomyélite des os du crâne, la trépanation s'impose au chirur- 
gien comme l'unique ressource. 

On pourra penser qu'il y a quelque exagération à pratiquer la trépanation 
dans tous les cas, et on objectera à cette manière de faire les succès obtenus au 
moyen de la seule incision périostique. Sans doute il est des faits qui démon- 
trent que la trépanation n’est pas toujours nécessaire, et ce serait une erreur 
de croire qu'il y a fatalement du pus dans le canal médullaire, parce qu'il en 
existe au-dessous du périoste. Nous nous sommes suffisamment expliqués sur 
ee point en parlant de l'anatomie pathologique et de la nature de la maladie 
pour m'avoir pas à y revenir ici. Mais, dans l'incertitude où l'on est pour faire 
le diagnostic entre la simple suppuration sous-périostique et celle du canal 
médullaire, il nous semble préférable de recourir dans tous les cas à une trépa- 
aation exploratrice. On fera, à l’aide de la tréphine, une petite perforation dans 
le cylindre osseux, et, si du pus s'écoule, on pourra au besoin élargir l'orifice 
avec une couronne de trépan. Même si aucun liquide ne s'écoule, cette trépa- 
nation exploratrice pourra avoir l'avantage de réaliser un véritable débridement 
du tissu osseux ; elle agira à la manière de la saignée des os autrefois conseillée 
par Laugier. Dans tous les cas, elle sera certainement sans inconvénients. 

Qu'on ait suivi le conseil de Lannelongue et pratiqué la trépanation, ou 
qu'on se soit contenté d’un large débridement périostique, une conduite s’im- 
pose dans tous les cas, c’est d'assurer par un drainage bien fait l'écoulement du 
pus et de s'opposer à son altération par un emploi continu des antiseptiques. 

La large incision du périoste et la trépanation suffiront lorsqu'on intervient 
au début, lorsque le mal est limité au voisinage de l’épiphyse ou à une partie 
eirconscrite de la diaphyse. Mais, lorsqu'on ne sera intervenu que tardivement, 
ou.bien lorsqu'en dépit des soins les mieux dirigés le mal aura gagné toute 
l'étendue de la diaphyse, s’il existe des clapiers nombreux, si l'os est en totalité 
dépouillé de son périoste et que le malade soit menacé de succomber rapidement 
à l'épuisement ou à la pyohémie, une intervention plus hardie s'impose au 
chirurgien. C'est alors qu'on a conseillé de recourir à l'amputation ou à la 
désarticulation suivant le siége de la lésion. Mais, avant d'en venir à un parti 
aussi radical, il est d'autres opérations plus conservatrices, qui ont été intro- 
duiles dans la pratique, et qui méritent d’être employées. Nous voulons désigner 
les résections diaphysaires et épiphysaires. 

Quand nous parlons ici de résections, il est bien entendu qu'il s'agit de résec- 
tions précoces, hâtives. En effet, lorsque la plus grande partie d’une diaphyse 


DET ENG, 2 s. XXII. 15 


296 PÉRIOSTITE. 


est frappée de nécrose, que la suppuration est abondante et que de nombreux 
cloaques établissent la communication avec l'extérieur, tous les chirurgiens. 
interviennent pour débarrasser par les résections nécessaires les malades des 
parties osseuses mortifiées. Nous le répétons, ce ne sont pas ces résections tar- 
dives que nous avons en vue, mais bien les faits dans lesquels, avant toute 
séquestration, le chirurgien intervient, pendant la période d'acuïté même de la 
maladie, pour supprimer avec les portions osseuses malades la source de la sup- 
puration qui épuise le sujet et le menace de pyohémie. Le principe des résec- 
tions hâtives dans l’ostéomyélite paraît avoir été posé pour la première fois par 
Holmes, à propos d'un fait qui lui est personnei. Il s'agit d’un enfant de dix 
ans, qui fut pris, le 15 mars 1865, au niveau du cou-de-pied gauche, d'une 
douleur suivie d'un gonflement de la jambe. Le 20, une collection purulente est 
ouverte. Il vient à l'hôpital le 5 avril; on fait une nouvelle incision sur le tibia, 
et l'on constate que cet os est dénudé en haut, en bas et en arrière, dans tous les 
points que le doigt peut atteindre. Le 15 avril, on enlève 7 pouces 1/5 de la 
diaphyse tibiale; l'enfant guérit avec 4 pouce 1/2 de raccourcissement. La con- 
duite de Holmes a été imitée par plusieurs chirurgiens, entre autres Macdougall, 
Letenneur, Giraldès et Duplay. Dans la séance du 5 janvier 1875, Giraldès a lu 
à l’Académie de médecine un mémoire dans lequel il conseillait la résection 
précoce des portions osseuses dénudées au cours de la périostite phlegmoneuse 
diffuse. La même année, M. Duplay a communiqué à la Société de chirurgie um 
travail sur le même sujet. Il y rapporte un fait personnel dans lequel il a pra- 
tiqué la résection de la totalité de la diaphyse du tibia mesurant 29 centimètres 
de longueur, sur un enfant de seize ans; il y eut guérison avec reproduction de 
l'os. M. Duplay fait observer que, dans son cas comme dans ceux de Holmes, 
de Letenneur et de Macdougall, la résection a été pratiquée dans la période 
d’acuité de la maladie, au milieu d’un état général des plus graves. Il insiste sur 
l'utilité de la bande d'Esmarch pour vérifier l’état des parties malades, et sur la 
nécessité de conserver le périoste avec le plus grand soin. Le raccourcissement 
a varié de 1 à 4 centimètres dans la résection du tibia, ce qui tient, et à la 
disparition des cartilages épiphysaires, et à la tendance que présente le pied à 
s'incliner du côté interne où il n’est plus soutenu. La méthode des résections 
précoces est applicable surtout à la jambe, où le volume du tibia frappé de 
nécrose et en pleine suppuration est une source de dangers sérieux pour les 
malades; elle est applicable aussi au péroné et à l'avant-bras, soit pour le 
radius, soit pour le cubitus. Dans les segments de membre pourvus de deux os, 
l'os qui reste après la résection joue en effet le rôle d'attelle et tend à conserver 
au membre sa forme et sa longueur normales. M. Lefort a appliqué le même 
principe à la clavicule; à l'humérus et au fémur, la méthode est plus difficile- 
ment réalisable, à cause de la difficulté de maintenir le membre dans une posi- 
tion et une immobilisation convenables. Cependant nous verrons dans un instant 
que, même pour le fémur, la résection totale a pu être employée avec un heu- 
reux résultat. 

Nous pouvons donc conclure au sujet des r'ésections précoces en disant qu’elles 
ne sauraient être mises en parallèle avec les larges incisions périostiques et la 
trépanation telle que la conseille M. Lannelongue. En effet, elle ne constitue 
point une méthode de choix, encore moins un traitement applicable au début de 
la maladie. C'est seulement lorsqu'un volumineux abcès sous-périostique a été 
ouvert, lorsque la suppuration profuse épuise le malade, lorsque la dénudation 


PÉRIOSTITE. 227 
de la presque totalité de la diaphyse rend une nécrose inévitable, que cette 
méthode trouve son indication. Mais Bockenheimer est allé beaucoup plus loin : 
il a publié, en 1878, dans Deutsche medic. Wochenschrift, un cas dans lequel 
il a fait la résection au fémur en totalité et du plateau tibial, pénétrant ainsi 
largement à la fois dans l'articulation de la hanche et dans celle du genou ; 
quatre mois après, l'enfant se tenait debout sans soutien et ne présentait qu'un 
raccourcissement de 4 centimètres. La même année, M. Th. Anger pratiquait 
une opération analogue, avec cette différence qu'il ne pénétrait que dans une 
grande articulation. Sur un jeune garçon de quinze ans atteint d'une ostéomyé- 
lite du tibia avec suppuration de l'articulation du genou il fit la résection de 
l'extrémité supérieure du tibia en pénétrant dans l'article. L'enfant guérit; 
revu par M. Th. Anger six ans après, en 1884, il marchait facilement à l’aide 
d'un soulier mécanique élevé de 10 centimètres. Le tibia réséqué dans une 
étendue de 15 centimètres s’est reproduit dans l'étendue de 8 centimètres. La 
différence de hauteur vient de ce que la jambe du côté opposé a grandi depuis 
l'opération. L'exemple de M. Th. Anger a été suivi par M. Cerné (de Rouen), qui 
a fait connaître son observation personnelle et celle de son maître dans un 
mémoire communiqué en 4885 au premier Congrès français de chirurgie. Il 
s'agissait également dans le fait de M. Cerné d'un jeune garçon de quinze ans, 
atteint d'une ostéomyélite du tibia avec suppuration de l'articulation tibio-tar- 
sienne. La résection fut pratiquée, et l'enfant guérit avec un raccourcissement 
total de 7 centimètres. Ainsi donc, même dans les cas où l’ostéomyélite s’accom- 
pagne de suppuration d'une articulation voisine, la résection est de mise. 
M. Ollier, dans son article de l'Encyclopédie de chirurgie, a visé ces cas par- 
ticuliers, et il s'exprime ainsi : ( Les cas auxquels la méthode de l'extraction 
sous-périostée sera spécialement applicable sont ceux dans lesquels une partie 
de la diaphyse est envahie avec une des épiphyses correspondantes, c'est-à-dire 
les cas dans lesquels une articulation est en suppuration et s'accompagne d'’ostéo- 
myélite sur une plus ou moins grande longueur de l'os. » Nous nous associons 
pleinement à ces conclusions. 

Mais ce serait une erreur de croire que la présence d'une arthrite suppurée 
commande nécessairement la résection. Oui, quand il existe une ostéomyélite 
diffuse de l'extrémité épiphysaire de l'os avec envahissement de l'articulation 
voisine, la résection s'impose. Mais, quand il s’agit seulement d’une arthrite 
suppurée de voisinage, ou d'une suppuration articulaire en communication avec 
un foyer sous-périostique, sans participation de l’épiphyse à la lésion, la gué- 
rison peut être obtenue au moyen d’une simple arthrotomie. MM. Guyon, 
Heinecke, Macnamara, ont cité des cas de cette nature. Dans une récente discus- 
sion à la Société de chirurgie (1885), M. Lucas-Championnière, Le Dentu, de 
Saint-Germain, ont également rapporté des exemples à l'appui de cette pratique. 

En résumé done, au début, les grandes incisions périostiques et la trépana- 
tion peuvent suffire; plus tard, quand les désordres sont plus étendus, la simple 
arthrotomie, ou l'arthrotomie avec résection d’une extrémité articulaire, ou la 
large résection diaphysaire, sufliront la plupart du temps à remplir les indi- 
cations. Par là se trouve singulièrement restreint le domaine des amputations et 
des désarticulations que Chassaignac regardait avec raison à son époque comme 
constituant la seule méthode rationnelle de traitement dans l'ostéomyélite aiguë 
suppurée. Aujourd’hui, grâce aux progrès de la chirurgie, ce ne sont plus que 
des procédés d'exception, applicables seulement dans les cas où l'état général 


“À 


228 PÉRIOSTITE (BIBLIOGRAPHIE). 


est si mauvais que les malades ne peuvent faire les frais d'une réparation néces- 
sairement longue, et où il importe de substituer à une plaie infectée qui conti- 
nuera à fournir du pus en abondance une plaie simple qui marchera rapidement 
vers la cicatrisation. La multiplicité des lésions pourra conduire aux mêmes 
conclusions. 

« Si, dit M. Olier, plusieurs os sont pris avec leurs articulations contiguës 
dans différents segments d'un même membre, si les articulations multiples du 
pied et de la main sont envahies en même temps que celles du coude on du 
genou, si d'autre part les parties molles sont tellement décollées par les fusées 
purulentes que le membre ressemble à un sac plein de pus, 1l faudra nécessai- 
rement amputer. » Les différentes amputations et la désarticulation de l'épaule 
ont donné de bons résultats. Quant à la désarticulation coxo fémorale, elle est 
tellement grave surtout chez un sujet déjà épuisé par la suppuration, que nous 
préférerions recourir à la résection de la hanche, et même à la résection totale 
du fémur, à l'exemple de Bockenheimer, avant de pratiquer une opération qui 
offre si peu de chances de succès. E. Kirmissox. 


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In lo Sperimentale, p. 134, 1885. 


(Je dois en terminant remercier mon ami Heydenreich, qui m’a communiqué la plus grande 
partie des renseignements bibliographiques précédents). E. K. 


PERIPAROBA. Nom employé quelquefois à la place de Pariparoba, qui 
s'applique, au Brésil, au Piper umbellatum L., de la famille des Pipéracées. 


PÉRIPATE (Peripatus Guild.). Genre d'animaux, qui a donné son nom 
au groupe des Péripatidés et dont la place dans la série zoologique n’est pas 
encore nettement définie. 

Guilding l’a établi en 1896 ; il le rangeait alors parmi les Mollusques, dans 
un ordre spécial, celui des Mollusca polypoda. Mais on ne tarda pas à l'en 
retirer pour le reporter parmi les Vers. Feu de temps après, de Blainville émit 
l'opinion qu'il devait former à lui seul une classe intermédiaire aux Myriopodes 
et aux vers Chétopodes, classe qu'il désigna sous le nom d'Entomozoaires mala- 
copodes. Enfin Œrsted, Milne-Edwards, puis E. Blanchard, le placèrent parmi 
les Annélides, et Grube, en 1853, créa pour lui la classe des Onychophores. 
Cette dernière manière de voir est encore celle de plusieurs auteurs modernes. 
D’autres, au contraire, revenant à l'opinion émise en 1838 par de Blainville, 
considèrent les Péripates comme constituant un lien entre les Vers supérieurs 


232 PERIPLOCA. 


et les Arthropodes et les placent en tête de cette classe. D'autres enfin les ratta- 
chent aux Myriopodes, dans lesquels ils forment la famille des Péripatidés et dont 
ils se rapprochent, en effet, autant par la nature des appendices et celle des 
appareils respiratoire et reproducteur que par le développement de l'embryon 
et leur manière de vivre. 

Ces curieux animaux ont le corps mou, vermiforme, indistinctement annelé, 
mais pourvu d'un grand nombre d'appendices ambulatoires, courts, coniques, 
terminés chacun par deux petits crochets. Le lobe céphalique, assez nettement 
distinct, porte deux tentacules frontaux articulés, assez semblables à des 
antennes, et en arrière deux yeux simples. L'ouverture buccale est située sur la 
face inférieure du lobe céphalique; elle est entourée d’une lèvre charnue pro- 
éminente, cachant deux màchoires cornées, terminées chacune par deux petits 
crochets chitineux. En arrière de l’ouverture buccale sont placées deux papilles 
ovales, munies d’un orifice par lequel sort une matière visqueuse qui forme des 
filaments irrégulièrement entre-croisés imitant un peu une toile d'araignée ; cette 
matière visqueuse est sécrétée par deux longues glandes tubuleuses, placées sur 
les côtés du tube digestif; celui-ci débouche au dehors par un anus situé à 
l'extrémité postérieure du corps. Il n'existe ni glandes salivaires, ni tubes de 
Malpighi. Le système circulatoire consiste en un long vaisseau dorsal placé au- 
dessus du tube digestif contre la face interne du tégument dorsal. La respira- 
tion s'effectue au moyen de trachées très-ramifiées, dont les troncs principaux 
débouchent au dehors par de nombreux stigmates, les uns disposés sans ordre à 
la surface du corps, les autres formant une rangée longitudinale au niveau de 
la ligne médiane de la face ventrale. Le système nerveux se compose d’une 
masse ganglionnaire cérébrale, qui émet deux longs cordons nerveux latéraux, 
d'abord rapprochés, puis se séparant ensuite pour se prolonger de chaque côté 
du corps, sans offrir de renflements ganglionnaires, mais en se mettant en 
rapport par des filets transversaux. 

Les Péripates sont dioïques et ovovivipares. Les principaux traits de leur 
développement ont été surtout mis en lumière par les observations de Moseley. 
Ils vivent, comme les Myriopodes, dans les bois pourris, sous les pierres ou les 
feuilles mortes, dans les endroits humides. On en connaît environ une demi- 
douzaine d'espèces propres aux régions chaudes du globe. Le Peripatus uli- 
formis Guild., qui est le type du genre, se rencontre dans l'Inde; le 
P. Edwardsi Blanch., à Cayenne; le P. Blainsillei Blanch., au Chili ; le P. Leu- 
ckarti Säng., en Australie; le P. capensis Grube, au cap de Bonne-Espé- 
rance, etc. Ep. LEFÈVRE. 


Bigciocrapuie. — Goine. An account of a New-Genus of Mollusca. In Zool. Journ., t. I, 
1826. — Gros (E.). Ueber den Bau des Peripatus Edwardsi. In Müller's Archiv, 1855. — 
Säxcer. Untersuchungen über Peripalus capensis und P. Leuckarti. In Verhandl. der 
Moskauer naturforscher Vers. Abth. Zool. — Moserer. On the Structure and Development 
of Peripalus capensis. In Phil. Trans. of the Roy. Soc. London, 1874. Ed. Ler. 


PERIPLOCA (L.). Genre de plantes, de la famille des Asclépiadacées, qu? 
a donné son nom à une importante série de cette famille, celle des Périplocées- 
Actuellement, ce genre n'est plus conçu tel que jadis son fondateur l'avait 
compris. Un grand nombre d'espèces en ont été écartées et élevées à la dignité 
de genres. Il a actuellement pour synonyme le Campelepis, tel que Falconer l’a 
défini (in Trans. Linn. Soc. Lond., XIX, 101). Il faut donc se borner à étudier 


PERIPLOCA. 255 


comme type une des douze espèces européennes, asiatiques ou africaines, qui 
appartiennent véritablement à ce genre, tel qu'il est actuellement réduit; et l'on 
peut, par exemple, analyser une espèce assez commune, d'origine méditerra- 
néenne, qui est cultivée dans nos jardins botaniques, qui y croît vigoureusement, 
s'élevant facilement à la hauteur de nos plus grands arbres et fleurissant presque 
tous les ans; tels sont le P. græca L. (Spec. pl., ed. 2, 309), le P. macu- 
lata Maæxcu ou P. altera Don. (Pempt., 408, fig. 2), P. serpens angustiori 
folio Los., l'Apocynum folio oblongo Baun. (Pin., 503) et l’A. secundifolium 
angustifolium Cros. (Hist., I, 195), l'A. repens de Camerarius (Epit., 842). 

Le Periploca græca a les fleurs régulières et hermaphrodites. Leur calice est 
formé de cing sépales courts, disposés dans le bouton en préfloraison quincon- 
ciale. La corolle est gamopétale, rotacée, à cinq lobes alternes avec les sépales, 
tordus dans la préfloraison et réfléchis après l’anthèse. L’androcée est constitué 
par cinq étamines, qui s'insèrent sur le tube de la corolle et sont alternes avec 
ses lobes. Leur filet est court, renflé vers le milieu de sa hauteur et pourvu sur 
la ligne médiane de sa face interne d'une arête saillante glanduleuse qui s'at- 
tache par sa surface visqueuse à une saillie correspondante du style. En haut ce 
filet se prolonge en un connectif atténué en pointe, couvert de poils en dehors 
et portant en dedans deux loges d’anthère bien distinctes et déhiscentes chacune 
par une fente longitudinale. En dehors de chaque étamine et par conséquent 
entre l’androcée et la corolle, il y a cinq appendices insérés sur cette corolle et 
alternes avec ses lobes. Ils sont pétaloïdes et de même couleur que les pièces de 
la corolle. Leur forme est assez singulière. A leur base, ils sont élargis en fcrme 
de deux auricules latérales concaves, tandis que sur 1a ligne médiane, c'est-à- 
dire en face du filet staminal, ils se prolongent en une longue languette à 
sommet glanduleux et recourbée en dedans. Le gynécée est formé de deux car- 
pelles, libres dans leur portion ovarienne et unis dans leur portion stylo-stigma- 
tique. Le fruit est formé de deux follicules cylindriques, lisses, divariqués, ou 
d'un seul par avortement. Les graines sont pourvues d’une aigrette de poils 
blancs. Le P. græca est une grande liane à feuilles opposées, ovales ou ovales- 
lancéolées, glabres et membraneuses ; à cymes florales dépassant les feuilles. Les 
corolles sont d'une couleur terne, jaunâtre, verdâtre ou brunâtre. L'espèce croit 
en Grèce, en Espagne, en Italie et jusqu’en Syrie. Toutes ses parties sont gorgées 
d'un latex blanchâtre et visqueux. On le considère comme vénéneux, et l'on 
assure qu'il empoisonne l’homme, le chien, le loup, etc. On a beaucoup vanté 
ses feuilles comme résolutives; le plus souvent elles s'employaient topiquement 
à l'extérieur. - 

Le P. mauritiana Por., qui est le Cynanchum mauritianum Lau et le 
Katapal-valli de Rheede, est devenu le type du genre Camptacarpus (C. mau- 
ritianus Dexe). On le nomme aux Mascareignes Liane à café, et il fournit une 
sorte de gomme-résine purgative, qu’on appelle Scammonée de Bourbon. L'Ipe- 
cacuanha faux de Bourbon a été regardé, peut-être sans raisons suffisantes, 
comme la racine de cette plante. Mais tous ces noms indiquent clairement ses 
propriétés évacuantes. 

Les P. vomitoria et ciliata Lescun. ont, au Malabar, des propriétés vomitives 
analogues ; c’est leur racine qu'emploient les médecins indigènes. 

Le P. viridiflora Kosrer.. est aussi une espèce du Malabar, employée en méde- 
cine; on dit ses jeunes pousses comestibles. Linné a aussi décrit un P. escu- 
lenta : c’est un Oxystelma dont on mange les bourgeons. Le P. indica L. est un 


234 PÉRISTERONA. 


Hemidesmus, le fameux Nunnari, qui produit la Salsepareille de l'Inde, et 
est identique au P. emetica Rerk., tonique, diurétique, diaphorétique, altérant, 
H. By. 


Bieuocrapme. — L., Gen., 303 (part.). — DC., Prodr., VIII, 489. — Mér. et ne L., Dict. 
Mat. méd., N, 259. — Rosexti., Syn. plant. diaphor., 316. — Bexru. et Hoox. F., Gen. plant., 
U, 746. — Recas., Icon. Fl. germ., t. 1066. — Bot. Reg., t. 803. — Bot. Mag., t. 2289. 

H. Bn. 


PÉRISCOPIQUES (Verres). Verres concaves-convexes avec prédominance 
de la concavité, ou convexes-concaves, avec prédominance de la convexité, 
suivant qu'ils doivent servir à des myopes ou à des presbytes (voy. Bésicues, 
OPTIQUE, VERRES). 


PÉRISPERME. Synonyme d'Albumen. Le mot périsperme a été de préfé- 
rence employé dans les cas où l’albumen est extérieur à l'embryon. Il faut se 
garder de croire, d'après l'étymologie du mot, que le périsperme représente une 
portion de la graine; orépua est ici pris pour embryon. Bn. 


PERISPORIUM (Perisporium Fr.). Genre de Champignons-Ascomycètes, 
„qui a donné son nom au groupe “des Périsporiacés. 

Les Perisporium se développent sur les tiges et les feuilles des végétaux 
herbacés, parfois sur le bois pourri ou sur les fruits qui commencent à se gåter. 
lls sont voisins des Erysiphe (voy. ce mot). Leurs réceptacles fructifères ou 
Peérithèces, très-petits, généralement sphériques, sont insérés sur un mycélium 
fibrilleux et superficiel, quelquefois peu distinct. Ils portent des thèques ou 
vasques turbiniformes, persistants, dans lesquels sont enfermées huit spores 
allongées, cylindriques, d’un brun de rouille. 

Ce genre renferme une douzaine d'espèces. Les plus répandues sont les 
P. exuberans Fr. et P. vulgare Cord. ; ce dernier attaque assez fréquemment les 
fruits des Cucurbitacées. ; En. LEFÈVRE. 


PÉRISSODACTYLES. M. Richard Owen a proposé de désigner sous ce 
nom le groupe de Mammifères que d’autres naturalistes appellent Jumentés ou 
Hippiens (voy. ces mots). E. OvsraLer. 


PÉRISTALTIQUES (Mouvements). Voy. INTESTIN. 
PÉRISTAPHYLINS EXTERNE ET INTERNE. Ces deux muscles ont 
été déjà complétement décrits dans le Dictionnaire encyclopédique, 2° série, 


tome XIX, page 689 (voy. article Vore pu PALAIS). J. A. 


PERISTERON. Nom grec donné par Dioscoride et les auteurs de l’école 


d'Alexandrie à la Verveine (Verbena officinalis L.). Pis 
Breciocrapnie. — Dioscorine. Mat. médic., IN, p. 60. — Sprexcer. Hist. Rei herb., I, 
p. 127 et 179. BE 


PÉRISTERONA. Nom donné à l’Jvette où Chamæpitys (Ajuga Gha- 
mæpitys L.). Pc. 


PÉRITOINE (ANATOMIE DESCRIPTIVE). 23 


PÉRITOINE. ÉTYMOLOGIE : répirovatos, de rept, autour, etrsivetv, tendre (Littré). 
9 i Anatomie descriptive. Le péritoine est la séreuse de l'abdomen; il ta- 
pisse à la fois les parois de cette cavité et les organes qui y sont contenus, 
réalisant ainsi le plan général des séreuses, et constitue la plus vaste et la plus 
compliquée de ces membranes. 

I. Disposiriox GÉNÉRALE. D’après cette définition, nous devons donc dis- 
ünguer dans le péritoine deux feuillets (viscéral et pariétal) et une cavité qu'ils 
circonscrivent ou cavité péritonéale ; mais nous devons aussi faire immédiatement 
remarquer que ces dénominations sont empruntées à l'anatomie générale des 
séreuses et ne signifient pas qu'il y ait analogie complète entre la distribution 
du péritoine et celle des autres membranes similaires. Elles n’impliquent ni la 
continuité des parties qui constituent le feuillet pariétal, ni la continuité de 
celles qui forment le feuillet viscéral; chacun de ces feuillets ne forme pas un 
département ininterrompu, comme on le voit dans les autres séreuses : il suffit 
en effet de jeter un coup d'œil sur la distribution générale du péritoine pour se 
convaincre que le feuillet viscéral se compose d'un certain nombre de territoires 
péritonéaux séparés les uns des autres d'une facon plus ou moins complète par 
des portions plus ou moins étendues du feuillet pariétal. Par feuillet viscéral du 
péritoine il faut donc entendre l’ensemble des territoires séreux qui tapissent 
un à un les organes contenus dans l'abdomen, tandis que sous le nom de feuillet 
pariétal nous comprendrons l'ensemble des territoires pariétaux interposés aux 
territoires viscéraux. 

De ces deux feuillets, le pariétal est de beaucoup le plus simple dans sa 
distribution ; il joue sur la paroi interne de l'abdomen le rôle du plâtre que les 
maçons appliquent sur un mur pour en faire disparaitre les irrégularités ; il 
transforme par conséquent cette paroi naturellement hétérogène en une surface 
homogène, lisse et polie ; il émousse les arêtes et masque les trous. Grâce à lui, 
la muraille de l’enceinte abdominale est parfaitement nivelée; les viscères peu- 
vent s’y appuyer en toute sécurité sans risquer de passer à travers ou glisser 
dessus sans s’y accrocher. Ce revêtement ne fait défaut que dans les points où 
la paroi est en contact direct soit avec les organes, soit avec leurs pédicules 
ligamenteux et vasculaires. A la périphérie de ces points le feuillet pariétal 
abandonne la muraille et se réfléchit vers l’intérieur de la cavité pour se conti- 
nuer, au point de réflexion, avec le feuillet viscéral. 

Ce dernier paraît beaucoup plus compliqué, à première vue, ce qui tient à la 
diversité de forme et de situation des organes qu’il recouvre, parfois à la multi- 
plicité de leurs ligaments ; mais on peut le décomposer en autant de départe- 
ments qu'il y a de viscères; on y distinguera ainsi une portion hépatique, intes- 
tinale, splénique, vésicale, etc. Chacune de ces portions est disposée assez 
simplement et rentre dans l’un des types suivants. Tantôt l'organe, semblable à 
un véritable bas-relief sculpté sur la paroi abdominale, lui adhère par une 
partie considérable de sa surface et se borne à faire dans la cavité une saillie 
variable ; alors le péritoine n'en recouvre que les parties saïllantes et, si le relief 
est peu accentué, le feuillet viscéral est aussi peu viscéral que possible à son 
niveau ; il semble n'être qu'une portion à peine déviée du feuillet pariétal. 
Tantôt au contraire les viscères sont écartés de la paroi; ils ne s’y rattachent que 
par des lames fibro-celluleuses, de forme appropriée, qui leur servent de liga- 
ments et leur apportent vaisseaux et nerfs; ces lames interrompent forcément à 
leur origine le feuillet pariétal qui se réfléchit alors sur elles, ainsi que nous 


256 PÉRITOINE (ANATOMIE DESCRIPTIVE). 


l'avons déjà dit, pour devenir feuillet viscéral ; il en résulte que chacune d'elles 
se compose en réalité de deux feuillets séreux adossés par leur face profonde et 

reliés l'un à l’autre par un tissu cellulo-fibreux où cheminent les vaisseaux et 
les nerfs ; ces feuillets courent jusqu’à l'organe avec les vaisseaux, s'écartent 

ensuite l'un de l'autre pour passer sur chacune de ses faces, puis viennent se 
rejoindre au niveau de son bord libre. Là ils peuvent se comporter de deux 

facons bien différentes : ou bien ils se continuent directement l'un avec l’autre, 

ou bien au contraire ils s’adossent de nouveau, cheminent ainsi pendant un 

certain temps jusqu'à la rencontre d’un autre organe et s'écartent encore une 

fois pour envelopper ce dernier. De ces diverses dispositions il résulte que le 

feuillet viscéral est constitué par un certain nombre de replis qui naissent de la 

paroi abdominale en des points divers et souvent fort éloignés les uns des autres. 

Ces replis sont plus ou moins élevés, possèdent dans leur épaisseur des vaisseaux 

d’importances diverses, du tissu cellulaire en quantité variable, et sont suscep- 

tibles d'être modifiés dans leurs dimensions par les variations d'amplitude des 

organes qu'ils enferment entre leurs feuillets; ce dernier caractère est très- 

accentué pour quelques-uns, principalement pour ceux qui appartiennent aux 

diverses portions du tube digestif ; il est dù à la grande laxité du tissu cellulaire 

qui unit les deux feuillets du repli au moment où il va aborder le viscère. 
Tantôt ces replis sont trop courts pour permettre à l'organe d'abandonner la 

paroi ; tantôt ils sont fort longs et se disposent entre l'organe et la paroi sous 

forme de membranes dont les unes ont nettement l'aspect de ligaments, tandis 

que d’autres affectent une structure et une disposition telles qu'il est difficile 

d'en saisir la véritable signification. Généralement chacun d'eux ne contient 

qu’un viscère occupant son bord libre, mais il y a exception pour le grand reph. 

sus-duodénal, qui renferme successivement dans son épaisseur la rate, l'estomae 

et ie foie. 

Quelles que soient du reste la distribution réciproque et les relations des deux 
feuillets péritonéaux, ils constituent par leur ensemble une membrane continue, 
disposée en forme de sac irrégulier, sac complétement fermé chez l’homme, 
tandis que chez la femme il est ouvert au niveau du pavillon des trompes et 
communique par conséquent avec l'extérieur d’une manière indirecte. Sa face 
externe adhère aux parois abdominales ou aux viscères par le moyen d’un tissu 
cellulaire qui est généralement plus lâche au niveau de la paroi que sur les 
viscères. Sa face interne est libre, lisse, polie, brillante, et limite de toutes parts 
la cavité péritonéale. 

La cavilé péritonéale est en quelque sorte virtuelle ; elle ne contient rien à 
l'état normal, tandis que dans certaines affections elle peut se remplir de liquides 
variés ; ses parois sont partout exactement en contact et glissent l’une sur l’autre 
à la faveur d'une quantité de sérosité aussi minime que possible. Mais, à l'inverse 
de la plupart des autres séreuses, le contact ne s'établit pas partout entre le 
feuillet pariétal et le feuillet viscéral ; sur nombre de points au contraire il 
s'établit entre deux portions de ce dernier, d'où la possibilité d’adhérences 
pathologiques interviscérales qui n'intéressent pas le revêtement pariétal. La 
multiplicité des viscères abdominaux, jointe à ia distribution si compliquée du 
feuillet viscéral qui en est la conséquence, imprime à la cavité péritonéale une 
physionomie spéciale, bien distincte par son irrégularité de celle des autres 
cavités séreuses. On connaît la comparaison si originale que Bichat a établie entre 
la disposition des séreuses sur les organes et celle d’un bonnet de coton sur la 


PÉRITOINE (ANATOMIE DESCRIPTIVE). 237 


tète; cette comparaison frappe immédiatement par sa justesse quand on l’applique 
aux séreuses autres que le péritoine : en effet, le testicule, le cœur, le poumon 
même, sont bien réellement entourés par la vaginale, le péricarde ou la plèvre, 
comme une tête par un bonnet; quoique coiffés par leur séreuse, ils ne sont 
cependant pas contenus dans sa cavité, et celle-ci est régulièrement interposée 
aux deux feuillets viscéral et pariétal. Mais la comparaison semble clocher for- 
tement pour le péritoine, les organes abdominaux ne constituant pas une masse 
unique comme le cœur, le poumon ou le testicule; cependant elle est ici éga- 
lement fort juste, car en y réfléchissant un peu on se convaincra facilement que 
les viscères abdominaux sont dans la cavilé péritonéale comme plusieurs têtes 
qui seraient enfoncées dans un même bonnet à des degrés divers et en des points 
différents. 

En résumé, et pour nous faire une bonne idée de la disposition générale, 
imaginons pour un instant qu'il n'y a pas de viscères dans l'abdomen; la 
séreuse ne se composera alors que d'un feuillet, le pariétal, exactement ap- 
pliqué sur la paroi comme une tapisserie ininterrompue ; supposons mainte- 
nant que des viscères de formes variées prennent place sous cette tapisserie 
en différents points : ils ne pourront évidemment s'y loger qu'en la soulevant 
et en y déterminant des reliefs en rapport avec leur configuration particulière. 
Les uns, peu volumineux ou noyés dans le tissu cellulaire sous-péritonéal, 
la soulèveront si peu que le péritoine ne méritera pas de changer de nom 
à leur niveau: ainsi en est-il pour certaines portions du pancréas, pour 
les reins, le duodénum, les vestiges de l’ouraque et des artères ombilicales : 
d'autres proémineront davantage, tout en restant cependant contigus à Ja 
paroi abdominale par une de leurs faces : la vessie, l'utérus et ses annexes, 
une partie de l'extrémité inférieure du rectum, le cæcum, les côlons ascen- 
dant et descendant sur un bon nombre de sujets, le foie lui-même, sont 
dans ce cas; d’autres enfin se dégageront de la paroi et s'avanceront dans 
l'intérieur de la cavité; la tapisserie qu'ils repoussent devant eux viendra for- 
mer en arrière leur trait-d’union avec la paroi; l'S iliaque du côlon, le côlon 
transverse, l'estomac, la rate et le foie, sont reliés de cette façon à Ja paroi 
abdominale. 

Tous ces replis viscéraux sont évidemment destinés à assurer l'indépendance 
des organes abdominaux, en même temps qu'ils les fixent dans une situation 
déterminée, et on peut les considérer comme les pièces diverses d'un même 
système ligamenteux ; beaucoup d’entre eux ont en effet reçu le nom de liga- 
ments. Ceux qui sont affectés aux différentes portions du tube digestif abdominal 
ont reçu une dénomination générique : on a formé leur nom d’un préfixe commun, 
méso (du grec pécoc, qui est mitoyen, situé au milieu), que l’on fait suivre du 
nom de l'organe ; il y a ainsi un mésocôlon, un mésorectum, etc. D'autres 
enfin ont été appelés épiploons, mais, si l'on remonte au sens étymologique de 
ce mot (éxi, sur, et mei», flotter); on voit qu'il ne convient réellement qu'à l'un 
d’entre eux, à celui qui est désigné sous le nom de grand épiploon, car il est le 
seul qui paraisse flotter. Ce grand épiploon présente, comme nous le verrons 
plus tard, une disposition et des rapports qui semblent ne pas cadrer compléte- 
ment avec ce que nous avons dit jusqu'ici; sa signification anatomique échappe 
à première vue, mais, si on l’étudie pendant les premières phases de son déve- 
loppement, on voit qu'il constitue alors un repli analogue à ceux qui relient le 
tube digestif à la paroi abdominale. Au point de vue embryologique le grand 


238 PÉRITOINE (ANATOMIE DESCRIPTIVE). 


épiploon est pour l'estomac un mésogastre tout à fait comparable au mésentère, 
au mésorectum et aux différents mésocôlons. 

IT. TRAJET ET RAPPORTS DU PÉRITOINE. Nous allons maintenant suivre le 
péritoine pas à pas dans ses relations avec les parois du ventre et avec les viscères, 
mais pour mener à bien cette exploration il nous faut un point de départ et un 
guide. Des auteurs très-autorisés ont choisi l’ombilic pour point de départ, et 
pour guide le doigt qu'ils promenaient sur la face libre de la séreuse dans la 
direction des principaux diamètres de la cavité; leur méthode, complétement 
artificielle, est certainement irréprochable quand 1l ne s’agit que de décrire le 
trajet de la membrane sur une surface de section quelconque de l'abdomen, 
mais elle est impuissante à démontrer les connexions réciproques des différents 
replis du péritoine. Il nous semble beaucoup plus logique de décrire cette séreuse 
en nous guidant sur ses dispositions primordiales qui sont fort simples et qui 
nous offrent les divisions naturelles du sujet. 

Aux premiers âges de la vie le feuillet viscéral du péritoine se compose d'un 
seul et unique repli, médian, vertical, qui attache le tube digestif à la paroi 
abdominale postérieure, depuis l’œsophage jusqu’à l'anus, et qui forme comme 
une cloison incomplète partageant la cavité en deux moitiés symétriques. Cette 
cloison présente une hauteur variable en ses différents points et se continue en 
haut sur le diaphragme, en bas sur les parois pelviennes, pour aller, en s’effilant, 
aboutir de part et d'autre à l'ombilic. Il en résulte que l’on peut schématiser le 
péritoine viscéral primordial sous Ja forme d'un croissant presque fermé, dont 
le bord convexe s'insère sur la ligne médiane aux parois supérieure, postérieure 
et inférieure de l'abdomen, et dont le bord concave répond en grande partie au 
tube digestif ou aux organes qui en dérivent: c'est un méso dans toute la signi- 
fication étymologique du mot. Toutefois ce méso présente dans le principe peu 
de hauteur au niveau du duodénum et y disparaît même complétement par la 
suite: il en résulte que notre grand croissant schématique se décompose en 
deux croissants plus petits situés l’un au-dessus, l’autre au-dessous du duodénum : 
par conséquent le péritoine viscéral est en réalité constitué dans le principe par 
deux replis, un repli sus-duodénal ou mésogastre, un repli sous-duodénal ou 
mésentère primitif. Le mésogastre ne contient d'abord que l'estomac dans son 
épaisseur, puis plus tard il se modifie, la rate et le foie y prennent place, l’une 
en arrière, l’autre en avant de l'estomac, en sorte que l’on y trouvera successi- 
vement et d’arrière en avant la rate, l'estomac, le foie et la veine ombilicale qui 
relie ce dernier à l'ombilic. Le mésentère primitif sera dans presque toute son 
étendue destiné à l'intestin, mais son extrémité inférieure se prolongera en avant 
et en haut jusqu'à l'ombilic en suivant la vessie et l’ouraque qui sont primiti- 
vement des prolongements inférieurs du tube digestif; on verra ce repli se 
modifier dans le sexe féminin par l'apparition de l'utérus et de ses annexes 
entre ses portions intestinale et vésicale. 

Or, chez l’adulte comme chez le fœtus, le duodénum est appliqué, dans sa 
dernière portion du moins, contre la paroi abdominale postérieure, sans repli 
péritonéal intermédiaire ; de tous les segments du tube digestif il est le seul qui 
garde ses rapports primordiaux avec le feuillet pariétal: nous pouvons donc le 
considérer comme une ligne de démarcation toute naturelle entre les parties de 
péritoine situées au-dessus et les parties situées au-dessous: par conséquent 
nous sommes autorisé à en faire le point de départ de notre description et à con- 
sidérer l’ombilic comme son lieu d’arrivée. Comme guide, nous nous servirons 


PÉRITOINE (ANATOMIE DESCRIPTIVE). 239 


du tube digestif : il serait peut-être plus conforme à la logique d'étudier en 
premier lieu les relations du péritone avec l'estomac, la partie supérieure du 
duodénum et les viscères qui s’y rattachent, c'est-à-dire la partie sus-duodénale : 
mais, pour plus de commodité dans l'étude et aussi pour préparer l'intelligence 
de cette portion supérieure, nous commencerons par la description du péritoine 
sous-duodénal. 

1° Péritoine sous-duodénal. Quand on ouvre largement l'abdomen par sa 
face antérieure, on aperçoit immédiatement une lame celluleuse qui s'appelle le 
grand épiploon et qui est une dépendance du péritoine sus-duodénal. Si on 
relève complétement cette lame de manière à la renverser sur la partie supé- 
rieure du tronc et à entraîner avec elle le côlon transverse qui lui est adhérent, 
on découvre les circonvolutions de l'intestin grêle : leur ensemble, singulièrement 
confus, forme un paquet circonscrit de tous côtés par le gros intestin. En rejetant 
successivement ce paquet sur la gauche, puis sur la droite, on peut saisir rapi- 
dement les connexions de la paroi abdominale postérieure avec les différents 
segments du tube digestif compris entre la fin du duodénum et la troisième 
portion du rectum. On constate ainsi que ces connexions se font par l'intermé- 
diaire d'un repli péritonéal ininterrompu, de hauteur variable selon les points, 
assez irrégulièrement configuré sur son bord intestinal ou intérieur, mais décri- 
vant sur la paroi, par son bord postérieur, une courbe très-facile à analyser. 
Ce repli, véritable ligament de l'intestin, constitue la presque totalité du 
feuillet viscéral sous-duodénal ; il prend successivement les noms de mésen- 
tère, mésocôlon lombaire droit ou ascendant, mésocôlon transverse, méso- 
côlon lombaire gauche ou descendant, mésocôlon iliaque, mésorectum, et repré- 
sente le mésentère primitif considérablement remanié à son insertion parié- 
tale. Étudions d'abord ces différents mésos, puis nous passerons à la description 
du péritoine génito-urinaire, ce qui nous conduira jusqu'à l'ombilic; nous 
terminerons le paragraphe en montrant sur une coupe les rapports des deux 
feuillets. 

Mesentère. 11 naît à la jonction du duodénum avec le jéjunum, immédiate- 
ment au-dessous du repli destiné au côlon transverse, un peu à gauche de la 
colonne vertébrale. De là il se dirige vers la fosse iliaque droite en s’insérant à la 
paroi abdominale postérieure suivant une ligne oblique en bas et à droite qui 
croise les gros vaisseaux et se termine au niveau du cæcum. Le mésentère aborde 
généralement le cæcum à angle droit et pour cela décrit, avant de se terminer, 
une légère courbe à concavité supérieure ; mais dans certains cas, principale- 
ment lorsque la situation du cæcum est anormale, il affecte une direction diffé- 
rente, soit à son extrémité inférieure seulement, soit dans toute son étendue. 
Lorsque, par exemple, le cæcum siége dans le petit bassin, l'insertion mésenté- 
rique devient, en bas, plus ou moins parallèle au côlon ascendant ; lorsque au 
contraire le cæcum, situé plus haut que d'habitude, se rapproche de la face infé- 
rieure du foie, ou même se loge tout à fait au-dessous de cet organe, alors le 
mésentère devient à peu près transversal. 

Ce qui frappe tout d'abord dans ce repli, c’est l'inégale longueur de ses bords 
en même temps que la différence de leur configuration. Normalement le bord 
postérieur ou pariétal, à peu près rectiligne, mesure 18 centimètres ; au con- 
traire le bord antérieur ou intestinal, qui se prête à toutes les sinuosités de l'in- 
testin grêle et défie par conséquent toute analyse, possède la même longueur 
que cette partie du tube digestif, Aussi a-t-on comparé assez justement le mésen- 


240 PERITOINE (ANATOMIE DESCRIPTIVE). 


tère à un éventail, ou bien encore à un triangle dont on aurait émoussé langle 
postérieur. 

La hauteur du repli, c'est-à-dire la distance qui sépare son bord antérieur de 
son bord postérieur, est très-importante à considérer, car c’est elle qui commande 
en grande partie la position des circonvolutions intestinales dans les diverses 
régions de l'abdomen. A peu près nulle aux deux extrémités du mésentère où le 
péritoine passe simplement au devant de l'intestin sans s’adosser en arrière, elle 
devient rapidement très-considérable et atteint son maximum à 2 mètres environ 
de l’origine du jéjunum. On l’évalue généralement en moyenne à 10 ou 12 cen- 
ümètres. Un auteur anglais que nous aurons fréquemment l’occasion de citer dans 
le cours de cette étude, M. Fred. Treves (The Anatomy of the Intestinal Canal 
and Peritoneum in Man. Londres, 1885), lui attribue des proportions bien 
plus considérables. Elle serait pour lui de 8 à 9 pouces et pourrait même aller 
jusqu'à 10 pouces au niveau des anses intestinales comprises entre le sixième 
et le onzième pied à partir du duodénun, ce qui explique comment ces anses ont 
pu se rencontrer dans l'excavation pelvienne. Malgaigne avait déjà fait remarquer 
qu’à l’état normal le mésentère n’est jamais assez étendu en hauteur pour per- 
mettre à l'intestin de franchir d'emblée les orifices herniaires, et il en tirait cette 
conclusion que les hernies ne sauraient arriver que par degrés à leur entier 
développement ; M. Trèves a fait quelques expériences à ce sujet et il a constaté 
que, chez l'adulte, aucune circonvolution de l'intestin grêle, quelle qu'elle soit, 
ne peut être attirée ni sur la cuisse à travers le canal crural artificiellement 
élargi, ni dans le scrotum plus bas que le canal inguinal. Pour lui, les circon- 
volutions intestinales ne descendent jamais au-dessous d’une ligne horizontale 
passant par l'épine du pubis et la hernie ne peut se faire, chez l'adulte, sans 
qu'il se produise en même temps un allongement du mésentère. Il a remarqué 
toutefois que chez les sujets âgés de l'un et de l’autre sexe, et principalement 
chez les femmes qui ont dépassé l’âge moyen de la vie, le mésentère est assez 
ample pour que l'on puisse attirer l'intestin en bas de la ligne précitée; ce 
caractère s'observe en dehors de l'existence d'une hernie et par conséquent ne 
peut être attribué à cette affection : il cite entre autres le cas d’une femme de 
soixante-dix ans, ne portant pas de hernie, chez laquelle on pouvait tirer l'in- 
testin sur la ligne médiane Jusqu'à 8 pouces au-dessous du niveau des épines 
iliaques antéro-supérieures. 

L'épaisseur du mésentère est ordinairement plus forte au bord pariétal qu'au 
Lord intestinal et elle varie beaucoup d'un sujet à l’autre. Le repli ne se com- 
pose pas seulement en effet des deux feuillets péritonéaux droit et gauche, qui 
tapissent ses faces en recouvrant les vaisseaux, nerfs et lymphatiques de l'in- 
testin, on y trouve encore de nombreux ganglions susceptibles de prendre un 
grand développement dans le cours de certaines affections et du tissu cellulo- 
adipeux : c'est ce dernier qui, par son abondance ou sa rareté, fait du mésentère 
tantôt une lame épaisse, jaune et opaque chez les sujets gras, tantôt une mem- 
brane plus mince où l'on voit se dessiner par transparence, chez les individus 
maigres, les arcades vasculaires de l'artère mésentérique supérieure. 

Dans certains cas on rencontre sur ce repli un point où l'épaisseur est 
moindre que partout ailleurs, où les deux feuillets péritonéaux sont adossés l’un 
à l’autre sans interposilion de vaisseaux, de ganglions ni de graisse, et où peuvent 
exister des trous. Ge point siége dans la région circonscrite par l'anastomose de 
l'artère iléo-colique avec la fin de la mésentérique supérieure. Il y alà une 


PÉRITOINE (ANATOMIE DESCRIPTIVE). 241 


sorte d’aire mésentérique, de forme arrondie ou ovalaire, privée de vaisseaux 
apparents même dans les injections bien réussies ; ses contours sont parfois très- 
nettement accusés par une brusque restitution de l'épaisseur de la membrane. 
Elle est surtout apparente chez le fœtus et chez les jeunes enfants; plus tard 
elle peut persister avec une bonne partie de ses caractères, mais n’est pas con- 
stante. Sur un individu âgé de cinquante-deux ans, M. Trèves l’a trouvée très- 
prononcée : « Elle formait une pièce de contour ovale, mesurant un pouce trois 
quarts sur un pouce et quart; elle était entièrement dépourvue de vaisseaux 
apparents, de glandes Iymphatiques et de graisse, tandis que le mésentère adja- 
cent était tout à fait rendu opaque par du tissu spongieux. Le bord cæcal de 
l'espace, remarquablement opaque et taillé à pic, était contourné par une des 
branches terminales de la mésentérique supérieure. La séreuse qui formait cette 
aire était mince, transparente, atrophiée, et l’atrophie était telle que cette petite 
pièce péritonéale était perforée d’une vingtaine de trous environ. » Selon cet 
auteur, les cas d’étranglement interne produits, en dehors du traumatisme, par 
le passage d'une anse intestinale à travers le mésentère de cette région, pourraient 
s'expliquer par cette disposition anatomique : « Il est évident, dit-il, que dans 
le cas précédent il eût suffi d'une petite impulsion pour pousser une anse intes- 
tinale à travers la membrane détériorée et pour produire l'étranglement de 
l'intestin par une perforation mésentérique ». 

A l'étude du mésentère se rattache une disposition du péritoine que l'on ren- 
contre à la partie supérieure du jéjunum sous la forme d'une fossette appelée 
fosse duodéno-jéjunale ; elle mérite de nous arrêter un instant parce qu'elle 
a été considérée comme étant le siége de la hernie rétro-péritonéale dite hernie 
mésentérique. Cette fossette siége à gauche de la portion terininale ascendante 
du duodénum, mais son existence n'est pas constante; on ne la rencontrerait 
que dans la moitié des cas environ (Trèves). Elle est formée par un pli de la 
séreuse qui s'étend transversalement du péritoine péritonéal à l'intestin et elle 
représente assez bien une sorte de petit nid de pigeon dont l'ouverture, trian- 
gulaire, regarde directement en haut. Le pli que nous venons d'indiquer forme 
sa paroi antérieure, tandis que sa paroi postérieure est constituée par le duodé- 
num et le péritoine pariétal adjacent. Cette fossette, très-variable dans ses 
dimensions, peut avoir 4 centimètres de profondeur dans les spécimens bien 
accusés et être assez large pour admettre le pouce ; d’autres fois elle sera étroite 
et profonde. Dans certains cas, elle est à peine indiquée par un simple repli 
inséré perpendiculairement à la paroi et au duodénum. On comprend facilement 
que l'intestin puisse y pénétrer, la développer et s’y étrangler. 

Enfin ajoutons, pour terminer l’histoire du mésentère, qu'on rencontre dans 
certains cas une autre fossette au-dessous de la précédente, seulement elle est 
disposée en sens inverse et généralement moins prononcée. Elle paraît être formée 
par le relief de la veine mésentérique inférieure au point où celle-ci se coude 
pour se terminer dans la veine mésentérique supérieure. Son importance pra- 
tique ne semble pas considérable. 

Mesocôlon ascendant. Si l'intestin grêle possède toujours un méso, il n’en 
est pas de même pour le côlon ascendant : 64 fois sur 100, d'après les recherches 
de M. Trèves, le péritoine se borne à en tapisser les faces antérieure et latérales 
sans passer sur sa face postérieure qu’il laisse par conséquent en contact immé- 
diat avec les organes sous-jacents ; ces rapports, qui varient d'étendue avec la 
distension du côlon, permettent aux abcès du rein de s'ouvrir dans cette partie 


DICT. ENG. 2° s. XXII. - 46 


249 PÉRITOINE (ANATOMIE DESCRIPTIVE). 


du gros intestin et au chirurgien de pratiquer la colotomie sans ouvrir la cavité 
péritonéale. Quand il existe un mésocôlon ascendant, ce qui est proportionnel- 
lement moins fréquent chez l'enfant que chez l'adulte, il est généralement court, 
d’où le peu de mobilité de cette partie du côlon. Sa ligne d'insertion s'étend de 
la fosse iliaque droite, où elle se continue avec celle du mésentère jusqu'à l'extré- 
mité supérieure du rein correspondant où elle s'unit avec celle du mésocô]on 
transverse en se coudant brusquement à gauche ; dans ce trajet elle répond suc- 
cessivement, par l'intermédiaire d’un tissu cellulaire extrêmement lâche, au 
muscle iliaque, au carré des lombes, à la partie inférieure de la face antérieure 
du rein, puis au bord interne de cet organe : elle est donc presque verticale 
avec une légère obliquité en haut et en dedans. 

Il est évident que le mésocôlon ascendant doit manquer complétement quand 
il n’y a pas de côlon ascendant, c'est-à-dire quand le cæcum est situé sous le foie 
à l'extrémité droite du côlon transverse; mais, dans certains cas, rares, à la vérité, 
on peut voir le cæcum et le côlon ascendant siéger à leur tee habituelle et 
jouir d'une grande mobilité, quoiqu'il n'y ait pas à proprement parler de méso- 
côlon ascendant : celui-ci se confond complétement avec le mésentère dont il 
possède les caractères, mais dont la ligne d'insertion, fortement remaniée, est 
alors plus ou moins transversale. Sur 100 sujets examinés, M. Trèves a trouvé 
deux spécimens de ce genre: « Le cæcum et le côlon ascendant étaient entière- 
ment libres de toutes connexions péritonéales avec la paroi postérieure. L'intes- 
tin, depuis le sommet du cæcum jusqu’à la courbure hépatique, était entière- 
ment enveloppé d'un repli péritonéal continu avec le mésentère. En fait, cette 
partie du côlon était recouverte par le même repli et de la même manière que 
l'intestin grêle: il se produisait ainsi une disposilion identique avec ce que l'on 
rencontre chez beaucoup d'animaux. La portion de gros intestin ainsi libre 
mesurait 8 pouces dans les deux cas ». On comprend facilement qu’en de 
pareilles circonstances toute tentative de côlotomie lombaire droite n'aurait 
donné aucun résultat. 

Ce qu’il importe surtout de considérer dans l'étude du mésocôlon ascendant, 
c’est la façon dont il se continue en bas avec le mésentère, parce que c'est elle 
qui commande en quelque sorte aux rapports si importants du péritoine avec le 
cæcum. Tout en reconnaissant que l'on trouve assez fréquemment l'extrémité 
inférieure du cæcum complétement revêtue par la séreuse sur toutes ses faces, 
les auteurs classiques admettent cependant que, dans la grande majorité des cas, 
le péritoine se comporte avec le cæcum comme avec le côlon ascendant ; 1l n'en 
tapisserait pas la face postérieure : celle-ci serait habituellement en contact 
avec l'aponévrose lombo:liaque par l'intermédiaire d’un tissu cellulaire lâche, 
et cette disposition expliquerait comment « le cæcum peut glisser sous la séreuse, 

gagner ainsi l’orifice supérieur du canal inguinal et s'y engager sans être pré- 
hé de la membrane » (Tillaux), d'où une bérnie sans sac. Or, pour M. Trèves, 
cette description classique ne mérite pas d’être conservée : il établit en effet que 
sur les 100 cadavres qu'il a étudiés jamais il n’a trouvé la face postérieure du 
cæcum sans revêtement péritonéal, jamais il ne l’a vue adhérer par du tissu 
cellulaire au fascia iliaca, jamais non plus il n’a rencontré apparence de méso- 
cæcum. Une divergence, si nettement tranchée, basée du reste sur une obser- 
vation rigoureuse des faits, s'explique facilement, si l’on songe que les classiques 
limitent supérieurement le cæcum par un plan passant au-dessus de la val- 
vule iléo-cæcale, tandis que l’auteur anglais le limite par un plan passant au- 


PÉRITOINE (ANATOMIE DESCRIPTIVE), 245 


dessous de cette valvule, et nous admettons volontiers que sa manière de voir 
est plus conforme que l'autre aux données de l'embryologie. Ainsi compris le 
cæcum est souvent très-court. En le renversant en haut, on voit que le péritoine, 
après avoir tapissé toute sa face postérieure, se réfléchit sur l'aponévrose iliaque 
suivant une ligne transversale qui continue la ligne d'insertion du mésentère, 
jusqu'au bord externe du côlon ascendant quand il n'y a pas de mésocôlon 
ascendant, ou jusqu'au feuillet droit de ce mésocôlon quand il existe. Il n’y 
aurait donc jamais ni mésocæcum, ni adhérence du cæcum à la fosse iliaque, 
si l’on accepte comme nous les limites données par l’auteur anglais au cæcum. 
D’après les limites classiques, au contraire, il y aurait en arrière de cette portion 
du gros intestin, soit un méso, soit une large surface de contact avec la paroi 
abdominale. Dans certains cas cependant, on trouve non-seulement la face posté- 
rieure du cæcum, mais encore une portion variable de la face postérieure du 
côlon ascendant avec un revêtement séreux complet : alors le cæcum est plus ou 
moins flottant: par conséquent il peut exister bien des degrés intermédiaires 
entre la fixité absolue du côlon ascendant qui est la règle et sa mobilité com- 
plète qui est l’exception. Quoi qu’il en soit, on peut dire que le feuillet gauche 
du mésentère se continue au niveau de la face postérieure du cæcum avec le 
feuillet droit du mésocôlon ascendant, tandis que le feuillet droit du mésentère 
devient le feuillet gauche de ce mésocôlon. 

Il nous faut maintenant considérer les relations du péritoine avec l’appendice 
iléo-cæcal. Ce diverticule, à situation si variable, est pourvu d’un petit méso- 
triangulaire qui n'émane pas invariablement de la paroi abdominale comme les 
autres mésos, mais s'élève généralement du feuillet inférieur gauche du mésen- 
tère, suivant une ligne parallèle à l’iléon ; parfois il s'élève de la face postérieure 
même du cæcum, parfois aussi d’un point quelconque de la fosse iliaque. Ce 
méso est souvent trop court pour l’appendice ; il ne l'accompagne pas jusqu'à 
son sommet, qui reste complétement mobile, et il le force par sa briéveté à s'in- 
curver plus ou moins régulièrement sur son axe. En certains cas, il fait com- 
plétement défaut, surtout quand l’appendice est couché sur la face postérieure 
du cæcum. Quand il existe, on peut lui reconnaître trois bords : un bord adhé- 
rent dont nous venons d'indiquer les variations de siége ;un bord appendiculaire 
qu s'insère à l’appendice et au cæcum jusqu'à la rencontre du précédent; un 
bord libre concave où chemine habituellement une petite branche de l'artère 
iléo-colique. La présence d’une artère en ce point est très-importante à retenir, 
si l’on veut rechercher la signification anatomique du mésentère appendiculaire : 
ce repli est-il une dépendance directe du mésentère primitif, ou bien n'est-ce 
qu'un soulèvement du péritoine formé secondairement par cette petite artère? 
M. Treves admet cette dernière origine en s'appuyant d'une part sur l'anatomie 
comparée, et d'autre part sur l'existence constante chez l’homme et à tous les 
âges d'un autre repli situé en avant du méso de l’appendice. Pour mettre ce nou- 
veau repli en évidence, il faut porter en haut le cæcuin et tirer en bas l’appen- 
dice de façon à tendre son mésentère : on fait ainsi saillir au niveau de l'angle 
iléo-cæcal une petite lame transparente presque privée de vaisseaux ; elle a la 
forme d'un triangle ; son sommet répond à la jonction iléo-cæcale, sa base est 
libre et ses deux côtés sont adhérents, l’un à l'iléon sur le bord opposé à linser- 
tion mésentérique, l’autre au cæcum et à la face supérieure du mésentère de 
l'appendice lui-même. Cette lame invasculaire, ordinairement rudimentaire chez 
l'homme, est beaucoup plus prononcée chez les animaux dant le cæcum reste 


244 PÉRITOINE (ANATOMIE DESCRIPTIVE). 


très-développé pendant toute la vie sans s'atrophier comme le cæcum humain 
dans une partie de sa longueur; on doit Ja considérer chez eux comme la conti- 
nuation évidente du mésentère, au delà de l’iléon jusqu’au cæcum. Celui-ci n’en 
tire pas ses vaisseaux; ils lui arrivent au contraire par deux petites branches de 
l'artère iléo-colique qui passent l’une en avant, l’autre en arrière de la jonction 
iléo-cæcale, et soulèvent chacune à ce niveau un repli péritonéal plus ou moins 
prononcé selon les espèces. Il y a donc dans ‘ces cas trois replis triangulaires 
tendus entre l'iléon et le cæcum, un médian qui émane du mésentère primitif, 
deux latéraux, qui sont des formations secondaires dues aux vaisseaux; entre 
ces replis le péritoine forme deux fossettes de profondeur variable auxquelles 
on donne le nom de fossettes iléo-cæcales. 

Chez l'homme, le mésentère de l’appendice, qui contient une branche de 
l'artère iléo-colique, n'est donc pas un vestige du mésentère primitif: c'est un 
repli d'origine vasculaire, sujet par conséquent à présenter de nombreuses 
variations de siège et d'étendue. (C’est un mésentère de remplacement. Le véri- 
table mésentère primitif est représenté par la lame peu vasculaire que nous 
avons indiquée, et entre les deux se trouve constamment une fossette que l’on 
désigne sous le nom de fossette iléo-cæcale inférieure. L'artère iléo-colique, 
outre la branche de l’appendice qui fournit des rameaux au cæcum, donne 
encore à ce dernier une branche qui passe au devant de la jonction iléo-cæcale 
en soulevant le péritoine d'une façon variable ; il en résulte parfois la formation 
d’une fossette, dite iléo-cæcale supérieure, en général peu prononcée, mais assez 
marquée sur quelques individus pour qu’une hernie rétro-péritonéale puisse y 
prendre naissance. 

Mésocólon transverse. Continuation du précédent, ce méso s'en distingue 
à la fois par sa direction qui est transversale et par sa hauteur qui est considé- 
rable. Il forme une vaste cloison plus ou moins horizontale interposée à l’intestin 
grêle d’une part, au foie, à la rate et à l'estomac d'autre part; on doit lui 
considérer un bord pariétal ou postérieur, un bord intestinal ou antérieur, une 
face supérieure, une face inférieure et deux extrémités. Son bord postérieur, 
concave, représente sa ligne d'insertion à la paroi abdominale; il s'étend d'un 
rein à l’autre en passant comme un pont au devant de la troisième portion du 
duodénum qui chemine au-dessous de lui. Son bord antérieur, convexe d’une 
façon générale, beaucoup plus long du reste que le précédent, n’est presque 
jamais situé dans le même plan que lui, puisqu'il s'insère au côlon transverse et 
en présente naturellement toutes les inflexions. La distance qui sépare ces deux 
bords, c'est-à-dire la hauteur du repli, varie d'un point à l’autre ; à peu près 
nulle aux deux extrémités du côlon transverse, surtout quand il n’y a ni méso- 
côlon ascendant, ni mésocôlon descendant, elle s'accroît graduellement vers la 
partie médiane, ce qui permet à la portion d’inteslin correspondante de des- 
cendre plus ou moins bas dans la cavité abdominale, parfois jusqu’au pubis, 
mais ordinairement pas plus bas que le niveau supérieur des crêtes iliaques. 
Son extrémité gauche est située sur un plan plus élevé que l'extrémité droite, 
grâce aux volumes inégaux du foie et de la rate. 

Les deux feuillets du mésocôlon transverse sont formés par la brusque réflexion 
du péritoine pariétal en avant selon la ligne d'insertion que nous avons indiquée ; 
seulement, tandis que le feuillet inférieur est libre de toutes connexions dans 
toute son étendue et à tous les âges, le feuillet supérieur au contraire n’est libre 
que chez le fœtus jusqu à certaine période de la vie intra-utérine. A la naissance 





TET SIP 





PÉRITOINE (ANATOMIE DESCRIPTIVE). 245 


et dans les derniers mois de la gestation, il adhère déjà par presque toute sa 
surface à un autre repli transversal émané également de la paroi et que nous 
étudierons plus tard sous le nom de lame postérieure du grand épiploon. Nous 
verrons alors que cette lame se fusionne avec le feuillet supérieur du méso- 
côlon transverse d'une façon tellement intime qu'elle paraît naître du méso- 
côlon lui-même, ou mieux qu'elle paraît continuer ce repli au delà du côlon. 
Il semble en effet que les deux feuillets du mésocôlon transverse, après s'être 
écartés pour envelopper le côlon, s’adossent de nouveau en avant de lui pour 
constituer la lame postérieure du grand épiploon; mais, sur un certain nombre 
de sujets, la ligne d'adossement antérieure n'est pas diamétralement opposée à la 
ligne d'insertion du mésocôion à l'intestin, elle est reportée un peu plus haut 
sur la circonférence du côlon. De plus, la fusion ne se fait pas exactement dans 
toute l'étendue du mésocôlon transverse; ses extrémités droite et gauche y 
échappent plus ou moins et ne sont pas comprises, comme la partie moyenne, 
dans l’arrière-cavité des épiploons. Nous reviendrons du reste sur ce sujet. 

A chacune «le ses extrémités, le repli mésocolique s’infléchit brusquement en 
bas pour se continuer à droite, comme nous l'avons déjà dit, avec le mésocôlon 
ascendant, à gauche avec le mésocôlon descendant. Au niveau des courbures 
ainsi formées, il donne naissance de part et d'autre à un repli secondaire qui 
continue à peu près sa direction transversale jusqu'à la rencontre de la paroi 
latérale de l'abdomen. Ces deux replis, de forme triangulaire, à bord antérieur 
concave et libre, forment comme deux petites tablettes sur lesquelles reposent, 
à droite le foie, à gauche la rate ; celui de droite manque souvent, on l’a appelé 
sustentaculum hepatis et il a parfois 6 centimètres de relief; celui de gauche 
constitue le ligament phrénico-colique de certains auteurs. Ils forment pour le 
foie et la rate des supports plus ou moins efficaces, mais ils servent aussi à 
maintenir la fixité des courbures du côlon. 

Mésocôlon descendant.  Hätons-nous de dire que le péritoine est loin de 
former constamment un méso en farrière du côlon descendant et que 64 fois 
sur 100 il se borne à passer sur ses faces antérieure et latérales, laissant sa 
face postérieure accessible par la région lombaire. Le côlon descendant possède 
donc un méso plus souvent que le côlon ascendant ; malgré cela on lui donne 
généralement la préférence sur ce dernier pour l'établissement d’un anus arti- 
ficiel, non-seulement parce qu'il est plus rapproché de l'anus, mais aussi parce 
que ses rapports avec le rein sont autres, au moins chez l'adulte. Quand il existe 
un mésocôlon descendant, sa ligne d'insertion se dirige à peu près verticale- 
ment de l'angle supérieur gauche du côlon à la fosse iliaque gauche, en lon- 
-geant le bord convexe du rein : chez l'enfant elle se rapproche davantage de la 
ligne médiane. En haut, la hauteur du repli est habituellement minime ; elle 
se prononce davantage vers le bas quand elle va se continuer avec celle du méso- 
côlon iliaque ; il n'en est pas de même chez les animaux, entre autres chez 
toutes les espèces de singes où elle est très-marquée. 

Cruveilhier a relaté une anomalie remarquable du côlon descendant qui se 
rapporte autant au péritoine qu'à l'intestin : chez un sujet dont le côlon ascen- 
dant et le côlon transverse présentaient la disposition normale, j'ai vu, dit-il, le 
côlon lombaire descendant, au lieu de se porter verticalement eu bas, se diriger 
très-obliquement de haut en bas et de gauche à droite, s'engager dans l’épais- 
seur du bord adhérent du mésentère, en passant au devant de la portion trans- 
xersale du duodénum, venir ensuite s’accoler au cæcum pour s'enfoncer dans le 


246 PÉRITOINE (ANATOMIE DESCRIPTIVE). 


petit bassin. On peut dire qu’il n’y avait pas d’S iliaque et que le rectum faisait 
immédiatement suite au côlon descendant » (Anatomie descriptive, t. I). 

Mésocélon iliaque et mésorectum. Au repli du côlon descendant succède 
celui de VS iliaque et, comme entre ce dernier et Je mésoreclum 1il n’y à pas 
de ligne de démarcation appréciable, nous décrirons en même temps ces deux 
portions terminales du grand repli que le péritoine fournit à l'intestin. 

Le mésocôlon iliaque commence au niveau du bord externe du psoas, là où 
finit le mésocôlon descendant. De ce point, sa ligne d’insertion se dirige trans- 
versalement à droite par devant le psoas sur lequel elle décrit souvent une courbe 
à concavité supérieure, arrive sur la bifurcation des vaisseaux iliaques, descend 
dans le petit bassin, chemine sur la face antérieure du sacrum en se rappro- 
chant de plus en plus de la ligne médiane, devient sans transition celle du 
mésorectum, et se termine en arrière du rectum au niveau de la troisième 
vertèbre sacrée. La longueur de cette insertion est en moyenne de 10 centi- 
mètres, mais celle du bord libre ou intestinal du repli est beaucoup plus consi- 
dérable, puisqu'elle doit s'adapter aux dimensions réunies de I'S iliaque et de la 
partie supérieure du rectum qui sont en moyenne de 55 à 60 centimètres chez 
l'adulte. D'autre part, ce méso n'offre pas partout la même hauteur ; presque 
nul au niveau du psoas et du rectum, il atteint dans sa partie moyenne un 
développement de 10 à 12 centimètres et peut exceptionnellement en avoir 
jusqu’à 27, ce qui explique les nombreuses variantes dans les rapports de 
l’S iliaque ; nous n’avons pas à nous en occuper. 

Très-souvent le feuillet gauche du mésocôlon iliaque émet, au niveau du 
psoas, un certain nombre de replis secondaires qui se dirigent en bas, vers la 
fosse iliaque, le psoas, le rebord du détroit supérieur, et même vers le ligament 
large chez la femme. Ces replis interceptent entre eux des fossettes sans impor- 
tance et peu constantes. 

Une fossette plus constante peut se rencontrer également sur le feuillet 
gauche; elle existe environ 15 fois sur 100, d’après M. Treves, se nomme fos- 
sette intersigmoïde et présente une certaine importance parce que l'intestin peut 
s’y engager et s'y étrangler, ainsi que Lawrence et M. Ève en ont rapporté deux 
cas dans les « Lectures d'Erasme Wilson faites au collège royal des chirurgiens 
d'Angleterre en 1884. » L'orifice de cette fossette, rond ou ovalaire, à bords 
minces et tranchants, se trouve habituellement placé au niveau de la bifurcation 
des vaisseaux iliaques, son fond reposant sur ces vaisseaux ; mais il peut être 
plus éloigné de la racine du repli, se trouver à égale distance de l'intestin et de 
la paroi, ou bien encore siéger tout près de l’S iliaque. Sa profondeur, habituel- 
lement de 3 à 4 centimètres, peut dans quelques cas être suffisante pour loger 
le pouce en entier. Elle varie beaucoup en largeur et permet tantôt l'introduc- 
tion d’une sonde ordinaire, tantôt celle de un ou plusieurs doigts. On ne la 
rencontre pas chez le fœtus, elle est tout à fait rare chez l'enfant à terme, mais- 
se trouve souvent représentée à la naissance par une dépression en forme d’en- 
. tonnoir. D'après M. Treves cet entonnoir serait la conséquence d’adhérences 
assez intimes entre l'artère de l'S iliaque et le feuillet gauche du méso; ces 
adhérences maintiendraient d’abord ce feuillet dans une situation plus élevée 
au niveau de l'artère que partout ailleurs et plus tard l’nfundibulum ainsi 
formé se transformerait en fossette par un rétrécissement graduel de son ori- 
ice. 

Au niveau de cette fossette, mais sur le flanc droit du mésocôlon iliaque et à 


PÉRITOINE (ANATOMIE DESCRIPTIVE). 247 


sa base, se voit un repli saillant formé par le passage de l'artère de l’S iliaque 
au-dessous du feuillet droit. 

Pour terminer, ajoutons que le péritoine se comporte sur la deuxième partie 
du rectum de la façon suivante : Dès que le mésorectum cesse d’exister, la face 
postérieure du rectum se trouve en contact avec la face antérieure du sacrum, 
tandis que ses faces latérales et antérieure sont encore tapissées par la séreuse, 
puis, au fur et à mesure que l'on s'approche de l'anus, le rectum s'enfonce de 
plus en plus en arrière du péritoine, n’est plus recouvert qu'à sa face anté- 
rieure, et finalement disparait complétement sous l’aponévrose supérieure du 
périnée en lui abandonnant son revêlement séreux. 

Nous avons fini maintenant l'étude des diflérents replis qui dérivent de l'adap- 
tation du mésentère primitif aux différentes portions de l'intestin: or, comme 
la vessie n'est en somme qu'un diverticule de l'extrémité inférieure du tube 
digestif, au moins pendant les premières périodes de la vie intra-utérine, il s’en- 
suit que le péritoine qui la tapisse, elle et son prolongement ombilical, peut 
être considéré comme une dépendance du repli que nous venons d'étudier. La 
continuité est évidente chez l’homme, surtout quand le rectum et la vessie 
distendus s'élèvent du pelvis en confondant plus ou moins leur relief inférieu- 
rement; elle l’est moins peut-être chez la femme à cause des modifications que 
la matrice el ses annexes déterminent dans la disposition du péritoine pelvien, 
seulement il faut tenir compte de ce fait que l'utérus apparaît chez l'embryon 
bien après la vessie et remanie la séreuse d’une façon tout à fait secondaire. 
Nous sommes donc autorisés par l'histoire du développement à rattacher le péri- 
toine génito-urinaire au péritoine intestinal, et c'est par lui que nous compléte- 
rons l'étude du repli sous-duodénal. 

Péritoine genito-urinaire. On doit le considérer successivement chez 
l'homme et chez la femme. 

Chez l'homme, le rectum et la vessie constituent, quand ils sont modérément: 
distendus, deux saillies qui semblent se continuer l’une avec l'autre en soule- 
vant le péritoine sur la ligne médiane ; seulement, par suite de l'orientation 
opposée des parois pelviennes sur lesquelles ils reposent, il se forme nécessai- 
rement entre eux, inférieurement, un cul-de-sac, dit recto-vésical. Peu accentué: 
dans l’état de réplétion de ces organes, le cul-de-sac recto-vésical se prononce: 
au fur et à mesure qu'ils se vident et prend peu à peu une autre physionomie ;. 
il descend ainsi sous le bas-fond de la vessie, le plus souvent jusqu’à 10 ou. 
12 millimètres de la base de la prostate; mais parfois, ce qui est intéressant à. 
retenir pour la pratique de la taille, il ne s'arrête qu’à la base même de cette- 
glande ; en s'approfondissant, il cesse de communiquer Jatéralement avec la: 
cavité pelvienne; de chaque côté de lui s'élève de la paroi pelvienne un repli: 
falciforme qui s'étend de la base de la vessie vers les côtés du rectum; simple 
rainure transversale quand la vessie est pleine, il devient quand elle est vide un: 
véritable entonnoir dont louverture est circonscrite en avant par la vessie, laté- 
ralement par ces replis falciformes ou plis semi-lunaires de Douglas, en arrière 
par la face antérieure du sacrum; le rectum plonge dans cet entonnoir en 
suivant sa paroi postérieure. Les plis semi-lunaires de Douglas ont été considérés. 
comme des ligaments postérieurs de la vessie; en réalité, ils servent surtout, 
grâce à la laxité du tissu cellulaire sous-péritonéal, à tapisser le réservoir 
urinaire quand il se distend : leurs feuillets s’écartent et sont peu à peu utilises. 
par ses faces postérieure et latérales. 


248 PÉRITOINE (ANATOMIE DESCRIPTIVE). 


Chez la femme, le péritoine se réfléchit du rectum sur la face postérieure du 
vagin dont il recouvre une étendue de 12 à 15 millimètres avant d'aborder 
l'utérus; toutefois il paraît y avoir à cet égard certaines variétés individuelles, 
car M. Richet cite un cas où le péritoine tapissait en arrière 5 centimètres du 
conduit vaginal. De cette réflexion résulte le cul-de-sac recto-vaginal qui est 
l’analogue du cul-de-sac recto-vésical de l'homme, mais n'en présente pas les 
variations de forme ou de profondeur ; quelle que soit la distension de l'utérus 
et du rectum, il ne remonte pas; il garde toujours la forme d’un entonnoir plus 
ou moins aplati d'avant en arrière, et son orifice est circonscrit latéralement par 
deux plis semblables à ceux de Douglas, tendus entre le col de l'utérus et la face 
antérieure du sacrum. Ceux-ci méritent réellement le nom de ligaments utéro- 
sacrés qu’on leur donne, car ils contiennent dans leur épaisseur des faisceaux 
de fibres lisses émanés de la matrice. 

Du vagin, le péritoine passe sur lutérus, tapisse successivement sa face 
postérieure, son. bord supérieur et sa face antérieure, puis se réfléchit sur la 
vessie en formant le cul-de-sac vésico-utérin dont le fond répond généralement 
au tiers supérieur du col, mais descend parfois jusqu'au tiers moyen ou même 
jusqu’au tiers inférieur. M. Sappey l'a vu s'abaisser deux fois sur l’origine de la 
paroi vaginale antérieure. Or la matrice donne naissance par ses bords latéraux 
à des lames musculaires qui se dirigent transversalement vers la paroi pelvienne 
en formant de chaque côté trois digitations dont le ligament rond, la trompe et 
l'ovaire, occupent le bord supérieur; le péritoine se comporte à Pégard de ces 
plans contractiles comme sur l'utérus lui-même ; il recouvre successivement 
leur face postérieure, les digitations de leur bord supérieur et leur face anté- 
rieure, puis se continue ensuite sur la paroi antérieure du petit bassin. Ou con- 
fond généralement sous le nom de ligaments larges ces replis péritonéaux et les 
feuillets musculaires qu’ils enferment dans leur épaisseur, et l’on appelle aile- 
rons du ligament large les digitations de leur bord supérieur. En arrière de 
laileron postérieur et de chaque côté se trouve la fossette dite rétro-ovarienne ; 
elle est située en dehors du cul-de-sac recto-vaginal, mais sur un plan moins 
profond ; le pli semi-lunaire de Douglas forme sa limite interne. 

Une fois arrivé sur la face postérieure de la vessie, le péritoine se comporte 
de la même manière dans les deux sexes, mais présente des dilférences impor- 
tantes selon l’état de vacuité ou de plénitude du réservoir urinaire. Quand la 
vessie est vide, elle soulève à peine le péritoine; il est vrai que chez quelques 
sujets elle affecte une forme globuleuse et fait une légère saillie médiane ; mais 
le plus souvent elle se présente comme une petite gourde aplatie, fixée derrière 
la symphyse et les pubis par la séreuse qui passe sans transition et sans ressaut 
de sa face postérieure sur la paroi abdominale antérieure. Chez l'adulte, le bord 
supérieur de la vessie vide ne dépasse jamais le bord supérieur du pubis; il ne 
l’atteint même pas chez les sujets âgés et amaigris, sauf le cas de distension 
habituelle par une rétention d'urine (A. Flury), en sorte que dans ces cas le 
péritoine tapisse la paroi abdominale tout entière. Chez les enfants il n'en est 
pas de même, car chez eux la vessie est beaucoup plus élevée et répond par sa 
face antérieure à la paroi abdominale, à tel point que pour les nouveaux-nés 
l'orifice supérieur de l’urèthre se trouve presque immédiatement derrière le 
bord supérieur de Ja symphyse; jusqu’à l’âge de huit ans, le péritoine ne 
passe de la vessie sur la paroi qu’à 2 centimètres au-dessous de l'ombilic. 
Plus tard la vessie s'abaisse graduellement : elle est donc dans le principe 


PÉRITOINE (ANATOMIE DESCRIPTIVE). 249 


très-accessible par l'hypogastre, même quand elle est vide, et cesse de le deve- 
nir chez l'adulte. 

Mais, si à cette période de la vie la vessie vide est toujours contenue dans le 
petit bassin, il n’en est plus tout à fait de même quand elle se remplit. M. Sappey 
a bien étudié le mécanisme de la distension vésicale (voy. Vessie) et il a démon- 
tré que cette distension développe la formation d'un cul-de-sac péritonéal entre 
la vessie et la paroi abdominale, mais il n’a pas suffisamment précisé, malgré sa 
rigueur habituelle, le niveau où se fait la réflexion du péritoine en passant de 
la vessie sur la paroi. Ce détail offre cependant une grande importance pour la 
pratique de la taille hypogastrique. Il est bien vrai, comme l'a démontré 
M. Sappey, que la réplétion de la vessie détermine au devant de cet organe la 
formation d'un cul-de-sac vésico-abdominal d'autant plus profond que la vessie 
est elle-même plus élevée, mais il est bien vrai aussi que le fond du cul-de-sac 
ne reste pas habituellement en contact avec le bord supérieur du pubis; ce fait 
a été démontré par M. Tillaux et après lui par plusieurs autres observateurs; le 
fond du cul-de-sac s'éloigne du pubis et remonte de telle sorte que la surface 
vésicale privée de péritoine, c'est-à-dire en contact direct avec la paroi abdo- 
minale, soit d'autant plus grande que la cavité vésicale est plus distendue. 
Pouliot, dans sa thèse inaugurale, a avancé que la distance du cul-de-sac au 
pubis est exactement proportionnelle au degré de réplétion vésicale; les chiffres 
qu'il donne et qui sont le résultat d’injections vésicales forcées, pratiquées sur 
le cadavre, semblent le démontrer, mais on a produit d’autres chiffres qui 
infirment cette proposition trop absolue, et Broussin a établi qu'en moyenne 
« il existe une distance de 2 à 4 centimètres entre la symphyse pubienne et le 
cul: de-sac péritonéal, lorsque la vessie est distendue ». Cette distance peut être 
légèrement augmentée par l'emploi du ballonnement rectal selon la méthode de 
Petersen. Toutefois, ce n'est là qu'une moyenne incapable de servir de guide 
infaillible en présence d'un cas particulier. Pitha, Bronefield, Lotzheck, ont cité 
des cas où le péritoine s’attachait à la symphyse, malgré la distension de la 
vessie, M. Polaillon a rapporté l'an dernier à la Société de chirurgie (15 juil- 
let 1885) l’histoire d’une taille hypogastrique à laquelle il a dù renoncer parce 
que, malgré unc certaine distension du réservoir urinaire et le ballonnement 
rectal, le cul-de-sac péritonéal touchait au pubis; dernièrement encore, au 
Quinzième Congrès de la Société allemande de chirurgie (avril 1886), Sonnen- 
burg et Israël (de Berlin) ont fait allusion à des cas de ce genre. Cette adhérence 
insolite du cul-de-sac péritonéal au pubis, si fâcheuse pour la taille hypo- 
gastrique, existe dans quelques cas sans raison apparente; d’autres fois elle 
provient de lésions inflammatoires anciennes ou récentes qui ont supprimé la 
laxité normale du tissu cellulaire prévésical ; parfois enfin elle est la consé- 
quence de hernies qui ont utilisé pour la formation de leur sac une partie du 
péritoine de la paroi abdominale antérieure : la séreuse, en adhérant aux orifices 
herniaires, se trouve comme tendue en travers du pubis sans pouvoir l’aban- 
donner. C’est M. Ch. Feré qui a mis ce fait en évidence par des injections 
vésicales forcécs pratiquées sur des cadavres de hernieux; en cas de hernies 
inguinales doubles, le cul-de-sac restait à peu près en contact avec le pubis ; en 
cas de hernie unique, il ne remontait que de 4 centimètre au plus, et seulement 
du côté où n'était pas la hernie. 

Il est à remarquer cependant que la hauteur du cul-de-sac vésico-abdominal 
nest peut-être pas exactement établie par les expériences cadavériques ; il 


280 PÉRITOINE (ANATOMIE DESCRIPTIVE). 


résulte en effet des recherches de Ch. Feré que les injections forcées pratiquées 
après la mort dans la vessie n’agissent pas sur la production de ce cul-de-sac 
comme la distension naturelle. Ayant injecté la vessie de 8 sujets de façon à 
la porter jusqu'au niveau de l'ombilic, cet auteur n'a jamais vu le eul-de- 
sac remonter à plus de 3 centimètres au-dessus du pubis, tandis que, « sur 
11 cadavres de femmes mortes avec une distension de la vessie remontant 
jusqu'à l'ombilic et au-dessus, le fond du cul-de-sac était de 2 à 4 centi- 
mètres au-dessous de l'ombilie » (th. de Broussin). 

En passant de la vessie sur la paroi abdominale, le péritoine ne s'applique 
pas exactement sur cette paroi ; il en reste écarté sur la ligne médiane par un 
cordon fibreux, vestige de l’ouraque, qui s'étend du sommet de la vessie à l'om- 
bilic en déterminant la formation d’un pli plus ou moins saillant suivant les 
sujets. De chaque côté de ce pli médian on en observe un autre qui part du bord 
latéral correspondant de la vessie et se dirige également vers l'ombilic; ces plis 
latéraux sont formés par les cordons qui résultent de l'oblitération des artères 
ombilicales du fœtus. Nommés, en raison de leur forme, petites faux du péri- 
toine, ces trois replis sont plus accentués au niveau de leur origine vésicale qu'à 
leur extrémité supérieure où ils sont à peine apparents. Leur signification ana- 
tomique n'est pas d’égale importance : le repli médian étant constitué par le 
vestige de l’ouraque, c’est-à-dire par le vestige d'un organe émané de l'extrémité 
inférieure du tube digestif, peut être considéré comme la terminaison du grand 
repli que fournit le péritoine au tube digestif; c’est un dernier méso à ajouter 
à tous ceux que nous avons étudiés jusqu'ici; les replis latéraux au contraire 
ne sont que des replis vasculaires comparables à ceux dont nous avons déjà 
fait mention, et comme eux, plus ou moins constants dans leur existence ou 
leurs dimensions. 

Nous avons terminé la description du péritoine viscéral sous-ombilical. Quant 
au péritoine pariétal de cette région de l'abdomen, il n'offre aucune particularité 
spéciale sur les parois postérieure et latérales, mais il n’en est pas de même aw 
niveau de la paroi antérieure où l’on rencontre un certain nombre de fossettes 
extrêmement importantes pour l'étude des hernies, et où le tissu cellulaire- 
sous-péritonéal présente une disposition remarquable. 

Le tissu cellulaire sous-péritonéal, qui est habituellement lâche et lamelleux, 
possède, d’après M. Bouilly, une texture plus serrée au niveau des lignes semi- 
lunaires de Douglas et y fait adhérer assez fortement la séreuse (th. d'agréga- 
tion, 1880). « On dirait qu'au point où s'arrête l’aponévrose transverse qui 
forme la gaine postérieure des muscles droits, doublée du péritoine qui lui 
adhère à ce niveau, le tissu cellulaire sous-péritonéal mince et abondant depuis- 
l'ombilic jusqu'à cette arcade fibreuse s’épaissit et se dédouble en deux couches: 
l'une antérieure, lamelleuse, qui forme le plan prévésical que nous venons de 
décrire, l’autre postérieure, qui avec la séreuse se porte en arrière de la vessie 
et reste beaucoup plus lâche et comme aréolaire. C'est entre ces deux feuillets- 
que la vessie exécute ses mouvements d’ascension et de descente comme dans: 
une sorte de bourse séreuse ». Retzius admettait déjà une condensation de ce 
tissu cellulaire, mais il la plaçait le long du bord externe de la gaîne des muscles 
droits. D'autre part, Heurtaux affirme que chez certains sujets il y a adhérence 
du péritoine à la gaine des droits suivant une ligne verticale située à quelque: 
distance de la ligne médiane et commençant à la hauteur de l’ombilic. En tenant 
compte de ces diverses manières de voir et en se basant sur la forme que pren- 


PÉRITOINE (ANATOMIE DESCRIPTIVE). 254 


nent certains phlegmons sous-péritonéaux de la région on est conduit à admettre 
dans cette nappe conjonctive trois cloisons plus ou moins parfaites, plus ow 
moins différentes d’un sujet à l’autre. Ces cloisons seraient reliées entre elles 
à peu près comme les branches de la lettre H, la transversale répondant aw 
sommet de l’arcade de Douglas, c’est-à-dire au point où cesse la gaine posté- 
rieure des muscles droits. Il y aurait ainsi deux loges à tissu cellulaire lâche : 
en haut, la loge sous-ombilicale de Heurtaux où se développerait le phlegmon 
sous-ombilical de cet auteur ; en bas, la cavité prépéritonéale, non pas telle que 
Retzius l'avait décrite, puisqu'il la prolongeait jusqu’à l'ombilie, mais telle que 
Bouilly la comprend, c’est-à-dire limitée supérienrement par les arcades de 
Douglas. Toutefois les cloisons limites de ces cavités ne sont pas pour le pus une 
barrière infranchissable. 

Tout à l'heure nous n'avons fait qu'indiquer les petites faux du péritoine, 
nous allons en compléter l'étude en faisant celle des fossettes de la paroi abdo- 
minale antérieure qu’il nous reste à passer en revue. Les petites faux du péri- 
toine ne sont distinctes dans toute leur longueur que chez l'enfant, d'après 
M. Sappey; plus tard leur partie supérieure est à peine indiquée, leur partie- 
inférieure seule fait saillie. À quelque distance en dehors du relief formé par les 
artères ombilicales se trouve de chaque côté un autre relief qui lui est à peu. 
près parallèle : c’est celui des vaisseaux épigastriques. Si l’on sectionne l’abdo- 
men transversalement au niveau de l’ombilic et si l’on tire légèrement en haut 
la partie inférieure de la paroi, on fait saillir davantage ces cinq reliefs 
et l’on rend plus apparentes les dépressions qui les séparent inférieurement ; 
ces dépressions répondent au canal inguinal, d'où leur nom de fossettes ingui- 
nales; elles jouent un rôle considérable dans l’histoire des hernies de cette 
région. Au nombre de trois, distinguées d’après leur situation réciproque ou 
interne, moyenne et externe, « elles sont situées sur une ligne sensiblement 
horizontale ; cependant la fossette moyenne siége légèrement au-dessous des 
deux autres » (Tillaux). 

La fossette interne, située entre l'ouraque et le cordon de l’artère ombilicale,. 
répond à l’espace qui sépare la symphyse de l'épine du pubis : c’est la fossette 
vésico-pubienne ou sus-pubienne de certains auteurs; parfois très-profonde grâce 
à la hauteur des replis qui la bordent, elle correspond à l'orifice cutané ou 
inférieur du canal inguinal, qui n’est pas toujours exactement situé vis-à-vis. 
d'elle, mais souvent un peu plus en dehors. 

La fossette moyenne, bordée en dedans par l'artère ombilicale, en dehors par 
l'artère épigastrique, varie dans ses dimensions selon le degré de rapprochement 
de ces sailles vasculaires qui sont parfois situées tout près l’une de l'autre. Dans 
cercas, elle fait complétement défaut et se confond avec la suivante. Quand elle 
existe elle correspond à la partie moyenne du canal inguinal. 

La fossette externe recouvre l’orifice abdominal ou supérieur du canal ingui- 
nal. Généralement l'artère épigastrique forme sur sa demi-circonférence interne 
une saillie bien accusée qui la sépare de la précédente, mais cette saillie peut 
faire défaut, et alors les deux fossettes se confondent en une seule. Sa demi-cir- 
conférence externe n'est jamais nettement indiquée, sauf le cas bien rare ou 
une deuxième artère épigastrique contourne la fossette de ce côté : Lauth et 
Velpeau en ont cité chacun un exemple. Les éléments du cordon spermatique, 
principalement le canal déférent, se voient par transparence et font un léger 
relief sur la partie inférieure et interne de cette fossette. Chez l'adulte et à l'état 


252 PÉRITOINE (ANATOMIE DESCRIPTIVE). 


normal elle figure un cul-de-sac peu profond; pendant la vie fœtale au contraire 
elle constitue l'orifice supérieur du conduit vagino-péritonéal qui fait commu- 
niquer librement la vaginale et la cavité du péritoine et qui s'oblitère générale- 
ment après la descente du testicule; sur quelques sujets, le conduit ne se ferme 
pas, ou bien ne se ferme qu'’inférieurement : alors la fosselte inguinale donne 
accès dans un cul-de-sac de profondeur variable dont le fond est plus ou moins 
rapproché de la séreuse testiculaire. La femme peut présenter une disposition 
de ce genre auteur du ligament rond (canal de Nuck). 

Ces trois fossettes, à peu près constantes, ne sont pas également prononcées 
dans tous les cas, ce qui tient à la différence des reliefs formés par l'artère épi- 
gastrique et le cordon de l'artère ombilicale. J. Cloquet n'en décrivait même que 
deux, séparées par cette artère, et nous avons indiqué les cas dans lesquels la 
fossette moyenne fait défaut. Elles constituent, grâce à leurs relations avec le 
canal inguinal, des points faibles de la paroi abdominale par lesquels se font les 
hernies inguinales : la pression des viscères s'exerçant sur leur partie déclive 
tend à la déprimer davantage et à la faire pénétrer dans le canal d'autant plus 
facilement que le tissu cellulaire sous-péritonéal, d’une assez graude laxité, ne 
s'oppose guère au glissement de la séreuse. 

En arrière des fossettes inguinales, le péritoine se réfléchit sur le fascia iliaca 
auquel ìl est relié par un tissu cellulaire lâche et abondant, facile à décoller : 
c'est dans ce tissu cellulaire que l’on chemine pour aller poser une ligature sur 
les artères iliaques situées immédiatement sous le péritoine à la limite interne 
de la fosse iliaque. En arrière de cette ligne de réflexion qui répond à peu près 
à l'arcade de Fallope, et vers sa partie interne, Velpeau a placé deux -fossettes 
qu'il a désignées sous le nom de fossettes crurales interne et externe; pour lui 
elles seraient situées sur l'orifice supérieur du canal crural, l’une en dedans, 
l'autre en dehors de l'artère épigastrique, et par conséquent toutes les deux en 
arrière des fossettes inguinales moyenne et externe. En réalité ces fossettes 
n'existent pas à l'état normal, bien que certains auteurs admettent encore lexis- 
tence d’une dépression péritonéale unique ou fossette crurale sur la partie la plus 
interne de l'anneau crural; il est vrai qu'avec le doigt on peut facilement 
refouler le péritoine dans la partie interne du canal crural, là où se font la 
plupart des hernies de ce nom; mais si en l'absence de cet artifice on trouve 
une dépression, une fossette crurale, c'est qu'il y a déjà un commencement de 
hernie : c'est du moins l'opinion de M. Tillaux, et Malgaigne pensait déjà de même. 

Enfin, on peut rencontrer une dernière fossette, non plus sur la paroi abdo- 
minale antérieure proprement dite, mais sur la paroi antérieure du petit bassin, 
au niveau du canal sous-pubien. C'est chez les sujets amaigris, ou encore chez 
les vieilles femmes qui ont eu plusieurs enfants, que l'on peut trouver cette 
dépression ; eile a la forme d’un entonnoir; il est facile de l’accentuer par la 
pression du doigt vers le canal sous-pubien; elle est le siége de la plupart des 
bernies obturatrices et prend le nom de fossette sous-pubienne. On la rencontre 
assez rarement. : 

Si maintenant nous jetons un regard d'ensemble sur la partie sous-ombilicale 
du péritoine et si, à l'exemple de la plupart des anatomistes, nous explorons le 
trajet de la séreuse sur une section transversale de l'abdomen passant par 
l'ombilic, nous constaterons, en partant de ce point pour faire le tour de la 
ligne de section, que le péritoine tapisse d’abord la paroi antéro-latérale droite 
de l'abdomen jusqu'à la rencontre du côlon ascendant ; puis il revêt successive- 


PÉRITOINE (ANATOMIE DESCRIPTIVE). 253 


ment les faces latérale droite, antérieure et latérale gauche de ce côlon, lui 
constituant ou non un méso peu développé, et redevient pariétal jusqu'à la 
racine du mésentère. Il forme ensuite le feuillet latéral droit de ce dernier, 
contourne l'intestin grêle, devient feuillet latéral gauche du mésentère et gagne 
enfin la demi-circonférence gauche de l'abdomen sur laquelle il se comporte 
comme à droite. Il y a donc, de chaque côté du mésentère, deux bandes verti- 
cales de péritoine pariétal qui se continuent toutes les deux, en haut, avec le 
feuillet inférieur du mésocôlon transverse; en bas, celle de gauche se prolonge 
directement jusque dans le petit bassin, tandis que celle de droite est limitée 
par la rencontre de l'iléon avec le cæcum; seulement, comme ces derniers 
organes sont peu saillants, on peut considérer la bande droite comme étant 
continuée par le péritoine de la fosse iliaque. Le mésentère formant une cloisor 
antéro-postérieure étendue obliquement du corps de la troisième vertèbre lom- 
baire à la symphvse sacro-iliaque droite, il en résulte que les épanchements 
sanguins nés à sa droite se dirigent vers la fosse iliaque correspondante, tandis 
que ceux qui naissent à gauche vont dans le petit bassin. 

90 Péritoine sus-duodenal. Au-dessus du duodénum comme au-dessous, le 
péritoine se compose d'un repli principal qui représente le mésogastre fœtal, et 
de quelques replis accessoires qui n’en sont que des dépendances plus ou moins 
développées ; seulement ce repli principal n'est plus disposé de la même façon 
générale que le précédent. Tandis que ce dernier, présentant l'intestin le long 
de son bord libre, avait un bord adhérent moins long que l’autre bord, et servait 
manifestement de ligament à la partie sous-duodénale du tube digestif, l’autre 
au contraire possède un bord adhérent beaucoup plus développé que son bord 
libre et ne se borne pas à fixer la partie sus-duodénale du tube digestif à la paroi 
abdominale ; mais il sert aussi de ligament pour le foie. La disposition des parties 
comprises entre les bords libres et adhérents du repli présente une grande com- 
plication chez l'adulte à cause de l'existence du grand épiploon, dont on ne peut 
saisir la signification anatomique réelle qu'en recourant à l'anatomie du fœtus 
ou à l'anatomie comparée. Pour décrire cette portion du péritoine viscéral, 
nous suivrons un ordre un peu différent de celui que l'on adopte habituelle- 
ment, espérant que notre manière de faire sera plus utile que l’autre à lintel- 
ligence du péritoine considéré aux différents âges de la vie. 

Nous avons vu que le mésocôlon transverse recouvre la troisième portion du 
duodénum par son bord adhérent et l'applique contre la paroi abdominale posté- 
rieure ; il n'y a pas de méso en arrière du duodénum, et cette partie du tube diges- 
tif passe comme un tunnel oblique sons la racine du mésocôlon transverse ; au-des- 
sous de cette racine nous avons vu l'intestin grêle se munir du repli mésentérique ; 
au-dessus on voit naître le grand repli sus-duodénal qu'il nous faut étudier. 

C’est chez le fœtus qu'il se présente avec tous ses caractères distinctifs, car 
plus tard il se confondra dans une partie de son étendue avec le mésocôlon 
transverse ; chez les animaux, il en reste distinct pendant toute la vie. Consi- 
déré chez le fœtus ou chez les animaux, le repli sus-duodénal constitue une 
grande membrane falciforme qui présente un bord libre et un bord adhérent. 

Le bord libre, concave d'une façon générale, est relativement très-court ; il 
s'étend de la deuxième portion du auodénum à l’ombilic en suivant dans une 
certaine portion de sa longueur la face inférieure du foie au niveau de laquelle 
il est parfois interrompu ; dans son épaisseur sont logés : du duodénum au hile 
du foie, la veine porte, le canal cholédoque et l'artère hépatique ; du hile à 


254 D'ÉRITOINE (ANATOMIE DESCRIPTIVE). 


l'ombilic, la veine ombilicale ou le cordon fibreux qui la remplace chez l'adulte. 

Le bord adhérent s'insère successivement aux parois postérieure, supérieure 
et antérieure de l'abdomen. Sa ligne d'insertion commence à la deuxième 
portion du duodénum, se dirige d’abord horizontalement à gauche en passant 
au devant de la colonne vertébrale, parallèlement au mésocôlon transverse, tout 
près de lui et au-dessus. Arrivée au niveau de la queue du pancréas, elle se 
relève en haut, dans la direction du bord postérieur de la rate, continue sur le 
diaphragme cette direction, puis se recourbe à droite pour gagner Je cardia où 
se termine la partie postérieure du bord adhérent. La ligne d'insertion court 
ensuite du cardia à la veine cave inférieure où elle semble se perdre, mais elle 
reparaît bientôt en avant de cette veine, et de là se dirige à peu près en ligne 
droite vers l’ombilie, là elle se termine en rejoignant l'extrémité antérieure du 
bord libre pour constituer la pointe du repli sus-duodénal. 

Entre ces deux bords s'étend le repli; il est formé de deux feuillets périto- 
néaux adossés l’un à l’autre dans une bonne partie de leur étendue, mais 
écartés au niveau de la rate, de l'estomac et du foie, pour enfermer ces organes 
dans leur épaisseur. Grâce à la direction de l'estomac et aux rapports de son 
extrémité droite avec le foie, la portion stomacale du repli et celles qui lui sont 
adjacentes forment une sorte de cloison membraneuse verticale et transversale, 
tendue dans la partie supérieure de la cavité péritonéale, à peu près parallèle- 
ment à la paroi abdominale postérieure. Cette cloison constitue avec cette paroi 
une sorte de sac rétro-stomacal fermé de toutes parts, sauf au niveau de la face 
inférieure du foie où il s'ouvre dans la cavité par un orifice rétréci appelé hiatus 
de Winslow. Ce diverticule de la cavité péritonéale prend le nom d'arrière-cavité 
des épiploons, parce qu'on a donné le nom d’épiploon aux parties du repli qui 
ne sont pas occupées par les viscères. Ainsi, on a nommé grand épiploon la 
partie comprise entre la paroi abdominale postérieure et la grande courbure de 
l'estomac, épiploon pancréatico-splénique celle qui va du pancréas à la rate, 
gastro-splénique celle qui relie la rate à l'estomac, et enfin gastro-hépatique ou 
petit épiploon celle qui s'étend de la petite courbure de l'estomac d’une part 
au diaphragme et au foie d'autre part. Etudions maintenant ces diverses portions 
du repli en y joignant la description de certains ligaments qui entrent égale- 
ment dans sa constitution ; nous terminerons par un coup d'œil d'ensemble sur 
l’arrière-cavité des épiploons. 

Grand épiploon. C'est la portion la plus bizarre et la plus étendue du repli 
sus-duodénal ; nous avons dit qu'il s'étend d’arrière en avant, de la paroi abdo- 
minale postérieure à la grande courbure de l'estomac ; latéralement il va du 
duodénum, auquel il se fixe, à la rate au niveau de laquelle il se continue, sans 
limites précises, avec l'épiploon gastro-splénique et l'épiploon pancréatico-splé- 
nique. Chez le fœtus, à une période relativement peu avancée de la vie intra- 
utérine, le grand épiploon est tendu assez directement entre ses différents points 
d'insertion ; il est formé par deux feuillets péritonéaux adossés qui s'élèvent de 
la paroi abdominale postérieure à peu près parallèlement à ceux du mésocôlon 
transverse sans se confondre avec eux, et qui se dirigent en avant, par-dessus 
ce mésocôlon, pour se jeter sur la grande courbure de l'estomac, en se conti- 
nuant l’un sur la face postérieure, l’autre sur la face antérieure de cet organe; 
la queue du pancréas est souvent comprise dans son épaisseur. À ce moment, le 
grand épiploon représente d’une façon très-manifeste le mésogastre primitif 
dévié de sa situation primordiale par l’évolution de l'estomac. Plus tard il n'en 


PÉRITOINE (ANATOMIE DESCRIPTIVE). 255 


sera plus de même, car l’épiploon se fusionnera quelque temps avant la nais- 
sance avec le feuillet supérieur du mésocôlon transverse. Chez l'enfant, la fusion 
n’est pas toujours complète, et il est souvent possible de retrouver les traces de 
l'indépendance primitive, principalement vers les extrémités du mésocôlon où 
l'on voit la racine de l’épiploon s'écarter de celle du mésocôlon pour se diriger à 
droite vers la deuxième portion du duodénum, à gauche vers l'extrémité inté- 
rieure de la rate. Chez l'adulte elle est complète, et il semble que la racine du 
mésocôlon transverse soit aussi celle du grand épiploon : c’est pourquoi les ana- 
tomistes ont continué de considérer l'origine du grand épiploon comme se 
faisant au bord antérieur du côlon transverse ; pour eux, les feuillets du méso- 
côlon transverse, après avoir englobé l'intestin, se rejoignent en avant de lui 
pour devenir les deux feuillets qui constituent la lame épiploïque. En réalité, 
s’il semble en être ainsi après la naissance, il n'en est pas moins vrai que l’on 
doit considérer le feuillet supérieur du mésocôlon transverse, unique en appa- 
rence, comme constitué par trois feuillets péritonéaux superposés let fusionnés. 

Si dans l’âge fœtal le grand épiploon va presque directement de son insertion 
postérieure à l'estomac, il n'en est pas de même dans les derniers mois de la 
vie intra-utérine et après la naissance : on voit alors s’hypertrophier considéra- 
blement la partie comprise entre le côlon transverse et la grande courbure; la 
lame formée par les deux feuillets du repli prend chez l'adulte une dimension 
telle qu'après avoir dépassé le colon elle descend au devant des intestins jusqu'à 
une petite distance du pubis, puis se recourbe brusquement sur elle-même 
d'arrière en avant et remonte vers l'estomac en s'appliquant au devant de sa 
portion descendante. La portion descendante et la portion ascendante sont 
formées chacune de deux feuillets péritonéaux adossés ; dans le principe elles 
sont indépendantes l'une de l’autre, ne sont soudées que par leurs bords et 
constituent une sorte de bourse aplatie que l’on peut insuffler par l’hiatus de 
Winslow, mais plus tard elles se fusionnent par toute leur surface ; dans le 
principe, chaque laine se présente sous la forme d’une membrane mince, trans- 
parente, parcourue par des vaisseaux volumineux et parfaitement continue; 
après la fusion il reste une membrane unique, qui se troue de façon à présenter 
l'aspect d'un réseau à travées plus ou moins volumineuses, à mailles plus ou 
moins irrégulières, et qui est susceptible de se charger de graisse. 

Considéré chez l'adulte exclusivement, le grand épiploon est une lame de 
forme à peu près quadrilatère, disnosée à la manière d'un tablier sur les circon- 
volutions de l'intestin grêle et parfois sur les côlons ascendant et descendant 
qu'elle sépare de la paroi abdominale antérieure ; il en résulte que dans les 
hernies traumatiques ou autres qui se font à travers cette paroi l’épiploon 
recouvre habituellement les viscères herniés. Son bord inférieur généralement 
convexe et plus ou moins sinueux descend souvent plus à gauche qu’à droite; il 
atteint généralement le niveau des arcades crurales, aussi le rencontre-t-on 
souvent dans les hernies de cette région. Il y a du reste de grandes variétés 
individuelles : tantôt. on trouve le grand épiploon étalé d'une manière irrégu- 
lière au devant des circonvolutions intestinales; tantôt replié sur lui-même il 
est déjeté d'un côté ou de l'autre; d’autres fois, tendu comme une corde adhé- 
rente par ses deux extrémités, il forme une bride susceptible de devenir l'agent 
d'un étranglement intestinal; enfin, il n’est pas excessivement rare, d’après 
Cruveilhier, de le trouver renversé de bas en haut entre le diaphragme d’une 
part, le foie et l'estomac d'autre part. 


256 PÉRITOINE (ANATOMIE DESCRIPTIVE). 


Épiploon pancréatico-splénique. Nous avons vu que la queue da pancréas 
est souvent comprise entre les feuillets d'origine du grand épiploon; cette 
extrémité du pancréas est parfois contiguë à la rate, mais parfois aussi elle s'en 
éloigne et les deux feuillets du grand épiploon s’adossent alors entre elle et la 
rate pour continuer jusqu à cet organe la paroi de la bourse épiploique ; c’est 
cette portion de notre grand repli qui constitue l’épiploon pancréatico-splénique ; 
elle ne mériterait guère d'être distinguée du grand épiploon, si parfois elle 
n’était assez développée pour former une sorte de diverticule de ce dernier. 

Ligament phrénico-splenique. On entend par là cette portion de notre 
grand repli qui est tendue entre le diaphragme et le bord postérieur de la rate; 
au niveau de ce bord postérieur, les deux feuillets du ligament s'écartent ; le 
feuillet externe tapisse successivement la face externe, le bord antérieur et la 
partie interne de la rate qui s'étend de ce bord antérieur au hiie de l'organe, 
puis il se recourbe en dedans pour tapisser en avant les vaisseaux courts qui 
vont de la rate à l'estomac; le feuillet interne tapisse la partie postérieure de la 
face interne de la rate jusqu'au hile pour se refléchir vers l'estomac. Sur cer- 
tains sujets, ainsi que Morel l'a démontré, le ligament phrénico-splénique 
affecte une autre disposition; ses deux feuillets cheminent directement sans 
s'écarter jusqu'au pédicule vasculaire gastro-splénique, en dedans de la rate 
par conséquent; arrivés là, ils s'écartent pour se porter, l’un à droite vers 
l'estomac, l’autre à gauche vers la rate; celui-ci se recourbe brusquement en 
arrière et tapisse successivement toutes les faces de la rate jusqu'à ce qu'il 
arrive sur la face antérieure du hile. Dans ce cas, la rate n’est donc fixée que 
par son hile et n'est pas comme d'habitude comprise dans l'épaisseur du repli 
sus-duodénal. Le ligament phrénico-splénique contient une petite branche de 
l'artère diaphragmatique gauche. Au niveau du bord supérieur de la rate les 
deux feuillets du repli restent adossés comme au niveau de son bord postérieur: 
ils continuent jusqu’au cardia le ligament précédent qui prend alors le nom de 
phrénico-gastrique en raison de ses connexions. 

En somme, les ligaments phrénico-gastrique, phrénico-splénique, ainsi que 
l'épiploon pancréatico-splénique, ne sont que les trois portions continues du 
repli qui réunit la grosse tubérosité de l'estomac à la paroi abdominale posté- 
rieure et qui contient ou non la rate dans son épaisseur; ils sont complétés 
entre la rate et l'estomac par l'épiploon gastro-splénique. 

Épiploon gastro-splénique.  Très-court, il réunit la scissure de la rate avec 
le grand cul-de-sac de l'estomac; son feuillet antérieur va de la partie anté- 
rieure de la face interne de la rate à la face antérieure de l'estomac en passant 
au devant des vaisseaux courts; son feuillet postérieur s'étend, par derrière ces 
vaisseaux, de la partie postérieure de la face interne de la rate à la face posté- 
rieure de l'estomac ; il fait partie de l’arrière-cavité des épiploons. Nous avons 
déjà dit que ce feuillet postérieur reçoit parfois l'insertion du ligament phré- 
nico-splénique. 

Toutes ces lames de noms divers qui abordent l'estomac par sa grande cour- 
bure et sa grosse tubérosité ne sont donc que des départements particuliers et 
plus ou moins bien limités d'une seule et même membrane composée de deux 
feuillets ; ces feuillets naissent de la paroi abdominale postérieure ; l’un d'eux 
forme toujours paroi à l’arrière-cavilé des épiploons, tandis que l’autre regarde 
la grande cavité péritonéale. Arrivés sur l'estomac, ils s’écartent pour former 
le revêtement séreux de ses faces, puis ils vont s’adoiser de nouveau l'un à 


PÉRITOINE (ANATOMIE DESCRIPTIVE). 297 


l'autre, au niveau de sa petite courbure et de la première portion du duodénum, 
pour constituer le petit épiploon ou épiploon gastro-hépatique. 

Épiploon gastro-hépatique. Cette membrane, continuation de notre grand 
repli, est une sorte de lame mince et transparente tendue entre l'estomac et le 
duodénum d'une part, le diaphragme et le foie d'autre part. Inférieurement 
elle s'insère à la petite courbure tout entière, depuis le cardia jusqu'au pylore, 
et à la première portion du duodénum ; elle s'attache supérieurement : 41° au 
diaphragme depuis le cardia jusqu’à la partie postérieure du sillon antéro-posté- 
rieur gauche du foie, c’est-à-dire jusqu'à la face gauche du lobule de Spigel ; 
2 au foie dans la partie postérieure de ce sillon et au sillon transverse. Entre 
ce sillon transverse et le duodénum, elle présente un bord libre qui forme la 
demi-circonférence antérieure de l'hiatus de Winslow et comprend dans son 
épaisseur le conduit biliaire, la veine porte, l'artère hépatique et les nerfs qui 
vont au foie. Certains anatomistes ont nommé ligament hépato-duodénal ce bord 
du petit épiploon, et repli phrénico-æsophagien la partie un peu épaissie qui 
confine à l'œsophage. Le lobe de Spigel s'aperçoit par transparence à travers la 
membrane, ct celle-ci présente de grandes variations de surface qui dépendent 
du plus ou moins de distension de l'estomac ; ce dernier, en se remplissant, 
s'insinue entre les lames de l’épiploon, se rapproche du foie et diminue d'autant 
l'étendue de la lame gastro-hépatique qui, par sa direction, constitue un véri- 
table ligament stomacal beaucoup mieux que le grand épiploon. 

Arrivé au foie, notre grand repli sus-duodénal semble définitivement inter- 
rompu par cet organe, mais l'interruption n’est qu’apparente. Sur certains 
sujets, si l'on porte l'index gauche sur la face convexe du foie en suivant le 
ligament suspenseur jusqu'au ligament coronaire, et si en même temps on 
introduit l'index droit par l'hiatus de Winslow jusqu’à la face postérieure du 
lobule de Spigel, on constatera que les doigts sont én regard et ne sont sépa- 
rés que par la veine cave inférieure; cette veine interrompt seule la ligne 
d'insertion et l’on peut se convaincre que le ligament suspenseur du foie con- 
tinue sur la face inférieure du diaphragme la ligne d'insertion diaphragmatique 
de l’épiploon gastro-hépatique. Sur d’autres sujets la continuité est moins évi- 
dente à cause d’une plus grande épaisseur du ligament coronaire. D'autre part, 
le bord libre de l’épiploon, celui qui borde en avant l'hiatus de Winslow, se 
prolonge sur la face inférieure du foie par le cordon fibreux de la veine ombili- 
cale logé, comme on sait, dans la partie antérieure du sillon longitudinal gauche 
du foie ; enfin, en avant du foie, ce cordon fibreux rejoint le ligament suspenseur 
et forme avec lui la faux de la veine ombilicale. N’est-il pas logique dès lors de 
considérer le ligament suspenseur, le cordon fibreux et la faux comme des 
parties constituantes du repli? Le ligament suspenseur est comparable au liga- 
ment phrénico-splénique ; comme lui il se compose de deux feuillets périto- 
néaux adossés qui vont du diaphragme à la face convexe du foie et s’écartent en 
arrivant sur cet organe ; le feuillet gauche tapisse successivement la face supé- 
rieure, les bords libres et la face inférieure du lobe gauche du foie jusqu'au 
sillon longitudinal gauche ; là il se continue en arrière avec le feuillet antérieur 
de l’épiploon gastro-hépatique, en avant avec le cordon fibreux de la veine ombi- 
licale ; le feuillet droit tapisse la face supérieure, les bords libres et la face 
inférieure du lobe droit, jusqu'à ce qu'il rencontre le précédent : on doit donc 
admettre que le foie est inclus entre les deux feuillets du ligament suspenseur 
qui se dédouble à la manière de tous les mésos. Toutefois il ya quelque chose 


DICT. ENG. 2° s. XXIII. 17 


258 PÉRITOINE (ANATOMIE DESCRIPTIVE). 


de choquant tout d’abord dans cette comparaison, et cela pour deux raisons : la 
première, c’est l'énorme volume du foie comparé à la brièveté du ligament; la 
seconde, c'est la présence du ligament coronaire en arrière du foie. Ce dernier 
ne semble pas en effet appartenir au mème système de replis : formé par deux 
lames péritonéales à direction transversale qui abandonnent le diaphragme pour 
se jeter presque immédiatement sur le bord postérieur du foie, il est par con- 
séquent presque perpendiculaire au ligament suspenseur ; ses feuillets sont assez 
écartés l’un de l'autre au niveau du bord postérieur de l'organe, mais à chacune 
de ses extrémités ils se rapprochent pour former les ligaments triangulaires 
(voy. Fore). Cependant, si l’on suppose pour un instant que le foie soit très- 
atrophié et réduit à une mince lame étendue de ses vaisseaux afférents à son 
vaisseau efférent, il sera bien évident que l’épiploon gastro-hépatique et le liga- 
ment suspenseur sont la continuation l'un de l’autre ; il n’y aura plus de liga- 
ment coronaire, et celui-ci ne paraîtra nécessaire que si l'on restitue au foie 
ses dimensions primitives, si étendues dans le sens transversal. Le ligament 
coronaire et ses annexes les ligaments triangulaires ne sont donc en somme que 
des dépendances du ligament suspenseur et partant de notre grand repli sus- 
duodénal. 

En terminant l'histoire de ce repli, mentionnons que dans quelques cas le 
péritoine de la face inférieure du foie fournit un petit méso à la vésicule biliaire, 
et que le col de cette dernière peut être rattaché au côlon transverse par un 
prolongement du grand épiploon. 

Arrière-cavité des épiploons. C’est un diverticule de la cavité péritonéale 
qui est situé, comme nous l'avons déjà indiqué, entre la paroi abdominale posté- 
rieure et le grand repli sus-duodénal. L’hiatus de Winslow y donne accès. 
L'arrière-cavité des épiploons, aplatie d'avant en arrière, ne présente son com- 
plet développement que chez le fœtus. A cet âge de la vie, sa paroi posté- 
rieure est formée par le feuillet pariétal depuis l'insertion diaphragmatique du 
petit épiploon jusqu'à l’origine du grand, puis par la lame postérieure de ce der- 
nier; sa paroi antérieure est constituée, en allant de haut en bas, par l'épiploon 
gastro-hépatique, la face postérieure de l'estomac et la lame antérieure du grand 
épiploon ; en bas elle possède les mêmes limites latérales que la bourse épiploïque ; 
en haut elle est fermée à gauche par les ligaments phrénico-splénique et 
phrénico-gastrique, ainsi que par la face interne de la rate dans sa partie posté- 
rieure, par l'épiploon gastro-splénique et l’épiploon pancréatico-splénique ; à 
droite elle s'ouvre dans la grande cavité péritonéale par l'hiatus de Winslow. 
Celui-ci est bordé en avant par le bord droit de l’épiploon gastro-hépatique et 
les vaisseaux qu'il renferme, en arrière par la veine’cave inférieure. Par l'hiatus, 
on peut insuffler l’arrière-cavité et la mettre en évidence. 

Chez l'adulte, la bourse épiploïque étant oblitérée dans presque toute son 
étendue par la fusion de ses parois, l’arrière-cavité est réduite à la partie située 
en arrière de l'estomac et de l'épiploon gastro-hépatique. Sur sa paroi posté- 
rieure on remarque surtout un relief transversal formé par les vaisseaux coro- 
naires stomachiques qui se rendent au cardia : il en résulte une sorte de rétré- 
cissement qui sépare l'arrière-cavité en deux portions largement communicantes. 

Pour terminer, pratiquons maintenant une coupe transversale de l'abdomen 
et voyons quel est le trajet de la séreuse au niveau de l'estomac. Partant du 
milieu de Ja paroi abdominale antérieure pour se diriger à gauche, le péritoine 
suit cette paroi jusqu’au bord postérieur de la rate, se réfléchit vers ce bord en 


PÉRITOINE (wisroLocie). 259 


prmant le feuillet externe du ligament phrénico-splénique et tapisse la face 
xterne, puis la face interne de la rate jusqu'au hile. Là il forme le feuillet anté- 
ieur de l’épiploon gastro-splénique et recouvre ensuite la face antérieure de 
estomac, se continuant au-dessus et au-dessous de cet organe avec le feuillet 
ntérieur du grand et du petit épiploon. Arrivé au duodénum, il rencontre la 
eine porte, i contourne sur son bord droit pour former la demi-circonférence 
intérieure de l'hiatus, puis se répand sur la face postérieure de l'estomac 
au-dessus et au-dessous duquel il devient grand et petit épiploon. Il aborde 
ensuite la rate après avoir constitué le feuillet postérieur de l’épiploon gastro- 
splénique, recouvre la partie postérieure de la face interne de la rate, forme le 
feuillet droit du ligament phrénico-splénique et redevient pariétal sur la paroi 
abdominale postérieure, en passant au devant de l'aorte, puis de la veine cave 
inférieure au niveau de laquelle il forme la demi-circonférence postérieure de 
l’hiatus. À partir de ce moment, il reste pariétal, le long de la face inférieure 
du foie d’abord, revient en avant, puis se dirige finalement vers son point de 
départ sans rencontrer sur son trajet autre chose que le léger relief formé par 
la faux de la veine ombilicale. 

Disons cependant, pour finir, que l'on observe souvent un petit repli triangu- 
laire tendu entre la face inférieure du foie et l'extrémité supérieure du rein 
droit ; il est connu sous le nom de ligament hépato-rénal. 

En résumé, le péritoine est une séreuse très-étendue et très-compliquée; sa 
complication résulte du grand nombre d'organes auxquels il est destiné et ne 
porte guère que sur le feuillet viscéral; elle est plus apparente que réelle, on 
peut la rapprocher assez facilement de la grande simplicité du péritoine initial 
et se convaincre que tous les plis, mésos, ligaments, épiploons formés par le 
péritoine, font partie de deux systèmes seulement qui ont pour trait d'union le 
duodénum. 


? IL. Histologie. Le péritoine est une membrane distincte des organes qu'il 
tapisse. Bichat l'avait déjà dit sans le démontrer; Velpeau prétendit démontrer 
le contraire (voy. SÉreux), mais l'histologie a pleinement confirmé les idées de 
Bichat, et nous pouvons dire, sans nous arrêter à fouiller davantage le passé, 
qu'aujourd'hui tous les histologistes sont d'accord pour reconnaitre à cette 
séreuse une individualité propre qu’elle possède à la surface de tous les viscères 
aussi bien que sur les parois de l'abdomen. 

Cette membrane se compose essentiellement de deux couches intimement 
unies, bien que distinctes par leur constitution histologique ; la plus superti- 
celle est de nature épithéliale, l'autre de nature conjonctive. Ces deux couches 
ne manquent en aucun point (Ch. Robin), quoique certains auteurs aient pré- 
tendu que le péritoine soit réduit par places à la couche épithéliale seule. On 
admet parfois cependant une troisième assise à la séreuse que nous étudions, 
mais elle ne peut réellement pas être considérée comme en faisant partie iaté- 
grante; formée de tissu cellulaire lâche, chargée de relier la membrane aux 
plans sous-jacents, comparable sous ce rapport au tissu cellulaire sous-cutané, 
elle est d'abondance et de laxité variables selon les points, possède la faculté de 
se charger de graisse en grande quantité chez les individus doués d’embonpoint 
et manque E iment au niveau de certains viscères ; elle m'appartient pas plus 
au péritoine que le tissu cellulaire sous-cutané à k peau. Toutefois c'est dans 
son épaisseur que cheminent et se ramifient les vaisseaux et les nerfs qui se 


260 PÉRITOINE (nistoLoGie). 


distribuent au péritoine. On lui donne le nom de tissu cellulaire sous-péritonéal 
et l'on a remarqué qu'en général ce tissu est plus abondant et plus lâche sur les 
parois de l'abdomen que sur les viscères; les infiltrations de toute nature (sang, 
urine, bile, etc.) s’y font assez facilement; il «est le siége des phlegmons sous- 
péritonéaux. 

Nous devons donc décrire successivement l'épithélium et la membrane con- 
jonctive sous-jacente que l’on pourrait appeler avec M. Richet le derme du 
péritoine, car elle est « l'homologue du chorion des muqueuses, du derme 
cutané » (Ch. Robin). Ces deux couches, considérées individuellement, sont 
formées partout des mêmes éléments constituants; elles se prêtent par consé- 
quent à une description générale; cependant il y a certains points où ces 
éléments ne sont pas agencés comme partout ailleurs, et il en résulte des diffé- 
rences notables dans la structure de tel ou tel département de la membrane. Le 
grand épiploen, par exemple, ne ressemble pas au centre phrénique, ni celui-ci 
au mésentère ou au péritoine pariétal : il nous faudra donc consacrer un para- 
graphe spécial à chaque cas particulier. Aussi étudierons-nous successivement : 
1° la trame conjonctive ou derme du péritoine; 2° l'épithélium qui la tapisse; 
5° le grand épiploon; 4° le centre phrénique. A propos de ce dernier, nous 
traiterons des relations de la séreuse avec les lymphatiques, puis nous termine- 
rons par la description des vaisseaux et des nerfs. 

1° Trame conjonctive ou derme du péritoine. C'est une membrane d’épais- 
seur variable, mais en général fort mince; elle mesure de 90 à 120 p sur les 
parois de l'abdomen et de 45 à 67 y sur les viscères (Kölliker), ce qui permet 
d'apercevoir plus ou moins franchement la couleur de ces derniers par trans- 
parence. Sa face libre, nettement limitée, supporte l’épithélium et présente, 
même quand cet épithélinm est tombé, un aspect remarquablement lisse et 
poli, tandis que sa face adhérente unie aux tissus sous-jacents par de nombreux 
prolongements possède une apparence terne et irrégulière. M. Ranvier, dans sa 
technique, en a donné uue bonne description, basée sur d’ingénieux procédés 
de démonstration, mais il l'a donnée d'après l'étude du mésentère de certains 
animaux, tels que le chien, le lapin, le cochon d'Inde, le rat, et il estime que 
l'on pourrait fort bien appliquer au mésentère de l'homme ce qu'il dit du mésen- 
tère de ces mammifères. Cela est vrai, d’une façon générale, mais il y a toute- 
fois, comme nous le verrons, de légères différences à signaler. 

Or le mésentère se compose de deux feuillets péritonéaux, adossés par leur 
face profonde et réunis l'un à l’autre par une nappe de tissu cellulaire lâche 
dans laquelle cheminent les vaisseaux, nerfs et lymphatiques de l'intestin. Ce 
tissu cellulaire, qui n'est autre que le tissu cellulaire sous-péritonéal, est plus 
abondant chez l'homme que chez les animaux précédemment indiqués et, si chez 
ces derniers on peut étudier le péritoine en disposant simplement à plat sous 
le microscope une portion du mésentère non dédoublé, chez l'homme au con- 
traire il faut le dédoubler pour obtenir une transparence suffisante. On y 
arrive en y insufflant de l'air par la méthode des injections interstitielles préco- 
nisées par M. Ranvier. Quoi qu'il en soit, la trame péritonéale se compose dans 
tous les cas de faisceaux conjonctifs, de fibres élastiques et d’une substance 
amorphe : ces éléments sont disposés de la façon suivante quand la membrane 
a élé suffisamment tendue. 

Les faisceaux conjonctifs sont rectilignes et cheminent en tous sens dans la 
préparation : chez le lapin, « ils ont de 5 à 12 y de diamètre, se divisent pour 


PÉRITOINE (nisroLocre). 261 


donner naissance à des faisceaux plus petits, ceux-ci vont s’accoler avec d'autres 
pour former des faisceaux plus gros, mais jamais un faisceau ne perd son indi- 
vidualité ; on peut le suivre partout sur son parcours, soit qu'il soit divisé, soit 
qu'il soit réuni à d'autres. Il n’y a donc pas pour ces faisceaux de véritables 
anastomoses telles qu'en présentent les fibres élastiques. En outre, il n’est pas 
rare de rencontrer dans ces préparations des faisceaux qui se croisent à la façon 
de deux anses de fil placées l’une dans l’autre » (Ranvier). Ces faisceaux se 
présentent tous dans leur continuité et l'on n’y observe aucune trace de rupture : 
ils appartiennent donc bien en propre à la membrane; c'est surtout à eux 
qu'elle doit son individualité. Ici la séreuse, isolée du tissu conjonctif sous- 
péritonéal et examinée entre les rayons vasculaires du mésentère, est si mince, 
que les faisceaux conjonctifs, non-seulement ne forment pas plusieurs plans, 
mais ne constituent même pas un plan continu ; ils laissent entre eux des espaces 
qui sont comblés par la substance amorphe et l'on ne voit pas de cellules plates 
moulées à leur surface, en sorte que ce stroma est un tissu conjonctif sans 
cellules, selon l'expression de M. Ranvier. Mais dans des parties plus épaisses, 
comme sur ‘la paroi abdominale, ou encore chez l’homme, les faisceaux con- 
jonctifs sont sur plusieurs plans et passent les uns sur les autres; ils ne sont 
pas non plus toujours contigus. Parmi les espaces qu'ils limitent, les plus super- 
ficiels sont comblés par la substance amorphe ; les autres sont de simples espaces 
lymphatiques avec cellules plates disposées sur les parois et cellules lympha- 
tiques libres dans l’intérieur. 

La substance amorphe est hyaline, sans noyaux ni granules à l'état normal. 
Tenace, homogène et peu extensible (Ch. Robin), elle forme à la surface libre 
de la membrane une couche limitante très-mince, basement-membrane de Tood 
et Bowman, qui s'étale comme un vernis sur les éléments figurés de la trame 
et les dépasse légèrement. C'est à elle autant qu’à l’épithélium qu'il faut attri- 
buer l'aspect lisse et poli du péritoine, car selon la remarque faite par Ch. Robin 
cet aspect persiste sur le cadavre, même après la chute de cet épithélium. Elle 
s'enfonce entre les fibres en diminuant de quantité à mesure qu'on gagne vers 
la surface adhérente de la séreuse. C’est elle qui assure la continuité de la mem- 
brane dans les points où celle-ci ne possède qu’une seule couche de faisceaux 
conjonctifs plus ou moins écartés les uns des autres. 

Les fibres élastiques y sont nombreuses, minces et fréquemment anastomosées. 
Chez le lapin, elles s’éiargissent aux points anastomotiques, en forme de lames 
aplaties et perforées de trous de dimensions variables (Ranvier), en sorte que les 
nœuds du réseau forment de véritables lamelles élastiques irrégulièrement 
polygonales, qui sont reliées les unes aux autres par des fibres grêles ; c'est ce 
qui a fait dire à M. Ranvier que « l'or peut considérer le réseau élastique du 
mésentère comme une membrane élastique fenêtrée dont les ouvertures seraient 
très-Inégales ». Chez l'homme, il n’en est pas tout à fait de même : les fibres 
élastiques y forment un réseau très-riche, à mailles étroites, irrégulièrement 
polygonales, dont les nœuds sont quelquefois, mais rarement, aplis en forme 
de lamelles. Dans tous les cas, ce réseau envoie par sa face profonde des fibres 
qui vont dans le tissu cellulaire sous-péritonéal. Quelle est sa situation exacte 
relativement à la trame conjonctive de la séreuse ? Est-il placé au-dessus ou 
au-dessous? Dans les parties minces comme le mésentère du lapin, il paraît être 
situé dans le même plan : les faisceaux conjonctifs semblent alors s’entrelacer 
dans ses mailles ; dans les parties plus épaisses, les fibres élastiques forment 


262 PÉRITOINE (misroLocie). 


différents réseaux reliés les uns aux autres de manière à constituer en réalité 
un réseau continu disposé sur plusieurs plans. Toutefois, Ch: Robin admet qu'à 
la face profonde des séreuses en général et du péritoine en particulier, « à leur 
face de jonction avec le tissu cellulaire sous-jacent, il existe un réseau plus ou 
moins riche de fibres élastiques. En certains points, ce réseau devient une 
couche épaisse. Son épaisseur varie de 10 à 50 p d’une séreuse à l'autre, et 
même d’une région à l'autre des séreuses. Il manque partout où ces dernières 
adhèrent intimement, par contact immédiat de leur face profonde, à la face 
externe d’une membrane fibreuse comme celle du foie, de la rate, du testicule. 
Les faces de ce réseau élastique sont naturellement mal limitées, si tant est 
qu'il soit logique de l'étudier à ce point de vue, car ses fibres se continuent 
avec celles qui sont en petit nombre dans le reste de l'épaisseur de la séreuse 
et d'autre part avec celles du tissu sous-jacent ». Il y a donc pour lui une 
couche élastique qui limite profondément la séreuse, et c’est elle qui serait le 
principal réseau élastique de la membrane. Tood et Bowman, qui ont décrit et 
figuré cette couche pour la première fois, la considéraient comme placée immé- 
diatement au-dessous de leur basement-membrane. Nos propres observations 
sur le mésentère de l’homme nous ont montré plusieurs réseaux élastiques 
parmi lesquels un profond, celui de Robin, et un superficiel, celui de Tood et 
Bowman. Ces auteurs ont donc incomplétement raison tous les deux, seulement 
le réseau de Tood et Bowman n'est pas toujours immédiatement sous-jacent à 
la membrane amorphe : souvent il en est séparé par une couche très-incomplète 
de faisceaux conjonctifs fins et déliés qui s’entre-croisent au-dessus de lui et sont 
très-écartés les uns des autres. f 

Telle est, d'une façon générale, la structure de la lame conjonctive du péri- 
toine qu'il ne faut pas confondre avec le tissu cellulaire sous-jacent. Celui-ci 
n'offre rien de particulier au niveau des parois abdominales ; il fait défaut au 
niveau du foie, de la rate, de l'ovaire; il manque également sur le centre phré- 
nique, sur l'utérus et ses expansions musculaires, les ligaments larges, sur 
l'intestin grêle, excepté au niveau de sa demi-circonférence postérieure. Sur le 
gros intestin il est quelque peu développé et se surcharge de graisse d’une 
façon notable chez certains sujets : la graisse y forme des séries de pelotons 
plus ou moins indépendants les uns des autres, qui soulèvent la séreuse en 
formant le long du gros intestin des appendices en forme de franges (franges 
épiploïques) parfois assez longues pour s'engager dans des orifices herniaires. 
Dans le ligament suspenseur du foie, il est remplacé par des faisceaux conjonctifs 
serrés, dirigés dans le sens de la résistance à peu près parallèlement les uns aux 
autres. Il est abondant en général dans les mésos et y présente une laxité 
variable, plus grande près des viscères, pour se prêter à leurs variations de 
calibre. On a cité la présence de fibres lisses dans l'épaisseur du mésentère de 
certains animaux. Nous verrons plus loin comment la structure de la trame péri- 
tonéale se modifie dans le grand épiploon. 

2° Épithélium péritonéal. Il appartient à la catégorie des endothéliums, 
nom par lequel on le désigne du reste très-souvent. Il est constitué par une 
seule couche de cellules disposées en revêtement continu à la surface de la 
séreuse, par-dessus la couche de substance hyaline. Ces cellules sont plates, 
polygonales, à bords rectilignes ou légèrement sinueux. Leur protoplasma, un 
peu granuleux parfois autour du noyau, est en général très-transparent, princi- 
palement sur les bords : ceux-ci ne se voient bien qu'après l'action du nitrate 


PÉRITOINE (misrorocte). 263 


d'argent qui marque par un fin liséré noir les contours cellulaires. Elles ont 
une épaisseur à peu près constante de 1 à 2 u, tandis que leurs dimensions 
transversales, en moyenne de 40 à 50 p, sont sujettes à d'assez grandes varia- 
tions en plus ou en moins; les plus petites sont généralement groupées en trai- 
nées ou en ilots qui paraissent occuper de préférence les points de la séreuse un 
peu excavés et soumis à de moindres frottements. 

Leur noyau est un ovoïde aplati et habituellement nucléolé qui a de 9 à 49 p 
de longueur ; il est plus épais que la cellule (3 à 4 u), en sorte que, quand on 
examine ce dernier élément en place et de profil, il présente sur sa face libre 
une petite saillie au niveau du noyau. On trouve celui-ci tantôt au centre, tantôt 
plus près des bords de la cellule ; parfois les noyaux de deux cellules voisines 
sont très-rapprochés lun de l’autre et séparés seulement par la ligne de ciment 
intercellulaire, comme s'ils provenaient de la division d’un noyau et d'une cel- 
lule unique : ce fait s'observe surtout chez les animaux jeunes. 

Nous avons dit tout à l’heure que ces éléments épithéliaux sont disposés sur 
une seule couche : cependant M. Ranvier a montré dans son traité technique 
d'histologie que dans le mésentère du lapin on trouve çà et là, au-dessous de 
l'épithélium, des cellules granuleuses, à contours vagues et irréguliers; pour lui, 
elles représentent ( des cellules connectives ordinaires, ou mieux encore de ces 
cellules connectives plates qui, à la surface des tendons, sont placées au-dessous 
du révêtement endothélial. Comme ces dernières, elles paraissent situées immé- 
diatement au-dessous de l’endothélium et elles ne se moulent pas sur les fais- 
ceaux ». D'autre part M. Tourneux a décrit, sous l’épithélium péritonéal des 
batraciens, des cellules granuleuses, cellules protoplasmatiques comme il les 
appelle, dont il fait des éléments jeunes destinés à remplacer les cellules super- 
ficielles. Il y aurait là, d'après M. Farabeuf (th. d'agrégation, 1876), une ten- 
dance à la stratification. 

Quant à la continuité exacte de la couche épithéliale, elle a été contestée par 
de nombreux histologistes qui ont décrit, sous le nom de stomates, des lacunes 
intercellulaires. Ces lacunes ne sont visibles qu'après l'imprégnation de la 
séreuse par le nitrate d'argent ; elles se présentent tantôt comme un épaississe- 
ment des lignes noires qui indiquent le contour des cellules, tantôt comme des 
espaces clairs placés au confluent de trois ou quatre cellules. Nous n'insisterons 
pas sur le rôle que les inventeurs ou les partisans de ces stomates (His, Reckling- 
hausen, Œdmansson, Dybkowsky, Wagner, Schweigger-Seidel, Klein, etc.), leur 
ont fait jouer, soit dans l'absorption péritonéale, soit dans la migration des 
cellules lymphatiques, car la question n’a plus qu'un intérêt historique. Ces 
ouvertures sont en effet purement artificielles : elles résultent, ainsi que l'a 
démontré M. Ranvier, d’une action défectueuse du nitrate d'argent employé sans 
lavage préalable de la membrane, ou bien en solutions trop concentrées, ou 
bien encore dans des conditions défectueuses de lumière; on peut les faire appa- 
raître ou non à volonté. Toutefois M. Ranvier admet que les cellules lympha- 
tiques ont une tendance incessante à traverser la couche épithéliale et y arrivent 
fréquemment ; seulement elles ne le font pas en passant dans des orifices ou 
stamates préformés; chaque cellule lymphatique qui se fixe sur la couche 
épithéliale pour la franchir est obligée d'y faire son trou soit en écartant plu- 
sieurs cellules, soit en perforant l’une d’entre elles, ce qui est plus rare, et 
quand elle a passé le trou se referme derrière elle très-rapidement. 

Si les stomates vrais ou faux admis par les auteurs n'existent pas; s'ils n'em- 


264 PÉRITOINE (HISTOLOGIE). 


pêchent pas la continuité exacte du revêtement épithélial, en est-il de même des 
figures décrites pour la première fois par Schweigger-Seidel et Dogiel sur le 
centre phrénique, figures auxquelles M. Ranvier a donné le nom de puits lym- 
phatiques”? L'épithélium péritonéal y est-il continu à lui-même, ou bien s'y 
continue til avec l'endothélium des lymphatiques”? C’est une question qui sera 
exposée à propos du centre phrénique et des lymphatiques péritonéaux. 

Du reste, nous aurons à compléter l'étude de l'épithélium péritonéal par 
quelques faits de détails observés, soit sur l’épiploon, soit sur le centre phré- 
nique. Mais, avant de passer à la description de ces deux parties importantes de 
la séreuse, disons quelques mots de la façon dont l'épithélium péritonéal se 
continue avec celui de l'ovaire et des trompes quand elles existent. 

[L'orilice de la trompe est le- seul point où l’épithélium péritonéal soit, sans 
conteste, discontinu avec lui-même et en continuité avec un autre revêtement 
épithélial, dans l'espèce humaine et dans certaines espèces animales, car il n’en 
est pas ainsi chez tous les êtres. Notons d'abord que chez les vertébrés inférieurs, 
Acraniens et Cyclostomes, Amphioxus, Lamproies, Myxinoïdes, il n'y a pas de 
canaux spéciaux pour conduire au dehors les œufs échappés de l'ovaire, « les 
œufs, après la rupture des follicules ovariques, tombent idans la cavité périto- 
néale comme ils tombent dans la cavité du corps chez les Cœlentérés, et sont 
évacués au dehors par un orifice qui, comme chez l'Amphioxus, sert encore à la 
sortie de l’eau de la respiration branchiale, disposition analogue à celle qui se 
rencontre chez des vers inférieurs, en particulier chez les Ascidies. Chez les 
Lamproies, les myxinoïdes et certains poissons osseux (plusieurs anguilles et 
tous les Salmonidés), chez lesquels l'appareil branchial n'a plus de communica- 
tions avec la cavité du corps. la cavité péritonéale communique au dehors par 
une ouverture située en arrière de l'anus, précédée ou non de conduits très- 
courts, rudiments de canaux segmentaires ; cet orifice prend le nom de pore 
génital, et sert à la sortie des œufs échappés de l'ovaire » (Rouget). Dans tous 
ces cas, l'épithélium péritonéal de la femelle est en partie ou en totalité un épi- 
thélium cylindrique à cils vibratiles destinés à diriger les œufs vers les orifices 
de sortie. 

Chez des vertébrés plus élevés en organisation (Squales, Ganoïdes, Dipnoïques 
et Amphibiens), où il y a déjà des canaux spéciaux pour conduire les œufs au 
dehors, la cavité péritonéale présente encore un revêtement d'épithélium vibra- 
tile destiné à conduire les œufs vers l'orifice tubaire. 

Chez les Reptiles, Oiseaux et Mammifères adultes, on ne trouve plus d’épi- 
thélium vibratile dans le péritoine, mais seulement sur les bords du pavillon de 
la trompe (voy. Ovaire). 

Pour ne parler que des Mammifères, il y en a chez lesquels l'ovaire est 
enfermé dans une capsule complète formée par les ligaments larges ; alors la 
trompe s'ouvre dans cette capsule et il n’y a pas de transition possible entre 
l'épithélium tubaire ct celui du péritoine, puisque celui-ci est complétement 
clos. Chez d'autres l'ovaire est recouvert par un capuchon plus ou moins com- 
plet, toujours ouvert néanmoins dans le péritoine et donnant accès à la trompe; 
chez d’autres, enfin, l'ovaire est complétement libre ainsi que l'orifice tubaire. 
La femme présente cette disposition. 

Dans le cas d'ovaire libre, le seul dont nous ayons l'intention de parler, 
voici comment se fait la transition entre l'épithélium péritonéal d’une part et 
celui de l'ovaire et des trompes d’autre part. 


PÉRITOINE (mIsTOLOGIE). 265 


L’épithélium de l'ovaire, dont les cellules cylindriques ou cubiques sont 
pourvues ou non d'un plateau sur l'organe lui-même, diminue de hauteur gra- 
duellement en s'approchant du hile. Ses noyaux deviennent ronds, puis s'apla- 
tissent parallèlement à la surface ; les contours cellulaires s’agrandissent pro- 
gressivement sur une largeur de plus de 4 millimètre avant d'acquérir le type 
endothélial pur, et il n'y a pas en réalité, comme Waldeyer l'avait admis, une 
ligne de démarcation nettement tranchée entre la forme cylindrique et la forme 
aplatie (d'Antin, thèse de Paris, 1889). 

Quant à la trompe, son épithélium dépasse le bord libre du pavillon et forme 
en dehors de Jui une bordure de 1/2 à 4 millimètre de large composée de cel- 
lules cylindriques à cils vibratiles. A cette bordure succède une ou deux 
rangées de cellules à plateau, mais dépourvues de cils; ces cellules sont allon- 
gées parallèlement à la ligne de séparation; elles répondent d'un côté à un 
grand nombre de cellules ciliées, de l’autre à un plus petit nombre de cellules 
qui s’aplatissent et deviennent semblables à celles du revêtement séreux. Parfois, 
en dehors de cette zone, on trouve des trainées ou des îlots de cellules ciliées 
situés dans la direction de l'ovaire et isolés au milieu de l'épithélium péritonéal. 
C'est en se basant sur l'anatomie comparée, sur l'étude du développement et 
aussi sur certains faits pathologiques, que Waldeyer, Romiti, Balfour, Malassez, 
de Sinéty, etc., ont été amenés à considérer l’épithélium ovarien comme une 
dépendance de l'épithélium des voies génitales. Il faut dire cependant que 
d'autres savants non moins autorisés (Kölliker, Kapff, van Beneden, Balbiani, 
Ch. Robin, etc.) en font une dépendance de la séreuse. La discussion de ces 
opinions nous entraînerait hors de notre sujet; on les trouvera exposées dans 
la thèse de d'Antin, déjà citée. 

Tout ce que nous avons dit jusqu'à présent se rapporte soit à la trame, soit à 
l'épitnélium du néritoine considéré en général sur les parois de l'abdomen, 
les ¡viscères et les mésos; il nous faut maintenant décrire les particularités 
relatives au grand épiploon et au centre phrénique. 

Grand épiploon. A la naissance, ce repli du péritoine est une membrane 
mince, continue, composée de deux feuillets séreux adossés l’un à l’autre par 
leur face profonde; ils offrent une constitution histologique analogue à celle que 
M. Ranvier a attribuée au péritoine du mésentère du lapin, avec cette différence 
toutefois que le réseau élastique y fait complétement défaut. Un y voit en outre 
des vaisseaux, en voie de formation, sur lesquels nous n'avons pas à insister. 
Plus tard, le grand épiploon forme en s’allongeant une véritable bourse aplatie 
(bursa omentalis) qui descend au devant des intestins : les deux lames qui la 
composent alors pour former sa paroi antérieure et sa paroi postérieure s'uni- 
ront plus tard l’une à l’autre d’une façon plus ou moins complète, en sorte 
que dans les points où l'union ne s'est pas faite le grand épiploon doit se 
composer théoriquement de quatre feuillets séreux réunis deux à deux. 

Chez l'adulte, il est impossible de démontrer histologiquement ces quatre 
feuillets; on ne peut même pas en démontrer deux dans les portions de mem- 
brane qui représentent encore les parois non fusionnnées de la bourse primitive. 
Ces parois se sont trouées avec l'âge, en sorte que l'épiploon de l'adulte se 
compose en réalité de deux membranes fenêtrées, distinctes sur certains points 
seulement, et réunies partout ailleurs au moyen de filaments conjonctifs de 
façon à constituer en somme une lame unique grossièrement réticulée. C'est 
aux portions non fusionnées qu’il faut s'adresser pour prendre une bonne idée 


266 PÉRITOINE (misroLocre). 


de la structure du grand épiploon. Il se montre alors chez l’homme et chez 
beaucoup d'animaux sous la forme d’un réseau fort élégant, quoique très-irré- 
gulier dans les dimensions de ses mailles et de ses travées. Ces dernières sont 
For essentiellement par des faisceaux du tissu conjonctif, les plus petites 
par un seul, les autres par plusieurs; à leur surface se trouve une mince couche 
de substance amorphe, et par-dessus celle-ci l’épithélium péritonéal. 

M. Ranvier a démontré, contrairement à l'opinon de Rollett, que « les fais- 
ceaux connectifs ne forment pas des anneaux complets autour de chaque maille 
du réseau, mais qu'ils sont simplement écartés, de telle sorte qu'une de ces 
mailles est bordée par deux, trois, ou un plus grand nombre de faisceaux qui 
continuent leur parcours et vont concourir à la délimitation des mailles voi- 
sines. Ces faisceaux s'éloignent, se rapprochent et s'entrelacent comme les fils 
d'une dentelle ». 

Les travées fournies par un seul faisceau conjonctif ne contiennent jamais 
de vaisseaux sanguins; beaucoup de travées à deux faisceaux et plus sont dans 
le même cas, mais leurs faisceaux laissent entre eux des espaces où sont logées 
des cellules connectives, et ces cellules se voient principalement aux points 
nodaux du réticulum. Dans les travées plus épaisses on rencontre des capillaires, 
des artères, des veines, des Iymphatiques et une proportion variable de tissu cellulo- 
adipeux, celui-ci représentant en quelque sorte le tissu cellulaire sous-périto- 
néal. Y a-t-il ou non des fibres élastiques dans le grand épiploon comme dans le 
reste du péritoine ? les auteurs sont muets à cet égard, et M. Ranvier lui-même, 
qui a donné de si belles figures de cette membrane, n’en fait pas mention. Ainsi 
que je m'en suis assuré, elles manquent incontestablement dans l'épiploon du 
nouveau-né, sauf peut-être au pourtour des vaisseaux de quelque importance 
où l'on en rencontre de très-fines ; mais il est difficile alors de décider si elles 
appartiennent réellement à la séreuse, et non pas plutôt aux vaisseaux eux- 
mêmes. Elles existent au contraire chez l’adulte, non-seulement à la surface des 
travées vasculaires principales où elles forment un réseau à mailles allongées 
dans le sens du vaisseau, mais aussi dans les plus petites travées, dans celles 
qui ne sont formées que par un seul faisceau conjonctif. En général, et malgré 
les flexuosités qu’elles présentent même quand la membrane a été modérément 
tendue, leur direction est à peu près parallèle à l'axe des travées, mais parfois 
elles forment une spire irrégulière autour de celles-ci. Elles semblent noyées 
dans la substance amorphe sous-épithéliale. Parfois elles se disposent à la sur- 
face des travées sous la forme de véritables pelotons aplatis et très-em- 
brouillés. 

Le grand épiploon du lapin n’est pas réticuié, mais simplement troué de dis- 
tance en distance et d'une manière irrégulière; on observe dans sa trame un 
plus grand nombre de cellules connectives que chez l'homme, principalement 
au niveau des taches que M. Ranvier a désignées sous le nom de taches laiteuses 
en raison de leur opacité relative. Ces cellules, contenant un noyau aplati et 
ovalaire, sont formées par une lame de protoplasma granuleux et possèdent un 
contour irrégulier terminé le plus souvent par deux prolongements très-allongés. 
Au niveau des taches se rencontrent encore des cellules lymphatiques qui sont 
accumulées en grand nombre entre les faisceaux et les ont écartés. Chez d’autres 
animaux à épiploon bien réticulé, chez le marsouin, par exemple, on trouve des 
formations analogues aux taches laiteuses; elles constituent alors sur les plus 
grosses travées des renflements fusiformes produits par une accumulation de 


PÉRITOINE (misrococte). 267 


cellules lymphatiques au-dessous de l’endothélium et entre les faisceaux de 
tissu conjonctif (Ranvier). 

Nous n'insisterons pas sur la substance amorphe qui revêt les travées et en 
relie les faisceaux les uns aux autres. On la voit difficilement à l’état frais, 
sauf au niveau des angles rentrants formés par l’entre-croisement des travées; 
elle émousse ces angles et arrondit plus ou moins les mailles. On la voit beau- 
coup mieux sur une préparation desséchée. 

L'épithélium du grand épiploon, formé de cellules analogues à celles que nous 
avons décrites pour le péritoine en général, présente un arrangement tout 
spécial que les imprégnations d'argent mettent bien en évidence. Il se moule à 
la surface des travées comme le ferait un vernis souple ; parfois une seule cel- 
lule suffit à revêtir complétement une travée : pour cela elle s'enroule tout 
autour, se soude par deux de ses bords opposés suivant une ligne plus où 
. moins parallèle à la travée et forme ainsi une véritable gaine uni-cellulaire 
dont le noyau se profile généralement sur le contour intérieur des mailles. Les 
lignes noires marquant les limites cellulaires sont très-irrégulières sur les 
petites travées et ne prennent de la régularité que sur les plus grosses, là où 
il y a assez de surface pour loger plusieurs cellules. En tout cas le revêtement 
y est continu. 

Au niveau des taches laiteuses de l'épiploon du lapin, « les lignes de sépara- 
tion des cellules sont très-sinueuses, elles sont occupées par des taches noires 
qui correspondent à des amas d'albuminate d'argent et par des cellules lym- 
phatiques maintenues en place par l'imprégnation. L'irrégularité de lendo- 
thélium provient de ce que les cellules lymphatiques de la lymphe péritonéale 
et celles des taches laiteuses le traversent constamment » (Ranvier). 

MM. Tourneux et Herrmann ont observé sur l’épiploon du cobaye, après Klein 
toutefois, des filaments grèles et granuleux, portant d'espace en espace des 
amas cellulaires. Ces filaments s'anastomosent parfois entre eux et se relient 
par de minces prolongements aux travées de l’épiploon; les cellules qu'ils sup- 
portent diffèrent de l’épithélium péritonéal ; elles sont sphériques, légèrement 
granuleuses avec noyaux volumineux souvent en bissac et parfois multiples; 
les groupes qu’elles forment peuvent être fixés directement à la surface des 
travées. Pour ces auteurs ce sont des résultats de la prolifération des cellules 
épithéliales (germinating endothelium de Klein). Ces cellules se gonfleraient 
d’abord, puis leur noyau s'étrangle, se divise et entraine une partie du proto- 
plasma pour constituer une cellule nouvelle qui reste fixée à la travée par un 
pédicule; cette cellule pédiculée, en donnant naissance à d’autres, constituerait 
Tamas définitif. A 

Kölliker avait déjà vu et décrit des amas de cellules de ce genre sur le péri- 
toine de l’homme. J'ai eu moi-même l'occasion dernièrement de faire la même 
constatation sur le grand épiploon d'un phthisique mort à l’âge de trente-cinq 
ans et autopsié huit ou dix heures après; seulement cet épiploon n'était pas 
dans un élat absolument normal : on n'y voyait pas d'inflammation à l'œil 
nu, mais on y rencontrait de petits tubercules [à l’état naissant, visibles 
seulement au microscope et fort discrètement semés; la genèse de ces petits 
nodules inflammatoires avait-elle suffi à provoquer un surcroît d'activité dans 
les cellules épithéliales ? C’est probable, car beaucoup de ces cellules présen- 
taient des noyaux en voie de division ou complétement divisés et munis de 
nucléoles fort apparents; on voyait aussi çà et là des filaments grêles à peu près 


208 PÉRITOINE (misroLocie). 


analogues à ceux de Klein et porteurs de quelques éléments très-granuleux, 
mais ce qu'il y avait de plus remarquable, c'était la transformation fréquente 
des cellules épithéliales en cellules géantes; tantôt celles-ci étaient restées 
étalées sur les travées, tantôt elles paraissaient s’en être incomplétement déta- 
chées pour venir occuper en partie ou en totalité l'aire des mailles adjacentes; 
on y rencontrait de nombreux noyaux nucléolés (jusqu'à quarante dans quelques- 
unes) disséminés sans ordre dans un protoplasma très-transparent et finement 
granuleux. Cette transformation avait lieu aussi bien et même plus souvent à 
distance des tubercules que dans leur voisinage, plutôt sur les travées invas- 
culaires que sur les travées vasculaires; il nous paraît rationnel de l'envisager 
comme la manifestation dans les cellules endothéliales d’une activité procréa- 
trice limitée à la division des noyaux et incapable d'aller jusqu’à la division 
des cellules. 

Nous verrons, en parlant du développement, de quelle manière se forment les 
trous du grand épiploon. 

Centre phrénique. Recklinghausen démontra en 1863 que des liquides 
variés et même des particules solides peuvent traverser le péritoine qui tapisse 
le centre phrénique pour pénétrer dans les lymphatiques sous-jacents, et il 
admit pour expliquer ce fait que « les lymphatiques superficiels de la face 
péritoncale du centre phrénique communiquaient avec la surface de la cavité 
abdominale par des ouvertures ayant un diamètre à peu près double de celui des 
globules rouges du sang et situées entre les cellules épithéliales, notamment en 
des points où viennent converger plusieurs de ces dernières ». Cette hypothèse 
a été le point de départ de nombreux travaux ayant pour but l'étude de ces 
bouches absorbantes ; « les histologistes ont cherché à voir les pertuis que l’on 
supposait devoir exister sur cette face péritonéale, mais jusqu'à présent personne 
n'y a réussi » (Ranvier, technique d’histologie, p. 391). 

Il y a cependant sur le centre phrénique une disposition spéciale de l'épi- 
thélium et de la trame péritonéale qui a fait admettre par certains auteurs 
l'existence de communications directes entre le péritome et les lymphatiques ; 
les figures produites par cette disposition ont reçu le nom de puits lympha- 
tiques : elles ont été observées principalement sur le centre phrénique du lapin. 

Or, sur le lapin, le centre phrénique se compose d'une aponévrose plate et 
mince tapissée en haut par la plèvre, en bas par le péritoine. Cette aponévrose, 
véritable tendon aplati, est formée de deux couches de faisceaux tendineux dont 
la direction est circulaire, concentrique dans la couche supérieure, rayonnée 
dans la couche inférieure sous-péritonéale, en sorte qu'ils se croisent à peu près 
à angle droit. Les faisceaux de la couche inférieure ne sont pas tout à fait con- 
tigus ; ils laissent entre eux des fentes allongées au niveau desquelles le péri- 
toine se déprime légèrement en passant de l'un à l'autre. Ces fentes sont en 
réalité des espaces prismatiques quadrangulaires limités latéralement par des 
faisceaux tendineux, profondément par le plan de fibres circulaires, superfi- 
ciellement par le péritoine. Elles sont tapissées sur toutes leurs parois par 
l'endothélium des lymphatiques qui présente cette particularité d’avoir des cel- 
lules dentelées et très-irrégulières sur Ja paroi Juxta-péritonéale de l’espace, 
tandis qu’elles sont à peine sinueuses sur la paroi profonde (Tourneux et Herr- 
mann). Elles constituent donc de véritables espaces Iymphatiques sous-périto- 
néaux et communiquent avec les lymphatiques sous-pleuraux à travers les 
interstices des faisceaux du plan circulaire. 


PÉRITOINE (nisrococie). 269 


La question est de savoir si ces espaces communiquent librement avec la 
cavité péritonéale, et si l’épithélium péritonéal se continue avec l'endothélium 
des lymphatiques. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'à leur niveau on trouve sur 
la séreuse des îlots ou des trainées de cellules épithéliales plus petites et plus 
arrondies qui ne sont pas situées sur le même plan que les cellules voisines, 
mais se dépriment vers les fentes pour constituer des espèces d'enfoncements 
en doigt de gant, dont le fond confine à l’endothélium lymphatique. Ces enfon- 
cements sont les puits lymphatiques de M. Ranvier. Pour lui, « il y a sur la 
face péritonéale du centre phrénique des orifices bouchés par des cellules molles 
d'une autre forme que les cellules endothéliales et arrangées d’une autre façon. 
Ces cellules sont des cellules lymphatiques. Elles se trouvent disposées à 
l'orifice de canaux ou de puits dont la paroi est elle-même garnie d'une rangée 
de cellules semblables. Les puits du centre phrénique établissent une commu- 
nication directe entre la cavité péritonéale et les fentes lymphatiques.... Les 
petites cellules lymphatiques qui occupent les orifices des puits ne les ferment 
pas d’une manière complète. Elles sont faciles à déplacer et peuvent même 
pénétrer dans les voies Iÿmphatiques ou tomber dans la cavité péritonéale pour 
laisser complétement libre l'orifice lymphatique. » 

Klein considère ces puits comme des canaux de communication toujours 
béants entre le péritoine et les Iymphatiques, et il admet formellement la con- 
tinuité de l’épithélium péritonéal avec l'endothélium de ces vaisseaux, tout en 
reconnaissant cependant que les cellules pariétales de ces canaux ont les carac- 
tères de cellules jeunes et diffèrent des autres par leur état granuleux, leurs 
dimensions réduites et leur forme polyédrique. 

Par contre, MM. Tourneux et Herrmann repoussent absolument et l'opinion 
de M. Ranvier et celle de Klein. Pour eux les puits lymphatiques du premier et 
les canaux de communication du second doivent ètre rattachés à une proliféra- 
tion cellulaire. En proliférant, l'épithélium péritonéal produit ici des agglomé- 
rations composées d'éléments sphériques ou à peu près, et comparables à celles 
que l’on observe sur le grand épiploon; ces agglomérations ou bien font 
saillie dans la cavité péritonéale ou bien s'enfoncent vers les fentes lymphatiques ; 
dans ce dernier cas elles peuvent produire des apparences de puits fermés, mais 
elles ne sont pas canalisées. Ce sont des masses pleines, de forme irrégulière, 
enfoncées perpendiculairement ou obliquement, et composées par un nombre 
variable de cellules (de 4 à 20) qui ne sont pas des leucocytes. Ils décrivent 
cependant des dépressions en doigt de gant de la couche épithéliale, dépressions 
qui vont parfois presque jusqu'à la plèvre, tout en restant tapissées compléte- 
ment par des cellules épithéliales, même au niveau de leur fond. 
= Or ces dernières ressemblent évidemment aux puits de M. Ranvier. Sont-elles 

en réalité de simples centres de prolifération cellulaire, comme le veulent 
MM. Tourneux et Herrmann ? Mais alors pourquoi ne sont-elles pas des masses 
compactes de cellules comme les autres agglomérations qu'ils décrivent ? Il y a 
évidemment une différence capitale entre les excavations de la couche épithé- 
liale et les masses cellulaires pleines situées à la surface ou dans l'épaisseur de 
la membrane; on peut admettre que celles-ci soient exclusivement des centres 
de prolifération; il ne me paraît pas, rationnel de l’admettre pour celles-là. Je 
dirai plus : l'idée de considérer les excavations de l’épithélium comme des 
centres de prolifération s'explique difficilement: elle suppose en effet une pro- 
duction constante d'éléments épithéliaux sur des points circonscrits, mais alors 


270 PÉRITOINE (m1STOLOGIE). 


que deviennent ces cellules incessamment formées? ni MM. Tourneux et Herr- 
mann, ni Ch. Robin qui a adopté leur opinion, ne nous le disent. Dans le revé- 
tement de certains kystes séreux, on voit des centres de prolifération manifestes 
formés par des groupes de cellules qui se divisent, et l'on en saisit très-bien le 
rôle, puisque l'ampliation graduelle de la poche nécessite la formation d'un 
nombre croissant de cellules épithéliales. Chez l'adulte, au contraire, le dia- 
phragme n’augmente pas en surface. À quoi serviraient alors des centres de 
prolifération aussi rapprochés que le sont les puits lymphatiques ? En supposant 
que ces puits soient entièrement tapissés par l'épithélium péritonéal, il n’est 
pas nécessaire pour expliquer la forme de cet épithélium d'admettre qu'il est 
en voie de multiplication constante ; il serait à mon sens plus logique de penser 
qu'il a gardé dans ces excavations soustraites aux frottements quelque chose 
des caractères qu’il possédait pendant la vie embryonnaire. 

Quoi qu'il en soit de ces diverses opinions, il faut retenir ce fait important 
que la couche épithéliale du centre phrénique présente des excavations dirigées 
vers les lymphatiques et que les cellules qui tapissent ces excavations sont 
autres que celles du revêtement général. Elles sont de nature lymphatique pour 
M. Ranvier et se laissent facilement écarter; pour MM. Tourneux et Herrmann 
elles sont de nature épithéliale, mais ils ne leur refusent pas la faculté de se 
Jaisser disjoindre. C’est à leur niveau que Recklinghausen, Œdmansson, 
Krause, etc., ont vu des stomates. Il est donc fort probable que ces excava- 
tions ont un rôle à jouer dans les relations de la séreuse avec les Iymphatiques 
sous-Jacents. 

Enfin, disons pour terminer que l'on a rencontré des puits lymphatiques en 
d'autres points de la séreuse chez les Batraciens ; ils siégent au niveau des sacs 
lymphatiques si développés que ces animaux possèdent sous le péritoine et ils 
offrent en somme une grande analogie avec ceux du centre phrénique; nous ne 
nous arrêterons pas à les décrire, et nous nous bornerons à constater qu'ils ont 
suscité les mêmes opinions que les précédents. Schweigger-Seidel et Dogiel, qui les 
découvrirent, les virent toujours ouverts. M. Ranvier dit qu’ « il ne s’agit pas 
là d’un orifice béant toujours ouvert, mais d’une sorte de soupape à lèvres 
mobiles que les cellules lymphatiques peuvent écarter et dépasser pour franchir 
la membrane péritonéale et arriver dans la citerne lymphatique ». MM. Tour- 
neux et Herrmann, fidèles à leur idée, affirment qu'ils sont tapissés compléte- 
ment par des cellules épithéliales en voie de prolifération au-dessous desquelles 
se voit le plus souvent, au fond du puits, la trame péritonéale. Ils en ont décrit 
cependant quelques-uns dans lesquels les cellules du fond sont les seules bar- 
rières entre la cavité péritonéale et celle du sac lymphatique; une face de ces 
cellules appartient au péritoine, l'autre aux lymphatiques ; leur chute laisse 
un trou béant; leur segmentation pourrait peut-être fournir à la fois au revê- ` 
tement lymphatique et au revêtement péritonéal, mais ce n'est là pour eux 
qu'une hypothèse, Il est curieux néanmoins de constater que cette hypothèse 
les ramène bien près de la théorie de M. Ranvier qu'ils n'admettent pas. 

Vaisseaux du péritoine. — Le péritoine est peu vasculaire : les artères et 
les veines qui président à sa nutrition ne lui appartiennent pas en propre; elles 
proviennent des branches destinées aux organes sous-jacents, c’est-à-dire de 
sources très-diverses, et rampent au-dessous du réseau élastique profond de 
Robin, dans le tissu cellulaire sous-péritonéal. Le grand épiploon lui-même, 
d'apparence pourtant bien vasculaire, n'échappe pas à la loi générale : ses artères 


PÉRITOINE (misroocte). 271 


et ses veines, ne siégeant que dans les travées principales, y sont noyées dans 
un tissu cellulo-adipeux, véritable représentant du tissu cellulaire sous-péri- 
tonéal. 

En réalité, le péritoine ne possède, en fait de vaisseaux sanguins, que des capil- 
laires qui forment dans son épaisseur des mailles assez larges. Jamais ces vais- 
seaux n’atteignent absolument la surface, mais ils peuvent s’en rapprocher 
beaucoup. Il faut remarquer toutefois que des portions relativement étendues 
de la membrane peuvent être totalement invasculaires, par exemple, certains 
départements de l’épiploon chez l’homme et chez beaucoup d'animaux; d'autre 
part, lorsque ces derniers sont de petite taille et que leur péritoine est mince, 
il ne possède pas de vaisseaux, ainsi que M: Ranvier l'a démontré pour les 
feuillets qui tapissent le mésentère du lapin. En somme, les capillaires semblent 
n’apparaître dans cette séreuse que quand elle présente une certaine épaisseur. 

Le péritoine possède-t-il des lymphatiques qui lui soient propres? « Quelques 
auteurs lui en attribuent, dit M. Sappey, mais la séreuse abdominale, de même 
que toutes les autres, ne possède aucun vaisseau de cet ordre ; ceux qui sem- 
blent en provenir naissent des parties sous-jacentes auxquelles il importe de les 
restituer. » On injecte en effet facilement des réseaux lymphatiques au niveau 
des viscères, tandis que l’on ne peut pas en injecter au niveau des parois par 
les procédés habituels. Est-ce à dire pour cela que les réseaux viscéraux n'aient 
aucune relation avec la séreuse qui les recouvre? Ils ont certainement avec elle 
des rapports de contiguité et, comme elle est fort mince, on comprend qu’elle 
puisse les utiliser pour son propre compte, si cela est nécessaire, et sans pos- 
séder de réseaux propres. D'autre part les expériences entreprises par différents 
auteurs pour étudier l'absorption dans le péritoine du lapin ont démontré, en 
certains points de la paroi, l'existence de vaisseaux lymphatiques qui semblent 
être spécialement affectés à la séreuse. Nous parlerons de ces expériences en 
étudiant la physiologie, et nous nous bornerons maintenant à en constater le 
résultat anatomique. 

C'est au niveau du centre phrénique surtout et peut-être également au 
niveau du plancher pelvien que se trouvent ces réseaux spéciaux. Ceux du plan- 
cher pelvien n'ont été vus que par Grenet (thèse de Lyon, 1883) entre le rec- 
tum et la vessie; ils sont encore mal étudiés. Ceux du centre phrénique ont été 
vus par Recklinghausen, Schweigger-Seidel , Ludwig, Ranvier, Tourneux et 
Herrmann, et d’autres parmi lesquels il faut citer Dubar et Remy, qui en ont donné 
en substance la description suivante. Pour eux, ces lymphatiques sont disposés 
en trois réseaux superposés qui communiquent l'un avec l’autre et aboutissent 
à la face pleurale du diaphragme. Le premier réseau est situé sous le péri- 
toine et se compose de mailles larges et irrégulières formées par des vaisseaux 
tortueux, munis d’ampoules latérales, alternativement dilatés et rétrécis, plus 
volumineux en tout cas que les vaisseaux sanguins; ils ont de nombreuses val- 
vules ; ils croisent fréquemment les faisceaux tendineux. Le réseau moyen, placé 
entre les faisceaux tendineux, présente des vaisseaux plus réguliers et linéaires 
qui forment un fin quadrillage et constituent les fentes Iymphatiques de 
M. Ranvier. Le troisième réseau est sous-pleural et ne doit nous occuper que 
parce qu'il est l'aboutissant du second et par lui du premier; il nous suffira de 
dire que les vaisseaux qui le forment vont en définitive aboutir, les uns aux 
ganglions voisins de la veine sous-clavière en suivant le trajet de l'artère mam- 
mare interne, les autres au canal thoracique qu’ils aborderaient directement, 


272 PÉRITOINE (æisrorocte). 


d’après MM. Dubar et Remy, et d'après Grenct, après avoir passé par un petit 
ganglion, ce qui serait plus conforme à la loi générale.  * 

Le réseau superficiel paraît appartenir en propre au péritoine, car il est 
presque sous-jacent à l'épithélium séreux dont il n'est séparé que par la couche 
limitante sous-épithéliale, mais à son niveau l'épithélium péritonéal ne présente 
aucune particularité. Le réseau intertendineux. quoique plus profond, parait 
également en relations intimes avec la séreuse, puisque c'est vers lui que 
l'épithélium s'invagine en donnant les apparences de puits lymphatiques. Quant 
au réseau sous-pleural, il n'est évidemment destiné qu’à la conduction des 
liquides que les deux autres lui amènent. 

On n'a pas injecté ces vaisseaux sur l’homme, mais on a cité des faits patho- 
logiques qui démontrent que chez lui le diaphragme possède des lymphatiques 
où pénètrent les liquides produits dans le péritoine. 

Nerfs du péritoine. De nombreux filets nerveux accompagnent les vaisseaux 
sous-péritonéaux, mais, comme ces derniers ne sont pas propres à la séreuse, on 
ne peut pas considérer leurs nerfs satellites comme spécialement affectés au 
péritoine : ils paraissent être avant tout des nerfs vasculaires. Dans leur trajet 
sous- péritonéal, ils présentent cependant des corpuscules de Pacini en certains 
points, ainsi que Ch. Robin la démontré pour le mésentère du chat, démonstra- 
tion qui a été faite depuis pour divers carnassiers; mais ces corpuscules, nous 
dit cet histologiste, « n'appartiennent pas au péritoine même : ils siégent dans 
les tissus cellulaires et adipeux interposés aux deux feuillets séreux ; ils sont 
sous-séreux, terminaisons des nerfs du tissu cellulaire, en un mot ». 

D'autre part, ces nerfs vasculaires émettent vers la séreuse des filets qui en 
franchissent la couche élastique profonde et viennent se terminer dans la mem- 
brane. Ces filets ont été décrits par L. Jullien (Lyon medical, 1872), qui les a 
étudiés sur l'épiploon et sur le feuillet qui tapisse la face antérieure de l'estomac 
près de ses bords. D'après lui, en traitant cette membrane par le chlorure d'or 
et l’hématoxyline, on y voit un réseau de fibres nerveuses pâles, dépourvues de 
myéline et mesurant de 2 à 5 u de diamètre. Ces fibres, un peu réfringentes, se 
renflent de distance en distance et acquièrent un maximum de 5 à 6 w; elles se 
divisent parfois au niveau des renflements qui possèdent un noyau ovoïde et 
allongé, en sorte que les points nodaux du réticulum paraissent occupés par de 
petites cellules ganglionnaires à trois prolongements. Un réseau de ce genre se 
rencontrerait à la fois dans la séreuse elle-même et au-dessous d’elle et, quoi 
qu'il en soit, pourrait être considéré comme un réseau de distribution des élé- 
mentis terminaux. 

Ceux-ci sont reliés au réseau par un pédicule très-grèle, fibrille longue de 
quelques centièmes de millimètre : ils consistent en renflements piriformes que 
Jullien désigne sous le nom de « capsules nerveuses ». On y distingue une enve- 
loppe légèrement refringente, plus claire, et un contenu homogène qui semble 
être une cellule en continuité de substance avec la fibrille pédicule. Du pôle 
opposé à l'insertion de cette dernière part un filament de même diamètre, long 
de 10 à 50 p, qui se termine en un bouton sphérique ou en une pyramide à 
base finale. Parfois la capsule n'existe pas et le bouton forme seul l'extrémité de 
la fibre. Cb. Robin fait des réserves sur le volume attribué par Jullien à la 
« capsule nerveuse ». 

Si nous avons bien compris la description de L. Jullien, ces éléments seraient 
situés sous l’épithélinm. 


PÉRITOINE (DÉvELOPPEMENT). 275 


8 IT. Développement. Le développement du péritoine est une question 
assez complexe : elle comprend, en effet, la formation de la cavité péritonéale, 
la génèse des éléments de la membrane, l'origine de ses replis et les différentes 
phases par lesquelles ils passent pour acquérir leur physionomie définitive. 
De ces quatre questions, les deux premières sont spéciales au péritoine, les deux 
autres sont plus où moins intimement en rapport avec le développement du 
tube digestif, ainsi que nous le verrons. 

1° Formation de la cavité. Le premier rudiment de cette cavité est une 
fissure qui se montre de très-bonne heure dans le feuillet moyen du blastoderme 
et le divise, comme par une sorte de clivage, en deux lames dont l’une (lame 
musculo-dermique) reste adhérente an feuillet externe pour constituer la soma- 
topleure et dont l’autre (lame fibro-intestinale) forme la splanchnopleure en 
restant attachée au feuillet interne (voy. fig. 1, p. 253). 

Toutelois le dédoublement n’a pas lieu le long de la corde dorsale ; il reste à 
ce niveau une trainée de substance mésodermique indivise qui constitue la pre- 
mière ébauche du mésentère. On peut donc se représenter la fissure ou cœlome, 
à ce moment, comme une cavité aplatie, disposée sous forme d'anneau allongé 
au pourtour de l'axe de l'aire embryonnaire et séparée incomplétement sur la 
ligne médiane en deux moitiés latérales qui communiquent ensemble aux deux 
extrémités de l'ovale (voy. fig, 7, p. 255). 

Bientôt les bords de l'aire embryonnaire s'incurvent en avant, en commençant 
par l'extrémité céphalique ; cette incurvation produit successivement les replis 
céphalique, caudal et latéraux ; l'embryon prend la forme d'une petite nacelle 
renversée sur le vitellus, et de cette façon la vésicule blastodermique initiale se 
trouve décomposée en deux vésicules secondaires par un étranglement qui tend 
à se rétrécir de plus en pius et deviendra plus tard l’ombilic. Au niveau de 
l'étranglement, la fissure du mésoderme existe, en sorte que le cœlome se trouve 
lui aussi divisé en deux portions : une portion extra-embryonnaire ou cœælome 
externe qui fait partie des annexes de l'embryon et disparaîtra, et une portion 
intra-embryonnaire. C'est cette dernière qui constitue la deuxième phase de la 
cavité péritonéale : elle prend le nom de cavité pleuro-péritonéale ; c'est d'elle 
que se formeront les trois grandes cavités séreuses du péricarde, de la plèvre et 
du péritoine, mais elle est d’abord une cavité Indivise qui ne contient dans le 
principe que l'intestin et le cœur, qui contiendra seulement un peu plus tard 
les poumons et qui ne se cloisonnera que postérieurement. 

La forme et la disposition de la cavité pleuro- péritonéale sont très-simples; 
elles se déduisent facilement de celles de l'intestin primitif. On sait que ce der- 
nier, d'abord simple gouttière formée par la splanchnopleure, se transforme 
rapidement en un tube rectiligne fermé aux deux bouts, mais pourvu en avant, à 
sa partie moyenne, d'une large tubulure qui est le canal vitello-intestinal. 
D'autre part, et en négligeant les détails, on peut réduire schématiquement les 
parois du corps à un tube analogue, de sorte que l'embryon soit en somme 
constitué par deux tubes de même forme, emboîtés l’un sur l'autre et indépen- 
dants l'un de l’autre, sauf au niveau du mésentère primitif qui est leur seul trait 
d'union. La cavité pleuro-péritonéale est l'espace en forme de sinus arrondi qui 
assure l'indépendance de ces deux tubes ; disposée tout autour de l'intestin, elle 


1 Nous renverrons, lorsqu'il sera nécessaire, aux figures données par Ch. Robin et Cadiat 
à l'art. Séreux de ce Dictionnaire. 


DICT. ENC. 2° s. XXII. 18 


274 PÉRITOINE (DÉVELOPPEMENT). 


est cloisonnée en ärrière dans toute sa longueur par le mésentère primitif qui 
se prolonge en outre sur le fond et un peu sur la face ventrale du cul-de-sac 
intestinal antérieur, de façon à lui former une sorte de méso antérieur très-court 
(fig. 8, p. 255). 

Le cœur est placé à l'extrémité inférieure de ce méso antérieur, entre Ja paroi 
intestinale en arrière et la paroi somatique en avant, au-dessus du canal vitello- 
intestinal qui constitue comme le plancher de la future loge péricardique. 

Celle-ci communique d’abord largement de chaque côté avec la cavité pleuro- 
périlonéale, puis elle s’en sépare par un mécanisme encore discuté, mais qui a 
pour effet la constitution de deux cloisons latérales, descendant directement du 
sommet sur le plancher de la cavité. Il s'ensuit qu'en dehors de ces cloisons, 
entre elles et le mésentère, se trouve de chaque côté un diverticule de la cavité 
pleuro-péritonéale; c’est la plèvre future qui se fermera inférieurement par le 
mécanisme suivant : 

Dans le plancher de la loge ter formé par la paroi supérieure du 
canal vitello-intestinal, se produit un épaississement de la lame fibro-intestinale; 
l'intestin y envoie des bourgeons pour constituer le foie et 1l en résulte une 
masse transversalemeut située, massa lransversa de Uskow, qui augmente gra- 
duellement d'étendue; d’abord située en avant seulement de l'intestin, elle 
s'étale ensuite latéralement et d'avant en arrière, se soudant par ses bords aux 
parois somatiques au fur et à mesure qu'elle les rencontre. Ainsi se formerait le 
diaphragme d'après la majorité des auteurs. Uskow pense que la masse trans- 
verse ne sert qu'à la constitution de la partie antérieure du diaphragme; pour 
lui la partie postérieure de cette cloison serait formée par la persistance à ce 
niveau d’une cloison mésodermique qui n'aurait pas été dédoublée lors de la 
fissuration du cœlome. Quoi qu'il en soit, le diaphragme ne se forme pas toujours 
régulièrement ni complétement, et il en résulte soit d'un côté seulement, soit 
des deux côtés à la fois, une communication permanente entre la plèvre et le 
péritoine ; c'est par là que se fait la hernie diaphragmatique congénitale. 

L'achèvement du diaphragme cloisonne définitivement par en haut la cavité 
péritonéale, et plus tard la fermeture de l'ombilic cutané supprimera complé- 
tement toute communication de la cavité péritonéale avec les annexes du fœtus. 
Mais l'oblitération de l'ombilic peut manquer; le travail qui y préside s'arrête 
à une période plus ou moins avancée de son évolution, en sorte que la cavité 
péritonéale continue à communiquer avec le cælome externe d’une façon parfois 
très-large. La persistance de ces relations est l’origine de certaines variétés de 
la hernie ombilicale. 

En résumé, nous voyons la cavité’ pleuro-péritonéale se cloisonner successi- 
vement en quatre parties, le péricarde, les plèvres et le péritoine. Celui-ci se 
ferme ensuite au niveau de l’ombilic, mais avant de se fermer de ce côté il 
s'ouvre d’un autre, chez la femme du moins, par l'établissement des canaux 
de Müller ou des trompes utérines. L'histoire de cette formation appartient à 
l'étude des organes génitaux plutôt qu’à l'étude du péritoine : nous ne nous en 
occuperons donc pas et nous passerons également sous silence les quelques 
notions d'anatomie comparée qui se rapportent à notre sujet, car il en a été 
parlé suffisamment à l'article SÉreux. 

2° Formation des éléments de la séreuse. « Le péritoine ne nait pas SE 
la forme d’un sac initialement clos dans lequel les viscères viendraient s’inva- 
giuer ; il se développe en totalité sur place, le feuillet viscéral aussi bien que le 


PÉRITOINE (DÉVELOPPEMENT). 279 


feuillet pariétal » (Kölliker). La cavité existe done avant que la membrane 
séreuse soit seulement indiquée. Bientôt cependant des éléments épithéliaux 
apparaissent en couche continue sur la paroi de la fissure du feuillet moyen; 
Ch. Robin les dit aplatis et disposés sur une seule couche lors de leur appari- 
tion; pour lui, ils ne proviennent pas des cellules du mésoderme sous-jacent, 
ils naissent par genèse dans une couche de substance homogène épithéliale; le 
noyau de chaque cellule apparaît d’abord, et c'est seulement après que la 
substance homogène se segmente en autant de cellules qu'il y a de noyaux. 
Pour la plupart des histologistes, au contraire, ce sont les éléments les plus 
internes des deux lames mésodermiques, ceux qui bordent la fissure, qui se 
différencient des autres pour former cet épithélium. Ils sont d’abord cubiques 
en général et forment une rangée unique de hauteur variable selon les points ; 
ils sont cylindriques dans la région des organes génitaux où ils prennent le 
nom d'épithélium germinatif que Waldeyer leur a donné, seulement la caracté- 
istique de l’épithélum germinatif ne réside pas dans la forme cylindrique; la 
différence de forme n'indique à elle seule ni une provenance ni une fonction 
différentes, car « un épithélium de ce genre, c'est-à-dire épais, à cellules 
cylindriques, se retrouve à beaucoup d’autres places encore de la cavité pleuro- 
péritonéale, par exemple, dans la région cardio-pulmonaire, dans la région du 
foie et du pancréas et enfin dans le bassin, sans qu'il y ait quelque rapport entre 
cet épithélium et les organes sexuels » (Kölliker). Kölliker considère donc 
Pépithélium germinatif comme une partie de l’épithélium péritonéal, ayant des 
rapports spéciaux avec les organes génitaux et n'étant nullement une formation 
à part. On a du reste beaucoup discuté sur la nature de l'épithélum germinatif, 
mais ce n'est pas ici le lieu d'en parler davantage et, quoi qu'il en soit, on voit 
les cellules primitives du revêtement péritonéal s'aplatir partout ailleurs que 
sur l'ovaire, au moins chez les Mammifères, pour acquérir leur forme définitive. 
S'agit-il en cela d'une réduction en hauteur des éléments primitivement cylin- 
driques, ou bien y a-t-il disparition de ces éléments par atrophie et leur rempla- 
cement par des cellules plates du tissu {sous-jacent? Kölliker, Herrmann, etc., 
soutiennent la première opinion, la seconde est appuyée par Valdeyer et Romiti. 

Quant à la trame même de la membrane, elle se constitue postérieurement 
à l'épithélium aux dépens des éléments mésodermiques sous-jacents. A ce sujet, 
Kölliker fait remarquer que « la couche interne des lames cutanées abdominales, 
quand une fois les produits des protovertèbres ont fait invasion dans ces lames, 
semble se convertir tout entière en l’assise du péritoine, de même aussi que les 
lames médianes, dans la partie qui se convertit en mésentère, ne fournissent 
essentiellement que le péritoine. » Cette opinion est contraire à celle de Schenk 
pour qui le feuillet fibro-intestinal donne uniquement l’endothélium péritonéal 
sans participer à la formation des autres couches de l'intestin. Parmi les élé- 
ments de la trame, les fibres élastiques se montrent bien plus tard que les 
fibres conjonctives ; à la naissance on en trouve déjà dans le mésentère, mais 
elles y sont rares et fines, difficiles à voir; on n'en trouve pas encore à cette 
époque dans le grand épiploon où elles ne paraissent que plus tard, à une 
période indéterminée de la vie; elles sont beaucoup plus abondantes dans l'épi- 
ploon des vieillards que dans celui de l'adulte, ainsi que je l'ai observé. Si l’on 
veut conclure de l'épiploon aux autres portions de la séreuse où le contrôle de 
ce fait (augmentation du nombre des fibres élastiques avec l’âge) est difficile, 
il faudra admettre la production constante de ces éléments jusqu'au terme de 


12 


76 PERITOINE (DÉVELOPPEMENT). 


l'existence. Avec l’âge, dit Ch. Robin, et en dehors de tout état morbide, l’épais- 
seur des séreuses augmente, leur souplesse diminue, mais leur ténacité et leur 
résistance aux agents physiques et chimiques s’accroissent. 

5° Origine des replis du péritoine. Tous ou presque tous dérivent du 
mésentère primitif, c'est-à-dire de cette bande de tissu mésoblastique qui est 
située dans l'axe de l'embryon et qui a été respectée lors de la fissuration du 
feuillet moyen ; toutefois la descendance ne paraît pas toujours très-directe, à 
cause des changements considérables que le tube digestif introduit, en se déve- 
loppant, dans le repli qui le fixe à la colonne vertébrale. Il faut faire observer 
tout d'abord que le mésentère primitif n’est pas exclusivement destiné au péri- 
toine; sa portion supérieure prend part à la formation du médiastin et se sépare 
de la portion inférieure, ou mésentère abdominal proprement dit, quand le 
diaphragme se constitue. 

Cette portion inférieure se présente d'abord avec la même configuration dans 
toute son étendue, mais, sitôt que se différencient les principaux segments du 
tube intestinal, elle subit des modifications qui sont corrélatives de celles de 
l'intestin et elle se décompose en plusieurs segments qui sont du reste en par- 
faite continuité les uns avec les autres. Deux surtout méritent d’attirer latten- 
tion par le grand développement qu'ils prendront daus la suite et par les dévia- 
tions dont ils seront le siége : c'est d’abord le segment stomacal ou mésogastre, 
puis celui qui se fixe à l'anse intestinale dont se formeront l'intestin grêle et le 
gros intestin ; les autres, situés en arrière du duodénum et du rectum, se modi- 
lient fort peu et même celui du duodénum disparait complétement par la suite, 
en sorte que le duodénum se trouve être dès le principe le point le plus stable 
du tube digestif. Cette stabilité et cette fixité du duodénum à toutes les périodes 
de la vie s'explique très-bien, si l’on songe que pendant la période embryonnaire 
il donne naissance au foie et au pancréas, et que plus tard il continue à recevoir 
les canaux excréteurs de ces organes. Or le foie naît de la partie antérieure du 
duodénum sous forme de bourgeons épithéliaux qui pénètrent dans un épaissis- 
sement de la lame fibro-intestinale, laquelle est plus ou moins confondue avec 
le diaphragme ; au-dessous de ces bourgeons l'intestin primitif est compléte- 
ment libre par son bord antérieur, mais au-dessus il reste rattaché aux parois 
ventrales (diaphragme) et au foie par une lame mince de tissu mésodermique 
recouvert de péritoine. Cette lame, véritable mésogasire antérieur, constitue 
l'épiploon gastro-hépatique ; elle n'a pas la même origine, il est vrai, que le 
mésogastre postérieur qui vient du mésentère primitif, mais néanmoins elle peut 
ètre considérée comme la continuation de ce dernier en avant de l'estomac. 

Nous avons déjà dit que le mésogastre postérieur donne naissance au grand 
épiploon et à l’épiploon gastro- me Quant au segment développé en arrière 
de l'anse intestinale primitive, il donnera naissance au mésentère primitif et 
aux différents mésocôlons, mais pour cela il sera obligé de se remanier profon- 
dément et de s’écarter beaucoup de sa physionomie d'origine, car il se présente 
primitivement sous la forme d'une lame en manière Ge raquette privée de 
manche ct insérée sur la colonne vertébrale au niveau du manche absent. 

Le repli soulevé par l'ouraque sur la paroi abdominale semble provenir éga- 
A du mésentère primitif qui se serait recourbé en avant, comme l'intestin, 

s de la formation du capuchon caudal, et aurait été entraîné par la projection 
K T'allantoïde. 
Quant aux autres replis plus ou moins importants qu'étudie l'anatomie 


PÉRITOINE (DÉVELOPPEMENT). 271 


descriptive, ce sont pour la plupart des replis secondaires et d'origine vascu- 
laire. Les ligaments suspenseur, coronaire et triangulaire du foie, font cepen- 
dant exception ; ils résultent en effet de ce que le foie, primitivement adhérent 
et confondu avec le diaphragme, s'en sépare incomplétement par la production 
de fissures qui respectent le tissu unissant dans deux directions réciproquement 
perpendiculaires. 

4 Modifications ultérieures des segments du mesentère primitif. Nous 
laisserons de côté ceux qui fixent le duodénum et le rectum, ce que nous en 
avons déjà dit étant suffisant et nous nous occuperons en premier lieu des modi- 
fications du segment intestinal, c'est-à-dire de celui qui donne naissance au 
mésentère définitif et aux mésocôlons. 

Nous comparions tout à l'heure ce segment à une raquette bordée par une 
anse intestinale dont la demi-circonférence supérieure et une partie de la demi- 
circonférence inférieure formeront l'intestin grêle, tandis que le reste de cette 
dernière constituera les eôlons. La raquette est située d’abord dans un plan 
vertical antéro-postérieur ; l'artère mésentérique supérieure qui vient s'y rami- 
fier se trouve par conséquent comprise dans son épaisseur, ayant à son origine 
le duodénum au-dessus d'elle et au-dessous une portion du côlon encore mal 
déterminée, mais qui serait pour Flower l'extrémité droite du futur côlon 
transverse. Bientôt le plan de la raquette exécute sur son axe une légère rota- 
tion qui porte à droite sa demi-circonférence supérieure et à gauche l'infé- 
rieure, en sorte que les branches nées du bord droit de l'artère mésentérique 
vont à l'intestin grêle et celles du bord gauche au gros intestin. Avec le temps, la 
surface de la raquette s'agrandit pour se prêter à l'accroissement de l'intestin, 
mais son point d'insertion, ou, si l'on veut, son col, ne croit pas dans la même 
proportion et par suite devient proportionuellement plus étroit. Puis la torsion 
du pédicule s'acceutue de plus en plus : le bord inférieur de la raquette (celui 
qui supporte le cæcum) passe franchement à gauche du bord supérieur, puis 
au-dessus, tandis que naturellement ce bord supérieur devient inférieur. La 
cause de cette torsion n'est pas connue; Fred. Trèves l'attribue à l'inégal déve- 
loppement des deux branches de l'anse qui contourne la raquette, mais, si cette 
cause existait seule, on ne voit pas bien pourquoi la torsion s'eflectuerait tou- 
Jours dans le même sens; on a invoqué aussi la torsion du cordon ombilical, 
mais Kölliker se refuse à penser qu'elle puisse avoir une influence essentielle. 
Quoi qu'il en soit, il en résulte que la face droite de ce segment mésentérique 
devient face gauche, tandis que la gauche devient face droite : par suite les 
artères de l'intestin grêle viennent définitivement du bord gauche de l'artère 
mésentérique au lieu du bord droit. D'autre part, la torsion du pédicule mésen- 
térique fait que cette artère, située primitivement au-dessous de la dernière 
portion du duodénum, passe maintenant au-dessus et en avant d'elle, car cette 
dernière portion a été entraînée à gauche par le mouvement de rotation. 

La torsion du pédicule mésentérique ayant porté le futur côlon transverse 
en avant du duodénum, il s'établit entre ces deux parties de l'intestin des 
adhérences qui deviendront le mésocôlon transverse en se consolidant. Ce der- 
nier n'est donc pas dérivé directement du mésentère primitif, et il faut en 
dire autant du mésocôlon ascendant et du mésentère définitif, qui sont le 
résultat d'adhérences produites entre la lame mésentérique tordue et le péri- 
toine sous-jacent. Quant au mésocôlon descendant et à la partie gauche du 
mésocôlon transverse, ils seraient pour quelques-uns des représentants du 


278 PÉRITOINE (DÉVELOPPEMENT). 


mésentère primitif écartés de leur situation médiane première par un véritable 
glissement sur la paroi abdominale ; pour d’autres ils reconnaîtraient la même 
origine que les précédents et l'on ne retrouverait le mésentère primitif que dans 
le mésorectum. 

Si maintenant nous passons à l'étude du mésogastre, nous voyons s'y produire 
des modifications successives qui nous donneront la clef de la formation du 
grand épiploon et de l’arrière-cavité des épiploons. On sait que primitivement 
l'estomac est un petit renflement fusiforme à grand axe vertical; il est relié à 
la paroi abdominale postérieure par ce mésogastre que l'on peut nommer posté- 
rieur par opposition au repli qui va du bord antérieur de l'estomac d'une part 
au diaphragme et au foie d'autre part. Ces deux mésogastres, antérieur et 
postérieur, sont d’abord situés dans le plan vertical médian, mais bientôt le 
bord postérieur de l'estomac se développe pour former la grande courbure et se 
porte vers la gauche, entraînant naturellement avec lui le mésogastre, ce qui 
détermine en somme, sur le flanc droit des lames mésogastriques, une excava- 
tion qui ira en s’accentuant. Par ce mouvement l'estomac pivote en définitive 
sur son axe vertical jusqu'à exécuter un quart de tour. Mais en même temps il 
s'allonge et, comme ses extrémités sont fixées d’une manière à peu près invariable, 
comme d'autre part son extrémité pylorique tend plutôt à se déplacer vers la 
droite, il en résulte qu'il s’incurve et prend une situation de plus en plus 
horizontale. Par suite de cette double évolution, le bord postérieur de l'estomac 
est devenu inférieur, tandis que son bord supérieur regarde en haut; la face 
gauche regarde en avant, la droite en arrière; le cul-de-sac ou dépression 
droite des lames mésogastriques s’est transformé en une cavité rétro-stomacale. 

La forme du mésogastre antérieur est peu modifiée par la torsion stomacale, 
seulement sa direction change, et cela d'autant plus facilement que le hile du 
foie s’est transporté un peu à droite; il ne forme plus un plan aussi régulier, 
mais en tout cas il garde ses insertions primitives et augmente beaucoup par sa 
nouvelle situation l’étendue de la cavité rétro-stomacale, car sa face droite est à 
peu près parallèle maintenant à la paroi abdominale postérieure dont elle s’est 
rapprochée. De cette façon, il rétrécit considérablement l’ouverture de cette 
cavité, c’est-à-dire l'hiatus de Winslow. 

Le mésogastre postérieur, destiné à devenir en partie le grand épiploon et à 
former également les mésos de la rate et du pancréas, se modifie à la fois dans 
ses insertions, dans sa direction et dans son étendue relative. Nous avons déjà 
dit que par suite de la rotation stomacale son insertion postérieure primitive- 
ment médiane et verticale se déplace vers la gauche, en glissant pour ainsi dire 
sur la paroi abdominale pour y décrire une courbe à peu près parallèle à la 
grande courbure : il forme ainsi une sorte de lame cousbe allant directement de 
la paroi abdominale au bord inférieur de l'estomac et ferme à gauche et en bas 
la cavité rétro-stomacale. Dans la partie de cette lame qui répond à la grosse 
tubérosité, on voit se développer la rate; tantôt celle-ci se pédiculise en entier 
et flotte librement sur la tubérosité à laquelle elle reste rattachée par l'épi- 
ploon gastro-splénique, modification locale du mésogastre, tantôt au contraire 
toute sa partie postérieure reste enfouie dans l'épaisseur de ce dernier, tandis 
que sa partie antérieure seule s'en dégage; c’est ce qui explique les deux variétés 
que nous avons décrites dans la fixation de la rate. 

Bientôt le mésogastre s’allonge dans le sens antéro-postérieur ; il devient trop 
long dans ce sens pour rester directement tendu entre la paroi abdominale et 


PÉRITOINE (DÉVELOPPEMENT). 279 


l'estomac et par suite il se plie sur lui-même en formant un sinus ouvert en 
haut; il possède dès lors une lame antérieure et une lame postérieure qui vont 
aller en s’allongeant graduellement jusqu'à ce que le grand épiploon soit com - 
plétement développé. La cavité rétro-stomacale s'étend naturellement d’une 
quantité équivalente et devient ainsi l'arrière- cavité des épiploons. La lame 
postérieure du grand épiploon se détache de la paroi abdominale à peu près 
parallèlement au mésocôlon transverse, sinon dans toute son étendue, au moins 
dans la partie située entre la rate et le duodénum, et elle se borne primitivement 
à passer au-dessus de lui sans s’y accoler; mais par la suite ces deux replis se 
fusionnent peu à peu d'avant en arrière jusqu'à se confondre complétement. La 
fusion est généralement effectuée quelque temps avant la naissance, sans que 
l'on puisse exactement en préciser l'époque, qui paraît variable. 

A la naissance, le grand épiploon se compose donc de deux lames qui se 
continuent l’une avec l’autre le long de ses bords seulement; l'arrière-cavité 
s'étend jusqu'au bord inférieur, ce dont on peut facilement s'assurer par 
l'insufflation. Les parois de la bourse ne présentent aucune solution de conti- 
nuité. Plus tard les deux lames se soudent l’une à l’autre et il s’y forme des 
trous qui les transforment en membranes réticulées. La soudure ne paraît pas 
résulter d’un accolement exact de toutes les surfaces en contact, car, lorsqu'on 
examine un épiploon d'adulte, il est facile sur bien des points de le décomposer 
en deux lames fenêtrées en coupant quelques travées conjonctives qui les 
unissent. 

La formation des trous est intéressante surtout par le mécanisme qui paraît y 
présider. M. Ranvier l’a étudiée principalement sur l'épiploon des jeunes lapins, 
qui est pour cela un très-bon sujet d'observation. Il décrit d'abord les relations 
qui existent au niveau des trous entre l’épithélium qui tapisse une face de la 
membrane et celui de l’autre face ; ces relations sont très-variées, mais peuvent 
se réduire à trois types principaux : 1° les cellules marginales de chaque face 
viennent toutes se terminer au bord du trou; 2 les cellules marginales d’un 
côté se replient sur les bords du trou pour aller tapisser la zone marginale du 
côté opposé; 3° les cellules marginales d'un côté se terminent au bord du trou, 
tandis que la zone marginale de l'autre côté est tapissée par une seule cellule 
dont le trou occupe le centre. Cette dernière disposition prouve que « la perfo- 
ration de la membrane, se poursuivant au milieu d’une plaque endothéliale, 
est le produit d'une action mécanique dont la cause doit être cherchée en 
dehors de cette membrane. C’est du moins l'hypothèse qui nous semble la plus 
probable ». Pour M. Ranvier, les globules blancs sont les agents de cette action 
mécanique. Nombreux dans la sérosité péritonéale du lapin, ils viennent se fixer - 
sur la membrane et la traversent de part en part. Tantôt ils entrent au niveau 
d'un interstice cellulaire et rencontrent à leur sortie un autre interstice 
(L® type); tantôt, pénétrant par un interstice, ils ressortent en passant à travers 
une cellule du revêtement opposé (3° type) ; tantôt enfin ils traversent la mem- 
brane n'importe en quel point et après leur passage il se fait un remaniement 
complet de l’épithélium qui borde le trou (2° type). Ce qui tend encore à 
prouver que la membrane est passive dans la production de ces lacunes, c’est 
qu'elles se produisent « loin des vaisseaux sanguins, là où la membrane est le 
plus mince et où elle est le moins largement pourvue de moyens de nutrition. 
Ce sont donc les points qui présentent le moins de résistance vitale et méca- 
nique qui sont perforés » (Ranvier). Du reste on peut observer les trous au 


280 PÉRITOINE (PnysroLocte). 


moment de leur formation et voir des cellules Iymphatiques arrêtées dans 
l'épaisseur de la membrane après avoir perforé un de ses feuillets : leurs rela- 
tions avec les cellules épithéliales de l’une et de l'autre face concordent avec la 
description des trous complétement formés. 

Les globules qui traversent l'épiploon ne laissent pas tous après eux des per- 
forations définitives : la voie qu'ils se sont frayée peut se refermer derrière eux. 
D'autre part certains d’entre eux, ne pouvant pas franchir la membrane, se 
logent dans les interstices cellulaires et semblent s'y transformer en cellules 
épithéliales. 

Quoi qu'il en soit, les trous s'agrandissent ensuite considérablement chez 
l’homme par une sorte d'atrophie de la substance amorphe interposée aux 
faisceaux conjonctifs et ils ne cessent de croître que quand ils ont atteint ces 
faisceaux. Se produisent-ils concurremment avec la fusion des lames de l'épi- 
ploon, avant ou après elle? c'est un point qui n’a pas encore été bien déterminé, 
mais ce qu'il y a de certain, c'est qu'ils apparaissent également sur des por- 
tions de péritoine qui n'ont pas de soudure à effectuer, puisqu'on en trouve sur 
l'épiploon gastro-hépatique. 


4 IV. Physiologie. [l est incontestable que le principal rôle de cette mem- 
brane consiste à rendre chaque viscère indépendant de ses voisins et des parois 
abdominales; le poli de sa surface et l'élasticité de sa trame concourent à ce but 
en facilitant tous les déplacements et toutes les variations de volume qui résul- 
tent du fonctionnement normal des organes. Ce fonctionnement est en effet en- 
travé ou provoque de la douleur toutes les fois que les feuillets séreux ont perdu 
leur poli, ou bien ont contracté des adhérences, toutes les fois aussi que la 
trame a perdu son élasticité : tous les jours l'observation clinique en fait for. 

En second lieu, le péritome peut être considéré comme un appareil de con- 
tention et de fixité des viscères, mais ce rôle est moins exclusif que le précé- 
dent : c'est le péritoine seul qui assure l'indépendance des organes; ce n’est 
pas lui seul qui les maintient ; il est assisté dans cette fonction le plus souvent 
par les vaisseaux et leur atmosphère conjonctive, parfois par des fibres muscu- 
laires lisses (mésentère, ligaments de l'utérus), parfois encore par de véritables 
lames tendineuses (ligament suspenseur du foie), en sorte que sur certains 
points il paraît n'être qu'un moyen très-secondaire de fixation. Cependant sa 
résistance à la traction et à l'extension est considérable par places chez l'adulte : 
Scarpa tendit sur un cadre circulaire une portion fraiche de péritoine et trouva 
qu’elle portait un poids de 50 livres sans se rompre, puis qu'après l'enlèvement 
du poids elle reprenait peu à peu sa forme définitive. Il s’agit très-probablement 
dans cette expérience du péritome pariétal qui est plus épais que le viscéral, 
et il ne faudrait pas en conclure à une solidité pareille sur ce dernier. 

Telles sont les deux grandes fonctions exercées par le péritoine : il est évi- 
dent que la seconde est assurée par la trame conjonctive, et il n’est pas néces- 
saire d'insister davantage. Quant à la première, elle est assurée par la couche 
épithéliale : dans quelles conditions? c’est ce que nous devons maintenant étu- 
dier. 

Remarquons tout d'abord l'insensibilité du péritoine à l'état normal tant que 
la couche épithéliale n’a pas été détruite; alors les deux feuillets glissent l’un sur 
l'autre non-seulement sans douleur, mais même sans aucune sensation. Que l'épi- 
thélium tombe, et la douleur apparaît le plus souvent. Est-ce parce que sa chute 


PÉRITOINE (Pnys1oLoG1E). 281 


mettant à nu les extrémités nerveuses permet à celles-ci de frotter directement 
sur les surfaces opposées? Cela est peu probable, car, ainsi que Haller lä 
démontré, on peut couper et cautériser le péritoine sans mettre en jeu aucune 
sensibilité, et cependant on agit alors bien certainement sur les nerfs. Robin 
admet que dans ces circonstances la douleur est la conséquence du gonflement 
inflammatoire et de la pression qu'il détermine sur les nerfs : après la chute épi- 
théliale, les nerfs sont impressionnés d'une manière spéciale et inconsciente ; ils 
transmettent ces impressions aux centres vaso-moteurs, les troubles vasculaires 
inflammatoires qui en résultent « sont suivis d'exsudations du plasma entre les 
éléments anatomiques qui imbibent et gonflent ceux-ci, les terminaisons ner- 
veuses comprises, amènent l’hypertrophie ou la multiplication de telles ou telles 
cellules changeant les relations anatomiques et fonctionnelles des nerfs, compa- 
rativement à ce qu'elles étaient normalement avant ces troubles. » D'après cela 
le péritoine serait sensible au pincement, à l'instar des synoviales. 

D'autre part, le frottement des surfaces épithéliales est facilité par la présence 
d'une quantité très-minime de sérosité qui joue ici le rôle de l'huile dans les 
machines. La sérosité péritonéale est si peu abondante à l’état normal qu'on n'a 
pas pu jusqu'ici en déterminer exactement la composition chimique : elle suffit 
à rendre légèrement humide les surfaces séreuses, mais il n'y en a généralement 
pas assez même pour mouiller un papier réactif; on en a trouvé cependant 
parfois une trentaine de grammes, en l'absence de tout état morbide (suppliciés). 
Elle est citrine, fluide, non visqueuse; après un séjour assez prolongé dans le 
péritome, elle prend, d'après Ch. Robin (Traité des humeurs, une certaine 
viscosité qu'elle doit à la présence d'une petite quantité de matière coagulable 
par l'acide acétique et analogue à la mucosine. CI. Bernard pense qu ‘elle est 
spontanément coagulable pour lavoir constamment observée sur le lapin, et qu'elle 
contient de l'albumine, de la fibrine et toujours du sucre. On y trouve de 7 à 
8 parties pour 1000 de principes minéraux, à peu près comme dans le sang, 
mais les proportions réciproques de ces principes n'y sont pas les mêmes 
(voy. Séreux, p. 310). Au microscope on y trouve des leucocytes parfois un peu 
granuleux, et de rares cellules épithéliales; toutefois chez certains animaux, 
i le lapin en particulier, les globules blancs peuvent s’y rencontrer en nombre 
suffisant pour la rendre lactescente. Quelle est la provenance de ces leucocytes ? 
Il est naturel de penser qu'ils viennent par diapédèse des vaisseaux sanguins et 
franchissent l'épithélium sans difficulté, puisque nous savons d'autre part qu'une 
fois dans la cavité ils peuvent pénétrer de nouveau à travers l’épithélium. Il est 
certain aussi que les taches laiteuses dont M. Ranvier a signalé la présence dans 
l'épiploon d’un certain nombre d'animaux émettent vers la cavité les globules 
blancs qu'elles renferment. M. Ranvier considère du reste ces taches laiteuses 
comme des follicules lymphatiques, le grand épiploon comme un ganglion étalé 
en surface et la cavité péritonéale comme un vaste sac lymphatique; pour lui, 
l'analogie est évidente chez le marsouin et peut s'étendre aux autres animaux. 
On comprend alors parfaitement la présence des leucocytes dans la sérosité péri- 
tonéale qui serait purement et simplement de la lymphe; l'esprit est satisfait 
de pouvoir enfin attribuer au grand épiploon un rôle qui, s il n’est pas absolu- 
ment démontré pour toute la série animale, est au moins le plus vraisemblable de 
tous ceux qui lui ont été assignés. Ch. Robin n'admet pas cette assimilation de 
la cavité péritonéale avec les sacs lymphatiques et il se base, comme principal 
argument, sur la différence de composition chimique qu'il y a entre la lymphe 


282 PÉRITOINE (PnysroLoc1e). 


et la sérosité péritonéale ; la raison n'est pas péremptoire, à mon avis : le sang 
veineux n’a pas non plus la même composition d'une veine à l’autre, de la 
veine rénale à la veine porte, etc. ; dira-t-on que les canaux dans lesquels cir- 
culent ces sangs variés n'appartiennent pas au même système ? Il en est de même 
ici ; les différences chimiques qui distinguent la sérosité péritonéale de la lymphe- 
ne prouvent rien ni pour ni contre l'hypothèse en question, et de plus il n’est 
pas du tout démontré que la lymphe ait partout la même composition. Quoi 
qu’il en soit, on peut admettre que les leucocytes -péritonéaux viennent de plu- 
sieurs sources différentes, car aux deux précédentes doit peut-être s’en ajouter 
une troisième. Altmann, en observant à nu le mésentère de la grenouille vivante. 
(Arch. f. mikrosk. Anat., 1879), vit les cellules de l’épithélium péritonéal bour- 
geonner sur leur face libre et donner ainsi naissance à des corps granuleux 
doués de mouvements amiboïdes et tout à fait semblables à des globules de pus. 
Le bourgeonnement ne pouvait être confondu avec un gonflement total de la 
cellule amenant la chute de cette dernière, car on voyait plusieurs bourgeons- 
sur une même cellule et après leur libération on pouvait encore imprégner 
d'argent la cellule génératrice. Le processus de formation n'était tout à fait en 
activité que quatre ou cinq heures après le début de l'expérience, et on doit 
évidemment en faire une manifestation inflammatoire ; mais 1l n'est pas impos- 
sible que le même travail se produise, quoique avec moins d'intensité, dans les- 
conditions physiologiques. M. Ranvier a vu les globules blancs s'étaler sur les 
travées conjonctives et devenir cellules épithéliales : on peut supposer que des 
cellules de cette origine soient capables de produire des éléments analogues à 
ceux dont elles dérivent. D'autre part, les grappes de prolifération dont nous 
avons parlé à l’Histologie ont été considérées comme des mines de leucocytes : 
or elles ont une origine épithéliale. 

Le liquide dans lequel baignent ces globules blancs, c’est-à-dire la sérosité 
péritonéale, doit être soumis, comme toutes les humeurs, à une rénovation 
constante, et par conséquent la séreuse doit posséder la propriété d’exhaler et 
de reprendre alternativement ce liquide. Ce double travail est tellement bien 
compensé, à l'état normal, qu'il est difficile de le démontrer tant qu'il reste 
dans les limites physiologiques, mais il n’en est plus de même quand on se 
place dans certaines conditions pathologiques ou expérimentales. C'est la patho- 
logie surtout qui démontre les propriétés exhalantes du péritoine, et c’est l'expé- 
rimentation qui met en évidence ses propriétés absorbantes. Nous ne nous 
appesantirons pas sur les premières : elles confinent trop à la pathologie et du 
reste elles ont été suffisamment étudiées dans l’article Séreux par Ch. Robin, 
qui a discuté le rang qu’elles méritent dans l'échelle des fonctions. Au contraire 
nous insisterons sur les secondes à cause de l'intérêt qui s’attache à l'étude des 
voies de l'absorption péritonéale et aussi parce qu’elles présentent avec la pra- 
tique médico-chirurgicale des rapports importants. 

Absorption par le périloine. Comme on ignore si le péritoine exhale à. 
l'état normal peu ou beaucoup de liquide, on ne peut pas savoir si l'absorption 
compensatrice y est bien active, mais on peut affirmer qu'il est susceptible de 
déployer dans ce sens une activité bien plus grande que celle qui suffit aux 
besoins habituels, car l’expérimentation démontre que l’on peut y injecter de 
notables quantités de liquides et en obtenir la résorption plus ou moins rapide. 
Sous ce rapport, et sans rien préjuger du mécanisme de l’absorption, on peut se- 
représenter la cavité péritonéale comme un récipient où l'eau arriverait par un 


PÉRITOINE (PnYs10L0G1#). 283 


petit ajutage et d'où elle s’écoulerait par un plus gros; dans ces conditions le 
liquide ne peut pas s'y accumuler, mais, si l'on en introduit tout d'un coup par 
une autre voie une masse considérable, il y aura momentanément accumulation 
et l’on pourra jusqu'à un certain point apprécier la puissance des voies d’écoule- 
ment par le temps que mettra le niveau liquide à baisser complétement. Cette 
comparaison ne sera toutefois justifiée que sur le péritoine sain, et l'on ne pourra 
pas utiliser pour l’expérimentation n'importe quel liquide, car, s’il en est d’inof- 
fensifs pour la séreuse, il y en a d’autres qui y déterminent rapidement des 
lésions. 

On a injecté dans la cavité péritonéale un grand nombre de substances, des 
gaz, de l'eau, des solutions diverses, des liquides tenant en suspension des corps 
figurés, minéraux ou organiques. Ces expériences ont été faites tantôt simple- 
ment pour constater l'absorption, tantôt dans le but d'étudier la réaction de la 
séreuse après l'injection de telle ou'telle substance, tantôt enfin pour rechercher 
les voies de l'absorption. 

Le pouvoir absorbant du péritoine peut s'exercer sur les gaz et sur les liquides. 
On connaît l'expérience de Fodéra qui plaçait dans le péritoine d’un lapin une 
anse intestinale pleine d'hydrogène sulfuré et constatait au bout de quelque 
temps la disparition du gaz et l'apparition de symptômes d’empoisonnement. 
Les chirurgiens savent d'autre part que les épanchements gazeux du péritoine 
disparaissent spontanément. Après injection de protoxyde d'azote dans cette 
cavité, on a observé les phénomènes caractéristiques de son action sur l'organisme. 
Lorsqu'il s’agit d'air atmosphérique, on remarque que l'oxygène est transformé 
en acide carbonique dans la séreuse même, qu'il est absorbé en grande partie 
sous cette forme et que c’est l'azote qui disparait le dernier : l'air atmosphérique 
se comporte ici comme dans les tissus. Parmi les liquides il faut placer l'eau 
en première ligne, car c'est elle qui a été le premier liquide introduit expéri- 
mentalement dans le péritoine (Haller et Flandrin). A sa suite viennent les 
solutions que l’eau peut fournir : elles sont absorbées, règle générale, à condi- 
tion qu’elles ne soit pas irritantes pour le péritoine, ni par la substance dis- 
soute ni par le degré de concentration de la solution. Il est à remarquer, à ce 
propos, qu'une solution introduite dans le péritoine ne garde pas pendant toute 
Ja durée de l’expérience le titre qu’elle avait au début : elle se dilue soit par 
une exhalation abondante de sérosité péritonéale, soit par une absorption propor- 
tionnellement plus considérable de la substance dissoute que du véhicule. Ce 
fait a été mis en évidence par les expériences de Blanchard (th. de Lyon, 1882), 
qui injectait dans le péritome des solutions de glycose, de sucre de canne, de 
sulfate et de benzoate de soude, à divers degrés de concentration. Puis on a 
encore constaté l'absorption de la bile (Lebkuckner) et de l'huile, mais ce der- 
nier liquide n’est repris qu’en très-petite quantité. Le sang, le lait, le pus, qui con- 
tiennent des éléments figurés d’origine organique, sont aussi absorbés. Il en est 
de même pour les liquides qui tiennent en suspension des corpuscules solides, 
carmin, bleu de Prusse en poudre, indigo, amidon; seulement il faut peut-être 
ici faire une distinction entre l'absorption du véhicule et la pénétration des 
corpuscules (voy. art. Séreux, p. 320). 

La rapidité avec laquelle ces substances sont absorbées varie de l'une à 
l'autre. Elle est considérable pour l’eau et les solutionsauxquelleselle est employée. 
En moins de vingt-quatre heures le péritome d'un chien peut absorber un litre 
et plus de ce liquide. L'iodure de potassium apparaît dans le canal thoracique 


284 PÉRITOINE (PHYSIOLOGIE). 


quelques minutes après l'expérience. Des solutions de noix vomique (Colin) et 
de strychnine (Magendie) tuent plus rapidement après avoir élé introduites dans 
la cavité péritonéale qu'après avoir été ingérées. Nous avons déjà noté la len- 
teur avec Jaquelle l'huile est absorbée; ajoutons que les gaz se résorbent aussi 
très-lentement. Il s'attachait un grand intérêt à la résorption du sang épanché 
dans le péritoine à cause de la fréquence de cet accident en clinique : aussi a- 
t-on institué à cet égard de nombreuses expériences d’où il résulte que le sang 
défibriné est absorbé plus rapidement que le sang complet, mais qu'ils finissent 
par être résorbés complétement, et sans enkystement possible, quand la séreuse 
est saine (Vulpian et Laborde), le sang s’étalant à la surface du péritoine en 
une couche qui devient de moins en moins fluide. 

La possibilité d'injecter des substances si diverses dans le péritoine sans y 
faire naître l'inflammation démontre que cette séreuse est douée d'une certaine 
tolérance, plus grande qu'on ne le croyait autrefois, seulement cette tolérance 
a des limites qui peuvent être rapidement franchies, si l'on n’y prend garde. Tel 
liquide, inoffensif, s’il est en petite quantité, peut déterminer la péritonite, s'il | 
est abondant, parce qu'alors l'absorption est longue à se faire, et pendant ce 
temps la tolérance s'épuise ; tel autre ne deviendra irritant que si l’on force le 
titre de la solution; c'est du moins ce qui parait résulter des expériences de 
Blanchard. Il est des liquides qui passent pour être irritants par eux-mêmes, 
l'urine, par exemple ; introduits dans le péritoine, 1ls détermineront la péritonite, 
et cependant, si le contact a été simplement passager, celle-ci fera défaut. Vin- 
cent (Rev. de chirurgie, 1881) a démontré en effet que le contact de Purine 
avec le périloine n'est pas aussi fatalement grave qu'on le suppose, puisque 
douze lapins sur quinze ont survécu à une inondation urinaire du péritoine, ce 
qui doit engager Ìes chirurgiens à pratiquer la laparotomie et la suture vésicale 
dans les cas de rupture intra-péritonéale de la vessie. 

On a eu l'idée de faire servir la tolérance du péritoine à la transfusion san- 
guine : Ponfick, Kaczorowski, etc., ont pratiqué la transfusion péritonéale avec 
succès opératoires, et nous n'avons pas à nous occuper ici du succès thérapeu- 
tique, qui est du reste subordonné à bien des conditions. Mais nous devons 
nous demander sous quelle forme le sang est absorbé : les globules sont-ils 
détruits dans le péritoine pour passer molécule à molécule dans la circulation 
du patient, ou bien y passent-ils vivants et avec toutes leurs propriétés vivi- 
fiantes ? La question ne paraît pas résolue. Penzoldt cite une augmentation du 
nombre des globules blancs dans le sang des oiseaux auxquels il injectait du 
sang de mammifère ; Kaczorowski, après une de ses transfusions, a observé de 
l'albuminurie ; Bizzozero et Golgi, expérimentant sur les cobayes, ont observé une 
augmentation du nombre des globules rouges qui serait à son maximum un jour 
ou deux après l'opération, et en même temps une augmentation de l'hémoglo- 
bine qui serait proportionnelle à la quantité de sang injecté, si elle n’a pas été 
trop considérable. Les expériences d'Obalinski prétendent à une grande préci- 
sion : selon cet auteur, les globules rouges augmenteraient dans le sang des 
animaux transfusés depuis l'instant de l'opération jusqu’à la fin de la résorption, 
et il évalue à un demi-centimètre cube par heure et par kilogramme d'anima 
la quantité de sang absorbé. D'autre part, Nickolsky injecte du sang d'animaux 
d'espèces différentes de celle du transfusé; il constate que le nombre des globules 
u'augmente pas et qu'il survient de l'hémoglobinurie deux heures après l'opéra- 
tion. Comme on le voit, ces résultats sont peu concordants et ne surprendront 


` PÉRITOINE (PHYSIOLOGIE). 285 


pas quiconque connaît l'incertitude de la numération des globules, ou mieux son 
peu de précision. Grenet (th. de Paris, 1883) a peut-être obtenu des résultats 
plus certains : pour reconnaitre le sang transfusé dans les voies de l'absorption, 
il a injecté à des mammifères du sang d'oiseau et, après avoir constaté que c'est 
par les lympbatiques seuls que les globules sont absorbés, il a vu ceux-ci s’arrê- 
ter et se détruire dans les ganglions. On peut malheureusement lui objecter 
que le sang des oiseaux n’est peut-être pas susceptible de vivre dans les vaisseaux 
d'un mammifère, et du reste il a noté lui-même que ce sang est toxique pour 
les animaux trausfusés, car ils sont tous morts au bout de vingt-quatre heures, 
et cela sans péritonite. 

Il ne nous reste plus, pour terminer, qu'à rechercher quels sont le mécanisme 
et les voies de l'absorption. Pour sortir du péritoine, les substances qui y sont 
contenues sont obligées de traverser la couche épithéliale partout continue à 
elle-même, puis, cela fait, elles ont à choisir entre deux systèmes de canaux, les 
voies sanguines et les voies lymphatiques. Passeront-elles indistinctement par 
les unes et par les autres pour arriver au but? ou bien thoisiront-elles exclusive- 
ment celles-ci pour délaisser celles-là? ou bien encore verra-t-on certaines sub- 
stances donner la préférence aux iymphatiques et d’autres se réserver les capil- 
laires? Telles sont les questions que l'on peut se poser et auxquelles répondent 
un certain nombre d'expériences fort intéressantes. 

Relativement aux gaz, il est possible que les veines et les lymphatiques con- 
courent à leur absorption, mais je ne connais pas à cet égard d'expériences 
démonstratives. En tous cas, l'absorption n'a lieu qu'après dissolution des gaz 
introduits dans le péritoine, que ces gaz soient dissous directement, ou bien qu'ils 
soient préalablement modifiés, comme l'oxygène, par exemple, qui se transforme 
en acide carbonique, au moins en partie. Sans cette dissolution, l'absorption du 
gaz serait suivie d'embolies gazeuses qu'on n'observe pas au cours de ces expé- 
riences. 

Les liquides, au point de vue qui nous occupe, doivent être distingués en 
liquides simples ct en liquides contenant en suspension des corps figurés : l’eau 
et ses différentes solutions appartiennent à la première catégorie; dans la 
seconde, il faut ranger le lait, le sang et les liquides aqueux ou autres dans 
lesquels on a introduit diverses substances pulvérulentes et insolubles. 

Les expériences de Dubar et Remy semblent démontrer que certains liquides 
introduits dans le péritoine ont plus de préférence pour les voies lymphatiques 
que pour les voies sanguines, tandis que c’est l'inverse pour d'autres. Les solu- 
tions albumimeuses passeraient plus volontiers, mais non pas exclusivement, par 
les lymphatiques, tandis que les solutions aqueuses seraient plus favorables à la 
pénétration dans les voies sanguines. Pour démontrer ce fait, ils mélangent des 
poudres inertes à de l'eau ou à une solution d’albumine de l'œuf et ils con- 
statent que ces poudres vont former des embolies : principalement dans le foie 
lorsqu'elles sont mêlées à l’eau, principalement dans le poumon lorsqu'elles 
sont mêlées à l’albumine. Le sulfate de fer, en solution aqueuse, passe surtout 
dans les voies sanguines, car, si on l'injecte dans le péritoine après avoir préala- 
blement injecté une solution aqueuse de ferro-eyanure de potassium dans une 
anse intestinale, la coloration bleue caractéristique du mélange de ces deux sels 
se produit exclusivement dans les veines. D'autre part, lorsqu'on injecte une 
solution d'albumine contenant en suspension du bleu de Prusse ou du carmin, on 
remarque deux choses : 4° que ces substances colorantes se dissolvent en partie et 


286 PÉRITOINE (PHYSIOLOGIE). ` 


pénètrent sous cette forme à la fois dans les lymphatiques du mésentère, dans ceux 
du centre phrénique et dans les vaisseaux sanguins, ce qui tend à prouver que les 
lymphatiques du mésentère, pour ne pas appartenir en propre au péritoine, sont 
cependant utilisés pour lui; 2° que ces substances pénètrent sous forme de 
grains, à peu près exclusivement dans les lymphatiques du centre phrénique. 
On trouve cependant aussi quelques grains colorés dans l'épaisseur soit de l'épi- 
thélium, soit de la trame même du péritoine, et dans les vaisseaux sanguins du 
mésentère, mais ils y sont en proportions infiniment moindres que dans les 
lymphatiques du centre phrénique. Il y a donc, avec des liquides différents, 
entrainement vers des voies différentes. Quelle en est la raison ? 

Il nous semble qu'elle doive être attribuée principalement d'une part à ce 
que le sang et la lymphe n'ont pas la même composition, et d'autre part à ce 
que Ja circulation est plus rapide dans les voies sanguines que dans les voies 
Iymphatiques. Nous ne parlons actuellement, bien entendu, que des liquides 
simples. Pour pénétrer dans l'un ou l’autre système de canaux, ces liquides ont 
à traverser une membrane plus ou moins homogène, il est vrai, mais qui réalise 
les conditions d'un dialyseur ; ils la traversent d’après les lois de l’osmose. 
Qu'un liquide introduit dans le péritoine soit susceptible de diffuser à la fois 
vers les capillaires sanguins et vers les capillaires lymphatiques, néanmoins il 
diffusera plus rapidement vers les capillaires sanguins parce que le sang qu'ils 
contiennent se maintient sensiblement avec la même composition, gràce à lac- 
tivité du courant sanguin, et appelle le liquide péritonéal avec une énergie 
constante; dans les lymphatiques, au contraire, la lymphe attirera d’abord le 
liquide du péritoine aussi fortement que le sang, puis le courant se ralentira 
parce que la lymphe se renouvelle lentement et par conséquent tend à se mettre 
en équilibre de composition avec le liquide péritonéal. D'autre part ce dernier 
peut avoir plus d’affinité pour le plasma sanguin que pour la lymphe, et réci- 
proquement : alors il est évident que son absorption sera plus rapide dans un 
sens que dans l’autre. 

Relativement aux corps figurés tenus en suspension dans un liquide, leur 
pénétration dans les voies sanguines on lymphatiques ne peut plus s'expliquer 
de la même façon. Ily en a que leur consistance plus grande que celle de la 
membrane rend capables de s'introduire en quelque sorte par effraction dans 
les éléments anatomiques; ils cheminent ainsi jusqu’à la rencontre de n'importe 
quel vaisseau et, s'ils tombent dans son intérieur, sont entraînés par le courant 
liquide : on pourra donc les trouver à la fois, et l’expérimentation le prouve, 
dans l'épaisseur de la couche épithéliale ou de la trame, dans les capillaires ou 
dans les lymphatiques. Il est à remarquer toutefois qu'ils se rencontrent surtout 
dans les lymphatiques du centre phrénique. 

Les corps figurés de consistance moindre, tels que les globules du sang et 
les globules du lait, en suspension dans leur véhicule naturel, semblent inca- 
pables de pénétrer par effraction comme les précédents : cependant ils sortent 
du péritoine, puisqu'ils disparaissent de la cavité après y avoir été introduits. 
D'autre part, ils ne peuvent obéir aux lois de l’osmose, à moins d’être préala- 
blement dissous dans les liquides péritonéaux : or ils sortent sans avoir subi 
cette dissolution, puisqu'on les retrouve dans les vaisseaux lymphatiques : 
Recklinghausen l'a démontré pour les Iymphatiques du centre phrénique par 
une expérience devenue classique. Voici comment M. Ranvier la décrit : « Chez 
un lapin que l’on vient de sacrifier, la cavité thoracique est largement ouverte ; 


PÉRITOINE (Puys1oLoGiE). 287 


les poumons et le cœur sont enlevés, et sur la face thoracique du centre phré- 
nique est appliqué un disque de liége muni d'une ouverture centrale. Par la 
cavité abdominale également ouverte, on fixe avec des épingles le diaphragme 
contre ce disque de liége, de manière que le centre phrénique se trouve libre 
sur ses deux faces. Cette partie du diaphragme est circonscrite par une incision, 
de manière à la détacher. On obtient ainsi une portion du centre phrénique bien 
tendue, qui peut être portée sur la platine du microscope. Lorsqu'elle y est 
placée, elle est arrosée sur sa face péritonéale, qui doit être tournée en haut, de 
quelques gouttes de lait dilué avec de l’eau sucrée. Observant alors avec un 
grossissement de 50 à 100 diamètres, on voit se produire dans le liquide une 
série de tourbillons. Ensuite, la préparation étant lavée à l'eau, on constate que 
les vaisseaux lymphatiques sont remplis de globules de lait. » Cette expérience 
prouve, dit M. Ranvier, que les canaux lymphatiques du centre phrénique 
peuvent absorber des particules solides qui se trouvent dans la cavité abdomi- 
nale ; elle conduit naturellement à supposer que ces canaux possèdent des ouver- 
tures sur la face péritonéale du diaphragme. Toutefois il ajoute que personne 
n'a jamais vu ces ouvertures. 

Si l'on pouvait démontrer que les lymphatiques du centre phrénique sont les 
seules voies de passage du lait, on pourrait peut-être rapprocher de ce fait la 
présence des puits lymphatiques au même endroit et conclure qu'il y a une 
relation entre l'absorption des globules graisseux et cette disposition de l’épithé- 
lium; mais cette démonstration n'a pas été faite, car, à supposer qu'au cours de 
ces expériences on retrouve des gouttelettes de graisse dans les vaisseaux san- 
guins, il serait impossible d'affirmer que ces gouttelettes ne viennent pas du lait. 
Par contre, la démonstration semble avoir été faite pour le sang : Grenet 
affirme en effet, dans sa thèse déjà citée, que le sang introduit dans le péritoine 
passe exclusivement dans les lymphatiques du centre phrénique : il injectait, à 
des Mammifères, du sang d'oiseau pour pouvoir discerner par leur noyau les 
globules étrangers, et jamais il n’en a vu dans le système sanguin. 

Il se pourrait donc qu'il y ait dans le centre phrénique une disposition anato- 
mique favorable à la pénétration des corpuscules figurés, puisque c'est là que 
nous voyons passer ces corpuscules. Or le centre phrénique se distingue anato- 
miquement par la position superficielle de ses Iymphatiques, par ses fentes inter- 
tendineuses et par les invaginations de l'épithélium péritonéal vers ces fentes. 
La position superficielle des lymphatiques explique comment ils peuvent rapide- 
ment contenir des corpuscules susceptibles de faire effraction, d'autant plus que 
le foie presse ces derniers contre la paroi et les y enfonce; mais rien ne prouve 
que les globules sanguins ou graisseux puissent être enfoncés aussi facilement. 
Les fentes intertendineuses et les dépressions épithéliales qu'on y rencontre 
semblent au contraire favorablement disposées pour permettre à des corps mous 
de passer hors du péritoine en écartant les cellules molles et granuleuses du 
revêtement des puits lymphatiques. On a admis que l'augmentation de pression 
dans la cavité abdominale favorise ce passage, et de fait Grenet a observé que 
les injections des lymphatiques par le sang sont plus belles chez les animaux 
qui ont exécuté des mouvements désordonnés. Ludwig, Recklinghausen et 
d’autres ont observé du reste que la respiration artificielle aide à l'injection des 
lymphatiques du centre phrénique chez les animaux morts. 

Quoi.qu'il en soit, s'il règne encore quelques obscurités sur le mécanisme de 
l'absorption péritonéale, il est certain que le péritoine est doué d’un pouvoir 


288 PÉRITOINE (PATHOLOGIE). 


absorbant considérable et que ce pouvoir s'exerce à la fois par les voies sanguines 
et par les voies lymphatiques. BARABAN. 
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B. 


dures. 


2 V. Pathologie. Voy. AvnowEen, MésenrÈRE, Périronte, et les articles 
consacrés aux divers organes Où appareils qui sont en connexion directe avec le 


péritoine. L. Hr. 


PÉRITONITES. 289 


PÉRITONITES. HiSTOnQUE GÉNÉRAL. Les altérations du péritoine ont 
été relatées dans quelques rares autopsies de Bonet, de Harder (Bâle, 1687), de 
de Haen, de Morgagni, de Cullen, de Lieutaud (1767). Walther, dans un mémoire 
à l'Académie des sciences de Berlin (1782), De morbis peritonalis, démontre 
l'existence des péritonites à la suite de l'accouchement. 

Mais c’est Bichat qui le premier envisage la péritonite comme une entité mor- 
bide distincte (1802). Gase, son élève, reproduit les idées du maitre dans sa 
thèse inaugurale, et la même année Laennec publie deux observations dans le 
Journal de Corvisart. En 1824, les lésions de la péritonite sont fort bien 
décrites par Scoutteten ; c'est là la première phase de l’histoire de cette maladie, 
phase marquée par l'apparition des travaux qui renferment la description des 
principaux Symptômes et des lésions de la péritonite. 

La seconde phase, qui s'étend de 1825 à 1843, embrasse l'étude des 
causes de la péritonite; à côté de la péritonite aiguë on décrit la péritonite chro- 
nique. Baron, le premier, montre en 1825 le rôle des tubercules, et Louis, la 
même année, établit que la péritonite chronique est toujours tuberculeuse, loi 
admise sans conteste, pendant près de vingt années, malgré l'opposition motivée 
de Hogdkins, de Bright, d'Andral (1840), qui relatent des cas de péritonites 
chroniques survenus en dehors de la tuberculose. En même temps l’obstétrique 
s'enrichit de nouvelles données sur la péritonite puerpérale (Velpeau, 1824; 
Nonat, 1832; Botrel, 1845). 

La troisième phase est marquée par la description des péritonites partielles ; 
commençant avec Andral (1839), elle se continue par diverses monographies 
parmi lesquelles nous signalerons le travail de Beruutz sur la pelvi-péritonite 
(1857, 1862, 1874), celui de Foix (1874) sur les péritonites sous-diaphragma- 
tiques, les mémoires de J. Bernutz (1875, 1880, 1884 à 1885) sur les pachy- 
pelvi-péritonites hémorrhagiques avec hématocèle, la thèse de Rouiller (1885) 
sur les kystes hématiques du périloine. 

Il semble qu'à l'époque où nous vivons l'étude de la péritonite soit faite; il 
est loin cependant d'en être ainsi. Il y a encore bien des observations cliniques à 
recueillir, pour bien connaître les péritonites secondaires, leur pathogénie, leur 
marche, leur pronostic. 

D'autre part, jusque dans ces dernières années, le péritoine était resté le 
grand épouvantail des chirurgiens. On n'osait pas alors toucher à la séreuse 
tant redoutée, ou, si l’on y touchait, c'est qu'on ne pouvait pas faire autrement. 

Mais les méthodes chirurgicales nouvelles nous ont prouvé que le péritoine 
était l’une des séreuses qui s’accommode le mieux des audaces opératoires, et, 
comme il s’est montré tout à fait inoffensif dans presque toutes les conditions de 
la pratique ordinaire de la chirurgie abdominale, on a, dans ces dernières années, 
tenté l'ouverture de sa cavité, et la toilette de cette dernière ou son drainage, 
comme traitement de la péritonite médicale elle-même. 

Enfin l'application, aux diverses péritonites, des recherches de la bactério- 
logie, a ouvert un nouveau champ aux investigations ; celte étude, encore dans 
son enfance, aboutira sûrement à des résultats pratiques. 

Division. Nous diviserons ce travail en sept parties : 

1° Péritonites aiguës généralisées ; 

2° Péritonites chroniques généralisées simples ; 

5° Péritonites localisées; 

4° Péritonites spécifiques ; 

DICT. ENG. 2 S- XII. 19 


290 PÉRITONITES. 


5° Néoplasmes du péritoine ; 
6° Péritonites selon les âges; 
7° Traitement chirurgical des péritonites. 


CHAPITRE PREMIER.  Périronires AIGUËS GÉNÉRALISÉES. Après avoir décrit 
les lésions qui les caractérisent et les symptômes auxquels elles donnent lieu, nous 
insisterons sur les difficultés du diagnostic et sur les considérations thérapeuti- 
ques et sur l'éliologie, qui est des plus variées, puis, dans une série de chapitres, 
nous mettrons en relief les variétés de péritonites aiguës les plus importantes. 

TABLEAU GÉNÉRAL DE: LA PÉRITONITE AIGUË INDÉPENDAMMENT DE TOUTE NOTION 
ÉTIOLOGIQUE. ANATOMIE PATHOLOGIQUE. Ña péritonite aiguë généralisée est lin- 
flammation aiguë diffuse de la séreuse abdominale. Quand la maladie se ter- 
mine en quelques heures, on ne trouve à l'autopsie qu’une injection vascu- 
laire générale, plus marquée cependant sur le feuillet viscéral et l’épiploon que 
sur le feuillet pariétal; sauf cette hyperémie, la séreuse parait peu altérée ; sa 
surface est simplement dépolie, sèche. Au microscope, on voit que l’endothé- 
lium est adhérent encore et présente l’altération de la tuméfaction trouble à son 
début ; de même dans les mailles des différents feuillets on trouve un léger 
exsudat qui rend la séreuse opaque: il est constitué par de la fibrine, des cel- 
lules lymphatiques et des cellules tuméfiées, granuleuses, contenant un ou plu- 
sieurs noyaux, cellules endothéliales qui tapissent les faisceaux conjonctifs ; les 
cellules lymphatiques s'accumulent tout autour des vaisseaux; ce sont des leu- 
cocytes sortis par diapédèse. 

Si la maladie a duré de vingt-quatre à trente-six heures, à l'hyperémie du 
début et à l’exsudation interstitielle simple vient s’ajouter une exsudation de 
fibrine à la surface de la séreuse, qui rend cette surface visqueuse, fait adhérer 
les feuillets du péritoine et agglutine les anses de l'intestin grêle entre elles et 
celles-ci au grand épiploon et au gros intestin. Primitivement mince, gris jau- 
nâtre, peu adhérent, ne collant que faiblement les organes les uns aux autres, 
l'exsudat peut, au bout de quelques jours, former des fausses membranes qui 
tapissent en épaisseurs diverses les organes de l'abdomen et enveloppent com- 
plétement le foie, la rate et l'utérus. Même alors le revêtement endothélial 
persiste tout entier sous cet exsudat fibrineux, et on ne trouve aucun élément 
cellulaire dans les mailles de ce dernier. 

Que l'inflammation fasse un pas de plus, et les produits de l'exsudation, au 
lieu de continuer à s'accumuler simplement dans l'épaisseur de la séreuse ou à 
sa surface, s’'épanchent dans sa cavité. Les cellules de l’endothélium proliférées 
se détachent de la surface de la séreuse et rien ne s'oppose plus à la formation 
d'un exsudat intra-péritonéal. 

Cet exsudat peut être séreux ou purulent ; dans l’un et l'autre cas, il contient 
toujours des flocons de fibrine. 

Exsudat séreux. Le liquide se présente rarement sous l'aspect d’un liquide 
ascitique pur ; il est d’un vert jaunâtre, ressemble à du petit-lait ; il est trouble 
et on y voit suspendus des flocons fibrineux ou des pseudo-membranes détachées. 
La quantité de liquide est rarement abondante, le plus souvent la quantité ne 
dépasse pas 1 litre ; quelquefois elle ne dépasse pas 100 grammes, et alors on 
ne trouve l’exsudat que dans les parties déclives ou dans les interstices des 
anses intestinales ; dans ce dernier cas, il y est comme emprisonné par l’exsudat 
fibrineux qui agglutine plusieurs anses entre elles. La séreuse peut être plus ou 


PÉRITONITES. 291 


moins tentée de sang ; cela tient à sa coloration par la dissolution de la matière 
colorante du sang ou bien à de petites ruptures vasculaires par suite de l'inten- 
sité même de l’hyperémie inflammatoire de la séreuse péritonéale; on retrouve 
alors des ecchymoses sous-séreuses. 

Exsudat purulent. Quand il y a du pus dans la cavité périnotéale, il y en 
a également dans l'épaisseur de la séreuse, dont les feuillets sont infiltrés de 
cellules de pus dérivées des cellules plates du tissu conjonctif et des cellules 
lymphatiques sorties des vaisseaux par diapédèse, La quantité de pus est très- 
variable : tantôt elle est assez abondante et on en trouve quelques centaines de 
grammes dans le petit bassin ; le pus alors est crémeux, épais ; d’autres fois 1l 
est exsudé en petite quantité ; il est alors bridé entre les anses intestinales ou 
entre les organes par des adhérences fibrineuses récentes, ou bien il colore 
simplement, en les infiltrant, les exsudats fibrineux. Parfois il est épanché en 
quantité considérable ; il est alors moins épais, plus liquide, c’est un exsudat 
séro-purulent. Comme l'exsudat séreux, l'exsudat purulent peut être teinté de 
sang. Il peut subir une décomposition quand il est mélangé à des matières 
septiques et alors il prend une teinte grisâtre, un mauvais aspect, il dégage 
une odeur fétide, gangréneuse ou fécale, et peut donner naissance à des gaz 
putrides (Breslau, Wien med. Woch., 1863). 

Septicilé des exsudats de la péritonite aiguë. Dès 1867, Netter avait 
‘soutenu que les premiers liquides sécrétés par la péritonite étaient entièrement 
irritants : il les comparait aux premiers liquides du vulgaire coryza qui sont 
« si âcres, à vrai dire, si corrosifs, qu'ils déterminent souvent des érosions et 
des ulcérations au pourtour des narines et sur les lèvres ». Comme conséquence 
de cette hypothèse, Netter conseillait alors d’évacuer le liquide péritonéal récem- 
ment formé ou de le diluer dans une grande quantité d'eau bouillie, injectée 
dans le péritoine à la température de 37 à 58 degrés. Burdon Sanderson a fait 
sur les animaux des expériences nombreuses, desquelles il semble résulter que 
les liquides péritonéaux conservent leurs propriétés irritantes après qu'on ya 
détruit tous les microbes; il provoquait la péritonite en injectant dans la cavité 
péritonéale de ses animaux les premiers liquides de la péritonite expérimentale 
préalablement stérilisés par la chaleur (Journ. de l'anat. et de la phys. de 
Ch. Robin, 1876). Mosimann (thèse de Paris, 1881), sur les conseils de Netter, 
provoque la péritonite chez les animaux en leur piquant la vésicule biliaire, et, 
quand la péritonite est bien déclarée, les animaux étant attachés dans le décu- 
bitus dorsal, il fait à l’un une injection d’eau tiède dans le péritoine et l'animal 
guérit de sa péritonite, tandis que son compagnon auquel il ne fait pas d'in- 
jection d’eau meurt de péritonite. 

Que faut-il penser de ces vues théoriques et de ces résultats expérimentaux ? 
À coup sûr, nous ne pouvons récuser ces résultats comme entachés d'erreur ; on 
ne contredit un résultat qu'en obtenant par l’expérimentation un résultat abso- 
lument contraire, et nous n'avons pas contrôlé les expériences de Sanderson et 
de Mosimann. Cependant nous sommes trop partisan des théories microbiennes 
et de la septicité des exsudats pour ne pas croire qu'il y a quelques erreurs 
dans l'interprétation des résultats obtenus par ces auteurs. 

En effet, si nous examinons ce qui se passe à la suite des traumatismes et 
Surtout des opérations chirurgicales pratiquées sur l'abdomen, nous voyons que 
la péritonite traumatique est toujours septique (voy. plus loin Péritonile trau- 
matique) et que, dans les cas de mort rapide après les opérations d'ovariotomie, 


299 PÉRITONITES, 


d'hystérectomie, etc., on confond souvent, d'après les symptômes, la péritonite 
avec la septicémie, à telle enseigne que certains chirurgiens considèrent la 
péritonite comme l'expression locale de l'infection de l'organisme. 

Il en serait de même de toutes les péritonites, et leurs exsudats seraient infec- 
tieux par suile des microbes qu'ils renferment. Ce sont de nouvelles recherches 
à faire pour les exsudats séreux. 

Quant aux exsudats purulents, leur septicité se conçoit facilement. On a dans 
ces dernières années fait de nombreux examens microscopiques du pus de la 
péritonite ; on y a trouvé des diplococet et des streptococci (Leyden, 1884, 
Deutsch. med. Woch., 5 obs. de péritonite idiopathique) qui ont été colorés avec 
le violet de gentiane et la fuchsine. Ces micrococques ont été trouvés non-seule- 
ment dans le pus de péritonites secondaires puerpérales et autres, mais encore 
dans le pus de péritonites idiopathiques. 

Dans le pus de la fièvre puerpérale, on a trouvé des micrococques qui ont 
été cultivés, et les produits de culture inoculés au niveau de l'oreille d’un lapin 
déterminèrent un érysipèle franc. Jl faut ajouter que les cultures de ces microbes 
puerpéraux avaient les caractères macroscopiques et microscopiques de celles 
des micrococci de l’érysipèle-(Winckel, Premier congrès allemand de gyneco- 
logie. Munich, juin 1886) et ne ressemblaient pas aux cultures du streptococcus 
pyogène provenant d'un phlegmon. 

Ces recherches montrent fort nettement la spécificité et la septicité des exsu- 
dats de la péritonite aiguë. 

Cornil et Babès ont aussi examiné le pus dans plusieurs cas de péritonite par 
perforation ; ils n'ont pas trouvé le streptococcus, mais d’autres micrococei assez 
gros, des bactéries, des bacilles, des spores et des filaments. Ces microbes venus 
du tube digestif avec les aliments ont décomposé ces derniers, déterminé une 
exsudation de fibrine et de pus et produit des gaz putrides. Les mêmes micro- 
organismes ont été retrouvés dans d’autres organes, dans les plèvres, les 
méninges, où ils ont été apportés après leur pénétration dans le sang, en même 
temps que les gaz fétides (Les Bactéries, 1885). 

État des organes dans la périlonite aiguë. Les anses intestinales sont 
distendues par des gaz; c'est la règle; rarement les intestins sont vides de 
gaz et leur calibre est rétréci. Généralement leur perméabilité est par faite ; 
toutefois il peut y avoir effacement de la lumière au niveau des coudes que 
forment deux segments voisins de l'intestin, ou obstruction par un arrêt des 
matières sans obstacle mécanique, et qui n'est due vraisemblablement qu'à une 
action réflexe causée par l'inflammation péritonéale et amenant la paralysie de 
l'intestin (cas de Henrot, Duplay, Poupon). Les membranes intestinales sont 
œdématiées, épaissies, pâles et ramollies : aussi sont-elles très-friables, et se 
laissent-elles aisément déchirer, quand on veut séparer les anses intestinales 
agglutinées. Cette infiltration atteint la muqueuse elle-même, qui est tantôt 
anémiée, tantôt au contraire hyperémiée et toujours couverte d'un mucus 


d'aspect purilorme. 
Comme Mémière l'a montré le premier, la rétraction du mésentère peut être 


telle que l'intestin se réduit du quart, du tiers et même de la moitié de sa 
longueur ; dans ce cas, la séreuse qui le recouvre est rétractée, ainsi que les 
fibres musculaires longitudinales, et la muqueuse présente alors un plissement 


transversal. 
Parfois tout le paquet intestinal forme une masse plus ou moins rétrécie. La 


PÉRITONITES. 295 


rétraction peut être telle que l'intestin se présente sous l'apparence d’un fibrome 
utérin traversé par des canaux ; des cas de ce genre ont été décrits par Klebs 
sous le nom de péritonite déformante. 

Il arrive que lemprisonnement du pus entre deux anses intestinales pourrait 
faire croire à un abcès de la paroi de l'intestin, Un moyen bien simple de ne 
pas tomber dans cette erreur, c'est de laver Vanse intestinale sous un filet 
d’eau : on voit alors que le pus ne fait que recouvrir la séreuse qui est rouge, 
ramollie, rugueuse, mais n'offre d'autre altération que la chute de l'endothélium. 

La surface du foie, de la rate, de l'utérus, est décolorée, et cette décoloration 
pénètre ces organes dans une profondeur qui varie de quelques millimètres à 
À centimètre ; la séreuse qui constitue leur revêtement montre également une 
inflammation superficielle plus ou moins intense, et leur capsule propre, du 
moins pour le foie et la rate, est épaissie et opaque. 

La plèvre est souvent enflammée à la suite de la péritonite ; cette inflamma- 
tion existe sans perforation du diaphragme par simple propagation, par lymphan- 
gite diaphragmatique; le diaphragme est un des muscles les plus riches en 
vaisseaux lymphatiques ; le centre phrénique contient un grand nombre de capil- 
laires lymphatiques disposés en réseaux; ceux-ci sont en relation directe avec la 
plèvre par les stomates et avec le lac lymphatique de Ranvier, abondant reti- 
culum conjonctival situé au-dessous du péritoine. Ce réseau lymphatique lacunaire 
est en rapport avec les stomates péritonéaux par des canaux étroits, perpendi- 
culaires à la surface de la séreuse, appelés puits lymphatiques par Ranvier. 

La voie suivie par l'inflammation du péritoine aux plèvres a été démontrée 
expérimentalement (Recklinghausen, Klein). Coyne, Laroyenne, ont prouvé le 
fait par l'examen microscopique, et ont trouvé une inflammation purulente des 
lymphatiques avec épaississement des parois et caillots fibrino-purulents à leur 
intérieur, dans des cas de péritonites purulentes compliquées de pleurésie. 

Les observations cliniques ne manquent d’ailleurs pas; Cuffer, en 1874, a 
rapporté une observation de rétrécissement fibreux du rectum compliqué de 
péritonite purulente et de pleurésie purulente; Pitres (Bull. de la Soc. anat., 
4875) rapporte un cas de péritonite compliquée de pleurésie diaphragmatique ; 
Ch. Remy (Bull. de la Soc. anat., 1875) publie un cas assez complexe de pelvi- 
péritonite ancienne liée à des polypes utérins; il se produisit une ovarite sup- 
purée double, qui se compliqua de péritonite, puis de pleurésie purulente droite. 
Laroyenne (Lyon méd., 1871) a publié un mémoire sur la fréquence de la pleu- 
résie consécutive à la péritonite aiguë ; Coyne (Bull. méd., nov. 1877) cite un 
cas de lymphangite diaphragmatique consécutive à une péritonite purulente. 
Citons encore la thèse de Blanc (Lyon, 1881) sur la propagation des inflamma- 
tions du péritoine aux plèvres et réciproquement. 

Nous traiterons dans un paragraphe spécial la propagation de l’inflammation 
pleurale primitive au péritoine. 

Évolution des exsudats. Sila péritonite aiguë généralisée ne produit pas 
rapidement la mort, elle s'arrête dans son évolution; les exsudats subissent 
des transformations que nous allons décrire. 

L'exsudat inflammatoire interstitiel resté vivant devient l'agent de la guérison 
de la péritonite. Il donne naissance à an tissu de granulation constitué par du 
tissu conjonctif embryonnaire dans lequei prennent naissance des vaisseaux de 
nouvelle formation, à parois embryonnaires. Tandis que l’exsudat interstitiel se 
résorbe et que l'hyperémie disparaît dans presque toute l'étendue de la séreuse, 


294 PÉRITONITES. 


la néoplasie pénètre dans les fausses membranes fibrineuses et la fibrine subis- 
sant la régression granulo-graisseuse est résorbée. Si la fibrine agglutinait deux 
surfaces péritonéales, ou bien l’adhérence passagère disparaît, ou bien il se fait 
une adhérence définitive par la transformation du tissu embryonnaire en tissu 
fibreux. Ces adhérences peuvent être intimes et souder parfaitement deux feuil- 
lets péritonéaux ; c’est la péritonite adhésive; ou bien elles peuvent ètre lâches 
et constituer des filaments, des languettes, des bandes plus ou moins larges, 
plus ou moins épaisses, entre les deux feuillets. Mais là ne se borne pas la fonc- 
tion de ces granulations vasculaires; elles sont chargées de la résorption de 
l'épanchement. Dubar et Remy (Journ. anat. et phys. de Robin, 1882) ont éta- 
bli, dans leurs expériences sur l'absorption par le péritoine, qu'il existe deux 
grandes voies d'absorption : 1° la voie lymphatique, représentée par tous les 
canaux de transport contenus dans le mésentère et les mésums, et, en outre, par 
les réseaux du centre phrénique du diaphragme : c'est en ce dernier point que 
le passage est le plus rapide et c’est le point exclusif de pénétration des grains 
colorés dans les voies lymphatiques ; 2° la voie sanguine représentée par les 
radicules de la veine porté, voie par laquelle s'effectue une poussée très-active 
des liquides, plus importante pour certains d’entre eux que la voie lympha- 
tique. Ces expériences confirment les vues de l'esprit sur le rôle de résorption 
attribué au tissu de granulation. 

Si la disparition de la sérosité se fait aisément, il wen est pas de même du 
pus : la partie liquide de ce dernier se résorbe d’abord, les parties solides 
subissent la désintégration granulo-graisseuse et finissent également par se 
résorber comme la fibrine. Mais cette disparition complète du pus ue se produit 
pas toujours. Tantôt, après résorption de la partie liquide, le pus se caséifie, 
après s'être enkysté dans des fausses membranes; il peut, à la longue, mais le 
fait est rare, s’incruster de sels calcaires ; tantôt des foyers de suppuration limités 
siégeant, soit dans le petit bassin, soit en un autre point de la cavité péritonéale, 
entre les feuillets du mésentère, à la face inférieure du foie, dans la région sous- 
diaphragmatique, continuent leur évolution propre après que le processus géné- 
ralisé s'est calmé. La collection purulente peut s'ouvrir en différents endroits ; 
quand elle s'ouvre dans l'intestin, après que le pus a été évacué par l'orifice de 
perforation, il se produit une pénétration des gaz et du contenu de l'intestin 
dans le foyer de suppuration, d’où fistule stercorale. Une collection située dans 
la région sous-diaphragmatique perforera le diaphragme, la plèvre, le péricarde, 
l'estomac, et donnera lieu à un empyème, à une vomique, à un pyopéricarde, 
à un vomissement de pus. Une collection située dans le petit bassin peut se faire 
jour par le vagin, le rectum ou la vessie. Dans ces différentes circonstances il 
se produit une fonte purulente du tissu séreux par suite du contact prolongé de 
la matière purulente avec les organes voisins ; ce processus, qu'on a qualifié de 
péritonite ulcéreuse, est plus particulier aux foyers péritonéaux enkystés. 

Nous ne passerons pas sous silence un mode d'ouverture de la collection 
purulente qui se rencontre assez fréquemment, et que Second Féréol a considéré 
comme appartenant en propre à certaines péritonites qu'il a appelées péritonites. 
perforantes: nous voulons parler de la perforation de l’ombilic. Cette perforation 
de l'ombilic a été observée chez des femmes atteintes de péritonite puerpérale 
(Sec. Féréol, Baizeau) et chez des enfants (Baizeau, Gauderon), mais il est pos- 
sible qu’elle s'observe dans toutes sortes de périlonites. En juillet 1886, nous 
avons vu, dans le service de M. le professeur Gross (de Nancy), chez une femme 


s PÉRITONITES. 295 


atteinte de péritonite suppurée compliquant un kyste de l'ovaire, l'ombilie se 
perforer et donner issue à de grandes quantités de pus ; l'autopsie confirma le 
diagnostic fait pendant la vie. La perforation de la péritonite suppurée se fait au 
centre de la cicatrice ombilicale ; Gauderon en a étudié le mécanisme dans une 
thèse remarquable. Nous y reviendrons plus loin. 

Quel que soit le mode d'ouverture de la collection purulente, dès que le pus 
est en contact avec les gaz ou avec les liquides de l'intestin, avec l'urine, ou 
avec l'air atmosphérique, réceptacle des germes, il peut subir la décomposition 
putride, et alors surviennent des accidents de septicémie qui peuvent tuer le 
malade ou du moins mettent gravement ses jours en danger. 

Que le pus vienne à se caséifier, que les fistules s’oblitèrent, que les collec- 
tions soient complétement évacuées, qu’en un mot la péritonite suppurée soit 
guérie, il reste des néo-membranes organisées qui établissent des adhérences 
fibreuses entre les parties précédemment enflammées: Ces adhérences, qui se 
produisent aussi bien lorsque l'exsudat a été séreux ou séro-fibrineux, rétré- 
eissent les intestins, les immobilisent ou les fixent dans une situation anormale. 
Des brides celluleuses étendues du grand épiploon au péritoine pariétal ou à lim- 
testin grêle, des membranes filamenteuses établies entre le péritoine viscéral et le 
péritoine pariétal, peuvent être ultérieurement la cause d’un étranglement interne. 

SYMPTOMATOLOGIE. Tableau général de la maladie. La péritonite aiguë 
survenant chez un individu en bonne santé est souvent précédée d'un frisson 
violent auquel succède bientôt une douleur abdominale intense, qui d’abord 
localisée ne tarde pas à s'étendre à l'abdomen tout entier. La douleur est le 
symptôme dominant et le plus pénible de la péritonite; elle est, pour certains 
malades, absolument intolérable. Le moindre attouchement, volontaire ou invo- 
lontaire, exaspère la douleur au point d’arracher des cris aux malades les plus 
robustes et les plus résignés, et c'est avec une véritable angoisse qu'ils se sou- 
mettent à l'exploration médicale dont les moindres tentatives les elfrayent. Ils 
redoutent le poids même d’une couverture ou d'un drap, évitant Jusqu'au 
plus petit mouvement qui pourrait augmenter la douleur. On les trouve généra- 
lement couchés sur le dos, les jambes fléchies et ramenées vers le corps. 

Parfois les douleurs s’exaspèrent sous forme de coliques provoquées par des 
contractions intestinales. 

La respiration est superficielle, à type costal, car les mouvements étendus du 
diaphragme augmenteraient la douleur. La figure exprime l'angoisse et le pauvre 
malade est là, tremblant à la pensée des douleurs atroces auxquelles il sera 
exposé à chaque mouvement de toux ou de vomissement. La parole même les 
fatigue. Leur voix est presque éteinte ou bien elle ressemble à celle des 
cholériques. 

À la douleur vient se joindre un autre symptôme: c'est la tension du ventre : 
en quelques heures il se distend et se ballonne. Le ballonnement est parfois tel 
que la surface de l'abdomen est unie et luisante. Le diaphragme se trouve 
refoulé au point que les parties inférieures des poumons sont comprimées et la 
limite inférieure du cœur est déplacée au niveau de la troisième côte. A la per- 
cussion, la sonorité est exagérée, car les intestins sont distendus par des gaz, 
grâce au relâchement paralytique de leurs parois et à l’altération de leur contenu. 
Quand le météorisme atteint son maximum, il constitue un véritable danger : 
la paralysie du cœur et l'asphyxie peuvent en être la suite et entraîner rapide- 
ment la mort. 


296 PÉRITONITES. 


Le vomissement, dû à l'irritation des rameaux nerveux sous-séreux, est un 
signe constant de la péritonite; il est généralement précoce, abondant et per- 
sistant. Les matières vomies sont d'abord composées par le contenu de l'estomac; 
bientôt elles sont colorées en jaune, puis en vert, par la bile. Ce sont là les 
vomissements porracés. Dans certains cas exceptionnels les vomissements sont 
fécaloïdes, sans qu'il y ait pour cela obstruction de l'intestin. Les vomis- 
sements sont parfois tellement tenaces que tous les liquides avalés sont aussitôt 
rendus, 

Au vomissement se rattache le phénomène du hoquet, qui est dù à l'inflam- 
mation du revêtement péritonéal du diaphragme. 

La constipation est la règle, par suite de la paralysie des muscles intestinaux; 
cependant on observe parfois, au début, une diarrhée plus ou moins abondante : 
la constipation peut même être absolue et s'accompagner d’un autre symptôme 
de l'étranglement interne, les vomissements fécaloïdes (Leduc), sans qu’il y ait 
aucun obstacle mécanique au cours des matières. Ceci a été observé dans les 
péritonites par perforation (Henrot, Duplay), et même dans la péritonite idiopa- 
thique (Poupon). 

Quand le péritoine qui tapisse la vessie est intéressé, on observe de la dysurie 
et du ténesme vésical. Les malades rendent à peine quelques gouttes d'urine à 
chaque miction. Il peut même survenir une rétention d'urine complète, qu’on 
est obligé de combattre par le cathétérisme. L’urine est rare et présente les 
caractères de l’urine fébrile : couleur foncée, densité élevée, réaction acide très- 
marquée, traces fréquentes d'albumine, liées à la fièvre et à la stase rénale. On y 
rencontre en outre beaucoup d'indican. 

Au début de la maladie, la langue est humide, recouverte d'un enduit 
blanc ou jaunâtre. Mais bientôt, sous l'influence de la grande déperdition 
de liquide provoquée par les vomissements incessants, elle devient sèche, 
rouge, fendillée; parfois même elle porte la trace verdâtre des vomissements 
porracés. | 

A la percussion de l'abdomen on observe un son tympanique éclatant, parfois 
métallique. Quand il y a du liquide épanché dans les parties déelives, on observe 
de la submatité. On ne constate pas, comme dans l’ascite, et cela grâce aux 
adhérences des anses intestinales, les modifications dues aux changements de 
position. Il est très-rare que le liquide soit assez abondant pour produire la 
fluctuation. Nous en dirons autant des frottements résultant du contact des 
fausses membranes et qu'on percevrait par la palpation ou par l'oreille. On 
désigne ce bruit de frottement sous le nom de bruit de Bright. 

La fièvre, dans la péritonite, cst la règle; elle atteint jusqu'à 40 degrés 
centigrades et plus. Elle est tantôt continue, tantôt rémittente. Quand la 
péritonile doit se terminer par la mort, ou bien la température s'élève 
brusque ment au moment de la mort (44 degrés centigrade, Eichhorst), ou 
bien au contraire elle s'abaisse au-dessous de la normale : température de col- 
lapsus : 

Le pouls est très-rapide et bat jusqu'à 120, 130 et même 140 fois par minute. 
Il est, de plus, très-petit; quelques heures avant le collapsus final, il devient 
filiforme, incomptable. 

La respiration est réellement et mécaniquement gênée; elle est fréquente au 
point de devenir dyspnéique. Les bases des poumons sont comprimées et per- 
dues pour l’hématose, le diaphragme fonctionne mal, d'où hyperémie compensa- 


PÉRITONITES. 297 


trice avec gêne de la déplétion du cœur droit et des veines caves; de là aussi des 
douleurs angoissantes. 

. La peau est chaude et sèche ; dans la période de collapsus elle se couvre d'un 
enduit abondant, froid et gluant. 

L'intelligence reste presque toujours intacte jusqu'à la fin. Il est des cas, 
cependant, où il survient du coma ; la scène peut se terminer alors par du délire 
ou des convulsions. 

La gravité du mal n'échappe en général ni au malade, ni au médecin. Le 

facies est tout à fait caractéristique, les yeux sont enfoncés dans l'orbite, entourés 
d'un cercle noir. 
' Quand l'issue de la maladie doit être favorable, les phénomènes s'amendent 
dès le début du second septénaire. Les douleurs diminuent, le météorisme 
décroît, les vomissements deviennent plus rares et cessent même, la tempéra- 
ture se rapproche de la normale. Comme la résorption des produits membra- 
neux est ordinairement incomplète, le malade reste exposé à tous les dangers 
des adhérences, notamment à l'étranglement par brides. 

Il ne faut jamais s’attendre à une convalescence rapide. 

La mort est la terminaison habituelle de la maladie; elle survient assez 
souvent du cinquième au sixième jour. Elle est due, soit à la déperdition des 
forces, soit à l'asphyxie avec paralysie cardiaque, soit encore à une véritable 
septicémie. 

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL. De toutes les maladies qui, dans les livres classi- 
ques, sont opposées à la péritonite et regardées comme capables de mettre en 
défaut la sagacité du médecin, nous ne retiendrons que l’ascite aiguë, l’étrangle- 
ment interne, le phlegmon sous-péritonéal et l'entérite aiguë secondaire des 
enfants. 

I. Ascite aiguë. L'ascite aiguë, considérée par certains auteurs comme une 
péritonite, l’hydropéritonite aiguë, ne peut, d’après E. Besnier, être admise dans 
le cadre des péritonites. C'est une exsudation péritonéale simple, non inflam- 
matoire, qui peut débuter brusquement à la suite d'un refroidissement, s'accom- 
pagner même d'un mouvement fébrile et de quelques douleurs abdominales 
durant à peine deux ou trois jours, mais qui n'offre jamais le tableau clinique 
de la péritonite aiguë, ni les douleurs atroces, ni les vomissements incoercibles, 
ni l’état général grave. On se basera sur ce principe énoncé par Besnier, à savoir 
que l’exsudat de la péritonite est peu abondant dans les cas aigus. Il faut 
absolument se retrancher derrière ce principe, sans quoi on admettrait comme 
péritonites les cas observés par Meade et G. Johnson (Brit. Med. Journ., 1876), 
dans lesquels il y eut épanchement rapide et résorption rapide, ceux de Matthews- 
Duncan (Med. Times and Gaz., 1879), etc. 

IL. Étranglement interne. Nous ne dirons pas que l'étranglement interne peut 
simuler une péritonite, mais nous allons montrer que la péritonite peut être 
prise pour un étranglement interne. La thèse de Henrot (Paris, 1865), le mémoire 
du même auteur communiqué à la Société médicale de Reims (1875), l'observa- 
tion de Lancereaux (Arch. gén. de méd., 1874), le mémoire de Duplay (Arch. 
gén. de méd., 1876), sur quelques faits de péritonites simulant l’étranglement 
interne, et où se trouvent relatées deux perforations des voies biliaires, une perfo- 
ration de l'intestin, une ulcération et dix perforations de l’appendice iléo-cæcal, 
la thèse de Poupon (Paris, 1885), sur un cas de pseudo-étranglement dû à une 
pénitonite idiopathique, montrent que la péritonite aiguë, avec ou sans perfora- 


298 PÉRITONITES. 


tion, mais surtout avec perforation de l'appendice, peut donner lieu aux signes: 
de l’occlusion intestinale. Cela est surtout vrai pour les péritonites par perfora- 
tion qui s'accompagnent d'hypothermie ; nous nous rappelons avoir observé, 
au service du professeur Bernheim, une péritonite par perforation du duo- 
dénum, où nous fimes le diagnostic d'étranglement interne. Mais, dans certains 
cas, on sera mis en garde contre l'erreur par l'élévation de la température qui 
ne se trouve que dans la péritonite et par l'absence de contractions intesti- 
nales violentes, visibles sous la peau de l'abdomen, qui ne se trouvent que dans 
l’occlusion. 

IT. Phlegmon sous-peritoneal. Vaussy (1875), Gauderon (1876) et J. Bes- 
nier (Arch. gén. de méd., 1878), donnent la description de cette lésion et son 
diagnostic d'avec la péritonite purulente. Dans bien des circonstances, ce dia- 
gnostic est hérissé de difficultés. Le tableau clinique est le même pendant le 
premier slade de l'évolution du phlegmon et de la péritonite. Quand il y a 
perforation de la paroi abdominale, le phlegmon s'ouvre en n'importe quel 
point de la paroi ou du pourtour de l’ombilic; la péritonite perfore la cicatrice 
ombilicale qu'elle a préalablement refoulée et distendue sous forme de hernie 
purulente (Gauderon); après l'évacuation du pus, on constate, s'il s’agit d'un 
phlegmon, un relief circonserivant la poche auparavant remplie par le pus; dans 
la péritonite, il wy a pas de relief; le ventre est plat, quand le pus est évacué. 

IV. Entérite aiguë secondaire des enfants. Chez les jeunes enfants, la 
constipation manque assez généralement dans la péritonite : aussi l’entérite 
aiguë peut simuler l'inflammation aiguë du péritoine (Rilliet et Barthez). 
Toutefois dans l'entérite les symptômes généraux de la péritonite, facies grippé, 
refroidissement des extrémités, accélération extrême du pouls, douleur excessive 
et météorisme, font défaut. 

Diacxosric ÉrioLocique. Le diagnostic de péritonite étant assuré, il faut 
en reconnaitre la cause; dans certains cas, les commémoratifs suffiront pour 
guider le diagnostic. D'autres fois le diagnostic étiologique restera un mystère 
jusqu'à l'autopsie. Comme le diagnostic est absolument nécessaire actuel- 
lement pour servir de base à une intervention énergique, on a conseillé d'i- 
miter, dans certaines circonstances, la conduite audacieuse de Lawson Tait, 
qui fait dans tous les cas de péritonite aiguë une laparotomie exploratrice, opé- 
ration préalable qui, en mettant à nu la lésion, cause de la péritonite, lui per- 
met de traiter celte lésion et de supprimer ainsi la source de l'inflammation 
péritonéale. 

TRAITEMENT DE LA PÉRITONITE AIGUË GÉNÉRALISÉE, La base de tout traite- 
ment de la péritonite aiguë généralisée, c’est l'opium et la glace. 

2 I. L'opium, à l'intérieur ou mieux en injections sous-cutanées de chlorhy- 
drate de morphine, à cause des vomissements, remplit une triple indication : 
il calme la douleur, modère les contractions intestinales, et par conséquent 
immobilise la plus grande partie des viscères sous-péritonéaux, et place le 
malade dans cet état de repos favorable à la résolution spontanée des phleg- 
masies. On devra user largement des opiacés, nous voulons dire des injections 
de morphine. Une maladie aussi grave que la péritonite commande des soins 
particulièrement minutieux. Le médecin verra son malade plusieurs fois dans 
la Journée et, si les douleurs sont très-aiguës, lui fera, à chaque visite, une 
injection de morphine de À à 2 centigrammes jusqu'à sédation des douleurs; 
on peut parfaitement, si l'on veut s’en donner la peine, supprimer ou atténuer 


PÉRITONITES. 299 


notablement ce symptôme si pénible; nul médecin digne de ce nom ne faillira 
à cette tâche. 

Le système nerveux local et général étant en quelque sorte anesthésié, 
engourdi, il y a à faire un pas de plus dans le traitement rationnel de la 
phlegmasie péritonéale: il faut s'efforcer de l’atténuer, de l'enrayer; on y arri- 
vera plus ou moins par l'application continue et prolongée, pendant plusieurs 
jours, de vessies de glace sur l'abdomen. La vessie de glace agit non-seulement 
en diminuant l’hyperémie par la contraction des petits vaisseaux du péritoine, 
mais en modérant l’excitabilité nerveuse de la séreuse et en condensant les gaz 
de l'intestin. L'action de la glace est très-favorable, quand on agit dès le début 
de l’inflammation du péritoine, action qui ne se produit plus aussi bien quand 
les vaisseaux abdominaux sont paralysés, car alors c’est la chaleur qui est 
indiquée, ce sont les applications émollientes chaudes auxquelles il faudra donner 
la préférence. Si le médecin est appelé au début, il pourra prescrire une appli- 
cation de 10 à 20 sangsues loco dolenti, si le malade est vigoureux : par ce 
moyen il agira sùrement contre la douleur, peut-être contre l'inflammation. 

Nous ne recommandons les cataplasmes chauds que si la vessie de glace 
est contre-indiquée. Quant aux frictions avec l’onguent napolitain, au calomel 
administré à l’intérieur, aux frictions avec l'essence de térébenthine jusqu’à 
révulsion énergique de la peau de l'abdomen (Vidal), aux vésicatoires au début 
de la péritonite, aux injections chaudes dans l'intestin (Eisenmann), si on em- 
ploie ces moyens souvent infidèles, on risque de perdre un temps précieux, pen- 
dant lequel la péritonite ira en s’aggravant ; car il ne faut pas se faire d'illusion 
sur leurs avantages réels. 

Si l’on veut être logique, on s'efforcera de faire accepter aux malades les 
injections de morphine et la glace. La glace dès le début de la péritonite n’est 
contre-indiquée que par un état de collapsus algide et doit être par conséquent 
réservée au traitement des péritonites sans perforation, au début et pendant la 
période d'état de la maladie. 

2 IL Voilà pour le traitement antiphlogistique; d'autre part, il faudra agir 
contre l'élément infectieux qui se retrouve dans presque toutes les péritonites ; 
le traitement indirect consistera dans l'administration des médicaments et dans 
l'emploi des moyens qui peuvent soutenir le système nerveux et empêcher la 
prostralion des forces et le collapsus : l'alcool à hautes doses, le sulfate de 
quinine en injections sous-cutanées, les bains tiédes; mais, si on use de ce dernier 
moyen, on s’attachera à ne pas secouer les malades. 

On attaquera directement l'élément infectieux qui réside dans les exsudats 
en supprimant ces derniers; c'est la laparotomie qui remplirait le mieux ce 
but, la laparotomie avec toilette du péritoine aussi parfaite que possible ; cette 
opération a procuré la guérison même à des malades atteints de péritonite par 
perforation (Mickulics, de Varsovie, Arch. gén. de med., 1886). Certes elle n’a 
pas encore la faveur du public médical, habitué à n'employer contre la péritonite 
aiguë que les moyens médicaux, mais elle a été suivie de résultats si merveilleux 
dans les cas les plus désespérés, qu'on peut la considérer comme le traitement 
d'avenir de la péritonite. 

Nous ne saurions quitter ce sujet sans dire un mot du procédé indiqué par 
Netter pour combattre l'inflammation péritonéale. 

Dès 1864, à la Société de médecine de Strasbourg, Netter avait posé la ques- 
tion suivante : « Après une opération de hernie étranglée ne vaudrait-il pas 


300 PÉRITONITES. 


mieux laisser ouverte la plaie faite à la paroi abdominale, y introduire un tube 
de drainage, ou même y pratiquer des injections d’eau, que de faire des efforts 
pour obtenir une réunion par première intention? » 

Il avait été amené à soulever la question à propos d'une communication du 
professeur Kæberlé sur l'ovariotomie ; il s'agissait d’un cas désespéré de péri- 
tonite survenue quelques jours après l’opération et brusquement guérie par 
l'évacuation chirurgicale de 150 grammes de sérosité rougeâtre péritonéale dont 
la production ne remontait pas au delà de douze à quinze heures. 

Dans le cours de la discussion qui suivit Kœberlé avait formulé ce précepte : 
« Dès qu'il y a un épanchement liquide consécutif à un processus inflammatoire, 
il faut l’évacuer sans retard en ouvrant le péritoine. » 

Comment une si faible quantité de liquide récemment formé a-t-elle pu être 
nuisible? Kæberlé ayant attribué la nocuité au voisinage corrupteur des matières 
fécales de l'intestin, Netter proposa une explication autre : « Dans le vulgaire 
coryza, dit-il, les premiers liquides sécrétés se trouvent être si âcres, à vrai dire 
si corrosifs, qu'ils déterminent souvent des érosions et des ulcérations au pour- 
tour des narines et sur les lèvres. Pourquoi n'en serait-il pas de même des 
premiers liquides sécrétés par les séreuses, en particulier par le péritoine? De 
là l'indication, ou d’évacuer le liquide péritonéal récemment formé ou de le 
diluer dans une grande quantité d’eau injectée. N'est-ce pas la douleur aiguë 
qui, dans la péritonite, jette si promptement les malades dans l'adynamie algide? 
Or il me semble qu'au contact d'une grande quantité d’eau tiède injectée dans 
la cavité péritonéale la douleur doive disparaître rapidement, subitement. » 

En 1875, notre honorable confrère ayant lu le mémoire de Herlin, publié 
en 1767 sous le titre : Expériences sur l'ouverture de la vésicule du fiel et 
sur son extirpation chez le chien et le chat, fit à la Société de médecine de 
Nancy une communication où il exposa que « Herlin avait institué ses expériences 
sur les animaux, non pour guérir la péritonite déclarée, mais pour la prévenir 
par des injections d’eau tiède, dans le cas où le chirurgien serait appelé à 
ouvrir l'abdomen pour des accidents graves de lithiase biliaire et où son opéra- 
tion serait suivie d’épanchement de bile dans le péritoine; qu'il y avait lieu de 
procéder à la contre-épreuve des expériences de Herlin, en opérant comme lui, 
sauf à ne pas pratiquer les injections, afin de voir si alors la péritonite se 
déclarerait. » (Revue méd. de l'Est, 1875.) 

Mais, pour que l'expérience réussisse, il fallait placer les bêtes sur le dos, 
pour éviter l'écoulement des liquides par la plaie de l'abdomen; il y a alors 
rétention certaine des liquides nuisibles dans la cavité péritonéale. 

Mosimann (thèse de Paris, 1881) a réalisé les conditions de l’expérience 
posées par Netter. D’après ses conseils, il refit les expériences de Herlin en 
plaçant les animaux dans un décubitus tel que les premiers liquides sécrétés 
ne pouvaient s’écouler. Après piqûre de la vésicule biliaire, il laissa se produire 
les premiers accidents, puis, tandis qu’une série d’animaux étaient abandonnés 
à eux-mêmes, une autre série reçut des injections d’eau tiède dans la cavité 
péritonéale, pour diluer les premiers liquides. Le résultat fut conforme aux 
prévisions de Netter. Les animaux non injectés succombèrent et à l'autopsie 
on trouva tous les caractères de la péritonite ; les animaux injectés, au contraire, 
guérirent après que les symptômes les plus graves de la péritonite se furent 
dissipés comme par enchantement. 

Netter va au-devant d'une objection qu'on ne peut manquer de lui faire, 


PÉRITONITES. 501 


que nous lui avons faite : « En ce qui concerne la doctrine régnante sur l’état 
septique, infectieux, des liquides péritonéaux, il résulte des expériences de Bur- 
don Sanderson que cette doctrine est erronée; les liquides péritonéaux con- 
servent leurs propriétés irritantes, après qu'on y a détruit tous les microbes par 
la chaleur : aussi, d'après Burdon Sanderson, la propriété de ces liquides est-elle 
phlogogénique et locale (voy. la relation de ces expériences dans le Journ. de 
Ch. Robin, 1876, et Perruzier, Revue med. de l'Est, 1877). Avec cette con- 
clusion viennent, ce me semble, concorder les succès actuels de Kœberlé qui 
opère sans la méthode de Lister. A la vérité, le célèbre ovariotomiste de Stras- 
bourg pratique, dans toute sa perfection, la toilette abdominale; quel est d’ail- 
leurs le but des chirurgiens qui opèrent en pleine péritonite aiguë, sinon 
d'enlever les liquides irritants sécrétés par la séreuse péritonéale? » 

Cela posé, j'ajouterai que je voudrais voir la question du traitement chirurgical 
de la péritonite étayée par des expériences sur les animaux ; on répèterait les expé- 
riences de Mosimann pour chaque variété de péritonite, les animaux étant couchés 
sur leur dos; la péritonite une fois produite, certains animaux seraient laissés 
sans traitement, les autres recevraient une simple injection d’eau tiède. 

Voilà donc exposée la méthode thérapeutique de Netter; il nous reste à la 
discuter : d’abord nous ne saurions admettre, avec notre estimable confrère, 
que les premiers liquides intra-péritonéaux soient simplement corrosifs et non 
infectieux. Les expériences de B. Sanderson datent déjà de loin, ét nous croyons, 
ainsi que nous l'avons montré plus haut, qu'il est impossible à l'heure qu'il 
est de nier la septicité des exsudats péritonéaux. Mais, cet hommage rendu aux 
idées régnantes, nous ne voyons pas pourquoi on rejetterait à priori la méthode 
de Netter, c’est-à-dire l'injection dans le péritoine, dès que la péritonite aiguë 
est diagnostiquée, d’eau préalablement bouillie et ramenée par le refroidissement 
à la température de 38 degrés, pour diluer les exsudats septiques. 

Disons d’abord que cette injection a été faite une fois par Jobert de Lamballe 
dans un cas de péritonite suraiguë par perforation de la vésicule biliaire avec 
épanchement de bile dans le péritoine; la péritonite, après l'injection, prit un 
caractère subaigu et finit par guérir; ce seul fait démontre déjà la bénignité de 
l'injection péritonéale d’eau tiède. 

« Si les épanchements de bile, d'urine, etc., n’ont pas, dans certaines circon- 
stances, une terminaison fatale, c'est peut-être, dit Blanchard (thèse de Lyon, 
1882), parce qu'ils déterminent une abondante sécrétion séreuse qui en diluant 
le liquide épanché vient en atténuer les effets. » 

Nous avons trouvé une observation de péritonite suite de pleurésie purulente 
qui se termina par la guérison; chose remarquable, contrairement à ce qui 
arrive d'ordinaire, la péritonite se compliqua d’un épanchement abondant, 
d'une véritable ascite, et l’on peut se demander dès lors si le pus de la péritonite 
n’a pas été en quelque sorte noyé, dilué, rendu inoffensif, aseptique, par cette 
abondante exsudation séreuse (obs. de Bucquoy, in thèse Caillette. Paris, 1876). 

Certains auteurs ont décrit des cas d’hydropéritonite qui pour d'autres ne 
sont que des ascites aiguës fébriles; les premiers ont même une tendance à 
admettre que les ascites aiguës fébriles sont de véritables péritonites aiguës. 
Cette opinion est sévèrement jugée par Besnier (Ascıre, Dict. encycl.). « Jamais, 
dit-il, la phlegmasie aiguë du péritoine ne donne un épanchement abondant de 
sérosité. Cette règle ne souffre aucune exception. » Si cette opinion était exces- 
sive, s'il y a réellement des cas d’hydropéritonite, ou péritonite ascitique à 


302 PÉRITONITES. 


début aigu et à résolution rapide, ne serait-ce pas l'abondance même de l'exsu- 
dation séreuse qui serait le facteur de la bénignité de ces péritonites? Nous 
émettons une hypothèse; c’est aux faits ultérieurement observés à y répondre. 

On pourrait donc, à la rigueur, recourir à l'injection péritonéale d'eau tiède. 

Du reste ce moyen est, pour ainsi dire, employé dans une série de cas de 
péritonites suppurées, avec perforation de l'ombilic. Le chirurgien, pendant un 
temps, se contente de pousser par cet orifice une injection aseplique ou anti- 
septique, et on a vu des cas guéris par ce simple lavage. Aussi, d’après l'étude 
que nous avons faite des péritonites, nous croyons que l'injection aseptique 
d'eau tiède à 58 degrés est absolument inoffensive. Et qui sait? Cette injection 
en diluant les exsudats septiques pourra peut-être enlever à cette dernière un 
de ses principaux dangers, la septicité. Du reste rien n'empêche le chirurgien 
qui voudra tenter cette méthode de perfectionner le mode opératoire et d'éva- 
cuer par le même trocart qui aura servi à l'injection l'eau chargée de produits 
septiques et de faire plusieurs injections et évacuations successives Jusqu'à ce 
que tous les liquides septiques soient enlevés. 

Certes il y a lieu de tenir compte de la possibilité des adhérences récentes, 
obstacles qui seront parfois assez sérieux pour rendre difficile l'emploi de la 
méthode indiquée. 

La péritonite par perforation n’est pas justiciable de ce traitement : en effet, 
que peut faire une ascite artificielle, si l'intestin est perforé, si son contenu est 
épanché dans la cavité péritonéale? Dans ces cas il ne reste d'autre ressource 
que la laparotomie. 

La péritonite avec exsudat purulent sera traitée par la ponction, l'inersion, le 
drainage ou la laparotomie. 

2 IL. En troisième lieu, on appliquera le traitement symptomatique. La soif 
sera calmée par des boissons glacées, par des pilules de glace; on essayera de 
modérer les vomissements par l’ingestion de petites quantités de liquides, 
par les applications de collodion élastique à l'épigastre, par la potion de 
Rivière, le champagne et le siphon frappés, par la glace à l'intérieur. Le météo- 
risme sera traité par le cathétérisme du rectum; ce moyen servira, à coup sûr, 
à évacuer les gaz contenus dans le gros intestin; mais ceux qui sont renfermés 
dans l'intestin grêle ne seront nullement influencés. Si le météorisme est 
considérable, on pourra user de poudres absorbantes ; mais la condition difficile à 
observer, c’est la tolérance gastrique. Si le météorisme est extrême, refoule le 
diaphragme jusqu’à la troisième côte, comprime les deux poumons et produit 
un commencement d'asphyxie, on pourra faire la ponction de l'intestin avec 
un fin trocart, pour évacuer les gaz par la méthode de l'aspiration. 

La constipation ne doit pas être toujours combattue; il faut savoir la res- 
pecter et même favoriser, si cela est nécessaire, le repos de l'intestin. L'indi- 
cation serait formelle, s’il y avait des coliques fréquentes ; cependant il est des 
cas, rares, il est vrai, où la péritonite se complique de symptômes d’occlusion 
intestinale avec constipation absolue et vomissements fécaloïdes (Leduc, thèse de 
Paris, 1881). Dans ces cas, on cherchera, par les moyens appropriés, à rétablir 
le cours des matières. On se rappellera que bien souvent la péritonite par perfo- 
ration de l’appendice vermiforme simule l’{tranglement interne (Duplay), et que 
cette complication nécessite une indication autrement importante que celle de 
rétablir le cours des matières : c’est la laparotomie, pour oblitérer la perforation 
et nettoyer la cavité abdominale des matières fécales qui y sont épanchées. 


PÉRITONITES. 505 


Si le médecin n'est appelé qu’au stade de collapsus, on peut dire que le 
malade est perdu. Une trop grande adynamie contre-indique la Japaratomie. On 
s'efforcera toutefois de supprimer ou de diminuer la souffrance du moribond ; 
nous recommandons l'injection de morphine jusqu'à la fin de cette triste 
maladie; elle ne peut faire de mal et, administrée à dose suffisante, elle calme 
certainement. 

Le collapsus et l’algidité seront traités par les stimulants diffusibles, l'acétate 
d'ammoniaque, le thé au rhum, les injections d’éther répétées trois à quatre 
fois dans les vingt-quatre heures, la caléfaction artificielle du malade par 
les linges chauds, les cataplasmes chauds, les boules d’eau chaude aux extré- 
mités. 

Si la maladie se termine par résolution, il faudra favoriser cette issue heu: 
reuse par le badigeonnage à la teinture d'iode, par les vésicatoires qui trouvent 
ici une indication excellente, par les bains tièdes, par le massage de la paroi 
abdominale, par le repos au lit gardé pendant les premières semaines de la 
convalescence. 

Ériorocre: Pour étudier complétement l’étiologie des péritonites aiguës, il 
faudrait consacrer un chapitre spécial à chaque groupe de péritonites, mais 
ce travail nous exposerait à de fréquentes redites. 

Nous nous contenterons de donner une vue d'ensemble de l’étiologie des péri- 
tonites aiguës, puis nous aborderons l'étude de quelques variétés de péritonites. 

Dans certaines circonstances rares, la péritonite survient, sans cause organique 
connue, le plus souvent à la suite d’un refroidissement, parfois après des écarts 
de régime; c’est la péritonite à frigore, c'est la péritonite primitive ou idiopa- 
thique. 

Le plus souvent la péritonite est secondaire : tantôt elle est sous la dépen- 

dance d’un état général comme le rhumatisme (Vivant, 1884), l'érysipèle 
(Cheurlin, 1879), les fièvres éruptives, surtout la scarlatine (Moore, Dublin Journ. 
4876, et Mahomet, Schmidts Jahrb., 188%), qui a une tendance marquée aux com- 
plications des séreuses, la morve, la septicémie, l'infection purulente (Hilton 
Fagge, 1873), qui dans certains cas a donné lieu à des embolies infectieuses 
oblitérant des branches de l'aorte abdominale, la septicémie puerpérale avee 
lymphangite utérine ou pelvienne ; Anstie a même signalé des péritonites épidé- 
miques infectieuses frappant des enfants de l’école de Wandsworth, qu'il attribue 
à une intoxication par les miasmes qui se dégagent des égouts; déjà Gasc avait 
rapporté des cas de péritonites épidémiques observés dans l'armée; mais des 
faits de ce genre n’ont pas été signalés depuis; la cause même de l'épidé- 
mie de l’école de Wandsworth reste obscure. Certaines maladies chroniques, 
telles que la goutte, le mal de Bright, peuvent se compliquer de péritonite aiguë; 
la lésion rénale, cause d’inflammation abdominale, est signalée par Woillez 
(Bull. de la Soc. méd. des hôp., 1855) et par Hilton Fagge (Guy's Reports, 1873 
et 1875). 
La péritonite reconnaît souvent une cause locale : citons d’abord le trauma- 
tisme avec plaie pénétrante de l'abdomen ou sans plaie pénétrante, mais avec 
lésions viscérales ; les contusions ou ruptures du foie, de la rate, de l'estomac, 
de l’intestin, de la vessie, de l'utérus; les opérations qui se pratiquent sur les 
organes contenus dans la cavité abdominale; certaines manipulations : com- 
pression de l'ovaire gauche chez une hystérique (Comby, Bull. de la Soc. anat., 
1880), certaines opérations de petite chirurgie gynécologique. 


504 PÉRITONITES. 


Puis viennent certaines maladies générales qui agissent par leurs détermi- 
nations locales : c'est ainsi que l'érysipèle du tronc et de la paroi abdominale, 
l'érysipèle périombilical, chez le nouveau-né (Cadiat, Lorain), que la fièvre 
typhoïde (Rasaque, 1884), agissent, cette dernière, par des mécanismes variés, 
perforation intestinale, perforation de la vésicule biliaire suite de cholécystite 
suppurée typhoïde, propagation par voie lymphatique au niveau des plaques de 
Peyer; la péritonite a été observée aussi à la suite de la fièvre récurrente (Colle, 
the Lancet, 1872). 

La pleurésie primitive, surtout la pleurésie purulente, que l'inflammation soit 
généralisée ou localisée à la plèvre diaphragmatique, peut provoquer une lym- 
phanaite diaphragmatique simple ou suppurée qui, transmettant l’inflammation 
au péritoine, fait éclater une péritonite suppurée (Blanc, thèse de Lyon, 1881). 

Le tube digestif joue un rôle important dans la genèse de la péritonite aiguë : 
il y a d'abord les péritonites par perforation de l'estomac et du duodénum, de 
l'intestin, ducæcum et de l’appendice vermiculaire, du gros intestin. L’ulcération 
de ces organes creux se fait par différents mécanismes : par ulcère simple, can- 
céreux, toxique (empoisonnement par les acides ou les alcalis), par ulcères 
typhiques, par ulcérations tuberculeuses, ces dernières, rares; par ulcérations dues 
à des corps étrangers volumineux (estomac, intestin, cæcum), ou au contraire 
très-petits (appendice vermiforme). Les corps étrangers sont, ou des pièces 
métalliques dégluties par mégarde (Voisin, Union méd., 1878), ou des calculs 
biliaires et stercoraux (Cossy, Lyon méd., 1876), ou de simples amas de ma- 
tières fécales durcies, ou des noyaux, des arêtes de poissons, de petits os, des 
pepins, surtout des pepins de melon, que leur forme allongée rend sans doute, 
plus qu'aucun autre corps étranger, capables de pénétrer dans l'appendice (Gué- 
rard, Recherches sur les perforations de l’appendice iléo-cæcal). L'ulcération 
peut se faire au niveau du point d'étranglement de l'intestin dans l’occlusion 
intestinale ou dans la hernie étranglée; la perforation peut être précédée de 
gangrène de l'intestin enflammé au-dessus de l’étranglement. Le gros intestin se 
perfore dans la dysenterie, mais la péritonite est une complication rare de cette 
lésion. Ces péritonites par perforation sont septiques et dues à l'action sur le 
péritoine du contenu du tube digestif épanché dans sa cavité. Ces mêmes organes 
donnent lieu à la péritonite aiguë par un autre processus que la perforation par 
propagation; l'estomac peut s'enflammer d'une façon très-aiguë, et la maladie 
constitue la gastrite phlegmoneuse aiguë; la suppuration de la couche sous-mu- 
queuse de l'estomac se propage à la séreuse, et il en résulte une péritonite puru- 
lente généralisée dans plus de la moitié des cas; l’entérite phlegmoneuse peut 
aussi se compliquer de péritonite (observation de Gabriel, Wien. med. Press, 
1875, et observation de Belfrage et Hedenius (Upsala läk., 1876); il en est de 
même du cæcum et de son appendice atteints. de typhlite et de pérityphlite. 

L'irruption de certains liquides dans la cavité péritonéale donne lieu à une 
péritonite aiguë: ce sont la bile, l'urine, le contenu des kystes hydatiques, des 
kystes ovariques, des kystes simples, des épanchements enkystés dans le péri- 
toine, du sang altéré ou mélangé à des liquides septiques, de la lymphe, du pus. 
Aussi voit-on la péritonite se déclarer après les ruptures de la vésicule biliaire 
par excès de tension, après les perforations de cet organe par cholécystite sup- 
purée calculeuse ou spontanée (Debove, 1875), après les lésions analogues de la 
vessie, après la rupture des kystes hydatiques du foie (Finsen, Arch. de méd., 
6° série, t. XIII), après celle des kystes ovariques, des- kystes hématiques du 


PÉRITONITES. 305 


péritoine (Rouiller, 1885) ; après une hématocèle rétro-utérine, une rupture du 
foie, avec hémorrhagie intra-péritonéale, une déchirure du canal thoracique 
(Calley); à la suite de pénétration dans le péritoine du pus des abcès du foie 
(Rouis), de la rate, du pancréas, des trompes (Hofmeier, 1882), de l'ovaire 
(Lusk, 1881), des ligaments larges, des péritonites enkystées, des ganglions 
mésentériques, des ganglions de l’aine (Guyot), à la suite même des suppurations 
du psoas, des suppurations périnéphrétiques, rétro-péritonéales, de la paroi abdo- 
minale, du corps des vertèbres, etc. 

Certains cancers, ceux du fie et de la vessie, peuvent également se compliquer 
de péritonite aiguë. 

La péritonite peut être la conséquence de lésions des reins (néphrite suppurée, 
pyélite), de la perforation des uretères, de l'inflammation phlegmoneuse ou 
gangréneuse de la vessie, de la suppuration des vésicules séminales et du tissu 
cellulaire périvésico-prostatique (Cruveilhier), de l'orchite, quand le testicule 
n'est pas descendu dans les bourses (Ricord), de la menstruation (Sainton, 1880), 
de la métrite et surtout de l'endométrite non puerpérale, de l'avortement pro- 
voqué, de l'avortement naturel avec rétention du placenta, de la pelvi-péritonite ; 
de l’inflammation qui se produit autour des tumeurs de l'utérus et des ovaires ; 
de la suppuration des kystes fœtaux intra-abdominaux de la grossesse extra- 
utérine ou de la rupture de ces kystes. Kivisch a réuni 100 cas de grossesse 
extra-utérine ; 79 fois la maladie s’est terminée par la mort, et parmi ces 79 cas 
50 fois on a noté la péritonite. Sur 132 cas Hecker n'a observé que 12 fois la 
péritonite aiguë. 

Enfin Cuffer (1874) a vu la péritonite se déclarer comme complication d'un 
rétrécissement fibreux du rectum; Weil (Gaz. des hôp., 1872) a observé un 
fait de péritonite à la suite d'un abcès périnéal. Wehenkel (Presse méd. 
belge, 1881) a observé un cas de condylome syphilitique du rectum avec perfo- 
ration à 12 centimètres au-dessus de l'anus, suivie d’hémorrhagie péritonéale 
et de péritonite mortelle. 

VARIÉTÉS DE PÉRITONITES AIGUËS. — 41° PÉRITONITE AIGUË IDIOPATHIQUE.  L'’exis- 
tence de cette affection, admise par Broussais, Andral, Legrais, fut niée par 
Chomel, Grisolle, Valleix, ou bien regardée comme une manifestation du 
rbumatisme sous le nom impropre de péritonite rhumatismale. 

Depuis la publication des trois mémoires de Duparcque (1827, 1849, 1857), 
surtout après la thèse de Gauderon (1876), la péritonite idiopathique était 
démontrée chez l'enfant. 

Chez l’adulte elle est également admise par Hardy et Béhier, par Second Féréol, 
par Charbonnier (thèse de Strasbourg, 1868), par Leroy et Rondot (thèses de 
Paris, 1869 et 1878). 

Sans doute elle constitue une TADA rare, mais les faits suivants, suivis tous 
autopsie, et dans lesquels on a trouvé les organes abdominaux absolument 
intacts, ne permettent plus de la révoquer actuellement en doute. 

Ce sont deux observations de Cruveilhier (1845), une de Rayer (Thirial. 
Union médic. » 1853), une de Lebert (Phys. path.), une de Grisolle (thèse de 
Leroy, 1869), di avait d’abord diagnostiqué une péritonite par perforation de l'ap- 
pendice iléo-cæcal, et qui fut obligé, après l'autopsie, d'admettre le diagnostic de 
péritonite aiguë idiopathique à frigore, celle de Blachez (Soc. méd. de Paris, 
1867), de Bigelow (Phil. Med. Times, 1875), de Wyrzykowski (Gaz lekar., 1876), 
de Bertels (Petersb. med. Woch., 1875), de Driant (Rec. med. mil., 1877), de 


DIGT: ENC. 2% s. XXII]. 20 


306 PÉRITONITES. 


Rondot, recueillie dans le service de Fauvel (1878), d'Adams (Bost. Med. and 
Surg. Journ., 1884), de Poupon (thèse de Paris, 1885). 

Voilà 13 faits, où l'autopsie a été faite d’une façon très-minutieuse, qui prouvent 
qu'il existe une péritonite aiguë idiopathique comme il existe une pleurésie, une 
péricardite, une méningite primitive. 

Énorogir. Chez l'adulte c'est le refroidissement qui est noté dans la plupart 
des cas : de là le nom de péritonite à frigore, donné par certains auteurs ; les 
malades ont eu le corps mouillé subitement, ou bien ils ont absorbé des boissons 
glacées, ils ont couché à plat ventre sur le sol humide, ils ont été saisis par le 
froid, alors qu'ils avaient le corps en sueur. Il n'est pas besoin de dire que chez 
ces malades on ne trouve pas, en même temps que la péritonite, d’autres mani- 
festations rhumatismales. La péritonite à frigore et la péritonite rhumatismale 
sont deux maladies distinctes. 

La maladie atteint des individus de vingt à cinquante-cinq ans; elle n’a pas 
été observée chez le vieillard. 

Chez l'enfant, c’est encore le refroidissement qui doit être invoqué comme 
cause de la péritonite. On sait, dit Gauderon, avec quelle fougue les enfants 
prennent part aux jeux, combien leurs exercices et leurs mouvements sont immo- 
dérés. Ce n’est souvent qu'après qu'ils sont trempés de sueur qu'ils se retirent 
dans un coin pour reprendre haleine; survient un abaissement de température 
ou un courant d'air froid, les enfants sont alors dans les meilleures conditions 
pour contracter une maladie à frigore; ajoutons à ces causes l’ingestion des 
boissons froides, glacées. 

C'est de cinq à douze ans qu'on observe le plus communément la maladie ; 
c'est le sexe féminin qui est surtout atteint; mais c'est à tort que Duparcque 
en avait fait une maladie frappant exclusivement les petites filles sous le nom 
de péritonite essentielle des jeunes filles. Gauderon cite, dans sa thèse, 25 obser- 
vations de péritonite idiopathique et sur ce nombre 44 cas appartiennent à de 
jeunes garçons. 

Les enfants sont frappés au milieu d'une santé parfaite. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. La péritonite idiopathique aiguë est toujours géné- 
ralisée. Dans les autopsies, l’exsudat péritonéal a été trouvé séro-fibrineux, séro- 
purulent, fibrino-puralent, plus ou moins abondant. L'épanchement purulent 
peut être abondant mème dans la péritonite idiopathique (Lebert). Quant aux 
épanchements séreux qui se forment en abondance et avec rapidité dans le péri- 
toine et qui ont été regardés par Andral, par Meade et G. Johnson (Brit. Med. 
Journ., 1875), comme liés à la péritonite idiopathique, ils doivent rentrer dans 
la description des ascites aiguës primitives telle que l'ont exposée Wolff, Rilliet 
et Barthez et E. Besnier. Pour Besnier, « la péritonite aiguë, quelle qu’elle soit, 
ne donne pas lieu à un épanchement hydropique, mais produit des fausses mem- 
branes et du pus. Cette règle ne supporte aucune exception. L’ascite ne saurait 
se montrer qu'après la chute des phénomènes d'’acuité de la péritonite, lors- 
qu'elle est sur le point de passer à l'état chronique ». 

Nous n'avons, à dessein, rapporté que des observations suivies d’autopsie ; on 
conçoit cependant que la péritonite aiguë idiopathique soit susceptible de gué- 
rison, chez l’adulte. En tous cas, chez l’enfant, elle a un mode de terminaison 
très-bien mis en relief par Gauderon: nous voulons parler de l'issue du pus par 
la perforation de l'ombilic; ce mode de terminaison de la maladie s’est produit 
11 fois sur 25 cas réunis par cet auteur. Dans ce cas, il se fait une distension de 


PÉRITONITES. 307 


la cicatrice ombilicale par le pus; en effet, d'après Gauderon, l'ombilic est l'en- 
droit faible de l'abdomen ; là le péritoine est mal soutenu par une mince épais- 
seur des tissus, le fascia ombilicalis faisant défaut 8 fois sur 10 chez les enfants 
et n'étant pas disposé de façon à renforcer le péritoine au niveau de l'ombilie et 
à le protéger contre une cause de distension ou de rupture. 

Dans 11 cas de perforation de l’ombilic cités par Gauderon, la guérison a eu 
lieu 8 fois. 

SympromatoLoGiE. Chez l'adulte, la péritonite aiguë primitive apparaît ordi- 
nairement après quelques jours de prodromes, caractérisés par du malaise, de la 
fatigue, de la courbature ; puis tout à coup éclate une douleur brusque dans le 
ventre, douleur suivie bientôt des autres symptômes de la péritonite aiguë. Les 
prodromes peuvent manquer et alors le début de la péritonite aiguë idiopathique 
ressemble à celui des péritonites par perforation; les malades se réveillent eu sur- 
saut, le corps glacé, tout tremblant, le ventre atrocement douloureux. La fièvre 
atteint 40 degrès et plus, présente des exacerbations vespérales de 4 degré environ 
le premier jour et, lorsque la mort arrive, malgré l’état asphyxique, la chaleur 
demeure manifestement fébrile. La douleur est au début localisée, mais elle 
se généralise bientôt. Cette localisation de la douleur au début empèchera tou- 
jours de poser le diagnostie de péritonite idiopathique, parce qu'elle semble 
indiquer une lésion locale, soit de l'intestin, soit d’un des organes abdominaux. 
C'est ainsi que Grisolle diagnostiqua une péritonite par perforation de lap- 
pendice iléo-cæcal et qu'à l’autopsie on ne trouva aucune lésion de l’appendice 
ni du cæcum. La marche est assez rapide; la mort arrive en général vers le 
quatrième jour, parfois quelques jours plus tard. Nous croyons la guérison 
possible et elle est admise par Rondot, qui cite des observations ; mais, en lab- 
sence d’autopsie, il est absolument impossible d'affirmer la nature idiopathique 
de la péritonite. 

Chez l'enfant, la péritonite idiopathique ne présente pas le début brusque de 
la péritonite par perforation; elle est souvent précédée de prodromes dont la 
durée varie de un à trois jours ; l'enfant, très-bien portant jusqu'alors, est pris 
d’une indigestion durant la nuit et, pendant les deux ou trois jours suivants, il 
devient indifférent à ses jeux, triste, maussade ; il perd l’appétit et accuse des 
douleurs vagues dans le ventre et de petits frissons. Tout à coup éclate nne vive 
douleur abdominale, dans un des flancs, autour de lombilie ou à l'hypo- 
gastre; cette douleur est généralisée bientôt et devient telle qu'instinctivement 
l'enfant se tient immobile dans son lit, dans le décubitus dorsal, les cuisses 
fléchies sur le ventre et les jambes fléchies sur les cuisses (Duparcque). La fièvre 
s'allume et devient rapidement élevée; en même temps l'enfant est pris de 
nausées et de vomissements; les vomissements sont constants dans la péritonite 
idiopathique des enfants ; ils n'ont manqué que 2 fois sur 25 dans les observations 
de Gauderon, et encore il s'agissait de péritonite circonscrite. Ces vomissements 
sont, quelquefois muqueux, le plus souvent bilieux, provoqués par la moindre 
cause, par exemple, par l’ingestion d'une gorgée de tisane (Gauderon). Ils 
sont assez fréqueniment suivis d’éructations très-fatigantes pour l'enfant. Les 
vomissements sont intermittents; dans certain cas, ils se sont montrés inces- 
sants. 

La constipation est opiniàtre et constante; d'après Rilliet et Barthez, la 
constipation a manqué dans presque tous les cas qu'ils ont observés, mais il 
s'agissait de péritonites secondaires. Duparcque a noté ce symptôme dans tous 


308 PÉRITONITES. 


les cas, Gauderon 20 fois sur 22; dans les deux autres cas, le début de la 
maladie a été marqué par une diarrhée dysentériforme et par une cholérine. 

Le ventre se ballonne et devient dur, tendu, rénitent. Le facies se grippe, le 
pouls devient petit, accéléré. La langue peut rester humide; souvent elle pré- 
sente la coloration verdâtre de matières vomies, elle devient noirâtre, grillée, 
aux approches de la mort; l'appétit est nul, la soif extrêmement vive. 

La nuit, les enfants sont agités par des rêvasseries, puis par un délire vio- 
lent qui pourrait en imposer pour une méningite; parfois au contraire ils 
sont assoupis. 

La maladie marche vers le terme fatal, tantôt avec une rapidité presque fou- 
droyante, et alors, en moins de vingt-quatre heures après le début de la douleur 
abdominale, le pouls devient insensible, la météorisme augmente, la douleur et les 
vomissements cessent, les extrémités se refroidissent et se cyanosent, la face 
prend l'aspect cadavéreux, la vue s'éteint, l’ouie s'émousse, l'enfant délire ou 
tombe dans le coma. 

Cette forme foudroyante est rare, et Gauderon ne l'a trouvée relatée que 2 fois 
sur 22 cas. Le plus souvent la marche est moins rapide et la mort survient du 
5° au 9° jour par l'aggravation lente et constante des symptômes; c'est ce qui 
est arrivé 8 fois sur les 11 cas de mort observés. par Gauderon; dans les 3 
autres cas, la mort n’est survenue que du 2° au 4° mois, et il y avait eu éva- 
cuation de pus à travers l'ombilic. La guérison a été observée 10 fois sur 22 cas : 
sur ce nombre elle s’est produite 8 fois par louverture spontanée de la cicatrice 
ombilicale et l'évacuation de pus. La guérison est précédée d’un amendement 
des symptômes du 8° au 10° jour : le facies devient meilleur, le pouls se relève, 
les vomissements s’éloignent pour disparaître peu à peu ; le ballonnement diminue 
en même temps que la douleur. 

Terminaison de la péritonile par suppuration et par évacuation du pus à 
travers la cicatrice ombilicale. Quand la péritonite doit se terminer par suppu- 
ration, après une période aiguë dans laquelle on observe tous les symptômes 
les plus graves de cette maladie, il y a une période de rémission, puis bientôt 
les symptômes de la suppuration se montrent 8, 15, 20 jours et même plus, 
après le début de la maladie, caractérisés par des frissons suivis d’un redouble- 
ment de fièvre, de diarrhée, de vomissements et de douleurs. Le ventre augmente 
de volume, et on constate qu'il s'est produit de la matité ; l'épanchement aug- 
mente et on perçoit bientôt de la fluctuation, comme cela a été observé 7 fois 
sur 22 cas cités par Gauderon. La matité s'élève, puis l'ombiliese distend, devient 
proéminent, rouge, douloureux à la pression; cette tumeur ombilicale est fluc- 
tuante, et réductible dans l'abdomen, puis, après un temps plus ou moins long, 
lombilic cède, se perfore et laisse couler le pus en abondance. Le moment de 
cette perforation varie : tantôt elle se fait le 42° jour, tantôt le 2° mois, en 
moyenne du 20° au 50° jour après le début de la maladie. Aussitôt que la 
tumeur ombilicale est ouverte, il se produit généralement un jet puissant de 
pus ; la quantité de liquide qui s'écoule immédiatement est toujours considérable ; 
elle peut être de 1, 2 ou 3 litres. L'odeur de ce pus est variable : tantôt il a une 
odeur stercorale insupportable, tantôt il n’a aucune mauvaise odeur ; le pus est 
généralement phlegmoneux, bien lié, louable; il est rarement séreux et flocon- 
veux, il n'a donc pas ce caractère que quelques auteurs croyaient spécial aux 
suppurations des séreuses (Bricheteau). Nous savons d’ailleurs que la suppuration 
de certaines séreuses, de la plèvre, par exemple, donne du pus bien liéet phleg- 


PÉRITONITES. 309 


moneux, tandis que certains phlegmons suppurés donnent un pus séreux, mêlé 
de flocons fibrineux (Gauderon). 

Aussitôt après l'évacuation de la collection péritonéale purulente, on voit géné- 
ralement les enfants revenir à la vie; ils éprouvent un soulagement immédiat 
considérable ; on voit cesser aussitôt la fièvre, les vomissements, les frissons ; 
les douleurs abdominales vont en diminuant, le ventre reprend sa souplesse et 
son volume, l'appétit renait. Mais pendant quelque temps encore la fistule ombi- 
licale donne du pus en quantité plus ou moins considérable, suivant les jours. 
Enfin la suppuration diminue de quantité et de caractère; elle devient séreuse 
et bientôt est complétement tarie (Gauderon); la fistule ombilicale se ferme 
à ce moment ; entre le jour de la perforation de l'ombilic et le jour où la fistule 
se ferme il s'écoule en moyenne 4 mois, parfois moins (8 jours), parfois plus 
(7 mois 1/2). 

L'enfant conserve encore un peu de gêne abdominale dans la station assise, 
dans la station debout ou la marche ; cette gêne est due probablement à lexis- 
tence de brides péritonéales. Enfin la guérison s'achève et se maintient parfaite. 

Pleurésie purulente compliquant la peritonite suppurée idiopathique. Gau- 
deron l’a notée 4 fois dans les observations de Baizeau, de Bricheteau, de 
West, et dans une observation personnelle. Cette pleurésie nécessite parfois l'opé- 
ration de l'empyème. Dans ces cas la pleurésie siégeait à droite; elle doit être 
attribuée à la propagation de l'inflammation du péritoine à la plèvre par l'inter 
médiaire d'une lymphangite diaphragmatique. 

La péritonite peut aussi se terminer par perforation de l'intestin, ainsi que le 
prouve une observation de Gauderon avec autopsie. 

Dragxosric. La marche rapide de la péritonite aiguë idiopathique permet 
d'exclure la péritonite tuberculeuse. Certains cas ont trompé le clinicien et l'ont 
amené à diagnostiquer une péritonite par perforation. Celle-ci toutefois s'en 
distingue par l'absence de la période prodromale chez l'adulte comme chez 
l'enfant, et par l'hyperthermie centrale qui atteint toujours 39 à 40 degrés. 
Mais il est difficile de la différencier des péritonites secondaires; on aura cepen- 
dant, pour se guider, l'absence même de lésions primordiales, et le début franc 
à la suite d’un refroidissement. 

Pourrait-on confondre la péritonite idiopathique aiguë avec l’ascite aiguë? 
Si nous en croyons E. Besnier, « on peut voir, au moment du début d’une 
ascite rapidement développée chez un individu bien portant, survenir un état 
général plus ou moins grave avec douleur abdominale, mais les douleurs ne 
sont jamais comparables à celles de la péritonite aiguë et les vomissements 
bilieux manquent ». D'ailleurs les phlegmasies aiguës du péritoine ne donnent 
jamais lieu à de l’ascite (Besnier). 

Une péritonite idiopathique qui débute assez brusquement au milieu de la 
pleine santé est bien faite pour en imposer au médecin et lui laisser croire à un 
étranglement interne. Poupon (1885) a rapporté un cas de péritonite idiopa- 
thique simulant une occlusion intestinale. 

Nous avons indiqué plus haut la possibilité chez les enfants de symptômes 
cérébraux dans la péritonite aiguë. Si le médecin observe les vomissements, la 
constipation, la fièvre, les accidents cérébraux, le délire, les cris plaintifs, il 
peut songer à une méningite, mais l'examen du ventre qui est très-douloureux 
dans la péritonite le mettra rapidement sur la voie du diagnostic. 

Enfin, chez l'enfant, il faut établir le diagnostic entre la péritonite et le phleg- 


310 PÉRITONITES. 


mon des parois abdominales. Ce diagnostic a été bien étudié dans la thèse de 
Gauderon et dans un article de J. Besnier (Arch. de méd., 1879). Chez les 
adultes (femmes) le phlegmon est consécutif à une inflammation des annexes 
des organes génitaux; chez l'enfant le phlegmon est très-rare; les douleurs des 
phlegmons sont limitées ; elles ont quelque chose de fixe et de circonscrit qui fait 
corps avec les parois abdominales (Chassaignac); les nausées et les vomisse- 
ments n’ont ni l'intensité ni la fréquence de ceux qu’on observe dans la péritonite 
(Bernutz) ; le ballonnement manque dans le phlegmon ainsi que le facies grippé 
et les caractères du pouls de la péritonite; quand la suppuration a lieu, la fluc- 
tuation existe dans les deux cas, mais dans le phlegmon la tumeur fluctuante 
est généralement unilatérale et entourée d’une induration périphérique qui 
manque toujours dans la péritonite; enfin, quand le phlezmon s'ouvre sponta- 
nément par la paroi abdominale antérieure, l'orifice de perforation se fait, non 
pas au niveau de la cicatrice ombilicale, mais en dedors de cette cicatrice, en 
général au-dessous (Vaussy, thèse de Paris, 1875); de plus le phénomène, propre 
à la péritonite suppurée, de la distension de l’ombilic sous forme de hernie 
purulente, n'existe pas. Cela a lieu chez l'adulte et chez l'enfant. 

Trarremenr. La péritonite aiguë idiopathique ne présente pas d'indications 
spéciales. 

Quand après avoir passé par la suppuration elle menace de perforer l’ombilie, 
on ne doit pas hésiter à évacuer la collection péritonéale par louverture au 
bistouri de la hernie purulente, après avoir assuré le diagnostic par une ponction 
exploratrice avec l'aspiration. On introduira un tube à drainage dans l'orifice 
ombilical eton fera par ce tube des injections et des lavages antiseptiques; si 
l'écoulement se fait mal, il faudra songer à pratiquer une contre-ouverture dans 
les parties déclives de la paroi abdominale ; il est utile de dire que cette incision 
devra être suffisamment large pour vider le pus convenablement. Au besoin on 
ferait la laparotomie et la toilette du péritoine. 

2e PÉRITONITE RHUMATISMALE. La péritonite rhumatismale peut être locale ou 
générale, primitive ou secendaire, se développer isolément ou concurremment 
avec d’autres manifestations du rhumatisme sur les viscères ou les articulations; 
elle peut donner lieu à un exsudat fibrineux, séro-fibrineux, et même à un 
exsudat purulent ou sanguin. Suivant les cas, elle peut être bénigne et fugace, 
ou fixe et mortelle. 

La possibilité de la péritonite rhumatismale avait été admise par les anciens 
auteurs, mais les faits probants manquaient encore. C’est en 1859 qu'Andral, 
dans ses lecons cliniques de la Charité, publie la première observation de péri- 
tonite rhumatismale. 1] s’agit d'un rhumatisme aigu dont les manifestations arti- 
culaires disparurent et furent remplacées par une péritonite mortelle avec 
exsudat hémorrhagique. Chauffard (Soc. méd. des hôpitaux, 1863) rapporte un 
cas de péritonite primitive qui fut suivie d'accidents articulaires et dont l’issue 
fut favorable. Hérard (Soc. méd. des hôp., 1865) a publié un cas de rhumatisme 
articulaire qui se compliqua d’endocardite ulcéreuse, de péricardite, de péri- 
hépatite localisée récente sans infarctus, et de ue membranes fibreuses à 
la face interne de la dure-mère. 

Chauffard cite 12 cas de pelvi-péritonite qu’il rapporte au rhumatisme, mais 
ces faits ne sont pas probants (Arch. gén. de méd., 1863), ce sont des pelvi-péri- 
tonites menstruelles. Dionys de Séjour (Gaz. des hôp., 1866) rapporte un cas 
de rhumatisme articulaire terminé par la guérison où la péritonite a été pré- 


PÉRITONITES. 341 


cédée de douleurs articulaires disparues subitement et suivie de nouvelles dou- 
leurs articulaires revenues au moment de la disparition de la péritonite. 

En 1869, Desclaux publie deux cas de péritonite subaiguë que Marotte, chargé 
du rapport à l’Académie de médecine, considère comme franchement de nature 
rhumatismale. En 1873, Aimé Martin lit à la Société médicale des hôpitaux une 
observation de péritonite qui, dans le cours d'un rhumatisme à manifestations 
variées, débute avec l'éclat d’une péritonite par perforation et tue le malade en 
deux jours. Malheureusement il n’y a pas eu d'autopsie. Lors de la discussion, 
Peter et Guibout ont rapporté des faits de péritonite: la malade de Peter guérit, 
celle de Guibout succomba en vingt-six heures. La même année, Morin rap- 
porte un cas de péritonite rhumatismale avec épanchement considérable, para- 
centèse, et mort le lendemain de cette opération. Henri Desplats (Union médicale, 
1873) relate une observation de péritonite dans le cours d’un rhumatisme arti- 
culaire et qui se termina par la mort au bout de sept jours. A l'autopsie on 
trouva une péritonite généralisée plus marquée vers le mésentère et le petit 
bassin, avec un exsudat presque nul. Manouvriez fils (Lyon méd., 1873) cite un cas 
favorable de rhumatisme articulaire dans le cours duquel éclatent une péritonite 
et une pneumonie. Leudet a observé une péritonite rhumatismale avec épanche- 
ment purulent. Blachez (Gaz. heb., 1874) rapporte une observation de rhuma- 
tisme articulaire dans le cours duquel apparaissent successivement une endo- 
péricardite, une pleurésie double, une péritonite généralisée qui dure trois jours 
entiers, une encéphalopathie qui tue le malade six jours après; il n’y eut pas 
d'autopsie. Vivant (thèse de Paris, 1884) a recueilli dans le service de M. le pro- 
fesseur Hayem une observation de rhumatisme articulaire aigu survenu chez 
un malade atteint de rétrécissement mitral dù à une endocardite rhumatismale 
ancienne et qui s'est terminé par une péritonite avec exsudat séro-fibri- 
neux. 

Il résulte des faits qui viennent d'être cités, que la péritonite précède 
ou suit les localisations articulaires du rhumatisme. En admettant la nécessité 
de cette évolution, nous rejetons de la péritonite rhumatismale tous les cas de 
péritonite à frigore improprement appelés par les Allemands péritonites rhu- 
matismales. Pour que nous admettions sans réserve le diagnostic, il faut qu'il 
y ait en même temps d'autres manifestations viscérales ou articulaires du rhu- 
matisme. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. La plupart des auteurs classiques admettaient que 
le rhumatisme ne détermine sur la séreuse péritonéale que des phénomènes 
fugaces et mobiles. Les observations précédentes montrent qu'on trouve tous 
les degrés de l’inflammation, depuis la simple hyperémie avec exsudat peu 
abondant, jusqu'à l’exsudat fibrineux, séro-fibrineux, purulent (Leudet) et 
hémorrhagique (Andral). La séreuse est plus ou moins dépolie, plus ou moins 
épaissie. 

Les organes de l'abdomen sont sains ou leur altération n’a aucune relation 
avec la péritonite. Il existe en même temps des complications viscérales du rhu- 
matisme et des localisations sur les autres séreuses. C’est ainsi qu'on peut trouver 
une endopéricardite ancienne ou récente, des pleurésies, une méningite; les arti- 
culations peuvent encore être malades, mais parfois aussi la localisation articu- 
laire a rétrocédé et les jointures sont intactes. 

SymproMATOLOGIE. On peut observer deux variétés de péritonite rhumatismale : 
la forme bénigne et la forme grave. 


512 PÉRITONITES. 


1. Forme bénigne. Son allure est vive, bruyante, d'apparence réellement 
inquiétante; le plus souvent le malade est atteint depuis plusieurs jours d’un 
rhumatisme articulaire aigu qui semble marcher normalement; il en est à la 
1%, 2° ou 5° attaque. Les articulations sont gonflées, rouges, douloureuses; la 
peau est chaude, quelquefois couverte de sueurs; on est en présence d'un état 
fébrile assez vif. Rien ne fait prévoir ce qui va se passer. Tout à coup, brusque- 
ment, sans cause apparente, débute Ja péritonite, soit que les douleurs articu- 
laires, le gonflement et la rougeur des jomtures, diminuent ou disparaissent, soit 
au contraire que ces phénomènes persistent avec toute leur intensité, ainsi que 
le pense Besnier (Dict. encycl. des sc. méd., art. Rauuarisue). La péritonite s'an- 
nonce par une douleur vive dans le ventre, accompagnée de constipation. Elle 
se manifeste d’une manière soudaine chez un individu affecté de la diathèse 
rhumatismale, puis elle disparaît avec la même rapidité. La douleur est d’abord 
localisée en un point; en peu d'instants elle atteint son apogée et se diffuse 
à tout l'abdomen. Il est dans la nature des fluxions rhumatismales d'arriver 
rapidement, d'emblée, à leur summum d'intensité. La douleur est violente et 
accrue par la pression. La fièvre est vive et atteint 40 degrès. Le pouls est à 
120 et au-dessus; la face se grippe, le nez s’efile et se refroidit, les yeux se cer- 
clent de noir, le malade présente rapidement le facies hippocratique. En même 
temps d’autres phénomènes péritonéaux se manifestent : nausées, vomissements 
fréquents, bilieux, mais rarement porracés. Le météorisme augmente, le malade 
est plié dans son lit, évitant la toux et tout mouvement. L’épanchement est 
rarement considérable. Avant que le médecin ait eu le temps de faire l'appli- 
cation des remèdes, qui peuvent rappeler, comme le voulait Portal, la maladie 
articulaire dans les points extérieurs où elle avait primitivement son siége, la 
détente se fait brusquement après un temps court; tout disparait, et alors, ou 
bien les manifestations articulaires peuvent reparaître, avec leur violence pre- 
mière, ou bien le rhumatisme continue à évoluer avec ou sans autres compli- 
cations. Enfin, dans certains cas, on peut voir reparaître avec la même intensité 
une nouvelle péritonite. Ou bien la péritonite bénigne se termine moins brus- 
quement en quelques jours, sans traitement. Il n’y a pas à craindre dans ces 
cas d'accidents ultérieurs de cette péritonite. 

2. Forme grave. Cette forme a un début brusque. Les douleurs abdomi- 
nales sont vives d'emblée et augmentent les jours suivants. Il se produit des 
nausées, des vomissements bilieux abondants, de la constipation; la face se déco- 
lore, maigrit et exprime l'anxiété la plus vive. Ily a de l’hyperthermie; le 
pouls est fréquent, petit et dur. La mort survient en trente-six ou en quarante- 
huit heures, précédée de sueurs froides visqueuses, d’une pâleur horrible de 
la face, de diminution de l'intelligence et de la sensibilité, de stupeur et de 
coma terminal (Andral, Vivant). 

Marcne. Généralement aiguë, ainsi que cela ressort de la plupart des obser- 
vations. Cependant, dans 2 cas de Desclaux, la péritonite a eu une marche 
subaiguë. 

Proxosric. Il dépend de l'état symptomatique. Ce n’est pas le début de Paf- 
fection qui peut permettre d'affirmer si l’on aura affaire à un cas favorable ou 
défavorable. En tout cas, le pronostic est plus sérieux actuellement qu'autrefois ; 
les cas de mort sont au nombre de 9 ; les cas de guérison, en exceptant ceux 
de Chauffard, considérés comme des pelvi-péritonites menstruelles, sont au nombre 
de 6. Ainsi, sur 15 cas de péritonite rhumatismale, la mort est survenue 


PÉRITONITES. 313 


9 fois, c’est-à-dire dans 60 pour 100 des cas. Nous accordons donc, d’après ces 
faits, une gravité exceptionnelle à la péritonite rhumatismale. 

Traitement. C'est une illusion que de vouloir ramener la fluxion articu- 
Jaire dans le cours des complications viscérales. Une fois qu’elle sont déclarées, 
elles sont justiciables du traitement antirhumatismal et du traitement anti- 
phlogistique. ; 

5° PÉRITONITE DANS LA FIÈVRE TYPHOÏDE.  Hisrorique Er ErroLocre. Avec Breton- 
neau et Louis, la péritonite typhoïde est synonyme de péritonite par perforation 
de l'intestin. Cette synonymie est rejetée par Thirial (1853) et Bourdon (1856), 
qui à côté des péritonites par perforation observent d’autres faits où l'autopsie ne 
révèle pas de perforation intestinale. 

La distinction de deux variétés de péritonite typhoïde d'origine intestinale, 
lune par perforation, l’autre par propagation, est dès lors bien établie. 

Mais ce n'est pas tout. Les observations ultérieures ont montré que les lésions 
de l'intestin, pour produire la péritonite, ne devaient pas siéger nécessairement 
dans l'iléon. On cite des péritonites par ulcération ou perforation du cæcum avec 
pérityphlite, par ulcération du gros intestin (Betke). 

Mais les lésions intestinales typhiques n'ont pas le monopole de la production 
de la péritonite typhoïde. La cholécystite suppurée avec perforation (Archam- 
bault, 1852; Rilliet et Barthez, Murchison, Hagenmüller, 1876 ; Liebermeister, 
Thierfelder, Colin, Ranvier, 1864; Leudet, 1874), ou sans perforation de la vési- 
cule (Budd, Chedevergne, 1864, Hagenmüller, 1876), la périhépatite (Murchison) ; 
la périsplénite (Gœtz, Merklen), les infarctus de la rate (Murchison, Robertson, 
Hoffmann, Jenner, Liebermeister), les abcès de la rate (Stricker), les abcès de 
la paroi de la vessie (Griesinger), les abcès de l'ovaire (Hoffmann); la suppura- 
tion développée dans l’un des muscles grands droits de l'abdomen (Zenker, 1864), 
une adénite inguinale (J. Guyot, 1858), la suppuration des ganglions mésenté- 
riques (Jenner), la rupture de la vessie par distension exagérée, sous l'influence 
de la rétention d'urine (Jaccoud), constituent autant de lésions qui peuvent 
donner lieu à la péritonite dans le cours de la fièvre typhoïde. 

Parmi les nombreuses causes de péritonite, nous n’étudierons que les périto- 
nites dues aux lésions intestinales. 

1° Péritonite par propagation. Cette péritonite se produit au début de la 
fièvre typhoïde ; elle est précoce. Elle éclate vers la fin du premier ou au com- 
mencement du deuxième septenaire (Laveran, thèse de Sales, 1875); cependant 
on l’a vue débuter après le troisième septenaire (Vallin) et même tardivement (2 cas 
de Murchison), le trente-cinquième et le cinquante-sixième jour de la maladie. 

Parnocénie. Cette variété de péritonite a lieu par un mécanisme que l’on 
comprendra, si l’on examine ce qui se passe au niveau de la séreuse qui tapisse 
la partie de l'intestin où se trouvent les plaques de Peyer. Le péritoine viscéral 
qui est en rapport avec une plaque dure est rouge à son niveau; tous les vais- 
seaux, et en particulier les petites veines, sont dilatés et remplis de sang; 
lorsque cette plaque est ulcérée, la séreuse qui la recouvre est épaisse et pré- 
sente des taches grises ou blanchätres, opaques, à peine saillantes, qu'à Poil 
nu on pourrait prendre pour des granulations tuberculeuses, mais qui sont 
dues à des infiltrations inflammatoires. L'inflammation en effet y est manifeste ; 
on y voit des cellules lymphatiques ou embryonnaires agglomérées au milieu 
d'une substance fondamentale amorphe. L'inflammation a gagné en profondeur 
de la plaque de Peyer à la séreuse, à travers les couches musculeuses. Cette 


514 PÉRITONITES. 


inflammation superficielle du péritoine siége sous l’endothélium de cette mem- 
brane séreuse (Cornil et Ranvier). Dans certains cas de péritonite typhoïde par 
propagation, ce point de départ peut être nettement démontré par la présence 
d’exsudats plus abondants, ou par une injection plus vive au niveau d'une plaque 
de Peyer ulcérée ou en voie de nécrose. Mais parfois le point de départ de la 
péritonite ne peut être retrouvé, soit qu'il y ait déjà des ulcérations, soit que 
les lésions des plaques de Peyer en soient encore au stade de gonflement, 
comme cela a été observé quand la péritonite éclate à la fin du premier septe- 
naire (Laveran et Sales). 

SYMPTOMATOLOGIE. Ña péritonite par propagation peut être circonscrite ou 
généralisée : dans le premier cas, on voit se développer des symptômes périto- 
néaux qui restent limités et n’ont pas l'intensité ou la durée de ceux de la 
péritonite généralisée ; ils vont bientôt en diminuant; dans le second cas, les 
symptômes sont ceux d'une péritonite diffuse aiguë, à marche rapide, à termi- 
naison rapidement fatale. Quelquefois la douleur est peu intense, le début 
n'est pas soudain et la mort survient sans grande manifestation péritonéale. 
Dans certains cas très-rares, le malade tombe dans le collapsus après avoir tout 
à coup présenté de vives douleurs abdominales. On dirait une péritonite par 
perforation, sans qu’on puisse en découvrir le point de départ (Griesinger). 

2. Péritonite par perforation. La fièvre typhoïde se complique souvent de 
perforation de l'intestin. Les plaques de Peyer se sont nécrosées; l'intestin 
s’est ulcéré à leur niveau, les tuniques ont disparu, sauf la séreuse, réduite à 
l'épaisseur d'une toile d'araignée. Cette membrane, d’une fragilité extrême, se 
déchire sous l'influence de l'augmentation de la tension intra-intestinale. 

On peut juger de la fréquence de la perforation d’après la statistique suivante, 
qui porte sur 1715 autopsies de fièvre typhoïde, et où l'on a trouvé la perfora- 
tion 196 fois, soit dans 11,4 pour 100 des cas; ce chiffre est une moyenne des 
statistiques anglaises, françaises et allemandes : 








Autopsies. Perforations. Sur 100. 
Anglais esse e a 410 80 19,41 
Emncas a: 270 25 9,25 
Allemands oann ee e TSS 91 8,75 
1715 196 Moy. 11,4 


Ériocogie. La perforation survient plus fréquemment chez les hommes que 
chez les femmes. C'est ce que nous apprennent les statistiques de Louis, Grie- 
singer, etc. Mais, comme dans la statistique de Murchison qui porte sur 73 cas, 
la proportion relative des malades des deux sexes est sensiblement égale, la 
fréquence plus grande chez l’homme, dans les autres statistiques, doit être con- 
sidérée comme n'étant pas la règle. 

Quant à l'âge, on sait que la perforation est très-rare chez les enfants; ceci 
se conçoit, puisque les lésions intestinales sont en général peu profondes dans 
l'enfance. 

Certaines séries de malades offrent plus de perforations que d’autres. On s'est 
demandé si ce fait ne tenait pas au mode de traitement et l’on a accusé la méthode 
de Brandt de favoriser la perforation intestinale. Naturellement les partisans de 
cette méthode nient cette influence fàcheuse des bains froids (Liebermeister). 
On a aussi incriminé le régime alimentaire du typhique, l'alimentation précoce 
et défectueuse. Cette raison serait valable, s’il était prouvé que l'alimentation 


PÉRITONITES. 315 


est mal supportée, qu'il y a formation exagérée de gaz par suite de la fermen- 
tation de certains aliments, qu'il y a eu des vomissements, ou un effort de défé- 
cation, ou simplement exagération du mouvement péristaltique. 

Un fait certain, c’est que la perforation se produit souvent à l’occasion d’un 
mouvement brusque; l'action mécanique ne peut évidemment agir que si la 
tunique intestinale est très-amincie par le processus ulcératif. C'est donc au 
moment où l'ulcération des plaques de Peyer est produite qu’a lieu la perfo- 
ration, soit donc à partir du troisième septenaire. Mais la règle souffre des 
exceptions. Peacock, Goodbridge et Louis, l'ont observée souvent le huitième, le 
neuvième et le douzième jour. Dans ces cas, la date du début a-t-elle été établie 
d’une façon rigoureuse? Ne s'agit-il pas de cas de typhus ambulatoire à évolu- 
tion latente? On sait en effet que la perforation éclate parfois tout à coup au 
milieu d’un état de santé apparente, et à l’autopsie on trouve des plaques de 
Peyer profondément ulcérées et perforées. 

La perforation est aussi fréquente dans le cours de la troisième et de la qua- 
trième que dans celui de la cinquième semaine. Elle peut être tardive et sur- 
vient alors dans une rechute ou au début de la convalescence; quelquefois en 
pleine convalescence, un mois, deux mois, trois mois après le début de la 
maladie. La perforation est précédée, dans bien des cas, d’hémorrhagies intesti- 
nales qui relèvent du même processus ulcératif. Sur 82 cas appartenant à Mur- 
chison et Goldamer, 14 fois il y eut des entérorrhagies, soit dans 17 pour 100 
des cas. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. Le siége de prédilection de la perforation est l'intestin 
grêle, près de la valvule; la perforation peut se faire aussi, mais plus rarement, 
dans le cæcum, le côlon ascendant, et surtout au niveau de l'appendice ver- 
miculaire. Sur 427 cas de perforation cités par Nack, 406 fois la lésion existait 
dans l’iléon, 12 fois dans le côlon, 15 fois dans l'appendice. 

La perforation est ordinairement unique, quelquefois double, triple ou 
multiple. La perforation n'est pas en rapport avec le nombre de plaques de 
Peyer ou des follicules clos atteints, mais avec la profondeur de leurs ulcéra- 
tions. Une seule plaque malade suffit pour produire la perforation (Chomel, 
Andral, Lereboullet, Laboulbène, Martineau). 

L'orifice de perforation est en général très-petit, comme une tête d'épmpgle, 
un grain de chènevis ; il forme le sommet d’une sorte de cratère ou d’entonnoir 
ouvert du côté de la muqueuse ; il atteint = res me les dimensions d’une 
pièce de 20 ou de 50 centimes. 

Le contenu intestinal s’est vidé dans la cavité péritonéale ; la péritonite est 
constante. Dans quelques cas exceptionnels on ne trouve pas de trace d'inflam- 
Mation de la séreuse, la mort étant arrivée trop rapidement. Nous avons observé 
un cas de ce genre à la clinique du professeur Bernheim. La malade avait avant 
la mort des selles jaunes très-liquides; ce liquide fut retrouvé dans la cavité 
péritonéale et dans l’intérieur de l'intestin grêle. On pensa d'abord qu'il s'agis- 
sait d'un épanchement purulent, mais il n’y avait pas de globules de pus, pas 
de fibrine, pas de fausses membranes, et la séreuse n'était pas hyperémiée. La 
malade était arrivée au deuxième jour de la convalescence lorsqu’en se retournant 
dans son lit elle fut prise d’un frisson avec douleur abdominale atroce, suivie de 
coliques, et la mort survint au bout de dix heures. 

La péritonite offre les caractères de la péritonite par perforation ordinaire. Nous 
w'insisterons donc pas sur ce point. 


316 PÉRITONITES. 


SYMPTOMATOLOGIE. Tantôt on assiste au tableau classique de la péritonite par 
perforation; la complication éclate bruyamment et se reconnaît aisément aux 
symptômes décrits précédemment ; elle présente cependant ce signe particulier 
qu'elle s'accompagne parfois d'une chute de la température avec algidité; ce 
fait est d'autant plus remarquable que la perforation se produit pendant la 
période hyperthermique de la fièvre typhoïde. Mais elle peut avoir un début 
insidieux, surtout quand le malade est plongé dans la stupeur. Il réagit mal 
et, du reste, on peut ne pas observer de météorisme, ni de vomissements, ni 
même de douleur (Louis, Chomel, Cruveilhier, Aurel, Forget); on n'observe 
que du collapsus et de l’algidité, avec l’altération des traits et la petitesse du 
pouls. 

La mort arrive rapidement : sur 65 observations de Murchison, 14 fois la mort 
survint en moins de douze heures ; les autres malades ont succombé dans les 
quarante-huit heures. Griesinger a vu mourir ses malades du deuxième au qua- 
trième jour, 69 fois sur 81 cas. La mort est quelquefois retardée jusqu’au sep- 
tième ou huitième jour (Louis, Andral), jusqu’au dix-huitième et au vingt et 
unième jour (Murchison); dans ces cas il y avait des adhérences, et la péritonite 
n'était pas généralisée. 

4° PÉrironITE DANS L'ÉRYSIPÈLE. La péritonite a des rapports indéniables avec 
l'érysipèle ; elle a été observée dans l’état puerpéral et chez le nouveau-né ; 
ce n'est qu'exceptionnellement qu'elle s’est produite en dehors de ces conditions; 
en ce cas, elle compliquait un érysipèle du tronc ou de la paroi abdominale. 

4 1. Lymphopéritonite erysipelateuse des femmes en couche. Une femme en 
couche est prise de frissons, de fièvre, de douleur abdominales, de vomisse- 
ments, etc., et présente les symptômes d'une fièvre puerpérale ; en même temps 
un érysipèle apparaît au niveau des organes génitaux, ou dans un autre point des 
téguments. D'autres femmes couchées dans la même salle que la première pré- 
sentent de la fièvre puerpérale sans érysipèle, ou de l'érysipèle sans fièvre puer- 
pérale. Ces rapports de l'érysipèle avec la fièvre puerpérale ont été signalés par 
Pihan Dufeillay, Alexis Moreau, Hutchison, Ingleby, Duncan, Maurice Ray- 
naud, etc. On ne comprenait pas très-bien la raison de cette coïncidence des 
deux affections. Les uns considéraient la péritonite comme la manifestation sur 
le péritome d'un érysipèle interne (Daudé, Virchow), les autres comme la pro- 
pagation au péritoine d'un érysipèle ayant pris naissance à la surface de la 
cavité utérine (Raynaud) et ayant déterminé une péritonite par propagation. Depuis 
qu'on sait que la fièvre puerpérale n'existe pas (Siredey) et que la péritonite 
puerpérale est une lympho-péritonite à début de lymphangite utérine septique, 
on peut avec Cheurlin (th. de Paris, 1879) admettre l'interprétation suivante : si la 
femme en couche a un érysipèle externe, il n'y a pas de doute à avoir; si la 
femme n’a pas d'érysipèle cutané, on peut admettre que les micrococei de l’érysi- 
pèle se sont développés seulement sur la plaie utérine et ont déterminé la lym- 
phangite utérine comme l’eussent fait les micrococci de la septicémie puer- 
pérale. Fehleisen (Ætiologie des Erysipels, 1883) et Rosenbach ont obtenu par 
des cultures un streptococcus qui est désigné sous le nom de streptococcus 
érysipélateux ; il est formé de chaïnettes assez semblables à celles du Streptococcus 
pyogène du phlegmon, mais plus régulières (Cornil et Babès) et plus égales ; leurs 
cultures sur la gélatine et l’agar-agar sont plus blanches, moins épaisses que celles 
des micrococcus de phlegmon et donnent l'apparence de feuilles de fougère, lors- 
qu'on fait une strie sur une plaque de gélatine. Ce micrococcus inoculé reproduit 


PÉRITONITES. 317 


l’érysipèle. Ces inoculations se font sur les animaux ; elles ont été faites sur 
l’homme par Fehleisen. 

Au premier congrès allemand de gynécologie de Munich (juin 1886), Winc- 
kel (de Munich) a présenté un lapin auquel il a injecté une culture provenant 
du sang pris dans le cæcum d’une femme morte de péritonite puerpérale. En 
même temps ce lapin a été inoculé à l’oreille, et il en est résulté un érysipèle 
vrai, nettement circonserit. Winckel a présenté en outre des cultures qui ont 
servi à ces inoculations, puis une culture de micrococcus de l’érysipèle prove- 
nant d’un érysipèle typique de la face sans formation de pus, et enfin, comme 
terme de comparaison, une culture de streptococcus pyogène provenant d’un 
phlegmon. Les deux premières cultures sont tout à fait identiques, aussi bien 
au point de vue microscopique qu'au point de vue macroscopique, et elles 
sont différenciables de celle du streptococcus pyogène. Winckel voit, dans 
ce fait, une preuve que les microbes spécifiques de l’érysipèle sont une des 
causes de la fièvre puerpérale, et il conclut de ces expériences que l’idée d’un 
érysipèle malin puerpéral interne, introduite par Virchow dans la science, pour 
expliquer certaines espèces de fièvre puerpérale, est fondée en droit. 

De ce qui précède nous pouvons conclure que la péritonite érysipélateuse des 
femmes en couches est une variété de septicémie puerpérale, dépendant non 
plus du micrococeus décrit par Pasteur et Doléris, mais du streptococcus propre 
à eo 

à 2. Péritonite érysipélateuse des nouveau-nés. La pathogénie des accidents 
péritonéaux des nouveau-nés est susceptible de la même interprétation que celle 
des accidents péritonitiques des femmes en couche atteintes d’ érysipèle, quand 
l'érysipèle siége sur la paroi abdominale et précède le péritonite ; c’est vraisembla- 
blement la plaie ombilicale qui sert de point d'inoculation au micrococcus érysi péla- 
teux; consécutivement il se produit une phlébite ombilicale, phlébite infectieuse 
qui peut aboutir à la suppuration, et la séreuse se prend par voisinage. Les 
faits de ce genre ne sont pas rares (Baron, Lorrain, Raynaud, Hervieux, etc.). 

Mais, quand la péritonite est consécutive à un érysipèle de la face, l'interpré- 
tation n’est plus la même, et nous tombons dans le domaine de l'hypothèse. Un 
fait certain cependant, c'est que l'enfant nouveau-né se trouve dans un milieu 
riche en streptococci de l’érysipèle, puisque sa mère et les femmes en couche de 
la même salle sont atteintes d’érysipèle ; qu'il y ait une éraillure de la peau de la 
face, rien d'étonnant qu'elle serve de point d’inoculation au micrococcus. Reste 
à savoir maintenant comment se déclare la péritonite. S'agit-il de la localisation 
sur une séreuse de l’érysipèle, maladie infectieuse, maladie du ‘sang? N'est-ce 
pas plutôt une seconde inoculation du micrococcus sur la plaie ombilicale, sans 
production de l'érysipèle de la paroi abdominale? Cette dernière explication 
nous parait plus vraisemblable que la première. 

Enfin Hervieux a cité des cas de péritonite des nouveau-nés suivie d érysipèle 
de la paroi abdominale. Cet auteur pense que l'érysipèle cutané s'est développé 
secondairement par voisinage ; la péritonite purulente inoculée au niveau de la 
plaie ombilicale est primitivement de nature érysipélateuse; consécutivement la 
propagation de l’érysipèle se fait à travers la paroi abdominale. C’est ainsi que 
la pleurésie peut donner lieu à des érysipèles du thorax (Monneret) ; la stomatite 
ulcéreuse à des érysipèles de la face (Hervieux). 

8. Péritonite érysipelateuse en dehors de l'état puerperal et du premier 
âge. Nous trouvons deux observations de péritonite érysipélateuse dans ia 


318 PÉRITONITES,. 


thèse de Cheurlin (Paris, 1879) : l’une des malades, jeune femme de vingt-sept 
ans, est atteinte d’un érysipèle ambulant ayant débuté par le tronc, autour d’un 
abcès de Vaisselle; la mort survint rapidement dans le collapsus ; à l'autopsie 
on trouva le péritoine hyperémié et recouvert d’un exsudat fibrineux sans 
épanchement. Dans l’autre observation, il s’agit d'une homme de quarante-deux 
ans, atteint de pneumonie gauche, puis d’un érysipèle ambulant du tronc suivi 
de pleurésie droite avec épanchement séreux, puis de péritonite suppurée et 
terminée par la mort. 

Pour expliquer ces cas, il faut admettre, ou bien que l'érysipèle s'est propagé 
du tronc au péritoine à travers la paroi abdominale, ou bien que l’érysipèle s’est 
localisé d'emblée sur le péritoine. Raynaud admet la propagation de voisinage 
de la peau au péritoine. Cheurlin envisage l'érysipèle comme une maladie infec- 
tieuse pouvant étendre son action nocive sur différents organes, et même sur les 
séreuses. Gosselin admet parfaitement que l'érySipèle est dù à un principe infec- 
tieux pouvant donner naissance, en altérant tout l'organisme, à des manifes- 
tations diverses, à des lésions cutanées, séreuses, etc., et il se base sur ce fait 
que les séreuses et les synoviales se prennent quelquefois dans les maladies infec- 
tieuses (Gosselin, ErysiPèLE cuirurGicaz. In Dict. de méd. et de chir. prat.). 

Les idées de Gosselin ont été en quelque sorte confirmées par la découverte 
du principe infectieux, du streptococcus érysipélateux. 

SYMPTOMATOLOGIE. La péritonite compliquant un érysipèle de la paroi abdo- 
minale est insidieuse ; tous les symptômes classiques peuvent manquer; la com- 
plication péritonéale évolue silencieusement et l’autopsie seule vient en révéler 
l'existence. C'est ainsi que les choses se sont passées dans les deux observations 
rapportées par Cheurlin. Le pronostic a été fatal dans les deux cas; on peut en con- 
clure que l’érysipèle des parois abdominales porte en lui un danger qui est sa 
tendance à se compliquer de péritonite. 

9° PÉRITONITE PUERPÉRALE. Pour bien comprendre la péritonite puerpérale, il 
est nécessaire de connaître toutes les opinions médicales qui ont été émises depuis 
le jour où, pour la première fois, la lymphangite a été considérée comme 
l'expression, pour ainsi dire constante, de ce qu'on appelait autrefois la fièvre 
puerpérale. 

C'est Tonnelé qui le premier, en 1829, décrivit la lymphangite, comme cause 
des accidents puerpéraux. Sans doute le mémoire de cet auteur ne fit pas oublier 
l'important travail de Dance (1828) sur la phlébite. Aussi, malgré les autopsies 
de lymphangites pratiquées par Duplay et Gruveilhier, malgré une monographie 
de Botrel (1845) sur l’angioleucite puerpérale, Béhier (1864) lui-même qui, sans 
s’en douter, fit de nombreuses autopsies de lymphangite, voyait la phlébite par- 
tout, et son idée fit école. Il avait cependant reconnu que la péritonite était la 
forme la plus fréquente de l'infection puerpérale, puisque, sur 140 autopsies, 
il constata 11% fois la péritonite, soit dans 81 pour 100 de cas. Just Lucas- 
Championnière, dans sa thèse de 1870, a revendiqué, pour la lymphangite, le 
premier rang parmi les maladies des suites de couches; il a soumis à une 
critique sévère, mais courtoise, les propres faits de Béhier, et par ses dissections 
et ses injections il a, comme base anatomique de cette conception, montré que 
l'utérus puerpéral était d'une richesse extrème en lymphatiques. Siredey (4n- 
nales de gynécologie, 1875), dans un article où il prouve que la fièvre puer- 
pérale n'existe pas, est conduit à considérer la maladie dite fièvre puerpérale 
comme n'étant le plus souvent qu'une Iymphangite. Cette doctrine est relatée dans 


PÉRITONITES. 319 


les thèses de deux de ses élèves, les docteurs Fioupe et Auger (1876). Dans le 
Traité d'accouchements de Spiegelberg (1878), la description que cet auteur 
donne des lésions utérines de la fièvre puerpérale se rapporte absolument à celle 
de la lymphangite. Afin que l'on ait une idée exacte de la circulation lym- 
phatique de l'utérus puerpéral, nous citons les mots de Cruikshanks : « Les 
vaisseaux lymphatiques sont aussi volumineux qu’une plume d'oie, et si nom- 
breux que, lorsqu'on les injecte au mercure, on serait presque tenté de croire 
que la matrice n’est qu'un tissu de vaisseaux lymphatiques. » Siredey, dans son 
Étude clinique sur les maladies puerpérales, montre que la péritonite est une 
lympho-péritonite. Sur 200 autopsies faites dans son service hospitalier, Siredey ale 
plus souvent rencontré la lymphangite et la péritonite réunies, puis la phlébite 
avec les deux affections précédentes ; plus rarement la phlébite sans lymphangite 
ni péritonite, très-rarement la péritonite seule. En d’autres termes, la péritonite 
puerpérale et la lymphangite ütérine marchent de pair; il existe entre ces deux 
lésions un rapport constant; les Iymphatiques, en effet, bien que leur com- 
munication directe avec le péritoine ne soit pas encore matériellement prouvée, 
sont superficiels; ils rampent immédiatement sous la séreuse, la couche de 
tissu cellulaire qui les couvre étant si mince qu'elle disparaît par places. 

Cela posé, on comprendra pourquoi nous rejetons, dans ce travail, les diverses 
classifications prônées par les auteurs, et pourquoi nous nous en tenons, pour la 
description de la péritonite puerpérale, à celle donnée par Siredey. 

La péritonite pucrpérale peut être localisée dans certaines formes bénignes ; 
au contraire, dans les formes graves, elle se généralise bientôt. Il y a donc deux 
variétés de péritonites puerpérales : la péritonite généralisée et la pelvi-péri- 
tonite. Nous renvoyons l'étude de cette dernière au chapitre PÉRITONITES PAR- 
TIELLES, article PELVI-PÉRITONITE AIGUË. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. I. Péritonite généralisée. Les femmes qui suc- 
combent à la péritonite puerpérale généralisée ont le ventre fortement tendu. A 
l'ouverture de l’abdomen, on trouve les intestins distendus par des gaz et refou- 
lant le diaphragme. L’inflammation est plus marquée sur les organes pelviens, 
surtout sur l'utérus, que sur les organes de la partie supérieure du ventre. 
Quand la mort est arrivée rapidement, on peut ne trouver aucune trace d’inflam- 
mation à la surface de l’estomac ou de la partie supérieure de l'intestin, comme 
si la péritonite n'avait pas eu le temps de gagner les parties supérieures. Le péri- 
toine est recouvert de fibrine qui peut, par places, constituer des membranes 
épaisses, de véritables masses d’un aspect blanc jaunâtre, friables, sans vaisseaux 
de nouvelle formation. L’exsudat liquide est séro-purulent; il est jaunâtre, lai- 
teux; il est plus ou moins abondant ; sa quantité peut dépasser 1 litre. Quand 
l'inflammation a gagné la séreuse diaphragmatique, il peut y avoir, par suite 
de la continuité des lymphatiques sous-péritonéaux et des lymphatiques sous- 
pleuraux (Léopold, Fioupe, Laroyenne) à travers le diaphragme, une pleurésie 
qui donne également lieu à un exsudat purulent. 

IL. Lymphangite utérine. En examinant l'utérus d'une femme en couche 
morte de péritonite, on aperçoit des cordons blancs jaunâtres, noueux, manifestes 
à la surface de la paroi postérieure et des bords de cet organe : ce sont les lympha- 
tiques enflammés. Ces trainées lymphatiques ont un diamètre qui varie depuis 
celui d’un fil à coudre jusqu'à celui d'un stylet de trousse, et sur leur trajet se 
voient des ampoules variant du volume d'un grain de chènevis à celui d’un hari- 
cot, dilatations lymphatiques qui correspondent aux espaces intervalvulaires 


520 PÉRITONITES. 


remplis et distendus par le pus et qu'il ne faut pas prendre pour de véritables 
abcès. 

J. L. Championnière a montré que c'était surtout au niveau des lymphatiques 
enflammés que se trouvaient les fausses membranes de la péritonite. Cette dispo- 
sition indique assez nettement la propagation de l’inflammation des lymphatiques 
superficiels à la séreuse péritonéale. Les Iymphatiques profonds, qui rampent 
dans le parenchyme utérin présentent les mêmes altérations visibles sur des 
coupes de l'utérus. Il est parfois difficile de suivre complétement tous les lympha- 
tiques dans le tissu utérin et au voisinage de la muqueuse. Cependant 
J. L. Championnière a insisté sur la richesse et le développement des vaisseaux 
lymphatiques au niveau de la surface d'insertion du placenta, et Léopold a décrit 
des trainées purulentes partant de la muqueuse, qui suivent les tractus celluleux 
intermusculaires pour se rendre dans les troncs superficiels en entraïnant, 
d'après cet auteur, du pus, des bactéries et des débris de muqueuse enflammée. 

Mayor a aussi trouvé des trainées de globules de pus allant de la muqueuse 
et pénétrant dans la couche musculaire autour des canalicules Iymphatiques. 
Quand cette suppuration périlymphatique se confond avec le contenu du lympha- 
tique, elle donne lieu à des abcès véritables. 

Les lymphatiques peuvent être frappés de thrombose ; celle-ci se produit dans le 
cas de lymphangite très-intense, avec exsudation de fibrine mélangée au pus; la 
coagulation de la fibrine donne lieu à un caillot blanchâtre. Ces thrombus, en 
oblitérant la circulation lymphatique, déterminent en amont une dilatation qui 
rend très-apparents les vaisseaux enflammés; mais, au delà de l'obstacle, le vais- 
seau vide conserve son volume normal et échappe à l'œil; puis, plus loin, à la 
première anastomose latérale, le lymphatique reparait dilaté par le pus que lui 
apporte un lymphatique voisin (Siredey). 

Le tissu cellulaire de l'utérus est œdématié surtout dans le voisinage des 
lymphatiques enflammés; cet œdème lui donne un aspect gélatineux ; les cellules 
conjonctives sont arrondies, volumineuses, leur protoplasma est granuleux, et elles 
sont en voie de prolifération. 

Les veines sont intactes dans le cas de lymphangiteutérine pure ; on peut observer 
cependant la coexistence des lésions de la phlébite avec celles de la lymphan- 
gite, mais la phlébite n’est pas nécessaire et sa rareté même dans le cas de 
péritonite puerpérale démontre suffisamment qu'il n’y a pas entre les deux 
altérations, phlébite et péritonite, de relation de cause à effet. Les lésions les 
plus apparentes, les plus considérables, appartiennent au péritoine et au système 
lymphatique; la phlébite est simplement surajoutée à la lympho-péritonite, qui 
n'a avec elle d'autre lien que leur origine commune sous l'influence de la 
puerpéralité. 

IT. Cavité utérine. L'utérus présente un volume considérable ; il y a une 
véritable suspension du travail d’involution utérine, un arrêt d’involution; 
l'utérus peut présenter 14 à 15 centimètres du fond à la naissance du col et 
autant d’une corne à l’autre. 

La surface interne de l’organe, au voisinage de l'insertion placentaire, est cou- 
verte d’un détritus grisâtre ou brunätre, sanieux, sorte de bouillie que l'on 
peut détacher en faisant couler sur elle un simple filet d'eau. La muqueuse est 
en voie de nécrobiose, infiltrée de globules de pus, de granulations graisseuses 
(Cornil), plus ou moins épaissie; parfois elle a l'aspect de fausses membranes 
(endométrite diphthéritique), d’autres fois elle est jaunâtre ou brunâtre, infiltrée, 


LÉRITONITES. 324 


œdématiée, recouverte d'un liquide puriforme de mauvaise odeur (endométrite 
suppurée). Enfin il existe dans son épaisseur, outre les granulations, des cellules 
lymphatiques, ds microbes qui sont parfois en nombre extrêmement consi- 
dérable. 

Le tissu musculaire est en voie de dégénérescence granuleuse plus ou moins 
avancée. 

Ces altérations de la métrite ne sont pas nécessairement de nature inflamma- 
toire et peuvent n'être que des lésions régressives ; mais elles constituent éga- 
lement, dans ce cas, un terrain favorable au développement de microbes, qui sont 
les vrais agents des accidents puerpéraux et le premier terme de cette série 
de lésions qui aboutit à la péritonite puerpérale. 

En effet, après l'accouchement et l expulsion du placenta, il existe dans l’inté- 
rieur de l’utérus une plaie d’un diamètre qui ne mesure pas moins de 10 centi- 
mètres, criblée d’une quantité innombrable d’orifices vasculaires, béants, baignés 
d’abord de sang pur et plus tard d'un liquide purulent mêlé de détritus orga- 
niques susceptibles d'y subir la décomposition putride; parfois l'absence de 
retrait utérin favorise la formation dans l’intérieur de la cavité de caillots 
sanguins susceptibles de se putréfier, d'autres fois il y a rétention des lochies et 
de détritus organiques putréfiés par suite d'obturation du col. C'est alors que les 
bouches béantes des lymphatiques, qui se trouvent à la surface de la plaie utérine, 
résorbent ces liquides et s'enflamment à leur contact; cette inflammation des 
lymphatiques profonds de l'utérus peut aussi bien donner lieu à des inflamma- 
tions du parenchyme que l'inflammation transmise par elle aux Iymphatiques 
réticulaires sous-péritonéaux peut provoquer par contiguité l'éclosion de la 
péritonite. 

Émorocie. T résulte de ce tableau anatomo-pathologique que la raison étio- 
logique la plus importante de la péritonite, c'est la lymphangite utérine. 

Sans doute on a signalé des cas de péritonite à la suite de lymphangites 
pelviennes, avec absence de lymphangite utérine ; on a même vu la péritonite 
se produire à la suite de simples excoriations vulvaires ayant donné lieu à de 
l'adénite inguinale compliquée elle-même de lÿmphangite de la fosse iliaque. De 
même on a rapporté des cas de péritonite avec lymphangite existant à la 
surface de l'ovaire et surtout au niveau du hile ou bien encore au niveau du 
pavillon de la trompe. 

Quel que soit le mécanisme du développement de la lympho-péritonite, elle 
est elle-même due à l'introduction dans les vaisseaux lymphatiques de germes 
microbiens. Mais quelle est la substance même de la contagion, quel est l'agent 
infectieux? Mayrhofer, en 1873, trouvait, dans les lochies fétides des femmes en 
couche, le vibrion qui devait être l’agent de l'intoxication. ll put même cultiver 
ce vibrion dans une solution ammoniacale et faire périr les lapins auxquels il 
l'injectait. 

Recklinghausen et Waldeyer trouvèrent aussi des organismes dans les liquides 
de femmes qui succombèrent à l'infection puerpérale, et décrivirent la bactérie 
moniliforme appartenant aux exsudats des séreuses. 

En France, d'Espine et Quinquaud faisaient mourir des chattes, des lapines, ete., 
en leur injectant après le part, dans le vagin, du liquide lochial provenant de 
femmes ayant succombé à des accidents puerpéraux. 

Orth, en 1873, pendant une épidémie de fièvre puerpérale qui sévissait à 
Bonn, montre le microbe infectieux dans le pus du péritoine, des plèvres et des 


DICT. ENC, 2° s. XXIII. 21 


522 PÉRITONITES. 


lymphatiques chez les femmes qui succombaient ; c'étaient des points globulaires 
mobiles, isolés, ou accouplés en nombre indéfini, de manière à représenter un 
chapelet. Heiberg (de Christiania [1875 |) arrivait aux mêmes résultats. 

En 1876, Haussmann (de Berlin) injecta, dans le vagin et l'utérus d'animaux, 
du liquide lochial provenant de femmes ayant succombé à des accidents puerpé- 
raux. Si l'expérience a lieu après le part, la mort s'ensuit; en dehors du part, 
si le vagin est sain, aucun accident ne se produit; mais il suffit de gratter lépi- 
thélium pour que des accidents de septicémie se manifestent aussitôt. Cette 
expérience prouve d'une façon péremptoire le rôle immense de la plaie de 
l'utérus et des autres parties de l'appareil génital dans la genèse des accidents 
puerpéraux. 

La même année, j'ai moi-même trouvé dans le sang d'une femme morte dans 
le service du professeur Stoltz de petits bâtonnets mouvants, et le résultat fut 
contrôlé par le professeur Engel. 

En 1876, Kehrer reproduisait les idées autrefois émises par Mayrhofer (1873) 
et Carl Rokitansky (1873) sur la nature parasitaire de l'infection puerpérale. 

En 1878, Hugh Miller (d'Édimbourg) émit l'opinion que des bactéries et des 
vibrions naissaient dans les lochies, et conclut, comme ses prédécesseurs, qu'ils 
étaient la cause de l'infection. 

En 1879, Pasteur fait à l'Académie de médecine sa première communication 
sur le microbe puerpéral. En 1880, il revient sur la même question et érige la 
théorie parasitaire sur les ruines de la doctrine surannée de l’essentialité. 

Doléris, dans son Essai sur la pathogénie et la thérapeutique des accidents 
infectieux des suites de couches, accepte franchement la théorie pastorienne en 
l'étayant sur de nouvelles recherches faites sous la direction de Pasteur. 

Dans l'ouvrage de Cornil et Babès (Les bactéries, 1884), le microbe puerpéral 
est figuré d’après Pasteur et Doléris : ce sont des micrococci de volume variable, 
tantôt isolés, tantôt en chaïnettes, tantôt enfermés dans l’intérieur des cellules, 
tantôt libres dans les exsudats inflammatoires; ils appartiennent le plus souvent 
au Streplococcus pyogenes. 

SYmpromATOLOGIE. Dans le cours d’une épidémie de fièvre puerpérale, ou pour 
mieux dire de septicémie puerpérale, les femmes en couche, après un accouche- 
ment normal ou pathologique, sont prises, quelques heures après la délivrance, 
le plus souvent du deuxième au cinquième jour, d’un frisson violent suivi d’une 
ascension thermique à 39°%5, 40 degrés et même plus, d'une douleur violente 
dans l’hypogastre, douleur qui s'irradie et se généralise rapidement en devenant 
extrêmement aiguë. Le pouls devient petit et fréquent, jusqu'à 120, 140 et 160 
pulsations, l’habitus péritonéal est le même que dans la péritonite ordinaire; 
il en est de même des vomissements, du hoquet, du météorisme, qui est généra- 
lement considérable. 

Quant à la constipation, elle manque le plus ordinairement ; les malades ont 
des selles liquides, séreuses, fétides. 

Il y a anurie ou plutôt oligurie et les urines contiennent de l’albumine. La 
dyspnée, liée au refoulement du diaphragme et à son immobilité par suite de sa 
paralysie, est encore augmentée parfois par la coexistance d’une pleurésie (thèse 
de Charrier, 1857, et de Fioupe, 1876) ; celle-ci survient d’une façon insidieuse 
et demande à être recherchée. 

Les lochies présentent de la fétidité avant le moment de l'explosion de la 
maladie ; elles diminuent après et même se suppriment tout à fait. 


PÉRITONITES. 323 


La sécrétion lactée diminue et disparait également. 

La mort survient rapidement, parfois en moins de vingt-quatre heures, le plus 
souvent en trois, quatre ou cinq Jours; la vie se prolonge rarement pendant un 
septenaire; on voit la douleur la plus vive diminuer et même disparaître avant la 
mort; ce symptôme est propre à la péritonite puerpérale. Arrivée à ce terme, la 
maladie s'accompagne d'une sensation de mieux-être, signe trompeur, et la 
mort survient sans que l’accouchée ait perdu connaissance, mais le plus souvent 
elle est précédée de troubles nerveux caractérisés tantôt par une véritable ataxie, 
tantôt par un état adynamique profond. 

La mort est précédée d’un état de collapsus caractérisé par l'aggravation de 
certains symptômes, des sueurs froides et visqueuses, de la cyanose et du refroi- 
dissement des extrémités, des troubles respiratoires et de la faiblesse paraly- 
tique du cœur. 

Ou bien le coma succède à l’ataxo-adynamie. 

L’état typhoïde avec langue sèche, noirâtre, fuligineuse, soif ardente, stupeur, 
prostration de forces compliquée d'éruptions érythémateuses dues à des paralysies 
vaso-motrices, s'observe plutôt dans la septicémie puerpérale liée à la phlébite : 
or celle-ci peut aussi, mais plus rarement, être la cause première de Ja péritonite, 
ou simplement accompagner la Iymphangite. 

On peut décrire deux formes de péritonite aiguë généralisée : la forme inflam- 
matoire franche et la forme infectieuse. 

Forme inflammatoire. Les symptômes de la péritonite dominent la scène 
morbide et la mort arrive par les progrès du météorisme, par des complications 
du côté des plèvres, par l'asphyxie mécanique. Sans doute cette forme est égale- 
ment due à l'infection, mais celle-c1 semble s’effacer devant l'intensité de la 
périlonite; la maladie peut se prolonger pendant quatre à cinq jours, quel- 
quefois pendant un septénaire. 

` Forme infectieuse. Les symptômes de la péritonite s’effacent pour ainsi 
dire devant les symptômes de l'intoxication du sang et peuvent même manquer, 
bien qu’à l'autopsie on trouve les lésions de la péritonite. Souvent la douleur 
fait absolument défaut ou, si elle a existé au début, elle disparaît lorsque éclatent 
les troubles nerveux; le tympanisme est peu prononcé, dans quelques cas le 
ventre est déprimé : ces symptômes indiquent un état très-grave, le pouls 
acquiert une fréquence croissante et la température s'abaisse. Tantôt les malades 
sont en proie à un délire violent, continuel, tantôt elles tombent dans un état 
adynamique comateux ; les urines contiennent de l’albumine, des taches vaso- 
motrices se produisent au niveau des parties déclives des téguments ou de celles 
qui ont été comprimées, et la mort survient fatalement au bout de deux ou trois 
jours. 

Pronostic et TrarremenT. La péritonite généralisée est fatalement mortelle, 
mais en présence des premiers symptômes de péritonite l'indication suprême 
est de limiter l’inflammation le plus tôt possible, de la circonscrire, car la 
péritonite partielle, ainsi que nous le verrons dans un autre chapitre, ne comporte 
pas un pronostic aussi sombre. On appliquera le traitement antiphlogistique local : 
8 à 10 sangsues Loco dolenti, si la malade est vigoureuse, des ventouses sèches, 
si la malade est anémiée par des hémorrhagies antérieures, la glace, qui est un 
moyen de circonscrire l'inflammation péritonéale supérieur aux sangsues et aux 
ventouses (Siredey). L'application de la glace sera faite d’une façon ininterrompue, 
plusieurs jours de suite. La glace agit encore en diminuant le météorisme. 


32 PÉRITONITES. 


Contre ce symptôme, Robert Latour a utilisé avec avantage le badigeonnage de 
tout l'abdomen au collodion élastique ; le collodion agit aussi contre la douleur. 
Le sulfate de quinine sera administré à titre d’antipyrétique, de sédatif et d’anti- 
septique, à la dose de 1 à 2 grammes par vingt-quatre heures (Beau, Siredey). 
L’opium non-seulement calme la douleur, mais fait cesser l'agitation générale et 
immobilise l'intestin; il sera administré par la voie digestive et sous forme d'in- 
jection de morphine, quand les vomissements ne permettront pas son ingeslion 
par l'estomac ; on commence par une injection sous-cutanée de 4 centigramme 
et on la répétera plusieurs fois dans les vingt-quatre heures jusqu'à ce qu'on ait 
obtenu l'effet voulu. Comme boisson, pour calmer la soif, on donnera des eaux 
gazeuses, du champagne, de la bière, des grogs froids ou glacés, ou bien la 
glace en nature. 

Mais il faudra en outre atteindre la cause du mal, c’est-à-dire la plaie utérine 
ou génitale qui est le siége de la pullulation et de la résorption des micrococei ; 
on fera des lavages antiseptiques de la vulve et du vagin, qui débarrasseront 
ces organes de produits en voie de putréfaction ; on fera, si cela est indiqué, le 
lavage de la cavité utérine que l’on débarrassera ainsi d’un liquide sanieux, 
trouble, d'odeur souvent infecte, contenant des débris de caillots, de membranes 
et de placenta. La disparition de la fétidité lochiale indiquera l'efficacité des 
injections iutra-utérines. Celles-ci seront faites avec une sonde à double courant, 
après application du spéculum, et le liquide employé sera de préférence une 
solution de sublimé au 1/2000e. 

Nous ne recommandons ni l’onguent napolitain, ni le calomel, ni les vésica- 
toires au début, ni la méthode purgative, qui a le tort d’exagérer la contraction 
intestinale, et pourrait ainsi favoriser la généralisation de la péritonite. 

6° PÉRITONITE PAR PERFORATION. On désigne sous le nom de péritonite par per- 
foration celle qui survient à la suite de la rupture de la séreuse, que cette 
rupture se fasse par ulcération, suppuration ou violence mécanique. i 

Ériorogie. Les causes les plus fréquentes de la péritonite par perforation 
sont la suppuration et les ulcérations des organes de l'abdomen ; dans ces cas, 
il se produit d’abord une destruction de la paroi de l'organe, celle du péritoine 
et enfin la péritonite. 

Les cas de péritonite par perforation comptent pour plus de 8,8 pour 100 
dans les cas de péritonite aiguë diffuse, Ainsi Willigk (Prager Vierteljahr- 
schrifft, 1855, X, 2) a trouvé sur 565 cas de péritonite diffuse 35 cas de 
perforation. 

Les lésions des différents organes de l'abdomen telles que les abcès du foie, 
de la rate, les kystes hydatiques, les collections purulentes intra-abdominales, 
les ruptures de la rate, des voies biliaires, les kystes hématiques, les kystes de 
l'ovaire, de la trompe, les grossesses tubaires, les kystes fœtaux, peuvent, en se 
vidant dans la séreuse, provoquer des péritonites par perforation. Cependant il 
faut dire qu'en règle générale c'est plutôt à un travail ulcératif qu’à une véri- 
table rupture qu'est due la péritonite. 

Les péritonites par perforation, dues à un travail ulcératif de l'intestin, s'ob- 
servent dans la fièvre typhoïde, dans la dysenterie, dans l’entérite tuberculeuse, 
dans les ulcères simples ou cancéreux de l'estomac et du duodénum, enfin dans 
la cholécystite typhique ulcéreuse (Grisolle), dans la perforation du cæcum et de 
l'appendice vermiculaire, dans le cancer du rectum. 

Quand il se fait une perforation, il se développe simultanément des adhérences 


PÉRITONITES. 595 


protectrices qui peuvent heureusement prévenir la rupture ; quand cette dernière 
se produit, elle est presque toujours liée à un effort ou à une distension de 
l'intestin. 

Des corps étrangers peuvent aussi donner lieu à des péritonites par perfora- 
tion : calculs biliaires, calculs stercoraux, arêtes de poisson, fragments d'os, 
pépins de melon, de raisin, etc. C'est en général en pénétrant dans l'appendice 
iléo-cæcal ou en s’arrêtant dans le cæcum que les corps étrangers que nous venons 
de citer produisent des perforations qui entraînent la péritonite. 

Citons enfin la rupture traumatique de l'estomac, de l'intestin et de la vessie, 
survenue à la suite d'une chute ou d’un choc violent, surtout quand ces 
organes sont fortement distendus par des liquides ou des gaz. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. Le ventre est, en règle générale, énormément distendu 
et les parois abdominales prennent plus rapidement une coloration verdâtre que 
dans la péritonite ordinaire. Dès que le péritoine a été incisé, il se dégage des 
gaz en quantité considérable ; leur odeur est d'autant plus fétide que la perfo- 
ration est plus voisine du rectum ; les gaz peuvent manquer quand la perforation 
existe dans un des organes pleins de l'abdomen, et la distension de l'abdomen 
est modérée, à moins d'épanchement liquide ou de météorisme. Les anses intesti- 
nales sont agglutinées et tapissées de fausses membranes; l’épanchement est très- 
abondant, tantôt franchement purulent, tantôt constitué par un mélange de pus 
et d'autres liquides; on trouve tantôt des matières fécales, tantôt des débris 
alimentaires, tantôt du sang altéré; on peut aussi rencontrer des corps étran- 
gers, tels que des débris d'hydatides, des lombrics, des calculs biliaires, enfin, 
s’il s'agit d'une rupture de la vésicule biliaire ou de la vessie, de la bile ou de 
l'urine qui est reconnue à son odeur spéciale. 

L'épanchement peut être moins abondant. 

Quand on observe dans la cavité abdominale des corps étrangers ainsi qu'un 
mélange de bile, d'urine ou de matières alimentaires, l’origine de la péritonite 
ne fait pas de doute, et il faut alors rechercher le point de la perforation. Cette 
recherche est facile quand on voit sourdre, à travers l’orifice, des gaz ou des 
liquides. Mais parfois la perforation échappe à l'examen le plus minutieux, sur- 
tout lorsque le malade a vécu assez longtemps pour que des néo-membranes 
aient eu le temps de venir obturer l'orifice. 

. En tout cas, il faut mettre à cette recherche tous ses soins et éviter de tirailler 
la fausse membrane, de peur d'érailler les tissus et de croire à une perforation 
alors qu'il n’en existe pas. 

On devra recourir, dans les cas douteux, à l’insufflation de l'intestin sous 
l’eau, et rechercher les points par où s'échapperaient des bulles gazeuses. 

Dans certains cas, les organes de l'abdomen présentent une coloration particu- 
lière qui est due sans doute à l’action chimique des gaz et surtout de l'acide 
sulfhydrique. 

Dans la grande majorité des cas, la péritonite par perforation est généralisée ; 
dans certains cas plus rares, elle peut être circonscrite. 

SympromaToLogiE. Il y a lieu de distinguer trois ordres de symptômes : les 
symptômes antérieurs à la rupture, les signes de la rupture et les symptômes 
propres à la péritonite qui en est la suite. 

Nous renonçons à décrire les symptômes antérieurs à la rupture, car ils ne 
sont que l'expression d'états pathologiques très-variables qui n’aboutissent pas 
fatalement à la perforation ; ils devront toutefois être recherchés par le clinicien, 


326 PÉRITONITES. 


car ils éclaireront le diagnostic du mode de perforation. Parfois aussi ils peuvent 
être nuls, et la perforation s'annonce subitement au milieu d’un état de santé en 
apparence parfaite. 

8 I. Symptômes de la perforation. On admet généralement que le symptôme 
propre à la perforation est une douleur vive, extrêmement aiguë, avec sensation 
de déchirure dans un point limité de l'abdomen ; cette douleur se généralise 
avec une grande rapidité et s'accompagne d'un collapsus du degré le plus élevé; 
la face se grippe, les extrémités se refroidissent, la peau se couvre de sueur, le 
pouls devient petit, très-fréquent. Quelquefois la perforation s'annonce par un 
frisson suivi d’hyperthermie passagère, et le frisson se produit même sans qu'il 
y ait consécutivement une inflammation du péritoine ; nous avons observé un 
cas de ce genre à la clinique du Professeur Bernheim : la perforation a eu lieu 
au début de la convalescence d’une fièvre typhoïde, et la mort survint si rapi- 
dement qu’à l’autopsie il n’y avait aucune trace d’inflammation de la sé- 
reuse. 

Dans certains cas plus rares, la perforation se fait sans éclat; elle ne se laisse 
pas soupçonner dans le cours de la maladie dont elle n’est qu'une complication ; 
c'est un fait bien connu pour la perforation qui survient dans les affections 
aiguës telles que la fièvre typhoïde et la dysenterie; de même quand la perforation 
se produit sur un péritoine déjà malade, au cours d'une péritonite chronique 
tuberculeuse. 

Mécanisme du collapsus qui suit la perforation. Ilya un fait certain, c'est 
qu'il faut renoncerà attribuer le collapsus à la rapidité du développement et à l’acuïté 
de la péritonite consécutive. Assez nombreuses sont les observations où l’on ne 
trouve aucune trace de cette dernière, et où toute la lésion consiste dans la 
rupture de la séreuse et l’épanchement des liquides ou des gaz dans la cavité 
abdominale, la séreuse conservant du reste son état physiologique. 

On a voulu trouver la raison du collapsus dans l’intoxication par l'hydrogène 
sulfuré sorti de l'intestin par l'orifice de la perforation : erreur évidente, car, 
d’une part, la petite quantité d’hydrogène sulfuré sortie avec le contenu intes- 
tinal ne saurait avoir une grande toxicité, et d’ailleurs cette interprétation 
fait défaut pour les cas beaucoup plus nombreux où la perforation siége sur 
un autre point que l'intestin, par exemple, au niveau de l'estomac, de la 
vessie, de la vésicule biliaire ou de tout organe ou tumeur de l’abdomen. 

Emminghaus (Berlin. Klin. Woch., 1872) n’a-t-il pas démontré que de 
grandes quantités d'hydrogène sulfuré pouvaient pénétrer dans le sang sans 
provoquer de collapsus? L'innocuité des gaz est du reste démontrée par les 
faits d'injection d'azote, de protoxyde d'azote et d'air dans le péritoine, sans 
péritonite consécutive. 

On a attribué le collapsus à l'intensité de la douleur, et cette explication 
pourrait être soutenue pour le cas où cette douleur est signalée, mais elle doit 
être abandonnée à cause du nombre respectable de cas où la douleur fait défaut 
et où le collapsus existe. 

Nous croyons que le collapsus, avec le cortége symptomatique qui l'accompagne, 
doit être considéré comme un phénomène de shock, comme la résultante de la 
série des réflexes qui entrent dans la constitution de ce que Gubler nommait le 
péritonisme, comme l'expression la plus marquée de la susceptibilité réactionnelle 
du péritoine. Ce collapsus survient aussi à la fin de n’importe quelle péritonite 
aiguë, qu'il y ait ou non perforation; les expériences de Richet et Reynier 


PÉRITONITES. 327 


(Comptes rendus de l Acad. des sciences, 1880, p. 1220) ne tendent-elles pas à 
établir que la mort dans les irritations péritonéales est produite par ébranlement 
nerveux et non par inflammation ? L'irritation de la grande séreuse a même pu 
provoquer le tétanos; elle diffère selon le siége de cette irritation : faible sur le 
feuillet pariétal, faible au niveau du foie, ainsi que le prouvent les recherches 
de Terrillon (Progrès médical, 1883, p. 645), elle est excessive au niveau de 
l'intestin. Cette irritabilité est en rapport direct avec la richesse nerveuse sensi- 
tive des diverses régions péritonéales et doit'son degré élevé sur les anses intes- 
tinales au plexus de Meissner. 

Tarchanoff expose à l'air le péritoine d’une grenouille qui s'enflamme rapide- 
ment; si alors il touche un point de la séreuse intestinale avec une aiguille, le 
cœur s'arrête en diastole. Cette action d'arrêt jette une certaine lumière sur le 
mécanisme complexe de la sidération péritonéale qui se révèle par le collapsus 
conséculif à la perforation. 

Cette aptitude réactionnelle de la séreuse abdominale doit nécessairement 
varier suivant une foule de circonstances que nous ne connaissons pas encore, 
et les observations où il y a eu tolérance plus ou moins parfaite de la part du 
péritoine à l'égard de la perforation s'expliquent suffisamment, soit par la faible 
irritation que produisent certaines perforations, alors que le système nerveux 
cérébro-spinal a conservé son intégrité, soit par l'incapacité où ce même système 
se trouve de répondre à l'irritation périphérique, dans le cas où il est fortement 
atteint, comme cela a lieu dans la fièvre typhoïde. Pour cette dernière maladie, 
nous avons, à mainte reprise, observé les deux formes de réaction : tantôt 
nulle, il s'agissait de fièvre typhoïde avec atteinte profonde des centres nerveux, 
tantôt très-remarquable, la perforation se faisait dans le cours d’une fièvre qui 
était caractérisée par une intégrité relative du système nerveux ou au début de 
la convalescence. 

Outre le collapsus, la perforation se révèle par un ensemble de signes phy- 
siques qui lui appartiennent en propre; nous fondons cette assertion sur 
l'existence de cas assez nombreux dans lesquels il n'existe pas de trace de 
péritonite à l’autopsie. 

La pénétration des substances solides, liquides et gazeuses, à travers l'orifice 
de perforation, rend compte de ces signes physiques. 

Vue. Le plus souvent le ventre est fortement et également distendu ; cepen- 
dant il est des cas où l'abdomen est peu ballonné; dans certains cas même plus 
rares, le ventre est aplati: c’est lorsque le contenu gazeux de l'intestin s’est 
vidé dans l'abdomen et qu'il était peu abondant. 

Quand le ballonnement est considérable, ce symptôme contraste avec l'absence 
de distension des anses intestinales et coïncide avec la disparition de la matité 
hépatique et le refoulement du diaphragme. 

Palpation. La palpation de l'abdomen et surtout de l'épigastre où, par suite 
de la faiblesse de leur poids spécifique, s'accumulent les gaz sortis des organes 
creux de l'abdomen, donne une sensation de fluctuation pâteuse (Traube); ce fait 
s'explique par la grande flaccidité de la paroi abdominale à cet endroit et la 
faible résistance de la masse gazeuse, très-aisément mobile. 

Succussion. Si, oubliant toute précaution ou méconnaissant la perforation 
on vient à secouer les malades, on produit un bruit de succussion; ce phéno- 
mène se manifeste aussi dans les cas de dilatation de l'estomac ou de l'intestin ; 
il s'explique par le conflit de l'air avec les liquides qui sont contenus dans ces 


328 PÉRITONITES. 


organcs, mais dans les cas d’épanchement gazeux du péritoine ce bruit est 
plus éclatant et moins localisé. 

Percussion. Elle permet de constater la présence des liquides et des gaz; 
dans les parties déclives, on obtient de la matité, dans la partie élevée, le son est 
tympanique, souvent avec un éclat métallique. Cette qualité du son est la 
même sur une grande surface de l'abdomen, quand l’épanchement gazeux est 
abondant et quand il recouvre des anses intestinales. Mais, quand celles-ci restent 
distendues, ou bien sont, par suite d'inflammation antérieure, fixées à la paroi 
abdominale antérieure par des adhérences, dans le cas aussi où l'épanchement 
gazeux est abondant et se trouve en quelque sorte réduit à une bulle d'air, le son 
de percussion varie suivant que l'on percute au nivean de la bulle d'air libre, ou 
sur les anses intestinales distendues ; il y a alors des changements de hauteur du 
son tympanique: celui-ci, plus grave quand on percute à l’épigastre où se collecte 
l'air libre, sera plus aigu au niveau des anses intestinales; si on pouvait sans 
douleur déplacer le malade, on verrait également que le son grave se déplace 
avec la bulle d’air, et que le son des anses mtestinales reste le même, malgré 
le changement de position du malade. 

Auscultation. Quand l'intestin n'est pas perforé, l'oreille perçoit le glouglou 
intestinal; dans le cas de perforation de cet organe, on observe un silence 
complet, si le malade est maintenu immobile; on peut observer du tintement 
métallique quand l’orifice de perforation, baignant dans le liquide, laisse échapper 
des bulles gazeuses qui éclatent alors à sa surface... 

2 I. Symptômes de la péritonite par perforation. Ce sont les symptômes 
de la péritonite aiguë diffuse, avec cette différence que le collapsus rapide en a 
singulièrement modifié l'évolution clinique. C'est ainsi qu'il peut se produire 
un frisson plus ou moins intense, puis la fièvre s'allume, les vomissements 
surviennent avec de la constipation, du météorisme et de la dyspnée: mais la 
douleur n’augmente pas comme dans la péritonite aiguë diffuse, et on a cité 
des cas où, très-vive au moment de la perforation, elle se calmait malgré le 
développement de la péritonite et n'était même pas rendue bien vive par la 
palpation de l'abdomen. La fièvre, qui d'ordinaire est si vive dans le cours de 
la périlonite aiguë est très-modérée dans la péritonite par perforation, peut 
faire complétement défaut et est même parfois remplacée par de l'hypothermie ; 
dans ces cas le collapsus, avec l’état algide qu’il détermine, domine la scène mor- 
bide et l'emporte sur la réaction inflammatoire causée par la péritonite. Et de 
fait, presque toutes les péritonites par perforation sont apyrétiques, et il suffit 
même qu'une perforation se fasse dans le cours d'une maladie aiguë pour que 
la température baisse rapidement même au-dessous de la normale. 

Durée. En général les malades succombent au bout de deux à quatre jours, 
quelquefois après six ou vingt-quatre heures seulement; plus rarement la 
maladie dure un septénaire; dans des cas exceptionnels elle passe à l’état chro- 
nique; on a même cité des cas de guérison. 

Proxosric. La péritonite par perforation est presque toujours mortelle; cela 
tient et à l'intensité de la sidération de l'organisme par la perforation et par 
la péritonite consécutive, et au peu de tendance qu'a l'inflammation à se limiter 
et à la septicité des liquides qui font irruption dans le péritoine. 

On a cependant relaté des cas de guérisons: c’est ainsi que Finsen (Arch. de 
méd., 6° série, t. XIII, p. 42) a rapporté 4 observations de rupture dans le 
péritoine de kystes hydatiques du foie non suivie de péritonite. De même on a 


PÉRITONITES. 329 


cité des observations de perforation des voies biliaires non suivies de terminaison 
fatale : faut-il voir dans la dilution de la bile par une abondante sécrétion séreuse 
la raison de cette innocuité d’un liquide éminemment irritant? Herlin m'a-t-il 
pas déterminé sur un chat un épanchement de bile dans le ventre en piquant 
la vésicule du fiel, puis guéri l'animal en pratiquant des injections d'eau tiède 
dans le péritoine ? 

Ce qui arrive pour la bile a été également observé pour le sang; dans certains 
cas de rupture d'organes avec épanchement de sang, il peut se produire une 
péritonite subaiguë avec hypersécrétion séreuse ou ascite consécutive qui n’en- 
traine pas la mort et est susceptible de guérison. 

Dracnosric. L'examen de l'abdomen, joint aux données fournies par les 
anamnestiques et par certains symptômes fonctionnels, pourra faire reconnaître 
la perforation même dans les cas où l'on n'aura pas eu l’occasion de traiter le 
malade avant la production de la déchirure du péritoine. 

Sans doute le diagnostic ne sera pas aussi aisé que si la perforation se produit 
dans le cours d’une fièvre typhoïde, d’une dysenterie, et en général d’une affec- 
tion de l'abdomen préalablement bien établie. 

Cependant il est un certain nombre d'états pathologiques qui donnent lieu au 
collapsus et qui par suite pourraient en imposer pour une perforation et réci- 
proquement. 

1° Hemorrhagie interne. Celle-ci donne lieu à un état syncopal avec une 
prostration subite, un refroidissement périphérique avec sueur profuse, de la 
petitesse du pouls, un abaissement de la température. Mais l’hémorrhagie 
interne s'accompagne d'une décoloration des téguments et des muqueuses et 
dans ce cas le facies n’est pas grippé. Stokes arriva au diagnostic, dans un cas 
de péritonite par perforation, consécutive à un ulcère de l'estomac, par les 
anamnestiques et par ce signe particulier que les battements des artères 
fémorales paraissaient être plus violents que de coutume, phénomène attribué à 
la stimulation produite par la péritonite, tandis que le pouls radial avait 
disparu. 

Dans le cas rare où l’hémorrhagie serait due à la rupture d'un anévrysme 
méconnu dans la cavité abdominale le diagnostic deviendrait impossible (Hilton 
Fagge). 

2° Occlusion intestinale.  L'occlusion intestinale est apyrétique, tant qu’elle 
ne se complique pas de péritonite; les douleurs qu'elle produit sont paroxys- 
tiques, et cessent en même temps que les contractions péristaltiques et anti- 
péristaltiques de l'intestin. Celles-ci sont visibles sous les téguments de l’abdomen ; 
la constipation est absolue, il n'y a pas d'émission de gaz, il existe des vomis- 
sements fécaloïdes. Néanmoins, dans certains cas, la perforation peut donner 
lieu aux mêmes symptômes que l'ocelusion intestinale; Henrot a publié dans sa 
thèse plusieurs cas de pseudo-étranglements qui n'étaient que des péritonites 
par perforation, et Grisolle, dans deux cas, diagnostiqua « occlusion intestinale », 
alors qu'il s'agissait de péritonite sans la moindre obstruction. Rivet (France 
méd., 1876) rapporte un cas semblable. 

Chez les enfants, Rilliet et Barthez signalent la difficulté qu'il y a, en l'absence 
de vomissements stercoraux, de faire le diagnostic différentiel de l'invagination 
et de la péritonite. 

5° Coma diabétique. Certaines formes du coma diabétique simulent la 
péritonite par perforation; la douleur débute brusquement en un point limité 


330 PÉRITONITES. 


du ventre et devient excessivement vive; la face se grippe, il se produit 
de la dyspnée, le malade a les extrémités froides, le pouls petit, il est en col- 
lapsus. 

Le diagnostic est positivement difficile, si on a négligé d'examiner les urines, 
si la respiration du malade n’est pas bruyante, si son haleine ne dégage pas 
l'odeur d’acétone. 

Autrefois, quand on voyait un diabétique connu tomber dans cet état qui 
rappelle si bien la péritonite par perforation, on ne pouvait, pour ainsi dire, 
pas éviter l'erreur, et on était étonné de ne rien trouver à l’autopsie; nous 
avons présent à notre mémoire un cas de ce genre. 

Depuis que, grâce aux travaux de Kussmaul, nous connaissons ce mode de 
terminaison du diabète, l'erreur n’est plus permise; en tout cas cette connais- 
sance nous impose l'obligation d'examiner les urines de tout malade qui s'offre 
à notre examen avec les symptômes de la péritonite par perforation. 

Étant donné le diagnostic de péritonite par perforation, il faut en reconnaitre 
la cause. 

1° Perforations du tube digestif. Elles sont de beaucoup les plus fré- 
quentes et donnent lieu aux plus vives douleurs, sauf dans quelques circonstances 
telles que la fièvre typhoïde, la dysenterie et la péritonite tuberculeuse chro- 
nique; l'épanchement du contenu du tube digestif peut provoquer la mort, sans 
péritonite, en quelques heures; le ballonnement est en général considérable. 

A. Estomac et duodénum. La perforation de ces organes se révèle par une 
douleur à l’épigastre ; souvent les malades ont antérieurement souffert de dys- 
pepsie douloureuse ; rarement cependant l’ulcère de l'estomac ou du duodénum 
est resté latent. Dans quelques cas fort rares aussi de vaste perforation ou déchi- 
rure de l'estomac, les vomissements ont fait absolument défaut. Dans un cas cité 
par Concato (Giorn. internaz. delle scienze med., 1879), et où le duodénum éiait 
perforé, il trouva par la ponction de l’exsudat, de l'acidité et des sarcines. 

B. Intestin. La perforation peut siéger dans l'iléon, comme c’est le cas 
dans la fièvre typhoïde et la tuberculisation intestinale, dans le cæcum et le gros 
intestin, comme cela a lieu dans la typhilite ou la dysenterie, dans le rectum, 
comme cela se produit dans le cancer ou le rétrécissement de cet organe. 

2° Perforations ou ruptures des organes abdominaux. Les ruptures trau- 
matiques donnent lieu, en même temps que la douleur localisée au point frappé, 
aux signes d'un épanchement sanguin dans la cavité péritonéale. La mort sur- 
vient rapidement par les progrès de l’hémorrhagie interne ; rarement, et seulement 
dans les cas où l’épanchement sanguin est peu abondant, il se forme un exsudat 
séreux avec péritonite suraiguë mortelle. 

Les ruptures organiques sont dues à des abcès et à des infarctus; elles 
entrainent une péritonite suppurée : c'est ainsi qu'agissent les abcès du foie, de 
la rate, des trompes, des ovaires, des ligaments larges; on ne trouve guère 
d'infarctus que dans la rate et le foie. On reconnaïtra le siége de la rupture 
d’après les anamnestiques. 

3° Rupture des kystes et tumeurs abdominales. Si l’on a reconnu l’exis- 
tence de kystes et de tumeurs dans l'abdomen, on rapportera la péritonite par 
perforation à la rupture de ces kystes et de ces tumeurs. Cela sera facile, s'il 
s’agit de kystes hydatiques du foie, de kystes ovariques diagnostiqués antérieu- 
rement. Pour les kystes fœtaux, leur diagnostic préalable est hérissé de difficultés : 
souvent en effet la grossesse extra-utérine passe inaperçue et les accidents de 


PÉRITONITES. 351 


péritonite éclatent soudainement. Dans les trois premiers mois on supposera 
plutôt qu'il s'agit de grossesse tubaire; à une époque plus avancée de la gros- 
sesse extra-utérine on admettra la rupture d’un kyste fœtal. 

4° Perforation de l'appendice iléo-cæcal. Ces perforations donnent lieu à 
deux variétés de la péritonite appendiculaire, à la pénitonite généralisée par 
perforation et à la péritonite localisée par le même mécanisme; généralement 
l'affection débute au milieu d’un état de santé qui ne s’est jamais démenti; 
d’autres fois cependant les malades ont souffert autrefois de typhlite. Parfois le 
diagnostic est rendu aisé par l'apparition, avant la perforation, de la tumeur 
iléo-cæcale. 

Trarrewenr. Une indication prime toutes les autres : l’immobilisation com- 
plète de la séreuse péritonéale. On l'obtiendra par le repos au lit sans le moindre 
mouvement, par l'immobilisation de l'intestin avec l'extrait d'opium à la dose 
élevée de 10, 20 et même 50 centigrammes, ou mieux les injections de mor- 
phine, et par la suppression de toute alimentation. Il faut en effet toujours 
rechercher, si c'est possible, à obtenir la cicatrisation de l’orifice de perforation 
et l'atténuation du processus péritonitique, sa circonscription, sa localisation. 
Car, s'il est difficile de prouver que la péritonite par perforation intestinale 
puisse se circonscrire, certains faits rapportés par Murchison laissent un doute 
à l'esprit. En tous cas, comme l'observation de cholécystite ulcéreuse dothiénen- 
térique avec perforation de la vésicule et péritonite localisée suivie de guérison 
citée par Rilliet et Barthez prouve que la péritonite par perforation non intes- 
tinale est susceptible de se circonscrire, le clinicien devra toujours poursuivre 
ce but, même dans les cas les plus désespérés. 

T° PÉRITONITE APPENDICULAIRE. Parmi les péritonites par perforation, la périto- 
nite appendiculaire mérite une mention spéciale, tant à cause du processus 
d'où elle dérive que par suite du tableau symptomatique particulier qu'elle 
présente. La péritonite appendiculaire n’est pas décrite comme entité morbide 
dans les traités de pathologie ou dans les articles des dictionnaires. Un auteur 
danois, With, a cependant publié une monographie importante sur cette question. 

Le substratum de la péritonite appendiculaire, c’est une lésion de cæcum ou 
de son annexe, l'appendice vermiculaire. 

Érioocie. La lésion du cæcum et de son appendice peut être due à l'irritation 
produite par la stase des matières stercorales, de calculs stercoraux, de calculs 
biliaires, de corps étrangers quelconques, pépins et noyaux de fruits, fragments 
d'os, épingles, grains de plomb, vers intestinaux ; ces corps étrangers produisent 
des ulcérations ou bien des lésions inflammatoires (typhlite, pérityphlite). 

Elle peut survenir dans le cours de maladies générales et être due au déve- 
loppement de lésions propres à ces maladies sur cette partie du tube digestif: 
c'est ainsi qu'on voit se développer les ulcérations de la fièvre typhoïde et de la 
tuberculose, ainsi que celles de l’entérite chronique sur le cæcum et son appendice. 

Ces parties peuvent aussi être atteintes par la gangrène, par le cancer. 

L’orifice de communication de l’appendice avec le cæcum peut être obstrué, 
et alors les produits de sécrétion s'accumulent dans l'appendice, le distendent 
et peuvent amener soit la rupture de cet organe, soit l’ulcération de ses 
parois. 

Ce que l'on trouve encore parfois, ce sont des ulcérations perforantes de cet 
appendice et du cæcum qui paraissent être de même nature que l'ulcère rond de 
l'estomac et du duodénum; elles ne sont dues ni à l’oblitération de l'orifice de 


552 PÉRITONITES. : 


l’appeudice, ni à l’inflammation du cæcum, ni à l’usure des parois par des corps 
étrangers, ni à d'autres processus déjà indiqués. 

Enfin il peut se produire une inflammation isolée du cæcum ou de son appen- 
dice ou de ces deux parties réunies; c'est la typhlite ou la typhlo-pérityphlite 
qui peut être primitive ou secondaire à des inflammations de voisinage. 

La cause la plus fréquente de la péritonite, c’est la perforation; cependant ce 
dernier processus n’est pas nécessaire ; le mal peut se propager par continuité de 
tissu à la séreuse péritonéale. 

Age. Les trente cas relatés par With se répartissent ainsi : 





16 X 20 ans E A E a a ee e 6 cas. 
MAB ansi riens en sajet Sukr- DOED k 12 — 
30 à Aans sé sh Lt CR AS 2 ne à. 1 — 
AU AT SO ANSE EU a cl ee e à 5 — 
50 cas. 


La maladie frappe surtout les adultes (24 adultes, 6 adolescents). 

Sexe. Sur les 30 cas de With, il y a 25 hommes et 7 femmes seulement. 

ANATOMIE-PATHOLOGIQUE. La péritonite est souvent généralisée : cela dépend 
soit d'une perforation qui déverse dans la cavité abdominale la matière contenue 
dans le cæcum ou dans son appendice, soit de l'intensité de la pérityphlite pro- 
pagée ; mais elle peut aussi être circonscrite, soit que cette péritonite de nature 
adhésive constitue à elle seule tout le processus péritonéal, soit qu'une périto- 
nite adhésive produite antérieurement ait limité la nouvelle inflammation et 
protégé le reste de la cavité péritonéale. 

Dans l’un ou l’autre de ces cas, on trouve à l’autopsie tantôt une péritonite 
généralisée suppurée avec épanchement de matière fécale, tantôt un abcès 
enkysté dans la région iléo-cæcale. 

Le cæcum et l’appendice sont englobés au milieu des exsudats récents, et por- 
tent soit les traces de leur inflammation, soit des lésions ulcératives, soit des 
perforations. 

Les cas de péritonite généralisée sont assez nombreux. Citons, comme exemples, 
ceux de Tavignot (Bull. de la Soc. anat., 1840), de Briquet (Arch. gén. de 
méd., 1841), de Dufour (Bull. de la Soc. anat., 1852), de Cauchois (Bull. de 
la Soc. anat., 1875), de Lancereaux (Arch. gen. de méd., 1874), de Chenet 
(Bull. de la Soc. anat., 1875), de Régnier (ibid.), de Howard Marsch (Brit. 
Med. Journ., 1872), de Firmy (Dublin Journ., 1875), de Wickham Legg (Saint 
Barth. Hosp. Reports, 1875), de Wilson (Med. Rew., 1884), de Henrot (thèse 
de Paris, 1865), de Duplay (Arch. gen. méd., 1876), de Folet (Gaz. méd. de 
Paris, 1876), de Roger (Soc. med. des hôp., 1881), et surtout les 12 cas que 
C. E. With a rassemblés dans sa monographie (G.-E. With, De la péritonite 
appendiculaire, 50 observations, Copenhague, 1879). 

Les cas de péritonite localisée sont plus fréquents; citons celui de Hayden 
(Brit. Med. Journ,, 1874) 14 cas de With, et certains cas décritssous le nom de 
pérityphlite suppurée : dans ces cas la collection purulente est intra-péritonéale. 

La péritonite localisée peut être adhésive comme cela est arrivé 7 fois sur les 
14 cas de With. Quand elle est adhésive, l’appendice se recouvre d’une mince 
couche de fibrine qui est pénétrée par des vaisseaux et du tissu conjonctif de 
formation nouvelle; il en résulte, au début, une petite tumeur appendiculaire et 
plus tard une immobilisation de l’appendice par des adhérences qui le fixent 
aux parties qui sont en rapport avec lui; le plus souvent le diverticule s'atro- 


PÉRITONITES. 333 


phie; d’autres fois l’appendice s'unit à l'utérus, à la vessie, à la paroi abdomi- 
nale, mais seulement par son extrémité libre; il s'ensuit, lorsque l’adhérence 
est devenue solide par l'organisation fibreuse du tissu nouveau, qu'il forme 
un pont, une espèce de bride au-dessous de laquelle l'intestin grêle pourra 
s'étrangler. i 

Quand elle est suppurée, elle offre les caractères de toute péritonite enkystée, 
englobant, dans le cas particulier, le cæcum et l'appendice, contenant du pus, 
seul, ou bien avec le pus certains corps étrangers, des matières fécales quand il 
y à ulcération perforante de ces organes, même des gaz fétides (abcès stercoraux). 
Le cæcum peut être épaissi et ses parois infiltrées ainsi que celles de l'appen- 
dice. 

SYMPTOMATOLOGIE. Les symptômes varient, suivant l'évolution clinique de la 
maladie primitive qui a pu être latente; ils varient aussi suivant que la péri- 
tonite est généralisée ou localisée, et dans ce dernier cas suppurée ou adhésive. 

On peut assister au tableau de Ja maladie qui produit les lésions secondaires 
du cæcum ou de l’appendice, fièvre typhoïde, tuberculose, entérite chronique, 
cancer. 

Le malade peut avoir eu autrefois une typhlite ou une pérityphlite guérie. 

Le plus souvent on assiste au développement d'une typhlite ou d'une péri- 
typhlite compliquée bientôt de péritonite localisée ou généralisée; ou bien on 
voit se manifester les symptômes d'une péritonite localisée au niveau de la 
région iléo-cæcale, adhésive ou suppurée, ou encore se dérouler les symptômes de 
l'étranglement interne (Henrot, Duplay). Enfin les symptômes de la péritonite 
par perforation peuvent éclater brusquement au milieu d'une santé bonne 
en apparence. 

Tout cela fait qu'on ne peut donner une description univoque de la péritonite 
iléo-cæcale ; nous essaierons de faire un tableau rapide des différents processus 
que l’on peut observer en semblable circonstance. 

1° Pérityphlite avec péritonite circonscrite. Il se produit un frisson plus ou 
moins intense, suivi de fièvre et d'une vive douleur dans le flanc droit, de 
constipation, parfois de diarrhée, de vomissements et de météorisme. Puis il 
se forme une tumeur dans la fosse iliaque droite au-dessus du pli inguinal, 
qui est constituée par le cæcum, l’appendice et les exsudats péritonéaux : c'est 
la pérityphlite avec péritonite circonscrite. Dans ce cas, c'est le tableau de la 
pérityphlyte qui l'emporte, et la péritonite, comme toutes les péritonites loca- 
lisées, a une marche peu éclatante. La résolution peut se faire, et alors la péri- 
tonite ne laisse d'autres traces que quelques épaississements ou quelques adhé- 
rences ou brides fibreuses entre l’appendice et le cæcum, entre ces organes 
les anses intestinales voisines d'une part et la paroi abdominale d'autre part. 
Ces adhérences, ces brides, peuvent même provoquer plus tard des troubles 
digestifs, des rétrécissements de l'intestin. Mais le plus souvent la pérityphlite 
aboutit à la suppuration, et alors il se forme une péritonite suppurée enkystée 
qui peut fuser dans le tissu cellulaire voisin ou s'ouvrir une voie dans lin- 
testin; dans ce dernier cas la malade est prise de selles nombreuses purulentes ; 
en même temps la tumeur s’affaisse et il en résulte un sentiment de bien-être; 
chose remarquable, les matières ne refluent pas alors de l'intestin dans le foyer 
de suppuration et la guérison s'achève heureusement. Ou bien la suppuration 
continue et la mort survient, précédée de symptômes de septicémie. 

90 Peritonite circonscritecompliquée de pérityphlite. Quand, pour uneraison 


334 PÉRITONITES. 


ou pour une autre, la péritonite généralisée ne peut pas avoir lieu par suite d’ad- 
hérences récentes ou anciennes, et que le cæcum ou son appendice est ulcéré 
ou perforé, les premiers symptômes sont ceux de la péritonite circonscrite, suivis 
seulement après du développement de la tumeur de la pérityphlite. La sympto- 
matologie dans ces cas est plus netteet prête mieux au diagnostic. La terminaison 
par adhérence ou par suppuration se fait du reste comme dans le cas précédent, 
et nous n’avons pas besoin d'insister. 

3° Péritonile généralisée. Qu'il y ait eu précédemment typhlite, pérityphlite 
ou péritonite circonscrite, ou au contraire perforation cæcale ou perforation 
appendiculaire, nous voyons la péritonite généralisée survenir dans le cours 
d'une affection plus ou moins bien déterminée, ou au contraire éclater soudai- 
nement comme une péritonite aiguë primitive, et le malade tombe dans un état 
de collapsus, après quelques heures ou quelques jours de maladie. Quelquefois 
(obs. de Henrot [1865], de Sauzède (thèse de Paris, 1871), de Duplay (1876), de 
Folet (1876), la péritonite simule un étranglement interne que Duplay explique 
par les coudes brusques des anses intestinales distendues, coudes effaçant la 
lumière de l'intestin et pouvant ainsi intercepter partiellement ou en totalité le 
cours des matières ; ces symptômes de pseudo-étranglement peuvent s'accom- 
pagner de vomissements fécaloïdes constitués par un liquide brun, verdâtre, 
foncé, trouble, laissant déposer des matières glaireuses et brunâtres, intermé- 
diaires entre les vomissements porracés et les vomissements stercoraux (Gosse- 
lin). Ces symptômes, bien qu'assez fréquents dans la péritonite appendiculaire, ne 
sont pas propres à cette maladie et ont été signalés dans d’autres péritonites par 
perforation et même dans la péritonite aiguë idiopathique (Poupon). En pareille 
occurrence, le diagnostic est difficile; cependant la péritonite s'accompagne 
généralement de fièvre, tandis que l'occlusion intestinale est apyrélique ; encore 
existe-t-il des cas de péritonite par perforation qui sont accompagnés d'un état 
apyrétique et même d'hypothermie. 

Proxosric. Si la péritonite aiguë généralisée tue en quelques heures ou en 
quelques jours, la péritonite circonserite peut durer 12,15 jours et même davan- 
tage. With a vu, dans ses observations de péritonite généralisée suivies de 
mort, celle-ci survenir du 5° au 22° jour, soit en moyenne au bout de 11 jours 
(12 cas); dans ses observations de péritonite circonserite, la guérison est survenue 
du 9 au 68° Jour, en moyenne au bout de 26 jours (12 cas). Il cite encore 4 cas 
de guérison de péritonite généralisée chez des jeunes gens du 44° au 19% jour. 

Taatremenr. Celui de la typhlite, de la pérityphlite, des péritonites enkystées 
et de la péritonite aiguë généralisée. 

8° PÉRITONITE DANS L'ÉTRANGLEMENT INTERNE. Quel que soit l'agent de la con- 
striction du tube digestif, il se produit, de ce chef, des lésions au niveau du pont 
d'étranglement. 

La portion ascendante de l'intestin distendue par des matières et par des gaz 
est hyperémiée, enflammée, et cette inflammation peut aller jusqu’à la gan- 
grène; on a même noté souvent des perforations. 

Quant à la portion descendante, elle est contractée, anémiée, en collapsus. 

Le péritoine est enflammé; tantôt l'inflammation est localisée au pourtour de 
l'étranglement: c'est une inflammation adhésive avec quelques exsudats fibrineux ; 
tantôt l’inflammation est diffuse et la péritonite est parfois adhésive, parfois 
suppurée; d’autres fois le contenu intestinal s’est épanché dans la cavité périto- 
néale à la suite de perforation gangréneuse, et on trouve à l'autopsie une grande 


PÉRITONITES. 555 


quantité de gaz à odeur fécale dans la cavité péritonéale, et des parcelles de 
matières fécales répandues à la surface enflammée de la séreuse. Cette issue du 
contenu intestinal est facilitée par la coárctation même qui retenait en amont 
ces matières et par la distension de l'intestin dont le contenu était stagnant 
depuis le début de l’étranglement. 

SYMPTOMATOLOGIE. Nous n'avons pas à décrire ici les symptômes bien connus 
de l’occlusion intestinale; nous devons simplement montrer quels changements 
subit, du fait de la péritonite, le tableau clinique de l’étranglement interne. 

Tandis que l’ocelusion est une affection apyrétique et même hypothermique, 
le début de la péritonite s'annonce par un étut fébrile plus ou moins marqué ou 
par une aggravation subite de l'état général. Souvent cependant la péritonite se 
produit sans déterminer d'hyperthermie ; il peut même, surtout dans le cas de 
perforation, y avoir une température hyponormale, ce qui peut faire méconnaitre 
l'existence de la péritonite. 

Les vomissements fécaloïdes sont caractéristiques de l'étranglement; les vomis- 
sements bilieux se produisent dans la péritonite; on peut voir, au moment où 
la péritonite diffuse complique l'étranglement, les vomissements perdre leur 
caractère fécaloïde et devenir porracés. 

Les douleurs de l’étranglement sont paroxystiques et accompagnent les con- 
tractions de l'intestin luttant contre l’obstacle; dès que les coliques sont ter- 
minées et que les mouvements douloureux des anses intestinales visibles sous 
les téguments du ventre se sont calmés, tout rentre dans l'ordre; il n’y a plus de 
douleur ; on peut palper l'abdomen sans arracher de plaintes aux malades. Mais, 
si la péritonite est venue compliquer l’occlusion intestinale, la douleur abdomi- 
nale est continue; elle persiste après la disparition des contractions de l'intestin ; 
cette sensibilité spontanée de l’abdomen ou à la pression indique une lésion 
diffuse surajoutée à la lésion locale qui constitue l'étranglement. 

Le météorisme peut lui-même se modifier en cas de péritonite; le météorisme 
de l’occlusion ne ressemble à celui de la péritonite que si l'obstacle siége sur les 
dernières portions de l'intestin. Quand il siége au-dessus de la valvule, il est 
moins considérable, et d'autant moins accentué que l'obstacle est plus près du 
pylore ; il donne lieu à un ballonnement irrégulier du ventre. C'est bien là un 
météorisme par rétention gazeuse. S'il se déclare une péritonite par perforation, 
le météorisme se produit par paralysie de l'intestin ct, cette paralysie pouvant 
exister aussi bien en aval de l'obstacle qu’en amont, la péritonite fait augmenter 
le météorisme et le régularise. S'il y a péritonite par perforation, la tympanite 
perd sa forme limitée, s'étend en diminuant parfois d'intensité, les gaz retenus 
dans un espace restreint de l'intestin s'échappant dans la cavité péritonéale 
tout entière. 

Quant aux symptômes généraux : faiblesse de la circulation, amaigrissement 
effrayant, paralysie des centres sudoripares, ils peuvent aussi bien exister à la 
fin de l’occlusion que se développer au moment de la péritonite. On ne peut donc 
pas faire fond sur eux pour diagnostiquer cette complication. 

Marcue. Pronostic. Trarremenr. La péritonite est une complication mor- 
telle surajoutée à une affection mortelle. Elle tue en quelques heures ou en 
quelques jours ; elle ne comporte aucune indication thérapeutique spéciale. 

L’'étranglement est justiciable d'un traitement énergique qui souvent ne peut 
être que chirurgical ; il faut alors pratiquer la laparotomie, laparatomie explora- 
trice, qui permettra de reconnaitre le siége de l'obstacle et sa nature. L'obstacle 


536 PÉRITONITES. 


levé, s’il existe en même temps de la péritonite aiguë, on ne risquera rien de 
tenter la toilette du péritoine; si on ne peut le faire en raison des adhérences 
fibrineuses récentes, on suturera la plaie abdominale et on pourra voir la péri- 
tonite se terminer par résolution, l'obstacle qui l'avait causée étant supprimé. 
Les succès obtenus par un grand nombre de chirurgiens permettent de poser 
l'indication suivante : « Chaque fois que l’inflammation n’a pas atteint un degré 
bien prononcé, on fera la laparotomie ; on y renoncera chaque fois qu'il y aura 
des symptômes péritonéaux trop marqués et un état adynamique trop grave ». 

9° PÉRITONITE COMPLIQUANT LA PLEURÉSIE AIGUË. Hisrorique. Les lésions con- 
comitantes de la plèvre et du péritoine ont été signalées pour la première fois 
par J. Franck; Larrey (art. For, Dict en 60 volumes) dit que les péritonites 
circonscrites de l'enveloppe séreuse du foie peuvent reconnaître pour cause des 
pleurésies. Broussais (Hist. des phlegm., 1808) admet que fa séreuse péritonéale 
reçoit l'influence phlogistique des inflammations de la plèvre et vice versa. 
Guéneau de Mussy a vu dans un cas de pleurésie diaphragmatique l'inflammation 
se propager à la séreuse abdominale (Arch. med.., 1853) ; Laporte, Vautrin et 
Caillette (thèses de Paris, 1869, 1872 et 1874), ont observé des pleurésies com- 
pliquées de péritonite. Villemin et Hérard (Soc. med. des hôp., 1875) ont 
observé des péritonites mortelles survenues à la suite de la ponction de la pleu- 
résie ou après l'opération de l’empyème. Charcot, Lancereaux, ont rapporté des 
faits analogues. Dubois (thèse, 1876) a publié un cas de pleurésie aiguë survenue 
chez une femme enceinte de sept mois, qui se compliqua d’une péritonite sur- 
aiguë mortelle. Blanc (thèse de Lyon, 1881) cite une observation de pleurésie 
hémorrhagique compliquée de périhépatite par propagation, avec exsudat égale- 
ment sanguinolent entre le diaphragme et le foie, ce dernier organe étant parfai- 
tement normal. 

ParmoGéniE. On a voulu expliquer la propagation de l’inflammation d’une 
séreuse à l’autre par l’adossement de la plèvre au péritoine en certains points 
du diaphragme où manquent quelques faisceaux musculaires (Vautrin). Mais 
cette absence de fibres musculaires est loin d'être constante et la juxtaposition 
des deux séreuses, si tant est qu'elle existe, serait bien limitée. Actuellement on 
admet que les deux séreuses sont séparées par un réseau lymphatique qui établit 
entre elles une communication au niveau du centre phrénique. C’est le lac lym- 
phatique de Ranvier; les sinus lymphatiques ou fentes lymphatiques du tissu 
sous-séreux sont en communication avec le péritoine par les puits lymphatiques 
de Ranvier dont les ouvertures sont bouchées à la surface de la séreuse par un 
certain nombre de cellules endothéliales peu volumineuses, faciles à écarter et 
formant là une sorte de trappe; les puits sont des canalicules droits, étroits, 
tapissés par une rangée de petites cellules protoplasmiques faisant l'office d’une 
muraille et communiquant d'une part avec les pertuis ou stomates du péritoine, 
d'autre part avec les sinus lymphatiques du tissu sous-séreux ou espaces inter- 
tendineux. Ceux-ci sont en rapport avec les lymphatiques sous-pleuraux qui com- 
muniquent avec la séreuse pleurale par des stomates (Schweigger-Seidel). 
L'existence de ces stomates, organes d'absorption aux surfaces des deux séreuses, 
est démontrée directement par les expériences de Recklinghausen, de Klein, 
et indirectement par l'absorption rapide des liquides par ces deux séreuses 
(exp. de Magendie, Haller, Flandrin, Béclard, Hunter, et plus récemment Dubar 
et Remy (Journ. anat. et phys., 1882) et Blanchard (thèse de Lyon, 1882). 

Mais ce n’est pas tout. Quand on examine histologiquement une séreuse 


PÉRITONITES. 537 


enflammée, on trouve les vaisseaux lymphatiques augmentés de volume, sous 
forme de cylindres tortueux ou parfois sous forme de petites anfractuosités et 
renfermant une substance analogue à l'exsudat de la séreuse, soit de la fibrine 
englobant des leucocytes en quantité plus ou moins grande, soit du pus franc ; 
l'épithélium est le siége d’une prolifération active, la paroi tout entière est 
infiltrée d'éléments nouveaux. 

Mais, chose plus intéressante encore, on a pu trouver le point de passage de 
l'élément inflammatoire, de la superficie de la membrane à sa partie profonde. 
Wagner, Cornil et Ranvier, ont suivi, dans la pleurésie fibrineuse aiguë, les 
faisceaux fibrineux de la fausse membrane jusque dans les lymphatiques super- 
ficicls du poumon. Klein dit avoir vu les éléments fibrineux de la surface de la 
plèvre pénétrer par les stomates jusque dans le réseau lymphatique qui se trouve 
au-dessous de l'épithélium. 

Cette lymphangite se produit vraisemblablement aussi au niveau du centre 
phrénique et, après avoir atteint le lac lymphatique et les puits de Ranvier, 
enflamme la séreuse péritonéale elle-même. 

Dans leurs examens histologiques, Laroyenne et Coyne ont constaté une inflam- 
mation purulente des lymphatiques du centre phrénique, l’épaississement de leurs 
parois, leur obstruction par des caillots fibrino-purulents. Il s'agissait de péri- 
tonite purulente propagée à la plèvre. 

De même, dans les cas de cancer pleural, on peut suivre la marche de la 
lymphangite, à travers le diaphragme, de la plèvre à la séreuse péritonéale 
(Coyne, Charcot et Debove); le même phénomène a lieu pour la tuberculose 
pleurale (trois obs. de Perroud, in Blanc, thèse de Lyon, 1881 [voy. aussi 
Weigert, Deutsch. med. Woch., 1885)). 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. La péritonite peut être généralisée, et c'est le cas 
le plus fréquent. Elle est alors caractérisée par un exsudat séro-purulent ou 
fibrino-purulent. 

Parfois elle est localisée (obs. de Laporte et Blanc). 

SxmpromaroLocrEe. Dans le cours d'une pleurésie séro-fibrineuse ou puru- 
lente, les symptômes de péritonite éclatent d’une façon aiguë, que l'inflammation 
soit généralisée (obs. de Vautrin, septième jour de la pleurésie), où qu'elle 
soit localisée (obs. de Laporte, onzième jour de la pleurésie). 

Mais, dans certains cas de péritonite circonscrite, cette complication reste latente. 

Marcur. Durée. Pronostic. Complication des plus graves, toujours mor- 
telle quand elle est généralisée, la péritonite tue en quelques jours. Dans le cas 
de Laporte, diagnostiqué par Gubler pleuro-pneumonie et péritonite sus-hépa- 
tique par propagation, la maladie était en voie de résolution franche dès le sei- 
zième jour. 

Trarremenr. Le traitement médical sera exclusivement appliqué à cette péri- 
tonite, tant qu'évoluera la pleurésie. A quoi bon en effet faire la laparotomie 
pour la péritonite généralisée? On serait gèné par les adhérences pour faire la 
toilette du péritoine et cette toilette serait bien difficile, car, outre l'impossibilité 
de nettoyer la séreuse sous-diaphragmatique, rien ne pourrait s'opposer à l'apport 
incessant, à la surface du péritoine, de nouvelles quantités de pus et de microcoeci 
de la plèvre à travers le diaphragme. 

10° Pénironure rraumarique. Nous diviserons la péritonite traumatique en deux 
variétés: la péritonite traumatique proprement dite et la péritonite opératoire. 

[. Pérronre rraumarique. ErroLocie. La péritonite traumatique est la com- 

Dicr. ENC. 2° s. XXIII 22 


338 PÉRITONITES. 


plication la plus fréquente et la plus redoutable des plaies pénétrantes de l’abdo- 
men, mais elle peut se développer sans qu'il y ait plaie de la paroi; un trau- 
matisme violemment porté sur le ventre peut léser gravement les viscères 
abdominaux, en respectant la paroi qui les recouvre. 

Quelles sont les conditions du développement de cette péritonite traumatique ? 
Est-ce la blessure du péritoine ou bien le contact de la séreuse avec les corps 
étrangers venus du dehors par la perforation de la paroi abdominale, ou du 
dedans par les lésions viscérales ? Sont-ce des phénomènes d'ordre irritatif ou 
infectieux ? 

Pour résoudre ces questions, il nous faut montrer comment la séreuse réagit 
à l'égard des substances mises en contact avec elle. 

1. Sang. Le sang paraît bien toléré par la séreuse; il ne détermine pas, par 
lui-même, de péritonite, ainsi que cela résulte des recherches expérimentales, sur 
les animaux, de Penzoldt (Deutsch. Arch. f. klin. Med., 1876), de Ranvier et 
Cornil (Soc. de biologie, 1871), de Poncet (thèse d’agrégation, 1878), d'Arloing 
et Tripier, de Livon, de Toussaint ; des observations cliniques de Pelletan (Clin. 
chir., 1810), qui vit le sang se coaguler d'abord, puis se résorber ; des opérations 
de transfusion péritonéale faites chez l'homme par Bizzozero et Golgi (Osser- 
vatore, 1879), par Ponfick (Berl. klin. Woch., 1879), par Obalinsky et Nikosky 
et par Golgi et Raggi (Gaz. des hôpitaux, 1880). Cependant, si les épanchements 
de sang présentent une si grande bénignilé, comment se fait-il qu'il y ait des cas 
si nombreux de mort survenue à la suite d’hémorrhagie intra-péritonéale, même 
peu abondante? C’est que dans ces cas le sang impressionne vivement la séreuse 
péritonéale. « Le sang, dit Gubler, provoque, par sa présence, un péritonisme 
foudroyant et, dans ces cas, à l'autopsie on ne trouve pas de péritonite. Le sang, 
quand il provoque la péritonite, ne détermine qu’une péritonite plastique qui 
favorise sa résorption, après avoir enkysté la collection sanguine. » 

2. Bile et urine. Dans les cas d'épanchement de bile ou d'urine dans la cavité 
péritonéale, la mort survient presque constamment, par suite d’une péritonite 
diffuse qui tue dans un délai de trois à quinze jours (Velpeau, Dict. en 50 vol. ; 
Bartels, Arch. f. klin Chir. von Langenbeck, 1878, et Vincent, Revue de chi- 
rurgie, 1881). Quand la mort ne survient pas, c'est qu’elle a été écartée par 
une exsudation séreuse intra-péritonéale qui a dilué la bile et a rendu ce 
liquide inoffensif (obs. de Jobert de Lamballe, expériences de Mosimann). Enfin, 
dans certains cas, la bile et l'urine peuvent, en s’épanchant dans le péritoine, 
tuer le malade sans provoquer de péritonite, par simple péritonisme. 

5. Matières alimentaires ou stercorales. La pénétration, dans la cavité 
abdominale, du contenu du tube digestif, provoque une péritonite suraiguë, 
péritonite par perforation; c'est un fait bien connu; il n’y a que des cas rares où 
la mort survient par péritonisme, sans péritonite. Or dans les matières épanchées 

fourmillent de nombreuses bactéries. et l’on peut affirmer que le liquide stomacal 
ou intestinal est septique. 

De ce qui précède il résulte que, par lui-même, le sang n’est pas septique ; il 
n’en est pas de même de la bile, de l'urine et du contenu du tube digestif, qui 
peuvent par eux-mêmes provoquer la péritonite. 

D'autre part, le traumatisme peut déterminer des lésions viscérales qui sont 
ou des plaies simples, ou des plaies contuses, ou des lésions gangréneuses : dans 
le premier cas, la plaie simple, comme, par exemple, celle qui serait faite par 
un instrument piquant, guérit facilement. Mais, si l'instrument piquant y a déposé 


PÉRITONITES. 339 


le germe infectieux venu du dehors, elle peut suppurer ou devenir gangré- 
neuse; dans les deux autres cas il se forme des foyers où vont pulluler les 
micrococques de la suppuration ou les bactéries de la gangrène. Dans ces condi- 
tions, s’il ne se produit pas d’adhérences qui limitent la lésion, il ne tardera pas 
à se développer une péritonite septique suraiguë. 

Les considérations qui précèdent nous permettent de conclure que la péritonite 
qui se développe après les traumatismes abdominaux est une péritonite septique, 
infectieuse ; pour qu’elle puisse se développer, il faut que la cavité péritonéale ait 
été mise en communication avec un foyer infectieux, soit par l'intermédiaire 
d’une plaie de la paroi abdominale, soit par une lésion viscérale. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. La péritonite traumautique peut être localisée ou 
généralisée. 

1° Localisée. Dans le premier cas, elle constitue généralement un accident 
heureux ; si elle est fort limitée, elle soude l’un à l’autre ies feuillets du péritoine 
au niveau des orifices de la solution de continuité et s'oppose à la pénétration 
des matières dans la cavité péritonéale : c'est la péritonite adhésive, plastique. 
Au lieu de se limiter ainsi, la péritonite gagne parfois les parties périphériques : 
il se forme alors une péritonite partielle, avec exsudats néo-membraneux qui tantôt 
s'opposent à ce que les épanchements liquides se répandent dans la cavité péri- 
tonéale, tantôt forment une cavité pour l’enkystement des corps solides. 

Le processus inflammatoire peut s'arrêter là, mais il peut, en changeant d'al- 

- lure, en passant à l’état subaigu ou chronique, continuer son évolution, et alors 
les parois de la nouvelle cavité s’épaississent, se vascularisent et constituent une 
poche qui sécrète du liquide séreux, séro-sanguin, hématique ou purulent. C’est 
ce qui a lieu après les plaies pénétrantes de l'abdomen ou après la simple con- 
tusion de l'abdomen ; après une première période aiguë, les accidents se calment 
et le blessé paraît guéri, puis au bout de quelques semaines il éprouve des 
douleurs sourdes dans l'abdomen et une tumeur se développe au niveau de la 
cicatrice ou du siége du traumatisme; cette tumeur est nettement enkystée et 
offre les caractères de la péritonite localisée, c'est-à-dire qu'elle a une paroi 
propre et qu’elle est unie aux organes voisins par des adhérences péritonéales. 
Cette poche peut ensuite se réduire de volume par un processus curateur, mais 
le plus souvent elle augmente, ses parois se distendent et finissent par se 
rompre; l'issue du contenu kystique dans la cavité péritonéale provoque l'éclo- 
sion d’une péritonite suraiguë. i 

do Généralisée. Dans le second cas, la péritonite traumatique est de nature 
septique. On peut ne trouver à l'autopsie, quand elle tue en quelques heures, 
qu’une injection diffuse des vaisseaux, mais déjà au bout de vingt-quatre heures 
de maladie on constate une inflammation assez intense avec exsudat assez abondant. 
Nussbaum a observé un cas de péritonite traumatique qui ne dura que dix- 
huit heures et où il trouva, à l'autopsie, un exsudat fibrineux qui avait agglutiné 
les viscères abdominaux en une seule masse. L'exsudat est le plus souvent 
séro-fibrineux, mais on trouve assez souvent du pus louable ou sanieux et, quand 
il ya eu des ruptures vasculaires, les exsudats sont colorés en jaune safran, en 
rouge ou en brun. Quandily à eu lésions traumatiques des viscères, à l’exsudat 
se trouvent mêlés le contenu de ces derniers, contenu de l'estomac, de l'intestin, 
bile, urine. 

Svmpromarococie. La péritonite généralisée apparaît à une époque voisine 
de l'accident, habituellement dans les premières vingt-quatre heures; son 


340 PÉRITONITES. 


invasion est brusque et la marche de la maladie est celle de toute péritonite 
suraigué. 

Les symptômes de la péritonite localisée sont beaucoup moins accusés et 
restent limités dans une région bien circonscrite de l'abdomen ; dans le cas de 
péritonite adhésive ils passent complétement inaperçus ; dans les cas où la maladie 
évolue dans un cercle limité et s'accompagne d’exsudat, on voit au bout d'un 
temps qui varie de quinze jours à plusieurs mois se développer une tumeur 
kystique, qui évolue d’une façon variable suivant que l'exsudat est séreux, 
sanguin et purulent, qui agit sur les organes voisins par irritation réflexe ou par 
compression et se termine soit par résorption de l’exsudat, soit par l'évacuation 
de son contenu au dehors, dans l'intestin ou dans la cavité péritonéale. 

Proxosric. La péritonile aiguë se termine rapidement par la mort. La péri- 
tonite adhésive est chose favorable et la péritonite circonscerite avec enkystement 
de l’exsudat avec ou sans corps étrangers n'est dangereuse que par l’action de la 
tumeur sur les organes voisins, sauf le cas de suppuration qui peut se compli- 
quer de péritonite suraiguë, si la poche s’ulcère et laisse le pus s'épancher dans 
la cavité péritonéale, ou peut donner lieu aux complications des collections 
purulentes dont le pus stagne, se putréfie et cause des accidents de résorption. 

TrarreuenT. La péritonite aiguë étant de nature septique est justiciable de 
la laparotomie et de la toilette péritonéale ; la péritonite adhésive simplement 
soupçonnée ne devra pas être contrariée par une exploration du trajet dans le 
cas de plaie pénétrante. La péritonite localisée sera traitée différemment, tantôt- 
par les résolutifs, tantôt par la ponction et l'injection iodée, tantôt par l’incision 
de la collection purulente et le drainage. 

IT. Périronire opératoire. Elle est beaucoup moins fréquente que ne porte- 
rait à le croire la multiplicité des opérations pratiquées sur l'abdomen. Rendue 
plus rare par l'application de l’antisepsie, elle fait souvent défaut, alors même 
que la mort est la conséquence de l'intervention chirurgicale. 

La péritonite peut être causée par l'infection directe de la plaie opératoire ou 
par l'issue, à la surface de cette plaie, d'un exsudat sanguinolent ou sanieux, gan- 
gréneux, par des corps étrangers tels que ligatures, serviettes, éponges oubliées 
dans la cavité péritonéale, enfin par le traumatisme lui-même en dehors de 
toute infection (Gaillard Thomas). 

Sur 284 opérations dirigées contre des myomes utérins (52 énucléations par 
la voie vaginale, 52 myomectomies, 23 énucléations par la voie abdomirale, 
56 amputations parlielles de l'utérus, 82 hystérectomies sus-vaginales, 59 oopho- 
rectomies) et réunies dans la thèse d'agrégation de A. Vautrin (Traitement 
chirurgical des myomes utérins. Paris, 1886), il y eut 82 cas de mort, et sur 
ce chiffre 25 fois la péritonite est donnée comme la cause du décès, soit dans 31 
pour 100 des cas. 

Sur 402 ovariotomies suivies de mortrapportées par Olshausen en 1879 (Traité 
de Pitha et Billroth), on trouva 113 fois la péritonite à l’autopsie, soit dans 
28 pour 100 des cas ; et la péritonite était due à la putréfaction du sang et du 
contenu du sac laissé dans le péritoine, ou du sang qui s’y était répandu après la 
rupture de petits vaisseaux, à la putréfaction du pédicule, à la phlébite consécu- 
tive à la ligature des veines du pédicule, à l'épanchement du pus dans le péri- 
toine, par suite d'une réunion incomplète des lèvres péritonéales de l’incision 
abdominale, à l'irritation du péritoine par des corps étrangers qui y avaient été 


laissés. 


PÉRITONITES. 541 

Ainsi la mortalité par péritonite à la suite de l’extirpation de myomes utérins 
ou de kystes ovariques varie entre 98 ct 31 pour 100 des cas de mort. 

Si, grâce aux progrès incessants de la chirurgie et à l'emploi de la 
méthode antiseptique, la péritonite devient, de plus en plus rare à la suite 
de la laparatomie, on voit qu'elle est encore assez fréquente. Cette statistique 
devrait être méditée par certains chirurgiens qui ne savent point sar- 
rêter dans la voie des hardiesses, quelque brillants que soient les succès 
obtenus ! 

Tandis que G. Thomas admet encore que le traumatisme peut, en dehors de 
toute infection, engendrer la péritonite, Olshausen croit la péritonite nécessai- 
rement associée à la septicémie. 

Nous n'avons pas pu réunir d’autres statistiques sur les diverses opérations de 
laparotomie faites dans le but d'atteindre les lésions du foie, de la rate, de 
l'estomac, de l’intestin, de la vessie; il est plus que probable que la proportion 
des décès par périlonite eût été la même. 

Celles que nous avons données suffisent pour établir la fréquence relative de 
la péritonite opératoire. 

Nous devons espérer cependant qu’elle deviendra de plus en plus rare à la 
suite des opérations pratiquées sur les viscères ou sur les néoplasmes abdominaux, 
grâce au perfectionnement des méthodes opératoires, à l’antisepsie et aux chi- 
rurgiens eux-mêmes, dont le but principal doit être d'obtenir une toilette péri- 
tonéale aussi parfaite que possible. 

Il existe quelques observations de péritonites circonscrites ou diffuses surve- 
nues consécutivement aux petites opérations et même aux simples manipulations : 
c'est ainsi que Comby (Bull. de la Soc. anat., 1880) rapporte un cas de péri- 
tonite aiguë survenue à la suite de la compression de l'ovaire gauche chez une 
hystérique et terminée par la mort; dans ce casilse produisit une contusion de 
l'ovaire, une ovarite suppurée et une péritonite par propagation. On cite des 
cas de mort par péritonite survenus à la suite de cautérisations du col utérin, 
d'injections intra-utérines avec pénétration des liquides dans le péritoine par 
les trompes, de dilatation du col avec la sonde (G. Thomas, Braxton Hicks), de 
paracentèses abdominales pour kystes ovariques, hydatiques, ou pour ascites, 
d'extraction de polypes utérins, de cathétérisme de l'utérus. 

Nous n'insisterons pas sur ces péritonites opératoires qu’il nous suffisait de 
signaler. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. Le contenu de la cavité péritonéale se compose de 
lexsudat de la péritonite mélangé aux liquides exhalés par suite de l'opération, 
sérosité ou sang ; ce contenu devient sanieux et septique. 

SYMPTOMATOLOGIE. La péritonile a des caractères particuliers qui tiennent à 
ce fait qu’elle se complique rapidement de septicémie, par suite de la résorption 
des exsudats. . 

Elle peut éclater brusquement et de bonne heure, du deuxième au quatrième 
jour, et avoir une évolutivn franchement péritonéale; elle serait alors, d'après 
G. Thomas, le résultat du traumatisme et non de la putréfaction des liquides 
contenus dans la cavité abdominale, mais souvent elle est insidieuse. Ainsi que 
le fait remarquer Terrillon (Bull. thér., 1884), cette péritonite ne s'accompagne 
pas de son cortége habituel ; elle débute sans orage ; il n’y a pas de vomisse- 
ments considérables, pas de douleurs violentes, pas d'anxiété marquée ; une 
tympanite rapide est le symptôme le plus fréquent ; dans ces cas, la péritonite 


349 PÉRITONITES. 


survient après le quatrième ou le cinquième jour. Les symptômes de la septi- 
cémie continuent seuls ou à peu près; le pouls devient misérable, le teint est 
terreux, cadavéreux; la respiration s'accélère considérablement et devient irré- 
gulière ; il survient de véritables crises dyspnéiques ; la température s'élève à 
58, 40 et 41 degrés, pour retomber dans la période de collapsus qui précède la 
mort; les malades sont tantôt calmes, tantôt agités, et présentent parfois un 
état typhoïde avec délire. 

Proxosric. La mort est la terminaison presque constante ; dans certains cas, 
la péritonite peut passer à l'état chronique; elle peut donner lieu à des abcès 
intra-abdominaux, ainsi que Kæberlé l’a observé 9 fois. C'est alors la péritonite 
localisée susceptible d'être traitée par le drainage. 

TrairemenT. Si nous nous reportons à ce que nous avons dit plus haut, nous 
voyons que toute péritonite généralisée étant de nature infectieuse a besoin d’être 
traitée par l'antisepsie. 

D'après Peaslee, il faudrait faire des injections d’eau additionnée d'acide 
phénique : ces injections agiraient dans un but curatif, dans le cas où la septi- 
cité s’est établie, et dans un but préventif, dans le cas où l'on craint la décom- 
position des liquides laissés dans la cavité péritonéale. Ce traitement a été 
recommandé par son auteur, en 1870, contre la péritonite qui suit les opérations 
d’ovariotomie. 

Actuellement on évite la péritonite par une toilette aussi parfaite que possible 
du péritoine. 

Malheureusement le pédicule de toute tumeur extirpée de l'abdomen peut 
donner lieu, s’il est volumineux, à des accidents de péritonite septique par gan- 
grène du moignon ; il n’est pas toujours au pouvoir du chirurgien d'éviter 
cette complication. 

Contre le météorisme intestinal et la dilatation de l'estomac qui surviennent 
dans la péritonite traumatique on fera le lavage de l'estomac (Kæberlé, F. Gross, 
1871) ; contre la dyspnée on usera des inhalations d'oxygène (P. Spillmann et 
F. Gross, 1886). 


CHAPITRE II. PÉRITONITES CHRONIQUES SIMPLES. Sous cette dénomination 
nous comprenons tous les processus inflammatoires de la séreuse péritonéale 
qui ont une évolution lente, chronique; ces processus constituent toute la 
maladie, à l'inverse des péritonites tuberculeuses et cancéreuses, où les lésions 
péritonéales sont consécutives à ces néoplasies spécifiques qu'on appelle le 
tubercule et le cancer. 

Nous nous sommes imposé la tâche de n’étudier, dans ce chapitre, que la 
péritonite chronique simple, dont l'existence est aujourd'hui bien démontrée. 

La péritonite chronique simple, est consécutive à une péritonite aiguë ou bien 
à une ascite, ou enfin elle est chronique d'emblée et est alors ou bien primitive 
spontanée, ou bien consécutive au mal de Bright, à l'alcoolisme, aux maladies 
de cœur, à des lésions viscérales et à des tumeurs abdominales. 

4° PÉRITONITE CHRONIQUE CONSÉCUTIVE A UNE PÉRITONITE AIGUË.  ÉTIOLOGIE. 
L'étiologie se confond avec celle de la péritonite aiguë: aussi n’insisterons- 
nous pas. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. Les lésions décrites à propos de la péritonite aiguë 
se retrouvent ici à l’état stationnaire, ou bien elles sont en voie de régression, 
u à l’état de lésions indélébiles. La péritonite aiguë a été primitivement géné- 


PÉRITONITES. 343 


ralisée ou bien circonscrite dès le début, mais propagée ultérieurement aux 
diverses parties de la séreuse abdominale. 

L'aboutissant de la péritonite aiguë est ou bien un épanchement séreux ou 
purulent avec exsudats néomembraneux, ou bien la cirrhose du péritoine. Certains 
foyers inflammatoires se sont enkystés; comme la péritonite est toujours secon- 
daire dans ces cas, on retrouve les lésions des viscères, ou bien des tumeurs 
abdominales. 

SYMPTOMATOLOGIE. Quand une péritonite aiguë se transforme en péritonite 
chronique, les phénomènes aigus diminuent et l'exsudat disparaît totalement ou 
partiellement ; il se forme ainsi des enkystements et des brides inflammatoires, 
d’où un appareil symptomatique qui porte la double empreinte et des lésions 
anciennes et des lésions récentes. 

La sensibilité excessive de l’abdomen diminue, sans disparaître complétement ; 
le malade éprouve une sensation de plénitude, de tension, et la pression profonde 
ou les mouvements du corps peuvent encore réveiller de vives douleurs; le pas- 
sage des aliments dans les intestins provoque souvent des douleurs sous forme 
de coliques. 

L’appétit est capricieux, parfois nul, et, si les vomissements copieux du début 
ont cédé, 1l n'en subsiste pas moins une tendance aux nausées qui est réveillée 
par chaque ingestion d'aliments. 

Dans certains cas où il n’y a pas de résorption et où de nouveaux dépôts 
viennent se surajouter aux anciens, le développement du ventre peut devenir 
énorme. 

Quant aux fonctions intestinales, elles sont absolument irrégulières : il y a 
des alternatives de constipation opiniâtre et de diarrhée profuse à caractère 
dysentérique. 

Quand l’exsudat est abondant, la quantité d'urine est minime; quand au 
contraire l'exsudat tend à se résorber, la proportion d'urine augmente, il peut 
même se produire de la polyurie. 

Les oscillations de la température sont très-variables ; les périodes absolument 
apyrétiques alternent avec de la fièvre, ou bien il y a une apyrexie matinale 
complète, avec exacerbation fébrile vespérale régulière. 

Quant au pouls, il est toujours très-fréquent. 

La respiration, plus fréquente qu’à l’état normal, diminue cependant de fré- 
quence au fur et à mesure que l’anémie et la consomption font des progrès. 

Les parois abdominales présentent une consistance rugueuse et sont souvent 
fortement pigmentées. 

Dans certains cas, on peut constater dans l'abdomen l'existence d’une quan- 
tité considérable de liquide qui tantôt est libre et mobile, tantôt au contraire, 
et c’est le cas le plus fréquent, est enkysté en totalité ou en partie. 

Quand l'abdomen s’affaisse sous l'influence de la résorption du liquide ou de 
la diminution du météorisme, on aperçoit à sa surface des inégalités qui sont 
l'indice de l'enkystement ; à la percussion on observe, à ce niveau, des alter- 
natives de matité et de sonorité. 

En cas d’adhérences avec le péritoine pariétal, les deux feuillets ne peuvent 
plus glisser l’un au-dessus de l’autre. i 

Terminarson. Les malades atteints de cette forme de péritonite chronique 
traînent en général une longue et pénible existence ; les retours incessants de la 
fièvre, l'insuffisance inévitable de l'alimentation, les vomissements et la diarrhée, 


544 PÉRITONITES. 


enfin la présence de l’épanchement, amènent un état de consomption caractérisé 
par un amaigrissement excessif et une anémie profonde. Ajoutons à cela que 
l'épanchement et les adhérences peuvent comprimer des nerfs et des vaisseaux 
et provoquer ainsi, outre des douleurs dans les membres inférieurs, de l'œdème, 
des thromboses marantiques et de l’albuminurie. 

Certains d’entre eux peuvent même succomber à la pyohémie, et il est presque 
inutile d'indiquer que, plus que les autres malades, ils sont exposés aux compli- 
cations du décubitus. 

Si une perforation se produit dans une direction quelconque, l'évacuation du 
pus peut être considérée comme une planche de salut. Mais avec elle naissent 
de nouveaux dangers, ce sont: 1° une suppuration prolongée avec toutes ses 
conséquences; 2° des trajets fistuleux et des décollements qui en sont la 
suite. 

Enfin certains malades peuvent succomber à une diarrhée dysentériforme. 

En somme, la plupart de ces cas se terminent presque fatalement par la mort, 
après une période prolongée de marasme. 

Quant à la guérison, elle peut se faire par résorption, ou perforation et éva- 
cuation de l’exsudat au dehors. 

Il est évident que les adhérences multiples constituent, dans les cas de gué- 
rison, une cause de complications futures et de troubles de la nutrition. Le 
danger d'un étranglement ou d'un volvulus est peut-être moins à craindre que 
dans le cas d’adhérences partielles, mais on a de la peine à comprendre comment 
les tuniques musculeuses de l'intestin peuvent encore remplir leurs fonctions. 

90 PÉRITONITE CHRONIQUE SURVENANT A LA SUITE D'ASCITE PROLONGÉE.  ÉTIOLOGIE. 
Cette forme de péritonite s’observe dans les cas où l'ascite dépend d'une stase de 
la veine porte, dans les maladies du cœur, en dehors de toute lésion hépatique, 
dans les lésions du foie d’origine cardiaque et dans la cirrhose hépatique classique. 
La péritonite peut se développer par deux mécanismes différents: tantôt elle 
naît en quelque sorte spontanément, par suite d'une irritation qui, partie du 
foie, se propage à la séreuse hépatique, puis à tout le péritoine. Ce mode de 
développement a été particulièrement mis en lumière par Leudet (de Rouen). 
Cet auteur considère cette péritonite plastique, avec néomembrane, comme 
jouant un rôle actif dans la résorption de l'épanchement ascitique et pouvant 
procurer une guérison momentanée par la disparition totale de la sérosité abdo- 
minale ; tantôt la péritonite est consécutive à des ponclions répétées ; deux obser- 
vations de Friedreich et de Baümler tendraient à établir le fait. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. Dans les cas rapportés par Leudet, outre les lésions 
primitives qui avaient engendré lascite, on trouva un épaississement du péri- 
toine et des brides néomembraneuses ; quant à l'épanchement, il contenait de 
la fibrine; jamais il n'y a eu de pus. 

Dans le cas rapporté par Friedreich, il existait une péritonite chronique 
hémorrhagique avec hématome. Le feuillet viscéral et le feuillet pariétal étaient 
couverts d’une membrane continue, pigmentée, avec des sugillations, épaisse 
surtout à la partie antérieure de l’abdomen, formée de plusieurs couches stra- 
tifiées entre lesquelles on constatait de petites tumeurs, de couleur rouge noir, 
formées par du sang coagulé entre les lamelles. Ces lamelles pigmentées, hémor- 
rhagiques, étaient faciles à détacher du péritoine qui était congestionné, mais 
du reste de constitution normale. Nulle part il n’existait d’adhérences avec l'in- 
testin. Dans l'observation de Baümler il y avait une péritonite chronique pseudo- 


PÉRITONITES. 545 


membraneuse survenue à la suite de ponctions répétées chez un individu atteint 
d’ascite symptomatique d’une affection chronique des reins. 

SYMPTOMATOLOGIE. Dans le premier cas, la péritonite peu intense reste latente : 
elle peut être soupçonnée, quand, en dehors de tout traitement, on voit une ascite 
disparaitre avec polyurie consécutive. 

Dans le second cas, on peut soupçonner la péritonite quand la couleur de l'ex- 
sudat se modifie d'une ponction à l’autre. C’est ainsi que chez le malade de Frie- 
dreich l'épanchement, d’abord jaune verdâtre, devint hémorrhagique, après la 
seizième ponction ; du reste, après chaque ponction, il se manifestait de vives 
douleurs dans l'abdomen. i 

Pronosric. La péritonite agit de deux façons dans le cours de l'ascite, tantôt 
comme processus curateur, tantôt comme complication redoutable, le plus souvent 
mortelle. 

Nous verrons plus loin que ces faits peuvent recevoir une autre interpréta- 
ton. 

5° PÉRITONITE CHRONIQUE D’EMBLÉE SIMPLE. L'expression de péritonite chro- 
nique d'emblée simple sert à caractériser cliniquement les affections insidieuses 
du péritoine où le processus inflammatoire, torpide dès le début, ne se révèle 
ordinairement que par des symptômes peu marqués et qui ne dépend ni de la 
tuberculose, ni du cancer, ni d'aucune lésion des viscères. Cette forme de péritonite 
chronique a été successivement nice, puis admise par les auteurs. Décrite pour 
la première fois par Morgagni, elle fut admise par Bichat, Laennec, Bayle, 
Broussais, Walcker, Scoutetten. 

Louis, en soutenant que toute péritonite chronique était de nature tuberculeuse, 
arriva à nier l'existence de la péritonite chronique simple. Pendant près de vingt 
ans cette opinion fut admise, sans restriction, en France, en Angleterre et en 
Allemagne. Chomel, Grisolle, Trousseau, Rilliet et Barthez, apportèrent à la loi 
de Louis l'appui de leur vaste expérience. 

Cependant les faits contradictoires ne tardèrent pas à s’accumuler et à mon- 
trer ce que cette manière de voir avait d'exagéré. Les observations de Bright, 
de Morgagni, de Godard, d'Aran, de Toulmouche, de Lasègue, de Galvagni, de 
Stiller, de Hénocque, de Lancereaux, établirent nettement l'existence de la 
péritonite chronique simple. 

Dans ces dernières années, les travaux de Tapret (1878), de Vierordt (1884) et 
de Delpeuch (1884), ont jeté une nouvelle lumière sur cette question autrefois 
si controversée. 

ÉrioLoce. La question de l’étiolosie de la péritonite chronique simple 
d'emblée est à coup sûr des plus délicates. A l'inverse des auteurs qui considé- 
raient la péritonite chronique comme toujours tuberculeuse et pour lesquels son 
étiologie était des plus simples, nous éprouvons un réel embarras, quand il nous 
faut établir ses causes exactes. 

Dans une première série de cas, on ne trouve aucune lésion primordiale qu 
puisse être considérée comme élément pathogénique de la péritonite chronique. 
Force nous est d'envisager ces cas comme des exemples de péritonite idiopathique 
et spontanée. Dans certains cas où le foie est franchement cirrhotique, on pour- 
rait nous objecter que la péritonite chronique généralisée a eu pour point de 
départ la cirrhose alcoolique. Sans doute la cirrhose classique, après avoir pré- 
senté le tableau clinique bien connu, pourrait, d'après Leudet, se compliquer de 
péritonile chronique, mais, si l’on a assisté à toute l'évolution morbide, l'erreur 


346 PÉRITONITES. 


n'est pas permise: en effet, la marche de la péritonite chronique spontanée a 
un cachet particulier qui la distinguera toujours de la cirrhose de Laennec. 

La péritonite chronique des jeunes enfants a également une étiologie obscure, 
et a été considérée, quand on ne pouvait incriminer la tuberculose, comme une 
péritonite idiopathique. 

Dans une seconde série de cas, on trouve une cause mieux déterminée, soit 
le mal de Bright, soit l'alcoolisme, soit les affections organiques du cœur. Cette 
triple étiologie est indiquée dans un travail d’Armand Deleuch, paru dans les 
Archives générales de médecine (janvier 1884). 

4° PÉRITONITE BRIGHTIQUE. La péritonite des albuminuriques a été men- 
tionnée par Bright, Grégory, Christison, Johnson, 1852; Habershon, Grainger 
Stewart, Hamilton, Dickinson, Murchison et Hilton Fagge, par Rayer, Jaccoud, 
Lancereaux, Lecorché, Cornil et Ranvier. 

On peut juger de sa fréquence par les statistiques suivantes : 


Albuminuriques. Péritonite. 
Frerichs.. ASATI EI M, e ARINE 292 CaS. 33 cas. 
Rosenstein: Aet. tad cu nt E 114 — 10 — 
406 cas. 45 cas. 
Soit 10,6 pour 100 des cas. 
Péritonite. Mal de Bright. 
Habershon. e he a ne e 501 cas. 65 cas. 


Soit 12,5 pour 100 des cas. 


Souvent la péritonite est latente, presque toujours chronique ; sì on en juge, 
d’après les observations publiées, elle se présente sous l'aspect d’une ascite 
plus ou moins douloureuse, susceptible de régression; à l'autopsie des malades 
qui succombent aux progrès de la néphrite, on trouve les lésions péritonéales 
anciennes, des adhérences nombreuses, une pigmentation noirâtre du péritoine, 
quelquefois des néomembranes vascularisées. 

Bright, Bäumler et Rayer, ont rapporté chacun une observation de péritonite 
chronique néo-membraneuse avec hématome. 

Par quelle influence les néphrites produisent-elles la péritonite? Considérée 
comme un phénomène urémique à la période ultime de la maladie, dans les 
cas réputés rares, où l'inflammation a une allure aiguë ou subaiguë, la péri- 
tonite, dans les cas chroniques, a un mécanisme absolument obscur. 

Faut-il supposer, comme l’a fait Broussais, que la sérosité est empreinte de 
qualités stimulantes, quand l’exhalation péritonéale supplée à l'urine, et qu’elle 
peut ainsi engendrer la péritonite? On serait tenté de l'admettre, lorsqu'on voit 
la maladie affecter le début et la marche d’une ascite. 

2° PÉRITONITE DES ALCOOLIQUES.  Décrite pour la première fois par Lancereaux 
(Arch. gén. de méd., 1862 et 1865, Dict. encycl., art. Arcoozisme) et consi- 
dérée comme primitive, mais pouvant s'accompagner de lésions viscérales secon- 
daires, bien des auteurs l'ont attribuée à l'extension de lésions viscérales con- 
comitantes qui se produisent dans le cours de l'alcoolisme: c'est ainsi qu’une 
péritonite avec cirrhose atrophique du foie, avec gastrite alcoolique était consi- 
dérée comme secondaire. Tapret cherche à réagir contre cette manière de voir; 
quand il voit coexister une sclérose du foie et une sclérose péritonéale, il se 
trouve obligé de conclure à l'influence causale de la seconde sur la première; 
pour lui il est naturel de voir là une propagation de la péritonite analogue 
à « la sclérose pulmonaire consécutive aux pleurésies anciennes ». Dans les 


PÉRITONITES. 347 


observations de Poulin, Étude sur les atrophies viscérales consécutives aux 
inflammations chroniques des séreuses (thèse de Paris, 1881), on voit que l'on 
a affaire à des péritonites généralisées qu'il est impossible de rattacher à un 
processus local. 

La péritonite chronique des alcooliques s'accompagne tantôt de cirrhose 
atrophique, tantôt de gastrite chronique. Tapret, dans sa thèse de 1878, rapporte 
quatre observations de péritonite chronique généralisée avec cirrhose hépatique 
consécutive. Le phénomène inverse peut se produire; les lésions péritonitiques, 
mêmes généralisées, peuvent s’observer dans le cours de la cirrhose atrophique 
(Cornil, Rendu). Il peut être difficile dans certains cas de faire à la compression 
des branches intra-hépatiques de la veine porte et à l'inflammation péritonéale 
leur part respective, puisque l’une et l’autre aboutissent au même résultat, c'est- 
à-dire à un épanchement ascitique. 

Brinton a décrit une forme rare de gastrite, la linite plastique, qui coïncide 
plus que toute autre forme de gastrite, avec les lésions de la péritonite généra- 
lisée, lésions prédominantes dans la moitié sus-ombilicale de l'abdomen. L'obser- 
vation de Letulle (Soc. clin., 1879), reproduite dans la thèse de Manolesco 
(Paris, 1879), le mémoire de Hanot et Gombault (Arch. de phys., 1882), démon- 
trent la subordination des lésions stomacales aux lésions péritonéales, et ceci 
résulte de l'examen anatomo-pathologique des faits aussi bien que de l’évolution 
clinique de la maladie qui est à début franchement péritonéal. 

Quant à l'influence du saturnisme et de l’impaludisme, les saturnins et les 
paludéens ayant généralement fait des excès alcooliques, la péritonite est le plus 
souvent d'origine alcoolique. 

Dans tous ces faits, ce qui est constant, c’est la lésion péritonéale; les localisa- 
tions viscérales peuvent varier : il semble donc qu'il y a eu réellement une irrita- 
tion directe du péritoine par l’alcool ingéré. 

3° PÉRITONITE DES CARDIAQUES. L'ascite est loin d’être rare dans les mala- 
dies du cœur avec ou sans foie cardiaque : aussi, quand à l’autopsie d'un ascitique 
cardiaque, on trouva des lésions péritonéales, ces dernières ont-elles été considé- 
rées comme consécutives à cette ascite elle-même; tantôt on a incriminé des 
paracentèses répétées, comme dans le cas de Fricdreich, tantôt on a considéré la 
péritonite comme un phénomène tardif et curateur de l'ascite (Leudet). Il en est 
résulté une interprétation erronée de la maladie. On eùt été dans le vrai 
en admettant que lascite était une manifestation de la péritonite, que la 
péritonite chronique d'emblée était possible dans le cours des maladies du 
cœur. 

En parcourant les observations d'Andral (Cl. méd., 1853); de Jolly (Soc. d’anat., 
1868) ; mêmes celles de Friedreich (Arch. gen. de méd., 1874) et de Leudet 
(CL. de Rouen, 1874), on voit qu'il s’agit bien de EU chroniques à forme 
ascitique, et non pas d’ascite primitive. Dans une des observations de Friedreich, 
outre la péritonite néomembraneuse avec hématome, il y avait une pachyménin- 
gite sans hématome; ceci seul ruine la théorie de cet auteur qui rattache la 
pachypéritonite à des ponctions répétées (Delpeuch). 

Delpeuch se demande si ces trois variétés de péritonite, albuminurique, 
alcoolique et cardiaque, ne doivent pas être envisagées comme la conséquence de 
l’artério-sclérose des petits vaisseaux; « on Dot ainsi à l'unicité de cause, 
pour les diverses péritonites que nous avons énumérées ; elles auraient toutes 
trois une origine toxique; l'agent morbide serait, suivant le cas, le poison uré- 


548 PÉRITONITES. 


mique, l'alcool, le plomb, le miasme paludéen, ou cette altération humorale 
ignorée qui paraît constituer l'arthrilisme ». 

Dans un troisième groupe de cas, il y a une lésion préexistante des viscères 
abdominaux; l’ulcère simple de l'estomac (Richard, Lancereaux, Vierordt), les 
tumeurs abdominales, tumeurs fibreuses, kystes et sarcomes de l'ovaire, kystes 
hydatiques du mésentère (Teinturier), kystes hydatiques suppurés du foie (Ta- 
pret), les inflammations du petit bassin, telles que la pelvi-péritonite, la sal- 
pingite et l’ovarite suppurées, l’hématocèle; le rétrécissement cicatriciel du 
rectum (Lindwurm), certains cancers bien limités, surtout les cancers des voies 
biliaires (Tapret), peuvent provoquer, à la longue, une phlegmasie chronique 
généralisée du péritoine. 

En dehors de toute étiologie certaine, on a incriminé le froid humide 
(Galvagni), les écarts de régime, le traumatisme, la puerpéralité, la grossesse, 
certaines fièvres éruptives, surtout la rougeole (Vierordt). 

Enfin, d’après certaines observations, les tuberculeux seraient prédisposés à la 
péritonite chronique; celle-ci surviendrait dans le cours de la tuberculose pul- 
monaire et existerait sans granulations tuberculeuses du péritoine, ou bien elle 
précéderait de quelques mois ou de quelques années l'évolution tuberculeuse du 
poumon. ll faut être très-réservé sur ce dernier point et ne l’admettre ou le 
rejeter que lorsque des observations ultérieures, basées sur la constatation de 
la présence ou de l'absence des bacilles de la tuberculose dans les produits 
inflammatoires, auront permis de trancher définitivement la question. 

L'âge et le sexe paraissent avoir une certaine influence sur le développement 
de la péritonite chronique. 

Le tableau ci-dessous, établi avec les observations recueillies par Tapret et 
Vierordt, montre que la péritonite chronique est plus fréquente dans le sexe 
féminin ; la maladie ne respecte aucun âge, mais paraît plus fréquente avant 
cinquante ans. On peut voir également que les observations de péritonite chro- 
nique, simple, idicpathique, ne sont pas excessivement rares, puisque sur 55 
cas 55 fois on n’a pu trouver la cause organique de la maladie : 


TAPRET. VIERORDT. 
Age 2a 40 fansi retire SE RUE » Cas. 8 cas. 
40 a 2Dians dr us PE 2 — 9 — 
20 a30 aS 3 — 4 — 
20 a 40 ans. EIM SE SE. 8 — 1 — 
40-25504ans ds Las sn 5 — 3 — 
DO a OÙ ans a a a E 3 — T= 
60am0lansi PEU SPRS "Je 2 — » 
HO a 80 ans cup ANS, se 1 — » 
24 cas. 29 cas. 
Sexe féminins. 20. A. A LR). 16 cas. 19 cas. 
= tumascu line AR E 8 — 10 — 
24 cas. 29 cas. 
Péritonite idiopathigue. e mue e 8 cas. 15 cas. 
— secondaires. a AT Eip 16 — ; 14 — 
24 cas. 29 cas. 


ANATOMIE PATHOLOGIQUE. Dans les cas légers, lorsqu'on ne songe même pas, 
après la mort, à parler de péritonite chronique, c’est-à-dire chez des individus 
qui ont succombé à des affections étrangères au péritoine, on rencontre, dans 
les points soumis aux frottements répétés, des brides conjonctives ou fibreuses, 


PÉRITONITES. 349 


quelquefois une sorte de membrane adventice aisément séparable, au-dessous 
de laquelle la séreuse a conservé un aspect brillant et poli (Bright). 

C'est surtout vers le cæcum, le foie, la rate, le pylore et dans le petit bassin, 
que l’on rencontre les traces de cette inflammation rudimentaire. 

Lorsque la maladie à atteint un degré plus élevé, on trouve des fausses mem- 
branes plus épaisses et plus étendues qui réunissent entre elles les anses intes- 
tinales, formant des vacuoles qui emprisonnent un peu de liquide. Pa-fois tous 
les viscères abdominaux forment une seule masse recouverte par l'épiploon 
rétracté; la séreuse qui tapisse le foie et la rate est épaissie et les organes 
qu’elle recouvre, atrophiés ; l'estomac et les intestins ont leurs parois épaissies 
ou infiltrées, et se déchirent à la moindre traction. 

Il existe parfois aussi de véritables poches kystiques dans les aréoles du tissu 
fibreux de nouvelle formation, ou entre les organes. Ces kystes contiennent de 
la sérosité, du sang, ou du pus; on a même trouvé des dépôts plâtreux, résultat 
de la transformation de kystes purulents. 

L'épiploon est en général rétracté, épaissi, et se présente sous la forme d'une 
véritable tumeur plus ou moins irrégulière; si le mésentère est également 
atteint, sa rétraction attire vers la colonne vertébrale tout le paquet des intes- 
tins (péritonite déformante de Klebs). 

L'exsudat est en général peu abondant, en raison du cloisonnement qui se 
produit de bonne heure; néanmoins dans certains cas il y a un épanchement 
abondant qui peut faire croire à une ascite simple. 

Les cas les plus nets sont ceux où il n'y a pas de lésions des viscères, où la 
péritonite est idiopathique ou consécutive au mal de Bright, à l'alcoolisme, aux 
maladies du cœur; il y a alors un épaississement plus ou moins étendu du 
péritoine; cet épaississement est souvent fibreux, mais il peut être néomembra- 
neux et l’on observe alors une véritable pachypéritonite. La pachypéritonite est 
le propre des péritonites chroniques simples; elle existe dans tous les processus, 
depuis le simple épaississement, avec la pigmentation ecchymotique la plus dis- 
crête, jusqu’à la formation de la néomembrane vasculaire la plus épaisse, avec 
hématome (Delpeuch). 

Lésions viscérales concomitantes. Lésions génératrices de la péritonite, 
lésions des organes tapissés par la séreuse, lésions des organes éloignés (reins, 
cœur) quand elles ont été découvertes, il importe de chercher à établir quelle a 
été la première en date, de la lésion péritonéale ou de la lésion viscérale. C’est 
ainsi que, pour ne prendre qu'un exemple, on considérera une lésion pleurale 
avec péritonite généralisée comme consécutive à cette dernière, la péri- 
tonite consécutive aux altérations de la plèvre étant généralement localisée 
ou aiguë. 

La péritonite entraine d’autres altérations viscérales, telles que rétrécissements 
intestinaux (Bamberger, Ferrand, Liouville), compression des gros troncs vei- 
neux intra-abdomimaux avec désordres trophiques viscéraux, atrophie partielle 
du foie et cirrhose atrophique, atrophie de la rate, par propagation de la 
périhépatite et de la périsplénite, phénomènes du même ordre que la sclérose 
pulmonaire consécutive aux pleurésies anciennes. 

SYMPTOMATOLOGIE. Chez l'adulte la péritonite chronique affecte en général 
des individus qui présentent en apparence les attributs de la santé. Les premiers 
symptômes sont constitués par de la fièvre, des troubles gastro-intestinaux, de 
la diarrhée alternant avec de la constipation, et par intervalle des nausées et 


350 PÉRITONITES. 


des vomissements. En même temps le ventre devient douloureux et se ballonne, 
le malade pâlit, maigrit et perd ses forces ; le ventre devient de plus en plus 
volumineux, parfois inégal; on voit se dessiner sur la paroi abdominale des 
veines distendues ; la peau est sèche et rude; à la percussion on constate des 
alternatives de matité et de sonorité. 

A ce moment, il est impossible de porter encore aucun diagnostic précis ; 
mais bientôt les caractères de la lésion abdominale deviennent de plus en plus 
marqués. Chez quelques malades l'épanchement devient tellement abondant qu'il 
faut l'évacuer pour les soulager ; chez d’autres le liquide est insignifiant et se 
résorbe, au point que le ventre se rétracte et s'excave même en bateau; on 
constate alors, au palper, l'existence de plaques dures, à contours mal définis. 
Les organes abdominaux se trouvent ainsi déplacés, comprimés, et leurs fonctions 
sont profondément troublées. Le malade s’affaiblit, maigrit, s'infiltre; il est pris 
d'une fièvre hectique, continue, mais peu intense; la diarrhée devient perma- 
nente; enfin le malade tombe dans le marasme et succombe dans le collapsus. 
Quand la maladie doit suivre une marche favorable, les troubles digestifs sont 
peu marqués et l'appétit se maintient malgré l’épanchement qui bientôt diminue 
progressivement, tout en laissant subsister dans la cavité péritonéale des brides 
dont l'existence pourra donner plus tard naissance à des complications. Le ventre 
lui-même reprend successivement et sa forme et sa souplesse. 

Dans des cas fort rares, le liquide prend un caractère purulent. Bauer dit 
avoir observé, dans la convalescence de la fièvre typhoïde deux cas d’exsu- 
dats purulents, abondants, à développement lent et chronique, et qui n'avaient 
donné lieu à des phénomènes marqués que le jour où le ventre fut considé- 
rablement distendu. Dans ces cas, la marche ultérieure de la maladie est 
la même que celle de la péritonite purulente, qui succède à une péritonite 
aiguë. 

Chez les enfants et en particulier chez les petites filles, le tableau clinique 
ressemble à celui de l’ascite ; ces cas ont été décrits sous le nom d'’ascite essen- 
tielle; c’est là évidemment une erreur d'interprétation, attendu que les douleurs 
abdominales, les vomissements, la diarrhée, l'amaigrissement, la fièvre, la peti- 
tesse et la fréquence du pouls, la diminution des urines, qui accompagnent 
lascite, ne peuvent être que les effets d'une péritonite chronique. L’exploration 
de l'abdomen confirme cette manière de voir; les veines sont dilatées, l'abdomen 
n'a pas la même forme qu'il a dans l’ascite ; il est ovale, saillant, peu développé 
à la partie inféricure ; il n'a pas la forme hémisphérique, la forme d’outre qu'il 
affecte dans les ascites simples. De plus, il existe un certain nombre de cas où 
par la ponction on reconnaît que l'épanchement est cloisonné, et vers l’époque où 
l’épanchement diminue, en se résorbant, on constate des alternatives de matité 
et de sonorité. La maladie peut durer de quelques mois à un an et plus ; ces cas 
sont en général curables et, la maladie terminée, 1l n'existe souvent aucun trouble 
digestif consécutif. La guérison est complète. 

Quant aux péritonites qui sont comprises dans notre deuxième série de cas, 
elles ont l'allure des maladies péritonéales, sans en avoir les réactions violentes. 
Les unes sont insidieuses, latentes, les autres ont une marche bien carac- 
térisée. En tout cas on ne trouve ici ni fièvre, ni douleur vive, ni vomisse- 
ments, ni mème constipation, symptômes ordinaires des inflammations du 
péritoine, 

Il existe deux formes de la maladie, la forme ascitique et la forme néo-mem- 


PÉRITONITES. 351 


braneuse, et il résulte de l'examen des cas publiés que ces deux éléments, 
néo-membranes et ascite, varient toujours en sens inverse, l’un acquérant 
d'autant plus d'importance que l’autre en a moins. C’est que les néo-membranes 
très-vasculaires sont des voies actives, soit de résorption pour le liquide épanché, 
soit de dérivation pour la circulation porte obstruée dans ses branches d'origine. 
(Delpeuch). 

L'épanchement acquiert très-rapidement son niveau maximum et la cavité 
abdominale se remplit brusquement en quelques jours; l'apparition de cet 
épanchement s'accompagne de douleurs vagues, sourdes, et très-fréquemment de 
diarrhée et de dilatation progressive des veines abdominales; ces symptômes 
sont propres aux péritonites et sont dus à des obstructions par les dépôts inflam- 
matoires des branches de la veine porte. 

La règle est que les liquides épanchés se résorbent sans intervention théra- 
peutique (cas de Leudet); mais s'il y a peu de néo-membranes, ou s'il y a une 
gêne de la circulation porte, l'épanchement peut persister ou même augmenter ; 
il provoque alors des phénomènes de compression ou d’asphyxie, comme dans la 
cirrhose vulgaire. Intervient-on par la paracentèse, on voit le liquide se repro- 
duire rapidement et devenir sanguinolent ; non-seulement cette reproduction 
rapide a lieu, mais elle peut encore s'accompagner d'une aggravation subite de 
l'état général, avec délire, agitation et coma rapidement mortel. 

Les urines sont rares, ont une couleur foncée, laissent un dépôt uratique 
plus ou moins abondant et présentent la réaction de l'hémaphéine; si, comme 
l'a dit Gubler, l’hémaphéime est le pigment de l'insuffisance hépatique, on com- 
prend facilement que cette insuffisance puisse résulter aussi bien d'un défaut 
d'apport de matériaux par obstacle périphérique que d'une gène au centre 
même de la glande. 

Ces troubles de l'urine ne sont pas constants. 

Comment se comporte la circulation collatérale dans la péritonite chronique ? 
Non-seulement elle s'établit par les mêmes voies que dans la cirrhose atrophique 
du foie, mais encore elle se fait par une voie nouvelle, par les vaisseaux des 
néo-membranes qui mettent le plus souvent, sur une longue étendue, les viscères, 
lieux d'origine de la veine porte, en communication avec tous les points des 
parois abdominales où rampent des vaisseaux tributaires de la veine cave. C’est 
ce rôle des néo-membranes qui explique la succession des deux phases habi- 
tuelles de la maladie, exsudation ascitique et résorption; après avoir produit 
l'obstruction de certaines des veines mésentériques, ce qui a pour résultat de 
produire un épanchement, le processus inflammatoire rétablit de nouvelles com- 
munications vasculaires par les néo-membranes, d'où disparition de cet épan- 
chement ascitique. 

Leudet a bien observé les faits qu'il a qualifiés d’ascites ‘curables et qui 
vraisemblablement n'étaient que des péritonites chroniques. 

C’est en provoquant ces néo-membranes, qu'on guérissait les malades, par 
les injections irritantes, dans les cas d’ascite idiopathique. 

Rapport entre la péritonite chronique simple et la tuberculose. Étant 
donné une péritonite chronique simple évoluant chez un tuberculeux, peut-on 
voir le produit de inflammation péritonéale s'infiltrer de granulations tubercu- 
leuses ? 

Disons d'abord que Tapret cite dans sa thèse trois observations de péritonites 
chroniques restées simples, chez des individus atteints de lésions tuberculeuses 


352 PÉRITONITES. 


des poumons (Sorlin, Journal de méd., 1824. — Aran, Clin., 1858, 2 observa- 
tions). Ces faits suivis d’autopsie montrent que les néo-membranes peuvent rester 
intactes chez des tuberculeux ; cependant on peut concevoir la possibilité de la 
tuberculisation secondaire du péritoine atteint d’inflammation chronique simple. 
En effet, on connait la célèbre expérience de Max Schüller : une articulation 
(une séreuse) est contusionnée et l’on injecte, dans le sang, des bacilles de Koch: 
la jointure enflammée se tuberculise. C’est dire que les globules blancs chargés 
de schizophytes sont arrivés dans le territoire congestionné où le courant san- 
guin est ralenti; ils ont traîné le long des parois dés capillaires, y ont formé des 
embolies au sein desquelles ont évolué les germes qui, par diapédèse, ont gagné 
les interstices conjonctifs qu'ils ont peuplés de leurs colonies. 

Si le péritoine est atteint d’inflammation chronique chez un individu dont le 
sang contient des bacilles de la tuberculose, ce sang, en traversant les vaisseaux 
dilatés de la séreuse abdominale, et surtout en les traversant lentement, sèmera 
les bacilles au milieu des néo-formations inflammatoires simples. 

Cette hypothèse, basée sur les nouvelles données de l'infection tuberculeuse, 
nous a paru devoir être soulevée ; elle permettrait d'expliquer certains cas de 
guérison de péritonite chez des tuberculeux. 

Du reste cette hypothèse n’a rien que de vraisemblable; une expérience qui 
vaut celle de Max Schüller, c'est une hernie chez un tuberculeux; par suite de 
l'irritation locale, on a vu se produire des granulations tuberculeuses à la surface 
de l’épiploon et de l'intestin herniés. C’est ainsi que, dans une observation datant 
déjà de loin (John. Baron, 1818, trad. Boivin, Paris, 1895), il se dévoloppa 
une péritonite tuberculeuse suivie de mort deux mois après l'opération de 
la hernie étranglée. 

Ces considérations montrent également le danger des traumatismes abdo- 
minaux chez les tuberculeux ou chez ceux qui sont en puissance de bacilles de 
la tuberculose. 

Pour qu'à l'autopsie on puisse affirmer que les lésions inflammatoires sont 
plus anciennes que les tuberculeuses, il faudrait trouver des adhérences anciennes 
fibreuses sans tubercules, ou avec des granulations récentes. Ce sont des 
recherches anatomo-pathologiques à faire. 

Dracxosric. La péritonite chronique, suite de péritonite aiguë, est d’un dia- 
gnostic facile; celle qui complique l’ascite sera plus difficile à diagnostiquer; 
on se basera sur les symptômes indiqués par Leudet. 

Quant à la péritonite chronique d'emblée, elle se révèle par une ascite abon- 
dante, de la diarrhée, des altérations des urines, des troubles de la circulation qui 
lui donnent, à un moment de sa durée, une analogie frappante avec certaines 
affections du foie et de la veine porte, et qui paraissent résulter de l’obstruction 
des branches originelles de cette veine. 

Mais, en présence de ces symptômes, après avoir reconnu qu'il s’agit d'une 
affection chronique du péritoine, il faudra la distinguer de la péritonite tuber- 
culeuse et de la péritonite cancéreuse; mais parfois le diagnostic de la nature 
péritonéale de la lésion présente des difficultés, et on devra d'abord chercher à la 
distinguer de l'hypochondrie, de la pseudo-péritonite récidivante des hystériques, 
de la cirrhose et de la syphilis hépatique, des ascites cachectiques, des tumeurs 
kystiques du mésentère. 

1° Hypochondrie.  L'hypochondriaque peut se plaindre de troubles abdo- 
minaux qui existent au début de la péritonite chronique, mais, tandis que le 


PÉRITONITES. 555 


péritonitique devient malade sans avoir jamais eu d’antécédents nerveux, l'hypo- 
chondriaque a une physionomie particulière qui le fait reconnaître aisément. 
C’est un être d'imagination, inquiet depuis longtemps sur sa santé, un minutieux 
observateur de tous les symptômes qui se passent en lui, un lecteur d'ouvrages 
de médecine, qui passe son temps dans les antichambres des médecins qu'il 
fatigue d’une foule de questions; il recourt aux médications les plus variées, et 
tourmenté par la crainte, il tombe dans la tristesse, fuit les distractions, devient 
misanthrope et égoïste et finit par avoir des troubles gastriques, de la tympa- 
nite, des douleurs abdominales. 

2° Pseudo-péritonite récidivante des hystériques. Chez les hystériques qui 
sont affectées de troubles fonctionnels des organes génitaux on voit éclater un 
état grave en apparence, caractérisé par un facies grippé, de la tympanite avec 
constipation, des vomissements et des douleurs abdominales ; comme ces sym- 
ptômes récidivent parfois assez souvent, on pourrait croire à une lésion péri- 
tonéale, mais l'abdomen est alors uniformément tendu, et nullement rénitent ; 
enfin il existe des troubles fonctionnels, spasmes divers, zones hystérogènes, 
analgésie, hémianesthésie, hyperesthésie ovarique, amblyopie, achromatopsie, 
qui font reconnaître l'hystérie. 

3° Cirrhose du foie. La péritonite chronique a été signalée à la suite de 
l'alcoolisrne : or en présence d'une ascite survenue chez un alcoolique on pense 
généralement à une cirrhose du foie : c’est en effet une maladie bien fréquente, 
tandis que la péritonite chronique simple est une aflection bien rare. Cependant, 
en étudiant bien les anamnestiques, on constate que le début et la marche de la 
maladie ne ressemblent pas à ceux de la cirrhose du foie; d'autre part le réseau 
veineux supplémentare est sus-ombilical dans la cirrhose, tandis qu'il est sous- 
ombilical dans la péritonite (Lancereaux) ; le cirrhotique a des urines briquetées et 
une teinte subictérique qui manque dans la péritonite chronique; sa rate est 
volumineuse, son foie est petit, atrophié ; ce dernier symptôme peut se retrouver 
également dans la péritonite chronique (Bright, Frerichs). 

4° Syphilis hépatique. Les antécédents devront être recherchés avec soin ; 
après la paracentè:e, on trouvera un foie lobulé, sillonné. 

5° Ascile cachectique. Étant donné une ascite, on doit toujours rechercher 
s’il n’y a pas une lésion de la séreuse péritonéale. Cela est surtout important, si 
lascite coexiste avec un état cachectique ; on devra faire un examen minutieux 
de l'abdomen, après la paracentèse, qui d’ailleurs fournit des données certaines 
sur la nature de l’épanchement que l'on soumettra à l'analyse chimique et 
histologique. 

6° Kystes du mesentère. Ils peuvent être pris pour de la péritonite chro- 
nique. Leur développement est lent et progressif; le ventre fait saillie en avant 
et présente un aspect piriforme; le flanc n’est que peu développé, ce qui est le 
contraire de l’épanchement de la péritonite chronique. ll peut se produire un 
dépérissement progressif, comme cela arrive dans les cas de kystes ovariques 
non opérés. 

Te Kyste de l'ovaire. La tumeur se développe de bas en haut, part d'une des 
fosses iliaques, se dirige vers l’ombilic et garde une forme globuleuse qui la 
distingue de l’ascite; au besoin on fera la paracentèse. 

8° Péritonite tuberculeuse. La péritonite tuberculeuse produit des accidents 
locaux passagers : c'est ainsi que l'ascite, après avoir distendu une partie ou la 
totalité de l'abdomen, se résorbe, le ventre se cloisonne; l’épiploon donne la 

DICT. ENC. 2° s. XXIII. 25 


554 PÉRITONITES. 


sensation d'un gâteau; les accidents périombilicaux sont plus ordinaires que 
tous les autres; ils consistent en une douleur fixe et limitée; ils peuvent aller 
jusqu'à l’inflammation périombilicale. 

On trouve d'autres lésions tuberculeuses, soit de la tuberculisation des organes 
génitaux, soit de la tuberculose pleuro-pulaonaire. Il y a des diarrhées conti- 
nuelles, des sueurs intarissables ; le visage est d'une pâleur mate qui fait ressortir 
la saillie des pommettes; les accès de fièvre hectique se succèdent incessamment 
jusqu’à la mort. 

9° Péritonite cancéreuse. La péritonite cancéreuse donne lieu à un affai- 
blissement général, malgré le peu d'intensité des manifestations péritonéales; le 
cancéreux à un teint jaune paille ; il souffre plus que dans la péritonite chronique 
simple et dans la tuberculeuse. 

Pronostic. La péritonite chronique est toujours grave; elle peut tuer les 
malades par l’atrophie des organes et la suppression de leurs fonctions (atrophie 
du foie, constriction de l'intestin), par des complications pleuro-pulmonaires; 
on a cité des cas de guérison (Tapret). 

TratrEMENT. Le traitement général consistera à soutenir les forces du 
malade par les reconstituants et les toniques. 

L'état local sera traité par une alimentation de facile digestion, qui réduira 
au minimum le travail du tube digestif recouvert par la séreuse emflammée : lait, 
viande hachée et débarrassée de sa partie fibreuse, eau albumineuse en boisson, 
aliments semi-solides; par les révulsifs, vésicatoires volants, pointes de feu, 
badigeonnage à la teinture d'iode, qui combattront l'inflammation ; par l’opium, 
qui combattra la diarrhée et la douleur ; par l'iodure de potassium comme réso- 
lutif; par le collodion riciné. Contre lascite on emploiera la paracentèse, qui 
souvent a été suivie d'une amélioration notable et après laquelle on n'a pas 
observé d'accident. Si l'épanchement est sanguinolent, la ponction, en provoquant 
une nouvelle formation de l’épanchement, peut amener une anémie aiguë 
rapide. Si l’épanchement est purulent, ce qui est rare, on fera la ponction, „le 
drainage, la laparotomie. 


CHAPITRE II. PérironitTes PARTIELLES. L'une des caractéristiques de ces 
péritonites est d'évoluer en règle générale comme les péritonites chroniques, 
plus rarement comme les péritonites aiguës, et de présenter de temps en temps 
des poussées aiguës qui modifient passagèrement le processus chronique. Quant 
à cet autre caractère qu’elles ont de se cantonner en un point de la séreuse 
abdominale, elles le doivent à la formation d’adhérences entre les feuillets du 
péritoine qui constituent une barrière infranchissable que l’inflammation ne peut 
dépasser. Un troisième caractère enfin est qu'elles ont toutes leur cause dans une 
lésion d’un des organes que revèt la séreuse péritonéale : elles sont donc toutes 
secondaires. 

On né saurait diviser le péritoine en régions parfaitement localisées : par 
suite, il est impossible d'établir une division des péritonites partielles d'après 
les organes que tapisse la séreuse. Il suffit, du reste, pour se convaincre de la 
chose, de jeter un coup d'œil sur les classifications des auteurs. 

Beau les divisait en péritonites sus et sous-ombilicales. Dans le Dictionnaire 
de Jaccoud, Siredey admet trois types cliniques bien définis : la périhépatite, 
la périsplénite et la pelvi-péritonite. 

Bauer, dans le Traité de Ziemssen, n’établit pas de classification. 


PÉRITONITES. 555 


De fait, il peut y avoir autant de péritonites partielles qu’il y a d'organes en 
rapport avec le péritoine, et l’on pourra décrire une péritonite diaphragmatique 
liée à la pleurésie, à la péricardite ou à l’altération du diaphragme, une péri- 
tonite périhépatique, périsplénique, périgastrique, une péritonite périentérique, 
une péritonite appendiculaire ou péricæcale, une péritonite herniaire, une péri- 
tonite périvésicale, une péritonite développée autour des néoplasmes de la cavité 
abdominale, une péritonite périutérine, périovarique, périsalpingitique, une 
péritonite périnéphrétique, etc. 

Mais ce n’est pas dans cette diversité de lésions que réside l'intérêt d’une 
bonne description clinique. En pratique, tout peut se résumer à quatre types 
cliniques : 

1° La péritonite sous-diaphragmatique ou sus-ombilicale ; 

20 La pachypéritonite hémorrhagique ; 

3° L'entéropéritonite avec deux de ses variétés : la pérityphlite et la péritonite 
herniaire ; 

4° Les pelvi-péritonites ; 

ParnoGéniE. Pourquoi certaines péritonites restent-elles localisées? Quand 
une irritation porte sur la face externe ou conjonctive du péritoine, elle ne déter- 
mine le plus souvent qu'une phlegmasie limitée, une péritonite partielle ; l'in- 
flammation du feuillet pariétal détermine une inflammation de voisinage qui 
amène sur la surface épithéliale du feuillet pariétal la formation d'une lymphe 
plastique ; celle-ci reste peu abondante et devient le point de départ d’adhérences 
qui fixent les viscères recouverts à la paroi abdominale voisine. La séreuse 
enflammée s'hyperémie d’abord, les cellules endothéliales se gonflent, se 
détachent et tombent, laissant une surface dépolie ; des bourgeons se forment ; 
doués de propriétés agglutinatives, ils se fusionnent, s'unissent, et établissent 
des adhérences entre les feuillets pariétal et viscéral ou entre des feuillets viscé- 
raux. La cavité séreuse à ce niveau est oblitérée ; le tissu embryonnaire nouveau 
devient fibreux et apparait sous forme de filaments, de lames, de languettes, 
de plaques, de tissu blanc rétractile, comparable au tissu cicatriciel. 

Dans d’autres circonstances, l'inflammation se circonscrit d'elle-même par 
les exsudations plastiques qui, après avoir été un effet de l'inflammation, 
s'opposent à son extension. Il en résulte alors une poche plus ou moins régu- 
lière constituée par l’agglutination des surfaces péritonéales; c'est dans cette 
poche que ner continuant son évolution, verse ses produits d’exsu- 
dation variés, tantôt de la sérosité, tantôt du pus, tantôt du sang. 

I. PÉRITONITE SOUS-DIAPHRAGMATIQUE OU  SUS-OMBILICALE. Les péritonites 
circonscrites de l'étage supérieur de la cavité abdominale qui contient trois 
viscères importants, le foie, la rate et l'estomac, sont, on peut le dire, encore 
imparfaitement connues. Dans son mémoire Sur les aposthèmes du foie, Petit le 
fils relate une autopsie dans laquelle on trouva un abcès entre la partie cave du 
foie et l'arc du côlon auquel le foie était adhérent; la matière était blanche et 
n'intéressait que la tunique du foie. L'observation 8 du même auteur contient 
une description analogue. Boyer, dans son Traité des maladies chirurgicales, 
fait allusion aux mêmes abcès. Larrey, dans son article For (Dict. encycl. des 
sciences méd. en 60 vol.), parle des péritonites circonscrites qui accompagnent 
la gastrite, la pleurésie, etc., et qui surviennent par extension de l'inflamma- 
tion des enveloppes du foie. Ces inflammations, dit-il, peuvent aussi se terminer 
par suppuration, et le plus souvent, dans ce cas, la mort du sujet est presque 


556 PÉRITONITES. 


certaine. Cruveilhier, dans son article For (Dictionnaire de medecine et de 
chirurgie pratiques), paru en 1852, parle de collections de pus formées entre 
le diaphragme et le foie, collections qui dépriment le foie à tel point qu'eiles 
semblent se trouver dans l'épaisseur même de cet organe. Quant au traité 
de Frerichs Sur les maladies du foie, il est à peu près muet; il parle bien 
de périhépatite ou de péritonite périhépatique, mais sans en donner aucune 
description. 

En dehors des ouvrages classiques, nous devons citer tout spécialement un 
mémoire publié par Hawkins (London Med. chir. Transactions, 1855, t. XVIII, 
p- 1 et 98) sur les tumeurs enkystées du foie, puis une collection de 16 obser- 
vations publiées par Hilton Fagge dans la Guy's Hosp. Reports. 

Quant aux documents relatifs à la périsplénite, ils sont des plus rares, et les 
relations d’autopsies qu'on trouve dans la science, sont absolument incomplètes. 

Dans sa thèse de Paris, 1874, Foix a décrit d’une façon fort remarquable les 
péritonites circonscrites de la partie supérieure de l'abdomen. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. Au point de vue anatomo-pathologique, on peut 
distinguer deux variétés de péritonites : les péritonites périhépatiques et les 
péritonites périspléniques. 

lo Siege et limites.  ÿ 1. Les péritonites hépatiques peuvent être sus ou sous- 
hépatiques : dans le premier cas, la lésion n'occupe pas tolalement la face 
supérieure du foie, limitée qu'elle est par le ligament suspenseur, ce qui fait 
qu'on peut admettre deux variétés : la péritonite de la convexité du lobe droit, 
et la péritonite de la convexité du lobe gauche du foie. La première forme une 
tumeur de l’hypochondre droit. L’épanchement a pour limites, en haut, la con- 
cavité du diaphragme, en bas, la face convexe du lobe droit du foie, à gauche, 
le ligament suspenseur, à droite, le ligament triangulaire, en arrière, le ligament 
coronaire. La limite antérieure est beaucoup plus variable : elle est constituée 
tantôt par les adhérences établies entre la face supérieure du foie et le dia- 
phragme, tantôt par celles qui se forment entre le bord inférieur du foie, qui est 
repoussé plus ou moins bas, et la paroi antérieure de l'abdomen, ou bien encore 
par des adhérences entre le foie, le côlon ou le grand épiploon et ces mêmes 
parties. Les organes qui forment les limites de la collection sont tapissées de 
fausses membranes épaisses et organisées qui s'opposent à la sortie du liquide 
contenu dans la poche. Ces fausses membranes sont parfois même plus résis- 
tantes que le parenchyme hépatique, à tel point que ce dernier peut être déprimé 
et devenir concave au niveau de la face supérieure de l'organe. Quant au dia- 
phragme, il est refoulé du côté du thorax, et la plèvre elle-même peut devenir 
le siége d'une inflammation plus ou moins étendue. 

La péritonite circonscrite de la face supérieure du lobe gauche est limitée 
en haut par le diaphragme, en bas par la face convexe du lobe gauche du foie, 
à droite par le ligament suspenseur, en arrière par le ligament coronaire, en 
avant par des adhérences établies soit entre le foie et le diaphragme, soit entre 
Je premier de ces organes et la paroi abdominale; elles forment des tuméfac- 
tions diffuses siégeant à l’épigastre et qui empiètent plus ou moins sur la région 
des hypochondres droit et gauche. 

Quant aux péritonites sous-hépatiques, elles sont beaucoup plus rares que les 
précédentes, et c'est à peine si Foix a pu en recueillir 4 observations. La collec- 
tion liquide était limitée en haut par le foie, en arrière par l’épiploon gastro- 
hépatique, à droite par la vésicule biliaire, à gauche par les adhérences établies 


PÉRITONITES. 357 


entre l'extrémité gauche du foie et la face antérieure de l'estomac, en avant par 
les adhérences également établies entre les deux viscères, d’un côté, et le grand 
épiploon et le mésocôlon transverse, d'un autre côté. 

& Il. Les péritonites spléniques ont des limites beaucoup moins précises ; dans 
les observations recueillies par Foix, la collection liquide était limitée, en bas 
par le diaphragme, à droite par la grosse tubérosité de l'estomac, en dehors 
par la partie antérieure de la face interne de la rate, en avant par des adhé- 
rences établies entre l'extrémité gauche du foie et l'estomac d'un côté, et le 
bord antérieur de la rate d'un autre côté, en bas par des adhérences qui allaient 
du mésocôlon transverse, et de l'arc du côlon, soit au foie, soit à la rate. 

Bien que l’inflammation reste circonscrite, si l'épanchement est purulent, le 
pus peut fuser vers les organes circonvoisins. C’est ainsi que Hilton Fagge l'a 
vu descendre jusqu'à la partie supérieure du rein gauche et même pénétrer 
jusque dans ia substance de cet organe. D'autres fois le pus s'insinue entre le 
diaphragme et le foie ou entre le foie et l'estomac. 

2e Contenu. L'exsudat est composé généralement de deux parties, l’une 
solide, l'autre liquide; la première se dépose à la surface des organes sous 
forme de fausses membranes et les agglutine les unes aux autres; au centre on 
trouve un liquide séreux qui peut, ou bien se transformer en pus, ou bien 
devenir sanguinolent. Quand la suppuration s'établit, le liquide est tantôt san- 
guinolent, tantôt franchement purulent ; dans ce dernier cas la collection peut 
êlre prise pour un abcès du parenchyme hépatique. Quand le liquide séreux 
devient sanguinolent, on trouve dans la fausse membrane des vaisseaux assez 
développés et sur certains points des ecchymoses dans leur épaisseur, ecchymoses 
dues à la rupture de certains de ces vaisseaux. 

Les collections enkystées peuvent exercer sur les organes voisins des phéno- 
mènes de compression ou bien propager jusqu'à eux le travail inflammatoire : 
les organes ainsi comprimés sont anémiés et finissent par s'atrophier. Quant aux 
lésions inflammatoires de ces organes circonvoisins, elles sont variables tant par 
leur siége que par leur intensité. 

Quand on ouvre l’abdomen d’un individu atteint de péritonite circonscrite, 
on trouve en général la cavité abdominale, au-dessous du côlon transverse, abso- 
lument normale. Le foie est ordinairement sain, mais la capsule est épaissie. 
Les organes creux sont d'abord à l'abri de l’inflammation de la péritonite, protégés 
qu'ils sont par les fausses membranes épaisses ; mais la tunique musculeuse 
comprimée s’atrophie, perd de sa résistance et facilite ainsi l'ouverture des 
abcès intra-péritonéaux. Enfin l'inflammation peut aussi se porter du côté des 
séreuses sus-diaphragmatiques (plèvres et péricarde). C'est ainsi qu'il se déve- 
loppe des pleurésies dans lesquelles le poumon se trouve refoulé en haut; si le 
pus vient à se faire jour dans la cavité pleurale, il se produit une pleurésie puru- 
lente suraiguë des plus graves. Parfois le poumon, préalablement adhérent à la 
plèvre diaphragmatique, s'enflamme au niveau des adhérences, devient friable, 
se ramollit et devient le siége d’une excavation avant que le diaphragme soit 
perforé. On comprend ainsi comment un abcès sous-diaphragmatique peut 
s'ouvrir successivement dans les bronches et dans la cavité pleurale. Hilton 
Fagge cite l'observation d'un malade chez lequel l'abcès sous-diaphragmatique 
ne s'ouvrit ni dans la plèvre ni dans le poumon et où cependant l'inflammation 
de la plèvre donna lieu à un épanchement purulent. 

Les indications que nous venons de donner au sujet de la plèvre peuvent éga- 


358 PÉRITONITES. 


lement s'appliquer au péricarde, à cette différence près cependant qu'il ne sur- 
vient pas de perforation du cœur. 

5° Terminaison. La terminaison peut se faire par résolution : dans ce cas, 
le liquide est résorbé et il ne reste plus que des fausses membranes; quand la 
résorption n’a pas lieu, on peut admettre que l’épanchement reste stationnaire ; 
mais que cet épanchement soit purulent, il aboutira forcément à l’ulcération et 
à la perforation des organes. Ces abcès ont fort peu de tendance à s'ouvrir vers 
l'extérieur ; au fonts ils s'ouvrent généralement dans les organes voisins ou 
dans les cavités voisines. Ainsi les abcès des péritonites sus-hépatiques s'ouvrent 
soit dans la plèvre, soit dans les bronches, quand l’abcès est situé à droite du 
ligament suspenseur. Quand il est situé à gauche du ligament, il s'ouvre dans la 
plèvre droite ou dans le péricarde, plus rarement dans la plèvre gauche; on en 
a également vu s'ouvrir dans le côlon transverse. Dans un cas de Williams, 
cette perforation fut suivie de la pénétration de gaz intestinaux dans la cavité 
de l’abcès ; il se produisit une tumeur emphysémateuse de la partie inférieure 
de l'abdomen et une suppuration gangréneuse des parois. 

Quant aux abcès périspléniques, ils s'ouvrent soit dans les bronches, soit 
dans la plèvre gauche. Hilton Fagge a vu un de ces abcès s'ouvrir dans la partie 
terminale gauche de l'arc du tôlon! 

Il semblerait que ces abcès dussent également s'ouvrir parfois dans la cavité 
abdominale, mais les auteurs n'en signalent aucune observation. 

Dans un cas l’abcès s'ouvrit dans l'estomac et le malade guérit (obs. 7 de 
Hilton-Fagge). 

ÉTIOLOGIE ET PATHOGÉNIE, Les péritonites circonscrites surviennent en général 
à la suite de coups ou de chocs sur les hypochondres. On peut admettre que 
dans ces cas la péritonite se développe ou ‘influence directe de l'inflammation 
du péritoine ou bien par suite d’une rupture où d'une fissure des organes friables 
de la partie supérieure de l’abdomen ; il faudrait admettre dans ces cas le déve- 
loppement d’un épanchement sanguin qui se transformerait ensuite en abcès 
hématique. Mais il est d'autres observations dans lesquelles le traumatisme ne 
joue aucun rôle; il est plus que probable que les péritonites circonscrites sont 
alors sous la dépendance de lésions inflammatoires d'organes tels que la rate, 
le foie ou l'estomac, tout comme les inflammations du péritoine pelvien se 
trouvent, dans la grande majorité des cas, sous la dépendance de lésions 
inflammatoires ou autres de l'appareil génital, trompe, ovaire, ligaments larges, 
utérus. 

Le foie, la rate, l'estomac, peuvent être le siége de congestions passagères ; le 
foie peut présenter à sa surface des kystes exposés à suppurer (Hawkins). Les 
infarctus du foie et de la rate, l’ulcère simple de l'estomac et du duodénum, le 
cancer de cet organe, la cirrhose du foie, engendrent aussi des péritonites cir- 
conscrites. 

N'oublions pas les pleurésies et les péricardites, et certaines causes générales 
qui favorisent le développement des péritonites circonscrites en produisant la 
lésion locale précédemment indiquée (infarctus, fièvre typhoïde). 

SYMPTÔMES. Le début de ces péritonites est généralement des plus obscurs; 
c'est tout au plus s’il y a des troubles digestifs caractérisés par de la dyspepsie 
et parfois par des vomissements et des douleurs vagues dans les hypochondres. 
Le début peut toutefois être aigu, surtout après les traumatismes, et alors on 
voil la partie supérieure de l’abdomen devenir douloureuse; les malades se 


PÉRITONITES. 339 


_ plaignent de douleurs dans les épaules et entre les omoplates ; ils ont quelquefois 
des vomissements et de la fièvre. Ces phénomènes aigus s’amendent d’ailleurs 
au bout de quelques jours. 

Quelle que soit la marche de la péritonite, après une première période où il 
n'y a que des symptômes fonctionnels plus ou moins accusés, la maladie entre 
dans sa deuxième période et se révèle par les signes objectifs qui correspondent 
à la formation de l’exsudat. 

Les signes physiques dépendent évidemment du siége de l’inflammation. Si la 
péritonite est située au-dessus du lobe droit du foie, cet organe, déprimé et 
refoulé en bas, dépasse les fausses côtes, le diaphragme se trouve refoulé en 
haut, et Fon observe alors de l'absence du murmure vésiculaire et de la matité 
à la base du thorax, matité qui peut être due à la saillie que fait la collection 
liquide du côté de la plèvre, mais qui peut être due aussi à une péritonite par 
propagation. Dans quelques observations on a signalé une fluctuation plus ou 
moins prononcée de la tumeur du côté de la paroi abdominale antérieure, mais 
en général on ne sent pas de fluctuation à travers les espaces intercostaux ou 
au-dessous d'eux. La tumeur est dure, rénitente, non globuleuse. 

Si elle siége au-dessous du lobe gauche du foie, on en constate la présence à 
l'épigastre, et elle peut descendre vers l'ombilic. 

Dans les péritonites sous-hépatiques les symptômes sont encore plus obscurs, 
car l'épaisseur du foie sépare la collection liquide de la main de l’explo- 
rateur. 

Ces péritonites circonscrites peuvent s'accompagner de pleurésie, de péricar- 
dite avec ou sans perforation, et l'épanchement péricardique peut même être 
assez considérable pour donner lieu à un déplacement du cœur. 

Quant aux péritonites périspléniques, elles sont caractérisées par des tumé- 
factions dures, résistantes, dépassant le rebord des fausses côtes, à forme par- 
fois globuleuse ; le diaphragme est refoulé en haut; il existe quelquefois de la 
matité à la base du thorax, matité qui peut être augmentée par une pleurésie 
par propagation. 

A cette période de la maladie les malades ont parfois de légers frissons et 
des sueurs : tels sont les symptômes assez obscurs de la deuxième période. 

Cowpzicarions. Lorsque la collection purulente se fait jour à travers les 
organes, la péritonite passe à l’état aigu. Cette transformation peut se faire 
brusquement à la suite d'un effort : le malade éprouve une douleur vive, sou- 
daine, dans l'un des hypochondres, il est pris de frisson, de fièvre, et l’on peut 
constater alors les signes d'une pleurésie par perforation; quand l’abcès s'ouvre 
dans les bronches il se produit une vomique, issue favorable de la maladie, ou bien 
lavomique peut, dans les cas graves, être suivie de pleurésie, soit par propaga- 
tion directe, soit après formation préalable d'une excavation dans le parenchyme 
pulmonaire. L'expectoration simplement purulente dans le premier cas devient 
alors sanglante, et peut même prendre une odeur fétide, rappelant celle de la 
gangrène pulmonaire. 

La pénétration de lair dans le foyer de la péritonite donne lieu aux accidents 
de septicémie aiguë ou chronique, ainsi qu'aux signes d’un pneumothorax. 

On a également signalé louverture des abcès dans l’estomac; cette perforation 
est généralement précédée d'hématémèses; dans ce cas on a noté également du 
- gargouillement et du retentissement métallique des bruits du cœur perçu à 
l'auscultation. 


360 PÉRITONITES. 


Quant à l'ouverture dans le côlon, qui est, à coup sûr, très-favorable, elle peut 
cependant se compliquer gravement de la pénétration des gaz intestinaux dans 
le foyer de l'abcès. | 

Durée. Il est difficile de déterminer la durée de ces péritonites en raison de 
la fréquence d'un début insidieux. 

Dragxosric. Le diagnostic de ces péritonites est fort difficile; on peut avec 
Foix les diviser en trois catégories, au point de vue du diagnostic : 

1° Péritonite à début brusque ; 

20 Péritonite à début insidieux ; 

5° Péritonite de cause traumatique. 

1° Péritonite à début brusque. Les douleurs locales s’irradient dans l'épaule 
du côté correspondant ou entre les deux omoplates, puis viennent les vomisse- 
ments, la fièvre, et enfin on voit se former une tumeur dans l’un ou l’autre 
hypochondre ou à l’épigastre. Dans ces cas le diagnostic est relativement facile. 

En effet, la congestion du foie et celle de la rate ne présentent pas de signes 
aussi nets et sont généralement apyrétiques. 

Il en est de même de la colique hépatique, sauf le cas d’angiocholite consé- 
cutive; dans ce cas, en effet, il peut y avoir de la fièvre ; la présence non con- 
stante, il est vrai, de frottements péritonéaux, permettrait de trancher le dia- 
gnostic. Mais en l'absence de ces frottements pathognomoniques de la péritonite 
les allures particulières de la fièvre, si bien décrites par Charcot, et la résolution 
rapide de cette complication de l'accès de colique hépatique, constituent des 
éléments de diagnostic qui pourront servir à reconnaître la nature du mal. 

Quant à l'hépatite aiguë, non-seulement elle est rare dans nos pays, mais elle 
s'accompagne de plus d'un ictère qui manque dans la péritonite périhépa- 
tique. 

Les pleuresies droite et gauche donnent également lieu à une partie des 
signes physiques des péritonites sous-diaphragmatique, matité et obscurité du 
murmure vésiculaire à la base de la poitrine, mais elles se caractérisent par un 
point de côté et une toux quinteuse sèche qui manque dans la péritonite. - 

Si la pleurésie complique réellement la péritonite, ainsi que cela est possible, 
le diagnostic de la péritonite pourra être ou bien facile ou bien difficile : facile, 
si on a assisté aux symptômes de l'inflammation sous-diaphragmatique et qu'à 
un moment donné on voie une pleurésie se développer; la pleurésie permettra 
de faire d’une façon précise le diagnostic rétrospectif de péritonite sous-dia- 
phragmatique ; difficile, si on trouve la pleurésie existant déjà chez le malade 
en observation ; dans ce cas on pourra simplement diagnostiquer pleurésie et 
on méconnailra la péritonite, jusqu’au jour où la tumeur se formera dans les 
hypochondres ou à l’épigastre. 

La gastrite aiguë peut en imposer pour une péritonite et réciproquement. La 
gastrite toxique se traduit par l'apparition subite d'accidents gastriques violents 
au milieu d'une santé parfaite ; les douleurs s’irradient de l’épigastre à l'abdo- 
men, puis viennent des vomissements abondants muqueux ou muco-sanguino- 
lents, mais, dans ce cas, on n'aura qu'à se reporter aux commémoratifs ; on sera 
aussi guidé par ce fait que l’ingestion des boissons les plus douces exaspère la 
douleur gastrique, ce qui montre bien qu'il s'agit d’une phlegmasie aiguë de 
l'estomac. Du reste, le caustique ingéré aura préalablement causé des accidents 
du côté de la bouche, du pharynx et de l’œsophage. 

La gastrite sous-muqueuse (Jaccoud), gastrite phlegmoneuse, linite suppura- 


PÉRITONITES. 561 


tive (Brinton), caractérisée par l'infiltration purulente descouches sous-muqueuses 
de l'estomac, diffuse ou localisée, suppuration en nappe ou abcès interstitiel, se 
traduit par des douleurs très-vives à l'épigastre, des vomissements muqueux, 
bilieux ou noirâtres, mais jamais sanglants, parfois par de l’ictère (Brinton), par 
de la dyspnée et un état général grave, avec fièvre intense et prostration rapide 
des forces. La maladie a une marche rapide et la mort survient du deuxième 
au sixième jour, rarement après le quinzième ou le vingt et unième jour. Sa 
cause est obscure ; elle est primitive. 

La forme secondaire est observée dans le typhus, la variole, la pyohémie, 
l'état puerpéral; les symptômes locaux sont peu accusés ct masqués par les 
accidents généraux. 

S'il se forme un abcès, les accidents durent plusieurs mois ; après une période 
gastrique, les accidents cessent, l’abcès est formé; alors cette seconde période 
est caractérisée par de la dyspepsie, des vomissements, de la dyspnée, puis, au 
bout d’un certain temps, la fièvre s'allume ou bien l’abcès s'ouvre dans le péri- 
toine, d'où péritonite suraiguë (Naumann, Raynaud). 

La cholécystite suppurée pourrait être prise au début pour une péritonite 
sus-ombilicale suppurée ; elle apparaît sous l'aspect d'une tumeur plus ou moins 
volumineuse, fluctuante, qui adhère surtout à la paroi abdominale par suite de 
la péritonite plastique et qui s'accompagne d'empâtement et de rougeur des tégu- 
ments; plus tard elle s'ouvre ou dans l'intestin, ou dans le péritoine, ou bien 
près de l'ombilic: dans ce cas il s'écoule du pus et de la bile et il persiste une 
fistule biliaire pendant un temps plus ou moins long. 

La possibilité d'une pleurésie diaphragmatique est une cause d'erreur de plus 
dans les cas de péritonite sous-diaphragmatique ; elle se révèle par de la fièvre, 
de la toux, une dyspnée intense allant jusqu'à l'orthopnée et l'angoisse respi- 
ratoire ; une douleur vive et subite éclate dans une des régions hypochondriaques, 
s'étend suivant la ligne de jonction des cartilages costaux, remonte souvent 
jusqu’à l'épaule et descend vers l'abdomen ; il existe de la douleur à la pression 
du rebord des fausses côtes ; l'épanchement refoule en haut le poumon, en bas 
le foie ou la rate. On reconnaitra la pleurésie diaphragmatique aux signes sui- 
vants : le nerf phrénique est douloureux entre les deux faisceaux inférieurs des 
sterno-mastoïdiens, à la base du cou; en pressant dans un point circonserit de la 
région épigastrique, appelé bouton diaphragmatique par Guéneau de Mussy, et 
qui se trouve à l'intersection de deux lignes dont l’une prolonge le bord externe 
du sternum, l’autre la partie osseuse de la dixième côte, on provoque une vive 
douleur. | 

2% Péritonite à début insidieux. Dans ces cas le diagnostic est encore plus 
difficile. Abcès du foie, kyste hydatique, cancer de cet organe, épanchement 
pleurétique, pourront être admis tour à tour avec plus ou moins de probabilité, 
d’après les données de l'examen physique. La ponction exploratrice, suivie de 
l'examen microscopique du liquide évacué, pourra, dans certains cas, fournir 
quelque lumière. Si l'aspirateur retire du pus, on n'aura plus qu'à hésiter entre 
un abcès du foie ou une péritonite suppurée sous-diaphragmatique ; si l’on 
trouve alors des cellules hépatiques, on rejettera la péritonite (Laboulhène). 

5° Perilonite de cause traumatique. En face d'une tuméfaction occupant 
l’un des hypochondres ou l'épigastre, on devra toujours rechercher s’il n’y a pas 
eu antérieurement un traumatisme. En effet, c'est généralement de quinze jours 
à quelques mois après le traumatisme que se développe la péritonite localisée 


362 PÉRITONITES. 


au-dessus de la région ombilicale. La tumeur, quand elle est nettement circon- 
scrite, a la forme d’un kyste, et son diagnostic avec des lésions viscérales se fait 
en général aisément; on fera cependant bien de pratiquer une ponction explo- 
ratrice pour éliminer l’idée de kyste hydatique et de kyste simple de l’épiploon, 
et pour connaître la nature du contenu qui pourra être séreux, sanguin ou 
purulent. 

Durée. Il est difficile d'assigner une durée exacte à ces péritonites en raison 
de la fréquence de leur début insidieux. 

Proxosric. Les observations qui ont servi de base à l'étude de ces périto- 
nites circonscrites ont presque toutes été prises dans les registres d’autopsies ; 
on se tromperait cependant si on concluait de ce fait à la grande gravité de 
ces péritonites. Comme toutes les péritonites localisées, elles ne sont graves que 
par la compression qu'elles exercent sur les organes voisins, par la terminaison 
par suppuration, par les complications de l’abcès enkysté qui peut s'ouvrir soit 
à travers le diaphragme dans la plèvre, le poumon ou les bronches, soit dans 
le côlon ou l’estomac, soit dans la cavité péritonéale. 

Traremexr. Les accidents aigus de la péritonite sous-diephragmatique 
seront justiciables du traitement médical : émissions sanguines locales, émol- 
lients ; application locale de glace ; opium à l'intérieur ou en injections sous- 
cutanées de chlorhydrate de morphine; après la disparition des accidents aigus 
on recourra aux révulsifs. Mais, s’il y a formation d'une tumeur fluctuante, on 
fera une ponction exploratrice, suivie de l'aspiration, de l’incision simple au 
bistouri ou de la laparotomie. Quant aux complications, on les combattra par 
un traitement approprié. 

JI. PACHYPÉRITONITE HÉMORRHAGIQUE. Nous donnons le nom de pachypérito - 
nite hémorrhagique à un processus de péritonite subaigu ou chronique qui 
aboutit à l'épaississement de la séreuse et à la formation de néomembranes 
vasculaires dont les vaisseaux, friables par suite de leur structure embryon- 
naire, se rompent facilement et produisent ainsi une hémorrhagie circonserite 
dans l'épaisseur des néomembranes. 

Hisrorique.  Ériorcere. C'est Bright qui a relaté la première observation de 
pachypéritonite hémorrhagique consécutive à une néphrite chronique (Arch. de 
méd., 1862). C'est Virchow qui le premier appliqua au péritoine sa théorie de 
l’hématome (Traité des tumeurs). 

En 1869, Legroux relate une observation de kyste hématique coïncidant avec 
un cirrhose du foie (Bull. de la Soc. anat., 1869). Friedreich et Baümler 
(Virchow's Arch., 1873) publient chacun une observation de péritonite hémor- 
rhagique, l’une consécutive à des paracentèses répétées pour une simple ascite, 
l’autre qui parait liée à une néphrite chronique. Michalski (Union médicale. 
1876), les professeurs Richet et Duplay (Chayron, Thèse de Paris, 1877), ont 
chacun observé un cas de kyste hématique du péritoine d’origine traumatique. 
Dejerine et Rendu (Bull. de la Soc. anat., 1878 et 1880) publient deux cas de 
pachypéritonite, l’un consécutif à une cirrhose commune, l’autre survenu sans 
cause connue. Enfin Rouiller (thèse de Paris, 1885) rapporte deux cas de pa- 
chypéritonite spontanée, l’un tiré de la clinique de Strauss, l’autre de celle 
de Quinquaud. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. La pachypéritonite hémorrhagique est toujours 
localisée : tantôt elle n’est pas enkystée (Bright, Friedreich, Baümler, Dejerine) ; 
tantôt elle est enkystée (kystes hématiques). Dans les cas de traumatisme, 


PÉRITONITES. 565 


après que les premiers accidents se sont dissipés, il se fait un travail inflamma- 
toire latent dans la séreuse péritonéale ; celle-ci s’épaissit; il se forme au 
niveau du point où a porté le coup une néomembrane qui est plus ou moins 
épaisse, constituée par une ou plusieurs couches stratifiées formées par du 
tissu embryonnaire où rampent des vaisseaux jeunes, à parois très-friables; 
plus tard ces néomembranes deviennent fibreuses, surtout à la paroi externe. 
Mais bientôt il se fait des adhérences et dès lors la néomembrane continue à 
évoluer comme un organe parfaitement limité. Après un stade plus ou moins 
prolongé de péritonite subaiguë ou chronique, apparaît l’hématome, hémor- 
rhagie dans l'épaisseur des feuillets de la néomembrane. 

Si, à ce moment ou peu après, on examine la tumeur, on voit qu'elle contient 
un liquide plus ou moins noir, plus ou moins fluide, ressemblant à de la boue 
splénique ou à du marc de café en partie coagulé ; quelquefois la sérosité prédo- 
mine, c'est un kyste séro-sanguin. Le sang peut être mélangé de pus, quand il y 
a un processus aigu greffé sur le processus chronique, spontané ou consécutif à 
une intervention opératoire. 

La paroi externe du kyste n’est pas toujours parfaitement lisse, souvent elle 
présente des bosselures légères, inappréciables à la main qui palpe; elle peut 
être tomenteuse, recouverte de petites saillies, mais le plus souvent la surface 
est absolument lisse, polie, régulière. 

La paroi interne est irrégulière, anfractueuse, creusée de diverticules ; elle 
adhère à des caillots noirätres et est doublée d'une couche de fibrine. 

À la coupe la paroi apparaît avec l'aspect de tissu fibreux. Quand elle est d’un 
développement ancien, elle est formée par le péritoine épaissi et vascularisé ; 
sa structure consiste en tissu conjonctif jeune ou adulte, avec fibres élastiques; 
elle peut avoir une épaisseur de 1/2 à 2 millimètres. Récente, elle est consti- 
tuée par du tissu embryonnaire avec vaisseaux de même structure dans les 
couches plus superficielles. 

Dans certains cas l’enkystement n'existe pas; la néomembrane forme un épais- 
sissement de la séreuse, une plaque molle, friable, constituée par du tissu 
embryonnaire, comme dans les cas de Friedrich et Bäumler. 

Le kyste agit sur les organes voisins et les comprime : il amène ainsi 
l'étranglement des organes creux (Rendu) ou l’atrophie des organes pleins 
(Quinquaud). 

SYMPTOMATOLOGIE. Dans les cas consécutifs à un choc sur l'abdomen, les 
phénomènes inflammatoires sont plus ou moins accusés, tandis que les héma- 
tomes du péritoine d'origine non traumatique sont lents à évoluer et dénués de 
symptômes inflammatoires. 

Au moment du traumatisme, le blessé ressent au point lésé une vive dou- 
leur qui cesse parfois au bout de peu de temps, puis, après cette rémission, dont 
la durée varie de quelques jours à quelques semaines, des symptômes de péri- 
tonite localisée adhésive se déclarent ; les malades accusent au point précédem- 
ment frappé des douleurs sourdes ou au contraire bien vives, lancinantes, 
continues ou intermittentes. Il peut se produire des troubles digestifs, de 
l'inappétence, des vomissements, de la constipation, mais ces symptômes peuvent 
faire défaut. 

Enfin le blessé éprouve une sensation de pesanteur, et il ne tarde pas à voir 
se développer une tumeur dont voici les caractères : la tumeur a une grosseur 
qui peut varier de celle du poing à celle de la tête d’un adulte et plus; elle est 


564 PÉRITONITES. 


généralement lisse et globuleuse; elle est élastique, rénitente et fluctuante; la 
fluctuation est surtout manifeste au point culminant de la tumeur. 

Ces tumeurs siégent le plus souvent à l'épigastre ou dans l’un des hypo- 
chondres; le kyste peut être soulevé, quand il siége sur la ligne médiane, par 
la diastole de l’aorte sous-jacente. 

Le kyste n’est d’abord que gênant pour le malade qui vaque à ses occupations; 
bientôt cependant il se plaint de tiraillements à son niveau, d'essoufflement, de 
coliques, de constipation, symptômes en rapport avec les connexions qu'affecte 
la tumeur avec les organes voisins. 

Si les gros vaisseaux veineux sont comprimés, il se produit de l’œdème des 
membres inférieurs, de l'ascite; si c'est l'estomac qui est atteint, ce sont les 
symptômes gastriques qui dominent. 

Le malade maigrit, perd ses forces, s’alite et ne tarde pas à réclamer le 
traitement chirurgical, qui est sa seule chance de salut. 

Dans les cas de pachypéritonite non traumatique, la tumeur reste indéfini- 
ment indolente; la marche de la maladie a en effet une allure plus chronique; 
les-symptômes propres à la tumeur enkystée sont d’ailleurs les mêmes. 

MARCHE ET TERMINAISON. La plupart des kystes hématiques liés à la pachy- 
péritonite ont une évolution indéfinie; cependant le processus peut passer 
momentanément à l'état aigu, la paroi kystique peut suppurer et le contenu 
peut être mélangé à du pus, ou bien il se produit une péritonite de voisinage. 
La paroi peut se rompre et verser le contenu de la poche dans la grande cavité 
péritonéale, d'où péritonite suraiguë rapidement mortelle; l'ouverture du kyste 
pourra se faire aussi dans un des organes creux voisins. Le kyste peut-il se 
terminer par résorption ? Cela arrive-aux kystes consécutifs à une hémorrhagie 
primitive du péritome; nous n’avons pas d'observation de pachypéritonite 
hémorrhagique vraie, terminée par résolution et résorption du sang. 

Dracxosric. L'apparence de la tumeur permettra de songer à un kyste et 
d'exclure les tumeurs solides; on devra songer toutefois à un den de la paroi 
abdominale, à une hydropisie de la slei biliaire. 

Le kyste reconnu, on éliminera successivement l’idée de kyste hydatique, de 
kyste séreux simple, de péritonite enkystée avec exsudat séreux ou purulent 
liée à une lésion inflammatoire simple, à la tuberculose ou au cancer. 

C’est la ponction exploratrice qui, en semblable circonstance, contribuera 
au diagnostic; si elle donnait des résultats incertains, et si la vie du malade 
était en danger, il y aurait indication à faire l’incision exploratrice de l'abdomen. 

Comme dans les observations recueillies il ne s’agit que de tumeurs siégeant 
dans la région sus-ombilicale, nous croyons qu'on m'aura pas à songer, chez les 
femmes, à un kyste ovarique. 

Le diagnostic du kyste hématique établi, on recherchera s'il est d'origine 
traumatique ou non. 

Proxosric. La gravité de la pachypéritonite hémorrhagique dépendra du 
volume du kyste, de ses connexions avec les organes voisins qu'il peut com- 
primer, et de l'état aigu du processus inflammatoire qui peut aboutir à la 
suppuration ou à la rupture. D'après nos observations, la mort est survenue 
9 fois sur 11 cas. 

Trairemenr. Le seul traitement curatif est le traitement chirurgical ; Michalsky 
et Duplay ont obtenu la guérison par l'injection iodée, après évacuation du con- 
tenu de la poche qu | 


PÉRITONITES. 565 


Dans certains cas, la mort est survenue sans qu’on ait pensé au traitement 
chirurgical (Bright, Friedreich, Bäumler, Dejerine, Strauss et Quinquaud). 
Peut-être la laparotomie eût-elle sauvé ces malades, Quand on fait une large 
incision de l’abdomen, on sait où l'on va, on voit ce que l’on fait; la simple 
ponction et l'incision, après la création d'adhérences par la méthode de Récamier 
ont été suivies de revers (Richet, Rendu); nous condamnons formellement ces 
procédés, en ne permettant que la ponction exploratrice par la méthode de 
l'aspiration pour assurer le diagnostic. 

Ill. Enréno-périronre. Les lésions de l’entéro-péritonite sont indiquées à 
l'article PÉRITONITE TYPHIQUE et PÉRITONITE TUBERCULEUSE. 

Nous avons à décrire deux variétés d’entéro-péritonite : la péritonite appendi- 
culaire (cæcum et appendice) ou pérityphlite et la péritonite herniaire. 

A. Pérryeumre. Nous renvoyons le lecteur au chapitre de la péritonite 
appendiculaire où nous avons indiqué les lésions de la péritonite localisée qui 
est consécutive aux lésions du cæcum et de son appendice. 

B. PÉRITONITE HERNIAIRE. La péritonite herniaire est l'inflammation aiguë 
du sac péritonéal et des viscères qui y sont contenus. 

L'épiploon hernié est susceptible de s'enflammer; on le trouve tantôt rouge, 
congestionné, tantôt couvert de fausses membranes, uni au sac par des adhé- 
rences récentes ou anciennes, quelquefois mème parsemé de petits foyers 
purulents. Cette inflammation peut être le fait de l'étranglement par pression 
de l'orifice sur un plus grand pédicule, après l'issue, à travers l'anneau, d’une 
plus grande portion de l'épiploon. Ou bien elle est primitive, consécutive au 
traumatisme, et elle entraine consécutivement l'étranglement de l'épiploon 
gonflé dans l'anneau resté le même. Ou bien elle existe sans qu'il y ait étran- 
glement, l'épiploon simplement enflammé adhérant au sac et devenant irréduc- 
tible; dans ce dernier cas, la péritonite herniaire épiploïque peut donner lieu 
à des symptômes qui simulent l'étranglement herniaire, alors que celui-ci 
n’existe pas du tout; et dans les deux autres cas, les symptômes de l'étrangle- 
ment ne peuvent pas être attribués au pincement d'une anse intestinale, celle-ci 
étant absente du sac. C’est la péritonite herniaire seule qui donne lieu aux 
symptômes pris à tort pour des symptômes d'étranglement (Richelot). 

Dans l’étranglement vrai, non-seulement il existe une inflammation paren- 
chymateuse des parois de l'intestin hernié, une altération des follicules muqueux, 
un épaississement des tuniques intestinales, mais il peut encore se produire de 
la gangrène de la paroi, avec ou sans perforation, et l'anse herniée se tapisse de 
fausses membranes de la péritonite herniaire. 

Le plus souvent, celle-ci est consécutive à l’étranglement, et elle complique 
les petites hernies étrarglées, fait qui est admis par tous les chirurgiens; mais 
elle peut aussi compliquer les grosses hernies, celles qui, depuis longtemps, 
ont élu domicile dans le sac herniaire; cette dernière assertion n’a pas toujours 
été admise, et Malgaigne niait absolument le fait. Broca admettait que les grosses 
hernies pouvaient s'étrangler, mais il regardait l'étranglement comme la con- 
séquence de la péritonite herniaire, tandis que nous considérons, avec G. Riche- 
lot, l'étranglement comme primitif et la péritonite herniaire comme consé- 
cutive. 

Quand la péritonite herniaire est primitive, elle n'aboutit pas à l'étranglement ; 
cela s'observe exclusivement dans les grosses hernies; tantôt elle est latente, 
c’est une péritonite adhésive, due à la pression habituelle d’un bandage sur une 


366 PÉRITONITES. 


hernie mal contenue; tantôt elle se manifeste par des symptômes aigus, elle est 
due à un traumatisme, à une chute ou à un coup porté sur la tumeur herniaire ; 
elle peut aussi se produire à la suite d’écarts de régime, de fatigue, de consti- 
pation, de la présence d'un corps étranger. Une fois produite, elle évolue en 
donnant lieu à des symptômes qui peuvent faire croire à un étranglement; 
mais en y regardant de près, les symptômes fondamentaux de l'étranglement : 
constipation absolue, état général grave, font totalement défaut. Richelot, qui 
discute savamment dans sa thèse cette question ardue, montre que deux obser- 
vations tirées de la pratique de Pott et Richet, considérées par Malgaigne et 
Broca comme des exemples de péritonite herniaire primitive aboutissant à 
l'étranglement ou au pseudo-étranglement, ne sont que des péritonites herniaires 
primitives sans constipation absolue, c’est-à-dire sans la caractéristique de 
l’étranglement. 

SYMPTOMATOLOGIE. Å quels signes reconnaitrons-nous : 4° une péritonite her- 
niaire consécutive ; 2° une péritonite herniaire primitive? 

1° Péritonite hh niire consécutive. Une hernie sort de l'anneau plus 
volumineuse que d'habitude; l'anneau restant le même sur un pédicule plus 
large, lanse herniée subit les effets de la constriction et s’étrangle; les efforts 
de taxis faits par le porteur de la hernie restent infructueux, ce qui montre 
que l’irréductibilité est le premier phénomène observé; le chirurgien ne peut 
pas davantage réduire la hernie et on voit éclater les symptômes classiques de 
l'étranglement : constipation absolue, vomissements, symptômes généraux. C’est 
alors qu'au bout de quelques heures ou de quelques jours la hernie qui ne 
peut plus rentrer devient douloureuse ; la douleur vive spontanément ‘augmente 
par la pression ; la tumeur est rosée, il existe un peu d’œdème du tissu cellu- 
laire et on constate un certain empâtement ; quelquefois la présence d’un exsudat 
distend le sac herniaire et augmente le volume de la tumeur. Cette péritonite, 
dans le cas d'étranglement primitif peu considérable, peut augmenter l’étran- 
glement (Broca) en tuméfiant les parties qui traversent l’anneau ; quand la péri- 
tonite diminue, l’étranglement diminue également, et la hernie peut se réduire, 
alors que l'inflammation s’est totalement dissipée. La preuve que la péritonite 
est consécutive à l'étranglement, c'est qu'elle se dissipe d'elle-même, si on lève 
l'étranglement ou si on réduit la hernie. 

2° Péritonile herniaire primitive sans étranglement. Appelée par Mal- 
gaigne pseudo-étranglement, elle n'aboutit pas à l’étranglement; les deux 
observations de Pott et Richet, d'autres de Mougeot, Berger, Le Fort (Gaz. des 
hôp., 1883), autorisent à admettre le processus inflammatoire comme primitif, 
mais elles témoignent d'autre part de ce fait qu'il n’y a pas d’étranglement 
consécutif. La maladie débute par une douleur vive à la pression de la hernie, 
qui devient irréductible. Mais, comme il s’agit de hernies volumineuses qui ont 
un anneau large, le pédicule de la hernie n'éprouve pas de constriction et en 
effet il n'y a pas étranglement. Les symptômes généraux restent peu accusés, le 
facies n'est pas nécessairement grippé, même il peut rester normal ; il peut y 
avoir des vomissements et de la constipation, mais cette dernière n'est pas 
constante; le libre cours des matières permet de conclure qu'il n'y a pas 
d'étranglement vrai. 

Quelle que soit la nature de la péritonite herniaire, elle ne conserve pas 
toujours son caractère d'inflammation péritonéale localisée. Elle se généralise à 
tout le péritoine, et la péritonite diffuse, ainsi produite, peut se faire par des 


PÉRITONITES. 567 


mécanismes différents qui dépendent de l'évolution même de la péritonite 
herniaire. 

Que l’exsudat de la péritonite herniaire soit séreux ou séro-sanguin, ou 
purulent, la maladie peut, par continuité de tissu, se propager à la séreuse 
abdominale par le collet du sac. Le liquide peut aussi traverser le collet et 
tomber dans la cavité péritonéale : d'où péritonite par mjection septique ou 
purulente. Enfin, l'intestin peut être atteint d’ulcération au niveau du collet 
ou de gangrène par places, soit par le fait de l'inflammation, soit par la pré- 
sence d'un corps étranger dans l'anse herniée. Si l'intestin se perfore, son 
contenu s’évacue dans la cavité péritonéale et y détermine une réaction violente 
comme toute perforation du tube digestif. Si l'intestin a contracté des adhé- 
rences avec des surfaces voisines-au-dessus de l’anneau d'étranglement et si, en 
conséquence, son contenu ne se porte pas vers la cavité de l'abdomen, mais vers 
le sac herniaire, par l'ouverture de perforation, ce dernier se gangrène ainsi 
que le tissu conjonctif dans lequel il est englobé et il se produit un phlegmon 
diffus qui amène la mort, surtout chez les gens âgés. 

Proxosric. La péritonite herniaire ou l'inflammation du sac herniaire et de 
son contenu peut se terminer par résolution. C'est ce qu'on observe générale- 
ment; mais elle peut se terminer par suppuration du sac, aboutir à l'étrangle- 
ment ou se compliquer de péritonite généralisée. 

TratremEenr. La péritonite herniaire primitive, ainsi que celle qui dans le 

cas d'étranglement léger augmente ce dernier, devront être traitées, si le taxis 
ne réussit pas, par l'expectation, par les applications émollientes, les grands 
bains, les applications de glace et surtout par le repos; s’il y a suppuration 
du sac heruiaire, par l'incision antiseptique et le drainage. 
» Mais, au premier signe d'étranglement véritable, il faut opérer, lever 
l'étranglement: on pratiquera la kélotomie, et, si l'intestin est gangréné, la 
résection de l'anse mortifiée ou perforée, comme cela a été fait par plusieurs 
chirurgiens, entre autres par Kocher (Centralbl. f. Chir., 1880), Heurtaux 
(Gaz. méd. de Nantes, 1883, 1884), Lavisé (Journ. de méd., chir. et pharm. 
Bruxelles, 1882). 

IV. Pervi-PÉRITONITES EN GÉNÉRAL. Les pelvi-péritonites ne sont qu'une 
variété de péritonites localisées, mais cette variété demande à être étudiée spécia- 
lement, l'intérêt de cette étude résidant dans les caractères particuliers que revêt 
l'inflammation de cette partie de la séreuse péritonéale, par suite de ses rap- 
ports avec les organes pelviens, utérus et annexes, vessie, rectum, anses de 
l'intestin grêle, et dans ce fait que ses manifestations symptomatiques ont la plus 
grande ressemblance avec d’autres processus qui ont aussi pour théâtre le bassin 
de la femme : nous voulons parler de l'inflammation du tissu cellulaire pelvien 
sous-péritonéal et de l'hématocèle pelvienne intra ou extra-péritonéale. 

Hisrorique. Avant Bernutz, on confondait le phlegmon du tissu cellulaire 
pelvien et la pelvi-péritonite sous le nom de phlegmon périutérin (Nonat, 1846), 
de cellulite pelvienne (Simpson, 1852), d'abcès des annexes de l'utérus (Chur- 
chill et Lever, 1844), d'abcès pelvien phlegmoneux (Marchal de Calvi, 1844). 

Depuis la publication des mémoires de Bernutz (Arch. gén. de méd., 1857, 
et Arch. de tocol., 1874), depuis les recherches anatomo-pathologiques de 
Virchow (1862), la distinction est faite entre ces deux processus. 

C’est à Bernutz que revient l'honneur d’avoir démontré que les phlesmons 
périutérins de Nonat étaient des pelvi-péritonites. 


568 PÉRITONITES. 


Virchow désigne la pelvi-péritonite sous le nom de périmétrite ou inflamma- 
tion du péritoine qui recouvre l'utérus et les parties voisines, par opposition avec 
la paramétrite ou inflammation du tissu cellulaire sous-péritonéal. 

Barnes (1874), ayant conscience de l’inexactitude des deux termes périmétrite 
et pararnétrite, préconisés par Virchow, puisque, dans bien des cas, l'inflamma- 
tion n’est pas localisée au pourtour ou sur Jes côtés de l'utérus, mais s'étend 
aux parties voisines, donna à ces deux processus anatomo-patholosiques -des 
dénominations qui nous paraissent bien préférables. On appela la paramétrite 
pelvi-cellulite et la périmétrite pelvi-péritonite. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE.  L'inflammation du péritoine pelvien peut être limi- 
tée à l’un quelconque des organes de l’excavation du bassin ou généralisée à tout 
le revêtement séreux ; cela dépend de la cause ou du point de départ de l'inflam- 
mation et de l'intensité du processus inflammatoire. 

Comme dans toute péritonite circonscrite, l'inflammation est ou bien sim- 
plement adhésive, ou exsudative, et, dans ce dernier cas, l'exsudat peut être 
purulent et constitue une pyocèle ou abcès intra-péritonéal. 

Dans les deux tiers des autopsies de femmes mortes sans avoir présenté des 
symptômes de lésions pelviennes, on trouve, dans le bassin des femmes, des 
résidus de péritonites circonscrites, sous forme de tissu conjonctif jeune, vascu- 
larisé, qui recouvre les parties enflammées comme d’une pseudo-membrane et 
qui relie les organes pelviens entre eux ou avec les anses intestinales, tantôt par 
des languettes très-faibles, ou au contraire par des bandes fibreuses très-fortes, 
tantôt par des adhérences intimes. C'est ainsi qu'on voit les trompes et les 
ovaires liés à des parties de ligaments larges ou à des anses de l'intestin. 
Quand les exsudats sont abondants, ils forment avec les organes sous-jacents, des 
masses, d'aspect variable, que l'on aurait tort de ; rendre pour des tumeurs 
véritables. Cet état est l'aboutissant de processus aigus, subaigus, et même 
chroniques qui sont arrivés à s'éteindre sur place, après avoir présenté une période 
d'activité suivant le mécanisme de leur production. Ces lésions ont une évolution 
pour ainsi dire latente, et se trouvent chez ces femmes qui n'ont pas présenté, 
pendant leur vie, lessymptômes douloureux caractéristiques de la pelvi-péritonite. 

D'ordinaire la pelvi-péritonite a une physionomie plus nette et l’inflammation 
présente ses phases diverses, depuis l’hyperémie vasculaire jusqu'à l'exsudation 
séro-fibrineuse ou fibrino-purulente, tout comme dans la péritonite ordinaire. 

Enkystement.  L’exsudat est bridé par les fausses membranes et les organes 
agolutinés entre eux; 1l s'enkyste ; sa cavité se remplit tantôt de sérosité pure, 
ou teintée de sang, tantôt de pus louable ou sanieux, où fourmillent de nom- 
breuses bactéries. 

La cavité d'enkystement est généralement cloisonnée par des tractus fibrineux 
d'abord, plus tard fibreux, et l'on peut trouver de petites loges qui contien- 
nent les unes de la sérosité, les autres du sang, d’autres enfin du pus, des 
masses caséeuses, voire même des matières crétacées. D’autres fois, il n'existe 
qu'une cavité d'ordinaire assez étendue qui renferme du pus : c'est un abcès 
pelvien intra-péritonéal, une pyocèle, lésion tout à fait distincte de l’abcès pel- 
vien sous-péritonéal de la pelvi-ceilulite suppurée. 

Évolution des exsudats. L'évolution des exsudats varie suivant leur nature; 
la sérosité se résorbe et alors il reste des résidus analogues à ceux de la pelvi- 
péritonite adhésive d'emblée ; le pus subit des transformations régressives et se 
résorbe plus ou moins, se caséifie ou s'infiltre de sels calcaires, ou bien l’'abcès 


PÉRITONITES. 369 


use sa paroi d’enkystement et se fraye un chemin à travers les organes ou tissus 
voisins, le rectum, la vessie, le tissu cellulaire sous-péritonéal. Dans ce dernier 
cas, on a l'association des deux lésions dont il a été question plus haut, de la 
pelvi-péritonite et de la pelvi-cellulite ; la collection secondairement développée 
dans le tissu cellulaire sous-péritonéal, dans ce que Luschka appelle la cavité 
pelvienne sous-péritonéale, peut à son tour s'ouvrir dans le vagin, tout comme 
un simple phlegmon des ligaments larges ou bien fuir dans différentes directions, 
suivant les rapports de continuité du tissu cellulaire sous-péritonéal avec celui 
de la fosse iliaque. On doit cependant considérer cette ouverture de l'abcès péri- 
tonéal dans le tissu cellulo-pelvien, ainsi que l'évacuation de pus par la vessie, 
comme des modes de terminaison beaucoup plus rares que l'évacuation par le 
rectum ou la pénétration du pus dans la cavité péritonéale, avec péritonite aiguë 
consécutive. 

État des organes. L'utérus, même quand il n'est pas le point de départ de 
la pelvi-péritonite, présente des altérations des fibres musculaires de ses couches 
les plus externes, ainsi que l'a démontré Klob ; mais, le plus souvent, il offre les 
lésions génératrices de la pelvi-péritonite, inflammation aiguë ou chronique des 
lymphatiques profonds. 

L'ovaire et la trompe sont également enflammés et les abcès de ces organes, 
la dilatation de la trompe avec oblitération de son orifice, s’observent fréquem- 
ment. 

Quand la pelvi-péritonite est ancienne, on trouve les ovaires atrophiés, la 
vessie gênée dans son expansion, l'intestin grèle, mais surtout le rectum, ou 
YS iliaque, déviés ou diminués de calibre par des inflexions anormales dues aux 
rétractions du tissu conjonctif de nouvelle formation. 

Enfin tous ces organes, auparavant mobiles dans l'excavation, sont maintenus 
par les exsudats, les adhérences ou les tractus fibreux, dans un état de fixité 
remarquable qui donne à cet ensemble l'apparence d’une véritable tumeur de 
l'excavation. 

Le tissu cellulaire pelvien est intact dans le cas type de pelvi-péritonite, mais 
parfois il présente des traces d’inflammation par propagation, ou bien cette 
inflammation est primitive et s'observe surtout dans les lymphatiques qui tra- 
versent ce tissu. 

SYMPTOMATOLOGIE. Dans le cas de pelvi-péritonite adhésive, les symptômes 
sont en général obscurs, et la péritonite est une trouvaille d'autopsie ; le tableau 
clinique que nous allons esquisser a fait totalement défaut. 

La pelvi-péritonite est aiguë, subaiguë ou chronique. 

Le début de la pelvi-péritonite aiguë est marqué par des frissons avec tem- 
pérature à 40 degrés, douleurs extrèmement violentes à l'hypogastre, nausées, 

vomissements et météorisme ; la constipation n'est pas constante, et il peut y 
avoir ténesme vésical et rectal; l’exsudation qui se fait augmente le ballonne- 
ment du ventre dû au météorisme et, tandis que la palpation permet de constater 
une rénitence spéciale au-dessus du pubis et dans les flancs, tandis que la per- 
cussion donne un son mat au-dessous de l’ombilic, au toucher on trouve que 
l'utérus est douloureux, qu'il a perdu, en grande partie, sa mobilité, et on per- 
çoit une tumeur qui, le plus ordinairement, est très-marquée dans le cul-de-sac 
utéro-rectal, et le toucher rectal dans ce cas confirme, en les complétant, les 
données fournies par le toucher vaginal, mais peut exister également sur les 
côtés de l'utérus et en avant. Cette tumeur est fluctuante, si l’exsudat est 


picr. ENC, 2° s. XXIL 24 


570 PÉRITONITES. 


liquide, assez abondant, et formé de sérosité et de pus; rénitente, si les exsu- 
dats sont solides, constitués par des fausses membranes fibrineuses. Quand la 
tumeur est considérable, elle dépasse le pubis et peut s'étendre latéralement 
vers la fosse iliaque. 

Le processus aigu se termine par résolution, suppuration ou passage à l'état 
chronique; dans le premier cas, la tumeur perd sa mollesse, cesse d’être fluc- 
tuante en diminuant de volume et, la fièvre étant tombée, les symptômes géné- 
raux et locaux s’amendant, on assiste à un retour des parties à un état plus ou- 
moins normal. Parfois même, si la maladie a une courte durée, si les fausses 
membranes ont été peu abondantes, on peut voir l'utérus recouvrer sa mobilité, 
mais, le plus souvent, il reste un certain degré de fixité de cet organe qui peut 
même conserver une position vicieuse par suite des adhérences indélébiles, résidu 
de l’inflammation; dans le second cas, la suppuration se faisant, on assiste au 
développement d’un abcès pelvien intra-péritonéal; enfin le passage à l'état 
chronique est caractérisé par la disparition des symptômes aigus et la persistance 
de certains signes physiques, tels que fixité de l'utérus et rénitence des culs- 
de-sac, persistance aussi d'un certain degré de sensibilité du bas-ventre, sensi- 
bilité spontanée à la palpation et au toucher vaginal. 

La pelvi-péritonite subaiguë a les mêmes symptômes que l'aiguë, mais à un 
degré moins accentué; les douleurs sont vagues, le ventre grossit, il se forme 
un exsudat qui se résorbe partiellement et subit des oscillations dues à de 
nouvelles poussées inflammatoires ; c'est pendant ce processus que se forment 
surtout les néomembranes qui peuvent aboutir à l'hémorrhagie et donner lieu 
au tableau clinique de la pachypelvi-péritonite subaiguë hémorrhagique, décrite 
par J. Besnier et Bernutz. 

La pelvi- péritonite chronique évolue plus insidieusement, mais elle a aussi 
ses poussées aiguës ou subaiguës pendant lesquelles le processus paraît se 
réveiller de sa torpeur. 

Le travail d’enkystement des pelvi-péritonites s'annonce par la localisation 
plus nette de l'affection et par l'apparition de la tumeur dont le développement 
mérite toute l'attention du médecin. 

Le cloisonnement domine, et alors le signe propre à une tumeur enkystée 
formant une poche unique : fluctuation nette perceptible par la palpation bima- 
nuelle ou la combinaison du palper abdominal et du toucher vaginal ou rectal, 
fait défaut. Si, comme nous allons le voir, le pus est évacué soit dans l'intestin, 
soit dans la vessie, la tumeur disparaît en totalité ou en partie suivant que la 
pelvi-péritonite est à loge unique ou à loges multiples. 

L'élimination du pus s'annonce soit par des selles purulentes, soit par des 
urines chargées de pus, soit par une évacuation de pus par le vagin qui pourrait 
faire croire à un abcès pelvien extra-péritonéal. C'est alors que le diagnostic 
peut s'obscurcir, parce qu'aux symptômes propres à la péritonite viennent se 
joindre ceux qui sont particuliers à la pelvi-cellulite. Dans ces cas, après une 
amélioration manifeste, de nouveaux symptômes fébriles apparaissent et on voit 
la collection pelvienne s'étendre au-dessus du détroit supérieur vers l’aine ou 
vers la fosse iliaque, et dans ce cas l’abcès s'étend surtout latéralement. Enfin 
l'ouverture de l’abcès dans le péritoine donne lieu à une péritonite généralisée 
aiguë suppurée. 

Les lésions viscérales qui se produisent dans le cours de la pelvi-péritonite 
modifient le tableau symptomatique; même, s’il y a guérison, les adhérences 


PÉRITONITES. 571 


supprimant ou entravant notablement les fonctions des trompes et des ovaires 
amènent la stérilité; les fausses membranes, plus ou moins riches en vais- 
seaux, peuvent après guérison donner lieu, sous certaines influences : coït, trau- 
matisme, fatigue, à de nouvelles poussées qui trainent la convalescence en 
longueur. Si les exsudats se résorbent imparfaitement, ils gènent l'expansion 
des organes voisins, en particulier celle de la portion terminale de l'intestin, 
ce qui gène plus ou moins leur fonctionnement; il en résulte une constipation 
habituelle, qui peut n'être que le prélude d'accidents plus tardifs d’occlusion 
intestinale. 

Proxosric. Le pronostic dépend du degré de la pelvi-péritonite, de son 
étendue, de la cause qui l’a fait naître, de la nature des exsudats. 

Toute pelvi-péritonite aiguë peut se généraliser ; il faut donc que le médecin 
réserve son pronostic au début de l'inflammation pelvienne ; cela est surtout vrai 
pour la pelvi-péritonite puerpérale ; il devra aussi, dans le cours d'une pelvi- 
péritonite subaiguë ou chronique, éviter tout ce qui peut ramener le processus 
à l’état aigu. 

Une péritonite localisée à un cul-de-sac ou à un des organes pelviens com- 
porte un pronostic plus favorable que la même inflammation généralisée à tout 
le péritoine pelvien, mais elle est susceptible d’engendrer des exsudats qui plus 
tard comprimeront l'intestin et produiront ainsi une occlusion intestinale, qui 
atrophieront les ovaires où immobiliseront la trompe et engendreront la stérilité, 
qui fixeront l'utérus en l’empêchant de se développer, si la fécondation a encore 
été possible, et prédisposeront à l'avortement. 

La purulence de l’exsudat crée un état beaucoup plus sérieux que les simples 
adhérences ; les malades sont exposées aux accidents d’auto-infection quand le 
pus se décompose soit par suite du voisinage de l'intestin, que celui-ci soit 
perforé ou non, soit par suite de la perforation de la vessie avec pénétration de 
l'urine dans le foyer purulent, soit encore après ouverture dans le vagin et 
mélange de lair avec le pus. Les cas assez rares d'ouverture du foyer dans la 
grande cavité péritonéale sont également l'apanage de l’exsudat purulent. 

La pelvi-péritonite aiguë séro-adhésive est parfois bénigne, parce que la réso- 
lution se fait rapidement et que les néomembranes sont presque nulles. 

La résolution incomplète engendre un état des plus pénibles pour la malade 
qui est sans cesse menacée de nouvelles poussées aiguës. La persistance du pro- 
cessus de néoformation membraneuse crée des lésions susceptibles de s’accroître 
sans cesse à chaque époque menstruelle ; dans certaines circonstances, exception- 
nelles sans doute, les néomembranes se superposent et se vascularisent en 
créant, ainsi que nous le verrons plus loin, une prédisposition aux hémorrhagies 
dans leur épaisseur ou dans la poche qu'elles circonscrivent. 

La pelvi-péritonite qui ne se résout pas, qui passe à l’état chronique, engendre 
l’anémie et des troubles nerveux qui finissent par aboutir à la cachexie, ou bien, 
les malades vivant confinées au milieu d’un foyer d'infection tuberculeuse, des 
tubercules se développent dans le poumon; peut-être les bacilles peuvent-ils se 
localiser dans la portion malade et ajouter leurs lésions spécifiques à celles de 
la pelvi-péritonite persistante. 

Diacnosric pIFFÉRENTIEL. 41° Pelvi-péritonite et pelui-cellulite aiguës. 
A. Pelvi-péritonite aiguë. La fièvre élevée, la vive sensibilité à la simple 
pression de la région sous-ombilicale, le météorisme, indiquent un processus 
de péritonite. La localisation de la douleur à son début, le siége de la plus 


572 PÉRITONITES. 


grande sensibilité en un des points de l’hypogastre, de même que la forme du 
météorisme qui est partiel, localisé à la partie inférieure de l'abdomen ou dans 
lun des deux côtés du ventre, mettront sur la voie du diagnostic. 

Au bout de quelques jours, quand l'excessive sensibilité du ventre a disparu, 
on peut, par le toucher vaginal et la pression digitale dans les culs-de-sac, se 
rendre compte de l'intégrité du tissu cellulaire pelvien et constater que le péri- 
toine pelvien seul est malade. Dans beaucoup de cas, il faut se contenter de 
ces manifestations du début de la maladie pour établir un diagnostic précis, 
car on ne constate pas toujours, dans la pelvi-péritonite, les signes physiques 
de l'inflammation et plus tard la présence d’exsudats notables; très-fréquem- 
ment, au contraire, tous les symptômes indiquent une pelvi-péritonite pendant 
quatre, cinq et huit jours, et, peu de jours après, en dehors d’une légère sensi- 
bilité qui peut même avoir complétement disparu, on ne trouve aucune trace de 
la maladie dans l’excavation pelvienne. 

Dans la grande majorité des cas, on ne découvre pas la présence d’un exsudat 
liquide, à plus forte raison on n'obtient pas de changements de position dans 
les exsudats par les changements du décubitus des malades ; en effet, les liquides 
excrétés le sont en trop petite quantité ou, s'ils sont plus abondants, sont en- 
kystés par les fausses membranes fibrineuses. Nous rappellerons que, d’après 
E. Besnier, cela a également lieu dans la péritonite généralisée. 

On pourra faire le diagnostic rétrospectif des pelvi-péritonites, si, après la 
disparition des symptômes aigus, après la disparition des douleurs et du météo- 
risme, on trouve dans le voisinage du détroit supérieur, soit au-dessus du pubis, 
soit vers la fosse iliaque, une tumeur rénitente, sonore à la percussion, consti- 
tuée par les anses intestinales agglutinées entre elles et plus ou moins soudées 
à l'utérus, ou à l’une ou l’autre de ses annexes. 

Si la pelvi-péritonite a laissé des résidus sous forme de masses d'exsudats 
enkystés, on peut ultérieurement reconnaitre leur origine intra-péritonéale par 
les caractères suivants : les masses forment une tumeur qui reste longtemps 
molle et ne devient dure que plus tard ; son siége de prédilection est le cul-de- 
sac de Douglas ou les côtés de l'utérus; enfin elles s'étendent au-dessus de 
l'excavation en suivant les parois latérales, antérieure ou postérieure de cette 
dernière. S'il se produit de la suppuration, la tumeur redevient fluctuante et elle 
s'ouvre par le vagin, le rectum et la vessie, jamais par la paroi abdominale. 

B. Pelvi-cellulite aiguë. Le début de la maladie peut être aussi éclatant que 
celui de la pelvi-péritonite ; la fièvre peut être aussi élevée, les douleurs sont 
aussi vives; mais les symptômes fondamentaux de la pelvi-péritonite, la grande 
sensibilité à la simple pression du ventre et le météorisme, font défaut ; dans la 
pelvi-cellulite, on peut exercer une certaine pression sur l'abdomen, et ce n’est 
que lorsque la pression atteint l'utérus ou ses parties latérales que la douleur 
devient plus forte. 

Il est des circonstances où, peu après le début de la maladie, la douleur à la 
pression est aussi vive que dans la pelvi-péritonite ; c'est quand l'inflammation 
du tissu cellulaire pelvien s'est propagée à la région sus-inguinale ou vers la 
fosse iliaque; mais alors on se basera, pour le diagnostic, sur l'existence ou la 
prédominance de la lésion d’un seul côté. 

Dans la pelvi-cellulite, les douleurs du début sont localisées en un point; de 
là elles s'étendent, en conservant une intensité plus grande au niveau du point 
de départ de l'inflammation. 


PÉRITONITES. 919 


Des douleurs s’irradiant de l’un ou l’autre des deux côtés de l'utérus vers la 
région inguinale, la fosse iliaque ou la cuisse, indiquent la voie d'extension de 
linflammation le long du ligament large vers la fosse iliaque, le long du liga- 
ment rond vers la paroi antérieure du bassin et la région inguinale; d’un autre 
côté, des douleurs s’irradiant, plus rarement, il est vrai, du bassin vers les régions 
lombaires ou la région rénale, indiquent l'extension du même processus dans 
cette direction. 

Ces symptômes du début de la pelvi-cellulite rendent le diagnostic fort pro- 
bable, mais il est rendu absolument certain par l'exploration bimanuelle (tou- 
cher vaginal combiné au palper hypogastrique), qui permet de constater la pré- 
sence des exsudats inflammatoires autour de l'utérus et suivant les voies d’exten- 
sion du tissu cellulaire pelvien. Dès le début de la maladie, on constate la 
présence d’une tumeur, soit autour du col de l'utérus, à sa partie supravaginale, 
soit sur l'un des côtés de l'utérus, à la base du ligament large; cette tumeur est 
molle, c'est un empâtement; celui-ci reste localisé ou s'étend du ligament large 
vers la fosse iliaque, du col de l'utérus vers la paroi latérale du bassin, du liga- 
ment rond vers la paroi abdominale antérieure. 

La région située au-dessus du ligament de Poupart, ou bien la fosse iliaque, 
ou bien encore le ligament large d’un côté, deviennent le siége d’une certaine 
rénitence. 

Plus tard, l'infiltration du tissu cellulaire se développe vers l’une ou l'autre 
paroi du bassin, et peut même oblitérer une moitié de l’excavation du bassin. 

Quand l'inflammation du ligament large s'étend au-dessus du bassin, vers la 
fosse iliaque et vers la région lombaire, en respectant le tissu cellulaire sus- 
vaginal, le vagin restant libre, ainsi que le pourtour du col de l'utérus qui con- 
serve sa mobilité, le diagnostic devient obscur et on peut croire à une pelvi- 
péritonite, car il est impossible de dire si une tumeur qui se développe dans 
l'épaisseur du ligament large et fuse dans plusieurs directions est intra cu 
extra-péritonéale. 

L'infiltration de la pelvi-cellulite ne donne pas toujours lieu à une tumeur 
perceptible par la palpation abdominale; au contraire, dans bien des cas, le pro- 
cessus reste localisé dans la profondeur du bassin et le diagnostic certain ne se 
fait que par le toucher vaginal. 

Que l’inflammation s'accompagne de la formation d’une tumeur primitive- 
ment molle, mais durcissant rapidement en deux ou quatre jours autour du col 
utérin, ou qu'elle se propage dans différentes directions, en avant ou en arrière 
de l'utérus ou sur ses côtés, elle aboutit fatalement au phlegmon du tissu cel- 
lulaire pelvien. Si la pelvi-cellulite suppure, elle peut donner lieu à un abcès 
qui peut s'ouvrir dans le vagin, le rectum et la vessie; mais, pour peu que l'in- 
Îlammation s’étende au-dessus du détroit supérieur, l'abcès peut s'ouvrir par 
la paroi abdominale, à l'aine ou dans la fosse iliaque, ce qui n’a jamais lieu pour 
la pelvi-péritonite suppurée. 

2° Pelvi-péritonite et pelvi-cellulite chroniques. L'évolution des deux mala- 
dies est chronique; tandis que la pelvi-péritonite se développe en dehors de 
l'état puerpéral et se traduit par des symptômes qui se rapportent à ceux d’une 
maladie pelvienne lente, chronique, avec poussées aiguës ou subaiguës, l’évolu- 
tion de la pelvi-cellulite chronique apparaît peu après l'avortement ou l’accou- 
chement. Dans la pelvi-péritonite, les exsudats sont peu perceptibles ou ne le 
sont pas du tout, mais l’utérus est fixé par des adhérences; dans la pelvi-cellu- 


374 PÉRITONITES. 


lite on sent, par le toucher, une tumeur autour de la partie supravaginale du col 
de l'utérus et par la palpation de l'abdomen une tumeur dans l’un des ligaments 
larges ; la mobilité de l’utérus est diminuée, mais n’est pas détruite. Les deux 
processus de pelvi-péritonite et de pelvi-cellulite chroniques peuvent aboutir à 
la suppuration à la suite de poussées aiguës; la pelvi-péritonite peut parfois 
engendrer une variété d'hématocèle par suite de vascularisation exagérée des 
néomembrares. 

3° Heématocèle.  L'hématccèle primitive survient subitement. Elle se révèle 
par les signes de l'hémorrhagie interne, prostration, refroidissement des extré- 
mités, syncope et lipothymies, en un mot, par les signes d’une anémie aiguë. 
En quelques heures on constate dans l’un des culs-de-sac, le plus souvent dans 
le cul-de-sac postérieur, une tumeur molle, fluctuante, qui au bout de quelques 
jours devient résistante quand le sang se coagule. Cette tumeur, due à l’épan- 
chement en liberté du sang dans le petit bassin, est presque toujours symé- 
trique. Les symptômes de péritonite avec enkystement sont consécutifs. 

L'hématocèle secondaire est liée à un processus antérieur de péritonite pel- 
vienne que nous décrivons sous la dénomination de pachy-pelvi-péritonite hémor- 
rhagique (J. Besnier et Bernutz). Quand, après des signes de pelvi-péritonite 
subaiguë, on voit apparaître une tumeur, cette tumeur sanguine, en raison des 
néomembranes plus ou moins épaisses, est rénitente et dure; de plus, comme la 
collection sanguine ne peut se faire que dans un espace clos, le sang ne s’épanche 
pas librement, la tumeur est ce qu'est la loge péritonéale elle-même ; le plus 
souvent, elle n'est nullement symétrique, mais située au hasard du siége des 
néomembranes, tantôt antérieure, tantôt postérieure, tantôt latérale. Comme 
l'épanchement sanguin est enkysté et par conséquent peu considérable, comme 
s’il le devient, il se fait successivement et non en une fois, comme dans l’héma- 
tocèle primitive, les signes de l’hémorrhagie interne font défaut. 

4° Tumeurs fibreuses. Les tumeurs fibreuses sont indolentes, peu sensibles à 
la pression, mobiles dans la cavité pelvienne, et n’immobilisant pas l'utérus, ou 
au contraire intimement fixées à la matrice, dont elle font pour ainsi dire partie. 
Dans l’un et l’autre cas, leur évolution propre n’est accompagnée ni de fièvre, 
ni de frissons, ni des autres signes de l'inflammation. Mais elles sont susceptibles 
de provoquer la pelvi-péritonite et, dans cette circonstance, le diagnostic devient 
très-difficile, si on n’a pas suivi la maladie avant l'apparition des phénomènes 
inflammatoires et en même temps si la tumeur fibreuse n'est pas considérable. 

5° Tumeur fecale. La pelvi-péritonite s'accompagnant de constipation, 1l 
peut se former au-dessus de l’ampoule rectale une agglomération de matières 
fécales qui, pendant ou à la suite de la pelvi-péritonite aiguë, peut être prise 
pour une tumeur pelvienne ; un lavement dissipe rapidement l'erreur. 

TRaïTEMENT. La pelvi-péritonite aiguë sera traitée par la méthode anti- 
phlogistique locale, 10 à 20 sangsues au-dessus de l'aine et loco dolenti, ven- 
touses sèches ou scarifiées ; au lieu d'appliquer des sangsues sur le col de l'utérus, 
on fera mieux de le scarifier, ce qui permettra de retirer du col la quantité 
nécessaire de sang. 

Mais le meilleur moyen est l'application de la vessie de glace, qui sera laissée 
en permanence pendant toute la période aiguë ; à ce moyen on joindra les injec- 
tions sous-cutanées de chlorhydrate de morphine ; la morphine, comme l'opium, 
calme la douleur, immobilise les intestins et favorise la formation de néomem- 
branes capables de circonscrire l’inflammation ; on fera deux à trois injections 


PÉRITONITES. 375 


sous-cutanées de { à 2 centigrammes de chlorhydrate de morphine dans les 
24 heures. 

Le sulfate de quinine, à la dose de 60 centigrammes à 1£",50, sera admi- 
mistré comme antiseptique, modérateur de la circulation et analgésique. 

La soif sera calmée par les boissons gazeuses, alcooliques, glacées. 

La constipation sera respectée, recherchée même. 

Les malades seront plongées dans des grands bains tièdes à 30 degrés; ces 
divers moyens thérapeutiques ne devront pas aller contre la règle qui prescrit 
l'immobilisation des malades. 

Quand la tumeur pelvienne sera formée, on n'interviendra pas, si l’exsudat est 
séreux; s’il est purulent, on fera la ponction aspiratrice, l'incision antiseptique 
soit par le vagin, soit par le rectum ; mais on n’interviendra chirurgicalement 
que si l’abcès ne s'ouyre pas spontanément, si la compression d'organes impor- 
tants, tels que l'intestin, par exemple, entrainait des accidents graves, ou si, 
l'abcès étant ouvert, le pus ne se vidait pas bien ; dans ce dernier cas il faudrait 
agrandir louverture et faire des lavages antiseptiques et établir un tube de 
drainage. 

On pourra, dans certains cas, remédier par le bistouri à une compression de 
l'intestin, avec symptômes d'occlusion, à une compression de la vessie avec 
anurie. 

Contre la pelvi-péritonite chronique, on agira par les vésicatoires volants, par 
la teinture d'iode, les bains généraux à 55 degrés, avec addition de sel marin 
ou de carbonate de soude. On tonifiera les malades avec les préparations ferru- 
gineuses et le quinquina. 

Les eaux minérales sont aussi fort avantageuses dans les cas de résolution 
lente ou de passage à l'état chronique. Les eaux chlorurées sodiques de Kissingen, 
Kreutznach, Hombourg, Bourbonne, Salins, Bourbon-l’Archambault, sont indi- 
quées pour leur action purgative et l'excitation puissante qu’elles exercent sur 
le système lymphatique ; Ems, Royat, Vals, Vichy, Franzenbad, relèveront la 
nutrition en remédiant aux troubles digestifs. A l’anémie, à l’état névropathique, 
conviennent les eaux de Néris, de Plombières, de Luxeuil ; les eaux sulfureuses 
de Saint-Sauveur, des Eaux-Chaudes, de Luchon, Cauterets, etc., favoriseront le 
dégorgement des organes pelviens et la résolution des produits inflammatoires, 
par suite de l’action stimulante qu'elles exercent sur l'appareil circulatoire- 

Il faudra éviter que les eaux minérales exagèrent le raptus congestit auque 
sont encore prédisposées les malades : aussi, quand ces raptus seront à craindre, 
c'est-à-dire dans les pelvi-péritonites récemment guéries, ou à répétition, on 
devra choisir, parmi les eaux minérales, celles qui sont à minéralisation faible 
et à thermalité peu élevée. 

L'hydrothérapie rend également de grands services dans la période de résolu- 
tion des pelvi-péritonites : l’hydrothérapie s'adresse non-seulement aux exsudats 
mflammatoires non encore résorbés, mais aussi à l’anémie et à l’état nerveux 
consécutifs. 

L'hydrothérapie méthodique ne pouvant pas être employée en toutes circon- 
stances, on la remplacera par le drap mouillé, les ablntions générales avec une 
grosse éponge imbibée d’eau froide, les bains de sel marin, les bains addi- 
tionnés de plantes aromatiques, les frictions sèches, ou avec des substances 
excitantes et aromatiques comme l’alcool de lavande ou de Fioravanti, etc. 

Ériococis. Pour que le péritoine pelvien s’enflamme, il faut une lésion d’un 


576 PÉRITONITES. 


organe qui se trouve en rapport médiat ou immédiat avec cette séreuse. On 
peut dire qu'aucune variété de pelvi-péritonite ne fait exception à cette loi. 

Sans doute le professeur Chauffard a décrit des cas de pelvi-péritonite qu'il 
considère comme développés sous l'influence du rhumatisme, mais à l’article 
PÉRITONITE RHUMATISMALE nous avons mis en doute la nature rhumatismale de 
ces pelvi-péritonites, la démonstration du savant clinicien ne nous paraissant 
pas péremptoire et aucun fait analogue n'ayant été publié depuis. 

Aussi nous pouvons affirmer que le fond de toute pelvi-péritonite est un état 
pathologique préexistant d'un des organes ou tissus du petit bassin. 

L'état pathologique, cause de la pelvi-péritonite, est variable, et c’est dans 
cette variété que nous trouverons les éléments d’une classification des pelvi- 
péritonites. 

La pelvi-péritonite est surtout fréquente chez la femme, où elle peut se déve- 
lopper dans des conditions absolument dissemblables, pendant l’état puerpéral 
et en dehors de l’état puerpéral. 

Dans l’état puerperal, c’est-à-dire à la suite de l'accouchement ou de l’avor- 
tement, la pelvi-péritonite se produit par le même mécanisme que la péritonite 
généralisée; c’est toujours ou presque toujours une lympho-péritonite. La raison 
étiologique est la même ; il n’y a de changée que l'extension même de l'inflam- 
mation; ce sont les formes bénignes qui restent localisées ; la lymphangite a sa 
source dans une plaie du canal utéro-vagino-vulvaire, et, des lymphatiques sous- 
péritonéaux, l'inflammation se propage à la séreuse, parfois directement, d’autres 
fois après l'inflammation du tissu cellulaire pelvien au milieu duquel rampent 
certains d'entre eux; cela revient à dire que dans certains cas la pelvi-périto- 
nite est précédée de la pelvi-cellulite. Dans d’autres cas peu fréquents, la pelvi- 
péritonite survient à la suite de métrite, de salpingite, d'ovarite. La pelvi-périto- 
nite puerpérale est due à l'infection, que la plaie soit la conséquence de 
l'accouchement ou de l'avortement. Dans l’un et l’autre cas, il y a résorption 
de produits septiques, débris de membranes, caillots putréfiés, rétention des 
liquides excrétés. 

La pelvi-péritonite, dans ces conditions, peut être aiguë, subaiguë ou chro- 
nique ; le processus aigu se conçoit facilement par l'infection, parfois aussi par 
le traumatisme amené par la main de l’accoucheur ou de la sage-femme ou par 
la négligence des malades qui ont abandonné à la nature un accouchement ou 
un avortement qui avait besoin d’une intervention active; les processus 
subaigu et chronique se développent par suite de la persistance de causes occa- 
sionnelles qui, si elles n’ont pas été capables de provoquer l'éclosion de la pelvi- 
péritonite, l’entretiennent à un faible degré d'intensité : c’est ainsi qu'agissent 
la fluxion menstruelle, le coït, la fatigue, qui, à des intervalles plus ou moins 
réguliers, exercent une action sur le péritoine pelvien enflammé. 

En dehors de letat puerpéral, la pelvi-péritonite manque, pour se produire, 
d'un réseau lymphatique richement développé; néanmoins les lymphatiques 
restés ou revenus à l'état normal sont encore susceptibles de s'enflammer et de 
propager leur inflammation jusqu’à la séreuse pelvienne. 

La lymphangite peut être invoquée dans le cas du traumatisme avec plaie du 
canal génital. C’est ainsi que paraissent agir certaines opérations de gynécologie, 
telles que la dilatation du col avec l’éponge préparée ou la tige de laminaire, 
l'application défectueuse d’un pessaire, l'introduction de pessaires, de médica- 
ments ou d'instruments dans la cavité utérine, l'extirpation de corps fibreux, de 


PÉRITONITES. 577 


polypes, par la voie vaginale, l’amputation du col allongé ou atteint de dégéné- 
rescence cancéreuse, les opérations faites dans le but de remédier à un prolapsus 
utérin, la douche vaginale sur un col ulcéré, la cautérisation de la muqueuse 
du col ou du corps. Cette lymphangite se produira d'autant plus facilement à 
la suite des causes précitées qu'il y aura un développement lymphatique plus 
considérable, par suite d'un processus antérieur de pelvi-péritonite. 

Dans la blennorrhagie on peut invoquer le même mécanisme; de plus, on 
peut admettre que le pus blennorrhagique reflue dans certaines circonstances 
de la cavité du corps utérin vers les trompes et des trompes dans le péritoine 
pelvien ; on a décrit aussi l’ovarite blennorrhagique, véritable orchite féminine, 
métastase de la blennorrhagie par suite du tranport du gonococcus de Neisser 
dans le sang et de sa localisation dans l'ovaire; de cet organe l'inflammation se 
propage au péritoine pelvien par contiguité. 

Certaines pelvi-péritonites consécutives à l’injection de liquides dans la cavité 
utérine ônt été attribuées à la régurgitation du liquide par la trompe. 

La menstruation a été considérée comme pouvant créer de toute pièce la 
pelvi-péritonite qui a reçu le nom de pelvi-péritonite menstruelle. Nous sommes 
loin de nier le fait, mais nous refusons d'admettre que la menstruation puisse 
produire la péritonite par la congestion vasculaire qu'elle amène dans les organes 
pelviens. Nous croyons que la menstruation peut se compliquer d'une régurgi- 
tation du sang menstruel par la trompe, ou de la rupture sanglante de la 
vésicule de de Graaf non fécondée dans le péritoine. Daus ces conditions, la 
quantité de sang épanché n’est pas assez considérable pour donner lieu à une 
hématocèle ; le liquide peut être assez irritant ou septique pour provoquer un 
processus de pelvi-péritonite. Cependant nous pensons que, dans bien des cas 
où l’on accuse les irrégularités de la menstruation d’avoir produit la pelvi- 
péritonite, celle-ci peut bien avoir été antérieure aux troubles menstruels, et 
ceux-ci ne sont que symptomatiques de la pelvi-péritonite ou de la lésion qui 
a fait éclater la pelvi-péritonite. 

Le traumatisme est considéré comme pouvant créer de toute pièce la pelvi- 
péritonite par la violence qu'il exerce. 

Le coït a été accusé de pouvoir provoquer le développement de la pelvi-péri- 
tonite. Cela se conçoit aisément, s’il y a des lésions anciennes de pelvi-péritonite 
qui sont réveillées par une irritation nouvelle, par un véritable traumatisme 
utéro-vaginal, ou si, le péritoine pelvien éfant intact, il existe une métrite due 
aux excès de coït. On comprendrait plus difficilement que la pelvi-péritonite se 
développât par le traumatisme simple du coït même pratiqué avec excès, en 
dehors de toutes lésions de l'utérus, du vagin, de la trompe ou des ovaires. 

Les tumeurs des organes pelviens, utérus, ovaires, trompes, ligaments larges, 
tissu cellulaire pelvien, peuvent se compliquer de pelvi-péritonite ; cela est bien 
connu pour les fibromes utérins, les kystes ovariques ou autres; les cancers de 
l'utérus, de la vessie et du rectum, se compliquent parfois de pelvi-péritonite 
simple, non cancéreuse. 

Les inflammations simples ou suppurées de l'utérus, de la trompe, des ovaires, 
se compliquent de pelvi-péritonite par propagation. 

Enfin la tuberculose genitale, avec localisation dans les organes pelviens, 
aboutit à un processus péritonitique qui peut rester localisé, ainsi que nous 
verrons plus loin, à l’article PÉRITONITE TUBERCULEUSE. 

Le refroidissement et la constipation ont été, en dehors de toute cause connue, 


378 PÉRITONITES. 


considérés comme susceptibles de développer une inflammation de la séreuse 
pelvienne. Dans le cas de constipation, ce serait la face interne de l'intestin qui 
serait le siége de l'irritation qui se transmettrait jusqu’à la séreuse ; la présence 
dans les fèces de corps étrangers, anguleux, faciliterait l'inflammation de la 
muqueuse du rectum, point de départ de la pelvi-péritonite. 

La pelvi-cellulite reste parfois localisée pendant toute son évolution ; l'inflam- 
mation va gagnant tout le tissu cellulaire sous-péritonéal depuis le pourtour du 
col utérin et la base du ligament large jusqu'au ligament de Poupart, et la 
fosse iliaque et même le tissu cellulaire péri-néphrétique ; elle respecte le péri- 
toine qui recouvre les régions enflammées; mais les cas ne sont pas rares où la 
pelvi-péritonite se surajoute à la pelvi-cellulite. 

En dehors de l’état puerpéral le processus peut être aigu, subaigu ou chro- 
pique; il est fréquemment aigu à la suite du traumatisme, de l'infection blen- 
norrhagique, des excès de coït, des inflammations aiguës de l'utérus et de ses 
annexes, de la pelvi-cellulite ; des poussées aiguës se produisent dans le cas de 
pelvi-péritonite subaiguë ou chronique; le processus subaigu paraît dépendre, 
ainsi que nous le verrons plus loin, de l'influence fâcheuse qu'exerce sur ia 
séreuse pelvienne enflammée la congestion menstruelle. Sous l’action de ces con- 
gestions répétées, les néomembranes se vascularisent, s'épaississent et finissent 
par former un espace virtuel où pourra se faire un épanchement sanguin, 
variété d’hématocèle. 

Le processus chronique appartient aux tumeurs pelviennes, aux fibro-myomes, 
aux kystes ovariques, aux néoplasmes de l’utérus, de ses annexes, du rectum 
et de la vessie. 

VARIÉTÉS DE PELVI-PÉRITONITES. ĝ I. PELVI-PÉRITONITES AIGUËS. A. Pelvi-péri- 
tonite puerpérale. ANATOMIE PATHOLOGIQUE. Nous décrirons deux formes : la 
forme résolutive et la forme suppurée. 

1° Forme resolutive. Les exsudats sont constitués par des fausses membranes 
fibrineuses et par une sérosité inflammatoire suceptible plus tard de résorption. 
Ils siégent tantôt sur un des points de l'excavation pelvienne, souvent sur le 
côté de l'utérus, tantôt ils englobent cet organe et remplissent toute l'excava- 
tion pelvienne. Dans le premier cas, ils ne tardent pas à former une tumeur 
limitée qui repousse l'utérus dans une direction opposée au siége de la tumeur ; 
dans le second cas, ils constituent une masse qui comprend l'utérus, ses 
annexes, l'intestin grêle et parfois une partie de l’épiploon. La résolution faite, 
gràce aux néomembranes organisées, l’exsudat séreux résorbé, l’exsudat fibri- 
neux transformé par la désintégration granulo-sraisseuse en poussière résorbable 
également, il ne reste plus du processus inflammatoire que des épaississements 
de la séreuse pelvienne, des adhérences fibreuses plus ou moins lâches unissant 
les différents organes entre eux. Le processus de résolution se termine au bout 
de deux à cing semaines. 

2° Forme suppurée. L'exsudat est purulent; la limitation du processus 
péritonitique, l’enkystement des exsudats, constitue un véritable abcès, un 
abcès pelvien intra-péritonéal. Cette forme suppurée présente dans un premier 
stade les mêmes altérations que la forme résolutive, mais, après être devenue 
dure, la tumeur, loin de diminuer, augmente au contraire et devient molle, puis 
fluctuante, comme toute collection de pus : c’est le second stade de la maladie. 
Alors l’abcès cherche à franchir ses limites : tantôt il s'ouvre dans la grande 
cavité péritonéale et provoque l’éclosion d’une péritonite suppurée aiguë géné- 


PÉRITONITES. 579 


ralisée ; tantôt il use la paroi de la vessie, du rectum, de l'intestin grêle, ou 
d'un des culs-de-sac du vagin, en entrainant ainsi une cyslite, une rectite ou 
une entérite glaireuse, un phlegmon pelvien extra-péritonéal. 

L'évacuation du pus ne se fait pas par la paroi abdominale, à moins qu’il n’y 
ait association de la pelvi-péritonite et de la pelvi-cellulite; en effet le pus 
collecté dans l’excavation pelvienne ne peut fuser vers la fosse iliaque et l'aine, 
comme cela a lieu dans l'inflammation du tissu cellulaire pelvien; il reste 
soumis aux lois de la pesanteur : de là la fréquence de l'ouverture de la pelvi- 
péritonite suppurée par le vagin. 

La collection une fois évacuée, l’orifice peut se refermer et le pus se repro- 
duire pour s'évacuer plus tard; ou bien l'orifice de rupture reste ouvert et, 
l'écoulement se faisant bien, la cavité suppurante diminue progressivement et 
se comble d'un tissu de bourgeons charnus qui aboutit à la formation de tissu 
fibreux. Ce tissu de cicatrice est le reliquat de la pelvi-péritonite suppurée; il 
est plus ou moins étendu aux organes pelviens qui restent plus ou moins 
déplacés, déformés, comprimés et atrophiés. 

Mais, si l'orifice de communication occupe un niveau plus élevé que le fond 
de la tumeur, ou bien si celle-ci est constituée par des loges multiples, commu- 
niquant ou non entre elles, on comprend que l'écoulement du pus soit inter- 
mittent et irrégulier et que, tandis que du pus a été rendu par le vagin, le rectum 
ou la vessie, il reste une tumeur qui diminue sans disparaître et qui ne disparaît 
que par suite d’une évacuation totale de l'exsudat purulent. 

SYMPTOMATOLOGIE. La pelvi-péritonite puerpérale débute dans les premiers 
Jours qui suivent l'accouchement ou l'avortement, souvent en même temps que 
la lymphangite à laquelle elle est presque toujours liée; le frisson initial qui 
marque le début de la maladie peut être attribué à l’une aussi bien qu’à l’autre 
affection; si la Iymphangite à précédé la pelvi-péritonite, dans le moment où 
l'inflammation de la séreuse s’ajoute à l’inflammation des vaisseaux lymphati- 
ques, il se produit une recrudescence des symptômes fébriles, parfois un nouveau 
frisson, mais c'est l'apparition de la douleur qui est le symptôme propre à la 
lésion péritonéale. Cette douleur est spontanée, très-aiguë, très-superficielle ; 
elle persiste malgré l’immobilité absolue de la malade, elle s'exagère par les 
changements de position, par la toux, les grandes respirations, elle est exaspérée 
par la pression; arrivée rapidement à son summum d'intensité, elle diminue 
vers le deuxième ou le troisième jour et a presque disparu après cinq, six, 
quelquefois huit ou dix jours de maladie; mais la pression peut encore l'éveiller 
à ce moment et même longtemps après. 

L'inflammation aiguë du péritoine pelvien se traduit par une élévation de 
température qui peut atteindre et dépasser 39 et 40 degrés ; le pouls est fré- 
quent, petit, comme dans toute péritonite. 

Le type de la fièvre est continu avec parallélisme du pouls et de la tempéra- 
ture pendant la période aiguë de la maladie ; il existe une légère rémission 
matinale de un degré environ pour la température et de 8 à 10 pulsations pour 
le pouls. 

Les symptômes généraux de l’état fébrile, malaise, lassitude, prostration des 
forces, maux de tête, agitation nocturne, insomnie, subdélire, ne font en général 
pas défaut. ; 

La langue est saburrale, la soif intense, l’anorexie complète ; des nausées, des 
vomituritions, des vomissements, tourmentent les malades et augmentent les 


380 PÉRITONITES. 


douleurs, Les vomissements sont constitués par des matières ingérées ou par du 
mucus incolore; la bile les colore rarement. Le hoquet manque et la constipa- 
tion est la règle, contrairement à ce qui se passe dans la péritonite puerpérale 
généralisée où domine la diarrhée. 

La vessie est rarement atteinte par la péritonite, aussi la miction se fait 
naturellement et on n'est pas obligé de pratiquer le cathétérisme. Il n'existe pas 
d’albuminurie. 

Le ventre est météorisé et le météorisme est localisé à l’hypogastre. La dou- 
leur siége exclusivement dans cette mème région et son maximum se trouve sur 
l'un des côtés ou sur les bords de l'utérus. 

L'atlitude de la malade est caractéristique ; sa face exprime la souffrance; pâle 
au moment du frisson, elle s’anime à la période d’hyperthermie consécutive, 
et n'est que peu grippée. Le décubitus est semblable à celui de la péritonite 
généralisée ; la malade est couchée sur le dos, immobile, les cuisses à demi 
fléchies. 

La sécrétion lactée diminue peu en général et peut même suffire au nou- 
veau-né; si elle dimiune trop sensiblement et si les seins se flétrissent, pendant 
l'évolution fébrile, on voit le lait reparaître après le retour de l’apyrexie et la 
mère peut de nouveau allaiter son enfant. 

Les lochies diminuent et deviennent fétides au moment du développement de 
la pelvi-péritonite; la disparition de cette fétidité coïncide avec la sédation des 
symptômes graves. 

Nous décrirons avec Siredey deux formes cliniques de la maladie : la forme 
résolutive et la forme suppurée. 

1° Forme résolutive. Après une durée de 1 à 2 septenaires, la maladie 
diminue d'intensité. Cette diminution d'intensité indique l’atténuation du pro- 
cessus inflammatoire péritonéal et sa localisation à la séreuse pelvienne. Elle 
marque le début de la seconde période de la maladie, qui est caractérisé par 
l'apparition de la tumeur pelvienne. Cette seconde période n’est pas absolument 
nécessaire et peut faire complétement défaut ; la maladie se termine alors par 
résolution rapide. 

Caractère de la tumeur pelvienne. La température est tombée au-dessous de 
59 degrés, la douleur a diminué et la malade peut remuer dans son lit; il ya 
une véritable détente de la maladie. Cependant les culs-de-sac, simplement 
empätés et douloureux dans la première période de la maladie, s’indurent, 
deviennent moins profonds, s'effacent et finissent par être remplacés par une 
tumeur qui est juxtaposée à l'utérus, sans faire corps avec lui; elle est séparée 
de lui par un sillon qui établit la ligne de démarcation ; la tumeur siége d'or- 
dinaire en arrière et refoule l'utérus en avant; elle s'étend également à droite 
ou à gauche et embrasse le col comme un croissant. De volume variable, elle 
est tantôt constituée par une simple induration du diamètre du doigt à la partie 
moyenne et se terminant aux extrémités par des pointes effilées, recourbées 
comme les cornes du croissant (Siredey) ; tantôt elle est arrondie et atteint le 
volume d’un œuf, d'une orange, parfois elle peut remplir toute l’excavation. 
Elle déplace ou dévie l'utérus en différentes directions et plus ou moins suivant 
son siége et son volume; elle peut aussi faire basculer cet organe sur son axe, 
suivant qu'elle est située près du col ou près du fond utérin. 

La consistance de la tumeur est molle d’abord, c’est de l’empâtement, elle de- 
vient insensiblement plus ferme et prend même parfois la dureté d’un corps fibreux. 


PÉRITONITES. 381 


La disparition progressive des culs-de-sac ou de l’un d'eux peut aboutir à la 
formation d’une saillie qui se confond avec celle du col; quand la tumeur péri- 
utérine plonge tout autour du col, celui-ci ne peut plus être reconnu qu’à son 
orifice. 

La localisation de la tumeur d'un côté seulement étale le cul-de-sac de ce 
côté et rétrécit celui du côté opposé, par suite du refoulement de l'utérus par la 
tumeur. 

L’utérus déplacé ou dévié a perdu sa mobilité par suite de son enclavement 
dans la masse qui remplit l'excavation pelvienne. 

Dans les cas légers, la tumeur est peu considérable; elle peut même se borner 
à une simple induration de l’un des culs-de-sac; dans ces cas, la douleur et un 
certain degré de fixité de l'utérus indiquent suffisamment la pelvi-péritonite, 
mais celle-ci n’a pas franchi l'enceinte pelvienne et ne peut être constatée par 
la palpation abdominale. Mas, dans les cas ordinaires, celle-ci fournit des ren- 
seignements précieux. La tumeur dont il vient d’être question est formée à sa 
limite supérieure par l'utérus, les annexes, une portion de l'intestin et quelque- 
fois une partie de l'épiploon, réunis et soudés ensemble par des fausses mem- 
branes. Au début, la tumeur n’est pas facilement circonscrite par la main qui 
palpe, mais, dans la période de déclin de la maladie, ses limites sont nettement 
tranchées. Elle occupe tantôt un des côtés de l'hypogastre, tantôt les deux côtés. 
Elle est assez irrégulière; on peut constater des bosselures, des dépressions, des 
inégalités, en même temps que des différences de sonorité et de consistance. 
Tantôt résistante et dure, tantôt molle et dépressible, elle peut être le siége 
d’une fine crépitation ou de frottements dus aux fausses membranes, ou encore 
de gargouillements dus au mélange des gaz et des liquides dans le segment de 
l'intestin compris dans la tumeur. 

Au moment de la résolution, la tumeur hypogastrique diminue progressive- 
ment, la douleur abdominale disparait, les culs-de-sac vaginaux deviennent 
souples et mous et cessent d'être douloureux; l'utérus redevient mobile; avec 
l’apyrexie l'appétit renaît et les forces reviennent. Le retour à l'état normal 
peut être obtenu au bout de deux à trois semaines; toute la maladie a duré de 
quinze à trente-cinq jours. 

2 Forme suppurée. Après une évolution que la description des périodes 
d'augment et d'état de la forme résolutive reproduit fidèlement, la maladie, au 
lieu de tourner court au stade de résolution, subit un changement complet 
dont l’aboutissant est la formation d’un véritable abcès pelvi-péritonéal. 

Au moment où apparaît la tumeur pelvienne, la fièvre, loin de tomber, et les 
symptômes généraux, loin de s'amender et de disparaître comme dans la forme 
résolutive, se maintiennent au même degré ou même augmentent encore ; il se 
produit des frissons suivis de chaleur et de sueur, la céphalalgie reparaît, le 
visage s'anime et se colore, la langue devient plus sèche, la soif devient plus 
vive, et il se produit une diarrhée séreuse et fétide. 

La tumeur augmente de volume, elle devient plus sensible au toucher et à 
la palpation; la malade accuse des lancées vives qui apparaissent spontanément. 
Ces douleurs s’irradient vers la vessie et le rectum. 

La tumeur à ce moment devient moins dure et même peut présenter de la 
fluctuation; mais celle-ci n’est pas constante, en raison des tissus qui séparent, 
du doigt qui touche ou de la main qui palpe, la collection purulente. 

Cette collection ne peut tarder à s'ouvrir une voie au dehors. 


382 PÉRITONITES. 


Tantôt la suppuration a traversé la séreuse, le tissu cellulo-pelvien et la 
paroi vaginale, et au moment où le cul-de-sac est perforé la malade en est 
avertie par l'écoulement hors des voies génitales d’un liquide abondant, s'échap- 
pant quelquefois à flots, quelquefois goutte à goutte et dans d’autres circon- 
stances ressemblant à des flueurs blanches. Ce liquide exhale une odeur infecte ; 
il est constitué par une sérosité purulente, mal liée, renfermant de petits 
grumeaux blanchâtres. 

Quand le foyer est sur le point de s'ouvrir dans le rectum, les malades 
accusent une sensation de pesanteur et de compression du côté du ventre, du 
ténesme anal, et expulsent des matières muqueuses mêlées ou non à du sang et 
à des détritus épithélaux; cette fausse dysenterie a été décrite par Nonat sous 
le nom d’entérite glaireuse; elle précède la perforation de l'intestin; quand 
celle-ci a lieu. les malades éprouvent un besoin impérieux d'aller à la garde- 
robe et ne tardent pas à évacuer une quantité variable de pus. 

Que le pus cherche une voie en avant, du côté de la vessie, les malades ne 
tardent pas à éprouver du ténesme vésical, de la dysurie, et, quand la vessie 
est perforée, les urines deviennent purulentes et cette purulence arrive sans 
transition, sans que les urines aient été auparavant troubles, comme cela a lieu 
dans la cystite catarrhale. 

L'ouverture de l’abcès peut être suivie de la disparition complète et définitive 
de la tumeur pelvienne; dans ce cas, la durée de l’écoulement ne dépasse pas 
quelques jours. 

Mais si, pour une raison ou pour une autre, qu'il y ait une loge unique ou des 
loges multiples, les écoulements sont intermittents et se reproduisent à des 
intervalles irréguliers, ils peuvent être suivis d'une amélioration momentanée 
pouvant faire croire, chaque fois qu’elle se produit, à une guérison définitive; 
on constate cependant que cette amélioration n’est que passagère, parce que la 
tumeur persiste encore; du reste, bientôt on ne tarde pas à voir reparaitre la 
fièvre et les douleurs, l'appétit se perd de nouveau et l'amaigrissement s’accuse 
chaque jour davantage; la peau se ride, devient terreuse; la face pälit et prend 
une teinte jaunâtre, intermédiaire entre la couleur cireuse de l’anémie et la 
teinte feuille morte de la cachexie cancéreuse, que l’on peut considérer comme 
spéciale aux femmes qui présentent un foyer de suppuration intra -péritonéale 
(Siredey). 

Si le pus finit par être évacué de nouveau, une amélioration rapide en 
résulte; la poche se rétrécit, les symptômes généraux s’'amendent et la guérison 
finit par arriver après des mois ou même des années de souffrance. 

Mais la mort peut être le terme de cette suppuration prolongée, et elle arrive 
tantôt par épuisement de la malade, par l'abondance même d'une suppuration 
intarissable, tantôt par suite de l'infection du contenu de l’abcès, tantôt, quand 
il y a communication avec l'intestin, par suite d'une entérite avec diarrhée 
incoercible, tantôt par suite de phlegmon du voisinage, phlegmon du creux 
ischio-rectal, phlegmon des diverses parties du tissu cellulaire sous-péritonéal. 

Tantôt aussi les matières fécales pénètrent dans le foyer, d’où inflammation 
gangréneuse des plus graves et septicémie aiguë rapidement mortelle. Tantôt, 
s'il y a une perforation de la vessie et s’il s’est produit consécutivement une 
cystite, l'inflammation se propage aux uretères, au bassinet, au parenchyme 
rénal, et la malade succombe aux progrès d’une pyélo-néphrite. 

Les malades condamnées à un repos prolongé au lit, vivant dans une atmo- 


PÉRITONITES. 585- 


sphère vicieuse, tombent dans un état de misère physiologique, sont aptes à 
contracter la phthisie pulmonaire, et en effet on voit souvent cétte dernière 
maladie venir mettre, après bien des péripéties, un terme aux souffrances des 
malheureuses qui, au moment de l'accouchement, avaient les poumons intacts. 

La maladie dure en moyenne de quatre à six semaines dans les cas favorables ; 
la suppuration prolongée prolonge la maladie pendant plusieurs mois et même 
pendant des années. 

Trairemenr. Le traitement médical de la pelvi-péritonite localisée sera celui 
que l’on dirige contre la péritonite puerpérale généralisée. Il réussira surtout 
dans les formes simples; peut-être empêchera-t-il la maladie de se transformer 
en péritonite suppurée. 

Celle-ci une fois déclarée, il importe d'intervenir chirurgicalement; s'il se fait 
une ouverture spontanée de l’abcès pelvien, on attendra et, si l'évacuation se fait 
bien, on se contentera de l'expectation et de quelques lavages antiseptiques du 
vagin, du rectum ou de la vessie. 

Si l'écoulement se fait mal, si les symptômes généraux persistent, ou si 
l'ouverture ne se fait pas spontanément, on traitera la collection purulente par 
la ponction simple, l’incision au bistouri et le drainage. 

B. Pelvi-péritonite blennorrhagique.  Non-seulement cette variété de pelvi- 
péritonite existe, mais encore elle est loin d’être rare. Soupçonnées par Hunter 
et Baumès, signalées par Vidal, Ricord, Cullerier, Tilt, West, Acton, Langston, 
Parker, Tyler, Smitts, de Méric, Mercier, Taylor, les complications péritonéales 
de la blennorrhagie chez la femme ne sont réellement connues que depuis les 
remarquables travaux de Bernutz et Goupil. Bernutz en rapporte 28 cas dans 
son Traité de la pelvi-péritonite. Nous pouvons ajouter foi à la statistique de 
cet observateur si consciencieux, tandis qu'il nous est difficile d'aller aussi loin 
que Nôggerathe, qui attribue toutes les inflammations du bassin des jeunes 
femmes aux blennorrhées uréthrales de leurs maris, blennorrhées guéries depuis 
de longues années, 

Dans les rares autopsies de pelvi-péritonite blennorrhagique qui ont pu être 
pratiquées, on a observé presque constamment la continuité des lésions, du col 
de l’utérus à l'ovaire. L'ovarite isolée, décrite par Ricord, nous semble difficile 
à admettre. Pendant notre internat à l’hôpital de Lourcine, en 1869, nous 
avons recueilli dans le service de M. le professor Fournier l'observation d'une 
malade âgée de 19 ans, entrée pour une vaginite compliquée d'un écoulement 
purulent du col, et qui succomba à une pelvi-péritonite. Il y avait du pus dans 
le petit bassin et des adhérences nombreuses entre la vessie, l'utérus, les liga- 
ments larges et les anses intestinales voisines. Il y avait plusieurs petits abcès 
sur les parois de la trompe gauche et l'ovaire de ce côté, bien que de volume 
normal, était enveloppé de pus et de fausses membranes. 

Par quel mécanisme se produit la pelvi-péritonite de la blennorrhagie ? Est-ce, 
comme le pensent Bernutz, Bandl, Diday, par la propagation de la vaginite 
blennorrhagique au col, à la muqueuse du corps utérin, aux trompes et à 
l'ovaire ? 

Est-ce par une localisation spéciale de la blennorrhagie sur l'ovaire, sans 
inflammation préalable des organes qui mettent l'ovaire en rapport plus ou 
moins indirect avec le vagin? N'est-ce pas plutôt une migration des micrococques 
de Neisser à travers les lymphatiques jusque dans le réseau sous-péritonéal qui 
s'enflamme et transmet son inflammation à la séreuse, véritable /ymphangite 


384 PÉRITONITES. 


blennorrhagique? Il est difficile de trancher la question, et cependant, par 
analogie avec ce qui se passe et ce qui est démontré pour la péritonite puer- 
pérale, nous penchons vers cette dernière hypothèse. 

La première opinion a sans doute pour elle l'existence de la métrite interne, 
complication assez fréquente de la blennorrhagie; « quand la blennorrhagie, dit 
le savant médecin lyonnais, s'est étendue de proche en proche jusqu'au corps 
de l'utérus, inflammation peut donner lieu à la pelvi-péritonite, complication 
très-fréquente et singulièrement pénible. Localisée aux fosses iliaques ou gagnant 
tout le petit bassin, cette péritonite éveille des douleurs d’abord obtuses, puis 
très-vives, exaspérées par la pression, par les mouvements, par chaque retour 
des règles, passant quelquefois presque soudainement d’un côté à l'autre, s'ac- 
compagnant, comme la péritonite ordinaire, de frissons, de fièvre, de vomisse- 
ments, de dépression des forces. Elle marche généralement vers la résolution, 
mais, si une imprudence — et quelles et combien ne menacent pas cette région 
et cet organe — vient entraver cette évolution favorable, une série de rechutes 
de plus en plus faciles à naître et lentes à se dissiper condamnent la malade à 
une impotence partielle. Et les adhérences diverses, les oblitérations des trompes, 
la stérilité, la dysménorrhée, qui en résultent, sont les suites toujours graves, 
parfois aussi impossibles à guérir qu'à prévenir, de ce qui, dans le principe, 
n’a été considéré et trop souvent traité que comme un simple échauffement 
(Diday, Prat. des mal. vén., 1886). 

Quant à la seconde hypothèse, elle peut être soutenue, mais quant à la 
démonstration, c'est autre chose. 

La propagation par les lymphatiques au contraire peut très-bien se soutenir, 
que l'inflammation lymphatique parte du cul-de-sac ou du corps; de même que la 
lymphangite puerpérale peut aboutir à la pelvi-péritonite puerpérale, de même 
la lymphangite blennorrhagique aboutirait à la pelvi-péritonite blennorrhagique. 
Naturellement cette manière de voir demande à être confirmée, sinon par des 
autopsies, du moins par un examen clinique minutieux; la preuve serait faite, 
si on pouvait observer un cas de pelvi-péritonite avec lésion du col utérin. sans 
inflammation de la muqueuse du corps. 

La pelvi-péritonite survient en général après le 4° ou le 5° septenaire de la 
blennorrhagie, rarement avant le 2° septenaire. 

Elle se développe chez les femmes qui se fatiguent beaucoup, surtout chez 
celles qui, pendant la période aiguë, se livrent à un coït immodéré. 

Trarremenr. Elle ne présente pas d'indication spéciale. 

C. Pelvi-péritonite traumatique. Toute violence exercée sur l'utérus ou 
les autres parties de l'appareil génital constitue un traumatisme, qu'il y ait excès 
de coït, application brutale d'un spéculum ou d'un pessaire, cathélérisme 
utérin, administration d'une douche vaginale violente, etc. 

Ces causes variées, qui aboutissent toutes au même effet, peuvent-elles pro- 
duire la pelvi-péritonite chez une femme dont le péritoine pelvien est absolu- 
ment intact ? 

Nous ne saurions l'affirmer, mais celui-ci peut être déjà enflammé par une 
autre cause; et de même que la simple fluxion cataméniale est souvent la cause 
d’une recrudescence d'inflammation pelvienne, de même le traumatisme peut 
réveiller une pelvi-péritonite ancienne, qu'il s'agisse d’un processus chronique 
ou subaigu, et la faire passer momentanément, mais presque subitement, à 
l'état aigu. 


PÉRITONITES. 385 


On reconnaît qu'il s’agit d'une pelvi-péritonite traumatique en voyant après 
l'action du traumatisme, et en dehors de toute autre cause, les symptômes aigus 
éclater avec plus ou moins de violence. Bernutz cite des observations qui parais- 
sent se rapporter exclusivement à une cause traumatique. La maladie peut dans 
certains cas affecter une forme suraiguë, et se terminer rapidement par la mort; 
dans d'autres cas, l'imflammation se modère, puis se calme; il ne reste que 
quelques néomembranes de plus autour de l'utérus ou de ses annexes et la 
malade peut se considérer comme guérie. Mais alors, par suite de la présence de 
ces néomembranes, par suite aussi d'une certaine fixité de l'utérus, le coït cesse 
d'être une fonclion normale. Traumatisme léger, quand 1l s’accomplit avec modé- 
ration, il constitue, si le rapprochement des sexes déchaîne des passions violentes, 
un véritable danger pour les organes pelviens de la femme. Dans ces conditions, 
le col ne peut pas, en se déplaçant, se soustraire aux violences qui l’ébranlent; 
il est aussi immobile que le reste de l'utérus; c'est ainsi qu'il reçoit tout le 
choc et qu'il renvoie au péritoine déjà enflammé la violence telle qu'elle s’est 
exercée sur lui. 

Le plus souvent la pelvi-péritonite reste adhésive; de nouveaux exsudats 
bientôt résorbés et remplacés par des néomembranes récentes s'ajoutent aux 
néomembranes anciennes, mais parfois il peut se développer un processus aigu 
qui aboutit à la suppuration. 

Le coït donne à la pelvi-péritonite qu'il engendre et qu'il perpétue en la 
faisant passer de temps en temps à l'état aigu une physionomie spéciale. Les 
malades éprouvent dans le bas-ventre des douleurs qui s'exaspèrent pendant la 
marche ou à la suite de fatigues, de station debout ou de rapprochements 
sexuels. Ces symptômes doivent attirer l'attention de l'homme de l'art, qui devra 
rechercher si l'utérus est mobile et les culs-de-sac souples, ou bien si l'utérus 
est fixe, immobilisé en quelque sorte au milieu des culs-de-sac indurés, épaissis, 
plus ou moins douloureux. Quand les symptômes d'acuité déterminés par le 
coit se développent, ils sont les mêmes que ceux que nous avons décrits dans la 
pelvi-péritonile aiguë en général. 

En résumant ce qui précède, nous voyons que tout traumatisme peut jouer. 
un rôle dans le développement des inflammations de la séreuse pelvienne, mais 
que le coït joue le rôle principal et surtout dans ces formes de pelvi-péritonite 
adhésive à poussées aiguës multiples. 

Aussi les auteurs ont-ils donné à cette forme le nom de pelvi-péritonite balis- 
tique, crapulense ou congressive. 

Durée ET Pronostic. La durée de la pelvi-péritonite traumatique est la 
même que celle de toute pelvi-péritonile adhésive; le pronostic est générale- 
ment favorable, sauf dans certains cas de perforation de l'utérus où la maladie 
s’est lerminée par la mort. Dans la périlonite congressive, le pronostic dépendra 
de la docilité des malades et de leur soumission à la règle qui prescrit la con- 
tinence absolue. 

TrairemenT. Mème traitement que dans la pelvi-péritonite aiguë; outre le 
traitement médical, on exigera des malades le traitement causal, c'est-à-dire la 
suppression complète des relations sexuelles. 

D. Pelvi-péritonite menstruelle. De mème que nous admettons l'existence 
d'une pelvi-péritonite crapulceuse, congressive, due au coït, de même nous 
pouvons admettre celle de la pelvi-péritonite menstruelle. Celle-ci, disons-le 
tout de suite, n’est qu'une pelvi-péritonite ordinaire, ne se distinguant des 


DICT. ENC. 2° s. XXII. ; 25 


386 PÉRITONITES. 


autres que par l’action néfaste que produit une fonction physiologique sur le 
péritoine pelvien enflammé. 

La menstruation ne peut être bien mise en cause que si l’on voit l'inflamma- 
tion se manifester une première fois ou s'exaspérer dans la suite, au moment 
d’une période cataméniale. 

Voici en général ce qui se passe : à la suite d’un refroidissement, d’une 
émotion ou d’un traumatisme (examen au spéculum, cautérisation, coït) pendant 
l’époque menstruelle, la femme voit ses règles diminuer ou se supprimer; en 
même temps éclatent les symptômes d’une pelvi-péritonite aiguë, avec formation 
de la tumeur périutérine qui simule alors l'hématocèle. Dans ces cas, il s’agit 
bien d'une pelvi-péritonite, de phénomènes inflammatoires précédant la forma- 
tion de l’épanchement. On peut se demander alors si la pelvi-péritonite a passé 
de la simple hyperémie menstruelle à la congestion inflammatoire de la séreuse 
pelvienne, ou bien si le refroidissement, l'impression morale ou le traumatisme, 
ne sont pas suivis immédiatement de l'écoulement dans le péritoine pelvien d’une 
quantité de sang trop faible pour constituer un hématocèle, suffisante cependant 
pour enflammer le revêtement séreux du petit bassin. La forme de la maladie 
peut être très-aiguë et aussi grave que la pelvi-péritonite puerpérale; générale- 
ment elle est moins aiguë, elle peut même être caractérisée par une double 
évolution, aiguë au moment des règles par recrudescence de l'inflammation, 
latente dans la période intermenstrnelle par sédation des phénomènes aigus. 
Cette seconde évolution peut aboutir à la production d’une hématocèle secon . 
daire, par suite de vascularisation des néomembranes, ainsi que nous le verrons 
quand nous parlerons de la pachypelvi-péritonite hémorrhagique. 

TrarremenT. L'indication principale de Ja pelvi-péritonite menstruelle con- 
siste dans le repos au lit, et la suppression des causes qui prédisposent aux 
poussées aiguës. Le traitement symptomatique sera du reste le même que dans 
les autres pelvi-péritonites aiguës. 

2 I. Pervi-péritTonITES SuBalGuËs. À. Simple. Cette forme se rencontre 
à la suite de la puerpéralité, et en dehors de cet état. Elle est caractérisée par 
un exsudat séreux ou purulent; elle affecte une évolution prolongée, chronique, 
avec poussées aiguës plus ou moins nombreuses. 

B. Hémorrhagique. La pelvi-péritonite peut, comme la méningite, comme 
la pleurésie, comme la péritonite elle-même, aboutir à la formation de néo- 
membranes, et ces néomembranes très-vasculaires deviennent le siége de suffu- 
sions sanguines dans leur épaisseur et d’hémorrhagies à leur surface. Le sang, 
en s’épanchant dans la cavité enkystée de la pelvi-péritonite, forme un hématome 
intra-périlonéal, une hématocèle ; en s'épanchant dans l'épaisseur des membranes, 
un hématome interstitiel. 

Longtemps, sous l'influence des premières autopsies d'hématocèle, on a admis 
que celle-ci était toujours primitive, et que la péritonite était secondaire. 

Cette opinion était exagérée et les cas ne sont pas rares où la pelvi-péritonite 
est primitive et l'hématocèle secon daire. 

C’est Ferber (Arch. der Heilkunde, 1862) qui expose le premier cette manière 
de voir, mais en soutenant que l'hématocèle est toujours précédée de pelvi- 
péritonite, Virchow, moins exclusif (Path. des tumeurs, 1865), établit la possi- 
bilité de la pachypelvi-péritonite hémorrhagique, mais sa description, ainsi que 
l’établit Bernutz en 1880 et 1884, ne se rapporte qu'aux hématomes interstitiels. 
En France Bernutz, Courty, en Augleterre West (Traité des mal. des femmes, 


PÉRITONITES. 387 


1870), en Amérique et même en Allemagne, on s’en tient à la théorie de l'hé- 
matocèle primitive. En 4873, Fritsch ne l'admet que pour quelques cas scule- 
ment (Die retro-uterine Hematocele. Leipzig, 1873). 

Cependant Cornil et Ranvier (Manuel d'hist. path., 1876) admettent que la 
pelvi-péritonite hémorrhagique peut engendrer une variété d'hématocèle rétro- 
utérine, et J. Besnier établit que cette pelvi-péritonite est fréquente comparée 
aux autres causes de l'hématocèle. 

Le remarquable mémoire que cet auteur a publié dans les Annales de gyné- 
cologie en 1877 a fait faire un grand pas à la question. Besnier relate une 
observation princeps où il a suivi pas à pas et jour par jour sa malade. Il à vu, 
à la suite d’un avortement au troisième mois de la grossesse, compliqué de 
rétention du placenta, se produire d’abord une métro-péritonite, puis il a assisté 
au développement d'une hématocèle suivie d’une ouverture spontanée de la 
collection sanguine et terminée au bout de quatre-vingts jours par la guérison. 

Reprenant les observations de Bernutz, il a pensé que sur les 32 observations 
de cet auteur 21 fois l'hématocèle devait être rapportée à une pelvi-péritonite 
préexistante. 

Et en effet, pour lui, il y a deux formes cliniques d'hématocèle : celles qui 
débutent brusquement au milieu d'une bonne santé et se compliquent d'une 
péritonite aiguë ou suraiguë rapidement mortelle, et celles qui, après un état 
de malaise antérieur, peuvent sans doute se développer brusquement, mais ont 
une marche bénigne et aboutissent ordinairement à la guérison. 

Dans le premier cas, le sang s’épanche dans le péritoine et, ne rencontrant 
pas d'cbstacle, amène une inflammation plus ou moins étendue de la séreuse; 
dans ce cas, l'absence d’adhérences fait la gravité de l’hématocèle. Dans le 
second cas, le sang s'épanche dans une cavité limitée par des adhérences préa- 
lablement établies. Ces adhérences non-seulement limitent l’épanchement, mais 
encore et surtout protégent la grande cavité péritonéale. 

Le travail de J. Besnier a porté ses fruits. Bernutz (Arch. de tocologie, 1880), 
reprenant son étude sur l'hématocèle utérine, cherche à montrer la fréquence 
relative de la pachypelvi-péritonite hémorrhagique. Sans convenir que les 21 cas 
d'hématocèle de son premier travail, déclarés par Besnier d’origine péritonéale, 
rentrent dans ce premier groupe morbide, Bernutz cite 5 observations types 
qui, pour lui, prouvent d’une manière irréfutable que l'hématocèle peut être 
secondaire à une pachypelvi-péritonite. 

Ce sont : 4° l’observation de Bouvyer et Blot (Bull. de la Soc. anat., 1855) 
suivie d’autopsie; 2 et 3° deux observations personnelles recueillies en 1874 
et en 1878; 4° l'observation princeps de J. Besnier; 5° une observation per- 
sonnelle citée déjà dans sa clinique, et datant de 1856. 

Bernutz pense que ces quelques faits autorisent aujourd'hui à dire que les 
hématocèles symptomatiques de pelvi-péritonite non-seulement ne sont pas 
exceptionnelles, mais qu’elles sont assez fréquentes et qu'elles paraîtront l'être 
plus encore, quand on cherchera à déterminer avec plus de soin qu'on ne l'a 
fait jusqu'ici si la production de l’hématocèle n’a pas été précédée d'un travail 
morbide plus ou moins fruste de la séreuse pelvienne. 

Dans un travail plus récent (Arch. de tocologie, 1884 et 1885), Bernutz 
revient sur ce sujet et, dans cette étude sur le mécanisme de l’hématocèle utérine, 
il rapporte un nouveau cas d'hématocèle liée à la pachypelvi-péritonite qu'il a 
observé en 1881. Mais il montre que l'hématocèle due à la pachypelvi-péritonite 


288 PÉRITONITES. 


préexistante doit être distinguée de l’hématocèle qui se fait dans une cavité 
` préalablement cloïisonnée par une ancienne pelvi-péritonite sans formation 
néo-membraneuse, et par régurgitation du sang des trompes ulérines. Dans 
ce dernier cas, non -seulement on ne trouve pas de néomembranes, mais de 
plus on constate, à l'autopsie, associée à un hématome préalablement cloi- 
sonné, la réplétion sanguine soit de deux trompes, soit d’un seul des oviductes. 
Cette disposition des trompes fait défaut dans la pachypelvi-périlonite hémor- 
rhagique. 

ETIOLOGIE ET PATHOGÉNIE. La pachypelvi-péritonite hémorrhagique offre à 
considérer trois éléments spéciaux : la pelvi-péritonite, la néo-membrane et lhé- 
matocèle, et deux variétés tout à fait distinctes : l'hématome intra-péritonéal et 
l’hématome interstitiel. 

La pelvi-péritonite peut être puerpérale, suite d'un avortement ou d'un accou- 
chement antérieur; elle est plus fréquemment menstruelle, mais clle peut 
aussi être d'origine blennorrhagique, crapuleuse, traumatique, etc. 

Celle-ci une fois produite, pourquoi devient-elle néomembrancuse ? 

C'est dans la marche subaiguë de la pelvi-péritonite qu'il faut chercher la 
cause qui suscite les néomembranes et leur vascularisation; c'est le retentis- 
sement, sur le péritoine pelvien enflammé, de tous les troubles fonctionnels si 
fréquents de l'appareil génital interne, qui entretient l'inflammation, greffe sur 
celle-ci de nouvelles inflammations presque journalières, et aboutit à la formation 
des néomembranes vasculaires. 

Quant à l'hématome, il est consécutif tantôt à la pachypelvi-péritonite 
subaiguë et survient dans le cours, parfois même le décours de cette maladie. 
Ces hématocèles se forment rapidement et sont d'emblée volumineuses ; à ce 
mécanisme doivent être rapportés les faits publiés par J. Besnier et Bernutz; ils 
ne rentrent pas dans la théorie de Virchow; tantôt et plas rarement l'hématome 
est conséculif à une pachypelvi-péritonite chronique hémorrhagipare, localisée 
à la paroi postérieure de l'utérus, à évolution lente, intermittente, à forme 
symptomatologique fruste, et par conséquent restée jusqu’à ce jour indéter- 
minée, à constitution anatomique identique à celle des hématomes méningés 
symptomatiques de pachyméningite, qui est toute différente de la constitution 
anatomique qu'on observe dans l'hématocèle utérine, dans laqueile l’extravasa- 
tion a pour siége la cavité péritonéale elle-même incrustée de néomembranes. 
Ces hématocèles se font dans l'épaisseur de la néo-membrane ; ce sont des héma- 
tomes intra-néomembraneux ; ils se forment lentement, sont peu volumineux ou 
n’atteienent un grand volume que longtemps après le développement de l’héma- 
tocèle ; ils rentrent dans la théorie de Virchow ; leur histoire clinique est com- 
plétement à faire. 

Dans le premier cas, c'est-à-dire dans la pachypelvi-péritonite subaiguë. 
l'hémorrhagie, se faisant à la surface des néomembranes, est intra-périto- 
néale. Dans le second cas, c'est-à-dire dans la pachypelvi-péritonite chronique, 
l'hémorrhagie se fait entre les lamelles de la néomembrane; elle est inter- 
stitielle. 

L'hématocèle a pour cause déterminante la menstruation. Elle se produit à une 
époque calaméniale, ainsi que cela ressort de la plupart des observaticns citées 
par Bernutz ; si dans l’une d'elles cette détermination n'a pu être faite, c'est que 
la pelvi-péritonite était d'origine puerpérale et les règles étaient supprimées. 

Quant à l’hématome de Virchow, son étiologie ni son histoire clinique ne sont 


PÉRITONITES. 389 


connues ; il est cependant probable que les recrudescences hémorrhagiques se 
font aux époques menstruelles. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. 1° Pachypelvi-péritonite subaiguë. La caracté- 
ristique de cette pachypelvi-péritonite hémorrhagique, c’est d’être bien enkystée. 
Les parois sont formées par des néomembranes plus ou moins épaisses; simples 
et minces, elles sont formées d’une seule couche ; épaisses, elles sont constituées 
par des feuillets superposés, séparés par du sang épanché en pelite quantité; 
le tissu embryonnaire qui les compose est infiltré de globules rouges. La surface 
des néomembranes est d'un brun noirâtre ; le sang épanché a le même aspect 
et remplit l’espace compris entre les membranes d'enkystement. Le plus sou- 
vent l'hématocèle est rétro-utérine, mais on conçoit que son siége par rapport 
aux organes pelviens dépende de la disposition des adhérences créées par la pelvi- 
péritonite. La tumeur sanguine présente des inégalités qui reflètent la dispo- 
sition variable des parois d'enkystement, caractère qui distingue l'hématocèle 
de la pachypelvi-péritonite, de l'hématocèle primitive dans laquelle, l’épanche- 
ment sanguin se faisant librement dans le petit bassin, la tumeur est égale des 
deux côtés, du moins à son début; caractère qui peut toutefois la faire confondre 
avec l'hématocèle primitive qui se fait par régurgitation de sang par les trompes 
dans une cavité pelvienne cloisonnée préalablement par une ancienne pelvi- 
péritonite simple, sans néomembranes. 

Les trompes, ainsi que les autres organes pelviens, ne présentent pas de traces 
de lésions récentes. 

On voit parfois coexister avec l'hématome des abcès pelviens cloisonnés 
comme lui, et qui sont liés à des processus aigus de pelvi-péritonite dans cer- 
taines loges où ne se trouvaient pas de néomembranes. 

La poche qui contient l’hématocèle peut suppurer, mais alors le pus n'est 
pas pur, il existe à l'état de mélange avec le sang. 

2° Pachypelvi-peritonite chronique hémorrhagique de Virchow. La 
séreuse rétro-utérine présente une série de plaques stratifiées, d’une vasculari- 
sation remarquable, qui se développent successivement et s’épaississent, en 
même temps que s'épanchent entre les lamelles qui les constituent des extrava- 
sations sanguines peu abondantes, mais qui se renouvellent fréquemment. Elles 
forment ainsi des kystes sanguins interstitiels aux néomembranes, qui finissent, 
en augmentant de volume, mais surtout de nombre, par remplir plus ou moins 
complétement la cavité pelvienne. Ces hématomes sont intra-néomembraneux 
au lieu d'être véritablement intra-péritonéaux, comme ceux qui résultent d’une 
pelvi-péritonite subaiguë. 

SYMPTOMATOLOGIE. 4° Pachypelvi-péritonite subaiguë avec  hématocèle 
intra-péritonéale. La pachypelvi-péritonite hémorrhagique présente deux 
phases qui ont chacune leur symptomatologie propre. 

2 1. Dans la phase péritonitique, le début peut être insidieux, et ressembler à 
celui de m'importe quelle affection abdominale; 1l peut même échapper plus ou 
moins au médecin et celui-ci ne voit d’abord que l'hématocèle à début brusque 
qu'il pourra prendre pour une hématocèle primitive. 

Quand la pelvi-péritonite est manifeste, elle se traduit par ses symptômes 
ordinaires, et voici ce que l’on observe en semblable circonstance : les malades 
éprouvent, pendant un espace de temps qui peut durer en moyenne de quinze 
jours à un mois, parfois deux mois, parfois plus, des douleurs persistantes dans 
le bas-ventre; ces douleurs s’accompagnent de gêne dans la station, et pendant 


390 PÉRITONITES 


la marche de fièvre plus ou moins vive, quelquefois de vomissements. Il existe 
des troubles de la menstruation ; les règles se suppriment ou au contraire il 
y a des métrorrhagies. 

Les malades ne sont pas arrêtées dans leurs occupations ou ne le sont que dans 
les premiers jours, et au moment des poussées inflammatoires. Aussi peuvent- 
elles vaquer à moitié aux soins du ménage. 

Les accidents marchent par saccades, présentent des recrudescences jusqu’au 
jour où une aggravation plus sensible oblige les malades à faire venir l’homme 
de l’art ou à entrer à l'hôpital. 

Si alors on procède à l'examen, on constate les seuls signes physiques de la 
pelvi- péritonite et au toucher on trouve les culs-de-sac parfaitement libres. 
C'est que l'hématocèle n'est pas encore constituée. 

8 IL. Dans la seconde phase, l’hématocèle préparée, de longue main, par la 
pelvi-péritonite, se constitue rapidement, en se révélant par des symptômes qui 
effacent complétement ceux de la pelvi-péritonite. Néanmoins, malgré la véritable 
hémorrhagie interne qui se produit, il n’y a pas d'état syncopal, comme dans les 
cas d'hématocèle primitive; c'est que l'hémorrhagie est restreinte; le facies 
anémié, mais non exsangue, est plus ou moins grippé, ce qui résulte de la pelvi- 
péritonite subaiguë. 

L'hématocèle débute par des douleurs abdominales vives, localisées surtout 
dans le bas-ventre qui est tendu, ballonné, très-sensible au moindre mouvement 
et à la moindre pression; la malade est obligée de garder le décubitus dorsal, 
malgré l'anxiété plus ou moins vive, les nausées, les régurgitations ou les 
vomissements auxquels elle est en proie; la constipation devient opiniâtre, il 
peut se produire tantôt du ténesme rectal, tantôt du ténesme vésical avec 
strangurie. 

La région hypogastrique, dont l'exploration est plus ou moins difficile,-est le 
siége d'une tumeur plus ou moins volumineuse suivant les cas, rénitente, mate à la 
percussion, qu'on sent émerger du bassin et qui fait corps avec la base de la tumeur, 
le plus souvent rétro-utérine, que fait constater le toucher vaginal et rectal. 

Cette tumeur présente le plus ordinairement tous les caractères classiques 
assignés aux hématocèles rétro-utérines, que nous n’avons pas à rappeler ici; mais 
souvent aussi ces caractères ne sont pas absolument purs; la tumeur hypogas- 
trique n'est pas exactement médiane, elle est plus ou moins latérale, elle peut 
être même anté-utérine; ces anomalies dans la configuration et le siége de 
l'hématome, qui peuvent varier dans chaque cas, sont le fait de la préexistence 
à l'hémorrhagie intra-pelvienne, des néomembranes qui cloisonnent plus ou 
moins complétement l’excavation pelvienne. 

L’hématocèle se constitue pour ainsi dire en quelques heures; en tout cas elle 
ne met pas trois jours à se constituer, comme l'hématocèle primitive, ainsi que 
l'a établi Bernutz (art. Héwarocèze du Dict. de méd. et de chir. prat.). 

Elle forme une tumeur peu fluctuante, parfois même très-dure, ce qui est dù à 
l'épaisseur plus ou moins grande des néomembranes et à la tension de la cavité 
d’enkystement par le sang même resté fluide. 

A l'inverse de ce qui se passe dans l’hématocèle primitive, surtout dans celle 
qui est due à la rupture d’une grossesse extra-utérine ou à l'atrésie du conduit 
utéro-tubaire, l'hématocèle de la pachypelvi-péritonite peut s'accompagner de 
métrorrhagies. La malade a un écoulement sanguin par la vulve, elle peut même 
rendre des caillots. 


PÉRITONITES. 391 


Les jours qui suivent la formation de l'hématocèle, la température peut rester 
apyrélique, mais il peut y avoir de la fièvre ct des sueurs, qui sont moins le 
fait de la production de l'hématocèle, que la conséquence d’autres processus 
inflammatoires se passant dans des loges voisines de la loge hématique et qui 
sont dus à des recrudescences de la pelvi-périlonite subaiguë elle-même. Il n'est 
pas rare, en effet, de voir se former des abcès pelviens enkystés qui peuvent plus 
tard se vider par le vagin ou le rectum absolument comme l’hématome lui-même. 
Dans quelques cas, l’hématome s'enflamme, suppure, et alors la poche ouverte 
laisse écouler un mélange de sang et de pus. 

Le plus ordinairement l’hématocèle bien limitée et évoluant seule se termine 
par résolution : le sérum se résorbe le premier, la fibrine ensuite. Par le toucher 
vaginal et par la palpation hypogastrique, on peut constater la diminution pro- 
gressive et la disparition totale de l'hématocèle. 

2° Pachypelvi-périlonite chronique, avec hématome interstitiel. La marche 
de cette maladie est indéterminée ; cette lésion trouvée à l'autopsie est d’ailleurs 
une rareté pathologique. Comme elle procède par petites hémorrhagies dans 
l'épaisseur du feuillet de la néomembrane, elle est restée longtemps méconnue. 
Elle reste fruste, comme le fait remarquer Bernutz, tant que la tumeur hématique 
est peu considérable, mais, quand cette succession d’hémorrhagies aura constitué 
une tumeur notable, elle pourra présenter les mêmes caractères que l'hémato- 
cèle par pelvi-péritonite subaiguë ; il sera toujours facile de l'en différencier, 
par sa marche lente, chronique, et par l'augmentation progressive de la tumeur 
hématique. 

Proxosric. La mort peut survenir par la transformation de la poche héma- 
tique en cavité suppurante d'où accidents de septicémie; elle peut aussi se 
rattacher à la suppuration d'autres loges pelviennes et dépendre, non plus de 
l'hématocèle, mais de la pelvi-péritonite. 

La guérison est la règle, et l'affection a un caractère de bénignité sur lequel 
ont insisté J. Besnier et Bernutz. 

TratTEMENT. La pelvi-péritonite sera traitée par les moyens ordinaires. Quant 
à l'hématocèle, son enkystement, en limitant le volume de la tumeur et en 
l'empêchant d'agir sur le reste de la séreuse péritonéale, commande une théra- 
peutique peu active. 

Il est cependant des cas où l’on sera tenu de faire la ponction ou l'incision 
de l’hématome, surtout s’il y à des accidents de compression, ou de seplicémie, 
par suite de la suppuration de la poche hématique ou de poches voisines enflam- 
mées par une recrudescence du processus de pelvi-péritonite. 

Parfois on verra la poche se vider d'elle-même par le rectum ou le vagin ; 
‘dans ces conditions on se bornera à faire de l’antisepsie. 

2 II. Pevvi-périronITES chroniques. A. Simples. Nous avons déjà indiqué 
ce qui se passe quand la pelvipéritonite aiguë passe à l’état chronique. Nous ne 
voulons décrire ici que la forme de pelvi-péritonite chronique d'emblée. 

Ses lésions sont connues et nous n'y insisterons pas; sa symptomatologie 
mérite une mention spéciale, en raison même de la marche insidieuse de la 
maladie. 

Dans une première phase, les malades se plaignent de douleurs dans les reins, 
dans le bas-ventre, de pesanteur pelvienne, d'élancements pendant ou après la 
marche et la station debout prolonsée; elles ont un flux leucorrhéique, de 
petites perles sanguines, des écoulements purulents et des troubles de la mens- 


392 PÉRITONITES. 


truation; tantôt l'époque cataméniale s'accompagne de phénomènes douloureux 
locaux et d’un état nerveux général, tantôt les règles avancent, tantôt elles retar- 
dent, tantôt le sang coule abondamment, tantôt au contraire l'écoulement est 
notablement diminué. Que diagnostiquer en présence de ces symptômes”? Tout, 
sauf la pelvi-péritonite, tant qu'on n'en coustatera pas les signes physiques du 
côté de l'utérus et de ses annexes. 

Dans une seconde phase, le toucher fera reconnaître une induration péri- 
utérine, se présentant tantôt sous la forme d'une noisette, d’un œuf, d’une 
orange, tantôt sous celle d'un croissant (Siredey) entourant plus ou mois com- 
plétement le col. Peu à peu la tumeur grandira et deviendra même perceptible 
à la palpation de l'abdomen. L'utérus sera alors fixe et maintenu immobile par 
les néoformalions membraneuses et les exsudats. 

Dans les cas types, on pourra observer ces deux stades de la maladie, auxquels 
succédera un troisième stade qui, suivant les cas, conduira à la résolution com- 
plète ou à la persistance de lésions avec leur conséquence. 

Mais le plus souvent l’évolution chronique sera modifiée par l'apparition de 
poussées plus ou moins aiguës dues à des causes variées, crises passagères qui 
auront les allures de la pelvi-péritonite aiguë et qui, ainsi que cette dernière, 
pourront se terminer par résolution ou par suppuralion. 

B. Hémorrhagiques. Cette variété a été étudiée avec la pachypelvi-péritonite 
subaiguë sous le nom de pachypelvi-péritonite chronique avec hématome (de 
Virchow). Nous renvoyons à cette description. 

C. Consécutive aux tumeurs pelviennes. Les tumeurs pelviennes sous-péri- 
tonéales sollicitent, par les modifications dont elles sont le siége, dans le cours 
de leur évolution, des inflammations du feuillet péritonéal qui les recouvre; 
linflammation peut être aiguë et même accompagnée de suppuration; le plus 
souvent cependant l'inflammation est chronique; elle se borne parfois à un 
simple épaississement de la séreuse qui constitue le revêtement de la tumeur; 
parfois l'irritation s'étend à une plus ou moins grande partie de la séreuse du 
petit bassin et donne lieu à la formation de fausses membranes rapidement 
organisées, d'adhérences entre l'utérus et ses annexes d'une part, et la paroi 
pelvienne ou les organes voisins, vessie et inteslin, d'autre part. 

Ces pelvi-péritonites sont surtout connues du chirurgien, pour qui elles sont 
une source de difficultés lors de l’extirpation des tumeurs, kystes ovariques, 
tumeurs fibreuses de l'utérus, etc. En effet, pour enlever ces tumeurs il faut 
sectionner les adhérences constituées par des brides souvent très-vasculaires, 
d'où des hémorrhagies pendant ou après l'opération; ces brides peuvent être 
aussi ou très-épaisses, ou très-étendues, d'où difficultés dans l'isolement de la 
tumeur qu'il s'agit d'extirper. 

Sur celte variélé de pelvi-péritonite peuvent également se greffer des poussées 
aiguës qui, ou bien étendent le champ du processus inflammatoire, ou bien 
ajoutent aux néomembranes anciennes de nouvelles néomembranes. 

Le cancer de la vessie, celui du rectum, les rétrécissements de cet organe, peù- 
vent également donner lieu à la pelvi-péritonite chronique. 

D. Pelvi-peritonite tuberculeuse. Nous renvoyons le lecteur à l’article 
Périlonite tuberculeuse. ts 

IV. Pérrroxires sPéctriques. Nous désignons, sous ce nom, les inflamma- 
tions péritonéales qui sont caractérisées par la présence, dans l'épaisseur de la 
séreuse, de produits distincts de l inflammation ; tels sont les produits tuber- 


PÉRITONITES. 393 


culeux, cancéreux, syphilitiques ; les lésions inflammamatoires qui les accom- 
pagnent sont d'ailleurs les mêmes que dans l’inflammation simple : associées 
aux produits spécifiques, elles donnent au processus anatomo-pathologique des 
caractères particuliers; l’évolution clinique subit ainsi des modifications qui 
justifient la description de ces maladies péritonéales dans un chapitre spécial. 

4° PÉRITONITE TUBERCULEUSE. La périlonite tuberculeuse est une inflammation 
spécifique, conséquence de l'évolution du bacille tuberculeux qui a élu domi- 
cile sur la séreuse péritonéale; elle se distingue de la tuberculose péritonéale, 

maladie caractérisée par des nodules tuberculeux, sans inflammation concomi- 
tante de la séreuse, nodules tuberculeux isolés ou agglomérés, survenant dans 
le cours d’une tuberculose généralisée ou d'une tuberculose locale par propa- 
gation. 

Hisrorique. En 1817, Johson montra la fréquence de la péritonite tubercu- 
leuse; Louis alla plus loin et soutint que toute périlonite chronique était tuber- 
culeuse; Grisolle traça magistralement les principaux traits du tableau clinique 
de la maladie ; depuis, de nombreux travaux ont paru sur cette question. Nous 
citerons les thèses de Hémey, de Tapret, de Delpeuch, de Trabaud (1866 à 1885). 
Mais la description complète de la maladie restait à faire; on n'avait pas mis 
assez en lumière la raison de la curabilité de certaines formes de péritonite 
tuberculeuse, curabilité parfaitement démontrée par trois observations, lune de 
Grisolle, l’autre de Bernheim (Leçons de clin. méd., 1877), la troisième de 
Spencer Wells, dont la malade subit la laparotomie, par suite d'une erreur de 
diagnostic. Nous croyons que la thèse fort remarquable de Boulland (Paris, 1885) 
satisfait à ce desideratum; en effet cet auteur divise les observations qu'il 
recueillies en trois groupes, d'après lesquels il établit trois formes de péritonite 
tuberculeuse : la forme aiguë miliaire, la forme chronique ulcéreuse, la forme 
chronique fibreuse curable. Cette manière d'envisager la péritonite tuberculeuse 
permet de comprendre la possibilité de la guérison de cette redoutable maladie. 

Ériorocie GéNérALE. Causes prédisposantes. Il n'y a pas de causes pré- 
disposantes capables de favoriser le développement du bacille de Koch sur la 
séreuse péritonéale. Parmi les conditions spéciales qui ont été considérées comme 
agissant à la manière de causes prédisposantes citons l’âge et le sexe. On admet 
que la péritonite est surtout fréquente avant l’âge i vingt ans, chez les 
enfants et les adolescents, ainsi que dans le sexe A 

La statistique suivante, qui comprend celle de Bristowe, de Hilton Fagge et de 
Lebert, tend à prouver que cette maladie est également fréquente de dix à 
cmquante ans : 


Der Ar 1o nS o e A n aa ia ce 18 cas. 
NOWA S PMR ER ON EE En Aire 29 — 
DES 0 ANS RSR nee nt À ou ee ui UN e 
UMA A D ITSE el eat ee eme eue ee de 20 E 
ADS OI ANS ne A AT ne tee ea en eee 24 — 
DORIGULATS ne Ps en ie RTS 1 — 

155 cas. 


D'après Rilliet et Barthez, la maladie est rare au-dessous de quatre ans; elle 
est exceptionnelle chez le vieillard; cependant elle peut être observée aux âges 


extrêmes de la vie, ainsi que le montre notre statistique. 
Lebert et Kaulich ont réuni un certain nombre de faits d’où il résulte que la 


péritonite tuberculeuse est aussi fréquente chez l'homme que chez la femme. 


594 PÉRITONITES. 


Quant à l'hérédité, rarement on relève des antécédents héréditaires tuber- 
-culeux (Clément). Ce fait est en accord avcc l'observation journalière et avec 
l’assertion de Grisolle qui affirme que presque toujours la péritonite tubercu- 
leuse survient primitivement, au milieu d'un parfait état de santé. 

On ne trouve pas souvent la syphilis, les fièvres intermittentes, l'alcoolisme, 
parmi les antécédents des malades, bien que ce soient des causes non douteuses 
de tuberculisation. 

Il est exceptionnel de voir la péritonite tuberculeuse survenir chez des malades 
qui ont souffert de rhumatisme articulaire aigü, qui ont des lésions valvulaires 
d’origine rhumatismale (cas de Leudet, Chambard, Brault, Lebert, Delpeuch), 
de lithiase biliaire (cas de Murchison, d’Avezon), de mal de Bright (cas de Viallet, 
Albanus, Kaulich, Merklen), d'intoxication saturnine. 

90 Causes déterminantes. La misère, le surmenage, la privation d’air et de 
soleil, l'alimentation insuffisante, l'encombrement et l'acclimatement sont des 
conditions de milieu qui priment toutes les autres. Elles affaiblissent l'orga- 
nisme et en font un terrain favorable à la culture des bacilles. 

Comme la péritonite tuberculeuse est fréquente (Collin et Vallin) chez les 
jeunes soldats, on s’est demandé s’il n'existait pas chez les militaires des causes 
énergiques et spéciales d'infection tuberculeuse du côté de la cavité abdominale. 
Les soldats arrivent au corps forts et vigoureux; ils ont victorieusement subi 
l'épreuve du conseil de révision et des visites médicales; une ou deux années 
se passent ; cependant leurs poumons restent indemnes, ils deviennent tubercu- 
leux du péritoine. Trabaud (thèse, 4885) croit que cette péritonile tuberculeuse 
est la conséquence de l'introduction dans l'organisme des bacilles tuberculeux 
et de leur absorption par l'intestin malade; l'encombrement, l'habitation en 
commun, amènent, par la production considérable de germes, de miasmes qui 
s'éliminent par la voie intestinale, delà des troubles intestinaux, et surtout de 
la diarrhée ; la nostalgie supprime l'appétit et provoque une atonie de l'intestin; 
la ceinture, en irritant la paroi de l'abdomen, agit comme un traumatisme sur 
la séreuse péritonéale ; d'autres traumatismes retentissent de la mène façon sur 
le péritoine. L'alimentation est alors le véhicule de l'agent infectieux (lait et 
viande de vaches tuberculeuses). Comme le suc gastrique détruit par son acidité 
le bacille de Koch (G. Sée), il faut pour que la péritonite éclate : 1° que le bacille 
tuberculeux échappe à l'action du suc gastrique (état caséeux, morceaux trop 
volumineux, viscères particulièrement graisseux); 2° que l'acidité du sue gastrique 
sait disparu, comme cela peut arriver dans la dyspepsie ; 3° que l'intestin ait 
perdu sa résistance normale par un état de trouble de ses diverses sécrétions. 

Les bacilles sont absorbés par les lymphatiques : ce mode d'infection est 
admis et prouvé par Cornil et Ranvier, qui ont trouvé les bacilles de la tuber- 
culose, dans la structure des granulations péritonéales, dans les vaisseaux et 
ganglions lymphatiques. 

De plus, la chute dans le péritoine, par rupture, de produits tuberculeux 
développés dans son voisinage, provoque la péritonite tuberculeuse en y semant 
des éléments de granulation (Guéneau de Mussy), des baciiles de Koch, dirons- 
nous aujourd’hui. 

Enfin, même en l'absence de foyers tuberculeux, nous ne disons pas de foyers 
bacillaires, certaines capses occasionnelles telles que le traumatisme de l'ab- 
domen, la présence d’une hernie inguinale, d’un kyste hydatique du foie, d'un 
kyste de l'ovaire (Ch. Périer), l’alcoolisme avec ou sans cirrhose atrophique du 


PÉRITONITES. 595 


foie, en provoquant une irritation péritonéale, appellent, pour ainsi dire, le 
bacille de la tuberculose sur la séreuse abdominale, de même qu'une chute sur 
le genou, en provoquant une arthrite simple de celte région, y appelle les 
mèmes bacilles, chez les sujets prédisposés par hérédité ou accidentellement, 
d'où arthrite fongueuse ou tuberculeuse, tumeur blanche du genou. 

Quant à la tuberculose du tube digestif et en particulier à l’entérite tubercu- 
leuse, aucune observation ne démontre son rôle dans le développement de la 
péritonite tuberculeuse, quoi qu'en aient dit Broussais, Cruveilhier, Guéneau de 
Mussy. 

Sans doute, et c’est ce qui a fait l'erreur, il existe des autopsies où l’on trouve 
réunies les deux lésions; mais, si on y regarde de près, et surtout si on tient 


compte de la marche clinique de la maladie, on constate que les lésions de 


l'intestin sont postérieures à celles de la péritonite tuberculeuse. 

Du reste, sur 34 cas de péritonite tuberculeuse réunis par Louis, Andral, 
Albanus, Kaulich, Delpeuch, 8 fois seulement on a noté les ulcérations tuber- 
culeuses de l'intestin, c’est-à-dire 1 fois sur 4. 

Il résulte d’une statistique de Bristowe que de tous les organes de l’économie 
le poumon et l'intestin sont ceux dont la tuberculisation se complique le moins 
souvent de tuberculose périlonéale. 

La seule lésion qu’on puisse attribuer à l’entérite tuberculeuse est la suivante : 
quelques granulations miliaires au niveau d'une ulcération qu'on voit par 
transparence, des vaisseaux lymphatiques dilatés en forme de cordons noueux 
rayonnant autour de ces granulations et aboutissant à des ganglions mésenté- 
riques dégénérés, quelquefois de minces brides celluleuses ou fibrineuses unis- 
sant lanse malade à une anse voisine. Voilà ce que l'on trouve à l'ouverture 
d'un nombre considérable de corps; mais jamais on ne saisit le passage de cette 
tuberculose circonserite à la péritonite généralisée; les formes intermédiaires 
n'existent pas. Ces lésions, sans grande valeur clinique ou pronostique, ont été 
reproduites dans notre thèse d’agrégation. Nous croyons avoir, dans ce travail, 
mis à sa vraie place l’entérite tuberculeuse, en la montrant ajoutée à la phthisie 
pulmonaire, comme greffée sur elle, sans individualité, sans histoire parti- 
culière possible (voy. Spillmann, thèse d’agrég., 1878, Tuberc. du tube digestif ). 

Il en est de même de la tuberculose génitale. L’aphorisme devenu classique 
de Brouardel : « Le péritoine est le véritable réactif de l'état pathologique des 
organes génitaux », tendrait à faire de la péritonite tuberculeuse une affection 
spéciale à la femme. Et d’abord, de l’aveu même de l’auteur, la tuberculisation 
des organes génitaux produit plus souvent des inflammations banales, adhésives, 
séreuses et même purulentes du péritoine, et d'autre part la péritonite tuber- 
culeuse se développe sans que les organes génitaux soient atteints (Brouardel). 
Enfin leur coexistence même constatée à l'autopsie ne prouve pas la subordina- 
tion des deux lésions ; les lésions péritonéales ne sont pas nécessairement posté- 
rieures en date aux lésions génitales ; cela füt-il, elles n'en seraient pas néces- 
sairement l'effet. 

Quant aux lésions pleurales tuberculeuses, leur association avec la tubercu- 
lisation du périloine ne fait de doute pour personne, mais elles sont plus sou- 
vent effet que cause de la péritonite tuberculeuse. Blanc (thèse de Lyon, 1889), 
sur 40 observations de péritonite tuberculeuse avec pleurésie, relate 6 cas de 
péritonite primitive avec pleurésie consécutive et 4 cas de lésions pleurales pro- 
pagées ultérieurement au péritoine. à 


596 PÉRITONITES. 


La péritonite tuberculeuse peut être aussi le résultat de la transformation 
d'une péritonite chronique simple, par suite du développement de granulations 
et de bacilles tuberculeux au miiieu des produits de la péritonite primitive- 
ment non tuberculeuse. Dans ce cas, le bacille n’est plus l'élément pathogène 
de la péritonite; il n'arrive qu’en second lieu, sur un terrain favorable à son 
développement ; on peut admettre que dans ce cas le baciile sort du vaisseau 
sanguin par diapédèse. De cette manière, ou bien le malade n'était pas tubercu- 
leux au moment où il a eu sa péritonite chronique, et l'infection tuberculeuse 
n'a eu lieu qu'après le développement de l’inflammation péritonéale, ou bien le 
malade élait tuberculeux; le bacille de Koch était dans son sang; atteint de 
périlonile chronique non tuberculeuse, le malade a eu un véritable exode 
des bacilles du sang dans les produits de l’inflammation simple du péritoine. 
Celle inflammation non spécifique s’est transformée en inflammalion spécifique. 
Un malade de Grisolle mourait tuberculeux avec une péritonite chronique ; au 
milieu des exsudats on ne trouva pas la moindre granulation. Bernheim cite des 
cas semblables. Si la mort n'était pas survenue si rapidement, peut-être les 
granulalions tuberculeuses eussent-elles eu le temps de faire leur apparition au 
milieu des exsudats de l'inflammation simple. 

Divisiox. Nous diviserons l'étude de la péritonite tuberculeuse en cinq 
chapitres : 

1° Péritonite par tuberculose miliaire aiguë; 2° péritonite par tuberculose 
ulcéreuse ; 5° péritonite par tuberculose fibreuse : 4° pelvi-péritonite tubercu- 
leuse; 5° tuberculose péritonéo-pleurale. i 

1° PÉRITONITE PAR TUBERCULOSE MILIAIRE AIGUË. ErioLocie. Cette forme de 
tuberculose évolue de préférence chez des hommes robustes et sans antécédents 
héréditaires. Mais, comme elle survient surtout entre trente-cinq et cinquante 
ans, elle a plus de chances de rencontrer un organisme déjà envahi par quelque 
diathèse; beaucoup de sujets comptent, dans leurs antécédents, lalcoolisme, 
quelques-uns aussi le rhumatisme. Ces diathèses, qui facilitent l'entrée de la 
tuberculose, facilitent aussi son développement et conduisent plus sûrement le 
malade à une terminaison fatale. Chez beaucoup de sujets la phthisie pulmo- 
naire ou quelque autre tuberculose chronique existe déjà. Les causes de dépres- 
sion favorisent le développement des granulations péritonéales. La grossesse, 
loin de favoriser cette maladie, semble l’enrayer, mais après l'accouchement la 
granulie éclate souvent plus redoutable et se localise plus particulièrement sur 
le péritoine. 

La menstruation a une influence déplorable sur la péritonite tuberculeuse, 
qui s'aggrave à chaque nouvelle époque. Il est possible que,la disparition d'un 
épauelement ascitique chargé de bacilles de la tuberculose puisse faire éclater la 
tuberculose aiguë. C’est ainsi que s’expliqueraient les cas où l'on trouve associées 
aux lésions tuberculeuses anciennes des granulations grises disséminées sur toute 
la séreuse abdominale. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. Chez les sujets qui ont succombé à la tuberculose 
miliaire on trouve dans le péritoine un liquide citrin, un peu verdätre, parfois 
sanguin, rarement séro-purulent. Ce liquide est assez abondant et peut atteindre 
8 litres; il est albumineux et contient de la fibrine; la cavité péritonéale n'est 
pas eloisonnée ; le péritoine est parsemé de granulations tuberculeuses qui sont 
superficielles et semblent siéger sur l’épithélium (Colberg, Rindfleisch); elles 
sont toutes au premier degré de leur évolution ; elles sont transparentes ou légè- 


PÉRITONITES, 397 


rement blanchâtres; elles résistent sous le doigt et donnent la sensation de 
grains de semoule. La séreuse qu'elles recouvrent peut avoir gardé sa colora- 
tion normale et ne pas être enflammée, mais le plus souvent clle présente des 
lésions inflammatoires ; elle offre une coloration rouge uniforme ou plus accen- 
tuée et comme ecchymotique autour des tubercules confluents. Quelquefois elle 
prend des teintes violacées, brunâtres. La surface de la séreuse est un peu pois- 
seuse, ce qui fait adhérer légèrement entre eux les organes qu'elle entoure. 
Enfin, à une période plus avancée, elle se recouvre d'une couche fibrineuse mince 
et transparente qui peut se détacher facilement et entrainer parfois avec elle 
les tubercules, sans que ceux-ci laissent de traces sur la séreuse (Cornil et 
Ranvier). La phlegmasie détermine aussi, dans quelques cas, des granulations 
inflammatoires. Les lésions des ganglions sont habituellement moins avancées 
que celles de la séreuse : il peut y avoir seulement un peu de congestion sans 
tubercules. La coexistence de la tuberculose miliaire des plèvres ei du péritoine 
est assez fréquente. Cette association a été observée deux fois sur 12 observa- 
tions de tuberculose miliaire plus ou moins généralisée réunies par Boulland 
(thèse de Paris, 1885). 

SYMPTOMATOLOGIE. 1° Forme généralisée. La maladie débute par les sym- 
ptômes généraux de la tuberculose aiguë : les malades se plaignent de malaise ; 
ils sont tristes, préoccupés ; ils accusent de la céphalalgie, des vertiges, de 
l'anorexie, de la constipation; la température s'élève ; le tracé thermique pré- 
sente un rhythme irrégulier et le pouls devient fréquent. La surface cutanée est 
atteinte d'hyperesthésie, surtout au niveau des articulations du membre inférieur. 
Les malades maigrissent rapidement. Viennent ensuite les localisations dans les 
autres organes; quand la maladie atteint le péritoine, l'abdomen devient sen- 
sible à la pression; il se rétracte d’abord, puis il augmente de volume par suite 
du méiéorisme et de l'épanchement ascitique ; celui-ci est de quantité moyenne ; 
il peut se résorber et alors on perçoit quelques frottements péritonéaux. 

Mais les symptômes généraux vont en s’aggravant de plus en plus et la mort 
survient au bout d'un mois. 

L'état typhoïde, s’il existe, masque d'ordinaire les manifestations locales, ce 
qui rend le diagnostic obscur et peut faire croire à une dothiénentérie, d'au- 
tant plus qu'il peut se produire des épistaxis, des entérorrhagies, de la diarrhée, 
des taches rosées lenticulaires et une courbe de température qui peut présenter 
une grande analogie avec celle de la fièvre continue. Au déclin de la maladie 
il survient parfois des eschares au sacrum, de la phlegmatia alba dolens, du 
muguct; les malades succombent dans le coma (Boulland). 

2° Forme localisée. La forme localisée de la tuberculose aiguë du péritome 
est précédée des mêmes phénomènes généraux, mais bientôt ceux-ci ne jouent 
plus qu’un rôle secondaire relativement aux symptômes locaux. Le ventre est 
extrêmement sensible, surtout dans les hypochondres, et le météorisme est très- 
marqué. La fièvre oscille, pendant tout le cours de la maladie, entre 38 et 
59 degrés; le pouls est petit, fréquent, la face est grippée. Il y a aussi des 
vomissements alimentaires, bilieux, et de la constipation. Puis l’ascite survient 
et par son abondance détermine assez souvent des compressions veineuses qui 
produisent à leur tour de l'œdème des membres inférieurs ct de la paroi abdo- 
minale. 

Il existe en même temps des symptômes dus à une localisation dans les 
plèvres, 


598 PÉRITONITES. 


Il n'existe pas de lésion pulmonaire tuberculeuse préexistante. | 

Pronostic. La mort survient par une poussée suraiguë qui détermine une 
exagération de tous les symptômes locaux, surtout des douleurs; l’épanchement 
peut devenir hémorrhagique ; la durée maxima est d’un mois. 

La guérison peut se produire ; la maladie dure alors plus d’un mois: il se 
forme un travail de cicatrisation qui est précédé d'une rémission de la fièvre, de 
la résorption du liquide ascitique, de l'amélioration de l’état général; la tuber- 
culose aiguë se transforme alors en tuberculose fibreuse ; la maladie procède 
parfois par poussées successives. 

Il n'est pas besoin d'ajouter que la terminaison par la mort est de beaucoup 
plus fréquente que la terminaison par la tuberculose fibreuse. 

Dracxosric. La péritonite tuberculeuse à forme aiguë peut faire croire tantôt 
à une ascite aiguë fébrile, tantôt à une péritonite aiguë, tantôt à une fièvre 
typhoïde, tantôt à une carcinose aiguë du péritoine. On évitera l'erreur en se 
rappelant que l'épanchement de lascite aiguë est formé très-rapidement, qu'il 
n'existe pas de prodromes aussi longs que ceux qui précèdent la granulie 
péritonéale, que la guérison est la règle dans l’ascite aiguë, l'exception dans 
la péritonite tuberculeuse aiguë. La périlonité aiguë simple débute aussi 
rapidement et marche de même. Il n'en est plus ainsi de la fièvre typhoïde, 
dont le début et la marche peuvent être empruntés par la péritonite tuber- 
culeuse aiguë (Heurtault). On a même vu des malades qui paraissaient avoir 
eu une fièvre typhoïde et chez lesquels se développaient ensuite des sym- 
ptômes abdominaux avec ascite abondante au moment de la convalescence 
(Biat). Dans ce cas, la pleurésie complique fréquemment la péritonite, la 
précède même quelquefois, tandis qu'elle est, par tous les observateurs, citée 
comme une complication des plus rares de la fièvre typhoïde. Le cancer mi- 
liaire aigu disséminé du péritoine, surtout quand il ne présente pas de tumeurs 
perceptibles, donne lieu à des symptômes qui ont l'analogie la plus frappante 
avec la péritonite tuberculeuse aiguë ; il est vrai que sa marche est plus rapide 
‘(Pietrina) et que la mort arrive rapidement précédée de symptômes cérébraux, 
puis de coma. 

Trairemenr. Le traitement de la péritonite tuberculeuse miliaire aiguë doit 
s'adresser tout d’abord à l’état général; on prescrira le repos absolu, on fera 
prendre aux malades des aliments liquides; dès qu’une accalmie surviendra 
dans les phénomènes aigus, on rendra cette nourriture plus substantielle, en y 
ajoutant de la poudre de viande. 

Contre les phénomènes inflammatoires, on emploiera les sangsues au nombre 
de 10 à 15, loco dolenti, les ventouses sèches, les pointes de feu, le collodion 
ou mieux encore la vessie de glace ; contre la douleur, les injections sous-cutanées 
de chlorhydrate de morphine. Bucquoy conseille l'association du calomel à 
l'opium : calomel 20 centigrammes, opium 10 centigrammes, à prendre chaque 
Jour en 4 ou 5 doses. 

L'ascite sera respectée, car si elle venait à disparaître, il y aurait à craindre 
une poussée de tuberculose aiguë, comme cela a été observé par Potain à la 
suile de thoracentèse; on ne fera donc la paracentèse qu’en cas de nécessité s’il 
y a dyspnée par refoulement considérable du diaphragme. 

20 PÉRITONITE PAR TUBERCULOSE ULCÉREUSE. Ériococie. L'alcoolisme, l’acchi- 
matement et le froid ont une influence funeste sur cette forme de péritonite 
tuberculeuse ; on a accusé aussi les médications débilitantes employées pour 


PÉRITONITES. 599 


combattre les poussées aiguës de la tuberculose ou pour faciliter la résorption 
des épanchements, purgatifs, sudorifiques, vésicatoires permanents. 

Parfois elle se développe à la suite d’une ulcération tuberculeuse de l'intestin 
qui se propage jusqu’au péritoine; néanmoins ce mode de développement est 
rare et généralement l’entéropéritonite tuberculeuse est localisée. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. Dans la forme miliaire les lésions sont surtout 
étendues en surface; dans celle-ci, elles sont caractérisées par leur profondeur. 
Les tubercules, au lieu d’être transparents, blanchâtres, résistants, sont opaques, 
jaunâtres, friables. Ils forment souvent des amas caséeux, de consistance molle. 
La séreuse est recouverte de fausses membranes peu résistantes, épaisses, d’un 
blanc jaune ou grisâtre et infiltrées de tubercules. Les épanchements sont presque 
toujours purulents, parfois chyliformes. On les a trouvés quelquefois brunâtres, 
formés par un mélange de pus et de sang, de couleur chocolat. Ces lésions 
donnent à la cavité péritonéale un aspect cloisonné. Eiles peuvent être précédées 
de quelques phénomènes inflammatoires peu intenses; d'autres fois elles se 
greffent sur la tuberculose fibreuse dont elles détruisent le travail cicatriciel. 
Dans les loges on trouve des liquides d'aspect variable : ils peuvent être séro- 
purulents ou purulents, ou bien présenter une teinte brun rougeûtre. On doit 
attribuer cette dernière variété à lulcération d'un vaisseau ou à une poussée 
congestive ayant déterminé une rupture vasculaire dans un foyer purulent. Des 
poussées aiguës se produisent en effet quelquefois et s’accompagnent d’une 
éruption tuberculeuse qui vient se surajouter aux lésions déjà établies. On peut 
les trouver, avec leur ordre de superposition, en détachant les fausses mem- 
branes couche par couche. 

Ces lésions ont une tendance très-marquée à s’accumuler et n’ont aucune pro- 
pension vers un travail régressif. Cette tuberculose étend son processus ulcératif 
aux organes sous-jacents ; elle peut, de la sorte, détruire toute l'épaisseur de la 
paroi du tube digestif et déterminer ainsi une ou plusieurs perforations par 
iesquelles les liquides intestinaux pénètrent dans la cavité séreuse et y forment 
un épanchement fétide, brunâtre, qui donne aux fausses membranes une colora- 
tion foncée. Ces perforations peuvent également s'établir entre deux anses intes- 
tinales qu’elles font ainsi communiquer entre elles. 

Enfin il est des cas dans lesquels on a vu l’épanchement péritonéal s'ouvrir 
au dehors, à l’ombilic. Cette complication est décrite dans le mémoire de 
Vallin (1868) ct de Hilton Fagge (1875). Au premier degré, il se produit une rou- 
geur indolente occupant la circatrice ombilicale et rayonnant autour de ce point 
central dans une étendue de 5 à 6 centimètres. Cette plaque indolente peut 
disparaître, mais il arrive parfois que la rougeur s'étend; la peau qui recouvre 
la cicatrice ombilicale s’amincit ; il se forme une saillie qu'on peut, par la pres- 
sion, réduire en produisant un peu de gargouillement. Plus tard, il se fait une 
perforation, et le malade se sent inondé d’un liquide fétide; c’est le contenu de 
l'intestin qui se vide; cette complication est en général suivie de mort au bout 
de quelques heures. 

Mais la péritonite tuberculeuse peut aussi s'enkyster, se pipes et cetle 
localisation se fait de préférence au niveau des hypochondres et dans l'épaisseur 
du grand épiploon. 

Les ganglions mésentériques, pelviens, et ceux qui entourent l'estomac, sont 
presque toujours atteints de lésions aussi développées que celles de la séreuse 
péritonéale. 


400 PÉRITONITES. 


Les tuniques intestinales sont friables et se déchirent avec facilité quand on 
enlève les fausses membranes qui les recouvrent. Il y a presque toujours de 
l'entérite tuberculeuse du gros intestin, surtout au voisinage de Ja valvule iléo- 
cæcale. On trouve parfois des lésions tuberculeuses du cæcum et de son appen- 
dice. Dans la moitié des cas, on constate des lésions tuberculeuses des poumons 
et des plèvres. 

Chez les femmes, on rencontre des noyaux tuberculeux dans les trompes ; les 
franges du pavillon tubaire sont soudées entre elles et forment une poche remplie 
de liquide purulent; les ovaires et l’utérus sont augmentés de volume, conges- 
tionnés ; leur tissu contient souvent des tubercules. 

Chez l'homme, on trouve des granulations, surtout dans les vésicules sémi- 
nales, les testicules, la prostate. 

La tuberculose ulcéreuse, tout en étant moins disséminée que la tuberculose 
aiguë, est donc loin de rester localisée à la séreuse péritonéale (Boulland). 

SYMPTOMATOLOGIE. La forme ulcéreuse est la forme la plus ordinaire de la 
péritonite tuberculeuse, forme essentiellement chronique, dont la description 
clinique a été depuis longtemps faite, et de main de maître, par Grisolle. Le 
début de la maladie est absolument latent; les premiers symptômes sont si 
passagers et si peu importants que les malades ne s'adressent, en règle géné- 
rale, au médecin, que lorsque le ventre a pris un certain développement ou que 
les forces finissent par les trahir. 

Les douleurs abdominales sont généralement légères et font même parfois 
complétement défaut. Les malades se plaignent d’une sensation de plénitude et 
de tension abdominale; ja fièvre est modérée. |l survient de temps à autre des 
vomissements; la constipation alterne avec la diarrhée. 

Quand on examine le malade à la période d'état, on voit qu'il est faible, 
amaigri, qu'il a le teint terreux, souvent de l’æœdème des membres inférieurs; 
tous les soirs la fièvre se déclare et est pendant la nuit de sueurs profuses; la 
température est très-variable d'un jour à l’autre et surtout du soir au matin; 
elle peut varier en quelques heures de 2 degrés et osciller en général entre 
38 et 40 degrés. Le pouls est mou, fréquent; les urines sont peu abondantes ; 
les troubles digestifs sont très-accentués, l'appétit est perdu; il y a des vomis- 
sements, enfin de la diarrhée, qui peut être sanguinolente. Dans bien des cas, 
on trouve aussi des signes de phthisie pulmonaire plus ou moins avancée. 

Les symptômes les plus importants sont ceux qui liennent aux lésions abdo- 
minales. Les douleurs spontanées sont rares; clles sont parfois évellées par la 
pression; profondes, elles suivent le trajet des côlons et atteignent leur maxi- 
mum d'intensité dans la fosse iliaque gauche; elle dénotent une propagation 
de la lésion à l'intestin et aggravent par conséquent le pronostic. Le ventre est 
augmenté de volume, fluctuant; il existe parfois une dilatation des veines ou 
de l'æœdème de la paroi abdominale; à la palpation, on constate une rénitence 
spéciale, plus ou moins étendue, des plaques dures, des masses inégales un peu 
fluctuantes, siégeant dans l'un ou l’autre hypochondre, plus souvent à gauche 
qu'à droite. La percussion décèle des zones de matité et de sonorité qui ne cor- 
respondent pas toujours aux parties déclives et supérieures de l'abdomen, mais 
dépendent de la localisation des fausses membranes, du cloisonnement des 
épanchements, et de la fixation des anses intestinales au milieu des exsudats 
(Boulland). 

Le liquide reliré par la ponction est en général purulent, parfois de couleur 





PÉRITONITES. 404 


brunåtre; il se reproduit après la paracentèse et la purulence augmente. Mais, s'il 
s'est fait une perforation de l'intestin, le liquide sera composé d'un pus sanieux, 
d'odeur fétide, de couleur foncée (Boulland). 

Les malades s’affaiblissent graduellement, tombent dans un état de cachexie 
extrême, et meurent, non pas tant de leur péritonite que de la phthisie pulmo- 
naire, qui ne manque presque jamais. 

La maladie, dout la marche est essentiellement chronique, peut se compliquer 
de poussées aiguës qui tuent le malade ou aggravent sa situation. 

Les perforations du périteine vers l'intestin occasionnent une diarrhée intense 
et augmentent la cachexie ; si ces perforations siégent entre deux anses intesti- 
nales, et si elles font communiquer les parties extrêmes de l'intestin, tout un 
segment du tube digestif se trouve exclu du travail de l’assimilation, et il en 
résulte une lientérie rapidement mortelle. 

Nous devons citer aussi, parmi les complications les plus sérieuses, louver- 
ture de l’épanchement péritonéal au dehors par la cicatrice ombilicale (Féréol, 
Collin). 

Pronostic. Moins dangereuse que la forme aiguë, la forme ulcéreuse de la 
péritonite tuberculeuse n’en constitue pas moins une maladie redoutable. En 
effet, elle a une tendance peu prononcée à la guérison; quand survient l’état 
cachectique, l’action thérapeutique est rendue très-difficile. La fréquence de. 

‘épanchement purulent assombrit le pronostic; la tendance de la maladie à se 
compliquer de tuberculose aiguë, à déterminer l’ulcération des tissus sur lesquels 
reposent les lésions péritonéales, la formation de fistules intestinales ou ombili- 
cales, la production des accidents qui sont inhérents à une suppuration prolon- 
gée, toutes ces conditions laissent au elinicien peu d'espoir d'enrayer la maladie 
ou de la confiner dans une faible étendue de la cavité péritonéale. Néanmoins, sł 
les productions tuberculeuses subissent la transformation fibreuse, si la péri- 
tonite s’enkyste et passe à l'état stationnaire, si les exsudats purulents sont 
extraits soit par la ponction, soit par la laparotomie, on peut espérer la guérison. 
Mais les malades sont tuberculeux et restent exposés à mourir de tuberculose 
pulmonaire. À 

Dracxosric. La péritonite tuberculeuse chronique ulcéreuse débute généra- 
lement chez un sujet bien portant, sans antécédents tuberculeux : elle peut 
donc être prise pour une perilonile chronique simple; celle-ci non-seulement 
est beaucoup plus rare que la péritonite tuberculeuse, mais elle se montre dans ' 
certaines circonstances spéciales : alcoolisme, maladie de Bright, maladies du 
cœur, tumeurs abdominales, etc. La péritonite cancéreuse se distingue par la 
cachexie avec coloration jaune paille des téguments. La péritomite tuberculeuse 
est souvent enkystée; cet enkystement peut simuler un kyste ovarique. Depuis 
que Spencer Wels a ouvert le ventre pour extraire un kyste de l'ovaire et a mis 
à nu une péritonite tuberculeuse qui a d’ailleurs guéri, les erreurs de diagnostic 
se sont multipliées; il faudrait, pour les éviter, prendre la température pendant 
un certain temps, de façon à constater un état fébrile qui manque dans le cas de 
kyste de l'ovaire. 

La cirrhose du foie avec ascite considérable peut être prise pour une périto- 
nite tuberculeuse à forme ascitique et vice vers ; la ponction faite, on constate 
une rénitence de l'abdomen qui manque dans la cirrhose de Laennec. 

Tous les kystes des organes abdominaux ou du péritoine, même les kystes 
hydatiques du foie (Tapret), peuvent être pris pour des péritonites tuberculeuses. 


DIGT. ENC. 2° sa XXIII. 95 


402 PÉRITONITES. 


Cependant, en suivant les malades, on observera pour la péritonite tuberculeuse 
une résorption de l'épanchement qui manque dans le cas de kystes abdominaux. 

L'ascite symptomatique d’une tumeur abdominale pourrait être rapportée à 
la présence de tubercules péritonéaux; la ponction éclairera le diagnostic; si on 
ue fait pas la ponction, on verra cette ascite rester stationnaire, tandis que 
l'ascite tuberculeuse se résorbera. 

Les antécédents, l'état bosselé du foie, différencieront l'ascite de la syphilis 
hépatique de lascite tuberculeuse. 

Dans le doute, on agira avec sagesse en recherchant la température locale de 
la paroi abdominale ; cette recherche a rendu de grands services pour le diagnostic 
des lésions pleurales indiquées par l'élévation de la température de la paroi tho- 
racique (Peter). 

Dans un cas cité par David (thèse de Montpellier), la péritonite tuberculeuse 
a pu simuler un étranglement interne. 

On se rappellera que la péritonite tuberculeuse est souvent précédée, accom- 
pagnée ou suivie de pleurésie tuberculeuse ou de tuberculisation d’autres 
organes. 

Trarremenr. Le malade devra éviter toute fatigue et, si la maladie a un 
début lent, ne devra pas garder le lit; on insistera sur la suralimentation, avec ou 
sans poudre de viande, 100 grammes par jour environ. On prescrira les reconsti- 
tuants : huile de foie de morue, phosphate de chaux, eaux minérales 1odo-bromu- 
rées ou sulfureuses. On fera de la révulsion avec de pointes de feu, des vésica- 
toires volants, de la teinture d'iode en badigeonnage. On traitera les épanche- 
ments abondants par la paracentèse, s’il y a gène de la respiration; les épan- 
chements purulents seront traités comme des abcès tuberculeux ; si on fait la 
laparotomie, elle sera suivie de la toilette parfaite du péritoine; on pourra résé- 
quer des lambeaux d'épiploon tubereuleux. 

3° PÉRITONITE PAR TUBERCULOSE FIBREUSE. ÉrioLoGie. La forme fibreuse doit 
sa bénignité au développement de la maladie, surtout chez des sujets jeunes 
âgés de vingt à trente-cinq ans, bien portants jusqu'alors, d’une bonne consti- 
tution et nés de parents robustes. Mais dans certains cas on trouve des tares 
organiques : l'alcoolisme, l'impaludisme, la syphilis, une tendance aux bron- 
chites à répétitions, de la pleurésie, des symptômes de lésions pulmonaires. La 
misère, la fatigue, l’acclimatement, le froid, sont des causes occasionnelles qui 
diminuent la résistance du sujet. La détermination tuberculeuse peut être attirée 
sur la séreuse abdominale par une lésion préexistante qui crée un locus minoris 
resistentiæ : on la rencontre sur l'intestin, en regard d’une lésion de la 
queuse, sur le foie et le territoire de la veine porte, chez les alcooliques; sur la 
rate, chez les paludéens, ou bien sur le cæcum, s'il a été le siége de typhlite 
à répétitions ou encore sur une anse intestinale herniée ; dans ce cas, l'irritation 
qu’elle produit peut déterminer des phénomènes d’'étranglement. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. Les tubercules, tout en faisant saillie sous la séreuse, 
sont moins superficiels que dans la forme aiguë. Leur point de départ est dans 
je tissu conjonctif profond, situé sous cette membrane ou entre deux de ses 
feuillets. Ils sont séparés de l’épithélium par une couche plus ou moins épaisse 
de ce tissu et peuvent présenter les divers: degrés de teur développement. 

La phleymasie, qui est presque toujours un peu postérieure à l'apparition du 
tubercule, se manifeste par une coloration rouge, de courte durée, et offre 
d'une façon atténuée les caractères que nous avons indiqués à propos de la forme 


PÉRITONITES. 405 


aiguë. Bientôt la séreuse devenue dépolie, visqueuse, se remplit dans quel- 
ques cas d’un épanchement qui se produit moins vite que celui de la tubercu- 
lose aiguë, mais qui peut être aussi considérable. L’ascite, dans la péritonite 
fibreuse, est en moyenne de 5 litres. Le liquide est jaunâtre, transparent ou 
séro-purulent, surtout dans le petit bassin. Quelquefois il est sanguinolent ; par 
de repos, il donne un faible coagulum; l'analyse chimique y dénote une quantité 
d'albumine et de sels minéraux inférieure à celle qu'on rencontre dans les épan- 
chements simples. Pendant un certain temps les lésions sont progressives et 
indiquent une marche envahissante de la maladie, puis tout à coup, dans cer- 
taines circonstances, le processus pathologique s'arrête ; il arrive que le tubercule 
parvenu à un état de parfait développement reste pour ainsi dire stationnaire 
(Charcot) et n'aboutit qu'exceptionnellement à la mortification caséeuse. 

Alors on voit se produire à la surface de la séreuse un réseau de granula- 
tions inflammatoires très-différentes des granulations tuberculeuses. La mem- 
brane séreuse s'épaissit, devient opaque, ses cellules épithéliales dégénèrent et 
tombent; son tissu conjonctif infiltré et irrité par les tubercules prolifères est 
envahi par des bourgeons de tissu embryonnaire qui gagnent peu à peu sa sur- 
face et la recouvrent comme de néomembranes ; celles-ci font adhérer entre eux 
les feuillets du péritoiue et favorisent par leurs nombreux vaisseaux la résorp- 
tion des liquides épanchés, et par suite l’accolement des surfaces irritées et leur 
cicatrisation. Bientôt le tissu embryonnaire se transforme en tissu conjonctif, 
des brides, des cloisons, des adhérences solides et rétractiles s’établissent entre 
les organes et étouffent en même temps les granulations tuberculeuses. Celles-e: 
subissent ainsi la transformation fibreuse ou, si elles sont déjà caséeuses, elles 
sont pour ainsi dire enkystées par la prolifération conjonctive (Boulland) ; il n’est 
pas non plus impossible que le centre caséeux puisse se résorber et disparaître 
(Charcot). 

Telle est la marche générale des lésions de la tuberculose fibreuse du péri- 
toine arrivées au point où elles jouent un rôle efficace pour la guérison. Le déve- 
loppement du tissu fibreux domine ici l'évolution du tubercule; celui-ci lui- 
même peut subir dans sa texture des modifications qui le transforment en un 
corps étranger inerte (tubercule de guérison de Cruveilhier). 

Cette forme fibreuse est caractérisée par la présence de bacilles en nombre 
beaucoup plus restreint que dans les autres formes. 

Ces lésions se localisent de préférence dans le grand épiploon, dans le mésen- 
tère et ses petits appendices, où les tubercules forment des tubérosités assez 
volumineuses et pédiculées (Peter, thèse d'agrégation, 1866), au niveau de la 
région ombilicale, sur le feuillet pariétal (Boulland). 

Si l'inflammation est sèche, il se produit une symphyse partielle ou totale 
entre les intestins et la paroi abdominale. Les circonvolutions intestinales 
peuvent ne former qu'une seule masse; ces nappes cicatricielles ne gênent parfois 

que fort peu le jeu des organes et ne se révèlent par aucun trouble fonctionnel 
(Boulland). 

Pour que l'affection tuberculeuse soit bien enrayée, il faut que le tissu cica- 
triciel limite complétement les épanchements ou les agglomérations de tuber- 
cules et qu'il ait d'autre part rendu le péritoine réfractaire à de nouvelles 
poussées de granulations tuberculeuses. 

Mais le processus curateur peut aller au delà de ce qui est utile pour la gué- 
rison de la tuberculose; de même que par suite de ce travail cicatriciel la pleu- 


204 PÉRITONITES. 


résie tuberculeuse peut aboutir à une coque péripulmonaire fibreuse, qui atrophie 
peu à peu le poumon, de même le péritoine en s’épaississant, en se rétractant, 
forme au niveau de l’épiploon un bourrelet, une sorte de corde tendue d’un 
hypochondre à l’autre et située au-dessous de la grande courbure de l'estomac, 
au devant du côlon transverse qu’il refoule en arrière. Le mésentère s'applique 
complétement sur la colonne vertébrale et entraine avec lui la masse de l'intestin 
grêle qui peut être réduite au volume du poing, par suite de son atrophie; 
celle-ci porte non-seulement sur son calibre, mais aussi sur sa longueur 
(Boulland). 

Les brides occasionnent parfois des étranglements sur le gros intestin; quant 
à la paroi abdominale, elle adhère aux organes sous-jacents et les suit dans leur 
retrait. 

Les trompes viennent s’accoler sur les bords de l'utérus, qui lui-même est 
souvent dévié; les ovaires sont étouflés par la rétraction fibreuse ; le foie est 
recouvert par une enveloppe qui le masque complétement, quelquefois par un 
réseau de brides cicatricielles qui l'enferment comme dans un filet, à travers les 
mailles duquel on aperçoit le tissu hépatique avec sa coloration normale. Cette 
enveloppe envoie dans l’intérieur de l'organe des tractus qui suivent les prolon- 
gements de la capsule de Glisson et se comportent comme les tractus de la 
sclérose pleurogène. C’est là une cirrhose superficielle qu’on ne devra pas 
confondre avec les lésions de la cirrhose alcoolique ni avec celle que peut en- 
gendrer la péritonite chronique simple non tuberculeuse. La rate est moins 
souvent atteinte que le foie; cependant 1l n’est pas rare de la trouver augmentée 
de volume. 

Enfin les vaisseaux chylifères sont comprimés par les produits inflammatoires 
ou par les tubercules qui suivent leurs ramifications. Il peut y avoir des phéno- 
mènes analogues du côté de la veine cave, des vaisseaux portes et des canaux 
biliaires. 

Cette tuberculose fibreuse, tout d’abord favorable, comme providentielle, 
dépasse le but utile et engendre des graves lésions indélébiles. Celles-ci fort 
heureusement se trouvent rarement réunies et la péritonite tuberculeuse est 
susceptible de guérison pleine et entière. 

S'il existe des tubercules dans d’autres organes, ils peuvent avoir la même 
tendance à l’enkystement fibreux ; cependant la tuberculose peut reprendre sur 
d'autres organes la forme aiguë ou la forme ulcéreuse. 

Mais la guérison est cependant la terminaison la plus ordinaire en semblable 
circonstance, ainsi qu'on peut en juger par les 54 observations de péritonite 
tuberculeuse guérie que rapporte Boulland dans sa thèse de 1885; sur ces 31 cas, 
6 fois l’autopsie a été faite plus ou moins longtemps après la guérison de la 
péritonite. Boulland cite également 10 observations de tuberculose fibreuse du 
péritoine accompagnée ou suivie de tuberculose aiguë, et 4 observations de 
tuberculose fibreuse du péritoine accompagnée ou suivie de tuberculose ulcéreuse. 

SYMPTOMATOLOGIE. Les symptômes de la première période de la tuberculose 
fibreuse du péritoine nous présentent un type particulier, intermédiaire en 
quelque sorte entre la forme chronique ulcéreuse et la forme aiguë (Fernet, 1884) ; 
le début est lent, insidieux; il y a des phénomènes généraux ; les malades éprou- 
vent des malaises, de la lassitude, de la courbature; ils pâlissent et perdent de 
leurs poids; les femmes deviennent chlorotiques et leurs règles sont supprimées. 
Mais les troubles digestifs sont exceptionnels, les vomissements manquent, 


PÉRITONITES. 405 
l'appétit est très-souvent conservé; les digestions sont un peu pénibles; quand 
la maladie est confirmée, on voit la constipation alterner avec la diarrhée; le 
retour ou la cessation de la diarrhée coïncident fréquemment avec la résorption 
ou l'apparition d’un épanchement séreux ; l'augmentation ou la diminution des 
urines reconnaissent souvent aussi la même cause. La fièvre est en général peu 
intense et ne dépasse guère 38 degrés, mais le pouls est fréquent et peut monter 
jusqu'à 120 pulsations. La fièvre est plus marquée le soir et peut être suivie de 
sueurs nocturnes. 

La forme fibreuse ne s'accompagne qu’exceptionnellement d’un état typhoiïde. 

Le premier phénomène local qu’on observe est l'augmentation de volume du 
ventre : celle-ci se fait progressivement, lentement, et le malade ne s’en aperçoit 
qu'au bout d’un certain temps, en remarquant qu'il est à l'étroit dans ses vête- 
ments. Le ballonnement atteint son maximum en cinq ou six jours : il est dù à 
la distension gazeuse des intestins, dont la couche musculaire est plus ou moins 
paralysée, suivant l'intensité de la phlegmasie péritonéale. La douleur peut être 
nulle, le plus souvent elle est sourde, profonde, et se révèle mieux à la pression, 
surtout si, après avoir appuyé lentement sur l'abdomen, on retire vivement la 
main; elle est plus accentuée dans les points d'élection de l'éruption tuber- 
culeuse. 

Le ballonnement ne tarde pas à être remplacé par de l’ascite; celle-ci est en 
général abondante; cependant il ne faudrait pas croire qu'elle soit absolument 
libre dans la cavité abdominale : sans doute elle donne la sensation de flot, mais 
elle ne se déplace pas quand les malades changent de décubitus ; le ventre a la 
forme ovalaire des kystes de l'ovaire avec lesquels cette forme de péritonite 
tuberculeuse peut être confondue. L'ascite est donc cloisonnée. La peau de 
l'abdomen est luisante, tendue, comme vernissée ; elle est souvent parcourue 
par un réseau de circulation complémentaire plus où moins étendu et sans loca- 
lisation bien déterminée. La distension est parfois assez considérable pour gêner 
la respiration par le refoulement du diaphragme ; rarement la cicatrice ombili- 
cale devient saillante. Il existe de la matité partout où il y a du liquide; la 
sonorité au niveau de l’épigastre indique la présence du paquet intestinal. Dans 
les cas où l’ascite n’est pas cloisonnée, la ligne de matité a la forme d’un crois- 
sant à concavité supérieure dont les extrémités aboutissent aux flancs; s'il y a 
enkystement, la limite de l’épanchement est une ligne courbe à convexité 
supérieure. 

L'ascite ne reste pas stationnaire; elle tend à disparaitre, à se résorber; on 
trouve à la place du liquide disparu progressivement une induration d'étendue 
variable, se révélant par des plaques de matité assez irrégulièrement distribuées, 
comme les néomembranes qui en sont la cause. Si l'épiploon est rétracté au 
devant du côlon transverse, on sent une sorte de corde tendue d’un hypochondre 
à l’autre. La région ombilicale forme souvent aussi une masse pâteuse, au- 
dessous de laquelle les anses intestinales se déplacent difficilement, ne glissent 
plus les unes sur les autres et donnent la sensation d’une masse homogène 
(Boulland). 

La paralysie des tuniques intestinales fait que sous l'influence du palper les 
gaz contenus dans leur intérieur se déplacent facilement en produisant des bor- 
borygmes. On perçoit aussi sous la main une crépitation qui donne la sensation 
d'amidon froissé entre les doigts. On trouve par l'auscultation des frottements 
péritonéaux, des cris intestinaux (Guéneau de Mussy). 


406 PÉRITONITES. 


Graduellement le ventre diminue de volume et quelquefois même reprend 
toute sa souplesse. Les phénomènes fébriles disparaissent en même temps que 
l'épanchement, puis, pendant que se fait le travail de cicatrisation, la santé 
générale s'améliore, l'appétit et embonpoint reparaissent. 

Telle est la forme réellement bénigne de la péritonite tuberculeuse. Tout, 
dans ses symptômes, indique la tendance qu'ont les lésions vers un processus 
réparateur. 

Si le travail cicatriciel vient à s’exagérer, au lieu d’une guérison plus ou 
moins définitive, on note une aggravation progressive, après une amélioration 
passagère. L'épanchement résorbé, le ventre se rétracte en bateau et s'applique 
fortement sur les parties profondes dont on entrevoit l'aspect inégal. On sent 
alors la masse intestinale réduite à une sorte de peloton immobile, situé au devant 
de la colonne vertébrale. La rate et le foie sont rétractés, atrophiés, l'utérus est 
dévié et, dans les culs-de-sac vaginaux, on trouve des masses indurées. 

Les brides cicatricielles peuvent troubler profondément la nutrition en com- 
primant les chylifères et en déterminant ainsi de la lienterie dont les effets per- 
nicieux se surajoutent à ceux que produit l’atrophie de l'intestin. On peut aussi 
observer des phénomènes d’étranglement interne. La stérilité est parfois le 
résultat de la compression des organes génitaux de la femme par les néomem- 
branes. 

Dans un cas cité par Boulland, les adhérences de la paroi abdominale étaient 
assez fortes pour tenir le malade courbé en deux. 

Les compressions vasculaires se révèlent par de l’ædème des membres infé- 
rieurs ou de la paroi abdominale. Enfin l’albuminurie peut être la conséquence 
de la gêne circulatoire déterminée par une bride cicatricielle siégeant sur la veine 
cave, au-dessus de l’origine des veines rénales (Biat). 

Le tissu fibreux, en enserrant le foie, pourrait aussi amener le retour de l’ascite. 

Pronostic. Durée. L'évolution de la péritonite tuberculeuse fibreuse a une 
durée moyenne de trois mois (Boulland). La tuberculose fibreuse se complique 
de poussées de granulations miliaires; la maladie chronique passe alors à l'état 
aigu ; les poussées peuvent se succéder localement d'abord ; la maladie aboutit 
à la mort quand la forme aiguë se généralise. 

La forme fibreuse peut se compliquer de lésions ulcéreuses : alors l’épiploon 
et le paquet intestinal rétractés augmentent de volume à la suite du dévelop- 
pement des masses tuberculeuses au milieu de leurs adhérences. Il survient de 
la diarrhée, des oscillations irrégulières de la température, de la fièvre le soir, 
des sueurs nocturnes, puis la cachexie et la mort, parfois quelques poussées 
aiguës ultimes. 

La péritonite étant guérie, le malade peut rester guéri (Grisolle, Bernheim). 
La malade de Spencer Wels opérée en 1862 se portait encore bien en 1881 
(Péan, Lec. cl. chir., 1886); mais parfois, la lésion séreuse enrayée, les pou- 
mons se prennent et les symptômes de phthisie pulmonaire se déroulent. Cette 
tuberculose pulmonaire est-elle une conséquence de la tuberculose péritonéale ? 
Lorsqu'on cherche dans quelles conditions elle s’est produite, on reconnait 
qu’elle a éclaté presque toujours un ou deux mois après la sortie du malade de 
l'hôpital, au moment où il a repris son travail et après qu'il s’est exposé de 
nouveau aux influences débilitantes qui avaient déterminé la première atteinte. 
Il est plus rare de voir la tuberculose pulmonaire survenir pendant le séjour du 
malade à l'hôpital (Boulland), c'est-à-dire pendant qu'il est soumis à un repos 


PÉRITONITES. 407 


complet et à une alimentation meilleure que celle qu'il trouverait chez lui. En 
un mot, la tuberculose pulmonaire n'apparaît pas forcément et d'une façon pour 
ainsi dire fatale, mais au contraire sous des influences déterminées. Du reste, 
les cas de guérison prolongée ont été observés encore plus souvent dans la 
clientèle privée, dont les-conditions hygiéniques sont meilleures. Enfin le malade 
aura d'autant plus de chances d'échapper à la tuberculose pulmonaire et à un 
retour des accidents du côté des séreuses qu'un intervalle plus long se sera 
écoulé depuis la péritonite. De plus, les risques de phthisie diminuent à mesure 
que le sujet est plus avancé en âge. « Dans la tuberculose lente, les accidents 
s'échelonnent, l'affection fait trêve, et cans ces relàches plus ou moins prolon- 
gées l'organisme peut réparer en parlie les pertes qu’il a faites et prendre de 
nouvelles forces pour résister à de nouveaux assauts. D'ailleurs, pendant ces 
trêves de l'affection, la thérapeutique peut intervenir et soutenir plus efficace- 
ment les forces (Peter). 

Dracnosric. Le diagnostic différentiel est le même pour la péritonite fibreuse 
que pour la péritonite ulcéreuse. En présence du fait de la guérison on se 
demandera cependant si on ne s’est pas trompé, si on avait bien affaire à la 
tuberculose péritonéale ou au contraire à de l’entérite chronique; c’est par 
l'examen attentif du poumon qui, en cas de péritonite tuberculeuse, se prend 
secondairement, et par la concomitance de lésions pleurales, que l’on pourra 
établir un diagnostic rigoureux; c'est ce qu'ont fait Grisolle, Bernheim, pour 
les malades qui ont guéri de la péritonite. 

TrairemENT. On appliquera un traitement tonique et reconstituant ; on évi- 
tera de débiliter les malades par les purgatifs répétés, surtout par les drastiques, 
et on combattra la constipation par des lavements. On cherchera à enrayer la 
marche de la maladie par les révulsifs, pointes de feu, teinture d'iode, vésica- 
toires volants. On prescrira les eaux arsenicales. La résorption de l'épanchement 
sera favorisée par l'emploi modéré des diurétiques. La paracentèse se fera en 
cas de dyspnée; on se servira de l’aspirateur. 

La tuberculose péritonéale étant guérie, on surveillera longtemps encore le 
malade : on l empêchera de se livrer à un travail fatigant, de faire des écarts 
de régime, d’habiter un logement privé d’air. On pourra chercher à maintenir 
la guérison par l’usage méthodique de l'hydrothérapie, le séjour dans le Midi, 
au bord de la mer, etc. 

4° PELVYI-PÉRITONITE TUBERCULEUSE.  ÉrioLocre. On a considéré cette forme de 
la péritonite tuberculeuse comme liée à la tuberculose gémitale; cela n'est pas 
toujours vrai : ainsi il y a une série de cas, peu nombreux, où les lésions pulmo- 
naires font défaut, et où les lésions génitales existent : tubercules de la trompe, 
de l'ovaire ou de l'utérus, mais dans une autre série de cas on voit éclater la 
pelvi-péritonite chez des sujets lymphatiques, scrofuleux ou déjà atteints de 
tuberculose pulmonaire, sans qu'il y ait de granulations tuberculeuses dans les 
organes génitaux; ces cas sont les plus nombreux; reste enfin une troisième 
série de cas où il existe de la tuberculose génitale sans péritonite tuberculeuse 
(Brouardel), de sorte que nous pouvons dire que la péritonite tuberculeuse 
d’origine génitale est aussi rare que la péritonite tuberculeuse d'origine intes- 
tinale. Du reste, la coexistence même constatée à l’autopsie, ne prouve pas la 
subordination : les lésions péritonéales ne sont pas nécessairement postérieures 
en date aux lésions génitales ; cela fùt-il, elles n’en seraient pas nécessairement 
l'effet ; à la période ultime d’une phthisie abdominale, des granulations peuvent 


408 PÉRITONITES. 


naître dans les organes génitaux comme dans les autres organes. Förster ad- 
mettait, et d’autres avec lui, que la tuberculose se propage de la trompe vers 
l'ovaire et le péritoine ; éclairés aujourd'hui par l’étude de la tuberculose en 
général, nous savons que les lésions tuberculeuses n’ont pas besoin, pour 
s'étendre, de gagner de proche en proche, et nous n'insisterons pas sur cette 
discussion au moins inutile (Vermeil, Lesions des org. gen. chez les tubercul. 


Paris, 1880). 

Cela posé, la pelvi-péritonite tuberculeuse, telle que nous la décrivons, se 
rapporte aux cas peu fréquents où Ja lésion péritonéale est consécutive aux 
lésions tuberculeuses des organes génitaux, ou s’est développée dans le petit 
bassin, sans que nous sachions trop pourquoi, par une localisation primitive de 
l'infection tuberculeuse, peut-être parce que le petit bassin est un locus minoris 
resistentiæ chez la femme pendant la période d'activité sexuelle. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. C'est au niveau du petit bassin que s'accumulent les 
tubercules et les fausses membranes, que se forment les cloisonnements, les 
kystes purulents complétement indépendants du reste de la séreuse ; cette loca- 
lisation constitue la pelvi-péritonite tuberculeuse chronique. Si le petit bassin 
communique largement avec le péritoine, il s’en isole aussi avec une facilité 
étonnante, toutes les fois que le point de départ de l’inflammation séreuse est 
un des organes qu'il contient, et il est remarquable de voir combien la périto- 
nite, dans ce cas, respecte la barrière du détroit supérieur. Il semble qu'il y 
ait là deux séreuses ayant des maladies communes et leurs maladies propres. La 
tuberculose miliaire est commune aux deux parties et ne semble pas avoir de 
préférence pour le petit bassin ; elle n’y est pas plus commune que dans le 
reste de l'abdomen, mais, dans la pelvi-péritonite symptomatique des lésions 
tuberculeuses des organes génitaux, l'inflammation reste presque toujours 
circonscrite ; dans la forme purulente même, l'enkystement est la règle (Vermeil). 
Le kyste englobe en général tous les organes du’petit bassin; quelquefois cepen- 
dant il n'occupe qu'un des côtés du cul-de-sac recto-utérin. Les organes qu'il 
renferme ne sont pas directement en contact avec le pus ; ils en sont séparés 
par les fausses membranes qui les tapissent. Le kyste peut communiquer par 
un ou plusieurs trajets avec le rectum, le vagin, la cavité des trompes, l’espace 
pelvi-rectal, beaucoup plus rarement avec l'utérus et la vessie. 

SYMPTOMATOLOGIE. On observe habituellement de l’aménorrhée, rarement des 
métrorrhagies. Il existe des douleurs parfois très-vives, soit au début, s’il coïn- 
cide avec l’époque des règles, soit dans le cours de l'affection, au retour de chaque 
période menstruelle. Cependant la fièvre augmente peu pendant ces poussées ; 
il y a seulement quelques frissons, parfois des vomissements alimentaires, quel- 
quefois de la constipation. Pour Aran, ces recrudescences coïncideraient avec 
des alternatives inverses dans l'intensité des manifestations? pulmonaires; il 
appelle ce rapport : le balancement. En effet, chez les tuberculeuses, au début, 
les lésions péri-utérines ont un appareil symptomatique généralement mieux 
accusé que chez les phthisiques au troisième degré (Vermeil). Les douleurs, per- 
manentes dans la pelvi-péritonite, sont sourdes et siégent dans l’hypogastre dans 
toute son étendue ou sur un côté seulement; elles présentent quelquefois des 
irradiations lombaires et crurales ; elles s’exagèrent par la pression, surtout au 
niveau des ovaires. 

Le bas-ventre est ballonné, rénitent. On sent, par le palper, des masses indu- 
rées; par le toucher, un empâtement plus ou moins fluctuant dans les culs-de- 


PÉRITONITES. 409 


sac. L’utérus est dévié, entouré de masses bosselées, formées par les ganglions. 

Nous observons donc un appareil symptomatique bien localisé et dont le 
pronostic ne différerait guère de celui des épanchements purulents simples, si 
la plupart du temps on ne trouvait simultanément des poussées de tuberculose 
aiguë et la phthisie pulmonaire chronique. 

Si l'on vient à ponctionner les épanchements du péritoine pelvien, on obtient 
en général un liquide purulent, parfois brunâtre. Il se reproduit rapidement et 
se retrouve plus purulent aux ponctions suivantes. 

Proxosric. La pelvi-péritonite tuberculeuse est une maladie grave par elle- 
même; elle n'a aucune tendance à la guérison spontanée. L'abcès pelvien dû à 
la tuberculose peut communiquer par une perforation avec le vagin; c’est la 
terminaison la moins défavorable ; il peut aussi s'ouvrir dans le rectum, dans 
l'espace pelvi-rectal, dans l'utérus. De toutes les fistules, la plus grave est celle 
qui établit une communication entre le péritoine pelvien et la vessie. 

Dans la pelvi-péritonite, les masses ganglionnaires tuberculeuses déterminent 
quelquefois aussi des phénomènes de compression sur le rectum et sur les 
voies urinaires. 

Draexosric. Le diagnostic de pelvi-péritonite une fois posé, on reconnaitra 
la nature tuberculeuse de la maladie en voyant se développer des symptômes de 
phthisie pulmonaire chronique ou des poussées de tuberculose aiguë. On pourra 
trouver par la ponction, l’incision, etc., le bacille de la tuberculose dans les 
exsudats. On se rappellera cependant que des femmes atteintes de pelvi-périto- 
nite chronique peuvent, confinées au lit, dans des salles chargées de tuberculeux, 
contracter la tuberculose pulmonaire, sans que les lésions du petit bassin 
cessent pour cela d’être simplement inflammatoires. 

TraiTEMENT. La pelvi-péritonite tuberculeuse sera traitée localement, s’il 
y a des cavités purulentes. Sinon on s’abstiendra chez les tuberculeuses de 
pratiquer sur les organes génitaux des opérations, même peu importantes, 
telles que la cautérisation du col. On soutiendra les malades par un traite- 
ment tonique et reconstituant comme dans les autres formes de la péritonite 
tuberculeuse. 

9° TUBERCULOSE PÉRITONÉO-PLEURALE. « Quand il y a tuberculisation du péri- 
toine, il y a toujours aussi tuberculisation de l’une ou l’autre des deux plèvres ». 
Telle est la loi de Godelier. Les rapports de ces deux séreuses sont en effet très- 
intimes, et cette propagation des inflammations tuberculeuses de l’une à l’autre, 
étudiée au début par Lépine et Blanc (thèse de Lyon, 1881), qui rapporte 
10 observations, a été reprise par Charles Fernet, qui a lu, dans la séance du 
8 février 1884 de Ja Société médicale des hôpitaux, un très-remarquable 
travail avec 4 observations intéressantes sur la tuberculose pleuro-péritonéale. 
Boulland, dans sa thèse de Paris, 1885, intitulée : De la tuberculose du peri- 
toine et des plèvres, sur 82 observations, rapporte 58 observations de tubercu- 
lose péritonéo-pleurale : 6 cas de tuberculose péritonéo-pleurale aiguë, 6 cas de 
tuberculose péritonéo-pleurale chronique mortelle, 10 cas de tuberculose 
péritonéo-pleurale-fibreuse guéris, et 16 cas de tuberculose péritonéo-pleurale- 
fibreuse suivis d’autopsie. 

Ces statistiques montrent combien est fréquente la coexistence de la tuber- 
culisation des deux séreuses voisines, et combien est justifiée la dénomination 
donnée par Fernet. Cet auteur a one que le parasite de la tuberculose se pro- 
pageait par le £ fsystème lymphatique, les canaux lymphatiques du diaphragme 


410 PÉRITONITES. 


servant de trait d'union entre le péritoine et les plèvres et réciproquement. La 
maladie développée dans l'une des séreuses envahirait l'autre par migration ou 
pullulation des bacilles tuberculeux. 

On devra toujours rechercher, dans le cas de péritonite, s'il existe une pleu- 
résie ; si celle-ci a produit une soudure intime des deux feuillets, on peut mécon- 
naître la pleurésie; d'autres fois il existe des frottements; dans certains cas, 
on pourra suivre l’évolution complète de la pleurésie avec épanchement. 

A ces deux lésions des séreuses voisines s'associent des lésions tuberculeuses 
d’autres séreuses, péricarde et méninges, et des organes, poumon, foie, rate, 
rein, utérus, etc. 

Proxosric. Fernet établit que la tuberculose péritonéo-pleurale subaiguë 
peut guérir. Boulland conclut dans le même sens et cite 40 cas de guérison 
sur 56. 

Trarrewexrt. Le traitement des lésions pleurales se fera de la même manière 
que le traitement des lésions péritonéales, par la révulsion : vésicatoires 
volants, pointes de feu, teinture d'iode; par l'aspiration des liquides : thora- 
centèse ou empyème; on se rappellera toutefois qu'une poussée de granulie 
succède parfois à une évacuation des exsudats pleuraux (Potain). 

PÉRITONITE CANCÉREUSE ET CANCER DU PÉRITOINE. HISTORIQUE. Parmi les 
auteurs qui ont traité ce sujet dans ces dernières années, nous citerons Debove 
(1875), Guilleminot (1876), Tapret (1878), Siredey et Danlos (Dictionnaire 
de Jaccoud, 1878), Chuquet (thèse de Paris, 1879), Kelsch et Wannebroucq 
(Progrès médical, 1881), Prémont (Bulletin de la Societé anatomique, 1882), 
Brieger (Berliner klinische Wochenschrift, 1885 et 1885), Mongird (thèse de 
Paris, 1884), Atkinson (Arch. of Med., 1884), Cornil et Ranvier (Manuel d'hist. 
path., 1884). 

Érioroerr. C'est une affection rare, le plus ordinairement secondaire à une 
manifestation cancéreuse d'un organe du voisinage. Cependant il existe des cas 
de péritonite cancéreuse primitive. Sur 40 cas de Pétrina, il y a 14 cancers pri- 
mitifs; sur 14 cas de Bamberger, un seul était primitif. Aucun âge n'est à l'abri 
de cette maladie, mais le maximum des cas a été observé de quarante à soixante 
ans. Quant au sexe, le plus souvent atteint est le sexe féminin. 

Voici un tableau où se trouvent résumés 68 cas recueillis par Pétrina (Cancer 
du péritoine, in Prag. Viert. Jahr., 1872) et F. Mongird (Cancer du peritoine, 
in thèse de Paris, 4884). 





PÉTRINA. MONGIRD. 
AceMD à 20ans- < eut are ° 1 cas. 1 cas. 
— 20 a S0 ans e 2 Cd ee ce 5 — 5 — 
22H60 Far 40 ANSE E RSR SERRE 2 — 3 — 
=440 à:50sanssert À. eus mue SEE CES 6 — 
— DD 4 60 30S. o ee Le 19 — $ — 
26087 70 are 2e SORT 10 — > — 
=: 107480 ans. shine Jude 5 — 2 — 
40 cas. 28 cas. 
PÉTRINA. MONGIRD. Total. 
Sexe HOMMES. eea 2e = = ONE 10 cas. 26 cas. 
— Femmes. en 24 — 18 — 42 — 
40 cas. 28 cas. 68 cas. 


On comprend la raison pour laquelle la péritonite cancéreuse secondaire se 
produit : c'est par propagation de voisinage ou par voie lymphatique ou veineuse; 


PÉRITONITES. 41 


dans ces cas les organes malades sont l'estomac, l'intestin, le foie, les organes 
génitaux, l’œsophage, le sein. Une observation de Debove (Cancer du sein 
propagé au poumon et au périloine. Rôle des séreuses, in Bull. de la Soc. anat., 
1872), montre ce dernier mode de propagation. 

Quand la péritonite cancéreuse se produit primitivement, le mécanisme en 
est obscur. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. 1° Cancer primitif. Le cancer primitif débute 
généralement dans l’épiploon; il peut être constitué par du carcinome encépha- 
loïde ou par du squirrhe, mais le plus souvent il revêt la forme du carcinome 
colloïde ; ce dernier constitue quelquefois des tumeurs considérables, comprenant 
toute l'étendue du péritoine, le grand épiploon, le mésentère, le mésocôlon, le 
feuillet péritonéal du foie. Le volume de la tumeur qui remplit l'abdomen est 
tel, qu'on prend alors le cancer colloïde pour un kyste très-volumineux de 
l'ovaire. La structure de ces carcinomes colloïdes ne présente rien de spécial ; 
les parties les plus anciennes sont formées de grandes alvéoles remplies de cel- 
lules sphériques, volumineuses et transparentes. Dans les parties les plus 
récentes, 1l existe beaucoup de tissus fibreux à fibrilles extrêmement fines, 
enfermant entre elles une substance colloïde avec ou sans cellules libres (Cornil 
et Ranvier). 

Le carcinome primitif du péritoine reste rarement limité à la membrane 
séreuse; très-souvent il s'étend, non-seulement sur les revêtements péritonéaux 
des organes abdominaux, mais il peut même atteindre le parenchyme des organes 
abdominaux; la dégénérescence carcinomateuse secondaire du péritoine de 
revêtement peut ne présenter qu'un simple épaississement diffus du péritoine, 
ou bien former des nodosités ou des plaques carcinomateuses à sa surface. Dans 
certains cas les organes abdominaux se trouvent entourés et même comprimés 
par des produits carcinomateux qui peuvent acquérir une grande épaisseur. La 
dégénérescence secondaire du parenchyme des organes abdominaux dans la 
péritonite primitive n’est jamais bien considérable; on y trouve quelques noyaux 
carcinomateux récents. 

La localisation de quelques royaux carcinomateux mérite une mention spé- 
ciale : ainsi l’épiploon gastro-hépatique peut être envahi par le cancer et cette 
tumeur peut comprimer le tronc de la veine porte ou les voies biliaires, ou 
se propager à ces organes; les produits cancéreux peuvent comprimer les 
intestins et obturer leur calibre ou bien arriver au même effet par l’envahis- 
sement des parois intestinales et le développement de la tumeur dans l’inté- 
rieur de l'intestin. 

Quel que soit le siége du cancer, il peut, en s'étendant aux parois des veines, 
produire des thromboses; d’autres fois il se contente d’englober ces vaisseaux 
et de les comprimer (Mongird). 

2 Carcinome secondaire. Tl se montre généralement au début sous la 
forme d’un épaississement diffus ou nodulaire du tissu conjonctif du péritoine 
en rapport avec l’organe malade. C’est ainsi que dans le cancer de l'estomac le 
feuillet péritonéal de cet crgane présente, soit des nodosités cancéreuses, soit 
une infiltration de même nature; presque toujours on peut y découvrir des 
veines ou des vaisseaux lymphatiques qui rampent sous le péritoine et qui 
viennent de la tumeur stomacale pour se rendre au foie ou dans les ganglions 
lymphatiques voisins. Ces premières manifestations du careinome péritonéal sont 
suivies d’une généralisation à toute la séreuse qui se recouvre de granulations 


419 PÉRITONITES. 


ou de petites tumeurs variant du volume d'un grain de millet à celui d'un petit 
pois et plus. Les plus petites de ces granulations, surtout lorsque le carcinome 
primitif est un squirrhe, ressemblent beaucoup, à l'œil nu, aux tubercules. 
L'examen microscopique ne peut laisser subsister aucune hésitation, car toutes 
ces néoformations reproduisent exactement la structure de la tumeur primitive. 
Pour peu qu'il y ait doute sur la nature des granulations, cet examen doit être 
pratiqué. Il n'est pas très-rare de voir une éruption de granulations tubercu- 
leuses généralisées à tout le péritoine survenir à la fin d'un cancer de l'utérus 
ou de l'estomac (Cornil et Ranvier). 

Périlonile cancéreuse. Les cancers secondaires du péritoine s'accompagnent 
toujours de périlonite plus ou moins intense, localisée ou généralisée, carac- 
térisée tantôt par un. épanchement abdominal citrin plus ou moins abondant, 
tantôt par une exsudation fibrineuse. D’autres fois les productions cancéreuses 
du péritome s'accompagnent de néomembranes vascularisées et d'un exsudat 
hémorrhagique. Dans sa thèse de 1882, Bessirard rapporte 4 observations de 
péritonite cancéreuse où il n'existait pas de néomembranes et où on ne pouvait 
expliquer l’hémorrhagie péritonéale que par la congestion autour des masses 
cancéreuses ou par la cachexie cancéreuse. 

Les néomembranes simplement fibreuses de la péritonite, qui constituent les 
adhérences filamenteuses, finissent par subir elle:-mêmes l’infiltration cancé- 
reuse. 

Enfin il peut survenir une péritonite aiguë purulente, lorsqu'un segment 
du tube digestif atteint de cancer s'ouvre dans le péritoine, ou lorsque la 
destruction, le ramollissement putrilagineux de la tumeur cancéreuse, déter- 
minent la formation d’un clapier situé très-près de la surface de la séreuse; 
c'est en particulier ce qui s'observe dans le carcinome de l'utérus et de ses 
annexes. Rien n’est plus commun que la terminaison de ce carcinome par 
une péritonite subaiguë, aiguë et purulente, soit que la trompe dégénérée et 
libre verse du suc cancéreux dans le péritoine, soit que la destruction putri- 
lagineuse du col et d'une partie du corps utérin intéresse le péritoine du 
petit bassin, et produise par voisinage une péritonite aiguë. Le carciuome 
primitif du grand épiploon détermine quelquefois de la péritonite, des abcès 
du tissu conjonctif profond de la paroi abdominale antérieure, situé entre le 
plan musculaire et arrivant jusque dans le tissu cellulo-edipeux sous-cutané 
(Cornil et Ranvier). 

SYMPTOMATOLOGIE. 1° Carcinome miliaire primitif. D’après Pétrina, le 
carcinome peut se développer avec une telle rapidité que le diagnostic en devient 
impossible; dans ce cas, la plupart des symptômes par lesquels le cancer du 
péritoine se manifeste habituellement font défaut; la coloration de la peau 
ne change pas beaucoup, l'amaigrissement n’a pas le temps de se produire, vu 
la marche rapide de la maladie; la palpation et la percussion donnent des 
résultats négatifs, car les nodosités carcinomateuses sont très-petites et ne 
peuvent pas être perçues à travers la paroi abdominale. Il survient des troubles 
intellectuels, une légère fièvre, du délire, et le malade s'éteint pour ainsi dire 
avant qu'on ait eu le temps de se prononcer sur la marche de la maladie. 

2° Carcinome ordinaire primitif. Dans la plupart des cas, la maladie 
débute par des douleurs dans le ventre : la douleur est tantôt constante, légère, 
tantôt elle survient par accès; d’autres fois c’est une sensation de simple pesan- 
teur et de gène dans le ventre; la douleur augmente par la pression; parfois 


PÉRITONITES. 413 


cependant la pression ne l’exagère pas. Elle peut être localisée au niveau de 
lombilic, à l'épigastre, dans les fosses iliaques; de ces points elle peut s’irradier 
dans diverses directions, sur les côtés ou dans la poitrine (Mongird). 

A la douleur du début viennent s'ajouter les troubles produits par l’évolution 
de la cachexie cancéreuse ; le malade perd ses forces, il maigrit, et son appétit 
diminue, parfois même disparaît complétement ; les digestions se font mal, les 
malades se plaignent de pesanteur dans l’estomac, après avoir ingéré les aliments ; 
très-souvent ils ont des nausées, du pyrosis et des vomissements. Cependant 
quelquefois les malades conservent leur appétit et les digestions se font alors 
plus ou moins bien jusqu’à la fin; les vomissements du début sont passagers, 
vers la fin de la maladie ils peuvent devenir incoercibles ; ils sont alimentaires 
ou constitués par des matières glaireuses. La diarrhée apparaît rarement au 
début ; la constipation est la règle durant toute la maladie; la diarrhée reparait 
dans les derniers moments de la vie. 

Le ventre augmente de volume; cette augmentation est due à l’ascite, à la 
distension des intestins par les gaz et à la présence des tumeurs dans la cavité 
abdominale. 

L'ascite accompagne toujours le carcinome du péritoine. La quantité de liquide 
varie entre quelques grammes et 10 litres. Cette quantité peut même être 
dépassée ; la peau de l'abdomen est alors tendue et luisante; l'ombilic proémine; 
quelquefois les veines sous-cutanées sont dilatées. 

Comme 1il y a de la péritonite, il y a des adhérences : l’épanchement est done 
ordinairement cloisonné ; aussi les modifications que le décubitus amène dans 
les signes de la percussion, dans le cas d’ascite simple, font ici défaut, et la sono- 
rité, dans le décubitus dorsal, au niveau de la région épigastrique ou ombilicale, 
peut être remplacée par de la matité. 

L’ascite est due à l’inflammation du péritoine et à la stase des vaisseaux du 
système porte, stase produite par de nombreuses obstructions vasculaires; en 
tous cas, l'extravasation du sérum sanguin est facilitée par le changement de 
la composition du sang. L'épanchement est ordinairement séreux ou séro-fibrineux, 
parfois d'apparence laiteuse (Brieger); il peut être hémorrhagique et être dù, 
soit à une vascularisation exagérée autour des tumeurs carcinomateuses, soit à 
une véritable pachypéritonite (Cornil et Ranvier), soit encore à la dyscrasie 
cancéreuse. 

L’ascite qui augmente le volume de l'abdomen masque en même temps les 
nodosités cancéreuses; quand on vient à l’évacuer, et cela se fait quand elle est 
considérable, on se trouve immédiatement placé dans de bonnes conditions pour 
explorer tout l'abdomen. On constate par la palpation des nodosités péritonéales, 
arrondies, multiples, irrégulières ; parfois on ne sent pas les tumeurs, mais une 
certaine rénitence de la paroi abdominale. 

Quand l’ascite peu abondante n'empêche pas l'examen par la palpation, on 
peut, en déprimant brusquement la paroi abdominale avec les extrémités des 
doigts, avoir la sensation d'un corps dur, résistant et par conséquent de nature 
suspecte. 

Les touchers vaginal et rectal feront, dans certains cas, constater dans les 
culs-de-sac péritonéaux une tumeur ou une rénitence spéciale et l'immobilité 
de l'utérus. 

Les ganglions inguinaux peuvent être engorgés parfois dès le début de la 
maladie; ce signe servira au diagnostic dans les cas douteux. 


4144 PÉRITONITES. 


Le météorisme est constant; il apparaît au début de la maladie et provient 
de l’atonie des museles intestinaux et de la faiblesse des muscles de la paroi 
abdominale; le météorisme, comme la constipation, peut être causé par la fixa- 
tion des intestins par les fausses membranes de la péritonite et par la diminu- 
tion de calibre du canal intestinal par le néoplasme. La distension des intestins 
situés au-dessus du néoplasme peut alors acquérir des dimensions énormes ; 
on conçoit ainsi la possibilité d'une occlusion intestinale. Les malades sont 
généralement tourmentés par une dyspnée provenant de l'accumulation du 
liquide dans la cavité abdominale, et de la distension des intestins qui refoulent 
le diaphragme. 

L'état général devient mauvais, bien que la température reste généralement 
normale; les malades tombent dans un état de cachexie caractérisé par un amai- 
grissement extrême, un affaiblissement progressif, une anorexie complète, un 
teint jaune paille, des vomissements incoercibles, de la diarrhée, de la dyspnée 
et de l’œdème des membres inférieurs. 

Durée Er TERMINAISON. Le carcinome du péritoine est une maladie à marche 
rapide; mais il est difficile d'en déterminer exactement la durée, vu que les 
premiers symptômes passent souvent inaperçus du malade. Cependant on admet 
que la maladie dure de deux mois à un ou deux ans. 

Lebert évalue la durée moyenne du carcinome péritonéal à six ou huit mois; 
cette opinion est partagée par Kohler et Bamberger. 

La terminaison de la maladie est toujours fatale. Le plus souvent la mort 
survient par les progrès de la cachexie; d'autres fois les malades sont emportés 
par une complication, péritonite aiguë, pneumonie, œdème pulmonaire, hydro- 
thorax, refoulement exagéré du diaphragme, hémorrhagie péritonéale parfois 
très-abondante, suivie d'anémie aiguë et de collapsus, perforation de l'intestin 
après occlusion intestinale. 

Dracvosric. La péritonite cancéreuse primitive, surtout au début, mais 
souvent pendant toute sa durée, ressemble à la péritonite tuberculeuse : même 
marche insidieuse, même cachexie, même cloisonnement de la cavité abdomi- 
nale, même lésion et rétraction du grand épiploon. 

L'engorgement des ganglions inguinaux, l'apyrexie, la marche progressive, 
sans rémission, sont propres au cancer. 

Parfois l’ascite de la péritonite cancéreuse est si bien enkystée qu’elle simule 
à s’y méprendre le kyste ovarique; plusieurs fois cette erreur a été commise et 
elle est excusable ; la laparotomie est alors bornée à une simple incision explo- 
ratrice. 

On confond volontiers la péritonite tuberculeuse et la cirrhose du foie; la 
même erreur peut avoir lieu dans le cas de péritonite cancéreuse; nous ne 
voyons que le cloisonnement de l'abdomen et la forme de l’ascite, qui puissent 
faire rejeter, dans ce dernier cas, le diagnostic de cirrhose du foie. 

Toute hésitation disparaît quand, après évacuation du liquide ascitique, on 
constate des nodosités et des tumeurs péritonéales. Il faut rechercher alors si 
la péritonite cancéreuse est primitive ou secondaire. 

La péritonite secondaire s'impose, quand on a reconnu la présence de la 
tumeur d’un des viscères voisins ; cependant il est des cas où le cancer est plus 
développé en un point de la séreuse et y forme tumeur; on peut ainsi prendre 
un cancer primitif du péritoine pour une tumeur cancéreuse du foie ou de 
l’estomac. 


PÉRITONITES. 415 


TRAITEMENT. Simplement symptomatique, il consistera à soutenir les forces. 
à exciter l'appétit, à arrêter les vomissements et la diarrhée, à calmer les dou- 
leurs et à soustraire le liquide de la cavité abdominale, si le malade est menacé 
d’asphyxie. 

9° PÉRITONITE sypmitiriQue. S'il est une variété de péritonite spécifique qui, 
au premier abord, parait mériter cette dénomination plus que les autres, c'est 
assurément la péritonite syphilitique. Et cependant cette péritonite n'existe pas, 
à la manière de la péritonite tuberculeuse et de la péritonite cancéreuse. Il 
n'existe pas une péritonite syphilitique aiguë, il n'existe pas davantage une 
péritonite syphilitique chronique. Tout ce qu’on peut dire, c’est que les syphi- 
litiques, fœtus, enfants, ou adultes, peuvent présenter à la suite de lésions 
viscérales dues à la syphilis des inflammations de la séreuse abdominale, mais 
le syphilome ne se retrouve pas dans le produit inflammatoire; la péritonite 
est une péritonite de propagation, voilà tout; généralement, c’est une péritonite 
chronique partielle qui accompagne les lésions gommeuses du foie, de la rate 
ou de l'intestin; on a même cité des cas de péritonite diffuse suppurée sur- 
venue à la suite d’ulcérations syphilitiques de l'intestin grèle ou du gros 
intestin. Laurezi (1871) décrit, il est vrai, de nombreux dépôts blanchâtres, 
lenticulaires, couvrant le péritoine pariétal et viscéral comme des boutons de 
variole, et il doune son observation comme un exemple d’entéro-péritonite gom- 
meuse ; ce diagnostic ne saurait être accepté qu'avec réserve; nous applique- 
rons la même remarque à l'observation d'Aufrecht (Zeitschr. f. Med., 1874), qui 
dit avoir rencontré chez une jeune femme atteinte de roséole et de papules une 
néphrite interstitielle, de l'hépatite et « une tuberculose miliaire syphilitique » 
du péritoine. Il est donc douteux que le péritoine ait jamais été le siége d'alté- 
rations syphilitiques primitives. 

On a également décrit des inflammations du péritoine dans la syphilis héré- 
ditaire. Mais là aussi elles sont d'ordre vulgaire et ne font qu’accompagner les 
lésions viscérales. C’est ainsi que Simpson a décrit une péritonite fœtale com- 
pliquant les lésions hépatiques de la syphilis héréditaire ; Hecker a cité plusieurs 
observations où la péritonite fœtale semblait se rattacher à des lésions de la 
rate. Enfin, Silbermann a décrit une péritonite chronique non septique, sur- 
venant chez les enfants syphilitiques, et dont le début remonterait aux deux 
üers de la vie intra-utérine. 


CHAPITRE V. PérironiTe seron Les aces. ĝ 1. Péritonite congénitale. 
La péritonite congénitale existe; elle est démontrée par les observations de 
Dugès (1821), de Trenel (thèse de Paris, 1837), de Billard (Traité des maladies 
desenfants, 1837), de Simpson (1838), de Keiller (Edinb. Med. Journal, 1855), 
de Virchow (Gaz. hebd., 1858), de Breslau (1863), Voss (Soc. gyn. de Berlin, 
1865) ; de Lohlein (Berl. klin. Woch., 1874), de Porak (Bull. de la Soc. Anat., 
1875), de Bœttcher (Dorpat Med. Zeit., 1875), de Mac Callum (Obst. Soc. 
London, 4876), de Letulle et Ectuelle (thèse d'agrégation d'A. Herrgott, 
1878), de Galalin (the Obst. Trans., 1878), de Olshausen (Pitha et Billroth, 
1881), de Silbermann (Jahr. f. Kinderheilk., 1882). On consultera avec fruit 
Poirier de Narçay : De l'ascite congénitale (thèse de Paris, 1884). 

Ériorocie. Cette péritonite est toujours secondaire; les lésions viscérales 
qui lui donnent le plus fréquemment naissance sont la cirrhose hyperthophique 
du foie non syphilitique (Porak, Virchow, Letulle), l'hépatite scléreuse syphi- 


416 PÉRITONITES. 


litique (Ectuelle), la rétention d'urine (Galabin), l'étranglement intestinal (Mac 
Callum), la perforation de l'intestin (Breslau), l'hypertrophie de la rate 
(Trenel, Letulle, Virchow), la tuberculose (Trenel). Peut-être lascite congé- 
nitale peut-elle à un moment se compliquer d’inflammation du péritoine. Dans 
un cas de Olshausen, on trouva une péritonite généralisée de date ancienne, 
causée par une fistule qui faisait communiquer la vessie et l'utérus. Il y avait 
absence de vulve et de vagin et l'urine coulait de l'utérus dans le péritoine par 
les trompes. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. Les lésions du péritoine sont localisées ou généra- 
lisées, plus souvent chroniques qu'aiguës ; elles consistent en épaississements de 
la séreuse, en adhérences anciennes ou récentes, intimes ou lâches, avec exsu 
dats fibrineux et épanchement rougeâtre ou brun foncé. 

L'épanchement de la péritonite congénitale n’est pas abondant, comme cela 
se voit dans le cas de distension de la vessie; cependant, dans certains cas, il y 
a un épanchement aseilite considérable qui a été considéré comme cause ou 
comme effet de la péritonite. Voici comment il faut comprendre cette ascite : au 
début, la péritonite fait transsuder du liquide dans la cavité péritonéale ; ce 
liquide s’accroit de plus en plus et finit par comprimer les troncs veineux, 
d'où augmentation de l'épanchement, ou bien ceux-ci sont comprimés par la 
lésion hépatique qui a engendré la péritonite. Au début, c'est une ascite par 
irritation péritonéale; plus tard, c'est une ascite par stase. La quantité de 
liquide peut dépasser plusieurs litres et constituer, par la distension de l'ab- 
domen, un obstacle à l'accouchement. 

On trouve à l'autopsie, outre la péritonite, les lésions viscérales qui lui ont 
donné naissance : vessie distendue, cirrhose hypertrophique du foie et de la 
rate, hépatite scléreuse syphilitique, étranglement de l'intestin, tuberculose 
viscérale: 

SymPTOMATOLOGIE. Pendant les derniers mois de la grossesse, le ventre de la 
femme devient énorme et cependant le fœtus n’est pas mobile; on ne perçoit 
pas le ballottement : en effet, il y a peu de liquide amniotique; la coïncidence 
de la péritonite et de l'hydramnios n'a été notée dans aucune des observations 
que nous avons analysées. La mère ne tarde pas à cesser de sentir les mouve- 
ments actifs. 

Au moment de l'accouchement, et celui-ci se fait presque toujours avant 
terme, l'expulsion du fœtus est impossible tant que le liquide péritonéal n'est 
pas évacué : aussi la péritonite congénitale doit-elle être considérée comme une 
cause de dystocie, qu'il y ait distension de la vessie avec peu d’exsudat périto- 
néal ou péritonile avec ascite notable. Ce qui caractérise cette dystocie, c'est le 
retard dans l'expulsion du tronc. Par le toucher, on peut reconnaitre la disten- 
sion de l'abdomen, en constatant une tumeur considérable au centre de laquelle 
se trouve l'insertion de l’ombilic, mais il n’est pas toujours facile d'introduire 
la main dans l'utérus. 

À ce moment, on ne peut savoir s’il s’agit d'une péritonite avec épanchement 
liée à une lésion viscérale ou à une rétention d’urine, ou d’une ascite congéni- 
tale (Poirier de Narçay, 1884). D'ailleurs peu importe; il faut achever l’extrac- 
tion du fœtus et, s’il y a lieu, vider la collection liquide qui constitue l'obstacle 
à l’expulsion du tronc; l'expulsion du fœtus pourrait cependant se faire sponta- 
nément ou à la suite de tractions, si l'épanchement péritonéal était peu abon- 
dant. 


PÉRITONITES. 417 


Pronostic. Cette péritomte fœtale peut réagir sur la mère avant l’accou- 
chement; celle-ci accuse des douleurs abdominales, présente de l'œdème de la 
vulve et des membres inférieurs, éprouve une lassitude pendant la marche, et 
souffre de dyspnée par distension de l’ahdomen. Après la délivrance, la mère 
fatiguée par la longueur du travail est exposée aux complications puerpérales. 
Les suites de couches ont été fatales à la malade de Porak, morte de rupture de 
l'utérus et de péritonite suraiguë, favorables aux malades de Virchow et de 
Keiller. 

Les enfants nés avant terme étaient moris, sauf quelques-uns qui n’ont vécu 
que quelques instants. 

Trarrewenr. Dans quelques cas, l’accouchement se fait spontanément, ou il 
suffit de quelques tractions sur les bras ou sur les pieds pour extraire le tronc ; 
mais le plus souvent l'abdomen est tellement distendu que le tronc ne peut 
pas descendre; il faut alors, le diagnostic étant établi, ponctionner l'abdomen 
et évacuer le liquide. Le résultat de cette opération ne tarde pas à se faire sentir 
et le fœtus est expulsé facilement. 

à 2. Péritonite des nouveau-nés.  Érioroie. La péritonite est assez fré- 
quente dans les premiers jours de la naissance. 

Sur 186 cas de péritonites observés par Bedner chez les enfants : 


102 fois les enfants avaientide. 7.0... 1 à 15 jours. 
CD DIS ee ce ee Ciel 16 à 28 jours, 
A TOITS NUS à den DC MO Lo ONE e I D Plus de 1 mois, 

ATOS de De ele le ee de ee AIO 

ASTOS AEE PER el ee Ne ete M PANNTOISS 

A OS A Es M ATES de suis sue ol mos, 


Sous l'influence de l'infection puerpérale, les nouveau-nés peuvent être 
atteints de péritonite lymphatique et notamment de lymphangite de l'ombihie 
par les mêmes processus que la péritonite de la mère ; cette forme de péritonite 
s'observe surtout dans les maternités où il existe déjà une épidémie chez les 
accouchées (Laurin, 1857 ; Quinquaud, 1872). Dans un grand nombre de cas 
même, la péritonite des nouveau-nés est une péritonite érysipélateuse (voy. plus 
haut Peritonite érysipélateuse). 

Dans d’autres circonstances, la péritonite est consécutive à la gangrène de 
l'ombilic (Meynet, thèse Paris, 1857), à un phlébite ombilicale qui succède à la 
ligature du cordon, à une obstruction intestinale par constipation opiniâtre, 
par imperforation de lanus, par invagination, à l'inflammation d’un sac her- 
niaire, à la rupture de la vessie, à la déchirure du foie, à la perforation de 
l'estomac. Les cas de péritonite primitive sont les plus rares. La péritonite des 
nouveau-nés est à peu près aussi fréquente chez les garçons que chez les filles. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. Quand le point de départ est à l’ombilie, le tissu 
conjonctif sous-séreux depuis l'ombilic jusque sur les parties latérales et même 
jusqu’à la colonne vertébrale présente une infiltration séreuse trouble ; il en est 
de même de la capsule de Glisson, de la face inférieure du foie et de l'épiploon. 
La séreuse est injectée, recouverte d’exsudats fibrineux, et la cavité péritonéale 
contient de 30 à 500 grammes de sérosité sanguinolente ou purulente. Les 
intestins sont distendus par une plus ou moins grande quantité de gaz; les anses 
intestinales sont agglutinées par des adhérences récentes. 

Quand le point de départ est ailleurs qu'à l'ombilic, on retrouve les mêmes 
lésions péritonéales plus marquées au niveau de la lésion pathogene. 


pict. ENC. 2° s. XXIII. 97 


448 PÉRITONITES. 


Dans les formes infectieuses de la péritonite, on trouve comme complications 
la pneumonie, la pleurésie et la méningite purulente; ce sont les lésions de 
la septicémie puerpérale auxquelles peut s'ajouter celles de la dégénérescence 
graisseuse aiguë des organes. Quelle que soit la cause de la péritonite aiguë des 
nouveau-nés, l'inflammation du péritoine peut être généralisée ou localisée : la 
péritonite est même plus souvent localisée en raison de la rapidité avec laquelle 
les enfants succombent le plus ordinairement. 

SYMPTOMATOLOGIE. 1° Forme non infectieuse. L'enfant est agité, sa face 
pälit et exprime la souffrance, son ventre se ballonne, devient dur et fort dou- 
loureux au toucher; dès qu'on y exerce la moindre pression l'enfant jette un 
cri, devient rouge et respire avec la plus grande difficulté ; son sommeil est 
interrompu par de petits cris faibles, aigus, à peine entendus ; il a de la consti- 
pation, il vomit tout ce qu'il prend; le pouls est petit, fréquent, le plus sou- 
vent imperceptible; néanmoins on n'observe pas le facies grippé comme chez 
l'adulte. Le vomissement même et la constipation ne sont pas constants. Mais la 
respiration est gènée, courte, incomplète, irrégulière, saccadée. Quand la péri- 
tonite se développe immédiatement après la naissance, l'abdomen pointe vers 
l'ombilic, ce qui n'arrive plus après le premier mois (Thore, 1846). L'enfant 
tombe en quelques heures ou en un à deux jours dans le collapsus et meurt. 

2° Forme infectieuse. La péritonite infectieuse des nouveau-nés débute en 
général le troisième jour, quelquefois dans la secondé semaine ou dès le pre- 
mier jour de la vie. Elle s'annonce habituellement par une légère altération des 
traits, par une diarrhée verte accompagnée de coliques et par des vomissements 
d’abord alimentaires, puis bilieux. Ces vomissements bilieux jaunes ou verts 
sont très-caractéristiques et ont été signalés par Lorain dans la plupart des cas 
de péritonite infantile : aussi la teinte jaune qu'ils laissent sur les commis- 
sures labiales ou à l'orifice des narines suffit-elle à établir le diagnostic en 
l'absence de renseignements précis (Quinquaud). La température s'élève rapi- 
dement à 40 et même à 41 degrés; le poids des nouveau-nés diminue graduel- 
lement jusqu’à la mort. 

Pendant la période d'état, le ventre se ballonne et paraît très-douloureux, car 
la moindre pression détermine des cris violents; l'épanchement péritonéal est 
peu abondant ; parfois on peut le reconnaître en tenant l'enfant le dos tournéen 
lair, et en percutant à la région ombilicale qui est mate. Lorain a souvent 
constaté la présence de l'épanchement dans la tunique vaginale chez les garçons: 
le canal inguinal, en effet, est ordinairement ouvert à cet âge de la vie. Cet 
épanchement se constate facilement, surtout au moment des cris de Penfant; 
9 fois sur 10 ce symptôme n'existe que du côté droit ; il donne lieu parfois à un 
œdème du scrotum. 

L'enfant, qui jusqu'alors avait continué à téter, refuse le sein; il est d’abord 
très-agité, puis il tombe dans la stupeur ; sa bouche reste ouverte; sa langue 
se dessèche ; la face et les extrémités se cyanosent ; des mouvements convulsifs 
apparaissent aux yeux et dans les muscles de la face; la figure prend l'aspect 
hippocratique et l'enfant succombe après quatre ou cinq jours d'une fièvre 
ardente (Quinquaud). 

Parmi les nombreux accidents qui peuvent compliquer la péritonite et qui 
relèvent, comme elle, de l'infection septique, il faut signaler : 1° l’ictère, que 
Lorain a observé 13 fois sur 50; 2° les hémorrhagies ombilicales et intestinales, 
qui peuvent dépendre autant de l'altération du sang que de la présence d'une 


vS 


PÉRITONITES 119 


pyléphlébite ; 3° le phlegmon, la gangrène et l'érysipèle de l'ombilie, qui sont 
dus à l’action locale du poison septique au lieu de sa pénétration ; 4° des phleg- 
masies purulentes des articulations, de la plèvre. 

Dracxosric. La constipation accompagnée de coliques violentes, de fièvre, 
d'état saburral de la langue, de vomissements, pourrait faire craindre le début 
d’une péritonite; cet accident est propre à la première enfance, mais manque 
généralement chez les nouveau-nés; en tout cas un laxatif en a facilement 
raison.’ 

La malformation du tube digestif peut donner lieu à des vomissements ou à 
de la constipalion, mais dans ces cas la fièvre fait défaut. 

L'entérite aiguë se traduit, outre les autres symptômes, par de la diarrhée, 
qui manque généralement dans la péritonite des nouveau-nés, sauf dans cer 
taines péritoniles puerpérales de mème nature que celle qui frappe les mères. 
En tout cas, l’entérite n'aboutit pas aussi rapidement que la péritonite au 
collapsus. 

Marcus. Pronostic. La péritonite aiguë des nouveau-nés suit ordinaire- 
ment une marche très-rapide et se termine par la mort en douze, vingt-quatre ou 
trente-six heures. C'est par exception qu'elle se prolonge davantage. Le pro- 
nostic est absolument fatal chez le nouveau-né; de ce qu’à l'autopsie d'un 
enfant on trouve des brides fibreuses péritonéales ou des adhérences anciennes, 
il ne s'ensuit pas pour cela qu’il a été, dans les premiers jours de sa naissance, 
atteint d’une péritonite aiguë. Ces lésions sont plutôt ou congénitales, ou dues 
à des processus subaigus ou chroniques. 

Traremenr. Si l’on reconnait à temps la péritonite, on pourra placer une à 
deux sangsues au voisinage de l’ombilic, puis une vessie de glace sur l'abdomen. 
On évitera de remuer l'enfant. On diminuera son alimentation, en même temps 
on lui fera prendre de l'eau gommée additionnée d'une goutte ou deux de lau- 
danum. On se contentera de Javements, les purgatifs étant inutiles dans la 
péritonite, pour ne pas dire dangereux. 

3. Péritonite dans la seconde enfance. Les auteurs qui ont spécialement 
écrit sur la péritonite chez les enfants sont Duparcque (1842), Gauderon (thèse 
de Paris, 1872), Kersch (Memorabilien, 1876 et 1879), Steinbruck (thèse de 
Tubingue, 1876), Richard Pott (Jahrb. f. Kinderkr., 1879), d'Espine et Picot 
(1880), Rilliet et Barthez (dernière édition). 

Ériorocie. Dans la seconde enfance la péritonite est plus rare que chez le 
nouveau-né ou que chez l'adulte; elle est souvent secondaire ; mais les cas de 
péritonite aiguë idiopathique ne sont nullement rares et un certain nombre 
d’entre eux sont rapportés dans les mémoires de Duparcque et dans la thèse de 
Ganderon. Rilliet et Barthez pensent aussi que la péritonite essentielle est plus 
fréquente en ville qu'à l'hôpital; elle est alors due au refroidissement après un 
exercice immodéré, à l'usage de boissons glacées, etc. 

Les péritonites secondaires de la seconde enfance sont dues aux mêmes causes 
que chez l'adulte ; cependant quelques causes spéciales méritent d’être signalées. 
Curling (Gaz. méd. Paris, 1840) a vu chez un garçon de deux ans une périto- 
nite généralisée succéder à la contusion d'un testicule retenu à l'anneau; la 
typhlite et l'invagination sont souvent, chez l'enfant, la cause de la péritonite. 

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. La forme la plus fréquente est la forme aiguë; elle 
est caractérisée par les lésions ordinaires de la péritonite aiguë, par des exsudats 
le plus souvent purulents, par l'abondance de ces exsudats et la tendance qu'ils 


420 PÉRITONITES. 


ont à s'ouvrir une voie par la cicatrice ombilicale (8 fois sur 25 cas cités par 
Gauderon). 

Dans la forme chronique et dans la forme tubereuleuse les lésions ne diffèrent 
pas de celles qui ont été décrites chez l'adulte : la péritonite tuberculeuse de 
l'enfant est souvent partielle (Rilliet et Barthez), et dans ce cas est localisée à 
la région sus-ombilicale ou à l'épiploon. Cette péritonite a de la tendance à 
perlorer l'ombilic; dans ce cas la perforation de l'ombilic est précédée parfois 
de perforation de l'intestin et de la formation d’un abcès stercoral; quand la 
cicatrice ombilicale vient à céder, il s'écoule par l'ouverture abdominale du 
pus, mélangé au contenu de l'intestin : matières fécales, lombrics (Henoch, Berl. 
klin. Woch., 1874). 

SYMPTOMATOLOGIE. Marche. TERMINAISON. Pronostic. Nous avons déjà décrit 
les symptômes de la péritonite idiopathique aiguë des enfants: la péritonite 
aiguë secondaire présente le même tableau clinique que chez l'adulte; chez 
l'enfant la péritonite par perforation est suivie d’une mort rapide en douze ou 
vingt-quatre heures, précédée même parfois de convulsions ; la guérison est excep- 
tionnelle. La péritonite chronique est rare chez les enfants : la péritonite tuber- 
culeuse au contraire est fréquente; elle présente les mèmes formes, la même 
symptomatologie, les mêmes complications et la même marche que chez l'adulte : 
la forme chronique est susceptible de rémission et même de guérison. 

Dracxosric. TRaiTEMENT. Les mêmes difficultés diagnostiques se rencon- 
trent chez l'enfant; certaines tumeurs abdominales malignes peuvent déterminer 
les mêmes accidents que la péritonite tuberculeuse ; ce sont surtout les tumeurs 
des ganglions rétro-péritonéaux (Henoch) et mésentériques (Rendu) qui peuvent 
simuler les plaques de la péritonite tuberculeuse. On suivra pour le traitement 
la mème médication que dans la péritonite chez l'adulte. 

2 4. Peritonite des adultes. Notre description se rapporte aux péritonites 
chez l'adulte ; nous n’avons rien à ajouter ici à ce sujel. 

2 5. Péritonite des vieillards. On n'a pas, que nous sachions, relaté d'ob- 
servations de péritonite aiguë idiopathique chez les vieillards; les péritonites 
secondaires sont moins fréquentes que chez l'adulte; parmi ces dernières celles 
qu'on observe le plus souvent sont la péritonite suite d'étranglement et la péri- 
tonite herniaire. La péritonite tuberculeuse n’est pas aussi souvent observée 
chez le vieillard que chez l'adulte; la péritonite cancéreuse, au contraire, est, 
on le comprend aisément, plus fréquente chez le vieillard qu'aux autres âges 


de la vie. 


CHAPITRE Vl. TRAITEMENT CHIRURGICAL DE LA PÉRITONITE. Ce paragraphe, 
à coup sùr nouveau, puisqu'il est généralement sacrifié dans les articles con- 
sacrés à la péritonite, nous a paru indispensable à cause de l'importance du 
sujet et des nombrenx mémoires qui ont paru depuis quelques années. Aucun 
travail d'ensemble n'existait avant la thèse d’agrégatien de Truc (Paris, 1886), 
qui nous a paru mériter plus qu'une mention élogieuse, à savoir une analyse 


complète. 
L'auteur donne des péritonites la division clinique suivante : 


PREMIÈRE PARTIE. — Péritonile traumalique : 
4° Post-opératoire ou chirurgicale, 
2 Traumatique ou accidentelle ; 
a. Sans lésions viscérales; 
b. Avec lésions viscérales. 


e 
Ro) 
> 


PERITONITES. 
DEUXIÈME PARTIE. — Péritonite non lraumatique : 

1° Péritonites aiguës : 
A. Par ulcération ou perforations viscérales pathologiques. 
B. Par inflammation, gangrène ou rupture de tumeurs intra-abdominales ; 
C. Par étranglement herniaire et occlusion intestinale; 
D. Péritonite simple et purulente ; 
E. Péritonite puerpérale. 

2 Péritonite chronique tuberculeuse. 

3° Péritonite enkystée. 
a. Générale. 
b. Périhépatique. 
c. Périsplénique. 
d. Pérityphlique. 
e. Pelvienne. 


Dans un historique bien développé, l'auteur expose les préceptes d'Érasistrate 
et de Soranus qui incisaient le péritoine aux aines, pour évacuer le pus collecté 
dans l'abdomen. Puis jusqu'à Petit le fils, en 1735, les chirurgiens n'osent plus 
toucher au péritoine ; Petit le fils et Vacher en 1737 et Garengeot en 1748 ouvri- 
rent des péritonites enkystées d’origine traumatique et guérirent leurs opérés. 
Herlin en 1767 guérit des animaux auxquels il avait déterminé, par la piqùre 
de la vésicule, un épanchement de bile dans le péritoine, en leur pratiquant 
des injections d’eau tiède dans cette séreuse. En 1776 Ravaton ouvre les abcès 
du bas-ventre et indique la règle de cette opération. En 1778 David pré- 
sente sur ce sujet un mémoire couronné par l’Académie de médecine. En 
1836, dans sa thèse de concours, Jobert de Lamballe se demande si l'on ne 
pourrait pas, quand il y a péritonite avec épanchement, inciser la paroi de 
l'abdomen et injecter de l’eau à la température du sang, pour diminuer l'in- 
fluence funeste de la présence du pus, et il base cette indication sur un cas 
heureux de péritonite intense consécutive à une plaie du foie et qui guérit à 
la suite d'injection d’eau à la température du sang ; l’inflammation se modéra; 
il se produisit un trajet fistuleux et la bile s’écoula par la fistule jusqu’à com- 
plète guérison. 

En 1841 Chomel n'admet l'intervention chirurgicale dans la péritomite dif- 
fuse qu'après la disparition des accidents aigus pour donner issue au liquide 
épanché. Quant à la péritonite localisée, il admet les vues indiquées par Petit, 
David, etc. 

En 1846 J. Guérin conseille de faire une injection copieuse d’eau tiède dans 
le péritoine, dans le cas de péritonite puerpérale généralisée; on retirera le 
liquide par aspiration, on fera ainsi plusieurs injections et évacuations d'eau tiède 
jusqu’à ce que le liquide extrait ait perdu tout caractère purulent; il faudra 
agir au moment où le ventre commence à se météoriser. 

En 1859 Segond Féréol s'occupe de la péritonite purulente plus ou moins 
enkystée, et ne formule que de timides indications opératoires. 

En 1861 Marten (Virchow’s Arch., t. XX, p. 550) préconise, dans un travail 
intitulé: Traitement chirurgical de la péritonite, une action énergique et l'ou- 
verture du ventre au bistouri, même dans quelques péritonites par perforation 
pathologique. 

En 1865 Keith opère un kyste de l'ovaire en pleine péritonite et guérit sa 
malade (the Lancet, 1865, t. II, p. 56). 

En 1876 Kaiser (Deutsch. Arch. f. klin. Med., 1876, t. XVII, p. 74) cite 
plusieurs cas de péritonites purulentes simples ou puerpérales, dans lesquelles 
l'intervention chirurgicale a donné de bons résultats. 


422 PERITONITES. 


La péritonite puerpérale a été opérée plusieurs fois. 

La péritonite traumatique est traitée depuis les travaux de Vincent, Bouilly, 
1885, Chavasse, 1885. 

Dupaquier donne un aperçu de ces vues nouvelles dans sa thèse de Paris, 1885; 
Kronlein (Arch. f. kl. Chir., 1886, t. XXXII, p. 507) expose les mêmes opi- 
nions thérapeutiques. 

Lawson Tait (de Birmingham) a opéré plus de quarante péritonites de tout 
ordre. Il dit formellement : « Toutes les fois que je suis en présence d'une 
péritonite localisée ou généralisée, quelle qu’en soit la cause, j'ouvre et je me 
conduis selon les données fournies par l'examen direct. La péritonite est, dans 
les affections abdominales, la plus puissante des indications opératoires. » 

Première PARTIE. ĝ I. Peritonite post-opératoire ou chirurgicale. L'in- 
tervention n'est efficace que dans les formes localisées et à marche peu rapide. 
S'il se produit des frissons, de la fièvre, un état général grave, les chirurgiens 
doivent s'efforcer de donner issue aux liquides infectieux et, par ce moyen, ils 
pourront sauver leurs opérés. Telle est la pratique de Keith, Spencer Wells, 
Kæberlé, Freund, ete. Le drainage se fera tantôt par l'ouverture de la plaie, 
tantôt par le cul-de-sac vaginal postérieur préalablement incisé, tantôt par les 
deux issues. Au drainage seront adjoints des lavages antiseptiques. M. Netter pro- 
pose de diluer simplement les exsudats en injectant dans le périteine de l'eau 
tiède. 

IL faut savoir cependant que, si l’on peut agir contre la péritonite avec épan- 
chement, les péritonites sèches, diffuses, qui sont de nature septique, sont au- 
dessus des ressources de l'art. 

à Il. Peritonite traumatique. 1° Sans lésions viscérales. La paroi est 
intacte ou à peine contusionnée, ou bien il existe une plaie pénétrante de la 
cavité péritonéale. La péritonite est possible dans ces cas ; des autopsies en ont 
démontré la réalité. Villemin, dans sa thèse, conseille l'abstention, s’il n'y a pas 
d’épanchement, et la ponction évacuatrice, s’il y en a, dans le cas de péritonite 
sans plaie pénétrante. 

S'ilya plaie pénétrante, la péritonite est généralement localisée, mais elle peut 
être généralisée ; on agrandira la plaie, on fera des lavages antiseptiques pour 
enlever les caillots de sang et le pus, et on établira un drainage suffisant ; si 
l'on n’est pas sùr de faire une toilette péritonéale suffisante par l'incision 
simple, on fera une laparotomie. 

2% Avec lesions viscérales. A. Lésions de la’ rate. Elles donnent lieu à 
une hémorrhagie grave par déchirure ou à un collapsus par broiement de l'or- 
gane; la péritonite, dans ces cas, n’a pas le temps de se développer ; si, après les 
premiers accidents, elle venait à se produire, il y aurait lieu de faire une laparo- 
tomie, une splénotomie et une toilette péritonéale complète. 

B. Lésions du foie el des voies biliaires. Si, à la suite d’un épanchement 
sanguin dù à la déchirure du foie, ou à la suite d’épanchement de bile dù à la 
rupture des voies biliaires, la péritonite se déclare, on fera la laparotomie avec 
toilette péritonéale. C'est là le moyen qui a le plus de chances de réussir. Les 
cas heureux de péritonite, alors qu'on n’est pas intervenu, ne doivent être consi- 
dérés que comme des exceptions. 

Le cas de Jobert de Lamballe où ce chirurgien fit avec succès, selon la 
méthode de Herlin, une injection d’eau à la température du sang, ne peut pas 


» . 


servir de ligne de conduite, bien que nécessairement le même traitement ait 


PÉRITONITES. 493 


été préconisé par M. Netter, qui le déclare bénin et apte à enlever à l'épan- 
chement de bile son influence nocive, d’après des expériences faites sur des 
animaux. 

C. Lésions gastro-intestinales.  L'épanchement du contenu stomacal et 
intestinal est infectieux de sa nature ; il se produit une péritonite septique rapi- 
dement mortelle. Malgré les cas de guérison relatés par Jobert, Poland, Renaut, 
on ouvrira le ventre, on fera la suture ou la résection de l'organe lésé et la 
toilette péritonéale. 

L'indication opératoire est donc fort nette, mais il faut être sûr du diagnostic ; 
s’il y a une plaie de l'abdomen, le diagnostic sera rendu plus facile. En l'absence 
de plaie extérieure, on ne pourra poser le diagnostic que lorsque la péritonite 
suraiguë sera déclarée ou en présence de symptômes persistants de collapsus. 
Et après, faut-il faire la laparotomie et la recherche du viscère atteint? Bien 
que les tentatives de Longuet (Bull. de la Soc. anat., 1875), de Bouilly 
(ibid., 1883), de Chavasse (Revue de chir., 1885), d'Owen (the Lancet, 1885), 
n'aient pas été couronnées de succès, elles ont été justifiées depuis par les 
succès de Kæœberlé, d'Otis (4 succès sur 5 insuccès), de Mikulicz (Semaine 
médicale, 1885), de Kocher (1883), de Bull (1885), qui ont opéré en pleine 
péritonite stercorale. 

La seule contre-indication réside dans l’adynamie du malade et l'intensité du 
collapsus. C'est l'opinion de Mikulicz et de Travers. 

D. Lésions des reins, de la vessie et de l'utérus. Même indication pour la 
péritonite consécutive aux lésions des reins et de Ja vessie. 

Quant à celle qui est consécutive aux manœuvres abortives ou aux ruptures 
pendant l'accouchement, on pourra, dans l’un et l’autre cas, attendre qu'il y ait 
des symptômes graves qui commandent la laparotomie. 

DEUXIÈME PARTIE. PÉRITONITES NON TRAUMATIQUES. ĝ I. Péritonites aiguës. 
À. Périlonite par ulcération ou perforations viscérales. 

a. Localisées (voy. plus loin). 

B. Généraliseées.  L'irruption des produits gastro-intestinaux agit comme une 
injection septique dans la séreuse abdominale. La péritonite suraiguë qui en 
résulte n'est pas au-dessus des ressources de l’art. Des guérisons ont été obtenues 
par Seidler (1846), cité par Kaiser (Archiv für klinische Medicin, 1876), par 
Robert, Kocher (1883). Les opérés de Le Fort, Reynier, Kronlein, Poncet, ont 
succombé. 

Opérera-t-on dans les péritonites par perforation dues aux ulcérations typhi- 
que, dysentérique, tuberculeuse ? Dans ces conditions fächeuses, peut-on espérer 
autre chose que des revers? Et pourquoi alors faire une tentative qui peut 
discréditer l'intervention chirurgicale dans d’autres circonstances plus favo- 
rables? Mieux vaut s'abstenir. 

Nous sommes de l'avis de Marten (Wirch. Arch., 1861), qui réserve la lapa- 
rotomie aux péritonites par perforation à siége précis. 

Mikulicz au contraire est partisan convaincu de la laparotomie dans les divers 
degrés de péritonite par perforation gastro-intestinale, à condition que les forces 
du malade ne soient pas trop affaiblies, le pouls filiforme et l’hypothermie trop 
considérable (Sem. méd., 1885). 

B. Périlonite suite d'inflammation, de gangrène ou de rupture de tumeur. 
intra-abdominales. a. Tumeurs purulentes. Développées dans les parois 
abdominales. dans un coin de la séreuse ou dans les viscères, ces tumeurs 


424 PÉRITONITES. 


éclatent ou se fissurent; il se produit une véritable injection septique de pus 
dans le péritoine, d’où péritonite suraiguë. FE 

Les chirurgiens devront opérer pour éviter une mort certaine. Thomas Savage 
(Brit. Med. Journ., 1885) a opéré dans sept cas de rupture intra-péritonéale 
d'hydropisies et de suppuration de la trompe, et il a eu six guérisons. Des faits 
heureux ont aussi été publiés par Lawson Tait (Brit. med. Journ., 1883), par 
Leliard (the Lancet, 1884), par Israël (Sem. méd., 1884), par Sonnenburg 
(Arch, tocol., 1885), par Treves (the Lancet, 1885). 

b. Kystes hématiques. Le sang est parfois assez bien toléré par le péritoine; 
l'expectation sera réservée pour les cas où les phénomènes réactionnels du péri- 
toine seront peu considérables. 

c. Kystes hydatiques. Lawson Tait a fait dans un cas la toilette du péritoine 
et obtenu la guérison; on imitera la conduite de ce chirurgien habile et heu- 
reux. 

d. Kystes de l'ovaire. Autrefois, avons-nous dit, la péritonite compliquant 
les kystes ovariques constiluait une contre-indication absolue à l'ovariotomie. 
Depuis que Keith a enlevé une tumeur ovarique en pleine péritonite (1865), 
de l'aveu de tous les chirurgiens la laparotomie est nettement indiquée dès 
qu'il y a péritonite. 

Voici une statistique instruclive : 


Mundet ar à 40 010 FD RER ST Ne ONE 55 cas. 33 guérisons. 
Hues CS a vie à 12 — 11 — 
Spencer Welse menere E a E E ei 20 — AD 
Lawson Tait (dont 10 cas de gangrène avec péritonite 
intense). elas eee a e AA 40 — 40 — 
Totali C6 Ga 51000 0 DT EE, 104 guérisons. 


Les ruptures de kystes ovariques ne sont pas également aptes à provoquer la 
périlonite aiguë : le péritoine ne réagit pas quand il se fait une rupture d'un 
kyste séreux paraovarique ou d’un kyste à contenu osseux. 

Les kystes ovariques à contenu gélatineux, hématique ou purulent, amènent 
seuls des accidents de péritonite grave. 

La laparotomie permet à la fois de traiter radicalement et la tumeur ab- 
dominale et la péritonite incidente; elle constitue encore fopération de 
choix, en ce sens qu’en conjurant la péritonite elle empêche les adhérences 
ultérieures. 

e. Kystes fœtaux. La rupture d’un kyste fœtal commande la laparotomie, 
quand il y a péritonite suraiguë diffuse ; s’il n'y a que péritomite par propaga- 
tion ou par voisinage, oh aura recours à une opération moins radicale (voy. plus 
loin Péritonites localisées). 

C. Peritoniles par étranglement herniarre ou occlusion intestinale. A. 
Étranglement herniaire. a. Localisée (voy. plus loin). 

B. Generalisée. Elle est consécutive à la pénétration dans le péritoine des 
liquides contenus dans le sac herniaire; ces liquides sont septiques. Cet acci- 
dent arrive par le taxis avant ou après la kélotomie, au moment de la réduction 
intestinale. On peut le prévenir en ne réduisant l'intestin hernié qu'après une 
désinfection complète. | 

Quand la péritonite se produit après la réduction, certains chirurgiens n’hési- 
tent pas à débrider largement. Obersth a même prolongé l'incision depuis l'ou- 


PÉRITONITES. 495 


verture du sac jusqu’à l'ombilic (Centr. f. Chir., 1885); Israël (Sem. méd., 
1884) s'est contenté de fendre le canal inguinal pour évacuer le pus. 

: Truc conclut en ces termes : L'absence de liquides abondants ou septiques 
dans la cavité péritonéale autorise l’expectation qui suit ordinairement la kélo- 
tomie. 

La présence de liquides sanieux ou purulents oblige à en assurer l'écoulement 
facile. 

Le drainage n'est pas toujours nécessaire, il est quelquefois indispensable. 
Les lavages, dans les formes infectieuses graves, constituent parfois un utile 
adjuvant thérapeutique. 

On ne craindra pas, si la toilette péritonéale s'impose à la suite d'irruption 
de matières stercorales dans le périloine, de débrider plus ou moins largement. 
Le siége élevé de l’étranglement herniaire, une perforation douteuse, seront des 
raisons nouvelles pour un débridement étendu. La laparotomie médiane, plus 
ou moins grande, pourrait être, dans certaines conditions, une opération excel- 
lente ; elle rendrait également des services précieux, si, dans les péritonites qui 
nous occupent, on avait des raisons de croire à l'existence de collections puru- 
lentes intestinales. La toilette péritonéale peut toutefois être rendue difficile par 
des adhérences précoces. 

b. Occlusion intestinale. La péritonite n’est pas une contre-indication opé- 
ratoire. Depuis l'insuccès retentissant de Dupuytren (1859), on n'osait ouvrir le 
ventre quand la péritonite compliquait l’occlusion intestinale. Mais Buchanan 
(the Lancet, 1871), Julliard et Terrier (Bull. de la Soc. de chir., 1879) et 
plus récemment Barker (Med. Times, 1885), ont pleinement réussi dans leurs 
opérations. La laparotomie, dirigée contre l'ocelusion, permet de traiter chirur- 
gicalement la péritonite; celle-ci est le plus souvent inflammatoire; la forme 
seplique de la péritonite, qui du reste ne doit pas arrêter le chirurgien, est 
beaucoup moins fréquente, d'après Peyrot (thèse d'agrégation, 1880). 

D. Péritoniles simples et purulentes. Le traitement chirurgical de la péri- 
tonite aiguë généralisée ou diffuse simple « est dans l'air » suivant l'expression 
de Kronlein (Arch. f. kl. Chir, 1886). 

S'il n’y a pas épanchement, la laparotomie ne peut rien contre l'hyperémie 
inflammatoire et ne peut que l'aggraver (Knowsley Thornton, Brit. Med. 
Journ., 1885). 

S'il y a épanchement ascitique séreux, la ponction suffit ordinairement. 

S'il y a épanchement purulent, ce qui est le cas le plus fréquent, ce qui 
est même la règle absolue, d'après Besnier (art. Ascrre du Dictionnaire, 1869), 
on agira activement; on imitera ainsi la nature qui cherche à évacuer le pus 
par l’ombilic. 

La thérapeutique active consiste tantôt dans la ponction simple, tantôt dans 
lincision au bistouri, tantôt dans la laparotomie. 

La ponction simple a réussi dans les cas d'Israël (Sem. méd., 1884), de 
Brand (Kaiser, Arch. f. kl. Med., 1876), de Marten (Virch. Arch., 1861). 

La ponction suivie de drainage a été suivie de succès dans les cas d'Eulen- 
burg (1862), (Kaiser, Arch. f. kl. Med.), de Winge (ibid.), de Aarestrup (Can- 
statt s Jahresb., 1871), de Brunsvicke (Schmidt's Jahr., 1877), de Kussmaul 
(Deutsch. Arch. f. kl. Med., 1876), de Greene (the Lancet, 1885), de Bossart 
(Rev. méd. de la Suisse rom., 1885), de Lannelongue (Dupaquier, thèse de 
Paris, 1885). 


426 PÉRITONITES. 


La laparatomie a été suivie six fois de guérison et trois fois de mort. Les 
faits heureux appartiennent à Lawson Tait, à Élias (Rev. de Hayem, 4886), 
à Studenski (Centr. f. Chir., 1886), à Kronlein (Arch. f. kl. Chir., 1886), à 
Bertels (de Saint-Pétersbourg), cité par Dupaquier, à Caselli (de Gênes [Sem. 
méd., 1886]). Les faits malheureux sont ceux de Marraut-Baker (the Lancet, 
1885), de Samuel West (ib., 1885), de Malins (ib., 1886). 

Nous ne voulons retenir de cette statistique que la proportion des succès 
obtenus par la laparotomie, soit 66 pour 100. Cette proportion a son éloquence, 
étant donné la gravité de la péritonite purulente non traitée. 

La laparotomie nécessaire dans les cas où la ponction ou l'incision simple 
serait insuffisante, est plus avantageuse que ces deux méthodes, puisqu'elle 
permet un écoulement facile du pus, une toilette péritonéale soignée, la de- 
struction des adhérences, l’ablation des exsudats et un drainage parfait. 

E. Peritonites puerpérales. a. Péritonites localisées. On attendra, avant 
d'ouvrir, qu'il y ait des phénomènes septiques ou des troubles fonctionnels mena- 
çants, et alors on pratiquera la ponction ou l'incision. 

b. Peritonites diffuses. Les ponctions suffisent parfois ; l'incision abdominale 
ou vaginale permettra plus aisément les lavages antiseptiques. La Japarotomie 
est une opération rationnelle et parfois curative. Sur 5 malades, la guérison s’est 
effectuée 4 fois, dans les cas de Boje (Schmidts Jarhb., 1877), de Kaltenbach 
(Gynec. opérat., 1885), de Playfair (Brit. Med. Journ., 1885), de Sonnenbourg 
(Arch. tocol., 1885). Trois fois la mort est survenue, dans le cas de Moloken- 
doff (Rev. de Hayem, 1885) et dans deux cas de Bouilly (1886) où la péritonite 
avait d’ailleurs un caractère hautement infectieux et une marche suraiguë, tan- 
dis que les autres péritonites avaient une marche subaiguë, un caractère moins 
infectieux, une allure plus bénigne, et ont été opérées de plusieurs semaines à 
plusieurs mois après leur début. ; 

2 IH. Péritonites chroniques tuberculeuses. La forme miliaire, véritable gra- 
nulie péritonéale, est au-dessus des ressources de l'art; la forme pseudo-mem- 
braneuse, déterminant parfois des phénomènes d'occlusion intestinale, n'autorise 
pas davantage l'intervention du chirurgien. 

La forme avec épanchement seul est susceptible d’un traitement opératoire ; 
si l'épanchement est ascitique, il pourra être traité par la ponction. Si l'épan- 
panchement est séro-purulent ou purulent, on devra intervenir plus énergique- 
ment. 

Naumann (Centr. f. Chir., 1886) a traité deux péritonites tuberculeuses avec 
ascite considérable par l'incision. La mort est survenue, dans le premier cas, au 
bout de six jours, dans le second cas, le quatorzième jour. Notre opinion est 
qu'il faut s'abstenir dans tous les cas de ce genre. 

Au contraire, si l’épanchement est purulent, on obtient d’aussi heureux résul- 
tats que dans la péritonite purulente enkystée. La laparotomie, ou l'incision 
large avec drainage, a réussi à Lannois (France médicale, 1882), à Spencer Wells 
(Tumeurs des ovaires et de l'utérus, 1883), à Kænig (Centr. f. Chir., 1884), 
qui opéra avec succès trois de ses malades, à Spencer Wells (ibid., 1885), à 
Naumann (Centr. f. Chir., 1886), à Jacobi (Med. News, 1886), à Letiévant 
(observation inédite, 1883). Dans ces sept derniers cas la péritonite était si bien 
enkystée que l’on avait fait la laparotomie, dans le but d'extraire de prétendus 
kystes ovariques; la paroi d'enkystement était constituée par des fausses mem- 
branes plus ou moins épaisses. Dans plusieurs de ces cas, on enlèva des fausses 


PÉRITONITES. 427 


membranes tapissées de granulations tuberculeuses et on réséqua même des 
lambeaux d'épiploon très-granuleux. 

Voilà neuf opérations suivies toutes de succès; cette statistique est encoura- 
geante, même si on objecte que les cas malheureux n'ont pas toujours été publiés: 
Les insuccès peuvent être attribués à des lésions tuberculeuses viscérales dissé- 
minées, à une cachexie avancée. 

2I. Péritonites localisées. Les péritonites plastiques intéressent médiocre- 
ment le chirurgien; il n’en est pas de même des péritonites avec épanchement ; 
le fait important de ces péritonites, c’est leur enkystement. 

On peut les diviser en péritonites enkystées non spéciales et en péritonites 
enkystées spéciales, telles que péritonites périhépatiques, périspléniques, péri- 
tvphliques et pelviennes. 

a. Péritonites enkystées non spéciales. 1° Les kystes hydropiques doivent 
être ponctionnés : 

2° Les kystes hématiques seront traités par l'ouverture large antiseptique ; 

9° Les kystes purulents seront traités par l'ouverture antiseptique. Chez les 
enfants on pourra attendre l'ouverture spontanée et favoriser l'écoulement par 
un drainage suffisant, comme cela a été pratiqué par Thorowgood (the Lan- 
ce!, 1885); parfois l'incision sera suffisante pour amener l'évacuation du pus et 
la guérison. 

Dans d'autres cas il faudra pratiquer la laparotomie. Les cas de Bryant 
Thomas (the Lancet, 1885), de Wilson (Med. News, 1886), d'Ewings Mears 
(Med. Times, 1875), de Holmboe et Bull (Centralbl. f. Chir., 1877), de 
Thédenat (1882), constituent cinq nouveaux succès à enregistrer à l'actif de la 
laparotomie. 

Dans l'incision, il faudra éviter de dépasser les limites des adhérences exis- 
tantes. 

b. Péritonites enkystées spéciales. 1° Peritonites peérihépatiques. On fera 
l'incision et le drainage, lorsque l'exsudat sera purulent; dans certains cas on 
pratique l'ouverture méthodique antiseptique, comme cela est employé pour 
quelques ouvertures des kystes suppurés du foie, et comme cela a été fait dans 
un cas rapporté par Deschamps (thèse de 1886) et par Herlich (Sem. méd., 1886). 

2 Péritonites périspléniques. Mème indication suivant les cas de Mollière 
(de Lyon) et de Herlich (Sem. méd., 1886). 

5° Péritonites pérityphlitiques. On interviendra chirurgicalement, s'il y a 
épanchement septique ou purulent. On commencera par une ponction explo- 
ratrice. Il faut ensuite se hàter de faire une opération plus complète, le 
drainage suivi de lavages anliseptiques; s’il y a rupture intra-péritonéale de 
la collection pérityphlitique, on fera la laparotomie, et on vérifiera l’état du 
cæcum. 

4° Péritonites pelviennes ou pelvi-péritonites. Résultat d'une infection 
propagée par les voies génitales, d'une inflammation des ovaires, de l'utérus ou 
enfin de la chute, dans le péritoine pelvien, d'une quantité variable de sang 
menstruel, présentant tantôt le type aigu, tantôt le type chronique; cette variété 
de péritonite aboutit à la formation d'un épanchement séreux, sanguin ou pu- 
rulent. ; 

Nous ne nous occuperons que de l'épanchement sanguin et de l’épanchement 
purulent. 

L’hématocèle avec une péritonite secondaire, cette lésion qui est respectée le 


428 PÉRITONITES (rIBLIOGRAPuIE). 


plus ordinairement, a cependant été opérée radicalement par Hegar et Kalten- 
bach, Lawson Tait, Pengrucher (Sem. méd., 1886), Francis Imlach (Brit. med. 
Journ., 1885), qui a fait cinq fois la laparotomie. 

L'épanchement purulent est justiciable de la laparatomie. Fenger (Arch. de 
tocologie, 1885) s'en déclare partisan pour les abcès péri-utérins chroniques. 
Lawson Tait (1878), Leliard (the Lancet, 1884), Wade (ib., 1886), ont fait 
avec plein succès la laparotomie; mais une intervention opératoire aussi com- 
plète n’est pas toujours de rigueur; la ponction, l'incision vaginale ou abdomi- 
nale, le drainage vaginal ou abdominal, suffiront dans bien des cas. 

Incision abdominale exploratrice. En présence d'une inflammation périto- 
néale vive et menaçant directement la vie du patient, en l'absence de sym- 
ptômes indiquant une fin prochaine et irrémédiable, le chirurgien est actuelle- 
ment autorisé à intervenir, même avec un diagnostic étiologique insuffisant ; 
aux grands maux les grands remèdes. On a opéré malgré la péritonite, pourquor 
n'opérerait-on pas à cause même de la péritonite? On ouvrira avant tout le 
ventre et on se conduira ensuite suivant les indications fournies par l'inspection 
directe de la cavité abdominale. 


L'opération ne sera contre-indiquée qu’en cas d’hypothermie notable, de col- 
lapsus marqué ou de déchéance vitale générale. 

Telles sont, suivant Truc, d'après les observations les plus récentes, les indi- 
cations de l'intervention chirurgicale en cas de péritonite; mais les succès 
publiés avec enthousiasme ne doivent pas faire oublier les insuccès qu’on ignore 
trop souvent, et c’est un des mérites de la chirurgie française de ne pas donner 
son approbation aveugle à toutes les hardiesses opératoires. 

P. SPILLMANN et GANZINOTTY. 


Bisuiograrmie. — Nous ne donnons ici que les indications bibliographiques les plus impor- 
tantes ou les plus récentes. 

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PÉRITONITES. 451 


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Vortr. Rich. Volkmann, n° 262, 1885. — Tuompsox (W.), Lucx et Dogmis. Science et art des 
accouchements, 1886, p. 590. — Truc. Traitement chirurgical de la péritonite. Thèse d’agré- 
gation, 1886. — M. Herter. Traitement chirurgical de la péritonite. In Zeitschr. für die 
gesammte Therapie. Wien, oct. 1886. Seth: 


Tumeurs du péritoine. On peut comprendre sous cette dénomination 
les tumeurs qui tirent leur origine de la séreuse péritonéale, du tissu cellulaire 
sous-péritonéal ou du tissu rétro-péritonéal, et encore celles qui prennent nais- 
sance dans les organes abdominaux et se développent sous la séreuse, 

Nous pourrions ainsi décrire les tumeurs de l'utérus et de ses annexes, du 
foie, de la rate, du pancréas, des diverses parties du tube digestif, des organes 
génito-urinaires. Mais ces tumeurs étant décrites en même temps que les 
organes sur lesquels elles se développent, nous les éliminerons de notre 
étude; nous laisserons également de côté celles qui se forment dans les gan- 
glions mésentériques et qui ont été passées en revue par E. Besnier (voy. 
Mésenrériques. In Dict. encycl., 2° série, t. YID. 


452 PÉRITONITES. 


Nous bornerons cette étude aux tumeurs qui, appartenant par droit de nais- 
sance à la séreuse abdominale, n'ont pas encore jusqu'à présent reçu droit de 
cité dans les articles de ce Dictionnaire. 

Pour plus de clarté, nous diviserons les tumeurs du péritoine en tumeurs de 
la totalité du péritoine, tumeurs de l’épiploon, tumeurs du mésentère, tumeurs 
du péritoine pelvien. 


CHAPITRE I. Tumeurs DE LA TOTALITÉ DU PÉRITOINE. Le péritoine peut 
être pris plus ou moins totalement dans trois circonstances : ou bien il s’est 
développé de nombreux kystes hydatiques dans la séreuse avec ou sans par- 
ticipation d’autres viscères abdominaux, ou bien il s’agit d'un nombre consi- 
dérable de kystes sans hydatides ; ou bien la cavité péritonéale est pleine d’un 
liquide d'apparence gélatineuse; dans ce dernier cas, ce n’est pas toute la séreuse, 
mais seulement une partie, sans doute considérable, qui est atteinte de cette 
maladie. 

1° Kystes hydatiques. Les kystes hydatiques peuvent être plus ou moins 
nombreux dans l'abdomen; ils sont rarement primitifs; presque toujours ils 
coexistent avec d’autres kystes viscéraux. Plusieurs observations ont été relatées 
par Richter (Journ. de Chrestien, Loder, 1797), par Wickham Legg (Trans. 
Path. Soc. Lond., vol. XXV), par Pinault (Bull. de la Soc. anat., 1825), par 
Tarral (Journ. hebd. méd., 1830), par Budd (1842), par Guillet (Bull. de la 
Soc. anat., 1852), par Charcot et Davaine (Mém. de la Soc. de biol., 1857), par 
Spencer Wells (1871), par Gérard (thèse, Paris, 1876), etc. 

La pathogénie et l'histologie de ces kystes ainsi que leurs caractères micro- 
scopiques sont bien connus et nous n'avons pas besoin d’y insister. La sympto- 
matologie en est assez obscure; les malades se plaignent de douleurs vagues 
dans l’abdomen, de gêne apportée à leurs occupations par le développement du 
ventre; la santé ne s’altère pas au début. Bientôt on constate par la palpation 
la présence dans l’abdomen de tumeurs multiples, mobiles, régulières, élastiques, 
d'une forme globuleuse ; à la percussion le son est net; parfois on obtient de 
la fluctuation et même, ce qui est plus rare, le frémissement hydatique. Quelque- 
fois, quand les kystes sont développés sur un pédicule qui les relie les uns 
aux autres, on a la sensation d'un chapelet dont les grains sont de différents 
volumes. Ces kystes ont une marche chronique et la durée de la maladie peut 
aller jusqu'à douze ans. Quand les kystes causent une certaine gêne dans 
plusieurs fonctions, on voit les malades maigrir, s’anémier et tomber dans le 
marasme. Ces tumeurs peuvent s'accompagner d'inflammation péritonéale 
chronique, subaiguë, aiguë même, s'il se produit rupture de l’un des kystes. 
La terminaison peut se faire soit par résorption ou transformation du contenu 
du kyste, soit par élimination des hydatides par les intestins, ou, après ulcé- 
ration des parois abdominales, par la peau, soit par un traitement approprié. 
Ce traitement consistera dans la ponction des kystes ou mieux dans leur extir- 
pation par la gastrotomie. Mais le malade reste toujours menacé dans son 
existence par le développement d’autres kystes soit dans le foie, soit dans les 
poumons, le péricarde, etc. 

2° Maladie kystique du péritoine. Péan a décrit sous le nom de maladie 
kystique de l'épiploon, du mésentère, du péritoine viscéral de l'abdomen et du 
bassin, une lésion caractérisée par l'existence d’un grand nombre de petites vési- 
cules à parois minces parcourues par de fins capillaires, reliées à la séreuse par 


PÉRITONITES. 433 


un pédicule, et flottant dans la cavité péritonéale comme des grains de raisin, 
dont le contenu séreux ne renfermait ni crochets, ni débris d’hydatides. Cette 
maladie, sur la pathogénie de laquelle règne la plus grande obscurité, mit six 
ans à se développer; elle' détermina une augmentation considérable de l'abdomen 
qui fut prise pour un kyste hydatique aréolaire ; elle avait d’ailleurs, au point 
de vue clinique, le même aspect que certains kystes hydatiques multiples du 
péritoine. Péan attaqua cette tumeur par la gastrotomie, la réduisit par le 
morcellement, suivant une méthode propre à ce chirurgien habile, et l'opéra- 
tion fut couronnée de succès (Péan). 

3 Maladie gelatineuse du péritoine. Cette maladie a été décrite par 
Péan en 1871. Elle est constituée par une tumeur plus ou moins fluide de 
l'abdomen, une gelée ressemblant à de la gelée de coings, une matière colloïde, 
renfermée dans une trame d'une ténuité extrême comme celle d’une toile 
d'araignée ; dans certains cas, la tumeur étant d'un âge plus avancé, la mem- 
brane enkystante est plus épaisse, plus vasculaire; de plus la masse prin- 
cipale est entourée de petits kystes pédiculés à parois minces, à contenu mou 
et transparent; on désigne ces tumeurs sous le nom de cancer colloïde du 
péritoine. Dans d’autres cas enfin le kyste est pluriloculaire, son contenu est 
toujours colloïde; sa membrane est cellulo-fibreuse et adhère par places aux 
organes voisins. 

Ces tumeurs colloïdes sont de véritables cancers ; ils récidivent, ils cachec- 
tisent les malades. 

Elles peuvent en imposer pour des kystes ovariques. 


CHAPITRE IL Tumeurs pe L'Épircoon. L'épiploon peut être le siége du 
développement de tumeurs liquides et de tumeurs solides. Les premières sont 
des kystes simples ou des kystes hydatiques: les secondes sont des fibromes, des 
sarcomes, des carcinomes. 

4° Kystes simples de l'épiploon. Les kystes séreux sont rares. 

90 Kystes hydatiques. Ces tumeurs sont assez fréquentes; elles sont signa- 
lées dans les observations de Budd (Trans. Path. Lond., t. X), de John Ogle 
(Trans. Path. »sLond., t. XI), de Budd (On Diseases of Liver, 1852), de 
Meismer (Virchow’s Archiv, t. XLVI), de Livois (thèse de Paris, 1843), de 
Cadet de Gassicourt {(thèse de Paris, 1856). Elles peuvent exister avec d’autres 
tumeurs semblables développées sur d’autres points de la séreuse abdomi- 
nale, intestin, bassin, mésentère; mais elles peuvent exister seules, accom- 
pagnant des kystes viscéraux du foie, de la rate, du poumon. Ces kystes sont 
plus ou moins volumineux et présentent les caractères ordinaires des kystes 
hydatiques; ils siégent à la région ombilicale et pourraient être pris pour 
des kystes du mésentère. En effet, leur mobilité est très-grande, ils sont situés 
sur la ligne médiane; le grand signe pathognomonique de ces tumeurs, c'es 
que celles qui se trouvent dans l’épiploon sont en contact direct avec la paroi 
abdominale, tandis que les tumeurs du mésentère sont séparées de cette paroi 
par des anses intestinales; les premières sont des tumeurs absolument mates 
à la percussion ; les autres donnent de la sonorité au niveau des anses intesti- 
nales (Collet). 

30 Tumeurs solides. La rareté de ces tumeurs, fibrome, sarcome, ne nou 
permet pas de faire une description de leurs caractères cliniques et anatomo- 
pathologiques. 


pict. Enc. 2 s. XXII 98 


434 PÉRITONITES 


CHAPITRE II. Tuweurs nu wésentère. Nous désignons sous ce nom les 
néoplasmes situés entre les deux feuillets du mésentère, que ces tumeurs soient 
nées entre ces feuillets (Werth, Arch. f. Gynäk. Berlin, 1882) ou que, après 
avoir pris naissance dans le tissu cellulaire rétro-péritonéal, elles se soient plus 
tard insinuées entre ces replis séreux. ll existe deux grandes classes de tumeurs 
du mésentère, les kystes et les lipomes; Jes fibromes et les sarcomes constituent 
des raretés pathologiques. 

1° Kysres pu MÉseNTÈRE. Dans le mésentère on a trouvé plusieurs espèces de 
kystes : les kystes hydatiques, les kystes séreux, les kystes dermoïdes, les kystes 
sanguins, les kystes ganglionnaires. 

2 I. Kystes hydatiques. Ces kystes se forment entre les deux feuillets séreux ; 
ordinairement de petit volume, ils peuvent, comme dans les observations de 
Sutherland et de Carter, remplir la cavité abdominale tout entière; leur paroi 
est celluleuse, mince au début, épaisse et vasculaire plus tard; la face in- 
terne du kyste est blanche, lisse comme une séreuse; dans les kystes anciens 
elle est chagrinée. Les kystes contiennent des hydatides, un liquide trans- 
parent, limpide, alcalin, très-dense, sans albumine, riche en chlorure de 
sodium. Au microscope, on retrouve presque toujours des crochets; cependant, 
dans l'observation de Carter qui paraît bien être un kyste hydatique volumi- 
neux, l'examen du liquide a donné au microscospe un résultat négatif. Cette 
absence de crochets a été plusieurs fois notée pour des kystes hydatiques. 
d'autres organes. 

Le plus ordinairement les kystes du mésentère sont secondaires à la pré- 
sence de kystes hydatiques dans d'autres organes, notamment dans le foie et 
l'épiploon. 

Les kystes hydatiques du mésentère subissent les mêmes transformations que 
les kystes des autres organes. La surface interne du kyste se recouvre, à la longue, 
d'une matière demi- rie qui refoule la vésicule hydatique, puis cette matière 
s’épaissit et prend de plus en plus l'aspect du mastic de vitrier, quelquefois 
celui de la craie; les vésicules sont détruites et on ne trouve plus dans la masse: 
que des débris de membranes et de crochets. 

2 Il. Kystes séreux. Qes kystes se forment par un mécanisme encore obs- 
cur; aucun fait anatomique ne prouve que ces kystes se développent aux 
dépens des ganglions mésentériques ; ils sont d'ailleurs très-rares; un cas a été 
relaté par Mesnet (1850). Péan rapporte deux cas de kystes volumineux que 
Collet est porté à considérer comme kystes séreux multiloculaires. Leur con- 
tenu est clair, citrin, séreux, mais certaines poches peuvent renfermer un liquide 
sanguinolent. 

& II. Kystes dermoïdes. Lebert (Anat. path., 1857) en rapporte deux 
exemples; les kystes contenaient des poils et de la graisse; Schutzer en observa 
un qui renfermait deux canines, huit molaires, deux incisives ; Dupuytren en a 
trouvé un semblable; Klebs prétend que, dans certains cas, les kystes dermoïdes 
du mésentère peuvent devenir séreux; enfin Eppinger décrit comme kyste 
dermoïde une tumeur trouvée par hasard à l’autopsie; Werth conteste la 
nature de celle-ci, croit que l'examen n’a pas été assez complet et est très- 
porté à la considérer comme étant de nature ganglionnaire. L'observation de 
Kuster est semblable au cas d'Eppinger; il en fait aussi un kyste dermeïde. Le 
liquide est blanc, opaque, d’une faible et douce odeur, rappelant celle du lait 
de noix de coco. Il contient de la graisse, de l’albumine et de la cholestérine. 


PÉRITONITES. 455 


4 IV. Kystes ganglionnaires ou adénolymphocèles. Il est plus que probable 
que l'accumulation du chyle dans les ganglions mésentériques peut amener 
Jeur dégénérescence kystique. Rokitansky admettait qu'il peut exister une obli- 
tération primitive des vaisseaux afférents qui, vu l’arrivée permanente du 
chyle dans les glandes, conduit fatalement à la rétention de celui-ci dans 
les conduits Iymphatiques des ganglions, avec toutes les conséquences éloi- 
gnées de cette rétention. Le contenu de ces kystes est tantôt un liquide épais, 
concret, ressemblant à une véritable bouillie et ne contenant que de la graisse 
et de la cholestérine (Tillaux et Millaud, 1881, et Werth, 1882), tantôt un 
liquide fluide, blanc comme du lait, constitué par de fines granulations grais- 
seuses (Le Dentu, 1876). 

Werth admet que la matière en bouillie du contenu kystique n’est autre 
chose que du chyle. De l'examen microscopique du liquide et de la paroi du 
kyste opéré par Tillaux, paroi dont les canaux et espaces lymphatiques ont 
été trouvés infiltrés de granulations graisseuses, Mercklen, qui admet la nature 
lymphatique de la tumeur, semble conclure plutôt à un kyste par rétention 
du chyle qu'à une simple dégénérescence athéromateuse de la tunique fibreuse 
de la paroi du kyste, dégénérescence qui, après avoir accumulé la graisse dans 
l'épaisseur de la poche, l'aurait ensuite déversé dans le contenu kystique (Collet, 
thèse de Paris, 1884). ; 

SYMPTOMATOLOGIE. La maladie, d’après les trois observations de Le Dentu, 
Tillaux et Millaud et Werth, débute brusquement par de violentes douleurs, 
coliques revenant par accès, augmentant d'intensité au moindre mouvement fait 
par le malade; le summum d'intensité se trouve à l’ombilic; ces douleurs sont 
suivies de constipation relative ou absolue pouvant aller jusqu'à l'occlusion 
intestinale. Néanmoins le ventre n'est pas ballonné. Si la tumeur est volumi- 
neuse, elle donne lieu aux symptômes observés dans tous les kystes qui rem- 
plissent la cavité abdominale : dyspnée, troubles Circulatoires de la paroi, œdème 
des membres inférieurs. 

A la palpation, on constate la présence d'une tumeur très-mobile de droite à 
gauche, moins mobile de haut en bas, tumeur siégeant dans la région ombili- 
cale et au-dessous, lisse, arrondie, fluctuante; à la percussion, il existe de la 
sonorité superficielle; cela tient à la présence d'anses intestinales refoulées en 
avant (Tillaux) et s’interposant entre la tumeur et la paroi abdominale; la 
tumeur située sur la ligne médiane a une direction de haut en bas et légère- 
ment de gauche à droite (Collet). 

Diagnostic. Ou peut confondre les kystes du mésentère avec la péritonite 
chronique, un rein kystique ou flottant, un kyste de l'épiploon, les tumeurs 
kystiques pelviennes. i 

4° Péritonite chronique. Dans la péritonitė chronique, les anses intesti- 
nales peuvent être réunies entre elles par des adhérences limitant des espaces 
remplis de liquide. On comprend alors que lon puisse faire une erreur de 
diagnostic; ce sont surtout les antécédents, les symptômes constatés du côté 
des poumons et des plèvres et les phénomènes généraux, qui devront fixer 
le praticien, et dans certains cas même on ne pourra, comme dans un cas 
de Tapiret, se faire une opinion précise qu'après la disparition de tous les 
symptômes. 

2° Rein kystique et rein flottant. Dans les kystes du rein, il n'y a pas de 
mobilité possible comme dans ceux du mésentère. Dans le rein flottant, la 


456 PÉRITONITES. 


mobilité existe et il y a des anses intestinales devant la tumeur; mais la pal- 
pation permet de reconnaitre la forme du rein, son bord échancré répondant au 
hile; en prenant la tumeur entre les doigts, on la sent glisser, s'échapper, s'énu- 
cléer comme un noyau. Enfin, dans le décubitus horizontal, le rein est toujours 
situé dans le flanc ou la fosse iliaque, tandis que le kyste mésentérique, au 
contraire, occupe toujours le même siége. 

9° Kystes du grand épiploon. Le grand épiploon est le seul organe dont les 
kystes peuvent en imposer quelquefois pour les tumeurs du mésentère. La mobi- 
lité de ces productions sera en effet très-grande, et elles seront situées sur 
la ligne médiane. Le grand signe pathognomonique de ces différentes tumeurs 
sera que dans celle de l'épiploon on ne trouvera pas d'anses intestinales entre 
la paroi abdominale et la tumeur, c’est-à-dire qu’on obtiendra une matité absolue 
à la percussion (Collet). 

4° Kystes pelviens. Les kystes de l'ovaire ou du ligament large donnent lieu 
à une matilé complète en avant et sur le côté, les anses intestinales étant refou- 
lécs en haut et en arrière. 

Pronostic Er TRatrEMENT. Les kystes du mésentère ont toujours un pronostic 
grave, non par eux-mêmes, mais à cause de l'opération qu'ils entrainent. Si la 
tumeur est peu volumineuse, le traitement est nul, mais, si l'on constate des 
troubles digestifs, de l'œdème, ‘de la gêne de la respiration ou de la circulation, 
enfin des signes d'occlusion intestinale, il faut opposer un traitement actif. Le 
diagnostic posé, on pourra commencer par faire une ponction dans le kyste, en 
prenant de grandes précautions, à cause des anses de l'intestin qui peuvent se 
trouver entre la tumeur et la paroi abdominale; enfin, si cela ne suffit pas, on 
devra avoir recours à Ja Japarotomie, en observant les mêmes règles que sl 
s'agissait d’un kyste ovarien (Collet). 

2 Il. Lipomes du mésentère. Les lipomes du mésentère constituent une 
classe de tumeurs observées avec une fréquence relative ; ils ont été récemment 
l'objet d'une étude importante de la part du docteur Terrillon (Arch. gén. de 
méd., mars 1886), qui a réuni 15 cas publiés par Broca (Bull. de la Soc. anat., 
1850), Magnier (Comptes rendus de la Soc. de biol., 1850), Freund (Arch. 
Virchow, 1865), Spencer Wells et J. Cooper, Forster (Trans. Path. London, 
1868), Pick (Trans. Path. Soc. London, 1869), Cauvy (d'Agde) (Montpellier 
médical, 1884), Homans (2 observations, the Lancet, 1885), Ellis (inédit), Péan 
(2 observations, Leg. clin. et chir., 1881), Terrillon (Acad. de Méd., 1885), 
Madelung (Berl. klin. Woch., 1885), Péan (Bull. de thér., nov. 1885). 

Age des malades. Les malades sont toutes des adultes ; 5 ont dépassé l’âge 
de 50 ans. Du reste voici un tableau d’après Terrillon : 


50 à A0 ans a e a a a E 6 cas. 
AD X50 ans SER IS ENEE RES O 5 — 
50 à 60 fans RS RE à 4 — 
6944, 10 ans ee ee 1 — 


Sexe. Les hommes sont moins fréquemment atteints que les femmes ; sur 
,5 malades, Terrillon signale 10 femmes, 5 hommes. 

NATURE DE LA TUMEUR. « La nature de la tumeur varie dans des limites assez 
étendues, depuis le lipome pur jusqu’au lipome sarcomateux. Dans quelques 
cas on a trouvé des lipomes purs, constitués par de la graisse molle, jaune, 
semblable à celle des lipomes encapsulés d’origine récente. Disposée en masses 
plus ou moins isolées, reliées entre elles par des tractus fibreux, cette masse 


PÉR:ITONITES. 457 


graisseuse est recouverte þar le péritoine épaissi et vascularisé. (Observations de 
Homans, Péan, 1881, Spencer Wells, Pick, Moynier.) 

« Parfois la partie fibreuse de la tumeur est plus considérable et donne alors 
à celle-ci une consistance et une dureté spéciales; c'est un vrai fibro-lipome 
(observation de J. Cooper, Forster). D’autres fois, c’est le tissu graisseux lui- 
même qui est plus compacte. 

« Au iieu d'avoir l'aspect de la graisse sous-cutanée, ce tissu présente quel- 
quefois l'apparence de graisse blanchâtre, dure, consistante comme du suif 
(observation de Broca). Cette apparence spéciale de la graisse tient probablement 
à des transformations chimiques dues à l’ancienneté de la tumeur ou à sa faible 
vascularité. 

« Les modifications de la graisse peuvent être telles qu'une partie de la masse 
subit la transformation calcaire ou osseuse et ne peut être, au cours de l'opé- 
ration, brisée qu'avec des efforts considérables ou en employant la scie (obser- 
vation de Péan, 1881). 

« Mais le caractère le plus important de quelques-unes de ces tumeurs est le 
mélange du lipome avec une certaine quantité de myxome et même de sarcome ; 
l'aspect mou, gélatineux, demi-transparent, de ces portions de la tumeur, permet 
de reconnaitre ou de prévoir la nature du myxome; l'examen microscopique 
après dureissement ne laisse aucun doute (observations de Terrillon, de Homans, 
de Madelung, de Freund). Dans l’observation de Freund, Waldeyer trouve un 
mélange de myxome et de sarcome : cela explique le développement rapide de 
la tumeur, l’envahissement des ganglions, et aussi quelquefois la propagation à 
distance et les noyaux secondaires développés dans d’autres organes tels que le 
foie, le poumon, etc.; la présence de myxome a aussi une influence sur la 
marche plus ou moins rapide de l'affection : en e!fet, les myxomes sont des 
tumeurs parfois malignes. 

« La vascularité des lipomes est peu considérable : la tumeur ne devient vas- 
culaire que dans les parties qui changent de nature, et alors la partie restée 
lipomateuse conserve sa faible vascularité primitive. Les parties myxomateuses 
ne sont pas isolées du reste du lipome; au contraire, elles paraissent confondues 
avec le tissu lipomateux, sans limite précise, de sorte qu'il semble que c’est ce 
dernier qui subit, par places, cette transformation en un tissu plus vivant. 
L’aspect'sélatineux, demi-transparent, des parties myxomateuses des lipomes, se 
trouve dans les parties profondes de la tumeur et dans les lobes cachés par 
ceux qui sont les plus superficiels, à la périphérie des lobes graisseux plutôt 
qu'à leur centre » (Terrillon). 

CARACTÈRES ANATOMIQUES. Leur point d'implantation est le plus souvent dans 
la région antérieure de la colonne vertébrale lombaire ou dans le voisinage du 
rein ; de là la tumeur refoule le péritoine, pénètre entre les deux feuillets du 
mésentère, point de moindre résistance, qu'elle dédouble, s’avance vers l'om- 
bilic et s'insinue dans tous les interstices celluleux qui séparent les organes 
abdominaux, de sorte que le lipome ne tarde pas à former une masse principale 
située entre les feuillets du mésentère et des parties secondaires, faisant corps 
-avec la partie principale ou reliées à celle-ci par un pédicule volumineux et 
dirigées vers le foie, le rein, le petit bassin ou l'intestin grêle auquel elles sont 
adhérentes (Terrillon). 

De ce fait résultent des changements de situation des anses intestinales, des 
refoulements du côlon, du cæcum, vers la partie supérieure gauche de l'abdomen, 


438 PÉRITONITES. 


puis ces parties du tube digestif peuvent être compriées, ainsi que le rectum, 
la vessie, l'utérus, le pancréas, la veine cave, les veines mésaraïques, l'estomac, 
le foie, le diaphragme même, quand le lipome a pris son origine dans le voisi- 
nage de l’arrière-cavité des épiploons. 

Généralement la séreuse péritonéale située en avant de la tumeur est en partie 
intacte; on a trouvé cependant quelques adhérences, développées à la suite des 
ponclions exploratrices ; il peut y avoir de l’ascite, comme cela est noté dans les 
observations de Madelung et de Broca, mais en petite quantité. | 

Le péritoine, par suite du développement irrégulier des diverses parties du 
lipome, envoie entre les lobes, entre les interstices du lipome, des tractus 
liureux plus ou moins résistants. 

Ces tumeurs peuvent acquérir un volume considérable et atteindre le poids de 
30 kilogrammes. 

SYMPTOMATOLOGIE. Les symptômes n'ont rien de spécial aux lipomes ; cepen- 
dant leur groupement mérite d'attirer l'attention, car il peut mettre sur la voie 
du diagnostic. 

Le ventre est plutôt piriforme, pointant en avant, et les flancs ne sont que 
peu développés (Péan, Terrillon). 

[l peut y avoir de l’ascite, mais le fait est rare et le liquide peu abondant, et 
une circulation collatérale (observations de Terrillon et de Pick) par suite de la 
gêne de la circulation de retour. 

Il existe de la sonorité généralement dans le flanc gauche, de la matité dans 
le flanc et l’hypochondre droits. 

Quelquefois il existe une sonorité superficielle au devant de la tumeur, si une 
anse intestinale lui est adhérente en avant. 

La tumeur donne lieu tantôt à une sensation de rénitence, tantôt à une appa- 
rence de fluctuation comme dans les kystes multiloculaires cloisonnés, tantôt 
à une véritable fluctuation, ce qui a motivé les ponctions exploratrices répétées 
plusieurs fois (observations de Terrillon, de Homans, de Madelung, de Cauvy). 
Ces ponctions ne donnent aucun résultat, à peine quelques gouttes de sang et 
encore pas toujours. 

La surface de la tumeur est lisse, régulière, sans bosselures, dans certains 
cas; dans d’autres, il y a des sillons, des parties saillantes. 

Le lipome, en comprimant la veine cave, amène de l’œdème des membres infé- 
rieurs; c’est la jambe droite qui est prise en premier et le plus; en comprimant 
la vessie et le rectum, il détermine de la constipation et des troubles de la 
miction ; en refoulant le diaphragme, il donne lieu à de la dyspnée; en agissant 
sur les chylifères et sur le tube digestif, il provoque un dépérissement pro- 
gressif et une émaciation extrême par suite de la difficulté de l'absorption des 
aliments contenus dans l'intestin. 

Dracxosric. Sur 45 observations, 10 fois on a posé un diagnostic et, toutes 
les 10 fois, le diagnostic était faux; le plus souvent on a diagnostiqué une 
tumeur de l'ovaire, kyste multiloculaire, tumeur fibrokystique, kyste proli- 
férant, tumeur solide; les saillies observées sur certains points des lipomes 
ont été prises une fois pour des parties fœtales et on crut à une grossesse extra- 
utérine; dans un seul cas on reconnut que la tumeur siégeait dans le mésentère 
(Péan, 1885). 

La ponction exploratrice peut servir au diagnostic, à condition que l'on 
déduise du résultat négatif de cette exploration la possibilité de la présence 


PÉRITONITES. 459 


d’une tumeur graisseuse de l'abdomen; dans les autres tumeurs, on ramène 
presque toujours quelques traces du contenu. 

L'incision exploratrice, pour assurer le diagnostic, n'a été faite qu'une fois par 
Spencer Wells, de propos délibéré. 

La présence d'une anse intestinale (sonorité au devant la tumeur) pourrait 
faire croire à une tumeur du rein, et, si la tumeur lipomateuse était fluctuante, 
à un kyste du mésentère. 


Chez la femme, à cause de la multiplicité des tumeurs ovariques, des ligaments 
larges, utérines et extra-utérines, les causes d'erreur sont plus nombreuses que 
chez l'homme, où l’on pourra plus facilement arriver au diagnostic probable ; le 
diagnostic certain ne pourra être porté qu'après l'incision exploratrice. 

Pronostic. Le pronostic de ces tumeurs est grave ; abandonnées à elles-mêmes, 
elles acquièrent en deux ou trois ans un développement considérable et déter- 
minent un affaiblissement progressif des malades, puis la mort, par suite de com- 
pression des organes voisins ou par la transformation du lipome pur en lipome 
myxomateux ou sarcomateux. 

Mème opérées en temps opportun elles laissent peu de chances de survie aux 
malades; sur 8 cas d’ablation, la mort a eu lieu 6 fois; 2 fois il y eut guérison 
parfaite (opération de Madelung et de Péan, 1885); 1 fois l’opérée succomba le 
32e jour de péritonite subaiguë (opération de Terrillon), les 5 autres succom- 
bèrent rapidement à l'opération elle-même, par péritonite traumatique, septi- 
cémie, par choc traumatique et épuisement nerveux, par accident cholériforme 
(Péan, 1881). 

TRAITEMENT. Il est nécessaire d'enlever ces tumeurs; on ouvrira largement 
l'abdomen ; on les séparera, par la décortication, du mésentère et des organes 
voisins ; on réséquera l'intestin, comme l'a fait avec succès Madelung, dans les 
cas d'adhérences intimes de la tumeur avec une anse intestinale; cette résection 
sera suivie de la suture des extrémités de l'intestin ou de la création d'un anus 
contre nature, s'il s'agit du côlon, ou bien on laissera la partie du lipome qui 
adhère à l'intestin, comme le conseille Homans. 

On n'oubliera pas que l’extirpation complète d’un lipome à prolongements 
multiples est une opération des plus difficiles et laisse après elle des désordres 
étendus portant sur les vaisseaux sanguins et lymphatiques de l'intestin, que 
l'assimilation qui avant l'opération était insuffisante devient impossible après, et 
qu'aiors on a fait une opératron inutile. Dans certains cas, le chirurgien pourra 
prévoir la nécessité de pareils désordres opératoires alors que, par l'incision 
exploratrice, il aura jugé de l'extension de la tumeur; il agira sagement en 
refermant l'abdomen et en renonçant à l'opération. 

à II. Autres tumeurs du mesentère. On a également observé une hyper- 
trophie ganglionnaire avec leucocythémie (Péan), une tumeur fibreuse opérée 
par Péan avec succès, un cas d’encéphaloïde primitif du mésentère pour lequel 
on fit une incision exploratrice qui fut suivie de mort, un autre dans lequel, 
après l'ablation de la tumeur la mort survint par péritonite (Péan); un cas de 
tumeur solide, de nature indéterminée, enlevée avec succès par Spencer Weils ; 
un cas de sarcome enlevé par Olshausen. 


CHAPITRE IV. Tumeurs DU PÉRITOINE PELVIEN. Il existe deux classes de 
tumeurs pelviennes : les kystes hydatiques du petit bassin et les tumeurs 
végétantes du péritoine pelvien décrites par Péan. 


410 PÉRITONITES. 


à I. Kystes hydatiques du petit bassin. Cette variété de kystes a fait 
l'objet d'un mémoire fort important, présenté en 1852 à la Société de biologie 
par Charcot, qui a établi : 

1° Que les kystes hydatiques se rencontrent quelquefois chez la femme, dans 
l'excavation du bassin, siégeant primitivement tantôt dans un des ovaires, tantôt 
dans le tissu cellulaire extra-péritonéal ; 

2° Qu'ils peuvent être simples ou multiples et accompagnés de kystes sem- 
blables dans d’autres parties du corps; 

9° Qu'ils gênent l’excrétion de l'urine et des matières fécales, et peuvent être 
un obstacle à l'accouchement; 

4° Qu'ils peuvent guérir tantôt par suite de leur ouverture spontanée dans le 
rectum ou dans le vagin, tantôt par une opération chirurgicale; 

5° Que la sortie d'un ou de plusieurs acéphalocytes est, pendant la vie, le 
signe caractéristique de ces tumeurs; 

6° Que chez l’homme, c'est généralement entre le rectum et le col de la 
vessie qu'ils se développent, en refoulant ces organes chacun de leur côté; la 
rupture spontanée des kystes et l'élimination des hydatides se fait, chez lui, par 
le rectum ou par la vessie. 

à I. Tumeurs vegetantes du peritoine pelvien à forme colloïde ou myxo- 
mateuse. ANATOMIE PATHOLOGIQUE. Ces tumeurs sont propres au péritoine 
pelvien; elles sont constituées fondamentalement par la production, à la surface 
de la séreuse, de végétations multiples, mollasses, assez analogues à du frai de 
grenouille, susceptible de prendre la disposition arborescente. 

Premier type. Vans ce type, la maladie évolue en recouvrant une très- 
grande étendue du péritoine pelvien, sans envahir les tissus et organes sous- 
Jacents. À la première période de leur développement, ces tumeurs apparaissent 
sous la forme de saillies nombreuses, petites, verruqueuses, de coloration jaune 
grisâtre, peu vasculaires en apparence; ces pelites saillies peuvent devenir 
végétantes, comme arborescentes et constituent deux petits groupes reliés l’un 
à l’autre par des vaisseaux artéricls et veineux; ces masses végétantes sont 
reliées l’une à l'autre par des pédicules composés de vaisseaux, artères et 
veines, longs et fins, qui partent du centre et se ramifient comme les branches 
des arbres. 

La plupart de ces végétations imitent la surface du chou-fleur; les unes sont 
molles, grises, transparentes, à surface gluante, recouverte de graisse, de cho- 
lestérine; les autres sont dures, fibreuses, cartilagineuses, calcaires. Les. 
groupes de végétations peuvent être séparés par des intervalles de péritoine sain 
et le point d'implantation sur la séreuse se fait par une base étroite qui les 
fait paraître comme pédiculés; quelques-unes de ces masses atteignent le 
volume d'une châtaigne, d'un œuf, d’un poing, tout en conservant la forme en 
grappes (Péan). z 

Deuxième type. Dans ce type, la maladie évolue en se propageant aux ovaires 
pour lesquels les végétations semblent avoir une affinité spéciale. Ces végéta- 
tions ont du reste le même aspect que dans le premier type, seulement leur 
développement dans l'ovaire y provoque la formation de cavités kystiques plus 
ou moins grandes, remplies de mucus, dans l'intérieur desquelles se développent 
également les végétations, si bien que l'intérieur de la tumeur ressemble à un 
kyste à parois à la fois végétantes et sécrétantes. Les végétations qui se déve- 
loppent secondairement dans les ovaires donnent naissance à des tumeurs dont 


PÉRITONITES. 441 


le volume varie de celui d’une châtaigne à celui d'un œuf d'autruche, tumeurs 
solides qui diffèrent des suivantes (Péan). 

Troisième type. Dans ce type, les végétations suscitent le développement 
de véritables kystes multiloculaires de l'un ou des deux ovaires; on reconnait 
l'origine de ces kystes à la présence de végétations à la surface externe et à 
l'intérieur de la paroi de la tumeur; on peut aussi, mais le fait n'est pas con- 
stant, trouver des végétations sur d’autres points du péritoine pelvien. 

Ces tumeurs sont composées de lobes en grappes à pédicules vasculaires; ces 
lobes se subdivisent en lobules; ceux-ci constituent des départements vascu- 
laires indépendants (deux veines et une artère), dont les réseaux vont s’épa- 
nouir dans une masse de tissu cellulaire très-ferme, embryonnaire, semblable à 
la gelée de Warthon, véritable tissu muqueux contenant des corps fibro-plastiques 
étoilés et anastomosés et des noyaux embryonnaires; le tout est revêtu de plu- 
sieurs couches d’épithélium prismatique qui dérive de l'épithélium péritonéal 
atteint de prolifération. 

Il s’agit donc d'une hyperplasie générale de la trame cellulaire du péritoine, 
localisée spécialement au niveau du ligament large, avec hypertrophie corres- 
pendante et secondaire du revêtement épithélial de la séreuse. C'est donc un 
myxome de ligament large, susceptible de se propager consécutivement à 
l'ovaire. 

Ces tumeurs ont ceci de particulier, c'est qu’elles se compliquent d'ascite : 
cette ascite est attribuée à l'hyperplasie épithéliale, qui continue à jouer son rôle 
physiologique de protection et de sécrétion comme à l’état normal. C’est aussi 
ce qui explique pourquoi certains kystes ovariques se compliquent d'ascite; ces 
kystes, dont les parois épaisses présentent des végétations myxomateuses, sont 
revêtus de couches stratifiées, de cellules polyédriques ou vésiculeuses qui subis- 
sent par places la fonte séreuse; c’est à cette fonte qu'est due en grande partie 
lascite qui se forme avec une si grande rapidité dans ces sortes d'affections. 
Celte ascite se reproduit par la même raison avec la plus grande rapidité quand 
on à évacué Je liquide par la paracentèse. 

Elles peuvent également oblitérer l'orifice des trompes qui deviennent alors 
kystiques; enfin elles peuvent, en englobant l'utérus, provoquer soit la congestion, 
soit l’atrophic de cet organe (Péan). 

Érioogre. Ces tumeurs se développent en dehors de toute tare organique et 
de l'hérédité, en dehors de l’état puerpéral et de la menstruation. 

Tout ce qu'on sait, c'est que les opérées de Péan, étaient âgées de vingt-cinq 
à cinquante aps, qu'elles n'avaient pas eu d'enfants et qu'elles avaient été 
soumises à des causes morales (Péan). 

Sympromarozocre. La maladie débute par de la gène et de la pesanteur du 
côté du bassin, auxquelles les malades ne prêtent que peu d'attention, et cela 
pendant plusieurs années. Ce qui éveille leurs craintes, c’est l'augmentation du 
ventre due à l’ascite, ainsi que les douleurs irradiées vers les régions lombaire, 
vaginale et iliaque. En même temps apparaissent des troubles digestifs et un 
peu de dyspnée; les forces se perdent, la fatigue vient vite, les malades mai- 
grissent, deviennent anémiques et se cachectisent, mais il n’y a pas de teinte 
jaune paille comme dans le cancer. 

Ce sont, en un mot, les symplômes de la plupart des affections utéro-ovariques 
de longue durée. 

Les signes physiques peuvent mettre sur la voie du diagnostic. Par le palper 


439 PÉRITONITES. 


et la percussion, on reconnaît la présence de lascite; par le toucher vaginal et 
rectal, on constate du côté du péritoine pelvien des masses irrégulières, difficiles 
à délimiter, mollasses, dépourvues de toute espèce de mobilité et qui semblent 
faire corps avec l’utérus et ses annexes. Le palper abdominal ne donne que peu 
de renseignements, à cause de l'obstacle apporté par l’ascite, sauf dans le cas de 
tumeur ovarienne secondaire ; mais après évacuation de lascite par la paracen- 
tèse, le diagnostic est plus facile. Le liquide est louche, fluide, non filant, 
très-albumineux sans paralbumine, chargé de traces de pigment biliaire, de 
graisse et de cholestérine. Les globules blancs, les hématies, les traces de fibrine 
qu’on peut trouver dans le liquide ascitique, sont dus à de petites hémorrhagies 
produites par la ponction. 

L'abdomen vidé du liquide qu’il renfermait, on peut arriver par la palpation 
jusque sur le péritoine pelvien. Mais, s'il s'agit d'une tumeur du premier type, 
il sera malaisé de percevoir les végétations à travers la paroi abdominale (Péan). 

Avec la tumeur du deuxième type, on reconnaît, par la combinaison du 
palper abdominal et du toucher rectal et vaginal, la présence de tumeurs végc- 
tantes, avec leurs caractères physiques propres. 

Dans le troisième type, l'ascite évacuée, il reste une tumeur qui est générale- 
ment volumineuse, qui peut remplir toute la cavité péritonéale, et qui ne dif- 
fère en rien, en apparence, des kystes multiloculaires ou aréolaires de l'ovaire 
que l’on a décrits sous les noms de cysto-épithéliomes et de cysto-sarcomes. 

Mais le vrai moyen d'acquérir la certitude dans le diagnostic, c'est de faire 
l'incision exploratrice ; c'est ainsi que l'on trouvera la végétation du premier 
et du deuxième type, et qu'on reconnaitra l'origine péritonéale du kyste 
ovarique. 

L'opération est indiquée par la gravité des symptômes : si l'opération n'est 
pas faite, l’ascite se reproduit; les parois abdominales, amincies par la nutri- 
tion, finissent par s’œdématier, en même temps que s'infiltrent les membres 
inférieurs ; les troubles digestifs augmentent, les malades finissent par ne plus 
pouvoir supporter la moindre nourriture, la dyspnée s'accroit avec la diminu- 
tion de chaque respiration, les urines se suppriment et les malades ne tardent 
pas à succomber (Péan). 

Marcue. Le début et la marche de la maladie sont insidieux jusqu'à l'époque 
de l'apparition de l’ascite : à partir de ce moment l'évolution est rapide, car la 
reproduction de l’ascite après la ponction se faisant souvent au bout de huit à 
quinze jours, pour la raison que nous avons donnée plus haut, ajoute à l’'anémie 
et à l'épuisement. 7 

Dans le premier type, c'est l'ascite ne qui est cause des désordres observés ; 
dans le deuxième type, c'est encore l'ascite qui parait dominer la scène; mais 
déjà la tumeur est capable d'exercer mécaniquement-des troubles viscéraux 
(utérus, uretères, vessie, rectum); elle peut être la cause de poussées congestives 
dans l'utérus ou le péritoine pelvien, d’inflammations circonscrites avec exsudats 
séro-sanguins ou séro-purulents, ou avec adhérences consécutives. 

Dans le troisième type, ce qui domine, c’est la tumeur ovarique qui occupe 
la cavité abdominale avec l'ascite. 

La ponction abdominale soulage beau oup les malades, mais, comme elle se 
reproduit trop rapidement, ce n’est qu'une opération palliative et qui peut 
même devenir dangereuse en raison de l’affaiblissement que ne tardent pas à 
provoquer des ponctions successives à des intervalles aussi peu éloignés (Péan). 


PÉRITONITES. 413 


Diacxosric, 4° Tumeurs du premier type. L'ascite symptomatique de ces 
sortes de tumeurs peut être confondue avec le liquide de certains kystes unilo- 
culaires de l'ovaire, les produits de la maladie sélatineuse ou du cancer colloïde 
du péritoine, de la pelvi-péritonite tuberculeuse ou mème le liquide produit 
par le cancer diffus du péritoine. 

g l. Kystes uniloculaires de l'ovaire.  Flasques, ils peuvent être pris pour 
de lascite, mais leur contenu est presque toujours incolore, leur paroi n'ayant 
jamais été enflammée ; tendus, leur contenu peut être trouble, mais alors ils 
ne peuvent être confondus avec un ascite, puisque la tension rend saillantes les 
limites de la tumeur. 

2 Il. La maladie gélatineuse et le cancer colloïde du péritoine se distinguent 
de cette ascite par la viscosité et l'épaisseur du liquide qui rend l'évacuation par 
le trocart difficile, parfois même impossible. 

4 IMI. Dans la peritonile tuberculeuse pelvienne ou généralisée, l'ascite se 
résorbe spontanément; il existe d’ailleurs d’autres localisations de l'infection 
tuberculeuse. 

2 IV. Quant au cancer du peritoine primitif et diffus, on en reconnaitra la 
nature par la cachexie spéciale avec teinte jaune paille. 

Mais, s'il y a doute, le chirurgien doit chercher à éclairer le diagnostic par 
l'incision exploratrice (Péan). 

2° Tumeurs du deuxième type. La ponction faite, on constate qu'il y a une 
bien petite lésion locale pour une si grande quantité de liquide péritonéal. On 
verra qu’il ne s’agit pas d'une tumeur solide de l'ovaire, sarcome, cysto-sar- 
come et cysto-épithéliome de l'ovaire ni de néoplasme de l'utérus, fibrome. 

[ci encore c’est l'incision exploratrice qui seule pourra en établir le diagnostic 
sur une base rigoureuse (Péan). 

9° Les fumeurs vegetantes du troisième type peuvent être prises pour des 
eysto-épithéliomes et des cysto-sarcomes multiloculares et aréolaires de l'ovaire 
et du ligament large ; l'examen du liquide ascitique ne peut suffire en semblable 
circonstance ; 1l faut faire l'incision exploratrice (Péan). 

Pronostic. Il est très-sérieux dans les trois types. Les ponctions ne peuvent 
entraver la marche de la maladie; l’extirpation atténue cependant la gravité 
du pronostic. Si l'incision exploratrice, a mis à nu semblable tumeur, il faut 
bien se rappeler qu’elles sont opérables et qu’elles n'ont rien de la nature des 
tumeurs cancéreuses inopérables (Péan). 

TRairemEnT. Le traitement chirurgical seul convient à ces tumeurs; la 
ponction faite une cu plusieurs fois, le diagnostic serait assuré, du moins rendu 
probable par cette ponction, on fera l'incision exploratrice ; cette incision est le 
premier temps obligatoire de l'opération curative ; celle-ci consiste dans le pm- 
cement et la ligature de tous les pédicules des tumeurs végétantes, dans la résec- 
tion, s'il y a lieu, des annexes de l'utérus, de l'épiploon ou du mésentère, enfin 
dans la toilette du péritoine. Les tumeurs enlevées, il ne se produit pas de 


récidive (Péan). P. SPILLMANN et GANZINOTTY. 
Breuiocrapate. — Tumeurs liquides. — Boxer. Kysle du mésentère. In Sepulch., 1679, 

t. IT, p. 1132. — Pixauzr. Bull. de la Soc. anat., 1825. — Cruvernuier. Kysle dermoïde du 

mésentère. In Bull. de la Soc. anat., 1831. — Ducasser. Kyste séreux du mésentère. In 


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moide dans la cavité épiploique. In Rev. clin. Bol., 1875. — Gérarr. Kystes hydatiques 


444 PERKINS (Les Deux). 


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du mésentère. In Pitha. P. & et Gi 


PÉRITYPHLETE. Voy. Cæcum et PÉRITONITES. 
PÈRI-UTÉRIN (PuzeGuox). Voy. Urérus. 


PERKINISME. Voy. Perkiys. 


PERKINS (Les peux). Elisha Perkins, le père, pratiquait à Plainfield (Amé- 
rique septentrionale); il est mort à New-York en 1779. La date de sa naissance 
est incertaine. Ce médecin doit sa célébrité à l’invention d’une méthode théra- 
peutique consistant à soumeltre certaines maladies, la goutte, le rhumatisme, les 
névralgies, inflammation chronique, les épanchements, etc., à l’action d’une 
armature métallique. Cette armature se composait de deux petits fuseaux appelés 
tractors faits de métaux différents, réunis par leurs grosses extrémités ou 
manches, et terminés l’une par une pointe, l’autre par nne extrémité obtuse. Ces 
deux tiges étaient promenées sur la peau au niveau des régions douloureuses. 
Dans la migraine, dans la céphalalgie, dans l'hémicränie, l'armature était appli- 
quée sur le front, les tempes, à l’occiput, à la nuque. Cette méthode devint 
bientôt populaire, et les aiguilles de Perkins devinrent un objet essentiel dans lo 
maison, surtout chez les femmes nerveuses, comme de nos jours la cigarette 
camphrée ou la seringue de Pravaz. L'enthousiasme se propagea rapidement, 
surlout en Angleterre et au Danemark, et se continua encore quelque temps 
après la mort de l'inventeur, entretenu par son fils Benjamen Douglas. 

L'action des aiguilles était naturellement rapportée au galvanisme qui 
venait d'être découvert. On constatait que leur pointe, après l'opération, avait 
une saveur acide et métallique, et qu'il n'en était pas de même avec des 
aiguilles d'ivoire, d'os, etc. Une des dissertations publiées à Londres, par 
B.-D. Perkins, sur les tracteurs métalliques (1796), est spécialement destinée 
à élablir cette nature galvanique des effets obtenus. 

Rien ne s'oppose à ce qu'on fasse quelque part à la réalité dans ce concert 
d'exagération : on y serait aussi autorisé à priori qu’à l'égard de l’acupunc- 
ture. Mais les brochures publiées sur ce sujet sont d'un faible secours pour en 
juger; elles sont généralement inspirées par l'esprit de système, si ce n’est 
de spéculation. Elisha Perkins n'a laissé aucun écrit. En revanche, on a de 
B.-D. Perkins : 


I. The Influence of Metallic Traclors on the Human Body..., by which a New Field 9f 


PERLITZI. 445 


Inquiry is opened in the Sc. of Galvanism. London, 1796, in-8°. — II. Certificates of the 
Efficacy of Perkins Patent Metallic Instruments, imprimé par Ed.-M. Blunt. Newburyport, 
1796, in-8°. — II. The Influence of Metallic Tractors on the Human Body, etc., demons- 
trated... by Prof. Meigs, Woodward, Rogers, etc. London, 1798, in-8. — IV. 11 publia 
Herocpra. Karn. Experiments with the Medic. Tract. in Rheumatic and Gouty Affections, etc. 
Also Reports of about 150 Cases in England, ete. London, by Johnson, 1799, in-8° (l'ouvrage 
avait été publié en danois, puis trad. en allem. par Tode, et de l'allem. en angl. par Kampf- 
mülier. Perkins le publia après addition d’un supplément). — V. The Efficacy of Perkins 
Patent Met. Tract. in Topical Diseases, etc. (contre Haygarth, détracteur de la méthode). 
London, 1800, in-12. — VI. Cases of Successful Practice with Perkins Patent Metallic 
Tractors, etc. London, by Johnson, 1801, in-12. L. Hy. 


PERLES. Concrétions calcaires qui se trouvent chez un certain nombre 
de mollusques lamellibranches, plus spécialement dans laronde perlière ou 
avicule margaritifère, laquelle donne aussi la nacre de perle. On trouve égale- 
ment des perles dans l’Avicula hirundo, le Malleus, le Pinna nobilis, la Venus 
virginica, l'Ostrea edulis. Les perles fines sont généralement constituées par 
les concrétions non adhérentes à la coquille. Suivant M. Filippi, les perles 
auraient toujours un noyau formé par un animal parasite. 

Les perles communes, composées de carbonate de chaux, étaient autrefois 
usitées en médecine; vu leur prix élevé on employait les plus petites sous le 
nom de semence de perles (voy. Nacre). 

La poudre blanche connue sous le nom de blanc de perles est du sous- 
nitrate de bismuth. 

La recherche des perles au fond de la mer soulève une question importante 
d'hygiène professionnelle (voy. PLoxGeurs et ScaPHANDRE). 


Perles médicamenteuses. On donne plus particulièrement ce nom à des 
capsules renfermant des liquides très-volatils, tels que l’éther, le chloroforme, 
l'essence de térébenthine, l'essence de santal, etc. (voy. CaPsuLes). D 


PERLIÈRE. Nom donné au Grémil (Lithospermum officinale L.), de la 
famille des Borraginées. Pi, 


PERLITZI (Jonannes-Dan.). Médecin hongrois, né à Zips, le 29 octobre 
1805, étudia dans diverses Universités d'Allemagne, de France et des Pays-Bas, 
fat reçu maître en philosophie à Breslau en 4727, docteur en médecine à Leyde 
en 1728, puis vint exercer son art avec réputation à Kaysersmark et à Schem- 
nitz, fut nommé médecin pensionné du comitat de Neograd en 1731 et la même 
année membre de la Société royale des sciences de Berlin, classe des sciences 
mathématiques, et en 1742 membre de l’Académie impériale des Curieux de la 
Nature. L'impératrice Marie-Thérèse lui conféra des lettres de noblesse en 
1741. Il renonça, en 1754, à ses fonctions, pour se fixer dans une propriété 
qu'il avait acquise près de Loschonz. L'année de sa mort nous est inconnue. 
On a de lui : 


I. Disserl. meteorol. de hyetoscopio, instrumento mensurandae pluviae. Vittebergae, 1727, 
in-4°. — II. Diss. de drososcopio, instrumento mensurando rori apto. Vittebergae, 1727, 
in-4°, pl. — HI. Diss. inaug. med. de naturarum diversarum indagine medica, sub schemate 
systematis diversarum machinarum inter se connexarum, feliciter instituenda. Lugduni 
Batav., 1798, in-4°. — IV. Orvosi Oktatás à Pestis, etc. (conseil médical sur la cure de la 
peste). Bude, 1740, in-4°. — V. Testi békességre vezérlö Uti-társ. Bude, 1740, in-4°. — VI. 
Medicina pauperum. Szegények számára való házi orsságok. Bude, 1740, in-4°. — VII. Sacra 
Themidos Hungaricae ex medecina illustrata, sive de ratione decidendi casus forenses 


446 PERNICIOSITÉ. 


dubiis physicis et medicis obnuxios, manuductio, ete. Bude, 1750, in-fol. — VIII. Commu- 
nications aux Sociétés savantes et manuscrits importants (voy. Ber, Succincta medicorum 
Hungariae et Transylvaniae biographia. Lipsiae, 1874, in-8°). L. Hy. 


PERLS (Max). Médecin allemand du plus grand mérite, né à Dantzig le 
5 juillet 1845, fit ses études à Königsberg et fut reçu docteur en 1864, après 
avoir soutenu une thèse remarquable sur les relations entre les maladies du 
rein et l’urémie. Peu après, il devint assistent de l’Institut pathologique de 
Königsberg et eut là pour maîtres successivement le célèbre von Recklinghausen 
et Neumann. Reçu privat-docent en 1866, il fut nommé en mai 1874 profes- 
seur ordinaire d'anatomie pathologique à Giessen. C'est là qu'il mourut préma- 
turémeńt le 15 mai 1881, enlevé par la fièvre typhoïde. 

Perls s’est occupé avec distinction d’histologie et de chimie pathologique; de 
nombreux travaux de lui sur ces sujets sont répandus dans les recueils pério- 
diques. Son ouvrage capital, sur la pathologie générale, paru en 1877-1879, 
n’est pas une œuvre de compilation; c'est un livre d'étude, présentant les faits 
clairement dégagés des hypothèses qui encombrent la science, et témoignant 
d'uu éminent esprit de critique et de la plus saine philosophie. Comme profes- 
seur, 1l était admiré et aimé. 

I. Qua via insufficientia renum symptomata uraemica efficiat. Diss. inaug. pathol. 
Regiomonti, 1864, gr. in-8°. — II. Ueber die Bedeutung der pathologischen Anatomie und 


der pathologischen Institute. Vortrag. Berlin, 1875, in-8°. — II. Lehrbuch des allgemeinen 
Pathologie für Studirende und Aerzte. Stuttgart, 1877-1879, 2 vol. in-8°. L. Hy: 


PERMÉAKS (Les). Voy. Russe, p. 756. 


PERMENTON. Nom donné parfois à la Belladone (Atropa Belladona L.), 
de la famille des Solanées. Er- 


PERMONARIA. Nom donné anciennement au Lycopode (Lycopodium 
clavatum L.), de la famille des Lycopodiacées. PL. 


PERNICIOSITÉ (Pernicies, perte, destruction). La perniciosité d'une 
maladie consiste dans sa tendance exceptionnelle à une issue funeste. Elle 
n'implique pas, comme la malignité, ce caractère anormal, inattendu, des 
symptômes, de leur ordre de succession, qui livre l’évolution générale de la 
maladie à une mobilité incessante et déroute le praticien; elle est le trait qui, 
dans un ordre de maladies, nosologiquement déterminé, comme les fièvres d'accès, 
par exemple, distingue certaines espèces graves. La gravité dans ces cas dépend, 
non de quelques circonstances accidentelles, comme l’âge ou la constitution du 
sujet, mais de la nature même du mal. C'est ainsi qu'on dit : fièvre intermit- 
tente pernicieuse, anémie pernicieuse, pour les distinguer de la fièvre intermit- 
tente simple, de l’anémie commune. 

Les anciens auteurs employaient cette expression spécialement pour je 
fièvres intermittentes, à forme ataxique ou larvée, s'accompagnant d’un sym- 
ptôme très-dangereux, offensant profondément un organe essentiel et susceptible 
d'amener une mort très-prochaine et quelquefois immédiate : d’où le nom de 
comitatæ ou encore celui de fièvre mali moris qu'on leur a donné. 

Quelques auteurs ont beaucoup trop généralisé, en disant que toutes les 
maladies, depuis les plus simples jusqu'aux plus complexes, sont susceptibles de 


PERNION. 447 


cetle complication pernicieuse. Il est vrai néanmoins qu'elle peut survenir 
sous cerlaines influences extérieures, météorologiques ou telluriques, ou même 
sons des conditions individuelles de constitution, de tempérament ou d'idio- 
syncrasies spéciales, dans le cours de maladies bénignes d'habitude, et que 
dans ces cas elle influe d’une manière fâcheuse sur leur évolution et leur issue 
et implique toujours un pronostic grave. 

Pour rester dans les termes et dans les limites des faits les plus fréquemment 
et les mieux observés, nous emprunterons au Traité des fièvres inlermittentes 
de M. L. Colin l'esquisse suivante de la perniciosité : « Dans maintes circonstances, 
dit-1l, les symptômes ordinaires de la fièvre ont disparu; aux lieu et place de 
l'accès fébrile apparaît seul l'accident grave et mortel qui constitue la perni- 
ciosité. Ce sera, suivant les diverses circonstances cosmiques, les conditions 
individuelles ou le type de la fièvre, la forme apoplectique, comateuse, déli- 
rante, convulsive, algide, cholérique, syncopale, ictérique, qui s’y substituera, 
sans qu'il soit possible de les considérer comme une conséquence de l'intensité 
du mouvement fébrile et d'établir une connexité quelconque entre le fait 
pathologique qui en constitue la gravité et aucun des stades de la fièvre inter- 
mittente simple ». 

On comprend que dans de telles conditions de diversité et de disparate de 
ces symptômes adventifs il soit difficile d'établir une classification des fièvres 
pernicieuses. (C’est le fait lui-même de la perniciosité, quelle qu'en soit la 
forme, qui leur donne, malgré ces diversités apparentes, un cachet commun. 

Ces états en apparence si divers, aux allures si dissemblables et parfois 
tellement trompeuses, que Morton a donné à l’un des ouvrages qu'il leur a 
consacré le titre : De proteiformi intermittentis febris genio, ont tous une 
première origine commune, une cause première identique, l'intoxication 
palustre. C’est dans la manière de réagir de l'organisme contre le poison mor- 
bide qu'il faut chercher la raison de la variété des formes sous lesquelles se 
manifeste cette réaction. Le poison tellurique agissant avec son maximum 
d'intensité sur un organisme spécialement prédisposé ou déjà débilité pourra 
anéantir immédiatement les sources de la vie; c’est la forme syncopale, la 
mort subite par sidération. Agit-il à dose moindre ou sur un organisme puis- 
sant, celui-ci réagira et pendant la lutte, avant de porter atteinte à la résis- 
tance vitale, le poison manifestera ses effets, soit sur les centres nerveux, 
d’où les formes apoplectique, comateuse, délirante, convulsive, etc., soit sur 
les principaux appareils de sécrétion et d'exhalation, sollicités en quelque sorte 
aux efforts d'élimination, d’où les formes cardialgique, cholérique, sudorale, etc. 
Enfin, se comportant à la manière d’autres poisons, c'est-à-dire comme agent 
septique, à l'égard des liquides de l’économie, il donnera lieu à deux des 
symptômes les plus habituels aux fièvres graves et septicémiques, la dysenterie, 
l'ictère et l’hémorrhagie. 

Enfin, ainsi que nous l'avons indiqué plus haut, il faut faire dans la produc- 
tion de la perniciosité et de ses différentes formes, ainsi que dans les indica- 
tions qui s’y rattachent, toutes subordonnées d’ailleurs à la grande indication 
majeure de l'antipériodique, la part qui revient aux diverses influences des 
saisons, des conditions individuelles et du type de la fièvre antérieure (voy. le 


mot Fièvres). Brocxix. 


PERNION (de pernio). Nom donné par les Anciens à l'érythème des mains 


448 PÉROMÈLES. 


et des pieds, survenu sous l'influence du froid, c'est-à-dire aux engelures (voy. 
CONGÉLATION, p. 555). L. Hn. 


PÉROBRANCHES. Wagler est le premier zoologiste qui ait réuni dans un 
ordre particulier, sous le nom d’Ichthyoïdes, tous les Batraciens-Urodèles (voy. 
ce mot) qui possèdent sur les côtés du cou des fentes destinées au passage de 
l'eau ayant servi à la respiration; il partage cet ordre en deux tribus, suivant 
que les espèces conservent ou perdent leurs branchies extérieures; la première 
de ces tribus a été nommé Perennibranches (voy. ce mot) par Duméril et 
Bibron, la seconde a reçu de ces auteurs la dénomination de Pérobranches. 

Les caractères que l’on peut assigner à ce dernier groupe qui, pour les zoolo- 
gistes modernes, forme la famille des Amphiumidées, sont les suivants : pas de 
branchies externes à l’état parfait, maxillaires existants, des dents aux deux 
mâchoires, pas de paupières. La présence de trous sur les côtés du cou ne paraît 
pas avoir l'importance que lui accordaient les zoologistes : il n'existe pas, en 
effet, de spiraculum chez la Salamandre du Japon qui, par tous les autres 
caractères, ne peut cependant pas être placée parmi les Amphiumidées. 

L'ordre des Pérobranches ne comprend que 3 genres et 4 espèces. Le spira- 
culum fait défaut, il existe 4 doigts en avant, 5 en arrière chez la Salamandre 
géante, de Chine et du Japon. Le spiraculum existe chez le Ménopome, qui se 
trouve dans les tributaires du Mississipi; on voit 4 doigts en avant, 5-5 arrière. 
Les Amphiumes, du Mississipi, ont un spiraculum ; de plus on voit 3 [doigts ou 


2 doigts à chaque membre. H.-E. SAUVAGE. 
BiLiograpute. — Waccer. Syst. Amph., 1828. — Dunér et Beros. Erpélologie générale, 

t. IX. — Cuvier. Mémoires du Muséum, t. XIV. — Bourencer. Cat. of the Batrachia Gra- 

dientia and Batrachia Apoda in the collection of Brilish Museum, 1882. B-S: 


PÉRODICTIQUE. Le genre Pérodictique (Perodicticus Bennett) appartient 
à l’ordre des Lémuriens ou Faux-Singes (voy. le mot Sinces-Faux). E. 0. 


PÉROLE. Nom donné au Bleuet (Centaurea Cyanus L.), de la famille 
des Composées et du groupe des Carduacées. Pre 


PÉROLLE (ÉTIENNE), et non PerroLLe. Né à Toulouse vers 1760, après 
avoir exercé la médecine dans sa ville natale il devint professeur d'anatomie 
et de médecine pratique et membre correspondant de la Société royale de 
médecine. ll se retira ensuite à Grasse, où il mourut en 1838. Nous citerons de 
lui : 

I. Recherches et expériences relatives à l'organe de l'ouïe et à la popagation des sons. 
In Histoire et mémoires de la Société royale de médecine. Paris, 1779, t. III, p. 264. — 
II. Dissertation anatomico-acoustique sur l'art d'apprendre à parler aux sourds et muets 
par naissance. Paris, 1782, in-8°. — III. Dissertation anatomico-acoustique, contenant des 
expériences qui tendent à prouver que les rayons sonores n'entrent pas par la trompe 
d Eustache, etc.,et un essai sur les sourds et muets de M. l'Abbé de l'Épée. Paris, 1785, in-8°. 


— IV. Observations et remarques sur le tænia. In Journ. de physique de La Mettrie, t. IN, 
an IX (1801). — V. Mémoires sur les vibrations des surfaces élastiques. Grasse, 1825, in-8°. 


A. D: 


PÉROMÈLES. Certains animaux au corps arrondi, vermiforme, allongé, 
dépourvus de queue et de pattes, ressemblent tellement à des Serpents qu’ils 
ont été pendant longtemps rangés -dans l’ordre des Ophidiens. L'organisation 


PÉROMÈLES. 449 


interne et le mode de respiration qui est branchiale dans le jeune âge démon- 
trent neltement que ces animaux sont des Batraciens (voy. ce mot), dont ils 
lorment d'ailleurs le groupe le plus dégradé; ce groupe a été désigné par 
Puméril et Bibron sous le nom de Péromèles ; beaucoup d'auteurs le désignent 
aujourd'hui sous celui d'Apodes. 

Comme chez tous les Batraciens, il existe 2 condyles occipitaux; le crâne 
osseux est solidement uni aux os de la face; la mâchoire inférieure est d'une 
seule pièce; les vertèbres, qui sont nombreuses, sont biconcaves, et la corde 
dorsale est persistante ; sur toute la longueur de la colonne vertébrale, excepté 
sur la première et sur la dernière vertèbre, se trouvent de petites côtes rudi- 
mentaires. Les os de l'épaule et ceux du bassin manquent absolument. 

Par une remarquable exception dans le groupe des Batraciens, la peau est 
revèlue le plus souvent d’écailles cycloïdes très-petites et formant par leur 
ensemble des rangées transversales ; d’autres fois, comme chez les Siphonops, 
la peau est complétement nue. 

La bouche est petite, située à la face inférieure de la tète; les maxillaires et 
ics palatins portent de petites dents recourbées en arrière; les dents forment 
deux séries à la mandibule. Les narines sont situées à la partie antérieure du 
mu-eau ; dans beaucoup de genres il existe de chaque côté des narines une petite 
lossette qui aboutit à des canaux dont la structure histologique est fort compli- 
quéc, canaux qui doivent être regardés comme un organe de sens spécial, sans 
doute en rapport avec le genre de vie des Péromèles, qui s'enfouissent à la 
manière des lombrics. Un organe dépendant du toucher général est un tenta- 
cule dont la forme et la position sont variables et qui se trouve, tantôt près de 
l'œil, tantôt près de la narine. L'œil est petit, recouvert par la peau, le plus 
souvent visible, parfois caché sous les os crâmiens ; il présente toutes les parties 
essentielles de l'œil des Vertébrés. La membrane du tympan et la caisse font 
défaut. Le poumon droit est toujours plus considérable que le poumon gauche, 
plus ou moins atrophié. Dans le jeune âge, 1l existe de chaque côté du cou une 
ouverture qui aboutit à des branchies internes. 

L'ordre des Péromèles comprend 11 genres et 31 espèces; ce sont des ani- 
maux des parties les plus chaudes de l'Amérique du Sud et de l'Inde; on en 
connaît quelques espèces d'Afrique. IL-E. Sauvace. 


Bisciocrapmie. — Oprec. Ueber die Classification der Amphibien, 1811. — Trevinanus. 
Zeitschr. für Physiologie, t. IV, 1892. -— Waccen. Syst. Amph., 1828. — Dumérir et Bisrox. 
Érpélologie générale, t. VIII. — Mücrer (J.). Beuräge zur Anatomie und Naturge- 
schichte der Amphibien. — lexe (F.). Ueber die Schleichenlurche; Ein Beitrag zur 
analomischen Kenntniss der Amphibien. In Zeitschr. für wissensch. Zoologie, t. XVII. — 
\Wieoensuem (R.). Anatomie der Gymnophionen, 1879. — Perters. Mon. Berl. Ac., 1879. — 
Bovuexcer (G.). Catalogue of the Batrachia Gradientia s. Caudata and Batrachia Apoda 
in the Collection of the British Museum, 1882. — Craus. Traité de zoologie, 2° édit., trad. 
Moquin-Tandon, 1884. EJS. 


PÉROMÈLES (TÉRATOLOGIE). Monstres ectroméliens (voy. ce mot) carac- 
térisés, soit’par l'absence presque complète où même complète de l’un ou de 
plusieurs d’entre les membres, soit seulement par l'absence ou par l'état plus 
ou moins rudimentaire de la jambe ou de l'avant-bras et surtout du pied ou 
de la main. : 

Les premiers ont reçu d'Isidore-Geoffroy Saint-Hilaire le nom d'Ectromèles, 
e ‘es seconds celui d Héemimèles. 


DICT. ENC. 2° s. XXIIL 29 


450 PÉROMÈLES. 


I. Les hémimèles {de sui, demi, et de pé)s<, membre) ne sont pas très-rares. 
Tantôt l'anomalie ne porte que sur un seul d'entre les membres, tantôt sur 
deux ou trois d’entre eux, ou même sur les quatre à la fois, et d’ailleurs 
(quoique cela ne soit pas absolument constant), lorsqu'ils ne sont pas tous 
frappés de l'anomalie dont il est ici question. il est au moins très-fréquent que 
ceux qui y ont échappé se montrent atteints de quelque autre difformité. De 
même, on observe quelquefois, concurremment, d’autres anomalies sur diverses 
autres parties du corps. 

Chez les hémimèles, le segment basilaire (brachial ou crural) du membre se 
présente sous la forme d'un moignon, à l'extrémité duquel on trouve des appen- 
dices, de formes diverses, représentant des doigts rudimentaires, et consistant 
soit en de simples lobules, plus ou moins arrondis, soit en de petites excrois- 
sances, pourvues de muscles et même susceptibles de mouvements volontaires. 

IL. Les ectromèles (de ëxrpbw, je fais avorter, et de u#0:, membre) sont 
caractérisés par l'absence de l’un ou de plusieurs d’entre les membres. Ils 
réalisent la plus complexe, la plus grave et, en même temps, la plus commune 
des diverses monstruosités ectroméliennes (voy. ce mot), ainsi que l’a fait 
remarquer Îs.-Geoffroy Saint-Hilaire, soit que l'anomalie intéresse simultanément 
les deux membres thoraciques (ce qui est le cas le plus commun); soit qu'elle 
ne se montre que sur un seul de ces deux membres (ce qui est beaucoup plus 
rare, surtout dans l'espèce humaine); soit que (ce qui est beaucoup plus rare 
encore) elle se rencontre sur les deux membres abdominaux. Quant à l’ectro- 
mélie portant sur un seul des deux membres abdominaux, elle n’a guère 
été constatée jusqu’à présent, si ce n’est peut-être chez des monstres qui étaient, 
en même temps, affectés d'éventration. Enfin, on peut considérer comme très- 
rare, au moins chez l'homme, la coïncidence de l’ectromélie unithoracique avec 
l’ectromélie uni abdominale ou bi-abdominale, et surtout celle de l'ectroméhie 
uni-abdominale avec la bi-thoracique, tandis que l’ectromélie quadruple n'est, 
au contraire, relativement pas très-rare; et de ce qui précède, on peut conclure 
que l’ectromélie bi-thoracique, la bi-abdominale et la quadruple, sont moins 
rares que les diverses autres anomalies de même genre, en même temps qu'elles 
décroissent sous le rapport de la fréquence, dans l’ordre même où nous venons 
de les énumérer. 

HI. Quel que soit celui des membres sur lequel on observe l’ectrormélie, il 
en est quatre types différents, que l'on peut rencontrer, selon qu'elle est plus 
eu moins complète. 

a. Les cas d’amélie vraie, absolument mis en doute par Is.-Geoffroy Saint- 
Hilaire, mais non pas toutefois sans exemples, doivent être au moins assez rares, 
si l’on en juge par le petit nombre de ceux dont la réalité est incontestable. 
Nous citerons particulièrement les trois spécimens de ce genre, que l'on peut 
voir à Londres, au Musée du Collége royal des chirurgiens d'Angleterre (Terato- 
logical Series, n°° 340, 541 et 542) : le premier appartient à une grenouille, 
dont le membre antérieur droit fait entièrement défaut, ainsi qu'on a pu s’en 
assurer et qu'on peut aisément le constater, à la faveur d’une incision faite 
aux téguments pour rechercher s'il n'existait aucune trace de ce membre. Le 
deuxième spécimen appartient à un poulet, chez qui le membre inférieur droit 
fait complétement défaut, et dont le pied gauche est, en revanche, pourvu d’un 
double doigt interne. La troisième pièce nous montre un fœtus de petite chienne, 
dont la face avait subi un léger arrêt de développement et dont les deux membres 


PÉROMÈLES. 451 


antérieurs font totalement défaut. A côté de ces pièces anatomiques, je citerai 
encore celle que mon père a présentée naguère à l'Académie des sciences de 
Paris, et sur laquelle le membre thoracique droit d'un jeune poulet était totale- 
ment absent, le membre pelvien du même côté étant resté à l’état rudimentaire. 
Chez une poule adulte, qu'on vit à Breslau, on constate, de même, l'absence 
congénitale de l'un des deux membres thoraciques (le gauche), ainsi que chez 
un serin, qui n'avait qu'une seule aile, et dont Rathke a publié naguère l'histoire 
anatomique. 

b. Dans d'autres cas, sur lesquels Is.-Geoffroy Saint-Hilaire a justement fixé 
l'attention et qui, comme les précédents, sont eux-mêmes assez rares, l’ectro- 
mélie n'est pas aussi complète, et, quoique de prime abord on puisse croire à 
l'absence totale du membre, une inspection plus attentive permet de reconnaître 
qu'il en existe au moins quelque vestige. 

Telles étaient les conditions des quatre membres et surtout des inférieurs, 
chez un enfant décrit par Reiset, et chez qui l’on a pu constater, non-seulement 
l'existence de quelques rudiments des membres inférieurs, mais aussi la 
présence des os et des muscles scapulaires, pour les membres supérieurs. 
Is.-Geoffroy Saint-Hilaire a fait, de son côté, de semblables observations sur un 
bouc adulte, privé congénitalement de lun des deux membres antérieurs, et, 
d'autre part, sur un tout jeune chien affecté d'ectromélie quadruple. 

c. Les cas d'ectromélie, dans lesquels le membre intéressé se termine par un 
moignon, sont de beaucoup les plus fréquents (et, pour cette raison, nous n’en 
citerons ici aucun en particulier), soit qu'un simple moignon représente, à lui 
seul, le membre incomplet, soit que ce moigron porte lui-même un ou plusieurs 
doigts, à l’état rudimentaire. 

Les cas de moignons non digités, quoique moins rares que les cas d'ectromélie 
dont il a été précédemment question, n’en sont pas moins eux-mêmes assez 
rares encore. 

Quant aux cas d’ectromélie, dans lesquels le moignon du membre anomal se 
termine par un ou plusieurs appendices digitiformes, ce sont les moins rares 
de toutes les anomalies de ce genre, et l'on pourrait presque dire que ces cas 
sont relativement les plus communs. 

« Le plus souvent, les rudiments des doigts ne consistent que dans un simple 
tubercule ou appendice de la peau, très-court, sans os intérieur et sans ongle, 
mais pourvu toutefois de muscles et jouissant d'une mobilité plus ou moins 
grande. Dans d’autres cas, néanmoins, les rudiments des doigts ne sont pas 
seulement charnus; des phalanges existent à leur intérieur, et la présence d'ongles 
plus ou moins bien conformés achève de les caractériser comme de véritables 
doigts. » 

Quant aux moignons eux-mêmes, ils sont quelquefois singulièrement conformés. 
Ils se montrent ainsi, dans certains cas, très-courts, hémisphériques, mastoïdes, 
et alors « d’autant plus semblables aux seins d’une femme, qu’au centre de 
chacun d'eux existe un petit tubercule charnu et cutané de forme arrondie, 
mais avec ce caractère particulier d'être mobile à volonté ». 

Les muscles, les nerfs et les vaisseaux des parties existantes du membre 
ectromélique, sont généralement normaux, et « la composition anatomique de la 
tête, de la poitrine, du ventre et des organes génitaux, ne laisse rien à désirer ; 
ce qui permet aux individus affectés de cette anomalie de pouvoir parvenir 
quelquefois à un âge avancé ». 


452 PÉRONÉ (anaTomiE). 


IV. Les divers genres d'ectromélie et leurs variétés de siége se rencontrent 
assez imégalement chez l’homme et chez les différents animaux. 

L'ectromélie bi-thoracique, par exemple, a été plus particulièrement observée 
chez l’homme et chez le chien, quoiqu’on l'ait rencontrée aussi, de temps en 
temps, chez le chat, le cheval, le boue, le veau, et même chez le lézard. 

L’ectromélie uni-thoracique, beaucoup moins rare (quoiqu'elle le soit encore 
assez) chez les animaux que chez l'homme, a été rencontrée notamment chez le 
unouton domestique, chez le sanglier et chez plusieurs oiseaux (poulet, serin, 
canard). 

L'ectromélie bi-abdominale, dans les quelques cas, assez rares, qui ont été 
publiés, a été observée chez les animaux comme chez l'homme. 

Les diverses combinaisons ectroméliques entre elles sont lrès-rares, surtout 
chez l'homme, tandis que l’ectromélie quadruple ne l'est pas, au contraire, 
notamment dans l'espèce humaine, ainsi que chez le chien et aussi chez le 
cochon domestique. 0. Larcuer. 

Breuiocrapuie. — Consultez : GEorrroy Sar-Iicatre (Isid.). Traité de tératologie, t. IT, 
p. 214-297. — Gurur (E.-F.). Lehrbuch der pathologischen Anatomie der Haussäugethiere, 
Bd. LI, S. 96. Berlin, 1832. — Gouraux (Arm.). De l'ectromélie chez les animaux domestiques. 
In Mémoires de la Société de biologie, 4° série, t. I, p. 119. Paris, 1865. — Lancer (J.-F.). 
Études physiologiques el médicales sur quelques lois de l'organisme, p. 187, note 1. Paris, 
1868. — Lowxe (B.-Th.). Descriptive Catalogue of the Teratological Series in the Musee 
of the Royal College of Surgeons of England. London, 1872. — Laxcerraux (E.). Traité 


d'anatomie pathologique, t. I, p. 160. Paris, 1875. — Larcuer (0.). Mélanges de pathologie 
comparée et de tératologie, t. I, p. 160, TOES 5. Paris, 1878. 0 


PÉRON (François). Célèbre naturaliste et voyageur français, né le 22 août 
1775, à Cérilly (Allier). Il prit du service dans les armées de la République en 
1799, fut blessé et fait prisonnier à Kaiserslautern et conduit à Magdebourg, où 
il profita de sa captivité pour se livrer à des travaux scientifiques. En 1794, 1 
obtint un congé de réforme motivé par la perte de l'œil droit, à la suite 
de ses blessures. Il étudia ensuite la médecine à Paris; 1l allait être reçu 
docteur, lorsqu'un violent chagrin le décida à s'éloigner de la France. Jussieu 
le fit attacher à l'expédition du capitaine Baudin aux Terres Australes en qualité 
de médecin naturaliste. C’est pendant ce voyage qu'avec son ami Lesueur il 
prépara une collection zoologique composée de plus de cent mille échantillons 
d'animaux; il y avait dans le nombre plus de 2500 espèces nouvelles. A son 
retour en France, il devint membre correspondant de l’Institut. Péron mourut 
jeune, d’une affection de poitrine, à Cérilly, le 44 décembre 1810. 

Ce savant naturaliste a publié, dans divers recueils, des mémoires sur l’histoire 
naturelle, entre autres sur l’histoire des méduses, et des observations sur la 
dysenterie des pays chauds et sur l'usage du bétel, sur la température de la 
mer, etc.; quelques-uns de ces mémoires avaient été communiqués à l’Institut, 
au Muséum, à la Société de médecine de Paris, etc. On a encore de lui : 


I. Observations sur l'anthropologie. Paris, 1800, in-8°. — II. Voyage de découvertes aux 
Terres Australes, pendant les années 1800, 1801, 1802, 1805 et 1804, rédigé en partie par 
F. Péron et continué par L. Freycinet. Paris, 1811-1816, 2 vol. in-4° de texte et 2 vol. in-4° 
de pl.; % édit, revue et augm. par L. de Freycinet. Paris, 1824-1825, 4 vol. in-8°, et atlas, 
in-4° de 53 pl. et 9 cartes. b. Hx: 


PÉRONÉ. ĝl. Anatomie. Le perone (grecrsgóva; latin fibula, suræ radius, 
sura; allem. Wadenbein; angl. perone; ital. peroneo; esp. perone), l'un des 


PÉRONÉ (anaromiE). 455 


deux os de la jambe, est un os long, pair, non symétrique. Son nom lui vient de 
sa ressemblance avec une espèce d’agrafe (mepóva), dont se servaient les Anciens. 

Le péroné est placé à la partie externe de la jambe; par son extrémité supérieure 
et par son extrémité inférieure il s'articule avec le tibia, dont il est séparé dans 
toute sa partie moyenne par un espace interosseux. Il n'a aucun contact immé- 
diat avec le fémur; par contre, inférieurement, il est en rapport direct avec 
l'astragale. 

Le péroné n'est pas absolument parallèle au tibia : inférieurement, il est 
situé à la partie externe de cet os, tandis que supérieurement il se trouve à sa 
partie interne et postérieure. D'autre part, l'espace interosseux est moins large 
dans son tiers inférieur que dans ses deux tiers supérieurs. 

Aussi long que le tibia, le péroné est extrêmement grêle; il est le plus grêle 
de tous les os longs, et peut être reconnu au premier coup d'œil par ce seul 
caractère. De tous les os longs, 1l est aussi le plus tordu sur lui-même. 

Pour mettre un péroné en position, il faut chercher celle de ses extrémités 
qui est aplatie et la placer en bas; la facette articulaire qu’on y trouve sera 
dirigée en dedans; la cavité rugueuse, que présente cette même face de l'extré- 
mité inférieure, occupe sa partie postérieure. 

Ou considère au péroné un corps et deux extrémités; l'extrémité supérieure 
porte le nom de téte du peroné, l'extrémité inférieure celui de malléole 
Externe: 

A. Corps. Le corps a la forme d’un prisme triangulaire, mais, ainsi que je 
l'ai fait remarquer déjà, il est tordu sur lui-même. Or les torsions des os sont 
toujours en rapport avec les changements de direction, soit des tendons, soit 
des vaisseaux. Pour bien comprendre la configuration du péroné, on se rappellera 
que les muscles, qui occupent en haut la région externe de l'os, se contournent 
en arrière à la partie inférieure. C'est ainsi que la face externe du péroné 
devient face postérieure dans son cinquième inférieur. Les deux autres faces et 
les bords présentent une torsion analogue. 

Des trois faces du péroné, l’une est externe, une autre interne et la troisième 
postérieure; c'est du moins l'orientation qu'elles affectent dans leurs quatre 
cinquièmes supérieurs. 

La face externe est excavée en forme de gouttière longitudinale dans sa 
portion inférieure, qui est déviée en arrière. Cette face donne attache, par son 
tiers supérieur, au muscle long péronier latéral; le court péronier latéral 
s'insère sur sa moitié inférieure et quelquefois sur ses deux tiers inférieurs. 

La face interne devient antérieure en bas. Elle est divisée en deux parties 
inégales par une crête longitudinale, crête interosseuse, sur laquelle se fixe le 
ligament interosseux ; cette crête se continue en bas avec le bord interne de l'os, 
qui, à ce niveau, tend à devenir antérieur. La partie de la face interne, qui est 
au devant de la crête, est plus étroite que l’autre; chez certains sujets même 
elle n’a pas plus de 4 millimètres de largeur. Cette partie donne insertion, sur 
toute sa longueur, à l'extenseur commun des orteils et au péronier antérieur 
réunis; l’extenseur propre du gros orteil s'insère sur elle, dans ses deux tiers 
inférieurs, et l'insertion de ce dernier muscle est postérieure à celle des muscles 
précédents. La portion de la face interne du péroné, qui est en arrière de la 
crête, est occupée tout entière par l'insertion du jambier postérieur. 

La face postérieure du péroné devient interne dans sa partie inférieure; dans 
cette dernière portion, elle s'élargit et présente une surface raboteuse, en forme 


454 PÉRONÉ (anaroure). 


de triangle à base inférieure, surface sur laquelle se fixent les ligaments qui 
unissent le péroné au tibia. La face postérieure donne attache au soléaire par 
son tiers supérieur et au long fléchisseur du gros orteil par ses deux tiers infé- 
rieurs. Elle présente, de plus, le conduit nourricier principal de l'os, qui 
se dirige obliquement de haut en bas : cependant il est fréquent de trouver ce 
conduit sur la face interne du péroné. 

Les trois bords du péroné sont : un bord externe, un bord antérieur et un 
bord interne; mais ces bords, de même que les faces qu'ils limitent, offrent une 
déviation dans leur partie inférieure. 

Le bord externe devient postérieur inférieurement; d’abord mousse, il 
est ensuite saillant. Sa lèvre antérieure donne attache par son tiers supérieur 
au long péronier latéral, et par sa moitié on ses deux tiers inférieurs au court 
péronier latéral. Sa lèvre postérieure donne insertion au soléaire par son tiers 
supérieur et au long fléchisseur du gros orteil par ses deux tiers inférieurs. 

Le bord antérieur, très-tranché, devient externe à la partie inférieure où il se 
bifurque; entre les deux branches de bifurcation se trouve une surface triangu- 
laire recouverte par la peau. Ce bord donne attache au court péronier latéral 
par la moitié ou les deux tiers inférieurs de sa lèvre externe, à l’extenseur 
commun des orteils et au péronier antérieur réunis par sa lèvre interne. 

Le bord interne, saillant, devient antérieur inférieurement. Vers le milieu de 
l'os, il forme la continuation de la crête interosseuse que présente la face 
interne et, de même que cette crête, il donne attache au ligament interosseux. 
La lèvre antérieure de ce bord donne insertion au jambier postérieur. Sur sa 
lèvre postérieure s’insèrent le soléaire dans le tiers supérieur et le long fléchis- 
seur du gros orteil dans les deux tiers inférieurs. 

B. Extrémilé supérieure. L'exlrémité supérieure ou tête du péroné 
présente, à sa partie supérieure et interne, une facette articulaire plane ou 
légèrement concave, regardant en haut, en dedans et en avant, qui s'articule 
avec une facette corres nondante de la tubérosité externe du tibia. La partie 
supérieure de la tête du péroné offre en dehors deux apophyses, l’une antérieure, 
l'autre postérieure, qui donnent attache au tendon du biceps fémoral ; l'apophyse 
postérieure, apophyse styloïde du péroné (de orÿos, stylet, et eï30c, forme, 
ressemblance), est plus saillante que l’autre, et son développement, inégal suivant 
les sujets, est en raison directe du développement du biceps. Les insertions de 
ce muscle se confondent en partie avec celles du ligament latéral externe de: 
l'articulation du genou; elles se font à la fois en dehors, en avant et en arrière: 
de celles de ce ligament. 

La face postérieure de la tête du péroné présente une facette rugueuse, 
terminée en dedans par une crête; le soléaire s'insère sur cette facette, ainsi 
que sur la face externe de la tête du péroné. La partie antérieure de la tête: 
donne attache au long péronier latéral par une surface, séparée de l'insertion du 
soléaire par une crête très-prononcée. 

C. Extrémité inférieure. L'extrémité inférieure du péroné ou malléole 
externe (diminutif de malleus, marteau) forme en dehors, au niveau de la 
cheville, le pendant de la malléole interne ou tibiale, qu’elle surpasse en lon- 
gueur et en épaisseur. Aplatie de dehors en dedans, la malléole externe présente 
deux faces (externe et interne), deux bords (antérieur et postérieur) et un 
sommet. 

La face externe, convexe, est recouverte par la peau. La face interne offre 


4 


PÉRONÉ (PHys10L0GIE). 455 


une facette, recouverte de cartilage, qui s'articule avec l’astragale et complète en 
dehors l'espèce de mortaise formée par la réunion des extrémités inférieures du 
tibia et du péroné. Au-dessous et en arrière de cette facette se voit une excava- 
tion profonde, rugueuse, dans laquelle s'insère le ligament latéral externe 
postérieur de l'articulation tibio-tarsienne. Au-dessus de la facette articulaire se 
trouve la surface triangulaire rugueuse, que j'ai signalée déjà sur la face posté- 
rieure du corps de l'os, face postérieure qui en ce point est devenue interne. 

Le bord antérieur de la malléole externe, moins épais que le bord postérieur, 
est rugueux et donne attache au ligament latéral externe antérieur de l'articula- 
tion Ubio-tarsienne. Le bord postérieur, large, est creusé, en dehors, d’une 
coulisse superficielle destinée aux tendons réunis des deux muscles péroniers 
latéraux. 

Le sommet de la malléole externe, dirigé en bas, donne insertion au ligament 
latéral externe proprement dit de l'articulation tibio-tarsienne. 

Conformation. Pe même que tous les os longs, le péroné est formé de 
tissu spongieux à ses extrémités, tandis que sa partie moyenne est compacte; 
le canal médullaire que présente cette dernière est très-étroit. 

Le périoste du péroné est très-épais et difficile à détacher au niveau de la 
tête, mais, si la dissection en est longue, elle fournit néanmoins un résultat 
complet. Sur la diaphyse, le périoste s’amincit beaucoup pour redevenir fibreux 
vers la partie inférieure. Il est très-solide au niveau de la surface triangulaire 
qui surmonte extérieurement la malléole externe, et il se renforce peu à peu 
jusqu’à cette dernière, sur laquelle il est très-épais et très-adhérent, surtout vers 
les attaches ligamenteuses. 

Développement. Le péroné se développe par trois points d’ossification : un 
pour le corps, un pour chaque extrémité. 

Le point osseux du corps de l'os apparait du quarantième au cinquantième 
jour de la vie fœtale, c'est-à-dire quelques jours après celui du corps du 
tibia. 

Les extrémités sont encore cartilagineuses au moment de la naissance. Le 
point osseux de l'extrémité supérieure apparait le premier, dans le cours de Ja 
deuxième année; celui de l'extrémité inférieure se montre vers l’âge de cinq 
ans. 

La réunion des épiphyses avec la diaphyse n'a lieu qu’à l'époque du déve- 
loppement complet, de vingt à vingt-cinq ans; l’épiphyse inférieure est celle 
qui se réunit la première. 


21l. Physiologie. Des deux os de la jambe, le tibia seul supporte le poids 
du corps; le péronéest placé en dehors de la ligne qui transmet ce poids au pied. 
Mais le péroné est d’une incontestable utilité par les surfaces d'insertion qu'il 
offre aux divers muscles de la jambe. Il joue un rôle important dans l’articu- 
lation tibio-tarsienne. Enfin il sert à consolider le squelette de la jambe d'une 
manière très-effective. 

En effet, cet os constitue pour le tibia une armature qui en augmente notable- 
ment la résistance à la flexion latérale. La réunion des deux os de la jambe 
forme un système analogue à ce que l'on désigne en mécanique sous le nom 
de poutre en treillis. La résistance à la flexion latérale est ainsi beaucoup plus 
grande que s’il n'existait qu'un os unique, présentant une quantité de sub- 
stance égale à celle du tibia et du péroné réunis. 


456 PÉRONÉ (ANATOMIE COMPARÉE). | 


La structure compacte et la gracilité du corps du péroné lui donnent une 
flexibilité et une élasticité comparables à celles des côtes : aussi peut-on encore 
le considérer comme une espèce de ressort, sans cesse mis en action par les 
mouvements de latéralité du pied. Cruveilhier pense que la flexibilité de cet os 
est susceptible d’être portée assez loin pour que le péroné vienne s'appuyer 
contre le tibia. D'ailleurs, l'homme seul présente, dans la structure du péroné, 
une disposition aussi favorable pour le mouvement de ressort. 


4 Il. Anatomie comparée. Le péroné présente de très-grandes variations 
dans la série des Vertébrés, et tout d’abord il peut manquer, abstraction faite, 
bien entendu, des animaux dépourvus de membres postérieurs. Ainsi, chez les 
Batraciens anoures, le péroné et le tibia sont réuni en un seul os. 

Chez les Reptiles existants, l'extrémité inférieure du péroné est aussi large 
ou même plus large que l'extrémité supérieure ; de plus, elle s'articule large- 
ment avec une facette située à la partie externe de l’astragale. 

Tout au contraire, chez les Oiseaux existants, l'extrémité inférieure du 
péroné n’est qu’un simple filet, et elle ne s'articule pas avec l'astragale. Toujours 
imparfait chez les oiseaux, le péroné est, en général, chez eux, réellement plus 
court que le tibia; cependant, chez quelques pingouins, ilest de même longueur 
que cel os. 

Un certain nombre de Reptiles fossiles présentent une disposition du péroné, 
intermédiaire entre celle du péroné des reptiles existants et celle du péroné des 
oiseaux. Ainsi, chez les Ornithoscelides, l'extrémité inférieure du péroné est 
beaucoup moins volumineuse que l'extrémité supérieure, tout en étant moins 
mince que l'extrémité inférieure du péroné des oiseaux. Chez les Ptérosaures, 
le péroné est imparfait et semble s'unir au tibia par son extrémité inférieure. 

Chez les Mammifères, le péroné offre des dispositions très-diverses, sans 
qu'il soit possible de saisir une relation entre le développement ou la configu- 
ration de cet os et le rang occupé par les animaux dans la série des Vertébrés. 

Au bas de la série des Mammifères, les Marsupiaux possèdent un péroné 
toujours complet. Tandis que, chez certains d'entre eux, cet os se soude avec le 
tibia, chez d’autres, au contraire (wombat, phalanger, opossum), il est non- 
seulement libre, mais encore susceptible d’un mouvement rotatoire sur le tibia, 
mouvement semblable à celui du radius sur le cubitus chez l'homme. La rotation 
du péroné vers le côté ventral du tibia est alors effectuée par un muscle qui 
occupe en grande partie la place du ligament interosseux; ce muscle est l'ana- 
logue du carré pronateur du membre antérieur. 

Parmi les Édentés, les paresseux présentent une disposition particulière du 
péroné. Chez eux, l'extrémité inférieure du péroné envoie en dedans et en bas 
une apophyse conique, qui va se fixer dans une fosse située à la face externe de 
l'astragale : de là résulte une variété d’emboiture de la cheville, toute spéciale à 
ces animaux. 

Chez les Ongules, tantôt le péroné est complet, tantôt il n'est représenté que 
par sa partie supérieure ou par sa partie inférieure. Il est complet chez le rhino- 
céros, le tapir, le porc, l'hippopotame. Au contraire, le cheval ne possède que la 
partie supérieure de l'os, et les ruminants n’en possèdent que la partie 
inférieure. 

Chez le cheval, l'extrémité supérieure du péroné est réduite à un simple 
rudiment et se termine inférieurement en pointe. Le corps de l'os manque. 


PÉRONÉ (ANATOMIE GOMPARÉE). 457 


Quant à son extrémité inférieure, elle semble être représentée par une partie 
osseuse intimement soudée au tibia, paraissant faire partie intégrante de ce 
dernier et ayant l'apparence d'une apophyse malléolaire externe; cette partie 
osseuse nest indépendante du tibia que chez le poulain, et elle n'existe pas 
encore chez le fœtus avant la naissance. 

Le genre cheval (cheval proprement dit, âne, hémione, zèbre) est le seul 
repfésentant existant des equidcæ. Parmi les equidæ fossiles, il convient de citer 
l'anchiterium, dont le péroné semble avoir été parfois un os complet, mais 
mince ; toutelois, l'extrémité inférieure du péroné, chez l'anchiterium, est aussi 
intimement unie au tibia que chez le cheval, bien qu'elle soit beaucoup plus 
distincte; d'autre part, dans quelques cas, on a cru remarquer que le milieu du 
corps était incomplétement ossifié. 

Chez les Ruminants, il n'existe qu'un vestige du péroné, vestige qui porte le 
vom de malléole et qui, en effet, correspond à peu près à la malléole externe. 
Cet os est situé au-dessous de la portion externe de l'extrémité inférieure du 
tibia, en dehors de l'astragale, qui, d’ailleurs, présente une bien plus grande 
hauteur que la malléole, enfin au-dessus du calcanéum. La malléole est soudée 
au tibia chez les Tragulidæ, mais elle est indépendante chez les autres 
ruminants. 

Les Carnivores possèdent toujours un péroné complet. Chez le chat, la marte, 
l'ours, le blaireau, ctc., cet os, articulé avec le tibia par ses deux extrémités, 
s'écarte plus ou moins du tibia au niveau de son corps. Au contraire, chez les 
animaux appartenant au genre chien (chien proprement dit, loup, chacal, 
renard) ct chez l'hyène, le corps du péroné est mince et appliqué contre le 
tibia dans sa moitié inférieure, sans qu'il y ait d'ailleurs soudure entre les 
deux os. 

Le phoque, qui est un Carnivore pinnipède, possède un péroné épais; de 
plus, sa longueur, ainsi que celle du tibia, est plus du double de celle du 
fémur. 

Le péroné des Proboscidiens est complet et parfaitement distinct du tibia. 

Chez les Cheiroptères, le péroné est rudimentaire; il n'est représenté que par 
son extrémité inférieure, sa partie supérieure étant remplacée par un ligament. 

Un grand nombre de Rongeurs ont le péroné soudé au tibia. Mais cette dispo- 
sition n’est pas générale, et même, si l’on parcourt la série des rongeurs, on 
constate des aspects très-différents du péroné. Ainsi chez le porc-épic, l'échimys, 
le sphiggure, cet os est complet et indépendant du tibia, avec lequel il s'articule 
par ses deux extrémités. Chez le castor, l’écureuil, la marmotte, la partie infé - 
rieure du péroné est appliquée contre le tibia sur une étendue plus ou moins 
longue, mais sans qu'il y ait soudure. Enfin chez le lièvre, le cobaye, le rat, le 
hamster, l’ondatra, le loir, la gerboise, il existe une soudure entre les deux os. 
La moitié inférieure ou le tiers inférieur du péroné fait alors corps avec le 
tibia; tantôt, malgré la soudure, la forme du péroné peut être suivie nettement 
jusqu'en bas; ailleurs la fusion est plus complète, et c'est à peine si l'on 
soupçonne le trajet ultérieur du péroné. 

Chez les Insectivores, il en est de même que chez les Rongeurs. Certains 
d'entre eux (tanrec, tendrac) possèdent un péroné complet et indépendant du 
tibia, Au contraire, chez le hérisson, la taupe, la moitié inférieure du péroné 
est soudée au tibia, avec lequel elle se confond. 

Enfin les Primates ont tous un péroné complet, non soudé au tibia. Chez 


458 PÉRONÉ (Paruoocis). 


l'homme, la malléole externe a une direction plus verticale que chez aucun 
singe. Prenons, par exemple, le gorille, qui appartient au groupe des singes 
anthropomorphes et qui possède l'attitude bipède. Chez lui, la malléole externe 
res: emble à une malléole externe d'homme, que l’on aurait fait basculer légère- 
ment en attirant la pointeen dehors. Par suite, l'extrémité inférieure du péroné, 
chez le gorille, se termine plutôt en massue qu’en pointe; elle dépasse, moins 
qne chez l’homme, la surface articulaire inférieure du tibia; enfin la fosse, que 
l'on rencontre, chez l’homme, sur la face interne de la malléole externe, regarde 
en bas chez le gorille. Ajoutons que la surface externe de la malléole du gorille 
et divisée en deux portions (une portion antéro-externe et une portion postéro- 
externe) par un bord, dont la direction est fortement oblique de haut en bas et 
de dedans en dehors. 

Je ne m'occuperai pas ici des comparaisons que l'on a établies entre le péroné 
et l'os que l’on considère comme son homologue à l'avant-bras, c'est-à-dire le 
cubitus. Je renverrai pour cette question à l’article Memgres (Comparaison). 


2 IV. Pathologie. L'histoire des fractures et des Iuxations qui intéressent 
le péroné sera faite aux articles Jamese et Pre. J'aurai à étudier ici : 1° les vices 
de conformation du péroné; 2° les affections inflammatoires de cet os; 3° les 
tumeurs dont il est le siége. 


1° Vices de conformation du pérone. Le péroné peut manquer en totalité 
ou en partie. Je fais abstraction, bien entendu, des cas d’ectromélie, dans 
lesquels la jambe fait complétement défaut. Mais l'absence du péroné s'observe 
parfois, alors même qu’il existe une jambe plus ou moins rudimentaire, munie 
d'un tibia. Plusieurs exemples de cette difformité, chez des sujets atteints d’hémi- 
mélie ou de phocomélie, sont relatés dans le mémoire de Dehout (Coup d'œil 
sur les vices de conformation produits par l'arrêt de développement des 
membres. In Mémoires de la Societé de chirurgie de Paris, t. VI). 

Ainsi, chez un fœtus à terme du sexe féminin (loc. cit., obs. XXVII), déposé 
au musée Dupuytren et présentant une hémimelie abdominale gauche, le membre 
hémimèle est composé d'un segment crural aussi développé que celui du côté 
sain et d'un vestige de tibia; le péroné manque. 

Un jeune homme de dix-sept ans, cité par Debout (loc. cit., obs. XXXV) n'avait 
pas de pied droit, et la jambe correspondante, arrêtée dans son développement, 
semblait constituée uniquement par un tibia avorté, que recouvrait la peau 
doublée d'une couche notable de tissu cellulaire. 

Dans la phocomélie pelvienne, c'est-à-dire dans cette monstruosité caractérisée 
par les petites dimensions des deux segments intermédiaires entre le tronc et le 
pied, l'arrêt de développement porte spécialement sur le segment crural. Mais le 
plus souvent le segment jambier se trouve atteint en même temps, et alors il 
peut arriver que le péroné fasse défaut. Lorsque le péroné est absent dans la 
phocomélie pelvienne, il est possible que le pied correspondant soit bien con- 
formé; mais d'ordinaire il manque à ce pied un ou deux orteils, quelquefois 
même un nombre d'orteils plus considérable. Voici quelques exemples de cette 
difformité, empruntés au mémoire de Pebout. 

Le fameux Cazotte (loc. cit., obs. I), dont le squelette se trouve au musée 
Dupuytren et qui présentait une phocomélie des quatre membres, ne possédait 
de péroné ni à droite ni à gauche; ses pieds étaient munis chacun de cinq orteils 
crochus. 


PÉRONÉ (Parmozocie). 439 


Un fœtus de sept mois (loc. cit., obs. XL), atteint de phocomélie pelvienne 
gauche, avait de ce côté un tibia de longueur presque normale, mais pas de 
péroné; le pied était bien conformé. 

Dans deux autres cas de phocomélie pelvienne unique (loc. cit., obs. XIV et 
Li), le péroné faisait défaut et le tibia offrait une incurvation semblable à celle 
des rachitiques; le pied n'avait que trois orteils. 

Enfin chez une jeune fille affectée de phocomélie pelvienne droite (loc. cit., 
obs. LIII), il n'y avait pas trace de péroné et le pied ne présentait qu'un seul 
orteil. 

Dans les divers cas que je viens de citer, le péroné manquait complétement. 
D'autres fois, il arrive qu'il ne soit représenté que par sa partie inférieure ou 
par sa partie supérieure. 

Chez une fille, qui se montrait dans les foires (loc. cit., obs. VIT) et qui portait, 
entre autres difformités, une phocomélie pelvienne droite, le péroné de ce côté 
n'était osseux que dans sa partie inférieure; dans le reste de son étendue, il se 
confondait avec une bande ligamenteuse qui allait se fixer à la partie moyenne 
du fémur et qui s'opposait à l'extension complète de l'articulation du genou. Ce 
membre se terminait par un pied-bot. 

Un jeune homme, atteint de phocomélie pelvienne droite (loc. cit., obs. XV), 
et dont la jambe était rudimentaire, n'avait, en fait de péroné, que la partie 
supérieure de l'os; la malléole externe manquait, et le pied, plus petit que celui 
du côté normal, n'était muni que de quatre orteils. 

Chez une dame présentant une phocomélie pelvienne droite (loc. cit., obs. LIT), 
le tiers inférieur du péroné faisait défaut; le pied n'avait que trois orteils. 

L'absence partielle du péroné se rencontre parfois sur un membre qui, 
abstraction faite du nombre des orteils, ne présente pas d'autre vice de confor- 
mation. Un petit garçon de sept ans (loc. cit., obs. XXVI), observé par Vosseur, 
offrait une hémimélie bithoracique. De plus, le squelette de la jambe droite 
était défectueux : les deux tiers inférieurs du péroné manquaient, et le pied 
n'avait que quatre orteils. 

Un autre vice de conformation mérite d’être signalé. Chez un homme, affecté 
de phocomélie pelvienne double (loc. cit., obs. X), les deux fémurs étaient repré- 
sentés par des rudiments; la jambe gauche était à peu près normale, mais, à 
droite, le tibia était largement bifide à son extrémité supérieure, et la division 
externe, qui était en réalité la continuation de l'os, était ankylosée avec la tête 
du pérone. 


2° Affections inflammatoires du péroné. Les diverses formes de l'osféite 
s'observent sur le péroné, mais elles sont incomparablement moins fréquentes 
que les ostéites du tibia. Je n’ai rien de spécial à dire sur les ostéiles trauma- 
tiques du péroné; je me contenterai de quelques mots sur les ostéites spontanées 
de cet os. 

L'ostéite aiguë spontanée, que l'on appelle encore périostite diffuse, ostéo- 
myelite spontanée diffuse, etc., n'est pas fréquente au péroné. Sésary (De 
l'ostéite aiguë chez les enfants et les adolescents, thèse de Paris, 1870), dans un 
relevé de 119 cas, ne compte que 5 ostéites aiguës du péroné, alors que le tibia 
est atteint 56 fois. Il est même remarquable que l'ostéite aiguë de la partie 
supérieure du tibia, qui envahit si souvent l'articulation du genou, respecte 
d'ordinaire l'articulation péronéo-tibiale supérieure. 


450 PÉRONÉ (rarmoLocie). 


J'emprunte à Chassaignac (Traite pratique de la suppuration et du drainage 
chirurgical, t. I, p. 456, obs. CXLVIT) un exemple d'ostéite aiguë du péroné. Il 
s'agit d'un jeune homme de dix-huit ans qui, faisant un effort violent pour 
retirer son pied gauche engagé sous le sabot d'un cheval, éprouva une vive 
douleur vers la partie supérieure et externe de la jambe. Le membre se tuméfia 
rapidement et devint le siége de douleurs sourdes et profondes. Au bout de dix 
jours, la partie externe de la jambe parut présenter une fluctuation profonde; 
une incision, pratiquée en dehors de la tubérosité antérieure du tibia, laissa 
échapper une grande quantité de pus phlegmoneux, et le stylet arriva par cette 
plaie sur le tibia dénudé. Trois jours après, une nouvelle incision, pratiquée en 
dehors du tibia au tiers moyen de la jambe, donna lieu à un écoulement abondant 
de pus. Bientôt une autre incision dut être faite en dedans du tibia. Mais l’articu- 
lation du genou ne tarda pas à être envahie, des phénomènes généraux graves 
apparurent, et le malade succomba dans le coma, vingt-cinq jours après le début 
des accidents. La partie externe de la jambe s'était complétement mortifiée les 
derniers jours. 

A l’autopsie, on constata une suppuration de tout le creux poplité. A la jambe 
se voyait un second foyer purulent, descendant jusqu'au tendon d'Achille et 
limité en avant par la face postérieure du tibia, la face interne du péroné et le 
ligament interosseux, en arrière par l’aponévrose jambière; les muscles étaient 
détruits et les os dénudés. Enfin un troisième foyer occupait l'articulation du 
genou, dont la synoviale était remplie de pus et dont les cartilages étaient 
érodés en certains points. Les trois foyers communiquaient ensemble par l'arti- 
culation péronéo-tibiale supérieure et la partie postérieure de l’articulation du 
genou. Toute l’extrémité supérieure du péroné baignait dans le pus et était 
dénudée. L’articulation de cet os avec le tibia était détachée. Le tibia aussi était 
complétement dénudé à son extrémité supérieure. Nulle part on ne trouva de 
trace bien évidente de fracture; toutefois le péroné offrait, au-dessous de sa tête, 
une petite dépression oblique qui pouvait résulter d’une fracture incomplète. 

Malgré l’existence de cette dernière lésion, dont la nature est d’ailleurs 
contestable, il s’agit bien évidemment ici, non pas d’une ostéite aiguë trauma- 
tique, mais de cette aflection de l'enfance et de l'adolescence que l’on peut 
appeler ostéite aiguë spontanée; le traumatisme n'est intervenu qu'à titre de 
cause occasionnelle. 

Les abcès du perone semblent être encore plus rares que l'ostéite spontanée 
aiguë de cet os. Golay (Des abcès douloureux des os, thèse de Paris, 1879), sur 
118 cas d’abcès des os ou d’ostéite à forme névralgique, ne signale qu'un seul 
fait relatif au péroné. Ce fait est dù à Ollier et nous en trouvons l’histoire dans 
la thèse de Perret (De la trépanation dans les abcès des os et dans l’ostéite à 
forme névralgique, thèse de Paris, 1876, p. 45, obs. JI). 

Il s’agit d'un homme de trente-quatre ans qui, à l’âge de quatorze ans, avait 
été atteint d’une piqûre à la malléole externe gauche; un abcès s'était formé en 
ce point, s'était ouvert spontanément et avait rapidement guéri. Deux ans après, 
un nouvel abcès s'était formé au même point, s'accompagnant de vives douleurs 
et de gonflement; l'ouverture spontanée de cette collection avait donné lieu à 
l'expulsion de trois séquestres et, après guérison de l’abcès, le péroné était resté 
plus volumineux. Enfin, dix-sept ans après cette seconde poussée inflammatoire, 
le péroné était devenu douloureux vers son tiers moyen, et cette douleur privait 
le malade de sommeil depuis vingt-deux mois. La partie moyenne du péroné, 


PÉRONÉ (ParnoLoGie). 461 


épaissie, présentait vers son milieu une ouverture fistuleuse. Oller fit deux 
incisions : l’une au niveau du bord antérieur du péroné, l'autre vers son bord 
postérieur ; il pratiqua ainsi une double trépanation et creusa un tunnel, dont la 
paroi postérieure élait constituée par l'os, et la paroi antérieure par les muscles 
péroniers; il ne trouva pendant cette opération ni pus, ni séquestre, mais 
uniquement un tissu spongieux vascularisé, rempli de moelle rouge. Les douleurs 
cessèrent aussitôt d'une manière définitive et le malade guérit en conservant 
une hypertrophie de l'os. 

Bien que l'existence d’un abcès osseux n'ait pas élé positivement constatée 
dans ce cas, la présence d'une fistule au point malade nous fait admettre qu'on 
se trouve en présence d’un abcès du péroné, ouvert spontanément à l'extérieur. 

Le péroné peut être atteint d’ostéile chronique, et son volume est susceptible 
alors d'augmenter considérablement par suite de la formation de couches 
osseuses sous-périostiques. Il arrive ainsi que le canal médullaire se trouve 
perdu au milieu d'un tissu éburné ayant jusqu'à 12 et 13 millimètres de rayon. 
Le poids d'un péroné hypertrophié peut dépasser le double du poids d’un péroné 
sain. 

On sait qu’une ostéite, survenant pendant la période de croissance, a sou- 
vent pour résultat de modifier l'accroissement de l'os malade : suivant la 
manière dont le cartilage de conjugaison est impressionné, l’accroissement de l'os 
est enrayé ou, au contraire, exagéré. A la jambe, de même qu’à l'avant-bras, la 
présence de deux os parallèles crée des conditions spéciales. Si l'un de ces os 
cesse de croître ou s’accroit d'une façon excessive, alors que l'autre os continue 
à croître suivant le mode physiologique, les rapports des deux os seront inévila- 
blement modifiés; on observera des deviations ou des luxations. Ces faits, 
constatés surtout dans des ostéites du tibia, sont possibles au même titre 
quand c’est le péroné qui est malade. 

Supposons que, par suite d’une ostéite de l’un des deux os de la jambe, 
l'accroissement du tibia soit plus marqué que celui du péroné : le tibia s’inflé- 
chira, de manière à former une variété de genu valgum, ou bien il sera aban- 
donné par l'extrémité supérieure du péroné, qui se luxera en bas. 

Si, au contraire, c'est le péroné qui s’accroit plus que le tibia, on pourra 
observer une incurvation de la jambe à concavité interne. Ailleurs, l'extrémité 
supérieure du péroné se luxera en haut. L’extrémité inférieure du péroné, qui 
est solidement unie au tibia, résiste plus longtemps, mais peut finir par se 
luxer en bas, repoussant d'habitude l'astragale en avant et en dedans. 

La necrose du péroné ne mérite pas de nous arrêter longuement. Je me 
contenterai de citer une pièce, appartenant qu musée du Val-de-Grâce et relative 
à une fracture de jambe, suivie d’une nécrose du tibia et du péroné. Le séquestre 
du tibia n’a que 8 centimètres de longueur, mais celui du péroné comprend 
18 centimètres de l'os au-dessus du trait de fracture; ce séquestre est uni, 
brillant, sans exfoliation superficielle, et il se termine par une pointe, invaginée 
dans une nouvelle production osseuse en manchon; le manchon, de son côté, 
envoie une pointe dans l’intérieur du séquestre. 

A la suite des affections inflammatoires du péroné, on peut placer les mani- 
festations de la tuberculose et de la scrofule dans cet os. Je ferai remarquer que 
les recherches les plus récentes, entreprises depuis la découverte du bacille de 
Koch, tendent de plus en plus à faire admettre l'identité de la tuberculose et 
de la scrofule et, par suite, à faire considérer comme de simples variétés d’une 


462 PÉRONÉ (rarmoLoete). 


seule et même affection des lésions que l'on s’efforçait auparavant de distinguer. 
Aussi ne saurais-Je plus aujourd'hui envisager la tuberculose des os de la même 
manière qu'à l'époque où je traitais la question dans ce Dictionnaire (voy. Os 
| Pathologie}, 2° sér., t. XVII, p. 320). Mais je n'ai pas à insister ici sur ce 
point et je reviens à la tuberculose du péroné. 

Lannelongue figure dans son mémoire (Abcès froids et tuberculose osseuse. 
Paris, 1881, p. 155) un péroné considérablement hypertrophié dans toute sa 
longueur ; sa surface, représentée par de nouvelles couches osseuses, est irrégu- 
lière; au centre se trouve los ancien, dans lequel on remarque des cavités 
tuberculeuses sans séquestre. 

Les lésions du péroré de nature tuberculeuse se rencontrent plutôt aux extré- 
mités de los, surtout à l’extrémité inférieure; dans ce dernier cas, 1l n'est pas 
rare que la lésion atteigne tous les os qui constituent l'articulation tibio-tarsienne 
et celte articulation elle-mème. 

J'emprunte au mémoire de Lannelongue (p. 175, obs. LXXVII) l'observation 
suivante de tuberculose de l'extrémité inférieure du péroné. ll s’agit d’un enfant 
de six ans, qui, outre la lésion du péroné gauche, présentait une lésion sem- 
blable de l'extrémité inférieure du tibia droit, un spina-ventosa de la première 
phalange du petit orteil gauche, enfin un abcès froid du pied droit. L'affection 
du péroné gauche remontait à un an; à cette époque, on avait remarqué une 
grosseur indolente à la jonction de la malléole externe et du corps du péroné; 
celte grosseur avait percé spontanément au bout d'un mois et avait laissé depuis 
ce moment un trajet fistuleux. La fistule occupait la partie postérieure de l'os ; 
elle permettait à un stylet de s'engager dans le péroné. Le collet de la malléole 

- était très-gonflé ; l'hyperostose remontait sur le corps de l'os, en même temps 
qu'elle déterminait un allongement et une augmentation de volume de la 
malléole. La pression sur le péroné hyperostosé n’était pas douloureuse. L’articu- 
lation tibio-tarsienne était intacte. 

La lésion que je viens de décrire n’a rien d’absolument caractéristique par 
elle-même, mais sa nature tuberculeuse est clairement indiquée par la concomi- 
tance d’autres lésions dont la nature ne saurait être douteuse. 


5° Tumeurs du péroné. Les tumeurs du péroné, sans être bien rares, sont 
infiniment moins fréquentes que celles du tibia. Je ferai remarquer incidemment 
qu'une tumeur du tibia pent, par suite de son développement, repousser le 
péroné, ou même l'envahir, surtout si la production est de nature maligne. 

Je ne m'étendrai pas longuement sur les exostoses du péroné. Les plus inté- 
réssantes de ces tumeurs sont les exostoses ostéogeniques, que l'on rencontre 
soit vers l'extrémité supérieure du péroné, soit vers son extrémité inférieure, 
au-dessus de la malléole externe. Ces exostoses atteignent parfois un développe- 
ment considérable. 

Dans un cas de Broca et A. Guérin (Soc. de chir., séance du 13 juin 1866), 
un homme de trente ans portait une exostose ostéo-cartilagineuse de l’extrémité 
inférieure du péroné, dont le début remontait à plus de quatorze ans. La tumeur 
avait pris un accroissement rapide depuis deux ans; elle était arrivée au volume 
du poing, ulcérant la peau et envahissant le tibia, mais laissant l'articulation 
tibio-tarsienne intacte. La résection de la tumeur fut essayée, mais, devant 
l'impossibilité manifeste de cette opération, on dut pratiquer l'amputation de la 
jambe. 


PÉRONÉ (PATHOLOGIE). 7 


On a observé des chondromes siégeant sur le péroné. Heurtaux, sur un total 
de 10% chondromes des os, note 2 chondromes du péroné, contre 6 chondromes 
du tibia. O. Weber, dans sou tableau de 267 chondromes des os, en compte 
8 sur le péroné et 20 sur le tibia. 

Les sarcomes du péroné ne sont pas rares. Schwartz (Des ostéosarcomes des 
membres, thèse d'agrégation. Paris, 1880), sur un ensemble de 200 ostéosar- 
comes des membres, parmi lesquels 155 affectent le membre inférieur, trouve 
153 sarcomes du péroné, alors que le tibia e-t atteint 48 fois. 

Dans 12 cas de sarcomes du péroné, dans lesquels le siége de la tumeur est 
indiqué d’une façon précise, celle-ci occupe 10 fois l'extrémité supérieure de 
l'os, 2 fois seulement l'extrémité inférieure et jamais le corps de l'os. 

Fait particulier, parmi ces tumeurs, aucune n'appartient à la classe des 
sarcomes périostéaux ; on n’a observé que des sarcomes myélogènes, c’est-à-dire 
des sarcomes développés primitivement dans l'épaisseur même de l'os et non 
pas à sa surface. 

Quant à la structure de ces sarcomes, d'après Schwartz et Gross (de Phila- 
delphie [Amer. Journ. of med. Sc., 1879]), on compterait 8 sarcomes giganto- 
cellulaires du péroné (7 à l'extrémité supérieure de l'os, 4 à l'extrémité infé- 
rieure), 2 sarcomes globo-cellulaires (1 à chaque extrémité), enfin 1 sarcome 
fuso-cellulaire du péroné (siégeant à l'extrémité supérieure de l'os). 

Les sarcomes du péroné sont susceptibles d'atteindre de grandes dimensions, 
ainsi que le montrent les exemples suivants : 

Maisonneuve (Gaz. des hôp., 1854, p. 415), chez une femme de vingt-deux 
ans, pratiqua la désarticulation du genou pour un sarcome de la tête du péroué, 
datant de cinq mois el plus volumineux qu'un œuf d'autruche. La tumeur, 
d'ailleurs indolente, était lisse, ferme, élastique, sans adhérence avec les tégu- 
ments; elle remplissait le creux poplité et faisait saillie à la partie supérieure 
et externe de la jambe. On constata, après l'opération, qu'il s'agissait d'un 
sarcome fibro-plastique; à la surface de la tumeur, le prérioste était intact; à la 
jonction de la tumeur et de la portion saine du péroné, les fibres du péroné 
s’écartaient en éventail pour se confondre avec la coque ostéo-fibreuse du 
sarcome. La coupe du néoplasme laissait voir des cloisons fibreusces et des lacunes 
remplies de sang ou de sérosité rougeûtre. 

Chez une femme de trente-six ans, Desormeaux (Gaz. des hôp., 1868, p. 586) 
amputa la cuisse,pour un sarcome gros comme une tête d'adulte et siégeant sur 
l'extrémité supérieure du péroné droit. Cette tumeur s'étendait depuis l'angle 
inférieur du creux poplité jusqu'à la réunion du tiers moyen et du tiers inférieur 
de la jambe. On trouva la moitié supérieure du péroné détruite, à l'exception 
d'une portion osseuse qui semblait être la tête de l'os augmentée de volume. 
La tumeur présentait des cellules fusiformes et une infiltration calcaire, ainsi 
que de petits îlots cartilagineux; ceux-ci ont été attribués à une fracture qu'on 
supposait en voie de consolidation. 

Des sarcomes télangiectasiques ont été observés au péroné, comme le prouve 
le cas suivant, rapporté par Morestin (Considerations sur les tumeurs sanguines 
des os, thèse de Paris, 1862), cas que l'auteur a considéré, à tort évidemment, 
comme une tumeur sanguine veineuse analogue aux tumeurs érectiles. 

Un jeune homme de vingt ans portait, à la partie supérieure et externe du 
mollet gauche, une tumeur de la grosseur du poing, s'élevant vers le creux 
poplité; en avant, le néoplasme s'étendait par-dessus le péroné, gagnait la crête 


464 PÉRONÉ (raTnoLocie). 


du tibia à la jonction du tiers supérieur ct des deux tiers inférieurs, et suivait 
cette crête jusqu’au niveau de l'articulation péronéo-tibiale supérieure. Cette 
tumeur provoquait, depuis huit mois, de la pesanteur et des douleurs sourdes 
dans le jarret gauche. Récemment, elle avait beaucoup augmenté de volume, 
était devenue douloureuse au toucher et avait rendu finalement la marche très- 
pénible. On ne constatait ni battements, ni souffle, mais certains points étaient 
fluctuants. Une ponction exploratrice fournit un jet de sang liquide continu. 
Une injection de perchlorure de fer, faite dans un but thérapeutique, amena la 
mort subite du malade. 

A l'autopsie, on reconnut que la tête du péroné avait disparu ; il ne restait 
plus à ce niveau que quelques aspérités osseuses et une pelite poche remplie 
d’un liquide citrin. L’articulation du genou était saine. Quant à la tumeur, elle 
se terminait en bas, à 12 ou 15 centimètres du creux poplité, par des attaches 
fibreuses fixées tout autour du péroné; le ligament interosseux était détruit sur 
toute la longueur du néoplasme, et celui-ci reposait sur le bord externe du 
tibia. Une incision longitudinale de Ja tumeur montra que le péroné avait 
disparu sur une étendue d'au moins 10 centimètres. Le tissu morbide présentait 
une trame aréolaire, analogue aux corps caverneux du pénis et constituée par 
un lacis d'innombrables petits vaisseaux, presque tous de nature veineuse, la 
plupart remplis de sang coagulé et se cassant avec la plus grande facilité. De 
tous côtés partaient de la tumeur des veines nombreuses ayant l'apparence de 
vaisseaux injectés pour les études anatomiques. 

Pour terminer ce qui a trait aux tumeurs du péroné, je citerai encore l'obscr- 
vation suivante de Buchanan (Glasg. med. Journ., 1880, p. 340), publiée sous 
le titre de kyste séreux du pérone. Nous savons peu de chose sur les kystes des 
os en général, abstraction faite des kystes hydatiques : aussi me bornerai-je à 
reproduire cette observation sans autre commentaire. 

Un garçon de douze ans présentait, au côté externe de la jambe, une tumeur 
fusiforme, s'étendant sur une longueur de six pouces à partir de l'articulation 
péronéo-tibiale supérieure. Cette tumeur, consécutive à un double traumatisme 
de la jambe datant de douze mois, était immobile, lisse, résistante, et donnait 
çà et là une crépitation parcheminée. Elle ne provoquait ni douleurs, ni gêne 
de la marche. Le chirurgien, croyant à une tumeur maligne, se préparait à 
amputer le membre dans la contiguité. Mais, sous le chloroforme, il commença 
par inciser profondément la tumeur; le couteau traversa une mince écaille 
osseuse et un gros Jet de sérosité foncée s’échappa avec force. On reconnut que 
la moitié supérieure du péroné était transformée en une coque mince, tapissée 
par une membrane d'aspect séreux et ne contenant aucune particule solide; le 
liquide séreux et rougeàtre ne renfermait d'autre élément figuré que quelques 
globules rouges. La tumeur, longue de 3 1/2 pouces sur un diamètre de 
2 1/9, fut alors disséquée et enlevée avec la moitié supérieure du péroné ; le 
malade guérit. 

Il me reste à dire quelques mots sur le traitement des tumeurs du péroneé. 
S'il s'agit d'une tumeur essentiellement bénigne et n'ayant aucune tendance à 
s’accroître, comme une exostose arrivée à son complet développement, si, de 
plus, cette tumeur n’est pas une gêne sérieuse pour le malade et ne fait redouter 
aucun accident, mieux vaut s'abstenir de toute intervention opératoire. Au 
contraire, une tumeur bénigne, qui est la source d'accidents, ou qui, par son 
volume, est devenue une gêne notable pour le malade, demande à être enlevée, 


PÉRONÉ (MÉDECINE OPÉRATOIRE). 465 


à moins de contre-indication spéciale. Il en est de même, si la tumeur, sans 
être gênante encore, menace de le devenir par son accroissement incessant. 

ll est évident que, lorsqu'on interviendra, on devra enlever la totalité du 
néoplasme, mais il n’est pas nécessaire d'en dépasser les limites. Si cela est 
possible, on se bornera donc à l’ablation de la tumeur, en respectant le segment 
du péroué sur lequel elle s'implante. Sinon, on réséquera une portion plus ou 
moins étendue de los. Dans certains cas, lorsque les lésions seront trop consi- 
dérables pour permettre une résection du péroné, l'amputation du membre, 
au-dessus du siége du mal, sera indiquée. 

S'il s’agit d'une fumeur maligne du péroné, par exemple, d'un sarcome, la 
simple ablation du néoplasme ne saurait suffire. La résection du péroné elle- 
même n'est admissible que pour les tumeurs d'une malignité moindre, comme 
les sarcomes giganto-cellulaires limités par une coque qui n’est pas encore 
rompue. Il ne faut pas perdre de vue, en effet, que souvent une tumeur maligne 
a envahi des portions osseuses en apparence saines. 

Chez un enfant de quinze ans, portant une tumeur de l'extrémité supérieure du 
péroné qui s'étendait jusqu'à mi-jambe, J. Bæckel (thèse de Schwartz, obs. XX) 
ampula la cuisse. L’autopsie du membre montra qu'il s'agissait d’un sarcome 
central à petites cellules et que l'infiltration des éléments sarcomateux s'étendait 
dans le canal médullaire du péroné jusque vers son tiers inférieur. Le genou était 
sain. Dans ce cas, la résection de la portion du péroné, qui seule semblait atteinte, 
aurait laissé en place une partie du néoplasme. L'ablation du péroné dans toute 
sa longueur aurait peut-être suffi pour mettre le malade à l'abri de la réci- 
dive. 

Cependant, d'une manière générale, pour peu qu'il y ait doute sur l'étendue 
du néoplasme, pour peu que la résection du segment osseux malade présente 
de la gravité ou fasse craindre un résultat médiocre au point de vue des fonctions 
du membre, il vaut mieux amputer. Si la tumeur occupe l'extrémité inférieure 
du péroné, Gross (de Philadelphie) conseille alors la désarticulation du genou. 
Si la tumeur siége sur l'extrémité supérieure de l'os, Gross recommande d’ampu- 
ter la cuisse à sa partie inférieure. 


4 N. Médecine opératoire. Le péroné, dans son quart inférieur, est 
recouvert directement par la peau; dans le reste de son étendue, il est pro- 
tégé par des couches musculaires. Il est donc facile de mettre l'os à nu dans 
sa portion inférieure. Mais, plus haut, il faut l’atteindre par l'interstice 
compris entre l’extenseur commun des orteils et les péroniers latéraux; on 
prendra garde, dans cette opération, de ménager le nerf musculo -cutane 
peronier, que l’on rencontre dans cet imterstice. A la partie supérieure de 
la jambe, on choisira de préférence, pour arriver sur le péroné, l’interstice 
qui sépare les péroniers latéraux d'avec le soléare et le long fléchisseur du 
gros orteil. 

Un rapport important est celui qu'affecte avec le péroné le nerf sciatique 
poplité externe. Le nerf descend obliquement en bas et en dehors, derrière la 
tète du péroné, dont il est séparé par l'insertion supérieure du musele soléaire, 
et contourne horizontalement le col de cet. os, contre lequel il est directement 
appliqué. 

Ji ne faut pas perdre de vue non plus que la synoviale de l'articulation 
peronéo-tibiale superieure communique parfois avec la synoviale du genou 


mer. EXC. 2° s. XXL £0 


466 PERONE (MÉDECINE OPÉRATOIRE). 


(une fois sur dix d'après Lenoir). Quant à la synoviale de l'articulation peroneo- 
tibiale inferieure, elle n'est autre chose qu'un prolongement de la synoviale de 
l'articulation tibio-tarsienne. 

Ajoutons que, le tibia étant seul à supporter le poids du corps, le péroné peut 
être extirpé dans toute sa longueur. 

Les considérations anatomiques qui précèdent me dispensent de m'étendre 
sur les opérations telles que l’évidement du péroné, l'extraction de séquestres 
ou de tumeurs de cet os. Ainsi que je l’ai fait remarquer, les organes les plus 
importants à éviter sont : les nerfs sciatique poplité externe et musculo- 
cutané, péronier, et les articulations du genou et du cou-de-pied. 

Un malade, à qui Malgaigne enleva une exostose de l'extrémité inférieure du 
péroné, garda une raideur de l'articulation tibio-tarsienne. 

Chez un homme de cinquante ans, dont la malléole externe, à la suite d’une 
ostéite hypertrophique, avait triplé de volume et déjetait le pied en dedans, 
Eug. Bœckel (Traité des resections, par O. Heyfelder, traduit par Eug. Bœckel. 
Strasbourg et Paris, 1863, p. 117) évida la malléole. Après avoir incisé les 
téguments en T renversé, il fit l'opération avec la gouge-rugine, puis appliqua 
le cautère actuel. Au bout de quatorze jours, le malade fut pris de tétanos et 
succomba ; la plaie était recouverte de granulations de bonne nature. 

Je wai pas à insister sur l’ostéolomie du péroné. Pour faire cette opération, on 
arrive sur Íe péroné en procédant comme s'il s'agissait de réséquer une portion 
de la diaphyse. D'ailleurs, lorsqu'on se décide à faire une ostéotomie pour une 
incurvation rachitique de la jambe ou pour une fracture des deux os de la jambe 
vicieusement consolidée, on se contente habituellement d'opérer sur le tibia et 
on brise ensuite le péroné. 

En traitant de la pathologie, j'ai fait observer que les ostéites des os de la 
jambe, chez les enfants et les jeunes gens, peuvent avoir pour résultat un arrêt 
de développement ou, au contraire, un allongement excessif de l'os malade; si 
alors l'autre òs de la jambe malade ne suit pas un développement parallèle, il 
en résulte des déviations ou des luxations, auxquelles il faut chercher à 
remédier. 
= Chez trois enfants dont le tibia avait présenté un accroissement excessif, 
Ollier (Rev. mens. de méd. et de chir., 1877, p. 86 et 167) irrita la diaphyse 
du péroné pour la faire allonger à son tour. 

Au contraire, il fit l’excision des deux cartilages de conjugaison du péroné, 
pour arrêter l'accroissement de cet os, chez un garçon de quatorze ans qui 
offrait un arrêt de développement du tibia, consécutif à une ostéite suppurée de 
la région juxta-épiphysaire inférieure de Pos. Il s'était produit une incurvation 
progressive, à concavité interne, des deux os de la jambe, une luxation des deux 
extrémités du péroné, enfin un pied équin varus résultant de celte déformation 
osseuse. Le raccourcissement apparent du tibia était de 5 centimètres; le 
raccourcissement réel n'était que de 57 millimètres. 

Voici comment Ollier décrit son opération. On fait une incision, commençant 
à 25 millimètres au-dessus de la pointe de la malléole externe et allant dans la 
direction du corps de l'os. Cette incision, longue de 2 centimètres seulement et 
respectant le périvste, permet de tomber immédiatement sur le cartilage de 
conjugaison, que lon reconnaît à sa teinte blanche. Avec un bistouri à lame 
étroite, on incise alors transversalement le cartilage, en ayant soin de ne pas 
dépasser le centre de l'os. On excise des tranches cuuéiformes du cartilage, de 


PÉRONÉ (MÉDECINE OPÉRATOIRE). 467 


manière à laisser intacte sa moitié profonde et à n'opérer que sur sa moitié 
superficielle, qui est enlevée complétement vers la périphérie, imcomplétement 
vers le centre de los. 

Dans l'observation que j'ai citée, Ollier pratiqua, treize jours après cette 
première opération, une opération semblable sur le cartilage de conjugaison 
supérieur du péroné. Deux ans après, le pied était complétement redressé. 
Tandis que le péroné sain avait grandi de 5 centimètres, le péroné opéré avait 
grandi de 25 millimètres seulement. Le tibia, dont le développement était 
entravé, avait repris sa direction normale, mais restait de 42 millimètres en 
arrière de l’autre tibia. Il s'était produit, du côté malade, un allongement 
compensateur du fémur de 4 centimètre. 

Les expériences d’Ollier expliquent parfaitement le résultat de l'opération 

récédente. En effet, les os se courbent et se coudent du côté de la perte de 
substance du cartilage. Cette déviation est due à deux causes : d’abord l’épiphyse 
et la diaphyse se rapprochent pour combler la perte de substance; ensuite la 
portion du cartilage restée intacte prolifère et tend à éloigner la diaphyse de 
l’épiphyse à son niveau, en les rapprochant sur la face opposée de los. 

Lorsqu'on fait l'opération sur l’un des os de la jambe et que l’on excise la 
partie superficielle seule des cartilages, les articulations voisines restent intactes. 
Toutefois l'articulation du cou-de-pied serait envahie, si l'articulation péronéo- 
tibiale inférieure était atteinte. De même, l'articulation du genou pourrait être 
envahie par l'intermédiaire de l'articulation péronéo-tibiale supérieure, dans le 
cas où il existerait une communication entre les synoviales de ces deux join- 
tures : aussi les précautions antiseptiques sont-elles indispensables. 

D'ailleurs, Ollier recommande, surtout chez les jeunes enfants, de ne pas 
opérer d'emblée, mais d'essayer préalablement l'effet des appareils de redres- 
sement. 

Pour terminer l'étude des opérations que l'on entreprend sur le péroné, il 
me reste à parler des resections proprement dites de l'os. Je passerai successi- 
vement en revue : 1° la résection de l'extrémité supérieure du péroné ; 
2 celle du corps de los; 5° celle de l'extrémité inférieure; 4° l'extirpation 
du péroné. 


1° Resection de l'extrémité supérieure du perone. Je laisserai de côté les 
cas de résection du genou, dans lesquels on est amené à enlever une portion 
du péroné (voy. GENOU). 

Il arrive parfois que l’on ait à enlever simultanément l'extrémité supérieure 
du tibia et celle du péroné. Textor père, cité par Heyfelder (Traité des resec- 
tions, trad. par Eug. Bœckel. Strasbourg et Paris, 1863) a opéré deux fois de 
cette façon : une première fois, pour carie, sur un homme de quarante-huit ans, 
qui mourut de pyémie; une seconde fois, pour nécrose, sur un garçon de huit 
ans, avec un succès complet. L'opération s'exécute de la même manière que la 
résection totale du genou, mais elle est inférieure à elle comme résultat et n’est 
pas à conseiller. Il est, en effet, évident qu’elle met le malade dans de mau- 
vaises conditions pour la guérison, parce qu'elle laisse subsister une partie de 
l'articulation et que la présence d'un cartilage articulaire rend la réunion plus 
difficile. 

La résection de l'extrémité supérieure du péroné seule a été faite par Scultet 
pour une carie, par Béclard pour une tumeur maligne, par Buchanan (Glasg. 


168 PÉRONÉ (MÉDECINE OPÉRATOIRE). 


med. Journ., 1880, p. 540), pour un kyste séreux du péroné. Toutes ces opéra- 
tions ont été couronnées de succès. j 

Blandin a proposé, pour cette résection, le procédé suivant. On fait, au 
niveau du sommet de la tête du péroné, une incision transversale de 5 centi- 
mètres d'étendue, puis on mène, le long du bord externe de l'os, une incision 
longitudinale partant du milieu de la première incision. Les deux petits lam- 
beaux triangulaires ainsi formés étant disséqués, on isole la face externe du 
péroné et on divise l’os, au-dessous du point malade, avec la scie ordinaire, ou 
mieux avec la scie à chaîne. Saisissant alors le fragment supérieur avec un 
davier, le chirurgien le renverse de basen haut, détache le ligament interosseux, 
coupe le ligament latéral externe de l'articulation du genou, le ligament anté- 
rieur de l'articulation péronéo-tibiale supérieure, enfin le ligament postérieur de 
cette dernière articulation. 

L'opération faite suivant ce procédé expose à la blessure du nerf sciatique 
poplité externe. Le procédé d’Ollier par la methode sous-périostée a l'avantage 
de ménager le nerf. 

On mène, derrière le tendon du biceps, une imcision longitudinale commençant 
à 2 ou 5 centimètres au-dessus de la tête du péroné et descendant un peu en 
arrière de l’os, de manière à tomber entre le long péronier latéral et le jumeau 
externe ou le soléaire. Cette incision n’intéresse que la peau et l’aponévrose 
superficielle; elle met à nu le nerf sciatique poplité externe, au moment où il 
contourne le col du péroné. Dans un second temps, on isole le nerf et on le tire 
en avant pour permettre l’incision de la gaine périostique, puis, passant entre 
le soléaire et le long péronier latéral, on découvre l'os dans la longueur voulue. 
Dans un troisième temps, on dénude le péroné en ayant soin de conserver, avec 
la gaine périostique, le tendon du biceps. Enfin on scie l’os, on renverse en 
haut le fragment supérieur et l'on achève la dénudation du côté interne. 

Des accidents sont possibles à la suite de la résection de l'extrémité supé- 
rieure du péroné, alors même qu'aucun nerf n'a été divisé. Ainsi, dans le cas 
de Buchanan, on observa une paralysie temporaire des péroniers et des four- 
millements dans les orteils, par suite du traumatisme subi par le nerf musculo- 
cutané pendant la dissection de la tumeur. 

La possibilité d'une communication entre la synoviale de l'articulation péronéo- 
tibiale supérieure et la synoviale du genou ne doit pas être perdue de vue, et 
l'on fera bien de prendre toutes les précautions antiseptiques pour tàcher 
d'éviter la suppuration de l'articulation du genou, dans le cas, impossible à 
prévoir, où cette communication existerait. 

D'ailleurs, abstraction faite de ces complications, la résection de la partie 
supérieure du péroné wapporte presque aucun trouble dans les fonctions du 
membre inférieur. 


2° Resection du corps du perone. La résection du corps du péroné a été 
faite pour des fractures compliquées ou des affections organiques de l'os. 

Dans les fractures par armes à feu, on est amené parfois à réséquer une 
portion assez étendue du péroné. Ainsi Ross (Militärärztl. aus dem Schlesw.- 
Holstein. Feldzug. Altona, 1850) rapporte que, dans la campagne du Slesvig, 
Kühn réséqua 7 centimètres du péroné, et Langenbeck 15 centimètres, pour 
des fractures par armes à feu. Le malade du premier guérit en deux mois; celui 
du second eut des hémorrhagies, fut amputé et mourut. 


PÉRONÉ (MÉDECINE OPÉRATOIRE ). 469 


Hevlelder (loc. cit.), sur un total de 5 résections du péroné pour fractures 
compliquées, compte 4 guérisons complètes et 1 mort, soit une mortalité de 
20 pour 100. 

Stromeyer indique, pour la guerre du Slesvig-Holstein, une mortalité de 
93,93 pour 100. Dans l’armée américaine, la résection du péroné a donné une 
mortalité de 20 pour 100. Enfin, d’après Chenu, la mortalité pour cette opéra- 
tion a atteint 80,95 pour 100 dans l'armée française pendant la guerre de 
1870-1871. 

La résection simultanée du péroné et du tibia a été faite dans certaines 
fractures compliquées. Sur un total de 44 cas de ce genre rassemblés par Heyfel- 
der on compte 7 succès complets, 1 succès incomplet, 3 morts, soit une morta- 
lité de 27,27 pour 100. 

Cette même opération a donné une mortalité de 66,66 pour 100 dans la 
guerre du Slesvig-Holstein et de 16,66 pour 100 dans la guerre d'Amérique. 

Je n'ai pas à discuter ici la valeur respective de la résection du péroné et de 
la conservation pure et simple du membre dans les fractures compliquées. Cette 
discussion sera mieux à sa place à l’article relatif aux fractures de jambe (voy. 
JawBe). Je me contenterai de dire que, de l'aveu presque unanime des chirur- 
giens, les résultats de la conservation sont bien préférables : aussi la résection 
n'est-elle indiquée qu’en cas d’absolue nécessité, lorsque sans elle la réduction 
de la fracture est impossible. 

Heyfelder cite 7 cas de résection du corps du péroné, pour des affections 
organiques de l'os. Toutes ces opérations ont été suivies de succès. Dans deux 
d’entre elles, faites par Seutin et par Wilms, la diaphyse tout entière a été résé- 
quée. Dans le cas de Wilms, l'os ne se reproduisit que dans la moitié supérieure, 
mais les fonctions du membre n’en furent pas gênées. 

Seutin pratiqua une incision longitudinale au côté externe de la jambe, sur 
le milieu d’un ulcère entretenu par une nécrose étendue du péroné. Une couronne 
de trépan, appliquée au-dessous de la tête de cet os, en opéra la section, et un 
ruban, engagé entre les chairs et le péroné servit à prolonger la dissection 
jusqu’à la malléole externe, qui fut séparée, avec la scie, de la diaphyse. Bien 
que l'artère tibiale postérieure eût été ouverte et le nerf sciatique poplité externe 
divisé, bien que l'on eût touché au fer rouge le tibia superficiellement altéré, 
la guérison fut complète au bout de deux mois et les usages du membre furent 
conservés. 

La résection sous-périostée, évidemment préférable au procédé que je viens 
d'indiquer, sera faite de la façon suivante. Dans la moitié supérieure du péroné, 
l'incision sera pratiquée un peu en arrière du bord externe de l'os; dans le 
premier temps on n’intéressera que la peau et l'aponévrose d'enveloppe, puis on 
pénétreva entre les péroniers latéraux, qui seront réclinés en avant, et les 
muscles postérieurs de la jambe, qui seront rejetés en arrière et en dedans. 
Dans la moitié inférieure du péroné, l’incision sera conduite le long de la face 
superficielle de l'os, entre les péroniers en arrière et l’extenseur commun des 
orteils en avant. Dans l’un et l’autre cas, on isolera l'os avec une rugine courbe 
et on le sectionnera aux points voulus. 

Des précautions sont nécessaires pour ménager en haut le nerf sciatique 
poplité externe et plus bas le nerf musculo-cutané péronier. On n'aura pas 
à craindre d'inflammation articulaire, si l'on respecte les deux extrémités 
de l'os. 


470 PÉRONÉ (MÉDECINE OPÉRATOIRE). 


La résection du corps du péroné donne lieu quelquefois à une gêne notable 
de la marche, résultant de la déviation du pied en dehors. Souvent, lorsque la 
portion osseuse enlevée ne se reproduit pas, les deux fragments du péroné 
s'inclinent vers le tibia par leur extrémité libre, et finissent mêrne par contracter 
des adhérences avec lui. 

J'ajouterai que le mode opératoire applicable à la résection du péroné n’est 
modifié en rien lorsqu'on se propose d'enlever une portion de la diaphyse du 
tibia, en même temps qu’un fragment de la diaphyse péronéale. 


3° Resection de l'extrémité inférieure du pérone. La resection de l'extre- 
mité inférieure du peroné nécessite forcément l'ouverture de larticulation 
tibio-tarsienne. Cette opération rentre donc dans la catégorie des résections 
partielles du cou-de-pied, et elle sera étudiée plus spécialement à Varticle 
Prep : ussi n'insisterai-je pas longuement sur ce point. 

La résection isolée de l'extrémité inférieure du péroné a été faite surtout à la 
suite de carie ou encore à la suite de fractures ou de luxations compliquées. 
Heyfelder, qui a réuni 16 cas de résection de la malléole péromière, compte 
15 guérisons, 2 morts, 1 amputation. 

Moreau a indiqué, pour la résection de la malléole externe, le procédé suivant. 
On fait sur le bord postérieur de la malléole une incision longitudinale qui se 
prolonge en haut en raison de l'étendue de la lésion, et qui se termine en bas 
au niveau de l'extrémité de la malléole; de ce point on fait partir une incision 
transversale qui se dirige en avant et se termine au niveau du muscle péronier 
antérieur. Après dissection du lambeau circonserit par ces incisions, on coupe le 
péroné avec une pince de Liston; à l’aide d’un davier, on luxe le fragment 
inférieur de haut en bas; enfin on coupe les ligaments péronéo-tibiaux antérieur 
et postérieur, les ligaments péronéo-astragaliens antérieur et postérieur et le 
ligament péronéo-calcanéen. L'articulation Gbio-tarsienne est ensuite immobili- 
sée, le pied étant placé à angle droit par rapport à la jambe. 

Cette résection sera pratiquée de préférence suivant la méthode sous-périostée. 
On peut se contenter, à cet effet, d'une incision longitudinale, conduite le long 
du bord postérieur de la malléole, ou y ajouter des incisions transversales supé- 
rieure et inférieure ae dégagement. Après avoir détaché le périoste, on sectionne 
l'os avec la scie à chaîne, on luxe le fragment inférieur de haut en bas, et on 
achève de le dégager à l’aide de la rugine. 

La résection de l'extrémité inférieure du péroné expose les malades à des 
déviations secondaires du pied, mais ces déviations sont moins fréquentes 
qu'à la suite de la résection de l'extrémité inférieure du tibia. Pour éviter cet 
accident, Lisfranc conseille de maintenir le pied dans l'immobilité la plus absolue 
dans une légère adduction et de sectionner les abducteurs. Il est évident que 
l’ankylose dans une bonne position préviendrait ce résultat malheureux et 
assurerait au membre la solidité indispensable à la marche. 

Cependant on est en droit de se demander si ces craintes ne sont pas excessives. 
Dans les 15 cas de guérison rapportés par Heyfelder, tous les malades ont 
gardé l’usage du pied, et chez beaucoup d’entre eux il n'existait pas de raideur 
articulaire. En somme, il n’est nullement démontré que l’ankylose de l’articu- 
lation tibio-tarsienne doive être recherchée de préférence à une certaine mobilité 
de la jointure. 

Valette (Soc. de chir., séance du 15 février 1854) rapporte que, chez un 


PÉRONÉ (BIBLIOGRAPHIE).  ; ATI 


homme de vingt-sept ans qui subit, pour une carie, la résection de la malléole 
externe, on reconnut au bout de trois mois, lors de l'ablation de l'appareil 
immobilisateur, que la dernière phalange du gros orteil et les deux dernières 
phalanges des trois orteils suivants étaient fortement fléchies. Il existait donc 
une paralysie des extenseurs, qui probablement résultait d’une blessure du 
nerf tibial antérieur. Le membre dut être amputé. Remarquons qu'à l'autopsie 
du membre on trouva, à la place de la malléole externe, un tissu ostéo-fibreux 
de nouvelle formation; la moitié inférieure du tibia était hypertrophiée et cet os 
était soudé à l’astragale. 


4° Extirpation du péroné. L'extirpation totale du péroné a été faite par 
Percy pour une carie accompagnée d’ulcération des parties molles; le succès 
fut complet. Robert (de Prague) et Langeubeck ont enlevé tout le péroné ‘en 
ménageant le périoste; une partie de los s’est reproduite et les deux opérés ont 
guéri en gardant un membre utile. D'ailleurs, dans les cas de ce genre, l'os 
conservé intact augmente ordinairement de volume et remplace ainsi en partie 
l'os enlevé. 

L'opération ne présente pas grande difficulté d'exécution. Nous avons vu, en 
traitant de la résection de la diaphyse, que l'incision destinée à permettre la 
résection de la partie inférieure de la diaphyse n’est pas absolument sur le 
prolongement de l'incision à l’aide de laquelle on fait la résection de la partie 
supérieure de la diaphyse. Lorsque l’on veut faire l'extirpation totale du péroüé, 
on réunit les deux incisions dont je viens de parler, et on les prolonge en hau 
et en bas, de manière à découvrir les extrémités articulaires. 

Il faut prendre bien garde de blesser les nerfs musculo-cutané péronier e 
sciatique poplité externe; à ce point de vue, comme d'ailleurs au point de vue 
du résultat final, on aura avantage à faire une résection sous-périostée. 

D'autre part, on ouvre forcément l'articulation tibio-tarsienne, et il peut 
arriver de plus que, par le fait d’une communication anormale, on ouvre égale- 
ment l'articulation du genou. Aussi est-il prudent de suivre le conseil d'Ollier 
et de ménager, quand c’est possible, une sorte de calotte épiphysaire, pour 
éviter plus sûrement d’intéresser les articulations. ALBERT HEYDENREICH. 


BIBLIOGRAPHIE. — Maisonneuve. Tumeur sarcomateuse de la tête du péroné, désarticulation 
du genou, guérison. In Gaz. des hôp., 1854, p. 415. — Vauerte. Note sur la valeur de la 
résection articulaire de l'extrémité inférieure du péroné. In Bull. de la Soc. de chirurg., 
séance du 15 février 1854. — Cnassaiexac. Traité pratique de la suppuration et du drainage 
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Eug. Bæckel. Strasbourg et Paris, 1863. — Dersour. Coup d'œil sur les vices de conformation 
produits par l'arrêt de développement des membres. In Mémoires de la Soc. de chir., 
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Etude sur le sarcome des os longs, basée sur 165 cas. In Americ. Journ. of med. Sc., 
juillet et octobre 1879. — Scawarrz. Des ostéosarcomes des membres. Thèse d’agrégation. 


472 PÉRONÉO-TIBIALES. 


Paris, 1880. — Bucuaxax (G.). Cyst of Fibula (serous); excision of upper half of Fibula. In 
Glasg. med. Journal, 1880, p. 5340. — Laxneroncue. Abcès froids et tuberculose osseuse. 


Paris, 1881. — Trérar. Un cas d’ostéomyélite subaiguë de l'extrémité inférieure du péroné 
à forme torpide. In Progrès médical, 50 mai 1885. 


Voyez, en outre, les traités généraux de chirurgie et de médecine opératoire. A. H. 


PÉRONÉO-TIBIALES (ARTICULATIONS). I. ANATOMIE. Le tibia et le péroné 
sont contigus à leurs deux extrémités : d'où l'existence d’une articulation 
péronéo-tibiale supérieure et d’une articulation péronéo-tibiale inférieure. Dans 
leur partie moyenne, les deux os sont séparés par un espace interosseux; dans 
cette portion, ils sont reliés ensemble par une membrane fibreuse, appelée liga- 
ment interosseux. J'aurai donc à décrire successivement les deux articulations 
péronéo-tibiales et le ligament interosseux. 


1° Articulation péronéo-tibiale supérieure. Cette articulation appartient à 
la classe des diarthroses et au genre arthrodie. 

Les deux facettes en présence sont presque planes, à peu près circulaires, et 
sont recouvertes d'une couche mince de cartilage. 

La facette articulaire du tibia occupe la partie postéro-externe de la tubérosité 
externe ; elle regarde obliquement en bas, en arrière et en dehors. 

La facette articulaire du péroné occupe la partie supérieure et interne de la 
tète du péroné; elle regarde en haut, en avant et en dedans. 

Deux ligaments, l’un antérieur, l’autre postérieur, unissent ces surfaces arti- 
culaires. Ces deux ligaments sont composés de faisceaux parallèles, obliquement 
dirigés de haut en bas et de dedans en dehors, de la tubérosité externe du tibia 
à la tête du péroné. 

Une synoviale appartient à l'articulation péronéo-tibiale supérieure. Ordinai- 
rement isolée, cette synoviale communique une fois sur dix, d’après les recherches 
de Lenoir, avec la synoviale du genou. Il arrive quelquefois que la synoviale du 
genou, descendant au devant ice la tête du péroné, l'enveloppe, mais sans com- 
muniquer cependant avec l'articulation péronéo-tibiale. 

Quoi qu'il en soit, la possibilité de cette communication ne doit jamais être 
perdue de vue par le chirurgien. Elle explique comment on voit parfois les 
affections de l'articulation du genou se propager à l'articulation péronéo-tibiale 
supérieure. D'autre part, elle rend dangereuse toute opération pratiquée sur la 
tête du péroné, telle que la résection de cette tête, ou encore le procédé qui con- 
siste à extirper l'extrémité supérieure du péroné dans l’amputation de la jambe. 

L'articulation péronéo-tibiale supérieure reçoit des filets nerveux, en arrière 
par la branche du nerf sciatique poplité interne qui se rend au muscle poplité, 
en avant par le nerf tibial antérieur. 


20 Articulation péronéo-tibiale inférieure. Cette articulation appartient à la 
classe des amphiarthroses : elle offre donc à la fois des surfaces contiguës et des 
surface continues. 

Les surfaces contiguës consistent en deux facettes articulaires, allongées 
dans le sens antéro-postérieur et ne présentant qu'une faible hauteur. 

La facette du tibia, concave, occupe la partie externe du pourtour de l'extré- 
mité inférieure de l'os. Elle se continue sans interruption avec la face articu- 
laire inférieure ou astragalienne du tibia; toutefois elle n’est point revêtue de 
cartilage, mais tapissée par le périoste. 

La facette du péroné, convexe, se trouve sur la face interne de l'extrémité 


PÉRONÉO-TIBIALES. 475 


inférieure de l'os, immédiatement au-dessus de la malléole externe. Elle n'est 
pas revêtue non plus de cartilage, mais est recouverte d’une substance graisseuse. 

Les surfaces continues, rugueuses, situées au-dessus des précédentes, offrent 
une étendue beaucoup plus considérable ; elles ont la forme de triangles à base 
inférieure. 

La surface triangulaire du tibia, légèrement concave, est limitée latéralement 
par les deux branches de bifurcation du bord externe de l'os. 

La surface triangulaire du péroné, légèrement convexe, se voit sur la face 
postérieure de los, face postérieure qui à ce niveau est devenue interne. 

Les moyens d'union de l'articulation péronéo-tibiale mférieure sont : 1° deux 
ligaments extérieurs à l'articulation; 2 un ligament interosseux. 

Les deux ligaments périphériques, dont l'un est antérieur et l'autre posté- 
rieur, sont très-forts, épais et presque toujours divisés en deux faisceaux distincts. 
Ils se composent de fibres brillantes, nacrées, parallèles entre elles, et dirigées 
obliquement de haut en bas et de dedans en dehors, du tibia vers le péroné. 
Les deux ligaments débordent inférieurement les surfaces articulaires, et com- 
blent, en avant et en arrière, l'échancrure triangulaire qui existe entre le tibia 
et le péroné; ils complètent ainsi, par des trousseaux fibreux extrêmement 
forts, la mortaise tibio-péronière, et en augmentent la profondeur. 

Le ligament interosseux uuit les deux surfaces triangulaires du tibia et du 
péroné, dont j'ai parlé précédemment. Il consiste dans des faisceaux ligamen- 
teux très-forts, entremêlés de tissu adipeux; ces faisceaux se rendent oblique- 
ment du péroné au tibia, et ils unissent si intimement les deux os que parfois 
le péroné se fracture par l'effort fait pour rompre le ligament. 

La synoviale de l'articulation péronéo-tibiale inférieure existe uniquement 
au niveau des surfaces contiguës. C’est un prolongement de la synoviale de l'ar- 
ticulation tibio-tarsienne. Elle fournit toujours un repli, qui se détache du 
péroné, immédiatement au-dessus de la portion de cet os qui appartient: à la 
mortaise tiblo-péronière; ce repli s’avance dans l'articulation tibio-tarsienne, 
au-dessous de la face inférieure du tibia. 


9° Ligament inlerosseux. Dans toute la portion intermédiaire entre les deux 
articulations que je viens de décrire, le tibia et le péroné sont séparés par un 
intervalle, moins large dans son tiers inférieur que dans ses deux tiers supé- 
rieurs; la plus grande largeur de cet espace interosseux est d'environ 2 centimètres. 

Cet espace est occupé, en grande partie, par une membrane qui unit le péroné 
au tibia, et qui porte le nom de ligament interosseux ou aponévrose interos- 
seuse. Cette membrane, interrompue à l'extrémité supérieure et à l'extrémité 
inférieure de l’espace interosseux, est formée de faisceaux dirigés obliquement 
de haut en bas et de dedans en dehors. Ils partent du bord externe du tibia, 
pour se rendre à la crête longitudinale que présente la face interne du péroné, 
ainsi qu'au bord interne de l'os, bord qui fait suite à cette crête ; on sait qu’in- 
férieurement ce bord tend à devenir antérieur. Quelques faisceaux de fibres 
croisent les précédentes à angle aigu. 

Plus large en haut qu’en bas, de même que l'espace interosseux, le ligament 
interosseux donne insertion par ses deux faces à des fibres musculaires. Aussi 
doit-il être considéré comme une aponévrose destinée à multiplier les points 
d'insertion musculaire, bien plutôt que comme un moyen d’union entre les os 
de la jambe. 


474 PÉRONIERS. 


Nous avons vu que le ligament interosseux est interrompu en haut et en bas. 
De cette interruption résultent : une ouverture supérieure, qui livre passage à 
l'artère et aux veines tibiales antérieures, et une ouverture inférieure, où passent 
l'artère et les veines perforantes péronières. 


Il. Paysiococre. Le péroné n'exécute sur le tibia que des mouvements de 
glissement presque imperceptibles. Ces mouvements sont destinés uniquement 
à augmenter la solidité et à faciliter le fonctionnement de l'articulation tibio- 
tarsienne. í 

En effet, si la malléole externe était un prolongement du tibia, un effort de 
latéralité la briserait sans grande difficulté. Grâce à la présence du péroné, os 
grêle et élastique, susceptible de ployer et jouissant d’une certaine mobilité sur 
le tibia, les conditions sont bien différentes : une partie de la quantité de mou- 
vement se perd, lorsque des efforts de diduction sont exercés et que l’astragale 
vient presser sur les malléoles, de manière à les écarter. 

D'autre part, le léger glissement qui se passe dans les articulations péronéo- 
tibiales, joint à l'élasticité du péroné, a pour résultat d'augmenter l'amplitude 
des mouvements de latéralité de l'articulation tibio-tarsienne, mouvements 
faibles d’ailleurs et possibles uniquement dans l'extension du pied. 


II. Parnorocie. Voy. Jamee et Prev. ALBERT HEYDENREICH. 
PÉRONIER (Tronc). Voy. Tisio-péronER (Tronc). 
PÉRONIÈRE (ARrTÈRE). Voy. Tirio-réronter (Tronc). 


PÉRONIERS (fluscres). On désigne sous le nom générique de péroniers 
un ensemble de formations musculaires qui ont pour caractères communs de se 
détacher du péroné pour venir s'insérer, d'autre part, sur l'un des deux der- 
niers segments du pied : le métatarse ou les orteils. Poursuivies dans la série 
animale, ces formations musculaires présentent de nombreuses variétés portant 
à la fois sur leur disposition et sur leur nombre. L'homme, qui doit plus spé- 
cialement nous occuper ici, possède à l’état normal trois muscles péroniers. 
Nous les désignerons, en raison de leur situation et en adoptant sur ce point 
la terminologie classique, sous les noms de péronier antérieur, long péronier 
latéral, court peronier latéral. 

I. PÉRONIER ANTÉRIEUR. Le péronier antérieur (peroneus tertius des anato- 
mistes anglais ou allemands) est un muscle aplati transversalement et générale- 
ment fort mince, situé en dehors de l’extenseur commun des orteils, avec 
lequel il est confondu à son origine. Cette fusion est tellement intime qu'un 
grand nombre d’anatomistes réunissent les deux muscles dans une même 
description, suivant en cela l'exemple de Morgagni et de Cowper, qui ne considé- 
raient le péronier antérieur que comme une portion de l’extensear commun 
(pars extensoris digitorum pedis longi), où même un simple tendon de ce muscle 
(quintus tendo extensoris longi digitorum pedis). 

Insertions. Quoique se détachant de la masse de l’extenseur commun des 
orteils, le péronier antérieur prend plus particulièrement naissance sur la face 
antérieure du péroné, dans sa moitié inférieure; de là ses fibres, se portant en 
bas et en avant, se jettent à la manière des barbes d’une plume sur le bord 


PÉRONIERS. 475 


postérieur d’un tendon, lequel glisse sous le ligament annulare antérieur du 
tarse et vient se fixer par une extrémité élargie sur l'extrémité postérieure du 
cinquième métatarsien. 

Rapports. 41° À la jambe, le péronfer antérieur est en rapport : en avant 
avec l’aponévrose jambière et la peau, en arrière avec le péroné, en dedans avec 
l'extenseur commun des orteils, en dehors avec les deux péroniers latéraux ; 
2° au pied, le muscle, recouvert également par l’aponévrose et la peau, recouvre 
à son tour le muscle pédieux, dont il croise très-obliquement la face superficielle. 

Action. Considéré au point de vue de son action, le péronier antérieur est 
un auxiliaire puissant de l’extenseur commun des orteils, dont il n'est pour 
ainsi dire qu'un faisceau fixé sur le côté externe du métatarse; il agit sur le 
pied dont il est à la fois fléchisseur, abducteur et rotateur en dehors. 

Anomalies. Le développement du péronier antérieur varie beaucoup suivant 
les sujets. J'ai vu ce muscle, dans un cas, être beaucoup plus volumineux à 
lui tout seul que tous les autres faisceaux de l’extenseur réunis; mais les faits 
de cette nature sont tout à fait exceptionnels. Par contre, il n'est pas très-rare 
de le voir représenté par un long tendon, faisant suite à un corps charnu exces- 
sivement grêle. Je l'ai vu deux fois pour ma part réduit à un simple tendon 
émanant par voie de bifurcation du tendon extenseur du cinquième orteil. Enfin 
le péronier antérieur peut disparaître entièrement; il n’est certainement pas 
un anatomiste qui n'ait eu l’occasion de noter cette absence dont la fréquence 
serait évaluée à 10 pour 100, d’après la statistique de Wood. L'absence du 
péronier antérieur est une disposition essentiellement simienne. 

Le péronier antérieur peut être double; cette duplicité peut ne porter que sur 
le tendon terminal (disposition la plus fréquente) ou intéresser dans une plus 
ou moins grande étendue le corps musculaire lui-même (disposition la plus 
rare). Quoi qu'il en soit, le tendon surnuméraire se termine suivant les cas : 
a, sur le quatrième métatarsien ; b, sur le quatrième espace interosseux ; €, sur 
le corps ou l'extrémité inférieure du cinquième métatarsien ; d, sur l’une des 
phalanges du cinquième orteil, soit directement, soit par l'intermédiaire du 
tendon que le muscle extenseur commun envoie à cet orteil. 

Ce prolongement digital ou phalangien du péronier antérieur me paraît 
être homologue du prolongement digital du court péronier latéral que nous 
décrirons dans un instant et dont les éléments se sont déplacés. Je veux dire 
que, dans le développement ontogénique, les faisceaux musculaires dont le pro- 
longement phalangien du cinquième orteil n’est que le reliquat se sont fusionnés 
avec le péronier antérieur, au lieu de se réunir avec le court péronier latéral, 
comme cela se produit d'ordinaire. L'histoire raisonnée des anomalies muscu- 
laires nous présente en grand nombre des déplacements analogues. 

IL. LoxG PÉRONIER LATÉRAL. Le long péronier latéral (peroneus primus de 
Spigel, peroneus longus d’Albinus, fibularis longus seu primus des Allemands, 
péronéo-sous-tarsien de Chaussier) occupe le plan superficiel de la région 
externe de la jambe et s'étend de la partie la plus élevée du péroné jusqu’au 
premier métatarsien. 

Insertions. Il s'insère en haut : 4° sur la partie antérieure et externe de la 
tête du péroné; 2° sur le tiers supérieur de la face externe de cet os; 5° à la 
face profonde de l’aponévrose jambière; 5° sur les deux cloisons fibreuses qui le 
séparent des muscles voisins, l'extenseur commun des orteils en avant, et, en 
arrière, les muscles de la région postérieure de la jambe. 


476 PÉRONIERS. 


De ces surfaces d'implantation multiples, toutes les fibres musculaires se 
portent verticalement en bas. Un tendon long et volumineux, aplati d'abord, 
puis cylindrique, les recueille et, continuant tout d’abord le trajet du corps mus- 
culaire, descend derrière la malléole externe. Il contourne ensuite cette saillie 
osseuse, glisse obliquement sur la face externe du calcanéum, s'engage dans la 
gouttière du cuboïde, traverse en diagonale la face inférieure du pied et vient se 
fixer sur le tubercule externe de l'extrémité postérieure du premier métatarsien. 

Dans ce trajet, fort long et fort complexe, comme on le voit, le tendon du 
long péronier latéral se réfléchit donc deux fois et présente deux coudes : un 
premier coude, dont la concavité dirigée en avant embrasse la malléole; un 
deuxième coude, dont la concavité dirigée en haut et en dedans répond au bord 
externe du pied. Au moment de s'engager dans la gouttière cuboïdienne, ce 
tendon présente d'ordinaire, presque constamment, un renflement fibro-cartila- 
gineux, susceptible de s’ossifier et de constituer ainsi un os sésamoïde ; il est 
de forme ovalaire et atteint parfois des dimensions considérables. 

Rapports. Les rapports du long péronier latéral doivent être examinés sépa- 
rément à la jambe, au cou-de-pied et à la plante du pied : 1° à la jambe, le 
muscle est en rapport : en dehors, avec l’aponévrose jambière et la peau; en 
dedans, avec le péroné en haut, le court péronier latéral en bas; en avant, avec 
l’extenseur commun des orteils et le péronier antérieur ; en arrière, avec deux 
muscles de la région postérieure de la jambe, le soléaire d'abord et, plus bas, 
le fléchisseur propre du gros orteil; 2° au cou-de-pied, il croise le ligament 
latéral externe de l'articulation tibio-tarsienne avec le tendon du court péro- 
nier latéral qui est d'abord placé au-dessous de lui et s'en dégage bientôt pour 
occuper un plan antérieur ; les deux tendons sont contenus à ce niveau dans 
une gaîne fibreuse qui leur est commune ; 5° à la plante du pied, le tendon du 
long péronier latéral longe le plan osseux, séparé des parties molles de la 
région (voy. Pren) par le grand ligament calcanéo-cuboïdien qui, comme on le 
sait, transforme en canal ostéo-fibreux la simple gouttière osseuse du cuboïde. 

Action. Le long péronier latéral imprime au pied un triple mouvement : il 
l'étend sur la jambe, la porte en dehors et lui fait exécuter en même temps un 
mouvement de rotation, en vertu duquel la face plantaire regarde en dehors. Il 
est donc à la fois extenseur, abducteur et rotateur en dehors. Congénère du 
jambier postérieur (voy. ce muscle) au point de vue de l’extension, il est essentiel- 
lement antagoniste de ce dernier muscle au point de vue des deux autres mou- 
vements. Chez les singes, dont le pied est caractérisé par la faculté que possède 
le gros orteil de pouvoir s'opposer aux autres orteils, ce mouvement d'opposition 
est déterminé en majeure partie par la contraction du long péronier latéral 
agissant sur un métatarsien très-mobile et articulé avec le premier cunéiforme 
d'une façon spéciale. « L'articulation cunéo-métatarsienne des singes, dit à ce 
sujet Broca (Bull. de la Soc. d'anthrop., 1869, p. 322), étant un peu latérale 
et étant en outre beaucoup plus mobile que la nôtre, le muscle long péronier 
latéral, au lieu de transmettre son action à tout l’avant-pied, ne met en mouve- 
ment que le gros orteil. Le résultat physiologique est considérable, mais, au 
point de vue anatomique, la différence est nulle ». 

Anomalies. Il n’est pas toujours possible d'isoler entièrement sur la face 
externe du péroné les faisceaux respectifs des deux péroniers latéraux. Macalister 
signale entre l’un et l’autre de ces muscles des faisceaux anastomotiques Mais à 
cela se borne l'anomalie : la différenciation des deux péroniers latéraux est un 


PÉRONIERS. : 477 


fait anatomique constant chez l’homme. En fait de fusion complète de ces deux 
muscles, je ne connais que le cas de Ringhoffer, dans lequel les deux péroniers 
réunis en un muscle unique se détachaient du condyle externe du fémur et 
venaient se terminer en bas, en partie sur la face externe du calcanéum, en 
partie sur l’aponévrose plantaire : encore cette disposition a-t-elle été trouvée sur : 
un membre déformé, ce qui lui enlève une partie de sa valeur. Disons cependant 
que la fusion des deux péroniers est normale chez le cheval et que la provenance 
fémorale du long péronier s’observe également à l’état normal chez la marte, 
l'hyène, l'ours, le coati. 

Le long péronier latéral présente à sa terminaison des insertions surnuméraires. 
Les plus importantes se font : a, sur le métatarsien du milieu ; b, sur l’extré- 
mité postérieure du cinquième métatarsien ; c, sur le cunéiforme (un fait de 
Walther). Toutes ces dispositions anormales se retrouvent normalement dans la 
série des Mammifères : c’est ainsi qu'on observe : a, l'insertion aux métatarsiens 
du milieu chez le hérisson (Meckel) et chez le chat (Strauss-Durckheim) ; b, lin- 
sertion au cinquième métatarsien chez le chat, la civette (Young), l'Orycteropus 
capensis (Humphry); c, linsertion aux cunéiformes dans un grand nombre 
d'espèces, notamment chez le porc-épic (Meckel) et chez le fourmilier (Humphry). 

Quant au renforcement du long péronier latéral par un faisceau accessoire 
(peroneus accessorius), voyez pour cette anomalie l Anatomie comparée, péro- 
nier du cinquième orteil. 

IL. COURT PÉRONIER LATÉRAL. Le court péronier latéral (peroneus secundus 
de Spigel, peroneus brevis d’Albinus, petit péronier de Winslow, fibularis 
brevis seu secundus des Allemands), situé au-dessous du précédent et beau- 
coup moins long que lui, s'étend de la partie moyenne de la jambe au bord 
externe du pied. 

Insertions. Il s'insère en haut : 1° sur le tiers moyen et quelquefois sur les 
deux tiers inférieurs de la face externe du péroné ; 2° sur le bord antérieur et 
le bord postérieur du même os; 5° sur les cloisons aponévrotiques qui le 
séparent des muscles voisins. 

De là ses fibres se portent en bas et se jettent, à la partie inférieure de la 
jambe, sur le pourtour d'un tendon arrondi qui se dirige en arrière de la mal- 
léole externe; il la contourne d'arrière en avant, croise la face externe du 
calcanéum et vient se terminer en s'élargissant sur l'extrémité postérieure du 
cinquième métatarsien. 

Rapports. La face superficielle du court péronier latéral répond supérieu- 
rement au muscle précédent ; plus bas elle s'en dégage pour se mettre en rapport 
avec l'aponévrose de la jambe et du pied. Sa face profonde recouvre successive- 
ment le péroné, le côté externe de l'articulation tibio-tarsienne et la face externe 
du calcänéum. 

Comme nous l'avons déjà dit plus haut, le tendon du court péronier latéral 
glisse derrière la malléole et sur le calcanéum dans une gaine ostéo-fibreuse 
qui lui est commune avec le long péronier latéral. Une bourse séreuse favorise 
ce glissement. 

Action. Le court péronier latéral est abducteur du pied, auquel il imprime 
en même temps un mouvement de rotation en dehors. Il ne parait être exten- 
seur du pied que lorsque ce dernier a élé préalablement fléchi sur la jambe. 

Anomalies. J'ai déjà signalé plus haut la présence possible de faisceaux 
anastomotiques jetés entre les deux péroniers latéraux et établissant des rela- 


ATS PÉRONIERS. 


tions plus ou moins étroites entre ces deux formations musculaires. Très-fré- 
quemment le tendon du court péronier latéral ou même son corps musculaire 
abandonne un faisceau surnuméraire charnu ou tendineux qui vient se fixer 
d'autre part sur un point quelconque de la région externe du pied. Ce tendon 
surnuméraire, créant une véritable duplicité du muscle, se présente sous les 
formes les plus diverses. Je le considère, pour ma part, comme le représentant 
chez l’homme d'une formation musculaire qui s'observe à l'état parfait chez un 
grand nombre de Mammifères, le péronier du cinquième orteil, dont il est 
indispensable de dire quelques mots. 

IV. ANATOMIE COMPARÉE; PÉRONIER DU CINQUIÈME ORTEIL. Quoique l'homologie 
soit généralement facile à établir entre les péroniers des Mammifères et les 
péroniers de l’homme, ces muscles présentent, dans la série, des modifications 
nombreuses et parfois profondes, portant sur leur nombre, leur développement, 
leurs attaches. C'est amsi qu’ils sont fusionnés en un muscle unique et fort 
mince chez les Solipèdes (Meckel), qu'ils proviennent du tibia chez les Rumi- 
nants, ete., etc. Mais ce qui caractérise avant tout l'étude morphologique des 
péroniers chez les Mammifères, c'est l'apparition, en arrière des masses muscu- 
laires qui représentent les deux péroniers de l'homme, d’un troisième péro- 
nier que j'appellerai avec Huxley peronier du cinquième orteil (peroneus 
quinti digiti). On trouvera dans les traités classiques de Cuvier et de Meckel, 
ainsi que dans les mémoires spéciaux, la description détaillée des muscles 
péroniers chez les Mammifères les mieux connus. Nous ne nous occuperons ici 
que des péroniers du cinquième orteil pour les deux raisons suivantes : 1° parce 
qu'il est moins bien étudié que les autres péroniers; 2° parce que sa réappari- 
tion chez l'homme, très-fréquente, comme on le verra plus loin, présente le plus 
grand intérêt au point de vue des homoiogies. 

1° Le péronier du cinquième orteil chez les Mammifères. Parmi les Car- 
nassiers, l'ours et le chat sont d’excellenis sujets d'étude. L’ursus americanus 
m'a présenté trois péroniers distincts : le long péromier latéral et le court péro- 
nier latéral présentaient, à peu de chose près, la même disposition que chez 
Phomme; entre ces deux muscles et sur un plan postérieur naissait un troi- 
sième muscle, confondu en apparence avec le court péronier latéral, mais com- 
plétement 1solable par la dissection. Un peu plus petit que le court pérome 
latéral, il affectait une forme triangulaire, la base correspondant à son insertion 
sur le péronier; son sommet se continuait par un tendon cylindrique, lequel 
contournait la malléole, glissait sur la face dorsale du cinquième métatarsien, 
et finalement venait se fixer à la première phalange du cinquième orteil : c'est 
le péronier du cinquième orteil à l'état typique. 

Meckel signale également chez lours la présence de deux courts péroniers : 
l'inférieur se rendant au cinquième métatarsien et envoyant une languette ten- 
dineuse au tendon le plus externe de l’extenseur commun des orteils, c'est le 
court péronier latéral classique; le supérieur gagnant les deux premières pha- 
langes du cinquième orteil, c’est notre péronier du cinquième orteil. Il est très- 
nettement spécifié dans la description de Meckel qu'il nait au-dessous du précé- 
dent, entre lui et le long péronier latéral par conséquent. Dans une dissection 
récente et postérieure à la nôtre, le professeur Schépherd (de Montréal) a ren- 
contré, lui aussi, chez l’ Ursus americanus, un peroneus brevis et un peroneus 
quinti digiti. 

Le chat m'a constamment offert un péronier du cinquième orteil, toujours 


PÉRONIERS. 419 


très-distinct des autres péroniers latéraux. Voici la description qu’en donne 
Strauss-Durckeim sous le nom de fibulinus : « C’est un muscle fusiforme placé 
en dedans du fibulœus (long péronier latéral). Il fixe ses fibres charnues à la 
moitié supérieure de la face externe du péroné qu'il embrasse et d’autres viennent 
de la cloison fibreuse qui le sépare en haut du perodactylus (long fléchisseur 
commun des orteils). De là ses fibres se portent au-dessous, les antérieures obli- 
quement en arrière et les postérieures obliquement en avant, sur les deux bords 
d’un long tendon qui longe le milieu de la face externe. Au quart inférieur du 
péroné, ce tendon devient libre, continue à longer cet os, entre celui du fibulœus 
placé en avant et celui du péroné placé en arrière, et se réfléchit en bas, avec 
ce dernier, derrière la malléole externe qui leur forme une poulie de renvoi. 
Ainsi détourné de sa direction primitive, il se porte en dessous, longe la face 
antéro-externe du pied pour aller gagner la partie latérale de la phalangeole du 
hullux (cinquième orteil), où il se recourbe une autre fois en avant, passe 
obliquement sur cette phalange et s'unit au côté externe du tendon du cnemo- 
dactyle de cet orteil (long extenseur commun), pour concourir avec lui à former 
cette calotte fibreuse qui recouvre l'articulation phalangeo-phalangienne ». 

Le même muscle se détache chez la civette, d'après la dissection d'Young, en 
arrière du court péronier latéral, et se fusionne avec le tendon que l’extenseur 
commun envoie au cinqu. me orteil. 

Chez le phoque, d’après Humphry, l’extenseur du cinquième orteil parait être 
eucore distinct des autres péroniers et se fixe au côté externe de la première 
phalange. La roussette d'Edwards, si bien étudiée par Alix, nous présente au lieu 
et place du court péronier latéral de l'homme deux faisceaux distincts : un faisceau 
supérieur qui vient se fixer à l'aide d’un long tendon sur le côté externe de la 
première phalange du cinquième orteil et un faisceau placé plus bas qui se fixe 
au cinquième métatarsien. Mais pourquoi M. Alix donne-t-il au premier de ces 
faisceaux le nom de court péronier latéral? C'est pour le deuxième faisceau ou 
faisceau inférieur qu'il convient, ce me semble, de réserver ce nom : le premier 
est un véritable peroneus quinti digiti. 

Dans la sous-classe des Didelphes, le kangurou possède bien un péronier du 
cinquième orteil, mais il est en partie fusionné avec le court péronier latéral. Il 
est représenté par un simple tendon qui émane du tendon de ce dernier muscle 
et vient s'attacher sur la première phalange, non du cinquième orteil, mais du 
quatrième, d’après Meckel. Même disposition chez le fourmilier, avec cette variante 
toutefois que le tendon digital du court péronier latéral se porte au cinquième 
orteil où il se termine, soit sur la première phalange, comme l'enseigne Meckel, 
soit sur le tendon de l’extenseur commun, comme l’a vu Humphry. 

Nous pourrions citer bien des Mammifères encore qui possèdent le péronier du 
cinquième orteil avec une disposition analogue à celle que nous venons de décrire, 
mais nous avons hâte d'arriver à l'ordre des Primates. Les singes inférieurs, le 
Cercopithecus Sabæus, le Macacus cynomolgus, le Pithecia hirsuta, le Cynoce- 
phalus maimon (Bischoff), le C ynocephalus anubis (Champneys), etc., présentent 
tous, en général, le péronier du cinquième orteil, mais si, dans le plus grand 
nombre d entre eux, ce muscle est facilement isolable dans toute son eende il 
est quelques sujets, sinon quelques espèces, qui présentent un certain degré de 
fusion entre lui et les autres péroniers latéraux, le court péronier latéral prin- 
cipalement. Cest ainsi que j'ai vu, deux fois au moins, chez le Cercopithèque, 
le tendon du peroneus quinti digiti faire suite à un corps charnu, lequel se con- 


480 PÉRONIERS. 


fondait entièrement avec le court péronier latéral, avant d'atteindre sa surface 
d'implantation osseuse. Il existait, dans ce cas, un court péronier latéral d'abord 
unique, puis divisé en deux corps charnus qui allaient se fixer, à l’aide de ten- 
dons distincts, le premier aux phalanges du petit orteil, le second au cinquième 
métatarsien. J'ai disséqué tout récemment un Cercopithecus fuliginosus dont le 
péronier du cinquième orteil, situé sur un plan postérieur par rapport aux deux 
autres péroniers, alfectait la forme d’un véritable triangle : ses faisceaux supé- 
rieurs se confondaient avec le long péronier latéral; ses faisceaux inférieurs 
étaient fusionnés'également avec le court péronier latéral. Du reste, son tendon, 
fort grèle, suivait le tendon de ce dernier muscle et venait se fixer sur le côté 
externe de la première phalange du cinquième orteil. 

Quant aux Anthropoïdes, ils possèdent presque tous un rudiment du péronier 
du cinquième orteil, et cest à tort que Bischoff, dans son tableau de myologie 
comparée des singes (Anatomie du Gibbon, 1870), signale l'absence de ce muscle 
chez le gorille, l'orang-outang, le chimpanzé et le gibbon. Le corps musculaire 
a disparu, en tant qu'organe nettement différencié, cela est incontestable, mais 
il en reste encore des vestiges non moins incontestables. Je veux parler d’un ten- 
don, souvent très-volumineux, qui, se détachant du tendon du court péronier 
latéral unique, glisse le long de la face dorsale du cinquième métatarsien pour 
venir se terminer soit dans le voisinage du cinquième orteil (extrémité ante- 
rieure du mélatarsien, tissu fibreux de l'articulation métatarso-phalangienne). 
soit sous les phalanges elles-mêmes (directement ou par l'intermédiaire de 
l’extenseur commun). Nous désignerons désormais ce tendon, avec S. Pozzi. 
sous le nom de prolongement digital ou prolongement phalangien du court 
péronier latéral; on ne saurait trouver une expression à la fois plus simple et 
plus nette. | 

Ce prolongement digital du court péronier a été constaté chez le chimpanzé 
par Bruhl, Macalister, Champneys, Gratiolet et Alix, et par Bischoff lui-même, 
quelques années après la publication du mémoire précité. Sur un Troglodytes 
niger que j'ai disséqué en 1882, il affectait la forme d'un tendon très-grêle, 
presque filiforme, qui se séparait du tendon du court péronier au moment où 
celui-ci sortait de sa gaine, et venait se perdre dans le tissu fibreux qui recouvre 
en haut l'articulation métatarso-phalangienne. 

Le peroneus quinti, réduit de même à un tendon, a été constaté chez le gibbon 
par Chudzinski. Macalister l’a signalé chez le gibbon, mais il n'en existait aucun 
vestige sur les sujets disséqués par Duvernoy et par Bischoff. Même disposition 
chez l’orang : Langer a bien rencontré, chez cet anthropoïde, un faisceau grêle 
qui, du quart supérieur du péroné, se fixait à la base du cinquième méta- 
tarsien après avoir contourné la malléole avec les autres péroniers; mais ıl 
s'agissait là, très-probablement, d'une formation anormale, car mi le sujet d- 
Duvernoy ni le mien n'ont présenté ce faisceau même à l'état rudimentaire. 
Le long péronier latéral et le court péronier latéral existaient seuls, exclusive- 
ment insérés, comme chez l'homme, l’un sur le premier métatarsien, l'autre 
sur le cinquième. 

Si nous essayons maintenant de résumer en quelques mots les données qui pré- 
cèdent, nous voyons que le péronier du cinquième orteil peut affecter, dans sou 
existence et ses rapports avec les autres péroniers, quatre modalités principales 
basées, depuis la première jusqu'à la dernière, sur le degré plus ou moins avancé 
de différenciation de cetle formation musculaire : 


PÉRONIERS, 181 


Premier degré : Indépendance anatomique complète du péronier du cinquième 
orteil (ours, chat, civette). 

2e degré : Absorption partielle de son corps musculaire par le musele court 
péronier latéral (quelques singes inférieurs). 

5° degré : Absorption totale de son corps musculaire et absorption partielle 
de son tendon par le même muscle (chimpanzé). 

4e degré : Absorption totale de son corps musculaire et de son tendon par 
le même court péronier latéral; disparition absolue du péronier du cinquième 
orteil (gorille, orang). 

20 Reproduction anormale chez l'homme du péronier du cinquième orteil. 
A l'état normal, l’homme ne présente sur la face extrene du péroné que 
deux muscles, le long péronier latéral et le court péronier latéral ; il repro- 
duit ainsi le type du gorille et de l'orang, tout en se séparant nettement 
des deux autres anthropoïdes et des singes inférieurs qui, eux, possèdent 
un troisième péronier plus ou moins complétement distinct. Anormalement 
nous observons chez l’homme, dans la région des péroniers, toute une série 
de formations surajoutées, charnues ou tendineuses, qui doivent être consi- 
dérées comme des reproductions du muscle disparu, le péronier du cinquième 
orteil. 

Ces formations, appelées à juste titre reéversives, puisqu'ellesnous font retourner 
à un état antérieur, ont été décrites sous les noms les plus divers : peroneus 
quinti digiti de Huxley, peroneus quinti de Macalister, extensor proprius quinti 
digiti de Devis, peroneus medius de Cuvier, peroneus tertius et adductor digiti 
quinti longus de Burdach, extensor brevis digiti quinti de Ruge, peroneus 
parvus de Bischoff, peroneus accessorius de Henle, peroneus quartus d'Otto, 
peroneus sextus de Macalister. 

Elles sont complètes ou incomplètes : 

A. Formations complètes. Sous le titre de formations complètes, il faut 
comprendre tous les faisceaux charnus ou tendineux qui, émanant du péroné, se 
portent directement ou indirectement sur les phalanges du petit orteil. Elles 
comportent trois variétés correspondant exactement aux trois premiers degrés 
de différenciation du muscle chez les Mammifères. 

Première variété : Tendon phalangien fourni par un muscle distinct du 
court péronier latéral. Un fait de cette nature est rapporté par Macalister.: 
« Pai vu, dit-il, un muscle complétement séparé se détacher du quart infé- 
rieur du péroné, au-dessous du court péronier latéral, glisser avec lui dans 
la gouttière rétro-malléolaire et se porter sur l'aponévrose d'extension qui 
recouvre le cinquième orteil. » Voilà bien un faisceau musculaire qui repro- 
duit intégralement le troisième péronier des Mammifères, de l'ours par exemple, 
de la civette, et de quelques singes inférieurs. J'ai observé plusieurs cas sem- 
blables. 

2 variété : Tendon phalangien fourni par un muscle fusionné avec le 
court péronier latéral. J'en ai signalé deux faits en 1884 (Bull. de la Soc. 
anat., p. 558); j'en ai observé depuis 3 ou 6 autres cas, notamment chez un 
microcéphale dont le système musculaire était manifestement simien. Avant 
moi, Hallet, Macalister et Wood avaient rapporté des faits analogues. Dans le fait 
de Wood (voy. le dessin in Proc. of Royal Society of London, t. XVI, p. 520), le 
péronier du cinquième orteil affectait une disposition fusiforme et se trouvait 
compris entre deux tendons : un tendon d'origine qui se réunissait au-dessus 


m 


DIGT. ENC, 2 s. XXII. 51 


482 PÉRONIERS. 


de la malléole avec le tendon du court péronier latéral, un tendon terminal qui 
venait s'insérer sur le tendon externe du long extenseur. 

5° variété : Tendon phalangien fourni directement, sans interposition de 
faisceaux charnus, par le tendon du court péronier latéral. C'est là la dis- 
position la plus ordinaire. Signalé par la plupart des anatomistes, observé à 
coup sûr par tous ceux qui ont fréquenté quelque temps les salles de dissection, 
le prolongement digital du court péronier latéral a été particulièrement bien 
décrit en France, en 1872, par S. Pozzi, au mémoire duquel.nous renvoyons le 
lecteur. Il résulte des observations connues que ce tendon, très-variable en 
volume, est fort variable aussi dans son mode d'origine et son mode d'insertion : 
il peut naître, en effet, sur nimporte quel point du tendon du court péronier 
latéral, depuis sa portion rétro-malléolaire jusqu'à son extrémité métatarsienne ; 
quant à sa terminaison, elle peut se faire, dans le territoire du cinquième 
orteil, bien entendu, sur la phalange, sur le tendon que l’extenseur commun 
envoie au cinquième orteil, sur l'expansion fibreuse de ce tendon, sur l'arti- 
culation métatarso-phalangienne. Du reste, l'anomalie peut être symétrique 
(disposition ordinaire) ou ne siéger que d'un seul côté (disposition plus 
rare). Quant à sa fréquence, on peut dire qu'on rencontre cette disposition une 
fois sur quatre cas. 

Dans un mémoire qui date déjà de plus de vingt ans (1865), le professeur 
Hyrtl a établi que le prolongement phalangien du court péronier latéral perfore 
toujours le tendon terminal du péronier antérieur et, dans les cas où ce tendon 
s’msère au quatrième métatarsien, passe à travers un ligament (ligamentum 
intra-metatarseum dorsale) qui réunit l'extrémité postérieure des deux méta- 
tarsiens externes. 

B. Formations incomplètes. Je désignerai sous ce titre tous les faisceaux 
surajoutés qui émanent bien, comme dans les cas précédents, de la face externe 
du péroné, mais qui n'atteignent pas le cinquième orteil et prennent une inser- 
tion secondaire (on connaît le sens qu'il faut attacher à ce mot depuis les impor- 
tantes recherches de Sabatier) sur l’un des os qui constituent le bord externe du 
tarso-métatarse. Cette insertion reculée, qu'on me permette cette expression, du 
péronier du cinquième orteil, peut se faire, suivant les cas, sur le cinquième 
métatarsien, sur le cuboïde, sur le calcanéum et jusque sur la malléo!e externe : 
de là 4 variétés que l'on peut désigner par les dénominations très-nettes de 
péronéo-métatarsienne, péronéo-cuboïdienne, péronéo-calcanéenne, péronéo- 
malléolaire. 

Première variété : Faisceau péronéo-métatarsien. Laissant de côté son ori- 
gine qui peut parcourir toutes les modalités ci-dessus décrites pour les forma- 
tions complètes, ce faisceau peut se terminer sur l'extrémité antérieure du pre- 
mier métatarsien, sur son extrémité postérieure, sur sa partie moyenne, avec ou 
sans expansion pour le premier espace interosseux. J'ai observé, pour ma part, 
toutes ces dispositions. 

2° variété : Faisceau péroneéo-cuboïdien. (C'est ce faisceau qu'on décrit 
généralement sous le nom de péronier accessoire, acessoire des péroniers (pero- 
neus accessorius de Henle), dénomination qui est véritablement trop vague et 
qu'il convient d'abandonner. Le faisceau péronéo-cuboïdien peut n’être qu’un 
petit tendon, provenant de la bifurcation du tendon du court péronier latéral et 
inséré sur le cuboïde ; je possède dans mes notes un cas très-net de cette dispo- 
sition. Mais il n’est pas très-rare de rencontrer cette production anormale sous 


PÉRONIERS. 485 


la forme d’un muscle complétement distinct dans presque toute son étendue. 
Il est généralement fort grêle et toujours situé profondément relativement aux 
autres péroniers. Son point d’origine sur la face externe du péroné peut être 
très-rapproché de la malléole, comme aussi il peut être situé à 10 et même 
15 centimètres (cas de Chudzinski) au-dessus de cette saillie osseuse: Je n'ai 
rencontré, jusqu'en 1884, que 5 cas bien nets du petit muscle péronéo-cuboïdien : 
les deux premiers, complétement différenciés, prenaient naissance en arrière 
du court péronier latéral sur la partie moyenne du péroné ; quant au troisième, 
il se détachait, dans le tiers inférieur de la jambe, à la fois du court péronier 
latéral (face postérieure) et de la cloison fibreuse qui sépare les péroniers des 
fléchisseurs des orteils. 

Le mode de terminaison de ce muscle présente lui-même quelques variétés : il 
peut s'insérer soit sur le cuboïde lui-même, soit sur le tendon du long péronier 
latéral. Dans ce dernier cas, c’est principalement avec le renflement sous-cuboï- 
dien de ce tendon que se fait la fusion. 

3° variété : Faisceau péronéo-calcanéen externe. J'ajoute à la dénomina- 
tion donnée à ce faisceau le mot d'externe pour distinguer cette formation 
anormale du peroneo-calcaneus internus, qui se développe sur le côté opposé 
du pied et qui possède une signification tout autre. C’est le peroneus quartus 
d'Otto, le peroneus sextus de Macalister. On voit combien ces dénominations, 
basées sur un numéro de série, sont défectueuses. Le péronéo-calcanéen externe, 
identique au précédent par ses insertions d’origine, n’en diffère que par son 
mode de terminaison. Cette terminaison se fait, dans la majorité des cas, à 
l’aide d'un tendon plus ou moins grêle, sur le tubercule de la face externe du 
calcanéum. 

Des observations de faisceaux péronéo-calcanéens externes sont rapportées par 
Otto, Theile, Wood, Macalister, Chudzinski, Curnow, Knott, Beswick-Perrin, etc. 
J'en ai pu étudier, pour ma part, 4 ou 5 cas, à des degrés divers de développe- 
ment, mais se terminant tous sur le tubercule externe du calcanéen. 

C’est à tort, selon moi, que Curnow considère le muscle péronéo-calcanéen 
externe comme l’homologue probable au membre inférieur du muscle radio-car- 
pien de Fano. Une pareille assimilation est en désaccord avec les idées générale- 
ment admises aujourd’hui sur les homologies musculaires des membres. Le 
faisceau homologue du radio-carpien devrait s’insérer, en effet, non pas sur le 
péroné, mais sur le tibia, qui est l’homologue du radius; il devrait, d'autre 
part, se différencier dans la masse des fléchisseurs et non dans la masse des- 
extenseurs, et enfin il devrait se terminer sur le bord interne du pied et non 
sur le bord externe. Nous savons que le radio-carpien de Fano a pour homo- 
logue au membre inférieur un muscle constant, le tibial ou jambier postérieur. 

4e variété : Faisceau péronéo-malléolaire. Je donne ce nom à un faisceau 
observé par Budge qui se portait de la masse des péronters à la malléole, et dont 
le faisceau signalé par Macalister n’est vraisemblablement qu'une variété. Le 
faisceau péronéo-malléolaire appartient encore aux formes incomplètes du pero- 
neus quinti digiti; moins développé que la variété précédente, il ne descend pas 
même sur le tarse. 

Ïl résulte de l'exposé qui précède que, si le péronier du cinquième orteil a 
disparu chez l’homme, l'anatomie anormale ou, si l'on veut, l’atavisme, le fait de 
temps en temps revivre avec les caractères divers qu'il présente normalement 
dans la série des Mammifères. Mais, à côté de ces formations que nous avons 


484 PERONOSPORA. 


appelées complètes et qui s'étendent sans interruption du péroné au cinquième 
orteil, on observe aussi toute une série de formations incomplètes, qui se déta- 
chent bien du péroné comme dans le cas précédent, mais qui s'arrêtent en route, 
dans leur trajet vers le cinquième orteil et se terminent sur l’un des os avec 
lesquels elles se trouvent en rapport: le cinquième métatarsien, le cuboïde, le 
calcanéum, voire même la malléole péronière. Il est naturel de penser, pour 
expliquer ces derniers faits, que dans le développement ontogénique la portion 
inférieure du péronier du cinquième orteil ne s’est pas différenciée ou organisée, 
on bien a pris, sur l’un des points ci-dessus indiqués de la région tarso-méta- 
tarsienne, une insertion insolite, entraînant après elle la disparition de toute la 
portion du muscle (corps charnu ou tendon) située au delà. 

Telle est, en effet, la destinée de certains muscles en passant d'un groupe 
zoologique à lautre; nous les voyons ou s’y reproduire avec tous leurs caractères 
morphologiques, ou disparaitre entièrement, absorbés en totalité dans ce dernier 
cas par les masses musculaires voisines, et, entre ces deux termes extrêmes du 
développement organique, organisation complète et disparition absolue, nous 
retrouvons toutes les formes intermédiaires. L. Tesrur. 

Bigciocrapnie. — Bankart, Pye-Smirm et Pms. Guy's Hospital Reports, vol. XIV. — 
Biscnopr. Anatomie des Hylobates leuciscus, 1870, et Anat. des Gorilla, 1880. München. — 
Bunce. Henle u. Pfeufer's Zeitschrift, vol. X, p. 128. — Cnurzansni. Revue d'anthropologie, 
1874, p. 31, et 1882, p. 620. — Curxow. Journal of Anatomy and Physiology, vol. NII, 
p. 507. — Duverwoy. Les grands singes pseudo-anthropomorphes. In Arch. du Muséum, 
4855-1856, t. VII, p. 75. — Gnarioer et Aux. Rech. anat. sur le Troglodyte Aubryi. In 
Nouv. arch. du Muséum, 1865, p. 198. — Harrer. Edinburgh Med. and Surg. Journal, 
1848. — Huwranx. British Med. Journal, 1875, t. Il, p. 222. — Hyrrr. Ueber die accesso- 
rische Strecksehne der kleinen Zehe. In Sitzungsb. der kais. Academie, 1863. — Kxorr. 
Proc. of Roy. Irish Academy, 1881, p. 427. — Macauisrer. Transact. of Roy. Irish Aca- 
demy, 1871. — Orro. Neue seltene Beobachtungen, s. 40. — Perrin. Med. Times and Gaz., 
1872-1875. Analysé in Journal of Anat. and Physiol., t. VII, p. 327. — Pozzi. Note sur 
une variété fréquente du muscle court pérontier latéral chez l’homme. In Journ. de Robin, 
1872, p. 269. — Ruce. Morph. Jahrbuch, t. IV, 1878, p. 652. — Srrauss-Durknem. Anat. du 
chat, t. IL, p. 426. — Testor. Les anomalies musculaires expliquées par l'anatomie com- 
parée; leur importance en anthropologie, 1884. — Teie. Encycl. anat.. t. II; Myvlogie, 
p. 560. — Wacsrarre. Journ. of Anat. and Physiol., vol. V, p. 271. — Warruer. De arl., 


ligament. et {musc. hominis. Lipsiæ, 1718. — Woop. Proc. of the Roy. Soc. of London, 
vol. XIV et XVI. LT 


PERONOSPORA (Peronospora Corda). Genre de Champignons qui a donné 
son nom au petit groupe des Péronosporés. 

Les Peronospora vivent en parasites dans les plantes vivantes. Ils apparais- 
sent sur les tiges et les feuilles des végétaux herbacés sous forme de petites 
taches blanchâtres ou brunâtres. Leur mycélium, formé de nombreux filaments 
ramifiés, se développe exclusivement entre les cellules de la plante nourricière ; 
il envoie souvent bien loin ses ramifications, surtout dans les parties vertes, 
ainsi que des sortes de suçoirs qui pénètrent dans les cellules. Sur ce mycélium 
se forment, à l'extrémité d'hyphas verticaux sortant par des fentes de l’épiderme, 
des conidies, de couleur blanche ou violette, dont le contenu se divise en plu- 
sieurs masses devenant des spores mobiles ou zoospores. Après leur sortie de la 
cellule-mère, ces spores se meuvent avec rapidité dans l’eau (gouttes de pluie 
ou de rosée), puis, au bout d'un certain temps de repos, se transforment en 
autañt d'utricules germinatives, qui se développent en un mycélium aussitôt 
qu'elles sont parvenues à pénétrer dans la plante nourricière. 

Les espèces assez nombreuses du genre Peronospora ont été partagées en deax 


PÉROU. 485 


groupes selon que les conidies sont pourvues, ou non, d’une ou de plusieurs 
papilles par lesquelles sortent les spores. Elles se développent sur les tiges et 
les feuilles d'un grand nombre de plantes phanérogames. La plus nuisible est le 
P. infestans Mont. (P. devastatrix Carp.), qui attaque les pommes de terre et 
cause souvent de grands dégâts. Elle se développe d’abord sur les fanes en for- 
mant de petits groupes étalés, épars ou confluents, de couleur grisâtre. Les 
spores pénètrent ensuite dans l’intérieur des tubercules dont elles provoquent en 
peu de temps la pourriture. En. LEFÈVRE. 


PÉROU ET BOLIVIE. Ce vaste pays, situé entre 5 et 25°,50 latitude sud 
et 29,50 et 84 degrés longitude ouest de Paris, offre une superficie d'environ 
800 000 kilomètres carrés, c’est-à-dire 400 000 kilomètres carrés pour le Pérou 
et autant pour la Bolivie, à peu près. 

Le Pérou fut découvert en 1515 par Perez de la Rua et conquis par d’autres 
Espagnols conduits par Pizarro, onze ans plus tard. Le nom de Pérou ou plus 
correctement Peru, sous lequel le désignaient ces conquérants, tire son ori- 
gine, selon les uns, de Viru, vallée de la province de Trujillo, selon les 
autres, de la mauvaise interprétation du mot quechua Pelu, qui signifie 
fleuve. Auparavant l'empire des Incas se nommait pompeusement Tahuanti- 
suyu ou Tawantinsuyu, qui veut dire « les quatre parties du monde » : aussi 
les Incas avaient partagé leur empire en quatre grandes régions : Chinchay-suyu, 
région du nord, Kolla-suyu. région du sud, Anthi-suyu, région de l'est, et 
Kunti-suyu, région de l’ouest. Alors cet empire comprenait aussi, outre le Bas 
et le Haut Pérou (Confederacion Peru-Poliviana), l'Equateur qui le limite au 
nord et le Chili au sud. Les autres limites confinant la Péru-Bolivie sont à 
l'ouest l'océan Pacifique austral, à l’est, au delà de la Cordillère des Andes, le 
Brésil et le Paraguay, et au sud la République Argentine. Quant au nom de 
Bolivie (Bolivia), il s'applique au Haut Pérou en l'honneur du général Bolivar, 
libérateur de l'Amérique espagnole, depuis que cette moitié est devenue répu- 
blique indépendante. 

La carte du Pérou proprement dit présente la forme d’un quadrilatère irré- 
gulier ou mieux encore celle du col de rabat de la chemise de marin, dont le 
bord concave se trouve du côté du Brésil et le bord convexe du côté de l'océan 
Pacifique. La carte de la Bolivie a la forme d’un triangle, dont un des côtés 
touche le Brésil et un peu le Paraguay, un autre la République Argentine et le 
troisième le Pérou. 

Le Pérou se divise en seize départements, la Bolivie en huit. 

OrocraPHIE. Le sol peru-bolivien près de la côte est peu élevé, mais plus à 
l'intérieur il est formé de montagnes très-hautes, à sommets glacés et à pla- 
teaux tempérés, qui, disposées en chaînes presque parallèles, constituent la 
grande Cordillère des Andes, laquelle serre de près et suit la côte dans toute sa 
longueur. La Cordillère s'étend ainsi à peu près parallèlement à la côte et du 
nord-ouest au sud-est dans toute la longueur du Pérou et de la Bolivie. Ce 
vaste pays a une surface tellement irrégulière et des climats tellement variés 
qu'on l’a divisé en trois grandes régions : cisandine, andine et transandine. La 
cisandine est la côte, les andine et transandine sont constituées par les mon- 
tagnes. 

Dans ces pays, les Andes se partagent en deux chaînes ou cordillères et présen- 
tent entre celles-ci des plateaux. Ces chaînes dans leur parcours longitudinal se 


486 PÉROU. 


coupent et se croisent parfois un peu, en formant de distance en distance des 
nœuds inextricables. Les principaux de ces nœuds sont : au nord le nœud de 
Loja, au centre les nœuds de Pasco et de Huanuco avec leur grand plateau 
intermédiaire appelé Bombon, contenant un lac très-considérable, au sud les 
nœuds de Cuzco, Porco et Potosi, avec l'immense plateau de plus de 12 000 kilo- 
mètres carrés qui les sépare, situé à 3760 mètres d'altitude, constituant le 
Haut Pérou avec son lac Titicaca, le plus grand du monde. 

En résumé, c'est au Pérou et en Bolivie que la Cordillière des Andes acquiert 
la plus grande importance. 

Hyprococre. Le lac de Titicaca, qui mesure 3400 mètres carrés, les lacs de 
Chincaycocha et beaucoup d’autres moins importants, tels que les lacs de Yauri- 
cocha, de Mohina, de Paria, ete., sont dignes de mention. 

Les fleuves sont nombreux, mais les plns considérables ne se jettent pas dans 
l'océan Pacifique, quoique ce soit celui-ci qui baigne la vaste côte de ce pays. En 
effet les principales rivières se forment dans les Andes et vont, par l'intermédiaire 
de l’Amazone, se déboucher dans l'océan Atlantique. 

Eaux mixéraLes. Très-nombreuses aussi bien au Pérou qu'en Bolivie, dans 
la majeure partie employées empiriquement, car l'analyse chimique n’a été 
faite que pour un petit nombre. Les principales sont : les eaux de l'Inca, 
Condebamba, Chancos, Brioso, Chiquian, Gorgor, Churin, Bagnos, Aguamiro, 
Acaya, Yauli, Bujama, Huakachina, Casacanca, Santa Ana, Colpa, Larcay, 
Cabana, Lares, Yaurisque, Fray Lima, Putina, Punco, Putina Curumas, San- 
gaya, Saquerca, Yura, Tingo, Sabandia, Jesus. De toutes ces eaux seulement 
celles de Yura, de Curumas, de Bujama et de Huakachina, ont été analysées; 
mais il en reste beaucoup de très-actives, comme Chancos, Aguamiro, Churin, 
Yauli, etc., dont l'analyse exacte est impérieusement réclamée. 

Eaux thermales de Yura. Station située à 28 kilomètres d'Arequipa, dont 
les eaux ont été analysées par F. Haenke, par M. E. de Rivero et postérieure- 
ment par M. A. Raymondi. Il y a deux sortes d’eau minérale, l'une sulfureuse 
bicarbonatée et l’autre ferrugineuse bicarbonatée aussi. 

1° Eau sulfureuse. D'abord dans le puits du Tigre, où elle est transpa- 
rente, légèrement saumâtre et acidule et sert à boire. Cette eau d'une tempéra- 
ture de 31°,9 ceutigrades laisse échapper de l'acide carbonique et de l'acide 
sulfhydrique. Elle contient par litre 55 centilitres d'acide carbonique, 5 dix- 
millièmes de litre d'acide sulfhydrique, et 1#,4 de sels, dont les principaux 
sont les bicarbonates de magnésie 0,46, de chaux 0,21, de soude 0,27 et de 
peroxyde de fer 0,006. Le puits de Vegeto, où l’on se baigne, renferme en 
outre un peu de soufre hydraté qui donne à son eau une couleur blanchâtre; 
celle-ci a une température de 27,5 et contient un tant soit peu plus des 
mêmes sels. 

2° Eau ferrugineuse. Ses sources sont situées à quelques centaines de 
mètres plus bas que celles de l’eau sulfureuse, et l’eau des deux puits, aussi 
bien de celui où l’on boit que de celui où l’on se baigne, offre la même compo- 
sition approximative. Cette eau d’une saveur styptique, d’une réaction légère- 
ment acide et d'une température de 35°,9, contient à peu près la même propor- 
tion d'acide carbonique, un peu plus d'oxygène et d'azote que l'eau sulfureuse. 
Elle contient 487,8 de sels, dont les principaux sont les bicarbonates de magnésie 
0,65, de chaux 0,24, de soude 0,09, de peroxyde de fer 0,08 et le chlorure 
de sodium 0,48. 


PÉROU. 487 


Eaux thermales de Curumas. Ces eaux chlorurées sodiques, s'échappant 
par jets qui s'élèvent à 4 ou 5 mètres de,hauteur, offrent une température de 
91 degrés centigrades, c’est-à-dire supérieure au point d'ébullition normal de 
l'eau distillée, fait qui s'explique par la diminution de la pression atmosphé- 
rique, qui est de 537 millimètres pour l'endroit, et un peu parce que l’eau 
est chargée de sels. D'après M. A. Raymondi l'eau de Curumas contient peu de 
gaz dissous et environ ? grammes de sels fixes, où le chlorure de sodium figure 
pour plus de la moitié et le sulfate de soude pour un cinquième. Autour des 
sources, il y a des dépôts salins, les uns blancs, composés principalement de 
carbonate calcaire, et les autres jaunes, composés de même, mais teints par 
l'oxyde de fer. 

Eaux minérales de Bujama. Eau sulfatée sodique chlorurée, froide, ver- 
dâtre, trouble, à odeur d'œuf pourri et laissant déposer de la matière organique 
verte. D'après M. J. Eboli, cette eau contient dissous beaucoup d’acide sulfhy- 
drique, et peu d'acide carbonique, d'oxygène et d'azote. Elle contient en outre 
105,8 de sels où le sulfate de soude est pour une moitié et le chlorure de 
sodium pour un peu moins de l’autre moitié. 

Eaux thermales de Huakachina. Quatre sources dont une seule est employée 
en médecine. C'est une eau purgative sulfatée sodique chlorurée, dont la tem- 
pérature est de 22 à 24 degrés centigrades et la réaction alcaline. Suivant 
M. J. Eboli elle contient beaucoup d'acide carbonique et un peu d'acide sulfhy- 
drique et, de plus, 55 grammes de sels par litre. Les principaux sels sont : sul- 
fate de soude 20,8, chlorure de sodium 20,6, bicarbonates de chaux et de ma- 
gnésie 0,9, de chacun, iodure de potassium 0,08, etc., en outre il y a 
beaucoup de matière organique 3,72. Les autres sources sont : le Pozo-hediondo 
à eau neutre, avec de l’iode et du brome; la laguna de Huega, alcaline et riche 
en iode et en brome, et la laguna de Horovilea, alcaline aussi, mais privée de 
brome et d’iode. 

GÉOLOGIE ET HYPSOMÉTRIE. l] nous est impossible de bien résumer la géologie 
du Pérou, puisqu'elle n'a été étudiée que pour un petit nombre de départements. 
D'ailleurs la géologie de ce pays dans ses détails est d’une immense difficulté, à 
cause de la conformation montagneuse de la superficie. 

Il est indubitable que la Cordillère a eu une origine volcanique, et celle-ci 
paraît aussi bien établie pour la portion péru-bolivienne des Andes que pour le 
reste du continent sud-américain, non-seulement pour la chaine orientale 
(Pentland) comme pour l’occidentale (Humboldt). Tous les géologues s'accordent 
donc à admettre que la Cordillère des Andes doit sa formation à un soulèvement 
général. De longue durée et puissantes ont dû être les causes de ce soulève- 
ment, principalement pour la Cordillère péru-bolivienne, si l'on considère que 
depuis le groupe volcanique de la Nouvelle-Grenade et de l'Equateur jusqu’au 
groupe volcanique du Pérou et de la Bolivie, distance de plus de 240 milles 
géographiques, il n'y existe pas de volcans (Humboldt). Pourrait-on admettre 
que les volcans de ces deux groupes éloignés, qui ont agi exclusivement dans le 
sens longitudinal (c’est-à-dire de la latitude), ont pu étendre leur force de 
soulèvement à une si énorme distance, et que le nœud de Pasco a été le point 
d’interseetion où s’est rencontrée la limite d'action de chacun de ces deux grou- 
pes volcaniques? C’est là une hypothèse que nous laissons à des savants com- 
pétents le soin d'apprécier, en tenant compte de l'opinion de Humboldt qui 
admet que « la hauteur’des volcans (cônes volcaniques) peut à la vérité donner 


488 PÉROU. 
la mesure de la force qui les soulève », et en même temps du fait que les vol- 
cans dont nous parlons ont des hauteurs immenses. 

Un territoire aussi montagneux offre à de courtes distances des exemples de 
terrains secondaires et tertiaires et même de terrains d’alluvion de formation 
récente, et irrégulièrement disposés, avec leurs couches géologiques propres, 
que nous allons étudier d'une manière sommaire en allant de l'ouest à Vest, sur 
la route de Lima à San Mateo, Oroya et Jauja, comprise entre 11° 40” et 12° 1" 
latitude sud, route que nous avons parcourue. 

Dans la côte, on trouve quelques plaines arides assez vastes de terrains ter- 
tiaires modernes et des vallées formées par des alluvions fluviales. La vallée du 
Rimac, comprenant le port de Callao et la ville de Lima, est formée de couches 
d'argile et de gros cailloux roulés; c’est un terrain qui a été déposé par la mer. 
Les montagnes environnantes paraissent formées par un terrain stratifié, sou- 
levé; cependant celles plus au nord sont de porphyre qui semble passer au 
granit d'une origine probablement ignée. En remontant dans la vallée, on trouve 
bientôt du granit à droite et à gauche. Ce terrain formé de roches ignées est 
traversé par d'innombrables filons quartzeux et feldspathiques. De Chaclacayo, 
690 mètres au-dessus du niveau de la mer, jusqu'à Cocachacra, 1559 mètres, 
les taches ignées existent sous le terrain stratifié, puis elles disparaissent. A 
partir de ce point le terrain est formé de porphyres bigarrés dans lesquels sont 
enfoncés de gros cristaux prismatiques de feldspath blanc. Ce terrain, qui 
sépare les roches éruptives des couches de soulèvement, s'étend non-seulement 
du côté de la mer, mais aussi en remontant jusqu’au village de Surco et au 
delà. 

En quittant Matucanas, à 2500 mètres de hauteur et 25 kilomètres au-dessus 
de Surco, on trouve le terrain stratifié, mais d’une stratification confuse et 
variable, de porphyres bigarrés. Plus loin et beaucoup plus haut, à San Mateo, 
5149 mètres, la stratification devient tout à fait verticale et perpendiculaire aux 
couches de cet immense ravin. Tout le défilé de ces gorges, au-dessus et au- 
dessous, est constitué par des roches calcaires très dures d'un gris noirâtre. 
D'ailleurs ce ravin dans son ensemble est vraiment admirable par sa hauteur 
de 800 mètres et par la perpendicularité de ses escarpements dont l’un a, au 
moins, 200 mètres. Au-dessus et au delà des gorges de San Mateo, la Cordillère 
est constituée par des porphyres bigarrés coupés par un filon de minerai de 
cuivre légèrement argentifère à 4592 mètres, mine de Morococha. Notons en 
passant l'observation de Humboldt « qu'en Amérique ce ne sont pas les terrains 
primitifs, mais les terrains de transition ou secondaires, qui renferment les 
métaux ». À quelques kilomètres de ce filon il y a une mine de houille de 
bonne qualité. En continuant l'ascension sur les côtés, on arrive à dès pics 
couverts de neige perpétuelle, laquelle est assez dure pour ne se laisser entamer 
que difficilement, tout en conservant l’apparence opaque de la neige et ne pré- 
sentant nullement la transparence des glaciers. 

En descendant de Morococha vers le nord-est on arrive à la petite rivière de 
l'Oroya, au fond d’une petite vallée dont les versants sont composés de couches 
horizontales de quartzite un peu inclinées et appliquées sur des assises de pou- 
dingues rougeàtrés. On trouve aussi par intervalles des dépôts calcaires, épais, 
contemporains, et même des {stalactites, qui sont formées des dépôts laissés par 
leau qui coule de la montagne. Au delà du village de l'Oroya, 5745 mètres, on 
monte petit à petit sur un immense plateau dont les roches, composées de 











PÉROU. 489 


couches principalement de quartzite et un peu de grès jaunâtre, sont partout 
de même nature et disposées irrégulièrement dans tous les sens : c’est la pampa 
de l’Oroya. Après l'avoir parcourue en se dirigeant vers le sud-est on arrive à 
la vallée de Jauja, 5401 mètres au-dessus du niveau de la mer. 

Cette grande vallée est constituée par un terrain d’alluvion moderne et n’est 
elle-même que le fond d’un ancien lac. Elle est composée principalement de 
fortes couches horizontales de cailloux roulés et empâtés dans de la terre argi- 
leuse qui contient aussi du sable grossier. Ce terrain secondaire vers l'est pré- 
sente des schistes argileux, des grès, etc. 

En montant sur la cordillère orientale, dont la direction est parallèle à l'occi- 
dentale et dont les sommets sont couverts de neige, on avance sur des couches 
de quartzites reposant sur des assises de conglomérats, composés de quartzites 
à ciment siliceux et calcaire. 

Pour faire comprendre la géologie du Pérou et de la Bolivie, nous emprunterons 
à M. Léon Crosnier une coupe idéale des Cordillères faite perpendiculairement à 
leur longueur, et passant par la ville d'Ayacucho à 15° 10° latitude sud. Indi- 
quons donc d’après cette coupe l'ordre où se trouvent les terrains en marchant 
et faisant l’ascension de l'ouest à l’est, sans nous occuper de leur direction : 
grès, calcaire, quartzite, porphyre, granite, porphyre, calcaire, porphyre, por- 
phyre bigarré, gisement mercuriel et grès calcaire, grès carbonifère, quartzite, 
calcaire siliceux, trachyte, porphyre bigarré, roches volcaniques, bassin 
d’Ayacucho, roches schisteuses, calcaire, grès, granite, porphyre. 

Mınérarocie. La richesse minérale du Pérou et de la Bolivie est incalculable 
et même, tout en exceptant le guano et le salpêtre, on peut assurer que ces 
pays rivalisent avec les contrées les mieux douées. 

Le guano :e trouve sur quelques points de la côte du Pacifique et sur les îles 
voisines. C’est un produit d'origine organique, employé comme engrais, et pro- 
venant de l’accumulation de fiente des oiseaux de mer pendant des siècles. Le 
salpêtre se présente aussi sur les côtes du Pérou et de la Bolivie, à l'état natif, 
en bancs assez étendus et considérables. 

Quant aux minéraux, ils se rencontrent presque tous sous une forme amorphe 
et dans un magma ou état de combinaison très-complexe, attestant ainsi leur 
origine volcanique. Sur les arides plaines de la côte on trouve de nombreuses 
mines de cuivre, de salpêtre et de pétrole. Dans les montagnes qui constituent la 
Cordillère des Andes les minerais sont aussi ceux d'argent, de cuivre, de plomb 
et même de charbon. Enfin sur le versant oriental de la cordillère c’est l'or 
que l’on trouve. 

Les minerais le plus généralement exploités sont ceux d’or dans les veines de 
quartz (lavaderos transandins), ceux d'argent (cascajo et paco) et ceux de cuivre 
(pavonados). 

M. Raymondi croit que l'oxydation des minéraux au Pérou n’a pas été déter- 
minée par l’action des agents extérieurs, mais par l’eau dont ils se trouvèrent 
couverts au moment où cette oxydalion s’est accomplie, sous la double pression 
exercée de haut en bas par l’eau dont ils étaient couverts, puisque ce sont des 
terrains d’alluvion, et de bas en haut par les vapeurs comprimées, car leur 
origine est ignée. D'ailleurs ces minéraux, pacos, etc., offrent des formes cristal- 
lines pseudo-morphiques ou épigénétiques. 

Complexes et étranges sont les combinaisons chimiques des minéraux dans ces 
pays. Ils changent à mesure que l’on passe d’une couche géologique à une 


490 PÉROU. 


autre. La province de Tarapaca est féconde en minéraux nouveaux et rares et 
extrêmement riche en sels solubles. 

On trouve au Pérou et en Bolivie le cuivre à l’état natif et combiné, aussi 
bien que le plomb, le bismuth, le mercure, Varsenic, l’antimoine (abondant) ; 
on y trouve aussi le fer, le manganèse, l’alumine, la magnésie, la chaux, la po- 
tasse, la soude et la lithine, comme bases dans différents minerais, etc. 

Remarquons que les minéraux de fer sont abondants et que dans’ les mon- 
tagnes de Chanchamayo (bassin de l'Ucayali) les sauvages Campas possèdent 
des fours pour fondre l’oligiste (peroxyde de fer) et extraire le métal qu'ils 
emploient pour fabriquer des instruments (Raymondi). 

Remarquons également que les minéraux de soude, de potasse et de chaux, 
sont extrêmement abondants : tels sont l’Ulexite (borate de chaux et de 
soude), le nitre (azotate de potasse), le caliche (nitrate de soude naturel) et 
le cachi (chlorure de sodium), qui constituent une véritable richesse pour 
CES pays. 

Frore. Nous nous attacherons principalement à mentionner les plantes 
alimentaires et médicinales répandues au Pérou et en Bolivie, en indiquant tout 
spécialement celles qui sont indigènes. Nous renvoyons pour une idée générale 
de leur distribution à ce que nous allons dire plus loin sur la climatologie de 
ces régions. 

Malpighiacées : Malpighia tetosa (cereso), Bunchosia armeniaca (Ciruelas de 
frayle), indigènes. — Sapindacées : Sapindus saponaria (Choloques), ind. — 
Géraniacées : Erodium moschatum (Alfilerillo), Tropælum tuberosum (Massua), 
Pelargonium roseum, P. odoratissimum, toutes indigènes. — Aurantiacées : Citrus 
vulgaris, C. aurantium, C. limonium, C. limetta, C. medica, C. decumana. — 
Guttifères : Calophyllum turiferum, ind. — Malvacées : Malva peruviana, 
M. limensis, Gossypium peruvianum, inds. — Buttneriacées : Theobroma, 
Cacao, ind. — Tiliacées : Vallea cordifolia, ind. — Polygalées : Krameria 
triandria (Ratanhia), Monnina polystachya (Yelloi), inds. — Cedrelées : Cedrela 
„odorata (Cedro). — Meliacées : Melia azederach. — Érythroxylées : Erythroxy- 
lon coca, ind. — Oxalidées : Oxalis crenata (Ocas), ind. — Linées : Linum sela- 
genoides, md., L. usitatissimum. — Rutacées : Guyacum off., G. sanctum, 
inds.; Ruta graveolens. — Menispermées : Cocculus toxicoferus (Pani), ind., 
vénéneuse. — Ampélidées : Cissus compressicaulis, ind. ; Vitis vinifera. — 
Magnoliacees : Drimys Winteri, ind. — Anonacees : Anona cherimolia (Chiri- 
moyo), A. muricata (Guanabano), inds. — Fumariacees : Fumaria off. — 
Papavéracées : Argemone mexicana (Cardo santo), ind. — Crucifères : Nastur- 
tium off., Senebiera pinnatifida (Mastuercillo), inds. ; Brassica oleracea, B. na- 
pus, B. rapa. — Capparidées : Cleone gigantea, Gynandropsis pentaphylla, md. 
— Bixinées : Bixa orellana (Achiote), ind. — Violariées : Ionidium ipeca- 
cuanha, I. parviflorum, I. Itouba, inds. — Caryophyllées : Stellarm media 
(Berro), ind. — Portulacees : Portulaca oleracea (Verdolaga). — Loasées : Loasa 
hispida (Ortigon), ind. — Papayacées : Carica integrifolia (Mito), ind. ; G. pa- 
paya. — Passiflorées : Passiflora fœtida, P. litoralis, ind., P. lingularis (Gre- 
nadilla), P. quadrangularis (Tumbo), P. punctata (Norbo). — Cucurbitacées : 
Momordica pedata (Caigua), ind.; Cucumis sativus, C. melo, C. citrullus, 
Mondica balsamina, Cucurbita maxima, Luffa frega mate. — Cactées : Opuntia 
tuna, O. cochinillifera, Cactus pitajaya, C. peruvianum, inds. — Térébintha- 
cées : Anacardium occidentale, Rhus radicans, R. toxicodendron, Schinos molle 











PÉROU. 491 


(Molle), Spondias purpurea, inds.; Mangifera indica. — Léqumineuses : Mu- 
cuna elliptica (Llamapanaui), Myroxylon peruiferum, Acacia punctata, Prosopis 
dulcis (Algarrobo), Inga reticulata (Pacay), Cassia elegans (Sen), Copahifera off., 
Coulteria tinctoria, Hymenæa courbaril (Copal), inds.; Phaseolus vulgaris, Cicer 
arietinum, Pisum sativum, Erivum lens, Faba vulgaris, Lupinus albus, L. va- 
rius, Arachnis hypogea (Mani), Tamarindus indica. — Rosacées : Cerasus capuli, 
ind.; Malus sativa, Cydonia vulgaris, Eriobothrya japonica, Rosa centifolia, 
R. damascena, Poteria sanguisorba (Pimpinella), Fragaria vesca, F. chilensis, 
Quillaja smegmadermos (Quilay), Amygdalus persica, Armeniaca vulgaris. — 
Onagrariées : Jussiæa peruviana, J. limensis (flor del clavo), Fuchsia escorticata 
(vénéneuse), inds. — Melastomacées : Rhexia rosmarinifolia, R. quinquenervis, 
inds. — Myrtacées : Myrtus arrayan, Campomanesia cornifolia (Palillo), inds. ; 
Psydium pyriferum (Guyabo). — Ilicinées : Ilex paraguensis (Maté), ind. — 
Ombellifères : Hydrocotyle multiflora (Oreja de Abad), Arracacha esculenta 
(Arracacha), inds. — Caprifoliacées : Sambucus peruviana, ind. — Rubia- 
cées : Psychora emetica (Ipecacuanha striée), Spermacoce assurgens (Uspica), 
Chincona calysaya, C. nitida, C. ovata, C. carabayensis, C. scrobiculata, Q. mi- 
crantha, C. asperifolia, inds. ; Coffea arabica. — Synanthérées : Ambrosia pe- 
ruviana (Altamisa), Maruta cotula (Manzanilla cimarrona), Matricaria camomilla, 
Eupatorium ayapana, Calcitium rufescens, C. canescens, C. nivale, C. discolor 
(Janca-huasa), Gnaphalium viravira, Cryptochæte andicola (Huamanripa), Tagetes 
minuta (Huacatay), Helianthus annuus (flor del sol), Polymnia sonchifolia 
(Llacon), Flaveria contrayerba (Matagusanos), Homoianthus multiflorus, Chuqui- 
ragua spinosa (Amargo), toutes inds.; Cynara cardunculus, C. scolymus (Alca- 
chofa), Mikania guaco, Carthamus tinctorius, Calendula off. (flor de chuncho), et 
des espèces de Hieracium (Cerraja). Scorzonera, Lactuca. — Valérianacées : 
Valeriana off., V. pinnata, Atrephia caryophylloïdes, inds. — Éricinees : Be- 
faria cajamarcensis, B. resinosa, inds. — Ébenacees : Columellia obovata (Ulux), 
ind. — Sapoteées : Chrysophyllum ferrugineum (Chicimicuna), Lucuma obovata, 
L. caimito, inds.; Sapota achras. — Myrsinees : Myrsina manglilla, Jaquinia 
armillaris (Barbasco), inds. — Primulacées : Amagallis arvensis (vénéneuse), 
md. — Labiees : Mentha piperita, Salvia sagittata, Gardoquia incana (Soconche), 
Origanum vulgare, Lavandula off., inds.; Ocymum basilicum (Albahaca), Me- 
lissa off. (Torongil). — Jasminees : Olea Europea, Jasminium off. (Diamela). 
— Verbenacées : Verbena off., V. erinoïdes, Lippio citriodora (Cedron), inds. 
— Bignoniacées : Jacaranda punctata (Yarabisca), Crescentia cujete (Tutumo), 
inds. — Personées : Antirrhinum majus (Doguito), Gratiola peruviana, Calceo- 
laria pinnata (Bolsilla), Escobedia scabrifolia, inds. — Solanées : Nicotiana 
tabacum, N. rustica, N. paniculata (Tabaco cimarron), N. glutinosa, Datura 
sanguinea (Guarguar), Physalis peruviana, Capsicum annuum, C. frutescens, 
C. Pubescens, Lycopersicum esculentum, Solanum tuberosum, S. variegatum, 
S. melongena (Berengena), S. quitense (Naranjitas), S. tomentosum (Hormis), 
S. candicans (Amacasa), Cestum hediondum (Yerba santa), inds. — Logania- 
cees : Strychnos brachiata, S. castelnæana (vénéneuses), Spigelia anthelmia, inds. 
— Apocynées : Plumeria (Suche) alba, P. lutea, P. rubra, Cerbera peruviana 


(vénéneuse), inds. — Gentianées : Erythræa chilensis (Canchalagua), ind. — 
Borraginees : Heliotropium peruvianum, H. synzystechium, inds. — Cordia- 
cées : Varronia rotundifolia (Membrillejo), ind. — Convolvulacées : Batatas 


edulis, Pharbitis pubescens (Papiru), inds. — Plantaginées : Plantago (Llanten) 


499 PÉROU. 


major, P. hirsuta, inds. — Nyctaginées : Mivabilis jalapa (faux jalap), 
Boerhaavia hirsuta (Pegajosa), B. scandens (yerba de la purgacion), inds. — 
Chenopodiees : Chenopodium quinoa, C. ambrosioide (Ambrosia), G. multifidum, 
Salicornia peruana, Salsola kali, Ullucus tuberosus (Ullucos), ttes. inds. — 
Laurinées : Laurus sassafras, Nectandra puchury major, N. P. minor, Lauras 
persea (Palto), inds. — Myristicacees : Myristica moscata (noix muscade). — 
Euphorbiacées : Siphonia elastica (Caucho), Manihot aipi (Yuca), M. utilissima 
(Yuca amarga), Curcas purgans (Pinon), Ricinus communis (Higuerilla), Hura 
crepitans (Habilla), inds. — Urticées : Urtica urens, Morus nigra, Ficus elas- 
tica, F. gigantea (Higueron), Dorstenia contrayerba, Galactodendrum utile, inds. 
— Pipéracées : Arthante elongata (Matico), Piper crocatum, P. crystalinum, 
inds. — Juglandées : Juglans nigra, J. cinerea, inds. — Salicinées : Salix 
humboldtiana (Sauce), ind. — Miricacées : Mirica polycarpa, ind. — Orchidées : 
Vanilla aromatica, ind. — Amomées : Canna indica (Achira), Maranta arundi- 
nacea (Arrow root), Renealmia, inds.; Zingiber off., Amomum cardamomum. 
— lridées : Iris germanica. — Musacées : Musa paradisiaca (Platano). — Bro- 
meliacées : Bromelia ananas, ind. — Amaryllidées : Agave Americana (Ma- 
guey), ind. — Asparaginées : Smilax oblicuata, ind. : Asparagus off. — 
Liliacées : Yucca acaulis, ind.; Aloes succotrina (Savila). — fTillandsiees : 
Tillandsia usneoïdes (Huachasso), ind. — Colchicées : Veratrum off. (Cebadilla). 
— Palmiers : Ceroxylon andicola, ind.; Cocos nucifera, Phænix dactylifera, 
Elæis guineensis (Avoira). Graminées : Zea mays, Guadua angustifolia, Paspa- 
lum purpureum (Maizillo), inds. ; Triticum sativum, T. repens, Secale cereale, 
Hordeum sativum, Avena sativa, Oriza sativa, Saccharum off., Phalaris cana- 
riensis, Andropogon muricatus. — Cyclanthees : Phylectephas macrocarpia 
(ivoire végétal), ind. — Aracées : Des espèces de Phyllodendron (Saragundi), 
Calvadium, Diffenbachia, inds. — Alismaceées : Sagittaria sagittæfolia, ind. — 
Fougères : Niphobulus calaguala, Adianthus capillus veneris (Culantrillo), No- 
tochlæna flava (Doradilla), N. nivea, toutes inds. — Équisétacées : Equisetum 
giganteum (Tembladera), inds. — Licopodiacées : Licopodium heteroclitum, 
L. elongatum, L. passerinoïdes, inds.— Lichens, Hépatiques, Mousses : Plusieurs 
genres indigènes. — Champignons : Tricophyton tonsurans, Microsporon 
Audouini, M. furfur, Acorion Schoenleinii, Oiïdium albicans, Mucur mucedo, 
Sphacelia segetum, Uredo cerealia, des espèces d’Agaricus vénéneuses. — Algues : 
Nostoc vesiculosus (Llullucula), Ulva simplicissima, U. purpurea (Cochavuyo), 
Spherococcus palmetta, S. furcellatus, S. tedii. 

Faune. Nous citerons les genres représentés au Pérou et en Bolivie, mais 
nous ne mentionnerons que les espèces offrant quelque intérêt médical. 

Homme : Voy. plus loin CrantoLoGre et le mot Ixcas. — Quadrumanes : 
Neuf genres : Atèles, Lagothrix, Mycetes, Cebus (Sajou), Callithrix (Segouin), 
Chrysothrix, Nyctipithecus, Pithecia (Sakis), Midas. — Cheiroptères : Cinq 
genres : Glossophaga, Vespertilio, Noctilio, Molossus et Phyllostoma, dont le 
Vampyrus spectrum et le Phyllostoma hastatum (Hatummasu), ces deux espèces 
grosses comme des poules et redoutables. — Carnivores: Ursus, Nassua, Cer- 
coleptes, Mustela, Galictis, Mephitis, Lutra, Canis, Felis, Otaria, Manatus 
(Phoque). — Marsupiaux : Cinq espèces du genre Didelphis (Sarigues). — 
Rongeurs : Quinze genres : Sciurus, Eriomis, Lagidium, Octodon, Echinomys, 
Murina, Acodon, Drymomys, Myspotamus, Sphingurus, Dasyprocta, Cœlogenys, 
Hydrochærus, Cavia, Lepus. — Édentes : Bradypus, Dasypus, Myrmecophaga. 


PROU. 495 


— Solipèdes : Equus (Caballus, Asmus). — Pachydermes : Tapirus, Sus, 
Dicotyles (Pécari). — Ruminants : Auchenia (Lama, Huanaco, Paco, Vicuna), 
Bos, Capra, Cervus. — Cétacés : Catodon, Balœna, Inia. — Oiseaux : Les Acci- 


pitres sont représentés par les Vulturidés et de nombreux Falconidés. Les Pas- 
sereaux sont fort beaux et variés; il n’y en a pas moins de 244 espèces. Les Galli- 
nacés, les Échassiers et les Palmipèdes, sont abondants aussi, — Reptiles : 
Chéloniens, Crocodiliens, Ophidiens, Amphisbènes, Sauriens, très-nombreux, prin- 
cipalement les Ophidiens, qui sont très-variés et très-dangereux. — Batraciens : 
Espèces nombreuses, 19 de connues. — Poissons : Moins bien étudiés, cepen- 
dant on en connait une vingtaine d'espèces. Des espèces alimentaires abondent 
et parmi celles-ci la Corvina deliciosa, C. minor, etc., mais la Chimæra colliei 
est vénéneuse. Dans le haut Ainazone, le baigneur court un grand danger à 
cause des innombrables Piranhas (Pygocentrus piraya), très-voraces, mais à 
chair alimentaire. — Insectes : Hyménoptères tels que les Abeilles et les Fourmis, 
entre autres les Fourmis de visite (Æcodoma cephalote), quischassent des maisons 
les rats et les blattes. Lépidoptères très-variés, y compris le Bombyx (avec sa 
chenille à soie). Hémiptères : Coccus cacti (Cochenille du Nopal) et Pediculi 
hominis. Diptères : Puces et Chique (Pulex penetrans), Cutérèbres (Cuterebra 
noxialis), dont la larve (æstrus) donne à l’homme la qusanera, Cousins (Culex 
pipiens). — Myriapodes : Spécialement le genre Scutigera. — Arachnides : Pas 
mal, et des espèces plus grosses que les nôtres, telles que les Mygales, les 
Galeodes. Aussi le Sarcopte de la gale et le Demodex. — Crustacés. Abondants, 
mais point étudiés. — Mollusques. On y trouve la Helix pomatia, la Moule 
(Mytilus edulis), etc., etc. — Vers : Lombrics ou Vers de terre, puis grand 
nombre d’Entozoaires, dont les principaux trouvés au Pérou sont : Ascarides 
lombricoïdes, Oxyurus vermicularis, Filaria medinensis, Trichina spiralis (?), 
Cysticercus cellulosæ, Echinococcus hominis, Tænia solium, T. mediocanellata, 
Bothriocephalus latus. — Échinodermes, Polypes, Protozoaires : Rien d'impor- 
tant à mentionner. 

_ Cumartorocie. Le Pérou et la Bolivie sont des pays à climat chaud, car la 
température y est douce presque partout pendant toute l’année; d’ailleurs ces 
pays sont situés entre les tropiques, entre le tropique du Capricorne et la ligne 
équinoxiale. Pourtant, dans un territoire aussi étendu et aussi accidenté, il n’est 
pas besoin de dire que le climat est fort différent suivant la latitude à laquelle 
on l'étudie ou bien suivant la hauteur au-dessus du niveau de la mer à laquelle 
on se place. Le Pérou et la Bolivie ensemble, n'étant qu'une même immense 
chaine montagneuse, présentent un versant occidental à pentes abruptes, qui 
est stérile et brûlant, des plateaux entre les deux Cordillères, qui sont tempérés 
cl froids, et un versant oriental, à pentes légèrement inclinées, qui est fertile, 
chaud et humide. Ce fait donne par conséquent à ce pays, sous le rapport du 
climat, un cachet tout à fait exceptionnel : c’est que du nord au sud, dans 
toute sa longueur, pour chaque région plate chaude ou tempérée, on trouve 
sous le même parallèle de latitude, à quelques dizaines de kilomètres de 
distance, une autre région élevée, montagneuse, à climat plus frais et même 
froid. 

M. Léonce Angrand a donné une description très-heureuse de la climatologie 
des Andes au niveau de la frontière péru-bolivienne ; empruntons- -lui son alan 
explicatif des différentes régions climalologiques, qui indique leurs désigna- 
tions ct s'applique à tous les parallèles de latitude du Pérou : 


494 PÉROU. 


La Costa Baja, le littoral comprenant les 


Pa Costa: Ua còte ou rés) s Pomas naa 2e CEE Sae e 0 à 600 
gion maritime. . . . . } Las Pampas et la Montana Brava (sa- mètres. 
vannes ebiforels) aeta one: Acte = 0 à 1,500 
Los Valles, comprenant le pied de la cor- mètres. 
La, Montana 'outregion}\®dillèrer. me m RRET: St PE PGO0 4,500 
inférieure. . . . e . . } Los Valles ou Tierras calientes (terres mètres. 
CHAUDE) RE ee ete 
Las Quebradas ou Cabeceras, les gorges ou régions des terres 
froides pt Si AN re a e a A A D Met 103 2 tee 1,500 à 2,500 mètres. 
La Tierra fria, ou la région des terres froides. . .. . . . . . * . . 2,500 à 3,500 mètres. 
La Puna, région des terres glacées où cesse toute végétation arbo- 
Tescente: HAL. poterle Pre noel el hell à Seniors) citer 3,500 à 5,000 mètres. 
Los Nevados, région des neiges perpétuelles. . . . . . . . . . . .« . 5,000 mètres et au delà. 


Le coup d'œil que représente ce tableau est très-complet, mais des divisions 
et sous-divisions si nombreuses pourraient embrouiller notre sujet et, puisque 
nous ne devons pas entrer dans de grands détails, adoptons l’ancienne division 
classique du territoire en Costa, Sierra et Montaña, et étudions la climatologie 
de chacune de ces régions sous un seul parallèle, de 11 à 13 degrés latitude sud, 
le plus intéressant d’ailleurs sous le rapport médical. 

Costa. Sous ce climat chaud et doux, la pluie manque complétement (sur 
toute la côte péru-bolivienne), et c'est tout au plus s'il y pleut à des inter- 
valles de 5, 10 et même 15 et 16 ans. Ce manque de pluic est dù à la nature 
du sol, à la chaleur et au courant des vents, à toutes ces trois causes à la 
fois, comme l'a bien expliqué Unanue de la manière suivante. Le sol de la 
côte est couvert d'une couche épaisse de sable qui, échauffé tonte l’année par 
l'action des rayons d'un soleil presque toujours brülant, empêche les vapeurs 
d'eau de se condenser et les fait monter dans l’atmosphère. Les vapeurs ainsi 
élevées sont transportées vers la crête des Andes et bien au delà par les vents 
régnants, du sud-ouest au nord-est, dont la direction constante se lrouve 
être perpendiculaire à cette portion de la Cordillère. Ces vents alisés étant 
aussi, par eux-mêmes, fort chargés de vapeurs d’eau, car ils viennent de tra- 
verser l'océan Pacifique, transportent tous les nuages ensemble sur les mon- 
tagnes. Là, l'abaissement de la température détermine leur condensation en 
pluies abondantes qui grossissent les fleuves nombreux de la Sierra et de la 
Montaña, lesquels se jettent à peu près tous dans l’Amazone et par son inter- 
médiaire dans l’Atlantique. Voilà donc (comme remarque Unanue) des grandes 
masses d'eau de l'océan Pacifique qui vont au delà des Andes, après avoir 
passé par l'état d'évaporation, grossir l'océan Atlantique et nous rappeler 
ainsi l'Atlantide. 

Sur la côte, s'il n’y a pas de pluie, il y a cependant la garua ou rosée, qui en 
tient lieu en hiver, et les brouillards épais, qui sont plus fréquents dans cette 
saison. M. Raymondi en donne la même explication que pour ce qui se passe en 
Égypte. C'est que le sable, étant meilleur conducteur du calorique que l'eau de 
mer, se trouve un peu refroidi en hiver et détermine la condensation des pre- 
mières couches des vapeurs d’eau de l’atmosphère, mais pas de celles plus 
élevées, qui sont quand même emportées par les vents jusqu'au-dessus de la 
Cordillère, comme nous le disions plus haut. 

Il y a sur la côte du Pérou et de la Bolivie deux saisons qui se succèdent, dans 
des mois opposés à ceux qui leur correspondent au nord de l'Équateur. L'été 
commence au milieu de novembre pour finir au milieu de mai, puis survient 
l'hiver. Ces saisons ressemblent, par leur peu de rigueur, au printemps et à 


PÉROU. 495: 


l'automne de l’Europe méridionale, car les oscillations excessives de la tempé- 
rature y font défaut. 

Comme dans tous les pays intra-tropicaux, les jours sont presque de la même 
longueur que les nuits et uniformes pendant toute l’année. Il n'y a pas d'aurore 
ni de crépuscule, c’est-à-dire que le jour succède à la nuit presque soudaine- 
ment et vice verså. Enfin il n'y a presque pas d'ombre, car les rayons du soleil 
tombent quasi-perpendiculairement. 

Les tremblements de terre sont loin d'être rares au Pérou et les villes de Lima 
et de Callao ont été réduites en ruines en 1655 et en 1746; c'est le dernier qui 
a été le plus terrible. 

Passons maintenant à dire quelques mots de la climatologie de Lima, capitale 
du Pérou proprement dit. C'est à peu près la température de la côte dans 
presque toute son étendue, si l’on tient compte toutefois qu’au nord, plus 
près de l'Équateur, il fait plus chaud, et que près du Lropique du Capricorne, 
au sud, il fait un peu plus frais, de même que sur les mi-côtes de la Cor- 
dillère. 

Lima. Située à 12°,2’ latitude sud et 79,27 longitude ouest de Paris, à 
154 mètres au-dessus du niveau de la mer, est une ville peu saine, quoique- 
l'hygiène publique y soit passablement observée. C’est que cette ville fait partie 
de la côte, qui offre un elimat chaud et humide, et qu’elle est enfermée par des 
montagnes et ouverte seulement du côté sud-ouest, de sorte que l'atmosphère 
s'y renouvelle difficilement, quoique toute la vallée soit traversée par la petite 
rivière Rimac. 

A Lima, les vents sont rares, et malgré cela Humboldt y a trouvé lair assez 
pur et contenant 18 pour 100 d'oxygène. 

Cette capitale offre un climat doux et agréable toute l’année. La température 
moyenne en 1852, suivant M. Eboli, a été de 19,67 centigrades — maximum 
29 degrés, et minimum —- 11°,2. Pendant la même année, la hauteur baromé- 
trique a été en moyenne de 747%m,19 — maximum 752m4,17, et minimum 
T44mm,12, et il y a eu quinze tremblements de terre, dont un seul avec beau. 
temps, les quatorze autres en temps de brouillard. 

Avant de sortir de la Costa, observons que c’est grâce à la garua que ses 
coteaux se couvrent en hiver de végétation, et que c'est cette rosée qui, conjoin- 
tement avec des rivières portant peu d’eau, constitue les moyens d'irrigation 
des vallées. Les rivières sont peu nombreuses dans la région littorale. En 
effet, c’est seulement dans ces vallées, de véritables oasis, que le sol est fer- 
tile et que l’agriculture est productive, car en général la côte est sablonneuse 
et aride. 

Dans les vallées de la côte fructifient le bananier, le riz, le coton, l’ipéca- 
cuanha strié (Psychotria emetica), le citronnier, la canne à sucre, l'ananas, la 
yuca (Manihot aipi), le gayac, la papaya (Carica Papaya), etc., etc. Dans cette 
même région, à 1000 mètres de hauteur, la canne à sucre mûrit encore; à 
1500 mètres la cherimolia et à 2500 le raisin, mais pas au-dessus de ces alti- 
tudes respectives. 

Sierra. Elle commence par une ligne toute naturelle, la ligne pluvieuse. 
Cette région offre des climats très-variés tantôt doux, tempérés comme sur les 
plateaux, tantôt chauds comme dans les vallées intra-andines, puis des climats 
froids près des crêtes, et même excessivement froids près des neiges perpétuelles. 
Nous avons ici deux saisons comme pour la côte, puisque nous sommes entre 


496 PÉROU. 


les tropiques. Ce n’est plus le manque de pluies qui caractérise cette région, 
puisqu'il y pleut abondamment pendant les mois de septembre, octobre, 
novembre et décembre, été ou saison la plus chaude de l'année, qui correspond 
à la même saison de la côte; mais en mars, avril, mai, juin, juillet et août, il y 
fait sec, frais, un peu froid dans beaucoup d'endroits. C’est en janvier et février 
qu'il y a le plus d'orages, et en juillet et août le plus de vent. 

Ce qui met un cachet spécial aux climats de la Sierra, c’est la différence de la 
température de Vair suivant qu'elle est prise au soleil ou à l'ombre, différence 
qui va jusqu'à 30 et même 50 degrés centigrades, sinon plus, suivant les hau- 
teurs. Ce phénomène bien connu est attribué par les physiciens au pouvoir 
diathermal de lair dans les grandes altitudes, ou, ce qui veut dire la même 
chose, à la pénétration facile des rayons calorifiques du soleil, en même temps 
qu'à l’évaporation extraordinaire qui, à une si grande hauteur, rend latmo- 
sphère excessivement sèche. 

Ces climats de la Sierra sont par conséquent généralement très-secs malgré 
l'abondance des pluies en été, à cause de la déclivité du sol et de Pirra- 
diation terrestre. Celle-ci est cause d’un phénomène remarquable : c'est qu'en 
hiver il gèle quelquefois à quelques centimètres au-dessus du sol, le ther- 
momètre marquant à cette petite hauteur — 2 ou — 3 degrés centigrades, 
tandis qu'il ne gèle pas sur le sol lui-même, où le même instrument indique 
0 degré. 

Avant d'aller plus loin il convient de rappeler une fois de plus que, puisque 
la sierra comprend sur les deux cordillères des altitudes si considérables et 
si variables, il faudra s'attendre à rencontrer des climats très-divers, que l’on 
pourra connaître plus facilement par quelques légères considérations sur la 
manière dont se distribuent les plantes dans ces hautes régions. 

Sur le versant occidental de la cordillère occidentale, qui est la continuation 
de la côte, au-dessus de 2500 mètres il commence à faire frais et à se présenter 
des forêts d'arbres indigènes, mais point de conifères (qui manquent dans tout 
la Pérou-Bolivie), puis des grandes savanes ou pampas, couvertes d’une gra- 
minée Ychu (/sepa Ichu), servant de pâturages, et des terres semées d'orge 
ou de quinoa (Chenopodium quinoa). 

Au-dessus de 5700 mètres, à une température de + 11 degrés centigrades 
le jour et — 7 degrés la nuit, viennent les terres froides où cesse toute végé- 
tation arborescente et où les plantes, espèces de Baccaris, etc., se couvrent 
d’une matière résineuse, qu'elles laissent transsuder, pour se protéger contre 
l'évaporation propre à l'altitude. 

Plus haut sur les crêtes de la Cordillère, à 4000 mètres environ, à une tem- 
pérature de + 9 degrés centigrades le jour et — 6 degrés centigrades la nuit, 
les plantes phanérogames disparaissent pour faire place aux eryptogames, c'est- 
à-dire à des plantes sèches couvertes de sels et d'oxyde de fer et entièrement 
dépourvues de chlorophylle, lesquelles viennent faire la transition du règne 
végétal au règne minéral dans ces hauteurs inhabitables, où l'on ne peut voir 
que désolation. 

Sur le plateau intra-andin ou bande longitudinale qui succède à la Cordil- 
lère occidentale, au sud dans une région très-froide se trouve la ville de : 

La Paz, à 51780 mètres d'altitude, par 17°,50/ latitude sud et 70,45’ longi- 
tude ouest de Paris, qui est Ja capitale de la Bolivie et qui fut élevée sur 
l'emplacement de Chuquiago, ancienne capitale Aymara. 


PÉROU. | 497 


Sur ce même plateau, mais plus bas à une hauteur de 5500 mètres environ, 
le climat est tempéré et agréable et’ les fruits de l'Europe centrale et méri- 
dionale viennent bien (blé, quinoa, pommes de terre, maïs, aloès, etc.). C'est 
environ à ces altitudes que sont situées les villes de Tarma, Cuzco et, plus 
au nord : 

Jauja. Sanatorium fort connu, 12°,40/ latitude sud et 78° 45’ longitude ouest 
de Paris, à 5401 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le baromètre y marque 
5097m 04 et le thermomètre centigrade 14°,1 maximum et 0°,1 minimum; on 
peut même dire que la température y oscille généralement entre + 10 et 
+ 15 degrés centigrades C'est un climat très-sec et où il y a, d'après M. Zapater, 
peu d'ozone. Faisons une comparaison de Jauja à d’autres stations médicales 
sous le rapport de l'altitude et de la température moyenne : 


Altitude. Été. Hiver. 
Jauja en e Ce ec JA0U)melrese + 14°1 — 01 
Davos am Platzi 6 0106 60 0 1590) + 11°14 — 05 
Amélie-les-Bains . . . , . . 276 + 23°2 + 15°2 
Rondes m6 6510 D OEA 0 + 21°14 + 16°3 
CARTES o e ER R TS 0 + 242 + 90 


On voit dans ce petit tableau l'avantage de la station intra-andine, qui ressort 
au premier coup d'œil. 

Près de Jauja, il y a d’autres excellents sanatoria, tels que Concepcion Mito, 
Huancayo, etc., tous très-favorables aux poitrinaires. 

En sortant de la vallée de Jauja et continuant l'ascension vers l’ouest on 
arrive à Ja crête de la Cordillère orientale. Tout en haut aucune végétation ou 
des pics couverts de neige; mais un peu plus bas on arrive rapidement à un 
climat analogue à celui des Alpes, à végétation d'Ericacées, etc. En descendant 
plus bas sur ce même versant oriental on torbe dans une région chaude et fer- 
tile, c’est la 

Montaña. À partir de 5100 mètres et en descendant jusqu'à la hauteur de 
1000 mètres. Ici sur toute la longueur de la Cordillère péru-bolivienne, à une 
température de + 18,5 centigrades le jour et + 6°,5 centigrades la nuit, se 
présente la très-importante région des Cinchonas, dont le nom indique suffisam- 
ment l’espèce de végétation arborescente qui lui est propre. 

Au-dessous de 1000 mètres on arrive à des forêts non encore explorées, qui 
confinent avec les déserts ou forêts du Brésil. La chaleur y devient forte, entre 
940,8 centigrades maximum et 12°,5 centigrades minimum ; la saison des pluies 
y est plus longue qu'à la Sierra, depuis octobre jusqu'en avril, et la végétation 
y est aussi luxuriante et digne d'admiration qu'à l'équateur, si ce n’est davan- 
tage. Ces forêts merveilleuses sont infestées d'Indiens sauvages et d'animaux 
dangereux et offrent un climat humide chaud et malsain, malgré les fleuves 
gigantesques à courant rapide qui les traversent. 

PaystocoGie. Dans la côte, l'Indien est généralement faible et peu énergique, 
tandis que dans la Sierra il est agile, vigoureux, marche bien, jusqu’à 60 kilo- 
mètres, et même plus, dans la journée (sans prendre la coca). Cependant 
l'aymara n’est pas apte à s’acclimater su la côte et il faudrait pour cela recourir 
à l’échelonnement, en descendant d'altitude, comme M. Saint-Léger a fait pour 
les Lamas et Alpacas. 

: L’indien montagnard a l'inspiration plus ample, les mouvements respira- 
toires plus fréquents, 18 par minute, et la circulation plus active, 74 à 76 pul- 


Dict RNa se NNI: 19 


498 PÉROU. 


sations. L'augmentation dans ces importantes fonctions dépend de la raréfaction 
de l'air (voy. Altitude). D'après M. Zapater, la quantité d'air respiré en une 
heure à Lima est de 480 gr. et à Jauja de 540 gr.; la quantité d'oxygène 
respiré à Lima est de 144,600 et à Jauja de 103,680. D'où il faut con- 
clure qu'à 3401 mètres au-dessus de la mer on respire 57#",920 d'oxygène 
par heure de moins qu'à Lima (à 154 mètres d'altitude), soit 910,920 de 
moins dans les vingt-quatre heures, ou 332 406:,720 dans une année de 
365 jours 1/4. Donc évidemment l'habitant de la Cordillère respire plus d'air, 
et plus souvent; il reçoit et absorbe moins d'oxygène et rejette proportion- 
nellement moins d'acide carbonique. D'ailleurs les poumons de l’Indien de 
la côte sont plus petits que ceux de l’Indien de la montagne, et les pou- 
mons de celui-ci sont plus grands que ne le comporte sa taille, et les cellules 
pulmonaires sont très-grosses et souvent comme dilatées. Enfin tous les 
observateurs sont d'accord que la circulation sanguine dans la Cordillère est 
plus active. 

À part les changements physiologiques dus à la raréfaction de lair et à la 
diminution de la pression atmosphérique il y a aussi à considérer sur les Andes 
l’abaissement soudain de la température que produisent la diathermalité de 
atmosphère et l’irradiation terrestre, qui sont les causes des refroidissements 
subits. 

En résumé, la physiologie de l'altitude soulève ici des problèmes intéressants 
aussi bien d’un ordre chimique que d'un ordre physique. D'un ordre chimique, 
on trouve ceux déterminés par la diminution de l'oxygène de l'air produisant la 
moindre absorption de ce gaz, coïncidant avec l'accumulation d'acide carbo- 
nique dans le sang, d'où le mal des montagnes et à la longue l'anoxhémie des 
hauteurs (Jourdanet). D'un ordre re à ce sont ceux posés par la diminution 
de la température, par la diminution de la quantité de vapeur d’eau dans 
l'atmosphère, par la diminution de la pression atmosphérique et partant par 
la diminution de la tension de l'atmosphère. 

Voilà bien des problèmes complexes soulevés en physiologie par l’altitude, que 
lon a étudiés précédemment. 

Parnorocie. Si les considérations d'un ordre physiologique offrent tant 
d'intérêt à cause des modifications déterminées sur l'économie humaine par 
l'altitude, celles d'un ordre pathologique n'en présentent pas moins pour le 
même motif. 

Costa. On y rencontre des affections graves : les catarrhes, l'asthme, la 
coqueluche, la cholérine, la fièvre typhoïde et le typhus. Ces deux dernières, 
qui furent autrefois confondues sous le même nom de Tabardillo, s’y présentent 
souvent sous forme sporadique, rarement épidémique ; revêtent fréquemment, 
au commencement ou à la fin, la forme intermittente ou rémittente, et s’accom- 
pagnent non moins souvent d’adynamie, 

Le choléra asiatique n'a jamais visité ces parages, mais malheureusement la 
fièvre jaune y fut importée pour la première fois en 1852 et a depuis régné à 
plusieurs reprises sous forme épidémiqg”2 (épidémies de Lima, Tacna, etc.), et 
se trouve établie à l’état sporadique. Il faut remarquer parmi les races que la 
nègre en est exempte, que l’indigène y est très-prédisposée, même beaucoup 
plus que la blanche ; quant aux sexes et aux âges, que les femmes en sont rare- 
ment atteintes et les enfants pas du tout, et, quant aux formes de la fièvre jaune, 
que la congestive est de beaucoup la plus grave. 


PÉROU. 499 


On trouve dans la côte des fièvres intermittentes simples et pernicieuses de 
toutes les formes, et la dysenterie distinguée en haute et basse (bicho alto y 
bicho bajo) suivant la portion du gros intestin où se localise inflammation. La 
dysenterie se complique souvent d'hépatite, qui passe facilement à l'état de 
suppuration. 

Dans la Costa les épidémies de diphthérie se voient de temps à autre; la pleu- 
résie et la pneumonie sont souveut graves et à forme adynamique. Remarquons 
d'ailleurs qu'ici toutes les maladies prennent facilement la forme adynamique, 
l’'anémie étant très-répandue. 

Sur la côte, et spécialement à Lima, la phthisie est très-commune et fait un 
grand nombre de victimes, non-seulement parmi les habitants acclimatés, mais 
parmi ceux qui ne le sont pas, principalement chez les Indiens qui descendent 
de la Sierra, lesquels sont facilement attaqués de la forme à marche rapide. 
En 1863 nous avons vu mourir, en moins de dix-huit mois, la majeure partie 
de 2000 colons sauvages importés des îles Marquises, et cela malgré les soins 
et l'hospitalité qu'on leur prodiguait. Il est digne de remarque que l’Indien 
descendu de la Sierra et devenu phthisique à la côte ne reporte aucun bénéfice 
du climat de la Sierra, s'il y retourne, ou bien moins que celui qui n’y a jamais 
résidé. y 

Ne passons pas sous silence d’autres maladies que l'on rencontre égale- 
ment dans la Costa : la qusanera de las narices produite, suivant Odriozola, 
par les larves (OEstrus) d’une mouche (Cuterebra noxialis), les piques ou 
la chique, différents entozoaires, la syphilis, ‘qui est beaucoup moins grave 
que dans les climats froids; la Uta, considérée par quelques médecins comme 
une manifestation secondaire de la syphilis et par d’autres comme le bou- 
ton d'Alep (nous ignorons ce que l'on entend réellement par uta), enfin les 
verrugas (voy. ce mot) dont nous parlerons ailleurs, qui est une maladie 
grave, infectieuse et inoculable, comme la démontré le célèbre Péruvien 
Carrion, qui en a été victime en se vaccinant avec le produit d'un de ces 
boutons. 

Avant de finir avec les maladies propres à la côte disons que les opérations 
chirurgicales y réussissent assez bien généralement, mais que l’on a souvent 
affaire, comme complication, au tétanos. Cette grave maladie s'observe fré- 
quemment chez les enfants à l'époque de la chute du cordon ombilical; elle 
porte alors le nom de mal de sept jours (mal de siéle dias), et est toujours 
mortelle. 

Sierra. Dans cette région nous avons d'abord à citer le mal des montagnes 
(soroche), qui attaque ceux qui font une ascension dans la Cordillère sans y 
être acclimatés. Ce mal consiste, comme on sait, dans de la céphalalgie, du 
vertige, des épistaxis, le tout débutant souvent par une syncope. Le mal des 
montagnes peut durer plus d'une semaine. 

On trouve communément à ia Sierra toutes les maladies à frigore et toutes, 
même la pneumonie et le rhumatisme, affectent dès le début la forme typhique 
ou ataxo-adynamique (atabardillado). 

Si l’emphysème pur est fréquent à la Sierra, l'asthme nerveux par contre y 
est fort rare et se trouve bien de ce climat, Rene par la diminution de 
l'hématose pulmonaire. 

La phthisie, peu commune à la Sierra, y est heureusement influencée par 
l'altitude. On voit les malades de cet ordre qui s’y rendent non-seulement 


500 PÉROU. 


s'améliorer dans leurs forces, mais aussi quant aux hémoptysies (pourvu qu'ils 
mettent beaucoup de jours à faire l'ascension, au moins douze ou quinze). 
L'ascension pour ne pas être dangereuse doit s'effectuer à pas mesurés et à 
courtes journées. Nous n'avons pas à discuter comment agit l'altitude dans le 
traitement de la phthisie, problème compliqué, mais seulement à établir pour 
le Pérou et la Bolivie un fait qui ne peut plus être mis en doute. Jusqu'à plus 
ample informé il faut dire que l’action bienfaisante de l'altitude est complexe : 
se faisant sentir aussi bien sur l’état général que sur l'état local, sur toute la 
constitution, en favorisant la nutrition par la température fraiche et l'air répa- 
rateur (bracing air) ; sur les poumons en les forçant, par la raréfaction de l'air, 
à faire des inspirations plus amples, avec complet déplissement de toutes les 
vésicules pulmonaires et en diminuant, par la diète d'oxygène, le travail de 
l’hématose. 

Nous devons signaler comme fréquentes à la Sierra les maladies du cerveau 
et de la moelle épinière, par hémorrhagie. N'y sont pas moins fréquentes aussi 
les fièvres éruptives, qui empruntent une certaine gravité à la facilité que l'on 
y éprouve à se refroidir. 

La fièvre jaune ne s’est jamais montrée dans la Sierra, quoi qu’on en ait dit, 
mais un typhus pétéchial, tout à fait semblable, en symptômes et en lésions, au 
typhus fever ou maculosus d'Irlande (Macedo et Villar), y est assez fréquent à 
l'état sporadique et même, dans quelques régions, il s’est montré sous forme 
épidémique très-meurtrière (épidémies de Huaraz, Ancachs, Cuzco, etc.). 

La dysenterie n'est pas commune dans la Sierra et l’on y envoie les malades 
atteints de la forme chronique, où ils guérissent facilement par l'action favo- 
rable du climat et de l’eau potable. 

Le goitre n’est pas rare à la Sierra et en Bolivie on le trouve fréquemment 
chez les Cholos et Aymaras à Larecaja, Munecas, Quiabaya et Santa. 

La syphilis est connue au Pérou et en Bolivie de tous les temps et les Indiens 
l'appellent huanti-bubo et chaca usu (maladie des os). L'alpaca est susceptible 
d’être inoculé par cette maladie et les anciennes lois péruviennes ne permet- 
taient pas aux conducteurs de llamas de se mettre en voyage sans être accom- 
pagnés de leurs femmes. 

CRANIOLOGIE. La craniologie péru-bolivienne est très-difficile à étudier faute 
de crânes normaux. Íl y a bien au Muséum la plus belle et la plus nombreuse 
collection et à la Société d'anthropologie une seconde non moins intéressante, 
quoique moins riche, mais les deux se composent, quasi-exclusivement, de 
crânes artificiellement déformés, et 1l nous a été malaisé de trouver des crânes 
parfaitement normaux. Nous avons dù nous attacher à faire un choix où la 
moindre déformation servit de base à une séparation indispensable et nous 
avons cherché ensuite à utiliser les mensurations de nombreux crânes déformés, 
pour nous éclairer, si possible, sur la connaissance des crânes normaux et nous 
confirmer dans les données fournies par ceux-ci. Nous avons commencé cette 
étude craniologique au laboratoire de l’école d'anthropologie et nous l'avons 
terminée au Muséum. Ce travail a été vu par M. le professeur de Quatrefages 
et par M. le docteur Verneau. 

Cränes normaux. Nous en avons rencontré 21 seulement, 17 au Muséum 
et 4 à la Société d'anthropologie; 9 sont du sexe masculin et 12 du féminin. 
Nous les avons classés d’après l'indice céphalique. et voici le résultat de cet 


arrangement : 


PÉROU. 504 


CRANES NORMAUX, 











2 Sj . . NES 
S PROVENANCES. Solaa Se lae lae lza E 
E zan ZE a a a a 
==) us ES _ _ = — a 
© © © 
O 

SAAN 1A Quechua: SLA Ancon.. 4. Me | A aA 66,01| 91,17| 44,68| 1307 


M. 1211 |M. Samson Machay col. CE M. 85,90| 86,51 » 94,59 » 1395 
— 5296 |Aymara, M. col. Ber, ascate (mo- 


dennej has 1" M 182,55100,00/11,71/"98,66/M48,00) 1470 
5250 |M. Huacullami, col. Ber . . . . . F. 81,04|100,00 » 94,28| 52,27 » 
SA O1 Quechua, S: A Ancon. -e 2: F. 80,50| 97,65| 66,02| 88,57| 48,56| 1070 
M. 5299 |Aymara, M. col. Ber, La Paz (mo- 
derne) de AE te M. 80,00! 91,82| 75,48] 92,50| 46,66] 1420 
= 4654 |M. Hacienda Infantas, col, Marti- 
netan aa a ae a F. 80,00! 88,63| 70,49| 91,42| 57,77| 1225 


2L 5851 |Quechua, M. Ancon, col. de Cessac.| M. +0,00! 88,57] 68,18] 86,84! 48,00] 1365 
— 5500 |Aymara, M. col. Ber, La Paz (mo- 


dennej d ara Aier  NA F'. 79,76| 92,53] 72,00| 95,05| 44,00! 1240 
— 47/1882 |M. Polbo Soi, col. Wiener. . . . . M. AT EO TANT) SET AND » 
SA 19 Quechua: S A Ancon. e 0 + T, F. 79,51) 94,69] 68,54] 97,17| 38,14| 1165 
M. 4630 |M. Hacienda Infantas, col. Marti- 

De M. M. | 79,59] 94,65| 72,44] 84,61| 54,16| 1500 
— 5298 |Aymara, M. col. Ber, Osmasuyo (n0- 

derne) ner re p 19,26| 96,92 » |100,00| 46,95] 1200 
M. 819 |Aymara, M. col Serres, squelette 

INONENTE SU 000 107852100001 165:29/105;35| 47082) 1245 
DA MAS AQuechua,s: A Ancom L- oi: 9 p. 77,90) 95,42! 70,76! 97,29| 43,93! 1360 
M. 1214 |M. Samson Machay, col. CNE F. 71,24| 99,22| 35,601105,71| 45,19| 1350 
— 4627 |M. Hacienda Infantus, col. Marti- 

netem ah. an CES RM 76,50|"95,18| 73,35) 87,17! 43,26! 1215 
— MOLIM: Santo Wienerne e e a: F. 16,041103,14| 70,96] 24,87] 49,49] 1140 
— 1215 |M. Samson Machay, col. Castelneau.| F. 14,96| 92,91! 71,51| 89,47| 51,08| 1295 
— 2297 4\Amayra, M Aco Per ce e e salt M 75,56| 946,09! 77,16| 92,50! 43,59! 1160 
— 4645 IM. Hacienda Infantas, col. Marti- 

MEU aE eee ie nier ete M. 71,511108,13| 69,40| 89,47| 45,91| 1245 



































Grand mélange depuis la brachyocéphalie franche (indice céphalique 87,10) 
Jusqu'à la dolichocéphalie la plus accusée (indice céphalique 71,51). Remar- 
quons que la moyenne dans les iableaux de Broca est pour la brachycéphalie 
la plus exagérée 85,95 et pour la dolichocéphalie 71,49, chilfres qui correspon- 
dent à la moyenne des séries de crânes syriens légèrement raccourcis et d'Es- 
quimaux, tandis que nous trouvons pour les Péruviens des indices extrêmes : 
ainsi pour la dolichocéphalie nous descendons presque aussi bas que Broca pour 
les Esquimaux, et pour la brachycéphalie nos chiffres tombent au-dessous de 
ceux attribués aux Syriens par le même auteur. 

Pris en masse, les Péruviens non déformés présentent un grand mélange et, 
si nous les considérons au point de vue de l'indice céphalique, la majorité rentre 
dans le groupe mésaticéphale de Broca. Sur les 21 crânes non déformés que 
nous avons étudiés il y a 10 mésaticéphales ; 5 sous-dolichocéphales ; 5 dolichocé- 
phales vrais, et les 5 autres se divisent en 2 brachycéphales et 3 sous-brachycé- 
phales. De ces données il est permis déjà de conclure qu’il y a eu au Pérou et 
en Bolivie des individus, les uns à crâne allongé et les autres à crâne court. I} 
est présumable que le type intermédiaire (mésaticéphale), qui est arrivé à pré- 
dominer, résulte du mélange des brachycéphales et dolichocéphales. 

Le type allonge (dolichocéphale et sous-dolichocéphale) présente par le crâne 
assez d’homogénéité. La dolichocéphalie est postérieure et surtout occipitale. 


o(2 PÉROU. 


La courbe frontale assez régulière s'élève assez verticalement jusqu’au niveau 
des bosses frontales, bien accusées, sauf sur deux crânes, qui présentent les bosses 
frontales tout à fait effacées et le front par conséquent fuyant (M. 4645 doli- 
chocéphale Infantas et M. 4627 sous-dolichocéphale Infantas). 

La courbe pariétale se développe régulièrement dans sa moitié antérieure en 
présentant cependant une légère dépression en arrière de la suture coronale, 
excepté sur les deux crânes qui offrent le front fuyant. A partir du milieu de 
la suture sagittale, tous ces crânes, sans être deformés, présentent un meplat, 
un plan incliné qui se continue jusque vers l'inion. Cette partie postérieure de 
la voûte crânienne, tout en étant aplatie, se projette fortement en arrière. 

La base est tantôt aplatie, tantôt renflée. 

Vus d’en haut les crânes du type allongé se rétrécissent considérablement en 
arrière. Les bosses pariétales sont à peine indiquées, sauf sur un jeune sujet de 
la caverne de Samson Machay (M. 1214). 

Tous ces crânes présentent un développement “vertical considérable, l'indice 
vertical ne descend pas au-dessous de 92,91. Sur plusieurs il est voisin de 100 
et deux de ces crânes sont même hypsisténocéphales (indices 103,14 et 108,13). 

Par la face les têtes allongées présentent deux types différents : chez les unes 
la face est allongée comme le crâne et chez les autres elle est basse et large 
(têtes dysharmoniques). 

Les orbites sont toujours assez élevées et la hauteur peut même dépasser la 
largeur, ainsi que le démontre un des crânes de la caverne de Samson Machay, 
qui nous donne un indice orbitaire de 105,71. 

Enfin par le nez tous ces individus rentrent dans les groupes mésorrhiniens 
et leptorrhiniens, indice variant entre 45,26 et 51,08. On sait que Broca a fixé 
ainsi les limites de ses trois groupes platyrrhiniens de 58 et au-dessus jus- 
qu'à 55 ; les mésorrhiniens, à squelette du nez moyen, de 52 à 48, et les lep- 
torrhiniens, à squelette du nez large, de 47 à 42 et au-dessous. 

La capacité crânienne, extrêmement variable, est toujours faible, 1271 en 
moyenne, 

En somme, si par le crâne les individus de ce type présentent des analogies 
très-frappantes, telles que grand développement dans le sens longitudinal et 
dans le sens vertical, en même temps qu’une étroitesse très-remarquable, par 
la face, au contraire, ils offrent des caractères mixtes, qui peuvent faire sup- 
poser que des éléments divers ont concouru à la formation de ce groupe. 

Le type court (brachycéphale et sous-brachycéphale) n'est représenté que par 
cinq pièces non déformées. Ces crânes brachycéphales et sous-brachycéphales 
sont S. A. 14 et 31, M. 1211, 5296 et 5280. 

La courbe antéro-postérieure est plus régulière que dans le type précédent. 
L'un d'eux présente cependant une très-égère dépression en arrière de la 
suture coronale. La partie postérieure du crâne tantôt tombe à pic, tantôt pré- 
sente une convexité qui continue la courbe générale antéro-postérieure. 

Les bosses frontales sont assez marquées; quant aux bosses pariétales, cles 
sont tantôt effacées, comme dans le type allongé, tantôt, au contraire, excessi- 
vement saillantes (aymara moderne de Coscopa M. 5296). 

Dans ces brachycéphales le développement vertical est généralement considé- 
rable; deux fois l'indice vertical atteint 100, mais en revanche il tombe à 86,51 
sur un crâne de la caverne de Samson Machay (M. 1211). 

On voit que par tous les caractères crâniens les brachycéphales appartiennent 


PÉROU. 505 


à deux types, dont l'un ne laisse pas de rappeler légèrement les crànes polyné- 
siens, bien que le développement des crânes ne soit pas aussi considérable. 

Dans la face nous trouvons également des caractères mixtes : chez l’un elle 
est assez élevée, l'indice atteignant 71,71 (aymara M. 5296), tandis que chez 
deux autres, provenant d’Ancon, l'indice facial n'est que de 66 environ (S. A. 
14 et 51). 

L'orbite reste"élevée, le minimum d'indice orbitaire, que nous ayons trouvé, 
est sur l’un de ces crânes d’Ancon 88,57, tandis que sur l'autre brachycé- 
phale d’Ancon le même indice atteint 91,17 et il dépasse notablement ce chiffre 
sur les trois crânes brachycéphales provenant de Samson Machay, Hucullani et 
Coscopa. 

Le nez, de même que pour les crânes allongés, ceux appartenant au type 
que nous décrivons, rentre par l'indice nasal dans les lepthorriniens et mésor- 
rhiniens. L'un deux cependant est presque platyrrhinien, son indice s'élevant 
à 52,27 (M. 5280), quoique le squelette nasal soit saillant. 

Dans le type intermédiaire (mésaticéphale) la majorité des crânes, 9 sur 10, 
se rapproche considérablement de la sous-brachycéphalie, l’indice variant sur 
ces 9 entre 78,52 et 80,00 (M. 819, 5298, 4630, S. A. 15. M. 47/1882, M. 5500, 
5851, 4654, 5299). Le seul qui se rapproche de la sous-dohichocéphalie est un 
sujet d'Ancon qui présente comme indice 77,90 (S. A. 18). 

Dans cette série nous trouvons le même mélange que dans les précédentes. 

La courbe antéro-postérieure présente parfois un développement très- 
régulier, tandis que sur d’autres crânes nous constatons le méplat posté- 
rieur, que nous avons déjà signalé, auquel fait suite le renflement de l’écaille 
occipitale. 

Les bosses frontales et pariétales sont ou nulles ou très-accusées. 

Le développement vertical du crâne, presque toujours très-notable, donne des 
indices verticaux qui varient de 91,42 à 100,00 ; sur deux crânes seulement cet 
indice reste au-dessous de 89 (88,57 et 88,53). 

Par les caractères de la face tous ces crânes intermédiaires présentent de 
grandes divergences, aussi bien si nous tenous compte de l'indice facial que des 
indices orbitaire et nasal. Nous remarquerons seulement que l'orbite est tou- 
jours relativement élevée et que sur l’un des sujets la hauteur est égale à la 
largeur. Au point de vue de l'indice nasal ils se répartissent dans les trois 
groupes établis par Broca, le minimum étant 38,14 et le maximum 57,77. 

En resume, les crânes non déformés du Pérou et de la Bolivie reflètent des 
mélanges considérables. Il est permis cependant de distinguer plusieurs types 
fondamentaux qu'on peut évaluer au minimum à trois. 

Le premier de ces types renferme les crânes étroits, relativement très-déve- 
loppés dans le sens antéro-postérieur, surtout dans la région occipitale. Le 
développement vertical du crâne dans ce type est toujours très-notable et arrive 
même à dépasser le diamètre transverse maximum. Quant à la face, elle est dans 
le premier type plutôt élevée que basse et, sur un seul des crânes de cette série. 
élle présente un développement notable en largeur. Les orbites sont élevées et 
le nez présente toujours une charpente osseuse saillante, de même d’ailleurs 
que dans les autres séries. 

Le second de ces types renferme des cränes globuleux, pouvant être franche- 
ment brachycéphales, qui se distinguent par la saillie des bosses pariétales, ce 
qui leur donne une forme pentagonale. La région occipitale, sans présenter la 


504 PEROU. 


saillie du premier type, offre cependant un développement normal. Les crânes 
de cette seconde série présentent un caractère commun avec ceux de la première : 
ils sont très-développés dans le sens vertical. La face dans ce second type nous 
présente à peu près les mêmes caractères que dans le premier. Ce qui différercie 
surtout ces deux séries, c'est que la première offre un grand développement 
occipital, tandis que la seconde se distingue par la forme pentagonale due au 
développement des bosses pariétales. 

Arrivons au troisième type. Il renferme des crânes globuleux comme le pré- 
cédent, mais les bosses pariétales sont moins accusées, la partie postérieure du 
crâne tombe à pic, quoiqu'il ne présente pas de trace de déformation, ou bien 
n'offre qu'un renflement tout à fait insignifiant. Il résulte de là que, vus d'en 
haut, les crânes ne présentent plus cette forme pentagonale que nous venons de 
signaler, L'indice vertical dans ce troisième type est toujours élevé, mais semble 
pourtant un peu moindre que dans les séries précédentes. Quant à la face, elle 
est relativement moins élevée, et nous voyons plusieurs fois l'indice descendre 
à 66,00. Malgré cela l'indice orbitaire est encore élevé, bien qu'il semble légère- 
ment inférieur à celui des deux types qui précèdent. 

Un des crânes que nous avons étudiés ne rentre dans aucun des trois types 
précédents; il provient de la caverne de Samson Machay (M. 1211). C'est un 
crâne brachycéphale très-large, sans saillie notable des bosses pariétales, se dis- 
tinguant des crânes du troisième type par un renflement accentué de l'écaille 
occipitale. Il se différencie de tous ceux que nous venons d'étudier par le sur- 
baissement de sa voûte, ce qui réduit considérablement son diamètre vertical; 
l'indice vertical tombe à 86,51. La face brisée dans toute sa région maxillaire 
offre un diamètre bizygomatique considérable. Cette pièce étant seule à à présenter 
ces caractères, nous ne nous sommes pas cru autorisé à en faire un quatrième 
type. 

Le prognathisme ne nous a pas fourni de caractère digne d’être signalé. 
Nous avons trouvé parfois un léger prognathisme alvéolo-sous-nasal, mais nous 
n'avons pas remarqué qu'il se renconträt plus fréquemment dans une série que 
dans l’autre. 

Les crânes normaux qui ont servi à nos études proviennent de sources diverses, 
comme on peut le voir par le tableau donné précédemment. Ceux qui sont 
éliquetés Aymaras proviennent des hauts plateaux andiens, dans le sud du 
Pérou et nord de la Bolivie, dans le voisinage du lac Titicaca; ils sont au nombre 
de sept (deux anciens et cinq modernes). Trois autres proviennent de la Caverne 
de Samson Machay, située dans le Pérou, sur les plateaux élevés des Andes. Dix 
autres ont été recueillis sur la côte à Santa et dans l'hacienda de Infantas. Le 
vingt-unième crâne est étiqueté Polbo Soi. 

Vs aymaras rentrent, au point du vue de la forme générale du crâne, dans les 
trois types décrits ci-dessus, mais plus spécialement dans le second, à bosses 
saillantes et à grand diamètre vertical. Un seul est dolichocéphale (M. 5297), les. 
autres sont plus ou moins globuleux et les bosses frontales sont toujours bien 
dessinées. Tous se distinguent par une face relativement haute en même temps 
que peu massive. Ce type paraît d'ailleurs correspondre à l’aymara considéré 
comme pur et tel que l’on est habitué à voir sur les hauts plateaux. Le crâne 
Polbo Soi présente de grandes analogies avec les crânes aymaras et n'en diffère 
guère que par le front fuyant et la face qui est beaucoup plus massive. Sur trois 
crânes de la Caverne de Samson Machay deux rentrent complétement dans le 





PÉROU. 505 


type allongé. La face est fine comme dans le type aymara. Le troisième (M. 1211) 
offre les caractères spéciaux que nous avons donnés plus haut. 

Les crânes de la côte présentent également de grands mélanges : trois, dont 
deux de la hacienda de Infantas et un de Santa, rentrent dans le type allongé. 
Sauf ce dernier, qui provient d’une femme, ils offrent une face plus massive 
que dans les types précédents. Deux autres crânes de la hacienda de Infantas 
sont au contraire globuleux, à bosses pariétales bien détachées, et rappellent 
aussi par la face le type aymara. Les crânes d’Ancon, au nombre de cinq, ren- 
trent dans le troisième type décrit plus haut. Ils sont globuleux, présentent une 
brièveté notable de la région postérieure, un front fuyant, et la face offre un 
développement beaucoup plus considérable dans le sens transversal en même 
temps que l'aspect général en est plus massif. Nous devons faire remarquer que 
les crânes de la côte, qui ne présentent pas une face massive et sur lesquels les 
bosses pariétales sont bien détachées, appartiennent au sexe féminin : il se pour- 
rait donc qu'il n’y eût là que des caractères sexuels. 

Deux types semblent en somme se détacher nettement: un, le type d'Ancon, 
se distingue, en dehors des caractères déjà énumérés, par son ossature robuste, 
sa face massive et large; le type aymara est au contraire beaucoup plus fin et il 
semble devoir être subdivisé en deux groupes, dont l'un présenterait une 
saillie notable des bosses pariétales, tandis que l’autre serait caractérisé par 
l'absence de ces mêmes bosses. 

Avant de terminer l'étude des crânes péruviens normaux faisons observer 
combien le type aymara se rapproche du type fossile de Lagoa Santa (Brésil), 
découvert par Lund et décrit par MM. Lacerda et Peixoto (de Quatrefages et 
d’Ornellas); faisons remarquer aussi combien le type d'Ancon ou Quechua se 
rapproche à la fois du type polynésien (de Quatrefages et Verneau) et du type 
aztèque ou mexicain (Hamy et d'Ornellas). 

Crânes déformées. Par un examen même superficiel on voit que tous ces 
crânes peuvent se séparer d'une manière générale en deux types, suivant que 
la déformation a porté sur l’un ou l'autre des deux principaux diamètres. Dans 
le cas où le diamètre vertical a été allongé, le crâne est debout et très-haut, ce 
que nous appellerons la déformation relevée, tandis que dans celui où le grand 
diamètre horizontal est devenu plus long le crâne est étendu d'avant en arrière 
et très-bas et la déformation est dite couchée. La distinction de ces deux 
déformations est très-facile, si l'on place le crâne dans sa position naturelle, sut 
le squelette debout, et si l’on considère la ligne verticale qui part du bregma. 
Dans la déformation relevée la verticale tombe en avant du trou occipital ou 
dans celui-ci, tandis que dans la déformation couchée la même ligne tombe der- 
rière le bord postérieur du même trou. 

La déformation relevée présente trois variétés : 1° la déformation occipitale 
ou en mitre, qui se rencontre sur les côtes du Pérou, dans les anciens cimetières 
ou guacas, tels que Sol-Luna, Grand-Chimu, Pachacamac, Ancon, Santa, ete., 
a été reproduite sur les anciens monuments péruviens, C'est une déformation 
toltécane que l’on retrouve dans l'Amérique centrale et dans l Yucatan, dans 
l'Ohio, à Taïti, aux îles de Nicobar et dans la Germanie. Dans cette variété 
relevée où l’on rencontre fréquemment l'os épactal, le crâne est plat en arrière, 
arrondi en avant et en haut, et son aplatissement dépend de celui de l'os occi- 
pital, au-dessous de la ligne demmi-circulaire. On produisait cette déformation 
en couchant l'enfant sur un berceau plat où l'on fixait la tête. 


506 PÉROU. 


20 La déformation occipito-frontale ou cunéiforme est assez commune dans les 
anciens cimetières de la côte du Pérou, spécialement à Ancon, Camana, Canete, 
Manta, Chiquitos. On la pratique encore au Pérou chez les Conivos (Raimondi) 
et chez les Indiens des Pampas del Sacramento, à ce qu'il paraît aussi au Brésil 
chez les Omangues et chez les Taïtiens (Gosse) et Polynésiens (Gosse). Cette 
déformation a été reproduite dans d'anciens manuscrits et dans les bas-reliefs 
des ruines de Palenque. On l'obtient à l’aide de compresses ou de planchettes 
appliquées sur le front et l’occiput. 

A la variété cunéiforme on peut rattacher la déformation relevée bipariétale 
ou bilobée, dans laquelle il y a un changement de forme des os pariétaux pré- 
dominant sur l’aplatissement du frontal et de l’occipital. 

5° La déformation irrégulière est une variété de la relevée qui ne présente 
pas des caractères bien définis et qu’on peut considérer comme mal réussie. 
Les crânes de cette sorte sont assez communs dans les ossuaires du Pérou. 

Déformation couchée. Au Pérou on n’en trouve qu'une seule variété qui est 
la déformation fronto-sincipito-pariétale allongée de Morton ou cylindrique. 
Elle est propre aux pays des Aymaras, haut plateau péru-bolivien, mais se ren- 
contre exceptionnellement dans les cimetières de la côte. Elle consiste dans 
la dépression très-forte de la partie antérieure du crâne, qui est horizontalement 
allongé en arrière. Ainsi l'os frontal, étroit et allongé en arrière, offre une 
arête verticale à son milieu; la suture transverse est un peu élevée, et derrière 
celle-ci il y a une gouttière, suivie d’un petit relèvement des pariélaux avec 
abaisement consécutif jusqu’à l'occiput. Les orbites présentent un diamètre 
vertical plus considérable que le transverse. Cette déformation était déterminée 
en comprimant la tête d'avant en arrière avec une compresse et quelquefois 
deux (en cas d’arête), une de chaque côté de la suture frontale, puis en assujet- 
tissant les compresses à l’aide d’une bande croisée, à partir de la base de la tête, 
laquelle bande faisait parfois un second tour par-dessus le sommet et quelque- 
fois plusieurs (Gosse). 

Les déformations artificielles modifient très-profondément et très-irrégulière- 
ment les diamètres de la voûte crânienne; elles laissent ceux de la face pres- 
que indemnes d’altération. 


CRANES DÉFORMÉS. 








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SA. T52 Ouechua S A ANC ea E F. 77,69| 98,61| 47,05| 79,32| 91,54] 1520 
M. 5070 |Pampas Ucayali, M. col. Wiener. .| F. 76,52| 84,21] 56,81] 80,00! 91,91 » 
— Balny,22|Quechua, M. Pachacamac, col.Balny| M. 76,22| 84,21| 46,95] 85,56| 92,85| 1525 
SSA. 10101841 S. A Miratiores menne 2 AM 75,781100,00| 40,74| 95,42] 92,95| 1182 
M. 5062 | — M. Sol Luna, col. Wiener. . .| EF. 75,20| 94,59| 44,95| 87,74| 89,70| 1200 
— _ 058| — M — cols is QUE: 75,00| 97,45| 40,38] 74,28/101,53| 1455 
— 5060 | — M. — Co ere) E: 73,91! 97,22! 45,93] 71,75) 97,63) 1295 
— : 5881 | — M. Ancon, col. de Cessac. . .| M. | 73,84] 94,73] 49,01| 86,20] 93,57] 1345 
SeA. 47: |i— SA. Ancon o ferae. salet o 210 M... 73:80] 91/89) 42/00] 9382184, 0% 
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PEROU. 507 
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M. DOM) AVoaraMe col Ben ra- 0 M 15,55) 94,37| 46,00] 75,00|103,78 » 
SAMI IQUeCHUA SAA: ANCON. n S F. 12,83] 95,831 42,37! 95,25| 82,58] 1450 
M. 5284 Aymara; M- col Ber < soret M. 12,53|400,00| 48,07! 80,54| 95,54 » 
— 5059 |Quechua, M. Sol Luna, col. Wiener. F. 12,47| 96,87! 50,00| 72,61] 95,44| 1475 
ANNE ARSA Antoni 20 STD SUD, F. | 72,05) 98,61! 39,251108,66| 76,07| 1300 
M 3856 | — M. Ancon, col. de Gessac . . F. 741,79| 87,50| 46,15| 84,27| 89,55| 4495 
— 5167 | — M. Chimu Capac., col. Wiener.| M. 71,63| 88,37] 39,28] 92,97| 87,A| 1375 
— 5269 |Aymara, M Ancien Tiahuanaco, col. 
Rec unis ch Siite + M. | 71,55) 97,29) 58,69) 75,82|105,79| 4640: 
M. Balny,6 |Quechua, M. Pachacamac, col. Balny| M. 71,42| 89,74] 46,29] 79,66| 91,48| 1325 
205032 | — M: Sol Luna, col. Wiener. - :|| M. 71,42] 90,00! 44,89] 94,47| 92,20| 1480 
—squelette |Quechua, M. Ancon, col. de Cessac.| M. 71,39| 92,50! 48,00! 87,05| 87,83| 1445 
—. 5168 | — M Chimu Capac., col. Wienen.) M. 11,11] 94,73] 51,02! 75,42]101,51| 4405 
— 3858 | — M. Ancon. col. de Cessac . . E. | 71,10| 91,89) 52,171 75,88| 99,22| 1465 
— 5026, | — M. Sol Luna, col. Wiener. . M. | 70,45| 85,72| 44,44|: 97,45] 79,08] 1963 
en SON col 0 | M | 70,071/81/59) 50,00) 98, 754. 86,0%| 1400 
SE SAP AC ON ce . .| F. | 69,87/106,94| 47,87| 84,08| 94,20] 1315 
M. Balny, 411| — M. Pachacamac, col. Balny . .| F. | 69,84| 86,84] 47,91| 87,34] 85,50| 1185 
— DOTE M Sol luna col Wieners = a be 69,10! 94,44! 52,00! 85,62| 93,43| 1223 
— Balny, 12| — M. Pachacamac, col. Balny . | E. 68,99| 92,10| 47,91| 94,73| 84,72] 4175 
g — 5858 | — M. Ancon, col. de Cessac. F. | 68,95| 94,59) 46,931100,00!  » 1330 
f — squelette| Aymara, Squelette Chulpa, ut 
Chulpa. Col Rivieres KIET T à M. 68,70| 92,50] 48,00! 82,18] 89,51| 1370 
— 5061 |Quechua, M. Sol Luna, col, Wienen. M. 68,65| 89,74| 44,83| 85,54| 87,52| 1250 
À — Balny, 149| — M. Pachacamac, col. Balny . M. 68,54] 85,71| 56,81! 76,47| 99,25] 1160 
— 5514 |Aymara, M. Paucartambo, col. Ber .| M. 68,42| 89,47 5283 75,42] 100,00| 1263 
EESAC MAG | Quechua, SPA Ancon UE SAMIR 67,71| 88,88| 46,85| 85,22] 95,52| 1230 
M. 5166 | — M. Chimu Capac., col. Wiener. | M. 67,66| 87,50| 50,00| 80,231100,00! 1380 
— 5050 =M Sol Luna: col- Wiener s - - | M. 67,59] 92,30] 50,00! 96,27| 87,74] 1380 
SAR BO EASA. Anconi duen rT T e| M. | 67,37| 86,48| 52,17| 81,65| 96,57| 1335 
M. Balny, 15| — M. Pachacamac, col. Balny . .| M. | 66,91| 82,05] 51,02| 92,77| 83,54| 1340 
A 012 SA ANCONS es à à F. | 66,90! 82,04) 48,97] 94,37| 86,09| 1303 
— ONS TA Anconi ein aro t j M. | 66,66| 95,00| 48,97| 94,18| 76,54| 1470 
M. 5028 | — M. Sol Luna, col. Wiener. . F. | 66,60! 92,30] 48,97| 81,97| 98,58] 1330 
— Balny,16| — M. Pachacamac, col. Balny . .| M. | 66,20] 88,09] 43,15] 88,50! 87,01| 1445 
rie iv: — re M. | 66,17! 92,50] 44,41! 80,00! 92,85! 1360 
S.A- PA Ancon a a nn à F. 65,87| 91,78| 48,95| 80,74|103,07| 1172 
M. Balny, 23| — M. Pachacamac, col. Balny . .| F. | 65,87] 92,05] 50,98] 82,90! 88,54! 1005 
— 5163 | — M.Chimu Capac., col. Wiener.| VF. | 65,87| 91,75] 53,19! 86,90] 85,30| 1465 
— Balny,2 | — M. Pachacamac, col. Balay . .| F. | 65,67! 82,92] 50,00! 77,27] 89,70| 1335 
— 5071 |Pampas Ucayali, M. col. Wiener. .| M. | 65,67| 80,75] 47,05] 79,32] 90,14) 1380 
— 527$ |Aymara, M. col. Ber. . . . . F. | 65,62] 94,44] 54,31| 82,14] 94,20! 4105 
— Balny, 30 |Quechua, M. Pachacamac, col. Balny M. | 65,62! 80,48| 54,34| 81,92] 91,17| 1940 
SA SR neon a a F. | 65,61] 90,27| 49,45) 91,39] 92,02) 1130 
= 24 | — S.A. Ancon. . . . . . . . .| F. | 65,11/100,00) 45,54) 87,03} 95,05) 1350 
M. 5189 |Aymara, M. col. Wiener. . . . . M. | 65,06! 92,50] 44,41] 85,42] 97,26| 1450 
Squelette 
— Balny. — M. Pachacamac, col. Balny. . .| F. 64,06| 91,66| 54,54| 76,43| 97,74] 1445 
— 5025 |Quechua, M. Sol Luna, col, Wiener.| M. 63,04| 80,48] 50,00| 92,21| 80,51| 1385 
S.4.. 43 SA ATOUT De uen A e M. 62,711102,94| 43,79] 85,96] 95,87) 1470 
— 2 RS SA SES QUE SOON 7 = M. 62,29! 93,15] 52,17| 81,50] 95,74| 1350 
— AO ESSA enr. te F. 60,00|106,56| 47,05! 90,56| 87,50| 1210 
— CDS A E a a M. | 56,11| 93,15| 42,85| 79,661 89,36| 1330 








Dans le tableau ci-joint nous avons classé tous les crânes 
l'indice facial (le moins altéré par la déformation), et par un simple coup d'œil 
on voit que les types que nous avons distingués à propos des crânes normaux 
s’entre-croisent. Cependant, si nous établissons une division dans les indices 
faciaux, si nous considérons d’une’part les indices supérieurs à 70,00 et d'autre 
part les indices au-dessous de ce chiffre, nous verrons dans la première caté- 


déformés d'après 


508 PÉROU. 


gorie les individus des hauts plateaux prédominer légèrement, tandis que dans 
la seconde catégorie les sujets de la côte sont en proportion relativement plus 
considérable. En effet, sur 400 crânes présentant un indice facial supérieur à 
70,00, il y en a 80,76 provenant de la côte, tandis que sur 100 crânes à indice 
facial inférieur à 70,00 nous trouvons 85,35 individus qui proviennent égale- 
ment du littoral, c’est-à-dire que sur les crânes de la côte les individus à face 
basse l'emportent de 5 pour 100 environ sur ceux à face élevée. Le rapport est 
inverse pour les têles osseuses des hauts plateaux. 

L'indice orbitaire est encore plus variable que dans les têles osseuses normales : 
il varie de 80,48 à 109,09. Deux crânes, dont l’un de Pachacamac et l’autre 
d'Ancon, ont donné le premier chiffre, et le second a été trouvé sur un cräne 
Aymara ancien, de Tiahuanaco. En tenant compte de nos mensurations nous 
trouvons 4 sur 5 des individus des hauts plateaux avec un indice orbitaire égal 
ou supérieur à 100,00, tandis qu'un indice aussi élevé ne se trouve qu'une fois 
sur 12 sur les têtes du littoral. 

L'indice nasal n'est pas moins variable que l'indice orbitaire et, en tenant 
compte de cet indice, les sujets, qu'ils viennent de la côte ou des hauts plateaux, 
se répartissent dans les trois groupes, platyrrhiniens, mésorrhimiens, leptorrhi- 
niens. 

L'indice céphalique se trouve par le fait de ces déformations considérable- 
ment modifié. Sur les crânes déformés suivant le type aymara, la dolichocé- 
phalie devient telle que l'indice descend jusqu’à 65,55, quelques-uns cepen- 
dant sont. sous-brachycéphales. Quant aux crânes qui présentent la seconde 
déformation, ils peuvent être assez raccourcis pour que le diamètre antéro- 
postérieur devienne égal au diamètre transverse. Nous avons observé ce fait sur 
un crâne rapporté d'Ancon (5838 M.). Un certain nombre de crânes de la côte 
sont cependant très-légèrement déformés, de sorte que nous en trouvons un 
certain nombre qui rentre dans les groupes sous-dolichocéphales et même dolicho- 
céphales. 

Quant à l'indice vertical, il est toujours très-élevé sur les crânes déformés de 
la Cordillère, qui 5 fois sur 10 nous ont offert les caractères de l'hypsisténo- 
cépbalie. Les autres crânes, à part 4 qui présente un indice de 89,51 (squelette 
Chulpa de Bolivie), donnent des chiffres qui sont très-voisins de 100,00. Au 
contraire, sur 62 crânes présentant l'autre type de déformation, nous n'en avons 
trouvé que 4 qui fussent hypsisténocéphales. Dans le second type l'indice ver- 
tical peut même descendre très-bas. Nous l'avons vu à 76,54 sur un crâne 
provenant d’Ancon (24 S. A.). 

Pour la capacité crânienne le mélange et les variations sont trop grandes pour 
que nous essayions de donner des appréciations en moyenne 1326. 

Nous venons d'étudier les crânes déformés, mais il nous reste encore, par 
rapport à ceux-ci, à considérer quelques points intéressants. 

D'abord nous avons à peine parlé de l'os eépactal, os interpariétal ou os de 
l'Inca, si fréquent dans les crânes anciens du Pérou. Cet os n’est pas un signe 
de race ni d’animalité, comme on avait cru autrefois. Ce n'est pas non plus un 
os interpariétal, car, comme Jacquart et Broca l'ont fait voir, la suture qui le 
sépare du reste de l'os occipital passe au-dessus de la ligne demi-circulaire de 
chaque côté : or, si c'était un os interpariétal, cette suture passerait au-dessous. 
L'os épactal est probablement le résultat d'un trouble dans l'ossification ‘du 
crâne déterminé par les pratiques qui ont conduit à la déformation, ce qui 


PÉROU. 509 


explique pourquoi on le trouve fréquemment dans les crànes soumis dans le 
bas âge à des manipulations. L'os de l’Inca ou épactal est évidemment un vestige 
de l’état fœtal, — ce n’est assurément que la portion supérieure de l’écaille 
{comprenant ses deux points d'ossification supérieurs ou un seul) qui ne s'est 
pas soudée avec le reste de l’occipital (Rambaud et Renaud, — Jacquart, — 
Hamy). 

D'ailleurs il est probable que ce n'était pas la seule des conséquences graves 
de ces procédés, puisque la déformation ne pouvait pas modifier impunément 
la forme de la boite cranienne, sans entrainer quelquefois l'hypertrophie de 
l'es (pachycéphalie) ou l'ostéite, lésions assez fréquentes dans les anciens 
crànes péruviens déformés; cependant l'ostéophorose n'est pas attribuable à 
ces pratiques, mais bien à d’autres causes et probablement aussi à des dia- 
thèses telles que la syphilis (Parrot). Quant au cerveau lui-même, 1l est 
possible qu'à la longue il souffrit par ces compressions prolongées, mais, il 
faut le dire, nous avons trouvé la capacité crânienne plus forte dans les crànes 
déformés. ' 

Enfin il faut nous demander pourquoi ces déformations? Avaient-elles un 
but social ou étaient-elles le résultat d’une coutume ? Est-ce que chaque race a, 
peu à peu et par imitation ou par mode, été conduite à se déformer la tète pour 
exagérer ses caractères normaux ou bien ceux du conquérant? Impossible de le 
savoir, quoiqu'on ait prétendu que les anciens Péruviens considéraient la défor- 
mation relevée comme celle de l'intelligence et la déformation couchée comme 
celle du courage. Heureusement ces modifications artificielles des os du cràne 
ne pouvaient pas se transmettre par hérédité (Delisle), comme semble le prouver 
l'observation. 

Erunocrapnie (voy. le mot Incas). 

Hisrorre. A propos des Incas nous émettrons quelques courtes considéra- 
tions sur les époques préhistorique et ancienne de l’histoire si curieuse de ces 
pays ; il nous reste maintenant quelques mots à dire sur l’époque moderne. 

Depuis que Francisco Pizarro prit possession de ces pays, l'étendue du terri- 
toire est restée la même jusqu’au commencement du dix-huitième siècle, et ce 
vaste empire porta en même temps le nom de Nouvelle-Castille et fut gouverné 
par un vice-roi. Ce n’est qu’en 1718 que les Espagnols en détachèrent au nord la 
province de Quito et au sud les provinces de Charcas et de Chili. Les Espagnols 
gardèrent cet immense empire jusqu'en 1824-1826 sous leur entière domina- 
tion et transmirent aux Péruviens leur langue, leur religion et tous les éléments 
de leur civilisation. Depuis son indépendance le Pérou s’est divisé en deux répu- 
bliques démocratiques, qui se sont épuisées par des guerres civiles, hélas! trop 
fréquentes. 

Les peuples péruviens et boliviens, malgré leurs fréquentes révolutions, ont 
fait de grands progrès, et la civilisation moderne les a touchés par tout. 

Au Pérou on trouve aujourd’hui des chemins de fer dans les principaux points 
de la côte et deux couronnent la Cordillère des Andes ; on y trouve aussi des 
lignes télégraphiques électriques, et des bateaux à vapeur péruviens, de guerre 
et marchands, parcourent aussi bien les eaux du fleuve Amazone et du lac Titi- 
caca que les eaux de l'océan Pacifique. 

La langue officielle du Pérou et de la Bolivie est l'espagnole, avons-nous dit, 
mais, à cause du grand nombre d’Indiens de l'intérieur qui ne la parlent pas, on 
recommande aux autorités de savoir la quichua. L'instruction publique a fait de 


510 PÉROU. 


grands pas et l’enseignement primaire et secondaire est fort répandu, ainsi que 
l’enseignement supérieur. 

Lima possède des bibliothèques publiques, un musée et des galeries d’anti- 
quités, un musée d'anatomie et d'histoire naturelle, un jardin botanique, une 
université, une école de médecine et une autre de droit, une maternité, avec un 
collége pour former des sages-femmes, de magnifiques hôpitaux, y compris un 
asile d’aliénés, une école normale, une école des Arts-et-Métiers, un collége 
militaire et naval, des sociétés de médecine, de bienfaisance, etc., une commu- 
nauté de sœurs de charité de Saint-Vincent-de-Paul et de nombreux couvents 
d'hommes et de femmes, autrefois le refuge de l'instruction, couvents qui sont 
aujourd’hui en pleine décadence. 

Démocrarmie. La population du Pérou et dela Bolivie est extrêmement variée 
et mêlée, se composant de différentes races: l’ando-péruvienne, comprenant la 
quichua et l'aymara, — la blanche, embrassant les Européens de diverses nationa- 
lités (principalement espagnole et italienne), — la nègre, — Ja chinoise, — les 
métis'et surtout les cholos, mélange de la race blanche avec l'indienne (ando- 
péruvienne), qui sont extrêmement nombreux. Les races blanche, nègre et chi- 
noise, occupent une place moins importante, quant au nombre, que la race 
indienne, dans laquelle il faut inclure aussi bien l’ando-péruvien que son métis 
le cholo. 

Les Indiens ou Aborigènes peuvent se diviser en deux grands groupes : ceux 
qui vivent en fanulle, à l'état civilisé, et que les Espagnols ont trouvés formant 
un puissant empire, et ceux qui vivent encore et vivaient à l’état sauvage à 
l'époque de la conquête. Les premiers habitent les vallées intra-andines de la 
Cordillère, toute la côte et la province de Loreto, sur les rives de l'Amazone ; 
les séconds occupent les territoires, aussi fertiles que malsains, au delà des 
Andes, confinant avec le Brésil, le Paraguay et La Plata. 

En 1580, le dénombrement de la population du Pérou (y comprenant la Bolivie 
actuelle) fait par l'archevêque Loaiza, par ordre de Philippe I, attribuait à ces 
pays 8 280 000 habitants, mais la dépopulation était déjà considérable et con- 
tinuait d’une manière si rapide, que plus tard il y avait moins de la moitié 
qu'à l’époque de la conquête, et cette diminution s'était fait sentir principale- 
ment sur la côte. 

En 1795, le Pérou et la Bolivie, d’après Francisco Viedma, contenaient ensemble 
1953913 âmes, divisées en 934707 Quichuas, 458 572 métis de Quichuas et 
d’Espagnols (Gholos), 372 397 Aymaras et 188237 métis d'Aymaras et d’Espa- 
gnols (CGholos). Viedma considérait comme Aymaras les Indiens qui habitaient 
les rives du Titicaca et comme Quichuas ceux répandus dans le reste du Pérou. 

Buenaventura Seoane nous assure qu’en 1850 le Pérou seul contenait 
2 001 205 âmes. Il paraitrait que la Bolivie contenait alors 519 226 âmes. 
Ensemble un chiffre rond total de 2 521 000 habitants. D'après M. N. Bouillet, 
la Bolivie seule à cette époque avait une population de 1090000 âmes. David 
Forbes attribue pour l'année 1854 à ces deux républiques un chiffre de 
877251 Aymaras, lesquels se trouvaient compris dans la population totale indi- 
quée ci-dessus. Quant aux Quichuas et Cholos, leur dénombrement n’a pas été 
fait séparément, que je sache, et pour ce qui regarde le nombre d'Indiens 
sauvages il n’a jamais été, comme on doit bien le penser, calculé avec quelque 
vraisemblance approximative. 

Dans ces dernières années la population de la côte du Pérou a été augmentée 


PÉROU. 514 


par un grand nombre de colons italiens, espagnols et surtout chinois. Aujour- 
d'hui les nègres tendent de plus en plus à disparaître rapidement et il n'en 
reste presque plus, car la traite a cessé depuis un grand nombre d'années et 
l'émancipation définitive de l'esclave a été faite en 1853. Les Chinois com- 
mencent à disparaître aussi, petit à petit, parce que leur immigration a fini 
et parce qu'ils venaient sans femmes. Il reste encore au Pérou pas mal de 
mulâtres, mais il n'y a pas de métis de Chinois, puisque ni les négresses ni les 
Indiennes ne veulent s'unir à eux. 

Il y a eu en même temps augmentation de la population de l’intérieur du 
Pérou et de la Bolivie, mais à un degré beaucoup moindre cependant. 

Nous n'avons aucune donnée pour établir quelle est la durée moyenne de la 
vie au Pérou et en Bolivie. Tout ce que nous savons, c’est que l'Indien a une 
vieillesse presque sans décrépitude et qu'il résiste bien aux différents climats ; 
que le nègre s'acclimate mieux que lui aux régions chaudes, ainsi que le Chi- 
nois; mais le blanc moins bien. Ajoutons que les métis, soit d'Indien et de 
blanc (Cholo), soit d'Indien et de nègre (Zambo), prospèrent dans ces pays, et que 
ce dernier est assez beau, ne gardant de la laideur qui caractérise l'Africain que 
de légères traces. 

Nous allons donner maintenant, d’après M. A. Fuentes, quelques détails pour 
l’année 1860 sur la population de Lima, la capitale péruvienne : 





Populitian Dremmenistrée ida E ie ie Ce 94,195 
— flottante et Garnison. ja marn het. 00e. 6,146 
100,341 


dont 25 714 sont nés à Lima, 57 030 venus de la province et 39 597 de l'étranger. 
Sous le rapport des sexes et de l’âge cette population se composait comme 

suit : 

EnfaniS si. 


De 
Hommes a- JENS siii Ae. et ne 34,670 42,194 
Enant a A be 6,707 | »9 
Femmes caa riser aean E 2 CL 45,594 | 52,001 
Ropmiaton nxet . a Jels: 94,195 


Quant aux naissances en 1860, il y en a eu 5054 dont 1584 légitimes et 
1650 illégitimes. La plupart des enfants illégitimes étaient fils de négresses et 
un peu moins d'Indiennes. 

Le nombre de morts pour la même année a été de 5664. Cependant il faut 
observer que la population de Lima va en augmentant tous les ans, non-seule- 
ment à cause de l'immigration d'étrangers, mais aussi de gens venant de la 
province. Cette immigration, Fuentes la calcule à 1955 individus par an. 

Suivant Pedro Dominguez, la population de la ville de La Paz, capitale de la 
Bolivie, était en 1858 de 40 000 âmes, chiffre rond. Elle se composait principa- 
lement d'Indiens, d'un peu de métis (Cholada) et de quelques blancs. 

Depuis 1854 la population du Pérou et de la Bolivie a augmenté considéra- 
blement. Pour la Bolivie aucun dénombrement n’a été fait depuis lors, mais pour 
le Pérou proprement dit on a fait un recensement en 1876 qui donna le chiftre 
de 2704998 habitants pour cette dernière république. 

Baron D'ORNELLAS. 


Bigciograrmie, — Acosra (José d’). Historia natural y moral de la India, 4 vol. in-4. 
Sevilla, 1590. — Ovo y Vaunez. Historia general y natural de las Indias, 1 vol. in-fol. 


512 PERRAULT. 


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d'un voyage dans l'intérieur de la Bolivie. In Soc. de géographie de Paris, 1858. — 
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Raweaup et Rexaun. Origine et développement des os. Paris, 1864. AVE. DORN. 


PERRAIN-CHEDDE. Mérat et de Lens (Dict. de mat. méd., 5, p. 242) 
citent, sous ce nom, une Convolvulacée du Malabar, dont le suc laiteux est 
employé topiquement contre les douleurs articulaires. Er. Ler. 


PERRAULT (CLaune). C’est l'architecte médecin qui a construit la fameuse 
colonnade du Louvre, achevée en 1675 ; on lui doit en outre l'Observatoire, la 
chapelle de Navonne dans l'église des Petits-Pères, l'Arc de Triomphe élevé 
au bout du faubourg Saint-Antoine en 1670, la chapelle du château de Sceaux, 
enfin des vases artistiques qui ornent le jardin de Versailles. Claude Perrault 
naquit à Paris, sur la paroisse Saint-Étienne-du-Mont, le 25 septembre 1613, 
de Pierre Perrault, avocat au Parlement, et de Pasquette Le Clerc (documents 
personnels). Le grade de docteur en médecine, qu'il prit sous la présidence de 
Charpentier, le 19 décembre 1641, ne fut guère pour lui qu’un titre, car il 
n’exerça pas et presque tout son temps se passa à étudier les grands modèles 
d'architecture que nous a légués l'antiquité. Il eut néanmoins un homme 


PERRÈVE. 513 


illustre pour client : Boileau, atteint d'un asthme, lui confia les soins de sa 
santé et, si l’on en croit le poële, le malade n'eut pas à se louer de son médecin, 
qui l'aurait fait saigner sans nécessité et aurait ainsi aggravé l'oppression. De là 
sans doute ce vers fameux 


Soyez plutôt maçon, si c'est votre métier. 


Boileau ne s'est pas contenté de ce vers satirique. Daas une lettre au duc de 
Vivonne (Piganiol de la Force, Descr. de Paris, 1792, p. 11), écrite en 1670, 
et dans ses réflexions critiques sur quelques passages de Longin, qui n'ont vu 
le jour qu'en 169%, il conteste à Perrault la gloire d'avoir donné les dessins 
du péristyle du Louvre. 

Claude Perrault mourut à Paris, place de Fourey ou de l'Estrapade, le 
10 octobre 1688, à l’âge de soixante-quatorze ans. Cent quatre ans plus tard, 
un autre architecte, Vieil de Saint-Maur, ayant appris que l’église Saint-Benoît, 
où Perrault était inhumé, allait être bientôt enlevée au culte, rasée peut- 
être, écrivit, le 14 juillet 1792, au Directoire du département de Paris, 
pour lui demander de consacrer le produit d’une souscription à l’un de ses 
propres ouvrages (Lettres sur l'architecture) au transfert des restes du célèbre 
artiste, à faire les frais d'un concours pour un Éloge. La souscription n'a point 
été remplie et lc transfert ne put avoir lieu. « N'y a-t-il pas à craindre, à écrit 
Vicil Saint-Maur, que les restes de ce grand homme n'aient été jetés dans les 
décombres, lors de la démolition de l'église Saint-Benoit » ? 

Outre une traduction de Vitruve, qui a vu le jour en 1673 et 1684 (gr. 
in-fol., fig.), Cl. Perrault a publié des Essais de physique. Paris, 1680, 4 vol. 
in-8° ; l’ Ordonnance de cinq espèces de volumes selon la méthode des Anciens, 
iu-fol.; un Recueil de machines; 1700, in-4°, et des Mémoires pour servir à 
l'histoirenaturelle des animaux, qui ont paru en 1676, in-fol. A. C. 


PERRE (\Vourer van De). Chirurgien juré d'Anvers et doyen de la corpo- 
ration des chirurgiens-barbiers de la ville, naquit à Anvers en 1574. Il y suivit 
sans doute le cours de chirurgie donné par le prélecteur David van Mauden, 
auteur d'un traité d'anatomie. L'histoire est muette sur les détails de sa carrière. 
Son nom mérite d'aller à la postérité pour son livre sur la peste, épidémie qu'il 
combattit pendant quarante ans avec autant de science que de dévouement : 
Pestboeck, ofte remedien teghen de prestilentiale cortse, ende om te contagieuse 
sieckte te ghenesen, met haer symiomata ende geexperimenteerde recepte, 
midtsgaderes voor de pocxkens, maeselen der jonghe kinderen, etc. Antwer- 
pen, 16533, in-8°. Wouter van de Perre mourut dans sa ville natale le 46 avril 


1652. L. Hn. 


PERRÈVE (Pierre-En.-Uuysse-Vicror). Médecin français, né à la Charité 
(Nièvre) vers le commencement du siècle, reçu docteur à Paris en 1831 (Essais 
sur deux procédés opératoires appliqués principalement à l'ouverture de la 
veine médiane basilique, in-4°), se fixa dans la capitale. Il imagina en 1832 
un nouveau bandage herniaire à pelote mobile et présenta en 1836 à l’Acadé- 
mie un nouveau trocart, décrit dans son ouvrage intitulé : Des rétentions 
d'urine, ete., suivi de la description d'une nouvelle méthode chirurgicale appli- 
quée à la guérison de cette maladie (Paris, 1856, in-8°). Il est en outre 


La 


DICT, ENC. 2° s. XXIII. 33 


514 PERROQUETS. 


l'auteur d'un nouveau procédé pour la conservation des cadavres qu'il fit con- 
naître vers la même époque. L. HN: 


PERROLLE. Voy. PÉROLLE. 


PERRONE (Pierro). Médecin de Naples, attaché à l'hôpital des Incurables 
de cette ville, membre de plusicurs sociétés savantes, mérite d’être cité pour 
un Système de médecine pratique, qui devait avoir 6 volumes, et dont le pre- 
mier seul parut (Naples, 1825, in-8°), pour un Traité de medecine légale 
(ibid., 1826, 2 vol. in-8°; 2° édit., 1846), pour un ouvrage de Clinique médicale 
(ibid., 1858, in-8°) et un Traité de médecine pratique (ibid., 1841, 2° vol. in-8°). 
Il rédigea l'Esculapio et l’Archivio di medicina e chirurgia clinica, et publia 
un grand nombre d'articles dans l'Osservalore medico di Napoli. L: Hy. 


PERROQUETS. Sous plusieurs rapports les Perroquets méritent d'occuper 
parmi les Oiseaux une place analogue à celle qui a été assignée aux Singes 
parmi les Mammifères et, en tous cas, ils ne doivent pas rester confondus avec 
les Grimpeurs auxquels G. Cuvier les avait associés. En effets, si les Perroquets 
se rapprochent des Pics, des Coucous et des Toucans, par la disposition de leurs 
pattes, dont le doigt externe est réversible, ils s’éloignent de ces oiseaux par la 
structure de leur bec, par leur plumage, par leur régime et par leurs mœurs. 
Chez les Perroquets la mandibule supérieure est très-robuste, très-élevée, forte- 
ment comprimée sur les côtés, plus ou moins festonnée sur les bords et terminée 
par un crochet acéré, tandis que la mandibule inférieure est échancrée légère- 
ment à l'extrémité et disposée en forme de pelle ou de cuiller. En outre, la face 
interne de la mandibule supérieure présente généralement, vers l'extrémité, des 
raies fines, séparées par des carènes transversales et donnant à cette partie 
l'aspect et le toucher d'une räpe. Cette räpe joue un rôle important dans la tri- 
turation des aliments, car c'est en promenant, à l’aide de sa langue, les graines 
contre cette surface rugueuse, que l'oiseau parvient à les réduire en poussière et 
à les rendre susceptibles d’être digérées. L’écrasement des substances alimentaires 
est d’ailleurs facilité par la mobilité des mandibules qui est beaucoup plus 
grande chez les Perroquets que chez les autres oiseaux. Ici en effet le bec supé- 
rieur se rattache au crâne par une charnière membraneuse et le bec inférieur 
peut glisser sur un appareil formé par l'ethmoïde, le sphénoïde, les palatins, les 
ptérygoïdiens et les os tympaniques. 

Comme chez les Rapaces il existe, chez les Perroquets, à la base de la mandi- 
bule supérieure, une portion membraneuse, une cire, dans laquelle vienuent 
s'ouvrir les narines et qui est souvent tuméfiée. C’est là encore une disposition 
qui mérite d'être signalée, puisqu'elle ne se retrouve que chez la grande majorité 
des oiseaux. Parfois cette cire se continue latéralement avec des espaces dénudés 
qui occupent les côtés de la tête et qui, chez les Aras, se teignent de couleurs 
vives, mais d’autres fois elle est abritée sous des plumes courtes et érectiles. 

En revanche, les pattes des Perroquets n'offrent aucune analogie avec celles 
d'un Faucon et d'une Buse: elles se terminent par une sorte de pince dont les 
deux branches sont formées l'une par le pouce et le doigt externe, l’autre par le 
doigt médian et le doigt interne, et elles constituent de véritables mains dont 
l'oiseau se sert non-seulement pour saisir les branches, mais pour porter les 
aliments à son bec. Cette pince joue le même rôle que la main postérieure des 


PERROQUETS. 515 


Singes ou l'extrémité préhensile de la queue des mêmes Quadrumanes, et elle 
offre avec cette dernière partie une certaine analogie de structure, puisque sa face 
interne ou inférieure est également couverte de granulations qui lui permettent 
-d'adhérer aux objets d’une manière plus parfaite. 

Les tarses ne sont jamais, chez les Perroquets, garnis de scutelles imbriquées 
ou d'écailles juxtaposées, et présentent tout au plus quelques plaques cornées 
dans le voisinage immédiat des ongles ; sur tout le reste de leur étendue ils sont 
recouverts, de même que les doigts, par une peau chagrinée. Les ongles 
n’acquièrent d'ailleurs jamais le même développement que chez les Rapaces et 
quelquefois même, comme chez les Pézopores ou Perruches marcheuses d’Aus- 
tralie, ils perdent leur forme recourbée. Chez ces Pézopores les tarses sont, par 
exception, assez allongés, mais chez la plupart des Perroquets les pattes sont 
encore moins élevées que chez les Pics, de telle sorte que les Psittariens ont sur 
le sol une démarche extrêmement embarrassée. 

La disproportion entre les membres et le reste du corps paraît d'autant plus 
accusée que les Perroquets ont en général la tête grosse, le bec volumineux, le 
corps massif, et que certains d'entre eux se font remarquer par l'allongement de 
leurs pennes caudales. Les Perroquets qui sont ainsi pourvus d'une longue 
queue sont vulgairement désignés sous le nom de Perruches, tandis que le nom 
de Perroquels est plus spécialement réservé à ceux qui ont la queue courte et 
coupée carrément; mais c'est là une distinction tout à fait arbitraire. 

Les proportions des pennes alaires sont également sujettes à d'importantes 
variations et tantôt les rémiges restent très-apparentes quand l'aile est au repos, 
tantôt elles disparaissent en grande partie sous les pennes secondaires. Il en 
résulte que l'aile affecte ici une forme arrondie, là une forme pointue, et comme 
d'autre part la structure des grandes plumes se modifie suivant les espèces, que 
les barbes sont tantôt lâches, tantôt très-<errées, la puissance du vol n’est pas à 
beaucoup près la même chez tous les représentants de l'ordre des Perroquets. 
‘Quelques-uns de ces oiseaux, tels que les Strigops de la Nouvelle-Zélande, sont 
particulièrement déshérités sous ce rapport, tandis que les Loris et les Perruches 
-ondulées se montrent d'excellents voiliers. 

D'autres particularités pourraient également être relevées dans la structure de 
l'appareil digestif, dans la disposition de la charpente osseuse, dans les organes 
des sens et dans le plumage, mais leur examen détaillé nous entraînerait beau- 
coup trop loin. Nous rappellerons seulement que la langue est généralement 
charnue chez les Perroquets et que dans certaines espèces elle présente à l’extré- 
mité un bouquet de papilles très-développées, que le sternum est muni d’une 
carène très-saillante, que le crâne offre de chaque côté un cadre orbitaire com- 
plet et que le plumage est presque toujours brillamment coloré. Le vert est de 
beaucoup la couleur la plus répandue chez les Psittaciens, mais cette couleur 
est fréquemment rehaussée par des taches et des bandes jaunes ou rouges; 
quelques Perroquets sont même entièrement d’un rouge vif, d'un bleu brillant 
ou d’un jaune d'or, tandis que d’autres sont gris et rouges ou complétement 
noirs. Mais, quelle que soit la livrée, elle ne varie pas sensiblement d’un sexe à 
l'autre, à l'âge adulte. 

Les Perroquets sont des oiseaux essentiellement frugivores et granivores, et 
c’est d’une façon tout à fait exceptionnelle que quelques-uns d’entre eux se nour- 
rissent de chair. Dans les pays tropicaux ils commettent de grands dégâts dans 
les plantations de cannes à sucre, de maïs, de riz et de café, ainsi que dans les 


»16 PERROQUETS. 


jardins et les vergers : aussi leur fait-on une guerre acharnée qui a dejà nota- 
blement éclairci leurs rangs et qui a rendu certaines espèces presque inlrou- 
vables. Leur chasse présente cependant d’assez grandes difficultés, car les Per- 
roquets se montrent d'un naturel défiant, surtout depuis qu'ils sont persécutés. 
Durant le jour ils se tiennent cachés au milieu du feuillage, mais le matin et 
le soir ils quittent les forêts qui leur servent de retraites et se répandent dans 
la campagne. Ils remplissent alors l'air de leurs cris discordants, à moins qu'ils 
n'aient intérêt à dissimuler leurs présence, car ils savent au besoin imposer 
silence à leur turbulence naturelle. 

Pendant la plus grande partie de l'année les Perroquets vivent en troupes 
nombreuses, mais dans la saison qui correspond à notre printemps ils se séparent 
ea couples qui vont nicher dans des troncs d'arbres et de rochers, à [a manière 
des Pics. Leurs œufs sont toujours de couleur ‘blanche et ordinairement au 
nombre de deux à quatre par couvées, mais plusieurs pontes se succèdent dans 
le courant de l'été. Les petits en naissant présentent un aspect fort disgracieux : 
ils ont la tête énorme et le corps entièrement nu, mais peu à peu ils se cou- 
vrent d'un duvet clairsemé auquel succèdent les plumes normales. 

Pris jeunes les Perroquets s'apprivoisent facilement et beaucoup d’entre eux 
sont susceptibles d'une éducation assez parfaite. Ils reconnaissent leur maitre, 
lui témoignent leur affection par des caresses, exécutent différents exercices ou 
répètent, parfois avec assez d'à-propos, les mots qu'on est parvenu à leur 
apprendre. Toutefois il est certains Perroquets qui ne réussissent jamais à parler, 
ce sont ceux dont la langue est coriace ou pénicillée, tels que les Trichoglosses 
et la plupart des Loris. 

La facilité d'imitation des Perroquets a déjà été signalée par Aristote qui, dans 
son Histoire des animaux, qualifie le Psittakè d'oiseau indien. Cette épithète per- 
met de supposer que l'espèce qui a été connue la première par les naturalistes 
de l'antiquité était la Palæornis torquatus ou Perruche à collier de l'Inde dont 
quelques individus avaient pu être rapportés en Grèce à la suite des campagnes 
d'Alexandre le Grand. Du temps des empereurs romains de nombreux Perroquets 
d'Asie ou d'Afrique furent amenés vivants en Italie pour être élevés comme 
oiseaux d'appartement, et depuis lors la faveur dont ont joui les Psittaciens a été 
sans cesse en grandissant. Aujourd'hui c’est par milliers que l’on importe dans 
nos contrées les Cacatoès, les Amazones, les Perruches ondulées et les Nym- 
phiques, et certaines espèces atteignent sur le marché un prix fort élevé. i 

Le nombre des Perroquets actuellement connu est très-considérable et leur 
classification présente de sérieuses difficultés. Cependant, en tenant compte de la 
forme du sternum, de l'aspect du plumage, des proportions des ailes et de la 
queue, du régime et des habitudes, on peut établir plusieurs groupes assez natu- 
rels. Ainsi on peut séparer d'abord des autres Psittaciens les Strigops ou Per- 
roquets nocturnes de la Nouvelle-Guinée, qui ont le sternum aplati, le plumage 
mou et décomposé, les ailes courtes, les yeux entourés d’une sorte de disque 
rappelant celui des Chouettes, et qui se rapprochent un peu de ces derniers 
oiseaux par leur genre de vie. Ensuite, parmi les Perroquets ordinaires ou 
Perroquets diurnes il est possible de caractériser cinq familles principales : 
1° les Cacatuidés renfermant les Cacatoès d'Australie, les Calyptorhynques et les 
Microglosses ; 2° les Araidés comprenant les Aras proprement dits et les Conurus 
américains, les Perruches indiennes et africaines dont la Perruche à collier peut 
être considérée comme le type et les Perruches australiennes du genre Platycerque ; 


PERSE (GÉOGRAPHIE MÉDICALE). 517 
3° les Psitlacides ou Perroquets typiques ayant pour type le Perroquet gris 
ou Jacko (Psittacus erythacus I.) et comptant en outre dans leurs rangs les 
Nestor, les Eclectus, les Coracopsis ou Vasas, les Chrysotis ou Amazones, les 
Cyclopsittacus, les Psittacula, etc., en un mot, toute une série d'espèces 
africaines, américaines ou océaniennes ; 4° les Trichoglossides, c'est-à-dire les 
vrais Trichoglosses, les Loris et les Coriphiles, qui appartiennent tous à la faune 
de l'Australie, des Moluques et de la Nouvelle-Guinée; enfin les Nasiternides, 
petits Perroquets de taille extrêmement réduite et à queue épineuse qui habitent 
aussi la Papouasie. Chacune de ces familles renferme à son tour une série de 


genres et de sous-genres dont l'énumération ne saurait trouver place dans cet 


article. E. OUSTALET. 


Bieriocrapnie. — Levaizzanr (Franc.). Hist. nat. des Perroquets. Paris, 1801-1805, 2 vol. 
in-folio, avec pls. — Bourior Sanr-Hiaine (A.). Hist. nat. des Perroquets (continuation de 
Levaillant), 1837, 1858, 4 vol. in-fol., avec pls. — Wacrer. Monographia Psiltacorum. ln 
Abhandi. d. nath. phys. Classe der Kônigl. Bayr. Acad. d. Wisseusch., 1829, 1830, t. I. — 
Fisen (0.). Die Papageien. Leid., 3 vol. in-8°, 1867. — Reicaesow (A.). Conspectus Psit- 
tacorum. In J. f. Ornith., 1881. E. 0. 


PERROTTET (G.-SawueL). Botaniste distingué, né en 1795, attache 
comme naturaliste à une expédition navale (1819-1821) durant laquelle il 
explora les régions intertropicales des deux mondes et recueillit de magnifiques 
collections. En 1825, il partit pour le Sénégal, d’où il ne revint qu'en 1831 ; 
il fut ensuite attaché au ministère de la Marine comme voyageur-naturaliste et 
fut nommé chevalier de la Légion d'honneur en 1842. La plupart de ses 
ouvrages sont relatifs à la Sénégambie et à ses productions, à l'art de l'indigo- 
tier, à l’industrie sérigène, à la flore des pays qu'il visita dans son voyage autour 


du monde, etc. E HS. 


PERRUCHÉS (Eau mixérare DE). Athermale, ameétallite, ferrugineuse 
faible, non gazeuse. Dans le département du Cantal, dans l'arrondissement 
d'Aurillac, dans la commune de Saint-Julien, sort d’un terrain volcanique une 
eau claire sans odeur, d'un goùt légèrement ferrugineux. Cette eau très-ancien- 
nement connue, puisque Buc ‘Hoz en fait mention dans son livre, a été analysée 
par Ozy, qui a trouvé dans 1000 grammes un résidu pesant 2 grammes et com- 
posé de carbonate et de chlorhydrate de soude, ensemble pour 54 centigrammes, 
et de carbonate de chaux et de fer, ensemble pour 481,66. L'eau de Perruches, 
connue aussi sous le nom d’eau de Saint-Julien ou de Saint-Cirques, ne sert 
qu’en boisson. À dose élevée, elle devient laxative. A gR 


PERRUQUES. Voy. Cneveux et Posricnes. 


PER SE (Préciriré). Oxyde rouge de mercure, se forme en chauffant ce 
métal vers 360 degrés; à une température plus élevée, cet oxyde se dédouble 
de nouveau en mercure et en oxygène. C'est grâce à cette réaction que Lavoisier 
a découvert l'oxygène. L. Hy: 


PERSE. ĝ[. Géographie. La Perse est la portion occidentale du grand 
plateau iranien qui s'étend du bassin de l'Indus à l'est à celui du Tigre, à 


l'ouest; du golfe Persique et de la mer des Indes au sud jusqu'aux rives 


518 PERSE (GÉOGRAPHIE MÉDICALE). 


Caspiennes et au désert des Turcomans au nord. Le plateau iranien comprend, 
en outre de la Perse, l'Arménie et le Kurdistan, à l’ouest, l'Afghanistan, le 
Beloutchistan, et le pays de Hérat à l’est. L’Arménie et le Kurdistan ont été 
l'objet d'articles spéciaux; tout ce qui concerne l’Afgbamistan, le Béloutchistan 
et le pays de Hérat, sera traité au sujet de l'Iran, ainsi que les questions géné- 
rales, ethnographiques et linguistiques ayant trait aux populations iraniennes, 
anciennes et actuelles (voy. Arménie, Kurpisran, Iran). Nous y renvoyons éga- 
tement le tableau sommaire de la faune et de la flore iraniennes. 

Le nom de Perse, qui correspond à la dénomination persane de Farsistan, ne- 
s'applique, dans le pays même, qu'à l'unique province de ce nom, mais pas au 
royaume entier; les Persans donnent à leur patrie le nom d'iran. 

La Perse est limitée au nord par le cours de l’Araxe, dans sa partie moyenne, 
par le rivage méridional de la mer Caspienne, puis par les chaines monta- 
gneuses qui sous des noms divers séparent le plateau iranien de la steppe des 
Turcomans jusqu'à Sarakhs. A l'ouest de la Caspienne, le cours inférieur de 
l'Atrek sert d'abord de limite, puis la ligne frontière remonte jusqu’aux monts 
Kurjandagh, et suit ensuite la série des chaînes bordières, ce qui dans la partie 
orientale reporte cette ligne jusqu'à plus de 50 kilomètres au nord des monts 
Goulistan. Au sud, la Perse confine partout à la mer. A l'ouest, elle a pour 
bornes les bassins des nombreux affluents de la rive gauche du Tigre, jusqu’à 
sa réunion avec l'Euphrate; les rivières directement tributaires du Chat-el-Arab, 
et qui appartiennent aux provinces du Louristan et de l’Arabistan, sont des 
cours d'eaux persans. À l'est, la frontière est conventionnelle. Elle se dirige 
d’abord à peu près du nord au sud, vers le 58° degré de longitude orientale, 
puis après une première inflexion à l'est, qui a pour cause l'annexion à la Perse 
du Séistan afghan, elle en décrit une seconde plus considérable, dirigée dans 
le même sens, et vient aboutir à la côte un peu à l’est du même méridien. 
Ainsi limitée, la Perse représente une sorte de triangle dont le grand côté à 
l'ouest, comprenant la côte, représente un développement d'au moins 1600 kilo- 
mètres, tandis que chacun des deux autres côtés, au nord et à l'est, mesure 
à peu près 1100 kilomètres. La superficie totale du royaume est d’environ 
å 650 000 kilomètres carrés. 

OroGrarie. Considérée dans son ensemble, la Perse offre, au point de vue 
orographique, les plus frappants contrastes. Une grande enceinte montagneuse, 
qui borde les provinces méridionales et septentrionales, se développe à l'ouest 
en un immense massif qui couvre plus du tiers du pays; elle se retrouve à l’est 
sous la forme de chaînes plus basses, plus éparses, en beaucoup de points 
interrompues complétement, et fait de la plus grande partie du pays un bassin 
fermé, presque dépourvu d'eau. L'intérieur de la Perse, au centre et à l'est, est 
ainsi un désert aussi triste, aussi misérable, aussi désolé, sinon davantage, que 
les grandes steppes de l'Asie centrale, dont elle est comme une image réduite. 

Au sud de la mer Caspienne, parallèlement à la côte, à une distance qui 
varie de 25 à 60 kilomètres, règne un important massif montagneux, étendu 
en latitude depuis le rivage jusque près de Téhéran ; ses ramifications sillon- 
nent toute la surface des deux provinces du Ghilan et du Mazendéran. Connu, 
dans sa partie centrale surtout, sous le nom d'Elbourz (Elbours, Albours), ce 
système, dans la composition duquel dominent les grès et les calcaires, est 
presque partout composé de deux au moins, et souvent de trois chaînes paral- 
lèles, subdivisées elles-mêmes en groupes isolés ou séparés par de nombreux 


PERSE (GÉOGRAPHIE MÉDICALE). 519 


cols. Ces gradins, dont le plus élevé est le plus méridional, sont extrêmement 
riches en forêts et couverts d'une végétation luxuriante, jusqu’à la crête prin- 
cipale, c’est-à-dire méridionale; au delà vers le sud, les pentes abruptes, 
rocheuses et très-rapides, sont stériles et en contraste complet avec le reste de 
la chaine. L’altitude moyenne du système de l’Elbourz est considérable. Le 
point culminant du massif et de toute la Perse septentrionale est le mont 
Demavend, situé au centre de la chaîne, pic volcanique qui domine de plus de 
2000 mètres tout le massif, dressant son cône majestueux au milieu des couches 
soulevées de calcaires et de grès; ses flancs sont presque partout garnis de 
roches éruptives ou couverts de cendres et de scories. 

Au delà de la province du Ghilan, le mont Sawalan, qui a 4752 mètres, appar- 
tient au système du Kara-dagh, qui sépare l'Aderbaïdjan de la Transcaucasie ; 
c'est son altitude élevée qui le fait paraître isolé et détaché du reste, comme 
le Sahand, haut de 3505 mètres, et situé au milieu de l’Aderbaïdjan, à l'est du 
lac d'Ourmiah auquel les montagnes font une véritable ceinture. La province 
entière de l'Aderbaïdjan est montueuse, dans presque toute son étendue, et 
l'altitude de 1250 mètres, qui est peu diiférente de celle du lac d'Ourmiah, 
peut être considérée comme celle du socle sur lequel reposent les divers massifs. 

L'orographie de cette province est, d'après M. de Khanikoff, d'une régularité 
exceptionnelle ; des chaines parallèlement disposées la bornent en tout sens, 
en formant un quadrilatère à peu près parfait. La limite des neiges éternelles 
y oscille entre 3600 et 5700 mètres, d’après le même observateur (Année géo- 
graphique, t. I, p. 204). 

Au sud de l’Aderbaïdjan, au delà du Kizil-Ouzen, dans les provinces d’Ardilan 
et de l’Irak-Adjemi, règnent les premières chaines d’un vaste système monta- 
gneux qui s'étend dans les provinces du Louristan, du Khousistan, du Farsistan 
et du Kirman, dont il couvre la plus grande partie. Un caractère remarquable 
de ce système, c’est le parallélisme des chaînes qui sont uniformément orientées 
du nord-ouest au sud-est. Le point culminant est le Kouh-Dinar (Kuhi-Dena) 
haut de 5200 mètres, situé près de la limite des provinces du Khousistan et du 
Farsistan. 

Le Louristan est une province complétement montagneuse, avec des altitudes 
de 2500 mètres et même davantage; l'altitude diminue progressivement à 
mesure qu'on se rapproche du bassin du Tigre, mais le long de la frontière le 
terrain se relève pour former une chaîne nouvelle, le Pouchti-Koh, l'ancien 
Zagros, dont l'orientation ne diffère pas de celle des autres chaînes, et dont les 
derniers contrelorts méridionaux sont contournés par la Kerkha. Dans le Khou- 
sistan, les montagnes n’occupent que les régions du nord-est; elles appartien- 
nent en grande partie aux formations calcaires et crétacées de l'époque tertiaire, 
ainsi que les chaînes du Louristan ; les premiers gradins occidentaux sont d’un 
âge un peu plus récent. Au pied de ces gradins, dans une région relativement 
fertile, s'étendent de vastes plaines, brülées en été, marécageuses en hiver et au 
printemps, en somme, assez deshéritées. La région fertile est, en réalité, l'étage 
moyen du grand talus incliné vers le Tigre, et dans lequel est comprise la pro- 
vince entière. Le Farsistan, malgré son aspect accidenté, a, lui aussi, une région 
basse, située le long de la côte, riche en plaines garnies de beaux pâturages 
et en vallons riants, et une région montagneuse, le Serdsir ou Serhad (région 
froide), où les hivers sont beaucoup plus rigoureux. Dans le Khousistan, comme 
dans le Farsistan, certains sommets ne perdent leur neige que pendant une 


520 PERSE (GÉOGRAPHIE MÉDICALE). 


courte portion de l'année. Par ses districts les plus avancés à l'est, le Farsistan 
appartient déjà à la grande steppe intérieure de la Perse. Le Kirman est désert 
sur les deux tiers de son étendue; le reste est un pays souvent accidenté, par- 
fois très-montueux, surtout dans le Laristan, région côtière administrative- 
ment distincte du reste de la province. À l'est du Farsistan et du Kirman règne 
une longue chaine avancée, la chaîne des monts Kohroud, où se trouve le cône 
basaltique de Kouh-1-hazar, haut de 4000 mètres environ. Cette chaîne est en 
grande partie formée de terrains éruptifs; on y rencontre un certain nombre de 
pics volcaniques. 

Dans le Mékran, dont la partie occidentale est assez basse et peu accidentée, 
règnent à l'est, au delà de Bampour, des chaines assez élevées de montagnes 
entrelacées irrégulièrement, mais dont la direction moyenne est évidemment 
de l’est à l’ouest, c’est-à-dire parallèlement à la côte et en discordance avec 
celles dont il vient d'être question. De puissantes actions volcaniques assez 
récentes y ont laissé de nombreuses traces ; on y observe une certaine quantité de 
cônes d'éruption et, dans le sud, des volcans de boue en activité. Ces chaînes 
appartiennent à la fois à la Perse et au Beloutchistan. 

Au nord et au nord-est, la Perse est bordée par une ceinture de montagnes, 
dont les premières chaînes, à l'ouest, à partir de la rive Caspienne, séparent ce 
pays de la steppe des Turcomans. L’altitude moyenne en est assez uniforme et 
varie de 2400 à 3000 mètres dans le Daman-i-Koh. D’autres chaines parallèles 
à la première et situées au sud de celles-ci, dans l’intérieur, ont une hauteur 
moyenne plus faible, mais elles sont parsemées de pics très-hauts. 

Le vaste désert qui occupe le centre de la Perse est à une altitude peu élevée, 
relativement au reste du pays ; dans le sud, elle ne dépasse guère 400 mètres 
et, d'après de Kharikoff, dans le Lout, elle s'abaisse jusqu'à 150 ou même 
420 mètres. D'immenses espaces, absolument dépourvus d'habitants, y sont cou- 
verts de sables mouvants et de fine poussière. Dans le voisinage des îlots de 
montagnes, aux pieds et sur les pentes de celles-ci, une terre argileuse, assez 
fertile, permet à l'homme d’y vivre plus ou moins misérablement, au hasard 
«des éléments. 

Vers le sud-est, entre les montagnes du Khoraçan et celles du Kirman, le 
désert est connu sous le nom de Lout. C'est, de toute la steppe persane, la 
région la plus redoutée ; complètement inhabitée, elle est d'une aridité absolue. 
{An rencontre souvent, dans le désert persan comme dans certaines régions des 
Koums de l'Asie centrale, des bas-fonds couverts de marécages salins ou de 
dallages de sel cristallisé ou compacte, mêlés à la couche de sable. 

Hyprograpuie. La plus grande partie de la Perse, comprenant au moins les 
deux tiers de la superficie totale, appartient à un bassin fermé; le reste est tri- 
butaire du golfe Persique et de la mer des Indes au sud, de la mer Caspienne au 
nord. Le bassin intérieur, quelque considérable qu'il soit, n'est en réalité que la 
portion occidentale d’un bassin fermé, plus grand encore, qui occupe à la fois, 
avec la Perse centrale, les trois quarts de l'Afghanistan et le nord du Béloutchistan. 
Néanmoins, la ligne qui sépare politiquement les pays coïncide assez exactement 
avec certaines frontières naturelles. Au nord c’est le cours du Héri-Roud, qui 
sépare l'Afghanistan de la Perse; plus au sud, la limite des bassins de l’Hilmend 
et de la rivière Haroud est sur beaucoup de points celle du pays afghan. 

Il existe en Perse peu de cours d’eau considérables et le pays doit être consi- 
aéré .camme médiocrement pourvu d'eau. Toutes les rivières ont leur volume 


tt 


PERSE (GÉOGRAPHIE MÉDICALE). A 


extrêmement réduit pendant une partie de l'année; beaucoup d'entre elles se 
dessèchent totalement en été, ou se perdent dans les sables, sans pouvoir rien 
amener jusqu’à la mer ou jusqu'aux lacs qui leur servaient jadis de réceptacles. 

La mer Caspienne, par sa rive méridionale qui appartient à la Perse, reçoit 
un assez grand nombre de cours d’eau de peu d'importance. A l'exception de 
lAtrek et du Kisil-Ouzen, tous ont leurs bassins entiers compris dans les étroites 
limites des provinces du Ghilan et du Mazendéran. 

Le lac d'Ourmiah, dont nous avons déjà dit quelques mots en traitant de 
l'Arménie, est un grand réceptacle dont Ja surface occupe environ 4000 kilo- 
mètres carrés ; il a peu de profondeur, 5 ou 6 mètres en moyenne, 15 mètres au 
maximum. L'eau du lac, dont la densité est de 1,155, est encore plus salée que 
celle de la mer Morte. 

Les affluents du golfe Persique sont également assez nombreux; les plus 
importants d’entre eux, la Kerkha et le Karoun, n'arrivent à la mer que par l'in- 
termédiaire du Chat-el-Arab. 

Parmi les cours d'eaux qui aboutissent à la côte, dans le Farsistan, deux seu- 
lement méritent une mention spéciale: le Sefid-Roud, qui descend des monta- 
gnes situées à l’ouest de Chiras, puis, beaucoup plus au sud, le Prestaf. 

À lest des hauts bassins de ces deux cours d'eau, au delà de la vallée de 
Chiras dont les sépare un massif de montagnes, sont les lacs accouplés de 
Néris et Nargis. Le lac de Néris ou Bakhtégan, long de 400 kilomètres environ, 
mais assez étroit, n'a qu'une profondeur tout à fait insignifiante. Deux détroits, 
dont l'un n’est qu'un filet d’eau, le relient au lac de Nargis, situé à l'est du 
premier et offrant, comme lui, un aspect agréable. Signalons aussi un autre 
petit lac, allongé parallèlement aux deux autres, dans la vallée même de Chiras, 
dont il recueille les eaux, et connu sous le nom de Deriah-Chour ou Mahlouiah. 
Les eaux de ce lac sont salées comme celles des lacs Néris et Nargis. 

Le Kirman, le Laristan et le Mékran, sans être des provinces par trop dépour- 
vues d'eau, ne possèdent pourtant aucune rivière importante. 

La partie occidentale du grand désert intérieur, où règne la steppe nue, 
aride et plate, est complétement privée d'eau; à l'est, région parsemée de nom- 
breux îlots de montagnes, les cartes indiquent un véritable luxe de cours d’eau ; 
mais il n'y a là qu'une vaine apparence; ceux d’entre eux qui, comme le Chour- 
Roud, par exemple, semblent avoir des bassins relativement très-étendus, sont 
à sec pendant les trois quarts de l'année. Ceux qui se dirigent vers l'est se ren- 
dent dans le Héri-Roud qui sert de frontière orientale à la province du Khoraçan. 
Mais le Héri-Roud lui-même, malgré l'importance que lui donnent ses nombreux 
affluents, disparaît presque brusquement au delà de Sarakhs, au pied de la chaîne 
bordière du pays des Turcomans, au sud-ouest de l'oasis de Merv. 

En résumé, le régime hydrographique de la Perse est sous tous les rapports 
dépourvu de régularité. Telle région qui, visitée à la fin de l'hiver, se montre 
couverte d'une végétation riche et abondante, apparaitra quelques mois plus 
tard comme un désert aride, puis, tandis que certaines provinces, comme le 
Ghilan, le Mazendéran, l'Aderbaïdjan, le Louristan, le Farsistan, sont assez abon- 
damment approvisionnées d’eau, d’autres, telles que le Kirman, le Mékran, sont 
constamment exposées à en manquer; d’autres encore, plus deshéritées, le Kho- 
raçan presque tout entier, l’Irak-Adjemi oriental, en sont tout à fait dépourvues. 
M. Rawlinson, qui a tant étudié ces pays à tous les points de vue, suppose qu'il 


n’en a pas toujours été ainsi et que des changements très-considérables se sont 


522 PERSE (GÉOGRAPHIE MÉDICALE). 


produits dans le régime des pluies et par conséquent dans les conditions hydro- 
graphiques de la Perse; il attribue à cette révolution météorologique l'arrêt 
dans le développement de la population. Il fait appel à l'initiative de l’homme, 
et il est difficile de ne pas partager son avis, quand il regarde que l’avenir de la 
Perse restera sans espoir, tant qu'on n’aura pas trouvé le moyen de conserver, 
d’emmagasiner les eaux des torrents, pour les utiliser méthodiquement en irri- 
gations (voy. Annee géographique, douzième année, p. 156). 

Cuimaroocie. Le climat de la Perse n’est pas uniforme ; il présente au con- 
traire, d’une province à l’autre, des dissidences considérables et parfois de véri- 
tables contrastes. Les conditions physiques du pays sont elles-mêmes si variées, 
si diverses, que celles de la climatologie semblent à peine subordonnées aux 
différences de latitude; l’action qui en provient est un facteur presque sans 
importance, comparée à toutes celles qui résultent des accidents de terrain, de 
l'altitude et de l'orientation des chaînes de montagnes, du voisinage des mers, 
du régime des vents, etc. Dans la plupart des provinces, l'air est d’une séche- 
resse très-grande, parfois extrême; dans certaines régions, au contraire, restreintes, 
il est vrai, l'air est pendant une partie de l’année chargé d'une humidité acca- 
blante. En générai, la Perse est un pays où les pluies sont médiocrement abon- 
dantes; elles peuvent n'atteindre que 12 ou 15 centimètres pour l'année entière ; 
en moyenne, elles ne donnent | as 30 centimètres d’eau. 

Les provinces de la rive Caspienne sont incontestablement parmi les plus 
favorisées au point de vue de la fertilité et de la richesse. Le Ghilan et le Mazen- 
déran possèdent, en effet, de très-nombreux cours d’eau à peu près tous perma- 
nents; ils sont abondamment boisés. Tout le long de la côte Caspienne méri- 
dionale et jusqu'au sommet des montagn: s, l'air est extrêmement chargé 
d'humidité et donne en permanence la sensation de l'approche des orages; la 
peau se couvre d'une moiteur pénible qui se renouvelle sans cesse. Les vents de 
la mer Caspienne, qui arrivent chargés d'eau, se dépouillent si complétement de 
leur humidité avant de franchir le dernier gradin des chaînes septentrionales, 
que le versant sud de ces mêmes montagnes présente avec celui du nord un 
contraste complet et frappant; autant l’un est fertile, boisé, luxuriant, autant le 
dernier est rocailleux, pauvre et nu. 

A Astérabad, d'après les observations des officiers russes établis dans l'île 
voisine d'Achurabe à l'angle sud-est de la mer Caspienne, dans le Mazenderan, 
la moyenne de la température annuelle est de 17°,2, celle de janvier est de 6°,1 ; 
celle de juillet, de 27 degrés, avec une différence de 20°,9. ll résulte des obser- 
vations thermométriques faites sur l’eau de la mer Caspienne que, pendant les. 
mois extrêmes, la température à la surface est un peu plus élevée que celle de 
l'air, tandis que dans tous les autres mois, octobre excepté, elle est un peu plus 
froide. La hauteur de la colonne barométrique évaluée en millimètres et ramenée 
à la température de zéro, est pour la moyenne annuelle de 763"%,97 ; la moyenne 
de décembre égale 768mm,50, celle de juillet 758%,68, avec un écart maximum 
de 9mm,92. A Recht, également au bord de la Caspienne, mais au sud-ouest et 
par conséquent à l'opposé d'Astérabad, les conditions météorologiques restent 
analogues, en raison d'une certaine similitude de conditions géographiques. Le 
climat y est également à la fois très-chaud et très-humide, avec des variations 
extrêmement fréquentes. La température moyenne est pour l’année de 48 degrés 
centigrades : le minimum de l'hiver est — 2,5, le maximum de l'été 36°,2 ; on 
a observé exceptionnellement en hiver — 7°,5 et en été 39 degrés. Le mois 


PERSE (GÉOGRAPHIE MÉDICALE). 225 


de janvier est le plus froid, le mois d'août le plus chaud ; les nuits sont souvent 
nuageuses et pénibles comme des journées d'orage. 

Dans ces deux provinces, les vents sont très-mobiles et ont un caractère 
local. C'est ainsi qu'à Recht, aux heures chaudes de la journée, règne très- 
souvent un vent frais, venant de la mer, lorsque dans le reste de la Perse le 
vent ne vient pas du nord. En hiver, le vent souffle le plus souvent soit du sud, 
soit de l'ouest. Dans cette même saison et au printemps, lorsque la végétation 
a déjà acquis un certain développement, il survient parfois et brusquement un 
vent particulièrement chaud, du sud-est, qui peut faire monter le thermo- 
mètre de 0 à 20 degrés et au delà en quelques heures ; alors la neige disparait, 
le sol se dessèche, les feuilles des arbres prennent de la consistance, etc., puis, 
après un court laps de temps, moins de dix jours ordinairement, le vent change, 
la pluie ou tout au moins l'humidité reparaît, et les choses reprennent le cours 
qu'elles avaient auparavant. A Astérabad, on a noté que, pendant toute l’année, 
le vent du nord est deux fois fréquent comme celui du sud, celui de l’ouest 
deux fois aussi fréquent que celui de l'est. La nébulosité est plus considérable 
en hiver et plus faible en été; il y a, en moyenne, cinquante-sept jours de pluie, 
dont onze en été; les deux mois les plus chargés sont mars et septembre. La 
quantité de pluie peut être beaucoup plus élevée qu’on ne se l'imaginerait et 
atteindre ou même dépasser 1 mètre par an, le long de la partie occidentale de 
la rive Caspienne. À Merched, dans le Khoraçan oriental, à une latitude qui 
diffère peu de celle d'Achurade, l'hiver est très-dur et la neige abondante. Néan- 
moins les étés sont aussi très-chauds ; Conolly constata que la température du 
mois de septembre, à midi, est de 28 degrés centigrades en moyenne, et n'est 
pas inférieure à 25 degrés, bien que les nuits soient déjà assez froides à cette 
époque. Les hivers sont également pénibles dans l'Ardilan et le Louristan, où 
la température est variable et irrégulière. Il en est à peu près de même dans 
l’Aderbaïdjan où, malgré les chaleurs de certains mois de l'été, le climat peut 
être considéré comme relativement modéré. A Tabris, dans le mois de juin, 
pendant lequel on récolte déjà les moissons, la température varie de 15 à 30 
ou 35 degrés centigrades; cn voit parfois, d'après les observations de Malcolm, 
la neige tomber au mois d'octobre, puis ensuite le beau temps reparaître ; mais 
dès le mois de janvier il fait très-froid ; le beau temps s'établit définitivement 
au milieu d'avril. 

Dans les provinces du Khousistan ou du Farsistan, il faut, au point de vue 
du climat, distinguer les régions montagneuses des parties basses, plus voisines 
des côtes. Les premières ont des hivers très-rudes et des étés relativement tem- 
pérés; elles jouissent d'une salubrité notable; la neige couvre leurs hautes 
crêtes pendant la plus grande partie de l'année; certains sommets ne s’en 
dégarnissent jamais. Dans les parties basses, le climat est excessif, la chaleur 
est extrêmement vive tout le long du golfe Persique et la plupart des localités 
basses sont insalubres. A Abucher (Bender Buchehr), sur la côte du Fars, par 
29 degrés de latitude nord environ, la température moyenne de janvier est, 
d'après les observations publiées par Malcolm et résumées par Mühry (Klimato- 
graph. Uebersicht der Erde, p. 402-404), de 14°,3 au lever du soleil, et de 
418,2 à deux heures après midi, avec un écart de 3°,9; en juillet, la moyenne du 
mois entier est de 35°,8 centigrades ; celle du matin, 31°,9, celle du soir, 562,6, 
avec une oscillation de 4°,7. A Chiras (1770 mètres), ville célèbre de l'intérieur 
du pays, le climat, quoique dur, n'est pas aussi excessif et peut être supporté; 


524 PERSE (GÉOGRAPHIE MÉDICALE). 


la température qui, au mois de juin, est en moyenne de 54°,4, varie en mai de 
51 à 16 degrés ; en avril, la moyenne est de 11 degrés le matin et de 27 degrés 
le soir. La chaleur, quoique modérée, persiste encore en automne, mais, en 
hiver, le thermomètre est souvent au-dessous de zéro. Chiras, qui a fréquem- 
ment eu à souffrir des tremblements de terre, a failli être détruite en 1855 ; sa 
population, qui périt en partie, ne s'est pas complétement relevée ; un voyageur 
français, Aucher-Éloy, qui décrivit cette ville en 1845, antérieurement à ses 
grands désastres, n'en revint pas enthousiasmé outre mesure. À Abucher, les 
pluies commencent en octobre, deviennent abondantes en novembre et durent 
Jusqu'en mars et même en mai, époque où la dernière neige disparaît des 
montagnes. En été, il ne pleut pas ; le vent dominant est celui du nord-ouest, 
tandis qu’en hiver celui du sud-ouest soufile presque toujours. En somme, le 
climat du Farsistan est très-agréable au printemps et en automne. Dans cette 
province, de même que dans le Kirman, l'air est des plus secs pendant toute 
l'année, et on ne retrouve plus ici l'atmosphère humide et lourde si habituelle 
au Mazendéran et au Ghilan. Dans le Kirman, le climat est encore plus varié 
que dans les autres provinces ; la zone maritime et celle qui confine au désert 
intérieur sont exposées à des chaleurs excessives, tandis que dans les montagnes, 
au centre de la province, les hivers sont très-longs et très-pénibles ; les condi- 
tions du climat tempéré ne se trouvent réalisées que dans quelques hautes 
vallées ou sur les premiers gradins des montagnes. À Kirman même, chef-lieu 
de la province, il fait très-froid en hiver et les chaleurs de l'été sont intolérables. 

La partie occidentale de la province de l'Irak-Adjemi partage les conditions cli- 
matologiques des provinces voisines, avec un certain adoucissement des rigueurs 
de la mauvaise saison. A [spahan, par exemple (32°,59'34" nord; 49°,2422" est; 
1576 mètres d'altitude), et aux environs, le climat est très-modéré et passe 
pour un des plus sains de la Perse; il n'y a guère que deux mois de très-fortes 
chaleurs, ceux de juillet et août; dans ce district fertile et relativement bien 
cultivé, le mois de décembre est à peine un mois d’hiver, cette saison n'ayant 
réellement son début qu'au commencement de l’année. Le mois de novembre 
est le premier mois de pluie, celle-ci continue encore en decembre. En janvier, 
la neige tombe, mais elle séjourne peu. Dès le mois de mars, avec de grands 
vents, les pluies reviennent, assez fréquentes. Néanmoins, le printemps est admi- 
rable et à tous les points de vue très-agréable. Kachan, à 150 kilomètres plus 
au nord et à 1090 mètres d'altitude, est dans des conditions analogues. Téheran, 
au milieu d'une contrée attrayante, pourvue d’eau et bien irriguée, est une 
ville moins salubre qu'Ispahau, pour des causes diverses au nombre desquelles 
il faut compter la mauvaise qualité des eaux potables; en juillet et août, la 
température atteint facilement 34 degrés centigrades et subit des variations 
brusques ; les hivers sont plus froids et plus rudes à Téheran qu'à Ispahan. 

Dans le grand désert intérieur, la sécheresse de l'air devient extrème; l'hüumi- 
dité relative y est réduite au minimum le plus bas qui ait été observé; elle ne 
dépasse pas 11 pour 100, d’après de Khanikoff. Le Lout, la partie centrale du 
pays, est un désert complétement inhabité, aussi morne, aussi triste, aussi nu 
qu'on peut se l’imaginer. On l’a dit avec raison, les steppes de l'Asie centrale, 
l’Ak-Koum, le Kisi-IKoum, etc., sont des pays fertiles, comparés à la région du 
Lout. Elle est la terreur des caravanes, qui mettent en général trois ou quatre 
jours pour la traverser et n'y trouvent qu’un petit nombre de puits. Les ani- 
maux y sont très-rares. 


PERSE (GÉOGRAPHIE MÉDICALE). 525 


Poruration. Malgré le grand renom dont il a joui dans l'histoire, le plateau 
iranien est actuellement et fut probablement toujours un pays très-médiocre- 
ment peuplé ; des régions très-vastes y sont absolument inhabitables. La Perse, 
plus favorisée pourtant sous ce rapport que le Béloutchistan et l'Afghanistan, ne 
possède, relativement à sa vaste étendue, qu'un nombre d'habitants extrême- 
ment faible. Les appréciations numériques sont forcément très-approximatives ; 
il n'existe aucun moyen de les rendre précises. On suppose que le plateau 
iranien ne renferme pas plus de 10 millions d’âmes, dont environ 7 millions 1/2, 
peut-être un peu plus, pour l'empire persan. La surface totale de fa Perse 
étant d'environ 1650 000 kilomètres carrés, le nombre des habitants par 
kilomètre carré se trouve Ôtre inférieur à cinq. La très-grande diversité qui 
règne dans les conditions physiques du sol, où tous les extrêmes sont repré- 
sentés, rend la répartition de cette faible population tout à fait inégale, suivant 
les provinces; il est des districts relativement étendus, qui sont littéralement 
déserts. 

L'étude de l'ethnographie persane a été jusqu'ici très-incomplétement faite ; 
elle présente des difficultés considérables que de Khanikoff a fort bien fait 
ressortir dans son important travail sur ce sujet (Mém. sur l'ethnogr. de la 
Perse, 1866) : mélanges inextricables des races dans certaines provinces, défaut 
de moyens de communications dans d’autres: ailleurs, préjugés et fanatisme 
religieux ; ici, multiplication des dialectes; là, manque de sécurité, ete. 

Nous verrons ailleurs ce que fut la population ancienne de ce grand plateau 
iranien, de quels éléments elle fut formée. Nous examinerons quel degré de 
consanguinité unissait entre eux ces peuples dont les dialectes constituaient une 
famille linguistique si naturelle (voy. Iran). Nous apprendrons alors que, con- 
formément aux conclusions du travail de de Khanikolf, c’est à l’est de la Perse 
qu’il faut chercher le berceau de la race iranienne, et que, dès les plus anciens 
temps, il exista des différences marquées entre les populations habitant l'orient 
du plateau et même de la Perse, et celles de l’ouest. Nous nous bornerons 
aujourd'hui à donner des indications sommaires sur les habitants actuels de la 
Perse en général, et de chacune des principales provinces en particulier. 

Le fond de la population persane est essentiellement iranien, c’est-à-dire qu'il 
appartient à la souche indo-européenne ; mais il faut distinguer dans la masse 
des habitants de la Perse, d’abord les Iraniens proprement dits, qui se trouvent 
plus particulièrement dans le centre et les régions montagneuses, puis les 
représentants de races mixtes, produits des mélanges de sang sémitique, toura- 
nien et arien, dans les provinces et le long des frontières de l’ouest et du nord, 
et enfin les groupes étrangers, mongols, turks, arabes, elc., venus du dehors 
par immigration, et vivant entre eux, sans s'être ni confondus, ni parfois même 
mélangés avec la population propre de la Perse. 

Le type persan proprement dit, tel qu'il a été bien décrit par de Khanikoff, 
qui a mis à profit les observations du commandant Duhousset, consignées dans 
ses travaux (Étude sur la popul. de la Perse, 1865, in-8°, etc.), est remarqua- 
blement beau. Les traits offrent une très-grande régularité et, d'un individu à 
l'autre, une uniformité digne d’être notée. Le front est large et élevé, la face 
ovale, le nez légèrement aquilin, les lèvres moyennes, plutôt fines, les yeux 
grands, allongés, presque toujours de nuance très-foncée, bruns ou noirs ; la 
chevelure et la barbe sont fournies, soyeuses, et habituellement, noires. Dans 
certaines provinces, on rencontre exceptionnellement des individus à barbe 


526 PERSE (GÉOGRAPHIE MÉDICALE). 


rousse et à cheveux roux ; presque partout les blonds sont tout à fait rares. Le 
crâne persan a été l'objet d’un certain nombre de mensurations. Nous avous 
reproduit ailleurs (voy. Arens) les principaux chiffres d’un tableau publié par 
de Khanikoff, d'après des observations qui lui sont propres, et desquelles il 
résulte que les Guèbres qui, au point de vue de la pureté du sang, offrent cer- 
tainement les plus grandes garanties, sont aussi ceux chez lesquels on trouve 
l'indice céphalique le plus faible (0,70), correspondant à une dolichocéphalie 
très-prononcée. La taille moyenne des Persans est médiocrement élevée, et la 
différence entre les tailles extrêmes peu considérable. D'après de Khanikoff, les 
Indiens et les Iraniens diffèrent entre eux beaucoup moins que les autres 
branches de la race arienne, fait qui, dit-il, ne peut guère être attribué qu'à 
l'isolement relatif dans lequel les ont maintenus les idées et les prescriptions 
religieuses. Les Persans eux-mêmes, dans les provinces orientales, le Khoraçan, 
le Seïstan, etc., se désignent sous la dénomination de Tadjiks, comme les Ariens 
du Turkestan. 

Les provinces caspiennes de la Perse, le Ghilan et le Mazendéran, ont été plus 
fréquemment visitées et plus profondément étudiées que les autres ; leurs popu- 
lations sont mieux connues. Dans le Ghilan, les colons sont nombreux et leur 
rôle est important. Néanmoins, la grande majorité des Ghilanais appartient à la 
race iranienne, dont le type chez eux n'a pas été sensiblement altéré. 

Il y a dans le Ghilan, indépendamment des Iraniens, des colons de race 
turque, venus de l’Aderbaïdjan, qui occupent une partie du district de Recht, 
puis des Kurdes, datant du temps de Nadir-Chah, et qui ont complétement con- 
servé leurs mœurs et leurs dialectes. 

Dans le Mazendéran, la population est également mixte, par suite des infiltra- 
tions afghanes, turques, géorgiennes, kurdes, etc., mais jusqu'alors il n’y a 
pas fusion prononcée, et les types de chaque race peuvent être assez facilement 
distingués. 

L'Aderbaïdjan compte parmi les provinces de la Perse où la population a reçu 
le plus d'éléments étrangers, et où ceux-ci se sont implantés le plus solidement. 
C'est en réalité une province plutôt turcomane que persane; les éléments ira- 
niens ne font pourtant pas défaut ; ils y sont même nombreux. Mais les autres 
y ont si souvent dominé, qu'ils en ont fait une nouvelle patrie appropriée à leur 
fantaisie et à leurs besoins. C'est à ce point que la langue turque y est la langue 
courante d'une partie de la population, même de sang persan. Le nord-ouest 
de la province est occupé entièrement, sur une assez grande étendue, par des 
Arméniens. 

Dans le Louristan, un des éléments les plus importants de la population, 
celui-là même qui a donné son nom à la province, est de race étrangère. Les 
Louris, malgré le soin avec lequel ils cherchent à s’en distinguer, sont de même 
sang que les Kurdes, et en particulier que ceux de l’Ardilan, petite province 
frontière située au nord du Louristan. Les tribus qui habitent le Louristan sont 
souvent désignées sous le nom de Petits Louris. 

C’est dans le Khousistan, ou Arabistan, que se trouvent les Grands Louris, 
comprenant plusieurs tribus, dont la plus importante et la plus connue est 
celle des Bakhtaris. Cette dénomination est même souvent appliquée à plusieurs 
des tribus Louris du Khousistan. 

On rencontre également des Arabes dans les plaines basses qui longent le 
golfe Persique, dans les provinces du Farsistan et du Kirman, mais ils n’y sont 


PERSE (GÉOGRAPHIE MÉDICALE). 927 


pas en très-grand nombre. Dans le Farsistan, la population tout entière, ou à 
peu près, appartient, on peut le dire, à la race iranienne. Les nomades des mon- 
tagnes sont des gens du type kurde; ils forment deux grandes tribus apparte- 
nant aux Grands Louris comme les Bakhtiaris, dont ils ont les mœurs et les 
usages. [ls parlent un dialecte persan. Il est à noter qu’on a signalé parmi eux 
le présence d’un certain nombre d'individus à cheveux blonds. Les deux tribus 
comprennent ensemble environ 18 000 familles. 

La population de la province de Kirman est relativement très-faible ; elle ne 
dépasse guère 1/2 million d'habitants, parmi lesquels on compte quelques 
milliers d'Arabes. Tous les autres, Tadjiks ou Balouches, sont de sang iranien. 
Le Kirman a été jusqu'ici peu exploré; il compte parmi les pays dont la popu- 
lation est le moins connue. 

Le Khoraçan et l'Irak-Adjemi, deux provinces qui à elles seules occupent un 
üers au moins de l'empire persan, se parlagent à leur centre un vaste désert 
absolument dépourvu d'habitants ; on peut y parcourir des centaines de kilo- 
mètres sans rencontrer ni une tente ni une hutte. Les autres parties de ces 
provinces sont très-inégalement peuplées, et surtout le sont actuellement beau- 
coup moins qu'elles ne le furent jadis. Le Khoraçan, d'après les évaluations les 
plus récentes, ne possède pas plus de 4 million d'âmes, et peut-être ce chiffre 
est-il encore trop élévé. La population fixe comprend 400 000 individus approxi- 
mativement, qui appartiennent généralement à la race iranienne, c’est-à-dire sont 
des Tadjiks. Parmi les nomades se trouvent 250 000 Kurdes, et 10 à 12 000 Ba- 
louches. La race sémitique y est représentée par des Arabes, au nombre de 
100 000 peut-être. Mais on trouve en outre dans le Khoraçan une grande 
quantité de nomades appartenant à la race mongole, connus sous les noms de 
Aïmaks, de Taimouris, de Hezarehs (Hazaréh, Hazaras). Une partie de ces 
nomades mongols kabite l'Afghanistan. Ces peuplades, dont les traditions affir- 
ment l’origine orientale, offrent à l'observateur les caractères physiques les plus 
évidents, propres à leurs frères de l'Asie centrale. Ils ressemblent anx Tartares 
des bords de l'Oxus, par la stature et la physionomie. Comme eux, ils ont la 
face large, les pommettes saillantes, les yeux petits et bridés, le nez large et 
court, la barbe raide et rare. Tous sont pasteurs et s'occupent avec passion de 
l'élevage des chevaux; ils possèdent aussi de grands troupeaux de moutons et 
de chèvres. Alex. Burnes estimait leur nombre total à environ 300 000, mais 
de plus récentes appréciations tendraient à faire croire qu'ils sont beaucoup 
plus nombreux encore. Le nom d'Aïmaks est spécial aux tribus du sud de la 
province ; les Aimaks se distinguent encore des autres par le langage, car ils 
ont conservé leur idiome mongol, tandis que les Hezarehs ont adopté la langue 
persane. De plus, ils appartiennent à la secte sunnite, tandis que les Hezarehs 
sont chiites, comme la presque totalité des Persans. 

Dans l’Irak-Adjémi, la population iranienne est tout à fait prédominante ; elle 
occupe toutes les villes, qui sont nombreuses dans cette province, située au 
milieu de l'empire dont elle possède la capitale, En dehors des villes, les séden- 
taires sont presque tous Tadjiks ; il se trouve pourtant parmi eux un certain 
nombre d’'Arméniens et de Juifs, notamment à Ispahan et à Ecbatane, qui abritent 
environ 1000 familles juives. Des Arabes nomades se rencontrent, comme dans 
le Khoraçan, éparpillés au milieu des autres nomades. 

Bien qu'il soit très-difficile d'apprécier les mouvements de population de la 
Perse, il est certain que l'importance de la colonie arménienne qui l'habite va 


528 PERSE (BIBLIOGRAPHIE). 


sans cesse en diminuant. En dehors des groupes que nous venons de signaler 
dans le Khoraçan, il ne reste guère que ceux de l'Aderbaïdjan qui, occupant 
le nord-ouest de la province, y sont en réalité comme dans leur patrie propre. 
Les Juifs sont moins nombreux que les Arméniens; confinés presque partout 
dans des ghettos, ils ne s’adonnent guère qu’au commerce. En Perse, comme 
dans tout l'Orient, on rencontre, indépendamment de la population fixe et des 
tribus nomades, des Tsiganes errants, désignés dans le pays sous les noms de 
Karatchis, de Loulis, ete. Ils sont assez nombreux, et leurs mœurs ne diffèrent 
pas de celles qu'on leur connait dans les autres contrées. 

Le culte dominant en Perse est la religion musulmane ; presque tous les 
Persans appartiennent à la secte chiite; on ne compte pas plus de 700 000 sun- 
nites sur plus de 7 millions de musulmans. Il y a aussi environ 20 000 nesto- 
riens. Le vieux culte de Zoroustre a encore quelques adhérents, assez mal vus 
d'ailleurs par le reste de la population, à ce point que leurs pratiques reli- 
gieuses s’exécutent souvent en secret. Le plus grand nombre d’entre eux est 
rassemblé à Yezd et aux environs. Mais les anciennes pratiques de ce vieux culte 
n’ont pas complétement disparu; quelques-unes se sont introduites dans les 
rituels des religions nouvelles. D'autres ont persisté jusqu'ici dans des coutumes 
dont les fidèles eux-mêmes ne savent plus l'origine. Dans certaines provinces, 
notamment dans l'Aderbaïdjan et sur les rives caspienues, les habitants ont à 
vaincre une grande répugnance pour éteindre un foyer ou souffler une lumière. 
Alex. Chodzko raconte (Annal. des voyages, 1850, t. I, p. 294) que, dans le 
Ghilan, la veille du mercredi avant l'équinoxe du printemps, les femmes et les 
hommes se rendent, en groupes séparés, au bord de la mer, qu'ils y allument 
un feu et sautent par-dessus, en l'invoquant et en lui demandant la prospérité 
pour les récoltes et pour les troupeaux. G. LiétarD. 


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Soc., t. II, p. 390 et suiv. Londres, in-8. — Du nêwe. Extracts from a Memorandum on 
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chistan, Afghanistan, Khorassan and Iran, 1872. Londres, 1874, in-$.— Du ème. Stati- 
stische Uebersicht von Persien. Saint-Pétersbourg, 1841, formant le t. VII, des Mémoires 
de la Société de Géographie russe. Cfr. Petermann's Mittheilungen, 1857, p. 214. — 
Baron» (W. T.). On the Physical Geography of Persia. Mémoire communiqué à Ja réunion 
de la British Association, à Breadford, en 1873. Extrait publié dans l’Athenæum, n° 2396, 
p. 401. — Bowe (A. de). Travels in Susistan and Arabistan being a Tour through South 
Western Persia, in the Years 1840 et 1841. London, 1844, 2 vol. in-8°. — Du nêse. Tra- 
vels in Luristan and Arabistan. London, 1845, 2 vol. in-8°. V. aussi Journ. of the Roy. Geogr. 
Soc. London. 1845, t. XIII, p. 86. — Du wêse. Aperçu géographique et statistique de la 
province d’Asterabad. In Annales des voyages, février 1859, et Petersburger Geograph. 
Gesellschaft, t. 1, 1849, p. 375. — Du mène. Les Yamouds et les Goklans. In Petersburger 
Geograph. Gesellschaft, t. I, 1849, p. 400. — Brucscx (D° H.). Reise der K. Preussischen 
Gesandtschaft nach Persien, 1860-1861. Leipzig, 1862-1863, 2 vol. in-3°, XIV-418 pp. et 
XIL-514 pp. On trouve à la fin du t. II, en appendices, deux mémoires du D" Hantsche 
sur la météorologie et la géographie pathologique de la Perse. — Du mêne. Aus dem Orient. 
Berlin, 1864, in-8°. — Bruse (A.). Course dans les montagnes du Ghilan, 1848. In Annales 
des voyages, décembre 1851. — Buse (F. A.). Notice sur trois plantes médicinales et sur le 
grand désert salé de la Perse. In Erman's Archiv für wissenschaftl. Kunde von Russland, 
t. XI, 1852, p. 1-12 (extrait du Bull. de la Soc. d'hist. nat. de Moscou, 1850, n° 4). — 


PERSE (BIBLIOGRAPHIE). 529 


Buxce (Von). Die Expedition nach Chorassan. In Geograph. Mittheilungen de Petermann, 
1860, p. 205. — Cuaron (J.). Voyage en Perse et autres lieux de l'Orient, nouv. édit. 
augm. par Langlès. Paris, 1813, 10 vol. in-8° et atlas, 83 cartes in-folio (il y a de nom- 
breuses éditions antérieures, la première est de 1686). — Cuonzro (Alex.). Le Ghilan et les 
marais caspiens. In Annales des voyages, 1849, t. IV, p. 257; 1850, t. I, p. 193 et 285; 
t. II, p. 61, 200; t. III, p. 69. — Du mème. De l'élève des vers à soie en Perse. Paris, 1845, 
in-8°. — Du mève. Le Khoraçan et son héros populaire. Paris, 4852, in-8°. — Cramac. 
Histoire de Perse depuis le commencement de ce siècle. Paris, 1750, 3 vol. in-12. — 
Coxozzx (Art.). Journey over Land to North India. London, 1834, 2 vol. in-8°. — Du même- 
On a Mission into Khorassan. In Journ. of the Asiat. Soc. of Bengal, 1841, t. X, p. 116. 
— Daruesrerer (J.). Coup d'œil sur l'histoire de la Perse. Paris, 1885, in-42, t. XLIV de 
la Bibliothèque Orientale elzévirienne, 67 pp. — Derreweny. Voyages d Ibn Batoutah dans 
la Perse et dans l'Asie centrale. Extr. de l'original arabe, traduit et accompagné de notes. 
Paris, 1845. in-8°, et in Annales des voyages, 1848. Cfr. Journal asiatique, juillet 1849, 
p. 25. — Derreos. Coupes hypsométriques du plateau de l'Iran ou Armeno-Caucasien, 
d'après les observations barométriques de M. Texier. In Bulletin de la Société de Géo- 
graphie, t. XX, 1845, p. 246. — Dors (Bernh.). Observations sur l'extérieur et la langue 
des habitants du litloral méridional de la mer Caspienne. In Annales des voyages, 1865, 
p- 129, 140. — Du wêwe. Bericht über eine wissenschaftl. Reise in dem Kaukasus und den 
Südlichen Küstenlärdern des Kaspischen Meeres. In Bull. de l'Acad. de Saint-Pétersbourg, 
4861, t. IV, n° 6, p. 344. Voy. une analyse du mém. par M. de Khanikoff, dans le Journal 
asiatique, février 1862, bp. 214-225. Voy. au:si: Annales des voyages, mai 1865. — Du 
MÊME. Bericht über Hrrn. Melqunov's Werk : Bemerkungen über die Südlichen Küsten- 
länder der Kaspischen Meeres. In Bull. de l’Acad. de Saint-Pétersboury, t. V, 1862, p. 495. 
— Duuousser (E.). Études sur les populations de la Perse et pays limitrophes pendant 
trois années de séjour en Asie. Paris, 1865, in-8°. Extrait de la Revue orientale et améri- 
caine, n° 48, t. Il, avec 14 planches. — Durré (A.). Voyage en Perse fait dans les années 
1807, 1808, 1809, en traversant l Anatolie et la Mésopotamie, depuis Constantinople jus- 
qu'à l'extrémité du golfe Persique et de là à lrewan, suivi de détails sur les mœurs, les 
usages et le commerce des Persans, sur la cour de Téhéran ; d'une notice sur les tribus de 
la Perse, d'une autre des poids, mesures et monnaies de ce royaume, el enfin de plusieurs 
itinéraires, avec une carte. Paris, 1849, 2 vol. in-8. — Finir (Prof. F. de). Note di un 
Viaggio in Persia nel 1862. Milano. 1865, in-8°, 408 pp. — Fraser (J.). Travels and 
Adventures ın the Persian Provinces on the Southern Banks of the Caspian Sea, etc. 
London, 1826, in-4. — Du nême. Narrative of a Journey into Khorasän in the Years 48214- 
1829, including some account of the Countries to the North-East of Persia. London, 1895, 
in-4° avec carte. — Du même. À Winter's Journey from Constantinople to Teheran, with 
travels through various parts of Persia. Londres, 1858, 2 vol. in-8° et carte. Le premier 
de ces ouvrages de J. Fraser se termine par un appendice renfermant les observations géo- 
logiques de l'auteur. Cfr. Journal des savants, 1827 (art. p. de Sacy). Asiat. Journal of 
London, vol. XXII, 1826, et Annales des voyages, 1831, t. LII, p. 52. — Gagecenrz (C. von). 
Ueber die Sprache der Hazäras und Aimaks. In Zeit. d. Deut. Morgenländisch. Gesellsch., 
t. XX, 2 cah., p. 526-355. — Gosmeau (Cte de). Les religions et les philosophies dans 
l'Asie centrale. Paris, 1865, in-8. — Goznsmo (J.). Notes on Eastern Persia and Western 
Beluchistan, 1862-1864. In Journ. of the Roy. Geogr. Soc. London, 1867, vol. KXXVII,p. 269- 
997. — Grecor (Mac). Narrative of a Journey through the Province of Khorassan in 1875. 
London, 1879, in-8°. — Guurmy (E.). Essai sur le Ghilan. In Bull. de la Soc. de Géogra- 
phie, février 1866, p. 81-104. — Hanrscne (J. C.). Topographie und Statistik der Persi- 
schen Turkomanen. In Zeitschr. f. Allgem. Erdkunde, août 1862, p. 97 sqq. — Do mêne. Le 
Tabaristan. In Zeitschr. d. D. Morg. Gesellsch., t. XX, 1866, p. 186. — Du mème. Talysch, 
eine Geographische Skizze. In Dritter Jahresber. des Vereins f. Erdkunde zu Dresden, 
4866, supplément, p. 1-64. — Du nême. Specialstatistik von Persien. In Zeitschr. der Ge- 
sellschaft für Erdkunde zu Berlin, nou. série, t. IV, 1869. — Du même. Physikal. medic. 
Skizze von Rescht in Persien. In Virchovs Archiv f. Patholog. Anatomie, 1862. — Du 
mème. Haram und Herem. In Zeitschr. f. Allgem. Erdkunde, 1864, p. 575-590, 409-434. — 
Haussexecar. Botanische Reisen in Kurdistan und Persien. Cfr. Geograph. Mittheilungen 
de Petermann, 1869, p. 119, et Zeitschr. der Gesellsch. für Erdkunde zu Berlin, t. I, 
p- 464-73. — Jausert (A.). Voyage en Arménie et en Perse, fait dans les années 4805- 
1806, accompagné d’une carte, etc., et orné de planches lithographiées. Paris, 1821, in-8°, 
— Journaux (A.). La Perse, tableau de l'histoire, du gouvernement, de la littérature de cet 
empire, des mœurs et coutumes de ses habitants. Paris 181405 vol m12 Ge 
Porter (R.). Travels in Georgia, Persia, Armenia and Babylonia, etc., during the Years 
4817-1820. London, 182, 2 vol. in-4°. — Kuaaxiorr (N. de). Mémoire sur la partie méri- 
dionale de l'Asie centrale. Paris, 1861, in-4°. In Mém. de la Soc. de Géogr. de Paris, 


ucr. ENC. 2° s. XXII. A 


550 PERSE (GÉOGRAPHIE MÉDICALE). 


. VII, 4862, et tir. à part. — Do mème. Mémoire sur lEthnographie de la Perse. Paris, 
1866, in-4°. Extr. des Mém. de la Société de Géographie, t. VIT. — Kinser (J. M.). A Geogra- 
phical Memoir on the Persian Empire, accompanied by a Map. London, 1815, in-4°. — 
Lavaro (L.). Description of the Province of Khuzistan. In Journ. of the Roy. Geogr. Soc., 
t. XVI, pp. 4-146. London. 1846, in-8°. — Lewn. Résultats géographiques d'un voyage en 
Perse, 1858-1859. Saint-Pétersbourg, 1854, in-8°. — Marcom (J.). The History of Persia in 
the most early Period to the Present Time, ete. London, 1815, 2 vol. in-4°. Le chap. xxiv 
contient une étude sur la climatologie de la Perse; 2° édit., 1529, 2 vol. in-8°. Traduct. 
franc. par Benoist. Paris, 1821, 4 vol. in-8°. Trad. allem., p. G. W. Becker, Leipzig, 2 vol. 
in-8°, 4850. — Mercuxorr. Das Südliche Ufer des Kaspischen Meeres, oder die Nord-Pro- 
vinzen Persiens. Leipzig, 1868. in-&. Cfr. Zexker (J. Th.). Mittheilungen über die Länder 
am Südlichen Ufer des Kaspischen Meeres, nach G. Melqunof. In Zeitschr. d. Deut. Mor- 
genländ. Gesellschaft, t. XXE, p. 252. Voy. aussi, dans le t. XXII de la même Revue, un 
Essai de M. Melgunoff sur les dialectes du Mazanderan et du Ghilan, p. 195 et suiv. — 
Méxanr (J.). Les langues perdues de la Perse et de l’Assyrie, 4'° partie, Perse, t. XLI de la 
Biblioth. orient. elzévirienne. Paris, in-42, 1885, t. XI. — Moxrterru (Colonel). Journal 
of a Tour through Azerbijan and the Shores of the Caspian Sea. In Journal of the Roy. 
Geogr. Soc., 1854, vol. IM, p. 1-58. — Moner (J.). Journey through Persia, Armenia and 
Asia Minor to Constantinople in the Years 1808-1809, etc. London, 1812, in-4°; édition 
allemande, Weimar, 1815. in-8°; traduct. française par Eyriès, 1813, in-8°, 3 vol. et atlas. 
— Du mème, À Second Journey through Persia, Armenia and Asia minor to Constantinople 
between the Years 1810-1816. Londres, 1818, in-4°, 2 cartes. Cet ouvrage se termine par 
plusieurs appendices consacrés à la Météorologie, etc. — Nicocas. Note sur l'enseignement en 
Perse. Paris, 1862, in-8°. Extr. du Journal asiatiq. — Ouvier (G. A.). Voyage dans l'empire 
Ottoman, l'Égypte et la Perse, etc. Paris, 1807, 4 vol. in-#, dont un atlas. — OrsoLce (M.). 
Le Caucase et la Perse. Paris, 1885, in-18, carte. — Ovseey (W.). Travels in Various 
Countries of the East, more particulary Persia, etc. London, 1819-1895, 5 vol. in-4. — 
Perermanx (H.). Reisen im Orient. Leipzig, 1862, 2 vol. in-8° avec carte et planches. — 
Porar (Dr J. E.). Persien. Das Land und seine Bewohner, ethnographische Schilderungen. 
Leipzig, 14865, 2 vol. in-8&. Le 2° volume renferme des chapitres concernant spécialement 
la médecine orientale, la médecine persane en particulier, les épidémies et la géogra- 
phie médicale. Cfr. Revue moderne, 1° juillet 1867, analyse de l'ouvrage par Depping et 
tirage à part. — Rawunwsow (H.). March from Zohab at the Foot of Zagros along the Moun- 
tains of Khurzistan and from thence through the Province of Louristan to Kirmanshah in 
the Year 1856. In Journ. of the Roy. Geogr. Soc. London, 1839, in-8°, t. IX, 1" partie, 
p. 26-116. — Du mèue. Notes on a Journey from Tabris through Persian Kurdistan, etc. 
Ibid., t. X, p. 1-64. London, 1859. — Du même. Memoir on the Site of Atropatenian Ecba- 
tana. Ibid., p. 65, — Rirrer (C.). Die Erdkunde, etc., oder allgemeine vergleichende Geo- 
graphie. 2 édit. Achter Theil, drittes Buch. Westasien, 1857-1840, 3 volumes in-8°. — 
RocnecuovarT (le comte de). Renseignements sur la situation, les ressources, les industries 
et le commerce de la Perse, etc. In Annales du commerce extérieur, n° 1595, 1864. — Du 
même. Souvenirs d'un voyage en Perse. Paris. 1867, in-8°. — Sar (Col. J.). Notes on a 
Journey from Tabriz through Kurdistan, etc., 1856. In Journ. of the Roy. Geogr. Soc. 
Londres, 1838, in-8, t. VII, p. 54. — Sanr Joux (0. B.). Persien. Nach den Arbeiten der 
Englischen Grenzkommission, 1870-1872, 1° partie : Abriss der physischen Geographie 
von Persien. In Mittheilungen de Petermann, 4877, t. TI, p. 66; 2° partie : Verzeichniss 
von Breiten, Längen und Höhen in Persien und Belutschistan, zusammengestellt und 
corrigirt. In Mittheilungen de Petermann, 1878, t. I, p. 25. — Eastern Persia, an 
account of the Journeys of the Persian Boundary Commission, 4870-1872 : I. The Geo- 
graphy with Narratives of major Saint John, Lovett and Evan Smith and an Introduction 
by major-gén. sir F. J. Goldsmid; l. The Zoology and Geography, by W. T. Blanford. 
London, 1877 in-8°. — Scawas (M.). Bibliographie de la Perse. Paris, 1875, in-8°. — 
SemLrrz. Rundreise um den Urmia-See, in Persien, 1856. In Geograph. Mittheilungen de 
Petermann, 1858, p. 221-255. — Srice. Eran, das Land zwischen dem Indus und Tigris. 
Beiträge zur Kenntniss des Lands und seiner Geschichte. Berlin, 1855, in-8°. — Taruiuer. 
Mémoire descriptif de la route de Teheran à Meched. et de Meched à Yezd, reconnue en 
1807. In Bull. de la Soc. de géogr. Paris, in-8°, 2° série, t. IX et t. X. — Wacxer (Mgr). 
Reise nach Persien und dem Lande der Kurden. Leipzig, 1852, 2 vol. in-8°; trad. anglaise, 
3 vol. in-8°. London, 1856. — Vivien DE Saint-Martin. L'Irån et ses populations aborigènes. 
In Rev. german., 1861, t. XVII, p. 607-621. GS To: 


2 IL. Pathologie. Dans toute l'antiquité l'étude de la médecine fut absolu- 
ment nulle en Perse; les grands rois empruntaient des praticiens à l'Égypte ou 


PERSE (GÉOGRAPHIE MÉDICALE). 551 


bien aux villes grecques de l’Asie Mineure. Son étude fut en faveur seulement 
au cinquième siècle de notre ère, à l'époque de la fondation de l'École nesto- 
rienne de Dschondi-Sapor. Il est même probable qu’en la fondant les monarques 
Sassanides obéissaient plutôt à des préoccupations politiques qu'à des idées phil- 
anthropiques. Les Nestoriens étaient bannis du territoire grec; Chosroès I°, en les 
recevant et en les comblant d'honneurs, se préparait des partisans pour le jour 
où ses armées entreraient dans les provinces d'où ils avaient été chassés et où 
ils comptaient toujours de nombreux amis. Cette école dura plusieurs siècles ; 
longtemps après l'invasion arabe elle était florissante encore et fournit proha- 
blement plus d’une fois des traducteurs aux Califes. Une instruction destinée aux 
catéchumènes recommande à ceux qui veulent étudier la médecine d'éviter 
rigoureusement de suivre les leçons des maîtres païens. Elle était du neuvième 
siècle : il est donc probable qu'il existait dès ce temps en Perse des médecins 
plus instruits que les empiriques de toute nature qu'on rencontre encore aujour- 
d’hui dans les villages. Les premiers médecins sérieux de l'École arabe furent 
persans. Rhazès était né dans le Khorassan ; il étudia à Bagdad et devint de bonne 
heure médecin de l'hôpital général de Razi, sa ville natale : il y avait donc à ces 
temps reculés une assistance publique mieux organisée peut-être que de nos 
jours. Avicenne était d’Afschena, dans la même province du Khorassan ; c'était le 
fils du fonctionnaire public le plus élevé en grade du pays; il étudia sur place, 
acquit même une réputation assez sérieuse pour être appelé près du plus haut 
dignitaire arabe du pays, l’émir Schems ed Doulla. 

La décadence fut rapide et complète; l'histoire n'a plus enregistré le nom de 
médecins arabes de valeur nés en Perse. Au moyen âge, à la Renaissance, pendant 
les temps modernes, l'Europe se désintéressa complétement de ce pays ; on ne 
parla qu'à de rares intervalles de ses rois ; pour le reste, on finit par le con- 
sidérer comme une des plus barbares des contrées musulmanes. Il n'y a guère 
que depuis 1851 que les journaux professionnels ont publié de temps en temps 
de courtes correspondances de MM. Pollak et Tholozan. Elles donnent une assez 
triste idée de l’état de choses en vigueur partout. 

« Nous n'avons jusqu’à présent, disait M. Pollak, ni hôpitaux, ni hospices 
dignes de ce nom; tout nous manque pour cela. Les malades pauvres se font 
traiter à domicile et les aumônes à cet effet sont abondantes. Du reste, avec sa 
population clairsemée, la Perse, si elle n’est pas riche, ne connaît pas du moins 
les rigueurs du paupérisme. » 

Il y avait plusieurs classes de praticiens indigènes ; les savants (palsins), qui 
lysaient et soignaient d'après un certain nombre d'ouvrages traditionnels. Un des 
plus estimés était le Toflh, réceptuaire indiquant de nombreuses préparations 
avec les plantes médicinales du pays. D'après M. Wills, ces médecins étaient les 
moins nuisibles de'tous; leur ‘thérapeutique se bornait à la prescription de 
sirops insignifiants ; comme les Persans sont en général robustes, ils guérissent 
assez souvent sans autre intervention. Dans les villages et les campements 
nomades, il y a des, barbiers-chirurgiens, des astrologues et des sorciers, des 
rebouteurs, des sages-femmes le plus souvent israélites. Tous sont profondément 
méprisés. Voici par quel procédé on choisit son médecin : avant d'appeler un 
médecin, on dresse une liste des principaux praticiens et la valeur de chacun 
d'eux est éprouvée par un verset du Coran; on prend celui dont le nom arrive 
en même temps’ qu'un verset de bon augure. 

Tout ne se borne pas là : les astrologues donnent leur avis, indiquent surtout 


552 PERSE (GÉOGRAPHIE MÉDICALE). 


l'heure à laquelle il convient de prendre tel ou tel médicament. Les pauvres gens, 
qui n’ont pas le moyen de s'adresser à eux, car ils font toujours payer assez 
cher leurs oracles, emploient un procédé mantique, simple et accessible à tous. 

« Quand le malade a obtenu sa prescription, après avoir fait une prière, il 
ouvre le Coran au hasard et, regardant le premier passage qui se trouve sur la 
droite, il cherche d’abord s’il fera ou ne fera pas la prescription. » 

Si la réponse du livre sacré est insignifiante ou ambiguë, il y a moyen de 
l’éclaircir. Aussitôt qu’un individu tombe sérieusement malade, il s'établit autour 
de lui une espèce de conseil de santé ; ses voisins l'entourent jour et nuit, cau- 
sent, fument le narguilé, prennent du thé, donnent leur avis surtout; jamais 
une prescription ne sera exécutée sans qu’elle ait été approuvée par le cénacle 
improvisé. On ne quitte plus le malade avant la convalescence; plus le cas 
s'aggrave, plus le nombre des assistants augmente: il y en a parfois jusqu'à 
cinquante à la fin. 

La chirurgie est redoutée et honnie; il est extrêmement difficile de décider 
un individu de n'importe quelle classe de la société à se soumettre à une opé- 
ration sanglante ; la grande raison, c'est que les mutilations pénales sont nom- 
breuses et fréquentes en Perse. D'autre part les procédés employés par les pra- 
ticiens indigènes ne sont guère faits pour rassurer les malades. 

« On fait l'amputation d'après les méthodes primitives observées en Europe 
avant l'application de la ligature. On place le membre sur un couperet ou un 
sabre court et on le frappe de violents coups de maillet ; si l’on veut enlever un 
doigt ou un orteil, on se sert d'un rasoir trempé dans l'huile bouillante. On fait 
souvent la taille sus-pubienne ; elle est presque toujours mortelle. » 

Le chloroforme est inconnu, sauf dans la légende ; on l’appelle esprit d’in- 
sensibilité et on lui attribue les propriétés merveilleuses du Benj des Mille et 
une Nuits. Il est parfois dangereux de l’administrer : l'officier médical de 
Buschir reçut un coup de pistolet d’un nomade après avoir chloroformé un de ses 
parents qu'il crut mort. 

Les rebouteurs sont plus populaires, parce qu'ils ont plus de savoir-faire. Sous 
ce rapport, ils n'auraient rien à apprendre de leurs confrères les plus madrés de 
l'Europe. Le procédé est simple et infaillible: on s'adresse à eux à la suite 
d'un accident ; il n°ÿ a que des désordres insignifiants, ils déclarent qu'il s’agit 
de fractures ou de luxations très-graves. Les suites ne leur donnent jamais un 
démenti ; ils appliquent un appareil constitué par des bandes roulées enduites 
de jaune d'œuf ou de bitume. A-t-on affaire à un individu actif que l'immopbilité 
impatiente, ils enlèvent le pansement très-vite et lui permettent de marcher; 
ils déclarent hardiment qu'ils ont guéri en trois ou quatre jours des fractures 
du fémur. Pour les gens pusillanimes la manière de faire change, le rebouteur 
tient son malade au repos tant qu'il veut bien lui payer ses visites. Les moyens 
de contention rationnels sont inconnus ; les fractures comminutives ou compli- 
quées de plaie sont rapidement suivies de complications; la mort est regardée 
comme une terminaison désirable. Si le malade guérit, son membre se gangrène 
et il lui reste un moignon difforme. Ne vaut-il pas mille fois mieux mourir ? 

Les pratiques obstétricales sont aussi judicieuses que le reste. « La femme est 
assise par terre, ses talons sont élevés au moyen de deux briques et on répand une 
poignée de cendre sur le plancher ; la sage-femme et une autre femme massent 
le ventre et les lombes ; on ne permet pas à la parturiente de se coucher. On 
suppose que la délivrance résulte de la gravitation. S'il y a une présentation 


-~ 


PERSE (GÉOGRAPHIE MÉDICALE). 555 


d'un membre ou du cordon, la sage-femme le saisit et tire jusqu’à ce que le 
fœtus vienne ou se rompe. Cette pratique donne des résultats effrayants ; les rup- 
tures de l'utérus sont extrêmement communes. La malade va au bain cinq ou 
six jours après la délivrance, puis reprend ses occupations. Dans l'espoir d’évi- 
ter de nouvelles grossesses, les femmes allaitent souvent deux ou trois ans. » 

Il faut dire que depuis vingt ans les choses se sont notablement améliorées. 
Dès 1865, M. Tholozan déclarait dans sa lettre à l'Académie que de nombreux 
praticiens formés par lui et ses collègues à l'École de Téhéran popularisaient 
dans le pays l'hygiène et la thérapeutique européennes. Dans son voyage de 1882, 
M. Pollak fut vivement frappé des améliorations réalisées. Il faut dire pourtant 
qu'il reste pas mal de barbarie dans les pratiques sanitaires ; la croyance à la 
contagion s'est généralisée : aussitôt qu'une épidémie de peste ou de typhus est 
signalée dans une localité, on l'entoure d'un cordon sanitaire complétement 
fermé; on s'inquiète peu des secours médicaux et de l’alimentation des localités 
contaminées, de sorte que les privations et le manque de soius sont funestes à 
autant d'individus que la maladie elle-même. 

On a cru longtemps la peste endémique dans le pays. Tholozan a protesté 
énergiquement contre cette idée; elle vient le plus souvent de la Turquie 
d'Asie. Pollak a vu en vingt-neuf ans 5 épidémies. 

Celle du Kurdistan en 1870 fut très-grave ; elle disparut spontanément à 
l'automne. Le docteur Telafous, qui put pénétrer jusqu'au village d’Arkdjuvan, 
croit qu'elle avait une origine autochthone; les deux premiers individus pris 
auraient transporté des ossements venant d’un cimetière dans lequel on avait 
enterré de nombreux pestiférés vingt ans auparavant. Schlemmer put observer 
119 cas dans le village de Bana ; il y eut 65 morts. En 1882, Pollak eut l'oc- 
casion de voir la peste dans le district de Sandsch-Bulah ; elle enleva 200 per- 
sonnes à Mzun-Duhra et à Dehii. Ses caractères rappelaient ceux de la peste 
noire du quatorzième siècle ; les malades avaient des hématémèses, des hémop 
tysies, des charbons, des pétéchies. La peste de Vetlianka venait de Perse. 

Le typhus est fréquent. Tholozan insistait beaucoup sur ce point dans la lettre 
que nous avons citée ; outre la fièvre récurrente endémique dans certaines loca- 
lités, on trouve le typhus exanthématique. Les épidémies sont ordinairement 
très-graves. Dans l'une d'elles, aux environs de Yerez, le nombre des cas et le 
chiffre de la mortalité furent plus élevés que dans n'importe quel choléra. Les 
médecins du pays nomment la maladie aspi et savent très-bien distinguer son 
éruption de la variole et de la rougeole ; ils ne la confondent pas davantage avec 
les pyrexies rémittentes des localités palustres. Celle-ci est fréquente à Namadan, à 
Tauris, à Koum, à Téhéran. 

Le bouton d'Alep s'observe surtout dans les plaines ; chez les étrangers, il 
siége de préférence aux membres inférieurs, tandis que chez les Persans on le 
rencontre plutôt à la face. Pollak l’a vu même chez le chien; peu grave par lui- 
même, il laisse des cicatrices disgracieuses et indélébiles. Schlemmer préconise 
les cataplasmes pour faire tomber les eroûtes, et les cautérisations après leur 
chute. Tholozan croit qu’il est préférable de ne rien faire ; tous les procédés 
favorisent l'extension des désordres et augmentent leur gravité. 

Le choléra vient de l'Hindoustan ; il règne surtout pendant les derniers mois 
de l'été et l'automne, en même temps que la dysenterie et les fièvres intermit- 
tentes. 

L'anthrax est fréquent et très-grave; on le traite sans grand avantage par 


BEF PERSE (GÉOGRAPHIE MÉDICALE). 


le cautère actuel. M. Schlemmer recommande l'usage prolongé des alcalins ; la 
lèpre est commune dans le nord-ouest, l’éléphantiasis au sud. 

D'après Pollak, on n'aurait jamais vu la diphthérie dans le pays avant 1858 ; 
elle y aurait été introduite cette année-là par un enfant d’une famille française. 
Depuis lors il y a presque tous les ans des cas assez nombreux. 

Malgré la fréquence des mariages consanguins, les maladies du système nerveux 
sont très-rares. En 1874 il y avait à peine 5 fous à Téhéran sur use population 
de 150 à 160000 habitants. A Afchan (100 à 120 000 habitants) il n’y en avait 
que deux, dont un idiot de naissance. L’épilepsie et l'hystéro-épilepsie s’ob- 
servent chez les négresses esclaves ; les Persanes n’en sont presque jamais 
atteintes. 

Les maladies du poumon sont beaucoup plus rares qu'en Europe. Chez la 
femme, celles de l'appareil génital sont assez communes; cela tient aux manœu- 
vres obstétricales, à la pratique de l'avortement très-répandue dans le pays. 
Beaucoup de femmes, aussitôt qu'elles éprouvent un retard dans l'apparition des 
règles, prennent une infusion d'asa fœtida, ou font usage de suppositoires de 
phoenix dactylifera ; en cas d’insuccès on a recours à des moyens moins inoffen- 
sifs, par exemple, la dilatation du col avec une substance végétale analogue au 
laminaria. 

Les parasites les plus répandus sont la filaire de Médine et l’Argas persicus. 
Les indigènes traitent de la manière suivante les accidents produits par la 
filaire : 

« On applique des cataplasmes de fiente d’ânesse jusqu’au moment où la tête 
du ver apparaît à travers la peau ramollie ; on le saisit alors pour l’enclaver 
dans la fente d’un roseau, puis matin et soir on pratique quelques légères trac- 
tions sur l'animal en l’enroulant autour dudit roseau, que dans l'intervalle des 
tractions on maintient près de la plaie par un bandage. Quand on parvient à 
extraire ainsi l'animal en entier, ce qui est rare, la plaie se cicatrise très-vite, 
mais la plupart du temps le ver se rompt au bout de dix à douze jours; la 
partie restant à l'intérieur se rétracte, devient insaisissable, et de nouveaux sym- 
ptômes fébriles souvent très-graves se déclarent pour ne s'apaiser qu’à la suite 
d'abondantes suppurations. Le danger de cette rupture consiste, dit-on, en ce 
que l’animal évacue ainsi dans la plaie les jeunes vers qu’il renferme ; il con- 
siste surtout, d’après M. Schlemmer, dans l'humeur qui s'exhale du corps de la 
filaire et de sa putréfaction. 

« Les barbiers-chirurgiens persans protestent contre ce traitement employé par 
les vieilles femmes ; quant à eux, ils incisent en croix la tumeur dès le début et 
prétendent en extraire le ver en une fois. 

«L’Argas persicus ou punaise de Mianck s'attaque uniquement aux étrangers ; 
lorsque ceux-ci ont été piqués une fois par elle, ils peuvent comme les naturels 
du pays supporter impunément ses attaques. 

« Les symptômes produits sont comparables à ceux d’une fièvre rémittente : 
lassitude extrême, anorexie, chaleur et sueur avec aggravation et soulage- 
ment alternatif à des heures de la journée. On a même pensé que ces sym- 
ptômes seraient dus plutôt à une sorte de malaria spéciale à Mianck, affectant 
les étrangers, respectant les indigènes. Cette opinion paraît erronée, car les 
mêmes effets se retrouvent sur la grande route de Téhéran à Khorassan sans 
aucune cause de malaria, tandis que l’Argas se rencontre encore dans cette 
région. » L. Hann et L. Tromas. 


PERSÉCUTION. 535 


BreciocraPnie. — Tuocozax. Bulletin de l’Académie de médecine, 1865, p. 333. — LepLaxc. 
La médecine en Perse. In Journal de thérapeutique, 1879, p. 44. — Wics (C.-J.). Medicine 
in Persia. In British Med. Journal, April 26, 1879. — Porrax. Ueber die geographische 
Verbreitung von Krankheiten in Persien. In Anzeiger der Gesellschaft der Ærzte zu 
Wien, 1882, p. 19. 

Voy. encore la bibliographie du chapitre précédent. L: Hy. et L: Te 


PERSEA (Persea Gaertn.). Genre de plantes de la famille des Lauracées, 
dont l'espèce type, P. gratissima Gaertn., est bien connue sous le nom vulgaire 
d'Avocalier (voy. ce mot). Ep. Ler. 


PERSÉCUTION (DÉLIRE DE). Les idées délirantes de persécution s'observent 
fréquemment dans les maladies mentales, mais parmi les nombreux aliénés qui 
les manifestent il faut établir deux catégories: dans la première se placent tous 
ceux chez lesquels l'idée de persécution n'est pas prédominante, présente en 
quelque sorte un caractère vague, diffus, sans cohésion, et par cela même ne 
constitue qu'un phénomène passager et transitoire; dans la seconde catégorie 
viennent se ranger les malades pour lesquels l'idée de persécution devient une 
conception délirante fixe, sur laquelle se concentre toute leur pensée; le délire, 
au lieu d’être vague, diffus, passager, est au contraire précis, &éfini, systéma- 
tisé. Dans le premier cas, on n’a affaire qu'à un symptôme; dans le second, il 
s’agit d'une maladie, d'un type morbide bien distinct, à évolution nettement 
définie. Étudier d'une part le délire de persécution proprement dit, et d'autre 
part les idées de persécution symptomaliques des autres formes de maladie 
mentales, telle est la division naturelle de cet article. 


l]. DÉLIRE pe persécution. Historique. En 1852 Ch. Lasègue, détachant le 
délire de persécution des autres modes d'aliénation, le considère comme un 
type précis dont il décrit avec netteté les divers symptômes et les phases suc- 
cessives. On peut affirmer que ce mémoire est le premier qui ait bien défini le 
délire des persécutions. Toutefois, avant 1852, ce type morbide avait déjà été 
observé. 

De tous temps, en effet, il y a eu des persécutés. Ce qui nous intéresse sur- 
tout, c'est de savoir si les manigraphes, avant Lasègue, ont publié des faits de 
délire de persécution et de quelle manière ils interprétaient ces faits. Cette 
recherche, tout intéressante qu'elle soit, manquerait sans doute d'intérêt, si 
nous remontions trop haut le cours des siècles; il nous paraît suffisant de com- 
mencer cette étude rétrospective à Pinel, qui inaugure en France une nouvelle ère 
en pathologie mentale. Nous ferons cependant une exception pour Emm. Kant, 
dont les écrits psychologiques contiennent d'intéressantes descriptions de la 
maladie qui nous occupe. 

Dans un opuscule publié en 1764 et satiné Essai sur les maladies de l'esprit, 
et dans l’Anthropologie publiée en 1798, l'iliustre philosophe de Kænigsberg 
trace du délire des persécutions un tableau clinique exact dans sa brièveté : idées 
de persécution, hallucinations de l'ouie, interprétations délirantes, vocabulaire 
spécial des aliénés, tout y est. Comme nous le faisons aujourd'hui, le pro- 
nostic est reconnu comme défavorable. Il n'y a qu'un point sur lequel il est 
impossible de suivre le philosophe, c’est lorsqu'il considère le persécuté comme 
un être inoffensif qu'il est inutile de séquestrer. Nous verrons bientôt au con- 
traire qu'il est un des aliénés les plus dangereux, que très-souvent il « expose 


550 PERSÉCUTION. 


les autres » et qu'aucun n’a plus que lui «besoin d'être renfermé par mesure 
de précaution ». 

Pinel, comme on le voit en lisant avec soin son livre sur l'aliénation mentale, 
avait observé un grand nombre de persécutés qui ne différaient pas de ceux que 
nous voyons aujourd'hui et même de persécutés devenus mégalomanes. 

Il suffit, pour s’en convaincre, de lire son Traité meédico-philosophique sur 
l'aliénation mentale (2° édition, 1809, p. 14 et p. 168). 

Ce qui nous importe surtout, c'est de savoir comment Pinel interprétait ces 
faits. Préoccupé de les faire entrer dans le cadre de sa classification, 1l ne donne 
pas du délire de persécution une description distincte et développée, mais il est 
aisé de voir qu'il range ceux qui en sont atteints parmi les mélancoliques. On 
sait que, par le nom de mélancolie, il entendait un délire exclusif sur un objet 
ou sur une série particulière d'objets. Il parle quelque part (p. 81) de « latten- 
tion des mélancoliques fixée nuit et jour sur un objet circonserit » et « excitée 
par les regrets d'une persécution directe dont on se croit la victime ». Plus loin 
cependant (p. 113) il devient plus précis et sa description pour être courte n'en 
est pas moins saisissante d'exactitude. 

L'illustre manigraphe a donc publié d’intéressantes observations de persé- 
cutés ; il a décrit leur délire, sinon avec un grand développement, du moins 
avec une suffisante exactitude. Il classait ces malades dans son groupe de la 
mélancolie. 

On sait avec quel soin Esquirol, le disciple de Pinel, prenait ses observations 
cliniques: on ne sera donc pas étonné de trouver dans son œuvre un grand 
nombre d'histoires de persécutés qui pourraient, même aujourd'hui, servir d'illus- 
trations à une description du délire de persécution. Est-il un plus beau cas 
de l’évolution de cette forme délirante que celui d'un nommé M..., cité dans 
l'article Moxowaxte ? Esquirol lui-même fait ressortir à la fin de son récit les 
diverses phases de la maladie; il nous fait « remarquer qu'hypochondriaque 
d’abord, puis lypémaniaque, craignant le poison, M... devient monomaniaque 
(il se dit fils de Louis XVI) aussitôt après la lecture d’un journal. » De l’observa- 
tion tellement précise de pareils faits à la création d’un type morbide distinct 
le pas semble ne pas être difficile, et cependant il n'a pas été fait.. Esquirol, 
comme tous les aliénistes de son temps, était trop esclave de la classification de 
son maître, à laquelle il avait, il est vrai, ajouté une forme nouvelle: la mono- 
manie ; les faits devaient entrer dans un des moules en quelque sorte préconçus, 
alors adoptés, dût-on arriver ainsi aux arrangements les plus disparates. C’est ainsi 
que nous trouvons des faits de délire de persécution, et dans le chapitre sur les 
hallucinations, et dans celui sur la Iypémanie, et dans le mémoire sur la mono- 
manie: dans le premier, parce que ce sont des hallucinés; dans le second, parce 
que ce sont des malades tristes; dans le troisième, parce que ce sont des êtres 
dominés par le sentiment de l’orgueil, etc. 

Et cependant, il faut le reconnaître, l'illustre médecin de Charenton avait 
bien nettement distingué les diverses variétés de lypémanie d’après les conceptions 
délirantes (voir en particulier Esquirol : Des maladies mentales, éd. belge, 
t. [, p. 205). 

Tous les élèves et disciples d’Esquirol, suivant en cela le maitre, ne virent dans 
les persécutés que des mélancoliques ou des hallucinés ou même des mono- 
maniaques. Cette manière de voir est celle de Marc. Dans son ouvrage si 
riche de faits: De la folie considérée dans ses rapports avec les questions 


PERSÉCUTION. 537 


médico-judiciaires (2 vol. in-8°. Paris, 1840), ce savant médecin consigne 
d'intéressantes observations médico-légales de délire de persécution, et on les 
trouve dans les chapitres Des hallucinations et des illusions, de la monomanie, etc. 

Guislain, qui a créé tant de mots nouveaux et tant de variétés diverses en 
médecine mentale, a été frappé de la persistance que mettent certains malades 
à accuser des ennemis de leur faire du mal: aussi les a-t-il classés sous un nom 
spécial : le délire accusateur ou monodelire accusateur. 

Dans toutes ses observations il s’agit bien du délire de persécution, tel que 
nous l’admettons aujourd'hui ; seulement Guislain interprète les faits d'une 
façon différente. « Cette espèce de maladie, dit-il, constitue une forme de 
transition qui lie le délire à la manie : l’ensemble de cet état annonce l'excita- 
tion, l'exaltation. Dans le délire accusateur simple, l'aliéné est beaucoup plus 
calme. » Et plus loin il ajoute : « Cette situation se rencontre aussi dans les 
longs intervalles qui séparent les accès maniaques. Elle se trouve également au 
nombre des phénomènes précurseurs d’une aliénation quelconque. » 

Cette idée de relier à la manie le délire accusateur se manifeste déjà dans une 
des leçons précédentes du livre de Guislain (la neuvième). 

En présentant un malade atteint de manie avec idées de persécution, 1l fait res- 
sortir la distinction entre ce maniaque et le mélancolique : il montre que celui-ci 
s’accuse lui-même, tandis que celui-là se pose en victime; le premier, dans 
ses discours, emploie constamment le je, le pronom personnel; le second, au 
contraire, se sert des pronoms indéfinis on, ils. Cette observation est des plus 
exactes et fait grandement honneur à la sagacité clinique de l'aliéniste belge. 

On voit donc que le délire de persécution avait été en somme bien observé 
par les manigraphes de [a première moitié du siècle et qu'ils ont publié sur 
cette forme de folie des documents importants. Si aucun d'eux n'a su tirer de 
l'étude de ceux-ci la nécessité de créer un type pathologique distinct, ayant sa 
symptomatologie propre, présentant une évolution bien déterminée, c'est que 
les idées qui régnaient à cette époque sur la maladie et les classifications sym- 
ptomatiques en pathologie mentale ne se prètaient guère à la création de types 
nouveaux. Lasègue, s’écartant des principes jusque-là adoptés, voulut prouver 
par un exemple la nécessité de substituer aux espèces symptomatiques des 
espèces pathologiques, et l'exemple qu'il choisit — le délire de persécution — 
est des plus probants; il a raison de le considérer « comme un type assez 
précis pour qu'il puisse être complétement détaché des autres modes d’aliéna- 
tion. » 

Mais le délire de persécution, une fois créé comme type morbide distinct, 
ne fut pas immédiatement accepté par les auteurs de traités sur les maladies 
mentales. Nous devons néanmoins faire une exception pour Morel qui, dans son 
Traité publié en 1860, le fait entrer dans son troisième groupe de folie : aliéna- 
tions déterminées par la tranformation de certaines névroses, folies hystérique, 
épileptique, hypochrondriaque. Cette dernière est divisée en trois variétés: 
l'hypochondrie simple, le délire de persécution, le délire des grandeurs ; mais 
dans l'esprit de l’auteur ce sont là moins trois variétés que trois phases d’un 
même état morbide (Morel, Traité des maladies mentales. Paris, 1860, p. 266). 
Plus que personne après Lasègue le savant médecin de Sant-Yon a contribué 
à bien nous faire connaître le délire de persécution. 

Marcé, dans son Traité pratique des maladies mentales publié en 1869, parle 
du délire de persécution et le range au nombre des monomanies intellectuelles ; 


558 PERSÉCUTION. ‘ 


il le considère comme une « monomanie très-commune et qui, malgré certaines 
nuances dépendant de la position du malade, de son entourage, des diverses 
circonstances de sa vie, se présente avec un ensemble symptomatique d'une uni- 
formité remarquable » (p. 559). 

M. Dagonet ne parle pas du délire de persécution dans la première édition, 
parue en 1862, de son Traité élémentaire et pratique des maladies mentales, 
mais dans la seconde édition, publiée en 1876, il consacre plusieurs pages à sa 
description; il en fait une variété de la lypémanie, qu'il place entre la nostalgie 
et l'hypochondrie. 

En 1868 fut soutenue à la Faculté de Paris la première thèse sur le délire 
de persécution par M. Maret, interne de l'asile de Saint-Yon. Deux ans après 
Legrand du Saulle publia sa monographie sur cette maladie. Ce volume, riche 
d'observations, donne un tableau complet de celte forme morbide et résume 
tous les travaux publiés jusqu'en 1871: il est intéressant surtout par sa partie 
médico-légale : on y trouve, étudiés pour la première fois, les écrits et les testa- 
ments des persécutés, les crimes qu'ils peuvent commettre et leur degré de 
responsabilité. 

La création de Lasègue, qui avait désormais sa place marquée dans le cadre 
nosologique, était généralement adoptée. La préoccupation des observateurs était 
de la compléter. Ainsi Lasègue lui-même, cherchant à perfectionner son œuvre, 
s'appliqua à bien différencier le délire de persécution proprement dit des idées 
de persécution observées dans l'alcoolisme subaigu ; plus tard, ses travaux de 
médecine légale le conduisirent à distinguer parmi les persécutés ceux qu'il a 
appelés les persécutés persécuteurs; en collaboration avec M. J. Falret, il repre- 
nait la question de la folie à deux, déjà traitée par d'autres auteurs, pour en 
donner une théorie ingénieuse et nouvelle. D'autres auteurs, s’attachant à des 
points spéciaux de la maladie, apportèrent à la science leur contingent de faits 
et d'idées : ainsi Foville, Paul Garnier, dans leurs travaux sur le délire des gran- 
deurs ; Christian et Semal, dans leurs études sur les troubles de la sensibilité 
générale dans la mélancolie, ete. La Société médico-physiologique, à plusieurs 
reprises, dans ces dernières années, discuta la question de délire de persécution, 
et on put entendre d'importantes communications de Lasègue, J. Falret, 
Mabille, etc. 

Le délire de persécution peut donc être aujourd'hui considéré comme définiti- 
vement acquis à la science ; le point sur lequel les auteurs discutent encore, 
c’est la place qu'il doit occuper dans le cadre nosologique. Là, en effet, les diver- 
gences sont nombreuses, et nous n’en voulons pour preuve que les auteurs les 
plus récents de traités des maladies mentales. Ainsi Krafft-Ebing le classe dans 
la catégorie des dégénérescences psychiques (Psychischen Entartungen) et le 
considère comme un délire systématisé primaire (Primäre Verrücktheit). La de- 
scription qu'il en fait est à peu de chose près celle qu'on trouve dans les auteurs 
français (Krafft-Ebing, Lehrbuch der Psychiatrie, 1879, t. II, p. 70). M. le pro- 
fesseur Ball (Leçons sur les maladies mentales, Paris, 1880, p. 227) range 
cette affection mentale dans la classe des mélancolies, à côté des mélancolies 
avec conscience, de la stupeur mélancolique et de la mélancolie anxieuse. 
M. J. Luys décrit le délire de persécution comme un état lypémaniaque coexis- 
tant avec l’exaltation des régions hallucinatoires, et le range dans le groupe des 
lypémanies hallucinatoires (Traité clinique et pratique des maladies mentales. 
Paris, 4881, p. 500). M. Régis, qui en fait une folie partielle ou essentielle, le 


PERSÉCUTION. 539 


range à côté du déhre mystique auquel il trouve la même évolution (Manuel 
pratique de médecine mentale. Paris, 1885, p. 195). C’est à peu de chose 
près la manière de voir de M. Magnan dans ce qu'il appelle le délire chronique. 
M. Régis admet pour la folie partielle trois phases : la période d'analyse subjec- 
tive ou folie hypochondriaque, la phase d'interprétation délirante (délire de per- 
sécution ou délire mystique) et enfin la période de transformation de la per- 
sonnalité ou folie ambitieuse. Le délire chronique de M. Magnan n'est que le 
délire partiel des auteurs; il comprend et les persécutés proprement dits et les 
aliénés mystiques. Les uns et les autres présentent dans leurs troubles mentaux 
une marche déterminée et en quelque sorte identique. Leur délire présente 
quatre périodes distinctes : 

La première, qui est celle d'incubation, passe généralement inaperçue ; les 
malades sont pris d'une inquiétude vague qu'ils ne cherchent même pas à expliquer. 

La deuxième, celle de systématisation commençante, se caractérise par des 
préoccupations pénibles, par des idées de persécution que les persécutés pro- 
prement dits rapportent à l'électricité, au magnétisme, etc., que les mystiques 
prétendent venir du démon. 

Dans la troisième la systématisation s'accentue de plus en plus. Les malades 
deviennent ambitieux, ils manifestent un délire des grandeurs stéréotypé. Les 
uns, c'est-à-dire les mégalomanes persécutés, se transforment en empereurs, 
rois, présidents de la République, millionnuires, ete.; les autres deviennent 
théomanes, se disent Dieu, Christ, Sainte Vierge, se déclarent prophètes, etc. 

La quatrième phase enfin, qui est la période terminale ou de dissolution, 
marque la déchéance intellectuelle. Les persécutés ainsi que les mystiques 
tombent dans la démence. 

M. Magnan a résumé ses idées sur le délire chronique dans un tableau sché- 
matique inséré dans l’'Erposé de ses titres et travaux scientifiques (in-4°. 
Paris, 1886, p. 46) et que nous croyons devoir reproduire: 


DÉLIRE CHRONIQUE (QUATRE PÉRIODES) 
Couleur du délire selon l'éducation et le milieu social. 
1° \ 
Période mere) 


. 1° 
lion, passe gé-,.. ` EDS Te etienne AU ef Ve oa À 
néralement ina- use 
perçue. ] : 
2° \ D i 
a oe Pe Kepi nes: Électrisés, magnétisés, . . . . 
commençante. Ea T ÉMPOISONNES a e e a 2° 
Préoccupations rue D Mouchardés. . - . - . . ue à Persécutés. 
pénibles. Délire H BE iS Valés, ruines t ee el en 
de persécution. Den opon 
Démonolâtres. 
3° | Dieu. / Empereurs, rois. 
Systématisation de 3 Saint-Esprit. Députés... . . 
plus en plus ac- | Théomanes. | Ghrist, Mégalomanes. : Présidents de Ré- à 
centuée. Sainte Vierge. publique. de 
à ae : Ambitieux. 
Délire des gran- f Antechnist. Millionnaires, gu 
deursstéréotypé. | Jeanne d'Arc. ; 
Prophètes. Réformateurs, inventeurs. . 
E £ 
Période pe Lis Te lon en A etai ER tar adrien > š 
Déments. 
ou de dissolution. 


Tel qu’il est, cet historique nous montre le délire de persécution confondu 
par les manigraphes de la première moitié du siècle avec la lypémanie ou la 


540 PERSÉCUTION. 


monomanie, puis, le nouveau type morbide une fois créé par Lasègue, on voit 
les observateurs s'appliquer à le développer et à le compléter. Ce travail a été 
l'œuvre des trente dernières années. Aujourd'hui une sorte de réaction semble 
vouloir se produire. On ne nie pas, il est vrai, la réalité du type, mais on cherche 
à l’englober dans une espèce en quelque sorte plus étendue, au risque d'amener 
la confusion. Qu'il puisse exister des formes morbides, en pathologie mentale, 
qui présentent une évolution sinon identique, du moins analogue à celle du délire 
de persécution, nous ne le nions pas, mais nous croyons qu'il faut conserver à 
celui-ci son autonomie. On restera ainsi dans la vérité clinique et dans la tradi- 
tion historique, car nous croyons que l’œuvre de Lasègue, quoique datant déjà 
d’un tiers de siècle, n’a rien perdu de sa valeur scientifique et qu'elle est une 
des plus belles découvertes dont se soit enrichie la médecine mentale. 

Déminiriox. Le délire de persécution est une aliénation mentale chronique, 
caractérisée par un délire tendant à la systématisation par des hallucinations 
de l’ouie et de la sensibilité générale, et pouvant aboutir à la transformation de 
la personnalité par suite de conceptions délirantes de nature ambitieuse. 

Descripriox. Dans ses cours à l'École pratique et à la Salpêtrière et dans 
plusieurs communications faites à la Société médico-psychologique, M. J. Falret 
a donné du délire de persécution une description magistrale d’une frappante 
exactitude et dont les divisions naturelles sont d'un grand secours au point de 
vue didactique : c’est d’elle que nous nous inspirerons. Avant d'entrer dans notre 
sujet, nous devons adresser nos remerciements à ce savant maitre pour la libé- 
ralité avec laquelle il a mis à notre service ses notes et même ses leçons encore 
médites. 

Pour bien décrire le délire de persécution 1l convient, d'après M. J. Falret, de 
le diviser en quatre périodes distinctes, caractérisées chacune par des symptômes 
nouveaux ou par la complication des symptômes précédents. Ces quatre périodes 
sont : 

1° La période d'interprétation délirante ; 

2 La période de l'hallucination de l'ouïe, ou période d'état ; 

3° La période des troubles de la sensibilité générale ; 

4° La période stéréréotypée ou de délire ambitieux. 

« L'homme sérieusement prédisposé au délire de persécution a, selon Legrand 
du Saulle (Le délire de persécution, p. 1). un caractère timide, pusillanime et 
soupçonneux. Qu'il appartienne ou non à un milieu élevé, il ne possède en 
général qu’un niveau intellectuel moyen, et, comme s'il avait un sentiment 
intime et mal défini de sa faiblesse relative, il se défie de lui et jalouse les 
autres. » Si tel est le caractère de l'individu destiné à devenir un persécuté, on 
doit en trouver les traces depuis sa première enfance. C'est ce qui a lieu, en 
effet. Si on se livre à une étude rétrospective du passé des persécutés, on con- 
state que dans leurs familles, dans les pensions, dans les colléges, partout où 
ils ont passé, ils ont manifesté dès leur jeune àge des dispositions spéciales. Ils 
avaient des tendances à la tristesse, s’isolaient volontiers de leurs camarades, et 
ne participaient ni aux jeux ni aux distractions des enfants de leur âge; dans 
cet état de défiance constante vis-à-vis des autres, ils ne se faisaient pas d’amis 
et vivaient en quelque sorte à l'écart. C’est ainsi qu’en se livrant à une enquête 
minutieuse on trouve chez un certain nombre de ces malades les premiers linéa- 
ments de cette disposition au soupçon, qu'ils manifesteront plus tard à un degré 
si prononcé. 


PERSÉCUTION. 547 


Mais, en général, il faut arriver à l'âge de la puberté pour voir apparaître, 
d'une manière évidente, ces dispositions spéciales. C’est à cet âge surtout que 
se dessine le plus fortement le caractère du candidat au délire de persécution. 
M. J. Falret en à tracé un tableau exact en quelques lignes que nous ne saurions 
mieux faire que de reproduire : « On rencontre souvent dans le monde, dit ce 
savant aliéniste, des jeunes gens, très-différents des autres, qui se tiennent à 
l'écart, qui sont tristes, qui vivent loin de leurs camarades du même âge et 
ont un mode d'existence tout à fait différent de celui des autres hommes. Ces 
individus s'isolent du monde entier, sont à l’état permanent de défiance, voient 
des ennemis partout et ont peu de rapports avec leur semblables. Eh bien, ces 
individus, disposés à cette maladie dès leur jeune âge, manifestent ces tendances 
de très bonne heure, et elles prennent peu à peu un développement de plus en 
plus considérable. Ce caractère triste, défiant, soupçonneux, leur fait facilement 
prendre en grippe leurs parents, leurs amis, toutes les personnes avec lesquelles 
ils vivent. Il est donc utile d'étudier avec soin le caractère antérieur chez les 
persécutés; c'est un signe important à noter dans l’histoire de la maladie. I 
n'est pas constant, il est vrai, mais il est fréquent. Ce qui est certain, c'est 
qu'il est rare de voir le délire de persécution se produire chez des individus 
qui ont eu autrefois un caractère actif, téméraire, entreprenant et audacieux » 
(Leçon inédite sur le délire de persécution, faite à la Salpêtrière le 30 no- 
vembre 1884). 

On voit par là qu'il est souvent bien difficile de remonter à l'origine véri- 
table du mal, de fixer avec exactitude le début, le point de départ de la maladie. 
Les malades , en effet, vivant pendant de longues années dans l'isolement, 
augmentant insensiblement leurs dispositions soupçonneuses et défiantes, ne 
créent leur délire que peu à peu, d'une manière lente et souterraine en quelque 
sorte. Il est donc le plus souvent impossible d'indiquer avec précision Je moment 
où ceux-ci, entrant réellement dans la phase délirante, se trouvent dans la pre- 
mière période de leur affection mentale. 

. 1° Période d'interprétation délirante. Le début de cette période n'est pas 
nettement caractérisé, et cela d'abord parce que longtemps les tendances au 
soupçon et àla défiance que manifestent les malades sont mises, et avec raison 
le plus souvent, sur le compte de leur caractère naturel, et ensuite, et surtout, 
parce qu'il dissimulent avec soin tout ce qu'ils ressentent et les explications qu'ils 
donnent de leurs sensations. Tout chez eux se passe dans leur for intérieur, 
dans l'intimité de leur conscience ; comme ils se défient de tout et de tous, ils 
se gardent bien de mettre quelqu'un dans la confidence de leurs impressions. 
Mais, pour être ignoré de leur entourage, le processus délirant qui se développe 
dans leur esprit n’en est pas moins des plus actifs. Et l'on est tout étonné, et 
de l'intensité du délire et de sa date déjà relativement ancienne, lorsque les 
malades, sous une influence quelconque, se décident eux-mêmes à faire des 
confidences au médecin. 

On apprend alors que, s'ils vivent à l'écart, c'est qu'ils accusent ceux qui les 
entourent de leur en vouloir, de chercher à leur faire du mal ou de leur faire du 
tort. Ils arrivent même à accuser tout le monde et cherchent souvent, dans les 
faits les plus insignifiants de la vie habituelle, des preuves à l'appui de leurs 
soupçons et de leurs défiances. 

Tout ce qu’ils entendent, tout ce qu'ils voient, s'adresse à eux. Ils s’ima- 
ginent qu’on les regarde, qu'on se moque d'eux, qu'on les tourne en ridicule 


542 PERSÉCUTION. 


dans les rues, qu'on parle d'eux et qu’on les interpelle à distance : ils s'attribuent 
toutes les paroles qu'on prononce autour d’eux dans les rues, dans leur entou- 
rage, dans les boutiques, dans les magasins ; ils croient qu'on parle mal d'eux, 
qu'on les insulte. En un mot, ils interprètent contre eux-mêmes tous les faits, 
même les plus simples et les plus insignifiants, qui se passent dans le monde 
extérieur. 

Un exemple curieux de cette interprétation délirante continue est celui de 
l'observation I du livre de Legrand du Saulle (loc. cit, p. 20). Tout ce que 
voyait et entendait le malade dont il est question était pour le vexer. 

Tous les malades d’ailleurs se plaignent, à cette période de leur affection, 
qu'on les regarde de travers, que les gens se font des signes lorsqu'ils passent; 
on ricane, on chuchote lorsqu'on les voit. D’autres se tourmentent parce qu'on 
vient écouter à leurs portes, on épie leurs actes, on les surveille, ou bien on 
paie des gens pour surveiller leur conduite. 

Les faits les plus simples etles plus naturels sont, dans ces conditions, inter- 
prétés dans le sens de leurs défiances et de leurs soupçons. Voient-ils une croisée 
ou une porte entr'ouverte, du linge suspendu à une fenêtre, un rideau relevé, 
ils savent que c’est pour les narguer, cela veut dire quelque chose, etc. 

On conçoit aisément que, lorsque les malades qui sont en proie à de telles 
préoccupations délirantes sont des natures violentes, ils ne restent pas à l'état 
passif et passent facilement aux actes. Ils se portent à des voies de fait, à des 
actes violents instantanés, tout à fait inattendus; c'est là même ce qui rend leur 
délire, jusque-là ignoré ou seulement soupçonné, évident pour tout le monde. 
L'acte violent le plus ordinaire, qui constitue la première manifestation exté- 
rieure du délire, est un soufflet donné à un inconnu, en réponse à une pré- 
tendue insulte. 

Mais avant d'en arriver là le malade a beaucoup et longuement souffert; cet 
éclat dénoue en quelque sorte un drame intime qui se jouait dans l'intimité de 
la conscience du patient. Les diverses phases de ce drame psychologique ont été 
admirablement analysées par le professeur Lasègue, et nous devons conseiller. à 
tous ceux qui voudront en avoir une idée quelque peu précise de se reporter à 
la page 154 du mémoire déjà cité (Arch. gen. de méd., février 1859). 

Nous venons de voir la nature des interprétations délirantes dans cette pre- 
mière période de délire de persécution ; nous avons indiqué aussi leur genèse 
psychologique, il nous faut encore appeler l'attention sur certaines particularités 
intéressantes qui achèveront de caractériser cette première phase de la maladie. 

Le persécuté a d'ordinaire honte, en quelque sorte, de son état : ce qu 
explique d’une part sa longue dissimulation et d'autre part ses hésitations dans 
les accusations qu'il porte contre les personnes qui l'entourent. Il n’accuse pas 
sans preuves, mais ses preuves sont aussi puériles que ses accusations. Avant 
de parler, il accumule donc les démonstrations, il établit pour ainsi dire tout 
son dossier. Et que contient ce dossier? Des mots, des gestes, des attitudes, 
une foule de faits insignifiants, comme on a pu le voir plus haut. 

Une autre observation faite par Lasègue et qui est très-juste, c’est que le 
persécuté remonte en général assez loin dans les accusations qu'il adresse à son 
entourage. Ce ne sont pas des faits récents, mais des faits souvent très-anciens, 
qui deviennent l'objet de son attention et de ses préoccupations délirantes : 
ainsi, au lieu de se plaindre de faits datant de la veille ou de l’avant-veille, il 
remonte presque toujours dans le passé : il y a un an, il y a dix-huit mois qu'on 


PERSÉCUTION. 545 


lui a fait telle ou telle chose; et cette chose, souvent sans grande conséquence, 
il la fait entrer dans le cercle de son délire, il la rumine sans cesse et arrive à 
bâtir tout un échafaudage d’accusations qui lui paraissent très-probantes et qui 
deviennent plus tard la base de toute la systématisation délirante. 

Nous disons que ces accusations lui paraissent probantes, car il n’est pas 
d’aliéné qui soit plus facile sur la valeur dela preuve et qui aussi s’en tienne le 
plus aisément à l'hypothèse ou à l'explication la plus simple, sans jamais 
chercher à la vérifier. C’est ce qui avait tout particulièrement frappé Lasègue 
(oc Cito Do 4159): 

Nous avons dit plus haut que certains malades, poussés à bout par les per- 
sécutions auxquelles ils se croient en butte, finissent un beau jour par se livrer 
à des actes violents, et que c’est là ce qui met le médecin et l'entourage sur la 
voie du délire. Il nous faut insister plus longuement sur les actes que peuvent 
commettre les persécutés pendant cette première période de leur affection. 

Est-il besoin de dire que tous ces actes si caractéristiques sont en rapport 
avec les idées délirantes de ceux qui les commettent ? Les uns, comme nous 
l'avons déjà dit, commettent des actes violents : ils insultent en public une per- 
sonne par laquelle ils croient avoir été eux-mêmes insultés, ou bien ils inter- 
pellent les passants, ou même encore, s’imaginant être en état de légitime 
défense, il donnent un soufflet à un passant. Ils se livrent à ces manifestations 
publiques partout où ils se trouvent, dans les rues, sur les boulevards, dans 
les théâtres, les cafés, etc. 

Mais les malades ne sont pas tous aussi agressifs: 1l en est — et c’est le plus 
grand nombre — qui cherchent, au contraire, à appeler l'attention de l'auto- 
rité administrative et judiciaire sur les souffrances qu'ils endurent; ils écrivent 
lettres sur lettres aux magistrats, au préfet, au président de la République, 
vont se plaindre au commissaire de police. C’est ainsi même qu’en cherchant 
aide et protection contre leurs persécuteurs, partout et surtout à Paris, ils 
finissent par se faire arrêter et conduire dans les asiles d'aliénés. Comme l’a 
si bien dit M. J. Falret, « les persécutés viennent ainsi d'eux-mêmes se jeter 
dans la souricière, ils viennent se dénoncer eux-mêmes sous prétexte de cher- 
cher des protections et ils se font prendre en voulant faire arrêter leurs persé- 
cuteurs. » 

Quoique le nombre soit grand des persécutés qui viennent ainsi échouer dans 
les asiles d’aliénés, il en reste encore un grand nombre en liberté, surtout à 
Paris. Ce sont ceux qui ne vont pas se plaindre, qui n’attirent sur eux l'atten- 
tion ni des voisins, ni de l'autorité, qui ne se livrent à aucune menace, à aucune 
voie de fait. Cependant ils commettent bien des actes extravagants : ils 
changent fréquemment de domicile ; se sentant tourmentés dans la maison qu’ils 
habitent, ils déménagent et vont demeurer à l'extrémité opposée de la ville. 
Il en est qui vont d'hôtel en hôtel, cherchant à éviter leurs persécuteurs qu'ils 
retrouvent partout. 

S'ils s'imaginent qu'on a voulu leur nuire en introduisant des substances nui- 
sibles dans leurs aliments, ils changent à chaque instant de restaurant. 

D’autres fois ils changent de ville et même de pays ; ils font de longs voyages. 
Ce sont les aliénés migrateurs que M. Ach. Foville a si bien décrits dans un 
mémoire lu à la Société médico-psychologique en 1875 (Les aliénés voyageurs 
ou migrateurs. Étude clinique sur certains cas de lypémanie. In Ann. med. 
psych., n° de juillet 1875). Mais leurs inquiétudes les suivent partout, ils 


544 PERSÉCUTION. 


ne restent généralement que peu de temps au même endroit; au moindre indice 
qui leur paraît suspect, ils se remettent en route. Une des malades de mon ser- 
vice, voulant ainsi échapper aux obsessions de ses persécuteurs, prend le train 
pour Lille ; en descendant de wagon, elle remarque qu'un employé la regarde 
d’une certaine façon; se sentant dépistée, elle fait un tour dans la ville, puis 
vient reprendre le chemin de fer qui la conduit à Poulogne-sur-Mer. Là, elle 
entre chez un boulanger, mais en sortant elle voit un homme qui fait un signe : 
c'était un mouchard. Sans plus tarder, elle revient à Paris où elle trouvera plus 
de sécurité. 

Si on étudie avec soin les observations publiées par M. Foville et, avant lui, 
par Esquirol, Delasiauve, Cerise, Legrand du Saulle, on voit que certains de ces 
aliénés migrateurs semblent s'améliorer grâce à leurs déplacements successifs. 
Dans cette période encore peu avancée de la maladie, les voyages — surtout ceux 
à l'étranger — semblent avoir un certain effet thérapeutique momentané, 
c'est-à-dire que le malade, qui s’est déplacé pour faire cesser ses persécu- 
tions et hallucinations, éprouve en réalité une rémission de quelques semaines 
ou même de quelques mois, qui lui fournit en quelque sorte une justifica- 
tion nouvelle à son délire. Ainsi tel persécuté, parcourant la Suisse, l'Alle- 
magne, l'Italie, etc., cessera pendant ce temps d’être obsédé par son délire 
et ses voix, mais bientôt ceux-ci reparaissent avec une nouvelle intensité et 
avec les mêmes caractères. 

L'hallucination de l'ouïe, dont ıl vient d'être question à plusieurs reprises, 
est un des symptômes pathognomoniques du délire de persécution, mais il carac- 
térise surtout la deuxième période de cette affection. Cependant, dès la fin de la 
première période, dans cette foule d'interprétations délirantes, elle commence 
à poindre peu à peu, elle s'essaie en quelque sorte et se forme lentement et suc- 
cessivement. Les interprétations délirantes, comme le fait observer Morel (loc. 
cit., p. 345), « vont bientôt engendrer des illusions réelles et des hallucinations 
complètes. » 

Mais ici il est important d'établir une distinction entre les persécutés : les 
uns, en effet, éprouvent des illusions à l'occasion de sensations extérieures 
réelles, les autres, au contraire, à propos de sensations intérieures également 
réelles. Ces derniers sont les hypochondriaques, dont Morel a si bien étudié 
l'histoire et l’évolution délirante (loc. cit., p. 266 et 703). 

Pour Morel, en effet, — et c’est là une observation clinique des plus-exactes, 
— le délire de persécution n’est le plus souvent qu'une transformation de l'hypo- 
chondrie-névrose. Dans ces cas, les interprétations délirantes et les illusions 
s’entretiennent par des sensations internes maladives, au lieu de s'exercer sur 
des sensations externes. Nous n'avons pas à faire ici la description de l’hypo- 
chondrie (voy. art. flvpocxoxpriE de ce Dictionnaire), mais nous devons insister 
tout particulièrement sur ce point, que cet état mental spécial, avec ses troubles si 
nombreux et si variés de la sensibilité générale, peut précéder le délire de persé- 
cution, qui s'organise alors peu à peu sur ce fond de sensations morbides 
internes. Nous verrons plus loin que ces sensations morbides peuvent ne se pro- 
duire, dans d’autres cas, qu'à la troisième période. 

Les faits de délire hypochondriaque se transformant en délire de persécution 
sont nombreux dans les Annales de la science. On en trouvera d'intéressants 
exemples dans le livre de Legrand du Saulle (p. 66 et 67). 

Dans les cas les plus fréquents, on observe des illusions des sens externes 


PERSÉCUTION. | 540 


et en particulier de la vue et de l'ouïe. Le fait le plus simple est celui des 
malades qui voient passer dans la rue des personnes parlant entre elles, et qui, 
en écoutant de loin ces paroles qu'ils n’entendent point, croient qu'on parle 
d'eux, qu'on les insulte, qu'on chuchote à leur intention. Un malade de Morel 
entend le mot /âche, prononcé par un de ses condisciples ; ce mot doit s'adresser 
à lui. Le même malade « ne lit sur les visages que l'ironie, la moquerie, ou 
bien une espèce de pitié ». 

Quoiqu'on observe fréquemment les illusions de la vue, il faut reconnaître, 
avec Lasègue, qu’en général « l'organe de l'ouïe fournit les premières sensations 
sur lesquelles s'exerce l'intelligence pervertie. Le malade entend des lambeaux 
de conversation qu'il interprète et qu'il s'applique ; les gens avec lesquels il est 
en contact ont dù parler de lui; les bruits mêmes qui se produisent le plus natu- 
rellement, le passage d'une voiture, le pas d’un homme qui monte un escalier, 
une porte qui s'ouvre ou qui se ferme, sont l'objet de ses commentaires. .…. 
Une fois sur cette pente, l'imagination ne s'arrête plus; après avoir essayé de 
vagues présomptions, l’aliéné finit par arriver aux interprétations les plus 
absurdes et les plus positives. On se contentait d’abord de le tourmenter ; peu à 
peu on formule des accusations qui se traduisent par des signes, dont lui seul 
perçoit la signification » (loc. cit., p. 139). 

En résumé, le malade atteint de délire de persécution commence par éprouver 
des sensations vraies, qu'il transforme par l'imagination en sensations maladives. 
Peu à peu, il s'essaie à l'hellucination proprement dite, qui se produit alors 
spontanément en lui, sans aucune provocation extérieure. Le persécuté entre 
alors dans la deuxième phase de son affection. 

2 Période de l'hallucination de l'ouïe ou période d'état. Quels que soient la 
genèse et le mode de production de ce phénomène, l'hallucination de l'ouïe est 
presque constante dans le délire de persécution, et son apparition marque la 
deuxième période de la maladie. 

Dans une savante communication faite à la Société médico-psychologique, 
(séance du 29 juillet 1878), M. J. Falret a démontré que l’hallucination de 
l'ouïe, ce symptôme pathognomonique du délire de persécution, ne se présente 
pas d’une façon identique pendant tout le cours de la maladie, qu’elle se com- 
plique avec le temps, et que cette complication même permet d'établir la dis- 
tinction entre les divers périodes de l'affection mentale. C'est ainsi que les 
malades n’ont au début que des hallucinations de l’ouie élémentaires, selon 
l'expression de M. le professeur Ball (Leçons sur les maladies mentales. 
Paris, 1860, p. 66) : ce sont des bruits, des bourdonnements, des chucho- 
tements, etc. Plus tard, le phénomène hallucinatoire prend une forme mieux 
définie : les malades entendent des voix. Qu'elles viennent du plafond, à travers 
les murailles, par les interstices du parquet, par les cheminées, ces voix pro- 
fèrent toujours des injures, des insultes; mais, ici encore, le phénomène présente 
des degrés qu'il n’est pas sans intérêt de noter. Ce ne sont d'abord que des mots 
grossiers, toujours les mêmes, ou quelques phrases très-courtes, que les malades 
entendent sans cesse répéter, tels que : voleur, assassin, sodomiste, etc” 
ou bien : le voilà, c'est Lui, c'est elle. Parfois ce sont des mots impératifs, 
de véritables ordres : Tue-le, tue-la, etc. On conçoit aisément que ce phéno- 
mène, constamment répété, finisse par fatiguer les malades, par les irriter et 
même par les pousser à l’action. Les paroles injurieuses et outrageantes qu'ils 
entendent ainsi incessamment à leurs oreilles poussent, en effet, beaucoup de 


pit. ENC. 2° s. XXII. 55 


546 : .  PERSÉCHMTAION: 


persécutés aux actes les plus violents ; il en est qui se suicident pour se soutraire 
à une pareille obsession, mais il en est aussi qui, arrivés au paroxysme de la 
fureur, veulent se venger de ceux qui les insultent et tuent souvent le premier 
venu qu'ils croient être leur persécuteur. 

Une fois l'hallucination de l'ouïe constatée, on peut dire que le délire de per- 
sécution est constitué à l’état définitif. On voit alors se produire la systémati- 
sation des idées délirantes. 

On peut voir à l'article Désre de ce Dictionnaire (4° série, t. XXVI, p- 590) 
que l’évolution de l'idée fixe présente, d'après Falret père, trois phases : la 
période d’incubation ou d'élaboration du délire, la période de systématisation, 
et enfin la période chronique ou du délire stéréotypé. C'est à la ceuxième de ces 
phases que nous sommes arrivé pour le délire de persécution, et dans Ja de- 
scription de laquelle il importe d’entrer avec quelques détails. 

Le passage d'une phase à l’autre, de la période d'élaboration à celle de systé- 
matisation, se fait, en certains cas, d'une façon lente et progressive; d’autres 
fois, au contraire, il s'effectue très-rapidement. 

D'après M. J. Falret, trois modes différents de systématisation se présentent 
dans le délire de persécution; certains malades s’attardent au premier de ces 
modes et ne le dépassent pas, la plupart les manifestent successivement tous les 
trois. 

Le premier mode peut être appelé la sysfématisation à l'état vague. Dans ce 
cas, les persécutés accusent des personnages anonymes, et surtout le personnage 
On. Interrogez-les, ils vous répondront : « On m'en veut; on me tourmente ; 
on me fait des misères ; on me persécute ». Ou bien encore, ils s’exprimeront de 
la façon suivante : « Jai des ennemis, mais je ne les connais pas; je cherche en 
vain à les découvrir, mais je n’ai encore pu les trouver. J'ai des ennemis qui me 
font du mal, mais je ne sais pas lesquels ». Ainsi, il savent qu'on les tourmente, 
qu'on les persécute, mais ils ignorent d’où leur vient cette persécution et à qui 
ils doivent l’attribuer. 

Comme exemple de ce mode de systématisation, nous ne saurions en donner 
de plus caractéristique que le fait de l'observation IV du mémoire de Lasègue 
(loc. cit., p. 145). 

C’est bien là, comme on voit, la persécution à l'état vague, qui existe déjà à 
la première période de la maladie, mais qui peut se prolonger beaucoup plus 
longtemps et souvent pendant plusieurs années. Un certain nombre de persécutés 
restent même dans cet état et ne marchent pas vers une systématisation plus 
complète et plus régulière; mais la plupart, après un temps plus ou moins long, 
arrivent à un autre mode de systématisation, celle à forme collective. 

Quand la persécution prend la forme collective, le malade, au lieu de s'en 
prendre vaguement à des ennemis imaginaires, accuse des influences occultes, 
des agents collectifs, des faits généraux. C'est dans le choix de ces influences que 
le milieu social joue surtout un grand rôle: aussi les voit-on changer selon les 
époques. Au moyen âge, où la croyance au diable et à l’enfer régnait sans 
conteste, où les esprits les moins crédules avaient pleine et aveugle confiance 
dans la magie, la sorcellerie et autres sciences occultes, les persécutés imputaient 
leurs sensations et leurs souffrances aux démons et aux sorcières. Aujourd’hui, 
ils s'en prennent à des corporations, à des administrations, en un mot, à des 
êtres collectifs, tels que les francs-maçons, les jésuites, les sociétés secrètes, la 
police, etc., ou bien aussi ils cherchent des explications scientifiques et accusent 


PERSÉCUTION. 547 


la physique, la chimie, l’électricité, le magnétisme, ete. Toujours à l'affût des 
nouveaux procédés scientifiques, ils ne manquent pas de s'en emparer pour en 
faire la cause de leurs souffrances : tels, dans ces derniers temps, le téléphone, 
le phonographe, etc. Il y a aussi des malades qui attribuent leurs maux à des 
causes mystérieuses pour lesquelles ils inventent souvent les noms les plus 
bizarres; comme l’a fait remarquer M. Ach. Foville (Étude clinique de la folie 
avec prédominance du délire des grandeurs, in 4°. Paris, 1871, p. 545), ils 
accusent la ligue, la lanterne sourde, l'auscultation et la desauscultation, les 
fouinards, les locustins, etc. 

Il existe, enfin, un troisième mode de systématisation délirante, c'est celui où 
le malade afrive à mieux préciser l'auteur de ses persécutions, à le personnifier 
en quelque sorte. Alors il n'y a plus le personnage vague et anonyme On; il 
n ya plus de causes occultes, secrètes ou mystérieuses, générales ou collectives : 
il y a une personne bien précise et bien déterminée, qui est la cause de tout le 
mal. C'est tel médecin, tel prêtre, tel homme en place, tel parent, tel ami, qui 
est l'ennemi et le persécuteur, contre lequel le malade s’acharne et dirige toutes 
ses accusations; c'est lui qui est considéré comme la cause unique de toutes les 
souffrances qu'éprouve le patient, et c'est contre Jui que sont dirigées toutes ses 
haines, tous ses sentiments de vengeance. Comme c'est le seul persécuteur dont 
il ait à se plaindre, c'est sur lui qu'il concentre toute son attention et même son 
activité. Alors, selon l'expression si juste de Lasègue, le malade de persécuté 
devient persécuteur à son tour. Il ne se borne plus à subir passivement toutes 
les tortures auxquelles il est soumis, il cherche à s’en débarrasser ; bien plus, il 
veut se venger de son prétendu persécuteur, auquel il ne laisse plus ni trêve ni 
repos, qu'il poursuit sans cesse de ses invectives, de ses menaces, de ses revendi- 
cations, et à qui bien souvent il fait payer de la vie les souffrances auxquelles 
il est en proie. 

Cette distinction entre le persécuté passif, qui admet ses maux sans presque 
réagir contre eux et ceux à qui il les attribue, et le persécuté actif ou persécuté 
persécuteur, est des plus importantes, non-seulement au point de vue de l'étude 
psychologique, mais encore et surtout au point de vue des conséquences, c’est- 
à-dire des actes que le dernier peut commettre. En effet, tandis que le persécuté 
passif, se bornant à des accusations vagues, se contente d'exhaler ses plaintes 
dans le vide et n'aboutit ainsi à aucun résultat pratique, celui qui, au contraire, 
a personnifié son délire, a un but de vengeance à sa disposition. Avec une ténacité 
et une persévérance maladives, il poursuit le plus souvent pendant des années, 
sans interruption, l'individu qu'il accuse d’être la cause unique de tous ses 
maux. Il cherche à se défendre et à se protéger, à se débarrasser de ses souf- 
frances et à s'en venger. Cette vengeance est souvent terrible. C'est parmi ces 
persécutés persécuteurs qu'on rencontre le plus souvent ces aliénés qui sont 
traduits devant les tribunaux pour actes de violence, pour menaces de mort, 
pour tentatives de meurtre, et même à la suite d'homicide réellement accompli. 
Il y a là un point de vue médico-légal sur lequel nous aurons à revenir. 

C'est aussi dans la catégorie des persécutés persécuteurs qu'on peut classer 
ces malades atteints de ce que les auteurs allemands ont appelé la manie des 
querelles et des procès (Das Irresein der Querulanten und Processkrämer 
[voy. Krafft-Ebing, Lehrbuch der Psychiatrie, t. II, p. 87. Stuttgart, 15793); Déjà 
Casper, dans son Traité de médecine légale (voy. trad. française par G. Germer- 
Baillière. Paris, 1862), avait attiré l'attention sur ce genre de malades ; plus 


048 PERSÉCUTION. 


récemment le professeur Krafft-Ebing les a étudiés dans un travail intéressant, 
publié dans un recueil allemand (Allgemeine Zeitschrift für Psychiatrie, 
t. XXXV) et dans son Traité de Psychiatrie. I} considère ces aliénés que- 
relleurs et processifs comme de véritables dégénérés dont « la défectuosité la plus 
importante et la plus saillante consiste dans un trouble éthique qui, malgré 
une complète conscience de « droit », ne leur permet jamais d'atteindre à une 
profonde intelligence morale du droit. Celui-ci ne leur apparaît dans sa puissance 
formelle que comme moyen, comme arme légale pour atteindre leur but 
égoïste ». Quoi qu'il en soit de cette explication, il est de fait qu'un moment 
arrive où certains persécutés, soit pour se venger de ceux qui leur font des 
misères, soit pour se laver des injustes accusations auxquelles ils sont en butte, 
ont recours aux moyens judiciaires. Ils s'adressent d’abord au commissaire de 
police, puis vont au juge de paix, mais, n'obtenant pas ainsi ce qu'ils désirent, 
ils vont trouver des avoués, des avocats, exposent leurs griefs, rédigent des 
notes, des mémoires, etc. « Une fois que le persécuté est résolüment entré dans 
cette voie de récriminations judiciaires, il n’en sort plus, dit avec raison Legrand 
du Saulle (loc. cit., p.170). Trouvant chaque jour dans les phases diverses de la 
procédure un nouvel aliment à ses rancunes et à ses projets de vengeance, il 
fait constamment antichambre chez les hommes d’affaires et consent sans hési- 
tation à tous les sacrifices d'argent, pourvu qu'il puisse démasquer ses ennemis, 
confondre les escrocs, renverser la cabale, et arriver à la proclamation solennelle 
de tous ses droits. » 

Que de pareils malades soient séquestrés dans un établissement spécial, ils 
écriront lettres sur lettres au parquet, enverront les dénonciations les plus for- 
melles aux autorités compétentes, etc. S'ils parviennent à obtenir leur mise en 
liberté, ils déposeront des poursuites contre le préfet, le maire ou les personnes 
qui les ont fait séquestrer, contre les directeurs et médecins qui les ont retenus, 
exigeront des dommages et intérêts, etc. 

D’autres, plus dangereux encore, voudront attirer sur eux l'attention publique ; 
ils commettront des extravagances, une crime même, et demanderont avec 
instance à passer devant la cour d'assises, afin de pouvoir confondre leurs 
ennemis devant une nombreuse assistance et obtenir enfin justice. 

Cette période de systématisation, qui est la véritable période d'état de la 
maladie, est d’une durée très-longue : on voit ainsi des persécutés s’y maintenir 
aurant de longues années sans que le délire se modifie d'une manière sensible. 
Ce qu'il y a néanmoins à remarquer, c’est qu'ils présentent des alternatives de 
rémissions et de paroxysmes. La marche du délire de persécution est, en effet, 
essentiellement rémittente ; il est important de le faire remarquer ici, car le fait 
n’est pas généralement connu des médecins et, à plus forte raison, admis par les 
magistrats. ( Ceux-ci, comme l’a judicieusement fait remarquer M. J. Falret, ne 
peuvent pas admettre qu’un aliéné puisse être différent de lui-même, selon les 
moments où on l'observe. [l croient qu'une fois observé dans un moment il doit 
toujours être semblable à lui-même. C'est là une grave erreur pour tous les 
aliénés et pour les persécutés en particuiier. Il est des malades qui, pendant 
leurs accès, sont évidemment aliénés aux yeux de tous; leur délire est tellement 
étendu et complexe, quoique partiel et restreint, que personne ne peut en con- 
tester l'existence. Le malade lui-même avoue ses hallucinations : on l'insulte, 
on lui parle à travers les plafonds et les murailles; il entend les voix de ses 
ennemis imaginaires qu'ils ne voit pas et dont il ne peut pas démontrer l’exis- 


PERSÉCUTION. 549 


tence : son délire est donc évident pour tous. Mais il n’en est plus de même à 
d'autre périodes de la maladie. Soit qu'il y ait une véritable rémission, soit que 
l'aliéné dissimule avec soin ses conceptions délirantes, le médecin lui-même 
hésite pour savoir s'il se trouve en présence d'une guérison ou seulement d’une 
cessation temporaire des symptômes. Les persécutés sont, à ce point de vue, les 
plus difficiles à observer de tous les aliénés. Dans tous les asiles se trouvent des 
malades qui dissimulent si bien leur délire, qui le cachent et le nient même 
avec une telle eflronterie, que le médecin souvent hésite et parfois s’y laisse 
prendre et signe la mise en liberté » (Leçon inédite sur le délire de persé- 
cution). 

C'est donc un fait qu'il ne faut jamais perdre de vue que le délire de persé- 
cution est essentiellement rémittent et que, pendant ces périodes de rémittences, 
les malades sont capables de la plus grande et de la plus complète dissimula- 
tion; non-seuiement alors ils cachent leur délire, mais ils nient absolument avoir 
jamais dit les paroles qu’on leur attribue, que le médecin a entendues cent fois 
sortir de leur bouche pendant leurs accès et qu'il a consignées dans les obser- 
vations. On comprend combien difficiles deviennent dans ces cas les expertises 
médico-légales ; il n’y a rien d'étonnant non plus à voir souvent dans les asiles 
des persécutés être rendus à Ja liberté dans ces conditions par les magistrats qui 
ne peuvent arriver à trouver la preuve de la persistance du délire. 

Quelque longue que soit la durée de cette période d'état, il arrive cependant 
un moment où l'on observe chez les malades une extension de plus en plus 
grande du délire. Cette extension porte surtout sur les troubles de la sensibilité 
générale qui viennent s’ajouter aux phénomènes antérieurs et sur les transfor- 
mations qui s’opèrent dans les hallucinations de l'ouïe. Avec ces nouveaux sym- 
ptômes, le persécuté entre dans la troisième phase de son atfection, 

9° Periode des troubles de la sensibilité générale. Cette période est carac- 
térisée surtout par des hallucinations de la sensibilité générale. Lasègue, dans 
son Mémoire sur le délire de persécution (loc. cit., p. 142), avait déjà signalé 
ce genre de symptômes. Morel, en plusieurs endroits de son Traite des maladies 
mentales (Paris, 1866), insiste tout particulièrementsur ces troubles de la sensi- 
bilité générale, sur ces idées d’empoisonnement qui caractérisent le délire de 
persécution arrivé à cette période. Depuis lors, les différents auteurs qui ont 
étudié ces symptômes les ont soumis à une analyse plus profonde; nous cite- 
rons tout spécialement les travaux de M. J. Christian (Des troubles de la sensi- 
bilité générale chez les mélancoliques, Paris, 1876) et de M. Semal (De la sen- 
sibilité générale et de ses altérations dans les affections mélancoliques. In 
Annales médico-psychologiques, 1875, t. XIV et XV). 

Lorsqu'ils en sont arrivés à ce degré de leur affection, les malades ne se 
bornent plus à dire qu'ils entendent des voix, que leurs ennemis les insultent 
par la parole, ils se plaignent aussi d'être attaqués par d'autres procédés, 
d'éprouver les souffrances les plus variées dans toutes les parties du corps. 
C'est alors qu'on les entend s'exprimer ainsi : On les frappe, on les pince, on les 
pique ; on leur tortille les chairs et les intestins; on leur arrache les testicules; 
on leur fait éprouver toutes sortes de sensations, soit sur la peau, soit dans 
l’intérieur même du corps. Ou bien encore ils accusent leurs ennemis de leur 
lancer des odeurs, des odeurs de soufre, de cadavre, etc. 

Ces diverses hallucinations ressemblent à celles des hypochondriaques, que 
nous avons déjà eu l’occasion de signaler au début de la maladie chez certains 


559 PERSECUTION. 


persécutés, mais qui ne se produisent chez la plupart qu'à la troisième période. 

Ces hallucinations du goût, de l'odorat et de la sensibilité générale, ont été 
très-bien décrites par les manigraphes qui se sont livrés d’une façon spéciale à 
l'étade des hallucinations. Ainsi on en trouve des exemples des plus curieux chez 
certains malades dont M. Baillarger cite l'histoire et qui étaient manifestement 
des persécutés. Tel le fait de cette femme qui, entre autres plaintes, accuse ses 
ennemis de tirer sur elle à travers les murs de petits canons qu’elle compare aux 
briquets phosphoriques en plomb alors en usage. Elle est avertie de l'explosion 
de ces petits canons par des douleurs subites qu'elle éprouve, tantôt sur un 
point, tantôt sur un autre. Baillarger (Memoire sur les hallucinations. Paris, 
1846, p. 337 et suivantes) cite plusieurs observations non moins caractéri- 

tiques. 

« Il est hors de doute, écrit Brierre de Boismont (Des hallucinations, ete., 
3e édit. Paris, 1869, p. 97), qu'il y a des hallucinés très en état de rendre compte 
de leurs sensations qui assurent avoir été pincés, frappés, avoir reçu des dé- 
charges électriques sur différentes parties du corps. Nous avons examiné avec 
MM. Foville, Michon et Séguin, un jeune homme qui nous affirmait que les ma- 
gniteux (il voulait dire les magnétiseurs) lui lançaient à chaque instant la ma- 
gnésie, le magnisme sur la poitrine, le dos, les jambes, et qu'il sentait très-bien 
le contact de cet agent ». 

Parmi ces hallucinations, celles qui sont les plus importantes au point de vue 
de leurs conséquences sont les hallucinations du goût. La crainte du poison 
ou la {oxicophobie joue un grand rôle dans les préoccupations des persécutés, 
et les pousse à une foule d'actes, le plus souvent excentriques, mais parfois 
aussi violents. On les voit alors surveiller avec soin les préparatifs des aliments, 
examiner avec attention les matières premières qui entrent dans leur prépa- 
ration; ils vont puiser eux-mêmes l’eau à la fontaine; se défiant du vin qui se 
trouve dans leurs caves, ils vont en acheter eux-mêmes par bouteille, mais ils 
changent sans cesse de fournisseurs, afin de dépister leurs ennemis. lis en est 
qui vont diner de restaurant en restaurant, et, s’il arrive que les mets leur 
paraissent empoisonnés, ils se livrent à des scènes violentes ou vont faire des 
dénonciations au commissaire de police du quartier. Lorsqu'ils sont dans les 
asiles, ces toxicophobes se reconnaissent aisément au milieu des antres aliénés ; 
ils flairent, en effet, le pain avant de le manger, ils ne touchent à un aliment 
qu'après avoir vu les autres en manger ; certains ne veulent rien goûter de ce 
qu’on leur sert et demandent l'assiette du voisin. On en voit qui refusent n'im- 
porte quel mets, car on peut à l’aide d'influences occultes introduire du poison 
partout ; ils vont jusqu’à ne plus vouloir d'œufs à la coque, dans lesquels ils ont 
eu confiance pendant quelque temps, car par la chimie on a fini par y infiltrer 
des substances toxiques. Lorsque le refus des aliments devient ainsi formel, il 
faut recourir à l'alimentation forcée par la sonde œsophagienne (voy. notre 
article Siriopuogte de ce Dictionnaire). 

Mais outre les hallucinations du goût, de l'odorat et de la sensibilité générale, 
existent aussi des hallucinations du sens genital et, fait remarquable, elles sont 
aussi pénibles, sinon plus pénibles pour les malades qui en souffrent, que les 
hallucinations du goût qui provoquent les craintes d'empoisonnement. Ces hallu- 
cinations génitales s'observent chez les hommes comme chez les femmes, et elles 
peuvent engendrer toute une série d'idées délirantes. Les hommes se plaignent 
qu'on les châtre, qu’on les sodomise, qu’on leur fait éprouver les sensations 


PERSÉCUTION. 551 


génitales les plus variées. Mais ce sont surtout les femmes qui sont sujettes à ce 
genre d'hallucinations, mais le plus souvent elles ne veulent pas les avouer. 
Quelquefois cependant elles en font la confidence au médecin avec une sorte 
d'empressement, quand elles out confiance en lui. On apprend alors qu'elles se 
croient enceintes; qu’elles sont convaincues qu'on s’est livré sur elles aux actes 
les plus obscènes, soit pendant le jour, soit pendant la nuit, et elles détaillent 
souvent avec la plus grande précision toutes les sensations qu’elles ont éprouvées. 
On peut rapprocher leurs récits des descriptions que les auteurs du moyen àge 
qui ont écrit sur la démonomanie ont faites des incubes et des succubes ; l'ana- 
logie est complète. 

Les exemples de ce genre d’hallucinations abondent. On les trouvera dans les 
ouvrages déjà cités de M. Baillarger et de M. Christian. 

Les hallucinations génitales chez les hommes présentent des caractères non 
moins tranchés. Nous avons connu un persécuté, homme d’ailleurs très-instruit, 
qui se plaignait que le médecin lui envoyait de son cabinet du fluide élec- 
trique pour le mettre en érection. D’autres malades accusent leurs ennemis 
de leur introduire de la poudre de cantharide -dans leurs aliments pour les 
exciter. 

Outre ces hallucinations du goût, de l'odorat, de la sensibilité générale et du 
sens génital, qui caractérisent si bien la troisième période du délire de persécu- 
ton, il existe un symptôme non moins important et qui mérite de fixer notre 
attention : c'est la transformation des hallucinations de l'ouïe. Nous avons vu 
apparaître celles-ci vers la fin de la première période et se développer durant la 
seconde; nous avons vu que, d’abord à l’état en quelque sorte élémentaire 
(bruits, sons-des cloches, etc.), elles deviennent ensuite des voix proprement 
dites, les malades entendant des mots isolés ou des phrases très-courtes, tou- 
jours les mêmes, qui se reproduisent d’une manière incidente et accessoire et 
n'existent pas constamment, à toute heure du Jour et de la nuit. Dans la troisième 
période, l’hallucination de l'ouïe se transforme complétement et change pour 
ainsi dire de nature : elle tourne au monologue, au dialogue, à l'écho, ou à la 
conversalion mentale avec des interlocuteurs imaginaires. 

Les mots, d’abord entendus, s'étant groupés pour former des phrases, celles-ci, 
à leur tour, finissent par se grouper pour former un discours, et le monologue 
s'établit. Mais l'hallucination de l'ouïe va se compliquer encore davantage. En 
effet, la plupart des malades arrivés à cette phase de leur affection se plaignent 
de phénomènes étranges qui se passent en eux et qu'ils vous décrivent le plus 
souvent de la manière suivante : « Je ne suis plus maître de ma pensée; on me 
prend, on me vole mes idées ; on les colporte dans lunivers, on les reflète dans 
les journaux. Vous savez tout cela aussi bien que moi; tout le monde le sait. 
Toutes mes idées me sont volées. On connait tout ce que je pense avant que j'aie 
eu le temps de l’exprimer, et on le repète au dehors ou on y répond. Je ne suis 
plus maître de ma pensée ». Un tel langage dans la bouche d'un aliéné est un 
caractère clinique très-important; il ne laisse aucun doute sur le degré de chro- 
nicité auquel est arrivé le délire de persécution. Mais il est intéressant d'entrer 
plus avant dans la description de ces troubles hallucinatoires. 

M. Bullarger, dans cette œuvre magistrale sur les hallucinations que nous 
avons déjà maintes fois citée, a signalé ce phénomène dont se plaignent les 
malades de n'être plus maîtres de leurs pensées. « Au lieu de quelques mots, 
dit-il (loc. cit., p. 282), ou même de quelques phrases toujours les mêmes, les 


552 PERSÉCUTION. 


fausses perceptions sensorielles peuvent reproduire toutes les idées ». Et il cite 
de ce fait plusieurs exemples très-instructifs. 

Comme le fait observer M. Jules Falret, le persécuté est en quelque sorte 
dédoublé ; il y a chez lui ce qu'on a appelé le dédoublement de la personnalité. 
D'une part se trouve le moi qui cherche à rester maitre de sa personne, qui lutte 
pour conserver ses idées; mais, d'autre part, il se trouve en lui comme un 
autre individu qui s'empare de ses idées, les répercutant au dehors et les 
répandant à l'extérieur. De cette dualité naît la lutte, lutte intérieure, il est vrai, 
amenant des échanges d'idées, d’où demandes et réponses, en un mot, conver- 
sation mentale avec un ou plusieurs êtres imaginaires. Les hallucinations, dans 
ces cas, soutiennent le pour et le contre, reflétant ainsi les combats de la 
conscience : une voix conseille le bien, l’autre le mal. 

C’est encore là un de ces phénomènes qu'on avait déjà observés au moyen âge. 
Dans la démonomanie — qui n'était en fait que le délire de persécution person- 
nifié dans le diable — on voyait fréquemment se produire cette lutte intérieure 
entre le principe du bien et le principe du mal, entre ìe bon et le mauvais génie, 
entre Dieu et le diable. Aussi ce dédoublement de la personnalité a-t-il été très- 
bien signalé et décrit par les théologiens et les auteurs mystiques, par dom Calmet 
et par les médecins qui se sont occupés de la démonomanie au moyen âge. De nos 
jours, les médecins aliénistes qui ont spécialement étudié la question des hallu- 
cinations se sont appliqués à élucider ce singulier phénomène ; citons, entre 
autres, M. Baillarger et Morel. 

D’après leurs descriptions on comprend bien la nature du phénomène, qu'il 
nous reste à étudier plus spécialement chez les persécutés. M. J. Falret enseigne 
dans ses leçons que presque tous ces malades éprouvent ce dédoublement de la 
personnalité, mais à des degrés divers, et, en outre, qu'on peut, d'après le degré 
de dédoublement, juger de l'ancienneté de la maladie. ll importe donc de bien 
préciser les diverses phases ou degrés du symptôme, ce qui nous sera facile, 
en nous inspirant des idées du savant médecin de la Salpêtrière. 

Au premier degré, le malade a la conversation mentale, qui est d’ailleurs un 
fait presque normai, puisqu'il est naturel de se parler à soi-même mentalement 
et de se faire ainsi intérieurement les demandes et les réponses. Mais cet état 
n est en quelque sorte que provisoire, car bientôt l'individu se dédouble, et la 
conversation a lieu comme entre deux individus différents, l’un faisant la 
demande, et l’autre la réponse. Le dialogue est produit, mais il n’a toujours lieu 
que dans l’intérieur du malade. Peu à peu la séparation s'effectue entre les deux 
interlocuteurs et, lorsqu'elle est devenue complète, l’un des deux a passé dans 
le monde extérieur. Il existe alors comme deux personnalités nettement dis- 
tinctes, se répondant l’une à l’autre. C’est d'ordinaire celui qui fait les réponses 
qui s'est extériorisé, qui est passé dans le monde extérieur ; il est placé dans le 
plafond, dans les murailles, dans la cheminée, en un mot, il est détaché de la 
personnalité du malade et répond ainsi du dehors à la pensée de l’aliéné persé- 
cuté. Celui-ci déclare alors que sa pensée lui est volée, qu'il n’en est plus 
maitre, qu'elle est répandue partout, et cette sensation de rupture entre sa per- 
sonnalité propre et celle qui s’est détachée de lui lui est, paraît-il, des plus 
pénibles. A peine une pensée surgit-elle dans son esprit, qu'elle lui est volée et 
qu'elle lui est répercutée du dehors. Sa propre pensée, il l'entend répéter au 
dehors comme un écho, ou bien il entend une réponse instantanée à la pensée 
qu'il a conçue. Ce phénomène si caractéristique est très-fréquent et mériterait 


PERSÉCUTION, 553 


d'être étudié avec plus de soin et d’une manière plus approfondie qu'il ne l’a été 
Jusqu'ici. 

Plus tard, enfin, dans une période plus avancée de la maladie, il arrive un 
nouveau phénomène plus étrange encore : la personnalité du malade semble 
disparaître. Les malades s'expriment alors de la façon suivante : « Je suis pos- 
sédé; je ne suis plus maître de ma pensée ; je suis dominé par une personnalité 
étrangère, et mes idées me sont enlevées avant même que j'aie eu le temps de 
les concevoir ! » On dirait qu'ils n’ont plus conscience du premier temps de l'opé- 
ration intellectuelle; il leur échappe. La pensée est prise par l'individu étranger 
qui la leur vole et y répond, avant même qu'ils aient une conscience nette de sa 
production. Aussi ces malades disent-ils souvent : « On me dit des bêtises, des 
choses grotesques et ridicules, des choses auxquelles Je n'aurais jamais songé 
moi-même, des choses tout à fait étranges que je ne comprends pas; aia: 
même on me parle dans une langue que je ne connais pas ». 

Fait curieux, certains de ces malades ont, à cette période, plusieurs voix 
auxquelles ils répondent, et ces voix représentent autant de personnes distinctes, 
qu'ils reconnaissent par leur timbre et dont ils disent les noms, en désignant telles 
ou telles personnes de leur connaissance. Souvent ces voix tiennent des langages 
différents, les unes donnant de bons conseils et les autres de mauvais. En un 
mot, les malades, partagés entre l'esprit du bien qui les pousse à bien faire et 
l'esprit du mal qui les incite au contraire aux actes violents, sont tiraillés en 
sens contraire et vivent dans un état de lutte Intérieure permanente. 

M. Baillarger avait déjà été frappé de ce phénomène si étrange qu’il a décrit 
de la façon suivante : « Il y a des hallucinés qui s’entretiennent successivement 
avec trois, quatre, et jusqu’à douze ou quinze interlocuteurs invisibles dont ils 
affirment distinguer facilement les différentes voix. Un de ces malades range les 
personnages dont il se croit ainsi entouré en deux catégories. Les uns, dit-il, sont 
des hommes instruits et honnêtes qui lui donnent d’utiles conseils et avec lesquels 
il aime à converser ; les autres, au contraire, des gens du plus bas étage, et dont 
les paroles obscènes et injurieuses dénotent les plus mauvais sentiments. Je donne 
des soins à une demoiselle qui entend aussi dans l'isolement et le silence jusqu'à 
dix ou douze voix différentes, et dont les unes disent toujours la vérité, tandis 
que les autres ne profèrent que des mensonges » (loc. cit., p. 285). 

Comme l’a fait remarquer Morel dans un passage de son Traité (p. 360), 
certains malades cherchent dans ces voix contradictoires une sorte de compen- 
sation : ou bien il se produit une sorte de neutralisation, ou bien dans la lutte 
qui se produit entre le bien et le mal, c'est le premier qui finit par l'emporter. 

Dans les diverses périodes du délire de persécution que nous venons de 
décrire, il a été successivement question des hallucinations de l'ouïe, du goût, 
de l'odorat, du toucher, de la sensibilité génitale, mais non des hallucinations 
de la vue. Celles-ci, en effet, ne se présentent jamais dans cette affection, ou si 
rarement qu’elles ne peuvent en être considérées comme un symptôme. Pour 
Lasègue, « non-seulement l’aliéné persécuté est incapable de créer des halluci- 
nations visuelles, il ne se sert même pas de la vue dans la mesure légitime et 
raisonnable. La plupart s’indignent de ce qu'on les suppose capables d'avoir 
des visions ; quelques-uns déclarent qu'ils ont cherché à entrevoir leurs persé- 
cuteurs, mais ils n’ont pas réussi et ils expliquent qu'on s'était hâté de fuir, 
qu’on s'était réfugié dans une allée, qu'on s'était caché chez un marchand, sans 
qu'aucun ait porté plus loin son investigation » (loc. cit., p. 140). 


554 PERSÉCUTION. 


L'opinion de Lasègue sur ce point est partagée par presque tous les écrivains 
qui ont traité du délire de persécution : Ball, Falret, Legrand du Saulle, ete. 
Elle a trouvé à la Société médico-psychologique (séance du 29 novembre 1880, 
Ann. médico-psych., 1881, t. V, p. 118) un adversaire en M. Mabille qui, 
d’après une série d'observations personnelles, concluait que l'hallucination de 
la vue, tout en étant très-rare, peut se rencontrer chez le persécuté et que, 
lorsqu'elle existe, non compliquée d'alcoolisme, elle a dans la majorité des cas 
le caractère désagréable, laisse parfois le malade indifférent, mais jamais ne 
devient terrifiante. Ces conclusions furent combattues par Lasègue et J. Falret; 
on peut résumer leurs objections ainsi qu'il suit : 

Les hallucinations de la vue sont tellement rares dans le délire de persécu- 
tion qu’on peut dire qu'elles ne font pas partie de cette forme de folie. Si par 
hasard il s’en présente, si un persécuté chronique nous raconte qu'il a des 
visions, il faut se méfier ; en cherchant bien, on découvre qu’au délire de persé- 
cution type est venu se surajouter un élément étranger, soit l'alcoolisme, lépi- 
lepsie ou l'hystérie, soit une maladie cérébrale ou toxique quelconque. 

Il y a plus, comme l'a fait remarquer M. J. Falret. « Le délire de persécu- 
tion est si peu compatible avec l’hallucination de la vue que, lorsque les 
persécutés chroniques éprouvent par hasard des sensations subjectives de la vue, 
telles que cercles lumineux, gerbes de feu, éclairs, etc. (par exemple, au début 
de l’amaurose), comme j'en ai observé plusieurs exemples remarquables, ils 
apprécient ces phénomènes subjectils comme des hommes raisonnables, ils n'en 
sont pas dupes, ils les jugent tels qu'ils sont, ou tout au plus les interprètent 
dans le sens de leur délire, comme produits par leurs ennemis, mais ils ne les 
transforment pas en visions nettes et distinctes comme dans les délires reli- 
gieux ou autres; la sensation subjective lumineuse reste à l'état élémentaire et 
ne se transforme pas en hallucination véritable de la vue » (Annales médico- 
psychologiques, 1881, t. V, p. 135). 

Nous admettons donc avec la majorité des auteurs que l'hallucination de la 
vue n'est pas partie prenante dans le délire de persécution, qu'elle ne contribue 
ni à créer le délire, ni une fois formé à l'entretenir. Lorsqu'elle se manifeste 
dans le cours de la maladie, elles est due d'ordinaire soit à une cause toxique, 
soit à quelque trouble cérébral organique, soit encore à une névrose de la moti- 
lité. Néanmoins certains malades peuvent, à une période avancée de leur affec- 
tion, éprouver de temps en temps quelques phénomènes subjectifs de ia vue 
qu'ils attribuent à leurs persécuteurs. Ils disent bien alors : « On me fait voir des 
fantômes, des objets effrayants qui passent devant mes yeux, mais c'est pour me 
tourmenter, pour me faire peur, qu'on me fait voir toutes ces choses-là» ; et ils 
apprécient ces troubles comme ils méritent de l'être, c'est-à-dire comme des 
phénomènes illusoires qu’on leur fait voir, mais qui n'ont aucune réalité exté- 
rieure. C'est pour eux comme une fantasmagorie dont ils ne sont pas dupes, 
qu'ils jugent comme un spectacle et non comme une réalité, ce qui n'est pas le 
cas pour les hallucinations des autres sens. 

4° Période stéréotypee et du délire ambitieux. Cette dernière période est 
caractérisée par la production de nouvelles idées délirantes ; il s’agit des idées 
de grandeur qui viennent s'ajouter aux idées de persécution. 

La transformation des idées-de persécution en idées de grandeur a été observée 
par les médecins aliénistes bien longtemps avant qu’on se rendit compte de 
l'importance et de la signification de ce fait. Nous avons cité plus haut, dans 


PERSÉCUTION. 555 


notre historique, un cas bien probant publié par Pinel; nous en avons cité un 
autre non moins caractéristique d'Esquirol. Lasègue n'a pas parlé de cette 
dernière évolution du type morbide qu'il a créé. C'est à Morel que revient l'hon- 
neur d'avoir le premier attiré l'attention sur ce fait clinique. Comme nous l'avons 
déjà dit, il a montre que l'hypochondriaque devenait persécuté et pouvait arriver 
au délire des grandeurs. Le passage suivant de son Traité des maladies mentales 
(p. 126) ne laisse sur ce point aucun doute : « A la folie hypochondriaque se 
rattachent ces délires systématiques avec prédominance de l'idée des persécu- 
tions, avec manifestation d'actes dangereux tels que le suicide ou l’homicide. 
C'est sous l'influence des transformations étranges que subissent l'intelligence 
et les sentiments de l’hypochondriaque que s'organise cette autre aberration 
singulière qui fait supposer à ces malheureux malades qu'ils sont des êtres ex- 
ceptionnels et appelés à des destinées surhumaines. Cette dernière conception 
est la preuve la plus éclatante de la folie nouvelle qui les obsède. Cette folie, 
bien qu'elle se signale par des conceptions delirantes avec prédominance 
d'idées orgueilleuses, n’en est pas moins la conséquence de l'état névropathique 
si connu sous la désignation d'hypochondrie. » Plus loin, dans la partie de son 
livre consacrée à la pathologie spéciale (p. 714), au chapitre qui spécialement 
traite des folies hystérique, épileptique et hypochondriaque, il revient sur le 
même sujet. Il se trouve là un paragraphe intitulé : « Transformation du délire 
des persécutions; systématisation des conceptions délirantes; transition à l’idée 
qu'ont ces malades d’être appelés à de grandes destinées. » 

Depuis Morel, cet important fait clinique a été confirmé par d’autres obser- 
vateurs et les travaux les plus intéressants sur ce point de médecine mentale ont 
été publiés par M. le docteur Ach. Foville, sous le titre: Étude clinique de la 
folie avec prédominance du délire des grandeurs (in-4°. Paris, 1871), et par 
M. Paul Garnier, dont la thèse de doctorat (Sur les idees de grandeur dans le 
délire des persécutions. Paris, 1877) mérite d'être consultée. Le fait est donc 
acquis à la science, il nous reste à le décrire. 

Dans tous les services d'aliénés, on rencontre des malades qui se prétendent 
d'une haute naissance, ils ne sont pas MM. X., Y. ou Z., mais ils s'appellent 
ducs, princes, marquis, rois, empereurs. Telle femme est la duchesse de Choi- 
seul et ne vous répond pas lorsqu'on l'appelle de son vrai nom; telle autre est 
la femme d’un prince du sang et se met en colère, si on ne l'appelle pas altesse. 

Mais ces idées de grandeur ne s'arrêtent pas en aussi bon chemin chez certains 
persécutés, qui ne se contentent pas de ces titres purement terrestres et finissent 
par se dire Jésus-Christ, Dieu, la Sainte Vierge. Il en est qui, s'ils ne vont pas 
jusqu'à se transformer en des êtres surhumains, s’attribuent une puissance 
occulte sur les éléments, sur les astres, etc. Une des malades de mon service, 
ancienne persécutée, se dit de la famille d'Orléans, mais c’est elle aussi qui 
dirige le soleil, le fait paraître ou disparaître suivant qu’elle est ou non contente 
de ceux qui l'entourent. 

Enfin, il y a certains malades qui présentent surtout des idées de richesses : 
ils sont millionnaires, possèdent des biens sans nombre, etc. Telle est cette 
malade dont M. Maret cite l’histoire dans sa thèse (Paris, 1868) et qui « se 
croit mariée par le pape à un nègre trois fois millionnaire, se dit riche, etc. ». 

Les idées ambitieuses des persécutés peuvent donc rouler sur trois points : 
les richesses, la puissance, la transformation en un ou plusieurs personnages de 
marque. Ces trois manifestalions ou formes de l’ambition se présentent chacune 


556 PERSÉCUTION. 
isolément chez le persécuté, ou bien toutes les trois se manifestent chez le même 
malade. 

Par quel procédé se produit cette transformation du délire de persécution? 
Comment expliquer la genèse de ces idées de grandeur? Ce problème a reçu 
deux solutions opposées, qui ont leur partisans exelusifs, mais qui doivent être 
admises l’une et l’autre, car elles ont l’une et l’autre, en leur faveur, des 
observations très-probantes. La première de ces solutions peut s'appeler la 
genèse des idées de grandeur par déduction logique; la seconde, la genèse 
spontanée. | 

Les persécutés sont tous des orgueilleux, ils se croient le centre de l'univers. 
Ils se diseni qu'ils doivent être des personnages, pour qu’on se donne la peine de 
les tourmenter et de les torturer ainsi pendant de longues années. C’est ainsi 
que, par une sorte de filiation logique, un certain nombre de persécutés arrivent 
à se demander s'ils n'auraient pas été changés en nourrice, s'ils ne seraient pas 
les fils ou les descendants de rois ou d'empereurs. La réponse à ces préoccupa- 
tions de leur esprit n'est pas loin, car, s’ils ont été longtemps à créer les éléments 
de leur roman ambitieux, il ne leur faut souvent qu'une nuit pour le produire. 
Et alors ils voient et racontent qu’ils ont fait de grands héritages, qu'ils sent 
princes ou princesses, rois ou empereurs, qu'ils appartiennent à une grande 
famille, plus élevée dans la hiérarchie sociale que celle dont ils croyaient 
sortir. 

Ce mécanisme de formation des idées ambitieuses chez les persécutés, que 
nous avons appelé la genèse par déduction logique, a été très-bien décrit par 
M. Ach. Foville (loc. cit., 546), et nous serions incomplet, si nous ne reprodui- 
sions pas ce qu'il en dit : 

« Frappés du peu de rapport qui existe entre leur position bourgeoise et la 
puissance dont leurs ennemis doivent disposer pour les atteindre en dépit de 
tout; entre le rôle effacé qu'ils jouent dans le monde et les mobiles impérieux 
qui seuls peuvent expliquer l'acharnement avec lequel on les poursuit, quel- 
ques-uns de ces malades finissent par se demander si réellement ils sont aussi 
peu importants qu'ils le paraissent. Une nouvelle perspective s'ouvre à leur 
esprit tourmenté; ce n'est plus la personnalité des autres, c'est leur propre 
personnalité qui se transforme à leurs yeux. Pour qu'on les attaque comme on 
le fait, il faut, se disent-ils, que l’on ait un intérêt à agir ainsi, et si l’on a un si 
grand intérêt à les perdre, c'est qu'ils portent ombrage à quelque personnage 
riche et puissant; c'est qu'ils auraient droit eux-mêmes à une richesse et à 
une puissance dont ils sont frauduleusement dépouillés ; c’est qu’ils appartien- 
nent à un rang élevé dont les circonstances plus ou moins mystérieuses les ont 
écartés; c’est que les gens qu'ils avaient considérés comme leurs parents ne 
sont pas leurs parents véritables; c’est qu'eux ils appartiennent en réalité à 
une famille de premier ordre, à une souche royale le plus souvent ». 

« Ces idées auront surtout de la tendance à se produire, ajoute avec raison 
M. Ach. Foville, si déjà avant d'être malade l'individu a eu à souffrir, dans 
son orgueil ou ses intérêts, de l’irrrégularité ou du mystère de sa naissance. 
Aussi avons-nous remarqué que cette foi dans une naissance illustre, que cette 
croyance à une fortune imaginaire, est relativement fréquente chez les enfants 
naturels devenus aliénés. Ce sont eux surtout qui sont tout préparés à ajouter 
à leurs idées de persécution un nouveau roman où dominent les idées de gran- 
deurs, les substitutions à la naissance, les confusions de personnes, etc. » Et 


PERSÉCUTION. 557 


plus loin, comme preuve de ce qu'il vient d'avancer, M. Foville, résumant ses 
observations de mégalomanie, dit : « Parmi ces douze malades qui abandonnent 
en idée leur propre famille pour se forger une généalogie imaginaire dans les 
rangs les plus élevés de la société, nous trouvons cinq enfants naturels, pro- 
portion énorme qui est bien de nature à faire penser que cette circonstance n'est 
pas sans influence sur la production de ce genre particulier de délire » (loc. cit., 
p- 596). 

On pourrait citer de nombreux faits à l'appui de cette manière de voir; les 
récits, soit oraux, soit écrits, des perséculés, fournissent la preuve de ces déduc- 
tions logiques. 

Le second mode de production des idées de grandeur est celui par genèse 
spontanée, c'est-à-dire par génération subite, presque instantanée. Ainsi on 
voit des persécutés se réveiller, du jour au lendemain, grands seigneurs, princes 
ou empereurs. Comment cela s'est-il fait? on ne le sait. Dans la plupart des 
cas, un fait futile, un mot entendu, un article de journal, un rien fait germer 
tout à coup l'idée ambitieuse dans l'esprit du persécuté. Tel ce malade 
d'Esquirol, dont nous avons déjà parlé dans l'historique et qui, « sortant d’un 
café où il avait lu un journal dans lequel il était question du faux dauphin, 
s'imagine être le fils de Louis XVI, se rend aux Tuileries, pénètre jusque dans 
les appartements du roi, afin de réclamer ses droits ». Depuis lors, ce malade 
convaincu de cette idée ambitieuse fait des proclamations au peuple fran- 
çais, etc. 

Fréquemment aussi l’idée délirante ambitieuse est suggérée par l’hallucina- 
tion de l’ouie, par une voix. Tel ce malade de M. Foville, dont Legrand du 
Saulle rapporte l'observation (loc. cit., p. 97), à qui « les voix apprennent qu'il 
est par le sang et par le talent le descendant direct de Raphaël. » Le même 
phénomène se produit dans le fait suivant, publié par M. Paul Garnier. Il s’agit 
d'une persécutée qui entend « un Jour dire à côté d'elle: « Voilà la reine de 
France »; depuis ce moment elle se croit reine et accuse les prêtres de la per- 
sécuter pour garder le pouvoir; ils la poussent à la débauche pour la rendre 
indigue de régner. » 

De même que les idées de persécution, les idées ambitieuses poussent les 
malades à des actes singuliers, à des démarches inconsidérées, parfois même à 
des impulsions violentes. Le malade d'Esquiroi, qui se croit le dauphin, fils de 
Louis XVI, veut pénétrer aux Tuileries ; journellement on en voit qui cherchent 
à pénétrer auprès du président de la République, pour faire valoir leurs droits. 

On trouve aussi des persécutés ambitieux parmi les aliénés migrateurs. 
M. Ach. Foville, dans son intéressant mémoire, en a cité plusieurs exemples. 
Un de ces malades se croyant propriétaire d'un domaine immense auquel sa 
naissance lui donne droit, mais dont, dans son pays, on ne veut pas le laisser 
entrer en jouissance, veut aller en Angleterre où se trouvent les titres de pro- 
priété. Il part de Saint-Étienne et arrive au Havre, où il est arrêté. 

Une question qui se pose ici, c’est de savoir si les idées ambitieuses se substi- 
tuent complétement aux idées de persécution, si celles-ci disparaissent lorsque 
celles-là apparaissent. La fait se présente parfois, mais il n’est pas général. On 
peut voir des malades chez lesquels, malgré un examen attentif et prolongé, on 
ne trouve plus d'idée de persécution, ils sont cantonnés dans leurs idées de 
grandeur : la transformation est complète. Le plus ordinairement il est aisé de 
retrouver et même encore à un degré très-actif les anciennes conceptions déli- 


558 PERSÉCUTION. 


rantes de persécution avec leur cortége d’hallucinations diverses, le tout consti- 
tuant dans l'esprit du malade un roman s'enchaìnant plus ou moins, mais se 
reproduisant toujours le même d'une façon en quelque sorte stéréotypée. 

Cela s’observe surtout chez les anciens persécutés, et ceci nous amène à nous 
demander si le délire de persécution tend plus ou moins rapidement à la 
démence. Ce mode de terminaison de la folie est aussi rare dans le délire de 
persécution que dans la folie à double forme. Les malades n'arrivent qu'à un 
âge très-avancé à cette démence complète, qui est l'abolition des facultés 
cérébrales. Le persécuté, peut-on dire, ne tend donc pas à la démence comme 
on l'entend d'ordinaire, mais il marche de plus en plus vers la chronicité. Dans 
cette longue évolution de sa maladie, son intelligence s’affaiblit, il est vrai, 
dans une certaine mesure, et progressivement son niveau mental baisse, mais ił 
reste toujours un malade atteint de délire partiel. Ce délire, en devenant chro- 
nique, a pris plus d'étendue et de complexité, mais il est impossible de comparer 
cet état à de la démence. Et de fait les malades, même arrivés à cette quatrième 
phase de leur affection, continuent à pouvoir causer sur toute espèce de sujets, 
ils s’entretiennent en connaissance de cause de toutes les choses usuelles de la 
vie, comme des personnes raisonnables. On a donc tort de considérer comme de 
véritables déments ces malades atteints de délire partiel chronique à la dernière 
période ou période stéréotypée. 

Dans la description synthétique que nous venons de faire du délire de persé- 
cution, nous avons dù surtout mettre en saillie les symptômes les plus impor- 
tants, tels que les interprétations délirantes, les hallucinations des divers sens, 
les idées ambitieuses, etc., mais il en est d'autres que nous n’avons fait qu'indi- 
quer et sur lesquels 1l nous faut revenir avec plus de détails : ce sont principa- 
lement les actes des persécutés. 

Agitation. Nous avons particulièrement insisté sur les actes violents que 
peuvent accomplir les persécutés sous l'influence de leurs idées délirantes ou 
des hallucinations de l’ouie et des autres sens auxquelles ils sont en proie. Mais 
on observe aussi chez eux de véritables accès d'agitation maniaque, d’une durée 
plus ou moins prolongée. C'est le plus ordinairement un état d'excitation 
générale ; le malade crie, récrimine contre tout le monde ou contre certaines 
personnes, se promène de long en large avec précipitation, manifeste toutes les 
marques de la plus violente colère. Cela ne dure chez certains que quelques 
heures, mais chez d'autres cet état ne cesse qu'après plusieurs jours et pour 
reprendre au bout de quelque temps. 

Chez les femmes atteintes de délire de persécution, on observe cette agitation 

- presque tous les mois, à chaque période menstruelle. C’est même à ces moments 
qu'il est bon de se méfier d'elles, car, outre l'agitation maniaque, elles sont 
portées à commettre des actes de violence, à se précipiter, par exemple, sur les 
personnes de leur entourage, et à se livrer sur elles à des voies de fait. 

En résumé, le persécuté, qu'on est porté à considérer comme un malade 
concentré en lui-même, analogue au mélancolique qui rumine sans cesse ses 
idées délirantes, peut néanmoins, sous l'influence de son délire et de ses hallu- 
cinations ou d’une autre cause morale ou physique, être souvent atteint d’exci- 
tation générale qui arrive parfois jusqu’à la manie et même à la fureur. C’est 
dans ces cas qu'il se livre aux actes les plus violents et parfois même les plus 
dangereux, les plus criminels. 

Homicide. Parmi les aliénés homicides on compte un certain nombre de 


PERSÉCUTION. 559- 


persécutés. Nous disons « un certain nombre », car, étant donné le chiffre 
relativement considérable de malades atteints du délire de persécution qui 
sont séquestrés ou en liberté, et le nombre de meurtriers qu’on trouve parmi 
eux, on arrivera sans doute à conclure que la proportion de ces derniers m'est 
pas très-forte. Et cependant, comme le dit avec tant de justesse M. Blanche, « le 
délire de persécution est certainement celui où la tendance à l'homicide semble 
le plus logiquement commandée; l’aliéné est sous le coup d’une pression 
irritante ou terrible, ses ennemis l'obsèdent sans qu'il ait fourni le plus léger 
prétexte à leur hostilité, ils s'acharnent contre lui, le calomnient, le menacent, 
l'empêchent de jouir de la vie, s’il est riche, de gagner son pain, s’il est pauvre; 
ses nuits sont troublées par les propos injurieux des voisins, ses journées s’écou- 
lent dans les mêmes angoisses ; tous les moyens sont bons à ses persécuteurs qui 
disposent de ressources mystérieuses, qui, non contents de le perdre au dehors, 
pénètrent jusque dans l'intimité de sa pensée, le forcent à vouloir ce qu'il ne 
voudrait pas et ne lui accordent pas une heure de répit » (Des homicides 
commis par les aliénés. Paris, 1878, p. 7). 

Il semble qu'en pareil cas le meurtre s'excuse par les droits de la légitime 
défense et qu'il devrait en quelque sorte se produire fréquemment. Il n’en est 
rien; comme nous l'avons dit, nous appuyant sur l'opinion de M. Blanche, ce 
n'est pas parmi les persécutés que se rencontrent le plus grand nombre d’aliénés 
homicides. Le persécuté ne tue que lorsqu'il est sujet à ces exaltations dont 
nous avons parlé dans le paragraphe précédent et dont l'auteur que nous venons 
de citer a très-bien décrit les phases diverses. 

Mais ces crises paroxystiques ont des causes diverses, comme nous l'avons dit. 
Les persécutés, en tuant, y sont poussés par des motifs différents : l’un tue son 
ami qu'il accuse de l'avoir trahi comme les autres, d’avoir fait de son hôtel le 
rendez-vous de ses ennemis et de toute la « clique », d’avoir tenté à plusieurs 
reprises de l’empoisonner (observation de L...., ancien cuisinier, voy. Legrand 
du Saulle, loc. cit., p.195).— Un autre, obsédé par les voix qui l’accusent d’avoir 
été sodomisé, qui le poursuivent partout en disant: « Voilà l'enc.... du père 
Michel », tire sur ce père Michel six coups de revolver et le blesse mortellement 
(voy. Rapport médico-légal sur l'état mental de Jean Martin, par les docteurs 
Reignier, Lagardelle et Legrand du Saulle. In Annales médico-psychologiques, 
18412 XNEL, p490). 

La préoccupation de faire parler d'eux, de rendre publiques les persécutions 
auxquelles ils sont en butte, n’est pas rare chez ces malades ; ils veulent obtenir 
justice de leurs persécuteurs. S'ils commettent alors un acte criminel, c’est 
qu'ils pourront devant les tribunaux non-seulement se défendre, mais attaquer 
ceux qui, depuis de longues années, les accablent de leurs injures, de leurs 
accusations immondes. C’est le cas du capitaine Aymes qui tua, dans les cir- 
constances que l'on connaît, le docteur Marchant, médecin en chef de l'asile de 
Toulouse. Ce malade, aujourd'hui placé dans le service de M. le docteur Christian, 
à Charenton, réclame journellement des juges pour obtenir justice et expliquer 
publiquement sa conduite. 

Souvent aussi le meurtre est provoqué par les craintes d'empoisonnement. 
Tel ce malade du service de M. Christian, qui faillit tuer un jour celui qui lui 
portait la nourriture, prétendant qu'on voulait lui donner du poison (voy. 
Peléory, De l'homicide chez les persécutés. Thèse de Paris, 1886, p. 39). 

Parfois le persécuté s'en prend à un personnage, le plus souvent à un savant, 


560 PERSÉCUTION. 


qu'il considère comme le représentant de l'association occulte qui le tourmente, 
ou bien comme le producteur de l’agent invisible, des fluides divers qui lui 
provoquent de fausses sensations. On connaît la brutale agression à laquelle le 
professeur Lasègue fut en butte un matin, en sortant de l'hôpital. C'était un 
persécuté qui se vengeait sur le « chef des agents aliénistes » des tourments 
qu'il subissait (voy. Motet, Sortie d'un aliéné non guéri, communication à la 
Société médico-psychologique. In Ann. med.-psych., 1880, t. LE, p. 270). Un 
exemple non moins caractéristique est celui que raconte M. Max Simon, d’après 
le professeur Arthaud : H s'agit d’un aliéné persécuté qui « vaguait par les rues 
de Lyon en proie à des hallucinations de toute sorte, mais surtout à des hallu- 
cinations de la sensibilité générale : on le piquait à l’aide d'agents invisibles, 
on l’électrisait, on le magnétisait. Conduit par le hasard de ses pérégrinations 
vagabondes dans le voisinage du palais Saint-Pierre, notre halluciné voit une 
affiche où était indiqué le jour de l'ouverture du cours de M. **”*, professeur de 
physique. Cette affiche est pour l’aliéné une révélation, un trait de lumière; il 
a trouvé son persécuteur, celui qui, suivant l'expression populaire, lui fait de la 
physique. Aussi bien il sarme d'un fusil et va trouver le professeur objet de 
ses soupçons, en lui intimant l'ordre d’avoir à cesser, sous peine de la vie, de 
le tourmenter comme il avait fait jusque-là. Le distingué savant, objet de cette 
singulière aventure, ne parvint que difficilement à calmer le malade, qu’on 
enferma quelque temps après » (Max Simon, Crimes et délits dans la folie, 
Paris, 1886, p. 15). Heureusement le malade, dans ce cas, s’est contenté de 
menaces d’homicide. 

En résumé, les causes d'incitation au meurtre sont multiples chez le persé- 
cuté. Il peut y être poussé par les tourments que lui occasionnent ou ses hallu- 
cinations de l’ouie, ou celles du goùt, ou celles de la sensibilité générale, etc., 
ou bien encore sous l'influence des nombreuses persécutions auxquelles il est en 
butte. Lorsqu'il veut tuer, il s'en prend à une personne définie, qu'il suit en 
quelque sorte pas en pas, cherchant le bon moment et en profitant lorsqu'il le 
trouve, ou bien il tire au hasard sur les passants, sur le premier venu, se 
contentant après le crime de dire : « Il fallait en finir, tout le monde m'abrutis- 
sait, etc. », ou autres discours analogues. 

Suicide. Comme nous l'avons déjà fait remarquer dans l’article Suicie de 
ce Dictionnaire (3° série, t. XIII, p. 310), les persécutés se tuent rarement. Il 
est même des auteurs qui affirment que ce genre de malades ne se suiadent 
jamais ou très-exceptionnellement. Ainsi M. Régis, en son Manuel pratique des 
maladies mentales (Paris, 1885, p. 197), veut qu'on distingue avec soin des 
persécutés proprement dits ces mélancoliques avec idées délirantes de persécu- 
tion et hallucinations de l'ouïe, etc., que l’on confond trop souvent avec eux et 
qui sont aux premiers ce qu'est la folie généralisée à la folie partielle. « Ce 
sont ces soi-disant persécutés, ajoute-t-il, qui ne sont au fond que des mélanco- 
liques à idées de persécution, qui ont une tendance au suicide et non à l’homi- 
cide ct qui pour échapper aux tourments dont ils sont l'objet cherchent un 
recours dans la mort. Et c’est ainsi qu'on va, admettant généralement que chez 
les persécutés le suicide est fréquent. Je crois, au contraire, que, si on enlève au 
délire de persécution ces faux persécutés qui ne lui appartiennent pas, le sui- 
cide y devient pour ainsi dire exceptionnel. Le suicide est par excellence 
l'acte du mélancolique ; c'est son refuge, c'est par là qu’il échappe à ses peines. 
Le vrai persécuté, lui, réagit différemment, il ne subit pas les tourments qu'il 


PERSÉCUT ION. 561 


éprouve, il ne s’y soustrait pas par la mort. C’est au plus haut degré un révolté 
qui accepte la lutte, combat et se venge; il a recours à l’homicide, jamais ou 
presque jaraais au suicide. » 

Nous ne serons pas aussi exclusif que M. Régis, tout en reconnaissant ce 
qu'a de cliniquement exact sa distinction entre le persécuté proprement dit et le 
mélancolique avec idées de persécution. Nous admettons que le suicide, chez le 
premier de ces malades, n'est pas une exception, et qu'on l'observe, sinon très- 
fréquemment, du moins assez souvent, chez les persécutés passifs. Ceux-ci ont 
d’ailleurs, avant de se donner la mort, une manière d'agir qui n’est pas d'ordi- 
naire celle du mélancolique. Ils ont pour habitude de laisser après eux en 
quelque sorte une trace de leur existence. Ils écrivent aux autorités de longs 
factums relatant les persécutions auxquelles ils sont en butte, ils dénoncent leurs 
persécuteurs et font connaitre les motifs qui les poussent à se tuer. Il en est 
qui écrivent longuement leur testament où ils consignent leurs conceptions déli- 
rantes, et souvent ce dernier acte de leur vie n’est qu'un acte de vengeance, car 
ils déshéritent même des membres de leur famille qu'ils considèrent comme 
étant parmi leurs persécuteurs. 

On a signalé aussi le fait de certains persécutés qui se sont suicidés après 
avoir tué ceux qu'ils prenaient pour leurs persécuteurs. 

Langage et écrits. Dans la description synthétique que nous avons donnée 
du délire de persécution on a pu voir plus d’un exemple de la forme particu- 
lière que prend le langage des malades atteints de cette forme de folie. Il y 
aurait même un travail curieux à faire, celui de collectionner sous forme d’un 
vocabulaire les termes que créent les persécutés et ceux qu'ils détournent de 
leurs sens pour leur donner une signification délirante. 

Les discours du persécuté ont un intérêt particulier pour diagnostiquer la 
période à laquelle il se trouve de son affection mentale. Le inalade qui vous dit 
qu'il se passe en lui ou autour de lui des choses qui ne sont pas naturelles, 
qu'il ne peut s'expliquer, ne se trouve pas dans la même phase délirante que 
celui qui attribue ses persécutions à l'électricité, à la physique, aux fouinards, 
à la fantasia, etc. Il y a aussi comme des degrés dans l’évolution de l'halluci- 
nation de l'ouïe, indiqués dans les divers termes que le persécuté emploie pour 
les caractériser, lorsqu'il dit : mes voix, mon parlage, mes secrètes, mes 
bavardes, mes invisibles, mes locutions, ou plus tard, lorsqu'il se sert des 
expressions suivantes : On me fait parler, on est maître de ma pensée, on 
m'insulte par la pensée, on devine ma pensée, je ne m'appartiens plus, on 
répète mes paroles, on parle par ma pensee, etc. 

Si la systématisation se reconnait à certains mots employés, elle se manifeste 
mieux encore par l’ensemble du discours. Legrand du Saulle (p. 60) en donne 
un exemple saisissant. D'ailleurs les récits des persécutés se ressemblent tous. 
Avec le temps ils deviennent incohérents, forment un mélange d'idées de persé- 
cution et d'idées de grandeur, et, lorsque le persécuté avance en âge, ils 
deviennent souvent iacofhpréhiensibles: 

Les écrits des persécutés méritent toujours d’être lus avec soin. i Save, en 
elfet, ces malades, qui dissimulent ave beaucoup d'habileté lorsqu'on les inter- 
roge, laissent percer dans un mot d’une lettre la nature de leur délire. Une des 

malades de mon service dissimulait et niait avec adresse ses interprétations 
délirantes et ses illusions, protestant énergiquement contre sa séquestration. 
Un jour cependant elle me remit une lettre adressée aux autorités qui con- 


DICT. ENG. 2° s. XXII. 56 


562 PERSÉCUTION. 


tenait les phrases suivantes bien significatives : « La reclusion me tue, j'ai le 
foie enflé, j'ai des suffocations, J'ai des étouflements. Je suis enfermée depuis 
soixante-seize jours sans pouvoir me défendre. Ce sont les locataires d'au- 
dessous de moi qui devraient l'être, elles se mettaient à quatre pour me parler 
sur le carré, etc. » 

Il y a des aliénés qui écrivent beaucoup, le persécuté est de ceux-là. Il « rédige 
des plaintes, des dénonciations, des pétitions, des mémoires, et expose à l'au- 
torité ses griefs, ses réclamations, ses souffrances et ses spoliations. Il raconte 
d'interminables histoires, et insiste complaisamment sur les habitudes, les 
allures, les gestes et les paroles de ses ennemis. Il révèle tous les actes honteux 
qu'ils commettent, entre dans les détails les plus minutieux, trouve des expres- 
sions pour tout dire, et emploie les termes parfois les plus bizarres et les néo- 
logismes les plus osés ; il diffame, avertit ou menace, et se déclare prêt à tout. 

« Le persécuté est-il hypochondriaque, il prend son observation jour par 
jour, heure par heure, analyse toutes ses sensations avec anxiété, inscrit sur des 
pages sans fin la relation diffuse de ce qu’on lui fait endurer, et est pris d'une 
peur farouche à la pensée d'une aggravation de son état. En écrivant, il s'écoute 
délirer » (Legrand du Saulle, loc. cit., p. 55$). 

Legrand du Saulle et tous les aliénistes qui ont écrit sur le délire de persé- 
cution ont publié de longs factums de persécutés, dans lesquels on trouve toutes 
les divagations que nous avons décrites : les interprétations délirantes, les illu- 
sions, les hallucinations des différents sens, les idées de grandeur, etc. Mais ce 
qui prédomine, ce sont les dénonciations, rédigées en termes catégoriques, 
contre les médecins, les magistrats, les administrateurs, etc. 

Il y a des malades qui ne se contentent pas d'écrire, mais qui font imprimer 
leurs élucubrations délirantes. L'exemple le plus curieux, en même temps que 
le plus célèbre, est celui d'Al. Vinc.-Ch. Berbiguier (de Terre-Neuve de Thym), 
qui a publié en 1821 son autobiographie, sous ce titre : les Farfadets, ou tous 
les démons ne sont pas de l'autre monde (Paris, 3 vol. in-8& avec planches). 
L'auteur dédie son ouvrage à tous les empereurs, rois, princes, souverains des 
quatre parties du monde : cet ouvrage, malgré sa longueur et sa prolixité toute 
pathologique, est, sans contredit, un document des plus importants à consulter 
dans l’histoire du délire de persécution. 

N'oublions pas, en terminant sur ce fait, de rappeler que certains persécutés 
mégalomanes s'appliquent à établir avec le plus grand soin leur généalogie. Ce 
fait s'observe en particulier chez ceux qui ont une naissance irrégulière, chez 
les enfants naturels ; ils développent toutes les ressources de leur imagination 
délirante pour démontrer la légitimité de leur naissance et prouver qu'ils sont 
issus de parents d’origine rovale ou nobiliaire, mais mariés selon toutes les 
règles requises par la loi. 

Diacnosric. Les persécutés étant de leur nature des êtres méfiants et dissi- 
mulateurs, il n’est pas toujours facile de leur faire avouer leurs idées délirantes. 
Toutefois, il existe de ces phrases stéréotypées qu'on trouve dans la bouche de 
ces malades et qui servent à vous mettre sur la voie. De même qu’on reconnaît 
un paralytique général à la réponse : Ça va bien, qu’il vous fait avec le tremble- 
ment de la voix crractéristique, lorsqu'on lui demande de ses nouvelles, de 
même on peut hardiment conclure qu'on a affaire à un persécuté, lorsqu'on de- 
mande à un individu ce qu'il a et qu'il vous répond : Vous le savez aussi bien 
que moi, je wai pas besoin de vous le dire ; ou bien: Tout le monde connaît 


PERSÉCUTION. 563 


mon affaire; les journaux en ont parlé, ou d’autres phrases analogues. Ainsi mis 
sur Ja voie, il ne s'agit plus que de conduire habilement l'interrogatoire pour 
arriver à une Connaissance complète des idées délirantes du malade. 

Mais le médecin peut aussi se trouver en face de persécutés qui refusent 
obstinément de faire connaître leurs préoccupations maladives, qui dissimulent 
leur délire avec le plus grand soin ; dans ces cas, il faut laisser aux malades Ja 
plus grande liberté d'écrire. Généralement ce qu'ils ne veulent pas dire, ils 
l'écrivent, et un jour ou l’autre on trouve dans une de leurs lettres un mot 
ou une phrase qui donne l'éveil et qui permet au clinicien de porter plus avant 
ses investigations; parfois même c'est le délire tout entier que le malade se 
charge de faire connaître tout au long dans une dénonciation au parquet ou aux 
autorités administratives, 

Quant au diagnostic de la période de la maladie, il ne présente aucune diffi- 
culté, si l’on possède une connaissance exacte de la symptomatologie et de 
J'évolution du délire de persécution. Les discours, les écrits, les actes du per- 
séeuté, mettent aisément sur la voie et permettent de préciser à quelle phase 
de l'affection il est arrivé. 

Nous avons dit au début de cet article que l'idée délirante de persécution 
peut se présenter dans la plupart des formes de maladies mentales, mais qu'elles 
n'y sont alors que passagères ou accidentelles. Nous aurons à revenir plus 
longuement sur ces idées de persécution symptomaliques, qu'il est aisé de 
distinguer du délire de persécution essentiel que nous venons de décrire. Mais 
il existe un certain nombre d’aflections mentales que l’on confond souvent avec 
lui, ce sont : 1° l'alcoolisme subaigu; 2 les idées de persécution des aliénés 
persécuteurs raisonnants; 3° la mélancolie anxieuse; 4° certaines formes de 
mélancolie. 

1° Alcoolisme subaigu. Le diagnostic différentiel entre le délire de persé- 
cution et l'alcoolisme subaigu a été établi par le professeur Lasègue (De 
l'alcoolisme subaigu, in Archives generales de médecine, n°° de mai, juin et 
aoùt 1869). 

Cette forme d’alcoolisme est apyrétique, exempte des grandes perturbations 
du système nerveux central, coma, fureur maniaque, etc., et des troubles de 
circulation locale ou générale qui accompagnent la fièvre alcooligue aiguë. D'une 
durée qui excède rarement deux septenaires, et qui presque toujours est de 
moins d'une semaine, elle est caractérisée par un état délirant assez paruculier 
pour qu’à lui seul il permette d'affirmer la nature de la maladie, par un trem. 
blement également caractéristique, par l’insomnie et des malaises digestits plus 
ou moins accusés. 

Ces trois derniers symptômes constituent déjà des éléments précieux pour le 
diagnostic différentiel entre l'alcoolisme subaigu et le délire de persécution, 
mais l'étude du délire fournit à son tour des indications précieuses, Quoique 
l’alcoolique semble, à ce point de vue particulier, avoir plus d’un trait de 
ressemblance avec le persécuté, il existe cependant des dissemblances caracté- 
_ ristiques. 

Le délire alcoolique,succède toujours à une période délirante nocturne et 
n’est, en quelque sorte, que l'épanouissement de songes pathologiques, au point 
que les divagations du malade éveillé ne sont que la continuation des idées 
écloses pendant le rêve. Comme dans le rêve, ce sont les hallucinations visuelles 
qui jouent le rôle prédominant. L'alcoolique éprouve, en effet, le besoin de se 


564 PERSÉCUTION. 


figurer en mouvement les objets imaginaires avec lesquels sa fantaisie le met en 
contact, vivifiant pour ainsi dire chacune de ses perceptions illusoires ou de ses 
conceptions et les rattachant à des hommes, à des femmes, à des animaux, en 
un mot, à des êtres doués de vie. Ce malade aux impressions si mouvantes ne 
reste pas contemplatif devant les hallucinations qui l’assiégent : il cherche à se 
préserver des visions dont il est le jouet, à discuter avec les voix qui le pour- 
suivent. L'alcoolique subaigu a donc des hallucinations de l'ouïe comme le 
persécuté ; comme lui aussi il a des idées d'empoisonnement et des hallucina- 
tions de la sensibilité générale. Mais il a surtout des hallucinations de la vue 
caractéristiques : il voit des hommes, des femmes, faisant des grimaces, il voit 
des bêtes, etc. Toutes ces hallucinations, toutes ces conceptions délirantes, ont 
un caractère commun : la terreur. 

A l'aide de cette rapide, quoique incomplète, description du délire dans 
l'alcoolisme subaigu, il nous sera aisé de le différencier du délire de persécution. 
Dans le premier cas, les idées de persécution sont mouvantes, se présentent à 
l'esprit du malade comme une série de tableaux successifs ; dans le second, elles 
sont monotones et tendent à se stéréotyper. Comme l’a dit Lasègue, « le complot 
une fois organisé l'est si bien qu'il fonctionne presque sans variations, tout au 
moins sans grands écarts. Celui qu'on accuse d'être un voleur est toujours 
accusé d’avoir volé, celui qu'on magnétise est toujours plus ou moins magné- 
tisé, celui qu'on a empoisonné par ses aliments continue à être l’objet d’un 
empoisonnement de même nature. » 

L'alcoolique a des hallucinations de la vue que ne présente pas le persécuté; 
il entend, il est vrai, aussi des voix, a des sensations étranges, etc., mais tous 
ces phénomènes morbides, il ne les analyse pas, il ne concentre pas sur eux les 
forces de sa pensée, il lutte au contraire contre eux, il en a peur, il en est 
terrifié. Quant à l'aliéné persécuté, il « vit poursuivi par des idées tristes, mais 
exempt de terreurs: on peut même dire qu'il n'a pas de craintes. Chacune des 
idées ou des imaginations qui le tourmentent est déjà passée à l’état de fait 
accompli. Les inquiétudes sont rétrospectives ; il n'attend pas, il se rappelle ou 
il éprouve le mal dont il se plaint. C'est, si on veut rendre la caractéristique 
du délire plus saisissante par une comparaison, un condamne et non pas un 
prévenu » (Lasègue, loc. cit.). 

A ces signes distinctifs il faut ajouter que l'accès d'alcoolisme subaigu est de 
courte durée, que les accidents délirants ne se prolongent guère au delà de deux 
à quatre jours, mais que le tremblement persiste, en même temps que les 
troubles digestifs, tandis que le délire de persécution est une affection mentale 
de longue durée à évolution lente et progressive, ne présentant que des rémis- 
sions, mais jamais de ces guérisons brusques comme celles qui s'observent dans 
l'intoxication alcoolique. 

Un poini que nous ne saurions passer sous silence, c'est le suivant, sur 
lequel Lasègue a appelé l'attention. Est-il possible, dans les cas où l’aliéné 
persécuté s’est exposé à une intoxication alcoolique subaiguë, de reconnaitre la 
présence des deux éléments? C’est une des questions étudiées par M. Magnan . 
dans son travail : De la coexistence de plusieurs délires de nature différente 
chez le même aliéné (in Archives de neurologie, n° 1, p. 49). 

Qu'un aliéné persécuté s’alcoolise, il se produit une sorte de « combinaison 
où l’on retrouve entremêlés, mais reconnaissables, les caractères des deux 
délires ainsi composés, pour former un tout » (Lasègue, loc. cit.). 


PERSECUTION. 565 


Lasègue (De l'alcoolisme subaigu. In Études médicales. Paris, 4884, t. I, 
p- 171) cite à cet égard une observation tout à fait caractéristique. 

2° Persécutés raisonnants. Dans la catégorie des aliénés héréditaires Morel 
range cerlains délirants par persécution, qui « réagissent fortement, et 
contre les affections de famille, et contre les devoirs sociaux, en raison de pré- 
tendus dénis de justice qui ne sont que l'excuse de leurs haines maladives » 
(loc. cit., p. 546). A cette tendance à commettre les actes les plus extravagants, 
à ces plaintes continuelles, à ces haines maladives, joignez l'orgueil le plus 
démesuré, et vous aurez en raccourci le portrait du persécuté raisonnant. 

M. Jules Falret, dans une savante communication à la Société médico-psy- 
chologique (séance du 29 juillet 1878. In Annales médico-pychologiques, 
novembre 1878, p. 596), a repris cette intéressante question des persécutés 
rasonnants, et indiqué en quelques mots les caractères qui les différencient des 
persécutés proprement dits. Plus récemment, il a inspiré à un de ses élèves 
une thèse sur le même sujet; le travail de M. Pottier (Étude sur les aliénés 
persecuteurs, thèse de Paris, 1886) contient tous les faits connus et donne de 
ce type si curieux d'aliénés une description très-exacte. 

Deux exemples, en quelque sorte historiques, peuvent servir de modèles pour 
décrire les idées de persécution des aliénés persécuteurs raisonnants ; ce sont 
les observations médicales de l'abbé Paganel et de l'avocat Sandon. Tous deux 
présentaient des idées de persécution et étaient d’un orgueil morbide; ils 
n'avaient ni l'un ni l’autre d’hallucinations de l'ouïe et de la sensibilité géné- 
rale, et ne manifestaient pas d'interprétations délirantes, telles que les persé- 
culés proprement dits. Mais ce qui les caractérisait d'une façon spéciale, 
c'étaient les actes délirants et l'intégrité de l'intelligence en dehors du délire ; 
c'étaient, dans toute l'acception du terme, des aliénés raisonnants, c’est-à-dire 
des malades dont l'intelligence ne semble aucunement lésée, qui trouvent les 
raisons les plus plausibles pour expliquer leurs actions, qui mettent quelquefois 
tant d'adresse dans leurs réponses qu'ils en imposent complétement à ceux qui 
les écoutent ou à qui ils adressent leurs réclamations. 

Les persécutés raisonnants présentent au plus haut degré cette manie des 
querelles (Querulanten-Wahnsinn), cet entrainement processif, ce besoin de se 
plaindre, cet amour de la chicane, dont nous avons parlé plus haut. « Con- 
damnés une première fois pour une faute quelconque (tel est le cas de Paganel 
et de Sandon), ou simplement dans une cause civile, ils s'envisagent dès lors 
comme victimes de la justice, et, dans l'excitation passionnelle de leur chagrin, 
arrivent bientôt à se croire persécutés par la société tout entière. Le désir, issu 
du prétendu tort qu’on leur fait, de rentrer dans leurs prétendus droits, s'exalte 
de plus en plus, et finit par dominer entièrement tous leurs sentiments, toutes 
leurs conceptions et toute leur volonté, et ce qui, dans le commencement, parais- 
sait n'être que de la passion, dégénère peu à peu en une véritable maladie psy- 
chique qui ne reconnait plus ni discernement, ni prudence, ni raison, et par 
conséquent ni correctifs. 

« Avec l’impudence sans bornes et l'opiniâtreté conséquente, mais aveugle, 
que peut seule donner la folie, les « quérulants » contestent la légalité et la 
justice des jugements prononcés contre eux, et en appellent toujours et sans 
relâche à tous les tribunaux et à toutes les autorités; souvent même ils s'éri- 
gent en Don Quichotte et en avocats de bas étage, pour redresser les torts faits 
à autrui. Repoussés et déboutés partout, ils deviennent bientôt insolents et 


566 PERSÉCUTION. 


agressifs envers les autorités judiciaires, les accusent de partialité et de préva- 
rication, se permettent les plus grossières diffamations à l'endroit même du 
souverain, et, attaquant enfin matériellement les employés de l'État et les agents 
de la force publique, en viennent même jusqu'au meurtre et à l'assassinat » 
(de Krafft-Ebing, La responsabilité criminelle et la capacité civile dans les 
elats de trouble intellectuel. Traduit de l'allemand par le docteur Chätelan. 
Paris, 1874, p. 114). 

Pour attirer sur eux l'attention, pour obtenir justice de leurs prétendus droits 
lésés, ces persécutés raisonnants commettent les actes les plus extravagants. 
Ainsi, ils rentrent dans cette catégorie de malades, ces individus qui se rendent 
armés à la Chambre des députés, tirent des coups de revolver au milieu de Ja 
séance et jettent en même temps des pétitions dans lesquelles ils relatent leurs 
griefs et leurs orgueilleuses prétentions. 

En résumé, ce qui distingue les persécutés proprement dits des persécutés 
raisonnants, c’est que chez ces derniers on ne constate ni interprétations déli- 
rantes, ni hallucinations de l'ouïe et de la sensibilité générale; un immense 
orgueil, mais pas d'idées délirantes de grandeur. 

5° Mélancolie anxieuse. La mélancolie anxieuse est caractérisée par une 
tristesse extrême, avec agitation incessante, anxiété, gémissements, angoisse 
précordiale, etc. Les individus qui en sont atteints sont dans une attente con- 
tinuelle des malheurs qui vont leur arriver ; ils s’accusent constamment, il se 
disent coupables, indignes, damnés. Aussi parlent-ils sans cesse de l'échafaud, 
des derniers supplices qu'ils méritent, etc. Sous l'influence de cet état anxieux 
et des idées délirantes qui l’entretient ces malades finissent très-souvent par le 
suicide. 

Comme on le voit par cette courte description, la mélancolie anxieuse se 
différencie très-nettement du délire de persécution. Dans son intéressant travail 
sur le délire des négations (Arch. de neurologie, 1882, numéros de septembre 
et de novembre), M. J. Cotard a très-bien résumé, dans un tableau synoptique, 
les éléments pouvant servir au diagnostic des deux affections. 

Et d’abord il faut tenir compte de l’habitus extérieur des malades ; le persé- 
cuté ne présente pas d'ordinaire le facies mélancolique ; l'anxieux au contraire 
est tourmenté, dans une agitation constante, poussant des gémissements, en 
proie à l'angoisse précordiale. Mais, à côté de cet état général, le symptôme véri- 
tablement distinctif, c’est la nature des conceptions délirantes : le persécuté s’en 
prend au monde extérieur, à des influences nuisibles venant des divers milieux 
et surtout du milieu social, tandis que l’anxieux s’accuse lui-même, il se recon- 
nait coupable de tous les crimes, tout ce qui arrive à lui-même ou aux siens, 
c'est lui qui en est cause et qui mérite d’en être puni. En outre, le persccuté a 
surtout des hallucinations de l'ouïe et très-rarement des hallucinations de la 
vue; le mélancoliqne anxieux, au contraire, a fréquemment des visions et 
entend très-rarement des voix. Citons enfin un dernier signe distinctif, c’est 
que, si le délire de persécution se transforme en délire des grandeurs, la 
mélancolie anxieuse devient, en évoluant, le délire des négations. 

4° Autres formes de melancolie. Parmi les malades atteints de lypémanie, 
il en est qui présentent des idées de persécution, ils entendent des voix qui les 
accusent et les injurient, ils voient des figures menaçantes, perçoivent des sen- 
sations étranges ; ils ont peur d'être empoisonnées et refusent les aliments; ils 
sont perdus, ruinés, se sentent coupables, etc. Ces symptômes s'aggravant 


PERSÉCUTION. 567 


avec le temps, les malades arrivent à un véritable état de stupeur, et néanmoins 
ils guérissent, parfois après une durée très-longue. 

« Un fait des plus remaquables et qui établit une profonde différence 
entre ces malades et les persécutés, c’est, comme le fait remarquer justement 
M. le professeur Ball, qu'ils n'ont pas de persécuteurs ; ils sont malheureux 
et tourmentés; ils se croient quelquefois accusés des actions les plus abo- 
minables, mais, lorsqu'on leur pose catégoriquement la question, ils répondent 
sans hésiter qu'ils n’ont pas d'ennemis; distinction profonde et radicale, et 
que je tenais à vous signaler » (Leçons sur les maladies mentales. Paris, 
1880, p. 251). 1 

Il existe enfin un certain nombre de mélancoliques qui ont des hallucinations 
de l'ouïe très-intenses ; ils entendent les voix de leurs enfants, de leurs proches, 
sortant des caves, des souterrains; ils les entendent appeler au secours, car on 
leur fait subir les souffrances les plus atroces, les supplices les plus odieux. Les 
malades accusent les médecins de toutes ces infamies; ce sont eux qui font 
marcher la guillotine dont il perçoivent le bruit et qui fonctionne constamment 
pour tuer tous les membres de leurs familles. Avec ces idées délirantes et ces 
hallucinations constantes de l'ouïe règne une agitation parfois violente. Cet 
état ne présente pas de rémissions ; il dure de longues années avec des paroxymes 
de violence, puis on voit le malade se calmer peu à peu, mais présenter en 
même temps un affaiblissement très-marqué de toutes ses facultés, ete. 

On ne saurait confondre ces mélancoliques avec les persécutés. Ceux-ci sont 
des êtres essentiellement égoïstes ; c’est à eux qu'on s’en prend, tout ce qu'ils 
ressentent, c'est à eux que cela s'adresse. Les mélancoliques que nous venons 
de décrire ont, il est vrai, des idées de persécution, mais elles se rapportent 
non à eux-mêmes, mais aux membres de leurs familles, et ils en souffrent 
cruellement comme les malades atteints de mélancolie anxieuse. Si les persé- 
cutés proprement dits sont des malades égoïstes, ceux-ci peuvent être consi- 
dérés comme des altruistes, pour employer le langage de l’École. 

Pronostic. Le pronostic du délire de persécution est grave; la guérison est 
extrêmement rare, Legrand du Saulle admet cependant la curabilité pour un 
cinquième des cas. La plupart des manigraphes ne partagent pas cet optimisme, 
et voici les raisons qu'ils donnent de leur opinion. 

D'ordinaire on confond avec le délire de persécution typique un grand 
nombre d’affections mentales accompagnées d'idées de persécution, par exemple, 
l'alcoolisme subaigu, la mélancolie anxieuse et d’autres variétés de mélancolie. 
Or ces formes sont curables, tandis qu’on n’en peut dire autant de la maladie 
dont on ne les a pas nettement distinguées. La statistique de Ja curabilité du 
délire de persécution bénéficierait donc, dans ce cas, d'un grand nombre d'er- 
reurs de diagnostic; elle serait, en outre, enrichie d’un grand nombre de faits 
qui sont moins des guérisons que des rémissions. 

Les rémissions sont fréquentes, surtout dans le cours des premières périodes 
de la maladie. Mais il faut prendre garde de les confondre avec ce que Legrand 
du Saulle appelle des intermissions et qui ne sont, en réalité, que des périodes 
de dissimulation, pendant lesquelles les malades cachent on nient leurs con- 
ceptions délirantes. « Dans la rémission vraie et complète, avec marche rétro- 
grade des troubles psychiques, le malade, dit cet auteur (loc. cit., p. 140), 
convient de son délire, déplore les propos inalsonnants qu'il a tenus sur le 
compte de sa famille, regrette les actes inconsidérés dont il a été l’auteur, et 


068 PERSÉCUTION. 


se trouve sincèrement humilié. Dans la simple intermission, au contraire, il 
essaye de donner le change et nie qu'il ait été aliéné ; il écrit lettre sur lettre 
au parquet et au préfet de police, proteste de l'intégrité de ses facultés intel- 
lectuelles et dénonce le médecin qui lui a donné des soins. L'un est calme et 
timide, l’autre est turbulent et hautain. » 

Quelle est la durée de ces rémissions ? Elle est très-variable. La science ne 
possède pas sur ce point des données très-précises. Ce qu'il y a de certain, c’est 
qu'il y a des persécutés dont la rémission a été suffisamment nette pour qu'on 
ait pu sans inconvénient les rendre à la liberté; ils ont pu en jouir pendant 
un temps assez long, avant que les symptômes de leur affection présentassent 
de nouveau une intensité suffisante pour nécessiter un nouvel isolement dans un 
asile d'aliénés. 

Énioogir. L'étude des causes du délire de persécution est des plus com- 
plexes. On a l'habitude d’invoquer toutes celles qui sont considérées comme 
produisant la folie en général; nous verrons ce qu'il faut penser de cette manière 
de voir. 

Fréquence. Tous les auteurs qui se sont occupés du délire de persécution 
sont unanimes pour en reconnaître la fréquence. Ainsi Lasègue, sur 665 aliénés 
examinés par lui, a trouvé 96 persécutés, soit 14,28 pour 100. Voici les chiffres 
que donne Legrand du Saulle : sur 4200 malades qu'il a interrogés à l’infirme- 
rie du dépôt de la Préfecture de police, du 4 novembre 1867 au 15 août 1871, 
il y avait 700 persécutés, c'est-à-dire 16,66 pour 100, proportion un peu plus 
forte que celle trouvée par le professeur Lasègue. 

En étudiant les chiffres fournis dans la thèse de M. Planès (Quelques consi- 
aërations sur la folie à Paris observée à l’infirmerie speciale du dépôt de la 
Prefecture de police. Paris 1886), nous obtenons les renseignements suivants : 
sur 32 000 aliénés qui ont passé par l'infirmerie du dépôt, de 1872 à 1885, il 
y avait 2615 persécutés, c'est-à-dire 8,16 pour 100. Cette proportion obtenue 
sur de grandes masses est, comme on le voit, bien inférieure à celles données 
par Lasègue et Legrand du Saulle. 

Le tableau suivant que nous empruntons au travail de M. Planès donne le 
nombre de persécutés par année et nous démontre l'augmentation progressive 
de ce genre de malades : 


TABLEAU ANNUEL DES MALADES ATTEINTS DE DÉLIRE DE PERSÉCUTION 











Hommes. Femmes. Total. 

ASTRA. RME 79 95 417 
ÉTAPE à pee CAE 82 15 97 
1874: E o E 56 115 169 

ASTRA ESS 65 76 AA LE 
AS 76 P EOD ré E 72 151 205 
TSI ee 58 124 182 
ASTS a a 0 Ce 67 86 153 
AS Sn de Son à 60 115 175 
LOUE RS ie ee ee 75 102 175 
IESITI E FENI 65 119 184 
A882 HE i 89 104 193 
1893. ed de De S4 158 292 
ASSET EC pi AIR TR 7 137 216 
ASS re E E ad 154 251 
TOTAUSS t SKAN 1006 1607 2615 


A ces renseignements nos joindrons ceux que nous fournit la maison de 


PERSÉCUTION. 569 


Charenton. En 1872, M. le docteur Ach. Foville, alors médecin-adjoint de cet 
établissement, trouvait les chiffres suivants : sur 559 malades, dont 288 hom- 
mes et 271 femmes, il y avait : 


Hommes. Femmes. Totaux. 
Délire de persécution. a . . 46 ou 16,00 e 58 ou 44,02 ‘|, 84 ou 15,00 ©}, 
Mésalomanierss.#. 1242 gou 12 0) 16 ou 5,90 °, 25 ou 4,46 °h 


Mais, comme le fait remarquer l'auteur, les mégalomanes n'étant que des 
persécutés entrés dans une nouvelle phase de leur affection, il faut en conclure 
que sur 559 aliénés il y avait 109 persécutés, c'est-à-dire 19,49 pour 100 
(voy. Ach. Foville, art. Fore du Nouveau Dict. de méd. et de chirurgie; 
t. XV, p. 164). C'est le chiffre le plus élevé de tous ceux que nous avons encore 
cités. 

Si nous considérons la population actuelle de Charenton (juillet 1886), nous 
trouverons sur 618 malades, dont 278 hommes et 540 femmes : 


Hommes. Femmes. Total. 
ONE a a o er n T Ero INOT EnS aS O Pa w T60" 


Enfin nous terminerons ces renseignements statistiques par le tableau annuel 
des entrées de persécutés depuis 1879, époque à laquelle M. Christian et lau- 
teur de cet article ont pris possession des services médicaux de la Maison de 
Charenton : 

















ANNÉES. HOMMES. FTMMES. TOTAL. 

; entrées, entrées. entrées. 
181790. Sur 1422/0005, 0/0 asura 10 rou 185600 20:sur. 192 ou 10,41: 2o 
IRD Peer e 9 123 7,91 15 80 16,25 22 205 10,83 
He PT 120 5,83 14 96 14,58 21 216 9,71 
BEEZ 0 10 101 9,90 10 69 14,49 20 170 11,76 
HS ee el 5 97 5,15 i 85 8,45 12 180 6,66 
ISSER e: 9 112 8,05 12 75 16 21 187 11,23 
1885 D 0 6 à D 98 5,10 13 90 14,44 18 188 9,7 

MToraux. M2 Sur 179 Où 6,12 0] | 82 sur 563 où 14,56 0 1354 sur 1556 ou 10,050 ?}, 














Ces chiffres portent avec eux leur enseignement, ils nous apprennent que le 
délire de persécution est une forme très-fréquente de maladie mentale, que 
cette fréquence semble aller en augmentant, surtout chez les femmes; enfin 
que la proportion des persécutés est plus grande, lorsqu'on l’établit sur la 
population totale des asiles que lorsqu'on ne prend en considération que les 
admissions de l’année. Et cela se comprend: les persécutés étant des malades 
incurables finissent par former, avec les déments, ce fort contingent de 
chroniques qui constituent le fond de la population de tout établissement 
d’aliénés. 

Sere. Le délire de persécution est une affection beaucoup plus fréquente 
chez la femme que chez l'homme. Cette remarque a déjà été faite par Lasègue. 
Sur les 665 aliénés de sa statistique, il y a 446 hommes et 219 femmes. Dans 
ce nombre, le chiffre des malades atteints de délire de persécution est, comme 
nous l'avons vu, de 96, dont 58 femmes, ou 26,48 pour 100, et 38 hommes, 
ou 8,52 pour 100, « proportion énorme pour les femmes, dit avec raison l'au- 


70 PERSÉCUTION. 


teur, puisqu'elle s'élève au quart de la totalité des aliénées soumises à son 
examen. » 

Legrand du Saulle arrive à des conclusions peu différentes : sur 140 per- 
sécutés qu'il a observés dans un temps donné, il a relevé 81 femmes et 
59 hommes. 

M. Planès est arrivé aux mêmes conclusions que Lasègue et Legrand du Saulle ; 
ses relevés statistiques démontrent que le délire de persécution arrive pour les 
femmes au quatrième rang comme cause de folie. Les chiffres relevés par 
M. Ach. Foville à Charenton, en 1872, donnent un nombre presque égal de 
persécutés des deux sexes: 55 hommes et 54 femmes, ce qui fait d'une part 
49,07 pour 100 et 19,92 pour 100 de l'autre. La proportion est donc légère- 
ment plus forte pour les femmes. 

D'après les chiffres que nous donnons plus haut, cette proportion est aujour- 
d'hui renversée; le nombre d'hommes atteints de délire de persécution actuel- 
lement existant dans l'établissement est supérieur à celui des femmes : 
19,67 pour 100 des premiers, contre 15 pour 100 des secondes. 

Mais les relevés statistiques faits depuis sept ans donnent une confirmation 
complète des assertions de Lasègue et de Legrand du Saulle et des recherches 
de M. Planès. Pendant cette période de temps, il est entré, en efiet, à Charenton, 
82 persécutées femmes, pour 52 hommes atteints de la même affection ; ce 
«jui nous donne 14,56 pour 100 d'une part et d'autre part 6,72 pour 100 seu- 
lement, ou à peu près 5 hommes pour 5 femmes. 

Age.  Lasègue a constaté que le délire de persécution ne s'était jamais pré- 
senté à son observation chez les individus âgés de moins de £8 ans; il ne l’a 
pas rencontré après 70 ans. Pour lui, l'âge le plus favorable parait être de 
Ja 55° à la 50° année, « mais, a-t-il soin d'ajouter, c’est aussi la période de la 
vie où, si on excepte les femmes séniles, la folie est surtout commune, » 

Sur les 140 persécutés, observés tout spécialement par Legrand du Saulle, 
l’âge est indiqué pour 126. 

Legrand du Saulle en conclut avec Lasègue que c'est de 30 à 50 ans que le 
délire de persécution se manifeste avec la plus grande fréquence. 

Voici, sur ce point, les relevés que nous avons faits à Charenton pour les per- 
sécutés entrés depuis sept ans (1879 à 1885) : 








Hommes. Femmes. Total. 

DéH0'a 206ins4t 80 HE » » » 
OA AD AnS D ns ee 17 19 56 
AU 4 O0 AUS. =. se + 0:10 20 35 
a Gans HOUSE. FER 6 18 24 
Ga mans abe a 5 18 25 
TOMU ES RI. SEE I 82 154 


Nos chiffres ne modifient pas les conclusions obtenues par Lasègue et Legrand 
du Saulle. Ils nous prouvent, en effet, que c'est surtout de 70 à 50 ans que le 
délire de persécution est très-fréquent, car plus de la moitié (74 sur 134) de 
nos persécutés, hommes et femmes, se trouvent dans ces limites au point de 
vue de l’âge. Si nous avons un nombre assez considérable de malades au-dessus 
de 50 ans (47 sur 134), cela s'explique, non pas par le développement fréquent 
du délire de persécution à cette période de la vie, mais parce que la maison de 
Charenton reçoit un grand nombre de ses pensionnaires, après qu'ils ont fait des 
séjours plus ou moins prolongés dans des établissements privés. Nous ferons 


PERSÉCUTION. 971 
remarquer aussi, dans le tableau précédent, l'absence de persécutés ayant de 
10 à 20 ans, 


État civil. Legrand du Saulle a pu établir l’état civil de 103 malades sur 
les 140 qu'il a observés. Voici comment ils se répartissent : 





Hommes. Femmes. Total. 

Maries AT Un He 2 ox Ai 24 39 
VEUTS EEE A Re E RE E m Zal 54 
Cepa rnme oreraa W pi H1) 50 
EOMAUN A o aia i we 40 60 103 


Si, dans ce tableau, on ne considère que la colonne du total, on en conclut 
que le délire de persécution atteint les personnes mariées en plus grand nombre 
que les célibataires, mais, en comparant les hommes aux femmes, comme l'a 
fait Legrand du Saulle, on arrive à des considérations plus intéressantes, qu'il 
résume de la manière suivante : « La moitié des malades (hommes) vit dans le 
célibat, et la moitié des malades (femmes) est frappée de veuvage. La proportion 
des veufs est aussi minime que celle des filles. L'état du mariage favorise beau- 
coup moins le développement des idées de persécution que le célibat chez 
l’homme, que le veuvage chez la femme. Ces résultats statistiques nous parais- 
sent conformes aux données les plus élémentaires de la morale et aux nom- 
breuses observations qui ont été faites sur les conditions diverses de la vie 
sociale » (loc. cit., p. 106). 

En recherchant l’état civil des persécutés entrés dans les services de la maison 
de Charenton depuis sept ans, nous avons obtenu les chiffres suivants : 


Hommes. Femmes. Total. 

Marres es eh ee a ZE 53 57 
VENTES ERA ISN 2 21 25 
Celibat tines ne 2 sr re 26 28 54 
POMU x IAE. REA DA 82 154 


En comparant ces résultats à ceux obtenus par Legrand du Saulle, on arrive 
presque aux mêmes conclusions que cet observateur. La moitié de nos malades 
(hommes) vit dans le célibat, mais nous ne trouvons que le quart des malades 
(femmes) frappée de veuvage. Nous avons une proportion de filles beaucoup 
plus grande : plus du tiers des malades (femmes). Si nous ne considérons que 
la colonne du total, nous voyons que la somme des veufs et des célibataires 
(25 + 54 = 77) donne la proportion de 57,46 pour 100, tandis que les mariés 
ne fournissent que la proportion de 42,55 pour 100. 

En résumé, en ce qui concerne l'état civil des persécutés, il nous semble 
établi que le plus grand nombre de ces malades rentrent dans la catégorie des 
veufs et des célibataires; que le délire de persécution semble avoir une prédi- 
lection pour les hommes vivant dans le célibat, et pour les femmes veuves et 
célibataires. Ce sont là des conclusions que confirmeraient certainement des 
statistiques plus étendues que celles que nous avons pu nous procurer. 

Professions. Legrand du Saulle a fait faire un relevé des professions exercées 
par les persécutés placés dans plusieurs établissements spéciaux. Il a ainsi 
obtenu des renseignements sur 166 malades (107 hommes et 59 femmes). Le 
tableau qu’il en donne est curieux à consulter, nous le donnerons en le con- 
densant légèrement : 


572 PERSÉCUTION. 





Propriétaires et rentiers » =... eee ce A 
Fonctionnaires publics: ta = o ee a à 

Professions libérales (médecins, notaires, professeurs, étu- 
diants, etc) RE a ae a ee 15 
Militaires-et marms- -ee e a e a a a a g 
Manufactúriers ee e E DE AOS ET, Ne 2 
Employés et voyageurs de commerce l -ai n . - au 15 
Marchands: diverse RS a a a 15 
Mailleurs -s s ae ea a 2 
Marchands de vinst o in ea RE a E ce 12 
Peintres en bâtimeniS s -a e ota D E T = 2 
Cuisinier $. d ee e e a a a a 1 
Bonlangers ene a ue tee © MR = ee : 2 +: ec Le 2 
Garde=malidek mret ns a PET 4 
Femmes de ménage et domestiques. . . . . . . EPA 30 
ProfesstonS MIVBESES aen QUE EU SES P E E 15 
Sansaprofession E e a eaa | 34 
TOTALE MR, 200 P OEA EPS PRE. da 166 


A ce tableau nous joindrons le suivant, qui donne le relevé des professions 
exercées par les persécutés entrés à Charenton depuis sept ans. Voir d'abord le 
relevé qu'a bien voulu faire notre collègue M. Christian des professions des 
malades de son service : 


MONES EL MARINS à Le à à ee de ie E 18 
Employés d'adminisiranon ii MU EN ROUE 2 f > 
Artistes. uso + PE E E ee SEEE PE = + 
Professions NDELMES. -eee a eue ee ee 3 
Rentiers ou propriétaires. . . . . . D RE Le 6 
Professions industrielles ou commerciales, act - . . . . . . 1G 
Proressrons 1aamcolesE m Ee eee E ee eE E E a E = 
Professions manuelles gii gaens Coan SO DE a ae 2 

Tota L da a a a a a a e E 52 


De ces deux tableaux on ne saurait tirer d'autre conclusion que celle-ci, 
c'est que le délire de persécution peut atteindre des individus de toutes les 
professions et de toutes les conditions sociales. Toutefois il y a un fait qui ne 
saurait manquer de frapper, c’est que, sur un total de 218 malades donné par 
le relevé des deux tableaux précédents, on en trouve 67, c’est-à-dire plus du 
tiers, qui appartiennent à des professions libérales, en donnant à ces termes la 
plus large acception, ou bien qui peuvent être considérés comme étant au-dessus 
du besoin, comme les propriétaires ou rentiers (au nombre de 14). 

Quoi qu'il en soit de ces quelques observations et des renseignements fournis 
par nos statistiques, l'influence des professions sur la production du délire de 
persécution est encore très-obscure. D'ailleurs, les auteurs qui se sont occupés 
de cette question du rôle de la profession dans le développement de la folie 
lont traitée surtout à un point de vue général; il serait importont de connaître 
s’il existe certaines professions prédisposant à telle ou telle forme de folie (voy. 
Charpentier, Du rôle de la profession dans le développement de l'aliénation 
mentale. In Ann. med.-psych., 1884, t. XI, p. 314). 

Hérédité. On ne trouve dans les auteurs que très-peu de renseignements 
sur l'hérédité dans le délire de persécution. Voici les quelques mots que Legrand 
du Saulle a pu consacrer à cette difficile question : « A ma connaissance, et 
sur un total absolument indéterminé, quatorze persécutés comptaient des aliénés 
parmi leurs ascendants ; deux, en outre, étaient fils de suicidés, et un autre 
était fils d'un régicide guillotiné et frère d’une aliénée » (loc. cil., p. 108). 
Plus loin, le même auteur se demande si les persécutés, fils d’aliénés, des- 


PERSÉCUTION. 073 


cendent de persécutés ou, en d’autres termes, s’il y a hérédité similaire. Dans 
l'état actuel de la science, ce point est difficile à élucider. 

Nous avons vu plus haut que Krafft-Ebing considère le délire de persécution 
comme une forme dégénérative de folie. Dans le plus grand nombre des cas, 
on trouve, d'après lui, des tares plus ou moins prononcées chez les ascendants, 
qui consistent moins en une maladie mentale déterminée, mais bien plutôt en 
excentricités du caractère ou de la conduite, dans lhystérie, l'hypochondrie et 
même l'ivrognerie (loc. cit., t. Il, p. 72). 

Le tableau suivant résume les renseignements que M. Christian et moi avons 
pu recueillir concernant l'hérédité des malades atteints de délire de persécution 
entrés à la maison de Charenton depuis sept ans (1879-1885) : 








Hommes. Femmes. Total. 

Pere enews nement che CAE 6 2 8 
Méreraliénée.. Saab -aN 6 5 11 
Grand-mère maternelle. . . . . » 2 2 
RrTEFOUR Somi. PAE a a 2 4 6 
Onder paternel. srar e 5 » 5 
Oncle maternel <a ao 1 2 T 
Mante maternelle me re 1 1 2 
Cousinsoutcousines 14/41 » 1 4 

OTAOTA ee ee ete en 1) 17 56 


Sur 134 persécutés entrés dans l'espace de sept ans à Charenton, il n'y en a 
que 56 (à peine le quart) chez les ascendants desquels on ait constaté des 
aliénés. Ce qui frappe dans le tableau précédent, c'est la fréquence de la folie 
chez la mère, puis chez le père. 

Ce qu'il importerait de connaître, c'est la forme de maladie mentale dont 
avaient été frappés ces ascendants. Les quelques renseignements que nous avons 
pu obtenir nous apprennent que c’est surtout la manie et la mélancolie. Quant 
au délire de persécution, nous n'avons la certitude que pour deux de nos 
malades : l'une a sa mère manifestement atteinte de cette affection ; l'autre, 
dont le frère est persécuté. 

Si l'on étudie les ascendants des persécutés, on arrive aux conclusions de 
Krafft-Ebing. Si la folie n’est pas excessivement fréquente chez eux, et la statis- 
tique précédente semble le démontrer, nous trouvons, au contraire, dans les 
notes que nous avons recueillies, l'indication du nervosisme exagéré chez la 
mère, l'ivrognerie chez le père, l’excentricité chez les frères ou sœurs, etc. 

Avec l’hérédité, nous en avons fini avec l'étude des causes prédisposantes du 
délire de persécution; il nous reste à indiquer les causes occasionnelles. Nous 
diviserons celles-ci, comme on le fait d'ordinaire, en deux grandes catégories : 
les causes morales et les causes physiques. 

Causes morales. Nous dirons peu de chose sur les causes morales pouvant pro- 
voquer l’explosion du délire de persécution. On sait le rôle important qu'on leur 
a fait jouer de tout temps dans la production de la folie : nous sommes porté à 
croire qu’on a beaucoup trop exagéré ce rôle, et que les faits mieux observés con- 
duisent à des interprétations différentes et plus scientifiques que celles données 
jusqu'ici. Quoi qu'il en soit, nous croyons devoir énumérer les influences morales 
qu'on a surtout accusées de produire le délire de persécution; ce sont : les 
chagrins prolongés, les revers de fortune, la jalousie, les remords de conscience, 
les pratiques religieuses exagérées, les angoisses résultant d'un procès, les 
issues malheureuses de ce procès, une éducation vicieuse, etc. 


374 PERSÉCUTION. 


Causes physiques. Les causes occasionnelles physiques du délire de persé- 
cution sont plus importantes que les précédentes. Elles sont nombreuses et 
peuvent être classées de la manière suivante : 1° causes agissant sur le cerveau 
et le système nerveux ; 2° causes provenant des organes de la génération ou de 
la vie sexuelle ; 3° causes générales. 

Parmi les premières on cite les méningites de l'enfance, les convulsions pen- 
dant la période de la dentition, les traumatismes du crâne, les attaques apoplec- 
tiques, les complications cérébrales dans les maladies infectieuses, etc. 

Au nombre des secondes nous devons ranger en première ligne les confor- 
mations vicieuses des organes génitaux, telles que l'épispadias, l'hypospadias, 
l'hermaphrodisme, etc. Dans ces cas, les individus se sachant autrement faits 
que ceux qui les entourent s'en préoccupent, s'en tourmentent, et finissent par 
s’imaginer qu’on les regarde d'une manière spéciale, qu’on s'occupe d'eux, qu'on 
les tourne en ridicule, etc. Telle est, chez ces malades, la genèse du délire de 
persécution, qui évolue ensuite selon les lois que nous avons indiquées plus 
haut. On cite encore parmi ces causes l’onanisme, les pertes séminales, la 
syphilis, la crainte de passer pour un sodomite, etc. 

Chez les femmes, les perturbations menstruelles et, en particulier, la méno- 
pause ou âge critique, ont été considérées comme ayant provoqué le développe- 
ment du délire de persécution. 

Parmi les causes physiques générales les auteurs signalent particulièrement 
les hémorrhagies considérables, les privations, la misère, l'alimentation insuf- 
fisante, l’anémie, la chlorose, toutes les causes, en un mot, qui amènent la 
débilitation de l’organisme. 

Telles sont, en résumé, en y ajoutant toutefois encore la qualité d'enfant 
naturel et les malformations du crâne et de la face, les causes qui sont, en 
général, invoquées par les auteurs comme pouvant produire le délire de per- 
sécution. 

TraremenT. La première question qui se pose est celle-ci: est-il possible 
de prévenir le développement de la maladie? Existe-t-il des moyens prophylac- 
tiques contre cette affection, considérée jusqu'ici comme incurable? Nous ne le 
croyons pas. Si, en effet, le persécuté est un dégénéré, comme l'enseigne Krafft- 
Ebing, il n'est pas aisé de trouver les mesures préservatrices de la maladie; si 
le délire de persécution a pour point de départ un vice de conformation des 
organes génitaux, c'est ce vice qu'il s'agirait de réformer ; s’il peut être la con- 
séquence d'une éducation vicieuse, la prophylaxie devient une question de 
pédagogie. 

Les indications morbides sont nombreuses, mais ne présentent pas une effi- 
cacité certaine. Certains auteurs, Krafft-Ebing entre autres, ont conseillé le 
bromure de potassium à haute dose dans le délire de persécution au début, 
surtout lorsqu'il parait produit par l’onanisme. On a prescrit aussi, dans cette 
première période de la maladie, l'hydrothérapie, les courants continus, etc. 

A une période plus avancée, lorsque se produisent les hallucinations de l'ouïe, 
on s’est bien trouvé chez certains malades de voyages en pays étrangers ; mais, 
comme on l’a vu plus haut, si les hallucinations cessent pour quelque temps 
par suite de cette expatriation, elles ne tardent pas à réapparaitre. 

Le remède auquel on est surtout forcé de recourir et dont les familles reculent 
toujours l'emploi est l'isolement dans un établissement spécial. Tant que le 
malade ne se livre qu'à des excentricités inoffensives, conséquence de son délire, 


PERSÉCUTION. 515 


on peut le laisser en liberté, mais un jour arrive où, sous l'influence de ses 
idées de persécution ou d'une hallucination, il se livre à des voies de fait, où, en 
un mot, il devient dangereux : alors l'hésitation tombe et le placement est 
na même par la famille. 

Le malade une fois isolé du monde extérieur, il peut arriver que, sous l'influence 
de la vie régulière et disciplinée, grâce à Si occupations suivies, à quelques 
distractions, grâce aussi à un traitement hydrothérapique, les symptômes perdent 
de leur intensité, et qu'une rémission se produise. Si cette rémission est franche 
et nette, si elle n'est pas une de ces pseudo-rémissions dont nous avons parlé et 
qui ne sont, en réalité, que des périodes de dissimulation et de négation du dé- 
lire, on peut tentèr une sortie, mais ce ne sera que dans certaines conditions. 
Le malade, en effet, devra être surveillé avec soin, et réintégré dès que les idées 
de persécution et les hallucinations de l'ouïe feront leur réapparition. 

En résumé, comme indications morbides, nous ne pouvons donner que l’iso- 
lement dans un établissement spécial, l'hydrothérapie, et ce qu'on peut appeler 
le traitement moral, c’est-à-dire la discipline, la vie régulière, le travail, la 
distraction, traitement moral qu'il ne faut pas confondre avec la methode rai- 
sonnante et sentimentale autrefois employée, mais sans résultats. On ne con- 
vainc pas le persécuté par la force du raisonnement; rien n’y fait, la logique la 
plus impérieuse n’a aucune force contre ses idées délirantes ; on y perd généra- 
lement et son temps et sa peine. 

Quant aux indications symplomatiques, elles sont nombreuses. Il y a à com- 
battre l'agitation, l'insomnie, la constipation, les troubles de la menstrua- 
tion, etc. La thérapeutique est riche en moyens divers pour vaincre ces différents 
accidents, et il nous semble superflu de les énumérer ici. 

Le persécuté, par crainte d'empoisonnement, refuse souvent les aliments qu'on 
lui sert. Souvent ce n’est pas parce qu'il ne veut pas manger, car, si on le laisse 
libre, il choisira lui-même les mets de ses repas, et il emploie pour cela mille 
subterfuges. Dans ces cas, il n'y a pas lieu d'employer les moyens de violence, 
le malade arrivant toujours à se nourrir suffisamment. Si, au contraire, le refus 
est absolu, il ne faut pas attendre l’amaigrissement du malade pour recourir à 
l'alimentation forcée, car l’affaiblissement général et l'anémie ne pourraient 
qu’accroître le mal (voy. art. Siriopnogie du Dictionnaire encyclopédique). 


Foie a peux. Forre communiquée. Une question qui se rattache intimement 
à l'étude du délire de persécution est celle de la folie à deux, de la folie com- 
muniquée. Scientifiquement, elle est d’un très-grand intérêt; pratiquement, elle: 
soulève des problèmes, et en particulier au point de vue du traitement et de la 
médecine légale, que tout médecin peut être appelé à résoudre. 

Hisrorique. La constatation clinique de la folie à deux est de date récente. 
Les premières observations qui en ont été publiées, à notre connaissance, sont 
dues à M. Baillarger. Dans un court travail inséré en 1860 dans la Gazette des 
hôpitaux sous ce titre : Quelques exemples de folie communiquée (voy. cet 
article reproduit dans les Annales médico-psych., n° de septembre 1880, p. 219), 
ce savant aliéniste cite quatre faits curieux, dont deux surtout concernent le 
délire de persécution. Dans le premier, il s'agit d'une femme amenée à la Sal- 
pêtrière en même temps que sa fille : toutes deux étaient convaincues que leurs 
fournisseurs ne leur délivraient que des aliments empoisonnés ; qu'on les suivait 
dans les rues; qu'on leur jetait de l'eau-forte qui s’exhalait en vapeur autour 


576 PERSÉCUTION. 


d'elles, etc. Le second cas est celui de deux sœurs qui ont été amenées à la 
Salpêtrière le même jour, avec le même délire. L’ainée était veuve, la seconde 
mariée. La première s’imagina que son beau-frère voulait l'empoisonner, et elle 
fit peu à peu accepter cetle idée à sa sœur qui demeurait avec elle. Afin de 
prévenir les effets du poison, les deux malades se mirent à boire de l'eau-de- . 
vie, et ce fut alors que le délire se prononça de plus en plus. 

M. Buillarger fait précéder la relation des observations de quelques remarques 
que l'analyse clinique ultérieure a pleinement confirmées. « En interrogeant 
l'un de ces malades, dit-il, on sait par avance quelles sont les conceptions déli- 
rantes de l’autre. Si, dans les cas dont nous parlons, on obtient des renseigne- 
ments, on apprend que la folie n'a pas éclaté simultanément chez les deux 
malades, mais qu'elle a été antérieure de plusieurs mois chez l'un des deux, 
et qu’elle s'est ensuite peu à peu communiquée à l'autre ». L'éminent aliémiste 
a donc établi deux points importants dans l'étude de la folie communiquée : 
1° l'identité des idées délirantes chez les deux malades; 2° la communication 
du délire de l’un des sujets, primitivement atteint, à l'autre. 

L'année suivante, Dagron publiait dans les Archives cliniques des maladies 
mentales (1861, t. I", p. 29) une curieuse observation concernant deux sœurs 
atteintes du même délire et séquestrées en mème temps. 

Quelques mois après, en 1868, M. le docteur Maret, dans sa thèse inaugurale 
(Du délire de persécutions), signale ce « délire en partie double, délire de per- 
sécution qu'on rencontre chez des époux ayant longtemps vécu ensemble dans 
les mêmes tourments de l'esprit ». 

En 1871, dans sa Monographie sur le délire de persécution, Legrand du 
Saulle consacre tout un chapitre, le sixième, à cette intéressante question de la 
folie à deux. Dans les séances de la Société médico-psychologique des 30 juin 
et 28 juillet 1873, MM. Lasègue et J. Falret donnèrent communication d’un 
mémoire sur Ja folie à deux, qui ne fut publié qu’en 1877 (voy. Archives 
générales de medecine, n° de septembre 1877, et Annales medico-physiolo- 
giques, n° de novembre 1877). La lecture de ce mémoire souleva une longue 
discussion à laquelle prirent part un grand nombre de membres de la Société. 

Depuis lors, de nombreuses observations de folie à deux ont été publiées 
(Maret, Legrand du Saulle, Geoffroy, etc.) ; des thèses ont été soutenues sur la 
question à la Faculté de Paris ; nous citerons celles de M. Macey (De la folie 
communiquée ou du délire à deux ou plusieurs personnes, 1874), et de 
M. Régis (La folie à deux ou folie simultanée, 1880). Ce dernier auteur a 
établi une distinction entre les différents cas de folie à deux, sur laquelle nous 
aurons à revenir; il admet que le délire peut être communique ou simultané. 

Descriprion.. Les mots de folie à deux, délire à deux, folie communiquée, 
s'entendent d'eux-mêmes sans qu'il y ait besoin de définition. Il y a folie à 
deux, ou folie communiquée, toutes les fois qu'un aliéné fait partager ses idées 
délirantes à un autre individu. « Le problème comprend alors deux termes entre 
lesquels il s’agit d'établir une équation : d’une part, le malade actif; de l'autre, 
l'individu réceptif qui subit, sous des formes et à des degrés divers, son 
influence » (Lasègue et J. Falret). I| nous faut donc étudier ces deux « termes » 
de  « équation ». 

Le malade actif est-il un malade quelconque ? Toute folie, sous quelque forme 
qu'elle se présente, peut-elle se communiquer ? Il n'en est rien. Les délires 
mobiles, changeants, contradictoires, n’ont aucune chance de trouver des adhé- 


PERSÉCUTION. 571 


sions, tandis que les délires systématisés de persécution ou de grandeur, par 
exemple, trouvent parties prenantes. 

Mais il ne suffit pas que les conceptions délirantes soient systématisées ; il est 
nécessaire qu'elles « côtoient la vérité » ; elles ont alors « d’autant plus de 
chance d'acquiescement, qu'elles s’accommodent mieux à un sentiment, ou, 
comme auraient dit les théologiens, maîtres en casuistique morale, qu'elles 
flattent davantage une concupiscence humaine ». 

Pour qu’un aliéné arrive à faire partager ses idées, il ne devra pas affirmer 
des faits notoirement faux ; encore moins devra-t-il les chercher dans le domaine 
de l'impossible ou de l’invraisemblable. Il ne faut pas que l'individu à con- 
vaincre, effarouché par l’extravagance des idées, puisse avoir l'idée de chercher 
la preuve : le charme serait aussitôt rompu, si l’on peut s'exprimer ainsi. 

« Si, au contraire, le malade se maintient dans le monde des conjectures et 
des interprétations, si les faits qu’il invoque appartiennent au passé et ne sont 
que des appréhensions pour l'avenir, le contrôle direct devient impossible. Com- 
ment prouver à un autre et à soi-même que l'événement dont l'aliéné raconte 
les détails avec une prolixité persuasive, n’a pas eu lieu? La leçon qu'il s’est 
apprise à lui-même n'admet ni variantes, ni lacunes; sa mémoire est topique 
parce qu'elle fait exception de tout, à l'exclusion des idées maladives. On ne le 
prend jamais en défaut, à quelque date que remonte l'aventure, et sa persua- 
sion, à force d’être monotome et circonscrite, devient communicative. 

« L’assistant néanmoins ne consent à se laisser convaincre que si l'histoire 
l'intéresse personnellement : or les deux sentiments qui se prêtent le mieux à 
cette façon d'entrainement sont, à coup sùr, la crainte et l'espérance. L'un et 
l’autre n'empruntent aux réalités présentes qu'un point de départ ; leur domaine 
vrai est dans l'avenir, et partant dans l'inconnu. Autant il est facile à un 
homme d'acquérir la certitude que vous n'êtes pas riche, autant 1l lui est 
malaisé de garantir que vous ne le deviendrez pas. Le légisiateur, en définissant 
l'escroquerie, impose une pénalité à « quiconque, soit en faisant usage de faux 
noms ou de fausses qualités, soit en employant des manœuvres frauduleuses 
pour persuader l'existence de fausses entreprises, d’un pouvoir ou d'un crédit 
imaginaire, pour faire naître l'espérance ou la crainte d’un succès, d'un acci- 
dent ou de tout autre événement chimérique...., aura invoqué ou tenté d'invo- 
quer la totalité ou partie de la fortune d'autrui ». Qu'on supprime toutes les 
épithètes qui impliquent la responsabilité de la part du délinquant, et on aura 
la formule des délires qui trouvent des adhérents » (Lasègue et J. Falret, La 
folie à deux. In Annales médico-physiologiques, novembre 1877, p. 524). 

Ce sont donc surtout les délires partiels qui sont communicatifs et, parmi 
ceux-là, surtout le délire de persécution, même lorsqu'il est arrivé à la phase 
des idées ambitieuses; puis vient le délire religieux, avec ses aspirations mys- 
tiques, ses craintes terrifiantes de l'enfer, etc. 

Mais, pour arriver à faire admettre son délire à une autre personne, il faut que 
l'aliéné soit en contact permanent avec cette personne : de là la fréquence de la 
communication des idées délirantes de la mère à la fille ou au fils, de la sœur 
à la sœur, du frère à la sœur, du mari à la femme ou de la femme au mari, 
de la maitresse à la domestique, etc. il faut aussi que le malade actif ait, en 
quelque sorte, une supériorité sur le malade passif ; ıl faut, en un mot, que ce 
dernier présente certaines conditions de réceptivité que nous devons indiquer. 

Elles ont été très-bien résumées par Lasègue et J. Falret de la manière sui- 

DICT. ENC. 2° s. XXII 57 


578 PERSÉCUTION. 


vante : « La première condition est qu'il soit d'une intelligence faible, mieux 
disposée à Ja docilité passive qu’à l'émancipation ; la seconde qu'il vive en rela- 
tion constante avec le malade; la troisième qu'il soit engagé par l'appât d'un 
intérêt personnel. On ne succombe à l’escroquerie que par la séduction d'un 
lucre quel qu'il soit; on ne cède à la pression de la folie que si elle vous fait 
eutrevoir la réalisation d’un rêve caressé » (loc. cit., p. 526). 

Les sujets passifs peuvent être classés ainsi qu'il suit : 

4° Les enfants surtout présentent à un haut degré les qualités requises pour 
faire un excellent agent passif du délire à deux : d'une grande docilité, d’une 
crédulité sans bornes, appréhensifs par nature, ils sont disposés au premier 
chef à devenir les échos d’un délire auquel on les associe. Ils ont même une 
tendance à aller au delà de ce qu’on leur enseigne; « leur foi, dans quelques 
cas, va si loin, que l’aliéné lui-même hésite à les suivre et qu'à première vue 
on croirait que les enfants ont créé les délires dont ils sont le reflet » (Lasègue 
et J. Falret). 

L'influence de l’entourage joue souvent un très-grand rôle dans l’arrange- 
ment et l'amplification du délire de l'enfant. Les observations et les commen- 
taires qui lui sont faits sur le récit des conceptions qui lui ont été en quelque 
sorte inoculées finissent par les rectifier, les atténuer sur certains points et 
les compléter sur d’autres. De cette collaboration sort un roman pathologique, 
sinon plus logique, du moins plus vraisemblable. 

2° Les adultes et, dans ce cas, le sujet passif, peut être ou plus jeune, ou du 
même âge, ou même plus âgé que le sujet actif. Il est évident que, quelle que 
soit celle de ces trois situations qui se présente, le succube est toujours moins 
intelligent que l’incube; et pour que le délire se transmette du second au 
premier, il est indispensable que les relations entre eux soient étroites et pro- 
longées. 

Au point de vue psychologique, on remarque que « l'adulte reflète plus pas- 
sivement ; 1l est aussi convaincu en apparence, aussi affirmatif, mais il n’exagère 
ni ne développe les conceptions délirantes, faute d'un effort d'imagination qui 
lui coûterait. On pourrait dire qu'il s’agit moins d’une persuasion réelle que 
d’un assentiment qui s'énonce par des phrases interjectives. Ah! c'est bien vrai; 
il n'y a pas à en douter, elle ne ment pas, etc. Lorsque l'association délirante 
s'établit entre des adultes, l’état mental du réceptif est plus complexe. L'enfant 
obéissait aux instincts de son âge, tandis que l'adulte a remplacé les impulsions 
instinctives par des habitudes, des calculs, des combinaisons dont il entrevoit 
le fort et le faible. I s’installe avocat de sa propre cause et ne se livre que dans 
la mesure qui lui semble s'accorder avec ses intérêts. L'enfant ment quand 
même et l'obstination de son mensonge finit par conduire à la vérité. L'adulte 
trompe à son heure et sait taire les raisons intimes qui le font agir » (Lasègue et 
Falret, loc. cit., p. 351). 

Les observations de délire à deux chez les adultes sont aujourd’hui nom- 
breuses dans la science; elles se rapportent toutes soit au mari et à la femme, 
soit à la mère et à la fille, soit au père et au fils, soit aux deux sœurs ou au 
deux frères, soit encore à la maîtresse et à la domestique, etc. 

La transmission du délire d’une personne moins âgée à une personne plus 
âgée n’est pas rare, et elle s'observe alors surtout du fils au père et de la 
fille à la mère. Tel le cas cité par Legrand du Saulle (loc. cit., p. 221) de cette 
ouvreuse de loges qui se plaignait qu’ « au milieu de la nuit on perce le plafond 


PERSÉCUTION. 579 


de sa chambre pour lui parler et pour la tourmenter. On veut lui faire adopter 
un enfant. On l’électrise sur son lit. A l'hôpital de la Charité, on l’a soumise à 
la magie, à la chimie et à la police secrète. » Cette malade placée à l'hospice 
de la Salpêtrière fut réclamée par sa mère qui partageait complétement, abso- 
lument, toutes les idées délirantes de sa fille. Elle ne veut écouter ni les 
observations du médecin, ni celles d’une fille aînée qui depuis longtemps 
s'applique à contrebalancer l'influence prise sur son esprit par la malade; elle 
l’accuse même de faire cause commune avec les persécuteurs de sa ñlle. 

En étudiant les observations publiées de folie à deux, concernant mari et femme, 
on‘constate que la communication des idées délirantes se fait le plus souvent de 
la femme au mari; la femme joue le rôle actif et impose son délire au mari. 

Le délire de persécution peut se communiquer, enfin, en dehors de tout lien 
de parenté, de maitresse à domestique, par exemple. 

Nous avons dit que ce sont non-seulement les idées de persécution, mais aussi 
les idées ambitieuses, qui se communiquent. Parmi ces idées ambitieuses, celles 
qui ont le plus de chance d'être acceptées, de trouver des crédules, ce sont les 
idées de richesses, .de grande succession à recueillir, de trésor soustrait à 
réclamer. Lasègue et J. Falret en citent deux cas intéressants dans leur mémoire. 

Nous ne saurions mieux résumer cette description de la folie à deux que ne 
l'ont fait ces deux savants aliénistes dans les conclusions suivantes que nous 
reproduisons : 

« 1° Dans les conditions ordinaires, la contagion de la folie n'a pas lieu d’un 
aliéné à un individu sain d'esprit, de même que la contagion des idées délirantes 
est très-rare d’un aliéné à un autre aliéné ; 

« 2e La contagion de la folie n’est possible que dans des conditions excep- 
tionnelles que nous venons d'étudier sous le nom de folie à deux ; 

« 3° Ces conditions spéciales peuvent être résumées ainsi : 

a. Dans la folie à deux, lun des deux individus est l'élément actif; plus 
intelligent que l’autre, il crée le délire et l’impose progressivement au second, 
qui constitue l'élément passif. Celui-ci résiste d’abord, puis subit peu à peu la 
pression de son congénère, tout en réagissant à son tour sur lui, dans une 
certaine mesure, pour rectifier, amender et coordonner le délire, qui leur 
devient alors commun et qu’ils répètent à tout venant, dans les mêmes termes 
et d’une façon presque identique. 
= b. Pour que ce travail intellectuel puisse s'accomplir parallèlement dans deux 
esprits différents, il faut que ces deux individus vivent, pendant longtemps, 
absolument d’une vie commune, dans le même milieu, partageant le même mode 
d'existence, les mêmes sentiments, les mêmes intérêts, les mêmes craintes et 
les mêmes espérances, et en dehors de toute autre influence extérieure. 

c. La troisième condition, pour que la contagion du délire soit possible, c’est 
que ce délire ait un caractère de vraisemblance, qu'il se maintienne dans les 
limites du possible, qu'il repose sur des faits survenus dans le passé, ou sur 
des craintes et des espérances conçues pour l'avenir. Cette condition de vrai- 
semblance seule le rend communicable d’un individu à un autre et permet à la 
conviction de l’un de s'implanter dans l'esprit de l’autre. 

« 4° La folie à deux se produit toujours dans les conditions ci-dessus indi- 
quées. Toutes les observations présentent des caractères très-analogues, sinon 
presque identiques, chez l’homme et chez la femme, comme chez l'enfant. 
l'adulte et le vieillard. 


580 PERSÉCUTION. 


« 5° Cette variété de la folie est plus fréquente chez la femme, mais on 
l'observe aussi chez l’homme » (Lasègue et Falret, loc. cit., p. 354). 

Faisons remarquer enfin que dans quelques cas, rares, il est vrai, le délire 
d’un aliéné, communiqué à un autre individu plus faible que lui, peut se trans- 
mettre à une troisième personne, ou même, dans une mesure plus faible, à 
quelques personnes de l'entourage. 

Folie simultanée. Il faut distinguer de la folie communiquée que nous 
venons de décrire la folie simultanée, qui se présente dans des conditions spé- 
ciales. M. Régis a consacré la plus grande partie de sa thèse (La folie à deux 
ou folie simultanée. Paris, 1880) à cette curieuse forme de folie, qui selon 'lui 
est essentiellement caractérisée par un délire partiel, ordinairement de per- 
sécution, survenant simultanément chez deux individus franchement hérédi- 
taires ou simplement prédisposes, et cela en vertu : 1° de cette prédisposition 
morbide; 2 du contact intime et perpétuel dans lequel ils vivent; 5° d'in- 
fluences occasionnelles qui agissent à la fois sur eux et jouent, à l'égard de 
la production de leur délire, le rôle de causes déterminantes (loc. cit., p. 39). 

Ainsi, par exemple, un homme et une femme, tous deux atteints de prédis- 
position héréditaire, se marient soit par hasard, soit par cette attraction natu- 
relle entre candidats à la folie. Sous l'influence de causes occasionnelles, ces 
deux prédisposés ainsi unis arrivent à délirer. « Le même travail morbide 
s'opère à la fois en eux, ils passent par les mêmes phases, ils subissent les 
mêmes fluctuations... Une idée délirante germe-t-elle chez l’un, l'autre aussitôt 
la fait sienne, et réciproquement, chacun apportant ainsi sa pierre à l'édifice 
qui est leur œuvre commune, le fruit commun de leurs efforts. Et de même 
qu'il n’y a point là deux êtres séparés, il n’y a pas non plus deux délires, il n'y 
en a qu’un seul, produit de la fusion de deux délires individuels. Qu'à l’élabora- 
tion de cette œuvre pathologique l’un ait contribué plus puissamment que l’autre, 
qu'il soit plus ardent, plus imaginatif, qu'importe au fond, puisque l’action de 
l'un sur l’autre est réciproque, et que c’est de cette action combinée que résulte 
ce tout commun, qu'on appelle la folie à deux » (Régis, loc. cit., p. 51). 

Les distinctions établies par M. Régis sont peut-être un peu subtiles, et elles 
ne me semblent pas suffisamment fondées pour refuser, avec lui, aux cas décrits 
par Lasègue et Falret le nom de folie à deux. Dans la folie communiquée de ces 
deux auteurs, il faut le contact constant de deux êtres, dont l’un est un aliéné 
avéré et l’autre peut n'être qu’un faible esprit ou un débile; dans la folie simul- 
tanée de M. Régis, il y a en présence deux prédisposés, ces prédisposés doivent 
être en contact permanent, ils créent en même temps leur délire, mais dans cet 
échange d'idées délirantes l'un est plus imaginatif que l’autre, l’un est donc 
l'esprit créateur qui fournit à son associé les éléments du travail morbide. La 
différence ne réside donc que dans ce fait que, dans la folie simultanée, on a 
affaire à deux véritables aliénés qui, le plus souvent, sont arrivés à la chronicité, 
lorsqu'on songe à les séparer, et qui ne guérissent plus alors ni l'un ni l’autre. 

Et cependant, malgré ces objections, nous reconnaissons qu'il existe une folie 
simultanée, et la preuve en est dans la folie gémellaire. Il n’est aucun aliémiste 
qui ne connaisse l'observation si souvent citée de Moreau (de Tours), de ces 
deux frères jumeaux, d'une ressemblance physique complète et dont les idées 
dominantes sont absolument les mêmes. « Tous les deux se croient en butte à 
des persécutions imaginaires; les mêmes ennemis ont juré leur perte et em- 
ploient les mêmes moyens pour arriver à leurs fins. Tous les deux ont des 


81 


or 


PERSÉCUTION. 


hallucinations de l'ouïe. Tristes et moroses, ils n’adressent jamais Ja parole à 
qui que ce soit et ne répondent qu'avec peine aux questions qu'on leur adresse. 
Ils se tiennent toujours à l'écart et ne communiquent jamais entre eux. 

« Un fait extrêmement curieux et qui a été nombre de fois constaté par les 
surveillants de la section et par nous-même, ajoute Moreau (de Tours), est 
celui-ci : de temps à autre, à des intervalles très-irréguliers de deux, trois et 
plusieurs mois, sans cause appréciable et par un effet tout spontané de la 
maladie, il survient un changement très-marqué dans la situation des deux 
frères : tous les deux, à la même époque, et souvent le même jour, sortent de 
leur état de stupeur et de prostration habituel; ils font entendre les mêmes 
plaintes et viennent d'eux-mêmes prier instamment le médecin de leur rendre 
la liberté. J'ai vu se reproduire ce fait, quelque peu étrange, alors même qu'ils 
étaient séparés l'un de l’autre par plusieurs kilomètres de distance; l'un d'eux 
était à Bicêtre, l’autre demeurait à la ferme Sainte-Anne » (La psychologie 
morbide. Paris, 1859, p. 172). 

Voilà la véritable folie simultanée; les deux frères délirant en même temps 
et de la même manière, sans qu'il existe de communication entre eux pouvant 
faire supposer une transmission des idées morbides. Ne sont-ce pas là les carac- 
tères généraux de la folie gémellaire, tels que les a formulés M. le professeur 
Ball? 

1° « Simultanéité de l'explosion des accidents ; 

20 « Paralléiisme des conceptions délirantes et des autres troubles psycholo- 
giques; 

3° « Spontanéité du délire chez chacun des deux individus gui s’en trouvent 
atteints » (Ball, De la folie gémellaire ou alienation mentale chez les jumeaux. 
In l'Encéphale, 1884, p. 385). 

Ces trois caractères se rencontrent à des degrés divers dans tous les cas de 
folie gémellaire (voy. les observations de Ball, Baume, Savage, Clifford, Gill, 
Mickle, etc.) ; mais ce qui frappe surtout, c’est l'absence de contagion ou de 
communication du délire et la simultanéité de son explosion. 

Outre ces faits d'aliénation mentale chez les jumeaux, on peut encore consi- 
dérer comme se rangeant dans la folie simultanée ces observations de délire de 
persécution chez deux sœurs ou chez deux frères, héréditairement prédisposés, 
tous deux d’une intelligence souvent au-dessous de la moyenne. Dans ces con- 
ditions, 1l ne peut y avoir contagion et le plus souvent le délire éclate chez l’un 
et chez l'autre simultanément. 

Dracnosmic. Ce qui importe dans le diagnostic de la folie à deux, c’est 
d'établir quel est l’aliéné actif et quel est l'individu passif. La chose n'est pas 
toujours aisée; il arrive souvent, en effet, que celui à qui le délire a été commu- 
niqué présente des convictions aussi fermes dans sa réalité que celui qui en 
a été le créateur. Au premier abord, il n'y a à ce point de vue aucune diffé- 
rence. Séparez maintenant les deux malades, détruisez le contact permanent 
qui existait entre eux, et vous verrez l'un des deux faiblir peu à peu, le doute 
entrer dans son esprit, les idées de persécution diminuer d'intensité et disparaître 
même au bout d'un temps plus ou moins long : c’est le succube. En l’interro- 
geant alors avec soin, on apprend de quelle façon les idées dont il était cbsédé 
lui ont été communiquées. L'autre, l'incube, reste au contraire ferme dans ses 
convictions délirantes, il ne les modifie pas, en un mot, il reste toujours le même. 

Dans les cas de fie à deux, où l'on a affaire à deux prédisposés, devenus 


382 PERSÉCUTION. 


réellement aliénés, dans ces cas que M. Régis a décrits sous le nom de folie 
simultanée, la recherche de l'agent passif et de l'agent actif devient plus diffi- 
cile et plus délicate; mais il est évident que, d'ordinaire, c’est le plus intelligent 
qui crée la forme du délire et l impose à l’autre. 

Proxosric. Étant donné la nature des idées délirantes qui sont suscep- 
tibles de se transmettre (délire systématisé de persécution, délire mystique), il 
est évident que pour l’un des deux « complices » au moins le pronostic doit être 
considéré comme grave. Ce complice est le sujet actif qui est presque toujours 
à une période avancée de son affection, au moment où il cherche à convertir à 
ses idées une personne de son entourage. Il n’en est pas de même du sujet 
passif; s'il s’agit d’un faible d'esprit ou même parfois d'un prédestiné, il peut 
guérir, quelque fortes que soient déjà les convictions délirantes qui lui ont été 
communiquées. Si l’on a aflaire à un prédisposé que cette longue cohabitation 
avec un aliéné a fini par mettre dans la voie de la folie, le succès de la sépara- 
tion parait moins certain. Quant aux malades qui constituent ce que nous 
appelons la folie simultanée, ils peuvent ètre considérés comme incurables. 

TraireMEnT. L'indication thérapeutique principale, dans la folie à deux, 
consiste, comme nous l'avons déjà dit, à séparer l’un de l’autre les deux malades. 
Il arrive alors que l’un des deux peut guérir, surtout le second, quand il est 
privé du point d'appui de celui qui lui a communiqué le délire. 

Faut-il séquestrer les deux malades? Voici la réponse que font à cette question 
Lasègue et J. Falret (loc. cit., p. 355) : « Dans la plupart des cas, le second 
malade est moins fortement atteint que le premier. Il peut même quelquefois 
être considéré comme ayant subi une {simple pression morale passagère, et 
comme n'étant pas aliéné dans le sens social et légal du mot. Il n'a pas alors 
besoin d’être séquestré, tandis que l’on fait enfermer son congénère. » 


II. Ines DE PERSÉCUTION SYMPTOMATIQUES. L'idée délirante de persécution 
peut se manifester dans toutes ou presque toutes les maladies mentales ; mais 
alors, ainsi que nous l'avons dit, elle se présente en quelque sorte d’une façon 
épisodique, elle est passagère, ‘fugace, et surtout elle ne se systématise pas. 
Elle s'observe dans les moments d'excitation, de même que dans les phases de 
dépression des diverses formes de folie. Néanmoins, si l'on perçoit de loin en 
loin quelques conceptions de ce genre au milieu de l'incohérence du maniaque, 
c’est surtout chez le mélancolique, quelle que soit la cause de son état, qu'on 
les trouve principalement. 

Mélancolie. Dans les diverses variétés de la mélancolie, qu'il s'agisse de la 
mélancolie simple, de la mélancolie anxieuse ou même de la mélancolie avec 
stupeur, on peut entendre les malades se plaindre qu'on leur en veut, qu'on 
leur fait des misères, qu’on les torture, etc. Ainsi, les mélancoliques anxieux, 
par exemple, tout en s’accusant eux-mêmes, se plaignent souvent qu'on les 
persécute, qu’il y a des personnes acharnées contre eux, qu'on ne cesse de répé- 
ter sur eux les plus affreuses calomnies, etc. Il en est qui se plaignent qu’on 
les regarde de travers; d'autres entendent les gens qui les entourent répéter ce 
dont ils s’accusent eux-mêmes. Tel ce malade qui, se reprochant d'avoir volé, 
d'être un inisérable, s’entendait appeler voleur, misérable, ete. Certains malades 
présentent, en même temps que les symptômes de la mélancolie anxieuse, cer- 
taines manifestations qui ne s'observent que dans la période chronique du délire 
de persécution. Nous en citerons pour exemple une malade dont l'observation a 


PERSECUTION. 585 


été publiće par notre ami J. Cotard (obs. X, du Délire des négations. In Archives 
de neurologie, n° de novembre 1882, p. 292). Cette malade, outre ses idées de 
culpabilité et d’indignité, outre son état anxieux, se croit magnétisée, elle s’ima- 
gine qu’on peut lire dans ses pensées, qu'elle est persécutée par des gens qui 
ont le pouvoir de lire dans la pensée et qu’elle appelle des carigrafiers, ete. 
D'autres aussi ont des idées d'empoisonnement. On peut donc observer, dans 
la mélancolie anxieuse, mais d'une façon épisodique, bien des symptômes qui se 
manifestent à telle ou telle période du délire de persécution; c'est là un fait qu'il 
est bon d’avoir présent à l'esprit, afin de ne pas confondre ces deux affections. 

Dans la mélancolie avec stupeur, au milieu de cette effervescence d’hallu- 
cinations et de conceptions délirantes de nature terrifiante, on remarque auss 
des idées de persécution. Bien des malades, exposant leurs impressions pen- 
dant leur état de stupeur, racontent qu'on leur disait des injures, qu'on les 
accusait de vol, qu’on voulait les empoisonner, etc. Toutes ces idées se dissipent 
et ne laissent plus de trace, une fois que les autres symptômes de la maladie 
ont disparu. 

Hypochondrie. Dans le délire hypochondriaque on voit parfois les malades 
accuser les personnes qui les entourent, et en particulier les médecins et les 
pharmaciens, de provoquer et d'entretenir les sensations morbides dont ils souf- 
frent. Une malade de mon service, âgée de soixante ans, se plaint d’une phlogose 
générale, d'un desséchement des muqueuses, des fibres du cerveau, etc. Ses 
souffrances sont dues aux alcalins, aux alcaloïdes ou autres substances médi- 
camenteuses qu'on introduit d’une façon occulte dans les aliments, les boissons, 
dans les bains, etc. A part cette interprétation délirante, on n’observe chez elle ni 
hallucinations de l'ouïe, ni autres symptômes du délire de persécution ; son état 
mental n’a pas varié depuis quatre ans qu'elle est entrée dans l'établissement. 

Folie à double forme. La période de dépression de la folie à double forme 
est parfois caractérisée par des idées de persécution avec hallucinations-de l'ouïe, 
idées d'empoisonnement, d'où en certains cas refus plus ou moins absolu des 
aliments. Ces différents symptômes sont toujours accompagnés d'autres manifes- 
tations mélancoliques, ainsi que le prouvent les observations que nous avons 
publiées dans notre Traité clinique de la folie à double forme (Paris, 1883), 
et surtout de phénomènes d'anxiété, d'idées de culpabilité et de ruine ; dans un 
cas même, ils étaient mêlés à du délire religieux. 

Épilepsie. Les idées de persécution ne sont pas rares daas l’epilepsie. 
L'épileptique est généralement d'un caractère sombre et taciturne; maussade, 
irascible et jaloux, il se laisse volontiers aller à insulter, à injurier, à proférer 
des menaces. S'il entre facilement dans de grands accès de colère, il suffit sou- 
vent d’un seul mot flatteur pour le calmer. La mobilité est donc la marque 
essentielle de son caractère. On comprend que, dans un tel état d'esprit, les idées 
de persécution puissent facilement se produire. Et, de fait, on voit nombre 
d'épileptiques, pendant l'intervalle de leurs accès, se plaindre qu’on leur en 
veut, qu'on les regarde de travers, qu'on leur fait des misères ; et, comme ils 
passent facilement des sentiments aux actes, ils se livrent à des voies de fait 
sur ceux qu'ils accusent de leur en vouloir. 

Dans la folie épileptique, ces idées se présentent avec plus d'intensité et 
sont, en certains cas, le point de départ d'actes de violence les plus graves. 
Elles sont surtout très-nettes dans le petit mal intellectuel, si bien décrit par 
M. J. Falret) De l’état mental des épileptiques. Paris, 1861, p. 17). 


584 PERSÉCUTION. 


L'accès de manie épileptique ou de grand mal intellectuel (J. Falret) s'ac- 
compagne de troubles physiques d’une nature spécialement violente. Ce sont, 
comme on sait, les idées et les hallucinations terrifiantes qui dominent. Mais, 
dans la série des idées exprimées par les malades atteints de fureur épilep- 
tique, et qu'il est aisé de pouvoir suivre facilement, ainsi que l'a très-bien fait 
remarquer M. J. Falret, on en trouve toujours relatives à des persécutions 
imaginaires. 

Hystérie. Certains auteurs acceptent un délire de persécution des hysté- 
riques. Il ne s’agit pas là, naturellement, des plaintes et des accusations men- 
songères que nombre de ces malades sont portées à faire contre certains indi- 
vidus, sous prétexte de vengeance ou de méchanceté, mais d'un état mental 
spécial qui n’est pas sans analogie avec celui que présentent les aliénés hérédi- 
taires et que nous avons décrits plus haut sous le nom de persécutés persécuteurs. 
Ce qui caractérise, en effet, les persécutées hystériques, c'est leur nature agres- 
sive; elles se plaignent avec volubilité des misères qui leur sont faites, s'excitent 
en parlant, menacent et passent facilement aux voies de fait. 

Chez les unes, ce sont les sentiments de jalousie qui prédominent, et alors 
elles s'en prennent à toutes les autres femmes et en particulier à celles de leur 
intimité, parfois aux femmes de chambre, aux cuisinières, leur reprochant de 
faire la cour à leur mari. Les moindres signes, les moindres regards, les moindres 
démarches, sont interprétés dans le sens de cette préoccupation en quelque 
sorte exclusive. Les scènes les plus violentes et les plus pénibles en sont la 
conséquence. La malade suit et épie son mari; passe-t-il auprès d'une femme, 
elle le voit lui faire des signes, s'imagine qu’il lui donne des rendez-vous; 
convaincue alors de son infidélité, elle ira le dénoncer au commissaire de police, 
ou même se portera à des voies de fait sur la prétendue complice. 

J'ai eu, dans mon service, une de ces hystériques persécutées, qui, dans sa 
fureur jalouse, espionnait son mari, lorsqu'il se rendait à son bureau; le soir, 
elle se postait dans un magasin du voisinage pour le voir rentrer. Un jour, le 
voyant passer auprès d’une femme, elle se précipita sur celle-ci, la frappant à 
coups de parapluie, appelant à son aide les agents de police. Elle déposa au 
commissaire de police une plainte en adultère contre son mari, etc. 

En général, ces hystériques se posent en victimes : on n'a pour elles aucun 
égard, on ne cherche qu'à leur faire des misères, et cependant elles sont ten- 
dres, dévouées; elles sont incomprises. Ce sont les fléaux des familles et, fait 
souvent regrettable, elles ne sont pas suffisamment aliénées pour être séques- 
trées dans un établissement spécial. 

Lorsque le délire est plus accentué, il se manifeste principalement des illu- 
sions sensorielles et des interprétations délirantes ; les hallucinations, surtout 
celles de l'ouïe, sont rares. Les malades se plaignent avec aigreur qu'on leur 
donne du linge taché, qu'on leur sert des substances malpropres dans leurs 
aliments, qu'on vient faire des saletés dans leur chambre, etc. On les empêche 
de dormir par le bruit qu’on fait à côté d'eux; on les laisse manquer de tout. ` 
Elles harcèlent les médecins et tout le personnel de leurs constantes récrimi- 
nations, s'agitent fréquemment, insultent les personnes qui les entourent, et 
sont prises fréquemment des impulsions les plus violentes. Ce sont en géné- 
ral des malades dangereuses dont il y a lieu de se défier; d'ordinaire, elles 
s'excitent en parlant, passent des injures aux menaces, et des menaces aux 
coups, avec la plus grande rapidité. 


PERSÉCUTION. 585 


Il a été question plus haut des alienes persécuteurs ou persecutés hérédi- 
taires; nous n'avons rien à ajouter au tableau que nous en avons tracé. Leur 
étude est surtout d’un grand intérêt au point de vue de la médecine légale: 
nous aurons donc lieu d’y revenir. 

Dégéneres. A côté des héréditaires il faut étudier le délire de persécution 
chez les dégénérés. Cette étude est aujourd'hui grandement facilitée par les 
travaux de N. H. Saury (Étude clinique sur la folie he éditaire |les Re yeh 
Paris, 1886) et de M. Legrain (Du delire chez les dégénéres. Paris, 1886), et 
surtout par l'intéressante discussion de la Société médico-psychologique sur Les 
signes physiques, intellectuels et moraux de la folie héréditaire (voy. Annales 
médico-psychologiques, 1885-1886). 

Les idées de persécution sont fréquentes chez les dégénérés et se présentent 
chez eux sous deux modes différents. 

Dans le premier, il se produit un délire ayant de nombreuses analogies avec 
le délire de persécution essentiel. Comme dans celui-ci, c’est souvent dès l'en- 
fance que les tendances au délire se manifestent, et voici, d'après la description 
de M. Legrain (loc. cit., p. 112), ce qui se passe en ce cas : « Un enfant aimera 
à se poser en victime, à jalouser ses frères ou ses sœurs, il aura de la tendance 
à se croire moins aimé, il comparera sa situation avec celle de ses camarades, 
trouvera toujours la sienne inférieure. A l'école, il interprétera faussement ses 
insuccès, dus le plus souvent à la faiblesse de ses facultés intellectuelles. Plus 
tard, continuant à avoir le dessous, il commencera à se plaindre de son sort, il 
deviendra méchant, hargneux. Si l'éducation ou l'instruction ne viennent pas 
modifier ses manières de voir, on comprend que peu à peu il arrivera à se croire 
persécuté; un échec, un revers, achèveront de le déséquilibrer, et de cet 
ensemble de circonstances naîtra le délire de persécution. Un accès de délire à 
forme mélancolique peut en être également la conséquence, mais les idées de 
persécution dominent toujours la situation. » Celles-ci une fois constituées pré- 
sentent une sorte de systématisation, et rien ne saurait, à ce moment, les distin- 
guer de celles qu'on est accoutumé d'observer dans le délire de persécution 
essentiel. C’est dans l’évolution de leurs conceptions délirantes que ces dégé- 
nérés se distinguent des autres persécutés : les uns, en effet, après avoir déliré 
pendant un certain temps, ordinairement assez long, reprennent le cours de 
leur existence antérieure, tout en conservant leurs tendances délirantes ; les 
autres ne guérissent pas de leur délire, mais leur intelligence s’amoindrit pro- 
gressivement et ils tombent rapidement dans la démence. 

Chez la majorité des dégénérés et des débiles, le déhire de persécution s’in- 
stalle d'emblée. Mais cette explosion subite d'idées de persécution peut être 
accompagnée ou suivie de bouffées de délire à forme ambitieuse, et l’on voit 
alors les malades se vanter d’avoir une mission divine à accomplir, d’être 
appelés à une haute destinée, d’être rois, empereurs, etc. 

Ces délires d'emblée sont généralement des délires passagers. Le pronostic 
de ces accès délirants est donc favorable dans la majorité des cas, mais leur 
guérison ne détruit pas l'aptitude à délirer, qui constitue le fond de la dégé- 
nérescence. 

Paralysie genérale. Les idées de persécution peuvent se présenter soit à 
la période prodromique, soit dans le cours de la paralysie générale. 

Cette affection cérébrale débute souvent par un stade mélancolique. « Le 
paralytique, dit à ce sujet Lasègue, a perdu de sa gaieté, il est plus sombre, il 


586 PERSÉCUTION. 


s'attache à des idées inquiétantes ou il s'affaise sur lui-même, sans pouvoir 
rendre raison des causes de sa préoccupation. La tristesse reste ainsi vague, 
presque insensible, ou elle revêt un caractère mieux appréciable. Le paraiy- 
tique s'imagine qu'il est le jouet d’une persécution, qu'il subit des hostilités, 
qu'on le soupçonne, qu'on l’accuse. Un malade employé dans une adminis- 
tration, et auquel on venait d'accorder de l'avancement, se figurait que ce 
changement était une disgrâce. Un autre avait fini par faire partager à sa 
famille ses craintes imaginaires. Une semblable disposition d'esprit appelle 
les hallucinations de l’ouie, comme je lai démontré ailleurs (Archives 
de médecine, 1852); par làse justifie la remarque de quelques auteurs qui 
rangent ces hallucinations parmi les prodromes de la paralysie » (Lasègue, 
De la paralysie generale progressive, thèse d’agrégation. Paris, 1835, 
p. 22). 

Dans les périodes ultérieures de la maladie, et surtout durant la première 
période, on observe fréquemment des idées de persécution. Au milieu de la 
mobilité des idées délirantes absurdes et contradictoires exprimées par les 
malades, on les entend souvent se plaindre d'injures qu'on leur dit, d'accusa- 
tions infâmes qu’on porte contre eux. Ces conceptions, associées ou non à des 
hallucinations de l’ouie, présentent les caractères généraux du délire dans la 
paralysie générale, et surtout la mobilité. Elles peuvent être associées aux 
idées de grandeur. Certains paralytiques présentent, outre les idées de persé- 
cution et les hallucinations de l'ouïe, des idées d'empoisonnement, de la toxico- 
phobie. Un malade croit entendre des voix menaçantes à travers les murailles; 
de plus, il prétend qu'on empoisorme les aliments et les boissons qu'on lui 
présente et les refuse obstinément. Un autre, s’imaginant qu’on avait résolu de 
l’empoisonner, refusa pendant longtemps toute espèce de nourriture (voy. 
Linas, Recherches cliniques sur les questions les plus controversées de la 
paraiysie générale, thèse de Paris, 1858, p. 42 et suiv.). 

Paralysie agitante. Les troubles intellectuels ne sont pas rares dans la 
paralysie agitante, ainsi que le prouvent les observations publiées par Althaus, 
Nicol, Lorain, Lasègue, Luys, etc. Mais ces différents auteurs avaient constaté 
surtout chez leurs malades de l'irritabilité de caractère, de l'agitation ou de la 
dépression et surtout de l'affaiblissement intellectuel voisin de la démence. 
M. le professeur Ball, dans ses Leçons sur les maladies mentales (Paris, 1880, 
p- 559) et dans un mémoire publié dans l'Encéphale (De l'insanité dans la 
paralysie agitante, 1882, p. 22), à l'aide d’un certain nombre de faits, a 
démontré que, dans quelques cas, il existe un véritable état d’aliénation mentale, 
accompagné quelquefois d'illusions et d'hallucinations, et que cet état prend 
souvent la forme de la lypémanie ou du délire de persécution. Dans un travail 
publié en 1883 (voy. Annales médico physiologiques, t. X, p. 44. La paralysie 
agitante examinée comme cause de folie), M. Parent a publié l'observation 
d'un malade présentant les mêmes symptômes psychiques. 

Dans tous ces cas, les idées de persécution sont très-nettes; les malades se 
plaignent qu'on les insulte, qu’on les menace, que des voix leur adressent des 
injures ou se moquent d'eux; il y a des ennemis cachés dans leur appar- 
tement, etc. 

Ce délire de persécution, comme toutes les autres manifestations psychiques 
observées dans la maladie de Parkinson, est presque toujours intermittent. 
Il paraît s'aggraver parallèlement aux troubles de la motilité et se calmer 


PERSÉCUTION. 587 


lorsqu'il survient, au point de vue du tremblement, une période de rémission 
(Ball, loc. cit., p. 32). x 

Sclérose en plaques. Parmi les symptômes céphaliques de la sclérose en 
plaques, M. le prolesseur Charcot signale des troubles intellectuels qui revêtent 
l’une ou l'autre des formes classiques de l'aliénation mentale. Il cite entre 
autres l’histoire d'une de ses malades qui fut prise d’un véritable accès de 
lypémanie avec idées de persécution. Elle avait des hallucinations de la vue et 
de l’ouie; elle voyait des personnages effrayants et entendait des voix qui la 
menaçaient de la guillotine. Elle était convaincue qu'on voulait l'empoisonner ; 
pendant vingt Jours elle a refusé toute espèce de nourriture, et l'on s’est vu 
contraint de l’alimenter, pendant tout ce temps-là, à l’aide de la sonde œsopha- 
gienne (Charcot, Leçons sur les maladies du système nerveux, 2° édition, t. II, 
p- 298). 

Ataxie lacomotrice progressive. Outre les troubles psychiques qu'on 
observe lorsqu'on trouve associées l’ataxie locomotrice et la paralysie générale, 
et qui sont alors le fait de cette dernière affection, il existe des symptômes 
intellectuels et moraux qui constituent des manifestations cérébrales du tabes 
dorsalis. Parmi ces symptômes, on trouve des hallucinations de divers sens, 
du délire lypémaniaque, des idées de persécution, etc. Ce fait intéressant, qui 
avait frappé Ch. Topinard (1864) et d'autres auteurs français et étrangers, a 
été mis en lumière dans un important travail de M. Ph. Rey (Considerations 
cliniques sur quelques cas d'ataxie locomotrice dans l'aliénation mentale. 
In Annales médico-physiologiques, n° de septembre 1875). Cet auteur a publié 
quatre observations d’ataxiques ayant présenté du délire de persécution fondé 
sur des hallucinations de la vue, de l'ouïe, du goût, de l'odorat et de la sensi- 
bilité générale. D’autres faits du même genre ont été publiés depuis lors dans 
les recueils ou dans les thèses. Nous citerons spécialement parmi ces dernières 
celle de M. Gruet (Étude clinique sur les troubles intellectuels dans l'ataxie 
locomotrice progressive. Paris, 1882) et surtout celle de M. Rougier (Essai 
sur la lypémanie et le délire de persécution chez les tabetiques. Lyon, 1882). 

De l’ensemble de ces travaux il est permis de conclure que, le plus souvent, 
« le délire du tabes est un délire de persécution, uni à un état lypémaniaque, à 
forme rémittente, apparaissant en général avec les troubles céphaliques du 
tabes et disparaissant avec eux, caractérisé par des sensations anormales de la 
vue, de l'ouïe, au goût, de l'odorat, du toucher, jointes à des troubles de la 
sensibilité générale et viscérale, uniquement dus à l'évolution anatomique de 
la lésion, et faussement interprétés par le malade » (Rougier, loc. cit., p. 96). 

Ce délire tabétique présente, d'après le même auteur, quatre caractères 
principaux : 

1° La nature des hallucinations. Il s'agit ici moins d'hallucinations pro- 
prement dites que d’interprétations de sensations morbides réelles; en d’autres 
termes, l'ataxique présente surtout des illusions. Tel malade, qui a des 
crampes et des fourmillements aux pieds, de la constriction en ceinture, se 
plaindra que « la sœur de service lui enfonce un stylet dans les membres », 
que « des animaux cherchent à le mordre ». Tel autre, dont la vue s’affaiblit, 
qui aperçoit des étincelles, des étoiles éclatantes ou encore des plaques vertes, 
jaunes et rouges, croit que ce sont des physiciens qui agissent sur lui, qui lui 
passent, la nuit, des tisons devant les yeux, etc. 

90 La réalité des troubles sensitifs ou sensoriels, c'est-à-dire que les sen- 


588 PERSÉCETION. 


sations morbides, au lieu d’être des produits de l'imagination comme chez les 
persécutés, sont ici cum materià. « L’ataxique qui se plaint d'être empoisonné, 
qui sent des odeurs répugnantes, dont les membres sont frappés à coups de 
hache, criblés de coups de canif, dont l’estomac et les intestins sont brûlés 
par les acides, etc., souffre réellement tous les tourments qu'il accuse. 

« Les troubles de sensibilité constituent le fonds de son délire. Il est facile, 
pendant les intervalles lucides, de constater l'existence de ces phénomènes 
douloureux ou pénibles, et l'on voit toujours leur exacerbation entraîner la 
récidive des troubles intellectuels » (Rougier, loc. cit., p. 98). 

5° La concordance de tous les troubles intellectuels due à l'identité de 
la lésion. Toutes les idées délirantes des ataxiques ont un point de départ 
unique, les troubles de la sensibilité générale et les troubles sensoriels, et 
ceux-ci sont produits par le processus tabétique envahissant les organes des 
sens et les nerfs de la sensibilité générale. 

4° L'intermittence du délire. Ce dernier caractère est en rapport avec la 
marche même des troubles céphaliques du tabes dont dépendent les symptômes 
intellectuels. 

Existe-t-il des différences entre le persécuté proprement dit et le tabétique 
avec idées de persécution? M. Rougier le croit, et voici à quel signes il arrive 
à les distinguer l'un de l’autre : Le persécuté non ataxique se plaint d'être 
séquestré dans les asiles; il prétend qu'on le retient arbitrairement, il proteste, 
écrit lettres sur lettres à l'autorité pour demander sa sortie, il connaît les 
ennemis qui le retiennent, etc. Il n’en est pas de même du tabétique persécuté; 
celui-ci ne croit qu’à une seule chose, à ses souffrances; il n’a pas « d'ennemis 
désignés, ou rarement, et dans ce cas, c’est toujours une personne qui a eu des 
relations avec eux et non pas le président de la République, les Prussiens ou 
les Jésuites, etc... », ou d’autres personnes qui lui sont absolument inconnues. 
En outre l’ataxique ne demande pas à sortir, et, si on s'occupe à le soulager, il 
se confie volontiers à celui qui lui montre de l'affection ou de l'intérêt, ce qui 
n’est guère le cas du persécuté proprement dit. 

Enfin, les ataxiques « ont des moments très-lucides, quand ils ne souffrent 
pas, et il est curieux de voir combien, à ces moments, ils sont embarrassés, si 
on leur rappelle leurs idées délirantes; ils refusent alors, le plus souvent, de 
répondre à ce point de vue, mais se laissent interroger sur leurs phénomènes 
douloureux et sensoriels, et c'est dans ces intervalles qu’on peut ainsi faire le 
diagnostic du tabes indépendamment du délire » (Rougier, loc. cit., p. 105). 

Maladies du cœur. La folie cardiaque peut parfois se présenter avec tous 
les caractères d’un véritable délire de persécution. M. Duplaix rapporte l’histoire 
d’une malade, atteinte d'une insuffisance tricuspide, qui, pendant les derniers 
mois de son existence, a présenté des hallucinations de la vue et de l'ouïe; elle 
prétendait qu’un boulanger la poursuivait et voulait la mettre en prison; elle 
entendait des voix qui lui disaient des injures. Ses voisines s'entendaient avec 
le boulanger pour lui donner les noms les plus orduriers; on l’accusait d’avoir 
fait des fausses couches, d’être une voleuse, d’avoir pris 300 francs au chef de 
service, etc. Ce délire persista jusqu’au jour de la mort de la malade (Troubles 
psychiques, hallucinations dans un cas d'insuffisance tricuspide. In l Encéphale, 
1882, p. 287). 

Idées de persécution des vieillards. On observe très-fréquemment chez les 
vieillards des idées de persécution d’une nature spéciale. On sait que la défiance 


PERSÉCUTION. 589 


est une des caractéristiques de l’état mental sénile ; elle constitue le fonds du 
délire dont nous allons donner la description clinique. 

Ce qui s'observe le plus communément, ce sont les faits suivants : Un vieillard 
(homme ou femme), dans sa méfiance morbide, prend en grippe ses enfants ; il 
s'imagine qu'il est vu par eux d’un mauvais œil, qu'il leur est à charge, qu'ils 
voudraient le voir mort, qu'ils n’attendent que sa succession. De là à croire 
que les siens veulent le voler il n’y a qu’un pas. Ce pas franchi, il n'existe pour 
le vieillard plus de repos tout lui fait peur, il appréhende d'être tué, empoi- 
sonné, etc. Sa haine pour les siens s’en accroît; s'il a fait son testament en leur 
faveur, il le modifiera et les déshéritera le plus qu'il pourra. Il peut arriver 
qu'à ce moment il tombe sous la coupe d'un de ces individus qui, sachant le 
flatter et entretenir habilement ses sentiments de défiance maladive, en fera ce 
qu'il voudra, saura exploiter cette intelligence affaiblie, et arrivera à lui faire 
signer des actes frustrant les intérêts les plus sacrés. 

D'autres vieillards, au lieu de porter leurs soupçons sur des membres de la 
famille, accuseront des voisins, des habitants du pays; 1ls se mettront en garde 
contre eux, et mème parfois les menaceront. Il en est enfin dont la crainte d’être 
volé a quelque chose de plus général, Ce n'est pas tel ou tel membre de leur 
famille, tel voisin ou ami qu'ils accusent, c’est tout le monde. On en veut à leur 
argent; ils voient et entendent des voleurs partout, ils vivent dans des transes 
continuelles, ne se confiant plus à personne et employant tous les moyens pour 
se mettre en sécurité et pour sauvegarder leur fortune de la rapacité de leurs 
ennemis. J'ai dans mon service une femme de soixante-quinze ans qui, s’ima- 
ginant qu'on voulait tout lui dérober, est allée enterrer en pleine campagne, 
sur la lisière d'un bois, ses bijoux et objets précieux, et qui, n'ayant pu retrouver 
l'endroit où elle les avait mis, a cru à une trahison de ses enfants et les a accusés 
de les lui avoir volés. La plupart s'enferment avec soin, la nuit, dans leur 
chambre, entourent de ficelles les serrures, bouchent les trous, puis, ne se 
trouvant pas encore suffisamment en sùreté, roulent devant les portes des 
fauteuils, des meubles, et enfin ne se couchent jamais avant d’avoir regardé 
avec une lumière sous les meubles, sous le lit, dans les armoires, afin de s'assu- 
rer s'il n'y aurait pas quelque voleur caché. C'est en se livrant à cet examen mi- 
nutieux que beaucoup de ces malheureux, allumant les rideaux de leur chambre, 
provoquent des incendies dans lesquels ils trouvent la mort. 

Cette question des idées de persécution des vieillards, encore insuffisamment 
étudiée, présente surtout un grand intérêt au point de vue médico-légal. Nous 
aurons l’occasion d'y revenir dans le chapitre suivant. 

Méoecine LÉGALE. De toutes les formes de folie le délire de persécution est 
sans contredit celle qui soulève le plus grand nombre de problèmes de médecine 
légale, qu'il s'agisse de la capacité civile ou de la responsabilité pénale. En 
outre, le persécuté se fait volontiers dénonciateur; s'il est séquestré, il réclame 
saus cesse sa mise en liberté, etc. De là des procès de toute sorte, des 
demandes de sortie, etc., tous cas où le médecin peut être appelé à donner son 
avis. 

Séquestration. Deux questions se posent tout d'abord : Faut-il séquestrer 
tous les individus atteints de délire de persécution? Quelles sont les conditions 
auxquelles il faut subordonner leur sortie des asiles spéciaux? 

En parlant du traitement, nous avons déjà eu l'occasion de traiter cette 
question délicate de la séquestration des persécutés; nous l'avons alors envi- 


590 PERSÉCUTION. 


sagée au point de vue du malade lui-même ; il est bon de la considérer aussi au 
point de vue de la société et de la sécurité des personnes. Dans son intéressante 
Étude sur les aliénés persécuteurs, M. Paul Pottier a très-bien résumé les 
divers points de vue de la question en une page que nous ne saurions mieux 
faire que de reproduire. Il n'a en vue que les aliénés persécuteurs, mais les 
considérations qu'il émet s'adressent aux persécutés en général : 

« Tant que ces malades ne passent pas à l’action, tant qu'ils se renferment 
encore dans le domaine purement spéculatif, surtout s'ils sont entourés par une 
famille bienveillante et protectrice, ou s'ils vivent isolés dans un lieu éloigné 
des grands centres de population, on peut admettre qu'on les laisse en liberté, 
quoiqu'ils puissent, d’un moment à l'autre, devenir dangereux pour leur 
entourage ou pour ceux qu'ils poursuivent de leurs accusations et de leurs 
récriminations incessantes. 

« D'un autre côté, le placement de ces malades dans un asile d’ahiénés peut 
être conseillé dans leur propre intérêt. On peut admettre, en effet, que leur 
internement, dès les premières périodes de la maladie, pourrait avoir des effets 
favorables et enrayer, jusqu'à un certain point, le développement de leur 
maladie, en les préservant contre leurs propres entrainements et en empèchant 
la manifestation de tous les actes auxquels ils se livrent quand ils sont en 
liberté, actes qui augmentent l'intensité de leur état maladif par les éléments 
nouveaux qu'ils apportent à leurs préoccupations délirantes, par leurs répétitions 
fréquentes et par les luttes continuelles auxquelles ces aliénés s’abandonnent 
sans contrôle et sans répression d'aucun genre. 

« Mais c'est surtout au point de vue de l'ordre social et des dangers nom- 
breux auxquels ils exposent les diverses personnes qu’ils poursuivent de leurs 
obsessions et de leurs menaces que la séquestration de ces malades devient 
indispensable et qu'elle est le plus souvent provoquée par les intéressés eux- 
mêmes ou par les autorités publiques. » 

Mais le persécuté, une fois placé dans un établissement spécial, se plaindra 
de séquestration arbitraire. Mieux au courant que personne de la loi sur les 
aliénés, il écrira lettres sur lettres aux autorités administratives et judiciaires 
pour demander sa sortie et même réclamer des dommages-intérêts contre ceux 
qui lont enfermé. De pareils persécutés, s'ils arrivent à obtenir leur mise en 
liberté, intentent procès sur procès aux administrateurs et aux personnes qui 
ont obtenu leur séquestration, aux médecins et aux directeurs qui les ont 
retenus. Nous n'en donnerons comme exemples que les affaires Sandon et Teulat, 
qui ont si vivement occupé l'attention publique. 

Mais il est des persécutés qui, comme nous l'avons dit, présentent à un 
moment donné des périodes de rémission, dont les idées délirantes s'atténuent 
considérablement et finissent par disparaître; pour ceux-là, il n’y a aucun incon- 
vénient à les rendre à la liberté. Encore le médecin chargé de donner son avis 
sur cette mesure devra-t-il examiner avec soin si cette rémission est bien 
franche s’il ne s’agit pas d’une de ces pseudo-rémissions, si le malade ne dis- 
simule pas son délire afin d'obtenir plus facilement ce qu'il désire vivement, sa 
mise en liberté. Le cas peut souvent être difficile à juger, car l'aliéné se tiendra 
sur ses gardes, apportera les dénégations les plus formelles à tout ce qui pourra 
lui être objecté. Il sera donc indispensable de surseoir à la sortie jusqu’à 
démonstration plus complète, et il arrivera alors ou que le malade, réellement 
amélioré, prendra son mal en patience et attendra la décision avec calme, ou 


PERSÉCUTION. 594 


bien, s'il wa fait que dissimuler, il marquera de l'impatience, son délire prendra 
le dessus, se démasquera de nouveau et donnera raison aux temporisations du 
médecin. 

S'agit-il d’un persécuté qui a commis un crime, qui a assassiné, par exemple, 
et qui, après une ordonnance de non-lien, a été enfermé dans un asile d’aliénés, 
après un séjour plus ou moins prolongé il est calme, paraît indemne de toute 
conception délirante, et rien ne dénote plus chez lui le trouble cérébral qui l'a 
poussé au meurtre. Une demande de mise en liberté, qu’elle provienne du 
malade lui-même ou de personnes étrangères, devra-t-elle être accordée? Nous 
ne le pensons pas, et nous ne sommes pas loin de partager en cela l'opinion 
formulée par Aubanel et récemment soutenue par notre collègue, M. J. Christian, 
à la Société médico-psychologique (séance du 18 novembre 1881. In Annales 
médico-psychologiques, n° du 4 mars 1889) : Tout aliéné homicide devra être 
maintenu séquestré dans un asile spécial pour le restant de ses jours. Cette 
précaution nous semble surtout justifiée, lorsqu'il s’agit des persécutés. Le délire 
de persécution, avons-nous dit, ne guérit que très-rarement, mais il peut se 
présenter dans le cours de l'affection des rémissions d’une durée variable. Avec 
ces données que nous fournit l'observation clinique, il n'est pas permis de 
conclure que tel malade qui, sous l'influence de son délire, a commis un homi- 
cide, peut être sans inconvénient être rendu à la liberté. On sait, au contraire, 
que ce délire, semblable à la tache d'huile, devient de plus en plus envahissant. 
qu'il se porte avec le temps sur des sphères nouvelles d'idées et qu'il se produit 
là pour une nature facilement irritable des mobiles nouveaux à des actes dan- 
gereux. Il est donc du devoir du médecin de s'opposer autant que possible à la 
mise en liberté des persécutés homicides, ou du moins de ne l’autoriser que 
sous certaines conditions bien déterminées et qui, en somme, ne se rencon- 
treront que très-rarement. « En fait, je reconnais, dit à ce sujet Legrand du 
Saulle, que des garanties très-sérieuses doivent être données à l’ordre public et 
à la sûreté des personnes; qu'il faut imposer à l'aliéné criminel une conva- 
lescence d'une durée illimitée, de façon à prévenir tout retour offensif, mais, 
lorsque j'ai pris toutes ces précautions, que j'ai multiplié les épreuves et qu’au 
point de vue clinique je suis cent fois certain de la guérison, je n'hésite pas 
à réclamer la sortie » (Traité de medecine légale, 2° édition. Paris, 1886, 
p- 756). 

Responsabilité pénale. Le délire de persécution étant considéré par un 
grand nombre d'aliénistes comme un délire partiel, ce serait peut-être le cas de 
traiter de la question de la responsabilité partielle et de rechercher si cette 
théorie médico-légale est applicable à cette affection. Mais, outre que cette 
importante question a été magistralement traitée dans ce Dictionnaire par notre 
savant maître, M. J. Falret, en son article sur la RESPONSABILITÉ LÉGALE DES 
ALIÉNÉS, il nous semble aussi qu’elle n'a aucun rapport avec les actes accomplis 
par les persécutés, que nous allons passer en revue, et qui rentrent tous dans la 
sphère de leur délire. 

Legrand du Saulle, grand défenseur de la responsabilité partielle des aliénés, 
se montre un peu hésitant lorsqu'il s’agit de l'appliquer aux persécutés. Voici, 
en effet, ce qu'il écrit sur ce point dans son livre sur Le délire des persécutions 
(Paris, 1871, p. 455) : « La possibilité pour certains persécutés de répondre, 
dans une mesure restreinte, de quelques-uns de leurs actes, — de ceux qui ont 
été notoirement accomplis en dehors des conceptions délirantes habituelles, — 


592 PERSÉCUTION. 


ne s'applique, on le comprend, qu'aux cas légers ou de moyenne intensité du 
délire des persécutions. Encore ma conscience m'oblige-t-elle à y mettre la 
réserve d’une sorte de pénalité spéciale. Mais pour tous les cas sérieux, graves, 
dans lesquels le délire s’est systématisé avec une opiniâtreté irrémédiable et 
dangereuse, et se trouve d’ailleurs entretenu et en quelque sorte consolidé par 
de permanentes hallucinations de l'ouïe, de l'odorat et du goût, il n'est pas 
entré un seul instant dans mon esprit de soumettre ces malheureux malades à 
la dure nécessité d’un semblant quelconque de responsabilité. Là, l'intelligence 
a subi un tel choc, qu'il faut soigner le malade et non le punir. Pour lui, comme 
pour la société, la meilleure prison, c’est l'hôpital d'aliénés ». 

Les nombreux actes criminels ou simplement délictueux, commis par des 
persécutés, qui peuvent être soumis à l'appréciation médico-légale, peuvent être 
rangés dans les catégories suivantes : dénonciations calomnieuses, injures publiques 
et agressions coupables contre les autorités, faux, coups et blessures, tentatives 
d'homicide et homicide, incendie. Nous allons étudier ces divers points. 

1° Denoncrations calomnieuses. Les persécutés, avons-nous dit, écrivent 
beaucoup ; ils adressent aux autorités plaintes sur plaintes, récriminations sur 
récriminations; ils envoient aussi aux tribunaux des dénonciations calomnieuses 
soit contre les personnes qu'ils considèrent comme leurs persécuteurs, soit 
surtout contre les médecins qu'ils regardent comme la cause de leurs maux ou 
qu'ils accusent de les retenir arbitrairement. Ces dénonciations sont parfois 
rédigées dans les termes les plus mesurés; les preuves qui sont invoquées sont 
d'autant plus perfides qu'elles ont une apparence de sincérité et de vraisem- 
blance. Dans ces cas, malgré une conviction contraire, on peut se trouver dans 
l'embarras pour porter une appréciation équitable d'après l'examen seul de 
l'écrit, et une observation directe du malade est indispensable pour fixer votre 
jugement. 

Mais le plus souvent les dénonciations des persécutés portent en elles-mêmes 
la démonstration du délire de ceux qui les ont écrites ; elles offrent un cachet 
tout particulier, caractéristique de leur état mental. « Les mots y sont écrits en 
gros ou en petits caractères, en lettres capitales ou minuscules, très-souvent 
soulignés, en tout ou en partie, ornés de figures, de signes variés ou d'ara- 
besques colorés à l'encre rouge ou bleue, entourés de guillemets ou encadrés de 
parenthèses, souvent séparés par des séries de points, ou suivis de points d’in- 
terrogation ou d'exclamation souvent reproduits. Souvent enfin, au milieu de 
phrases compréhensibles et formées de mots usuels, se trouvent tout à coup 
certains termes étranges empruntés à des langues différentes, de véritables néo- 
logismes, constituant un vocabulaire spécial, compréhensible seulement pour le 
malade et énigmatique pour le lecteur non initié à ce langage » (Pottier, loc. cit., 
p. 65). Ajoutez à ces détails de forme que le fond révèle des idées délirantes 
bien prononcées. De pareilles dénonciations ne peuvent nuire à personne, elles 
ne trompent que ceux qui veulent être trompés. 

2° Injures publiques et agressions coupables contre les autorités. Sous 
l'influence de ses hallucinations, le persécuté peut se laisser aller à proférer des 
menaces contre ses prétendues persécuteurs ; il peut en pleine place publique, et 
répondant aux voix qu'il entend, injurier des passants. De là, souvent, des 
scènes pénibles, des attroupements, l'arrestation de deux personnes, etc. Lors- 


qu'on s’est expliqué, on voit qu'on a affaire à un malade dont celte incartade 
a été le premier symptôme extérieur. 


PERSÉCUTION. 595 


D'autres malades s’en prennent aux autorités de leurs tourments; ils les 
accusent des persécutions dont ils sont les victimes; ils les dénoncent dans les 
journaux, dans des pétitions aux Chambres ; ils leurs envoient des suppliques 
qui restent sans réponse, puis, voyant qu'ils ne peuvent obtenir justice, ils se 
portent à des voies de fait, dans un endroit publie, soit sur un magistrat, sur 
un député, sur un ministre même, espérant par ce procédé passer en jugement 
et faire connaître à la France entière les persécutions auxquelles ils sont en 
butte, les injustices dont ils souffrent, etc. Cette manière d’agir est surtout le 
fait des persécutés héréditaires, des aliénés persécuteurs et aussi des débiles qui 
ont de leur valeur la plus haute opinion et qui en veulent à la société entière 
des malheurs qui leur sont arrivés. Ce sont des aliénés de ces diverses caté- 
gories, ces individus qui, dans ces dernières années, ont attiré sur eux l'at- 
tention publique : l'un, en tirant des coups de revolver en pleine Chambre des 
députés; l’autre, en tirant un coup de revolver au passage de la voiture d’un 
ministre, ou encore celui qui jette des suppliques du haut d'une des tribunes 
de la Chambre, etc. Tous ces individus avaient obsédé tout le monde de leurs 
plaintes et de leurs récriminations et, voyant qu'ils ne pouvaient ainsi obtenir la 
justice qu'ils croyaient leur être due, ont commis avec préméditation un acte 
pouvant les amener devant les tribunaux. 

5° Faux. M. Maradan de Montgel a publié récemment (Faux commis par une 
lypémaniaque ambitieuse. In l’ Encéphale, 1886, p. 257) l'observation médico- 
légale d’une femme qui avait commis une série de faux : elle avait fabriqué des 
billets signés d'un individu qui, suivant elie, lui devait une somme de 
57 000 francs. Arrêtée, cette personne, dont la conduite paraissait excentrique 
depuis quelque temps, fut soumise à l'examen de trois experts qui conclurent 
à sa sanité d'esprit et à sa responsabilité. La femme Champ..., avait dissimulé 
avec soin ses idées délirantes. Soumise à un nouvel examen, elle fut reconnue 
comme atteinte de délire de persécution avec idées d’empoisonnement ; elle était 
en outre obsédée d'idées de grandeur. « Le grand mobile de ses ennemis, disait- 
elle, était la jalousie; on l'avait jalousée de tout temps, mais surtout depuis la 
mort de son mari, car peu après elle avait reçu du ciel un don, don précieux, 
celui de faire des découvertes et de prévoir l'avenir par des visions et des audi- 
tions nocturnes. Depuis son enfance, elle rêvait beaucoup et avait confiance dans 
les songes, mais, depuis la mort de son mari, Dieu, afin de l'aider à triompher 
de ses ennemis, avait perfectionné ses rêves en les lui envoyant, durant l'état de 
veille, sous forme de visions et d'auditions nocturnes, lui indiquant aussi la 
conduite à suivre et les moyens de gagner une immense fortune ». C'est par cc 
moyen que lui fut révélé un remède contre le phylloxera, qu'elle communiqua 
au ministre de l'Agriculture; qu’elle apprit que des trésors étaient cachés dans 
une de ses propriétés, etc. C’est aussi sous l'influence de ses hallucinations 
qu’elle arriva à être convaincue d’avoir remis une partie de cette fortune trouvée 
à un M. de V..., d'avoir fabriqué les faux billets, qu’elle attribuait sincèrement 
à ce dernier, etc. Sur le rapport de notre confrère, une ordonnance de non-lieu 
a été rendue, et la veuve Champ... enfermée dans un asile spécial. 

4 Attentats contre les personnes. Sous ce titre nous plaçons non-seulement 
les coups et blessures, mais aussi les tentatives d'homicide et les homicides. 

Les voies de fait commises par les persécutés sont fréquentes : soufflets, 
coups de canne ou de parapluie, coups de poing, etc., administrés à ceux qu'ils 
accusent de les regarder de travers, de leur dire des injures, aux fournisseurs 

DICT, ENG, ®° se XXII. 58 


594 PERSÉCUTION. 


qui leur vendent des marchandises empoisonnées, etc. Ce sont ces violences, ainsi 
que nous l'avons déjà dit et répété, qui révèlent d'ordinaire le délire et pro- 
voquent la séquestration du malade. 

Quant aux tentatives d'homicide et aux homicides, nous en avons longuement 
parlé dans la description symptomatique du délire de persécution; nous avons 
fait connaitre leur fréquence, les causes qui les produisent, les mobiles qui 
poussent les malades à les accomplir. Il nous reste deux points à indiquer, qui 
ne sont pas sans importance au point de vue médico-légal. 

Le persécuté ne ressemble pas à l'épileptique qui, pris d'une subite fureur 
homicide, saisit la première arme qui lui tombe sous la main et frappe aveu- 
glément tous ceux qui sont à sa portée. Dès le jour où est entré dans son esprit 
l'idée de se venger de ses insulteurs ou de se défendre contre les obsessions 
auxquelles il est en butte, il a préparé son arme; il ne sort plus qu'avec un 
poignard ou un revolver, il a chez lui constamment un fusil chargé. Arrive main- 
tenant le jour de la crise, il se servira du moyen de vengeance ou de défense 
ainsi depuis longtemps préparé, soit contre le persécuteur personnifié dans tel 
ou tel individu, soit contre la première personne qui passera à côté de lui et à 
laquelle il attribuera l'insulte que sa voix lui fait entendre, etc. 

Le crime accompli, quelle est l'attitude du persécuté? Convaincu d'avoir fait 
un acte de justice, il ne cherchera nullement à se cacher : ou bien il ira lui- 
même se livrer à la police et donnera tous les renscignements sur les mobiles 
de son acte; ou bien il restera auprès de sa victime, dans un état de prostration, 
et ne fera aucune résistance lorsqu'on viendra l'arrêter. On a vu aussi des per- 
sécutés — mais ce fait est plus rare — qui, le meurtre commis, tournent l’arme 
contre eux-mêmes et se tuent. 

5° Incendie. On cite encore l'incendie volontaire parmi les actes criminels 
commis par les persécutés. Ainsi Marcé (Traité des maladies mentales, p. 319) 
rapporte le fait « d'un haliuciné qui, la nuit, pour se débarrasser de ses ennemis 
cachés autour de lui, mit le feu à la maison et faillit périr dans l'incendie ». 
Legrand du Saulle (loc. cit., p. 175) a publié deux cas semblables. 

Dans cescas, comme dans celui d’homicide, nous voyons le persécuté se dénoncer 
en quelque sorte lui-même et expliquer son acte par ses idées délirantes. 

Capacité civile. L'application médico-légale de la capacité, en ce qui concerne 
le persécuté, peut être invoquée, soit qu’il s'agisse d'interdiction, soit qu'il y ait 
lieu de se prononcer sur la validité de certains actes accomplis par lui. 

1° Interdiction. La première question qui se pose est celle-ci : Faut-il inter- 
dire les persécutés? Il est évident que, lorsqu'il s’agit d'un de ces vieillards qui, 
outre l’affaiblissement intellectuel sénile, manifestent des idées de persécution, 
l'hésitation n’est pas permise, un pareil malade pouvant, en effet, nuire aux 
intérêts les plus sacrés : « en compromettant sa fortune que des ennemis veulent 
détourner et qu'il se croit obligé de réaliser et peut-être d'enfouir quelque part; 
en frustrant sa femme et ses enfants qui se joignent à ses prétendus persécu- 
teurs; en disposant de ses biens en faveur d’étrangers qui feignent d'accepter ses 
idées délirantes, ou en jetant un jour dans le feu des billets de banque et des 
valeurs au porteur, afin que personne au monde ne puisse en profiter » (Legrand 
du Saulle, Étude médico-légale sur l'interdiction des aliénés, Paris, 1881. 
p. 154). En pareil cas, l'interdiction doit être considérée comme une mesure 
protectrice, et il est bien rare que la magistrature n'accède pas aux conclusions 


médicales. 


PERSÉCUTION. 595 


La question devient plus délicate quand il s’agit de l'interdiction des persécutés 
proprement dits. Dans les premières périodes de leur affection, alors que celle- 
ei ne se manifeste que par des symptômes de moyenne intensité, personne ne 
songerait à introduire contre eux une demande en interdiction ou même en 
dation de conseil judiciaire. Essayerait-on, qu’on serait sûr d’échouer. « Très- 
maitres d'eux-mêmes, vivant à leur guise, se défendant avec énergie, car ils 
voient dans la mesure projetée une persécution nouvelle, ces malades offrent 
assez peu de prise à la procédure et triomphent généralement de l'enquête » 
(Legrand du Saulle, le Délire de persécution, p. 473). Et cependant ces persé- 
cutés, même lorsqu'ils sont en liberté, ne prendront plus aucun souci de leurs 
affaires ; entrainés dans le courant de leurs idées délirantes, ils commettent sans 
cesse des actes qui contribuent à diminuer leur fortune, qu'ils gaspillent en 
changements constants de domicile, en voyages lointains, en procès, en ventes 
inconsidérées de propriétés, etc. Il en est qui réalisent tout leur avoir en valeurs 
au porteur ou même en billets de banque, que certains portent constamment 
sur eux cousus dans les plis de leur paletot, que d’autres enfouissent dans la 
cheminée de leur chambre, dans la cave, dans le grenier, etc. Dans ce cas, 1l 
s’agit de sauvegarder l'existence matérielle du malade, de l'empêcher de perdre 
sa fortune, gravement compromise par ses actes délirants : il n’y a donc aucune 
hésitation à avoir pour introduire une demande en interdiction. D'ailleurs, arrivé 
à celte période, le persécuté ne tarde pas à être placé dans un établissement 
spécial, et un administrateur provisoire peut dès lors prendre déjà les premières 
mesures pour la sauvegarde de ses intérêts. 

Testaments. Parmi les actes des persécutés, sur lesquels le médecin est le 
plus souvent appelé à donner son appréciation médico-légale, ce sont incontesta- 
blement les testaments. 

« Lorsque le persécuté est mort, tout n’est pas fini, dit avec raison Legrand 
du Saulle (Étude médico-légale sur les testaments contestés pour cause de folie, 
Paris, 1879, p. 360). L'administration, la justice ou les familles se trouvent 
d'ordinaire en présence d'écrits, de dénonciations d'outre-tombe ou d'actes de 
dernière volonté. Le malade a appelé sur ses ennemis toutes les malédictions du 
ciel; il a déshérité les siens et accusé ses parents ou ses voisins de toutes les 
infamies ; il a donné des ordres pour son autopsie, et il a exigé que l'on pro- 
clamât ultérieurement, dans un procès-verbal officiel, toute la pureté de sa vie; 
il a arrêté l'heure de la cérémonie funèbre et tracé l'itinéraire de son convoi, car 
« pour des raisons secrètes » certaines rues doivent être évitées ; il a pris toutes 
ses précautions pour que sa sépulture fùt à l'abri des profanations, et parfois il 
a composé son épitaphe. Souvent dès le lendemain d’interminables procès 
s'engagent. » 

Le persécuté ayant en général pris en haine les siens les déshéritera; «il 
éprouve une Joie infinie à la pensée que sa mort n’enrichira point des gens qui 
lui ont fait du mal, qui se sont moqués de lui, qui lont calomuié, injurié ou 
dénoncé, qui lont attiré dans des piéges ou des guet-apens, qui ont cherché à 
l'empoisonner, ete. » (Legrand du Saulle, loc. cit., p. 361). Aussi lègue-t-il sa 
fortune à une ville, à un hôpital, aux pauvres, à un individu quelconque qu’il 
connaît à peine et qui a su capter sa confiance, on bien encore il fonde des prix. 
D'ordinaire le persécuté met le plus grand soin à la confection de son testament; 
il le fait, le refait, y ajoute codicilles sur codicilles. C'est vraiment pour lui le 
grand acte de sa vie. Il y est long, diffus; chaque clause est longuement motivée ; 


996 PERSÉCUTION. 


on y trouve l’énumération de tous les griefs qu’il croit avoir contre ceux qu'il 
déshérite, les persécutions auxquelles il a été en butte de leur part. La plume 
à la main, il ne dissimule plus son délire, il l’étale pour ainsi dire au grand 
jour, et son testament devient ainsi une véritable autobiographie médicale, qui 
devient le document le plus décisif entre les mains du médecin-expert. 

Les persécutés qui ont résolu d'en finir avec leurs persécuteurs, et qui sont 
sur le point de commettre l'acte homicide qu’ils méditent depuis longtemps, ont 
la précaution de faire la veille ou les jours qui précèdent le crime leur testa- 
ment, qui, d'ordinaire, est alors court. Tel est celui de cette femme qui tira, le 
6 août 1871, à l’église, plusieurs coups de pistolet sur le curé de Montmartre; 
il tient en cinq lignes. La malade y exprime le désir que tout ce qu'on trouvera 
chez elle soit envoyé à Bruxelles pour être distribué aux pauvres de la ville, et 
qu'avec l'argent contenu dans sa bourse on fasse transporter sa malle de Cham- 
béry à Bruxelles pour que son contenu reçoive la même destination. 

En règle générale, étant donné le caractère des écrits des persécutés, leurs 
testaments sont moins difficiles à juger que ceux émanant d'autres malades : 
aussi la tâche du médecin-expert présente dans ces cas peu de difficultés. 


Simulation. Nous ne saurions terminer ce chapitre sur la médecine légale du 
délire de persécution sans dire un mot de la simulation. La première question 
qui se pose est la suivante : Existe-t-il des cas de simulation de cette forme de 
folie? Casper cite dans son ouvrage (Traité pratique de medecine légale, trad. fr. 
Paris, 1862, t. I, 290) le fait d'un nommé Teck qui simulait la folie. Il disait 
lui-même : « Je souffre de manie de persécution », et en même temps il se plai- 
gnait d'être électrisé par des forces invisibles. Plus tard, il se posa en inventeur : 
il a inventé une voiture allant plus vite que le chemin de fer ; il a trouvé le mou- 
vement perpétuel, etc. Mais cet individu, outre ces idées délirantes, simulait les 
symptômes de la manie : incohérence, agitation. Casper n'eut pas de peine à 
démontrer que Teck n'était pas aliéné et de plus qu'il n’était pas atteint de - 
délire de persécution. Jamais, en effet, un malade n'avouera qu'il souffre de 
« manie de persécution », car, plus que tout autre aliéné, le persécuté s’ignore 
lui-même. 

En dehors de ce fait de Casper, la science n’a enregistré aucun autre cas de 
simulation du délire de persécution. Aucune des nombreuses observations con- 
tenues dans l'ouvrage de M. le docteur Laurent (Étude médico-légale sur la 
simulation de la folie. Paris, 1866) ne concerne cette forme de folie; Legrand 
du Saulle affirme n'en avoir jamais observé. MM. J. Falret et Motet, qui ont une 
longue expérience des maladies mentales, m'ont affirmé n'avoir jamais vu un 
seul cas de délire de persécution simulé. Le résultat négatif de cette enquête 
s'explique. Pour simuler une maladie, il faut la connaître. Quel est le simula- 
teur qui voudra, ou plutôt qui pourra, avant de jouer son rôle, étudier à fond 
les caractères, les particularités et les diverses phases de cette forme de vésanie? 
Et même, connaissant tout cela, lui sera-t-il aisé de reproduire une imitation 
assez exacte pour qu'on puisse s'y laisser prendre? Nous ne le croyons pas. 

Pour simuler le délire de persécution, disons-nous, il faut très-bien le con- 
naître! Ce ne pourrait être qu’un médecin très-habile, ou un infirmier bien intel- 
ligent qui a longtemps vécu à côté de persécutés, qui auraient quelques chances 
de tromper ceux qu'ils auraient intérêt à tromper ; et encore nous croyons qu'avec 
du temps et de la patience on arriverait à démasquer la fraude. Axt. Rırti. 


PERSÉCUTION (BIBLIOGRAPHIE). 597 


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juillet 1880. — Du mème. Formes et marche du délire chronique. Leçons faites à l'asile 
Saint-Anne, résumées par P. Lucas-Championnière. In Journal de médecine et de chirur- 
gie pratiques, octobre 1883. — Du mêne. Des hallucinations bilatérales à caractère diffé- 
rent suivant le côté affecté. In Archives de neurologie, n°18, novembre 1885. — Du mème. 
Des monomanies et du délire chronique. Leçon faite à l'Asile Sainte-Anne, analysée par Dé- 
ricq. In Thérapeutique contemporaine médicale et chirurgicale, n° du 4 janvier 1884. — 
Du mêne. Les délirants chroniques et les dégénérés. Leçons faites à l’Asile Sainte-Anne, 
résumées par Respaut. In Gazette des hôpitaux, n° 47 et 49, avril 1884. — MaranDon pe 
Mowryez. Contribution à l'étude de la folie à deux. In Ann. médico-psychol., 1881, t. V, 
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Du même. Observation curieuse de folie similaire à deux individus. In Annales médico- 
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dans le délire des persécutions. Thèse de Paris, 1880. — Marros (Julio de). Manual das 
Dœncas mentæs. Porto, 1884. — Morez. Rapport médical sur l’état mental de M. P.... In 
Annales médico-psychologiques, 1850, t. II. — Du même. Traité des maladies mentales. 
Paris, 1859. — Morer. Actes de violence commis par les persécutés en liberté. Communi- 
cation à la Société médico-psychologique. Discussion par Legrand du Saulle. In Annales 
médico-psychologiques, n° de mars 1885. — Du mème. Sortie d'un aliéné non guéri. Les 
placements d'office dans les asiles de la Sene et l'art. 29 de la loi de 1858. Communica- 
tion à la Société médico-psychologique. In Annales médico-psychologiques, mars 1879. — 
Morprer. Rapport sur l'état mental des nommées Delibault et veuve Picouleau, prévenues 
de tentative d'assassinat ; folie de persécution, ordonnance de non-lieu. In Annales médico- 
psychologiques, 1878, t. XIX, p. 240. — Maxser. Contribution à ce que l'on appelle: délire 
systématique hallucinatoire. In Allgemeine Zeitschrift f. Psychiatrie, t. XLII. — Meruon. 
Du suicide dans le délire ou folie des persécutions. Thèse de Bordeaux, 1886. — Nasse. 
Du délire des persécutions des aliénés alcooliques. In Allgemeine Zeitschrift für Psy - 
chiatrie, 1817. — Parant. Rapport médico-légal sur l'état mental du sieur Aymes (Ger- 
main), meurtrier du D' Marchant. Délire des pérsécutions. Ordonnance de non-lieu. In 
Annales médico-psychologiques, 1881, t. VI, p. 245. — Du sème. La paralysie agitante 
examinée comme cause de folie. In Annales médico-psychologiques, 1883, t. X, p. 45. — 


500 PERSIL (BOTANIQUE). 


Paris. Du délire ambitieux. Thèse de Nancy, 1882. — Pontier. Rapport médico-légal sur 
l'état mental de La nommée Marie Pons, inculpée de tentative de meurtre. Ordonnance de 
non-lieu. In Annales médico-psychologiques, 1858, t. IV. — Péox. De la mélancolie avec 
délire. Paris, 1874. — Portier. Étude sur les aliénés persécuteurs. Thèse de Paris, 1886. 
— Pérécry. De l'homicide chez les persécutés. Th. de Paris, 1886. — Pivez. Traité médico- 
philosophique sur l'aliénation mentale, 1809. — Rarreceau. Du rôle des anomalies congé- 
nitales des organes génitaux dans le développement de la folie chez l'homme. Thèse de 
Paris, 1884. — Rawarr. Rapport médico-légal concernant l'état mental du sieur M. K. B..., 
accusé de tentative de meurtre sur la personne de M. W.... In Bulletin de la Société de ` 
médecine mentale de Belgique, 1880. — Rosexsacu. Du mécanisme psychique du délire dans 
la vésanie primaire (paranoïa, primäre Verrücktheit des Allemands). In Messager russe, 
1884. Anal. par Bajenoff in Arch. de neurologie, n° de mai 1885. — Réois. La folie à deux 
ou folie simultanée. Thèse de Paris, 1880. — Du même. Des hallucinations unilatérales ; 
contribution à l'étude pathogénique des hallucinations. In l'Encéphale, 1881. — Du mène. 
Note rectificative à propos de l'historique de la folie communiquée (folie à deux). In Ann. 
médico-psychologiques, n° de juillet 1885. — Roucier. Essai sur la lypémanie et le délire 
de persécution chez les tabétiques. Thèse de Lyon, 1881. — Saury. Etude clinique sur la 
folie héréditaire (les dégénérés). Paris, 1886. — Scaüce. Handbuch der Geisteskrankhei- 
ten, 1878. — Simox (Max). Crèmes et délits dans la folie. Paris, 1886. — Sizarer. De la mo- 
nomanie des grandeurs ou mégalomanie au point de vue médico-légal. In Revue médicale 
de l'Est, 1884, n° 24. — Soravixre. Rapport médico-légal sur l'état mental de Pilotelli 
Édouard), inculpé de coups et blessures ; délire de persécution, responsabilité restreinte ; 
condamnation. In Annales médico-psychologiques, 1871, t. V. — Tacuer. Étude clinique du 
délire des grandeurs en dehors de la paralysie générale. In Annales médico-psychol., 
1872 et 1875, t. VII et IX. — Du même. Les aliénés persécuteurs. In Annales médico-psy- 
chologiques, 1876, t. XV. — Tarnov. Étude médico-légale sur la folie. Paris, 1872. — 
Tary. Étude clinique sur les aliénés héréditaires. Thèse de Lyon, 1885. — Zexker. De 
l'élément morbide : le sentiment de la persécution. In Zeitschrift für Psychiatrie, 1816. — 
Zuccarezut (Angelo). Contribution à l'étude médico-légale de la paranoia. In el Manicomio, 
1885, n° 4, 2 et 3. A. R. 


PERSICA. Nom générique établi par Tournefort pour le Pêcher (voy. ce 
mot). En. Ler. 


PERSICAIRE. Nom vulgaire du Polygonum persicaria L. — La Persicaire 
d'Orient est le Polygonum orientale L. (voy. Porxeoxux). En. Ler. 


PERSIL. 2 |. Botanique. Plante de la famille des Ombellifères, série 
des Carées, qui doit prendre le nom de Carum Petroselinum. C'est, en effet, 
l’Apium Petroselinum de Linné, lA. vulgare de Lamarck, et Hoffmann, en 
ayant fait le type d'un genre spécial, l'avait nommée Petroselinum sativum. C'est 
une herbe à feuilles décomposées; leurs divisions cunéiformes, incisées, d’un 
vert foncé, luisantes et fermes, d'une odeur bien connue. Les fleurs sont dispo- 
sées en ombelles composées, avec des involucres formés d'un petit nombre de 
bractées, et des involucelles polyphylles. Les corolles sont blanchâtres, d’un jaune 
plus ou moins verdâtre dans le bouton, et les sépales supères sont très-peu déve- 
loppés. L'ovaire infère, surmonté de deux branches stylaires, renferme dans 
chacune de ses deux loges, à l’âge adulte, un ovule descendant, anatrope, à 
micropyle supérieur et extérieur. Les fruits, verdâtres d'abord, puis de plus en 
plus bruns, sont courtement ovoïdes, couronnés des stylopodes et des styles dé- 
clinés; subdidymes, comprimées latéralement, à côtes à peu près toutes égales, 
obtuses, avec des bandelettes solitaires, de la longueur des vallécules, et atté- 
nuées aux deux extrémités. Froissés, ces fruits ont une odeur térébenthinée, due 
à une essence qui existe dans toutes les parties de la plante. Cultivée comme 
bisannuelle ou vivace, celle-ci a une racine de la grosseur du doigt, blanchâtre 
d'abord, mais qui jaunit en vieillissant et devient grisätre à sa surface. Sa por- 


PERSIL (emPpLor MÉDICAL). 601 


tion centrale, dite meditullium, est jaune et non ligneuse. L’odeur de cette racine 
est agréable; sa saveur, chaude, légèrement âcre, rappelle en même temps un 
peu celle de la carotte. 

Le Persil n'est pas une plante indigène; on le cultive seulement de graines 
au voisinage des habitations, et il devient subspontané à une distance générale- 
ment peu considérable. On le dit originaire des portions les plus chaudes de 
l'Europe austro-orientale et de l'Asie Mineure. C’est l’ Herba Petroselini s. Apii 
hortensis de plusieurs pharmacopées. 

En Espagne et en Portugal, le Petroselinum peregrinum Lacasc.; à Van- 
Diemen, le P. prostratum DO. ont les mêmes propriétés et les mêmes usages 
culinaires. 

Le Persil bâtard est la Petite Ciguë. 

Le P. couche est le Petroselinum prostratum DC. 

Le P. crêpu est une variété cultivée du Carum Petroselinum. 

Le P. d'âne est l’Anthriscus sylvestris Horrx. 

Le P. d'âne de Lobel est le Scandix odorata L. 

Le P. de bouc (grand) est le Carum magnum (Pimpinella magna L.). 

Le P. de bouc (petit) est le Carum Saxifraga (Pimpinella saxifraga L.). 

Le P. de cerf est l’Athamantha Oreoselinum L. 

Le P. de chat est la Petite Ciquë. 

Le P. de chien est la Petite Ciguë. 

Le P. de Macédoine est l'Athamantha macedonica SPRENG. 

Le P. de Macédoine (gros) est le Smyrnium olusatrum L. 

Le P. des bois est l Anthriscus sylvestris Horrn. 

Le P. de montagne est l'Athamantha cervaria L. 

Le P. de montagne blanc est l'Athamantha Libanotis L. 

Le P. de montagne noir est l'Athamantha Oreoselinum L. 

Le P. de rocher est l'Athamantha macedonica Sprene. 

Le P. des crapauds ou P. des fous est la Ciguë vireuse ou Cicutaire aquatique 
(Cicuta virosa L. — Cicutaria maculata Laws). 

Le P. des marais est l'OŒEnanthe fistulosa L. et le Cicuta virosa L. Le Peu- 
cedanum palustre Mæxcu et le Carum angustifolium L. 

Le P. glauque est l’ Apium involucratum Roxs., employé au Coromandel. 

Le P. faux ou Faux-Persil est la Petite Ciguë. 

Le P. laiteux est l'Œnanthe safranée et le Peucedanum palustre Mæxcx. 

Le P. noir est l Euphorbia hypericifolia L. 

Le P. marsigoin est le Geranium Robertianum L. 

Le P. tubereux est une variété du Carum Petroselinum, à racine charnue et 
renflée. i 

Le P. panaché est une variété du Persil commun. H. By- 


BIBLIOGRAPHIE. — Mér. et ne L., Dict. Mat. méd., I, 564. — Gu., Drog. simpl., éd. 7, III, 
220. — Rosentu., Syn. pl. diaphor., 529. — H. Bx, Hist. des pl., NII, 118, 177, fig. 120; 
Tr. Bot. méd. phanér., 1055. H. Bx. 


2 I. Emploi médical. SYNONYME : allemand, petersilie; anglais, par- 
sley; espagnol, peregil; italien, petrosello. 

Sous ces noms divers auxquels il serait facile d'ajouter la synonymie vul- 
gaire, le persil a possédé une réputation toujours modeste et plus populaire 
que scientifique. 


602 PERSIL (EMPLOI MÉDICAL). 


On a employé ses feuilles, ses tiges, ses racines et ses semences. Ses parties 
vertes possèdent une odeur forte, qui se développe surtout par le froissement 
“et qui, d’après Mérat et de Lens, a été appelée ingratus par Bergius et gratus 
par Murray. 

Les semences exhalent une odeur plus aromatique et ont une saveur chaude 
qu'elles empruntent à une huile essentielle. De là leur emploi comme sub- 
stance carminative. Leur suc concentré ou apiol provoque des troubles conges- 
tifs, du vertige et une sorte d’excitation céphalique dont on a voulu faire les 
symptômes d'une ivresse apiolique, en les comparant aux phénomènes de 
l'ivresse quinique (voy. Arot). 

Quels sont les principaux usages thérapeutiques auxquels on appliquait le 
persil? Hortius Gregor écrivait : Aqua petroselini prodest in febribus pituitosis, 
scilicet quotidianis et lertianis nothis. Au temps de Tournefori, il passait pour 
être un fébrifuge et un antiphlogistique. Ce célèbre botaniste avait vu, disait-il, 
administrer avec succès le suc de ses parties vertes pour combattre les fièvres 
intermittentes, et un autre observateur, plus obscur, lui attribuait même des 
vertus contre la variole ! 

A une époque moins éloignée de nous on a voulu, assez inutilement d'ail- 
leurs, restaurer cette renommée. M. Potot a préconisé cette plante contre les 
fièvres intermittentes et M. Peyraire s’est efforcé d'en faciliter l'introduction 
dans la pratique en multipliant les formes pharmaceutiques de ses préparations. 
Ces observateurs avaient noté, paraît-il, que cette plante se montrait parfois effi- 
cace dans des cas de fièvres intermittentes rebelles à la quinine ! 

Le persil est maintenant bien déchu de cette renommée. Pour mémoire, je 
sisnalerai encore la singulière opinion de Simon Paulli, qui l'accusait de pro- 
voquer l’épilepsie, un autre préjugé d’après lequel il produisait des affections 
oculaires, et enfin ses prétendues vertus contre l’ictère ou les engorgements vis- 
céraux et abdominaux. 

On lui attribuait aussi des propriétés laxatives et adoucissantes. Dans ce but 
on prescrivait des lavements à l'huile de persil, par macération, qu'on mélan- 
geait avec la décoction de laitue. 

En applications externes, le persil a encore des usages populaires. Ses feuilles 
pilées et contuses ont été recommandées comme résolutives en cataplasmes sur 
les plaies et les ecchymoses : de là le nom de vulnéraire du pauvre sous lequel 
quelques-uns de ses enthousiastes le désignent encore. Par contre, on préten- 
dait, sans plus de raison, que ses feuilles irritaient les plaies et faisaient obstacle 
à leur cicatrisation par première intention. Tissot les recommandait pour le pan- 
sement des piqûres d'abeilles et des plaies venimeuses. On associe encore ses 
feuilles à celles dn sureau dans les topiques contre les hémorrhoïdes sèches, et 
et on l'a employé contre les engorgements des viscères abdominaux, les hydro- 
pisies, l’anasarque, l'ictère, la gravelle et la leucorrhée, maladies où J. Cazin en 
aurait retiré des bénéfices. 

Comme fondant, le persil conserve sa réputation dans un granu nombre de 
provinces où l’on en fait vulgairement usage comme topique contre les engorge- 
ments mammaires, sous forme de cataplasmes faits avec ses tiges et ses 
feuilles ou de fomentations pratiquées avec sa décoction chaude. Enfin son suc 
passait pour guérir les ophthalmies. 

La racine du persil était l’une des cinq racines apéritives majeures. Elle pas- 
sait pour diurétique, diaphorétique et même pour lhthontriptique. Ses 


PERSONATA. 603 


semences avaient la renommée d’être carminatives comme celles du fenouil et 
de l’anis, et avec elles avaient place parmi les quatre semences chaudes mi- 
neures. Elles avaient aussi la renommée de posséder des vertus emménagogues 
qu'elles empruntent à l’apiol. 

On administrait le persil sous des formes variées. La décoction de sa racine 
s’obtenait avec une demi-once, une once ou deux onces de cette partie du végé- 
tal, fraîche ou desséchée, dans deux livres d'eau, et l’infusion de feuilles, avec 
le quart d'une once pour la même quantité de véhicule. 

La poudre des feuilles séchées se prescrivait à la dose quotidienne de 4 à 
2 grammes de suc des feuilles contuses, triturées et exprimées à celle de trois 
à cinq onces. 

L'eau distillée de persil s’obtenait par la distillation du liquide dans laquelle 
on avait fait macérer pendant douze heures des feuilles de persil par quantité 
égale avec de l'eau de fontaine. L’extrait de persil se prescrivait en potion et 
en pilules; on le préparait en évaporant au bain-marie le suc de la plante. 
La teinture de persil était un mélange de 250 grammes de suc frais avec 
128 grammes d'alcool à 55 degrés. M. Peyraire formulait le sirop de persil, 
en mélangeant une partie de suc de persil avec deux parties de sucre, et le con- 
seillait à la dose de trois à quatre cuillerées à café pour les enfants et de quatre 
grandes cuillerées pour les adultes. En additionnant de 60 grammes de teinture 
550 grammes de vin blanc, il obtenait le vin de persil, qu'il conseillait à la 
dose quotidienne de trois à quatre petites verrées. 

L'huile de persil, très-différente de l’apiol avec lequel il ne faut pas la con- 
fondre, s’obtenait à chaud par la macération d’une partie de feuilles dans deux 
parties d'huile d’æillette. 

On le voit, malgré leur variété, les nombreuses préparations de persil n’ont 
pu sauver d’un oubli qui n'a rien d’immérité les vertus bien humbles et trop 
cachées de cette modeste plante. Elle a cessé de figurer dans les officines, pour 
conserver seulement dans l’économie domestique, comme le voulait Roques, le 
rang que chacun lui connaît. Cu. ÉLoy. 

BreciocraPuie. — Murray. Appar. méd., t.I, p. 451. — Ferre. Mat. méd., t. I, p. 560. — 
Sox Pavii. Quadrip, p. 429. — Herrexwann. Médecine domestique. Berne, 1795. — 
Mariorre. Ancien Journ. de médecine, t. XXIII, p. 545. — Mérar et pe Lens. Art. Apiun. In 
Dictionn. universel de matière méd., t. I, p. 564, 1834. — Bonnoure. La science de purger, 
détruire les vers intestinaux et couper la fièvre sans languir. Montpellier, 41825. — PEYRAIRE. 
Acad. de méd., août 1836. — Poror. Journ. de méd. et de chir. pratiques, 1837. — Cazix. 
Traité pratique des plantes médicinales indigènes 1868, p. 815. — Boce. The Lancet, t. II, 
p- 774, 1879. — Muxe. Eod. loco, t. I, p. 319, 1873. — Foxssacrives. Trailé de matière 


médicale et de thérapeutique, t. I, p.771; t. II, p. 161, 1883. — Journ. de méd. et de chir. 
prat., E3 XVI p: 169. Cm Hi 


PERSONA (Giovanxni-Barrısta). Médecin de Bergame (Italie), fit ses études 
à Milan et à Padoue, et une fois reçu docteur exerça son art dans sa ville natale. 
Il mourut à Bergame en 1620, laissant une grande réputation comme praticien 
et les ouvrages suivants : 

I. In Galeni librum, cui titulus est : Quod animi mores corporis temperiem sequantur, 
comment. sing. Bergami, 1602, in-4°. — II. Discursuum medicinalium unicus liber. Bergami, 
1603, in-4°. — IHI. Scholia in Galeni tres libros de venae sectione. Bergami, 1611, in-4°. — 


1V. Noctes solitariae, sive de iis quae scientifice scripta sunt ab Homero in Odyssea. 
Venetiis, 1615, in-4°. L. Hx. 


PERSONATA. Matthiole et Daléchamps désignaient sous ce nom la Bardane, 


60% PERTUSAIRE. 


qui est le Lappa de Tragus, de Césalpin, de Bauhin et de Tournefort, et 
l'Arctium de Dioscoride et de Linné. En. LEF. 


PERSONNE (Jacques). Pharmacien distingué, né à Saulieu, en 1816, 
reçu interne des hôpitaux de Paris en 1839, fut nommé en 1849 pharmacien 
des hôpitaux après un brillant concours et peu après professeur d'analyse chi- 
mique à l’École de pharmacie. IL fut élu en 1879 membre de l’Académie de 
médecine et mourut le 13 décembre 1880. Deux fois il obtint le grand prix de 
la Société de pharmacie de Paris, la première fois pour son travail sur les tein- 
tures alcooliques, dont le Codex de 1866 adopta les résultats, la seconde pour 
un mémoire sur l’analyse du chanvre. On connait ses belles recherches sur le 
iupulin, sur le phosphore, sur le chloroforme et le chloral. Son travail sur les 
alcoolats du chloral lui valut le grade de docteur ès sciences; l’Académie des 
sciences lui décerna le prix Barbier peu d'années avant sa mort. E. Hn: 


PERSOON (Curisriax-Hexpecx). Naturaliste hollandais, né au cap de 
Bonne-Espérance, à Capetown, en 1755, fit ses études à Leyde et à Gottingue 
et fut reçu docteur en médecine. Après avoir longtemps pratiqué en Allemagne, 
il s'établit vers 1802 à Paris, où il mourut le 17 février 1837. 

Persoon peut être considéré comme le fondateur de la fungologie et comme 
l'auteur du premier système scientifique des champignons. Il était membre de 
plusieurs sociétés savantes. 

Nous citerons de lui : 


I. Observ. mycologicae. Lipsiae, 4796-1799, 2 vol. in-8°. — II. Synopsis methodica fun- 
gorum. Gottingae, 1801, 2 vol. in-8°. — IlI. Icones pictae specierum rariorum fungorum. 
Parisiis, 1803-1808, in-8°.— IV. Traité sur les champignons comestibles. Paris, 1818, in-8°. 
— V. Mycologia europaea. Erlangae, 1822-1828, 3 vol. — VI. Synopsis plantarum. Parisiis, 
1805-1807, 2 vol. in-12. L. Hr. 


PERSOZ (Jean-François). Chimiste français, né en Suisse, le 9 juin 1805, 
préparateur de Thénard en 1826, son suppléant au Collége de France en 1832, 
fut nommé en 1833 professeur de chimie à Strasbourg, où il réorganisa l'École 
de pharmacie, dont il fut le premier directeur (1835). En 1852, il devint pro- 
fesseur de chimie au Conservatoire des Arts-et-Métiers de Paris. Il mourut dans 
cette ville en aoùt 1867, laissant une foule de mémoires insérés dans les 
recueils de chimie et plusieurs ouvrages parmi lesquels nous mentionnerons 
seulement son Introduction à l'étude de la chimie moléculaire. Paris, 1839, 
in-8°. L. Hx. 


PERSPIRATION. Voy. RESPIRATION, p. 635. 


PERTES. On désigne ordinairement sous ce nom les hémorrhagies utérines 
profuses (voy. Urérus), sous celui de pertes blanches la leucorrhée (voy. ce mot), 
enfin sous le nom de pertes séminales la spermatorrhée (voy. ce mot). L. Hn. 


PERTUSAIRE (Pertusaria D. C.). Genre de Lichens, du groupe des Léca- 
noridés, caractérisés par leur thalle crustacé, blanc ou jaunâtre, aréolé et cou- 
vert de petites verrues qui contiennent chacune une ou plusieurs apothécies. 


PERVENCHE (B0TANIQUE). 605 


Les thèques sont grandes et renferment de une à huit spores simples, ellipti- 
ques, non colorées; elles sont, ainsi que les paraphyses, colorées en bleu vif 
par l'iode. Les spermogonies sont éparses et noirâtres, les spermaties droites et 
aciculaires. 

Les Pertusaires se développent exclusivement sur les écorces des arbres. On 
en connait un assez grand nombre d’espèces, répandues surtout dans les régions 
tempérées du globe. La plus importante au point de vue médical est le Pertu- 
saria communis D. C., qu'on rencontre communément sur les écorces des 
hêtres, des charmes et des châtaigniers. C’est le Lichen fagineus de Linné, le 
Pertusaria d’Acharius et le Variolaria amara de Persoon. 

En. Ler. 


PERU. Nom malabare, d'après Rheede (Hort. malab., II, tab. 41), du 
Vigna Catjang Walp. (Dolichos catjang L.), plante de la famille des Légumi- 
neuses-Papilionacées, tribu des Phaséolées, dont les graines se mangent comme 
les Haricots. j Ep. Ler. 


PERUSSE. On donne ce nom, dans l'Amérique du Nord, à la Poix dw 
Canada, sorte de térébenthine fournie par le Pinus canadensis L. (Abies Cana- 
densis Michx). En. Ler. 


PERUVIANA. L’écorce de quinquina désignée sous ce nom dans les auteurs 
espagnols paraît être celle du Cinchona nitida R. et Pav. En. Ler. 


PÉRUVIENS (Les). Voy. AMÉRIQUE et Pérou. 


PÉRUVINE. Frémy a donné ce nom au produit de la saponification de la 
cinnaméine brute. Quelques chimistes la considèrent comme de l'alcool cin- 
nylique ou styrone, C°H{°0, mais il est reconnu aujourd'hui que ce n'est pas autre 
chose que de l'alcool benzylique impur. 

L'alcool benzylique n'ayant pas été traité à son ordre alphabétique, nous en 
dirons un mot ici : il a pour composition C'HSO. Il peut s’obtenir au moyen du 
toluène et de l'essence d'amandes amères; ce dernier corps, traité par la 
potasse, se transforme en benzoate et en alcool benzylique. C'est un liquide oléa- 
gineux, incolore, d’une odeur d'amandes amères, de densité 1,063 ; il bout à 
207 degrés. Les agents oxydants (acide chromique, acide azotique dilué) le 
changent en aldéhyde benzoïqne, puis en acide benzoïque. Il forme avec les 
acides des éthers benzyliques, comparables aux éthers éthyliques; leur point 
d’ébullition est plus élevé de 150 à 140 degrés. L’aldéhyde benzylique ou ben- 
zylal, CTHSO, n'est rien autre chose que l'hydrure de benzyle, ou essence 
d'amandes amères. L. H. 


PERVENCHE (Vinca L.). 2 I. Botanique. Genre de plantes, de la famille 
des Apocynacées-Plumériées, dont les fleurs ont le réceptacle légèrement convexe 
ou plus souvent, dans les espèces européennes, un peu concave. Il porte un calic 
de cinq sépales, libres ou à peu près, et une corolle gamopétale, régulière, hy- 
pocratérimorphe, à cinq lobes égaux, insymétriques et tordus dans le bouton. 
Les étamines sont au nombre de cinq, alternes avec les lobes de la corolle et 
portées sur le tube de cette dernière ; elles ont un filet, souvent géniculé, et une 


606 PERVENCHE (BOTANIQUE). 


anthère biloculaire. Les deux loges sont plus ou moins distantes, souvent relé- 
guées vers les bords d’un connectif aplati, membraneux, fréquemment surmontées 
d'un prolongement de ce connectif, et déhiscentes en dedans par une fente longi- 
tudinale. Le gynécée est formé de deux carpelles dont les ovaires indépendants 
ont souvent chez nous leur base enchâssée dans la concavité du réceptacle. Les 
styles s'unissent avec une colonne qui va se renflant jusqu'à la base d’une 
saillie circulaire et disciforme, au-dessus de laquelle elle se rétrécit de nouveau 
en un cône court, chargé au-dessous de son sommet de nombreux poils descen- 
dants. Sur la paroi ventrale de chaque ovaire se trouve un placenta à deux lobes 
verticaux, parallèles, supportant un petit nombre d'ovules descendants; le mi- 
cropyle supérieur et extérieur. Avec les ovaires alternent sur le réceptacle deux 
glandes aplaties, légèrement périgynes. Le fruit est formé de deux follicules (dont 
un peut avorter) à graines peu nombreuses, oblongues; l'albumen charnu; l'em- 
bryon à radicule supère. Les Pervenches sont des plantes herbacées ou suffru- 
tescentes, dressées, couchées ou subsarmenteuses, à feuilles opposées et à fleurs 
axillaires et solitaires, bleues, violacées, blanches ou roses. Le genfe renferme 
une dizaine d'espèces, en y comprenant les Lochnera, qui n'en peuvent cons- 
ütuer qu’une section. 

Les espèces indigènes employées en médecine sont : 

La Grande Pervenche (Vinca major L.), ou Grand Pucelage, espèce à 
rameaux longs de 4 à 8 décimètres, sarmenteux et radicants; les florifères plus 
courts, dressés. Les feuilles sont ovales-lancéolées, entières, glabres, avec des 
bords ciliés. La fleur, assez grande, a des sépales ciliés, égaux à peu près au 
tube de la corolle; celle-ci est ordinairement bleue, plus rarement blanche ou 
rosée dans les cultures. Cette espèce est méridionale; elle croit en France dans 
la région méditerranéenne; elle est cultivée dans les jardins jusque dans le nord 
ct elle devient subspontanée dans certains parcs. Nous avons fait voir, il y a 
quelques années, que l’organisation florale de cette espèce indigène était encore 
iucomplétement connue, et c’est dans cette fleur surtout qu'on voit que la corolle 
n’est pas hypogyne, pas plus que le calice. Le plan d'insertion du tube de la 
corolle laisse au-dessous de lui une portion de gynécée, portion qui peut être 
assez considérable pour contenir un ovule tout entier; et cela à cause de la 
forme concave du réceptacle. Nous avions signalé un fait analogue chez les 
Apocyns. Les sépales sont, à un certain àge, trilobés, et en cela ils se comportent 
comme les feuilles caulinaires. Les deux lobes latéraux deviennent des corps 
elanduleux et peu volumineux, ils ont été généralement passés sous silence. Il 
n’est guère possible de les assimiler à de petites stipules glanduliformes, parce 
qu'à l’âge adulte on les retrouve, non à la base, mais à une certaine hauteur 
des bords des sépales. Dans les feuilles, ils sont un peu plus bas sur le pétiole 
que la base du limbe lui-même. Nous avons rectifié et complété, dans le Bul- 
letin de la Societé Linnéenne de Paris (p. 325), les notions relatives à la corolle, 
à l’androcée et au gynécée de cette plante, notamment à la direction et au 
mode de distribution des poils que portent la corolle et la région stylaire du 
gynécée. 

La Petite Pervenche (Vinca minor L.), ou Petit Pucelage, Violette des 
sorciers, Provence, Bergère, a les tiges florifères moins sarmenteuses que 
l'espèce précédente. Les feuilles sont oblongues ou ovales-lancéolées, glabres, 
luisantes, et le calice a des divisions lancéolées, glabres, plus courtes que le 
tube de la corolle. Celle-ci est d'un bleu pâle, plus rarement blanche ou viola- 


PERVENCHE (empLor MÉDICAL). 607 


cée. L'espèce est commune dans les bois, les lieux ombragés de presque toute 
la France; elle y fleurit au premier printemps. 

Le Vinca parviflora Rerz. (V. pusilla Mon.) est une espèce de l'Inde, dont les 
feuilles macérées dans l'huile sont employées comme médicament, surtout 
contre les douleurs, le lumbago. 

La Pervenche de Madagascar (Vinca rosea), type de la section Lochnera, 
cultivée dans nos serres et vendue à Paris comme plante d'ornement, passe 
pour être vénéneuse; ses diverses parties sont âcres. On la nomme Saponaire 
à Maurice. H. By. 


BisiograPmie. — L., Gen., n. 295. — Nees, Gen. Fl. germ. — Rece., Icon. Fl. germ., 
t. 4062, 1063. — Ennu., Gen. plant., n. 35405. — Mér. et pe L., Dict. Mat. méd., VI, 897. — 
A. DC., Prodr., VII, 383. — Guir., Drog. simpl., éd. 7, II, 579. — Gren. et Gopr., Fl. de Fr., 
H, 477. — Rosenra., Syn. plant. diaphor., 523. — H. Barros, Tr. Bot. méd. phanér., 4271. 

H. By. 


2 Il. Emploi médical. SYNONYMIE : anglais, periwinkle; allemand, sinn- 
grün ; italien, pervinca; espagnol, vincapervinca. 

La réputation populaire de plante médicinale est commune à la grande per- 
venche (vinca major) et à la petite pervenche (vinca minor). Quelque peu 
justifiée que soit cette renommée, elle ajoute aux vertus de cette plante qui, 
chantée par le poëte Delille, célébrée par le philosophe Rousseau, sert dans cer- 
tains pays, d'après Mérat et de Lens, à orner le cercueil des jeunes filles et à 
honorer leurs funérailles. 

Naguère cette réputation n'était pas seulement populaire, les classes plus 
élevées la partageaient. La pervenche a eu, en effet, l'honneur d'être citée dans 
les lettres de Mme de Sévigné, qui recommandait à sa fille malade « la bonne 
petite pervenche » pour soulager les douleurs de poitrine. 

Les feuilles en sont la partie usitée, et parmi elles les plus efficaces sont 
celles que l’on récolte peu de temps avant la floraison. Leur odeur est faible, 
et leur saveur amère et styptique, mais non pas désagréable. 

Leur composition chimique n’a pas été exactement déterminée ; cependant leur 
application à l'industrie du tannage et l’astringence de leur goût fait supposer 
qu’elles contiennent du tannin et de l'acide gallique, auxquels elles emprun- 
teraient leurs propriétés médicinales. 

La réputation de la pervenche comme agent thérapeutique remonte fort loin. 
Agricola en recommandait les feuilles contre l’esquinancie et on les employait 
autrefois comme emménagogues, antidysentériques et antihémorrhagiques. On 
les conseillait surtout contre l'hémoptysie, sur les plaies et sur les ecchymoses. 
La croyance populaire leur attribuait des vertus résolutives puissantes et accor- 
dait à la pervenche le nom de violette des sorciers. 

Actuellement cette plante passe pour antilaiteuse et on administre vulgaire- 
ment la tisane de feuilles de pervenche seules ou mélangées à la canne de Pro- 
vence pour diminuer la sécrétion lactée et les engorgements mammaires. Elles 
entrent dans la composition du thé suisse ou falltronk. 

A petites doses les feuilles agiraient comme astringentes et toniques; à hautes 
doses, comme purgatives et diaphorétiques. À ce titre on les conseillait dans 
l'ancienne médecine, pour combattre le catarrhe pulmonaire. Aux Indes, d'après 
le témoignage d’Hamilton, elles ont été longtemps prescrites en décoction 
huileuse et sous forme d'embrocation contre les douleurs du lumbago. 


608 : PESANTEUR. 


Le mode d'emploi de la pervenche est habituellement la décoction de 
15 grammes de feuilles desséchées ou de 50 grammes de feuilles fraiches dans 
1000 grammes d’eau. La tisane antilaiteuse des femmes qui veulent faire passer 
leur lait contient 30 grammes de canne de Provence et $ grammes de petite 
„pervenche, qu’on administre en infusion dans 1 litre d'eau. 

Ces feuilles entrent aussi dans la préparation de cataplasmes résolutifs qu’on 
applique sur les mamelles et leur décoction s’administre encore en lavement 
ou en gargarisme. Enfin, vertes et contuses, elles servent comme topique pour 
le pansement des plaies contuses. CH. ÉLor. 


BIBLIOGRAPHIE. — JEAN AGRicoLa. Med. herbarum. Bâle, 1539 — Ainsue. Mat. Ind., t. I, 
p- 558. — Mérar et ne Lens. Dictionn. universel de matière méd., t. VI, 1854. — Moquix Taxrox,. 
Botanique méd., p. 19, 1868. — Cazix. Traité prat. des plantes médic. indigènes, 1868, 
p- 819. — NoruxaceL et RossBacx. Éléments de mat. médicale. p. 687, 1880. — FoxssaGrives. 
Traité de thérapeutique appliquée, 1882. Cu. E. 


PERVINCA. Tournefort a nommé les Pervenches Pervinca dans ses Insti- 
tutiones Rei herbariæ. Ce nom était d'ailleurs très-ancien. Linné l’a changé en 
Vinca, sans droit aucun, bien entendu. Aujourd'hui l’on conserve le nom de 
Pervinca à une section du genre Pervenche, pour distinguer des espèces telles 
que nos Pervenches indigènes des Lochnera. Pervinca est resté le nom officinal 
des Pervenches dans les pharmacopées italienne, espagnole et portugaise. 

H. By 


PES CATI. Nom sous lequel on désigne, dans les formulaires, l Antennaria 
dioica Gaertn ou Pied-de-chat (voy. ANTENNAIRE). En. Ler. 


PES EQUINUS. Rumphius désignait sous ce nom l’Hydrocotyle asia- 
tica L. (voy. HyprocorTYLE). Er. Ler. 


PES LEONIS. Ancien nom officinal de l'Alchemilla vulgaris (voy. Arcné- 
MILLE). En. Ler. 


PES URSINUS. Gessner nommait ainsi le Lycopode (Lycopodium cla- 
vatum L.). Cette plante porte encore aujourd'hui, dans quelques parties des 
Alpes, le nom de Pied d'ours. Er. Ler. 


PESANTEUR. Í. Tous les corps soulevés au-dessus du sol et abandonnés à 
eux-mêmes tombent : le fait est manifeste pour la plupart des corps, et l’on sait 
que, s'il parait en être autrement dans quelques cas (gaz, fumées, aérostats, ete.), 
cela tient alors à ce que ces corps ne sont pas abandonnés à eux-mêmes et 
qu'ils subissent une action extérieure, celle de l'atmosphère dans laquelle ils 
sont placés. 

Un corps quelconque est donc soumis à une cause extérieure, car, en vertu 
de l’inertie, il ne pourrait de lui-même se mettre en mouvement; cette cause que 
l'on représente par une force, c'est ce qu’on appelle le poids du corps. Nous 
avons d’ailleurs une notion du poids d’un corps par l'effort que nous sommes 
obligés d'exercer lorsque, le tenant à la main, nous nous opposons à sa chute. 

On exprime la même idée d’une façon différente en disant d'un corps qu'il 
est pesant. 


PESANTEUR, 609 


Enfin le mot pesanteur s'entend dans deux sens : tantôt il signifie, d'une 
manière générale, la propriété que possèdent les corps d'être pesants; tantôt il 
désigne la cause supposée de cette propriété, la cause de laquelle dépendent les 
poids des corps. 

Pris dans ce dernier sens, le mot pesanteur ne diffère pas des mots gravité, 
gravitation; nous avons indiqué à l’article Gravirarion comment on a été 
conduit à admettre que la cause qui fait tomber les corps à la surface de 
la terre ne diffère pas de l'attraction universelle, force que l’on suppose exister 
entre les molécules des corps, force qui permet d'expliquer les mouvements des 
astres. Nous avons fait toutes restrictions, d’ailleurs, sur l’existence réelle de ces 
forces qui devraient agir à distance; il faut reconnaitre que, jusqu'à présent, 
nous ignorons leur origine effective, et que nous pouvons seulement dire que, au 
point de vue mécanique, tout se passe comme si ces forces existaient. 

Nous n'avons done pas à insister sur le côté général de la question et nous 
avons seulement à signaler les conséquences les plus importantes de l'existence 
de la pesanteur, du fait que les corps sont pesants. 

La pesanteur agit dans des conditions diverses : tantôt elle produit ou modifie 
des mouvements, tantôt elle agit sur les corps en repos, pour changer d'une 
manière plus ou moins considérable certaines propriétés; nous étudierons 
successivement ces différentes circonstances. 

lI. Nous avons dit (voy. Gravirarion) que la pesanteur, cas particulier de 
l'attraction universelle, obéissant aux mêmes lois, produit une action qui varie 
en raison inverse du carré de la distance au centre de la terre; le poids d'un 
corps, les effets qui résultent de la pesanteur, doivent donc changer avec cette 
distance. 

On ne peut vérifier expérimentalement le fait par la détermination des poids ; 
la balance ne fournirait aucun renseignement, car les variations agiraient égale- 
ment sur les corps situés dans les deux plateaux. Un dynamomètre pourrait être 
utilisé, car la flexion du ressort qui le constitue devrait être d'autant moindre 
que l’on s'éloignerait davantage du centre de la terre; mais la différence est si 
minime, même pour des variations notables de distance, que l'observation ne 
présenterait aucune exactitude. 

Ces variations du poids peuvent être mises en évidence par l'étude des mouve- 
ments produits par la pesanteur, non, comme nous aïlons le dire, par la chute 
des corps, mais par l'observation du pendule. Cet appareil présente ce caractère 
que les oscillations se suc:èdent pendant un temps fort long avec la même durée 
(isochronisme des petites oscillations) : si donc on considère deux pendules 
exécutant des oscillations presque égales, telles qu'on ne pourrait apprécier 
directement la différence de durée, il sera possible d'observer l'écart qui se 
sera produit après 100, 1000... oscillations, puisque les différences se seront 
accumulées. 

Cette méthode a permis de vérifier que, à la surface de la terre qui est non 
une sphère, mais un ellipsoïde aplati, la pesanteur n'a pas partout la même 
valeur. Un pendule réglé à Paris de manière à battre comme le balancier d’une 
horloge astronomique, c’est-à-dire à effectuer 86 400 oscillations en un jour, 
retarde, exécute un moïndre nombre d'oscillations dans les régions équatoriales, 
tandis qu'il avance, exécutant un plus grand nombre d'oscillations dans les 
régions polaires. Ces faits correspondent bien avec la variation du rayon terrestre 
qui décroit régulièrement de l'équateur au pôle; les mesures prises ont permis 


DICT. ENC. 2° s. XXII. 39 


610 PESANTEUR. 


de déterminer la valeur de l’aplatissement et les chiffres obtenus concordent 
avec ceux qui ont été fournis par d’autres considérations. 

Lorsque l’on pénètre dans l'intérieur de la terre, la loi de variation de la 
pesanteur change: on démontre, en effet, en mécanique. que toute la masse qu: 
est extérieure à la surface sphérique passant par le point considéré est sans 
action sur ce point; seule, la masse sphérique intérieure à cette surface agit 
pour produire l'attraction. Le volume de cette masse décroit rapidement (comme 
le cube de la distance du centre), tandis que l'attraction devrait croître, variant 
en raison inverse du carré de la distance au centre, si la masse attractive restait 
la même. En tenant compte de ces deux causes inverses de variation, on recon- 
naît aisément que la pesanteur doit décroître, variant, dans ce cas, proportion- 
nelle ment à la distance du point considéré au centre de la terre. 

L'observation du pendule a permis de vérifier cette conséquence des lois de 
l'attraction universelle : on a reconnu, en effet, qu’un pendule oscille plus 
ente ment au fond d'un puits de mine qu'à la surface, la durée de l'oscillation 
augmente lorsque la force diminue. 

Il est important de remarquer que, en un point du globe, des pendules de 
nature différente, mais de même longueur, oscillent exactement dans le même 
temps. Les forces qui agissent et qui sont ici les poids de ces corps sont diffé- 
rentes; à chaque instant elles communiquent aux divers pendules la même 
accélération, puisque les mouvements sont identiques. On en doit donc conclure 
(voy. Dynamique) que ces forces. que les poids des corps sont proportionnelles 
aux masses. f 

III. Si l’on considère un corps tombant d'une certaine hauteur, il résulte de 
ce que nous venons de dire que la force qui agit sur lui varie pendant cette 
chute, croissant au fur et à mesure que le corps s'approche de la surface de la 
terre. Mais, si l’on tient compte de la valeur du rayon terrestre qui mesure la 
distance de la surface au centre, 6000 kilomètres environ, et si l'on remarque 
que nous n'étudions les chutes des corps que sur une faible hauteur, on peut 
en conclure que la variation est minime, qu’elle est négligeable et que, pendant 
la chute d'un corps, la force qui produit le mouvement, le poids, peut être regar- 
dée comme ‘constante +. Pour une chute de 100 mètres, ce que l’on n’a jamais 
l'occasion d'observer, d'étudier en réalité, la variation du poids d’un corps 
n'est que de 1/50 000° de sa valeur, quantité inappréciable dans la pratique. 
Lors donc que l'on étudie la chute des corps. on peut considérer la force comme 


constante. 
Si on abandonne à lui-même un corps placé à une certaine hauteur, iltom- 


4 Si R est le rayon terrestre, z la hauteur à laquelle le corps était élevé au-dessus de la 
surface, g et g’ les accélérations à la surface et au point le plus élevé, on a: 


J E 1 


\ 9 


== ——— où T old 
sors TS Ets s (1+7) 
PMT 
à die a 
ou: g= (+74 = 


ce que Fon peut réduire à: 
; 2z 
g= (1 T = 


si + est très-petit par rapport à R. 


PESANTEUR. 611 


bera, il obéira à l’action de son poids, force constante qui agit sur lui et dont la 
direction va passer par le centre de la terre (ainsi que le démontre le fil à plomb): 
en conséquence, il prendra un mouvement rectiligne, uniformément accéléré 
(voy. DYNAMIQUE). 

Nous n'insisterons pas sur les appareils et les méthodes qui, en physique, ont 
permis de vérifier cette conséquence (machine de Morin, machine d’Atwood, 
plan incliné de Galilée), de laquelle on déduit les lois suivantes qui peuvent 
êtres prises indifféremment pour caractériser la chute libre : 

4° Les espaces varient proportionnellement aux carrés des temps; 

2 Les vitesses croissent proportionnellement aux temps. 

L'accélération est l'élément qui caractérise un mouvement varié : d'après ce 
que nous avons dit à propos du pendule, cette accélération doit être la même 
pour tous les corps en un même point du globe; elle varie, au contraire, d'un 
point du globe à l’autre. En chaque point, elle caractérise la grandeur de 
l'attraction terrestre; c’est pour cela qu'on la considère comme mesurant linten- 
sité de la pesanteur. 

On ne peut utiliser l'étude de la chute des corps pour déterminer la valeur 
de cette intensité; outre que les appareils dont on dispose ne sont pas susceptibles 
d’une grande précision, le mouvement qui prend naissance est perturbé par 
l'action de la résistance de l'air qui en change complétement les lois. 

Nous avons dit plus haut comment, à l’aide du pendule, on peut arriver à 
la détermination de cette valeur qui est à Paris de 9™,8088. 

L'action de la pesanteur ne s'exerce pas seulement sur les corps abandonnés 
à eux-mêmes; elle intervient également pour modifier la nature de tous les 
mouvements, changeant à la fois, en général, la forme de leur trajectoire et 
leur loi. 

C'est ainsi que, si on lance un corps dans une direction oblique avec une 
certaine vitesse, le mouvement rectiligne qui aurait dû prendre naissance et 
subsister en vertu de l'inertie est remplacé par un mouvement dans lequel la 
trajectoire est une parabole à axe vertical (c'est, abstraction faite de la résistance 
opposée par l'air, le mouvement des projectiles lancés par les armes à feu). 

Si le corps a été lancé verticalement de bas en haut, le mouvement reste 
rectiligne, mais il est uniformément retardé; le corps s'élève à une hauteur qui 
dépend de la vitesse qui lui a été communiquée‘, puis redescend d’un mouve- 
ment uniformément accéléré comme s’il tombait en chute libre. Lorsqu'il revient 
à son point de départ, il a repris la vitesse qu'il possédait au début (toujours 
abstraction faite de l’action de l’air qui retarde le mouvement à chaque instant). 

Si le corps est lancé verticalement de haut en bas, son mouvement est le même 
que s'il tombait en chute libre, le point de départ étant à une hauteur telle que 
le corps aurait acquis en arrivant au point considéré la vitesse qui lui a été 
effectivement communiquée. 

IV. Non-seulement un corps pesant presse sur le support sur lequel il repose, 
mais encore les parties supérieures de ce corps pressent sur les parties infé- 
rieures; cette action qui existe toujours est souvent négligeable, mais non pas 
toujours. Lorsqu'elle existe, cette action se manifeste par une compression, une 


1 Si v est la vitesse, g l'accélération de la pesanteur = 9",8088, % la hauteur à laquelle 
le corps parvient, on a, abstraction faite de la résistance de Pair : 


v2 
h ~ — 0 
2g 


~ 


612 PESANTEëir. 


augmentation de densité, et il peut arriver qu’elle soit susceptible de produire 
l'écrasement. 

D'autre part, lorsqu'un corps solide, une tige, est suspendu par sa partie 
supérieure, le poids de la partie inférieure produit une extension et peut amener 
la rupture. 

En ce qui concerne les solides, nous n'avons rien à ajouter à ce que nous 
avons indiqué au mot Éasriciré ; on peut toujours calculer le poids de la partie 
située au-dessus (ou au-dessous) de celle que l'on considère et déduire la grau- 
deur de l'effet produit. Nous n’insistons pas sur ces résultats et nous dirons 
seulement que des effets analogues peuvent être observés sur des tissus orga- 
niques ; c’est ainsi qu'on a observé que, en une journée, la taille d’un homme 
peut diminuer de 1 centimètre par suite de l’action de son poids, qui semble 
avoir pour effet de produire l'amincissement des disques vertébraux; il est 
probable qu'il n'y a pas là seulement une compression, mais que le liquide 
d'imbibition est chassé au moins en partie; peut-être y a-t-il également un 
changement de courbure de la colonne vertébrale. Buffon a signalé une diminu- 
tion de taille de 4 centimètres chez un jeune homme après une nuit passée au 
bal, mais dans ce cas, comme nous le dirons plus loin, il y a lieu de tenir 
compte du mouvement. 

Dans un liquide, par suite de l'action de la pesanteur, les couches supérieures 
pressent sur les couches inférieures et d'autant plus que celles-ci sont plus 
profondément situées : aussi la densité croit-elle d'une manière continue de la 
surface au fond, mais la variation est faible, à moins que l'épaisseur du liquide 
ne soit grande. En général, il n'y a pas lieu de tenir compte de cette variation ; 
cependant elle n’est pas négligeable pour le mercure quand la hauteur du 
liquide dépasse 10 mètres ; ce résultat est important, car il y a lieu d’en tenir 
compte dans le cas où l'on exécute des mesures manométriques à l'aide de 
colonnes de mercure; on ne peut admettre alors que les pressions soient pro- 
portionnelles aux hauteurs. 

La variation de densité est notable dans les grandes masses d'eau qui recou- 
vrent le- globe et qui ont souvent une très-grande profondeur; dans l’Atlan- 
tique la profondeur atteint 5000 mètres, ce qui correspond à 600 atmosphères 
environ. 

Comme il est aisé de le prévoir, à cause de leur facile compressibilité, les 
variations de densité sont grandes pour les gaz, malgré la faible valeur de leur 
poids spécifique qui fait que, à épaisseur égale, par exemple, lair presse 
770 fois moins que lean. Aussi ces variations sont-elles très-facilement appré- 
ciables dès que l'épaisseur de la couche de gaz est un peu notable. La question 
est importante surtout pour l'air atmosphérique ; on démontre que, en supposant 
la température constante, les densités prises à diverses hauteurs décroissent en 
progression arithmétique quand les altitudes varient en progression géométrique. 

Cette remarque n’est pas sans intérêt et il y a lieu d’en tenir compte lorsque 
l'on veut analyser les effets que l’on observe dans les stations de grande altitude : 
il n'ya pas en effet seulement à évaluer la diminution de la pression atmo- 
sphérique, mais aussi la diminution du poids spécifique de l'air qui change les 
conditions de la respiration. 

Ajoutons sans insister (voy. Hyprosratique) que l'existence de la poussée 
exercée par les liquides et les gaz sur les corps qui y sont plongés est une con- 
séquence directe de la pression que ces fluides font naître en chaque point 


PESCHIER (Les). 615 


pression qui est elle-même produite par la pesanteur, par le poids des couches 
supérieures du liquide ou du gaz. 

V. Lorsqu'un corps solide tombant d'une certaine hauteur vient rencontrer 
un corps, 1l se produit des déformations tant dans le corps choquant que dans 
le corps choqué, déformations qui peuvent être passagères ou permanentes, 
passagères, si les corps sont élastiques et si la limite d'élasticité n'a pas été 
dépassée, permanentes, si Ja limite d’élasticité a été dépassée ou si les corps ne 
sont pas élastiques. 

Les actions qui se produisent alors sont dues à la pesanteur; elles ne sont 
pas sous la dépendance directe du poids du corps, elles dépendent de la masse 
(qui est, il est vrai, proportionnelle au poids) et surtout de la vitesse, de telle 
sorte que le même corps tombant de hauteurs différentes produira des effets 
très-dissemblables ; c'est surtout la brusquerie de l’action, le changement rapide 
de la vitesse, qui intervient. Ainsi s'explique que l'on observe des ruptures, des 
écrasements d'os dans la chute d’une certaine hauteur sur un plan dur, tandis 
qu'il ne se produit aucun accident, si la hauteur de chute est faible ou si l'on 
tombe sur un terrain mou où il se produise un enfoncement, la vitesse s'annu- 
lant dans un temps court, mais notablement moins court cependant que dans le 
cas d’un terrain dur. 

VI. Disons enfin, pour terminer, que les effets que l’on observe, que les 
actions produites par les corps, ne dépendent pas seulement de la pesanteur, 
mais sont liés dans une certaine mesure à son mouvement de rotation; si la 
terre était réduite au repos, le poids des corps à l'équateur serait augmenté de 
1/289 environ de sa valeur actuelle ; la variation serait plus faible aux diverses 
latitudes et nulle au pôle; nous ne voulons pas insister sur cet effet qui a été 
étudié en parlant de la force centrifuge (voy. Forces). C.-M. GARIEL. 


PESCHECK (Curistian-Aucusr). Né à Eylau, le 29 décembre 1760, fut 
reçu docteur en médecine à Leipzig en 1784. Il pratiqua la médecine à Zittau, 
et comme médecin militaire il servit dans l’armée de l'électeur de Saxe, en 
1795. Il devint médecin de la ville de Zittau en 1802 et se retira à Dresde en 
1828. 


On cite de lui : 


I. Dissertatio inauguralia de gravidarum affectionibus earumque eura. Leipzig, 1784, 
in-8°. — II. Versuch über die Ausartung des Begattungstriebes unter den Menschen. Ein 
Beitrag zur Sitltenlehre und Erziehungskunde. Breslau, 1790, in-8°. — II. Wörterbuch 
der Haus-Arzneikunde für Ærzte und Nichtärzte. Zittau und Leipzig, 1800-1802, 2 vol. in- 
8°. — IV. Plusieurs traductions d'ouvrages français, entre autres celui Peyrilhe : Remède 
nouveau contre les maladies vénériennes. Breslau, 1787, in-8°. AP DE 


PESCHIER (Les). On connaît deux médecins et un pharmacien, tous trois 
més à Genève et frères. 


Peschier (Jeax) fut reçu docteur à Édimbourg en 1797 (Diss. de irritabi- 
litate animalium et vegetabilium, in-8&) et se fixa dans sa ville natale, où il 
mourut vers 1840. 


Peschier (CHarLes-G.) étudia la médecine à Paris et y obtint le diplôme de 
docteur en 1809 (Diss. inaug. sur les maladies des enfants, in-4°). En 1832, 


614 PESSAIRE. 


il fit un voyage en Allemagne, puis étudia l'homæopathie. Il mourut à Genève, 
où il avait exercé pendant de longues années, en 1853, laissant surtout des 
articles de journaux. 


Peschier (JAcQuEs). Pharmacien distingué, vint au monde en 1769. Il 
vécut à Genève, s'occupant surtout de recherches chimiques et termina sa car- 
rière dans cette ville natale le 16 janvier 1832. Il a laissé un très-grand 
nombre de mémoires et d'articles sur la chimie biologique, la chimie végétale, 
les alcaloïdes, les eaux minérales, etc. Tout le monde connaît ses recherches 
sur la fougère mâle, sur le ratanhia, les alcaloïdes du quinquina, la sali- 
cine, etc., etc. L. Hy. 


PESET Y VIDAL (Juan Baurisra). Est né le 7 mai 1821 à Valence, fils 
d'un médecin de cette ville, il fit ses études littéraires dans un séminaire, puis 
à l’Université, et ses études médicales à la Faculté de Valence, où il fut reçu 
licencié en médecine, en 1842. Une loi nouvelle ayant réuni la médecine à la 
chirurgie et établi une seule classe de praticiens sous le nom de médecins- 
chirurgiens (medico-cirujanos), Peset se présenta de nouveau devant le jury et 
obtint en 1848 le titre de licencié en médecine et chirurgie; enfin il soutint 
sa thèse de doctorat en 1850. L'étude des eaux minérales l’occupa d’abord, et 
il fut directeur d’un établissement spécial, mais il abandonna bientôt cette 
partie de la pratique pour se livrer à la médecine légale et à l'épidémiologie. 
Il vint alors s'établir à Valence, où sa réputation de médecin légiste l'avait 
précédé. Doué d’une très-grande activité, il fit partie de toutes les commissions 
d'hygiène et de salubrité, de celles établies lors des divers épidémies de fièvre 
jaune, de choléra, etc. Entré dans l’enseignement en 1869, il fut nommé pro- 
fesseur auxiliaire de la Faculté, pour la clinique médicale, puis de médecine 
légale et de toxicologie, puis titulaire de celle de clinique médicale en 1876. 
Il est mort à Valence, pendant l'épidémie de choléra en avril 1885. De ses 
nombreux écrits, nous citerons : 

I. Bosquejo de la hisloria de la medicina de Valencia. In Boletin del instituto medico. 
Madrid, 1863-1866. — II. Controversa sobre las estadisticas medicas. Ibid., 1867. — 
UT. Memoria biogräfico-biblogräfica ó critica acerca de D. Andrés Piquer. Madrid, 1870. — 
IV. Topografia medica de la villa de Alcantara. Barcelone, 1870. — V. Topografia medica 


de Valencia y sa zona. Madrid, 1870. — VI. Juicio critico de la medicina arábiga española 
en el siglo XV. Madrid, 1878. 


PESSAIRE. ÉryoLocie. Du grec rsoaés, pessaire, proprement sorte de 
pièce d’un jeu ; latin, pessum ; allemand, Mutterzäpfchen, Mutterkranz; anglais, 
Pessary; italien, pessario, pesso; espagnol, pesario. 

« Instrument dont on se sert pour maintenir la matrice en sa situation natu- 
relle; il s’est dit dans l’ancienne chirurgie des médicaments introduits à l’aide 
du pessaire ». Telle est la définition donnée par Littré dans son Dictionnaire de 
la langue française, et il est impossible d'en trouver une plus simple en même 
temps que plus complète, Cette définition nous indique deux variétés de pessaires, 
les uns agissant mécaniquement, les autres par leurs principes médicamenteux : 
d’où la nécessité de scinder cet article en deux chapitres : I. Pessaires médica- 
menteux ; Il. Pessaires instrumentaux. 

Avant d'aborder la description détaillée des pessaires quelques mots d'histo- 
rique sont indispensables. Cette histoire a été tracée de main de maître par Mal- 


PESSAIRE. 615 


gagne dans ses Annotations des OEuvres d'Ambroise Paré, t. II, p. 742. Voici 
le texte de cet auteur : « Le mot de pessaire est un de ceux qui se sont le plus 
écartés de leur signification primitive. Dans l’origine et chez tous les auteurs 
anciens, il s'appliquait à des médicaments que l’on introduisait dans le vagin, 
tantôt seuls, tantôt à l’aide de charpie, de coton ou de soie qu'on en imbibait, 
tantôt enfermés dans des sachets qui leur servaient également de conducteurs ; 
et c'est ainsi que nous verrons Paré en parler lui-même dans son livre des 
Médicaments. Puis, en donnant déjà quelque extension au sens du mot, on en 
vint à appeler pessaires des canules creuses en bois, en plomb, en étain, que l’on 
enduisait d'onguent à l'extérieur, et qui pour leur ressemblance avec le membre 
viril avaient reçu spécialement dans ce cas le nom de priapisques. Paré les recom- 
mandera lui-même au chapitre zxr de ce livre (t. I), à la vérité d'après Paul et 
Dalechamps. Puis, au lieu d'enduire l'extérieur de ces instruments, on les perça 
de trous plus ou moins nombreux, et ils servaient alors de canules pour porter 
des injections jusqu'au fond du vagin : tel est celui que Paré a figuré au cha- 
pitre xxıx du livre des Tumeurs en général, t. I, p. 569, et celui qu'il représen- 
tera tout à l'heure au chapitre Lvir du livre actuel (t. I). Enfin quant aux pes- 
saires solides placés à demeure dans le vagin pour remédier à la chute de la 
matrice, la première mention que j'en ai trouvée ne remonte qu'au quinzième 
siècle; j'ai noté, dans mon introduction, que Matthieu de Gradi avait conseillé 
pour un prolapsus utérin un pessaire en cire assez solide, de la forme d'une 
verge, entouré de laine trempée dans des liqueurs astringentes. C'était encore, 
comme on voit, quant à la forme et quant aux accessoires, une imitation des 
pessaires canules des Anciens, mais celui-ci élait en cire, et il était plein, 
el enfin il devait rester à demeure au moins un certain temps, trois con- 
ditions nouvelles, et qui allaient ouvrir la voie à de plus heureuses modifi- 
cations. Et cependant, chose remarquable, près d'un siècle après Matthieu 
de Gradi, Franco, en parlant de la cheute de matrice, ne sait encore apph- 
quer d’autres pessaires que des pessaires médicamenteux. Enfin, trois ans 
après la dernière édition de Franco, Ambroise Paré figurait ses pessaires 
ovales. 

« Ici, une question se présente : Cette invention était-elle à lui ? Il ne la reven- 
dique point comme sa propriété, mais il en est ainsi de plusieurs choses qui lui 
appartiennent. Il semble cependant que des pessaires de diverses formes étaient 
depuis longtemps dans la pratique suivie des chirurgiens, au moins des barbiers 
et des femmes. C’est ainsi qu’en parlait en 1581 l’un des amis de Paré, Rousset, 
dont je transcrirai ici le curieux passage : 

« Or n'est-il de merveille, s'il en a jamais esté par les Anciens rien parfaic- 
tement escrit, car il y a une infinité de petits et gentils aydes experimentez par 
les femmes, aussi industrieuses à se secourir en telles maladies et necessités 
d'elles-mêmes, comme de leur nature vérécondes à s’en descouvrir aux hommes, 
lesquels sont secrets entre elles; de sorte que la plus part de leurs medecins 
mesmes ne les sçavent pas, et croy que cestuy en a esté un pour longtemps. Mais 
aujourd'huy quelques chirurgiens en font livres et leçons, et ce diversement : 
sçavoir est, quant à la matrice (sans doute matière), de quoy ils sont faits, quant 
à la figure et quant à l'usage, car les uns le font de seule cire, quelques-uns 
d'argent, ou d'or creux et pertuisé, les autres liege ciré. Item, les uns le font 
rond, les autres en ovale, les autres triangle ou quadrangle unéquilatéral, à 
angle obtus; les uns en forme de cœur aplati; quelques-uns de rondeur 


616 PESSAIRE. 


oblongue et tronquée; les uns rond ou plat, pertuisé au milieu ou non. Aussi 
plusieurs l'appliquent avec une cordette pour l'attirer mieux dehors, quand ils 
veulent; les autres seuls, sans qu’on soit gueres empesché de l’oster qui voudra, 
aussi bien qu'il y avoit un cordon, Jes autres ne l’ostent nullement, etc. » (De 
l'enfant. Cæsarien, p.176). 

« Il cite plus loin (p. 180 et suivantes) une femme qu'il visita er 1579 et qui 
depuis quarante ans portait le même pessaire en liége, qui lai avait été fait par 
son père : ce qui nous reporte en 1539. Ce père s'appelait Joannet Herauldié, 
dit Finet, et il était alors barbier à Gisors. Rousset voudrait même faire remonter 
l'emploi du pessaire jusqu'à Hippocrate, en vertu de l’aphorisme 48 da cin- 
quième livre, qu'il rend ainsi : Si uterus intra loxas situs deciderit, ou desi- 
lierit, necessarium est emmotum, ou linamentum fieri; et plus tard, dans son 
édition latine, il signale un autre passage d'Hippocrate, où la grenade semble 
avoir été employée en qualité de pessaire à demeure. Rousset croyait d'ailleurs 
que le pessaire se plaçait dans la cavité de la matrice même, et non pas dans le 
vagin. 

« Suivant Bauhin, dans l’appendice qu'il joignit à sa traduction latine de 
\ousset, les femmes allemandes se servaient d'un peloton de fil recouvert de 
cire vierge, d’autres d’une noix vidée et recouverte de cire à l'extérieur, de 
manière à lui donner la forme et presque le volume d'un œuf de poule, et c'est 
d'un pessaire de ce genre, ajoute-t-il, que l'on se sert pour les grandes dames 
d'Allemagne quand elles ont une chute de matrice. Il convient de remarquer 
qu'à ce texte Bauhin joint une figure de pessaire ovale qui est copié de la façon 
la plus servile sur la planche d’Ambroise Paré. 

« La belle-mère de Bauhin, femme très-versée dans la pratique de la médecine, 
confectionnait des pessaires circulaires avec la racine de vigne sauvage, recou- 
verte de cire vierge, à laquelle elle ajoutait un peu de poix blanche ou de téré- 
benthine. Enfin Jean Bauhin, le frère de l’anatomiste, avait imaginé de soutenir 
la matrice avec un cercle en fil d'argent arrondi, supporté par une fourche à trois 
branches. C'est là assurément la mention la plus ancienne de nos pessaires à 
tige. Bauhin en cite d’autres encore faits de fer-blanc, recouverts de cire; il 
pense que certains pessaires sont poussés jusque dans la cavité utérine; mais 
pour ceux qu'il a pu mieux étudier, savoir le pessaire ovale de fil ou de coque 
de noix, le pessaire circulaire de sa belle-mère, et le pessaire à tige de son frère, 
il exprime très-nettement l’idée qu’ils sont placés dans le vagin, ou, comme on 
s'exprimait alors, in collum uteri ». 

Depuis Ambroise Paré, la forme des pessaires a considérablement varié; la 
plupart des gynécologues, particulièrement dans ces dernières années, se sont 
ingéniés à en inventer de nouveaux. Dans la description mème que nous allons 
faire de ces instruments nous en verrons les principales variétés. 

I. PESSAIRES MÉDICAMENTEUX. Les pessaires médicamenteux, les premiers 
employés, sont aujourd’hui presque complétement bannis de la pratique cou- 
rante. Ils doivent être divisés en deux classes suivant qu'ils sont introduits 
dans le rectum ou dans le vagin. Dans le rectum l'absorption est rapide, et 
les pessaires médicamenteux qu'on y introduit peuvent se montrer très-actifs ; 
il en est tout autrement du vagin où l'absorption est à peu près nulle. Au 
cas où on voudrait recourir à ces agents thérapeutiques, c’est donc par la 
voie rectale et non par la voie vaginale qu’il faudrait les faire pénétrer dans 
l'économie. La question des pessaires médicamenteux a été traitée à l'article 


PESSAIRE. 617 


Surrosiromes de ce Dictionnaire, auquel nous renvoyons pour plus amples ren- 
seignements. 

lI. PESSAIRES INSTRUMENTAUX. Pour répondre à l'esprit encyclopédique de ce 
Dictionnaire, il importe de faire une revue aussi complète que possible des dif- 
férents pessaires connus ; d'autre part, le nombre de ces instruments est si consi- 
dérable qu'il ne peut être d'aucun profit de les décrire tous; notre intention est 
de nous borner à ceux qui par leurs particularités ou leur utilité pratique 
méritent l'attention du thérapeute. 

Nous diviserons cette étude en deux chapitres : dans le premier nous ferons 


la description des différents pessaires ; dans le second nous verrons leurs appli- 
cations cliniques. 


CHAPITRE PREMIER. DESCRIPTION DES DIFFÉRENTS PESSAIRES. Les pessaires 
ont été divisés en plusieurs catégories. Une des meilleures classifications que 
nous ayons rencontrées est celle donnée par MM. Leblond et Gallard dans leur 
article Pessaire du Nouveau Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques. 
Ces auteurs établissent quatre classes : 1° les pessaires soutiens ; 2° les pessaires 
dilatateurs; 3° les pessaires leviers; 4° les pessaires intra-utérins. 

Cette division toutefois n’est pas irréprochable, car les pessaires soutiens sont 
parfois des pessaires dilatateurs. L'action de levier de certains instruments rangés 
dans cette catégorie, comme celui de Hodge, par exemple, a été contestée, et quel- 
ques auteurs ne sont pas éloignés de croire que ce pessaire dit levier n'agit que 
par simple dilatation. Enfin, sans nous étendre davantage sur ce sujet, il existe 
des pessaires mixtes qui sont à la fois intra et extra-utérins, tel celui de Valleix. 

Pour éviter ces différents reproches, nous proposons une classification un peu 
différente. Nous distinguerons : 

1° Les pessaires qni, appliqués dans le vagin, sont fixés à un soutien extérieur 
prenant point d'appui sur la surface de l'abdomen : ce sont les pessaires vagino- 
abdominaux ; 

20 Les pessaires qui sont complétement enfermés et compris dans la cavité 
vaginale ou pessaires vaginaur ; 

5° Les pessaires qui sont introduits dans la cavité interne : pessaires utérins 
ou intra-utérins ; 

4 Les pessaires combinés ou mixtes, constitués par la réunion des diffé- 
rentes variétés qui précèdent. 

A. PESSAIRES VAGINO-ABDOMINAUX. 
Les pessaires vaginaux, reliés à une 
ceinture abdominale, auxquels on 
donne parfois le nom d'hystéropho- 
res, sont destinés le plus souvent à 
remédier au prolapsus utérin. Ils se 
composent d’une pelote ou d'un an- 
neau vaginal qui arrive au contact 
du col utérin; cet appareil vaginal 
destiné à maintenir l'utérus en place de 
est relié à la ceinture abdominale de Fig. 1. — Pessaire de Courty. 
différentes façons. 

Tantôt ce lien est quadruple, comme dans le pessaire de Courty, que la 
figure 1 fera mieux comprendre que toute description. 





MATHIEU 





618 PESSAIRE, 


Les pessaires de Breslau, Borgniet, Grand-Collot, présentent la plus grande 
analogie avec celui de Courty, les différences sont minimes; il en est de même 
de celui de Barnes (fig. 2), qui ne se distingue guère que par la longueur de la 








Fig. 2. — Pessaire de Barnes. Fig. 3. — Pc:sa're à bilboquet de Nélaton. 


tige vaginale, et que son inventeur a préconisé de préfé.erce pour remédier;à 








Fig. 4. — Pessaire de M. Dumont-Pallier avec support. 


l'inversion utérine, alors que la plupart des précédents sont dirigés simplement 
contre le prolapsus. 

Le pessaire à bilboquet de Nélaton (fig. 3) présente la plus grande analogie 
avec le pessaire de Barnes. 


PESSAIRE. 619 


Tantôt le lien qui relie la pelote vaginale à la ceinture abdominale, au lieu 
d'être quadruple comme dans les pessaires précédents, est double, un chef 
passant en avant et l'autre en arrière. Tel est le pessaire de Scanzoni. 

Tantôt enfin ce lien est simple, et la tige support doit forcément être rigide. 
Tel est le pessaire de M. Dumont-Pallier (fig. 4), tels les pessaires de Cutter et 
«de Roser. 

La partie vaginale de l'instrument présente aussi des variétés, ainsi que nous 
l'avons laissé pressentir. 

Tantôt c'est une simple pelote comme dans le pessaire de Courty (fig. 1). 

Tantôt un anneau comme dans celui de M. Dumont-Pallier (fig. 4). 

Tantôt un sac en caoutchouc qui est gonflé dans l'intérieur du vagin après 
son introduction. Tel est le pessaire de Bourjeaurd. 

Tantôt au lieu d'un anneau on a une véritable ellipse comme dans le pessaire 
de Cutter. 

Tantôt enfin un cylindre recourbé comme dans le pessaire de Smith. 

B. PessaiRes vaGiNaux. La classe des pessaires vaginaux est de beaucoup la 
plus nombreuse. La plupart des gynécologistes se sont ingéniés à en inventer 
de nouveaux ou à modifier ceux qui existaient déjà. Pour mettre un peu 
d'ordre et de clarté dans notre description nous rangerons les pessaires vaginaux 
en quatre catégories. 

1° Dans la première nous placerons les instruments faits en substance non 
malléable, qui conservent par conséquent la forme donnée par le fabricant : 
pessaires vaginaux rigides. Nous les subdiviserons en deux classes, suivant 
qu'ils sont faits d’une pièce unique ou de plusieurs pièces articulées entre 
elles. 

2° La seconde catégorie comprendra les pessaires malléables. Ces instru- 
ments faits en étain, en celluloïde ou en fil de fer recouvert de caoutchouc. 
peuvent prendre, à la volonté du médecin, des formes variées. Toutefois, quand 
ils sont introduits dans l'intérieur du vagin, leur rigidité est suffisante pour 
qu'ils conservent les courbures qui leur ont été imprimées. 

5° Dans la troisième catégorie nous verrons les pessaires élastiques. Ces pes- 
saires diffèrent des précédents en ce sens qu'ils tendent toujours à revenir à leur 
forme primitive. Placés dans l'intérieur des organes génitaux, ils subissent 
différentes déformations en rapport avec les pressions qu'ils éprouvent, mais ils 
réagissent constamment contre ces pressions de manière à reprendre leur 
première forme, c’est de la sorte d'ailleurs que s'exerce leur action thérapeu- 
tique. 

4 Enfin, il est une quatrième et dernière catégorie de pessaires vaginaux, 
celle constituée par des sacs en caoutchouc de formes variées, qu'on intro- 
duit dans le vagin, et qu'on gonfle ensuite de manière à les fixer dans cette 
cavité par leur propre volume. On peut leur donner le nom de pessaires dila- 
tables. 

a. Pessaires vaginaux rigides. Ces pessaires, avons-nous dit, peuvent être 
divisés en deux classes secondaires : æ, pessaires faits d'une seule pièce ; 
8, pessaires composés de plusieurs pièces articulées. 

æ. Pessaires faits d'une seule pièce. 1° Dans une première série nous trouvons 
des instruments qui ne paraissent guère agir que comme des corps étrangers, 
distendant la cavité vaginale et fournissant ainsi un point d'appui à l'utérus 
dont on veut empêcher le prolapsus. 


620 PESSAIRE. 


Tels sont : le pessaire cylindrique ou en forme de bondon (fig. 5); le pessaire 
élytroïde, qui ne diffère du précédent qu’en ce qu'il est largement recourbé 
suivant son axe longitudinal; le pessaire en gimblette, c'est-à-dire rappelant la 
forme de ce petit gâteau sec et dur qui a la forme d'un anneau (fig. 6); le pes- 
saire elliptique (fig. 7). Enfin les pessaires en 8 de chiffre, en entonnoir, en 
raquette, dont la dénomination indique 
suffisamment la forme sans qu'il soit be- 
soin d'insister davantage. 

Au pessure en gimblette s'adapte quel- 
quelois une tige perpendiculaire à son 
plan. Cette tige, longue de 6 à 8 centi- 


ele 





- 


Fig. 5. — Pessaire cylindrique. Fig. 6. — Pessaire er gimblette. » Fig. 7. — Pessaire elliptique. 
mètres, arrive, quand l'instrument est appliqué, jusqu’au voisinage de lorifice 
vulvaire, et empêche l'anneau gimblette de basculer au fond du vagin. 

2 Les pessaires de Hodge, Smith, Sims, ne diffèrent les uns des autres que 
par de faibles particularités, aussi nous a-t-il paru préférable de les réunir dans 
une même description. 

Leur forme générale est celle d'un anneau allongé, rappelant un peu un 
rectangle à angles mousses, si on le regarde de 
face et de profil, dessinant la courbure de la lettre 
S (fig. 8). 

Le pessaire de Hodge est fait en caoutchouc 

Fig. 8  Pocuee do ia durci, celui de Sims en aluminium. Celui de 
Smith est comme celui de Hodge en caoutchouc 
durci et n’en diffère que par sa courbure dans sa partie antérieure’ 

Sims a encore proposé l'emploi d'un pessaire qui, au lieu d’être sigmoïde 
comme les précédents, serait recourbé en forme de hamac ou de bateau. 

L'application et le mode d'action de ces différents pessaires sont à quelques 
nuances près les mêmes, et vont être l’objet d'une description spéciale à cause ` 
de leur importance. Pour tous les instruments que nous avens décrits jusqu'ici, 
les modes d'emploi et d'action sont tellement simples et évidents qu'ils ne méri- 
taient pas qu'on s’y arrêtàt ; ici, il en est tout autrement. 

APPLICATION. Le pessaire de Hodge, que nous prendrons comme type de notre 
description, est surtout usité dans les cas de rétroflexion ou de rétroversion de 
l'utérus. Après avoir réduit à l’aide des doigts ou du cathéter la déviation 
utérine, ou, d’après d’autres auteurs, sans avoir préalablement procédé à cette 
réduction, on introduit le pessaire dans l'intérieur du vagin en se conformant 
au trois temps suivants : 

Premier temps (fig. 9). Le pessaire, préalablement oint d’un corps gras 
quelconque, est introduit à travers l'orilice vulvaire, en ayant soin de placer son 





PESSAIRE. 621 


plan antéro postérieurement, c'est-à-dire suivant le plus grand diamètre de 
l'orifice vulvaire. 

Deuxième temps (fig. 10). On fait opérer un quart de tour à l'instrument, de 
manière à placer les deux branches aux deux extrémités du diamètre transverse. 
La partie profonde s'adapte spontanément au cul-de-sac vaginal antérieur, et la 
partie superficielle est au niveau de l'orifice vulvaire. 

Troisième temps (fig. 11). Un ou deux doigts introduits en arrière du pes- 
sare vont accrocher sa partie profonde et la portent du cul-de-sac antérieur dans 








M 
M, WY 
WH 


Jj 
j 





-9. — Premier temps de l'application du pessaire de Hodge. 


le cul-de-sac postérieur en lui faisant balayer la surface du col utérin. Le 
pessaire ainsi placé est dans sa situation définitive. 

Mope p'acriox. L'action du pessaire de Hodge a été généralement comparée 
à celle d’un levier. Levier du premier genre dont le point d'appui serait vers le 
milieu et fourni par la paroi vaginale inférieure doublée du périnée, dont la 
résistance serait dans le cul-de-sac postérieur du vagin, et la force à l'extrémité 
antérieure ou vulvaire de l'instrument, cette force étant exercée pour les uns 
par le pubis, pour les autres par la pression même des viscères abdominaux se 
transmettant à ce niveau par l'intermédiaire des parties molles. C’est grâce à 
cette action de levier que le corps de l'utérus couché en arrière en rapport avec 
le cul-de-sac vaginal postérieur serait petit à petit relevé et maintenu en place. 

A côté de cette théorie du levier la plus généralement adoptée en existe une 


622 PESSAIRE. 


autre formulée de la façon suivante : Le pessaire de Hodge redresse l'utérus 
rétroversé non par une action de levier, mais simplement en distendant le cul- 
de-sac postérieur du vagin. Cette tension attire le col de l'utérus en arrière et 
lui imprime un mouvement de bascule dans le sens de lantéversion. 

Il n’est guère possible de se prononcer d'une façon exclusive pour l’une ou 
l'autre théorie, car nous ne connaissons aucun fait capable de confirmer ou 
d'infirmer l'une ou l’autre. 7 

5° Le pessaire de Graily Hewitt est destiné à lutter contre l'antéflexion et 





Fig. 10. — Deuxième temps de l'application du pessaire de Hodge. 


l'antéversion. Il se compose de deux anneaux rigides en caoutchouc durci réunis 
angulairement à une sorte de petite plate-forme, ainsi que l'indique la figure 12, 
tantôt au contraire confondus en un seul anneau, comme le montre la figure 13. 

Cet instrument doit être placé de telle sorte que l'anneau postérieure ceint le 
col de l'utérus, tandis que l'anneau antérieur occupe le vagin et arrive jusqu’à 
l'orifice vulvaire. Le point d'union des deux anneaux, qui forme en avaut et en 
haut une saillie angulaire, entre en rapport médiat avec le corps de l'utérus 
dévié. C’est cette partie de l'instrument qui est chargée de repousser le corps 
utérin et de corriger la déviation. 

Le mode d'action du pessaire de Graily Hewitt se comprend aisément d’après 
ce qui vient d’être dit sur son application. 


PESSAIRE. 623 


4° Le pessaire de Fowler se compose, ainsi que l'indiquent les figures 14 et 15, 





Fig. 11. — Troisième temps de l'application du pessaire Hodge. 


d’une sorte de cuvette sans fond à l’un des bords de laquelle s'adapte un pro- 





Fig. 12 et 15. — Pessaires Graily Hewitt. 


longement également percé d'un orifice. L'instrument est fait en caoutchouc 
durci. 





Fig. 14 et 15. — Pessaires de [Fowler, 


Le grand anneau est destiné à recevoir le col de l'utérus, et le prolongement 


624 PESSAIRE. 


du pessaire est dirigé soit en arrière, soit latéralement, soit en avant, suivant 
que la déviation utérine est postérieure, latérale ou antérieure. 

Le mode d'action de cet instrument est difficile à bien comprendre; il est 
probable d'aiileurs que son action est peu efficace, car aujourd'hui il est rarement 
employé par les gynécologues. 

5° Le pessaire de Hurd (fig. 16) présente une certaine analogie dans sa forme 





Fig. 16. — Pessaire de Hurd. Fig. 17. — Pessaire de Zwanck. 


générale avec celui de Hodge, mais, au lieu d'être constitué par un anneau 
mince, il se compose d’une sorte de tige massive ayant la forme antéro-postérieure 
d'une S et percée à son centre d’un orifice présentant juste la dimension voulue 
pour recevoir le col de l'utérus. 

8. Pessaires composes de plusieurs pièces articulées. Nous nous bornerons 
ici à la description de deux types de pessaires les plus connus, ceux de Zwanck 
et de Gaillard-Thomas. 

le Le pessaire ou hystérophore de Zwanck est formé de deux ailes percées 
chacune d'un orifice et reliées à une tige centrale. A l’aide d’un mécanisme 
spécial que la figure 17 fait facilement comprendre ces deux ailes peuvent se 
fermer ou s'ouvrir au gré de l'opérateur. 

Ce pessaire, destiné surtout à lutter contre le prolapsus utérin, s'emploie de 





Fig. 18 et 19. — Pessaires de Gaillard-Thomas. 


la façon suivante : on l’introduit fermé dans l’intérieur de la cavité vaginale. 
Les deux ailes sont placées transversalement et ouvertes jusqu'à ce qu’elles 
soient arrivées à peu près dans un même plan horizontal. L'instrument ainsi 
ouvert constitue une sorte de tige transversale rigide, qui, prenant point d'appui 
sur les tissus mous et peut-être aussi sur le squelette par l'extrémité de ses 
parties latérales, soutient l'utérus et prévient sa chute. 


PESSAIRE. 625 


90 Le pessaire articulé de Gaillard-Thomas a été construit pour remédier à 
l’antéversion. 

Il se compose (figures 18 et 19) d’un anneau rigide rappelant par sa forme 
celui de Hodge. Vers la partie postérieure est articulé un arc mobile qui peut 
s'incliner en avant ou en arrière. 

L'instrument mis en place doit être appliqué comme le montre la figure 20. 

Pour introduire le pessaire de Gaillard-Thomas, on repousse la pièce mobile en 
arrière aussi près que possible de la partie postérieure de l'anneau principal. Ceci 
fait, on le fait pénétrer dans le vagin d’après les principes énoncés plus haut à 
propos de l'instrument de Hodge. Quand le second temps est terminé on accroche 
avec un ou deux doigts la partie postérieure du grand anneau, et on le fait 





Fig. 20. — Application du pessaire de Gaillard-Thomas. 


glisser dans le cul-de-sac postérieur. La pièce mobile est retenue dans le cul-de- 
sac antérieur par Ja saillie même du col qui constitue une sorte de borne contre 
laquelle il vient buter, et le pessaire se trouve ainsi appliqué de la façon indi- 
quée par la figure 20. 

L'action de ce pessaire se comprend facilement quand on étudie la figure 20. 
On voit en effet que, l'anneau étant maintenu par la pression des viscères dans la 
direction de l'axe vaginal, l'arc mobile, vu la disposition de l'articulation, lui est 
perpendiculaire et vient par son extrémité relever le corps de l'utérus qu'il 
replace aussi dans sa situation normale. 

b. Pessaires vaginaux malléables. Ces pessaires sont au nombre de trois 
principaux, ceux de Schultze, Landowsky et Emmet. 


mir. ENC, 2° s. XXIIL 40 


626 PESSAIRE. 


łe Le pessare de Schultze, un des plus répandus en Allemagne à lheure 
actuelle, se compose d'un simple anneau malléable assez mince constitué par du 
fil de fer ou de cuivre recouvert de caoutchouc‘. 

Schultze donne trois formes principales à son anneau pessaire suivant l'usage 
auquel il le destine. 

Tantôt il le plie en 8 de chiffre à petite boucle postérieure et grande boucle 
antérieure. Ainsi disposé l’instrument est destiné à remédier à la rétroversion. 
Le col est passé dans la boucle postérieure, et la boucle antérieure plus consi- 
dérable maintenue dans le vagin par l'orifice vulvaire empêche la projection de 
l'instrument en avant. De lá sorte le col est fortement maintenu en arrière au 
voisinage de la concavité sacrée. On a reproché à juste titre à cette forme de 
pessaire de comprimer circulairement, parfois d'étrangler le col de l'utérus, 
source d'accidents plus ou moins sérieux, et qui ont dû en certain cas contre- 
indiquer son emploi. 

Tantôt l'anneau est façonné en forme de traineau, ainsi que l'indique li 
figure 22. 

La partie la moins large de traineau embrasse le col, tandis que la partie 
évasée entre en rapport en avant avcc le cul-de-sac antérieur du vagin. Le 





pessaire traîneau est également destiné à lutter contre la déviation de l'utérus 
en arrière. 

Enfin dans certains cas de prolapsus, Schultze donne à son pessaire la forme 
d'un berceau ou d'un bateau, qu'il place de telle sorte dans le vagin qu'une des 
parties saillantes occupe le cul-de-sac postérieur, tandis que l’autre extrémité 
vient déprimer la paroi vaginale antérieure, et se loger derrière la symphyse 
pubienne où elle prend un point d'appui. 

Schultze, suivant le cas et suivant les indications, se sert donc de son anneau en 
lui imprimant des formes variées. On objectera avec juste raison que pour arriver 
à bien faconner de la sorte un pessaire répondant aux conditions voulues il faut 
être spécialiste et avoir une grande habitude du maniement de ces instruments. 
L'objection est exacte; Sims, qui était également partisan des pessaires malléables 
courbés au moment même de s'en servir, prévenait ce reproche en disant : The 
man who is not a mechanic, should never trust himself to use a pessary 
(Clinical Notes, 1866, p. 271), l'homme qui n'est pas mécanicien ne doit pas 
toucher à un pessaire. Sims était un mécanicien très-distingué, il savait mer- 
veilleusement se servir des pessaires, mais peut-être a-t-il été trop exclusif dans 


1 Le professeur Herrgott (de Nancy) emploie comme substance malléable un tube creux 
en étain, remplie de colophane. On a aussi un anneau d’une grande légèreté, ce qui ne 
présente pas les inconvénients du caoutchouc (communication orale).) 


PESSAIRE. 627 


l'opinion qu'il a émise, qui n’est d'ailleurs applicable qu'aux pessaires malléables. 
En résumé, si les pessaires malléables sont de bons instruments entre les mains de 
uynécologues très-expérimentés, ils sont au contraire inférieurs aux rigides ou 
élastiques pour les médecins qui sont moins versés dans leur emploi. On n'obtien- 
dra avec eux de bons résultats qu'avec une grande habitude de leur maniement. 

2 Les pessaires de Landowsky sont faits en étain. Les figures 25, 24, 25, 
dispensent de toute description détaillée sous leur forme. On donne à l'instrument 





Fig. 23, 24 et 25. — Pessaires de Landowsky. 


des courbures différentes suivant qu'on le destine à la cure de l’antéversion ou 
de la rétroversion. Dans le cas d’antéversion, la tige T (fig. 25) est repliée 
d'avant en arrière de manière à présenter une convexité antérieure; le pessaire 
est appliqué de telle sorte que cette convexité soit en rapport avec la paroi 
vaginale antérieure et vienne appuyer sur le corps utérin devié en avant; l'anneau 
de l'instrument entoure le col de l'utérus. Dans les cas de rétroversion la tige T 
(fig. 24) est courbée dans le sens contraire, le pessaire est placé dans le vagin 
de la même façon que tout à l'heure, seulement, vu sa forme nouvelle, la paroi 
antérieure du vagin se trouve en rapport non plus avec la convexité, mais avec 
la concavité de la tige. Ainsi disposé, ce pessaire agit vraisemblablement comme 
celui de Hodge par un mouvement de levier. 

5° Nous mentionnerons pour terminer ce qui a trait aux pessaires malléables, 





His 26, 21 et 28: — Pessaires d'Emmet. 


celui employé par Emmet dans les cas de prolapsus utérin. L'instrument se 
compose d’un anneau en étain auquel on donne d’abord une forme triangulaire, 
puis, prenant chacun des angles, on le plie vers le centre et on l’arrondit de 
manière à lui donner la forme indiquée par les figures 27 et 28. Ces figures 
expliquent mieux que toute description la manière de façonner ce pessaire. 


628 PESSAIRE. 


Introduit dans le vagin, le pessaire est porté au contact du col de l'utérus 
qui prend son point d'appui sur lui comme sur une sorte de plate-forme percée 
à jour. Emmet dit avoir obtenu de très-bons résultats de cet instrument dans 
plusieurs cas de procidence utérine. 

c. Pessaires vaginaux élastiques. Les pessaires vaginaux élastiques sont au 
nombre de trois principaux : ceux de Meigs, Courty, Menière. 

1° Le pessaire de Meigs est plus connu en France sous le nom de pessaire de 
Dumont-Pallier, car c'est à ce dernier auteur que revient l'honneur de l'avoir fait 
connaître parmi nous. Cet anneau se compose d’une sorte de ressort de montre 
recouvert par une enveloppe de caoutchouc. L'élasticité de ce pessaire est très- 
marquée ; on peut sans aucune difficulté amener au contact les deux extrémités 
d'un même diamètre. 

L'anneau élastique de Meigs est surtout employé dans le cas de prolapsus utérin. 

On l'introduit dans l’intérieur du vagin en le pinçant entre deux doigts, ainsi 
que l'indique la figure 30. Aussitôt qu'il est abandonné par les doigts, le pes- 
saire reprenant sa forme annulaire vient d'habitude se placer dans la position 
voulue au fond du vagin entourant comme une couronne le col de l'utérus. Si 












me - 
Æ£-RELLE£. 





. 29 et 30. — Pessaires de Dumont-Pallier. Fig. 51. — Pessaire de Courty. 





par hasard l'instrument ne prenait pas spontanément la] situation normale, it 
serait facile avec le doigt de la lui donner. ; 

L'anneau de Meigs agit en distendant le fond du vagin ; grâce à cette distension, 
il empêche l'invagination de ce conduit sur lui-même, et par là même le pro- 
lapsus. Pour que l’action de ce pessaire soit efficace, il faut que la distension du 
vagin soit portée aussi loin que l'élasticité de ce canal le permet, sinon l'anneau 
élastique constituera un corps étranger de faible importance thérapeutique. De 
là la nécessité d’avoir suivant les femmes des anneaux de dimensions variées: 
pour répondre à ce besoin M. Dumont-Pallier a fait fabriquer des anneaux de 
neuf grandeurs différentes le plus petit étant le numéro 1 et le plus grand le 
numéro 9. Pour la majorité des femmes ayant eu des enfants c’est le numéro 4 
qui convient. 

2° Le pessaire de Courty, destiné à lutter contre la rétroflexion, n’est que 
partiellement élastique. 

Il se compose de deux fragments réunis angulairement, ainsi que l'indique 
la figure 31, et reliés par une partie élastique. La partie postérieure’de l'anneau 
se place dans le cul-de-sac postérieur et la partie antérieure dans le vagin; l’action 
de ce pessaire est analogue à celle de l'instrument de Hodge. 

5° Le pessaire de Menière est, de même que celui dei Meigs, complétement 


PESSAIRE. 


élastique et construit de la même façon. Sa forme varie suivant qu'il est destiné 
à combattre l’antéversion ou la rétroversion. 
Le pessaire à antéversion est copié comme forme sur celui de Gaillard-Thomas, 
avec cetle différence que l'élasticité de l'instrument rend l'articulation inutile. 
Pour introduire cet instrument, on le saisit comme le montre la figure 55, et 


on le place comme le pessaire à antéversion de Gaillard-Thomas. 





Fig. 32. — Pessaire à antéversion 
de Menière. 


Le pessaire à rétroversion n’est autre chose qu'un pessaire de Hodge élastique, 


comme l'indique la figure 54. 
d. Pessaires vaginaux dilatables. 


que l’on gonllait avec de l'air après 
l'avoir introduite dans le vagin. De- 
puis, différentes modifications ont 
été apportées à la forme première ; 
les figures ci-jointes donnent une idée 
suffisante de ces modèles variés et 
dispensent de toute description. 

Le pessaire plein est employé dans 
certains cas contre les hémorrhagies 
utérines, quelle que soit leur cause, 
etil agit alors à la façon d’un tampon; 





Fig. 54. — Possaire à rétroversion de Menière. 


dans d’autres cas contre le prolapsus utérin, mais il ne peut alors servir que 


comme moyen temporaire. 


Les différents pessaires de Gariel, munis d’un orifice à leur centre, peuvent 
au contraire être laissés en permanence, car cet orifice permet l'écoulement 


Fig. 53. — Application de pessaire à antéversion 


de Menière.! 


Les pessaires vaginaux dilatables ont été 
inventés par Gariel. L'instrument consistait en une simple poche en caoutchouc 





Fig. 55, 56, 57. — Pessaires de Gariel. 


630 PESSAIRE. 


des produits utérins. On les emploie soit contre le prolapsus, soit contre les 
déviations utérines ; dans ce dernier cas des pessaires asymétriques comme ceux 
représentés par la figure 56 sont nécessaires, la partie la plus saillante de 
l'anneau est placée du côté où le corps utérin est vicieusement incliné, de 
manière à corriger la malposition utérine. 

Quant à l'introduction de ces pessaires, elle ne présente aucune difficulté : 
après les avoir dégonflés et enduits d’un corps gras, on les pousse avec le doigt à 
travers l’orifice vulvaire dans la cavité vaginale; puis, à l’aide d'un appareil 
spécial, on les gonfle avec de lair ou du liquide. 

C. PESSAIRES INTRA-UTÉRINS. Les pessaires intra-utérins sont constitués par 
des tiges de 5 à 7 centimètres de longueur, mousses à une de leurs extrémités, 
et fixées par l’autre à une partie renflée qui leur constitue une sorte de piédestal. 
La tige est destinée à pénétrer dans l'intérieur de la cavité utérine et à maintenir 
la rectitude de l’axe utérin : c'est dire que ces pessaires ont pour but de remé- 
dier aux différentes flexions pathologiques de la matrice. 

Préconisés par Simpson et par Valleix, les pessaires intra-utérins, après un 
moment de vogue en France, y ont été abandonnés à la suite de la discussion à 
l'Académie de médecine en 1854; aujourdhui ce n’est que rarement parmi 
nous que l’on fait usage de ces instruments. Il n’en est pas de même à l'étranger : 
Meadow, Graily Hewitt, en Angleterre, G. Thomas, Emmet, aux États-Unis, 
Eklund en Suède, en conseillent l'emploi. 

Le discrédit dans lequel ils sont tombés en France est dù en grande partie à 
l'emploi intempestif qu'on en a fait, au manque de précautions voulues dans 
leur usage, cause d'accidents variés qui ont effrayé le thérapeute. Il est certain 
cependant qu'employés avec prudence et discernement les pessaires intra-utérins 
peuvent rendre des services importants dans la thérapeutique gynécologique, et 
qu'ils méritent une place honorable à côté des différents autres pessaires que 
nous avons décrits. 

Il ne sera pas question ici des différentes sondes utérines simples ou articulées 
préconisées dans le but de redresser l'utérus présentant une version ou une 
flexion pathologiques, mais seulement des pessaires intra-utérins proprement 
dits qu'on laisse à demeure dans la cavité utérine pendant un temps variable. 

Ces pessaires sont de trois sortes : 1° tantôt constitués par une tige rigide 
(pessaire de Simpson, de Barnes, d'Amann et d'Eklund, d'Amussat); 2° tantôt 
par une tige élastique (pessaire de Vulliet); 5° tantôt enfin 
par un simple tube en caoutchouc flexible (pessaire de 
Greenhalgh). 

1° Pessaire intra-utérin à tige rigide. Le pessaire de 
Simpson est constitué par une tige métallique formée de 
deux métaux, zinc et cuivre, fixée à une boule plus ou moins 
aplatie suivant les modèles. L'accolement des deux tiges 
métalliques a pour but de produire un dégagement d'’élec- 
tricité. La boule est percée inférieurement d'un orifice, alin 
de recevoir l'extrémité de la tige qui doit permettre l'ap- 

Fig. 38.— Pessaire plication de l'instrument. Après l'application du pessaire, 

de Simpan, on place au fond du vagin un tampon destiné à maintenir 
l'appareil en place. 

Le pessaire de Barnes est construit d'après les mêmes principes que celui de 
Simpson, seulement les deux tiges métalliques sont remplacées par un fil de zinc 





PESSAIRE. 651 


et un fil de cuivre enroulés en spirale, soudés ensemble à leur extrémité uté- 
rine qui forme un cul-de-sac. Le centre de l'instrument se trouve ainsi percé 
d'un canal dans lequel on peut glisser l'extrémité de la sonde directrice. 

Le pessaire d'Eklund, encore connu sous le nom de pessaire d'Amann, est 
constitué par une tige métallique terminée par une plaque dont le plan est 
parallèle à l'axe de la tige, de telle sorte que la forme générale de l'instrument 
rappelle un peu celle d'une raquette. L'extrémité inférieure est percée d'un 
petit orifice destiné à laisser passer un cordonnet qui pend à J'orifice vulvaire, 
de manière que par une simple traction la malade puisse enlever le pessaire. 

Le pessaire d'Amussat ne diffère des précédents qu'en ce qu'il se termine 
inférieurement par une sorte de cupule qui par sa forme s'adapte exactement 
à la surface du col utérin. 

2° Pessaires intra-utrrins élastiques. Le modèle le plus connu est celui de 








Fig. 59. — Pessaire de Vullict. 


Vulliet ; il se compose d’une tige en baleine fixée à une petite plaque métal- 
lique; l'instrument est porté en place à l’aide d'un porte-pessaire spécial 
représenté par la figure 59. 

La tige élastique introduite dans l'intérieur de la cavité utérine s'adapte 
exactement à la courbure de son axe, mais elle 
tend continuellement à revenir à sa direction 
rectiligne et par conséquent à redresser l'utérus 
pathologiquement fléch1. 

5° Pessaires intra-utérins flexibles. Le pes- 
saire de Greenhalgh est formé par un tube en 
caoutchouc flexible, long de 6 à 7 centimètres, 
percé à son extrémité terminale ou utérine de 
quatre fentes longitudinales, formant quatre ori- 
fices de communication avec l'intérieur du tube; 
inférieurement, il se continue avec une plaque 
en caoutchouc. 

Ce pessaire s’introduit à l’aide d'un man- 
drin ou d'un simple cathéter utérin qu'on 
glisse dans son intérieur, en ayant soin que 
son extrémité ne vienne pas ressortir par l'un 
des orifices du tube. Greenhalgh préconise ce 
pessaire dans la dysménorrhée due à un ré- Fig. 40. — Pessaire de Greenhalgh. 
trécissement des deux orifices du canal cer- 
vical produit soit par une flexion utérine, soit par un processus scléreux local. 





652 PESSAIRE. 


D. Pessaires mixtes. Nous rangeons parmi les pessaires mixtes les diffé- 
rentes combinaisons plus ou moins complexes qu'on a pu faire des trois variétés : 
vagino-abdominale, vaginale et intra-utérine, que nous avons étudiées précé- 
demment. 

Dans le pessaire de Valleix qu'il nous suffira de mentionner, car il est tombé 
dans l’oubli, il existe un pessaire intra-utérin rigide rattaché à une ceinture 
abdominale à l’aide d’une tige rigide qui entre successivement en rapport avec 
le vagin, la vulve et la paroi abdominale antérieure. Suspendre l'utérus sur 
une tige rigide qui pénètre Jusqu'au fond de sa cavité expose à de nombreux 
dangers, causes de l'abandon de ce pessaire et de ceux qui sont construits sur le 
même principe. 

Dans les autres pessaires mixtes qu’il nous reste à étudier, nous trouvons la 
combinaison des variétés vaginales et intra-utérines. Tantôt les deux pessaires 
sont appliqués simultanément sans constituer un nouvel instrument, tantôt au 
contraire les deux instruments sont fusionnés en un seul : c’est alors un nouveau 
pessaire. 

Les pessaires les plus variés peuvent être appliqués simultanément; nous ne 
mentionnerons pas ici toutes les combinaisons possibles, mais nous nous borne- 
rons aux deux principales qui ont attiré notre attention : 1° Schultze, dans 
certains cas de rétroflexion, préconise l'application simultanée d'une tige rigide 
intra-utérine avec un pessaire en 8 de chiffre; 2° dans les cas de rétroflexion 
rebelle, alors que le pessaire de Hodge ne suffit pas, l'application simultanée 
d'un pessaire intra-utérin pourra donner d'excellents résultats. 

Parmi les pessaires où les deux variétés vaginales et intra-utérines constituent 





Fig. 41. — Pessaire de Studley. Fig. 42. — Pessaire mixte de Gaillard- Thomas. 


par leur combinaison un nouvel instrument, nous mentionnerons : les pessaires 
de Kinloch et Studley, qui présentent entre eux une grande analogie. Le pessaire 
de Studley se compose, ainsi que l'indique la figure 41, d’un anneau de Hodge, 
auquel est fixée une tige destinée à pénétrer dans l'intérieur de la cavité utérine. 

Le pessaire mixte de Gaillard-Thomas, qui au pessaire de Hodge a fixé une 
cupule destinée à recevoir l'extrémité extérieure d’un pessaire intra-utérin, 
ainsi que le montre la figure 42. 

Gaillard-Thomas a ajouté pareille cupule à son pessaire à antéversion pour 
pouvoir appliquer en même temps la tige intra-utérine. 


PESSAIRE. 655 


Siipion et Martin ont, à l'aide a'un mécanisme spécial, relié à un anneau 
elliptique une tige possédant sur cet anneau un mouvement de charnière antéro- 
postérieur. 

Beigel a fixé une tige sur un pessaire à air, de manière à combiner le pes- 
saire de Gariel avec celui de Simpson. 

En terminant cette énumération nous dirons quelques mots d'un pessaire 
très-intéressant et inédit, dù au regretté Sims et dont les détails nous ont été 
communiqués par M. R. Mathieu, qui l'avait souvent fabriqué pour le gynécologue 
américain; ce pessaire représenté par la figure 45 se compose d’une tige 
rigide longue de 6 à 8 centimètres, arti- 
culée à laide d'une charnière sur le pour- 
tour d'un anneau également rigide. L'in- 
strument est des plus simples, tout son 
intérêt réside dans la manière de s'en 
servir. 

Pour remédier à la rétroversion, après — 
avoir introduit la tige dans l’intérieur, Sims Fig. 43! = Pessnire dé Sims. 
laissait l'anneau dans la portion du vagin 
antérieure au col, de telle sorte que, retenu par l'orifice vulvaire, il repoussait le 
col en arrière et imprimait à tout l'utérus un mouvement qui tendait à le placer 
en antéversion. l 

Dans les cas d'antéversion, l'auteur procédait différemment : après avoir 
introduit la tige intra-utérine, il faisait basculer l'anneau dans le cul-de-sac 
vaginal postérieur, de telle façon que l'extrémité libre de cet anneau venant buter 
contre cette partie du vagin et au besoin contre la concavité sacrée repoussait 
le col en avant et tendait à redresser l'utérus ou à le placer en rétroversion. 





CHAPITRE IL APPLICATIONS CLINIQUES DES PESSAIRES. Après la description 
des différents pessaires qui a été faite dans le chapitre précédent, il importe 
maintenant de jeter un regard d'ensemble sur ces différents instruments et 
d'étudier les principes généraux de leur application, de leur emploi, leurs avan- 
tages relatifs, leurs indications et enfin leurs contre-indications et dangers, ainsi 
que les différentes complications qu'ils peuvent produire. Tel va être l’objet de 
ce second chapitre. 

Avant d'appliquer un pessaire, il faut autant que possible remettre l'utérus 
dans sa situation normale, qu'il soit procident ou simplement dévié, simon l'usage 
de cet instrument, sauf quelques cas spéciaux, devient inutile. Un pessaire en 
effet ne doit pas être considéré comme un agent de réduction, mais simplement 
comme un maintien ; il ne doit pas replacer l'utérus dans sa situation normale, 
mais simplement l'obliger à y rester lorsque par une manœuvre préalable il y a 
été remis. C’est pour avoir méconnu ce rôle du pessaire qu'on voit certains 
médecins avoir de nombreux mécomptes avec son emploi. 

Tout pessaire appliqué doit être l'objet d'une surveillance active. Cette sur- 
veillance est tout particulièrement nécessaire au début. Dans les mêmes condi- 
tions on voit en effet ces instruments être supportés très-différemment par les 
femmes. Telle patiente conservera sans la moindre gêne un anneau vaginal 
pendant des mois, telle autre présentant le même état pathologique éprouvera 
des malaises si violents à la suite de l'application de l'instrument qu’on sera 
obligé de l'enlever au bout de quelques heures. Il est en dernier lieu des malades 


634 PESSAIRE. ! 


qui ne s’habituent à l'usage du pessaire qu'après une période plus ou moins 
longue d'essais, de tâtonnements, et qui enfin entrées en possession de l'anneau 
qui leur convient peuvent le conserver et ressentent un grand soulagement 
par son emploi. Pareilles variations se rencontrent en somme dans les diverses 
branches de la thérapeutique, et on sait combien dans toute prescription il faut 
tenir compte du malade. Ce précepte ne doit jamais être oublié dans l'emploi 
du pessaire. 

Combien de temps un pessaire peut-il rester appliqué? Les variations sont 
grandes avec les différentes formes d'instruments employés. S'il s’agit d’un pes- 
saire vagino-abdominal, c'est-à-dire fixé à une ceinture, l'appareil devra être 
appliqué par la malade elle-même au lever et ôté le soir au moment du coucher. 
Inutile d'insister sur les soins de propreté minutieux que les femmes doivent 
prendre et pour elles-mêmes et pour l'appareil qu'elles portent; tout médecin 
saura donner des conseils à cet égard, il est superflu de les formuler ici. 

S'il s’agit d'un anneau vaginal, la conduite à suivre est différente suivant le 
modèle adopté. Une femme peut très-bien appliquer elle-mème un anneau élas- 
tique de Dumont-Pallier, et par conséquent l'enlever tous les soirs pour le 
remettre le matin. Mais il n’en est pas de même de la plupart des autres pessaires 
vaginaux, et ce n’est pas sans étonnement que nous avons vu des femmes porteurs 
d'un pessaire de Hodge, par exemple, enlever et replacer elles-mèmes l'instru- 
ment d’après le conseil de leur médecin; ii n’est pas surprenant qu'employés 
de la sorte les pessaires fournissent de mauvais résultats et fassent des scep- 
tiques. Le pessaire de Hodge, de même que ceux de Gaillard-Thomas, de Sims. 
de Schulize, etc., ne peuvent et ne doivent être placés que par le médecin, qui 
seul est capable de les mettre en position convenable. Quand l'instrument est 
appliqué, il doit rester en place pendant un temps variable, quinze jours, un 
mois, trois mois, six mois et même davantage. Le médecin doit surveiller l’état 
local tous les huit, quinze jours, tous les mois, lui seul doit être juge du moment 
opportun pour enlever l'instrument. Les femmes porteurs de pessaires vaginaux 
peuvent en général le conserver pendant la menstruation, elles seront astreintes 
en dehors de l’époque menstruelle à faire des injections vaginales fréquentes 
soit simplement avec de l'eau, soit avec un liquide légèrement antiseptique. La 
plupart des pessaires vaginaux n'empèêchent pas le coït, et ne présentent aucun 
inconvénient sérieux dans l’accomplissement de cet acte, soit du côté du mari, 
soit de celui de la femme. Souvent même la présence d'un pessaire passe inaper- 
çue pour un époux non prévenu. La durée pendant laquelle un pessaire peut 
être porté varie aussi avec la substance dont est fait l'instrument. Les pessaires 
en caoutchouc s’altèrent en général assez vite, ceux an contraire qui sont en métal, 
tels qu'étain, aluminium, ou encore en ivoire, sont à peu près inaltérables. 

Quant à ce qui concerne les pessaires intra-utérins, il est facile de comprendre 
que le médecin seul est capable de les appliquer. Contrairement aux précédents 
ils doivent être enlevés pendant l'écoulement menstruel (exception pour celui 
de Greenhalgh), car ils peuvent gêner cet écoulement et l'utérus à ce moment 
devenant particulièrement sensible, ils seraient susceptibles d'amener des com- 
plications diverses soit douloureuses, soit inflammatoires. Chez des femmes 
porteurs de pessaires intra-utérins, on a vu parfois des accidents se développer 
à la suite du coït, les époux devront être prévenus de ces dangers. La conception 
est rarement possible avec la présence de ces pessaires; toutefois Winckel et 
Olshausen ont observé un cas où elle avait eu lieu dans ces conditions. 


PESSAIRE. 655 


Arrivons aux indications des pessaires. Ces indications seront traitées complé- 
tement dans d’autres articles de ce Dictionnaire consacrés aux différents états 
pathologiques nécessitant l'emploi de ces instruments; il nous paraît cependant 
ici utile et profitable pour le lecteur de les résumer dans une vue d’ensemble. 

Les pessaires sont employés soit contre le prolapsus utérin, soit contre les 
déviations utérines, soit enfin et plus rarement à des usages spéciaux tels que 
l’hémostase, l'excitation locale, l'inversion utérine, etc. : nous aurons donc ici 
trois paragraphes à étudier. 

1° Prolapsus de l'utérus. Quand le prolapsus est léger et l'orifice vulvo- 
vaginal étroit en même temps que le périnée résistant, on peut employer l'anneau 
de Meigs ou encore le pessaire en gimblette, avec ou sans tige surajoutée. Ce 
sont ces deux instruments qui fourniront d'habitude les meilleurs résultats ; 
toutefois, dans certains cas, on pourra se trouver bien d'un pessaire à air de Gariel 
perforé d’un trou à son centre, ou encore, quand la rétroversion, si fréquente au 
début du prolapsus, constitue l’état pathologique prédominant, le pessaire de 
Hodge pourrait produire un effet très-salutaire. 

Si le degré de prolapsus est plus marqué et que l'orifice vulvaire conserve 
encore une certaine élroilesse, on tenterait l'emploi de l'hystérophore de 
Zwanck, mais, si les différents pessaires susmentionnés échouent, et dans les 
cas en particulier où l'orifice vulvo-vaginal, par le fait d’une déchirure au 
moment de l'accouchement ou par la distension même causée par l'organe pro- 
labé, est large et béant, il faudra avoir recours aux pessaires vagino-abdominaux ; 
le soutien fourni par une ceinture abdominale est seul suffisant en pareil cas 
pour remédier à cet état pathologique. Telle est la dernière ressource thérapeu- 
tique à laquelle on puisse s'adresser, à moins qu'on ne veuille pratiquer une des 
opérations curatives qui ont élé proposées contre cette maladie, et que nous 
n'avons pas à décrire ici. 

2 Deviations ulérines. C'est pour le traitement des déviations utérmes que 
les pessaires sont le plus souvent employés, et c’est aussi dans le traitement de 
ces déviations qu'ils ont été si vivement attaqués par divers médecins, les uns 
prétendant que les déviations utérines ne sont la cause d'aucun trouble patho- 
logique, les autres admettant ces troubles comme conséquence des déviations, 
mais regardant les pessaires comme incapables de maintenir l'utérus dans sa 
situation normale. 

L'accord est encore loin d'être fait sur ce point, et les deux camps des parti- 
sans et des détracteurs des pessaires sont aujourd’hui nettement tranchés; il 
conviendrait d'y ajouter le camp des sceptiques qui, assistant à toutes les con- 
troverses, observant des faits contradictoires, n’ont aucune conviction nette 
sur l'efficacité ou la non-efficacité de ces instruments. 

Ce désaccord résulte d’une part du mode d'emploi des pessaires, beaucoup de 
médecins n'étant pas assez familiarisés à leur usage, d'autre part de la variabi- 
lité même des cas pathologiques. 

Pour établir l'efficacité du pessaire il importe de distinguer les déviations 
utérines en différentes classes. — Il est en effet des déviations physiologiques, 
telle l’antéversion lorsqu'elle n'est accompagnée d'aucun état pathologique. Vouloir 
appliquer un pessaire en pareil cas, ainsi que nous l'avons vu conseiller, est une 
méprise thérapeutique. — Il y a des déviations pathologiques, mais qui ne causent 
aucun trouble sérieux dans la santé des femmes, dont on s'aperçoit par hasard, 
quand pour une cause quelconque on est appelé à faire l’éxamen génital : tels 


635 PESSAIRE. 


sont certains cas de rétroversion et de rétrotlexion. Ce sont des faits semblables 
qui ont donné racine à cette opinion qui ne devient fausse qu’à la condition 
d’être exclusive, à savoir que les déviations utérines n'amènent aucun trouble 
pathologique. En présence de ces cas, l'indication des pessaires peut être discutée, 
mais devra d'habitude être résolue par la négative. — Il y a une troisième catégorie 
de déviations s'accompagnant de symptômes pathologiques variés et qui après le 
redressement de l'utérus et son maintien par un pessaire sont complétement 
guéries. — Il est enfin une dernière catégorie de déviations où, soit à cause des 
complications, soit à cause de l’incurabilité même de la déviation, les pessaires, 
loin d'amener du soulagement, ne font qu'aggraver l’état de la patiente; tout pes- 
saire doit être écarté en pareille circonstance, car, si on s'obstine à leur emploi, 
ils peuvent devenir la cause d'accidents très-graves, capables de les discréditer 
complétement, alors que seul le médecin qui n’a pas su poser nettement les 
indications est coupable. 

Si le thérapeute a bien présentes à l'esprit ces quatre catégories de cas, s’il 
sait reconnaître la seule où le pessaire est réellement indiqué et s’il connaît en 
outre le maniement et l’action de ces instruments, il est certain qu'il passera du 
camp des détracteurs ou des sceptiques dans celui des partisans des pessaires. 
On ne peut nier en effet que les pessaires bien appliques et dans les circonstances 
voulues rendent de grands services dans la thérapeutique gynécologique. 

Les différentes déviations qui peuvent nécessiter l'emploi des pessaires sont 
les déviations latérale, antérieure et postérieure. 

Les déviations latérales sont relativement rares et nous renvoyons pour leur 
thérapeutique à l’article spécial où elles seront traitées. 

Les déviations antérieures sont l’antéversion, l’antéflexion ou les deux réunies. 
Il n’est question ici que des déviations antérieures pathologiques. Les pessaires 
à antéversion de Fowler, de Landowski et particulièrement de Gaillard-Thomas, 
de Menière, de Graily-Hevitt, seront indiqués en pareille circonstance. Si la 
flexion est l’état pathologique dominant, on pourra dans quelques cas recourir 
à l'application d’un pessaire intra-utérin. 

Les déviations postérieures sont la rétroversion, la rétroflexion ou les deux 
combinées. Les pessaires préconisés contre ces différents états pathologiques sont 
nombreux, car les déviations postérieures de l'utérus sont de beaucoup les plus 
importantes. Exceptionnellement le simple anneau élastique de Meigs ou de 
Dumont-Pallier et le pessaire en gimblette pourront être suffisants. Dans cer- 
tains cas on s’est contenté d'un simple tampon ou d’une éponge assez volumi- 
neuse qui, introduits dans le vagin, repoussent le col en arrière et peuvent de la 
sorte corriger la déviation. Mais on devra d'habitude et de préférence avoir recours 
aux pessaires d’'Hodge, de Smith, de Sims, de Menière, de Landowski, de Courty, 
de Schultze ; les deux pessaires les plus fréquemment employés sont celui d'Hodge 
(anneau elliptique recourbé en forme d’S) ou celui de Schultze (en 8 de chiffre). 
Dans certains cas de rétroflexion on pourra combiner l'emploi d’un pessaire 
intra-utérin à l’un des instruments ci-dessus mentionnés. Si la rétroflexion existait, 
seule la tige intra-utérine pourrait parfois suffire. 

5° Usages speciaux. A la troisième réunion de la Naturforscher Versamm- 
lung tenue à Hambourg en 1876, Schatz a présenté un pessaire en forme d'en- 
tonnoir (Archiv f. Gynäk., t. X, p. 590) destiné à remédier à l’incontinence 
d'urine. Ce pessaire s’introduit dans le vagin par sa grosse extrémité, qui vient 
se placer au-dessous de la sangle contractile constituée par le releveur de l'anus. 


PESSAIRE. 637 


Grâce à la pression exercée par cet instrument sur l’urèthre, l'écoulement de 
l'urine est empêché. La femme peut enlever elle-même et replacer l'instrument. 

Le pessaire à air de Gariel est employé assez fréquemment comme tampon 
dans le cas d'hémorrhagie utérine; c'est là un usage spécial de ce pessaire et 
qui n’est pas un de ses moins précieux. 

Le pessaire intra-utérin a été employé pour redresser laxe de l'utérus patho- 
logiquement fléchi, Hegar et Kaltenbach s’en sont servis pour lutter contre le 
défaut de développement ou bien contre l'atrophie de l'utérus compliqués de 
menstruation faible ou d'aménorrhée. L'indication dans ces cas est de provoquer 
une congestion des organes sexuels, une menstruation plus abondante ; la tige 
intra-utérine remplit cette indication. 

Parmi les affections pouvant réclamer l'emploi du pessaire nous citerons 
encore l'inversion utérine ; le pessaire de Barnes que nous avons décrit précé- 
demment (voy. fig. 2) a été inventé dans cette intention. 


Il nous reste à voir pour terminer cet article les contre-indicalions, dangers 
des péssaires, ainsi que les accidents et complications qu'ils produisent. 

A propos des indications il a déjà été question de certains cas où les pessaires 
ne doivent pas être appliqués ; nous n’y reviendrons pas ici. 

Toutes les fois qu'on veut mettre un pessaire il faut s'assurer que l'utérus 
n'est pas douloureux, qu'il n’y a pas d'ulcération du col, que les culs-de-sac 
sont libres et qu'il n'existe aucune trace d'inflammation péri-utérine. Dans les 
cas d’inflammation péri-utérine ancienne et chronique, la contre-indication n’est 
pas absolue, mais 1l importe de surveiller très-attentivement les effets produits 
par l'instrument; elle devient absolue, si la phlegmasie est à l’état aigu ou sub- 
aigu. En présence d’une des complications qui précèdent, avant d'appliquer 
l'instrument il faudra par des soins appropriés remédier à cet état pathologique. 

Quand la déviation utérine est irréductible par le fait d'adhérences ou pour 
toute autre raison, un pessaire est inutile et ne doit pas être appliqué. On peut 
également considérer comme des contre-indications les grosses tumeurs utérines 
ou péri-utérines, mais des petits fibromes pourront parfaitement permettre l’em- 
ploi de pessaires. 

La grossesse, qui quelquefois s’accompagne au début de rétroflexion ou de 
rétroversion, contre-indique-t-elle l'emploi des pessaires appropriés ? Nous ne vou- 
lons pas ici tracer la thérapeutique de cet état pathologique de la grossesse, et 
nous répondrons simplement à la question posée en disant que la grossesse au 
début n'empêche pas l'emploi d’un pessaire à action douce, tel que l'anneau de 
Meigs en particulier. 

Les différentes complications qui peuvent survenir à la suite de l’application 
des pessaires sont : les phlegmons du ligament large, parfois des abcès de la 
fosse iliaque susceptibles d'amener la mort (Bulletin de la Societé de chirurgie, 
1876, les ulcérations du col utérin, de la pelvi-péritonite et de la péritonite. 

Les points de la paroi vaginale comprimés peuvent s'irriter, s'enflammer, 
s'ulcérer, parfois même se perforer ; on a vu des fistules vésico-vaginales en être 
la conséquence. Ces fistules sont en général moins graves que celles du corps 
produites par d'autres causes et souvent guérissent spontanément après l’ablation 
du corps étranger. 

Quelquefois les malades semblent bien supporter l'instrument, puis, au bout 
de quelque temps, surviennent des signes de gangrène par compression. Pour 


638 PESSAIRE (BIBLIOGRAPHIE). 


éviter pareil accident, il faut recommander aux malades d'avertir le médecin dès 
qu’elles ont des pertes sanguinolentes. 

Les douleurs qui surviennent à la suite de l'application d'un pessaire sont 
dues tantôt à une inflammation de voisinage, tantôt aux tirallements exercés par 
l'utérus sur des adhérences contractées avec le voisinage, tantôt au déplacement 
d’un ovaire qui, retenu dans sa substance anormale par des restes d'inflammation 
chronique, ne peut suivre l'utérus dans son retour à la position normale. Plans 
d'autres cas ces accidents se produisent parce que l'anneau est trop volumineux, 
l'utérus trop élevé et les parties molles trop distendues. On fera bien alors 
d'essayer des pessaires de forme et de volume différents, jusqu'à ce qu'on en 
trouve un qui ne provoque plus de douleur. Dans certains cas, on en est réduit à 
renoncer complétement à l'emploi de ce moyen. 

Le pessaire s’incruste parfois de sels calcaires; dans d’autres cas, il est enve- 
loppé dans des productions végétantes fournies par la paroi vaginale et qui arri- 
vent à l’entourer complétement, de telle sorte qu'on éprouve les plus grandes 
difficultés à enlever l'instrument. C'est dans ces cas de pessaires oubliés dans le 
vagin qu'une suppuration locale abondante peut s'établir, et épuisant peut à petit 
la malade, la conduire à la mort soit par épuisement, soit par une complication 


quelconque. 
Nous signalerons en terminant le cas mentionné par Hegar et Kaltenbach 


d’une vieille dame atteinte de rétroversion avec cystocèle, qui présentait un car- 
cinome du vagin, siégeant juste au point où la partie antérieure du pessaire 
comprimait la paroi vaginale contre la branche descendante du pubis. 

Tels sont les différents accidents et complications qu'on peut voir survenir 
à la suite de l'application des pessaires, mais qu’on évitera pour la plupart 
avec une surveillance quelque peu attentive. ÅUVARD. 


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PESSE. Un des noms vulgaires du Pinus Picea Du Roi (Pinus abies L.), 
appelé encore Épicéa, Sapin de Norvége. Ep. Ler. 


PESSE DEAU. Nom vulgaire de l'Hippuris vulgaris L., Onagrariacée qui 
a donné son nom à une tribu spéciale, celles des Hippuridées. 

C'est une herbe vivace, à rhizome traçant, rameux, donnant naissance à des 
tiges aériennes simples, portant de distance en distance des feuilles sessiles, 
linéaires, entières et verticillées. A aisselle de chacune des feuilles se déve- 
loppe une très-petite fleur sessile, à périanthe simple, tubuleux, au côté extérieur 
et au sommet duquel est située une seule étamine à filet épais, terminé par une 
anthère introrse s'ouvrant par deux parties longitudinales. L’ovaire, soudé avec 
le tube du périanthe, devient à la maturité une drupe dont le noyau osseux 
renferme une seule graine à embryon cylindrique entouré d’un albumen charnu 
très-mince. 

L'Hippuris vulgaris croît dans les fossés aquatiques, les rivières et les ruis- 
seaux à courant peu rapide, dans les flaques d'eau des marais tourbeux. Il se 
rencontre assez fréquemment en Europe et dans l'Amérique du Nord. On lui a 
attribué des propriétés astringentes. En. Ler. 


PEST (EAUX MINÉRALES DE). Voy. OFEN. 


PESTALOZZI (LES DEUX). 


Pestalozzi (JÉRÔME-JEAN). Médecin italien. Il était fils de J.-J. Pestalozzi, 
qui servit comme médecin dans l'armée française lors de la révolte de Messine, 
et qui, en 1682, fixa sa demeure à Lyon, et naquit à Venise, le 25 juin 1674. 
Reçu docteur à Valence (1694), il devint, deux ans après, médecin de l’hôpital 
de Lyon, fonctions qu'il occupa pendant vingt-trois ans. Son goût pour l'his- 
toire naturelle lui fit acheter le cabinet formé par le voyageur Monconys, qu'il 
augmenta beaucoup et qu'il légua en mourant à l’Académie de Lyon. J.-J. Pes- 
talozzi est mort à Lyon le 26 avril 1742. On a de lui : 


I. Traité de l'eau de mille-fleurs, 1706, in-12.—IT. Avis de précautions à prendre contre 


la maladie contagieuse de Marseille. Lyon, 1721, in-12. — III. Dissertation sur les causes 
et la nature de la peste. Bordeaux, 1722, in-12. — 1V. Opuscules sur la peste. Lyon, 1725, 
in-12. A. C. 


Pestalozzi (ANTOINE-JoserH). Fils aîné du précédent, né à Lyon, le 
17 mars 1703, mort dans la même ville le 2 avril 1779. Il servit en 1755 
comme médecin militaire à l’armée d'Italie, et devint ensuite médecin de 
l'hôpital de Lyon. Il a laissé quelques écrits sur l'électricité. ATG. 





PESTE. Gal 


PESTE. Synonyme. Dériniriox. Namtar des Proto-Chaldéens (A. Lefèvre) ; 
zotuó;, dérivé, dit-on, de Asins, défaillir, ou encore de Aus, faim, d’où 
le proverbe grec : àoruós met% Muóv (la peste après la famine, jeu de mots 
basé sur ce que les Grecs anciens prononçaient les deux mots de la même façon, 
comme le font les Grecs modernes), encore doux vésos, à houc3ns diéficte, 
SAéotov, de éA uw, je terrasse, elc.; en latin, pestis, lues, morbus contagiosus, 
pestilentia, febris pestilentiahs; clades inguinaria ou seulement inguinaria 
du sixième au dix-septième siècle en Europe; morbus inguinaria, bubonia 
pestis, vera pestis, pestilens febris comitata, pestilens febris incomitata (celle 
qui ne s'accompagnait pas de bubons ni de charbons), d’après Forestus; typhus 
pestis, anthracia pestis, loimopyra peste bubonica (italien); Contagion; Plague 
(anglais); Beulenpest (allemand); peste bubonique, peste exanthématique, 
peste d'Orient, typhus d'Orient (Aubert-Roche) ; peste du Levant ; fièvre adéno- 
nerveuse (Pinel); Pali-Plague (peste de Pali) et Mahamurree dans l'Inde, 
d'après les auteurs anglais modernes; mort noire, morte grande, mort sim- 
plement parfois au quatorzième siècle; pestilenza (italien) ; plaga, pestilencia 
(espagnol); plaag, pest, kooris (hollandais); pestilents (suédois, danois); 
powietrze (polonais), thaoún, en persan et turc, etc., etc. 

Il faudrait bien des pages pour consigner les définitions et opinions si variées 
des divers temps et des différents auteurs relativement à la peste. Il suffira de 
dire ici que la peste est une maladie ordinairement fébrile, aiguë, presque tou- 
jours contagieuse ou mieux transmissible, souvent épidémique, dont les prin- 
cipaux caractères sont : des troubles généraux multiples, une altération peu 
connue du sang, et des localisations graves du côté du système lymphatique et 
de la peau : bubons, anthrax, charbons, pétéchies et exanthèmes divers, qui 
néanmoins peuvent manquer dans certaines formes foudroyantes. Elle] figure 
dans les phlegmasiæ exanthematicæ de Sauvages; exanthemata de Cullen; 
fièvres adéno-nerveuses de Pinel, etc. 

De cause inconnue, la peste fait parlie du groupe des typhus. Sa provenance 
exotique par rapport à l'Europe et sa transmission dangereuse la rangent avec le 
choléra et la fièvre jaune dans la classe spéciale des maladies infectieuses contre 
lesquelles existent des mesures prophylactiques internationales. 

l. Historique. A quel lieu, à quelle époque peut-on rapporter l'origine pre- 
mière de la peste, c'est une question aujourd’hui irrésolue. Si même un jour 
les livres monumentaux de pierre et de brique des Égyptiens et des Chaldéens 
venaient à nous révéler l'existence probable de la peste parmi les épidémies 
qui décimaient les populations de ces temps lointains, le problème ne serait 
que reculé. Quant aux annales des peuples de l'extrême Orient, des Chinois et 
des Hindous, elles ont été Jusqu'ici muettes sur ce sujet, du moins pour nous, 
et ily a peu de probabilité que de leurs ténèbres on puisse tirer quelque 
éclaircissement sur la provenance d'une maladie dont on peut cependant avec 
vraisemblance rapporter la source, du moins pour plusieurs irruptions vers 
l'Occident, aux contrées de l’extrême Orient. Même incertitude dans les textes 
plus récents et plus familiers, tels que ceux de la Bible dans les passages rela- 
tifs aux maladies de l'Égypte et de la Syrie; ceux mêmes de la Grèce ancienne 
ne nous sont pas d'un grand secours. Quoique la grande épidémie d'Athènes au 
sixième siècle avant notre ère nous paraisse être la peste d’après ses ravages, 
sa propagation, sa provenance égyptienne et ses principaux caractères, cepen- 


‘dant rien ne le prouve d'une manière indubitable. 


picr. ENC. 2° s. XALI. 4 


642 PESTE. 


Enfin, tant est fragile le sort de nos écrits, il n'a fallu rien moins que la 
récente découverte (du cardinal Angelo Maï) d’un passage d’Oribase, savant 
compilateur du quatrième siècle de notre ère, pour nous apprendre qu'un 
médecin célèbre du nom de Rufus, qui vivait environ cent ans après Jésus-Christ, 
avait parlé de la peste d’après des écrits, également perdus aujourd'hui, d'au- 
teurs ayant observé la maladie même. 

« Les bubons pestilentiels, dit Rufus (Ex t&v ‘Pougru mepi Bouéüvoc), sont 
tous mortels et ont une marche aiguë, surtout ceux qu'on observe en Libye, 
en Égypte, en Syrie : Denys le Tortu (Auwvücios ó Kuorés) en fait mention; 
Dioscoride et Posidonius en ont parlé longuement dans leur traité sur la peste 
qui a régné de leur temps en Libye. » 

« Ces auteurs (Dioscoride et Posidonius), continue Rufus, racontent que 
cette épidémie fut caractérisée par les symptômes suivants : fièvre violente, 
douleurs, perturbation de tout le corps, délire vertigineux, éruptions de bubons 
larges, durs, n’arrivant pas à suppuration et se développant non-seulement 
dans les lieux accoutumés, mais aux jambes et aux bras, bien qu'on n'observe 
pas ordinairement dans ces endroits de semblables tumeurs inflammatoires. Ces 
bubons se développent quelquefois sur les régions génitales, de même que les 
charbons pestilentiels : alors ła fièvre appelée pestilentielle survient. Mais cette 
affection est le plus souvent épidémique ; commune à toutes les constitutions 
et à tous les âges, elle sévit particulièrement dans certains temps de l'année. 
Il importe de savoir cela, car, si on peut traiter légèrement les bubons ordinaires 
comme ne présentant aucun danger, on doit soigner avec la plus grande atten- 
tion les bubons pestilentiels. » 

L’épidémie si nettement caractérisée par les deux auteurs n'était vraisembla- 
blement que la même dont il est fait mention dans Tite Live et qui ravagea 
les côtes maritimes de l'Afrique vers 127 avant Jésus-Christ. D'un autre côté on 
sait d’une manière assez positive que Denys le Tortu vivait environ deux cents 
ans avant Jésus-Christ, ce qui établit d'une façon indiscutable que la peste 
existait en Afrique et en Syrie au troisième siècle au moins avant notre ère. 

Hippocrate a parlé des bubons de la peste d’une façon si vague qu'on doute 
si ce qu'il en dit fut le résultat d’une observation directe. Arétée mentionne les 
bubons pestilentiels (Bcubaves uèv of roues). 

Des pestes nombreuses rapportées par les historiens, sous Néron, sous Vespa- 
sien, sous Titus, sous Marc-Aurèle, sous Commode, sous Gallus, etc., deux 
seules peuvent se rattacher peut-être à la vraie maladie : celles de Marc-Aurèle 
(en 166) et de Gallus (en 250). La première, qui aurait été apportée de chez les 
Parthes par les troupes de Lucius Verus, ravagea Rome et les provinces, et 
gagna les Gaules et les bords du Rhin. Les signes en furent ceux de la peste 
d'Athènes, dit-on, et Galien, qui les aurait éprouvés lui-même, n’a mentionné 
qu'une fièvre légère et la gangrène des extrémités des pieds (suivant Chicoy- 
neau). Comment expliquer que Galien ait omis la description d'une si terrible 
maladie ? 

La deuxième peste (de Gallus et de Volusien) ravagea Rome, l’Achaïe, décima 
les troupes impériales, etc. (saint Cyprien). Mais, ici comme plus haut, il est 
impossible de mettre hors de doute la réalité de la peste dans cette épidémie. 

Vers le milieu du sixième siècle, la peste dite de Justinien vint désoler le 
monde connu de cette époque, de 531 à 580. Partie, croit-on, de Péluze, et 
ayant gagné Alexandrie, le nord de l'Afrique, la Palestine et la Syrie, Constan- 


PESTE. 643 


tinople, en 542, l'Italie en 545, la Gaule en 545, la Germanie en 546, elle 
s'éteignit vers 556 en plusieurs endroits. Cependant elle sévit de nouveau par 
trois reprises à Constantinople, et dans la deuxième moitié du sixième siècle elle 
avait parcouru le monde civilisé de l'Occident (Procope, Évagre, Agathius, Gré- 
goire de Tours, Warnefrid, Sigbert, etc.). 

C'est la pestis inguinaria ou glandularia des chroniqueurs, nom qui fut 
souvent continué à la peste jusqu’au dix-septième siècle. Dans certaines parties 
de l’Europe, la dépopulation fut telle que des villes importantes devinrent des 
déserts où les bêtes fauves prirent la place des hommes (Warnefrid). Les îles 
comme les continents, les cavernes, les sommets des monts, aucun des lieux 
habités, ne furent épargnés, dit-on, par cette pandémie pestilentielle. 

Au nombre des signes propres on nota des taches noires, des bubons, des 
charbons, aux aines et aux aisselles, aux parotides ; la suppuration des bubons fut 
favorable. On remarquait de l’assoupissement, des léthargies, une insomnie et 
une inquiétude invincibles, de l'agitation et de la fureur provoquée par des 
hallucinations faisant croire aux malades qu’on les égorgeait. Souvent la mort 
survenait à la suite de gros boutons noirs, d'hémorrhagies, d'hématémèses. La 
maladie enleva jusqu’à mille malades par jour à Constantinople. 

Bon nombre de personnes, dit Procope auquel on doit ces détails, frappées 
de visions étranges, d'apparition de démons sous des formes humaines, se réfu- 
giaient dans les églises avec des cris lamentables en invoquant la protection de 
Dieu. D'autres, appelés par des voix amies ou inconnues, se barricadaient dans 
leurs maisons; d'autres se bouchaient les oreilles pour se soustraire aux menaces 
de mort qui les glaçaient d'épouvante : un grand nombre enfin, pour dévancer 
l'arrêt fatal, allaient se jeter à la mer. 

Une autre peste qui se produisit sous Léon l'Isaurien et sous Constantin 
Copronyme fut beaucoup moins désastrueuse et ne dura que vingt ans. On a 
cité entre le septième et le quatorzième siècle un très-grand nombre d'épidé- 
mies de peste dont voici les principales : en 618 en Allemagne, en 640 à 
Constantinople, en 650 à Rome et en Italie, en 709 à Brescia, en 717 à Con- 
stantinople, en 745 et 747 en Calabre et en Sicile, en 774 à Pavie. Le neuvième 
siècle vit la peste en Italie et en Allemagne, en France (801) et dans presque 
toute l'Europe (de 811 à 812), surtout en Angleterre, ainsi qu'en Orient. Au 
dixième siècle elle visita Constantinople, Milan (964) et le reste de l'Italie, 
YAllemagne, mais surtout Venise (989). Au onzième siècle elle se montra à 
Rome, à Bologne, à Modène, en Dalmatie, en Hongrie, en Allemagne, en Rus- 
sie (1090). Au douzième siècle il y eut des pestes en Allemagne (1125 à 1126), 
dans le Milanais (1135), dans l’armée de F rédéric Barberousse (1167), dans celle 
de Henri VI au siége de Naples (J. Frank). 

Au treizième siècle, outre les pestes du Levant, on signale celles de Dalmatie, 
de l’armée des Croisés, de Bologne, d'Italie (1242 à 1245), de Milan (1254), de 
l'armée de saint Louis en Afrique (1270), celles de Belgique, etc. Avant Ja 
peste noire, au quatorzième siècle on mentionne les pestes de Plaisance (1301), 
d'Angleterre (1307), de Venise (1311), de Brescia et d'Italie (1316 à 1317) 
celles de Belgique, de France et de Pologne. 

Mais il est à croire que bon nombre de ces épidémies ne se rapportent pas à 
la vraie peste. ; 

Quoi qu'il en soit, la grande pandémie pestilentielle qui domina le quatorzième 
siècle, appelée aussi mort noire, peste noire, pestis atrocissima, anquinalgia, 


2 


644 PESTE. 


grande peste, mort dense, mortalega grande, etc., vint du fond de l'Asie, de 
la Chine, dit-on, où il mourut alors 13 millions d'hommes (de Guignes), ou 
peut-être de l'Inde (Fracastor). Traversant la Tartarie, les plateaux de l'Iran, 
elle gagna la Mésopotamie, la Syrie, les bords de la Caspienne et de la mer 
d'Azoff. De Saraï, sur le bas Volga, capitale du royaume des Kiptschak, elle 
envahit Tana (1546), Kaffa, d'où elle fut portée à Constantinople par un navire 
où se trouvait Gabriel de Massis, étudiant de Plaisance, l’un des premiers 
historiens de cette terrible épidémie. 

Pendant que la grande peste se répandait sur l’Asie-Mineure, l'Arabie, l'Égypte 
et le nord de l'Afrique, elle ravageait Constantinople (1347), se propageait à 
Chypre, en Grèce, en Italie, en Sicile, en France. Elle gagnait l'Espagne (1548), 
l'Angleterre, la Norvége, la Pologne, la Suisse, l'Autriche (1349), la Russie 
(1350), ainsi que presque tout le bord de l'Europe, sauf l'Islande, qui ne fut 
atteinte qu’en 1402, la majeure partie de l'Écosse et de l'Irlande, le duché 
de Christianstadt, ete. 

D’après les recherches de Hecker et de Hæser, les pays les plus éprouvés par 
la peste noire perdirent au delà du tiers de leurs habitants. Tels furent : la 
Mésopotamie, où Bagdad aurait perdu 500 000 individus en trois mois; la Syrie, 
surtout à Alep et Gaza; l'Egypte, dont la ville du Caire vit mourir environ 
10 000 habitants en un jour; l'Asie-Mineure; la plupart des îles de la Médi- 
terranée et notamment Chypre, qui fut presque entièrement dépeuplée; le sud 
de la péninsule des Balkans avec Constantinople; l'Italie et la Sicile avec 
Syracuse, Catane, Messine, Naples, Florence, Sienne, Bologne, Pise, Modène, 
Parme, Venise, Gênes, Trieste ; la Dalmatie avee Spalatro; la France avee Mar- 
seille, Arles, Avignon, Narbonne, Paris, Amiens, Rouen, Reims ; l'Espagne, 
moins l’Âragonais, avec Alméria, Valence, Saragosse; l'Angleterre, moins. 
l'Irlande et l'Écosse, avec Londres, Norwich, Glowcester ; le centre de l'Europe 
avec Bâle, Strasbourg, Ulm, Vienne, Francfort, Erfurt; le Danemark avec 
Lübeck, Slesvig, Aalborg; la Pologne avec Dantzig et Elbing; enfin la Russie 
avec Kiew, Kaffa, Tana, Glukow, Moskow, Smolensk, Wladimir, Novogorod, 
Pleskow, ete. 

Les autres contrées de l'Europe et de l'Asie antérieure perdirent, croit-on, 
au-dessous du tiers de leur population. Enfin on a cité comme indemnes de 
la vraie mort noire en Europe : l’Aragonais, une partie de l'Écosse, de l'Irlande, 
toute l'Islande peut-être et probablement le Groënland. On ignore quelles furent 
les limites précises du grand fléau vers le nord de l’Europe ainsi que vers ie 
midi de l'Afrique méditerranéenne. 

La grande irruption dont on vient de voir l'esquisse s’accomplit donc entre: 
1346 et 1353, dans l'espace d'environ huit années pendant lesquelles l'Europe 
aurait perdu 24 millions d'hommes, le quart de sa population probable, et 
l'Asie probablement davantage. C'est sans doute le plus redoutable coup de la 
mort par contagion et la plus grosse moisson d'êtres humains dont fasse men- 
tion l’histoire des épidémies. 

La peste noire, qui eut le privilége d’être décrite pour la première fois par 
des médecins (Guy de Chauliac, Raymond Chalin de Vinario, tous deux méde- 
cins à Avignon, Gabatius de Sainte-Sophie, médecin à Padoue, et César Palla- 
vicini, médecin (de Crémone), sans compter l'empereur Jean Cantacuzène), des 
poètes et des historiens célèbres, fut essentiellement caractérisée par des déter- 
minations pulmonaires, une mort rapide, des hémorrhagies par la bouche, des 


PESTE. 645 


pneumorrhagies, des pétéchies et des taches noires qui peut-être imposèrent de 
nom à la maladie. La violence du mal fut souvent telle que la mort survenait 
avant l'apparition des bubons. 

« Ladite mortalité, dit Guy de Chauliac, fust de deux sortes : la première dura 
deux mois avec fièvre continue et crachements de sang, et on mouroit dans 
trois jours. La seconde fust, tout le reste du temps, aussi avec fièvre continue 
et apostèmes et carboncles ès parties externes, et principalement aux aisselles 
et aisnes, et on en mouroit dans cinq jours. I fust de si grande contagion 
(spécialement celle qui étoit avec crachement de sang) que a en 
séjournant, mais aussi en regardant, l’un la prenoit de l'autre », etc. 

Vinarius (R. Chalin de Vinario), qui a donné de l'épidémie d'Avignon une 
relation plus circonstanciée, a noté comme prodromes une lassitude mortelle, 
des langueurs, de la faiblesse; l'invasion s'annonçait par des dérangements du 
pouls devenu fréquent, petit, concentré, intermittent, s'abaissant après avoir 
été parfois plein et onduleux; parfois il y avait sommeil profond, d'où l’on ne 
pouvait tirer lc malade, tranquillité léthargique conduisant de la vie à la 
mort. 

D'autres malades au contraire, tourmentés par des inquiétudes et des insom- 
nies invincibles, tombaient dans des accès de folie : plusieurs avaient les sens, 
l'esprit et le corps engourdis, bégayant des paroles inintelligibles, signe funeste. 
Mais la mort était le terme unique de ces accidents opposés. Souvent d'ailleurs 
la mort était hâtée par un bouleversement total de l’économie animale, par des 
vomissements perpétuels, par des écoulements de liquides altérés au travers 
des couloirs organiques, par des hémorrhagies par les poumons, par les intes- 
tins, par les reins : accidents qui enlevaient les malades en un ou deux jours. 
Toutes les sécrétions et excrétions sortant de ces corps altérés étaient fétides : 
les urines troubles, épaisses, noires ou rouges, abondantes, tantôt suppri- 
mées, assez souvent limpides et naturelles, mais toujours sédimenteuses; les 
déjections alvines, aussi copieuses que dans la lientérie, laissaient néanmoins 
une grande tension du ventre et des hypochondres. En ces circonstances les 
poumons étaient agités d'une toux qui ne les dégageait point par des crachats. 

Au second ou au troisième jour la peau se couvrait d’exanthèmes noirs, 
rouge ou bleuâtres; aux aisselles, aux aines, derrière les oreilles, il s'élevait des 
tumeurs qui se terminaient diversement : tantôt elles se changeaient en phleg- 
mons, tantôt en charbons. Quand les tumeurs s'étaient purgées par la suppura- 
tion, il était dangereux de fermer ces issues que se faisait la matière déposée. 
Les jours funestes étaient le premier ou le second, le troisième ou le cinquième, 
et enfin le septième. 

La peste noire ou très-grave, caractérisée par des bubons, des pétéchies et 
par une grande mortalité, régna sans discontinuité de 1555 à 1363, en Allemagne, 
en Italie, en France à Avignon, dans la Grande-Bretagne et l'Irlande, en Russie, 
en Pologne, en Prusse (Schnurrer, Richter, etc.). De 1565 à 1566, elle est 
signalée en Allemagne, en Russie, en Angleterre, à Constantinople, dans le 
sud et dans l'ouest de l'Europe (Schnurrer). 

Au quinzième siècle, de 1595 à 1424, elle régna en Espagne, en Allemagne, 
en Russie, en Islande, où elle apparut en premier lieu en 1402 

De 1426 à 1497 elle sévit spécialement en Russie. De 1438 à 1459 elle exista 
en Allemagne à Erfurt, à Nurenberg en 1454 et 1455, à Ulm, à Nordhausen, et 
en Jtalie à Ferrare, à Bâle en 1440. De 1442 à 1445 elle fut observée en 


646 PESTE. 


Russie à Pleskow. De 1448 à 1452 elle sévit de nouveau en Espagne à Sara- 
gosse, à Barcelone, en Italie et en France, à Paris, où elle enleva 40 000 per- 
sonnes en deux mois en 1450 (Quercetanus). 

Enfin de 1457 à 1490 on la retrouve en Espagne (Villalba), en Allemagne à 
Zittau, en Russie, en France, en Angleterre. Elle ravagea surtout à cette 
époque l'Italie: Raguse de 1416 à 1500 n'en compte pas moins de dix épidé- 
mies; la peste sévit aussi à Spalatro, aux îles de Pago, de Curzola, à Venise, 
à Zara, à Brescia, à Bologne, à Milan, de 1485 à 1486, à Florence en 1478. 
Elle est signalée à Rhodes en 1455, en 1490 et 1500. 

Les relations les plus distinguées et traités de ces pestes sont dus à Jacob Soldi 
(de Bologne), à Jérôme Manfredi, à Aug. Manna (de Crémone), à Jean Paratus de 
la même ville, à Théodoric Gresmundi (de Meschede), à Thomas Forster (1480), 
à Ant. Guainer, avec notes de Jean Falcon, à Gentilis Fulgini, à Diego (de Torres), 
à Valescus de Taranta, à Kanut, à Petrus Pintor, à Jérôme Brunswich, à Quer- 
cetanus (Duchesne). Ce dernier observateur a donné la relation de l'épidémie qui 
ravagea Paris en 1450 en appelant surtout l'attention sur l'intensité de ses 
propriétés contagieuses. La panique fut générale, la terreur abattit les plus cou- 
rageux : la perspective d’une mort inévitable jetait la population dans un tel 
désespoir que les habitants s'enveloppaient eux-mêmes d’un suaire comme pour 
hâter le moment fatal. Il y avait beaucoup de morts subites; on notait des 
pustules charbonneuses comme suite ou symptômes de cette fièvre pesti- 
lentielle. 

Déjà au quinzième siècle l'évidence de la contagion de la peste avait conseillé 
quelques mesures de prophylaxie publique. Milan s'était isolée et Venise avait 
inauguré un système de quarantaine très-compliqué. Mais ce fut au seizième 
siècle qu'il appartint de perfectionner ces dispositions préventives. 

Le seisième siècle fut l’un des plus fertiles en épidémies désastreuses de 
peste en Orient comme en Occident. Tout d’abord nous trouvons en Europe un 
certain nombre d'épidémies limitées qui semblent avoir pris naissance, par une 
sorte de récidive ou de révivification, des anciennes épidémies, notamment de la 
mort noire. Puis enfin c'est l'Orient qui demeure toujours la source intarissable 
de ces irruptions sans trêve. L'ordre chronologique fournit les principales 
données suivantes (Hecker, Hæser, Papon, Schnu rer, J. Frank, etc.) : 


4500. Allemagne en général (Burkhardt). — 1502. Aix en Provence, Pays-Bas, Brandbourg, 
Souabe, Catalogne (Papon, Schnurrer, Villalba). — 1503. Raguse (Frari). — 1504. Mar- 
seille (Papon). — 1506. Albanie, Altenbourg, Saalfeld, Pleskow (Russie [Frari, Schnurrer]). 
1506-1507. Cologne (Schnurrer).— 1508. Zittau (Saxe[ Schnurrer)). — 1509-1510. Carniole- 


France (Papon, Paulmier). — 1511. Constantinople (Fracastor). — 1512. Constantinople, 
Canaries (de Méricourt). — 1513. Crema (S. Frank). — 1514. Milan (S. Frank). — 1515. 
Allemagne (Papon). — 1516. Valence, Lisbonne, Arragon (Schnurrer). — 1517. Erfurt 


(Burkhardt). — 1519. Allemagne du Sud, Vurtemberg, Ulm, Augsbourg, Saxe, Leipzig, 
Géra (Burkhardt, Schnurrer). — 1521-1522. Zittau, Altenbourg, Géra (Burkhardt). — 
1521-1533. Pleskow (Richter). — 1522-1523-1524. Italie, surtout Rome, Milan, Raguse, 
Spalatro, Ancône, etc. (Agricola, Frari, etc.). — 1522-1524. Mayorque, Valence, Séville 
(Villalba). — 1595. Hayna (Burkhardt). — 1527. Florence, Rome (J. Frank). — 1528. Naples 
(J. Frank). — 1522-1529. Toute l'Italie (J. Frank). — 1529-1530. Pannonie, Allemagne, 
Tubinge, Weimar, Paris (Schnurrer, etc.). — 1531. Portugal (J. Frank). — 1532-1533. 
Venise, Nuremberg, Bamberg (Ferro). — 1534-1555. Nordlingen, Wittenberg, Augsbourg, 
Narbonne, Constantinople (Schnurrer). — 1538-1539. Constantinople, Altenbourg (Burk- 
hardt). — 1533-1540. Raguse, Pologne (Frari, Papon). — 1540-1541. Erfurt, Esslingen, 
Tubinge (Schnurrer, etc.).—1542. Wurtemberg, Weimar, Altenbourg, Saalfeld, Lorraine, 
Genève (Schnurrer, Burkhardt). — 1543. Pleskow, Weimar, Lubeck, Leipzig, Dresde, 
Souabe (Richter, Burkhardt). — 1543-1548. Londres (Webster). — 1543. Stagno (Frari). — 


PESTE. 647 


1544. Hambourg, Belgique (J. Frank, Papon). — 1546. Provence (Papon). — 1547. 
Constantinople (Adami). — 1550. Milan (Papon). — 1551. Sebenico (Frari). — 1551-1552. 
Stuttgart, Tubinge, Wittembourg (Schnurrer).— 1552. Bâle, Messine, Alger (Schnurrer, 
Berbrugger). — 1552. Pannonie, Italie, Ténériffe (Adami). — 1553. Languedoc (Valleriola). 
— 1555. Paris, Hongrie, Transylvanie (Schnurrer). — 1555. Padoue, Venise, Zattau 
(Mercurialis, Massa, Massaria, Oddi).— 1556. Dalmatie (Frari).— 1557-1558. Deft (Schnurrer). 
— 1558. Ténériffe (Humboldt). — 1560. Europe (Palmarius). — 1561. Nowogorod, 
Pleskow, Alger, Bohème, France Sud, Savoie (Richter, Joubert, Berbrugger, Schnurrer). 
— 1565. Thuringe, Nurenberg, Augsbourg, Autriche, Styrie, France, Angleterre, Londres 
(Russel, Burkhardt). — 1564. Barcelone, Saragosse, Lyon, Montpellier, Bâle, Fribourg, 
Cologne, Augsbourg, Heilbronn, Strasbourg, Fribourg en Brisgau, Dantzig, Vienne, 
Londres, Alexandrie, Constantinople (Villalba, Schnurrer, Burkhardt, etc.). — 1565-1566. 
Lübeck, Hambourg (Bôckel). — 1566. Russie, Polotsk, Zuky, Toropetz, Smolensk (Richter). 
— 1566-1568. Paris, France (Palmarius). — 1570-1571. Styrie, Genève, Dalmatie (Frari). 
— 1571. Alger (Berbrugger). — 1572. Fribourg, Augsbourg, Pologne (Frari). — 1572-1575. 
Alexandrie, Le Caire, Rosette, etc., en Egypte (Tucher). — 1575, Palerme, Messine, Con- 
stantinople (Ingrassia, Schnurrer). — 1576. Haute-Italie, Trente, Vérone, Venise 
(Schnurrer). — 1576-1577. Padoue, Crémone, Pavie, Pise, Terracine, Nordlingen, Bâle, 
Autriche, Transylvanie, Illyrie, Turquie d'Europe (Mercurialis, Schnurrer). — 1577. 
Vicenze, Milan, Berne, Reutlingen (Schnurrer). — 1578. Arnstadt (Schnurrer). — 1580- 
1581. Paris, Marseille, Égypte, Le Caire (Papon, P. Alpin). — 1582. Haut-Rhin, Strasbourg, 
Wurtemberg, Gotha, Arnstadt, Kœnigsee, Weimar, Erfurt, Nordhausen (Burkhardt). — 
1582. Bohême, Vienne (J. Frank). — 1585. La Rochelle (Poupart). — 1584. Alger (Berbrug- 


ger). — 1584, etc. Russie, Pleskow, Ivanogorod (Richter). — 1585-1586-1587. Zittau, 
Heilbronn, Leipzig (Russel, etc.). — 1586. Paris (A. Paré, Paulmier). — 1589. Tripoli, 
Syrie (Schnurrer). — 1590. Brunswick, Pologne, Candie (Burkhardt). — 1591. Géra, 


Trente, Rome, Bari (Papon, etc.). — 1593. Angleterre, Londres (Russel). — 1594. Lan- 
gensalza (Burkhardt). — 1596. Limoges, Hambourg (Castro). — 1596-1597. Thuringe 
(Pfeiffer). — 1598. Marseille, Madrid (Papon, Villalba). — 1598-1599. Angleterre, Londres, 
Leicester, Galles, Kendal, Richemont, Carlisle, Lichtfield (Schnurrer). — 1599. Bordeaux, 
Constantinople (Papon, Schnurrer). 


Nous avons dit que dès les quatorzième et quinzième siècles on s’occupa de 
quelques essais de prophylaxie publique de la peste. Mais c'est principalement 
au seizième siècle que ces grandes questions furent scientifiquement traitées. 
Schnurrer nous apprend que vers 1572 on commença en Europe à insister sur 
la propreté des villes à l'approche de la peste et pour conjurer les chances 
d'invasion. Les observateurs suivirent la filiation des épidémies provenant de 
l'Orient, ainsi que le fit judicieusement remarquer Bœkel pour la peste de 
Hambourg en 1565. C'est alors que la majorité des loïmographes reconnurent que 
les épidémies de l'Occident n'étaient que la répétition de celles d'Orient, surtout 
de l'Asie Mineure, de la Syrie, de l'Arménie, de l'Egypte, de Constantinople, de 
Smyrne, d'Alep, du Caire et d'Alexandrie. En présence de la constatation de ces 
faits on devint contagioniste, et c’est à partir de cette même époque que les 
villes et les États s’appliquèrent en grand les dispositifs de prophylaxie basés 
sur les doctrines qui persistèrent en s’accentuant jusqu'à la fin du dix-huitième 
siècle et au commencement du dix-neuvième siècle. 

Néanmoins la doctrine adverse de l'infection fut loin d'être abandonnée et 
il en résulta de sérieuses améliorations dans l'hygiène publique, dans la tenue 
des villes, qui devint l’objet de la préoccupation des édilités et des municipalités, 
éveillée d’ailleurs par l'esprit nouveau, celui dit de la Renaissance. 

Sous l'influence du mème esprit la médecine prenait un élan inconnu et 
retrouvait des voies oubliées ou nouvelles : le souffle hippocratique avait rem- 
placé la torpeur des galénistes. La critique aflirmait pour la première fois l'in- 
dépendance de l'observation médicale ramenée vers la stricte constatation des 
faits. La loimographie fut la première à se ressentir de cet heureux changement, 


648 PESTE. 


qui valut au seizième siècle un nombre considérable de relations mémorables sur 
la peste. 

Parmi les plus saillantes on peut citer celles de Massa sur la peste de Venise; 
de Oddi, de Bonagentibus, de Mercurialis, de Massaria, d’Ingrassias, de Vochs, de 
Bœkel, de de Castro, de Joubert sur la peste de Lyon, etc. On peut encore citer 
ici à des titres divers les noms suivants : W. Brunellus, J. Fromiscus de Sancto 
Nazario, Joanne Benedetti, Ludovic de Lucena, Jacob Dalechamp, Dassonville, 
Franc. Valleriola (1554), Fracastor, G. Agricola (1556), Peucer, Baldinus, 
Rigault (1574), Palmarius (Paulmier, 1577), P. Bugati, C. Rinci, Roi, Lebaillif 
de la Rivière (1580), Alph. Lopez, P. André, Fabr. d'Aquapendente (1585), 

‘Jean Suau, Sr. Thomasius (1587), César Augenville, Acevedo, Th. Forestus, 
Mægling, Cnobloch, Fr. Courcelli, David, Rodericus de Castro (1596), Fincellius, 
Steegh, Jean Truye, Alph. Carillo, Ant. Perez, N. Boccangelinr, Gabriel Fallo- 
pius, etc. 

Ainsi durant le seizième siècle les épidémies de peste, grandes et généralisées 
ou petites et plus ou moins limitées, formèrent des chaînes ininterrompues de 
calamités qui couvrirent l'Europe et l’Asie antérieure d’un véritable réseau de 
maladie et de mort. 

La maladie se caractérisait, par exemple, en Hongrie, par des frissons initiaux, 
une grande élévation de la chaleur du corps, durable, avec exacerbations 
nocturnes, par une intolérable céphalalgie, par la soif inextinguible et la 
sécheresse de la bouche, par la fréquence des crachements de sang, comme 
dans la peste du quatorzième siècle, par de la douleur épigastrique, par du 
délire excessif, par une diarrhée et une surdité souvent critiques, et par des 
parotidites dangereuses. 

Par contre, la peste de Padoue (1555), suivant Fallopio, apparaissait d’abord 
sous la forme d’une fièvre point violente, sans chaleur élevée, mais avec irré- 
gularité du pouls, de la douleur de tête, du délire, de la léthargie, des vomis- 
sements fatigants et diverses éruptions, sans compter les bubons. D’après Pal- 
marius, l'élève de Fernel et l'observateur de l'épidémie de Paris, en 1568, où 
il était le médecin de l'hôpital des pestiférés, la maladie était marquée par les 
symptômes suivants : céphalalgie, délire, insomnie, convulsions, hoquet, pal- 
pitations, dyspnée, vomissements bilieux, sueurs abondantes, diarrhée bilieuse 
et flatueuse, urines aqueuses, bilieuses, noires et livides, hémorrhagies par le 
nez, par la bouche, par les parties de la génération, par les intestins, une ardeur 
de poitrine, des ulcères, des exanthèmes, des bubons et des charbons au visage 

au gosier. 

En première ligne apparaissaient les violents maux de tête qui se dissipaient 
souvent par suite d’hémorrhagie du nez et du cours de ventre ; sinon ils dégé- 
néraient en frénésie et devenaient funestes. D'ailleurs le cours irrégulier de la 
maladie confondait l'expérience et les raisonnements des médecins. La mort sur- 
venait souvent au cinquième et au septième jour. D'autres fois la mort advenait 
sans symptômes bien alarmants, par suite d'une grande faiblesse progressive et 
de dépérissement très-rapide. Le rétablissement n'arrivait que vers le vingtième 
ou le vingt-septième jour. L'éruption de taches sur le corps était toujours dan- 
gereuse. Même les soins des médecins comportaient des présages mortels : les 
saignées copieuses, les purgations vives, entraïnaient bientôt la perte des malades. 

Dix-septième siècle. Les principales irruptions épidéiiques de cette période 
séculaire sont les suivantes : 


PESTE. 649 


` 4600. Alep (Russel). — 1601. Alger, Lisbonne (Berbrugger, Zac. Luzitanus). — 1602. 
Smolensk (Richter). — 1603. Paris, Livonie, Londres (Schnurrer, Lebenwaldt, Russel). — 
1605. Alger (Berbrugger). — 1605-1606. Allemagne : Hanau, Amberg, Nurenberg, Mayence, 
Heilbronn, Bâle, Nowsorod {Schnurrer, Richter). — 1606-1608. France : Paris, Toulouse, 
Poitiers (Potel). — 1607-1613. Thuringe, Augsbourg (Burkhardt). — 1607-1608. Spalati, 
(Frari). — 1609. Derby, Londres, Alsace (Lebenwaldt, etc.). — 1609. Tubinge, Bâle, et 
autres localités de l'Allemagne, Constantinople (Schnurrer). — 1610-1612. Suisse, Wur- 
temberg, Pologne, Constantinople (Schnurrer). — 1611. Souabe, Zittau (Curpzov). — 
1615. Lausanne (Fabr. de Hilden). — 1619. La Dalmatie, Augsbourg (Frari). — 1620. Alger, 
Milan (Berbrugger). — 1621-1649. Thuringe et autres parties de l'Allemagne (Burkhardt). 
— 1625-1624. Petavia en Styrie (Lebenwaldt). — 1624. Pays-Bas, surtout Breda (Van der 
Mye). — 1625. Londres, Lorraine, Sicile (Papon). — 1625. Amsterdam, Copenhague, 
Rostok, Brême, Berlin, Leipzig, Dresde, Brunswick, Erfurt, Strasbourg, etc. (Schnurrer). 
1626. Nordhausen, Sondershansen, Langensalz, Toulouse (Schnurrer, Papon). — 1627. 
Lorraine (Papon). — 1627-1628. Constantinople, Heilbronn, Genève, Suisse, France, 
Vienne, Dijon. Lyon, Villefranche. Toulouse, Narbonne, Perpignan (Sechnurrer, Papon). — 
1629-1650-1653. Digne, Montpellier, Paris, Londres, Cambridge, Schaffouse, Regenbourg, 
Prague, Gênes, Savone, Venise, Milan, Florence, Vérone (Schnurrer, Papon, Ripamonti, 
Tadino, Mich. Aug, Rota, Pona, Rondinelli}. — 1650-1651. Turin, Mantoue, Crémone, 
Parme, Plaisance, Lodi, Bergame, Brescia, Modène (Torella). — 1634. Wurtemberg, Ulm, 
Memmingen (Schnurrer). — 1654. Pay-Bas, Leyde, Saxe, Francfort (Schnurrer). — 16535- 
1637. Nimègue (Diemerbrôk). — 1656. Hollande, Danemark, Italie, Constantinople 
(Schnurrer).— 4636-1658. Londres (Russel).— 1639. Alger, Iles du Cap Vert? (Berbrugger, 
Schnurrer). — 1640. Marseille (Manrizio da Tolone). — 1644-1645. Autriche (J. Frank) 
1647-1648. Constantinople (Schnurrer). — 1646-1652. Valence, Alicante, Carthagène, Cadix, 
Séville, Cordoue, Murcie, Antequera, Sardaigne (Villalba). — 1648-1650. Irlande (Schnur- 
rer). — 1649. Provence. Dalmatie, Biskra (P. Maurizio, Frari, Berbrugger). — 1651. 
France occidentale, Holstein, Danemark, Suède, Pologne, Alsace (Schnurrer). — 1653-1654. 
Egypte, Le Caire, Rosette (Kanold). — 1654. Turquie, Hongrie, Presbourg, Russie, 
Moscou, Astrakan, Cazan, Angleterre, Chester (Webster). — 1654. Copenhague (Schnurrer). 
— 1654-1657. Allemagne (Burkhardt). — 1655. Vienne, Grätz, Leyde, Amsterdam, Riga 
(Webster). — 1655-1656. Alexandrie (Kanold). — 1656-1657. Italie: de Malte à Naples. 
Rome, Gênes, Rieto (P. de Castro, Schnurrer). — 1657. Colberg, Brunswick, Hanovre 
(Burkhardt). — 1661. Dardanelles, golfe de Lépante, côte de l’Achaïe et Morée (Kanold). 
— 1662-1663. Barbarie (Kanold). — 1661-1664. Biskra (sud d'Alger), Crète, Amsterdam, 
Smyrne (Berbrugeer, Schnurrer). — 1664-1667. Hollande, Leyde, Londres, Kent, Sussex, 
Hampshire, Essex, Dorset, Suffolk, Nordfolk, Warnveh (Hugdes, Sydenham, Morton). — 
1666. Suisse. Alsace, Oldenbourg, en Orient, en Perse jusqu’à Ispahan (Schnurrer. etc.). 
— 1669. Venise (A. Hirsch). — 1671. Albanie, Serbie (Kanold). — 1674. Constantinople, 
Andrinople, venant de Syrie, mer Noire et mer d'Azoff (Schnurrer). — 1677. Turquie, 
Hongrie, Pays-Bas (Kanold). — 1678. Chypre, Alger, Maroc, Malaga, Antequera, Murcie, 
Carthagène, Grenade, Velez, Ronda {Kanold). — 1678-1679. Vienne, Hongrie, Styrie, 
Silésie, Brandebourg, Magdebourg, Brunswick, Celle, Dresde, Leipzig, Altenbourg, 
Bamberg, Nurenberg, Regenbourg, Ingolstadt, Ulm, Stuttgardt, Tubinge. Bohême, 


Moravie, Pologne, Lithuanie (Schnurrer, A. Hirsch, etc.) — 1680. Thuringe, Leipzig, 
Meïssen (Rivinus). — 1680..Constantinople (Kanold). — 1681. En Saxe, etc. (Kanold). — 
1682-1683. Styrie (Peinlich). — 1685. Constantinople, Péra, Chypre (Kanold). — 1686. 
Constantinople, Andrinople, Chamaka (?) (Perse) (Kanold). — 1687. Le Caire, Morée, 


Naplouse, Corinthe, Patras, Lépante, Crimée, Perekop (Kanold). — 1688. Morée, Cépha- 
lonie, Modon, Calamata, Argo, Négrepont, Chio, Archipel (Kanold). — 1689. Constantinople, 
Chio, Smyrne (Kanold). — 1690. Morée, Misitra, Zante, Chio, Smyrne, Alger, Dalmatie, 
Bosnie (Kanold). — 1691. Dalmatie, Sebenico, Raguse, Naples, Péruge (Schönberger, etc.). 
— 1692. Ofen, Pesth, Vienne, Astrakan (Peinlich, Richter). — 1696. Italie, Converzano 
(Kanold). — 1697. Alexandrie (Kanold). — 1698. Constantinople, Ceuta, Alger, Smyrne 
(Kanold). — 1699-1700, Constantinople, Achaïe, Morée, Barbarie (Kanolü). 


Comme on le voit par ce tableau la peste ne diminua guère d'intensité nı 
d'étendue pendant le dix-septième siècle. Cependant elle devint moins fréquente 
en Europe durant le dernier tiers de ce siècle, mais en demeurant plus constante 
et plus grave en Orient. Dans le premier tiers elle ravagea surtout le midi de 
l'Europe, notamment la France méridionale et l'Italie; dans le tiers moyen elle 
sévit principalement en Orient, dans l'Europe centrale et autour de la Méditer- 


650 PESTE. 


ranée, et dans le dernier elle sembla frapper surtout le nord-ouest de notre 
continent. Portée, disent les renseignements du temps, du Levant en 1655 à 
Amsterdam par un navire de commerce, de la Hollande elle gagna l'Angleterre 
où Londres perdit d'un coup près de 70 000 de ses habitants. La France fut 
épargnée par cette épidémie : mais il n'en fut pas de même de l'Espagne, de 
la Suisse et d’une grande partie de l'Allemagne. L'Italie n’éprouva qu'une 
irruption légère. Pendant que l'Autriche et la Pologne souffrirent beaucoup, la 
Russie se maintint indemne en se préservant du côté de ses frontières de l’ouest 
par des mesures d'isolement. 

Les observateurs dignes de ce nom ne manquèrent pas aux grandes épidémies 
pestilentielles du dix-septième siècle. Parmi eux il suffit de citer Joh. Grillot 
(de Lyon), François Ronchin (de Montpellier), Ripamonti et Tadino pour la 
peste de Milan et du nord de l'Italie, Rota pour celle de Venise, Pona pour celle 
de Vérone, Rondinelli pour celle de Florence, le célèbre Diemerbrœæck pour 
celle de Nimègue, B. Juvellino pour celle de Rome, Pierre de Castres (de Castro) 
pour les pestes de Naples, de Rome, de Gênes (1656-1657), Nath. Hodges, 
Th. Sydenham et Rich. Morton pour celle de Londres en 1665. 

Après ces grands épidémiologistes, on peut encore citer avec honneur les 
noms de Petr. Forestus, d'Andr. Valdivia, de Joh. Matthæus, de Joh. Heckius, 
le Traité de la peste par les chirurgiens de Paris (1606 et 1623), de Joh. 
Castelli, d'Andr. Gallus, de Samuel Pegge, de Paul Barbette, d'Abrah. Marche- 
fredi, de Raymund Meinderer, d'Em. Labadie (Toulouse, 1620), de Jean de 
Lamberière, de Fr. Paracelsus, de Ludovicus Settala, de Guy de la Brosse, de 
Pierre Sordes, de Georg. Bergner, l’avis salutaire, etc., par les docteurs agrégés du 
collége des médecins de Lyon (1628); de Ludov. Locatelli, de Jacob Sylvius, 
de René Gendry, de Camadelle, d’Andr. Rivinus, d’Angelo Sala, de Jos. 
Morelli, de Louis de la Bréville (1644), de Daniel Sennert (1655) ; de Louis de 
Beaufort, de Joan. de Viana, de Philipp Crüling, de Thomas Montanus, d'Isaac 
Quatroux (1671), de Theobald. Normann, de Diego Blanco Salgado, d’Andreas 
Schilling, de Pet. Rommel, de Felde, de Hiskias, de Cardiluceius, de Georg. 
Calafatti, de Carol. Patinus, de Jacques Moreau (1683), de Heim, de Schiller, 
de Curvo Semmedo, etc., etc., car la bibliographie sur la matière est immense 
pour le dix-septième siècle. 

Parmi les grandes épidémies de ce siècle, celle de Lyon (1628) se fit remar- 
quer par sa violence et sa propagation irrésistible jusque sur les collines et les 
lieux les plus aérés et par la multiplicité de ses accidents formidables : éga- 
rement de la raison, vomissements et cours de ventre incoercibles; songes 
affreux, inquiétude mortelle, manie, frénésie, parfois cependant intégrité absolue 
de l'intelligence et absence de troubles sensoriels ; parfois coma invinciblement 
mortel; fièvre rarement violente, ordinairement légère; sur tout le corps, exan- 
thèmes livides, charbons, bubons et abcès à la gorge terminant les souffrances 
et la vie (Chicoyneau, d’après les relations du temps). 

L'épidémie de Montpellier (1629) se caractérisa par la céphalalgie, lin- 
somnie, le délire et la léthargie consécutifs, par la pesanteur et la faiblesse du 
corps et des membres rendant la marche impossible; par le pouls d'abord 
régulier et naturel, puis petit, inégal et fréquent; par la soif inextinguible, les 
vomissements, le dégoût, la cardialgie, la diarrhée bilieuse, souvent vermineuse 
au début, par des urines presque naturelles; par une chaleur presque insensible 
à la périphérie, par des sueurs petites et fréquentes, par la rougeur des yeux, 


PESTE. 651 


par les désordres du cerveau, par des exanthèmes, des aphthes, des bubons, des 
charbons, signes avant-coureurs ordinaires de la mort (idem). 

L'épidémie de Nimègue (1655) si souvent citée, grâce à la description de 
Diemerbræk, se fit remarquer par l'étendue et la variété de ses principaux 
symptômes et sa grande diversité phénoménale : agitation, inquiétude, chaleur 
brûlante dans les viscères, douleurs et pesanteur de la tête; terreur, délire, 
convulsions dans la période d'état; insomnie ou sommeil léthargique, états 
inverses, quoique également formidables; égarement du regard, obtusion ou 
abolition de l’ouie; desséchement de la langue rarement devenue noire, soif 
ardente ; toux sèche, crachements de sang; vomissements et hoquets alternatifs, 
déjections crues, fétides, fangeuses, mêlées de vers, en un mot, diarrhées vio- 
lentes; urines normales ou bien couleur de sang, parfois alternativement 
bonnes et mauvaises; pouls quelquelois naturel, ordinairement inconstant, 
faible, intermittent, inégal, etc.; égale variabilité dans les forces qui tantôt 
s'évanouissaient dès le début, et tantôt se soutenaient jusqu’au dernier soupir ; 
chaleur proportionnée à cette mobilité, brûlante ou douce, presque toujours 
accompagnée de sueurs fétides; visage traduisant par sa coloration et ses 
nuances la diversité de la douleur, tantôt naturel, tantôt pâle ou érysipélateux 
ou livide; tout le corps couvert de taches pourprées, noires, violettes, rouges, 
de forme et d'étendue variées, quoique toujours rondes; tumeurs dans les 
émonctoires, éruptions de charbons en diverses parties du corps, etc. (d’après 
Diemerbræk). 

L'épidémie fameuse de Londres (1665), qui a été esquissée par l'inimitable 
Sydenham et Hodges, se distinguait par les traits suivants : début presque 
toujours par un frisson (Sydenham), par une fièvre plus ou moins violente, plus 
ou moins prolongée, suivant les malades ; vomissements consécutifs, abondants, 
porracés, langue sèche et noire, sensation de feu dévorant les entrailles; mal 
de tête extrêmement violent, lancinant, atroce, sensation d’éclatement de la tête, 
constant jusqu’à la mort; délire apparaissant subitement, sans prodromes, perte 
rapide de l'intelligence et de la vue (Hodges), chutes dans les rues comme par 
l'ivresse, parfois vertiges, etc. Parfois sommeil léthargique saisissant les malades 
dès le début, plus profond que celui que produisent les narcotiques les plus 
puissants, aussi subit et aussi imprévu que le délire, survenant longuement au 
milieu des occupations, de la conversetion même. Mais un symptôme plus 
extraordinaire encore consistait dans des sueurs abondantes qui coulaient comme 
par torrents, tantôt blanchâtres ou citronnées, ou vertes, tantôt noires ou 
rouges, ou pourprées, si fétides, qu’en frappant le nez elles causaient des défail- 
lances; si âcres et si brûlantes, qu’en se répandant sur le corps elles y laissaient 
une impression de feu (Chicoyneau, d'après Hodges). 

A ces symptômes s’ajoutaient des pustules charbonneuses isolées ou mul- 
tiples donnant issue d'elles-mêmes à un détritus gangréneux, des bubons aux 
lieux d'élection, se ramollissant, suppurant ou disparaissant par délitescence, 
parfois interminables, faisant de profonds ravages et consumant les parties qui 
les avaient produits. 

Le résumé de Sydenham, moins émouvant, sans être moins vrai peut-être, 
nous représente la maladie débutant par un frisson analogue à celui des fièvres 
intermittentes, se continuant par des vomissements énormes, par une douleur 
à la région cardiaque, semblable à un serrement de pression, se confirmant 
enfin par une fièvre ardente, tourmentant sans relâche les malades jusqu’à la 


652 PESTE. 


mort, ou jusqu'à l'apparition d'un bubon ou d’une parotidite venant heureu- 
sement les mettre hors de danger, en attirant au dehors la matière morbifique. 
Il signale aussi quelques formes anormales, foudroyantes, tuant tout d'un coup 
et sur pied avec manifestation de taches pourpres, signes d'une mort prochaine, 
accident particulier au début de l'épidémie ; enfin, il observa encore de simples 
formes ou états buboniques, sans fièvre ou avec une fièvre très-légère, et dont 
les attéintes n’empèêchaient point les personnes de vaquer à leurs occupations. 

Avant d'enfer dans le dix-huitième siècle (le siècle des lumières), il est opportun 
de jeter un rapide coup d'œil sur la physionomie d'une ville ou d'une grande 
agglomération d'hommes en proie à la peste, de saisir les modifications 
psychiques et morales dont l'influence se fit sentir si puissamment sur la société, 
sur les mœurs et sur l’état de l'humanité dans les siècles de la peste, 

Au premier rang des grands phénomènes psychologiques provoqués par l'ir- 
ruption de la peste, il faut noter la peur, la frayeur, la terreur allant jusqu'à l'af- 
folement, jusqu'à l'extinction de toute lueur de la raison : mal qui en produisit 
d'autres plus grands et plus nombreux souvent que les désastres de la peste 
même. 

La peste fameuse d'Athènes en fut un premier exemple, mais celle de 
Justinien offrit le spectacle d’une société affolée par les superstitions religieuses 
de l'époque et tourmentée de l'idée de persécution par les démons et les 
mauvais esprits. En Europe la peste justinienne produisit les mêmes défail- 
lances et les mêmes désastres. Fléau envoyé par Dieu pour les uns, par le démon 
pour les autres, la peste noire du quatorzième siècle passa pour tous comme 
une punition des méfaits des hommes. De là peut-être les flagellants, cette autre 
monstruosité non moins contagieuse que la peste même. La terre et l'enfer, dit 
la chronique de ces temps néfastes, devaient engloutir le genre humain. Toutes 
les causes, divines, démoniaques, astrologiques, etc., furent invoquées comme 
productrices de la mort grande; tous les genres de folie, de désordre, publies 
et individuels, furent épuisés durant ces saturnales funèbres. 

Cependant, à partir du quinzième siècle, à la terreur superstilieuse succéda un 
peu de raison et de lumière qui fit voir que c'était plutôt de l’homme lui-même 
qu'émanait la source du mal. Les soupçons, la crainte des maléfices, avaient tout 
d’abord porté la colère du peuple et des magistrats sur les juifs dont plusieurs 
furent massacrés et brülés vifs. Bientôt naquit, à la faveur de l'idée de transmis- 
sibiité du mal reconnue, la conviction populaire que la peste était propagée 
par des semeurs, des unctores, qui répandaient des poussières provenant des 
bubons ou autres matières des pestiférés, ou qui oignaient les murs, les portes 
et autres objets, avec des onguents pestilentiels on pestifères. Les magistrats, 
même quelques médecins, partagèrent ces atroces préjugés. En 1581, per- 
mission fut accordée aux Parisiens de tuer les gens qui sèmeraient dans les rues 
des cornets contenant de la matière bubonique (de la Roche Flavin). Nombre 
d'individus furent brülés ou pendus sur le simple soupçon d'être des semeurs 
de peste. 

En Italie, où les soupçons de la peste propagée par maléfices prirent une 
grande extension, on imagina l'existence de vastes laboratoires où se fabriquaient 
des onguents pestiférés que des scélérats allaient répandre sur les murs des villes, 
des églises, sur les portes, sur les siéges, sur les vêtements, partout où leur 
contact mortel pouvait atteindre l’homme. L'idée de sectes diaboliques et 
mystérieuses soupçonnées de répandre la peste fermenta dans la tête du peuple. 


PESTE 655 


À Madrid on emprisonna des Français sous le coup de ces accusations. On 
condamna un grand nombre de personnes aux plus atroces supplices sur de 
simples soupçons : à Palerme en 1526, à Genève en 1550, 1545 et 1574, à Casal- 
Montferrat en 1556, à Padoue en 1555, à Turin en 1599 et 4630, ete. 

Mais nulle part plus que dans quelques cités d'Italie, surtout à Milan, la 
terreur des unctores ne hanta les esprits (Ripamonti, Tadino, A. Manzoni plus 
récemment). En 1629, à Milan, la population fut effrayée en voyant un matin, 
dans chaque quartier de la ville, les murs, les portes des maisons, des jardins, 
des églises, couverts d'un badigeonnage immonde, de couleur livide et contenant 
sans aucun doute les germes de la peste. Et nos quoque, dit Ripamonti, iv- 
mus videre. Maculæ erant sparsim, inaequaliterque manantes, veluti si quis 
haustam spongiá saniem adspersisset, impressissetve parieti, et januæ passim, 
ostiaque aedium adspergine contaminata cernebantur. 

On ne sortait dans les rues qu'avec des vêtements collés et réduits au mini- 
mum ; on tenait le milieu de la rue, loin des demeures, loin des passants, loin 
de tout objet dont l'ombre même pouvait être fatale. La peur de la contagion, la 
crainte des semeurs et des unctores se refléta jusque dans le délire des pestiférés, 
elle s'assit à la table des convives, pénétra dans le sein des familles, et porta 
l'horrible soupçon jusque dans le lit nuptial. Des médecins s’associèrent à la 
folie populaire, des comités dénoncèrent des coupables imaginaires, des juges 
infhgèrent les tortures de l’inquisition aux malheureuses victimes de ces abo- 
minables hallucinations. Un grand nombre, principalement des barbiers et des 
vendeurs d'onguents, payèrent de leur existence de simples soupçons ou d'ignobles 
dénonciations. 

A Milan des processions et des rassemblements religieux, faits en vue de 
conjurer le mal, ne lui donnèrent que plus d'aliments. Même résultat fut produit 
par la mise en pratique de la coutume d'agglomérer tous les malades ou les 
suspects dans un vaste lazaret placé près des portes de la ville. C’est vers ce 
vestibule de la mort que le tribunal de santé faisait chasser et porter pêle-mêle 
la foule qu’on y emprisonnait sans pitié : vaste laboratoire de contagion, d’où 
s’exhalaient les cris de douleur et d'imprécation, les lamentations des femmes et 
des enfants; spectacle horrible fait de misère, de souffrance, de confusion, de 
folie, d'agonie, d'infection et d’une indicible insalabrité. 

Des agents du redoutable tribunal, des commissaires, des appariteurs sonnant 
la clochette funèbre et commandant l'éloignement de la foule, d’ignobles 
mercenaires, appelés monatti, des gardes armés pour simuler un peu d'ordre 
dans cette mêlée étrange, telles étaient les principales figures de ce tableau, les 
acteurs du grand drame épidémique. Appariteurs et monatti, parcourant les 
quartiers de la ville, emportaient sur des chars grossiers vers le lazaret les 
malades arrachés aux cris de leur famille, et ramassaient les cadavres qu'ils 
empilaient pour les véhiculer vers les cimetières encombrés. Les monatti surtout 
étaient hideux d'impudeur, d'ivrognerie, de corruption, de brutalité, de vol et 
de rapine, objets d'insulte à tant de maux et d'outrage à la mort même. 

Toute hiérarchie sociale, toute condition normale était anéantie : la maladie 
et le deuil courbaient tout sous le niveau d'une détresse commune. La désorga- 
nisation régnait partout au physique comme au moral. | 

Alors les villes offraient l'aspect de vastes cimctières, et l’image unifor- 
mément lugubre de la maladie et de la mort se voyait aussi bien dans les cam- 
pagnes que dans les cités, dans les maisons comme dans les hôpitaux-lazarets. 


654 PESTE. 


Ainsi, à Milan, de 250 000 habitants la population était réduite à 60 ou 80 000 à 
la fin de l'épidémie et la dépopulation proportionnelle des campagnes préparait 
la famine, fléau égal à la peste qu'il se chargeait de renouveler. C'est d'ailleurs 
ce qui arriva plus d’une fois aux villes ainsi murées dans leur suaire, empri- 
sonnées par des cordons militaires qui coupaient toute communication avec le 
dehors et empêchaient ainsi les approvisionnements nécessaires. 

Durant des siècles pareil état matériel, psychique et moral, pesa lourdement 
sur le monde, principalement sur l'Europe. Des générations furent fauchées 
successivement par la peste : pendant plus de cinq cents ans elle tarit la source 
de la reproduction humaine et mit le monde en coupe réglée. Elle fit la solitude 
et la détresse un peu partout, elle tua de faim les victimes épargnées, elle bou- 
leversa la face et le fond des choses. 

En résumé, la peste de cette époque fut un mal immense. Non-seulement elle 
répandit la destruction, le deuil et l'épouvante, mais elle mina les bases mêmes 
de la société, elle troubla les cerveaux, corrompit les cœurs, détruisit les 
sentiments les plus purs de l'humanité et de la famille. Elle viola la justice en 
aveuglant les juges et les magistrats avec la contagion de la folie populaire; 
elle suscita la peur, la plus basse et la plus cruelle des passions et des défail- 
lances humaines, la peur qui se vengea sur des milliers d'innocents. Bref, elle 
tua le corps, dégrada l'esprit et le moral de notre espèce; elle atrophia et fit 
reculer l'humanité. Ce fut donc la grande plaie du moyen âge, la croix de nos 
ancêtres, le mal de plusieurs siècles : la mort grande, la mort noire, la mort! 

Dix-huitième siècle. — Les épidémies principales de cette période sont résu- 
mées dans le tableau chronologique suivant : 


1701. Le Caire, Alexandrie, Tripoli, Tunis (Prus). — 1702, Constantinople (Prus). — 1704. 
Constantinople (Prus). — 1705, Égypte, Tokat (Asie Mineure), Sardaigne, Tunis, Malaga 
(Prus). — 1706. Eregli, Tarsous (Tarse) en Asie Mineure (Prus). — 1707. Lemberg, 
Cracovie, La Bourgogne (Hoyer, La Pellerye). —1708. Pologne: Varsovie, Cracovie ; Hongrie : 
Szegedin ; Silésie : Rosenberg, Kojentschin; Prusse. Thorn, Grandenz, Culm, Hohenstein; 
Elding, Heïlsberg, Ermaland, Mewe, Marienbourg, Poméranie, Moravie, Bohème (Peinlich, 
Hoyer, Kanold). — 1708-1709. Livonie (Webster). — 1708-1711. Grenade, Séville, Espagne 
méridionale (Villalba). — 1709. Dantzig, Posen, Fraustadt, Breslau, Hongrie : Ofen, 
Neuhäusel, Gran, Waizen, Erlau (Peinlich). — 1710. Lithuanie, Transylvanie : Gyergyü, 
Schäsbourg, Hermanstadt; Hongrie, Komorn, Styrie (Webster). — 1710. De Lithuanie à 
Stockholm, puis Upsal, Westergotland, Norrköping, Carlskrona, etc. (Rosen). — 1711. 
Reppen, près Francfort, etc. (Rosen). — 1711. Copenhagne, Helsingor, tout le Danemark, 
le Slesvig-Holstein, Hambourg, le Hanovre, etc. (Antrecher, etc.). — 1711-1713. Moravie, 
Bohème, surtout à Prague (Schamsky). — 1712. Le Caire (Prus). — 1713. Tarvisen en Ca- 
rynthie, Hongrie, Presbourg, Dotis, Brug-sur-la-Leitha, Vienne. Basse-Autriche, Hernals, 
Währing, Sievring, Salmerstorf, Neustift, Linz, Trauuviertel, Ratishbonne, Nurenberg, 
Styrie, Grätz et Vorau (Sick, Peinlich, etc.). — 1714. Hambourg (Beerwinker). — 1715. 


Moravie et Bohème (Carpzov). — 1716. Archipel, Chio, Mitylène, Samos, Smyrne, Constan- 
tinople (Peinlich). — 1717-1718. Le Caire, Transylvanie (Prus). — 1718. Chypre, Latakié, 
Transylvanie (Prus). — 1719. Alep (Russel). — 1720-1721. Provence Marseille, Toulon, 


Aix, Arles, Tarascon, Roussillon, diocèse de Mende (Lozère) (Chicoyneau, d’Antrechaux, etc.). 
— 1726-1727. Le Caire (Prus). — 1728. Smyrne, Beilan, Alep (Prus). — 1729. Toute la 
Syrie (Prus). — 1750. Albanie, Bosnie, Dalmatie, Nish, Novibazar, Pologne, Moldavie, etc. 
(Prus). — 1751-1752. Le Caire, Akka, Naplouse, Rama (Prus).—1752. Alger (Berbrugger). 
— 1752-1755. Alep, Le Caire (Prus). — 1736. Le Caire, la Haute-Égypte (Russel). — 
1751-1759. Smyrne, port d'Otschakow, dans le sud de la Russie (Peinlich). — 1758. Alger, 
Tlemcen (Schreiber). — 1738-1759. Ukraine, de la Bessarabie aux bouches du Don, Petite 
Russie, aux environs de Pultava (Peinlich, Samoïlowitz). — 1758. Autriche, Carlowitz. 
Deva, Carlstadt, Belgrad, Temesvar, Szegedin, Ofen, quelques cas à Vienne (Peinlich). — 
1739. Ofen dans la plaine entre Danube et Théiss (Peinlich). — 1140. Alger, Égypte, 
Smyrne (Berbrugger). — 1740-1745. Waisen, Ofen, Pesth (Peinlich). — 1741. Le Caire, 


PESTE. 655 
Ceuta, Morée, Syrie, Archipel (Prus). — 1742. Le Maroc, La Bosnie (Prus). — 1742-1745. 


Alep, Patras, Messine, Reggio, Sainte-Maure (Schnurrer). — 1744. Reggio, Messine 
(Schönberg). — 1747. Égypte, Constantinople, Smyrne (Russel, etc.). — 1749. Alger, Fez, 
Tanger, Valachie, Moldavie, Transylvanie (Webster, etc.). — 1750-1753. Temesvar et 


environs (1751), Constantinople (Peinlich, Webster). — 1752. Égypte et de là Alger (Prus). 
— 1753. Choczim, Moldavie (Peinlich). — 1754. Macédoine, Sérès (Peinlich). — 1754-1758. 
Alger (Berbrugger). — 1755-1757. Valachie, Moldavie, Transylvanie, Temesvar, Cronstadt 
(Peinlich, Samoïlwitz). — 1756. Constantinople, Pologne, Podolie, Bessarabie, Bucharest, 
Cronstadt (Peinlich, Samälanditz). — 1757. Le Caire (Prus). — 1759. Constantinople, 
Archipel, Asie Mineure, Alexandrie, Rosette, Damiette, Le Caire, Chypre, Limasol, Nicosie, 
Syrie, Safed, Sidon, Akka (Russel). — 1760. Chypre, Larnaca, Famagoste, Syrie, Latakié, 
Tripoli, Jérusalem (Russel). — 1760-1762. Damas. Alep (Russel). — 1761. Turquie d'Asie : 
Ourfa, Byas, Adana, Marash (Schnurrer). — 1762-1765. Widdin, Orsova, Belgrade, Vala- 
chie; Hongrie : Temesvar, Banat, Panesovarer, Merschetzer, Beeskereker, etc. (Peinlich). 
1765. Serbie, Bosnie (Peinlich). — 1764. Pologne, Serbie, Bosnie (Peinlich). — 1765. 
Marash près d'Alep (Russel). — 1766. Croatie, Novi (Peinlich). — 1768. Valachie, Transyl- 
vanie, Rosenau, Zeiden près Cronstadt (Ferro). — 1768-1769. Giurgevo, Podolie, Volhynie 
{Samoïlowitz). — 4770. Hongrie: Zboina, Homona, Ismaïl, Bender (Schnurrer, Prus). — 
1770. Bucharest, Jassy, Choczim, Pologne, Kiew, Nischin, Sewsk (Samoïlowitz). — 
1770-1774. Moscou, Kiew, Tschernigow, Sewsk, Briensk, Crimée (Samoïlowitz, Mertens, 
ete. — 1771. Smyrne (Schnurrer). — 1773. De l'Asie Mineure sur Diabeckir à Bagdad et 
Bassorah (Hirsch, etc.). — 1775. Moldavie, Valachie, Bessarabie, Crimée, Ukraine, 
Taganrog, Kislar, Mosdok sur le Térek (Mertens, etc.). — 1777. Asie Mineure, Roumélie, 
Constantinople (Peinlich). — 1780. Alep (Peinlich). — 1783-1785. Cherson, Constantinople, 
Spalatro (Peinlich). — 1784. Le Caire, Alexandrie, Tunis (Prus). — 1785-1786. Beyrouth, 
Smyrne, Bone, Constantine, Alger, Hongrie (Prus). — 1787. Alger, le Maroc (Schnurrer). 
— 1788. Égypte, Haute-Égypte (Schnurrer). — 1790-1793. Le Caire (Prus). — 1791-1794- 
1793-1795. Constantinople, Alger, Constantine (Prus). — 1795-1796. Bosnie, Serbie, 
Syrmie (entre Drave, Save et Danube), Vukovar, Irreph, Jazak, Jerynrevze, Cameniz 
(Schraud). — 1796-1797. Alger, Tunis, Constantine (Prus). — 1797-1798. Moldavie, 
Choczim, Galicie orientale et Bukovine, Swanez, Landskrone, Satana, Sasafka (Schraud). 
— 1798-1800. Alexandrie, Rosette, Damiette, rgypte en général (Prus). — 1799. Barbarie, 
Maroc, Mogador, Tanger, Syrie, Égypte, Moldavie (Villalba, etc.). — 1800-1803. Damiette, 
Haute-Egypte (Prus, Schnur rer). 


Ainsi durant le dix-huitième siècle il est permis de constater la cessation de 
la généralisation de la peste en Europe et sa concentration sur quelques grands 
districts de notre continent. C’est ainsi que dans le premier quart du siècle elle 
ravagea le centre de l’Europe, l'Allemagne, le Danemark, la Russie, la Provence 
et le midi de la France, en demeurant toujours endémique en Orient d’où elle 
faisait irruption. Dans le deuxième quart, de 1726 à 1747, la peste occupa 
surtout les provinces de l'Asie antérieure (Asie Mineure, Syrie, Égypte), d'où elle 
se répandit sur le sud-est de l’Europe, sur le sud de la Russie, les provinces 
danubiennes, la [longrie, la Russie-Autriche, la péninsule des Balkans, lAr- 
chipel, la Dalmatie, en pénétrant jusqu’en Calabre et en Sicile. 

Enfin, dans la deuxième moitié du dix-huitième siècle, la peste, tout en se 
maintenant dans l'Asie antérieure depuis la Caspienne jusqu'au golfe Persique 
et en s'étendant en Ég gypte, gagna la côte méditerranéenne de Le jus- 
qu'à Mogador, en 1799. et jusqu'en Nubie, et continua de ravager l'Europe sud- 
orientale : les districts du Danube et de ses bas affluents, ei Basse-Autriche, 
la Croatie, l'Esclavonie, la Hongrie, la Valachie-Moldavie, la Galicie, la Russie 
méridionale et centrale jusqu’à Moscou, jusqu’à Jaroslaw, près du 60° degré 
de latitude nord. 

A la fin du dix-huitième siècle, la peste sévissait surtout en Asie Mineure, en 
Égypte et sur la côte barbaresque, d'où elle menaçait encore l Europe. 

L'observation médicale de la peste, simplement ébauchée aux époques précé- 
dentes, fut perfectionnée par les épidémiologistes du dix-huitième siècle, qui en 


656 PESTE. 


compta un grand nombre et du plus haut mérite. Les principales relations 
faites par des médecins compétents sont les suivantes : 

Les épidémies d'Allemagne au début du siècle furent observées à Thorn par 
Wiels et Zernecker, à Dantzick par Christ, Gottwald, Slæckel, Joh. Kanold, en 
Pologne et en Lithuanie par Emeltel, en Silésie par Samuel Grass, en Danemark 
par Bættigher, dans le Holstein par Waldschmidt, à Hambourg par Beerwinkel, 
en Transylvanie et environs par S. Kveleser, G. Valentinus, en Franche-Comté par 
CI. N. La Pellerye; en Hongrie par Schwabius, Ausfeld, Genselius, ete., en 
Autriche et à Vienne par Kirchof, Joh. Kanold, Bern. Ramazzini ; à Ratisbonne 
par Dietrich ; en Provence et dans la Lozère par Bertrand, Chicoyneau, Lemontey, 
Jean Astruc, d'Antrechaux, Deidier, Verny, Soullier, Rochevalier, Blanquet, 
Vaissade, Le Moine, Bailly, Couzier, etc. ; en Turquie, à Constantinople et dans 
le Levant, par Em. Timon, Mackensie, Thomas Dawes à Alep, etc., en Ukraine 
par J. Fréd. Schreiber, à Messine par Or. Turriano et Mélłani; en Transylvanie 
par Adanı Chenot et Michel Neustadter, à Jassy par Asch; à Moscou par Melzer, 
Safnousky, par le célèbre Samoïlowitz et par G. Orræus, Mertens, etc.: de 
nouveau à Constantinople par Dom Sestini, en Dalmatie par O. Fredele da Zara, 
par P. Pinelli et G. Bajamonte, à Smyrne par Valli, en Syrmie par Schraud, 
en Volhynie par Lernet, etc., etc., etc. ; enfin la peste d'Egypte en 1798-1800 
fut décrite par Larrey, Desgenettes, Savaresi, Assalini et Louis Frank. 

Dix-neuvième siècle. Nous diviserons les quatre premiers cinquièmes de 
notre siècle en deux parties relativement à la peste, celle qui s'étend de 1800 à 
1845 et celle qui va de 1853 à 1885. Cette distinction est motivée par la 
marche même de la maladie : 


1801. Égypte en remontant ce pays jusqu’à la Nubie (Prus). — 4805. Salonique (Peinlich). 
— 41804. Egypte de nouveau (Prus). — 1805. Bayazid (Arménie), région du Caucase 
(Schnurrer). — 1806-1807. Astrakhan et le versant nord du Caucase en Russie. — 
Il semble que la peste fit trêve de 1805 à 1810. — 1810. Égypte de Burlos à Syene, 
d'Alexandrie à Suez (Prus). — 1812. Constantinople, Salonique, Smyrne, Chypre, Alexan- 
drie, Odessa, Balta, Caffa, Feodosia, Trébizonde (Schnurrer). — 1812-1815. Égypte, Le 
Caire (Prus). — 1812-1813. Constantinople, Alexandrie, Malte, Bucharest, les confins de 


la Transylvanie, Épire, Thessalie (Schnurrer). —- 1812-1815. Arménie, Mésopotamie, 
Bagdad, Hillah, Bassorah, etc. (Tholozan). — 1814.fTiflis, Égypte, Smyrne, Turquie 
d'Europe et d’Asie, Belgrade (Schnurrer). — 1815. Le Caire, Constantinople, Bosnie, 


Dalmatie, Fiume, Istrie, île Trimiti, Rasca, Arabie, Jambo, Djedda et La Mecque (Schnurrer, 
Pruner). — 1815-1816. Noja, Province de Bari (royaume de Naples (Morea). — 1816. 
Constantinople, Péra, Buyaudéré, Smyrne, Crète, Chypre, Alexandrie, Salonique, Raguse, 
Corfou, Céphalonie, Albanie, Morée (Schnurrer, Prus, etc.). — 1817. Le Maroc jusqu'à 
Berkinis au pied de lAtlas, Erzeroum (Prus). — 1817-1819. Alger par Alexandrie, Bone, 
Oran (Berbrugger). — 1818. Constantine, Tunis, la Cyrénaïque, toute la Barbarie depuis 
l'Égypte à Tanger et jusqu'à Belad-el-Djerid, et depuis le Tel à Gurara et dans le Sahara 
(Berbrugger). — 1819. Constantinople, côte nor& d'Afrique à Soussa, Tunis à Derna (Cyré- 
xaïque), Bessarabie (Prus, Hirsch, etc.). — 1819-1820. Mayorque, San Salvador, Manacor, 
San Severa, Palma, etc. (Sick, etc.). — 1821. Erzeroum (Lachèze). — 1823. Égypte, Kelioub, 
Le Caire, Giseh, Boulaq (Prus). — 1824. Arménie, Gumuschkhané (entre Erzeroum et 
Trébizonde) (Lachèze). — 1824-1825. Bessarabie, Égypte (Prus). — 1896. Constantinople, 
Morée, Modon (Prus). — 1826-1828. Mossoul, Diarbekir, Ourfa, Alep (Lachèze). — 
1827, Morée, Navarin, Erzeroum et environs (Clot, Lachèze, etc.). — 1827-1829. Tripoli 
de Syrie (Aubert-Roche). — 1827-1829. Moldavie, Valachie, Bulgarie (Prus, Seidlitz, etc.). 
— 1827-1829. Syrie, Damas, Bequâ, Déïr (Prus). — 1829-1830. Andrinople, Achial, Aïdos 
(Prus). — 1850-1851. Chypre, Beyrouth, Smyrne, Bagdad, Trébizonde, La Perse, Taviris 
(Lachèze, etc.). — 1852. Jambo, Djedda, La Mecque (Pruner). — 1832. Bayazid, Bouchir, 
Bassora, Arbèle, Choi, Kerindt (Lachèze). — 1833-1834. Smyrne, Alexandrie (Prus, Bulard). 
— 1854. Pera (san Dimitri), Constantinople, Alexandrie, Le Caire, Mansourah, Jérusalem 
(Prus). — 1832. Alexandrie, Le Caire, L'Egypte jusqu’à Saccara, Kénéh, Suez, et peut-être 


PESTE. 657 


Siout (Prus). — 1836. Constantinople (de Moltke). — 1836-1837. Algérie, le pays des Dattes 
(Guyon, etc.). — 1837. Tripoli d'Afrique, Adana, Smyrne, Égypte (Prus). — 1837. Toute 
la Roumélie. Côté est de la Bulgarie, Kasanlik, Routschouk, Missiori, Umur, Faki, près 
Andrinople (de Moltke). — 1857-1858. Erzéroum (Lachèze). — 1838. Sivas (Asie Mineure) 
{de Moltke). — 1859. Varna, Silivri (Prus). — 1840-1841. Erzeroum (Arménie) et environs 
Bayazid (Lachèze). — 1841. Egypte, Damiette, Le Caire, Le Delta, Nabaro, Néguillé, etc. 
(Prus). — 1841. Syrie, Liban, Mazzra, Alexandrette, 'Jaffa, Jérusalem (Hirsch). — 1842. 


Égypte, Damiette (Grassi, Prus). — 1844-1845. Égypte, en quelques localités (Duchate], 
Prus, Hirsch, Pruner). 


On voit par le tableau précédent que la peste, perdant de plus en plus du 
terrain en Europe durant les quatre premières décades du dix-neuvième siècle, 
se réfugiait en quelque sorte en Asie et dans le nord de l'Afrique. De 1810 à 
1832, la peste, toujours endémo-épidémique dans l'Asie antérieure, en Syrie et 
en Égypte, envahit toute la péninsule des Balkans, au sud jusqu’à la Morée, les 
îles de l'Archipel, et remonta au nord jusqu'en Bessarabie, à l'est jusqu’en 
Crimée et à l’ouest jusqu’à Fiume en Dalmatie. Elle atteignit le Napolitain sur 
un seul point à Noja (1815) et Malte. Mais elle ravagea la côte barbaresque 
depuis l'occident de la Tripolitaine jusqu'à Fez en descendant dans le Belad-el- 
Djerid, dans le Sahara du nord ; enfin, en 1820, elle atteignit les Baléares peut- 
être par suite de leur proximité avec l'Afrique. 

De 1852 à 1845, la peste alla graduellement en se resserrant : elle ne régne 
plus qu’en Roumélie, à Constantinople, dans l’Asie Mineure, en Syrie, en Algérie 
(1856) et en Égypte, où elle cessa en 1844-1845. 

D'après Tholozan la région du Caucase aurait joué un rôle considérable dans 
la dissémination des épidémies de peste durant la période que nous envisageons. 
Ainsi, suivant les recherches de ce médecin distingué, la peste aurait existé à 
peu près en permanence dans cette région de 1798 à 1818, principalement dans 
les districts du sud, en Géorgie, en Iméritie et dans les régions voisines de 
l'Arménie. En 1804, 1806, 1807 et 1811, elle franchit les monts pour se porter 
au nord vers l’Astrakhan, à moitié chemin entre Astrakhan et Tzaritzin, à Sta- 
vropol et jusqu’à Saratov. C'est du Caucase que la peste aurait gagné Tré- 
bizonde, puis les rivages de la mer Noire, Constantinople, Odessa, la Crimée 
et l'Ukraine, l’Archipel, Malte, Tanger, les Baléares, en 1818, et jusqu’à Noja en 
Italie (1845). D'un autre côté la maladie du Caucase gagnait le sud, traversant 
l'Arménie, le long des deux fleuves mésopotamiens, et frappait Badgad, Hillah, 
Bassorah. 

La deuxième irruption de la peste du Caucase reliée à la première par des 
mamfestations partielles en Arménie et en Anatolie de 1818 à 1828, apparut 
à cette dernière date à l’occasion de la guerre turco-russe, en Arménie, dans la 
Transcaucasie et de la mer Noire à la Caspienne. En 1830, elle ravagea Trébi- 
zonde : cette seconde explosion descendit les fleuves arméniens comme la pre- 
mière, enleva 60 000 habitants à Bagdad, ravagea l’Irak-Arabi, toute la frontière 
turco-persane, l'occident de la Perse, Tauris, et un grand nombre de villes de 
l'Iran. D'un autre côté, la peste atteignait les armées turco-russes en présence 
au nord des Balkans, et les districts voisins des rives du Danube ainsi que le sud 
même des Balkans. 

Enfin la troisième épidémie dite du Caucase frappait Erzeroum en 1859 et 
sévissait en 1840-1841 en Géorgie où elle restait limitée. Nous verrons que 
depuis lors la région du Caucase proprement dite a été presque indemne de la 
peste. 


DICT. ENC. 2° s. XXIII. 49 


658 PESTE. 


Il est intéressant de connaître les dates précises des dernières apparitions de 
la peste en Turquie dans la première moitié du dix-neuvième siècle, d'après les 
indications suivantes, tout à fait authentiques (Exposé historique des pestes 
observées en Turquie depuis la fondation des quarantaines, par Pezzoni et 
Marchand, membres du Conseil supérieur de santé de Constantinople, Constanti- 
nople, 1847). 

Dans la Turquie d'Europe, les médecins de l'administration sanitaire otto- 
mane constatèrent la peste bubonique sur la fin de 1858 à Silistrie où elle prit 
fin en février 1840, après avoir fait de grands ravages dans la ville ainsi que dans 
treize villages circonvoisins. Elle avait été importée de Roustchouck. En mai 1840, 
clle fit quelques victimes au village de Totrakan, sur la rive droite du Danube, à 
moitié chemin en Silistrie et Roustchouck. En octobre 1840, elie éclata à 
Choumla provenant sans doute de Totrakan; elle cessa en Janvier 1841. En 
1859, elle régna à Philippopolis à l’époque de la foire de cette ville, elle se 
propagea au pied des Balkans en 1840, au village de Tchouria où elle fit plus 
de 160 victimes sur 173 habitants. D'ailleurs la province de Philippopolis avait 
toujours conservé des cas de peste sporadique depuis plus de trois ans avant 
cette irruption. Varna fut envahie en octobre 1840, et délivrée en janvier 1841 
après avoir perdu seulement quelques personnes. Dans l'été de 1841, Constanti- 
nople fut sérieusement menacée par l'importation de la peste sur un brick de 
commerce arrivant d'Alexandrie avec dix-huit morts durant la traversée : après 
quelques cas de mort au lazaret et quelques autres à Péra dans un couvent, 
la capitale de la Turquie fut enfin libérée de la peste jusqu'à présent. 

En ce qui touche la Turquie d'Asie, la peste fut constatée près des Darda- 
nelles, au village de Itghelmès, à trois heures de distance et près de la côte, en 
juin 1841, elle y fit quelques victimes dont les premières étaient, d’après le 
rapport des médecins, des habitants ayant recueilli les vêtements de deux 
passagers morts que le capitaine d’un brick pestiféré allant d'Alexandrie à 
Constantinople avait fait jeter à la mer peu de jours auparavant. En 1840, la 
peste fut également constatée dans quelques villages près d’Aïdin, au sud de 
Smyrne, notamment à Gürly-Bey, à Enis, près de Sparta, non loin d’Aïdin. 

En 1840, elle fut amenée dans un village situé à dix-huit heures de Samsoun, 
sur la mer Noire. Au mois d’août 1840, cinq à six villages situés de six à dix heures 
d'Erzeroum, sur la rive gauche de l'Euphrate, étaient atteints par une grave 
épidémie qui d’ailleurs s’étendit comme un vaste incendie dans la province 
d'Erzeroum, tout autour de la capitale et du côté de la Perse jusqu’à Bayazid. 
Erzeroum fut plus que décimée et la maladie ne cessa qu'à la fin de 1841 ou au 
commencement de 1842 après avoir enlevé, en six mois, plus de 36 000 habi- 
tants. Enfin on constata encore la peste à bord de deux pyroscaphes arrivés à 
Smyrne, venant d'Égypte et de la côte de Syrie en 1840-1841. Telles furent les 
manifestations ultimes de la peste en Turquie jusqu'en 1842. 

Les principales épidémies de peste rapportées par les observateurs de -la 
première moitié du dix-neuvième siècle sont les suivantes : La série des pestes 
d'Égypte ayant débuté à la fin du dix-huitième siècle et se continuant durant 
les premières années du dix neuvième siècle, décrites par les médecins français 
Desgenettes, Larrey, Savaresi, Sotira, etc., et par les Anglais Mac Gregor en 
Égypte et James Curtis en Barbarie, au Maroc; de Constantinople en 1803, 
par E. Valli; des provinces danubiennes, Moldavie, Valachie, Bosnie, Serbie 
et Transylvanie (ancienne Dacie), par Plecker et Grohmann; d'Odessa, par 


PE STI. 659 


Franz et Wagner; de Malte par Faulkner, par Tully, Hennen et Calvert, 
d'Ostrova, par Pfisterer, de Noja, par d'Onofrio et Morea, Bonzelli, Schön- 
berg; de Corfou par Tully; de Tanger et de Tunis par Gräberg, von Hemsö et 
Nion; de Morée par Gosse et Millingen; de Constantinople en 1815-1824 par 
Brayer; d'Odessa par Andrejewski; des armées russes en 1822 et 1840 cn 
Bulgarie et Roumanie par Seidlitz, Czetyrkin, Pétersenn et Rinck; d'Égypte en 
1834-1856, par une pléiade de médecins distingués de toute école et de toute 
nationalité : Aubert-Roche, Clot-Bey, Pruner-Bey, Rossi, Bulard, Lefèvre, 
Fischer, Gaetani, Lachèze, Duvigneau, Estienne, Esmangard; de Syrie par 
Grassi; de Constantinople en 1856-1857 par Cholet; de diverses parties de la 
Turquie par Pezzoni et Marchand, etc., d'Algérie par Guyon, avec un remar- 
quable historique des épidémies algériennes par Berbrugger, ete. 

Tous ces écrits et d’autres ont jeté les bases solides d’une description scien- 
tifique de la peste. Entre tous, 1l faut citer au premier rang, comme contenant 
les principaux éléments d'une bonne étude de la maladie sous presque tous 
les rapports, notamment sous celui de l'anatomie pathologique et de la 
séméiologie, les ouvrages ou travaux des médecins d'Égypte, de Clot-Bey, de 
Bulard, de Lachèze, d’Aubert-Roche, de Pruner-Bey, d'Estienne, de Brayer et de 
Cholet, pour Constantinople, de Gosse pour la peste de Morée, enfin les relations 
de Morea, de Grohmann, de Tully, etc. 

Ce sont là les archives de la loïmographie vraie et les matériaux à utiliser en 
les perfectionnant dans l'avenir pour retracer le tableau de la peste épidémique. 

On admet généralement que vers la fin de 1845 la peste n'existait nulle part 
en Europe ni dans l'Orient, et que cet interrègne de la maladie, constaté pour la 
première fois depuis un temps immémorial, se prolongea jusque dans les 
premières années de Ja seconde moitié du siècle. Voici sous forme de tableaux 
chronologiques et topographiques le résumé succinet des principales épidémies 
de peste qui ont été observées dans les trente dernières années. Ces tableaux 
indiquent les dates des épidémies, les localités où elles ont sévi et leurs princi- 
paux caractères. 


A+ — PESTES DE LA CYRÉNAÏQUE (PROVINCE DE TRIPOLI D'AFRIQUE). 


Mars 1856 et 1857. — Benghazi et environs. — Épidémie dite typhus avec tumeurs 
ganglionnaires où bubons. 
Juillet 1856. — Ile de Chio, sur un navire en quarantaine provenant de Benghazi. — 


Maladie désignée sous le nom de « Typhus pétéchial analogue à celui dit de Benghazi ». 

De mars 1858 à juillet 1859. — Campements des Nomades auprès de Benghazi, puis 
Benghazi, les districts de Merdje, de Derna, sans gagner Oudjila, centre situé entre 
Benghazi et le Fezzan. — Caractères complets de la peste bubonique d'Orient. 

En juillet 1858. — Lazaret d'Alexandrie, sur les personnes provenant de navires venant de 
Benghazi. — Peste bubonique. On avait cru au typhus. 

1858, d'avril à décembre. — Moursouk, chef-lieu du Fezzan (districts de Moursouk, de 
Vadi Scharghi au nord du premier). — Épidémie de fièvre bubonique ou d'états gan- 
glionnaires ou degré léger de la peste. 

1859, fin d'acät et début de septembre. — Beyrouth (Syrie), divers quartiers de la ville 
et à la campagne des environs. — Fièvre dite intermittente avec bubons caractéristiques 
aux aines, aisselles, cou. On admit une fièvre intermittente compliquée de tumeurs 
ganglionnaires (docteur Suquet). 

1875-1874. — Peste signalée en avril 1874 sur Bédouins près Merdje. Mais les Chéiks 
affirmèérent son existence dans la tribu des Orphas dès la fin de 1875, en septembre, 
date probable du début de cette épidémie. — Tribu des Orphas, près de la ville de Merdje, 
chef-lieu du district de Ghars (Cyrénaïque) : extension aux environs, dans plusieurs 
localités de la province de Benghazi. — Caractères cliniques ordinaires, formes hémor- 


660 PESTE. 


rhagiques, pétéchics et anthrax, formes larvées, récidives sur plusieurs Bédouins qui 
avaient été atteints de la peste en 1858... 


B. — PESTES DE L'ASSYR (ARABIE : CÔTE EST DE LA MER ROUGE, ENTRE LE HEDIAZ ET LE YÉMEN, 
ENTRE LE 20°-28° LAT. N.). ; 


1873-1874. — Suivant les Cheiks, la peste ravagea l'‘ssyr en 1844, tribu ces Beni-Cheirs. 
En 1853-1854 une épidémie tua le tiers des habitants. En 1862 réapparition de la peste 
chez les Beni-Cheirs. En 1868 peste à Namasse, chef-lieu des Beni-Cheirs et environs. En 
1871 cinquième apparition de la peste depuis trente ans. En 1873 commença dans l’Assyr 
l'épidémie qui fut constatée en 1874 et considérée par les Cheiks comme la septième 
depuis trente ans. Fin vers octobre 1874. — Début en octobre 1873, d’après les Cheiks. En 
4874 au village El-Maoûta, campement El-Saädi, six heures de Namasse, chef-lieu des 
Beni-Cheirs, à l'est du plateau montagneux d’Assyr. Propagation aux districts de Chamrän, 
Ghamid, Zàhràn, où la peste s'arrêta à cinq jours de La Mecque et du Taïf. La maladie 
sévit sur presque tout le plateau de l’Assyr, situé à environ 1500 mètres d'altitude. — 
Formes classiques de la peste bubonique. Peu ou pas de charbons. Formes hémorrha- 
giques non rares. D'après le dire des Cheiks, grande fréquence des hémoptysies. 
Pétéchies dans le quart des cas, au rapport des laveurs de cadavres. 

1879. — Début probable dans le 4° trimestre de 1879 et fin en juin. On ne sait pas exacte- 
ment s’il y eut des apparitions de peste en Assyr entre les deux épidémies de 1874 et de 
1879. — Même plateau montagneux de l’Assyr, dans la même tribu des Beni-Cheirs, 
district de Halébé, puis dans ceux de Namasse (chef-lieu) et de Quinana, six villages 
autour de Namasse. — Pas d'observation médicale directe. Fréquence des pétéchies, des 
vomissements mortels, des bubons; peu de charbons; fréquence de simples états gan- 
glionnaires ou cas bénins, sans fièvre; formes ambulatoires, mortalité forte sur les 
nègres esclaves du prys comme en 1874. 


C. — Pestes DE LA Perse (KurDISTAN, KHorassan, PIC.). 


Dans l'été de 1863 la peste apparut chez les Kurdes pasteurs Djélalis qui, descendant des 
montagnes en automne, la communiquèrent aux sédentaires du district de Makiou ou 
Makou où se déclarèrent plusieurs cas à la fin de 1865 et peut-être au début de 1864. — 
Kourdistan persan, province d'Aderbeïdjan, au nord-ouest, près de la frontière turque, 
sur la route de Tauris à Bayazid, principalement aux villages de Danali et Akdagan. in 
Epidémie peu ou mal observée par les médecins de Bayazid, d'Erzeroum, par les médecins 
militaires turcs. Mais les cicatrices des bubons et charbons et les commémoratifs établirent 
le diagnostic positif de la peste. Suivant son habitude, le gouvernement persan ne fit 
aucune recherche sur la maladie et il se borna à nier les faits. 

1870-1871-1872. — Début à la fin de 1870, cessation vers l'automne 1871, mais il y eut des 
cas jusqu’en 1822, suivant le docteur Castaldi. — Kourdistan persan, Aderbeïdjan, tribu des 
Moukris ou Mékris, districts de Saoudj-Boulaq, de Sakkis, de Bana, etc. Début probable 
dans les villages de Miandaoub et Gaumichan ou Djoumonchom, puis gagna Arbanouz. 
Sandjak, Geol-Tépé, Chéraub, Rahimkhan, Ak-Djeven, Natchit, Turkmeukendi, Arméni- 
Boulaghi, Boukan, Bibikent, Yeke-Hembé; district de Sakkis, Kaninias, Karava, Banah. 
à dix-huit heures de Sulaïmaniéh. — Cliniquement peu observée, cette épidémie aurait 
présenté : fiévre intense, douleur précordiale, spasmes analogues à l'emprosthotonos ; 
fréquence des accidents nerveux et cérébraux, stupeur ; pétéchies abondantes, mortelles 
quand elles étaient confluentes, rareté des charbons, bubons suppurés et vomissements 
considérés comme signes favorables (d’après Abdul Ali, médecin persan). Castaldi et les 
médecins européens signalèrent les signes habituels de la peste. 

1876-1877. — Début en mars 1876 ou plus tôt, fin en 1877 ou mieux au commencement 
de 1878, on ne sait au juste à quelle date précise. — Recht, ville persane d'environ 15 à 
90 000 habitants, à 6 kilomètres de la Caspienne, et aux environs, vers le nord-ouest du 
district, même, dit-on, vers Bakou, port russe. — Caractères cliniques mal observés : 
vomissements incoercibles, fréquence des pétéchies souvent mortelles. 3 degrés : 1° forme 
légère, apyrétique avec bubons; 2° degré moyen ou ordinaire; 5° quelques cas foudroyants. 
De plus, formes ataxique et adynamique (Séïd Djaffer et Hassan-Khan, médecins persans). 

1877-1878. — Début en décembre 1877 et fin en mars-avril 1878. — Kurdistan persan, 
Aderbeïdjan, district de Saoudj-Boulaq, tribu des Moukris, comme en 1871-1872, district 
de Sakkis, Ak-Joran, etc. En mars apparut aussi une petite épidémie à Karakoul et 
environs, à 80kilomètres nord de Sehna, à mi-chemin entre Sehna et Sakkis (Tholozan). — 
Peste bubonique bien caractérisée, parfois à formes foudroyantes et hémorrhagiques. Les 


PESTE. 66t 


formes hémorrhagiques furent nombreuses (d'après Mirza Saïd Ali et le docteur Bogatzėlo:- 
médecin ottoman). 5 

1881-1882. — Début probable en novembre 1882 et fin en mai-juin 4882. — Kurdistan 
persan, province d'Aderbeïdjan, district de Saoudj-Boulaq, aux deux villages de Dehi- 
Mansour et de Ouzoun-Déré. En novembre 1884 également à Guerguer, à 50 kilomètres 
nord de Sehna, non loin de Karakoul où la peste avait sévi en 1878. — Les formes pré- 
dominantes furent à déterminations pulmonaires, cardiaques, hémorrhagiques, avec 
pétéchies, bubons, parfois charbons. Le caractère principal fut la forme hémorrhagique 
de la peste d'Orient. La mort advenait en huit, vingt-quatre, trente heures ou au maxi- 
mum vers le septième jour. 

1835. — Début en janvier et fin vers avril 1883. Mais à Bedrava, village voisin, il y aurait 
eu la peste en 1881, à Békir-Beg en 1880, et à Kala-Djouvanro en 1878. Le district 
de Djouvanro serait donc un petit foyer de peste. — Djouanro ou Djouvanro, district 
persan du bas Kurdistan, par 35° lat. N., à trois jours de Sehna ou Sinnah, deux jours de 
Kermanshah et de Haneguine, trois jours de la frontière turque de Suleïmaniéh. Aux 
villages de Békirbeg (chef-lieu) et de Zélan, chez des populations moitié nomades, moitié 
sédentaires. —Epidémie non observée par des médecins. Mais les recherches rétrospectives 
du docteur Stiépovich établirent deux formes: 1° cas graves et mortels avec vomissements, 
fièvre intense, délire, bubons non suppurés, mort le troisième ou quatrième jour; 2° cas 
moyens suivis de sueurs favorables, suppuration des bubons et convalescence. Fièvre 
intense, continue, avec frissons au début et vers la fin dans les cas mortels. Contagion 
extrêmement prononcée. 

1885. — En janvier apparut aux villages de Hay, Oudjagh et Mansourabad, district de Serd- 
Roud, à dix heures N.-0. de Hamadan, une épidémie qui enleva en un mois et demi 
127 habitants, le tiers ou le quart de la population, et finit en mars 1885. Maladie excessi- 
vement meurtrière, trés-transmissible, elle vida totalement plusieurs maisons. Elle fut 
caractérisée par : fièvre ardente, pétéchies, hémoptysies, épistaxis, tumeurs livides au 
cou et aux parotides, engorgement des glandes lymphatiques, douleurs aux aisselles et 
aux mamelles, anthrax et charbons au dos et à la nuque, mort après 2, 5 à 4 jours, bref, 
offrant tous les principaux signes de la peste violente (D" Jablonowsky). Les médecins 
persans n'y virent qu'un typhus spécial. Même maladie aurait régné à Hay en 1884 et 
sur la route conduisant vers le nord à Casvine. D'après le ministre français de Téhéran 
elle aurait existé en 1884 à Zendjan au nord. Enfin les trois villages atteints en 1885. 
sont peu éloignés de Djouvanro et des localités du Kourdistan sus-mentionnées. 


Pour en finir avec les épidémies de peste du Kurdistan il faut dire que les. 
recherches du docteur Stiépovich, à l’occasion de sa mission à Djouvanro, con- 
firmèrent le fait que depuis vingt-cinq à trente ans le pays s'étendant sous 

Pl ! pay í 
forme d’une longue bande montagneuse depuis Salmas au nord jusqu'à Ker- 
manshəh au sud (Kurdistan persan proprement dit) n'a guère été indemne 
d'épidémies de peste. Les épidémies intenses ont été connues, mais beaucoup 
de petites apparitions sont demeurées ignorées du monde médical. Ainsi des 
personnes instruites et dignes de foi (les Missionnaires lazaristes français 
d'Ourmiah sans doute) affirmèrent avoir été témoins de pareilles petites épidé- 
mies, comme, par exemple, il y a quelques années, au village de Tzari, au nord 
du lac d'Ourmiah, qui en quelques semaines perdit trente personnes d’une 
maladie caractérisée par la fièvre intense, les pétéchies et les bubons. De même 

à l’ouest de Salmas à Kosrowa (à une heure sud-ouest de Dilmän) on observa 

une petite apparition de la même peste en août 1882. 

Bref, il paraît résulter des données précédentes et des faits que nous avons 
rapportés que le Kurdistan persan constitue un foyer endémo-épidémique de 
peste au moins depuis une vingtaine d'années. 

1876, au mois de décembre. — Mais on ignore le début et la fin, la durée de cette petite 
épidémie de peste. — Tabaristan (Perse du Nord), district de Charoud (36° 1. N.), deux 
villages, Djaferabad et Djezedie, à 1000 mètres d'altitude, à 5 kilomètres de la route de 
Téhéran à Mesched. — Fièvre intense, délire, bubons spécifiques, quelquefois pétéchies. 
Symptômes ordinaires de la peste orientale, souvent avec des phénomènes hémorrhagiques. 
Observation incomplète par un médecin persan. 


662 PESTE. 


1877, du mois de décembre 1871 à février 1878. — Khorassan (Perse), district de Zebzevar, 
village de Djouloum-Baroum, vers 56° 1. N. à une altitude de 1000 à 1500 mètres près 
des frontières des Turkmènes. — Épidémie mal observée, douleurs intenses de poitrine, 
céphalalsie, fièvre ardente, toux, expectoration sanglante, hématémèse, bubons, dans 
quelques cas, mort au deuxième ou troisième jour (d'après un médecin persan). 

1881. Début en avril et fin vers novembre 1881. — Khorassan, district de Zoveïn, limitrophe 
de celui de Sebzévar, deux villages voisins, distants de 24 kilomètres de Djouloum-Baroum, 
de 42 kilomètres de Sebzévar, villages de Boudagabad et Kélaté Arab. — Peste grave à 
déterminations surtout pulmonaires, mort en vingt-quatre à quarante-huit heures; 
fièvre intense, douleur précordiale, toux avec hémoptysies, hématémèses. Pas de bubons 
observés à Boudagabad, parfois pétéchies. Les bubons apparaissent à la moitié du cours 
de l'épidémie. 


Pour les épidémies de peste de Chuster et de Disful, voir ci-après les épidé- 
mies de l'Irak-Arabi, ainsi que pour la peste du Louristan persan. 

Évnéwes poureuses Ex Pense. En septembre 4877, il fat rapporté au 
ministre d'Angleterre à Téhéran que la peste régnait au nord de Charoud. A la 
même époque, le même ministre apprenait, par des nouvelles de Mesched, que 
la peste aurait éclaté depuis un mois chez les tribus nomades des environs de 
Hérat, chez les Yamshédiens; elle était surtout hémorrhagique et tuait en vingt- 
quatre à quarante-huit heures. D’après des avis reçus des Indes par le ministre 
britannique de Téhéran en janvier 1884, il apparut en septembre 1883 une 
maladie infectieuse toute semblable à la peste à Candahar (Afghanistan), où elle 
causait une trentaine de morts par jour en octobre; elle régna durant l'hiver 
dans cette ville et se répandit aux environs. Il y a tout lieu de croire qu'il 
s'agissait de la peste qui, en janvier 1884, n'avait pas encore disparu de la 
province de Candahar. Il y a lieu de se rappeler que la peste a été signalée par 
des médecins anglais il y a plusieurs années, du côté de Peschawer. Enfin, au 
commencement de 1883, on a répété plusieurs fois à Tauris qu'il existait encore 
une épidémie de peste dans le district de Saoudj-Boulaq. quoique le gouverne- 
ment persan ait dit qu'il ne s'agissait que du typhus. 


D. — PESTES DE L'IRAK-ARABI (ANCIENNE BABYLONIE : PROVINCE TURQUE DE BAGDAD): 


1856, août. — District de l’Irak-Arabi, Bagdad et environs. — Fièvre grave à Bagdad, sous 
forme de fièvre typhoide adynamique, avec engorgements glandulaires au cou, aux 
mâchoires, aux aisselles et ailleurs, d’une durée de six à huit jours. Désignation vague 
que le docteur Duthieul emploie comme pour s'abstenir de donner un diagnostic précis. 

4857, février, mars, mai, etc. — Bagdad et environs, Mossoul. — Grand nombre de fièvres 
dites pernicieuses. Epidémie de typhus sur les recrues de Kurdes à l'hôpital militaire de 
Bagdad, avec parotidites, cas très-graves, à Mossoul 1200 à 1500 décés produits par uue 
fièvre appelée fièvre pernicieuse. 

1858, août et novembre. — Bagdad, Kerkuk.— Tendance des maladies d'apparence typhoïde 
à se terminer par des engorgements lymphatiques et de vrais bubons aux trois lieux 
d'élection. Plus de 50 cas de cette nature constatés à Bagdad par Duthieul. 

1859, février, octobre. — Bagdad. — Fièvre intense et céphalagie : bubons, abcès, anthrax, 
bénins. En octobre les fièvres graves offraient des parotidites, mais pas de bubons. 


A la fin d'octobre le docteur Duthieul dit dans son rapport officiel que 
pareils cas de fièvres gastrique ou autres, peu graves, avec bubons, se mon- 
trèrent à Bagdad en 1829, 1850 et 1851, avant et durant la grande peste qui 
ravagea la ville en 1851. IL rappelle qu’il a souvent signalé à l'Intendance sani- 
taire de Constantinople l’apparition réitérée de fièvres gastriques avec bubons 
durant la dernière moitié de 1858 et le commencement de 1859 (rapport du 
26 octobre 1859). Évidemment Duthieul en dit assez pour éveiller l'attention 


PESTE. 663 


de l'Intendance sanitaire, qui ne parut pas ou feignit de ne pas comprendre la 
portée de ces rapports. 


1860, avril, juin, juillet. — Irak-Arabi, Bagdad, Kerbellah, ete. — En avril et juin 
épidémie à Bagdad de fièvres larvées graves, avec bubons suppurés, avec pétéchies, avec 
nombreuses hémorrhagies, etc., dès le début. 

1861, mai et novembre. — Bagdad et environs. — Fréquence depuis trois ans à Bagdad de 
tumeurs ganglionnaires aux lieux d'élection, avec fièvre; fièvre rémitlente prédominante, 
guérison très-lente de ces bubons qui suppurent rarement. 

1802, janvier, septembre, octobre. — Bagdad. — Continuation des fièvres larvées ou fièvres 
anomales périodiques qui cependant résistent au sulfafe de quinine. 

1865, mai-juillet. — Bagdad. — Toujours des fièvres gastriques rémittentes, des fièvres 
graves hémorrhagiques mortelles (par le nez, les poumons, les intestins, la vessie), 
fièvres compliquées d’hémorrhagies, ecchymoses sur tout le corps, etc. 

1864, pendant toute l'année. — Bagdad et dans la province, sur la frontière de Perse. — 
Grande épidémie de fièvres graves et complexes que Duthieul nomme fièvre rhumatismale 
ou fièvre grave à forme typhoïde, fièvre pernicieuse, fièvre rémittente avec déterminations 
sur les trois grandes cavités. 

1865, avril, mai, juin. — Bagdad, etc., Hanéguine, etc. — En mai, la peste sévit, dit-on, 
à Hanéguine. Toujours à Bagdad des fièvres graves, mortelles, dites typhoïde ou inter- 
mittente avec engorgements glandulaires. A Bassorah, fièvres dites typhoïdes avec 
parotidites (docteur Ashé). En juillet, à Bagdad, fièvres avec pneumonies et hémorrhagies. 

1666, avril et décembre. — Bagdad, etc. — « Les fièvres rémittentes dont je vous ai si 
souvent entretenus depuis sept ans augmentent chaque année d'intensité » (Duthieul). 
Épidémie véritable de ces fièvres. 

1867. — Début vers la fin de 1866, fin vers juillet 1867. — Bagdad, mais surtout dans le 
district de Hindièh, tribu des Hadjioff, des Karatchi, des Hadji-Nasser, etc., sur le bas 
Euphrate. — Dans l'hiver et le printemps 1867, fièvres rémittentes graves et fréquentes 
à Bagdad, avec abcès multiples et signes très-graves. Une femme atteinte de cette fièvre 
avec quatre abcès fit crier à la peste, dit Duthieul. Grand nombre de bubons surtout 
inguinaux, presque toujours apyrétiques, laissant une traïnée jusqu'en automne. Mêmes 
apparitions buboniques à Divanièh et sur plusieurs points de l'Irak-Arabi, mais grande 
épidémie du Hindièh offrant tous les caractères de la peste violente : bubons, anthrax, 
pétéchies rares, plusieurs cas de mort foudroyante; fréquence des hémorrhagies, des 
vomissements. 

1868-1873-1874. — Irak-Arabi et province de Bagdad, campement de 600 soldats turcs entre 
Divanièh et Chénafiéh. Tribus arabes çà et là; Souk-el-Shouck, Divanièh-Hillèh. — Petite 
épidémie d'états buboniques sur les soldats turcs, avec suppuration longue et guérison. 
De 1868 à 1873, fréquence de bubons fébriles à l'hôpital militaire de Hillëh, etc. 

1875-1874, de décembre 1875 à juillet 1174. — Quelques cas sporadiques en automne 1874. 
— Irak-Arabi, rive gauche du bas Euphrate : Dagarrah, Affich, Divanièh, Djerboïe, Sultan. 
Mansour, Midaïdhiéh, Houm-el-Bahroum, Nedjeff, Hindiëh, Kerbella, etc. — Fréquents 
vomissements de sang dits vomito negro; mort après douze, vingt-quatre à quarante-huit 
heures sans bubons ni charbons, surtout au début de l'épidémie, à Dagarrah, Djerboïe, 
Nedjeff, semblable aux pestes des temps passés pour la gravité et la soudaineté (Paduan 
Castaldi). Plus tard apparurent des bubons, des pétéchies, etc. 

1874-1875. — En décemhre 1874, réveil de l'épidémie précédente; fin en juillet 1875. — 
Irak-Arabi, districts Dagarrah et Affich, puis Favar : Divanièh, Chénafièh, Nasrièh, Souk- 
el-Shouk, Chatra sur le Chat-el-Iaï, Kut-el-Amara, Samawa, etc. — Symptômes cliniques 
de la peste moyenne ou grave : fièvre ardente, délire, stupeur; parfois diarrhée et sueurs 
favorables; constance et soudaineté des bubons; épidémie en somme un peu moins 
meurtrière que la précédente relativement, mais plus au total, car elle fut plus étendue. 

1876.— Grande épidémie débutant en novembre 1875 et cessant en juin-juillet 1876. — Irak- 
Arabi, Bagdad et quelques points de la province, plus étendue que les précédentes : Azizié, 
Amara, Chat-elaïi-Hilléb, Kéfil, Hindièh, Nedjeff, Mobavil, Divanièh, Samawa, les Montéfiks, 
Iman-Mansour, Bagdad, au nord à 32 kilomètres de Bagdad, Kerbellah et même Anah, 
à 80 lieues nord-est de Hillèh. Tout l'Irak-Arabi et au delà. — Suivant le docteur Millingen 
il wy aurait pas eu beaucoup d’hémorrhagies : hémoptysies, hématémèses, épistaxis, 
pétéchies, intelligence souvent intacte; la rémittence fébrile fit croire, à Bagdad, à des 
fièvres rémittentes paludéennes. D'après le docteur Arnaud il y avait pas mal de formes 
légères dites ambulatoires ; les cas graves se compliquaient d'hémorrhagies, les très-graves 
étaient ataxiques et rapidement mortels; enfin une forme foudroyante (larvée) tuant sans 
signes extérieurs, Mort du deuxième au cinquième jour. 22000 morts sur 173000 habitants. 


664 PESTE. 


1876, mars à juillet.— La dernière grande épidémie de peste du Uhouzistan datait de 1831.— 
Khouzistan (S.-0. de la Perse), village de Zellikan, chez les Bactyaris près de Chuster, Chuster 
et environs, Chahvèli, Disful, — Peste violente, fièvre et délire, bubons, charbons, pétéchies, 
épistaxis, bématémèses, mélæna, signes mortels. Enfants et vieillards rarement atteints. 
Dans les cas d'hémorrhagies, mort en quelques heures et au deuxième jour dans les cas 
graves. Mortalité d'un quart de la population. Importation certaine à Zellikan par des 
pèlerins persans venant de l’Irak-Arabi. 

1876-1877. — Cas sporadiques de peste en automne 1876, épidémie jusqu'en juillet 1877. — 
Bagdad et environs, et quelques points de l’Irak-Arabi. Aziziè et environs. — Peste 
bubonique ordinaire. Peu ou pas de description clinique; semblable d’ailleurs aux 
précédentes. 

1877-1878. — Bagdad et environs. — En automne 1877, épidémie bénigne, états buboniques 
à Bagdad, avec fièvre chez les enfants (docteur Adler). En février et au printemps de 
1878, encore quelques bubons et charbons. 

1880-1881. — Début vers septembre 1880, fin vers juillet 4881. — Irak-Arabi, district de 
Chamièh, rive droite du bas Euphrate. Début dans la tribu El-Zayad, puis Chènafèh, 
Djaara, Koufèh, Nedjeff, Dessim, Lehiebad, Djamabad, El-Zékra, etc., Chafièh, Chamièh, etc. 
— Fréquence des hémorrhagies : hémoptysies, hématémèses, pétéchies. Forme fou- 
droyante commune : mort en dix, douze, vingt-quatre et quarante-huit heures, comme 
dans la peste noire du quatorzième siècle. Du reste nombreux desiderata de l'observation 
clinique incomplète. La mortalité fut de 1/4 ou de 1/5 de la population. 

A884.— Début en février, fin en juillet 1884.—Irak-Arabi, district de Bedra-Zorbatia-Djesan- 
Mendéli, à l’est de Bagdad, entre la rive gauche du Tigre et la frontière de Perse. — 
Peste très-violente, très-grave, fréquence des hémorrhagies, épistaxis, vomissements de 
sang; toux sèche et hémoptysies. Mort très-rapide dans beaucoup de cas. Epidėmie 
d’ailleurs très-incomplétement observée. 

1879-1884, de février à juin. — Louristan (Perse), en face de Bédra, Mendéli. Tribus, 
Kurdes des Chohän, Ercavaz, Ali-Behy, Decorsa. Beha. — N’a point été observée par un 
médecin. Mais les renseignements donnés par les Cheïks et les notables établissent 
l'existence de cas sporadiques et épidémiques de peste sur ces tribus, au moins depuis 
1879 à 1884 (docteur Jablonowski). 


E. — Peste DE RUSSIE (PROVINCE D'ASTRAKHAN) 


1877-1878-1879, juin, juillet, août 1877, à diverses reprises en 1878 et 1879. — Ville 
d’Astrakhan, localités voisines : Vorport, Kasatchi, Kilintschi, Kamesak, Ouvare, Tischow, 
Karabat, etc. — En deux ans, 1877-1879, il y eut 150 cas de fièvre bubonique, rarement 
mortelle, Épidémie de nature inconnue, suivant les médecins civils et militaires. Le dia- 
gnostic de peste fut établi, mais non accepté à la majorité, par une commission médicale 
à Saint-Pétersbourg. 

4878-1819, début vers la mi-octobre 1878, fin vers la mi-janvier 4879, durée de trois mois à 
quatre mois. — Province d’Astrakhan à Vetlianka, rive droite du Volga, entre Astrakhan et 
Tzaritzin, Prischil, Staritza, Selitrennoe, Oudatsch, Michaïlawska, etc. Ces villages 
avaient une population d'environ 11 à 12 mille habitants. Au début la peste de Vetlianka 
passa pour une fièvre intermittente avec bubons (D° Koch), semblable à celles du Danube 
d’après Griesinger, pour une fièvre rémillente (Düppner), pour une pneumonie croupale 
(plusieurs médecins). Enfin, vers la fin de décembre, Düppner et Zwingmann opinèrent pour 
la pesle à bubons, diagnostice fàächeusement contredit par Krassowski, qui avait vu la 
peste de Recht, mais qui télégraphia à Pétersbourg que c'était le typhus compliqué de 
beaucoup de pneumonies. Le début à Vetlianka fut celui de la peste bénigne, puis vinrent 
les formes violentes, pneumoniques, hémorrhagiques, foudroyantes, mort sans bubons, 
enfin la forme classique avec bubons et charbons vers la fin. 

Pour les détails plus complets concernant les endémo-épidémies de peste dans les divers 
districts de la Turquie, de la Perse et en Russie pendant ces derniers temps, voy. mon 
Mémoire sur les épidémies de peste bubonique qui ont régné depuis trente années (1855- 
1885). Archives de médecine navale, 1885. 


F. — Pesrtes DE L'HiNpousrax. 


4° En mai 1815, à Pile de Katch (25° lat. N.), dans la province de Wagur, à Guzerate, à Marvi, 
à Radanpur, puis vers l’ouest dans le Shind, à Haidérabad-sur-l'Indus. En 1817 à Dolléra 
(Gazerate), importée de Katch, avril 1818 à Wadewan, fort Roun. 1819 à Bouriad, 1829 
à Dolléra, d'où elle gagna la province et la ville d'Ahmedabad jusqu’en 1891. 

2 Juillet 1856 à Pali (Pali-plague) et à 50 milles aux environs, à Djodpour, capitale du 


PESTE. 665 


Marvar, passant les monts Aravalli à l'est, la peste sévit à Deoghours en 1837, jusqu'à 
Bilvarah et Houmerghour, et à la fin de 1857 atteignit trente-deux villes dans le Meyvar ; le 
campement anglais isolé de Nassirabad fut indemne; puis à Pali derechef de 1837 à 
1858. Encore signalée auprès d’Adjimir à l’est, en 1828-1899 à Hansi, au nord-ouest et 
près de Dehli, puis en 1835 dans le Rohilcund (Guthrie) sous le nom de peste de Pali. — 
Formes graves, à déterminations pectorales, hémoptysies, toux, hémorrhagies, parfois 
mort sans bubons (Gilder, Mac-Adam, Glen, White, Forbes, etc.). Cinq formes dans la 
peste de Pali observée par Forbes : 1° forme légère avec peu ou pas de fièvre, bubons 
suppurés, convalescence lente; 2° forme avec fièvre rémittente, toux sèche ou crachats 
blancs et mousseux; vomissements, bubons; la plus commune; 3° forme maligne et 
violente, peu ou pas de bubons, délire, vomissements bilieux ou café noir, toux sèche, 
anxiété précordiale, coma et trismus, mort du quatrième au sixième jour; 4° forme la 
plus fatale, à fièvre modérée, toux, hémoptysie, hématurie, épistaxis, douleur précor- 
diale. syncope mortelle après quarante heures; 5° forme mixte, plus rare. Mêmes de- 
scriptions par Irvine, Kéir, Russell, etc. (Morehead, Diseases in India, 1860). 

1866. — On ne connait pas l'ancienneté de la peste dans l'Hindoustan. D'où provenait la 
série des pestes signalées depuis 1815 jusqu’à nos jours? Les uns admettent l'importa- 
tion de la peste du Hedjaz par les pèlerins dans l’ouest de l'Inde vers 1815, ou bien de 
la Perse par les relations commerciales; c'est une question non résolue; d'autres regar- 
dent ces pestes comme spontanées et spéciales à l'Inde, fait peu probable. La peste de 
Pali n’offrit rien de spécial cliniquement. De 1815 à 1837, la peste, au lieu de gagner le 
sud, au delà du tropique, remonta vers le nord-est de l'Inde, des bouches de l'Indus 
vers l'Himalaya où elle règne aujourd’hui, de Katch ou Rohileund. — La 4"° irruption 
occupa le sud-ouest de l'Inde, de l'Indus aux monts Aravalli; propagation facile à suivre; 
la deuxième se porta vers le nord-est, de Guzerate et de Pali vers le cours supérieur 
des affluents du Gange ; avec une égale transmission manifeste du nord du Radpoutana 
elle gagna le Rohilcund, voisin de l'Himalaya. Mortalité très-considérable. Aucune mesure 
prophylactique, sauf pour les troupes anglaises, que l'isolement préserva à Nassirabad. 

9° Épidémies ou endémo-épidémies de peste des districts de Garval et de Cumaon, versant 
sud de l Himalaya, aux sources du Gange (50° 1. N.). Une première fois en 1823, mais y 
existait auparavant (docteur Francis), sous le nom local de Mahamurree. Dans le Gurwal, 
elle s’étendit beaucoup de 1823 à 1854-1855, surtout en 1857, le long du Pindar. De 1846 à 
1847, elle atteignit les sources du Rangounga, à 40300 pieds, et gagna le Kumaon. De 
1847 à 1855 elle gagna le sud, le Rohilcund, où elle fut signalée déjà en 1855. En 1852 
elle aurait sévi à 40 milles au nord de Peschawur, dans le district montagneux des 
Jassafzaï (Murray). De 1859-1860, grande épidémie dans le Gurwal et le Kumaon; une 
autre en 1870-1871; une autre en 1876-1878. En somme, le mahamurree serait endémique 
dans cette région. 

Suivant Pearson, Francis et Planck, qui ont observé les épidémies du Gurwall et du Kumaon, 
le mahamurree ne diffère en rien de la peste bubonique dite orientale : bubons, charbons, 
parfois pétéchies, dans les cas graves. Quelquefois formes hémorcrhagiques graves, mor- 
telles 95 fois sur 100, sans les symptômes ordinaires (forme rapide, sidérante). En 1877- 
1878, suivant Planck, il y eut deux formes : 1° forme fébrile, à mort rapide, sans bubons 
ni pétéchies ; 2° forme ordinaire avec bubons et suppuration de bon augure. Bref, ces 
pestes, comme les précédentes, ne différent nullement de la peste orientale. 


G. — PESTES DU YUN-NAN ET DU SUD DE LA CHINE. 


De 1850 à 1878 et depuis. Mais les dates exactes de l'existence de la maladie pestilertielle du 
Yun-nan et du Kuang-si laissent à désirer. — Province du Yun-nan (Chinc), parfois dans le 
Laos, dans la province du Koneï-chou, nord-ouest du Yun-nan. La peste existerait aussi 
parfois à Pokhoï, port au nord du golfe du Tonkin, et à Lien-Chu et environs, et dans la 
province de Kouang-si, limitrophe à l’est de celle du Yun-nan. La peste ou une maladie 
analogue (?) existerait ainsi dans le sud de la Chine, du Laos au golfe du Tonkin nord. Mais 
ces faits n’ont pas encore été mis hors de doute. — D'après le Français E. Rocher, qui a 
visité le Yun-nan, et le rapport du docteur Manson, les caractères de l'épidémie du Yun-nan 
seraient exactement les mêmes que ceux de la peste bubonique d’Urient et de l'Inde. 
Même évolution, même formes graves et légères, mêmes bubons, charbons, etc. Suivant 
le docteur Lynch, la peste apparaîtrait chaque année, sporadique à Pakhoï et à Lien-Chu ; 
marche rapide, mort en deux à trois jours; mêmes formes qu'ailleurs. Mais le médecin de 
la marine anglaise Lynch ne la décrit que d’après les données de l'agent consulaire anglais 
de Pakhoï, non d’après sa propre observation. D'ailleurs la peste de Pakhoï apparait 
épidémique parfois et à la même époque que celle du Yun-nan, surtout au printemps. 
En résumé, l'existence de la peste actuelle ou récente dans la Chine méridionale n’a pas 


666 PESTE. 


été mise hors de doute et n'offre pas le même degré de certitude que celle des pays 
précédents. 


Les résumés précédents, considérés suivant l’ordre chronologique et topo- 
graphique, des épidémies de peste depuis trente ans, donnent lieu aux remarques 
suivantes. En moins de vingt-cinq ans, la Cyrénaïque a compté 2 épidémies; 
l’Assyr, 2 connues, mais sans doute précédées de plusieurs autres; l’Irak- 
Arabi, au moins 7, sans compter les petites ni celles qui ont paru avant 1867; 
la Perse, 11, dont 7 dans l’Aderbeïdjan et le Kurdistan, 5 dans le Khorassan et 
une dans le Kousistan; la Russie, 1 dans l’Astrakhan; l'Inde, une série indé- 
terminée (bien connues de 1815 à 1880), enfin la Chine méridionale, plusieurs 
probablement dans le Yun-nan et peut-être mème plus à l'est dans le Kouang-si. 
Sauf les plaines de l'Irak-Arabi et du Volga, la peste a surtout sévi récem- 
ment sur des hauteurs montagneuses où elle paraît s'être retirée comme en 
des citadelles : Kurdistan, Gurwall-Cumaon, Yun-nan, Assyr, etc. 

Chronolosiquement on peut dire que depuis 1845 à 1856 la chaîne des 
épidémies de peste fut un instant, quoique incomplétement, rompue. De 1856 
à 1867, on en retrouve çà et là, en Orient, quelques chaînons épars. Mais de 
4867 à 1885 les anneaux se multiplient; ils se soudent d’une façon suivie, 
sans du moins grands intervalles, parfois même deux par deux, trois par trois. 
Donc à une courte période de repos relatif a succédé une nouvelle phase d’acti- 
vité du fléau pestilentiel en Orient. - 


IL. Séméiologie. Il n’est peut-être pas de maladie épidémique qui soit moins 
uniforme que la peste dans ses expressions symptomatologiques. L'étendue, la 
mobilité, ła complexité de ces symptômes, nous font une obligation de la consi- 
dérer sous les aspects suivants : 

1° Symptomatologie générale sommaire ; 

2° Symptomatologie spéciale : analyse de chaque symptôme, examen de 
chaque fonction ; 

5° Symptomatologie variable suivant les degrés, suivant les formes, d'après 
les épidémics, eu égard aux temps, aux lieux, aux accidents particuliers ou 
complications. 

Si les détails analytiques dans lesquels nous entrerons paraissent prolixes, il 
faut savoir que la séméiotique de la peste, qui date à peine d'un demi-siècle, 
est loin d’avoir acquis la précision de celle des autres maladies épidémiques, et 
qu'en conséquence nous sommes tenu de souvent recourir aux citations des 
observateurs modernes pour éclairer les données dont les anciens se sont mon- 
trés si avares. 

Cette séméiotique laissant d’ailleurs beaucoup à désirer, le moment n'est pas 
encore venu de la résumer dans un exposé succinct, sous peine de s'exposer à de 
nombreuses inexactitudes. 

1° SYMPTOMATOLOGIE GÉNÉRALE. On peut la résumer dans une période d’inva- 
sion, dans une période d'état fébrile avec localisation morbide extérieure, dans 
une phase de déclin aboutissant à la convalescence ou à la mort. 

a. Le début est habituellement brusque, imprévu, rarement précédé d'un 
mouvement fébrile, de douleurs courbaturales, de rachialgie, de fatigue; c'est 
ce qui à fait considérer l'attaque comme le résultat d’un empoisonnement 
soudain, ainsi que cela a lieu parfois dans le typhus abdominal très intense. 


PESTE. 667 


L'invasion se marque tout d'abord par l'apparition de troubles graves du côté 
de la sensibilité générale, par une prostration inusitée tout à la fois physique 
et psychique : céphalalsie intense, vertiges, éblouissements; visage pâle, abattu; 
traits défigurés, inertes; yeux ternes, souvent injectés, avec dilatation des 
pupilles; parole empèchée ou supprimée; démarche incertaine, chancelante, 
comparable à celle de l'ivresse. Bref, le facies altéré revêt une expression singu- 
lière, difficile à décrire, mais regardée comme caractéristique. Le malade se plaint 
de la sensation pénible d’un feu intérieur qui le brûle dans le nez, dans le 
gosier, dans l'estomac, etc. C'est ordinairement alors que surviennent les nausées, 
les vomissements, quelquefois la diarrhée. i 

Ce stade varie dans sa durée et dans son intensité; à peine dessiné parfois, il 
ne dure que quelques heures; d’autres fois il persiste pendant un ou plusieurs 
jours. Le passage à la deuxième période s'annonce par l'invasion de la fièvre 
débutant par un frisson initial ou un refroidissement très-intense. 

b. La fièvre plus ou moins violente accompagnée de prostration ouvre donc 
ordinairement le deuxième stade : peau brülante et sèche, mal de tête parfois 
insupportable, soif ardente, larmoiement et injection des yeux avec conjoncti- 
vite vers l'angle interne de l'œil ; langue humide, couverte d'un enduit crayeux 
ou blanc comme de la nacre; douleurs dans l'estomac, dans l'intestin, parfois 
vomissements; pouls fréquent, de 90 à 120 pulsations et plus; respiration 
accélérée. Il n'est pas rare d'observer à ce moment un état thyphique très- 
prononcé; le délire plus ou moins intense passe au coma et au sopor; la 
langue devient rude, sèche, fuligineuse; les lèvres, les dents, la bouche, les 
narines, se recouvrent aussi de croûtes noires et de fuliginosités. 

Dans cette occurrence peuvent survenir des accidents graves : le ramollis- 
sement, la défaillance ou paralysie du cœur ; le pouls petit, dépressible, souvent 
irrégulier, devient difficile à compter; avec l'augmentation de chaleur profonde 
coïncident le refroidissement progressif des extremités, la cyanose des lèvres et 
d'autres signes de collapsus. La région des hypochondres est notablement gonflée, 
il y a des vomissements opimitres; les urines sont rares ou supprimées, parfois 
sanguinolentes ; c’est aussi l'époque où apparaissent du catarrhe bronchique et 
des épistaxis ou d’autres hémorrhagies. 

c. Après deux à trois jours de fièvre, quelquefois moins, apparaissent les 
premières localisations vraiment pathognomoniques, les bubons qui surgissent 
parfois tout à coup, mais succèdent le plus souvent à des douleurs fort aiguës 
aux aines, aux aisselles, au cou ou ailleurs. Le développement de ces localisa- 
tions significatives amène souvent une rémission dans la fièvre en même temps 
qu'il se produit un travail vers la surface cutanée, des sueurs abondantes. Le 
pouls plus ample devient moins fréquent, de 90 à 100 pulsations; l’état 
psychique devient également un peu meilleur. Moins constante que celle des 
bubons est l’éruption de charbons sur les membres, au tronc, au cou ou ailleurs. 
La terminaison favorable des bubons se fait par suppuration, beaucoup plus 
rarement par résolution : la gangrène limite assez vite les charbons, qui guéris- 
sent aussi d'ordinaire par suppuration et par élimination. 

C'est toujours dans les cas graves qu’apparaissent des pétéchies, des vibrisses, 
des ecchymoses plus ou moins étendues : elles ne se montrent le plus souvent 
que peu de temps avant la mort. Celle-ci peut survenir durant la première, la 
seconde et la troisième période, avec ou sans aucune manifestation locale de la 


maladie. 


668 PESTE. 


Quand la rémission qui suit ordinairement le développement des localisations 
fait défaut, il survient souvent un état typhique grave, accompagné de délire, 
de diarrhée, d'accidents redoutables jusqu’au quinzième ou vingtième jour. 
D’autres fois, à cette rémission d'apparence favorable succèdent des accès de 
fièvre irréguliers, des parotidites, des éruptions miliaires, conséquences pro- 
bables de la pyohémie. C'est alors que l'on voit surgir les éruptions malignes, 
les pétéchies, signes avant-coureurs d'une mort prochaine. 

d. Du sixième au dixième jour souvent se dessine la convalescence annoncée 
par la suppuration franche des tumeurs buboniques. Rarement elle est très- 
prompte; parfois elle se traîne au milieu d’un épuisement général des malades, 
accompagnée de localisations sérieuses, telles que des suppurations intermi- 
nables, des abcès profonds, des ganglions internes, etc. Elle peut encore se 
compliquer de parotidites, de furoncles, de phlegmons de la peau ou des muscles, 

- de pneumonies, d'un état fébrile typhique particulier, d'hydropisies, de para- 
lysies. 

Voilà l'esquisse, le schème symptomatique de la peste. Mais il serait témé- 
raire de vouloir en donner le tableau véritable sans le secours de l'analyse qui 
devra porter sur les principaux symptômes soumis à un examen successif ainsi 
que sur leurs principaux groupes fonctionnels. 

20 ANALYSE PARTICULIÈRE DE CHAQUE SYMPTÔME, EXAMEN DE LEURS PRINCIPAUX 
GROUPES DANS LA PESTE. a. Prodromes. Dans leurs descriptions d’ailleurs trop 
concises, écourtées, incomplètes, les anciens ne parlent guère que de la sou- 
daineté de l'attaque de peste, et de l'invasion aussitôt suivie d'une mort fou- 
droyante (Papon, H. Saxonia, Valleriola, Bénoît, Follinus, etc.). Mais, considérée 
comme exacte, celte marche ne s'applique qu'à la période la plus meurtrière 
des épidémies les plus violentes. S'il est vrai toutefois que la maladie frappe 
habituellement ses victimes par surprise et d'emblée, il n'est pas absolument 
rare qu'elle débute avec quelques prodromes : gène et malaise général, perte 
d'appétit, nausées, éblouissements, frissons erratiques, et même Jl y a de vrais 
accès réguliers, simulant le début d'une fièvre intermittente (Thénot, de Mer- 
tens, etc.); douleurs plus ou moins aiguës dans les régions des glandes 
d'élection. 

Ces douleurs ganglionnaires accompagnées d'abattement et de céphalalgie, 
d’altération du visage devenu triste, d'incertitude dans la démarche, d’anorexie 
et de courbature, d'un état particulier de la langue devenant blanche au 
milieu et rouge sur les bords, ces signes précurseurs constituaient, suivant 
Barozzi, une période constante, d’une durée de huit à soixante heures avant 
l'apparition de la fièvre d'invasion, dans l'épidémie de la Cyrénaïque en 1858. 
Ce même état prodromique aurait aussi existé dans l’épidémie de Recht (docteur 
Hassan Khan). Par exception, la durée des prodromes s’étendrait jusqu’à trois 
et même quatre jours (Barozzi). 

Dans quelques circonstances ces préliminaires demeurent isolés, sans suite ; 
ils constituent toute la maladie en quelque sorte laquelle prendrait ainsi la 
forme ou le degré d’une simple ébauche en miniature. Mais il faut savoir cepen- 
dant que dans les irruptions graves de la peste il n’y a guère de prodromes et 
que l'invasion est rapide, souvent subite. 

b. Facies. Attitude générale. Innervation. L'attitude verticale est, dès 
le début, troublée par des étourdissements, des vertiges; la démarche est titu- 
bante comme celle de l’homme ivre; les jambes fléchissent sous le corps, les 


PESTE. 669 


bras pendent immobiles, la tête penche en avant; la parole est lente, embar- 
rassée, parfois abolie. Le regard est morne, résigné, d'apparence sombre et 
farouche, non empreint de stupeur ou d’hébétude comme on l'a répété, mais au 
contraire animé par l'intelligence ; c'est peut-être ce qui en fait le trait le plus 
distinctif dans la peste. Parfois cependant le facies offre comme un masque 
morbide composé d’effarement, d'hébétude et de résignation; d’autres fois il est 
tuméfié, comme enduit d'un corps huileux (Orrœus). Bref, la plupart des obser- 
vateurs parlent d'un facies propre, qu'il est moins difficile de reconnaitre quand 
on l'a vu que d'exprimer par des mots. 

Le décubitus est toujours dorsal dans les cas graves jusqu’à la mort; nulle 
maladie, plus que la peste, ne présente la résolution générale, l’anéantissement 
des forces. 

Les troubles du côté du système nerveux dans la peste sont nombreux et 
divers; non moins diverse a été leur appréciation, qui a donné lieu à bien des 
divergences. 

Ce sont les troubles de l'intelligence qui ont été le principal sujet de ces 
divergences. Les anciens écrits, qu'ils émanent des historiens ou parfois des 
médecins, ne manquent jamais de mettre au premier rang un certain nombre 
de ces troubles sans cependant les préciser avec exactitude : tels sont les délires, 
les manies ou fureurs, les frénésies, les léthargies, les accès de folie, signalés 
dans la plupart des grandes épidémies des premiers siècles de notre ère, surtout 
dans le cours de celles du moyen âge. La grande peste de Paris, en 1450, fut mar- 
quée par des frayeurs terribles (Quercetanus); celle de la même ville en 1560 
présentait du délire, des convulsions, des insomnies (Palmarius) ; celle de Lyon, 
en 1698, offrait de la manie, de la frénésie, un sommeil invincible; Diemer- 
broeck signale dans celle de Nimègue de la terreur, du délire, des tressaille- 
ments, des convulsions, parfois du coma; celle de Londres (en 1664), suivant 
Hodges, montrait du délire, l'absence de jugement et de connaissance, de l'as- 
soupissement, un sommeil léthargique et parfois au contraire de l'agitation 
incoercible et de l’insomnie; enfin dans celle de Marseille, en 1720, on observa 
des inquiétudes extrêmes, de l'abattement, un affaissement général dans les cas 
funestes. Les observateurs modernes ont beaucoup moins insisté sur les altéra- 
tions de l'intelligence dans la peste. 

Le délire est un phénomène non rare dans la peste : 1l peut être loquace, 
furieux ou tranquille; il est souvent suivi d’un coma profond. Les malades 
sont le jouet de visions terribles, illusions ou hallucinations; parfois il y a 
alternance entre l'agitation, le délire et le coma ; celui-ci prédomine ordinaire- 
ment aux approches de la mort. 

Dans les anciennes épidémies, les troubles de l'intelligence se marquaient 
tantôt par des insomnies ou du coma, par de l'agitation, souvent par des frayeurs 
terribles, par des apparitions de spectres, qui poussaient les malades au sui- 
cide de diverses manières, soit en se précipitant par les fenêtres, soit en se 
jetant à la mer; ils s’enfermaient dans leurs chambres, ou se réfugiaient dans 
les églises, ou grimpaient le long des murs, sur les toits, comme à Digne en 
1629. Ce penchant au suicide fut observé principalement chez les femmes dans 
l'épidémie de Milan, à Padoue, au Danemark en 1540 et 1655. 

Le délire constituait l’un des troubles les plus habituels dans la peste récente 
d'Égypte (Clot-Bey); ordinairement il était paisible sans impulsion vers le 
suicide ; quelques malades conservaient l'intégrité de l'intelligence jusqu’à la 


670 PESTE. 


mort (idem). Barozzi n'observa que très-exceptionnellement la stupeur, le coma, 
l’assoupissement, les convulsions, la surdité, dans l'épidémie de la Cyrénaïque 
en 1858; le délire y fut plus fréquent, quoique la majorité des malades jouis- 
sent de la pleine liberté de leurs facultés intellectuelles. Dans l'épidémie de 
Recht, il y avait conservation de l'intelligence ordinairement jusqu'à la mort 
(Hassan Khan). Au nombre des troubles du système nerveux observés dans 
l'épidémie de l'Irak-Arabi de 1875 à 4877, Cabiadis cite le tremblement, ia 
somnolence, la stupeur, le délire; le délire, le plus souvent tranquille, y fut 
noté par Arnaud avec assez de fréquence : l'état soporal et le coma annonçaient 
une terminaison fatale. 

Dans l'épidémie de l’Astrakhan et surtout à Vetlianka, les troubles intellec- 
tuels firent défaut. Le délire notamment et le coma étaient si rares que l’on 
pouvait douter des cas où ils avaient existé et l’un des caractères de l'épidémie 
fut l'intégrité absolue des facultés sensorielles (Zuber). Cette intégrité a été 
d'ailleurs constatée dans maintes épidémies, de même que sa perte ou son 
trouble ne peuvent faire l'objet d'aucun doute dans un bon nombre d'autres. 
Nous tenons des médecins qui ont éprouvé la peste qu'ils ont perdu connaissance 
pendant un laps de temps plus ou moins considérable. 

Ainsi, pour résumer Ja question, il faut admettre que les émotions tenant 
d'une vive excitation, les frayeurs, les visions terribles, les impulsions au sui- 
cide, les exaltations délirantes, dominèrent souvent dans le cours des épidémies 
de l'antiquité et du moyen âge; que le délire, parfois la stupeur et d’autres 
altérations du sensorium commun, la perte de connaissance, etc., peuvent se 
montrer dans la peste ; que cependant l'intelligence est souvent intacte jusqu'au 
moment de l'agonie qui amène la mort dans le coma et la prostration. 

Il résulte de cette analyse critique que l'on a parfois singulièrement exagéré 
les symptômes d'ordre typhique dans le tableau de la peste (Griesinger). Cepen- 
dant ce serait tomber dans l'excès contraire que de vouloir les nier. Sans aucun 
doute le facies et le genre des troubles nerveux sont à beaucoup d’égards diffé- 
rents dans la peste et dans les maladies typhiques ; cependant les différences et 
les contrastes ne sont pas tels qu'on puisse toujours et facilement en faire la 
distinction d'après ce seul ordre de signes morbides. 

Les troubles de la sensibilité ont été décrits d'une façon spéciale dans la tota- 
lité des épidémies de peste. De tous les phénomènes de cet ordre le plus impor- 
tant et le plus constant est la céphalalgie. Elle est principalement frontale, 
gravative, lancinante, pongitive, parfois obtuse. Elle est quelquefois citée parmi 
les phénomènes prodromiques. Elle disparait ordinairement après les premiers 
Jours, quoiqu'elle persiste assez souvent jusqu’à la fin. Son intensité la rend 
quelquefois insupportable. Dans la grande peste de Londres du dix-septième 
siècle, les maux de tête étaient si constamment cruels que les malades croyaient 
que leur tête volait en éclats et qu'ils étaient tourmentés par ce supplice jusqu'au 
dernier soupir (Hodges). La peste de Marseille fut également marquée par une 
douleur et une pesanteur de tête intolérables. La céphalalgie frontale est notée 
comme fréquente dans la peste d'Égypte (Clot-Bey). 

Le même phénomène, soit seul, soit accompagné de vertiges, est signalé avec 
soin par tous les observateurs des plus récentes épidémies, comme étant [un 
des traits les plus caractéristiques de la maladie, comme l’un des signes presque 
pathognomoniques (Barozzi, Arnaud, dans la Cyrénaïque, Cabiadis et Arnaud 
dans l’Irak-Arabi, Zuber pour Vetlianka, etc.). La céphalalgie, dit Petresco, fut 


PESTE. 671 


le symptôme principal et prédominant de la peste d’Astrakhan, dès le début. 
Elle était d'ordinaire frontale, s'accompagnant d'insomnie, d'élourdissement, 
surtout dans la position verticale, ce qui empêchait les pestiférés de pouvoir se 
lever, ou de tourner la tête sur l'oreiller, sans tomber étourdis et sans perdre 
connaissance. 

On a noté d'autres troubles douloureux, tels que des douleurs passa- 
res, lancinantes ou bien gravatives et persistantes, siégeant dans diverses 
‘égions, aux lombes, au dos, dans les membres, de l’épigastralgie, une sen- 
sation extrêmement pénible de brûlure et de constriction à la région préster- 
nale ou précordiale, des coliques, des secousses électriques dans tout le corps, 
surtout aux membres. La rachialgie, qui fait si souvent le pendant de la 
céphalalgie et des douleurs épigastriques dans certaines fièvres graves (variole, 
fièvre Jaune spécialement), existe fréquente, mais non très-caractéristique dans 
la peste. 

Ici la sensibilité générale est plus ou moins profondément diminuée, 
émoussée, comme dans les autres maladies typhiques. Parfois pourtant elle 
paraît exaltée durant la période de réaction. Est-ce à une perversion de la sensi- 
bilité que l’on doit rapporter cette sensation de chaleur extraordinaire dans la 
gorge, dans les organes intérieurs, et qui fait si souvent le tourment des malades? 
D'après Barozzi, il y avait exceptionnellement de l’anesthésie dans l'épidémie de 
la Cyrénaïque en 1858. 

Il y a lieu de penser que l'exploration des troubles de la sensibilité générale 
dans la peste laisse plus d’une lacune à combler. 

Les troubles des sens spéciaux ont attiré de bonne heure l'attention des 
observateurs. Jusqu'au dix-septième siècle, on ne parlait guère que d'égarement 
des yeux et des troubles vagues de la vision. Les yeux étaient rouges et injectés 
dans la peste de Nimègue (Diemerbroeck) ; saillants, rouges et brillants, injectés, 
égarés et ardents, dans celle de Moscou, signe pathognomonique d’après Orræus ; 
parfois ils sont jaunes, pâles, ternes, larmoyants et recouverts par les paupières, 
comme dans celle de Marseille, en 1720. La vue est quelquefois troublée, il y 
a paralysie des pupilles. 

L'un des premiers, Brayer a signalé les yeux étincelants, hagards, fixes, 
farouches, comme hydrophobiques et phosphorescents. Mais c'est Barozzi qui a 
tout particulièrement insisté sur la nature caractéristique du regard et sur sa 
valeur diagnostique dans la maladie de la Gyrénaïque en 1858. Sans exprimer 
l'hébétude ou l'indifférence, le regard était placide, attristé, résigné, parfois 
sombre et farouche, toujours animé par l'intelligence et exprimant clairement 
la parfaite connaissance d’une situation désespérée. Arnaud a signalé dans les 
épidémies de la Cyrénaïque de 1874 et de l’Irak-Arabi en 1876 un strabisme 
prononcé des yeux, trouble singulier qui se rapporte plus particulièrement aux 
anomalies du mouvement. 

Souvent intact, le sens de l'ouïe est quelquefois obtus, diminué, troublé par 
des tintements et des bourdonnements d'oreille et même atteint de surdité. La 
perte de l'ouïe fut considérée comme un signe de bon augure dans les épidémies 
de l'Europe au seizième siècle, suivant Chicoyneaa. D’après quelques observa- 
teurs, les fonctions de l'ouïe, du goût et de l'odorat, seraient toujours amoin-. 
dries dans la peste. La surdité fut assez rare dans la peste de la Cyrénaïque de 
1858 (Barozzi). 

En somme, les troubles de la sensibilité générale et spéciale de la peste, tout 


A 


3 


s Oh 


672 PESTE. 


fréquents et manifestes qu'ils sont, diffèrent beaucoup de ceux des affections 
typhiques. 

Parmi les troubles généraux de la motilité on cite l'agitation, le désordre des 
mouvements poussé quelquefois jusqu'à l'extrême, jusqu'à l'extravagance et aux 
divers modes de suicide signalés au moyen âge et dans l'antiquité. Les convul- 
sions furent fréquentes dans la peste de Digne de 1628 (Valleriola) ; Diemer- 
broeck constata à Nimègue des soubresauts et de légères contractions des 
extrémités ; on nota la fréquence des défaillances et des léthargies dans l'épi- 
démie de Lyon (Valleriola) ; dans celle de Tunis (Passeri), etc. Il n'a été fait 
que rarement mention de la paralysie. 

Cabiadis a insisté sur un trouble moteur singulier très-manifeste dans la 
peste de l'Irak-Arabi : c'était un tremblement nerveux précédant l'attaque, sorte 
de secousse générale et prolongée qui durait de six heures à trois jours, sans 
que le malade éprouvât aucun froid et sans qu’il y eùt abaissement de la tem- 
pérature, tremblement accompagné d’un pouls petit, accéléré et presque toujours 
suivi d’un profond coma dans lequel la vie s'éteignait rapidement. Ce remar- 
quable phénomène n'est, à notre connaissance, signalé nulle part ailleurs dans 
la peste. Les convulsions cloniques furent rarement observées dans l’Astrakhan. 
Düppner cite un cas de palpitations cardiaques prononcées. 

Aux troubles moteurs par défaut se rapportent la prostration des forces 
poussées jusqu’au point d'immobiliser les malades au lit dans le décubitus 
dorsal, comme dans l'épidémie de Vetlianka, la lassitude du début, la démarche 
titubante, l'embarras de la parole, la voix tremblante, cassée, éteinte ou affai- 
blie, parfois le mutisme. Enfin, dans les cas peu intenses ou légers, il n’existe 
que peu ou pas de perversion de la motilité. 

c. Appareil digestif. Parfois il y a un appétit dévorant et insatiable comme 
dans les pestes de Justinien (Procope), de Lyon (Papon), de Malte (Passeri); le 
plus souvent l'appétit est perdu comme dans les pestes de Londres (Hodges), 
comme en Égypte (Clot-Bey), comme à Vetlianka (Petresco) et dans la très- 
grande majorité des épidémies. 

La soif, qui peut être ordinaire ou nulle, est dans la plupart des cas ardente, 
inextinguible, intolérable, quoi qu'en ait dit Diemerbroeck pour la peste de 
Nimègue. En Cyrénaïque en 1858, le début de la peste était marqué par la 
perte de l'appétit, lequel ne tardait cependant pas à revenir ; mais la soif était 
inextinguible (Barozzi). Il en fut de même en 1874 (Arnaud) et dans l'{rak-Arabi 
en 1876-1877. 

Suivant la plupart des observateurs, il est peu de maladies où l'altération de 
la langue soit plus prompte et plus remarquable que dans la peste (Orræus). 
Elle est blanche, recouverte d'un enduit crayeux ou nacré, plus rarement rouge 
ou verdâtre, quelquefois noire : elle est sèche, tremblotante, fendillée, quelque- 
fois déviée. On a noté du ptyalisme (Buday), des aphthes (en 1629, à Montpel- 
lier), la couleur écarlate de la gorge (Procope), des angines de mauvais carac- 
tère. Les lèvres et les dents sont souvent fuligineuses. En 1858, dans la 
Cyrénaïque, la langue était rouge sur les bords et à la pointe, large, humide, 
nacrée à la surface ; elle était livide, erevassée, sèche, mais seulement dans les 
cas graves, dans l'[rak-Arabi en 1876. A Recht, elle était blanche, gonflée, 
large, sortant difficilement de la bouche (Hassan-Khan). Rappelons encore ici 
cette singulière ardeur et chaleur douloureuse du gosier et de la région épigas- 
trique ci-dessus mentionnée. 


PESTE. 613 


Les nausées, les vomituritions, les vomissements vrais, sont l’un des phéno- 
mènes les plus constants, les plus persistants et parfois les plus opiniâtres de 
la maladie. Les vomissements sont composés de matières alimentaires, de 
liquides visqueux, verdâtres, et de matières sanguinolentes. En Égypte, ils 
offraient ces caractères variés (Clot-Bey). La peste de Justinien fut remarquable 
par les vomissements de sang (Procope), lesquels sont fréquemment signalés 
dans les diverses épidémies du moyen àge et des temps modernes. 

Nous avons vu que les irruptions pestilentielles de l'Inde de 1815 à 1830 et 
plus tard ont été données comme ayant une grande fréquence des vomissements 
sanguinolents. Ceux-ci sont aussi rapportés comme non rares en Chine dans la 
peste du Yun-nan. Les hématémèses furent fréquentes en Cyrénaïque en 1858 ; 
dans l'épidémie de 1874 à 1875 il y eut une extrême fréquence de vomisse- 
ments de sang (intitulés vomito negro), surtout à Dagarra et à Nedjeff, qui 
imprimèrent un cachet spécial au début de cette explosion pestilentielle (Cas- 
taldi). Cabiadis a signalé aussi dans les mêmes localités et plus tard les hématé- 
mèses comme l’un des symptômes graves et fréquents de la peste. À Vetlianka 
les vomissements furent bilieux et dans un petit nombre de cas sanguinolents 
(Petresco). Suivant Millingen, dans l'épidémie de Chuster en 1876, le médecin 
persan lui parla de la fréquence des vomissements de sang. Mais nulle part ce 
symptôme n'a été plus commun que dans les dernières petites épidémies de 
peste du Khorassan et du Kurdistan persans. De même dans la récente épidémie 
de l'Irak-Arabi en 1881. 

Ainsi les hématémèses constituent l’un des phénomènes vulgaires de la peste 
soit dans les temps anciens, soit dans les temps modernes, et cela sans distinc- 
tion au moins apparente de localités. 

Il y a quelquefois de la constipation dans la peste, mais le plus habituelle- 
ment de la diarrhée composée de déjections fétides, jaunes, noires, ensanglan- 
tées, bilieuses, comme cendrées, glaireuses, etc. La diarrhée se déclare d'ordi- 
naire après les vomissements ; ces deux symptômes se suppriment souvent dès 
l'apparition du délire (Savaresi). On a noté une grande quantité de vers dans 
plusieurs épidémies, comme à Montpellier et à Marseille. En 1858, la constipa- 
uon était la règle et il n'y avait guère de mélæna en Cyrénaïque ; mais en 1874 
les déjections y étaient souvent noires et sanguinolentes (Arnaud); il en fut de 
même dans l'frak-Arabi en 1876 (idem), où Cabiadis signala aussi la fréquence 
des mêmes déjections. A Vetlianka, comme en 1858 en Cyrénaïqne, la diarrhée 
fut exceptionnelle et la constipation habituelle et l'on n’observa que fort peu de 
cas d'hémorrhagie intestinale (Petresco). 

Parmi les troubles abdominaux on a noté, en outre, des symptômes dyspepti- 
ques, comme en 1564 à Arles du hoquet, de la cardialgie, des coliques. On a 
souvent observé la tuméfaction du ventre, des hypochondres, notamment du 
foie et de la rate devenus volumineux et comme hypertrophiés. 

d. Fonctions de la circulation et de la respiration. Presque tous les 
anciens observateurs ont parlé du pouls comme étant petit, mou, lent ou fré- 
quent, inégal ou concentré (Chicoyneau). Sa fréquence varie entre 100, 120, 
150, parfois 140 pulsations. Tantôt fort, tantôt faible, il est quelquefois inter- 
mittent, irrégulier, comme à Montpellier en 1629. Dans la période réaction- 
nelle, il acquiert de la force et du développement tout en demeurant fréquent. 
Il demeure naturel ou peu troublé dans les degrés légers et dans les formes 
bénignes. En Cyrénaïque en 1858 le pouls, d'abord plein et régulier, devenait 


pom ano. 25 s. XXI. 43 


674 PESTE. 


petit, filiforme, intermittent et inégal, dans les cas où survenaient des accidents 
nerveux ; il se ralentissait et devenait insensible avec l'abaissement de la tempé- 
rature. Dans l'épidémie de l'Astrakhan, le pouls était fréquent et presque 
imperceptible, ayant de 120 à 150 pulsations (Petresco). 

Nous pouvons noter, en passant, certaines lacunes à combler dans l'étude du 
pouls de la peste, en ce qui concerne la possibilité de la récurrence ou dicro- 
tisme, ses caractères sphygmographiques, etc. 

Les phénomènes qui se passent du côté du cœur ont été encore moins pré- 
cisés. On a souvent mentionné, il est vrai, la sensation d'oppression précordiale, 
de chaleur ardente du côte du cœur, rarement des palpilations. Il ne semble 
pas que l'auscultation de cet organe ait été faite méthodiquement dans l'étude 
de la peste, même dans les plus récentes épidémies. Suivant Barozzi, en Cyré- 
naïque les battements du cœur étaient naturels; il n’a, malgré ses recherches 
attentives, pu découvrir aucun signe anormal pouvant expliquer la sensation 
manifeste et fréquente de chaleur précordiale. Ainsi l'étude de l'état du cœur et 
de ses troubles demeure à compléter dans la symptomatologie de la peste. 

En ce qui concerne la composition du sang durant la vie tous les anciens 
loïimographes, simples historiens ou médecins, parlent de l'altération et de la 
corruption du sang, mais, il est vrai, d'une façon vague et très-superficielle, 
manquant absolument de précision. Nous ne trouvons les premières recherches 
sérieuses faites sur ce sujet que dans l'épidémie d'Égypte en 1835. Suivant 
Lachèze, la séparation en sérum et en callot du sang tiré de la veine ne s'opère 
pas, il n'y a pas de couenne dite inflammatoire : c'est un mélange liquide, de 
consistance crémeuse, qui s'alière promptement. D'après Bulard, le sang est d'un 
brun obscur et aussi noir dans les artères que dans les veines, il est livide et 
offre à la surface des gouttelettes huileuses semblables aux œils du bouillon, il 
exhale enfin une odeur particulière. 

Voici quelques données résultant de trois analyses du sang de pestiférés faites 
en Égypte en 1835 par un chimiste français, Rochet. Les trois malades étaient 
jeunes, vigoureux, gravement atteints, et le sang avait été tiré de la veine du 
troisième au cinquième jour. Le sang du premier malade, sorti de la veine par 
jet continu, était d’un brun obscur, offrait au bout de deux heures un caillot 
assez bien formé, mais entièrement recouvert par un sérum fortement coloré en 
rouge. Un papier à réactif à l’acétate de plomb, appliqué sur l’éprouvette conte- 
nant le sang, se colorait, après deux ou trois heures d'exposition, en brun clair. 
100 parties de ce sang ont donné : 


CAILLOT 
PAS RUE ee cie ee SE CL a CRE (E 
Fibmine. ALLER, A GR HR NBA PP LE M 0,624 
Matière colorante avec un peu de fibrine, d'albumine et de 
MAETEETASSE o TAT. et ee lee se eee ses: aE 3,800 
SÉRUM 
Rau -s aian aede ce ee ei 2 ON su: 04/0 
Albumine et matière COIOFante 200 EN PNR PR ER 4,704 
Matièremmuqueuse-extractive". disiang i sise 0,252 
Hydrochlorate de soude et de potasse . s . . . . « . . .. 0,408 
Carbonate de soude et matière grasse. . . . . . - . . .. 0,216 
Acide kydrosulfuriques ii ua 129 Eae + + . traces abondantes. 


Le sang du second malade, sorti difficilement de la veine, foncé comme le 
précédent, donnait, après deux heures de repos, un caillot dont la partie infé- 


PESTE. 675 


rieure était très-faiblement coagulée et qui était recouvert de sérum fortement 
coloré en rouge. Résultat encore plus prononcé avec le même papier à réactif. 
100 parties ont donné : 


CAILLOT 
DA OR ARLES. Or a s a a A NS ne 36,760 
Ribnine- te, JR M She es hko G 0,600 
Mabere colorimeter me o me ele ele ee E A 2,640 
SÉRUM 
Eau frs fn) ad. EN ie Cr: Rat ares ORE NE PTE LE 54,180 
Albumimede matena corante ek eee à 2 ee 0.6 4,944 
Matiereimuqueuse extraciiyen Na ST SIRE SOGI] JU; Ai 0,252 
Hydrochlorate de soude et de potasse. eejo . . . ol S]e e 0,108 
Carbonate de soude et matière grasse . s . . . . . . . . 0,216 
ACICEINUEOS MINAT AEE RAR Re cel le H traces abondantes. 


Résumés et ramenés à la proportion de 1/1000, les résultats précédents 
donnent le tableau suivant : 


Premier cas. Second cas. 
HAUT ER A M EM et à ete RO UU 0 909,10 
Hibrinemeets RMS Nan Apr 6,24 6,06 
Matière colorante du caillot < . es. . 58,60 26,40 
Matière color. et albumine du sérum . . 47,06 49,44 
Gplokupes. Hatarei an arnt aer 4,00 4,08 


Chez le troisième malade les résultats furent analogues. 

De ces données et de quelques autres examens sur le cadavre Rochet et 
Bulard concluent que dans la peste le sang n’a jamais présenté la couenne dite 
inflammatoire et qu'il portait tous les caractères d’une altération profonde et 
constante (De la peste orientale, Bulard, p. 96 à 100). On pourrait ajouter que 
le sang de ces analyses, en admettant qu'elles fussent exactes, indiquait un 
excès d’eau de plus d'un dixième et de fibrine de plus de la moitié chez les 
pestiférés. 

Peu de recherches faites ultérieurement méritent d'être citées. En Cyrénaïque, 
d'après Barozzi, le sang des saignées n'offrait jamais de couenne : tantôt le caillot 
était diffluent, mou, rétracté, tantôt c'était une masse remplissant la largeur du 
vase, caillebotée, mêlée à la sérosité qu'il colorait en rouge plus ou moins foncé ; 
physiquement il ressemblait à celui des plus graves pyrexies, c’est-à-dire qu'il 
était à l’état de dissolution. 

En résumé, les notions que nous possédons actuellement sur l'état du sang 
-dans la peste sont à peu près nulles. Il sera nécessaire de procéder à une étude 
systématique du sang, à son examen physique, chimique, à la numération glo- 
bulaire, au dosage de l’hémoglobine et des matières colorantes, à la recherche 
des principes extractifs et toxiques du sang, des microbes, bactéries, etc., et 
cela d’après les méthodes scientifiques modernes. 

e. L'état des organes et des fonctions de la respiration a été fort négligé par 
les observateurs de la peste. Dans les cas graves et intenses la respiration troublée 
devient courte, fréquente, embarrassée, laborieuse, à 40 et 50 mouvements par 
minute. Assez souvent on n’observe que peu ou point de troubles de ce côté. On 
a encore mentionné une toux sèche, fréquente, revenant par accès. Le hoquet 
est, on le sait, fréquent vers la fin des cas graves et funestes. 

Suivant Barozzi, dans la peste de la Cyrénaique la respiration était anxieuse, 
mais, sauf exception très-rare, il n’y avait point de matité, ni souffle, ni râle ; 


676 PESTE. 


parfois la dyspnée atteignait 50 à 55 respirations par minute et davantage, 
signe alors presque certain de mort. Il y avait assez souvent des épistaxis et des 
hémoptysies. Les anciens observateurs ont noté fréquemment des crachements 
de sang qui ont caractérisé certaines épidémies, comme nous le verrons plus 
loin. 
Dans les épidémies de lrak-Arabi de 1875 à 1877 et dans les précédentes, 
on observa fréquemment les hémoptysies (Cabiadis, Arnaud), ainsi que des 
pneumonies véritables suivies de mort (Arnaud), ce qui fit parfois appeler la 
peste pneumonie bubonique. Arnaud mentionne les épistaxis et les hémopty- 
sies comme fréquentes et fatales dans l'épidémie de 1874 en Cyrénaïque. Dans 
la peste de Vetlianka, l'hémoptysie fut le symptôme saillant du côté de la respi- 
ration ; elle exista dans la plupart des cas à Prichibnæ, à Starizkoe et à Sili- 
trenoe. On observa dans cette même épidémie très-fréquemment des pneumo- 
nies qualifiées de croupales et de diphthéritiques, ainsi que des épistaxis 
nombreuses (Petresco). Düppner lui-même mentionne la fréquence des crache- 
ments de sang dans l'épidémie de Vetlianka. Zitterer a signalé les crachements 
de sang comme habituels à la petite épidémie de l’Assyr, en 1874. 

Dans la majeure partie des épidémies de peste de la Perse, notamment dans 
les petites irruptions du Khorassan et de l'Aderbeïdjan, surtout chez les Kurdes, 
les crachements de sang et les complications pectorales ont imprimé à la 
maladie une sorte de cachet caractéristique, même dans l'épidémie du district de 
Saoudj-Boulaq en 1882. 

Nous verrons que les mêmes phénomènes sont loin d'être rares en Chine et 
dans l'Inde, où leur fréquence dans quelques localités à pu faire croire à une 
forme particulière de la peste. 

Ainsi les hémoptysies, les congestions ou les inflammations pulmonaires, con- 
stituent bien manifestement l'un des accidents les plus vulgaires de la peste 
sous tous les cieux et chez toutes les races. 

f. Fièvre, température, ete. La fièvre, sauf dans quelques formes bénignes 
ou dans quelques légers degrés dont il sera traité plus loin, constitue l'un des 
traits saillants de la peste. Sans doute, comme on l’a dit (Massaria, Mereurialis, 
Orræus, etc.), et comme nous le signalons tout d’abord pour les cas légers, la 
fièvre n’est pas essentielle à la peste; on aurait même constaté des cas de mort 
sans fièvre dans cette maladie (Massaria). Néanmoins la fièvre existe dans 
l'immense majorité des cas de peste. 

Parfois elle apparaît parmi les phénomènes prodromiques et presque toujours 
elle dénonce l’invasion du mal. Cependant, suivant Diemerbræck, elle ne se décla- 
rait à Nimègue que vingt à trente heures, même plusieurs jours après l'invasion 
de la peste. 

Elle est tantôt ardente et continue, tantôt accompagnée d’une rémission bien 
marquée, comme à Arles en 1564. Elle débute ordinairement par un frisson 
plus ou moins intense qui varie en durée de une à dix heures d’après, Orræus, 
puis survient la sensation de chaleur brülante, prononcée surtout dans les 
viscères intérieurs, notamment dans le gosier, à la région épigastrique et pré- 
cordiale. La peau ne serait que modérément chaude, au moins dans quelques cas, 
suivant Orræus. Parfois l'anxiété fébrile est extrêmement considérable. 

Voilà l’ébauche d'observations faites par les anciens sur la marche et les 
caractères de la fièvre et de la température fébrile dans la peste. A cela il n’y a 
rien de surprenant, puisqu'on sait qu'ils n'estimaient la fièvre que par le tou- 


PESTE. 671 


cher du pouls et de la peau, et qu'ils avaient horreur du contact immédiat dans 
la peste, dans la conviction que c'était la plus dangereuse voie de la transmissi- 
bilité. 

Les modernes n’ont que fort peu ajouté à ces études. Dans la Cyrénaïque en 
1858, Barozzi nota une fièvre plus ou moins intense avec une assez forte élevation 
de la température; en 1874, la température de la peste dès le début s'élevait 
à 59 et 40 degrés; dans les cas graves, elle s’abaissait jusqu'à 34 degrés sans 
doute près des derniers moments de la vie (Laval, Arnaud). Dans les épi- 
démies de l’Irak-Arabi de 1876 à 1877, d’après Cabiadis, la fièvre était ardente, 
le pouls à 150 pulsations, et la température générale élevait parfois à 42 de- 
grés et au delà. Exceptionnellement pourtant le mouvement fébrile était à 
peine sensible. Suivant Sp. Zavitzianos, dans les mêmes épidémies la tempé- 
rature fébrile pendant la première période montait à 40 degrés; pendant la 
deuxième, c'est-à-dire lors de l'apparition des bubons, elle atteignait 41 
mème 42 degrés. 

Dans l'épidémie de Vetlianka, la fièvre fut le symptôme prédominant et 
général. L'élévation de la température atteignait 39, 40 et même 42 degrés 
(Döppner), alors que le pouls était fréquent et presque imperceptible, ayant 120 
à 150 pulsations, et que la peau demeurait sèche. C'est au milieu de cette fièvre 
violente que succombaient la plupart des malades du deuxième au troisième 
jour au plus tard sans entrer dans la période de réaction et de transpiration. 
Quelques auteurs parlent bien d’une période de rémission et de réaction dans la 
marche fébrile de la peste, mais ils ont oublié de nous dire ce qu'ils entendaient 
par ces rémissions et de nous donner là-dessus des détails précis. 

En résumé, on voit que l'étude de la fièvre et de la température fébrile n’a 
été faite d’une manière suivie et disciplinée dans aucune épidémie de peste. 
jusqu'ici. Les observations isolées et incomplètes citées plus haut sont absolu- 
ment iusuffisantes et demeurent sans signification. Il y a donc là une vaste 
lacune à combler, tâche réservée aux observateurs de l'avenir. 

g. Sécrétions : sueurs et urines. Les sueurs n'ont été notées que d'une façon 
exceptionnelle dans la peste. Elles furent rares à Montpellier en 1629, mais 
fréquentes dans l'épidémie de Digne de la même année. Dans l'épidémie de 
Londres, en 1664, elles furent si extraordinaires qu'elles coulaient à torrents; 
les malades fondaient en eau dès le commencement et nageaient pour ainsi dire 
dans la sueur jusqu’à la fin de la maladie. Cette sueur était tantôt blanchâtre, 
tantôt citronnée, verte, noire, rouge ou pourprée ; la guérison ou la mort dépen- 
daient, paraît-il, de certaines couleurs de la sueur. Souvent elle était si fétide 
qu’elle donnait des défaillances ‘et se répandait sur tout le corps en y laissant 
comme une impression de feu (Hodges). Mais il faut savoir que ces sueurs 
extraordinaires se rapportaient plutôt à la suette qu’à la peste elle-même. Dans 
les épidémies de Jassy et de Moscou, en 1770, 1772, les sueurs artificiellement 
provoquées avaient une odeur aigre et présentaient tant de viscosité qu'elles 
laissaient après elles un enduit épais, comme farineux (Orræus). 

Larrey rapporte que dans l'épidémie observée par lui en Egypte la peau 
brûlante se couvrait de sueurs et comme d’un enduit gommeux. Dans celle de 
1855, il est parlé, à propos de la peste du degré léger, de la transpiration 
facile; dans le second degré on mentionne encore la moiteur de la peau, tandis 
que dans la forme la plus grave et presque toujours mortelle il n'existait plus 
de sueurs. Pruner, l'un des plus exacts observateurs [de cette épidémie, men- 


678 PESTE. 


tionne les sueurs sans soulagement, et Étienne, à Alexandrie, déclarait qu'on 
ne pouvait obtenir les sueurs qu'avec beaucoup de peine. 

En 1858, dans la Cyrénaïque, la peau, quand le cas était favorable, perdait 
son aridité, devenait moite et se couvrait d'une sueur abondante (Barozzi). La 
sueur fut fréquente, suivant Hassan Khan, dans l'épidémie de Recht, en 1877; 
mais elle était débilitante, jamais critique. A Vetlianka, la transpiration était 
un signe de terminaison favorable qui amenait le soulagement des malades et 
la convalescence (Petresco) ; il y avait une vraie crise dans les cas heureux : la 
transpiration abondante entre le troisième et le cinquième jour était suivie 
d'amélioration (Zuber). 

On a ordinairement mentionné une grande sécheresse de la bouche, de l’asialie 
ou une diminution de la sécrétion salivaire, et parfois au contraire de la sia- 
lorrhée. Enfin, dans quelques cas, on aurait également observé une hypersécré- 
tion de la bile. 

Les urines ont été, dans la peste, aussi peu étudiées que l'état du sang et 
des sécrétions en général. Elles ont été citées comme ardentes et sanguinolentes 
dans la peste de Rome et de Gênes, en 1656; d’autres fois elles étaient claires, 
naturelles, crues ; parfois il y avait de la dysurie comme à Digne, en 1629, à 
Jassy et à Moscou (Orræus) ; à Nimègue, elles étaient presque normales, suivant 
Diemerbræck. Tantôt elles sont abondantes, pâles, décolorées ; tantôt, par contre, 
rares, colorées, sédimentaires, rouges; quelquefois elles se suppriment aux 
approches de la mort. s 

On observa quelques cas d'hématurie dans la peste d'Égypte de 1854-1855. 
D’après Pruner, les urines n’y étaient point fébriles. Dans l'Irak-Arabi, en 1875- 
1877. les urines étaient rares, chargées, ayant quelquefois offert une couleur 
laiteuse; il y eut quelques cas d’hématurie (Arnaud). Millingen mentionne 
l'hématurie avec le mélæna dans l’épidémie de Bagdad de la même époque. A 
Vetlianka, les urines demeuraient normales; on y observa cependant quelque- 
fois des urines rouges et chargées, ou bien de la dysurie et même de l’anurie 
aux approches de la mort (Dôppner, Petresco). 

Il ressort de ce qui précède que l'examen des urines dans la peste laisse beau- 
coup à désirer sous les rapports de l'analyse physique, chimique et microsco- 
pique. Une étude complète reste à faire sur ce point important de séméiologie 
comme sur tant d’autres. 

h. Phénomènes locaux éruptifs : bubons, charbons, pétéchies, éruptions 
diverses. Le bubon est si bien la signature essentielle de la peste que celle-ci 
a été justement appelée bubonique. Nous savons pourtant que les bubons 
peuvent manquer, du moins ne sont point apparents à l'extérieur dans bon 
nombre de cas graves dans lesquels survient une mort trop rapide pour en per- 
mettre en quelque sorte l’éruption. D'un autre côté, leur seule présence carac- 
térise parfois la peste bénigne dans les formes dites états ganglionnaires. 

Leur siége classique se trouve aux aines, aux aisselles, au cou, derrière les 
oreilles, etc. Leur localisation gît dans les glandes lymphatiques, sauf dans 
certains cas et dans certaines épidémies dans lesquelles ils semblaient siéger 
dans les mailles du tissu cellulaire même. à 

Ils sont internes ou externes. Les premiers sont intra-abdominaux, situés à 
l'orifice interne de l’arcade crurale, du canal inguinal, dans la fosse iliaque, le 
long des psoas, etc. Les externes sont sous-cutanés, peu douloureux, suppurent 
vite; les autres plus profonds sont fort douloureux et suppurent difficilement. 


PESTE. 679 


Parmi les bubons internes on cite encore ceux des médiastins postérieur et 
antérieur, ceux qui se trouvent autour des bronches, sans compter ceux qui 
doivent siéger quelquefois dans la cavité abdominale ou ailleurs. 

La forme des bubons rappelle souvent celle des petites aubergines (Brayer), 
parfois celle de petits cornichons, dénomination sous laquelle ils sont connus 
des Arabes de l’Irak-Arabi. 

Eo général, l'ordre de fréquence est celui de l’énumération suivante : 

1° A la partie interne et supérieure de la cuisse, dans le point où la veine 
saphène interne devient superficielle, vers trois travers de doigt environ de 
l’arcade crurale ; 

2e Dans le pli de l'aine, là où siégent les bubons vénériens ; 

3° Au cou, dans les ganglions sous-mastoïdiens, à l'angle de la mâchoire ; 

4° Dans l’aisselle, où ils sont superficiels ou profonds ; 

5e Dans le creux poplité, où ils sont très-rares (comme dans la peste d'Égypte 
de 1834-1835); 

6° Enfin on a vu des bubons à la partie moyenne et interne de la cuisse, au 
coude et au bras vers la partie inférieure du biceps (Savaresy) et ailleurs. 

Quelques particularités de forme, de volume, de consistance, semblent, inhé- 
rentes aux localisations diverses des bubons. Les bubons cruraux sont oblongs, 
à direction en bas et en dedans ; ils ont une large base, sont quelquefois très- 
volumineux, très-douloureux, et évoluent assez lentement. Les inguinaux gênent 
la marche et font dévier le pied en dehors. Quoique petits, superficiels et sup- 
purant assez vite, ils sont les plus dangereux parce qu'ils s'accompagnent 
presque toujours de bubons internes, périvasculaires, près des vaisseaux iliaques, 
dans le petit bassin, derrière le pubis, dans la fosse iliaque, etc. Ces derniers 
bubons sont dénoncés par une douleur extrême, font ‘souvent périr les malades 
par suppuration, par pyohémie, par péritonite et d’autres accidents. 

Suivant Savaresy, les bubons cervicaux seraient les plus fréquents chez les 
enfants. Ordinairement peu volumineux, ils gênent cependant les mouvements 
de la mâchoire, de la déglutition et même de la respiration. Quoique petits, les 
bubons axillaires sont fort douloureux, donnent des élancements dans l'épaule 
et dans la poitrine. Cependant d'ordinaire ils sont bénins, et c'est le meilleur 
lieu d'élection (Aubert). 

Le nombre des bubons est fort variable suivant les épidémies et suivant les 
sujets. Ordinairement à l'aine et à l’aisselle, le bubon est unique, dans certaines 
épidémies au moins (Mertens) ; d’autres fois l’unicité est l'exception (Lachèze) ; 
alors il y en à plusieurs dans des régions séparées, ordinairement deux, parfois 
trois et quatre, rarement davantage (Brayer). Quand il y en a deux, ils occupent 
habituellement les deux aines, plus rarement les deux aisselles, mais plus fré- 
quemment l'aine et l'aisselle du même côté ou bien encore l’aine d'un câté et 
Vaisselle du côté opposé (Mertens). 

D'après un résumé analytique fait par Monneret, 195 fois sur 140 il n'y 
avait qu'un bubon unique; 13 fois il y'en avait 2; 1 fois 5 et 1 fois 6 ; ils 
se montraient plus souvent à droite qu'à gauche. Cependant il faut dire que 
ces nombres sont insuffisants pour juger la question de fréquence absolue et 
relative. 

En 1858, dans l'épidémie de Cyrénaïque, le bubon unique fut la règle; quel- 
quefois il avait le volume d'un œuf de poule. A Vetlianka il y eut des bubons, 
sauf vers le milieu de l'épidémie, alors que la mort était fort rapide (Zuber) ; 


680 PESTE. 


ils siégeaient le plus souvent à la région sous-maxillaire, aux aines, plus rare- 
ment aux aisselles, et parfois ils furent le signe précurseur et unique de la peste 
(Petresco). Dans les épidémies de l'frak-Arabi en 1875-1877, les bubons, de 
forme oblongue, bosselée, aplatie et large ou proéminente, quand ils étaient 
volumineux, siégeaient à la région crurale; il y en eut au-dessus des clavicules, 
dans la fosse sous-scapulaire, à l’épitrochlée et au creux poplité. Leur nombre 
variable était le plus souvent de deux, assez souvent de un; quelques malades 
n'en offrirent pas, mais ils avaient des charbons ou des pétéchies (Arnaud). 

Sur 1826 cas de peste observés par Cabiadis dans les mêmes épidémies, il y 
eut 1452 fois des manifestations locales, 57 fois des charbons et 1396 fois des 
bubons dont 710 fois à l'aine, 466 fois à l’aisselle, 98 fois au cou et 122 fois 
dans plusieurs endroits. Dans les dernières épidémies de la Perse, les bubons 
firent défaut dans les cas rapidement mortels. 

Les bubons suivent une évolution ordinaire qui est la suivante. Ils sont 
précédés de douleurs plus ou moins aiguës, plus ou moins vives et lancinantes, 
par une tension des parties où ils doivent apparaître. Des douleurs semblables 
dans les cicatrices d'anciens bubons ou dans les lieux d'élection se font sentir 
d’une façon plus ou moins générale chez les anciens pestiférés ou chez la plupart 
des personnes atteintes de la peste, dans certaines épidémies du moins. Vers le 
deuxième ou le troisième jour on voit apparaître ordinairement le bubon, qui 
s'accompagne d'une rougeur phlegmoneuse. 

Cependant quelquefois le bubon se produit dès le début de la fièvre et des 
autres symptômes de la peste; d’autres fois, vingt-quatre à quarante-huit heures 
après l'invasion, et enfin il peut se faire qu'il n’apparaisse que le quatrième, le 
cinquième jour, et même dans la période ultime de la maladie. 

Ordinairement, les bubons sont douloureux et lents à se développer. Quelque- 
fois cependant leur développement est très-rapide et se fait à vue d'œil, en 
quelques heures (Barozzi). Habituellement gros comme une noisette, une noix, 
Hs sont ronds, oblongs, lisses ou bosselés, sans changement de couleur à la 
peau à la première période; à cet état se présentent deux issues : la résolution 
ou la suppuration. La première a été observée par Mertens à Moscou, à Alexan- 
drie et au Caire par Clot-Bey, tandis qu'elle fut fort rare dans la peste d'Égypte 
à la fin du siècle dernier (Savaresy). 

La terminaison la plus fréquente et la plus désirable est la suppuration, 
laquelle se prépare par la proéminence de la tumeur, par l'inflammation de la 
peau qui rougit, s'amincit et parfois se gangrène. L'ouverture spontanée ou 
artificielle donne issue à une quantité plus ou moins grande de pus naturel, 
puis à une matière sanguinolente suivie souvent de la sortie d'un lambeau de 
tissu cellulaire plus ou moins mortifié. Quelquefois le pus présente une odeur 
infecte, comme dans la peste de Marseille, en 1720. 

La suppuration des bubons gagne les téguments en abandonnant le fond 
spongieux de l’ulcère bubonique qui, dans les cas favorables, est lui-même 
éliminé naturellement. Quand les bubons ont de la tendance à la gangrène, ils 
deviennent livides, ils cessent d’être élastiques et douloureux, et la gangrène 
apparaît. Suivant Procope, dans la grande peste de Justinien, les bubons étaient 
gangréneux et les jambes se desséchaient. Parfois la gangrène s'empare de la 
plaie, ravage les parties voisines et produit de graves accidents, comme l’éresion 
des vaisseaux et des hémorrhagies mortelles (Estienne). 

Hodges a signalé une particularité singulière des bubons dans la peste de 


PESTE. 6814 


Londres, en 1664. C'est une sorte d'alternative périlleuse de disparition et de 
réapparition dans le même jour. 

On a dit que la suppuration des bubons demandait au moins deux conditions : 
1° un amendement général favorable à leur maturation ; 2 un état assez avancé 
d’altération de la glande qui ne permette plus la résolution. 

L'apparition des bubons amène parfois une détente dans la marche de la 
peste, et quelques observateurs ont voulu y voir une sorte d'éruption critique. 
Cependant, dit Barozzi, dans la Cyrénaïque, en 1858, l'apparition du bubon 
n'influença ni en bien ni en mal la marche de la peste. Mais après l'ouverture 
on observait de l'amélioration et même le début de la convalescence, quoique 
parfois la mort survint par la longueur de la suppuration. La résolution fut 
favorable dans les deux tiers des cas; l’état stationnaire ou l’induration le fut 
dans le quart des cas; cette dernière issue était toujours grave et compro- 
mettante pour la vie; elle survenait surtout chez les personnes débilitées 
(Barozzi). 

Dans la même localité, en 1874, la suppuration ne se faisait presque jamais 
quand il y avait mort: aussi l'affaissement des bubons était-il devenu un signe 
mortel, même pour les Bédouins. Dans l'épidémie de l'Irak-Arabi, en 1876-1877, 
l'acheminement des bubons vers la suppuration donnait à la peau une teinte 
ardoisée et la rendait distendue et quelquefois fort rénitente; elle devenait 
livide quand le bubon revenait sur lui-même et s'effaçait. Quelquefois encore 
les bubons, formés par la réunion de plusieurs ganglions, affectaient une forme 
bosselée. Leur évolution était très-capricieuse et, quoique leur suppuration fùt 
un signe de bon augure, cette évolution ne constituait que bien rarement une 
donnée pronostique de quelque valeur (Arnaud). 

Dans les épidémies récentes de peste en Perse, la présence des bubons n'a 
point été générale ni même habituelle, souvent elle a fait défaut, comme dans 
quelques petites irruptions du Khorassan et du Kurdistan, en 1878 et 1882. 

La cicatrisation des bubons marche d'ordinaire parallèlement à l'état général 
des malades, à la nature des épidémies, au mode d’ouverture, de soins, des 
pansements, etc. Cependant il se présente ici une foule de particularités dont 
les unes sont connues, les autres inexplicables dans leur cause, et qui viennent 
enrayer la marche naturelle vers la guérison des ulcères buboniques. En tout 
cas, les bubons laissent toujours après eux une cicatrice indélébile, très-appa- 
rente, à bords larges et indurés, ce qui permet d'établir, au moins dans la 
majorité des cas, un diagnostic rétrospectif de la maladie. Elle a servi, dans 
quelques localités, comme en Cyrénaïque, dans l'Irak-Arabi, en Perse, dans 
l'Assyr, etċ., de témoignage des épidémies éteintes récemment ou même des 
manifestations bien antérieures. 

Les charbons (carbunculi, feu sacré, feu de Perse, charbon des Arabes, 
anthrax, plaques gangréneuses, etc.) sont des taches sur la peau assez semblables 
à des brûlures, d’où le nom assez caractéristique de charbons. Ils constituent le 
second signe par rang d'importance et de fréquence parmi les manifestations 
éruptives de la peste. On ne les rencontre que dans la moitié des cas, et parfois 
même pas du tout dans quelques épidémies. 

Rares dans l'épidémie de Cyrénaïque en 1858, puisqu'on ne les nota que 
5 fois sur 97 cas de peste, ils apparaissaient du premier au troisième jour; 
5 fois ils apparurent seuls, sans bubons; toujours leur présence avait lieu dans 
les cas très-graves (Barozzi). En 1874, ils furent très-rares et leur terminaison 


C82 PESTE. 


fut toujours funeste (Arnaud). Suivant Cabiadis, les charbons auraient figuré 
56 fois sur 1690 cas de peste dans l'Irak-Arabi, en 1876-1877, soit environ 
dans le cinquantième des cas. Suivant Arnaud, ils se montrèrent assez nom- 
breux dans la mème épidémie; quelques malades en présentaient en mème 
temps deux et jusqu'à trois qui s'étaient manifestés cependant à des époques 
différentes, au deuxième, quatrième et septième jour. Jamais, suivant Petresco, 
les charbons ne furent observés à Vetlianka ; on en vit quelques cas à Silitrenoe, 
ce qui les fit considérer comme non spécifiques de la peste. Les charbons ont 
été notés dans les épidémies de la Perse, de l’Inde et dé la Chine. 

Ils siégent habituellement au tronc et aux membres. Cependant ils ont été 
rencontrés sur presque tous les points du corps, la face palmaire et plantaire 
des extrémités exceptée. Ils sont fréquents sur les jambes, le cou, la poitrine, 
les mamelles, comme à Noja, le dos, les membres, le ventre, le scrotum, les 
grandes lèvres; on en a vu à lanus, au bout des doigts, au nez, à l’arrière- 
bouche, dans l'œil ou aux environs (Brayer) et jusqu’au cuir chevelu (Chenot). 

Le nombre des charbons varie de trois à quatre et jusqu’à douze, comme 
dans la peste de Digne, en 1629, dans celle de Bucharest, en 1713; Clot-Bey 
en aurait vu une trentaine ensemble. On a omis de dire s'il existe un rapport 
entre la gravité de la peste et le nombre plus ou moins considérable des char- 
bons, ou plutôt la question reste indécise, car, si la présence de nombreux char- 
bons fut un signe de gravité à Marseille en 1720, dans la peste d'Égypte en 
1855, elle était indifférente et même d’un bon augure (Clot Bey) ; souvent ils 
deviennent fréquents et multiples vers la fin des épidémies, alors que la maladie 
a perdu de sa sévérité. 

Quant à leur degré de gravité intrinsèque, Clot-Bey a divisé les charbons en 
trois formes. Dans la première, la lésion très-superficielle m'intéresse presque 
que l’épiderme, sous l'aspect de plaques plus ou moins étendues. Dans la 
seconde, le charbon comprend toute l'épaisseur de la peau et le tissu cellulaire 
sous-cutané, et dans ce cas il forme une tumeur d’où dérive une eschare de 4 
à 2 pouces de diamètre dont l'élimination laisse une plaie arrondie à bords 
taillés comme à l'emporte-pièce : c'est l’anthrax. Enfin, dans le troisième degré, 
le procès charbonneux se propage à de grandes profondeurs et s'étend sur de 
grandes surfaces ; la gangrène détruit rapidement peau, tissu conjonctif, muscles 
et os mêmes. 

Nous avons vu que les charbons apparaissent ordinairement sans grande coïn- 
cidence avec la fièvre, quelquefois avant, le plus souvent après les bubons. Le 
plus souvent le bubon disparait avec l'apparition du charbon ; toutefois, quand 
le bubon augmente, alors le charbon ne se développe pas complétement. On a 
vu, dans quelques épidémies, les charbons venir s’enterrer sur des bubons 
(Chénot), comme dans la peste de Smyrne, en 1795 (Schraud). Très-rarement 
les bubons viennent, par contre, compliquer les charbons. 

Le charbon débute par une démangeaison ou de la douleur, puis bientôt 
apparaît une petite tache rouge, semblable à une piqûre de puce qui s'élargit à 
son centre, formant une petite vésicule. Cette vésicule se convertit assez vite en 
une phlyctène remplie de sérosité rougeâtre pouvant acquérir sans se rompre la 
largeur d'un pouce et plus. Après sa rupture on aperçoit un point central 
noiràtre autour duquel se produit une nouvelle vésicule circulaire et, comme 
la première, pleine de sérosité. Chaque jour, chaque heure voit grandir le cercle 
de cette vésicule ; la portion centrale et gangrenée prend un accroissement non 


PESTE. 685 


moins rapide. C’est ainsi que le charbon peut envahir tout un membre et, s’il 
est abandonné à lui-même, il ne s'arrête guère que quand il se produit un 
amendement général (Lachèze). 

De cette manière, on a vu la gangrène envahir l'angle interne de l'œil, 
détruire le sac lacrymal et même les yeux, dénuder un côté de la mâchoire, une 
grande étendue du tibia, les vaisseaux de l'angle de la mâchoire, etc. La plaie 
charbonneuse gagne en profondeur jusqu’au tissu cellulaire sous-cutané, et en 
largeur jusqu'à ce que la partie mortifiée se soit éliminée ou que le malade 
succombe. 

La guérison des charbons dans la peste ne diffère pas de celle des gangrènes 
de même nature; les plaies se détergent et bourgeonnent : il en résulte des 
cicatrices plus ou moins prononcées et difformes, des pertes de substance de 
parties de la peau, de l'œil, etc. On a cité un certain nombre d'exemples de 
transmission des charbons pestilentiels au moyen du contact direct avec les 
malades, et parfois la contagion se serait limitée à ce seul genre de manifesta- 
tion de la peste (Brayer et autres). 

Les pétéchies sont, dans la peste, par ordre de fréquence et d'importance, 
les troisièmes localisations morbides extérieures. Elles sont, par excellence, le 
signe funeste de cette maladie par elle-même déjà si grave, elles apparaissent 
souvent dans les cas désespérés, ou comme avant-coureurs d'une mort pro- 
chaine, bien que pourtant leur présence soit compatible avec la guérison. Roses, 
pourprées, violettes ou noires, d'autant plus foncées que plus graves, elles ont 
un volume variant depuis un point imperceptible jusqu’à celui d’une lentille. 

Elles peuvent siéger par tout le corps, mais elles occupent surtout le cou, la 
poitrine et les membres; elles sont rares à la face; on en a vu sur la muqueuse 
des paupières, des gencives, de la langue. Leur nombre est ordinairement très- 
considérable ; parfois la peau en est bigarrée comme si elle avait été fouettée 
(Mertens), quelquefois elles sont confluentes en larges plaques irrégulières. 

Elles apparaissent du troisième au septième ou huitième jour et, dans ce 
dernier cas, elles sont l'indice le plus certain de la mort (Diemerbræck). 

Suivant Barozzi, en Cyrénaïque, en 1858, les pétéchies se montraient sur’tout 
le corps et sur la face ; elles étaient noires, livides, très-grosses sur la langue; 
elles se montraient au moment de l'intensité culminante du mal, et cela sans 
terminaison fâcheuse dans beaucoup de cas, puisque 8 fois sur 19 elles gué- 
rirent, quoiqu'elles se montrassent toujours dans les cas graves. Le même 
observateur rapporte deux cas de taches de purpura sur la poitrine et trois cas 
de miliaire. En 1874, les pétéchies apparaissaient à la suite des phénomènes 
hémorrhagiques, des hématémèses; quand elles devenaient sanguinolentes, 
c'était un signe de mauvais augure (Arnaud). 

Dans les épidémies de l'Irak-Arabi, elles étaient assez fréquentes dans la 
dernière période de la peste, parfois elles n'apparaissaient qu'au moment même 
de la mort (Arnaud). Suivant Cabiadis, elles furent observées dans 120 cas 
sur 1690, soit dans le douzième des cas. A Vetlianka, Düppner signala quelques 
exemples de taches et de pétéchies. En Perse, on a parlé souvent de pétéchies, 
de taches bleues, noires, parfois rouges. Elles étaient de sinistre augure quand 
elles étaient confluentes, et n’apparaissaient que peu de temps avant la mort 
(Castaldi et Hassan-Khan, à Recht, en 1877, Millingon, à Chuster, dans le Kho- 
rassan, elc.). Francis et Pearson ont insisté sur l'existence des pétéchies dans la 
peste de l'Himalaya, et récemment la petite épidémie du district de Saoudj- 


68% PESTE. 


Boulaq, en 1882, a pu donner le change en faveur du typhus, à cause de l'abon- 
dance dans certains cas des éruptions pétéchiales. 

En outre des pétéchies, on a noté encore diverses éruptions telles que des 
miliaires (hydatides de Chenot et phlyctènes des anciens), des rougeurs érysi- 
pélateuses, des tumeurs intermédiaires entre les bubons et les charbons, des 
ulcérations avec diminution de la sensibilité de la peau (Orræus). 

On a, quoique assez rarement, observé de vastes épanchements sanguins sur- 
venant peu avant la mort dans le tissu cellulaire, des gangrènes de la peau, des 
abcès du tissu cellulaire, comme en Egypte en 1855, le sphacèle des membres, 
comme à Athènes, et dans la peste de Justinien, de larges taches occupant le 
bras tout entier (Paulmier), la cuisse, la face ou d’autres parties, d'énormes 
macules couvrant tout un membre (Diemerbræck). On a vu des taches blanches 
de la grosseur d’une lentille au visage (Morea), signe fatal; on a observé sou- 
vent la perte de l'œil du côté des bubons; quand le bubon siégeait près des 
carotides, l'œil devenait brillant, puis s'enflammait et suppurait (Morea). Enfin, 
en 1715, en Austro-Hongrie, on vit des tumeurs singulières apparaître au 
niveau des clavicules et au bras au-dessus du coude chez des pestiférés ; ces 
tumeurs plus grosses qu'une noix finirent par disparaitre sans suppurer. Le 
même fait est signalé par Zacutus Lusitanus. 


IT. Anatomie pathologique. Les anciens auteurs, médecins et surtout histo- 
riens, ont tracé de l'aspect extérieur des cadavres pestilérés des tableaux pleins 
d'horreur et de dégoût, frappés sans doute qu'ils étaient par l'apparence des 
charbons, pétéchies, taches livides, comme dans l'épidémie du quatorzième siècle, 
qui en reçut la dénomination de mort noire. Mais il n'existait point alors d'ana- 
tomie pathologique de la peste, et ce n’est qu'au dix-septième siècle, d'après 
Frank, que l'on fit en Italie, par ordre des magistrats de Naples, les premières 
autopsies. Celles-ci auraient révélé des gangrènes dans les intestins, des taches 
noires sur le cœur et les poumons, sur le foie, la vésicule biliaire gorgée d’une 
bile noire et les gros vaisseaux pleins de sang coagulé (Giannone). Par crainte 
de la contagion, Diemerbræck refusa de faire faire des autopsies à Nimègue, 
en 1651. 

C'est de la peste du midi de la France, en 1720-1721, que datent les pre- 
mières recherches sérieuses dues à Soullier, Deidier, Bertrand, à Marseille, à 
Soullier à Aix, à Couzier à Alais, à Le Moine et Bailly, à Rochevalier, dans le 
diocèse de Mende. Le chirurgien Soullier trouva des traces manifestes d’inflam- 
mation gangréneuse sur presque tous les organes de la poitrine et du ventre, 
sorte de charbons intérieurs comparables aux extérieurs. Le cœur, le foie et la 
rate, étaient augmentés de volume d'un tiers, de la moitié et plus. Le cerveau 
et ses enveloppes offraient de semblables taches livides et gangréneuses. Les 
glandes Iymphatiques étaient enflammées, suppurées, gangrénées. A Aix, le 
même chirurgien nota surtout d'abondantes taches pourpres et gangréneuses sur 
les séreuses qui recouvrent les principaux organes des trois grandes cavités. 

Deidier constata les mêmes lésions à peu près que Soullier, mais Bertrand ne 
trouva rien que de naturel dans certaines ouvertures de cadavres, et seulement 
quelques traces d’inflammation du bas-ventre dans d’autres. À Alais, Couzier 
observa l'augmentation notable de volume de la rate et du foie, du cœur, des 
charbons sur les poumons, sur le diaphragme, ainsi que des vers dans les 
Mtestins. 


PESTE. (85 


Le Moine et Bailly, docteurs régents de la Faculté de Paris, chargés d'étudier 
la peste à la Canourgue et à Marjevols (diocèse de Mende), signalèrent le même 
engorgement du cœur, du foie et de la rate, et la présence de caillots noirs ou 
jaunes dans les gros vaisseaux et le cœur, sans toutefois parler des taches 
pourpres et gangréneuses intérieures. Enfin Rochevalier (de Marjevols) ne trouva 
rien, sauf la grandeur contre nature des viscères, chez les pestiférés qui avaient 
rapidement succombé. 

A Jaffa, Larrey trouva des taches gangréneuses sur le grand épiploon, l'es- 
tomac offrant quelques points de gangrène, le cœur mou et facilement déchi- 
rable, et le foie volumineux et gorgé de bile. Mêmes résultats sur un plus grand 
nombre d’autopsies en Égypte. Suivant Pugnet, les cadavres des pestiférés se 
putréfiaient rapidement ; le cœur, surtout le cœur droit, plein de caillots, offrait 
une dilatation extraordinaire ; le foie et la rate étaient fort augmentés de 
volume et les glandes lymphatiques très-altérées. 

Pour Morea, il n'y aurait aucune altération spéciale dans la peste. 

Mais c’est aux travaux des médecins de l'épidémie de 1854-1855 en Égypte 
qu'il faut demander les éléments positifs des lésions anatomiques de la peste. 
La commission médicale (Gaétan, Clot, Lachèze, Bulard) fit plus de 100 auto- 
psies au Caire; à Alexandrie, Rigaud et Aubert, 68. D’autres données impor- 
tantes furent aussi fournies sur le même sujet par Emangard, à Damiette et au 
Caire par Duvigneau, à l'hôpital d’Abou-Zabel par Pruner et autres. 

Aspect extérieur. En dépit des peintures exagérées et fantaisistes des histo- 
riens, il est avéré que les cadavres des pestiférés n'offrent rien d’extraordinaire 
comme aspect extérieur, sauf les traces des éruptions et des bubons. La putré- 
faction est précoce sur ceux qui ont succombé promptement. 

Système nerveux. Les anciens, avons-nous dit, avaient signalé une quantité 
de taches pourpres ou gangréneuses sur les centres nerveux. En 1835, en 
Égypte, les sinus veineux étaient gorgés de sang, la dure-mère parfois était 
ecchymosée, l’arachnoïde infiltrée de sérosité avec de petits épanchements san- 
guins entre elle et la dure-mère. 

Souvent il y avait des extravasations de pus et de sang sous l’arachnoïde, et 
les altérations des méninges de l'encéphale se ponrsuivaient dans le canal rachi- 
dien sur la moelle épinière. 

L’encéphale habituellement congestionné offrait le piqueté rouge à fines 
gouttelettes sanguines sur les sections intérieures; un peu de sérosité claire, 
parfois sanguinolente, dans les ventricules, plexus choroïdes gorgés de sang. 
On a signalé la diminution de consistance et le ramollissement général du 
cerveau, surtout chez les malades ayant offert du délire (Pugnet, Aubert, 
Clot), mais, suivant d’autres, la consistance des centres nerveux ne présentait 
rien d'anormal (Emangard, Davigneau). La moelle épinière était à l’état naturel 
(Clot), mais il y aurait lieu de faire un examen plus complet et plus répété de 
cet organe. 

Aucune anomalie sur les nerfs de la vie animale, sauf dans leurs parties 
englobées dans les tissus malades, comme les gauglions lymphatiques. Les 
taches et petites ecchymoses signalées par Aubert sur le grand sympathique 
n’ont guère été notées que par cet observateur, qui a-voulu les considérer comme 
caractéristiques, et comme en rapport d'intensité avec la rapidité et la violence 
de la peste. Suivant la remarque de Clot-Bey, il ne s’agit probablement là que 
d'infiltrations sanguines du tissu cellulaire qui environne les ganglions nerveux 


586 PESTE. 
du sympathique; bref, ce serait un phénomène de simple imbibition et non 
point une rougeur inflammatoire des parties nerveuses elles-mêmes. 

En résumé, de toutes les lésions signalées du côté du système nerveux, il ne 
reste d’avéré qu'un peu de congestion du système veineux, parfois un léger 
piqueté sanguin de la substance ‘encéphalique, mais aussi =s s de véritables 
ecchy moses soit dans les méninges, soit dans la masse nerveuse, altérations qui 
paraissent dues à la violence des symptômes et à la premptitude de la mort, 
comme cela a lieu dans quelques cas de mort extrêmement rapide. 

Organes de la respiration et de la circulation. Rarement on remarque sur 
les plèvres des traces d'inflammation ; cependant on y a noté des épanchements 
séreux ou séro-sanguinolents parfois fort abondants. A la partie postérieure des 
poumons il y a de l’hypostase cadavérique. Suivant Clot, la muqueuse des 
bronches serait notablement enflammée chez les pestiférés qui n’avaient présenté 
aucune bronchite durant la vie. On ne trouvait point en Egypte les gangrènes, 
ecchymoses ou taches pourpres signalées par les anciens et les observateurs 
de la peste de Provence sur les poumons, les plèvres et autres organes de la 
respiration. 

On a trouvé fréquemment des épanchements séreux et séro-sanguinolents 
dans le péricarde où l’on remarquait toujours une demi-livre, une livre et plus 
de sérosité (Rigaud). Le cœur, distendu par du sang fluide ou en caillots, est 
toujours augmenté de volume, d'un tiers ou de la moitié, parfois du double 
(Soullier), même du triple (Rigaud). Son tissu pâle est souvent ramolli. Ces 
altérations paraissent constantes et ont été notées par Soullier, Deidier, Crouzier, 
Pugnet, Larrey, Clot-Bey, Rigaud, Aubert, Duvigneau, etc. 

Cette exagération de volume du cœur se fait aux dépens du cœur droit, dont 
les cavités sont distendues par du sang noir, cailleboté, dans lequel nagent des 
caillots jaunâtres ou rougéâtres. Chicoyneau cite un cas de rupture de l’oreil- 
lette droite. Les cavités gauches sont ordinairement vides. 

Le système veineux est surtout remarquablement dilaté, formant un lacis 
saillant sur les enveloppes des principaux viscères. Les grosses veines qui se 
jettent dans le cœur, veines caves, jugulaires, atteignant le volume de l'intestin 
grêle (Duvigneau), la veine porte, les veines du rachis, sont dilatées au plus 
haut point. Les artères ont été trouvées presque toujours vides et sans notable 
altération. . 

Rappelons encore les épanchements de sang soit pur, soit le plus souvent 
mêlé de sérosité, que l’on a signalés dans les diverses cavités et sur les enve- 
loppes des principaux viscères : encéphale, moelle épinière, celle-ci nageant 
parfois dans un mélange de sang et de sérosité noirâtre (Aubert-Roche). Même 
fréquence des infiltrations de sang dans les tissus viscéraux, dans le tissu 
cellulaire sous-cutané, sous forme de taches, de piqüre de puce, et qui parurent 
si variées et si nombreuses dans la peste de Marseille de 1720-1721. 

On a aussi noté une assez grande fréquence d'hémorrbagies par les membranes 
muqueuses dans la peste ; par celles de l'estomac, des intestins, de la vessie, etc., 
sous forme de grandes plaques rouges, brunes, de taches pétéchiales sur plusieurs 
muqueuses (Soullier). 

Appareil digestif. On a parlé de la fréquence, dans certaines épidémies, 
des écoulements de sang et de sanie par la bouche des cadavres (Emangard), 
des fuliginosités recouvrant les lèvres etles dents, de la teinte violacée ou rosée 
de la muqueuse du pharynx et de l'œsophage. L'estomac contient des liquides 


PESTE. 687 


de nuances diverses, noirâtres, visqueux, semblabies à un mélange de bile, de 
sang et d'huile; sa muqueuse d'ordinaire normale offre diverses colorations par- 
tielles ou générales; elle est ramollie chez les individus dont la maladie s’est 
prolongée, elle peut être aussi le siége de quelques ulcérations limitées à sa 
seule épaisseur (Clot-Bey). Le duodénum participe fréquemment aux altérations 
de l'estomac et il peut être le siége d'hémorrhagies ou d’ulcérations. 

Le péritoine est rosé ou d'un rouge vif (Rigaud); son tissu conjonctif et le 
tissu graisseux sous-jacent sont remplis de radicules veineuses gonflées de sang, 
parfois même le tissu adipeux offre l'aspect d’une bouillie pulpeuse couleur lie 
de vin, parfois il est puriforme. 

Les intestins grèles sont couverts d'arborisations sanguines très-prononcées 
et présentent les mêmes altérations que l'estomac, des pétéchies internes et 
externes, mais point d'ulcérations ni d'altérations des glandes de Peyer. On y 
a trouvé souvent de nombreux lombrics. jusqu’à trente-sept à la fois (Rigaud), 
avec un liquide analogue à celui de l’estomac. On a trouvé sur la valvule iléo- 
cæcale des ulcérations comme sur l'estomac, s'étendant jusque dans l'appen- 
dice iléo-vermiculaire. Le gros intestin est presque toujours sain, le côlon ordi- 
nairement rétréci (Rigaud). 

Le foie est avec le cœur l'organe dont l'augmentation de volume dans la peste 
a le plus vivement frappé l'œil des observateurs. Il est constamment représenté 
comme amplifié d'un tiers, de la moitié, du double ou du triple de ses dimen- 
sions naturelles, et souvent occupant l'espace entier des hypochondres (Soullier, 
Deidier, Crouzier, Clot-Bey, Aubert-Roche, etc.). On n’y remarque habituelle- 
ment aucune altération de texture et l'augmentation de volume semble due à 
un excès d'engorgement par le sang. Cependant parfois le tissu hépatique a été 
trouvé ramolli ou marbré (Aubert), ou offrant un charbon sous forme de pus- 
tule noire et ronde sur le bord tranchant d'organe (Clot-Bey). Une grande quan- 
tité de bile verte distend ordinairement la vésicule du fiel, qui a aussi sa capa- 
cité doublée ou triplée : elle a présenté dans quelques autopsies des pétéchies, 
des ecchymoses en dehors et en dedans et même des épanchements de sang ou 
de sérosité sanguinolente. 

Presque tous les observateurs ont signalé à l'autopsie l'amplification de volume 
de la rate dans des proportions analogues à celle du foie; la plupart du temps 
la rate est ramollie jusqu’à consistance de bouillie; parfois seulement elle est 
dure et rouge comme le foie, enfin rarement elle est normale. Le pancréas éga- 
lement augmenté dans son volume était souvent induré en Égypte (Clot-Bey). 

Les reins ne paraissent pas avoir été examinés avec toute la rigueur désirable 
dans les autopsies d'individus morts de la peste. Clot-Bey les a quelquefois 
trouvés comme noyés dans un épanchement hémorrhagique qui s'était produit 
dans le tissu conjonctif ambiant. On a noté fréquemment des ecchymoses ou des 
colorations diverses sur leur surface, ils étaient noyés de sang dans leur sub- 
stance corticale et médullaire et leurs bassinets contenaient des caillots. On a 
aussi trouvé des caillots semblables dans les uretères et même dans la vessie. 
La muqueuse de celle-ci est habituellement saine, quoique offrant, par exception, 
des pétéchies, des ecchymoses ou des urines mêlées de sang. 

Système lymphatique et peau. A propos des bubons al importe de bien 
établir d’abord que ces tumeurs siégent uniquement dans les ganglions lym- 
phatiques, jamais en dehors des régions qui en sont tm an que le 
contraire ait été avancé par quelques loïmographes, Samoïlwitz, Larrey, etc: 


688 PESTE. 


Quelquefois, en s'agglomérant, les ganglions internes ou externes forment des 
masses du poids de deux livres; les glandes cervicales se continuent souvent 
avec celles du médiatin et de l’aisselle; celles-ci communiquent avec les péri- 
bronchiques; celles de l'aine se joignent semblablement à celles de la cavité 
abdominale, de sorte qu'on peut les suivre formant des chaînes ininterrompues 
à travers l'arcade crurale, le long des vaisseaux iliaques, dans le bassin, le long 
de la colonne vertébrale. C’est principalement dans ce dernier siége que l’on 
rencontre des épanchements sanguins au milieu du tissu cellulaire sous-périto- 
néal (Clot-Bey); les ganglions du mésentère remplissent ce repli péritonéal ; ils 
ont le volume d’une amande, sont grisâtres, rougeâtres, mais jamais n'offrent 
l'état de putrilage. 

Quelquefois on observe l'étranglement des ganglions aux orifices naturels de 
communication, comme à l’arcade crurale. Les ganglions des angles des må- 
choires et du cou sont toujours indépendants des glandes salivaires demeurées 
saines (Lachèze). Ce dernier observateur a constaté d'ailleurs, comme Clot-Bey 
en Égypte, la communication ininterrompue des glandes lymphatiques, altérées 
depuis les régions cervicale et inguinale jusqu’au thorax et à la capacité abdo- 
minale. De plus, il a vu le volume des glandes mésentériques et des préverté- 
brales atteindre la grosseur d'un œuf de poule et même d’un œuf d'oie. 

Les recherches attentives faites dans l'épidémie de 1835 en Égypte ont 
presque toujours fait découvrir, même sur les pestiférés ayant succombé avant 
l'apparition des bubons, cet engorgement considérable des ganglions lympha- 
tiques soit externes, soit internes, d’où résultait une augmentation de volume 
égalant huit à dix fois leurs dimensions normales. 

Les altérations intrinsèques des ganglions chez les pestiférés consistent dans 
diverses modifications de consistance, de couleur et de texture. Souvent ils 
sont injectés en rouge, durs, tandis que d’autres fois ils sont plus avancés en 
dégénérescences, ramollis partiellement ou en totalité; parfois enfin ils sont 
réduits à l'état de putrilage plus ou moins complet, avec ou sans changement 
de coloration (Clot-Bey). 

Quand les ganglions lymphatiques sont profondément altérés, le tissu con- 
jonctif voisin participe à cette altération : il s'infiltre de sang, de sérosité, de 
pus ; il forme un putrilage noir au milieu duquel flotte la masse ganglionnaire. 
Avant d'arriver à cet état de désorganisation consommée le tissu conjonctif enyi- 
ronnant et les ganglions y englobés sont fusionnés en une masse charnue indis- 
tincte, dure, rougeâtre, et pour ainsi dire homogène. 

Rappelons encore que, si les glandes malades formant les bubons de l'angle 
maxillaire sont totalement distinctes des parotides, cela n’empèche pas que dans 
des cas de peste, rares, à la vérité, il ne puisse y avoir simultanément bubons 
maxillaires et parotides. 

Les vaisseaux, les nerfs compris dans les bubons, prennent une part plus ou 
moins grande à l'inflammation commune, et nous savons que c'est à l’altération 
sans doute des derniers qu'il est plausible de rapporter la douleur exquise due 
vraisemblablement à la névrite et à la compression. 

L'examen des vaisseaux lymphatiques ne semble pas avoir été fait d'une ma- 
nière très-méthodique. L’insufflation du canal thoracique a constamment 
démontré qu’il était sain (Clot-Bey). 5 

Des gangrènes ou charbons internes. Nous avons vu que les autopsies faites 
à propos de l'épidémie pestilentielle de-Provence en 4720 relatent l'existence 


PESTE. 689 


de charbons et de pustules charbonneuses sur presque tous les viscères : pou- 
mons et plèvres, péricarde et cœur, péritoine et organes sous-jacents, épiploon, 
foie, estomac et intestins, reins, ligaments larges, vessie, cerveau et ses enve- 
loppes, même sur le diaphragme (Bertrand), dans les premiers espaces inter- 
costaux, intéressant les aponévroses et les muscles de ces régions (Soullier). 
Enfin les bubons ayant détruit l’œil et d’autres parties de la face (Brayer) 
n'étaient sans doute que des charbons et des gangrènes. 

S'il faut prendre à la lettre ces descriptions anatomiques des nécropsies faites 
dans la grande peste de Provence et du Gévaudan en 1720-1721, on devrait 
admettre que la gangrène disséminée un peu partout sur les viscères fat la 
véritable caractéristique de cette épidémie. On a dit que de pareils observateurs 
ne pouvaient pas se tromper complétement ni méconnaître la nature des alté- 
rations si soùvent rencontrées et mentionnées, plutôt encore que décrites, avec 
tant d'insistance. à 

Cependant, suivant Clot-Bey et Aubert-Roche, juges compétents, les ecchy- 
moses, les sugillations, les imbibitions cadavériques, fréquentes dans les cas de 
mort rapide par la peste, ont dù être prises par les observateurs de la Provence 
pour des lésions plus malignes et de nature gangréneuses. Ces remarques sont 
d'autant plus justes que nous savons que plus d’un observateur moderne a pris 
pour des signes d’inflammation violente de simples transsudations et colorations 
cadavériques banales, et cela sous l'empire et la prévention d’un grand système 
de médecine qui a disparu. Il y a plus, on doit se demander si ce n'est pas le 
cas de Clot et Aubert eux-mêmes qui, dans les autopsies faites en Egypte, ne 
voyaient que trop souvent des désordres inflammatoires là où il n’y avait que de 
simples résultats de la stase sanguine due à une mort rapide. 

Quoi qu'il en soit, c'est un nouveau point à éclairer par les recherches de 
l'avenir, car les études anatomo-pathologiques sur la peste sont nulles ou insi- 
gnifiantes depuis 1840. Dans une autopsie fort incomplète Barozzi, en Cyré- 
naïque, nota des taches livides sur le grand épiploon, des sugillations sur le 
péritoine, une forte augmentation de volume des ganglions lymphatiques pel- 
viens, les ganglions mésentériques énormes, bleuâtres comme les précédents, 
et le tissu cellulaire ambiant imbibé de sang. Le malade avait présenté du 
ballonnement du ventre, des pétéchies nombreuses, mais pas de bubons ni de 
charbons. 

En réalité, il reste à soumettre la peste à l'étude anatomo-pathologique mé- 
thodique et disciplinée quon applique aujourd'hui aux maladies épidémiques. 
Malheureusement d’un côté, heureusement de l'autre, la peste ne sévit guère 
que dans des milieux qui rendent très-diflicile ce genre d'étude, par exemple, 
dans les pays musulmans. 

Decrés. Formes. VARIÉTÉS DE LA PESTE SUIVANT LES ÉPIDÉMIÉS, LES TEMPS, 
LES LIEUX ET LES AUTRES ANOMALIES. Rappelons que les maladies en général 
comportent des degrés d'après leur intensité, des formes d'après la prédomi- 
nance de certains symptômes et troubles saillants et caractéristiques, des 
variétés qui ne sont que de simples distinctions des formes. Ces notions de 
pathologie générale sont mises en lumière par les modalités variées qu'affecte 
la peste : mais il faut savoir que parfois les degrés et les formes se lient, se 
compliquent au point qu'il n’est pas toujours permis de les distinguer rigou- 
reusement. 

En 1558, Forestus avait justement divisé la peste en : 1° pestilens febris 

pict, ENG. 2 s. AXIIL. 4% 


690 PESTE. 


comitata, ou peste ordinaire ; 2° pestilens febris incomitata, ou peste sans 
bubons, charbons ni symptômes ordinaires. 

Chicoyneau admettait, dans la peste de Provence, les six classes suivantes : Ja 

première comprenait les cas les plus violents, presque toujours mortels, fré- 
quents pendant la première période de l'épidémie : frissons irréguliers, pouls 
petit, fréquent, inégal, pesanteur extrême de la tête, sensation d'ivresse, regards 
fixes ou égarés, pleins d'épouvante et de désespoir, voix entre-coupée, langue 
blanche ou noire, sèche, face päle, livide, cadavéreuse, nausées et vomissement, 
inquiétudes mortelles, prostration, perte de connaissance; mort survenant en 
quelques heures, dans une nuit, dans un, tout au plus deux jours, parfois au 
milieu de convulsions et de tremblements, mais toujours sans bubons ni char- 
bons. 
Dans la seconde classe il y avait des frissons, de la céphalalgie et des étour- 
dissements comme ci-dessus : mais aux frissons succédait un pouls vif et animé 
qui se déprimait vite; sensation intérieure de chaleur brûlante, avec chaleur 
médiocre au dehors, soif vive, langue blanche ou rouge, parole bégayante, pré- 
cipitée, yeux étincelants, facies rouge ou livide, nausées, respiration laborieuse 
et fréquente, ou bien rare et ample, vomissements bilieux, noirâtres, sanglants, 
sueurs exténuantes, délire et frénésie, prostration, surtout pressentiment d’une: 
mort prochainement inévitable. 

Mais le signe distinctif de cette forme d'avec la première, c'était l'apparition 
précoce des bubons douloureux, des charbons et des pustules gangréneuses sur 
tout le corps. Très-rarement les malades de cette classe échappaient à la mort. 

La troisième classe se composait des pestiférés offrant d’abord les symptômes 
de la deuxième, puis ceux de la première : sorte de forme mixte non moins 
mortelle que les deux premières, et caractérisée comme elles principalement par 
l'anéantissement des forces et par une sidération morbide que ressentaient les 
malades et qu'ils exprimaient par un désespoir et un découragement funestes 
bien avant que le danger imminent fùt révélé par la marche de la maladie. 

La quatrième classe renfermait les cas analogues à ceux de la seconde ; mais 
ici les accidents diminuaient ou disparaissaient du second au troisième jour, 
ordinairement par suite de l'apparition des charbons et des bubons qui suppu- 
raient. 

A la cinquième classe appartenaient les malades qui, sans fièvre ni émotion, 
ni trouble d'aucune fonction, avaient des charbons et des bubons se terminant 
par suppuration, par induration quelquefois et par délitescence ; qui, sans 
s'aliter, continuaient ainsi leur germe de vie ordinaire : forme vraiment ambula- 
trice de la peste. 

La fréquence de deux dernières formes fut de beaucoup prédominante sur les 
autres, à ce point qu'elles atteignirent quinze à vingt mille personnes dans la 
ville de Marseille. 

Enfin une sixième classe pourrait comprendre les ‘malades qui, sans aucun 
avant-coureur, ni autre lésion manifeste, qu’un simple abattement des forces, 
périssaient néanmoins, sans sentir aucun mal, nombre fort petit d'ailleurs en 
comparaison de ceux qui formaient les classes précédentes. IL s'agissait ici 
d’une forme manifestement fruste de la peste. 

Chenot (Tractatus de peste, 1166) a renchéri sur les divisions déjà si nom- 
breuses de Chicoyneau, et a décrit jusqu'à sept degrés de la peste, mais en sui- 
vant une marche inverse, c'est-à-dire en allant des degrés les moins graves 


PESTE. 691 


aux plus graves. Sauvages a admis trois divisions principales : 1° la peste 
interne (ircomitata de Forestus), qui tue promptement sans manifestations 
externes; 2° la peste vulgaire; 3° la peste bénigne. Il y a longtemps que, 
d'après les degrés d'extension et d'intensité combinées, on a divisé la peste en : 
sporadique, endémique et épidémique. 

Parmi les variétés de la peste sporadique observée à Constantinople, Brayer 
signale : 1° l'aura pestilentialis minor, accompagnée de bubons, ordinaire- 
ment sans fièvre ou avec fièvre légère, sans accidents fàcheux; 2° l'aura pesti- 
leniialis major, avec bubons et des symptômes plus graves, parfois mortels ; 
5° enfin une forme à peu près fruste qui ne se marquait que par une légère 
indigestion, de l'agitation et de l'insomnie, un facies grippé et abattu, le tout 
se terminant par des sueurs critiques. 

Dans la peste d'Égypte de 1854-1855, on établit trois divisions basées sur les 
degrés de gravité croissante. Dans la première, qui apparut au milieu et sur- 
tout au déclin de l’épidémie, les malades s'alitaient rarement, ils transpiraient 
facilement, et ne moururent presque pas. C'est aussi à la même période épidé- 
mique que l'on observa la seconde forme, qui était la peste ordinaire. Quant à 
la troisième, qui tuait en vingt-quatre à quarante-huit heures, parfois sans 
signes extérieurs, elle sévit presque seule durant le premier mois de l'épidémie 
et devint rare par la suite. 

Enfin, dans une récente et excellente description résumée de la peste (Patho- 
logie de Requin, t. IV, 1863), le professeur Charcot adopte trois formes princi- 
pales : a peste foudroyante, b peste grave, ¢ peste bénigne. 

DEGRÉS MINIMES OU ATTÉNUÉS DE LA PESTE. Je veux attirer ici l'attention sur 
les degrés affaiblis de la peste (formes bénignes, états buboniques, engorge- 
ments ganglionnaires, etc.), considérés comme constituant à eux seuls de véri- 
tables épidémies, parfois isolées, parfois en connexion avec d'autres épidémies 
pestilentielles plus graves et plus meurtrières. Sans doute les anciens observa- 
teurs ont mentionné, quelquefois décrit (Sydenham) ces degrés légers de la 
peste : mais, outre qu'ils n'y ont pas attaché une grande importance, ils ne 
voyaient là que des formes bénignes, frustes en quelque sorte, entre-mêlées de 
formes plus sévères dans une même épidémie pestilentielle. 

a. Rappelons que Brayer, l’un des premiers, a décrit des manifestations de 
cette peste bénigne sous le nom d'aura pestilentialis minor, qui se marquait 
par la présence de petits bubons durs, de furoncles et de pustules, sans fièvre, 
sans dérangement de la santé : épidémie qui régna dans presque tout le cours 
de 1819, dont il fut lui-même atteint avec plusieurs de ses camarades et dont 
il guérit sans s’aliter. Mais à cette époque la peste était endémique à Constan- 
tinople et parfois elle y revêtait le caractère épidémique. 

b. En 1849, dans une lettre à Clot-Bey, le docteur Rossi signalait lexis- 
tence à Zagazig (Basse-Égypte) d'une épidémie de peste bénigne sur le 5° régi- 
ment de ligne. Elle consistait en bubons principalement inguinaux, quel- 
quefois axillaires, sans accompagnement d'aucun symptôme général; leur 
marche chronique et passive ne changeait point par l'application des résolutifs 
et des émollients. Très-peu suppurèrent, la plupart demeurant stationnaires ou 
devenant indurés. Ceux qui suppuraient fournissaient un pus louable ; l'ouver- 
ture amenait une ulcération plus ou moins étendue, spongieuse et rebelle. Cette 
maladie m'avait aucun caractère contagieux. Il est nécessaire d'ajouter que la 
peste régnait alors en Égypte à l’état sporadique. D'ailleurs l'observateur n'a 


692 PESTE. 


donné aucun détail sur les antécédents ni les suites de cette petite épidémie 
bubonique si bien limitée à un point unique. 

D'un autre côté, d'après Pruner-Bey, on observa en Égypte, pendant quel- 
ques années après la cessation de la peste dans ce pays, de 1844 à 1850, une 
grande fréquence d'engorgements ganglionnaires, comme s’il se fût agi d'une 
sorte de survivance ère de la maladie éteinte. 

c. Des observations de Duthieul, médecin sanitaire de Turquie, il résulte, 
comme nous l'avons dit plus haut, que, durant les années 1856, 1858, 1859, 
1860 et 1861, il régna à Bagdad et aux environs une sorte d'endémie de tumeurs 
ganglionnaires, d'engorzements de même nature, guérissant presque tous sans 
suppuration. Parfois le même médecin qualifiait cette maladie de « légère, 
accompagnée de gonflements inguinaux, affection sans gravité, caractérisée par 
un peu de fièvre, d'embarras gastriques, de douleurs vagues, mais surtout par 
des bubons et des anthrax bénins. » Mêmes phénomènes, mêmes engorgements 
ganglionnaires en 1864, 1865, 1866, jusqu'à l'épidémie de 1867 dans l'Irak- 
Arabi (rapports à l'administration sanitaire de Constantinople). 

d. Au mois d'avril 1858 on observa au sud de Tripoli, dans le Fezzan, à 
Moursouk et dans un district voisin, une maladie caractérisée comme suit. 
Apparition de bubons d’abord ovalaires, puis sous forme d’anthrax, où se fai- 
saient deux à trois ouvertures s’unissant et laissant une cavité assez profonde, 
et cela à peu près uniquement dans les régions inguinales. Comme symptômes 
ordinaires on notait : la prostration des forces, une légère douleur aux lombes, 
de l'inappétence, des nausées, parfois de la constipation, des frissons et un peu 
de fièvre légère quelquefois intermittente, et de la douleur à la gorge surto 
pendant la nuit. Quand les bubons n'arrivaient pas à suppuration, cours $ 
la maladie était prolongé. Tous les cas se terminèrent heureusement en qua- 
rante et parfois en soixante-dix jours, et cela sans aucun traitement interne, à 
laide de quelques topiques simples ou excitants. Cette maladie atteignit environ 
150 individus sur 500 habitants du district de Moursouk, au hasard, rarement 
deux dans la même maison et en même temps ; elle parut peu ou pas conta- 
gieuse. 

Les anciens habitants dignes de foi ajoutaient qu'une semblable affection, 
pareillement exempte de mortalité, s'était montrée à Moursouk en 1828, c'est- 
à-dire trente ans auparavant. La population indigène croyait que ce n'était pas 
la peste vraie, mais une peste bâlarde au sujet de laqueile on demeurait 
indifférent. Enfin cette maladie, qui avait cessé durant les chaleurs de l'été. 
reparut ensuite dans le district de Moursouk sur quelques personnes et dans 
un village voisin (Lettre de l’agent consulaire anglais &e Moursouk). 

Rappelons ici que la peste bubonique vraie et complète, grave et mortelle, 
régnait dans la Cyrénaïque, notamment à Benghazi et à Derna, à 150 ou 
200 lieues au nord de Moursouk, pendant les années 1858 et 1859, proba- 
blement même depuis 1856. Cependant il est avancé par l'observateur de 
Moursouk que cette ville n'avait point de communication avec Benghazi à 
l'époque de l'apparition de l'épidémie bubonique sus-mentionnée, mais seule- 
ment avec Tripoli et Ghät. 

e. En 1859 on observa à Beyrouth çà et là un certain nombre de cas (une dizaine 
au moins) d'une maladie aiguë fébrile avec engorgements ganglionnaires dont 
quelques-uns suppuraient et parmi lesquels il y eut un cas de mort. Il importe 
encere de rappeler ici que cette légère apparition coïncidait avec la peste de 


PESTE. 695 


la Gyrénaïque ainsi qu'avec l'existence d’une petite épidémie ganglionnaire à 
Bagdad et aux environs. Nous savons même qu'il y avait lieu de soupçonner 
fortement certains arrivages en Syrie provenant de la Cyrénaïque et partant 
très-sujets à caution. 

f. Au commencement de 1864, à propos de la peste de Makou (Aderbeïdjan 

. persan), un médecin russe, le docteur Andrejewski, remettait au conseil de santé 

de Constantinople une note concernant une affection furonculeuse, bubonique 
même, offrant quelque analogie avec la peste orientale et qui régnait alors 
parmi les pâtres des tribus nomades de la Transcaucasie. Suivant l'observateur 
en question cette maladie était caractérisée par l'apparition de furoncles gan- 
gréneux, assez souvent accompagnés de bubons qui auraient été symptomatiques 
des premiers. Elle passait pour transmissible par suite d'un contact prolongé. 
En 1856 elle aurait fait croire à la peste orientale dans la Transcaucasie où 
elle fit quatre victimes sur treize malades. 

De plus, en Géorgie et en Imérie il existait à la même époque une fièvre dési- 
gnée sous le nom de Taople qui sévissait de préférence sur les villageois de 
certaines localités, passant pour très-contagieuse au moment de sa période de 
plus grande activité. La maladie s'accompagnait fréquemment d’engorgements 
des glandes, de bubons inguinaux, axillaires et cervicaux, survenant après une 
fièvre intense avec délire ; rarement elle avait une issue funeste durant la fièvre, 
mais elle devenait assez souvent mortelle par suite de l'apparition des engorge- 
ments ou de la suppuration des bubons (docteur Andrejewski). 

Malgré le manque de précision de cette note il importe d'en enregistrer les 
principaux faits, car ils nous paraissent de nature à pouvoir rentrer dans des 
cas légers de peste bubonique dont il s’agit et qui, en Transcaucasie comme en 
Égypte, auraient constitué comme une sorte de queue aux épidémies de peste 
plus violentes arrivées à une période d’extinction au moins temporaire de nos 
Jours. 

g. En 1875 sur la garnison turque de Hindié (frak-Arabi) survint une petite 
épidémie de bubons qui n’épargna qu'un petit nombre de soldats. Le docteur 
Lavitzianos qui rapporte ce fait ajoute que le médecin militaire ottoman sous 
les yeux duquel se passaient les événements n’en comprit la véritable signifi- 
calion que quelque temps plus tard, quand éclata la grande épidémie de peste 
de l’Irak-Arabi, laquelle régna de 1874 jusqu'à 1877 avec des intermissions 
durant les chaleurs estivales. 

Dans un mémoire important sur la peste de l'Irak-Arabi en 1875-1876 et 
1876-1877, Cabiadis dit que deux à trois mois avant l'apparition de l'épidémie 
on commençait par observer des engorgements glandulaires à l'aisselle, aux 
aines, au cou, tout à fait apyrétiques et non accompagnés d'autre symptôme. 
Ces engorgements commençaient quasi-constamment vers la fin de l'automne 
et continuaient à se montrer durant l'hiver à la fin duquel l'épidémie fai- 

sait explosion, atteignait son summum durant le printemps et une partie de 

l'été, pour tomber assez brusquement à l'approche des fortes chaleurs, quand le 
thermomètre marquerait 45 à 50 degrés centigrades. Après la cessation de l'épi- 
démie on continuait à observer pendant environ deux mois les mêmes engor- 
gements glandulaires apyrétiques qui s'observaient avant son commencement 
(rapport du docteur Cabiadis à l'administration sanitaire de Constantinople, 
janvier 1879). 

Ajoutons que l'observateur affirme que ces engorgements ganglionnaires ne 


694 PESTE. 


se rapportaient à aucune diathèse constitutionnelle chez les populations atteintes, 
qu'ils n'avaient aucune ressemblance avec des engorgements chroniques et des 
adénites spécifiques, et qu'ils se montraient avec des caractères nettement 
accusés comme ceux de la peste. 

En 1868 le docteur Yvan, médecin militaire ottoman, observa, sur 600 sol- 
dats partis de Bagdad et campés entre Divanièh et Chénafièh, l'apparition en 
juin de 15 à 14 cas de bubons spontanés aux aines et aux aisselles qui se ter- 
minèrent par une suppuration abondante en présentant parfois une fièvre assez 
prononcée. 

D'après certaines déclarations faites au docteur Batailley de Bagdad, on serait 
autorisé à croire que de 1867 à 1873 la peste légère et sporadique n'aurait 
cessé d'exister parmi les tribus des districts de Souk-el-Chouk, de Divanièh et 
de Hillèh. Même déclaration a été faite par le docteur Palladino, médecin de 
Hillèh, avec cette différence que ce dernier n’admet pas que ce soit la vraie 
peste. 

Tholozan, qui rapporte ces derniers faits (La peste en Turquie), y voit une 
filiation et comme un lien non interrompu entre les épidémies de 1867 et de 
1875 dans l'Irak-Arabi. 

En automne 1877 on observa un assez grand nombre de bubons axillaires et 
inguiuaux à Bagdad : ordinairement ils furent apyrétiques chez les adultes; chez 
les enfants il y avait une fièvre de dix à quinze jours. Ces bubons se termi- 
nèrent presque tous par résolution. On observait aussi des charbons sans fièvre 
(docteur Adler). De même, dans l'hiver et au printemps de 1875, on observa 
encore à Bagdad quelques cas rares de bubons avec fièvre légère dont la durée 
était de un à deux septenaires, ainsi que quelques charbons. 

Ces renseignements dus au docteur Batailley (de Bagdad) semblent établir que 
la peste sporadique se montre de temps à autre, sous forme de manifestation 
bubonique apyrétique ou légèrement fébrile, depuis un assez grand nombre 
d'années. Ils concordent avec ce qui a été observé par plusieurs médecins sani- 
taires dans les intervalles de la grande épidémie de 1875 à 1877. Batailley et 
d'autres médecins admettent sans hésitation qu'il s’agit là d'une forme ou plutôt 
d'un degré minime de la peste, d'une peste bénigne et sporadique. Cette manière 
de voir nous semble avoir pour elle toutes les probabilités. Si tous les médecins 
sanitaires ottomans n’ont pas accepté officiellement cette interprétation, c'est 
surtout, on le comprend, à cause de certaines susceptibilités à ménager. D'ail- 
eurs nous savons de bonne source qu'il en est qui acceptent, pour lavoir observée, 
la fréquence de cette modalité atténuée de la peste bubonique dans la province 
de Badgad. 

h. Un des exemples les plus récents et les plus amplifiés des degrés légers 
de la peste nous est fourni par l’épidémie d'Astrakban, soit dans la ville même, 
soit dans les localités environnantes, telles que Vortport, Kasatchi, Kilintschi, 
Kamesak, Ouvare, Tischovo, Karabat (les deux dernières situées dans les îles de 
la Caspienne). On observa depuis le mois de mai 1877, surtout en juin et en 
août, plus de 250 cas de la maladie en question; en 1878 et mème en 1879, on 
en vit environ 100 à 150 autres. Il s’agit d’une épidémie de bubons fébriles qui 
fut observée par un grand nombre de médecins civils, militaires, en ville, à la 
campagne, dans les hôpitaux, aux consultations, à divers intervalles, pendant 
près de deux années. 

La maladie se caractérisait par des symptômes de fièvre, par des engorgements 


PESTE. 695 


et tuméfactions ordinairement indolores des glandes de l’aine, de la cuisse, des 
aisselles, de la nuque et du cou, etc. ; tantôt il y avait suppuration, tantôt réso- 
lution des tumeurs, d’après les termes mêmes de l'inspecteur médical d'Astra- 
khan, qui personnellement en vit plusieurs exemples. Dans une observation de 
l'hôpital général de la ville, outre la présence des bubons douloureux et gros 
comme un œuf de poule situés à l'aine, on signale : « une violente céphalalgie, 
de l'insomnie, de la constipation depuis trois jours, le sensorium libre avec des 
réponses toutefois incohérentes ; une température à 40°,4, cause de la maladie, 
inconnue. » Jamais il ne fut constaté d'exanthème, ni de pétéchies, ni de suda- 
mina, communs dans le pays. Le malaise durait parfois assez longtemps, et 
pendant quinze jours ou plus les malades demeuraient faibles et dans une situa- 
tion peu satisfaisante, suivant le langage du rapport précité. Quelquefois les 
phénomènes fébriles étaient peu intenses, parfois même absents ; les ganglions 
n'étaient pas toujours volumineux et ils n'abcédaient que dans la moitié des cas. 
On ne constata, dit-on, aucun cas de mort par suite de cette affection. Elle 
n’était point contagieuse, au dire des médecins qui l’observèrent : mais, dit judi- 
cieusement Zuber, il faut noter que l'attention de ces médecins ne paraît pas 
avoir été suffisamment appelée sur ce point. 

Quelle fut la nature de cette épidémie? « C'est, non pas des bubons avec 
fièvre inflammatoire, mais plutôt une fièvre avec bubons, que je ne puis com- 
parer, d'une manière très-éloignée, bien entendu, qu'aux oreillons », déclarait 
à Zuber l’un des médecins distingués d'Astrakhan, qui en avait soigné une tren- 
taine de cas. De l'aveu de tous cette maladie était inconnue à Astrakhan aupa- 
ravant. L'infortuné Dôppner, qui l'avait observée dans les deux localités, s'ef- 
força à plusieurs reprises de faire ressortir la similitude complète qu'il consta- 
tait entre la maladie d'Astrakhan et les premiers cas de la peste de Vetlianka. 

Il est inutile de pousser plus loin les arguments en faveur de l'identité des 
degrés légers de l'épidémie d’Astrakhan avec celle beaucoup plus sévère de 
Vetlianka. Aussi bien cette identité fut généralement admise par les médecins 
délégués sur les lieux au nom des gouvernements étrangers (Zuber, Rapport sur 
une mission médicale en Russie). Cependant quelques-uns formulèrent des 
réserves sur la nature de la maladie d'Astrakhan; Zuber y vit une grande ressem- 
blance ou même une identité de nature entre les deux épidémies, et Cabiadis, le 
seul délégué qui avait précédemment observé la peste dans l'Irak-Arabi, n'hésita 
pas à admettre cette identité. 

Rossi, dans une lettre à Clot-Bey, paraît rattacher à la peste vraie la petite 
irruption bubonique sur le régiment de Zagazig ; de même Pruner-Bey rapporte 
à la même maladie les états buboniques qui survinrent à la cessation de la 
peste sur le sol de l'Égypte en 1844-1845. A. Fauvel fat vivement frappé de la 
relation et de la presque contemporanéité de l'épidémie de bubons de Moursouk 
en 1859 avec celles de Beyrouth et de Bagdad. « Je me garderai bien, dit-il, 
d'émettre à ce sujet aucune opinion ; je dis seulement que c'est là une question 
très-intéressante à étudier » (Rapport adressé au ministre du Commerce en 
octobre 1859). 

Tholozan est un des premiers qui ait formulé nettement son opinion sur la 
mature pestilentielle des états buboniques fébriles de Bagdad relatés par Duthieul 
de 1856 à 1866 (Une épidémie de peste en Mésopotamie). On sait que 
l'Administration sanitaire et le Conseil de santé de Constantinople n'avaient 
accordé qu’une valeur insignifiante à ces manifestations, et qu'on ne voulut voir 


696 PESTE. 


même dans l'épidémie pourtant si complète de peste de 1867 de l'Irak-Arabi 
qu’une affection étrangère à celle-ci, une sorte de mélange hybride qui reçut le 
nom de typhus loimoïde non contagieux. 

Les épidémies d'états buboniques avec ou sans fièvre observés plus récemment 
dans l'Irak-Arabi en 1874-1877 n'ont pas reçu de leurs observateurs tout d'abord 
leur véritable portée; cependant un examen et une analyse ultérieurs n'ont pas 
tardé à rétablir leur véritable signification. 

Si les faits exactement observés et rapportés (et nous n'en avons cité que 
quelques-uns) ont leur éloquence, il n’est pas besoin de beaucoup de commen- 
taires. Quand on voit un procès morbide caractérisé par des bubons épidémiques, 
indépendants de toute cause constitutionnelle, accompagnés ou non de fièvre 
plus ou moins légère ; quand on le voit surgir sur les terrains classiques de la 
peste, servir de prélude ou de conclusion, d'avant-coureur ou de suite aux grandes 
manifestations pestilentielles, et les relier entre elles comme pour en faire une 
chaine unique composée de maillons inégaux seulement de grandeur ; quand on 
voit le même procès morbide, léger et bénin, donner naissance à des pestes graves, 
comme celle d’Astrakhan et celle de Vetlianka, par exemple, en présence de 
pareilles ressemblances et de coïncidences si décisives, n’est-on pas absolument 
fondé à conclure à l'identité de ces produits minimes de la peste avec la peste 
elle-même? L'inégalité des degrés de la peste s'admet sans conteste quand il 
s’agit d’une épidémie dont tous les cas diffèrent essentiellement depuis les plus 
graves jusqu'aux plus bénins. Puisque l’on admet l'identité de nature entre ces 
cas dans une même épidémie, pourquoi ne pas l'admettre par cela seulement 
que les cas légers sont groupés en catégories distinctes et exempts de cas graves 
dans certaines épidémies bénignes ? 

Vainement voudrait-on ici arguer de la transmissibilité douteuse dans un cas 
et irrécusable dans l’autre. Car nous savons, par l'exemple de plusieurs grandes 
maladies épidémiques, que la transmissibilité est un attribut variable. En un 
mot, quand il s’agit de constituer une individualité pathologique, ce n’est point 
sur la base de Ja transmissibihté ou de telle autre propriété étiologique, mais 
bien sur celle de la symptomatologie, qu'il faut surtout la fonder. Or nous savons 
que le bubon est le caractère séméiologique le plus univoque et le plus constant 
de la peste, qui n’est pas foudroyante. Le bubon demeurant donc la signature 
même de la peste, quand il est épidémique et indépendant de cause diathésique, 
on est bien forcé d'en faire le pivot des manifestations appartenant à la peste. 

Voilà la raison péremptoire pour laquelle nous rangeons les épidémies ci- 
dessus relatées parmi les modalités de la peste, légères, à la vérité, mais légitimes 
et normales, car c'est à tort que quelquefois on nomme ces degrés légers des 
formes frustes de la peste, puisque la peste fruste est bien plutôt celle qui pour 
ainsi dire tue en frappant, et qui ne laisse pas le temps aux bubons d’apparaître. 

FORMES DE La PESTE. Les formes proprement dites de la peste sont en 
réalité nombreuses, ce qui justifie l’aphorisme de Chénot : « La peste est un vrai 
Protée qui prend en peu de temps différentes formes. » Déjà les anciens admet- 
taient une peste humorale et spirituelle (Thibaut), une peste externe et une peste 
interne, une peste bénigne et une peste maligne, simple ou compliquée, etc. 

Brayer dit avoir observé à Constantinople la peste sporadique sous des formes 
inflammatoire, bilieuse, nerveuse et intermittente. J. Frank admet une forme 
simple de la peste, une forme inflammatoire, une forme gastrique avec une 
variété bilieuse, une forme nerveuse et une forme putride. 


z 





PESTE. 697 


L'observateur de la peste de Cyrénaïque en 1859, Parozzi, a distingué trois 
formes : 1° forme simple ou régulière ; 2° forme hémorrhagique; 5° forme ner- 
veuse; une quatrième forme enfin résulterait de la combinaison des deux der- 
mères : d’ailleurs, pour lui, la forme en dernière analyse dépendrait de linten- 
sité de la maladie, ce qui est absolument incorrect en bonne séméiologie. 

En principe il serait illégitime et peu pratique d'admettre une quantité exagérée 
de formes de la peste, comme de toute autre maladie. Néanmoins il est facile de 
se convaincre, en lisant les relations des observateurs de tous les temps et de 
tous les lieux, que la plupart n'ont donné un tableau infidèle ou incomplet de la 
maladie que surtout faute d’une division suffisante dans leurs descriptions. 

On peut admettre et décrire les formes suivantes : 

a. Formes normales, régulières ou simples et classiques. 

b. Formes anormales comprenant les formes rapides ou sidérantes, les formes 
frustes, les formes larvées ou masquées, etc. 

c. Formes à déterminations symptomatiques spéciales ou à prédominance de 
certains troubles : formes gastro-intestinales, formes cardiaco-pulmonaires, formes 
nerveuses, formes hémorrhagiques, etc. 

Les formes classiques ont servi en quelque sorte de type à notre description 
symptomatologique générale et nous sont déjà connues. 

Les formes anormales dites foudroyantes, correspondant à l'intensité de la 
peste, sont le plus souvent des degrés plus encore que des formes. Nous les con- 
naissons par le portrait qu’en a fait Chicoyneau dans la peste de Marseille en 
1720-1721. Elles marquent ordinairement le début ou le summum des grandes 
épidémies. Elles sont le plus souvent dépourvues de bubons, de charbons et des 
manifestations extérieures propres à la peste. Elles frappent soudain et tuent en 
vingt-quatre à quarante-huit heures, c’est le plus haut degré de l'intoxication 
pestilentielle. Les autopsies soigneusement pratiquées démontrent sans doute 
qu’elles comportent néanmoins des altérations anatomiques graves et avancées, 
du côté, par exemple, du système ganglionnaire. 

La forme sidérante de la peste est, à vrai dire, la forme fruste par excellence, 
puisqu'elle est privée des signes pathognomoniques ou essentiels de la maladie; 
c'est certainement à elle plutôt qu'à la peste simplement bubonique que doit 
s'appliquer cette dénomination. 

C'est encore à cette forme anormale que paraît se rapporter la forme dépeinte 
dans les lignes suivantes de Chicoyneau : « Ceux que nous avons vus périr sans 
presque aucun avant-coureur ou autre lésion manifeste qu'un simple abattement 
des forces et qui, interrogés sur leur état, répondaient qu'ils ne sentaient aucun 
mal; ce qui marquait pour l'ordinaire un cas désespéré et une mort très-prochaine. » 

La forme vraiment fruste ou ébauchée qui, nous ne saurions trop le redire, 
ne doit pas être confondue avec les engorgements ganglionnaires ou degrés légers 
de la peste, a été assez souvent mentionnée plutôt que constituée sur des argu- 
ments et des descriptions indéniables. Suivant Aubert-Roche, qui l'aurait observée 
en Égypte, elle serait caractérisée par une fièvre modérée, des symptômes gastro- 
intestinaux légers, un peu de malaise, etc., sans bubons, ni charbons, ni aucune 
autre manifestation extérieure. Le principal argument de cet observateur distingué 
serait que, la nature du milieu où se montraient ces manifestations étant celle 
de la peste, celle-ci devrait réclamer comme lui appartenant les productions 


morbides de ce genre. 
C’est à bon droit que l'on peut douter un peu de ces pestes sans bubons ni 


6ç8 PESTE. 


autres symptômes de la peste, bien plus que des épidémies de bubons et d'en- 
gorgements ganglionnaires qui sont la marque caractéristique des degrés légers 
de la maladie. 

Brayer a aussi signalé une forme fruste de la peste à Constantinople qui se 
caractérisait par les phénomènes d’une simple indigestion ; cependant d'autres 
symptômes étrangers à l’indigestion ne tardaient pas à apparaître : facies étiré 
et grippé, regard éteint ou hagard; prostration des forces, le tout suivi de sueurs 
abondantes amenant du soulagement d'abord, puis une convalescence ordinaire- 
ment prompte et facile. Cette forme est également discutable. 

Les formes larvées ou masquées de la peste sont encore plus rares que les 
formes réellement frustes, en admettant d'ailleurs qu'elles existent sans conteste. 
On a avancé qu'il est des formes de la peste qui simulent entièrement une fièvre 
intermittente. Cependant cette similitude symptomatique reste à bien établir. 
Vainement Brayer a-t-il voulu parler de formes singulières de la peste, d'une 
forme bilieuse, apoplectique : il n'a point réussi à les faire accepter. Ce n'est 
pas non plus sans quelque réserve qu'il convient d'accepter le passage suivant de 
Van Swieten relatif aux formes larvées de la peste : Ipsa pestis quandoque sub 
larvå aliorum morborum latuit, dum pestis anno decimo tertio hujus sæculi 
(1715) Vindobonæ grassabatur, sæpius occultabatur sub pleuritide, catarrho, 
anginæ specie. Brevi post prodibant bubones et carbunculi, certissimi pestis 
testes, et stipati solitis symptomatibus. 

En ce qui concerne les formes gastro-intestinales, on ne peut guère accepter, 
même à titre de variétés, la peste bilieuse de Chénot, la pituiteuse de Seele, la 
bilieuse inflammatoire du même, ni la peste vermineuse de Grohmann. Les 
expulsions de vers, assez fréquentes chez les enfants dans la peste, n'en sont 
qu'un simple accident, et les vomissements bilieux et même sanguinolents un 
phénomène fréquent, quoique grave. On voit aussi assez souvent des déjections de 
même nature se produire par le bas de l'intestin. Mais ce qui donne lieu à la 
distinction d'une forme vraiment gastro-intestinale, ce sont la persistance, la 
gravité et la prédominance des troubles digestifs se traduisant par des vomis- 
sements muqueux, bilieux ou même sanguinolents, incoercibles et constituant 
un groupe symptomatique qui a caractérisé certaines épidémies modernes, par 
exemple, celle de Recht en 1877, au dire d'un médecin persan qui fut vivement 
frappé de cette allure spéciale de la maladie. 

Les formes pulmonaires de la peste, bien que signalées et décrites par les 
anciens, n'ont été complétement étudiées que dans les temps modernes. Rappe- 
lons ici seulement la peste des Indes, de Pali, qui a frappé les observateurs anglo- 
indiens par la fréquence de cette forme. Dans la plupart des foyers de peste 
actuellement existants en Perse, c'est la forme pulmonaire qui souvent a prédo- 
miné dans le Khorassan, dans le Kurdistan (Tholozan) ; elle s'est produite assez 
fréquemment aussi dans l’Irak-Arabi, sur les bords du Tigre et de l'Euphrate. 
La peste, en un mot, s'est présentée si souvent sous l'aspect de pneumopathies ou 
déterminations pulmonaires graves, que souvent aussi au début elle a pu être 
confondue avec la pneumonie. Telle fut la source de la fatale méprise qui fit 
prendre l'épidémie de Vetlianka pour une série de pneumonies croupales. 

D'ailleurs l'étude de la nature des troubles et des lésions pulmonaires de la 
peste n’a point encore attiré suffisamment l'attention des loimographes ; il existe 
là une lacune à combler sous le rapport symplomatologique comme aussi par rap- 
port à l'anatomie pathologique. 


PESTE. 699 


Dans la forme dite nerveuse ou alaxique on voit prédominer les accidents du 
côté du système nerveux surtout. Suivant Chénot, il est des pestes nerveuses dans 
lesquelles la chaleur et le pouls ne semblent élevés qu’un peu plus que dans 
l'état naturel et où il ne se montre que peu ou pas de charbons ni de bubons, 
ou bien ceux-ci sont comme latents et peu prononcés. Parfois il y a à peine alté- 
ration du facies : le pouls est lent, très-faible ou très-fréquent. Les malades 
marchent et restent debout durant quelques heures, puis ils meurent presque 
subitement au milieu de l'apparition rapide des vertiges, de l’anéantissement 
des forces, de l'aphonie, des tendances à la syncope et du coma (Charcot, d'après 
Chénot et Clot-Bey). 

Par contre, on note quelquefois la perversion des phénomènes nerveux : prostra- 
tion subite et considérable des forces ; ivresse ou stupeur, langue tremblante, 
parfois délire violent, perte quelquefois de l'intelligence, ardeur extrême à la 
région précordiale. Cette forme est ordinairement suivie d’une mort rapide ; c’est 
d’ailleurs peut-être un effet de la soudaineté et de la violence de l'intoxication 
autant que de la spécialité des symptômes. 

Chez les enfants on a noté fréquemment des phénomènes graves : convulsions, 
crampes, de véritables accès d'éclampsie qui parfois persistent chez eux jusqu’à 
la fin de la maladie (Grohmann). A la forme nerveuse se rattache la variété dite 
ataxo-adynamique que paraît assez bien représenter la description de Chénot. 

La forme hémorrhagique de la peste, quoique d'ordinaire liée à un degré de 
gravité toujours extrême de cette maladie, n’en est pas moins l’une des modalités 
les plus particulièrement caractéristiques. Elle a été souvent désignée plutôt que 
décrite dans les brèves relations des anciens historiens, notamment durant la 
grande peste de Justinien. Nous avons vu que la mort noire du quatorzième siècle 
reçut sa dénomination, en grande partie au moins, des accidents hémorrhagiques, 
pétéchies et autres, qui en furent les principales expressions. Les descriptions, 
quoique trop succinctes, des médecins d'alors, celles surtout de Guido de Chauliac 
et de Vinarius, ne peuvent nous laisser aucun doute à cet égard. 

Mais il faut savoir que ces mêmes descriptions établissent que la forme hémor- 
rhagique de la peste, bien que fréquente dans cette incomparable irruption du 
fléau, ne fut pas seule, et que le mal bubonique apparut souvent sous ses traits 
ordinaires et classiques. C'est ce qui résulte des mentions faites par Boccace sur 
la peste d'Italie en 1348, des déclarations sommaires de plusieurs médecins 
italiens, de Gentili à Foligno (Fulgin), mort de la peste à Pérouse en 1548, de 
Gabatius de Sainte-Sophie, de César Pallavicini de Crémone, etc. D'après Barnes, 
en Angleterre la peste se manifesta d’abord à Londres en 1348 par des bubons 
aux aisselles, et les crachements de sang ne parurent qu'ensuite. 

De même dans la peste de Russie au début du quinzième siècle on constata 
de fréquents crachements de sang et des bubons comme signes les plus caracté- 
ristiques. On a observé et mentionné les hémorrhagies comme assez fréquentes 
dans les épidémies de Leipzig, 1680 (Rivinus), de Copenhague en 1711 (Bôtticher), 
de Marseille, 1720 (Chicoyneau), de Moscou en 1770 (Orræus), de Bessarabie en 
1824-1825, de Niemègue en 1636-1657 (Diemerbræck), etc. 

Mais c’est aux observateurs modernes qu’il appartient d'avoir mis en relief 
l'importance et la fréquence des formes hémorrhagiques et pulmonaires de la peste. 

Sans doute ces formes ne parurent pas communes dans l'épidémie d'Egypte 
en 1834-1835. Mais depuis il n'est guère de relation épidémique qui n’ait attiré 
l'attention sur ce point. Barozzi et Arnaud font figurer la forme hémorrhagique 


70) PESTE. 


comme non rare dans les épidémies de la Cyrénaïque en 1859-1874, Millingen 
et Zitterer parlent de la fréquence des hémorrhagies dans les épidémies de l'Assyr. 
Les caractères hémorrhagiques des pestes de l’Irak-Arabi en 1875-1877 ont 
frappé l'attention de plusieurs médecins, notamment de Castaldi et de Cabiadis. 
Ce dernier estime que la peste hémorrhagique se montra dans ie dixième des cas 
qu'il eut à enregistrer. La dernière grande épidémie de l'Irak en 1881 fut remar- 
quable par la fréquence de ses formes hémorrhagiques. 

Les épidémies observées en Perse depuis une vingtaine d'années offrent presque 
constamment le type des déterminations hémorrhagiques et pulmonaires des 
plus graves, à ce point que maintes fois la peste a donné le change aux observa- 
teurs, qui l'ont prise ici pour une pneumonie hémorrhagique, là pour une gangrène 
pulmonaire, de même qu'à Vetlianka elle fut confondue avec la pneumonie crou- 
pale. Ainsi, dans la plupart des épidémies et des cas de peste en Perse, soit 
dans le Kurdistan, soit dans le Khorassan, la maladie se présenta sous les 
formes pneumoniques et hémorrhagiques, ainsi que cela résulte des relations 
sommaires que nous possédons de ces épidémies (Tholozan. Notes diverses à 
l’Académie des sciences de Paris. Castaldi, Arnaud et plusieurs médecins sani- 
taires ottomans). 

Si nous abordons ce qui a été dit de la fréquence des accidents hémorrhagiques 
et des pneumopathies des épidémies de peste dans l'Indoustan, il nous sera facile 
de voir que ces faits répondent assez exactement aux constatations les plus 
modernes dont nous venons de tracer la rapide esquisse. La description de Forbes 
(in Transact. de la Soc. de med. et de phys. de Bombay), qui résume bien 
la symptomatologie de ces diverses épidémies de Katch, de Guzerate, de Pali 
et des régions occidentales de la péninsule, comprend les formes sui- 
vantes : 

1° Forme bénigne avec bubons et peu ou pas de troubles généraux et de fièvre; 
2° forme la plus commune, offrant le cortége habituel des symptômes de la peste 
de moyenne intensité, accompagnée assez souvent, au plus fort du mal, d'une 
toux ordinairement sèche et parfois suivie de crachats blancs et mousseux ; 
3° forme la plus violente et la plus maligne avec vomissements de matières 
bilieuses ou couleur de café noir, prostration complète des forces, coma et mort 
sans éruption de bubons ; 4° forme anormale, sans fièvre presque au début, 
accompagnée de toux légère et d'expectoration sanguinolente. [ei la toux serait 
plutôt un effort volontaire pour soulager l'oppression que le résultat de la dou- 
leur ou de l'irritation. Avec l'apparition d’autres hémorrhagies par les urines, 
par les gencives, augmentaient les crachements de sang auxquels s’ajoutaient de 
vives douleurs précordiales, un pouls filiforme, un épuisement total et la syncope 
terminant les souffrances et la vie du malade dans un laps de trente à quarante 
heures après l'attaque avec conservation de l'intelligence; 5° enfin une forme 
mixte offrant un complexus résultant de la fusion des formes graves entre elles. 

D’après les docteurs Francis et Pearson, deux témoins oculaires des pestes qui 
ont sévi dans les districts de Gurwal et de Kumaon, au sud de l'Himalaya indo- 
anglais en 1853-1854 et dans les années suivantes, le tableau séméiologique du 
mahamurree, nom local de la maladie, ne diffère nullement de celui de la 
peste classique dite bubonique ou du Levant, pas plus que la maladie de Gurwal 
et de Kumaon ne diffère de la peste des provinces plus méridionales de Katch, 
Guzerate, Pali, etc. Les formes hémorrhagiques et pulmouaires y ont été notées 
comme assez rares. De même en est-il des descriptions toutes récentes faites par 


PESTE. 701 


Plank et Murray des dernières épidémies des mêmes districts de l'Himalaya 
(voy. les tableaux de l'historique). 

Allan Webb (Pathologia Indica) le premier avait dit à propos des pestes de 
Pali et du nord-ouest de l’Indoustan : « La peste de Pali ressemble exactement à la 
grande peste, à la mort noire », comparaison qui depuis est venue à l'esprit de 
maint observateur des épidémies plus récentes de l'Irak-Arabi et de la Perse. 

Là-dessus À. Hirsch, d'abord dans un travail spécial, puis dans la première 
édition de son Manuel de pathologie historique et géographique, avait cherché 
à établir qu'en raison des accidents hémorrhagiques et pneumoniques les pestes 
de l'Inde se différenciaient de celles du Levant et offraient des liens de simili- 
tude et même d’origine avec la mort noire du moyen âge. « Quelle que soit, dit- 
il, la ressemblance entre la peste indienne et celle du Levant, l'affection pulmo- 
naire dont nous avons parlé constitue toujours une différence réelle. » — « Ce 
symptôme (l'affection pulmonaire) n'a jamais été observé dans la peste du Levant, 
ni dans ce siècle, ni pendant les siècles précédents. » 

[l suffit de se référer à ce que nous venons d'exposer pour faire voir combien 
ces lignes renferment d'inexactitudes et d'erreurs, puisque l’on peut affirmer net- 
tement que c’est le contraire qui est la vérité. Mieux avisé d’ailleurs et instruit 
par les faits actuels parvenus à sa connaissance, le savant professeur de Berlin 
a corrigé, dans la récente édition de son important ouvrage, ce que cette manière 
de voir, tout hypothétique, avait d'exagéré et d'inexact. D'abord il se défend 
avec une certaine vivacité d’avoir fait deux formes distinctes de peste, une levan- 
tine une indienne (et c'est pourtant ce qui résulte infailliblement des passages 
de son ouvrage cités plus haut). Il n'aurait, suivant ses dernières déclarations, 
présenté la peste de l’Indeustan que comme une modification de la peste en 
général. 

Il est inutile d'insister après cette amende honorable d'un écrivain de la com- 
pétence du prolesseur A. Hirsch, et il n’y a plus qu'à reléguer dans l'oubli ces 
distinctions futiles et erronées entre les pestes d'en deçà et d'au delà de 
l Indus. 

Il est probable que la peste du sud-ouest de la Chine ne diffère point, sous le 
rapport symptomatologique, de la peste vulgaire. C’est du moins ce qui semble 
ressortir des quelques fragments de description qui nous sont parvenus jusqu'ici. 

Dragosric. (C’est principalement aux écrits du dix-huitième et du dix- 
neuvième siècle qu'il faut demander les éléments du diagnostic de la peste. Ce 
ne serait pas trop d'un long chapitre rien que pour mentionner les fatales 
erreurs de diagnostic qui ont causé des maax irréparables aux populations ct 
des torts graves aux médecins qui les ont commises depuis l'antiquité jusqu’au- 
jourd'hui, depuis les noms les plus modestes jusqu'aux Massa, aux Mercurialis, 
aux illustres médecins du Milanais en 1629, aux Chicoyneau et Verny en 1720, 
aux Rinder à Moscou en 1770. Il en a été de même de nos jours pour les 
épidémies de l'Astrakhan, de la Perse, de l'Irak-Arabi, etc., dont la nature 
vraie n'a été souvent reconnue ou proclamée que trop tard, alors que le mal 
avait fait d’incoercibles progrès. 

Il est juste d'ajouter, par contre, que maintes fois aussi la science et le 
courage des médecins ont été mis aux plus cruelles épreuves, allant jusqu'au 
péril de la vie, par le fait de leurs affirmations hardiment honnêtes sur l’exis- 
tence d'un fléau que voulait méconnaître l’aveuglement des masses ou dissi- 


muler l'intérêt cupide de quelques-uns. 


702 PESTE. 


Les données positives, caractéristiques ou pathognomoniques de la peste, en 
constituent le diagnostic absolument essentiel; les éléments comparatifs avec 
les autres maladies en font le diagnostic différentiel ou extrinsèque. 

a. Il n'existe point à vrai dire de signes pathognomoniques pour tous les 
cas ni pour toutes les formes de la peste que nous avons signalées ci-dessus. 
Cependant il en est un certain nombre qui ont, dès le début, une incontestable 
valeur. Ce sont : la langue blanchâtre, comme couverte d'un enduit crayeux, 
nacré, la céphalalgie frontale intense; le facies caractéristique qui emprunte 
son cachet à l'expression spéciale des yeux, l'attitude chancelante semblable à 
celle de l'ivresse; voilà de bons points de repère. Mais ils ne sont pas constants 
et d’ailleurs ils ne sont pas exclusifs à la peste, car souvent ils se rapportent 
aussi aux maladies typhoïdes. On sait que la langue blanche, cotonneuse, et la 
céphalalgie frontale intense, appartiennent aussi et surtout à la fièvre jaune. 
Cependant, suivant Cabiadis, la céphalalgie frontale serait accompagnée dans 
la peste seulement d’une sensation pénible de tournoiement et de vertige. 

Quant à la stupeur et à l'atteinte des centres sensoriaux, on en a sans doute 
exagéré la fréquence dans la peste. Cependant il ne faudrait point, par une 
exagération dans le sens contraire, les considérer comme des phénomènes 
exceptionnels, car les descriptions récentes témoignent de la fréquence et de 
la gravité des troubles cérébraux tels que la stupeur, la perte de connaissance, 
le coma, le délire, elc. 

Les douleurs lancinantes précédant les bubons, l'éruption de ceux-ci, les 
charbons, les exanthèmes hémorrhagiques, appartiennent sans conteste à la 
peste, et, quand ils sont groupés avec les signes précédents, ils établissent un 
diagnostic positif, intrinsèque. Mais, encore une fois, aucun de ces signes pris 
isolément ne suffit au diagnostic, et nombreuses sont les erreurs des médecins 
peu expérimentés qui ont refusé de reconnaitre la peste parce qu'ils ne consta- 
taient pas la présence des charbons, par exemple. Les bubons plus ou moins 
épidémiques accotupagnés de fièvre et de réaction générale surtout constituent 
sans conteste la meilleure signature de la peste, mais leur manifestation n'est 
pas infaillible. Quant aux pétéchies et aux autres exanthèmes, on sait qu'il 
manquent souvent; d'un autre côté, ils se rapportent également aux maladies 
typhiques, exanthématiques, etc. 

A Vetlianka on regardait comme pathognomonique la triade suivante : 
bubons, céphalalgie intense et intégrité des facultés sensorielles (Zuber), ou 
bien : céphalalgie, fièvre intense, prostration des forces (Petresco). Sans doute 
ces éléments diagnostiques sont bôns, mais ils peuvent manquer. En somme, 
dans les troubles morbides pas plus que dans les altérations anatomiques, on 
ne trouve de caractère absolument pathognomonique de la peste, si l'on prend 
chaque symptôme isolément. Mais le concours de quelques-uns de ces symptômes 
prédominants fait, le plus souvent, arriver au diagnostic. Ce sont les formes 
anomales, sidérantes, frustes, pulmonaires, qui, éomme nous allons le voir, 
ont produit le plus grand nombre d'erreurs. 

Le climat ou la race ne paraissent pas, quoi qu'on en ait dit, apporter de 
changements notables dans la physionomie de la maladie, et ne sont guère des 
obstacles sérieux à l'établissement du diagnostic positif. En effet, des plateaux 
sablonneux de la Gyrénaïque aux rives glacées du Volga et des monts d'Assyr à 
ceux des Kourdes, des plaines de l’Euphrate aux contreforts de l'Himalaya 
indo-anglais et aux plateaux montagneux du Yun-nan chinois, on n’a remarqué 


PESTE. 705 


ni signalé jusqu'ici que des dissemblances insignifiantes dans le tableau séméio- 
logique de la peste, rien par conséquent qui puisse faire sérieusement hésiter 
le diagnostic rationnel de cette maladie dans les cas normaux. 

En résumé, on peut dire avec Bulard que les signes pathognomoniques de la 
peste consistent dans l'expression d'hébétude de la face (facies pestilentialis), 
la langue nacrée, les douleurs ganglionnaires, la lassitude générale, la marche 
caractéristique de l'ivresse, les bubons, les charbons, les pétéchies, la fréquence 
et la petitesse du pouls. 

b. Le diagnostic différentiel de la peste avec les typhus, avec les fièvres 
palustres, avec la pneumonie, avec les fièvres exanthématiques, aveg les affec- 
tions du système ganglionnaire, avec la pustule maligne et certaines intoxica- 
tions, mérite quelques éclaircissements. 

En ce qui a trait aux typhus, il existe parfois matière à méprise surtout au 
début des épidémies et dans des cas pris isolément. Mèmes conditions étiolo- 
giques, en apparence du moins, mêmes causes extérieures dépendant de l'agglo- 
mération des hommes, des circonstances de misère, de famine, de défaut 
d'hygiène; même céphalalgie, ivresse typhique analogue, souvent mêmes pétéchies 
et exanihèmes avec fièvre, délire, symptômes de la plus haute gravité. Mais 
l'absence de bubons et de charbons dans les typhus, le délire spécial nommé 
typhomanie, le facies particulier, surtout l’évolution de la maladie, viennent 
d'ordinaire établir des distinctions suffisantes pour la diagnose différentielle. 

Malgré cela, il ne manque pas d'exemples où le typhus pétéchial a été 
pris pour la peste et réciproquement. Le typhus horriblement meurtrier qui 
décima l'armée russe d'Arménie en 1877 et 1878 (environ 7000 décès par le 
typhus en seize mois) fut plus tard, à l'occasion de la peste de Vetlianka, 
soupçonné d’avoir été la peste même qui aurait été importée sur le théâtre de 
la guerre par des troupes turques venant de l’Irak-Arabi vers la fin de 1877. 
Mais rien n'est moins fondé que cette hypothèse faite après coup. « La maladie 
de Vetlianka, disait le docteur Krassowsky dans une dépêche au gouvernement 
de Saint Pétersbourg, est, comme je puis l'aflirmer d’après mes recherches 
personnelles, un typhus compliqué de beaucoup de cas de pneumonies ». Et 
cependant ce médecin avait vu la peste de Recht en 1877. 

Mais l'affection paludéenne est de toutes les maladies celle qui a le plus 
souvent été substituée à la peste. La question de la possibilité de l'existence des 
fièvres palustres compliquées de bubons doit être préalablement vidée ici. 

Suivant Griesinger, de pareilles fièvres auraient été signalées dans les pro- 
vinces danubiennes, en Moldo-Valachie, d'après Chénot, Witt, Sigmund, etc. 
Griesinger a parlé, vaguement, il est vrai, de fièvres intermittentes, accompa- 
gnées de tuméfactions ganglionnaires (Wechselfieber mit knotigen Drüsen- 
Anschwellungen). Or voici ce qui en est. 

Dans la guerre russo-turque de 1898 à 1829, le médecin en chef des armées 
russes, docteur Witt, observa effectivement beaucoup de cas de fièvre avec 
bubons. Mais, comme il niait aveuglément l'existence de la peste parmi les 
troupes russes qui pourtant en furent alors décimées, il n'est pas étonnant 
qu'il ait mis en avant les fièvres malignes, paludéennes et autres, caractérisées 
par des bubons. Le professeur Seidlitz, qui faisait partie du corps médical 
russe, n'eut pas de peine à démontrer, d'accord en cela avec la plupart de ses 
collègues de l’armée, qu'il ne s'agissait en réalité que de la peste à bubons, ce 
qu'il fit alors et plus tard, à la plus grande confusion du médecin en chef, 


704 PESTE. 


Seulement Seidlitz, comme la plupart des autres médecins, admettait que « la 
peste ne fut pendant cette guerre qu'un développement ultérieur des fièvres 
intermittentes endémiques », par la raison que la peste survint pendant le règne 
de ces fièvres et parce qu'elle frappa plusieurs soldats atteints préalablement 
de fièvres palustres, parce qu'enfin « au mois de septembre 1828 elle se 
montra surtout sur les convalescents de fièvre intermittente et qu'elle prit la 
forme d’une fièvre tierce; les bubons apparaissaient après le premier ou le 
second paroxysme » (docteur Milovanoff). | 

D'après un autre médecin russe, le docteur Rinx, « le degré le plus faible de 
la peste ressemblait tellement à une fièvre intermittente qu'il était presque 
impossible de la distinguer de cette dernière maladie avant l'apparition des 
bubons ». Bref, pour Seidlitz et ses partisans, la peste de Moldo-Valachie ne fut 
que la manifestation la plus intense de « fièvres malignes qui prennent d'abord 
l'aspect de fièvres pétéchiales ordinaires, mais qui finissent par se changer en 
peste véritable. » 

Ces vues de Witt et de Seidlitz, tout opposées qu'elles soient, jettent un jour 
lumineux sur ce que nous devons penser des prétendues fièvres palustres avec 
bubons dans les provinces danubiennes, fièvres dont on a tant de fois abusé 
depuis aux dépens de la vraie peste. Sans doute aujourd’hui l’on est loin de ces 
erreurs, bien qu'elles se soient renouvelées tout récemment. En effet, rappe- 
lons-nous que des médecins de l’Astrakhan ont qualifié l'épidémie de Vetlianka 
de « fièvre intermittente avec bubons », entre autres dénominations. 

D'autres erreurs, volontaires ou non, ont été commises sous le couvert de la 
même confusion, notamment à l'occasion des épidémies de l'frak-Arabi. Nous 
avons vu comment le médecin sanitaire de Bagdad, docteur Duthieul, engloba 
les manifestations légères de la peste de 1856 à 1867 dans le groupe des 
fièvres intermittentes, rémittentes et pernicieuses de nature paludéenne. L'épi- 
démie elle-même du Hindièh en 1867 ne fut considérée par un médecin officiel 
que « comme une épidémie de fièvres palustres pernicieuses à forme typhoïde, 
accompagnées d'engorgements glandulaires ou adénites. Ces fièvres, je les ai 
désignées sous la dénomination de typhus loïmoïde non contagieux, voulant 
faire comprendre par cette formule que l'épidémie avait, il est vrai, emprunté 
quelques symptômes à la peste orientale et au typhus, mais qu'elle n’appartenait 
ni à l'une ni à l'autre de ces deux maladies et qu'elle ne s’est point propagée 
par contagion » (Naranzi). 

Nous avons déjà fait justice de cette monstruosité pathologique étrange qui, 
sous les traits frappants de la peste et même du typhus, ne serait pourtant 
qu'une forme larvée du paludisme. 

Quoi qu'il en soit, le moment est venu de couper court à une équivoque qui 
a causé tant d'erreurs et de méprises funestes. Pour cela il suffit d'ajouter que 
depuis 1829 aucun cas de fièvre paludéenne avec bubons n'a été signalé dans 
la Moldo-Valachie ou les provinces danubiennes (voy. Danvgrenxes | Régions|). 
ll a été reconnu depuis que les manifestations fébriles épidémiques avec bubons 
de l’Irak-Arabi et de Bagdad étaient sans conteste des épidémies de peste plus 
ou moins étendues, plus ou moins légères ou graves. 

Notre expérience personnelle, mais surtout nos recherches réitérées sur ce 
sujet, nous permettent d'affirmer qu'en aucun point des régions les plus palu- 
déennes et les plus fertiles en productions morbides de la malaria sur tout le 
globe il n’a point été constaté de fièvre paludéenne se compliquant de bubons 


PESTE. 105 


ni de charbons. Bodnar (Ueber bubo malaricus. In Pester med.-ch. Presse, 1879), 
qui exerce dans un pays palustre, a cité trois cas de fièvre intermittente pré- 
cédée ou accompagnée de ganglions inguinaux et de la nuque engorgés ou sup- 
purés. Mais il est manifeste qu'il ne s’agit là que de coïncidences fortuites. 

Ainsi tombe d'elle-même cette prétendue confusion qui a pu exister entre la 
peste et le paludisme, équivoque à la fois dangereuse et commode, fruit de 
l'ignorance ou de la dissimulation. 

c. Îl parait étrange au premier abord de voir mettre la pneumonie en ligne 
de compte avec un procès morbide d'apparence et de fond si dissemblable, la 
peste à bubons; mais il faut se rappeler que celle-ci offre souvent parmi ses 
complications où même ses symptômes des accidents pulmonaires, depuis la 
congestion simple jusqu'à l’hémorrhagie et parfois la gangrène pulmonaire. Au 
surplus, il faut encore se rappeler, en cette occurrence, que la peste de l’Inde 
dite de Pali, de Guzerate, etc., n'a dù sa prétendue distinction avec la peste 
levantine qu’à la complication pulmonaire constatée dans une partie des cas. 
De même en fut-il, plus tard, de l'épidémie de Vetlianka et de quelques épi- 
démies du Kurdistan persan : d’où l'opportunité d'être prévenu contre la possi- 
bilité de pareilles erreurs. 

d. Les fièvres exanthématiques, variole, rougeole, scarlatine, ne peuvent être 
confondues avec la peste aujourd’hui, quoique cette confusion ait eu lieu plus 
d'une fois dans les temps anciens. Il faut faire quelques réserves en ce qui 
touche la dengue (voy. ce mot), car certains cas de dengue maligne dans 
lesquels la mort vient à se produire par exception, certaines formes qui se 
compliquent parfois d'engorgements ganglionnares au cou, aux aisselles et 
même aux aines (Cotholendy à la Réunion, Christie à Zanzibar, les médecins 
anglo-indiens), témoignent d’une tendance, fort exceptionnelle, il est vrai, de la 
fièvre rouge aux tuméfactions ganglionnaires. Que si, en présence de pareilles 
complications de la dengue se produisant sur un terrain commun aux deux 
maladies, comme, par exemple, la Cyrénaïque et lfrak-Arabi, il est possible 
d'hésiter un moment, la marche ultérieure des deux procès morbides ne tar- 
derait guère à trancher les difficultés des premiers instants (voy. Deneuve). 

e. Les maladies à déterminations ganglionnaires, et au premier chef la 
scrofule et la syphilis, ne peuvent que rarement prêter à la confusion avec la 
peste. Il faudrait une singulière coïncidence pour qu'une diathèse comme la 
strumeuse fùt assez prononcée et assez étendue à des groupes de populations 
pour pouvoir passer pour une de ces légères épidémies de peste, dites états ou 
degrés ganglionnaires et réciproquement. Le cas est encore plus rare pour la 
syphilis ou le bubon vénérien, et il n’y aurait guère lieu d'en parler, n'était la 
singulière illusion qui s'est récemment produite à Pétersbourg, à l’occasion de 
l'épidémie de Vetlianka. 

f. Enfin la pustule maligne, la maladie charbonneuse, venant à se produire 
sur un certain nombre de personnes à la fois, pourraient peut-être donner le 
change et faire croire à la peste. Mais les circonstances principales, surtout 
l'examen microscopique du sang, lèveraient vite les doutes. 

En résumé, le diagnostic de la peste n'échappera point en général, au 
médecin instruit, sagace et judicieux, qui en connait d'avance les degrés divers 
et les formes anormales, surtout si son esprit est tenu en éveil par certaines 
particularités comme les conditions de milieu et certains districts où règne 
actuellement là maladie. En tout cas, la somme des erreurs deviendra si petite, 


pict. ENC. 2° se XII. 45 


706 PESTE: 


qu’elle sera réduite à cette part minime qui paraît inséparable des défaillances 
du jugement humain. 

Cependant il est bon de rappeler en finissant les paroles mémorables d’un 
historien philosophe en les livrant à la méditation des loïmographes. Elles 
contiennent sur les erreurs des siècles passés une leçon justement sévère dont 
l'application trouverait encore aujourd'hui plus d’une occasion opportune. 

« In principio dunque non peste, assolutamente no, per nessun conto : 
« prohibito anche di proferire il vocabolo. Poi, febbri pestilenziali ; l'idea s’am- 
« mette per isbieco in un aggettivo. Poi, non vera peste; vale à dire peste si, 
« ma in un certo senso; non peste propria, ma una cosa alla quale non si sa 
« trovare un altro nome. Finalmente peste senza dubbio, e senza contesto; 
« ma già ci s’è attacata un’ altra idea, l'idea del venefizio et del malefizio, la 
« quale altera e confonde l'idea expressa dalla parola che non si puo più man- 
« dare indietro » (Manzoni. I promessi Sposi, chap. xxx1, p. 602, édit. illustr. 
Milano, 1840). 

Ce qui peut se traduire presque littéralement ainsi qu'il suit : « Donc au 
commencement ce n’était pas la peste, absolument point; défense d'en proférer 
le nom. Puis c'étaient des fièvres pestilentielles : l'idée s’admettait en biais à 
l'état d'adjectif. Puis ce n'était pas la vraie peste, c’est-à-dire que c'était bien la 
peste, mais dans un certain sens; pas la peste propre, mais une chose à laquelle 
on ne pourrait trouver d'autre nom. Finalement c'était la peste sans aucun 
doute, sans conteste : mais déjà il s’y était attaché une autre idée, l'idée d'em- 
poisonnement et de maléfice, laquelle dénature et obscurcit la signification du 
mot qu’on ne peut plus rejeter. » 


IV. Marche. Durée. Terminaisons. Convalescence. Complications. Morta- 
lité et pronostic. L'évolution morbide de la peste est éminemment variable 
suivant un grand nombre de conditions au premier rang desquelles figurent la 
diversité des épidémies, les périodes de l'épidémie, la sporadicité ou l’épidémi- 
cité, les variétés individuelles, ainsi que plusieurs autres circonstances souvent 
difficiles à préciser. On a avancé que dans certaines irruptions pestilentielles 
des personnes seraient tombées comme foudroyées du mal (H. Saxonia) durant 
la marche, la conversation, le sommeil, au milieu même des occupations de la 
vie. Ces récits, empruntés d’ailleurs aux gens étrangers à la médecine, trouvent 
leur explication dans l'imagination populaire frappée de la violence et de la 
soudaineté de certains cas de mort, parfois au début inattendu des épidémies. 

En effet, c’est vers le milieu de l'évolution épidémique que l'on observe 
principalement la marche classique et régulière de la peste : prodromes, 
céphalalgie, prostration, fièvre, apparition de bubons et des exanthèmes, etc. 
Nous savons que d'ordinaire les bubons précèdent les charbons et les pétéchies, 
mais que cependant ces derniers symptômes peuvent devancer les premiers. 
C'est dans les formes régulières et au milieu de cette période épidémique que 
la peste affecte une tendance franche vers la meilleure solution, qui s'annonce 
par la suppuration des bubons, la délimitation et l'élimination des charbons. 

En résumé, dans les cas normaux on pourrait distinguer quatre périodes ou 
phases morbides : 1° période d'invasion et d'augment correspondant à la fièvre 
ardente, à la céphalalgie, à l'abattement des forces, aux vomissements, etc.; 
20 celle d'état caractérisée par l'apparition des bubons et des charbons; 5° celle 
de rémission avec la suppuration ou maturation des bubons; 4° celle de conva- 


PESTE 707 


lescence, quand la mort ne vient pas couper court à la marche de la maladie 
au milieu du stade d'état ou au commencement du troisième stade. 

Comme exemple de marche de la peste, nous citerons le résultat des obser- 
vations de Barozzi pour l'épidémie de la Cyrénaïque en 1859. La première 
variété consistait dans la marche normale avec prodromes de vingt-quatre à 
trente-six heures, augmentation de la fièvre, apparition du bubon, ete., ou bien 
la révolution morbide était complète dans les trois, quatre, cinq ou six pre- 
miers jours, ou bien la mort s’ensuivait. D'autres fois, on assistait à la marche 
lente des prodromes et trainante des signes confirmés; c'était l'allure hésitante 
de la maladie qui atteignait avec peine son acmé pour arriver au déclin par 
une voie également longue et indécise. Enfin dans d’autres cas l’évolution fut 
précipitée, désordonnée, tumultueuse, intense, et la mort advenait avant l'appa- 
rition des symptômes ordinaires, ou bien encore au milieu de complications 
graves. Une quatrième variété se révélait par une marche très-insidieuse, 
aboutissant, soit par une amélioration instantanée dans les cas désespérés, 
mais illusoire, à une mort inattendue, soit au contraire, par un arrêt brusque- 
ment heureux des accidents funestes, à un amendement définitif. 

La marche de la peste peut être tronquée et brusquement interrompue par 
J'issue funeste; mais on s'accorde à dire qu’elle n’est jamais avortée. On n’a 
point jusqu'ici réussi à établir qu'il existe des jours critiques et des périodes 
décisives dans l’évolution de la maladie. 

Du reste, il serait impossible de prolonger cette revue sur les variétés de 
marche de la peste, sans courir le risque de tomber dans des redites concernant 
les degrés, les formes, les nuances de la maladie, choses que nous avons lon- 
guement développées ci-dessus. 

La durée de la peste est susceptible de grandes variations, puisque dans 
quelques cas, fort rares sans doute, elle a dépassé quinze à trente jours et 
plus, tandis que dans d’autres elle n’a atteint que quelques heures, vingt-quatre 
à trente-six heures, entre l'invasion et la terminaison mortelle. La durée 
moyenne de la maladie serait de six à huit jours, ce qui fixe le début de la 
convalescence vers le huitième ou le dixième jour. Ordinairement la mort, 
dans la forme régulière, survient entre le troisième et le cinquième jour. 

Dans l'épidémie de Vetlianka la durée moyenne fut estimée à deux et trois 
jours; au milieu de la plus grande violence la mort survenait en douze, vingt- 
quatre et trente-six heures; il en fut de même dans plusieurs épidémies de la 
Perse et de l'Irak-Arabi. Suivant Barozzi, la mort survenait souvent brusquement 
dans la peste de la Cyrénaïque; il n'y avait guère d'agonie, car elle semblait 
due à une profonde perturbation du système nerveux. 

Suivant Morea, dans l'épidémie de Ncja, la mort survenait toujours avant le 
septième jour; quelques cas finissaient en douze, vingt-quatre et quarante- 
huit heures. Souvent elle advenait au moment où les malades se disaient bien ; 
alors avait lieu la syncope ou du moins la cessation du pouls. Certains malades 
buvaient, parlaient, marchaient, et au cours de la parole ou d'un mouvement 
survenait la mort subite (Storia delle peste di Noja, 1817). 

La convalescence de la peste constitue, avons-nous dit, comme un quatrième 
stade dans la marche de la maladie. C'est ordinairement vers la fin de la pre- 
mière semaine ou tout au moins du septième au dixième jour qu'elle se dessine, 
s’'annonçant habituellement par la cessation graduelle des phénomènes graves 
pour se consolider peu à peu. Cependant, dans quelques cas très-alarmants, elle 


708 PESTE. 


se fait brusquement, comme par l'effet d’une réelle résurrection, et la guérison 
advient sans transition. Nous savons que parfois il en est de même de la mort, 
c'est ce qui a fait dire qu’ordinairement il n'y a pas de phénomènes critiques 
dans la marche de la peste. Cependant on a observé des sueurs profuses et 
d'autres symptômes considérés comme de cette nature. Du reste il y a là, 
comme sur bien d'autres points, plus d’une lacune à combler. 

Comme complication de la convalescence on a cité aussi des accidents 
typhoïdes venant imprimer à la fin de la peste une issue généralement fâcheuse. 
D'autres complications proviennent encore de certaines suppurations des bubons 
ou des charbons dont la lenteur ou l'abondance finissent par épuiser les 
malades. 

Parmi les reliquats (reliquiæ), notés d’ailleurs assez rarement, figurent les 
suppurations interminables du système lymphatique, les hydropisies, les para- 
lysies partielles, la surdité, les otites suppurées, quelquefois des troubles 
cérébraux graves, etc. Suivant Thucydide, ceux qui avaient échappé à la mort, 
dans l'épidémie d’Athènes, étaient comme frappés de la perte, au moins momen- 
tanée, de la mémoire. | 

D'autres reliquats consistent dans des cicatrices de bubons et de char- 
bons laissant après elles des traces indélébiles de la maladie et parfois des 
difformités fâcheuses ou même la perte de certains organes, de l'œil, par 
exemple. 

Les rechutes passent pour fréquentes et dangereuses dans la peste. D’après 
Barozzi, les rechutes en Cyrénaïque auraient dù être attribuées aux écarts de 
régime; elles se caractériseraient par l'apparition réitérée de la fièvre vers le 
déclin, s'accompagnant de tous les autres symptômes de la maladie. Aucun 
changement notable ne survint par le fait de la rechute dans l’état des tumeurs 
buboniques qui persistaient chez quelques malades. 

Quant aux récidives, c’est-à-dire aux attaques nouvelles sur des individus 
ayant déjà éprouvé la maladie, presque tous les auteurs en ont signalé l’exis- 
tence, même la fréquence (Evagrius, Vallère, Diemerbræck, Chénot, Orræus, 
Schraud, etc., etc.). Ces récidives furent observées souvent dans l'épidémie de 
Provence en 1721, et mème Bertrand cite des personnes qui subirent jusqu'à 
trois attaques durant la même épidémie. De même en Égypte en 1854 et 1855 
plusieurs cas mortels furent observés chez des personnes qui avaient échappé à 
une première attaque. Barozzi dit que les récidives furent rares en Cyrénaïque 
durant l'épidémie de 1859, mais que plusieurs individus atteints de la peste 
lui certifièrent l’avoir déjà subie en 1820 et 1838, trente-neuf à vingt années 
auparavant. Il en fut de même en 1874, au dire d’Arnaud, qui constata des 
récidives sur d’anciens pestiférés de 1859. 

En Morée, où il l'observait en 1827 et 1828, Gosse avait fait de la peste 
récidivée une maladie modifiée ou secondaire. Des individus appelés mortis 
parce qu'ils avaient échappé aux pestes antérieures de Smyrne et de Constanti- 
nople, et portant des traces visibles de bubons et de charbons, vaquaient au 
sein des ma.ades et à l'inhumation des cadavres sans prendre aucune précaution. 
La plupart demeurèrent indemnes au milieu de l'épidémie. Mais quelques-uns 
éprouvèrent des douleurs dans les anciennes cicatrices; l’un offrit l’avivement 
d’une ancienne cicatrice pestilentielle qui ne guérit qu'après un mois. Un petit 
nombre furent atteints d'accidents graves, tels que vertiges, céphalalgie, em- 
barras gastrique, nausées, angoisses, adynamie, de nouveaux engorgements 


PESTE. 709 


ganglionnaires, de nouveaux charbons. Enfin, ils présentèrent même plusieurs 
cas de mort. 

La mortalité résultant de la peste est fort variable : absolument parlant, 
elle est fort élevée; relativement elle dépend des temps, des lieux, des épidé- 
mies; comparativement à celle des autres maladies infectieuses elle devient 
lune des plus considérables. 

On a dit que certaines grandes irruptions pestilentielles dans l'antiquité 
avaient causé des ravages d'hommes dont nous n’avons aujourd'hui que diffici- 
lement l'idée. La mort noire, suivant quelques estimations, sans doute très- 
contestables, aurait coûté la vie aux 2/3 de la population de la France et 
aurait enlevé le tiers des habitants de l'Europe, soit une cinquantaine de 
millions de victimes. 

Suivant Brayer, la peste de 1812 à Constantinople aurait tué 460000 per- 
sonnes, s'il faut s’en rapporter aux documents des Archives de la Chancellerie 
de l'ambassade de France. D'après Clot-Bey, l'épidémie de 1834 à 1835 enleva 
seulement à la Basse-Égypte 50000 habitants, soit environ le tiers des individus 
atteints, ce qui fit dire à ce médecin que la maladie avait perdu de sa gravité 
en Egypte. 

La peste de la Perse occidentale et de la Mésopotamie de 1830 à 1831 aurait 
causé la mort de plusieurs centaines de mille hommes, et Bagdad seule aurait 
perdu 60000 de ses 150000 habitants. 

Sans doute ces chiffres ont pu être entachés de beaucoup d’exagération, 
d'autant plus facilement qu’ils ne découlent d'aucune source absolument rigou- 
reuse. Cependant ils témoigneraient au besoin de la mortalité parfois excep- 
tionnellement élevée de la peste. 

Voici quelques données plus récentes. En 1858, en Cyrénaïque, la mortalité 
aurait été d'environ 4 sur 6 malades; en 1874, elle fut de 2 sur 5 malades 
et sur 7 habitants. Dans le Hindièh en 1867, sur la déclaration des Cheiks, 
les tribus des Hadji Off et des Karatchi auraient eu 320 cas de mort sur 323 
atteintes. En 1873 et 1874, la peste de l'Irak-Arabi emporta le vingtième de la 
population (Cabiadis); en 1876, la mortalité, suivant Arnaud, aurait été de  
sur 8 habitants, soit de 22000 sur 170000 habitants. L'épidémie de 1881, 
dans les mêmes parages, fut encore plus meurtrière, quoique plus limitée, 
puisque la plupart des villages perdirent la moitié et plus de leurs habitants et 
que la ville de Nedjeff compta, en quelques mois, plus de 5000 décès sur 
8000 à 10000 habitants. 

Non moindre fut la mortalité dans les épidémies plus ou moins limitées de 
la Perse aux époques les plus récentes. Dans le Kourdistan en 1871 et 1872, la 
mortalité par la peste aurait été d'environ 8 sur 11 malades (Télafous) ; 
en 1878, elle aurait été de 15 sur 20; en 1881 et 1882, elle fut de 58 
sur 286 habitants à Guergner, de 40 sur 500 habitants à Mansour et de 155 
sur 259 malades et 524 habitants à Ouzoun-Déré (Arnaud, Tholozan). A Chus- 
ter en 1876, il mourut 4700 habitants sur 7000, soit 1 sur 4. En 1877 à 
Recht, la peste tua plus de 9000 hommes sur une ville de 20000 habitants. 
mais dont les 4/5°s avaient émigré (Castaldi). Même mortalité à peu près pour 
les petites épidémies plus Luttes du Korassan. L’effroyable mortalité de la 
peste de Vetlianka donna jusqu’à 94 et 95 pour 100 de décès sur les malades, 
presque autant que celle de 1867 dans l'Irak-Arabi. Mais comme chiffre total 
la peste de Vetlianka et des villages voisins ne donna que 400 à 500 morts, 


710 PESTE. 


nombre peu considérable auprès de la mortalité dans la Perse et dans l'Irak- 
Arab. 

Les épidémies de l'Inde et de la Chine, dans les temps modernes, fournissent 
à peu près la même léthalité que celles de l'Asie antérieure. Celle de 1876; dans 
le Gurwal et le Cumaon, ne donna pas moins de 95 sur 100 malades (Plank); 
en Chine dans le Yun-nan, la peste enlèverait environ 4 pour 100 des populations 
totales, quand elle est légère, proportion qu’elle dépasse de beaucoup quand 
elle est persistante, car elle décime pour le moins les habitants dans ce dernier 
cas (E. Rocher). 

De ces derniers chiffres il y a licu de conclure que, bien que plus limitée 
dans ses aires d'extension, la peste de nos jours n'atteint pas une léthalité et 
une intensité relatives moindres que dans ies temps anciens. 

Par contre, il est des manifestations légères, des épidémies d’états ganglion- 
naires qui, comme celles de Moursouk, d’Astrakhan, ne causaient que peu ou 
pas de décès. Dans les apparitions sporadiques, comme dans quelques échelles 
du Levant au commencement de ce siècle, la mortalité se montrait ordinairement 
modérée. Mais, au demeurant, la peste est toujours la maladie « capable d'en- 
richir en un jour l'Achéron. » 

Le pronostic découle sommairement des données qui précèdent et d’où il 
résulte que la peste est l’une des maladies infectieuses les plus meurtrières que 
l'on connaisse, pour ne pas dire celle qui l’est au suprême degré. Cela dit 
d'une façon générale, les loïmographes n'ont pas manqué de chercher les signes 
du pronostic individuel dans la forme et la marche de la maladie. Il n’y a pas, 
dit Frank, dans la peste de jour plus fatal que les autres; cependant les sujets 
qui passent le quatrième ou le septième jour sont d'ordinaire sauvés. D'après 
Diemerbroeck, dans l'épidémie de Niemègue, les mutations critiques étaient 
sans portée, sauf celles du sixième jour, qui étaient constamment mortelles. 
Cet auteur a formulé une quarantaine d’aphorismes pronostiques sur la peste, 
dont plusieurs sont d'une étrange singularité, tels que ceux-ci : des éternu- 
ments fréquents étaient l'annonce de la mort; le flux de ventre menaçait du 
plus grand danger et avec ce symptôme il se sauvait à peine 4 malade sur 400; 
plusieurs ayant une mine semblable à celle de la santé mouraient subitement 
contre toute atteinte et plus d’une fois sans qu’ils fussent atteints de symptômes 
graves; les tumeurs buboniques devenant trop vite fluctuantes étaient mor- 
telles, etc. 

Suivant Chénot, la peste est un protéc dont le pronostic échappe souvent à 
la sagacité la plus experte ainsi qu'à toute règle fixe. « Ce que la peste, dit 

Pariset, a épargné dans une épidémie, elle l'immole dans une autre; âge, sexe, 
tempérament, profession, régime, tout en dépend, tout y livre. Avec des 
symptômes doux elle tue, avec des symptômes violents elle laisse vivre. Dans la 
même année, dans le même lieu, à plus forte raison d'une année à l'autre, 
d'un lieu à l’autre, elle est bénigne, elle est mortelle. Les efforts critiques, les 
bubons, les charbons, ici favorables, là contraires. Elle cède à l'hiver, elle 
brave l'hiver, elle cède à la chaleur, elle brave la chaleur. Tel remède est utile 
aujourd’hui qui demain sera pernicieux. Ainsi de suite avec une variété, avec 
une versatilité que nous qualifions de caprice et d’anomalie, et qui est l'effet 
nécessaire de mille causes que notre sagacité ne pénétrera jamais. » 

Dans telle épidémie la maladie a moissonné les enfants et les vieillards que 
telle autre, par contre, a respectés. De même l'état de grossesse, l’accouche- 


PESTE. gall 


ment, l'apparition des règles, etc., ont été tour à tour considérés comme 
favorables ou funestes. On a dit encore que, règle générale, la peste était plus 
funeste aux étrangers qu'aux indigènes. Dans le cours d'une même épidémie, 
le pronostic est ordinairement plus sévère dans la première période, grave 
dans le milieu et plus bénin vers la fin. 

On s'accorde à regarder comme favorables les phénomènes suivants : la 
normalité des urines, la constipation, les sueurs abondantes, l’apparition des 
bubons du troisième au quatrième jour, une tendance graduelle vers la suppu- 
ration, la tranquillité d'esprit; au contraire comme défavorables : la frayeur, 
les vomissements incoercibles, la diarrhée profuse, la non-apparition ou le 
brusque affaissement des bubons, leur développement au cou, sous l’arcade 
fémorale, dans la fosse iliaque, la manifestation des charbons à la tête, au cou, 
le long de la colonne vertébrale, le délire, les convulsions, la suppression des 
urines, l’hématurie, la cyanose, les pétéchies noirâtres et, en général, les 
hémorrhagies abondantes et col'iquatives. 

Au total, la peste sporadique offre un pronostic bien moins grave que l'épi- 
démique. Le pronostic des races a été l’objet de peu de recherches et ne peut 
être discuté faute de documents. 

Dans la peste de Cyrénaiïque en 1859, un seul signe constamment mortel fut 
le trouble du côté de la respiration; tous les autres furent trompeurs (Barrozzi). 
Souvent le pestiféré sortait de sa torpeur, se relevait sur son séant comme s'il 
eùt été mù par un ressort; il se disait bien, gardait cette position pendant 
quelque temps, puis se recouchait pour ne plus se relever (idem). 

Dans l'épidémie de Flrak-Arabi en 1876 et 1877, la marche rapide des 
bubons vers la suppuration, même accompagnée d'une fièvre intense, fut un 
signe favorable ; mais tous les cas compliqués d'accidents nerveux, hémorrha- 
giques ou bilieux, devinrent mortels (Cabiadis). De même, dans l'Inde et en 
Chine, on a constaté que la suppuration naturelle des bubons était un indice 
généralement favorable, et que le problème du pronostic roulait sur ce point 
capital. 

Ainsi, de ce qui précède il résulterait que la peste est presque inaccessible à 
la prévision médicale en ce qui concerne sa terminaison. Le caprice et la bizar- 
rerie sembleraient en faire un jeu de hasard. C'est à une étude plus disciplinée 
et pius complète, plus sévèrement analytique, qu'il faudra faire appel pour 
décider si l’art et la science peuvent à l'avenir pénétrer l'énigme pronostique 
de cette maladie. 


V. Étiologie. 1° « Suivant les préjugés des divers siècles, on a cherché la cause 
de la peste dans la colère divine, dans les maléfices, dans les corps célestes, 
et particulièrement dans certaines constellations, dans les éclipses, dans les 
comètes, dans les météores..... Sans nous arrêter à des remarques puériles, la 
peste cependant a paru plus d'une fois être précédée ou accompagnée de trem- 
blements de terre et d'autres phénomènes de la nature, tels que de nuées obscur- 
cissant le soleil, de grandes pluies, d’inondations, de chaleurs et de sécheresses, 
de fortes gelées, d'apparitions inaccoutumées d'insectes et d'animaux féroces. 
Mais, comme de semblables phénomènes ont été mille fois observés sans que la 
peste soit survenue, et que mille fois aussi la peste a paru sans eux, nous ne 
devons croire à aucune liaison entre eux et cette maladie. 

« Le même raisonnement s'applique, au moins dans certaines limites, aux 


712 PESTE. 


calamités publiques, comme à la disette de blé, aux épizooties, à la putréfaction 
de cadavres d'hommes et d'animaux. Qui pourrait croire aujourd'hui que la 
peste a été due aux émanations d’une chambre longtemps fermée, ou bien au 
seul effet de la terreur, ou encore que du poison jeté par les Juifs dans les 
puits, ou par des malfaiteurs dans les places publiques (les fameux jeteurs de 
peste du moyen âge), ou bien enfin l'approche de la fin du monde, aient pu lui 
donner naissance ? 

« Au contraire, l'opinion qui place la cause de la peste dans un principe 
inconnu, émanant des malades atteints de cette affection, souillant certains 
objets voisins ou y adhérant, et se propageant alors sur des hommes sains au 
moyen de ces objets infectés, ou immédiatement par les malades eux-mêmes, 
cette opinion, dis-je, qui place ainsi cette cause dans une contagion spécifique, 
opinion très-ancienne au reste, et exposée déjà à l’occasion de la peste à bubons 
du sixième siècle (Evagrius), a prévalu de plus en plus depuis le quatorzième 
siècle où elle a commencé à se répandre jusqu’à nos jours, et cela au grand 
avantage de la société. C’est en effet uniquement aux mesures imaginées contre 
la contagion que l’on doit les ravages d’abord plus rares de la peste, et plus tard 
sa presque entière disparition » (Joseph Frank; Praxeos medice præcepta 
universa. Lipsiæ, 1817-1821, traduit par Bayle). 

Cette citation d'un savant et judicieux compilateur montre l'opinion prédo- 
minante que la médecine avait des causes de la peste au commencement de ce 
siècle, et donne une idée sommaire des singulières aberrations de nos devan- 
ciers sur ce sujet. Il ne faudrait pas croire que ces aberrations aient été le fait 
de quelques croyances isolées et sans portée. Car l'influence des astres, par 
exemple, sur la genèse de la peste, remonte au grand Aristote, elle a été sou- 
tenue par Avicenne, par Guy de Chauliac, par la Faculté de médecine de Paris 
sous Philippe de Valois, par le grand Albert, par Paracelse, par Richter au dix- 
septième siècle, etc., etc. 

La croyance dans la production de la peste par la colère divine paraît être 
la première par ordre de date. On la retrouve comme un dogme, non-seulement 
dans leslivres hébraïques, dans Homère, dans les divers livres sacrés des peuples, 
mais encore dans les écrivains chrétiens jusqu’au dernier siècle, soit chez les his- 
toriens, soit chez les médecins qui ont professé cette opinion et l'ont appuyée 
par des récits, comme on le voit dans Procope, dans Evagre, dans Fernel, dans 
A. Paré lui-même, dans Diemerbroeck, dans Rigault, dans Ambhoisi, dans Létusi, 
dans Reusseli (1701), dans Fischer (1720), etc. 

Nous avons vu que du quatorzième au dix-septième siècle l'idée de la genèse 
de la peste par maléfices venant des hommes prit une grande extension, se 
substitua souvent à la croyance dans l'origine divine et astrologique, et qu'enfin 
elle donna lieu à la théorie des semeurs de peste du moyen âge, laquelle enfanta 
des peurs, des superstitions et des supplices d'un nouveau genre dont furent 
victimes surtout les Juifs toujours suspects et beaucoup d’autres infortunés sur 
lesquels se porta la fureur aveugle des populations affolées, des magistrats com- 
plices et même de quelques très-rares médecins (Manzoni, Les Fiances; Littré: 
Les Semeurs de peste). 

C'est à Fracastor, au quinzième siècle, que l’on peut rapporter l’origine de 
la doctrine complète de la contagion ou transmissibilité de la peste. Van 
Helmont, Massaria et beaucoup d’autres grands épidémiologistes, adoptèrent 
cette opinion. A. Paré parle de vapeurs fétides exhalées par des cadavres comme 





PESTE. 715 


ayant causé la mort de milliers d'hommes qui seraient morts en Normandie 
comme frappés de la peste. 

C'est surtout à Prosper Alpinus que l’on doit attribuer l'idée de la genèse de 
la peste par la putréfaction des cadavres et des corps organiques sous la double 
influence de la chaleur et de l'humidité. Nous apprécierons bientôt ces diverses 
opinions. 

2° Les considérations étiologiques sur la peste peuvent se distinguer en consi- 
dérations d'ordre géographique, d'ordre social, d'ordre individuel et d'ordre 
pathogénique. 

a. La géographie médicale de la peste, sa distribution sommaire ancienne et 
ses foyers principaux actuels, ont été exposés dans la partie historique. Sans y 
revenir en détail, il y a lieu d'examiner maintenant les conditions de cette 
répartilion en rapport avec les facteurs géographiques : topographie, géologie, 
climatologie, etc. (voy. Géographie médicale : Nosogéographie de la peste). 

Tout d'abord remarquons, comme cela résulte de l’ensemble des tableaux 
dans lesquels nous avons condensé l'histoire succincte de la peste, que cette 
maladie occupa jadis une aire immense comprenant la majeure partie du vieux 
continent, c’est-à-dire l'Europe presque entière, le nord de l'Afrique, l'Asie 
antérieure avec l'Asie méridionale et orientale jusqu'aux rives de l'océan Indien 
et du Pacifique. Jamais elle n’a franchi l'Atlantique pour gagner le Nouveau 
Monde. La peste est donc une maladie propre au Vieux-Monde. Même dans ce 
Vieux Monde elle eut des foyers de prédilection. Ainsi d'après nos connaissances 
elle paraît avoir, comme on l’a dit avec raison (L. Colin), oscillé comme autour 
d'un point fixe, autour de la Méditerranée orientale, de la mer Rouge, du golfe 
Persique et de la Caspienne. 

IL est à présumer qu’elle eut d’autres centres d'élection en Asie, mais l'histoire 
des maladies de l'Asie centrale, de l'Inde et de la Chine, est insuffisante à nous 
le dire. 

Envisagée dans sa plus grande extension connue, l'aire de la peste bubonique 
comprenait jadis une zone en latitude de plus de 40 degrés, dans notre hémi- 
sphère septentrional, allant du 60° degré en Scandinavie aux environs d’Assuan 
(24 degrés) et au sud de La Mecque (20 degrés latitude nord). Bien plus vaste 
fut son étendue de l’ouest à l'est, s’il est vrai que parfois elle régna des rives 
les plus occidentales de l’Europe et de l'Afrique nord aux rives asiatiques du 
Pacifique, soit du 20° degré longitude ouest (iles Canaries) jusque vers le 
120° longitude est, c'est-à-dire sur une marge en longitude de 146 degrés et 
cela au niveau des latitudes moyennement chaudes et tempérées. 

D'après ces données on voit que laire de la peste s’allongeait en une ellipse 
grandiose allant de l'orient de la Chine à l'occident de l'Afrique septentrionale. 

Si le choléra a fait plus d'une fois le tour du monde dans le sens des paral- 
lèles et des méridiens, si la fièvre jaune, tout en s'étendant au nord et au sud 
sur un espace de plus de 70 degrés en latitude dans les deux Amériques, a 
atteint, par-dessus l'Atlantique, PAfrique et l'Europe occidentales, on peut dire 
que la peste s’est plus limitée surtout en latitude. Sauf sur quelques points, le 
Hedjaz et l’Assyr en Arabie (La Mecque par 21 degrés et lAssyr par 20-19 degrés 
latitude nord), l'ile de Katch et la presqu'ile de Guzerate dans l'Inde (par 24- 
29 degrés latitude nord), le sud du Yun-nan en Chine méridionale (sur la limite 
du tropique), la peste n’a point, que l'on sache, franchi le tropique du Cancer, 
barrière de son habitat vers le sud; que si, dans les temps anciens, elle a pu 


714 PESTE. 


remonter la vallée du Nil jusqu’en Nubie méridionale, cela ne serait qu'une 
quatrième exception à cette règle remarquable qui a cantonné la peste dans un 
domaine situé au nord de la ligne tropicale, et l’a exclue des régions voisines de 
l'équateur. 

Ainsi la peste n’a jamais existé, du moins elle n’a jamais été signalée dans 
l'hémisphère austral, et elle est, en définitive, un produit propre aux latitudes 
moyennes et septentrionales du vieux continent. 

Aujourd'hui l'habitat de la peste s’est notablement rétréci, quoique tout 
récemment encore elle ait régné depuis les monts d'Assyr au sud à Vetlianka 
au nord, du 19° au 47° degré latitude nord, et de Benghazi au cours moyen du 
fleuve bleu de la Chine, soit du 17° au 107° degré longitude est. Cet ovale com- 
prend encore en longitude 90 degrés de l’ouest à l’est, le quart de la circonfé- 
rence du globe. 

Mais la grande et formidable épidémie du moyen àge ne possède plus, sur 
cette large zone, que des vestiges de sa domination passée, seulement quelques 
points isolés de ses antiques possessions. Cependant la Turquie en renferme 
encore trois, la Perse, deux, l’Inde, au moins un, et peut-être la Chine, un 
autre. Ces points sont les suivants. 

En allant de l'ouest à l’est la Turquie compte le foyer tripolitai de la Cyré- 
naïque en Afrique, le foyer d'Assyr en Arabie, le foyer babylonien dans l'Irak- 
Arabi ou province de Bagdad. La Perse offre le foyer du Kurdistan allant du 
nord au sud de ce pays, et le foyer du Khorassan vers le nord-est. L’Inde a le 
foyer sub-himalayen du nord ouest, dans le Gurwall et le Kumaon, aux sources 
du Gange, et la Chine méridionale celui du Yun-nan, bien que son existence ne 
soit pas aussi certaine que celle des précédents. 

Peut-être cependant existe-t-il aussi d’autres centres de peste, tels que dans 
le Hérat, le Candahar, l'Afghanistan, même dans le Caboul (près de Peschawur 
en 18527). Peut-être encore la peste existe--elle à l’état sporadique dans la 
Birmanie, dans le Laos, ce qui expliquerait pourquoi une opinion chinoise rap- 
porte à ces contrées l'origine de la maladie du Yun-nan. Quant au Thibet et 
à la Mongolie orientale, ces pays sont trop peu explorés et connus pour qu'on 
puisse rien hasarder sur leur compte à propos de la peste. 

En somme, si le domaine géographique de la peste est allé diminuant de siècle 
en siècle depuis le quatorzième siècle, la maladie est encore loin d'être arrivée 
à son extinction, comme on put le croire et le dire il y a quelque vingt à trente 
années. 

Elle a repris de l'énergie depuis cette dernière date : elle a reparu sur la rive 
africaine de la Méditerranée, près de la mer Rouge, du golfe Persique, de la 
Caspienne, en Iran, près de l'Himalaya indien, et dans le montagneux Yun-nan. 
Voilà bien des foyers qui, semblables à des bouches ignivomes, rappellent et 
attestent que les volcans pestilentiels, loin d'ètre éteints, ont retrouvé en 
quelque sorte une énergie nouvelle. 

Quelle est la cause probable de ces délimitations dans l'hémisphère nord en 
deçà du tropique d’une maladie aussi nettement transmissible que la peste? 
Jadis ce fut un axiome que la maladie n’avait jamais franchi la ligne tropi- 
cale, axiome sans doute trop absolu, comme nous l'avons vu, mais pourtant 
demeurant encore vrai aujourd'hui. Car la peste n'aime pas les régions ultra- 
tropicales dont la chaleur paraît en neutraliser les germes ou en arrêter le 
développement. Elle s’est toujours promptement éteinte dans l'Arabie méri- 


PESTE. 715 


dionale, au Hedjaz, et, si actuellemen telle apparaît dans l'Assyr, il faut remar- 
quer que l'altitude élevée de ce plateau (de 1500 à 2000 mètres) en compense 
largement la latitude, et qu’elle n'existe point et ne se propage point dans la 
pláine subjacente au plateau, ou {éheéma, dont la température est beaucoup 
plus élevée. 

De même dans l’ouest de l'Inde, à Katch et à Guzerate, elle ne persista pas et 
remonta promptement vers le nord de la péninsule, loin de descendre, en sui- 
vant les voies du mouvement et du commerce, vers le sud, vers les grandes 
villes, Baroda, Surate, surtout vers Bombay, grand centre attractif commercial 
où la maladie ne fut jamais constatée. Même explication pour le Yun-nan, dont 
la configuration montagneuse et l'élévation neutralisent la latitude basse et la 
chaleur conséquente. 

C'est ici qu'intervient l'influence de la climatologie, plus spécialement celle 
de la chaleur et des saisons. Il est, en effet, un nombre considérable de faits 
bien établis, confirmatifs de cette influence et que leur importance nous oblige 
à développer. 

On sait que la patiente érudition de Prosper Alpinus avait fait ériger en loi 
que la peste en Egypte faisait son apparition vers la fin de l'automne et qu'elle 
cessait vers le mois de juin. C'est ce qui ressort d'un tableau de la mortalité 
par la peste à Alexandrie de 1834 à 1843 (A. Hirsch). On y voit que l'acmé 
des épidémies pestilentielles correspond aux mois de mars et d'avril, le second 
degré d'intensité à ceux de mai et de février, puis viennent janvier et juin; les 
six autres mois sont relativement peu chargés et le minimum tombe en 
septembre et octobre. En Algérie la peste marquait surtout les saisons du 
printemps et de l'automne. La peste de la Cyrénaïque en 1858, constatée en 
avril, avait probablement débuté plus tôt, elle subit un répit dans l'été et 
l'automne pour entrer en recrudescence au commencement de 1859. La petite 
épidémie de Moursouk en 1858 eut son commencement en avril, cessa durant 
les chaleurs et reparut subitement en septembre. L’épidémie dernière de la 
Cyrénaïque aurait débuté vers la fin de 1875, elle devint intense dans les pre- 
miers jours d'avril 1874 et, diminuant aux chaleurs, elle ne compta plus que 
quelques cas en septembre. 

En Arabie l'épidémie de 1832 avait prédominé en mai, au Hedjaz. L’épi- 
démie de l’Assyr commença vers la fin de 1875, augmenta au printemps de 
1874, diminua en été, vers juillet, et finit au commencement de l'automne. 
Ordinairement, au dire des habitants, d’après Millingen, les épidémies de peste 
antérieures commençaient au printemps pour prendre fin en été sous l'influence 
de la chaleur d’ailleurs modérée ici par suite de l'altitude du plateau. L’épi- 
démie de 1879 commença vers les premiers jours de l'année et finit en mai ou 
dans les premiers jours de juin. 

En Syrie c’est dans les mois de juin et juillet (à Alep en juillet ou août) que 
la peste cessait en pays de plaine, tandis que dans les montagnes il n’était pas 
rare de la voir régner pendant tout l'été, en automne, et parfois se continuer 
en hiver (A. Hirsch). 

Il n’est pas de région où l'évolution saisonnière de la peste soit plus frap- 
pante que dans l'Irak-Arabi et les contrées adjacentes. Les grandes épidémies de 
1775, de 1851-1832, celle de 1800-1801, curent lieu durant les six premiers 
mois de l’année et disparurent vers les mois de juin ou de juillet au plus tard. 
Les petites manifestations de la même maladie qui parurent, en quelque sorte à 


716 PESTE. 


l'état sporadique, de 1856 à 4866, dans les régions circonvoisines de Bagdad et 
dans cette ville, suivirent la même marche (Duthieul); l'épidémie de 1867 
commença probablement vers la fin de 1866 et finit en juin 1867; celle de 
1875-1874 débuta en décembre et cessa en juillet; celle de 1874-1875 dura 
de la fin de décembre à la fin de juin; même marche de l’épidémie meurtrière 
de l’Irak-Arabi en 1875-1876, de celle plus limitée de 1876-1877 à Bagdad et 
aux environs; enfin l'épidémie assez bornée, quoique fort intense, de 1880-1881, 
et celle de 1884, commencèrent vers la fin de la première année et cessèrent 
brusquement à la fin de juin de la deuxième. A Chuster, en Perse, l’irradiation 
de la peste de l'Irak-Arabi en 1876 débuta vers le mois de mars et s'éteignit à 
la fin de juillet, 

Il est notoire et proverbial en Basse-Mésopotamie et dans l'frak-Arabi (pro- 
vince actuelle de Bagdad) que la peste bubonique débute vers la fin de l'automne 
ou vers le commencement de l'hiver, atteint son maximum au printemps et 
cesse subitement vers les mois de juin et de juillet, dès que la température 
extérieure atteint 45 à 50 degrés centigrades. Il est peu de faits dont la consta- 
tation ait été rendue aussi évidente que celui-là pour tous les observateurs, 
médecins ou autres. 

Voici l'indication des époques annuelles pendant lesquelles ont sévi les prin- 
cipales pestes de la Perse dans les temps récents. Celle de Makiou commença 
sur la fin de 1865 et finit au printemps de 1864; celle des districts situés 
entre le sud du lac d'Ourmiah et le district turc de Suleïmanieh débuta en 
décembre 1870, sévit pendant le printemps et le commencement de l'été 1871 
et cessa en août ou septembre de cette année, sauf quelques irradiations peu 
connues qui se seraient prolongées jusqu'en 4872 (Castaldi). La peste de Recht 
apparut en mars 1876 ou probablement plus tôt, fit rage en mai et juin, diminua 
à la fin de juillet, s'assoupit en automne et reprit peut-être un peu au commen- 
cement de 1878. Celle du sud du lac d'Ourmiah (chez les Moukris ; comme en 
1870-1871), de 1877-1878, commença en décembre et cessa vers mars ou avril ; 
enfin celle de 1881-1882 du même district fut signalée vers la fin de novembre 
et disparut vers le milieu de mai. Dans le district de Sehna, situé plus au sud, 
une petite épidémie parut en janvier 1878 et finit en mars; une autre se 
montra en novembre 1881 et cessa avec l'année. Enfin celle de 1883 aurait 
apparu en janvier ou février de cette année et clle aurait cessé en mai 1883. 

Les petites apparitions de la peste dans le nord-est de la Perse (Khorassan) se 
sont montrées de la manière suivante : celle de Charoud dura de décembre 1876 
jusqu’au commencement de 1877; celle de Sebzewar de décembre 1877 à février 
ou mars 1878, celle de Zoveïn de mars 1881 au mois de juin de la même année. 

En Perse, comme dans l’Irak-Arabi, la fin d’une année et le commencement 
de l’autre sont encore les mêmes périodes de floraison de la peste, quoique 
cependant cette périodicité soit moins nettement tranchée dans la première 
région que dans la seconde. 

En ce qui concerne l'Asie Mineure, A. Hirsch dit que sur la côte la peste 
régnait de février à août. Mais la vaste presqu'ile offre une variété très-grande 
dans les apparitions de la peste comme dans les climats. Suivant Aubert-Roche 
la saison de la peste à Smyrne était de novembre à juillet. La dernière appari- 
tion de la maladie dans le district d’Aïdin, au sud de Smyrne, date du printemps 
et du commencement de l'été de 1840 ; à Itghelmès, au sud des Dardanelles, la 
maladie importée d'Égypte éclata en juin 1841 et s'éteignit à la fin de juillet, 


PESTE. 717 


mas avec le concours des quarantaines et de l'isolement des pestiférés. La 
dernière peste des environs de Trébizonde eut lieu en 1841 en automne. Les 
deux dernières irruptions dans la province d'Erzeroum, en Arménie, celle de 
1840 et la meurtrière explosion de 1841, ne sévirent que durant la belle saison, 
de juin à novembre, cessant pour un temps à l'approche de l'hiver. De même 
les épidémies précédentes (1810-1820) n'avaient régné que dans la saison des 
chaleurs de Trébizonde à Bayazid (Lachèze), au dire des médecins et des no- 
tables du pays. 

Il faut se rappeler que la province d’Erzeroum est formée du vaste plateau 
central de l'Arménie dont l'élévation rend le froid très-rigoureux durant six 
mois de l’année, pendant lesquels la peste s’assoupissait pour un moment et 
reprenait aux chaleurs modérées de l'été. 

En passant à l’Europe nous voyons que la peste affectait à Constantinople une 
prédilection marquée pour le semestre de juillet à janvier (Aubert-Roche). 
C'était du 1° au 20 juillet que la maladie y faisait ordinairement son explosion, 
au dire de tous (Brayer), époque correspondante au règne des vents du sud 
succédant à ceux du nord et apportant trop souvent les germes nouveaux de la 
peste avec les navires venant du littoral syro-égyptien de la Méditerranée. 

Les pestes de 1828 et 1829 des provinces Danubiennes, qui atteignirent sur- 
tout les armées russes, sévirent au printemps et à l'automne, offrant une rémis- 
sion marquée pendant les chaleurs de l'été, comme cela avait eu lieu, au dire 
des habitants, pour les pestes antérieures de ces pays. 

Les dernières manifestations de la peste le long du Danube, à Silistrie en 
1838-1840, à Choumla en 1840-1841, à Philippopolis, à Varna, en 1840-1841, 
eurent lieu vers l'automne principalement. Mais ces épidémies paraissent avoir 
dù leur extinction aux mesures prophylactiques et quarantenaires prises par 
l'administration sanitaire de Constantinople (Pezzoni et Marchand, La peste 
en Turquie, 1847). 

Suivant A. Hirsch, pour le reste de l'Europe, sur 88 épidémies de ce siècle et 
du précédent ayant sévi sur divers points, 17 ont débuté en hiver, 22 au prin- 
temps, 26 en été et 25 en automne, tandis que leur maximum eut lieu 8 fois 
en hiver, 13 fois au printemps, 48 fois en été et 26 fois en automne. 

L'épidémie de peste bubonique à formes légères et bénignes, quoique parfai 
tement caractérisées, qui sévit à Astrakhan et dans les villages circonvoisins en 
1877, marqua sa prédominance en mai, juin et août. Celle plus grave de 
Vetlianka, l’année suivante, eut lieu de la mi-octobre 1878 à la fin de jan- 
vier 1879, époque où son cours fut d'ailleurs brusquement suspendu par l'appli- 
cation des mesures énergiquement efficaces prises par le gouvernement russe. 

Dans les épidémies des provinces nord occidentales de l’Indoustan de 1815 à 
1857 il serait impossible de rapporter l'apparition et le maximum d'intensité 
des irruptions à une date fixe ou périodique, pas plus que pour les épidémies 
subséquentes du Gurwal et du Kumaon de 1825 à 1876. Cependant le docteur 
Francis déclare que ces dernières apparaissent vers la fin des pluies de ces 
régions (mois d'août) et qu’elles continuent jusqu au commencement de décembre 
où elles subissent un temps de repos. Parfois la peste y débute en mars'pour 
disparaitre momentanément en mal. 

Dans le Yun-nan la peste devient épidémique à l’époque de la culture du riz, 
en mai-juin ; les chaleurs pluvieuses de l'été du Yun-nan diminuent son inten- 
sité, qui reparait vers la fin de l’année : elle commence d’abord par les régions 


TIS PESTE. 


de la plaine pour atteindre ensuite les hauteurs. Suivant Lynch, la peste 
apparaît chaque année en mai à Pakhoï et à Lien-Chu, elle continue jus- 
quen septembre; elle ne serait vraiment épidémique que tous les trois à 
quatre ans. 

La conclusion de ces détails que nous avons tenu à consigner à cause de leur 
exactitude est facile à tirer : c'est que d'une façon générale la peste demande 
pour évoluer à l’état épidémique un degré de chaleur assez élevée, et qu’une 
chaleur forte tend à l'éteindre ou à la faire diminuer d'intensité; c'est encore 
que chaque pays offre à sa manifestation des conditions spéciales de climatologie 
et de température qui sont propres aux localités où elle trouve les milieux 
propices à son évolution. Les exceptions à ces règles générales ne sont qu’appa- 
rentes et doivent trouver leur explication dans quelques circonstances encore 
inconnues. 

Mais ces remarques s'appliquent avant tout anx endémo-épidémies de peste, 
principalement de nos jours, non point à ces grandes irruptions des temps passés 
dont la violence et la fureur d'expansion ne connaissaient presque pas de bornes. 

Ces conclusions sont conformes aux résultats des recherches de Prosper 
Alpinus qui les a consignées dans cette phrase concise : « Ab insigni aeris 
calore omne contagium extinctum esse. » 1 

Ces conditions favorables de température pour le développement de la peste 
ne sont point encore susceptibles d'une évaluation rigoureusement exacte, sauf 
dans quelques régions, comme dans l'Irak-Arabi, par exemple. Les mensurations 
par le thermomètre faites jusqu'ici n'ont qu'une valeur relative, et c'est à 
l'avenir qu'il appartiendra de nous fixer là-dessus. | 

Quant à l'influence des températures extrêmes, nous savons que l'absence de 
la peste dans les zones équatoriales tend à établir un antagonisme entre elle et 
les chaleurs torrides. Mais on ne peut oublier qu'elle a sévi par des abaissements 
de plusieurs degrés de température au-dessous de zéro, comme récemment à 
Vetlianka, comme souvent encore dans les montagnes du Kourdistan au milieu 
de la rigueur des hivers. Mais les conditions d'agglomération et de température 
intérieure dans les cabanes du Volga ou dans les huttes souterraines des Kourdes 
doivent apporter ici leur contingent étiologique qui sans doute prime le facteur 
de la température extérieure. 

L’humidité aidée de la chaleur passe pour favoriser l'extension de la peste. 
« La peste, en Egypte, est toujours en raison de l'humidité de l'atmosphère » 
(Pugnet). Les vents chauds du sud en général, surtout le vent du désert 
(Khamsin), agissent dans le même sens (Prosper Alpinus, Larrey, Pruner, 
Brayer, etc.). 

En ce qui concerne la nature géologique des terrains et la topographie, on 
a voulu assigner comme conditions particulièrement favorables à la production 
ou à l'extension de la peste certaines localités déterminées, par exemple, les 
régions alluvionnaires, les Deltas des fleuves, nommément celui du Nil. Avec le 
choléra pour le Gange et la fièvre jaune pour le Mississipi, la peste pour le Nil 
faisait partie de la théorie pathogénique des deltas, supposition aussi surannée 
aujourd’hui qu'inexacte. 

Nous avons vu que la peste de nos jours se produit et règne dans des condi- 
tions de topographie et de géologie tout à fait contraires à celles qu'on avait 
alors imaginées. Les régions montagneuses et les plateaux élevés sont devenus 
l'habitat prédominant de la peste : tels sont les plateaux de la Cyrénaïque, ceux 


PESTE. 719 


plus hauts de l’Assyr, les Alpes du Kourdistan, les citadelles de l'Himalaya et 
celles du Yun-nan. 

La peste a existé ou elle existe encore indifféremment sur les trachytes et les 
rochers volcaniques du pays des Kourdes, de la Perse, de l'Arménie; sur la 
craie d'Alep, sur les terrains volcaniques et les granits surmontés des sables 
brůlants de l'Arabie, sur les calcaires des îles Joniennes, sur les plateaux rocheux 
de l'Atlas comme sur les terres de nouvelle formation et d’alluvion du Volga, 
des bouches du Danube, du Nil, du Chat-el-Arab, des bassins de la Seine, du 
Rhône, de la Tamise, etc., etc. 

Cependant la perméabilité des terrains et leur aptitude physique à l'impré- 
gnation par l'humidité paraissent favorables à la production, surtout à la pro- 
pagation et à la prolongation de la peste. On a dit que l'aridité des sables de 
Nubie était demeurée toujours indemne de la peste : il faut se rappeler que les 
terrains de la Gyrénaïque, offrant les mêmes conditions physiques et géolo- 
giques, nous ont offert récemment deux épidémies de la maladie. Ce qui précède 
met à néant la théorie qui voulait accorder aux altitudes une certaine immu- 
nité contre la peste : c'est le contraire qui serait vrai aujourd'hui. 

Ainsi, sauf ce qui a trait au climat et surtout à la température, les condi- 
tions tirées de la géographie et de la topographie n'exercent qu'une influence 
fort peu directe, en tout cas fort peu connue, sur la production et sur l’expan- 
sion de la peste. 

b. Les causes tirées des Socialia ont été souvent invoquées comme susceptibles 
de faire naître la peste et d'en favoriser la dissémination. En premier lieu se 
présentent le manque d'hygiène, la misère et tout ce qui peut contribuer à 
abaisser la résistance des masses de la population contre l'invasion de la 
maladie. 

L'agglomération et l'entassement des habitants dans des demeures mal- 
saines, la mauvaise nourriture, les vêtements insuffisants, la pénurie des ali- 
ments et leur mauvaise qualité, la malpropreté individuelle et générale, le 
manque de propreté des rues, le défaut d'aération des demeures et des cités, 
ou des villages, etc., etc., en un mot, ce qui constitue la misère privée et 
sociale, avant tout la disette et la famime, fléaux si communs encore sur le 
continent de l'Asie, voilà l'ensemble des causes auxquelles a été attribuée la 
production de la peste par les observateurs nombreux et autorisés dans les temps 
modernes. 

Aotuóç perà Muóv : la peste après la famine, disait le proverbe grec. Un apho- 
risme célèbre a résumé le concours de ces causes dans une forme saisis- 
sante : « La peste est due à la barbarie, la civilisation en est le remède, » disait 
Aubert-Roche il y a près d’un demi-siècle. Depuis, les observateurs des épidé- 
mies de l’Asie antérieure, de la Cyrénaïque, comme ceux de l'Himalaya et du 
Yun-nan, ont répété la même chose. 

En se reportant aux tableaux précédents relatifs à l'histoire de la peste dans 
je dernier quart de siècle, il est facile de constater que l’on a invoqué presque 
toujours les causes précitées, et avant tout la disette et la famine. 

Sans nul doute la présence de l’une ou de plusieurs de ces causes est une 
incitation puissante à l'éclosion et à la propagation de la peste; c'est la culture 
défectueuse ou nulle qui prépare le terrain au grain de l'ivraie. Mais, si celui-ci 
fait défaut, jamais la mauvaise qualité du terrain, si grande qu’elle soit, n’aura 
la puissance de faire pousser une seule tige de l'herbe détestable. 


720 PESTE. 


Nous savons combien est lourd le poids de la misère sous laquelle végètent 
les populalions des huttes de l'limalaya et du Yun-nan, des trous et des 
lanières du Kourdistau en hiver, des cabanes de roseaux du Tigre et de l’Euphrate, 
sans compter celles des villages de terre de la Basse-Égypte et des tentes de la 
Cyrénaique. Mais il s'en faut que la pauvreté immonde soit le lot de ces seules 
populations. 

En fait, il ne manque pas sur la surface du globe de régions où fleurissent à 
l'envi la misère, l'insalubrité, la barbarie, et cependant on n'y a jamais vu la 
moindre épidémie de peste. 

Donc, dire que la peste est une maladie de la misère et de la barbarie, c’est 
alléguer une hypothèse sans preuves. 

Parmi ces accusations d’insalubrité publique, il en est une qui repose sur un 
objectif plus positif en apparence : c'est la nocivité provenant du miasme des 
cadavres. ll y a quarante années, quand on regardait la vallée du Nil comme 
le principal foyer de la peste en Orient, on incrimina l'abolition funeste de la 
coutume salutaire des embaumements, aggravée par la coutume contraire des 
inhumations imparfaites et superficielles. 

A la même époque on comprit dans la même suspicion le régime défectueux 
en général des cimetières dans presque tout l'Orient musulman. 

Aujourd’hui on entend encore, et non sans raison, murmurer contre des 
habitudes religieuses, absurdes et insalubres au plus haut degré, qui veulent 
que de la Perse on transporte annuellement 5 à 6 mille cadavres dans quelques 
lieux sacrés des Chutes, au milieu des vallées de l'Euphrate et du Tigre, en 
Irak-Arabi. Mais, nonobstant les plus légitimes réclamations de l'hygiène contre 
de telles pratiques, malgré la prudente suspicion dont il faut les frapper, il 
n'est pas prouvé qu'il y ait dans tout cela d’autres causes que des causes 
adjuvantes de la production des épidémies de peste, tout au plus des faits 
d'importation des germes mêmes de la maladie. 

Les races humaines paraissent égales devant la peste. Celle-ci a sévi sur 
presque tous les peuples et les nationalités du Vieux Continent dans l'antiquité ; 
elle règne encore sur les Arabes et les nègres de la Tripolitaine et de l’Assyr, 
sur les populations mixtes de sang arabe, juif et persan de l’Irak-Arabi, sur les 
Kourdes, sur les races du Khorassan, sur les Chinois et les sauvages de race 
indéterminée du sud de l'Empire du Milieu, sur les Gurwaliens, les Kumaonais, 
comme il y a quelques années sur les Radjepoutes et les peuples du Bas-mdus; 
enfin elle n'a pas épargné les Cosaques du Bas-Volga. Ainsi, Blancs (Sémites et 
Aryens), Jaunes et Noirs, ont payé leur tribut à la peste, en proportion sans 
doute inégale, mais certainement d'après des circonstances tout autres que les 
différences de races et de nationalités. 

Mentionnons seulement ici les théories des écrivains des temps passés et de 
quelques historiens modernes des maladies populaires (Hæser\ relativement aux 
constitutions médicales, aux phases diverses des societés dans leur marche à 
travers les siècles, envisagées comme éléments créateurs des milieux patho- 
géniques des épidémies. D’après ces vues, la peste aurait suivi une sorte d’évo- 
lution parallèlement au développement des sociétés du vieux monde, et n’eût 
été, en quelque sorte, que la résultante des influences multiples inhérentes aux 
périodes successives de ce développement. 

Ces doctrines, qui se basent surtout sur les variations lentement séculaires 
des grandes influences morbifiques et se rattachent à la théorie générale de 


" PESTE. 721 


l'évolution dans la vie des peuples, comme dans celle de notre globe, sous le 
rapport du temps comme sous celui de l'espace, ne valent pour l’étiologie de la 
peste que ce qu'elles valent pour les épidémies en général, et ne nous parais- 
sent pas mériter ici une discussion particulière (voy. Littré, Anglada, Étude 
sur les maladies éteintes el sur les maladies nouvelles). On peut dire cependant 
que d’après ces vues la peste serait une maladie populaire déjà bien vieille, 
sur son déclin, probablement en voie de restriction, sinon d'extinction, et cela 
est conforme à ce qui se passe depuis le commencement de ce siècle plus d'aux 
trois quarts écoulé. 

A ce propos on doit signaler les exagérations d’Anglada, qui s’est efforcé, sans 
succès d'ailleurs, d'établir que les épidémies de pestes d'Athènes (il n’a jamais 
été prouvé que l'épidémie de cette ville fùt la peste), de Constantinople sous 
Justinien et du quatorzième siècle, furent des maladies distinctes. L'étude com- 
parative des diverses épidémies de peste qui ont régné du sixième siècle jusqu'à 
nos jours met hors de doute l'identité fondamentale de ces maladies populaires. 
La peste de l’année 1884 ressemble trait pour trait à celles des années 542 et 
1348, appelées peste inguinale et peste noire. 

Outre les partisans de l’évolution séculaire, il y a aussi ceux d'évolution mul- 
tiannuelle ou à périodes plus courtes de la peste. Cette autre manière de voir 
repose sur l'opinion populaire que la peste épidémique apparaissait jadis dans 
le Levant chaque vingt-cinq à trente ou quarante ans suivant les localités. Mais 
il a été reconnu que cette croyance n’est pas rigoureusement établie. Il existe 
encore une idée fixe à ce sujet parmi les habitants de l'Assyr, qui affirment 
qu'ils sont mis en coupe réglée par la peste qui les moissonne tous les trois à 
six ans, depuis bientôt un demi-siècle. 

c. Les distinctions individuelles n'ont qu'une faible valeur vis-à-vis de la 
peste. On a dit qu’en général les enfants étaient prédisposés à la peste plus que 
les adultes et ceux-ci plus encore que les vieillards. Mais il n'y a rien de fixe 
sur ce point : dans quelques épidémies, comme dans celle de Marseille, 
en 1720-1721, les enfants furent épargnés. Il en est du sexe comme de l'âge: 
dans certaines épidémies les femmes y ont semblé prédisposées, dans d’autres 
elles ont été relativement épargnées, Les états de grossesse, de parturition, même 
l’époque menstruelle, ont été placés parmi les causes prédisposantes. Les pro- 
fessions pénibles sont aussi d'ordinaire prédisposantes, mais cela rentre dans ce 
qui a été dit précédemment au sujet des causes provenant de tout ce qui peut 
débiliter la constitution et diminuer la résistance à la maladie. 

En somme, on peut dire avec Pariset : « Ce que la peste a épargné dans telle 
épidémie, elle l'immole dans l’autre ; sexe, âge, tempérament, profession, 
régime, habitude, tout en défend, tout y livre. » 

De l'aveu d'un grand nombre d’observateurs les causes morales et psychiques 
exercent une influence marquée sur la prédisposition à la peste. On sait, en 
effet, quelle action désastreuse peut être attribuée sur l'extension des épidé- 
mies du moyen âge à l’état mental des individus et des populations de cette 
triste époque de l'humanité. Cependant il ne faudrait point faire abus d’une 
pareille influence, sous peine d’être démenti par les événements les plus anciens 
comme les plus récents. Le mépris souverain de la vie et l'insouciante fatalité 
des Musulmans de la Cyrénaïque, de l'Assyr, et des populations mêlées de l'Irak- 
Arabi, etc., ne les préservent nullement des ravages du fléau. 

Clot-Bey estimait que les fatigues de tout genre, surtout les écarts de régime, 


Dior. ENG. 2 se XXII. A6 


722 PESTRES ‘ 


excès alcooliques et alimentaires, occupent le premier rang parmi les causes 
prédisposantes. Les antécédents morbides, maladies chroniques et états valétu- 
dinaires, seraient également propres à créer de fâcheuses prédispositions. 

d. Pour élucider la pathogenèse de la peste, il faut étudier ses foyers anciens 
et actuels, sa transmissibilité, la possibilité ou non de sa spontanéité, mais par- 
dessus tout sa nature intime ou cause génératrice probable. 

Où et quels furent les premiers foyers de la peste ; la maladie appelée Namtar 
par les Proto-Chaldéens était-elle la peste; à quelle époque celle-ci apparut- 
elle dans le bassin du Nil et de la Méditerranée? nous n'en savons rien. On sait 
positivement qu’une première de ses apparitions signalée dans les écrits grecs 
remonte à au moins trois siècles avant notre ère. 

On ne sait pas davantage si depuis cette époque ou avant les pestes de l'Orient 
asiatique ou extrême Orient ont eu des relations causales avec celles d'Occident 
et réciproquement. Cependant c’est une idée accréditée de nos jours que le grand 
fléau du vieux monde a, le plus souvent, marché de l'Orient vers l'Occident. Les 
migrations, les invasions des peuples par fractions ou en masses, se sont faites. 
dans ce sens depuis les premières lueurs de l'histoire, mais dans les notions 
confuses que nous en avons rien n'y a trait à la maladie dont nous nous occu- 
pors ici. 

Il est aujourd'hui notoire cependant que des relations commerciales suivies 
et considérables eurent lieu, quelques siècles au moins avant notre ère, entre le 
pays de la Sérique ou la Chine et les contrées de l'Occident, à travers l'Asie cen- 
trale et antérieure. Les grandes caravanes franchissaient alors facilement les 
hauts cols du Pamyr, par le sud en allant vers la Chine, par le nord au retour, 
et pouvaient non moins facilement colporter, avec les marchandises précieuses, 
mais surtout avec leurs multitudes de voyageurs, les germes de la peste d'O- 
rient en Occident et parfois sans doute en sens inverse. 

Après une interruption de quelques siècles (environ du deuxième au huitième 
siècle de notre ère), les Arabes rouvrirent les chemins du pays de la soie et du 
thé. L'apparition sur la scène de l'histoire des grands conquérants mongols 
aplanit encore les voies de commerce entre les deux régions, de la Méditerranée 
à l'océan Pacifique. Missionnaires, politiciens, voyageurs, commerçants et trafi- 
quants de mainte sorte, suivaient une grande route dont l'Italien Pegoletli a 
laissé un itinéraire détaillé (voy. Malte-Brun, Histoire de la géographie) et 
dont les longs circuits passaient par le fond de la mer d’Azoff, Astrakhan, 
Ourgend sur le bas Oxus, Otrar sur le Yaxartes, la vallée de lIli, Khamil à la 
pointe orientale du Thiang-Chan, pour aboutir à travers le Gobi au fleuve 
Jaune et de là rayonner vers Hang-Chéou près de la côte orientale de Chine 
et vers la capitale Cambalu, qui est le Pékin actuel. 

Il est possible que la grande peste du moyen âge, la Grande-Mort du qua- 
torzième siècle, ait suivi ces routes d'Orient en Occident. En tout cas il paraît 
établi qu’elle ravagea la Chine, le centre de l'Asie et peut-être l'Hindoustan, 
avant de faire irruption, par une triple voie, sur l'Europe, vers 1346. A dater 
de cette époque jusqu’à notre présent siècle, il n'y a eu que des rémissions 
plus ou moins longues entre les explosions épidémiques de la peste vers l'Oc- 
cident, l'Asie antérieure, devenue le centre d'irradiations successives et en 
quelque sorte intarissables par suite des communications de ce foyer perma- 
nent avec l'Europe et l'Afrique. 

Est-il possible de concevoir et d'établir des relations entre les foyers de peste 


PESTE. 123 


actuellement connus en Afrique, en Arabie, dans l'Asie antérieure, dans l'Inde 
et dans l'extrême Orient? 

De même que le grand fléau du quatorzième siècle nous est venu, selon toute 
vraisemblance, des contrées du soleil levant, de même aujourd'hui quelques 
médecins ont cru pouvoir rattacher à la peste du Yun-nan ou de l'Himalaya 
celle de l’Asie antérieure. Mais les foyers de l'Inde et de la Perse ont semblé à 
d'autres médecins trop distants pour qu’on puisse les relier l’un à l’autre avec 
quelque chance de probabilité. Géographiquement cependant l’espace qui sépare 
le Khorassan (les environs de Mesched) des Etats de Gurwall et de Kumaon 
n’est guère que de 500 lieues géographiques, c’est à peine la distance entre 
Vetlianka sur le Volga et le golfe Persique. Joignez à cela que la peste paraît 
avoir régné au nord de Peschawur en 1852 et probablement auprès de Hérat 
en 1877, ce qui restreindrait singulièrement l'intervalle entre les habitats de 
la peste de l'Inde et de la Perse. Du reste, il existe des communications assez 
fréquentes entre la Perse orientale et le nord-ouest de l'Hindoustan, par le 
Hérat, le Caboul et les provinces nord-occidentales du Pendjab. 

Entre le Gurwall et le Kumaon, d'une part, et le Yun-nan de l’autre, la dis- 
tance n’est pas aussi grande, à vol d'oiseau, mais les communications entre les 
deux pays (sauf par le Thibet où elles nous sont inconnues), par l'Assam et la 
Birmanie, ne sont ni fréquentes ni faciles. Notons pourtant que l'opinion la 
plus accréditée en Chine fait dériver de la Birmanie même l'épidémie actuelle 
du Yun-nan. 

Quelles que soient les probabilités d’une origine commune par voie de trans- 
mission entre les foyers indo-chinois et ceux de l'Asie antérieure, nous ne 
sommes pas porté à l’accepter jusqu’à ce qu'elle ait été mieux démontrée. 

En ce qui touche la peste de l’Hindoustan, on peut remarquer une coïncidence 
frappante entre la date de sa constatation moderne dans le nord-ouest de la 
péninsule (1815-1816) et l’une des dernières grandes pestes du Hedjaz et de 
La Mecque, qui eut lieu dans la même année. Y a-t-il eu relation causale dans la 
production de la maladie entre les deux pays mis en communications nombreuses 
par les pèlerins indiens, et dans quel sensa pu se faire la transmission de la 
peste? C’est ce qu'il est impossible d'éclairer. 

D'ailleurs les observateurs de l'Inde affirment l’ancienneté de la peste du 
Gurwall et du Kumaon, qu'ils regardent comme depuis très-longtemps endé- 
mique dans ces provinces. Notons pourtant que la peste de Katch et Guzerate 
en 1815 monta constamment vers le nord-est jusqu'aux environs de Dehly, 
centre peu éloigné des frontières de Gurwall et Kumaon. 

Bref, jusqu'à plus ample informé, il nous parait logique de considérer les 
endémo-épidémies du Yun-nan et de l'Himalaya comme des foyers actuels ayant 
survécu à d'anciennes invasions ou à des foyers jadis plus intenses et plus 
étendus. 

Les endémo-épidémies récentes de l'Asie antérieure et de l'Afrique, étant 
plus près de nous et moins mal connues, nous offrent un intérèt tout spécial. 
Existe-t-il des relations entre les foyers du Kourdistan et de l'Irak-Arabi d’une 
part, celui de la Cyrénaïque et de l’Assyr d'autre part, enfin est-il possible de 
relier entre eux ces quatre foyers par un lien commun, c'est ce qu'il est diffi- 
cile de décider. Sans doute ces localités, éloignées les unes des autres, oħt un 
élément commun, qui pourrait être le fil de communication : c'est le nomade 
ou bédouin, qui passe sa vie à errer parmi les déserts, les steppes, les hauts 


724 PESTE. 


plateaux de l'Assyr ou du Kourdistan. Mais ce n’est pas sans un grand effort 
d'imagination que l'on pourrait faire communiquer, même indirectement, le 
montagnard kourde avec celui de l’Assvr, et celui-ci avec le bédouin du plateau 
de Barka (Cyrénaïque). 

En ce qui concerne ce dernier pays, les notables déclarèrent, en 1858, que la 
dernière peste vue par eux datait de 1836 à 1837, c'est-à-dire de vingt années 
auparavant. On pourrait donc considérer l'épidémie de 1858 comme une sur- 
vivance de celle de 1857 et l'épidémie de 1874 comme une suite de celle 
de 1858. Si les intervalles entre ces manifestations paraissent très-éloignés, on 
peut dire à cela que nous sommes loin de connaître les faits épidémiologiques 
qui se passent dans ces pays demi-barbares. 

Dans le même ordre d'idées on pourrait rapporter les épidémies de l’Assyr de 
1853 à 1880 aux épidémies précédentes du Hedjaz limitrophe, de 1852-1833, 
ou bien encore aux importations d'Égypte pendant les guerres de Méhemed-Ali 
dans cette région. 

Enfin il est plausible de rattacher la chaîne des épidémies de l'[rak-Arabi 
(ancienne Babylonie), depuis 1856 et avant jusqu'à 1884, à la grande irruption 
qui en 1851-1852, venue du nord de la Perse, ravagea la Mésopotamie jusqu'à 
Bassorah, en tuant le tiers ou le quart de la population. 

Quant aux épidémies de la Perse, elles ont été l’objet d’appréciations diver- 
gentes pour leur origine comme pour leur propagation. Tholozan a avancé que 
la plupart avaient été fort limitées et localisées, ce qui ne concorde pas toujours 
avec les faits. La peste de 1870-1872 du pays des Moukris (district de Saoudj- 
Boulaq) s’étendit vers le sud sur plus de 100 à 150 kilomètres. En prenant en 
bloc les six épidémies du nord-ouest de la Perse (de 1863 à 1883) on voit 
qu’elles ont occupé, partiellement et sur quelques points, une aire générale 
allant de Makiou à Djouanro, du 39° degré au 34° 5 latitude nord et de Banah 
à l'ouest, à Recht au nord-est, c'est-à-dire une étendue de plus de 400 kilo- 
mètres du nord au sud et près de 250 kilomètres de l’ouest à l’est. On voit donc 
que la peste est loin d’être aussi limitée qu’on l’a dit, dans la Perse, surtout 
dans la partie nord-occidentale. 

Sans doute les petits foyers de l’est, du Tabaristan et du Khorassan, ont été 
plus restreints, puisque la peste n'y a été observée qu'à Charoud à l'ouest, en 
1876-1877, jusqu'aux districts de Sebzevar et de Zovéin à l’est, en 1878-1881. 
Cependant on est loin de connaître exactement l'étendue et le nombre des 
apparitions de la peste dans la zone orientale de la Perse, encore moins que 
dans la zone occidentale ou kourdistane qui laisse déjà tant à désirer sous ce 
rapport. On a parlé, à plusieurs reprises, d'épidémies de cette nature qui 
auraient régné dans le pays des Turkmènes, dans le Hérat, dans l'Afghanistan, etc., 
ce qui pourrait bien faire supposer que la peste possède un fover plus étendu 
qu'on ne le croit du côté même des régions et des frontières orientales de la 
Perse. 

Existe-t-il ou a-t-il existé des relations entre les deux foyers de la peste per- 
sane, celui de l'est et celui de l’ouest, c’est ce qu'il n’est pas possible d'établir 
ni de décider actuellement. Mais il est probable, pour ne pas dire certain, qu'il 
existe des rapports entre les foyers secondaires, par exemple, entre ceux des 
districts de Charoud, de Sebzevar, de Zovéin, comme il en existe certainement 
entre celui du lac d'Orumiab, de Recht, des districts de Sehna, de Djouanreo, etc. 

Le même ordre d'idées fait supposer la possibilité de relations entre les 





PES. 725 


pestes du Kourdistan persan et celles de l'frak-Arabi pendant les vingt dernières 
années. On sait que la peste a été maintes fois voisine, sur le territoire persan, 
de la frontière turque, comme à Banah en 1871, à Djouanro en 1883. Mais il 
n’est point établi qu'elle ait franchi la frontière à ces occasions. 

S'il est vrai que la peste existait sporadiquement de 1879 à 4884 dans le 
Louristan persan, comme l’a assuré le docteur Zablonowski, il y aurait lieu de 
conclure à l'importation de la maladie dans les districts ottomans de Bédra et 
Mendéli en février 1884. 

La peste peut-elle être ou a-t-elle été transmise de Perse en Irak-Arabi par 
le transport de 6000 à 8000 cadavres que la Perse déverse annuellement de 
toutes ses parties sur les Lieux Saints des Chiites près des rives des deux fleuves 
mésopotamiens, et par contre les pèlerins persans ont-ils rapporté chez eux les 
germes de la peste de l'frak-Arabi? A ce sujet on peut présumer que le grand 
pèlerinage persan vers Bagdad n’est pas sans danger pour la Turquie quand la 
peste règne dans le Kourdistan ou dans le Khorassan. Mais on ne peut citer 
qu'un seul fait très-significatif, en sens inverse : c’est l'importation de la peste 
de l’Irak-Arabi, en 1876, dans le Chousistan persan, à une distance de 300 à 
500 milles anglais. 

Un autre fait qui établit aussi la transmission de la peste de Perse à grande 
distance, c’est le transport de la maladie de Recht à Astrakhan, puis à Vetlianka, 
à travers la Caspienne sans doute, en 1877-1878 et 1879. Cet exemple mémo- 
rable doit toujours être présent à l'esprit quand on s'occupe du problème de 
la propagation de la peste et de la diffusion ou de la délimitation de la maladie 
dans la Perse et ailleurs. 

Ainsi l'Irak-Arabi et le Chouzistan (Chuster) comme fait d'importation de Tur- 
quie en Perse, Recht et Astrakhan, comme fait d'exportation de Perse en Russie, 
voilà deux témoins irrécusables que devront consulter tous ceux qui voudraient 
nier le danger d'émission des foyers pestilentiels de Perse et de Turquie vers 
les régions voisines. 

Sans doute la peste demeure souvent limitée et sans grande tendance à se 
répandre au dehors et au loin. Mais, d’après les faits précédents, on ne saurait 
accepter les affirmations d’un écrivain, d'ailleurs très-distingué et très-compé- 
tent, lorsqu'il dit : « Dans aucune des épidémies auxquelles nous faisons allu- 
sion la transmission à grande distance n’a pu être démontrée. Tout s'accorde, 
au contraire, pour faire penser qu'aucune contamination de ce genre n'a eu 
lieu » (Tholozan, Note à l Acad. des sciences de Paris, 1882). 

Quoi qu'il en soit, il demeure acquis qu'il existe dans l'Asie Antérieure, non 
loin de l’Europe et de la Méditerranée orientale, un grand foyer actuel de peste. 
Il occupe, entre le golfe Persique et la Caspienne, une longue bande de terres la 
plupart montagneuses où sont compris les hautes vallées et les plateaux du Kur- 
distan, d’où descendent les rivières allant vers trois bassins différents, celui du 
grand Jac d'Ourmiah, du Tigre et de la Caspienne. C'est précisément autour de 
ces trois bassins que depuis trente et surtout vingt années la peste a sévi avec 
intensité, à Recht dans le Ghilan, près de la Caspienne, dans le district de 
Saoudj-Boulaq, au sud du lac d'Ourmiat, et dans l'Irak-Arabi, près du delta 
du Tigre et de l'Euphrate, au nord du golfe Persique. 

A proprement parler il n’y a qu'un grand foyer général et deux foyers secon- 
daires, celui de l’Irak-Arabi et celui du Kurdistan. Si le foyer babylonien a 
engendré l'épidémie persane de Chuster, le foyer kurde a donné lieu à celle 


7 26 PESTE. 


d'Astrakhan et de Vetlianka. Ce dernier paraît en grande activité, puisqu'il a 
rayonné du 48° degré (Vetlianka) au 24° degré (Djouvanro) latitude nord, sur 
un e:pace de plus de 500 lieues. La peste kurdistane affecte depuis quelques 
années une marche décidée vers le sud et elle menace de s’unir à celle de l'Irak- 
Arabi, à travers les défilés de la frontière turco-persane, comme cela aurait eu 
lieu en 1884, à travers les passes du Pouchti-Kouh, suivant Zablonowski. 

d. Les faits qui précèdent nous disposent déjà en faveur de la transmissibilité 
de la peste dont les foyers actuels ne seraient, comme nous le verrons bientôt, 
que la survivance des foyers plus anciens. Au lieu de nous servir des ancicns 
termes hypothétiques et amphibologiques de contagion et d'infection, nous n'em- 
ploterons que ceux de transmission, transmissibilité, dont la signification plus 
claire est aussi plus facile à saisir et à délimiter. 

Prédominante depuis plusieurs siècles, la transmissibilité de la peste subit 
une défaveur momentanée à l'apparition de la célèbre doctrine dite physiolo- 
gique de Broussais. D'un’autre côté les observations ou plutôt les assertions de 
quelques médecins de l'épidémie d'Égypte en 1834-1855 (Clot-Bey, Aubert- 
Roche), habilement commentées par Prus (rapport académique de 1845), firent 
remettre à l'étude la même question qu'une discussion célèbre résolut dans le 
sens positif de la transmission. 

Aujourd'hui, après ces vicissitudes, il est généralement admis que la peste, 
comme la fièvre jaune, comme le choléra, prend son origine dans un organisme 
préalablement atteint de la même maladie ou bien dans les hardes, dans les 
objets qui lui ont servi, dans l'air qu’il a contaminé, en un mot, qu'elle provient 
de lui-même ou de ses émanations. La très-grande partie des observateurs 
modernes de la peste sont des partisans convaincus de sa transmissibilité de 
l’homme malade, du pestiféré à l’homme sain. 

Parmi les observateurs de la peste depuis trente ans, Barozzi semble le seul 
qui n’admette pas la transmissibilité pour l'épidémie de 1858 en Cyrénaïque, et 
parmi les écrivains sur ce sujet le docteur Tholozan se pose en adversaire de ła 
transmission, au moins dans beaucoup de cas. D'un autre côté, on a fait au 
sujet de la transmission des distinctions et des restrictions. Ainsi, les médecins 
anglais qui ont suivi la peste du Gurwall et du Kumaon regardent comme 
indemnes de l’endémo-épidémie, qui s’attaque aux indigènes, les Européens et 
les étrangers, les Botiahs ou Thibétains, les marchands et les pèlerins qui 
visitent ces régions. 

La plupart des populations qui occupent les foyers actuels de la peste, Arabes 
de Cyrénaïque, de l’Assyr, de l’Irak-Arabi, surtout les Kourdes du nord-ouest de 
la Perse, comme les Gurwalliens et les Kumaonais, comme les peuplades sau- 
vages du Yun-nan, tous tiennent la maladie pour éminemment transmissible du 
pestiféré à l’homme sain. 

De fait les laveurs de cadavres chez les Musulmans, les proches parents ou les 
amis qui vont soigner les malades ou pleurer les morts, payent un large tribut 
au fléau et en sont les principaux colporteurs. Pour peu que le mal soit intense, 
le personnel médical ou autre qui donne les soins aux pestiférés compte tou- 
Jours beaucoup de victimes. Deux médecins au moins sont morts de la peste en 
Cyrénaïque ; on sait dans quelle néfaste proportion succombèrent les médecins de 
Vetlianka ; plusieurs médecins ont été frappés dans les pestes de l'Irak-Arabi. 

D'ailleurs on sait que la plupart des médecins qui ont suivi les dernières 
épidémies de la Turquie et de la Perse obéissaient strictement au précepte de 


PESTE. 127 


linfortuné Rigaud disant à M. de Lesseps en Égypte : « Venez me voir vingt fois 
par jour, mais ne restez pas plus de cinq minutes dans ma chambre. » 

Il est vraisemblable qu'il y a plusieurs degrés de puissance contagieuse pour 
la peste comme pour les autres maladies transmissibles, et que certaines manifes- 
tations à bas symptômes en quelque sorte sporadiques et endémiques ne jouissent 
que d’un pouvoir de propagation nul ou peu marqué, tandis que la peste intense 
possède d'ordinaire une expansibilité redoutable et presque incoercible. C'est 
d’après la faible tendance d'extension des petites épidémies de peste peu ou pas 
fébriles, d'états dits ganglionnaires, que quelques médecins ont douté de la 
vraie nature pestilentielle de ces épidémies se dépouillant ainsi de leurs carac- 
tères ordinaires de violence et de propagation. 

D'une manière générale qui s'applique surtout aux récentes épidémies on 
peut dire que la peste tient le milieu entre le choléra et le typhus en ce qui 
touche l'aptitude et la promptitude à la propagation au loin. Elle ne galope ni ne 
bondit comme le premier, mais elle fait tache d'huile plus rapidement que le 
second. 

Presque toujours le début d’une épidémie est insidieux, latent pendant des 
jours et des mois, subit des rémissions et ne donne lieu à de vives explosions 
qu'après un temps parfois fort long. C'est ce qui s’est vérifié dans la peste bénigne 
d'Astrakhan en 1877-1878, laquelle un an plus tard devint la rapide irruption 
de Vetlianka. Les grandes pestes du Milanais en 1630, de Provence en 1720-21, 
de Moscou en 1771, et nombre d’autres, n’ont pas procédé autrement. C'est 
l'étincelle obscure qui, après avoir couvé quelque temps, allume l'immense 
incendie. C’est le monstre du poète qui grandit en marchant : Vires acquirit 
eundo. 

Quant à sa marche générale, la peste, comme les grandes maladies transmis- 
sibles, n’obéit qu'à une loi, celle du mouvement et de la direction des courants 
humains, qu’elle suit soit par terre, soit par mer. Le dernier cas s’est présenté 
récemment pour la peste de Recht transportée à travers la Caspienne à Astrakhan, 
puis à Vetlianka. Il semble qu’en ce moment Ja maladie du Kourdistan persan soit 
entraînée vers le sud de la Perse ou vers l’Irak-Arabi. En 1876, comme nous 
l'avons vu, la peste fut transportée de l’frak-Arabi dans le sens contraire, en 
Perse, jusqu’à Chuster, à une distance de plusieurs centaines de milles. 

Quels sont les modes intimes de la contagion ou mieux les moyens de la 
transmission ? De tout temps on a accusé le contact direct ou indirect, les hardes 
et effets des malades, l'atmosphère où ils respirent, les émanations diverses 
qui en proviennent, etc. 

Les ardentes controverses qui se sont élevées au sujet de la transmissibilité de 
la peste, il y a quarante à cinquante années, ont suscité quelques tentatives 
d'inoculations à l'homme sain des matières empruntées à l'homme malade. Des 
médecins plus courageux qu'avisés ont essayé de faire passer dans leur propre 
sang le poison provenant des pestiférés eux-mêmes. Ces expériences n'ont pas 
donné de résultats bien nets ni bien positifs et il n'est guère permis d'en tirer 
des conclusions précises. 

Quant à l'inoculation sur les animaux, parfois conseillée, on peut penser à 
priori qu'elle serait illusoire, la peste n'ayant Jamais, que nous sachions, été 
observée chez ceux-ci qui probablement y sont réfractaires. 

La transmissibilité de la peste par les hardes, les effets et objets divers ayant 
appartenu aux pestiférés, est généralement admise, malgré les assertions que 


728 PESTE 


la vente de milliers de ces effets non désinfectés ait été sans résultat sur la 
production de la maladie. On doit frapper d’une légitime suspicion les objets 
de cette catégorie et les soumettre à de rigoureuses désinfections pour rester 
dans les limites des précautions strictement nécessaires. « 

La peste est-elle susceptible d’être transmise par les marchandises ordinaires? 
Beaucoup de loïimographes regardent comme fort suspectes, à ce sujet, les 
matières suivantes : laine, crin, étoupe, chanvre, coton, plumes, poils, cheveux, 
papier, vêtements, enveloppes, etc. Mais il est très-difficile, on le conçoit, de 
faire une liste exacte et exclusive des substances réputées contaminantes 
(voy. plus loin : Quarantaines imposées à la peste). D'un autre côté, il n'est 
pas prouvé que l’une ou plusieurs des substances dites susceptibles soient 
toujours ou même quelquefois contagifères. C'est un point qui réclame des 
études et des observations plus précises et plus décisives. 

L'air atmosphérique, l'air ambiant est considéré par tous comme le principal 
véhicule du contage. C’est la grande voie de la transmissibilité pestilentielle. La 
respiration par une personne saine de l'air d'un pestiféré, voilà, croit-on, le 
mode le plus commun de la transmission. Ce n'est pas à dire que le contact 
prolongé avec des pestiférés et avec les cadavres ne puisse transmettre la 
maladie : témoin les laveurs de cadavres musulmans que l’on sait contracter 
souvent la maladie par le toucher ou peut-être aussi par la contamination 
aérienne des individus morts de la peste. 

Comme celui des autres maladies transmissibles de l’homme à l’homme, le 
mode intime de propagation de la peste demeure inconnu et discutable. La porte 
d'entrée du poison pestilentiel paraît être d'ordinaire les voies respiratoires : 
mais il n'est pas établi que la surface cutanée et la surface digestive n’y puissent 
prendre part. Malgré l'intérêt pratique qu'il y a à connaître l'étendue du rayon 
atmosphérique susceptible de transmettre la peste, la lumière n'est pas encore 
faite sur ce point. Cependant on sait que la transmission par l'atmosphère seule 
ne dépasse pas de grandes distances, comme on l'avait jadis supposé. 

Quant à la durée de l’incubation, elle peut varier entre quelques jours et un 
septenaire, terme ordinairement extrême de l'élaboration pestilentielle, sauf 
quelques exceptions. On a remarqué qu’au début des épidémies de peste il se 
produit des cas de contamination dans lesquels l'incubation ne dure que quelques 
heures ou quelques jours; ce sont des morts littéralement foudroyantes. Plus 
tard la durée de l’incubation est de trois à cinq jours. Enfin, il est unanime- 
ment reconnu que cette durée ne dépasse guères six à sept jours, sauf de très- 
rares exceptions où elle atteindrait jusqu'à dix jours. Au demeurant, il semble 
établi qu’un isolement complet de six à sept jours suffit pour mettre à l'abri de 
l'éclosion de la peste. 

Nous dirons en quelques mots notre opinion sur l'endémicité, la sporadicité 
et la propagation par infection de la peste. 

Il est aujourd'hui bien avéré que, contrairement à ce qu'admettait la pluralité 
des médecins il y a quarante ans, la peste n’est point endémique sur le sol de 
l'Egypte, de la Syrie, de l'Afrique, ni sur les rivages orientaux de la Méditer- 
ranée. Elle est endémo-épidémique de nos jours seulement dans les foyers que 
nous avons exactement précisés, sauf peut-être dans quelque autre contrée de 
l'Asie où son existence pourrait nous être inconnue. La peste est sporadique 
ou existe à l'état de manifestations à bas symptômes, de peste légère, d'état 
bubonique, et cela surtout dans l'intervalle des explosions épidémiques. C'est 


PESTE. 729 


probablement de cette manière que la maladie se maintient à l'état presque 
latent dans l'intermède des apparitions épidémiques. 

La peste sporadique semble douée d'une transmissibilité faible et à peine 
perceptible, de même que cela a lieu vers le déclin des épidémies. Or il est à 
noter que ce sont ces deux circonstances qui, la plupart du temps, ont fait 
passer inaperçue et nier la transmissibilité. 

Une dernière considération qui a trait à l’origine de la peste est le fait, fré- 
quemment allégué, qu'elle serait précédée ou accompagnée d'autres maladies 
qui en deviendraient comme les avant-coureurs. On n’a pas manqué de citer, à 
ce propos, l'existence préalable des typhus, des fièvres exanthématiques, surtout 
des fièvres innominées, mal définies, et jusque-là, disait-on, inobservées. Les 
épizooties ont été invoquées comme marquant le début des épidémies de peste 
ou bien leur faisant cortége. 

Bref, beaucoup d'observateurs ont voulu faire dériver ces épidémies d’autres 
procès morbides préexistants, de telle façon que la peste n'eùt été qu'une sorte 
d'aboutissant d'influences morbifiques combinées ou bien encore la transforma- 
tion de maladies parvenues à leur sammum d'intensité. Nous avons dit déjà ce 
qu'il fallait penser de ces prétendues métamorphoses des typhus ct des maladies 
paludéennes en pestes véritables. De même l'apparition d’autres maladies plus 
ou moins épidémiques, d’épizooties, etc., précédant les irruptions de la peste, 
ne doi être considérée que comme une simple coïncidence, sauf les cas 
bien avérés où ces maladies mal dessinées encore et surtout mal observées 
n'étaient que la peste elle-même à son début. Cette occurrence trop fréquente a 
été la cause des plus graves méprises et des désastres irréparables que l'hiskire 
a eus à enregistrer. 

La pathogénèse de la peste ou la nature intime de sa cause demeure tout aussi 
inconnue que celle des autres maladies que nous nommons infectieuses ou 
zymotiques. 

Une idée assez répandue est que la cause de la peste git dans le sol lui- 
même. Cette origine tellurique est à peu près la seule admise dans les districts 
du Gurwall et du Kumaon et dans le Yun-nan. Les rats et autres animaux 
vivant dans le sol, les ruminants qui rampent au-dessus, meurent, dit-on, les 
premiers. Alors on se sauve en masse pour fuir le fléau dont la venue inévitable 
a été annoncée par la mort des animaux. A quel degré cette croyance peut-elle 
être fondée, c’est ce qu'il est impossible de décider, le fait n'ayant pas été suffi- 
samment vérifié. 

De cette opinion on peut rapprocher celle de quelques médecins qui ont 
rapporté la cause première des épidémies du Kurdistan persan à ce que l'on 
avait préalablement remué la terre dans des souterrains habités pour en exhumer 
des cadavres de pestiférés morts dans les épidémies précédentes. Dans cette 
dernière supposition il ne s'agirait que d'une sorte de réviviscence des germes 
de la maladie après de longs intervalles. 

Comme pour la plupart des maladies infectieuses, on a admis pour la genèse 
de la peste la production d'agents spécifiques appelés miasmes. On a attribué 
à ces miasmes une nature ou origine tantôt physique, tantôt chimique, tantôt 
animale ou végétale, tautôt animée. Nous n'avons pas à discuter ici ces ques- 
tions qui trouvent leur place ailleurs (voy. Mrasue, ÉPinémie, INFEcrI0N, Conta- 
crox). La nature animale du miasme pestilentiel a longtemps prévalu, appuyée 
qu’elle était et qu'elle est encore pour quelques observateurs sur l'hypothèse de 


750 PESTE. 


sa provenance des matières animales en putréfaction, notamment du poison 
des cadavres. 

On incline maintenant à attribuer l'origine de la peste, comme celle des 
autres procès infectieux, à l'existence des microbes, qui paraît devoir en expli- 
quer le mieux la pathogénie. Aucune recherche n'ayant été encore faite sur 
ce sujet, 1l appartient aux observateurs de l'avenir de rechercher le microbe 
pestilentiel par les méthodes appropriées, d'ailleurs hérissées de difficultés 
matérielles et pleines de dangers dans leurs modes d'application à la peste en 
particulier. 

Quoi qu'il en soit des suppositions que l’on puisse faire sur l'essence de la 
cause de la peste, il restera toujours à décider si cette maladie est susceptible de 
s'engendrer par production spontanée ou bien si elle ne peut être que le résultat 
de la reproduction et de la succession de la cause primordiale devenant latente 
parfois sans jamais cependant cesser d'exister. C’est un des cas de la grosse 
question si débattue de l’homogenèse et de l’hétérogenèse en général. La première 
alternative, la spontanéité de la peste, a été acceptée par quelques médecins par 
la seule raison négative que dans plusieurs cas il est impossible de prouver 
l'importation du dehors. D'un autre côté, on s’est encore basé, pour appuyer 
cette manière de voir, sur l'assimilation de la peste avec le typhus exanthéma- 
tique : double vice de raisonnement, puisque rien ne justifie l'identification et 
parce qu’en outre la production spontanée du typhus n’est qu’une supposilion 
qu'il reste à mettre hors de doute. 

Au contraire, la doctrine de la réviviscence des germes de la peste réunit en 
sa faveur la presque totalité des faits qui se sont accomplis depuis les trente 
dernières années. Mais est-il permis de rattacher les faits de cette dernière caté- 
gorie aux précédents, c’est-à-dire les épidémies de 1853 à 1884 aux épidémies 
de 1850 à 1842? Sans doute il existe là une lacune d’une dizaine d'années et 
plus. Mais il faut savoir que la situation sanitaire de la plupart des pays où 
règne maintenant la peste cst loin de nous être et surtout de nous avoir été 
connue. Entre les deux épidémies de la Cyrénaïque (1858-1874) il y a un inter- 
valle de seize ans, ce qui n'empêche pas de rattacher la seconde à la première. 
De même en est-il pour les épidémies de l'Irak-Arabi et du Kurdistan qui, 
suivant toute vraisemblance, sont des survivances de la grande irruption qui 
envahit la Perse et la Mésopotamie en 1831, et y laissa çà et là des germes dont 
la révivification à bas bruit a produit les épidémies actuelles. 

On ne doit pas se dissimuler que cette façon d'interpréter les choses n'est 
qu'une simple probabilité, non une certitude. Mais, quand on voit la peste se 
reproduire à intervalles de un, deux, trois, quatre, cinq, six années et plus, 
de nos jours, dans les mêmes foyers, dans les mêmes districts, comme dans 
l'Assyr, dans l'Irak-Arabi, dans le Kurdistan, et cela au milieu de conditions 
mésologiques qui ne diffèrent pas, que nous sachions, de celles des districts 
voisins et analogues, on est forcé d'accepter la permanence d’un foyer d’émis- 
sior, pour ne pas recourir à l'hypothèse de la naissance spontanée de la mala- 
die, qui ne s'appuie sur rien, qui n'explique rien, qui n'est qu’une inconnue 
suivie d'une foule d’autres inconnues où l’on se perd irrévocablement dès les 
premiers pas. 

En résumé, la descendance des épidémies actuelles de la peste de celles qui 
les ont précédées, après quelques années d'intervalle durant lesquelles la cause 
morbifique est demeurée latente ou somnolente ; la permanence, en un mot, 


PESTE. 751 


d'une cause unique à manifestations périodiques, telles sont les suppositions qui 
nous paraissent les plus rationnelles et les plus vraisemblables. 

Elles sont d'accord avec les faits observés récemment dans les foyers actuel- 
lement connus de la peste; elles répondent aussi à cette croyance populaire 
commune aux populations sujettes aux atteintes de la maladie, à savoir qu'elles 
ne sont visitées par le fléau pestilentiel qu'à certains intervalles la plupart du 
temps prévus avec une grande justesse. 


VI. Traitement. Le traitement de la peste comprend des considérations thé- 
rapeutiques d'ordre pharmacologique et d'ordre hygiénique, ainsi que des dis- 
positions prophylactiques variables suivant diverses circonstances, telles que 
les endémies, les épidémies, les localités de terre et de mer, ete. 

a. Traitement pharmaceutique. On peut dire que la matière médicale 
entière de toutes les époques a été mise à contribution pour la cure de la peste, 
depuis les terres sigillées, les cornes de cerf, les bézoards, les peaux de serpents, 
l'urine humaine, les végétaux les plus inertes, le lierre et l'hysope, jusqu'à la 
thériaque et aux alcaloïdes modernes les plus actifs. Que serait-ce, si, sortant du 
domaine des remèdes matériels, il nous fallait passer en revue la conjuration 
des esprits malins, l'invocation des astres, les incantations, les amulettes, les 
prières pour conjurer la colère de Dieu considérée par quelques-uns comme 
cause de la peste, depuis Procope jusqu’à A. Paré, Diemerbræck, et les prêtres 
de la peste chargés de soigner cette maladie à Constantinople 1l n'y a pas cin- 
quante années! 

Sans entrer dans l'examen des procédés ou des systèmes des diverses époques, 
il nous suffira de dire quelques mots des méthodes principales de traitement 
dont la valeur a été mise en avant par quelques-uns des loïmographes les plus 
autorisés. 

Galien, dit-on, recommandait les émissions sanguines qu'il aurait eu l'occa- 
sion de s'appliquer à lui-même sous forme de sacrifications abondantes aux 
membres inférieurs. ; 

Suivant Ambroise Paré, la saignée et les purgatifs sont considérés comme 
d'un emploi nécessaire au commencement de la peste, après toutefois avoir 
employé les alexitères ou contre-poisons, qui sont surtout la thériaque et les 
divers sudorifiques. 

Dans la peste de Nimègue, Diemerbræck recourut principalement, avec succès 
selon lui, aux antidotes et aux sudorifiques suivants : aristoloche, gentiane, 
dictame, bistorte, zédoaire, angélique, bulbes d'oignons, camphre, fleur de 
soufre, cannelle, myrrhe, thériaque d’Andromaque, mithridate de Damocrate, 
diascordium de Fracastor, et à tant d’autres ingrédients et combinaisons, qu'il 
n’a pas consacré moins de cent pages à la formule et à la préparation de toute 
cette innombrable quantité de recettes propres à nous donner un aperçu de la 
polypharmacie de l’époque dont l'abondance, l'incohérence et la variété dépassent 
toute imagination. 

Et, si les patients gorgés à l'excès de ces copieuses potions sudorifiques ne 
réagissaient point suffisamment, on leur appliquait la chaleur sous forme de 
sacs de sable chaud, et on les accablait de linges et de vêtements sales ayant 
déjà servi à eux-mêmes ou à d’autres ! Si malgré tout cela le malade ne gué- 
rissait pas, c'est que la volonté de Dieu ne le permettait pas, car, dit Diemer- 
qræck : Nisi Deus adfuerit, viresque infuderit herbis, quid, rogo, dictamnus, 


752 PESTE. 


quid panacæa juvent? Ce qui n'empèchait pas le médecin de Nimègue de 
faire la thérapeutique des principaux symptômes ou accidents de la maladie, 
souvent d’une façon très-heureuse et très-rationnelle. 

Quant à Sydenham, le grand thérapeute naturiste, il avoue ingénument que 
le médecin se voit forcé de ne point suivre le penchant de la nature dans la 
curation de la peste, et d'employer une meilleure méthode en s'adressant aux 
saignées ou aux moyens sudorifiques. S'appuyant sur l'autorité de plusieurs 
maitres, mais avant tout sur celle de Léonard Botal, Sydenham veut qu'on traite 
la peste par des saignées copieuses et pratiquées de bonne heure. 

Les sudorifiques (thériaque, cochenille, safran, pattes d'écrevisses, petit-lait 
avec de la sauge, etc.), ingurgités en abondance et déterminant des sueurs pro- 
fuses durant douze à vingt-quatre heures, étaient le second moyen favori du 
célèbre médecin de Londres, qui se vante d’avoir sauvé presque tous ses malades 
par ces deux méthodes. Malheureusement son courage on sa santé ne lui per- 
mirent d'assister qu'au début et au déclin de la grande épidémie de Londres en 
1665 et 1666, et il y a lieu de croire qu'il eut affaire à des cas ou des formes 
dépourvus d'une malignité réelle, seule circonstance capable d'expliquer des 
succès de ce genre. 

Dans la peste de Marseille, Chicoyneau, Verny, Soulier, Deidier, Bertrand, 
empleyèrent les cordiaux et les sudorifiques surtout, parfois la saignée, plus 
rarement les vomitifs et les purgatifs; le kermès minéral, divers élixirs, en 
cherchant à varier les moyens suivant les indications. Mais ils conviennent que 
dans les deux premières classes de malades, c'est-à-dire dans les cas foudroyants 
et très-graves, le succès de leurs médications fut absolument nul, et que les 
malades des autres classes durent d’en réchapper à l'intensité modérée ou très- 
légère du mal. 

Samoïlowitz, dans la peste de Moscou, commençait ordinairement le traite- 
ment par l'émétique, puis il excitait les sueurs par les lotions d’eau tiède et 
par les sudorifiques; il appliquait des épispastiques à la plante des pieds, il 
traitait les bubons avec des maturatifs, les charbons par des onguents balsa- 
miques. Il administrait contre la fièvre et la maladie le camphre etle quinquina ; 
enfin il recourut contre l'abattement et l’adynamie typhique aux frictions avec 
de la glace. Il employa chez les sujets pléthoriques les saignées à dose copieuse 
et répétée. 

Les médecins français de l'expédition d'Égypte employaient les médicaments 
évacuants, surtout les vomitifs et l’émétique (Larrey) au début, puis ils se con- 
formaient à diverses indications tirées de la marche et des formes de la maladie; 
parfois la saignée (excepté Larrey), les stimulants, le camphre, l’opium, les 
amers, le quinquina, dans les formes nerveuses, adynamiques et putrides. Sava- 
resi, bannissant l'usage des antiphlogistiques, se bornait à l'emploi des excitants : 
opiacés, alcooliques, ammoniacaux, aromatiques, vin et café. 

Au commencement de ce siècle la peste, considérée comme maladie inflam- 
matoire par Remond au lazaret de Marseille, y était traitée comme telle, faute 
de spécifiques efficaces; au lazaret de Livourne, Giovanelli usait des saignées, 
de l'émétique, des rafraichissants végétaux acides et des purgatifs antiphlo- 
gistiques. La saignée parfois au début, les vomitifs dans une période plus 
avancée, les acides minéraux, le quinquina à haute dose et les boissons froides 
et acides dans les cas de dissolution du sang, telle était la médication de Thus 
au lazaret de Malte. 


PESTE. i 155 


Suivant Clot-Bey, à la monographie duquel nous empruntons la plupart de ces 
derniers détails, Paris préférait à tous les remèdes l’eau froide simple ou encore 
l'urine humaine, qui a joui d'une assez grande faveur dans la cure de la peste 
dans le Levant. Dans diverses épidémies, on employait encore à la même époque 
(vers 1800 à 1815) les frictions avec l'huile d'olive dans le but de provoquer 
des sueurs ou de se préserver de la peste. A Constantinople, on traitait les pesti- 
férés par la diète sévère et les boissons acidulées à l'époque où Brayer employait 
jui-même le traitement antiphlogistique. Gosse, en Grèce, donnait l'émétique, 
puis le sulfate de quinine comme dans la fièvre pernicieuse. 

La commission médicale du Caire en 1835-1836 (docteurs Clot-Bey, Gaétani- 
Bey, Lachèze et Bulard) employait les saignées générales, les antiphlogistiques, 
l’émétique et les mercuriaux comme sudorifiques et comme agents sur le système 
des ganglions lymphatiques, les incisions prématurées des bubons; mais elle 
reconnut vite que tous ces moyens, sauf peut-être les saignées, n'avaient que 
peu ou point d'efficacité. Aubert-Roche, d'accord avec sa théorie sur l'inflamma- 
tion du grand sympathique et des centres nerveux, fit usage des révulsifs sur 
les parties et surtout des cautérisations actuelles sur la colonne vertébrale ; il 
employa le haschisch à l'intérieur, le tout sans plus de succès que ses collègues 
du Caire. Quant à Bulard, se targuant dans son ignorance de l’idée vaine d'imiter 
la nature en la forçant et en la devançant, il n'imagina rien de mieux que de 
fabriquer de ses mains des charbons et des bubons artificiels avec divers caus- 
tiques introduits dans des incisions faites à la peau. 

Résumant les principales données thérapeutiques des anciens et des modernes, 
J. Frank a exposé, vers le premier quart du siècle, un traitement éclectique 
basé sur les indications tirées des formes par lui admises : peste simple qui se 
traite par la diététique et l'hygiène ; peste inflammatoire, par les saignées oppor- 
tunes, les scarifications, les laxatifs, les boissons rafraichissantes ; peste gastrique, 
par les vomitifs surtout au début, les purgatifs, les anthelminthiques ; peste ner- 
veuse enfin par les excitants, la thériaque d’Andromaque, le vin, le camphre, 
les acides minéraux et les vésicatoires pour réveiller les forces défaillantes. 

Les épidémies de nos jours, notamment celles de la Perse et de lIrak-Arabi, 
depuis vingt ans, n’ont donné lieu à aucune application thérapeutique spéciale 
par les observateurs, qui n’ont pas eu d'ailleurs l'occasion de soigner des pesti- 
férés dans les hôpitaux. Il faut en excepter la peste de Russie de 1879, où l’on 
fit usage, à Vetlianka, de la quinine à très-haute dose, soit seule, soit associée 
à l’acide salicylique, de l'acide phénique, de l'eau chlorée comme antizymo- 
tiques. Mais on ne put que constater la nullité de cette médication (Zuber). 

Cette esquisse de l’histoire thérapeutique de la peste n’a de raison d’être que 
pour établir clairement l'impuissance des systèmes et l'incertitude des médica- 
ments prodigués cependant jadis avec une confiance digne d’une meilleure cause. 
Le médecin néanmoins ne peut et ne doit pas se contenter ici d'une pure con- 
templation. Il fera ce qu'il fait dans d’autres maladies, le choléra, la fièvre 
jaune, où il ne vise que les symptômes et les accidents les plus menaçants. La 
thérapeutique des symptômes graves et des complications est en effet, dans ces 
maladies, la seule rationnelle, sinon la seule efficace. 

Tout d’abord il faut savoir qu'il n’y a rien à faire dans ces cas (nous avons vu 
qu'ils ne sont pas rares, même dans les épidémies limitées), où la violence et 
la rapidité du drame morbide éteignent la vie avant l'apparition d'aucun des 
symptômes qui font précisément l'objectif de nos efforts thérapeutiques. Or c'est 


754 PESTE. 


cette catégorie de malades qui ont tourmenté l'esprit des médecins naturistes 
de tous les temps de l'idée fixe qu'il fallait violenter la nature par certains 
remèdes pour la faire réagir par des manifestations considérées comme salutaires 
et propres à débarrasser l'organisme de la materies morbi. Puisque nous savons 
nettement que dans ces circonstances nous sommes impuissants, au moins 
évitons d’être nuisibles. Mais il reste un bon nombre de cas graves et modérés 
de plus longue durée dans lesquels on peut déployer toutes les ressources tirées 
de la pharmaceutique. 

Par exemple, contre la fièvre très-intense avec une très-grande élévation de la 
chaleur générale n'est-il pas rationnel d’user du sulfate de quinine à forte dose 
d'emblée, de 1 à 2 grammes dans un temps très-court ? Dans les formes déli- 
rantes accompagnées d'hyperthermie, il y a indication, en outre, pour l'emploi 
des bains tièdes, frais ou même vraiment froids, en vue d'apaiser l'irritation 
des centres nerveux. 

Les stimulants, principalement les alcooliques, sont naturellement indiqués 
dans les formes adynamiques avec grande prostration des forces. De même la 
prédominance des accidents gastro-intestinaux pourra commander une médica- 
tion conforme au genre d'accidents, vomissements, diarrhée, etc. Les hémor- 
rhagies par les voies de la respiration, de la digestion, des urines, des autres 
muqueuses, signes évidents d'une gravité exceptionnelle, pourront néanmoins 
être atténuées par les acides étendus, les solutions de perchlorure de fer, les 
agents dits vaso-constricteurs et sédatifs des organes de la circulation, les 
réfrigérents. 

Les sueurs, que les anciens médecins tenaient tant à provoquer quand même, 
pourront être utilement favorisées par les enveloppements avec le drap mouillé, 
par l'emploi ménagé du jaborandi. Mais il faut se rappeler que, si l'apparition 
régulière des sueurs, des bubons et des autres éruptions, constitue un signe de 
bon augure, dans la majorité des cas de peste, cela ne veut pas dire qu'il soit 
au pouvoir de notre art d'obtenir les bons effets de ces phénomènes qui très- 
probablement ne sont que des résultats et non des causes d’une évolution salu- 
taire de la nature, ainsi que déjà l'avait pressenti le bon sens du grand Sydenham. 

Il paraitrait oiseux d'insister plus longuement sur des indications faciles à 
saisir et dont l'application se base sur des opportunités de chaque moment. I] 
est d'expérience que les bubons ne doivent pas être cautérisés ni incisés avant 
le temps de maturation et que les topiques, sauf les émollients, ne sont pas d'une 
grande utilité dans l'immense majorité des cas. Mais le traitement ultérieur 
des bubons, des charbons et autres désordres locaux de la peste, devra comporter 
l'application rigoureuse des pansements antiseptiques et des méthodes actuelles 
les plus efficaces contre les plaies de mauvaise nature. C’est un point capital de 
la thérapeutique chirurgicale de la peste. 

Prophylazie. Il n'est pas prouvé que l'idée de la transmissibilité de la peste 
ait fait naître des mesures prophylactiques contre cette maladie avant les temps 
modernes. Déjà au quatorzième siècle, à propos de la mort noire qui dévasta 
l'Europe, il fut établi à Venise des provediteurs de la santé publique, et on 
a retrouvé des édits promulguant les peines les plus sévères contre les pestiférés, 
comme à Reggio, en Italie. Mais tout cela ne constituait pas encore un système 
réel de mesures préventives. Au quinzième siècle déjà Venise eut un lazaret ou 
hôpital pour recevoir les pestiférés (1405) ; de pareils établissements existèrent 
à Gênes, à Marseille et même à Genève, et vers la fin de ce siècle plusieurs méde- 


PESTE. 139 


cins posèrent nettement la question de la probabilité de la transmission de la peste. 

Mais il faut arriver au seizième siècle pour trouver un système de précautions 
complétement organisé contre l'invasion de la maladie. Ainsi Marseille érigea 
(1526) un lazaret véritable avec un port spécial à l’ile de Pomègue, dans la rade, 
afin d’yisoler les navires et les passagers et de les y soumettre à la quarantaine, 
à l’aération, à la purification. 

L'apparition du livre de Fracastor (Venise, 1546), en faisant prédominer l’idée 
de la contagion de la peste, donna une grande extension aux établissements 
pareils à celui de Marseille. Il en résulta que chaque État adopta un système 
plus ou moins complet de prophylaxie, non-seulement contre les personnes, mais 
aussi et surtout contre les hardes des pestiférés, contre les vieux chiffons, contre 
les marchandises et en général contre tout objet venant d'un pays contaminé ou 
suspect de peste. | 

C'est à cette époque aussi que furent organisées dans les villes et les localités 
atteintes du fléau des précautions pour limiter l'extension et la communication 
du mal des personnes atteintes aux personnes saines et aux localités indemnes. 
Pour désinfecter les personnes contaminées ou suspectes il y avait des parfu- 
meurs et des aéreurs jurés au service des intendances des villes; de même 
pour les objets, les maisons, etc. Une ordonnance de 1510 à Paris enjoignait de 
marquer les maisons contaminées de peste d’une botte de paille maintenue pen- 
dant deux mois après la cessation de la maladie. Un arrêt de 1551-1535 ordonnait 
de marquer ces maisons d’une croix de bois et exigait que toutes les personnes 
appartenant à une maison de pestiférés ne pussent sortir dans les rues que portant 
à la main une baguette blanche. Défense de faire entrer dans Paris toute substance 
ou marchandise susceptible de loger la peste, spécialement les tissus lâches et 
mous où la maladie pouvait se dissimuler dans les interstices. Défense égale- 
ment de se rendre aux étuves chaudes, etc. 

Les ordures des maisons ne devaient pas être jetées dans les rues, mais versées 
dans des tombereaux à cet usage : on devait arroser et nettoyer mesmement dans 
le ruisseau. Jusque vers la fin du seizième siècle les pestiférés pauvres ou 
isolés étaient reçus à l'Hôtel-Dieu où ils étaient simplement séparés d'avec les 
malades ordinaires. C'est vers 1580 que l'on construisit des baraquements et 
des pavillons temporaires pour les isoler. Puis vint la construction d’hôpitaux 
spéciaux pour les pestiférés de l'hôpital Saint-Louis (1611), de la maison de 
santé Saint-Marcel et de Saint-Antoine. 

C’est dans ces baraquements et hôpitaux que les prévôts de santé, créés en 
1551, faisaient enlever par force et transporter les pestiférés logés en garnis 
dans des maisons occupées par plusieurs habitants ; les familles ayant une maison 
à elles seules avaient le droit d'y rester en gardant leurs malades. Mesures 
odieusement inhumaines contre lesquelles devait protester un siècle plus tard l'élo- 
quence d’un noble adversaire de ces mesures outrées et blessantes (Hecquet, 1722). 

Cependant on a attribué des avantages précieux à l'institution salutaire de 
ces prévôts de santé qui parcouraient la ville de Paris vêtus d’une casaque noire 
marquée d’une croix rouge, escortés de leurs archers et de leurs gens pour réta- 
blir un peu d’ordre et de discipline et veiller à l'exécution des arrêts des 
magistrats. lls marquaient les maisons suspectes des signaux convenus, faisaient 
murer et cadenasser celles que la peste avait ravagées et vidées, portaient les 
malades aux hôpitaux, requéraient les médecins et les chirurgiens et aidaient à 
la sécurité si difficile à maintenir dans ces temps de misère et de mort. 


136 PESTE. 


Déjà au milieu de ces pratiques instituées dans un but salutaire s'étaient vite 
glissés bien des abus qui, outre la violation flagrante de la personne et de la 
liberté humaines, attirèrent plus tard les protestations indignées de Hecquet et 
de bien d’autres médecins. 

Comme contraste heureux avec ces pratiques barbares on peut citer avec 
satisfaction des conseils comme ceux que donnait Gourmelin en 1851 : « Au 
« reste, il faut vivre joyeusement, sans aucunement se passionner, sans mélan- 
« eolie, et surtout sans crainte de la peste. » 

Mais ce fut le dix-septième siècie qui fut en vérité le siècle de fer des mesures 
restrictives et coercitives contre la peste. Cela se conçoit, si l'on réfléchit, dit le 
savant auteur de l'article QuaranTaixE de ce Dictionnaire, qu'à cette époque la 
peste avait pris racine dans le so) de l'Europe à la suite d’importations réitérées, 
au point d'y être devenue endémo-épidémique dans les grandes villes. 

C’est surtout pendant le dix-septième siècle que fonctionnèrent dans toute leur 
sauvage rigueur les bureaux ou conseils de santé, tribunaux omnipotents et 
sans appel, composés, il est vrai, de personnes honorables et capables de la cité, 
mais dont le pouvoir discrétionnaire disposait sans contrôle de la fortune, du 
sort, de la vie des citoyens, quels qu'ils fussent, en temps d’épidémie. Quand une 
fois les fuyards avaient franchi les portes de la ville, quand les cordons mili- 
taires avaient enveloppé et enserré celle-ci d'une barrière infranchissable et que 
les portes en étaient closes, tout ce qui demeurait emprisonné dans l’élroite 
enceinte tombait sous la redoutable puissance des membres du Bureau sanitaire 
dont les commissaires, les agents innombrables, se partageaient la direction et la 
gestion de tout ce qui concernait l'existence de la population, depuis la santé et 
les subsistances jusqu'aux soins suprèmes de l’inhumation. En sorte que la vie 
entière de la cité se trouvait concentrée et comme resserrée entre les mains de 
quelques citoyens qui devaient travailler pour le salut de tous. 

Il est facile d'imaginer les abus auxquels donnèrent lieu trop souvent un 
tel excès de pouvoir et une telle rigueur dans l'exécution d'un système in- 
flexible. 

Chague pestiféré, chaque individu seulement suspect, devait être aussitôt 
transféré de sa demeure dans des lazarets ou hôpitaux situés soit dans la ville, 
soit en dehors, quoique à proximité, établissements éminemment défectueux, sou- 
vent horribles de malpropreté et d’insalubrité, où l'on entassait les mourants et 
parfois les bien portants. 

Ce régime, fait d'excès de toute sorte, d'abus de pouvoir et de sévérité sans 
frein, venant d'en haut, de terreur, d’affolement, de trahison et de délation, du 
ferment des plus détestables passions venant d'en bas, produisit les plus funestes 
résultats : non-seulement la perte des existences qu’il avait pour but de sauver, 
mais encore la démoralisation et l’abaissement des survivants. Tout était matière 
à réquisition de la part du tribunal de santé et de ses agents, avant tout les 
médecins, qui furent souvent victimes innocentes de la fureur populaire. Mais ce 
qu'il y eut de plus atroce, ce furent les supplices de la torture et de la mort 
infligés, au nom de la justice, à des infortunés soupçonnés d’avoir semé les 
germes de la peste au moyen dè poudres, d’onguents et autres maléfices. On 
brûla, on pendit beaucoup d'innocents dont les juges aveuglément cruels de ces 
temps barbares extorquaient des aveux au milieu des plus horribles tourments, 
comme à Milan en 1650, et on alla même jusqu'à élever sur leurs maisons rasées 
des monuments impérissables de la fureur populaire et de l'abrutissement des 











PESTE. 137 
hommes préposés à la justice (voy. l'ouvrage intitulé: Storia della colonna 
infame, de Manzoni. Milano, 1840). 

Dans les villes tout rassemblement était interdit, sauf parfois les processions, 
comme à Milan; en France les foires cessaient d'exister en temps de peste. 
Mais la désolation n'existait pas que dans l'intérieur des cités pestiférées. Mal- 
heur à quiconque s’aventurait à l'inconnu au milieu des campagnes, car les 
paysans terrorisés par la peur pourchassaient les malheureux que la faim finis- 
sait par faire mourir. 

Cependant je ne voudrais pas généraliser les tristes conséquences du système 
prophylactique de ces temps ni faire croire qu'elles furent toujours poussées à 
l'extrême. Il est constant que dans plus d'une occasion elles ne furent pas sans 
utilité. 

Afin de donner une idée plus concrète de la prophylaxie d'une épidémie de 
peste au dix-septième siècle, nous citerons ici le sommaire des mesures qui ont 
été longuement tracées par un célèbre médecin du temps, Diemerbroeck, à propos 
de la peste de Nimègue (De pestis Noviomagensis principio, vigore et fine, 1635). 
L'auteur comprend la prophylaxie pestilentielle sous les titres suivants : prophy- 
laxie théologique ou discours religieux sur la miséricorde divine qu'il s’agit 
implorer pour se la rendre favorable ; prophylaxie politique, qui est du ressort 
des magistrats et qui consiste à assurer la purification des hardes, vêtements, 
pour empêcher la dissémination de la maladie, à repousser les marchandises 
suspectes ou contaminées, à s'occuper du soin de la pureté des vivres et spécia- 
lement de celle des eaux potables, à interdire les grands rassemblements de 
personnes, à choisir enfin de bons théologiens, de bons médecins et de bons chi- 
rurgiens. 

La prophylaxie médicale proprement dite comprend en premier lieu la fuite 
(de fugä) hors des lieux pestiférés et qui se résume dans les aphorismes latins 
suivants: Haec tria tollunt adverbia pestem : mox, longè, tardè, cede, recede, 
redi, ou plus brièvement: Ociùs hinc ito longè, tardèque redilo. La prophylaxie 
diététique embrasse les moyens de purifier l’air au moyen d'une foule de plantes 
odoriférantes ou puantes brülées sous forme de fumigations, de poudres de 
soufre, de poudre de guerre, ete. À propos de l'hygiène des aliments, des bois- 
sons, du régime, du manger, du moral et des affections de l'âme, Diemerbroeck 
passe en revue les idées hygiéniques en vigueur à son époque. Enfin la prophy- 
laxie chirurgicale consiste dans l'application de cautères ou fonticules pour 
éliminer les matières âcres peccantes, bons préservatifs suivant l'auteur, surtout 
avec l'aide des sudorifiques pour chasser le poison noir de la peste. 

Nous ne dirons rien ici de la prophylaxie pharmaceutique, comprenant l'usage 
des herbes innombrables réputées antipestilentielles et particulièrement l'usage 
du tabac à fumer, le premier des préservatifs aux yeux du grand médecin de 
Niemègue. Enfin, en temps de peste, ajoute-t-il, le public qui craint la mort doit 
fixer les yeux sur la vie et l'hygiène privée des médecins qui donnent l’exemple, 
et à ce sujet il ne manque pas de rapporter ponctuellement les détails minutieux 
de sa vie journalière (De meo ipsius vivendi modo). 

Cependant on s'occupait aussi d'édicter des ordonnances en vue de s'opposer 
à l'introduction en Europe de la peste par les principaux ports de la Méditerranée. 
C'est ainsi qu’en France les deux lazarets de Toulon et de Marseille étaient orga- 
nisés pour recevoir les navires de l'État et du commerce, qui devaient y passer 
par toutes les formalités voulues avant de recevoir l'entrée. Toutes ces disposi- 


DICT. ENC. 2° s. XXIII. 41 


8 PESTE. 


tions sont contenues dans un « Règlement sur les précautions à prendre pour 
empêcher l'introduction de la peste », du 25 août 1685 (voy. Quarantaine, Léon 
Colin, t !, 3° s., p. 24)- 

Au dix-huitième siècle les grandes épidémies de peste de Marsaille, des pro- 
vinces danubiennes et de la Russie, donnèrent lieu à l'application de mesures 
très-sévères. Dans le midi de la France on établit des cordons militaires autour 
de Marseille, de Toulon, d'Aix, du Gévaudan, du Languedoc, etc., en vue d'em- 
pêcher toute communication des lieux pestiférés avec l'extérieur et réciproque- 
ment. Sans doute ces précautions ne furent pas sans résultats utiles, quoique 
pourtant elles menacèrent un instant de condamner les localités atteintes au fléau 
de la famine presque aussi redoutable que celui de la peste. 

En outre de nouvelles ordonnances (1729, 1748) vinrent augmenter et préciser 
les moyens prophylactiques à diriger contre les provenances des Échelles du 
Levant avant leur admission dans k ports de Provence, notamment dans celui 
de Marseille. Le Bureau sanitaire de cette ville vit augmenter ses prérogatives 
qui furent poussées parfois j jusqu’à l'abus. 

A cette époque les principaux lazarets de la Méditerranée, à la tête desquels 
figurait celui de Marseille, farent complétés et développés sur une large échelle, 
de manière à recevoir indistinctement toutes les provenances de l'Orient, pas- 
sagers et marchandises, qui devaient y subir un séjour et une désinfection préa- 
lables, suivant un système fort rigoureux, du moins en apparence, avant de 
recevoir la libre pratique. À Marseille, le navire étant conduit dans le port du 
lazaret, on commençait à soumettre les marchandises et les hardes des pas- 
sagers à l'exposition à la rosée pendant la nuit, ou sérénage (période de la 
sereine), durant un certain nombre de jours, puis passagers et marchandises 
étaient débarqués et assujettis à une quarantaine dont le minimum de dix-huit 
jours pouvait être porté à vingt, vingt-cinq, trente jours et plus, sans compter 
les quarantaines supplémentaires qu'on appliquait sous le moindre prétexte. 

Durant la quarantaine on pratiquait la désinfection sur les passagers, surtout 
sur les marchandises, avee diverses substances ou parfums dont le plus connu 
et le plus usuel, celui de Marseille, se composait de soufre, de poudre à canon 
et de divers autres ingrédients. Les marchandises dites susceptibles, c'est-à-dire 
les laines, peaux, crins et plumes, soieries, vieux chiffons, cotons, etc., étaent 
l'objet principal de la désinfection qui comprenait aussi plus tard, à partir de 
1780, les fumigations chlorurées ou guytonniennes, ainsi que divers moyens 
chimiques plus modernes. Les navires subissaient également la purification et 
la désinfection avec les parfums, le chlore, l’eau de mer, l'eau de chaux, etc. 

Le dix-neuvième siècle était appelé à produire d'importantes améliorations en 
matière de quarantaine. De 1800 à 1840 la peste ne régnait plus, il est vrai, en 
Europe, sauf dans la Turquie et les provinces danubiennes, sauf quelques irrup- 
tions épidémiques dans les iles de la Méditerranée orientale, en Grèce, et en Italie 
à Noja. Mais l'Europe méridionale et orientale n’en était pas moins entourée 
comme d'un cordon de régions pestiférées, commençant au Caucase, passant par 
l'embouchure du Danube, l'Asie Mineure, la Turquie d'Europe, l'Égypte et la 
côte méditerranéenne de l'Afrique jusqu'au Maroc. Cette situation nécessitait 
l'application constante des quarantaines contre les provenances de cette immense 
étendue de pays. Aussi les principaux ports de la Méditerranée soumettaient-ls 
alors à de longues et rigoureuses quarantaines indistinctement toutes les prove- 


nances dites da Levant. 


PESTE. 739 


En 1822 fut publiée en France une ordonnance royale qui réglementait les 
mesures contre la peste en divisant les provenances en trois catégories seulement : 
celles avec patente brute, celles avec patente suspecte et enfin celles avec patente 
nette. Des peines extrêmement sévères étaient édictées contre les fausses décla- 
rations et les délits sanitaires. Dans le reste de la Méditerranée les restrictions 
étaient non moins extrêmes, surtout en Italie où l’on pratiquait même la répul- 
sion à coups de canon contre les provenances de Constantinople (Brayer). On sait 
l'exemple donné à Noja par Morea en 1815. La ville fut entourée d'une double 
enceinte de fossés gardée par 1200 militaires qui tiraient sur quiconque tentait 
de fuir ou d'entrer. Cette sévérité d’ailleurs préserva les localités voisines et 
amena l'extinction du fléau sur place. 

C'est vers 1858 que fut organisé en Turquie un système efficace de quaran- 
taines contre la peste jusque-là considérée à bon droit comme endémo-épidé- 
mique dans l'émpire et contre laquelle on négligeait naturellement toute pré- 
caution. Pour appliquer ce système très-rationnellement institué on créa un 
corps et une administration de santé dirigés par le Conseil supérieur de Con- 
stantinople fondé par Mahmoud à l'instigation des délégués des missions étran- 
gères (1838). 

Soit coïncidence pure et simple, soit efficacité bien plus probable, il est cer- 
tain que de 1858 à 1842 la peste disparut graduellement du Levant. La Turquie 
d'Europe, l'Asie Mineure et la Syrie, n’en ont plus vu de manifestations depuis 
1842 et l'Égypte depuis 1844. Les résultats significatifs de ce progrès sont 
développés et prouvés victorieusement dans un opuscule remarquable intitulé : 
De la contagionabilité de la peste fondée principalement sur les resultats 
obtenus par les quarantaines en Turquie, 1847, par Pezzoni et Marchand. 

Immédiatement après la cessation de l’endémie de la peste dans le Levant eut 
lieu à l’Académie de médecine de Paris une discussion savante sur la peste, 
discussion provoquée par une demande d'avis du gouvernement et d'où devait 
sortir une amélioration notable dans nos institutions sanitaires. Déjà depuis près 
d'un siècle les abus poussés souvent à l’extrème du rigorisme quarantenaire 
avaient fait sentir le besoin de réformes. Les voix autorisées de plusieurs médecins, 
Chirac, Chicoyneau, Hecquet, Russel, Howard, Mac-Lean, Valentin, des médecins 
d'Égypte lors de l'épidémie de 1835, principalement Clot-Bey et Aubert-Roehe, 
avaient fait entendre de justes réclamations contre ces excès inutilement nui- 
sibles des quarantaines appliquées avec une inflexible rigueur qui n'était tem- 
pérée par aucun ménagement. L’intendance de Marseille offrait un exemple 
amplifié de cette prépotence sans appel et d'un pouvoir dictatorial qui ne repo- 
saient plus que sur des pratiques condamnées et des abus intolérables. D'un 
autre côté la navigation à vapeur, qui faisait ses débuts dans la Méditerranée, 
voulait rompre à tout prix ces entraves pour se développer. 

Le besoin de réformes était urgent et le fameux rapport de Prus à l’Académie, 
bien qu'allant parfois au delà des faits, posait des conclusions en harmonie 
avec les besoins du moment. Le gouvernement adopta les modifications impor- 
tantes proposées par l'Académie de médecine ; des médecins sanitaires français 
furent établis dans le Levant pour en surveiller la situation et en informer le 
gouvernement. Les quarantaines contre les provenances du Levant furent dimi- 
nuées et même supprimées dans le cas de patente nette (1847). 

- Nous sommes encore sous ce régime qui pourtant a dû subir des adoucisse- 
ments depuis quelques années. Pour plus amples développements je renvoie à 


740 PESTE. 


l'excellent et savant article QuaranTaines du Dictionnaire encyclopédique des 
sciences médicales. Avant de terminer cet aperçu historique, donnons le résumé 
de quelques pratiques d'actualité appliquées dans les épidémies de peste les 
plus récentes. 

En vue d'éteindre la peste de Vetlianka qui, au commencement de 1879, 
avait effrayé l’Europe, le général Loris Mélikoff établit un triple cordon militaire : 
le premier autour de chaque village pestiféré; le second autour de la région 
compromise, sur chaque rive du Volga, et le troisième sur les limites du grand 
gouvernement d’Astrakhan. Ces cordons étaient formés par des postes distants 
d'un kilomètre et composés chacun de 3 fantassins, de 5 cosaques sous tentes. 
La navigation du Volga était réduite et surveillée par 4 petits navires à vapeur 
de l'État, qui empécÂñient les communications suspectes. Enfin le général finit 
par incendier à peu près complétement les cabanes qui composaient le village de 
Vetlianka, mais il est à supposer que déjà des hardes et objets divers avaient 
dù auparavant être disséminés dans les villages voisins. 

On sait combien la panique exagérée produite par l'épidémie de Vetlianka 
émut l'Europe et que chaque gouvernement mit la Russie en quarantaine. Les 
ports de la Méditerranée, sauf Constantinople et Trieste, s'armèrent aussi de 
quarantaines contre les provenances de la Turquie. Et pourtant les quelques cen- 
taines de morts de Vetlianka et des villages voisins n'étaient que bien peu de chose 
auprès des 10000, 20 000 et 30 000 décès de peste qu'ont coùtés les épidémies 
de l'frak-Arabi en 1876 et en 1884 et plusieurs autres épidémies de Perse, 
notamment celle de Recht sur la Caspienne en 1877. 

Dans les diverses épidémies qui ont désolé depuis dix ans l'frak-Arabi on a 
mis en pratique un système de cordons militaires qui a été imité par la Russie. 
Un premier cordon est appliqué autour des localités pestiférées, un second autour 
du district entier, sur la limite duquel on établit des postes et des lazarets où 
subissent dix à quinze jours de quarantaine les personnes qui sortent du district. 
Puis à une grande distance, sur les routes principales rayonnant de l'Irak vers la 
Syrie, près de Damas, d'Alep, sur le moyen Euphrate, sur les chemins longeant 
le Tigre, à Bassorah vers le golfe Persique, sont établis des postes de quarantaines 
pour y soumettre à une dernière épreuve les individus et les marchandises pro- 
venant des lieux infectés ou des environs. De son côté la Perse essaye parfois de 
protéger sa ligne de frontière du côté de la Turquie. Cela n’empèche pas les 
mesures intérieures de désinfection. 

Quand la peste éclate à l’état épidémique en Perse, dans le Kurdistan, la 
Turquie, de son côté, forme des cordons sanitaires le long des limites turco-per- 
sanes. Mais la protection la plus rigoureuse vient des Kurdes eux-mêmes. Dès 
que le mot de peste ou de bubon est prononcé, tous les habitants indemnes 
des villages se dispersent au loin sur les hauteurs et gardent à vue les habitants 
pestiférés, formant autour d'eux un cordon infranchissable jusqu’à la fin de l'épi- 
démie. De même chaque village indemne prend les armes pour se protéger contre 
toute personne étrangère au village. On tuerait infailliblement à coups de fusil 
toute personne qui tenterait de s'évader d’un lieu pestiféré ou tout étranger 
qui voudrait pénétrer dans un village en temps de peste. C'est ainsi qu’en 1883, 
à Djouvanro, le chef des tribus alla camper loin des deux villages atteints qu'il 
mit sous cordon Jusqu'à extinction du mal. Cependant on permet aux pestiférés 
de se disséminer sous des tentes dans l'intérieur du cordon, bien entendu. Ces 
mesures sévères et rigoureusement exécutées par les Kurdes dans un pays acci- 


PESTE. 741 


denté et peu peuplé leur réussissent à merveille pour empêcher l'expansion ct 
la propagation de la peste dont ils pratiquent ainsi à peu de frais une admirable 
prophylaxie. 

Il nous reste à tracer sommairement le tableau des principales dispositions à 
appliquer dans le cas d'une ville, d’une localité, d’un pays, d’un navire, dans 
lesquels aurait apparu la peste. 

1° Les règles à suivre dans une localité pestiférée ne diffèrent guère de celles 
qu'on applique aujourd'hui dans les mêmes circonstances contre le choléra, par 
exemple. Nous n'insisterons pas ici sur l’hygiène individuelle qui doit être la 
même que dans. les autres épidémies. C'est l'hygiène publique et ce qu'on 
appelle la police sanitaire qui ont une grande importance sur l'issue de l'épi- 
démie de peste. 

Tout d'abord la fuite, conseillée par les anciens médecins et pratiquée par 
plusieurs, notamment par Sydenham dans la peste de Londres de 1665 à 1666, 
est un moyen souverain de préservation, tout à fait au début du mal, pour ceux 
qui en ont la possibilité et qui n'ont point encore subi les effets même latents 
des causes de la redoutable maladie. C'est évidemment un puissant auxiliaire 
pour diminuer l'encombrement et soustraire des éléments d'activité à la trans- 
mission et à l'extension du fléau. Mais ce remède dégénère en mal quand la 
peste a exercé son influence sur les masses, car alors la fuite équivaut à la 
diffusion hors des foyers. C’est alors qu'il convient de recourir à la dissémina- 
tion à proximité, dans un rayon suffisant pour mettre hors de l'influence épidé- 
mique, mais non assez grand pour compromettre les localités avoisinantes. 

La première mesure efficace est donc d'éviter, autant qu’on le peut, l'encom- 
brement, principalement dans les quartiers populeux. Des services publics, un 
service médical surtout, doivent être promptement organisés et centralisés dans 
des bureaux spéciaux distribués à des distances qui permettent de porter rapide- 
ment les secours demandés. Des hôpitaux spéciaux seront disposés, autant que 
possible, loin des centres populeux, pour recevoir l'immense majorité des per- 
sonnes atteintes, sinon toutes, tout en évitant de créer des agglomérations de 
malades, toujours suspectes ou dangereuses. 

On fermera et désinfectera les maisons où se seraient produits des cas de 
peste. Les habitants sains des quartiers contaminés seront évacués hors des 
villes ou villages, sous tente, si le climat le permet ou dans des baraques im- 
provisées à cet effet, le tout établi sur des terrains secs, salubres et faciles à 
isoler, sur des éminences, par exemple. 

Il va sans dire que les grands services d'une ville, la voirie, les eaux, les 
vivres et subsistances, deviendront l’objet d'une attention des plus rigoureuses 
de la part des autorités. Les inhumations toujours suspectées et à bon droit 
suspectes feront l'objet de mesures des plus sévères; prompt enlèvement des 
cadavres auxquels on appliquera des moyens de désinfection provisoire, creuse- 
ment des fosses à une grande profondeur avec addition de chaux ou d'autres 
substances propres à consommer rapidement les corps. La crémation serait 
certainement le mode le plus sûr de préservation, mais il est à craindre que sa 
généralisation ne devienne difficile ou impossible au milieu d'une peste très- 
meurtrière. 

Les maisons et appartements des pestiférés seront soumis à l'évacuation pen- 
dant longtemps, à la désinfection ; toutes les hardes et objets ayant servi à des 
malades seront détruits par le feu ou au moins passés par l’eau bouillante dans 


742 PESTE. 


laquelle on versera des liquides désinfectants, acide phénique, chlorure de 
zinc, etc. C’est ici que les municipalités useront avec fruit des étuves à désin- 

fection et des dispositifs divers organisés sur une échelle proportionnée à limpor- 

tance de la localité et des objets à purifier. On détruira par le feu tous les 

chiffons et vieux objets sans valeur pendant plusieurs mois après la cessation 

d’une épidémie et même, si les habitations sont d’un prix minime, comme dans 

quelques pays (dans le sud de la Russie, dans l’Irak-Arabi, dans le Kurdistan), 

il sera bon de les faire disparaître par le même moyen. Enfin on s’appliquera à 

détruire par toutes les mesures possibles les objets susceptibles de recéler les 

germes du mal. Les habitants ne pourront rentrer dans les demeures suspectes 

ou contaminées qu'après un laps de temps convenable et après que ces demeures | 
auront été assainies par les moyens les plus efficaces. 

Ici se présente la question tant discutée des cordons sanitaires à instituer 
autour des localités pestiférées. J'estime qu'une fois l'épidémie pestilentielle 
bien caractérisée il est nécessaire d'établir deux cordons en dehors des lieux 
compromis : l’un à suffisante distance pour permettre l'évacuation des quartiers 
encombrés, l'établissement des hôpitaux et lieux d'isolement hors de la ville ou 
de la localité; l'autre situé à une plus grande distance et destiné à intercepter 
toute communication avec les pays limitrophes. Parfois même des postes de 
surveillance seront établis au loin sur la limite des provinces ou des États, avec 
des stations quarantenaires pour contrôler la situation des voyageurs venant des 
environs des pays suspects. De même il sera nécessaire de retenir dans des 
lazarets ou postes spéciaux établis sur le deuxième cordon les voyageurs que 
la nécessité forcerait à franchir ces derniers cordons. Mais la prudence conseil- 
lerait de n'accepter qu'avec une extrême réserve ces dernières mesures qui pour- 
raient vite dégénérer en abus. 

Ces principes ont été, comme nous l'avons vu, appliqués avec succès, en 
Russie et dans l’Irak-Arabi. Mais il est évident que la méthode, quelque peu 
dure et peut-être un peu barbare, des peuplades du Kurdistan, est le plus sûr 
moyen de restreindre et d'étouffer la peste dans ses foyers primitifs. 

On ne manquera pas de se récrier contre de tels procédés, surtout contre les 
cordons militaires à appliquer vis-à-vis des grandes agglomérations de notre 
populeuse Europe, en face de leur utilité problématique, comme l'expérience du 
choléra ne l’a que trop souvent démontré. D'abord nous entendons que les au- 
torités qui commanderaient de telles mesures en surveillassent l'application 
opportune. Elles devront assurer le ravitaillement des localités séquestrées, 
fournir les subsistances et le nécessaire à la population indigente ou manquant 
de ressources, en un mot, elles veilleront à ce que la localité sous cordon soit 
pourvue de tout ce qu'exige une position si exceptionnelle. 

Puis il faut dire que la peste est bien autrement que le choléra susceptible 
d'être enrayée par les mesures sévèrement coercitives. En effet la première 
parait bien moins que le second capable d’extension rapide et à grande distance, 
du moins telle que nous l’observons de nos jours. Comme le typhus, bien que 
plus contagieuse que celui-ci, elle aime à se répandre petit à petit, de proche 
en proche, en gagnant du terrain pour ainsi dire par contiguité et par voisi- 
nage; elle fait ce qu'on appelle tache d'huile, sauf de rares exceptions, comme 
dans le cas de la peste de Chuster et celle du sud de la Russie. On comprend 
conséquemment que la peste soit justiciable d’une restriction dûment et rigou- 
reusement appliquée. C’est pourquoi nous n’hésitons pas à conseiller cette appli- 


PESTE. 743 


cation même au milieu des denses populations de l'Europe. En tout cas, elle est 
d'une réelle efficacité quand il s'agit de pays à populations relativement rares 
et faciles à isoler. 

2° De ce que nous venons de dire découlent les mesures de prophylaxie à 
prendre par les pays iudemnes contre les provenances par terre des pays 
suspects ou contaminés. Mais c’est réellement contre les provenances par mer 
que portent les moyens prophylactiques et les méthodes de police sanitaire, 
c'est-à-dire les observations et les quarantaines. 

L'efficacité des quarantaines contre l'importation et l'extension de la peste 
n'est plus un fait à établir; elle ressort clairement de preuves nombreuses à la 
tête desquelles il faut placer la cessation de la maladie en Orient, vers 1840 à 
184%, à la suite de l'établissement de quarantaines en Turquie et en Égypte et 
de l’organisation d’un service médical sanitaire dans ce pays. Il est certain qu'à 
cette époque et dans ces circonstances on assista à la répression, à la diminu- 
tion, puis à la cessation graduelle des explosions annuelles de la peste qui déso- 
lait l'Orient depuis des siècles. 

La grande part de ce progrès, sinon tout, est certainement attribuable à 
l'inauguration, à l'application judicieuse du système de police sanitaire qui régit 
le Levant depuis cette date. Aussi, et bien que la peste n’apparaisse plus dans 
les régions de l’Asie antérieure et parfois de l'Afrique nord qu’à des intervalles 
plus rares et à des distances assez éloignées de la Méditerranée, les gouverne- 
ments de Turquie et de l’Europe méridionale ont-ils conservé, tout en les atté- 
nuant, leurs anciens règlements contre les provenances suspectes de cette 
maladie. 

Voici le texte de ceux qui sont en vigueur en France actuellement : 


RÈGLEMENT CONTRE LA PESTE 


A. — MESURES SANITAIRES APPLICABLES AUX PROVENANCES DE PESTE DANS LES PORTS 
DE LA MÉDITERRANÉE. 


1° Navires suspects. Les navires suspects (art. 36 du règlement général), c'est-à-dire 
n'ayant eu auci accident de peste pendant la traversée (mais provenant d'un pays conta- 
miné), sont soumis à une quarantaine qui ne peut être purgée que dans un port à lazaret. 

Pour les personnes la quarantaine d'observations est de cinq à dix jours pleins, soit au 
lazaret, soit à bord, si le lazaret est insuffisant. Le déchargement sanitaire, la désinfection 
des effets à usage, des objets susceptibles, et celle du navire, sont obligatoires. La quaran- 
taine des personnes restées à bord pendant le déchargement est de cinq à dix jours pleins 
et ne commence que quand la désinfection du navire est terminée. 

2 Navires infectés. Pour les navires ayant eu ou ayant encore des cas de peste à bord 
(art. 36 du réglement général}, s'il y a des malades, ils sont immédiatement débarqués au 
lazaret ; les personnes non malades sont soumises à une quarantaine de dix à quinze jours 
pleins, à dater de leur entrée au lazaret. Le déchargement sanitaire, la désinfection aussi 
complète que possible des effets à usage, des objets susceptibles, et celle du navire, sont 
de rigueur. À 

La quarantaine des personnes restées à bord est de dix à quinze jours pleins; elle ne 
commence que quand la désinfection du navire est achevée. 


B. — MESURES SANITAIRES APPLICABLES AUX PROVENANCES DE PESTE DANS LES PORTS DE LA MANCHE 
ET DE L'OCÉAN. 


1° Navires suspects. Les navires de cette catégorie (art. 56 du règlement général), 
c'est-à-dire n'ayant eu aucun accident de peste constaté pendant la traversée, sont soumis 
à une quarantaine qui ne peut être purgée que dans un port à lazaret. La quarantaine d'ob- 
servation pour les personnes, soit au lazaret, soit à bord, est de trois à cinq jours pleins. 
. La désinfection des effets à usage, des objets susceptibles, celle du navire, le déchargement 
sanitaire, sont obligatoires. La quarantaine des personnes restées à bord pendant le déchar- 


74 PESTE. 
gement ne commence que quand la désinfection du navire est terminée ; elle est de trois 
à cinq jours pleins. 

9 Navires infectés. Pour les navires ayant eu ou ayant encore des accidents de peste à 
bord (art.56 du règlement général), s'il y a des malades, ils sont immédiatement débarqués 
au lazaret. Les personnes non malades sont soumises à une quarantaine de cinq à dix jours 
pleins, à dater de leur entrée au lazaret. Le déchargement sanitaire, la désinfection aussi 
complète que possible des effets à usage, des objets susceptibles, et celle du navire, sont de 
rigueur. La quarantaine des personnes restées à bord pendant le déchargement est de cinq 
à dix jours pleins et ne commence que quand la désinfection du navire est terminée. 


Le 22 février 1876. Le Ministre de l'Agriculture et du Commerce, 
Signé : P. ve Meaux. 


La désinfection des passagers, de leurs hardes, des marchandises, soit dans les 
lazarets, soit à bord des navires, et surtout la désinfection des navires eux-mêmes, 
constituent le problème poursuivi depuis des siècles, sans cesse posé sous de 
nouvelles faces, jamais résolu d'une façon satisfaisante pour la peste, comme 
pour la plupart des maladies épidémiques. Nous n'avons pas à développer ici ce 
sujet dont on trouvera un excellent et complet exposé dans l’article DÉsINFecraNTs, 
Désinfection quarantenaire, de ce Dictionnaire. 

Jusqu'à ces derniers temps, les désinfectants chimiques (gaz, chlore, vapeurs 
nitreuses, sulfureuses, etc.) étaient presque exclusivement employés pour la 
désinfection des hardes, marchandises susceptibles, navires, ete. On les a même 
parfois, non sans de graves inconvénients, appliqués aux personnes dans des 
espaces plus ou moins bien clos, ce qui a causé de regrettables accidents. Hs 
avaient succédé aux parfums célèbres des ports de la Méditerranée et surtout de 
Marseille. Les désinfectants liquides (chlorure de zine dans l’eau, acide phénique, 
-chlorure de chaux, etc.) ont eu aussi leur application plus ou moins opportune. 
A. Fauvel adoptait les fumigations sulfureuses comme désinfectant chimique 
pour les grands espaces et certaines marchandises et les solutions de chlorure de 
-zinc pour l'assainissement de la sentine, de la cale, des lieux d’aisance, des 
parois des navires, du linge et des hardes qui devaient être soumis plus tard au 
lavage. Son prédécesseur, Mélier, avait préconisé le chlorure de chaux pour 
désinfecter navire et cargaison. ° 

Mais les désinfectants chimiques, d’une efficacité fort douteuse dans le cas de 
Ja peste, doivent céder le pas à un agent plus énergique, la chaleur élevée. 

L'application de la chaleur à la prophylaxie de la peste n’est pas nouvelle, 
puisqu'il y a près d’un demi-siècle Bulard en proposait l'emploi dans les mai- 
sons particulières et dans les établissements sanitaires. Pour les personnes, elles 
devaient passer par une sorte d’étuve sèche ou chambre chauffée entre 27 à 
30 degrés; pour les choses, la température pouvait être portée de 55 à 60 de- 
grés. Dans les maisons particulières, les mêmes conditions de température pré- 
servatrice devaient être obtenues au moyen de simples poêles ordinaires. 

IL est douteux que ces mesures proposées aient Jamais reçu une application 
systématique. Cependant il faut reconnaître qu'elles pourraient s'appuyer sur 
une base très-rationnelle, la diminution brusque et même l'extinction au moins 
momentanée de la peste à l’arrivée des hautes chaleurs atmosphériques dont le 
degré varie entre 45 et 50 degrés centigrades pour l'Irak-Arabi, par exemple. 
Mais on voit que Bulard ne réalisait pas, dans son projet, les conditions d'une 
température suffisamment élevée pour atteindre le but. 

Quoi qu'il en soit, la répugnance de la peste pour les pays à température 
<limatologique élevée est une raison de plus pour justifier l'application de la” 


PESTE. 745 


chaleur élevée comme moyen de désinfection qui tend à se généraliser de no 
ours. 

L'emploi de la chaleur comme désinfectant se fait avec des appareils dont 
on connait trois types principaux : l’un fonctionnant au moyen de l'air 
su rchauffé, l’autre au moyen de la vapeur d’eau surchauffée, un troisième 
avec le mélange des deux (voy. Désinrecranrs). Ces dispositifs, que l’on pourra 
varier à linfini en leur donnant de grandes dimensions, sont appelés à une 
application sans doute utile dans la désinfection des masses d'objets relativement 
restre intes. Mais les étuves (c'est le nom) ne pourront jamais désinfecter des 
cargaisons entières, outre que leur emploi poussé aux limites convenables ne 
serait pas sans inconvénients sur beaucoup de marchandises. 

En résumé, elles conviendront parfaitement à la désinfection des hardes, des 
objets contaminés des passagers, des lettres, ete. Le linge et les hardes seront 
également bien désinfectés par l’ébullition prolongée dans leau additionnée de 
chlorure de zinc ou d’un autre agent chimique approprié. 

Dans un lazaret ou sur un navire suspect ou contaminé par la peste, les pas- 
sagers devront être purifiés au moyen de bains simples ou additionnés de 
substances salines (savon, etc.), puis ils changeront de linge et de vêtements en 
entier. Leurs hardes, effets, linges de corps, etc., subiront la désinfection comme 

il a été dit ci-dessus. 

Quant aux marchandises, elles se divisent en trois catégories : 

4° Matières dites susceptibles : chiffons, drilles, crins, laines, cuirs, débris 
d'animaux, matières en décomposition, dont la désinfection est obligatoire 
même avec patente nette; 2° lin, chanvre, coton brut, tissus divers, dont la 
désinfection est ordonnée en cas de patente brute ou suspecte de peste ; 
9° matières non susceptibles, c'est-à-dire l'immense majorité des marchandises, 
mais dont la patente brute de peste peut cependant encore faire exiger la désin- 
fection. 

Les moyens de désinfection varient avec la nature des objets et les catégories 
précédentes (voy. DÉSINFECTION QUARANTENAIRE). 

Reste le navire scit seul, soit avec sa cargaison entière; c'est le nœud de la 
question de la désinfection et il faut convenir qu'il n’a jamais été dénoué, bien 

que parfois tranché. Jadis on brülait le navire, on le coulait, on le sabordait, 
avec ou sans ses marchandises. Mélier a décrit une sorte de déchargement qu'il 
appelle sanitaire suivi de la désinfection du navire, mais il n'offre que des 
garanties douteuses en face de fatigues et de frais exorbitants. De Lapparent 
avait proposé le flambage au gaz appliqué aux parois intérieures des navires, 
mais, outre ses difficultés, il ne peut guère s'appliquer aux navires en fer dont 
le nombre va sans cesse augmentant. Fauvel précomisait l'application de la 
vapeur des navires qui se seraient désinfectés eux-mêmes avec leurs propres res- 
sources. C'est un problème à étudier et qui déjà a reçu plus d'une solution 
pratique. 

Bref, quand on parle de désinfecter les navires avec leurs cargaisons, on ne 
saurait trop réfléchir à l'immensité de la besogne, étant donné nos moyens 
douteux, précaires et difficiles, sinon impossibles à manier et à appliquer à tous 
les cas. Que l'on se représente ces énormes espaces de 10 à 12 000 mètres 
cubes, dont la majeure partie est bondée de marchandises, de vivres, avec des 
machines logées au fond, des compartiments sans nombre, vrais dédales flottants, 
comme les grands steamers qui nous apportent les produits si variés du Japon, 


S 


746 PESTE (BIBLIOGRAPHIE). 


de la Chine, de l'Inde, de l'Australie, du Pacifique, de l'Amérique, et l'on con- 
viendra que le déchargement dit sanitaire et la désinfection de telles masses 
sont, en ce moment du moins, hors de notre portée. 

Ce qu'il faut exiger pour un navire suspect de peste, et c'est à quoi on se 
borne aujourd'hui, c’est la désinfection stricte des passagers, de leurs hardes, 
linge de corps, etc. ; c'est l'aération prolongée avec désinfection des matières les 
plus susceptibles de recéler les germes dangereux, c’est enfin le déchargement 
opéré avec prudence de toute la cargaison qui sera ventilée, aérée avant d’être 
livrée. Alors le navire même pourra être inspecté et soumis lui-même à tel 
moyen désinfectant qui sera le plus applicable. 

En fait, il n’est peut-être pas besoin de tant de théories prophylactiques, car, 
en ce moment, l'Europe ne paraît pas menacée directement par l'invasion de 
la peste. Le foyer de la Cyrénaïque n’a rien produit depuis plus de dix ans, mais 
c'est le plus près de nous, le plus dangereux à cause de son voisinage immédiat 
de la Méditerranée; il faut le surveiller. Celui de l’Assyr en Arabie est plus 
éloigné du littoral et plus facile à isoler, à moins qu'il ne se propage — chose 
peu supposable — au pèlerinage de La Mecque. 

Les foyers du Kurdistan et de l’Irak-Arabi n’ont de débouché que par les voies 
de la Caspienne, du golfe Persique ou de la Syrie déjà plus éloignée et d'un 
accès plus difficile à travers le désert. C’est le chemin de la Caspienne qui est le 
plus menaçant pour le sud de la Russie et partant pour l'Europe. Enfin ceux de 
l'Inde subhimalayenne et du Yun-nan (si tant est que ce dernier existe réelle- 
ment) nous donnent encore bien moins d'appréhensions légitimes, sans négliger 
la surveillance du côté du Tonkin. 

En résumé, la peste parait dans une période de décroissement marqué, nous 
ne pouvons encore dire d'extinction. Ses foyers ont reculé vers l'Asie antérieure 
on même vers l'extrême Orient. Elle n'est plus l'épée de Damoclès, dont le 
Levant menaçait l'Europe jusques il y a quarante ans. Mais il serait prématuré 
de reléguer le fléau oriental parmi les maladies éteintes, et certaines explosions 
comme celles de l’Astrakhan et les apparilions presque annuelles du Kurdistan 
et de l'Irak-Arabi commandent toujours une attentive surveillance dont il serait 
très-mprudent de se départir. J. Mané. 


BIBLIOGRAPHIE. — Après les nombreuses citations qui ont été faites au cours de cet article 
et surtout dans la partie historique, il ne nous reste plus qu à signaler ici les titres des 
principaux ouvrages classiques traitant de la peste, ce qui nous permettra d'être bref sur 
un sujet dont la malière ne pourrait être épuisée dans un seul volume, si compendieux 
qu'il fût. 

I. Historiens et bibliographes de la peste. — SPancExBERG. Historie von der flüch- 
tenden Krankheit der Pestilenz allen pestilenzischen Sterben seit Anfang .der Welt in 
historien gedacht wird, 1552, in-4. — Kircaer. Scrutinium physico-medicum contagiosæ 
luis que dicitur pestis; ad nexia chronologia pestium famosiorum à Moysis ætate usque 
ad annum 1656. Rome, 1558. — Dare. An Historical Account on the Several Plagues that 
have appeared in the World since the Year 1346. London, 1755. — Apam. Bibliotheca 
loimica. Vienne, 1784. — Virrauea. Epidemiologica española, o historia cronologica de 
las pestes, contagios, epidemias y epizootias que han acaecido en Española des de la 
venida de los Carta ginenses hasta el año 1801. Madrid, 1802. — Krausz. Disquisitio his- 
torico-medica de natura morbi Atheniensium à Thucydide descripta. Stuggart, 1851. — 
Berxr. Beytrag zur Geschichte der in nördlichen Ländern unter der Namen der schwarze 
Tod bekannten Pest des vierzehntenten Jahrunderts. In Med. Jahrb. des k. k. österr. 
Staates. — Hecxer. De peste Antonianiné. Berol., 1855. — Osaxx. De loco Rufii Ephesii 
medici apud Oribasium servato, sive de peste Libycå disputatio. Giessen, 1833. — Paros. De 
la peste aux époques mémorables de ce fléau et des moyens de s’en préserver, 2 vol. in-8°. 
Paris, an VIH. — Scuxurrer (Fried.). Chronik der Seuchen, ete., 2 vol. Tübingen, 1825. — 


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— LirmrÉé. Dict. de médecine en 30 vol., 2% édit. Paris, 1841, t> XXIV, article Peste. — 
Daremserc. Note sur lantiq. et l'endémicité de la peste en Orient. In Rapport de Prus, 
p. 251 et seq — Hæser. Histor.-pathol. Unters., 1859, et Lehrbuch der Gesch. der Med. und 
der Epid. Krank., 1865. — Hecker. Die grossen Volkskrankheiten des Mittelalters, 1865. 
= Hirsca (A.). Handbuch der Hist. geogr. Pathologie, 2° édit. Stuggart, 1881. — Frank (J.). 
Traité de pathol. ant., traduit par Bayle. Paris, 1857. On trouvera dans cet ouvrage une 
très-grande liste bibliographique des principaux écrits de toutes les époques sur la peste 
jusqu’au commencement du dix-neuvième siècle. — Prus. Rapport à l'Acad. roy. de méd. 
sur la peste et les quarant., accompagné de pièces et documents, suivi de la discussion aca- 
démique. Paris. J.-B. Baillière, 1846. Travail remarquable où l'on trouve rassemblés et cri- 
tiqués les principaux écrits modernes de la peste. — AxcLAna (Ch.). Élude sur les maladies 
éteintes et les maladies nouvelles. Paris. J.-B. Baillière, 4869. — Martın (Carl). Versuch 
einer geographischen Darstellung einiger Pestepidemien, mit Karte. In A. Petermann's 
Miltheilungen. Gotha Justus Perthes, 25t Band, 4879. — Lirrné. Des grandes épidémies. 
In Revue des Deux Mondes, 1856. — Sprexcez (Curt). Beiträge zur Gesch. der Medicin. Halle, 
179%. — Coru. La peste d'Athènes. Revue scientifique, 1884. 


II. Traités et écrits principaux sur la peste. — Antiquité. Ovzvdtdou nspl Toù 
nelonóvñciazov Tólepov B16)t« ñ. Excudebat H. Stephanus, MDLXXVILT. — Dionore pe SICILE, 
etc. La peste d'Athènes. — Aww. Marceruini Rerum gestarum, libr. XXVIII, caput VI. — 
Evrrore. Breviarium rerum Romanorum, lib. VIH. — Galeni Opera. — De peste Antonianin& 
commentatio. Scripit Cor. Hecker. Berolini, 1835. — Sur la peste dite Antonine on ne 
possède guère que la phrase suivante de Galien : In magnå hac peste, cujus eadem facies 
[uit atque ejus qua Thucydides memoria grassabatur. In Galeni opera, t. XII. Mais il 
n'est pas prouvé que l'épidémie athénienne fût la peste bubonique, encore moins lépidémie 
de Marc-Aurèle, qui ressemble davantage à la variole. 

Sur la peste? du troisième siècle. — Eusebii Pamphilii Ecclesiast. hist., libri VII, 
caput xxu. De morbo qui tum grassatus, etc. — Sancti Cypriani Episcopi Carthaginiensis 
op. fib. de mortalitate. — Il est probable que cette épidémie comme la précédente se 
rapporte plutòt à la variole. 

Sur la grande pcste du sixième siècle ou peste justinienne.— Acatnacs De imperio et rebus 
gestis Justiniani imperatoris, lib. V. — Evacrn Hist. Ecclesiasticæ, lib. IV, caput xxvm. 
De pestilento morbo. — Procopii Cæsartexsis Historiarum sui temporis, libri VIII, inter- 
prete Claudio Maltreto, t. I, cap. xxu et xxu, pestilentia pravissima. 

Sur la peste dite inguinaria (inguinale), nom qu’elle conserva jusqu’au dix-huitième 
siècle, depuis la peste de Justinien. — Greconi Turonensis Opera omnia, lib. IV et sequent. 
— Baærscu. Essai sur la mortalité à Strasbourg. Strasbourg, 1836, in-4°. 


Sur les pestes du quatorzième siécle et du quinzième siècle. — Joannis CANTACUZENI ex- 
imperatoris, libriIV. — Guy noe Cnaurrac. La grande chirurgie, restituée par Laurent Joubert. 
Lyon, 1659. — Crau De Vivario (Raymond). Contemporain de Guy de Chauliac. — Mezeray, 
Martın. Histoire de France, etc. — Panier. Histoire de la peste noire, d'après des documents 
inédits, 1853. — Mıcnon (J.). Documents inédits sur la grande peste de 1548. Thèse de Paris, 
1860. — Cavière. De la peste de Florence. In Union médicale, 1850. — Lirrré. Les semeurs 
de peste. In Médecine et Médecins, 1875. — Astruc. Dissertation historique des maladies 
épidémiques et principalement sur l'origine de la peste. Montpellier, 1721. 


Seizième siècle. — Massa. De fibre pestilentiali, petechies variolis et apostematibus 
pestilentialibus ac eorumdem omnium curatione. Venise, 1536. — Bexepermi. Liber de 
observatione in 'pestilentia. Venise, 1495, et Bologne, 1516. — Grartraroro. Pestis descriptio. 
Lyon, 1555. — Darecuawes. De peste libri tres in quibus etiam continetur Raymondi Chalin 
de Vinario Liber de peste, in latinam linguam conversus. Lyon, 1555. — AcricoLa. De peste, 
libri V. Bâle, 1554. — Lavnr. De origine et causå pestis Patavinae. Venise, 1555. — 
Boxwacenri. Decem problemata de peste. Venise, 1556. — Garrus. Fasciculus de peste et 
peripneumoniá cum sputo sanguineo, febre pestilentiali. Brescia, 1565. — Hovrrer. De 
morborum curatione, de febribus, de peste. Paris, 1565. — JouserT. De peste liber. Lyon, 
1566. — Opus ne Onnis. De peste et pestiferorum adfectuum omnium causis, signis, præ- 
cautione, curatione, libri IV. Venise, 4570. — Inxcrassras. Informazione del pestifero e conta- 
gioso morbo, il quale afflige ed ha afflitto la città di Palerme, e molte altre città e terre 
del regno di Sicilia nel anno 1515-15716. Palerme, 1576. — Menrcuriaur. De pestilentia in 
universium, præsertim de Veneta et Pataviné. Venise, 1577. — Pore: (Guillaume). Discours 
des maladies épidémiques ou contagieuses advenues à Paris en 1596, 1597, 1606 et 1607, 
comme aussi en 1619. Paris, 1623. — Paumier ou Parmarws. De morbis contagiosis, libri VII. 
Paris, 1577. — Massari. De peste, libri IJ. Venise, 1579. — Camerarius. Synopsis, etc. Nu- 


748 PESTE (BIBLIOGRAPHIE). 


remberg, 1983. — Arno Proseer. De medicina Ægyptiorum, libri IV. Venise, 1594, et 
Lugduni Batavorum, 1745, in-8°. — De Castro. Tractatus brevis de naturå et causä pestis 
quæ anno 1596 Hamburgensem civitatem afflixit. Hambourg, 1596. 


Dix-septième siècle. — ‘Raxcmix. Opuscules ou traités divers et curieux en médecine. 
Histoire de la peste de Montpellier en 1629 et 4650. Lyon, 1640. — Tan. Ragguaglio 
delle origine e giornali successi della grave peste nel 1629, 1630, 1631. Milano, 1648. — 
Rapanoxri. Libri V de peste quæ fuit anno 1630 in urbe Mediolanensi. Milano, 1641. — 
RoxnixeLur. Relazione sul contagio stato in Firenze l’anno 1630-1653. Firenze, 1654. — 
Sennerr (D.). De peste pestilentibusque ac malignis febribus opera omnia, 1654. — Bovr. 
De peste Venetä, anno 1630. Venise, 1634. — Diewergrogcr (Isbrand de). De peste, libri IV. 
Arnheim, 1646; Genève, 1721, in-4°. — Vax Hecmonr. Tumulus pestis. Amsterdam, 1648. 
— Casrro (P. de). Pestis Neapolitana, Romana et Genuensis, anno 1656 et 1657, fideli 
narratione delineata et commentariis illustrata. Verone, 1657. — Gresecer. Observationes 
medicæ de pestle Brusvicensi, ann. 1657. Brunswick, 1653.— Honces, Aotmodoyix, seu pestis 
nuperae apud populum Londinensem grassantis narratio historica. Lond., 1672. — Sypexaan. 
Opera omnia, Febris pestilentialis et pestis annorum, 1665-1666. — Foresrus. Observa- 
tionum medicinalium ac chirugicarum, libri VI. Rouen, 1655. — De peste Delphonsi 
(Delft) admodum famosä : De la peste qui a sévi à Delft de 1557 à 1558. 


Dix-huitième siècle. — Grass. Historia compendiosa pestis in infiniis Silesiae grassantis 
ann. 1708. In Ephem. curios nat. Acad.—Gorrwav. Memoriale loimicum de peste Dantis- 
cana, ann. 1709. Dantzig, 1710. — Srœckez. Ammerkungen bei der Pest die an. 1709 in 
Danzig grassirte. Hambourg, 1710. — Wiers. Wohlgemeinte Nachricht von der Thornischen 
Pestilens. Thorn, 4710. — Kaxoro. Jahkrhistorie der grossen Menschen Pest von 1701 lus 
1716. In Annal. Vratislav., 1718. — Bæœrrnicuer. Tractatus de pesle Hafniensi. In Act. erud. 
Lipsiæ, 1715. — La Perrerve. Trailé sur la maladie pestilentielle dépeuplant la Franche- 
Comté en 1707. Besançon. — Pema pe Beresa. Loimologia sive historia constitutionis 
pestilentis ann. 1708-1709-1710-1741-1713, per Thraciam, Sarmatiam, Poloniam, Silesiam, 
Daciam, Hungariam, Livoniam, Daniam, Sueciam, Saxoniam, Austriam variaque loca S. R. I. 
grassatæ. Vienne, 1714. — Wenrcoscuixc à Peremberg. Loimologia seu historia pestis quæ 
ab anno 1708 ad 17153 inclusivè Transylvaniam, Hungariam, Austriam, Pragam et 
Ratisbonam, aliasque conterminas provincias et urbes prægradiendo depopulabantur, per 
epistolas ex autopsiá et experientiá propriá medice enarrata. Styrie, 1116. — Varenxrtis (G.). 

elatio epistolica de prima pestis Transylvaniæ anno 1717 grassantis origine. In Ann. 
physic. med. Vratislav Tentamen. — Ramazzixi, Dissert. de peste Viennensi. Paris, 1715. — 
Bexza. Relatio historica pestis Austriam aliquando vastantis. Vienne, 1717. — Cmicoyxrau. 
Relation succincte touchant les accidents de la peste de Marseille, etc. Pavie, 1720, et 
Traité des causes, des accidents et de la cure de la pesie, avec un recueil d'observations 
et un détail circonstancié des précautions pour subvenir aux besoins des peuples affliges 
de cette maladie, ou pour la prévenir dans les lieux qui en sont menacés, fait et imprimé 
par ordre du Roi. Paris, 174%, grand in-4°. — Demier. Lettre sur la maladie de Marseille. 
Montpellier, 1721, etc. — Asrruc. Dissertation sur la peste de Provence. Montpellier, 1720. 
— Dv wême. Dissertation sur la contagion de la peste, etc. 1726. — Mean (R.). A Short 
Discourse concerning Contagion and the Method to be used to Prevent it. London, 1720, et 
Mead’s opera omnia. Paris, 1757. — Berrraxr. Relation historique de tout ce qui s’est passé 
à Marseille pendant la dernière peste. Cologne, 1723. — Becer. Recueil des observations 
qui ont été faites sur la maladie de Marseille. Strasbourg, 1726. — D'Anrrecuaux. Relation 
de la peste de la ville de Toulon. Toulon, 1721. — Nuraron. De tractanda evitandaque 
peste. Mutini, 1710. — Warnscuwpr. De singularibus quibusdam pestis Holsaticæ. Kilia, 
1721. — Ton. De peste Constantinopoli grassante. In Philos. Transact., 1120. — Poxa. 
Il gran contagio di Verona nel mile veicento e trenta. Verone, 1727. — ScpreiwER. Observa- 
tiones et cogilata de pestilentia quæ ann. 1138 et 1759 in Ucrania grassata est. Petersbourg, 
1739. — Turriaxo. Memoria istorica del contagio della città di Messina del anno 1145. 
Naples, 1745. — Lose. Letters relating to the Plague and other Contagious Distempers. 
London, 1745. — Mornacn Mackens. Several Letters concerning the Plague at Constan- 
tinople. In Philosoph. Transact., 1152. — Anan Cuexor. Tractatus de peste. Vienne, 1766. — 
De Haex. De peste. In Ratio medendi, 4170. — Sa{soïLowitz. Mémoire sur la peste qui en 1771 
ravagea l'empire de Russie, surtout Moscou, la capitale, et où sont indiqués les remèdes 
pour la guérir et les moyens de s'en préserver. Paris, Pétersbourg et Moscou, 1785, etc. — 
Merrexs. Observationes medicæ de febribus putridis, de peste nonnullisque aliis morbis. 
Vienne, 1778. — Paris. Mémoire sur la peste. Avignon, 1778. — Orræus. Descriptio pestis 
guæ anno 171783 in Jassia et in 1171 in Moscua grassata est. Pétersbourg, 1784. — Baramoxrt. 
Storia della peste di Smirna del 1184, con l'esame e il confronto di mollo allo accadute 
in diverse epoche, etc. Lausanne, 1788. — Du wève. Sulla peste di Constantinopoli. 


PESTE (BIBLIOGRAPHIE). 749 


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experientià fundata. Riga, 1789. — Du wwe. Die Geschichte der Pest in Volhynien im 
Jahre 1198. Berlin, 4806. — Lance. Rudimenta doctrine de peste, quibus additæ sunt 
observaliones pestis Transylvaniæ anni 1186. — Russer. A Treatise of the Plague, 
containing an Account of the Plague of Aleppo 4160-1762. London, 1791. — NEUSTWEDTER 
Die Pest in Sibenbürgen im Jahre 1185. Vienne, 1798. — Tyrer. A Treatise on the Plague 
and Yellow Fever. Salem, 1799. — Hirpensrann. Ueber die Pest. Ein Handbuch für Ærzte und 
Wundærzte welche sich dem Pestdienste widmen. Vienne, 1799. 

Dix-neuvième siècle. — Hegerpen. Observations on the Increase and Decrease of Different 
Diseases and particulary of the Plague. London, 1801. — Scnraur. Geschichte der Pest in 
Syrien 1785 und 1796, und der Pest in Ostgalizien. Pesth, 1801, 2 vol. — Farconner. An 
Essay on the Plague; also Ketch on Plan of Internal Police proposed of a means 
of Previnting the Spreading of the Plaque, etc. Bath, 1801. — Assauinr. Observations sur la 
maladie appelée peste, le fluæ dysentérique, l'ophthalmie d'Égypte, ete. Paris, an IX. — 
DescenerTes. Histoire médicale de l'année d'Orient. Paris, 1802. — Savaresr. Mémoire sur 
la peste ou recherches sur l'origine et les causes de la fièvre pestilentielle d'Égypte, 
avec sa description et sa méthode cuvative. In Recueil de mémoires et opuscules physiques 
el médicaux sur l'Egyple par le même. Paris, 1802. — Larrey. Précis de la maladie qui a 
régné dans l'armée d'Egypte pendant son expédition en Syrie. In Relation hist. et chirug. 
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orientali. Thèse de Paris, 1803. — Wirsox. History of the British Expedition lo Egypt. 
London, 1803. — Mac Grecor. Medical Sketches on the Expedition of the Army, etc. London, 
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l'homme et de quelques moyens de se garantir de cette maladie. Thèse de Paris, 1802. — 
Ricurer. Geschichte der Medicin in Russland. Moscow, 1813. — Lever. Ad propositiones 
de peste à reg. Societate scientiarum Varsovienst prolatas respondens dissertatio. 
Krzmence, 1814. — Grouwanx. Ueber die im Jahre 1813 in Bucharest herrschende Pest. 
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in the Year 1815. In Transact. Med. Chir. of the London. — Morra. Storia della peste di 
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symptômes, les causes et Le traitement de la contagion dans différentes maladies et spé- 
ciulement dans la peste d'Orient et la fièvre jaune. Paris, 4822. — Barnocan. Dissertation 
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Della peste con ragquagko della peste di Tunisi negli anni 1818-1820. Firenze, 1821. — 
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rungen und Beobachtungen. Berlin, 1827. — Wacxer. Einige Bemerkungen und Erfahrun- 
gen über die Pest von Odessa im Jahre 1829. In Hufeland's Journal, 1850. — Srïpuirz. 
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zinischer Hinsicht, 1855. — Lacaèze. Note sur la peste observée én Egypte en 1835. In Bull. 
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années à Constantinople, observations sur la peste, ses causes, ses variétés, sa marche el 
son traitement; la non-contagion de cette maladie, les quarantaines et les lazarets. Paris, 
1836, 2 vol. in-8°. — Mustarı-eL-Sovery. Dissertation historique et médicale sur la peste. 
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à Smyrne et à Constantinople. Paris, 1840, in-8°. = Cror-Ber. De la peste observée en 
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der Ærzte zu Wien 1850, et Procès-verbaux de la conférence sanitaire internationale. 
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l'Irck-Arabi en 1867. Constantinople, 1838, brochure de 37 pages. — Taoozax. Une épidémie 
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sur la peste de Benghazi en 1874, rapport publié par l'Administration sanitaire ottomane. 
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sus-nommés de l’Administration sanitaire ottomane, publiés par cette Administration, in-$°, 
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peste dans le Kurdistan persan, rapport publié par l'Administration sanitaire ottomane. 
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en Mésopotamie, adressé à la Société épidémique de Londres. In Gazette méd. d'Orient, 
novembre 1879. — Voy. les nombreuses publications sur les pestes modernes de 1867 à 
1884. In Gazette méd. d'Orient, par Marron, Mané, médecins sanitaires de France à Constan- 
tinople, etc. On consultera, avant tout, les nombreux et importants mémoires et rapports 
des médecins sanitaires ottomans, déposés aux Archives de l'Administration sanilaire de 
Constantinople; Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie, 1819 et 1881; 
Practitioner. London, 1879. — Becx. Neue freie Presse. Wien, 1879. — Du mème. Verô/f. 
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peste dans le Khorassan. In Comptes rendus de l’Institut de France, 16 janvier 1882. — 
Nerrexs Revcirre (J.). Ninth Annual Report of the Local Government Board, 1819-1880. 
Supplement. Memorandum on the Progress of Levantine Plague, etc. London, 1881. — 
Hene. Ueber die Orientalische Pest nach eigenen Beobachtungen. In Deutsche Klinik, 1875. 
— Tuozozax. Du développement de la peste dans les pays montagneux et sur les hauts 
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1873. — Du mème. Histoire de la peste bubonique en Mésopotamie, ete. Note in Compt. rend. 
de l’Institut, février 1874. — Du nwe. Histoire de la peste bubonique en Perse et en 
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de la peste au Caucase, en Arménie et dans l’Anatolie, etc., 19 juillet 1875. — Beck. Peste 
de Bagdad. In Wien. med. Presse. —Tuorozax. La peste en 1816 et mesures prophylactiques, 
19 juin 1876. — Prousr. Sur quelques épidémies de peste qui ont sévi en Orient. In Bull. 
de l Acad. de méd., t. NI, 1877. — Tuorozan. La peste en 1871. Troisième recrudescence à 
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en Orient, etc. In Annales d'hyg. et de la méd. lég., 1817. — Bertuzus. Simple note sur la 
réapparilion de la peste en Orient. Marseille. 1877. — Du mème. Marseille et son intendance 
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Rencuirre (J.). Résumé des progrès de la peste depuis sa réapparition en 1853. in Medic. 
Times and Gazette, 8 mars 1859. — De la peste asiatique par Coen. Wien, 1879. — 
Espacxe. La peste en 1879. In Gazette hebdomadaire, mars 1879. — Anxoun (J.). Sur la peste 
de Russie, etc. In Gaz. méd. de Paris, 1879. — Rors. La peste d'Orient, étude historique. 


PESTE (ciBLiocRaruie). 151 


/ 

In Wiener med. Presse, n° 6, 1878. — Fauvet. La peste d'Astrakhan. In Bullet. de l'Acad. 
de méd., 1879. — Zavrrzranos (Sp.). Note sur la peste de Bagdad. In Bull. de l'Acad. de 
méd., 1878. — Tnorozax. Sur la peste dans les temps modernes; sa prophylaxie défectueuse 
ou nulle; sa limitation spontanée. In Compt. rend. de l'Institut, 1880. — Rocnarn (J.). 
Rapport sur les recherches qu'il reste à faire pour élucider les points obscurs que présente 
l'étude de la peste. In Bullet. de l Acad. de méd., 1880. — Merzrer. Étude sur l'origine de 
la peste de Vetlianka. In Petersburg medic. Wochenschr., 1819. — Uscnaxow. Épidémie de 
peste à Recht en 1872. Ibid. — llırscu. Epidémie de peste d’'Astrakhan. In Deutsche med. 
Wochenschr., 1879. — Worrarcr. Dernière épidémie de peste de Bagdad. In Edinb. med. 
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— Wircaow. Ueber die Pest. Ibid., mars 1879. — Fauver. L'épidémie pestilentielle en Russie. 
In Rev. d'hyg. et de police sanitaire, mars 1879. — Féux. Mesures contre la peste prises 
par le gouvern. de Roumanie. Ibid. mars 1879. — Hinscu. Mittheilungen über die Pest- 
Epidemie in Jahre 1878-1879 im gouv. Astrakhan. In Berliner klin. Wochenschr.. juillet et 
août 1879. — SommersROD. Zur Symptomatologie der Pest von Vetlianka. Ibid., août 1879. 
— Zuser. Le rapport de H. Hirsch sur la peste de Vetlianka. In Rev. d'hyg. et de police 
sanitaire, 1879. — Hirscu et Sommersron. Mittheilungen über die Pest-Epidemie in 
Winter 1818-1879 im Russischen Gouvernement Astrakhan, 1 vol. in-8°, p. 104. Berlin, 1880. 
— Luser (C.). La peste du gouvern. d'Astrakhan, 1878-1879. In Recueil des travaux du 
Comité d'hyg. de France, t. IX, 1880. — Rozsanecyi. Die Pest-Epidemie in Astrakhan 
1878-1879. In Pester med. chir. Presse, 1879. — Perresco (Z.). Memoire sur l'épidémie de 
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inom del Atfranska Guvernementet af Kajsaredümet Ryssland. In Finska Läkare Sällsk. 
Handl., 4880. Voy. la Revue des sciences médicales où ces ouvrages sur la peste de 
Vetlianka sont résumés et analysés, t. XVIII, 45 juillet 1880. Paris, Hayem et Masson. — 
Proust. Peste. In Nouv. Dict. de méd. et de chir. pratique. J. Baillière, 1880. — Bourru. Leçons 
sur la peste. In Archiv. de méd. navale, 1881.— Mané (J.). Analyse des rapports et mémoires 
des médecins sanitaires ottomans sur la peste qui a régné dans lAssyr (Arabie). Tableau 
chronologique des manifestations de la peste de 1850 à 1880. Réflexions et considérations 
générales sur la peste et ses épidémies depuis vingt-cinq ans. In Recueil des travaux du 
Comité consultatif d hygiène publique de France, t. X, Paris. J.-B. Baillière, 1881. — J. Mané. 
Mémoire sur les épidémies de peste bubonique qui ont régné depuis trente années (1855 à 
1885). In Archives de méd. navale, 1885. Brochure in-8°, 72 pages. O. Doin. Paris, 1886. 
— Pestes de l'Inde. — Hinsen (A.). Hist. geogr. Pathologie, 2° édit., 1881. — Moreura. 
Disease in India, 1860. — Forges. Pathologia Indica. Calcutta, 1848, in-8°. — Prank et 
Nerrex Reocurre. In Medical Times and Gazette, 4818. — Pearson. Epidem. Society of 
London, 1880. 


Pestes en Chine. — Manson (David). In Med. Times and Gazette, 1818. — Rocner (E.). La 
province du Yun-nan. Paris, 1881.— Nerrex Repcuirre. Loc. cit. In Ninth Annual Report. etc., 
1881. Plague in Western China, p. 45. — Mané (J.). Géographie médicale ; Peste, p. 160 
à 473. In Dict. encylop. des sciences médicales, t. VIII, série F.-K. Paris, Masson, 1881. 


III. Écrits relatifs à la cause, à la propagation et aux mesures hygiéniques et 
préventives contre la peste. — Fioxavexri. Regimenlo della peste. Nenise, 1565. — 
Guarraunr. Tractatus de avertendé et profligandä peste urbem invadente annis 1655 et 1656. 
Bologne, 1684. — Murarori. Del Governo della peste e delle maniere di quardarsene, 
trattato politico, medico ed ecclesiastico. Modène, 1714. — Ferro. Von der Ansteckung der 
epidemischen Krankheiten und besonders der Pest. Wien, 1782. — Howarp. An Account 
of the Principal Lazarettos in Europe, with Various Papers Relative to the Plaque, ete. 
London, 1789. — Maczeax. The Plague not Contagious. London, 1880. — Du même. Results 
of an Investigation respecting Epidémic and Pestilential Diseases, including Researches 
in the Levant concerning the Plague. London, in-8°, 1817. — Pièces hisloriques sur la 
peste de Marseille et d'une partie de la Provence en 1720-1722, trouvées dans les Archives 
de l'Hôtel-de-Ville. Marseille, 1829. — Rapports du bureau de santé établi à Londres 
sur la peste et autres maladies contagieuses, etc., traduit de l'anglais par Maunier. In 
Journ. gén. de méd., 1821. — Hecouer. Traité de la peste, où on fait voir le danger des 
baraques et des infirmeries forcées. Paris, 1722. — Pariser. Mém. sur les causes de la 
peste et sur les moyens de la détruire. In Ann. d'hyg. publ., 1851. — BernNT. Ueber der Pa- 
tansteckung und deren Verhütung. Wien, 1832. — LAGASQUIE. Recherches sur l'origine de la 
peste et les moyens d'en prévenir le développement. Paris, 1883. — FauLuner. À Treatise of 
the Plague, designed to prove it Contagious from Facts. London, 1820. — Sock. Kritische 
Beleuchtung fremden Nosprungs, etc. Leipzig, 1822, — Sueur-Durryron. Recherches histo- 
riques et statistiques sur les causes de la peste, 4837. — Lerevre, Essai crilique contre les 
adversaires de la contagion par infection appliquée à la peste. Alexandrie, 1838. — Bow- 


7 52 PÉTÉCHIES. 


miNG. Observat. on the Oriental Plaque and on Quarantines or a Mean of Arresting its Pro- 
gress. Edinburg, 1838. — Cuenvix. Ubservat. critiques sur les exp. proposées par Bulard 
dans le but de connaître le mode de propag. de la peste. In Gaz. médic. de Paris, 1831. 
— Hosroyr. The Quarantine Laws, their Abuses and in Consistancies, etc., A Letter, etc. 
London, 4859. — Burra. Della peste e della necessità di una riforma nella legislazione 
sanitaria dei porti commerciali d'Europa. Turino, 1841, in-8°, 41 p. — Provst (A.). 
Essai d'hygiène internationale. Paris, 1873, et 2° édit., 1885. Masson. — Corm (Léon). 
Traité des maladies épidémiques, origine, évolution, prophylaxie, etc., p. 818-834. Paris, 
4879, J. Baïllère. — Tuorozan. La peste en Turquie dans les temps modernes, sa prophy- 


laxie défectueuse, sa limitation spontanée. Paris. Masson, 1880, in-8°. — Cnéreau. Des 
mesures sanitaires que l'on prenait à Paris aux quinzième et seizième siècles contre les épi- 
démies. In Gaz. hebdomadaire de méd. et de chir., 1884. TM. 


PESTRIN (Eau MINÉRALE DE). Athermale, amétallite, ferrugineuse faible, 
carbonique forte. Dans le département de l'Ardèche, entre Vals et Neyrac, 
jaillissent, dans un terrain accidenté et recouvert de gazon, trois sources qui 
se nomment : source Pauline, source Ventadour, source Julie. 

Eau claire, transparente, aucune odeur spéciale, bulles gazeuzes, goùt piquant 
et agréable. On peut dire que les eaux de Pestrin font partie du groupe hydro- 
minéral des eaux de Vals. Réaction acide. La température de lair étant de 
18° centigrade, celle de l'eau est de 14°,8 centigrade. L'analyse chimique a 


donné les résultats suivants : 


PAULINE. VENTADOUR. JULIE. 
Bicarbonate de chaux - oaasi -Aona 0,168 0,122 0,115 
= SAUdE LE se esee A 0,080 0,058 0,050 
— MAENeESie Ie Ea E 0,086 0,062 0,058 
fe potasse Fibre RE 0,003 0,002 0,002 
— hhn e. nook ek iae 0,016 0,012 0,011 
— strontane e at- arie tr. très-sens. tr. très-sens. tr. très-sens. 
Sulfate dessoude Se nn A 0,007 0,004 0,004 
Chlorure de sodium 20 0,005 0,002 0,002 
Sesquioxyde de fer. = ---- -- 0,032 0,022 0.021 
Manganese ie e m ee E Sen E tr. très-sens. tr. très-sens. tr. très-sens. 
Silice el alnmine as a e a 0,006 0,048 0,045 
Cuivre-arsenic addetti ekt iee ce tr. très-sens. tr. très-sens. tr. très-sens. 
Matière organique. . . . . 2: - -- EEEE. indéterminé. indéterminé. 
TOTAL DES MATIÈRES FIXES. « . > - 0.401 0,552 0,508 
Gaz acide carbonique libre. . . . . . . 15,860 15,675 2er 250 


Aucun établissement n'existe à Pestrin dont les eaux sont employées en 
boisson exclusivement. On s'en sert sur place pour combattre les dyspepsies 
et les gastralgies. Elles sont regardées aussi comme antidiarrhéiques et les 
médecins les prescrivent dans les dérangements intestinaux contractés dans les 
pays chauds, et surtout dans la Cochinchine. 


Les eaux de Pestrin sont exportées sur une assez grande échelle. 
A. ROTUREAT. 


PÉTÉCHIES. On donne le nom de pétéchies (bas latin : Peticula, Petechia ; 
allemand : Petechien ; anglais : Petechia ; italien : Petecchia ; espagnol : Pete- 
quia [Littré}), à une variété d'hémorrhagie cutanée caractérisée par des taches 
rouges, variant du rouge vif au rouge violacé, et des dimensions d'une tête 
d'épingle à celles de l’ongle, ne faisant aucune saillie au-dessus de la peau 
avoisinante, et ne s’effaçant pas à la pression. Leurs bords sont arrondis, en 
général irréguliers. Elles sont absolument indolores. 

Leur coloration se modifie par la suite. Du rouge, elle passe au vert, au 


PÉTÉCHIES. 755 


jaune, au brun, en un mot, par toutes les teintes de l'hématine dissoute. C'est 
la coloration brune qui persiste le plus longtemps. Ce temps est variable, et 
dépend surtout de la quantité de sang extravasé. 

À l'inverse des taches congestives qui, elles, disparaissent après la mort, les 
pétéchies se retrouvent sur le cadavre, ce qui peut, dans certains cas, avoir de 
l'importance en médecine légale. Il est en effet très-difficile, sinon impossible, 
de distinguer une ecchymose traumatique d'une ecchymose spontanée. Mais la 
coïncidence d'ecchymoses multiples avec des taches pétéchiales fera songer à 
des hémorrhagies spontanées , le traumatisme pouvant bien provoquer des 
ecchymoses, mais non des pétéchies. 

Les caractères que nous venons d’énumérer permettent de différencier les 
pétéchies : 

1° Des papules simples ou hémorrhagiques dont elles diffèrent par l'absence 
de saillie; 

2° Des taches congestives qui, elles, s’effacent à la pression pour reparaitre 
aussitôt que la pression du doigt a cessé; 

5° Des taches pigmentaires dont la couleur est différente. Disons toutefois 
que, lorsque les pétéchies datent de quelques jours, on pourrait, à un examen 
superficiel, les confondre avec les taches pigmentaires. Mais la teinte brune 
qu'elles présentent alors a toujours été précédée de la teinte rouge caracté- 
ristique ; 

4° Des autres hémorrhagies cutanées : 

a. Des vibrisses et des vergetures, qui forment des trainées allongées ; 

b. Des ecchymoses, dans lesquelles l’hémorrhagie se fait non plus dans le 
derme, mais dans le tissu sous-cutané : leurs dimensions sont toujours plus 
grandes que celles des pétéchies et varient du diamètre d’une pièce de cinq francs 
à celui de la paume de la main ; 

5° Il est une autre lésion avec laquelle on pourrait les confondre, ce sont les 
piqûres d'insectes et en particulier les piqüres de puces (purpura pulicosa). En 
réalité la piqüre de l'insecte produit une petite hémorrhagie intra-dermique, 
mais l’hémorrhagie punctiforme est toujours entourée au début d’une aréole 
hyperémique. Quand cette aréole existe, le doute n’est pas possible ; quand elle 
a disparu, on peut encore reconnaître leur véritable origine à leur siége au 
uiveau des plis articulaires et à leur régularité (Kaposi). 

Les pétéchies sont produites par l'extravasation du sang dans le tissu der- 
mique. Il peut y avoir rupture de la paroi vasculaire, diapédèse des globules 
rouges à travers cette paroi, ou encore simple filtration d'un sérum coloré par 
de l’hématine dissoute (Kaposi). Cette dernière condition se trouve remplie dans 
les maladies graves où la composition du sang est profondément altérée. 

Les pétéchies peuvent présenter de nombreuses variétés dans leur nombre, 
leur siége, leur mode de distribution. 

Elles peuvent être la seule manifestation hémorrhagique, du moins la seule 
apparente, mais il est plus fréquent de les voir coïncider soit avec d’autres 
hémorrhagies cutanées (vibrisses, ecchymoses), soit avec des hémorrhagies des 
muqueuses ou des hémorrhagies viscérales. Elles ne sont en effet qu'une des 
manifestations des diverses variétés de purpura, et relèvent presque toujours 
d'une cause générale. Si certaines causes locales telles que l'amincissement de 
l'épiderme, son défaut de résistance (Kaposi), peuvent en favoriser la production, 
il existe toujours une altération vasculaire préalable, ou au moins un trouble 


pict. ENC. 2° s. XXI. 48 


154 PETERSTHAL (Eaux MINÉRALES DE). 


de l'innervation vaso-motrice. Le plus souvent même il n'existe pas de cause 
locale susceptible d'expliquer leur apparition. Elles relèvent alors soit d’une 
altération du sang, soit d'une lésion des vaisseaux, soit d’une modification de 
la pression sanguine, soit d’un trouble de l’innervation vaso-motrice. Souvent 
d’ailleurs ces diverses causes se trouvent réunies. C’est ainsi que dans les maladies 
infectieuses il est probable que chacun de ces éléments concourt dans une cer- 
taine mesure à leur production. 

On rencontre les pétéchies dans une foule de maladies : 

4° Dans le scorbut et les diverses variétés de purpura : purpura simple, ma- 
ladie de Werlhof, etc., dans l’hémophilie; 

2° Dans les maladies infectieuses : fièvres éruptives, fièvre typhoïde, diverses. 
variétés de typhus et en particulier typhus pétéchial, peste, septicémie, fièvre 
puerpérale, fièvre jaune, inoculation du venin des serpents, etc. ; 

3° Dans certaines intoxications : Kaposi signale : l’iodisme pétéchial (Fournier, 
Auspitz) ; l'aspiration des vapeurs benzoïnées (T. Fox}, l'ergotisme (Lailler); 

4° Dans les cachexies (tuberculose, cancer, etc.) ; 

5° Dans le rhumatisme ; 

6° Dans les affections du cœur et de l'appareil circulatoire ; 

7° Dans les affections du foie : cirrhoses, ictère grave, etc. 

Dans toutes ces maladies, elles ne sont qu'une des manifestations du purpura- 
Leur histoire ne saurait en être séparée. Aussi nous sommes-nous borné à une 
simple énumération, un article spécial devant être consacré aux purpuras idiopa- 
thiques et aux purpuras symptomatiques. Nous renvoyons donc à l’article Pur- 
PURA pour tout ce qui a trait à l'anatomie pathologique, à la pathogénie, à 
l’étiologie des pétéchies. 

Les caractères spéciaux qu'elles présentent dans chacune des maladies où on 
les rencontre seront décrits à propos de ces maladies. 

Enfin, à l’article HÉémoRRHAGIE, on trouvera traitées toutes les questions rela- 
tives à la pathogénie des hémorrhagies en général et des hémorrhagies cutanées 
en particulier. AK 


PETERSTHAL (EAUX MINÉRALES DE). Athermales, carbonalees calciques 
moyennes, ferrugineuses faibles, carboniques fortes. En Allemagne, dans le 
grand-duché de Bade, dans la forêt Noire, dans le district d'Oberkirch, à 400 mètres 
au-dessus du niveau de la mer, émergent du granit et d’une pierre volca- 
nique rouge trois sources qui se nomment : Die Trinkquelle (source de la buvette) 
ou Sauerbrunnen (source acide) ou Stahlquelle (source ferrugineuse), die Laxir- 
quelle ou Gasquelle (source laxative ou source gazeuse) et die Salzquelle (source 
salée) ou Schwefelquelle (source sulfureuse). Le climat est relativement doux 
dans ce pays. 

1° Trinkquelle ou Stahlquelle. Quoique les eaux destrois sources de Peter- 
sthal aient à peu près les mêmes qualités physiques et chimiques, il faut remar- 
quer que la source de la Buvette est traversée par un assez grand nombre de 
bulles gazeuses, et que son eau est la plus claire et la plus agréable à boire. 
La température est de 16°,6 centigrade; densité 1.002498 ; débit en vingt- 
quatre heures 58141 mètres cubes. 

2 Laxirquelle ou Gasquelle. Goût fade; moins limpide que la précédente, 
mais plus gazeuse; température 9 dégrés centigrade; densité 41.00500; débit 
de 5251 mètres cubes en vingt-quatre heures. 





PETININE. - 155 
5° Salzquelle ou Schwefelquelle. Odeur sulfureuse; température 9°,9 cen- 
tigrade. 


L'analyse de l’eau des trois sources de Petersthal a été faite en 1856 par 
Bunsen, qui a trouvé dans 1000 grammes les principes suivants : 


TRINKQUELLE LAXIRQUELLE SALZQUELLE 
OU STAHLQUELLE ou ou 

OU SAUERBRUNNEN. GASQUELLE, SCHWEFELQUELLE. 
Bicapnhonate tderchaux A NN à 0,5528 0,5030 0,5524 
— magnésientt bra gis 0,1521 0,1055 0,2020 
— souder. Jie S: a 0,0020 0,0027 0,0018 
— oxyderde fero ia 0,0012 0,0010 0,0011 
— lithiner RER a a. = °0,0020 0,0055 0,0010 
Sulfate de soude- one s = ai iia 02003 0,0250 0,3010 
— POLAS SEN. M eee EEA 0,0025 0,0035 0,0030 
Chlorure de sodium: tsis eiei nd. 0,0011 0,0009 0,0012 
FRasphate dialumine n e 0,0010 0,0005 0,0005 
SCE n E eee E A! 0,0018 0,0108 0,0108 
TOTAL DES MATIÈRES FIXES. . . . 1,0168 0,6584 1,0748 


Gaz acide carbonique libre. . . e 35,3 pouces cubes. 53,1 pouces cubes. 54,3 pouces cubes. 


Une quatrième source, la Badquelle, se confond, d’après M. Durand-Fardel, 
avec les trois premières par ses propriétés chimiques. Elle n'a pourtant pas 
été analysée. 

Un établissement bien installé existe à cette station : baignoires, appareils de 
douche, bains de gaz, plusieurs buvettes, une Trinkhalle et les instruments 
nécessaires pour l’embouteillage des eaux. Les baigneurs ont pour se loger 
et se nourrir des auberges et des maisons particulières nombreuses où ils 
trouvent le confortable nécessaire pendant leur séjour. Nous avons constaté 
l'analogie qui existe entre les eaux de Petersthal et leurs voisines de la forêt 
Noire, alimentant les stations de Griesbach, d’Antogast et de Rippoldsau ; cela 
nous dispense d'insister sur les vertus particulières des eaux de Petersthal. 
Ceux qui désirent connaitre plus en détail les effets physiologiques et théra- 
peutiques de ces eaux doivent se reporter aux articles Anrocasr, GRIESBACH 
et Ripporpsau. A. RoTuREAU. 


PETETIN (Jacoues-Henri-DésiRé). Médecin français, né en 1744, à Lons- 
le-Saulnier, mort le 27 février 1808, à Lyon. Il étudia la médecine à Besançon, 
fut reçu docteur en 1764, à Montpellier, et pratiqua son art à Lyon. Il était 
président de la Société de médecine de cette ville. Après s'être montré fort 
sceptique au sujet du magnétisme, il finit par ne plus en contester la réalité, 
et le propagea avec ardeur dans les récits suivants : Memoire sur la découverte 
des phénomènes que présentent la catalepsie et le somnambulisme (Lyon, 1787, 
in-8°) ; Nouveau mécanisme de l'électricité, fondé sur les lois de l'équilibre et 
du mouvement (1802, in-8°), et l'Électricité animale (1805, in-8°). Il travailla 
au Conservateur de la santé, journal qui parut à Lyon de l’an VII à l’an IX, et 
on lui attribue une Théorie du galvanisme (Biogr. Didot). L. Hy 


PETININE CSH'tAz. Cette base a été retirée par Anderson de l'huile 
animale de Dippel. Elle se trouve accompagnée d’autres bases dans la partie 
la plus volatile de cette huile. On traite cette partie par de l'acide sulfurique 
étendu, les bases se dissolvent, on sépare la solution des hydrocarbures inso- 
lubles. On évapore la solution et on distille le résidu avec de la potasse caustique, 


156 PETIT: 


il passe de la petinine en partie dissoute dans l'eau, et en partie mélangée 
avec les autres bases moins volatiles et moins solubles. On sépare la partie 
dissoute en ajoutant de la potasse au liquide. Le mélange des bases soumis à 
un certain nombre de distillations fractionnées donne la petinine bouillant à 
80 degrés. j 

La petinine, identique ou au moins isomérique avec la batylamine, constitue 
un liquide incolore, très-réfringent, d'une densité de 0,950, d’une odeur 
extrêmement piquante et désagréable; sa saveur est brůlante. Elle est soluble 
en toutes proportions dans l'eau, l'alcool, l'éther et les huiles. Elle constitue 
une base puissante et neutralise complétement les acides. 

Les sels de petinine sont facilement cristallisables ; ceux qui sont formés par 
un acide volatil peuvent être sublimés sans décomposition. Lurz. 


PETIT. (Qualificatif des divers muscles (voy. DenTeLés, Droits, FESsiEr, 
OgLiques, PECTORAL, Ronn, ZYGOMATIQUE). L. Hy- 


PETIT. Cet adjectif, préposé à divers substantifs, est employé pour dési- 
gner vulgairement plusieurs plantes phanérogames. Ainsi on appelle : 

Perit anis, le Pimpinella anisum L. (Carum anisum MH. Bn. |voy. Ans|). 

Perit Basilic, L'Ocimum minimum L., de la famille des Labiées. 

Perit BAUME DE LA Jamaïque, le Croton flavens L. (C. balsamifer Jacq.), 
Euphorbiacée qu'on emploie, à la Martinique, pour parfumer l’eau dite de 
Mantes. 

Perir Boucace, le Pimpinella saxifraga L., de la famille des Ombelli- 
fères. 

Perir Brasipa, le Chiococca racemosa L. (voy. Carococca). 

PETIT cARDAMOME, une variété de l’Elettaria cardamomum White et Mat. 
(voy. ELeTTARIA). 

Perit cÈpre, le Juniperus oxycedrus L. (voy. GENÉVRIER). 

PETIT CERISIER D'HIVER, le Solanum pseudo-capsicum L., nommé également 
Cerisier d'amour, Oranger de Savetier. 

Perit cHèxe, le Teucrium chamædrys (voy. GERMANDRÉE). 

PETIT CHIENDENT, le Triticum (Agropyrum) repens L. (voy. CHIENDENT). 

Perit corossore, l’Anona reticulata L. (voy. ANoxe). 

Perit cyprës, le Santolina chamæcyparissus L. (voy. SaNTouINE). 

Penir cvrise, le Cytisus sessilifolius L., de la famille des Légumineuses- 
Papilionacées. 

Perir épraurre, le Triticum monococcum L. (voy. ÉPrauTRE). 

Perir calanca l’Alpinia officinarum Hance (voy. Garaxca). 

PETIT GRATTERON, le Xanthium strumarium L. (voy. LaMPouRDE). 

Penir novx, le Ruscus aculeatus L. (voy. Fraco). 

Perir usero, le Convolvulus arvensis L. (voy. Coxvozvuzvs). 

Perit Mat, le Spiræa hypericifolia L. (voy. SpIRÉE). 

Perit mucuer, l’Asperula odorata L. (voy. AsPÉRULE). 

Perir NéNurHar, l Hydrocharis morsus ranæ L. et le Limnanthemum nym- 
phoides Hoffm. 

Perir œer d'Inne, le Tagetes patula L., de la famille des Composées. 

Perit oursix, l'Echinops ritro L. (voy. Écmixors). 

Perir pascz-race, le Lepidium graminifolium L. (voy. PASSE-RAGE). 





PETIT (Les). 757 


Perit prenon p'Inpe, les graines du Croton tiglium L. (voy. ce mot). 

Perit rois, le Pisum sativum L. (voy. Pors). 

Perir pois poviLLEUx, le Mucuna pruriens DC. (voy. Mucuna). 

Perir poivre, le Vitex Agnus castus I:. (voy. GarriLter). 

Perir pucerace, le Vinca minor L. (voy. Pervexcae). 

Perit Rz pu Pérou, les graines du Chenopodium quinoa Willd. (voy. Cné- 
NOPODÉES). 

Perit souci, le Calendula arvensis L. (voy. Souci). 

Perir sursau, le Sambucus ebulus L. (voy. Sureau). 

Perit trioer, le Medicago lupulina L. (voy. Luzerne). 

Perir vesceron, le Vicia hirsuta L. (voy. Vesce). 

PETITE ABSINTHE, l'Artemisia pontica L. (voy. Armoise). 

Perre ALGAROBE, l'Algarobia iuliflora Benth. (voy. ALcarose). 

Perire BARDANE, le Xanthium strumarium L. (voy. LampourDE). 

Perime BourrACHE, l'Omphalodes verna Mœnch (voy. OmpHaLone). 

Perite BuGLOssE, le Lycopsis arvensis L. (voy. Bugrosse). 

Perire cenTauRÉE, l'Erythræa centaurium L. (voy. CenrauRéE et ÉRYTHRÉE). 

PeniTe cHÉLIDONE, le Ficaria ranunculoides Mœnch (voy. ReNoncuce). 

Perime ccur, l'Æthura cynapium L. (voy. Æruuse). 

PETITE CITRONELLE, le Santolina chamæcyparissus L. (voy. SANTOLINE). 

Perime consoupe, l'Ajuga reptans L., et l'Omphalodes verna Mænch (voy. 
BucLe et OMPHALODE). 

PETITE DIGITALE, le Gratiola officinalis L. (voy. GRATIOLE). 

Perire nouve, le Ranunculus flammula L. (voy. Renoncore). 

Perime ÉCLAIRE, le Ficaria ranunculoides Mœnch (voy. Rexoncure). 

PETITE JOUBARBE, le Sedum acre L. (voy. Orrin). 

PETITE MARGUERITE, le Bellis perennis L. (voy. PaquereTTE). 

Perire mauve, le Malva rotundifolia L. (voy. Mauve). 

Perire musquéE, l Adoxa moschatellina L. (voy. Anoxa). 

Perire orTIE, l'Urtica urens L. (voy. OrTIE). 

PETITE osEILLE, l'Oxalis acetosella L., et le Rumex acetosella L. (voy. Oxaus 
et OSEILLE). 

Perime PERVENCHE, le Vinca minor L. (voy. PERVENCHE). 

PETITE RADIAIRE, l Astrantia minor L., de la famille des Ombellifères. 

Perime Rave, le Raphanus sativus L. (voy. Rapis). 

PETITE SCROFULAIRE, le Ficaria ranunculoides Mœnch (voy. RexoncuLe). 

PETITE SERPENTAIRE, l'Ophioglossum vulgatum L. (voy. OPxio6Losse). 

PETITE VALÉRIANE, le Valeriana dioica L. (voy. VALÉRIANE). Ep. Ler. 


PETIT (Les). 


Petit (ANTOINE). A la mort d'André Du Laurens, premier médecin de 
Henri IV (août 1609), la place resta vacante. Henri IV manifesta une préférence 
marquée pour Antoine Petit, médecin de Gien, et, l'ayant appelé à la cour, il 
lui offrit la charge d’archiâtre suprême. Antoine Petit accepta, mais se démit 
au bout de six semaines et regagna sa ville natale. Son ami, Pierre Miloy, le 
remplaça, mais à une condition, que lui Antoine Petit conserverait la qualité 
de premier médecin, et qu’ils partageraient ensemble les gages et émoluments 


par moitié. AIG 


758 PETIT (Les). 


Petit (Pierre). Philosophe, poëte, antiquaire, numismate, précepteur des 
enfants de l'illustre premier président de Lamoignon, est né à Paris en 
1617; il mourut le 9 décembre 1687, et fut inhumé dans le cimetière 
de Saint-Étienne-du-Mont. On le trouve bachelier à la Faculté de médecine de 
Panis en 1658. Les poésies, les latines surtout, le placent au premier rang des 
versificateurs. La plupart de ses œuvres ont été réunies de son vivant en un 
volume in-8° (Paris, 1683). Quant aux ouvrages de P. Petit se référant à la 
médecine, en voici la liste : 


I. De motu animalium spontaneo liber unus. Paris, 1660. in-8. — II. De lacrymis 
libri tres. Paris, 1661, in-12. — III. Exercitationum de ignis et lucis natura defensio. Paris, 
664, in-4°. — IV. Dissertatio de nova Cartesii philosophia. Paris, 1670, in-8°. — V. De 
Amazonibus Dissertatio. Paris, 1685, in-12. — VI. De Sibylla libri tres. Leipzig, 1686, in-8°. 
— VIL De natura et erroribus anthropophagorum. Utrecht, 1688, in-8°. — VI. Homeri 
nepenthes, sive de Helenæ medicamento luctum abolente, dissertatio. Paris, 1689, in-8°. — 
IX. Commentarii in tres priores Aretæi Cappadocis libros. Londres, 1726, in-#. A. C. 


Petit (Jacques). (Chirurgien du dix-septième siècle, oublié par les bio- 
graphes. Il fut attaché à l'Hôtel-Dieu de Paris pendant près de cinquante ans, 
de 1654 à 1700. La Faculté de médecine de Paris possède un portrait de lui, 
avec cette inscription : « Jacques Petit, médecin-chirurgien de l'Hôtel-Dieu, mort 
le 22 aoùt 1708, âgé de quatre-vingt-dix-sept ans, après avoir travaillé 
quatre-vingts ans, enterré selon son désir dans la chapelle de l'Hôtel-Dieu. » 
M. L. Brièle, dans ses Notes pour servir à l'histoire de l'Hôtel-Dieu de Paris, 
1870, in-8°, lui consacre une notice intéressante et le regarde comme « le 
premier chirurgien vraiment digne de ce nom que l'Hôtel-Dieu ait eu » 
(H. Bordier et L. Brièle, Les Archiv. hosp. de Paris, 1877, in-8°, p. 64. 


Petit (Jean-Louis). Célèbre chirurgien français, né le 45 mars 1674, à 
Paris, où il est mort, le 20 avril 1750. Sa vie fut consacrée à la science dès sa 
plus tendre jeunesse. Encore enfant il montra un goût particulier pour l'ana- 
tomie : c'était une véritable passion chez lui, et, lorsqu'il fut admis à suivre 
les leçons du célèbre Littre, il devint en peu de temps son prosecteur et son 
répétiteur. Tout en faisant son apprentissage chez un chirurgien selon la cou- 
tume du temps, il suivit les leçons cliniques de Maréchal, à la Charité. 
Employé comme chirurgien militaire à l’âge de vingt-deux ans, ìl profita de 
tous ses moments de loisir pour se livrer à l’enseignement de l'anatomie, puis 
après huit ans de service, dans lequel il acquit une grande connaissance de l’art, 
il revint, en 1700, à Paris, prendre le titre de maître en chirurgie et s’y éta- 
blir définitivement. Là commencent sa réputation de professeur et de savant, 
et cette carrière de travail et de lutte à laquelle sa prodigieuse activité ne fit 
jamais défaut. Outre les cours d'anatomie et d'opérations qu'il faisait aux écoles 
de médecine, on le voit établir chez lui un enseignement particulier où 1l eut 
pour auditeurs les chirurgiens les plus remarquables de son époque, qui pro- 
pagèrent au loin ses préceptes et ses doctrines. Comme praticien, Petit jouit 
d’un immense succès, auquel les critiques passionnées dont il fut l'objet ne 
portèrent point d'obstacle. Il fut l’un des fondateurs de la célèbre Académie de 
chirurgie (1751) qui a tant contribué aux progrès de la science et de l'art, et 
qui a relevé la chirurgie au niveau qu’elle devait occuper. Membre de l’Aca- 
démie des sciences (1715) et de la Société royale de Londres, il devint démons- 
trateur royal aux écoles de chirurgie et censeur pour les livres consacrés à cet 











PETIT (Les). 7159 


art. Aucun homme jusqu'à Desault n'exerça une si puissante influence. On l'ap- 
pelait dans toutes les maladies graves, et peu d'opérations délicates étaient exé- 
cutées sans qu'il y fùt présent. « Les services qu'ii sendit à la chirurgie sont 
immenses, dit Bégin. On lui doit un tourniquet construit sur des principes 
rationnels pour suspendre le cours du sang dans les artères. Ses recherches 
relatives au mécanisme suivant lequel s'arrêtent les hémorrhagies ont été con 
firmées par les expériences les plus récentes. Il a présenté de judicieuses consi- 
dérations sur les tumeurs formées par la rétention de la bile dans la vésicule 
biliaire. Il imagina, pour extraire les corps étrangers de l'œsophage, une sorte 
de chaîne formée par des anneaux de fil de fer, qui est quelquefois utile. » 

La collection des travaux de l’Académie de chirurgie et celle de l'Académie 
des sciences renferment plus de quarante mémoires de J.-L. Petit, tous d'un 
grand intérêt, sur divers points de physiologie et surtout de pathologie chirur- 
gicale. On a encore de lui : L'art de guérir les maladies des os (Paris, 1705, 
in-12), trad. en allemand, et réimprimé sous ce titre : Traité des maladies 
des os (Paris, 1723, 2 vol. in-12); ce livre fut l'objet des attaques les plus 
vives et les plus injustes; les ruptures du tendon d'Achille y sont pour la 
première fois étudiées avec exactitude, et l'on n’a ajouté que peu de chose à 
l’appareil proposé par l’auteur pour les guérir. Traité des maladies chirur- 
gicales et des opérations qui leur conviennent (Paris, 1774, 1780, 1790, 5 vol. 
in-8°, pl.). Cet ouvrage posthume, publié par Lesné, et auquel les traités 
classiques ne cessent de faire des emprunts, est encore, après un siècle, à la 
hauteur de la science, tant pour l'exactitude des descriptions que pour les affec- 
tions des os. On a publié en 1837 un recueil des Œuvres de J.-L. Petit 
(Limoges, in-8° | Biogr. Didot}). L. Hy. 


Petit (Antoine). Un des plus habiles praticiens et professeurs du siècle 
dernier. Il naquit à Orléans, le 23 juillet 1722, d'un pauvre tailleur qui lui 
fit cependant faire de bonnes humanités. Il fut reçu docteur à Paris le 26 no- 
vembre 1746. Depuis cette époque, sa renommée ne fit que s’accroitre comme 
professeur et comme praticien. Quoi qu'il se fùt livré spécialement à la médecine, 
cependant on le vit aussi faire plusieurs opérations chirurgicales avec beaucoup 
d'habileté. Ce fut cette haute réputation qui lui ouvrit les portes de l’Académie 
des sciences en 1760, car à cette époque il ne s'était pas encore distingué comme 
écrivain, n'ayant donné, outre une édition de Palfyn, que deux mémoires, l'un 
sur les ligaments de la mâchoire, l’autre sur un cas d'anévrysme. A la mort de 
Ferrein, il obtint la chaire d’anatomie au Jardin du roi, qu’il occupa avec 
succès. Vers 1776, Petit se retira à Fontenay-aux-Roses, et plus tard à Olivet 
(Loiret), où il mourut le 21 octobre 1794. Antoine Petit, voulant laisser à sa 
ville natale un souvenir durable, y fonda une salle de consultations gratuites. 
Outre une comédie en un acte, il a publié les ouvrages suivants : 


I. Anatomie chirurgicale de Palfyn. Paris, 1755, 2 vol. in-12. Ibid., 1757, in-4°. — II. 
Recueil de pièces concernant les naissances tardives. Paris, 1166, 2 vol. in-8°. — III. Rap- 


port en faveur de l'inoculation. Paris, 1768, in-12. 


Petit (Manc-Anromne). Chirurgien fort habile, doublé du littérateur, il 
naquit à Lyon, le 3 novembre 1766, fit ses études à Beaujeu, et les termina 
avec succès. À peine âgé de dix-sept ans, il obtint, par le concours, une place 
de chirurgien interne à l’hospice de la Charité de Lyon. Cinq ans après, il 


760 PETIT (POURFOUR DU) (Les peux). 


remporta de la même manière celle de chirurgien en chef, dont une nouvelle 
décision des administrateurs ne lui permettait cependant d'entrer én jouissance 
qu'au bout de six années. Obligé, par le même règlement, d'aller passer trois 
ans à Paris, il y eut tous les succès que ses talents naturels devaient lui donner. 
De Paris il se rendit à Montpellier où il fut recu docteur en 1790. Revenu à 
Lyon l'année suivante, il assista au siége de cette ville. C'est à lui que l’on 
doit l'établissement dans cette ville d’une école de clinique chirurgicale. 
M. A. Petit mourut le 7 juillet 1811, à Villeurbanne, près de Lyon. Il fat poëte 
et publia entre autres un poëme tout médical : Onan, ou le tombeau du Mont- 
Cindre, Paris, 1809, in-8°. Au reste, dès l’année 1788, à l’âge de vingt-deux 
ans, le futur chirurgien s'était essayé dans la poésie en dédiant à Louis, secré- 
taire perpétuel de l’Académie de chirurgie, une Ode sur l'anatomie, qu'on 
a retrouvée manuscrite dans ces derniers temps, et qui a été publiée par la 
Gazette médicale de Lyon (16 juillet 1864). M. A. Petit a encore écrit une 
Épitre sur la confiance en médecine (Magas. encyclop., année 1805, t. Il, 
p. 218), un Éloge de Desault. Lyon, 1795, in-8°, et une Collection d'obser- 
vations cliniques qui ont été publiées par A. Lusterbourg et T. Jobert, Lyon, 
1815, in-8°. AG 


Petit (Marc-AnToINE). Né en 1760, reçu docteur à Paris le 15 janvier 1788, 
mort à Paris le 7 avril 1840, était membre de l’Académie de médecine et le 
doyen des médecins de l'Hôtel-Dieu. Il était chevalier de la Légion d’honneur 
depuis 1824. Il rédigeait les Éphémérides des sc. natur. et médicales depuis 
1816. Enfin, il a laissé des mémoires estimés : 


I. Projet de réforme sur l'exercice de la médecine en France. Paris, 1792, in-8° (quelques 
auteurs lui attribuent cet ouvrage qui parait être plutôt d'Ant. Petit). — II. Traité de la 
fièvre entéromésentérique, etc. Paris, 18153, in-8°. — III. Essai sur les maladies héréditaires. 
Paris, 1847, in-8°. — IV. Mémoire sur la rétention d'urine produite par les rétrécissements 
du canal de l'urèthre. Paris, 1818, in-8°. — V. Quelques réflexions sur la lithotritie et la 
cystotomie. Paris, 1831, in-8&. — VI. Avec Trébuchet et Rohault : Instruction sur la salu- 
brité des habitations. Paris, 1832, in-8°. — VII. Il publia un grand nombre d'articles dans 
le Dictionnaire des sciences médicales et dans les journaux de médecine. L. Hx. 


Petit (Azrren-Taéopore). Né à Lille en 1829, fit ses études médicales à 
Paris et se dévoua en 1854 pour soigner les cholériques du Midi. Reçu docteur 
en 1856 (L'œil est divisé en trois parties. Paris, in-4°), il vint se fixer dans sa 
ville natale et y obtint les fonctions de médecin des pauvres, qu'il remplit avec 
un rare dévouement. Reçu membre de la Société de médecine du Nord en 4860, 
il prit une part des plus actives à ses travaux. On lui doit un grand nombre 
de mémoires de médecine et de chirurgie, mais il s’intéressait spécialement à 
l'obstétrique et à la tératologie. Petit fut longtemps le secrétaire de l'Asso- 
ciation de médecine du département du Nord. Il mourut prématurément en 
octobre 1877. L. Hs. 


PETIT (POURFOUR DU) (LES DEUX). 


Petit (François Pourrour pu). Né à Paris le 24 juin 1664. A peine sorti 
du collége, il se mit à voyager et parcourut la Belgique et la France. Il fut reçu 
docteur à Montpellier, en 1690, puis revenu peu après à Paris, cultiva l'ana- 
tomie sous Duverney, la botanique sous Tournefort et la chimie sous Lémery. 





PETIVER. 764 


En 1695, il partit pour l’armée de Flandre en qualité de médecin et ne quitta 
les hôpitaux militaires qu'en 1713, à la paix d'Utrecht. Établi depuis lors à 
Paris, il devint membre de l’Académie des sciences en 1722 et mourut, rue 
Saint-Victor, le 13 juin 1741, à l’âge de soixante-dix-sept ans; le lendemain il 
était inhumé à Saint-Étienne-du-Mont. La Faculté de médecine de Paris pos- 
sède un bon portrait de lui peint par Restout, et offert par son fils le 22 sep- 
tembre 1783. François Du Petit s'est particulièrement occupé des maladies de 
l'œil et du mécanisme de la vision; la méthode par abaissement était celle 
qu'il préférait dans l'opération de la cataracte. Il a imaginé sous le nom d’oph- 
thalmomètre un instrument fort ingénieux pour mesurer les diverses parties 
de l'organe de la vue. Indépendamment de nombreux mémoires insérés parmi 
ceux de l’Académie des sciences, 
On a de lui : 


I. Lettres d'un médecin des hôpitaux du roi à un autre médecin de ses amis, sur un 
nouveau système du cerveau. Namur, 1710, in-18. — II. Dissertation sur une nouvelle 
méthode de faire l'opération de la cataracte. Paris, 1727, in-12.— III. Lettre dans laquelle 
il est démontré que le cristallin est fort près de l'uvée, où l’on rapporte de nouvelles 
preuves de l'opération de la cataracte. Paris, 1729, in-4°. — IV. Lettres concernant des 
réflexions sur ce que M. Hecquet a fait imprimer touchant les maladies des yeux. Paris, 
1729, in-4°. — V. Lettres concernant des réflexions sur les découvertes faites sur les yeux. 
Paris, 1732, in-4°. At C 


Petit (Érænne Pourrour pu). Fils du précédent et de Élisabeth Le Blond. 
Il naquit à Paris le 16 octobre 1717, fut reçu docteur à Paris le 17 octobre 1746, 
obtint les honneurs du décanat dans les deux années 1782 et 1785, et mourut 
vers l’année 1785. 


PETIT-RADEL (Puppe). Chirurgien-littérateur français, né à Paris le 
T février 1749. Docteur en médecine (24 septembre 1781), professeur de chi- 
rurgie à la Faculté de médecine (1782), professeur de clinique chirurgicale à 
la même école (1798), mort d'un cancer de l'estomac, le 30 novembre 1815, à 
‘âge de soixante-sept ans. Son existence fut assez aventureuse : en effct, lors 
du 10 aoùt 1792, craignant d’être inquiété, il quitte la capitale et va se réfu- 
gier à Bordeaux où il fait des cours; là, pour éviter le désagrément d’être 
enrôlé comme soldat, il s’embarque (juin 1795) pour les Indes Orientales, 
séjourne deux ans à l'île Bourbon, passe en Amérique et ne revient qu'en 
1798, en France, où il trouve organisée l’École de santé, qui lui ouvre ses 
portes et le fait nommer professeur de clinique chirurgicale. Il était très-labo- 
rieux, ami des lettres, versé dans la poésie latine. On a de lui, entre autres : 


1. Essai sur le lait, considéré médicalement dans ses différents aspects. Paris, 1786, in-8°. 
— II. Nouvel avis au peuple, ou instruction sur certaines maladies qui demandent les 
plus prompts secours. Paris, 1789, in-12. — IIT. Dictionnaire de chirurgie, Paris, 1790 et 
années suivantes, 3 vol. in-4. Cet ouvrage fait partie de l'Encyclopédie méthodique; Petit- 


Radel le rédigea en collaboration avec de la Roche. — IV. Cours de maladies syphili- 
tiques... Paris, 1819, 2 vol. in-8. — V. Pyretologia medica. Paris, 1806, in-8°; ouvrage 
traduit en français par l’auteur. Paris, 1812, in-8°. ARC 


PETIVER (Jaunes). Célèbre botaniste anglais, mort le 20 avril 1718, à 
Londres. Il fut élève d'un apothicaire à l'hôpital Saint-Barthélemy, puis ouvrit 
dans Aldergate-Street à Londres une officine pour son compte, et acquit une 
fortune considérable. Il réunit une belle collection qui fut, après sa mort, 


762 PETIVERIA. 


achetée par sir Hans Sloane, et elle fait aujourd'hui partie du British Museum. 
Petiver était membre de la Société royale de Londres. Plumier lui a consacré 
le genre Petiveria de la famille des Atriplicées. On a de lui : 


I. Musei Petiveriani centuriae X, rariora naturae continentes. Londini, 1695-1703, 
in-8°, pl. — H. Gazophylacii naturae et artis decades X. Ibid., 1702-1714, in-fol., pl. — 
II. A Catalogue of Rays English herbal. Ibid., 1715, in-fol., pl, avec un supplément 
publié en 1745. — IV. Pterigraphia americana, continens plus quam CCCC filicum 
variarum specierum. Ibid., 1712, in-fol., pl. — V. Plusieurs articles dans les Philosophical 
Transactions. — NI. La plupart des écrits de ce savant ont été réunis sous le titre d'Opera. 
Londres, 1764 ou 1715, 2 vol. in-fol., pl. L. Hs. 


PETIVERIA (Pcux. L.). Genre de Phytolaccacées-Phytolaccées, qui a des 
fleurs hermaphrodites, tétramères, à réceptacle concave, obconique. Sur ses 
bords s'insèrent quatre sépales, dont deux sont antérieurs. Leur préfloraison est 
imbriquée, et, étalés lors de l’anthèse, ils se dressent autour du fruit après 
lequel ils persistent. Les étamines sont au nombre de quatre, alternant avec les 
sépales, ou de cinq à huit, dont une à quatre intérieures, superposées aux divi- 
sions du calice. Leurs filets sont périgynes, subulés, et leurs anthères ont deux 
loges linéaires, latérales ou subextrorses, libres en haut et en bas, s’ouvrant 
près dé leurs bords par des fentes longitudinales. Le gynécée s'insère au fond 
du réceptacle, mais il est libre et son ovaire est uniloculaire. Son style est 
inséré sur le côté de l'ovaire et est décurrent sur celui-ci, subgynobasique; 1l 
a son extrémité stigmatifère pénicillée. Il renferme un seul ovule, subbasilaire 
et amphitrope. Le fruit est un achaine, irrégulièrement caréné d'un côté et de 
l’autre émarginé-subbilobé, avec un apicule latéral qui est un reste du style. Ses 
lobes sont prolongés en deux ou trois crêtes ou arêtes, finalement adprimées- 
réfléchies. La graine est subdressée, linéaire, fortement amphitrope, à albumen 
peu abondant, s'avançant latéralement entre les cotylédons. L'embryon a une 
radicule infère et des cotylédons foliacés, inégaux, dissemblables, repliés-convo- 
lutés. Ce sont, au nombre de trois environ, des sous-arbrisseaux de l'Amérique 
tropicale, à odeur alliacée; à feuilles alternes, entières, pétiolées; à petites 
stipules herbacées; à petites fleurs sans éclat, disposées en grappes axillaires et 
terminales; pourvues chacune d'une bractée, d’un pédicelle court et un peu 
épaissi, lequel porte deux bractéoles latérales, insérées sur lui à une hauteur 
variable. Il y a des auteurs qui admettent que tous les Petiveria observés et 
décrits ne sont que des variétés ou des formes de l'espèce unique suivante. 

P. alliacea L. (Spec., 486). Cest le Pipi, Guiné, Raiz de Guinée, Herbe 
aux poules de Guinée, plante cultivée dans nos jardins botaniques; à fleurs 
blanchàtres, hexandres, avec deux crocs de chaque côté sur le fruit. On lui a 
cependant distingué une variété octandra (P. octandra L.). 

Le P. hexaglochin Fiscu. et Mey., qui a, comme l'indique son nom, trois 
crocs de chaque côté du fruit, a été observé au Brésil, à la Guinée, à la Nou- 
velle-Guinée. C’est principalement cette variété qui ferait, comme nous l'avons 
observé, partie de certains Curares, notamment de ceux qui servent à imprégner 
les flèches destinées à la chasse des oiseaux. Tous sont réputés âcres, irritants. 
Le type est généralement employé, dans l'Amérique tropicale, comme sudori- 
fique, dépuratif; on se sert surtout de ses feuilles, dont on fait aussi des fumi- 
gations contre les paralysies. Aux Antilles, la racine passe pour un puissant 
abortif; on l’applique pilée sur les dents cariées. C’est à la forme tetrandra 
qu'on attribue surtout la Racine de Pipi; elle sert à préparer des bains, des 


PÉTREQUIN. 765 


lotions, pour le traitement des paralysies provenant du froid et des affaiblisse- 
ments de la contractilité musculaire, On a donné à toute la plante, en Ale- 
magne, le nom officinal de Herba Scorodoniæ. On la croit aussi fébrifuge, 
anthelminthique, antirhumatismale. C'est, dit-on, l'Ambuya ambo de Marcgraff ; 
aux Antilles, on la nomme Verveine puante. H. By. 


BisLioGRAPHIE. — Prom., Gen., 50, t. 39. — I., Gen., n. 459; in Act. holm. [1744], 
287, t. 7. — Juss., Gen., 84. — GærTn., Fruct., I, 564, t. 15, fig. 2. — Linke Dicis N, 
225; IUl., t. 272, 1. — Mér. et ne L., Dict. Mat. méd., V, 248. — Pror., Cen., n. 5255. 
— Gur., Drog. simpl., éd. 7, II, 452. — Paver, Tr. d'Organogr., 309, t. 62. — Moo., 
in DC. Pxodr., XUD p- Al, $..— J-A. Scnu,, in Mart. FL bras., XIV, IL t. 75. — R. H:, 
. Gen., IN, 82, n. 5. — Rosenru., Syn. plant. diaphor., 102. — H. By, Hist. des pl., IV, 54, 
2995, fig. 01, 92. H. Bx. 


PÉTONCLE (Pectunculus Lamk). Genre de Mollusques-Lamellibranches- 
Asiphoniens, de la famille des Arcadidés. 

Les Pétoncles ont la coquille orbiculaire, assez épaisse, plus ou moins aplatie, 
à bords internes crénelés, à surface externe souvent ornée de belles couleurs et 
présentant presque toujours des côtes nombreuses. La charnière est munie de 
dents cardinales disposées sur une ligne courbe. 

L'animal a le pied très-grand, en forme de croissant, et fendu dans toute sa 
longueur ; il est dépourvu de fossette à byssus. 

Les Pétoncles ont des représentants dans presque toutes les mers. On en 
connait un assez grand nombre d'espèces tant vivantes que fossiles. Le Pectun- 
culus pilosus Lamk, notamment, se rencontre communément sur les côtes de 
la Méditerranée. Sa coquille, recouverte d'un épiderme brun, pileux, est 
employée, dit-on, par les Siciliens, pour faire des camées. En. Ler. 


PETRAEUS (Herca). Médecin allemand, né à Schmalkalden en 1589, 
fut nommé professeur de botanique, d'anatomie et de chirurgie, à Marbourg, en 
1610, un an avant d'avoir pris son grade de docteur. Il se suicida le 2 août 


1620. On a de lui : 


I. Oratio encomiastica studii anatomici laudes et ulilitates varias complectens. Marburei, 
1610, in-4°. — II. Nosologia harmonica, dogmatica et hermetica. Marburgi, 1614-1616, 
2 vol. in-4°. — I. Handbüchlein der Wundarzney. Marburg, 1617, in-8°; Nürnberg, 1625, 
in-8°. — IV. Agonismata medica Marburgensia. Marburgi, 1618, in-4°. — V. Epistola de 
singulari arthritide vaga scorbutica. Ulmae, 1628, in-4°. L. Hx. 


PÉTREQUIN (Tuéonorr-Josern-ÉLéoxorn). Né à la Tète-d'Or (Isère), en 
1810, commença ses études à Lyon et y fut nommé chirurgien interne de 
l’Hôtel-Dieu. Il se rendit ensuite à Paris et y fut reçu docteur en 1835. Il 
revint dans sa ville natale et après un brillant concours fut nommé en 1837 
chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu. Il consacra les six premières années de son 
service à de fortes études spéciales et prépara ainsi les matériaux de son Traité 
d'anatomie topographique et de ses autres travaux. Vers 1840, il fut nommé 
professeur à l'École de médecine de Lyon. En même temps que son cours à 
l'École, il faisait à l'hôpital des conférences cliniques, notamment sur les affec- 
tions oculaires, qui ont toujours constitué un de ses sujets de prédilection. Le 
premier il porte quelque ordre dans la notion alors si confuse des amauroses ; 
le premier il décrit nettement cet état qu'il nommait lassitude oculaire, que 
nous appelons aujourd’hui asthénopie. Il inséra d'excellents mémoires sur la 


164 PÉTRIOLI. 


pathologie de l’œil dans les Annales d'oculistique et dans d'autres recueils. 
Enfin, l’un des plus beaux titres de gloire de Pétrequm, ce sont ses recherches 
sur les anévrysmes et sur leur traitement par la galvano-puncture et les injections 
coagulantes. 

Pétrequin fut tour à tour membre et président de toutes les sociétés savantes 
de Lyon. Il renonça en 1870 à ses fonctions de professeur et mourut le 
9 juin 1876. 

Ses ouvrages sont relatifs aux sujets les plus variés de médecine et de chi- 
rurgie, ainsi qu’à l'anatomie, à l’histoire de la médecine, aux belles-lettres, etc. 
Son œuvre capitale, la traduction des œuvres chirurgicales d'Hippocrate, dénote 
en même temps sa vaste érudition et sa connaissance approfondie de la langue 
grecque. Nous nous bornerons à citer de lui : 

I. Recherches sur la menstruation. Thèse de Paris, 1835, in-4°, n° 311. — II. Nouvelle 
mélhode pour guérir certains anévrysmes, sans opération sanglante, à l'aide de la 
galvano-puncture. Paris, 1846, in-8°. — II. Mélanges de chirurgie ou histoire médico- 
chirurgicale de l'Hôtel-Dieu de Lyon, etc. Paris, 1845, in-8°. — IV. Clinique chirurgicale 
de l'Hôtel-Dieu de Lyon. Paris, 1850, in-8. — V. Rech. sur l'origine du traité du médecin 
par Hippocrate, suivies d'une traduction nouvelle de ce livre, etc. Paris, 1850, in-8°. — 
VI. De la taille et de la lithotritie, etc. Paris et Lyon, 1852, in-8°. — VII. Mém. sur La 
suppuration bleue, etc. Paris, 1852, in-8°.— VIII. Nouvelles recherches sur l'emploi théra- 
peulique du manganèse. Paris et Lyon, 1859, in-8°. — IX. Traité d'anatomie topogra- 
phique médico-chirurgicale, etc., 2° édit. Paris, 1857, in-8° (la 1'° édition avait paru en 1843). 
— X. Traité pratique des eaux minérales, etc. Paris et Lyon, 1859, in-8°. — XI. Mélanges 
thérapeutiques sur les maladies des organes des sens. Paris et Lyon, 1860, in-8, — 
XII. Mélanges thérapeutiques sur les maladies des organes génito-urinaires. Paris et Lyon, 
1861, in-8°. — XII. Mélanges d'histoire, de littérature et de critique médicales sur les 
Principaux points de la science et de l'art. Paris et Lyon, 1864, gr. in-8°. — XIV. Essai 
sur la topographie de Lyon, etc. Lyon, 1865, in-8°. — XV. Mélanges de chirurgie et de 
médecine, etc. Paris et Lyon, 1870, in-8°. — XVI. Nouveaux mélanges de chirurgie el de 
médecine, suivis des mémoires de pathologie auriculaire. Paris et Lyon, 1873, in-8°. — 
XYII. Etude littéraire et lexicologique sur le dictionnaire de la langue française de 
M. E. Littré. Paris et Lyon, 1875, gr. in-8. — XVIII. Œuvres chirurgicales d'Hippocrate. 
Paris, 1876, gr. in-8 (voy. sur Pétrequin une notice par Gayet dans les Ann. d'oculistique, 
2° série, t. VI, p. 104, 1876, et une autre par Desgranges, in Lyon médical, 1. XXII, 
p. 214, 1876). L. Hs. 


PÉTREUX (Nerrs). On a donné ce nom à quatre petits filets nerveux qui 
sont en rapport avec le rocher dans la plus grande partie de leur trajet. Deux 
de ces filets proviennent du facial (voy. art. Facia, p. 121) et sont superficiels 
et distingués en grand et petit ; les deux autres naissent du glosso-pharyngien 
(voy. art. GLOSSO-PHARYNGIEN, p. 278) ou plutôt du ganglion d'Andersh, par le 
rameau de Jacobson : ce sont les nerfs petreux profonds, dont l’un est dit 
externe et l’autre interne. M. SÉE. 


PETRINI (Gioserre). Médecin italien, né vers 1760, exerça successive- 
ment à Ortone et à Aquila et devint professeur de chirurgie et d’accouche- 
ments à l'hôpital de San Salvatore en 1793. Il a laissé un travail : Sulla scia- 
tica nervosa, Venezia, 1784, in-8°, trad. en allem. par Spohr, en 1787, et un 
Discorso per la istituita cattedra di chirurgia ed ostetricia nel real spedale di 
San Salvatore della città dell Aquila (Aquila, 1795, in-8°). L. Hy. 


PETRIOLI (Cwerano). Chirurgien de Rome, publia en 1741 un recueil 
in-folio des planches anatomiques exécutées par Berretini et dont plusieurs sont 
simplement extraites de Vésale et de Casserius. L'année précédente, il avait déjà 





PÉTROLE. 765 


publié à Rome, in-folio, les planches d'Eustache avec une vie de cet anatomiste 
et des remarques intitulées : Riflessione anatomiche sopra le note del S. Lancisi, 
fatte sopra le tavole del Eustachi. Enfin, il a publié : Apologia anatomica, 
Romae, 1753, in-4°. L. Hy. 


PÉTROCARVI. Nom générique établi par Tausch pour l Athamanta cre- 
tensis L. (Libanotis cretica Scop.), Ombellifère du groupe des Peucédanées, 
commune dans la région méditerranéenne. C’est le Axūxzoç xpntizós de Dioscoride et 
le Libanotis des anciens auteurs. On l'appelle encore vulgairement Daucus de 
Crête, Daucus de Candie. Ses fruits allongés, cylindriques, atténués supérieu- 
rement et couverts de poils blanchâtres, ont une odeur de Panais, une saveur 
aromatique forte et agréable. Ils sont réputés diurétiques, diaphorétiques et 
stimulants, et entrent dans la composition de la thériaque, du sirop d’armoise et 
de l’électuaire diaphænix. Ils figuraient autrefois dans les officines sous la 
dénomination de Semina Dauci cretici, S. Candiani, S. Myrrhidis annuæ, 
S. Semina Athamanthæ. En. Ler. 

Bieiocrapute. — Tauscu. In Flora, p. 355, 1834. — De CanvorLe. Prodr., t. IV, p. 154. — 


Enouicuer. Gen., n° 4531. — Grenier et Gonron. Fl. fr., t. I, p. 704. — Rosexraaz. Syn. pl. 
diaph., p. 558. Ed. LEF. 


PÉTROLE. INDUSTRIE DU PÉTROLE. Le nom de ce corps veut dire huile 
de pierre (petra et oleum). En effet, c'est un liquide de consistance oléagineuse 
qui dans certaines régions s'écoule des rochers. La couleur du pétrole est brune 
foncée avec une teinte verdâtre lorsqu'il est vu par réflexion. La consistance est 
variable, souvent comparable à celle de la mélasse claire. On le connaît depuis 
la plus haute antiquité; on en parle dans la Bible, au deuxième livre des 
Machabées (Naphtar), on l'a rencontré et on le rencontre encore de nos Jours 
dans presque tous les points du globe. Malgré cela, il n'a donné lieu à des 
applications sérieuses et à une exploitation importante qu'à partir de 1859. 

Le pétrole était primitivement recueilli naturellement au sortir des roches 
desquelles il s’écoulait; par la suite on fut obligé de s’ingénier pour lex- 
traire du sol, on creusait, dans les localités dans lesquelles le sol en était 
imprégné, des trous carrés, boisés intérieurement de quelques mètres en pro- 
fondeur et de 2 à 3 mètres de diamètre. On laissait séjourner dans ces sortes 
de puits des couvertures de laines, qui s’imbibaient peu à peu du produit, on 
retirait ensuite ces couvertures et on en extrayait le pétrole par torsion. Un 
perfectionnement à ce mode opératoire fut apporté en Pennsylvanie, où à 
chaque puits on adjoignait une série de galeries souterraines, ce qui augmentait 
lé rendement. í 

La seconde étape d'exploitation est celle qui commence à partir de 1859. Les 
industriels et les nombreuses compagnies fondées dans le but d'extraire cette 
huile minérale se mirent à creuser des puits à la sonde. Les premiers puits 
avaient une profondeur de 20 mètres environ, puis on alla au delà, des profon- 
deurs de 30, 50 et 100 mètres furent dépassées. Quelques-uns de ces puits don- 
naient des jets de pétrole, d'autres des jets de gaz combustibles, d'autres enfin 
des jets d’eau salée. Cela tenait à ce que la sonde avait atteint une poche con- 
tenant les trois substances précitées et dans laquelle les gaz possédaient une 
forte tension. Suivant que le tube pénétrait dans la partie gazeuse, dans l'huile 
ou dans l’eau salée, la nature du produit amené à la surface variait. De nos 


766 PÉTROLE. 


jours le nombre des puits est devenu très-grand ; il en est de même de la pro- 
duction. La profondeur des puits exploités a suivi aussi une même progression. 
Ainsi on cite le puits de Homewood en Pennsylvanie, appartenant à M. George 
Westinghouse, qui a 2000 mètres de profondeur. Les puits jaillissants ne possè- 
dent qu'un débit momentané, essentiellement variable comme rendement. On 
obtient des débits plus constants avec les puits non jaillissants et dont on retire 
l'huile au moyen de pompes. Cependant tous ces puits finissent par se tarir 
parce que les réservoirs naturels ne sont pas inépuisables. 

La composition du pétrole est très-variable. Ce corps n’est qu'un mélange en 
proportions variables d'un nombre assez considérable de carbures d'hydrogène 
de plus en plus condensés sur lesquels nous reviendrons dans un instant. 

L'huile qui sort de terre ou que l’on puise au moyen de pompes constitue le 
pétrole brut. De la source où on l’emmagasine dans de grands réservoirs en 
bois on le transporte au loin dans les usines à distillation. Ce transport s’effec- 
tue le plus souvent au travers de longs tubes métalliques ajustés bout à bout 
et dont la longueur totale dépasse quelquefois des centaines de kilomètres. Le 
transport au delà des mers se fait dans des tonneaux en bois enduits intérieu- 
rement d'un mélange de gélatine et de mélasse, pour empêcher le passage au 
travers des produits les plus volatils qui ont l'inconvénient de former avec l'air 
des mélanges détonants. On fait également usage de tonneaux en tôle de fer. 
Pour éviter les accidents on doit prendre la précaution de ne pas remplir com- 
plétement ces derniers, car le pétrole est très-dilatable par la chaleur, et les 
tonneaux pourraient éclater. Le transport se fait aussi dans des bateaux-citernes. 
On s’est activement occupé en Amérique et dans les vastes gisements du Cau- 
case de trouver le moyen de solidifier momentanément le pétrole pour en 
faciliter le maniement et le transport. Dans le courant de 1881, 12 brevets ont 
été pris à ce sujet en Amérique. Dans le Caucase la question a été également 
à l'ordre du Jour; on a proposé la solidification du pétrole en y dissolvant 
à chaud 2 à 5 pour 100 de savon de Marseille. Il se prend en gelée ferme, 
que le contact avec un acide suffit pour fluidifier. M. Jardery a proposé égale- 
ment pour atteindre ce but l'emploi de la saponaire, dont l'extrait aqueux 
forme avec le pétrole une émulsion épaisse que l’on détruit facilement en ver- 
sant à la surface quelques gouttes d'acide phénique ou d'acide acétique cris- 
tallisable. 

Le pétrole est plus léger que l'eau, sa densité varie de 0,18 à 0,92. Le 
pétrole brut n'est pas directement utilisé, du moins dans la majeure partie des 
cas, où son emploi est tout au moins assez restreint. Il est expédié dans les 
usines où il est soumis à la distillation et à la purification. Le pétrole brut, et 
aussi quelques-uns de ses dérivés par distillation, sont éminemment inflam- 
mables. Ces produits sont d’un maniement très-dangereux. On ne doit les mani- 
puler qu'avec les plus grandes précautions; les dépôts et les usines sont classés 
parmi les établissements dangereux, insalubres et incommodes; ces établisse- 
ments doivent être isolés et entourés avec des murs ou des talus assez élevés 
pour éviter le répandage au dehors du liquide enflammé en cas d'incendie. Dans 
les ports où se font les chargements et déchargements de pétrole, il existe des 
règlements très-sévères sur leur manutention. 

Dans les usines bien comprises, les pétroles bruts sont emmagasinés dans 
d'immenses réservoirs en tôle de fer, et toutes les manipulations sont faites au 
moyen de pompes centrifuges et de tuyaux souterrains. Les pompes sont situées 





PÉTROLE. : 767 


dans un local isolé et les appareils distillatoires généralement en assez grand 
nombre sont en plein air. Ces appareils sont chauffés le plus souvent par de la 
vapeur d'eau surchauffée dont la production et la surchauffe se font assez loin 
des alambics. 

Le pétrole brut soumis à la distillation fractionnée donne une série de pro- 
duits de moins en moins volatils qui sont : l’éther de pétrole, l'essence de 
petrole, les huiles légères de petrole, et les huiles lourdes de pétrole. 

Les premiers produits, qui constituent l’éther de pétrole, ont une densité de 
0,65 environ, ils passent à la distillation de 45 à 70 degrés centigrades. L’éther 
de pétrole prend feu au contact des corps enflammés, la vapeur forme avec l'air 
un mélange détonant, c'est un bon dissolvant des corps gras, des résines et de 
certains principes alcaloïdiques. Il a été employé comme anesthésique. 

Les seconds produits passent de 75 à 120 degrés; ils sont inflammables à 
la température ordinaire, et on les désigne sous les noms d'essence minérale, 
d'essence de pétrole ou de naphte. Leur densité varie de 0,702 à 0,740. L’es- 
sence de pétrole possède, à un moindre degré, les propriétés de l’éther de 
pétrole. Elle sert à l’éclairage dans des lampes spéciales (lampes à éponges). 

Le troisième produit distille de 150 à 280 degrés. On recueille une huile 
qu'on purifie ensuite par l’action successive de l’acide sulfurique et de la soude 
caustique. L'huile est blanchie par son exposition en minces couches au soleil. 
Cette huile, qu'on appelle photogène ou kérosène, sert à l'éclairage, sa densité 
varie de 0,780 à 0,810. L'huile de pétrole purifiée ne doit pas émettre de 
vapeurs inflammables au-dessus de 55 degrés. Cette huile sert principalement 
pour l'éclairage, qui se fait dans des lampes spéciales à mèches s’imbibant 
dans le liquide placé au-dessous, et dont la disposition est telle qu’une grande 
quantité d’air puisse activer la combustion. On obtient ainsi, soit par des dis- 
positifs spéciaux de la lampe, soit par la forme des verres de lampes, une 
lumière intense et une flamme non fuligineuse. Le quatrième produit distille 
de 280 à 400 degrés, il est constitué par un ensemble de produits qu'on 
désigne sous le nom d'huiles lourdes de pétrole, la densité varie de 0,830 
à 0,900. Cette huile sert au graissage et au chauffage. Dans les dernières por- 
tions qui distillent, on rencontre de la paraffine ; on a soin de laisser la tempé- 
rature du réfrigérant s'élever vers 50 degrés pour empêcher la solidification du 
produit distillé et l’obstruction de l'appareil. 

Dans certaines usines, on sépare du pétrole brut : 1° les huiles légères, 
densité 0,800 à 0,830; 2° les huiles lourdes, densité de 0,830 à 0,900. Les 
huiles légères sont purifiées par l'acide sulfurique et la soude caustique, et par- 
tagées au moyen d’une seconde distillation fractionnée en : essence de pétrole, 
naphte ou benzine, D = 0,700 à 0,750, et en pétrole raffiné, kérosène, photo- 
gène, pétrole commercial, D = 0,790 à 0,820. 

Les huiles lourdes donnent par distillation fractionnée, après purification à 
l'acide sulfurique et à la soude, une petite quantité de petrole commercial ; 
de l'huile solaire, D = 0,830 à 0,870 ; de l'huile à graisser pour machines, 
D—0,900 à 0,955, enfin de l'huile paraffinée pouvant donner de la paraffine 
solide par refroidissement. 

On a modifié ce mode opératoire dans le but d'extraire de la vaseline de ces 
huiles paraffinées. 

La nomenclature des produits obtenus du pétrole prête à confusion. Beaucoup 
dè ces corps ont des synonymes ; de plus, comme ils sont formés par des 


768 PÉTROLE. 


mélanges dont les proportions varient, les produits désignés sous le même nom 
et provenant d'usines différentes ne sont souvent pas semblables entre eux. 
Les Américains désignent ainsi leurs produits combustibles : 


Rhigolène.. . . D — 0,60 presque entièrement formé de produits distillant au-dessous de 38. 
Gazoline.. =i = 0,61 à 0,65 renfermant 80 à 90 pour 100 de produits distillant vers 70°. 
Naphte4 2 D=0/65% 067 — — — 138°. 
Benzine 0 D 06107 — 60 à 70 pour 400 — 1- 


Kérosène léger.. 


ON D — variable. 
Kérosène lourd. 


CHIMIE DU PÉTROLE. Le mode exact de formation du pétrole au sein des 
couches terrestres est encore inconnu; il n'existe à cet égard que des hypo- 
thèses, que toutefois on peut ranger en deux ordres opposés. Pour les uns, le 
pétrole résulterait de la décomposition des plantes marines, des fucus notam- 
ment, et des animaux vivant sur les bords des mers primitives. C'est pour cela 
qu'on trouverait l'eau salée avec le pétrole. Toutefois, il est bon d'observer 
qu'on n’a jamais rencontré de débris végétaux ou animaux dans les gisements 
de pétrole, ce qui s'accorde peu avec cette hypothèse. Pour d'autres, M. Ber- 
thelot, par exemple, le pétrole résulterait de la condensation et de la modifica- 
tion des produits condensés de l’acétyiène, lequel se produirait dans l’intérieur 
de la terre aux dépens de l'acide carbonique, des métaux alcalins et de Feau. 
Pour Mendeleeff, le pétrole proviendrait de l’action de l’eau sur des métaux 
carburés. Pour Byasson, il résulterait de l’action d’un mélange de vapeur d’eau, 
d'acide carbonique et d'hydrogène sulfuré sur le fer. 

Le pétrole brut n’est qu'un mélange d'hydrocarbures, dont le nombre, la 
nature et surtout les proportions relatives varient d'un lieu à un autre. Nous 
allons examiner la composition chimique des pétroles bruts les mieux étudiés. 

PÉTROLE D AMÉRIQUE. C'est l'Amérique du Nord qui fournit la plus grande 
quantité de pétrole. La constitution de ce corps a été d’abord établie en 1864 
par Pelouze et Cahours, qui ont trouvé qu'il était presque exclusivement composé 
de carbures saturés à formule générale CrH? ?, depuis CH* jusqu’à CH=, qui 
bout à 280 degrés, puis de paraflines à rene de fusion variant de 45 à 
65 degrés. Schorlemmer a repris l'étude de ce pétrole; il a trouvé qu'à côté 
des re normaux mentionnés par Pelouze et Cahours existaient des car- 
bures isomériques tels que le diméthylpropane CSH® et le diméthyldiéthylmé- 
thane CH. On y aurait également rencontré de l'hexahydrométaxylène. 

Lorsqu'on chauffe le pétrole brut, les produits gazeux qui sont en dissolution, 
méthane CH‘, éthane CH, propane CIS et butane C'H, se dégagent. Dans les 
usines on peut utiliser ces gaz pour l'éclairage. Les autres produits se volatili- 
sent ensuite et sont susceptibles d'être condensés. Lorsque la distillation est 
opérée dans des appareils métalliques de grande capacité (comme dans l’indus- 
trie), la température s'élève parfois beaucoup, ce qui produit des actions secon- 
daires capables de modifier la constitution des carbures existant normalement 
dans le pétrole brut. C'est ainsi qu'il se forme des carbures éthyléniques, des 
carbures acétyléniques et des carbures aromatiques. Tout le pétrole brut ne 
passe pas à la distillation; dans les cornues reste un résidu fixe noir qui 
s'enrichit en carbone à mesure qu'on entretient et qu'on élève la température. 
Dans ce résidu, qui est un véritable coke, MM. L. Prunier et E. Varenne ont 
retiré au moyen du sulfure de carbone une substance noirâtre par réflexion et 
rouge par transparence, renfermant 95 à 95 pour 100 de carbone. Cette sub- 


PÉTROLE. 769 


stance cède à l'alcool bouillant, à Véther et à l'acide acétique cristallisable, 
différents composés oxygénés. C’est au composé qui est dissous par l'acide acé- 
tique et qui est jaune brun que paraît due la fluorescence du pétrole. 

Indépendamment des carbures accidentellement produits par l'action de la 
chaleur sur le pétrole brut et dont nous avons parlé ci-dessus, il en existe un 
certain nombre de très-remarquables. Tel est le petrocène, corps vert cristallin, 
qui a été étudié par M. L. Prunier. 

Pérrore pu Caucase. Ce pétrole est également très-abondant et il donne lieu 
à une industrie analogue à celle du pétrole américain. MM. Schützenberger et 
Josime ont montré que la majeure partie de ce pétrole était formée par des 
carbures non saturés répondant à la formule CH?", isomériques avec les car- 
bures éthyléniques, mais s'en distinguant par leur peu d’affinité chimique et 
se rapprochant en cela des carbures saturés CH?%+?, D'après ces auteurs on 
devrait les considérer comme des carbures aromatiques perhydrogénés à chaînes 
latérales. On en a retiré entre autres les composés suivants, hexahydrobenzine, 
hexahydrotoluène, hexahydroisoxylène, métaméthylpropylbenzine et tétramé- 
thylbenzine (cymènes), puis des propylnaphtalines. 

Une étude analogue pourrait être faite sur les autres pétroles, elle permettrait 
à coup sûr d'observer des différences et des rapprochements. Nous nous con- 
tenterons de dire quelques mots des principales variétés. 

Le pétrole de Rangoon (Birmanie) est d’une consistance butyreuse; il est 
très-riche en paraffine et sert principalement à l'extraction de ce produit. 

Les petroles des îles de l'Océan indien sont des huiles fort impures qui 
réclament un raffinage énergique. 

Le pétrole du Canada, foncé, visqueux et d'une odeur désagréable. 

Le pétrole de Pennsylvanie, plus clair que le précédent, verdâtre, assez fluide, 
peu odorant; il peut dans certains cas être employé directement à l'éclairage. 

Le pétrole d'Égypte : ce pétrole diffère de celui d'Amérique par sa densité 
qui est plus élevée; de plus, il ne renferme ni éther, ni essences de pétrole, ni 
paraffine. 

Usaces DU PÉTROLE. Le pétrole et ses divers produits sont en somme la 
réunion sous une forme condensée de deux substances, le carbone, l'hydrogène, 
éminemment combustibles. C’est un des combustibles les plus parfaits que l'on 
connaisse. À poids égal les huiles de pétrole, dont le point d'ébullition est infé- 
rieur à 280 degrés, donnent une fois et demie à deux fois autant de chaleur que 
les houilles de meilleures qualités. 

L'éther de pétrole, l'essence de pétrole et les huiles lampantes, sont utilisés, 
svit comme dissolvant, soit pour l'éclairage. On a déjà étudié l'emploi de ces 
corps comme source de force motrice et on a construit des machines à gaz dans 
lesquelles le gaz de l'éclairage est remplacé par de l'eau carbonée de l'essence 
de pétrole. 

Les huiles lourdes de pétrole sont employées pour le graissage des machines 
et tendent à l'être comme combustible. H. Sainte-Claire Deville a imaginé une 
grille spéciale verticale pour brûler les huiles lourdes. Cette grille mobile s'in- 
stalle à la place de la porte des foyers des chaudières, locomobiles, locomotives, 
chaudières de bateaux à vapeur, fourneaux à moufles ou autres. On a soin de 
placer sur la grille ordinaire du foyer une plaque de tôle de façon à l’obstruer. 
Cette grille Deville permet d'utiliser la majeure partie de la chaleur fournie 
par la combustion du produit; elle a aussi cet avantage, de pouvoir s'enlever 


picr. ENC. 2° s. XXII. 49 


770 PETRONIUS. 


à volonté, de telle sorte qu’on peut chauffer la même chaudière, soit au pétrole, 
soit au charbon de terre. 

On utilise le pétrole et ses produits dans les laboratoires de chimie : 
l'éther, les essences, comme dissolvants, et tous les produits comme moyen 
de chauffage. On a également proposé le pétrole comme insecticide, pour pré- 
server les métaux de l'oxydation, et enfin pour faciliter le tournage de métaux 
très-durs. CH. BLarez. 


PÉTROLE. Boranique. Un des noms vulgaires, cité par Chomel, du Cal- 
luna vulgaris Salisb. (Erica vulgaris L.). En. Ler. 


PÉTRON ou PÉTROT. Noms vulgaires, cités par Chomel, du Genévrier 
(voy. ce mot). Evo. LEF. 


PÉTRONCIANUM. Nom de l'Aubergine (Solanum melongena L.), dans 
quelques auteurs anciens. En. Ler. 


PETRONIO. Petronio, en latin Petronius, était complétement ignoré des 
historiens avant que la découverte du Compendium Salernitanum, trouvé dans 
une bibliothèque de Breslau, eùt dévoilé son existence. Plusieurs médecins posté- 
rieurs de l’école de Salerne ont porté le nom, qui est très-décidément italien ; 
quant à celui dont il s’agit ici, il paraît avoir vécu à la fin du onzième siècle. 
Sa biographie nous est parfaitement inconnue, bien qu'il ne soit pas sans 
valeur. On trouve cité dans Jean Platearius un certain Petricello, et dans l’article 
correspondant du Compendium on trouve mentionné Petronio : serait-ce donc 
le même personnage que par une appellation familière on aurait désigné sous 
le nom de Petricello? Jl est vrai que dans le même Compendium un article de 
la Trotula signale un Petricello qui appartenait manifestement à une génération 
antérieure. Quoi qu'il en soit, on voit, d’après les extraits qui font partie du 
manuscrit de Breslau, que le médecin dont il s’agit avait écrit un traité 
complet de médecine, dans lequel il parlait non-seulement des maladies géné- 
rales, mais encore des maladies particulières de capite ad calcem. 

Dans les extraits relatifs aux fièvres, il est facile de reconnaître que cet 
auteur avait une prédilection marquée pour la thérapeutique, n’accordant que 
peu de place à la nosographie, mais décrivant les maladies avec autant de 
netteté que de précision, saus passer sous silence les phénomènes caractéris- 
tiques qu'il donne d’une manière aphoristique ; du reste, il se livra à la poly- 
pharmacie du temps avec l'abandon d'un praticien. 

D'après les citations de Jean Platearius Il, et même de Trotula, il paraît que 
Petronio devait être contemporain de Jean Platearius I, et par conséquent 
antérieur à l’arrivée de Constantin (Renzi, Collect. Salernit.). L. An. 


PETRONIUS (ALESsANDRO-TrAJaNo). Médecin italien du seizième siècle, né 
à Città di Castello (Ombrie), fut le premier médecin du pape Grégoire XII, qui 
mourut le 10 avril 1585. Petronius fut également l'ami et le médecin d'Ignace 
de Loyola. Il a publié : 


I. Proposita, seu aphorismi medicinales 149. Venetiis, 1555, in-8°.—11. De aqua Tiberina. 
Romae, 1559, in-8&. — III, Dialogi de re medica. Romae, 1561, in-4. — IV. De morbo 


PETRUNTI. 171 


Gallico libri VII. Venetiis, 1566, in-fol. — V. De victu Romanorum et de sanitate tuenda 
libri V, etc. Romae, 1581, in-fol. Trad. en ital. par Paravicini, Roma, 1592, in-4°. L. Hn. 


PÉTRO-SALPINGO-STAPHYLIN (Musee). Voy. OREILLE externe. 
PETROSELINUM. Voy. PersIL. 


PÉTROZ (LES Deux). 


'Pétroz (ANTOINE). Médecin, né à Montmeillan (Savoie), le 2 juillet 1781, 
commença ses études à Lyon et fut interne à l’Hôtel-Dieu. Il fut reçu docteur à 
Paris en 1808 et remplit longtemps avec dévouement les fonctions de médecin 
du bureau de bienfaisance; en 1814, il soigna les marins de la garde campés à 
la barrière de Clichy et qu'il suivit sur le champ de bataille où il fut blessé. 1l 
rendit de grands services pendant l'épidémie de choléra de 1831 et fut proposé 
pour la croix en 1832 par le Conseil municipal et le Conseil de salubrité; mal- 
heureusement, il venait de se convertir avec un certain éclat à l'homæopathie, 
et cette récompense lui fut refusée. A partir de ce jour, il publia un grand 
nombre de travaux en faveur du système de Hahnemann, entre autres ses Lettres 
à un médecin de province. Il mourut le 29 août 1859 à sa campagne de Plessy- 
Bouchard (Seine-et-Oise). Il a été fréquemment confondu avec le suivant : 


Pétroz (Henry). Pharmacien, né vers 1785, fit ses études à Paris et fut 
nommé membre de l’Académie de médecine en 1824, chevalier de la Légion 
d'honneur en 1832. Il fut longtemps pharmacien de l'hôpital de la Charité, puis 
de l'Hôtel-Dieu. Il mourut en 1866, laissant divers articles dans le Journal de 
pharmacie et le Journal de chimie, dont il fut l'un des rédacteurs depuis 1825. 
Nous citerons particulièrement : 


I. Avec Robinet : Examen chimique des fruits du lilas (Syringa communis) et considé- 
rations sur l'emploi de l'ac. carbonique et de l'éther acétique dans les analyses végétales. 
Paris, 4824, in-8e. — II. Avec Pelletier : Examen chimique du quina bicolore. Paris, 1825, 
in-8°. : L. Hy. 


PETRUCCI (Giusgree). Médecin italien, né à Rome en 1648, fut reçu 
docteur dans sa ville natale en 1668, et y fut par la suite nommé professeur. Il 
mourut vers 1711. On lui attribue l'ouvrage intitulé : De capsulis renalibus 
earumque usu. Romae, 1676, in-12. Il se trouve joint à l'ouvrage de Bartholin 
sur les ovaires et à celui de J. Verle sur l'œil sous le titre de Opuscula nova 
anatomica, Lugduni, 1696, in-12; seulement là il porte le nom de Thomas 
Petrucci, mais il s'agit du même auteur selon Eloy. Haller cite de cet ouvrage 
une édition de Rome, de 1680, in-12. L. Hy. 


PETRUNTI (Francesco). Chirurgien italien, né le 5 avril 1785, à Campo- 
basso (royaume de Naples), mort le 5 mai 1859, à Naples. Il fit à Naples de 
bonnes études médicales, et y acquit par son savoir et par son habileté la répu- 
tation d'un des meilleurs praticiens de l'Italie. Parmi les nombreuses fonctions 
dont il fut pourvu, nous citerons celles de professeur de clinique chirurgicale 
et de directeur des hôpitaux de Sainte-Marie-de-Lorette et des vénériens à 
Naples. Il était correspondant de l’Académie de médecine de Paris (Biogr. 


Didot). On cite de lui entre autres : 


772 PEUCÉDAN. 


I. Osservazioni dı lue venerea. Napoli, 1813, in-8°. — II. Memorie chirurgiche, 1829, 
in-8°. — I. Saggio sulle principali operazioni chirurgiche, 1822, 2 vol. in-8°, qui a - 
pour complément la Chirurgia minore, 1826, in-8°. L. Hy. 


PETTENKOFER (Franz-Xaver). Né à Pobenhausen, en Bavière, le 3 dé- 
cembre 1783, reçu docteur en philosophie à Salzbourg en 1809, servit de 
1811 à 1815 comme pharmacien dans les troupes bavaroises en Russie et en 
France, puis devint pharmacien en chef à Munich et en 1823, pharmacien de la 
cour et du roi. En 1829, il fut nommé assesseur médical. Pettenkofer mourut 
à Munich le 12 mars 1850, laissant un grand nombre d'articles sur le calomel, 
le seigle ergoté, la morphine, la picrotoxine, la strychnine, etc., dans le 
Buchner's Repertorium (1817-1846). 

Le célèbre professeur d'hygiène de Munich, Max Perrexkorer, est son neveu. 

L. Hs. 


PETTY (Witam). Médecin et économiste anglais, né à Rumsey (Hamp- 
shire), le 16 mai 1623, commença ses études à Caen, puis étudia la médecine 
à Leyde, Utrecht et Paris, et obtint à Oxford le brevet de docteur. Il fut en 1650 
professeur d'anatomie à l'Université de cette ville et peu après professeur de 
musique au Gresham College de Londres. En 1652, il servit comme chirurgien 
dans l’armée, en Irlande, fut le secrétaire de Cromwell et membre de la com- 
mission de répartition des terres confisquées jusqu'en 1659, ce qui lui rapporta 
une grande fortune. Sous Charles If, il redevint professeur au Gresham College, 
puis en 1661 fut nommé inspecteur général d'Irlande. Élu membre du par- 
lement, il revint à Londres et fut l'un des fondateurs de la Société royale, aux 
travaux de laquelle il contribua activement. Il fut aussi le premier président 
de la Société philosophique fondée à Dublin en 1684. Petty mourut à Londres, 
le 16 décembre 1687, laissant un grand nombre d'ouvrages sur les mathéma- 
tiques, la politique, la statistique, etc. Nous citerons seulement : 

I. Observations upon the Dublin Bills of Mortality in 1681. London, 1685, in-8°; suppl. 


en 1686. — II. An Essay Concerning the Multiplication of Mankind. London, 1686, in-8°. 
L. Hy. 


PEU (Puicippe). Dezeimeris lui consacre la notice suivante : Sorti en 1752 
de l’Hôtel-Dieu, où il avait fait dix ans l'office de chirurgien, eut une pratique 
fort étendue dans l’art des accouchements. Il en publia les résultats en 1694, 
dans un ouvrage qui mérite d’être compté parmi les meilleurs de l’époque. 
Peu ayant porté un jugement défavorable sur le tire-tête de Moriceau, cet auteur, 
peu endurant, l’attaqua avec une violence sans exemple, l'accusant d’une igno- 
rance grossière dans les principes qu'il enseignait, et d’imposture dans les 
observations qu'il avait rapportées. Peu se défendit avec avantage et sans s’écarter 
autant de la modération. Il mourut le 10 février 1707, à un âge avancé. Nous 
avons de lui : 

I. La pratique des accouchements, par M. Peu, maître chirurgien et ancien prévost et 


garde des maîtres chirurgiens juris de Paris. Paris, 1694, in-8. — II. Réponse aux obser- 
vations particulières de M. Moriceau, in-8. L.- Hx. 


PEUCÉDAN (Peucedanum T.). Genre d'Ombellifères, qui a donné son 
nom à une série des Peucédanées, et dont les fleurs sont hermaphrodites, régu- 
lières ou à peu près au centre des ombellules et irrégulières à la périphérie. 





PEUCÉDAN. 1713 


Leur réceptacle a la forme d'un sac profond, fortement comprimé d'avant en 
arrière, et les bords de son orifice portent le périanthe et l’androcée. Le calice 
est nul ou représenté par cinq petites dents, dont une postérieure et deux anté- 
rieures. Les pétales, alternes et en même nombre, sont, dans les fleurs irrégu- 
lières, d'autant plus développés qu'ils sont plus antérieurs; ils sont obovales, 
atténués à la base, avec le sommet aigu et infléchi, ce qui souvent les fait 
paraitre, comme ceux des Carottes, émarginés ou bilobés. Les cinq étamines, 
alternes avec eux, s’insèrent au-dessous du rebord saillaut, entier ou ondulé, 
crénelé, des stylopodes, en forme de cône déprimé. Les styles, plus ou moins 
longs, sont généralement subulés. L'ovaire, adnéà la concavité du sac récepta- 
culaire qu'il remplit tout entier, est infère, bilobé, et renferme dans chaque loge 
un ovule descendant, anatrope, à micropyle extérieur et supérieur. Dans les 
Peucédans proprement dits, il devient un fruit fortement comprimé parallèle- 
ment à la cloison, elliptique, ovale ou plus rarement obovale ou suborbiculaire, 
dont les méricarpes sont légèrement convexes sur le dos, plans à la face ventrale 
et entourés d’un bord aminci ou aliforme, entier. Ce bord est, avant la matu- 
rité, étroitement appliqué contre celui de l’autre carpelle, en sorte que le con- 
tour du fruit a d’abord l'air parfaitement simple. Sur le dos des carpelles se 
voient trois côtes primaires, fines et souvent saillantes. Les vallécules interposées 
sont, au nombre de quatre, occupées par une bandelette presque toujours soli- 
taire et qui le plus souvent s'étend dans toute la hauteur des vallécules. Il y a 
quelquefois des bandelettes sous les côtes primaires, et l’on en voit au moins 
une, de chaque côté de la ligne médiane, sur la face commissurale des carpelles. 
Les Peucédans sont des plantes herbacées, rarement frutescentes, quelquefois 
annuelles, glabres ou plus rarement scabres ou velues. Leurs feuilles sont 
alternes, pinnati- ou ternati-décomposées, rarement composées-pennées, à divi- 
sions étroites ou larges, et les supérieures sont souvent réduites aux gaines, 
parfois surmontées d’un reste de limbe. Les ombelles sont terminales, compo- 
sées, avec des bractées en nombre indéfini aux involucres et aux involucelles 
qui peuvent aussi faire défaut. C'est ce qui arrive notamment dans le Panais, 
pendant longtemps nommé Pastinaca sativa, espèce à fleurs jaunes et à divi- 
sions des feuilles larges, qui ne peut cependant constituer qu'une section dans 
le genre Peucédan. 

Il ya des Peucédans dont les pétales ont une nervure médiane fortement 
imprimée, et qu'on a nommés Oreoselinum, et d'autres, les Tæniopetalum, qui 
doivent ce nom à la présence sur leurs pétales de bandelettes à suc gommo- 
résineux. Dans les Impératoires, tous les caractères de la fleur et du fruit sont 
ceux des autres Peucédans. Il en est de même de l’Aneth, jadis nommé Ane- 
thum graveolens ; mais les divisions des feuilles sont fines, comme celles des 
Fenouils, et l'odeur aromatique est très-prononcée. Le fruit est cependant en 
petit tout à fait celui d’un Peucédan ; la fleur est jaune. C’est une espèce 
annuelle et souvent cultivée dans presque tous les pays. 

Les Férules (voy. ce mot) ne nous paraissent plus aujourd'hui pouvoir être 
génériquement séparées des Peucédans et ne constituent plus pour nous qu'une 
section de ce genre. Leur fruit est le même et, s'il a souvent un bord moins 
mince, cette différence est loin d’être constante. Souvent aussi leurs vallécules 
renferment chacune deux ou trois bandelettes. Mais celles que l’on a nommées 
Peucedanoïides n’en ont qu'une seule, et dans celles du groupe Scorodosma 
elles sont nombreuses et quelquefois extrêmement ténues ou imperceptibles. 


174 PEUCÉDAN. 


Souvent aussi les inflorescences ont, dans les Férules, un caractère particulier 
dù à la situation qu'occupent un certain nombre de fleurs femelles, sessiles ou 
pourvues de pédicelles courts et disposées sans ordre bien déterminé aux envi- 
rons du point d’où divergent à la base les axes secondaires de l'inflorescence. 
Mais cette particularité est aussi loin d’être constante. Il en est de même de la 
consistance ligneuse et du grand développement des tiges, de la forme et de la 
largeur des divisions des feuilles. Les Ferulago sont des Férules dont les bande- 
lettes, en nombre variable, se séparent souvent avec facilité des carpelles, avec 
la paroi extérieure du fruit qui appartient au réceptacle. Elles sont presque 
toujours irrégulières, plus nombreuses que celles des véritables Ferula et sépa- 
rées les unes des autres par des côtes un peu plus élevées. Les ombelles sont 
ordinairement aussi pourvues d’un involucre polyphylle. 

Le peu d'importance que nous devons accorder au caractère de l’inflorescence 
nous a obligé à ne plus considérer également que comme section du même genre 
les Dorema, dont les ombellules, au lieu d'être réunies en ombelles, sont éche- 
lonnées sur les axes d’une grappe ramifiée, ce qui donne à l'inflorescence un 
aspect tout particulier ; mais les fruits sont d'ailleurs tout à fait ceux d’une 
Férule ou d’un Peucédan, avec des bandelettes solitaires dans les vallécules et 
souvent fort peu épaisses. 

Le Bubon Galbanum, du Cap, est aussi un Peucédan ligneux, dont les ban- 
delettes prennent un très-grand développement, surtout à la face ventrale des- 
carpelles. Elles peuvent, dans cette plante, s’avancer jusqu'à la ligne médiane 
qu'elles occupent seule dans les espèces herbacées dont on a fait le genre Ptero- 
selinum. Dans ceux qu'on a nommés Thysselinum, elles sont profondément 
situées dans le péricarpe, mais c'est à tort toutefois qu'on les a dites séminales. 
Les Alvardia sont des Peucédans de l’Afrique tropicale, également ligneux ou 
frutescents, dont le fruit est plus largement ailé que celui du P. Galbanum. 
Les ailes sont larges et minces aussi dans la section Selinoïdes, qui renferme 
des espèces herbacées, à bractées de l’involucre nombreuses. L'involucre est le 
même dans les Cervaria, qui ont au contraire le bord du fruit plus épais et 
plus étroit. Ces deux dispositions marginales des carpelles peuvent se rencon- 
trer dans la section Eupeucedanum, où l'involucre disparaît, comme dans le 
Panais. Dans les Tommasinia le fruit est construit comme celui des Selinoïdes, 
mais les deux ailes d'un même côté s’abandonnent de bonne heure, ce qui 
donne à leur fruit une certaine ressemblance avec celui des Angéliques, dont 
les Tommasinia ont aussi le feuillage, et a valu son nom à la section du genre 
Peucédan dans laquelle on les a rangés. Leur calice est développé, comme celui 
des Archemora et des Tiedmannia, Peucédans américains dont le fruit a les 
ailes assez larges, mais contiguës. 

Ainsi compris aujourd'hui, le grand genre Peucédan renferme environ cent 
cinquante espèces, herbes vivaces, rarement annuelles, plus rarement encore 
frutescentes ou même arborescentes, qui habitent en grand nombre tout l’hémi- 
sphère septentrional de l’ancien monde, l'Afrique depuis la région méditerra- 
néenne jusqu’au Cap, et les régions montueuses et tempérées de l'Amérique 
tropicale occidentale. Nous devons donc rapporter actuellement au genre Peu- 
cédan toutes les plantes que nous avons énumérées au mot Féruze de cet 
ouvrage (série 4, [, 730). Ainsi : 

Le Ferula Asa fœtida L. est notre Peucedanum Asa fœtida. 

Le F. Sumbul (Euryangium Sumbul Kauwrrx.), que nous venons de voir 


PEUCÉDANINE. 179 


fleurir dans le jardin botanique de la Faculté de médecine de Paris, est notre 
Peucedanum Sumbul. 

Le F. Narthex Boiss. est notre Peucedanum Narthex. 

Le F. alliacea Boiss. est notre Peucedanum alliaceum. 

Le Dorema Ammoniacum Don est notre Peucedanum Ammoniacum. 

Le Dorema Aucheri Boiss. est notre Peucedanum Aucheri. 

Le Ferula Jæschkeana Nrxe est notre Peucedanum Jæschkeanum. 

Le F. galbaniflua Boiss. et Buuse est notre Peucedanum galbanifluum. 

Le F. rubricaulis Borss. est notre Peucedanum rubricaule. 

L'Opopanax est probablement produit par un Peucédan ; de même aussi le 
Sagapenum. 

L'Aneth (Anethum graveolens L.) est notre Peucedanum Anethum. 

Nous avons encore à citer, parmi les Peucedanum d’une importance secon- 
daire en médecine : 

L’Impératoire, qui est le P. Ostruthium Kocu (Selinum Imperatoria Cr.). 

Le Peucedanum Ferula H. By (Ferula communis L.). 

Le P. sylvaticum H. Bx (Ferula sylvatica Bess.). 

Le P. officinale L, cultivé dans nos jardins botaniques, recherché jadis 
comme stimulant, expectorant, diurétique. 

Le P. Cervaria Guss., jadis prescrit comme fébrifuge et diurétique. 

Le P. parisiense L., si abondant dans le bois ‘de Meudon, par exemple, et 
qu'on vantait autrefois comme diurétique et dépuratif, etc. H- By. 


Bigciosrapnie. — Toury., Inst. Rei herb., 318, t. 169. — L., Gen., n. 339. — Juss., Gen., 
223. — Por., in Dict. enc., Suppl., IV, 375. — DC., Prodr., IN, 176. — Sracu, Suit. à 
Buff., VIII, 164. — Expc., Gen., n. 4462. — Bextra. et Hook., Gen. plant., I, 918, n. 125. — 
H. Bx, Hist. des plant., NII, 95, 185, 204, fig. 81-90; Tr: Bot. méd. phanér., 1056, 
fig. 2853-2858. H. By. 


PEUCÉDANINE. C”H”O* ou selon d’autres CH"O*. La peucédanine ou 
imperatorine est une matière cristalline qu’on extrait de la racine de diverses 
Peucédanées, et particulièrement du Peucedanum ostruthium Koch et du P. offi- 
cinale L. 

La peucédanine s'obtient en épuisant les racines du Peucedanum ostruthium 
par de l’alcool bouillant; on distille l'alcool ; le résidu, lavé à l’eau et à l'alcool, 
est repris par de l'éther qui dissout cette substance en abandonnant une matière 
résineuse qui la souille. La peucédanine cristallise par l’évaporation de la solution 
éthérée. 

Ce sont des prismes incolores brillants, groupés concentriquement, inodores, 
insolubles dans l’eau, aisément solubles dans l'alcool bouillant, l'éther et les huiles, 
peu solubles dans l'alcool froid; elle fond à 81-82 degrés et ne se sublime pas. 
La potasse alcoolique à l'ébullition la décompose en acide formique et en orosélone. 
A l'ébullition avec l'acide chlorhydrique concentrée ou fondue dans un courant 
de gaz chlorhydrique elle engendre également de l'orosélone en même temps 
que du chlorure de méthyle. 

Les acides étendus n’agissent pas sur la peucédanine; les acides sulfurique, 
chlorhydrique et acétique, n’exercent aucune action à froid; l'acide azotique 
concentré et bouillant la dissout en la transformant en nilropeucédanine, 
CÆH1(Az0?)T5 ou C!SHS(AZO?)H*, ou en acide oxypicrique et en acide oxalique. 
La dissolution alcoolique de peucédanine est précipitée par l'acétate de plomb 
et l’acétate de cuivre; le chlore et l'iode l’attaquent. 


776 PEUMUS (BOTANIQUE). 


Nitropeucédanine. Elle se présente en paillettes incolores, presque inso- 
lubles dans l’eau, solubles dans l'alcool et l’éther. 

Elle fond au-dessus de 100 degrés et se décompose. À 100 degrés elle absorbe 
l'ammoniaque et se transforme en nitropeucédamide, CH1 (Az0?) (4zH°)0, cris- 
tallisable en prismes rhombiques brillants, insolubles dans l’eau, très-solubles 


dans l’éther. Les acides faibles ou la potasse la convertissent en peucédanine et 


en ammoniaque. L. Hy. 


PEUCER (GasrarD). Né le 6 janvier 1525 à Bautzen, à la fois naturaliste, 
mathématicien, médecin et homme d'État, fit ses études à l'Université de Vit- 
temberg, où il fut reçu docteur, en 1551. Professeur de mathématiques, puis 
de médecine, il épousa une fille du célèbre Melanchthon, et l'électeur de Saxe, 
qui le protégeait, le nomma intendant de l'Université. Mais il se mêla bientôt à 
la lutte des catholiques avec les calvinistes, prit parti, dit-on, pour ces derniers, 
et il fut jeté en prison en 1574. L'empereur et le landgrave de Hesse intercé- 
dèrent pour lui sans succès. ll resta douze ans sous les verrous et ne fut rendu 
à la liberté que sur la promesse, qu’on lui fit jurer, de ne point se plaindre des 
procédés rigoureux dont il avait été la victime. Peucer se retira dans le duché 
d'Anbalt, à Dessau, où il mourut le 25 septembre 1602. Nous citerons seule- 
ment ses principaux ouvrages : 


I. Apellaliones quadrupedum, inseclorum, volucrum, piscium, frugum, leguminum, 
olerum et fructuum communium. Wittemberg, 1554, in-8°, Leipzig, 1559, 1564, in-8°. — 
lI. Commentarius de præcipius divinationum generibus, etc. Wittemberg, 1553, 1560, 1876, 
in-8°; 1580, 1591,in-4°; Francfort, 1593, 4607, in-8°; édit. française. Lyon, 1584, in-4°. — 
II. Joannis Baptistæ Montani libellus de gradibus et facultatibus medicamentorum. Wit- 
temberg, 1553, in-8°. — IV. Propositiones de origine et causis succini prussiaci. Ibid., 
1553, in-8°. — V. Oratio qué continetur explicatio Hippocratis aphorismi 42, partis 
secundæ, qui est de apoplexiá. Ibid., 1560, in-4°. — VI. Propositiones de hydrope, arthri- 
tide et pleuritide. Francfort, 1563, in-4°. — VIT. Oratio de sympathia et antipathia rerum 
in naturå. Wittemberg, 1574, in-8°. — VIII. Practica seu methodus curandi morbos internos, 
tum generales, tum particulares. Francfort, 1614, in-8°. — IX. Tractatus de febribus 
Francfort, 1614, in-8°. A. D. 


PEULS. Voy. Fouraus et SÉNÉGAMBIE, p. 647. 
PEULVANS. Voy. Dowen, 562, et CELTES, p. 755. 


PEUMUS (MoL.). 2 I. Botanique. Genre de Monimiacées-Hortoniées, 
dont le Boldo est jusqu'ici la seule espèce connue, le P. Boldus Mor. Le genre 
Peumus a des fleurs dioïques. Leur réceptacle concave a la forme d’un sac dont 
les bords portent les pièces du périanthe. Elles y sont insérées dans l’ordre 
spiral, inégales, imbriquées dans la préfloraison, et elles se modifient graduelle- 
ment dẹ dehors en dedans, de telle façon que les plus extérieures sont plus 
épaisses, plus courtes et chargées en dehors du même duvet que le sac récepta- 
culaire, tandis que les plus intérieures deviennent plus grandes et plus péta- 
loïdes. Dans la fleur måle, les étamines, en nombre indéñni, s’échelonnent de la 
gorge du sac réceptaculaire jusqu’à son point le plus déclive, d'autant plus 
courtes qu'elles se rapprochent davantage du fond et formées chacune d’un filet 
incurvé, muni à sa base de deux glandes latérales irrégulières, et surmonté 
d'une anthère à déhiscence sub-latérale, mais légèrement introrse. Dans la fleur 
femelle, il y a un réceptacle et un périanthe analogues, mais les étamines sont 





PEUMUS (EemrLoi). ERI 


représentées par un nombre variable de languettes stériles, étroites et aiguës. 
Plus profondément le réceptacle porte quelques (3-5 ordinairement) carpelles 
libres, à ovaire uniloculaire, à style en forme de bandelette papilleuse, articulé 
à sa base. L'angle interne de l'ovaire présente un placenta sur lequel s'insère 
un ovule descendant, anatrope, à micropyle tourné en haut et en dedans. Après 
l'épanouissement de la fleur, ie réceptacle se détache circulairement dans sa 
portion supérieure, avec le périanthe et l’androcée stérile entrainés dans sa 
chute. Sur le fond du réceptacle, persistant sous forme d’écuelle, demeure le 
fruit multiple, formé d’une ou quelques drupes à pied très-court, à chair peu 
épaisse, à noyau dur, monosperme. La graine comprend un épais albumen charnu, 
huileux, avec un embryon apical, à radicule supère, à cotylédons très-écartés. 

Le Peumus Boldus Mor. (P. fragrans Perss — Ruizia fragrans R. et Pav. 
— Boldoa fragrans C. Gay) est un petit arbre du Chili dont toutes les parties 
sont très-aromatiques. C’est le Boldoa arbor olivifera du P. Feuillée et le 
Boldo, Boldu des indigènes. Il s'élève, dit-on, jusqu’à 8 mètres. Ses feuilles sont 
persistantes, opposées, sans stipules, et ses fleurs sont disposées en grappes de 
cymes axillaires et terminales, à ramifications et à pédicelles opposés. On l'a 
trouvé près de Valparaiso, de Santiago, de Valdivia, de la Gonception, et dans la 
Cordillère de Rancho. Il est cultivé dans nos serres et supporterait bien le climat 
du midi de la France et de l'Algérie ; il a fleuri en Angleterre. 

On emploie comme médicament les feuilles que les Chiliens utilisent comme 
condiment et pour préparer des infusions digestives. Elles sont elliptiques ou 
ovales-elliptiques, à sommet obtus, entières, parsemées, surtout en dessous, de 
poils verruqueux qui les rendent rudes. Leur odeur aromatique est très-accen- 
tuée; elle rappelle celle de certaines Labiées, comme la Mélisse, avec un mélange 
de parfum tel que celui de la Coriandre. Cette odeur est due à une huile essen- 
tielle qui est renfermée dans des réservoirs unicellulaires, analogues à ceux des 
Lauracées. Les épidermes seuls n'en renferment pas. Le supérieur est formé 
de deux ou trois rangées d'éléments aplatis, il porte des poils simples ou bifur- 
qués, arqués, couchés sur la feuille. L'épiderme inférieur n'a qu'un rang de 
phytocystes ; 1l porte des stomates et des poils étoilés. Il y a dans le parenchyme 
foliaire deux zones distinctes : la supérieure formée de cellules en palissade ; 
l'inférieure formée d'éléments polyédriques, plus lâches, plus inégaux, plus 
pauvres en chlorophylle que ceux de la zone supérieure. Nous ne parlons pas des 
nervures qui parcourent ces parenchymes. Les réservoirs à essence sont presque 
tous dans le dernier, plus rares de beaucoup dans le premier. Quant à ces glandes 
unicellulaires, elles sont à peu près sphériques; l’essence jaunâtre qu’elles 
renferment est très-réfringente ; elles sont trois ou quatre fois plus grandes en 
diamètre que les phytocystes à chlorophylle ambiants. Il y a des réservoirs ana- 
logues dans le parenchyme cortical des rameaux et dans leur moelle; ces der- 
niers ont leur diamètre transversal un peu plus grand que les autres. 


BrLiocraræie. — Mora, Sagg. sull. Stor. nat. Chil. (1782), 185, 559 (part.). — A. DC., 
Prodr., XVI, p. post., 673. — Pav., Prodr. FL. per. et chil., 135, t. 29 (Ruizia). — J., in 
Ann. Mus., XIV, 154 (Boldoa). — Feuur., Obs. pl. med. (Boldo, part.). — Exo., Gen., 
n. 2019; Jconagr., t. 21 (Ruizia). — TuL., Monogr. Monim., 410, t. 31, IT (Ruizia). — Linpe., 
in Bot. Reg. (1845), t. 57 (Boldoa). — C. Gay, Fl. chil., V, 351 (Boldoa). — C. Verne, Et 
sur le Boldo (Thès. Ec. pharm. Par., 1874); in Adansonia, XI, 541. — H. By., Hist. des 
pl., I, 299, 529 536, 359, fig. 524; Tr. Bot. méd. phanér., 524, fig. 2054, 2055. H. Bn. 


2 IL. Emploi médical. Le Peumus boldo ou simplement le Boldo (Moni- 


7178 PEUMUS (EmrLot). 


miacée) fut importé en France en 1868 à la suite de certains faits plus ou 
moins véridiques, observés au Chili, sa patrie, et qui semblent avoir pour 
résultat la découverte de ses propriétés curatives contre les affections hépa- 
tiques. Il paraîtraît que des moutons cruellement décimés par une maladie du 
foie (non déterminée, hydatides probablement), ayant été enfermés dans un 
parc limité par une muraille de branches de boldo, dévorèrent leurs palissades 
verdoyantes, et l'épidémie cessa. Le gouvernement chilien fit, à la suite de cette 
constatation, étendre aux hommes l'essai de ce médicament nouveau et en tira de 
suite de grands avantages. Quoi qu'il en soit, et sans accorder de l'importance 
à cette légende, il est certain que Bertero, Ruiz et Pavon affirment qu'au Chili 
cette plante est considérée comme digestive carminative et diaphorétique; 
Claude Gay, dans sa Flore du Chili, l'indique comme un remède populaire dans 
ce pays contre les maladies du foie : ses propriétés semblent donc avoir été 
anciennement connues. C’est à titre de spécifique des maladies du foie qu'il a 
été l'objet d’études spéciales depuis quelques années et notamment de la part 
de MM. Ed. Bourgoin et Cl. Verne (Journ. de pharmacie et de chimie, 1872). 

Marière mépicaLe. Les parties employées dans la plante sont les feuilles et 
l'écorce tant de la tige que de la racine. Cette dernière, suivant une communi- 
cation récente de M. CL. Verne, semblerait même la plus active des parties médi- 
camenteuses de cette Monimiacée. Le bois n’est pas employé, il n'est du reste 
que faiblement aromatique, tandis que les écorces répandent une odeur très- 
pénétrante et très-agréable comme les feuilles. 

L'écorce de la tige et des rameaux adultes, peu épaisse et d’un brun assez 
clair, est ridée longitudinalement quand elle est sèche. Sur une coupe transversale 
on trouve un épiderme très-épais, formé de plusieurs couches de cellules portant 
des poils étoilés dont on trouve encore les traces. Au-dessous se voit une zone 
herbacée très-épaisse, interrompue par des cellules ovales remplies d'huile 
essentielle. Ces glandes en cryptes, de forme ellipsoïde, sont tantôt très- 
rapprochées les unes des autres, tantôt très-éloignées ; leur grand axe est divisé 
dans le sens de la longueur de la tige. Il est facile de mettre en évidence 
l'essence qu’elles renferment, en faisant agir sur une préparation microscopique 
une goutte d'acide sulfurique monohydraté; les glandes oléifères prennent de 
suite une couleur rouge hyacinthe qui tranche sur la couleur générale de la 
coupe. Au-dessous de cette couche se trouve le liber pourvu d'ilots de fibres 
libériennes très-résistantes. Les glandes à huile essentielle ne s’y trouvent plus, 
elles manquent du reste également dans le bois et on ne les retrouve plus que 
dans la moelle. 

Vertes, quand elles sont fraiches, les feuilles nous arrivent toujours sèches 
pour les usages médicaux et ont alors une couleur brun rougeâtre. Elles sont 
opposées, entières, ovales, coriaces, à épiderme épais, couvert de glandules; la 
uervure médiane est saillante, les nervures secondaires sont alternes ou oppo- 
sées. L'odeur que répandent les feuilles rappelle à la fois celle du laurier et 
celle des Labiées aromatiques; mâchées lentement, leur saveur est fraîche et 
aromatique. 

L'épiderme supérieur dans ces feuilles est formé de deux couches de cellules 
à parois épaisses; au-dessous règne une double couche de cellules en palissade 
dans lesquelles on voit quelques glandes à huile essentielle, mais elles y sont 
moins répandues que dans la zone suivante formée par un parenchyme irrégu- 
lièrement lacuneux. Là, ces glandes acquièrent une grande dimension qu'on ne 





PEUMUS (EempLor). 119 


retrouve pas dans l'écorce; ces glandes foliacées se distinguent d'ailleurs de 
celles de l'écorce par leur forme sphérique: leur contenu est le même. 
L'analyse des feuilles est donnée par M. Verne ainsi qu'il suit : 


Mune essentielles Re en M 2 2. 002 
Baldine ee ne UPAS | D SAR CORRE E 0,001 
Acide citrique, chaux. 
SUCLE, COMTE AEAII a E a T, 


Le produit le plus abondamment répandu par la plante est l'essence. Elle est 
soluble en très-petite proportion dans l'eau distillée à laquelle elle communique 
sa saveur et son odeur, en lui donnant une faible réaction acide au tournesol. 
Très-soluble dans l'alcool à 85 degrès, elle ne forme pas de composé solide 
avec le bisulfite de soude (absence d’aldéhyde). L'acide sulfurique monohydraté 
donne dans l'essence une coloration rouge hyacinthe immédiate. L'acide azo- 
tique donne une coloration violette, ne se manifestant que peu après dans une 
réaction qui s’opère avec dégagement de chaleur. 

L'acide chlorhydrique décolore l'essence. La potasse caustique donne une 
coloration rouge; l’iode d’abord une vive effervescence, puis l’iode se dissout 
dans la masse qui se colore et s'épaissit beaucoup. MM. Ed. Bourgoin et 
CI. Verne (loc. cit.) ont découvert et nommé boldine un alcali organique qui 
existe dans les feuilles et dans les écorces, soit de la tige, soit de la racine 
(plus abondamment dans cette dernière). Les feuilles fraiches en renferment 
moins que les feuilles sèches proportionnellement. Voici par quel procédé ils 
l'ont obtenu : les feuilles ou les écorces sont pulvérisées, puis épuisées par 
infusion avec de l'eau additionnée de 30 grammes d'acide acétique par kilo- 
gramme de produit. Le liquide filtré, puis évaporé au bain-marie, a été amené 
en consistance de miel épais; il est acide, renferme, outre l’alcaloïde et un peu 
de matières aromatiques, une grande quantité d’acétate de chaux. L'opération 
est ensuite terminée comme à l'ordinaire, c’est-à-dire que, après un lavage à 
l'éther, on sature par le bicarbonate alcalin et on enlève l’alcaloïde au moyen 
de l’éther. Celui-ci, à l'évaporation, laisse un résidu qui est repris par l’acide 
acétique étendu, puis précipité par l’ammoniaque. Il est ordinairement néces- 
saire de répéter une seconde fois le traitement pour assurer la pureté du produit 
en le débarrassant d’une petite quantité de matière jaune. La boldine est très- 
peu soluble dans l’eau à laquelle elle communique cependant une réaction 
alcaline et une saveur manifestement amère. Elle est soluble dans l'alcool, 
l'éther, le chloroforme, dans les alcalis toxiques, sensiblement soluble dans la 
benzine cristallisable. En solution dans les acides, elle précipite par l’'ammo- 
niaque, l’iodure double de mercure et de potassium, et donne avec l’eau 1odée 
un précipité brun marron. Elle est contenue en très-faible quantité dans la 
plante et c’est cette difficulté de l'obtenir pure cristallisée et en assez grande 
quantité qui a empèché jusqu'ici MM. Bourgoin et CI. Verne de connaitre toutes 
les propriétés physiques et physiologiques. 

PHYSIOLOGIE ET THÉRAPEUTIQUE. Le boldo a été employé en teinture alcoo- 
lique. Quand on donne 1 gramme de ce médicament, on observe les symptômes 
suivants : le goùt est d'abord vivement impressionné par la saveur très-aroma- 
tique de la liqueur, puis on ressent peu après une sensation de chaleur à la 
région stomacale et il se produit toutes les manifestations d'une excitation 
générale. Sous l'influence prolongée de ce médicament, l'appétit se développe, 
s’accentue, les digestions sont plus actives, mais, si la dose est élevée et dépasse 


780 PEUPLIER (BoTanique). 


2 grammes, les phénomènes d’excitation font place à des troubles digestifs 
marqués surtout par des vomissements, de la diarrhée et une sensation de 
brûlure ou de chaleur exagérée dans l'estomac. 

L’essence administrée à la dose de 30 à 40 centigrammes en capsules produit une 
sensation de cuisson dans l'estomac, des nausées se manifestent avec des renvois 
fréquents à odeur de l'essence; l’urine prend aussi l'odeur caractéristique du 
boldo, elle est claire et limpide. Ces phénomènes tant stomacaux qu'urinaires 
persistent longtemps, vingt-quatre heures environ. 

En somme, les résultats obtenus soit chez l’homme, soit chez les animaux, 
montrent que le boldo doit être rangé dans la classe des toniques nutritifs diffu- 
sibles et des stimulants des fonctions digestives. Évouarn Hecker. 


PEUPLIER (Populus T.). 2.1. Botanique. (Genre de plantes qui con- 
stitue avec les Saules la famille des Salicacées ou Salicinées. Ce sont des arbres 
à fleurs unisexuées, amentacées, pédicellées. Les fleurs mâles ont un périanthe 
irrégulier, gamosépale, membraneux ou charnu, à peu près régulier ou oblique, 
à bords sinués ou lobés, qui a été souvent décrit comme un disque. En dedans 
de lui, sur une surface presque plane ou légèrement concave au centre, s’in- 
sèrent des étamines en nombre très-variable, depuis quatre jusqu'à une cinquan- 
taine, libres et formées chacune d’un filet très-grèle et d’une anthère extrorse, à 
deux loges qui s'ouvrent chacune par une fente longitudinale. La fleur femelle 
a le même réceptacle que la fleur mâle, dilatation en plate-forme du sommet du 
pédicelle, avec un calice gamosépale, d'ordinaire plus élevé, plus oblique, plus 
irrégulier. En dedans de lui se trouve un ovaire sessile, uniloculaire, surmonté 
d'un style à 2-4 branches, bientôt dilatées ou diversement déchiquetées, stig- 
matifères. L’ovaire renferme 2-4 placentas pariétaux ou réfugiés vers la base 
de sa cavité et supportant chacun deux ovules ascendants, anatropes, à micro- 
pyle dirigé en bas on en dehors, ou un nombre d’ovules bien plus considérable, 
indéfini. Le fruit est une capsule à 2-4 valves. Les graines renferment, sous 
leurs minces téguments, un embryon charnu, à radicule infère, sans albumen. 
Elles sont accompagnées d’un faisceau de poils, souvent très-longs, soyeux, 
formant une sorte de coton, qui naissent, non pas de la semence elle-même, 
mais du pied court qui lui sert de support. Les Peupliers sont originaires de 
l'Europe, des régions boréales de l'Asie et des montagnes de ses régions 
moyenne et occidentale, et de l'Amérique du Nord, y compris le Mexique. Leurs 
branches sont cylindriques et anguleuses, et leurs bourgeons sont souvent 
enduits d’une épaisse couche résineuse, balsamique, qui recouvre leurs écailles. 
Les feuilles sont alternes, à pétiole parfois comprimé bilatéralement ; à stipules 
membraneuses, étroites, souvent fugaces ; à limbe entier, denté ou lobé, par- 
fois hétéromorphe sur une même plante, penuinerve et trinerve à la base. Les 
chatons sont d'ordinaire longs et lâches, racémiformes, se développant d'ordi- 
naire à la fin de l'hiver, avant les feuilles, et pendants, sortant eux-mêmes d’un 
bourgeon écailleux. Les bractées dont chaque fleur occupe Vaisselle sont d'or- 
dinaire rétrécies à la base, puis dilatées, souvent fabelliformes, très-profondé- 
ment ciliées ou découpées-frangées sur les bords. On a décrit plus de trente 
espèces du genre; on les réduit actuellement à moins d’une vingtaine, parmi 
lesquelles les suivantes ont quelque utilité au point de vue médical. 

Le Peuplier noir (Populus nigra L., Spec., 1464), type de la section Aigeëros 
(Rercus.), est un arbre de l'Europe et de l’Asie tempérées. Il a cependant en 





PEUPLIER (BorANIQuE). 781 


Amérique une variété betulæfolia. Sa variété pyramidalis, souvent cultivée, est 
le P. fastigiata Desr. Il a des bourgeons glabres et visqueux, des feuilles del- 
toïdes, ou subrhomboïdales, ou ovales-acuminées, cordées ou cunéiformes, plus 
rarement atténuées à la base, dentées, glabres et lisses à l'état adulte, de 
même teinte à peu près sur les deux faces. Ses chatons sont arqués, cylin- 
driques, à fleurs serrées; les bractées jaunâtres, subrhomboïdales, avec les dents 
allongées et pourprées. L'ovaire subglobuleux, à peu près complétement entouré 
du périanthe, est surmonté d'un style court, à lobes stigmatifères réfléchis et 
de couleur fauve. C'est cette plante qui fournit surtout les bourgeons de Peu- 
plier, résineux et balsamiques, qui font la base de l’Onguent Populeum ou 
Liparolé de Peuplier. Ils sont ovoïdes-aigus, plus ou moins arqués, longs de 
2,5 centimètres, sur 5-8 millimètres de large. Leur axe court porte un chaton 
Jeune, entouré de 4-8 bractéees imbriquées, dont on voit généralement 5 à l'ex- 
térieur ; les deux intérieures inégales et plus courtes que la troisième qui enve- 
loppe tout le reste du bourgeon. Ces écailles sont fauves ou brunes, engluées 
d'une substance résineuse-visqueuse, d’un jaune verdâtre, dont l'odeur est bal- 
samique et la saveur aromatique-amère. Destinée à protéger contre l'humidité 
de l'hiver les parties contenue dans le bourgeon, cette glu ou blastocolle est 
sécrétée par les phytocystes épidermiques des écailles. 

Le Populus canadensis Desr., auquel se rattachent, comme synonymes, les 
P. virginiana Dum., lœvigata W., marylandica Bosc, glandulosa Mœxcn, est 
souvent nommé Peuplier suisse. Il appartient à la même section que le P. noir 
et il a comme lui des bourgeons glabres et visqueux, qui servent aux mêmes 
usages. 

Le P. balsamifera L. (Spec., 146%), type de la section Tacahamaca (Spacu), 
est une belle espèce de l'hémisphère boréal, à chatons épais et coniques, très- 
visqueux. Les feuilles sont membraneuses, blanchâtres en dessous et souvent 
chargées d’une sorte de rouille. Son type croit de Terre-Neuve aux monts 
Alleghanies et de la Sibérie au Kamschatka. Sa variété suaveolens se trouve 
également en Asie et en Amérique. Sa variété laurifolia est uniquement sibé- 
rienne. 

Le P. alba L. (Spec., 1465), type de la section Leuce (Rercns.), est une 
espèce de l’Europe méridionale et septentrionale, qui a des bourgeons non vis- 
queux, de jeunes rameaux tomenteux, des feuilles vertes etffinalement glabres 
en dessus, mais chargées en dessous d’un tomenteux blanc. Leur limbe est‘ovale- 
orbiculaire ou ovale-oblong, arrondi ou cordé et palmé à la base, sinueux-anguleux, 
sinueux-crénelé ou sinueux-denté. Les chatons mâles (longs d’un pouce etÏdemi) 
sont coniques-ovoides, très-laineux. Les bractées sont oblongues, crénelées, 
barbues aux bords. Les anthères sont pourprées. Les chatons? femelles sont 
d'une longueur double. Le périanthe y est très-irrégulier, et l'ovaire ovoïde 
est surmonté d'un style à divisions (généralement quatre) linéaires, révolutées. 
Les P. alba et argentea sont des variétés de cette espèce, de même que le 
P. grisea. On les désigne souvent sous le nom de Grisailles, Grisards. Le 
P. nivea, si souvent cultivé et qui a été observé dans l’Inde, le Caucase, la 
Sibérie, la Suisse, etc., est dans le même cas. Ici les ovules ne sont qu'au 
nombre de quatre, dressés, anatropes, à micropyle extérieur. 

Le Tremble (Populus Tremula L., Spec., 1464) est de la même section. ll 
a des bourgeons glabres et visqueux, parfois pubescents, des feuilles-subarron- 
dies ou ovales-arrondies, obtuses, sinuées, tronquées ou arrondies à la base, 


182 PEUPLIER (BOTANIQUE). 


pubescentes dans leur jeune âge, mais d'ordinaire glabres à l'âge adulte, plus 
souvent tomenteuses, profondément sinuées, dentées ou crénelées quand elles 
occupent les rejets de la base et les rameaux terminaux. Les chatons mâles sont 
longs de 5 à 4 pouces, et les femelles plus courts, coniques, aigus, bruns, à 
bractées rubescentes. L'ovaire est ovoide, à ovules nombreux, et la capsule ren- 
ferme des graines noires. Cette espèce est remarquable par l’aplatissement 
latéral de son pétiole, et l'on attribue à la forme de cette dilatation, dont le 
plan est perpendiculaire à celui du limbe, les mouvements de tremblement 
dont le moindre vent agite le feuillage de cet arbre, et qui ont valu son nom à 
l'espèce. Elle est originaire de l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique boréales. 

Le P. euphratica Ouver (Voy. Emp. .ottom., fig. 45, 46) est aussi de cette 
section. C'est le célèbre Garab des Arabes et de l'Ecriture sainte. 

Le Peuplier noir, encore nommé Liard, Liardier, Riouté et P. franc, 
outre ses bourgeons dont nous avons indiqué l'usage, fournit une écorce tinc- 
toriale (en jaune) qui sert aussi à tanner des cuirs et des maroquins ; elle rem- 
place, dit-on, le pain au Kamtschatka. Le duvet des graines sert à faire de la 
toile, du papier ; on fait aussi de nos jours du papier avec le bois. Celui-ci est 
un des bois blancs et peu résistants les plus employés en menuiserie. Sa variété 
pyramidale (P. d'Italie, P. de Lombardie, P. Turc, P. de Constantinople) 
donne aussi une teinture jaune, employée pour les huiles, les vernis, les cuirs ; 
son bois est très-usité. Il en est de même de celui du P. canadensis, dont les 
jeunes branches servent, dit-on, à nourrir les chevaux pendant l'hiver, dans les 
tribus indiennes de l'Amérique du Nord. 

Le suc visqueux des bourgeons du P. balsamifera avait été jadis considéré 
par Linné comme constituant la Résine Tacahamaque. Aux États-Unis, on l'emploie 
comme antigoutteux et antirhumatismal. Sur les bords du fleuve Irkutz, les 
Sibériens font infuser les bourgeons dans l’alcool; puis ils en tirent par distil- 
lation une boisson qu'ils estiment beaucoup et qu'ils recommandent comme 
diurétique et antiscorbutique. 

Le Tremble passe pour avoir une écorce- fébrifuge. Elle renferme, comme 
celle de plusieurs autres Peupliers, de la salicine (Braconnot), mais on y trouve 
surtout une substance analogue, qui a reçu le nom de populine et qui a une 
saveur sucrée et des cristaux en forme d'aiguilles brillantes. Elle est peu 
soluble dans l’eau froide, beaucoup plus dans l’eau chaude, les acides et l'alcool 
bouillant, et elle se transforme, quand on la traite par les acides faibles, en 
glucose, salicétine et acide benzoïque. Il y a des pays, comme la Sibérie, où 
l'écorce du Tremble se prescrit comme vermifuge, surtout au bestiaux. La 
lessive de ses cendres, étendue d’eau, s’admimistre contre les affections scorbu: 
tiques et syphilitiques. 

Le P. alba et surtout sa variété grisea, a nee nommée Franc-Picard, 
ont été aussi indiqués comme fébrifuges. Les branches et l'écorce teignent en 
jaune les laines alunées. Le bois sert à faire de la menuiserie, de l'ébénisterie, 
de la sparterie, du papier. Le duvet des graines sert aussi à faire du papier, 
de la toile, des nattes, des chapeaux, etc. C'était, pour les anciens, l'arbre 
d’Hercule, dont les athlètes se couronnaient pour indiquer leur amour de la 
force. H: By. 


Bieciocrapate. — T., Inst., 592, t. 365. — L., Gen., n. 14125. — Gerts., Fruct., t. 84a (98). 
— Hav., Arzneig., XIII, t. 46, 47. — Recas., Icon. Fl. germ., t. 614-619. — Mér. et DEL., 
Dict. Mat. méd., N, 451. — Ness, Gen. FL. germ., Monochl., n. 16. — Spacu, Revis. Popul., 





PEUPLIER (THÉRAPEUTIQUE ). 183 


in Ann. sc. nat. sér: 2, XV, 98. — Enp., Gen., n. 1904. — Wes, in DC. Prodr., XVI, p.Il, 
324. — Gius., Drog. simpl., éd. 7, II, 314; ILI, 630. — Paver, Lec. Fam. nat., 195. — B. H., 
Gen., III, 412, n. 2. — Rosexta., Syn. pl. diaphor., 206, 1110. — H. Bx, Tr. Bot. méd. 
phanér., 1119, fig. 3062-3070; in Bull. Soc. Linn. Par. (1886). H. By. 


2 ll. Applications thérapeutiques. Les peupliers sont connus de toute 
antiquité; poëtes et savants en parlent dans leurs ouvrages; on les consacrait 
à Hercule : Populus Alcidae gratissimus (Virgile), et l'on sait qu'ils ornaient 
habituellement les places publiques des villes romaines. On leur attribuait alors 
quelques propriétés médicales, telles que de soulager la sciatique et la dysurie, 
de combattre les débilités de la vue, et d’être utiles dans l’épilepsie. Enfin la 
résine de leurs bourgeons passait pour maturative (Pline et Dioscoride). En 
revanche, on les accusait de rendre les femmes stériles, sans doute parce que 
l'espèce étant dioïque, quelques variétés connues à cette époque ne portaient pas 
de fruits, par défaut de fécondation. 

Les variétés employées en médecine sont les suivantes : le peuplier blane, 
Populus alba ; le peuplier noir, P. nigra; le peuplier baumier, P. balsamifera ; 
le peuplier tremble, P. tremula ; enfin le P. tremuloides. 

Le peuplier blanc a été considéré de nos jours comme un fébrifuge indigène 
très-sûr, assez voisin du quinquina. Cottereau, en 1853, a rapporté quelques 
observations de fièvres intermittentes traitées avec succès par les préparations de 
feuilles ou d'écorce, et des faits analogues ont été cités par Dubois (de Tournai), 
Verdé-Delisle et surtout Gallot (de Provins). Il ne serait pas impossible que 
l'écorce de racine, riche en tannin et acide gallique, pût arriver à couper une 
fièvre intermittente. Mais je cite cette propriété du peuplier à titre de simple 
curiosité, et sans engager le moins du monde les praticiens à prescrire un 
pareil remède aussi longtemps que nous posséderons le quinquina. 

Au peuplier noir on demande surtout ses bourgeons, parfois encore utilisés 
par les médecins, bien que de plus en plus rarement. Ils renferment, outre une 
huile essentielle, les acides gallique et malique, une matière grasse, de l’albu- 
mine ou des sels (Pellerin), il renferme, dis-je, un principe particulier, l’acide 
chrysinique, découvert par Picard, C?H80°, et une substance résineuse, ce qui 
fait qu'on les a comparés aux bourgeons de sapin et dotés comme ceux-ci de 
vertus balsamiques. Aussi bien les a-t-on prescrits dans la phthisie pulmonaire 
(teinture alcoolique) et comme stimulant externe dans les rhumatismes super- 
ficiels. Ils servaient autrefois à préparer l’oleum ægirinum et ils entrent tou- 
jours dans la composition de l'onguent populeum, vieille recette prescrite d’une 
façon assez banale dans les crises hémorrhoïdaires, et dont voici la formule, 
d’après le Codex : 


Bourgeons secs de peuplier.. . . . . . ipei - . . 800 grammes. 
Heuillesmécenteside pavot. e 0 0e 0 71 500 — 
Feuilles de belladone. … : . . AN or eRT ei. 500 — 
Feuilles. de jusquiame- si s =... à. 500 — 
Feuilles de morelle. . . . . . Se ee ee 500 — 
Grasserde ponc r ra e o OPEN NN E RENE EE 2000 — 


L'onguent populeum a quelques vertus narcotiques, grâce aux Solanées 
vireuses que nous venons d'énumérer ; de plus, il est astringent, mais c'est tout. 
On ne peut lui demander de guérir les hémorrhoïdes. 

Le peuplier baumier nous fournit également ses bourgeons, recouverts d’un 
baume un peu analogue à celui de la Mecque (Pallas) et comparable (Gilibert} 


784 PEUPLIER (THÉRAPEUTIQUE). 


à nos baumes les plus énergiques. Comme ceux-ci, il est pourvu de proprietés 
stimulantes et anticatarrhales, mises à profit dans les catarrhes des voies pul- 
monaires ou génitales, mais qu'on ne saurait utiliser dans les diarrhées et la 
dysenterie, malgré l’assertion contraire des anciens médecins. De plus on en a 
fait un bon topique pour le pansement des plaies atoniques, des brûlures, des 
ulcères, etc. 

En Russie, les bourgeons du baumier servent à préparer une liqueur, par 
infusion dans l’alcool et distillation, qui passe pour diurétique et antiscorbutique. 

Je n’insiste pas sur ses prétendues vertus antigoutteuses et sur sa valeur dans 
le rhumatisme, bien oubliées avec raison par les praticiens de nos jours. 

Quant au Populus tremula, le tremble, si commun dans nos bois, ila été 
l'objet des recherches chimiques de Braconuot, qui a trouvé à l'analyse de son 
écorce : la salicine, la corticine, la populine, de l'acide benzoïque, une matière 
gommeuse, de l’acide pectique et des sels (Annales de chimie et phys., t. XLIV, 
p. 206). 

En Sibérie, ses cendres s'administraient quelquefois dans la syphilis et le 
scorbut, d'après Pallas. 

La composition de son écorce, assez riche en salicine et populine, permet 
d'admettre la possibilité d’une certaine valeur thérapeutique de cette écorce. 
Mais n’avons-nous pas dans nos préparations salicylées des médicaments d’une 
énergie tout autre, bien qu'aussi inoffensifs? 

Pareille remarque peut être faite à propos du Populus tremuloides, variété 
américaine dont l'écorce passe pour fébrifuge et tonique. 

Un mot maintenant sur la Poruzine dont je viens de citer le nom, et qui 
caractérise chimiquement quelques variétés de peupliers. 

La populine, benzoyle-salicine, C?H?205, a été découverte en 1830 par 
Braconnot dans les écorces du Populus tremula et du P. græca. 

Ce n’est pas un alcaloïde, mais bien un glucoside. Le tremble en fournit la 
plus forte proportion, tandis que le peuplier d'Italie, P. fastigiata, en est 
absolument dépourvu (Braconnot). 

Cette substance, qui cristallise en aiguilles incolores, soyeuses, d’une saveur 
sucrée analogue à la réglisse, n’est que faiblement soluble dans l’eau (2000 parties 
à froid) ou dans l'éther, ais se dissout un peu mieux dans l'alcool absolu 
(100 parties). Elle n’a pas d'applications médicales. Toutefois il ne serait pas 
impossible que les propriétés fébrifuges, antirhumatismales, antigoutteuses 
attribuées aux peupliers et que j'ai rappelées plus haut, dussent être rapportées 
à cette substance, voisine de la salicine, cet excellent médicament dont nul 
aujourd'hui ne conteste la valeur dans les affections rhumatismales ou les fièvres, 
mais inusité depuis la découverte des propriétés du salicylate de soude. 

PrépaRaTIONS. On a administré les feuilles ou l'écorce du peuplier blanc 
en décoction pour couper la fièvre: un poignée pour un 1/2 litre d’eau. 

Les bourgeons du baumier se prescrivent comme ceux de sapin, en infusion 
à la dose de 15 à 30 grammes par litre d'eau. 

On en fait encore une teinture : 4 partie pour 6 d’alcool. Et, sous le nom 
d'essence vulnéraire, on connaît la préparation suivante : 

Bourgeon de peuplier... +. "0" . + 180 grammes, 
Alcool.. . e e ANAIE POREPIRQRRS CES CRE IDR 
Laissez macérer quelques jours et ajoutez à la colature : 


Essence ‘de millepertuis!) SP OU Mt PASD A 





 PEYER. 785 


La dose prescrite varie de 4 à 2 grammes. 

La pommade renferme 1 partie de bourgeons pour 4 d'axonge. 

Pour accomplir toutes ces préparations, aujourd’hui presque inusitées, je 
conseillerais de choisir les bourgeons du baumier, riches en oléo-résine, de préfé- 
rence à ceux du peuplier noir, moins bien pourvus sous ce rapport. 

Les premiers sont oblongs, ovales, recouverts d’une résine dorée, d’une odeur 
aromatique et d’une saveur chaude amarescente. 

Les bourgeons du peuplier noir sont arrondis, allongés, pointus, enduits d'un 
suc visqueux, transparent, d’une odeur pénétrante, balsamique, et d’une saveur 
amère, chaude, aromatique. 

Je rappelle en terminant que les jeunes pousses de peupliers, calcinées en 
vase clos, servent à préparer le charbon de Belloc (voy. CaarBon). 

ERNEST LABBÉE. 


Bieciograpie. — Dioscorine. Édit. des commentaires de Matthiole, traduct. française de 
Du Pinet. Lyon, 1680. — Puie. Traduction française de Du Pinet, liv. XXIV, 1681. — Pecrerin. 
Journal de pharmacie, t. VII, 1822. — Bracoxxor. Annales de physique et chimie, t. LIV, 
p- 306, 1850. — Du mÊèue. Bull. de. thérap., t. I, p. 129, 1831. — Correreau. Compt. rend. 
de l'Acad. des sciences, 5 novembre 1832. — Ménar et ne Lens. Dict. de mat. médicale et 
de thérapeutique, 1833. — Wurtz (Ad.). Dict. de chimie, t. Il, 2° partie, p. 1113, 1876. — 
Cazix. Traité des plantes médicinales, 4° édit., 1876. HAT. 


= PEUTHERON. L'un des noms grecs du Càprier commun (Capparis spi- 
nosa L.). HS BN: 


PEVETTE. Nom malais, dit-on, d'un Physalis, le P. hexursa L., dont la 
racine s'emploie dans l'Inde comme diurétique , désobstruante, et dont les 
feuilles, trempées dans l'huile de Ricin, s'appliquent sur les tumeurs charbon- 
neuses. Pevette parait venir, par corruption, de Pevatti, terme employé par 
Rumphius (Herb. amboin., IV, 55). H. B\. 


PEYER (Grannes ou PLaques DE). Voy. Intestin. 


PEYKR (Jonaxn-Conran). Anatomiste célèbre, né à Schaffhouse le 26 dé- 
cembre 1653. Il commença ses études à Bâle, et vint les continuer à Paris où 
il mit surtout à profit les leçons de du Verney, dont il gagna l'amitié. De retour 
à Bâle, il y prit le grade de docteur en médecine l'an 1687, puis il alla se fixer 
à Schaffhouse. Il y occupa avec beaucoup de succès la chaire d'éloquence, puis 
celles de logique et de physique. L'Académie des Curieux de la Nature l'admit 
au nombre de ses membres, sous le nom de Pythagore. Peyer mourut le 29 fé- 
vrier 1712. Son nom est attaché pour toujours aux glandes intestinales dont 
on connaissait à peine l'existence avant lui, et dont il donna une description 
soignée. On lui doit un assez grand nombre d'observations intéressantes sous le 
rapport de l'anatomie pathologique (Dezeimeris). 


I. Exercitatio anatomico-medica de glandulis intestinorum, earumque usu et effectibus. 
Cui subjungitur anatome ventriculi gallinacei. Schaffhouse, 1677, in-8°; réimprimé dans 
Parerga anatomica de l'auteur et dans la Bibliothèque anatomique de Mauget. — II. Poenis 
et Pythagorae, id est, Johannis Jacobi Harderi et Johannis Conradi Peyeri exercitationes 
anatomico-medicae familiares bis L. Hecatombae, non Hecatae, sed illustri Academiae 
naturae curiosorum sacrae. Bàle, 1682, in-8°. — II. Methodus historiarum anatomico- 
medicarum, exemplo ascitis, vilalium organorum vilio et pericardii coalitu cum corde 
nati illustrata. Paris, 4617, in-12. — IV. Parerga anatomica et medica seplem, ratione 


pict. ENC. 2° s. XXII. ! 50 


786 PEYSSON. 


ac experientia concepta et edita. Amsterdam, 1682, in-8°. — V. Experimenta nova circa 
pancreas. Extant in Dianelis Le Clerc, et Joh. Jacob Mengeti Bibliotheca anatomica. 
Genève, 1683, in-fol. — VI. Merycologia, sive de ruminantibus et ruminatione commenta- 
rius Bâle, 1685, in-4°. — VII. Schediasma de pancreate et ejus usu. Dans l'ouvrage de 
Brunner : Experimenta nova circa pancreas. Amsterdam, 1683, in-8°. L. Hx. 


PEYRILHE (Bervaro). Chirurgien fort érudit du sièele Cermier, né à Per- 
pignan en 1755, y reçut une éducation soignée, malgré le peu d'aisance de 
ses parents. Destiné de bonne heure à Fart de guérir, il alla étudier la chirurgie 
à Toulouse, où il se distingua de manière à être admis parmi les membres de 
l’Académie des sciences de cette ville. En 1769, il fut agrégé au Collége et à 
l'Académie de chirurgie de Paris. Deux ans après, il publiait, avec Dujardin, 
l'Histoire de la chirurgie (1714-1780, in-4°), dont il n'a paru que deux 
volumes. Nommé, en 1794, professeur à l'École de médecine de Paris, il fut 
chargé d'enseigner la matière médicale. La mort l'enleva en 180%, à Perpignan. 
Peyrilhe, qui s’est beaucoup occupé de botanique et de matière médicale et qui 
eut l'excellente idée de remplacer par des plantes indigènes des médicaments 
exotiques, difficiles alors à se procurer, a publié : 


I. Remède nouveau contre les maladies vénériennes, tiré du règne animal, ou Essai 
sur la vertu antivénérienne des alcalis volatils. Paris, 1774, in-8°. — II. Précis théorique 
et pratique sur le plan et la maladie d’ Amboise. Paris, 1783, in-8°. — III. Tableau d'his- 
toire naturelle des médicaments. Paris, 1800, in-8°; 14818, 2 vol. in-8°. Si l’on en croit une 
note manuscrite contemporaine, Peyrilhe serait aussi le véritable auteur de stances 
intitulées : le Collége et l'Académie royale de chirurgie. Paris, 1775, in-8° de 12 pages, 
et destinées à fêter l'ouverture et l'inauguration du nouveau Collége de chirurgie, qui eurent 
lieu là où se trouve actuellement l'Ecole de médecine de Paris, le 27 avril 1775. A.C: 


PEYRILHE (Écrur pr). L'élixir amer antiscrofuleux de Peyrilhe, encore 
appelé teinture digestive ou teinture de gentiane alcaline, se prépare avec : 
gentiane 30 parties, carbonate de soude 12 parties, alcool à 56 degrés 1000 par- 
ties. Laissez macérer pendant huit jours, passez avec expression et filtrez. La 
dose est de 4 à 5 grammes. L. Hy. 


PEYRILHE (Smor ne). On donne ce nom à une mixture composée avec : 
mélisse 125 parties, follicules de séné 15 parties, eau 1000 parties; on fait 
infuser, on passe et on ajoute à 340 parties de cette infusion : sucre 125 par- 
ties, carbonate d’ammoniaque 4 parties. On obtient ainsi une potion plutôt qu'un 
sirop. 

On en donne un demi-verre toutes les six heures, comme dépuratif, dans la 
syphilis. L. in. 


PEYSSON (JEAN-CLAUDE-ANTHELME). Né à Peyssel, petite ville du départe- 
ment de l'Ain, le 25 décembre 1786. En 1806, il était reçu docteur en mé- 
decine à Montpellier, et il embrassa de suite la carrière militaire. Il servit 
successivement en Pologne et en Espagne etfut licencié en 1814. Mais; rappelé 
au service en 1815, il fut nommé médecin en chef de l'hôpital militaire de 
Sarrelouis, et pour la deuxième fois mis en non-activité. Rappelé en 1819 
comme médecin en chef de l'hôpital militaire de Cambrai, il fit la campagne 
d'Espagne de 4823. En 1850, il fut chargé de la direction du service médical 
de lle Mahon, puis il retourna à Cambrai jusqu’en 1854, époque à laquelle 





PEZIZE. 187 


al fut désigné pour réorganiser l'hôpital militaire de cette ville, où il mourut 
de 22 mars 1848. 

On peut le ranger au nombre des médecins poëtes, puisqu'il est l’auteur d'un 
poème sur la Vaccine. Paris, 1820, in-8. Nous citerons seulement de lui : 


I. Réflexions sur la contagion de la fièvre jaune. In Journ. universel des sciences méd., 
1822, t. XXV, p. 97. — II. De la potion stibio-opiacée, et des frictions avec une pommade 


-slibiée dans le traitement des fièvres intermittentes. In Archives gén. de méd., mai 1822, 
t. XIV, p. 89. A D; 


PEYSSONEL (J.-Anroine). Médecin et naturaliste, né à Marseille en 1694, 
-exerça la médecine dans cette ville et y fonda une Académie des sciences. Il 
était membre des Académies des sciences de Montpellier, de Rome, et de la Société 
royale de Londres, etc. Ses articles sur l’histoire naturelle parurent presque 
tous dans les Philosophical Transactions, de 1756 à 1759; ses Observations 
sur le corail, publiées à Londres, 1756, in-12, n'étaient qu’un fragment d'un 
traité plus complet dont la bibliothèque du Muséum possède le manuscrit, rédigé 
en 1744. Le premier il reconnut, la nature animale des prétendues fleurs du 
corail. A. de Peyssonel était le frère de l’archéologue Charles de Peyssonel, 
mort à Smyrne en 1757. L. Hx. 


PEZICA. Ce nom, donné par Pline à un champignon membraneux, a 
été employé par Adanson pour désigner un genre de Champignons -Gastéro- 
mycètes, puis changé par Dillenius en celui de Peziza qui a prévalu (voy. 
Pezize). Ep. Ler. 


PEZIZE (Peziza Dill.). Genre de Champignons-Ascomycètes qui a donné 
son nom au groupe des Pezizées. 

Les Pezizes ont le réceptacle membraneux ou charnu-cireux, en forme de 
coupe plus ou moins profonde, puis plane ou en disque convexe, Les thèques, 
toujours immergées et dépourvues d’opercule, renferment chacune huit spores 
ellipsoïdales, allongées ou sphériques (ascospores), qui s'échappent à la matu- 
rité sous forme d’une petit nuage coloré. Ces spores sont entremêlées de para- 
physes. Elles produisent en germant un mycélium qui se développe directement 
sur la terre humide. Dans quelques espèces, cependant, on trouve d’autres organes 
reproducteurs, notamment des spermogonies, sortes de conceptacles dans les- 
quels se produisent un grand nombre de petites cellules en forme de bâtonnets 
dont le rôle est encore inconnu et qui ont reçu le nom de spermaties. D'autres 
encore produisent des sclérotes, mycéliums durs et persistants, de formes très- 
variables. Tel est le cas pour le Peziza ciboroïdes Fr., dont les sclérotes vivent 
sur différentes espèces de Trèfle (Trifolium pratense, Tr. repens, Tr. incarna- 
tum, etc.) et y causent la rouille du Trèfle. Dans le Peziza Fuckeliana Duby, 
que Karsten place dans son genre Rutstræmia, le selérote, décrit par Fuckel sous 
Je nom de Sclerotium echinatum se développe en automne dans le tissu des 
feuilles mortes de la vigne, et produit, sur la surface du sol humide, des fila- 
ments conidifères qui constituent le Botrytis cinerea de Persoon. S'il est enfoncé 
en terre, ce sclérote produit des coupes de Pezize à ascospores. Citons encore le 
Peziza tuberosa Bull. (Rutstræmia tuberosa Karst.), dont le sclérote noir et 
tuberculeux constitue le Sclerotium durum de Persoon, puis le Peziza candol- 
deana Lev., résultant du Sclerotium pustula DC., le Peziza curreyana Berk., 


788 PFÆFERS (EAUX MINÉRALES DE). 


issu du Sclerotium roseum DC., qui se développe sur les tiges du Juncus glo- 
meratus, etc. 

Le nombre des espèces de Pezizes actuellement connues s'élève à plus de deux 
cents. La plupart se rencontrent au printemps et à l'automne sur la terre humide, 
dans les bois et sur les vieilles souches d’arbres ; d’autres, presque microsco- 
piques, se développent sur les bouses de vache, sur les branches mortes des 
arbres ou sur les tiges desséchées de diverses plantes. En. Ler. 


PEZIZÉES. (Groupe de Champignons-Ascomycètes, composé d'espèces de 
moyenne ou de petite taille, vivant sur le sol, sur les bois, les écorces, sur les 
tiges vertes des végétaux, plus rarement sur les feuilles. Le réceptacle, sessile 
ou pédiculé, est plus ou moins cupuliforme ou urcéolé, tantôt gélatineux, 
tantôt charnu, cireux, tubéreux ou parcheminé. Il porte l'hyménium sur sa face 
plane ou concave. Les genres principaux que renferme ce groupe sont : Patel- 
laria Fr., Cœnangium Fr., Helotium Fr., Bulgaria Fr., Ascobolus Pers. et 


Peziza Dill. (voy. PEzIZE). En. Ler. 


PEZOLD (Jonann-NarnanieL). Médecin allemand, né à Leipzig, le 44 fé- 
vrier 1759, y fit ses études et fut reçu docteur en médecine le 27 août 1762. 
Pendant les trois années qui suivirent, il eut part à la rédaction des Commen- 
tarii de rebus in scientia naturali et medicina gestis. En 1766, il alla se fixer 
à Dresde, où il pratiqua avec beaucoup de succès. Le 27 aoùt 1812 fut célébré 
le jubilé de son doctorat; la Faculté de médecine de Leipzig renouvela son 
diplôme. Pezold mourut à Dresde, le 8 décembre 1815. Il a traduit plusieurs 
ouvrages de l'anglais et du français en allemand, et composé les opuscules 


suivants (Dezeimeris) : 


I. Diss. de delirio febrili. Lipsiae, 1762, in-4°. — II. De prognosi in febribus acutis 
specimen semioticum. Lipsiae, 4771, in-8°; ibid., 1777, in-8°. — III. Kurze Abhandlung 
von faulen Fiebern. Leipzig, 1715, in-8. — IV. Von Verhärtung und Verengerung des 


untern Magenmundes. Dresden, 1187, in-8°. — V. Versuche mit demthierischen Magnetismus. 
In Reil's Archiv für die Physiologie, t. II, 1797. L. HN. 


PEZZOLI (Grovanni-Barrisra). Médecin italien, né vers la fin du dernier 
siècle, fit ses études à Padoue, où il fut reçu docteur. Il exerça son art avec 
succès successivement à Spilimbergo et à Cenada, et fut directeur de l'hôpital 
de cette ville. Dans un ouvrage important il critiqua vivement les théories de 
Rasori et de Brown : L'antagonisma vitale e critica applicazione di esse alle 
celebri dottrine dello stimulo, etc., Padova, 1825, 2 vol. in-8°. On cite encore 


de lui : 


I. Mezzi di preservazione da adottarsi assai tempo prima dell infezione chole- 
rosa. Ceneda, 1835, in-8°. — II. Nuovo sistema d'iconosografia per istabilire un metoda 
meno assurdo e meno incerlo di conoscere e curare le malattie, etc. Venezia, 1837 


(1836), in-8°. L. Hx. 


PFÆFERS (Eaux MINÉRALES DE). Hyperthermales ou protothermales, 
amétallites, carboniques faibles. En Suisse, dans le canton de Saint-Gall, à 
685 mètres au-dessus du niveau de la mer, à 4 kilomètres de Hof Ragaz, à la 
limite d’une vallée sombre et étroite, sur la Tamina, petite rivière qui se jette 
dans le Rhin, est un village de 1315 habitants au pied du Maugerthonberg sur 
un plateau d’où l’on découvre une vue admirable. Ce village était jadis célèbre 





PFÆFERS (Eaux MINÉRALES DE). 189 


par une abbaye aujourd'hui détruite. La station thermale est au fond de la 
vallée à 1 kilomètre du village. Le climat de Pfæfers est froid, et les baigneurs 
ne peuvent prendre trop de précautions pour se garantir de l’humidité surtout. 
(On se rend de Paris à Pfæfers par les chemins de Mulhouse, Bâle et Zurich, qui 
conduisent à Ragaz. La route de Ragaz à Pfæfers est creusée dans le rocher et 
monte en suivant la rive gauche de la Tamina, torrent dont le lit occupe toute 
la largeur de la vallée.) Des montagnes, boisées de leur base à leur sommet, ou 
des roches nues, composées de lames schisteuses ct de marbre noir veiné de 
blanc, surplombent le lit du torrent et la route. Elles ont une élévation con- 
stante de 150 à 200 mètres. Le chemin se rétrécit souvent, surtout lorsqu'il 
passe sous des tunnels creusés dans le rocher dont les voûtes sonores réper- 
cutent le murmure des eaux bruyantes et rapides de la Tamina. Le côté gauche 
de la route de Ragaz à Pfæfers est bordé de troncs de mélèzes horizontalement 
couchés et creusés à leur centre, qui emboitent des tubes de fonte, de 10 centi- 
mètres de diamètre, conduisant l’eau des sources de Pfæfers à Hof Ragaz (voy. 
ce mot). Les sources et l'établissement de Pfæfers appartiennent au gouverne- 
ment, qui les a affermés. L'étroitesse et l'obscurité de ja vallée où est Pfæfers 
rendent peu agréable le séjour de cette station, où la saison commence le 
Aer juin et finit le 50 septembre. Les baigneurs sont heureux de pouvoir faire 
aux environs des: promenades et des excursions qui utilisent le temps non 
employé au traitement. Les promenades les plus suivies sont celles de Rakol, 
hameau à 2 kilomètres, d’où l'on descendait jadis dans un grand panier toutes 
les provisions indispensables à l'établissement thermal, et qui est situé à 
90 mètres au-dessus de la maison de bain. A 6 ou 8 kilomètres sont le bourg 
de Pfæfers et plusieurs autres villages célèbres par leurs antiquités ou leurs 
panoramas grandioses. Ainsi on visite avec intérêt les vestiges de l'abbaye de 
Saint-Benoît fondée en 713, bien qu'elle ait été en partie détruite en 1799 et 
en 1858. 

Cing sources émergent à Pfæfers, mais l’eau de trois d’entre elles, connues 
depuis le treizième siècle, est inutilisée et se rend au lit de la Tamina. L'eau 
des deux autres qui se nomment : la source du 2 Octobre et la Kesselbrunnen 
(source de la Chaudière), est très-abondante, et suffit pour tous les besoins 
balnéaires de la station de Pfæfers. Le surplus se rend, dans les tuyaux dont 
nous avons parlé, à l'établissement de Hof Ragaz. 

4° Source du 2 Octobre. Cette première source a été découverte le 2 octobre 
1860. Son griffon, que l'on distingue difficilement, en raison de la grande quan- 
tité des vapeurs qui s'élèvent de l’eau, et qu'on ne peut voir qu'au moyen d’une 
lumière artificielle, est à 30 mètres de l'entrée du souterrain ; il sort directe- 
ment de la roche calcaire, des granits, des schistes alumineux, du grès et du 
gneiss, dans un bassin de 1,75 de profondeur, surmonté d’une grotte de 4,60 
de longueur, de 4 mètres de largeur et de 12 mètres de hauteur au point le 

lus élevé de la voûte. On trouve un tunnel obscur après avoir parcouru, sur le 
bord droit de la Tamina, une rampe de 250 mètres de longueur, formée de 
planches de mélèzes suspendues au flanc du rocher. Une ouverture pratiquée 
dans le rocher de gauche quand on vient de la maison des bains. et de droite 
par rapport au cours du torrent, donne accès à la galerie de la source. L'eau de 
la source du 2 octobre a une agitation constante, quoiqu'aucune bulle gazeuse 
ne la traverse. Sa limpidité et sa transparence sont si grandes que l'on distingue 
parfaitement son point d'émergence et le fond de son réservoir formé par le 


790 PFÆFERS (Eaux MINÉRALES DE). 


rocher. Elle est sans odeur. Son goût est celui de l’eau ordinaire chauffée aw 
mème degré; seulement l'estomac l'accepte plus volontiers et la digère prompte- 
ment; sa réaction est neutre; sa température est de 57°,4 centigrade, celle 
de lair étant de 20° centigrade. On n’en connaît ni le poids spécifique ni 
l'analyse. 

2° Kesselbrunnen. La source de la Chaudière est sous une galerie parallèle 
à celle de la source précédente, à 4 mètres de la Tamina. On lit sur la pierre 
supérieure de son bassin de captage l'inscription suivante : DÉCOUVERTE EN 1858. 
La galerie de la Kesselbrunnen a 12 mètres de longueur. Cette source sort 
aussi du schiste et sa fontaine a 2 mètres de profondeur. Son débit, 51 000 hecto- 
litres en 24 heures, est plus considérable que celui de la source du 2 Octobre, 
mais les caractères physiques et chimiques sont à peu près les mêmes. Ainsi 
toutes deux sont fumantes, et pourtant la source de Kesselbrunnen fait éprouver- 
à la bouche une sensation de chaleur moins prononcée. Sa température est de- 
56°,9 centigrade, celle de l'air de la galerie étant de 220,2 centigrade; sa den- 
sité est de 1 0005. M. Lüwig, professeur de chimie à Zurich, en a fait l'analyse: 
en 1841. II a trouvé dans 1000 grammes d’eau les principes fixes suivants : 


Carbhnate de chuté ro ur ru0 ul. a ceniomadions IRO 148200) 
— MAMESEN à o R e a a e A s- U'U29700 
Chlorare de sodium. % 44 | 554 g Aai SRE UE KO 05EDA0 
— Salem aél onal- sat PE EE E 0,005000 
Bromure de SOUL. > ee à ou es 20 > die 0,000054 
lodtire dé dóu n VELEN (ie À HO IX 0100800818 
Sulfdte de sodda uadi duonsracn citant l À CR 0,009210 
= MAMOS E e lee ue ef le de a 0,019700 
— CHAR O D CU A Tt ui O. HOMGHLA 90 0100750 
Alumina gerai ana. eda an aat le saaa ae OLLON 
Oxyde defer -a aa ee dia Sn esa ce > RUN 
Silice avec traces de sulfate de baryte . . . v. ron | 
Dreasa He chamon ne AVS den alia nre nn - + i 
— MAME Ten a o 2e oo eee E 05015500 
— moe aa a 
Matiéretorpæniqeur. olye iain E otago. met Aile à +0 011000 
TOTAL DES MATIÈRES FIXES : . . + +  U,290922 


Pagenstecher a trouvé dans 1000 grammes d’eau 


ESS CarDonique ga 2h. he = tra mp OTOA 

Gaz € drole. a l ee ce Reed 01,199 
| oxygène.. atou AWHA aa ahia n atag O 

TOLA DES GAZ me a a i e na 


Les trois autres sources inutilisées ont leur point d'émergence en face des 
deux sources que nous venons de décrire, du côté opposé de la Tamina. La pre- 
mière, ou source de gauche, a une température de 57°,1 centigrade; des con- 
ferves vertes, très-courtes, glissant sous les doigts, naissent dans son canal et 
sur les points du rocher mouillé par l’eau. C’est la seule source de Pfæfers dans 
Jaquelle se développent des plantes thermales. La source de droite a 39°,2 cen- 
ügrade, l'air extérieur étant à 17° centigrade. La troisième source, ou source 
inférieure, a son griffon immédiatement au-dessous de la source de gauche, 
dans une anfractuosité qui est à 6 mètres d’élévation. Sa température n'est pas. 
constante ; elle n’a que 20° centigrade en général. Elle peut donc être utilisée 
pour abaisser la température élevée de l'eau qui se rend à l'établissement de 
Pfæfers, où l’on est obligé d’avoir un bassin servant de refroïdissoir. 





PFÆFERS (Eaux MINÉRALES DE). 791 


Établissement. Tl est bâti sur un plateau étroit dominé de tous côtés par 
des rochers verticaux età pic qui ne permettent au soleil, même en juillet et en 
août, d'éclairer la vallée que de onze heures du matin à trois heures du soir. 
L'établissement de Pfæfers renferme une buvette, dix-neuf cabinets de bains, 
sept piscines, une salle de douches et une pièce pour l'application des ventouses. 
Une grande salle de 27 mètres de longueur, de 19 mètres de largeur et de 6 mètres 
de hauteur, soutenue par six colonnes de pierre à chapiteaux, éclairée par six 
fenêtres, sert de trinkhalle à ceux auxquels la boisson est prescrite. Quatre 
tuyaux, scellés dans l’embrasure de la croisée du midi, versent sans cesse l’eau 
minérale dans des vasques semi-lunaires de marbre jaune veiné de blanc et de 
noir, qui permettent à l’eau non utilisée d'aller se perdre dans la Tamina. 
Le thermomètre, placé successivement sous les jets d'eau, marque 36,8, la 
température de l'air de la salle étant de 22 degrés centigrade. La maison de 
bain est divisée en vastes corridors avec des murailles énormes, sur lesquels 
viennent s'ouvrir les chambres élégamment meublées, mais tristes, qu'habitent 
les malades. La maison de bain renferme trois sections : la division ancienne, 
la division nouvelle et la section des piscines. 

La division ancienne est dans le sous-sol; elle se compose d'une pièce voutée 
au milieu de laquelle est creusée une piscine entourée de trottoirs de bois de 
40 centimètres de largeur. Deux marches de bois descendent à cette piscine 
destinée aux pauvres; vingt personnes peuvent s’y baigner à la fois dans une 
eau minérale constamment renouvelée. Trois cabinets pareils, non précédés de 
vestiaires, et réservés aussi aux indigents, complètent la division ancienne «et 
contiennent chacun une piscine de 2 mètres de longueur, de 1",60 de largeur 
et de 75 centimètres de profondeur. L'un des cabinets est muni d’un appareil 
pour les douches ascendantes ; on a installé dans les deux autres les ajutages de 
douches en jet, en lame, en pluie, etc. La division nouvelle, ou des payants, se 
compose de dix-sept cabinets. Six ont des baignoires et des douches, dix n'ont 
que des baignoires, enfin une salle spéciale est réservée aux grandes douches. 
Les six salles, toutes précédées de vestiaires, où l'on peut prendre des bains et 
des douches alimentées par de l’eau hyperthermale seulement, contiennent 
des piscines de familles où quatre personnes peuvent se baigner, et dont l’inté- 
rieur est revêtu de carreaux de faïence blanche. On descend à ces petites piscines 
par trois marches; chacune de ces piscines a 2 mètres de longueur, 75 centi- 
mètres de largeur et 70 centimètres de profondeur. Les bassins où se prennent 
es douches de toute forme sont fixés à 2 mètres au-dessus de chaque piscine. 
Les dix salles suivantes sont précédées d’une petite antichambre; elles n’ont 
pas d'appareils de douches et sont plus grandes que les précédentes; leurs 
piscines, doublées de carreaux de faïence blanche, auxquelles on descend par 
deux marches, ont 2 mètres carrés et 60 centimètres de profondeur : trois ou 
quatre personnes peuvent s’y baigner en même temps. Deux robinets emplissent 
ces baignoires-piscines : l’un, à gauche du baigneur, donne l'eau à la tempéra- 
ture de la source, et l’autre, en face de la fenêtre, apporte l'eau minérale préala- 
blement réfroidie. Le cabinet de grandes douches est muni des ajutages conve- 
nables pour sa destination. La section des piscines est dans le corridor au 
centre de l'établissement qui conduit à la Trinkhalle. Cette section contient 
six piscines : trois pour chaque sexe, où sont admis les gens du pays, moyennant 
une rétribution de vingt centimes par séance. Chacune des piscines a à mètres 
de longueur, 4 mètres de largeur et 1 mètre de profondeur. Un canal, creusé 


792 PFÆFERS (Eaux MNÉRALES DE). 


dans un mélèze, apporte l’eau thermale qui alimente les piscines et les douches. 
Une dernière pièce, attenante à la section des piscines réservée aux gens du pays, 
sert à l'application des ventouses scarifiées, employées à Pfæfers pendant la 
cure. 

MODE D'ADMINISTRATION ET DOSES. Les eaux des sources de Pfæfers s'emploient 
en boisson, en quantité qui varie suivant la volonté des malades, car ils ne 
reçoivent la plupart du temps aucun conseil médical. Ces eaux s'administrent 
aussi en bains généraux et en douches. Il était d'usage de faire des baignées 
longues et prolongées, comme à Loëche, avec l'intention de provoquer la poussée, 
On se contente aujourd'hui à Pfæfers de se baigner deux fois par jour et de 
rester dans l'eau courante d'une demi-heure à une heure. Cette fréquence et 
cette longueur des bains suffisent souvent pour déterminer une fièvre thermale 
qui cède facilement d'ailleurs. La durée des douches, dont l'administration n’a 
rien de spécial, varie d'un quart-d'heure à vingt minutes. 

EFFETS PHYSIOLOGIQUES ET THÉRAPEUTIQUES. Les eaux de Pfæfers sont en 
boisson d’une digestion très-facile ; il n'en faut pas moins conseiller l'exercice 
à pied, nécessaire pour la bonne assimilatiou des eaux. On attache beaucoup 
plus d'importance à la cure interne qu’à toutes les autres stations alimentées 
par des eaux amétallites comme Wildbad, Gastein, Schlangenbad, Plombières, 
Néris, Evaux, Buxton, Alhama de Aragon, Lisbonne, Valdieri, Vinadio et 
Bormio, avec lesquelles les eaux de Pfæfers ont plus d'une analogie frappante. 
Le traitement par les bains et par les douches ne doit pas moins être placé 
en première ligne, et il est rare à Pfæfers que les malades s’en tiennent à 
l'usage interne exclusif des eaux, tandis que tous les baigneurs ne fré- 
quentent pas les buvettes. Si l'on excepte une transpiration et une diurèse 
plus abondantes, l'eau de Pfæfers, en boisson, n’a pas à proprement parler 
d'action physiologique marquée. Cependant on doit retenir que son ingestion, 
à dose convenable, augmente l'appétit, favorise les digestions, régularise les 
selles et reconstitue l'économie d'une manière plus prompte et plus sensible 
souvent que beaucoup d'autres eaux minérales, dont la composition paraîtrait 
théoriquement préférable. Les affections du tube digestif et de ses annexes, avec 
prédominance nerveuse, sont de la sphère d'activité des eaux de Pfæfers en 
boisson ; mais les malades doivent être prévenus que leur emploi à l'intérieur 
sera appliqué avec discrétion, et que leur quantité n’atteindra pas ua maximum 
capable de charger l'estomac, sinon, il se produirait des effets opposés à ceux 
que l'on désire obtenir. L'action diurétique de ces eaux a conduit à leur emploi 
dans les affections catarrhales. Nous signalgns, mais seulement pour mémoire, 
les vertus des eaux de Pfæfers à l’intérieur dans les maladies de poitrine. Il 
nous parait en effet que les eaux sulfureuses, sulfurées, bicarbonatées ou sulfa- 
tées, donnent des résultats plus sûrs et doivent toujours être préférées dans les 
affections des voies aériennes. L'action physiologique principale des bains est 
antispasmodique ; elle est d'autant plus marquée que les désordres nerveux 
sont plus prononcés. Nous avons souvent observé que l’hypothermalité de l’eau 
rend en général compte de son effet calmant, mais ce principe n'est pas appli- 
cable à Pfæfers, car les eaux arrivent aux baignoires et aux piscines à un degré 
de chaleur supérieur à la mésothermalité. Elles n'en sont pas moins sédatives, 
quoique leur analyse ne puisse éclairer en rien sur cette propriété. Ce n'est pas 
d'ailleurs la première fois que les effets thérapeutiques du groupe des eaux 
hyperthermales, amétallites, échappent à l'investigation de la chimie. Dans les 





PFÆFERS (Eaux MINÉRALES DE), 795 


baiñs de Pfæfers, comme dans ceux de Schlangenbad, la peau devient plus 
souple, plus douce; plus blanche, lorsqu'ils sont de courte durée, mais, lorsque 
le séjour dans l’eau de Pfæfers est prolongé, il survient une éruption thermale 
qui à un caractère très-aigu, et qui occasionne des démangeaisons et des douleurs 
quelquefois intolérables. Nous répétons que, lorsque le traitement par les bains 
de longue durée était principalement conseillé à Pfæfers, les cas où la mani- 
festation cutanée devenait générale étaient assez fréquents pour que les auteurs 
anciens aient consacré un chapitre à la description de la poussée. Ce phénomène 
ne se montre plus qu'exceptionnellement, mais il arrive que les baigneurs, 
même après une immersion relativement courte, voient survenir un exanthème 
dans les régions du coude ou des malléoles. Gette particularité est spéciale aux 
eaux de Pfefers, et nous ne l'avons jamais observée aux autres stations alimen- 
tées par des eaux amétallites. Lorsque les bains de Pfæfers sont administrés 
seuls, ils augmentent la sécrétion urinaire. 

Les douches ne semblent pas avoir d'effets physiologiques autres que ceux 
obtenus avec l’eau ordinaire élevée à la même température. Les eaux de Pfæfers, 
à l’intérieur et à l'extérieur, au lieu d'exciter comme la plus grande partie des 
eaux thermo-minérales, sont, nous l'avons dit, calmantes, et combattent avec 
succès l'éréthisme du système nerveux. Cette propriété doit toujours être pré- 
sente à l'esprit du médecin qui choisit une station thermale ou qui dirige la 
cure minérale. Les eaux hyperthermales amétallites, surtout prises en bain et 
en douches, sont en général débilitantes et contre-indiquées souvent dans les 
états pathologiques avec asthénie marquée. Les eaux de Pfæfers n’ont pas cette 
manière d'agir ; elles sont employées avec avantage, au contraire, lorsqu'il con- 
vient de ranimer l'organisme, de s'opposer à la débilité des sujets qui ont passe 
plus de la moitié de la vie ou sont arrivés à la vieillesse. Le traitement thermal 
peut donc revendiquer la meilleure part du résultat que plusieurs médecins 
éloignés expliquent par l'air seul des montagnes, par les promenades, par le 
repos de l'esprit, etc. S'il en était ainsi, les vieillards anémiques des vallées 
voisines du pays où émergent les sources, dont la situation topographique est 
au moins aussi salubre, ne pourraient trouver à Pfæfers l'augmentation de la 
vitalité, le remontement que leur donnent les eaux de cette station. 

L'hystérie et l'hypochondrie sont de toutes les névroses celles qui retirent le 
plus de profit du traitement de Pfæfers en boisson et en bains. Les eaux aug- 
mentent les forces, reconstituent l'économie de malades ordinairement “ro 
tiques ou anémiques ; elles combattent en même temps les écarts de leur système 
nerveux beaucoup trop impressionnable. Les bains doivent alors être peu chauds 
et il faut que les douches, si on y a recours, soient tempérées dans leur therma- 
lité, leur forme, leur volume, leur percussion et la direction de leur jet. Le 
rhumatisme chronique et la goutte chez les sujets débilités et excitables se 
trouvent souvent soulagés par une cure interne, mais surtout par la médication 
extérieure de Pfæfers, qui les fortifie sans les exciter, et les calme sans les 
déprimer. Lorsque la perte du mouvement ou de la sensibilité, l’analgésie ou 
l'hyperesthésie, sent d’origine rhumatismale, les eaux de Pfælers en bains et en 
douches donnent quelquefois des résultats inattendus. Bien que leur analyse 
ne semble guère le faire prévoir, elles sont indiquées, avant toutes les autres 
peut-être, dans les affections de la peau, dont le symptôme principal est un 
grand éréthisme nerveux. En bains et en douches, elles donnent d'excellents 
résultats dans les dermatoses qui, comme l'herpès zoster, s'accompagnent de 


194 PFAFF. 


douleurs névralgiques souvent intenses occupant les parties superficielle? du 
corps. D’autres affections de la peau présentent aussi, accidentellement, il est 
vrai, cette particularité. Ainsi certains érythèmes, certains eczémas, sont du 
nombre, et les eaux de Pfæfers calment en général assez vite cette suscep- 
tibilité maladive de l'enveloppe extérieure. Les bains, et surtout les douches, 
produisent de bons effets dans les raideurs des articulations, les contractures 
spasmodiques, et dans toutes les difficultés du mouvement consécutives aux 
entorses, fractures et luxations; mais n'ont pas un bien grand succès dans 
les caries et les nécroses profondes en particulier, lorsqu'elles sont liées à 
un état diathésique, comme le lymphatisme et la scrofule, beaucoup plus 
promptement modifiés par un traitement dont les eaux chlorurées fortes font 
la base. 

Les personnes qui veulent ou doivent suivre un traitement par le petit-lait 
de vache, de chèvre, ou par le raisin, trouvent à ce poste une organisation qui ne 
laisse rien à désirer, et qui fait avantageusement concurrence aux établiss e- 
ments des autres points de la Suisse, du Tyrol ou de l'Allemagne. 

I existe enfin à la station de Pfæfers une petite salle servant exclusivement 
à l'application des ventouses scarifiées. Cette pratique y est moins en honneur 
pourtant que dans beaucoup d'autres stations, Loëche etSchinznach, par exemple. 

La durée de la cure est de vingt et un jours. 

On n'exporte pas les eaux de Pfæfers. A. ROTUREAU. 


PFAFF (Curisropa-Hernrr-n). Médecin allemand, né à Stuttgard, le 2 mars 
1775, fut reçu docteur en médecine dans sa ville natale en 1793, docteur en 
philosophie à Kiel en 1801. Après avoir accompagné une famille dans un voyage 
en Italie et exercé son art dans le Wurtemberg, où il fut le médecin de la Cour, 
il vint en 1795 se fixer à Copenhague et fut nommé en 1797 professeur extra- 
ordinaire de médecine à l’Université de Kiel, en 1801 professeur ordinaire de 
médecine et de philosophie. Il créa un laboratoire à cette Université et mourut 
à Kiel, le 23 avril 1852, laissant une foule d'ouvrages et de mémoires publiés 
dans les journaux. Il était chevalier de plusieurs ordres et membre du Collége 
sanitaire de Slesvig-Holstein depuis 1810 et de différentes sociétés savantes. 
Nous nous bornerons à citer : 


I. Diss. inoug. de electricitate sic dicla animali. Stuttgardiae, 1793, in-8°. — II. Avec 
M. Friedländer, Franz. Annalen für die allgem. Naturgesch., Physik, Chemie, Physiologie 
u. ihre gemeinnützigen Anwendungen, 4 Hefte. Hamburg, 1802, gr. in-8°. Jahrg. 1803, 
a. u. d. Tit. : Die neuesten Entdeckungen franz. Gelehrten in den gemeinnütz. Wissen- 
schaften und Künsten; ein Journ. f. Ærzte. Mit Kpf. Leipzig, 1805, gr. in-8°. — lII. Ueber 
thierische Electricität und Reizbarkeit. Ein Beytrag zu den neuesten Entdeckungen ŭber 
diesen Gegenstand. Leipzig, 1195, gr. in-8°. — IV. Grundriss einer allgem. Physiologie des 
menschl. Körpers zum Gebr. bei akadem. Vorlesungen. Copenhagen, 1 Bd., 1801, gr. in-8°. 
— V. Revision der Grundsätze des Brownischen System, mit besonderer Hinsicht auf die 
Erregungstheorie. Copenhagen, 1805, gr. in-8°. — VI. Ueber unreife, frühreife u. spätreife 
Kartoffeln u. die verschied. Varietäten der beiden letzteren, vor:ügl. in med. u. med.- 
polizeil. Hinsicht, u. E. Viborg, v. der Unschädlichkeit der unreifen u. rothen Kartoffeln. 
Kiel, 1807, gr. in-8°. — VII. System der Materia medica, nach chemischen Prinzipien mit 
Rücksicht auf die sinnlichen Merkmale u. die Heilverhältnisse der Arzneimittel, oder, 1, 2, 
supplbd. Ebend., Kiel, 1808-1824, T. vol. gr. in-8°. — VIM. Ueber Mineralquellen, besond. 
über die neu entdeckten Quellen in Bramstedt u. Oltensee bei Altona, und einige andere im 
Holsteinschen. Altona, 1810, gr. in-8°. — IX. Ueber den heissen Sommer v. 1811 nebst einig. 
Bemerkungen über frühere heisse Sommer. Eine akadem. Gelegenheitsschrift. Kiel, 1812, 
gr. in-8°. — X. Ueber u. gegen den thier. Magnetismus u. die jetzt vorherrsch. Tendenz 
auf dem Gebiete desselben. Hamburg, 1817, in-8°. — XI. Das Kieler Seebad, und verglichen 





PFENNINGER. 795 


mit andern Seebädern der Ost.- und Nordsee. Kiel, 4822, in-8°. — XII. Handbuch der 
analytischen Chemie. Altona, 1821-1829, 2 vol. gr. in-8°; 2° édit., ibid., 1824-1895, 2 vol. 
in-8°. — XII. Der Electro-Magnetismus. Hamburg, 4824, gr. in-8°. — XIV. Revision der 
Lehre vom Galvano-Voltaismus. Altona, 1837, gr. in-8°.— XV. Die asiatische Cholera-epide- 
mie im Herzogthum Holstein in dem Jahre 1850. Kiel, 1851, gr. in-8°. — XVI. Traduction 
d'ouvrages français (entre autres de Bichat) et d'ouvrages anglais. L. Hy. 


PFANN (Marraras-Geore). Médecin allemand, né à Bruch, près d'Erlangen, 
le 5 octobre 1719, fit ses études à Nuremberg, à léna, à Altdorf, où il obtint, 
en 1759, le grade de licencié. En 1740, il vint à Strasbourg et s’y appliqua à 
la botanique, à la clinique et aux opérations chirurgicales, à l'anatomie et aux 
accouchements. L'année suivante il fut promu au doctorat, fit divers voyages, 
et revint se fixer dans son lieu natal. En 1745, il fut nommé troisième profes- 
seur de médecine à Erlangen. Au bout de sept ans, il revint à Bruch prendre 
la clientèle de son père qui venait de mourir, mais il fut appelé à Erlangen 
en 1752, y occupa diverses places, et mourut le 16 juin 1762 (Dezeimeris). 

I. Diss. inaug. de usu venae sectionis in rarefactione massae’sanguinae nimia. Altdorfii, 
1759, in-40. — II. Diss. de inani specifici cephalici in cephalalqia usu. Erlangae, 1745, 
in-4°. — III. Diss. de luxalionibus generatim. Lipsiae, 1745, in-4°. — IV. Diss. de entero- 
oscheocele antiqua, restitutione sacci herniosi feliciter peracta, absque bracherio et 
sectione curata. Lipsiae, 1748, in-4°. — V. Progr. de modo agendi medicamentorum ano- 
dynorum. Erlangae, 1749, in-4°.— NI. Sammlung verschiedener merkwürdigen Fälle, welche 
theils in die gerichtliche theils in die praktiche Medicin einschlagen. Nürnberg, 1750, 
in-8°. — VII. Sections-Bericht, so wie derselbe, bey dem an Franz Hortig verübten Morde 
verabfasset und den gerichtlichen Acten einverleibet worden. Erlangen, 1756, in-4. — 
VIII. Merkwürdige Nachrichte von zweyen durch die giftigen Dämpfe der Holzkohlen 


verunglückten Weibspersonen mit angefügten nützlichen Lehren und Warnungen. Erlangen, 
4757, in-8°. L. Hs. 


PFEIFFER (Louis-Georc-CarL). Médecin et naturaliste distingué, né à 
Cassel, le 4 juillet 1805, étudia la médecine à Gottingue et à Marbourg de 1821 
à 1825, puis en 1826 se fixa dans sa ville natale. En 1851, il servit comme 
médecin dans l’armée polonaise à Lazienki et à Povonsk, puis au grand hôpital 
Alexandre, à Varsovie. En 1838-1839, il fit un séjour à Cuba, et parcourut à 
plusieurs reprises les contrées les plus intéressantes de l'Europe, recueillant des 
documents pour ses nombreux ouvrages d'histoire naturelle. Il a publié plusieurs 
flores régionales, des monographies sur les Cactées, les Mollusques, etc., dont 

g . . a P . . . . J , 2 . 
lénumération serait hors de propos ici, ainsi qu’une foule d'articles dans 
Zeitschrift für Malakozoologie et Malakozoologische Blätter, etc. Pfeiffer 
mourut à Cassel le 2 octobre 1877, laissant les ouvrages médicaux suivants : 

I. Diss. inaug. de phegmatia alba dolenta quaedam, adnexa hujus morbi historia. 
Marburgi, 1825, in-4°. — lII. Erfahrungen über die epidemische Cholera, gesammelt in den 
Hospitälern zu Warschau im Sommer 1831. Cassel, 1851, in-8°. — II. Universalrepertorium 
der deutschen med., chir. u. obstetr. Journalistik des 19. Jahrhunderts. Cassel, 1833, in-8°. 


— IV. Versuch über die Phlegmasia alba dolens. Leipzig, 1837, in-8° (sa thèse remaniée). 
— V. Il a traduit en allemand Pinel et J. Johnson et donné de nombreux articles aux 


journaux. L. Hx. 


PFENNINGER (Caspar). Néà Stäfa, en Suisse, en 1765. Il a été chirurgien- 
accoucheur et gouverneur des cantons de Zürich, dont il fut banni pour cause 
politique, puis alla se fixer à Colmar et à Strasbourg. 

Nous citerons de lui : 


I. Bewährte Mittel für die Ruhr. Bregenz, 1795 (?) in-8°. — II. Avec Staub, Bemerkungen 
und Beobachtungen über die Geburtshülfe. Ibid. — III. Von der in einigen Orten des 


195 PFINGSTEN. 


Cantons Zürich in der Schweiz herrschenden Ruhrepidemie in den Jahren 1191, 1799, 
1793 und 1794. Ibid., 1796, in-8°. Ce dernier ouvrage en collaboration avec Andreas 
Staub. AD: 


PFEUFER (LES Deux). 


Pfeufer (Carisriax). Médecin allemand, né à Bamberg, le 22 août 1780; 
après avoir pris le grade de docteur en médecine et en philosophie, il fut 
nommé eu 1802 professeur de médecine à Landshut, puis en 1809 se fixa à 
Bamberg avec le titre de médecin juré et devint professeur de pathologie géné- 
rale et de clinique, assesseur, puis directeur (1834) du Comité médical, direc- 
teur de l'hôpital général, etc. Il mourut fin mars 1852, laissant : 


I. Ueber die Hindernisse gegen die Verbreitung der Kuhpockenimpfung auf dem Lande, 
etc. Bamberg, 1807, in-8. — II. Ueber öffentl. Erziehungs- und Waisenhäuser, etc. 
Bamberg, 1815, in-8°. — III. Der Scharlach, sein Wesen und seine Behandlung, etc. 
Bamberg u. Würzburg, 1819, in-8&. — IV. Handbuch der allgemeinen Heilkunde. Bamberg, 
1824, in-8°. — V. Geschichte des allgemeinen Krankenhauses zu Bamberg, etc. Bamberg, 
1825, in-8°, — VI. Beobacht. über die Krälze, ete. Bamberg, 1833, in-8°. — VII. Entwurf zu 


einem Unterstülzungsvereine für die Witlwen der Ærzte. Erlangen, 1835, in-8°. — VIH. Die 
Mineralquellen von Kissingen, etc. Bamberg, 1859, in-8°. — IX. Très nombreux articles 
dans les recueils de médecine pure, d’accouchements, de médecine légale, etc. L. Hx. 


Pfeufer (Kart von). Fils du précédent, né à Bamberg, le 22 décembre 
1806, commença ses études à Erlangen en 1824 et les continua à Wurtzbourg, 
où il fut recu docteur en 1851 et devint l'assistent de Schünlein. Il se fixa à 
Munich en 1832, puis en 1840 alla remplacer Schônlein à Zurich comme pro- 
fesseur et directeur de la clinique, et fut nommé membre du Conseil de santé 
de la ville. Il fonda avec Henle, en 1844, le Zeitschrift für rationnelle Medicin, 
excellent recueil spécialement destiné à donner l'explication physico-chimique 
des phénomènes physiologiques et pathologiques. C'est l'époque où il passa à 
Heidelberg comme professeur de thérapeutique et directeur de la clinique. 
En 1852, il fut appelé à diriger la seconde clinique de Munich. Il acquit là une 
énorme influence et contribua beaucoup à fonder la brillante réputation 
qu'acquit la Faculté de médecine de cette ville. Comme rapporteur au ministère, 
il sut encourager les travaux entrepris par Pettenkofer, relativement à l'hygiène 
publique, et par son influence réussit à faire entrer cette science dans le cadre 
même de l’enseignement. Il brisa les entraves qui s’opposaient en Bavière au 
libre exercice de la médecine et réforma entièrement le système des épreuves 
à subir par les candidats en médecine. Pfeufer mourut à Pertisau le 13 sep- 
tembre 1869. La plupart de ses publications se trouvent dans le Zeitschrift für 
rationnelle Medicin. On peut citer en outre : 


I. Beiträge zur Geschichte des Petechial-Typhus. Inaugural-Diss, Bamberg, 1831, in-8°. 
— Il. Bericht über die Cholera-epidemie in Mittenwald. München, 1837, in-8, pl. — 
IV. Zum Schutze wider die Cholera, 3. Aufl. Heidelberg, 1854, in-8°. L. Hx. 


PFINGSTEN (Jonayy-HerRuans). Médecin allemand, né le 15 mai 1751, 
à Stuttgard, mort en 1798, à Temeswar. Reçu docteur à Tubingue, il donna des 
leçons particulières à Halle et devint inspecteur des mines à Chemnitz eu 
Hongrie, puis des salines de Magdebourg. Il professa ensuite la philosophie à 
Erfurt et se mit depuis 1794 à parcourir l'Allemagne et la Hongrie. Ses ouvrages 
assez nombreux sont pour la plupart de simples traductions; nous citerons : 





PHACIDIACÉES. 197 


I. Bibliothek ausländischer Chymisten Mineralogen, und mit Mineralien beschäftigten 
Fabrikanten. Nüruberg, 1781-1783, 3 vol. in-8°. —II. Magazin für die Pharmacie, Botanik 
und die Materia medica. Halle, 1182-17853, 2 vol. in-8°. — III. Sammlung der Schriften 
schöner Geister aus dem XV. XVI und XVII Jahrhundert. Pesth, 1783-1784, 2 vol. in-8°. — 
IV. Repertorium für Physiologie und Psychologie. Hof, 1784, in-8°. — V. Magazin für die 
Philosophie und ihre Geschichte. Göttingen, 1789, in-8, formant le t. VII du recueil 
commencé par Michel Hismann. — VI. Analekten zur Naturkunde und OEkonomie. Leipzig, 
1789, in-8°. — VII. Lehrbuch der chemischen Artillerie. Iena, 1789, in-8°. — VIII. Magazin 
für die Mineralogie. Halle, 1189-1790, 2 vol. in-4°. L. Hy. 


PFOLSPEUNDT (Heixric von). Chirurgien allemand du quinzième siècle, 
frère de l’ordre teutonique, est l’auteur d'un ouvrage dont le manuscrit n’a été 
retrouvé que récemment, dans des circonstances assez romanesques, et publié 
à Berlin sous le titre de Buch der Bündth-Erzney, 1868, in-8°. 

Plolspeundt se forma sous des maîtres italiens et allemands et en particulier 
sous Jean de Paris (natif de Metz) ; il voyagea beaucoup, prit part aux expéditions 
de l'ordre teutonique en Pologne et assista au siége de Marienburg, celui de 1457 
probablement. ll acquit ainsi une grande expérience qu'il consigna dans un 
ouvrage remarquable surtout parce que c'est le premier livre allemand de chirur- 
gie. L'auteur y parle une langue assez barbare et ne fait pas preuve d’une grande 
culture; il ne nomme pas les médecins anciens qu'il ne connaît pas et n’invoque 
d'autre autorité que celle de ses maîtres; ses connaissances en anatomie sont à 
peu près nulles. Néanmoins c’est l'œuvre d'un homme honnête et consciencieux, 
n'écrivant que ce qu'il sait, et cela avec la plus entière conviction. Il n’y est point 
question de petite chirurgie et le livre ne s'adresse pas aux barbiers; cependant 
les opérations sanglantes n'y sont pas décrites, sauf la dilatation des plaies, 
l'opération du bec-de-lièvre et la rhinoplastie. Il pratiquait cette dernière par la 
méthode de Branca jeune, ce qui démontre que cette méthode était connue en 
Allemagne avant 1460 ; comme le dit Pfolspeundt lui-même, il la connut d’un 
chirurgien italien et il n’en transmit le secret qu'à deux des frères de son ordre. 
Enfin, l'ouvrage de Pfolspeundt s'occupe particulièrement des pansements, au 
sens le plus large du mot, c’est-à-dire du traitement des plaies, de celui des 
contusions, hémorrhagies, ulcères, affections cutanées, corps étrangers, luxations, 
fractures, plaies opératoires, plaies par armes à feu, puis des maladies internes 
dont la connaissance est nécessaire au chirurgien d'armée. L. Hn. 


PHACAS. Voy. Dioscorine. 


PHACE. Synonyme de Phacos, nom, dans Théophraste, de la petite Lentille 
d'eau (Lemna minor L.), jadis vantée comme résolutive et qui s'appliquait en 
cataplasmes sur les hernies enflammées. Ep. LEF. 


PHACIDIACÉES. Groupe de Champignons-Ascomycètes, voisins des Pezi- 
zées (voy. ce mot), dont ils diffèrent surtout en ce que l'hÿménium recouvre 
seulement la base du réceptacle. Ce dernier, généralement de couleur noire ou 
brune et acaule, a la forme d’une demi-sphère aplatie, ellipsoïde ou linéaire- 
allongée, de consistance cornée, parcheminée ou presque membraneuse. Il 
s'ouvre à la maturité par une fente longitudinale, par des déchirures ou des 
crevasses, pour laisser échapper les spores. Le groupe a pour type le genre 
Phacidium Fr., dont les représentants sont de très-petits champignons, se 
développant, le plus souvent en colonies, sur les feuilles mortes de divers 


798 PHAGÉDÉNISME. 


arbres, comme, par exemple, le Ph. coronatum Fr. sur les feuilles mortes de 
hêtres, de bouleaux, de saules et de peupliers, ou bien le Ph. dentatum 
Schmidt, qu’on trouve communément sur les feuilles mortes de chênes. Cette 
dernière espèce présente une forme spermatophore, qui a été décrite sous le 
nom de Sphæria lichenoides. Er. Ler. 


PHAÉTON. Nom générique des oiseaux que les marins appellent vulgaire- 
ment Paille-en-queue. Les Phaétons, qui appartiennent à la tribu des Palmi- 
pèdes tôtipalmes (voy. Paswxpèpes), se distinguent facilement des Pélicans, des 
Frégates, des Fous et des Cormorans. En effet, s'ils ont, comme ceux-ci, les doigts 
antérieurs et le pouce réunis par des membranes; s'ils offrent, comme les 
Fous, des denticulations sur les bords des mandibules, ils sont de taille relati- 
vement faible et par leurs formes rappellent plutôt les Hirondelles de mer 
(voy. Sterse); enfin ils ont la queue prolongée en deux longs brins ou pailles 
qui résultent du développement exagéré des pennes médianes et qui leur ont 
valu le nom sous lequel ils sont communément désignés. Ces brins sont blanes 
avec la tige toute noire chez le Phaeton æthereus L., blancs avec la tige en 
partie noire chez le Ph. candidus Briss. et rouges avec la tige noire chez le 
Ph. phœnicurus Gm. 

D'autre part le bec, qui affecte dans les trois espèces une forme conique, est 
rouge chez le Phaeton æthereus et chez le Ph. phœnicurus, tandis qu’il est 
jaune chez le Ph. candidus. Enfin le plumage, qui est en majeure partie blanc, 
offre chez le Phaeton phœnicurus un glacis rose et chez le Ph. æthereus des 
raies transversales noires sur la région dorsale. 

Les Phaétons habitent la région des tropiques et ne s’égarent que très-rare- 
ment dans les mers de l'Europe. Ils se tiennent ordinairement dans le voisi- 
nage des côtes, mais poussent quelquefois leurs incursions jusqu'à 300 lieues 
en mer. Leur vol est gracieux et puissant et, quand du haut des airs ils ont 
aperçu le poisson ou le mollusque qu'ils convoitent, ils se précipitent sur lui 
avec une telle vigueur qu'ils s'enfoncent dans l'eau à une profondeur de quelques 
pieds. Leurs œufs sont déposés sur la terre même, ou dans quelque crevasse, 
de préférence sur les îles peu fréquentées ou sur quelque rocher inaccessible, 
et les petits qui en sortent sont entièrement couverts d'un duvet blanc et res - 
semblent à une houppe à poudre. 

Dans les iles du Pacifique et à l’île Maurice les indigènes et les colons euro- 
péens s'emparent dans la saison des nids des Phaétons occupés à couver et 
leur arrachent leurs grandes plumes caudales, qui sont employées comme objets 


de parure. E. OUSTALET. 
Bueutograpnte, — Davsentos. Planches enluminées de Buffon, 1110, pl. 569, 979 et 998. 
— Gray (G.-R.) et Mircueus. Genera of Birds, 1844, pl. 185. E. 0: 
<- 


PHAGÉDÉNISME. Comme beaucoup d'autres mots, introduit dans la 
science médicale sans signification précise et maintenu malgré les progrès | 
de l'anatomie pathologique et de la clinique, ce terme dovett disparaître. 
Étymologiquement (il vient de gáyzīv, manger, et éduv, beaucoup, d'où 
payédauwx, faim dévorante), il veut dire tendance dévorante ou rongeante. Clini- 
quement, l'épithète phagédénique s'applique aux ulcères et aux plaies qui 
s'étendent progressivement et qui sont relativement rebelles à l’action des 
agents thérapeutiques. Le phagédénisme n’est donc ni une maladie, ni un 





PHALANGIUM. 199 


symptôme exclusivement propre à une maladie bien déterminée. C'est un 
accident qui complique les maladies les plus diverses comme nature et qui leur 
imprime un caractère de malignité plus accentué, On a décrit le phagédénisme 
dans les plaies scrofuleuses où cancéreuses, en particulier dans le lupus, 
l’esthiomène, certaines formes d’ecthyma, les cancroïdes, etc. (voy. ces mots), 
mais plus particulièrement dans les affections vénériennes ou syphilitiques (voy. 
Cnaxcre et Syrniuis). Enfin, il est toute une classe d’ulcères que l'on observe 
dans les pays chauds et qui, en raison de leur gravité et de leur tendance enva- 
hissante, ont été confondus sous la dénomination d'ulcères phagédéniques. 
L'imperfection du diagnostic, la gravité de toutes les maladies ulcéreuses 
observées sous la zone torride, et même certaines conceptions doctrinales, 
avaient fait admettre une sorte d'entité morbide désignée sous le nom de pha- 
gédénisme des pays chauds au sujet de laquelle ont été écrits de nombreux 
travaux destinés à faire connaitre tous les caractères étiologiques (?) et sympto- 
matiques de ces ulcères à marche envahissante. L'histoire des ulcères phagede- 
niques désignés parfois sous le nom d’ulcères de Cochinchine, du Gabon, de 
Mozambique, de plaies de l’Yémen, etc., etc., a été faite aux mots ULcère 
(p. 232) et Cocmmwemne (p. 239). Nous n’avons donc point à y revenir. L. L. 


PHALANGES. Voy. Dorcrs et OrTEILs. 
PHALANGIENS. Voy. Aracanines, p. 775, et Faucaeurs. 


PHALANGIUM (Phalangium Tourn.). Genre de plantes monocotylédones, 
de la famille des Liliacées et du groupe des Anthéricées. Ce sont des herbes 
vivaces, à racines fibreuses, fasciculées, à feuilles linéaires, souvent toutes 
radicales, et à fleurs ordinairement blanches, disposées en grappe simple ou en 
panicule lâche; périanthe à six divisions profondes et étalées ; androcée formé 
de six étamines à filets glabres, insérées à la base des divisions du périanthe; 
ovaire supère, surmonté par un style simple, à extrémité stigmatifère obtuse et 
trigone; le fruit est une capsule membraneuse, coriace, obscurément trigone, 
qui renferme plusieurs graines anguleuses, à testa noirâtre. 

Les Phalangium offrent peu d'intérêt au point de vue médical. Seul, le 
Ph. ramosum Lamk a été indiqué comme doué de propriétés diurétiques et 
emménagogues. Il se rencontre assez communément en France sur les coteaux 
incultes, dans les bois montueux des terrains calcaires. On l'appelle vulgaire- 
ment Herbe à l'araignée. 

Une autre espèce indigène, le Ph. liliastrum Lamk (Hemerocallis liliastrum 
L., Paradisia liliastrum Bertol.), est fréquemment cultivée comme plante 
d'ornement sous les noms de Lis de Saint-Bruno, Lis des Allobroges. 

Le Ph. quamash Pursh (Ph. esculentum Nutt., Scilla esculenta Sims.), pour 
lequel Lindley a établi le genre Camassia, est une très-belle espèce originaire 
du nord-ouest de l'Amérique du Nord. Son bulbe ovoïde se mange cuit sous la 
cendre à la façon des pommes de terre. Les habitants de l’Orégon en font notam- 
ment une énorme consommation. Enr. Ler. 


BIBLIOGRAPHIE. — Tournerort. Instit., p. 368. — Enpuicner. Gen. pl., I, p. 148, n° 1145. 
Gren. et Gonrow. Fl. de France, III, p. 221. — Rosenraaz. Syn. pl. diaph., p. 95. — 
Przueux et De Bois. Le potager d'un curieux, 1885, p. 36, Ed. Ler. 


800 PHALLUS. 


PHALANGOSE. Voy. Tricarasis. 


PHALARIS. Genre de plantes de la famille des Graminées, établi par 
Linné (Gen., n° 74), et dont l'espèce la plus importante, P. canariensis L., 
est connue sous le nom vulgaire d'Alpiste (voy. ce mot). Ep. Ler. 


PHALLOIDÉES. Les Champignons-Gastéromycètes, qui composent le 
groupe des Phalloïdées ou Clathracées, sont caractérisés par leurs réceptacles 
fructifères ovoïdes ou sphériques, pourvus d'un péridium double et offrant, sur 
un rudiment de pied, une masse interne (gleba) creusée de cavités et portant 
lhyménium. Lors de la maturité, le pied s'allonge, les péridiums interne et 
externe sont déchirés, et la gléba s'élève rapidement (d'ordinaire en deux ou 
trois heures) sous forme d'un stipe cylindracé, lamineux ou garni d'un réseau, 
terminé par une sorte de chapeau conique ou campanulé, recouvert par l'hymé- 
nium. Celui-ci ne tarde pas à se dissoudre en un mucilage déliquescent, renfer- 
mant des spores de forme ellipsoïde-allongée, et le chapeau se montre alors 
creusé de cavités cellulaires, analogues à celles que l’on observe chez les 
Morilles. 

Les Phalloïdées se répartissent principalement dans les deux genres Phallus L. 


et Clathrus Mich. (voy. ces mots). En. LEF. 


PHALLUS (Phallus L.). Genre de Champignons-Gastéromycètes , qui a 
donné son nom au groupe des Phalloïdées (voy. ce mot). 

L'espèce type, Ph. impudicus L., connue sous les noms vulgaires de Satyre, 
Enfant du diable, Morille impudique, à cause de la vague ressemblance de 
forme qu’elle présente avec l'organe générateur de l’homme, croît au printemps 
et à l'automne dans les endroits herbeux, dans les bois sablonneux humides, 
au pied des troncs pourris de pins ou de sapins. Son chapeau subconique, creusé 
de cavités cellulaires remplies dun mucilage brun verdâtre renfermant les 
spores, est fixé, par son sommet seulement, à un pédicule blanchâtre, fistuleux, 
percé d’une infinité de petits trous, et entouré à sa base par le péridium externe, 
qui a ia forme et la grosseur d'un petit œuf. 

Le Ph. impudicus L. peut atteindre jusqu’à 25 centimètres de hauteur. Son 
développement a lieu parfois avec une rapidité étonnante, par exemple, en huit 
ou dix minutes. Il répand une odeur infecte de charogne et passe pour très- 
vénéneux. Cependant les Anciens lui attribuaient des propriétés prolifiques et 
érotiques. Ils l'administraient en poudre dans du vin. D'un autre côté, Gleditsch 
et Bruchmann rapportent que, dans plusieurs contrées de l'Allemagne, les habi- 
tants le réduisent en poudre, après l'avoir fait sécher, et le donnent à leurs bes- 
tiaux pour les exciter à l'accouplement. Quoi qu'il en soit, nous pensons que 
son odeur nauséabonde suffirait à elle seule pour dégoûter les personnes qui 
auraient quelque velléité de le manger. 

Le Ph. caninus Schæff., qu'Hudson a pris pour type de son genre Mutinus, 
se distingue de l'espèce précédente par son chapeau de couleur rouge, couvert 
d'un mucilage brun olivâtre, et non adhérent au pédicule. Il croît sur la 
lisière des forêts dans les montagnes. Son développement a été décrit par de 
Bary (Abhandlungen der Senckenbergischen, t. V, 1864). Ep. LEF. 


FIN DU VINGT-TROISIÈME VOLUME DE LA DEUXIÈME SÉRIE 


ARTICLES 


CONTENUS DANS LE VINGT-TROISIÈME VOLUME 


PÉRicanpe (Anatomie). Bernheim. 
— (Pathologie). Id. 
PÉRICARPE. Planchon. 
PéricHonure (voy. Périoste). 
PERICLYMENUN. Baillon. 
PÉRICRÂNE. Dechambre. 
PÉRIDINIENS. Henneguy. 
Périninyue (voy. Testicule). 
PérEr (Les). Dureau. 


Péruyupue (voy. Oreille interne). 


PÉRIM-ARAM, Lefèvre. 
PERIM-K AKU-VALLI. Id. 
PERIM-KARA. Id. 
PERIN-PANEL. Planchon. 


(2° série.) 


l 
7 
95 


94 
94 
94 


96 


98 
98 
98 
98 


Pérnéae (Artère) (voy. Honteuse interne). 


PÉRINÉE (Anatomie). Coyne 98 
— (Physiologie). Id. 109 
— (Pathologie). Lereboullet. 112 

PÉRINEORRHAPHIE. Kirmisson. 114 

Périnéruire (voy. Rein, p. 309). 

PÉRINÈVRE (voy. Nerfs). 

Péaropiciré. Brochin. 130 

Perionique (Acide) (voy. lodique). 

P ÉRIOPS, Sauvage. 152 

Pénivste (Anatomie). ketterer. 155 
— (Pathologie). Heydenreich. 156 

PÉRIOSTITE DIFFUSE. Kirmisson. 191 

PERIPAROBA, Letèvre. 231 

PÉRIPATE. Id 251 

PERIPLOCA. Baillon. 232 

Periscopiques (Verres). Dechambre. 234 

PÉRISPERNE. Baillon. 234 

PERISPORIUM. Letèvre. 234 

P'ÉRISSADACTYLES. Oustalet. 254 

Périsrauriques (Mouv. ments) (voy. Intestin). 

PÉRISTAPHYLINS. Aubry. 234 

PERISTERON. Planchon. 254 

PERISTERONA, Id. 234 

Périroixe (Anatomie). Baraban. 255 
—  (Histologie). Id. 259 
— (Développement). Id. 275 
— (Physiologie). Id. 280 


picT. ENG. 2° s. XAI. 





Périroine (Pathologie). 
Pérrroxires (Historique). 
P. Spillmann er Ganzinotty. 


Hahn. 


— AIGUËS GÉNÉRALISÉES. Id. 
— CHRONIQUES SIMPLES. Id. 
— PARTIELLES. Id. 
— SPÉCIFIQUES. Id. 
— SELON LES AGES. Id. 
— (Traitement chirurgic.). Id. 
— (Tumeurs). Id. 


PériTYPHLITE (voy. Cæcum et Périlonite). 
Péri-urérin (Phlegmon) (voy. Utérus). 
Perkinisue (yoy. Perkins). 


Perkixs (Les deux). Hahn. 
PERLES. Dechambre. 
PERLIÈRE. Planchon. 
Perutz (Joh.-Dan.). Hahn. 
PerLs (Max). Id. 


Peruéaxs (Les) (voy. Russie, p. 756). 


PERMENTON. Planchon. 
PERMONARIA. Id. 
PERNICIOSITÉ. Brochin. 
PERNION. Hahn. 
PÉROBRANCHES. Sauvage. 
PÉRODICTIQUE. Ous’alet. 
PÉROLE. Planchon. 
PéroLe (Étienne). Dureau. 
P£ronÈèLes (Zoologie). Sauvage. 
— (Térat.). Larcher. 
Péron (François). Hahn. 
PÉRONÉ (Anatomie). Heydenreich. 
— (Physiologie). Id. 
— (Anat. comparée). Id. 
— (Pathologie). Id. 
- (Méd. opératoire). Id. 


P£RONÉO-niBlaLes (Articulations). Id. 

PeronEr (Tronc) (voy. Tibio-péronier 
[tronc] ). 

Péroniers (Muscles). Testut. 

PÉRoNIÈRE (Arière) (vov. Tibio-péronier 
[t1 onc] ). 


PERONOSPORA. Lefèvre. 


ol 


288 


289 
290 
342 
554 
592 
415 
420 
451 


444 
445 
445 
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452 
452 
455 
456 
458 
465 
412 


474 


484 


502 

Pérou ET BoLiviE. D'Ornellas. 
PERRAIN-CHEDDE . Lefèvre. 
Perrauzr (Claude). Chéreau. 
Perre (Wouter van de). Hahn. 
Perrève (Pierre-Ed.-U.-V.). Id. 
PerroLLe (voy. Pérolle). 

Perrose (Pietro). Hahn. 
PERROQUETS. Oustalet. 
Perrorrer (G.-Samuel). Habn. 
PerRucÈs (Eau min. de). Rotureau. 


Perruques (voy. Cheveux et Posliches). 


Per se (Précipité). Hahn. 
Perse (Géogr. méd.). Liétard. 
— (Pathologie). Hahn et Thomas. 
PERSEA. Lefèvre. 
Persécurion (Délire de). Ritti. 
PERSICA. Lefèvre. 
PERSICAIRE. Id. 
Persų Botanique). Baillon. 
— (Emploi méd.). Eloy. 
Persona (Giov.-Batt.). Hahn. 
PERSONATA. Lefèvre. 
Personne (Jacques). Hahn. 
Persoox (Chr.-H.). Id. 
Id. 


Persoz (Jean-Fr.). 
Penspinarion (voy, Respiration, p. 635). 


PERTES. Hahn. 
PERTUSAIRE. Lefèvre. 
Peru. Id. 
PErusse. Id. 
PERUVIANA. ld. 


485 
512 
512 
213 
515 


514 
514 
517 
o17 


517 
517 
530 
555 
555 
600 
600 
600 
601 
605 
605 
604 
604 
604 


604 
604 
605 
605 
605 


Péruviess (Les) (voy. Amérique et Pérou). 


PÉRUVINE. Hahn. 
Pervexcae (Botanique). Baillon. 
— (Emploi méd.). Eloy. 
PERVINCA. Baillon. 
PES CATI. Lefèvre. 
PES EQUINUS. Id. 
PES LEONIS., Id. 
Pes ursixus. ld. 
PESANTEUR, Gariel. 
Pescuecx (Christ.-Aug.). Dureau. 
Pescnier (Les). lahn. 
Peser y Vipaz (Jaan-Baut.). Dureau. 
PESSAIRE. Auvard. 
PESSE. Lefèvre. 
PESSE D'EAU. Id. 

Pesr (Eaux min. de) (voy. Ofen). 
PesraLozz: (Les deux). Chéreau. 
PESTE. Mahė. 
LEsrrin (Eaux minér. de). Rotureau. 
PÉTÉCHIES. Karth. 
PererstHaL (Eaux min. de). lotureau. 
Pereti (Jacq.-H.-D.). Hahn. 
PETININE. Lutz. 
Perir (Anatomie). Hahn. 
— (Botanique). Lefèvre. 
— (Les). Chéreau et Hahn. 
— (Pourfour du). Chéreau. 
ld. 


Perir-Rapez (Phil.). 


605 
605 
607 
608 
608 
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608 
608 
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615 
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640 
640 


640 
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152 
152 
754 
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155 
156 
756 
157 
760 
161 





ARTICLES DU VINGT-TROISIÈME VOLUME. 


Perver (James). Hahn. 761 
PETIVERIA. Baillon. 762 
Péroxceze. Lefèvre. 763 
Perræus (Heinr.). Hahn. 765 
Pérrequx (Th.-J.-E.). Id. 765 
Pérreux (Nerfs). Sée. 164 
Perrint (Giuseppe). Hahn. 764 
Perriour (Cajet.). Id. 764 
PÉTROCAR VI. Lefèvre. 765 
Pérrore (Chim.). Blarez. 765 

—  (Bot.). Lefèvre. 770 
PÉTRON. Id. 770 
PÉTRONCIANUN. Id. 770 
PETRONIO. Hahn. 770 
Perroxius (Aless.-Traj.). Id. 770 


PÉTRO-SALPINGO-srabHYLIX (Muscles) (voy. 
Oreille externe). 
PETROSELINUN (voy. Persil). 


Pérroz (Les deux). Hahn. 771 
Perrucci (Giuseppe). Id. TA 
Pergusrti (Francesco). ld. 771 
PETTENKOFER (Max von). Id. 172 
Perry (William). Id. 772 
Peu (Philippe). Id. 772 
PEUCÉDAN. Baillon. 772 
PEUCÉDANINE. Hahn. 775 
Peucer (Gaspard). Dureau. 776 
Peuzs (voy. Foulahs et Sénégambie, 
p. 647). 
Peurvaxs (voy. Dolmen, p. 562, et Celles, 
p. 155). 
Peuuvs (Botanique). Baillon. 776 
— (Mat. méd.). Heckel. 777 
Leueter (Bot.). Baillon. 780 
— (Thérap.). Labbée, 785 
PEUTHERON. Baillon. 785 
PEVETTE. Id. 785 
Pever (Glandes ou Plaques de) (voy. In- 
testin). 
Peyer (Joh.-Conr.). Hahn. 785 
PevniLae (Bernard). Chéreau. 786 
— (Elixir de). Hahn. 786 
— (Sirop de). Id. 786 
Peyssox (Jean-Claude-Anth.. Dureau. 786 
PeyssoneL (J.-Ant.). Hahn. 787 
Pezica. Lefèvre. 787 
l'EZIZE. Id. 787 
Pezizées. Id. 788 
Pezorb (Joh.-Nat.). Hahn. 788 
Pezzour (Giov.-Batt.). Id. 785 
Prærers (Eaux min. de). Rotureau. 788 
Prarr (Christoph-Heinr.). Hahn. 794 
Prans (Mat.-Ueorg). Id. 795 
Preirrer (Louis-Georg-Carl). Id. 795 
PrEN\INGER (Caspar). Dureau. 795 
Preurer (Les deux). ld. 796 
Prixestex (Joh.-Herrmann.). Hahn. 796 
ProzsPeuxor (Heinr. von). Id. 797 
Puacas (Yoy. Dioscoride). 
Prace. Lefèvre. 797 





ARTICLES DU VINGT-TROUISIÈME VOLUME. 


PHACIDIACÉES. Id. 797 | Puaranciun. 
PHAÉTON. Oustalet. 798 | PaazanGose (voy. Trichiasis). 
PHAGÉDÉNISME. Lereboullet. 798 | Puararts. 
PHaLanGes (voy. Doigts et Orteils). | PHALLOIDÉES. 
PHaLANGiExS (voy. Arachnides, p. 115, et | Puazus. 
t 


Faucheurs). 


FIN DE LA TABLE DU VINGT-TROISIÈME VOLUME DE LA DEUXIÈME SÉRIE 





Imprimerie A. Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris. 


Lefèvre. 


Lefèvre 
Id 
Id 


805 
199 
. 800 


. 800 
. 800 




































À Bibliothèques Libraries 
Université d'Ottawa University of Ottawa 
== Echéance Date Due 

















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#4 


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